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French Pages [1250] Year 2009
ENFANCES RENIER CHANSON DE GESTE DU XII SIÈCLE Éditée par Delphine Dalens-Marekovic
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HONORÉ CHAMPION ÉDITEUR Classiques français du Moyen Age,
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LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE Dirigés par Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET, Joëlle Ducos et Francine MORA 160
ENFANCES RENIER
CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE La Chastelaine de Vergi FRANÇOIS VILLON Œuvres Courtois d'Arras
La Vie de saint Alexis Le Garçon et l’aveugle ADAM DE LA HALLE (ADAM LE BOsSU) Le Jeu de la feuillée CoLin MusiT Chansons COS ER NE Huox LE Rot Le Vüir Palefroi, avec deux versions de La Male Honte, par HUON DE CAMBRAI et par GUILLAUME GUILLAUME IX, DUC D’AQUITAINE Chansons PHILIPPE DE NOVARE Mémoires (1218-1243)
PEIRE VIDAL Poésies BÉROUL Le Roman de Tristan HuoN Li RoI Dii CAMBRAI Œuvres Gormont et Isembart JAUFRÉ RUDEL Chansons
Alfred JEANROY çaux
Bibliographie sommaire des chansonniers proven-
BERTRAN DE MARSEILLE La Vie de sainte Énimie
ALFRED JEANROY Bibliographie sommaire des chansonniers français du Moyen Âge La Chanson d'Aspremont, t. I Gautier d'Aupais Lucien FOULET Petite syntaxe de l'ancien français Le Couronnement de Louis Chansons satiriques et bachiques du XIII° siècle CONON DE BÉTHUNE Chansons La Chanson d'Aspremont, t. II Piramus et Tisbé CERCAMON Poésies GERBERT DE MONTREUIL
La Continuation de Perceval, t. I
(Suite en fin de volume)
ENFANCES RENIER CHANSON DE GESTE DU XHI° SIÈCLE Éditée par Delphine DALENS-MAREKOVIC
PARIS
HONORÉ CHAMPION ÉDITEUR 2009 www.honorechampion.com
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INTRODUCTION
a la réputation d’être détestable [...], nous ramène vers la geste de Rainouart. Renier.est en effet le fils de Maillefer
et de Florentine, par conséquent le petit-fils de Rainouart. Le théâtre de ses exploits est la Sicile et la Grèce. De son mariage sans originalité avec la Sarrasine Ydoine (ce n’est pas un jeu de mots) naît Tancrède, l’un des héros de la première croisade”. » Pas davantage d’indulgence à chercher chez F. Lecoy : « la chanson [...] est une des plus longues [...] et aussi, il faut le dire, une des plus insipides des chansons du cycle de Guillaume d'Orange“. » Quarante ans plus tard, les ER ne suscitent toujours pas un franc engouement : dans leur ouvrage sur la Geste des Narbonnais, M. Tyssens et J. Wathelet-Willem qualifient la
chanson d’« épigone dépourvu de toute originalité” ». On ne s’étonnera pas dans ces conditions qu’une poignée d’articles seulement lui ait été consacrée durant ces cinquante dernières années. Cette nouvelle édition contribuera, nous
l’espérons, à relancer les recherches
sur ce
continent quasi inexploré que sont les ER.
* J. Frappier, Les Chansons de Geste du Cycle de Guillaume d'Orange, Paris, SEDES, 1955, I, pp. 34-5. * F. Lecoy, « Comptes rendus: Carla Cremonesi, Enfances Renier », Romania, 80, 1959, p. 533. $ M. Tyssens et J. Wathelet-Willem, La Geste des Narbonnais (Cycle de Guillaume d'Orange), Grundriss der Romanischen Literaturen des Mittelalters, Volume III : Les Épopées Romanes, tome 1/2, fascicule III, Heidelberg, Universitätsverlag C. Winter, 2001, p. 77.
INTRODUCTION
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I. — CONTEXTE DE L'ŒUVRE Tardive, la chanson des Enfances Renier l’est indubita-
blement, ne serait-ce que par sa couleur romanesque et ses emprunts ostentatoires à des chansons antérieures ; reste à
arrêter une date. Dans l’introduction à son édition du Siège de Barbastre, B. Guidot récapitule les quatre critères sur lesquels se fonde habituellement la datation épique : « découverte d’un ou de plusieurs détails de la narration qui seraient censés être une allusion à une autre œuvre dont la date est supposée connue ; mise en évidence de l’implantation d’un personnage ou d’un événement historiques dans le canevas épique ; étude de la langue du manuscrit de base, voire de la versification, enfin détermination
d’influences littéraires®. » Pour les ER, le deuxième critère se révèle opératoire : la
chanson recèle quelques allusions à la rivalité des Guelfes et des Gibelins’, en particulier à la lutte de succession qui,
$ B. Guidot, op. cit., p. 40. 7 On sait que depuis la mort de Guillaume Il le Bon en 1189 et l’accession au trône de Henri VI, les Hohenstaufen régnaient sur la Sicile, au grand dam de la papauté qui convoitait l’île. En 1251, le roi de Germanie, Conrad IV, passa en Italie du Sud pour se faire reconnaître roi de Sicile, mais mourut avant d’avoir pu reconquérir son trône. Son frère, Manfred, fut contraint d'abandonner la Sicile à
Innocent IV. À la mort du pontife en 1254, Manfred reprit les armes et, avec l’aide des Génois, se rendit maître de toute l’Italie du Sud
avant de ceindre la couronne de la Sicile à Palerme en1258. Excommunié par Alexandre IV, il riposta en prenant la tête des Gibelins d'Italie et envahit la Toscane et les États pontificaux. Les
INTRODUCTION
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dans l'Italie du milieu du XIIT siècle, oppose Conrad et Manfred de Hohenstaufen à Charles I* d’Anjou : « Li Gybelin [...], écrit le poète, Onques n'amerent les Gerfes ne tant ne quant, Ainz se guerroient et menu
et Souvent,
Enquore durent cil doi lignage grant En Ronmenie et en Puille en avant, Et en Sezile » (17915-20). Ces références historiques indiquent clairement que Renier, comme le fait remarquer F. Lecoy, « n’a pu être composé que dans un
XII
siècle déjà assez avancé” ». Les évocations
des
Guelfes et des Gibelins pourraient toutefois être des interpolations imputables à quelque remanieur opportuniste, soucieux de se concilier les faveurs des Guelfes’. Dans cette seconde hypothèse, la seconde moitié du XIIF siècle
constituerait une borne finale, la datation retenue pour le siècle), il nous paraît donc Frappier, d’arrêter la date de
et non initiale. Au regard de manuscrit (début du XIV° pertinent, à l'instar de J. composition de la chanson à
la « deuxième moitié du XIIF siècle »"°.
Guelfes, soutenus par la papauté, reprirent le pouvoir en Toscane en 1262 et deux ans plus tard, Urbain IV accorda le titre de roi de Sicile à Charles d’Anjou (1227-1285), fils posthume du roi Louis VIII (le frère de saint Louis). Celui-ci entra dans Rome,
libéra les États
pontificaux et partit à la conquête de son royaume. En 1266, il défit Manfred à Bénévent (D. Mack Smith, À History of Sicily, Medieval Sicily, 800-1713, London, Chatto & Windus, 1968, pp. 65-75).
SF. Lecoy, art. cit., p. 534. * J. Runeberg déclare que « le seul ms. qui nous ait conservé Renier est certainement remanié », op. cit., p. 169.
10 J. Frappier, op. cit., p. 34.
INTRODUCTION
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G. Paris a cru reconnaître dans l’auteur des ER un trouvère qui aurait suivi Charles d’Anjou en Sicile : « le poème de Renier a peut-être été composé en Sicile pendant
[sja courte domination
[..], écrit-il. Il explique à sa
manière l’origine des Guelfes et des Gibelins, et la haine qu’il montre contre ces derniers indique bien qu’il a été écrit sous l’empire des passions du moment”. » Dans la rivalité qui oppose les doi lignage grant (17918), le poète prend en effet vigoureusement parti : « Cil sont preudome, chescun a bien pensa, La loy soustiennent se nul encontre va » (17914-S5) dit-il des Guelfes quand les Gibelins ne lui inspirent qu’un lapidaire « male gent sont, poi de bons en y a » (17906). Ne va-t-il pas jusqu’à faire des Gibelins l’engeance de Pierrus, « le cuvert soudiant » (17914), et
des Guelfes la descendance de Bauduïn de Grèce, « le preuz et le vaillant » (17913) ? Partisan des Guelfes, le poète marque naturellement son soutien à la papauté en condamnant le siège de Rome par l’empereur Henri IV (17954-5). L'hypothèse de G. Paris est étayée par le fait qu’une partie de l’action des ER se déroule dans le royaume de Sicile, que le poète semble vaguement connaître, évo-
11 Cette domination, établie en 1266, prend fin en mars 1282 avec la révolte de Palerme (les « Vêpres siciliennes »).
2 G. Paris, « Mélanges. I. La Sicile dans la Littérature française
du Moyen Âge », Romania, 5, 1876, p. 111. 5 Ce royaume comprenait, outre l’île à laquelle se réduit aujourd”hui la Sicile, tout le sud de l’Italie actuelle. Pour se représenter les limites de cet immense royaume, se reporter à la carte reproduite
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INTRODUCTION
quant la Pouille, Tarente, Brindes ainsi que la cité sarrasine
de Roche Foraine dans laquelle A. Moisan reconnaît Massa
Furiana!*. C’est en Sicile, encore, que notre poète situe la ville légendaire de Loquiferne, qu’il rebaptise opportunément Messine, ancrant, par cette substitution, la geste de Renier dans la réalité. G. Paris ajoute à l’appui de sa thèse que l’on relève « pour certains noms de lieux de ces étymologies naïves qui semblent bien être le fait d’une race nouvelle qui vient s’établir dans un pays qu’elle veut à la fois conquérir et comprendre. Messine s’appelle ainsi parce qu’elle a été construite au temps de la moisson (messis) ; le Far (Phare ou détroit de Messine) doit son nom à l’eau
dont il est plein et comblé!*.» De même, l’on voit Renier déclarer que « ceste terre iert Sezile clamee Kar c'est une ysle de mer avironnee » (13880-1).
De fait, l’influence de Charles d’ Anjou sur la littérature de son temps est réelle comme l’attestent le Roi de Sezile d’Adam de la Halle ou Floriant et Florete qui « mettant en scène un prince de Sicile protégé par les fées, qui finit non seulement par récupérer son héritage légitime, mais accède de surcroît au diadème impérial », ne pouvait que conforter
au début des actes du colloque de Cerisy-la-Salle (25-28 septembre 1997) publiés sous le titre de Frédéric II (1194-1250) et 1"Héritage
normand de Sicile, Université de Caen, p. 9.
# A. Moisan, Répertoire des Noms de Personnes et de Lieux cités dans les Chansons de Geste françaises, Genève, Droz, 1986, I, p. 1349. Cette identification est également proposée par C. Cremonesi, op. cit., p. 65.
5 G. Paris, art. cit., p. 111.
INTRODUCTION
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le monarque dans ses revendications!$.Quelques similitudes, du reste, rapprochent l'intrigue de Floriant de celle des ER : Maillefer, lui aussi, recouvre son héritage légitime, Loquiferne-Messine, autrefois aux mains de Desramé, son grand-père. Renier, lui aussi, est destiné à ceindre la couronne de Constantinople, reflet des ambitions secrètes des Angevins dont témoignent leurs tentatives de rapprochement avec l’empire byzantin et les Hongrois. Sur l’attribution des ER, les opinions divergent. P. Paris identifie hâtivement son auteur avec l’énigmatique Guillaume de Bapaume, auteur « présumé » de la Bataille
Loquifer dont le nom apparaît dans E, A’ et A‘". Le fils, G. Paris, rejoint le père en attribuant Renier à l’autre auteur présumé de la BL, Graindor de Brie (cité par E, D et la famille b), un trouvère-jongleur qui se serait produit avec succès en Sicile.
16 Floriant et Florete, édité par A. Combes et R. Trachsler, Paris, Champion, 2003, pp. XXIX-XXX. 17 E : Berne, Bibliothèque de la Ville, 296 ; A’ : B. N. fr. 774 ; A°* B. N. fr. 368. 18 Cette thèse est reprise par J. Runeberg qui affirme, bien témérairement, que l’auteur des ER « montre une connaissance très exacte, sinon de l’histoire, au moins de la géographie sicilienne » (op. cit., p. 169). C. Cremonesi défend cette attribution dans l’introduction à
son édition (op. cit., p. 67). « Unfounded speculations » commente très justement Ph. E. Bennett, The Cycle of Guillaume d'Orange or Garin de Monglane : À critical Bibliography, Tamesis, Woodbridge, 2004, p. 92.
9 D :B. N. fr. 1448.
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INTRODUCTION
G. A. Bertin considère avec le plus grand scepticisme ces attributions. Pour lui, Guillaume de Bapaume n’est que le « remanieur de la Geste Rainouart dans un modèle commun à tous les manuscrits de la vulgate”, mais non pas à la famille c [...] il ne faut voir en lui l’auteur d’aucune œuvre complète »”,. M. Tyssens émet une autre hypothèse qu’elle étaye d’arguments fort convaincants : si, comme G. Bertin, elle fait de Guillaume un remanieur qui aurait retouché ou interpolé certains vers d’Aliscans afin d'assurer une jonction harmonieuse avec les chansons suivantes, elle lui attribue la composition de l’ensemble de
la BL ainsi que la seconde branche du Moniage Rainouart,
dite Gadifer, qu’elle considère comme une continuation”. Quant à Graindor de Brie, dont le nom n’apparaît pas dans B?, il aurait, selon G. A. Bertin, été mentionné « pour
servir de réclame »* et doter la BL d’une
« antiquité
fallacieuse »*. C’était déjà l’opinion émise par J. Runeberg : « toute cette belle histoire de son voyage en Sicile et des sommes énormes d’argent qu’il gagna en récitant sa précieuse chanson [la BL] ne [sont] qu’un vulgaire boni-
? Le terme de vulgate désigne le groupe des manuscrits abDE (sans le vers « orphelin »).
?! Le Moniage Rainouart I, édité par G. A. Bertin, Paris, S.A.T.F., Éditions A. & J. Picard & Ci, 1973, p. LXVIII.
2 M. Tyssens, « La Composition du Moniage Rainouart », Société Rencesvals pour l'Étude des Épopées romanes, VF Congrès International, Actes, Université de Provence, Imprimerie du Centre d’Aix, Aix-en-Provence, 1974, p. 594,
3 Id., p. LXXI. # Id., p. LXXIL.
INTRODUCTION
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ment de charlatan®. » M. Tyssens s'accorde elle aussi à voir dans la mention de Graindor une simple « fable
publicitaire ». Mais, à dire vrai, la question de savoir qui est l’auteur de la BL importe peu car ce dernier n’est pas — ne saurait être — celui des ER. Les deux chansons, en effet, proposent une version contradictoire des enfances de Maillefer : pour l’auteur de la BL, Maillefer est élevé par Piecolet dans le pays de Montnuble. Pour celui des ER, en revanche, c’est à Loquiferne que Maillefer a été conduit après son enlèvement (596-7). Si H.-E. Keller concède à G. Paris que le poème a peutêtre été composé « à la cour des Angevins à Naples », il en tire une conclusion toute différente : selon lui, son auteur
pourrait être Adenet le Roi, auquel est attribué Buevon de Conmarchis”. Cette hypothèse audacieuse mérite d’être examinée à la lumière de la biographie d’Adenet. On sait, grâce aux travaux d'A. Henry, qu’Adenet a suivi son protecteur, Gui de Dampierre, comte de Flandre, lors d’une croisade lancée par Charles d'Anjou pour consolider sa
situation en Sicile. Gui de Flandre répondait à l’appel du pape et du roi en faveur de cette croisade, mais n’avait pu se résoudre à renoncer à la compagnie de ses ménestrels.
5 J, Runeberg, Études sur la Geste Rainouart, thèse de doctorat présentée à la faculté d’Helsingsfors, Helsingsfors, Aktiebolaget handelstryckeriet, 1905, pp. 167-8.
% M. Tyssens, « La Composition du Moniage Rainouart », p. 550. 7 H.-E. Keller, « Renier de Gennes », Actes du XI° Congrès de la Société Rencesvals, Barcelona, 1990, I, p. 382, note 39.
16
INTRODUCTION
L'armée des croisés s’embarque à Aigues-mortes le 4 juillet 1270. « Le siège de Tunis, la peste, la mort du roi, l’échec de la croisade : autant d'événements bien connus, poursuit A. Henry. Le 31 octobre, une trêve de quinze ans fut conclue, et les croisés rentrèrent en Europe [...] Gui de
Flandre se fit porter en Sicile par des navires flamands. Il traversa l’île de l’ouest à l’est, la péninsule italienne du sud
au nord, non sans quelques jours d’arrêt à Palerme où il tint cour plénière, à Messine où il fallait préparer le passage du Phare, à Rome et à Viterbe où Gui prit sa part aux intrigues qui retardaient l’élection du pape, à Florence,
enfin, où l’on paraît surtout avoir pris du bon temps*. » Grâce aux comptes de Makel, le clerc de Gui, A. Henry a pu déterminer qu’Adenet le Roi a passé huit nuits à Messinc, du 7 au 14 février 1271”. Hélas, pour séduisante qu’elle soit sur le plan historique, l’hypothèse de H.-E. Keller est fragile sur le plan littéraire. Comme le fait remarquer U. T. Holmes, « the style and arrangement of [...] Renier are so different from what we would expect from the poet of Berte aus grans piés that we can see no reflexion of his taste in [Renier]” ». Il faut nous résoudre à l’idée que l’auteur des ER restera à jamais anonyme.
% Buevon de Conmarchis, édité par Albert Henry, Les Œuvres d'Adenet le Roi, Brugge, Rijkuniversiteit te Gent, 1953, II, p. 21.
# Id., p. 26. % U. T. Holmes, art. cit., p. 102.
INTRODUCTION
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IT. —- ANALYSE DU TEXTE
Résumer une œuvre aussi foisonnante que les Enfances Renier n’est pas une mince affaire ; comme l’a souligné avec humour CI. Roussel, le résumé de ce type de chanson vouée à la narrativité pure est généralement « à peu
près incompréhensible »*. La
tâche
a découragé
F.
Lecoy, qui fait remarquer qu’« il serait aussi vain qu’inutile de vouloir donner une analyse, même rapide, des Enfances Renier. L'action y est fort longue, mais elle reste d’une banalité et d’une monotonie désespérantes »°?. Sous le foisonnement des péripéties et la complexité de l’entrelacement, il est néanmoins possible de dégager sept grandes phases narratives, qui s’inscrivent chacune dans des aires d'échanges ou des zones de conflit bien spécifiques. Phase 1 : Enlèvement de Renier et Reconquête de Loquiferne
(Portpaillart — Loquiferne — Marseille — Venise) La chanson s’ouvre sur la naissance du héros éponyme à Portpaillart. Alors que Florentine, sa mère, est assoupie, le nouveau-né reçoit la visite de trois fées qui le douent de toutes les qualités. Maillefer décide de baptiser son fils Renier en souvenir de Renier de Gennes et Guillaume lui
31 C1. Roussel, « Le Mélange des Genres dans les Chansons de Geste tardives », Les Chansons de Geste, Actes du XVI Congrès International de la Société Rencesvals, Granada 21-25 juillet 2003, C. Alvar et J. Paredes
(éds.), Granada, Editorial Universidad
Granada, 2005, p. 77.
2 F. Lecoy, art. cit., p. 533.
de
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INTRODUCTION
prédit un grand destin çar il arbore une croix royale sur l'épaule (165). Un an plus tard, tout le lignage est réuni pour le baptême de Gracïenne, la cadette. Maillefer se met en tête de reconquérir l’héritage de Desramé, aux mains du roi Tibaut ; l’impétueux Guillaume, dont les morts de Bueve et de Guibert n’ont guère refroidi les ardeurs guerrières, se joint à lui et les deux hommes embarquent derechef pour Loquiferne au grand désespoir de Guibourc et Florentine (454). Pendant que leurs épouses se lamentent sur le rivage, Grymbert s’introduit dans le palais de Portpaillart, ensorcelle la nourrice et s'empare de Renier (475). Il se rend au port de Marseille et vend le nourrisson à Gyre, un vieux marchand, qui doit, chaque année, donner en tribut à l’émir de Venise un nouveau-né chrétien. Grymbert, tout en révélant le nom de l’cnfant, ment sur les circonstances du rapt en affirmant l’avoir enlevé dans un bois (559). Cependant, Guillaume et Maillefer accostent à Loquiferne. La bataille s’engage sans tarder. Guillaume et Tibaut s’affrontent en combat singulier. Guillaume désarçonne son vieil ennemi. L’armée sarrasine vient au secours de Tibaut, mais est rapidement mise en déroute (883). Tibaut s’enfuit
en direction de Candie, où il croit pouvoir trouver refuge. Bertran s’élance à sa poursuite. Tibaut gagne le rivage, où un navire sarrasin a jeté l’ancre, et plonge dans la mer. Se croyant hors d’atteinte, il nargue Bertran : la lance du Narbonnais le transperce aussitôt et le cloue à la coque du bateau. Recueilli par ses hommes, le roi sarrasin survit trois ans à sa blessure (1038). La population de Loquiferne est
convertie et Maillefer couronné. Joie de courte durée : un messager vient annoncer que Guibourc et Florentine sont au plus mal. Maillefer et Guillaume confient la garde de la
INTRODUCTION
19
ville à Bertran et s’empressent de rejoindre Portpaillart (1185). Gyre livre Renier à l’émir Brunamon ; ce dernier jette l’enfant aux lions. Quoiqu’affamés, les fauves sont pris d’un respect instinctif pour leur petite victime. Renier s’endort sous leur regard bienveillant (1241). Le geôlier Murgalet, qui a assisté au miracle, se prend d’affection pour Renier. Il intéresse Ydoine, la fille de l’émir, à son sort. Séduite à son tour, celle-ci recueille l’enfant et décide de l’élever dans le plus grand secret (1324). Maillefer et Guillaume retrouvent leurs épouses. Guibourc, mourante, exhorte Guillaume
à déposer les armes
our se consacrer au salut de son âme. Celui-ci s’y résout. minuit, la comtesse meurt. Lors des funérailles, Guillaumc laisse éclater son désespoir (1431). De leur côté,
Maillefer et Florentine pleurent le rapt de leur fils unique. Guillaume confie son royaume à Maillefer, puis s’éclipse pour rejoindre le monastère d’Aniane. Maillefer se retire à Morimont,
abandonnant la garde de Portpaillart à Guïelin
(1558). Phase 2 : Départ de Venise, Bataille de Morimont et Siège de
Loquiferne (Venise —- Morimont — Loquiferne) Les années passent, Renier grandit. Sa beauté, sa force
et son adresse lui attirent bientôt l’admiration des dames et des jeunes filles, mais aussi la jalousie des jeunes Vénitiens. Ces derniers fomentent son assassinat. Au cours d’une promenade, le fils du prévôt pousse Renier dans une rivière. Mais ce dernier parvient à regagner la rive et le tue. Ses complices se dispersent en traitant Renier de bâtard (1649). Décontenancé, Renier interroge Ydoine sur
20
INTRODUCTION
ses origines. Par crainte-de le perdre, la princesse répugne à répondre. Elle finit par convoquer Gyre : mais ce dernier ne peut que répéter les mensonges de Grymbert (1822). Renier décide de partir à la recherche de ses parents. Résignée, Ydoine lui fait don d’armes précieuses, charge Gyre de veiller sur son jeune protégé et libère cent quarante chevaliers chrétiens des geôles de Brunamon pour l’accompagner (2046). Bertran, resté à Loquiferne, subit les assauts du roi Butor. Les Français doivent rapidement battre en retraite et trouver refuge dans la ville. Bertran envoie Piecolet demander du renfort à Maillefer (2365). Ce dernier confie à Gyrart la garde de Morimont et se hâte de porter secours
à Bertran. Mais à peine Maillefer s’est-il éloigné du rivage que surviennent Rubïon et Otran de Limes, qu’un orage a détournés de la route de Loquiferne. Morimont est pillée en dépit des démonstrations de bravoure de Gyrart. Les Sarrasins établissent le siège. Affamée, Florentine se lamente en voyant l’ennemi faire bombance sous ses fenêtres (2536). Cependant, Renier, parvenu au large de Morimont, croise un navire marchand en route pour Gênes. Les marchands n’ont plus de vivres, mais redoutent d’aborder car ils ont eu connaissance du siège. Mù par un étrange pressentiment, Renier promet de les récompenser s’ils l’accompagnent à Morimont. Les marchands, impressionnés par la noble prestance du jeune homme, lui jurent fidélité (2624). Gyrart accueille Renier avec courtoisie. De son côté, Florentine, troublée, cherche à connaître l’identité du jeune homme, mais celui-ci se dérobe à ses questions (2710). Les Sarrasins déclenchent une nouvelle offensive. Jugé par Gyre trop
INTRODUCTION
21
jeune pour combattre, Renier assiste depuis sa fenêtre à la débâcle de l’armée sarrasine. Guïelin, resté à Portpaillart,
est appelé en renfort (2904). Le géant sarrasin Corsaus, amené par le roi Tarside, vient aux portes de la ville provoquer les Chrétiens. Florentine a peine à raisonner Gyrart, bien décidé à aller se mesurer à lui (3067). Dans le plus grand secret, Renier revêt une armure et, en compagnie de son écuyer Tierri, sort de la ville par la poterne. Il rattrape le géant et le provoque en duel. Le combat tourne à son avantage: Renier laisse le colosse pour mort et rentre précipitamment à Morimont. Mais la scène a eu un témoin : un jeune homme court la raconter à Gyrart, incrédule. Ce dernier cherche à savoir qui peut bien être l’auteur d’un tel exploit. Renier, qui a enfreint l'interdiction de son maître, garde le
silence (3331).
La riposte sarrasine ne se fait pas attendre après la découverte du cadavre de Corsaus. Guïelin arrive enfin en renfort (3379). Renier, que Gyre a autorisé à porter les armes, se distingue par sa hardiesse. Cependant, Rubïon reçoit le renfort d’Otran (3635). Renier secourt Gyraït, encerclé par l’armée sarrasine. Le choc des armes couvre les cris de Guïelin, mortellement blessé, qui appelle en vain
son frère à l’aide. Florentine et Gracïenne assistent à son agonie (3748). Face aux exploits répétés de Renier, l’armée sarrasine doit battre en retraite. Gyrart, qui a découvert le corps sans vie de son frère, déplore l’extinction du lignage des Narbonnais (3896). Florentine, frappée par la ressemblance de Renier avec Maillefer, tente à nouveau
de le
faire parler et va jusqu’à lui offrir la main de sa fille. Renier repousse ses avances, mais, touché par la tristesse
22
INTRODUCTION
de la dame, promet de lui révéler son identité lorsqu'il aura secouru
Maillefer
à Loquiferne.
De retour
à son
logis,
Renier se désole de ne rien savoir de ses origines. Il embarque sans tarder pour Loquiferne (4188). À Loquiferne, Bertran se réjouit de l’arrivée de Maillefer. Le combat s’engage. Bertran accomplit des exploits et Maillefer malmène Butor. Mais lorsque tombe le soir, 1l apparaît que les pertes chrétiennes sont terribles (4640). Sur les conseils de Bertran, Maillefer ordonne à Piecolet d’aller trouver Gyrart, dont il espère de l’aide. Cependant Corbon vient prête main forte à Butor. Piecolet, opportuniste, décide
de trahir Bertran
et d’offrir ses services
aux
Sarrasins (4848). Phase 3 : Sauvetage d’Ydoine, Capture de Maillefer et seconde
Bataille de Morimont (Rocheglise (Venise) — Loquiferne — Morimont)
Un violent orage détourne Renier de sa route. Il rencontre le jeune Bauduïn, héritier légitime du trône de Grèce, qu’un usurpateur a condamné à l’exil. Droon, qui a sauvé l'enfant de la mort, propose à Renier de le prendre à son service jusqu’à ce qu'il soit en âge de reconquérir son héritage (4996). Surgit Murgalet : il informe Renier qu’Ydoine, seule à Venise, est assiégée par l’odieux Corsoult, qui compte bien attenter à sa vertu. Renier est en proie à un douloureux dilemme : qui secourir de Maillefer ou d’Ydoine ? Il décide de partir pour Venise (5163). À Loquiferne, Maillefer, assiégé de toutes parts, se désespère de ce que personne ne vienne le secourir. Il propose un combat judiciaire à Butor. Le duel s’engage
INTRODUCTION
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sous le regard inquiet de Bertran. Maillefer, un instant en mauvaise posture, reprend courage et accule son adversaire. Corbon s’interpose entre les combattants : il révèle à Maillefer qu’il est son demi-frère et qu’il revendique l'héritage de Rainouart (5533). Corbon donne l’ordre à ses hommes de capturer Maillefer. Bertran, venu à la rescousse, est fait prisonnier à son tour. Les deux hommes sont conduits par Ostragon à la forteresse de Baudune pour y être emprisonnés (5731). Renier rejoint Ydoine à Rocheglise. Lorsque Renier apprend que Brunamon est parti secourir Butor à Loquiferne, il se désole d’avoir failli à sa promesse. Ydoine reçoit le sacrement du baptême (5879). Corsoult, fou de rage à cette nouvelle, déclenche une nouvelle offensive. Quoique grièvement blessé au cours du combat, Renier parvient à
tuer Corsoult et à défaire l’armée sarrasine. Ydoine offre à Renier de l’épouser, mais le jeune homme s’y refuse aussi longtemps qu’il ignorera qui est son père (6245). Le sommeil de Renier est agité : dans ses songes, il voit son père tomber au fond d’un gouffre. À l’aube, le navire du roi Grebuede apparaît à l’horizon : ce dernier s’apprêtait à rejoindre sa fille, Florentine, lorsqu'un orage l’a détourné de sa route. Il confie à Renier son chagrin d’avoir perdu son petit-fils, enlevé peu après sa naissance. Renier est troublé à ce récit (6480). Grebuede évoque également ses griefs à l’égard de Pierrus, l’usurpateur du trône de Grèce, ce qui a pour effet de ranimer le ressentiment de Droon. Renier promet à Droon d’aider Bauduïn à recouvrer son héritage (6528). Gyre fait part à Renier de ses soupçons : il est lui aussi frappé par les coïncidences entre la destinée du fils de Maillefer et celle de Renier. Mais Renier est plus
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INTRODUCTION
circonspect. Il décide de repartir pour Morimont : il espère que Florentine saura lui donner un indice irréfutable de sa filiation. La séparation d’avec Ydoine est douloureuse (6678). Butor et Corbon sont bien décidés à partir à la conquête de Morimont ; mais le devin Otran, qui a consulté les sorts,
leur révèle que Renier leur causera beaucoup de tort (6753). Sur les conseils de Corbon, Butor décide de se débarrasser de Maillefer et de Bertran. Marbrien, le seigneur de Baudune,
(6963) ; mais
ordonne
la survenue
défaite de Rubïon
l’écartèlement des captifs
de Malaquin,
à Morimont,
annonçant
la
diffère l’exécution de la
sentence. Maillefer et Bertran sont gardés comme otages et Corbon s’embarque derechef pour Morimont (7062).
À peine Corbon a-t-il mis pied à terre qu’il donne l’assaut. Réfugiés dans la ville, Gyrart et ses hommes lui opposent une résistance héroïque. Corbon tente de forcer la porte de la ville, mais la nuit retarde ses projets (7253). Non loin de là, Renier croise des marchands en route pour Marseille. Lorsqu'il apprend que Gyrart est assiégé à Morimont, il s’empresse de venir lui porter secours. De son côté, Corbon reçoit le renfort de Salabrun (7377). Gyrart refuse la reddition que lui propose Corbon. Il est vrai que Florentine a fait un songe qui, selon Madïant, laisse augurer un heureux dénouement (7488). Les Sarrasins lancent une nouvelle offensive. Gyrart est blessé, mais ne s’avoue pas vaincu. L’arrivée de Renier lui apporte un peu de répit (7583). Renier fait massacrer les Sarrasins chargés de surveiller la flotte, avant de ravager leur campement.
L'armée de Corbon est rapidement défaite. Émouvantes retrouvailles entre Florentine et son père (7767). Renier
INTRODUCTION
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obtient de Florentine une information capitale : son fils portait à sa naissance une croix royale sur l’épaule. Renier s’isole avec Gyre, se déshabille et découvre la croix. Mais
il persiste à douter de sa filiation, car le récit de Grymbert ne coïncide pas avec celui de Florentine (7938). Corbon envoie Quapalu proposer un combat judicaire à Renier. Ce dernier accepte et est adoubé par Grebuede (8226). Au cours
du duel, Corbon
révèle à Renier que
Maillefer est retenu prisonnier dans la tour de Baudune. Gracïenne, qui assiste au combat, fait part à sa mère de son désir d’épouser Renier (8421). Pour échapper aux coups de Renier, Corbon se métamorphose successivement en cheval, en âne, puis en ours avant d’exhaler une haleine pestilentielle qui étourdit Renier. Ce dernier parvient toutefsis à se ressaisir et à tuer Corbon. S’engage une bataille générale. L'armée sarrasine est rapidement défaite et Salabrun prend discrètement la fuite (8593). Survient Guichart, agonisant : avant de mourir, il exhorte Renier à délivrer Maillefer. Avant de partir pour Baudune, Renier
promet à Florentine de lui révéler son identité dès son retour (8755). Phase 4 : Retrouvailles de Renier avec Grymbert et Libération
de Maillefer (Île des Pirates — Baudune)
En chemin, Renier croise un navire de pirates et, sans hésiter, se lance à l’abordage. Les hommes de Renier prennent promptement l’avantage sur les pirates, parmi * lesquels se trouve le magicien Grymbert. Ce dernier évoque le démon Tabardin et profite de l’effroi que suscite son apparition pour prendre la fuite (8934). Grymbert
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INTRODUCTION
trouve refuge sur l’île.qui sert de repaire aux pirates. Renier l'y poursuit. Réfugiés dans une forteresse, Grymbert et ses complices subissent un violent assaut des Chrétiens (9152). Le géant Oeiïllart, chef des pirates, se résout à proposer un combat judiciaire à Renier. Blessé au cours du duel, Renier parvient toutefois à l'emporter sur son adversaire, qu’il jette à terre et décapite. Il se retrouve encerclé par les pirates, mais a tôt fait de les tailler en pièces. Grymbert, qui a tenté de prendre la fuite, est rattrapé par Renier (9491). Il se confesse de ses péchés et avoue à Renier qu’il a menti sur les conditions de l’enlèvement du fils de Maillefer.
Secrètement
soulagé, Renier consent à
l’épargner. Grymbert lui promet de lui être toujours fidèle. Grebuede, toutefois, ne l’entend pas de cette oreille et proteste vainement. Renier se rend à Baudune sans faire escale à Loquiferne (9728).
Depuis sa prison, Maillefer, bien mal en point, perd espoir. Il fait toutefois un rêve que Bertran, son compagnon d’infortune, interprète favorablement (9836). Suite à une rixe, au cours de laquelle Maillefer tue un geôlier, Maillefer et Bertran se retrouvent condamnés à mort. Cependant Renier et ses compagnons abordent à Baudune : ils sont émerveillés par la beauté et la richesse du château-fort (9921). Grebuede et son armée s’embusquent non loin de la tour. Renier et Grymbert, grimés en Sarra-
sins, se présentent au portier comme des messagers de Butor et demandent à parler à Marbrien. Le portier leur apprend que ce dernier s’est retiré à Rochebrune (10036). Renier et Grymbert sont introduits à l’intérieur du château et le sénéchal, fort prévenant, leur fait apprêter un repas. Mais Renier est pensif : il se demande comment délivrer
INTRODUCTION
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son père. Grymbert lui propose de faire appel à Tabardin (10219). Effrayé au seul nom du démon, Renier se signe. L’imposture est révélée : le Sénéchal et ses hommes fondent sur les deux chrétiens. Renier et Grymbert se retrouvent acculés. Tabardin, appelé à la rescousse, disperse la foule des assaillants (10418). Renier délivre son père, très éprouvé par sa longue captivité. La ressemblance des deux hommes n’échappe pas à Bertran. On fait apprêter un repas ; mais à peine les Chrétiens ont-ils pris place à table que retentissent des cris de guerre : Rubïon, qu’un messager a averti de l’arrivée de Renier, fait irruption dans la ville (10650). Après que Renier a appelé Grebuede en renfort, une lutte à mort s’engage entre Chrétiens et Sarrasins. Renier tue le géant Estorgant et les Chrétiens remportent la victoire. Maillefer est couronné roi de Baudune (10913). Un messager vient informer Renier qu’ Ydoine est à nouveau assiégée : son père menace de la brûler.
Prenant
congé
de Bertran,
Renier,
Maillefer
et
Grebuede volent à son secours (11014). Phase 5 : Second Sauvetage d’Ydoine et seconde Bataille de
Loquiferne (Rocheglise (Venise) — Loquiferne — Roche Foraine)
Dans la tour de Rocheglise, où elle a trouvé refuge, Ydoine s’abandonne au désespoir, en dépit des rassurantes prédictions de Gonsent, sa suivante. La porte cède sous les assauts des assaillants, Ydoine est faite prisonnière et livrée à
son père (11193). Ce dernier l’accable de reproches. C’est cet instant propice que choisit le prévôt pour révéler à Brunamon qu’ Ydoine a sauvé Renier de la mort, ce qui
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INTRODUCTION
lui vaut d’être décapité sur-le-champ (11267). Ydoine est conduite au bûcher. Alors que les premiers sarments s’enflamment, elle refuse avec hauteur d’épouser le roi Pinart, disposé à demander sa grâce. Survient opportunément un envoyé de Butor, qui exige que Brunamon lui livre sa fille. Répit de courte durée : dès son arrivée à Loquiferne,
Ydoine est à nouveau
conduite
au bûcher
(11476). De son côté, Renier rencontre les chevaliers qu’il avait laissés à Rocheglise pour veiller sur Ydoine. Ces derniers lui apprennent que la jeune femme est en bien fâcheuse posture (11541). Heureusement, à Loquiferne, la Vierge Marie, sensible au sort d’Ydoine, disperse les flammes du bûcher. Le temps s’assombrit alors, permettant à Renier et à ses hommes de débarquer dans le plus grand secret et d’attaquer l’armée sarrasine par surprise. Dans la confusion générale, Salabrun enlève Ydoine (11675). Maillefer, qui a commis l’imprudence de poursuivre l’ennemi jusqu'aux portes de Loquiferne, est à nouveau capturé. Pendant ce temps, Renier, qui a appris par Gonsent l’enlèvement d’Ydoine, part à sa recherche. Grebuede, quant à lui, s'inquiète de savoir ce que sont devenus Maillefer et Renier. Grymbert lui assure qu’il mettra tout en œuvre pour les retrouver (11903). Salabrun tente en vain de violer Ydoine, protégée par la
pierre de chasteté qu’elle conserve dans son aumônière. Renier entend crier Ydoine, mais ne peut la secourir car une rivière lui barre le passage. La jeune femme est conduite de force au château de Roche Foraine (12078). Grymbert, monté sur Tabardin, métamorphosé pour l’occasion en cheval, rejoint Renier et lui apprend la
INTRODUCTION
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disparition de Maillefer. Renier monte en croupe derrière Grymbert pour revenir au plus vite au campement, mais effaré par la vitesse de déplacement du cheval et en dépit des mises en garde de Grymbert, il fait le signe de croix. Tabardin jette ses cavaliers à terre et s’enfuit. De retour au campement, Renier apprend que Maillefer a été fait prisonnier par Butor ; il décide de lever une armée et de partir le délivrer (12215). La bataille s'engage sous les murs de Loquiferne ; Renier et Butor s’affrontent en combat singulier. De son côté, Gyre coupe le bras gauche de Brunamon (12360). L’armée sarrasine est diminuée. Butor s’attaque alors à Grebuede, mais Renier s’interpose. Le jour tombe et chacun revient à son campement (12492). Maillefer, après
de longs pcurparlers, obticnt sa libération contre l’assurance de régler le sort de la bataille par un combat judiciaire. Renier propose à son père d’être son champion. Le duel doit avoir lieu sous les huit jours (12729). Renier profite de cette trêve pour se rendre à Roche Foraine. Salabrun refuse le marché proposé par Renier ; ce dernier n’a d’autre choix que de donner l’assaut. Mais la porte de la forteresse lui résiste. Le jour tombe. Salabrun torture la chaste Ydoine, qui continue de repousser ses avances (13006). Le lendemain, Renier se résout à faire appel à Tabardin : la porte est abattue et, après une lutte sanglante, Ydoine est enfin
délivrée (13188). Renier promet à sa bien-aimée de lui révéler son identité après son duel contre Butor. Le geôlier d’Ydoine est pendu. Avant de s’en retourner à Loquiferne, l’armée chrétienne pille et brûle Roche Foraine (13251).
Butor et Renier revêtent leur armure. Grebuede demande à Renier s’il est le fils de Maillefer. Maillefer déclare en soupirant que s’il était son fils, il ne le laisserait pas
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INTRODUCTION
affronter Butor. Renier s’obstine à nier, mais promet à Maillefer de lui donner dés nouvelles de son fils (13410). Le duel tourne au désavantage de Renier. Les Chrétiens,
bien qu’ils soient inquiets, se refusent à intervenir. Lorsque c’est au tour de Butor d’être mis à mal, Brunamon tente d'intervenir.
Vexé,
Butor
le rabroue
sans
ménagement
(13576). Le combat reprend. Renier se retrouve à nouveau
en difficulté. Maillefer retient Grebuede, qui veut lui porter secours. Renier finit par l’emporter sur Butor au grand dam des Sarrasins, qui l’assaillent de toutes parts.
Les Chrétiens accourent à leur tour et la bataille devient générale (13725). Les Sarrasins battent en retraite et se réfugient dans Loquiferne. Renier poursuit Brunamon jusqu’à l’intérieur de la ville. Il lui propose de l’épargner s’il sc convertit. Brunamon rcfusc. Ydoine ordonne qu’on le décapite (13858). Parce qu’il l’a conquise en août, Renier décide d’appeler la ville Messine. Il fait mander Florentine, à qui il veut révéler le secret de ses origines. Florentine se réjouit de ces heureuses nouvelles. Mais Gyrart est inquiet, un songe funeste le tourmente. Il désire que Maillefer lui envoie des hommes en renfort (14102). Phase 6 : Capture de Gyrart, Bataille de Baudune et Recon-
quête du Royaume de Grèce (Morimont — Baudune — Grèce) Marbarin,
un espion,
informe
Pierrus
qué Bauduïn
se
trouve dans le château de Morimont. L’usurpateur décide de s’y rendre sans tarder pour éliminer l'héritier légitime (14160). De leur côté, Florentine, Gracïenne
et Bauduïn
embarquent pour Messine, où ils espèrent retrouver Renier. Mais un violent orage les entraîne vers Baudune (14219). Au même moment, Bertran est assailli par Marbrien, que
INTRODUCTION
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Piecolet a informé de la libération de Maillefer. Immédiatement mis au courant, Maillefer et Renier partent secourir Bertran et laissent Messine en garde à Grebuede (14357). Pendant ce temps, Gyrart voit non sans crainte Pierrus
débarquer à Morimont. L’usurpateur se garde bien d’afficher ses intentions hostiles et lui demande courtoisement où se trouve Bauduïn,
son demi-frère. Gyrart lui affirme
qu’il est parti pour Messine. Mais Pierrus refuse de le croire et déclenche une offensive. Gyrart et ses hommes se défendent vaillamment depuis les créneaux (14602). À Baudune, Marbrien livre des assauts répétés à Bertran.
L’opportuniste Salabrun, devenu le conseiller de Bertran après sa conversion feinte, négocie avec Marbrien la restitution de ses royaumes et ouvre les portes de la ville à l’ennemi. Lorsque Bertran découvre la trahison de Salabrun,
il le met
à mort.
Mais
le mal
est fait : les
Sarrasins massacrent la population et Bertran, grièvement blessé, est fait prisonnier (14814). Pendant que les Sarrasins se disputent sur la meilleure façon de faire périr Bertran,
Florentine
et sa suite
débarquent
à Baudune.
L’épouse de Maillefer voit la ville dévastée, prend peur et se réfugie dans la tour, qui ne tarde pas à être assiégée par Marbrien (15016). Renier et ses amis arrivent à leur tour à Baudune. Ils délivrent Bertran au grand dam de Marbrien. De son côté, Florentine commence à ressentir les attaques de la faim. Madïant découvre des victuailles inespérées dans la tour (15184). Il rencontre également Manessier, l’écuyer de Bertran, réfugié dans un passage secret, qui lui apprend la captivité de son maître. Les assiégés font apprêter un fastueux repas. Pendant ce temps, Maillefer et
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INTRODUCTION
Marbrien décident de régler le sort de la bataille par un combat judiciaire (15310). Pierrus commence à s’impatienter : il assiège depuis longtemps déjà le château de Morimont, sans succès. Il demande à parler à Gyrart et s'offre à faire amende honorable, Mais Gyrart, méfiant, refuse d’ouvrir la porte. Débpité, Pierrus fait mine de partir. Mais dans un golfe, à l'abri des regards, il fait changer les voiles de ses navires et remplace ses armoiries par celles de Maillefer (15424). Lorsque la flotte de Pierrus réapparaît à l’horizon, Gyrart croit que c’est Maillefer qui vient le secourir. Sans prendre le temps de s’armer, il s’élance à sa rencontre. Lorsqu'il est pris de doutes, il est déjà trop tard pour rebrousser chemin: il est fait prisonnier. Son armée est taillée en pièces et la ville mise à sac (15665).
À Baudune, Florentine sent à nouveau la faim la tenailler : les réserves ont vite fondu. Pendant ce temps, Renier affronte Marbrien en duel. Le combat est âprement disputé. Renier finit par triompher en tranchant le poing du géant. L'armée sarrasine s’élance pour secourir son roi et l’armée française accourt derechef prêter main forte à Renier (15981). Les bruits de la bataille parviennent jusqu'aux oreilles des assiégés. Bauduïn manifeste le souhait de participer à la mêlée. D’abord réticente, Florentine finit par céder et le jeune homme est adoubé (16082). La bataille fait rage entre Chrétiens et Sarrasins. Madïant révèle à Maillefer et à Renier que Florentine est assiégée dans la tour de Baudune. L'armée sarrasine bat en retraite. Renier retrouve sa mère avec émotion. Celle-ci le supplie de révéler son identité, mais Renier réclame un nouveau sursis jusqu’à leur retour à Messine (16253).
INTRODUCTION
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En route pour Messine, Renier et ses amis croisent des fuyards en provenance de Morimont. Ces derniers fuient en apercevant Renier, car ils craignent que ce ne soit Pierrus qui les poursuive. Renier se hâte de les rassurer et engage le dialogue. Un chevalier du nom de Robert Ricart lui apprend que Gyrart a été fait prisonnier. Gracïenne, contrariée par ce contretemps, demande à Renier de l’épouser avant de partir délivrer Gyrart (16505). Mais il n’y a pas de temps à perdre : Maillefer et Renier se rendent en Grèce où ils apprennent que Pierrus s’est retiré à Roche Agüe. Robert évoque avec émotion la mémoire de Roger, son seigneur, assassiné par Pierrus. Il souligne le caractère inexpugnable de la forteresse de Roche Agüe. Cela ne suffit pas à abattre Renier
(16725).
Maillefer
s’embusque au fond d’une vallée, non loin de la forteresse. Pendant ce temps, Renier et Bauduïn mettent Roche Agüe
à sac. La nouvelle en parvient à Pierrus : il se lance à la poursuite des pillards. S’engage un combat singulier entre Pierrus et Bauduïn (16799). Le jeune homme, inexpérimen-
té, est rapidement mis en difficulté par son demi-frère. Renier vole à son secours. Pendant ce temps, Robert pourfend Akarïos, le beau-frère de Pierrus et l’instigateur de l’assassinat
de Roger
(16919).
L'armée
de Pierrus,
. écrasée par les combattants chrétiens, se disperse. L’usurpateur pense trouver refuge dans la forteresse, mais Maillefer fond sur lui et le fait prisonnier. Bauduïn épargne le prévôt, qui prétend avoir servi Richier, son père. Une fois libre, Gyrart relate la ruse de Pierrus. Ce dernier est
. décapité et tout le monde repart pour Messine (17083).
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INTRODUCTION
Phase 7 : Noces de Renier, Mort de Bertran et Pèlerinage à
Jérusalem (Messine — Baudune — Venise — Jérusalem) Chemin faisant, Renier et ses amis croisent le navire de
Moradas : le roi turc compte bien faire périr la mère d’Ydoine, qu'il vient d’enlever. Renier se porte au secours de la dame. L’assaut est donné. Robert pourfend Moradas et obtient la main de la veuve en récompense de ses services (17248).
À Messine, un messager vient annoncer à Grebuede le retour imminent de Renier. Émouvantes retrouvailles entre Florentine et son père. Renier se décide enfin à révéler son identité. Grymbert et Gyre sont invités à témoigner, puis Renier montre à l’assistance la croix royale qu’il porte sur l’épaule (17673). Maillefer et Florentine éclatent de joie, Gracïenne court cacher sa honte et Ydoine somme Renier de l’épouser. Maillefer couronne Florentine et tout le monde se marie : Renier avec Ydoine, Droon avec Gonsent, Bauduïn avec Gracïenne et Robert Ricart avec la mère d’Ydoine
(17856). Durant la nuit de noces, Renier
engendre Tancrède, Robert Bohémond et Bauduïn le fragile Jehan.
Alors
que
Renier
dort,
Ydoine
l’archange Gabriel qui lui recommande
est
visitée
par
de faire baptiser
l’enfant et de l’allaiter elle-même (18037). Pendant ce temps, Piecolet est allé avertir Grandoce, le
seigneur de Val Marie, de la prise de Baudune. Ce dernier décide de venger la mort de son frère Salabrun, tué par Bertran. L'armée de Grandoce s’embusque aux abords de Baudune (18134). Le sommeil de Bertran est traversé de cauchemars : il rêve qu’une louve l’attaque au cours d’une partie de chasse (18188). Lorsqu'il se réveille, il sent
INTRODUCTION
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obscurément qu’il a fait son temps. Il décide d’aller chasser dans le bosquet près de la forteresse : il espère y retrouver la louve de son rêve. Mais c’est Grandoce qui l’assaille et le fait prisonnier. Bertran est conduit à Rocheglise (18519). À Messine,
Tancrède
et Bohémond
sont baptisés. Un
messager fait irruption et annonce que Bertran a été fait captif. Renier et Maillefer partent pour Venise dans l’espoir de le libérer, mais Gyrart est pessimiste sur le sort qui attend ce dernier (18669). Dès son arrivée à Venise, Renier fait
donner
l'assaut.
De
son
côté,
Piecolet
convainc
Grandoce de faire écarteler Bertran (18783). Maillefer, qui ignore la mort de son neveu, tente de négocier sa libération. Face au refus de Grandoce, la bataille redouble de
violence. Piecolet crie à Renier que Bertran est mort. Renier se promet de ne pas partir sans avoir pendu Piecolet (18904). Il fait construire des machines de guerre. Pendant ce temps, Piecolet organise la fuite de Grandoce. Les Chrétiens veillent : Bauduïn se lance à la poursuite de Grandoce, mais se retrouve cerné par l’armée sarrasine. Renier lui vient en aide. Grandoce et Piecolet prennent la fuite chacun de leur côté (19171). Grymbert se met en peine de rechercher Piecolet, tandis que Renier, de son côté, pourchasse Grandoce (19284). Maillefer, quant à lui,
met Rocheglise à sac. Grandoce est rattrapé par Renier alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Chypre. Il implore sa pitié ; Renier accepte de l’épargner à condition qu’il lui serve de sauf-conduit jusqu’à Jérusalem, où il compte se rendre en pèlerinage (19375). _ Après de vaines recherches, Grymbert évoque Tabardin ; mais celui-ci refuse de l’aider à retrouver Piecolet, qui est l’un de ses plus fidèles serviteurs. Grymbert doit lui
36
INTRODUCTION
promettre de ne pas nuire au nain. Tabardin se métamorphose en cheval et conduit Grymbert jusqu’à Piecolet (19450). Après un bref combat, Grymbert capture le nain et le livre à Maillefer. Cependant, Murgalet a découvert le corps écartelé de Bertran. Maillefer s’occupe d’organiser ses funérailles et décide de retenir Piecolet captif jusqu’au retour de Renier (19650).
Renier passe la nuit à Tripoli. Le lendemain, il part pour Jérusalem, laissant une partie de ses hommes à Tripoli. Il est chaleureusement
accueilli
par Corbadas,
cousin
de
Grandoce et roi de Jérusalem. Renier baise le SaintSepulcre et présente une offrande au Temple (19724). Il repart précipitamment pour Tripoli, car un mauvais pressentiment le taraude. À juste titre : un espion a prévenu Corsabrin,
seigneur de Césarée, de son arrivée. Celui-ci,
bien décidé à venger les morts de Butor, Marbrien et Salabrun, s’est embusqué non loin de Tripoli et attend Renier de pied ferme (19844). Malgré Grandoce, qui tente d’intercéder en faveur de Renier, Corsabrin
fait donner
l’assaut. Bauduïn provoque Corsabrin en duel, mais se retrouve comme d'habitude rapidement dépassé et ne doit son salut qu’à Droon. De son côté, Renier, inquiet du tour que prennent les événements, envoie Grandoce chercher du renfort à Tripoli (20065). Le dénouement perdu
Si nous ne sommes pas en mesure de reconstituer intégralement la partie manquante des ER, nous pouvons néanmoins formuler des hypothèses sur son contenu en prenant appui sur les maigres indices fournis par le poème.
INTRODUCTION
Deux
anticipations indiquent que Grymbert,
37
monté
sur
Tabardin, venait in extremis sauver Renier d’une mort certaine. Nous laissons en effet ce dernier en bien mauvaise
posture face à la puissante armée de Corsabrin : Et dist Renier : « Diex le puist craventer ! Se Diex ce donne que je puisse raler A Rocheglise et mon pere trouver, Bien doi Grymbert haïr et adosser Qui Pecolet a lessié eschaper ! »
Mes c’est a tort qu’il le prent a blasmer Quar le bon lerre, qui tant fet a loer, Li avra bien mestier ainz l’avesprer Quar, s’il ne fust, ne le quier a celer,
Ja n’en peüst Renier vif eschaper. (vv. 19806-15) Ançois le vespre que soleill soit clinez, Venrra Grymbert a l’estour abrievez Sus Tabardin, ainssi com vous orrez, Quar autrement fust Renier mal menez ! (vv. 19799-802)
Il est fort probable que Grandoce, de retour de Tripoli avec l’armée chrétienne, participait avec Grymbert à la victoire finale. Renier vainqueur devait ensuite retrouver les siens. On peut également supposer que Piecolet, retenu en otage à Rocheglise, était finalement exécuté ; c’est du moins ce que promet Maillefer : « Cuvert paien, Diex te doint mal dehé ! Qui nous donroit tout l’or de cest regné, Ne remaindroit, par Dieu, qui me fist né, Que tu ne muires a duel et a vilté. » (vv. 19580-3) « Tout ce fist fere Pecolet le desvé,
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INTRODUCTION
Mal guerredon l’en sera presenté, De mort vilaine doit estre labité, Si sera il, ja n’en iert eschapé ! » (vv. 19619-2) « À Dieu rent graces, qui maint en Trinité, De ce qu’avons Pecolet atrapé, Le traïteur qui tant nous a grevé. Se bon vous semble et il vous vient a gré,
Nous le ferons tenir en fremeté Tant que ravrons ceenz a ssauveté Renier, mon filz, que j’ai tant desiré. » (vv. 19644-50)
Le jongleur se livre de son côté à une annonce fort explicites Or vous dirons, se il vous vient a gré, De Pecolet, le traïtre prouvé,
En quel maniere son temps avra finé : De mort honteuse mourra, bien l’a bracé ! (vv. 19638-41)
Certains indices pourraient aussi laisser penser que Bauduïn de Grèce, grièvement blessé au cours du combat contre Corsabrin (19987), trouvait la mort à la fin de la
chanson. Cette hypothèse a été émise par J. Runeberg : « la fin du poème ne pouvait guère manquer de faire recueillir par Renier l’héritage de Baudouin, dont l’auteur a dû se débarrasser dans la partie qui manque de notre poème ; — il faut bien que l’auteur ait accompli la prophétie des trois fées du début de la chanson, qui ont « souhaité » à Renier
INTRODUCTION
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d’être empereur de Constantinople ». Au début de la chanson, le poète annonce, en des termes qui ne laissent
guère planer d’ambiguïté, Grèce :
que Renier deviendra roi de
Et ce fu voirs car aprés conquesta Trestoute Gresce et a no loi torna. (vv. 19-20)
La fée qui se penche au-dessus de son berceau se montre plus précise encore : « Coustantinoble, qui moult fait a douter, Tenra cis enfes ains qu’il doie finer ; Rois iert et sires de Gresce sus la mer. » (vv. 66-8)
Mais n'est-ce pas plutôt là le destin promis au jeune Bauduïn, que Renier aide à reconquérir son héritage ? Peut-on imaginer qu’après la mort de Bauduïn — sans descendance puisque son fils unique, Jehan, conçu avec la soeur de Renier, est mort en bas âge (17945) — la couronne
de Grèce soit revenue à son beau-frère ? Un passage du texte pourrait accréditer cette hypothèse : le poète relate la première rencontre de Renier et de Bauduïn : Voit une nef venir moult durement,
N’ot que .XX. homes par dedenz le chalant Et avoec euls menoïient .I. enfant ; Filz iert d’un roy de moult grant escïent Qui jadis tint Grece tout quitement ;
3 J. Runeberg, op. cit., p. 78.
INTRODUCTION
40 Costentinnoble ot en son cha[se]ment,
Mes il iert mort auques prochainement. (vv. 4881-7)
Le dernier vers est ambigu : à qui renvoie le pronom il ? À Bauduiïn ou à son père, le roi Richier, récemment décédé ? Il est peu vraisemblable, en raison de la présence de l’adverbe prochainement, de voir dans iert un imparfait ; il s’agit sans nul doute d’un futur. Le poète annonce-
rait ainsi, dès sa première apparition, la mort de Bauduïn, seigneur de Constantinople. L'hypothèse — séduisante — d’une passation de pouvoir entre Bauduïn et Renier se heurte au fait que le poète présente Bauduïn comme... l’ancêtre des Guelfes (17907) ! Il faut donc bien qu’il ait eu une descendance, et donc un héritier ! À moins qu’il ait dû se contenter d’une héritière, évidemment inapte à ceindre la couronne de Grèce. À moins encore que, contrairement à ce qui avait été annoncé au vers 17944, Jehan, le fils de Bauduïn, ait finalement survécu : les vers 18529-33 mentionnent la vulnérabilité du nourrisson, mais ajoutent qu’il a échappé de justesse à la mort : Mes l’un des .IL ont il plus redouté, Ce fu le filz Bauduïn le membré. Tant fu malade cele qui l’ut porté Par .I. petit ne fu l’enfant finé.
D’aucuns verront dans ces incohérences plus ou avérées une preuve que les allusions aux Guelfes interpolées ; mais il serait tout aussi envisageable prédiction liminaire de la fée soit le reliquat d’une
moins ont été que la version
INTRODUCTION
antérieure
de la chanson,
41
qui aurait été complètement
remaniée. On peut également s’interroger sur le rôle joué par Robert Ricart dans la partie lacunaire de la chanson. Ce prince banni, apparu tardivement dans la chanson, est entouré d’un halo de mystère : Chevalier iert et de grant parenté, Mes l’en l’avoit et bani et geté De son païs par sa grant foleté Pour .I. franc home que il avoit tué. (vv. 16399-403)
Robert participe avec Renier à la reconquête de l’héritage de Bauduïn avant d’épouser la mère d’Ydoine. Renier vante
sa hardiesse (17771) et Maillefer lui témoigne sa
reconnaissance en le couvrant de richesses et en l’investissant des seigneuries de Roche Agüe et de Val Jonas (17892-4), à la grande satisfaction de Bauduïn qui « a voisin forment le desira » (17896). Chevalier d’une belle prestance, Robert se montre héroïque jusque dans les derniers vers de la chanson (20052). Il est peu probable
que le poète n’ait pas souhaité faire de lui l’un des protagonistes du dénouement perdu ! D’autant plus que cet étrange personnage, présenté comme le père de Bohémond*#, a été brutalement introduit dans le récit. Il n’aura échappé à personne, en effet, que l’attribution de la paternité de Bohémond est sujette à quelques flottements
#4 Voir les vers 17939, 17948 et 18563.
42
INTRODUCTION
dans la chanson : le poète avait, semble-t-il, pour dessein
originel de faire de Bauduïn le père de Bohémond : Ces .IL. enfanz [Renier et Bauduïn] dont ge vous ai parlé, De ceuls issirent Buevon et Tangeré. (vv. 5010-1)
Mais plus loin dans la chanson, le poète semble se raviser
et présente par deux fois Bohémond comme le descendant de Renier (11566, 13896). Le personnage de Robert Ricart serait-il l'invention d’un remanieur ? Ou bien faut-il voir dans ces repentirs successifs la manifestation de l’ordinaire désinvolture du narrateur ? Ce dernier, après tout, ne s’offusque pas que la fabuleuse Recuite soit offerte à Renier et par Ydoine à son départ de Venise (1987), et par Florentine lors de son adoubement (8203) !
Une ultime interrogation s’ajoute à celles-ci : la partie manquante du récit devait réserver une place à la rivalité des Guelfes et des Gibelins si l’on en croit l’annonce que fait le jongleur à la fin de la chanson : Or vous dirons, s’il vous vient a talant, Des .II. lignages conment vindrent avant. (vv. 17924-5)
Sur quel événement la chanson pouvait-elle bien s’achever ? Assurément pas sur l’accession de Renier au trône de Grèce, puisque le jongleur promet de relater les destinées des descendants de Bauduïn et de Pierrus ! Incomplètes, les ER pourraient aussi se révéler interminables.
INTRODUCTION
43
III. — ÉTUDE LITTÉRAIRE L’ostracisme tenace dont sont victimes les Enfances Renier ne tient pas tant à leur valeur littéraire intrinsèque — rarement analysée —, qu’à leur caractère tardif. Dans un cycle où abondent les chefs-d’œuvre, ce prolongement incongru, quoiqu'’attachant, du Cycle de Guillaume ne pouvait manquer de faire pâle figure : dans leur ouvrage sur la Geste des Narbonnais, M. Tyssens et J. Wathelet-Willem ne se sentent pas l’envie de s’attarder sur ce texte « où s’exténue la veine truculente et fantastique du cycle ». Plus préjudiciable encore est apparue l’indécision générique des ER. Empruntant leur schéma narratif et certains de leurs personnages au répertoire folklorique, accumulant sans retenue les rebondissements les plus invraisemblables, usant de l’entrelacement jusqu’à en étourdir le lecteur et
accumulant les « éléments aventureux et fantastiques », elles avouent une jubilatoire propension à succomber « aux
charmes
frelatés du romanesque” ». La sanction était
inévitable : d’aucuns
ont infligé à la chanson
la triste
épithète d’« épico-romanesque* » quand on ne lui a pas dénié « toute inspiration épique véritable” ».
3 M. Tyssens et J. Wathelet-Willem, op. cit., p. 77. 3% C. Cremonesi, Dictionnaire des Lettres françaises : Le Moyen
Âge, Paris, Fayard, 1992, p. 408. 37 CI. Roussel, « Le Mélange des Genres... », p. 65. % L. Harf-Lancner, « Le Baptême par le Feu : la Survivance d’un Rite dans trois Textes épiques tardifs », Au Carrefour des Routes d'Europe : la Chanson de Geste, II, p. 638.
# M. Tyssens et J. Wathelet-Willem, op. cit., p. 77.
44
INTRODUCTION
Il n’est pas inutile de rappeler le mépris dans lequel la chanson de geste tardive a longtemps été tenue : J.-Ch. Payen n’hésite pas à parler d’une « décadence de l’épo-
pée“? » observable dès la fin du XIF siècle et Ph. Ménard affirme qu’« au XIIT° siècle, la chanson de geste s’altère et devient romanesque. Hormis de rares exceptions, elle dégénère : la veine épique s’affadit ou se tarit*! ». La mixité générique de la chanson tardive était intolérable pour une critique qui établissait entre l’épique et le romanesque des barrières infrangibles et expliquait la dépravation de la chanson de geste par l’influence — nécessairement
corruptrice
—
du
roman
courtois.
En
réalité,
les
premiers essais de définition de la chanson de geste se fondaient sur un corpus trop restreint et trop exemplaire pour être représentatif et disaient moins ce qu'éfait la chanson de geste que ce qu’elle aurait dû être : « notre définition du genre, préconise W. Calin, se doit d’être tentative, inductive, provisoire et empirique — in re — et non prescriptive, déductive, normative, et ante rem“? ». La
critique de ces vingt-cinq dernières années n’a cessé de redéfinir la chanson de geste et d’écorner le mythe de sa
J.-Ch. Payen, Le Moyen Âge I : des Origines à 1300, Paris, Arthaud, 1970, p. 35.
“Ph. Ménard, Le Rire et le Sourire dans le Roman courtois en France au Moyen Âge (1150-1250), Genève, Droz, 1969, p. 20.
# W. Calin, « Rapport introductif » au Chapitre 3 : « Rapports entre Chanson de Geste et Roman au XIIF siècle », Essor et Fortune de la Chanson de Geste dans l'Europe et l'Orient latin, Actes du XI° Congrès International de la Société Rencesvals, Modena, Mucchi editore, 1984, II, p. 119.
INTRODUCTION
45
pureté originelle qui conduisait à mesurer les productions tardives à l’aune d’inaltérables parangons (la trinité Roland, Chanson de Guillaume, Gormont et Isembard). Autrefois décrit comme sujet à une inexorable dégénérescence, le genre est aujourd’hui présenté comme d’une remarquable vitalité, « ouvert au temps, aux traditions aussi bien qu’aux
modes et goûts de l’époque qu’il traverse“ ». Les rapports entre chanson de geste et roman ont été reconsidérés : des travaux ont mis au jour le caractère non unilatéral des influences et contribué à faire émerger le concept de confluence. Fr. Suard souligne le croisement — incomplet — des origines des genres épique et romanesque“ ; W. Calin démontre de manière magistrale le caractère simpliste et réducteur d’une conception antinomique des deux genres, proclamant que « l’intégrité d’un
genre n'existe pas“ » et D. Boutet observe que, dès la première moitié du XII° siècle, la chanson de geste offre « le spectacle d’un bourgeonnement des registres et de
#3 W. Kibler, « Relectures de l’Épopée », Au Carrefour des Routes d’Eu-rope : la Chanson de Geste, Actes du X° Congrès international de la Société Rencesvals, Senefiance n° 20, Aix-en-Provence, Publications du CUER MA, 1987, I, p. 124. # Fr. Suard, « Variations sur les Relations entre l’Épique et le Romanesque », « Pur Remembrance », Mélanges en Mémoire de W. A. Spiewok, édités par A. Berthelot, Greifswald, Reineke-Verlag, 2001, p. 283.
45 W. Calin, « Textes médiévaux et Tradition : la Chanson de Geste est-elle une Épopée ? », Perspectives médiévales, n° 8, janvier 1982, p. 122.
46
INTRODUCTION
l'ingestion de genres multiples“ ». La critique a également repensé la notion de romanesque, longtemps associée à l'influence néfaste du roman : B. Guidot préfère parler au sujet de la chanson de geste d’un « romanesque plus diffus, littérairement moins caractérisé” », Fr. Suard définit le
romanesque
comme
«un
art du récit »et W. Calin
affirme que la mutation progressive de la structure narrative de la chanson de geste, sensible dans les ER, s’explique moins par le désir d’imiter le roman que par la propension croissante des poètes à sacrifier à « un mode de la littérature universelle, le mode « romance »* ».
W. Kibler s’est pour sa part attaché à élaborer d’autres critères de réception pour ces poèmes tardifs : « l’erreur que nous commettons
[...] est de vouloir subsumer cette
littérature franchement populaire sous l'étiquette de la chanson de geste [..]. Je préfère limiter l’appellation de "chanson de geste" aux seules chansons animées par l’esprit guerrier, et qui enseignent et "enculturent" les
valeurs traditionnelles. » W. Kibler invente pour les
# D. Boutet, La Chanson de Geste, Forme et Signification d'une Écriture épique au Moyen Âge, Paris, PUF, 1993, p. 205. ‘ B. Guidot, Recherches sur la Chanson de Geste au XIIF siècle d'après certaines Œuvres du Cycle de Guillaume d'Orange, Aix-enProvence, Publications de l’Université de Provence, 1986, I, p. 589.
% Fr. Suard, « La Chanson de Geste en France », Chanson de Geste et Tradition épique en France au Moyen Âge, Caen, Paradigme, 1994, p. 71.
® W. Calin, « Rapport introductif », p. 409. %W. Kibler, « La Chanson d’Aventure », Essor et Fortune de la Chanson de Geste dans l'Europe et l'Orient latin.., I, p. 515.
INTRODUCTION
47
chansons tardives une nouvelle étiquette générique, celle de chansons
d'aventure,
plus propre,
selon
lui, à rendre
compte des spécificités de ces chansons-fleuves où le narratif prime le lyrique, mais dont les auteurs se sentent cependant fortement liés par la tradition de la chanson de geste : en effet, « dans ce que P. Zumthor appelle leurs "micro-contextes" — versification, laisses, formules, motifs, etc. — ces œuvres s’apparentent à la chanson de geste
traditionnelle” ». Mais la contradiction inhérente à cette recatégorisation n’apparaît que trop clairement : tout en prétendant réhabiliter les poèmes tardifs, W. Kibler se refuse à les considérer comme de véritables chansons de geste. D’aucuns
manifestent
moins
de frilosité : « [I]es
poèmes tardifs restent des œuvres vivantes, où l’on décou-
vre la persistance de traits initiaux” » note Fr. Suard, qui n’emploie jamais pour les désigner d’autre terme que celui d’épopée tardive. CI. Roussel observe que le concept de chanson d'aventures tend « à surestimer les écarts [...] Ces
dernières chansons de geste ne revendiquent ni n’affichent aucune rupture : elles prolongent et amplifient des courants
présents dès les textes les plus anciens” ». C’est l’ambiguïté de la relation à la tradition qui fait l’intérêt d’une
Sudaip.:510:
3 Fr. Suard, « L'Épopée française tardive (XIV°-XV° s.) », Études de Philologie Romane et d'Histoire Horrent, Liège, 1980, p. 449.
3 C1. Roussel, « L'Automne
Littéraire
offertes à Jules
de la Chanson de Geste », La
Tradition épique, du Moyen Âge au XIX° siècle, Cahiers de Recherches médiévales, n° 12, Paris, 2005, pp. 15-6.
INTRODUCTION
48
chanson telle que les ER. Banales, routinières, fidèles aux
conventions de la chanson de geste au point, parfois, de paraître rétrogrades, les ER sont paradoxalement travaillées par un désir d’affranchissement ; à ce titre, elles apportent un précieux témoignage sur l’évolution du genre épique au tournant des XIIT° et XIV* siècles.
A) Une intégration cyclique problématique Au XII siècle, cédant à « une tendance à la totalisation** » ou à ce que L. Gautier a durement qualifié de
« monomanie
cyclique” », les compilateurs
recueillent
dans de vastes manuscrits les chansons narrant la Geste de Guillaume, tout en les ordonnant selon un principe généalogique. Cette cyclisation rétroactive, dont le but était de conférer à un disparate de poèmes ce que Proust appelle une «unité ultérieure® », est allée de pair avec une « enrégimentation forcée” » : les manuscrits cycliques ne sont ainsi pas exempts de « jeux » et de repeints grossiers.
# B. Guidot,
« Constitution
de Cycles
épiques : Études
de
quelques Jalons », Sommes et Cycles (XIF-XIIF Siècles), actes des colloques de Lyon (mars 1998-mars 1999) réunis par M.-E. Bély, J.-
R. Valette & J.-CI. Vallecalle, Les Cahiers de l’Institut catholique de Lyon, 30, Lyon, Université catholique de Lyon, 2000, p. 26.
$ L. Gautier, « L’Épopée nationale », Histoire de la Langue et de la Littérature française des Origines à 1900, sous la direction de Louis Petit de Julleville, Paris, Armand Colin, 1896, I, p. 103.
$ M. Proust, La Prisonnière, édition J. Milly, Paris, GF Flammarion, 1984, p. 258.
$7 L. Gautier, art. cit., p. 103.
INTRODUCTION
49
Si Bl, comme
le fait remarquer N. Andrieux-Reix, repré-
sente « la dilatation maximale de l’encyclopédie guillaumienne jusqu’à sa quasi émancipation », B°, notre manuscrit, en constitue en revanche « la forme optimale [...] en regard de la cohésion matérielle et de la cohérence narrati-
ve ». À la différence du compilateur de B!, qui ne se soucie guère de maîtriser la « prolifération narrative” », l’arrangeur de B° témoigne d’un double effort d’ordination chronologique (recours fréquent à des incidences) et d’ajustage cyclique (importants remaniements, sélection des chansons). La présence des ER dans ce seul manuscrit ne peut manquer d’intriguer : est-ce imputable à son statut tardif, à son « insuccès complet » ou à son intégration cyclique problématique ? Le crépuscule des Aymerides
Manifestant « un caractère tout à fait particulier au genre épique médiéval : la tendance de tout récit à prendre place
8 N. Andrieux-Reix,
« La dernière
Main : Approche
de Fins
cycliques », Littérature épique au Moyen Âge. Hommage à Jean Fourquet pour son 100° Anniversaire, Reineke-Verlag Greifswald, 1999, p. 117.
# N. Andrieux, « Un Programme d’Écriture et sa Réalisation: les Manuscrits BI et B2 du Cycle de Guillaume », Romania, 104, 1983, p231
© J, Runeberg, op. cit., p. 169.
50
INTRODUCTION
dans un cycle! », l’intertexte guillaumien affirme partout sa présence dans les ER. Dès protagonistes de la Geste sont nisme qui laisse assez paraître « familiarité entre conteur et
les premières laisses, les mentionnés avec un lacocette « connivence », cette auditeur » que signale KR.
Colliot®?. Nulle nécessité pour le poète de revenir sur la glorieuse destinée de Guillaume « dont vers chantent plusour » (406) ni d’enrichir la caractérisation des personnages emblématiques du Cycle : Guillaume au Cour Nez (157) reste impétueux, Guibourc a la clere façon (119) réfléchie, Gyrart le poigneour (378) preux, Bertran le tymonier (214) redoutable et Tibaut li Esclavon (985) vil. Les apparitions sporadiques de Guïelin (215), de Guichart (144), de Gaudin (144) ou de Guinemant (725) sont des clins d’œil aux chansons antérieures. L’allégeance à la
tradition se manifeste jusque dans l’onomastique sarrasine : les noms chamarrés dont le poète affuble ses amirants — Rubÿon, Salatré, Josué, Butor ou Barré — sont familiers aux auditeurs. Les ER se présentent comme une fin de cycle : le temps, en effet, a passé et les Aymerides sont fatigués : Bertran et
J.-P. Martin, Les Motifs dans la Chanson de Geste : Définition et Utilisation (Discours de l’Épopée médiévale, 1), Thèse de Doctorat de Troisième Cycle soutenue devant l’Université de Paris III, directeur : J. Dufournet, Centres d'Études médiévales et dialectales, Université de Lille III, 1992, p. 231. ® R. Colliot, «Le Personnage de Renier dans les Enfances Renier : Romanesque et Conformisme », Enfances romanesques, PRIS-MA XII n° 2, Poitiers, 1996, p. 117.
INTRODUCTION
51
Gyrart approchent tous les deux les quatre-vingt ans (6907, 7404). Bertran brace quarree (2167) devient au fil du texte Bertran, le vieill barbez (6285), le poète soulignant que : « Viex iert et freles et moult iert afloibis » (14600). Gyrart li chenuz (7777), quant à lui, n’a de cesse de se lamenter « pour son lignage, dont il se remembra » (3889). Guillaume lui-même perd quelque peu de sa superbe. Si, au début du texte, le poète affirme que le Marquis « moult ot de vigour » (374), il prête à Guibourc agonisante des propos qui accusent l’âge de Guillaume : « Vous estes viex et chenu et barbez » (1368) lui déclare-t-elle pour le convaincre de renoncer aux armes. À l’instar de celui du Moniage Guillaume, le poète des ER, soucieux d’organisa-
tion cyclique, rappelle au lecteur que presque tous les membres du lignage de Guillaume sont morts. Dès le début de la chanson, Guillaume soupire : « Poi avons gent qui facent a prisier Fors mon neveu, Bertran le tymonier, Et Guïelin et Gyrart le guerrier, Et Maillefer, que je doi avoir chier » (213-6). On voit Gyrart, envahi par la lassitude et
le désabusement, déplorer l’extinction du lignage dans un implacable obituaire (3861-95). Bertran comprend lui aussi
qu’il a fait son temps (18820-5). Le thème du dépérissement du lignage revient dans la chanson comme un triste leitmotiv. À mesure que l'intrigue se dévide, les Narbonnais se retirent de la partie : au début de la chanson, deux messagers annoncent coup sur coup la mort des frères de Guillaume, Beuve de Commarchis et Guibert d’Andrenas. Puis c’est au tour de Guibourc d’expirer. Guillaume décide de se retirer du siècle. Mais l’hécatombe ne s’arrête pas là :
52
INTRODUCTION
Guïelin,
fils de Beuve, trouve
la mort,
de même
que
Guichart, neveu de Guillaume ; et Bertran finit écartelé. Même Tibaut, l’éternel ennemi, succombe à ses blessures.
Chanson
sombre
et nostalgique
scellant le déclin des
Narbonnais et l'émergence d’un nouveau héros d’extraction sarrasine, les ER font le vide autour du Marquis, annonçant l’ultime chanson du cycle, le Moniage Guillaume, dont Fr. Suard dit avec justesse qu’elle « ne donnera pas [à Guillaume] de successeurs capables de reprendre avec éclat [sa]
mission ». Au regard des tendances générales de l’extension cyclique observées par J. Frappier, les ER sont donc atypiques, offrant l’« exemple d’une véritable prolongation de la matière orientée vers l’avenir® » quand la règle, pour les chansons tardives, est de remonter aux origines de la Geste dans une sorte de rétrospection généalogique. La présence de cette « suite latérale® » dans le crépusculaire B° ne doit rien au hasard : écartant les chansons consacrées aux ancêtres Garin de Monglane et Girart de Vienne et
préférant les ER à Foucon de Candie, B° s’oriente vers l'extinction de la Geste, quand B’ remontait à ses origines.
$ Fr. Suard, « Héros et Action héroïque des Batailles de Larchamp au Moniage Guillaume », Medioevo Romanzo, La Chanson de Geste
e il Ciclo di Guglielmo d'Orange, Atti del Convegno di Bologna, 7-9 ottobre 1996, Roma, Salerno editrice, 1997, pp. 237-8. # Ph. E. Bennett, Carnaval héroïque et Écriture cyclique dans la Geste de Guillaume d'Orange, Paris, Champion, 2006, p. 186.
$ C'est ainsi que J. Frappier désigne les chansons qui relatent les exploits des neveux, ou des fils des neveux, de Guillaume (op. cit., p. 63).
INTRODUCTION
53
De manière paradoxale, cette fin de cycle que constituent les ER se réalise sous les espèces d’un récit d’enfances,
mais d’un récit d’enfances hors norme. En baptisant notre
chanson Enfances Renier*, C. Cremonesi
instaure un
$ La dénomination d’enfances se justifie-t-elle pour Renier ? Si le propre de ce sous-genre épique est de narrer les années de la vie du héros qui précèdent son accession à la dignité chevaleresque et la façon dont « encore inconnu, [il] révèle tout à coup sa valeur » (Fr. Suard, « Chansons de Geste et Mises en Prose : Développement du Récit d’Enfances », Perspectives médiévales, n° 3, 1977, p. 71), force est de constater que les ER ne consacrent que peu de place à la formation
chevaleresque
du
héros.
Pour
justifier
son
titre, C.
Cremonesi cite les vers 2042-5. Prenant place au moment où Renier quitte Venise pour partir à la recherche de ses origines, cette anticipation coïncide avec une articulation du récit : le jongleur annonce à l'auditoire qu’il va chanter les enfances de Renier, lesquelles prennent fin avec son adoubement, à l’âge de treize ans (8148-9). La dénomination d’enfances ne vaut que pour une section du récit, notre chanson se proposant de retracer la destinée entière du héros. Toutefois, D. Maddox note qu’au XIII siècle le « cycle biographique de l’individu, auparavant découpé en moments discrets, chacun ayant son poème, tend [...] à être assimilé aux dimensions relativement closes d’un texte » (« Les Figures romanesques du Discours épique et la Confluence générique », Essor et Fortune de la Chanson de Geste, Actes du XT Congrès International de la Société Rencesvals, Modena, Mucchi editore, 1984, II, p. 520). On
a ainsi affaire à une « plus grande contextualisation du héros » alors que « les héros des premiers poèmes épiques [...] se caractérisent par une chronicité relativement restreinte » (id., p. 519). Les ER ne font donc pas partie de ces œuvres « qui se consacrent tout entièr[e]s à l’histoire d’un héros en formation », mais se rattachent au dernier des trois types d’enfances que répertorie Fr. Suard qui « se proposent de
INTRODUCTION
54
parallélisme trompeur avec les autres enfances de la Geste. J. Frappier a montré que l’extension cyclique « dans la biographie des héros, a procédé presque régulièrement au rebours de la chronologie ; les exploits de l’âge mûr ont devancé ceux de la jeunesse et les récits des « enfances », des prouesses précoces qui n’attendent pas le nombre des
années’ ». Alors que les autres enfances du cycle viennent s’enter a posteriori sur matrices, les ER n’ont pas rattachée tardivement à la vie succès a précisément rendu
une ou plusieurs chansons«le caractère d’expansion d’un héros épique auquel le intéressant de donner des
enfances® ». Non analeptiques, elles ne sont pas soumises à une fin (le début de la chanson-matrice) qui préexisterait à leur composition. Renier est une invention de l’auteur, qui emprunte néanmoins son nom à l’histoire lignagère*”.
Le crépuscule des Aymerides coïncide avec la montée en puissance du lignage de Raïinouart. Une grande partie du personnel des ER est ainsi issue de la Geste Rainouart. Si Maillefer l’Esclavon est nommé dès la fin d’Aliscans, d’autres personnages n’apparaissent que dans la Bafaille Loquifer : l’infâme Piecolet ; Otran de Lymes ; Josué, le
donner une biographie complète du héros » (« Chansons de Geste et Mises en Prose... », p. 72).
SJ. Frappier, op. cit., p. 63. $ J.-Ch. Herbin, « Les Enfances « romanesques«de Hervis de Metz », Enfances romanesques, PRIS-MA XII : n° 2, Poitiers, JuilletDécembre 1996, p. 35. ® Maillefer baptise son fils Renier « pour son ancestre [...], Celui de Gennes qui tant fu voillans hon » (137-8).
INTRODUCTION
55
conseiller de Tibaut, ainsi que Corbon, qui voue à son demi-frère
Maillefer
une
haine
mortelle.
Florentine,
Grebuede et le chambellan Madïant font irruption à la toute fin du Moniage Rainouart de B°. Dans cette distribution, Maillefer se taille la part du lion et s'impose, avec Renier,
comme le héros de la chanson. Couronné par Guillaume à Loquiferne, le jaians del rene d’outremer”® a mûri depuis le MR et se substitue à Guillaume en chef des Narbonnais,
à tel point qu’on le voit s’adresser à Gyrart comme à son neveu (1523) ! Florentine possède un caractère bien trempé et une mâle vigueur (17488-9) qui l’apparente à Guibourc. Pour parfaire le « renouveau oblique de la famille de
Narbonne”! » commencé
avec l’union de Rainouart et
d’Aélis, le poète multiplie les analogies entre les couples Guillaume-Guibourc et Maillefer-Florentine : Maillefer et Guillaume sont aussi prompts à embarquer pour Loquiferne que Guibourc et Florentine déterminées à les ramener à la raison ; après le départ de leurs époux, Guibourc et Florentine tombent dans la même langueur ; les lamentations de Maillefer regrettant la perte de son fils sont une transposition de celles de Guillaume pleurant Guibourc. Geste de Guillaume ou Geste de Rainouart ?
N.
Andrieux-Reix
observe
avec
pertinence
qu’« à
Foucon, [...] amoindrissant l’importance de Rainouart [...],
70 Moniage Rainouart II, éd. Bertin, v. 1312.
71 B. Guidot, « Aélis et Rainouart dans la Chanson des Aliscans : un Renouveau oblique de la Famille de Narbonne », Travaux de Littérature, IX, 1996, p. 21.
56
INTRODUCTION
B? préfère Renier qui prolonge et parfait le sous-cycle de Rainouart”? ». Excroissance rainouardienne, les ER se révèlent rétives à l’ajustage cyclique comme le prouve le choix du compilateur de faire se succéder les ER et le Moniage Guillaume. Choix, car rien ne s’opposait, sur le plan chronologique, à ce que le MG soit placé en incidence aux ER : le départ de Guillaume pour le couvent d’Aniane est relaté à la fois dans les ER et dans le MG ; tout du
moins dans B’ car, on le sait, le MG de B° est amputé du début. Ce début (les deux premières laisses, en particulier) était sans doute différent de celui de B/, l’arrangeur ayant dû le remanier pour éliminer tout doublon. Le choix de clore le manuscrit sur le MG ressortit au souci de parfaire l’organisation cyclique en disposant les chansons autour de la figure de Guillaume. L’arrangeur, jamais, ne perd de vue
qu'il doit préparer la transition avec le MG. Après sa retraite, le Marchis au Court Nez continue de faire parler de lui dans les ER : « Bien a .VII. anz que cest païs lessa » se lamente Gyrart (3885). Et le poète de préciser lors de la mort de Bertran : «.XJIII. anz, ce dist l’autoritez, Vesqui aprés le Marchis au Court Nez » (18856-9), détail stratégique en ce qu’il justifie la postposition du MG aux ER. La subordination qu’opèrent les incidences” est hiérarchique tout autant que chronologique — « la forme des incidences
7 N. Andrieux-Reix, « La dernière Main », pald 7 7 « Incidence de Renier » indique P. Paris dans le sommaire du volume. Le terme ne figure pas dans le manuscrit.
INTRODUCTION
57
ne révèle aucune réciprocité, souligne N. Andrieux, mais
un ordre contraint”. » - Les ER ne se cachent pas d’être un hypertexte : dans le nom de Renier retentit l’écho de celui de son aïeul, Renoart, dont Corbon rappelle qu’il « est pieça trespas-
sez » (6695). Tout comme la Bataille Loquifer et le Moniage Rainouart s’inspiraient d’Aliscans et accusaient le mimétisme entre Rainouart et Maillefer, les ER continuent
et répètent à satiété la BL et le MR,
dessinant
« une
hérédité de destin singulière” » entre le fils, le père et le grand-père. Au-dessus du berceau du héros se penchent
trois fées, comme au-dessus de celui de Rainouart*. Les scènes au cours desquelles Florentine interroge Renier sur ses origines semblent une réminiscence de l’épisode d’Aliscans où la perspicace Guibourc devine que Rainouart
est son frère”. Comme son père (936), Renier se distingue au combat en maniant un perchant similaire au légendaire tinel de son aïeul et suscite l’admiration apeurée des Sarrasins : « Je croi que c'est Renouart a perchant, Qui morz estoit [...] Revesqui est » (3588-90). Conformément à ce que l’on observe dans Aliscans, « l'emploi de
l’épée, signe d’honneur et instrument rituel de la chevalerie, va se substituer péniblement au maniement anarchique
# J., p. 231. FR. Colliot, art. cit., p. 117. 7 Moniage Rainouart II, éd. Bertin, vv. 4074-8. 77 Aliscans, publié par CI. Régnier, Paris, Champion, « CFMA », 1990, laisse
LXXX VIII.
58
INTRODUCTION
et sans art de la massue traditionnelle”# ». Au début de la chanson, le bacheler refuse de combattre avec une épée, mais accepte néanmoins, pour remplacer son perchant brisé, le branc que Gyres et Gyrart suspendent à son arçon (3081).
Même
après son
adoubement,
Renier
se révèle
maladroit dans le maniement de l’épée : « Ce brant ne vaut noiant : Miex vaut assez une mace pesant » le voit-on s’exclamer (12335-6) ; et le poète de préciser qu’« une mace en ses mains portera Quar greignor cop que d’espee en ferra » (13558-9). L'auteur n’a de cesse de souligner la ressemblance de Renier avec son père : « À la maniere et au contenement Resembloit bien Maillefer le puissant » (3443-4). Comme
Maillefer dans la BL, Renier est enlevé à Pourpaillart par un magicien et conduit en terre sarrasine, ce que rappelle Guibourc (520). De la même manière que Piecolet, dans la
BL, paralysait la nourrice de Maillefer grâce un charme, Grymbert use. de ses pouvoirs pour endormir celle de Renier. Murgalet est attendri par son petit prisonnier comme autrefois Piecolet par Maillefer. Tabardin, par ses apparitions spectaculaires, inspire à Renier le même effroi que le géant Loquifer en inspirait à Maillefer par ses guérisons
successives.
Comme
son père, Renier terrasse
force géants en combat singulier. La scène de la BL dans laquelle le devin Otran annonce à Desramé la naissance de
7 A. Moisan, « Du Tinel à l’Épée ou le lent Apprentissage du Métier des Armes chez Rainouart au Tinel », Le Geste et les Gestes
au Moyen Âge, Senefiance n° 41, Université de Provence, Aix-enProvence, CUERMA, 1998, pp. 429-41.
INTRODUCTION
59
Maillefer est littéralement plagiée par l’auteur des ER (6732-52). Maillefer lui-même, dont Rubïon dit « qu'il a plus force n'ot Renoart d'assez » (680), se remémore le tour françois « que li aprist Renoart au perchant » (5426), combat avec la loque léguée par son père (8312-4) et exprime la volonté, à l’instar de Rainouart dans le MR, de s'emparer de la tour d’Aïète (396). On relèvera d’autres références à la Geste Raïinouart : Maillefer fait allusion à sa défaite contre Rainouart, relatée dans le MR (392-S5) et rencontre
son demi-frère, Corbon, qu’a conçu son père avec Morgue dans la BL ; Piecolet, qui enlève Maillefer dans la BL et feint de se convertir à la fin du MR, reprend du service -
dans les ER, où se montre plus fourbe que jamais ; Mauduis de Rames, personnage d’Aliscans puis de la BL, réapparaît dans les ER. M. Tyssens et J. Wathelet-Willem ajoutent que « les combats singuliers dans une île et le thème du baume qui guérit les blessures sont aussi emprun-
tés » à la BL et au MR”. Les ER reviennent sur les enfances sarrasines de Maillefer, mais en donnent une version qui ne concorde pas avec celles de la BL et du MR. Un vide affecte la biographie de Maillefer : que s'est-il passé entre son enlèvement, relaté dans la BL, et sa réapparition en chef sarrasin dans le MR ? La BL et le MR comblent, chacun à leur manière, cette lacune, la version « de la BL rendant impossible le rôle de Maillefer comme chef des Sarrasins dans le poème suivant .[...] Dans la BL [....], Thibaut, après avoir reçu le fils de
9 M. Tyssens et J. Wathelet-Willem, op. cit., p. 123.
60
INTRODUCTION
Rainouart des mains de Pecolet, livre le bébé, son propre
neveu, à une méchante nourrice pour qu’elle le mette à mort ; mais Pecolet sauve l’enfant par enchantement [...] et l’emmène dans son pays de Montnuble, où il grandit dans les meilleures conditions [...]. Dans le MR tous les manuscrits sont d’accord pour raconter autrement cette affaire [...] : après avoir été élevé en tout amour par Thibaut [...], Maillefer est adoubé par ce même oncle® ». Dans les ER,
jamais Maillefer n’évoque la dilection de Tibaut à son égard. Des sept années qu’il a passées à Loquiferne, il ne garde que de mauvais souvenirs (596-7) et un violent ressentiment à l’égard d’Abrachemont le gris : « Qui tant de malz me fist quant fui petis Pour sa serour, que il dist que j'ocis, En Loquiferne, ou d’aucuns fui haïs. » (262-4) Mais qui est cet Abrachemont dont l’existence n’est attestée par aucune autre chanson ? Faut-il y voir une allusion à un épisode relaté dans une chanson perdue, des
Enfances Maillefer, par exemple ? L’hypothèse d’un Maillefer perdu a été jugée « infiniment probable » par J. Runeberg, qui avait noté que l’anticipation se rapportant à Maillefer à la fin d’Aliscans ne concordait pas avec la version proposée par les chansons ultérieures*!.
Le Moniage Rainouart I, éd. Bertin, pp. LI-LIV. # J. Runeberg, op. cit., pp. 121-2. Dans la BL, Maillefer, suite à son enlèvement, est amené chez l’amirant Charbonné à Odierne. Peu de temps après, il est conduit à Loquiferne, ce que ne mentionne pas Aliscans. Tibaut exprime le désir de le tuer. Maillefer est enlevé par Piecolet et conduit au royaume imaginaire de Monu. Nulle allusion au couronnement de Maillefer et à la reconquête de l'héritage de
INTRODUCTION
61
L’arrangeur de B° a pris soin de remanier le dénouement du MR pour permettre l’intercalation des ER. Dans B!, la fin du MR est marquée « par l’intervention du remanieur cyclique qui a ménagé une transition avec la chanson de Foucon de Candie, dans laquelle ni Rainouart ni son fils ne
jouent de rôle [..] Le héros se retire à l’abbaye pour y mourir
bientôt ; Maillefer,
attristé, meurt
bien vite, lui
aussi. Thibaut recommence la guerre, et l’œuvre se termine sur les lamentations de Guillaume et de Guibourc® ». Rien de tel dans B° qui offre un dénouement qui lui est propre : le remanieur relate la capture et la conversion feinte de Piecolet. Raïinouart, qui a investi Maillefer de
Pourpaillart, exprime le vœu
de lui donner une épouse
avant de se retirer. Guillaume choisit Florentine, la « fille
[..] au roy des illes desus mer“ ». Une ambassade de quinze messagers conduite par Bertran, Guinemer et Gyrart de Commarchis est dépêchée auprès du roi Grebuede. Ce dernier donne son accord et confie au chambellan Madïant le soin de veiller sur sa fille. Les noces sont célébrées sans
Desramé dans la BL et le MR ; l’anticipation ne se réalise que dans les ER. M. Tyssens observe que le passage de la BL relatif à Graindor de Brie « est précédé d’allusions obscures à des aventures que Maillefer aurait vécues en compagnie de Picolet et qui ne sont rapportées nulle part [...] Guillaume de Bapaume a éliminé (pour insérer sa BL), sinon tout un poème, du moins un épisode assez important, relatif aux aventures de Maillefer » (« La Composition du . Moniage Raïnouart », p. 595).
#2 Jd., p. XLI. Le texte est donné en annexe dans Le MR I et III, éd. Bertin, I, pp. 337-8. S'palluokS lie av.
INTRODUCTION
62
tarder. « Tout est en place pour le poème de Renier lorsque Rainouart prend congé de ses amis pour retourner à son
couvent de Brioude“ L’Élargissement cyclique
L'invention de Renier permet de donner un nouveau souffle au cycle de Guillaume puisque le poète fait de Renier et d’Ydoine les parents de Tancrède”, l’un des héros de la première croisade (11563-70). Au mystérieux Robert Ricart est attribuée la paternité de Bohémond, l’oncle de Tancrède. Dans le nom de Robert Ricart se lit,
à peine déguisé, celui du normand Robert Guiscard qui fit la conquête de la Calabre et de la Pouille en 1059 et 1071, ainsi que de la Sicile avec son frère Roger entre 1060 et 1072. Dans les faits, Robert est bien le père de Bohémond. Mais pour résoudre le problème du lien avunculaire entre Bohémond et Tancrède, le poète n’a eu d’autre choix que de marier Robert Ricart à... la mère d’Ydoine, qui est aussi la grand-mère de Tancrède. Facilité généalogique* à peine
dissimulée : la mère
d’Ydoine, utilité
furtive
et
Bt, ML Tyssens, La Geste de Guillaume d'Orange dans les Manus-
crits cycliques, p. 374.
5 « L’épithète que l’auteur de la Chanson d'Antioche donne à Tancrède, « fils à la sacant », ou à la sage, à la magiciens est ainsi justifiée » (P. Paris, op. cit., p. 544). On ne manquera pas de relever d’autres libertés prises par le poète avec la généalogie de Robert Guiscard : dans notre texte, le Vicomte Roger est présenté non comme son frère, mais comme son seigneur.
INTRODUCTION
63
anonyme, apparaît tardivement dans la chanson à la faveur d’une coïncidence calculée : alors que Renier et Robert font voile vers Messine, ils croisent le navire de Moradas,
qui a enlevé la veuve de Brunamon. Robert tombe sous le charme de la mère d’Ydoine et l’épouse. Les ER opèrent la jonction entre le cycle de Guillaume, qu’elles achèvent et le premier Cycle de la Croisade, qu’elles fondent. Le pèlerinage de Renier à Jérusalem préfigure la première Croisade : Renier baise le Saint Sépulcre, porte des offrandes au Temple et parcourt la ville pendant deux jours « pour vir les liex ou Jhesu Crist passa » (19727). Les chansons tardives sont « nourries du
rêve de croisade qui hante le XIV siècle [...] On comprend dans ces conditions [que] le Cycle de la Croisade fournisse
une toile de fond et une référence commune à nombre de ces textes®” ». Les ER participent de ce mouvement que J. Frappier a appelé l'élargissement cyclique”, c’est-à-dire au désir des compilateurs de relier entre eux les différents cycles. Si J. Runeberg a durement fustigé cette « manie
cyclique” » qui conduit l’auteur à commettre un lourd anachronisme, Fr. Suard, sensible à la valeur symbolique
d’une telle filiation, fait remarquer que « dans ces conditions, les exploits des héros carolingiens, Vivien, Guil_ Jaume ou Renouaïrt, trouvent leur achèvement [..] dans
#7 C1. Roussel, « L’Automne de la Chanson de Geste », p. 25. 88 J. Frappier, op. cit., p. 64. # J. Runeberg, op. cit., pp. 112-3.
64
INTRODUCTION
l’action des conquérants-de la Terre Sainte dont ils sont,
par le sang et la valeur, les pères” ». Sous l’influence du cycle des chansons de croisade, la distance temporelle propre à l’épopée traditionnelle tend à se réduire. Les références historiques qui innervent les ER ancrent nettement l’action dans un temps post-carolingien : nombreuses sont les allusions obliques à la quatrième Croisade, en particulier à l'expédition en faveur de la restauration d’Isaac II l’Ange, écarté du trône de Constantinople par l’usurpateur Alexis III, son propre frère (dans notre chanson, c’est Bauduïn qui est dépossédé du royaume de Grèce par son frère Pierrus, fils illégitime du roi Richier). Isaac l’ Ange avait promis aux croisés, s’il était restauré, de mettre l’empire byzantin sous l’autorité religieuse de Rome. Mais la révolte conduite par Alexis Doukas Murzuphle ne lui permit pas de tenir ses promesses. Le 13 avril 1204, Constantinople fut mise à sac par les croisés et les Vénitiens. Baudouin [°, comte de Flandres et homonyme du Bauduïn de notre chanson, accéda au trône impérial”. C’est là la destinée que les fées prédisent à Renier.
* Fr. Suard, « Chanson de Geste traditionnelle et Épopée de Croisade », Au Carrefour des Routes d'Europe : la Chanson de Geste, II, p. 1038.
*! P. Alphandéry et A. Dupront, La Chrétienté et l’Idée de Croisade, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l’Évolution de
l'Humanité », 1995, pp. 298-300.
INTRODUCTION
65
Plutôt qu’une utilisation « confuse » d’éléments historiques”, ces distorsions montrent que le poète pratique une «histoire rêvée qui se greffe sur des bribes éparses de
réalité” ». C’est avec le récit de la naissance de Tancrède, empreint de références christiques, que le fécond amalgame entre réalité et invention, histoire et légende, prend tout son sens. L’Archange Gabriel visite Ydoine la nuit de la conception de Tancrède. Il réapparait lors du baptême de l’enfant et laisse tomber devant l’archevêque un billet sur lequel sont écrits les noms de Tancrède et de Bohémond : « ce dist la letre Jhesu Crist a mandé Les .II. enfanz soient ainsi nommé » (18552-3). Leurs mères devront allaiter de leur propre sein les futurs croisés « quar Dieu le pere ce fere leur manda » (18568). Les ER se posent en prologue héroïque du premier Cycle de la Croisade. Dans un « raccourci saisissant et amusant”: », le poète imagine la conception simultanée de tous les protagonistes de la première croisade. Annonçant la délivrance du tombeau du Christ, le passage se veut moins référence à l'Histoire (la présence d’un fond historique est pourtant l’une des lignes de partage entre épopée et roman) — une Histoire du reste constamment réécrite — qu’affirmation d’une appartenance cyclique puisque sont cités les
2 C. Cremonesi, Dictionnaire des Lettres françaises, p. 408. 3 CI. Roussel,
Conter de Geste au XIV° siècle : Inspiration
- folklorique et Écriture épique dans La Belle Hélène de Constantinople, Genève, Droz, 1998, p. 230. % Fr. Suard, « Chanson de Geste traditionnelle et Épopée de Croisade », p. 1038.
66
INTRODUCTION
personnages qui deviendront les héros des Chétifs et de la Chanson d’Antioche. Le rôle cyclique dévolu aux ER confirme leur caractère tardif. Tout en signifiant de manière ostentatoire son appartenance à la geste de Guillaume, au point parfois de n'être que la redondance d’autres chansons, notre chanson s’élabore en marge de ce cycle ; à la différence des chansons tard-venues qui participent à l’extension du Cycle, elle n’opère pas une remontée aux origines de la Geste, mais s’ente sur la Geste Rainouart et met en scène l’extinction du lignage de Guillaume. Enfin, par un jeu d’allusions aux croisades, elle se présente comme le chaînon manquant entre la Geste de Guillaume et le premier Cycle de la Croisade. À la fois conclusion d’un cycle et relais vers un autre, les ER sont travaillées par un double souci d’intégration et d’élargissement cyclique. B) Un rapport ambigu aux codes épiques En apparence, les ER ont tout d’une chanson de geste : dans le respect des codes épiques, un jongleur intervient pour commenter l’action, le narrateur emploie toute une gamme de motifs narratifs et rhétoriques stéréotypés et la chanson se présente sous la forme d’une succession de laisses en décasyllabes. Loin de prétendre à une quelconque émancipation, l’auteur des ER n’a de cesse d’« affirme[r] sa maîtrise du genre, de ses conventions et de l’art de la technique narrative” ». Comme pour mieux se
* W. Calin, « Rapport introductif », p. 421.
INTRODUCTION
67
réclamer d’une filiation épique, les ER ont tendance à forcer le trait : les interventions du jongleur sont récurrentes, systématiques ; la stéréotypie, abusive, tend à étouffer toute innovation et à réduire la chanson à une constellation de clichés ; quant au découpage strophique, mécaniquement appliqué, il semble parfois artificiel. Le rôle du jongleur dans la conduite du récit
Conformément à la tradition épique, le récit des ER est ponctué par les interventions du jongleur. Interventions du jongleur, non du poète : le jongleur des ER ne revendique aucunement
la paternité du texte qu’il déclame, mais se
représente comme un récitant, « simple médiateur d’une tradition qui le dépasse, en connivence avec son public® » et se retranche derrière des formules telles que « ce soit on » (1000) ou « ce dit l’autorité » (18859). On le voit louer l’auteur de la chanson : « Seigneurs, oiez, por Dieu, qui tout fourma, Chançon d’estoire, bien ait qui la trouva » (11555-6). Les interventions du jongleur remplissent une fonction phatique : le mode d’exploitation de la chanson, donné comme oral, requiert une prise en compte de la situation d’énonciation. Le récitant apostrophe l’auditoire, sollicitant son attention et réclamant le silence,
sans oublier de s’attirer sa bienveillance. Il s’assure ainsi
% C1. Roussel, « Chanson de Geste et Roman : Remarques sur deux Adaptations littéraires du Conte de La Fille aux Mains coupées », Essor et Fortune de la Chanson de Geste dans l'Europe et l'Orient latin, IL, p. 582.
68
INTRODUCTION
que les meilleures conditions sont réunies pour la séance de récitation.
Pur
simulacre ; l’accentuation
des
marques
d’oralité est une « habitude dont témoignent surtout les textes tardifs”” » comme si leurs auteurs voulaient nous faire remonter « avant le XII siècle, à l’époque où l’on ne lisait pas encore des yeux les œuvres narratives, mais où on
les écoutait de la bouche des jongleurs.® » Le jongleur des ER est un simple personnage d’auteur : « Les auteurs inventent,
imaginent,
incluent
dans
leur récit de telles
interventions par des jongleurs fictifs, c’est-à-dire par euxmêmes en tant que jongleurs implicites, adoptant la persona des jongleurs et en empruntant leur voix narrati-
ve” ». Le souci de réalisme est poussé jusqu’à représenter le jongleur en appelant à la générosité de son auditoire (1186-7). Dans la plus pure tradition du genre, les ingérences du jongleur s’appliquent à « justifier [son] droit à la pa-
role"® » par le recours à divers boniments qui exaltent les mérites du poème. Le jongleur-bateleur souligne la belle facture de la chanson, vante l'intérêt du sujet et insiste sur le caractère exceptionnel des destinées qu’il va retracer. Mieux encore, il atteste la véracité de sa « bone
* M. Rossi, Huon de Bordeaux et l’Évolution du Genre épique au XII siècle, Paris, Champion, 1975, p. 128.
* M. Delbouille, « La Chanson de Geste et le Livre », p. 324.
*® W. Calin, « Rapport introductif », pp. 420-1. Ÿ E. Baumgartner, « Texte de Prologue et Statut du Texte », Essor et Fortune de la Chanson de Geste dans l'Europe et l'Orient
latin, I, p. 466.
INTRODUCTION
69
chançon de vraie autorité » (13886), s'appliquant à convaincre les sceptiques par d’énergiques affirmations : « Vraie est l’estoire, bien fet a recorder » (11563). En insistant sur la véridicité de la chanson, donc sur son
fondement historique, le jongleur accuse le caractère épique du texte. « Le recours à l’histoire est si bien la marque à quoi se reconnaît d’abord l’épopée que même dans les sous-produits tardifs du genre, note J.-M. Paquette, les auteurs de chansons de geste, tout en ayant abandonné plus d’un caractère propre à l’épopée, protesteront encore de la
véracité de récits invraisemblables!"! ». Les références historiques qui émaillent la chanson n’ont d’autre fonction que de conférer à des personnages et des événements imaginaires une historicité factice. « Pour le public de la chanson de geste, l’historicité n’a pas le sens moderne de la véracité des faits, mais sont historiques, à ses yeux,
tout événement
et toute
expérience
‘qui veulent
être
crus"!2 ».
D. Boutet a fort justement remarqué que les chansons tardives sont caractérisées par la « présence accrue de la voix du jongleur, [..] d’un jongleur qui ne se contente plus de commenter une action autonome, mais qui au contraire
10! J.-M. Paquette, « Épopée et Roman : Continuité ou Discontinuité ? », Études Littéraires, 4, 1971, p. 15. 12 H.-R. Jauss, « Chanson de Geste et Roman courtois », (Analyse comparative du Fierabras et du Bel Inconnu) », Chanson de Geste
und hôfischer Roman, Heidelberger Kolloqgium, 30 janvier 1961, Heidelberg, Carl Winter Universitätsverlag, 1963, p. 65.
70
INTRODUCTION
la dirige, voire la maîtrise” ». Omniprésent, le jongleur des Enfances Renier joue ün rôle capital dans la conduite du récit. Il lui revient de souligner les articulations essentielles de la chanson dans le cadre de « prologues internes! ». Par des bilans ponctuels, le jongleur permet au lecteur distrait de ne pas perdre le fil d’une intrigue surchargée de péripéties. Mais son rôle est surtout d’indiquer la marche future de l’action. Les ER s’ouvrent sur un bref prologue proposant un sommaire de l’action, procédé fréquent dans les chansons de geste — surtout tardives —, mais aussi dans les romans d’aventures. Les anticipations épiques qui parsèment la suite du récit servent moins à conférer à la geste de Renier la tragique solennité d’une destinée qu’à piquer ou raviver la curiosité du lecteur. Le jongleur entretient le suspens en ménageant des zones d'ombre sur la manière dont les événements vont se dérouler et en multipliant les fausses anticipations (ou présages) qui laissent planer un doute angoïissant sur l’issue d’une péripétie : « De fain mourra se Diex n’en a pitez ! » (480) Mais s’il se plaît à laisser craindre le pire, le jongleur ne répugne pas à mettre fin à un suspens par trop insoutenable au moyen d’une anticipation jouant le rôle d’un
« contrepoids
rassurant
pour
l’auditoire
chrétien!® ».
L’« union émotionnelle qui se crée entre l’auteur et son
'® D. Boutet, La Chanson de Geste, p. 203. "J.-P. Martin, Les motifs dans la chanson de geste, p. 246. 15 B. Guidot, Recherches sur la Chanson de Geste au XIIT siècle,
IL p. 658.
INTRODUCTION
gi
public® » n’a de cesse de se manifester. Dans les passages les plus dramatiques, le jongleur prend position au nom de la communauté, plaignant ou condamnant les person-
nages. Les interventions du jongleur sont rendues d’autant plus nécessaires que le poète recourt aux procédés romanesques de l’entrelacement et de l’enchâssement. Pivot de cette machinerie complexe, le jongleur a pour fonction d’organiser la matière narrative, signalant les transitions et débrouillant l'intrigue principale de l’écheveau des histoires secondaires. Dès les premières laisses, le poète disperse ses personnages le long du pourtour méditerranéen : alors que Guillaume et Maillefer embarquent pour Loquiferne, Renier est enlevé à Portpaillart et conduit à Venise. Deux histoires distinctes sont alors menées de front : l'expédition militaire des Narbonnais d’une part, le périple de Renier d’autre part. Avec le retour de Guillaume et Maillefer à Portpaillart, une troisième intrigue se greffe aux deux premières : Bertran, à qui a été confié la garde de Loquiferne, subit les assauts de Butor. Cette ubiquité de l’action rend la trame narrative d’une grande complexité. Le parallélisme,
à la différence
de
la consécution
pratiquée dans les chansons plus anciennes, dynamise le
récit”, Notre poète maîtrise tout particulièrement l’art de l'interruption : Maillefer, mortellement blessé, est tombé
1% H.-R. Jauss, art. cit., p. 75. 17 Nous empruntons l'opposition entre la consécution et le
parallélisme à Fr. Suard (Guillaume d'Orange : Étude du Roman en Prose, Paris, Champion, 1979, pp. 176-7).
INTRODUCTION
12
aux mains de l’ennemi. Ses poings sont liés. La tension est à son comble. Quel meillèur moment pour suspendre la narration ? La transition est expéditive : « Diex, qu'or nel set Renier chiere membree ! » (11769) s’exclame le jongleur avant d’embrayer sur les tribulations de Renier à la recherche d’Ydoine. À la laisse DLXX, les assiégés de la tour de Baudune font bombance. Réconfort de courte durée : « Or vous dirons, qui bien l’escoutera, De Marbriens conment il esploita : Ceuls de la tour durement menaça » (15235-7). La sécheresse de la transition permet une brusque accélération du rythme narratif et accuse le contraste entre l’atmosphère de la scène du festin, joyeuse et festive, et le caractère sourdement péremptoire de anticipation. La place accrue réservée aux interventions du jongleur va de pair avec une modification de la structure narrative de la chanson de geste, qui gagne en complexité, mais aussi en efficacité. Aspects de la stéréotypie épique
À l'issue de ses réflexions sur le style de Huon de Bordeaux, M. Rossi se demandait « si un écrivain qui entreprenait une chanson de geste n’envisageait pas le style épique comme la marque même du genre et ne s’évertuait
pas à en respecter les procédés® ». Composées
par
agencement de clichés et de stéréotypes épiques, les ER ne contredisent pas cette affirmation. Une grande partie des matériaux narratifs de la chanson est réductible aux motifs
18 M. Rossi, op. cit., p. 204.
INTRODUCTION
73
narratifs®” répertoriés par J.-P. Martin.
Typiques
du
répertoire narratif épique, les motifs guerriers abondent dans les ER : attaque sarrasine, bataille générale, place assiégée, secours contre les Sarrasins et secours à un héros sur le point d’être exécuté (Maillefer et Bertran prêts à être écartelés,
Ydoine
sur le bûcher), prisonnier des
1® Parmi l’ensemble des travaux qui se sont efforcés d’appréhender la stéréotypie épique, la récente synthèse de J.- P. Martin, Les Motifs dans les Chansons de Geste, nous est apparue comme l’étude la plus pertinente et la plus complète. L'auteur y définit le motif narratif comme « une séquence narrative récurrente modifiant les rapports entre les acteurs qui y sont impliqués dans le sens d’une amélioration ou d’une dégradation. Il se définit à la fois par cette récurrence et par l'identité du système actanciel à l’intérieur duquel se transforment les rapports de devoir, pouvoir, vouloir, savoir, avoir ou être » (op. cit., p. 368). Le concept de motif narratif ne recoupe donc que partiellement le motif rychnérien dont D. Boutet, dans ses travaux les plus anciens, reste largement tributaire (la liste des motifs isolés par J. Rychner se trouve dans La Chanson de Geste, Essai sur l'Art épique des Jongleurs, Genève, Droz, 1955, pp. 128-30 ; consulter également l’index procuré par D. Boutet, enrichi de quelques motifs, Jean de Lanson : Technique et Esthétique de la
Chanson de Geste au XIII siècle, Presses de l’École normale supérieure, 1988, Paris, pp. 100-2). Le motif narratif tel que le définit J.-P. Martin se rapproche du motif macro-segmental (ou séquence) d’A. Crépin (« Formule, Motif et Thème : la Clarté dans la Chanson de Roland », Charlemagne et l'Épopée, Paris, « Les Belles Lettres », 1978, p. 354) et de la séquence narrative stéréotypée de M. Rossi (« Les Séquences narratives stéréotypées ; un Aspect de la Technique épique », Mélanges de Langue et de Litrérature offerts à Pierre Jonin, Senefiance n° 7, 1979, pp. 595-604).
74
INTRODUCTION
Sarrasins (captivités de Maillefer) et libération des prisonniers,
duel judiciaire
décidant
du
sort
d’une
bataille,
poursuite d’un ennemi jusqu’à la mer (poursuite de Tibaut, de Grandoce), mort du héros au combat (agonie de Guïelin), visite du champ de bataille et estimation des pertes, conversion des Sarrasins à l’issue d’une victoire (conver-
sion forcée des habitants de Loquiferne, de Venise et de Baudune, baptême d’Ydoine), embuscade (embuscade de Grebuede à Baudune, de Maillefer à Roche Agüe) et guet-
apens (Renier surpris par Corsabrin). Tout aussi récurrents sont les motifs narratifs où la parole l’emporte sur l’action : assemblée, conseil, espion, message
et ambassade.
On notcra le recours fréquent au motif du songe, qui, lors de la mort de Bertran, se trouve associé à celui du pressen-
timent et de la chasse tragique. D’autres motifs sont moins stéréotypés : princesse amoureuse (Ydoine, Gracïenne), mariage (noces de Renier et de ses amis), héroïne prisonnière (Ydoine enlevée par Salabrun ou retenue captive par son père) toujours lié au mariage forcé (Ydoine subissant les avances de Pinart et de Salabrun) et à la femme persécutée (Ydoine battue ou conduite au bûcher), enlèvement par les Sarrasins du fils
du héros, déguisement (Renier et Grymbert travestis en messagers sarrasins), don du fief (Maillefer offrant plusieurs seigneuries à Robert Ricart), adoubement (Renier adoubé par Grebuede et Bauduïn par Florentine), traître au service des Sarrasins (trahisons de Piecolet et Salabrun), pèlerinage (à Jérusalem), moniage (retraite de Guillaume), reconnaissance
(Corbon revèle son identité à Maïillefer,
INTRODUCTION
75
puis à Renier ; Bauduïn devine que Pierrus est son frère ; Renier montre sa croix royale à sa famille). Le poète des ER ne semble guère se soucier de dépasser la stéréotypie inhérente au genre : les motifs narratifs sont traités sans inventivité. Longue et monocorde, la chanson multiplie, mais ne varie pas, les péripéties. Le motif du duel (ou combat judiciaire décidant du sort de la guerre dans lequel J. Rychner voyait un fhème plutôt qu’un
motif)
est employé
à quatre reprises!!! de manière
symétrique : le combattant sarrasin s’arme, se rend sur l’île où doit se dérouler le duel et attend son adversaire avec impatience ; le combattant chrétien s’arme à son tour et
prend congé de ses proches ; après que le Sarrasin a insulté le chrétien, le combat s’engage ; le chrétien prend d’abord l’avantage sur le Sarrasin ; il est ensuite mis en difficulté ;
mais parvient finalement alors à l’emporter ; le duel dégénère alors en combat général. Le poète est enclin à « délayer » ce motif en répétant à l’envi certains clichés comme les renversements de situation. Les variations sont en nombre
limité, témoignant
de la rigidité du motif :
l’échange verbal entre Renier et Corbon est développé alors que, dans les autres duels, il se caractérise par sa brièveté ; au cours du duel Renier-Butor, les paroles rassurantes de Gonsent laissent augurer de l’issue heureuse du combat. Seul le combat général échappe à la « préfabrication ».
10 J, Rychner, op. cit., p. 129. 1 Maillefer contre Butor (5310-5578) ; Renier contre Corbon (8128-8598) ; Renier contre Butor (13295-13695) ; Renier contre Marbrien (15717-15907).
76
INTRODUCTION
Mais jamais le lecteur ne.se départ d’un sentiment de déjàlu. Des passages entiers de la chanson semblent ainsi décalqués les uns sur les autres. À l'écho externe, c’est-à-
dire à l’allusion plus ou moins fidèle à la tradition‘*, le poète joint l’écho interne, c’est-à-dire la réitération mécanique. L’ampleur démesurée du texte accuse encore cette incapacité à renouveler le traitement d’un motif. L'expression souffre de la même tendance à se réfugier dans les facilités de la stéréotypie : les groupements lexicaux sont conventionnels, fleurs et pierres (3623) tombent toujours ensemble des heaumes fracassés. Le poète ne se soucie pas d’appliquer au hauberc une épithète moins attendue que fremillon (7597). De même, le brant est brunis (14782), la targe listee (2451), le palés planier (2053), la broigne blanche con flor (1839) et la croupe du destrier tuilee (12225). D. Boutet a montré que le style des épopées tardives est marqué par la « prolifération des
chevilles’ » : les Enfances Renier n'illustrent que trop ce phénomène en usant immodérément de formules de rembourrage passe-partout caractérisées par leur vacuité sémantique : qui tant ot de renon (117), a la chiere membree (506) enz el pré verdoiant (7121), qui poise durement
(731), de viell ançoiseurie
(10909)
etc. Ces
formules — moules rythmico-syntaxiques jamais brisés où le poète coule et recoule inlassablement ses vers — imprègnent si densément la chanson « que l’on peut presque [la]
"7 Ed. A. Heinemann, L'Art métrique de la Chanson de Geste : Essai sur la Musicalité du Récit, Genève, Droz, 1993, p. 319.
16 D. Boutet, Jean de Lanson, p. 150.
INTRODUCTION
77
lire en sautant systématiquement le second hémistiche de
chaque vers!"*». Le poète emploie tout un arsenal de motifs rhétori-
ques'®, comme le motif descriptif de la reverdie, employé comme un « embrayeur narratif!!f », ou les motifs racontants du repas réparateur, concluant heureusement une bataille ou un siège, et du voyage, qui produit une impression de rapidité, surtout lorsqu'une formule en accuse le caractère elliptique : De ses journees ne vous iert conte diz (526). Les motifs guerriers, innombrables, illustrent bien le « caractère banal et rudimentaire de la
rhétorique » épique!} : chevaliers sous les armes, armée au départ, établissement du campement, revue des troupes et division
de
l’armée
en
bataillons,
mêlée
générale,
attaque aux armes de jet, combat à l'épée, poursuite, guerrier mourant récitant une prière du plus grand péril, héros dans la mêlée accomplissant une série d’exploits etc. Le poète éprouve une faiblesse particulière pour le motif du panorama épique, plus précisément pour la vue de la fenêtre, qui prépare invariablement un coup de théâtre.
4 C]. Roussel, « Le Mélange des Genres dans les Chansons de Geste tardives », p. 77.
MS J.-P. Martin définit le motif rhétorique comme un « schéma d’expression destiné à la traduction d’une action, d’une description ou d’un discours repérable par sa récurrence » (Les motifs dans la chanson de geste, p. 368). Hé Jd., p. 248.
17 M. Rossi, op. cit., p. 204.
78
INTRODUCTION
Quant au motif de l'armement, il n'apparaît pas moins de
vingt-cinq fois!!# ! Il présente une composition relativement fixe : le chevalier réclame ses armes, passe successi-
vement un hoqueton, un haubert et un heaume, ceint son
épée, puis monte sur sa monture. Toutes les occurrences du
motif ne se conforment pas exactement au modèle” détaillé dans notre thèse!? : celui-ci offre en effet un ensemble de variations et de combinaisons dont il est difficile de restituer la complexité, apparaissant moins comme « une structure contraignante » que comme « une
somme de potentialités"?! ». Si le chevalier mis en scène est sarrasin, le poète ajoute une touche d’exotisme
à la
séquence en enrichissant l’arsenal traditionnel! d’armes
8 Armement de Bauduïn (DCII), de Butor (LXXXV, CLXVIL CCV, CDLIV, CDXCV-CDXCVID), de Corbon (CCLXXV, CCCXCCCXID), de Corsolt (CCXXVIIT), de Maillefer (CCV, CCCXCII), de Marbrien
(DLXXXVIID),
d’Oeillart
(CCCXLIV),
(DCXXVII), de Renier (LXXIV, CXX, CXXXII, CCXXXI, CCCXII-CCCXII, CCCXLV, CCCXCIN, DLXXXIX) et de Tibaut (XXIX).
de Pierrus
CCXXXCDXCIX,
D. Boutet définit le modèle comme « un certain ordonnancement des clichés caractéristiques du motif » (La Chanson de Geste, p. 134).
"* Enfances Renier, chanson de geste du XIII siècle, édition, apparat critique et étude littéraire, thèse de doctorat sous la direction de B. Guidot soutenue à l’Université de Nancy II le 29 juin 2006, I, pp. 166-70.
1 D. Boutet, La chanson de geste, p. 134. Cet arsenal indifféremment attribué aux Sarrasins et aux chrétiens se compose du brant, de la mace, de la loke, et de l’épée. L’arsenal sarrasin est autrement pléthorique.
INTRODUCTION
79
orientales comme le fauxart, le flaiel, le maill ou d'armes
de jet comme
le dard ou le javelot, auxquelles les
chrétiens, par souci d'éthique chevaleresque, ne recourent pas. On appréciera la prégnance du style formulaire dans le traitement de ce motif: déclinées avec d’infimes variations selon les exigences de la rime ou du mètre, des formules stéréotypées — qui ne sont pour la plupart pas propres au motif de l’armement — sont associées selon des schémas récurrents qui constituent autant de clichés. La faiblesse du style des ER est de ne faire des motifs rhétoriques que des facilités d’expression et non le « support
spécifique d’un discours qui le[s] dépasse!* ». Si le métier du poète est incontestable, le lecteur ne peut que regretter la rareté des trouvailles poétiques et la désespérante platitude de l’expression. La technique de la laisse
‘ La chanson des ER n’est pas construite « à partir de la
laisse! » en ce sens que le récit n’obéit pas strictement au découpage strophique. À l'instar du Moniage Guillaume, notre chanson apparaîtrait à J. Rychner « de structure
1% Notons que si Maillefer se saisit d’un fauxart à la laisse CCCXCIII, le texte ne manque pas de préciser : « qui fu le roy Corbon » (10691).
14 D, Boutet, La Chanson de Geste, p. 137. 5 J, Rychner écrivait au sujet du Roland:
« L’impression
d'ensemble est donc celle d’une chanson construite, et construite à partir de la laisse » (op. cit., p. 124).
80
INTRODUCTION
strophique molle, incertaine!* ». Micro-contexte constitutif du genre épique, la laisse paraît souvent malmenée dans son unité originelle. Les laisses bipartites abondent : la laisse CCCLXII, pourtant de longueur moyenne (28 vers), réunit deux éléments narratifs distincts : d’un côté, les menaces du geôlier à l’encontre de Maillefer et de Bertran ; de l’autre, l’arrivée de Renier au pied de la forteresse
de Baudune. Le passage d’un incident à l’autre est signalé par la rituelle formule de transition : « Or vous devons dire la verité » (9885). On peut appliquer aux ER ce que M. Rossi écrivait au sujet de Huon de Bordeaux : « le décalage est perceptible entre les coupures du récit et le découpage en laisses ; les articulations les plus importantes se trouvent à l’intérieur de la laisse, non à la charnière de
deux unités strophiques : on ne peut plus parler d’unité
organique de la laisse!?? ». La critique a souvent stigmatisé le caractère « amorphe » de la laisse dans l’épopée tardive, ainsi que le désaccord
entre le « fil métrique » et le « fil narratif » engendré par l’allongement démesuré de l’incident métrique. Mais il est à noter que la laisse des ER conserve des proportions modestes : comportant 27 vers en moyenne, elle est plus ample que celle du Roland (13/14 vers) mais aussi plus concise que celle du Couronnement de Louis (43 vers) et ignore assurément l’hypertrophie qui affecte la laisse de chansons de geste tardives comme Huon de Bordeaux (116
D Id., p. 124. 27 M. Rossi, op. cit., p. 142. ‘8 Ed. A. Heinemann, op. cit., p. 30.
INTRODUCTION
81
vers), Hervis de Metz (129 vers) ou Parise la Duchesse (155 vers). Fort élastique, la laisse des ER s’étend de cinq à 149 vers. La laisse la plus représentée est celle de 11 vers (x 34). Soixante-deux laisses comportent moins de dix vers. Seules six laisses dépassent la centaine de vers:
DCCV (101), DCCXXXII (107), DXXXVII (112), CDLXXXVII (118), DXLI (138) et CCXCV (149). Cette inégalité strophique n’est pas propre aux textes tardifs : la laisse du Couronnement de Louis présente une étendue qui varie de trois à 152 vers ! Rien de comparable, certes, avec l’aberrant Huon de Bordeaux dont la seule laisse LXXTV compte 1139 vers. La présence de laisses longues et composites ne signifie pas que le poète traite la laisse comme un cadre sans rapport marqué avec le récit. Dans la laisse LXI, le déroulement de l’action (le complot ourdi par le fils du prévôt contre Renier) s’accorde avec le découpage strophique. Cette unité narrative s’accompagne toutefois d’une dilatation de la laisse (69 vers) et d’un brouillage de ses contours. Mais la laisse des ER n’est pas amorphe : les marques formelles gardent leur importance. Le passage d’une laisse à une autre coïncide fréquemment avec une transition narrative. Une formule de raccord peut ouvrir
une laisse, créant un effet de « démarrage narratif? » (1559-64) ou bien la refermer, provoquant «une vigoureuse pulsion narrative allant de la première à la
deuxième!* » (4849-54). La volonté d’accuser la fermeté
1% Formule empruntée à Ed. A. Heinemann, op. cit., p. 27. PA 14 p.28.
82
INTRODUCTION
du découpage strophique se traduit par l’emploi de vers d’intonation (1406) et de conclusion (4457). On note l'usage de recommencements. L’enchaînement (« recommencement du premier type » selon la taxinomie rychne-
rienne!?!) est souvent pratiqué : la fin de la laisse LXIX, qui s’achève sur le désarroi de Renier, est reprise presque littéralement par la laisse suivante. Il peut arriver que le dernier vers d’une laisse ne soit repris dans la suivante qu'après le vers d’intonation (CDLVI-VITI) ou un bref rappel de la situation (CXXXVIII-IX). On ne relève, en
revanche, que peu d'exemples de « reprises bifurquées » (« recommencements du deuxième type ») qui semblent
« brouiller le progrès chronologique!* ». Au début de la laisse DXXV, le poète nous informe de l’arrivée à Morimont d’un messager envoyé par Maillefer à Florentine. La laisse suivante s’ouvre sur la réitération de la formule introductrice de parole : le messager semble d’abord se répéter avant de compléter son récit avec d’autres détails : la fuite de Piecolet, le couronnement de Maillefer et la présence de Grebuede à Messine. La reprise bifurquée est une variété d’enchaînement qui suspend la progression narrative pour mieux la relancer. Si l’auteur, enfin, a ponctuellement recours aux « laisses
parallèles », il dédaigne les « laisses similaires ». Laisses parallèles et similaires se définissent par le retour au début d’une laisse d’un thème qui a déjà figuré à l’intonation de la précédente (« recommencements du troisième type »). La
BJ. Rychner, op. cit., p. 74.
2 Ja. p. 81.
INTRODUCTION
83
distinction entre ces deux types de laisses repose sur le problème de l’équilibre entre narration et lyrisme : « si à chaque recommencement, le récit fait un pas en avant, comme dans les laisses parallèles, lyrisme et narration vont de pair, s’équilibrent.
Mais
si la narration,
de laisse à
laisse, n’avance plus qu’imperceptiblement, si son progrès ne consiste plus qu’en de légères variantes du même acte, comme dans les laisses similaires, alors, cette halte dans la
narration permet au lyrisme de s'épanouir! ». Les laisses DXXIII-IV illustrent la prédominance du narratif sur le lyrique dans les ER : si les deux laisses s’ouvrent sur le même thème, la marche narrative ne se trouve pas suspendue. Dans la première, Maillefer demande au messager de
faire voile vers Morimont pour dire à Florentine de gagner au plus vite Messine. Dans la suivante, il ne se contente
pas de redire son désir que Florentine vienne le rejoindre, il ajoute que son épouse sera couronnée et que Gyrart assurera la garde de Morimont jusqu’à son retour. Au statisme des laisses similaires, notre conteur préfère le dynamisme des laisses parallèles. On relève néanmoins un exemple de laisses similaires : le poignant planctus d’Ydoine, distribué en deux laisses de neuf et douze vers (CDVIII-IX). D’une laisse à l’autre, les
vers se répondent. Dans la première, Ydoine implore Dieu avant de s’adresser à Renier et de s’abandonner tout entière à la peur. Dans la seconde, elle ne fait qu’apostropher Renier ; la crainte le dispute au désir de lui rester fidèle et l’abattement fait place à une noble véhémence.
13 Jd., p. 93.
84
INTRODUCTION
L'’intensité du chant l'emporte sur le récit. Mais le planctus d’Ydoine n’est qu’un vestige. Dans les poèmes tardifs, les procédés les plus voyants des textes épiques, comme la technique des recommencements, fonctionnent «à la manière de signaux, de repères culturels, annonçant l'appartenance au genre. Mais ce qui est perdu, c’est
l’horizontalité du chant.* » En réalité, les ER témoignent moins d’une maîtrise maladroite de la technique de la laisse que d’un art nouveau reposant sur l’exploitation de l’inégalité strophi-
que. La laisse brève! est ainsi utilisée pour créer des ralentis lyriques. Dans la chanson tardive, le lyrisme, plus étouffé, ne s’exprime plus par la répétition. Là où des chansons plus anciennes emploieraient des laisses similaires, les ER ont recours à l’abrégement des laisses. Détachée du flux narratif et isolée dans l’espace exigu d’une laisse brève, l’apostrophe à la mort dans le planctus de Gyrart se voit conférer une indéniable force expressive (CXLIX). Lors du récit de l’agonie de Guibourc, deux laisses de six
et neuf vers (LII et LIIT) distinguent les moments-clés de l’émouvant discours de Guibourc à Guillaume : celui où elle implore Dieu de sauver son âme et celui où elle recommande à Guillaume de se retirer du Monde. Rien ici du subtil contrepoint que tissait la succession de laisses
# CL Roussel, « Tradition épique et Innovation romanesque : Remarques sur deux Versions de la Chevalerie Vivien », Les Lettres romanes, t. 37,1983, n°1-2, p. 29,
#$ D. Boutet définit la « laisse courte » comme une laisse de moins de vingt vers (La Chanson de Geste, p. 161).
INTRODUCTION
85
similaires. La scène racontée n’est pas présentée sous des jours divers : le récit se continue d’une laisse à l’autre, il ne se répète pas avec un jeu de variations subtiles. La laisse brève n’a pas uniquement une fonction 1yrique : parce qu’elle donne l’impression de ralentir la marche narrative, elle peut être utilisée pour entretenir le suspens. Le poète connaît l’efficacité des atermoiements : après que Renier a appris que le fils de Florentine portait une croix sur l’épaule, le récit piétine durant quatre laisses qui se scindent en unités de plus en plus brèves (CCC-IV). Dans la première (11 vers), Florentine remarque que son fils est pensif et tente vainement de le faire sortir de son mutisme. Dans la deuxième (9 vers), Renier, troublé, prend congé de sa mère. Dans la troisième (8 vers), il manifeste le désir de
vérifier s’il porte une croix. Dans la quatrième (7 vers), il conduit Gyre à l’écart pour lui faire part de ses soupçons. La laisse suivante voit le doute levé. L’accélération du rythme narratif se traduit par un soudain allongement de la laisse (96 vers). Détournant notre attention de la progression du récit, la laisse brève peut coïncider avec des moments délibératifs : à la laisse XLVIII, Murgalet s'interroge sur la façon dont il pourra soustraire Renier à la mort. La laisse brève autorise aussi des arrêts sur image. Lors de la rencontre de
Renier avec Robert Ricart, le récit semble faire une halte pour s’attacher, l’espace d’une laisse de huit vers (DCXTIV) intercalée entre deux laisses plus longues, à nous présenter cet énigmatique personnage. La laisse brève peut encore servir à mettre en valeur certains détails descriptifs, sur lesquels elle semble
faire un gros plan. Deux
laisses
86
INTRODUCTION
parallèles et brèves sont utilisée pour décrire Corbon, dont
le poète souligne continuité
la laideur
Rompant
(CCCIX-X).
du récit, la laisse brève,
enfin, est propre
la à
souligner une articulation essentielle du récit. La laisse LXXX, d’une extraordinaire brièveté (5 vers), marque le départ de Venise et le début de la quête de Renier. La laisse longue ou très longue, constrastant avec des laisses brèves ou de longueur moyenne, donne l’impression d’un brusque emballement du récit : l’interminable laisse CCXCV
(149 vers), parfaitement
centripète,
semble
ne
jamais laisser au lecteur la possibilité de reprendre son souffle tant elle accumule de péripéties dans un laps de temps limité. Alors que les Chrétiens sont occupés à mettre à sac le campement de l’armée sarrasine, un espion vient
les avertir d’une riposte imminente de l’ennemi. À peine l’armée chrétienne s’est-elle mise en ordre de bataille que surgit Corbon « aussi con foudre qui alast descendant » (7651). Le combat s’engage sur-le-champ. Dès le premier coup, Renier est désarçonné par son adversaire. Grebuede,
Gyre et Murgalet le remettent immédiatement en selle. Gyrart, accoudé à la fenêtre, reconnaît Renier et vole à son secours. Après avoir accompli des exploits mémorables, il
engage un dialogue avec Renier, qui a tôt fait de lui rappeler : « Nous n'avons ore loisir ne tant ne quant De festoier li .I. l’autre noiant » (7739-40). L'armée sarrasine est mise en déroute. Les Chrétiens entrent dans la ville et Florentine retrouve Grebuede. La laisse s’achève sur l’évanouissement de la jeune femme. La brièveté de la laisse qui lui succède (14 vers) crée un saisissant contraste : le calme revenu,
Florentine remercie
son fils d’être
INTRODUCTION
venu
la secourir.
87
Dans
cette
scène
émouvante,
toute la
tension accumulée dans la laisse précédente semble retomber. De même, après la longue laisse DCLXII (50 vers), où se trouve relatée la révélation de l’identité de Renier, deux laisses brèves consacrées
Maillefer
et de Gracïenne
créent
aux réactions de
«un
ralenti
lyrique
marquant la fin d’un moment narratif!* ». Le poète ne tire pas seulement des effets de l’alternance de laisses brèves et longues, mais aussi du caractère composite de la laisse, faisant « jouer le désaccord des
cohésions métrique et narrative!” ». Si la laisse fragmente le récit, elle est également propre à conférer « une solidarité aux éléments qu’elle réunit entre ses con-
tours! ». Le poète des ER utilise la laisse bipartite pour marquer la simultanéité de deux éléments narratifs. La juxtaposition de deux incidents narratifs lui permet de
« colorefr]
l’interprétation*”».
L’inquiétude
du
clan
chrétien, évoquée à la fin de la laisse CDXXXIX, ajoute un
rehaut pathétique à la capture de Maillefer relatée au début de la laisse. Loin d’être un artifice de découpage, un cadre contraignant ou une tradition formelle vidée de son sens, la laisse est pour le poète un instrument de structuration qui renforce l’efficacité narrative de la chanson. Il exploite les possibilités offertes par le découpage strophique, la techni-
136 Ed. A. Heinemann, op. cit., p. 31.
7 Ibid. 8 D. Boutet, La Chanson de Geste, p. 161. 1 Ed. À. Heinemann, op. cit., p. 29.
88
INTRODUCTION
que des recommencements, l’alternance de laisses longues et brèves et la réunion de plusieurs incidents narratifs dans un seul incident métrique. Plus narratives que lyriques, les ER dédaignent la répétition au profit d’un traitement dynamique de la laisse. « Même dans leurs micro-contextes, qui se rapprochent incontestablement de ceux des chansons de geste traditionnelles, notait W. Kibler, [Iles
chansons tardives
[..] ne respectent pas pleinement les
règles du genre*° ». C) Une chanson de divertissement
« Dans l'épopée tardive comme dans le roman tardif conter c’est le but suprême, la littérature c’est le récit
d'aventures“! » affirme W. Calin. Les rocambolesques ER ne font pas exception à la règle : les péripéties et les rebondissements se succèdent à une cadence effrénée et sans grand souci de vraisemblance. Rapts, sombres complots, tentatives de viols, attaques de pirates, captivités, sauvetages et touchantes agonies, combats fratricides, déchirantes séparations et larmoyantes retrouvailles, embuscades,
courses-poursuites
haletantes,
tempêtes,
apparitions surnaturelles, travestissement, voyages maritimes, batailles navales, aveux et scènes de reconnaissance : le narrateur ne ménage pas sa peine pour varier sans cesse l’action. On ne s’étonnera pas que la chanson tardive, employant des procédés qui font encore aujourd’hui le
“W. Kibler, « La Chanson d’Aventure », p. 152. #ÜW. Calin, « Rapport introductif », p. 418.
INTRODUCTION
89
succès des romans populaires, n’ait guère été goûtée par la critique : « c’est ce que Curtius a désigné comme Unterhaltungsliteratur [...] destinée à rassasier un public vulgaire dont le mauvais goût est plus qu’évident » ironise non sans
amertume W. Calin!*?. Les emprunts aux contes folkoriques
« Les chansons de geste de la dernière génération se caractérisent par une irruption massive de thèmes et de motifs folkloriques, observe CI. Roussel. Cette "folklorisa-
tion"
se manifeste
notamment
dans
le traitement
des
enfances des héros* ». Exploitant la thématique de la dispersion familiale, de l'innocence persécutée et des amours contrariées, les ER relèvent de la sentimental
romance“ dont N. Frye a souligné l’étroite parenté avec
#27 Jd., p. 419.
CI. Roussel, « Réécritures épiques tardives et Mélanges des Genres : le cas de Jourdain de Blaye », L'Épique médiéval et le Mélange des Genres, textes réunis par C. Cazanave, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, « Littéraires », 2005, p. 56. #4 N. Frye a théorisé la notion de « romanesque » (romance, en anglais). Il distingue deux types de fictions : l’une archaïque, naive romance, et, l’autre littéraire, sentimental romance. Le terme de naive romance renvoie à « the kind of story that is found in collections of folk tales and märchen », celui de sentimental romance, à «a more extended and literary development of the formulas of naive romance. Most of this, in early and modern times, has been in prose narratives ». N. Frye ajoute que « the conventions of [...] romances show little change over the course of centuries, and conservatism of
90
INTRODUCTION
le conte populaire. Les enfances de Renier, mais aussi celles de Bauduïn de Grèce, son double, sont réductibles au
Verbannungseposmotiv
de
Fr.
Wolfzettel*, schéma
structural d’inspiration folklorique qu’affectionnent les enfances épiques. W. Calin l’a résumé fort simplement : «trahison, perte d’héritage, exil, noces avec quelque princesse lointaine, quête de la mère ou du père, enfin
retour fêté et restauration de l’ordre!“ ». À la différence de Renier,-toutefois, Bauduïn, orphelin, ne retrouve pas in
fine sa famille. Fort simple, rythmé par « l’alternance de la
manifestation et de l’occultation du héros », et caractérisé par son dénouement heureux, ce schéma est utilisé par l’auteur comme le support narratif d’une succession indéfinie d’épreuves qualifiantes par lesquelles le héros exilé conquiert sa légitimité. Contraint à l'exil par les manœuvres de son demi-frère, le jeune Bauduïn doit attendre d’être adoubé avant de retrouver sa place sur le trône de Grèce et d’épouser la sœur de Renier. Le frouvé Renier ignore ses origines et doit endurer les railleries de ses camarades vénitiens. En
this kind is the mark of a stable genre » (The Secular Scripture : A Study of the Structure of Romance, Cambridge, Massachusetts, and London, England, Harvard University Press, 1976, p. 3).
Fr. Wolfzettel, « Zur Stellung und Bedeutung der Enfances in der altfranzôsischen Epik I », Zeitschrift für franzôsische Sprache und Literatur, n° LXXXIN,1973,
p. 317.
“6 W. Calin, « Rapport introductif », p. 415. #7 Fr. Suard, « Chansons de geste et Mises en Prose », p. 70.
INTRODUCTION
91
intégrant un autre motif folklorique* — celui de la naissance mystérieuse —, le poète double la quête de légitimité de Renier d’une quête identitaire. Mais le secret s’évente bien vite : le héros, qui manifeste une admiration spontanée pour Maillefer, acquiert tôt la conviction qu'il est son fils — et son entourage, plus perspicace que lui, n’est jamais dupe de ses dénégations.
Dès le vers
6478, Renier
est
troublé par le récit que Grebeude lui fait de l’enlèvement de son petit-fils. Au vers 7922, il découvre qu’il porte une croix royale sur l’épaule. Mais un doute subsiste en raison du mensonge de Grymbert. Pressé par sa mère de dire qui il est, il réclame un délai, puis promet de parler lorsqu'il aura délivré son père de la tour de Baudune. Maillefer libre et en dépit du fait que plus aucun mystère ne plane sur son identité suite à la confession de Grymbert (9539), il diffère
#8 Le poète mêle à ce schéma folklorique des réminiscences de l’'Exode
(2, 1-10), faisant de Renier un nouveau Moïse. Dans l’'Exode, c’est Pharaon qui ordonne l’extermination de tous les enfants mâles hébreux. Dans notre chanson, c’est l’émir de Venise qui prend plaisir à sacrifier des nouveau-nés chrétiens. Moïse est livré aux flots et recueilli par la fille de Pharaon. Renier, lui, jeté aux lions, doit son salut à la fillè de l’émir. Comme Moïse, Renier grandit dans la clandestinité, dans le secret des appartements d’Ydoine. Quand Moïse, traité par la princesse comme un fils, n'oublie pas ses origines et tue un Égyptien qui rouait de coups un Hébreu, Renier reçoit son instruction religieuse des prisonniers de Brunamon. L’intertexte vétéro-testamentaire est également perceptible dans le miracle des lions, sur lequel plane « le souvenir biblique de Daniel dans la fosse aux lions » (R. Colliot, art. cit., p. 121 ; Daniel 6, 17-25).
92
INTRODUCTION
encore ses aveux. Au vers 13225, Renier jure à Florentine
de révéler son secret s’il sort vainqueur de son duel contre Butor. Mais trois mille vers plus tard, il n’y est toujours pas résolu. Ce n’est qu’au vers 17647, au terme de superfétatoires atermoiements, que son identité est enfin révélée. La quête de Renier achevée, la chanson sémble perdre tout fil directeur, les péripéties s’enchaînent dans un joyeux vagabondage. Nous ne saurons jamais à quel dénouement celles-ci auraient dû nous mener. Le récit des enfances du héros est agrémenté d’un « arsenal dfe] merveilleux ornemental* » : comme maints héros de chansons tardives, Renier reçoit au berceau
la visite nocturne de fées marraines!* : les suivantes de Florentine ont pris soin de disposer sur une table des
victuailles à leur intention!*!. Les fées parent le nouveau-
# L. Harf-Lancner, art. cit., p. 638. 10 La mestresse des fées est sans doute Morgue, figure familière de la Geste. Dans la Bataille Loquifer, trois fées, dont Morgue, transportent Raïnouart endormi dans l’île d’Avalon. Comme les Parques antiques, Morgue et ses compagnes, Ydain et Gloriande (ou Oriande), président à la naissance du héros des Enfances Garin de Monglane. De nombreux textes exploitent le thème de la visite des fées au nouveau-né : citons Le Jeu de la Feuillée, Floriant et Florete, Lion de Bourges, Le Roman de Passebeauté et Cardenois, la légende de saint Germain
(dans la Legenda
aurea), le conte
populaire La Belle au Bois dormant etc.
5! L. Harf-Lancner explicite la signification de cette coustume : « À la naissance d’un enfant, on a coutume [...] de dresser une table
à l'intention des fées marraines qui viendront peut-être rendre visite à l’accouchée et, surtout, décideront du destin du nouveau-né. Cette
INTRODUCTION
93
né de toutes les qualités, lui prédisent un destin royal et le soumettent à un « baptême par le feu très peu catholique », vestige des « pratiques magiques de l’ancien paganisme
oriental » qui croyait au pouvoir régénérateur du feu!°*?. Ce curieux rite de passage est réitéré par Guibourc (11921). De plus, à l’instar de Lion (Lion de Bourges), de Hugon (Parise la Duchesse) ou de Jourdain (Jourdain de
Blaye), Renier arbore un signe d’élection sur l'épaule droite, plus précisément une croix qui le prédestine à devenir
roi. Entourée
d'inscriptions
énigmatiques,
cette
croix « plus [...] vermeille que rose d’outre mer » (17673) est une composante essentielle du schéma folklorique du trouvé, puisqu'elle permet sa reconnaissance finale. Puisant dans l’univers chatoyant des croyances populaires et de la superstition, les ER s’encombrent d’un « bric-à-
brac de merveilleux et de magie'® ». La force de Butor s’accroft à midi (5493), comme celle de Gauvain dans la Mort Artu. Les chrétiens comme les Sarrasins se munissent de talismans fantaisistes : on voit Renier (1942, 3506), Maillefer (5351) et Corbon (7076) coiffer des heaumes précieux inscrutés de pierres protectrices ; Butor ne se
pratique est attestée, vers l’an mille, dans le pénitentiel de l’évêque de Worms, Burchard, et le thème s’épanouit [...] dans les romans mais aussi dans les épopées tardives » (art. cit., p. 629).
2
L, Harf-Lancner, art. cit, pp. 631-6. On trouve la mention de
ce rituel dans Elie de Saint Gille, Esclarmonde,
Mélusine
d’Arras), Brun de la montagne, Le Roman d’Aubéron.
15 J, Frappier, op. cit., p. 40.
(Jean
94
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sépare jamais d’une plante médicinale aux vertus miraculeuses!** (2074, 4316, 5332) ; Butor revêt un saffre invulnérable confectionné par les fées (5319) et un chapel invincible fait d’un « acier de merveilleus ouvrage » qui «ne crient cop que on ferifr] i sache » (13308-9) ; la loque de Corbon recèle un oignement magique (8520) et
Ydoine conserve dans son aumônière une pierre de chasteté
donnée par une fée (12048)%. Ce merveilleux profane côtoie sans heurt le surnaturel chrétien. Les fées sont des auxiliaires divines qui recommandent Renier a Dieu le creatour (102) et le saffre enchanté que revêt Butor ne protège que ceux qui croient en Damedé (5320). Les personnages d’inspiration folklorique fourmillent : citons le protéiforme Corbon, fils d’un géant (Raïnouart) et d’une fée (Morgue) ; le petit naim Pecoulet (9331) ; le Jjaiant Corsaus, armé d’une grosse massue qui prolonge la
# L'auteur se souvient de l’onguent magique de Gadifer, le champion de Tibaut, dans le Moniage Rainouart. Un baume similaire est mentionné dans la BL, Troie, Florimont et Yvain.
$ Dans cette pierre de chasteté, Ph. Ménard décèle un intertexte romanesque (Cligès de Chrétien de Troyes, dans lequel un épisode similaire donnait lieu à une scène plaisante). « Ce n’est pas là une invention bizarre due à la fantaisie d’un trouvère, ajoute Ph. Ménard, mais une vieille croyance magique selon laquelle on pouvait, en usant de diverses pratiques, empêcher l’union sexuelle » (Le Rire et le Sourire..., p. 94). Ce thème apparaît dans Raoul de Cambrai, Beuve de Hamtonne, Orson de Beauvais, les Enfances Guillaume, Charles le Chauve ou les Gesta romanorum.
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puissance de son bras (3046) ; l’enchanteur Grymbert!* qui fait croire à Renier que ses bateaux se sont embrasés (9125) ou l’ogre Marbrien, dont l’auteur souligne la cocasse voracité (9751-9). Faut-il voir dans ces emprunts
au folklore le signe d’une corruption du genre ? La Bataille Loguifer (qui date soit de la fin du XIF° siècle soit, au plus tard, du début
du XIII)
transgresse
déjà les schémas
épiques traditionnels en faisant évoluer Raïnouart dans l’univers celtique d’Avalon et prouve que « l’univers littéraire romanesque,
se constituant en référence, pèse de
extérieur et devient une contrainte nouvelle pour le poème
épique à partir du début du XII siècle”? ». Nous nuancerons cette affirmation en ce qui concerne les ER: le merveilleux celtique y occupe une place anecdotique et les allusions à l’épisode arthurien de la BL sont discrètes, Corbon se contentant de rappeler à son neveu : « En faerie fu mon cors engendré » (8272). Des contes populaires, notre poète a retenu des motifs narratifs, ainsi que des accessoires magiques et personnages hauts en couleurs, qui ajoutent au récit une couleur attrayante, mais qui sont loin d’être propres à l’épopée tardive : Fr. Suard a bien montré que « des motifs folkloriques [...] ne sont pas absents des textes les plus anciens
[...]. Reinouart,
dans la seconde
_ partie du Guillaume, est une figure de héros exilé, vivant
6
Grymbert rappelle Maubrun d’Aigremolée (Fierabrace) ou
Espiet (Maugis d'Aigremont).
157 Fr. Suard, « La Bataille Loquifer et la Pratique de l’Intertextualité », p. 501.
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INTRODUCTION
d’une existence misérable en une terre étrangère* ». La spécificité des ER est qu’elles se livrent à des emprunts plus voyants, plus ostensibles, à l’imaginaire folklorique.
Dépaysement et exotisme
Caractéristique des chansons tardives est la distension du cadre géographique : sacrifiant à la tentation de l’exotisme, les ER font voyager le lecteur de la Provence à la Grèce en passant par la Sicile, par Venise, par de mystérieuses contrées sarrasines ainsi que par un chapelet d'îles méditerranéennes mal localisées. La volonté d’arracher le lecteur à son cadre de vie quotidien se traduit par le soin ponctuel apporté aux descriptions topographiques et par un goût affirmé pour les mirabilia architecturales. La description de la forteresse de l’île des pirates, qui occupe l’intégralité de la laisse CCCXXXV, met en valeur le mécanisme ingénieux du pont tournant. L'insertion de longues descriptions dans les ER est d’autant plus remarquable que la chanson de geste, à la différence du roman, en est généralement fort avare : « peu ou pas de portraits, des descriptions de lieux limitées à une désignation par le nom, auquel sont associés à de rares éléments qualifiants : d’une façon générale,
surtout, rien qui vienne rompre la marche du récit!” ».
8 Fr. Suard, « Impure, en son Début même, la Chanson de Geste... », L'Épique médiéval et le Mélange des Genres, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2005, p. 38.
# Fr. Suard, « La Description dans la Chanson de Geste », Bien dire et bien apprandre, n° 11, Lille, 1993, p. 401.
INTRODUCTION
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Si les ER succombent aux charmes de la description, c’est ainsi principalement dans le cadre de motifs rhétoriques stéréotypés à valeur descriptive (motif de l'armement, motif du locus amœænus, motif de la reverdie etc.) La description de monstres sarrasins, non incluse par J.-P. Martin dans ses motifs et pourtant tout aussi codifiée, s’accompagne d’une profusion de détails propres à susciter la surprise et l’horreur. Répétant et allongeant démesurément les intermèdes descriptifs traditionnels, notre chanson présente la particularité de se focaliser sur les éléments pittoresques, surnaturels et exotiques. Caractérisée par une recherche stylistique inhabituelle, la description des ER
dépasse « le statut d’ancilla narrationis'® » pour devenir purement ornementale. Cette tendance à accumuler complaisamment les enjolivements romanesques est typique de l’épopée du XII siècle ; les trouvères « se mettent à
l’école de l’amplificatio*®! ». À la différence de ce qu’on peut observer dans les chansons les plus anciennes, le poète des ER accorde une
intention particulière à la description des cités et des châteaux : «il s’agit là du reflet d’une civilisation de contacts et d'échanges, dans laquelle la ville compte de
plus en plus » note Fr. Suard'®. Mais si les villes chré® tiennes telles que Morimont ou Portpaillart ne font l’objet
160 J.-P. Martin, Orson de Beauvais et l’Écriture épique à la Fin - du XIE Siècle : Traditions et Innovations, Paris, Champion, 2005, p> 393.
161 W. Calin, « Rapport introductif », p. 416. 16 Fr. Suard, « La Description dans la Chanson de Geste », p. 410.
INTRODUCTION
98
que d’évocations fugaces et conventionnelles, il n’en est pas de même pour les cités sarrasines, qui donnent lieu à des morceaux de bravoure qui ne dépareraient pas un roman antique. Prolongeant une tendance qui s’observe dès les premières chansons de geste, les ER exploitent la fascination du monde chrétien pour l’Orient. Au cours de ses pérégrinations en terre sarrasine, le héros traverse des villes enchanteresses, comme Loquiferne, dont il admire «les pomiax d'or sus les mesons Baudune, à la décoration rutilante.
seant »
(9706)
ou
La forteresse de Baudune est le prétexte à une série de magnifiques descriptions. Adoptant le point de vue émerveillé de Renier et de ses compagnons, le poète perd momentanément l’action de vue : une longue pause extradiégétique confère au récit une atmosphère propre à satisfaire un lectorat épris d’évasion et de couleur locale (9885-8). La plasticité de cette description est frappante : devenu coloriste, le poète exploite une palette aux couleurs saturées : la profondeur du vert des murs (plus vert qu'erbe de pré) tranche avec le flamboiement des fenêtres (plus sont vermeilles que charbon embrasé) que rehausse l’éclat de l’or des pomiax. « Somptueux ornemental terminal et
[...] fanal magique® », la coruscante escharboucle
qui
couronne ce palais de style byzantin plus que musulman reflète la « sensibilité d’un temps où la clarté était une
1% A. Labbé, « Couleurs et Lumières du Palais dans Girart de Roussillon », Les Couleurs au Moyen Âge, Senefiance n° 24, Université de Provence, Publications du CUERMA, 1988, p. 176.
INTRODUCTION
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valeur esthétique dominante! ». Partout, la luxuriance le dispute à la démesure ; le champ lexical de l’opulence envahit la description (grant nobleté, riches tours, par nobleté,
richement).
Abusant
d’adverbes
intensifs,
de
comparaisons de supériorité et d’énumérations cumulatives, le poète succombe à l’hyperbole : les murs de la forteresse, d’une hauteur gigantesque (haut levé, droit et menu crestelé, haut et espés), sont percés de trois cens fenestres et l’adjectif grand est réitéré de manière incantatoire: grande fermeté, grant nobleté, grant biauté, grant clarté. La description change soudain de tonalité : à l’éblouissement initial succède une sourde inquiétude. Répondant aux préoccupations de Renier et de Grebuede, qui s’interrogent sur le moyen de s’introduire dans la forteresse, le poète en souligne le caractère inexpugnable (9899-909). La virtuosité des jeux phoniques renforce le pouvoir d’évocation de cette description : les nombreux échos internes (fourneles….. entour, couroient tout entour, bruit et nuit etc.) soulignent l’idée de forclusion exprimée dans le passage (haute et forte, tourneles ot fremees entour, .Il. grandes eaues couroient tout entour, fremee une tour, granz bretesches bateillie et forçour etc.) Les sonorités étouffées — emploi fréquent de voyelles nasales (temps, trente, entour, grandes, entour, sont etc.) et vélaires (Baudune, haute, fossé, haut, eaues etc.) — et le retour de la vibrante (ou « liqui-
de ») [r] à la rime suggèrent le grondement sourd de l’eau roulant dans les fossé tenebrour. Scandant les vers, les puissantes allitérations en alvéo-dentales (mestre, tour, eirt
164 Jd., p. 176.
100
INTRODUCTION
haute, forte du temps; trente tourneles, entour, deux grandes, tout entour, redor etc.) reflètent la solidité de la fermeté. Le poète abandonne alors le point de vue de Renier et de Grebuede et fait pénétrer le lecteur à l’intérieur du château. Il dépeint longuement la munificence de la cour sarrasine ; les clichés abondent dans la grande tradition de l’exotisme épique. Si le poète est fasciné par la splendeur des étoffes précieuses et par le mirifique amoncellement de pièces, de lingots d’argent et de pierres précieuses, le mode de vie raffiné et courtois des Sarrasins suscite aussi son admiration. Lorsque Renier et Grymbert franchissent les « III. portes de moult grant richeté » (10150) qui isolent Baudune du reste du monde, ils sont saisis par la beauté sereine de la ville. Exploitant le motif du l/ocus amoenus,
le poète, rêveur, décrit Baudune comme un nouvel Eden. La nature est prodigue : nous sommes droit en mi may, en la chaleur d’esté, le praiel ordené est envahi de chieres
herbes, un arbre grant et ramus abrite quatre mille hommes d’un doux ombrage, une source dispense une eau bienfai-
sante et actionne en permanence des moulins à eau qui fournissent une blanche ferine aux habitants de la ville. Dans ce paradis terrestre, les hommes, affranchis du travail
des champs, s’abandonnent à une sensuelle langueur : une table de marbre entourée de sieges manouvré est dressée sous l’arbre, non loin de la cuisine, dans l’attente d’un prochain festin ; près de la fontaine miroite une vaisselle précieuse (10151-72). Les ER ne laissent pas d’afficher une idéologie ambiguë : si les paiens inspirent au narrateur une haine vigoureuse, leur mode de vie ne cesse pourtant
INTRODUCTION
101
d’alimenter ses rêveries. Dans ces interludes exotiques, la
volonté de dépayser le lecteur semble primer la transmission des valeurs chrétiennes.
Un savant mélange de détentes et de tensions dramatiques L’intrigue des ER accumule artificiellement les rebondissements, les coups de théâtre et les renversements de situations. Des moments de tension alternent sans discontinuer avec des moments de détente : affamée et promise à une mort certaine, Florentine est sauvée in extremis par la découverte providentielle de deux cents pains de froment, vingt paons poivrés, cent tonneaux de vin et quatre cents pièces de lard ! Suscitant tour à tour la pitié, l’inquiétude, l’horreur, l’indignation, l’espoir, le soulagement, la joie, voire le rire, le poète-metteur en scène joue de la fluctuation entre des sentiments extrêmes. Dans l’épopée tardive comme dans le mélodrame ou le roman populaire, les
« situations paroxystiques abondent'% ». La compassion des lecteurs est constamment sollicitée grâce à la multiplication d’épisodes violents mettant en scène l’innocence persécutée : Ydoine manque d’être violée et brûlée par ses ravisseurs successifs. Loin de reculer devant la surcharge affective, le poète verse dans un pathétique facile (4189-
94).
15 Nous empruntons ce titre à D. Boutet, Jehan de Lanson…., p. 224. 16 C1. Roussel, « L’Automne de la Chanson de Geste », p. 22.
102
INTRODUCTION
Dans cette chanson simpliste — dramatique plus que tragique — où le bien finit toujours par triompher, les « méchants » sont caricaturaux : Brunamon, tyrannique, cruel et borné, se repaît du sang de nouveau-nés comme Hérode ou Pharaon ; l’usurpateur Pierrus, le nain Piecolet
et le faux converti Salabrun ne sont que de banals traîtres de mélodrame et le diabolique Tabardin apparaît comme une marionnette grand-guignolesque que le poète fait descendre des cintres et agite selon son bon vouloir. Les adjuvants du héros, tous admirables,
sont dépeints
sans
davantage de nuances : nulle zone d’ombre à aller chercher chez le geôlier Murgalet, qui sauve Renier de la mort et qui incarne le type du serviteur fidèle et effacé, ni chez le converti Gyre, qui joue le rôle d’un bienveillant précepteur pour le jeune héros. Caractérisée par une continuelle surenchère et indifférente à la vraisemblance « psychologique », la chanson se plaît à de spectaculaires revirements : après avoir proféré les pires menaces à l’égard des chrétiens, le cruel Grandoce, fait prisonnier par le héros, lui jure spontanément une éternelle fidélité et défend son nouvel ami au péril de sa vie. Symptomatique de cet art du récit est la prolifération des personnages « dont l’utilité est strictement conjoncturelle — pour permettre de soudaines accélérations du ré-
cit” »: messagers
interrompant les rares instants de
sérénité des chevaliers pour les appeler à de nouveaux
7 B. Guidot, « Les Enfances de Vivien ont-elles un Caractère romanesque ? », Enfances romanesques, PRIS-MA XII n°2, Poitiers, Juillet-Décembre 1996, p. 176.
INTRODUCTION
103
combats, espions retors dont les manœuvres contrarient les desseins des Chrétiens, hordes de pirates acharnés à détourner le héros de sa quête, créatures surnaturelles renversant le cours de l’action et autres personnages surgis de nulle part venant inopinément assombrir une situation heureuse ou tirer le héros d’embarras, c’est-à-dire « déblo-
quer une
impasse
narrative » et relancer
l’action'$.
Malaquin contribue par trois fois à différer l’exécution de Maillefer, sans que le poète nous explique pourquoi ce roi sarrasin tient tant à garder Maillefer en vie ! Souvent anonymes,
toujours inconsistantes, ces utilités sont intro-
duites avec désinvolture dans le récit et en disparaissent sans ménagements. Ces tours de passe-passe sont flagrants lorsque le poète fait entrer en scène des personnages familiers aux protagonistes, mais dont il n’a jamais été fait mention auparavant. À la laisse CD, un messager envoyé par Ydoine fait irruption au milieu du banquet donné à l’occasion du couronnement de Maillefer. Sa venue avait été préparée par une annonce aussi inquiétante qu’allusive : « a court terme iert leur feste changie » (10915). Le messager
salue
Renier : celui-ci,
reconnaît. D’où le connaît-il ?
nous
dit le poète,
le
Inutile de s’étendre sur
ce détail : le messager informe le héros des périls que court sa maîtresse et Renier repart pour de nouvelles aventures.
MID 176. 16 La mère d’Ydoine est, elle aussi, reconnue par Renier (17198). Plus loin, la mère déclare à sa fille : « Mahom lessames tres qu'il [Renier] le nous proia » (17138). Nous
n’avons
pourtant pas le
souvenir que Renier ait jamais formulé cette prière !
104
INTRODUCTION
Sa tâche achevée, le messager se volatilise. On ne saura pas davantage ce qu’il ést advenu de Manessier qui, surgissant par surprise d’un souterrain comme un diable de sa boîte, altère la joie de Madïant en lui apprenant la captivité de Bertran. Comme les annonces du jongleur et les prédictions, les songes. prémonitoires — impressionnants et mystérieux — dramatisent le récit. Leur incidence sur le cours de l’action est nulle car les personnages n’échappent jamais à leur destin. Les songes précognitifs n’ont d’autre fonction que « d’entretenir [l’Jintérêt [du lecteur] en lui faisant craindre
tel ou tel événement ou au contraire de le rassurer quand
la tension se fait trop violente!” ». Alors qu’il est emprisonné dans la tour de Baudune, Maillefer rêve qu’il manque de se faire dévorer par un ours avant qu’un griffon ne renverse d’un coup d’aile l’arbre où il avait trouvé refuge. Même si Bertran se refuse à accorder le moindre crédit à ces fantasmagories, le lecteur ne peut se défendre d’y voir un sinistre présage. Un songe peut apporter une lueur d’espoir dans une situation en apparence sans issue : Maillefer voit un dragon briser la porte de sa prison et se transformer en un vaillant chevalier. Cette fois-ci, Bertran
interprète favorablement ce songe car il a eu, lui aussi, une vision nocturne dont il augure leur libération.
7 M. de Combarieu du Grès, L’Idéal humain et l'Expérience morale chez les Héros des Chansons de Geste, des Origines à 1250, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1979,
po 17:
INTRODUCTION
105
Le poète ne craint pas de mêler les registres, comme lors de la scène du viol d’Ydoine. Menacée par les appétits charnels d’un odieux ravisseur, l’héroïne préserve sa vertu
grâce à son talisman. L'épisode comporte des traits parodiques : par un jeu d’allusions souriantes au motif du duel, le poète opère un complet renversement des rôles : le violeur sc retrouve malmené par unc victime aussi frêle que pugnace. Seulement la lutte est inégale et Ydoine se retrouve traînée par les nattes. Cette touche d’humour renforce, par contraste, le pathétique de la scène. Sacrifiant au même procédé, le poète insère un intermède à coloration grivoise lors du duel de Renier et de Corbon. Blessé, le héros se ressaisit et assène un coup violent à son adversaite.
Accoudées
à une
fenêtre,
Florentine
et Gracïenne
assistent au combat, maïs leur dialogue — d’une crudité digne d’un fabliau — ne traduit aucune inquiétude ; bien au contraire, il est en complet décalage avec la scène qui se joue sous leurs yeux. Gracïenne, qui admire la bravoure de Renier, exprime le souhait de l’épouser au plus vite. « Oserïez vous estre o lui couchie ? Trop estes joenne, n'avez aage mie ! » (8413-4) répartit sa mère. Et Gracïenne de répliquer : « S’a ceste foiz estoie .I. poi blecie, Bien gueriroie, ne vous en doutez mie » (8418-9). Florentine « ne puet muer n'en rie » (8421). Jeune fille effrontée et impudique — trait qui ne constitue pas en soi une originalité
dans la chanson de geste!’! — la charming'”? Gracïenne
171 Cette hardiesse amoureuse est souvent associée aux princesses sarrasines ; P. Bancourt mentionne toutefois quelques héroïnes chrétiennes qui « montrent un manque aussi total de réserve » telles
106
INTRODUCTION
ponctue d’une rafraîchissante touche d’humour une chanson
souvent pesamment larmoyante*. Ignorant que Renier, dont elle s’est follement éprise, est son frère, elle n’a de cesse de le poursuivre de ses assiduités, nonobstant ses douze ans ! Cette rivale malheureuse d’Ydoine emprunte certains de ses traits à la princesse sarrasine. Entêtée et impatiente, elle n’est guère encline à s’apitoyer sur le sort d’autrui : lorsqu'on l’informe de la captivité de Gyrart, elle maudit cet encombrier (16492) qui retarde son mariage avec Renier. Et quand elle apprend l'identité du jeune homme, sa réaction dépitée et penaude, contrastant avec l’émotion générale, ne peut manquer de faire passer le lecteur des larmes au rire. En dépit d’une intrigue mélodramatique, du recours immodéré à des subterfuges narratifs, d’une propension à outrer ses effets et d’une pratique du mélange des registres dont on serait tenté de fustiger le mauvais goût, les ER ne trahissent pas l’esprit de la chanson de geste du XII° siècle. En matière de pathétique, le genre épique ne connaît guère la demi-mesure : il suffit pour s'en convaincre de lire l’hyperbolique planctus d’'Héloïse dans Raoul de Cambrai. De même, le rire, qui affleure parfois, « ne saurait être
que Florette dans Floovant ou Lusiane dans Aiol (Les Musulmans dans les Chansons de Geste du Cycle du Roi, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1982, p. 751).
7? U. Holmes, art. cit., p. 102. "© L'effroi que manifeste Renier à chaque apparition de Tabardin relève du même comique de répétition.
INTRODUCTION
107
signe de décadence!“ ». Dans Aliscans, la mort de Vivien côtoie des passages comiques dont le protagoniste n’est autre que Rainouart, le grand-père de Renier. Constamment dramatisé, mû par de puissants ressorts pathétiques et semé de paillettes d'humour, le récit des ER est soumis à un jeu de tension-détente propre à maintenir les lecteurs en haleine. Chanson « à grand spectacle », les ER exploitent moins les recettes du roman courtois que celles d’un romanesque échevelé dont il faut admettre qu’il transcende la notion de genre.
D) L’héroïsme épique en péril ? L'aventure est étymologiquement ce qui advient (advenire), un « événement inopiné et frappant qui surgit soudain
et bouleverse les existences'” ». Vaste fresque aventureuse, les ER ne peuvent que limiter la capacité de contrôle du héros. L’héroïsme épique est constamment mis en péril
par « l’intrusion romanesque du hasard!” » et du surnaturel. Condamné à l’errance par l’ignorance de ses origines, Renier n’a pourtant rien d’un héros de roman, un Lancelot,
un chevalier sans nom dont on ignorerait d’où il est et où il va : si les ER adoptent la forme commode d’une quête d'identité, elles ignorent le refus des valeurs du lignage
1% Ph. Ménard, Le Rire et le Sourire.., p. 254. 17 Ph, Ménard, Les Lais de Marie de France, Paris, PUF, 1979,
p. 85.
16 B. Guidot, « Les Enfances de Vivien ont-elles un Caractère romanesque ? », p. 176.
108
INTRODUCTION
tout comme le «schéma virtuellement ouvert d’une "errance" chevaleresque indéterminée qui ne se soucie guère du but ultime » que Fr. Wolfzettel identifie comme
typiques des enfances romanesques7. Renier, un héros hybride
Conformément à la tradition épique, le petit Renier est un puer senex dont le poète n’a de cesse de louer la prodigieuse précocité. Il est impatient de son pris croistre et son los alever (5987). Alors qu’il n’a pas encore été adoubé, il ne craint pas d’enfreindre l'interdiction de son
maître Gyre et provoque secrètement le géant Corsaus en duel : « Grant sui et fort et de membres furni Et si me sent courageus et hardi » affirme-t-il à son écuyer Tierri (30945) avant de déclarer à son maître, qui tente de l’empêcher de participer à la bataille : « Tant devons fere c'on voist de nous parlant Et que chescun en voise bien disant » (345960). Sa noble prestance ne manquent pas d’impressionner tous ceux qui croisent sa route : « Grant seigneurie a cest enfant apent » (1260) se dit Murgalet en son for intérieur, « Bien pert qu'il est estret de haute gent » (2617) s’exclament les marchands gênois. Même les lions affamés de Brunamon s’inclinent respectueusement devant l’en-
"7 Fr. Wolfzettel, « Les "Enfances" de Lancelot du Lac. Pour une Approche générique du Thème », Enfances romanesques, PRIS-MA XII n° 2, Poitiers, juillet-décembre 1996, p. 106.
INTRODUCTION
109
fant#, Son enfance vénitienne et son ascendance païenne n'empêchent pas Renier d’incarner les valeurs de la chrétienté : le poète prend soin de préciser qu’il sait parler bon françois (1850) et qu'il a reçu une instruction religieuse des prisonniers de Brunamon. Lorsqu’Ydoine lui demande de choisir sa creance, Renier réplique avec fermeté : « Onques nul jour ne poi Mahom amer, Mielz vaut Jhesu, a ce c’on puet prouver » (1870-1). Les similitudes qu’on ne peut manquer de remarquer entre Renier et Bauduïn contribuent à rehausser le prestige du héros. Si « le personnage épique [...] a sa consistance propre, [...] celle-ci ne se révèle qu’à travers le miroir que
lui
proposent
d’autres
figures
complémentaires!” ».
Légèrement plus jeune que Renier, Bauduïn est d’une naissance tout aussi noble. Un complot fomenté par un traître va le contraindre lui aussi à un long exil. Mais si les mérites de Renier éveillent une jalousie bien légitime chez ses camarades, le malheureux Bauduïn se trouve impliqué malgré lui dans une obscure querelle de succession. Et si
l'héritier du trône de Grèce
échappe
à une
tentative
d’assassinat, il ne le doit pas à sa bravoure, mais aux scrupules de Droon, avec lequel il forme un couple qui n’est pas sans rappeler le duo Renier-Gyre. Certes, comme Renier, Bauduïn est un jeune homme vigoureux qui affiche
18 Le motif de l’enfant respecté par les lions parce qu’il est de race royale apparaît dans Boeve de Haumtone, dans le Poema del Cid ainsi que dans Floire et Blancheflor.
19 Fr. Suard, La Chanson de Geste, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1993 (2° édit.), p. 47.
110
INTRODUCTION
une chiere hardie (14369) et réclame
à grands cris de
pouvoir prendre les armes, mais sa juvénile et risible témérité lui vaut d’être malmené par ses adversaires ; à cinq reprises, Renier doit venir lui porter secours (16127, 16855, 16944, 19129, 19999). Bauduïn, enfin, engendre un héritier présenté comme « li plus biax enfes qui onques puis fust nez » (17942), mais qui ne survit que trois ans. Les ER mêlent à la tradition épique des enfances du héros l’agrément romanesque d’une idylle mouvementée
avec une princesse d’outremer*. Enlevé au berceau, le héros rencontre en effet sa promise en terre sarrasine*!. Celle-ci consent à se convertir, mais moins par piété que par amour (5766). J. Frappier souligne la fréquence de cette thématique dans les chansons tardives : « au baron qui lutte et meurt pour la cause de la chrétienté et pour la
80 Il est peut-être hâtif, comme le souligne W. Calin, de parler de « romanesque » dès qu’une thématique amoureuse s’introduit dans une chanson de geste : « en parcourant [...] n’importe quelle geste, on découvre très souvent des femmes, personnages actifs, et l'amour
comme mobile de l'intrigue » (« Rapport introductif », p. 409).
81 P. Jonin remarque que « dans l'épopée conforme à la tradition, l’enfant enlevé deviendra un héros dont la valeur guerrière fera trembler les ennemis. Dans l'épopée influencée par le roman, cet enfant trouvera chez les Musulmans une compagne énergique qui, une fois convertie, luttera avec lui dans les épreuves » (Pages épiques du Moyen Âge français II, Le Cycle du Roi, Paris, SEDES, 1970, p. 177). Le motif du nouveau-né enlevé par les Sarrasins
apparaît dans la Chanson de Godin et Floire et Blancheflor. C’est dans les chansons tardives (Bataille Loquifer, troisième section de
Raoul de Cambrai, Parise la Duchesse etc.) que ce motif s’épanouit.
INTRODUCTION
111
gloire de son lignage [...] s’est substituée l’image composite du chevalier chrétien dont la prouesse est inspirée [...] par sa foi, religieuse, et par l’amour d’une dame ; influence certaine du roman courtois, mais non sans ce compromis curieux que la dame aimée [...] est presque régulièrement la belle Sarrasine promise au baptême comme au mariage ; [...] c’était là une manière de concilier tant bien que mal
[...] l'aventure d’amour et la grande tradition épique !®?». Les ER démentent ce préjugé: l’amour n’entrave en rien la liberté d’action du héros. Préoccupé par sa quête, Renier s’éprend moins d’Ydoine qu’il ne se laisse aimer par elle et même s’il se sent honoré par les propositions de Florentine, il repousse sans regret la main de Gracïenne. Lorsque Murgalet lui apprend que Corsoult assiège Ydoine, Renier hésite à lui venir en aide : n’a-t-il pas promis à Florentine de secourir Maillefer ? Et s’il finit par trancher en faveur d’Ydoine, c’est moins en raison de l’affection qu’elle lui inspire qu’à cause de la reconnaissance à laquelle il se sent obligé envers elle (5099). La chanson de geste — même tardive — « n’a pas vocation à traiter des incertitudes de la
passion ou des finesses du sentiment *» Renier forme avec Ydoine un couple Het La fille de l’émir de Venise n’est pas un simple avatar du personnage de l’amante sarrasine qui envahit la chanson de geste dès la fin du XII siècle ; l’auteur a su lui prêter quelques
182 J, Frappier, op. cit., p. 40. 185 C]. Roussel, « L'Automne de la Chanson de Geste », p. 24.
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INTRODUCTION
traits originaux qui la rapprochent des fées éducatrices*. De dix ans plus âgée que Renier, Ydoine incarne une mère de substitution tout autant qu’une amante. Maîtresse femme, elle est de la même trempe que Florentine, capable d’un coup de poing de casser deux dents à Salabrun. Quand elle découvre l’enfant assoupi dans la fosse aux lions, elle s’éprend de lui et jure de le protéger, à une condition toutefois, qui révèle d'emblée son caractère dominateur : « tant que voudras fere ma volenté » (1310). Au fil des années, l’attachement d’Ydoine pour son petit protégé se mue en passion incestueuse. Quand Renier l’interroge sur ses origines, « Bien set et pense qu’ele le perdera » (1735). Prise dans les affres d’une possessivité maladive, elle tente de couper court à sa curiosité, puis lui fait miroiter son sort enviable avant de dévoiler crûment ses sentiments : « Mon cors meïsmes est tout a vo talent, Mes enquore estes de trop petit jouvent » (1750-1). La suite du récit voit le héros se libérer de l’emprise de son impérieuse amante. Affadie en tendre amante, la princesse retrouve parfois son ton vindicatif et traite son père avec une cruelle rancœur. Dans une œuvre qui multiplie autour de lui des personnages hauts en couleurs, Renier apparaît comme un héros épique falot, exempt de l’hybris qui confère à des héros
‘# On peut penser, inter alia, à Niniane, la Dame du Lac (Lancelot), à Morgue (Floriant et Florete), à Oriande (Maugis d ’Aigremont)
ou encore à Gloriande (Tristan de Nanteuil). Le personnage d’Ydoine semble aussi annoncer la Dame des Belles Cousines (Jean de Saintré d'Antoine de la Sale).
INTRODUCTION
113
tels que Roland ou Raoul de Cambrai leur fascinant rayonnement. L’auteur préfère « au desreé, [...] au chevalier saisi de folie orgueilleuse, le personnage plus rassurant
du surhomme chevaleresque!* ». S’il souligne la ressemblance de Renier avec Rainouart, il ne lui prête ni son gigantisme, ni sa fruste brutalité. Héros preux et pieux, mais nuancé et flottant, Renier ne se préoccupe que modérément d’« essaucier sainte crestientez » (18855) et
se révèle sujet à des états d’âme très romanesques. Accusé de bâtardise par les jeunes Vénitiens, blessé dans son amour-propre, il n’a de cesse de retrouver ses parents et sa place au sein du lignage. Héros individualiste, il subordonne voyages, combats et conquêtes à sa quête d’identité. En fondant l’intrigue de la chanson sur le secret, le nondit, les affres du doute et de la suspicion, le poète brosse
de son héros un portrait fouillé et sensible. Lorsqu’à l’issue de la bataille de Morimont, Florentine lui offre la main de sa fille en échange de la révélation de son identité, il se
dérobe. Dans le long monologue
de la laisse CLX,
le
héros, désormais seul, ne parvient pas à se décider : l’offre de Florentine le séduit, mais comment affronter les rumeurs
lorsqu'il se révélera incapable de deviser son parage ? Et puis il y a Ydoine, sa bienfaitrice — « la bele Ydoine que je doi moult aimer » (4121). La hantise de l’inceste achève de le murer dans le silence. La plume du poète se montre subtile à dépeindre les relations minées par le mensonge et le soupçon qu’entretient Renier avec ses parents. Dès
l'instant où ses yeux se sont posés sur le dansel, Florentine
15 J,_Ch. Payen, Le Roman, Typologie des Sources du Moyen Âge occidental, XII, Turnhout, Brepols, 1975, p. 47.
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INTRODUCTION
a reconnu son fils. Mais il lui faut interroger Renier. Renier se débat dans un dilemme : « Se ge di veritez, L’en savra bien que je sui un trouvez, Si m'en tenront trestuit en grant viltez » (2696-8).
Par crainte du déshonneur,
il préfère
s’inventer une identité. Florentine feint de le croire. L’atmosphère de leurs rencontres est pesante. Florentine est si absorbée par la contemplation de son fils qu’elle en oublie de manger. Et lorsque Renier se penche pour la servir, la dame « del cuer souspire et des yex lermoia » (3239). Avec son père et son grand-père, Renier se montre tout aussi fuyant. Alors qu’il se prépare pour son duel contre Butor, Grebuede lui demande s’il n’est pas le fils de Maillefer (13383-4). Étrangement, Renier ne semble pas troublé. Maillefer soupire : « Foy que doi Damedé, Se je cuidoie ci avoir retrouvé Renier, mon filz, que j'ai tant desiré, Ne souferroie por tout mon herité Qu'il alast seul combatre au deffaé » (13388-92). Partage-t-il les soupçons de Grebuede et regrette-t-il d’avoir fait de Renier son champion ? Ou s’attriste-t-il seulement du faux espoir que son beau-père lui donne ? La seconde moitié de la chanson est moins introspective. C’est une légitimité que Renier cherche désormais à conquérir. Le héros trouvé devient progressivement un héros prouvé!$, Le héros et la mer
La Méditerranée sert de cadre à l’action des ER. À la terre stable et prosaïque, le poète préfère en effet la mer
%6 Nous empruntons ce jeu de mot à Richars li biaus, traduction de G. Jacquin et F. Vigneron, Champion, « CFMA », 2004, p. 29.
INTRODUCTION
115
ondoiant (3782), qui pour le vent branllie (6310). Si le
héros, au cours de son périple, descend de bateau pour retrouver la terre ferme, la mer n’est jamais très loin. Les villes des ER sont cernées par les flots : l’inébranlable forteresse de Baudune sus mer (9589) essuie l’assaut répété
des vagues : « Veez vous la cele tour haute et grant À .1. des lez de la vile puissant Ou la mer vient chescun jour ondoiant ? » (16167-69). Maritime tout autant que terrestre, la géographie des ER se compose d’espaces terraqués : îles, royaumes et cités portuaires semblent flotter sur l’eau : la tour de l’île des pirates de mer estoit aclose tout entour (8982) ; la Grèce, Marseille et Venise se trouvent sus la
mer, tout comme Morimont, qui sus mer est bastie (8042), ou Loquiferne, dont sus la marine vont les tours estendant (11536). Figurant « la limite entre les mondes du bien et
du mal, entre un ici chrétien et un ailleurs sarrasin!*? », la mer apparaît comme un dangereux entre-deux où se croisent bateaux chrétiens et navires sarrasins, honnêtes marchands
et redoutables
pirates, vertueuses
héroïnes
et
odieux ravisseurs. C’est de la mer que vient la menace : l’armée païenne surgit des flots sous les regards horrifiés de Bertran et de Gyrart. Les Sarrasins sont désignés par les périphrases pute gent evage (4245) ou pute gent marage (6029). Fr. Suard a souligné la portée symbolique de la relation établie entre les Sarrasins et la mer large (42338) : « l’océan n’est pas seulement [..] la voie par laquelle flottes d’invasion ou navires corsaires accomplissent leurs méfaits ; par son immensité, l’espace marin qui sépare
187 J.-P. Martin, Les Motifs dans la Chanson de Geste, p. 152.
116
INTRODUCTION
chrétiens et Sarrasins est [..] apte à donner une image
suggestive de la masse formidable des Sarrasins'* ».
Maillefer et Renier entretiennent un rapport très différent avec la mer. Pour le premier, la traversée de l’étendue marine traduit l’expansion de son désir de conquête terrienne : « Mer passerai, se li vens n'est faillis, Et conquerai la terre ou fui nourris » se promet-il (255-6). Franchir la mer revient à afficher une intention offensive : « Ge ne cuit pas qu'il soit si assotis Qu'il passast mer tant
con je soie vis» dit Maillefer de Tibaut (238-9). À la vastitude de la mer répond la démesure de Maillefer, dont le poète condamne l’inextinguible soif de conquête : « Pour terre prendre outre la mer passa » (430). Renier, lui, espère trouver dans la mer une réponse aux questions qui le hantent. Perdu, sans repères, le héros, « qui aventure va querant par la mer » (2546), est ballotté par cet élément imprévisible, évidente métaphore du branle perpétuel de la roue de Fortune, qui fait et défait les destinées. Incertaine
et tumultueuse, figurant « l’instabilité du monde et les caprices du destin menant [le] héros au gré du vent, des courants et des tourmentes », l’onde apparaît comme « le
symbole même de l’aventure® ». Lorsque Renier prend la mer pour la première fois, c’est pour partir à la recher-
SDS. Suard, « Les Héros chrétiens face au monde sarrasin », Aspects de l'Épopée romane : Mentalités, Idéologies, Intertextualités, recueil publié par H. van Dijk et W. Noomen, Groningen, Egbert Forsten, 1995, p. 192.
# CL Lachet, Sone de Nansay et le Roman d’Aventures en Vers au XIIF Siècle, Paris, Champion, Éditeur, 1992, pp. 161-2.
INTRODUCTION
117
che de ses origines. À la paisible enfance auprès d’Ydoine succède une quête périlleuse : « Des ore mes est entré en grant paine ! Najant s’en va par mi la mer hautaine. » (2038-9). Les soubresauts de l’élément marin préfigurent les aventures mouvementées qui attendent le héros, heureusement prémuni du naufrage par les fées (76-8) : « La mer ondoie et forment esclistra, Ce senefie grant bataille i avra » (11434-5). Incapable de maîtriser son destin, le héros en est réduit à errer en attendant l’événement qui le fera surgir de l’ombre et regagner sa place au sein de sa famille : « En tant de terres voudrai ançois aler Con la mer clot se je puis tant durer » (4141-2). Dans les ER, la mer n’est pas un simple décor, un miroir
placide traversé de nefs, une toile tendue en arrière-plan de l’action. Animée de desseins impénétrables, elle y devient un actant qui semble prendre plaisir à contrarier les desseins des personnages. Lorsqu'elle est déchaînée, les plus vaillants chevaliers sont réduits à l’impuissance : « La mer tourmente, qui ne les let aler » (6320). A. Labbé notait avec justesse que dans la chanson de geste, « la mer est résolument sentie comme un élément hostile où l’on ne s’aventure pas volontiers” ». L’imaginaire épique est « densément terrien et fort peu tourné vers l’aperture
océane!°! », La mer et ses brusques revirements inspirent
19 A. Labbé, « La Chevalerie épique au Péril de la Mer : la Tempête d’Anseÿs de Carthage », Guerres, Voyages et Quêtes au + Moyen Âge, Mélanges offerts à J.-CI. Faucon, études réunies par A. Labbé, D. Lacroix et D. Quéruel, Paris, Champion, 2000, p. 220.
1 Jdp:219.
118
INTRODUCTION
une crainte sourde au-marchand Gyre, pourtant habitué à sillonner la Méditerranée (8857-9). Détournant les bateaux de leur trajectoire initiale, la mer influe sur le cours de
l'intrigue : Rubÿon et Otran, en route pour Loquiferne, sont entraînés par une tempête à Portpaillart (2378). Un orage empêche Grebuede de gagner Portpaillart, où l’attend sa fille (6316). Alors qu’elle se dirige vers Messine, Florentine est conduite malgré elle à Baudune (14219). Renier,
qui vient de quitter Morimont, cingle vers Loquiferne : il espère pouvoir secourir son père. Mais un orage fait obstacle à ses volontés (4857). Les diversions s’accumulent : Renier croise Bauduïn, dont Droon relate les mésa-
ventures. Surgit Murgalet, qui le supplie de porter secours à Ydoine. Le héros gagne Venise, où il triomphe de Corsoult et rencontre Grebuede, en qui il croit reconnaître son grand-père. Oubliant son projet initial, il l’accompagne jusqu’à Morimont, où le roy d’Ysle escompte retrouver Florentine. Alors qu’ils approchent du rivage, ils apprennent par des marchands que les Sarrasins encerclent la ville. Après avoir défait l’armée adverse, Renier peut enfin repartir pour Loquiferne. Mais, chemin faisant, il rencontre
Grymbert et ses acolytes, avec lesquels s’engage une course-poursuite. Pendant ce temps, Maillefer attend. Sinueux, jalonné de détours, de fausses routes et de rencontres fortuites, l'itinéraire de Renier est moins une trajectoire qu’une longue errance. Face à la mer aventureuse, l’agir épique ne semble peser qu’un poids dérisoire ; dans la chanson d’aventures, « les personnages [...] deviennent seconds par rapport aux situations dans lesquelles l’auteur les place. À la limite, le héros n’est plus que le lieu où se réalisent et se coordonnent les aventures, alors
INTRODUCTION
119
que dans la chanson de geste, les aventures sont appelées par le projet d’un personnage qui impose sa marque au destin” ». L'intérêt est tout autant de savoir ce que font les personnages que ce qu’il leur arrive (49-50). La mer est un lieu de passage, ouvert à tous les possibles narratifs. Si le hasard ne favorise pas toujours — du moins à court terme — les desseins des chrétiens, il profite immanquablement au narrateur en mal d’inspiration. En entraînant son héros dans d’interminables navigations, le poète favorise les rencontres inattendues et le développement d’un faisceau d’intrigues annexes : « dans
les
récits
d’aventures,
observe
avec
justesse Ph. Ménard, le déplacement du personnage principal est une nécessité technique [...] n’est-il point la solution la p'us économique pour lier et enchaîner les
aventures 7” Dans la Mn
s'exprime avec naïveté un « romanes-
que heureux et conciliant'”* » dont la mer se fait la complice. Renier, qui vogue à l’aventure, aborde à Morimont, là où précisément réside sa mère ! Florentine, en route pour Loquiferne où elle croit rejoindre son époux, est conduite au gré du vent jusqu’à Baudune, où se trouve en réalité Maillefer. Facilité narrative permettant de varier et de faire
12 Fr. Suard, Guillaume d'Orange : Étude du Roman en Prose, p. 607.
13 Ph. Ménard, « Le Chevalier errant dans la Littérature arthurienne. Recherches sur les Raisons du Départ et de l’Errance », Voyage, Quête, Pèlerinage dans la Littérature et la Civilisation médiévales, Senefiance n° 2, 1976, pp. 292-3.
14 B. Guidot, « Les Enfances de Vivien ont-elles un Caractère romanesque ? », p. 176.
120
INTRODUCTION
rebondir l’action, le hasard des ER est « dirigé, organisé,
planifié d’une main ferme!” ». Chaque aventure vient en réalité «s’inscrire dans l’impeccable agencement des
desseins divins' ». Avant de prendre la mer, les matelots prennent soin d’adresser à Dieu une prière propitiatoire (11038-40) et lorsque le bouillant Maillefer, embarquant pour Messine, leur ordonne de tost siglier quar desir en avoit (17256), ces derniers tempèrent ses ardeurs en lui
rappelant qu'ils n’arriveront à bon port que « Se Dieu de gloire conssentir leur vouloit À avoir vent tel com il aferoit » (17259-60). Animée de courants contraires, la mer est le lieu où s’affrontent Dieu et le diable : si c’est le Dieu de gloire qui guide Maillefer et Renier (6317-8), c’est
le deable qui tient le gouvernail du navire de Pierrus (14378). La volonté divine finit toujours par l’emporter : fatale tout autant que providentielle, la mer est bienveillante pour les chrétiens et cruelle pour les traîtres fuyards qui s’imaginent trouver en elle un salut. Héros épique perdu dans un univers « romanesque » régi par les lois d’une Providence travestie en hasard, Renier est souvent réduit à n’être que le jouet de sa destinée. Le héros face au surnaturel
L'importance accrue réservée au surnaturel est l’une des caractéristiques les plus couramment attribuées — ou plutôt
5 B. Guidot, « Fantaisie et Romanesque
dans les Enfances
Guillaume », VIIT Congresso de la Société Rencesvals, Pamplona, Institucion Principe de Viana, 1981, p. 202.
6 CL. Roussel, Conter de Geste... p. 277.
:
INTRODUCTION
121
reprochées — à l’épopée tardive, souvent avec quelque exagération : « l’influence du surnaturel, y compris dans les- œuvres
Guidot””.
« tardives », reste]
modeste » observe
B.
Si les ER ne dédaignent pas recourir au
merveilleux chrétien ou féerique — le syncrétisme est de mise — elles le font ainsi avec une relative sobriété. Le merveïñlleux chrétien n’occupe qu’une place limitée dans notre chanson : l’intervention de l’archange Gabriel nimbe la naissance de Tancrède d’une gloire messianique et la furtive apparition de saint Michel à la mort de Bertran confère
au chevalier une
aura de sainteté.
Mais, même
sporadique, l’irruption du merveilleux dans la geste épique n’est pas sans poser « le problème de la liberté d’action du héros épique. Un protagoniste hors du commun impose la marque de sa personnalité aux événements. Le peut-il véritablement quand il est aidé [...] par l’intrusion de l’irrationnel ? [...] l’augmentation de la part prise par le merveilleux dans le développement du récit [...] ne peut que diminuer le rôle du héros épique, ce qui se conçoit difficilement, eu
égard aux traditions les plus anciennes* ». Dans les ER, le merveilleux apporte ainsi à plusieurs reprises une résolution heureuse à une péripétie où le héros se trouve en situation d’impuissance : le petit Renier est-il jeté en pâture à des lions affamés (1236) ou manque-t-il de chavirer (8967) ? Rien à craindre, les gentis fees qui furent au nessant veillent sur lui (1256). Est-il dominé en combat singulier par l’infâme Corbon ? Il lui suffit d’implorer
7 B. Guidot, Recherches sur la Chanson de Geste... II, p. 593.
18 id.
|
122
INTRODUCTION
l’aide divine et le « Saint Esperit li va el cors entrant Qui li dona et force et hardement » (8465-6). L’amante
du
héros est-elle prête à être brûlée vive pour s'être convertie ? La Vierge Marie intervient pour soustraire l’héroïne aux flammes du bûcher, avant que Dieu en personne ne favorise son sauvetage par Renier en plongeant le monde
dans l’obscurité. Dieu, en effet, veille toujours à rétablir le bon ordre des choses ; lorsque Pierrus éventre des femmes enceintes et passe des enfants au fil de l’épée, le poète annonce que « Moult en desplot au Roy de majestez, S’em prist justice tele com vous orrez. » (14752-3) Les ER ne se cantonnent pas dans l’exploitation facile d’un merveilleux providentiel : elles manipulent aussi, non sans dextérité, les ficelles d’un fantastique parfois grandilo-
quent. Les Sarrasins — comme il est d’usage dans la chanson de geste — sont représentés par le poète sous des traits diaboliques. Gigantesque, bestial, affublé d’une paire d’yeux rouges, de longues dents, d’une large gueule et de jambes noires et velues aux pieds plats et aux ongles griffus, Corbon le faé (9251) possède la faculté de muer son Corps « par fantosme et par enchantement » (8452) et d’exhaler une haleine empoisonnée. Face à un adversaire de cette trempe, l’impavide Renier se sent pris de sueurs froides. S’il finit par triompher, ce n’est pas grâce à sa vaillance, mais à une mystérieuse incantation (8508-12). De
même, lorsque Grymbert évoque Tabardin le mauffez, le héros s’évanouit de peur (8928-9). Dans la formidable galerie de monstres sarrasins décrits par les ER, l’affreux
INTRODUCTION
Tabardin,
présenté
123
comme
le messager
de
Burgibus
l’avressier”, occupe une place de choix. Saisissante synthèse des chimères engendrées par l’imaginaire épique, il tient de l’homme et de la bête. Sa duplicité diabolique est symbolisée par le dédoublement de sa tête et de ses pieds (8913-9). Ce premier portrait s’enrichit tout au long du texte de nouveaux détails destinés à frapper l’imagination du lecteur : créature mouvante, Tabardin apparaît sous des apparences sans cesse renouvelées. Le poète souligne la double diversité du monstre, une diversité tout autant
externe — hors normes, le monstre est toujours singulier, bizarre et effrayant — qu’interne — hétérogène, le monstre offre l’apparence d’une chimère : Tabardin possède la stature d’un cheval, la tête d’un boeuf et les pattes d’un lion et peut se métamorphoser selon son bon plaisir — c’est l’occasion pour le poète de laisser libre cours à son imagination débridée (8956-64). Renier est saisi d’un effroi risible au seul nom de Tabardin et ne cherche pas à le cacher à Grymbert, quoi qu’il en coûte à sa fierté. Lorsque Tabardin apparaît dans un vacarme assourdissant, il prend ses jambes à son cou (10396-8).
19 Comme le Tornebeuf d’Aiol, Tabardin mêle le modèle traditionnel du géant monstrueux à la figure du messager rapide à la vélocité merveilleuse (J.-CI. Vallecalle, Messages et Messagers dans les Chansons de Geste françaises, Thèse de Doctorat d’État, Université de Provence, Aix-Marseille I, 1991, pp. 49-50) ; Piecolet, mais aussi Randolet dans le Moniage Rainouart, Galopin dans Elie de SaintGilles, Galacien dans le Siège de Barbastre ou Fol-s’i-fie dans Simon _ de Pouille appartiennent à ce second type.
124
INTRODUCTION
« Le type du Sarrasin monstrueux, grotesque et terrifiant à la fois, d’une laideur horrible, d’une force prodigieuse,
instrument ou incarnation du démon, n’est pas rare dans les chansons de geste », note J. Frappier, qui observe que « la Chanson de Roland elle-même ne dédaigne nullement ce
fantastique truculent” ». P. Bancourt observe toutefois que si dans le Roland, « la noirceur, truosité y sont interprétées dans le toujours signifiantes, elles inquiètent, épouvantent », dans « les chansons de tion, l’exagération, le trait grotesque
la laideur, la monssens de l’horreur: créent un malaise, la deuxième généraorientent le public
vers l’effet comique”! ». Dans les ER, les formidables apparitions de Tabardin sont ainsi exploitées à des fins plaisantes et tournent momentanément le héros en dérision. À la différence de ce que l’on pouvait observer dans les chansons les plus anciennes, la représentation de Tabardin est dénuée d’intentions idéologiques : maléfique, ce mauvais génie n’en est pas pour autant malveillant puisqu’il devient l’adjuvant du héros : après le ralliement de Grymbert au camp chrétien, il se met au service du bien, aide
efficacement
Renier
à triompher
de
Salabrun,
le
ravisseur d’Ydoine, et participe — quoiqu’avec réticence — à la capture de Piecolet, son fidèle serviteur. Là est l'ambiguïté du fantastique des ER : s’il conserve une part de noirceur et d’étrangeté, son irruption ne contrarie pas nécessairement les desseins du héros.
20 J. Frappier, op. cit., p. 83. 1 P. Bancourt, op. cit., p. 83.
…
INTRODUCTION
Tout aussi ambigu
125
apparaît le larron
Grymbert.
Sa
parenté avec Piecolet est évidente, et il est intéressant de
noter que, par contrecoup, le nain se trouve dans les ER dépossédé de ses pouvoirs magiques : si le poète souligne sa fourberie, sa prodigieuse vitesse de déplacement (Piecolet queurt plus tost que destrier ne roncis, 1155) et lui donne l’épithète de faez (19071), elle le prive des « aptitu-
des traditionnelles du larron-enchanteur/”? ». À la figure profondément antipathique de Piecolet, l’auteur a, semble-til, voulu substituer celle, autrement sympathique et passablement édulcorée, de Grymbert. À la différence du faux converti Piecolet, Grymbert est un bon chrétien : on le voit réciter une esquisse de credo et confesser benoftement ses forfaits à Renier (9513-32). Devenu le compagnon du héros, Grymbert lui apporte un soutien sans faille et dénoue les situations les plus inextricables. Ses pouvoirs magiques, qui semblaient devoir faire de lui une créature du diable, sont présentés comme un don de Dieu ! (1325962). Dans les chansons de geste anciennes, les Sarrasins sont
dépeints comme d’habiles magiciens : veules et fourbes, ils recourent à l’artifice parce qu’ils ne sauraient l’emporter par les armes. Rien d’étonnant, donc, à ce que Gonssent * joue les Cassandre, qu’ Ydoine la sachant (8467) possède des rudiments de nigromance (1322) et que l’astrologue Otran sache lire l’avenir dans le cours des étoiles. Il est en revanche surprenant que le héros lui-même — est-ce un souvenir de son ascendance sarrasine ? — soit versé en
22 J.-CI. Vallecalle, op. cit., p. 53.
126
INTRODUCTION
magie noire. Les fées marraines n’ont pas oublié d’inclure cette science dans leurs dons au nouveau-né et Ydoine vient chaque matin lire une leçon d’ingromance au petit Renier (1684-5). Lors de son duel contre Corbon, le poète nous rappelle que « Renier fu sage et de bien escolez, D'art d'yngromance apris et doctrinez » (8500-1). Renier, cependant, ne fait pas usage de cette science et se montre rétif à faire appel à Tabardin, comme il s’en explique à Grymbert. Laissons de côté son évidente mauvaise foi lorsqu'il prétexte l’effroi que l’apparition de Tabardin pourrait inspirer à Ydoine ; il ne fait que jeter un voile pudique sur sa propre couardise. Autrement révélateur nous semble le fait qu’il oppose la proesce (12768) à l’ingromance
(12760). Renier sait fort bien qu’il déchoirait s’il
avait besoin pour l’emporter d’une aide surnaturelle. Les ER témoignent d’un infléchissement romanesque du genre épique. Cet infléchissement est le produit d’une évolution tout autant interne qu’externe, soumise à deux
lignes de force dont « la première est pulsion et cohésion archétypiques à l’intérieur du genre » et la seconde « évolution inéluctable de l’histoire littéraire, faite d’imitation et de déformation des grandes œuvres précédentes, subissant l'influence "extérieure" venant d’autres genres et
accueillant le jaillissement de brusques innovations?® ». Toute chanson de geste s’offre comme une réécriture : par la pratique conjointe de l’intertextualité et de la stéréotypie,
** W. Calin, «La Chanson de Geste est-elle une Épopée ? », p. 124.
INTRODUCTION
127
les ER n’ont de cesse de s’inscrire dans la tradition du genre. Multipliant les allusions et les emprunts aux autres chansons du Cycle, convoquant les personnages les plus célèbres de la Geste et réemployant des matériaux narratifs tirés d’Aliscans, de la Bataille Loquifer et du Moniage Rainouart, cette continuation de la Geste Rainouart invente
moins qu’elle ne recycle. Ce manque flagrant d’originalité, stigmatisé non sans pertinence par la critique, est partiellement contrebalancé par le curieux et fascinant raccord qu’opère le poète entre le Cycle de Guillaume et le premier Cycle de la Croisade. La chanson reproduit, tantôt sur le mode de la caricature, tantôt sur celui du détournement, les codes épiques : nombreuses interventions du jongleur, qui contribuent à organiser tout autant qu’à dramatiser le récit ; recours à tout un éventail de motifs narratifs et rhétoriques stéréotypés, traités comme de pures facilités de composition; enfin, exploitation narrative plus que lyrique du découpage strophique. À la technique narrative de la chanson de geste, fondée sur la linéarité de l’intrigue et une tendance au statisme, l’auteur tend à substituer un nouvel art du récit,
multipliant les rebondissements et empruntant au roman le procédé de l’entrelacement. La structure épisodique de : notre poème justifie l’appellation de chanson d'aventures : «au niveau de l’organisation des ensembles (macrocontextes), [les ER] se montrent bien indépendantes de la
chanson
de geste traditionnelle” ». Soumise
constant
d’interruptions,
de
transitions
à un jeu
et de reprises,
24 W, Kibler, « La Chanson d’Aventure », p. 510.
128
INTRODUCTION
l'intrigue de notre chanson possède une irrésistible trépidation romanesque. Même M. Tyssens et J. Wathelet-Willem, qu’on sait peu indulgentes, reconnaissent « la maîtrise du métier du narrateur. Il conduit simultanément plusieurs récits, passe
agilement
d’un lieu à l’autre, retrouve
les
actions laissées en suspens, sans rien oublier et sans perdre
le fil des événements* ». La mauvaise réputation des ER n’est toutefois pas totalement usurpée. Synthèse — non dénuée de charme, certes — des défauts couramment reprochés à l’épopée tardive, cette œuvre touffue, alambi-
quée, verbeuse, « longue et filandreuse’® », n’est exempte ni de redites, ni de délayages. C’est là « l'expression
massive
d’un
type
de composition
nouveau”? » qui
procède par accumulation et réduplication. Si l’on a pu parler de vernis épique au sujet de la chanson tardive, c’est parce que la lettre du genre semble y être davantage respectée que l’esprit. Répondant aux attentes d’un lectorat qu’on devine plus populaire, les ER ne s’embarrassent guère d’idéologie : elles divertissent plus qu'elles n’édifient et se plaisent aux agréments romanesques. Puisant dans les ressources du folklore, le poète donne au récit des enfances du héros une structure proche du conte populaire qu’il enrichit de broderies merveilleuses ; la recherche descriptive et la forte mise en valeur de détails exotiques tendent à surprendre et à dépayser le
#5 M, Tyssens et J. Wathelet-Willem, op. cir., p. 77. 7% « Interminables rhapsodies » écrivait L. Gautier au sujet des chansons tardives (art. cit., p. 163).
#7 Fr. Suard, « L’Épopée française tardive (XIV°-XV® s.) », p. 450.
INTRODUCTION
129
lecteur, tandis que les contrastes d’atmosphère et le mélange des registres le font tout à tour trembler, rire ou pleurer. Prolixe plus qu’inventive, facile plus que virtuose, pittoresque plus que sublime et recherchant l'effet plus que la profondeur, la nouvelle chanson de geste sent plus d’une
fois l’artifice. Si ce goût pour le divertissement n’est pas étranger aux chansons plus anciennes, les ER y sacrifient dans des proportions qui les rendent suspectes de contamination romanesque. Mais la vraie spécificité des chansons tardives est de préférer l’aventure romanesque à l’action épique : même s’il conserve sa vaillance, sa sagesse et la plupart de ses traits traditionnels, le jeune héros des ER apparaît hésitant, sensible, parfois pusillanime. Régulièrement dépassé par l’irruption conjuguée du hasard et du surnaturel, il ne maîtrise plus totalement le cours des événements, sans que jamais, pourtant, cette perte de pouvoir lui soit fatale. Le « hasard » fait toujours bien les choses et le surnaturel, qu’il prenne la figure d’un merveilleux bienveillant ou d’un fantastique grotesque, seconde le héros dans sa quête. Les ER n’ont pas tant besoin d’être réhabilitées que d’être appréciées sur d’autres critères. Elles n’ont d’autre prétention que d’être une « simple fable, écrite pour
divertir et pour plaire’® », aussi agréable dans sa forme que limitée dans son fond. Pour peu qu’il se laisse prendre au jeu, le lecteur moderne pourra éprouver, sinon une réelle délectation, du moins une curiosité mêlée de sympathie à suivre les aventures de Renier et de ses amis, narrées à un
28 W, Kibler, « La Chanson d’Aventure », p. 514.
130
INTRODUCTION
rythme toujours alerte La « tardivité » relative de notre chanson en fait moins un succédané de l’épopée du XIF siècle que son attrayante réincarnation. Tout en conservant les traits propres au genre, parfois avec un scrupule excessif — ce ne sera pas le cas des mises en prose -, la chanson du XIII siècle a su intégrer des éléments nouveaux propres à assurer la permanence de son succès et l'élargissement de son public. L’auteur des ER éprouve une sorte de griserie à user d’innovations romanesques, sans pourtant renier les valeurs propres au genre épique ; notre chanson est à l’image de la tardive Prise de Cordres et de Sebille,
au
sujet de laquelle
B. Guidot
écrivait : « les
ingérences romanesques [...] ne mettent pas en cause son statut d’épopée et lui fournissent, par instants, une vision du monde, un esprit, une coloration qui ne laissent pas
d’être séduisants”” ».
IV. - PRÉSENTATION DU MANUSCRIT Narrant la destinée du jeune Renier, arrière-neveu
de
Guillaume, les ER se présentent comme un épigone du Cycle de Guillaume d'Orange, l’un des trois grands cycles
7? B. Guidot,
« Ingérences romanesques
dans la Technique
narrative de La Prise de Cordres et de Sebille », Études de Langue et de Littérature française offertes à A. Lanly, Nancy, Publications de l’Université Nancy II, 1980, p. 147.
INTRODUCTION
épiques
selon
131
la taxinomie
de Bertrand
de Bar-sur-
Aube”. La chanson ne figure toutefois que dans un seul des dix-sept manuscrits consacrés à cette geste’! : il s’agit de B°, un manuscrit cyclique dit du « Grand Cycle »*”?, qu’on s’accorde à dater des premières années du
XIV® siècle”? et qui renferme le seul témoin que l’on 0 Avec le Cycle du Roi et la Geste des Barons révoltés. Dans le prologue de Girart de Vienne, Bertrand de Bar-sur-Aube évoque la « geste de Garin de Monglane », arrière grand-père de Guillaume (Girart de Vienne, édité par W. Van Emden, Paris, S.ATF.,, À. & J. Picard et C*, 1977, p. 4), mais l'usage s’est pris, à la suite de J. Frappier, de substituer à cette dénomination celle de « Cycle de Guillaume d'Orange ». D’aucuns ont toutefois pu faire observer qu’il était préférable de réserver cette dernière au « Petit Cycle », c’est-àdire aux chansons qui ont Guillaume pour personnage central. L’appellation de « Geste des Narbonnais » semble préférable, car moins ambigué. #1 Pour une liste exhaustive de ces manuscrits, on se reportera à l’ouvrage de M. Tyssens, La Geste de Guillaume d'Orange dans les Manuscrits cycliques, Paris, Société d’Édition « Les Belles Lettres »,
1967, p. 41. 22 Les manuscrits dits « du Grand Cycle » (B1, B2 et D) rassemblent les chansons du Cycle de Guillaume proprement dit ou « Petit Cycle » (Prise d'Orange, Couronnement de Louis, Charroi de Nîmes etc.) ainsi que celles du « Cycle d’Aymeri » (Garin de Monglane, Girart de Vienne, Aymeri de Narbonne, Narbonnais, Siège de Barbastre, Guibert d'Andrenas, Prise de Cordres et de Sebille et Mort Aymeri).
28
D, M° Millan précise que la datation « est celle proposée par
Ch. Samaran (dans un séminaire de l’École des Hautes Étudesà Paris, en 1937). Elle reposait sur un détail précis de la décoration des lettrines. Dans [le ms.] figurent à l’intérieur des fioritures, disposés
132
INTRODUCTION
possède de notre chanson. Le codex appartient à la famille B, de tradition jugée moins ancienne que la famille À.
Ainsi, à l'instar de B/?", notre manuscrit n’est pas exempt de « refaçons »°° (délayages, intercalations ou arrange-
ments) ; nous avons néanmoins lieu de penser que les ER, en raison de leur caractère tardif, n’ont subi que peu de remaniements. Le manuscrit, qui figurait autrefois dans la riche collec-
tion du Duc de La Vallière (La Vall. 23), est au-
en triangle, trois petits points noirs qui n'apparaissent, selon l’éminent paléographe, que dans les mss. exécutés immédiatement après 1300 » (La Chevalerie Vivien, édition critique des Mss S, D, C, Senefiance n° 39-40, Aix-en-Provence, CUER
MA,
1997, L p.
15). La date de composition tardive de notre chanson accrédite la thèse de Ch. Samaran. Nous n’aborderons pas ici la question de savoir si B° est sensiblement postérieur à B’. D. M° Millan a clos le débat une fois pour toutes en montrant que cette datation se fondait sur une remarque erronée de L. Demaison. P. Paris affirme quant à lui que B° « ne fut pas exécuté avant les premières années du XV° siècle » (op. cit., p. 544). Malheureusement, il n’explicite pas les raisons qui l’ont conduit à retenir cette datation.
2 B! (ms. Mus. Brit. Royal 20 D XI), le plus monumental des manuscrits cycliques, comprend dix-huit chansons.
7 Le terme est emprunté à M. Delbouille, « La Philologie médiévale et la Critique textuelle », Actes du XIIF Congrès international de Linguistique et de Philologie romanes, Québec, Presses de l’Université Laval, 1976, I, p. 58. #6 Louis César de la Baume-le-Blanc, duc de La Vallière (17081780). Le manuscrit porte le numéro 2735 dans le catalogue de La Vallière établi par Guillaume de Bure en 1783 (Bibliothèque nationale : Catalogue général des Manuscrits français, « Anciens
INTRODUCTION
133
jourd’hui conservé à la Bibliothèque Nationale de France (rue de Richelieu) sous la forme de deux volumes reliés
d’un beau maroquin rouge au grain écrasé. Portant la cote FR 24369-70, l’ouvrage comporte sur la pièce de titre l'inscription : Roman en vers de Guill au Cor Né m“ pret. s. vel. av. fig. du 13. s. La reliure se distingue par son caractère luxueux : les plats sont rehaussés d’une frise dorée, les contre-plats doublés de papier peigné et les tranches dorées. La reliure du premier volume a été restaurée en
1974, la pièce de titre indiquant désormais
Roman en vers de Guill. au Corner”. Celle du second volume, qui n’a pas encore fait l’objet d’une restauration, se révèle en piteux état (maroquin griffé et taché, mors frottés, coiffes à demi arrachées, dorure éteinte). Au milieu du XIX® siècle, Paulin Paris a annoté le manuscrit (surtout
le premier volume) et réalisé la foliotation à Il a également établi le sommaire de chacun sur la fausse garde. B° réunit seize des vingt-quatre chansons Guillaume. Le premier volume rassemble . suivantes :
l’encre noire. des volumes du Cycle de les chansons
petits fonds français II N° 22885-25696 du fond français », Paris, Ernest Leroux, éditeur, 1902, voir notice pp. 331-3).
27 Sur ce sobriquet, qui alterne avec au Corb Nez et au Cor Nez, voir Ph. E. Bennett, Carnaval héroïque et écriture cyclique..., p. 252, note 1.
134
INTRODUCTION
— Aymeri de Narbonne (jusqu’au fol. 30 r. a.)
_ les Narbonnais
avec
l'incidence® des Enfances
Guillaume (jusqu’au fol. 75 r. b.) annoncés par la rubrique : « Coment li rois manda Aymeri que il li envoiast de ses enfans ». — le Couronnement de Louis (jusqu’au fol. 96 r. a.) annoncé par « Coment Loÿs fu coronez a Ais de par Guillaume ». — le Charroi de Nîmes, suivi de la Prise d'Orange (jusqu’au fol. 111 r. a.) annoncés par « Ci comence li Charois de Nimes ». — le début des Enfances Vivien (jusqu’au fol. 115 v. b.) annoncé par « Coment Marados parole a Guerin ». — le Siège de Barbastre (jusqu’au fol. 157 v. b.) annoncé par « Ci après comence li Sieges de Barbastre. Incidences ». — Guibert d'Andrenas (jusqu’au fol. 171 r. b.) annoncé par « Coment Aymeri dona sa terre a son fillueil et coment Guibers fu rois d’Andrenas ».
78 L’incidence est l’enchâssement d’une chanson dans une autre « pratiqué lorsque le temps de référence est le même pour les deux récits ; [c’est] un moyen [..] de signifier, dans le déroulement temporel d’une narration, une contemporanéité » (N. Andrieux, « Un Programme d’Écriture et sa Réalisation », Romania, 104, 1983, p. 231). Consulter à ce sujet l’article de M. Delbouille : « Le Système des Incidences. Observations sur les Manuscrits du Cycle épique de Guillaume d'Orange », Revue Belge de Philologie et d'Histoire, 6 , 1927, pp. 617-41.
INTRODUCTION
135
— la fin des Enfances Vivien, dite Le Covenant Vivien Gusqu’au fol. 186 r. a.), annoncée par « Ci comence de Vivien coment il fu marcheans et coment il ocist Marados ». — la Chevalerie Vivien (jusqu’au fol. 197 r. a.) annoncée par « Coment Viviens fu fais chevaliers ». — Aliscans (jusqu’au fol. 242 v. a.) annoncé par « La Bataille d'Aleschans ». — la Bataille Loquifer (jusqu’au fol. 265 v. b.) annoncée par « Coment Renouart parole a celz de la nef ». Le second volume contient :
— le début du Moniage Rainouart (jusqu’au fol. 7 r. b.) annoncé par « Coment Poupaillairs fu refaite ». — la Mort Aymeri (jusqu’au fol. 30 r. b.) annoncé par « Incidences. Ici commence la Bataille des Sagytaires et la Mort d'Aymeri ». — la fin du Moniage Rainouart, divisée en deux épisodes : la retraite de Raïinouart (jusqu’au fol. 35 v. à.) annoncée par « Ci endroit fine li livres de la fin d'Aymeri et d’Ermengart et de pluseurs de leur enfans et retourne a conter de Renuart qui estoit moines » et le combat singulier de Rainouart et de Maillefer (jusqu’au fol. 52 v. a.) annoncé par « Comment Maillefers ariva a Poupaillart et comment il se combati a Renuart son pere ». — les Enfances Renier amputées de la fin (jusqu’au fol. 166 v. b.) et annoncées par « Coment Reniers, li fils Maillefer, fu nez et quel destinees les fees li donnerent ».
136
INTRODUCTION
— Ja rédaction longue du Moniage Guillaume amputée du début (jusqu’au fol. 187 v. b.)
B? n’intègre donc ni Garin de Monglane, ni Foucon de Candie, ni même Girart de Vienne, trois chansons pourtant
recueillies par B' (qui, en revanche, écarte les ER). Le codex a été réalisé à l’encre ferro-gallique sur un parchemin de qualité médiocre, vitreux côté peau et grenu côté poil, présentant coutelures, durillons et taches pigmentaires. De dimensions plus modestes que B/, les feuillets de B?, rassemblés en quaternions, offrent une surface de 310
x 235 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 44 lignes (quelques feuillets présentent des lignes surnuméraires). En dépit de la décoloration de l’encre, le texte reste lisible et ne comporte qu’un seul locus desperatus. Si l’exécution du codex accuse quelques négligences (lettres d’attente, linéation irrégulière, mots rajoutés), la copie est globalement très satisfaisante : les ER ignorent les corruptions et les distorsions qui au fil des copies altèrent l’intelligibilité des textes plus anciens. Un point marque souvent la césure épique. On observe quelques exponctuations, toujours de la main du copiste, et des réclames indiquent au relieur l’ordre dans lequel assembler les cahiers. Plusieurs copistes se sont relayés pour mener à bien le travail ; il semble possible d’arrêter leur nombre à trois : le copiste 1, qui intervient sporadiquement, présente une écriture d’une belle régularité. Les lettres sont hautes et élancées et les pleins appuyés. L'écriture tend néanmoins à se tasser au fil de la copie. Le copiste 2, qui a assumé
INTRODUCTION
137
une grande part du travail, possède une écriture de taille moyenne, qui tend à grossir et à se relâcher avec la fatigue. Les lettres sont courtes et épaisses. Le copiste 3, qui intervient ponctuellement à la fin du manuscrit, présente une écriture petite et ronde, d’une grande délicatesse de
trait. La reliure du manuscrit en deux volumes, qui remonte vraisemblablement à la fin du XVIT ou au début du XVIII° siècle, a entraîné le rognage de la marge de tête et des marginalia anciennes qui y figuraient. La perte de plusieurs cahiers nous prive de la fin des ER ainsi que du début du Moniage Guillaume, circonstance fort dommageable en ce
qui concerne les ER puisque nous ne disposons d’aucun autre témoin pour reconstituer la lacune finale. La numéro-
tation des cahiers semble être le fait du nouveau relieur car elle ne prend pas en compte les cahiers perdus. Il est d'autant plus délicat d’estimer l’ampleur de la lacune qui affecte la fin des ER que la nouvelle reliure ne laisse subsister aucun écart entre le dernier cahier des ER et le premier du MG, lui-même amputé de ses deux premiers feuillets. En nous fondant sur la version du MG procurée par B!, nous pouvons mesurer que ce ne sont pas moins de 2268
vers!” qui manquent au début du MG (dans sa rédaction
29 M. Tyssens, La Geste de Guillaume d'Orange dans les Manuscrits cycliques, p. 374. Si l’on s’appuie sur le texte fourni par A’ - (B.N.F. fr. 774), la lacune s'élève à 2378 vers (cf. Le Moniage Guillaume, édition de la rédaction longue par N. Andrieux-Reix, Paris, Champion, « CFMA
», 2003, p. 12).
138
INTRODUCTION
longue), soit l’équivalent de treize feuillets si l’on prend en
compte l’espace nécessaire pour la rubrique et la vignette luminaire du MG. Un quaternion comportant approximativement 1408 vers, nous pouvons en déduire qu’au moins deux cahiers auraient été égarés ou détruits. Les ER seraient ainsi amputées a minima de cinq feuillets (environ 880 vers). Nous avons tout lieu de penser que la lacune n’excède pas ces cinq feuillets : c’est d’ailleurs l’opinion de F. Lecoy, pour qui la chanson « est incomplète, mais
sans doute de peu »°*. Bien que sortant du « même atelier” » que B’, B° est moins richement enluminé. La grande initiale qui figure au début de chaque chanson est rehaussée de fioritures rouges et bleues. Les autres initiales, alternativement tracées à la
gouache rouge ou bleue, sont plus simplement ornées. Sous chaque titre rubriqué figure une vignette illustrant un épisode de la chanson. Le fond de ces vignettes est relevé d’une splendide feuillure d’or ornée de croisillons et le cadre est décoré d’une onde rouge et bleue et de feuilles dorées. La miniature des ER représente la visite des fées au héros nouveau-né. On voit apparaître par transparence l’esquisse du dessin. Au premier plan, reposant sur sa couche, une main sur le cœur et l’autre ramenant sur elle les plis tortueux de ses draps, Florentine dort. Sous son voile, ses traits sont tirés. De légers rehauts de gouache rouge mettent en valeur les drapés. Derrière elle, trois fées
20 F. Lecoy, art. cit. p. 533. #! M. Tyssens, La Geste de Guillaume d'Orange dans les Manuscrits cycliques, p. 372.
INTRODUCTION
139
à la chevelure dénouée et à la silhouette gracile se tiennent autour de la table qui a été dressée pour les accueillir. Au centre, l’une des fées porte dans ses bras le petit Renier : le nouveau-né, tout emmailloté, a les yeux clos. Les deux autres fées, en retrait, regardent la première. Bouches
ouvertes, faisant de grands gestes de leurs mains aux doigts fuselés, elles paraissent s’exprimer avec vivacité.
V. — VERSIFICATION A) Table des rimes
Les quelques 20065 décasyllabes des Enfances Renier se répartissent en 746 laisses monorimes et isométriques (absence de vers « orphelin »). La rime est très majoritairement masculine : 17 % de rimes féminines pour 83 % de rimes masculines. 1) Laisses féminines (130) -age (-arge/ -ache) : CLXV, CLXXVI, CCXXXIV, CCCX, CDI, CDXXV, CDLXII, CDXCIHI, CDXCVI, CDXCIL, DXXII.
(11) -aine : LXXX. (1)
-aigne (-eingne) : CCXXXVI. (1) -ance (-anche) : CDVIIL. (1)
140
INTRODUCTION
-ee : III, XXII, LXIV, LXXXV, XCVIII, CXL, CXLIX, CLXIX, CXCIV, CCXL :CCXXXIII, -CCLX, CCLXXIX, CCEXXXVC CEXXX VII CCEXEX D CCEOXXEN CCCLXXVII CCCLXXXII, CCCXCII, CCCXCVI, CDVI, CDIX, CDXIT, CDXXXVI, CDXLI, CDXLIX, CDLIMII, CDLX, CDLXXVI, CDLXXVII, CDLXXXII, CDLXXXVI, CDLXXXVIIL, CDXCIL, CDXCIV, DIX, DXV, DXVII, DXIX, DXXI, DL, DLV, DLVIIL DLXIV, DLXXXI, DLXXXIX, DXCIX, DCV, DCXXXIL DCXLIIL DCXLIV, DCXLIX, DCCXXXVII, DCCXLIV. (55)
mie (-ye, -ies): VII XIX, XXXII, XLII, LXXXIII, XCII, XCVII, CXVI, CXXXIX, CXLII, CLXXIX, CLXXXVIN, CCXVII CCXLVII, CCLXXX, CCLXXXI, CCXCI, CCXCVIN, CCCVII, CCCXVII, CCCXXVIIL CCCXXXVI, CCCLXXXIL CD, CDII, CDVI, CDXVII, CDXXXIV, CDXL, CDXLII, CDXLV, CDLVI, CDLIX, CDLXXIV, CDXCVIL DXVI DXXVIL, DXXIX, DXXXIII, DXXXIX, DXLII, DXLVI, DLXV, DLXXII, DLXXVLs. DXCIIE.. DCXILIDCXXXI DCE DCLTS DCLXXIV, DCXCVII, DCCXI, DCCXVII, DCCXXI, DCCXXXIX, DCCXLII. (57) -lere : CXXXVI, CCVIIL (2) -oie : CCLIV. (1)
-ure : CDLXI. (1) 2) Laïsses masculines (616) -& (-as) : I, X, XV, XX, XXVL XXXVIIL XLIV, LI, LIX, LXV, LXXI, LXXVII, LXXXIV, XCI, CVI, CXI, CXVII,
INTRODUCTION
141
CXXIV, CXXXVII, CL, CLXII, CLXVI, CLXXIV, CXCIH, CCIX, CCXXI, CCXXVIL, CCXXXVIL, CCXLV, CCLI, CCLIL, CCLXIV, CCLXVII, CCLXXXVI, CCXC, CCXCINI, CCXCVII, CCCV, CCCXVII, CCCXXVIIL CCCXXIX, CCCXXXIIN, CCCXXXIX, CCCXLI, CCCL, CCCLVII, CCCLIX, CCCLXXI, CCCLXXV, CCCLXXXII, CCCLXXXVII, CCCXCV, CDX, CDXXII, CDXXIX, CDXXXI, CDXLINH, CDXLVI, CDLI, CDLVIH, CDLXX, CDLXXVIL, CDLXXXV, CDLXXXIX, CDXCI, CDXCIX, DI, DXXIV, DXXVIIL, DXXXIV, DXXXVI, DXL, DLXX, DLXXII, DLXXVII, DLXXX, DLXXXVI, DLXXXVII, DXCIT, DCI, DCVI, DCVIIE, DCXII, DCXXVII, DCXLI, DCXLVIIT, DCLVI, DCLXXV, DCLXXIX, DCLXXXII, DCXCI, DCXCVI, DCC, DCCXIX, DCCXXVII, DCCXXXVI,
DCCXLV (97)
-ai (-ay) : LXXVII, CXXXII, DCLVII, DCCXXIX. (7)
CLVIN,
CDLXXV,
DXXX,
-ais (-ois) : CXII. (1) -ant/-ent : XXX, XXXVI, XLVIL LIV, LXI, LXVI C, CIV, CXXX, CXXXV, CXLI, CXLIN, CXLV, CLIV, CLVI, CEXI, CLXXXII, CLXXXIX, CXCI, CXCIX, CCX, CCXXXIX, CCXLVII, CCLV, CCLXIX, CCLXXXIV, CCXCII, CCXCV, HECIV A COCVIE ACCCXIX,, CCCXXV, .CCCXXXVIE CCCXLVI, CCCLVI, CCCLXVI, CCCLXXXVIN, CDXI, CDXX, CDXXVI, CDXXVII, CDXXXV, CDXXXVII, CDLIT, CDLVII, CDLXVI, CDLXXX, DIT, DVI, DXIT, DXIV, DXVIIT, DXXXV, DXLIX, DLVI, DLX, DLXI, DLXXIV, DXCIV, _ DXCVI, DCIV, DCIX, DCXI, DCXV, DCXXII, DCXXIV, DCXXXV, DCXXXVII, DCXXXIX, DCLII, DCLV, DCLX, DCLXIV, DCLXVI, DCLXIX, DCLXX VI, DCCXVI, DCCXXV.
(78)
142
INTRODUCTION
-ans
(-emps/ -ens) : XVII, XCIH, CLXXX,
CCCLVIN,
CCCLXXXVI,
CCLXXVII,
CCCXC, DCXIX, DCLXIIT, DCCI,
DCCXXIIL. (11) -aus (-auz) : CCCLXIV. (1) -é (-ez/ -er/ -erz) : L, LV, LVII, LXIX, LXXIV, XCVI, XCVII, CXX, CXXXIII, CXLVII, CLI, CLXXII, CXC, CXCIIT, CCV, CCXXIV, CCXXVI, CCXXX, CCXLII, CCL, CCLXV, CCLXXXVII, CCC, CCCXIV CCCXXI, CCCXXIT, CCCXLII, CCCXLV,., CCCLIV,.. CCCLXIT, … CCCLXNIL, +.CCCLXX, CCCLXXI, CCCLXXX, CCCLXXXV, CECXCI, CDXIV, CDXV, CDXXVII, CDXLVII, CDLV, CDLXVII, CDLXXI, CDLXXII, CDXC, D, DVII, DXIII, DXX, DXLIV, DLXVII, DLXXXV, DXC, DXCVII, DCXIV, DCXVII, DCXXV, DCXXXIIT, DCXXXVII, DCLII, DCLXV, DCLXXVII, DCLXXXI, DCLXXXIII, DCLXXXVI, DCXCV, DCXCVII, DCCIV, DCCVI, DCCIX, DCCXV, DCCXXVI, DCCXXXII.
(73) -és : DCXXXVI. (1) -el : XXXIII, CCXXXV, DCCXLII. (3) -er (-ez/ -é) : IV, XIV, XXII, XXXIV, LVI, LX, LXVI, LXXT, LXXXVI, XCV, CII, CVIL CIX, CXV, CXXVII, CLV, CEX, CLXIII, CLXXXI, CLXXXIV, CLXXXVII, CXCV, CCVI, CCXIV, CCXVI, CCXXXI, CCXLIX, CCLVI, CCLXI, CCLXXIIE, CCXCIX, CCCII, CCCXXII, CCCXXVI, CCELI, CCCLV, ,CCCLX,, ECCXCIV, -CDXVL, ,CDXVILE (CDXXX. CDXXXIX, CDLXV, CDLXV, CDLXVII, CDLXIX, CDLXXII,
INTRODUCTION
CDLXXXI, DXI, DCXXXIV, DCLXII, DCCX, DCCXXIV, DCCXXXVII. (56)
143
DCLXVII,
DCLXXI,
-ez (-es7/ -ers7/ -erz/ -ers/ -és/ -ef7/ -oiy/ -é/ -er) : U, V, IX, XXI, XXV, XXIX, XL, XLIIE, XLIX, LIN, LXVIN, LXXV, LXXXII, XCIV, CII, CV, CXXVI, CXLVIN, CLIN, CLXVI, CXXXVI, CCIV, CCXV, CCXXII, CCXXV, CCXXIX, CCXLI, CCXLIIT, CCXLVI, CCLVI, CCLXI, CCLXIN, CCLXVII, COEXXEECCIXXIV ECECL ICECXILACECXX, CCCXXIT, CCCXXIV, CCCXXXII, CCCXL, CCCXLVIII, CCCLI, CCCL, CCCEXIX) CCCXCVIIL CDL .CDXIIL -CDLIIL. CDLIV, CDLXIV, CDLXXIX, CDLXXXVII, CDXCV, DV, DX, DXXVI, DXXXIL DXXXVII, DXLI, DL, DLIV, DLIX, DLXXI, DLXXIX, DLXXXIV, DCI, DCVII, DCXLIHI, DCXLVII, DCL, DCLXI, DCLXX, DCLXXVIT, DCLXXX, DCLXXXV, DCLXXXVII, DCXCIV, DCCV, DCCXIII, DCCXVII, DCCXXX, DCCXXXIV,
DCCXL. (85)
-i (-y/ -it/ -ie) : XXVILL LIL, LXII, LXXXIX, CX, CXIX, CXXI CCIL CCXXXII, CCLIX, CCLXVI, CCLXX, CCLXXVI, CCLXXXIX, CCCII, CCCXVI, CCCXXXVIN, CCCXLVII, CCCXLIX, CDXXI, CDXXXVIIL CDXLIV, CDXCVII, DVI, DLXIX, DLXXV, DLXXXVIT, DXCVII, DCI, DCXVII, DCXXX, DCXLV, DCLIV, DCLVII, DCXC, DCCXII, DCCXIV, DCCXXVIIL, DCCXXXV. (38) -ier (-yer/ -er/ -iers/ -iés/ -iez) : XI, XLVI,
LXXXI,
CXXXIV, CLXVII, CLXX, CXCVII, CCVII, CCXIL, CCXIX, CCXXII, CCXXVII, CCXXXVII, CCXLIV, CCLI, CCCXI, CCCXII, CCCLXI, CCCLXV, CCCLXXIV, CCCLXXVIIT, CCCLXXXIV, CCCLXXXIX, CDLXXXI, DXXII, DXLVIH,
INTRODUCTION
144
DLVII, DLXXVI, DCXXII, DCXXVII, DCLI, DCLXXII, DCLXXXIV, DCCII, DCCXLI. (36)
DCLXVII,
-iers (-iés/ -iez) : CCI. (1) -iez (-iersz/ -iers/ -iés/ -ez) : XXXV, CDXXXII,
CDXLVII, DXXXI.
CCXII,
CCCXLI,
(6)
-in : CI, CLXXV, CCLXXV. (3) -ir (-yr/ -ier) : XLVII, CXXXVII, CCLXXXII, CDLXXXIV, DLXVI. (7)
CLXXI,
CLXXVII,
-is (-ys/ -i7/ -is7/ -irs/ -ins/ -ix) : XII, XVI, XXIV, XLV, LVII, LXX, LXXII, LXXVI, LXXIX, XCIX, CXII, CXXVIT, CXXIX, CLVII, CLXIV, CLXXXV, CXCVI, CC, CCI, CCXVIIH, CCLXXI, CCLXXVIN, CCCVI, CCCLXXVI, CCCXCVII CCCXCIX, CDV, CDXIX, DIV, DXLV, DLI, DEXII, DLXXXI, DCLXXII, DCLXXXIX, DCXCII, DCCVII,
DCCXX. (38) -Oi (-oy/ -ai) : CXXV, CDLXIII. (2) -oit (-ait) : CCCXLIV, DCXLVI, DCCIN, DCCXXI.
(4)
-on (-om/ -ont) : VII, XX VII, XXXVII, XXXIX, XLI, LXIII, LXXXVII, CXIV, CXXXI, CXLIV, CLII, CLIX, CLXXI, CCXX, CCXL, CCLXXXI, CCXCIV, CCCXV, CCCXCII, CDXXIV, CDL, DXLII, DXLVII, DLXI, DCX, DCXVI, DCXXI, DCXCII, DCXCIX, DCCXXXI, DCCXXXIII. (31)
INTRODUCTION
145
-Our (-or) : VI, XVII, LXXXVIN, CCCXXXIV, CCCLXII, CCCLXXIIT, CCCLXXIX, DXXXVIN, DLII. (9) -Ous (-ours) : DCXXIX. (1) -ons : XIII, CCCLXVI, CDIV, DCXX, DCXXVI.
(5)
-u (-us) : XXXI, XC, CXXII, CXLVI, DLXXXIN, DXCV, DC, DCCVII. (9)
-Us
(-uz/ -uzs/ -usz) : CV, CXXII,
CLXXXII,
CCCXXXI, CDXXII, CDXXXIII, DIT, DLXVII,
DXCI,
CCCIX,
DCLXXX VII.
(10) -uz (-usz/ -us/ -urs) : CLXXVII, CCXCVI, DXXV. (3)
B) Licences poétiques Dans son édition du Siège de Barbastre, B. Guidot écrivait au sujet de B? qu’« il serait tout à fait déraisonnable de vouloir étudier la langue de l’auteur (en observant
notamment les matériaux linguistiques qui se situent à la rime) puisque les chansons de geste que nous possédons
sont le résultat de nombreux remaniements””. » Le projet est d’autant plus hasardeux que nous ne possédons qu’une version de la chanson : comment faire le départ entre la langue de l’auteur, celle des possibles « arrangeurs » et s celle des copistes ? À défaut, nous distinguerons dans
22 B, Guidot, éd. du Siège de Barbastre, p. 27.
146
INTRODUCTION
l’ensemble des faits de langue les véritables particularismes des simples « facilités » poétiques. 1) Graphies
$ 1. La succession
anarchique
de laisses « pures »
(rimant. pour l'œil) et de laisses « bâtardes » (rimant seulement — et encore — pour l’oreille) accuse le caractère
artificiel du découpage strophique : ainsi la première moitié de la laisse CDXIV rime en -é et la seconde tantôt en -és, tantôt en -ez (ce qui semble attester de la réduction de la mi-occlusive) ; ce à quoi succède la laisse CDXV qui rime, quant à elle, exclusivement en -é. De même, si le versifica-
teur distingue les laisses en -us des laisses en -uz, il ne s’interdit pas pour autant des rimes en -uz dans les laisses en -us et des rimes en -ws dans les laisses en -uz ! $ 2. Nombreuses licences graphiques à la rime ; il peut s’agir d’une simple omission : parlons devient parlon (12074) dans une laisse en -on. On observe quelques cas de substitutions, parfois déroutantes : arrestez (6886) pour l'infinitif arrester (4677) et esmaier pour l'impératif esmaiez (16723).
$ 3. On trouve an pour en étymologique à la rime : fans (9805) pour temps (du lat. rempus) ou certainemant (17478) pour certainement.
$ 4. Ajout d’un -z désinentiel « postiche » à la rime derrière -s ; le procédé permet de flatter l’œil dans les
INTRODUCTION
147
laisses en -ez ou -iez : dans la laisse XXXV apparaissent des formes « retouchées » comme deniersz (909), guerriersz (912) ou courssiersz (918). Moins pertinentes, en revanche, sont les graphies tapisz (2484) ou malmisz (2485) dans la laisse XCIX, laquelle fait se succéder rimes en -iz (2472 enviz) et rimes -is (2478 gris). Ces corrections
tâtonnantes sont sans doute l’œuvre d’un copiste trop zélé.
$ 5. Le produit de la diphtongaison spontanée de [ô] long tonique est toujours écrit ou à la rime, particulièrement dans les laisses en -our/ -or : 397 flour, 8987 seignour, 14350 menour, 14351 lour ; à l’intérieur du vers on
relève presque exclusivement des formes en -eu(r) : 1087 fleur, 9831 leur, 9738 meneur,
10078 seigneur.
2) Phonétique
Facilités pour la rime
$ 1. Le versificateur s’autorise parfois l’assonance lorsque la rime est rare : les laisses en -age sont mêlées d’assonances en -arge (4238 large). M. Ott voit dans ce type de « rimes » la preuve que [r] implosif « est très faiblement prononcé, voire amuï” ». De même, on remarque que la finale chuintante sonore -(a)ge « rime » avec la finale sourde -(a)che (8130 sache) ; faut-il y voir un « témoignage de la tendance du picard à transformer les
23 Guibert d'Andrenas, édité par M. Ott, Paris, Champion, « CFMA », 2004, p. 100.
148
INTRODUCTION
finales sonores en sourdes?#* » ? On note également la présence de « rimes mixtes » fréquentes dans les textes picards?® : les finales -(an)ce en « sifflante » assonent ponctuellement avec les finales -(an)che en « chuintante » (11059 blanche).
$ 2. Un à suivi d’une consonne graphique nasale peut alterner à la rime avec un i suivi d’une consonne graphique
orale : ainsi escrins (1931) côtoie mis (1932) et roncins (530) « rime » avec guenchis (531). $ 3. On observe la chute du / issu de -alis et ce, surtout à la rime : 11202 tés (de talis), 14111 mortés (de mortalis).
Il s’agit moins là d’un trait picard”? que d’une licence poétique pour permettre la rime en -és. $ 4. Évolution de e protonique + yod en à à la rime : 1677 ge l’otri, 14543 la fueille balie. Lorsqu'il n’est pas à la rime, e évolue en oi : 3314 j'otroi que me pendez, 7296 penonciax qui baloient au vent. Une exception, cependant :
74 Ch. Gossen, Grammaire de l'ancien Picard, Paris, Éditions Klincksieck, 1970, p. 103. PE 07e 26 Phénomène similaire dans le Moniage Guillaume (éd. AndrieuxReïx, p. 29) et dans Guibert d'Andrenas (éd. Ott, p. 110). M. Ott
explique ainsi ce phénomène : « [i] est à cette époque nasalisé, mais [il et [i] nasalisé ont presque la même articulation, et [n] final semble très faiblement articulé » (id., p. 110).
#7 Trait que le picard partage avec le lorrain, le wallon et le normand (Ch. Gossen, op. cit., p. 115).
INTRODUCTION
149
prie (vs proie) se rencontre fréquemment à l’intérieur du vers. La forme très minoritaire nient (vs noient), du lat.
*ne-gente,
s'explique
peut-être,
comme
l’avance
Ch.
Gossen, par l'influence de ni (du lat. nego)*. $ 5. Confusion
des produits
de
[e] fermé
et [a] +
consonne nasale : le poète fait rimer adverbes en -ment (du lat. mente) et formes verbales en -ant (du lat. -antem), « ce
qui indique que eN était prononcé comme aN. »°” $ 6. Les rimes on/ ont, ous/ ours, uz/ urz, e7/ erz et il it
semblent témoigner de l’amuïssement des finales romanes cet [El
Facilités pour la mesure Certains mots sont contractiles ou étirables :
$ 1. Insertion d’un e svarabhaktique dans les groupes consonantiques conjoints sourde + liquide : 492 chamberieres Vs 109 chambriere. Cette tendance se vérifie tout particulièrement dans les futurs de verbes dont le radical est terminé par une consonne labiodentale ou alvéodentale appuyée : prenderai (11096) vs prendrai (x 12), renderai
28 Ch. Gossen, op. cit., p. 87. 2% B, Rochet, « Sur l’Évolution des Voyelles nasales du Français », Actes du XIIT Congrès International de Linguistique et de Philologie romanes, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1976, L p. 187.
150
INTRODUCTION
(19503) vs rendrai (x 8), avera (x 10) vs avra (x 131), istera (15735) vs istra (x 15), estera (10239), beverai (1428, le e est suscrit), bevera (x 2), ceindera (16060) etc.
Comme le note Ch. Gossen, « il ne s’agit pas seulement d’une formation analogique d’après le futur de la [°
conjugaison,
mais d’une tendance
phonétique" » qui
s’observe en picard, en wallon, en lorrain et en normand. $ 2. Futurs « écrasés » (syncopés) caractéristiques du
picard”! alternant avec les formes entières : durra (x 3) vs durera (x 3), menra (x 7), donra (x 6), gerrai (1424), engerra (7976), pardonrai (15338) etc.
$ 3. Une voyelle atone en hiatus peut se maintenir (1570 aage, 528 marcheant, 7815 beneïr, 15172 veïr) ou s’amuïr (15388 age, 544 marchanz, 17845 benir, 14847 vir)*? en fonction des nécessités du mètre. Le cas le plus flagrant est celui du passé simple d’avoir : eüt est refait en ut (18531) et eüssent en ussent (13711). $ 4. Cohabitation de formes où le À s’est consonifié en
yod devant voyelle (1227 chartrier, 5768 martirier) et de formes où À continue de former un hiatus avec la voyelle
#0 Ch. Gossen, op. cit., p. 131. ! Ch. Gossen, op. cit., p. 114 ; CI. Buridant, op. cit., p. 279. #2 « Dans les textes litt. en vers, la chute ou la conservation du e sourd en hiatus dépendent Gossen (op. cit., p. 89).
des exigences
métriques » note
Ch.
INTRODUCTION
151
subséquente (5714 chartriier, 16694 martiriier — la réduplication du À: permet de noter la diérèse). $ 5. Le participe présent d’aidier est tantôt trissyllabique (1397, 2287 aïdant), tantôt dissyllabique (367, 11491, 16486 aidant)*.
$ 6. Jerusalem ne compte que pour trois syllabes (13891 etc.) ; la même
particularité
s’observe
dans le Moniage
Guillaume*. De même, le substantif semi-savant angele ne compte que pour deux syllabes (18007, 18040, 18042 etc.) 3) Morphologie
$ 1. Libertés
avec
les désinences : le versificateur
accommode les participes passés en fonction de la rime : aquitie (8407) vs aquitee (13873), arrestu (3193) vs arrestez (8183), faluz (4635) vs falis (8007), vali (9321) vs valu (788), recueillu (3838) vs recueillis (15547), sentu (15792) vs senti (13608) etc. Le substantif regné alterne
avec regne selon les exigences du mètre : 9550 Tout iert li regnes de Sarrazins gastez, 9555 Bien fust li regnes secourus et gastez, 9559 Si est le regne en grant perill remez etc.
#3 Cette ambiguïté se retrouve aussi à l’infinitif (aidier/ aïdier) comme le note CI. Buridant (op. cit., p. 281).
34 N. Andrieux-Reix choisit d'imprimer Jher(u)salem, Andrieux-Reix, éd. cit., p. 25.
cf. N.
152
INTRODUCTION
$ 2. Libertés avec le genre des substantifs : ordinaire-
ment masculin, cercle peut devenir féminin pour la rime : 5497 la cercle iert doree. Herité (ou erité) oscille entre le masculin ou le féminin selon les nécessités du mètre : 5341 s’erité, 8197 toute m'erité, mais 8270 tout l’erité, 8276 trestout son herité, 19592 tout mon herité. Cette liberté
s'exerce également au niveau de l’accord ; on relève ainsi dans une laisse en -ee : Le manche en fu de fin laton fondee (2158). $ 3. Présence, mais exclusivement à la rime, des pro-
noms personnels toniques de forme picarde mi et ti : 1675 Ma damoisele a mis son cuer en ti, 6933 À grant tourment mourra le cors de ti, 6946 Dist Corbon : « Sire, bien le savrez par mi », 71482 « Corbon, dist il, entendez envers mi » etc. $ 4. Au côté des formes nostre (x 47), nostres (x 11) ou vostre (x 102), on observe l’extension à tous les cas des
formes affaiblies du déterminant vo (x 260) : 3745 no gent, 3988 mène est typique du picard, mais texte s’explique par le fait que
possessif ro (x 155) et vo pere etc. Le phénosa fréquence dans notre «les formes affaiblies
pouvaient offrir quelque avantage du point de vue métri-
que »**, $ 5. Élision fréquente du pronom relatif régime que devant voyelle : 4 Et des grans paines qu'en ce siecle
#5 Ch. Gossen, op. cit., p. 127.
INTRODUCTION
endura,
196 Que
153
il trouva
ens
es sors qu'il geta, 427
C'’ons qui couvoite ce qu'avoir ne pourra etc. L'’élision du pronom relatif sujet qui est plus ponctuelle : 8992 Grant fu la tour qu'en la roche est fremee, 13443 Et de la Virge, qu'en ses flans le porta, 17253 Mere iert Ydoine, qu'a Miessines estoit etc. L’adverbe si apparaît souvent sous sa forme élidée : 9058 N'’en partira, s’erent pris et saisi etc. L’élision du pronom démonstratif neutre ce est elle aussi très fréquente, et pas seulement dans les locutions présentatives : 183 C'’ert Gracïenne, ainssi on le nonma ; 1919 Pour c'estrange home ne priseront il ja ; 11643 pour c'en fuïe tourna etc. $ 6. Usage abondant d’enclises dans un souci d’écono-
mie syllabique, parfois audacieuses comme au vers 3152 : Chier lous vendrai. Lous (le + vous) résulte de l’aphérèse de la consonne initiale du pronom vous ; ce phénomène,
rarissime, se rencontre exceptionnellement dans les parlers
du Nord ou de l’Ouest*. De même, nous est employé à deux reprises pour ne vous
(3991
et 7904). Parmi
les
enclises rares, on peut citer quil (qu'il le, 15430) et ques (qui les, 16086).
$ 7. Les démonstratifs renforcés en -i alternent avec les démonstratifs simples selon les nécessités du mètre : 1613
236 Ph. Ménard, Syntaxe de l'ancien Français (4° éd. revue, corrigée et augmentée), Bordeaux, Éditions Bière, 1994, p. 66. CI. Buridant cite les enclises jous, sous, dos, ços, nous et quous (op. cit., p. 416).
154
INTRODUCTION
Sont asemblez a icel parlement, 1822 Ice me dist (vs 1219
ce me dist), 8311 Et por ice (vs 3240 Et tout por ce), 8382 A ice cop (vs 3182 À ce cop) etc. $ 8. Présence du pronom personnel sujet picard fe (analogique de je*?), mais toujours sous sa forme élidée, ce qui en fait une licence métrique plutôt qu’un trait dialectal : 1025 et 17291
enquore vergondez, pourpenssé.
r’en soies aourez,
19585
18828
Le grant malice
t'en seras
que
t'eüs
$ 9. Usage répété du pronom personnel féminin el, forme « raccourcie » de ele : 1396, 1671, 3249, 4024, 5797 etc.
4) Syntaxe
$ 1. Accord avec le sujet le plus proche, sur le modèle du latin : le procédé peut satisfaire la rime, en particulier dans les laisses en -a (3207 II et Tierri belement chevaucha, 3219 Il et Tierri bien se rappareilla, 9744 Le roy Grebuedes et Renier arriva etc.) ou la mesure (10665 Grant fu la noise, le cri et la huee etc.). On remarque
également l’accord du participe passé avec le substantif le plus proche : 2152 Quant son cors ot bien et sa teste armee.
#7 Cette hypothèse a été formulée par CI. Buridant (op. cit.
p. 417).
INTRODUCTION
155
$ 2. La syntaxe est parfois contrainte à quelques « contorsions » afin de respecter la césure : 614 Aprés arrive/ le marchis
son
dromon,
993
Se fier{t] Tibaut/ en la mer
l'Esclavon, 9007 Se la gent est/ de la tour agrevee ou encore 19562 Grymbert voit moult/ Maillefer trespenssé. Les exigences de la rime peuvent expliquer certaines bizarreries syntaxiques : 3282 Quant le jaiant perçut le sanc de soi, 14824 Quant Maillefer a bien la teste armee.
$ 3. Généralisation de l’hypotaxe asyndétique ; lorsque le poète ne peut élider la conjonction de subordination que (devant consonne), il en fait l’économie. Ce phénomène touche très fréquemment les complétives : 2469 or voit bien ja n’i avra duree, et les systèmes corrélatifs où que introduit une consécutive : 1836 Lors a tel duel pres n’a le sens desvé. La relation logique apparaît assez clairement pour qu’il ne soit pas nécessaire d’expliciter le lien de subordination entre les deux propositions. Le pronom relatif régime que est plus rarement omis : 169 S’ora des paines Maillefer endura, 356 Lessiez le duel vous avez entrepris etc. L’ellipse peut aussi affecter le pronom relatif sujet qui : 189 Tiebaut l’atr'ier li eschapa, 9507 Il n’est nus hons tant ait de mals bracez, 10674 N'i a celui n'ait
la couleur muee, 11761 N'’en ataint nul sa vie n'ait finee eic.
$ 4. Présence de la tournure concessive por + participe présent : 2623 por les membres perdant, 3358 por les vies perdant (« dussions-nous perdre nos membres/ la vie »). CI. Buridant note que ce tour (moins fréquent que por +
INTRODUCTION
156
infinitif#) est « surtout une variable du tour formulaire, pouvant commuter avec l’infinitif pour des facilités de rime
[...], en négligeant la durée accomplie »*. $ 5. Chevilles de longueur variable : les formules longues (6 syllabes) sanz plus d’arestison (121), sanz plus d'arrestement (15945) ou sanz plus de l’arrester (17648) alternent avec les formules « contractées » (4/5 syllabes) sanz arrestage (11473), arrestoison (4448).
sanz arrestee
(19993)
ou sanz
5) Vocabulaire
$ 1. On soulignera la grande inventivité du poète en matière de suffixation substantivale : à la rime, aïr devient aïroison (7234), vertu se mue en vertuage (4578) et arrestee (16215) se décline en arrestage (11473), arrester (17653), arrestoison (629), arrestee (19998), arresté (4529), arrestemant (17783) ou arrestement (15949). Pour
le second hémistiche, on relève une pléthore de formules de remplissage interchangeables : or oiez mon penssé (6415)
peut ainsi devenir
à la rime
or oiez ma
pen-
ssee (12750) ou sanz plus de demourage (8128) alterner avec sanz plus de demoree (11790).
38 Por les membres coper (2923, 4204), pour vie perdre (3084), por mourir (7647, 12281, 13525), por les membres trenchier (8244),
por perdre la vie (12288), pour mourir (13451, 14552, 14739 etc.), por estre desmembrez (19885).
# C1. Buridant, op. cit., p. 657.
INTRODUCTION
157
$ 2. Certains picardismes apparaissent comme des facilités poétiques ; c’est le cas de fie («fois»), qui apparaît exclusivement à la rime, ou d’esfondre (18146),
qui commute pour le mètre avec foudre (x 4). VI. — ÉTUDE DE LA LANGUE L'étude de la langue du manuscrit B° ne présente pas de difficulté particulière : comme le note J. Frappier, il s’agit là d’une « langue littéraire commune, sans particularité
dialectale bien nette“! ». D. Mc Millan ajoute qu’elle «est une forme sensiblement rajeunie de l’oïl commun* ». On signalera tout au plus une discrète teinte picarde. 1) Graphies Voyelles
$ 1. Alternance graphique ai / e, au net avantage de e : mais (x 26) vs mes (x 703), plaist (13039) vs plest (x 107), fait (x 13) vs fet (x 291), palais (153) vs palés (x 57), tret
20 Voir la thèse (inédite) de G. Roques, Aspects régionaux du Vocabulaire de l’ancien Français, Strasbourg, 1980, p. 172, ainsi que son article, « Le Vocabulaire des Versions picardes du Roman
Thèbes », Bien Dire et Bien Aprandre, n° 21, 2003, p. 368. A1 J. Frappier, op. cit., IL, p. 41. #2 D. Mc Millan, art. cit., p. 16.
de
158
INTRODUCTION
(x 7) vs trait (x 10) etc: Cette alternance n’épargne pas la désinence -ai de la P1 du passé simple : emblé (542), lancé -(1023), demandé (1218), songé (9827), m'apenssé (17567) etc.
$ 2. Alternance graphique ou / eu dans certains mots comme sour (x 4) vs seur (x 3), sourmonter (16644) vs seurmonter (11235) et voult (x 7) vs veult (x 9) ; mais la
graphie eu l’emporte très largement (excepté à la rime). $ 3. An pour en étymologique, même dans un mot savant comme example (18547) du latin exemplu. Le phénomène inverse (en pour an étymologique) est également attesté :
ennee (1769) pour annee. De même, le résultat de [e] fermé tonique + nasale est graphié ain : 556 mains (du lat. minus), 2840 faindra etc. La graphie plain (du lat. plenum)
l'emporte toujours sur plein. $ 4. Le digramme ey est parfois utilisé pour noter [e] fermé : 3490 ahontey, 7046 bley“,
$ 5. Digramme oi pour ai : voillans pour vaillans (138, 372), voillant pour vaillant (1475).
#5 Ch. Gossen, op. cit., p. 66. 2e Id DE GS. # Ch. Gossen reconnaît toutefois qu’il «est difficile de se prononcer sur la valeur phonétique de la graphie ei » (id., p. 48).
INTRODUCTION
159
$ 6. Présence de la graphie dialectale (Est) -eill dans traveillier (5125) vs travaillié (7570).
$ 7. o au contact d’une consonne nasale est quelquefois noté ou : ounour (98) vs onnour (246), courounee (519) vs couronnez (699), esperounant (3571) vs esperonnant (3781), estouné (4534) vs estonné (5504), aresouna (7787) vs aresonna (7413), touniaux (11003). Sous l’influence de la nasale subséquente, o s’est sans doute fermé en [u] avant
de se nasaliser. Ce phénomène s’observe souvent, mais pas
exclusivement, en picard’*, Consonnes
$ 1. Redoublement quasi systématique du s explosif : ainssi (150), enssement (429), ensseulez (460), apenssee (499), forssenee (500) etc. Par ailleurs, on observe très sporadiquement à l’intervocalique une tendance à écrire -spour -ss- (surtout au début de la chanson) : ausi (43, 331),
feusons (206) et mesagiers (319), à comparer aux formes aussi (500), fussons (4981) et messagier (5760). « Simple caprice ? » s'interroge Ch. Gossen, qui observe la fré-
quence de ces faits graphiques dans la scripta picarde”?. $ 2. Agglutination et redoublement de la consonne initiale du second mot (le premier étant une préposition) : enssivant (15098) pour en sivant etc.
26 Jd., pp. 83-5. 27 Id. p. 107.
160
INTRODUCTION
$ 3. Alternance pour les lettres doubles : 4958 ociroit vs 2775 occire, 1 bonne vs 38 bone, 551 donrrez vs 554 donrez etc. ; cette alternance touche tout particulièrement la géminée -// notant [1] palatalisé en position finale : 1380
consseill vs 7140 consseil, 1241 perill vs 19264 peril, 1866 veull vs 4056 veul, 2173 gentill vs 1011 gentil etc.
$ 4. La séquence -sf- alterne fréquemment avec -ff-** : 17543 cosfres vs 465 coffres, 713 esfreez vs 3288 effreez, 2311 desfaez vs 2316 deffaez, 3697 desfent vs 3681 deffent
etc. $ 5. La lettre g en position intervocalique note le hiatus : 14712 assegurez et 16393 aseguré (vs 6845 aseürez). $ 6. Le [n] palatalisé en position intervocalique est noté par les séquences -(i)gn- et -(i)ngn- « qui alternent fréquemment dans la scripta picarde* » : 79 conpaingne vs 706 compaigne, 296 remaingne, 5366 seingne vs 9255 seigne, 6052 adeingne, 8972 engingnié vs 9137 engigniez, 13216 lingnage vs 2608 lignage, 16105 enseingne vs 17432 enseigne etc. En position finale, [n] palatalisé est noté par -ig ou -ing comme l’atteste la fréquence des graphies besoig (688, 2137, 2282 etc.) ou poig (3127,
#$ Nous n'avons pas jugé opportun de gommer ces hésitations graphiques ; à la différence de ce qu’observe N. Andrieux-Reix dans le Moniage Guillaume, nous n’avons pas constaté « l’absence fréquente de barre sur le f simple » (éd. cit., p. 24).
# Ch. Gossen, op. cit., p. 119.
INTRODUCTION
161
3681, 7356), sans barre d’abréviation sur le à, alternant avec besoing (6811, 9407, 12102, 14454) ou poing (3382, 11738, 11950 etc.) $ 7. Concurrence des séquences -/l- et -1/1- pour noter [1]
palatalisé VS 1983 Mallefer aqueillie,
en position intervocalique ou finale : 97 mellour meillor, 115 fuellent vs 424 fueillissent, 4791 vs Maillefer (x 714), 7275 aquellie vs 8869 7540 vallissant vs 909 vaillissant, 10910 viell vs
690 vieill, 12286 ballie vs 111 baillie, 14536 assallir vs 626 assaillir, 14716 conssell vs 1150 consseill etc.
$ 8. Présence ponctuelle de la graphie -esce pour -esse : 1307 noblesce, 3160 destresce, 11162 mestresce etc.
$ 9. Alternance de graphies avec ou sans h initial : 427 ons vs 426 hons, 1070 s’umelie vs 9834 humelier, 1966 heure vs 48 eure, 3061 herité vs 665 eritez, 6891 huis vs 1235 uis, 15179 huisset vs 1298 uisset, 15279 ui vs 1207 hui, 15810 herbu vs 3828 erbu.
$ 10. Présence du graphème k caractéristique des . graphies picardes : son usage reste limité à quelques mots dans notre ms : 556 kar vs 19 car et 449 quar, 802 loke vs 719 loque, 2110 Keneliex, 2207 kaon, 2529 merkedi, 4574
Kartage vs 12492 Quartage, 4684 Kapalu vs 4681 Quapalu, 5314 auketon vs 1001 augueton, 6145 kamoisié, 8908 karmin, 9110 Kaillos vs 2501 chaillou, 9855 karcant, 11359
Kahu
vs 795
Quahu,
12512
quarkan
vs
10541
162
INTRODUCTION
quarcans, 15233 keu, 18933 barbakane.
16744
Akarïos,
16884
Makarin,
$ 11. Le p est savant dans : 545 baptiziez vs 34 batisiez,
1041 Egypte vs 175 Egyte, 5463 dampné vs 4131 danner, 5469 Escripture, 9030 septisme etc. 2) Phonétique Vocalisme
$ 1. Évolution particulière de la triphtongue par coalescence e [ouvert] aw issue de e + / ou / palatalisé entravés ; l’accent tonique qui frappe le [e] ouvert bascule sur l’élément le plus ouvert, c’est-à-dire [a], ce qui entraîne l’affaiblissement et la fermeture du premier élément : [e] ouvert > [e] fermé. La fermeture de [e] fermé s’est ensuite poursuivie en [y] comme en témoignent les formes yaume (3116), oisiaus (1617) vs oiseaus (643), biaus (1573) vs beaus (1523), chastiauls (2872), chapiax (8366), damoisiax (3498) vs damoiseax (8193), isniax (3943), viautre (18263) vs veautre (18277) etc. Cette évolution n’est toutefois pas propre au picard, mais s’observe « dans la plupart des parlers d’oïl, excepté dans ceux du Sud-Ouest et dans
quelques-uns du Nord-Ouest?» $ 2. Diphtongaison du e entravé en ie : gieste (2295, 2889, 3937) du lat. gesra. « Elle est une des caractéristi-
20 Ch. Gossen, op. cit., p. 61.
INTRODUCTION
163
ques principales du wallon et du rouchi, note Ch. Gossen,
mais elle existe aussi dans une partie de la Picardie". » $ 3. [ye] fermé en provenance d’un a tonique ayant subi la « loi de Bartsch » (comme dans la désinence verbale dre) non réduit à [e] fermé : lessier (x 6), prisier (x 14), acointier (x 6), herbergier (16703), couchier (x 6), drecier (x 9), chaucier (x 2), enchaucier (x 3), brisier (x 3), chacier (x 7), chargier (15381), chevauchier (x 3) etc.
$ 4. Évolution particulière de la finale phonème palatal + ata des participes passés féminins latins qui aboutit, grâce à une accentuation descendante, à -ie (et non -iee comme en francien) : 8056 chalengie. Si cette évolution n’est pas propre à l’ancien picard (les dialectes du SudOuest, le lorrain, le wallon et le normand la pratiquent également), Ch. Gossen reconnaît que « dans les textes picards, ce trait est peut-être celui qui connaît la plus
grande régularité” ». S’observant dans notre texte souvent, mais pas exclusivement,
à la rime, cette finale ne
saurait constituer une simple licence poétique.
$ 5. Réduction de ie, produit de la diphtongaison du [e] bref tonique libre, à à : 16310 Pirrus (du lat. Petrus) vs 14117 Pierrus. « Cette monophtongaison, admettant une diphtongue décroissante, est fréquente en wallon, en lorrain
21 Jd., p. 59. Alle DrS5.
164
INTRODUCTION
et aussi dans l’Ouest. Elle est plutôt exceptionnelle en
picard » note Ch. Gossen””. $ 6. Dissimilation de l’e atone : 11145 esfraee. $ 7. Maintien de voyelles prétoniques : maintien du e dans serement (2622 etc.) ; maintien du [a] étymologique dans deffaez (12507) et rachater (4754) vs racheter (2543).
$ 8. Évolution phonétique de e protonique suivi d’un [1] palatalisé en i dans le verbe consillier (230) du lat. *consiliare (voir aussi : 1535 consilla). Mais la forme refaite
conseillier, analogique du substantif conseil, l’emporte très largement. $ 9. Ensemble de traits picards très ponctuels :
— évolution de -iliu + s en aus** : 294 consaus (294, 4663), conssaus (6205, 7013, 18954, 19779).
— réduction de o et i initiaux à e : serour (263), Phelippe (17971), Sezile (13880, 17920). « Cette réduction, due à
une influence dissimilante, [...] est particulièrement fré-
quente en picard » note Ch. Gossen?.
INTRODUCTION
165
— réduction de ei roman protonique en à devant s** : 121 arestison vs 629 arrestoison, 971 chaplison, 1681 mesprison, 9953 conjurisons. — évolution en [u] de e initial atone au contact d’une
consonne
labiale, en particulier m7:
7038 promiers,
16146 promerain. — réduction du produit de la diphtongaison de [o] ouvert en u ; « dans focu > füe [fermé] w, la labiodentale absorbe
le
premier
élément
de
la
diphtongue»
note
Ch.
Gossen’* : fu (2871) vs feu (53). — maintien de [a] atone damage (204, 1335, 1822 6059).
initial étymologique dans etc.) et damagier (911,
Consonantisme
$ 1. Dégagement sur l’avant des occlusives dorsovélaires palatalisées ch et g d’un i « parasite » (« de transition ») qui forme une diphtongue par coalescence avec la voyelle précédente : 8 aproicha vs 6090 aprocha, 64 aige vs 15384 age. « Trait de l'Est, plus particulière-
ment bourguignon » note A. Micha”?.
256 Ce trait est commun au picard, au wallon et au lorrain (id. p. 88).
27 Jd., p. 87. 258 Jd., p. 78. 29 Jd., p. 90. 20 Robert de Boron, Merlin, édité par A. Micha, Droz, 2000,
p. LX.
166
INTRODUCTION
$ 2. Fréquente métathèse du groupe -er- > -re- : 1593 freté, 6288 fremetez, 1045 povertez, 2046 avressier, 10422
fremee, 10455 enfremé, 10519 desfremé, 12835 vrejanz etc. Le phénomène n’est toutefois pas systématique : ferté (x 2), fermeté (4501), verjant (x 2), fermee (10431), fermé (5352), enfermez (86), desfermee (x 3), desfermé (x 2) etc. « La métathèse, note Ch. Gossen, est l’un des traits les plus caractéristiques du picard moderne [...] Elle se trouve déjà très souvent dans la scripta ; elle est attestée cependant
aussi dans la scripta normande »*1. $ 3. Chute de / implosif dans le groupe a + / + consonne
dans
abe
(107)?
vs aube
(2959),
atr'ier
(189)
vs
autr'ier (2267), mavesté (17026) vs mauvestié (19821). Ce
trait se rencontre dans les dialectes picard, wallon, lorrain et normand. Toutefois, en picard, « le développement normal de / est la vocalisation, tandis que la chute de /
reste exceptionnelle »%*, $ 4. Absence ponctuelle d’épenthèse dans le groupe secondaire n’r : atenrie (422), venrredis (3359), venredis (5640) etc.
#1 Ch. Gossen, op. cit., p. 114. 2? Cette forme suscite l’absolue perplexité de C. Cremonesi : « Si è introdotto l’'emendamento aube in quanto non si à rintracciata alcuna documentazione in altri testi della forma abe : ci resta tuttavia qualche perplessita nel respingerla completamente » (op. Gti p.088).
#5 Ch. Gossen, op. cit., p. 115.
INTRODUCTION
167
$ 5. Assimilation régressive de s1 à LL, dont témoignent
les graphies : 668 mellez vs 2338 meslez, 3689 mellee vs 12459 meslee, 8035 ellis vs 1167 eslis, 4362 ellessier vs 9937 eslessier, 6779 bruslé vs 13251 brullee etc. $ 6. Labialisation de la consonne finale d’un monosyllabe sous l'influence de la consonne initiale du mot suivant : 111 em baillie, 295 em prions, 324 em plorant, 327 l’em pesa, 402 em plour, 1410 em biere etc.
$ 7. Ensemble de traits picards extrêmement ponctuels :
— assimilation du groupe -rl- en -I-#* : 3908 chambellenc vs 16155 chamberlenc. — évolution de / + yod à la finale en -PS : 17 vermelle vs 4352 vermeilles.
— dissimilation de 7% : 2529 merkedi. — évolution de s/ en rl ou [PS7: 4167 varlet vs 1198 vallez, 7026 varleton vs 1277 valleton. 3) Morphologie
$ 1. Flexion bicasuelle : D. Mc Millan écrit au sujet des Enfances Vivien que « le système de déclinaison bicasuelle est à ce point altéré que, en dehors des imparisyllabiques et de quelques tours où le maintien de l’s de flexion est
IA PPALTA: 2 Idap#i lé: FT )pALTSt #1 ep. 107.
168
INTRODUCTION
exigé par la métrique, la forme marquée du c.s.sg. du masculin est très largement supplantée par la forme du cr. ; il en est de même du pluriel »*. La remarque s’applique aux ER, où l’anarchie est de règle : Renier li preuz (12016) alterne en début de laisse avec Renier le preuz (12032). On relève des syntagmes nominaux dans lesquels la déclinaison n’est respectée que pour les substantifs à deux bases (issus de la classe des imparisyllabiques latins) : 2865 Dist Rubÿons, le fel viellart, 1103 Le quens Gyrart ot moult le cuer marri, 9166 Oiellart le lerre .I message apela etc. Le respect de la déclinaison pour les substantifs à deux bases n’a pour autant rien de systématique : 470 Dont se pourpensse le mal larron prouvez, 4026 Es vous Gyrart, le preuz conte vaillant, 7950 Le felon lerre qui m'a fet poine grant etc. On notera l’adjonction fréquente d’un -s analogique au CSS des substantifs masculins à deux bases : 68 sires, 459 lerres, 12029 bers etc. $ 2. Déterminants
— présence de l’article défini féminin picard le ; trois occurrences : 386 le dame”, 13252 le voie, 16256 le navie. On notera également l’emploi de l’article féminin
7% D. Mc Millan, éd. des Enfances Vivien, p. 135. K. Baldinger fait lui aussi remarquer que « die Zweikasusflexion wird nicht mehr sicher gehandhabt, der Akk. dominiert (es kommt aber auch der Nom. an Stelle des Akk. vor) » (art. cit., p. 191).
## « L'emploi de le pour le féminin n’est pas dû à la perte d’un genre, note
Ch. Gossen,
il est [..] le résultat d’une
phonétique » (op. cit., p. 121).
évolution
INTRODUCTION
169
CS li, analogique du CS masculin (trait picard et wal-
lon°”) : 110 Guibourc li enseignie, 189 li annee. — emploi de l’enclise w pour en le (el) : 12350 Ens u
costé .I. poi la char li prent, 12509 Enz u despit de François li desvez. — présence du déterminant possessif féminin picard se : 3061 se herité. L'accord en genre peut être fautif : le possessif masculin picard sen détermine un nom féminin au CR : sen mere (6495). La forme attendue eût été se
(picard) ou sa (francien)”’!. — emploi fréquent de déterminants démonstratifs masculins neutralisant l’opposition entre les séries de démonstratifs cist ct cil : cis (x 24) pour le CSS ct le CRP : 67 cis enfes, 154 cis jours, 266 Il saut et gart ces barons segnoris, 911 ces .I1. damagiez, 1981 Ces riches armes
ces (x 136) pour cis services, 343 Ja fust li uns de o vous emporte-
rez etc. — emploi ponctuel de la forme tout au CS pluriel (au lieu
de tuit), trait picard selon CI. Buridant””? : 1474 Tout li baron a conforter l'ont pris, 1502 Tout li baron ont moult Guillaume quis, 1513 tout mi oncle sont a leur fin alé, 1516 Tout mi parent sont mort et trespassé, 2185 Tout li .VIIT. mile i sont alez jouster etc.
270 CI. Buridant, op. cit., p. 106. 71 C1 Buridant souligne toutefois qu’en ancien picard «la déclinaison peut être flottante dans les textes » et qu’on observe « une tendance à employer une forme unique féminin/ masculin » (op. cit., p. 150).
72 CL Buridant, op. cit., p. 131.
170
INTRODUCTION
$ 3. Pronoms personnels présence du pronom féminin picard Le : 9-10 Tous les nuef mois la dame le porta, Ses maus le prist, qui forment le greva, 14-15 Moult d’angoisses la dame souffri la Mes Damedieus si bien le visita, 185 c'’ert Graciene, ainsi on le
nonma. — le pronom masculin il apparaît parfois sous la forme i : 2573 s’i vous plest, 2977 a ce qu'i aesma, 3374 S'i fust ceenz, 12138 Nul ne sot dire quel part i demora,
14525 -
Ainz qu'i soit vespre, 19762 S'i li aïde. Comme le note Cl. Buridant, « dès la fin du XIF siècle, i/ devant consonne a tendance à se réduire à à, et pas uniquement devant les
mots commençant par / »°?”*, — confusion entre les pronoms régimes lui et li : Et a la dame en privé demander S'’ele saroit nule enseigne pensser Pour le sien filz connoistre et aviser S’on le fesoit devant lui amener (6576-9), En Morimont est la dame ensserree O lui Gyrart a la chiere membree (7317-8), La dame pleure quant de lui dessevra (13426), Ou la dame iert, et sa fille, ensserree Et avoec lui sa mesnie privee (15150-1).
« En raison de la tendance à remodeler la série du féminin sur celle du masculin, on trouve parfois dans les manuscrits du XII siècle lui employé comme pronom féminin à la
place de Ji » observe Ph. Ménard?#.
8 ]., p. 419. 7 Ph. Ménard, op. cit., p. 63.
INTRODUCTION
171
— présence de l’enclise nu pour ne le (nel), trait anglonormand selon C1. Buridant?”* : 16793 Bien l'entendi, mes il nu connoist mie.
$ 4. Présent de l’indicatif — désinence picarde en -a pour la P1 : on relève a
(11312) pour ai et sa (12501) pour sai”, — concurrence de va et de vait pour la P3 d’aler ; la forme vait est analogique de fair”? : 53, 744, 1233, 1496, 1499 erc. $ 5. Imparfait de l’indicatif — désinence P3 en -of ; deux seules occurrences : saillot (8571), assaillot (15322). Cette désinence s’explique soit par la monophtongaison de oi (produit de la diphtongaison
de [e]) fermé en o, phénomène propre au picard’ ; soit par une réfection analogique de ot (P3 du passé simple d’avoir) de la désinence -out typique des textes de l'Ouest et de l’anglo-normand et héritée phonétiquement de la terminaison latine -abaf””° (propre aux verbes du premier groupe). Dans cette seconde hypothèse, on remarquera que
75 C1. Buridant, op. cit., p. 332. 76 Voir à ce sujet les remarques de C1. Buridant, op. cit., p. 278. Le même phénomène s’observe à la P1 du futur. Ch. Gossen y voit la preuve d’unc monophtongaison de [ay] en [a] en syllabe accentuéc (Op ci 1p52):
27 G, Zink, Morphologie de l’ancien Français, PUF, p. 153. 78 Hypothèse formulée par Ch. Gossen, op. cit., p. 67. 77 Hypothèse formulée par CI. Buridant, op. cit., p. 273.
192
INTRODUCTION
cette désinence s'étend ici à des verbes en -ir (saillir, assaillir). — désinence P4 picarde en -iemes ; une seule occurrence : estiemes alez (16695).
$ 6. Futur — présence de désinences P1 en -a : 260 sera, 7994 sera, 8078 ira, 15512 toudra. CI. Buridant voit dans la réduction
de -ai à -a un trait picard”*, mais N. Andrieux et E. Baumgartner
inclinent
plutôt
à la considérer
comme
caractéristique du lorrain”. — présence de futurs métathétiques, que l’on retrouve dans tous les dialectes, à l’exception de ceux du Sud-Est : deliverrez (555), liverra (2141), renterra (2995), enterra (4666), croistera (11673), ouverroit (17246), enterrons (18499), mousterrez (18787) etc.
— présence de futurs dialectaux pour les verbes avoir et
savoir*? : avera (12080) et ara (8971) côtoient la forme régulière avra (135) ; de même, saverez (12845) et sarez (13104) alternent avec savrez (552).
— absence ponctuelle de consonne épenthétique dans le
groupe secondaire n’r (trait picard selon CI. Buridant?) :
#0 CI. Buridant, op. cit., p. 270.
#1N, Andrieux et E. Baumgartner, Manuel du Français du Moyen Âge : 3. Systèmes morphologiques de l'ancien Français, À. le Verbe, Bordeaux, Éditions Bière, 1983, p. 138.
#? N. Andrieux et E. Baumgartner, op. cit., p. 142. # CI. Buridant, op. cit., p. 279. Ce trait se retrouve également en lorrain.
INTRODUCTION
1973
tenrai (17763) vs tendrai (x 4), tenra (x 2) vs tendra (x 11), voura (x 4) vs voudra (x 29), prenra (3254) vs prendra (x 16) etc. $ 7. Passé simple
— passés forts sigmatiques sans s intervocalique, fruits d’une réfection analogique sur le modèle de veïs : 1216 preïs, 3660 preïssent, 4426 feïst, 5547 preïst, 15558 apreiïs, 15560 deïs etc. — les personnes fortes du paradigme de devoir (type en -ui : P1 dui, P3 dut, P6 durent) subissent une réfection
analogique du type en -oi (avoir, pooir, savoir) d’où les formes P1 doi (9582), P3 dot (491, 563, 863, 4845, 7816, 19778) et P6 dorent (18721). — absence ponctuelle d’épenthèse dans le groupe consonantique n’r : vinrent (x 4) vs vindrent (x 27).
$ 8. Imparfait du subjonctif: poïst (1264) ou pouïst (7258), forme secondaire de la P3 de pooir, alterne avec la
forme peüst (x 15)%. $ 9. Infinitif : présence de l’infinitif veïr / vir pour veoir : 6021, 10140, 14847, 15172, 19216, 19727. Il s’agit là d’une réfection sur le modèle de l’infinitif du deuxième
groupe verbal ; le trait est typique du picard”.
284 G. Zink, op. cit., p. 230.
#5 Ch. Gossen, op. cit., p. 67. C. Cremonesi croyait cette forme phonétique : « riduzione di -eéi (-eoi) ad -i » note-t-elle (op. cit.,
p.57):
174
INTRODUCTION
4) Syntaxe
$ 1. Particularités dans l’emploi de la négation — renforcement affectif : on notera la propension de l’auteur au « renforcement affectif de la négation par
l'expression d’une valeur minimale » : Mes ne l’empire vaillissant .II. deniersz (909). « Cette valeur, note CI.
Buridant, désigne un objet de faible prix ou d’usage courant ou intentionnellement déprécié, et est utilisée comme comparant dans une comparaison implicite, pour
signifier que le comparé ne vaut rien’ ». Il ajoute que les expressions d’une valeur minimale « appartiennent à un inventaire illimité, embrassant des champs lexicaux privilégiés comme celui des monnaies [...] ; elles sont particulièrement répandues dans les chansons de geste ». Dans notre chanson, cette valeur est matérialisée par une
faible somme d’argent (un besant, un ou deux deniers, deux parisis) ou par un « objet « dérisoire » de la vie
quotidienne” » : deux dés à jouer (18098), un bouton (995), un gant (1602) ou un éperon (2892). On notera le
recours au champ lexical du végétal, fragile et éphémère :
#6 R. Bellon, « Le Renforcement affectif de la négation par l'expression d’une valeur minimale dans La Belle Hélène de Constantinople », Mélanges de Langue et Littérature françaises du Moyen Age, offerts à Pierre Demarolle, Paris, Champion, 1998, p. 105.
#7 C1. Buridant, op. cit., p. 103. FR, DL
# R. Bellon, art. cit., p. 105.
INTRODUCTION
175
une fleur (8991), une feuille d’ortie (19969), un fétu de paille (15808) ou un épi de blé (2245). Des denrées de faible prix entrent aussi dans cet inventaire : une ou deux gousses d’ail (14984), une pomme (11733), un œuf (18878), un gâteau (849), un fromage (4576) ou une alye, le fruit de l’alisier (2124) ; l’aill, la ponme et l’oef sont souvent flanqués d’une épithète dépréciative : 6400 .I. aill pelé, 11150 ponme paree, 11971 ponme pourrie, 15653 oef pelé, 4799 oef pourris. Cette valeur minimale peut également être symbolisée par un animal domestique : 4789 chastris (« mouton »), 6940 chien pourri.
— locution restrictive : la séquence n'’i ot que + infinitif marque «la plénitude d’un sentiment, son caractère exclusif de tout autre, dans les formules épiques » : 885 Ne set que fere, en lui n'ot qu'aïrer, 2058 Voit les Bertran, en lui n’ot qu'esmaier, 3618 Voit le Gyrart, en lui n'ot que marrir, 5710 Murgalet l'ot, n’i ot qu'’esliescier, 5911 Le jaiant l’ot, n’i ot que couroucier etc. Dans la chanson de geste, la colère ou le désespoir se manifestent de manière hyperbolique. — double négation : fréquence du tour « n’i a celui qui ne + subj. » où le démonstratif cil renvoie à « l’humain
générique »”'. La principale étant négative, la subordonnée, elle-même négative, est toujours au subjonctif. La succession de deux négations a pour conséquence d’inver-
20 C1. Buridant, op. cit., p. 729.
#1 J4, p. 136.
176
INTRODUCTION
ser le mouvement de négativation en direction du positif : «n'i a celui qui ne» est paraphrasable par « tout le monde ». Ce tour figure fréquemment dans des clichés formulaires soulignant la prestance de l’armée chrétienne : 622 N'i a celui qui n'ait hauberc fremillon, 3380 N'i ot celui qui n'ait cheval braidis, 12223 n'i a cil n'ait espee,
12465 n'i a cil n'ait plomee, 14160 N'i a celui qui n'ait broigne vestie, 15918 N'i ot celui n'ai bon destrier crenu. Comme
l’a bien observé
Ph. Ménard,
le pronom
relatif
sujet « n’est pas toujours exprimé en pareil cas”? ». $ 2. Emplois particuliers d’adverbes — si : on note la présence de « formule{s] superlative[s]
d'engagement
avec
si de repérage
fictif” »:
367-8
N'avrai repos [...] si iert la terre toute a moi aclinans,
599-600 N'avrai mes pes tant que mon cuer durra S’avrai la terre que l’en me destina, 18901 N'’en partirai si vous avrai pendu etc. « Dans les textes épiques en particulier, où il s’agit volontiers de tours formulaires, le rapport temporel d’antériorité entre deux procès peut être exprimé par la juxtaposition de deux propositions [...]. Un procès 1 négatif est envisagé comme ne se réalisant pas aussi longtemps que ne l’est pas un procès 2 positif introduit par
#2 Ph. Ménard, op. cit., p. 33. #* Cette terminologie est empruntée à CI. Buridant, op. cit., p. 513. On notera la similitude de ce type de construction avec N’avrai grant joie mes en tout mon aé Tant que savrai la fine verité Qui fu mon pere (1956-60).
INTRODUCTION
177
si, [au futur], situé par rapport à un repère temporel fictif ». Dans cette construction, si joue le rôle d’un « inverseur de
négativité »*, Ce procès 2 peut également être introduit par les locutions rant que, dusqu'a cele heure que ou Jusques atant que : 1957-8 N'avrai grant joie mes en tout mon aé Tant que savrai la fine verité, 1965-6 N'avrai mes joie quant de moi partirez Dusqu'’a cele heure que revenu serez, 12740-1 ja mes joie n’avrai Jusques atant que verité sayrai. — mar : l’adverbe appréciatif mar (du latin mala hora) se trouve fréquemment en tête de séquences formulaires ; ses valeurs sont multiples : a) mar est apte à exprimer un jugement porté par l’énonciateur sur un autre « indiquant que le procès dont il est le sujet est [...] détrimentaire, à. e. qu’il se retourne
contre lui” » ; associé au présent de l’indicatif, au passé composé ou au subjonctif imparfait, il entre dans des formules comminatoires : « Mar ont passé la mer a ceste fie ! » tonne Tibaut en apprenant l’arrivée de l’armée chrétienne à Loquiferne (837) ; « Cuvert trouvé, mar l’alastes ferant ! » (1640) crient à Renier les jeunes
Vénitiens qui ont tenté de. l’assassiner ; « Mar sont par vous la nostre gent ledi » (3151) lance Renier au géant Corsaus. b) devant un verbe conjugué à un temps du passé (passé simple, subjonctif imparfait), mar peut servir à exprimer
24 Jd,, p. 602.
25 Jg., p. 526.
178
INTRODUCTION
« le regret qu’une chose-se soit produite »*° ; mar entre ainsi dans des formules de lamentation sur une destinée malheureuse, en particulier dans les planctus épiques: « mar vi vo dessevrer de vostre cors ! » se lamente Guillaume à la mort de Guibourc (1464-5).
c) employé devant un futur à valeur jussive”’ ou associé à un subjonctif, mar équivaut « à un impératif
négatif, à une défense très énergique »”* : « Ja mar en douterez ! » recommande Grymbert à Gyre (548), « Ja mar en soit douté ! » lance Corbon à Renier (8293). Mar est, en effet, propre à exprimer un jugement porté par un locuteur sur un autre « indiquant que le procès dont il est le sujet est inopérant ; [...] associé au futur catégorique ou hypothétique, d’ordinaire avec ja, qui souligne le caractère inéluctable, mar exprime une mise en garde ou un conseil
dissuasif » note C1. Buridant””. $ 3. Emplois particuliers de prépositions — por : nombreux tours concessifs hypothétiques introduits par le strument por : Por .1. jour courre n'’iert estans ne lassez (1984). On relèvera en particulier les formules épiques bien connues appuyant l'expression de la volonté por les membres coper (2923, 4204) et por les membres
6 AT 8 #
Ph. JA 72 C1.
Ménard, op. cit., p. 275. EDR p: 275: Buridant, op. cit., p. 526.
INTRODUCTION
179
trenchier (8244) dans lesquelles l’infinitif revêt une valeur passive. — a: la préposition a «introduit fréquemment un infinitif séparé de son régime, introduit par une autre préposition® » : 221 Mer passeroient pour nous a rasegier, 302 avrez poour des testes a copper, 2700 Mentir m'estuet por m'onneur a garderz, 5126 j'aie fame por moi a soulacier, 12623 Miex vient la guerre par nous .IL a finer etc. — de : associé au forclusif pas, de marque l’extraction en introduisant le complément partitif : 2135-6 Bertran vous mande que pas ne vous rendra De Loquiferne, « Bertran vous fait dire qu’il ne vous rendra pas la moindre parcelle de Loquiferne ». Dans ce type de construction négative, pas signifie « un atome, une parcelle aussi ténue que l’on voudra extraite d’une certaine quantité”! », L'expression n’est pas sans rappeler N’avra a pes plain pié de m'eritez (665) ou De Loguiferne ne tendrez ja plain gant (5435).
— sus : la préposition sus peut introduire des « formules marquant la mise en jeu d’un gage en garantie d’une promesse, en particulier dans les interdictions avec mena-
ces, au sens de "sous peine de"*? » : 18118-20 Ses barons mande, n'i a plus demouré,
39 CI. Buridant, op. cit., p. 468.
31 7, p. 118. 502 Jd., p. 484.
Qui de lui tiennent ne
180
INTRODUCTION
chastel ne cité, Que a lui-viegnent sus perdre l’erité. I est intéressant de noter que ce type d’emploi est plutôt réservé
à sor%, C1. Buridant note toutefois que « les principaux
emplois de la préposition locative sus [...] recoupent en
partie ceux de sor »°*. $ 4. Particularités dans l’emploi du morphème que — que conjonctif est parfois répété au début d’une complétive interrompue par une subordonnée relative ou hypothétique pour rappeler le lien de dépendance : 17-18 Crois ot vermelle et ce senefia Que, s'auques vit, qu'encore rois sera, 9507-9 Il n’est nus hons tant ait de mals bracez Que, s'il puet estre vraile]ment confessez Et repentans, que il ne soit sauvez, 20038-39 Soiez certain que cil qui ci mourra Que s'ame iert sauve, devant Dieu s’en ira. — que conjonctif associé au mode subjonctif introduit une circonstancielle de condition restrictive (« à condition que,
pour peu que »)"® : la formule qu'il puisse souligne ainsi la détermination
du héros épique : 3173 Ja mes,
qu'il
* Voir les exemples cités par C1. Buridant, id, p. 484 et Ph. Ménard, op. cit., p. 175.
*# CL Buridant, op. cit., p. 485. * G. Joly cite pour exemple : « Ja, que je puisse, n’i morroiz » « Vous ne mourrez pas, pour peu que je puisse l’empêcher ! » (Précis d’ancien Français, Paris, Armand Colin, coll. U « Lettres et Linguistique », 2004, p. 389).
INTRODUCTION
181
puisse, ne sera levé plus, 6089 Ja mes a temps qu’il puisse nel ferra, 10850 Ja mes, qu'il puisse, ne sera relevez.
— une proposition complétive est parfois annoncée dans la principale par un élément corrélatif ; la conjonction que introduit alors une proposition explicative au sens de « à
savoir que »%. Cet élément corrélatif peut être le pronom neutre le ou le substantif chose « équivalant à un
démonstratif neutre »*” : vous le saverez Qu'ainssi sui trahi et enganez (15632-3), Quar d'une chose ai le cuer moult iré, Que ne savez dire la verité » (1955-6). CI. Buridant note que dans ce type d'emplois le strument que
est « à la limite du relatif »*®, On observe l’ellipse ponctuelle du que : Ne lairai nel vous die, Le roy Butor, qui est de Pincernie, Par moi vous mande (2116-8). — présence de la tournure fere que + adj. ou subst. : 271 vous ferez que chetis, 296 si ferés que preudons, 364 ferés que sachans, 10710 ferez moult que ber, 14271 trop fis que fol prouvez etc. S’agit-il d’une simple « relative raccourcie » (c’est-à-dire elliptique) comme le pense Ph.
Ménard” ou bien d’une comparative d'égalité substituant que à com comme l'estime Cl. Buridant’° ? « La tournure faire que sage, note ce dernier, a le plus souvent
306 Ph. Ménard, op. cit., p. 204.
307 J., p. 204.
*8 C1. Buridant, op. cit., p. 564. 3® Ph. Ménard, op. cit., p. 83. 310 Comme au vers 282 : Maillefer, qui fu fiers que lÿons.
182
INTRODUCTION
été analysée comme elliptique du verbe dans la relative : « faire (ce) que (fait) un sage : « agir sagement ». Certains considèrent cependant qu’il ne s’agit pas d’une ellipse et que le que est ici conjonctionnel (que substitué à quam : com) »°!!, Le débat reste ouvert. $ 5. Particularités dans l’emploi du mode infinitif — présence du tour or du + infinitif substantivé ; comme le note G. Joly, il « constitue une phrase nominale excla-
mative.
Il peut traduire
une
simple
constatation »°?
comme au vers 3600 : « Or du bien fere ». Le tour peut aussi avoir une valeur jussive : 4437 Or du bien fere, 16311 Or du siglier. Dans cet emploi, « la valeur temporelle de l’adverbe or (« maintenant ») s’estompe [...] : il sert à renforcer l’exhortation, au sens de "donc" »°",.
— neutralité diathétique de l’infinitif, qui prend une valeur passive dans le tour « avoir paour de + proposition infinitive » : 302 S’avrez poour des testes a copper, 2365 S’avra paour de son cors lapider, 6673 S'avra paour de son cors embraser, 14930 Aront paour de leur testes trenchier.
1 C1. Buridant, op. cit., pp. 597-8. 2 G. Joly, op. cit., p. 343. % Id, p. 343 ; voir aussi Ph. Ménard, op. cit., p. 302 et C1. Buridant, op. cit., p. 321.
INTRODUCTION
183
— présence du tour « fere a + infinitif » (« mériter de » + infinitif passif) ; ce type de constructions emploie souvent des verbes d’appréciation : 1906 ce fet a mercïer, 2556 marcheanz qui moult font a loer, 5745 sa gent, qui
moult font a prisier\*, $ 6. Particularités dans l’emploi du gérondif — présence
du tour en oiant (755,
1205, 8060, 9992,
10570, 12181, 17475, 17577) rappelant les « séquences proposoïdes en construction absolue » du type oiant les chevaliers (« les chevaliers écoutant », & e. « devant les
chevaliers ») analysées par CI. Buridant*!*, à cette différence près qu’oiant n’est pas un participe présent, mais un gérondif, qui revêt ici une valeur passive. « De manière à être entendu » est la traduction la plus pertinente, en oiant étant fréquemment associé à l’adverbe hautement. — recours
abondant
à des « notations
adverbiales
de
vitesse’ » en -ant dans les récits de combats : 504 courant (« à toute vitesse »), 777 poignant (« piquant des deux », « de toute la vitesse du cheval »), 932 bruiant
4 Voir C1. Buridant, op. cit., p. 360. 35 C1. Buridant, op. cit., p. 325. 316 Cette dénomination, empruntée à Ph. Ménard (op. cit., p. 172), s’applique à un gérondif employé à côté d’un verbe de mouvement ; «incident [au] procès principal dont il marque une modalité secondaire », le gérondif acquiert une valeur adverbiale (CI. Buridant, op. cit., p. 326).
184
INTRODUCTION
(« avec
une
ardeur
bruyante », « à vive
allure »), 938
errant (« très vite, tout de suite »), 1236 acourant (« à vive
allure »), 2224 defendant (« à toute allure »), 3566 abandonant («à vive allure »), 9289 ademetant (« précipitamment »), 11712 batant (« rapidement »), 12368 brochant (« en éperonnant son cheval, à vive allure ») etc.
$ 7. Particularités dans l’emploi du mode subjonctif — présence de « systèmes hypothétiques de relief épi-
que »*!? utilisant l’imparfait du subjonctif, en particulier dans les récits de combat : 1461 La veïst l'en Guillaume doulouser, 2422 La veïst l’en maint destrier sejourné, 4465
Lors veïst l’en les Pincenarz venir, 4590 La oïst on ces corz d’arain bondir, 4696 La oïst on corz et grelles sonner etc. Ces systèmes, tronqués de leur apodose, possèdent une
valeur exclamative et servent à exprimer un regret : « si seulement vous aviez vu ou entendu... ! », « que n’avezvous vu ou entendu. ? »
— emploi de nombreuses protases au subjonctif présent se situant « à la limite du souhait et de l’hypothèse » et «en appelant au secours de Dieu pour attester de la
véracité d’un énoncé’! » à l'instar de la formule Si m'aiït Dex dont elles sont les héritières : 3374 se Diex me soit aidis, 4527 se Diex me doint santé, 10595 se Diex me veulle aidier, 11897 se Diex me beneïe, 15360 se Diex me
#7 C1. Buridant, op. cit., p. 636. FE
pis 13:
INTRODUCTION
face aïe, 16047 se m'ame
185
ait ja salu, 16537 se Diex me
puist aidier, 17818 se Diex me puist sauver etc.
— emploi de la locution concessive stéréotypée#!? cui qu'en poist ne qui non (4457) « qu’on le déplore ou non » ; la formule renforce l’expression de la volonté en soulignant le fait que le personnage se détermine lui-même, sans s’arrêter aux réactions d’autrui. On relèvera les variantes cui qu’il doie peser (4829), cui qu'il poist ou qui non (8354) et cui qu'il poist et qui non (14562). Il existe quelques « formules alternatives » : cui qu'en ait joie ne qui en soit marris (254), cui qu'il doie ennoier (1180, 4410, 5915, 12933, 14662), a cui qu'il desagree (12772,
13287, 17166, 19824), cui qu'en plourt ou qui rie (8051) ou encore ou il vousist ou non (7237).
— emploi répété de relatives optatives traduisant une forte implication du jongleur : que Diex vous veulle aidier (2042), cui Diex puist mal doner (2374), cui Diex doint mal dehé (2423), cui Diex croisse renon (3933), que Diex veulle honourer (4120), que Diex veulle avancier (4347), que Diex veulle amonter (4852), que Diex maudie (5622), que Diex veulle plessier (5675), que Diex conduie (6326),
cui Diex doint encombrier (6489), cui de Dieu soit dampnez (6962), cui Diex doint mal destin (7071), cui Diex veulle honorer (8790), cui Diex doint deshonnour (8984),
319 On en relève déjà l’existence dans le Roland (édition critique de C. Segre, nouvelle édition refondue traduite de l'italien par M. Tyssens, Genève, Droz, 2003, v. 1279).
186
INTRODUCTION
que Diex gart d’encombrier (9923), cui Diex croisse hontage (11467), cui Diex croisse tourment (11477), cui Diex otroit tourment (12858), que Diex gart de damage (13272), cui Diex doint dampnement (16424), que Diex puist essaucier (17852), cui Diex croisse bontez (18521) etc.
— expression de l'imminence contrecarrée : l’auteur emploie le subjonctif imparfait pour indiquer qu’un procès a été sur le point de se produire — les adverbes ja ou moult tost en soulignent le caractère imminentiel —, mais qu’une
circonstance effective est venue en empêcher la réalisation ; cette circonstance « contrecarrante » peut être introduite par : a) la conjonction de coordination de sens adversatif mes suivie d’un verbe à l’indicatif (présent, passé composé ou simple, imparfait) : Ja li trenchast le chief desus le bu Mes Sarrazins i sont poignant venu (776-7), Ja le preïssent la
pute gent haïe, Mes il escrie : « Aidiez, sainte Marie ! » (3666-7), Ja l’eüst fete trebuchier et chaïr, Mes le jour faut, si prist a anuitier (7247-8) etc. Ph. Ménard souligne que la « juxtaposition de l’irréel et du réel » produit « un
effet dramatique”?». b) la conjonction de subordination temporelle quant suivie d’un verbe à l'indicatif (au passé simple ou composé) ; ce type de construction est extrêmement fréquente dans notre chanson : Ja fust li uns de ces .II. damagiez
Ph.
Ménard, op. cit., p. 148 ; c’est ce que CL Buridant a
plaisamment appelé un « effet Zorro » (op. cit., p. 335).
INTRODUCTION
187
Quant i sourvint Maillefer li guerriersz (911-2), Ja s’en Juissent, n'i peüssent durer, Quant roy Butor leur vint a l’encontrer (2189-90), Ja se refussent en la mer esquipé Quant .I. espye leur a dit et conté (2396-7) etc. c) la conjonction de subordination hypothétique se introduisant une proposition négative au subjonctif : Ja fussent enz entré li Arrabbi Se nel veassent no baron seigneuri (2811-2), Que ja tournast a Renier a folie S'il ne criast « Venice ! » (12444-5), trestournez ! (15620) etc.
Ja l’eüst mort s’il n'eüst
d) l’adverbe négatif ne suivi du subjonctif : Ja en eüst le larron afolé Ne fust Renier, qui l’en a destourné (9680-1), Ja fust occis a duel et a haschie Ne fust Grymbers a la chiere hardie (10370-1), Ja l’eüst fet roy Butor descipler Ne fust .I. Turc qui moult fist a loer (12562-3) etc.
e) le poète n’a recours qu’une fois à la parataxe : Tant ont monté li cuvert plain d’envie Ja entrast ens desus le mur a hie, Voit les Gyrart, a poi que ne marvie. Cele part vint courant par arramie : .I. grant fuls]t prist, il et sa compaignie, Sus ceuls le getent qui en contremont puïe (7522-7). $ 8. Constructions absolues
— usage fréquent de syntagmes appositionnels stéréotypés en construction absolue : 3382 Ja lance el poing, 3681 el poig destre l’espee, 5594 lance sus feutre, 19123 el poing . le brant letré.
188
INTRODUCTION
- emploi de propositions participiales : 3147 l’escu sesi, 9261 son fauxart entesé, 15919 au col l’escu pendu, 16792 lance bessie, 16944 le fauxart paumoiant. CI. Buridant les qualifie de « construction[s]
absolue[s]
constituant
[des]
syntagme[s] prédicatif[s] à ordre endocentrique, indiquant une attitude que peut gloser « comme ça, complément du verbe principal [...]. Avec les armes, les emplois plus ou moins stéréotypés sont particulièrement fréquents dans les
chansons de geste et les romans d’aventure »%1. $ 9. Disjonctions (ou constructions à imbrications)
- nombreuses « relatives non contactuelles??? » (dans lesquelles le relatif n’est pas au contact de son antécédent) : 3786-7 Quant vit Renier, moult ot grant marrisson, Qui se combat a pié de son tronçon, 15680-1 Lert en la tour, moult de mal soufert a, Ou Marbriens l’autre jour l’enchauça, 16005-6 [Madïans] Vint a la dame, et si li a conté, Qui de famine ot le cuer agrevé, 16927-29 Assailliez aigrement Cel losengier, qu'il ne voist eschapant, Qui mon serourge a ocis si vilment ! etc.
— une subordonnée complétive conjonctive pure peut être disjointe de sa principale : 1858-60 N'ose respondre, ainz se prist a douter S’il disoit voir, pour ce n'ose parler, Que la pucele ne le face afoler.
1 C1. Buridant, op. cit., p. 330.
52 Jd, p. 581.
INTRODUCTION
189
— la locution conjonctive ainz que est employée de manière disjointe : 2419-20 Mes ainz avra maint travail enduré Qu'il ait son pere connut. — les constructions infinitives peuvent être détachées de leur verbe régisseur : 18746-7 Piecolet mande, et il a lui venoit, Pour demander se ces nés connoissoit etc. — cette tendance à la disjonction s’observe aussi entre un nom et son adjectif : 15173-4 Voir .I. aumaire, si le courut ouvrir, Tout plain de miches c'on y ot fet quatir etc. $ 10. Constructions apo koïnou
On
relève
plusieurs
exemples
koinou** : dans Renier conmande
de constructions
apo
et doucement proia
Les mariniers de tost nagier hasta (16383-4), le syntagme nominal les mariniers remplit une double fonction syntaxique : il est à la fois le complément d’objet de conmande et proia et celui d’hasta. De même, dans Or vous dirons de Grymbert, qui monta En la grant tour ses compaignons trouva (9081-2), en la grant tour est le complément circonstanciel de monta comme de trouva. Il est très fréquent qu’une subordonnée temporelle introduite par quant puisse se rattacher indifféremment à la proposition précédente ou subséquente : 20011-2 Secours arons quant nostre gent savra Conment nous est, je croi tost ci vendra.
3% Ph, Ménard, op. cit., p. 200.
190
INTRODUCTION
$ 11. Dislocations et reprises pronominales
- nombreux exemples de dislocation à gauche avec reprise par le pronom démonstratif cil ; le procédé permet une mise en valeur du sujet : 826 Otrans de Lymes, cil les chadele et guie, 7213 Renier li preuz, cil les chadele et guie, 8943 Gyres li preuz, cil s’i est moult penez, 16686 Robers Ricart, cil parla tout premier, 17938 Robert Ricart, cil fu ses avouez, 19917 Gyres li preuz, cil s’i sot bien aidier. L'élément extrait peut également être un circonstanciel de lieu ; la reprise est alors opérée par l’adverbe locatif la : 2113
À Morimont,
la sera
arrivez,
9553
En
tour
Baudune, la est emprisonnez, 15415 En .1. regort de mer, la s'embuscha etc.
— abondance des chevilles « additives » fondées sur une reprise pronominale : 931-2 Mes tant l’aproche Bertran en chevauchant, Il et Guillaume et Maillefer bruiant, 1182-3
En sa nef entre Maillefer sanz targier, Il et Guillaume et li autre princier, 10096-8 Quant Renier a le portier escouté Que Maillefer iert enquore en santé, Il et Bertran, s'a grant joie mené etc.
$ 12. Subordination multiple (ou phrases « en escalier ») — on note une propension du poète à enchâsser des subordonnées dans d’autres subordonnées : 8965-7 Si grant tempeste en la mer demena Que la galye si durement vaucra Que par .I. poi que Renier n'afondra etc.
INTRODUCTION
191
— on relève également des cascades de relatives : 2510-2 Se Diex guerist le damoisel vaillant, Renier li enfes, qui vient par mer najant, Qui aventure aloit partout querant etc. $ 13. Accords
L'accord par syllepse est très fréquent : 213 Poi avons gent qui facent a prisier, 806 Maugré qu'en aient cele gent paienie, 6171 Qu'amenez orent la mesnie Noiron, 15646
La gent Gyrart furent touz destravé etc. $ 14. Particularités liées à l’emploi du verbe veoir
— ordre des constituants : veoir occupe la première place dans une proposition lorsque celle-ci entretient avec la proposition suivante un rapport consécutif non explicité par un terme conjonctif : 466 Voit le le lerres, s’en fu moult aïrez, 7143 Voit le Guillaume, forment li va grevant, 812 Voit les Tibaut, a poi qu'il ne marvie, 854 Voit le Guillaume, ne l’en fu mie bel, 906 Voit le Bertran, vers lui s’est adreciez etc. « Il s’agit d’une construction caractéristique des textes anciens, en particulier des chansons de geste » 324 note G. Joly”. — valeur de ou : devant veoir, le pronom relatif ou (lat. ubi), employé sans antécédent, prend la valeur d’un adverbe de temps : il exprime « une concomitance immé-
34 G, Joly, op. cit., p. 221.
192
INTRODUCTION
diate entraînant une réaction dans délai”». L'ensemble figé ou voit (« quand il voit », « lorsqu'il voit », « qu’il voit ») est caractéristique de la syntaxe épique” il précède généralement une prise de parole: 324 Ou voie Guillaume, em plorant li conta, 834 Ou voit paiens, fierement leur escrie, 2383 Ou voit paiens, si leur dit son penssé, 3386 Ou voit la dame, si li dit son avis etc.
$ 15. Expression de la conséquence imminentielle®” Le poète utilise principalement la séquence a poi (que) associée à ne explétif : 812 Voit les Tibaut, a poi qu'il ne marvie. Il emploie plus rarement les tours poi s’en faut (que), par poi (que), par .I. petit (que), petit failli (que) ou si qu'a petit (que) : 1647 poi s’en faut qu'il ne les va tuant, 5446 Par poi qu'a terre ne l’ala enverssant, 6854 Si qu'a petit ne fu son cuer crevez, 8463 Par .I. petit qu'il ne se va pasmant,
9279 Petit failli ne m'ala decevant.
Le
verbe cuidier est propre à revêtir la même valeur : 1130 Pour son enfant cuida esragier vis, 3603 Tel duel en ot du sens cuida issir, 4412 Maillefer l'ot, le sens cuida changier etc. Comme l’observe CI. Buridant, la conséquence
5 C1. Buridant, op. cit., p. 608. 6 Voir Ph. Ménard (op. cit., p. 214) et CI. Buridant (op. cit., p. 608).
#7 C'est-à-dire un procès qui a failli se réaliser ; CI. Buridant parle d'«imminence inaccomplie » (op. cit., p. 183). La conséquence imminentielle se distingue de l’imminence contrecarrée par le fait que la circonstance « contrecarrante » n’est pas exprimée.
INTRODUCTION
193
imminentielle « concerne surtout [..] un ensemble de réactions émotives de colère et/ ou de douleur à la réception d’un procès [..], exprimées de manière hyperboli-
que »°%.
5) Lexique
On notera la présence de nombreux régionalismes picardo-wallons, fait non isolé dans la production épique
du XII siècle comme l’observe G. Roques*”. Mentionnons l’adjectif entois® « violent, plein d’ardeur » (2855) ; les substantifs faion*' « grand-père » (6313, 6555, 9577, 17511), purté «pure vérité,
surgon*? « source » (10161), secret» (5796, 13385, 13902,
14176), maillueF* « maillot d’enfant » (30), moilon®
#8 C]. Buridant, op. cit., p. 622. Il ajoute au sujet de la séquence a poi que qu’« il ne semble pas possible de voir dans a la P3 du verbe avoir » (tbid.).
2% G. Roques, « Aspects régionaux du Vocabulaire du Français médiéval », Perspectives médiévales n° 9, 1983, p. 27.
330 ]] s’agit plus précisément d’un mot du nord de la Picardie (G. Roques, op. cit., p. 154).
#1 Tobler-Lommatzsch, X, col. 50. 37 « Mot picard » note G. Roques (op. cit., p. 377). 33 Mot « attesté [...] uniquement dans le domaine picardo-wallon »
(id., p. 394).
34 G, Roques, « Le Vocabulaire des Versions picardes.. », p. 368.
35 Mot « uniquement picard » selon G. Roques (op. cit., p. 301).
194
INTRODUCTION
« milieu » (8362); ainsi que les verbes desmanever”* «perdre» (x 7), eschefler” «écarteler» (x 5), «rendre
enmieudrer® « perdre,
abattre,
meilleur»
maltraiter >»
(x
labiter””
(75), 16),
amoustrer
« montrer » (x 6), adeingnier”! « aimer, agréer, traiter avec égards » (6052) et esclistrer” « jeter des éclairs » (11434). Rares sont les régionalismes qui ne soient pas des picardismes : le verbe agrejier « faire tort, accabler » (8427) est un mot qu’on «trouve avec une densité
particulière
en
anglo-normand*® ».
Fanjas
« marais,
marécage » (10006) est un mot emprunté au dialecte du
Sud-Est**.
Quant à l’hapax bovete
« cave » (15187,
15192), il s’agit d’un dérivé de bove, mot appartenant au
%% Produit du croisement des verbes desmaner (« ôter de la main ») et amanevir (« préparer, ajuster »), ce mot est « limité [...] au domaine picard » (id., p. 139).
#7 Mot picard selon G. Roques (op. cit., p. 135). 38 Ce verbe se rencontre en picard, en wallon, mais aussi en lorrain (id., p. 300).
% Labiter vient du latin labitare « chanceler », lui-même dérivé de labare (même sens) ; il s’agit d’un mot du « domaine picard » (id, p. 279). On peut également mentionner les dérivés labitement (7722), labitee (10792) et labité (10736).
#0 Mot du « domaine picardo-wallon » (id., p. 32). #1 Il s’agit là d’un « picardisme bien installé dans la littérature »
(id., p. 15).
*? G. Roques, « Le Vocabulaire des Versions picardes... », p. 368. # G. Roques, op. cit., p. 242. # C'est ce que soulignent K. Baldinger (art. cit, p. 192) et T. Matsumura (« voir Gdf, [NII], 718a ; FEW [III], 410b », art. cit.
p. 54).
INTRODUCTION
195
« dialecte des provinces d’Artois et de Cambrésis » selon
Fr. Godefroy.
VII. — PRINCIPES D’ÉDITION A) Édition antérieure
Par une singulière ironie du sort, c’est à une Italienne, C. Cremonesi,
que revient l’honneur d’avoir procuré, en
1957, la première édition de la chanson sous le titre Enfances Renier (celle-ci n’était connue autrefois que sous le titre Renier). Depuis, en dépit d’une réception mitigée, personne n’a jugé utile de remettre l’ouvrage sur le métier. Il s’est trouvé des voix pour le déplorer : Fr. Vielliard et J. Monfrin font remarquer que «le texte pourrait être
encore amélioré », Ph. E. Bennett signale « a number of unfortunate errors’ » et T. Matsumura, coutumier des formules
toujours
assassines,
"la réputation
s’interroge : « si la chanson
d’être détestable"
a
[..], cela ne
#5 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne Langue française, 1, p. 714 ; Tobler-Lommatzsch le dit emprunté à l’« Alpendialekten » (op. cit., I, col. 1101).
#6 Fr, Vielliard et J. Monfrin, Manuel bibliographique de la Littérature française du Moyen Âge de Robert Bossuat, troisième supplément (1960-1980), I, Paris, Éditions du C.N.R.S., 1986, p11
#7 Ph. E. Bennett, The Cycle of Guillaume d'Orange or Garin de Monglane, p. 92.
196
INTRODUCTION
x d[oilt-il pas un peu à ce qu’elle a été publiée d’une
manière si malheureuse ?** » En effet, si l’édition de C. Cremonesi mérite le respect et l’indulgence que l’on doit aux pionniers, il n’en demeure pas moins qu’elle est entachée de nombreuses mélectures,
erreurs de transcription ou coquilles. La plupart des erreurs trouvent leur origine dans une confusion visuelle entre deux lettres, plus ou moins préjudiciable pour le sens : comparer troupe pour croupe (12228) et deffae pour desfaé
(18593).
D'autres
mélectures
sont plus complexes,
#8 T, Matsumura, « Sur le Texte des Enfances Renier », The Proceeding of the Department of Foreign Languages and Literatures, 38, n°2, 1990, p. 56. En guise de préambule, l’auteur déclare: « nous nous proposons de montrer comment une chanson de geste qui a eu la chance d’être imprimée peut être défigurée par les soins de son éditeur » (id., pp. 37-8).
#7 brant pour branc (4578, 15615), rachata/ rachaça (9484), tremourl cremour (14348), vez/ nez (689), vous/ nous (2388 etc.), voit! n'oït (4268), a nous/ avons (16240), aconter/ acouter (2534), brouchons/ bronchons (6035), deuz/ denz (8526), tables d’'ormaus/ tables dormans (10173), reensons/ reüssons (18650), ceu/ cen (19294), 258 sui/ fui, fet/ set (829), fuient/ sivent (6033), faudra/ saudra (8825), cil/ cis (156), ellessier/ eslessier (9940), l’en/ s’en (13164), ramaint/ tamaint (212), sourrecuidal s'outrecuida (6126), rest/ test (15979), contoial conjoia (9762), sel ce (19, 970, 8387), çoit/ soit (10068), a/ con (6206), aquiert/ conquiert (8042), touz/ tout (8734), mort! morz (10780), dolenz/ dolent (13474), vis/ jus (3190), justement| vistement (9142), tout/ tant (366, 7912), cerchiez/ cercliez (910), grieiz/ Grieu (2293), dell cel (3274), renuiant/ remuant (7720), bauz/ hauz (9913), dis/ .V. (10187) deur/ deus (10472), renuians/ remuans (10542), viquois/ piquois (11102), orent/ oïent (11265,
INTRODUCTION
197
relevant d’une compréhension erronée du passage : 1138 en Orliie pour enoiliie, 4881 Semanie pour Femenie, 12503
conroi pour ennoi etc,
On notera l’abondance
des
lettres rajoutées (1698 fuissiez pour fussiez, 4565 hustin pour hutin, 2810 murs pour mur etc.) dont la présence s’explique bien souvent par un phénomène de « normalisation spontanée », les formes rares ou inattendues étant
assimilées à des formes courantes ou attendues*!. La même explication convient aux rares inversions de lettres que nous avons relevées : 6771 iert pour eirt, 10241 ouvrerez pour ouverrez, 11450 delivrera pour deliverra.
19953), armerl armes (16873), secourant/ sejournant desvoves/ desvoiiez (17559), sanz/ souz (19125) etc.
(17088),
350 nes pour n'en (2499), tout/ dont (3300), avoue/ avoiie (3480), quant| qu'autre (3520), domant/ doutant (3705), rasaier/ rasazer (4149), la durel l’aduré (4241 etc.), al ci (4694), l’entl leur (4981), tout/ jour (5243), di/ li (5977), mesmel mesnie (6012), les/ des (6601), trairel croire (6780), pais/ pors (7370), pendral perdra (7392), enonde/ e non Dé (8122 etc.), sel s'i (8537), sel ne (8975), ot| ait (8990), ce/ or (9283), puiell praiel (10155), cist/ est (11800), l’a trainel la traïne (11959), tardant| gardant (12330), tressuant/ roujoiant (12331), c’est/ rest (14606), aroit/ a moult (14914), ferez/ fetes (16533), dezistes/ deüstes (17742), deinte/ deïté (18031), repris/ repus (18093), veaturel véautre (18281), reensons|/ reüssons (18650), et seles/ a seles (19353) etc.
31 yeill pour veil (64), pour/ por (2296 etc.), detraiant| detriant (5172), cell el (9916), donner! doner (11825), randonneel randonee (11883), assaillir! assallir (14539), sains! sain (14636), prennez/ prenez (15627), champs/ champ (15702), poursuivantl poursivant (16313), tourment| torment (17496 etc.), derennierl derrenier (17548) etc. /
198
INTRODUCTION
On doit encore regretter la fréquence des omissions (de lettres, de mots”? ou de vers”) ainsi que des substitutions, que celles-ci se limitent à une lettre (116 mai pour may, 456 rien pour bien, 8688 vourrai pour
voudrai) ou qu’elles s’étendent à un mot (2422 mainte terre pour mainte marche, 14162 turcs pour furent, 14586 cuer ire pour sens desvé). Certains vers ont été intervertis (272/6, 8463/4, 14773/4, 19650/1, 16912/3) ou mêlés (9047, 19963). La valeur, vocalique ou consonantique, des lettres w et
i n’a pas toujours été correctement restituée : on relève
#2 aprocha pour aproicha (10), Rovence/ Provence (27), aleur!/ aleüre (338), voi! voit (1053), gran/ grant (2789 etc.), destier/ destrier (3191), pouvrel prouvé (4964), croistal croistra (4996), fu/ fus (5094), son/ sont (6011 etc.), e/ et (6379), occien/ occient (7748), voi/ voiz (7928), trait/ traist (9795), seutilment/ seulriment (10134), roogniel rooignie (11270), eus/ euls (12242), le/ les (12420 etc.), drotl droit (12595), coutoisement/ courtoisement (13420), avec/ avoec (13587), ontl sont (15001), desmelez/ desmeslez (16134), prendoit/ prendroit (16507), ful fut (16654), cel cen (17386), molt/ moult
(17886), ose/ osez (17987), tut/ teut (18544), pite/ pitié (19501), m'aert/ m'aerst (19712) etc.
# qui granz pour qui les granz (3152), poil blanchoial poil li blanchoia (7407), osel s'ose (9178), dist{ dist il (16446), estoit/ c'estoit (16577).
34 Le vers 13419 est omis. % rov/ roy (730 etc.), Gires/ Gyres (1813), le guenchi/ li guenchi (3159), d'oreille! l'oreille (3298), ençois/ ançois (6057), ovoec/ avoec (6416), divers/ dyvers (8132), n’oi/ n'oÿ (9412), la/ le (13255),
car! quar (13640), baptisier! baptizier (13838), je/ ge (16203), asseulez/ esseulez (18313), Baptisiez/ Baptiziez (19504) etc.
INTRODUCTION
199
ainsi najez pour naiez (1606, 4785), novelez pour nouelez (704) ou encore, avec une « touchante obstination »%%,
auressier pour avressier (2050, 4362, 4406 etc.)*’ La transcription
des chiffres
romains
en toutes
lettres est
parfois fautive : ainsi .VIL**, notant set vint (cent quarante), est systématiquement traduit vint sept (9000, 15222, 16090, 17747). Au vers 18370, .XXV. est transcrit vint cing et non vint et cing comme l’impose le mètre. On doit également déplorer des erreurs dans la résolution des signes abréviatifs : ces derniers peuvent être omis (comme la barre d’abréviation sur se aux vers 876, 7889 et
12149%%)
ou
transcrits
de manière
inappropriée
au
contexte : parcevant (10025) pour percevant, ou gu’(3180) pour que. Le signe & a toujours été transcrit par ef, alors même que certains emplois imposaient de le transcrire par l’interjection hé (2700 etc.) L’éditrice a également attribué à certains signes abréviatifs des valeurs erronées : p, notant par ou per, est transcrit par pour (81 etc.) ou por (149 etc.) ; le signe notant pro, est rendu par pr (4368 prier pour proier, 5120 pria pour proia, 9935 pres pour proies) ;
3% Le mot est de F. Lecoy, art. cit., p. 537. #7 rajant/ raiant (3707 etc.), najes/ naïés (5197), desloiassent/ deslojassent (15411), trievagel trieuage (566 etc.), trovant| trouant (3580), Drives/ Driues (4906), encroverl encrouer (11832), estoural estovra (12096 etc.), ovelles/ ouelles (18264 ) etc.
#8 començant! conmençant (1250), nel n'en (1744 etc.), acresl ancres (6672), relequil relenqui (11353), m'aimel m'ainme (16962), d'omel d'onme (17611), homes/ honmes (19683) etc. Au vers 19017, le e suscrit n’a pas été substitué à à (bruillet/ bruellet).
200
INTRODUCTION
(que) et gq’ (qui) sont régulièrement les relatifs g confondus, C. Cremonesi imprimant que pour qui (412 etc.) et qui pour que (3335 etc.) Des coupes fautives brouillent le sens des phrases : C. Cremonesi imprime la pour l’a (1334 etc.), la lemele pour l’alemele (1030 etc.), ormier pour or mier (17857) ou
encore a vis pour avis (6851)*®. Une ponctuation négligente nuit à l’intelligibilité du texte : au vers 794, des guillemets mal placés attribuent à Maillefer les paroles de Guillaume : « Monjoie ! » escrie Maillefer, « ou es tu ? » pour « Monjoie ! ». escrie, « Maillefer, ou es tu? » L'absence de point d'interrogation aux vers 16566, 17437 et 20050 altère le sens du passage. Néanmoins, c’est par ses partis pris contestables et ses résolutions flottantes que pèche principalement cette édition princeps : on comprend mal pourquoi la préposition atout (« avec ») est transcrite en deux mots (11008) alors qu’elle est toujours soudée dans le ms. D’un autre côté, était-il
opportun
de transcrire
le verbe fervestir (4698)
et le
# a aisier/ aaisier (227), acopper! a copper (304), des ses! de sses (1116), deroute/ de route (1416), li alal l’i ala (1638), que’l/ quel (1745 etc.), aferel a fere (1748), dellez/ del lez (2090 etc.), sen/ s'en (2204), la menral l’amenra (2315), s'empart| s'em part (2783), qui! qu'i (2981), ça/ ç'a (3230), en queist| enqueïst (4032), re setl reset (4845), qui ert/ qu'iert (6286), re sui/ resui (7151), en haie/ enhaïe (7207), entressuel en tressue (8465), sil s’i (8912), a fuiant/ afuiant (9024), menmour/ m'enmour (10196), a finer/ afiner (12626), l’avall laval (15136), com fait! comfait (15141 etc.), dui/ d’ui (15282), enfuimes/ en fuïmes (16422), c'est/ cest (16496), en chaucemant/ enchaucemant (19173), la bracel l'a bracé (19645) etc.
INTRODUCTION
201
substantif royamant (1378) en deux mots, même si le copiste écrit obstinément fer vestir et roy amant ? Et pourquoi transcrire l’interjection he las en un mot au vers 1165 pour la transcrire en deux par la suite (5584) !
L’éditrice s’applique à livrer au lecteur un texte intelligi-
ble en corrigeant abondamment*° le témoin (sans toujours le signaler) ; mais cette manie normalisatrice a pour
conséquence
d’occulter
des traits dialectaux®!
et de
gommer les particularités graphiques du manuscrit telles
que -ss- explosif (152 ainssi > ainsi®?), -Il final (2433 travaill > travail), le redoublement consonantique résultant
360 Quelquefois à tort : sestes est corrigé en cestes (247), suite à un défaut de compréhension du sens du vers. De même : 320 rarga/ targia, 1978 en/ qu’en, 9916 miliew/ milieu.
%1 La chute de / dans le groupe a + ! + consonne, par exemple : au vers 109, la forme abe est féminin picard (388 le dame) picarde de la P1 en -a, elle futur sera devient serai (262)
corrigée en aube. De même, l’article est refait en /a. Quant à la désinence
est systématiquement retouchée: le et le présent a, ai (14031).
82 « Un solo tratto grafico particolare [...] è costituito dalla tendenza a rappresentare geminate, in posizione forte, alcune consonanti [...] : nella trascrizione si à creduto di ricondurle alla grafia normale » déclare C. Cremonesi avant d'indiquer toutes les occurrences où elle a opéré cette substitution (ce relevé en comprend plus de mille, op. cit., p. 11). « La liste est tellement longue, note T. Matsumura, [..] que l’on se demande si vraiment s’imposait la « normalisation » du phénomène qui cst si répandu dans notre manuscrit » (art. cit., p. 39). La normalisation de noms propres comme
Gombert,
Poupaillart, contestable.
corrigé
en
Grymbert
corrigé en Portpaillart (118,
(9467,
9476
etc),
ou
1509), est tout aussi
202
INTRODUCTION
d’une agglutination (6418 au rrivage > au rivage), -ig et ingn- notant n palatal (690 besoig > besoing, 81 conpaingne > conpaigne), -ill- notant / palatal (5760 veuilliez > veulliez), o notant [u] (3106 troverai > trouverai ) où -iinotant la diérèse (10498 chartriier > chartrier). De plus, cette propension à l’hypercorrection cohabite avec une paradoxale fidélité au témoin : l’éditrice laisse subsister incohérences, lapsus et bourdons manifestes
(quelquefois corrigés en notes"), ponctue parcimonieusement, n'utilise jamais l’accent aigu et emploie de manière irrégulière le tréma* et la
#3 Le lapsus du vers 20033 (Salabrin pour Corssabrin), par exemple, ou les vers 1230-1 (alors même que la faute par anticipation du vers 211 est, elle, rejetée en notes).
%# L'emploi de l'accent permettrait de prévenir de fâcheuses méprises : 1023 lance/ lancé, 1218 demande lui! demandé lui, 1593
fretel freté, 5319 safrel safré, 6739 gardel gardé, 7886 l’alel l’alé, 9830 songel/ songé, 12939 prendrel prendré etc. « On est parfois gêné par l’absence d’accent sur les mots du type aimé, santé », souligne F. Lecoy (art. cit., p. 536). U. T. Holmes, pourtant élogieux, concède lui aussi: « There are, of course, some details where reviewers will disagree. The acute accent is never used in the text » (« Carla Cremonesi, ed. Enfances Renier », Speculum, 34, 1959, p. 102). T. Matsumura fait ironiquement remarquer que l’éditrice « admet [...] qu’elle s’est servie des accents dans l'introduction, les
notes critiques et le glossaire « per comodità e maggior chiarezza ». Tout se passe comme si elle reconnaissait elle-même combien l'absence d’accent pouvait être incommode
! » (art. cit., p. 40).
*$ U, T. Holmes note : « the tremas or diareses are used with great inconsistency [...] It is not possible to ascertain the system used » (art. cit., p. 102). Même remarque chez T. Matsumura : « On
INTRODUCTION
203
majuscule*®. Oscillant entre imitation et hypercorrection, cette édition tâtonnante ne saurait répondre aux normes actuelles en matière d’édition de texte. L’apparat est succinct. L’« Introduzione » se compose de cinq rubriques. « 1! Manoscritto » décrit le témoin et énonce les principes d’établissement du texte (choix du titre, résolution des abréviations, corrections apportées au manuscrit). Suivent une analyse de l’œuvre (« Argomento ») qui s’efforce de reconstituer la lacune finale, et un
travail sur la versification (« Versificazione ») offrant un classement des laisses par nombre de vers et type de rimes, ainsi qu’une typologie des problèmes associés au compte des syllabes (diérèse, hiatus, vers faux, e caduc à l’hémisti-
che).
« La
Lingua »
propose
une
étude
philologique
lacunaire et inexacte*’. L’ultime rubrique, « Problema dell’Autore e della Datazione », renferme des remarques sur le rôle cyclique des ER, un embryon d’étude littéraire (originalité de la technique narrative et des personnages féminins),
un
relevé
des
noms
de lieux
cités dans
la
voit mal [...] pourquoi dans la même page (p. 328) le mot « cham-
pion » est imprimé tantôt avec un tréma (v. 9216) et tantôt sans tréma (v. 9181). L'incohérence de ce genre [...] se retrouve ailleurs avec une fréquence déroutante » (art. cit., p. 40). L’éditrice ne distingue pas ay de aÿ (251, 277), ait de aït (3125, 19717) ou rais
de raïs (18420).
36 C, Cremonesi refuse la majuscule à Dex ct aux appellations ethniques, mais l’applique à Sainte Virge (1848, 10683, 19993 etc.)
%7 Ph. E. Bennett parle d’un « inadequate account of the language of the texte » (The Cycle of Guillaume d'Orange or Garin de Monglane, p. 92).
204
INTRODUCTION
chanson, des hypothèses sur l’identité de l’auteur et une proposition de datation (seconde moitié du XIIF siècle). Les notes critiques sont proprement étiques (à peine six pages !). Le glossaire enregistre trop souvent les « expressions les plus simples et les plus banales au détriment [...] de l’explication précise des expressions vraiment dignes
d'étude® » et offre des définitions erronées (parfois liées à des mélectures)?. L’index des noms propres n’est pas exhaustif et néglige de prendre en compte les différentes graphies des noms propres. Aucune bibliographie n’est proposée ; elle eût, de toute façon, été bien maigre. B) Toilette du texte
Il est toujours délicat de jongler « entre l’obligation de transcrire et l’exigence d’être lisible”? ». Notre transcription s'efforce, dans la mesure du possible, de faciliter la compréhension du texte par un lecteur moderne.
#8 Reproche qu’adresse M. Roques à de nombreux éditeurs dans son article « Établissement de Règles pratiques pour l’Édition des anciens Textes français et provençaux », Romania, 52, 1926, p. 248. %® « Critical notes are very few, the glossary into Italian is selective » note Ph. E. Bennett (The Cycle of Guillaume d'Orange or Garin de Monglane, p. 92). 0 N. Andrieux-Reix, « Transcription, Lisibilité, Transgression : quelques Problèmes posés par les Éditions de Textes médiévaux », Le Moyen Français, 2000, p. 56.
INTRODUCTION
205
Transcriptions des lettres La lettre # ayant valeur de consonne a été transcrite par v afin de prévenir toute confusion (15175 trové et non troué). Dans les futurs I et II du verbe avoir, le u a été transcrit v en raison de la présence des formes averez
(1985, 2079, 12758, 15479), avera (5308, 6213, 8839, 12080, 12761, 13943, 14177, 15251, 15280, 18464), averai (6226, 10359), averoit (8405), averas (11976) ou averont
(14562). La lettre ; ayant valeur de consonne a été transcrite par j (5917 naier vs najer, 582 naja vs naia). Le graphème x a été conservé et non pas résolu en -us
comme le recommande M. Roques”! : il ne saurait être considéré comme la simple abréviation de -us, puisque le
scribe utilise à cet effet un signe abréviatif spécifique”? (miex vs mie’). De plus, x note parfois s : 3842 toniaux, 10507 genoux, 11003 touniaux, 19696 biaux.
Nous avons également conservé le y qui, comme le soulignent les Conseils pour l'édition des textes médiévaux, a été très employé à la fin du Moyen Âge avec la valeur de i *,
3 M. Roques, art. cit., p. 246. 32 C’est ce que fait remarquer J. Acher dans son article « Sur l’x finale des Manuscrits », Revue des Langues romanes, tome LVI, VI série, 1913, pp. 148-586.
3 Conseils pour l’Édition des textes médiévaux, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, École nationale des Chartes, 2001-2, fasc. I, p. 24.
206
INTRODUCTION
Transcription des chiffres
Conformément à l’usage qui prévaut dans les éditions
récentes”, les ordinaux et cardinaux ont été reproduits tels qu’ils sont exprimés dans le manuscrit, en chiffres ou en toutes lettres, et non pas développés en toutes lettres
comme le préconisait M. Roques*”. Les chiffres romains sont transcrits en majuscule et les multiplicateurs reproduits en exposants. Nous avons imprimé les points qui encadrent les chiffres, cette démarcation visuelle rendant immédiate-
ment sensible au lecteur moderne la distinction entre chiffres et lettres (contre les Conseils qui estiment que « les typographies actuelles assument pleinement » cette
distinction”).
*# L'édition du Siège de Barbastre par B. Guidot, par exemple (Paris, Champion, « CFMA », 2000). Les Conseils font à cette règle
une exception en préconisant de transcrire systématiquement ./. par un, arguant que ./. a plus souvent valeur d’article défini que de déterminant numéral. L'idéal, dans ce cas, eût été transcrire le numéral par .Z. et l’indéfini par un. Mais cette distinction est ignorée du copiste, qui abrège un en ./. selon son bon plaisir, et apparaît, même en français moderne, « essentiellement pragmatique » comme le fait remarquer la Grammaire méthodique du Français (Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 160).
5 M. Roques, art. cit., p. 246. % Conseils pour l'édition... fasc. I, p. 24.
INTRODUCTION
207
Résolution des signes abréviatifs et des abréviations Les copistes usent de signes abréviatifs spéciaux que nous avons systématiquement développés : — la notation tironienne 9 a été transcrite par con, quelquefois sous la forme c’on. Devant les consonnes bilabiales p et b, cette notation a été transcrite par com conformément aux graphies observées dans le ms. Dans 9vendra, au vers 12089, nous avons pris le parti de transcrire 9 par cou : partout où le verbe couvenir apparaît sous sa forme développée, le copiste écrit distinctement cou”. — p à été rendu par par ou, plus rarement, par per. — p à été transcrit par pro ou, plus rarement, par pre. — gz a été restitué par que ou, lorsque le mètre l’imposait, par gu’ (ce signe abréviatif est fortement concurrencé par g , avec une barre d’abréviation).
377 J.-G. Gigot a avoué son « hésitation à propos du signe 9 qui peut valoir non seulement con- ou com-, mais encore cun- Où cum-, ou même coun- ou coum- » (Documents linguistiques de la France, t. I, Haute Marne, p. LXIX). Ph. Ménard confirme la justesse de cette intuition : «Il ne faut pas penser que l’on doit toujours transcrire con. Il faut se fonder sur les formes écrites en toutes lettres dans le texte. L’abréviation ressemblant à 9 peut parfois être développée cou » (« Édition de Texte et Paléographie : le Problème de la Transcription de w et n », « Pour acquerir honneur et pris », Mélanges de Moyen Français offerts à G. Di Stefano, CERES, 2004, p. 281). Ph. Ménard ajoute que pour le verbe couvenir/ convenir, on relève une majorité de formes sans nasale.
208
INTRODUCTION
- q' a été transcrit par qui (ce signe abréviatif alterne fréquemment avec g' présentant un simple i suscrit). On notera l’emploi d’un ensemble de signes abréviatifs suscrits : — ’note er, re ou, plus rarement, £er. — u note an, UG OU ra. — ‘ note us, ous ou, plus rarement, ui. — - peut noter our, Eur, OT, TOU OÙ ur.
— placé sur une voyelle, le signe suscrit —, improprement baptisé « barre de nasalisation »*”*, a été développé par n ou, parfois, par m (devant p et b). Si ce signe est placé sur une consonne, il abrège en (dans la désinence adverbiale -ment) ou ue (dans le pronom relatif que).
8 Ce signe abréviatif ne note pas la nasalité de la voyelle, mais abrège les graphèmes n, m ou parfois 4 comme l’a bien compris J.-P. Gigot qui avoue qu’il n’est « même pas certain qu’un scribe n’abrège pas cômencier, nômer, des mots qu’il écrit par ailleurs à plein coumencier, noumer » (op. cit., p. LXVIIT). Ph. Ménard se montre plus affirmatif : «la
barre
dite
de nasalisation
efs]t parfois
à
interpréter comme l’abréviation d’un x et non d’un n » (« Problèmes de Paléographie et de Philologie dans l'Édition des Textes français du Moyen Âge », The Editor and the Text, Edinburgh University Press, 1990, p. 2). Dans un article récemment
paru, Ph. Ménard
emploie le terme de "barre d’abréviation" : « il est déplacé de parler de "barre de nasalisation", explique-t-il. La véritable fonction de ladite barre est de marquer une abréviation. Les traités de paléographie parlent de trait horizontal, et non de barre de nasalisation. Ce trait horizontal n’est pas seulement l’abréviation d’une nasale. Il apparaît très tôt comme signe général d’abréviation par contraction ou par suspension » (« Édition de Texte et Paléographie : le Problème de la Transcription de u et n », p. 278).
INTRODUCTION
209
Les copistes utilisent souvent de simples lettres suscrites dont les valeurs sont multiples : — a note ra où ua (a suscrit est visuellement très proche de u, avec lequel il alterne fréquemment). — o note uo. — e note re. — i note ri OU ui. On observe la présence d’abréviations complexes :
- &, qui notait autrefois une ligature””, a été rendu tantôt
par le coordonnant
er, tantôt
par l’interjection
he [380
— utilisation d’obèles (+) pour abréger le verbe esr*!. On relève la présence de chrismes : xpris note Cris. Les abréviations par contraction, peu utilisées dans notre manuscrit, ont été développées sur le modèle des formes entières les plus représentées : la forme abrégée ml't a ainsi été restituée par moult (31 occurrences de moult contre 8 pour molf). Le possessif n°re a été développé en nostre, l’adverbe bñ en bien et le substantif chl’r en chevalier. Les abréviations par suspension des noms propres ou des noms de peuple (Guill’., tieb”., maill’. etc.) ont été développées avec ou sans -s de flexion au CSS : — les formes abrégées des noms propres Renier, Bertran, Gyrart, Maillefer, Guillaume et Tiebaut (ou Tibauf) ont été
3 Conseils pour l'édition.., I, p. 31. 380 J_Ch. Herbin fait de même dans son édition d’Hervis de Metz (Genève, Droz, « Textes littéraires français », 1992).
381 Même notation dans B! ; cf. édition de Guibert d'Andrenas par M. Ott, p. 33.
210
INTRODUCTION
transcrites sans -s de flexion au CS en raison de l’absence de marque flexionnelle observée aux CS des formes
entières. — pour greb., en revanche, on constate la généralisation du -s final au CS comme au CR (à l’exception du vers 14192, mais cette omission a une justification métrique), ce qui indique que ce -s n’était plus senti comme une marque flexionnelle ; greb. a donc toujours été développé par Grebuedes. — Marbrien (abrégé en marbr.) est fléchi de manière incohérente au CS comme au CR: faute de pouvoir dégager une règle, nous avons respecté la flexion bicasuelle « canonique ». — pour sarr., en revanche, nous n’avons pas appliqué les règles usuelles de la déclinaison. Dans notre texte, en effet,
le -s de flexion est toujours omis au CSS de Sarrazin, même lorsque la déclinaison est respectée pour l’article : 11991 Li Sarrazin la pucele angoissa. Au CSP, en revan-
che, un -s désinentiel est systématiquement ajouté, sauf lorsque la rime s’y oppose (comme au vers 2516) ou lorsque le substantif est précédé de l’article li comme aux vers 10057, 18443, 18517 et 19092 (à opposer, par exemple, au peu orthodoxe CSP les Sarrazins des vers 3759 et 13577). C’est pourquoi nous avons choisi de développer l’abréviation sarr. en Sarrazin au CSS et en Sarrazins au CSP,
#? Les exceptions sont rares : 136, 147 Reniers ; 142, 328, 1507 Gyrars ; 307 Tiebaus ; 1501, 1522 Maillefers.
INTRODUCTION
211
La graphie en -z- de Sarrazin a été préférée à celle en -s(Sarrasin), rarissime (4 occurrences). Baud'. a été déve-
loppé en Bauduïn en regard de la fréquence de cette graphie (49 occurrences contre 7 pour Baudoïn et 12 pour Baudouin).
Questions de syntaxe graphique” Comme le font remarquer avec justesse les Conseils, «les pratiques des scribes médiévaux en matière de séparation et de réunion de mots apparaissent quelquefois
arbitraires »%*, Des aménagements, parfois des compromis, ont été nécessaires. Les mots agglutinés par proclise ont été séparés et l’élision de la voyelle finale notée par une apostrophe (11 s’en entra, 12171 qu'afolez, 14040 l’enfes). Le redoublement du s initial résultant de l’agglutination avec le mot précédent a été maintenu ; Ph. Ménard note qu’il « ne gêne pas la compréhension et restitue la
vérité des graphies
médiévales »**. Nous
imprimons
donc : 1774 À sses lÿons fet devourer l'enfant, 11357 n'en sui pas en ssoussi, 12119 point ne ss’esmaia etc. Les
383 Terminologie empruntée à N. Andrieux-Reix : « une attention particulière a été apportée [...] aux faits de « syntaxe graphique », c’est-à-dire à la transcription des séquences, usuelles dans tout manuscrit médiéval, qui unissent en un seul mot graphique des éléments pouvant toujours, y compris dans le même manuscrit, être individualisés » (éd. cit., p. 25). 4 Conseils pour l’édition…., 1, p. 39.
385 Ph. Ménard, « Problèmes de Paléographie et de Philologie” p. 6.
212
INTRODUCTION
enclises gel (ge le), nel (ne le), nes (ne les) etc. sont
reproduites sans séparation. Nous avons, dans la mesure du possible, respecté la coupe pratiquée par le copiste dans la transcription des « composés »: la locution conjonctive puis que est systématiquement écrite en deux mots, qu’elle revête une valeur temporelle (depuis que) ou, plus rarement, causale
(puisque).
Il en
est de même
pour
les locutions
adverbiales lonc temps, par tout, touz jours, tant dis, touz dis, d'or(e) en avant, des or en avant, des or et des or(e)
mes. Le processus de lexicalisation semble plus avancé pour l’adverbe temporel orendroit, toujours soudé, que pour ses composés parallèles comme /a endroit, ci endroit ou ici endroit, dont le copiste distingue nettement les composants. Toujours agglutinées dans le ms, les locutions ja mes, ja mar et hui mes ont en revanche été imprimées en deux mots.
Les adverbes atanf*’ et nonporquant ont été transcrits en un mot, tout comme le relatif composé quanque (à distinguer de quant que où quant apparaît comme un composant
autonome)
et à la différence
de la locution
adverbiale a bandon, toujours soudée dans le manuscrit, mais que nous avons décidé d’imprimer disjointe pour la distinguer du substantif abandon. Nous avons fait de même
*% Dans son édition d’Hervis de Metz, J.-Ch. Herbin distingue ces deux valeurs en transcrivant tantôt puis que, tantôt puisque. Malheureusement cette distinction n’est pas toujours aisée à établir.
#7 Ce choix obéit au désir d'éviter toute confusion au lecteur : 2175 Bien sont .X.", a tant les pot esmer.
INTRODUCTION
213
avec l’autr'an et l’autr'ier (contre T. Matsumura qui transcrit l'autrier), ainsi qu’avec l’expression e(n) non Dé, dont les composants sont souvent agglutinés. Nous avons en revanche imprimé royamant « rédempteur » en un mot, en dépit de la propension du copiste à écrire, par étymologie populaire, roy amant. La locution si que(s) tantôt prépositionnelle (« jusque »), tantôt conjonctive (« si bien que ») est toujours écrite en deux mots. Même cas de figure avec les locutions par mi | en mi, prépositionnelles (« par le milieu de » / « au milieu de ») ou adverbiales (« par la moitié » / « en deux moitiés »). Les locutions de ça et de la, toujours écrites en deux mots dans le ms (sauf dans la locution adverbiale par deça / par dela, toujours soudée), ont été transcrites en un seul mot, en emploi adverbial comme prépositionnel afin d'éviter toute confusion (17819 Quel part fu nez deça ou dela mer vs de la mer). La transcription des verbes s’est révélée tout aussi délicate : comment faire le départ entre un préverbe (préfixe verbal nécessairement conjoint au verbe) et une
« particule séparée » ? Le verbe emporter a toujours été transcrit en un mot, comme il l’est dans le manuscrit : en effet, même si dans certaines tournures, en peut apparaître détaché de son verbe (475 si l’en a portez ou 512 Porté l'en a .I. lerres), la forme préfixée remporta (18565) prouve la lexicalisation de cette forme. Le verbe (soi) outrecuidier (6122) a également été transcrit en un mot. En
388 C]. Buridant, Grammaire nouvelle de l’ancien Français, SaintJust-la-Pendue, SEDES, 2000, p. 540.
214
revanche,
INTRODUCTION
en
et outre ont
été considérés
comme
des
particules séparées dans les verbes en mener, (soi) en fuir, outre finer et outre passer, toujours transcrits en deux mots ; on notera que outre connaît une certaine mobilité
(3161 Renier passe outre). Les verbes composés fervestir et ferarmer ont été transcrits en un mot en dépit de la tenacité des copistes à écrire fer vestir et fer armer. En revanche, après quelques hésitations, mal mener et mal baillir ont été transcrits en deux mots sur le modèle du ms ; mal semble encore y conserver sa valeur adverbiale, même si le processus de grammaticalisation est enclenché (T. Matsumura recom-
mande d’ailleurs de transcrire ces verbes en un mot”). Emploi de signes diacritiques
L'accent aigu est affecté au e tonique en syllabe finale afin de permettre au lecteur moderne de le distinguer du e central. S’« il est inutile, comme le souligne M. Roques, d’accentuer e tonique des monosyllabes, quand il n’est pas
directement
final »*°, il est toutefois
souhaitable
de
distinguer les homographes. Le parti a été pris de ne pas accentuer les mots-outils : les vs lés « côté », pres vs prés « pré », tres vs trés « tente », nes vs nés « bateau », mes
vs més « messager » efc. Dans les participes passés se
*® T. Matsumura, art. cit., p. 39 et p. 44 ; T. Matsumura se conforme aux vedettes données par TL.
% M. Roques, art. cit., p. 244.
INTRODUCTION
215
terminant en -ee, nous n’employons l’accent que lorsqu’un
e central atone précède un e tonique (veé*°!). Le tréma est employé pour marquer la diérèse, mais son emploi
doit être « limité aux cas où, d’ordinaire,
deux
voyelles consécutives, appartenant en ancien français à deux syllabes différentes, devraient en français moderne êtres lues en une seule syllabe ou interprétées comme notant un son unique » comme le préconise M. Ro-
ques”. Il est donc superflu dans oubli/er, cri/er, pa/ien etc. où un lecteur moderne pratiquerait spontanément la diérèse. Nous n’avons pas non plus jugé utile d’y avoir recours dans des mots tels que deable, veoir, mienuit etc. qui présentent des digrammes ignorés du français moderne. Le tréma se révèle en revanche précieux lorsqu'il s’agit de faire le départ entre des homographes comme oy (P1 de l'indicatif présent d’oir) et oÿ (passé simple) ou entre cria (« cria ») et cria (« créa »). Nous avons cru bon, peut-être par excès de zèle et en dépit des principes de M. Roques, d’étendre l’emploi du tréma à lÿons ou à destruction où il est d’usage, en poésie, de marquer la diérèse. La cédille est affectée au c pour noter la valeur phonétique [s] : chançon, ça, ançois, façon, soupeçon etc.
#1 Les mots se terminant en -eee (2440 effreee) sont des participes passés féminins dans lesquels la voyelle tonique est la pénultième : l’accent est donc inutile.
32 M. Roques, art. cit., p. 244. Le tréma est placé sur i (ou sur y lorsqu’il est employé en concurrence avec i) ou, à défaut de i, sur v, ou encore, à défaut de 4, sur o. Nous le plaçons sur e en dernière
extrémité.
216
INTRODUCTION
Usage de la majuscule, ponctuation
La majuscule est employée au début de chaque vers comme il est d’usage de le faire pour un texte poétique (certains éditeurs, plus sensibles à la substance narrative de la chanson de geste, n’emploient la majuscule qu’au début de chaque phrase). Elle est également employée à l’initiale des noms propres de personne (saint Denis) ou de lieu (Saint Denis), ainsi qu’à l’initiale des sobriquets (Marchis au Court Nez), des noms de peuples (Sarrazins, Turs, Perssans) et des noms communs employés absolument pour renvoyer à une personne (le Marchis au Court nez), à une divinité (Le Roy de Majesté, La Virge) ou à un lieu (le Sepulcre, le Temple). Une ponctuation moderne a été introduite pour marquer les rapports syntaxiques, le point délimitant des unités phrastiques et la virgule distinguant la subordonnée antéposée de la principale ou les relatives déterminatives des descriptives (cette dernière distinction n'étant pas toujours aisée à opérer !) Nous avons également eu recours au point-virgule (pour marquer une forte pause) et au double point (pour introduire une explication ou une phrase
au discours direct). Le discours
direct est encadré de
guillemets (y compris les cris de ralliement?) et le
* L’hésitation est permise : T. Matsumura mentionne le problème sans trancher la question (art. cit., p. 56). Dans son édition de la Prise d'Orange, CI. Régnier n’encadre pas les cris de guerre de guillemets (Paris, Librairie Klincksieck, « Bibliothèque française et romane », 1967). B. Guidot, en revanche, utilise les guillemets dans
INTRODUCTION
217
passage d’un énonciateur à un autre est marqué par l’emploi de tirets. La syntaxe poétique, néanmoins, ne nous autorise souvent qu’une ponctuation lâche. Les crochets droits encadrent les lettres ou les mots supposés manquants que nous avons restitués. Les points de suspension entre crochets indiquent une lacune. Les caractères italiques sont employés pour isoler un mot en langue étrangère (en latin, en l’occurrence). C) Émendation
« Déterminer où doit être le point de rencontre entre la fidélité et l’aménagement du texte est le point délicat de toute édition » font remarquer P. Bourgain et Fr. Viel-
liard””*. Particulièrement, pourrait-on ajouter, dans le cas de l’édition d’un codex unicus. Si nous est épargné le lourd travail de recension et de collation des témoins, nous devons nous en remettre à notre seule conviction pour rectifier les leçons erronées ou pour proposer une restitution des passages lacunaires : « face à une tradition à témoin unique, note M. Tyssens, ce n’est que par voie de conjecture (emendatio per ingenium) que nous pouvons remonter au-delà de ce témoin, amender le texte en le débarrassant de ce que l’auteur ne peut avoir voulu tel »°**.
son édition du Siège de Barbastre (voir les vers 232-7).
34 Conseils pour l'édition. fasc. IL, p. 68.
#5 M. Tyssens, « L'Édition des Textes français du Moyen Âge », Revue Belge de Philologie et d'Histoire, LXVII, 1989, 3, p. 523.
218
INTRODUCTION
L'entreprise timidité.
Pour
est hasardeuse autant,
et inspire
s'interroge
Ed.
une
Faral,
légitime l’éditeur,
« devra-t-il se conformer superstitieusement à la lettre de la copie unique qu’il se propose de publier ? Devra-t-il suivre aveuglément un scribe qui a pu être distrait, négligent, ou même, d’aventure, un sot n’entendant rien ou ne
portant aucun intérêt à ce qu’il écrivait ?°* » Le rôle de l’éditeur est de restituer le sens du texte, de le débarrasser des inadvertances, des cuirs, des repeints d’un copiste
malhabile : comme
l’admet J. Frappier, « il peut arriver
[.] que
la lettre
respecter
l’auteur” ». Nous
avons
des
scribes,
ainsi retouché
ce
soit trahir
le texte des
Enfances Renier en 449 endroits — ce qui est très peu pour un texte de cette ampleur — sans jamais cesser de nous poser cette question qui taraudait F. Lecoy : « comment corriger — je veux dire en se fondant sur quel critère — et
dans quelle mesure corriger” » ? Le plus souvent, heureusement, les fautes nous sont apparues d’elles-mêmes. Dressons-en une typologie :
96 Ed. Faral, « À Propos de l’Édition des Textés anciens : le Cas du Manuscrit unique », Recueil de Travaux offert à M. Clovis Brunel, Paris, Société de l’École des Chartes, 1955, I, p. 410.
* La Mort le Roi Artu, éditée par J. Frappier, Genève, Droz,
1996, p. XXXVII.
°F. Lecoy, « L’Édition critique des Textes », XIV Congresso Internazionale di Linguistica et Filologia romanza, Atti, Napoli, G. Macchiaroli, 1981, I, p. 505.
INTRODUCTION
219
a) Fautes par omission
l. A l’intérieur d’un mot — oubli d’un jambage : 5902 adiré pour aduré, 13827 Penier pour Renier etc. — oubli d’un signe abréviatif, principalement de la barre d’abréviation : 981 efn], 1245 efnjcombrement, 1652 pelnjssant, 1754 riefn]s, 1948 bief[n] etc. — oubli d’une lettre : 876 Tufr]s, 2226 esp{a]ouri, 19000 talr]giez, 19506 n'avrali] etc. Ce type d’omission s’expli-
que souvent par une simple haplographie : 993 Se fier{t] Tibaut, 12758 Ja [alverez, 16114 Dr{ojon etc. Le -e désinentiel des participes passés féminins est ainsi particulièrement sujet à l’omission, surtout lorsqu'il est précédé d’un -e- radical : 4392 desreele], 7151 esfreele], 15463 arrele]z etc.
— oubli d’un groupe de lettres : cette omission peut se produire en position initiale (19392 /l’as]saillent etc.), intérieure (15582 L'arrie[re]ban, 16908 esch{ap]ant etc.) ou finale (115 chantlent], 17211 Mofrt] etc.) Rares sont
_ Jes cas d’haplographie : 15066 l’a[la] etc. Les contractions syllabiques s’expliquent parfois par l’analogie : 14727 ass{en]ez = assez,
17292 amefne]z = amez,
17998 mes-
_trefsse] = mestre. 2. A l’échelle de la phrase — oubli d’un mot, le plus souvent monosyllabique ; sont
touchés l’article indéfini un (2306, 19600), l’adverbe | négatif ne (1794, 10383), en (2066, 2220, 4941, 5511) et les verbes dire (148, 5090 17291), estre (1491, 2110, 2606,
220
INTRODUCTION
7447, 19355) ou avoir (8195, 8560, 11067, 13981, 14132). L'omission de substantifs ou d’adjectifs est fréquente : 597 .VIL. [ans], 918 [fort] et courssiersz, 2429 S’ont ja maint
[home] occis et decopé etc. L’omission peut parfois s'expliquer par un phénomène d’haplographie : 2220 Ralons nous en [en] la cité forçour, ateingnance etc.
11067 s’a moi [a]
— oubli d’un vers (peut-être d’un groupe de vers) comme aux vers 7557, 15016 ou 15235. L’étendue de la lacune est
impossible à déterminer avec peut être que conjecturale. Le dans le respect de la lettre tournures relevées en d’autres
précision et la restitution ne passage manquant est rétabli du texte en calquant des endroits de la chanson.
b) Fautes par adjonction
1. Adjonction simple — lettre superflue : 822 belferoy pour belfroy, 5516 cuier pour cuir, 8245 au tel Turc fier etc. ; l’ajout peut avoir pour origine une confusion entre deux mots graphiquement proches : 5893 paiene pour paine. — signe abréviatif superflu (3953 démandez), souvent par ‘redondance : 5060 prêndre, 14465 mûntez, 19576 par etc. — groupe de lettres parasites (la faute est rarissime) : 305
autretant. — mot superfétatoire, presque toujours exponctué : hardie (4377), les (15666), pure (16616), en (18416) etc.
INTRODUCTION
221
2. Répétition — jambage superflu : 5542 monmer pour nonmer, 19495 souuyin pour souvin etc. ; l’analogie peut parfois jouer : 8968 mestre pour nestre. — doublement d’une lettre : 6305 raempliee pour raemplie etc. — répétition d’un groupe de lettres (formant une unité syllabique) ; ce type de « bégaiement graphique » est monnaie courante dans notre ms : 1251 devovourant pour devourant, 8883 alenenee pour alenee, 11187 ordenené pour ordené, 14674 mamande pour mande, 14833 justistice pour justice, 14883 grevevee pour grevee, 15062 gagarant pour garant, 16672 penererent pour penerent. — duplication d’un mot, toujours monosyllabique : ans (209), let (5544), est (8040), Les (15668), vous (18014) etc. c) Fautes par interversion
1. Interversion simple — Interversion d’un signe abréviatif, comme au vers 15256 : maïntedrez pour maintendrez. La barre d’abréviation a été placée à tort sur le z, où elle est redondante. — Inversion de deux lettres : 598 si quel i pour si que il, 6351 Gerbuedes pour Grebuedes etc. — Inversion
de deux mots, comme
à la rime du vers
860 : revel grant pour grant revel. — Inversion de deux vers : les vers 8993 et 8994 ont,
semble-t-il, été intervertis.
222
INTRODUCTION
2. Intercalation Les vers 1230-1231 vers 1127 et 1128.
ont été intercalés à tort entre les
d) Fautes par substitution
1. Confusion — confusion visuelle entre deux lettres ressemblantes, le plus souvent entre u et n°” : 362 nevenz/ neveuz, 540 cen/ ceu, 3991 nous/ vous, 7229 grans/ graus, 13110 bans/ baus etc. Certaines confusions sont imputables à l’enlumineur, qui a mal lu les lettres d’attente : Oeillart devient ainsi Deillart aux vers 9041, 9304, 9388 et 9415.
— lapsus divers imputables à une compréhension erronée du texte : 7011 estris pour et vis, 7152 confaite pour conforte. Les noms propres ne sont pas épargnés : 7922 Gyrart pour Gyres, 20029 Salabrin pour Corssabrin. 2. Contamination
Ce type de faute contraint l’éditeur à une analyse précise du cotexte afin de démonter le mécanisme de cette substi-
Ph. Ménard a souligné la récurrence de cette confusion dans les manuscrits : « parfois les scribes ne distinguent pas avec une parfaite rigueur ces deux lettres proches l’une de l’autre. L'éditeur moderne doit éviter de les suivre. S’il se fiait aveuglément à ses yeux, il prendrait le risque d'imprimer des formes aberrantes » (« Édition de Texte et Paléographie : le Problème de la Transcription de u et n »,
p. 279),
INTRODUCTION
223
tution qui peut s’opérer par anticipation ou, plus rarement, par réminiscence : — substitution d’un groupe de lettres à un autre, toujours par anticipation et très souvent en position finale : 391 Ne remaindor pour d’or plaine une tour pour Ne remaindrai, 3937 gieston Noiron pour gieste, 6195 l’éaude chaude pour l’êaue chaude, 10727 ne les voudrer garder pour ne les voudrent, 12440 broignie empirie pour broigne, 17348 Ce est Miessez, ja mar en douterez pour Ce est Miessine. — substitution d’un mot à un autre, parfois par réminiscence comme au vers 9475 : Mort sont li autre, que mort n'en eschapa pour que nus n’en eschapa. Certains passages, heureusement rares, ont résisté à l’analyse ; nous nous sommes contentée de formuler en notes une ou plusieurs hypothèses de correction, mais sans trancher en faveur de l’une d’entre elles : « mieux vaut reconnaître son impuissance à guérir le mal que de lui
appliquer des remèdes fallacieux“® » Nous nous sommes efforcée de proscrire les hypercorrections (en laissant subsister, par exemple, les fautes contre la déclinaison) et de restituer la scripta du témoin (traits dialectaux, variations graphiques, voire graphies « étymologisantes »). Nous devons néanmoins concéder qu’il est parfois difficile de distinguer un fait linguistique d’une erreur de copie et que nous avons plus d’une fois hésité à corriger tel ou tel passage.
40 Ph. Ménard, « Réflexions sur l’Édition de Texte », Srudi mediolatini e volgari, vol. 47, Bologna, 2001, p. 8.
224
INTRODUCTION
La manière la plus prudente — la plus timorée — de présenter les fruits de notre travail critique consistait à imprimer le texte tel qu’il est donné par le témoin, quand bien même celui-ci serait inintelligible, « en ne proposant qu’en note les corrections possibles ou même certaines. Le lecteur, se référant aux notes, pourrait ainsi voir de quelle
façon il conviendrait, probablement ou sûrement, d’inter-
préter le texte“! ». Ce n’est pas là faciliter la tâche du lecteur ! Et c’est réduire singulièrement le rôle de l’éditeur. Nous avons pris le parti d’introduire les retouches opportunes dans le texte imprimé. Les passages corrigés ou retranchés sont reproduits dans les notes de bas de page. Les modifications apportées au témoin sont justifiées dans les notes sur le texte.
VIII. — BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
ÉDITION, TRADUCTION ENFANCES RENIER, canzone di gesta inedita del sec. XIII, publiée par Carla Cremonesi, Milano-Varese, Istituto editoriale cisalpino, 1957, in 8, 705 p. ENFANCES RENIER, traduction partielle de Pierre Jonin, « L’Enlèvement et le Sort de Renier dans les Enfances Renier », Pages épiques du Moyen Âge français II, Le Cycle du Roi, Paris, SEDES, 1970, pp. 178-180.
#1 Ed. Faral, art. cit., p. 410.
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æ.
=
Àx
TEXTE DES ENFANCES RENIER
Sigles utilisés dans les notes de bas de page : C - CREMONESI, Carla, Enfance Renier, canzone di gesta inedita del sec. XIII, Milano-Varese, Istituto editoriale cisalpino, 1957, in 8, 705 p. H - HOLMES,
Urban
T., « Carla Cremonesi,
ed. Enfances
Renier : Canzone di Gesta inedita del sec. XIII. », Speculum, 24,
january 1959, pp. 101-103. L - LECOY, Félix, « Comptes rendus. Carla Cremonesi, Enfances
Renier, Canzone di Gesta inedita del sec. XIII. », Romania, 80, 1959, pp. 533-540. Mt - MATSUMURA, Takeshi, « Sur le Texte des Enfances Renier », The Proceeding of the Department of Foreign Languages and Literatures, 38, n°2, 1990, pp. 37-58.
Coment Reniers, li fils Maillefer, Fu nez et quel destinees les fees Li donnerent. [Miniature]
[] Bonne chançon qui entendre vodra [fol. 52 v. b.] Si laist la noise, si se traie deça :
4
Hui mais dirons con Maillefer ouvra Et des grans paines qu’en ce siecle endura, Du roy Tiebaut conment a fin ala De par Bertran, qui onques ne l’ama. Avec sa feme Maillefer sejourna
8
Tant que li termes de l’enfant aproicha ;
12
Tous les nuef mois la dame le porta. Ses maus le prist, qui forment le greva ; En une chambre la dame s’en entra Et autres dames, dont a foison i a. Guibors y fu, ou forment se fïa.
16
Moult d’angoisses la dame souffri la, Mais Damedieus si bien le visita Qu’a mienuit d’un bel fil delivra. Crois ot vermelle et ce senefïa Que, s’auques vit, qu’encore rois sera.
Et ce fu voirs car aprés conquesta
13. Guib‘s (= Guibers).
234
20
ENFANCES RENIER
Trestoute Gresce et a no loi torna ;
Tant qu’il vesqui, paiens ne reposa.
[IT] A ce termine que li enfes fu nez,
24
28
Filz Maillefer, dont vous oÿ avez, Coustume avoient les gens par veritez Et en Provence et en autres regnez Tables metoient et sieges ordenez Et sus la table .IIL. blans pains buletez, .IIL. pos de vin et .III. henas delez ; [fol. 53 r. a.]
Et par encoste iert li enfes posez. En .I. mailluel y estoit aportez,
32
Devant les dames estoit desvolepez Et de chascune veüs et esgardez S’iert filz ou fille ne a droit figurez, Et en aprés batisiez et levez.
OT] 36
Or fu la dame, Dieu merci, delivree. .I. tel usage avoit en la contree Delez la table, qui estoit haut levee,
40
44
Ont mis l’enfant par bone destinee. La dame couchent, qui moult fu agrevee Puis s’endormi tantost sanz demoree. Si font les autres par la chambre paree Car tele y ot qui bien fu abuvree Et tele ausi qui moult estoit lassee. Dame Guibours s’en estoit ja alee. Mais or oiez confaite destinee Avint l’enfant avant la matinee.
ENFANCES RENIER
[IV]
52
Biaus fu li temps, la lune luisoit cler, Li curc crt bonc ct moult fist a locr. Or vous devons de l’enfant raconter Quelle aventure Dieus i volt demoustrer. JL. fees vindrent pour l’enfant revider ; L’une le prist tantost sanz demorer
56
L'enfant y font .I. petitet chaufer ; La tierce fee l’ala renmailloler Et puis le vont couchier pour reposer.
48
Et l’autre fee vait le feu alumer ;
60
64
68
72
Puis sont assises a la table au souper ; Assez troverent pain et char et vin cler. Quant ont maingié, si pristrent a parler. Dist l’une a l’autre : « Il nous covient doner A cest enfant et bel don presenter. » Dist la mestresse : « Premiers veil deviser Quel segnorie ge li veil destiner. S'il vient en aige qu’il puist armes porter, Biaus iert et fors et hardis pour jouster. Coustantinoble, qui moult fait a douter, Tenra cis enfes ains qu’il doie finer ; Rois iert et sires de Gresce sus la mer,
Ceuz de Venisce fera crestiener. Ja pour assaut ne le couvient armer Car ja n’iert homs qui le puist asfoler [fol. 53 r. b.] Ne beste nule qui le puist mal mener : Ours ne lÿons, ne serpens, ne sengler N’avront pooir de lui envenimer.
[V] Encore veil de moi soit enmieudrez :
76
S'il avient chose qu’il soit en mer entrez,
235
236
80
84
88
ENFANCES RENIER
Ja ses vaissiaus ne sera afondrez Ne par tourmente empiriés ne grevez. » Dist sa conpaingne : « Or avez dit assez ! Or me lessiés dire mes volentez. Je veil qu’il soit de dames bien amez Et de puceles joïs et honorez. Et si voldrai qu’il soit bons clers letrez, D'’art d’yngremance apris et doctrinez, Par quoi, s’avient qu’il soit emprisonez En fort chastel ne en tour enfermez, Que il s’en isse ançois .III. jours passez. » Et dist la tierce : « Dame, bien dit avez. Or li donrai, se vous le comandez. » Dient les autres : « Faites vos volentez,
Mais gardez bien qu’il ne soit empirez. »
[VI] 92
96
La tierce fee fu moult de grant valour, A l’enfant done et prouece et baudour : « Ge veil, dist ele, qu’il soit de noble atour, Cortois et sages, si soit bel parleour, Chiens et oisiaus ne hace a nul jour, Et soit archiers c’on [ne sache mellour.
De .X. royaumes tendra encor l’ounour. » Atant se lievent toutes .III. sanz demour,
100
Li jours apert, si voient la luour, Et lors s’en vont, plus n’i ont fait sejour. L'enfant conmandent a Dieu le Creatour.
83. se voldrai, corr. C. 95. si ait bel parleour, corr. L et Mt. 97. cone, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
RENIER
[VI] 104
108
112
En Pourpaillart, en la sale voltie, En une chambre de grant ancesserie Fu nez li enfes qui tant ot segnorie, Filz Maillefer a la chiere hardie. Au matinet l’abe fu esclarcie, Vint en la chambre Guibours li ensegnie. N'i ot chambriere qui ne fust esveillie ; Et Florentine, qui moult fu traveillie, Dist que ses filz li soit mis em baillie, Vooir le veut, ct cn aprés leur pric Batisiez soit el non sainte Marie.
[VII] Ce fu en may, en la douce saison : [fol. 53 v. a.] Fuellent cil bois, chant{ent] cil oiseillon.
116
En Poupaillart, sus el mestre donjon, Fu nez li enfes qui tant ot de renon, Filz Maillefer, dont oroiz la chançon.
Dame Guibors a la clere façon 120
Desmaillola le petit valeton ;
Au feu le chafent sanz plus d’arestison. Aprés devisent au fons le porteront ;
124
115. 116.
À Maillefer ançois demanderon Conment vodra que ses filz ait a non. Si con les dames devisent leur raison, Vint Maillefer en la chambre a bandon : Pour sa moullier fu en grant marison
chant, corr. C. dongon, corr. C.
237
238
ENFANCES RENIER
128
Car ne savoit s’ele estoit morte ou non. Guibourt apele doucement a bas ton : « Dame, dist il, pour Dieu et pour son non, Que fait ma feme ? n’en faites celeson.
132
— Moult bien, biaus niez, n’i aiez soupeçon :
136
.. bel fil a, a Dieu beneÿçon ! Ce seroit bon au fons le portast on, Mais or nous dites conment avra a non. — Dame, Reniers, car ce me semble bon Pour son ancestre, qui Dieus face pardon, Celui de Gennes qui tant fu voillans hon. »
[IX] 140
144
148
152
148.
Tout droit aus fons fu li enfes portez, Guibours le tint, de qui il fu amez. La fu Guillaume et Bertrans l’adurez,
Gyrars et Guis, dont vous oÿ avez, Guichars li preuz et Gaudins l’alosez, Et uns evesques, qui moult estoit senez ; .L arcevesque y ot et III. abbez. Lors fu li enfes batisiez et levez Et par son non fu Reniers apelez. Et [dist] Guillaume : « Jamais ne me creez S’il ne sera encor rois coronez : Signe a de crois ainssi con la veez. » Et dist Bertrans : « Dieus en soit aorez ! » Aüïnssi parlant ez les acheminez, Du grant palais monterent les degrez. Moult fu cis jours hautement celebrez Et li services solipnement chantez.
Et Guill’., corr. C.
ENFANCES RENIER
156
160
164
Et aprés fu li maingiers aprestez. Ce jour servi Guillaume au Cour Nez Pour les prelas qu’il a moult honorez. [fol. 53 v.b.] Grant joie maine la endroit li barnez. Aprés laver est chascuns sus levez, Tous li clergiez est dela desevrez, En son païs est chascuns retornez, Et Maillefer remest o ses privez. Lez lui estoit Guillaume li membrés Et moult des autres que je n’ai ci nomez. Or vicnt ystoirc, s’entendre le volez, Coment Tiebaut fu puis a mort navrez.
[X] 168
Qui veult entendre, si se traie deça, S’ora des paines Maillefer endura, Et de Guibor coment a fin ala,
172
Et de Guillaume, qui le siecle lessa Tout pour la dame que il forment ama. Mais tout avant dire me covendra
De Maillefer coment il esploita, 176
180
239
Coment la terre d’Egyte conquesta, Et de Bertran conment Tiebaut navra, Et de Renier conment il amenda,
Et par le don la fee li donna Tout quanqu’il fist a la gent agrea. Avec sa feme Maillefer sejourna, Mais li annee mie ne trespassa C’une fille orent, dont chascuns Dieu loa ;
C’ert Gracïene, ainssi on le nonma.
170. a sfin, corr. C.
240 184
188
ENFANCES RENIER Tous li barnez grant joie en demena. Et Maillefer, qui .L. petit pensa, Vit Pecoulet, a sa main l’acena Et cil y vint ; aprés li demanda Des Sarrasins et du païs dela, Et de Tiebaut l’atr’ier li eschapa. « Or me di, frere, et ne me çoiles ja,
192
196
200
Se tu le sez, se il rapassera Pour moi grever en ce païs deça. » Dist Pecoulés : « Jamais n’i revendra Tant vous redoutent li paicn par dela : Otrans de Limes l’autre jor leur conta Que il trouva ens es sors qu’il geta Que leur païs par vous gastez sera. Cele parole si fort les esmaia Li plus hardis de la poour trembla, Mais rois Tiebaut moult les reconforta,
Qui bien leur dist que li sors mentira. — Dieus, dist Guillaume, quel chevalier y a ! [fol. 54 r. a.]
204
Toute sa vie hardis et preus sera. Ce fu damages qu'il ne se batisa, Grant pechié fist cilz qui l’en destorna ! S’en Dieu creïst, ami feusons pieça. »
[XI] 208
209.
Ce dist Guillaume : « Par Dieu le droiturier, Se rois Tiebaut se fust fais batisier, .XL. ans a et plus, au mien quidier, En vie fussent tamaint noble princier,
.XL. ans ans a, corr. C.
ENFANCES RENIER
212
216
De mon linage plus de cent chevalier Qui or sont mort, n’i avons recovrier. Poi avons gent qui facent a prisier Fors mon neveu, Bertran le tymonier, Et Guïelin et Gyrart le guerrier, Et Maillefer, que je doi avoir chier. Qui tout vodroit et conter et prisier,
220
224
228
Ne somes pas çaïens .IIIL. millier. Se le savoient li cuvert losengier Et rois Tiebaut, qui les doit justicier, Mer passcroicnt pour nous a rascgicr. Tout ce païs raroient de legier Car Loeÿs, qui France a a baillier, Qui nous soloit secoure au branc d’acier, Est a Paris, ou se fait aaisier : Bien m’a on dit, a celer ne le quier,
Qu'il ne velt mais Sarrazins gueroier. » Dist Maillefer : « Ce ne vault .I. denier ! Pour Dieu vous pri, ne vous chaut d’esmaier,
Vous nous devez aidier a consillier. — Voir, dist Guillaume, bien m'’i veil otroier. »
[XII] 232
236
Dist Maillefer : « Par Dieu de Paradis, Sire Guillaume, il ne m’est pas avis
Que rois Tiebaut, qui tient les tours de bis, Et Loquiferne et trestout le païs, Et la gent puet mener a son devis, Cent mil ou plus, contre ses anemis,
Ge ne cuit pas qu’il soit si assotis
214.
neveult.
241
242
240
244
248
ENFANCES
Qu’il passast mer-tant con je soie vis. » Dist Pecoulés : « G’en sui seürs et fis Que ja Tiebaut ne sera si hardis Que il reviengne jamais en cest païs. Assez a terres et viles et pourpris Que jadis tint Desramez li floris ; Vostre aÿous fu, s’estes couars faillis [fol. 54 r. b.] Quant de l’onnour n’estes pieça saisis De Loquiferne malgré Turs et Persis. A vous doit estre touz li païs subgis ! » Dist Maillefer : « Si m’aÿ Jhesu Cris ! Pecoulet, frere, voirs est que tu me dis, Mais, par la foi que doi touz mes amis,
252
Ja ne sera li mois touz acomplis Que je ferai nez et chalans soutis. Qui qu’en ait joie ne qui en soit marris, Mer passerai, se li vens n’est faillis,
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RENIER
Et conquerrai la terre ou fui nouris, Et les chastiaus et les palais voltis, Et bours et viles dont je sui covoitis, Et les tresors que paien y ont mis ! Rois en sera se longuement sui vis Et se je truis Abrachemont le gris, Qui tant de malz me fist quant fui petis Pour sa serour, que il dist que j’ocis En Loquiferne, ou d’aucuns fui haïs ;
Mais, s’il plest Dieu, qui est rois poestis, Encor leur iert cis services meris ! — Maillefer niez, dist Guibours au cler vis,
261. je (= je) a été ajouté en bout de ligne par le copiste.
ENFANCES RENIER
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276
280
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Pour Dieu vous pri, qui en la crois fu mis, Ne lessiez mie vos enfançons petis Ne vers vo feme ne soiez foimentis. Se mer passez, vous ferez que chetis. Se vous le faites, mors y serés ou pris, Deça la mer avrez assés pourpris ! » Dist Maillefer : « Si m’aÿ Jhesu Cris, Ja ne lairai pour Turc ne pour Persis Qu’en Loquiferne ne soie ains .XV. dis ! Li quens Guillaume, mes oncles li gentis, Remandra ci, ct Guimer li floris. Les pors de mer et les chastiaus de pris Lairons en garde Gyrart de Conmarcis. »
[XII]
284
Ce fu el temps que bele iert la sesons Que Maillefer, qui fu fiers que lÿons, Dist qu’il yroit sus Sarrazins felons ; Et ceuz avoit devisez par leur nons Qui garderoient chastiaus, tours et donjons, Les pors de mer contre les Esclavons. « Niez, dist Guillaume, avecques vous yrons
288
Puis qu’ensi est que demorer n’avons. [fol. 54 v. a.] Mais faisons tost aprester les dromons,
292
Nez et galiez pour metre garnisons, Et puis faisons mander tous les barons Et de gent d’armes tant yci aünons Que .XXX. mil assemblez en aions.
269. vo” enfancons (= vous enfançons). 292.
Nous lisons a vnons.
244
ENFANCES RENIER
— Voir, dist Guibours, cis consaus n’est pas bons !
296
300
Mais faites tant, pour Dieu vous em prions, Que ce remaingne, si ferés que preudons. » [XIV] Guibours fu sage et moult sot bel parler. Guillaume apele et Maillefer le ber : « Segneur, dist elle, pour Dieu vous veil rouver Qu'il ne vous chaille d’outre la mer passer. Ja ne tendrez Loquiferne sour mer, S’avrez poour des testes a coppcr. » Dist Maillefer : « Plus n’en covient parler !
304
Ne le lairoie, qui me voldroit doner Mil onces d’or et autant d’argent cler,
Que je ne voise la terre conquester Que Tiebaus tient, que je ne puis amer !
308
312
Se li marchis veult deça demorer,
Moult fera bien pour le païs garder. Se mestier ai, bien li savrai mander. » Dist li quens : « Niez, tout ce lessiez ester. O vous yrai, Dieus m’en lest retourner Si que je puisse en santé retrover Dame Guibourt, que ne doi oublier. »
316
Dist Maillefer : « Dont faites aprester Vos messagiers pour vostre gent mander. » Et dist li quens : « Ne le doi refuser. »
297. fu a été ajouté en bout de ligne par le copiste. 305. Le ms donne autretant, mais la deuxième syllabe est exponctuée.
ENFANCES RENIER
[XV] 320
Li quens Guillaume mie ne se targa : Aus moesagicrs ses letres declivra, De son païs tous ses homes manda. A ces paroles que li quens devisa, Es .I. mesage qui les degrés monta.
324
Tous les barons maintenant salua, Ou voit Guillaume, em plorant li conta : « Sire, dist il, ne vous celerai ja :
328
Mors est vos freres Bueves bien .I. mois a. » Guillaume l’ot, durement l’em pesa. Gyrars et Guis grant duel en demena ; Si fil estoient, chascuns le regreta,
Mais Maillefer moult les reconforta Et ausi fist Guibours qui les ama. [fol. 54 v. b.]
[XVI] 332
336
Moult fu Guillaume courouciez et marris Pour le sien frere, Bueve de Coumarchis. Mais jusqu’a poi iert li duelz enforcis Car uns mesages s’en vint tous aautis Grant aleüre sour .I. cheval de pris. En la vile entre, ne fu pas esbabhis. Devant la sale, souz .I. arbre fuellis,
340
344
Est descendus lassez et amatis. Par les degrez s’est ens el palais mis, En haut parla, bien fu de tous oïs : « Cis Dieus de gloire, qui en la crois fu mis, Il saut et gart ces barons segnoris, Sour tous les autres Guillaume le marcis Et Maillefer, qui est preuz et hardis ! » Li quens respont : « Et Dieus te gart, amis ! Di ton mesage, ne soiez alentis. »
245
246
348
ENFANCES RENIER
Dist li mesages : « Foi que doi saint Denis,
Je le dirai courouciez et pensis : Mors est vos freres, rois Guibers li gentis. »
352
Guillaume l’ot, moult en fu assouplis, Adont regrete son pere et ses amis. Moult le conforte Guibors o le cler vis Et Maillefer, qui lez lui s’est assis,
356
Qui li dist : « Sire, pour Dieu de Paradis, Lessiez le duel vous avez entrepris, Liez devez estre quant Jhesus les a pris. [XVII] Sire Guillaume, dist Maillefer li frans, Par celui Dieu qui lassus est manans,
360
364
368
Vous devez estre moult liez et moult joians Quant Dieus a pris vos amis les plus grans, Freres et pere et neveuz et parens, Et encor estes vertueuz et poissans. Or faites tant, si ferés que sachans, Que l’en ne die vous soiez recreans. En Loquiferne alons sus les Persans ; N’avrai repos, si me soit Dieus aidans, Si iert la terre toute a moi aclinans : Rois en serai se Dieus l’est consentans. N’i a paien, s’il n’est en Dieu creans,
Qu’ains demi an ne soit le chief perdans. 372
362.
— Niez, dist Guillaume, que vous estes voillans ! De vous aïdier sui forment desirans. »
nevenz, corr. C.
ENFANCES
RENIER
247
[XVII] Li quens Guillaume, qui moult ot de vigour, [fol. 55 r. a.]
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Manda sa gent environ et entour Et il vindrent volentiers sanz demour. Trente .M. sont, chescun ot bel atour. .X. mile en lesse Gyrart le poigneour : Cil garderont Orenge tout entour, Le porz de mer et tout le terreour ; L'autre partie menra en s’oriflour Li quens Guillaume sus la gent paienour Et Maillefer en sera conduitour.
Congié a pris li dansiaus de valour A Florentine a la fresche coulour. Le dame pleure et maine grant doulour, Pour ses enfansot au cuer grant tenrour. Son seigneur proie qu’il fust quois a sejour : S’il passe mer, ce sera grant foulour. Dist Maillefer : « Par le saint Sauveour, Ne remaindrai pour d’or plaine une tour ! Quant li mien pere me conquist en l’estour, Adont jurai, que l’oïrent plusour,
396
Tant com porroie durer en ma vigour, N’aront paiens ne repos ne sejour. Je veull conquerre de Gaïete la tour : De .XX. royaumes est la clef et la flour. Hastons nostre oirre, trop fesons lonc sejour ! »
385. coucour, corr. C ; faute par réminiscence de la première syllabe du mot. 386. dourour, corr. C ; faute par anticipation de tenrour (387). 391. remaindor, corr. C ; faute par anticipation de d’or.
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ENFANCES RENIER
Et dist Guillaume : « C’iert fet ainz le tierz jour. » A ces paroles prist congié a s’oisour. Guibourc se pasme, qui sentoit grant doulour. Li quens l’endresce en souspirs et em plour, Au departir la besa par amour : Nel verra mes s’iert en si grant langour Dont la contesse mourra sanz nul retour. Onques Guillaume, dont vers chantent plusour,
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N'ot tant de paine, tant mal ne tant doulour Qu'’ot Maillefer a la fiere vigour Par Piecolet, le mauvés traïtour, Qui le vendi a Butor l’aumaçour Et a Corbon, le cuvert lobeour.
[XIX] 412
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Li quens Guillaume a la chiere hardie Et Maillefer, qui prouesce mestrie, Congié a pris chescun a sa mesnie. Jusqu'au rivage vet Guibourc l’eschevie, Et Florentine et l’autre baronnie. Guillaume prie Gyrart par courtoisie Et Guïelyn, ce sachiez sanz boisdie, [fol. 55 r. b.] Que bien gardassent Orenge la garnie Et Florentine et l’autre compaignie. Et Maillefer derrenier moult leur prie Le sien chier filz, dont son cuer s’atenrie.
[XX] Ce fu en may que li temps esclaira,
413.
que prouesce mestrie.
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RENIER
Fueillissent bois et li pré verdoia, Li oisel chantent, chescun s’esliesça. Li sages hons a dit, moult grant piece a, C’ons qui couvoite ce qu’avoir ne pourra Enz en la fin pour cheitis s’en tendra. Tout enssement de Maillefer ala : Pour terre prendre outre la mer passa. A sa moillier le congié demanda Et Florentine doucement l’acola. Pour ses enfanz la dame li proia Qu'il se hastast de revenir dcça. Et Maillefer dist qu’il s’en penera Et qu’a brief terme arriere le ravra. Et le marchis congié Guibourc rouva, Et la contesse .IIII. foiz se pasma Quant de Guillaume parti et dessevra.
N'iert pas merveille se grant duel demena ! Le cuer li dit et bien li tesmoigna Que longuement mes vivre ne pourra. Li quens Guillaume dedenz sa nef entra Et Maillefer, qui grant hardement a ; Et avoec lui Piecolet en mena Pour le païs qu’il li devisera Et les citez bien nonmer li savra.
As mariniers Maillefer moult proia De tost siglier quar grant desir en a, Qu'il puist venir en ce païs dela. Li estrumant le sigle amont leva,
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Li venz s’i fiert, qui leur nef esquippa. D’euls vous lairai, mes, quant point en sera, Bien en dirai conment en avendra.
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[XXI] Sus le rivage fu le duel grant menez
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Des .II. contesses, qui moult orent bontez :
Guibourc se pasme por son seigneur assez Et Florentine se repasma delez. En Porpaillart iert uns lerres remész ; Quant voit qu’il iert en la vile ensseulez Quar moult de genz ot au rivage alez Pour leur seigneur, qui en mer iert entrez, [fol. 55 v. a.] Sus en la sale est li lerres montez. Les chambres cerche environ et en lez,
Les coffres trueve verroilliez et fermez. Voit le le lerres, s’en fu moult aïrez. En une basse sale s’en est entrez ;
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472
L'enfant i trueve dont vous oï avez Et sa norrice qui se seoit delez. Dont se pourpensse le mal larron prouvez Que de l’enfant fera ses volentez. .L quarme a dit par tele poestez Que la nourrice s’endormi de ses grez. Grimbers li lerres a tost l’enfant troussez,
Fuiant s’en torne et si l’en a portez.
476
De la vile ist, Diex li doint mals dehez,
480
En Et De De
I. bois entre, toute jour est alez. Renier pleure et a mains criz getez, grant famine ot moult le cors grevez : fain mourra se Diex n’en a pitez !
[XXII] Or vous devons des contesses parler, Et de Gyrart de Coumarchis le ber, Qui les .IT. dames conmence a conforter :
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RENIER
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Tant doucement leur prent a sermonner Qu’a Portpaillart les a fet retourner. La joene dame, Florentine au vis cler,
488
A ses nourrices voult la dame rouver Qu'’eles se painent des enfanz bien garder. Les chamberieres en vont sanz demourer A la nourrice qui Renier dot garder.
Ses .II. enfanz conmence a demander ;
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Dormant la truevent, prise l’ont a bouter,
A moult grant paine l’ont il fete lever Puis li conmandent l’enfant a aporter Devant sa mere, qui l’a fet demander.
[XXII] 496
500
Quant la norrice fu de dormir levee, Pour son enfant fu forment aïree : Bien voit et set qu’ele fu enchantee Du mauvés lerres quant s’en est apenssee. En haut s’escrie aussi com forssenee : « Renier, biax enfes, com dure destinee ! Perdu vous ai, s’en sui moult abosmee ! » Tel duel en maine la sale est retintee.
504
Guibourc i vint courant toute emplouree Et Florentine, la dame coulouree, Gyrart le preuz a la chiere membree. Guibourc en a la nourrice apelee,
508
[fol. 55 v. b.]
Si li demande por quoi iert emplouree. Dist la norrice : « Trop sui maleüre[e] ! Perdu avons, dont je sui enganee,
509.
maleure, corr. C ; faute par haplographie.
252
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ENFANCES RENIER
L'enfant Renier, mal fusse j’onques nee ! Porté l’en a .I. lerres a celee. » Florentine a sa nourrice escoutee ; Ne set que dire, a terre chiet pasmee. Se Diex n’en pensse et la Virge honnouree, Mes ne verra ne le filz ne le pere ! Au revenir s’escrie a alenee : « Mort, quar me pren ! pour quoi ne sui finee ? — Diex ! dist Guibourc, Roÿne courounee ! Tout enssement fu emblé li sien pere ! »
[XXIV]
524
528
En Porpaillart fu grant le ploureïz Tout por Renier, l'enfant qui fu raviz. Grimbert l'emporte, li lerres foymentiz, Par mi le bois, qui hauz eirt et antis. Son chemin fu vers Marsseille acueilliz, De ses journees ne vous iert conte diz. Au port de mer vint Grimbers ademisz ; I. marcheant trova viex et fleuriz Qui moult avoit en sa nef vair et gris, Or et argent chargiez .XXX. roncins. Quant voit l'enfant, cele part est guenchis,
532
Dist au larron : « Dites moi, biax amis,
Dont vient cis enfes qui semble de haut pris ? Se le veulz vendre, marcheant as tout quis, Je t'en donrrai .C. mars de parisis,
536
Mes que me dies en quel païs l’a pris. » Et dist li lerres : « Tout en orrez les dis : Droit en Prouvence, en un grant bois fueillis,
524. eit.
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lert une dame acouchie de lis. Grant mesnie ot, mes ceu riens ne valis : Par mes argus furent tost endormis. Je leur emblé cist enfançons petis ; N’en sorent mot tant les oy mal baillis. »
[XXV] 544
548
552
556
Dist li marchanz : « Amis, nel me celez : Fu onc cist enfes baptiziez ne levez ? Et, s’est estrais de genz crestianez, Je l’achatrai se vendre le voulez. » Et dist Grimbert : « Ja mar en douterez ! Crestiens est et de haute gent nez. Renier ot non quant en fons fu levez. » [fol. 56 r. a.] Dist le marchanz : « Amis, que le donrrez ? » Et dist li lerres : « Assez tost le savrez : .C. mars d’argent vous m’en deliverrez Et avoec ce .I. cheval me donrez Et une robe dont je serai parez Kar ja pour mains li enfes vous n’avrez. » Et cil li dist : « Ja desdiz n’en serez. » Au larron done toutes ses volentez Puis prist l’enfant, otout s’en est tournez.
[XX VI] 560
540. 547.
Le marcheant qui l’enfant acheta Riches hons iert et grant seigneurie a. A l’amirant qui Venice garda Dot une rente qui molt li ennuia :
cen, corr. C. Le r de achatrai est suscrit.
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Pour son trieüage en couvenant li a Chescune anee .I. enfant li dona, Crestien masle, ainssi couvent li a. Et l’amirant une tel coustume a Touz les enfanz que cil li aporta Donne a mengier a .Il. lÿons qu’il a. Se Diex n’en pensse, li enfes y mourra Par les lÿons, et devourez sera : C'iert grant merveille s’il en eschape ja ! Diex, si grant duel Maillefer demenrra Quant de son filz la nouvele savra ! Or vient chançon, qui bien l’escoutera, C'iert de Renier, que li lerres embla,
Qui tant de paine sofri et endura. Le marcheant sa nez bien atourna, A moult court terme en Venice en ira,
580
584
588
592
566.
A l’amirant l’enfant presentera. Mes tout avant dire me couvendra De Maillefer, qui par la mer naja. Tant ont siglié au vent qui les coita Pecolet garde, Loquiferne avisa ;
A Maillefer maintenant la moustra. Dist Piecolet : « Seigneurs, entendez ça : Vez Loquiferne ou arriverons ja, Forte est la vile et moult de gent y a. A chescun lez .I. grant bras de mer va, C’iert grant merveille se nous les prenons ja, Ja par famine nul d’euls dehors n’istra Quar de touz lez vitaille leur vendra. » Maillefer l’oit, hautement s’escria :
Le ms donne Ctrestien, corr. C.
ENFANCES RENIER « Dehaiz ait ore qui se dementera !_ [fol. 56 r. b.]
596
600
604
Bien sai les estres et par ça et par la, Moult petit iere quant on m'’i aporta, .VIL. [ans] y més, dont forment m’ennuia, Puis m’aida Diex, si que il m'en geta. N’avrai mes pes tant que mon cuer durra S’avrai la terre que l’en me destina Et les royaumes que mon aiol tint ja. Se je revien a Porpaillart dela, Renier, mon filz, la grant terre tenra. »
Tout enssement Maillefer devisa, Mes ne set mie conment de son filz va, Del marcheant qui par mer l’en mena. Se Diex n’en pensse, ja mes ne le verra !
[XX VIT] 608
Devant la vile qui Loquiferne a non Sont arrivez no chevalier baron. Le jour faloit, la nuit vint a bandon,
612
N'i virent goute se des estoiles non Et des tortis c’on alume environ. Premier arrive Maillefer el sablon, Aprés arrive le marchis son dromon,
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597. 598.
Li quens Bertran et maint autre baron. Trés et acubes et autre garnison, Et maint destrier auferrant et gascon Traient des nés escuier et garçon. En mi le pré, lez le bois Rubïon,
.vii. ymes, corr. C. si quel i men geta, corr. L et Mt.
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RENIER
Pristrent nos genz la nuit herberjoison. XX. mile furent, tuit per et compaignon, N'i a celui n’ait hauberc fremillon,
Hiaume lacié, ceint l’espee au giron.
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Au matinet, au chant de l’oisillon,
Maillefer sonne .I. grant cor de laton : Assaillir veut Loquiferne environ. Le roy Tiebaut fu en haut el danjon ;
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632
Quant ot la noise, s’en fu en grant friçon, De son lit sault sanz plus d’arrestoison, En son dos giete .I. hermin peliçon Et par desus I. vermeill syglaton. A la fenestre du grant palés roon Est apoiez, sa main a son menton,
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Et voit nos genz armer sanz contençon. Bien reconnut Maillefer l’Esclavon, Et le marchis qui cuer ot de lÿon ; Mes plus redoute Bertran, le franc baron, Que nul des autres quar, por voir vous dison, [fol. 56 v.a.]
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Paiens sortirent, moult a longue seson, Que par Bertran, qui tant a de renon, Seroit Tiebaut mis a destruction. [XXVII] Ce fu en may que li pré sont flouri, Fueillissent bois, oiseaus chantent seri. Souz Loquiferne, dont li mur sont poli, La s’adouberent nos barons seignouri. Le roy Tiebaut ot le cuer moult hardi, Ses barons mande et il vindrent a lui. Devant la sale ot .I. arbre fueilli, La s’asemblerent Turc et Amoravi.
ENFANCES
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RENIER
Tiebaut parla, qui n’ot pas cuer failli : « Seigneurs, dist il, nous sonmes mal bailli : Arrivez est Maillefer, ce vous di, Li quens Guillaume et Bertran avoec lui. Se Mahomet n’en a de nous merci, Tout perderons nos païs seigneuri ! »
[XXIX] 656
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Le roy Tiebaut a paiens apelez : « Seigneurs, dist il, quel conseill me donrez ? Maillefer est par deça arrivez, Lui et Guillaume, li quens chenu barbez, Et avoec euls Bertran le renonmez.
Conquerre veulent les bours et les citez Que jadis tint le fort roi Desramez. Mes, par Mahom, a cui ge sui donnez,
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Tant que je vive et que j’aie santez, N’avra a pes plain pié de m’eritez ! Contr’euls istrons, mar le redouterez, Poi ont de genz, ge les ai bien esmez. »
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Dist Rubÿons, qui les crins ot mellez : « Sire Tibaut, s’il vous plest, non ferez !
Miex vous dirai conment esploiterez : 672
Fetes vos chartres, vos seaus embrievez, En Pincernie le roy Butor mandez ; Secourra vous o .C. mil adoubez.
En ceste vile bien sejourner pouez : 676
S’on vous assault, tres bien vous defendez, Forte est la vile, bien vous i tensserez Quar bien vous di que se la hors alez,
Mien escïent, vous en repentirez : Tant est cruex Maillefer l’eslevez
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ENFANCES
Qu'il a plus force-n’ot Renoart d’assez. » Tiebaut li dist : « De folie parlez ! Mielz ameroie estre tout desmembrez [fol. 56 v. b.] Et piece a piece tout mon cors decopez Que ja Guillaume se fust de moi vantez Que ceenz fusse com oisel enmuez ! Je m’en istrai a .XX. mil adoubez, Si les irai envaïr a leur nez. Se j’ai besoig, tres bien me secourez
A .X. mil homes les gomphanons levez. Otrans de Lymes et le vieill Josüez 692
696
Por crestiens garderont la citez. » Dist Rubÿons : « Toutes vos volentez Nous couvient fere, soit bien, soit foletez. » Tibaut conmande le grelle soit sonnez, Paiens s’adoubent, es les vous ferarmez. En mi la sale ot .I. paile getez,
La s’adouba Tibaut, li biax armez. Avoec lui ot ses druz et ses privez, .X. amiraus et .V. rois couronnez. 700
Quant Tibaut fu richement acesmez, Son cheval fu en la place amenez, Sele ot d’yvoire, les arçons nouelez,
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708
RENIER
Le frain qu’il ot vaut .M. mars d’or pesez. Tibaut y monte par les estrier dorez, De la vile ist, qu’il ne s’est arrestez. En sa compaigne a .XX. mil adoubez, Mauduis de Rames lui chevauchoit delez ; Enssemble o euls Corssout et Salatrez,
Leur genz menoient rengiez et bien serrez. Li quens Guillaume a les Turs avisez, Vers euls les voit venir touz abrievez.
ENFANCES RENIER
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« Maillefer, niés, dist li quens, esgardez ! Tibaut n’est mie pour nous trop esfreez : Contre nous vient, bien veoir le pouez ! » Dist Piecolet : « Folie fete avez Quant en sa force estes deça passez A poi de genz que avez amenez ! » Maillefer dist : « Mar vous esmaierez ! Tant con je tiegne ma loque as clos quarrez, Ne dout paiens plus que .Il. chiens tuez. »
[XXX] Souz Loquiferne, enz el pré verdoiant, Fu Maillefer o son barnage grant ; Avoec li iert Guillaume le vaillant,
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Bertran le conte et Fouchié de Melant, Et Guïelin et li quens Guinemant. Li quens Guillaume va sa gent ordenant, [fol. 57 r. a.] En III. eschieles par sens les vet metant. Le roy Tibaut se va bien percevant Que il avra bataille fort et grant. « Monjoie ! » escrie Maillefer fierement. Sa loque lieve, qui poise durement, Devant les autres s’en queurt plus d’un arpent. Tiebaut le voit, moult le doute forment : « Arrabe, escrie, Sarrazin et Perssant !
Poignons ensemble, mar vous irez doutaït !
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Pris iert Guillaume, ge le sai vraiement,
Ja Maillefer ne s’en ira moquant ! » A ces paroles a brochié l’auferrant. A l’asembler sonnent li olifant,
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Turc et paien vont les noz encontrant, Au bruit des lances vont ensemble huant. JL. grant arpent vont les noz reculant.
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Voit le Guillaume; forment li va grevant. L’espee a trete, par l’estour vait brochant, Tibaut encontre en mi l’estour pesant. I. cop li donne li quens en trespassant Amont el hiaume ou le fin or resplent, Pierres et fleurs en va jus craventant ;
Devers senestre vet le cop descendant, .C. mailles trenche du hauberc jazarant, La char li fent sus l’espaule devant, Le sanc l’en raie sus l’erbe verdoiant. Sc nc tournast l’espcc en csquipant, Jusqu’au braier l’alast tout pourfendant. Li quens Guillaume li a dit en oiant : « Sire Tibaut, or vous va malement ! De prendre Orenge n’avrez ja mes talent ! » Oit le Tibaut, honte ot et mautalent, De duel et d’ire tout le cuer li esprent,
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Miex veut mourir qu’il n’en ait vengement.
[XXXI] Tiebaut d’Arrabbe à Guillaume veü
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Qui de l’espee l’avoit grant cop feru ; Pour la ramposne ot le cuer irascu. En contremont a son brant estendu Et fiert le conte, grant cop li a rendu
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Par mi le hiaume, qui iert a or batu ; Le mestre cercle l’en a fret et rompu, La coiffe trenche du hauberc qui bon fu, Diex le gueri qu’en char ne l’a feru. Dist le marchis : « Fier cop m’as or solu ! [fol. 57 r. b.]
Mielz veull mourir que ne te soit rendu ! »
ENFANCES
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Joieuse entoise, son bon brant esmoulu, Tibaut en fiert .I. cop par tel vertu Que estourdi l’a a terre abatu. Puis le saisist par mi le hiaume agu. Ja li trenchast le chief desus le bu Mes Sarrazins i sont poignant venu. Maugré Guillaume ont Tibaut secouru, Rendu li ont li auferrant crinu. Tibaut i monte, qui moult iert irascu. « Arrabbe ! escrie, frans Sarrazins membru,
Ore a Guillaume, le cuvers malostru ! S’il nous eschape, nous sonmes deceü ! »
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Paiens l’entendent, cele part sont venu,
Lancié li ont maint javelot pointu, Et le marchis se defent du brant nu ; Cui il consuit tout a son temps eü ! Mes sa defensse li eüst poi valu Tant fort l’emprent li cuvert mescreü Que son cheval ont souz lui abatu,
Mes li franc quens sault em piez par vertu :
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« Monjoie ! escrie, Maillefer, ou es tu ?
Sequeur moi, niés, por Dieu, le roy Jhesu ! Se tost nel fez, il m’est mal avenu
Quar tant m’apresse le lingnage Quahu,
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Se Diex n’en pensse, qui est plain de salu,
Ja mes Guibourc ne verra le sien dru ! » Maillefer oit la noise et le grant hu, Lui et Bertran sont cele part venu.
[XXXIT] 800
Grant fu la noise et fiere l’envaïe,
Paiens glatissent et font grant taborie. Mes Maillefer a sa loke empoignie,
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ENFANCES RENIER
En la grant presse se fiert par estoutie. De Sarrazins a fet tel machecrie Qu’a plus de .XX. en a tolu la vie. Maugré qu’en aient cele gent paienie, Rendi au conte :L. destrier de Surie. Dïent paiens : « Ci a grant deablie ! Ce vilz deables ledement nous cuirie ! » À ces paroles ont la place vuidie, Fuiant s’en vont vers la cité garnie. Voit les Tibaut, a poi qu’il ne marvie. Mauduiz de Rames apela, si li prie : « Sonez le cor, dont haute est la bondie, [fol. 57 v. a.] Tant que puissons ralier no mesnie ; Bien sui certain que nous avrons aïe. » Mauduis respont : « Tout a vo conmandie. »
Le cor sona par si fiere aramie Qu’en Loquiferne en fu la voiz oÿe. Rubÿon l’ot en la sale voultie, Sa gent conmande tost soit appareillie. Enz el belfroy fu la cloche hochie. L’arriereban fu tantost fervestie,
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De Loquiferne issent par estoutie. Trente mil sont, moult font grant huerie ;
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822.
Otrans de Lymes, cil les chadele et guie, Et Rubÿon, qui moult set de boisdie. Se Diex n’en pensse, le filz sainte Marie, Sus nostre gent tornera la folie ! Tibaut d’Arrabe voit venir sa mesnie : Ne fu si liez mes nul jour de sa vie.
belferoy.
ENFANCES
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RENIER
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I. cor sonna dont haute iert la tentie ; Tout entour lui ses compaignons ralie. Ou voit paiens, fierement leur escrie : « Seignors, dist il, ne vous esmaiez mie,
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Mort iert Guillaume et cels de sa lingnie. Mar ont passé la mer a ceste fie ! De Loquiferne n’aront ja la baillie. » À ice mot a l’enseigne brandie, Le cheval broche, des esperons l’aigrie. Fiert .I. François sus la targe florie Si qu’il li a en .II. moitiez partie, La blanche broigne rompue et desartie. Par m1 le cors li a l’ante baïignie. Mort le trebusche, « Arrabe ! » haut escrie.
[XXXIIT] Mauduiz de Rames a brochié le poutrel, 848
Brandist la lance ou ot .]. penoncel, Sus son escu fiert Guymar de Pymel ; Toutes ses armes n’i valent .I. gastel, Mort le trebuche delez .I. arbrisel.
« Rames ! » escrie, moult maine grant cembel. 852
Veullent ou non, reculez sont isnel Nos crestiens enz [el] fons d’un vaucel. Voit le Guillaume, ne l’en fu mie bel,
Par ire point le bon cheval morel. 856
Joieuse entoise, dont trenche le costel,
Par mi le hiaume fiert le roy Pinabel, Tout le pourfent si qu’en mi le fourcel. Bertran i fiert et Gaudin de Bourdel :
853.
enz fons.
[fol. 57 v. b.]
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860
ENFANCES
Chescun occist paiën par grant revel.
[XXXIV] Souz Loquiferne, qui siet pres de la mer, Fu la bataille, qui moult fist a douter. Le chevetaine qui les noz dot guïer, 864
C’est Maillefer, qui moult par estoit ber,
868
Lui et Guillaume, qui moult fet a loer. Andoi conmencent leur gent a escrier : « Frans chevaliers, penssez de bien fraper ! Desconfit erent Sarrazin et Escler, Ja ne porra Tibaut vers nous durer, A cest assaut les en verrez tourner ! » Adont conmencent leur grelles a sonner,
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Vers Sarrazins penssent d’esperonner. Devant les autres queurt Maillefer jouster, En la grant presse des Turs s’en va chapler. De sa grant loke en fet tant craventer
876
A .III. cops en fet .X. Tufr]s tumber Qui onques puis ne porent alever. Le plus hardi fet en fuïe tourner ; De lui s’esloignent, ne l’osent habiter. Quant Rubÿons voit sa gent meschever, Otran de Limes em prent a apeler ; Fuiant s’en tournent por leur vies sauver,
880
884
Pour Maillefer n’i osent demourer. Quant Tibaut voit sa gent desbareter, Ne set que fere, en lui n’ot qu’aïrer ; A soi meïsmes se prent a dementer,
860. 876.
revel g'nt (= grant), corr. C. tus, corr. C.
RENIER
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Ses diex conmence moult forment a blasmer : « Hé ! Mahom, sire, con te doi poi amer Quant tu me lesses ainsi deshcritcr ! Or voi ge bien, n’i a nul recouvrer, Que mon païs ne porrai plus tensser, Aiïinz m'en couvient de ci fuiant tourner. Se je pooie en Loquiferne entrer, La me cuit bien contre François sauver Mes, par Mahon qui nous doit gouverner, Aïnz que je lesse le champ ainssi ester, Le ferai chier as François comperer ! » Lors sonne .I. cor por sa gent rasembler, Entour li vienent Sarrazins et Escler.
[XXXV] Tibaut d’Arrabbe fu forment aïriez Quant voit sa gent si fort amenisiez. Le cheval hurte des esperons des piez,
En la grant presse se fiert tout eslessiez. 904
II. François a occis et detrenchiez ;
En petit d’eure en a .VII. mehaigniez. Voit le Bertran, vers lui s’est adreciez Et fiert Tibaut, quant il l’ot aprouchiez,
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912
914.
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Par mi son hiaume, qui fu a or cercliez, Mes ne l’empire vaillissant .Il. deniersz. Tibaut fiert lui, ne l’a mie esperniez. Ja fust li uns de ces .Il. damagiez Quanti sourvint Maïillefer li guerriersz De sa grant loke ferant con esragiez : Cui il conssuit, il est a mort jugiez !
Nous lisons consluit.
[fol. 58 r. a.]
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Tibaut le voit, s’en fu moult esmaiez : De voir set bien, dont il fu moult iriez, Des or seroit le demourer trop griez. Le cheval tourne, qui iert [fort] et courssiersz, Son chemin fu vers la vile adreciez. Au dos l’enchauce Maillefer l’afetiez, Lui et Bertran et Guillaume li fiers.
[XXXVI] Desconfit sont Sarrazins et Perssant, Vers Loquiferne s’en vet Tibaut fuiant. A soi meïsmes se va moult dementant : « Hé ! Mahom,
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sire, por quoi m’alez nuisant
Que j’ai perdu de mes chevaliers tant ? Ne sai quel part je me traie a garant. » Tant esperonne Tibaut son auferrant Vint a la porte de la vile vaillant. Enz est entré, ne se vet deloiant, Mes tant l’aproche Bertran en chevauchant,
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918.
Il et Guillaume et Maillefer bruiant Maugré paiens vont avoec lui entrant, Dont reconmence l’estour mortel et grant. Mes Maillefer en vet tant occïant Que le plus preuz fuit devant son perchant. Quant Tibaut voit qu’il n’i durra noiant,
Par la posterne ist de la vile errant. Au dos l’enchauce Bertran tant seulement, Il ne le vout guerpir ne poi ne grant.
iert et courssiersz.
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[XXXVII] Vet s’en Tibaut moult plain de marrisson ; N’avoit o lui ne per ne compaignon. Droit vers Candie s’en fuit a esperon, La cuide bien venir a guerison ; Plus crient Bertran que nul autre baron. Li quens l’enchauce sus le destrier gascon : | [fol. S8 r. b.] Au dos li porte .I. espié a bandon, Sovent li serre a l’auberc fremillon. Bertran li crie clerement a haut ton : « Tiebaut d’Arrabbe, retornez l’arragon !
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S’en fuiant muerz, par le Dieu que creon, Honte en aront Perssant et Esclavon ! » Tibaut l’entent, mes ne dit o ne non ;
De duel et d’ire a fronci le grenon.
[XXXVIIT] Vet s’en Tibaut, qui moult grant paour a. 956
Droit vers Candie son bon cheval torna,
Vers la marine a esperon s’en va ; En sa navie bien eschaper cuida. Bertran le suit, qui de pres le coita :
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Le fer trenchant de l’espié qu’il porta Souvente foiz a l’auberc li toucha. Bertran li crie : « Tibaut, retournez ça ! S'en fuiant muerz, let reprouvier sera. » Tibaut l’entent, mes mot ne li sonna,
A la mer vint, que forment desira. En .I. chalan .XXX. paiens trouva ;
943,
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Le s de vers est suscrit.
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ENFANCES RENIER
Droit cele part roy Tibaut s’adreça. S’eschaper puet en son cuer ce penssa Qu’a Maillefer enquor paine fera, Mes ainz le vespre son pensser changera !
[XXXIX] En Loquiferne ot moult grant chaplison. . Li quens Guillaume, qui cuer ot de lÿon, Queroit Bertran par mi l’estour felon. Quant ne le trueve, s’en a grant marrisson. JL. escuier li dist en sa reson : « Sire, dist il, par Dieu, en cui creon,
Bertran enchauce Tibaut sanz compaignon ! Droit vers Candie s’en vont, bien le savon. » Guillaume l’ot, si s’escrie a cler ton :
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« Barons, dist il, sivez moi a bandon ! Se Diex n’e[n] pensse, qui forma Lazaron, Bertran, mon niés, ja mes vif ne verron ! » Et cil respondent : « A Dieu beneïçon ! » De la vile issent sanz plus d’atarjoison. Mes tant s’esforce Tibaut li Esclavon Qu’a la mer vint, si trova .I. dromon ; .XXX. paiens y ot de grant renon. Tiebaut d’Arrabe descent de l’arragon, El chalan cuide entrer por guerison, Mes Bertran vint sus la rrive a bandon
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Se fier[t] Tibaut en la mer l’Esclavon,
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[fol. 58 v. a.]
Aprés Tibaut, qu’il suit de grant randon, Dusques au ventre du bon cheval gascon.
Se diex ne pensse.
993. Se fier ; faute par haplographie.
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RENIER
Se plus i entre, il fera foloison ! Tibaut escrie : « Ne vous pris un bouton ! Eschapé sui, g’en aoure Mahon. » Bertran l’entent, si noirci com charbon : Miex veut mourir qu’il n’en ait venjoison ! .L. espié lance par tel aïroison Qu’el dos en fiert roy Tibaut, ce soit on.
L’auberc li perce et aprés l’auqueton, L’espié li guie assez pres du poumon. De tel ravine escueilli le pignon 1004
Qu'il [l’Jatacha au costé du dromon.
Paiens esquipent, li encrisme felon ; Tibaut saisirent entour et environ,
1008
Navré l’emportent, s’en font grant ploroison. Bertran retourne, qui cuer ot de preudom. Guillaume encontre, o lui maint compaignon
Qui lui demandent doucement sanz tençon : « Conment vous est, gentil filz de baron ? 1012
— Niés, dist Guillaume, avez vous se bien non ?
— Nenil, dist il, a Dieu grez en rendon ! Tibaut en mainent Perssant et Esclavon.
[XL] 1016
Oncle Guillaume, dist Bertran li membrez, Tibaut chaçai, qui nous est eschapez ;
Dusqu’a la mer ne fu mon frain tirez. Bien cuidoit estre le roy Tibaut tenssez, Dusqu’au dromont iert en la mer entrez.
1004. quil atacha ; faute par haplographie. 1014. Nous lisons esclabon, corr. C.
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Quant je vi ceu, si-en fui moult irez ; Je li lancé, de ce bien me creez, Un roit espié qui bien iert acerez. Par mi le cors li est outre passez,
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Or croi moult bien qu’il est mort et finez. — Diex ! dist Guillaume, t’en soies aourez ! » Vers Loquiferne s’en sont tuit retournez. Et paiens nagent, le vent les a hastez. .I. Sarrazin qui ot non Josüez Tibaut apele, qui iert moult adoulez : « Sire, dist il, sc vous le conmandez, Ce roit espié vous iert du cors ostez. » Tibaut li dist : « De folie parlez ! S’on le m’ostoit, tost seroie finez.
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Ge veull qu’il soit soiez et recopez [fol. 58 v. b.] Et le tronçon me soit el cors remez. » Diïent paiens : « Si com vous conmandez. »
Aiïnssi vesqui Tibaut le renonmez Pres de .IIT. [anz] ainz qu’il fust deviez ;
1040
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Par son conseill fu puis forment grevez Roy Maillefer et Bertran l’alosez. Es tours d'Egypte fu roy Tibaut menez. Or vient chançon de grant nobilitez Con Maillefer sera roy couronnez Et de Guillaume, le Marchis au Court Nez,
Qui a court terme avra grant povertez Quar por sa fame fu dolens et irez, Qui trespassa ainssi com vous orrez.
1020.
cen, corr. C.
1038.
.INT. ainz quil.
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[XL] 1048
A Loquiferne reperent li baron. En la vile entrent par la porte Noiron ; Maillefer truevent sus el mestre danjon. Quant voit Guillaume, si l’a mis a reson :
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« Qu’avez vous fet de Tibaut l’Esclavon ? — Fuiant s’en vet, ce dïent li baron. Li quens Bertran, qui est de grant renon, L roit espié li lança a bandon Qu'il li passa le hauberc fremillon. Navré a mort est que bien le sct l’on. » Maillefer l’ot, si joiant ne fut hom.
[XLIT] Quant Maillefer a la nouvele oÿe
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Du ber Tibaut, le roy d’Esclavonie, Cuida mort fust, s’en fist chiere esbaudie ;
Or ne crient mes paien qui soit en vie. Li quens Guillaume a la chiere hardie A fet crier par la vile garnie Qui Dieu veut croire, le fi1z sainte Marie,
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L’en li donra et terre et manandie. Plus de .V. mile de la gent paienie Sont baptizié et ont leur foy plevie Qu’il ne faudront Maillefer en leur vie. Tout le païs envers lui s’umelie : Qui ce ne fist, s’ot la teste trenchie.
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El Fu La De
grant palés de viell ançoiseurie la chaiere, qui iert d’or entaillie : sist le roy qui dut avoir baillie Loquiferne le port et la navie.
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[XL] En Loquiferne fu snbat grant li barnez. Premier parla dant Guillaume au Court Nez, Dist a ses homes : « Seigneurs, or m’entendez : [fol. 59 r. a.] Je veull mon dit soit tenu et greez. » Maillefer dist : « Ja mar en douterez. S’il y a nul tant fol ne si osez Qui vous desdie, les yex avra crevez ! » Et dist Guillaume : « .V. cenz merciz et grez ! Maillcfer, niés, dist il, or m’entendez : En la chaiere esranment vous seez,
De cest païs serez roy couronnez. Ceste cité est la fleur et les clez 1088
De .XX. royaumes, que tres bien le savez ;
1100
Pour ce vous proi que vous i demourez. Joenes hons estes et fort et adurez ; De Sarrazins serez plus redoutez Que nul de nous, bien m’en sui avisez. » Maillefer dist : « Si com vous conmandez. » En la chaïere s’est assis et mollez. Li quens Guillaume et Bertran li membrez Couronne d’or, pierres y ot assez, Riches et bones et de grans dignitez, El chief ont mise Maillefer par ses grez. Tout le barnage s’est en haut escriez : « Maillefer, roy, Diex vous croisse bontez ! »
1104
[XLIV] Li quens Guillaume Maillefer couronna ; La seigneurie toute li otroia De la grant terre que Desramé tint ja. Grant fu la joie que nostre gent mena,
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ENFANCES RENIER
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Por Maillefer chescun s’esleesça, Mes jusqu’a poi leur joie changera. Es vous .I. més qui au port arriva. De sa nef ist, que plus n’i atarja, En Loquiferne par mi la porte entra ; A moult grant haste au palés s’en ala,
Par les degrez en la sale monta. 1112
Voit le Guillaume, tantost le ravisa ;
Encontre lui isnelement s’en va, De ses nouveles enquist et demanda. Dist le message : « Moult malement nous va ! 1116
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Se Diex n’en pensse, qui le mont estora,
Morte iert Guibourc ainz que viengniez dela : Malade gist .IIT. semaines bien a. Et Florentine moult de mal soufert ra : En son lit gist, pieça que n’en leva. .L. grant malage en son chief li leva Pour .I. sien filz que ele perdu a, [fol. 59 r. b.] Renier, l’enfant c’un lerres li embla,
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Si ne savons quel part il le porta. » Maillefer l’oit, a poi qu’il n’esraja ;
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Pour son enfant moult grant duel demena. Et le marchis de pitié lermoia : De sa moullier moult tres grant paour a.
[XLV] Moult fu dolenz Maillefer et marris, Pour son enfant cuida esragier vis. Le messagier en a a reson mis : 1132
« Di moi, biau frere, pour Dié de Paradis,
En quel maniere fu Renier, mon filz, pris ? »
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Dist le message : « Foy que doi Jhesu Cris, Nous ne savons conment il fu ravis. Enoiliie est Guibourc au cler vis, JL si grant mal a Florentine pris, Se Diex n’en pensse, moult est pres leur juiïs ! Par moi vous mandent les contesses gentis Que reviegniez, n’en soiez alentis, Où, se ce non, soiez certain et fis,
Ne les verrez ja mes, ce vous plevis. Tant a le duel Florentine au cuer pris Que ne leva .VIIL. jours a acomplis. » Dist Maillefer : « Tant sui ge plus marris ! Or ne lairoie por Raïns non por Paris Que je ne passe la mer ainz III. dis. —O vous irai, dist li quens seigneuris, Car de Guibourc est mon cuer trop pensis. Maillefer, niés, mes consseill sera pris Cui nous lairons a garder cest païs » Dist Maillefer : « G’en dirai mon avis : Ci demorra Bertran li palazis Et avoec lui Piecolet le seultis, Qui queurt plus tost que destrier ne roncis. S'il avient chose, Bertran, mes chiers amis,
Qu’assaut vous viengne de Turs ou de Persis, Si me mandez, g’i vendrai ademis. » Et dist Bertran : « Volentiers, non envis ! Bien garderai, se Dieu plest, les pourpris, Ja n’i perdrez vaillant .IL. parisis. » Dist Maillefer : « De Dieu .V. cenz mercis. »
1134: massage, corr. C ; faute par anticipation de la deuxième voyelle du mot.
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Hé las ! por quoi fu onques volentis De demourer entre Turs maleïs ! Se Diex n’en pensse, qui en la croiz fu mis, Ja mes Bertran ne les reverra vis ! [fol. 59 v. a.
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Lors s’appareillent les chevaliers eslis, Nés et dromons ont richement garnis : Armes y metent et bons chevaus de pris,
Vins et viandes por .II. mois acomplis. Tant atendirent que jour fu asseris.
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[XLVI] Roy Maillefer et Bertran le guerrier Font la navie moult bien apareillier. Li quens Guillaume se pensse de coitier ; Grant paour a de sa franche moullier. Congié ont pris no baron chevalier. « Bertran, amis, dist Maillefer le fier,
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Se paiens viennent sus vous por ostoier, Si le me fetes par Piecolet noncier ; Secours avrez cui qu’il doie ennoier. » Et dist Bertran : « Ce fet a mercier. » En sa nef entre Maillefer sanz targier, Il et Guillaume et li autre princier. Les notonniers font le sigle drecier, Le vent s’i fiert, dont prennent a nagier. Hui mes conmence chançon a enforcier, Que vous orrez se donez .I. denier, De Maillefer et de son filz Renier.
[XLVII] Seigneurs preudome, or soiez entendant, Qui les estoires alez bien escoutant, Et des preudomes les vies retenant.
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Je vous dirai chançon bele et plesant,
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Filz Maillefer, le hardi combatant, Que li marcheanz maine par mer najant. Dusqu’a Venise ne se vont demourant,
RENIER
C’est de Renier, le damoisel vaillant,
A Rocheglise vindrent droit arrivant,
De la nef issent vallez et estrumant. Gires ot non le mestre marcheant ;
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Cil fet porter par devant lui l’enfant. En la vile entrent par la porte plus grant, Dusqu’au palés nc sc vont scjornant.
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Vint en la sale par devant l’amirant, Puis le salue hautement en oiant : « Celui Mahom en cui croient Perssant Sault hui et gart l’amiral Brunamant ! Pour mon treü aquiter richement Vous aportons tout le plus bel enfant Que veïssiez en trestout vo vivant. [fol. 59 v. b.]
Les degrez monte Gires premierement,
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Crestien est, ce vous di vraiement,
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Et si sai bien qu’il est de haute gent. Je l’achetai, n’a pas encor granment,
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Droit en Provence .I. riche port manant À I. larron qui l’en aloit portant ; Demandé lui : « Ou preïs cel enfant ? » Et il me dist en .I. bois verdoiant L’avoit emblé une dame en dormant. Renier a non, ce me dist vraiement. » Dist l’amiral : « Gire, venez avant !
Pour le present ne perderez noiïant. » L'enfant esgarde, puis a dit hautement : « Gire, fet il, ci a trieüage grant :
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Filz est de roy, par le mien escïent !
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Pour despit fere a la françoise gent Le metrai ja a mes lÿons devant. » L. sien chartrier apele isnelement : « Va tost, si porte mes lÿons ce serjant ! Il ont juné .II. jourz en un tenant, Devourez iert ainz lonc terme passant. » Et cil respont : « C’iert fet hastivement. » L’enfes a pris, si l'emporte courant. Vint a la chambre, si vait l’usset ouvrant ; Avoec les bestes li enfes vet boutant Puis reclost l’uis, si s’en torna atant. Les lÿons vindrent a l’enfant acourant, Assez le flairent et derriere et devant,
Mes ne li firent nul mal ne poi ne grant ; Lez lui se couchent et si le vont lechant. 1240
Renier li enfes les vet aplaniant ;
En ce perill s’est alé endormant. Or vous dirai, s’il vous vient a talent,
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Conment cis enfes Renier vint en avant Et eschapa de l’amiral perssant ; Mes onc nus enfes n’ot tant d’e[nJcombrement Con cil Renier dont ci voiz conmençant ! .L. Sarrazin ot regardé l’enfant ; Pour sa biauté moult grant pitié l’emprent. Vint a la chambre, dedenz vet esguetant Quar bien cuidoit le paien vraiement Que les lÿons l’alassent devourant ;
1227. Entre les vers 1227 et 1228 s'’intercale le distique : Lenfant a pris. si lemporte courant Vint a la chambre. si vet luisset ouvrant.
1245. de9brement, corr. Mt. 1251. devovourant, corr. C.
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Mes il ne l’ont grevé ne tant n{e] quant,
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A soi meïsmes va quoiement disant : Grant seigneurie a cest enfant apent, Filz est de roy, par le mien escïent,
Pour ce le vont les lÿons deportant. »
[XLVIIT] Quant li paiens voit l’enfançon dormir,
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[fol. 60 r. a.]
Ançois l’aloient moult doucement lechant Si qu’endormi s’est tout seürement. Tel destinee ot Renier vraiement Des gentis fees qui furent au nessant. Le paien voit le damoisel dormant, N'’ot mes tel joie, Mahon en va loant.
Grant desir a qu’il le poïst tenir, Mes il n’osoit le guichet entr’ouvrir Por les lÿons, qui moult font a cremir. Lors se pourpensse Murgalés de Montir Qu'il porra faire pour l’enfançon guerir.
[XLIX] De la chambrete est Murgalés sevrez, Les lÿons lesse et li enfes delez. Une fille ot Brunamons l’amirez, Joene pucele, n’ot que .XITI. anz d’aez. Murgalés est devant li acoutez : « Ma damoisele, dist il, vous ne savez Au roy vo pere, qui tant est redoutez, Fu hui matin uns enfes presentez, . valleton, moult est grant sa biautez ;
Le s de les est suscrit.
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Mien escïent, n’a pas .Il. anz passez, Ne vi si bel puis l’eure que fui nez ! Et por itant qu’il est crestiïanez Le volt destruire Brunamon l’amirez. »
[L] Dist Murgalés : « Par Mahomet, mon dé, Franche pucele, dirai vous verité :
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Les .Il. lÿons, qui tant ont cruauté, Qui ont ceenz .IL. anz esté gardé, Tienent l’enfant, qui tant a de biauté, Mes il ne l’ont por mal fere adesé Ne tant ne quant ne blecié ne grevé. Bien sai li enfes est de grant digneté : Filz est de roy, selonc le mien penssé. Se ce ne fust, je sai de verité,
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Les .Il. lÿons l’eüssent estranglé. » Dist la pucele : « Me dis tu verité ? — Oïl, suer douce, par Mahom, nostre dé.
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1281.
Venez o moi, bien vous sera moustré. » Dist la pucele : « Volentiers et de gré ! » [fol. 60 r. b.] Dusqu’a la chambre en sont tantost alé. La damoisele a l’uisset desfermé ; Les lÿons sont encontre li levé, Joie li font et moustrent amisté : Nourriz les ot en leur petit aé. Et la pucele a l’enfant esgardé, Entre ses bras l’a contremont levé. Tant le voit bel que moult l’a enamé. Renier s’esveille, si a un ris geté.
La volt destruire, corr. C.
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ENFANCES
Dist la pucele : « Enfes, moult as biauté !
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Por ta noblesce, pour ta grant digneté, Te doins .I. don de bone volenté : Ne te faudrai ja mes en mon aé Tant que voudras fere ma volenté. Bien te ferai nourrir tout en celé Dedenz ma chambre por la paienneté. » Atant s’en tourne, l’enfant en a porté. A Murgalés a riche don donné Et si li prie que mot n’en soit sonné : A touz jors mes li en savra bon gré. Et Murgalet li a bien creanté Que ja par lui ne sera encusé. Or a li enfes, Diex merci, recouvré
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Qui de lui pensse et mains et a vespré Quar la pucele savoit a grant plenté De nigromance et de divinité,
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N’avoit si sage en trestout le regné, A l’enfant met son cuer et son penssé. Ci vous lairons de Renier le membré, De Maillefer vous dirons verité, :
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Et de Guillaume et de l’autre barné. Tant ont nagié par la mer et siglé, Souz Porpaillart se sont droit arrivé. I. messagier l’a a Gyrart conté Que nos barons sont deça arrivé. Gyrart l’entent, Dieu en a mercïé. Encontre va, le cuer ot abosmé Quant voit Guillaume, de pitié a plouré. Le grant damage leur a tout reconté Del damoisel c’on leur avoit emblé,
RENIER
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RENIER
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Filz Maillefer au courage aduré, Et de Guibourc, qui pieça n’ot santé : Enoile est .VIII. jours apassé. 1340
Nos barons l’oent, grant duel en ont mené,
[fol. 60 v. a.]
Enz el palés sont enssemble monté.
[LI] Li quens Guillaume en la sale monta ; Dusqu’a la chambre le marchis n’arresta.
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Dame Guibourc moult malade trouva, Et le marchis doucement l’apela : « Franche contesse, pour Dieu, qui tout fourma, Conment vous est ? ne le me celé ja ! »
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Et, quant la dame Guillaume entr’oï a,
A la parole moult bien le ravisa. .J. petitet son chief amont leva, Les yex entr’uevre et Guillaume esgarda :
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Sire, dist ele, traiez vous ensus ça !
Moult sui joiant quant Jhesu tant m’ama Que devant vous mon cors trespassera. A mienuit, quant le coc chantera,
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L’ame du cors adont departira, Mes je ne sai ou se herbergera. »
[LIT] Dist Guibourc : « Sire, entendez envers mi : J'ai durement le cuer tristre et marri,
1360
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Si ai de m’ame grant paour, ce vous di, Quar pour moi est maint preudome feni.
aduté, corr. C.
ENFANCES
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RENIER
Or veulle Diex dé m’ame avoir merci Quar pour s’amourai Mahom relenqui ! »
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[LIT] Guibourc parole au Marchis au Court Nez : « Franc quens, dist ele, se croire me voulez, Vous estes viex et chenu et barbez ;
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Pour Dieu vous proi de vostre ame penssez. Lessiez paiens, moult les avez grevez. Au Roy de gloire proier des or rendez Et le servez jour et nuit et ourez Tant qu’il vous ait voz pechiez périsétnesl » Dist li quens : « Dame, si com vous conmandez. »
[LIV] Guibourc apele Guillaume en souspirant : « Sire, dist ele, pour Dié le royamant, Mourir m’estuet assez prochainement.
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N'avrez de moi consseill d’ore en avant,
Pour ce vous proi, s’il vous vient a talent, Que n’alez plus dela la mer najant. 1380
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— Dame, dist il, g’en ferai vo talent. — Sire, dist ele, du roy de Bethleent,
Vous rent merciz de ce qu’alez disant ! — Suer, dist li quens, pour Dieu omnipotent, Est il riens nule, nel m’alez pas celant, Qui peüst metre en vous respassement ? [fol. 60 v. b.] — Nenil, dist ele, se n’iert Dieu proprement. Les yex me troublent et le cuer me dement. — Diex, dist li quens, or me va malement ! Petit vaudra mon sens d’or en avant Quant cele pert qui m’aloit confortant Et de sa bouche les bons conssauls donnant ! »
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1404
RENIER
Le jour trespasse, la nuit vint aprochant. Moult va Guibourc durement agrevant, A Jhesu Crist vet s’ame conmandant, Pour ses pechiez va sa coulpe batant Et de vrai cuer Nostre Dame apelant Qu'’el la sequeure quar mestier en a grant Et qu’envers Dieu li veulle estre aïdant. Ainssi se va la dame a Dieu donnant Et de ses mals durement repentant. Vers mienuit vet le cors trespassant, L’ame s’em part au Dieu conmandement. Adont enforce le duel conmunement : Li quens Guillaume pleure piteusement, Sovent se pasme du duel qu’il ot pesant, Mes li baron le vont reconfortant.
[LV] Grant fu le duel enz el palés listé Dusqu’au demain que il fu ajourné. 1408
1412
Les chevaliers ont le cors conraé, Oint l’ont de basme et moult bien atiré,
Enz el palés l’ont em biere posé. Li quens Guillaume s’est sus le cors pasmé V. foiz de route ainz qu’il soit relevé. Quant se redresce, moult s’i est escrié :
1416
1413.
« Orable, dame, por vous sui moult iré ! Mort, quar me pren, si iere o li finé ! Diex ! por quoi vif ? que ne sui devié Quant cele est morte de cui g’estoie amé ! Je proi a Dieu, qui en croiz fu pené,
siert escrie.
283
284
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1424
1428
ENFANCES RENIER
Qu’il mete s’ame-en la grant majesté O ses amis qui sont haut couronné. Pour la contesse, a cui m’eire donné, Souferrai ge paine et travaill plenté : Li miens haubers n’iert ja mes desdossé, Ne ne gerrai en bourc ne en cité Fors as plains chans et en grant bois ramé ; Ne mengerai ja mes pain beluté, Ne venoison, ne paon empevré ; Poi beverai ja mes vin ne claré, [fol. 61 r. a.] Pour la seue ame souferrai grant lasté,
Que Jhesu Crist en veulle avoir pité ! » [LJes barons l’oent, tendrement ont plouré.
[LVI] 1432
1436
Or vous dirons de Maillefer le ber : En la chambre entre sa moullier conforter, Malade jut dedenz .I. lit paré. Son seigneur voit, moult l’a tost ravisé ; Au miex que pot a son chief haut levé. Dist Maillefer : « Dame, ne vous grevez.
1440
1444
1428.
Couchiez vous jus et si vous reposez, Et de mon filz nouveles me direz. » Et quant la dame ot de son filz parler, IL. fois se pasme, ne se pot contrester. Quant se redresce, si conmence a crier :
« Renier, biau filz ! dist la dame au vis cler, Se Diex n’en pensse, por vous m’estuet finer ! »
Le e de beverai est suscrit.
1431. L'initiale de Or (1432), tracée une ligne trop haut, masque le L de Les barons.
ENFANCES
RENIER
Quant Maillefer voit sa moullier plorer,
Moult doucement la prist a conforter : « Dame, dist il, por Dieu, lessiez ester ! 1448
Se nostre filz, que soulïons amer,
Avons perdu par folement garder, Diex le nous laist enquore retrouver ! Se Diex ce donne que puissiez respasser 1452
1456
1460
Et il vous donne en santé demourer,
Encor porrons bien enfanz recouvrer. » Cele nuitie ont il lessié passer. Moult font grant duel li demaine et li per Et l’endemain, quant virent le jour cler, Au grant moustier vont la messe chanter. Li clerc, li prestre qui s’en sevent meller, Tuit li haut prince furent au cors porter. Moult bel service fist on a l’enterrer. La veïst l’en Guillaume doulouser,
1464
1468
Ses poinz detordre et ses cheveuls tirer, De fois en autre moult hautement crier : « Guibourc contesse, mar vi vo dessevrer De vostre cors ! conment porrai durer ! N'est riens en terre qui me puist conforter Quant cele est morte qui me souloit donner Les bons conssauls et folie blasmer. » [LVII] Grant duel mena Guillaume li marchis Pour sa moullier, la contesse gentis. « Dieus, dist li quens, peres de Paradis,
1472
Or ai perdue ma joie et mes delis ! Ne serai liez tant con je soie vis. » [fol. 61 r. b.] Tout li baron a conforter l’ont pris, Mais ce ne vault voillant .II. paresis,
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1500
ENFANCES
RENIER
Grant fu li duelz,-et la plainte, et li cris.
Delés .I. marbre s’est Guillaume assis ; A Maillefer a donné son païs, Ses homes prie qu’il le servent toudis Et que il gardent la terre et le pourpris Et les passages contre les anemis Car cis païs est moult de Turs haÿs. Quant cil l’entendent, chascuns fu esbahis : « Sire, font il, volentiers, non envis, lert de par nous vos voloirs acomplis, Si vous prions vous soicz nos amis : Se demorez, nos bons iert acomplis. — Voir, dist Guillaume, ge le feroie envis !
En petit d’eure serai de ci partis. A Dieu comant les grans et les petis. » Ainsi parolent tant que jors [est] faillis. Aprés souper vont couchier en leur lis. Li quens Guillaume ne s’est pas endormis : De laiens ist c’onques n’i fu oïs, Ne prist congié a home qui soit vis. Toute nuit vait qu’il ne s’est alentis, En son cuer pense li frans quens segnoris Que moines iert sacrez et beneïs. Droit a Angienes s’en vait tous aautis. Et l’endemain, que jors fu esclarcis, Rois Maillefers est chauciez et vestis. Tout li baron ont moult Guillaume quis, Mais il ne sorent quel part il fu vertis,
1504
S'en fu chascuns courouciez et marris.
1491. jors faillis, corr. Mt ; une croix indique dans le ms la place du mot manquant.
ENFANCES
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1516
RENIER
[LVIIT] En Poupaillart sont li gent esfraé Tout pour Guillaume que il n’ont pas trouvé. Li quens Gyrars l’a plaint et regreté, Pour son linage a grant duel demené : « Hé ! Dieus ! dist il, pour quoi ai tant duré ? Mors, car me prent ! s’avrai mon duel finé, N’avrai mais joie en trestout mon aé : Mors est mes peres Bueves au cors membré, Et tout mi oncle sont a leur fin alé Fors scul Guillaume, dont nc sai vcrité, Qui pour Guibourt a le siecle adossé. Tout mi parent sont mort et trespassé Fors que Bertran au corage aduré Et Guïelin, mon frere, le douté ; [fol. 61 v. a.]
Il n’i a mais que moi tiers demoré.
1520
Se paien vienent sour nous en cest regné,
N’avrons secours, ains avront tout gasté. » Maillefers l’ot, aprés l’a apelé :
1524
« Gyrart, beaus niez, or n’aiez cuer iré ! Tant con je vive, n’ierent Turc si osé Pour nous grever soient en mer entré ! Puis que mors est Tiebaut et Desramé,
Li remanans ne vault .I. oef pelé. »
1528
Rois Maillefer en dist sa volenté,
Mais ains .I. an avra tant povreté Avec Bertran, le preuz et le sené, S’il en eschape et Dieus l’ait destiné,
1532
Bien pora dire que Dieus l’a visité !
[LIX] Rois Maillefer ses barons apela. Premierement Gyrart araisona ;
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288
1536
ENFANCES
RENIER
Sages hons fu, a li se consilla : « Gyrart, dist il, entendez a moi ça : Se bon vous semble, aler nous covendra À Morimont, desiré l’ai pieça.
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Forte est la vile et bel deduit y a, Je et ma fame iluec sejournera, La mer i vient et moult bon port y a. Et, se Bertran aucune besoigne a, En petit d’eure mander le me porra. » Dist Gyrart : « Sire, si iert con vous plera. » Roy Maillcfcr crrant crier fet a Que touz s’aprestent, a Morimont ira. Li olz s’atourne, chescun s’appareilla. En Porpaillart Guïelin demoura,
Roy Maillefer pour garder li lessa. A Morimont droitement s’en ala Et avec lui sa moillier en mena. Sa bele fille mie n’i oublia. En la vile entre, que nus ne li vea, Et tout entour le bel lieu esgarda : Moult bien li plot et molt li agrea. Les manouvriers et les maçons manda ; De tours, de murs la cité renforça.
De bone gent moult tres bien la peupla.
[LX] 1560
Or vous lairons .I. petitet ester De Maillefer, le gentil et le ber, Et de Bertran, qui est outre la mer
En Loquiferne pour le païs garder.
1559. Dr vo’ lairons .i. petitetet ester, corr. C.
[fol. 61 v. b.]
ENFANCES
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1576
RENIER
Hui mes devons de Renier raconter Qui fu emblé et en menez par mer. Diex l’ama tant qu’il le fist asener En tel lieu est dont bien puet amender Quar la pucele qui l’ot pris a garder Le fet nourrir et moult bien doctriner. Biaus fu li enfes et prist a amender, De son aage ne trovast on son per. Quant ot .V. anz, moult savoit bel parler Quar .I. sien mestre le sot bien escoler Des gcus de tables ct aprendre ct danter. Et a .VIL. anz savoit moult bien mener .. fort cheval et courre et galoper, Et a .X. anz escremir et geter. O les enfanz s’en va souvent jouer, Trere et lancier, et saïllir et ruer. Quant il resgarde .L. oiselet voler,
1580
Il tret si droit ne li puet eschaper. Nul Sarrazin ne puet a lui riber, Luitier, saillir qu’il ne face mater.
- 1584
1588
Touz les enfanz le prennent a blasmer Et a haïr et moult fort cueriner Pour ce qu’il veut touz les autres passer. Plus avoit force Renier le bacheler A ses .X. anz et plus puet endurer Que n’ont .IL. autres ou trois, c’est sanz douter.
[LXI] En la freté ot un prevost manant ; JL. filz avoit cuvert et malfesant.
1592
Pour ce qu’il voit Renier si bel enfant Et que touz geuz va si bien aprenant Touz passoit ceuls qui de lui sont plus grant,
289
290
1596
ENFANCES
RENIER
Si que les dames le vont forment loant Et les puceles durement bienveignant, Li jouvencel sarrazin vont penssant Que, se Renier dure ainssi longuement,
On ne tendra fors de lui parlement. JL. jour s’apenssent qu’il l’enmerront jouant 1600
1604
A .I. fossé lé et parfont et grant ; Enz iert bouté, ce dïent, maintenant, S’il iert naiez, il n’i donent .I. gant :
« Ja la pucele, qui le va nourrissant, N’en oscra fcrc .I. tout scul semblant Pour le sien pere, qu’ele doute forment, Qui ne set mot, ce savons vraiement, [fol. 62 r. a.] Qu'’ele nourrisse ce bastart enssement. »
1608
1612
1616
1620
Ainssi le vont tuit ensemble acordant Cil ou li enfes s’aloit le plus frant. .L diemenche qu’il fist bel temps et gent, Le jour iert cler et le soleill resplent, Touz les enfanz a la paiene gent Sont asemblez a icel parlement. Devant Renier vont .VI. et .VII. passant Et si li prient qu’il voise esbanoiant Sus la riviere lez le bois verdoiant ;
Trere as oisiaus iluec iront jouant Et puis s’iront enz en l’eaue baignant. Et dist Renier : « À vo conmandement, Mes a mon mestre irai congié prenant. » Ne savoit mie le grant encombrement Que li feront li cuvert soudïant !
1624
Tant atendirent que l’enfes congié prent, Puis l’en menerent enz el pré verdoiant. Le bois trespassent, tant li vont favelant
A la riviere viennent petit et grant.
ENFANCES
1628
1632
RENIER
291
Cil qui iert filz au prevost soudiant, Entrues c’uns autres vet a Renier parlant, Et qu’il li va les poissonnez moustrant, Cheoir le fet enz en l’eaue bruiant. Renier fu viste quant sailli vistement, A une estache s’aert moult asprement ; De l’eaue issi tost et apertement, Vint a celui qui l’i ala boutant : Par .L. des braz l’aert moult fierement,
1636
1640
1644
1648
1652
1631. ajouté 1651. grande 1652.
El haterel li done .I. cop si grant L’os de la guculc li va par mi brisant : Devant ses piez l’abati mort sanglant. Li autre dïent : « Fols bastart soudiant ! Cuvert trouvé, mar l’alastes ferant !
Moult chierement l’irez ja comperant ! » Adont l’assaillent et derriere et devant Et de leur ars li vont granz cops donant. Quant Renier voit c’on li vet sus courant, A ses .II. poinz en va .II. aerdant ; L’un contre l’autre les hurte si forment Que poi s’en faut qu’il ne les va tuant. Li autre fuient, n’osent passer avant. Touz le huchoient fol bastart lui oiant. Renier les chace et arriere et avant ; [fol. 62 r. b.] Moult a grant duel [que] il le vont clamant Bastart trouvé ; adont se va pe{[n]ssant
Présence d’une croix entre quant et vistement ; sailli a été en bout de ligne. Moult a grant duel il le vont clamant, corr. Mt ; une croix dans la marge signale le manque. pessant, corr. C.
292
1656
ENFANCES
RENIER
Qu’enquor ne set dont vint ne de quel gent, Onques ne vit nul sien apartenant. Lors se pourpensse qu’il l’ira demandant A la pucele qui le va nourrissant Dont est estrait et qui sont si parent ;
Savoir voura conment vint en avant.
1660
[LXII] Li damoisiaus des enfanz se parti, A l’ostel vint ou l’en l’avoit nourri. Voit le son mestre, tantost demanda li : « Frans damoisiaus, qui vous a engrami ? Courociez estes, s’en ai le cuer marri. »
1664
1668
1672
Dist Renier : « Mestre, bien le savrez par mi : Mes compaignons qui main vinrent par ci Sont orendroit ledement departi. Trouvé m’apelent, et bastart autressi. Aler m’en veull, ne puis demourer ci. A la pucele qui soef m’a nourri Prendrai congié et li rendrai merci De touz les biens qu’el m’a fet tresque ci. » Le mestre l’oit, tout le sanc li bouli : « Damoisiaus, frere, il n’ira mie ainssi ! Ne vous en chaille de ce qu’avez oï. Ma damoisele a mis son cuer en ti,
1676
Ne t’en va mie s’avras parlé a li. » Et dist Renier : « Chier mestre, ge l’otri. »
[LXIII] Renier li enfes fu en grant marrisson.
1676.
NE (= Nen), faute par anticipation de t& (= t'en).
ENFANCES
1680
1684
RENIER
293
N’avra mes joie si savra la reson Por quoi bastart l’apelent li glouton. Savoir voura sanz point de mesprison Dont il est nez et de quel region. La fille au roy Ydoine avoit a non. Chescun matin venoit au valleton, D’art d’yngromance li lit une leçon. Tant fort l’amoit ne penssoit s’a lui non.
1688
[LXIV] Au matinet est Ydoine levee. Une pucele a avoec li menee
1692
Droit a l’ostel Renier s’en est alee. L'enfant trouva, qui iert en grant penssee. Quant voit la bele, s’a la chiere levee :
Et Murgalet, en cui moult s’est fiee ;
« Dame, dist il, vous soiez bien trouvee ! Moult desiroie que vous fussiez levee. [fol. 62 v. a.
1696
1700
Dire vous veull, s’il vous plest et agree, Une besoigne qui trop me desagree, Mes je n’i veull fors vous, tres bele nee. » Dist la pucele : « D’oïr sui aprestee, Vo volenté n’en iert ja refusee ! » [LXV] Sa chamberiere Ydoine arresonna
Et Murgalet, qu’avoec li amena :
1688. L'auxiliaire a est suscrit ; il a été ajouté avec une plume plus fine par le copiste. 1697. ii. bele nee, corr. C ; mélecture du copiste, qui a interprété tres comme un numéral.
ENFANCES
294
1704
1708
1712
Si leur a dit c’un petit s’en ira Enz en sa chambre et l’enfant 1 menra ; Ne leur ennuit, assez tost revendra. Dist li Renier : « Si soit com vous plera. » La bele Ydoine avoec li l’en mena. La chambre passe, en .I. vergier entra ; Desouz une ente la bele s’arresta. Li damoisiaus sa reson conmença : « Franche pucele, dist il, entendez ça : Je vous conjur de Dieu, qui tout fourma, Verité dites, grant aumosne sera, Ou, se ce non, nel vous celerai ja,
Ja mes mon cors a repos ne sera. Yer au matin, quant le jour eschaufa,
1716
Lez le bosquet ou bel deduitier a Jouer alames, quant le soleill hauça, Bien .XXX. enfanz ; chescun son arc porta.
1720
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1728
1732
Lez la riviere li uns a moi tença ; Ne m'en pris garde c’un autre me bouta, En la grant eaue tout souvin me verssa. A une astache ma cotele acrocha : De l’eaue issi que nul ne m'’i aida. Je couru sus a cil qui m’i bouta, Si le feri qu’a terre souvina. Chescun des autres de son arc me frapa, Mes ge fis tant que nul ne m’i greva Fors au derrain, dont assez m’ennuia, Que chescun d’euls fol bastart me clama Et garz trouvé ensement m’apela. Or veull savoir conment la chose va. Se trouvé sui, forment m’ennuiera : Ne m’ama gueres, par Dieu, qui me geta ! » Ydoine l’ot, tout le sanc li mua :
RENIER
ENFANCES
RENIER
Bien set et pensse qu’ele le perdera.
[LXVI] 1736
Renier apele Ydoine o le cors gent : « Ma damoisele, nel me celez noient, Verité dites, aumosne ferez grant : [fol. 62 v. b.]
Qui est mon pere et quiex sont mi parent ? 1740
N'’en connois nul, s’en ai le cuer dolent.
Pour ce vous proi quel me dites briément, Et ou fui nez, de savoir l’ai talent. — Biau douz amis, dist Ydoine au cors gent,
1744
1748
1752
Qu’avez a fere de savoir l’errement ? De vo païs ne vous chaïlle noient ! Vous estes mien et ge vostre enssement. Tant con vivrai avrez plenteusement, Ne vous faudra ne or fin ne argent, Ne beles armes ne cheval bonement. Mon cors meïsmes est tout a vo talent, Mes enquore estes de trop petit jouvent. » Et dist li enfes : « .C. merciz vous en rent, Grant est le don que m’alez prometant, Mes il n’est rie[n]s qui me voist alejant
Le grant ennuy que m'ont fet li enfant. 1756
1760
Se je ne sai dont sui certainement, N'’avrai mes joie en trestout mon vivant. Sui ge dont filz a lÿon n’a serpent, Ou d’anemy ou par enchantement ? Je ne sui mie estrait de bone gent Quant nes osez nonmer apertement ! » Quant voit Ydoine qu’il se va couroçant,
1754.
ries, corr. C.
295
ENFANCES
296
1764
RENIER
Renier a dit moult debonerement : « Amis, dist ele, ge vous dirai errant En quel maniere estes venuz avant. En cest païs repere .I. marcheant, Gyres a non, riches est et manant.
1768
1772
Pour treüage a mon pere en couvent Chescune ennee en chievage li rent JL. enfant masle de crestienne gent. Et li mien pere les het si durement Pour despit fere a la françoise gent A sses lÿons fet devourer l’enfant. [LXVII] Damoisel, frere, dist Ydoine au vis cler, Quant a mon pere vous ot fet delivrer,
1776
As .IL. lÿons vous fist tantost porter Pour vostre cors fere tout devourer,
1780
Mes Mahomet ne le voult endurer, Dont le me vint .]. mien serjant conter. Je vous alai hors des lÿons oster. Nourri vous ai et fet moult bien garder, Mes ne vous sai, a loiaument parler, [fol. 63 r. a.] De vostre pere la verité conter ;
1784
1788
Mes bien savrai le marcheant trouver Qui a mon pere fist vo cors presenter. » Et dist li enfes : « Fetes le nous mander. »
Dist la pucele : « Ja nel quier refuser. » Murgalet fet pour le marchant aler Et cil i vint, onc ne le voult veer. Quant voit Ydoine, si la va saluer.
[LXVII] « Ma damoisele, bon jour vous soit donez ! »
ENFANCES RENIER
1792
297
Dist la pucele : « Bien soiez vous trouvez ! Savez por quoi vous ai ici mandez ? — Nenil voir, bele, se [ne] le me contez. »
1796
Dist la pucele : « Aparmain le savrez : Hui a .X. anz acomplis et passez Et bien .II. mois, quar ge les ai contez, C’un valleton, qui moult ot de biautez, Nous amenastes, moult iert bien arreez ;
1800
Crestien iert, Renier fu apelez. Pour le trieüage qu’a mon pere devez Fu a mon pere cil enfes delivrez. »
1804
Mes or me dites pour quoi m’en demandez. » Dist la pucele : « Biau sire, or entendez : Ge veull savoir, s’il est vos volentez,
Dist le marchant : « Bien m’en sui apenssez,
Se vous savez ou li enfes fu nez,
1808
1812
Qui fu son Dist Gyres Ne de quel Mes ge sai Et en sainz Je l’achetai
pere ne quiex ses parentez. » : « Bele, ge ne sai ou fu nez gent estrais et alevez, bien qu’il iert crestianez fonz baptiziez et levez. a deniers monneez
Droit a Marsseille, de ce ne mescreez.
Emblé l’avoit cil qui l’ot aportez. »
1816
1794.
[LXIX] Dist le marcheant : « Par Mahomet, mon dé, Bien sai li enfes fu de grant parenté. Emblé l’avoit cil qui l’ot aporté À une dame de moult grant richeté ;
se le me contez, corr. C.
ENFANCES
298
1820
RENIER
En .L. vert bois porla chaleur d’esté Estoit couchie souz .I. arbre ramé ;
Ice me dist quant je l’oi conjuré.
1824
1828
Mes onc ne vi enfant de sa biauté, Ce fu damage, par Mahomet, mon dé,
Qu'il ne vesqui longuement par aé. » Dist la pucele : « Gyres, moult as bonté, [fol. 63 r. b.] Tout pour l’enfant vous ai en grant chierté. Cist damoisiaus qui siet lez mon costé, C’est cil meïsmes qu’avez tant regreté ; Des .IL. lÿons l’ostai pour verité,
1832
1336
Puis l’ai nourri quoiement a celé. » Gyres l’entent, grant joie en a mené. Quant Renier a le marchant escouté, Qui ne savoit dire la verité Dont il iert nez ne de quel parenté, Lors a tel duel pres n’a le sens desvé,
Mes a Dieu croire a mis tout son penssé.
[LXX] Moult fu Renier courociez et marris Quant oit parler le marcheant de pris,
1840
Qui ne set dire dont est ne le païs Ne de quel gent est estrait et nasquis, Mes a Dieu croire a tout son pensser mis ;
1844
Bien sot nonmer le roy de Paradis, La sainte Virge, de cui il fu naïs Quar as esclaves l’avoit moult bien apris Que Brunamons avoit en prison mis,
Quar touz les jours li damoiseaus gentis
1848
Les visitoit volentiers, non envis.
Sarrazinois set parler et persis Et bon françois quar moult bien fu apris.
ENFANCES
1852
1856
1860
RENIER
299
[LXXI] La damoisele fist forment a loer ; Renier apele, que ele voit pensser : « Frans damoisiaus, ge vous veull demander, Verité dites, ce vous veull conmander, À quel creance voulez vous demourer : Ou a la nostre ou vers François tourner ? » Renier l’entent, le chief prist a cliner ; N’ose respondre, ainz se prist a douter S’il disoit voir, pour ce n’ose parler, Que la pucele ne le face afoler. Voit le la bele, adont prist a pensser Que li dansiaus n’osoit le voir conter.
Adont l’apele, bel le sot conforter : 1864
1868
1872
« Renier, biaus enfes, or ne vous esfreer,
Verité dites sanz mençonge trouver. Pour riens que dites, ce vous veull creanter, N’avrez ja mal dont vous puisse garder. » Dist Renier : « Bele, si me puist Diex sauver, Voir vous dirai conment qu’il doie aler. Onques nul jour ne poi Mahom amer, [fol. 63 v. a.] Mielz vaut Jhesu, a ce c’on puet prouver. » Dist la pucele : « Renier, moult estes ber, Mes or mes dites, s’il ne vous doit peser,
Qui vous aprist de Jhesu a parler. » Renier li dist : « Bien le vous sai conter : 1876
As crestiens l’ai oÿ deviser,
Que vostre pere fet en prison garder. Et or vous veull et proier et rouver Que le congié vous me veulliez donner : 1880
Querre mon pere me couvient il aler,
N’avrai mes joie se ne le puis trouver. » Dist la pucele : « Dont me ferez desver !
ENFANCES RENIER
300
1884
Nourri vous ai, or en voulez aler ! » Dist Renier : « Bele, ne vous chaut d’aïrer. Tenez ma foi, bien la vous veull doner : Se Diex me veut droite voie mener Que ge peüsse mon desirier trouver,
1888
Tantost voudrai envers vous retourner. » Dist la pucele : « Bien le veull creanter : Congié avras quant ne veulz demorer. » Le marcheant a pris a apeler :
1892
« Sire, dist ele, or vous veull ge rouver Qu’avoec Renier vous en veulliez aler ; Bien le savrez et conduire et mener
Et par deça arriere rapasser.
1896
1900
1904
Plus vous donrai, se pouez retourner,
Ne porriez en .VII. anz conquester En nul marchié que seüssiez mener. » Dist Gyre : « Bele, bien le vous veull graer, L'enfant menrai la ou voura aler, Et si li veull le mesfet amender Quar, s’il me veut bonement pardoner Touz les mesfez et amistié porter, Je me ferai por lui crestiïaner Et li voudrai et plevir et jurer. » Dist Renier : « Sire, ce fet a mercïer !
1908
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Tres bien vous veull desus ma loy jurer Ja mes vers vous ne vourai mal pensser Se ce me fetes que vous oy deviser. » Adont va Gyres a l'enfant creanter Qu'il se fera en fons regenerer Se la pucele li veut ainssi greer. Et dist Ydoine : « Ja nel vous quier veer. »
ENFANCES
RENIER
[LXXII] . La bele Ydoine Renier aresonna : [fol. 63 v. b.] « Damoisiaus, frere, entendez a moi ça :
1916
1920
Vous en irez quant vo voloir sera, Mer passerez et Gyres vous menrra. Moult sont François orgueilleus par dela, Pour c’estrange home ne priseront il ja : Quant il le voient, chescun s’en gabera.
[LXXIIT] Damoisel, frerc, dist Ydoinc au clcr vis, Quant vous venrrez en estrange païs, Ge ne veull mie que soiez escharnis,
1924
Par povreté d’estrange gent ledis. Je croi et pensse, selonc le mien avis,
1928
De haute gent es estrais et nasquis, Si doit bien estre li tiens cors seignoris. Je vous donrai armes de moult grant pris Que j’ai gardees .XIL. ans a acomplis. » Dist Renier : « Bele, de Dieu .V. cenz mercis ! » Lors s’en ala Ydoine a ses escrins ;
1932
1936
Les garnemens en a moult tost hors mis, Si les charja Murgalet de Valbis Car plus s’i fie qu’en home qui soit vis.
[LXXIV] Ydoine fu plaine de grant bonté, Moult se penoit por Renier en celé, Bien le voudroit avoir em pris monté. Porter li fist armes tout a son gré ;
1919.
Pour ce.
301
302
1940
1944
ENFANCES
Blanche est la broigne aussi con flor de pré Et le vert hiaume fu de grant nobleté : Devant el cercle, qui fu d’or esmeré, Ot une pierre qui tant ot dignité Hom qui le hiaume avra el chief fremé, S'il est preudom, qu’en lui ait loiauté,
Ja por cop d’arme n’avra le cors maté. La damoisele a Renier apelé : 1948
1952
1956
1960
« Amis, dist ele, moult avez de biauté, Bien fet de membres et le cors bie[n] formé, Si cst damage s’il n’a cn vous bonté ! Nourri vous ai en petitet aé, Or en voulez aler outre mon gré ! » Dist Renier : « Bele, merci, por l’amour Dé,
Quant vous m'avez vostre congié donné Quar d’une chose ai le cuer moult iré, Que ne savez dire la verité Quiex hons je sui et de quel parenté. N’avrai grant joie mes en tout mon aé Tant que savrai la fine verité [fol. 64 r. a.] Qui fu mon pere, ainssi l’ai ge esmé, Et qui ma mere, s’il vient a Dieu a gré. » Ydoine l’ot, s’a du cuer souspiré ; Moult crient et doute quant la sera alé Que mes nel voie envers li rapassé.
[LXXV] 1964
1948.
Dist la pucele : « Damoisiaus, entendez : N’avrai mes joie quant de moi partirez Dusqu’a cele heure que revenu serez.
bie, corr. C.
RENIER
ENFANCES RENIER
1968
1972
Trop estes joene, si criem que ne mourez Pour les granz paines que sitost trouverez. Encor n’a mie .XIII. anz que fustes nez ; Devant .XV. ans acompliz.et passez Ne devez estre chevalier adoubez ! Et nonporquant, se vous le conmandez, Moulit volentiers serez vous aprestez, Qu’en douce France en serez plus doutez. — Ja Dieu ne place, dist Renier le membrez,
1976
1984
Que ge ja soie nul jour si haut montez Que chevalicr soic sire apclez Se de parage n’en sui estraiz et nez ! » Dist la pucele : « Bien estes escolez ! Pour ce que veull que soiez amontez, Ces riches armes o vous emporterez Et .I. cheval avoec vous en menrez : Il n’a meillor en .L. regnez, Por .I. jour courre n’iert estans ne lassez.
1988
Et avoec ce .I. biau don averez, JL. branc d’acier, mes que bien soit gardez ! Requite a non, moult est de grant biautez, Galans la fist, .I. fevre moult senez. »
1980
Dist Renier : « Bele, .V.{ merciz et grez ! Diex me lest vivre, qui fu en croiz penez,
Tant que cest bien vous soit guerredonez. »
1992
1996
[LXXVI] Renier li enfes fu sages et apris. Ydoine apele, la pucele au cler vis : « Ma damoisele, le roy de Paradis Me doinst tant vivre et estre posteïs Qu’encor vous rende les biens et les pourfis,
303
304
ENFANCES
RENIER
Et les granz sens que vous m’avez apris. » Dist la pucele : « Renier, moult es gentis : Se preudome estes, bien tost serez em pris. » [LXX VII]
2000
Ydoine apele Renier o le cuer vrai : « Damoisiaus, frere, en vous grant fiance ai. Pour vostre amour de la prison trerai [fol. 64 r. b.]
VILX* François que je deliverrai ; 1004
Cheval et armes a chescun donnerai
Et fiancicr a chescun ge fcrai
2008
Serviront vous de bon cuer et de vrai. Plus en serez honorez, bien le sai. » Renier dist : « Bele, bon gré vous en savrai,
A touz jors mes de cuer vous amerai. »
2012
[LXX VII] La bele Ydoine mie ne se tarja, De la prison .VII. vinz François osta, Chevaus.et armes a chescun d’euls dona Et aprés ce a Renier les livra,
2016
Mes ainz chescun sa foy li creanta Que ja mes jour nul d’euls ne li faudra ; Cels li otroient et chescun bien jura Renier feront tout quanqu’il li plera, Par tout iront ou mener les voudra.
[LXXIX] 2020
1997.
Moult fu Renier sages et bien apris. Ydoine apele, la pucele au cler vis :
qu’ (= qui), corr. C.
ENFANCES RENIER
« Ma damoisele, de Dieu, .V.© mercis ! Moult ai esté par vous soef nourris, Diex le vous rende, qui en est posteïs ! 2024
Moult volentiers, s’il est vostre plesirs,
Iroie querre la terre ou fui nasquis. » Dist la pucele : « Renier, biau douz amis,
2028
2032
2036
Congié vous doins a fere vos devis, Mes ge vous proi, frans damoisiax gentis, Par .!. message mandez en cest païs Se riens trouvez dont soiez esjoïs. » Dist Renier : « Bele, volentiers, non envis ! » Gyre le mestre, qui moult estoit seultis, Isnelement a ses vessiaus garnis. Renier y entre, li vassaus seignoris. Cele remaint qui le cuer ot penssis Por le dansel qui de li s’est partis.
[LXXX] Vet s’en Gyron, qui le dansel en maine. Des ore mes est entré en grant paine ! Najant s’en va par mi la mer hautaine ;
2040
2044
Mouit a a fere chose qui est grevaine Ançois qu’il truist Maillefer le chastaine. [LXXXI] Seigneurs oiez, que Diex vous veulle aidier, Bone chançon, si lessiez le noisier : C’est des enfances au damoisel Renier, Qui conquesta Venise au brant d’acier, S’en geta hors la gent a l’avressier. [fol. 64 v. a.]
2048
Mes .I. petit veull ançois conmencier De Maillefer, son pere, le guerrier, Et de Bertran, le noble chevalier,
305
ENFANCES RENIER
306
Conment paien le vinrent assiegier En Loquiferne et devant et derrier.
2052
I. diemenche, si c’on devoit mengier,
Estoit Bertran en son palés planier, A la fenestre s’iert alé apoier. Enz en la mer conmence a rouïllier,
2056
Nés et dromons a veü aprochier :
Bien sont .C." qui bien les veut jugier ! Voit les Bertran, en lui n’ot qu’esmaier. Piecolet huche, son vaillant latimier :
2060
« Amis, dist il, me savrez consscillicr :
Qi sont ces nés que je voi maroïier ? » Dist Piecolet : « Bien le vous sai noncier : Ce sont paien, Sarrazins et Tur{c] fier
2064
Qui sont venu vo terre chalengier. »
[LXXXTII] Dist Piecolet, le fier enlatimez :
2068
« Sire Bertran, vers moi [en] entendez : Touz sont paiens cels que vous la veez. Celui devant en cele haute nez, C’est roy Butor, qui moult est redoutez. Plus a de force c’un cheval sejournez Et s’est cornuz com .I. buef, ce verrez,
2072
2076
2063. 2066.
Et cornu sont touz ceuls de son regnez. J. maillet porte qui bien est acerez Et s’a une erbe qui tant a de bontez. Ja n’iert el cors tant plaié ne navrez, S'il i met l’erbe, qu'il ne soit respassez. »
turfier, corr. H et Mt. vers moi entendez, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
307
Dist Piecolet : « Trop fustes assotez Quant demorastes en si loi[n]tains regnez !
Se Diex n’en pensse, grant damage averez. 2080
2084
2088
Sire Bertran, se croire me voulez,
Par .I. message Maillefer manderez ; Secourra vous a .XX. mile adoubez. — Ja Diex ne place, dist Bertran l’adurez, Que ja secours soit de par moi mandez Que ançois n’aie Sarrazins esprouvez ! Tant i ferrai de l’espee del lez Que tout en icrt lc heut cnsanglentez ! » Dist Piecolet : « Grant folie ferez ! Mien escïent, vous en repentirez. » En tant qu’il dient ainssi leur volentez,
[fol. 64 v. b.]
Est .I. message droit au port arrivez. 2092
De la nef ist, el cheval est montez,
2096
En Loquiferne est par la porte entrez, Jusqu’au palés ne fu son frain tirez. Ostragons monte contremont les degrez, Devant Bertran s’en est tout droit alez. En haut parla, moult fu bien escoutez.
Dist le paien : « Bertran, or m’entendez : Par moi vous mande roy Butor le membrez 2100
2104
2078. 2105.
Que laienz est en la mer aancrez ; Avoec lui est le riche roy Barrez,
Et tant y a Sarrazins et Esclerz Nel porroit dire nul clerc tant soit letrez. Le roy vous mande que les clés li rendez De Loquiferne, que vous en garde avez ;
loitains, corr. C. qu’ (= qui), corr. C.
308
2108
2112
ENFANCES
RENIER
Laira vous en aler'a ssauvetez. Se ce ne fetes que deviser m’oez, Par vive force pris et loiez serez Et en aprés escorchié et salez ; As Keneliex vos cors [iert] delivrez, La serez vous mengié et devourez. Mer passera roy Butor l’amirez, À Morimont, la sera arrivez ; Pris iert par force Maillefer le desvez,
En grant essill sera son cors menez. »
2116
[LXXXTIIT] Dist Ostragons : « Ne lairai nel vous die : Le roy Butor, qui est de Pincernie,
2120
2124
2128
2110. 2127.
Par moi vous mande, droiz est que le vous die, Fuiez vous en et ne demourez mie, Si li lessiez la cité seigneurie. Se ne le fetes, courte sera vo vie ! » Bertran l’entent, s’a la couleur changie. Au paien dist : « Ainssi n'ira il mie ! Vos seigneur dites que nel dout une alye, De Loquiferne n’avra ja la baiïllie, Encontre lui sera bien chalengie ! Alez vous en, vuidiez la manandie ! Se ne me fust tourné a vilanie, Errant vous fust la teste rooignie Tout en despit de la gent paienie. »
cors delivrez, corr. C. &vuidiez la manandie ; le & est exponctué.
ENFANCES
RENIER
309
[LXXXIV] 2132
2136
2140
Quant Ostragons ot c’on le menaça, Moult vistement arriere retourna, Jusques as trés des paiens n’arresta. Quant voit Butor, hautement dit li a : [fol. 65 r. a.] « Bertran vous mande que pas ne vous rendra De Loquiferne, ançois la defendra. S’il a besoig, Maillefer mandera Par Piecolet, qui se crestienna. » Le roy Butor durement s’aïra, Mahomet jure que tantost s’armera, A la cité grant assaut liverra. Ses armes huche et l’en li aporta. Paiens s’adoubent, chescun s’appareilla.
[LXXXV] 2144
Grant fu la noise, le cri et la huee,
Par ces nés s’arment la pute gent desvee. Le roy Butor a sa broigne endossee Et par desus une cuirie lee ; 2148
2152
2156
2160
En .I. chapel a sa teste boutee, II. cornes ot conme beste encornee ; Pincenars sont une gent deffaee,
Touz sont cornu ceuls de cele contree. Quant son cors ot bien et sa teste armee,
I. baudrel ceint, dont la couroie iert lee ; As crochez pent mainte armure aceree, Dars et fauxars et une bone espee. Puis prist .L. maill dont la teste iert quarree ; Plus estoit dur c’une enclume tempree, Le manche en fu de fin laton fondee. Quant armez furent cele gent sourcuidee, Dont n’i ot sigle qui ne soit haut levee,
310
2164
ENFANCES RENIER
El port se fierent touz a une huee, Hors des nés gietent le pont a la roee. Maint bon destrier a la croupe planee En ont hors tret par la resne doree. Souz Loquiferne se logent en la pree ; XV. rois sont, Diex leur doint male entree ! Or aït Diex Bertran brace quarre[e]
2168.
Quar or li est sa grant paine doublee !
2172
[LXXXVI] Quant Bertran voit les paiens arriver, Bien sont .C." qui bien les veut nombrer, Par mi la vile a fet .I. cor sonner : Ce senefie que tuit s’aillent armer. Bertran s’adoube, qui fu gentill et ber. Quant il ot fet ses genz touz aprester,
2176
2180
Bien sont .X.M, a tant les pot esmer. Il. mile en lesse pour la vile garder Et a .VIIL mile de Turs vet asembler ; [fol. 65 r. b.] Au bruit des lances y oïst l’en huer. Li quens Bertran let le cheval aler, Fiert .I. paien quant vint a l’encontrer ; Par mi le cors li fist l’espié passer, Mort le trebuche, puis a tret le brant cler Et fiert .I. roy, Pinart l’oÿ nonmer,
2184
Dusques es denz li fist l’acier couler. Tout li .VIIT. mile i sont alez jouster, Plus de .IIT. mile des paiens font finer. Paiens reculent, ne porent endurer.
2188
Icele eschiele ont fet desbareter ;
2167.
quarre, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
RENIER
Ja s’en fuissent, n’i peüssent durer, Quant roy Butor leur vint a l’encontrer.
[LXXX VII] Souz Loquiferne, tres en mi le sablon,
2192
Sont asemblé Perssant et Esclavon. Le roy Butor ot le cuer moult felon. Tant estoit grant et de lede façon,
2196
2200
2204
Ne puet trover nul cheval arragon Qu'il ne confonde s’il s’assiet en l’arçon Ne qui le puist porter pas ne troton. .. maillet porte a manche de laton. Les Kaneliex le suient a bandon Et Pincenart ne croient s’en lui non. C’est une gent de moult laide façon : Touz sont cornus li encrisme felon. Cils font des nostres moult grant occision. Le roy Butor vint courant de randon,
.L François fiert par tele aïroison Tout le confont au maill si qu’en l’arçon Et le cheval ot brisié le kaon.
[LXXX VII]
2208
2212
Le roy Butor est venu a l’estour ; D'un flael fiert environ et entour,
De nos genz fist grant machacre le jour : Plus de .XL. en occist a doulour ! Li Kanelieu en font moult grant devour, Et li cornu Pincenart boiseour. Touz fussent morz nos vaillanz poigneor Quant Bertran corne le retret sanz demour ;
2216
Entour li vindrent des chevaliers plusour. Li quens parla, qui moult ot de valour,
311
ENFANCES
312
RENIER
Sa gent apele, qu’il vit en grant freour : « Seigneurs, dist il, pour Dieu le creatour,
2220
Ralons nous en [en] la cité forçour. » [fol. 65 v. a.] Dient ses homes, qui sont bons combatour :
« Quens debonere, n’i voions autre tour. » Adont retourne chescun son milsoudour,
2224
Touz defendant sont partiz de l’estour.
[LXXXIX] Li quens Bertran de l’estour se parti, Il et ses genz, qui sont esp[a]ouri. Vers Loquiferne sont arriere verti,
2228
2232
Turc les enchaucent armé et fervesti. Butor s’escrie : « N’en irez mie ainssi ! » A ces paroles des autres se parti, Les chevaus passe qui sont par devant lui, . chevalier de noz genz conssivi ; Le roy Butor si grant cop le feri Que le cheval et lui mort abati Tout en .I. mont en mi le pré fleuri.
2236
Bertran le voit, a poi du sens n’issi ;
2240
Lors jure Dieu, qui onques ne menti, Miex veut mourir que il s’en fuie ainssi, S’avra Butor couroucié et marri. A ces paroles .I. espié recueilli, Le cheval a vers le paien guenchi, El piz devant moult grant cop le feri, Mes le paien avoit .I. cuir vesti :
2220. Ralons nous en la cite forcour, corr. C. ; faute par haplographie. 2226. espouri.
ENFANCES
2244
RENIER
Tant par fu fort contre l’acier bruni Ne l’empira vaillissant .I. espi.
[XC] 2248
2252
2256
Quant Butor sent que Bertran l’ot feru, De grant ardure ot le cuer esmeü ; En contremont a le maill estendu,
Aprés le conte a ruiste cop feru. Li quens guenchi, ne l’a pas consseü ; Arriere tourne, n’i a plus atendu. En Loquiferne est entré par vertu Et avoec lui si baron et si dru. Les portes ferment li François assolu Et paiens crient et ont levé grant hu : « Or a l’assaut, touz seront recreü ! » Entour la vile s’arengent mescreü.
[XCII] 2260
2264
Li quens Bertran en Loquiferne entra, Lui et sa gent, chescun as murs monta. Le roy Butor a l’assaut escria ; Dusques au vespre li assaut ne fina. As trés reperent quant soleill esconssa, Devant la vile roy Butor se loja ; Mahomet jure qu’il ne s’em partira [fol. 65 v. b.] Mes jusqu’atant que Loquiferne avra ; Le roy Tibaut d’Arrabe vengera, Mort iert Bertran, qui l’autr’ier le navra !
… 2245. N& (= nen).
313
314
ENFANCES
RENIER
[XCII]
2268
Le jour trespasse et la nuit vint serie,
2272
Paien se logent aval la praerie. Li quens Bertran a la chiere hardie En est monté en la sale voultie. La nuit iert bele et la lune esclairie Et mainte estoile reluist et reflambie. En la cité fu no gent esmaïe, Onc de la nuit ne fu deshaubregie.
2276
2280
Piecolet monte en la sale polie ; Quant voit Bertran, fierement li escrie : « Sire, fet il, vous fetes grant folie Que ne mandez et secours et aïe A Maillefer et a sa baronnie !
2284
[XCII] — Piecolet, frere, ce dist li quens Bertrans, Consseilliez moi, le besoig en est grans, Qui puisse aler por paiens mescreans A Maillefer et a nos bienveullans. » Dist Piecolet : « G’en sui tout desirans,
2288
Moult bien irai maugré les soudiïans Qui a Butor veulent estre aïdans. Bien sai parler et latin et ronmans, Sarrazinois, grieu et popeliquans : Pour .XX. langages n’iere ge ja doutans.
[XCIV] — Piecolet, frere, dist Bertran li membrez,
2292
Por Dieu vous proi qu’en cest message alez : Maillefer dites que trop sui mal menez, Le roy Butor m’a assis de touz lez Et avoec lui le riche roy Barrez,
ENFANCES
2296
2300
2304
RENIER
315
Et tant y a Sarrazins et Esclerz Nel porroit dire nul clerc tant soit letrez. Se n’ai secours ançois .IIL. mois passez, Prise iert la vile ou il fu couronnez ; Tant est Butor fort et desmesurez, N'i vaut ma force .II. deniers monneez. » Dist Piecolet, le traïtre mortez : « Moult bien sera vo message contez. » Congié demande, puis s’est acheminez, Devant le jour de la vile est sevrez. À la mer fu [un] vessel aprestez.
2308
Lors se pourpensse le traïtour prouvez Conment puist fere Maillefer soit grevez. [fol. 66 r. a.] D'un grant malice s’est tantost avisez : Pour Maillefer ira et ses chasez, Si l’amenra, ce dit li desfaez.
2312
Quant il sera contre paiens joustez,
2316
La se tendra, a ce s’est acordez, Vers les plus forz sera touz dis clinez. Tant a nagié le cuvert deffaez
Ceuls qu’il verra au deseure tournez,
Qu’a Morimont est tout droit arrivez. De la nef ist, courant s’en est alez,
Dusqu’a la sale ne s’est point arrestez. 2320
Maillefer trueve, qui tantost iert levez ;
Cil le salue, qui bien fu escolez. Dist Maillefer : « Vous soiez bien trouvez ! 2324
2306. 2311.
Que fet Bertran, le chevalier loez ? » Dist Piecolet : « Sire, moult est grevez !
A la mer fu. vessel aprestez, corr. C. ce ce dit li desfaez, corr. C.
316
ENFANCES RENIER
Le roy Butor, .I. paien de fiertez, A Loquiferne assise de touz lez, S’a avoec lui .XV. rois couronnez. 2328
Li quens Bertran est dedenz ensserrez ; Par moi vous mande que vous le secourez Ou, se ce non, tout le païs perdrez.
2332
Tant est Butor fort et desmesurez Qu'il ne crient home qui soit de mere nez. Les Keneliex a o lui amenez, Et Pincenars et les Bougres desvez. — Sainte Marie, dist Maillefer li bersz,
2336
Quiex vis deables ont paiens ramenez ! L’autr’ier cuidai, quant Tibaut fu tuez, Et Desramé, le viell chenu meslez, Que mes ne fusse de Sarrazins grevez,
2340
Et or a primes sui en grant guerre entrez ! Mes, par Jhesu, qui en croiz fu penez, Mer passerai ançois .Il. mois passez. Se truis paiens, les cuvers deffaez,
2344
Tant i ferrai de l’espee del lez Tout en sera le païs descombrez ! » Roy Maillefer disoit ses volentez,
2348
2352
2343.
Mes a court terme iert autrement alez Quar de paiens sera si agrevez, N'i vousist estre por l’or de .X. citez.
[XCV] Roy Maillefer a fet ses genz mander Et soudoiers quanqu’il em pot trouver ; .XXX." sont qui le vousist nombrer. [fol. 66 r. b.]
tuvers, corr. C.
ENFANCES
RENIER
Nés et dromons a fet bien arreer. À sa moullier va congié demander : « Dame, dist il, il m’en couvient aler
2356
Bertran secourre et la terre tensser. Se Diex ce done que la puisse aquiter, Ge vous ferai a court terme mander,
2360
2364
2368
2372
Si vous voudrai richement couronner. Touz quoy voudrai par dela demourer Pour le païs vers paiens mieus garder. » La dame pleure quant vint au dessevrer ; N'cst pas merveille sc il l’en dut peser, Ne verra mes Maillefer, le sien per,
S’avra paour de son cors lapider. Mailiefer lesse a Gyrart a garder Toute la terre de Morimont sus mer. Puis fet errant ses genz es nés entrer. Les sigles font en contremont lever ; Le vent s’i fiert, qui tost le fist aler. Or vous devons des granz paines conter De Florentine, la dame o le vis cler. Otrans de Lymes o le roy [CarbouJcler Et Rubÿons, cui Diex puist mal doner, A .XXX. mil paiens sont en la mer ;
2376
2380
Bien s’en cuidoient a Loquiferne aler Pour Bertran prendre et le païs gaster, Mes .I. orage les a fet destourner, Souz Porpaillart les couvint arriver. Le lieu connurent, n’ot en els qu’esfreer : Maillefer doutent, bien l’i cuident trouver.
2373.
Une tache brune rend la lecture de ce vers difficile.
317
ENFANCES
318
RENIER
[XCVI] Otrans de Lymes a premerain parlé, Ou voit paiens, si leur dit son penssé : 2384
« Seigneurs, dist il, mal nous est encontré !
C’est Porpaillart ou sonmes arrivé, Ci maint li hom qui plus nous a grevé :
2388
C’est Maillefer, qui tant a de fierté. S’il nous ataint, touz serons afiné. » Leur sigle lievent, atant sont resquipé.
Tant ont ensemble par mi la mer siglé Souz Morimont sc resont arrivé. 2392
Le chastel voient environ bien fremé, Les murs refait, les fossez relevé.
Moult se merveillent li paien desfaé 2396
Quiex hons avoit le lieu si ratiré. Ja se refussent en la mer esquipé [fol. 66 v. a.] Quant .I. espye leur a dit et conté : « Seigneurs, dist il, ne soiez effreé,
Roy Maillefer, que tant avez douté, 2400
2404
2408
2412
A ci endroit grant piece converssé ;
Et sa moullier au gent cors bien moullé Laiens demuere en ce chastel fremé. Gyrart le garde, au courage aduré. Il a .IIT. jours acompli et passé Que Maillefer a congié demandé ; Vers Loquiferne a son chemin tourné
Bertran secourre vers la paienneté. Le roy Butor a assis la cité ; S’il tient Bertran, son temps avra finé. » Rubÿons l’oit, grant joie en a mené : Mahomet jure, en cui a seürté, N'en partira s’avra pris le regné Et de la dame fera sa volenté.
ENFANCES
2416
2420
2424
2428
RENIER
Mes, se Dieu plest, il en iert parjuré Se Diex guerist le damoisel membré, Renier l’enfant, que li lerre ot emblé. Cil vient najant par mer voile levé. En mainte marche querra son parenté, Mes ainz avra maint travaill enduré Qu'il ait son pere connut ne ravisé. Hors des nés issent Sarrazins touz armé, La veïst l’en maint destrier sejourné ; Paiens y montent, cui Diex doint mal dehé ! La proic acucillent par devant la fcrté ; Fames et homes et quanqu’il ont trouvé Muerent par euls, nului n’ont deporté. En Morimont en sont les criz alé Que les paiens sont en la terre entré,
S’ont ja maint [home] occis et decopé.
2432
2436
[XCVII] En Morimont fu moult grant l’estourmie Quant Sarrazins ont no gent envaïe. Gyrart le preuz a la nouvele oÿe Que sa grant proie iert de paiens sesie. Lors a duel tel a poi qu’il ne marvie, Il se demente et fet chiere marrie. Et Florentine moult hautement s’escrie : « Maillefer, sire, com dure departie ! Se Diex n’en pensse, qui fu nez de Marie, Ne me verrez ja mes jour de vo vie. »
2417. nagent. 2429. ja maint occis.
319
320
ENFANCES
RENIER
[XCVIII] 2440
A Morimont fu la gent effreee.
[fol. 66 v. b.]
Li quens Gyrart a la chiere membree A Florentine moult bel reconfortee,
Puis conmanda que sa gent soit armee.
2444
.V sont quant bien fu conraee : Plus n’ot de gent en la vile fremee,
Et paiens sont .XXX." en la pree ! 2448
2452
De la vile ist nostre gent abrievee. Turs les avisent, si mainent grant huee, Contre les noz vicnnent de randonnec. Li quens Gyrart a la lance branllee, Fiert .I. paien sus sa targe listee, Par mi le cors li a l’ante boutee. « Morimont
! crie, franche gent honoree,
Defendez bien de paiens la contree ! J'ai du premier la place delivree ! 2456
2460
2464
Qui ci mourra, s’ame sera sauvee,
En Paradis devant Dieu couronnee. » Et Frans s’esforcent conme gent aïree, Cil qui n’a lance i fiert forment d’espee. La premeraine eschiele ont si menee Que poi s’en faut ne l’ont desbarete[e]. Gyrart regarde le fonz d’une valee, Voit une eschiele qui adont iert montee ; Otrans de Lymes les conduit de boufee, Bien sont .XX.", chescun porte plonmee. Cil ont noz genz malement forsmenee :
Plus de .V. en ont mors la journee ! 2468
Voit les Gyrart, s’a la couleur muee
2461.
desbarete, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
321
Quar or voit bien ja n’i avra duree. .L cor sonna, sa gent a escriee, Vers Morimont a sa voie tournee.
2472 2476 2480
[XCIX] De l’estour partent noz François a enviz,
Vers Morimont en vont par .I. lairriz. Li quens Gyrart fu derriere touz disz Si com li pastres en maine ses brebiz. Sovente foiz fu son cheval guenchiz, Par grant ficrté cst des autres partiz. De Salorye Estornamons li gris Gaudin a mort, qui fu nez de Paris. Voit le Gyrart, a poi n’esraja vis. Le cheval hurte des esperons massis, L’espee entoise, dont le brant fu fourbis,
2484 2488
Fiert le paien devant en mi le pis ; L’auberc li trenche com se fust .L. tapisz, [fol. 67 r. a.] Dusqu’en l’eschine l’a fendu et mal misz,
Du bon cheval est a terre flatisz. Ainz que Gyrart fust arriere vertis, Fu il enclos de .M. Amoravis ; Et li quens crie : « Diex, aidiez, saint Denis ! »
Sa gent l’entent, es les vous revertis. Gyrart resqueustrent maugré leur anemis,
2492
De Morimont font ouvrir le postis ;
No gent y entrent maugré les Sarrazins. Rubÿons crie, qui iert vieill et fleuris : « Or a l’assaut, que nus n’en soit faintis !
2495. mot.
faintins ; faute par réminiscence de la première syllabe du
322
2496
ENFANCES
RENIER
Prise iert la vile et Gyrart iert occis, Et de la dame ferai touz mes delis. » Mes, se Dieu plest, il a de ce mentis !
[C] 2500
2504
A Morimont sont li assaut pesant, Turs et paiens vont les noz angoissant. Ceuls des murs getent maint chaiïllou roolant : Qui est ataint, il n’a de mort garant ! Dusques au vespre vont moult petit cessant. La nuit reperc ct le jour va faillant, Otran de Lymes va sa gent retraiant. Trés et acubes vont Sarrazins tendant ;
2508
Mahomet jurent ne s’en iront partant S'’iert la vile arsse ou Frans seront rendant. Mes, se Dieu plest, du tout iront mentant
2512
Se Diex guerist le damoisel vaillant, Renier li enfes, qui vient par mer najant, Qui aventure aloit par tout querant ; Cil estoit filz Maillefer le puissant,
Mes n’en savoit li damoisiaus noient ; Quant le savra, moult iert son cuer joiant.
[CT] 2516
2520
Souz Morimont sont logiez Sarrazin. Le païs gastent li cuvert de put lin, Homes et fames metent moult a la fin. Forment grevoient Gyrart le palasin : Si li destraignent environ le chemin Qu'il ne li vient ne blé ne char ne vin. [CII] En Morimont fu Gyrart enserrez ;
ENFANCES
2524
RENIER
Si le destraignent Sarrazins Qu'il ne li vient ne char ne N'a pas vitaille a .VI. mois Moult se demente Gyrart et
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de touz lez vin ne blez. li barnez, est irez :
« Diex ! dist il, Sire, nos homes secourez
2528
Qui pour vo loy ont tant mals endurez ! » [fol. 67 r. b.]
[CII] Au merkedi au point de l’ajourner Vint Florcntinc as cstres acoutcr. Par la fenestre conmence a esgarder ;
2532
Voit ces paiens par mi ces trés aler, Ces venoisons, ces poissons atirer,
Mes en la vile en ont poi a disner. La gentil dame conmença a plourer 2536
2540
2544
2548
Et Maillefer, son seigneur, regreter.
Et Sarrazins conmencent a jurer N'’en partiront conment qu’en doie aler Si avront fet le chastel jus versser : Gyrart feront a martire livrer Et la duchesse en .I. feu abraser. Mes, se Dieu plest, qui se lessa pener En sainte crois por sa gent racheter, Bien en porront mentir et parjurer Se Diex guerist Renier le bacheler, Qui aventure va querant par la mer. Seigneurs baron, plese vous escouter Quele aventure Diex i volt demoustrer.
Par .I. juesdi a[u] point de l’ajourner
2549.
a point de lajourner.
ENFANCES
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2552
RENIER
Gyrart resgarde par mi la haute mer. Voit une nef isnelement sigler : Bien .VIL© homes ot enz por els garder, Touz marcheanz qui molt font a loer ; Desrobés furent a la gent a l’Escler, Aler s’en cuident a Gennes sanz douter,
2556
Mes ce les fet durement effreer Qu'il n’ont vitaille mie a III. jourz passer ;
2560
2564
2568
Moult s’en dementent li marcheant en mer, Mes il n’osoient a Morimont tourner Por les paicns, dont ont oÿ parler. Leur sigle aprestent, si font leur nef virer, Dusques au vespre ne cessent de sigler. A l’endemain les volt Diex conforter : La nef encontrent Renier le bacheler,
Qui aventures va querant en la mer. Bien .IL. cenz homes avoit a gouverner Que la pucele li fist o lui mener. Vitaille avoient a plus d’un an passer. Renier parla conme gentil et ber ; Gyre, son mestre, em prent a apeler : « Mestre, dist il, fetes no nef tourner
2572
2576
2580
Vers cele barge que la voi avaler. [fol. 67 v. a.] Cele part veull, s’i vous plest, cheminer, Si leur voudrai enquerre et demander S'il nous saront aventures conter Que Diex de gloire me lest tel lieu trouver Ou ge peüsse le mien pere assener, Il et ma mere, que tant puis desirer. » Gyre li dist : « Bien m'i veull acorder. » Adont conmencent cele part a aler. Quant furent pres, si prenent a crier : « Seigneurs, dont estes ? veulliez a nous parler !
ENFANCES
2584
2588
2592
RENIER
Bone gent sonmes, ne vous estuet douter, Ne vous voulons riens tolir ne rober. » Cils leur escrient : « Que voulez demander ? Crestien sonmes, ne le voulons celer, Si en alons a Gennes marcheer, Mes la vitaille nous fet moult esfreer, N'’en avons mie a .IL. jours bien passer ! Se voulions sofisaument disner, Bien em porroit le remenant porter I. oiselet quant venrroit au lever. À Morimont n’osames arriver, Turc l’ont assis, Diex les puist craventer ! » Quant Renier ot de l’assise parler,
2596
2600
2604
Dist a son mestre : « La feroit bon aler ! » As marcheanz proia Renier le ber : « Seignors, dist il, se me voulez mener À Morimont, dont je vous oy parler, Vitaille avrez a demi an passer. Et, se Diex donne que puisse conquester Or ne argent, bien vous en veull donner Se vous voulez avoec moi demourer. » Quant ceuls oïrent Renier ainssi parler,
Por sa proesce l’ont pris a enamer. Dist l’un a l’autre : « Moult [est] cis enfes ber ! Nul mauvés hom ne savroit ce pensser ;
2608
De haut lignage est, moult fet a loer ; Riche est la nef ou l’en le fet mener, A lui servir puet l’en bien conquester !
2612
Plus em porrons en grant honor monter
Se nous voulons avec lui demourer,
2606.
ml’t cis enfes ber, corr. C.
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ENFANCES
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RENIER
Qu’a marchandise que peüssons mener. » [CIV] Li marcheans vont ensemble parlant, 2616
Moult resgarderent li damoisiax vaillant ; Dist l’un a l’autre : « Vez la .I. bel enfant !
[fol. 67 v. b.]
Bien pert qu’il est estret de haute gent. Se nous fesons le sien conmandement, Bien em porrons avoir avancement ! » 2620
Aïnssi se vont touz ensemble acordant ; Demourez sont a Renier le sachant.
Chescun li jure et li fet serement Ne li faudront por les membres perdant : 2624
Renier li enfes les en va mercïant.
[CV]
2628
2632
2636
Les marcheanz a l’enfant retenuz : Bien sont .X. cenz, touz bachelers membruz, Ainssi montoit li enfes plus et plus. Li galÿot ont les voiles tendus, Le vent i fiert, es les vous esmeüs. Tant ont siglé nos barons asolus Morimont voient les clochiers et les murs. A la vespree sont el havre ferus. Gyrart estoit el palés a lambrus Et voit les nés et les crois par desus ; Adont s’est bien Gyrart aperceüs Crestïen sont, si est aval venus,
Jusqu'au rivage ne s’est arresteüs. Les marcheans voit, si leur rent salus : 2640
« Seigneurs, dist il, le Pere de lasus Soit aourez que vous voi ci venus ! »
ENFANCES
RENIER
327
[CVI]
2644
Gyrart fu preuz, cortoisement parla, Les marcheanz moult bel aresonna : « Seigneurs, dist il, por Dieu, qui tout forma, S’avez vitaille, bien vendue sera. » Le plus grant mestre premierement parla, Gyrart apele, doucement dit li a : « Sire, dist il, nel vous celerai ja
2648
2652
Touz sonmes homes a ce damoisel la. S’il vous agree, avoec vous remaindra ; Pour ses soudees moult bien vous aidera. » Gyrart l’entent, Damedieu en 1oa : « Seigneurs, dist il, bien sai que Diex m’ama [Quant] a ce port iluec vous amena ! Tout quanque j’ai a vo conmant sera. » Renier l’entent, assez l’en mercïa.
2656
L’avoir ont pris, qu’il ont amené la,
2660
En Morimont nostre gent le porta, Onques paien garde ne s’en donna. Li quens Gyrart Renier o lui mena [fol. 68 r. a.]
Et la vitaille que chescun desira,
Dusqu’a la sale, la contesse trouva.
La gentil dame encontr’euls se leva. Renier le preuz sa mere resgarda ; 2664
N’en connut mie, moult bel la salua.
2668
Et Florentine le sien filz esgueta ; Le sanc du pié enz el front li monta, Tout le courage et le cuer li mua. Nel vit mes puis que li lerres l’embla.
2653. faux.
A ce port ; une croix dans la marge indique que le vers est
328
ENFANCES
RENIER
En soi meïsmes la duchesse penssa En quel maniere enquerre li pourra 2672
Dont il est nez, grant desirier en a ; A la maniere que li damoisiaus a
Resemble bien a cil qui l’engendra.
[CVIT] 2676
La gentil dame fist forment a loer, Moult estoit sage et moult sot biau parler. Sus une coute s’assist pour reposer,
Puis fist seoir lez li le bacheler. Le sien chier mestre, Gyres, qui moult fu ber, A fet Renier delez lui acoster 2680
2684
2688
Quar ne veut riens ne dire n’escouter Que li sien mestre ne puisse reconter S’il dit folie, qu’il l’em puisse amender.
Premier parla la dame o le vis cler, Renier l’enfant em prist a apeler : « Damoisiaus, frere, s’il ne vous doit peser, Je vous voudroie par amour demander De quel terre estes qui venez par la mer. » Renier l’entent, le chief prist a cliner. Voit le la dame, couleur prist a muer.
[CVIIT]
2692
Sage iert la dame et plaine de bontez, Renier apele, qu’ele vit trespenssez : « Frans damoisiaus, por Dieu, s’il est vo grez, Que vous me dites de quel terre estes nez
Et conment estes par vo droit non nonmez. »
2676.
Nous lisons sassift.
ENFANCES
2696
RENIER
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Dont se pourpensse Renier le bachelerz : « Hé las ! dist il, se ge di veritez, L’en savra bien que je sui .I. trouvez, Si m'en tenront trestuit en grant viltez. Il me couvient m’ave[n]ture celerz,
2700
2704
Mentir m’estuet por m’onneur a garderz. » Quant il se fu longuement porpenssez, Dist a la dame : « .I. petit m’escoutez : D’estrange terre sui ici arrivez, Devers Galice, la maint mes parentez ; [fol. 68 r. b.]
Par une guerre sui du païs getez. Si vous proi, dame, plus ne m’en demandez ;
À ceste foiz par moi plus n’en savrez. »
[CIX] 2708
2712
2716
2720
2699.
La dame l’ot, si n’en set que pensser ; Ne le voult mie ennoiïer n’apresser, Renier son filz, ainz l’a lessié ester. Gyrart le preuz, de Conmarchis le ber, Le mengier fist richement aprester Quar moult desirent li pluseur a disner. Les tables mistrent, puis vont leur mains laver. Delez Renier, le joene bacheler, Sist Florentine, sa mere o le vis cler.
Tant fort entent au vallet regarder Ne pot mengier, ançois prist a pensser. Tant entendirent ensemble a leur fester Que la nuit passe, si prist a ajourner. Paiens s’adoubent et se painent d’armer. Roy Rubÿons conmença a parler :
maveture, corr. C.
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2724
2728
RENIER
Mahomet jure, que il doit aourer, Morimont veut en ce jour graventer Et ceulz dedenz a martire livrer ; Gyrart iert pris, ne pourra eschaper, Et de la dame fera tout son pensser. Mes, se Dieu plest, qui se lessa pener En sainte crois pour le pueple sauver, Paien se vantent de nos genz afoler,
2732
Mes le piour en aront au finer Se Diex guerist Renier le bacheler. L'enfes iert joene, Diex le veulle amender
!
Sarrazins cornent, si font l’assaut crier. Gyrart l’entent, bien s’i sot aviser ;
2736
Dist a sa gent : « Alez vous adouber ! L’assaut arons, as paiens l’oy corner, As murs venrront assaillir et geter ;
2740
2744
Mes, puis que Diex nous a ça fet tourner Cest gent secours, que ci puis esgarder, Tart nous prendront, bien nous poons tensser ! As hauz querniax les irons esgarder ; Merrien et pierres nous i ferons porter. Ja ne lairons paiens o nous entrer ! » Quant Renier ot Gyrart ainssi parler,
Gyres, son mestre, em prist a apeler : « Mestre, dist il, pour Dieu vous veull rouver
2748
Que vous faciez nostre gent adouber,
[fol. 68 v. a.]
S’alons la hors Sarrazins encontrer. Nul soudoier ne se doit enfremer Pour tant qu’il veulle en nul haut pris monter. » 2752
Adont dist Gyres : « Renier, moult estes ber,
Mes trop es joene por tes armes porter Et si sont trop Sarrazin et Escler. Miex vaut par sens la guerre demener
ENFANCES
2756
RENIER
Que par folie issir mal conquester. Or vous veull, enfes, proier et conmander,
2760
Si chier com vous avez ma pes garder, Que vous veulliez par mon conseill ouvrer : Foi vous jurai et vous moi sanz guiler Quant nous deümes de Venice sevrer ; La bele Ydoine, que tant devez amer,
2764
2768
2112
À moi livra vostre cors a garder Dusqu’a cele heure que porrons retourner Et a li dire conment pourrez ouvrer. » Dist Renier : « Mestre, mar vous covient douter ! Ne vous veull mie courocier ne troubler, À vostre los me voudrai demener. » Lors li dist Gyres : « Or vous fist Dieu parler ! Vous en irez en cele tour monter Avoec la dame Florentine au vis cler. Dela porrez bien l’assaut esgarder, Conment on doit et lancier et geter Et le sien cors garantir et tensser, Son anemy occire et afoler. »
[CX] 2776
2780
Renier li enfes, quant son mestre entendi, N'ose desdire la volenté de lui ; En covenant li a a fere ainssi. Gyre s’em part et ses genz avoec lui, De bien defendre se sont tuit aasti. Avoec Renier, le dansel seigneuri,
Sont demouré .V. barons de grant cri : Escuier furent et de France nourri ;
2784
L'un fu Symon, l’autre apelé Tierri. En prison furent grant piece, ce vous di, En Rocheglise, le chastel enforci ;
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ENFANCES RENIER
En .I. estour furent pris et saisi. Avoec Renier furent dela parti : La bele Ydoine au gent cors eschevi Les delivra por l’amistié de lui. Or vous dirons du paien maleï, De Rubÿon, le vieill et le fleuri, [fol. 68 v. b.] D’Otrans de Lymes, de Salatré aussi :
Cil troi sont roy et parent et ami. Mahomet jurent, a cui sont obeï, Ançois le vespre, que soleill soit failli, Feront Gyrart tourner a leur merci. Si ne l’ait Dieu, que maint jour a servi, Il en avra le chief del bu ravi ! Et Florentine, la dame au cors poli, Sera livree as garçons sanz detri, Aprés iert arsse en un feu sanz oubli Tout el despit Maillefer, son mari. Mes, se Dieu plest, il n’ira pas ainssi ! Sarrazins cornent, l’assaut ont establi, Entour le mur furent grant li estri. As pis d’acier ont maint perron croissi, Le grant fossé ont rasé et empli. Eschieles drescent li paien maleï, Amont monterent ; tant se sont enhardi
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Ja fussent enz entré li Arrabbi Se nel veassent no baron seigneuri. Gyrart escrie « Saint Sepucre ! » a haut cri, Dont sont nos genz durement esbaudi. Gyre le preuz cele part est verti Et ceuls le sivent qui plus sont si ami. Jus du haut mur ont maint perron jali, Ceus qui rampoient en ont atornez si Qu’abatu furent a la terre estourdi.
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RENIER
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Le plus halegre ne sachast pié a lui Qui li donast tout le tresor Davi. Renier li enfes au gent cors eschevi Vit bien l’assaut grant et moult enforci. « Diex, dist li enfes, qui de vierge nasqui,
Con j'ai le cuer dolent et engrami Pour mon chier pere et por ma mere aussi ! Ou fui ge nez, vrai Dieu, qui ne menti ? À ce premier m'est venu vo merci Moult miex assez que je n’ai deservi Quant cist baron sont demouré o mi. Bien porront dire ancui dedenz tierz di Que il n’ont mie a bon seigneur failli, Mes, par les sainz qui o Dieu sont sainti,
Miex ameroie avoir le cors parti D'un roit espié trenchant et bien fourbi !
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Ainz demain vespre, se Diex l’a conssenti, [fol. 69 r. a.]
Voudrai ferir paien ou Arrabbi. » [CXI] Grant fu l’assaut et le cri enforça. Otrans de Lymes les paiens escria :
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2844
« Or a l’assaut, mal ait qui s’i faindra ! » Paiens s’efforcent, chescun as murs monta.
Chescun des nostres pierre ou merrien geta, Mouit ont occis de ceuls qui montent la. Renier li enfes sus en la tour esta, Le lanceïz et l’assaut esgarda : « Diex ! dist Renier, Pere, qui me fourma,
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2848
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RENIER
Ne soi pas dire, quant [me] le demanda, Ou ge fui nez ne quiex hons m’engendra. Se trouvé sui, forment m’ennuiera ! Mes, par Celui qui le mont estora, Demain ainz vespre, ne sai conment ira,
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Contre paiens mon cors s’esprouvera | Nus povres hons ja montez ne sera Se grant proesce et grant hardement n’a. » [CXII] À Morimont fu li assauz cntois, Ceus des murs getent pierres granz a eslais, Turc et paien ont il a la mort trais. Roy Rubïon, qui fu fel et cruais,
2860
A l’avespree a sonné li retrais. Ceuls se retraient, qui soufert ont grant fais. A leur trés vinrent, la fu moult grant li plais ;
De leur amis c’ont perduz sont iraïis.
[CXI] 2864
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2847.
L'’assaut remest, le jour est defeniz, Paien reperent as trés qu’orent bastiz. Dist Rübÿon, le fel viellart fleuriz : « A cest assaut n'avons gueres conquis, Mes, par Mahon, le grant dieu posteïs, N’en partirons si iert li chastiauls pris, Gyrart pendu en despit ses amis Et de la dame ferai touz mes delis, Aprés iert arsse en .I. grant fu espris. » Mes, se Dieu plest, qui pardon fist Longis,
quant le demanda.
ENFANCES RENIER
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Parjurez iert le cuvert maleïs Se Diex guerist le dansel seigneuris, Renier l’enfant, qui moult fu posteïs ;
2876
À poi de terme, de ce s’est aastis,
Fera paiens courociez et marris. Gyrart le preuz, le chevalier eslis, Vint au palés quant l’assaut fu faillis.
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Voit le la dame, si li dist : « Douz amis,
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Conment vous est ? estes vous point ledis Ne vostre cors ne bleciez ne blaismis ? — Nenil voir, dame, dist cil de Commarchis, A cest assaut en ont paiens le pis ! Moult en avons et navrez et occis, Mes tant y a des cuvers maleïs Contre .I. des noz sont .XX. en ce lairris. »
[fol. 69 r. b.]
[CXIV] 2888
Dist Gyrart : « Dame, entendez ma reson : Fort fu l’assaut de la gieste Noiron,
Mes tant sont preuz li soudoier baron Bien defendimes le mur et le danjon,
2892
N'i ont aquis paiens .I. esperon.
2896
Mes tant y a du lignage chenon Contre .I. des noz sont bien .XX. li glouton. Diex les confonde, qui soufri Passion ! A l’ajournee, se ce vous semble bon, A Porpaillart .]. més envoieron
Maint en avons mis a destruction,
A Guïelin, mon frere, le baron,
2900
Qu'il nous sequeure pour Dieu et por son non, S’amaint touz ceus qu’a en subjection Et soudoiers se trouver en puet on. » La dame l’ot, li respont sanz tençon :
336
2904
ENFANCES
RENIER
« Gyrart, dist ele,ci a bone reson ! »
A ces paroles vint Gyres le preudom, O lui Renier et tuit si compaignon ; Voit le Gyrart, si dresca le menton,
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Contr’eus se lieve sanz nule arrestoison ; Moult honora chescun tout par reson. « Seigneurs, dist il, par le cors saint Symon,
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Bien nous avez aidié a cest beson Encontre ceus, qu’aient maleïçon. Se Diex ce done que mater les puisson, Touz nos tresors vous metrai a bandon. » Gyres fu sage ; quant entent tel leçon, Si veut parler c’on nel tiegne a bricon.
[CXV]
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2928
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* Quant Gyres ot Gyrart ainssi parler, Qui li promet grant richoise a doner Se Diex leur donne que il puissent mater L’ost des paiens qui tant les font pener, Gyre parole, ou n’ot que amender : « Gyrart, dist il, ne vous couvient douter : Ne vous faudrons por les membres coper Tant que sachons qui vous voura grever. » [fol. 69 v. a] Et dist Gyrart : « Ce fet a mercïer. » Aprés ce mot ont fet l’eaue corner. Contre la dame sist Gyrart au souper, Gryres lez lui, ne le vout oublier. Renier les sert, le joene bacheler, Et Florentine le prist a esgarder : Onques ne pot de lui son cuer oster. Enz en son cuer conmença a pensser Ne vit mes home ne vieill ne bacheler
ENFANCES RENIER
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2940
2944
Qui Maillefer peüst mielz resembler Que fet li enfes que ci voi deporter. Moult est dolente la duchesse au vis cler Que ne li ose plus son non demander Quar ne veut mie le dansel aïrer ; Ne set pour quoi il veut son non celer. Aprés mengier font les napes oster. Les lis sont fet, si se vont reposer. Gyres le preuz, qui moult fist a loer, Fist l’escharguete por Turc et pour Escler.
[CXVI] La nuit fu bele, moult fu quoie et serie. En Morimont fu gente la mesnie, Mes poi sont gent, si en sont esmaïe,
2948
Encontre ceus de la loy paienie ; Pour ce redoutent cele pute lingnie. Le Roy de gloire leur veulle estre en aïe ! Entour avoient Morimont asiegie,
Maint tref tendu, maint tente drecie. 2952
Trente mil furent, le cors Dieu les maudie !
2956
Mahomet jurent qu’il n’en partiront mie S’avront la vile et la tour gaaignie, Gyrart iert pris et mis a deseplie Et la dame iert en .L. grant feu bruïe. Mes, se Dieu plest, ainssi ne sera mie
Se Diex guerist Renier et sa partie ! La nuit trespasse et l’aube est esclarcie,
2960
Renier se lieve a la chiere hardie. « Diex ! dist li enfes, dame sainte Marie !
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ENFANCES
RENIER
Consse[n]tez moi par vostre conmandie
2964
Que tel proesce soit par moi conmencie Dont aprés moi le siecle bien en die Quar, par la crois ou Diex ot mort et vie,
Ne mengerai s’avrai fet arramie Contre paiens, soit savoir ou folie ! »
[CXVII] 2968
Renier li enfes moult durement penssa
[fol. 69 v. b.]
Ne son courage a nului ne conta Quar li sien mestre nc li conssentist ja. Joenes iert moult, pour ce le redouta :
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Onques enquore en estour ne chapla, Or vient le terme qu’esprover se voudra. Li ost paienne grant joie demena. Roi Rubÿon, qui touz les gouverna,
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2962.
Nos genz menace et petit les prisa Quar il set bien, a ce qu’i aesma, Poi sont li nostre et force li venra. Otrans de Limes Rubÿon apela Et Salatré, en cui moult se fia. Dist Rubÿon : « Seigneur, entendez ça : Qui bon consseill diroit mon gré avra. Vez Morimont, qui sus la roche esta, Ja par assaut no gent n’i entrerra S’aucun enging ançois porpenssé n’a. Gyrart le garde, qui bien defendu l’a ; S’il n’ist ça hors, de nous garde n’avra. » Otran de Lymes tout le premier parla : « Rubiïon, sire, ne vous soussiez ja :
conssetez, corr. C.
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En Morimont moult petit de gent a, Poi ont vitaille ne point n’en i venra, A poi de terme issir les couvendra Ou chescun d’euls de fain esragera. Entour la vile guetier nous couvenra : Se Gyrart ist, ja mes n’i renterra. » Dist Rubÿon : « Moult bon consseill ci a. » Tant dis que l’un a l’autre ainssi parla, Es .L message qui es tentes entra.
[CX VIII] Bel fu le jour si com el temps d’esté. En Morimont sont no gent ensserré Et Sarrazins sont entour atravé ; Trente .M. furent li glouton desfaez
Et Gyrart ot si petit de barné
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.ITILV erent quant touz furent conté. Au mestre tref sont paiens asemblé Pour le message oïr qu’a aporté ; Devant le roy Rubïon l’ont mené ;
3008
Li més parla, moult bien fu escouté : « Cil Mahomet qui fet croistre le blé, Margoz, Jupis et Baraton l’enflé,
Cils diex puissans que ci vous ai nonmé 3012
Puissent aidier Rubïon le sené
[fol. 70 r. a.]
Et le barnage que ci voi aüné. » Dist Rubïon : « Diex te croisse bonté ! 3016
Amis, biau frere, tu as moult bien parlé. Di ton message, bien seras escouté,
Ja par nul home ne sera destourné. » Et cil respont : « Volentiers et de gré. Le roy Tarssides, ou tant a de bonté,
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Vient ça najant o moult riche barné :
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Bien sont .XX.", moult tres bien atiré. Ses oncles estes, par moi vous a mandé, Vengera vous de la crestienté.
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Avoec lui a .I. jaiant amené,
N’a plus fort home desci en Duresté. Cil a Mahom et Tervagan juré Qu'il vous rendra Gyrart le redouté De Conmarchis, qui si vous a grevé. » Rubÿon l’ot, s’a Mahom aouré : N'’ot mes tel joie en trestout son aé. Il et ses homes sont au rivage alé, Le roy Tarsside en sa nef ont trouvé, Et le jaiant et maint autre amiré. Ensemble sont as tentes retourné. Les serjanz ont le mengier conreé, L’eve ont cornee et puis si ont lavé. MEs le jaiant n’a pas avoec disné,
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Ainz s’em parti quoiement a celé. Bien dit et jure par moult grant cruauté Ne mengera, ainssi l’a en penssé, Devant qu’avra a la porte hurté : Se nul s’en ist, son temps avra finé ! Le jaiant ot bien son cors adoubé Tant dis que Turs ont mengié et festé. Vint le jaiant a la bone cité ; .L. levier porte grant et gros et quarté. Droit a la porte a feru et hurté, A haute vois a li glouz escrié : « Ou est Gyrart, que l’en m'a tant loé ? S’il me puet fere recreant et maté, Quite leront paiens tout son regné Et, s’il n’en ist que il m’ait tant douté, N’en partirai s’avrai prise a mon gré
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ENFANCES RENIER
Toute sa terre et son cors vergondé ; De Florentine ferai ma volenté 3056
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Tout el despit Maillefer l’asoté [fol. 70 r. b.] Qui a Mahom folement adossé. »
Gyrart li quens a bien tout ce escouté ; Em piez saut sus, n’i a plus demouré. Ses armes huche que tost soit conreé : S’ira defendre, se Dieu plest, se herité. Dist Florentine : « Frans quens, merci, por Dé !
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Se vous ce fetes, vous perdrez m’amisté. Vous n’irez mie, ce seroit foleté ! Tant qu’o moi estes, sui ge a sseürté. » Tant l’a la dame et proié et rouvé Qu’ele a Gyrart .I. poi ramesuré. En Morimont sont no gent esfreé Por le jaiant qui ainssi a crié ; Onques n’i ot tant hardi ne osé Qui se vantast d’issir de la cité. Renier li enfes a tout ce esgardé ; Mouit ot le cuer couroucié et enflé Quant il ne voit nului avant alé. Del palés ist, n’a congié demandé ;
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Son escuier Tierri a apelé : « Amis, dist il, or oiez mon penssé : Se voulez fere la moie volenté,
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N’iere mes riche tant qu’aiez poverté. Se vous nel fetes, si me doint Diex santé, Ne vous tendrai ja mes jour en chierté. » Dist Tierri : « Sire, or conmandez vo gré,
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Ja par moi n’iert escondit ne veé Pour vie perdre quant m’avez conjuré. »
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[CXIX] Quant Renier ot son escuier Tierri, Qui de trestout a son bon s’obeï, N’ot mes tel joie puis l’eure qu’il nasqui. Dist Renier : « Frere, or entendez a mi : Il a la hors .I. jaiant maleï, Pour son vantage sont nos genz paouri, Ge n’en voi nul qui issi contre lui. Miex veull mourir que il s’en voise ainssi, Si me serai esprouvé contre lui ! Grant sui et fort et de membres furni Et si me sent courageus et hardi. N'’ai tant de terre ou mete mon ronci, Soudoier sui et mes homes o mi,
Qui par leur grace sont a moi obeï. Se couart sui, par Dieu, qui ne menti,
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Bien porront dire li baron seigneuri [fol. 70 v. a.] Mauvés seigneur ont trouvé et choisi ; Ne troverai qui ait cure de mi. Se j'ai proesce et hardement aussi
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Et bien m’enchie, que Diex l’aift] conssenti,
Par moi seront tuit li mien enchieri Et honnouré, monté et enrichi. »
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Dist Tierri : « Sire, le Roy qui ne menti Vous doint tel estre com vous devisez ci. » [CXX] Dist Renier : « Frere, moult avez de bonté ! Fetes errant, si avrez m’amisté, Mes garnemens soient tost apresté ;
3104.
que diex lai conssenti, corr. C.
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La hors irai, n’i avra contresté, A ce jaiant, qui tant a de fierté. Je li voudrai chalengier cest regné. »
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L’auberc et l’yaume li a tost arreé, Forte cuirie et auqueton ouvré. Renier s’adoube au courage aduré, Onques mes jour n’ot en estour chaplé, Fier champion a au premier trouvé. Or li aït le Roy de majesté ! Tierri le preuz l’a moult bien acesmé, Puis li amaine .I. cheval ensselé Que la pucele li ot jadis donné.
Dist Tierri : « Sire, volentiers et de gré. »
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Renier y monte, qu’a estrier ne sot gré ;
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Au col li pent escu fort et listé, El poig li baïlle espié fort et quarré. Tierri meïsmes a bien son cors armé. Par la posterne s’en sont andoi tourné,
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N'i sont Tant ont Le jaiant Qui s’en
des nostres veüz ne avisé. ensemble li dansiaus galopé voient en un vaucel entré, raloit vers la paienneté.
[CXXI] Tierri fu sage, moult ot de bien en lui. Devant lui garde, s’a le jaiant choisi : Son chemin rot vers les trés acueilli. Tierri apele Renier au cuer hardi : « Damoisel, sire, pour Dieu, qui ne menti, Vez le jaiant venir tout esqueilli. Or fetes tant a cest premier estri, Se nus nous voit, que n’en soions ledi.
Par couardise est maint home honni
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Et li bon sont honnourez et chieri Et de puceles bienvenuz et servi. »
[fol. 70 v. b.]
Quant Renier ot de celui le chasti, Le cuer li monte, si a l’espié brandi,
De hardement tout le cors li fremi. 3148
Le cheval hurte, qui les granz sauz sailli,
Vers le jaiant s’en vint l’escu sesi. En haut li crie : « Cuvert, je vous deffi !
DZ
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Mar sont par vous la nostre gent ledi, Chier lous vendrai ainz que partez d’ici ! » Le jaiant l’ot, a poi du sens n'’issi. La mace entoise, pas ne s’espaouri. Renier le quoite, qui pas ne li guenchi, Sanz plus parler moult grant cop le feri ; En la poitrine devant l’assena si L’auberc li trenche que il avoit vesti, Par mi l’espaulle l’espié li conduisi ; De la destresce le jaiant gete .I. cri. Renier passe outre, puis traist le brant fourbi Qui iert pendu a l’arçon devant lui.
[CXXII] Quant li jaianz se senti si ferus Et voit son sanc a la terre espandus, S’il ne s’en venge, poi prise ses vertus. La mace entoise, onc n’i atendi plus. Envers Renier s’en vet moult irascus, Mes li dansiaus ne fu mie esperdus : Quant voit le cop, .I. poi se trest ensus Et le levier est aval descendus Jusques en terre quar d’aïr fu ferus. Renier se haste quant voit le fust chaüs, Ja mes, qu’il puisse, ne sera levé plus.
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[CXXIII] Renier li preuz a le jaiant veü : Bien set et voit qu’en lui ot grant vertu. 3176
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Le brant entoise que il tint esmoulu,
Fiert le jaiant desus son hiaume agu, Le mestre cercle a copé et rompu Et le bacin desouz tout pourfendu. Au destre lez vint le cop nu a nu, Toute l’oreille li a sevré del bu Et le braz destre a ce cop abatu. Le jaiant chiet, qu’ot perdu sa vertu. Voit le Renier, grant joie en a eü ; Il a juré le giorïeus Jhesu Plus nel ferra quant jus le voit cheü. Del bon destrier est tantost descendu, Au jaiant vint, son brant li a tolu, [fol. 71 r. a.] Son escuier l’a livré et rendu Et cil le prist, qui bien l’a receü. Renier remonte en l’auferrant cueru : « Tierri, dist il, bien nous est avenu ! Or en ralons, n’i soions arrestu,
Que de nostre oste ne soions perceü, Le ber Gyrart, qui nous a retenu,
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Et por dant Gyres, qui o moi est venu ; Il est mon mestre et je sui le sien dru,
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Pour .M. besanz d’or et d’argent fondu Je ne voussise que il l’eüst seü : Ne m’i lessast pour riens estre venu ! » Vers Morimont ont leur chemin tenu. Le jaiant crie, qui grant mal a sentu,
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preist.
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Navré a mort estoit, bien i paru.
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[CXXIV] Renier fu preuz et Damedieu l’ama : A son premier moult bien aventura Quant par son cors le jaiant conquesta. Il et Tierri belement chevaucha. En Morimont par la posterne entra Que nus ne sot dont vint ne ou ala
Fors seul Tierri, qu’aveques lui mena, Et .L. garçon qui tout ce regarda.
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D'une tournele les vit, moult s’esmaia
Pour quoi Renier si quoiement rentra En la cité que noise ne mena. Lors dist et pensse que noncier le voudra Enz el palés si tost qu’il i venrra. Mes li dansiaus Renier tant se hasta Vint en sa chambre et si se desarma. Il et Tierri bien se rappareilla, En la grant sale si bien a point monta. Tables sont mises, Gyrart ses mains lava. Gyres resgarde quant Renier avisa, Vers lui l’apele et moult [le] ledenja Et li demande ou tant demouré a. Dist Renier : « Mestre, par Dieu, qui tout fourma,
Ça fet besoig, ne vous courouciez ja, Plus ne ferai riens qui vous desplera. »
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Quant voit son mestre qu’ainssi s’umelia, Moult douceme[n]t trestout li pardonna.
3223. 3229.
ml’t ledenja, corr. C ; faute par haplographie. doucemet, corr. C.
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Lors sont assis, chescun place prise-a, Bien sont serviz quar chescun s’en loa. Renier le preuz en la coupe verssa, [fol. 71 r. b.] Sa mere sert et devant li trencha, Mes n’en set mot quar vraiement cuida Qu'il fust trouvé, dont moult li ennuia.
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Ançois qu’il sache quel home l’engendra, Mainte grant paine soufrir li couvendra. Et Florentine son enfant resgarda, Del cuer souspire et des yex lermoia Et tout por ce qu’a la damc sembla Que li dansiaus son seigneur resembla, Roy Maillefer, qui par la mer naja ; Bien ot .X. jours que de lui dessevra, En Loquiferne Bertran secourre ala. « Diex ! dist la dame, qui me confortera ? »
Enz en son cuer si quoiement parla : « Maudit soit cil qui mon enfant m’embla ! » 3248
Renier le preuz sa mere regarda, Bien voit et set qu’el se desconforta ; Li damoisiaus moult la reconforta,
Grant semblant fet et moult la reheta : 3252
« Dame, dist il, ne vous esmaïiez ja
Car, se Dieu plest, qui le mont estora, Ja Sarrazin sus nous riens ne prenra, Et, s’il i prent, tost amendé sera. »
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Dist Gyrart : « Dame, li dansiax voir dit a, Sage est et preuz, bien ait qui l’engendra ! Tant atenrons que mon frere vendra,
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A brief termine le verrez venir ça O tant de genz com asembler pourra. Ja pour paiens a venir ne laira. » Tandis qu’ainssi l’un a l’autre parla,
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Vint le garçon, qu’en la sale monta ; Devant Gyrart a genouz se geta : « Sire, dist il, entendez a moli] ça :
Bones nouveles ge vous conterai ja ! »
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[CXXV] Dist le garçon : « Gyrart, entendez moi : N'a enquor gueres, par Dieu et par sa loi, Que ge estoie lasus en cel belfroi ; Par la posterne delez cel sapinoi Vi .IL. vassaus, n’i ot cri ne boufoi, Mes ge ne sai quiex ierent leur conrroi. Li .I. avoit .I. destrier orquanoi Roidde et courant plus que cerf en ramoi. Cil a tant fet, par le Dieu que je croi, Que touz le doievent amer, et conte et roy, [fol. 71 v. a.] Dame, puceles servir en bone foy, Quar il a fet le jaiant gesir quoy ; D'un roit espié le feri voiant moi, Outre l’espaulle vi le penoncel bloi,
G’en vi chaoir le sanc desus l’erboi. Quant le jaiant perçut le sanc de soi, Bien pouez croire qu’il en ot grant ennoi ! »
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[CXXVI] Dist le garçon : « Gyrart, or m’entendez : Quant le jaiant se senti si navrez,
amo ca, corr. C.
3271. vaussaus, syllabe du mot.
corr. C ; faute par anticipation de la seconde
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D'une grant mace feri moult aïrez Aprés celui dont il iert encontrez ; Mes le vassal ne fu pas effreez, Pour le grant cop fu .I. poi reculez, Puis trest l’espee qui li pendoit au lez ; Vers le jaiant se fu tost retournez ; Par mi la teste fu moult bien assenez Qu'il li coppa l’oreille au destre lez Et le braz destre li fu par mi copez ; Adont chaï le jaiant forssenez. Cil descendi dont vous oÿ avez, JL. brant d’acier li osta, ce creez, Mes ne fu puis touchié ne adesez, Dont remonta le vassal abrievez. Son compaignon, qui o lui iert alez,
Dona l’espee dont cil ot desarmez. Ceenz les vi ambedoi retournez,
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Par la posterne entrerent enz serrez Ne onques puis nes en vi hors alez. Moustrez les moi, Gyrart, se vous savez. » Quant Gyrart l’ot, de ce fu trespenssez. Dist au garçon : « Amis, vous nous gabez ! Pleüst a Dieu que ce fust veritez. » Dist le garçon : « Se vous ne m’en creez, En cele tour avoec moi en venez,
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Le grant jaiant dela bien cognoistrez : A terre gist quar a mort est navrez, La brait et crie se il n’est trespassez. Se ce n’est voir, j’otroi que me pendez. » Quant Gyrart l’oit, si est en piez levez, Son cors meïsme est en la tour montez. Le jaiant vit, qui jut tout enverssez. Quant l’a veü, tost s’en est ravalez,
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Dist a sa gent : « C’est toute veritez. Cil qui ç’a fet doit bien estre loez ! [fol. 71 v. b.] Or viegne avant, touz jors iert mes privez, Mal de celui qui s’en soit remuez ! » Renier meïsmes, li dansiaus honorez,
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Fet tel semblant c’onques n’i fust alez. Quant Gyrart voit que nus ne s’est levez, Adont s’apensse li quens, qui iert senez : « Cil qui ç’a fet est sages et membrez ! Ne veut pas estre ne proisié ne loez. » Dont veïst l’en no gent si desparlez, Dist l’un a l’autre : « Diex ! qui fu si osez Que au jaiant se fu abandonez ? » Or vous dirons des paiens deffaez, Qui font grant noise as tentes et as trés.
[CXXVII] Roy Rubiïon et Otrans li hardiz, Et Salatré, qui iert viex et fleuriz, Le roy Tarsides et le roy Margariz, Atout .L. des paiens maleïz Vont en riviere es bois par plesseïz. Es vous .I. Turc qui s’escrie a hauz criz : « Rubïon, sire, trop estes escharniz ! Corsaus li granz, dont estïez chieriz,
A Morimont ala tout fervestiz, Mes avec lui n’ala Turc ne Perssis. Au reperier a esté pourssuïs, La gist tout mort par delez cel lairris. » Rubÿon l’ot, a poi n’esraja vis ; Mahomet jure, a cui s’est obeïs,
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N’avra mes joie si avra François pris : En Morimont sera le feu jalis !
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Pour roy Corssaus fu grant mené li cris, As trés repairent dolenz et entrepris. Aval les tentes fu li granz corz bondis : Ce senefie tost soit chescun garniz. Paiens glatissent, es les vous estourmiz ; Cinquante mile furent, ce m'est avis, En Morimont en ont oÿs les criz. « Diex ! dist Gyrart, Pere qui ne mentis,
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Si vraiement que por nous mort soufris En sainte crois au jour du venrredis Et au tierz jour de mort resurrexis, Droit en Enfer ton chemin acueillis Si en getaste[s] touz vos charnés amis Et les meïstes o vous en Paradis, Si com c’est voir et mon cuer en est fis, [fol. 72 r. a.] Gardez nous, Sire, de mort et de peris !
Poi avons genz contre tant d’Antecris. Guïelin, frere, trop estes endormis ! 3368
De moi secourre ne fustes onc faintis,
Aucun besoig vous tient, s’en sui marris : Je me dout moult, par le cors saint Moris, Que ne soiez de Sarrazins assis. »
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Dist Florentine : « Que mon cuer est penis De mon seignor, qui de ci est partiz ! S’1 fust ceenz, se Diex me soit aiïdis,
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Je A A Et O
ne doutasse paiens .IL. parisis. » ces paroles a Gyrart son chief mis la fenestre, dont le mur iert antis, voit son frere venir tout arramis : lui .V." de vassaus seigneuris,
getaste, corr. C.
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N'’i ot celui qui n’ait cheval braïdis, Hauberc vestu et l’yaume enz el chief mis, La lance el poing et l’escu, ce m'est vis, Com por reçoivre leur mortiex anemis.
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Voit le Gyrart, moult en fu esjoïs,
RENIER
Bien le connut a l’escu d’azur bis. Ou voit la dame, si li dit son avis : « Franche duchesse, or soit vo cuer rassis,
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Le secours vient dont g’iere couvaitis : C’est Guïelyn, mon frere, le hardiz ! À son escontre irons, c’est mes delis, Que il ne soit de Sarrazins soupris.
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— Diex, dist la dame, vous en rendons mercis ! »
Gyrart le preuz, qui fu viex et fleuris, Il et dant Gyres et Renier le gentis
Et bien .V.© de bachelers de pris 3396
3400
Par mi la porte se sont a voie mis. Gyrart encontre son frere et ses soumis, Dont fu l’un frere de l’autre conjoïs, En Morimont se sont a joie mis.
[CXX VIII] A Morimont vint Guïelyn le ber
A .V." homes ou moult se pot fier. La gentil dame leur vint a l’encontrer,
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Cortoisement bel se soit demener ; Et Guïelyn la prist a saluer : « Cil Damedieu, qui tout puet gouverner, Gart la duchesse et li veulle doner La riens en terre que plus puet desirer ! — Amis, dist cele, qui moult set bel parler, [fol. 72 r. b.] Diex vous en veulle oïr et escouter !
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Descendez, sire, pour vo cors reposer ; Vous poez bien ces armures oster Dusqu’a demain que verrez le jour cler, Dont porrez miex vos anemis grever. » Dist Guïelin : « Bien m'’i veull acorder ! » Mes de folie se vout ore mesler Qui se cuidoit festoier et jouer Quar Sarrazins les voudront si haster N’avra loisir qu’il se puist desarmer ! Les paiens cornent, l’assaut ont fet crier. Gyrart l’entent, de Conmarchis le ber ; Dist a ses homes : « Penssez de l’aprester, L’assaut arons sanz gueres demourer ! La hors oy moult grant noise demener. Mes, puis que Diex nous a ci fet tourner Cest bel secours que ci puis esgarder, Contr’euls irons nos vertuz esprouver, Ne nous lairons mie ci enfremer ! Miex vaut assez a honor trespasser Que il ne fet vilainement durer. » [CXXIX]
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Quant Renier ot Gyrart de Il l’en apele, si l’a a reson « Sire, dist il, beneoit soit O vous irai volentiers, non
Conmarchis, mis : vos dis ! envis,
La hors combatre contre Turs et Perssis. Escuier sui, bacheler et meschins
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D’estrange terre et de lointain païs , Si doit bien estre mon cors a bandon mis
Par quoi ge soie .I. poi monté en pris. » Gyrart l’entent, moult s’en est esjoïs :
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« Damoisiaus, frere, moult estes de grant pris ! »
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Adont conmande que chescun soit garnis.
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[CXXX] Renier li enfes ot le cuer moult vaillant : A la maniere et au contenement Resembloit bien Maillefer le puissant. Son mestre apele, si li dist doucement Et si li prie qu’il face armer sa gent : Combatre iront a la gent mescreant. Lors li dist Gyres : « Damoisel, or entent : Joenes hons estes, si me dout moult forment,
Enquor n’avez que .XIII. anz en jouvent.
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Se voulez fere par le mien loement, Jusqu’a .XV. anz ne ferez hardement, Dont vous irons en bataille menant,
[fol. 72 v. a.]
Moult bien irons le vostre fés portant. » Renier l’entent, si respont sagement : « Mestre, dist il, moult parlez gentement, Mes bien vous di, ne vous voist ennuiant, Puis que nous sonmes soudoier conquerant, Tant devons fere c’on voist de nous parlant Et que chescun en voise bien disant,
Pourpris conquerre entre l’estrange gent Car autrement ne valons pas .I. gant ! Hom soudoier qui se va reponnant
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Et au besoig enz en chambres muçant,
Em bas le dient li petit et li grant : « Cil est faintis, ja ne vaudra noient, L’en pert tout ce qu’en va en lui metant. »
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Son mestre l’ot, grant joie en va fesant,
Adont sot bien qu’il ot grant hardement. Armes moult riches li aporte en present Que li dona Ydoine au cors plesant.
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[CXXXI] Renier le preuz fu de moult grant renon, Sage et courtois, de bone afetoison. Gyre apela, si l’a mis a reson : « Mestre, dist il, pour Dieu et por son non, Se la duchesse, que ceenz a voiïie on, Ne sa mesnie ne Gyrart le preudom Vous demandoient ja conment j’ai a non Et qui ge sui et de quel regïon, Celez ma honte, por Dieu vous en proion, Kar ne voudroie, por tout l’or d’Avalon, Que por bastart ceenz me tenist l’on. Se nus en vient envers vous a reison, Respondez leur quoiement em bas son Devant .L. an ne puis dire mon non. » Et dist son mestre : « N’en aiez soupeçon Quar ja pour moi n’en avrez reprouchon ! » [CXXXII] Dist Renier : « Mestre, en vous grant fiance ai. Je sai moult bien, quar bien esprouvé l’ai, Que ja par vous ahontey ne serai. » Et dist le mestre : « Damoisiaus au cuer vrai,
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A vous aidier moult grant paine metrai. Par toutes terres ou vous plera irai Pour trover ce dont estes en esmai. » Dist Renier : « Mestre, bon gré vous en savrai. » [CXXXIII] Quant Renier ot a son mestre parlé,
[fol. 72 v. b.]
De la chambre issent, plus n’i ont arresté.
Li damoisiax a son cors adoubé : . auqueton premier a endossé
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Et par desus .I. blanc hauberc saffré ; Le cors en fu a fin or tregeté Et li pan furent de fin acier tempré. Gyre, son mestre, li a l’yaume fremé A .XXX. laz de soie bien ouvré. Enz en nasal du vert hiaume gemé Ot une pierre de si grant dignité Que bien valoit l’onneur d’une cité ; Hom qui la porte, par fine verité, S’il est preudom qu’en lui ait loiauté, Ja por cop d’arme n’avra le cors maté Ne n’iert de membre ocis ne afolé. Ne voult pas ceindre le branc a son costé Car n’estoit mie chevalier adoubé. L’en li amaine .I. cheval enselé Qui plus tost queurt quant il est timonné Par granz montaignes qu’autre ne fet par pré. Renier y monte, qu’a estrier n’en sot gré. L’en li pendi a l’arçon noelé L brant d’acier trenchant et afilé.
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Quant Renier fu montés sus le destrier,
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Ne volt pas ceindre le brant fourbi d’acier Por ce qu’encore n’estoit pas chevalier, Aiïnz conmanda qu’en voist appareillier L. pel agu, grant et gros et planier, Dont il voudra sus paiens chaploier. Tierri le preuz li queurt appareillier, Renier le baïlle, qui bien s’en sot aidier :
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Qui le veïst geter et paumoier, De main en autre branller et tornoier, Bien le deüst aloser et prisier ! Dist l’un a l’autre : « Se Dex me puisse aidier, Mouit fet cis enfes forment a resoignier ! Diex nous ama, le Pere droiturier, Quant tel secours nous a fet envoier ! »
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Renier conmence hautement a huchier Que touz se voisent ses genz appareillier.
[CXXXV] Quant Renier fu armé a son talant,
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A vois escrie : « Trop alons detriant ! Issons la hors contre gent mescreant ! » Et dist Gyrart : « Tout a vostre conmant ! » [fol. 73 r. a.] Les portes font ouvrir tout maintenant, De Morimont s’en issent quoiement. Devant li autre vet Gyrart chevauchant, Lez lui Renier, qui moult ot hardement ; En sa main porte le pel agu pesant.
Bien sont .X." chevalier et serjant. 3548
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Gyrart parla a loy d’onme sachant, Les hauz barons va ensemble apelant : « Seigneur, dist il, ge vous proi et conmant Qu’en une eschiele soions touz quoiement, Li .L. gart l’autre a l’espee trenchant. Se ce ne fetes, je vous di vraiement,
Ja n’i vaudra no force quel .I. gant : Trop sont paiens, le cors Dieu les cravent !
3528. Q' li veist, corr. C.
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Contre .I. des nostres sont bien .XXX. Perssant. » Touz ses barons se vont haut escrïant : « Gentis quens, sire, ne vous alez doutant,
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Ne vous faudrons por les vies perdant ! » Atant s’en vont ensemble chevauchant. Rubïon garde contreval .I. pendant Et voit les noz qui vont serreement. As .IIIL. rois les va le viell moustrant : « Seigneurs, dist il, or sai ge vraiement Que ces cheitis qui ci vienent poignant N’ont de quoi vivre en la vile manant,
Pour ce s’en issent et vont abandonant. Or tost contr’eus ! ne s’en riront gabant,
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Il ne sont mie tant de gent chevauchant Que nous avons de gent a pié courant. » Dient paiens : « Tost seront recreant ! » A ces paroles s’en vont esperounant. Turs et François se vont entr’encontrant, A l’asembler ot une noise grant. Gyrart brandist le roit espié trenchant, Fiert .I. paien sus son escu devant, Desus la boucle par mi le va trouant Et le hauberc et l’auqueton perçant ; Par mi le cors li va l’espié passant, Mort le trebuche par delez .I. pendant. Chescun des nostres en va .I. reverssant, Mes sus touz autres s’i va Renier prouvant : Del grant levier fiert arriere et avant,
————————
3561. 3561.
RENIER
serrement, corr. C. q (= que), corr. C.
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Cil qu’il consuit n’a de mort nul garant, Au premier poindre en va .X. aterrant. [fol. 73 r. b.] Paiens le voient, moult s’en vont effreant. Dist l’un a l’autre : « Veez la .I. tyrant, A ses granz cops ne durroit nul jaiant ! Je croi que c’est Renouart a perchant, Qui morz estoit, ce aloit on disant. Revesqui est, au mauffé le conmant, Par nigromance et par enchantement ; Touz y mourrons se l’alons atendant. » [CXXXVI] Souz Morimont fu l’envaïe fiere. Renier, l’enfant a la hardie chiere,
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Fiert du grant pel et avant et arriere. Des Sarrazins fist le jour maïinte biere ; Tant en abat aval la sablonniere Que touz li fuient et vuident la charriere. Gyres escrie a haute vois planiere : « Or du bien fere, gent de franche maniere !
Mort sont paien, mes n’en iront arriere. » [CXXX VII] Quant Rubïon voit ses paiens mourir,
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Tel duel en ot du sens cuida issir. I. cor sonna por sa gent resbaudir, .X. mile Turs fist entour lui venir. « Seigneurs, dist il, penssez de bien ferir ! » Roy Tarsides a brochié par aïr,
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3583.
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Del branc d’acier va .I. François ferir ;
gararant, corr. C.
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L'yaume li trenche, tout li fist desmentir, Jusques es denz li fist l’acier sentir,
Mort le trebuche, ne le fist pas languir. 3612
« Raimes, escrie, et Baudune et Montir !
Mort ierent Franc, ja n’i porront guerir ! » Paien s’enforcent, les nos vont envaïr,
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Bien III. arpens les ont fet ressortir. N'est pas merveille ! nul nes en doit ledir : .XX. sont contre .I., ne les porent soufrir.
Voit le Gyrart, en lui n’ot que marrir, As esperons fet le destrier saillir. 3620
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Mauprin enchauce, qui les nos fet fremir ;
Le paien fiert, quant le pot consivir, Del brant moulu sus le hiaume de Tyr Que fleurs et pierres en a fet jus jalir. Par devers destre vint le cop par aïr, La destre espaulle li fist du cors partir. Le Turc s’estent, tout le couvint noircir, La mort l’angoisse, qui le fist enroidir ;
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Les esperons fet au cheval sentir,
[fol. 73 v. a.]
Le destrier saut et conmence a braidir,
Par mi la presse s’en conmence a fuir, Atout le mort ne set quel part guenchir. 3632
Paiens le voient, du sens cuident issir,
Ce cop les fist durement engramir. Ja s’en fuissent por leur vies guerir Quant ont veü le roy Otran venir ;
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.X. Turs ot o lui a baillir, Des nés les ot erranment fet issir,
Chescun se fu armé bien a loisir, ————————————
3628.
lentir, corr. L et Mt.
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Destriers ont bons, la terre font bondir : Cil vont les noz fierement envaïr:
[CXXX VIII] Roy Rubïon Sarrazins apela : « Seignors, dist il, mauvesement nous va !
Mauprins est morz, qui touz nous rehaïita.
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Vez la Gyrart, qui occis le nous a ;
Or tost sus lui, dehaïit qui s’i faindra ! S’1l nous eschape, malement nous ira. » Dient paiens : « Nous ne vous faudrons ja. » Adont s’eslessent que nus ne s’en tarja, Entour Gyrart grant estour conmença ; De forz espiez assez on li lança, Son cheval tuent et li quens trebucha, Mes tost saut sus, le branc nu entesa :
« Conmarchis ! » crie et sa gent apela Et fiert .[. Turc que le chief li copa, Mes ja fust mors quant « Monjoie ! » escria.
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Guïelin l’ot, cele part s’adreça, Fiert s’en la presse, vers son frere s’en va,
Pour lui secourre son cors abandonna. Paiens l’assaillent, dont grant foison y a, Ja le preïssent quant « Monjoie ! » cria. Renier le preuz les criz entendus ra ;
Cele part broche, son levier paumoïia.
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[CXXXIX)] Souz Morimont fu moult grant l’estourmie. Gyrart le preuz a la chiere hardie Estoit a pié en mi la praerie ;
Ja le preïssent la pute gent haïe, Mes il escrie : « Aiïdiez, sainte Marie ! »
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Renier le preuz a la vois entr’oïe ; Cele part broche et le grant pel paumie, Fiert en la presse de cele gent haïe. Cil qu’il conssuit, perdre li fet la vie ! Plus de .XIIII. en a morz cele fie, [fol. 73 v. b.] En petit d’eure ot la presse esclairie. Maugré qu’en aient cele gent paienie, Rendi Gyrart .L. destrier de Surie. Et d’autre part Guïelyn haut s’escrie : « Gyrart, biau frere, quar me fetes aïe ! » Mes tant fu grant la noise et l’arramie Pas ne l’oÿ Gyrart a cele fie.
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Or fu a pié Guïelin en la pree ; Bien se deffent el poig destre l’espee, Mes ne li vaut une pome paree Quar enclos fu de la gent forssenee. Lancié li ont maint espié a volee, En .XV. liex li ont la char navree. Dist Guïeiyn : « Sainte Vierge honoree, Or voi ge bien que ma vie est alee !
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Gyrart, biau frere, com dure dessevree !
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Pour vous secourre ving en ceste mellee, Or voi ma mort qui ci m’est aprestee ! La char Jhesu fu en la croiz cloee Au vendredi, et plaïe et navree, Pour nous oster de la fosse oscuree :
Bien veull mourir por lui ceste journee, S’en soit a m’ame la merite donee. »
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[CXLI] Or fu a pié Guïelin en estant,
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S1 se desfent a l’espee trenchant. Paiens l’assaillent et derriere et devant ; Tant l’ont destraint li glouton soudiant
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Qu’a genoullons l’estut cheoir avant,
Mes il saut sus quar la mort va doutant. De la destresce que le ber va sentant Par nez, par bouche li va le sanc raiant Et des oreilles a grant ruis defilant, Mes, ainz qu’il muire, s’ira moult chier vendant. Cui il consuit de l’espee trenchant N’i covient mire ne d’entrait tant ne quant ! Tant a feru a l’aïr qu’il ot grant .X. en a morz, qui mes n’iront vivant.
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Le plus hardi va de soi esloignant. Roy Rubïon se va haut escriant : « Que fetes vous, Sarrazin et Perssant ? Morz est ce Franc se vous l’alez coitant ! S’il vous eschape, ne valez tuit .I. gant. C’est du lignage qui tant m’a fet dolant, Frere est Gyrart, le cuvert soudiant,
[fol. 74 r. a.]
Qui nous ocist Mauprin le combatant. Or vous proi touz, se m’amez de noiant,
Que me vengiez de cel cuvert tyrant. »
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Paiens l’entendent, lors le vont angoissant
Et li frans quens se va abandonant. A voiz s’escrie : « Diex, a vous me conmant ! Ou sont mi home, Virge de Belleant,
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Qui ne me font secours ne tant ne quant ? » Ce ne vaut mie au franc hom .I. besant Quar enclos l’ont Sarrazins mescreant.
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Bien sont .V.", qui touz vont glatissant. Cil qui sont pres le vont si apressant Par droite force le vont jus abatant,
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En .XXX. pieces le vont tout detrenchant. L’ame s’em part au Damedieu conmant, En Paradis l’en vont angles portant. Or vous dirons de Gyrart le vaillant : Par la bataille va son frere querant. Quant ne le trueve, moult se va gramoiant.
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En Morimont, sus en la tour plus grant,
lert Florentine as fenestres seant ; Lez li sa fille, qu’ele amoit duremant, C'’iert Gracïenne au gent cors avenant.
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Joene iert la bele, mes le cuer ot sachant ; .XI. anz avoit d’aage escharssement, Suer iert Renier, mes n’en savoit noiant.
Bien ont veü le grant asemblement Ou Guïelyn fu ocis a tourment. Dist Florentine : « Cil la fu de no gent Que paiens ont atierié si vilment. Mouit ot en lui proesce et hardement, Diex mete s’ame en son saint firmament ! »
[CXLII] Souz Morimont en mi la praerie Fu grant la noise de la gent paienie. Gyrart le preuz a la chiere hardie Fiert en la presse, « Monjoie ! » haut escrie. Son frere quiert, mes il nel trueve mie. Renier le suit, que hardement aigrie. Tant ont feru sus cele gent haïe, L’enfes Renier si granz cops y emplie Que sa grant perche li est par mi brisie.
[CXLIIT] Souz Morimont furent li chaples grant.
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Les Sarrazins vont Renier assaillant, Petit le doutent li cuvert soudiant [fol. 74 r. b.] Quant aperçurent qu'’iert brisié son perchant. Otran de Lymes se va haut escriant : « Franc Sarrazins, ne vous alez faignant ! Or au glouton, qu’il ne voist estordant ! Puis qu'est brisié par mi le sien fust grant,
Ja n’i durra se bien l’alons pressant. » Adont l’assaillent et derriere et devant : Lancié li ont maint roit espié trenchant, En .VI. parties li vont l’auberc fauxant Et l’auqueton et la char entamant,
Le sanc l’en chiet sus l’erbe verdoiant. 3772
Bien se deffent Renier, l’enfes vaillant,
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D'un des tronçons de son baston pesant, Mes tant y ot de la gent Tervagant Qu'il vont li enfes si tres fort empressant, De grant presse le vont si eschaufant Que par la bouche li va le sanc issant Et par le nez li aloit degoutant. Quant Renier voit n’i durera noiant, « Venice ! » escrie li enfes clerement.
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Les marcheanz le vont de pres sivant Qu'il ot trouvez en la mer ondoiant ; Maugré paiens vont la presse rompant.
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Gyres, son mestre, i vint esperonnant,
[CXLIV] Le marcheant qui Gyres ot a non, Quant vit Renier, moult ot grant marrisson,
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Qui se combat a pié de son tronçon ; Brisié estoit tout par mi le baston. Paiens l’assaillent, ne tendent s’a lui non.
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Dist Salatré : « Enchauciez ce glouton Qui de nos genz a fet tel destruison ! 3792 — Diex ! dist Renier, ou sont mi compaignon ? Se Dieu n’en pensse, mort sui sanz reançon. » Gyre, son mestre, li escrie a haut ton :
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« Deffendez vous, damoisiax gentis hom ! Secours avrez se Dieu plest et son non. » Atant es vous Gyrart, le filz Buevon ; Son frere quiert, dont iert en soupeçon. Renier resqueutrent, veullent paiens ou non, Si le remontent sus .I. destricr gascon. ... brant d’acier li pendent a l’arçon ; Renier le trest hors du fuerre a bandon. Tres devant lui voit .I. paien felon,
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Tel cop li done par mi le hiaume en son
[fol. 74 v. a.]
Que la cervele li abat el sablon.
[CXLV] Remonté ont Renier li marcheant. Li dansiaus tint le brant d’acier trenchant. 3808
Voit Rubÿon, le vieill et le ferrant,
Qui tant li ot fet ennuy et tourment. Renier en jure le Dieu ou est creant Que du vieillart prendra le vengement. 3812
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3814.
Cele part broche le destrier auferrant,
Rubÿon fiert .I. cop en trespassant Par mi le hiaum{e] ou le fin or resplent, En contreval va l’espee coulant. Le Turc guenchi, qui paour ot moult grant, Mes ne li vaut .I. denier vaillissant
hiaum.
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Quar le vassal va le cop embroiant, La destre oreille au paien va trenchant. Rubïon dist : « Or me va malement ! » Le destrier hurte, si s’en tourne fuiant. [CXLVI] Renier li preuz, qui moult ot grant vertu, Recouvré ot .I. brant d’acier moulu. En mi sa voie a .I. paien feru, Jusques es denz li embat le branc nu,
Puis ficrt .L. autre que mort l’a abatu. Ançois qu’il ait son poindre arresteü,
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En a .X. morz en mi le pré erbu.
Otran de Limes a bien aperceü Que de sa gent a moult granment perdu, Or voit il bien ja n’i avra vertu ; Droit vers la mer a son chemin tenu. Quant paiens voient c’ont leur seigneur perdu, Fuiant s’en tournent, si ont levé le hu.
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Touz sont li autre et morz et confondu Par la proesce de Renier le membru. Grant fu l’avoir que il ont retenu,
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Trés et acubes ont les noz recueillu ; N’i ot si povre jovencel ne chenu Qui n’ait destrier grant et fort et cueru. Bien ont vitaille a .Il. anz vivre ou plus
Et vin sus lye en bons toniaux de fus.
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[CXLVII] Renier le preuz et si home aduré Ont la bataille et le chaple enduré, Mes Gyrart ot le cuer moult effreé Pour Guïelin, qu’il n’a mie trouvé.
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Par tout le quist, n’en a riens avisé
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Ne si ne trueve qui en die verté ; [fol. 74 v. b.]
Voit le Gyrart, pres n’a le sens desvé. Le champ cerchierent, assez l’ont traversé. En .I. vaucel ont Guïelin trouvé : En .XX. parties fu li quens desmembré. Gyrart le voit, moult tost l’ot ravisé
A l’escu d’or, au hiaume painturé. De son cheval chiet a terre pasmé.
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[CXLVIII] Li quens Gyrart jut a terre pasmez. Quant se redresce, si s’est haut escriez : « Guïelin, frere, por vous sui moult irez !
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Or est tout mort mon conseill plus privez ! Puis que mon frere est mort et deviez, Tout mon lingnage est mort et definez : Bernart, mon oncle, qui de Brubant fu nez, Le roy Guibert et Ernaut li membrez, Et enssement le cheitif Aÿmers, Et le mien pere, Bueves le renonmez
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;
De touz mes oncles n’en est nul vif remez Fors que Guillaume, le Marchis au Court Nez. Et cil nous est ainssi desmanevez, Alez s’en est en si lointains regnez Bien à .VIL. anz acomplis et passez Que n’en oÿmes noveles ne vertez :
Bien croi mort rest quant il n’est retornez. »
[CXLIX] Moult se demente Gyrart chiere membree Por. son chier frere, qui gist mort en la pree : « Mort ! dist Gyrart, tu soies vergondee
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Quant tant haut home as la vie finee
Et tu me lesses aprés avoir duree ! »
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Li quens Gyrart grant dolor demena Et ses amis doucement regreta : « Hé las ! dist il, qui me conseillera Puis que Guibourc du siecle trespassa ? Li quens Guillaume tant se desconforta Sanz congié prendre de nous se dessevra ; Nc sai quel part le franc marchis torna, Bien a .VIL anz que cest païs lessa, Onc puis novele nus hons n’en reconta. Je croi morz est quant il ne revient ça. » Tout par ce point Gyrart se dementa Pour son lignage, dont il se remembra.
[CLI] Li quens Gyrart a grant duel demené Et son lignage a plaint et regreté :
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« Diex, dist li quens, que mon cuer est iré ! [fol. 75 r. a.] Mort, quar me pren ! si iert mon duel finé.
De mon lignage n’i a mes demouré Fors moi tout seul, dont moult sui adoulé,
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Et Maillefer, qui tant a de fierté : En Loquiferne a le secours mené. » Es vous Renier poignant tout abrievé ; Gyres, son mestre, le suit pres d’un costé.
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Gyrart troverent dolent et emplouré. Voit le Renier, forment l’en a pesé
Et le sien mestre l’a bien reconforté. Tant l’ont proié qu’el cheval l’ont monté,
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En .I. escu en ont ie cors porté. En Morimont sont ensemble rentré, Dusqu’au palés ne se sont arresté. La gentill dame voit le duel demené, Son chambellenc a errant apelé : « Amis, dist ele, ne me soit pas celé :
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Qui est le cors que ci voi aporté ? — Dame, dist il, bien vous sera conté : C’est Guïelyn, qui tant avoit bonté, Frere Gyrart, qu’en secors l’ot mandé. » La dame l’ot, s’a tendrement plouré Et proié Dieu que de l’ame ait pité. Cele nuitie se sont moult doulousé Et l’endemain ont le cors enterré, Puis sont ensemble enz el chatel alé. La gentil dame a Gyrart apelé : « Sire, dist ele, ne me soit pas celé : Sont li paien desconfit et maté ? — Oïl, ma dame, dist le conte, en non Dé ! Mes d’une chose ai le cuer aïré Que mon chier frere a ja son temps finé. — Sire, dist ele, g’en ai le cuer troublé ! Mes ne li vaut duel qui en soit mené, Mes proions Dieu que de s’ame ait pité Quar pour nul duel ne seroit recovré. »
[CLIT] Dist Gyrart : « Dame, entendez ma reson : Mort est mon frere, dont j’ai au cuer friçon, Mes d’autre part ne vous va se bien non :
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Qui le cors que ci voi aporte est, corr. C.
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Mort sont paien, li encriesme felon, Par .I. dansel cui Diex croisse renon, Le jouvencel qui vous çoile son non. Se il ne fust, par le Dieu ou creon, N'i eüssons touz valu .I. bouton : [fol. 75 r. b.] Trop i avoit de la gieste Noiron ! Mes tant par est li damoisiax preudom Qu'il est plus fier et isniax d’un lÿon ; A ses cops n’a nule ame guerison ! Trop bien resemble en grant estour felon Roy Maillefer, qui est de grant renon. »
[CLIII] Dist Gyrart : « Dame, vers moi en entendez : 3944
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Le soudoier qui ceenz est remés,
Le jovencel qui leur sire est clamés, Qui ne veut dire en quel païs fu nez, Escuier est, enquor n’est adoubez. Tant est hardi et fort et adurez Que par lui seul est hui l’estour finez. Moult miex resemble, quant me sui avisez,
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Roy Maillefer que nus hons qui soit nez ; Mes pluseurs homes se resemblent assez. Ge vous proi, dame, qu’encor li demandez Priveement en quel terre il fu nez. » Dist la duchesse : « Si com vous conmandez. » Es vous Renier qu’en la sale est montez ;
Touz ses barons a avec lui menez. En haut parla et bien fu escoutez :
3937. gieston noiron, faute par anticipation de noiron. 3953. écor li démandez (= encor li denmandez), corr. C ; faute par réminiscence d’encor.
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« Dame, dist il, bon jour vous soit donez ! » Et dist la dame : « Frans damoisiax membrez,
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Bien devez estre servi et honnourez Pour le secours que vous fet nous avez. Se il vous plest, delez moi vous seez
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De Dieu de gloire soiez vous saluez !
Et en conseill .I. poi a moi parlez. » Dist Renier : « Dame, volentiers, a vo grez ! » Jouste sa mere s’assist li bachelerz,
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Mes n’en sot mot, dont ce fu grant pitez.
[CLIV]
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En Morimont sont nos barons joiant : Desconfit ont le pueple d’Oriant, Bien .XXX." de la gent mescreant ; Moult ont conquis et fin or et argent, Et dras de soie et maint bon garnement, Vins et viandes et maint cheval courant. Or vous dirons de la dame vaillant Qui moult estoit penssive durement Quar moult desire a savoir l’errement Del damoisel qui son non va celant. Ele le voit quoi et simple et taisant, Lors l’apela pour ce premierement, [fol. 75 v. a.] Bas en secroi li dist moult doucement : « Damoisiax, frere, j’ai le cuer trop dolent Que je ne sai dont estes vraiement, Qui fu vo pere et qui sont vo parent ; Moult me merveill por quoi l’alez celant.
des de soie, corr. C.
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[CLV] Damoisiax, frere, dist la dame au vis cler,
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Se me voulez la verité conter De quel terre estes et vo pere nonmer, Je vous voudrai plevir et creanter Que ja de chose que me veulliez conter Outre vo gré nous voudrai encuser ; Ne veull parole de ma bouche parler, De bon courage vous voudrai bien garder. Et, se voulez avoec nous demourer, Tout mon païs vous veull abandoner. Et, se Jhesu nous veut si amonter Que mon seignor puist la guerre finer En Loquiferne et deça retourner,
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Se vo plesir s’i vouloit agreer, Ma bele fille vous voudrai ge doner. Se tant voulez soufrir et endurer Qu'’ele vous puist a seigneur espouser Au los son pere, qui est outre la mer, Nostre hoir serez por no terre tensser : N’avons nul filz, dont moult nous puet peser. » Dist Renier : « Dame, ce fet a merciïer ;
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Grant est le don, forment fet a loer ! N'est pas preudon qui ce veut refuser, Mes je vous proi ne m’en veulliez blasmer Car l’en me fist plevir et creanter Ne me porroie envers nului nonmer Se ne vouloie ma loiauté fausser. Mes bien vous di, se Diex me puist sauver,
4016
En Loquiferne tout droit voudrai aler Pour vo seignor aidier a conforter. Tant ai oÿ de sa force parler Le cuer m’i trait, qu’en vaudroit le celer ?
373
ENFANCES RENIER
374
Plus me voudrai a son bon acorder
Qu’a nul autre home, si me vient en pensser. »
4020
[CLVI] Quant Florentine oÿ Renier l’enfant Qui ne li veut dire son couvenant,
4024
4028
La gentil dame cuida certainement Que li dansiax voist traïson doutant. Lors se pourpensse qu’el s’en ira taisant [fol. 75 v. b.] Quar ne le veut ennoier tant ne quant. Es vous Gyrart, le preuz conte vaillant, Qui a la dame ot proié par devant Qu'’ele enqueïst de son estre a l’enfant. A la duchesse dist amiablement : « Dame, il fust heure que disnassent no gent,
4032
4036
4040
Il junent trop, le jour est bien avant. » Adont se lieve Flore[n]tine a itant. Estes vous Gyres, lui et sa gent venant ; Celui iert mestre au damoisel puissant. El haut palés sont ensemble montant, L’eaue ont cornee escuier et serjant. Jouste la dame sist Renier au cors gent, En la bataille fu lassez durement, Et la duchesse le va moult esgardant, Mengier ne boire ne li vient en talent ;
Son cuer li dit et li va tesmoignant Cis enfes iert estrait de haute gent. Moult se merveille pour quoi se va celant.
4032.
floretine, corr. C.
ENFANCES RENIER
4044
4048
4052
375
[CLVI] L'enfant Renier iert sage et bien apris : Sa mere voit, qui n’ot ne geu nc ris, Adont s’est bien li enfes garde pris D’aucune chose estoit son cuer penssis, Mes ne set mie li damoisiax gentis Que il fust filz Florentine au cler vis ; S’il le seüst, moult en fust esjoïs ! Renier parla, li damoisiax seultis : « Dame, dist il, por Dieu de Paradis,
Confortez vous, duchesse seigneuris ! Bien savrez ce dont vous m’avez requis A brief termine, par foy le vous plevis. 4056
A ceste foiz n’en veul estre mentis,
Ne le diroie qui me donroit Paris. — Ce poise moi ! » dist la dame gentis.
4060
4064
4068
[CLVITI] Dist Renier : « Dame, verité vous dirai : Demain matin a vous congié prendrai, Vers Loquiferne la grant mer passerai : De vo seigneur veoir grant desir ai. S’il a besoig, pas ne vous mentirai, A mon pooir tres bien li aidera. Au reperier volentiers vous dirai Trestout mon estre, ja nel vous celerai. » La dame dist : « Moult volentiers l’orrai ! » [CLIX] Renier parole, qui cuer ot de lÿon; Sa mere apele, si l’a mise a reson. « Dame, dist il, a vo conmandison ! Je et ma gent demain nous en iron,
[fol. 76 r. a.
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ENFANCES
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Pour vo seigneur la grant mer passeron.
4076
Se Diex ce done, par son sai[n]tisme non, Que vaincus soient li Sarrazin felon Et cele gent qui croient en Mahom, Avoec le roy par deça revenron,
RENIER
Vostre seigneur, qui tant a de renon. Dont vous dirai conment ge ai a non, Tout mon covine sanz nule celoison ;
4080
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4092
Mes ce sera, dame, en confession Quar nel diroie a nului s’a vous non Et j’ai fiance n’en avrai se bien non. »
[CLX] Quant Florentine oÿ Renier parler, Qui li a dit qu’il veut la mer passer Por son seigneur aidier a descombrer, Au reperier li voudra tout conter Pour quel reson il ne se veult nonmer, La gentil dame le courut acoler : « Amis, dist ele, ne vous couvient douter Que por riens nule dont me sachiez parler Vous viegne mal dont vous puisse garder. Se vo lignage devoit le mien tuer, Tant m'avez fet que le doi pardoner. » Dist Renier : « Dame, ce fet a mercïer !
4096
4073.
Se il vous plest, ge m'en voudrai aler A mon ostel por hui mes reposer Avoec ma gent quar moult les doi amer. » Dist la duchesse : « Bien m’i veull acorder. » Renier s’em part, qui iert gentil et ber ;
saitisme, corr. C.
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4100
RENIER
A l’ostel vint, si conmence a pensser, A soi meïsmes se prist a dementer :
« É las ! dist il, con ge me puis irer 4104
Quant je ne sai le mien pere nonmer ! L’en me promet, se je veull demourer, La gentil dame a moi tant honorer Sa bele fille me veut fere espouser,
4108
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4116
4120
Fille du prince cui secours veull aler, Roy Maillefer, ainssi l’oÿ nonmer. Se Diex me lait le franc baron trouver Et Diex nous lest a joie retourner, S’adont vouloie la pucele rouver Et fiancer de noçoier jurer, [fol. 76 r. b.] Et ge ne sai le mien pere nonmer Et mon parage dire ne deviser, Dont porront dire : « Cestui nous veut gaber ! » Em bas diront coiement en celer : « Cist est bastart, si nous cuide guiler ! » Et d’autre part me redoi bien pensser Se ge revoiz en Venice sus mer A la pucele que Diex veulle honourer, La bele Ydoine, que je doi moult amer, Ele me fist nourrir et alever,
4124
Se ge la veull a moullier et a per, Moi l’en covient hors du païs mener Quar autrement ne porroie durer : Le fel prevost m'’iroit tost acuser A l’amirant por sa fille meller ;
4128
Cil me feroit occire et afoler ! Et d’autre part me redoi aviser Se je pren fame, moult me doi redouter,
4132
S’ele est ma suer, je me puis bien danner, Ou ma cousine ou de mon parentez
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RENIER
Quar ge ne sai quel part je fui emblez, Mes ge sai bien et si est veritez D’aucun parage sui ge estraiz et nez, Je ne sui pas des nues avolez ! Or face Diex de moi ses volentez Quar, par les fons ou fui regenerez, Ja mes nul jour n’iert mon cors reposez Si savrai ge quiex est mes parentez. En tant de terres voudrai ançois aler Con la mer clot se je puis tant durer Que je n’en oye conment que soit parler. Au derrenier, se ge nel puis trouver Nului qui puist le mien cuer rasazer, N'est pas de ce dont sui en desirer, En .I. grant bois ge m’en voudrai entrer, A Dieu voudrai et proier et rouver Ma mere veulle le mesfet pardoner De ce qu’a fet de moi si mal garder. »
[CLXI] Renier li enfes fu sage durement. Moult iert dolent qu’il ne set vraiement Dont il fu nez et qui sont si parent ; Tout ainssi pensse li enfes longuement. Es vous son mestre, Gyres, le marcheant ; Quant voit Renier, qui se va doulousant, HOL 76. v. a] Moult grant pitié a son cuer li emprent. Cortoisement le va reconfortant : « Damoisel, sire, ne te va dementant ! Ne vous faudrons ja mes en no vivant Ne touz ces autres qui ci sont en present S’avrez (trouvé ce que alez querant. »
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RENIER
Dist Renier : « Mestre, .V.f merciz vous rent. » Et li marchant li vont tuit prometant Qu'il ot trovez en la mer ondoiant, Cors et service li vont tuit presentant ; Et li varlez les en vet mercïant. Cele nuitie passent sifaitement : Nés et galies vont au port atirant, Chevaus et armes y vont assez metant. Et l’endemain, quant le jour fu parant, Le soleill lieve, moult fu cler et plesant, Li damoisiax se va forment quoitant, Lui et son mestre vont el palés montant. Congié demande Renier premierement A Florentine, la duchesse sachant,
Et a Gyrart de Conmarchis atant. Et la duchesse li va forment proiant De son seigneur Maillefer soit penant.
[CLXTII] 4180
« Frans damoisiax, la dame dit li a,
Pour Dieu vous pri, qui le monde fourma, Quant vous venrez en ce païs dela,
4184
Le mien seigneur ramenez par deça ; Lest cele terre, mal ait qui li nonça ! » Dist Renier : « Dame, bien conté li sera. »
4188
4192
A ces paroles le congié demanda Et la duchesse volentiers li dona. Renier le preuz dedenz sa nef entra. La dame pleure quant de li dessevra, Mes en grant piece le sien filz ne verra Ne Maillefer, qu’ele tant desira. Devant .J. an, ge croi, mes n’en vendra
Car Maillefer tant de paines avra
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ENFANCES
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RENIER
Que c’iert merveille s’il en eschape ja !
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[CLXII] Seigneurs barons, fetes pes, s’entendez, S’orrez chançon de grant nobilitez, Des tres granz paines et des granz povertez Qu'’ot Maillefer au courage aduré. .. petitet vous lairons ci ester Des Sarrazins, cui Diex puist mal doner, [fol. 76 v. b.]
Si vous dirons du gentil bacheler, C’est de Renier, qui va siglant par mer O lui tel gent que il puet moult amer : Ne li faudront por les membres coper. Bien s’en cuidoient en Loquiferne aler Por Maillefer aidier a delivrer, Mes un orage les a fet destourner, Qui durement les a fet destraver.
Or vous dirons de Maillefer le ber Et de Bertran, qui est outre la mer En Loquiferne por le païs garder : Paien li font mainte paine endurer, Sovent l’assaillent et main et avesprer.
[CLXIV] En Loquiferne iert Bertran moult penssis ; Le roy Butor l’avoit dehors assis, Paiene gent gastoient le païs, Sovent assaillent as murs d’araine bis. Moult se demente Bertran, le bon marchis :
4220
« Diex, dist le ber, qui onques ne mentis : Or voi ge bien que je sui escharnis ! N’avrai secours par home, ce m'est vis, Quar traÿ m’a Piecolet le pets ;
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Je croi et pens[se] que il s’en est fouïs. 4224
4228
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Bien ai fiance, par [le] douz Jhesu Cris,
Se le savoit Maillefer li hardis Secourroit moi, ja n’en seroit faintis, Mes n’en set mot, si en sui moult marris. » A ces paroles est as querniax assis, Par la fenestre a hors bouté son vis. En la mer voit nés et chalans fetis Et par desus y ot penonciax mis Blans et vermax et jaunes et persis : Ce sencfic, de ce fu Bcrtran fis, Crestiïens sont de France le païs. Bertran les voit, moult s’en est esjoïs.
4236
[CLXV] En Loquiferne enz el plus haut estage Estoit Bertran a l’aduré courage : Par la fenestre esgarde en la mer large, Si voit venir maint dromont, mainte barge
4240
4244
Et voit les crois, Li quens Bertran « Seigneurs, dist Le secours vient
dont son cuer s’asouage. a dit a son barnage : il, or aiez bon courage ! que mie ne se targe :
Ja le verrez entrer en cel rivage.
[fol. 77 r. a.]
Mort sont paien, la pute gent evage ! Mar nous a fet soufrir tant de malage ;
S’il plest a Dieu, or en aront hontage ! »
4223. 4224.
pens. par douz, corr. L et Mt.
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[CLXVI]
4248
4252
Li quens Bertran grant joie demena. Quant vit les nés et les croiz avisa,
Bien set et voit que secours en avra. Sa gent apele, liement dit leur a : « Le secours vient, qui mie ne faudra ! Or soiez liez, ne vous esmaiez ja. » Endementiers que Bertran devisa, Roy Maillefer droit au port arriva ;
4256
Bien .XX." homes en sa compaignie a. Sonnent cil grelle ct par ça ct par la. Roy Maillefer a sa gent conmanda Que touz s’armassent, combatre se voudra,
4260
Vers Sarrazins sa terre deffendra. Dient ses homes : « Si soit con vous plera. » As armes queurent, chescun bien s’atira
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4272
4276
D’auberc et d’yaume qui bien mestier avra : Si fort bataille n’oït nus hons pieça Que vous orrez ! guerres ne demourra. Le roy Barrez la noise entendue a, Au roy Butor errament le nonça ; Devant lui vint, hautement s’escria : « Sire, dist il, entendez a moi ça :
Joi moult grant noise en cele mer dela. Cil qui la vile contre vous tenue a Bertran a non, moult petit de gent a. Bien croi et pensse qu’il vous eschapera Par mi la mer et fuiant s’en ira. » Endementiers que cil au roy parla, Vint .L. glouton qui noz genz espia. Devant Butor l’espie s’arresta : « Sire, dist il, mauvesement vous va !
Roy Maillefer est arrivé deça ;
RENIER
ENFANCES RENIER
4280
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4288
En sa compaigne moult de bele gent a : Bien sont .XX." qui touz les contera. Bataille avrez, gueres ne demorra ! » Roy Butor l’ot, a poi qu’il n’esraja ; Mahomet jure que tantost s’armera Et a l’encontre Maillefer s’en ira. Ja sera pris ou a lui se rendra, La mort Tibaut d’Arrabe vengera [fol. 77 r. b.] Et aprés ce la cité assaudra, Pris iert Bertran, qui l’autr’ier le navra !
[CLXVII] Le roy Butor ne fu mie esfreez,
4292
A grant merveille iert grande sa fiertez ! Quatorze piez ot de lonc mesurez Et s’iert cornu com .I. buef atelez ; En Pincernie, ou roy Butor fu nez, Sont tuit cornus, c’est fine veritez.
4296
Quant oÿ dire Maillefer iert passez, Grant joie maine, si s’est esvertuez,
4300
Moult bien le cuide prendre tout a ses grez. En haut escrie : « Mes armes m'’aportez ! » Dient paiens : « Si com vous conmandez. » Devant le tref fu un poile getez,
4304
La s’adouba Butor li encornez. Entour lui ot de Sarrazins assez : _.X. rois y ot et .XIIII. amirez, Chescun mist paine que il fust bien armez. I. hauberc vest, qui moult iert lonc et lez,
4308
D'une cuirie est desus aflubez,
Mes l’auqueton ot ançois endossez.
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Puis lace .I. hiaume dofnit li cercles iert tez
4312
D'or estoit tout a esmax bien ouvrez. JL. baudrain ceint, qui fu et grant et lez, .I. maill y pent, qui iert grant et quarrez ; II. brans d’acier trenchanz et afilez Et dars d’acier, tout pendoit au baudrez. Son flaiel prist, ne l’a pas oubliez.
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Une erbe avoit le paien desfaez Qui tant avoit en li de dignetez Que ja Butor ne sera si navrez Sc il met l’erbc, ou tant a grant bontez, Desus sa plaie et encoste et en lez Qu'il sera sain con oisiaus empennez.
[CLXVIII] Le roy Butor fist moult a resoignier. Sa gent a fet armer et haubregier, Es chevaus montent Sarrazins et Turs fier. Li Kanelieu ne sevent chevauchier, Touz vont a pié li felon losengier ; Chescun portoit ou maçue ou levier, En une flote sont plus de .XX. millier ! En l’autre aprés sont li Pincenart fier, Bien sont .XX.M, Diex leur doint encombrier ! [fol. 77 v. a.]
4332
Tout sont cornu et devant et derrier. Le roy Butor a pris haut a huchier : « Frans Sarrazins, penssez de vous vengier De crestiens, qui tant nous font irier ! Mort ont Tibaut d’Arrabe le guerrier
—————————————
4309.
dot, corr. C.
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4336
4340
4344
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Et Desramé, qui tant fist a prisier ; Mon oncle fu, si nel puis oublier. Or sont venu no terre chalengier ! Si vous dirai com porrons esploitier : Se bien ferez a cest estour premier, Mort iert ou pris Maillefer le guerrier Ainz qu’il se puist en la cité fichier. » Adont conmencent Sarrazins a criier : « Touz ierent morz li françois losengier ! » À ces paroles pensserent de coitier. Or vous dirons de Maillefer le fier Et del barnage, que Diex veulle avancier :
4348
Hors des nés issent serjant et escuier Et en aprés issent li chevalier ;
XX. sont, Diex les gart d’encombrier ! 4352
4356
A blanches armes s’ot chescun bon destrier, A crois vermeilles sont les hiaumes d’acier Et leur escuz et li penoncel chier ; Qui les esgarde, mentir ne vous en quier, Ce semblent angles qui se veulent vengier. Maillefer garde aval le sablonnier Et voit paiens venir et aprouchier ; Bien sont cent mile la gent a l’avressier. Devant les autres queurt Butor le glue]rrier ;
4360
4364
4359.
JL. flaiel porte grant et gros et planier Et .I. maillet, qui tout estoit d’acier. Quant Maillefer voit paiens ellessier, Sa gent conmence moult bel a chastoier :
« Seigneurs, dist il, por Dieu vous veull proier Que chescun soit preudom et chevalier.
grrier, corr. C.
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ENFANCES
RENIER
Bataille arons, bien le puis afichier. 4368
Pour ce vous veull et dire et acointier Se nul de vous avoit le cuer lanier,
Congié li doins qu’il s’en revoist arrier : Par .I. couart puet l’en moult empirier Et tout .I. ost honnir et vergoignier, 4372
4376
Et .I. hardi les fet touz rehaitier. » Quant l’entendirent li baron droiturier, Adont conmencent touz ensemble a huchier : [fol. 77 v. b.] « Maillcfcr, roy, or nc vous csmaicz,
Dusqu’a la mort ne vous volons lessier ! »
[CLXIX] Roy Maillefer a la chiere membree Moult belement a sa gent ordenee : « Seigneurs, dist il, or oiez ma penssee :
4380
En une eschiele sera no gent menee ; Por Dieu vous pri, qui fist ciel et rousee,
4384
Que pres de moi soit tenue serree : Se estiez espars aval la pree, Contre paiens n’avrions ja duree. Nous en irons par mi cele valee,
4388
Semblant ferons a la gent forssenee Que nous fuions vers la cité loee, Dont les verrez venir de randonee. Quant leur gent iert esparsse et desserree, Si retournons touz a une huee ; Li un gart l’autre au trenchant de l’espee,
——————————
4377.
a la chiere hardie mêbree : hardie est exponctué.
ENFANCES
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RENIER
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Tuit erent mort cele gent desree[e] ! »
[CLXX] En Maillefer ot moult sage guerrier. En .I. vaucel fet sa gent chevauchier, Serrez les maine et prent a chastoier. Semblant fesoient no gentil chevalier Qu'il se vousissent en la cité fichier. Paiens les voient, si pristrent a noisier : Les Pincenars ooit on abaïier, Les Kancliex ct les Bougres tencicr, Autressi braient con font ours en ramier. Devant les autres court Butor l’avressier, L flaiel porte grant et gros et planier. La veïssiez paiens esparpeillier, L’un aprés l’autre courre par le gravier. Butor escrie a Maillefer le fier : « Cuvert bastart, retournez ça arrier !
4408
La mort Tibaut vous veull ge chalengier ! S’en fuiant muers, ce sera reprovier. La terre claim, cui qu’il doie ennoier,
Que roy Tibaut avoit a justicier. » 4412
Maillefer l’ot, le sens cuida changier
4416
Quant il s’oï en tel point laidoier. S’il ne s’en venge, ne se prise .I. denier. Dist a sa gent : « Seigneurs, tornez arrier ! Trop pourrions nous lessier enchaucier. » Lors sonne .I. cor pour sa gent rehetier. Plus tost qu’oiseax ne fuit por espevrier [fol. 78 r. a.] Sont retournez no baron chevalier.
4392.
desree, corr. Mt ; faute par haplographie.
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Mäaillefer tint la loke as clos d’acier ;
A soi meïsmes se prist a consseillier A pié ira el grant estour planier : Mieus s’aidera que s’il iert sus destrier. Atant s’en tourne, ne s’en volt plus targier, Plus tost s’en queurt vers la gent l’avressier Que ne feïst .I. fort cheval courssier ; Tiex .XX." homes le sivent par derrier El plus couart avoit preuz chevalier. Les Kaneliex encontra tout premier, Glatissant vont aussi com loiaumicr. Roy Maillefer tint la loke d’acier, Testes et braz leur conmence a brisier. Chescun des noz i fiert sanz espernier,
V.\" en font mourir et baaillier.
4436
[CLXXI] A l’asembler ot moult grant huoison. Roy Maillefer s’escria a haut ton : « Or du bien fere, franc chevalier baron !
4440
Desconfit erent li Sarrazin felon. » La loke entoise par grant aïroison, J. Kanelieu en fiert de tel randon, Seignor des autres et du greignor renon. Tel cop li donne Maillefer l’Esclavon Que devant lui l’abat mort el sablon.
+444
4448
L1 Kenelieu en ont grant marrisson, Braieni et crient aussi c’ours en landon Ne se deffendent em plus que .I. mouton. Les noz les tuent qui mieus miex a bandon. Ja fussent mort tuit sanz arrestoison Quant i sourvint le Pincenart felon,
RENIER
ENFANCES
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4456
RENIER
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Le roy Butor, et cent mil Esclavon ; Entre les noz se fierent de randon. Le roy Butor, qui iert fel con gaignon, Le flaiel lieve par grant aïroison, Fiert .I. François par tel devision Tout le froissa entresi c’en l’arçon Et le cheval ot brisié le kaon, Tout abat mort, cui qu’en poist ne qui non.
[CLXXII] Le roy Butor fist forment a cremir : Entre nos genz se fiert par grant aïr, 4460
4464
4468
Plus de .L. en fist le jour mourir ; François li fuient, ne l’osent envaïr.
[fol. 78 r. b.]
Le roy Butor fesoit no gent fremir, Et Priemor et Guilans de Montir. « Bauf[du]ne ! » escrie por sa gent esbaudir ; Lors veïst l’en les Pincenarz venir, Keneliex, Bougres et nos genz assaillir. Frans se defendent, qui moult ont a souffrir. Le roy Barrez fet le cheval saillir, Le roy Tarsides et le roy Darmadir, .X. amiraus, qui terre ont a baïllir,
Ceus vont les nostres de nouvel envaïr, 4472
Chescun a fet .I. crestien mourir ;
Mes sus touz autres fet Butor a cremir : Contre ses cops ne puet arme guerir. Frans se departent, ne les porent soufrir,
4450.
esclabon, corr. C.
4453. 4464.
arrenmison. Baune, corr. C.
ENFANCES
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RENIER
Aval les chans conmencent a fuir ; N'est pas merveille, nul nes en doit haïr : .C. sont contre .I., Turc puist Diex maleïr ! Roy Maillefer cuida du sen issir Quant voit sa gent as paiens mal baillir. Il prist .L. cor, sel conmence a bondir,
4484
Plus d’une lieue en fet le son oïr, En Loquiferne fet les tours retentir. Bertran l’entent, si conmence a fremir : Le son connoist du cor qu’il ot tentir.
[CLXXIII] Li quens Bertran a le cor escouté : Bien le connut, ce sachiez de verté.
4488
4492
4496
Ou voit sa gent, si leur a escrié : « Seigneurs, dist il, soions tost apresté ! Roy Maillefer se combat en ce pré. Alons la hors, por Dieu de majesté, Et si aidons a no droit avoué ! Se le perdons, nous sonmes tuit alé, N’avrons secours d’ome de mere né. » Dient ses homes : « Vous dites verité, Sire Bertran, trop avons demouré. » A ces paroles sont es chevax monté,
De Loquiferne s’en issent bien serré ;
Bien sont .V.M richement adoubé. 4500
4504
Les dames lessent por garder la cité ; En Loquiferne, la mestre fermeté, N'ot que .C. homes, qui sont viellart barbé. A l’estour vindrent li chevalier loé. Li quens Bertran a le cheval hurté, [fol. 78 v. a.] Brandist la hante au gomphanon fresé, JL. paien fiert que il a encontré,
ENFANCES
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RENIER
L’escu li perce, l’auberc li a faussé, Par mi le cors li mist l’espié quarré, Del bon cheval l’a jus mort souviné. Chescun des autres a le sien mort geté. Celui conrroi ont si mal arreé Ja s’en fuissent li cuvert parjuré Quant roy Butor leur vint a l’encontré. Le flaiel hauce a guise de mauffé, Les gens Bertran a durement grevé,
En moult poi d’eure a .XX. Frans craventé. Voit le Bertran, s’a Jhesu reclamé : « Monjoie ! escrie, vrai Dieu de majesté, Sainte Marie, envoiez nous clarté Que puissons vaincre ce jaiant desfaé ! » Roy Maillefer a bien ce escouté ; Bertran connut, cele part est tourné Et voit Butor, qui maine grant fierté
Envers nos genz, moult en a labité. Dist Maillefer : « Vrai roy de Trinité, Tant par voi ore de paien redouté Petit me prise, se Diex me doint santé,
4528
S’encontre lui n’est mon cors esprouvé ! » La loke entoise, n’i a plus arresté,
Envers Butor s’en est moult tost alé, Sans menacier li a .I. cop donné ;
4532
4536
Par mi son hiaume l’a si bien assené Que fleurs et pierres en a jus avalé. Butor chancele, qu’ot le chief estouné, Petit se faut que il n’est jus verssé. Dist Maillefer : « Glout, trop avez regné ! Diex m’aidera, qui vous doint mal dehé. »
391
ENFANCES
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4544
4548
[CLXXIV] Le roy Butor durement s’aïra Pour Maillefer, qui ainssi le frapa ; S’il ne s’en venge, de duel esragera. En contremont son flael entesa, Par mi le hiaume le Franc ferir cuida ; Le roy guenchi, qui le cop redouta, Jasques en terre le grant cop ravina, .J. grant perron em pieces esgruna. Le paien brait quant son cop n’emploia, Usle et rechane et grant frainte mena. [fol. 78 v. b.] Pincenart l’oent, chescun courant y va.
Touz sont cornus, mal ait qui les porta, Braient et ullent, moult laide noise y a, Aussi com leu qui en gestoure va,
4552
4556
4560
Autre langage en Pincernie n’a.
[CLXXV] Souz Loquiferne ot merveilleus hustin. Roy Maillefer voit la gent Apolin, Kaneliex, Bougres qui font moult laide fin ; Nos genz occient et metent a defin. Li Pincenart leur resont mals voisin, Maçues portent d’un acier sarrazin. Maillefer voit de sa gent le traïn ; Dieu en jura, qui de l’eve fist vin, Qu’as Pincenars mouvra ja tel hutin
Dont IL en gerront mort souvin Maugré Butor, le cornu bebelin.
4564
RENIER
[CLXXVI] Roy Maillefer fu de moult fier courage ; La loke entoise, que mie ne s’en targe.
ENFANCES
4568
4572
4576
RENIER
As Pincenars fist le jour grant damage, Plus de .CC. en tua el preage. Des Kaneliex refist tel lapidage Plus de III. mil en gist sus le rivage ; Devant lui fuient con fust beste sauvage. « Diex, dist Bertran, qui siez el haut estage, Con Maillefer est plain de grant barnage ! Pour lui doit on soufrir paine et malage. » Point le cheval, tint le brant de Kartage, Fiert .I. paien sus la fleurie targe ; Arme qu’il ait ne li vaut .L. fromage,
Mort le trebuche entre la gent evage. Chescun i fiert par moult grant vertuage, A honte muerent li Kanelieu marage :
4580
Plus de .X." en fiert en la mer large Qui n’i trouverent gué ne planche ne barge. Butor les voit, a poi de duel n’esrage Tout por sa gent qui muert a tel hontage.
[CLXXVII] 4584
4588
4592
Le roy Butor voit Keneliex mourir ; Tel duel en ot du sens cuida issir.
Le roy Barré apela par aïr, Et Priemor et Guellant de Montyr : « Sonnez noz corz por nos genz esbaudir ! » Et cils respondent : « Tout a vostre plaisir. » La oïst on ces corz d’arain bondir, [fol. 79 r. a.] De toutes parz veïst l’en Turs venir Et Açopars et Kaneliex glatir : .C. mil estoient, Diex les veuille amenrir !
4579.
kanelieu malage.
393
394
ENFANCES
Cils vont nos genz de nouvel envaïr,
Les Frans reculent, ne les porent soufrir. 4596
4600
4604
4608
N'est pas merveille, nus nes en doit haïr : XX. sont contre .I., Diex le[s] puist maleïr !
Roy Maillefer cuida du sens issir Quant voit sa gent por paiens ressortir. Lors jure Dieu que mielz aime a mourir Qu’enquor ne voist a Butor assentir ; De la grant loque le cuide si ferir Qu'il li fera la cervele boulir. Lors sonne .I. cor, si fet sa gent venir. Dist Maillefer : « Seigneurs, por saint Espir, Je vous requier penssez de bien ferir, Dolenz serai s’il m'en couvient fuir. » Dist Bertran : « Sire, fetes vostre plesir,
4612
Ne vous faurons pour paour de mourir. » Maillefer l’ot, si conmence a fremir, Sa loke entoise, que il doit moult chierir ; Tout premerain ala Butor ferir Par mi le chief qu’il le fist estourdir ; Une des broches li fist en char sentir, Jusques au test li fist le chief blesmir,
4616
En contreval couvint le sanc venir ;
Le paien brait quant se sent mal baillir, Pour la destresce ne set quel part guenchir.
4620
4615. 4620.
[CLXXVII] Le roy Butor, quant il se sent feruz, Tel [duel] en a pres n’iert du sens issuz.
Jusquas, corr. C. Tel en a.
RENIER
ENFANCES
4624
4628
4632
4636
RENIER
En contremont fu son flael tenduz, Fiert Maillefer, onc ne li dist saluz. Par tel aïr cst le cop descenduz Se Maillefer ne se fust trait ensusz, Mien escïent, mort fust et confonduz. Dist li Butor : « Fol bastart malostruz ! Ne m'estordrez, si serez recreüz, A unes fourches sera Bertran penduz. » Dist Maillefer : « Tés toi, glouton cornuz ! Diex m’aidera, qui maint es ciex lasusz. » La loke entoise qu’a Butor ne dist plusz. Ja fust le chaple de ces .II. maintenuz, Mes tant y a d’uns et d’autres venuz Que la bataille d’euls .II. ne dura plusz. [fol. 79 r. b.] La nuit repaire et le jour est faluz. Roy Maillefer et Bertran le cremuz Leur genz asemblent, et joenes et chenuz :
Au matin ierent .XXV. ou plus, 4640
Or ne sont mie .XII. mile a escuz : El champ en lesse .L. mil perduz.
[CLXXIX] Roy Maillefer a la chiere hardie Vers Loquiferne retourne sa mesnie ;
4644
En la porte entre de vieille ançoiseurie. Quant voit qu’il a si poi de compaignie,
Lors se demente et fet chiere marrie. Dist Maillefer : « Bone chevalerie, Or estes vous occis par ma folie ! 4648
395
A ! Loquiferne, Damedieu te maudie ! Por toi defendre pert maint home la vie ! » Quant Bertran voit le roy qui se gramie, Moult le conforte et doucement li prie :
ENFANCES
396
4652
RENIER
« Maillefer, roy, ne vous esmaiez mie :
Ceste cité est forte et bien garnie, Ja par paien n’iert prise ne saisie Se par famine n’issons en leur baillie. [CLXXX]
4656
4660
Maillefer, sire, ce dist li quens Bertrans,
Poi avons genz contre ces mescreans. Mandons secours en la terre des Frans Par Piecolet, qui set moult bien roumans ; De Morimont, ou Gyrart est manans, Mandez que viegne tout li arrierebans. » Dist Maillefer : « Bertran, moult es sachans,
De vos consaus n’iere ja repentans.
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A mienuit, aprés les cos chantans,
lert a ce port atourné .I. chalans ; Enz enterra Piecolet si errans Ja n’iert grevé de Turs ne de Perssans. » Dist Piecolet : « G’en sui tout desirans, De vous aidier n’iere ge ja faignans. »
[CLXXXI] Un petitet vous lesserai ester De Maillefer, si vous voudrai conter Du roy Butor, cui Diex puist mal doner. As trés repairent Sarrazins et Escler ; Butor se fist errament desarmer. Si qu’il devoit asseoir a souper, Vint .. message najant par mi la mer, Dusques au port ne se veut arrester : De la nef ist le cuvert bacheler, [fol. 79 v. a.] Paiens li vienent devant a l’encontrer,
4680
Si li demandent quel part il veult aler.
ENFANCES RENIER
4684
Dist Quapalu : « Seigneurs, je veul parler Au roy Butor et nouveles conter. » Adont l’enclinent Sarrazins et Escler. Au roy Butor font Kapalu mener Et cil conmence sa reson a conter : « Mahom, dist il, qui tout puet gouverner, Cil vous gart, sire, et veulle honor doner !
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4696
Saluz vous mande, quar moult vous doit amer, Le roy Corbon d’outre la Rouge Mer ; Trente mil homes vous vient ci presenter, Ja les verrez en ce port arriver. » Quant Butor oit du roy Corbon parler, Moult ot grant joie, si fist par l’ost crier Que touz se voisent fervestir et armer : Contre Corbon les escouvient aler. La oïst on corz et grelles sonner Et ces paiens grant noise demener,
Turs et Perssanz et Beduïns huer.
[CLXXXII] Le roy Corbon est a rrive venus 4700
A .XXX.M de paiens malostrus ; N’i ot celui qui tout ne soit velus,
Uslent et braient et demainent granz hus. Encontr’euls vint roy Butor le cornus.
4704
Quant voit Corbon, si li rendi salus,
Andeuls ses braz li a au col pendus : « Amis, dist il, vous soiez bienvenus !
4708
A vous me plaing quar vous estes mes drus : De Loquiferne ai le palés perdus, Ier toute jour fu le chaple tenus Jusques au vespre que n’i veïons plus. En la vile est Maïllefer embatus,
397
ENFANCES
398
4712
4716
4720
RENIER
Ilet Bertran, si en sui irascus : Tout le païs leur est pieça rendus. »
[CLXXXIIT] Corbon fu fel et de mal escïent. Au roy Butor a dit moult fierement : « Sire, dist il, ne vous doutez noient ! Demain matin, ge le sai vraiement, Prendrai la vile entre moi et ma gent. Se Maillefer ne s’en fuit quoiement, Mort ycrt ou pris, ja n’en avra garant. » Cele nuitie sont Sarrazins joiant,
4724
4728
Cierges, lanternes vont par tout alumant. [fol. 79 v. b.] En Loquiferne sont nos genz moult dolant Quar moult redoutent cele gent mescreant. El mestre estage de la tour plus manant Fu Maillefer au courage vaillant. Piecolet huche, si li va demandant Se il cognoist ce Sarrazin tyrant Qui orendroit vint au port] arrivant.
Dist Piecolet : « Je nel connois noiant. » Mienuit passe et les cos vont chantant,
4732
Et Piecolet va congié demandant. Dist Maillefer : « Va, a Dieu te conmant, Qui de la Virge nasqui en Bethleant.
Piecolet, frere, por Dieu le tout puissant, 4736
A Morimont irez secroiement ;
4720. yert est écrit dans la marge de gauche ; à l'intérieur du vers, une croix signale l'emplacement du mot manquant. 4729. por, corr. C.
ENFANCES
RENIER
Dites Gyrart, le chevalier vaillant,
4740
4744
Qu'il me sequeure quar mestier en ai grant ; Et si li dites, pour Dieu, que ge li mant Que savoir face mon damage pesant En douce France, la contree avenant, Au vaillant roy Loeÿs le ferrant Quar enclos m’ont ceenz .IL. rois puissant
Et .Il.©.M. Sarrazin et Perssant.
4748
Or me sequeure se il m’aime noiant Quar de Guillaume n’avrai ge nul garant. Mort cst le conte, par le micn cscïcent ; Puis que fu morte Guibourc o le cors gent, Que li franc quens s’en ala quoiement Sanz congié prendre a ami n’a parent, Onc puis n’oïsmes de lui parler noient.
4752
Piecolet, frere, dist Maillefer le ber,
4756
Por Dieu vous proi, qui se lessa pener En sainte crois pour sa gent rachater, Que vous veulliez cest message haster ; En France iroiz a Loeÿs parler
[CLXXXIV]
Qu'il me sequeure, por Dieu li veull rouver,
En Loquiferne, ou m’ont assis Escler. Et si li dites tout le voir sanz fauxer :
4760
Morte est Guibourc, que tant souloit amer,
Ne de Guillaume ne set nus que pensser ;
4764
4762.
Bien a .V[II]. anz c’om n’en oÿ parler. Quant il ot fet sa moillier enterrer, Une vespree, por lui miex esconsser,
.V. anz.
399
400
4768
ENFANCES
S’en ala il sanz congié demander ; Onc puis ce jour n’en oÿmes parler. [fol. 80 r. a.] Et a mon pere vous covenrra aler Se le poez enquore vif trouver Pour quoi il puisse ses garnemens porter. Tres bien li dites, ce vous veull conmander,
Qu’il me secoure, ne me lesse afoler
4772
4776
En Loquiferne, ou m’ont assis Escler,
Ou autrement n’en puis vif eschaper ; Se n’ai secours, bien leur porrez conter, Ja mes a jour n’en pourrai retourner. » Piecolet dist : « Bien leur savrai diter, Tout le message en françois deviser. »
4780
Congié demande, ne volt plus demourer. Dist Maillefer : « Diex te veulle honorer, Qui te desfende de mort et d’afoler ! »
4784
Miex li venist qu’il fust naiez en mer Qu'il l’en lessast sifaitement aler Car 1l vendi roy Maillefer le ber Au roy Butor, Diex le puist graventer !
4788
[CLXXXV] Piequolet est de Maillefer partiz. Quant vint as chans, a pourpenser s’est pris Qu'il s’en ira envers les Arrabis ; A soi meïsmes dist le glout maleïs Que Diex ne vault vaillissant .I. chastris Quar il voit bien, le glout Dieu anemis, Que Mallefer sera au desouz mis.
4792
RENIER
Droit vers les tentes as paiens est vertis, Des escharguetes fu maintenant choisis. Vers lui s’en vont, si l’ont a reson mis : Et le glouton ne fu mie esbahis,
ENFANCES
4796
4800
RENIER
401
Ainz leur respont le lerre com seultis : « Seigneurs, je sui Piecolet le petis, Des François sui eschapez et partis ; Ne vaut leur Dieu le pris d’un oef pourris ! Au roy Butor iert leur couvine dis : Bien sai conment Maillefer sera pris. » Paiens l’entendent, moult s’en sont esjoïs. [CLXXXVI] Au roy Butor fu Piequolet menez ;
4804
Mouit i avoit Si li font dire De Maillefer, Et de Bertran,
4808
Dist Piecolet : « Par moi bien le savrez : Tres bien cuiderent, quant je fui d’euls sevrez, Que je m’en fusse en douce France alez [fol. 80 r. b.] Et par moi fust leur secours amenez,
4812
de paicns ascmblez, conment iert eschapez qui tant iert redoutez, qui tant les a grevez.
Mes fol s’i fie, ja n’iert par moi tenssez ! Ainz ferai tant, se croire me voulez,
Que Maillefer et Bertran bien prendrez. » Et dist Butor : « Dont avriez mes grez. »
[CLXXX VII] 4816
4820
Dist Piecolet : « Or me lessiez parler,
S’orrez conment vous porrez mieus grever Roy Maillefer et au desouz tourner : Fetes la vile environ bien garder Et assieger, et par terre et par mer, C’on ne leur puist ja vitaille aporter Et qu’il n’i puist nul message passer. S’ainssi le fetes con m’oiez deviser,
4824
Il ne porront lonc termine durer
ENFANCES
402
4828
RENIER
Quar une chose les fet moult aïrer : N’ont pas vitaille a plus d’un mois passer. En la cité les porroiz afenmer Sanz vostre gent empirier ne grever. Prendrez la vile cui qu’il doie peser, Puis si porrez outre la mer passer, Toute la terre ferez a vous cliner ;
4832
4836
En Morimont porrez Gyrart trouver. Petit a gent, ja n’i pourra durer. Ja mes Guillaume ne vous couvient douter : Quant il ot fet sa moullicr enterrer, Une vespree por lui miex esconsser S’en ala il, sanz congié demander ;
4840
4844
Onc puis ce di n’en oÿ nus parler. » Et dist Butor : « Amis, moult estes ber, Piequolet, frere, bon consseill sez donner ! »
Et Maillefer ne reset que pensser ; Toute nuit fet les manouvriers ouvrer Et es tourneles les granz pierres porter Dont il voudra Sarrazins lapider Quar le secours, ou son més dot aler,
Verra a tart por lui reconforter. Le fel traïtre, qu’il y ot fet aler,
4848
4852
L’avoit vendu as paiens sanz douter. .L. petitet vous lesserai ester De Maillefer et de Bertran, son per, Si vous dirons du gentil bacheler, C’est de Renier, que Diex veulle amonter, Et de sa gent, qui moult font a loer, Qui aventures vont querant par la mer. [fol. 80 v. a.] [CLXXX VIII) Renier li enfes a la chiere hardie
ENFANCES
4856
4860
4864
RENIER
Iert en sa nef avoec sa compaignie. La mer tourmente, qui forment les cuirie, De foiz en autre est si leur barge emplie Que poi s’en faut que ele n’est perie. « Diex ! dist Renier, sauvez ma compaignie Et le mien cors, que ne perde la vie Tant que je puisse trouver de ma lignie Ou pere ou mere se il sont mes en vie. » Gyres voit bien que Renier se gramie, Il le conforte et vers lui s’umelie : « Frans damoisiaus, nc vous csmaicz mic Quar, se Dieu plest, qui tout a en baillie,
4868
Tout iert la mer et quoie et apesie. » Renier apele l’estrumant, si li prie : « Mestre, dist il, por Dieu, le filz Marie, Sonmes nous pres de la cité garnie,
4872
De Loquiferne, que j’ai tant couvaitie ? » Gyres li dist : « Par le cors saint Elye, Plus sonmes loinz, ce ne mescreez mie,
4876
4880
Que n’estions .VIIL. jours a, quoi c’on die, Car cis orages a tourné no navie Vers une terre c’on claime Femenie ; Moult durement est no voie esloignie. »
[CLXXXIX] Renier le preuz au courage vaillant Devant lui garde par mi la mer bruiant. Voit une nef venir moult durement,
N'ot que .XX. homes par dedenz le chalant
4856.
liert.
4857.
Lamert tourmente, corr. C.
403
ENFANCES RENIER
404
Et avoec euls menoient .I. enfant ;
4884
Filz iert d’un roy de moult grant esciïent Qui jadis tint Grece tout quitement ; Costentinnoble ot en son cha[se]ment,
Mes il iert mort auques prochainement. 4888
4892
_ 4896
4900
4904
4908
4886.
Et, quant ce vint au soleill esconssant, L'une des nés vint li autre encontrant ;
Renier li enfes parla premierement, Cels qu’il ataint va moult haut escriant : « Seigneurs, qui estes ? nel m’alez pas celant. Se paiens cstes, vous n’irez plus avant, Touz i mourrez a duel et a tourment Et, se vous estes en Jhesu Crist creant, De vous aidier sonmes tuit desirant. » Quant ceuls l’entendent qui venoient siglant, Adont se vont auques asseürant. [fol. 80 v. b.]
[CXC] Cils de la nef ont grant joie meneé Quant il oïrent Renier, qu’a Dieu nonmé. Le mestre d’euls à premerain parlé ; Driues ot non, plain fu de loiauté : « Seigneurs, dist il, s’il vous venoit a gré, Arrestons nous, si soions aancté. Puis que vous estes baptizié et levé, Nous vous dirons volentiers no secré, Tout no couvine conment avons ouvré Quar, se Diex done preudome aions trouvé, Bien sai de voir de nous avra pité. » Et dist Renier : « Vous avez bien parlé. »
chament, corr. C.
ENFANCES
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4916
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RENIER
As mariniers a tantost conmandé Le sigle soit mis jus et avalé Et soit li ancre isnelement gcté ; Et cil le font tres qu’il l’ot conmandé. Cils du chalant sont aussi arresté, A la grant nef ont leur bort acosté. L'enfant ont pris, qui iert de joene aé, Avoec Renier en sont touz .XX. entré. A sa noblesce se sont bien avisé Que c’iert le sire, touz sont a lui cliné. Courtoisement l’a Driues salué :
« Cil Damedieu, qui maint en majesté, Sault et guerisse ce barnage sené,
4924
Sus touz les autres leur seigneur naturé ! » Et dist Renier : « Diex vous croisse bonté ! Amis, biau frere, moult avez bien parlé. Or nous contez, se il vous vient a gré,
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De quel terre estes et de quel parenté. — Sire, dist Driues, volentiers et de gré ! De Grece sonmes, le païs honnouré. Cis damoisiaus qu’avons ci amené Filz est le roy, qui son tens a finé ; Richier ot non, moult fu plain de bonté, Diex ait de s’ame et merci et pité. Quant le bon roy ot tant le mal porté Que il sot bien que mes n’avroit santé, L. filz avoit de soignant engendré, Il le manda quant se vit adoulé, Si li proia, por Dieu de Trinité, Que il gardast la terre et le regné
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ENFANCES
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Tant que son frere est [en] aé nonmé C’om l’eüst fet chevalier adoubé, [fol. 81 r. a.] Puis li rendist em pes tout l’erité. Quant le traïtre li ot sus sainz juré Qu’il garderoit l’enfant en feaulté, Le roy mourut a la Dieu volenté. Et le traïtre, qui mal ot en penssé,
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Tant departi avoir et richeté Touz li haut home sont a lui acordé : Couronné l’ont en chaere et levé. Une journee me manda a privé ; En une chambre me dist tout a celé Se j'ocioie mon seigneur qu’oi gardé, Ce damoisel que j’ai ci amené, Por ce qu’il est loiax hoir d’espousé, Qu'il me feroit seigneur d’une cité. Se refusoie ce qu’il m’avoit rouvé, Il m’ociroit a .I. brant aceré. Quant ce oÿ, s’oi le cuer moult iré, Je redoutai le traïtre prouvé : Occis m'’eüst a duel et a vilté Se ge n’eüsse otroié tout son gré. Fiançai lui et jurai par verté Que j’ociroie le mien droit avoé Dedenz tierz jour, ainssi fu pourparlé, Ou dedenz .ITIT., ainz qu’il fussent passé. [CXCI] Li enfes, sire, dist Driues en plorant,
4968
4941.
RENIER
Quant oy juré et fet le serement
&st (= enst), corr. C.
ENFANCES RENIER
4972
407
Que l’occiroie sanz nul esclandrement, Lors m’alai ge jour et nuit porpenssant En quel maniere l’iroie guerissant Et lui [et] moi de la mort respitant. En la mer fis atourner cest chalant, Mon droit seigneur i fis entrer devant Et ces barons, ou moult m’alai fiant.
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Quant esquipé fumes en mer bruiant, Dont leur contai trestout le couvenant ; Il sont preudome, s’en orent joie grant. Or si alons aucun seigneur querant Qui retenist avoec lui cest enfant Et nous fussons soudoier conquerant Et servirons volentiers loiaument,
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Et a nos armes irïons gaaignant Ce que nos sires iroit lors despendant Tant que il fust en aage plus grant. »
[CXCII] Courtois fu Driues et sagement parla. Renier apele et moult bel l’arresna : 4988
4992
4996
4972.
[fol. 81 r. b.]
« Damoisiax, sire, entendez a nous ça : Se il vous plest, no sire remaindra,
En vo service chescun de nous sera TT. anz ou .ITIT., ou tant que bon sera. L'enfant est joene, se Dieu plest, si croistra, Au quinzisme an ses garnemens prendra Et bons amis, se Dieu plest, conquerra Par cui sa terre enquor quite ravra, Ses anemis au dedesouz metra. »
Et lui moi, corr. C.
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ENFANCES
[CX CII] Renier le preuz a Driuon apelé : « Amis, dist il, en vous a moult bonté ! Tout por le bien et pour la loiauté Que vous me dites que vous avez porté A vo seigneur, qu’avez de mort tenssé, Se voulez estre mi compaignon privé Et Diex me donne et force et poesté, Aïderai vous de cuer sanz fauxeté Tant que ravrez vo terre et vo regné.
Sire, dist Driues, .V.© merciz de Dé ! » 5008
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Adont se sont fiancié et juré Ne se faudront ja mes en leur aé. Enssemble furent moult grant terme nonmé Ces .II. enfanz dont ge vous ai parlé. De ceuls issirent Buevon et Tangeré, Qui en l’ost furent Godefroi le membré Quant il conquist le Temple dominé Et [le] Sepulcre au Roy de majesté, Ou le sien cors fu couchié et posé.
[CXCIV] Renier le preuz a la chiere membree Retint l’enfant par bone destinee ; C’iert Bauduïn de Gresce la loee. La mer tormente, ce moult leur desagree,
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Miedi passa et la nue est crevee. Le vent cessa, la tormente est passee, Le soleill luist, la chaleur est levee,
Cler fist et bel, l’eure fu atempree.
5014.
Et sepulcre, corr. C.
RENIER
ENFANCES
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RENIER
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Il n’orent pas alé une lieuee Quant Renier voit enz en la mer salee Une galye et devant lui visee. Gyres apele, si li dist sa penssee :
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« Mestre, dist il, s’il vous plest et agree,
Fetes no nef soit .I. poi arrestee. Ci devant nous voi venir aprestee
[fol. 81 v. a.]
Une galye, ce m'est vis, acesmee. »
5032
[CXCV] Renier parla conme gentil ct ber : « Mestre, dist il, fetes no nef tourner
5036
5040
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Vers la galye que je voi randoner. Je leur voudrai enquerre et demander S'il nous saroïent aventure conter Que Diex de gloire me laist en lieu tourner
Ou ge peüsse mon pere retrouver Et de ma mere verité escouter ! » Gyres li dist : « Je nel quier refuser. » Va ses aprestes vistement arreer, Vers la galie a fet la nef tourner. Quant il sont pres, si prennent a crier ; Premier parla Renier le bacheler : « Seigneurs, dist il, que ci [voi] trespasser, Parlez a nous, ne vous estuet douter Que nous veullons ne tolir ne rober,
5048
5045.
Aïnz vous voulons nouveles demander. » Quant Murgalet oÿ Renier parler, A sa parole le prist a raviser ; S’il ot grant joie, ne fet a demander :
ci trespasser, corr. C.
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ENFANCES
RENIER
« Renier, dist il, fetes vo nef cesser :
Grant talent ai que puisse a vous parler D'une besoigne dont bien devez pensser. Escuier sui Ydoine o le vis cler,
5056
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Qui vostre cors fist nourrir et garder. Or a besoig que la viegnez tensser Quar .I. jaiant, cui Diex puist mal doner, La veult par force prendre et [o] li mener Et si la veult a moullier espouser, Mes la pucele ne s’i veult acorder. »
[CXCVI] Dist Murgalet : « Renier, biau douz amis, Roy Brunamon, li amirant perssis,
5064
Cil qui est pere Ydoine o le cler vis, Est de Venice tres l’autre jour partis,
En mer entra .Il. mois a acomplis ; Le roy Butor le manda par escris,
5068
O lui en maine .XXX." fervestis. En Loquiferne est Maillefer assis : S’il n’a secours, pris iert et mal baïllis. Damoisiax, sire, dist li més bien apris,
5072
Quant Brunamon fu du païs partis, Dont l’oÿ dire Corssoult li Arrabbis, Ses genz manda li cuvert maleïs.
5076
5059.
[fol. 81 v. b.]
Bien cuide avoir Ydoine a son avis Et la pucele vous regrete touz dis ; Sel n’a secours ainz .II. mois acomplis, Le fel jaiant en fera ses delis. » Et dist Renier : « Si m’aït Jhesu Cris !
préndre (= prenndre) et li mener, corr. C.
ENFANCES
5080
5084
5088
RENIER
Couart seroie et mauvés et faillis Se le jaiant n’iert de moi envaïs : Par la pucele fui ge souef nourris Et touz les biens que je sai m’a apris, Por li doit estre mon cors a bandon mis, Tensser la doi envers ses anemis. Enquore soit li mien poair petis, Ne li faudrai tant con ge serai vis. »
[CXCVII] Moult fu Renier sages et apcnssez, Not que .XIIL. ans li damoisiax membrez. « Diex, [dist] li enfes, qui en crois fus penez,
5092
Sainte Marie, et quar me secourez ! En couvent oy la duchesse au vis cler A Morimont, quant vint au dessevrer,
5096
Que je devoie a Loquiferne aler Pour Maillefer et secourre et tensser. Or voi ge bien qu’il m’estuet parjurer Quar je doi miex a la pucele aler Por li secourre et de perill oster. Ele me fist nourrir et alever,
5100
Si la doi miex aidier a conforter C’un estrange, solonc le mien pensser ;
5104
5090. 5101.
Et d’autre part me devra moult peser Se paiens font Maillefer vergonder Ne s’il le font ocire n’afoler Quar onc nul jour n’oÿ d’ome parler Que tant peüsse en loiauté amer
Diex li enfes, corr. C. soronc, corr. C.
411
412
5108
ENFANCES
RENIER
Con ge fez lui se ge peüsse aler. » Renier parla li gentil et li ber, Gyre, son mestre, em prist a apeler : « Fetes noz nés isnelement tourner ! Droit en Venice nous [en] couvient aler,
5112
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La bele Ydoine veull secourre et tensser. A tel besoig ne li doi pas fauxer. » Gyres respont : « Bien m’i veull acorder. »
[CXCVIII] Renier fu sage et moult fist a prisier. Gyre, son mestre, proia moult de quoitier Et jure Dieu, le Pere droiturier, Que, s’il puet vaincre le jaiant avressier Et de Venice le puisse hors chacier,
5120
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[fol. 82 r. a.]
Ceuls du païs fera touz baptizier Et Brunamont n’i avra recouvrier ; Sa fille avra a per et a moullier. Puis dist aprés : « Or ai dit que berchier ! Ja Diex ne place, qui se lessa drecier En sainte crois et son cors traveillier,
5128
5132
5111.
Que j'aie fame por moi a soulacier Tres que ge sache la verité noncier Qui est mon pere, dont j’ai grant desirier, Et qui ma mere, Diex m’en veulle avancier, Que trover puisse qui m’en sache noncier Chose dont puisse mon cuer esliescier. »
[CXCIX] Renier li enfes fu sage durement :
nous couvient, corr. Mt.
ENFANCES
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RENIER
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Murgalet fist entrer en son chalant, Puis li demande trestout secreement De la pucele ou a mis son talent. Et Murgalez li va tout racontant Conment Ydoine regrete son amant. Et dist Renier : « Se Dieu plest le puissant, Secours avra ainz lonc terme passant. Murgalet, frere, or me dites briément, Sonmes nous loinz de Venice la grant ? »
Dist Murgalet : « Je vous di vraiement Dcdenz quinzaine, sc nous avons bon vent, A Rocheglyse serons bien arrivant ; La troverons Ydoine a cors plesant, Enz en la tour l’ont assise Perssant. Corsault li granz, que le cors Diex gravent, .XIIL. piez a de lonc en son estant ;
Le jaiant jure Mahom et Tervagant Se la pucele ne fet tout son conmant,
5152
La vile iert arsse ainz que s’en voist partant, Aprés fera Ydoine honte grant Qu'’a ses garçons ira son cors livrant, Aprés iert arsse en un grant feu ardant. » Renier l’entent, du cuer va souspirant :
5156
Pour la pucele se va forment doutant
5160
As notonniers va doucement proiant Que il se hastent quar besoig en est grant. Et cil respondent : « Nous ferons vo conmant. »
Que trop ne voist en la mer demourant ;
Les sigles haucent, les cordes vont tendant, Le vens s’i fiert, qui les maine bruiant, [fol. 82 r. b.]
5142.
vraièment (= vraienment), corr. C.
ENFANCES RENIER
414
5164
5168
De Loquiferne se vont moult esloignant. Or aït Diex Maillefer le puissant ! N'’avra secours de nul home vivant, S’avra eü paine et encombrier grant Si con orrez s’il est qui le vous chant. JL. petitet vous irons detrïant De la pucele et de Renier l’enfant ;
3172
5176
De Maillefer vous irons conmençant, Qui se desfent vers la gent mescreant. Tant l’apressent li glouton soudïant Qu'il vont sa gent si fort amenisant Que .V.M homes n’ot mes de remenant. Roy Maillefer se va moult dementant
Por son secours, qui tant va demourant.
[CC]
5180
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5188
En Loquiferne iert Maillefer assis : Paiens l’assaillent as murs d’araine bis. « Diex, dist le ber, qui onques ne mentis, Or voi ge bien que j’ai petit d’amis. » Et li cuvert, qui soient maleïs, Tuent ses homes et gastent son païs. Voit le li roy, a poi n’esrage vis Quar tant y a de la gent Antecris Que touz en sont couvert plains et lairris. Cil les confonde qui pardon fist Longis !
[CCI] En Loquiferne iert Maillefer li fiers, Sus as fenestres fu li ber apoiés ; Lez lui estoit Bertran li tymoniers. Dist Maillefer : « Vrai Pere droituriers, Confortez moi qu’or en ai granz mestiers ;
ENFANCES RENIER
5192
Secours de France, trop estes atargiés ! Bien croi et pensse Piecolet est naïés : Se il fust vif, il fust ça reperiez. » Diex, qu’or ne set Maillefer li guerriers
5196
Que Piequolet, le traïtre murdriers,
415
Soit vers paiens arriere reperiés !
[CCII] Roy Maillefer ot le cuer moult marri : Voit son barnage navré et mal baïlli,
5200
Poi ont vitaille, s’en sont moult assoupli. .L jour s’apensse Maillefer tout par li Qu’il mandera a Butor l’Arrabi S’il veut bataille cors a cors contre lui.
5204
Et dist Bertran : « Sire, por Dieu merci, C’iert grant folie se le faites ainssi,
Je me dout moult que ne soions traÿ. » [fol. 82 v. a.]
5208
[CCI] Dist Maillefer : « Si m’aït Jhesu Cris ! Ainssi iert fet puis que ge l’ai empris. » A ces paroles a hors bouté son vis Et voit venir roy Butor ademis, Qui li escrie : « Maillefer, rent toi pris,
S217
5216
Si croy Mahon, qui est dieu poestis, Par toi fu il folement relenquis ! S’ainssi le fais, tu seras mes amis ; Se le refuses, mort es et mal baillis Kar Piecolet, ou tu estoies fis, Est devers nous tornez et revertis. »
Dist Maillefer : « Tés toi, glouz fols naïs ! Piecolet est en France le païs,
5220
Secours avrai ainz .IL. mois acomplis. »
ENFANCES
416
RENIER
Butor l’entent, s’en a geté .L. ris. Piecolet mande par .I. de ses nourris Et cil i vint volentiers, non envis ;
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A Maillefer le moustra l’Arrabis,
Adont sot bien le roy qu’il iert traïs. Dist a Bertran : « Or sui ge mal baillis ! Or voi ge bien que je sui escharnis, N’avrai secours de parens ne d’amis. A ! Florentine, tres bien le me deïs ! Se Diex n’en pensse, qui en la crois fu mis, Nc mc verrés ja mes nc sains ne vis Quar ge sui si de paiens entrepris, Par mer, par terre en y a tant assis Bien sont .C., selonc le mien avis. — Maillefer, sire, dist Bertran li gentis, Confortez vous, por Dieu de Paradis !
Forte est la vile ou vous estes assis, Ja n’iert sesie de Turc ne de Perssis. Anqui au vespre, quant jour sera fenis, M'en istrai hors armé et fervestis. Se Diex ce done, qui pardon fist Longis, Qu’eschaper puisse des paiens maleïs, En France iert droit mon chemin acueillis : Secours querrai au bon roy Loeÿs. » Dist Maillefer : « Bertran, biau douz amis, Vous n’irez mie, foy que doi saint Denis, Kar ge sai bien vous seriez occis. » [CCIV]
5248
Dist Maillefer : « Bertran, or m’entendez :
Au roy Butor, qui tant est redoutez, Prendrai bataille se vous le me loez Et, s’il vous plest, la cité garderez
[fol. 82 v. b.]
ENFANCES RENIER
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Quar ge sai bien et si est veritez Se roy Butor estoit a fin alez, Le remenant seroit si esfreez Qu'il s’en fuiroient en barges et en nesz. » Et dist Bertran : « Bien croi que c’est vertez. » Roy Maillefer est as creniax montez Et voit paiens, qui vienent as fossez : Por assaillir iert chescun aprestez.
[CCV] Roy Maillefcr a Butor apclé : « Paien, dist il, or oiez mon penssé : Se tant avez vasselage et fierté Que vous osez combatre en champ armé
5264
Encontre moi cors a cors en ce pré,
Par .[. couvent que vous avrai conté : Se vous me fetes recreant et maté, L’en vous rendra Loquiferne-a vo gré 5268
Que ja François n’i sera demouré,
N'i clameront .I. denier monneé. Et, se no Dieu a tant de poesté
5272
5276
Que ge vous aie enz el champ conquesté, Vous en irez arriere en vo regné Et en couvent m’avrez en loiauté Que ne serons ja mes par vous grevé. » Et dist Butor : « Moult avez bien parlé ! Ainssi le veull com l’avez devisé. » Dist Maillefer : « G’en veull la seürté De touz vos homes qu’avez en poesté Que ne serai fors de vo cors grevé. »
5253. afui alez.
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ENFANCES RENIER
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Dist le paien : « Vous avez fol penssé ! Ne le feroie por l’or d’une cité. » Lieve son doit, a sa dent l’a hurté : Ce senefie creance et seürté. Dist roy Butor : « Par Mahomet, mon dé, Armer me vois a los de mon barné. Hui iert le champ, n’i ai respit doné. »
Maillefer dist : « Il me vient bien a gré. » Lors se departent qu’il n’i ot plus parlé, Le roy Butor est venu a son tré. Es .I. message poignant tout abricvé, Devant le roy descent en mi le pré, De Mahomet l’a tantost salué : « Sire, dist il, soiez asseüré : Roy Brunamon, qui tant a de fierté,
[fol. 83 r. a.] Vous vient secourre vers la crestienté ; Trente mil homes, qui tuit sont si chasé,
Vous fet venir, ja seront arrivé.
5300
5304
Moult a mes sires le sien cuer aïré Del roy Tibaut, qui son temps a finé. » Quant Butor l’ot, grant joie en a mené, Lui et Corbon sont a l’encontre alé. De sa nef ist Brunamon l’amiré, La oïst l’en maint cor d’arain sonné. Le roy Butor l’a mené a son tré ; De la bataille li a tout devisé
Conment 1l doit combatre en champ malé.
5308
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Dist Brunamon : « Moult avez bien ouvré ! Ja Maillefer n’avera poesté Encontre vous, moult tost l’avrés maté. » A ces paroles a Butor conmandé
Si garnement soient tost apresté Et il si furent tres qu’il l’ot demandé.
ENFANCES RENIER
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Et le paien a son cors adoubé : .L. auketon a en son dos geté Et par desus .I. blanc hauberc safré ; Le cors en iert a fin or tregeté. D'un cuir de Gadres a son chief aflubé Et par desus d’un saffre envelopé Que fees orent par tel endroit ouvré Se preudom l’a, qui croie Damedé, Ja pour cop d’armes ne sera despané. Desus le saffre a un chapel fremé, Dec fin acicr sont li quartier ouvré ; Sus le chapel .I. vert hiaume gemé, A .XXX. laz l’a Brunamon fremé Et roy Butor l’en a moult mercié. Un baudrel ceint a crochez d’or broudé, .IL brans d’acier pendi a son costé, .L. javelot et .I. dart empenné, Et .L. grant maill de coivre y a troussé ; Son flaiel prist, es le vous adoubé. Une erbe avoit de si grant dignité Qu'il n’est nus hons tant ait le cors navré S’il a de l’erbe .I. petitet usé,
Tantost revient en force et en santé. 5336
Quant Butor ot son cors bien acesmé, Des trés issi, s’a congié demandé ; O lui n’en maine paien ne amiré. [fol. 83 r. b.]
5340
Iluec atent Maïillefer le douté, Qui vers lui doit deresnier s’erité.
En l’ysle entra quar moult ot grant fierté ;
En Loquiferne sont noz genz effreé ; Del moustier ont Maillefer ramené,
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En mi la sale ont un tapis geté, La ont assis leur seigneur naturé.
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ENFANCES
Chauce une chauches blanches con flor de pré ; Deseure furent li esperon fremé. ... auqueton a le roy endossé Et par desus .I. blanc hauberc saffré. En son chief lace .I. vert yaume cerclé ; Pierres y ot de si grant digneté Hom qui l’avra entour son chief fermé Ne puet avoir le cors envenimé Ne par cop d’armes ne puet estre afolé. Ceinst une espee, qui fu de grant bonté, Puis prist sa lokc, ou li clo sont doré ; Maint cop en ot as Sarrazins doné.
[CCVI] Roy Maillefer fu moult gentil et ber : Qui li veïst sa loke as poinz coubrer,
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RENIER
Mouit le deüst cremir et honnourer ; Ne volt plus d’armes fors s’espee porter. Bertran li fist la porte desfermer ; A Dieu proia qu’il l’en lest retourner Et le paien puist conquerre et mater. Tout droit en l’ysle font Maillefer mener, De Dieu se seingne quant vint au dessevrer. Li quens Bertran a fet sa gent armer ; S’il voit paiens de noiïent meserrer Por Maillefer empirier ne grever, Il le vourra a son pooir tensser. [CCVII] En l’ysle entra Maillefer le guerrier ; Le roy Butor li vint a l’encontrier, A haute voiz li conmence a huchier : « Maillefer, niés, moult fetes a proisier,
ENFANCES
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5384
RENIER
Mes d’une chose me puis moult merveillier, Conment osas Mahomet renoier. Se tu ne veulz ta folie lessier Et a noz Diex viegnes merci proier, Devant Mahom t’estuet agenoullier ; S’ainssi nel fez, tu le comperras chier ! » Dist Maillefer : « Diex me puet bien aïdier ! Je vous deffie du Pere droiturier. » [fol. 83 v. a.] Et dist Butor : « Et je miex ne requier. » Lors s’entrefierent sanz plus de l’espernier .XX. cops de route quar fort sont et legier.
[CCVII] Grant fu l’estour et la bataille fiere. Roy Butor fu de diversse maniere : 5388
5392
Le flaiel tint, qui n’iert mie d’osiere,
Fiert Maillefer et devant et derriere. « Diex ! dist Bertran, vrai Pere justiciere, Donez puissance, et oiez ma proiere, Roy Maillefer a la hardie chiere Que ne l’ocie ce paien losengiere. »
[CCIX]
5396
Roy Maillefer durement s’aïra Quant voit Butor, qui si le formena ; Lors jure Dieu, qui le mont estora, Ja couardise por mourir ne fera. La loke entoise, qui durement pesa, Et fiert Butor, moult tres bien l’assena,
5400
Par mi la teste le grant cop avala Que le chapel d’acier li descercla. Le cop fu ruiste, le paien estonna,
Par .I. petit qu’a terre ne verssa ;
421
ENFAN CES RENIER
422
5404
Par nez, par bouche le sanc li degouta. Dist Maillefer : « Trouvé vous ai deça ! Quant m’estordrez, s’autre de vous n’1 a,
5408
De Loquiferne talent ne vous prendra. » Quant Butor ot que cil le ramposna, De duel et d’ire le cors li tressüa,
5412
Le flaiel lieve et si s’esvertua ; S’il ne s’en venge, petit se prisera. Vers Maillefer moult ruiste cop geta, Le ber guenchi, .I. poi se recula Et nonporquant si forment l’assena Par mi le chief que le hiaume quassa.
5416
D'un des genouz Maillefer s’enclina,
5420
Mes i saut sus, gueres n’i demoura ; Honte et vergoigne sa force li doubla, De bon courage Damedieu reclama Qu'il le sequeure si com besoig en a.
5424
[CCX] Maillefer voit roy Butor le tyrant, Qui moult li fet et ennuy et tourment ; Diex reclama, le Pere tout poissant, Qu'il li doint force contre le mescreant. D'un tour s’apensse Maillefer maintenant Que li aprist Renoart au perchant, [fol. 83 v. b.] Le sien chier pere, qui moult ot hardement.
5428
5432
La loque entoise qui poise durement, Fiert le paien .I. cop iriiement ; A tour françois le va si assenant Sur le braz destre vint le cop descendant Que le flaiel li va des poinz issant. Dist Maillefer : « Deça vous vois tastant ! Quant m’estordrez, par le mien escïant,
ENFANCES
5436
5440
RENIER
De Loquiferne ne tendrez ja plain gant. » Et dist Butor : « Trop vous alez hastant Pour mon flaiel, que ge voi la gesant ; Maugré vos deuz le ravrai maintenant ! » Adont s’eslesse par le pré .I. arpent, Plus tost raqueurt que foudre qui descent, En mi le piz va Maillefer hurtant Qu'il Li desmaille le hauberc jazarant,
Fee
5448
Mes l’auqueton n’empira de noiïant Ne en la char ne le greva d’un gant. Pour le grant cop va le roy chancelant, Par poi qu’a terre ne l’ala enverssant. Endementiers qu’il se va ramenant, Prist le paien son grant flael pesant. Voit le Bertran, moult se va esmaiant,
Une proiere conmença moult vaillant :
5452
« Diex, dist il, Pere qui formas Moÿsant, Adan et Eve feïs premierement ;
D’euls .IL. issirent mainte gent bienfesant Fors seul Caÿn, cil ne valut noiant : Son frere Abel murdri vilainement.
5456
Par cele chose, si com l’en va disant,
5460
Vint le deable a Adan semonnant : Souventes fois li ala leçonnant Le fruit menjast, qui ne valoit noiant, Que Jhesu Crist li ala defendant ; Mes il n’en pot finer ne tant ne quant Quant par Evain l’ala tost engignant, Dont fure[n]t tuit dampné, petit et grant.
5464
Pitié vous prist, vrai Dieu, de leur tourment,
5463.
furet, corr. C.
423
ENFANCES
424
RENIER
Dont vous venistes en la Virge esconssant, Si vous porta .IX. mois entierement, De li nasquistes, vrai Dieu, en Belleent.
5468
5472
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La vous requistrent les .IIL. rois vraiement. Trente .IL. anz, s’Escripture ne ment, Ala[s] par terre au pueple preeschant. [fol. 84 r. a.] Judas le fel vous vendi certement As feuls Juïs, qui en furent joiant, Dont vous lessastes saisir a vo conmant ; En crois vous mistrent ledement li tyrant. Pour vos amis soufristes grief tourment Qui en Enfer estoient moult dolent ;
Racheté furent de vo beneoït sanc. Si com c’est voir, vrai Diex omnipotent,
5480
5484
Gardez de mort Maillefer le puissant Qu’il puist conquerre le paien soudïant Et revenir ceenz a sauvement Que, se il muert entre genz mescreant, Crestienté seroit mise a tourment, N'i sai mes homes qui l’alast defendant. »
[CCXI] Quant Bertran ot s’ouroison definee
Et Maillefer fu a pié en la pree, Il voit Butor, qui maine grant posnee :
5488
Le flaiel lieve, dont la mace iert quarree,
5492
Et Maillefer a sa loke entesee : Li .L. fiert l’autre par moult grant aïree. Tant se combatent andoi de randonnee Que la moitié du jour fu trespassee,
5470.
Ala, corr. L et Mt.
ENFANCES
5496
RENIER
425
Dont est la force au roy Butor doublee : Aüinssi li iert sa vertu destinee. Del flaiel fiert par vertu ravivee : A Maillefer en a tele donnee Par mi son hiaume, dont la cercle iert doree,
5500
Qu’en .II. le ront, n’i pot avoir duree. Maillefer ot si la teste estonnee Que par .L. poi ne fist une adentee. L’eure se passe, adont li est outree Cele grant force qu’il avoit recouvree.
5504
[CCXII] Roy Maillefer fu forment esmaiez Del cop qui l’ot estonné et bleciez ; Lors jure Dieu, qui en croiz fu dreciez, Miex veut mourir qu’il ne s’en soit vengiez. La loke entoise aussi com esragiez ;
5508
Voit le Butor, .I. poi s’est esloigniez Quar le grant cop a forment resoignicz ; Par ce qu’il sent qu’il est afleboïiez, Arrier se trait, ne s’en est atargiez,
5512
Estre vousist a sa gent reperiez.
[CCXIII] Quant Maillefer voit Butor l’avressier,
5516
[fol. 84 r. b.]
Aprés lui queurt a guise de guerrier, Par mi la teste li va tel cop paier Le cuir de Gadres a fet rompre et percier,
Et le chapel et le hiaume d’acier ; Une des cornes li fist par mi brisier. Le paien brait conm’un ours en ramier ;
5516.
cuier ; le e est exponctué.
426
5520
5524
ENFANCES RENIER
Pas ne chaï, mes ne se pot aidier. Ja l’eüst mort Maillefer le princier Quant i sourvint Corbon le losengier. Sa gent le suit, plus sont de .XX. millier. Le roy Corbon conmença a criier A Maillefer : « Ce ne vaut .I. denier ! Mes ne porroiz arriere reperier En Loquiferne, dont haut sont li clochier.
5528
5532
5536
Je doi la terre tenir et justicier, Droit hoir en sui, n’i sai autre heritier : Filz sui Morgain et Renoart le fier, En faerie m’engendra le guerrier. Or est le terme que je vien chalengier Toute la terre qu’il me lessa l’autr’ier. » Maillefer l’ot, si se prist a seignier. A Corbon dist : « Diex te doint encombrier ! Onques mon pere, Renoart au vis fier, Not, se Dieu plest, si hideus heritier ! »
[CCXIV] Quant Maillefer oÿ Corbon parler, Qui iert son frere, prist soi a esfreer :
5540
5544
5542. 5544.
Tant le voit layt qu’il ne sot que pensser. Or vous voudrai ici endroit conter De la feture Corbon, qu’oiez nonmer : La teste ot grosse assez plus d’un sengler, Les yex ot rouges, moult iert let bacheler. De lui veoir se peüst esfreer Home couart se il l’oïst parler
monmer, corr. C. iert let let bacheler, corr. C.
ENFANCES
5548
RENIER
427
Et sa ledesce preïst a resgarder ; Et tant iert fort que moult fist a douter.
[CCXV] Corbon fu fel et ledement fourmez : Jambes ot longues et les piez bestournez, Les doiz crochus et les braz mal quarrez,
5552
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5560
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Ongles trenchanz plus que singe ramez Et s’iert plus noir qu’arrement destrempez. Une maçue portoit le desfaez, Ne la menrroit .I. cheval atelez. Vers Maillefer vint li glouz entesez,
[fol. 84 v. a.]
Ja l’eüst mort quant il s’est avisez Vif le prendra, si avra plus grietez. Sa gent escrie : « Seignors, tost le prenez ! Si le ferons languir tout a nos grez. » Adont l’assaillent Sarrazins a touz lez, Cels qui les ongles avoient afilez ; Et Maillefer se desfent moult irez, De la grant loque fiert sus les desfaez, Plus de .L. en a morz et tuez,
Mes ne li vaut .II. deniers monneez Quar Turc l’aerdent environ de touz lez :
5568
5572
L’auberc li rompent dont il estoit armez, En .XXX. liex fu enz el cors navrez. De la douleur chaÿ le roy pasmez : N'’iert pas merveille, trop ot esté grevez ! Corbon le fel est cele part alez ; La loke prist, ne s’en est arrestez. Ainz que Bertran fust enz en l’ysle entrez,
5576
Fu Maiïllefer et pris et atrappez ; Paiens li orent andeuls les poinz nouez, Si l’ont destraint des loiens a touz lez
ENFANCES
428
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RENIER
Que par les ongles en est le sanc volez. Moult se demente Maillefer li membrez : « Hé las, dist il, com sui maleürez ! A ! Florentine ! quant cest meschief savrez, Bien croi, amie, que vous de duel mourrez. Sainte Marie, de moi aidier penssez, Or ne sai mes, dont trop sui adoulez, De cui ge soie secouru ne tenssez.
Renier, biau filz, moult sui pour vous troublez : Diex le confonde par qui fustes emblez !
5588
Bien croi mort estes et du siecle finez ; Se vous fussiez en vie demourez, Bien croi de vous fusse ore visitez. »
A ces paroles vint Bertran tout montez
O lui .V.M de François abrievez ; 5592
5596
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5608
Devant les autres fu Bertran tout armez, Lance sus feutre el destrier abrievez.
[CCXVI] A l’assembler oïst l’en corz sonner. Li quens Bertran conmença a crier : « Cuvert paien, Diex vous puist mal doner ! Traïteur estes, a ce que puis prouver : Moult chierement le ferons comperer. » [fol. 84 v. b.] A ces paroles conmencent a huer, Les chevaus brochent, as paiens vont jouster ; Chescun en fet .I. mourir et versser, Mes ne leur vaut quar n’i porent durer : De toutes parz veïst l’en assembler Paiens, Turcouples abaier et juper. Dist Brunamon : « Or penssons de chapler ! Ja ne porront ces Frans a nous durer, La mort Tiebaut leur ferons acheter. »
ENFANCES
RENIER
La veïssiez fier estour aüner,
Mainte ante fraindre et maint escu trouer.
5612
5616
[CCXVII] Par dedenz l’ysle fu grande l’estourmie ; Bien s’i aida Bertran et sa mesnie, Mes ne leur vaut le monte d’une alye Car tant y ot de la gent paienie Qu'il ont no gent si forment mal baillie
JILV en ont mort en la praerie. Bcrtran n’ot mes cnz cn sa compaignic
Que .IL.Ÿ homes dont puist avoir aïe : « Diex, dist Bertran, dame sainte Marie,
5620
Or voi ge bien que courte est nostre vie. Maillefer, sire, con dure departie !
Or vous en mainent la gent que Diex maudie.
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Crestienté, moult estes abessie ! Morte est Guibourc, qui tant fu seignorie, Qui bon consseill donnoit a no lignie, Ne de Guillaume ne set nus s’est en vie ; Alez s’en est en une desertie,
Bien a .VIL anz n’en fu nouvele oÿe, Mort est, je cuit, quant il ne revient mie.
5632
Toute ai perdue a touz jors bone aïe, Mieus veull mourir des or mes qu’estre pie Qui aut volant en estrange partie. De Maillefer ne resai que ge die : Puis qu’il est pris, ceste guerre est fenie. » [CCXVIHI] Moult est Bertran courouciez et marrizs
5636
Por Maillefer, que les paiens ont pris. Sa gent escrie, si les a esbaudis :
429
ENFANCES RENIER
430
5640
« Seigneurs, dist il, por Dieu de Paradis, Recevons mort en l’onneur Jhesu Cris ; Pour nous mourut au jour du venredis, Bien devons estre por lui a bandon mis. » Dient ses homes : « Sire, soiez tout fis [fol. 85 r. a.] Ne vous faudrons tant con nous soions vis. »
[CCXIX]
5644
En Bertran ot moult nobile guerrier ;
Bien voit sa gent ne sont mie lanier, Mes de combatre sont courageus ct ficr ;
5648
Bertran en jure le Pere droiturier Tant se voudra pener et traveillier Pour Maillefer vers paiens deresnier S’il ne le puet et secourre et aidier,
Miex veult mourir qu’arriere reperier.
5652
Aprés ce mot a brochié le destrier,
Puis trait l’espee ou moult se pot fiier, Par mi son hiaume feri le roy Turfier, Tresques es denz li fist couler l’acier.
5656
5660
Puis fiert .I. autre, ne le volt espernier ;
.V. en a morz en mi le sablonnier. Roy Brunamon cuide le sens changier Quant a veü Bertran ainssi aidier. .L cor sonna por sa gent raloier ; La veïssiez Kaneliex abaier, Les Pincenars et les Bougres noisier ; Bertran assaillent et devant et derrier,
5664
Cil se desfent por sa vie aloignier, Il et sa gent en font tant crabacier Le plus hardi nes osoit aprochier.
5668
A sses .IT. poinz tint la loque d’acier
Es vous courant roy Corbon l’avressier ;
ENFANCES
RENIER
Qu'il ot tolue Maillefer le guerrier ; Par mi le hiaume fiert Bertran par derrier Æ. cop si grant, Diex li doint encombrier, 5672
Que du cheval le fist jus trebuchier ; Pasmer couvint le vaillant chevalier,
Turc le sesirent et si l’ont fet loier. Corbon le fel, que Diex veulle plessier, 5676
5680
En une nef fist Bertran envoier ; Li remenanz ne se pot mes aïdier, Touz sont ocis fors li doi prisonnier. Lc roy Butor nc voult pas otroicr C’on occeïst Maillefer le guerrier, Il ne Bertran, ainz les fist envoier En tour Baudune et en chartre lancier ; C’est une terre qui fet a resoignier,
5684
Or les secoure le Pere droiturier !
[CCXX] Le roy Butor en apela Corbon : [fol. 85 r. b.] « Sire, dist il, entendez ma reson : Je ne veull mie Maillefer ocie on,
5688
5692
Lui ne Bertran, que nous saisi avon, Ainz les ferons mener en vo prison, En tour Baudune en la chaïtivoison. La leur ferai soufrir a grant foison Paine et travaill et grant percussion Por Maillefer, qui a guerpi Mahon. Jusques en mars ci endroit atendron,
5696
Nés et galyes par tout assembleron, Vers Morimont la grant mer passeron, Toute la terre de la chalengeron. Quant l’arons prise, quite la vous rendron : Droit hoir en estes, bien le vous otroion.
431
432
ENFANCES
5700
_ Grant merciz, sire ! » ce dist le roy Corbon. Ainssi devisent li Sarrazin leur bon, Mes, se Dieu plest, assez en lesseront
5704
Qui por Ydoine est en grant marrissOn ;
RENIER
Se Diex guerist Renier le dansillon, Cil estoit filz Maillefer l’Esclavon, Mes ne set mie li dansiax de renon.
5708
[CCXXI] Le roy Butor Ostragon apela, C'icrt .I. paien en cui moult sc fia. « Amis, dist il, entendez a moi ça : A tour Baudune aler vous couvendra, .CC. paiens avoeques vous ira ;
3112
5716
Les .II. prisons mener vous estouvra. Quant vous vendrez en ce païs dela, Mon chartriier presenter les fera Et si li di que pas nes occira, Mes chescun jour de rente leur donra .. seul pain d’orge, ja plus n’en i metra, Et .I. lot d’eaue, dont chescun bevera.
5720
Si languiront tant que revendrai la. — Sire, dist il, a vo plesir sera. » Le Sarrazin une nef apresta ; Roy Maillefer maintenant y mena, Lui et Bertran, qui moult se dementa.
5724
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Les sigles haucent et le vent i hurta ; Dusqu’a Baudune le paien n’arresta, A l’enchartrier Maillefer delivra, Puis li devise conment esploitera Ce que ses sires roy Butor li manda ; [fol. 85 v. a.] Et cil respont que bien les gardera. JL. grant charchant chescun el col frema,
ENFANCES
5732
RENIER
En la grant chartre aprés les avala. Ja mes a jour Maillefer n’en istra Dusqu’a cele heure que Renier i vendra, Le sien chier filz, qui grant hardement a,
5736
Qui par son sens dela le getera. Onc par son cors tant paiens ne tua .L. home seul com cil Renier fera ; Le roy Butor et Corbon destruira, Dusqu’en Baudune crestienté metra.
[CCXXII] 5740
Seigneurs preudome, por Dieu le droiturier, Or fetes pes, si lessiez le noïisier :
5744
5748
5752
Hui mes conmence chançon a enforcier ! De Maillefer vous veull .L. poi lessier Si vous dirai du damoisel Renier Et de sa gent, qui moult font a prisier. Tant ont siglié et avant et arrier Souz Rocheglise arrivent el gravier. De la nef ist Murgalet tout premier, Ydoine va la nouvele noncier : « Ma damoisele, dist Murgalet le fier, A ce port a venu .I. soudoier, Jouvenciax est, mes moult a le cuer fier,
Mouit s’abandonne de vostre cors aidier. Par moi vous mande, ne le vous quier noier, S’il puet Corssoult hors du païs chacier,
5736
Que li veuilliez tout son bon otroier,
Il vous prendra a per et a moullier. Se nel voulez tout ainssi otroier,
5760
Ja pour vo terre ne se quiert traveillier. » Or escoutez du courtois messagier : Asavoir veut la pucele au vis fier,
433
434
5764
ENFANCES RENIER
Ne li vot pas dire que c’iert La bele Ydoine prist couleur Courtoisement respondi sanz « Murgalet, frere, savez moi Je croi en Dieu por l’amour
Renier. a changier, tencier : consseillier : de Renier,
Qui se parti de ci endroit l’autr’ier ;
5768
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Miex m'aim assez a fere martirier Que ja mon cors a autrui otroier ! » Murgalet l’ot, n’i ot qu’esliescier : Or set il bien du damoisel legier Quc la pucele l’aimc de cucr cnticr.
[fol. 85 v. b.]
[CCXXIHI] « Murgalet, frere, dist Ydoine, entendez :
5776
5780
Renier li enfes, quant de moi fu sevrez, Me fiança, que tres bien le savez, Que ja si tost ne savra veritez Qui est son pere et quel part il fu nez Que ci venrra, ainssi l’ot creantez. Bien doi tenir vers lui mes loiautez Kar ge l’aim plus que hom de mere nez. Or face Diex de moi ses volentez ! Miex aim mourir a duel et a viltez C’uns autres hons geüst lez mes costez. »
[CCXXIV] 5784
Murgalés a moult tres bien escouté
De la pucele ce qu’ele a en penssé, Qu’a Renier a du tout son cuer donné ;
Sachiez de voir grant joie en a mené :
5783. Ilez ; le premier 1 est exponctué.
ENFANCES
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RENIER
435
« Bele, dist il, moult avez bien parlé ! Or sai ge bien et si l’ai esprouvé Renier amez du cuer sanz fausseté. Cils damoisiax dont vous ai raconté, Qui est la jus a ce port arrivé, Ce est Renier, qu’avez tant desiré. Moult bel secours vous a ci amené,
Bien .V.M homes de moult grant nobleté ! » 5796
Quant la pucele entendi la purté Que c’iert Renier, cil qu’el a tant amé,
N’ot mes tel joie en trestout son 4é : « Murgalet, frere, or avez vous mon gré ! »
5800
Maintenant a .L. escrin desfremé, .L garnement en a trait et osté Qui bien valoit .C. mars d’argent pesé ; Renier l’envoie par moult grant amisté,
5804
5808
A Murgalet .I. autre en a doné. Et li varlez n’1 a plus demouré, Droit au rivage en est moult tost ralé, A Renier conte conment il ot ouvré. Li damoisiax grant joie en a mené. Hors des nés issent souz Rocheglise el pré, Par la posterne sont en la vile entré,
Les degrez montent du grant palés listé.
5812
Quant la pucele a Renier avisé,
En son courage en a joie mené, Mes par dehors ne l’a pas demoustré, Quoie se tint por le gentill barné.
5816
[CCXXV] Devant la bele vint Renier li membrez,
[fol. 86 r. a.]
Si la salue si com oïr pourrez : « Ma damoisele, bon jour vous soit donez ! »
ENFANCES
436
RENIER
Dist la pucele : « Vous soiez bien trouvez,
5820
5824
Damoisiaus, sire, moult estes desirez ! À vous me plaig s’adrecier me poez. Le roy, mon pere, en a ses genz menez, Vers Loquiferne en est a ost alez ; Le roy Butor l’a par ses briés mandez. En la vile est Maillefer enserrez,
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5348
Filz Renoart, qui moult fu redoutez : Se il n’est pris, leenz iert afenmez. » Et dist Renier : « Ce seroit grant pitez Se Maillefcr icrt par paicns finez Quar c’est le mieudre qui puist estre trouvez Et le plus fort et le plus adurez. Onc ne le vi, mes mon cuer s’est donez
Quar ge l’aim plus que nul autre hom d’assez. Se Diex me done et force et poestez Que vos païs, bele, soit delivrez Del roy Corssoult, que vous tant redoutez, Ja mes .I. jour n’iere aprés reposez Si savrai ge se Maillefer li bersz S’est de paiens desfendu et tenssez. Envers sa fame me sui ge parjurez A Morimont quant de li fu sevrez : En couvenant li oy en loyautez A Maillefer seroie droit tournez. Mes le besoig me fu de vous contez : Se vous faillisse, musart fusse clamez ! A vous servir fui tost abandonez, Envers touz homes por vous sui aprestez. »
Respont Ydoine : « .V.© merciz et grez ! Or vous dirai conment fere pourrez Par quoi serez a touz jourz mes privez. Quant oÿ dire Corssaus li desfaez
ENFANCES RENIER 5852
5856
Que li mien pere s’en iert d’ici tournez, Ses genz manda, si est deça passez, Avoir me veult a force outre mes grez. Pour seul itant que ge l’ai refusez, Mon païs gaste et tourne a grant viltez. A vous me doins se prendre me voulez, S1 serez sires et mes droiz avouez Se par vous est li jaiant conquestez. »
[CCXXVI] 5860
5864
Li marcheant ont ensemble escrié : [fol. 86 r. b.] « Damoisiax, sire, recevez de bon gré La damoisele, ou tant a de biauté :
Grant est le don qu’el vous a presenté ! » Renier l’entent, .I. petit a penssé, Puis respondi a loy d’ome sené : « Ma damoisele, dit avez grant bonté !
Del tout en tout sui en vo volenté 5868
Et cuer et cors par debonereté,
Mes que prenez sainte crestienté. » Ydoine dist : « Il me vient moult a gré. » Et dist Renier : « Or soit tost apresté,
5872
5876
Baptiziez vous en l’onneur Damedé, Si en seront a plus grant seürté Mes compaignons que j’ai ci amené. » Avoec Renier ot .I. prestre ordené ; Enz el palés sont les fons apresté, La ot Ydoine son cors regeneré, Mes ne li fu onc son non remué,
5880
Ydoine ot non touz jours en son dé. Ceuls de la vile sont tuit crestiané,
Qui le refuse si ot le chief copé. Seigneurs et dames, l’en vous a bien conté
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ENFANCES
RENIER
Cis damoisiax Renier au cuer membré ; L'’en dit qu’il mist adont crestienté Droit en Venice, le païs honoré. Hui mes conmence chançon de grant barné, C’est de Renier, qui tant ot de fierté, Con il conquist Corssaus le desfaé, Puis delivra Maillefer le douté,
Le sien chier pere, qui tant ot povreté, Que paiens tindrent, li glouton parjuré, Lui et Bertran en leur chartre enfremé. Moult orent paine, de douleur sont enflé, Si sont batuz chescun jour ajourné Et il reclaiment le Roy de majesté. Roy Maillefer a grant duel demené Et son chier filz a plaint et regreté : « Renier, biau filz, Diex ait de vous pité
5900
Et si confonde qui vo cors ot emblé ! Se vous fussiez en vie demouré, Secours eüsse ainz lonc terme passé. » Or vous dirons de Renier l’aduré, En Rocheglise estoit o son barné.
[CCXX VIT] 5904
En Rocheglise fu Renier au vis fier [fol. 86 v. a]
Avoec Ydoine, qui moult l’aime et tient chier. Ne porent mie moult granment soulacier : Au roy Corssoult l’a dit .I. losengier 5908
Que en la vile sont venuz soudoier :
5888. 5893.
desfaee, corr. C. paiene, corr. C.
5902.
adiré, corr. C.
ENFANCES
RENIER
439
« Le seigneurs d’euls est apelé Renier, De la pucele fet tout son desirier. » Le jaiant l’ot, n’i ot que couroucier,
5912
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5920
5924
Em piez sailli, si conmence a huchier : « Or ça mes armes ! Je me veull haubregier,
Ne veull ja mes S’avrai Ydoine, Et trestouz ceus Ferai ge pendre
ne boire ne mengier cui qu’il doie ennoier ! que li voudront aïdier ou en la mer naïer ! »
[CCXX VIII] Le jaiant s’arme que point ne s’atarja : .L. auqueton tout premier endossa Et par desus .I. blanc hauberc geta ; Ceinst .II. espees ou il moult se fia ; Une maçue en ses .II. poinz porta. XX. paiens aveques lui mena, Vers Rocheglise le fier jaiant s’en va. Devant la porte .I. cor d’arain sona ;
Ce senefie que la vile assaudra. Dedenz la vile la gent moult s’esmaia,
5928
Es .L. vallet qu’en la sale monta ; Ou voit Ydoine, hautement li cria : « Ma damoisele, moult malement nous va |!
5932
Paiens assaillent a la porte dela. Corssault le grant Mahomet juré a Ja mes de riens ne vous deportera : Quant serez prise, vostre cors liverra
5936
À ses garçons et aprés vous ardra. » Dist la pucele : « Se Dieu plest, non fera ! » Ou voit Renier, doucement dit li a : « Damoisiax, sire, dist ele, or i parra
Conment vo cors ma terre desfendra. »
ENFANCES
440
5940
RENIER
Dist Renier : « Bele, par Dieu, qui me fourma,
De vous aidier ne me faindrai ge ja. »
5944
[CCXXIX] La bele Ydoine a Renier apelez : « Damoisiax, sire, s’il vous venoit a grez, Por Dieu vous proi, le Roy de majestez, Que n’issiez mie de la bone citez ; Jovenciax estes, si seroit foletez,
5948
3952
5956
Mes as bretesches et as creniax montez, Vers Sarrazins la vile desfendez. [fol. 86 v. b.]
Tant est Corssaut fel et desmesurez Qu'il ne crient hom qui de mere soit nez. » Dist Renier : « Bele, de folie parlez ! Pour ce que sui joenes et bachelersz, Doit moult bien estre mon cors abandonnez Et fere tant qu’en pris soie montez. Vostre merci .X. ans nourri m’avez, Onc n’en eüstes .II. deniers monneez. Le guerredon en cest jour en avrez : La hors istrai fervestu et armez Contre Corssoult, dont vous tant me parlez. »
5960
Dist la pucele : « Douz amis, non ferez ! — Si m’aït Diex, dist Renier li membrez,
Nel lesseroie por quanque vous avez. »
5964
5968
[CCXXX] Gyre, son mestre, a Renier apelé : Forment li prie sa gent soient armé ; Adont se sont li baron adoubé. En mi la sale ot un tapis geté, Tyerri le preuz a Renier acesmé : Premier vesti .]. auqueton ouvré,
ENFANCES
RENIER
Par desus a .I. hauberc endossé ;
La bele Ydoine li a l’yaume fremé, 5972
5976
5980
A .XXX. laz de soie l’a noué : .I. brant d’acier li vont ceindre au costé, Mes li dansiax li avoit deveé.
[CCXXXI] Renier apele Ydoine o le vis cler : « Ma damoisele, s’il ne vous doit peser, Je ne doi mie cele porte passer Se le congié ne m’en voulez doncr, Ne ne doi mie cele espee porter. Escuier sui, fetes moi aprester I. pel agu ou me puisse fier, Dont le jaiant puisse bien encontrer. » Dist la pucele : « Amis, moult estes ber ! »
5984
L’en li a fet .I. levier aprester Et puis li font .I. cheval ensseler Que la pucele ot fet maïnt jour garder. Renier y monte, qui moult se volt haster De son pris croistre et son los alever.
5988
[CCXXXII] Renier le preuz d’Ydoine se parti ;
5992
Tuit li marchant aprés d’armes garni Et avoec sont li baron converti, Tyerri le preuz et Murgalet aussi ; [fol. 87 r. a.]
Gyre, son mestre, chevauche delez lui,
Bien sont .V." quant furent establi.
5974.
o le cler vis cler ; Le premier cler est exponctué.
441
442
5996
6000
ENFANCES RENIER
[CCXXXIII] Renier li preuz a la chiere membree Se part d’Ydoine, qui moult fu emplouree, Avoec sa gent s’en va en la mellee ; Baudouïn lessent en la sale pavee Quar trop iert joene pour avoir teste armee. De Rocheglise la porte ont desfermee ; Renier s’en ist a la perche entesee. Gyre, son mestre, la baniere a portee. Quant li jaianz a no gent avisee, Encontr’eus vient courant de randonee ;
6004
Bien cuide avoir la cité conquestee. Sa gent le suit, qui toute iert ferarmee ; Bien sont .XX.", moult mainent grant huee,
Et que .VI" ne sont no gent loee ! 6008
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6020
6016.
Renier fu sage, s’ot mesnie apenssee ; Desus .I. tertre a sa gent asemblee : « Seigneurs, dist il, por la vertu nonmee, Tenez vous quoi, n’i ait cri ne huee. Vez ci paiens qui vienent a hiee ; Tant atendrons, s’il vous plest et agree, Que il seront el fonz de la valee, Adont irons a baniere levee Ferir sus els touz a une aünee,
Li .L. gart l’autre au trenchant de l’espee. Li sires d’euls maine moult grant posnee, Contre lui veull conmencier la mellee. » Sus en la tour est Ydoine montee Por vir Renier, cui a s’amour donnee, Conment il set ferir en asemblee.
avivee, corr. C.
ENFANCES RENIER
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6032
[CCXXXIV] Le roy Corssaus fu de moult fier courage, .XII. piez ot de grant en son estage ; Bien cuide avoir Ydoine au cler visage Et Rocheglise le port et le rivage. Tant queurt li glouz, qui mie ne s’atarge, Entre .II. mons vint enz el val ombrage. Paiens le sivent, la pute gent marage. Voit le Renier, s’a dit a son barnage : « Seigneurs, brouchons ! trop fesons demorage. » Gyres respont : « Ci a parole sage ! » [CCXXXV]
6036
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Quant Renier voit Sarrazins el vaucel, Sa gent escrie, puis broche le poutrel ; Il voudra ja conmencier le cembel. Le pel entoise a guise de dansel, [fol. 87 r. b.] Par mi le hiaume fiert le roy Pinabel,
Tout le froissa entresi qu’el fourcel Et le cheval abati el putel ; Puis fiert .I. autre par aïr moult isnel Que le mestre os li ront du haterel. Voit le Corssaus, ne li fu mie bel
Quant voit mourir sa gent a tel maissel.
6044
[CCXXXVI] Souz Rocheglise, au pié d’une montaigne, Fu grant la noise de cele gent grifaigne. Renier i fiert, que mautalent engraigne ;
6023. 6031.
mon fier, corr. C. bronchons, corr. C.
443
ENFANCES
RENIER
Il et sa gent maint Sarrazin mehaigne, N'’i a celui qui sa lance n’i fraigne ;
Plus de .V." en gist aval la plaigne. 6052
Le roy Corssauls vint courant par engaigne, De nos François a fet male bargaigne ; Fiert entour lui quar nes .I. n’en adeingne, .X. en a morz ançois qu’il se refraigne. « Glout, dist Renier, le cors Dieu te soufraigne ! »
[CCXXX VII] Le roy Corssauls fist moult a resoignier : 6056
6060
-Fiert sus noz genz, moult leur fet encombrier, Plus de .XIIII. en fist jus trebuchier ;
Devant lui fuient con l’aloe espevrier. Quant Renier voit sa gent si damagier, Miex veut mourir qu’il ne les voist vengier. Des esperons a brouché le destrier Et son baston conmence a paumoier ;
6064
Envers Corssoult se prent a adrecier. Quant le jaiant voit venir le guerrier, Encontre lui se prent a adrecier ; Onc li .I. l’autre ne daigna aresnier, Sanz defïance se vont entr’acointier,
6068
6072
Mes l’asemblee fist moult a resoignier !
[CCXXX VIII] Souz Rocheglise li estour conmença, Renier li preuz le jaiant encontra ; Le pel entoise, contremont le hauça Et fiert Corssauls, moult grant cop li dona ; Par mi le hiaume si tres bien l’assena Que fleurs et pierres contremont avala. De la destresce le jaiant chancela ;
ENFANCES
RENIER
6076
Renier le voit, hautement li cria : « Cuvert, dist il, la bele Ydoine avra Autre de vous, qu’ele mielz amera Et qui vers vous bien la chalengera !
6080
Ja de son cors le vostre ne jorra ! »
6084
6088
6092
445
[fol. 87 v. a]
Le jaiant l’ot, a poi qu’il n’esraja ; S’or ne se venge, petit se prisera. La mace entoise, qui durement pesa, Envers Renier moult ruiste cop geta ; Le ber guenchi, qui le cop redouta : Desus l’espaulle .I. petit l’assena ; Diex le gueri que point ne l’empira ! Renier se haste quant le cop veü a, Ja mes a temps, qu’il puisse, nel ferra ! Le jaiant fiert quant de lui s’aprocha ; Sus le braz destre si grant cop li dona Qu'en .IT. moitiez le mestre os li brisa ;
En mi le pré la mace li vola. Renier i queurt, a .II. mains l’en leva,
La mace prent et si la paumoia ; 6096
Pesant la sent, ce moult li agrea ;
En la maçue si tres grant fiance a Que Sarrazin ne paien ne douta. Et li jaiant grant frainte demena ; 6100
6104
Paiens l’entendent, chescun courant y va,
En petit d’eure mil en y asembla. Renier assaillent, qui petit les ama, De la grant mace tout entour lui frapa. Le roy Corssaut a ses paiens cria : « Or au glouton qui tant grevez nous a ! S’il nous eschape, malement nous ira. » Paiens l’entendent, chescun a lui lança,
6108
Son cheval tuent et le ber trebucha,
446
6112
ENFANCES
Mes il saut sus Tant de paiens A chescun cop En Rocheglise
RENIER
et la mace entesa. ocist et graventa .Il. ou .IIT. en tua. la bele Ydoine esta ;
Sus en la tour la pucele monta,
Par les fenestres la bataille esgarda. Entre les autres le preuz Renier visa,
6116
Li damoisiax, qui son cors esprouva ; De la maçue Sarrazi[n]s craventa, Plus de .L. le jour mors en lessa ! Mes cntour lui tant paicns aüna
6120
Que li dansiax si forment se lassa
Que par .I. poi qu’il ne recreanda : Jouvenciax iert, por ce s’outrecuida. S'il n’a secours, moult malement l’ira !
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Sus en la tour la pucele ploura, [fol. 87 v. b] Pour son ami moult tres grant paour a. Quant Renier voit que durer n’i pourra,
« Venice ! » escrie et sa gent apela. 6128
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Gyres, son mestre, sa voiz bien escouta, Il et sa gent cele part s’adreça ; Voient Renier, qui la mace porta, A pié estoit, moult angoisse endura, Tant a soufert que le sanc li raia, Par nez, par bouche a grant ruis degouta. Gyres le voit, hautement li cria : « Damoisiax, sire, dites conment vous va, Sus vostre piz tant de sanc beté a ! Se vous mourez, malement nous ira.
Las ! que ferons quant vo cors nous faudra ?
6117.
sarrazis, corr. Mt.
ENFANCES
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RENIER
Touz serons morz, nus n’en eschapera. Quant Brunamons arriere revendra, Encontre lui, Diex, qui nous defendra ? » Quant Renier voit sa gent qui dementa, Au miex qu’il pot touz les reconforta.
[CCXXXIX] Moult preudome iert Gyres le marcheant : Quant voit Renier kamoisié et sanglant, Sus la poitrine li voit le sanc raiant, Gyres l’apelc moult debonerement : « Conment vous est ? nel me celez noient ! Damoisiax, sire, com vous est covenant ? »
Renier li dist : « Moult me va gentement. Penssons d’ocire cele gent nonsachant. »
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Renier entoise la maçue pesant,
Envers Par mi Que la Devant Voit le
Corssault requeurt isnelement ; le chief li done .I. cop si grant cervele li va toute espandant ; ses piez l’abati mort gesant. Gyrart, moult grant joie l’emprent :
« Diex ! dist il, Pere, par ton conmandement,
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6157.
Que Renier est plain de grant hardement ! Moult bien resemble a son contenement Qu'il soit estraiz et nez de haute gent. Grant damage iert s’il ne vit longuement ! » Diex, par ta grace, s’il te vient a talent, Lai lui trouver ce que il va querant, Le sien chier pere se il est mes vivant.
gyrarart, corr. C.
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448
ENFANCES RENIER
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[CCXL] Desconfit sont Perssant et Esclavon Par la proesce de Renier le baron. En Rocheglise portent la garnison, [fol. 88 r. a.] Trés et acubes et autre livroison ; Destriers et armes orent a grant foison Qu’amenez orent la mesnie Noiron.
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Renier chevauche, qui cuer ot de lÿon,
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Lez lui son mestre, qui bien semble baron, Et cil de Grece qui Drieu avoit a non ; Dusqu’a la salc n’i font arrestoison ; La descendirent souz .L. arbre roon. Encontr’eus vint Ydoine au peron,
Renier apele, si l’a mis a reson : « Damoisiax, sire, cuer avez de preudon :
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Bien vous veïsmes el grant estour felon ! Se 1l vous plest, desarmer vous iron Et en nos chambres reposer vous merron. » Dist Renier : « Bele, a vo conmandison ! » [CCXLI] Moult fu Renier sages et apenssez ; Gyres apele : « Biau mestre, ça venez : Se 1l vous plest, avoec moi en venrrez ;
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6191.
Se j'ai mestier, si me consseillerez. Dist la pucele : « Renier, moult es Et bien apris et de sens escolez, Onc mes nus enfes ne fu si avisez Dedenz ses chambres les a andeus
» senez !»
menez, Sus une coute s’assistrent lez a lez ;
fes chambres, corr. C.
ENFANCES
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RENIER
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Des armeüres sont taint et kamoisez. La chamberiere leur ot tost aprestez De l’eaue chaude, de quoi furent lavez, Puis sont assis et .L. poi reposez. La bele Ydoine a Renier apelez : « Damoisiax, sire, moult avez de bontez !
[CCXLIT] Quant vous alastes hui main el champ malé, Je vous promis oiant tout le barné, Sc pouïcz le roy Corssoult matcr, Que vous vouloie mon cors abandoner. Se me voulez a moullier espouser,
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Tout mon païs ferai crestienner. Tant vous savrai de bons conssaus donner Bien le pourrez vers mon pere tensser ; S’on li devoit les yex touz .IL. crever, Si tenrrez vous Venice sus la mer. » Renier l’entent, si conmence a pensser : « Hé ! Diex ! dist il, conment porrai ouvrer ? Se ge pren fame a moullier et a per, Se ge fez chose qui ne soit a son gré, [fol. 88 r. b.] Au premier mot m’avera reprouvé Trouvé bastart par moult grant crualté ; Et, s’ele n’ose haut dire son penssé,
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Bas le dira et m’avra en vilté. J'ai oÿ dire et si est verité Que cuer de fame voit on por poi mué. » Et la pucele ra Renier apelé :
6195. 6201.
leaude chaude ; faute par anticipation de chaude. corsloult, corr. C.
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ENFANCES
« Damoisiax, sire, dites vo volentez : Vourez [vous] fere ce que vous ai rouvé ? »
Dist Renier : « Bele, foy que doi Damedé, Je vous dirai ce que j’ai en penssé, Ge l’ai seur sainz plevie et creanté : Jusqu’a cele heure, se Diex me dont santé,
Que j’averai le mien pere trouvé, Ne prendrai fame, ainssi l’ai ge voué. »
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[CCXLIII] Dist Renier : « Bele, je sui moult esfreez Que ge ne sai en quel païs fui nez ; Et d’autre part me sui bien avisez D’aucun lignage sui ge por veritez : Je ne sui mie des nues avolez ! Se je pren fame et m’i sui adonez, Je ne savrai s’est de mon parentez ; Bien porroie estre par tel chose dampnez ! S'il vous plest, bele, que vous tant m’atendez
Que savoir puisse de cui fui engendrez, Adont feroie toutes vo volentez. » Dist la pucele : « Renier, moult es senez
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Et bien apris et de sens escolez ! Et ge vous jur sus la crestientez Et sus le Dieu ou vous trestouz creez Que ja mes jour n’iert mon cors mariez À home nul qui de mere soit nez Se n’est a Vous, ou mon cuer s’est tournez. »
Dist Renier : « Dame, .V.© merciz et grez ! »
6221. 6232.
Vourez fere. La lecture est délicate : sui ou fui ?
RENIER
ENFANCES RENIER
A ces paroles est Murgalet entrez 5248
Enz en la chambre, si s’est haut escriez ; A Renier dist : « Fetes, si mengerez, L’eaue est cornee, venez, si vous seez : Travelliez estes, si vous aaiserez. »
6252
Et dist Renier : « Si con vous dit l’avez. Quant tout est prest, bien soiez vous trovez ! »
Gyres se lieve et Renier le membrez, 6256
De la chambre issent et Ydoine delez, Puis sont assis as tables a touz lez. [fol. 88 v. a.]
Aprés mengier ont fet des liz assez ;
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En une chambre ou moult ot de biautez Couchent Renier, qui moult estoit lassez Pour les granz cops que il avoit donez. Par le palés se coucha li barnez.
[CCXLIV] En Rocheglise, sus el palés planier, En une chambre jut Renier a l’ussier. En son dormant conmença a songier, Que durement fist son cuer traveillier : Il li sembloit en son songe premier Que devant lui venoit .. messagier Qui li devoit le païs enseignier Ou trouveroit sa mere o le vis fier,
Qui por son filz ne cesse de proier.
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[CCXLV] Renier se dort, qui merveilles sonja ; De celui songe tost en .I. autre entra :
6265. Q' (= qui), corr. C.
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Ce li iert vis, ne le mescreez ja, Que le sien pere d’une tour avala. Son filz veoit, de sa main l’acena Si que Renier a lui venir cuida. En une fosse son pere recula, Tant iert parfonde qu’a poi ne se tua. Renier tresault, du songe s’esveilla.
[CCXLVI] Seigneurs, le songe fu toute veritez : Cele grant fosse dont vous oÿ avez, C’estoit la chartre qu'iert parfonde et mortez Ou Maillefer estoit emprisonnez. Paiens le tiennent pris en leur fremetez ; Avoec lui iert Bertran, le vieill barbez. En tour Baudune furent enchaenez ;
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N’ont que mengier, si en sont moult usez, C'un seul pain d’orge, c’estoit duel et pitez Et .I. lot d’eaue, ou vers avoit assez. Li charteriers fu tant desmesurez D'une grant verge leur batoit les costez
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Chescun matin, quant il s’estoit levez.
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De ce estoient touz les jours desjunez ! Roy Maillefer estoit moult escharnez, Maigres et las et veluz et enflez, Et aussi fu Bertran le renonmez.
6300
Or vous dirons, s’entendre le voulez, En quel maniere Renier li alosez Aïda son pere si qu’il fu delivrez Et a grant joie hautement couronnez.
6297.
sentrendre, corr. C.
[fol. 88 v. b.]
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[CCXLVII] Renier s’esveille a la chiere hardie : « Diex, dist li ber, s’il est vo conmandie, Si conduisiez moi et ma compaignie Ou le mien pere puisse trouver en vie ; Adont seroit ma joie raemplie. » Renier se lieve quant voit l’aube esclerie Et aussi fist toute sa baronnie. En la grant sale de pierre bien taillie Estoit Renier a la chiere hardie. En la grant mer, qui pour le vent branllie, Visa venir une moult grant navie : C'’iert le roy d’Ysle, il et sa baronnie, Taions Renier, mes il nel connoist mie,
Pere sa mere, qui tant fu seigneurie. Vers Porpoillart a sa voie acueillie, Mes .I. orage ne li let aler mie ; Souz Rocheglise, ou la mer iert serie,
Sont arrivez quar Damedieu les guie. Les mariniers ont la vile choisie,
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Bien reconnurent Venice la garnie ; Grant paour ont qu’il ne perdent la vie, L’amirant doutent, qui ne les amoiït mie ;
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N’avoient pas enquor nouvele oÿe Que crestiens eüssent gaaignie La forte tour vers la gent paienie Par la proesce Renier, que Diex conduie. Quant le roy voit que sa gent se gramie, Il les apele et doucement leur prie : « Seigneurs, dist il, ne le me celez mie :
6305.
raempliee ; le e final est exponctué.
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ENFANCES RENIER
Por quoi vous fetes touz chiere si marrie ? Pres de port sonmes, ne vous esmaiez mie, Aancrez vous dusqu’a la mer serie Tant que la mer se resoit rapesie. »
[CCXLVIII] Les mariniers se vont moult esmaïiant,
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Le roy apelent et si li vont disant : « Sire, font il, par le Dieu qu’est puissant, C’est Rocheglise ou sonmes arrivant, La mestre clef de Venise la grant ! Ce est la terre l’amiral Brunamant,
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.I. Sarrazin orgueilleus et puissant ; Plus het François que nule riens vivant. S’il nous perçoit, bien savons vraiement Que, s’il puet fere par son esforcement, Touz serons morz a duel et a torment. » [fol. 89 r. a.] Et dist li rois : « Ne vous doutez noïent ! Fetes armer par ces barges no gent Et, se paiens nous viennent assaillant, Honni soit cil qui bien ne se desfent. »
[CCXLIX] Quant Renier voit les naves arriver, La mer tourmente, qui ne les let aler ;
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6351.
Le roy Grebuedes a fet sa gent armer : Bien sont .XX.M qui bien les set nombrer. Lors jure Dieu, qui se lessa pener En sainte crois pour le monde sauver,
Gerb”. corr. C.
6352. Bien sont .XX. q' bien les set nombrer.
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RENIER
Miex veut a terre sauvement arriver Et li desfendre que noïer en la mer. Quant Renier voit cele gent adouber, Cuida que fussent Sarrazins et Escler : Les armes voit luire et estinceler, Mes por les crois qu’il voit as maz porter Fet li dansiax .I. poi rasseürer. Murgalet fet par devant lui mander Et cil y vint, ne le volt refuser.
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Renier l’apele, qui fu gentill et ber : « Frere, dist il, il vous covient aler La jus au port nouveles demander Quel gent ce sont que je voi acoster. S’il croient Dieu, fai les ça sus monter,
A leur acort je me voudrai tourner ; Et, se ce sont Sarrazins ou Escler,
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Bataille aront s’il nous veulent grever. » Dist Murgalet : « Bien leur savrai voter Quar je sai bien pluseurs roumanz parler, Por .XX. langages ne me covient douter Que bien n’en sache entendre et deviser. » Et dist Renier : « Gentis estes et ber !
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En quel maniere il veullent aterrer. » Dist Murgalet : « Ne m’estuet point haster : Qui glouton haste, il le veut estrangler. »
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Hastez vous, frere, si nous sachiez conter
Atant s’en tourne, n’i volt plus arrester,
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6373.
Dusqu’au rivage pensse de cheminer. Les latimiers em prist a apeler : « Dont estes vous seigneurs ? ne le celez ! »
rômauz (= ronmauz), corr. C.
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ENFANCES
Et cil respondent : « Bien l’oserons diter : C’est rois Grebuedes, qui moult fet a douter. I. grant orage nous a ci fet virer Dont touz cuidames mourir sanz eschaper. » [fol. 89 r. b.]
[CCL] Les latimiers furent moult esfreé Et Murgalet leur a tost demandé : « Seigneurs, ce roy, qui est vostre avoué, Croit il en Dieu, qui de Virge fu né ? » Et cil respondent : « Oïll, en verité ! » Dist Murgalet : « Bien estes arrivé ! Se Turc fussiez, mal vous fust encontré : Crestien sont cels de ceste cité Par .I. dansiax, qui tout a conquesté. Vo seigneur dites qu’il viegne a sseürté : Ostel avra tout a sa volenté, Ja n’i perdra vaillant .L. aill pelé. » Et quant cils orent Murgalet escouté, Grant joie mainent, en leur nés sont rentré ;
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RENIER
A leur seigneur ont dit et raconté Tout cel afere conment il ont parlé. Le roy Grebuedes en a Dieu mercié, A son barnage a li rois conmandé Que des nés issent el non de Damedé ; Et il s’en issent quant il l’ot conmandé. Et Murgalet n’i a plus demouré ; En la cité es le vous tost rentré, Devant la sale a Renier encontré Et avoec lui si dru li plus privé. Et Murgalet li a tout devisé Ce qu’il avoit au rrivage escouté :
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« Damoisiax, sire, or oiez mon penssé : Crestiens sont cels qui sont arrivé, C’est le roy d’Ysle, qui Dicu croisse bonté ! Alez encontre et si le recevez Et a grant joie ceenz l’en amenez, Puis leur porrez, s’il vous plest demander,
De quel part vienent et ou veulent aler. » Et dist Renier : « Je l’ai bien empenssé. » Gyres, son mestre, a avoec lui mené, Driuon de Gresce, Baudoïn le sené, Et tant des autres con il li vint a gré ; Dusqu’au rivage ne se sont arresté. Renier li preuz a le roy apelé, Bien le connut a sa grant nobleté. Li damoisiax l’a de Dieu salué : « Sire, dist il, le Roy de majesté
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Vo cors guerisse d’ennuy et de grieté ! » Dist le roy : « Frere, Diex vous croisse bonté ! » [fol. 89 v. a.] Adont se sont andui entr’acolé. Dist Renier : « Sire, avoec moi en venrrez
En cele vile, ou vous reposerez 6436
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IL. jours ou .IIL., tout a vos volentez,
Tant que le temps se soit bien atemprez. » Ce dist li rois, qui bien iert apenssez : « Damoisiaus, frere, ja desdit n’en serez. » Diex, que Renier ne set la veritez Que son aÿol est o lui ostelez ! S’il le seüst, bien croire le pouez,
Ne fust si liez por l’or de .X. citez.
6423.
ovoec, corr. C.
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ENFANCES RENIER
[CCLI] Renier li enfes en Rocheglise entra. Le roy de l’Ysle dedenz la vilc va, Avoeques lui li dansiax l’en mena ;
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Dusqu’a la sale onques ne s’arresta. La bele Ydoine encontr’euls se leva. Le roy assistrent, chescun moult l’onnoura, Lez lui Renier, qui moult de bonté a.
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Le roy apele et si li demanda : « Sire, dist il, por Dieu, qui tout fourma, Ou alïez quant le vent vous chaça Et li orages, qui ça vous adreça ? » Le roy li dist : « Nel vous celerai ja : Bien m'en cuidoie aler a Portpaillart Quar .I. message l’autre jour me conta Que Maillefer de secours mestier a. Il a ma fille, ne li doi faillir ja ! En Loquiferne Bertran secourre ala, Le roy Butor la cité assise a, Plus de .C. mile de Sarrazins y a. S’il n’a aïde, moult malement l’ira.
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6447.
Mes d’une chose enquor plus m’ennuia : Par le message ma fille me manda Tout le premier enfant qu’ele porta, Que Maillefer en son cors engendra ; Plus bel enfant onc nus hons n’esgarda, Renier ot non quant on le baptiza. En la journee que Maillefer ala En Loquiferne et en la mer entra, Dusqu’a la mer ma bele fille ala,
nasarresta, corr. C.
ENFANCES RENIER
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Tout le barnage Maillefer convoia ; En Porpaillart .I. fel lerres entra, L'enfant Renicr ravi ct si l’embla, Onc puis nouvele nus hons ne l’en conta [fol. 89 v. b.] Ne ne savons quel part cil le porta. » Renier l’oÿ, tout le cuer li monta,
6480
Le sanc du pié enz el front li rampa Pour les nouveles que entendues a. [CCLII] Renier conmence le roy a aresnier : « Sire, dist il, por Dieu le droiturier,
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Cil damoisiax qui fu filz Maillefier, Quel aage ot, nel me devez noier,
Quant l’en l’embla el grant palés planier En Portpaillart, dont je vous oy resnier ? » Et dist li rois : « Ce vous sai bien noncier : Entour .Il. anz ot li enfes Renier Quant cil l’embla, cui Diex doint encombrier. À ce termine que il fu desvoiez,
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Quar le message le m’a bien acointiez, Por ceu sui ge moult en mon cuer iriez, Ge n’ai plus d’oir, dont ge sui courouciez ;
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Ne filz ne fille, de verté le sachiez, De par sen mere fust mes droiz heritiers. A moi marchist .I. cuvert losengiers Qui moult me fet d’ennuys et d’encombriers : Perus a non, moult est hardis et fiers Et s’est bastart et traïtres murdriers : Par son malice est il sires et chiés
cen, corr. C.
ENFANCES
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RENIER
Et roy de Gresce, si en ai ennuiés. Bien sai, s’en vie fust demouré mes niés, Que g’enquor fusse de ce glouton vengiés.
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Renier, dist il, Diex ait de vous pitiez ! »
[CCLII] Le roy Grebuedes a Renier raconta De son neveu ainssi con l’en l’embla Et de Perrus conme il le guerroïia.
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Drues de Grece, quant le roy escouta,
Devant les autres tout premerain parla : « Seigneurs, dist il, par Dieu, qui tout forma, Ce mal traïtre qui tant grevez vous a Tuer me volt .I. jour qui ja passa Por bon conseill que mon cors li dona.
[CCLIV] Seigneurs, dist Drues, par tous les sainz c’on proie, Perrus le fel, que ja Jhesu ne voie, Me volt ocire se ge ne li juroie Que mon seigneur quoiement murdriroie, Son lige frere, ou grant honor souploie, Quar Perus est bastars de pute voie. Tout quoiement mon seigneur en menoie, [fol. 90 r. a.] Hors du palés nous meïsmes a voie. [CCLV] Seigneurs, dist Dreues, par Dieu le royamant, Ainssi gueri mon seigneur de tourment.
6501.
si en ai granz ennuies.
6515. q' (= qui).
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Or n’est il riens que ge desire tant Que cil Perus fust mis a finement. » Et dist Renier : « Se Deu plest le puissant, Droit en avrez se ge vif longuement. » Dreues l’entent, si l’en va merciant. Or vous dirons de Gyres le vaillant, Qui estoit mestre Renier le combatant : De l’enfant set auques le couvenant, Bien ot oÿ parler le roy sachant Con il regrete son neveu doucement. Devant lui cst, si nel connoist noicnt ! [CCLVI] Gyre fu sage, en lui n’ot qu’amender. Quant il oÿ le roy d’Ysle parler Et son neveu doucement regreter,
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Adont se prist Gyres a pourpensser De tel aage, a ce que puet esmer, Fu cil Renier, qui tant a de biautez, Quant l’acheta a Marsseille sus mer, Mes n’en vout mie par devant touz parler, Einz en apele Renier lez .I. piler :
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« Damoisiax, sire, moult vous doit on loer !
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Une besoigne grande vous veull conter. » Dist Renier : « Mestre, bien le veull escouter. » Touz se leverent, si font l’eaue corner ; Gyres a dist au dansiax qui fu ber : « Sire, fet il, ge vous veull conmander
Qu’a ce roy fetes moult grant honor porter Car sus touz homes vous le devez amer. »
6550.
ua (= queua), corr. C.
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ENFANCES
RENIER
[CCLVII] Gyres parla, qui moult estoit senez : « Damoisiax, sire, se vostre honor amez,
Servez ce roy del cuer et l’onnourez ! Vos taions est, si voir com Diex fu nez,
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Et s’est vo pere Maillefer le doutez Kar as paroles m’en sui bien avisez : II. ans tout droit d’aage aviez Quant a Marsseille fu vo cors aportez. » Dist Renier : « Mestre, onques plus n’en parlez ! Vous me deïstes l’autr’an, bien lc savez, Que li fel lerres, de cui fui achetez,
Vous avoit dit qu’en .I. bois m’ot hapez ;
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Et ce roy dit, que bien oÿ l’avez, [fol. 90 r. b.] Que ses niés fu a Portpaillart robez ;
C’est une chose dont trop sui esfreez Quar, se g’estoie de tel lignage nez, Mes peres fust Maillefer le doutez : Moult par seroie certes beneürez ! »
[CCLVIII] Dist Renier : « Mestre, je me doi moult irer Que ge ne sai le mien pere nonmer. Or vous dirai conment ge veull ouvrer : Il me couvient sagement demener Et mon hontage au miex que puist celer. A Morimont je m’en voudrai aler Et a la dame en privé demander S’ele saroit nule enseigne pensser Pour le sien filz connoistre et aviser S’on le fesoit devant lui amener. À sa maniere porrai bien esprouver Se son filz sui, ne le porra celer.
ENFANCES RENIER
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Nature dist, c’est toute verité, Quant une fame a .I. enfant porté Et l’en li a lonc temps desmanevé, .X. anz ou .XII. ainssi qu’il est alé, Au chief du terme quant on li a moustré, Cuer li remue, ne puet estre celé, Couleur li change et a le cors maté Pour la nature, qu’ele a l’enfant porté. » Et dist Gyrart : « Renier, moult as bonté ! Ja mauvés home n’eüst ce pourpenssé ! » A ces paroles a l’en l’yauc corné Et le mengier richement atourné. Le roy s’assist et Ydoine a son lé ; Renier les sert et son mestre Gyré. Moult orent més et bons vins et claré. Aprés mengier sont des tables levé ;
Renier le preuz a le roy apelé :
6600
« Sire, dist il, or oiez mon penssé : Aler devez, ce m’avez vous conté, A Morimont, qu’avez tant desiré, Aüidier vo fille et Maillefer le ber ;
O vous irai s’il ne vous doit peser
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Quar moult desire, se Diex me puist sauver,
Roy Maillefer cognoistre et aviser. Moult ai oÿ de sa force parler Que c’est le mieudre que l’en puisse trouver ».
[CCLIX]
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Quant le roy d’Ysle la nouvele entendi [fol. 90 v. a.] Que Renier veut aler aveques lui Aidier son cors et Maillefer aussi, Grant joie en maine et moult s’en esbaudi.
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Renier apele, si s’assist delez lui :
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ENFANCES
« Damoisiax, frere, loyaument vous asfi Tout mon pooir et ma gent autressi Met en vo garde, et bonement vous pri Mon gomphanon portez par devant mi. Quel part qu’ailliez, a vo voloir m’otri. — Grant merciz, sire » Renier li respondi.
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[CCELX] El mois d’avrill par une matinee En Rocheglise fu moult grant l’assemblee. Mainte nef ont au port bien atournce, Assez y portent bescuit et char salee, Et vin sus lye et bone eaue coulee. Le jour trespasse, si vint la nuit serree ; L’eure fu bone et la nuit atempree. Renier s’apreste a la chiere membree Et sa mesnie est moult bien atiree. III. mil homes qui sont de renonmee Lessa Renier en la cité loee, Qui garderont la terre et la contree. La bele Ydoine ont a Dieu conmandee Et ele pleure quant vit la dessevree. Renier apele, si li dist sa penssee : « Damoisiax, sire, dist la bele acesmee, Vous en alez en estrange contree,
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Ci me lessiez conme fame esgaree À poi de gent lasse et acheitivee ! Pour vous me sui de cuer crestiennee Et en sainz fonz baptizie et levee,
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Mahom guerpi et sa loy adossee. Se li mien pere en set la renomee, Tost revenra par haute mer salee ; S’il me puet prendre, arsse iere et deviee,
RENIER
ENFANCES RENIER
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Ja par vous n’iere aidie ne tenssee ! Trop folement me sui abandonee, Envers vo cors otroiee et donee ! » Dist Renier : « Bele, soiez asseüree, Tenez ma foy, ore vous iert livree,
Si tost qu’avrai ma besoigne achevee Et mon chier pere et ma mere trouvee,
N’arresterai por chose qui soit nee 6652
Si vous avrai a moullier espousee.
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— Diex, dist Ydoine, qui moult fu emplouree, Sainte Marie, com longue demouree ! » A ces paroles chiet a terre pasmee. Renier l’endresce, estroit l’a acolee. Au congié prendre y ot moult grant criee ; Ydoine pleure, s’a grant douleur menee, Sa chamberiere l’a bien reconfortee.
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[fol. 90 v. b.]
[CCEXI] Souz Rocheglise fu grant le duel menez : Ydoine pleure, si a granz cris getez De ce qu’estoit Renier de li sevrez. Le roy Grebuedes est en sa nef entrez Et avoec lui Renier, nel mescreez. Tout le barnage fu moult bien atirez. La lune luist, le temps fu esparez ;
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Les notonniers ont les sigles levez, Traient leur ancres, es les vous esquipez, .. vent hautains s’est feru enz es trez, Nagent et siglent au vent et a l’orez.
[CCLXII] 6672
En Rocheglise fu Ydoine au vis cler, Mes ne verra Renier le bacheler,
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RENIER
S’avra paour de son cors embraser. Renier meïsmes avra tant a pensser Et de granz pas perilleus a passer Et moult divers ançois qu’il puist trover Le sien chier pere et de prison geter ; Se Diex n’en pensse, n’en porra eschaper ! J. petitet vous lesserai ester Del roy Grebuedes et de Renier le ber, Au roy Butor nous covient retorner,
Qui avoit fet moult de genz asembler Por no païs, qu’il cuidoit conquester.
[CCEXIII]
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Par .I. matin sont Sarrazins levez ;
Le roy Corbon a Butor apelez : « Sire, dist il, vers moi en entendez :
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Ancui au vespre, quant li temps sera clerz, Moi et ma gent entrerons en nos nesz ; Vers Morimont ert no chemin tournez, Droit souz le Rosne ferons tendre noz trez. Prise iert la terre et le païs gastez ; Droit hoir en sui, s’en veull estre chasez ! Je ne dout mes François .IL. auls pelez : En no prison est Maillefer getez Et Renoart est pieça trespassez Et aussi est le Marchis au Court Nez. [fol. 91 r. a.] — Par Mahomet, dist Butor l’escornez, Ge veull savoir, ainssi est mes penssez, Se nus hons ert en nul païs trouvez Qui mes nous toille ne chastiauls ne citez. » Dist Rubÿon, le vieill chenu barbez : « Butor, biau sire, bien consseillié serez !
Otran de Lymes, s’il vous plest, manderez ;
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Cil set des ars de nygromance assez, Sages hons est et bien enlatinez, Bien vous dira toutes vo volentez. » Et dist Butor : « Mouit bien parlé avez ! Ainssi iert fet com vous le devisez. »
[CCLXIV] Le roy Butor .I. message apela, Otrans de Limes par devant lui manda Et cil i vint que pas nel refusa. Butor l’apcle ct si li conmanda Que :il sortisse, quant il anuitera, Se nul François mes grever les pourra. Et cil respont c’un tel sort getera, Dedenz demain a dire li savra. Atant s’en tourne, en .I. vergier entra. Tant fu iluec que la lune leva,
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Le temps iert biax et la lune esclera Et mainte estoile luist et estincela. El firmament et el trosne esgarda Et le paien tout son sort atira, Et tout le cours des estoiles esma,
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Si vit tout ce qui fu et qui sera, Ce qui doit estre et ce qui avenra. A l’ajournee son afere afina, Otran de Lymes a Butor repera.
[CCLXV] Bel fu le jour si con el temps d’esté. En Loquiferne, la mirable cité,
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Sont Sarrazins mescreant asemblé Tout por le sort que cil avoit geté. Otran de Limes a Butor apelé :
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« Sire, dist il, or oiez mon penssé :
Ersoir a l’air, quant j’oi mon sort geté, Gardé et vi enz el ciel estelé 6736 Que Maillefer a .I. filz engendré : Renier ot non en la crestienté. Tant le garderent qu’il ot .Il. anz d’aé, Adont l’embla .I. larron en celé 6740 - Si l’emporta en estrange regné. [fol. 91 r. b.] Onc puis ce jour c’on l’ot ainssi emblé, N’en parla nus qui en seüst verté. Le sort me dist, quant j’oi bien csgardé, 6744
Se cil Renier avoit son temps finé,
De nul autre home ne seriez grevé. Mes, s’il vit tant, ce ai el sort trouvé, Que il puist estre chevalier adoubé,
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Ce vous di bien, dont j’ai le cuer iré, Qu'il avra tant vasselage et fierté, Force et proesce et de gent tel plenté Par lui seront tuit no regné gasté Et Sarrazins ocis et labité Et li pluseur baptizié et levé ! » Corbon l’entent, pres n’a le sens desvé.
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Et dist Butor : « Merveille ai escouté ! Ge nel croi mie, par Mahomet, mon dé, Que mes diex soient ainssi touz oublié Par .I. garçon ainssi desmanevé ! S’on l’avoit ore nourri et alevé
Et o lui fussent .X." ferarmé, N’aroit pooir vers nous d’un seul regné, Ja pour tel chose ne nous venrra grieté !
6760.
fers armé ; Le s a été ajouté par une autre main.
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Et, se Mahom, qui tant a poesté, Soufroit vers nous si grant iniquité, Il ne seroit ja mes de moi amé ! D'un pel agu grant et gros et quarré Li eirt brisié le flanc et li costé. Dehez ait dieu c’om voit si oublié Qui a sa gent suefre tant de maulté. » Le roy Corbon a hautement parlé : « Sire Butor, or oiés mon penssé : Roy Maillefer avez emprisonné, Il et Bertran, qui moult nous ont grevé. Vous avez bien oÿ et escouté Del sort felon que cil vous a conté : S’on m'en veut croire, par Mahom, le mien dé,
A tour Baudune irons sanz demouré Et seront tost li prison desmembré,
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Penduz as fourches ou en .L. feu bruslé. Ge tien celui a fol et assoté Qui lonc temps garde son anemy morté ; Puis qu'il le tient pris en sa fremeté,
Tantost le doit avoir a fin mené 6784
Quar mains a l’en d’anemis en non Dé,
Plus tost a l’en des autres fet son gré. »
[CCLXVI] Le roy Butor, quant Corbon entendi, Mahomet jure, Tervagan et Jupi, 6788
Qu'’ainz le tierz jour passé et acompli, Voudra occire Maillefer l’Arrabi,
6776. troire, corr. C.
[fol. 91 v. a.]
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Lui et Bertran, le vieill et le fleuri : Chescun avra le chief del bu parti Ou il sera traïné et rosti. Mes, se Dieu plest, il n’ira pas ainssi Se Diex guerist le dansel seigneuri, Renier le preuz au courage hardi, Qui vient par mer et son aÿol o lui
A .XX." homes qui tuit sont leur ami.
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Or vous dirons de Butor le Perssi Et de Corbon, le cuvert maleï : Vers Baudune ont leur chemin acueilli.
Tant [ont] alé li cuvert foymenti En la vile entrent, n’i ot nul contredi.
Roy Marbriens fu el palés vouti ; 6804
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Quant ot nouveles son frere vient a li, Le roy Butor, qu’il ama et chieri,
Contre lui vint, de joie s’esbaudi : L'un frere l’autre festoie et conjoï. Devant la sale ot un arbre fueilli, La descendirent Turc et Amoravi. Dist Marbrien : « Frere, entendez a mi :
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Por quel besoing estes vous venu ci ? » Et dist Butor : « Bien le savrez par mi : Je veull destruire, ja mes n’aront merci,
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Roy Maillefer et Bertran autressi Kar mainte fois m’ont grevé et ledi. » Del sort li conte si com avez oï Tout enssement qu’Otrans avoit sorti.
6790. le vielll; le premier 1 est surmonté d'un trait diagonal indiquant sa correction en i. 6801. Tant ale.
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[CCELXVII] Quant Marbriens roy Butor oÿ a : « Frere, dist il, ne vous esmaiez ja ! Ja mes François tant de pooir n’avra Qu'il passer ose sus nous par dedeça. Mon aisnez estes, ne vous courcerai ja ; Puis qu’il vous plest, Maillefer mort sera, Il et Bertran, qui bien desservi l’a, Mes respitier hui mes les couvenrra Dusqu’a demain que nostre gent venra ; Jugiez seront ainssi con vous plera. » Butor respont que ja nel desdira. [fol. 91 v.b.] Cele vespree et ce jour trespassa,
Li .I. des freres avoec l’autre festa. De Maillefer conter nous couvendra : Em prison iert, moult de mal soufert a. Sonja .I. songe, qui moult l’espouenta, Et el premier en dormant li sembla Ce li fu vis qu’en .L. bois se trouva Sanz compaignie, dont moult li ennuïia. D'une montaigne .I. grant ours devala, Gueule baee envers lui se lança, Par .L. petit que tout ne l’engoula, Mes Maillefer d’autre part se vira, Pour lui guerir sus un arbre monta. Desarmez ert, tout ainssi le visa,
Et pour ce plus cele beste douta.
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[CCLX VIII] Quant Maillefer fu sus l’arbre montez,
Roy briens ; faute par anticipation de roy Butor.
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Bien li sembla qu’il fu aseürez. Aprés sonja, dont il fu plus grevez, Avis li fu, de ce ne mescreez, Devers le ciel, dont moult fu esfreez, Vint .L gryphon grant et desmesurez. De tel vertu est aval avalez Que tout li arbres fu a terre froez
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Et il meïsmes fu si forment hurtez,
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Ce li fu vis qu’a terre estoit verssez Si qu’a petit ne fu son cuer crevez. De la paour s’est esveillié li bersz, Em piez saut sus aussi qu’il fust desvez. Quant il se trueve en la chafrltre enfremez, Lors ot tel duel qu’a terre chiet pasmez. Bertran s’esveille, si est en piez alez, Qui d’autre part iert .[. poi aclinez. Maillefer voit, qui moult s’iert derreez. Il li demande : « Biau sire, hé, vous, qu’avez ?
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Por Dieu vous proi, ne vous desconfortez, Aiez fiance el Roy de majestez :
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Dist Maillefer : « Ge sui espouentez, Moult ai esté en sonjant mal menez. » Tout li conta ainssi qu’oï avez
Quant li plaira, tost serons delivrez. »
Del ours sauvage, conment s’en ert gardez,
Mes del gryfon fu plus espouentez. Bertran l’entent, tout en fu trespenssez, 6872
Puis respondi com hom amesurez : [fol. 92 r.a.] « Maillefer, sire, ne vous desconfortez :
Songe est fantosme, qui i croit fet foltez ! »
6857.
chatre.
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RENIER
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Roy Maillefer s’est .I. poi ravisez. Dont vint li jours, si parut la clartez, Par matinet s’est roy Butor levez Et Marbriens et Corbon le desvez. Mahomet jure Butor le forssenez Il veut errant Maillefer soit mandez,
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Et dist Corbon : « Moult bien parlé avez ! » Dist Marbriens : « Salabron, ça venez ! Alez tantost, les prisons amenez. »
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Il et Bertran, si sera labitez.
Dist Salabrun : « Si com vous conmandez. » Dusqu’a la chartre ne s’e[st] puis arrestez,
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A son vallet a dit : « Or tost alez A la prison et si la desfermez, Ceus qui sont enz el palés amenrrez. » Dist li paien : « Moult bien parlé avez ! » Les clés a prises, les huis a desfremez ; Ceus en trait hors com li ot conmandez,
Mes a delivre ne les a pas menez : Chescun estoit en [.I.] charchant fremez
Et les aniax enz les jambes boutez.
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Tant orent fain et douleurs endurez N'’i a celui ne soit tout descharnez.
[CCLXIX] En tour Baudune ot grant asemblement : Assez y ot venu paienne gent
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Por Maillefer et Bertran, son parent,
C’om doit occire et destruire a torment.
6886. 6894.
ne se puis arrestez, corr. C. en charchant.
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Devant Butor, el plus haut mandement, Sont amenez li baron en present. Chescun reclaime le Roy omnipotent Qu'il les sequeure si li vient a talent. « Diex, dist Bertran, qui es el firmament, .LX. anz a et plus, mien escïent,
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Que chevalier fui de premier jouvent. Puis ne passa mois entier seulement Ne fusse en guerre envers paienne gent. Or voi ge bien, selonc mon escïent, Que de mon cors feront a leur talent. Jhesu ait l’ame par son digne conmant ! De Maillefer ai le cuer moult dolent : S’ainssi veut Diex que soit son finement, Crestienté declinera forment. » [fol. 92 r. b.] Quant Butor l’oit, grant joie au cuer l’emprent.
[CCLXX] Quant Butor voit Maillefer devant lui, Moult le voit maigre et taint et empali, Il l’apela oïant maint Arrabbi , Si li demande por quoi tant rassoti Qu'il a lessié Mahom et deguerpi : « Maillefer, frere, dist Butor, ge t’asfi Se tu vouloies nos diex crier merci Et renoier celui qu’as tant servi,
Tout mon païs te partirai par mi. A Morimont en irons sanz detri, En petit d’eure seront François honni, A Saint Denis seront nos diex servi. Quant tout arons et conquis et saisi, L'une moitié volentiers t’en otri.
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Se ce ne fez que j’ai devisé ci,
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A grant tourment mourra le cors de ti. » Dist Maillefer : « Por le tresor Davi
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Ne pour la terre l’amirant de Ponti Je ne lairoie Jhesu le posteï, Qui de la Virge en Belleem nasqui ; Pour nous mourut et en croiz s’estendi. Mahom, vos dieu, que vous me loez si,
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Je ne le pris vaillant .L. chien pourri. » Butor l’entent, a poi du sens n’issi ; As paiens dit, si que bien l’ont oÿ :
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De quele mort cil glouton maleÿ
« Gardez, seigneurs, et soiez averti
Puissent miex estre tourmenté et honni. »
Dist Corbon : « Sire, bien le savrez par mi : Il doivent estre deciplé a ronci 6948
Que braz et cuisses soient del cors parti ; Et, quant les membres aront des cors ravi,
Aprés si soient en .I. grant feu bruï 6952
Ou touz enssemble penduz en .I. lairri, Si seront la des crestiïens choisi
Qui par la mer passeront endroit ci. » Dient li autre : « Il l’ont bien desservi ! Corbon, bon roy, bien ait qui te nourri ! »
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[CCLXXI] Moult fu dolent Maillefer li membrez Quant il ot dire qu’il sera desciplez. Li quens Bertran s’est forment dementez. Butor conmande que il soient menez En mi la vile ou le marchié fu lez, [fol. 92 v. a.]
Et cil si fist a cui furent livrez. Corbon le noir, cui de Dieu soit dampnez, A les chevaus en la place amenez.
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Ja fust Bertran as chevaus atelez Et Maillefer et a duel tourmentez Quant .I. paien est en la vile entrez ; Roy Malaquin, ainssi fu apelez,
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De .III. royaumes tenoit les heritez. Encontre lui est roy Butor alez, Et Marbriens et Corbon li courbez,
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Et Salabrun et des autres assez. Il leur demande, quant les ot encontrez, Se Maillefer estoit enquor finez Et de Bertran conment sont demenez. Et dist Butor : « Maintenant les verrez En quel maniere il seront labitez, Mes enquor n’est nul d’eus .II. acoublez. » Dist Malaquin : « Mahom en soit loez ! Sire Butor, se croire me voulez,
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En vo prison andoi les remetez Dusqu’a cele heure que vous dire m’orrez. A Morimont vous et vos genz irez ;
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La est Gyrart a poi de gent remez. Se Mahom done que le païs prenez, Roy Maillefer aprés ceu desferez Kar on m'a dit, dont tout sui esfreez,
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C’un soudoier qui est de France nez, Jouvenciax est, mes tant redoutez Il ne crient home tant soit grant ne quarrez, Et ne veut dire conment il est nonmez, Cil fu l’autr’ier souz Morimont es prez ;
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Roy Rubïon, vostre oncle, li senez,
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Fu par celui desconfit et matez. » Otran de Lymes, le viex chenu barbez, Dist a Butor : « Il vous dit veritez : Gi fu adont, ja mar le mescroirez,
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Mes a grant paine em poi estre eschapez. »
[CCLXXII] Dist Malaquin, li preuz et li gentis : « Sire Butor, entendez a mes dis :
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Se Mahom done, le dieu suppellatis, Que Morimont peüst estre saisis Et Gyrart mort et ceus dedenz occis, Dont pourrois fere vo bon et vo devis De Maillefer, dont vous estes saisis,
[fol. 92 v. b.]
Et de Bcrtran, qu’avocc lui tencz pris. Et, s’il avient, riche roy posteïs, Que Gyrart soit d’auques de gens garnis, Qu’avoec li fust le soudoier hardis Et qu’a bataille soit contre vous partis, Que s’il prenoit aucun de vos amis,
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Pour Maillefer les ravrés sains et vis Et pour Bertran, ou III. ou .V. ou sis. » Et dist Butor : « Cis conssaus est faitis ! Malaquin, sire, ja n’en serez desdis,
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A ceste foiz seront en respit mis. » Dont fu Bertran et Maillefer repris. Butor conmande qu’arriere soient mis En sa prison quar tel est ses plaisirs ; Il ne veut mie qu’encor soient occis. Bertran l’entent, s’aoura Jhesu Cris Entre ses denz que il ne fust oÿs Et Maillefer en fu moult esjoïs. En la grant chartre furent andoi remis. Bertran parla, qui moult ot fier le vis :
sains estris.
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« Maillefer, sire, or soiez esbaudis ! Quant iere joenne et varleton petis, Dont oÿ dire a Guibourc la gentis Que .M. mars d’or vaut .I. jour de respis.
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Enquor verrons a joie nos amis. » Or vous dirons des paiens maleïs En quel maniere ont Morimont assis.
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Ge sai de voir, et mon cuer en est fis,
[CCLXXIIT] Corbon le fel, cui Dicx puist mal donner, Fu moult dolenz, en lui n’ot qu’aïrer,
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De ce qu’il vit Maillefer respiter. Le roy Butor em prist a apeler : « Sire, dist il, s’el voulez conmander,
Promiers voudrai enz en la mer entrer, Toute ma gent vourai o moi mener,
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A Morimont tout droit voudrai aler : Gyrart iert pris, n’en porra eschaper ! Se j'ai mestier, ge vous ferai mander. » Et dist Butor : « Bien fet a creanter ! » Paiens s’atournent conmunement d'’aler, Vins et viandes ont fet es nés porter, Bley et bescuit pour demi an passer. Le roy Corbon, quant vint a l’avesprer,
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Il et sa gent vont en leur nés entrer.
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Les Agriparz ne volt pas oublier ; C’est une gent qui moult fet a douter, Nul drap ne veulent vestir ne endosser, Tout sont veluz conme cerf ou sengler. [CCLXXIV] Corbon fu fel et moult fu redoutez,
[fol. 93 r. a.]
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Une gent maine tele con vous orrez : El but des doiz ont ongles afilez, Assez plus lons que n’a .I. ours ramez. Se Diex n’en pensse, qui en croiz fu penez, Morimont iert tourné a granz viltez Et cil dedenz a martire livrez ! Paiene gent ont les sigles levez, Le vent s’i fiert, es les vous esquipez ; En mer hautaine se sont acheminez. Li vilz deables les ont si droit menez Souz Morimont cs les vous arrivez. Getent leur ancres, es les vous aterrez, Des nés issirent Sarrazins a touz lez, Armes, chevaus en ont osté assez,
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Et pain et vin et bons bacons salez, Trés et acubes por venz et pour orez.
[CCLXXV] Souz Morimont sont venus Sarrazin. Le roy Corbon, cui Diex doint mal destin,
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Une gent ot qui mainent laide fin : Les Agrypars du lignage Caïn, Qui ne vestirent onques laine ne lin.
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En son chief lace .I. hiaume poitevin, Pierres y ot du tresor Costentin ; Hom qui le porte ne puet aler a fin S’il n’est traïtre ou plain de mal engin.
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Puis ceint l’espee, dont le pont fu d’or fin,
Corbon s’arma du hauberc doublatin,
J. fauxart porte trenchant et acerin.
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vous est écrit en bout de ligne.
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Avoec lui s’arment .XXX." Beduïn. 7084
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Par la contree queurent li chien mastin ; Le païs gastent et tournent a declin. De nostre gent ont fet moult lait traïn, Uslent et braient et demainent grant brin. Cil les maudie qui de l’eaue fist vin ! En Morimont en ot on le glatin. Gyrart estoit enz el palés marbrin, Par la fenestre bouta son chief enclin, Voit la navie a la gent Apolin : « Dicex ! dist Gyrart, vrai Perc celcstin ! [fol. 93 r. b.] Or voi ge bien que pres sui de ma fin Quar ge n’ai mes ne frere ne cousin. Maillefer, sire, franc home de bon lin,
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Trop demourez entre la gent Jupin ! JT. mois avra acomplis le matin Que vous partistes de moi a chief enclin, Et de vo fame au fin cuer enterin. En mer entrastes droit le jor saint Martin, Vers Loquiferne tornastes vo chemin Tout por sequourre Bertran le palazin. »
[CCLXX VI] Le quens Gyrart ot moult le cuer marri, Forment regrete Maillefer le hardi : « Sainte Marie ! dist Gyrart le fleuri,
Ja sont .IIT. mois passez et acompli Que Maillefer de nous se departi,
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Onc puis cel terme novele n’en oï. Or me dout moult, par Dieu, qui ne menti,
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regrece, corr. C.
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Que Sarrazins ne l’aient mal bailli En leur prison puis qu’il demeure si ; Et de Bertran ai le cuer engrami, Je me criem moult qu’il n’ait son temps feni. »
[CCLXX VII] Li quens Gyrart de Conmarchis li frans Voit arrivez granz dromons et chalans, Et nés et barges et galïoz courans ; Et Agrypars et les Popeliquans Vit d’autre part armez aval les chans ; Voit les Conmains, les Turs et les Perssans,
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Devant li autres fu Corbon le tirans. Touz ceuls qu’il prennent ont ocis a ahans ; Devant la vile es les vous repairans. La povre gent qui dehors fu manans
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Fuiant s’en vont, dolenz et esmaians ; En la vile entre qui pot venir a tans,
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En Morimont estes les la venans, Fuient no gent, qui vienent a garans, Quar moult redoutent les cuvers mescreans. Gyrart estoit enz el palés plus grans Et voit paiens qui moult le font dolans Que son païs li vont [tuit] destruisans ; Trente mil sont les cuvers soudians,
Et Gyrart ot si tres petit de gens VA sont de genz qui sont contans ! Moult se dementent nos chevaliers vaillans,
7125. qui y pot. 7131.
Q son pais. li vont destruisans.
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Sovent regretent Maillefer li auquans, [fol. 93 v. a.] Le gentill roy, dont moult sont desirans.
[CCLXX VIII] En Morimont fu Gyrart moult penssis. 7140
Ses barons mande, ses a a reson mis : « Seigneurs, dist il, quel consseil sera pris ? A ce port est venu .I. Arrabbis,
Bien a o lui .XXX." fervestis ; 7144
Les proies prennent et gastent le païs. Sc nous issons contr’culs en ce lairris, Poi sonmes gent contre tant d’Antecris, Si criem que tuit i serions OCcis ;
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Et d’autre part resui trop trespenssis Que Maillefer n’est deça revertis : Je me dout moult forment qu’il ne soit pris Et que Bertran ne soit mort et occis. »
[CCLXXIX] 7152
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7136. 7151.
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En Morimont fu la gent esfreele]. Moult les conforte Gyrart chiere membree, Entour lui a sa mesnie assemblee :
« Seigneurs, dist il, s’il vous plest et agree, Nous nous tenrons en la vile loee Et si soit bien envers ces chiens tenssee ; Chien sont paien et pute gent desvee ! N'en istrons hors, s’il ne vous desagree, Jusqu’a cele heure qu’orrons la renonmee
auquaus, corr. C. esfree, corr. C ; faute par haplographie.
7152. confaite, corr. C.
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De Maillefer, dont avons desiree, Et de Bertran, qui ait bone duree. » Dient ses homes : « Frans quens, c’est sanz doutee, Vos volentez ferons sanz refusee. » Tant dis que s’est nostre gent dementee, Est Florentine hors de son lit levee ; De sa chambre ist, el palés est montee Et ot la noise, le cri et la huee,
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7176
7180
Devant la tour voit la gent asemblee. Gyrart apele la duchesse senee : « Sirc, por Dicu, dist la damc honorce, Est la navie mon seigneur retornee ? Moi est avis que trop fet demouree. » Dist Gyrart : « Dame, trop vous estes hastee ! Enquor n’a mie Loquiferne aquite[e]. Quar fust ele ore a terre graventee Fors qu’en fust hors la gent crestiennee ! Cele grant noise que avez escoutee Font Sarrazins, qui gastent no contree. » La dame l’ot, a terre chiet pasmee. Quant se redresce, si s’est haut escriee : [fol. 93 v. b.] « Maillefer, sire, com dure dessevree ! Se Diex n’en pensse, qui fist ciel et rousee,
Ne verrez mes ceste maleüree. 7184
Ah
7188
Se seüssiez conment ge sui menee, Secours eüsse de ceuls de vo contree ; Vo cors meïsmes a baniere levee Venroit par mer sanz point de destornee
! Grebuedes, dist la dame honoree,
7174.
aquite, corr. C ; faute par haplographie.
7184.
dist la dame biau pe (= pere).
484
ENFANCES
RENIER
Tant que seroie des paiens descombree. »
[CCLXXX]
7192
En Morimont fu no gent esbahie. La dame pleure et forment se gramie Por son seigneur, qui ne repaire mie.
7196
Dist Gyrart : « Dame, vous fetes grant folie ! Vous esmaiez nostre chevalerie, Confortez vous et si ne plourez mie Quar, se Dieu plest, le filz sainte Marie, Bien icrt la vilc tenssc{c] ct garantic
Contre paiens, la pute gent haïe, Tant que venrra Maillefer et s’aïe. 7200
S'il le savoit, il ne demouroit mie. »
7204
Dist Florentine : « Ge ne sai que je die De mon seigneur quar trop lonc temps detrie. Diex ! je ne sai se il m’a enhaïe, Ja mes de lui ne cuit avoir baïillie. » Diex ! s’or savoit la dame seigneurie Que Turs le tiennent en leur chartre enhermie, Roy Maillefer, dont el tant se gramie,
7208
Lui et Bertran, qui moult ot courtoisie !
7212
7197. 7209. 7210.
Soufrir leur font paiens moult de hachie, Chescun jour sont batus d’une courgie, Mes n’en istront por riens que que nul die S’iert revenue la riche baronnie. Renier li preuz, cil les chadele et guie Et vient par mer a moult riche mesnie ;
tensse, corr. Mt ; faute par haplographie. hachiee, corr. C. courgiee, corr. C.
ENFANCES
7216
RENIER
485
Le roy Grebuedes vient en sa compaignie, Pere a la dame qui est si esmaïe.
[CCLXXXI] En Morimont sont assis no baron ;
7220
7224
Moult se demente Gyrart, le filz Buevon. Les tours garnirent de chaïllos environ. Or vous dirai du Sarrazin Corbon Et de sa gent, qui ait maleïçon : Tout [ont] praé le païs li glouton, À Morimont repairent li felon, La vile assaillent et font grant huoison.
[fol. 94 r. a.]
Gyrart escrie « Conmarchis ! » a haut ton : « Desfendez vous, franc chevalier baron !
7228
7232
7236
N’aiez paour se paiens sont foison. » Li Agrypart rampent au mur en son, As graus aguz se tienent environ Et no baron leur getent maint perron, Mes ne leur vaut vaillissant .[. bouton ! Ja fust la vile mise a destrucion Quant Gyrart vint courant de grant randon : .L. mairrien lieve par grant aïroison, Aval le giete desus la gent Noiron : Cui le merrien encontra de bougon, Mourir l’estut ou il vousist ou non. [CCLXXXII] Quant Corbon voit ainssi sa gent mourir,
7240
7222.
Tel duel en ot du sens cuida issir. Il prist .L. cor, sel conmence a bondir,
Tout prae, corr. Mt.
486
7244
7248
ENFANCES
RENIER
Dont veïst on Agrypars assaillir, Conmains et Bougres abaier et glatir. Le roy Corbon fist forment a cremir : A la grant porte est alé envaïr, D'un grant fauxart i conmence a ferir, Les barres fent et les ays fet croissir. Ja l’eüst fete trebuchier et chaïr, Mes le jour faut, si prist a anuïitier.
Le roy Corbon fist sa gent resortir ; Devant la vile ont fet leur trés bastir. Mahomet jurent ne s’en voudront partir 7252
7256
7260
7264
7268
7265.
S’aront la vile, Gyrart feront mourir,
Touz les François voudra fere honnir Et de la dame fera tout son plesir. Mes, se Dieu plest, bien en porra mentir Se Diex ce done que Renier puist venir, Qui de son pere trouver a grant desir Et qu’en pouïst vraie nouvele oÿr.
[CCLXXXIIT] La lune luist et la nuit fu serie. Paiens se logent aval la praerie. Corbon fist tendre le sien tref par mestrie, Devant la porte fu l’estache drecie, Mahomet jure ne s’en partira mie S'iert le païs et la vile sesie, Et Gyrart mort et sa gent mal baillie ; Et la dame iert en .I. grant feu bruïe Se ne veut fere toute sa conmandie. Mes, se Dieu plest, ainssi n’ira il mie ! [fol. 94 r. b.]
mort est écrit en bout de ligne.
ENFANCES
7272
7276
RENIER
Hui mes est drois que de Renier vous die, Qui est en mer en sa grant baronnie. Le vent de bise forment les contralie. Renier resgarde, si vit une galye : D’escuz et d’armes estoit moult bien emplie : Mariniers sont, qui vont a garandie ; Droit vers Marsseille ont leur voie aquellie, A Morimont ont lessié leur navie, Mes pour paiens n’i osent aler mie. Les mariniers ont nostre gent choisie,
7280
7284
7288
7292
7296
C’estoit Renier, il et sa compaignie. Adont cuiderent que fust gent paienie.
[CCLXXXIV] \ Les mariniers se vont moult dementant, L'un dist a l’autre : « Or nous va malemant ! Ci devant nous voi venir afendant Moult grant navie et grant estorement. Touz sonmes morz se ce sont mescreant ! » Leur sigle tournent li riche marcheant. Ja s’en fuissent, par le mien escïent, Quant li .I. d’euls regarde apertement, Voit sus les nés les crois apparissant Et les lanternes qui vont encoste ardant. Ses compaignons en va aresonnant : « Crestiens sont en ces nés la venant ! C’est le roy d’Ysle, par le mien escient, Pere no dame Florentine au cors gent, Quar as armures les vois reconnoissant, As penonciax qui baloient au vent. Alons contr’euls, si leur dirons briément
Coment paiens vont la terre gastant. » Dient li autre : « Diex nous va secourant ! »
487
ENFANCES
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RENIER
[CCLXXXV] 7300
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7324
Li notonnier leur galye ont tournee Tant que il ont la navie encontree. Pres iert de jour, la nuit iert trespassee. Renier conmande sa nef soit arrestee Tant que il ait nouvele demandee A la galye qui vient toute abrievee. Et cil respondent : « Si iert com vous agree. » Le sigle abatent et la nef est cessee. Es vous atant la galye atrosnee, Ceuls dedenz crient a moult haute alenee : « Ou est le roy d’Isle la renonmee ? » Renier respont a la chiere eslevee : «Il est ceenz en cele barge lee. [fol. 94 v. a.] Que li voulez ? dites vostre penssee, Bien li sera vo besoigne contee. » Et cil leur content toute la meserree, Conment paiens ont la terre gastee, En Morimont est la dame ensserree O lui Gyrart a la chiere membree. Poi ont vitaille et pain et char salee ; S'il n’ont secours dedenz quarte journee, Toute la gent iert morte et afeminee. Renier l’entent, s’a la couleur muee Quant de la dame oÿ la renonmee Que Sarrazins ont si fort triboulee. Au roy Grebuedes la nouvele a notee Que sa fille ier[t] si durement grevee
7324.
Nous lisons sort.
7326.
ier.
ENFANCES
RENIER
De Sarrazins, la pute gent desvee.
7328
[CCLXXX VI] Les mariniers le roy d’Isle apela, Il et Renier et si leur demanda Des Sarrazins conment esploitera. Li uns des mestres des mariniers parla :
7332
« Seigneurs, dist il, ne vous esmaiez ja,
7336
Vostre navie bien conduite sera, En Morimont en brief terme enterra, Ja Sarrazin garde ne s’en donra. » Et dist Renier : « Bien ait qui te porta ! » En{[z] en sa nef le marinier hucha
Et de sigler durement le proia Tant que il viegne ou paiens trouvera
7340
Quar, se il puet, la dame secourra.
Et cil respont volentiers le fera : Dedenz .Il. jours bien mené li avra.
7344
Se Diex n’en pensse, trop demourer porra, Quar roy Corbon par matin se leva,
Mahomet jure que la vile assaudra, Murs et crestiax touz acraventera, Touz cels dedenz a douleur occira,
7348
7352
7334. 7337.
Mes, se Dieu plest, il s’en parjurera. Ses armes huche et l’en li aporta. Corbon s’adoube, durement se hasta, L’auqueton vest et l’auberc endossa, Et en son chief .I. bon hiaume frema Et par deseure .I. fort chapel posa ;
brief, corr. C. En en, corr. C ; faute par anticipation de en.
489
ENFANCES
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RENIER
D’acier estoit, nul cop ne redouta. Ceint .IL. espees ou il moult se fïa
7356
Et en son poig .L. grant fauxart pris a. [fol. 94 v. b.] A sa gent crie que nul ne se mouvra, A Morimont tout seul aler voudra Pour essaier se Gyrart s’en istra.
7360
Endementiers que Corbon devisa,
7364
7368
Vint .L. message qui au port arriva ; C'iert Piecolet, qui tant de mal penssa. De la nef ist, errant s’achemina, Au mestre tref le roy Corbon trouva Et Piecolet moult bel le salua De Mahomet, que li pors estranila. Corbon li dist : « Bien ait qui t’engendra ! Queles nouveles nous aportes tu ça ? » Dist Piecolet : « Bien conté vous sera : Roy Salabruns, qui tant de prouesce a,
Vous vient secourre o tant de gent qu’il a,
1372
XX." sont qui bien les contera. Le roy Butor ça le vous envoia, Gyrart iert pris, eschaper n’em porra. » Corbon l’entent, grant joie en demena,
7376
7380
A moult grant joie a l’encontre li va, A l’encontrer li .I. l’autre acola. Corbon li conte tout ainssi qu’il ouvra : En Morimont la duchesse assieja : Poi ont vitaille, dont malement leur va.
Gyrart li viex bien desfendue l’a. 7384
« Or vous dirai conment la chose ira : A nos herberges vo cors reposera. A Morimont aler me couvendra, Veoir irai se Gyrart se rendra. Ge li dirai, quant venu serai la,
|
ENFANCES
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RENIER
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S’il veut en France aler, l’en li laira Mener sa gent, si que riens n’i perdra. Par tel promesse, je cuit, la tour rendra
Et Morimont, qui sus la roche esta. Mes, par Mahom, ja si tost ne sera
7392
7396
7400
Ça hors issu que l’en tost le prendra, De male mort mourir le covendra ! Foy ne creance ne li porterai ja. » Dist Salabruns : « Bien ait qui vous porta ! Pour grans malices qui pensser les porra , Mon ami iert cil qui les m’aprendra Quar por droit fere n’amonterons nous ja. » À ces paroles Corbon s’en dessevra, Vers Morimont tout seuls s’achemina,
Dusqu’a la porte li glouz ne s’arresta.
[fol. 95 r. a.]
Gyrart li viex as estres s’acouta, Longue ot la barbe, le poil li blanchoïia ;
7404
En son aage pres quatre vinz anz a. Environ lui le marchis resgarda, Voit la gent povre dont chescun fameilla Et il meïsmes moult d’angoisse endura ;
7408
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Il ot .Il. jours que de pain ne menja. « Diex, dist Gyrart, qui nous confortera ? Je cui et croi mourir nous couvenra. Maillefer, sire, trop demourez. dela ! » A ces paroles roy Corbon s’escria, Gyrart apele et si l’aresonna ; Li quens l’oÿ, avant son chief bouta.
[CCLXXX VII] Corbon le fel a Gyrart apelé : « Gyrart, dist il, or oyez mon penssé : Se voulez rendre la mestre fremeté
ENFANCES RENIER
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De Morimont, ou estes enssertré,
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Je vous lairai aler a sauveté, Vous et la dame qui tant a de biauté. Ja nul de vous n’i sera mal mené Ne n’i perdrez .I. denier monneé De tout l’avoir que avez amassé. » Gyrart l’entent, Dieu en a mercié.
Dist a Corbon : « Oyez que j’ai esmé : Respit vous quier tant que j’aie parlé À la duchesse et consseill demandé. » Et dist Corbon : « A vostre volenté. Dites li bien, gardez ne soit celé, Se vous ne fetes quanque j'ai devisé, Nous assaudrons par vive poesté Tant que seront tuit li mur graventé Et touz mourrez a duel et a vilté. » Gyrart s’en tourne, avoec lui sont alé II. chevaliers qui de lui sont privé. Vint en la chambre de fin marbre listé, La dame trueve au gent cors honoré Et Grassïenne, sa fille au cors moullé.
7440
L'une et l’autre ot moult tendrement plouré Quar de vitaille orent grant povreté ; Piteusement ont plaint et regreté Roy Maillefer, qui tant a demouré.
[CCLXXXVIIT] Gyrart entra en la chambre cielee. 7444
Quant voit la dame, moult bel l’a saluee, Toute li a la besoigne contee [fol. 95 r. b.] Que roy Corbon li avoit devisee.
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La dame l’ot, si [est] moult trespenssele] ; Gyrart apele basset en recelee :
« Sire, dist ele, par la vertu nonmee, Ennuit par nuit, quant couchier fui alee, Lues m’endormi et fui asseüree. Lors me sembla, par la Virge honoree, Qu’entour ce mur de la vile loee Nous assailloient Sarrazins a hiee ; En petit d’eure fust la vile gastee Et no gent morte et a douleur tournee Quant droit as trés de celc gent desvec Vint .L. dragon volant de randonnee. D’autres oïsiaus y ot si grant volee N'i ot acube qui ne fust craventee,
Ne tref ne tente qui ne fust jus verssee. Par ceste chose que je vous ai contee, Si demoura l’assault et la mellee. Or vous proi touz qui m’avez escoutee Avertissiez bone gent honoree Que ceste chose nous soit a bien tournee. » Quant Madïans ot la chose entervee, Gyrart apele, qui la chiere ot clinee, Et la duchesse, qui plus bele iert que fee : « Dame, dist il, soiez asseüree,
7472
Secours avrez ainz que past la journee. Le grant dragon qui vint gueule baee, C’est .I. franc hom qui vient par mer salee, Pour vous aidier vient en ceste contree. » Gyrart l’entent, s’a dit reson membree
7447. La dame lot si ml’t trespensse, corr. C ;faute par haplographie.
ENFANCES
494
7476
RENIER
Que Morimont n’iert hui mes delivre[e]
Au roy Corbon ne a sa gent faee ; Se il l’assaut, bien li iert devaee !
7480
[CCLXXXIX] Gyrart le preuz de la dame parti, Vint a la porte ou Corbon atendi ; Gyrart l’apele, le conte seignouri : « Corbon, dist il, entendez envers mi,
7484
7488
Ralez vous en, du tout avez failli A Morimont, le chastel cnforci. » Et dist Corbon : « Dont serez assailli ! Se vous puis prendre, ja mes n’avrez merci. » Et dist Gyrart : « Nous nous desfendrons si Poi conquerrez se Dieu plest, ou me fi. » Corbon s’en tourne, le cuer ot engrami,
7492
7496
Li Pincenart et li Amoravi ;
.L. mile furent li Antecri ! [CCXC] Le roy Corbon Salabrun en mena. 7500
7476. 7478.
[fol. 95 v. a]
As trés repaire ; quant Salabrun choisi, Il li escrie sa gent soient garni : Ne mengera mes s’avra assailli A Morimont, dont li mur sont anti. S’il prent Gyrart, mort iert ainz le tierz di. Adont s’armerent paien et Arrabi, Conmain et Bougre et les Turs de Luti,
Quant fu armé, .L. cor d’arain sonna :
delivre, corr. C ; faute par haplographie. Sel il corr. C.
ENFANCES RENIER
7504
Ce senefie que la vile assaudra. Gyrart l’entent, qui moult grant paour a : Par mi la vile tantost crier fet a Que tuit s’armassent quar l’assaut ja avra. Et cil si font cui il le conmanda : As creniax montent, chescun bien s’atira,
7508
Pierre ou quarré por destendre porta. Es vous Corbon, qui sa gent amena, Les Agripars, en cui moult se fia ;
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7516
7520
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7528
Corbon le fel devant touz s’en ala, Vint a la porte, no gent petit douta, D'un grant fauxart i fiert et charpenta. Gyrart iert sus, qui desfendue l’a, Quarriax et pierres en contreval geta Et touz ses homes chescun moult s’esforça.
[CCXCI] À Morimont fu moult grant l’estourmie. Corbon le fel, que le cors Dieu maudie, Por assaillir a sa gent esbaudie. Li Agripart i font grant envaïe, Entour le mur mainte eschiele ont drecie, Amont en rampe bien .XX. a cele fie. Tant ont monté li cuvert plain d’envie Ja entrast ens desus le mur a hie, Voit les Gyrart, a poi que ne marvie. Cele part vint courant par arramie : . grant fut prist, il et sa compaignie, Sus ceuls le getent qui en contremont puïe. N’i ot eschiele qui ne soit debrisie, .XX. a ce cop en perdirent la vie. Voit le Corbon, n’a talent qu’il en rie. .. cor sonna, s’a sa gent esbaudie.
495
496
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7540
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ENFANCES
RENIER
[CCXCII] A Morimont fu li assaut pesant. [fol. 95 v. b.] Corbon le fel ot moult le cuer dolant Quant voit sa gent mourir sifaitement. Il leur escrie : « Sarrazins, ore avant ! Prise iert la vile ançois l’anuitement. » Li Agripart vont contremont rampant Et cils deseure se vont bien desfendant : Piex et mairrien vont aval balençant, Mes ne leur vaut .I. denier vallissant : Poi sont li nostre ct Sarrazins sont tant Cent sont contre .I., par le mien esciïent. La gent Gyrart vont auques alentant Quar de desfendre sont lassé durement. Roy Salabrun vet l’assaut enforçant ; Tant vont paien nostre gent angoissant Qu'’a droite force les vont des murs chaçant. Voit le Gyrart, moult se va aïrant. En la grant tour, el plus haut mandement, lert Florentine, qui pleure tendrement. Sa fille apele, si li dit quoiement : « Fille, dist ele, moult nous va malement ! Se Sarrazins vont ça dedenz entrant, A grant tourment nous iront labitant. Pleüst a Dieu, le Pere omnipotent, Que venist ore a ce port arrivant [Roy Maillefer, qui moult a hardement,]
Ou li dansiaus qui son non va celant, Qui l’autre jour nous ot mestier si grant ! 7560
S’un de ces .II. nous venist secourant,
7556.
En marge du ms, nous lisons ci fault .i. 1.
ENFANCES
7564
7568
7572
RENIER
497
Poi doutissons cele gent mescreant. » Si con la dame aloit ainssi parlant, Vint Salabruns a la porte brochant ; D’un arc manier va sus le mur traiant, D'une saiete aceree et trenchant El costé destre va Gyrart ateignant, P[ljus d’une paume li va la char fendant, Le sanc en raie, qui contreval espant ; De la douleur se va Gyrart pasmant, Travaillié fu, si ne pot en avant, Mes ses barons lc vont sus relevant. Corbon escrie : « Sarrazins et Perssant, Or a l’assault ! tuit erent recreant ! »
[CCXCIHI] A Morimont li assault enforça. Gyrart li preuz mie ne couarda, 7576
7580
Navré se sent, bender se conmanda. Tout derechief a la porte monta,
[fol. 96 r. a.]
Touz ses barons de bien fere proia Et cil respondent : « Nous ne vous faudrons ja ! » De bien desfendre chescun moult s’esforça, Mes ne leur vaut quar poi de gent y a, Touz fussent pris quant Jhesu leur aida : Es vous Renier, qui au port arriva,
7584
Et le roy d’Isle, qui moult de bonté a, Dreues de Grece, en cui moult preudome a, Baudoïn l’enfes, qui en Dieu se fia,
Gyres le preuz et Tyerri, qui l’ama ;
7588
7567.
En leur compaigne .XXX." homes a.
pus.
ENFANCES RENIER
498
La grant navie Corbon toute trouva.
[CCXCIV] Souz Morimont arrivent no baron, La ont trouvee la navie Corbon ;
1592
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7604
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Si la gardoient III. cens Esclavon. Renier escrie : « As armes, compaignon | Ferons adés entour et environ Sus cele gent qui croient en Mahom. » Dient ses homes : « A Dieu beneïçon ! » Chescun vesti le hauberc fremillon Et lace l’yaume, ceint l’espee au giron. Ceuls qui gardoient as Turs la garnison Ont touz occis a grant destrucion Fors seulement Quapalu le felon ; Cil ala dire la nouvele a Corbon La ou assault a force et a bandon. Tant iert lassez Gyrart, le filz Buevon, Et tuit li sien, li vaillant champion, Ne porent mes soufrir la chaplison. Es vous le més qui s’escrie a haut ton : « Corbon, biau sire, entendez ma reson :
En ce revage sus mer, enz el sablon, Gent crestienne y a moult grant foison ! Ceus qui gardoient vos nés et vo dromon Ont touz ocis li encrisme felon. » Corbon l’entent, s’en fet grant marrisson. Morimont lessent l’assaut et la tençon, Envers leur nés en vont conme gaignon, Mes tant esploite Renier et si baron
Trés et acubes et maint chier paveillon
ENFANCES RENIER
499
Ont abatuz li gentil compaignon.
7620
[CCXCV] Renier li preuz ot moult de hardement ; Lui et sa gent vont par les trés courant, [fol. 96 r. b.] Plus de .XL. en vont jus craventant. Es .L. espie qui se va escriant : « Damoisiax, sire, trop ouvrez folement,
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Issiez des trés tost et isnelement ! Vez ci paiens qui viennent a poignant, Bataille avrez ct orrible ct pesant, N'eüstes tele en tout vostre vivant ! » Renier l’entent, si va .I. cor sonnant ;
Des trés issi, lui et toute sa gent. « Venice ! » escrie li dansiaus hautement Et le roy d’Isle i vint esperonnant, Dreues de Grece et Gyres le marchant. Leur gent ordenent, bien les vont devisant,
En III. eschieles les vont bien ordenant : La premeraine va Renier conduisant,
7636
Droon de Grece la seconde menant Et avoec lui Baudoïnet l’enfant ;
7640
7644
7618. 7627.
La tierce maine Gyres au poil ferrant ; Le bon roy d’Ysle au courage vaillant Mena la quarte par droit esgardement. Renier parla a loy d’ome sachant : « Seigneurs, dist il, por Dieu omnipotent, Or soions tuit hardi et conquerant Pour delivrer le païs quitement
L'initiale est tracée une ligne trop haui, sur le o de Ont. Nous lisons Neustef, corr. C.
500
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ENFANCES
RENIER
De gent paienne, que le cors Dié gravent ! » Tuit li baron se vont haut escriant Que por mourir n’iront ja coardant ; A ces paroles en vont esperonnant Contre paiens, cele gent Tervagant. Devant les autres en vint Corbon courant Aussi con foudre qui alast descendant. « Diex, dist Renier, com cil glouz vient bruiant ! Mes, par le Roy qui maint el firmamant, Je ne lairoie, por l’or de Boïvent, Que je ne voise en son encontrement. » A ces paroles en vont esperonnant, Devant li autre en va Renier brochant ; La mace porte, qui iert grant et pesant, Qu'il ot conquise a Corssaut le jaiant, Et Corbon tint .I. grant fauxart trenchant. Li uns fiert l’autre quant il vont aprochant, Mes de tant va a Renier malemant Que Corbon fiert trestout premierement Si qu’il l’ataint sus son hiaume devant ; [fol. 96 v. a.]
Le cop avale si outrageusement Le haterel copa a l’auferrant, Lui et Renier ala jus abatant. Mes li dansiax sault sus delivrement ; Or sont andoi a pié tout ygaument. Le bon roy d’Isle i vint esperonnant Et avoec lui Gyres le marcheant Et Murgalet au courage vaillant. Maugré Corbon vont paiens reculant, .. bon cheval vont a Renier rendant, Et li dansiax y monte maintenant. Entre païiens se fiert iriement, De tout son cuer s’i vet abandonant :
ENFANCES
RENIER
Cui il conssuit, il n’a de mort garant ! Plus de .XIIII. en occit a tourment.
7680
En Morimont, en la tour hautc ct grant ,
7684
Estoit Gyrart au courage vaillant ; Par la fenestre va la mer esgardant : Envers les trés a la chenine gent Voit li estour merveilleus et pesant. L’enseigne voit Renier le combatant,
7688
7692
Bien la connut et l’ala ravisant. Ou voit sa gent, si leur va escriant : « Seigneurs, dist il, trop alons detriant : Ge voi la hors le damoisel puissant Qui l’autre jour nous ot mestier si grant. Reperiez est, Dieu en alons loant ! Il se combat a la paienne gent, Or issons hors, si l’alons secourant.
Bien devons fere son bon et son conmant Kar, s’il ne fust, mort fussons vraiement. »
7696
7700
7704
7683.
À ces paroles que Gyrart va disant Vint Florentine hors de la chambre issant Et voit Gyrart, qui se va aprestant Por issir hors, bien s’en va percevant. Voit le la dame, si se va esperdant ; Lors li demande, doucement en plorant :
« Ou irez vous, sire, por Dieu le grant ? — Dame, dist il, gel vous dirai briément : Diex nous secourt, bien en est apparissant. Le soudoier qui son non va celant Est reperiez, ce vous di vraiement. » La dame l’ot, n’ot mes joie si grant :
envert, corr. C.
501
ENFANCES
502
RENIER
7708
N'est riens el monde que tant voist desirant [fol. 96 v. b.] Qu'’ele seüst du dansscl l’errement, Dont il est nez et qui sont si parent. De Morimont ist Gyrart et sa gent,
7112
Lance sus feutre, le gonfanon pendant ;
7716
Dusqu’a l’estour ne se vont arrestant, Entre paiens se metent asprement. Li quens Gyrart feri .[. amirant, Par mi le cors li mist l’acier trenchant, Mort le trebuche du destrier remuant ;
7720
En III. pieces va sa lance brisant, Puis tret l’espee a pont d’or reluisant. Cui il consuit, il n’a de mort garant ! Gyrart encontre Renier le combatant,
Qui de paiens fet grant labitement : De la maçue en va tant abatant
7724
7728
1132
7736
7714.
Que touz li fuient et derriere et devant.
Gyrart li crie quant le vint aprochant : « Damoisiax, sire, Diex vous croisse honeur grant ! De cest secours .C. mil merciz vous rent La gentil dame de cel grant mandement. Par moi vous mande la duchesse vaillant Que volentiers et au los de sa gent Sa bele fille vous donra liement Et la moitié de tout son chasement. » Renier l’entent, bien le va connoissant Que c’est Gyrart, bien le va entendant. Dist Renier : « Sire, le Pere royamant Vous doint la joie qu’alez plus desirant !
Nous lisons entreipaiens, corr. C.
ENFANCES RENIER
7740
7744
503
Pour cest message vous doi guerredon grant, Mes or vous proi, ne vous voist ennuiant, Nous n’avons orc loisir ne tant nc quant De festoier li .I. l’autre noiant, Mes or penssons de metre a finement Ces Sarrazins qui nous vont guerroiant. » Et dist Gyrart : « Moult parlez sagement. » Aprés ces moz vont en l’estour ferant, Paiens occïent, moult en vont afolant ; Mes sus touz autres s’i va Renier prouvant. Ne fust Corbon, qui tant a de beubant,
7748
7752
Ja n’i durassent li autre nonsachant. Dusques au vespre va le chaple durant. Vers Morimont vont noz genz retreant Et Sarrazins vont as trés repairant. Nos genz chevauchent, qui sont las et suant. [fol. 97 r. a.]
En la vile entre li rois premierement
7756
Lez lui Renier et Gyrart enssement ; Avoec euls mainent Baudoïnet l’enfant, Droon de Grece et Gyres le marchant,
Et touz leur homes vont aprés els entrant. Dusqu’au palés ne va le roy tarjant. A leur encontre vint la dame courant. 7760
Quant voit son pere, bien le va ravisant,
7764
Andoi ses braz li va au col tendant, De la grant joie se va .III. foiz pasmant ; Mes le sien pere entre ses braz la prent, II. foiz la bese moult amoreusement. Por esperir le fist certainement
7755.
baudoinêt (= Baudoïnent), corr. C.
ENFANCES RENIER
504
Quar touz cuiderent, li petit et li grant, Qu’ele fust morte tant i fu longuement.
[CCXCVI] 7768
Quant a la dame fu le cuer revenuz,
Renier apele, ou son cuer fu tenduz : « Damoisiax, frere, bien soiez vous venuz
7772
7776
7780
Et Murgalet, le latimier seürs, Baudoïn l’enfes, Dreues li esleüz, Gyres le preuz, qui a Renier iert druz,
Main a main montent el palés a lambrus.
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7788
7792
!
Or sai ge bien que vous estes mes druz, A noz besoins n’estes mie repus. » Dist Renier : « Dame, par le Roy de lassus, Ne fusse pas si lonc temps atenduz Se par sohaïit peüsse estre venuz. » Le bon roy d’Ysle et Renier li membruz Et la duchesse et Gyrart li chenuz
[CCXCVII] Le jour trespasse et la nuit aprocha, A l’avespree .I. petitet venta. En Morimont no gent s’asseüra, En la grant sale le barnage monta. Grant fu la joie que nostre gent mena Et Florentine Renier aresouna : « Damoisiax, sire, ne me le celez ja : Avez esté a mon seigneur dela ? Savez vous nient quant il rapassera ? — Nenil voir, dame, Renier respondu a. N'’ai pas esté ou vo sires ala,
.L grant orage d’autre part me chaça. Droit en Venice ai esté grant piece a,
ENFANCES
7796
RENIER
Ou vostre pere l’autre jor me trouva. » La dame l’ot, del cuer fort souspira : [fol. 97 r. b.] De son seigneur moult tres grant paour a.
[CCXCVII] Renier fu plain de moult grant courtoisie. La dame apele et en consseill li prie : 7800
« Dame, fet il, ne le me celez mie
S’onques eüstes nul enfant en vo vie Fors votre fille, qui tant a courtoisie. »
7804
La dame l’ot, tout le sanc li fremie ; Bien set et pensse la dame seignorie Que li dansiax a tel nouvele oÿe Par quoi il a tel reson conmencie.
[CCXCIX] Quant la duchesse oÿ Renier parler, 7808
Qui de tel chose li prist a demander,
Del cuer souspire et conmence a plourer. Renier esgarde, sel prent a apeler : « Damoisiax, sire, dist la dame au vis cler,
7812
: 7816
Voir vous dirai, si me puist Diex sauver ! J'oi .I. enfant qui moult fist a loer : Renier ot non quant on le fist lever Et en sainz fons beneïr et sacrer. Quant Maillefer dot de moi dessevrer, Le sien chier pere, qui tant fet a douter,
IT. anz avoit, ne vous en veull fausser, 7820
505
Renier, mon filz, dont vous m’oiez conter. Nous convoiames mon seigneur a la mer, L'enfant lessames la nourrice a garder,
Dont vint .I. lerres, qui bien se sot celer Si com j’oÿ la nourrice conter ;
ENFANCES
506
7824
RENIER
L'enfant embla et bien l’en sot porter,
Onc puis nul jour n’en oïsmes parler. Quant m’en souvient, bien cuit desesperer. » Dist Renier : « Dame, or vous veull demander
7828
Se savriez nule enseigne apensser
7832
Pour votre filz connoistre n’aviser S’on le fesoit devant vous amener. — Oïl voir, sire, dist la dame au vis cler. Quant Diex me fist de son cors delivrer,
La crois vermeille li vit l’en aporter Droit sus l’espaulle, moult fesoit a loer. Or vous di bien, selonc le mien pensser,
7836
Qu'il n’est nus enfes qui ce peüst moustrer Se ce n’est cil c’on me fist destourner. »
Renier l’entent, si conmence a pensser. Voit le la dame, bien l’a veü muer.
7840
7844
[CCC] Quant la duchesse a Renier esgardé, [fol. 97 v. a.] Moult le vit mat et auques trespenssé. Courtoisement l’en a aresonné : « Frans damoisiax, por Dieu de majesté, Or vous ai dit toute vo volenté, Si VOUS requier, sus vo crestienté,
7848
7852
Que me redites Pour quel reson Por Dieu, vous Se de mon filz Dites le moi se
vo cuer et vo penssé, m’en avez demandé. pri en sainte charité savez nule verté il vous vient a gré. »
[CCCI] Dist Renier : « Dame, .I. petit vous soufrez, Dusqu’a demain le respit m’en donez.
ENFANCES
7856
RENIER
Conseill prendrai de ce que me querez Et tiex nouveles, se Dieu plest, entendrez Dont vo cuer iert joiant et rassazez. » Et dist la dame : « Si soit con dit avez. Damoisiax, sire, moult estes apenssez. »
Renier li preuz de sa mere est sevrez ; De ces paroles fu forment trespenssez.
7860
[CCC] Or se porpensse Renier le bacheler En une chambre va son mestre mener
7864
Em pur ses braies tout nu desafluber Et a son mestre se fera regarder Se il porroit cele enseigne trouver,
Puis se voudra de ses dras desnüer,
La crois royal, qui moult fet a loer,
Dont a oÿ la duchesse parler.
7868
[CCC] Renier li preuz de la sale parti, Gyres, son mestre, en mena avec lui ;
7872
A l’ostel vindrent, bien furent conjoï. En une chambre de brun marbre poli Entra Renier, qui le cuer ot penssi. Son mestre apele li damoisiax hardi ; Tout seul leva, dont cil moult s’esbahi.
7876
[CCCIV] Renier le preuz au courage vaillant lIert en la chambre de brun marbre oriant, Avoec lui fu Gyres le marcheant, Puis frema l’uis, bien le va verroillant ; Voit le son mestre, si se va esfreant :
507
ENFANCES
508
7880
RENIER
« Diex, dist il, Pere, a vous ge me conmant !
Moult me merveill que Renier va penssant, J'ai grant paour ne me voist occiant Pour seul itant que l’alé achetant 7884
7888
7892
Au fel larron qui l’en aloit portant.
[fol. 97 v. b.]
Je ne sai dire dont est ne de quel gent, Si ai paour ne s’en voist desvoiant Par male errour et qu’il me voist grevant. » Renier li preuz se va apercevant Que li sien mestre se va espoentant ; Lors se porpensse que il l’ira contant De cele chose dont va soupeçonnant. Renier l’apele moult amiablement : « Gyres, dist il, ne vous doutez noïient Quar par la croiz ou Diex fu traveillant, Ou il soufri por nous mort et torment,
7896
7900
7904
Vous n’avrez garde de mort, ce vous creant, Ne de riens nule qui vous aille grevant Se voir me dites, ce sachiez vraiement ; D'une grant chose orendroit vous demant, Si vous conjur del Pere tout poissant, Si voir qu’il fu nasqui en Belleent, Ne m'en mentez, ce vous vois conmandant, Quar ja mes jour, se m’en alez mentant, Nous amerai de cuer entierement. » Gyres l’entent, si respont sagement : « Damoisiax, sire, si me soit Diex garant !
7908
1912
Or demandez tout vo conmandement Kar de riens nule que m’alez enquerant, Por tant qu’en soie certain et souvenant, Voir vous dirai, sanz mençonge trouvant, Se g’en devoie mourir vilainment Puis que m'avez conjuré telement. »
ENFANCES
7916
509
RENIER
Renier l’entent, grant joie en va fesant. Adont se va de ses dras desvestant, Dusques as braies se va tout esnüant ; Puis apela Gyres moult doucement : « Mestre, dist il, por Dieu le royamant,
7920
7924
Or regardez se vous irez trouvant Desus m’espaulle une croiz roujoiant Toute vermeille au destre lez seant Et tout entour letres d’autel semblant. » Et dist Gyres : « Ele est bien apparant, La crois y est, sachiez certainement, Si con la dame vous ala devisant. Ele est vo mere, pas ne m’en voiz doutant,
Et est vo pere Maillefer le puissant Quar as enseignes le sai bien vraiement.
7928
Entour .Il. anz aviez en jouvent
[fol. 98 r. a.]
Quant a Marsseille vous vi premierement. » Dist Renier : « Mestre, bien m’alasse acordant Verité fust de ce qu’alez disant,
7932
Mes vous deïstes, de ce sui souvenant,
7936
A la pucele devant moi en present Que le larron qui moi ala vendant M'avoit emblé en .I. bois verdoiant Et la duchesse si perdi son enfant En Porpaillart, de ce ne sui doutant,
7940
7922. 7937.
C’est une chose qui me fet trespenssant. — Damoisiax, sire, dist Gyres en plourant, Bien croi li lerres ala de ce mentant, Ne vouloit mie c’om l’alast ravisant. »
Le ms donne gyrart. porpaillant, corr. C.
510
ENFANCES
RENIER
Dist Renier : « Mestre, j’ai le cuer moult dolent ;
7944
N’avrai mes joie par le mien escïent Se le larron ne puis trouver vivant Quar, s’il est mort, bien me voiz percevant
Ja mes nul jour ne savrai vraiement Quiex hons je sui ne qui sont mi parent.
7948
Or proi a Dieu, en cui je sui creant,
Trouver me doinse celui que desir tant, Le felon lerre qui m’a fet poine grant. Se je le truis, a Dieu vois prometant
7952
7958
7960
Son Saint Sepulcre en irai requerant En son honor et m’osfrende portant. » De cuer le dist, bon l’ala porpenssant Quar ainz .[. mois acompli et passant Trovera il le lerre soudiant Enz en la mer en .I. batel najant, Si com orrez s’il est qui le vous chant. Hui mes conmence chançon bele et plesant, C’est de Renier, le damoisel vaillant, Conment ala son pere secourant, Que paiens tiennent, li glouton nonsachant,
7964
7968
7965.
Lui et Bertran, filz Bernart de Brubant. Chescun jour sont batuz vilainement De granz courgies nouele]s par devant Si que le sanc en va a ruis issant Et cil reclaiment le Roy du firmament ; Mes ja mes jour par nus n’aront garant Se par Renier ne sont dela issant. De la chambre ist li dansiax de jouvent Lez lui son mestre, qu’il aime chierement.
noues, corr. L et Mt ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
7972
7976
[CCCV] Renier li preuz enz el palés entra. [fol. 98 r. b.] Pour les enseignes que entendues a, Li damoisiax moult s’en asoaja : Son cuer li dit et bien li tesmoigna Que Maillefer le sien cors engenrra. Cele nuitie ensement trespassa,
7980
7984
Pour le roy d’Isle la joie s’enforça, Mes la duchesse moult petitet menja ; Toute la nuit moult durement penssa Pour quoi Renier de son filz demanda ; Moult durement l’endemain desira Pour les nouveles que en couvent li a. Au matinet roy Corbon se leva,
Son messagier Kapalu apela : « Amis, dist il, aler te couvenra À Morimont, qui sus la roche esta. »
[CCCVI] 7988
7992
7996
Ce dist Corbon : « Kapalu, biax amis, Vous en irez, quar talent m’en est pris,
A Morimont enz el palés voutis Et si direz Gyrart de Conmarchis Qu'il face armer .II. chevaliers hardis Et ge serai armé et fervestis ; Encontre els .II. sera en .I. champ mis Et, se ge sui recreant et conquis, Quite li claim la terre et le païs Et Morimont, ou nous l’avons assis,
- 8000
N’avra mes guerre par paien qui soit vis ; Et, se puis vaincre ses compaignons eslis, Si me laist quite ce dont il est sesis, Toute la terre, les porz, les plesseïs
511
ENFANCES
12
8004
RENIER
Dont Maillefer fu l’autr’an revestis Quant il se fu as François obeïs. Droit hoir en sui, por ce si m’entremis, Tout conquerrai jusques a Saint Denis ! » Dist Kapalu : « Bien dirai vos devis,
8008
Ja pour paour n’en sera mot falis. » Lors prist congié, de Corbon est partis, Vers Morimont a son erre acueillis ;
8012
En la vile entre, onc n’en fu contredis. JIII. vallez qui en garde l’ont pris L’en ont mené au grant palés antis, Par les degrez s’est en la sale mis. La a trouvez nos barons seigneuris, Le roy Grebuedes et Renier au fier vis ;
8016
Gyres y fu, le marcheant gentis,
[fol. 98 v. a.]
Et Murgalet, le latimier senssis.
8020
La vont parlant des paiens maleïs En quel maniere les aient desconfis. A ces paroles vint le més ademis, En haut parla, bien fu de touz oÿs, Chescun se teut quant s’en sont garde pris. [CCCVII] Quapalu fu en la sale voutie,
8024 . 8028
En haut parla, bien fu sa vois oÿe, Mes il ne daigne saluer no mesnie : _« Seigneurs, dist il, ne lairai nel vous die Le roy Corbon, qui tant a seigneurie, Par moi vous mande, s’est droiz que je le die, Morimont claime le port et la navie,
Et le païs qu’avez en vo baillie ; Et, s’il est hons qui vers lui le desdie,
8032
Combatre veut en cele praerie
ENFANCES
RENIER
Contre .II. homes a bataille arramie Ou contre .III., nel refusera mie, Les plus ellis de toute vo mesnie. 8036
Se il est mat et recreant en vie, Tuit si paien s’en iront a navie,
N'’avrez mes guerre nul jour de paiennie ; Et, s’il conquiert par sa chevalerie 8040
Vos .IL. barons, bien est droiz quel vous die,
Il veut avoir Provence la garnie Et Morimont, qui sus mer est bastie. »
8044
8048
Gyrart l’entent, s’a la chiere bessie ; La veïst on si no gent aquoisie : Tant redoutoient Corbon a s’estoutie Que contre lui ne s’osent lever mie Fors que Renier a la chiere hardie : Cil sault en piez voiant la baronnie, À Quapalu moult fierement escrie : « Vassal, dist il, ainssi n’en irez mie
8052
S’iert la bataille vo seigneur fiancie ! Seul de mon cors miex iert l’oeuvre partie ; Lui proverai, cui qu’en plourt ou qui rie, De ce qu’il claime n’avra ja la baillie Ne de la terre sachiez ne tenrra mie ;
8056
Encontre lui sera bien chalengie ! » [CCCVII] À Morimont sont no gent tuit taisant, N'i a celui qui voist .[. mot disant
8060
8040.
Fors seul Renier au courage vaillant ; Cil a parlé hautement en oiant, [fol. 98 v. b.]
bien est est droiz, corr. C.
515
ENFANCES
514
RENIER
À Quapalu a dit moult fierement : « Vassal, dist il, entendez mon semblant. Vo seigneur dites, ne li alez celant,
8064
Bataille avra de mon cors seulement En mi cele ysle delez ce ruis courant Par tel maniere que g’irai devisant, Se la duchesse et Gyrart enssement
8068
S’en veulent metre sus moi d’or en avant,
8072
Ce que dirai ne voisent refusant : Mon cors metrai orendroit en present Por leur honor sauver entierement. » Dist la duchesse et Gyrart bonement : « Damoisiax, sire, le vostre loement
Otroions nous de cuer parfetement. » Et dist Renier : « Dont dirai ge avant : 8076
Messagier, frere, alez vous en errant,
8080
Vo seigneur A la bataille S’il me puet L'’en li laira
dites qu’il se voist adoubant, n’ira mie faillant. fere vaincu et recreant, cest païs quitement
Et, se Diex donne que le voise matant,
8084
8088
Tuit si paien voisent la mer passant. » Dist Kapalu : « Le congié vous demant, A mon seigneur dirai vo couvenant, Bataille avra a .I. Franc seulement. » Et dist Renier : « A ton dieu te conmant ! » Atant s’en torne Quapalu tout courant, Dusques as trés ne se va atarjant,
A son seigneur ala tout racontant : « Bataille avrez d’un François moult briément 8092
Et si vous mande armez vous vistement ; N’avrez la terre, ce dit, pas sanz content.
Le François est plain de grant hardement !
ENFANCES RENIER
515
N'a pas .XVI. anz, par le mien escïent. Onc mes ne vi nul home en mon vivant 8096
8100
8104
Qui miex alast Maillefer resemblant Ne de faiture ne de corssage grant. — Kapalu, frere, dist Corbon le tyrant, Roy Maillefer ot il onques enfant ? — Oïl voir, sire, .I. damoisel moult gent, Mes on l’embla en son petit jouvent. Je croy et cuit, foy que doi Tervagant, Que ce soit cil dont je vous vois parlant, Qui de bataille vous va si astissant. » [fol. 99 r. a.] Corbon l’entent, de paour va tremblant,
8108
Bien vousist estre outre la mer bruiant : Ne fust por honte, il s’en alast fuiant ! Mes por sa gent dont voit entour li tant Li revient cuer, lors se va escriïant
8112
Armer se veut tost et isnelement ; N’arrestera ja mes en son vivant S’ierent François tuit mort et recreant. En Morimont,
la s’ira herberjant
Et de la dame fera tout son conmant. Mes, se Dieu plest, il ira autrement 8116
Se Diex guerist le damoisel vaillant,
Renier le preuz, le hardi combatant.
[CCCIX] Moult fu Corbon cruex et malostrus : Desouz le ceint estoit noir et velus,
8120
8111.
Les piez ot plaz et les ongles agus ; Vers les espaullés estoit gros et corsus,
Narrastera, corr. C.
516
ENFANCES RENIER Grant ot la gueule con .I. roncin crinus, Les yex ot gros et rouges conme fus.
8124
8128
8132
[CCCX] Moult fu Corbon de divers figurage : Les yex ot rouges, la gueule grant et large, Il y entrast bien entier .I. fromage ! Les denz ot lons plus c’un senglier sauvage. Le Turc s’adoube sanz plus de demourage, Vest une broigne de moult dyvers ouvrage Qui ne crient cop que l’en ferir i sache. Puis lace .I. hiaume qui fu fet en Kartage. [CCCXI] Le roy Corbon fist moult a resoignier : Ceint .IL. espees a son flanc senestrier,
8136
Puis conmanda c’on voist appareillier La grande loke, qui est toute d’acier, Que il toli au fort roy Maillefier : De cele veut enz el champ chaploier. JNIT. Agriparz Li vont appareillier. Corbon parla, cui Diex doint encombrier,
8140
8144
8148
Ses hauz barons em prist a aresnier : « Seigneurs, dist il, or vous veul ge proier Quant ge serai el grant estour planier, Se me veez navrer n’afleboier, Secourez moi au fer et a l’acier, Si ocïez le françois losengier. » Dient ses homes : « Bien fet a otroier ! » Tout droit en l’ysle se fist Corbon nagier. Or vous dirons du damoisel Renier [fol. 99 r. b.] Conment il fu adoubé chevalier.
ENFANCES
8152
RENIER
[CCCXII] En Morimont fu moult grant li barnez. Renier parla, qui bien fu escoutez ; Le roy apele et son mestre delez : « Seigneurs, dist il, temps est que fusse armez : Le Sarrazin est en l’ysle aprestez. » Dist le roy : « Frere, si soit con vous voudrez,
8156
8160
8164
Mes or me dites, s’il est vo volentez, Se onques fustes chevalier adoubez. — Nenil voir, sire », dist Renier li membrez. Et dist li rois : « Amis, vous le serez ! .L poi de chose dont je sui trespenssez, Se 1l vous plest, mes que ce soit vo gré, Tout en consseill vous pri que me dïez. » Renier respont : « Tout en sui aprestez. » En une chambre en sont andoi entrez. Et dist li rois : « Amis, or me nonmez
8168
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8176
Vostre droit non, por Dieu, que vous creez, Et ge vous jur le Roy de majestez Et les sainz fons ou fui regenerez Que ja par moi vous n’en serez grevez Ne a nului n’en serez encusez. Ma foy vous doins de cuer sanz fauxetez A vous m'’otroi se de riens vous doutez : Envers touz homes mon cors por vous metez. » Dist Renier : « Sire, granment me prometez, Mes or vous pri, ne m’en sachiez maugrez, A ceste foiz, sire, m’en deportez :
Enquor n’est mie li an outre passez Dont je jurai, et me fu conmandez, Que ne diroie a nului mon secrez.
8180
— Ce poise moi, dist li rois, e non Dé !
Puis qu’est ainssi, n’en orrez plus parler
518
ENFANCES
RENIER
Quar ne vous veull couroucier ne troubler. » De la chambre issent, plus n’1 sont arrestez.
8184
Les garnemens Renier sont aprestez :
8188
La ont assis li damoisiax membrez ; Chauce une chauces blanches con flor de prez, Puis vest l’auberc dont li pan sont saffré,
L. drap estendent de soie bien ouvrez,
Druz iert de mailles, menu l’ot l’en serté.
8192
La gentil dame au gent cors honoré Qui estoit fame Maillefer l’alosé Renier apele, qu’ele vit apresté : [fol. 99 v. a.] « Damoiseax, sire, moult avez nobleté.
Se Diex ce done le champ aiez finé, Ma bele fille, qui moult [a] de bonté,
8196
8200
Vous done a fame de bone volenté, Et la moitié de toute m’erité. » Dist Renier : « Dame, .V.© merciz de Dé. » A ces paroles qu’il ont ainssi parlé Vint Gracïenne au gent cors bien mollé, Renier aporte .I. branc d’acier letré Qui fu jadis l’amiral Codroué ; Recuite ot non, moult avoit dignité.
8204
8208
« Damoisiaus, sire, dist la bele au vis cler,
Cest branc vous doins qui moult fet a loer ; Si proi a Dieu qu’il vous veulle donner Longue duree et touz jours amonter. Et, se du champ poez vif eschaper, A vo plesir me veull abandonner. » Dist Renier : « Bele, ce fet a mercïer. »
Le roy Grebuedes, qui fu gentil et ber,
8195.
qui ml’t de bonte, corr. C.
ENFANCES
8212
RENIER
519
Ceint a Renier .I. brant au pont doré Et puis li a grant colee donné. Dist li le roy, qui moult fist a loer :
8216
« Chevalier soies hardi conme sengler ! Diex te doint force de Sarrazins mater, Le Roy de gloire, et em pris alever Quar ne te sai par quel non apeler. — Grant merciz, sire » ce dist le bacheler.
[CCCXIII] 8220
8224
8228
8232
Quant Renier ot l’ordre de chevalier, El chief li lacent .I. vert hiaume d’acier, Puis li amainent .L. auferrant courssier Qui fu couvert d’un vert dÿapre chier. Renier y monte, onques n’i quist estrier. Au col li pendent .I. escu de quartier, Puis prist la lance au penoncel entier. Un eslés fist, puis s’en repaire arrier. Renier parla, li damoisiaus legier : « Seigneurs, dist il, por Dieu vous veull proier, Proiez pour moi quar g’en ai grant mestier, La hors irai contre cel avressier. Fetes moi tost ma mace appareillier, Si la pendrai a mon arçon derrier ;
Plus m’i afie qu’en m’espee d’acier. » Dont li aporte Murgalet sanz targier ; 8236
Renier la prist, bien li avra mestier.
[fol. 99 v. b.]
Congié a pris a sa mere au vis fier Et a la bele, qui moult l’aime et tient chier,
8240
Et au roy d’Isle et au barnage entier. De Morimont issi le ber Renier. La dame pleure quant le vit esloignier ; S’ore seüst la duchesse au vis fier
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ENFANCES
Qu’il fust son filz, bien vous puis tesmoignier, Ne soufrist mie por.les membres trenchier Qu'il alast seul combatre a tel Turc fier. Touz les barons le prennent a seignier, Ensemble dient : « Jhesu te veulle aïidier Et en santé arriere convoier ! » Li damoisiax ne se vout detrier,
En l’ysle entra por le champ deresnier. Et, quant Corbon l’a veü aprochier,
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A haute voiz li conmence a huchier : « Vassal, qui estes ? nel me devez noier. Estes vous filz Maillefer le guerrier C’on apela en baptesme Renier ? »
[CCCXIV] Quant Renier a roy Corbon escouté, Qui li demande la fine verité S’il estoit filz Maillefer le membré, Le Sarrazin en a aresonné : « Paien, dist il, foi que doi Damedé,
Soudoier sui d’un estrange regné. Por Maillefer, dont vous m’avez parlé,
8264
Vous chalenjons Morimont la freté Et le païs tout en lonc et en lé. Or vous conjur sus Mahomet, vo dé, Que vous me dites toute la verité,
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8245.
RENIER
Quiex hons vous estes et de quel parenté. » Dist le paien : « Or oiez mon penssé : Corbon ai non, ainssi sui ge nonmé, De Griphonnie tien ge tout l’erité,
au tel turc fier ; le u de au est exponctué.
ENFANCES
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RENIER
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Li Agripart font tuit ma volenté. En faerie fu mon cors engendré, Morguc la fec mc porta en son lé, Si fu mon pere Renouart le douté. Quant de ma mere fui parti et sevré, Il m’otroia trestout son herité ;
Or est le terme qu’en veull estre chasé ! Ja Maillefer n’i ert mes retourné,
8280
L'autre jour fu et pris et atrappé, En tour Baudune est en prison geté, [fol. 100 r. a.] Avoec lui est Bertran le renonmé. N'en istront mes por home qui soit né, Aiïnz en ferons du tout no volenté. »
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Renier l’entent, a poi n’iert forssené Quant il ot dire que Maillefer le ber, Il et Bertran, estoient enfremé,
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Estoit son pere, si voir con Diex fu né.
Quar bien penssoit Maillefer le sené Renier parla, qui iert bien doctriné, Dist au paien : « Vassal, n’est pas verté !
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En Loquiferne est Maillefer alé Et vous me dites qu’il est emprisonné ! » Et dist Corbon : « Ja mar en soit douté !
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N'a Maillefer .I. denier monneé. Voir vous dirai, ja ne vous soit celé : Roy Maillefer et Butor l’encorné
En Loquiferne, dont or m’avez parlé,
Une jornee furent andoi armé, Si se devoient conbatre en champ malé,
8300
Ensemble furent en une ysle mené.
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ENFANCES
RENIER
Tant combatirent andoi en mi le pré Qu’au derrenier fust vers nous mal tourné
Sc je ne fusse ct mes homes armé ; 8304
La secouru Butor par tel fierté Par la grant force que Mahon m’a donné Fu Maillefer recreü et maté,
8308
Loiez et pris en fu as trés mené Et avoec lui Bertran le renonmé. En tour Baudune sont andui enfremé ;
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N'en istront mes por tout leur parenté. Et por ice, se vous ne m’en creez, Vez ci la loke dont vous oÿ avez Que Renoart dona par amistez A Maillefer, que tenons ensserrez. — Glout ! dist Renier, vous soiez vergondez !
8316
Traïtres estes a ce que dit avez ! Mauvesement roy Maillefer tenez,
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Hui est le jour que vous le comperrez ! Je vous desfi du Roy de majestez ! » La mace entoise, vers Corbon est alez Et Corbon hauce la loke as clos quarrez, Si s’entrefierent, chescun fu aïrez.
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8328
8301.
Corbon fu grant et noir conme mauffez : Fiert le cheval ou Renier fu montez ; [fol. 100 r. b] Par mi la teste fu si fort assenez Que la cervele li espant a touz lez. Renier chiet jus, mes tost fu relevez. Son cheval voit, qui fu tout mort tuez ; S’il ne le venge, moult sera grant viltez. Renier estoit fin vassal esprouvez,
Le ms donne endoi ; le e est exponctué.
ENFANCES RENIER
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Fort et legier, et durement osez, Et si n’ot mie enquor .XVI. anz passez ! La macc cntoisc, que moult icrt aïrez, Et fiert Corbon quant vers lui fu tournez ; Par mi le hiaume fu si bien encontrez Que de l’acier est le cler feu volez. Corbon chancele quar moult fu estonnez, Renier li crie : « Glout, vous n’i durerez ! Vo traïson en ce jour comperrez Que vous feïstes souz Loquiferne es prez. »
[CCCXV] En Corbon ot Sarrazin moult felon : La loque entoise par grant aïroison Et fiert Renier par mi l’yaume roon Que fleurs et pierres en abat el sablon, Mes ne l’empire en char se petit non. Renier chancele, qui cuer ot de lÿon, Petit en faut ne chiet a genoullon. De Morimont le virent no baron : « Diex ! dist Gyrart, sauvez no champion. » Dist Florentine : « Vrai Dieu, par ton saint non,
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Le preuz vassal desfendez de prison Qui por nous met son cors en abandon ! » Corbon escrie : « Ce ne vault .I. bouton ! La terre avrai cui qu’il poist ou qui non. — Glout, dist Renier, t’aies maleïçon ! Ainz l’avespree changera ton sermon. » La mace entoise a guise de baron, Le Turc se cuevre, qui de mort ot friçon.
Renier l’avise par tel devision
8360
D'un entregiet consui le felon, Par mi son hiaume le fiert de tel randon,
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ENFANCES RENIER
Le mestre cercle li rompi du moilon,
Mes li chapiax li a fet guerison. 8364
Le paicn brcet a guisc de gaignon, Tout en tentist le païs environ.
[CCCXVI] Le roy Corbon ot le cuer moult marri Quant voit Renier, qui le mestrie si, 8368
La loke entoise ou li clo sont bruni,
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Par mi la teste le damoisel feri, Mes pour le cop .I. petit se guenchi. De sa maçue Corbon a feru si Qu'en mi le champ sa loque li cheï.
[fol. 100 v. a.]
Voit le le Turc, durement s’en grami ;
Envers Renier isnelement sailli, Trest une espee qui au lez li pendi, 8376
Le damoisel en boutant consivi,
8380
Desus les costes l’a navré et blesmi Si que le sanc contreval espandi. Voit le Renier, a poi du sens n’issi ; S'il ne se venge, tient soi a escharni ! Mes d’une chose assez li meschaï : A ice cop sa mace li rompi. Voit le Renier, si trest le brant fourbi,
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Ce fu Recuite, qui a son flanc pendi.
[CCCXVII] Quant Renier voit sa maçue brisie, Il tret l’espee qui luist et reflambie,
8388
Corbon en fiert .I. cop par aramie ; Par mi la teste li a tele païe Le hiaume trenche et la coiffe trellie,
Jusques au test li a la char plaïe,
ENFANCES
RENIER
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Le sanc en raie sus l’erbe qui verdie. 8392
« Glout, dist Renier, le cors Dieu te maudie !
La traïson vous sera hui merie Que vous feïstes Maillefer l’autre fie. »
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En Morimont, en la grant tour antie, Iert Florentine as estres apoïe, Lez li sa fille, la bele, l’eschevie : Voient Renier a la chiere hardie Qui se combat en mi la praerie Au Sarrazin, qui en Dieu ne croit mie. Dist Gracïenne : « Dame sainte Marie ! Lie iert la dame et bien iert emploïe Qui tel vassal averoit en baïllie, Par si qu’eüst de lui la druerie ! Pleüst a Dieu, qui tout a en baillie,
Qu'il m’eüst ore et prise et noçoïe ! Par lui seroit bien la terre aquitie,
8408
Vers gent paienne tensse[e] et deresnie. » Quant Florentine, sa mere, l’a oÿe : « Ma bele fille, serïez si hardie ?
Se li varlez vous avoit or plevie 8412
Et espousee a la Dieu conmandie,
8416
Oseriez vous estre o lui couchie ? Trop estes joenne, n’avez aage mie ! N'a que .XII. anz que fustes baptizie, Si douteroie n’en fussiez empirie.
[fol. 100 v. b.]
— E non Dieu, mere, dist la bele enseignie,
S’a ceste foiz estoie .I. poi blecie, Bien gueriroie, ne vous en doutez mie,
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8408.
Quar qui bien aime sifait mal ne crient mie. »
tensse, corr. Mt ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
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Ot la la dame, ne puet muer n’en rie.
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Hui mes est droiz que de Renier vous die Conment conquist Corbon par estoutie : Tant ont chaplé andoi par aastie Que midi passe et nonne est aprouchie.
[CCCXVII] Corbon fu fel et forment s’aïra Quant voit Renier, qui si fort l’agreja,
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Bien voit et sent que durer n’i porra ; Lors se porpensse qu’enchanter le voudra : J. tel enchant maintenant moustrera De quoi Renier moult grant paour avra. En III. manieres Corbon son cors mua Quar, quant Renier miex ferir le cuida, Par nigromance que le paien parla A une foiz .I. cheval ressembla,
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A la seconde asnes qui rechenna Et a la tierce con .I. ours se mua. Il bruit et crie et grant frainte mena, Vers Renier queurt, as ongles le gripha Et a ses denz durement le tira ; Desus l’espaulle si forment le hapa
En pluseurs liex l’auberc li descira
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Et par desouz la char li entenma ;
Le sanc en raie, sus l’erbe degouta. Quant Renier voit que cil le formena, Qui par son art ainssi son cors chanja, De lui s’estort et Jhesu reclama ; Les hauz nons Dieu par .V, foiz recorda Et Damedieu sa force li doubla.
ENFANCES RENIER
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[CCCXIX] Renier fu sage et de bon escïent. Le tyrant voit, qui li revint courant, Qui par fantosme et par enchantement En tel maniere aloit son cors muant : En guise d’ours va Renier assaillant, De ses granz ongles li ront l’auberc luisant Et en la char le navra si forment [fol. 101 r. a.] Le sanc l’en raie sus l’erbe verdoiant. Tant fort l’angoisse par son malice grant Et en la bouche va Renier si souflant Que li alaine li loie si forment Si grant destresce va le vallet sentant Tout en tressue et puis va verdoiant, Par .I. petit qu’il ne se va pasmant, Mes il s’esforce, si va Dieu reclamant, Saint Esperit li va el cors entrant Qui li dona et force et hardement. D'un moult grant sens va Renier souvenant Que li aprist Ydoine la sachant, Mes por l’alaine du traïteur puant Li va le cuer .I. petitet faillant, Chancelant vet, a poi ne va verssant. En Morimont, en la tour haut et grant, lert Florentine as estres apuiant Lez li sa fille, la bele au cors plesant ; N'ot que .XII. anz, mes moult ot d’escïant,
Bien ot veü Renier le combatant Et le paien qui le va angoissant. Voient Renier, qui aloit chancelant, Forment se doutent que il ne voist mourant.
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ENFANCES
RENIER
[CCCXX] Moult fu Renier durement adoulez Tout por l’alaine dont il iert alentez ; Le cuer li faut, a poi qu’il n’est verssez. Dist Gracïenne : « Que mon cors est irez
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Por mon ami, qui tant est agrevez ! Se il y muert, ce sera grant pitez,
Ja mes mon cors ne sera mariez Quar mon courage est si a lui tournez 8488
Qu’a nul autre home ne seroit acordez. »
Et dist sa mere : « Fille, bien dit avez Quar cil da[n]siaus ou vo cuer s’est donez Resemble miex, de visage et de nez,
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A vostre pere que honme qui soit nez. Por ce dit on, et si est veritez,
Grant perill est d’enfans desmanevez : Par les bastarz c’on gete aval troŸez,
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C’on ne set dire qui les a engendrez, Est moult le siecle empirié et grevez. » Or vous dirons, s’entendre le voulez,
Conment le chaple fu en la fin menez. 8500
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8490.
Renier fu sage et de bien escolez,
[fol. 101 r. b.]
D’art d’yngromance apris et doctrinez. Quant voit Corbon, qui ainssi s’iert muez Et par fantosme conme uns ours figurez, De lui mal fere estoit entalentez, Adont s’apensse Renier li bachelerz Que il voudra conjurer li maufez Pour quel reson il a son cors muez ; I. fort charmin a Renier apenssez,
dasiaus, corr. C.
ENFANCES RENIER
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III. des hauz nons Jhesu a ramembrez, Autres bons mos dont il savoit plentez. Por les hauz nons a Corbon si grevez Que ses enchanz n’i vaut .Il. auz pelez. En la maniere que premier fu fourmez Est le paien arriere retournez, Mes de tant s’est li vallez avisez,
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Aïinz que Corbon s’en soit garde donnez, Sesi Renier la loke as clos quarrez. Or est il bien, Diex merci, recouvrez Se il seüst la tres grant dignitez De l’oignement qui iert enz seelez,
Mes n’en set mot, puis en fu moult irez.
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Corbon s’escrie : « Glouz, vous n’i durerez ! Maugré vo deuz ma loque me rendrez ! » Et dist Renier : « Maintenant la ravrez. » A ice mot vint vers lui aïrez, Par mi la teste l’en a grant cop donez ; Corbon chancele, si a .I. cri getez, Brait et rechane a guise de maufez.
[CCCXXI] Li Agripart ont le cri escouté, En leur langage a chescun haut crié Qu'il secourront Corbon leur avoué. A ces paroles se sont acheminé ; Roy Salabruns les a devant guïé, Dusques en l’ysle ne s’i sont arresté. Mes tant se haste Renier au cuer sené Corbon feri, maint cop li a doné,
8523. denz, corr. C.
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8544.
ENFANCES
Par desouz lui l’a a terre verssé. Le test li brise, tout l’a escervelé Si que el ventre li est le cuer crevé ; L’ame s’em part, n’i a plus demouré. Es vous courant Tabardin le mauffé, L’ame a saisie, s’a grant joie mené, Droit en Enfer s’en est atout ralé. Li Agripart ont Renier escrié : [fol. 101 v. a.] « Par Mahomet, vous avez tout alé ! »
Dont l’assaillirent par vive poesté, En pluseurs liex li ont l’auberc faussé 8548
Et le vassal se desfent par fierté ;
Cui il conssuit tout a son temps finé ! Mes moult iert joenne, si l’ont trop agrevé. Es vous Gyrart de Conmarchis armé 8552
Et le roy d’Isle, et tout l’autre barné,
En l’ysle entrerent poignant tuit abrievé, As paiens queurent, maint en ont decopé. Le roy Grebuedes a le cheval hurté, 8556
8560
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Brandist la hante au fer trenchant quarré,
Fiert .I. paien sus son escu listé, Par mi le cors li a l’espié bouté, Mort le trebuche du destrier enverssé. Droon de Gresce en [a] un aterré. Estes vous Gyres poignant l’espié levé ; Cil estoit mestre a Renier l’aduré, Pour li dansiax ot le cuer esfreés Que Sarrazins avoient enanglé. En Morimont, en la grant fremeté, Iert Gracïenne au gent cors honnouré ;
8560.
RENIER
en un atere, corr. C.
ENFANCES RENIER
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Entre les autres a Renier avisé, Qui tant avoit soufert et enduré Des Agripart qui l’ont avironné Que par III. foiz l’ont a genouz verssé ; Tost saillot sus qu’a mourir a douté. Voit le la bele, s’a tendrement plouré : « Lasse ! dist ele, que mon cuer est iré
Se celui muert que ge ai tant amé, Le plus hardi de la crestienté, Et le plus bel, selonc le mien penssé, Sage et courtois et plain de charité, Plain de service et de toute honesté,
Et biau parlieret en chambre privé 8580
Secré et sage, sanz dire foleté. Lie iert la dame ou serïez donné,
Qui vous porroit avoir a son costé ! S’ainssi mourez et Diex l’ait destiné,
8584
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: 8592
Ja mes n’avrai nul mari espousé Quar je croi bien, a ce qu’ai esgardé, Que paiens tiennent mon pere emprisonné, Roy Maillefer au courage aduré. » Or vous dirons de no gentis barné [fol. 101 v. b.] Qui as paiens ont feru et chaplé ; Par droite force furent de l’ysle osté. Roy Salabrun a en son cuer penssé Que Sarrazins seront desbareté ; Fuiant s’en torne quoiement a celé. Li demourans furent mal atiré, En petit d’eure les ont Frans tuit maté ;
8596
Fuiant s’en vont li glouton desfaé Et noz barons les chacent par le pré. Renier troverent sulent et moult lassé ; Gyres, son mestre, li a tost demandé :
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8600
ENFANCES RENIER
« Conment vous-est, frans damoisiax membré ?
— Moult bien, dist'il, la grace Damedé, Puis que paiens sont vaincu et maté. » 8604
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Touz les barons en ont Jhesu loé. En Morimont-en ont Renier mené, Sus el palés iluec l’ont desarmé, Mes a court terme seront forment irez.
[CCCXXII] Es vous .I. més qu’est au port arrivez, De sa nef ist, qu’il ne s’est arrestez, A moult grant paine est en la vile entrez, Au palés vint, si monta les degrez. Guichart ot non, moult iert biau bachelerz,
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Mes il estoit en .IIL. liex navrez De .IIIL. espiez trenchanz et afilez, Dusqu’au talon li couroit le sanc clerz. Desront la presse des chevaliers loez, Touz li font voie, si est outre passez, Devant le roy est li més arrestez. La iert Gyrart de Conmarchis li berz, Lez lui Renier, que on ot desarmez, Qui la bataille avoit fete au malsfez,
Par lui estoit le champ tout afinez. La dame i fu qui moult avoit biautez. Touz resgardoient li damoisiax membrez. Le messagier estoit moult adoulez, En haut parla, moult fu bien escoutez : « Seigneurs, dist il, fetes pes, s’entendez : Messagier sui, si veull que vous m’oez. »
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Gyrart l’esgarde, moult l’ot tost ravisez ; Il sault em piez et si l’a acolez : « Guichart, biax niés, ou avez vous esté ?
ENFANCES
RENIER
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Conment vous est, por Dieu de majesté ? 8632
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Tout voi vo cors taint et ensanglenté. » [fol. 102 r. a.]
Dist Guichart : « Sire, quar j’ai moult cnduré. Diex me soustient tant que j'aie conté Une besoigne dont tuit serez iré ! Hui a .II. mois, quar je l’ai bien conté, Que Maillefer au courage aduré Ot pris bataille contre .I. paien armé ; Butor ot non, moult iert plain de fierté, Mes Maillefer l’eüst bien conquesté Quant .I. paien, cui Diex doint mal dehé, Feri en l’ysle ou cils ierent alé ;
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Et tant des siens s’i furent assemblé Maillefer pristrent et Bertran l’alosé. En tour Baudune sont andoi enserré,
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8658. 8659.
Tuit sont li autre et mort et decopé Fors moi tout seul qui en sui eschapé. Je ne vauls gueres quar j'ai le cors grevé, Tuit sont plaié mi flanc et mi costé, Mourir m’estuet se Diex n’en a pité. Par moi vous mande Maillefer por verté S'il n’a secours a brief terme nonmé,
Ne le verrez ja mes jour en santé Quar chescun jour li paien desfaé De granz courgies ou li neu sont noué Maillefer batent et Bertran par delez, Et de leur char voit on le sanc coulé. N’ont que me[nJgier, dont tuit sont ja usé, C’un seul pain d’orge, petit en ont disné,
megier, corr. C. en sont disne, corr. C.
534
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ENFANCES
RENIER
Et .I. lot d’eaue, si sont aprouvendé. S’il n’ont secours, tost seront afiné ! Or vous ai tout leur bcsoig raconté,
Proiez por moi au Roy de majesté. » 8664
A ice mot es vous Guichart verssé,
L’ame s’em part au conmandement Dé.
[CCCXXIHI] Quant la duchesse vit Guichart devier,
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De la douleur se conmence a pasmer Pour son seigneur, dont ot oÿ parler. Quant el revint, si conmence a crier : « Maillefer, sire, dist la dame au vis cler, Or vous ont pris les paiens d’outre mer, Ociront vous, Diex les puist craventer ! Mort, quar me pren et si me fai finer !
Cuer de mon ventre, conment puez tu durer ? Des or voudroie tu voussises crever
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[fol. 102 r. b.]
Por le mien duel acomplir et passer ! » Quant Renier voit sa mere demenftJer, Courtoisement la prent a conforter : « Dame, dist il, lessiez ce duel ester, Confortez vous et lessiez le plourer. Tenez ma foy, ge vous veull creanter Plus d’une nuit ne voudrai sejorner Se grant bataille ne me fet arrester Ou tel besoig que ne puisse eschiver ;
A tour Baudune m’en voudrai droit aler Pour vo seignor aidier a delivrer. » Quant la dame ot Renier ainssi parler,
8677.
demener.
ENFANCES
8688
RENIER
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Cortoisement le prist a apeler : « Damoisiax, sire, moult fetes a amer ! De tel service vous doi bien merciïcr. »
[CCCXXIV]
|
Dist la duchesse : « Frans damoisiaus membrez,
8692
Grant est le don que vous me prometez, Mes d’une chose est mon cuer aïrez,
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8700
Que je ne sai conment estes nonmez Ne de quel terre estes estrait et nez. Moult me merveill por quoi le me celez. » Dist Renier : « Dame, onques plus n’en parlez, Ne le diroie por quanque vous avez Si iert li anz acompliz et passez ; Ja, se Dieu plest, n’en serai parjurez ! En couvenant vous ai, si n’en doutez,
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Qu’a vo seigneur en serai droit alez A la cité ou est emprisonnez ; Miex veull mourir que il n’en soit getez ! » Et dist la dame : « .V.© merciz et grez ; Mes, s’une chose otroier me voulez,
A tous jors mes en serez mes privez. »
8708
Et dist Renier : « Si iert con vous voudrez,
Mes que n’en soie mentans ne parjurez. » Et dist la dame : « Ja mar ce douterez ! Or vous dirai quiex estoit mes penssez :
8712
Se il vous plest, ma fille afierez,
Plus asseür de vo cors iere assez De revenir et plus vous hasterez. » Diex, que la dame ne set la veritez 8716
Que iert son filz li damoisiax senez !
Nel vousist mie pour l’or de .XX. citez Qu'il fust sa fille mari ne espousez,
[fol. 102 v. a.]
ENFANCES RENIER
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Mes n’en set mot, dont ce fu granz pitez. Es vous sa suer, qui monta les degrez, Renier esgarde, qui fu tout trespenssez ;
Cele l’apele si com oïr porrez : « Damoisiax, sire, bon jour vous soit donez !
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Tant estes preuz, hardi et adurez Qu’a vous m’otroi se prendre me voulez. Gentis hons, sire, bien serez mariïez
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Quar de par moi moult grant terre tendrez. Se ge sui joenne, pas ne me refusez : Bien souferrai quanque vous me ferez S’a cest premier .I. poi me deportez. » Tout le barnage s’est en haut escriez : « Par Dieu, vassal, la bele a dit assez ! »
Et dist Renier : « Seigneurs, or m’entendez : Tant en ferai ja n’en serai blasmez. »
[CCCXXV] 8736
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8744
Renier fu sage et de bon escïant : La dame entent, qui li va requerant Qu'il voist sa fille a fame fiançant. Adont s’apensse Renier en souspirant Qu'il li couvient respondre sagement, Mes ne set mie Renier au cuer vaillant Que soit sa suer la pucele sachant
Et si se va d’Ydoine remembrant. Lors a parlé Renier par escïant : « Dame, dist il, .I. respit vous demant Tant qu’aie esté en Baudune la grant Quar, se Dieu plest, le Pere omnipotent,
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Roy Maillefer ravrons sain et puissant. De revenir nous hasterons forment, Puis ferai tout vo bon et vo conmant
ENFANCES
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RENIER
537
Au los son pere, ce vous ai couvenant, Kar bien afiert, ne vous voist ennuiant, Par son consseill façon de son enfant. — Damoisiax, sire, dist la dame vaillant,
8756
A vo plesir nous alons otroiant. » Mes Gracïenne n’ot pas le cuer joiant : En son cuer pensse, se il s’en va partant, Ne la prendra ja mes en son vivant.
[CCCXXVI] Renier fu sage et moult sot bel parler. « Dame, fet il, il nous couvient aler
8760
Droit a la mer nos vessiaus aprester. N’avrai repos tant com puisse durer [fol. 102 v. b.] S’avrai veü roy Maillefer le ber,
8764
L’onme du siecle que plus puis desirer. Tant ai oÿ de sa force parler, A son acort ge me voudrai tourner. »
8768
Avoeques vous ge m'en voudrai aler, Toute ma gent vous vuel abandoner Pour Maillefer de la prison geter. »
Dist le roy d’Ysle : « Gentis estes et ber,
Dist Renier : « Sire, ce fet a mercïer. »
Et li marchant conmencent a crier 8772
8776
Que Renier ot trovez en haute mer : « Damoisiax, sire, fetes nous adouber, Touz voulons estre chevaliers au jouster ! Plus en ferons de paiens a douter Quar nous voulons la mer o vous passer, Ne vous faudrons tant con puissons durer. »
Et dist Renier : « Or vous fist Diex parler ! » Tantost a fet garnemenz aprester, 8780
Les marcheanz a touz fet adouber ;
538
8784
ENFANCES RENIER
Bien sont .X. cens, tuit joene bacheler. Le bon roy d’Ysle, qui fu gentis et ber, Chescun ala la colee doner. Renier le preuz, qui n’ot soing d’arrester, À conmandé son hernois aprester,
8788
Nés et galyes fet au port atourner Kar au matin voudra en mer entrer. Et le roy d’Isle refet sa gent haster. Or vient chançon qui moult fet a loer, C’est de Renier, cui Diex veulle honorer,
8792
8796
8800
Conment ala son pere delivrer De Sarrazins, qui tant le font pener ; Toute la terre fist il crestïaner Jusqu’a Baudune et Jhesu aourer. Renier apele la duchesce au vis cler, Baudoïnet li conmande a garder Dusques atant qu’il puissent retourner Quar trop est joene por avoec eus mener. La dame dist bien en fera pensser. Cele nuitie ont il lessié passer Et l’endemain, quant virent le jour cler, Renier se lieve, li gentis et le ber,
Et le roy d’Isle, que Diex veulle honorer. 8804
8808
A Florentine vont congié demander,
[fol. 103 r. a.]
Madiant lessent pour la terre garder, Lui et Gyrart, ou n’ot que amender. La dame pleure quant vint au dessevrer, Mes Madiant l’ala reconforter. Enz en leur nés vont nos barons entrer, Les mariniers vont les sigles lever, Traient leur ancres, si s’esquipent en mer.
ENFANCES
8812
8816
8820
8824
8828
RENIER
[CCCXXVII] Biau fu li jours et le soleill leva, La mer fu quoie, .I. petitet venta. Renier li preuz as mariniers rouva De tost siglier que grant mestier en a, A Loquiferne droit aler s’en voudra. Li mestre dïent : « Ne vous en doutez ja. Se le vent dure ainssi com empris a, Ainz demain vespre no navie enterra El plus bel port que veïssiez pieça ; C’est a l’entree de la vile dela, Les prez 1 sont et fontaines y ra, Vigne et bois ; bel deduit y avra Qui sanz chalenge arriver i pourra ! Mes bien cuidons que bataille y saudra, En Loquiferne moult de Sarrazins a. » Et dist Renier : « Ne vous en doutez ja. Esploitons nous quar le temps changera, Kar ge sai bien, a ce que on dit m’a, Que Maillefer de secours mestier à. » A ces paroles Renier son chief tourna,
8832
Une galye de larrons avisa : Bien sont .L. dont chescun mal penssa. Le mestre d’euls Grymbert l’en apela,
8836
Ce fu le lerre qui tant de mal fet a, Cil qui Renier a Portpaillart embla Et a Marsseille avoec lui l’emporta ;
L'enfant vendi et Gyres l’acheta. Diex, si grant joie Renier en avera
8818. 8834.
9men pris a, corr. C. len lapela, corr. C ; faute par réminiscence.
539
540
8840
ENFANCES RENIER
Quant la nouvele certainement savra
Qui est sa mere et quiex hons l’engendra !
[CCCXXVII] Quant Renier vit en la mer la galye 8844
Qui de larrons estoit moult bien garnie, Gyre, son mestre, apela, si li prie
Que il li die qui est cele galye Qui par la mer s’en queurt si aastie. Gyres li dist : « Par Dieu, le filz Marie, 8848
8852
Ce sont larrons vivanz de roberie [fol. 103 r. b.] Qui marcheans font souvent vilanie. » Quant Renier l’ot, a haute voiz s’escrie,
Às mariniers proia par courtoisie : « Fetes moi tost atourner ma galye, N’arresterai ja mes jour de ma vie Si avrai ge ces larrons en baillie ! » Et dist le mestre : « Ce sera grant folie !
8856
Ne vous en chaille, damoisiax, ceste fie,
8860
Il fet mauvés conmencier estourmie En ceste mer quar moult est resoignie : Je criem et doute que tost ne soit changie. » Et dist Renier : « Damedieu le maudie
8864
Qui amera mes larron en sa vie ! A mainte gent ont fet mainte putie Et maint enfant ont tolu seigneurie. Por moi le di basset a voiz serie
Quar ge ne sai dont sui de quel partie. » Aprés ce mot entra en sa galye Et Murgalet, en cui forment se fie,
8859.
Après ce vers, le ms comporte une ligne blanche.
ENFANCES RENIER
8868
541
Et des noviax chevaliers grant partie ; Vers les larrons ont leur voie aqueillie.
[CCCXXIX]
8872
Gyres fu sage et moult bien s’apenssa : Quant voit Renier qu’en sa galye entra Et par la mer aprés les larrons va, Il s’appareille que il le secourra.
8876
III. galyes errant appareilla Et en chescune .XX. chevaliers entra. Mes li dansiaus Renier tant se hasta
8880
Qu’as larrons vint et si leur escria : « Seigneurs, qui estes ? ne m’en mentez vous ja. — À vous que monte ? Grymbert respondu a. Ja no galye por vous n’arrestera ! »
[CCCXXX] Renier le preuz a la chiere membree Vers les larrons sa galye a tournee, Puis leur escrie a moult grant alenee : 8884
« Seigneurs, qui estes, n’i a mestier celee,
8888
Qui si avez vo galye aprestee ? D'’escuz et d’armes la voi moult bien hordree : Bien semblez gent qui autre ait desrobee ! » Quant Grymbert l’ot, mie ne li agree ; Sa gent escrie, qui bien fu aprestee : « Seigneurs, traiez touz a une huee A ces gloutons, ja n’i avront duree ! [fol. 103 v. a.]
8892
Et il si font par moult grant aïree,
La gent Renier ont durement grevee,
8883.
alenenee, corr. C.
542
ENFANCES
RENIER
A maint en ont l’ame du cors sevree.
[CCCXXXI] 8896
Quant Renier voit les larrons malostrus Qui sa gent berssent as ars qu’il ont tendus, Lors a tel duel pres n’est du sens issus.
JL. arc demande, qu’il n’i atendi plus ; Tost li apreste Murgalet li chenus,
8900
8904
8908
8912
Et bons quarriax as fers trenchanz moulus. Renier tent l’arc, le vassal esleüzs, Puis trest si droit du bon quarrel agus IT. larrons a par mi les cors ferus ; A l’autre trait en ra .II. abatus. Chescun des autres a tret par granz vertus, Des larrons ont ocis bien .XX. ou plus. Quant Grymbert voit qu’il est si deceüs, .I. karmin giete le lerre malostrus : La mer tourmente, .I. vent s’i est ferus, Par nigromance est Tabardin venus ; Cil queurt plus tost que quarriax destendus Ne que penssee quant il est esmeüs. Flotant sus l’eaue s’est demoustré tout nus,
D'une part noir et de l’autre velus ; Plus ot de lonc de .XX. piez estendus, 8916
8920
8924
.IL. testes ot et si estoit cornus,
JIIL. piez ot, si rot les gris agus Trop plus trenchans que griphon parcreüs ; IT. eles ot es espaulles desus. Par la mer queurt et tant s’est debastus Ceuls qui le voient dient : « Ne vivrons plus ! Le siecle fine, no juïs est venus ! » Tout ce fet fere Grymbert par ses argus. Les genz Renier furent si esperdus
ENFANCES
8928
8932
8936
8940
RENIER
543
Qu'’en la nef ont leur ars touz getez jus : Li .I. se pasme, li autre est tout confus, Li autres sont es sentines ferus. Renier meïsmes fu si mat devenus Qu'en sa galye chaï tout estendus !
[CCCXXXII] Moult fu Renier durement agrevez ; Tout ce li fist Tabardin le mausfez, Par nigromance s’iert ainssi amoustrez. Grymbert le lerre s’en est fuiant tornez Entrues qu’il vit noz genz espouentez. Le karmin passe et la grant tempestez, Adont s’est bien Renier apourpe[n]ssez Que du larron a esté enchantez. [fol. 103 v. b.] Dieu en jura, qui en crois fu penez, Que, se il puet, il n’iert pas eschapez. Renier escrie : « Barons, avant alez ! Nagiez a fort vers ces lerres prouvez ! S’ainssi s’en vont, trop serai enganez. » Gyres li preuz, cil s’i est moult penez,
8944
| 8948
: 8927.
Mes ne leur vault .Il. deniers monneez : Ainz que Grymbert soit pris ne atrapez, Avra Renier moult travax et grietez !
[CCCXXXIII] Grymbert s’en fuit, qui moult grant paour a ; Renier l’enchauce et de pres le hasta.
sontines, corr. C ; faute par réminiscence de sont.
8936. apourpes sez, corr. C ; un trou dans le parchemin a contraint le copiste à scinder le mot.
544
8952
8956
ENFANCES
Quant voit le lerre qu’eschaper ne porra, Par nigromance .I. karmin conjura Et le deable durement apela, Et Tabardin revint acourant la. Voit le Grymbert, tantost li conmanda Nos genz grevast le plus que il pourra ; Et Tabardin maintenant se mua, Or escoutez conment se figura : En la faiture d’un poisson se chanyja,
8960
Devers la teste une hure leva, Les yex ot rouges con feu qui flamboia, La gueule ouvri et adés rechigna Et en la queue .IIL. testeletes a Et feu et flamme l’une a l’autre geta ; Si grant estoit, quant ainssi se moustra,
8964
C’une balaine quant ele .VIL. anz a. Si grant tempeste en la mer demena Que la galye si durement vaucra Que par .I. poi que Renier n’afondra,
8968
Mes a son nestre, qui bien le conforta,
8972
8976
8968. 8969.
Furent III. fees quar chescune l’ama : Tel destinee li une li dona Que por tourmente sa nef garde n’ara Ne par deable engingnié ne sera, Ne nul venim son cors ne grevera. Le karmin passe et Tabardin s’en va, Le vent cheÿ et la mer s’aquoisa. Renier li preuz devant lui esgarda Et voit Grymbert, qui par la mer naja,
a son mestre, corr. C. firent, corr. L et Mt.
RENIER
ENFANCES RENIER
8980
Vers une roche moult forment aprocha : C’estoit .I. lieu ou li glouz repera Atout l’avoir qu’as marcheans roba. [CCCXXXIV] Grant fu la roche du temps ancïennour,
8984
8988
De mer estoit aclose tout entour, Nus n’i abite ne nul n’i a retour [fol. 104 r. a.] Fors les larrons, cui Diex doint deshonnour ! Bien furent .C. li cuvert boiseour, Fors et legiers et plain de grant vigour. Ainz que Renier ait conquis leur seignour, Li couvendra soufrir maint grant estour Quar en la roche ot fremee une tour ; Li mur sont haut de l’oevre paiennour, Ne crient assaut vaillissant une flour.
8992
8996
[CCCXXXV] Grant fu la tour qu’en la roche est fremee, De bise pierre bien fete et maçonnee Et li mur haut plus d’une arbalestee ; Et par devant fu l’entree ordenee Toute en bessant dusqu’a la mer salee,
NIL** degrez avoit en la montee. 9000
Bien fu la porte et faite et ordenee, Pour bataillier fu moult bien compassee : Pont tourneïs y ot et poi d’entree. Quant on le lieve, s’est la porte fremee ; Et pont par jour tant estoit bien ouvree Porte coulant y ot amont levee
8993-8994.
Ces deux vers sont intervertis dans le ms.
545
546
ENFANCES
9004
Qui chiet aval quant on veut a hiee. Et d’autre part, en la grant tour quarree, lert la posterne petitete celee :
9008
Par la s’en fuient en la grant mer salee.
RENIER
Se la gent est de la tour agrevee,
9012
9016
9020
[CCCXXXVI] Bien fu la tour por deffendre apointie. En la grant porte, qui sus mer iert bastie, Ot .I. larron, qui moult sot de boisdie, Qui la gardoit par moult grande mestrie, Que nus n’i entre se n’est sa conmandie. Rohart le fel voit venir [la] galye Ou Grymbert vient a poi de compaignie Et voit Renier, qui d’enchaucier s’aigrie, Et aprés lui voit venir sa navie, Le roy Grebuedes avoec lui sa mesnie Qui pour Renier ont leur voie lessie.
£
[CCCXXXVII] Rohart le fel se va esmerveillant Quant voit son mestre, qui venoit afuiant ;
Bien set et voit c’on le vient enchauçant. 9024
Lors prist .I. cor, si le va bondissant ; Ceuls de la tour le vont bien entendant, Bien sont .LX. tuit baron soudiant,
Diex les maudie, le Pere tout poissant ! L'un ot a non Rumbrers, l’autre Morant,
9028
9014.
[fol. 104 r. b.] Le tierz, Morgaires et le quart, Maltirant,
venir galye, corr. C.
ENFANCES
9032
RENIER
547
Le quint, Noiron, le sisisme, Arivant, Et le septisme apelent Malvoillant. Qui touz quarante les vous iroit nonmant Trop longuement vous iroit detrïant. Mes avoec euls avoient .I. jaiant, Oellart l’apelent li petit et li grant ; Cil iert leur sire, tuit erent si serjant
9036
9040
Fors seul Grymbert qui venoit afuiant : Compaignon ierent andoi par serement Quar cil Grymbers savoit de karmins tant, Conjurement et maint malice grant, Touz les .LX. aloit il aprenant.
[CCCXXXVIIT] Oeillars le grant, quant le cor entendi,
9044
Adont sot bien qu’il seront assailli, D'’aucune gent ont esté poursuï. As armes queurent, tost furent fervesti, D’euls bien deffendre se sont tuit aasti. Es vous Grymbers dolant et esmarri ;
9048
De paour ot le cuer si amorti Touz li karmins sont oubliez par lui. Rohart le voit, la porte li ouvri
9052
9056
9041.
Et cil y entre qui de paour fremi, Bien ot enquore .XX. larrons avoec li, Puis releverent le grant pont tourneï, En la tour montent dont li mur sont anti. Es vous Renier au courage hardi : Quant voit la roche et le lieu enforci Ou li larron sont de paour fuï,
Deillars, corr. C ; l’enlumineur a mal lu la lettre d'attente.
ENFANCES
548
RENIER
Lors jure Dieu, qui onques ne menti N’en partira, s’erent pris et saisi.
9060
9064
[CCCXXXIX] Renier le preuz sa galye arriva Pres de la roche et la tour esgarda Ou Grymbert iert, que tant enchaucié a. Lors jure Dieu qu’il ne s’em partira S’avra la tour, ceuls dedenz occira Quar en sa vie larron mes n’amera Tout por celui qui le sien cors embla, En grant perill et en paine mis l’a. Se Diex n’en pensse, qui le mont estora,
9068
9072
9076
9080
Ja mes nul jour vraiement ne sara Qui sa mere est ne quiex hons l’engendra. Gyres li preuz de Renier s’acosta A .V. galyes qu’avoec lui amena. [fol. 104 v. a] Renier demandent que il fere voudra Et Renier jure les larrons assaudra. Gyres respont : « Mal ait qui les porta ! Ainz c’om les ait, moult grant paine y ara ; Tant atendrons que le roy ça venrra, A chescun lez la tour assiegera, Ja des larrons nes .I. n’eschapera. » A ces paroles le bon roy aproucha, Entour la roche chescun avironna. Or vous dirons de Grymbert, qui monta En la grant tour ses compaignons trouva. Oellars le voit, tantost li demanda
9084
Quiex genz ce sont qui l’ont enchaucié la. Grymbert respont que pas ne li dira Quar onques mes en mer nes encontra. Oeillart respont que mar s’en doutera :
ENFANCES RENIER
9088
549
Forte est la tour et bien la desfendra Et par karmins la mer tourmentera. Grymbert l’entent, dont se rasseüra. [CCCXL]
9092
9096
Li bons rois d’Ysle et Renier li membrez Ont les larrons entour avironez. Hors des nés issent en la roche a tous lez, Por assaillir iert chescun aprestez. Oeillart les voit, s’a ses larrons criez :
« Or tost, seigneurs, a ces creniax montez ! De bien desfendre soit chescun avisez. Et vous, Grymbert, de vo mestier ouvrez : Conjuremens, sors et karmins savez,
9100
Or i parra conment vous le ferez ! Bien sai de voir se vo sens y moustrez,
Tost les verrez en la mer resquipez, Le plus hardi n’1 seroit demourez 9104
9108
9112
Qui li donroit tout l’or de .XX. citez ! » Or vous dirons de nos barons membrez : Longues eschieles avoient en leur nez,
As murs les portent qu’il virent crestelez ; Des plus hardiz vit on amont montez Et li larron leur gietent piex quarrez. Kaillos et pierres ont moult aval getez, Moult ont des noz mal mis et empirez, Plus de .L. en ont aval verssez. Voit le Renier, s’en fu moult aïrez ;
Touz les serjans a erranment mandez Qui sevent traire de quarriax empennez. [fol. 104 v. b.] 9116
Et cils i vienent, es les vous ordenez.
9099. fors.
ENFANCES
550
RENIER
As lerres traient qu’en haut voient montez,
9120
9124
9128
9132
Si les destraignent des quarriax acerez Que maugré euls les ont des murs ostez. Les autres fierent de piquois a touz lez, En pluseurs liex fu le mur esfondrez. Voit le Grymbert, moult en fu esfreez ; JL. karmin fist dont il iert douctrinez : Il fu avis a noz barons armez Que le feu fu en leur naves boutez, Touz leur vessiax estoient alumez. L’assault lessierent, courant s’en sont tournez A leur hernas, dont chescun s’est doutez ; Eaue ont getee par tout aval leur nez, Adont leur semble que le feu iert cessez,
Le karmin faut, si est outre passez. Voit le Renier, bien s’est garde donez Que du larron a esté enchantez.
Lors jura Dieu, qui en croiz fu penez, Que ja pour ce ne seront respitez.
9136
9140
9144
9130.
[CCCXLI] Moult fu Renier dolent et courouciez Quant du larron est ainssi engigniez. Dist a ses homes : « Seigneurs, ne vous faigniez, Mes a l’assault vistement repairiez. Ja mes nul jour n’iere joiant ne liez Si avrai pris le lerre renoiez. » Dont veïst on no gent rappareilliez Et d’assaillir forment encouragiez. À la tour vindrent, dont fu li assaut griez,
feu est tracé en bout de ligne.
ENFANCES
9148
9152
RENIER
ao
Drescent eschieles, si ont les murs perciez. La veïst on maint quarrel descochiez Des arsbalestes et as murs envoiez ! Bien .X. larrons y ot a mort plaiez. Quant le jaiant voit ses genz empiriez, Lors a tel duel a poi n’iert esragiez. N'ose issir hors le jaiant desfaez Quar trop y voit de noz genz haubregiez.
[CCCXLII] Oeillart le grant durement s’aïra Quar il voit bien que durer n’i pourra. Grant iert et fort, en ce moult se fia,
9156
Lors se pourpensse que bataille prendra A l’un des noz qui plus hardi sera. Le jour trespasse, le vespre s’aproucha,
9160
Renier en jure le Dieu qui tout fourma Que de la roche ne se departira
A leur navie nostre gent repera.
[fol. 105 r. a.]
S’avra la tour, ceus dedenz occira.
9164
Toute la nuit Renier eschergueta Que cils ne fuient que il assiegiez a. Au matinet, quant le jour esclera,
Oiellart le lerre .I. message apela : « Amis, dist il, servi m’avez pieça,
9168
Latimier estes, en vous moult proesce a. » [CCCXLIII] Son latimier Oeillars a apelé : « Amis, dist il, or oiez mon penssé : La hors irez, se il vous vient a gré,
9172
A ceuls des naves qui ci sont arresté. Leur seigneur dites, quant vous l’avrez trouvé,
552
9176
ENFANCES RENIER
S’il a o lui nul baron si osé Qui a moi s’ose combatre en champ malé, S'il me puet fere recreant ne maté, On li rendra la tour tout a son gré ; Se je puis vaincre son champion armé, Si s’en revoisent arriere en leur regné,
9180
Que ne soions ja mes par els grevé. » Et dist Grymbers : « Moult avez bien parlé ! Se par cest point n’en sonmes descombré,
9184
Je ne voi tour conment soions tenssé : Trop sont grant gent, ne sai dont il sont né. » Le messagier a son chemin hasté, Desarmé va, .I. mantel aflubé.
9188
Noz genz le voient venir tout abrievé. Renier li preuz leur a tost demandé : « Seigneurs, dist il, soiez asseüré,
9192
Soiez tuit quoi, n’i ait cri ne hué : Ci vient .I. més, ne sai qu’a aporté. » Et cil si font quant il l’ot conmandé.
[CCCXLIV]
9196
9200
9188.
Le messagier vint as naves tout droit. Voit le Renier, encontre lui en vait ; Il li demande quele chose il queroit Et cil respont que il tost le savroit, Mes tout ançois au seigneur le diroit.
Et Renier dist volentiers li menrroit ; Au roy Grebuedes le message menoit Et cil tantost la besoigne contoit. Tout ce a dit que ses sires mandoit,
démandez (= denmandez), corr. C.
ENFANCES
9204
9208
9212
RENIER
553
Que volentiers bataille prenderoit Au plus hardi que nostre gent aroit [fol. 105 r. b.] Par tel manicre que, sc on le matoit, Tout son avoir et la tour renderoit ; [Et], se li nostre a lui pooir n’avoit, Qu'en li lest cuite tout ce que il tenoit Kar a nul home trieüage n’en devoit : Seule iert la roche quant primes y venoit, Bien fist la tour quar nus n’i chalenjoit ; Tant qu’il vivra, defendre la voudroit. Quant le roy l’ot, tantost li respondoit Que volentiers cha[m]pion li querroit
Et Renier dist que tost trouvé l’avroit Quar il meïsmes la bataille feroit : 9216
Autre de lui, ce dist, n’i entreroit.
9220
Et le roy dist pas nel refuseroit, Au messagier la bataille afioit Tout enssement con devisé l’avoit. Cil s’en tourna courant a grant esploit, Vint en la tour, ou les larrons trouvoit.
Oellart le vit, tantost li demandoit Queles nouveles de no gent aportoit ;
9224
9205.
Et cil respont que la bataille aroit Contre .I. vallet qui moult joenes estoit. Oeillart respont que tost maté l’aroit. Ses armes huche et on li aportoit
Le T de Tout se présente sous la forme d’une initiale ornée,
comme s'il s'agissait de signaler le passage d’une laisse à une autre ; il s’agit d’une bévue de l’enlumineur. 9206. se li nostre, corr. C ; le Et est masqué par l'initiale. 9213. chapion, corr. C.
554
9228
9232
9236
ENFANCES RENIER
Et le jaiant son cors bien atiroit : J. auqueton premerain endossoit, Et par desus .I. blanc hauberc vestoit, Puis lace .I. yaume ou li or flambeoit, Ceint .IL. espees de quoi l’acier tre[n]choit Et en ses poinz .I. grant fauxart prenoit. Vint a la porte, le guichet desfremoit : Iluec, ce dist, li varlez atendroit, Qui contre lui combatre se devoit.
[CCCXLV] Quant li jaians ot son cors adoubé,
De la porte a le guichet desfremé ; La atendra, ainssi l’a en penssé,
9240
Celui qui doit fere le champ malé. Devant la porte ot .I. arbre planté, Grant place y ot et lieu bien ordené ; La iert le champ, ainssi l’ont esgardé.
9244
Or vous dirons de Renier le membré Confaitement il a son cors armé : .L auqueton a premier endossé Et par deseure .I. blanc hauberc saffré,
9248
9252
9232.
[fol. 105 v. a.]
Puis ceinst l’espee au pont d’or neelé Et lace .I. hiaume a .I. cercle doré ; Puis prist la loque, ou li clo sont fremé, Qu'il ot conquise a Corbon le faé. Adont s’en tourne, s’a congié demandé ; Le bon roy d’Isle l’a a Dieu conmandé, Qui le remaint en vie et en santé ; Gyres le seigne du Roy de majesté.
trechoit, corr. C.
ENFANCES
9256
9260
RENIER
Renier s’em part, n’i a plus demouré, Vint en la place desouz l’arbre ramé. Quant li jaiant l’a perçu ct visé, Petit le doute, ce sachiez par verté : Ne cuida mie qu’il ait tant poesté. De la porte ist, son fauxart entesé,
Renier le voit, si li a escrié : « Vassal, dist il, moult te voi abrievé,
9264
Or te dirai mon cuer et mon penssé. »
[CCCXLVI] Dist le jaiant : « Vassal, a moi entent ! Je combatrai a toi par tel couvent Se tu me fais vaincu et recreant,
9268
La tour avras ou nous sonmes manant, Si s’en iront par mi la mer najant Mi compaignon qui leenz sont dolant Pour leur amis, qui laiens sont gesant,
9272
Que vos archiers ont occis en traiant ; Et, se vous estes vaincu tout enssemant,
Si nous lessiez en pes no chasement. » Et dist Renier : « Il ira autrement !
9276
Celui avrai, conment qu’il voist prenant,
9280
Que ja chaçai ceenz par mer siglant, Qui set karmins et conjuremenz tant ; Petit failli ne m’ala decevant. » Dist li Oeillart : « Or soit a vo conmant ! Ainz qu’il soit vespre, par le mien escïant, Sera muez vo pensser autrement : Moi et Grymbert irez cuites clamant
9259.
par perte, corr. C.
555
556
ENFANCES RENIER
9284
Se cest Et dist Jc vous Dist le
fauxart ne me va defaillant. » Renier : « Trop vous alez vantant. desfi de Dicu omnipotent ! » jaiant : « Et je vous telement. »
9288
La loke entoise Renier moult fierement,
Envers Oellars s’en vint ademetant Et le jaiant son grant fauxart destent ; Li uns fiert l’autre quant se vont aprochant. [fol. 105 v. b.] 9292
Or vous dirons de Gyres le vaillant ;
Droon de Gresce apela bonement : « Amis, dist il, or oiez mon semblant : Fetes armer de no gent quoiement ; 9296
Ceuls de la tour sonft] lerres soudïant,
9300
On ne s’i doit fier ne tant ne quant ; S’il veulent fere Renier encombrement, Sel secourrons tost et isnelement. » Droes respont : « Vous parlez sagement. » Cels fist armer ou plus se va fiant. Or vous dirons tost et delivrement Des .IT. qui furent ensemble el chaplement.
9304
9308
9296. 9304.
[CCCXLVII] Oeillart le grant ot moult le cuer marri Quant voit Renier qui le mestrie si : Onques mes hom ne dura contre lui. Le faussart hauce et Renier en feri ; Par mi la loke le grant cop descendi Que son fauxart li est brisié par mi.
son, corr. C. Deillart, corr. C.
ENFANCES RENIER
557
Voit le Renier, de joie s’esbaudi.
9312
9316
9320
La loque entoise, le jaiant en feri, Par mi la teste si bien le consivi Que par la bouche le cler sanc li sailli, Petit en faut que jus ne l’abati. Le jaiant brait quar l’angoisse senti, Mes tant avoit de hardement en li S’il ne se venge, tient soi a escharni. Trait une espee qui au lez li pendi Et fiert Renier que devant lui choisi ; Desus l’espaulle l’auberc li derompi, Li auqueton moult petit li vali, La char li trenche et le sanc en issi. Voit le Renier, de mautalent rougi,
9324
N’ot mes tel duel puis l’eure qu’il nasqui. S’il ne s’en venge, ne se prise .I. espi. [CCCXLVII] Moult fu Renier dolens et abosmez Quant vit son sanc qui est aval coulez.
9328
La loke entoise, de grant ire eschaufez
,
Fiert le jaiant, qui iert grant et fourmez ; Par mi la teste fu si bien assenez Que le cier sanc est a terre verssez
9332
Et le jaiant est a terre flatez ;
Mes tost saut sus, poi y est demourez. Renier li crie : « Glout, vous n’i durerez ! »
Dist le jaiant : « Trop vous estes hastez ! [fol. 106 r. a.]
9336
Enquor ne sui ne plaié ne navrez, Si dites ja que vous conquis m'avez ! Or i parra conment vous garderez ! » Il prist .I. dart qui iert bien afilez,
558
9340
9344
ENFANCES
RENIER
Renier le lance Oellart le forssenez ; Onc de ses armes ne fu noient tenssez, Enz el vuit but fu durement navrez, Le sanc en ist, s’est a terre coulez. Dist le jaiant : « Deça estes tastez ! — Glout, dist Renier, tu soies vergondez ! Se ne me venge que ramposné m’avez,
Je ne me prise .Il. deniers monneez. 9348
9352
9356
Mes or me dites, gardez nel me celez,
Ge vous conjur de la loy que creez, De quel gaaigne en cest ysle vivez : De toutes genz estes si esseulez ! » Dist le jaiant : « Orendroit le savrez : Tuit cil qui sont en ma grant tour remez Sont tuit mes homes et je leur avouez. Bons larrons sont, si m’amainent assez. Le mestre d’euls est Gombers apelez ;
Cil set du mal plus que li autre assez, D’art d’yngromance est moult bien escolez. Quant ont en mer marcheanz desrobez, 9360
Il vienent ci, lors sont a ssauvetez.
Il n’est marchant tant hardi ne osez, S’il vient aprés, qui ne soit tost tuez
9364
9368
9372
Ou enz el fonz de ma prison getez ; Par reançon em puet estre eschapez. Or vous ai dit toutes vo volentez, Or vous conjur, aussi que fet m'avez, Que vous me dites et que ne m’en mentez Quiex genz vous estes et de quel part venez. » Et dist Renier : « Tout le voir en orrez : C’est le roy d’Isle qui ci est arrivez. » Dist le jaiant : « Se vous le conmandez, Or fesons pes et si vous en ralez,
ENFANCES RENIER
559
Si nous lessiez ou trouvez nous avez. » Et dist Renier : « De folie parlez ! Ne m'’en iroie por quanque vous avez
9376
Jusqu’a cele heure, se Diex me doint santez, Que cis liex iert desfez et essartez
Et par trestout sera le feu boutez. Quar je sai bien, s’ainssi iert demourez, [fol. 106 r. b.]
9380
Qu’encore ent iert maint preudome grevez ;
9384
N’avrai repos si iert tout degastez ! » Dist le jaiant : « Quant vous m’eschaperez, D'autre Martin, se je puis, chanterez ! » Et dist Renier : « Moult vous estes vantez ! Fetes le puis que vous onques porrez Quar ja mes lerres n’iert de par moi amez ! Diex les confonde, qui en croiz fu penez ! »
9388
9392
[CCCXLIX] Oeillart le grant ot le cuer moult marri Quant il oÿ Renier quel respondi, Qui ne se veut acorder envers lui. Il tint le brant qui luist et reflambi, Vers le vallet moult grant [cop] en feri ; Renier se cuevre et un poi se guenchi,
Par mi la loque l’espee descendi, Selonc le heut est brisie par mi.
9396
Oeillars le voit, a poi du sens n’issi ;
Trest l’autre espee que n’i a fet detri, IL. en avoit aportees o lui. Ainz qu’il refiere, Renier le coita si
9388. 9392.
Deillart, corr. C. g"nt (= grant) en feri, corr. C.
560
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ENFANCES
RENIER
De la grant loque que tout l’a estourdi ; Oellart chancele, si a geté .I. cri, Cil de la tour en sont espoori. Dist l’un a l’autre : « Trop sonmes endormi ! Nous ne valons vaillant .I. chien pourri Se no seignor lessons occire ainssi |! » Et dist Gombers : « Tost soions fervesti ! S’il a besoing, prest serons et garni. » Et dist Rohars : « Je le lo bien ainssi ! » Dist Malcuidans : « Mieudre consseill n’oÿ ! Ja de mal fere ne soions alenti. » As armes queurent li glouton maleï. Or aït Diex Renier par sa merci Quar, se n’en pensse le roy qui ne menti, Ancui sera le sien cors mal bailli !
[CCCL] Oeillart le grant durement s’aïra ; Estourdi fu, qui moult li agreva. Un dart a pris, a Renier le lança ;
9420
Le Et La Au
ber guenchi, qui le cop redouta bien sachiez que forment s’aïra ! loque entoise, as .IT. poinz la hauça, jaiant vint, si bien assené l’a
Son hiaume froisse et tout li embarra ; Sus le braz destre la loque devala, [fol. 106 v. a.]
9424
9415.
En .IL. moitiez le mestre os li brisa Et le jaiant a terre trebucha. Renier le voit, plus ferir nel daigna Dusqu’a cele heure que il se releva.
Deillart, corr. C.
ENFANCES
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RENIER
Adont Oiellart grant frainte demena, Plus tost qu’il pot en piez se redreça. Voit le Renier, autre cop li donna, El front devant la loke l’assena Que le destre oeill a terre li vola. Le jaiant crie volentiers se rendra, Mes Renier dist que ja merci n’avra Quar mes larron a nul jour n’amera. Vers lui s’abesse, l’yaume li deslaça. Es vous Rohart, qui la porte garda, Et Malcuidant, qui moult de mals penssa ; Sorbrin le suit, qui onques Dieu n’ama, Noiron, Rubers, qui tant de mals fait a ;
9444
Gombers les maine et touz les chaela. Et quant Renier les larrons avisa, N'est pas merveille se il les redouta ! Au jaiant vint, s’espee li osta Et maintenant la teste l’en copa. Grymbers le voit, hautement li cria : « Cuvert lechierre, mal ait qui vous porta !
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Mar m’enchauçastes, chier vendu vous sera ! »
Às larrons crie : « Assailliez celui la ! » Et cil si font, chescun l’avironna,
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Mes li dansiax tant bien s’i esprouva Qu’a III. cops .VI. des larrons tua. Chescun des autres grant coutel li lança, Mesericorde ou espié qui trencha. Renier rentoise la loque qu’il porta, Rohart le fel si fort en assena Que a ses piez tout mort le craventa.
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9460
;
ENFANCES
RENIER
Au resachier Noiron si en bouta Que enz el ventre le cuer li en creva. Gyres le preuz, quant les larrons visa, Le cheval broche, cele part s’adreça ;
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Droon de Grece aprés lui s’ellessa Et maint des autres cui il le conmanda. Quant Gombert voit no gent qui aprocha, En fuïe tourne, vers la tour s’en reva ; Renier l’enchauce qui de pres le hasta,
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En la grant porte maugré le lerre entra. [fol. 106 v. b.] Es vous Gyrart et Droes qui vint la. Quant Grymbert voit la porte perdue a,
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9458. 9475.
Lors se pourpensse conment se guerira. Vers la posterne quoiement avala, Une galye aprestee trouva. Gombert i entre, de nagier se hasta Et avoec lui .X. larrons en mena, Mort sont li autre, que nus n’en eschapa ; L’avoir ont pris dont grant foison y a. Renierle preuz le feu par tout lança. Or vous dirons de Grymbert, qui s’en va, Quele aventure il li avendra ja : En mi la mer .I. vent fort le soufla Qu'’entre les nés noz genz le rachaça. Renier li preuz bien garde s’en dona : Isnelement sa galye hucha, Cil li amaine a cui le conmanda ; Renier y entre, qui moult le desira, Vers le larron de siglier se hasta.
redsachier ; le d est exponctué comme le fait remarquer Mt. que mort nen eschapa ; faute par réminiscence de mort.
ENFANCES
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RENIER
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[CCCLI] La mer tourmente, .I. grant vent est levez. Tant s’est Renier esploitié et hastez Qu'en la galye as larrons est entrez. Touz les a morz, occis et afinez Fors seul Grymbert, qui s’est en crois getez : Merci cria pour Dieu de majestez Et dist Gombers : « Frans hons, ne me tuez ! Dampné serai se muir desconffessez Tant ai de mals et fez et pourpenssez ! Damoisiax, sire, le respit me donez Tant que ge aie mes pechiez recordez A Dieu de gloire, et vous m’escouterez
Puis qu’autre prestres ne puis avoir trouvez ; 9500
En l’onneur Dieu, s’il vous plest, m’assoudrez
9504
Et De Et De
9508
Or dites dont, gardez riens n’en celez Kar, bien vous di et veull que m’en creez, Il n’est nus hons tant ait de mals bracez Que, s’il puet estre vrai[e]ment confessez
en aprés ferez vo volentez moi occire ainssi con vous voudrez. » dist Renier : « Moult bien parlé avez ! vous oïr sui tout entalentez.
Et repentans, que il ne soit sauvez. » Dist Grymbert : « Sire, aumosne fet avez, De mes mauls dire volenté me donez. » [fol. 107 r. a.]
9512
Gombert conmence ainssi com vous orrez : « Vrai Dieu, dist il, qui en croiz fus penez,
Au jour de Pasques de mort resuscitez, Droit en Enfer fu vo chemin tournez,
- 90508.
vraiment, corr. L et Mt.
ENFANCES
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9520
Si en getastes touz les beneürez ;
Si con c’est voir, vrai Dieu de majestez, Aiez de m’ame et merci et pitez, Ne soufrez, Sire, que ge soie dampnez. Mes c’est merveille se g’en sui eschapez, Trop ai de genz ocis et desrobez, Moustiers brisiez et autiex violez,
Reclus ermites et moines et abbez
9524
Et pelerins et marcheans senez,
9528
Princes et contes se les vi esseulez, Et Sarrazins et genz crestiennez. Onques par moi n’i fu hom deportez, Grant ne petit, bien a .XXX. anz passez, Por qu’il peüst par moi estre atrapez. Mes le pechié dont plus me sui doutez, C’est d’un enfant qui par moi fu emblez
9532
En Porpaillart, bien a .XII. ans passez ;
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Ce fu le filz Maillefer le membrez, Renier ot non, ainssi fu apelez. Droit a Marsseille en fu par moi portez, La le vendi a deniers monneez A un marchant qui fu viex et barbez Et si li dis, que n’en fusse encusez, Que en .I. bois fu li enfes emblez. Moi demanda s’il iert crestiennez Et par quel non il ot esté nonmez, Et je li dis Renier fu apelez. Adont me dist le marcheant senez
9544
Que en Venice seroit o lui menez,
9548
A l’amiral la seroit presentez ; Cil n’ama onques François crestiennez, Bien croi li enfes est mort et deviez Dont c’est trop grant damage et pitez !
RENIER
ENFANCES
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RENIER
Se Diex n’en pensse et sainte Trinitez, Tout iert li regnes de Sarrazins gastez : En prison cst Maillcfer le doutez, Paiens l’ont pris souz Loquiferne es prez, En tour Baudune, la est emprisonnez. Et, se li enfes fust en vie remez,
9556
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[fol. 107 r. b.]
Bien fust li regnes secourus et gardez Et Maillefer fust par lui delivrez. Par cest mesfet me dout estre dampnez Quar par moi fu li damoisiaus emblez, Si est le regne en grant perill remez ; Se Diex n’en pensse, de paiens iert peuplez ! » Quant Renier a sifais moz escoutez, Adont s’est bien li varlez avisez Que ce est il qui ainssi fu emblez. S’il en ot joie, ja ne le demandez !
[CCCLII] Le marcheant fist forment a loer ; Bien ot oÿ le larron resonner,
D'une part prist Renier a apeler :
9568
« Damoisiax, sire, bien devez Dieu amer
Quant il vous a fet le larron trouver
Qui vous embla ! Bien l’ai oÿ parler, Or sai ge bien de voir tout sanz douter
29572
9576
Qu'il me vendi vostre cors sus la mer ;
Bien en porrai vrai serement jurer Kar as enseignes m’en sai bien aviser. Ceste nouvele irai dire et conter Au bon roy d’Isle se le voulez greer : Vos taions est, bien le devez amer,
Et s’est vo mere Florentine au vis cler. » Dist Renier : « Mestre, or me lessiez parler,
566
9580
ENFANCES RENIER
Il me couvient plus sagement ouvrer :
En couvent oy la duchesse au vis cler A Morimont, quant de li doi sevrer, Premier li doi mon afere conter, 9584
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9592
Tout mon secré et le mien non nonmer, Que a nului, ce me fist creanter ;
Or n’en veull mie ma loiauté fausser : Par male haste puet on poi conquester ! Or vous dirai conment voudrai ouvrer : Nous en irons a Baudune sus mer ; Se plest a Dieu que puissons delivrer Roy Maillefer et de prison geter Et Diex ce donne que puissons retourner A Morimont, que tant doi desirer,
9596
9600
Adont ferai la pucele mander, La bele Ydoine, que ge doi moult amer, Cele me fist nourir et alever ; Puis me voudrai de mes dras desnüer [fol. 107 v. a.] Et a la dame veull enseigne moustrer, La crois roial dont li oÿ parler, Que touz ensemble puissons joie mener. Diex m’ama moult, qui me fist refuser
9604
9608
9605.
A Morimont, quant deüsmes esrer, Quant la duchesse me voult fere espouser Ma suer germaine, a ce que puis prouver. » Et dist Gyres : « Damoisiax, moult es ber, Jhesu te veulle longue vie donner ! » Or vous devons du larron raconter Qui bien cuidoit c’on le deüst tuer Ou pendre as fourches ou naïier en la mer.
Le ms donne gyrart, corr. C.
ENFANCES RENIER
[CCCLHI] Gombert le lerre fu moult esp[aJourez,
Penssis ct las ct du cucr abosmez 9612
9616
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9628
Quar bien cuidoit estre a sa fin alez Et c’on parlast conment fust labitez. Renier li preuz est vers lui retournez ; Voit le Grymbert, s’est vers lui enclinez, À jointes mains li a lors demandez : « Damoisiaus, sire, de cest las que ferez ? De quele mort iert mon cors labitez ? Pour Dieu vous pri, qui en crois fu penez, Qu'’aiez de moi et merci et pitez. » En ce disant se mist a nuz genoiz : « Conjuremens et karmins sai assez : S’il avient chose qu'aucun besoig avez, Si m’aït Diex, moult bien aidié serez. Il n’est danjon, chastel ne fremetez, S'il est ainssi que grever les voulez, Que ne vous rende ainz quatre jors passez. » Adont dist Gyres : « Bon seriez gardez Se bien ce fetes dont ici vous vantez. »
Et dist Gombert : « Seigneurs, or l’esprovez ! Se ce ne fez, as fourches m’encrouez. » 9632
9636
9610.
Et dist Renier : « Vassal, sus vous levez.
Je ne voudroie por l’or de .X. citez Que vous fussiez ocis ne afolez. — Tout vous ferai ce que me requerez ! — Or vous dirai conment vous le ferez : Devant le roy d’Isle vous en vendrez Et ces paroles toutes recorderez. »
espourez.
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ENFANCES
Et dist Grymbert: « Sire, ançois m’ociez Quar aÿol est ce roy dont vous parlez [fol. 107 v. b14 A cel enfant qui par moi fu emblez! Bien sai le roy sera si aïrez Que ja a lui ne serai acordez, A grant torment sera mon cors finez,
Ars ou pendu ou en la mer getez. » Et dist Renier : « Mar vous en douterez Que por l’enfant, que vous tant regretez, Que vous emblastes, de quoi vous repentez, N'’avrez vous garde, soiez asseürez. D'or en avant mes preudom devenez,
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9639. 9665.
RENIER
Tensserai vous vers touz homes charnez, Tant que vivrai, mar vous esmaierez. » Dist Gombert : « Sire, .V.© merciz et grez ! Et je vous jur les fonz ou fui levez Et le saint cresme dont fui regenerez Et sus le Dieu qui maint en majestez Que ja mes jour ne ferai mauvestez, Servirai vous de cuer sanz faussetez. » Et dist Renier : « Nous verrons que ferez. » Et telement le larron respitez Preudom devint, sage fu et letrez, Puis ce jour fu a Renier moult privez Quar par lui fu Piecolet atrapez, Le mal traître, et a nos genz livrez. A court termine, par biax mos ordenez, Orrez conment, s’entendre le voulez, Roy Maillefer iert de prison ostez.
ancoies ; faute par anticipiation d’ociïez. termine (= terminne), corr. C.
ENFANCES RENIER
9668
[CCCLIV] Renier li preuz au courage aduré Alu] bon roy d’Isle ot le larron mené En la grant nef ou moult ot gent barné ;
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9676
Por le larron oÿr sont asemblé. Renier li fist dire la verité, Confaitement il ot l’enfant emblé Et a Marsseille avoeques lui porté, La l’acheta .I. marcheant sené. Quant le roy a le larron escouté, Pour son neveu ot le cuer si iré Que par .L. poi qu’il n’a le sens desvé. En sa main prist .Ï. coutel aceré ;
9680
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9688
9692
9669.
Ja en eüst le larron afolé Ne fust Renier, qui l’en a destourné, Qui dist au roy : « Sire, merci, pour Dé ! J’ai le larron de vous asseüré [fol. 108 r. a.] Et de vos genz et des mien e non Dé Et il m’a dit et sus sainz creanté Que touz jours mes fera ma volenté. » Et dist li rois : « J’ai le cuer si iré Pour mon neveu qu’il a desmanevé N'est riens el mont qui autant m’ait grevé. »
[CCCLV] Renier parla li gentil et li ber ; Le roy apele, qu’il voit moult trespensser. Dist Renier : « Sire, ne vous desconforter, Quar, se Dieu plest, qui tout puet gouverner, Je cuit et croi, selonc le mien pensser,
A bon roy disle. ont le larron mene, corr. C.
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ENFANCES
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Cil damoisiax sera au delivrer Roy Maillefer, qui tant fet a loer. » Quant le roy ot li dansiax si parler,
A ce qu’il dit se prent a aviser Que ce iert il, a ce que puet viser,
9700
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Mes por itant ne li volt demander Que il li vit vers sa mere celer.
[CCCLVI] Nos barons sont en la mer ondoiant, Vent orent bon, qui les maine bruiant ; Tant ont siglié au vent qu’il orent grant De Loquiferne vont les clochier visant,
Les pomiax d’or sus les mesons seant. Renier li preuz apela l’estrumant :
9708
« Amis, dist il, nel me va pas celant :
Conment nonme on cele cité lavant Dont les clochiers se vont aparissant ? » Le marinier li respont sagement : 9712
« Damoisiax, sire, vous le savroiz briément :
C’est Loquiferne qui sus la mer s’estent. Le roy Butor en tient le chasement, C’est .I. paien de moult dyvers semblant !
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Bien a de lonc .XV. piez en estant,
IT. cornes a en mi le front devant. » Et dist Renier : « De ce ne m'est noiant,
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A ceste foiz n’irons mie arrivant. A tour Baudune nous maine droitement ! Que Diex de gloire, le Roy du firmament, Nous doint trouver ce que alons querant, Que delivrer puissons sains et vivant Roy Maillefer et Bertran enssement, Que paiens tienent en leur prison vilment. »
RENIER
ENFANCES
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RENIER
Dist l’estrumant : « Nous ferons vo conmant. » [fol. 108 r. b.] Les sigles tournent, le vent s’i va metant, Droit vers Baudune se vont acheminant. De leur jornees ne vous irai celant : En .VIIL. journées par le Jhesu conmant
Virent les tours et l’aigle d’or luisant, .XV.en y ot sanz la mestre plus grant, De rouges pierres sont tuit li pavement ; Leenz manoient Sarrazins et Perssant. Roy Marbriens en tint le chasement, Celui iert frere roy Butor le tyrant ; AfnJdoi li frere furent furniz et grant,
Le meneur a .XIIL. piez en estant ! Le roy Grebuedes parla premierement, 9740
Renier apele, si li dist doucement : « Damoisiax, frere, or ouvrons sagement, Fesons nos barges arriver belement,
Que ne le sachent li paien mescreant. »
9744
[CCCLVII] Par .I. matin, quant le jour esclaira, Le roy Grebuedes et Renier arriva A tour Baudune ou moult bele pree a Et par encoste .I. bois qui verdoïia.
9748
Des nés issirent, no gent la s’ombroia,
9752
.. petitet en l’ombre reposa, Consseill prendront conment la chose ira. Roy Marbriens, qui la vile garda, Chescun matin el bois chacier ala,
9737.
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Adoi, corr. C.
572
ENFANCES
RENIER
D'un arc manier as bestes archoia Et, quant .. home dedenz le bois trouva, Isnelement le jaiant l’estrangla,
9756
A sa ceinture avoec lui l’emporta Et, quant au vespre a l’ostel repera, Sus le brasier le rousti et tourna ;
Quant il iert cuit, moult bien s’en conjoia. 9760
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Enz en la tour une fort prison a, La iert Bertran, qui grant mal endura, Et Maillefer, qui moult se dementa,
Pour sa moullier moult grant duel demena Et por son filz, dont moult li remembra : « Renier, biau fi1z, roy Maillefer dit a,
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Diex le confonde qui vostre cors embla ! Se vif fussiez, par Dieu, qui tout fourma, Se seüssiez conment vo pere va, Secours eüsse, que n’atargissiez ja. [fol. 108 v. a.] Mes je croi bien que mort estes pieça, En ceste chartre mourir me couvendra Quar pas ne sai dont secours nous vendra. » Et quant Bertran Maillefer escouta, Qui se demente et se desconforta, Moult doucement li frans hons l’apela : « Sire, dist il, ne vous esmaiez ja.
J'ai oÿ dire maint sage home pieça Qui bon courage et bonne esperance a Et vraie foy Damedieu portera Que en la fin Jhesu li aidera. » Dist Maillefer : « Ne sai conment ira. Ennuit par nuit en dormant me sembla Que ceste tour a terre craventa. »
9784
Et dist Bertran : « Grant bien nous avendra !
ENFANCES RENIER
573
[CCCLVII] — Sire Bertran, dist Maillefer li frans, Ennuit sonjai, dont moult sui esmaians,
Il m’ert avis c’un grant dragon volans
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Estoit lasus en la tour descendans :
Touz chaçoit hors Sarrazins et Perssans ; A sses granz ongles, qu’il ot fors et trenchans, L’uis de la chartre brisa mes yex voians, Si nous traist hors, bauz et liez et joians. En autre guise fu le dragon muans : Ce me sembla uns damoisiax vaillans. En cele joie fui moult petit de tans, Lors m’esveillai, si refui si dolans Quant me trouvai en la chartre puans, Adont vousisse que finez fust mon temps. » Dist Bertran : « Sire, or soiez entendans :
9800
A bien vendra, g’en sui avertissans.
9804
Quiex iert li songes, ge sui viex et ferrans : Le grant dragon, qui si iert ressoignans, C'iert .I. vassal hardis et conquerans Qui ça vendra, se Dieu plest, en brief tans. Touz ocira ces cuvers soudïans
Or vous dirai, n’en soiez mescreans,
Qui ci nous tienent en poverté si grans,
9808
9812
Enquor verroiz vo fame et vos enfans ! — Diex vous en oye ! » dist Maillefer penssans. Et dist Bertran : « Voirs est li couvenans. » [CCCLIX] Li quens Bertran Maillefer apela : « Frans hons, dist il, ne vous esmaïiez ja : | Bien sui certain que le songe avendra. [fol. 108 v. b.] Or vous dirai conment il me sembla :
ENFANCES
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RENIER
Ennuit par nuit, si con le coc chanta,
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J. poi dormoie et mon cuer s’oublia. Lors m'’iert avis, nel vous celerai ja,
Qu’en cest païs une gent arriva Qui de paiens grant ocison fera.
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[CCCEX] Maillefer, sire, dist Bertran au vis cler, Voir vous dirai, se Diex me puist sauver, Bien vous devez hetier et conforter :
Diex nous sequeurt, a cui me veull doner ! 9824
A brief termine nous fera delivrer,
Nul ne puet nuire cui Il veut amer. [CCCEXI] Maillefer, sire, dist Bertran au vis fier, Ennuit songé, bien le vous doi noncier,
9828
Qu'en cest païs venoient chevalier : Blanc iert chescun armé sus son destrier, A crois vermeille sont li hiaume d’acier
9832
Et leur escuz, qui sont fort de quartier. Entr’eus avoit .I. bacheler legier ;
9836
Tant le doutoient Sarrazins et Turc fier Les plus hardiz fesoit humelïer. » Dist Maillefer : « Jhesu nous veulle aidier Si vraiement com en avons mestier ! »
9840
A ces paroles es vous le chartrier, A nos barons conmença a huchier : « Moult vous oy ore longuement plaidoier Et l’un a l’autre paroler et janglier, Mes, par Mahom, vous le comperrez chier ! »
Li glouz apele un sien vallet jaullier : « Amis, dist il, sez que te veull proier ?
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9844
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RENIER
Pren .L. baston grant et gros et planier, Enz en la chartre t’avale sanz targier, Chescun cheitif en va .X. cops paier. » Dist le Turc : « Sire, ce ferai sanz dangier. » En la grant chartre entra li losengier : Un baston porte, Diex li doint encombrier,
9852
Si avra il ainz qu’il puist repairier. Quant Maillefer voit celui aprouchier Qui de ferir le prent a menacier, Se il ot duel, ne fait a merveillier ! Mes ne se puet ne lever ne drecier Quar il estoit enz el karcant d’acier,
9856
Et le lechierre li va grant cop paier. Roy Maillefer ala ferir premier [fol. 109 r. a.] Si ruiste cop que tout le fist ploier. Dist Maillefer : « Vrai Pere justicier,
9860
Miex veull mourir que cestui espernier Qui tant nous fait d’ennuy et d’encombrier ! » Atout les moufles prist les braz a haucier, Grant poine i mist le vassal droiturier,
9864
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En mi le piz hurta le pautonnier Si que souvin le fist jus trebuchier ; A une pierre se hurta par derrier Que de sa teste froissa le hanepier Et la cervele li couvint jus raier. Son mestre l’ot, n’i ot que courocier. [CCCEXII] Le chartriier ot le cuer moult iré Pour son vallet, qu’il vit ainssi tué, A nos barons a moult haut escrié :
« Seigneurs cheitis, mal fussiez onques né ! Dedenz demain, ainz qu’il soit avespré,
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ENFANCES
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RENIER
Serez andoi escorchiez et salé
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Quar Marbriens, no sire, l’a mandé. » Dist Maillefer : « Tant sonmes plus iré ! Et nonporquant, puis qu’a Dieu vient a gré, Miex aim mourir que vivre a tel lasté ! » Or vous devons dire la verité Del roy Grebuedes et de l’autre barné Et de Renier, le damoisel membrez.
9884
Vers le bosquet sont restraint et serré, Lez une roche se sont tuit esconssé ; Bien ont veüe la grande fremeté, Les tours, les murs qui ierent haut levé,
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Les pomiax d’or qui Mouit se merveillent Des riches tours qui La mestre tour fu de
getent grant clarté ; de la grant nobleté sont d’antiquité. moult grant biauté,
Li mur sont droit et menu crestelé,
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Haut et espés, plus vert qu’erbe de pré, Trois cens fenestres y ot par nobleté, Plus sont vermeilles que charbon embrasé Et par deseure ot .1. pomel ouvré, Tout de fin or bien fet et compassé ; Par desus ot richement seelé JL. escharboucle qui getoit grant clarté. [CCCEXIII] La mestre sale de Baudune la tour
9900
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Eirt haute et forte, du temps ancïennor ; Trente tourneles ot fremees entour, [fol. 109 r. b.] Haut sont li mur, li fossé tenebrour,
IT. grandes eaues couroient tout entour : L'une est la mer, qui bruit et nuit et jor, L’autre iert l’Irveilles, qui queurt de grant redor.
ENFANCES RENIER
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Au pié du pont ot fremee une tour A granz bretesches bateillie et forçour ; Laienz manoit le portier au seignour, Cil qui l’entree gardoit et nuit et jour.
[CCCLXIV] Les tours sont beles et le chastel ert hauz,
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Moult y avoit et sales et cretiaus. Et d’autre part iert li marchiez yngaus, [Enz] el milieu iert fais .I. quapitaus Ou l’en tenoit touz les plez generaus ; D'autre part iert li change seignoraus : Cis Sarrazins sont vestus de cendaus, De dras de soie et de poiles vermaus Et a leur cors les mantiax a noiaus Dont les ataches tenoient a fremaus ; Devant els ont deniers a granz monciaus,
Argent en plate et pierres et aniaus.
[CCCEXV] Desouz Baudune, es prez seur le gravier, Sont noz barons, que Diex gart d’encombrier !
9924
Renier parla, qui le courage ot fier, Le roy apele, qui moult fist a proisier : « Sire, dist il, por Dieu le droiturier,
9928
9913. . 9918.
Consseilliez nous, je vous en veull proier, Conment porrons por le miex esploitier. » Et dist li rois : « Si me puist Diex aiïdier ! Se bien vous semble, nous ferons haubregier
el milieu fert fait .L. quapitaus, corr. Mt. cops.
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Toute no gent et bien appareillier, S’irons les proies saisir et acueillier, Nous quarantisme, chescun sus bon destrier, Et si ferons l’autre aguet embuschier. Cels de la vile verrés essenmillier Quar il voudront la proie chalengier. Quant les verrons de venir eslessier, .J. petitet nous retraions arrier,
9940
Envers l’aguet prenons a reperier. Quant les verrons des portes esloignier, Tout a .I. fés retournerons arrier.
9944
Que puissons vaincre la gent a l’avressier Et qu’en la vile nous poissons fichier, Prise seroit, selonc le mien cuidier, [fol. 109 v. a.]
Se Diex ce donne, le Pere droiturier,
Si ravrions Maillefer le guerrier, Lui et Bertran, le baron timonnier,
9948
Quar, se Dieu plest, il sont sain et entier. » [CCCEX VI] Dist Renier : « Sire, moult estes sages hons Ne cest consseill mie ne desprisons, Mes, s’il vous plest, autrement ouvrerons,
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Je et Gombert, qui moult set de resons
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Et fors karmins et granz conjurisons ; Bien .LX. ans a esté moult felons, Mes, se Dieu plest, des or sera preudons. — Dieu vous en oye, dist Grymbert, quel soions Quar, se Dieu plest, enquor granz biens ferons. »
9960
Et Et Se Or
dist Renier : « Bien fiance y avons a ce tour vo prouvance verrons : preudome estes, forment vous amerons. vous dirai conment nous le ferons :
ENFANCES RENIER
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D'’estranges dras nos cors desguiserons, Con messagiers bien nous atournerons ; A la cité droitement en irons ; S’on nous aresne, moult bien respondero{n]s,
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As Sarrazins bien acroire ferons Del roy Butor .I. message aportons El mestre estage ou est la fort prisons. Je cuit tant fere vers Sarrazins felons Roy Maillefer de la chartre trairons, Lui et Bertran, dont grant paour avons, Se Diex ce done que nous vis les truissons. .. cor d’yvoire avoec nous porterons ; Quant en la tour haute montez serons, Se mestier est, hautement cornerons,
9976
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En tel maniere aïde apelerons. » Et dist li rois : « Cest consseill est moult bons ! À no pooir tres bien vous secourrons. »
[CCCEX VII] Le roy Grebuedes ot le cuer moult joiant Quant oit Renier parler si sagement. Le roy li dist moult debonerement : « Damoisiax, frere, fetes vostre conmant :
9984
9988
Tant a en vous sens et entendement Et avisance et bon apenssement Que n’i savons amender tant ne quant. Mes or vous proi, por Dieu omnipotent, Que vous voisiez la besoigne hastant Quar moult desire a oÿr vraiement De Maillefer con li est couvenant.
9965.
responderos, corr. C.
[fol. 109 v. b.]
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ENFANCES
RENIER
Se Diex ce done par son digne conmant Que puissiez estre en la tour roujoiant, 9992
Sonnez le cor hautement en oiant ; Nous serons prest, armez moult richement, Adont irons la cité assaillant,
Touz ierent morz Sarrazins et Perssant ! » 9996
Adont s’apreste Renier moult vistement,
Il et Gombert se vont appareillant : D'une herbe vont leur visages frotant,
Lors sont plus noir que poiz ne qu’arrement. 10000 Mes n’iront mie con vilain païsant : Chescun vesti .I. auketon tenant,
10004
Bons coutiaus portent d’acier qui sont trenchant. Aprés se vont moult tres bien desguisant, Messagier semblent qui aient besoig grant. Es courssiers montent, qui so[n]t fort et courant, En .I. fanjas se vont premier boutant,
Par III. foiz i sont alez entrant ; Por ce le font, sachiez le vraiement, Miex sembleront traveilliez et suant. Quant atiriez furent sifaitement, Au roy Grebuedes vont congié demandant. 10012 Il les conmande a Dieu le tout puissant, Qui de la Virge nasqui en Belleant, Qui les guerisse de mort et de torment. Le roy Grebuedes, qui ot bon escïent, 10016 En .I. vaucel remest avoec sa gent Pres du bosquet Rubïon le Perssant.
10008
Renier chevauche, qui est en desir grant
Qu'il puist trouver roy Maillefer vivant.
10005.
sot, corr. C.
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10020
Par une voie se vont acheminant, En .I. chemin se vont andoi metant ; Semblant ont fet, s’on les va percevant, De Loquiferne viennent droit chevauchant. 10024 Droit de la vile sont alez aprochant, Jusqu’a la porte ne se vont atarjant ; .X. Sarrazins leur sont venus devant Qui leur demandent quel chose vont querant. 10028 Renier parla a els premierement : « Seigneurs, dist il, gel vous dirai briément : Messagier sonmes roy Butor le puissant, A Marbriens veull parler, le jaiant. 10032 Menez m'i tost quar le besoig est grant ! » Et cil respondent : « Ne vous alez hastant : [fol. 110 r. a.] Tres hui matin, a l’aube apparoissant,
Ala no sire avoec lui maint Perssant 10036
A Roche Brune, .I. chastel avenant.
.VIIL. jours ou .XV. s’ira la deduisant, Pour le biau lieu ilueques sejournant : Forés y a et li bois, qui sont grant, 10040 Et les rivieres de douce eaue courant. Roy Marbriens ira el bois berssant As sauvagines de quoi il y a tant. Mes, pour l’amour roy Butor le puissant, 10044 Vous en menrrons el plus haut mandement : Iluec irez ennuit mes reposant Et le matin vous iroiz deduisant 10048
À Roche Brune, s’il vous vient a talant. La trouverez Marbriïens vraiement,
Si li diroiz ce c’om li va mandant. » Renier l’entent, moult grant joie l’emprent : « Seigneurs, dist il, .C. merciz vous en rent
:
ENFANCES
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RENIER
10052 De ce service que m’alez prometant ! Mes hastez vous, gel vous proi et conmant : Traveilliez sonmes et lassez durement, Si alissons volentiers reposant. » 10056 Et cil respondent : « Tout a vostre conmant ! »
[CCCLX VIII] Li Sarrazin en ont Renier mené A la grant tour qui iert d’antiquité. Devant la porte le portier ont trouvé, 10060 JL. grant baston tint en sa main quarré, Les clés i pendent dont li huis sont fremé. Ceuls encontra qui vienent abrievé Et le portier leur a haut escrié : 10064 « Vassals, dist il, qu’avez vous en penssé ? Ou cuidez vous aler ? ne soit celé ! Enquor ne sont li huis abandonné ! » Dient les gardes : « Bien vous sera conté 10068 Se il vous plest en ce palés listé Pour cils messages fere honneur et bonté : Bien doivent estre servis et honnouré,
10072
Messagier sont roy Butor l’amiré. Et le matin, quant il iert ajourné, A Roche Brune en seront droit alé,
A Marbriens diront leur volenté. » Dist le portier : « Mes sire a conmandé 10076 Que bien gardasse la tour et la freté Quar moult redoute c’on ne l’ait engané. » [fol. 110 r. b.] [CCCELXIX] Dist le portier : « Seigneur, or m’entendez : Roy Marbriens, qui tant est redoutez,
ENFANCES RENIER
10080 Me conmanda, quant d'ici fu tournez, Que bien gardasse la mestre fremetez Que estrange hom ne fust ceenz entrez Dusqu’a cele heure qu’il seroit retournez 10084 De Roche Brune, la ou il est alez, Quar ne voudroit por l’or de .X. citez Que les prisons eüst desmanevez Qu'il tient ceenz en sa chartre enfremez.
10088
10092
Mahon jura, qui est noz avouez, Que ja si tost n’iert ceenz ostelez Qu’adont sera hors de prison getez Roy Maillefer, et Bertran le barbez. Por Loquiferne, de qui fu couronnez,
Iert Maillefer escorchié et salez Et Bertran iert a chevaus traïnez Tout el despit de crestiïens desvez. »
[CCCLXX] 10096 Quant Renier a le portier escouté Que Maillefer iert enquore en santé, Il et Bertran, s’a grant joie mené,
Forment desire que le pont ait passé. 10100 Quoiement jure le Roy de majesté Que, s’il estoit enz el palais listé, N'’en istroit mie hors a leur volenté. Grymbert le lerre a bien tout escouté 10104 Que le portier leur avoit l’uis veé ; Lors ne se prise .I. denier monneé Se par son sens ne sont leenz entré. Gombert parla quant .I. poi ot penssé,
10108
Au portier dist : « Par Mahomet; mon dé,
Sages hons estes et plain de loyauté, Plain d’avisance et de seutilleté :
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RENIER
Mouit doit avoir en vous grant seürté 10112 Roy Marbriens au courage aduré ! Pour ce vous di ge mon cuer et mon penssé Selonc le bien dont en vous a plenté : Messagier sonmes roy Butor l’amiré,
10116
10120
Frere germain Marbriens le douté. Por ces gloutons dont vous avez parlé Sonmes nous ça envoiez et tourné. Traveilliez sonmes quar tost avons erté. Or fetes tant que n’en soiez blasmé De no seigneur quant serons retourné : [fol. 110 v. a.] S’onneur nous fetes, il vous en savra gré. »
[CCCEXXI] 10124
Gombers fu sage, courtoisement parla ; Au portier dist : « Amis, entendez ça :
Le roy Butor, qui tant de proesce a, Pour son message sonmes nous venu Ça, Bien li dirons l’onneur c’on nous fera. 10128
S’une autre foiz, ne vous mentirai ja,
Vous tenïons en no païs dela, Bien rendriïons les biens c’om nous fera. » Tant dist Grymbers et seultiment parla 10132 Que le portier .I. poi s’umelia : « Seigneurs, dist il, ne vous desplese ja Se je fais ce que mes sires rouva. » Et dist Gombert : « Bien ait qui vous porta, 10136 Mal dahez ait qui vous en blasmera ! Or nous menez la ou il vous plera, S’onneur nous fetes, grant bien vous en vendra.
10140
En la grant tour tant de nobleté a Que mes compains du vir grant desir a. »
ENFANCES
RENIER
[CCCEXXII] En tour Baudune sont no message entré. Devant la porte de la grant fremcté Fu le portier, qui bien ot escouté 10144 No messagier, qui bien sont apenssé. Tant a Grymbert courtoisement parlé Que le portier leur a abandonné Ostel laiens tout a leur volenté ; 10148 Et noz barons ont le pont trespassé. Ançois qu’il viegnent el grant palés listé, Passent .IIL. portes de moult grant richeté. Devant la tour ont .I. perron trouvé 10152 Et par d’encoste .I. praiel ordené : De chieres herbes y ot a grant plenté
10156
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10164
Et el milieu ot un arbre planté, Grant et ramus, bien duit et compassé ; Droit en mi may, en la chaleur d’esté,
JL" homes sont desouz aombré. Une fontaine y ot de grant biauté Dont la gravele, qui voir en a conté, Estoit plus blanche de fin argent trié. Tant rendoit eaue le sourgon abrievé Del grant ravoi que li ruis a geté JT. moulins en fussent aouvré, Par faute d’eaue ne fussent ja cessé ; Ceuls de leenz livrassent a plenté [fol. 110 v. b.]
Blanche ferine por tant qu’eüssent blé. 10168
10172
A la fontaine sont li orceul doré, Blanches touailles et bacins esmeré, Et entour l’arbre ot sieges manouvré,
Tables dormans de marbre bien ouvré. Et la cuisine seoit d’autre costé Ou l’en prenoit le mengier conrreé.
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ENFANCES
RENIER
En cele place ou tant ot de biauté, La descendirent no baron honnouté. Mes il n’ont gucres le praicl csgardé : 10176 Chescun lessa le cheval enselé Tout estraier, n’ont garçon apelé, A moult grant haste sont el palés monté Quar moult desirent qu’il i fussent entré.
[CCCLXXIII] 10180
Quant Renier fu sus en la mestre tour,
La sale voit du temps ancïennour, Grant iert et large, d’oeuvre sarrazinour, Vert iert la pierre dont estoit fete entour. 10184
Voit ces paiens qui sont de bel atour, As eschés jouent, moult ont joie et baudour,
Et s’escremissent d’autre part li plusour. « Diex, dist Renier, vrai Pere Creatour !
10188
Conssentez moi, par la vostre douçour, Que ravoir puisse Maillefer l’aumaçour, Lui et Bertran en leur saine vigour ! » Renier apele Gombers par grant amour :
10192
« Amis, dist il, or n’aiez fole esrour, Soiez hardis, si conquerez m’enmour.
10196
Il nous estuet conquerre ceste tour, Ces Sarrazins occirons a doulour Ançois que viegne Marbriens, leur seignour. »
[CCCLXXIV] En tour Baudune fu Renier au vis fier. En son courage se prist a consseillier Conment il puist le palés gaaignier 10200 Et les paiens en peüst hors chacier. Le seneschal li fist appareillier
ENFANCES RENIER
10204
10208
Vin et viande et la table drecier ; Pour roy Butor, a cui sont messagier, Mouit sc penoit des barons acsicr. Mes Renier n’ot cure de son mengier, Au palés prendre avoit tout son cuidier, Mes n’avoit armes dont se peüst aidier ; Ce fait Renier .I. petit embronchier. Gombers li lerres voit Renier esmaier,
10212
10216
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[fol. 111 r. a.]
Lors li conmence basset a consseillier : « Gentis hons, sire, or vous veull ge proier Que vous aiez le cuer hardi et fier Quar, s’il vous plest, mentir ne vous en quier, Tel chose sai, sel voulez otroier, Que tost ferai ces Sarrazins vuidier Hors de ceenz et fuïr et mucier ;
Qui ne porra tost a l’uis aprochier, Par la fenestre le verrez jus lancier,
10220
10224
N'i demourra seneschal ne hussier ! » Quant Renier l’ot, n’i ot qu’esliescier. Lors li demande belement sanz noisier Par quel maniere porroit si esploitier. Et dist Grymbers : « Bien le vous veull noncier : Par nigromance me couvendroit huchier JL. des messages Burgibus l’avressier, C’est Tabardin ; ne m’ose couroucier,
10228
10230.
Il fet tout ce que ge li veull proier. » Renier l’entent, si se prist a seignier : « Amis, dist il, ce ne nous a mestier, N’avons enquore cure de tel ouvrlijer ! Je douteroie que n’eüsse encombrier
ouvrer, corr. L et Mt.
ENFANCES
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RENIER
10232 Et par paour le mien cors empirier Aussi que j’oy en la mer devant yer. » [CCCELXXV] Renier le preuz Grymbert aresonna : « Amis, dist il, pour Dieu, qui tout fourma,
Ne fetes mie Tabardin venir ça Quar par fantosme ja hom n’amontera ! Tant qu’a moi estes, vous n’en ouverrez ja, Mes par proesce qui hardis estera 10240 Vers Sarrazins la tour chalengera. » Et Grymbert dist que ja ne li faudra, Mes bien li dist, se le piour en a, Que ses karmins et ses sors getera : 10244 Un tel serjant as paiens mosterra Le plus hardi hors de leenz fuira.
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Renier l’entent, durement i penssa ;
Lors li souvint, dont moult s’espouenta,
10248 De Tabardin, qui en mer s’amoustra
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Noir et velu quant la mer tourmenta ; Adont Renier de Jhesu se seigna, Ne se prist garde des paiens qui sont la. Le seneschal moult bien le resgarda ; Bien s’aperçut, dont moult li ennuia, [fol. 111 r. b.] Crestïens sont, a ce qu’il aesma.
Lors se pourpensse conment en ouverra. 10256 En sa chambre entre, son vallet apela, Vin et claré a Renier envoia ; Pour ce le fist que il s’oubliast la Tant que li glouz sa gent armee avra.
10260
Se Diex n’en pensse, qui le mont estora,
Renier li preuz de ce ne se garda ! Ainz qu’ait la tour, en grant paine enterra.
ENFANCES RENIER
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N'ot nule armure, dont moult li ennuia, Fors l’auqueton, de tant bien li ala, Et .I. coutel qu’avoeques lui porta.
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[CCCLXXVI] Le seneschal fu plain de mal avis : Bien s’aperçut de Renier le marchis, Qui avoit fete la crois en mi son vis ; Bien set et voit qu’il n’estoit pas perssis, Ainz dit et jure le cuvert maleïs : « Crestiens sont d’un estrange païs ! »
10272
Tout quoiement a mandez ses amis,
Ça .XX., ça .XXX. de touz les plus hardis, Et il i viennent, en la chambre sont mis. Le seneschal les a a reson mis :
10276
« Seigneurs, dist il, entendez a mes dis : Fetes errant que chescun soit garnis ; En ce palés a .IL. vassaus assis : Li uns est viex et barbé et fleuris,
10280
Fel et hideus, ce semble .I. Antecris ; Et l’autre est joene, moult semble posteïs, Crois li vi fere or ainz en mi son vis, Crestien est, g’en sui seür et fis,
10284
Grant et corssus et moult a fier le vis. Or gardons bien qu’il soient andoi pris, Si les rendrons Marbriens l’Arrabis. » Et cils respondent : « Tost les avrons sesis ! »
10266. 10286.
Nous lisons feneschal, corr. C.
Sires rendrons, corr. C.
589
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ENFANCES
RENIER
[CCCLXXVII] Le seneschal fu de male penssee Qui fist armer sa gent en recelee. N'’en sorent mot en la sale pavee : Renier le preuz a la chiere membree 10292 Seoit enquore a la table levee ; Durement pensse, la chiere ot enclinee, En quel maniere puist avoir conquestee Cele grant tour et la sale pavee, 10296 Mes il n’avoit ne mace ne espee. 10288
Grymbers regarde lez une cheminee,
[fol. 111 v. a.]
Voit .I. faussart dont l’alemele iert lee Et par d’encoste une mace quarree 10300 Qui tout estoit de clos agus ferree. Renier apele, si li dit sa penssee : « Damoisiax, sire, trop fesons demouree,
Alons bien tost lez cele cheminee Saisir armures et conmencier mellee. En cele chambre a moult de gent entree, Je criem et doute qu’el ne soit ferarmee. » Ançois qu’il ait sa parole finee 10308 Sont issuz hors Sarrazins a hiee. Le seneschal crie a haute alenee : « Filz a putain, vo mort est aprestee ! Et le portier avra male journee 10312 Qui de la porte ne vous vea l’entree. » Renier l’entent, mie ne li agree ; En piez sailli, s’a la table passee,
10304
Cele part queurt ou la mace a visel[e],
10316 A ses .IT. poinz l’a sesie et coubree.
10315.
vise, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
RENIER
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Et Grymbert prist une mace aceree ; Mes de tant est la chose mal alee Desarmez sont, dont moult leur desagree.
10320
[CCCLXX VII] En tour Baudune fu Renier au vis fier, La mace tint ou li cleu sont d’acier, Del mur s’acoste, or n’a garde derrier,
10324
10328
10332
Grymbers lez lui a guise de guerrier. Paiens leur viennent, plus ierent d’un millier, Chescun portoit ou maçue ou levier ; As nos lançoient, pour plus adamagier, Dars et espiez, bien les cuident plaier, Mes onc en char ne les porent touchier, Li auqueton leur ont eü mestier ! Renier en jure le Pere droiturier Mieus veut mourir que paiens espernier. La mace entoise conme preuz et legier, Fiert devant lui et avant et arrier. Cui il conssuit n’a de mire mestier ! Plus de .L. en fist mors trebuchier,
10336 Les plus hardis fist resortir arrier. Qui la veïst le bon larron aidier
Et la grant hache a .II. poinz deslacier, De celui fet le deüst moult prisier ;
10340
Des Sarrazins a fet maint devier !
[CCCLXXIX] Grant fu l’assaut sus en la mestre tour : [fol. 111 v. b.]
10344
Renier le preuz, qui moult ot de valour, Se desfent bien vers la gent paienour ; De la maçue i feroit par vigour, Plus de .L. en a occis le jour.
592
10348
ENFANCES
RENIER
Grymbert i fiert a loy d’ome forçour, Mes ne leur vaut le monte d’une flour Quar trop estoient li cuvert boiseour. [CCCLXXX] En tour Baudune, enz el palés listé,
Fu grant la noise de la paieneté : Renier assaillent par vive poesté 10352
Et le vassal se defent par fierté ; Mes d’une chose ot le cuer effreé Que il avoit le chief tout desarmé.
Dist Grymbert : « Sire, se Diex n’en a pité, 10356
Ocis serons a duel et a vilté !
Desarmez sonmes en grant perill entré ! Quant vous plera et vous vendra en gré, 10360
Tost averai Tabardin apelé ; S'il estoit ci, sachiez de verité,
Tost verriez ces palés descombré. »
[CCCLXXXI] En tour Baudune fu moult grant l’estourmie : Renier assaillent cele gent paienie ; 10364
Cil se deffent, qui ne les amoit mie,
De la grant mace fiert entour lui a hie ; A plus de .XXX. en a tolu la vie ! Mes ne li vaut la monte d’une alye : 10368 Paiens li ont mainte givre lancie, En pluseurs liex li ont la char plaïe. Ja fust occis a duel et a haschie Ne fust Grymbers a la chiere hardie ; 10372 Quant a veü qu’il n’i durroient mie, JL karmin fist moult tost par tel mestrie,
Par nigromance et par enchanterie
ENFANCES RENIER Vint Tabardin en sale voultie.
10376
[CCCLXXXII] Quant Grymbert voit que durer n’i porra Et voit Renier, qui as paiens chapla, De lui desfendre durement se pena,
10380
10384
Tant a soufert que le sanc li raia, Par nez, par bouche a brandon li coula, Grymbert s’apensse que il li aidera, Par ses karmins, s’il puet, le secourra ; Se ce [ne] fet, mourir le couvendra. Lors fist .L. sort et un karne geta,
Par nigromance Tabardin apela ; [fol. 112 r. a.] Cil vint plus tost que penssee ne va. Or escoutez conment se figura, 10388 En quel maniere el palés se moustra : Grant iert et noir qui bien le regarda, En son estage plus de .XV. piez a, JT. braz ot qui le voir en dira, 10392 Les mains velues, .IIII. maiïllez porta, Les yex ot rouge con feu qui flamboia. Par le palais tel tourmente mena Foudre resemble et vent qui tout froissa. 10396 Renier l’esgarde, si grant paour en a Une tournele vit, cele part ala,
Enz est entrez et l’uisset bien frema. Grymbers le lerre en l’estour demoura,
10400 Tabardin fet tout ce qu’il li rouva. Paiene gent l’un a l’autre dit a : « Enchanté sonmes, qui guerir se porra ?
- 10383.
Se ce fet, corr. C.
593
594
ENFANCES
RENIER
Cil iert cheitif qui ceenz remaindra ! » 10404 A ces paroles chescun fuiant s’en va ; Qui ne trueve huis durement s’esmaia, Par la fenestre sailli hors et lança. Et Tabardin durement les chaça : 10408
Des martiax fiert par tout la ou torna, Ce semblent fevres tel noise demena.
Roy Maillefer et Bertran escouta Le grant tempeste que Tabardin mena,
10412
Dist l’un a l’autre : « Je cuit que tout fondra ! »
[CCCEXXXIII] [Eln tour Baudune fu moult grant la criee Quant Tabardin fu en la tour quarree ; Tost ot la sale vuidie et delivree,
10416
10420
10424
Paiens s’en fuient, la pute gent desvee, Plus de .V.© en gist gueule baee Qui du palés saillirent a hiee. Gombers le lerre a la porte fremee, .I. karmin fist de moult grant renonmee Et Tabardin s’en va sanz demouree, Plus n’osa estre en la sale pavee. Renier li preuz a la chiere membree, Quant il oÿ que la noise iert alee,
La tournele a belement desfremee. Voit le Grymbert, si li fist escriee : « Gentis hons, sire, est bien la chose alee, 10428 Conquise avons ceste grant tour cielee ! J'ai bien la porte verroillie et fremee. Nule science ne doit estre celee
10413.
L'initiale manque, corr. C.
[fol. 112 r. b.]
ENFANCES
RENIER
595
Qui au besoig ne doie estre moustree, » 10432 Et dist Renier : « Par la vertu nonmee, Onc tel merveille ne fu mes esgardee ! Or nous couvient, s’il vous plest et agree, Querre la chartre, qui tant est redoutee.
[CCCLXXXIV] 10436
Sire Grymbert, dist Renier au vis fier,
Pour Dieu vous proi, le Pere droiturier, Ne fetes plus venir cel avressier : Tel paour oy, mentir nous vous en quier, 10440
10444
Que bien cuidai mourir Dist Gombers : « Sire, Ne vous en chaut autre Par mes karmins le sai Qu'il ne vous puet tant
ou marvoier ! » or vous veull chastoier : fois d’esmaier, si atierier ne quant empirier. »
Et dist Renier : « Si me puist Diex aidier,
10448
Nul ne se doit en tel chose afiier ! » Et dist Grymbers, qui savoit bel resnier : « Si fet, biau sire, qui en set le mestier ».
[CCCLXXXV] Renier li preuz a Grymbers apelé : « Amis, dist il, or oiez mon penssé :
Por Dieu vous proi, le Roy de majesté, 10452 Querons la chartre ou cil sont enfremé Pour cui avons tant travaill enduré. » Et dist Gombers : « A vostre volenté. » Atant s’en sont par le palais alé 10456 De chambre en chambre, que n’i sont arresté Tant que il ont oÿ et escouté Roy Maillefer et Bertran le sené,
Qui sont en chartre en moult grant poverté ;
ENFANCES
596
RENIER
l’un a l’autre a parlé, 10460 La se dementent, De la grant noise sont touz espouenté Que Tabardin ot el palés mené : « Diex, dist Bertran, par vo sainte pité, 10464 Secourez nous, vrai Roy de majesté ! » Dist Maillefer : « Ge croi en verité Que la deseure sont li haut mur verssé ! Ja mes nul jour ne serons visité,
10468 Ceenz mourrons de fain et de lasté ; Ja sont .IL. jours acomplis et passé Que ne menjames ne de pain ne de blé. » 10472
A ces paroles qu’il ont ainssi parlé, Es vous Renier, qui bien l’a escouté ;
10476
L’uis de la chartre trouva moult bien fremé ; Il fiert et maille, mes poi a conquesté, On l’ot de fer tout loiez et bendé,
Cele part queurt, s’a grant joie mené.
[fol. 112 v. a.]
Dont cuida bien Maillefer le membré, Il et Bertran, qu’ore soient alé. Dist l’un a l’autre : « Or serons nous finé ! » 10480 Dist Maillefer : « Par Dieu de majesté, Miex aim mourir que vivre a tel lasté ! » Et Renier huche, s’a grant noise mené. Et li chartrier, cui Diex doint mal dehé, 10484 Ist d’une chambre, ou moult ot de biauté, Ou il avoit dormi et reposé. Ne savoit mot de la grant tempesté, Que nos barons eüssent conquesté 10488 La mestre tour ne le palais listé ; Ainz qu’il le sache, sera son cuer iré. La noise oÿ, cele part est alé ; L. baston porte, grant et gros et quarré, 10492 Les cles i pendent dont li huis sont fremé
ENFANCES
RENIER
597
De la grant chartre, ou moult a oscurté,
10496
10500
Ou no baron sont dolent et iré. Quant Renicr a le chartriicr visé, A haute vois li a lors escrié : « Amis, dist il, por sainte charité, Ouvrez la chartre, ge vous en savrai gré. » Le paien l’ot, pres n’a le sens desvé. Quant voit Renier, qu’est si avant passé,
Il li a dit par moult grant cruauté : « F11z a putain, mar y estes entré ! Par qui congié avez a l’uis hurté ? » 10504 Le baston hauce quant ainssi ot parlé Et fiert Grymbert, grant cop li a doné. Sus les espaulles l’a si bien assené Que devant lui l’a a genoux porté. 10508
Renier le voit, ne li vint mie a gré ; S’il ne le venge, soi tient a engané. La mace entoise, dont maint cop a rué ;
10512
Par mi la teste qu’il l’a escervelé,
Le chartriier en a si tapiné Si que les yex li sont du chief volé,
10516
10520
Par devant lui chaï mort enverssé. Les clés sesi et si ne l’en sot gré, Vint a la chartre, si a l’uis desfremé. À sa vois clere s’est en haut escrié : [fol. 112 v. b.] « Maillefer, sire, estes vous en santé ? En la prison avez trop demouré, Vous et Bertran, ou moult a de bonté.
Hui est le jour que serez delivré ! » Maillefer l’ot, si a son chief tourné.
10517.
voie, corr. C.
ENFANCES
598
« Diex, dist Bertran, vrai Roy de majesté,
Quiex hons est dre qui nous a aparlé ? » Et dist Renicr : « Bien vous scra conté : C’est votre ami qui moult a desiré Qu'il vous trouvast en vie et en santé. 10528 Le bon roy d’Isle a moult riche barné Vous vient secourre et s’ont la mer passé. Embuschiez sont en .L. bosquet ramé Tant qu’il saront conment avrons ouvré. » 10532 Maillefer l’ot, grant joie en a mené : « Vrai Dieu, dist il, vous en aiez bon gré ! Or oy ge bien ne m’a pas oublié Le mien chier sire, qui tant a de bonté.
10524
[CCCLXXXVI] 10536
Damoisiax, frere, dist Maillefer li frans,
Puis que vous estes en Jhesu Crist creans, Si nous aidiez, si ferez que sachans Quar nul de nous ne seroit remuans
10540 Qui li donroit .C.M mars de besans Quar nous avons enz es couls les quarcans Et enz es piez les grans buyes pesans. » Renier l’entent, si en ot pitié grans. [CCCLXXXVII]
10544 Li damoisiax Maillefer escouta,
10548
Mes nel vit mie ne ne le ravisa Quar en la chartre nule clarté n’i a. Renier s’apensse conment esploitera. Lez la mesiere une eschiele trouva, Isnelement contreval l’avala. Grymbers li preuz .I. grant cirge aluma Que en la chambre au chartriier trouva.
RENIER
ENFANCES
10552
10556
10560
RENIER
[CCCEXXX VIII] En Renier ot sages hons et vaillant : Por Maillefer se va forment penant Que delivrer le puist tout ligement. En la grant chartre s’avala erranment. Grymbert aporte .L. grant torssis ardant Dont la lumiere va grant clarté getant. Maillefer trueve et Bertran enssement Qui en la chartre se vont moult dolosant. Grymbers li lerres les va desprisonnant. Renier le preuz l’i aida doucement,
10562
10564
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599
[fol. 113 r. a.]
Les quarcans vont et les buyes rompant. De la chartre issent touz enssemble parlant. Quant Maillefer vit le soleill raiant Et la clarté, moult le par va grevant. Tant sont matez de la chartre pesant Qu’a poi ne chïent andoi el pavement. Renier li preuz entre ses braz les prent, Si les redresce moult debonnerement, Puis leur conta simplement en oiant Conment il ont conquis la tour plus grant
Par le grant sens de Grymbert le ferrant Et le roy d’Isle, qui dehors les atent En .I. vaucel entre lui et sa gent. Maillefer l’ot, de la joie s’estent.
_ 10572
Li quens Bertran va Renier esgardant : Ne vit mes home en trestout son vivant Qui miex alast Maillefer resemblant.
[CCCLXXXIX] Li quens Bertran a esgardé Renier ; 10580
Aïinz mes nel vit, prist soi a merveillier,
En son courage se prist a consseillier :
600
10584
10588
ENFANCES
RENIER
« Par Dieu, dist il, le Pere droiturier, Ge croi et pensse, selonc le mien cuidier, Que cist est filz Maillefer le guerrier Qui fu emblé grant temps a de premier ! » Lors se porpensse Bertran le timonnier Qu'il li voudra demander sanz targier. Courtoisement a apelé Renier : « Dont estes vous, frans damoisiax legier,
Qui vous vousistes por nous tant traveillier Que de la chartre sonmes hors tout entier ? 10592 — Bien le dirai, sire, sanz mençongier : D’estrange terre sonmes nous soudoier, Au bon roy d’Isle demourames l’autr’ier. Moult desiroie, se Diex me veulle aïdier,
19596
10600
Que vous peüsse veoir et acointier Quar sus touz homes veull Maillefer aidier. Pour sa bonté, que j’ai oÿ proisier, Gel veull servir touz jors mes sanz boisier. » Maillefer l’ot, si le queurt embracier : « Amis, dist il, moult fetes a prisier ! Se Diex ce done, le Pere droiturier,
Que je mes puisse a m’onneur reperier, De cest service vous rendrai bon louier. Mes or me dites, pour Dieu le vous requier, Ho En quel maniere porrons miex esploitier. — Bien le dirai, dist Renier au vis fier. 10608 J'ai .L. cornet de blanc yvoire chier ; Quant le roy d’Isle, il et si chevalier, Orront le cor sonner et gresloier, Dont les verrez de la vile aprochier, 10612 Secours avrons vers la gent l’avressier.
10604
3 r. b.]
ENFANCES
RENIER
[CCCXC] Maillefer, sire, dist Renier li vaillans,
Moult estes maigres et paliz est vo sans ! — N'est pas merveille, ce dist Bertran li quans,
10616
En la prison avons esté lonc temps À povre vie entre genz mescreans. » Dist Maillefer : « Ja ne soiez doutans Que, se g’estoie .I. petit sejournans,
10620 Tost me seroie la force reperans, Mais j'ai tel fain qu’a poi ne sui finans : Nous ne menjames, moi ne li quens Bcrtrans, Bien a .IL. jours acomplis et passans. » 10624 Renier l’entent, si l’en prist pitié grans : Des yex lermoie, du cuer fu souspirans. [CCCXCI] Quant Renier a Maillefer escouté, Qui de la fain ot le cors si maté, 10628 Grymbert conmande qu’il ait tost apresté Vin et viande a moult tres grant plenté, Et cil respont : « Tout a vo volenté. » En la chambre entre au chartriier desvé 10632 Que Renier ot ocis et mort tué, Vin et viande y a assez trouvé. La table a mise Renier au cuer membré Et Maillefer s’i assiet de bon gré, ._ 10636 Lui et Bertran, qui moult l’ont desiré. Bien sont servis tout a leur volenté. Tantost qu’il orent .I. petitet disné Et du bon vin essaié et gousté,
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Cuer leur revint, s’ont joué et festé,
Mes n’i sont pas longuement sejourné Quant Sarrazins ont a l’assaut crié :
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ENFANCES RENIER
Par mi la vile ont grant noise mené. Dist l’un a l’autre : « Nous sonmes engané Par .II. gloutons honniz et vergondé, Qui en la tour sont lasus enfremé. Je cui qu’il ont Maillefer delivré, Lui et Bertran, que tant avons gardé, Que miex venist pieça fussent tué ! [fol. 113 v. a.]
Franc sont deable, trop ont seutilleté ! » Tant ont la noise et le cri demené A l’apostas l’a .[. paien conté ; Cil justiçoit la gent de cel regné. Quant il ot dire dui home ont conquesté De tour Baudune la mestre fremeté, Lors ot tel duel a poi n’est forssené ; Mahomet jure, en cui a seürté,
Que mar l’ont fet, chier sera comperé. El cheval monte c’om li a amené, 10660 Par mi la vile a errant conmandé Que trestouz soient fervestu et armé. Et il si firent quant il l’ot conmandé. Devant la tour se sont tuit asemblé, 10664 Mes de l’aguet ne se sont pas gardé.
[CCCXCII] Grant fu la noise, le cri et la huee.
Paiens s’asemblent devant la tour quarree ; En leur batiaus ont l’iaue trespassee 10668 Et mainte eschiele ont avoec eus portee. Au mur les lievent par moult grant aïree, Contremont monte cele gent forssenee ; Chescun portoit la targe entraverssee 10672 Et en sa main ou maçue ou plonmee. El quant no gent entendent la criee,
ENFANCES RENIER
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N'i a celui n’ait la couleur muee. Renier sault sus a la chiere senee, Droit as fenestres a sa chiere boutee : Voit le postas et sa gent adoubee, Por assaillir estoit toute abrievee. Lors se retrait quant vit cele niee : « Diex, dist Renier, sainte Virge honoree, Deffendez nous de mort ceste journee ! Maillefer, sire, trop fesons demouree, Prenons des armes sanz cri et sanz huee,
Si defendons ceste tour quarrelee ! » Dist Maillefer : « Tel reson soit loee ! »
[CCCXCIH] En la grant tour sont no III. baron,
De riches armes y ot a grant foison. 10688
Premier armerent Maïllefer l’Esclavon,
Premier vesti .[. vermeill auqueton Et par desseure .I. hauberc fremillon ;
10692
L fauxart prist qui fu le roy Corbon. Richement s’arment tantost li compaignon ; La mace porte Renier cuer de lÿon
[fol. 113 v. b.]
Qui fu forgie por .I. jaiant felon.
|
10696
[CCCXCIV] Or sont armez no III. bacheler.
Et paiens montent por la tour conquester ; Moult bien cuidoient es fenestres entrer, Mes nos barons leur alerent veer.
10700
Qui les veïst et ferir et geter, Bien les deüst et prisier et loer : Plus de .L. en ont fet jus versser ! Quant Rubïons voit ses paiens finer,
ENFANCES
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RENIER
Tel duel en ot bien cuide forssener. « Baudune ! » escrie por l’assaut plus haster. A la grant porte sont alez behourder, La mestre barre font brisier et froer. Voit le Grymbert, en lui n’ot qu’aïrer ;
10708
Lors apela Renier le bacheler : « Sire, dist il, por Dieu vous veul rouver :
10712
Sonnez le cor, si ferez moult que ber, Por le roy d’Isle et sa gent apeler ; Adont verrez paiens espouenter. » Et dist Renier : « Bien m’i veull acorder. » Le cor a pris, si conmence a corner.
10716
Cil de l’aguet prennent a escouter, Es chevaus montent qu’orent fet ensseler. Le bon roy d’Isle se prist a escrier,
A sa gent dit : « Trop poons demourer Prise est la tour, bien le poons prouver 10720 Paiene gent, cui Diex puist mal doner, Assaillent ceus que tant poons amer. Jhesu nous veulle le damoisel sauver Qui son cors veut por nous abandonner 10724 A ces paroles font les chevaus errer, Dusqu’a Baudune ne voudrent arrester Es portes entrent c’on ne leur volt veer Quar li paien ne les voudrent garder, 10728 A l'assaut ierent pour la tour recovrer.
! ;
!»
;
[CCCXCV] Grant fu la noise et le cri enforça Quant le bon roy dedenz la vile entra ;
10727.
ne les voudrer, corr. C ; faute par anticipation de garder.
ENFANCES
RENIER
10732
Paiens ocïent par tout et ça et la. Un Sarrazin en fuiant s’en tourna, A Rubïon la nouvele conta :
10736
En ceste vile une gent entree a Qui de vos homes grant labité fet a ! » Rubïon l’ot, a poi qu’il n’esraja. [fol. 114 r. a]
« Sire, dist il, mauvesement vous va !
Mahomet jure, en cui grant fiance a,
10740
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Touz ierent mort, ja tant n’en y avra. Le retret sonne et li assaut fina ; Contre les noz ses paiens amena, Par mi les rues li estour conmença. Le roy Grebuedes « Ysle ! » haut escria, Gyres « Venice ! », qui l’enseigne porta ; As paiens fierent, chescun le sien verssa. Es vous .I. Turc qui .I. fauxart hauça,
10748
C’iert Estorgans, qui no gent moult greva ; En son estage plus de .XII. piez a. Sus noz genz fiert, que nul n’en esperna, Plus de .XIIIL. a ce poindre en tua,
Le plus hardi devant lui fuiant va. 10752
Gyres le voit, a poi ne marvoia ; Lors jure Dieu, qui le mont estora,
Que, se il puet, au jaiant se joindra _10756
En tel maniere, s’il puet, qu’il l’ocira. Le cheval broche, vers Estorgant s’en va,
L'’ante a brandie et l’escu embraça, Au jaiant vint, qui d’orguell roujoia ; En mi le piz moult grant cop li dona 10760
Que la cuirie et l’auberc li passa, Li auketon noient ne le tenssa,
Desouz l’essele durement le navra Si que le sanc contreval en coula ;
605
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ENFANCES
RENIER
10764 La lance brise, Gyres outre passa. Estorgant voit son costé qui saigna ; S’il ne se venge, petit se prisera. Gyres feri ainssi qu’il retourna,
10768
Mes Damedieu le bon baron tenssa, Et nonporquant le cheval assena, Devant l’arçon la teste li copa ; Gyres chaÿ, mes tost se releva. 10772 A la rescousse le roy d’Ysle brocha, Droon de Gresce, en cui moult preudome a, Et maint des autres qui aprés s’arrouta ; Mes Estorgans moult petit les douta, 10776 Cels qui l’aprochent malement confessa ! .X. en a morz dont nul ne releva. Drues de Gresce a terre graventa, Symon, Gontier et Rogier aterra 10780 Et bien .VII. autres que durement navra. Renier le preuz as fenestres monta, [fol. 114 r. b.]
En mi la place contreval esgarda : Moult se merveille de l’estour qui fina 10784 Par quel reson li assaut demoura ; Par mi les rues la grant noise escouta, De l’autre part son aÿol avisa ; A Maillefer maintenant le moustra 10788 Et a Bertran, qui grant joie en mena.
[CCCXCVI] Renier li preuz a la chiere membree Voit le roy d’Isle et sa gent adoubee, Mes ne set pas la verité prouvee 10792 Que le jaiant ait fet tel labitee. Renier parla a la chiere membree,
Dist a son pere : « Trop fesons demouree !
ENFANCES
10796
RENIER
Issons la hors por la dame honoree, Si aidons cels qui sont de no contree. » Dist Maillefer : « Tel reson est senee. » Les portes oeuvrent de la grant tour quarree, A l’estour vindrent, s’ont « Monjoie ! » escriee.
10800
10804
Renier li preuz a la mace portee Qu'il ot conquise en la sale pavee ; Fiert .I. paien, tele li a donnee Que tout li froisse le piz et l’eschinee, Mort le trebuche de la sele doree. [CCCXCVII] Grant fu la noise, si enforça li cris,
Par mi les rues fu gra[n]t le chapleïs. Renier li preuz fu chevalier eslis ;
10808
10812
10816
Et Maillefer et Bertran le hardis, Le roy Grebuedes et Gyres li gentis, Droon de Gresce, le preudome fetis, Es paiens fierent, moult en y ot d’occis. Es vous courant Estorgant le jaïs ; Le fauxart porte qui fu grant et massis, De nos barons a mort ou .V. ou sis. Voit le Renier, a poi n’esraja vis ; La mace entoise iriez et engramis,
Vers Estorgant s’en queurt tout ademis. Quant en fu pres, si li crie a hauz cris : « Cuvert lechierre, ne m’eschaperez vis ! » 10820
Estorgant l’ot, s’en fu mautalentis. Le fauxart hauce, s’est vers Renier saillis,
Ferir le cuide sus le hiaume brunis,
10806.
grat, corr. C.
607
608
10824
ENFANCES
RENIER
Mes le vassal s’est arriere guenchis ; La mace entoise, n’en fu mie esbahis, Fiert le paien, tant fu bien conssivis [fol. 114 v. a.]
10828
Sus le chapel dont le chief fu garnis Li a rompu com se fust .I. tamis. Le Turc chancele et tant fu estourdis A genouz chiet, mes tost est sus saillis ;
Par nez, par bouche li est le sanc boullis.
[CCCXCVII] 10832
Estorgans fu durement agrevez, Onc mes par home ne fu si assenez ; S’il ne se venge, bien cuide estre desvez. Le fauxart hauce de grant ire eschaufez, Vers Renier queurt de ferir aprestez ;
10836
Par mi le hiaume fu si bien assenez Le cercle trenche, qui iert d’or esmerez, Mes le bacin fu dur et si serrez Qu'il ne l’empire .Il. deniers monneez ; 10840 Jusques en terre est le cop avalez, En pieces est le fauxart tronçonnez. Voit le Renier, si est avant passez ; Ainz que cil soit ensus de lui alez, 10844 Li done .I. cop com hons bien avisez. De la maçue, qui pesant fu assez, Fu le jaiant en la teste frapez Que li oeill destre li est du chief volez,
10848
Maugré ses deuz est a genouz alez. Renier le haste, qui bien fu apenssez, Ja mes, qu’il puisse, ne sera relevez.
10848.
denz.
ENFANCES
RENIER
609
[CCCXCIX] 10852
10856
Moult fu Renier courageus et hardis, Estorgant tint, qu’il ot a genouz mis ; Il le hurta de son genoull el pis, Souvin l’abat desus .I. perron bis, Puis li dona ne sai .V. cops ou sis ; De la cervele li est le sanc saillis,
Le cuer du ventre li est en .IL. partis. Voit le Renier, si en fu esbaudis, Le roy Grebuedes s’en est moult esjoïs. 10860 Et Maillefcr ct Bertran li gentis Dist l’un a l’autre : « Si m’aït Jhesu Cris Que moult par est ci varllez de grant pris Qui son cors a por nous a bandon mis ! » 10864 Tant ont feru no chevalier eslis Qu'il ont paiens touz morz et desconfis ;
10868
La vile ont prise et les chastials saisis. El mestre estage, ou Mahom iert assis, Sont desarmé li roy et li marchis. Grant joie maine Grebuedes li gentis [fol. 114 v. b.] De Maillefer, qui est et sain et vis, Et de Bertran, li franc quens seigneuris ;
10872
10876
Mes de Renier iert durement penssis Qui ne veut dire a home qui soit vis Quiex hons il est ne de confait païs. Moult bel li proie Maillefer le hardis Et roy Grebuedes et Bertran le fleuris Que son non die, pour Dieu de Paradis.
Et dist Renier, qui moult fu bien apris : « Seigneurs, dist il, pour le cors saint Denis, 10880 A ceste foiz soit ore en respit mis, : Ne veull pas estre parjuré ne mentis : En couvent oy la duchesse au cler vis
610
10884
ENFANCES
RENIER
A Morimont, quant de li fui partis, Se Diex donoit, le Roy suppellatis, Que peüssiez eschaper sains et vis De la prison ou vous estiez mis,
10888
Quant nous serons dela en vo païs Avoec la dame au gent cors seigneuris, Adont dirai volentiers, non envis,
19892
Quiex hons ge sui oïant touz les marchis. N’en savroiz plus a ceste foiz, amis. » Et dist le roy : « Or en lessons les dis : Il a tant fct, par le Dicu postcïs, Bien devons fere son bon et ses plaisirs ! »
[CD] En tour Baudune fu no grant baronnie. 10896 Desconfite ont cele gent paienie, Grant fu la joie en la sale voultie,
Moult font Renier honneur et courtoisie. Puis font crier par la vile garnie : 10900
« Qui Dieu veut croire, le filz sainte Marie,
On li donra et terre et manandie ! » Quant l’entendi cele gent paienie, Des destours issent, que n’i demuerent mie,
10904
Ou il estoient entrez a garandie.
Plus de .V." en ont leur loy guerpie, Baptiziez sont et ont leur foy plevie Qu'il ne faudront Maillefer en leur vie 10908 Ne ne feront vers crestiens boisdie. En la chaiere, qui moult iert seigneurie, El mestre estage de viell ançoiseurie, Roy Maillefer ont assis par mestrie ; 10912 El chief li metent la couronne entaillie, De .XX. roiaumes est ce la seigneurie. [fol. 115 r. a.]
ENFANCES
RENIER
Le roy Grebuedes a la feste esbaudie, Mes a court terme iert leur feste changie 10916 Quar au port est venue une galye Qui de Venice iert l’autre jour partie ; Enz ot .I. home qui moult ot courtoisie, Messager iert Ydoiïne l’eschevie, 10920 C'’iert la pucele qui s’estoit baptizie, A cui Renier avoit sa foy plevie. Le latimier noient ne se detrie, De la nef ist, sa voie a acueillie 10924 Droit vers la porte qui bien fu batcillic ; Enz est entré, n’i ot qui le desdie.
[CDI] Le messagier est en la vile entrez, A la grant tour s’en vint tout abrievez, 10928
Par les degrez en la sale est montez ; Voit noz barons qui sient lez a lez,
De fere joie iert chescun aprestez Pour Maillefer, qui iert desprisonnez. 10932 Li més parla, qui bien fu escoutez, Et dist ainssi com vous oÿr pourrez : « Cil Dieu de gloire qui en crois fu penez, Au jour de Pasques de mort resuscitez, 10936 Il saut et gart les barons et les persz. » Renier l’esgarde, si le connut assez, Em piez se lieve, au message est alez : « Amis, dist il, vous soiez bien trouvez !
10940 Dites nous tost, gardez nel nous celez, Queles nouveles ci endroit aportez. » Dist le message : « Maintenant le savrez : La bele Ydoine, qui tant a de bontez,
10944 Par moi vous mande saluz et amistez.
611
612
ENFANCES
RENIER
Pour Dieu vous proie, le Roy de majestez,
S’onques l’amastes, que vous la secourez. En Rocheglise est son cors ensserez,
10948
Si l’a assise son pere l’amirez A trente mil Sarrazins et Escle[r]z ;
Roy Brunamon en a ses diex jurez Sa fille iert arsse, de cui estes amez ;
10952
Mar penssa onques si grande foletez Que son cors fu baptizié et levez ! »
[CDI] Dist le message : « Ne lairai nel vous die : La bele Ydoine por l’amour Dieu vous prie 10956
Que li faciez et secours et aïe ;
En Rocheglise l’a son pere assegie, [fol. 115 r. b.] Mahomet jure ne s’em partira mie S’iert sa fille arsse et en .I. feu bruïe 10960 Por seul itant qu’ele s’est baptisie Et a vo cors donee et otroïe. » Et dist Renier : « Ainssi n’ira il mie Quar, se Dieu plest, le filz sainte Marie,
10964
A mon pooir li voudrai fere aïe ! »
[CDI]
10968
10949.
En tour Baudune, enz el plus haut estage, Sont no baron, qui ont pris le manage Par la prouesce Renier au fier courage. Touz s’aquoisierent por oÿr le message Et cil leur conte oiant touz le damage Dont la pucele se plaint, qui moult est sage :
esclez.
ENFANCES
RENIER
Paiens li font et ennuy et viltage 10972 Por ce qu’ele a guerpi la loy sauvage. Mes il n’i ot ne si fol ne si sage Qui se vantast d’aler en ce voiage : Moult miex amassent pes que le guerroiage 10976 Fors seul Renier, ou moult ot vasselage. Cil est levez tout droit en son estage, Haut a parlé oiant tout le barnage : « Seigneurs, dist il, ge dirai mon courage : 10980 Cele pucele, cui on fet tel grevage, Si me nourri en mon petit aage ; Pour li doi metre mon cors en ahannage Quar de la mort me fist le garandage. »
[CDIV] 10984 Renier parla oiant touz les barons Au roy Grebuedes, qui bien sembloit preudons, Et a son pere, qui n’iert fol ne bricons :
« Seigneurs, dist il, le congié demandons, 10988 Je et ma gent demain nous en irons
10992
Aidier la bele, dont grant paour avons. » Dist Maillefer : « Damoisiax, vaillanz hons, Quel part qu’alez, avoec vous en irons. Tant avez fet faillir ne vous devons. » Dist le roy d’Isle : « A ce nous otroions :
En ceste vile .V.M homes lairons Dusques atant que revenir porrons. » 10996 Touz s’escrierent : « Sifait conseill est bons ! »
[CDV] Moult fu Renier sages et bien apris ; Por la pucele iert tristes et marris, De li secourre ne s’est mie alenlis.
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ENFANCES
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RENIER
11000 Aprester fet nés et chalans faitis, Puis i font metre les bons chevaus de pris, [fol. 115 v. a.] Pain et bescuit, de ce sont bien garnis,
11004
Et vin sus lye en bons touniaux massis. Bertran lessierent por garder le païs
Atout .V." de paiens convertis Et bien .III. mile de crestiens hardis. Dist Maillefer : « Bertran, biau douz amis, 11008
S’il vous sourt guerre de Turs n[e] de Perssis,
Si nous mandez par .I. de vos amis ; Secourrons vous, de ce soiez tout fis. »
11012
Et dist Bertran : « Tout a vostre devis. » A l’avespré, que li temps fu seris, Ont li baron ensemble congié pris ; Bertran leur donne, mes ce fu a envis : N'est pas merveille, de ce soit chescun fis,
11016 Quar, ainz qu’il voie mes nul de ses amis, lert de paiens si forment entrepris Que, se n’en pensse le roy de Paradis, Mort iert li quens et detrait a roncins ;
11020 Et tout ce fist Pecolet li petis, Le fel traïtre, qui soit de Dieu honnis ;
Et Maillefer sera si mal baillis Ançois qu’il voie Florentine au cler vis, 11024 Sa gentil fame, dont tant est volentis, Bien porra dire, s’il en eschape vis, De tel perill n’iert mes nus hons partis. Or vient chançon qui est de moult grant pris,
11008. 11010.
nde persis, corr. C. Secourrons nous, corr. C.
ENFANCES
11028
RENIER
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C’est de Renier et d’Ydoine au cler vis,
Conment paien furent mort et ocis Et de Bertran, qui fu a la fin mis ; Conment Renier, le vassal posteïs, 11032 ,Se fist connoistre a ses charnés amis.
[CDVI]
11036
Ce fu en may que l’aloete crie, La lune iert clere et la nuit fu serie. Roy Maillefer entra en sa navie O lui Renier, que il ne haioit mie, Le roy Grebuedes avoec sa baronnie. Li marinier ont la voile drecie, Si se conmandent a Dieu, le filz Marie.
11040 Le vent hautain par mi la mer les guie. « Diex, dist Renier, s’il est vo conmandie,
Si conduisiez moi et ma compaignie Et ceste gent, qui si est traveillie, 11044 Que venir puisse en la cité garnie, En Rocheglise, la fort tour bateillie, [fol. 115 v. b.] Ançois qu’ Ydoine ait du cors vilanie. »
11048
[CDVII] Quant Renier ot sa reson definee, De Dieu se seigne, ou ot mis sa penssee.
Or vous dirons, s’il vous plest et agree, De la pucele, qui moult iert esfree[e]. Par .I. matin iert Ydoine levee, 11052 A la fenestre s’est la bele acoutee. Vers Morimont a sa chiere tournee,
11050.
esfree, corr. Mt ; faute par haplographie.
ENFANCES
616
RENIER
En la mer garde, qui moult est grant et lee, Mes n’i vit pas chose qui li agree 11056 Et d’autre part voit environ la pree Roy Brunamon et sa gent ferarmee ; Pour assaillir estoit toute aprestee. [CDVIII] En Rocheglise, dont la tour estoit blanche,
11060 Fu la pucele en moult grant esmaiance : « Diex, dist Ydoine, par vo digne puissance, Se il vous plest, fetes moi secourance ! Renier, dist ele, com dure dessevrance
!
11064 Tres douz amis, trop fetes demourance, Por vostre amour est mon cors en balance Quar li mien pere a juré sa creance Que il m’ardra s’a moi [a] ateingnance. »
[CDIX] 11068 En Rocheglise fu la gent effree[e]. Ydoine pleure, la pucele senee, Renier regrete a la chiere membree : « Tres douz amis, tant fetes demouree
1072
Que trop en sui dolente et abosmee ! Pour vous ai prise la loy crestiïennee, En fui en fons baptizie et levee. Or a mon pere sa creance juree 11076 Que je serai en un feu embrasee, Mes, par le Dieu qui fist ciel et roussee,
11057. 11067. 11068.
Roy Maubruiant, corr. Mt. a teignance, corr. L et Mt ; faute par haplographie. esfree, corr. Mt ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
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Miex aim que soie a tourment labitee Que ja m’amour soit de Renier sevree ! » [CDX] 11080
La bele Ydoine forment se dementa,
Renier de cuer son ami regreta. Endementiers qu’ele se dementa,
11084
11088
Roy Brunamon a l’assaut escria. Paiens s’adoubent, chescun s’appareilla. Dedenz la vile la gent as murs monta, Por bien deffendre chescun s’abandona, Mes de paiens trop grant plenté y a. Lancent et traient, chescun moult s’esforça.
Ydoine pleure, qui l’assaut esgarda, [fol. 116 r. a.] Bien voit et set que durer n’i pourra.
11092
[CDXI] Grant fu l’assaut de la paiene gent. Li amirant s’escria hautement : « Seigneurs, dist il, ne vous alez faignant ! Prise iert la vile ainz le soleill couchant,
11096
11100
Tuit li François mourront a grant tourment Et de ma fille prenderai vengement. » Dient paiens : « Nous ferons vo conmant. » A ces paroles vont les fossez rompant, De grans piquois vont les murs depeçant. Ceuls dedenz gietent pierres par mautalent, Paiens ocïent et vont escervelant, .
Plus de .V.° el fossé graventant, 11104
Mes ne leur vaut .I. denier vaillissant : Poi sont li nostre et Sarrazins sont tant . .XX. sont contre .I. li glouton soudiant ! Par droite force vont les murs abatant.
618
11108
11112
ENFANCES RENIER
Ydoine fu en la tour en estant : Bien voit et set qu’or n’i avra garant, Adont regrete Renier, son chier amant : « Damoisiax, sire, dist Ydoine en plorant, Trop longuement alez ore atendant Quar ge sai bien trestout certainement,
Se ge sui prise de la gent Tervagant, Mourir m’estuet a douleur cruelment Quar li mien pere me het moult durement. 11116 Or voi ge bien trestout apertement Mes ne verrai Renier en mon vivant. Relenqui ai por s’amour Tervagant Et Apolin et Jupiter le grant 11120
Et Mahomet, touz les vois adossant ;
Por lui m’estuet mourir prochainement. »
[CDXII] En Rocheglise iert Ydoine esfreee, Renier regrete a la chiere membree : 11124
11128
« Damoisiax, sire, dist la bele acesmee,
Por vous ai prise la loy crestiennee, Trop folement sui sanz vous demouree A poi de gent lasse et acheitivee. Or nous guerroie cele gent forssenee Et le mien pere a sa barbe juree,
S’il me puet prendre, que g’iere labitee. Mes miex veull estre en .I. feu embrasee 11132 Que ja m’amour soit de Renier sevree ! » [fol. 116 r. b.]
Sa chamberiere l’a bien reconfortee :
ENFANCES
RENIER
« Dame, dist ele, ne soiez effree[e],
11136
Tenez ma foy, ele vous iert donnee, Que ge sorti ersoir a l’avespree Que ainz tierz jour serez vous mariee Et de Renier loïiaument espousee. — Diex, dist Ydoine, qui feïs mer salee,
11140
11144
N'est riens en terre qu’aie tant desiree Que Renier ait tel besoigne achevee Et le sien pere et sa mere trouvee. » Or est la bele .I. poi asseüree Pour sa mestrese, a qui s’iert oubliee,
Mes jusqu’a poi resera esfraee Quar Sarrazins ont sa gent si menee Qu'il ont la porte ouverte et desfremee. 11148
11152
Paiens y entrent touz a une hiee, La gent Ydoine se desfent aïree,
Mes ne leur vaut une ponme paree Quar trop sont poi, si n’i ont pas duree. Roy Brunamon a la prise cornee Et nostre gent fu lors desbaretee.
[CDXIII] Prise a la vile Brunamon l’amirés, À la grant tour fu li assaut livrés. 11156 « Diex, dist Ydoine, vrai Roy de majestés, Secourez moi s’il est vo volentez ! Ahi ! Renier, frans damoisiax membrés, Moult sui dolente que vous tant demourez ! 11160
Se n’ai secours, mon cors sera finez ;
Or voi ge bien que li sort est faussez. »
11134.
effree, corr. C ; faute par haplographie.
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620
ENFANCES
RENIER
Dist sa mestresce : « Bele, grant tort avez,
Aiez fiance el Dièu que vous creez 11164 Et en sa garde vo cors du tout metez Et, se creance de bon cuer y avez, Je sai de fi, ja mar le mescroierés,
11168
11172
Que ja vo cors ne sera vergondés Ne par paien a martire livrés. » Dist la pucele : « Diex en set mes penssez : Del tout me met enz en ses volentez. »
[CDXIV] Mouit ot la bele le sien cuer esfreé. Et Sarrazins se sont forment pené : A la grant tour ont ruiste assaut livré,
La porte abatent, contremont sont monté, Touz les François que laienz ont trouvé [fol. 116 v. a.]
11176
Ont tost ocis a duel et a vilté Fors trois puceles, plus n’en ont deporté. L’une iert Ydoine, la fille l’amiré, Qui por Renier ot pris crestienté. 11180 Les autres .II. sont de grant parenté ; L’une iert mestresse Ydoine au cors moullé, Gonsens ot non, plaine estoit de bonté,
Bien croit en Dieu, qui de Virge fu né. 11184 Paiens les pranent, li glouton desfaé, Jus de la sale sont tantost devalé, Devant la tour ot un arbre planté Et tout entour .I. prael ordené, 11188 De riches erbes y ota grant plenté. Roy Brunamon est el prael entré,
11187.
ordenene, corr. C.
ENFANCES
RENIER
Avoec lui ot ses drus et si privé. Es vous atant li paien desfaé 11192 Qui les puceles amainent lez a lez, Devant le roy es les vous arrestez. Et Brunamon s’est en haut escriez Quant voit sa fille et li dit : « Ça venez ! 11196 Dites moi, garce, gardez nel me celez : De cui vous fu sifait consseill donnez Que nostre loy ainssi guerpie avez Et as François vo cors abandonnez ? 11200 Dec Rochcglisce leur rendistes les clés ! Mes, par Mahom, a cui me sui donnez,
11204
De vous ferai une justice tés Que vo cors iert en .I. feu embrasez. Ja mes vo pere nul jour ne traïrez ! » Quant la pucele a ces mos escoutez,
11208
Grant paour ot, le sanc li est muez, Plus devint noire que arrement trempez. Es piez se dresce .I. sarrazin Esclerz ; Ja parlera ainssi con vous orrez, Miex li venist qu’il fust quoi demourez |!
[CDXV] Prevost estoit cil qui la a parlé, 11212 C’iert li lechierres qui tant ot mal penssé, | A cui Renier ot son frere tué Por ce qu’il l’ot dedenz l’eaue bouté Entrues qu’il iert en son petit aé. 11216 Dist li prevos : « Frans rois plain de bonté, Bien vous dirai toute la verité En quel maniere vostre fille a ouvré. Vous sovient il, moult a lonc temps passé, 11220
Gyres, vo serf, vous ot ci aporté
621
ENFANCES
622
RENIER
I. enfant masle por son treü livré ? [fol. 116 v. b.] Crestïen iert de France estrait et né,
Renier ot non, ainssi fu apelé.
11224
[CDXVI] Brunamon, sire, moult vous devez irer Quant le marchant dont vous m’oiez conter
11228
11232
Vous presenta l’enfant dont veull parler. A voz lÿons le feïstes porter Qu’avis vous iert quel devroient tuer Por les François honnir ct despiter, Que bien devons et haïr et grever. Mes vostre fille l’en sot moult bien garder Quar des lÿons ala l’enfant oster, Enz en sa chambre l’en fist o li porter ;
Tant le nourri qu’il fu grant bacheler. Les damoisiax vouloit touz seurmonter 11236 De ceste vile et a touz gens passer. JL. filz avoie, qui molt fist a loer ; Pour ce qu’il vout ce glouton aïrer, Trouvé bastart l’ala mon filz clamer. 11240 Renier l’ocist, dont vous m’oiez conter, Puis s’en fuï, qu’il n’osa demourer. L’autr’ier revint, quant vous fustes sus mer
11244
11248
Pour roy Butor aidier et conforter A Loquiferne, ou il vous fist mander ; Adont fist touz vos genz crestiïaner Et vostre fille en fons regenerer. Prendre la doit a moillier et a per S’il puet son pere et sa mere trouver. » Brunamon l’ot, bien cuide forssener ; Dist au prevost : « Mahom vous puist grever ! Trop longuement le m'avez fet celer,
ENFANCES
11252
11256
RENIER
Mal guerredon vous en voudrai doner Por le glouton, qu’en lessastes aler ! Vous ferai ge cele teste coper Et la putain ferai ge embraser. » Quant le prevost voit son seigneur irer, Ne set que dire, ainz conmence a trembler.
[CDXVII] Roy Brunamon fu plain de felonnie : Par mautalent a ses serjanz escrie 11260 Que li prevos ait la teste trenchic Pour le glouton, que il ne retint mie. Quant li serjant oient sa conmandie, N'i a celui qui encontre riens die 11264 Kar le prevost estoit plain de putie : Touz en sont liez qu’il ne l’amoïent mie. Desus .I. tronc ont sa teste couchie,
D'une guisarme li on jus rooignie. [fol. 117 r. a.]
[CDX VII] 11268
11272
11276
11270.
Quant Brunamon ot fet celui finer, Mahomet jure, en cui se doit fier, Qu'il veut sa fille ardoir [et] embraser.
Paiens conmande qu’il voisent alumer .I. feu d’espines ou il voudra geter Cele qu’il veut a douleur tourmenter. Et cil si font qui ne l’osent veer, Dehors la vile font .I. feu alumer. Les .IIL. puceles i fet le roy mener, Et quant Ydoine voit le feu embraser
ardoir embraser, corr. C.
623
624
ENFANCES
Et la grant flamme en contremont aler,
Grant paour ot quar bien cuidoit finer. 11280 A haute vois conmença a crier : « Renier, biau sire, dist la bele au vis cler,
11284
Trop longuement pouez bien demourer ! Or veulle Diex de vostre cors pensser Quar a martire couvient le mien finer ! »
11288
[CDXIX] Souz Rocheglise fu grant le feu espris. Ydoinc pleure, la puccle au cler vis : « Vrai Dieu, dit ele, qui en crois fustes mis, Au jour de Pasques de mort resurrexis, Enfer brisas, s’en getas tes amis ; Si con c’est voir, vrai Pere Jhesu Crist,
Penssez des ames de ces trois pecherris Qui por vous ont guerpi les diex chenins Et guerissiez le damoisel de pris, Renier li preuz, qui tant est bien apris. Moult sui dolente qu’il n’est ça revertis, 11296 Bien fust mon cors vers paiens contredis ! »
11292
Ces mos entent Brunamon le Perssis,
De duel et d’ire li est le cuer espris : 11300
« Paiens ! » escrie, si que bien fu oïs. « Or tost, dist il, que n’i ait respit quis,
Prenez esrant cele lisse meautris, Ces .IIT. putains dont sonmes escharnis, Si soient arsses el despit leur amis ! »
11297.
se perssis, corr. C.
RENIER
ENFANCES
11304
11308
11312
11316
11320
RENIER
[CDXX] Roy Brunamon ot le cuer moult dolent Tout por sa fille, qui aloit regretant Le sien ami oiant paienne gent. Dist a ses gardes : « Fetes isnelement Le feu ardoir d’espine et de sarment, Si getez enz trestout premierement Cele putain, qui tant me fet dolent, Cui ge souloie tenir por mon enfant ; [fol. 117 r. b.] Mes or voi bien que ge n’i a noient Quar forlignie s’est trop vilainement Quant .I. dieu croit plain de fol escïent Que Juïs firent mourir honteusement, Onc ne se pot deffendre tant ne quant. Pour celui a relenqui Tervagant Et Apolin et Jupiter le grant ! Ne l’engendrai onques certainement, N’avrai mes joie tant qu’ele soit vivant. » [CDXXI] La bele Ydoine ot le cuer moult marri Quant ot son pere qui la menace si Et voit le feu dont la flamme sailli.
11324
« Diex, dist Ydoine, morra mon cors ainssi ! »
Adont s’en vindrent les .X. gardes a li,
Les .IIT. puceles prennent li Arrabbi, Au feu les mainent, Ydoine gete .I. cri : 11328
|
625
« Dame, mestresse, or savez tout de fi Que vos karmins et voz sors ont menti,
N’arons secours de parent ne d’ami ! » Et dit Gonssens : « Damoisele, merci ! 11332 Enquor ne croi pas que nous mourons ci, Ne tant ne quant n’ai le cuer amorti.
ENFANCES
626
RENIER
Proions de cuer au Roy qui ne menti Et a sa mere, la Virge dont nasqui,
11336 Et ge croi bien par els serons gueri. » Ydoine l’ot, .I. petit s’enhardi,
Dist a son pere : « Frans rois, aiez merci De ceste lasse que vous demenez si : 11340 Se je sui arsse, bien le savez, je cui Que reprovier en aront vostre ami. » La ot .I. roy, Pinart del Bruell anti ; Riches hons iert, mes le poil ot flori. 11344 Ou voit le roy, si s’en vint devant lui : « Sire, dist il, entendez envers mi :
C’iert grant damage s’Ydoine muert ainssi,
11348
Donnez la moi, biau sire, ce vous pri : S’ele me veut a per et a mari, Si laist la loy dont sonmes anemi ;
Par fol consseill a nos diex relenqui. Se ce veut fere, bien doit avoir merci :
11352 Je la prendrai a moullier ainz tierz di. » Ydoine l’ot, s’i ss’escrie a haut cri :
« Ja Diex ne place, que fel Judas vendi, Que ge mes croie Mahom le rassoti ! [fol.117 v. a.] 11356 Se je sui arsse et Diex l’a conssenti, M'ame iert sauvee, n’en sui pas en ssoussi. » Brunamon l’oit, a poi du sens n’issi, Mahomet jure et Kahu le hubi 11360 Sa fille iert arsse, mar a tel mot gehi. Adont saillirent li cuvert maleÿ, Les .IIT. puceles prennent sanz nul detri. Ja fussent arsses, por verté le vous di, 11364 Quant une nef enz el port se feri ; JL. Sarrasin avoit enz fervesti, Messagier iert roy Butor l’Arrabi.
ENFANCES
RENIER
[CDXXII] Le messagier est de la nef issus, 11368 En mi la place est erranment venus Ou le feu iert et grant et parcreüs. As paiens vint, qu’il vit moult esmeüs, Puis leur demande, qu’il n’i atendi plus : 11372 « Ou est le roy Brunamon li chenus ? A lui m’envoie roy Butor le cornus. » Dient paien : « Bien soiez vous venus ! Le roy, no sire, est forment irascus 11376 Tout por sa fille, dont il est deccüs : Crestienne est, no loy a mise jus. Ja sera arsse, por li est fet li fus. »
Dist le message : « Por ce sui ge venus. » [CDXXIII] 11380 Le messagier durement se hasta, Devant le roy Brunamon s’en ala En une tente ou l’en li enseigna.
11384
Quant au roy vint, moult bel le salua : « Cil Mahomet, qui le monde fourma, Et Jupiter, Noiron et Barraba,
Ces diex guerissent le roy que je voi la ! » Brunamon l’ot, le chief amont leva :
11388
« Amis, dist il, bien ait qui t’engendra ! Di ton message, bien escouté sera, Ja par nul home destourbier n’1 ara. » Et le message sa reson conmença :
11392
« Sire, dist il, entendez a moi ça : Le roy Butor, qui grant hardement a, Par moi vous mande, nel vous celerai ja,
Qu’a Loquiferne aler vous couvendra.
11396 De vostre fille set la nouvele la
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ENFANCES
628
RENIER
Et du garçon a cui s’abandonna ; Souz Morimont l’autre jour arriva,
Le roy Corbon par son cors ocis a. [fol. 117 v. b.] 11400 Et li mien sire sa barbe juree a Et Mahomet, en cui sa creance a,
Que de vo fille la venjance prendra, Qui le glouton nourri et aleva. 11404 Menez li tost, par moi bien vous manda ; Se ce ne fetes, sus vous a ost vendra, Toute vo terre a douleur destruira. » Brunamon l’ot, vers terre s’embroncha 11408 Quar pour sa fille son cuer s’atendria. Quant se redresce, le message apela : « Amis, dist il, fier mandement ci a ! » Dist le message : « Bien mort desservie a
11412
La vostre fille quant se crestienna,
S’a vo conmant et no loy adossa. » Dist Brunamon : « Moult chier l’achetera ! A vo seigneur son cors livré sera 11416 Qui a douleur labiter la fera. » A ces paroles sa fille demanda, Ceus li amainent a cui le conmanda. En une nave Brunamon l’envoia 11420 Et lui meïsmes avoec sa fille entra ; Plus de .X. mile Sarrazins en mena. A la vespree du havre dessevra, Vers Loquiferne tout droit s’achemina ; 11424 Poi y ot voie, assez tost i vendra. Diex gart Ydoine, qui le mont estora,
Quar, s’il n’en pensse, a grant dolor morra ! La mere Dieu la pucele apela, 11428 De vrai courage nuit et jour la hucha, Bien 1 parut quar ele li aida,
ENFANCES
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11440
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RENIER
Renier le preuz et sa gent adreça : . vent hautain leur navie acueilla, Vers Loquiferne droitement les chaça. La nuit se change et la lune esconssa, La mer ondoie et forment esclistra, Ce senefie grant bataille i avra. Or vient l’estoire, qui pas ne mentira, Si con Renier Ydoine secourra, Mes tout avant dire me couvendra De Brunamon conment il arriva. A l’ajournee dedenz le havre entra Souz Loquiferne, ou moult bele pree a. Au roy Butor la nouvele en ala [fol. 118 r. a.] De Brunamon, qui sa fille amena. Roy Butor l’ot, .L. poi s’asoaja ; A JUIL rois a l’encontre li va,
De la pucele roy Butor demanda, Brunamon dist qu’il li deliverra.
11448
11452
11456
[CDXXIV] Roy Brunamon, qui ait maleïçon, Livra sa fille a Butor l’Esclavon Et le paien en a juré Mahon Qu’ançois qu’il entre ja mes en son danjon, Tert la pucele mise a destrucïon. L. feu d’espines alument li glouton, Les .III. puceles i mainent li felon. « Diex, dist Ydoine, qui soufri Passion, De nos pechiez nous face vrai pardon
11437. Le ms comporte une ligne blanche après ce vers. 11444. sa soage.
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11460
ENFANCES RENIER
Quar or voi bien n’arons mes reançon, Ainz serons arsses en feu et en charbon. Gonssent mestre[sse], vo sors ne sont pas bon, Tout ont menti, ne les prise .I. bouton ! Yer me deïstes une fole reson Que Renier iert a no delivroison,
Mes trop est loing, ce savoir bien poon. 11464
Or face Diex de moi tout a son bon,
Miex veull mourir que croire mes Mahon ! Del tout me met en la Dieu livroison. »
[CDXXV] 11468
11472
Roy Brunamon, cui Diex croisse hontage, Livra sa fille a Butor le sauvage Por li destruire, Diex la gart de damage ! Et le paien jura en son langage Qu'’ançois qu’il entre mes en son herbrejage, Fera ardoir la pucele el preage.
Sa gent a fet armer sanz arrestage, Puis fet crier oiant la gent evage Se nus s’esmuet por la pucele sage, 11476 Pendu sera, n’i laira autre gage. [CDXXVI] Le roy Butor, cui Diex croisse tourment,
A fet armer .XXX.M de sa gent ; Bien cuide ardoir la pucele sachant, 11480 Mes non fera, se Dieu plest le puissant ! Hui mes est drois que je vous die avant Du damoisel, qui vient par mer najant,
11459.
mestre, corr. Mt.
ENFANCES RENIER
11484
” 631
Que la pucele aloit si regretant. Renier se dresce en sa nef en estant, Voit Loquiferne devant lui apparant Et d’autre part vit une nef courant ; [fol. 118 r. b.]
Bien .V.° homes avoit enz el chalant, 11488
11492
Crestiens sont, si s’en vont a garant : Eschapez ierent du fier roy Brunamant, C’iert de la gent Renier le combatant Qu'il ot lessiez por estre Ydoine aidant. Quant cel[uJs qui fuient virent l’ost aprochant,
A leur banieres les vont bien connoissant Et as penons sus les mas baloiant ; Cele part tournent et moult se vont hastant.
11496 Renier li preuz les va contr’atendant ; Quant il sont pres, si leur va demandant Quel gent il sont, nel voisent pas celant. Et cils respondent, qui sont moult esmaiant : 11500
« Seigneurs, nous sonmes crestiens vraiement,
Eschapez somes de la gent mescreant, Si alons querre .I. damoisel vaillant ;
11504
No seigneur est, moult l’alons desirant. » Et dist Renier : « Por quoi l’alez querant ? » Et cils respondent : « Vous le savrez briément. »
[CDXX VII] Cils de la nef ont Renier esgardé, A sa parole l’ont auques avisé ; 11508 Adont li ont et dit et raconté De la pucele, Ydoine au cors mollé, C’on doit ocire a duel et a vilté :
11492.
ces qui fuient vienent lost.
ENFANCES
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RENIER
« Roy Brunamon, cui Diex doint mal dehé, 11512 Au roy Butor, qui tant a crualté, Livra sa fille au gent cors honoré ; A Loquiferne, la mirable cité,
La ont .I. feu li paien alumé 11516 Pour la pucele ardoir por verité. » Renier l’entent, s’a du cuer souspiré.
[CDXX VIII] « Damoisiax, sire, dïent ceus du chalant,
La bele Ydoine est en perill moult grant : 11520 Le roy Butor a juré Tervagant Souz Loquiferne enz el pré verdoiant lert la bele arsse s’il puet esploiter tant. Le roy Butor manda a Brunamant 11524 Que de sa fille veut fere jugement. Nous savons bien trestout certainement Se n’a secours ançois l’anuitement, Ydoine iert arsse sanz nul rachetement. » 11528 Quant Renier l’ot, du cuer va souspirant, Cels de la nef apela maintenant : « Seigneurs, dist il, por Dieu le royamant, [fol. 118 v. a.]
Sonmes nous loing de la vile puissant 11532 De Loquiferne, dont vous m’alez parlant ? — Nenil voir, sire, cils li vont respondant. De ci endroit la vous irons moustrant. Lez cele roche vont li mur apparant, 11536 Sus la marine vont les tours estendant. Forte est la vile et derrier et devant Et de paiens y a asemblé tant Bien sont .C. mile, par le mien escïent. 11540 Touz sont venus pour le juïse grant
ENFANCES
RENIER
Des .IIT. puceles qui en Dieu vont creant ; C’est conmandise a Butor le Perssant. » Quant Renier l’ot, si ot paour moult grant 11544 Que trop ne voist en la mer demourant. As mariniers va doucement proiant De tost siglier quar mestier en est grant, Vers Loquiferne veut aler droitement 11548 Quar il veut estre, s’il puet, au jugement Des .IIL. puceles c’on va si menaçant. Renier en jure le Roy du firmament S’Ydoine est arsse et mise a finement, 11552 N’avra mes fame a jour de son vivant. Tant dis qu’il nage, a fet armer sa gent, Prest veulent estre quant seront arrivant. [CDXXIX]
Seigneurs, oiez, por Dieu, qui tout fourma,
11556 Chançon d’estoire, bien ait qui la trouva, Conment Renier Ydoine secoura Et de Butor conment occis sera, La grant cité Renier conquestera,
11560 Puis en fu roy et couronne porta ; En quel maniere connoistre se fera Envers sa mere, qui moult le desira.
[CDXXX]
11564
Vraie est l’estoire, bien fet a recorder, Du bon Renier, filz Maillefer le ber,
Et du lignage que Diex li vout doner : De lui issirent Buïmont et Tancré. Li uns fu dus, li autre quens clamez,
11568 Preudome furent et plain de loiautez Et si conquistrent le Sepulcre outre mer
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ENFANCES
RENIER
Avoec le duc de Bullon sanz fauxer. Or vous devons des puceles conter : 11572
11576
La bele Ydoine prist Dieu a reclamer, Par devant li voit le feu alumer, Ronces, espines i voit assez geter. [fol. 118 v. b.]
Le roy Butor conmença a jurer Ne mengera s’avra fet labiter Les .IIT. puceles conment qu’il doie aler. Mes, se Dieu plest, il l’estuet parjurer Se Diex guerist Renier le bacheler,
11580
Qui vient najant par mi la haute mer.
11584
[CDXXXI] Renier li preuz par mi la mer naja, Lui et sa gent durement se hasta. Mes tout avant dire me couvendra Des .IIT. puceles conment on les menrra Devant le feu, qui durement flamma.
11588
11592
.L Sarrazin cui Butor le rouva En pur les chainses les dames despoulla. Le roy Butor a ses paiens cria : « Seigneurs, prenez ces putains que voi la, Getez el feu, mal ait qui les porta ! » Et ceus 1 queurent cui il le conmanda. La bele Ydoine hautement s’escria,
Sainte Marie doucement reclama : « En vostre garde me sui mise pieça, Fetes de moi tout ce que vous plera 11596 Quar ge voi bien qu'autre secours n’i a. » La mere Dieu la pucele escouta,
11588.
butir, corr. C.
ENFANCES RENIER
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Qui de bon cuer nuit et jour la proia. Une poudriere et .I. grant vent leva, 11600 Par mi le feu .I. tourbeillon passa, En contremont les tisons emporta ; Sus ces paiens tant de charbons vola,
11604
Plus de .L. le feu en eschauda, Gent sarrazine durement esmaia. Dist l’un a l’autre : « Mahom se courouça Quant ceste dame le sien conmant passa. » Le temps noirci et li airs tout mua,
11608
11612
L'un ne De foiz Mes en Tout ce Es vous
vit l’autre tant le temps espoissa, en autre .I. petit esclera, la mer tant ne quant ne venta ; fet Diex qui par tout pooir a. Renier, qui au port arriva ;
Le roy, son pere, avoec lui amena,
C’est Maillefer, que de prison geta, Et le roy d’Isle, qui moult de bonté a. 11616 En leur compaigne moult de bele gent a, .XL. mile qui touz les contera. Hors des nés issent, chescun a terre ala, [fol. 119 r. a.]
Qui miex miex montent quar Renier les hasta ; 11620 Mes Maillefer cheval n’i demanda, Pour plus haster a pié s’achemina, Il et Renier devant les autres va ;
Li damoisiax .I. bon fauxart porta 11624 Et Maillefer la loke qui pesa. La nue passe et le jour esclaira, Onc Sarrazin garde ne s’en dona Jusqu’a cele heure que Renier s’escria :
[1628
« Filz a putain, vous n’i garirez ja ! »
A ces paroles vers le feu s’adreça, Fiert sus paiens que nul n’en deporta,
636
ENFANCES
Plus de .XIIIL..en ocist et tua
11632 Et bien .XL. enz el feu en bouta. Paiens le voient, chescun moult s’esmaia,
11636
Le plus hardi devant lui fuiant va Et Maillefer moult bien s’i esprouva, Mes devant touz Renier s’abandonna. Ydoine quert, dont moult grant paour a ; Quant ne la trueve, a poi ne forssena :
11640
« Venice ! » escrie et sa gent apela. Le roy Grebuedes « Ysle ! » haut escria Et Murgalet cele part s’adreça. Butor voit bien que durer n’i porra, Desarmé fu, pour c’en fuïe tourna,
11644
Vers la cité son chemin adreça.
[CDXXXII] Le roy Butor fu forment esmaiez Quant voit ses homes ocis et detrenchiez Et li pluseur par le champ estraiers. 11648 : Piecolet huche, qui iert ses latimiers : « Amis, dist il, gardez nel me noiez :
11652
Cognoissiez vous nul de ces chevaliers Qui si nous ont souspris et engingniez ? » Et Piecolet li respont esmaiez : « Sire, dist il, de verté le sachiez :
11656
Bien i connois Maillefer li guerriers, Qui em prison fu l’autr’ier envoiez ; Eschapez est, c’est no grant encombriers ! Je criem et doute, par Mahomet, no diés, Que Marbriens ne soit a mort jugiez. »
[CDXXXIII] Le roy Butor fu forment irascus
RENIER
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RENIER
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11660 De Maillefer, qu’est de prison issus. Brunamon huche, qu’il tenoit a ses drus : « Amis, dist il, mal plet nous est meüs, [fol. 119 r. b.]
11664
C’est Maillefer qui sus nous est venus, De la prison est partiz et issus Ou l’envoiames, dont je sui irascus.
Miex nous venist qu’il fust tres dont pendus, Ce fu folie que le gardames plus ! »
11668
[CDXXXIV] Souz Loquifernc fu moult grant l’estormie ;
Renier li preuz a la chiere hardie
|
Queroit Ydoine aval la praerie. Quant ne la trueve, a poi qu’il ne marvie,
11672 Mes, ainz qu’il voie la pucele eschevie,
11676
11680
Li croistera grant paine et grant hachie Quar .I. paien qui moult set de boisdie En maine Ydoine seule sanz compaignie. Le paien dist qu’il ne l’ocira mie, Ainz l’en menrra ou iert a garandie, Por sa biauté en veut fere s’amie. Et la pucele a haute vois s’escrie : « Secourez moi, dame sainte Marie ! » Et le paien li dist : « Suer, douce amie,
11684
Aquoisiez vous et si ne plorez mie, Vous n’avrez garde de mort a ceste fie Se voulez fere la moie conmandie : Je vous prendrai a la loy paienie, Si vous menrai ou serez bien servie,
11688
Dame serez de moult grant seigneurie De .IL. royaumes qui sont en ma baillie. » Ydoine l’ot, si ne set qu’ele die,
Seule se voit et moult fu esloignie
638
ENFANCES
RENIER
De sa mestre[sse] et de sa compaignie.
[CDXXXV] 11692 La damoisele se va moult dementant Et de bon cuer va Jhesu reclamant. Et le paien s’en va esperonant, Ydoine emporte desus son auferrant ;
11696 En .I. bois entre moult haut et verdoiant, Mes ainz le vespre et soleill esconssant Fera la bele mainte paine pesant. Or vous dirons, s’il vous vient a talent, 11700
Conment Renier au courage vaillant Trova Gonssent la pucele plorant :
C'’iert la mestresse Ydoine au cors plesant. Et Renier fiert et arriere et avant,
11704
Moult a ocis de la gent mescreant Et Maillefer ne s’i va pas faignant ! Le roy Butor s’en est tourné fuiant ; [fol. 119 v. a.] Desarmé fu, ce le fist esmaiant, 11708 Et Brunamon le va de pres sivant Et aprés euls vont paiens aroutant, Vers Loquiferne s’en vont droit a garant. De pres les va Maillefer enchauçant, 11712 Jusqu’a la porte les a menez batant ; Maugré qu’en ait cele gent mescreant, En la grant porte va Maillefer entrant. Diex ! quel damage c’om ne l’aloit sivant 11716 Quar Sarrazins vont la corde copant Et la grant porte coulice va cheant ;
11691.
mestre, corr. Mt.
11713.
meicreät (= meicreant), corr. C.
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11720
RENIER
Si roidement ala jus descendant Touz ceus qui sont desouz va confondant Et Sarrazins vont la porte fremant Et cil desseure vont granz pierres getant Si que par force vont no gent reculant.
[CDXXXVI] Or ont paiens la grant porte fremee. 11724 Toute la gent qu’en la vile est entree Por Maillefer ont la noise levee ; Lancent li dars ct cspicz a volee, En .XXX. liex ont sa broigne trouee 11728 Et par desouz li ont la char navree. Dist Maillefer : « Roÿne couronnee, Sainte Marie, ou est ma gent alee ? S’ele fust ci entour moi asemblee,
11732
G’eüsse tost la cité conquestee ! » Mes ne li vaut une ponme paree Quar trop iert seuls en la vile fremee ; Se Diex n’en pensse, mort iert ainz la vespree ! 11736 Le roy Butor sourvint a la mellee, En son dos ot une broigne endossee, Tint en son poing une mace quarree ; Roy Maillefer en a tele donee 11740 Par mi le hiaume dont sa teste ot armee Le cercle ront, n’i pot avoir duree. Le bers chancele, pres ne fist la verssee, Estonné fu, qui moult li desagree. 11744
« Glouz, dist Butor, ja n’i avrez duree !
Trop par fus fol quant ma porte as passee,
11736.
butour, corr. C ; faute par anticipation de sourvint.
639
ENFANCES
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11748
RENIER
Ne mengerai s’iert vo gueule encroee. » Maillefer l’ot, mie ne li agree. Le fauxart hauce dont l’alemele ert lee Et fiert Butor par moult grant aïree ; Le chapel trenche, la coiffe a dessasfree, [fol. 119 v. b.] Desus l’espaulle li a la char copee ;
Bien une espaune estoit la plaie lee, Le sanc en ist a moult grant randonee, Toute la broigne en devint coulouree. Le paicn brait quant sent sa char navrec, 11756 Sa gent i queurent quant oent la criee, En petit d’eure en y ot assemblee .X. mil ou plus, qui ont coulour muee Pour leur segnor, qui ot pris tel colee. 11760 Et Maillefer feroit a la volee, N'’en ataint nul sa vie n’ait finee
RTS?
Ne fust .. Turc, qui ait male duree,
Qui une pierre a en ses mains portee ; 11764 Entre les jambes Maillefer l’a boutee, Souvin le fist chaoir gueule baee. Paiens li saillent sus le pis a volee, Par droite force li ont s’armure ostee,
11768
IA
Les poingz li loient cele gent mal senee. Diex, qu’or nel set Renier chiere membree, Qui est remés tout seul en mi la pree ! Desouz .L. arbre, la a Gonssent trouvee, C'iert la mestresse Ydoine la senee, Qui por s’amour se fu crestiennee. Renier la voit, moult l’a tost ravisee ;
Il la salue de la Virge honoree : 11776
« Ma damoisele, bien soiez vous trouvee ! Por Dieu vous proi, qui fist ciel et rousee,
ENFANCES
11780
11784
RENIER
641
Que vous me dites ou Ydoine est alee. » Et dist Gonssent : « Je sui moult aïree, Franc chevalier qui m’avez saluee. Ançois que die envers vous ma penssee, Me direz vous, s’il vous plest et agree, Quiex hons vous estes et de quele contree. » Et dist Renier : « Bien me plest et agree,
Franche pucele, ne soiez esfreee : Je sui Renier, qui Ydoine ai juree, Que vous nourristes en la chambre a celee,
11788
Por cui Ydoinc a tel painc cndurcc. » À ice mot a sa ventaille ostee,
L’yaume desiace sanz plus de demoree ; Gonssens l’esgarde, s’a grant joie menee, 11792
11796
A haute vois s’est la bele escriee : « Damoisiax, sire, par la vertu nonmee, Gel vous dirai, n’i a mestier celee, [fol. 120 r. a.]
De dolent cuer et a face esploree : .I. Turc l’emporte, qui ait courte duree ! Par ci passa, loing est une lieuee ; Sus son cheval ot la bele levee,
11800
Otout s’en va, ne sai en quel contree. » Quant Renier l’ot, mie ne li agree. [CDXXXVII] Moult ot Renier le cuer tristre et doulant
11804
Pour la pucele, qu’il amoit durement, Que le paien emportoit telement. Gonssent apele, si li va demandant : « Por Dieu, suer bele, nel m’alez pas celant :
11794.
Cel, corr. C.
642
ENFANCES RENIER
Quel part tourna le glout son auferrant Qui la pucele en va o lui portant ? » 11808 Et dist Gonssens : « Gel vous dirai briément : Vers ce grant bois contre soleill levant Ala le Turc a esperons brochant. » Et dist Renier : « A Jhesu vous conmant ! 11812 N'’avrai repos ja mes en mon vivant S’avrai trouvee cele que j’aime tant. »
[CDXXX VIII] Renicr li preuz de Gonssent sc parti, 11816
Vers le grant bois son chemin acueilli, Onques nul home ne mena avoec lui. Se Diex n’en pensse, qui Passion soufri, Ainz que soit vespre, avra le cuer marri ! [CDXXXIX] Ci vous lairons .I. petitet ester
11820
Del ber Renier, si vous voudrons conter
De Maillefer, le roy gentil et ber : Paiens l’ont pris, cui Diex puist mal doner,
. 11824
11828
11832
Andoi les poinz li font si fort nouer Que par les ongles en font le sanc couler. Devant Butor l’ont il fet amener Et le paien conmença a crier, Dist a sa gent : « Seignors, fetes hourdrer, Desus ces murs unes fourches lever ; Tantost ferons Maillefer encrouer,
Tant m’a mesfet ne le puis esgarder. » La ot .I. Turc qui moult fist a loer, Roy Malaquin, ainssi l’oÿ nonmer. Devant Butor s’en est venu ester : « Sire, dist il, trop ferez a blasmer
ENFANCES
11838
RENIER
643
Se Maillefer fetes ainssi finer : Trop poi d’onneur porriez aquester ! Ançois le fetes dusqu’a demain garder Que ceus de l’ost porront bien aviser [fol. 120 r. b.]
De quele mort on le fera finer. » Et dist Butor : « Bien m'’i veull acorder. » Icele nuit l’ont il bien fet garder. Or vous devons de nostre gent parler : Le roy Grebuedes a fet .I. cor sonner, 11844 Tout droit as tentes fet sa gent retorner. Maillefcr quercnt, mes nel porcnt trover Ne de Renier ne sevent que pensser ; Par l’ost conmencent grant duel a demener. 11848 Le champ cerchierent qu’il les cuident trouver, Mes il ne truevent qui en sache parler. 11840
Gonssent troverent, la pucele au vis cler,
Mestresse Ydoine, qui moult fet a loer.
11852
[CDXL] Nos barons ont la pucele choisie, Bien la connut Murgalet de Perssie ; Cele part vint, a haute vois li crie :
11856
11860
« Ma damoisele, por Dieu, le filz Marie, Ou est Ydoine ? ne le nous celez mie ! » Et dist Gonssent : « Ne lairai nel vous die ! Seigneurs, dist ele, ge sui moult esmaïe : I. Sarrazin la pucele a sesie, Sus son cheval l’ot moult tost enchargie,
Puis s’en ala vers ce bois qui ombrie. Renier le suit tout seul sanz compaignie,
11837.
gaider, corr. C.
ENFANCES RENIER
644
S’ai grant paour qu’il n’en perde la vie. »
[CDXLI] 11864
Quant no gent ont la pucele escoutee,
Gyres le preuz en a joie menee Quar c’iert le mestre Renier chiere membree ; Ja s’en tournast vers la forest ramee,
11868 Mes il plovoit, la nuit fu oscuree. Tout drois as tentes est no gent retournée, Moult ont la nuit grant dolor demenee. Le roy Grcbucdes a sa gent ascmblec : 11872 « Seigneurs, dist il, mal est la chose alee, Se cels sont morz, par la vertu nonmee, Dont ne poons oïr la renonmee,
11876
Contre paiens n’avrions ja duree. Ce seroit bon, s’a nostre gent agree, Qu’a no navie façons la retornee Tant que sarons com la chose est alee. » Entrues qu’estoit no gent si effree[e],
11880
11884
11888
11879.
Es vous Grymbert courant de randonee. Quant voit no gent ainssi espoentee, De sa parole l’a bien reconfortee ; [fol. 120 v. a.] Au roy Grebuedes a dit reson membree : « Sire, dist il, n’aiez chiere enclinee,
Aiez fiance en la vertu nonmee Quar, par celui qui fist ciel et rousee, Ainz demain vespre, n’aiez fole penssee, Savrai a dire com la chose est alee De Maillefer a la chiere senee Et du vassal, qui a grant renonmee,
effree, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
11892
RENIER
645
Qui me trouva en la grant mer salee ; Par son vouloir fu ma mort respitee, Or doit bien estre ma science esprouvee, Por vous aidier iert a ce poi[n]t moustree. »
[CDXLII] Dist Grymbert : « Sire, ne vous esmaiez mie :
11896
D’art d’ingromance sai toute la mestrie, Ainz demain vespre, se Diex me beneïe,
De Maillefer a la chiere hardie Et du vassal, qui tant a courtoisie,
11900 Vous dirai bien s’il sont enquore en vie Ou s’il sont pris de la gent paienie. » Quant le roy l’ot, Damedieu en mercie, Gombert acole, durement le festie.
11904
Hui mes est droiz de la pucele die Et du paien qui l’avoit enchargie : Par le bois va a moult grant chevauchie.
[CDXLIIT] Le Sarrazin qui la bele emporta 11908
Toute la nuit par le bois chevaucha ;
Et la pucele hautement s’escriïa Et de bon cuer son ami regreta,
Et Jhesu Crist hautement apela. 11912 Dist le paien : « Ne vous dementez ja ! Ja mes vo pere nul jour ne vous tendra Quar a moullier le mien cors vous prendra. »
11892. Deux barres parallèles entre fu et mort indiquent l'emplacement du mot manquant ; ma a été ajouté en bout de ligne. 11894. Por vous aidier sera iert a ce poit moustree, corr. C.
646
ENFANCES
RENIER
Ydoine l’ot, a poi ne forssena. 11916 Dist au paien : « Ainssi mie n'ira ! Miex aim mourir que du jour isse ja. »
[CDXLIV] Quant le paien la pucele entendi, Qui a s’amour mie ne s’obeï,
11920 Tel duel en ot a poi du sens n’issi. Mienuit passe et le temps esclarci Et le paien du cheval descendi. Ydoine prist, par les flans la saisi, 11924 Puis li dist : « Bele, n’en irés pas ainssi, Ma volenté fetes, ge vous em pri. » A ces paroles as .Il. braz la sesi, [fol. 120 v. b.]
11928
Jus du cheval a terre l’abati, Par desus l’erbe la coucha devant lui. Ydoine crie clerement a haut cri : « Sainte Marie, dame, mourai ge ainssi ?
Virge roÿne, aiez de moi merci ! 11932 Gardez mon cors envers cest anemi Que ge ne soie vergondee par lui. » Le Sarrazin a son cors desgarni, Il deslaça le vert yaume bruni, 11936 Puis despoulla le hauberc qu’ot vesti, Vint a la bele ou son cuer se tendi. Bien cuide avoir tout son bon acompli, Mes la pucele li estort et guenchi ! 11940 Voit le glouton, qui s’assist delez lui, Qui li a dit : « Traiez vous envers mi. — Ja Diex ne place, Ydoine respondi,
11920.
cel, corr. C.
ENFANCES
11944
RENIER
647
Que ge guerpisse a nul jour mon ami, Le damoisel qui lonc temps m’a servi ! » Le paien l’ot, a poi du sens n’issi : « Garce mauvese, mar l’avez escondit ! » Lors l’a aersse, a terre l’abati,
11948
11952
Ja l’esforçast, loyaument vous afi, Mes la pucele .I. petit s’enhardi : Del poing senestre si grant cop le feri Par mi la gueule que .II. denz li rompi, A grant brandon le cler sanc en issi. Dist le paien : « Bien m’avez consivi, Mes, par Mahon, chier vous sera meri ! »
11956
Par mi les tresces la pucele saisi, Aval le bois la traïne aprés lui Tres par m1 ronces et par buissons aussi Que son bliaut li a rout et parti ; En .XXX. liex ot le cors mal bailli,
11960
11964
De toutes pars le cler sanc en sailli, Et la pucele, qui le grant mal senti, De foiz en autre s’escrioit a haut cri Si que le bois environ en tenti. Renier l’entent, qui iert el gaut fueilli, Qui pour Ydoine avoit le cuer marri.
[CDXLV] Ydoine pleure et hautement s’escrie Quar le paien malement la cuirie : 11968 « Diex, dist Ydoine, dame sainte Marie, Secourez moi que ne perde la vie ! » Dist le paien : « Or oy plet de folie ! [fol. 121 r. a.] Vos diex ne valent une ponme pourrie, 11972 Ja n’en avrez ne secours ne aïe. Se vous ne fetes la moie conmandie,
ENFANCES
648
Ainz qu’il soit jour, perderez vous la vie. — Glous, dist la bete, Jhesu Crist te maudie ! 11976 Ja de mon cors n’averas druerie ! » Le paien l’ot, de mautalent rougie. A .I. grant arbre l’a si destroit loïe Petit en faut qu’il ne l’a mehaïignie. 11980 Ydoine pasme quar forment fu blecie Et, quant revint, moult fu tainte et noircie,
I. cri geta par si grant arramie 11984
11988
Que la forest environ en tentie. Renier l’entent a la chiere hardie, Qui toute nuit ot la forest cerchie. Quant li dansiax a la vois entr’oÿe, Cele part queurt que plus ne s’en detrie.
La mere Dieu a la pucele oÿe ; La lune luist et le jour esclairie,
Et le paien la pucele mestrie. [CDXLVI] Li Sarrazin la pucele angoissa : 11992
11996
1200
A I. grant arbre si forment la loia,
D'une cordele si fort destrainte l’a Que par .I. poi qu’ele ne devia. A une branche ses tresces atacha ; Mien escïent qu’il la vergondast ja Quant la pucele .I. grant cri regeta ; Renier l’oÿ, qui par le bois ala ; Cele part queurt ou le cri escouta, En ses .II. poinz une mace porta, Onques buisson ne ronce n’esperna,
Mes vers le cri au plus droit s’adreça ; Mes son haster moult petit li vaudra : 12004
Une riviere li damoisiaus trouva,
RENIER
ENFANCES RENIER
12008
12012
12016
D'une montaigne enz el val avala ; Si roidement contreval ravina Ce semble abysme qui de pres l’esgarda. Renier la voit, forment la redouta. N'est pas merveille se entrer n’i osa ! Noire et hideuse l’eaue [bien] li sembla, Sus la riviere ne pont ne planche n’a Ne nef ne barge ne guez onc n’i trouva. S’il se met ens, grant folie fera, .XX. piez de haut saillir li couvendra [fol. 121 r. b.] Ançois qu’il viegne ou l’eaue trouvera.
[CDXLVII] Renier li preuz fu forment courouciez : Voit la grant eaue qui descent des rochiers, Les rives hautes et les desrubans fiers. Plus tost couroit, de verté le sachiez,
12020
12024
Que ne feroit .I. quarrel descochiez D'un arbaleste tant soit bien envoiez. « Diex, dist Renier, com or sui engingniez ! Ice haut cri qui el bois fu huchiez Fist la pucele por cui sui travelliez, La bele Ydoine, pour cui sui courouciez. Mes or voi bien, vrai Diex, quar li aidiez,
Que li sien cors n’iert par moi consseilliez. »
12028 Lors s’achemine le vassal droituriersz, Selonc la rive s’est li bers avoiez, Mes com plus va et plus s’est esforciez Tant li sembloit la riviere plus griez.
12010.
649
leaue bien li sembla.
650
12032
12036
ENFANCES RENIER
[CDXLVIII] Renier le preuz ot le cuer moult iré, Bien voit sa painc n’i vaut .l. aill pclé, Lors se demente a loy d’ome sené. Ydoine pleure, si ra .I. cri geté. Quant Renier l’ot, pres n’a le sens desvé, Bien la connut au cri qu’a escouté : « Ydoine bele, dist Renier le membré,
Diex vous sequeure et ait de vous pité ! »
[CDXLIX] 12040
Renier li preuz a la chiere membree Lez la riviere couroit de randonnee, Et cele crie, qui moult fu mal menee,
Que le paien ot el bois aportee. Le mal traïtre, qui ot male penssee, Pourforcier cuide, s’il puet, la bele nee, Mes ne li vaut une ponme paree Quar la pucele, qui moult estoit senee, 12048 Ot une pierre de si grant renonmee En s’aumosniere l’avoit maint jor gardee ; Tel don li ot destiné une fee Fame qui l’ait ne sera vergondee, 12052 Outre son bon ne sera vilanee. Tant a le Turc Ydoine formenee Bien voit par force n’iert a son bon tornee.
12044
Vint au cheval, si l’a sus remontee.
12056 Mahomet jure, ou a mis sa penssee, Qu'il l’en menra o lui en sa contree ; Se la endroit ne fet ce que li gree, [fol. 121 v. a.] En une chartre sera tantost getee.
ENFANCES
RENIER
[CDL] 12060 Le Sarrasin, qui ait maleïçon,
12064
12068
12072
Ydoinc licve cl destrier arragon, Vers son chastel l’emportoit a bandon Ou son repaire fesoit quant li iert bon. Fort iert le lieu, moult y ot bel danjon, Le mur hautain, tourneles a foison, Le fossé large, plain d’eaue dusqu’en sson, Pont tourneïs por lever contremon. La porte iert forte, haute de bis perron. La vint le Turc, qui ait maleïçon, Atout Ydoine, qui moult ot marrisson. Cels qui gardoient la porte et la meson Enz l’ont lessié entrer sanz contençon Quar tuit estoient si home et si garçon.
Le Sarrazin de cui ci vous parlon Conmande a metre la bele en sa prison ;
12076 La li fera soufrir a grant foison, Paine et travaill s’ele ne fet son bon. Diex gart Ydoine par son saintisme non ! Mes ne verra Renier, son compaignon,
12080 Ne de laienz n’avera guerison S’ele n’en ist par Grymbert le larron ; Cil savoit tant d’ingromance foison Que contre lui ne se garderoit hom.
[CDLI] 12084 Le Sarrasin qui la bele en mena, Por ce que ele a son bon n’acorda, Moult ledement em prison la geta. Et ele pleure et moult se dementa :
12088
« Lasse, dist ele, qui me confortera ?
Or voi ge bien mourir me couvendra,
651
ENFANCES
652
12092
RENIER
Ja mes Renier a jour ne me verra ! » Hui mes orrez, qui bien l’escoutera, Conment Renier Ydoine sccourra, Mes moult grief paine soufrir li estovra. El bois estoit, si ne set ou il va ;
12096
La nuit trespasse et le jour aprocha. Or vous dirons conment Grymbert ouvra : Tout son afere et ses karmins geta Dehors les trés, ou nul ne l’esgueta ;
12100
Tant de forz moz a dit et conjura Que Tabardin s’en vint acourant la. Il li demande por quoi le traveilla, Se c’est besoing qui si fort le hasta. [fol. 121 v. b.]
Gombert li dit que moult bien li dira : « Savoir m’estuet ou li dansiax ala Qui l’autre jour en la mer me trouva. » Tabardin dist que moult bien le savra, Tost l’avra quis se le congié en a. 12108 Et dist Grymbert : « Tout autrement ira : Je vous conmant que vous me portez la, Sanz moi grever ne lui quant venrons la. » Dist Tabardin : « A vo conmant sera ! » 12112 Or escoutez conment se figura : Tout en la fourme d’un cheval se mua,
12104
Noir conme meure, la teste petite a,
Le col ot gros, es ars bien se fourma, Sele ot et frain qui luist et flamboia : Cil qui le vit por voir dire pourra Plus bel cheval nus hons mes n’esgarda. Grymbert y monte, qui point ne ss’esmaia. 12120 En ses karmins moult bien s’asseüra
12116
Et Tabardin atout lui s’en tourna,
Plus tost l'emporte que penssee ne va ;
ENFANCES RENIER
12124
653
El bois en vint la ou Renier trouva : Dolent estoit et moult se dementa, Ne sot ou iert n’il ne set ou il va. Gombert le voit, moult bel le salua : « Damoisiax, sire, ne vous esmaiez ja !
12128
Bien vous dirai, quant vo conmant sera, Ou la bele est por cui venistes ça. Bien la ravrez, ne vous en doutez ja,
Mes tout ançois venir vous estovra 12132 Au roy Grebuedes, qui moult grant paour a. Il s’en fuiront se tost ne venez la Quar chescun cuide que mort soiez pieça. De Maillefer chescun moult grant doute a ; 12136 Ersoir au vespre, quant l’estour defina, Nul ne sot dire quel part i demora Ne qu’il devint ne quel part il torna. » Renier l’entent, a poi qu’il n’esraja 12140 Quar de son pere le cuer li abosma. Grymbert demande conment fere porra Et Gombert dit bien le consseillera : Sus ce cheval monter le couvendra 12144
Droit en la sele et il derrier sera,
Mes le seignier moult bien li devea Quar, s’il se seigne, le cheval s’en fuira. [fol. 122 r. a.] Et Renier dit, qu’il puisse, non fera,
12148
Il a bon frain de quoi bien le tendra. Et dist Grymbert : « Ne vous i fiez ja ! C’est Tabardin, qui moult de biens fet m’a. N’aiez doutance, grever ne vous porra,
12152
Montez errant quar bien nous portera,
12148.
leirendra, corr. C.
ENFANCES RENIER
654
Fort est assez, ne l’espernerons ja. » Et Renier dit que derrier montera : « Devant serez, ne vous mouverez ja. 12156 Ses mestres estes, s’ira ou vous plera. » Gombert li dit que trop demourera. A ces paroles le damoiïsel monta 12160
Et Tabardin atant s’achemina ; Petit li couste, n’archoïe ne ploia,
Plus tost s’en queurt que penssee ne va, Il vint au lieu la ou Grymbert monta. Renier se seigne quant si tost se voit la
12164 Et Tabardin s’esqueut, tant s’aïra, Andui a terre si forment les geta Poi s’en failli que il ne les greva. Quant descombré se sent, si s’en torna
12168
Que nul ne vit ou fu ne ou entra. Gombert se lieve et Renier moult blasma De ce qu’ainssi son conmant trespassa : « C’est grant merveille qu’afolez ne nous a ! » 12172 Et Renier dist ja mes n’i montera. Aprés ce mot devant lui esgarda, Voit ceus des tentes, le roy devant ala, L'un contre l’autre moult grant joie mena. 12176 As trés s’en vindrent quant le soleill raia. Li damoisiaus Renier se merveilla De Maillefer, que mie ne trouva.
12180
[CDLII] Renier li preuz se va moult merveillant Quant il ne voit Maillefer le puissant. Le roy Grebuedes demanda en oiant : « Sire, dist il, nel m’alez pas celant,
De Maillefer me va le cuer doulant
ENFANCES RENIER
12184
Quant ne le voi avoec vous en present. — Damoisiax, frere, dist le roy en plorant, Se Diex n’en pensse, il nous va malement !
12188
Le roy Butor a juré Tervagant
Pris l’ont paiens, li cuvert soudiant. De Maillefer prendra hui vengement ; Aünssi l’ont dit li cuvert soudïant, [fol. 122 r. b.]
Pendre le doivent et encrouer au vent. » Et dist Renier : « Se Dieu plest le puissant, Aünz qu’il y muire, l’iront chier comperant ! Or vous dirai selonc mon escïant Conment irons Maillefer respitant 12196 Ceste journee et de mort destournant : Fesons armer no gent hastivement, A la cité irons tost assaillant. Tant leur irons grant entente livrant 12200 Que il n’aront loisir ne tant ne quant De Maillefer destruire a leur talant. Et ge sai bien trestout certainement Se cest jour passe qu’il n’ait encombrement, 12192
12204
Ge cuilt] tant fere vers mienuit passant
Roy Maillefer ravrons sain et vivant. » Dist roy Grebuedes : « Foi que doi saint Amant, Vez ci consseill bon et bien soufisant ! »
12208
12204.
[CDLIII] Or fu no gent .I. poi rasseüree Pour le vassal qui tant ot renonmee. En grant doutance sont cele matinee De Maillefer a la chiere membree
cui ; faute par haplographie.
655
656
ENFANCES
12212
Que ne l’ocïent cele gent desfaee. Renier li preuz, qui a prouesce bee, À conmandé que sa gent soit armee, Et il si font sanz point de demouree.
12216
Le roy Grebuedes a la seue ordenee, Droon de Gresce a l’enseigne portee,
12220
1224
12228
RENIER
Gyres la seue, qui « Venice ! » a criee. Vers Loquiferne ont leur voie tournee, Cornent busynes, s’ont grant noise menee. Le roy Butor fu en la tour quarree Et voit noz genz rengie et bien serree. Trente mil sont, n’i a cil n’ait espee, L'’auberc vestu et la coisfe fremee, Et bon cheval a la croupe tuilee, Hiaume et escu et fort lance planee, Sanz la pietaille, qui bien fu atieree.
[CDLIV] Le roy Butor fu moult matin levez, Par la fenestre a son chief hors boutez ; Voit nos barons, qui vienent abrievez,
Or seit il bien qu’il n’iert pas reposez. De la grant sale avale les degrez. Devant la tour iert .I. arbre plantez ; Le roy y a touz ses barons mandez : [fol. 122 v. a. .V. rois y ot et .XIIII. amirez. 12236 Premier parla Butor li encornez : « Seigneurs, dist il, quel conseill me donrrez ? François nous vienent les frains abandonez.
12232
Issons contre euls, mar les redouterez,
12240
Desconfit ierent si que bien le verrez : Plus avons gent que il ne sont d’assez. Au revenir, quant le champ iert finez,
ENFANCES RENIER
12244
lert Maillefer pendu et traïnez. » Dist Brunamon : « Moult bien parlé avez ! » Dont fu li cor par la vile sonnez. Paiens s’adoubent, es les vous ferarmez.
12248
12252
12256
Le roy Butor fu moult bien acesmez ; À grant merveille ierent granz ses fiertez ! L’auqueton vest qui iert de soie ouvrez Et par desus .II. blans haubers saffrez ; Ceinst .II. espees a son senestre lez, Puis lace .I. yaume dont le cercle fu tez D'or estoit fet a esmax bien ouvrez ; .. faussart prist qui fu d’acier temprez, Adont conmande chescun soit aprestez.
[CDLV] Quant roy Butor ot son cors adoubé, Avoec lui sont .C. mil paiens armé, Les portes oeuvrent de la noble cité, Paiens s’en issent, li glouton desfaé ;
12260
12264
.L. mile richement sont monté Sanz ceuls a pié ; Agripart sont nonmé, C'’iert une gent qui ne gouste de blé, Mes la char crue conme gaignon desvé ; Tout adés gisent au vent et a l’oré ; Plus velu sont que n’est le cerf ramé,
Onc en leur vies n’orent drap endossé. Et, quant no gent voient si grant plenté 12268
De Sarrazins, moult sont espoenté.
[CDLVI] Renier li preuz a la chiere hardie De Loquiferne voit issir grant navie ; Bien voit sa gent iert .[. poi esmaïe,
657
ENFANCES RENIER
658
12272 Il prist .I. cor, entour lui les ralie En une pree lez .I. bois qui verdie, Les apela et doucement leur prie : « Seigneurs, dist il, por Dieu, le filz Marie,
12276 De bien ferir penssez a ceste fie ! Pour Maillefer ravoir sain et en vie Doit bien chescun soufrir paine et hachie. »
[fol. 122 v. b.]
Adont s’escrie toute la baronnie : 12280 « Damoisiax, sire, ne vous esmaiez mie ! Ja por mourir ne ferons couardie. » Renier l’entent, assez les en mercie.
En IL. eschieles a sa gent establie : 12284 Le roy Grebuedes la premeraine guie O lui .X. mile de bone gent hardie ; Gyres, son mestre, la seconde a ballie,
12288
X.\ sont dont chescun bien afie Qu'il ne faudront ja por perdre la vie ; Le damoisel qui tant a baronnie À Murgalet a la tierce baïllie ;
12292
La quarte maine Renier, que Diex conduie, Serrez les maine vers la gieste haïe.
[CDLVII] Quant Renier ot ordenee sa gent, Serrez les maine le pas tout belement. Et paiens vienent a esperons brochant, 12296 Devant les autres s’en vint Butor courant ; .L flael porte gros et grant et pesant Et .I. maillet a guise de tyrant. A haute vois va le Turc escriant : 12300 « Cuvers François, touz serez recreant ! De Maillefer ferai tout mon conmant,
ENFANCES RENIER
12304
12308
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En prison est enz en ma tour plus grant. » Quant Renier l’ot, d’ire va tressüant, Le cheval broche qui ne va mie lent Et brandist l’ante au gomphanon pendant ; Butor feri en mi le piz devant Que la cuirie et l’auberc li desment ; La char li fent en l’espaulle devant, L'’os encontra, n’ala pas trop avant ;
La lance brise, poi ala conquestant. Quant le paien vit son cler sanc raiant,
12312
12316
N'ot mes tel duel en trestout son vivant. Le maill entoise par moult fier mautalent ; Renier en cuide ferir moult aigrement, Mes le vallet a guenchi l’auferrant ; Se ce ne fust, lui alast malement !
De tel ravine vint le cop descendant Le cheval fiert sus la teste devant Que la cervele en va toute espandant. 12320
12324
12328
Le cheval chiet et Renier enssement, Mes tost sailli sus ses piés en estant. Et dist Butor : « Deça vous vois tastant ! HolM23r a: Ja Maillefer de vous n’avra garant. » Renier l’entent, moult se va gramiant ; Il trest l’espel[e] et mist l’escu avant : Ja mourra d’ire s’il n’en prent vengement ! Butor chancele, ne s’i va pas gardant. Quant s’aperçoit, d’aïr va roujoiant, Le maill entoise, en haut le vet levant.
12325. 12329.
espe, corr. C ; faute par haplographie. le veti levant, corr. C.
660
ENFANCES
RENIER
Renier fu viste, si fiert premierement,
Par mi la teste va Butor assenant, 12332 Mes il avoit .I. chapel si tenant, De fin acier bien fet et bien cloant Ne l’empira d’un denier vaillissant. Et dist Renier : « Ce brant ne vaut noiant : 12336 Miex vaut assez une mace pesant ! » Et Butor giete le flaiel en traiant ; Renier recule quar il le va doutant. Ja fust a l’un malement couvenant 12340 Quant Sarrazins i vinrent a poignant Et d’autre part li François conquerant.
12344
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12360
La ot estour merveilleus et pesant, Franc et paien se vont entr’encontrant Et d’une part et d’autre vont mourant. Brunamon broche le destrier auferrant,
Son fort escu va a son piz serrant, L’ante a brandie au gomphanon pendant, Sus l’escu fiert Gyres le marcheant Si qu'il li perce et l’auberc li desment ; Ens u costé .I. poi la char li prent, Par le vuit bu li va le fer passant, En Il. tronçons va la hante brisant. Ainz que le Turc puist guenchir tant ne quant, Le feri si Gyres en trespassant Del brant d’acier qui trenche durement Que son escu en .II. moitiez li fent ; Dusqu’a la boucle va l’espee embroiant, Devant le coute li va le braz trenchant, A terre chiet li escu maintenant : Or n’a c’un braz l’amiral Brunamant ! De la destresce va si fort chancelant Poi s’en failli ne chiet del auferrant.
ENFANCES
RENIER
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Brunamon voit n’i garira noient :
12364 En fuïe tourne por lui metre a garant Vers Loquiferne, la cité bien seant. Gyres remest, nel va pas enchauçant ; [fol. 123 r. b.] Navré estoit, moult va de sanc perdant.
12368
12372
12376
Es vous Tierri, son escuier, brochant ;
Gyres demande com li est couvenant. Gyres li dist : « Il me va malement ! Ge sui navré el cors parfondement. » À ces paroles es vous Renier bruiant. Quant voit son mestre navré sifaitement, Il ot paour que il ne voist mourant. As trés l’en fist mener isnelement Bender ses plaies a .I. mire sachant, Puis se refiert en l’estour vivement.
[CDLVIII] Grant fu l’estour et le cri enforça. Le roy Grebuedes le bon cheval brocha, 12380 Brandist la hante et l’escu embraça ; Le roy Morgaire en sa voie encontra, Sus son escu si grant cop li dona Les ais peçoie et li tainz en vola 12384 Et le hauberc li ront et desmailla ; Par mi le cors sa lance li guïa,
12388
Mort le trebuche, « Ysle ! » haut escriïa. Et Murgalet moult bien s’i esprouva, Mes sus touz autres Renier bien s’i aida ; En mi sa voie .I. Conmain encontra : Une grant mace en ses .II. mains porta.
12378.
Brant, corr. C ; encore une bévue de l'enlumineur.
ENFANCES
662
RENIER
Renier la voit, forment la goulousa. 12392 De li s’aprouche, :IL. tel cop li dona Du brant d’acier, qui durement trencha, La destre espaulle au Sarrazin copa, En mi le pré sa mace li vola. 12396 Renier i queurt, a .Il. poinz la leva ; De la maçue tant de paiens tua Le plus hardi devant lui fuiant va ; Vers Loquiferne no gent les recula. 12400 Voit le Butor, a poi qu’il n’esraja ; Par grant aïr son grant maill entesa, En la grant presse de nos genz s’adreça ; Par mi son hiaume .I. François feru a,
12404
Dusqu’en l’arçon le froisse et esmïia Et le cheval ens el pré craventa, Puis fiert .I. autre, si que tout l’esmia,
12408
Testes, costez a nos barons brisa : Plus de .XTIII. en occist et tua, Devant lui fuient, les rens aclaroia. « Diex, dist Renier, quel deable ci a ! [fol. 123 v. a.] Se il vit longues, malement nous ira !
12412 Mes, par celui qui le mont estora, Miex veull mourir que ge n’essaie ja Se ceste mace point grever le porra. » A ces paroles vers Butor s’adreça,
12416 Renier le fiert quant de lui s’aprocha ; Sus les .IT. bras si grant cop li dona Que le maillet hors des poinz li vola, Mes le paien por ce ne s’esmaia. 12420 A son baudré .I. grant fauxart pris a, Vers le vallet moult ruiste cop geta ; Renier guenchist, que pas ne l’assena. Butor s’escrie : « Glous, n’i guerirez ja !
ENFANCES
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12424 Quant serez mort, par Mahom, qui fet m’a, Le remenant moult petit durera. » Quant Renier ot que cil le ramposna, De duel et d’ire tout le cors li mua.
12428
12432
12436
12440
[CDLIX] Souz Loquiferne fu moult grant l’estourmie. Bien s’i prouva Renier chiere hardie : La mace entoise, contremont l’a haucie, Butor feri .I. cop par arramie Par mi la teste, qu’il ot grosse et fournie, Que le chapel li deront et esmie, Mes le Turc ot vestue une cuirie Qui de la mort li a fet garandie. Le glot chancele, s’ot la teste estourdie,
De la detresce brait durement et crie. A la bataille vint la gent paienie, Renier assaillent que ne l’espernent mie, En .XXX. liex ont sa broigne empirie, Mes le vallet ne les prise une alye. De la grant mace en tout a maint la vie,
12444
Mes tant y ot de cele gent haïe Que ja tournast a Renier a folie S’il ne criast « Venice ! » la garnie. Gyre, son mestre, a la vois entr’oïe ;
12448
12440. 12446.
Cele part vint a moult grant compaignie, Dont fu la noise du tout reconmencie. La veïssiez mainte teste trenchie ! Muerent paiens, la pute gent haïe !
broignie, corr. Mt ; faute par anticipation d'empirie. voie, corr. C.
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ENFANCES
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RENIER
[CDLX] Gra[nt] fu la noise, le cri et la huee.
12452 Renier li preuz a « Venice ! » criee, Le roy Grebuedes « Ysle ! » la renonmee, Dont fu no genz auques resvigouree ; [fol. 123 v. b.] Es paiens fierent touz a une hiee, 12456 Plus de .V." en firent la verssee. Turc resortirent qu’il n’i orent duree. Devant la vile a la plus mestre entree Reconmencierent fierement la meslee. 12460 Quant Butor voit sa gent qu’est reculee, .. cor sona par si grant aïree Plus d’une lieue en est la vois alee. En la cité fu la gent aprestee,
12464 De la vile ist l’ariereban armee, Bien sont .XX. mile, n’i a cil n’ait plomee Ou dart trenchant, javelot ou espee, Ou arc de cor por traire a la volee. 12468 La fu no gent durement agrevee. Es vous Butor courant de randonee, Le maill entoise dont la mace iert bendee Et fiert Grebuedes par moult grant aïree ; 12472 Par mi son hiaume li a tele donee Tout estourdi l’abati en la pree. Ja l’eüst mort sanz plus de demouree Quant y sourvint Renier chiere membrele].
12451. 12470. 12475.
Gra, corr. C.
La maill, corr. C ; faute par anticipation de la mace. membre, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES RENIER
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[CDLXI] 12476 Grant fu l’estour et la bataille dure. De Loquiferne issi la gent tafure. Renier le preuz grant ahan y endure ; Sus paiens fie[r]t, la pute gent oscure. 12480 Maugré qu’en aient li felon plain d’ordure, Ont remonté le roy, dont ont grant cure.
[CDLXII] Grant fu la noise sus mer enz en l’erbage : Renier li preuz a l’aduré courage 12484 Fiert sus paiens, moult leur fet grant damage ; Tant en ocist devant lui el preage Que touz li fuient con fust gryphon volage. Tant combatirent que la nuit vint ombrage ; 12488 Noz genz reperent as trés por herberjage Et paiens entrent en la grant cité large ; Devant la sale desouz .I. pin ombrage Sont descenduz li roy et li aufage. 12492 Butor desarment sus .I. drap de Quartage. [CDLXIII] Devant la sale ont desarmé le roy. Es vous atant Brunamon le Perssoy ; Quant voit Butor, si li crie en sa loy : 12496
« Sire, dist il, por Mahomet vous proi,
Se il vous plest, aiez merci de moi !
12500
Se ne m’aidiez, certainement le croi, [fol. 124 r. a.] Ne tendrai mes de ma terre plain doi. Afolé sui, dont j’ai au cuer ennoi,
12479.
fiet, corr. C.
666
ENFANCES RENIER
Del braz senestre ne sa se g’en garrai. » Butor l’entent, si li tourne a ennoi :
«Par Mahomet, dist il, en cui ge croi, 12504 Brunamon, sire, sachiez ce poise moi. »
12508
[CDLXIV] Moult fu Butor courociez et irez De Brunamon, qui estoit afolez. Adont conmande li paien deffaez Que Maillefer li soit tost amenez : Enz u despit de François li desvez lert esrament pendu et traïnez ! Cils li amainent de cui il iert gardez ;
12512
Entour son col ot .I. quarkan getez Et les .II. poinz avoit estroit nouez. Butor l’apele, le fort roy redoutez : « Cuvert bastart, conment fus si osez
12516
12520
Que Mahomet fu par toi adossez Et Tervagan, le franc dieu honorez ? D'or et d’argent e[s]t tout fet et fourmez ! Par toi èst mort mes riches parentez, Le roy Tiebaut et le roy Desramez. Por le meffet serez ja encrouez,
A unes fourches pendu et traïnez. » Dist Maillefer : « Sarrazin, vous mentez
12524
12528
Se estiez tant hardi ne osez Que feïssiez ce que dire m'’orrez, Dont serïez hardi et renonmez ! » Et dist Butor : « Bien serez escoutez. Prisonier estes, si direz touz vos grez. »
12518.
et tout fet ; faute par anticipation de et.
!
ENFANCES
RENIER
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[CDELXV] Dist Maillefer : « Or me lessiez parler : S’en vostre force vous osiez tant fier Que cele porte feïssiez desfremer, 12532 Puis feïssiez unes fourches lever, Au pié du pont bien fere et charpenter, Il n’a ceenz Sarrazin ne Escler Nul tant hardi qui m’i osast mener 12536 Ne vous meïsmes, nel vous quier ja celer, N'1 oseriez ne venir ne aler. » Butor l’entent, le sens cuidc desver ; Mahomet jure conment qu’il doie [aler] 12540 Que 1il fera les fourches charpenter Dehors la vile por François despiter : Sus .I. haut tertre la les fera lever Qu'en les verra de .XX. lieues en mer. [fol. 124 r. b.] 12544
Brunamon l’ot, si conmence a parler :
12548
« Sire Butor, ja nel vous quier celer, S’ainsi le fetes com vous oy deviser, Bien vous porra a damage tourner. » Et dist Butor : « Conment porrai ouvrer ? »
12552
12556
12539.
Dist Brunamon : « Ja le m’orrez conter. Se vous voulez par mon conseill errer, Fetes errant Maillefer decoper Et puis en fetes le cors la hors geter Que cis de l’ost le puissent esgarder ; Dont les verrez si fort espoenter Touz s’en fuiront, n’oseront demourer. Et quant verrons le leur ost destraver, La hors istrons por els desbareter. »
Le dernier mot du vers manque, corr. C.
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ENFANCES RENIER
Et dist Butor : « Bien m’i veull acorder ! » Quant Maillefer ot de sa mort parler, 12560 Que chescun juge c’on le voist labiter, S’il ot paour, ne fet a demander
12564
!
Ja l’eüst fet roy Butor descipler Ne fust .I. Turc qui moult fist a loer : Roy Malaquin, ainssi l’oÿ nonmer, Devant Butor s’en est venu ester. [CDEX VI] Roy Malaquin parla premierement :
12568
« Sire Butor, entendez mon semblant : Ne fetes mie le consseill Brunamant,
Bien vous dirai por quoi l’irez lessant. Li crestïen sont hardi combatant, Avoec els ont .I. damoisel vaillant ;
12572
Ja tant qu’il vive ne s’iront esmaiant. Or vous dirai selonc mon escïant
Conment irons ceste guerre finant Et no païs tout en pes retenant.
[CDEXVII] 12576
Sire Butor, dist Malaquin le ber,
Bien vous dirai conment porrez ouvrer Et vo païs fere em pes demourer. Roy Maillefer en lesserez aler 12580 Par tel couvent que m’orrez deviser : Se il vous veut plevir et creanter Que touz ses homes fera la mer passer Ne ja mes jour ne vous vendra grever, 12584 Quite tenroiz Loquiferne sus mer Et il s’en voist le sien païs garder. »
Et dist Butor : « Bien m’i veull acorder !
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RENIER
Se ce veut fere, ge le lairai aler. »
[CDLXVIII] 12588
12592
12596
12600
Roy Maillefer a Butor apelé, [fol. 124 v. a.] Tout cel afere li a dit et conté. Dist Maillefer : « Ja ainssi n’iert greé ! La terre claime dont vous estes chasé, Droit hoir en sui de par roy Desramé ! Mess, se voulez ouvrer par loiauté, Prisonnier sui, si dirai mon penssé Que moi ct vous soions andoi armé ; Se vous puis fere recreant et maté,
Je doi tenir Loquiferne a mon gré Dusqu’en Baudune la terre et l’erité. Enssement fu l’autre jour devisé Quant de vos homes fui pris par fauxeté Del roy Corbon, qui son temps a finé. »
[CDLXIX] Roy Maillefer savoit moult bel parler ;
12604
12608
12612
Le roy Butor em prist a apeler : « Sire, dist il, nel vous quier a celer : N'afiert a roy qui veut en pris monter Qu'il soit traïtre ne se veulle mesler. A tour Baudune me feïstes mener Et en vo chartre trebuchier et geter, Toutes ces choses vous veull je pardoner, Si me lessiez en tel maniere aler Dusqu’a ma gent puis me ferai armer. Se Mahomet vous veut force doner Que me puissiez en .I. champ conquester, Toute no gent ferai la mer passer ; À Morimont m'en voudrai droit aler,
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ENFANCES
RENIER
12616 As plus vaillans vous ferai creanter Ja mes deça ne vendront a pensser Por vostre terre empirier ne grever. Et, se ge puis le vo cors conquester, Il vous couvient la Rouge Mer passer Et ge tendrai Loquiferne sus mer. » Dont dist Butor : « Bien m’i veull acorder. Miex vient la guerre par nous .Il. a finer 12624 Que tant de guerre en feïssons tuer. »
12620
[CDLXX] Quant Brunamon la parole escouta Que Maillefer de la prison istra, Le roy Butor aler le lessera,
12628
Lors ot tel duel qu’a poi qu’il n’esraja. Ou voit Butor, hautement dit li a : « Sire, dist il, grant folie sera
Se Maillefer telement s’en reva ! 12632
Pris le tenons, or nous eschapera. [fol. 124 v. b.]
Se m'en creez, la teste perdera. » Dist Maillefer : « Couardise sera ! Puis qu'il l’a dit, ja ne s’en desdira. 12636 Se prison muir, poi d’onneur y avra, Ja mes haut hom riens ne le prisera. » Et dist Butor ja autrement n’ira Quar a sa gent conduire le fera. 12640 .VIIT. jours entiers les trieves creanta ; Navré estoit, resaner se voudra.
12628. duel est écrit en bout de ligne ; une autre main a suscrit duel entre tel et qu’a.
ENFANCES RENIER
[CDLXXI] Le roy Butor a errant conmandé C’om delivrast Maillefer le membré 12644 En autel point qu’il vint en la cité Aprés paiens par sa grant foleté. Et cil si font cui il l’a conmandé : Toutes ses armes li a l’en delivré 12648 Et Maillefer a son cors conrreé ; Le grant quarkan li ont du col osté Et le vassall a son cors conrreé. Le roy Butor li a conduit livré 12652 .XX. Sarrazins, qui l’ont as trés mené ; Chescun portoit .I. torssis embrasé. Les escharguetes qui no gent ont gardé La clarté voient, s’en sont touz esfreé 12656 Pour ce qu’il virent roy Maillefer armé. Bien cuident estre traïs et engané Fors seul Renier au courage aduré. 12660
Cele part vint, si leur a escrié : « Seigneurs, qui estes ? ne doit estre celé ! »
Maillefer l’ot, s’a premerain parlé : « Seigneurs, dist il, bien vous sera conté : Maillefer sui, que Diex a visité :
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12668
De grant perill a le mien cors osté. » Renier l’entent, s’a grant joie mené. Isnelement a son pere acolé, Onc n’arresterent jusques au mestre tré. Le roy Grebuedes ont ilueques trouvé, Qui pour Renier ot grant joie mené, Mes, quant il ot Maillefer avisé,
N'’ot mes tel joie en trestout son aé. . 12672
Contre lui queurt, si li a demandé : « Biau filz, dist il, conment avez ouvré ?
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En quel maniere estes vous eschapé Atout vos. armes sanz VO Cors empiré ? » 12676 Dist Maillefer : « Jhesu m'a visité ! [fol. 125 r. a.] Le roy Butor, qui garde la cité, Par .I. couvent a mon cors delivré : Nous devons estre moi et lui tost armé 12680 Dedenz .I. champ arami et juré. S'il me puet fere recreant et maté, Lessier li doi en pes tout son regné, Ne doivent estre ja mes par nous grevé.
[CDLXXII) 12684 L'autre parture vous voudrai deviser : Se Dieu de gloire me veut force doner Que ge peüsse roy Butor conquester, De Loquiferne s’en doit fuiant aler, 12688 Touz ses paiens li en covient mener En Babiloyne, la Rouge Mer passer ; Tout cest païs me doit quite clamer. .VIIL. jours entiers m'a fet trieves doner 12692 Pour son cors fere guerir et meciner : Un petitet fu navré au chapler. » Dist Renier : « Sire, bien me veull acorder A ceste chose que vous oy deviser 12696 Par .I. couvent que vous m'orrez conter, Que ge voudrai pour vous el champ entrer, Vers le paien la bataille achever, Se ce ne fetes, ja nel vous quier celer, 12700 Congié prendrai, si m'en verrez aler, Jusqu’a .VII. anz ne veull mes retourner, » Dist Maillefer : « Damoisiax, moult es ber ! Vo volenté ne quier ja refuser, 12704 Mes a Butor nous le ferons mander,
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S'il ne l’otroie, n’en couvient plus parler
12708
Quar ne voudroie ma loiauté fausser. » Roy Maillefer, qui fu gentil et ber, Les .XX. paiens fist moult bien atourner, A chescun fist cote et mantel doner
Et si leur proie son message a conter.
12712
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[CDLXXIIT] Les .XX. paiens sont moult bien atourné. A Maillefer ont plevi et juré Qu’au roy Butor diront sa volenté. À ces paroles ont congié demandé, Roy Maillefer leur a tantost doné. Cils s’en tournerent, si sont acheminé,
En Loquiferne sont par la porte entré, Au roy Butor en sont touz .XX. alé,
12720
Tout le message li ont bien devisé Que Maillefer leur avoit conmandé. [fol. 125 r. b.] Et dist Butor : « Il me vient bien a gré ! Ja pour .IL. homes ne ferai lascheté,
L'un aprés l’autre ierent mort et tué.
12724
12728
Or sai ge bien que il m’ont redouté,
Mort sont François et no regne aquité. » Le roy Butor a Maillefer mandé De la bataille fera tout a son gré Quant li .VIITL. jours seront outre passé. Dist Maillefer : « Ainssi soit creanté ! »
[CDLXXIV] Quant la bataille fu ainssi fiancie,
12705.
sil si otroie, corr. Mt ; faute par réminiscence de s’il.
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Renier li preuz a la chiere hardie 12732 Gyres, son mestre,-apela, si li prie : « Sire, dist il, por Dieu, le filz Marie, Moult sui dolens, ne sai que je vous die De la pucele qui ainssi fu ravie,
12736 La bele Ydoine, qui tant est enseignie. Trieves avons .VIIL. jours par foy plevie. Je veull savoir, soit ou sens ou folie, Ou m’amie est a cui mon cuer s’otrie. »
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[CDLXXV] Dist Renier : « Mestre, ja mes joie n’avrai Jusques atant que verité savrai De la pucele dont au cuer ai esmai. » Dist Gombert : « Sire, tres bien le vous dirai Et, s’il vous plest, ne vous en mentirai,
Ainz demain vespre mené vous y avrai. » Et dist Renier : « Bon gré vous en savrai Par .I. couvent que je vous conterai : Sus Tabardin ja mes ne monterai Ne ja mes jour veoir ne le voudrai. »
[CDELXX VI] Dist Gombers : « Sire, or oiez ma penssee, Bien sai quel part Ydoine en est menee : 12752 En sa prison l’a .I. Turc enfremee Par ce que ele n’est a son bon tournée. Mahomet jure, ou a mis sa penssee, Que la pucele iert a honte livree 12756 S’ele ne fet tout ce que li agree. Ainz que la bele soit de leenz ostee, I averez mainte paine enduree ! Mes, s’il vous plest, tost l’avrai delivree,
RENIER
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12760
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12768
12772
Par ingromance sera la tour verssee, Tost l’avera Tabardin craventee. » Et dist Renier : « Frans bons chiere membree, N'’en parlez plus, pour la vertu nonmee ! Je douteroie, par la Virge honouree, [fol. 125 v. a.]
Que la pucele n’en fust espouentee Et par paour mal mise et empiree. Miex ameroie, par la crois aouree Ou Jhesu ot sa digne char cloee, Que par proesce puist estre delivree. » Et dist Grymbers : « Aiïnz iert chier achetee ! Ja n’en sera a sauveté ostee Se n’est par moi, a cui qu’il desagree. »
[CDLXX VII] Renier li preuz Maillefer apela, Et le roy d’Isle en cui il se fïa : 12776
« Seigneurs, dist il, aler me covendra A .I. chastel ou Gombers m’en menra ; La est Ydoine, qui tant de biens fet m'a.
S’il plest a Dieu, delivree sera ! Tenez le siege tant que le jor venra, 12780 Ainz les .VIIL. jours revenrons a vous ça. » Dist Maillefer : « À vo conmant sera ! Droon de Grece aveques vous ira, Gyres le preuz, qui moult de bonté a, 12784 Et tant des autres menez qu’il vous plera Et, se besoig vous croist quant venroiz la,
Par .I. message le nous mandez deça. »
[CDLXX VII] Renier li preuz a sa chose hastee ;
12788
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Por la pucele iert en moult grant penssee
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Conment il l’ait de la prison ostee. Aprester fet de sa-gent plus loee Jusqu’a .V. mile de moult grant renonmee, 12792 Drues de Gresce a l’enseigne portee, Grymbert les maine, qui bien set la contree. Vers une tour ont leur voie tornee, Roche Foraine, ainssi iert apelee. 12796 Haute iert de pierre bien fete et manouvree, Li fossé large et basse la terree ; Moult y avoit biau lieu et bele entree. Li paicn icrt en la sale pavec 12800 Qui la pucele ot em prison getee. Au matinet l’ot devant lui mandee : Parler voudra a li en recelee Savoir se ja se seroit apenssee.
[CDLXXIX]) Le Sarrazin fu moult desmesurez ; Roy Salabrun, ainssi fu apelez. Au matinet, quant il se fu levez, A son chartrier a dit : « Avant venez, 12808 Amenez moi cele que vous tenez, [fol. 125 v. b.] Qui par folie a nos diex adossez. S’ele ne fet touz nos bons et nos grez, Son cors sera a douleur tormentez. » 12812 Celui l’amaine qui fel iert et cruez. Roy Salabrun li dist : « Avant passez, Garce mauvese, mauvés conseill avez : A I. bastart c’on ne set dont est nez 12816 Est ore si du tout vo cuer donez ! Se voulez fere ce que dire m'orrez Qu’a Mahomet soit vo cuer retournez, Je vous prendrai, s’iere vos avouez,
12804
ENFANCES RENIER
12820
De .IIL. royaumes iert vo chief coronnez. Se ce ne fetes, a douleur languirez. — Glouz, dist Ydoine, ja a ce ne venrez, Ja de mon cors voz volentez n’avrez ! 12824 Mieus aim mourir a duel et a viltez Que Jhesu Crist soit par moi adossez. » Dist Salabrun : « Hé, vous le comperrez ! » IL. sers apele de mal fere aprestez : 12828 « Or tost, dist il, cele fole prenez, De grans vrejanz devant moi la batez Tant que li sanc li queure des costez ! En la grant chartre aprés la regetez. » 12832 Et cils respondent : « Si con vous conmandez ! » Ydoine prenent environ et en lez,
Fors la chemise li ont les dras ostez. De granz vrejanz lons et durs et ramez 12836 L'’ont tant batue que chescun fu lassez ; En .XXX. liex fu son cors entamez Si que le sanc en est aval coulez Et cele pleure, si a granz cris getez : 12840
« Diex, dist Ydoine, et quar me secourez ! Sainte Marie, dame de Trinitez,
De ceste lasse hui vous pre[n]ge pitez ! Miex me venist mon cors fust embrasez,
12844 Ci languirai a duel et a grietez. Ahi ! Renier, quant vous le saverez, Bien sai le cuer moult dolent en avrez ! » 12848
Quant Salabruns a ces moz escoutez, A ses sers dist : « Cele fole m’ostez ! Tant a de mals soufers et endurez
12842.
prege, corr. C.
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C’est grant merveille que son cors n’est finez ! En la grant chartre au fonz la regetez,
12852
Mengier ne boire noient ne li donnez. [fol. 126 r. a.]
Tant li ferai d’ennuy et de grietez Que par destresce fera mes volentez. — Voir, dist Ydoine, traïtre, vous mentez
12856
!
Diex vous confonde quant vous plus me gardez ! Mielz veull mourir qu’en prison me tenez. » [CDLXXX] Roy Salabrun, cui Diex otroit tourment,
Fist la pucele mener moult ledement 12860 En sa grant chartre ou ne veoit noient. Ydoine pleure, qui moult grant dolor sent, De bon courage reclaime bonement Le vrai cors Dieu et sa mere enssement. 12864 Or vous dirons, s’il vous vient a talent, Conment Renier au courage vaillant Osta s’amie de la chartre pesant Par le grant sens dont Gombert avoit tant. 12868 Tant ont alé vax et mons chevauchant, Roche Foraine ont alé avisant.
Renier parla a loy d’ome sachant,
12872
Gombers apele, si li va demandant Se c’est la tour, que tant vont desirant,
Ou la bele est qui tant a d’escïant, Dist Grymbert : « Sire, c’est ele voirement ! — Diex ! dist Renier, conment irons faisant
12876 Por miex ravoir Ydoine sauvement ? » Et dist Gyres : « Or oiez mon semblant : La tour irons entour avironnant Que ne s’en voisent ceus de leenz fuiant,
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12880
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Puis assaillons et fort] et asprement ; Touz serons morz li glouton soudïant, La tour brisie s’il ne la vont rendant. »
[CDLXXXI] 12884
12888
12892
Dist Renier : « Mestre, je vous doi moult amer Quar moult savez de bons co[n]ssaus donner. »
Lors font la tour moult bien avironner, Toute leur gent rengier et ordener Por assaillir a la tour et geter. Roy Salabruns vet par matin monter En sa grant tour as estres acouter Quant voit no gent, dont ne sot que pensser. Es .I. paien qui conmence a crier : « Salabrun, sire, fetes moi escouter !
Bien vous poez ci trop asseürer : La dehors a venu .I. bacheler,
Crestien est et moult fet a douter ! 12896
C’est le vallet, nel vous quier a celer, [fol. 126 r. b.]
Qu’avez oÿ Ydoine regreter. Ci sont venus por li desprisonner ; Dedenz .VIIL. jours les covient retorner, 12900 Au roy Butor doit en .I. champ chapler Seul cors a cors, si l’oÿ deviser. » Dist Salabrun : « Poi porront conquester, Ja por .VIIL. jours ne nous porront grever ; 12904 Forte est la tour, bien nous porrons tensser. » Lors conmanda toute sa gent armer, Pour bien desfendre sus as creniax monter.
12880. 12884.
for, corr. C. cossaus, corr. C.
680
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Bien sont .IIL. mile qui les vousist nombrer. 12908
Quant noz barons voient Turc aprester,
Dont font l’assault isnelement corner. Devant la porte c’on avoit fet fremer La vint Renier d’un grant fauxart fraper ; 12912 Fiert a la barre si qu’il la fist coper, Mes ne li vaut quar n’i porra entrer Quar cils deseure li alerent veer, Merrien et pierres ont fet aval geter. 12916 Roy Salabruns conmença a crier : « Filz a putain, Mahom vous puist grever ! Ja por assault ne me verrez armer. » Quant Renier ot si le paien crier,
12920
Il l’apela quar moult sot bel parler.
[CDLXXXII] Renier fu sage, n’ot en lui qu’enseignier ;
12924
Quant il oÿ le paien si noisier, Un petitet fist sa gent trere arrier, Puis apela le paien sanz tencier : « Sarrazin, frere, dist Renier le guerrier,
Se voulez fere ce que m'’orrez noncier, Vous n’avroiz garde de vo tour empirier. 12928 — Que demandez ? » dist Salabrun le fier. Et dist Renier : « Ja le m’orrez noncier : Je veull ravoir la pucele au vis fier Saine et hetie sanz son cors empirier. 12932 Se ce ne fetes, si me puist Diex aidier, Ainz demain vespre, cui qu’il doie ennoier, Verrez vo porte a terre trebuchier ;
12915.
Merrier, corr. C.
RENIER
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Se ge vous puis adont prendre et baillier, 12936 Je vous pendré con .I. larron fossier. » Dist Salabrun : « Trop savez bel pledier ! Ge ne vous doute vaillissant .I. denier. » Quant Renier l’ot, n’i ot que couroucier, 12940 Dont commença l’assaut a enforcier. [fol. 126 v. a.]
12944
[CDLXXXIIT] Roche Foraine fu moult bien compassee, Haut sont li mur et roiste la montee, De bise pierre iert la tour maçonnee. .L roy la garde qui iert de grant posnee, C’iert Salabrun, qui ait courte duree !
12948
12952
12956
Cil tint Ydoine en sa chartre enfremee Pour cui Renier a la chiere membree Ot tante paine souferte et enduree. Devant la porte fu moult grant l’asemblee, Li archier traient des quarriax a volee, Gent sarrazine ont moult morte et tuee Qui as creniax estoit lassus montee.
[CDLXXXIV] Quant Salabrun voit ses paiens mourir, Lors ot tel duel du sens cuida issir. Sa gent escrie por els miex esbaudir, Dont veïst l’en les aleours garnir, Merrien et pierres desus les noz jalir ; Plus de .L. en font paiens mourir ! Voit le Renier, n’ot en lui que marrir.
12938. Le ms donne i. d’. 12940. Le a de a enforcier est suscrit.
ENFANCES
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RENIER
12960 Jusques a vespre ne fina d’assaillir, Mes il ne pot la porte desconfir. [CDLXXXV] Le jour trespasse et la nuit aproucha, L'assaut remest qui longuement dura. 12964 Renier li preuz et sa gent se loja Devant la porte et moult bien la garda ; Et Drius de Gresce la posterne gaita. Moult se demente Renier et doulousa, 12968 Grymbers le lerre bien le confortera : « Sire, dist il, ne vous esmaiez ja,
Li Sarrazin a vous ne durera, Par mes argus bien justicié sera
12972
Et la grant porte a terre verssera Au premier cop quant Tabardin venra. » Quant Renier ot que cil ainssi parla, Damedieu jure plus ne li desfendra,
12976 De tout son sens ouvrer li conmanda, A l’endemain mes tant atendera. Et Gombers dist volentiers le fera. Or vous dirai, qui bien escoutera, 12980 De Salabrun conment il esploita : Bien fist guetier quant la nuit aprocha ; Par devant lui la pucele manda,
Cil li amaine a cui le conmanda. 12984 Roy Salabrun hautement l’apela [fol. 126 v. b.] Et li demande se son vouloir fera. . Ydoine dist que ja nel penssera, Ja mes a jour Mahom n’aourera ;
12988
Se pour Dieu muert, s’ame sauve sera.
Salabrun dist que chier le comperra ; Batre la fist et moult la ledenja,
ENFANCES
RENIER
Et cele pleure et moult granz cris geta : « Traïtre lerre ! la pucele dit a. Je ne menjai tres yer qu’il ajourna. » Salabrun dist qu’encore pis avra S’ele ne fet tout ce qui li plera ; 12996 Et la pucele dist ançois y mourra. Tant l’ont batue ceuls qui estoient la Que la pucele .IIIT. fois se pasma Et, quant revint, forment se doulousa, 13000 De vrai courage Jhesu Crist reclama Qu'il la sequeure si com mestier en a. Le Sarrazin aporter li rouva Un seul pain d’orge dont ele mengera, 13004 De l’eaue avoec dont ele bevera : Autre refrait, ce dist, ja mes n’avra Jusqu’a cele heure que son conmant fera.
12992
Mes, se Dieu plest, li lerres mentira :
13008
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S’ele puet vivre tant qu’il ajournera, Gombers li lerres .I. tel karmin fera Que la pucele de la prison traira. Roy Salabrun, qui onques Dieu n’ama, Devant Ydoine il et sa gent soupa ; Vin et viandes asez as tables a,
Mes il n’i ot celui qui li dona, Vin ne pyment cele nuit n’essaia ! 13016 Du pain menjüe ou la paille trouva Et but de l’eaue, de riens plus n’i gousta Quar la grant fain si forment l’argüa. Quant ot mengié, le Sarrazin rouva,
13020 En la grant chartre metre la conmanda. Or vous dirai conment Grymbert ouvra : Touz ses karmins et ses sors atira, Onques la nuit nul point il n’en ouvra
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13024
13028
ENFANCES RENIER
Quar enssement Renier li conmanda. La nuit trespasse et le jour aproucha Et Salabrun ses paiens apela ; De bien deffendre durement leur proia Et cil respondent que mar s’en doutera : [fol. 127 r. a.] Forte est la tour, bien gardee sera.
Mes leur deffensse moult petit leur vaudra Quant Tabardin sa force mousterra !
13032
[CDLXXX VI] La nuit trespasse, si vint la matinee. Renier li preuz a la chiere membree A conmandé que sa gent soit armee. Es [vous] Grymbers courant de randonnee ;
13036
Renier li prie pour la vertu nonmee Æ karmin face s’il li plaist et agree Par quoi s’amie puist estre delivree. Et dist Grymbert : « Si iert con vous agree. » 13040 Devant la porte a la plus mestre entree, La vint no gent garnie et aprestee Quar d’assaillir estoit entalentee.
13044
Grymbers leur proie .I. petit soit cessee. I. karmin fist de si grant renonmee Si tost qu’il ot sa parole finee, Vint Tabardin courant de randonnee.
[CDLXXXVII] Moult fu Grymbers sages et apenssez, 13048
D'’art d’ingromance estoit bien doctrinez ;
Un karmin fist qui moult est redoutez :
13035.
Es grymbers, corr. C.
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Si tost qu’il ot les quatre moz parlez, Vint Tabardin courant tout abrievez. 13052 Or escoutez conment il s’est moustrez : Le cors ot grant conme cheval fourmez, Teste ot de buef, devant fu encornez, Et les yex rouges con charbon embrasez ; 13056 Noir conme meure, si ot les piez fourmez A la maniere d’un grant lÿon patez ; Les ongles ot trenchanz et afilez. Nos genz le voient, es les vous effreez, 13060 Mes le bon lerre les a reconfortez. A Tabardin a dit : « Or vous hastez,
Fetes errant, cele porte abatez En tel maniere que noz gens ne grevez. » 13064
Tabardin l’ot, atant s’en est tournez,
13068
Plus tost s’en queurt que foudre ne orez ; De tel vertu a la porte est hurtez Les huis peçoient, les verrois a froez. Enquor n’est mie a tant fere cessez : En la maniere d’un corbon s’est muez,
Noir et hideus, mes plus fu grant d’assez. En contremont en volant est montez,
13072
13076
El mestre comble de la porte est entrez. [fol. 127 r. b.] Ainz c’om puist dire : « Messagier, dont venez ? », Ot les tourneles ruees es fossez, Touz ceuls dedenz a ocis et tuez. Paien nel voit n’en soit espoentez, Dist l’un a l’autre : « Ci conversse malfez ! » Le plus hardi est en fuïe tournez,
Dusqu’a la tour n’en est nul arrestez. 13080 Roy Salabrun iert par matin levez, Es vous .L. Turc qui s’est haut escriez : « Sire, dist il, mal nous est encontrez !
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ENFANCES
RENIER
Veez conment vous estes enganez, 13084 De la grant porte est le comble verssez ! — Qui a ce fet ? dist le Turc deffaez. — Nous ne savons, sire, dist uns Esclersz.
Hui n’i veïsmes assault qui fust criesz. » Dist Salabruns : « Or sui trop vilanez ! Fetes errant et tost vous adoubez Et asprement et bien vous desfendez. » Et cis respondent : « Si con vous conmandez ! » 13092 Or vous dirai de nos barons membrez : Grymbers conmande par karmins conjurez 13088
À Tabardin que tost s’en soit ralez ;
Quant cil entent qu’il estoit conjurez, 13096 Ne pot plus estre la endroit demourez. Quant Renier voit li tempest fu passez, Dieu en gracie, qui en crois fu penez. De la grant porte voit les huis deffroez ; 13100 Sa gent escrie : « Barons, or vous hastez ! Prise iert la tour se bien vous i provez. » Et cils respondent : « Onques ne vous doutez Quar, se Dieu plest, le Roy de majestez, 13104 Tant en ferons que gré nous en sarez ! » A ces paroles, es les vous aroutez ; Devant li autre fu Grymbert tout armez, Renier lez lui et son mestre Gyrez, 13108 Droon de Gresce et Tyerri le senez. La porte passent et les baus treverssez. Devant la sale fu li assaut criez,
13112
Eschieles prennent dont troverent assez. Renier li preuz en est a l’uis alez,
13109.
bans.
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D'un bon fauxart i fiert tout entesez,
Mes trop iert fort et d’acier bien bendez. Quant voit par la n’i puet pas estre entrez,
13116 Vint as eschiele, si est amont montez. [fol mM27 v. a.] Et ceuls dedenz leur getent a tous lez Merrien et pierres et granz piez esquarrez, Tables et trestres n’i sont pas refusez, 13120 Lancent de glaives et d’espiez nouelez ; Moult ont des nostres abatuz et navrez. Voit le Renier, moult en fu aïrez ; Onqucs pour cop que sus lui fust rucz 13124 Ne descendi, mes touz dis est rampez, Jusqu’as fenestres ne s’est point arrestez. Ja fust errant enz en la sale entrez Quant Salabrun li est encontre alez ;
13128
Tint une hache dont l’acier fu temprez. Renier feri qu’il ne s’en est gardez, Le hiaume trenche qui d’or estoit cerclez,
Mes le chapel qui desouz iert posez 13132 D’acier estoit bon et dur et serrez, Ce le gueri que il ne fu navrez ; De ce grant cop fu si forment grevez Que poi s’en faut qu’il n’est aval alez, 13136 Mes il s’apensse trop seroit grant vieutez Se por .I. cop estoit cheü pasmez. De grant aïr fu forment eschaufez ; En la fenestre est par vertu entrez,
13140 Le fauxart hauce de ferir aprestez, Vers Salabrun en vint tout entesez, Mes au devant s’est .I. paien boutez, Il fist que fol ainssi con vous orrez,
13144 Miex li venist qu’il fust arriere alez ! Renier le fiert, qui fu moult aïrez,
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ENFANCES RENIER
Sus les espaulles li a le chief rasez,
13148 ;
Puis fiert as autres environ et en lez, En petit d’eure en ot .X. afinez. Grymbert li lerres est d’autre part entrez,
Isnelement en est a l’uis alez ; Ainz que paien s’en soit garde donez, 13152 A les verrois arriere desfremez,
L’uis ouvri sus, s’a no genz apelez. Droon de Grece i vint tout abrievez, Et Murgalet et Tyerri le senez, 13156 Et moult des autres que ge n’ai pas nonmez. En la sale entrent qui ainz ainz a tous lez Dont fu li chaples perilleus et mortez. Roy Salabrun s’est bien garde donnez 13160
13164
Que le damage estoit sus lui tournez : [fol. 127 v. b.] Tout quoiement s’en est fuiant alez,
Des noz ne fu perceü n’avisez. Diex le confonde, qui de Virge fu nez ! Par li sera li quens Bertran grevez.
[CDLXXX VII] Roche Foraine fu prise et conquestee. Roy Salabruns, qui ait courte duree, Tout quoiement s’en fuit a recelee 13168 Par la posterne, qui n’iert gueres hantee. Renier li preuz a la chiere membree A tant feru sus la gent mal senee Toute iert la sale des morz ensanglentee, 13172 Grymbert premier a la prison trouvee
Ou la pucele ot esté enfremee ; 13176
.L. petitet l’a a l’uis escoutee, Ydoine entent, qui moult s’est dementee, Et, quant l’oÿ, si l’a bien ravisee.
ENFANCES RENIER
13180
Il li escrie a moult haute alenee : « Bele, dist il, ne soiez esfreee, Secours avrez, soiez asseüree, Ja serez hors de la prison ostee ! — Diex, dist Ydoine, Roÿne couronnee,
Qui est li hom de cui sui apelee ? » 13184
13188
A ces paroles qu’ele s’est escrie[e], Es vous Renier courant de randonee. Quant voit Grymbert, s’a grant joie menee. Tost ont la chartre ouverte et desfremee, Ydoinc en trestrent, qui moult icrt mal mencc, Toute ot la char tainte et ensanglentee. Renier la voit, s’a la couleur muee Quant il la voit si tres mal atiree.
[CDLXXXIX] Renier li preus Ydoine resgarda,
13192
Bien voit et set moult de mal soufert a. La bele Ydoine doucement l’apela : « Sire, qui estes, por Dieu, qui tout fourma,
Qui ceste lasse hors de prison mise a ? »
13196 Dist Renier : « Bele, bien conté vous sèra, Vostre ami sui qui ne vous faudra ja ! »
13200
À ice mot son hiaume deslaça Et sa ventaille en contreval coula ; Ydoine esgarde, tantost le ravisa,
Andoi ses braz a son col li geta. Li un de l’autre grant joie demena. La bele Ydoine Renier arresonna :
13183.
escrie, corr. C ; faute par haplographie.
689
.
ENFANCES
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13204 « Amis, dist ele, pour Dieu, qui tout fourma, [fol. 128 r. a.]
Quant ce paien en ce bois m’amena, A mes puceles me toli et roba ; Mouit sui dolente, par Dieu, qui faite m’a,
13208 De ma mestresse ne sai conment li va. » Et dist Renier : « Ne vous en doutez ja,
A l’ost vo pere la lessai quant ving ça. » Cele l’entent, moult s’en asouaja.
[CDXC] La bele Ydoine a Renier apelé : « Damoisiax, sire, dites moi verité : Avez enquore en nul païs esté Ou vous aiez vostre pere trouvé 13216 Et vo lingnage ? Je l’ai moult desiré ! » Dist Renier : « Bele, foy que doi Damedé, Se Diex nous done sus paiens poesté
13212
Que eüssons le roy Butor maté,
13220
Roy Maillefer, qu’a vous ci amené, Et roy Grebuedes, qui moult a de bonté,
Et Florentine au gent cors honoré, Cele est la fame Maillefer le membré,
13224
Quant nous serons a grant joie assemblé, Adont dirai oiant touz mon secré. A Dieu rent graces, le roy de Trinité, Trover m'a fet auques ma volenté. » 13228 La bele l’ot, si li vint moult a gré.
[CDXCI] La bele Ydoine grant joie demena Quar bien penssoit que Renier trouvé a Le sien chier pere, a ce qu’ele escouta ;
ENFANCES
RENIER
13232
Or pensse bien qu'a moillier la prendra. Renier li preuz Ydoine aresonna Et les barons en cui moult se fia :
13236
Tout droit a l’ost, ne sai conment leur va. »
691
« Seigneurs, dist il, aler nous couvendra A ces paroles que Renier devisa,
Vint le bon lerre, qui le chartrier trouva Qui la pucele tant de fois batue a ; 13240 A Renier vint et si li delivra. La bele Ydoine trestout li raconta Conment li glouz le sien cors formena Et Renier jure que chier l’achetera, 13244 Devant la vile as fourches le pendra Et il si fist, pas menti ne l’en a.
13248
[CDXCII] Renier Li preuz a sa chose hastee Pour la bataille qu’il avoit creantee Contre Butor, qui iert plain de posnee. [fol. 128 r. b.] Roche Foraine ont praee et gastee, La grant richoise en ont no gent ostee, Le feu i boutent, si l’ont arsse et brullee,
13252
13256
Puis ont le voie moult durement hastee Droit vers leur tentes quar ainssi leur agree. Le roy Grebuedes a la chiere membree A la nouvele oÿe et escoutee ; Encontre va, molt grant joie a menee. A Maillefer mie ne desagree,
À l’encontrer fu la joie doublee. Renier leur a l’aventure contee 13260 Conment il ot la pucele trouvee : Tout par Grymbert l’a moult bien delivree, Par la science que Diex li a donnee.
692
ENFANCES
Tout parlant vindrent ou l’ost fu atravee.
13264
[CDXCIII] Renier li preuz, qui moult ot vasselage, Et Maillefer a l’aduré courage, Le roy Grebuedes, qui fu preudom et sage, Drues de Gresce, qui onc n’ama folage,
13268
Et le bon lerre qui moult set d’avantage, Ensemble vindrent as trés au herbrejage. Or vous dirons du roy Butor l’aufage, Qui devoit ferc la bataille cel preage 13272 Contre Renier, que Diex gart de damage.
[CDXCIV] La nuit trespasse, si vint la matinee. Cele journee doit estre la meslee Des .Il. vassax, ainssi fu creantee.
13276
Butor se lieve a la chiere eslevee Pour la bataille qu’il avoit afiee, Bien set ce jour devoit estre achevee. Devant la sale ot une place lee, 13280 La s’asembla cele gent forssenee. Butor parla a la teste encornee : « Seigneurs, dist il, or oiez ma penssee :
Armer me veulle, s’il vous plest et agree. 13284 Les trieves faillent en iceste journee, Hui iert li chaple la hors en cele pree. » Dient paien : « Si iert con vous agree. Ja contre vous n’ara François duree, 13288
Tost l’avrois mort a cui qu’il desagre[e]. »
13288.
desagre, corr. C ; faute par haplographie.
RENIER
ENFANCES
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13300
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[CDXCV] Le roy Butor a paiens escriez : « Seigneurs, dist il, mes armes m’aportez Quar moult desire que mon cors soit armez. Aïnz que demain soit soleill esconssez, [fol. 128 v. a.] lert ce païs de François delivrez ! — Mahom l’otroit ! » dist Brunamon l’aisnez. Les garnemenz Butor ont aprestez III. amiraus, dont chescun s’est penez Que Butor soit richement atournez. Et le paien s’est tantost adoubez : L’auqueton vest qui fu de soie ouvrez, Puis vest la broigne as pans menu sasfrez, De fin argent iert forgie et cloez. La coiffe lace a aniaus d’or ouvrez,
Roy Brunamon li a les laz nouez.
13304
[CDXCVI] Le roy Butor fu de moult fier courage, En son chief mist .L. hiaume de Quartage, À .XXX. laz li lacent doi aufage,
13308
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Et par deseure .I. grant chapel moult large : Fet iert d’acier de merveilleus ouvrage, Il ne crient cop que on feri[r] i sache. Ceinst .IT. espees de moult grant seignorage, Puis prist son maill, que mie ne se targe.
13312
[CDXCVII] Le roy Butor fu de grant seignorie, Bien fu armé a la loy paienie.
13309.
feri, corr. C.
ENFANCES
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Congié a pris a la gent de Perssie ; Dist Brunamon : « Ce me semble folie 13316 S’il s’en va seuls enz en la praerie. » Et dist Butor : « Vous parlez de folie ! Ja traïson ne ferai en ma vie. »
13320
13324
[CDXCVIII] Quant Brunamon roy Butor entendi : « Sire, dist il, entendez envers mi : Par vostre emprise je cuit serons honni ; Moult miex amasse, por verté le vous di, Que Maillefer eüst son temps feni Quar je sai bien, trouvé l’ai et sorti,
Par Maillefer serons enquor laidi. » Adont conmande Brunamon le Perssi Que sa gent soient armez et fermvesti,
13328
Se besoig iert, prest soient et garni.
[CDXCIX] Le roy Butor moult grant hardement a. De Loquiferne issi au lez dela ; Devant la porte une bele place a, 13332 La vint le Turc, ilueques s’arresta, Touz ses paiens arriere renvoia En la cité et bien leur conmanda Nul ne s’en isse jusqu’a tant c’on verra 13336 Se nul François traïson moustrera. [fol. 128 v. b.] Et cils respondent : « Si iert con vous plera. » En Loquiferne gent paiene rentra. Le roy Butor en l’ysle se coucha, 13340 Desouz .I. arbre iluec se reposa. Maillefer crie que trop demouré a ; S’il ne se haste, li heure passera
ENFANCES RENIER
13344
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De la bataille ainssi qu’il le jura. Quant Renier oit le paien qui cria Et par orgucll Maillefer ramposna, D’aler combatre moult grant volenté a. Li damoisiax ses armes demanda, A la bataille deüst estre pieça ! Gyres, son mestre, aprestees li a,
13332
13356
Le bon roy d’Isle li dansiax adouba, Roy Maillefer le hiaume li laça, .L brant d’acier Ydoine ceint li a. Un bon destrier Murgalet apresta ; Sele ot d’yvoire et le frain flamboia, Mes Renier jure que pas n’i montera, Cil est a pié a cui se combatra : Ja sus cheval a home a pié n'ira,
13360
Mes une mace en ses mains portera Quar greignor cop que d’espee en ferra. Et Murgalet tantost li apresta Forte et bien fete qui durement pesa. Renier la prist et si la paumoia, De l’une main en l’autre la geta ;
13364 Damedieu jure, qui le monde estora, Que roy Butor ancui chier comperra Le grant orgueill que il demené a. Dist la pucele : « Amis, or i parra,
13368 Vengiez la honte que le paien fet m'a ! »
D] Le roy Grebuedes a Renier apelé : « Frere, dist il, moult avez de bonté !
* 13372
Nous sonmes touz par vous em pris monté. Or devez fere por nous cest champ malé ; Le Roy de gloire de sainte majesté
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ENFANCES
RENIER
Vous doint courage, vasselage et bonté Que sauf vo cors aiez le champ outré ! 13376 Mes d’une chose nous savons trop mal gré Que ne voulez dire la verité,
Quiex hons vous estes et de quel parenté. Or vous proions par tres grant amisté 13380 Qu’or le nous dites se il vous vient a gré. [fol. 129 r. a.] J'ai oÿ dire souvent en verité Trop lonc celer a maint home grevé. Ge croy et pensse, se Diex me doint santé, 13384
Que estes filz Maillefer le douté. Se j'ai dit voir, dites en la purté. »
Maillefer l’ot, s’a du cuer souspiré. Renier l’esgarde, bien voit qu’il iert mué.
13388
Dist Maillefer : « Foy que doi Damedé, Se je cuidoie ci avoir retrouvé Renier, mon filz, que j’ai tant desiré, Ne souferroie por tout mon herité 13392 Qu'il alast seul combatre au deffaé, Au roy Butor, qui tant a de fierté. » Dist Renier : « Sire, merci, pour l’amour Dé ! Soudoier sui d’un estrange regné. 13396 Mes, se Diex donne le champ aie aquité Et que paiens soient desbareté, Adont seront touz nos barons mandé, Li quens Bertran, qui le poil a meslé, 13400 Gyrart le preuz au courage aduré Et Florentine, qui moult a desiré
Qu’ele vous tiegne en vie et en santé, Quar j’ai seur sainz plevi et creanté 13404
Que ne dirai a nului mon secré Jusqu’a cele heure que serez rassemblé
ENFANCES
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A vo moullier, qui tant a de bonté. Adont dirai de vo filz verité Et tout l’afere conment on l’a mené Kar, bien vous di, soiez asseüré
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Que mainte fois ai avec lui esté. » Ydoine l’ot, adont a bien penssé Que Renier a son courage celé ; Grant joie maine, si a Dieu mercié Quar bien penssoit, a ce qu’a escouté, Que li dansiax a son pere trouvé : Bien voit qu’il iert de moult grant parcnté.
[DI] Renier fu sage, courtoisement parla : « Seigneurs, dist il, aler me couvendra
13420
Tout droit au champ quant vo plesir sera Quar li paien m'’i atent grant piece a. » Dist Maillefer : « Si iert com vous plera. » Renier adont le congié demanda ;
Le roy Grebuedes de Jhesu se seigna
13424 Et son chier mestre a Dieu le conmanda. [fol. 129 r. b.] Renier li preuz la pucele besa, La bele pleure quant de lui dessevra. Dusques en l’ysle le vassal n’arresta. 13428 Butor saut sus quant de lui s’aprocha ; Quant voit Renier, hautement dit li a : « Vassal, dist il, qui vous envoia ça
13432
Encontre moi ? Gueres ne vous ama Quar vostre force moult petit li vaudra ! » Renier l’entent, tantost respondu a : « Paien, dist il, or ne vous vantez ja !
Roy Maillefer, qui grant hardement a,
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13436 A vous m'envoie ; nel vous celerai ja, Encontre vous combatre il ne daïgna.
13440
Quant je parti de lui, il me rouva Que vous deïsse, quant ge vendroie Ça, Que le mien cors bien vous jousticera. Ainz que soit vespre, vo reson changera ! Ge vous deffi de Dieu, qui tout fourma,
Et de la Virge, qu’en ses flans le porta. » 13444 Butor l’entent, a poi qu’il n’esraja, Bien set et voit que petit le prisa. A sses .IL. poinz lors son maill entesa, Le Sarrazin bien ferir le cuida ;
13448
Renier guenchi, qui le cop redouta, Ne l’atainst mie quar tres bien se gueta. Le vassal jure le Dieu qui tout cria Ja couardise pour mourir ne fera. 13452 Aprés ce mot la grant mace hauça, Envers Butor isnelement s’en va ; A l’encontrer li un l’autre assena Que de l’acier le feu estincela, 13456 Le plus halegre d’euls d’ahan tressüa.
[DII] Souz Loquiferne, en l’ysle verdoiant,
Fu la bataille merveilleuse et pesant. La mace entoise Renier par mautalant 1340 Et fiert Butor .I. cop issi tres grant, Par mi la teste le va si assenant, Le chapel trenche d’acier fort et tenant Quar la maçue iert fete telement 13464 Costiax avoit que moult bien vont taillant, Mes le bon hiaume n’empira de noient. Butor chancele de l’estourdissement.
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Voit le Renier, si li dist fierement :
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« Cuvert lechierre, deça vous vois tastant ! [fol. 129 v. a.]
Quant m’estordrez, se Dieu plest le puissant, Roy Maillefer ne ferez mes doulant. » [DIT] 13472
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Moult fu Butor dolent et irascus, Por la ramposne pres n’est du sens issus. Le maill entoise qu’il n’i atendi plus, Vers le vassal feri li mescreüs ; Par tel ravine est le cop descendus Que, se Renier en eüst consseüs, Mien esciïent mort fust et confondus.
Mes li vallet iert aspres et membrus, Legier estoit, s’est arriere saillus ; 13480 Sus .I. perron estoit le maill ferus De tel redour que par mi est rompus. Renier le voit, s’est cele part courus, Mes le paien ne fu mie esperdus ; 13484 .L. fauxart prist, qui bien iert esmoulus, A son baudrel en avoit .Il. pendus. Renier feri ainz qu’il l’ait perceüs, L’auberc li trenche qui iert maïllié menus ;
13488
La char li cope, le sanc en est issus. Si durement fu Renier consseüs Que d’un genoull est a terre cheüs. Butor li crie : « Glouz, vous estes vaincus !
13492 Rendez vous pris, n’i porrez durer plus. » Quant Renier l’ot, tost est ressailli sus,
De duel et d’ire fu son cuer esmeüs.
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Moult fu Renier courociez et marriz Quant telement se voit a genouz misz. Voit le paien, qui fu granz et fourniz : Bien voit sa force n’i vaut .Il. parisisz Se par engins n’estoit le Turc conquisz. Le roy Grebuedes fu durement marriz Et aussi fu Maillefer li hardiz Quant ont veü li dansiax si aquis. Dist Maillefer : « Si m’aït Jhesu Cris ! Moult miex amasse que fusse enz el champ mis Contre ce roy qui tant est posteïs, Bien le cuidasse avoir a merci mis. » Ydoine pleure, la pucele au cler vis, Mes sa mestresse la conforte touz dis : « Bele, dist ele, par Dieu de Paradis,
Bien a .X. ans passez et acomplis Que ge sorti, mon cuer en est bien fis, 13512 Ja li dansiax n'’iert par paien conquis [fol. 129 v. b.] Ne de ses membres afolé ne mal mis. A brief termine ma foy vous en plevis, lert a grant joie vo per et vo maris. » 13516 Or vous dirai des vassaus poestis En quel maniere le champ sera fenis.
[DV] Grant fu l’estour et le chaple mortez. Renier li preuz fu durement irez : 13520 Voit le paien qui li vient abrievez, De lui mal fere iert moult entalentez ; De lui iert graindre .Il. granz piez mesurez, Æ fauxart tint qui bien iert acerez. 13524 Renier en jure le Roy de majestez
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RENIER
Que por mourir ne fera laschetez ;
La mace entoise de grant ire eschaufez. Li uns fiert l’autre, es les entr’encontrez,
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Mes le paien a si grant cop getez, Se li varlez ne s’i fust bien gardez, Mien escïent, ja n’en fust eschapez !
[DVI] 13532
Renier li preuz ot le cuer molt dolant Por le paien qui le va mestriant. Lors sc pourpensse conment le voist grevant. La mace entoise, en contremont l’estent, Envers Butor s’en vient iriement ;
13536
Le Turc se cuevre, qui le doute forment, En travers giete le grant fauxart trenchant ; Renier i fiert .L. cop issi tres grant Que du faussart va le manche brisant 13540 Et li varlez y va poi conquestant, En .Il. moitiez va sa mace rompant. Le Turc chancele de l’estourdissement. Renier se haste, si traist le branc trenchant, 13544 I. cop li done si ententivement Par mi le hiaume qu’en .II. moitiez li fent ;
La coiffe trenche du hauberc jazarant, Desus l’oreille li va la char rasant, : 13548 Le sanc en raie sus l’erbe verdoiant. Le paien crie por l’angoisse qu’il sent, Cils de la vile le vont bien entendant. Dist l’un a l’autre : « Il nous va malement ! 13552 Se le François fet Butor recreant, Touz serons morz et livrez a tourment. » Dist Brunamon : « Trop alez detriant ! Issiez la hors tost et isnelement,
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13556 Si secourez roy Butor le puissant. » [fol. 130 r. a.]
13560
Dient paiens : « Nous ferons vo conmant. » A ces paroles vont les portes ouvrant, De la vile issent cele gent mescreant ; Trente .M. sont el premier chief devant, Chescun avoit bon destrier auferrant.
[DVII] De Loquiferne, la mirable cité, Issent paiens, li glouton desfaé.
13564 Or vous dirons de Butor l’encorné : Quant voit sa gent issir de la ferté, Lors ot tel duel pres n’a le sens desvé ;
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A haute vois leur a Butor crié : « Filz a putain, mar l’avez pourpenssé Quant .I. garçon avez tant redouté Que por lui estes issuz de la cité ! Cuidez vous dont qu’il m’ait conquesté ? Par Mahomet, ainz l’avra comperé ! » Quant paiens ont roy Butor escouté, Le plus hardi en a son frain tiré ; Arrier se traient, ne sont avant alé,
13576
Par mi la porte sont en la vile entré. [DVIII] Les Sarrazins furent tuit esbahi
Quant il oïrent roy Butor l’Arrabi, Qui durement les blasma et ledi ;
13580 Tant fort le doutent n’osent aler vers li. Or vous dirai de Butor le Perssi : N'ot pas le cuer couart ne endormi, Isnelement l’autre fauxart sesi,
13584
I. en avoit aportez avoec lui ;
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Renier en fiert la ou il l’a choisi Par mi le hiaume qu’il ot a or bruni ; Le mestre cercle l’en a copé par mi, Desus l’espaulle le grant cop descendi, Plus de .C. mailles du hauberc departi, La char li trenche et le sanc en issi. Renier s’escrie quant la plaie senti : « Sainte Marie, douce dame, merci !
Vrai Roy de gloire, aiez pitié de mi, Que ne m’ocie cis glouz que je voi ci ! Il m’a navré ct forment mal bailli, Miex aim mourir que ne li soit meri ! » Aprés ces moz sacha le brant fourbi, Vers Butor vint de grant ire engrami ;
L’espee entoise, moult grant cop le feri 13600 Que le chapel li copa et fendi [fol. 130 r. b.] Et du bon hiaume .I. quartier abati ;
Devers senestre l’espee descendi, Desus la hanche le hauberc consivi, 13604
Enz en la char l’acier li embati, Plus i entra de .IL. doie et demie,
Jusques a l’os la cuisse li fendi, Le sanc en file, qui a terre flati.
13608
Et dist Renier : « Deça vous ai senti ! » Butor l’entent, a poi du sens n’issi.
[DIX] 13612
Souz Loquiferne fu moult grant la mellee : Le roy Butor senti sa char navree ; S’il ne s’en venge, poi prise sa posnee. Le fauxart hauce dont l’alemele ert lee,
Aprés Renier feri de randonnee ; Cil voit le cop, mie ne li agree,
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13616 D'autre part sault quar la mort a doutee, Du branc d’acier li dona tel colee Que une oreille li a du chief sevree. Mes le paien le refiert a hiee.
13620 Tant se combatent, c’est verité provee, Que la moitié du jour fu trespassee, Dont est la force au roy Butor doublee,
Ainssi li iert sa vertu destinee.
13624 Renier queurt seure de moult grant randonnee Et le vassal se desfent de l’espee, Tournc ct gucnchist par mi la place lec. 13628
Se longuement fust sa force duree, Ja n’i durast Renier chiere membree
!
Li heure passe, adont li est outree
La grant vertu qu’il avoit recouvree.
[DX] Moult fu Renier durement agrevez
13632 Kar bien cuida estre a sa fin alez. Butor l’enchauce de grant ire eschaufez ; El braz senestre fu Renier moult navrez,
Le sanc en ist, qui a terre est coulez. 13636
De la destresce s’est Renier escriez :
« Sainte Marie, et quar me secourez ! » Quant la pucele a ces moz escoutez : « Lasse, dist ele, con mon cuer est irez !
13640 Se mon ami est mort et afolez, N’avrai mes joie, mes bons jours sont passez. » [DXI] La bele Ydoine ne se pot conforter : Qui li oïst son ami regreter,
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13644 Bien peüst dire qu’el l’amoit sanz esmer. [fol. 130 v. a.] Pasmee chiet la pucele au vis cler, Roy Maillefer l’en va sus relever. Le roy Grebuedes a fet sa gent armer ;
13648
Ja secourussent Renier le bacheler,
Mes Maillefer leur ala deveer : « Seigneurs, dist il, vous voulez vous fauxer ! Je vous di bien, de ce n’estuet douter,
13652 Que li paien ne puet au Franc durer :
13656
En la parfin, conment qu’il doie aler, Verrez Butor ou occire ou mater. » Or vous devons des .II. barons conter Qui se combatent sanz point de deporter.
[DXIT] Les .IT. barons furent au chaplement,
Moult se requierent et assaillent sovent, N'i ot celui qui n’ait le cors sanglent.
13660 Turc et paien sont en grant marrement, De leur seigneur se doutent durement. Et nos François sont pour Renier dolent : Moult le regrete Ydoine doucement,
13664 Tyerri le preuz et Gyres enssement, N'i a celui qui moult ne ss’espouent Quar la bataille a duré longuement.
[DXIII] 13668
Grant fu l’estour des .IL. barons el pré. Renier li preuz ot moult le cuer iré
13644.
enmer ; mais la lecture est difficile.
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Pour le paien qui-si l’avoit navré ; De lui vengier ot moult grant volenté. Le branc entoise, contremont l’a levé Et fiert Butor ; tel cop li a donné Desus la hanche l’a durement navré,
Dusques a l’os a le charnaïll copé. Si durement a le Turc agrevé 13676 Que de destresce est cheü enz el pré. Voit le Renier, s’a Damedieu juré Nel touchera, ainz sera relevé. Quant le paicn sc voit si mal mené, 13680 Honte ot molt grant ; quant se vit aterré, En piez sault sus, n’i a gueres esté,
Del grant fauxart a entour lui geté. 13684
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Renier le haste quant le voit relevé, Del brant d’acier le ra bien assené,
Desus l’espaulle consivi le mauffé ; Le cop descent, quar d’aïr fu geté, Que le bras destre a au paien copé. Butor s’escrie : « Or m’est mal encontré ! [fol. 136 v. b.] Bien voi Mahom n’a point de poesté Quant .I. garçon m'a ainssi atourné. » A l’autre main a son fauxart geté Aprés Renier, mes Diex l’en a gardé :
A .I. perron a li acier hurté Qu'en .Il. moitiez l’a brisié et froé. Voit le Renier, forment li vint a gré ; 13696 Au paien vint, qu’il a moult poi douté,, Par mi la teste li a maint cop doné, Le mestre cercle du hiaume a tout copé, En la cervele li a le brant bouté. 13700 L’ame s’em part, atant est devié.
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Quant paiens voient leur seignor aterré, Bien poez croire moult en furent iré. Dist l’un a l’autre : « Trop avons demouré ! Bien a Mahom no seigneur oublié. » A ces paroles issent de la cité, Jusques au champ ne se sont arresté. Renier assaillent par vive poesté, Li damoisiax se deffent par fierté, Mes moult avoit le cors mat et lassé.
Tant fort l’apressent li paien desfaé, Micn cscicnt, ja l’ussent afolé Se Diex ne fust et no baron armé, Qui moult par furent courouciez et iré Quant des paiens virent la fauxeté.
13716
Roy Maillefer en a haut escrié, Dist a ses homes : « Franc baron naturé,
13720
Trop longuement sonmes asseüré ! Ore as chevaus ! n’i ait cri ne hué, Si secourons li dansiax honouré Qui por nous a son cors abandonné. Je ne vouroie, par Dieu, qui me fist né, Por trestout l’or de la crestienté,
13724
Que li paien l’eüssent afolé. » A ces paroles sont es chevaus monté, Des tentes issent bien rengiez et serré.
[DXIV] 13728
François chevauchent courouciez et dolant Quar por Renier se vont forment doutant. Devant lesautres va Maillefer courant ; En ses .IL. poinz tint la loque pesant,
N'i ot cheval que il ne voist passant, Dusqu’en l’estour ne s’i va atarjant,
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En la grant presse se fiert iriemant. [fol. 131 r. a.] Cui il conssuit, il n’a de mort garant ! A .JHIIL. cops en va .XX. afrontant. Renier, son filz, en va tant occïant Qu'il n’est nus hons ne s’en voist merveillant.
En petit d’eure vont la presse esclairant. Le roy Grebuedes vint a l’estour poignant Et avoec lui Gyres le marcheant, 13740 Cil estoit mestre Renier le combatant, En leur compaigne maint chevalier vaillant.
[DXV] 13744
Souz Loquiferne, qui siet sus mer salee, Fu grant la noise et cruel la mellee. Le roy Grebule]des et sa gent ferarmee Es paiens fierent par moult grant aïree ;
Plus de .X." en ont mort en la pree. Le remenant n’i puet avoir duree, 13748 Fuiant s’en vont vers la cité loee, Et Maillefer les suit de randonnee Et aussi fet Renier chiere membree. Maugré paiens ont la porte passee, 13752 Mes ne font pas conme gent esgaree, Ainz ont moult bien desfendue l’entree Tant que leur gent est toute outre passee. Quant furent enz, s’ont la porte fremee 13756 Que ne s’en isse cele gent mal senee. Adont conmence le cri et la huee : Roy Maillefer a « Baudune ! » escriee, Renier « Venice ! » a moult haute alenee,
13744.
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grebudes, corr. C.
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13760 Le roy Grebuedes « Ysle ! » la renonmee.
13764
Adont se fierent en la gent forssenee, Muerent et braient a hideuse menee. Brunamon voit qu’il n’i avra duree, Fuiant s’en tourne vers la grant tour quarree. Renier l’enchauce el destre poing l’espee. Ainz que le Turc ait la porte passee,
13768
13772
Se fiert Renier en la plus mestre entree ; Touz ceus qu’il trueve en la sale pavee Occit et cope com la faus fet la pree.
[DXVI] Renier li preuz a la chiere hardie A conquestee la grant sale voultie, N'i a paien qui de riens le desdie. De chambre en chambre a la grant tour cerchie, Brunamon troeve, qui la barbe ot fleurie :
Cil estoit pere Ydoine l’eschevie.
13776 Renier le voit, hautement li escrie : [fol. 131 r. b.] « Amirant, sire, pour Dieu, le filz Marie, Guerpis Mahom, qui ne vaut une alye, Si croi en Dieu, qui tant a seigneurie, 13780 Le Roy de gloire qui tout a en baillie ! Tout pour vo fille, qui bien est enseignie, Serez tenssez de mort a ceste fie Et ge meïsmes, ne vous en doutez mie, 13784 Vous servirai touz les jours de ma vie. Prenez creance en Dieu, le filz Marie ! Se ce ne fetes, le mien cors vous desfie. »
13788
Brunamon l’ot, de mautalent rougie. Dist a Renier : x Or oy plet de sotie ! Ja por ma fille ne ferai tel folie,
Miex ameroie qu’ele fust escorchie ! »
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Et dist Renier : « Mar l’avez blastengie ! » 13792
13796
As braz l’aert, durement le manie ;
Lors se pourpensse qu’il ne l’occira mie, Deporté iert pour l’amour de s’amie, Miex aime assez que un autre l’occie. Lors li deslace le hiaume de Pavie Et en aprés li devest la cuirie Et la grant broigne li a du dos sachie.
[DXVII] Quant Renier ot la grant tour conquestee 13800 Et de paiens vuidie et delivree, Brunamon prist a la teste meslee, Si li osta sa grant broigne saffree. Et Maillefer et sa gent ferarmee, 13804 Qui sont montez en la sale pavee, Renier trouverent, s’ont grant joie menee. Or ont nos genz la vile delivree, Toute ont occise cele gent forssenee 13808 Fors ceuls qui pristrent la loy crestiennee. Renier conmande que tost soit amenee La damoisele de Venice la lee ;
Savoir voudra son bon et sa penssee De Brunamon, qui tant l’avoit grevee, Se Maillefer, no sire, s’i agree. Dist Maillefer : « Tel reson est senee. » Ydoine amainent en la sale pavee ; 13816 Renier la voit, si l’a aresonnee :
13812
« Ma damoisele, dist il, preuz et senee,
Vez ci vo pere qui vous a engendree. Par lui avez esté forment grevee, 13820 C’est grant merveille qu’en estes eschapee ! [fol. 131 v. a.]
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Fel est le roy et plain de grant posnee, Il ne veut croire la loy crestianee. » Et dist Ydoine : « S’ait la teste copee S’il ne veut fere tout ce qu’il vous agree Quar ja par moi n’iert sa mort respitee Quar, s’il peüst, pieça fusse finee. »
[DXVIII] Renier fu plain de moult grant escïent : Enquore pensse qu’il ira demandant A Brunamon s’il fera son conmant. Lors li demande Renier moult doucement : « Amirant, sire, por Dieu le royamant,
13832 Enquor vous proi, si ferez que sachant, Que vous lessiez Mahom et Tervagant Quar il ne valent la montance d’un gant ; Mes fetes vous baptizier esranment, 13836 Si creez Dieu du cuer parfetement Quar il nous donne le vin et le froment, Le fruit des arbres et li poisson noant. Pour vostre fille au gent cors avenant 13840 Vous servirai mes trestout mon vivant. » Dist Brunamon : « Vous parlez de noiant ! Miex ameroie mourir en feu ardant Que je guerpisse no loy sifaitement. » 13844 Et dist Renier : « Le cors Dieu le cravent Qui ja mes jour vous en ira proiant ! » À Maillefer a dit tout en riant : « Gentis hom, sire, prenez en vengement ! »
13848 Dist Maillefer : « Tout a vostre conmant
13827.
Penier, corr. C.
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Kar il m’a fet soufrir moult de tourment : Par son malice fui pris certainement Et en mené en Baudune la grant. 13852 Je et Bertran, filz Bernart de Brebant, En tout .I. jour, ce vous di loiaument,
C'’un seul pain d’orge n’avions seulement Et .I. lot d’eaue a boire seuglement, 13856 Et por ice le hé ge courelment. » Lors prist l’espee au pont d’or reluisant, Decoler fist le Turc a .I. serjant.
[DXIX] Or ont nos genz, Dieu merci, conquestee
13860 Vers Sarrazins Loquiferne la lee Par la proesce Renier chiere membree. Toute ont destruite cele gent forssenee Fors ceuls qui pristrent la loy crestiennee. 13864 Le jour saint Pere fu prise et conquestee [fol. 131 v. b.] La forte vile, qui est moult bien fremee. Entrant aoust iert la feste nonmee. Renier parla a la chiere membree : 13868 « Seigneurs, dist il, a la moie penssee, Il est aoust, une saison amee, Que toute rien est sus terre trouvee Dont la gent est peüe et saoulee. 13872 Bone meson avons hui conquestee Puis que avons Loquiferne aquitee. Or veull que soit par autre non nonmee, Miesines iert par droit non apelee 13876 Quar en aoust est prise et recouvree ; Ceste grant eaue dont est avironnee, Pour ce qu’ele est si plaine et si comblee,
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lert apelee le Phar par la contree ; Et ceste terre iert Sezile clamee Kar c’est une ysle de mer avironnee. » Dient li prince : « Tel reson nous agre[e] ! Miessines ! » crient a moult grant alenee. Onc puis ne fu autrement apelee.
[DXX] Seigneurs oiez, por Dieu de majesté, Bone chançon de vraie autorité De la nessance Buyemon et Tancré, Qui en l’ost furent Godefroy le membré Qui de Bullon tint jadis la duché ; Toute Anthïoche conquistrent par fierté, Jerusalem et le Temple honnouré Et le Sepulcre, qui tant a dignité,
Ou Jhesu Crist ot le sien Quant les Juïs l’orent en Tancré fu filz Ydoine au 13896 Et Buyemon, que devant Preudome furent et plain
cors posé crois pené. cors mollé ai nonmé ; de loyauté.
Or vous dirai, se il vous vient en gré,
En quel maniere Renier au cuer membré 13900 Se fist connoistre a son grant parenté Et a sa mere, qui moult ot desiré Qu'’ele seüst du vallet la purté Pour quel reson il a son non celé.
13904
[DXXI] Prise ont Miessines nostre gent honoree.
13882.
agre, corr. C ; faute par haplographie.
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Renier parla a la chiere membree : « Maillefer, sire, entendez ma penssee : 13908
Pour Dieu vous proi, qui fist ciel et rousee, Que Florentine, no dame, soit mandee ; [fol. 132 r. a.] Pour vostre amour doit bien estre amontee,
Vous estes roy de Baudune la lee 13912
Et de Miessines, que avons conquestee. Or doit bien estre no dame couronnee !
Et puis dirai, quant iert deça passee, De vostre filz la verité prouvee : Se Diex ne fust et la Virge honoree,
13916 De .V. vies une n’eüst portel[e] Quar as lÿons fu sa char presentee ! Moult bien savroiez, n’aiez mal penssee, Quiex hons ge sui et de quele contree. » [DXXII] 13920 Renier parla a l’aduré courage : « Maillefer, sire, trametez .. message
13924
A Florentine, no dame au cler visage ; Fiançai li, bien veull que on le sache, Tout premerain li dirai mon courage, Mes bien sachiez n’i avra ja damage. »
Dist Maillefer, qui n’estoit mie ombrage : 13928
« Frans damoisiax, vous parlez conme sage, Vo volenté ferons sanz demourage,
M’amour vous doins des or sanz arrestage. »
13916. 13923.
porte, corr. C ; faute par haplographie. Fiancai lñbien, corr. C ; le signe 1 dans lñ a été décoloré.
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13936
[DXXIIT] Roy Maillefer apele .I. messagier Qui bien savoit tout le païs cerchier : « Amis, dist il, or vous veull ge proier L. batel fetes errant appareillier, A Morimont vous couvendra nagier. Saluez moi ma courtoise moullier Et si li dites que ge li veull proier Que ele face sa chose appareillier, S1 viegne a moi quar g’en ai grant mestier. » [DXXIV] Roy Maillefer son message apela :
13940
« Amis, dist il, quant vous venrez dela,
Ma moullier dites qu’ele viegne a moi ça, A grant honor le sien cors mis sera, Riche couronne sus le chief avera. 13944 Gyrart le preuz Morimont gardera Et le païs tant que revenrons la. » Dist le message : « Bien conté leur sera ! Je mouverai si tost qu’il vous plera. » 13948
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Maillefer l’ot, le congié li dona Et le message en une nef entra,
Vers Morimont tout droit s’achemina. De ses journees ne vous conterai ja. Tant a siglié et Jhesu le guïa [fol. 132 r. b.] Desouz la tour droitement arriva. La gentil dame as fenestres esta ; Quant voit la nef, durement s’esmaia Pour ce qu’iert seule, assez tost l’avisa :
De son seignor moult tres grant paour a Quar moult desire qu’il revenist deça.
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[DXXV] De la nef est le 13960 A Morimont en Dusqu’a la sale La dame trueve 13964
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messagier issusz, est errant venuz, ne s’iert arresteüz, el palés a lambrusz.
Li més parla, qui bien fu entenduz : « Dame, dist il, le vrai Dieu de lassusz,
Le Roy de gloire, qui es ciex fet vertuz, Vous doint la chose que vous desirez plusz Et si doint joie ceuls dont je sui meüz. 13968 A vous m'envoie vo sires et vo druz, Roy Maillefer, qui tant a de vertuz. De prison est tres l’autre jor issuz, Mort sont paien et Butor est vaincuz, 13972 Tout le païs est Maillefer renduz. »
[DXXVI] Li més parla, qui bien fu escoutez : « Dame, dist il, vers moi en entendez : Li vostre sire, dont Diex soit aourez, 13976 Roy Maillefer, ainssi est apelez,
De prison est parti et eschapez. Morz sont paiens et Butor est finez, Mes enquor n’est Piecolet atrapez, 13980 Fuÿ s’en est le traïtre mortez. Prise [a] Miessines Maillefer le doutez Et de Baudune est il roy couronnez.
Or est mes sires en Miessines remés 13984 Et avoec lui est vo pere senez, Le roy Grebuedes, qui preudome est clamez ;
13981.
Prise miessines, corr. C.
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La vous atendent tant que vous i venrrez. » Quant la duchesse a ces moz escoutez,
13988
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N'ot mes tel joie bien ot .XV. anz passez. Au messagier a dit : « Or m'’escoutez : En quel maniere fu mes sires ostez De la grant chartre ou il fu enfremez ? » Dist le message : « Aparmain le savrez : Par .I. vallet qui tant est renonmez,
13996
Jouvenciax est, moult est biaus bachelerz, Si ne veut dire conment est apelez Ne dont il cst ne de quel terre nez. » [fol. 132 v. a.] Quant Gracïenne a ces moz escoutez,
Dist a sa mere : « Dame, quar vous hastez ! Pour Dieu vous proi a mon pere en alez 14000 Et, s’il vous plest, avoec vous me menez. Cis damoisiax qui tant est renonmez L’autr’ier vous dist, quant d’ici fu tournez, Se le mien pere estoit vif retrouvez 14004 Et que puist estre avoec vous rasemblez, Prendre me doit a moullier, ce savez. En lui sera bien mon cors marïez Et ce païs vers Sarrazins tenssez ! » 14008 Et dist la dame : « Si iert com dit avez, Ma bele fille, bon consseill me donez. »
14012
Diex, que la bele ne set les veritez Que Renier soit le sien frere charnez ! Quant le savra, son cuer sera irez,
Moult miex amast qu’il fust ses espousez !
[DXX VII] Li més parla, qui moult ot courtoisie : « Dame, dist il, bien est drois que ge die 14016 Honneur vous croist et moult grant seignorie.
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Li damoisiax, qui moult a baronnie, Qui ne veut dire dont est de quel partie, Et Maillefer, qui proesce mestrie,
14020 Par moi vous mandent, s’est drois que je le die, Que fetes tost atourner vo navie, S’entrez en mer, ne vous atargiez mie
Quar en Miessines estes moult couvoitie. 14024 La serez vous honnouree et servie : Couronne d’or de moult grant seigneurie Avrez el chief, ce n’est pas moquerie. » La dame l’ot, moult en fu csjoïc : 14028 « Ai, Diex ! dist ele, Pere, ge vous gracie De ceste honneur dont m’avez raemplie ! »
14032
[DXXVII] La gentil dame grant joie demena Pour les nouveles que entendues a. Es vous Gyrart qu’en la sale monta, Bauduïnet avoec lui amena ; Renier li preuz pour garder li lessa, Biax iert li enfes, entour .XIIII. anz a.
14036 Et Florentine Gyrart aresonna : Tout li a dit, onc mot ne li cela,
Ce que ses sires Maillefer li manda. Gyrart l’entent, Damedieu en loa. 14040 Bauduïn l’enfes, quant ces moz escouta, [fol. 132 v. b.] La dame apele, doucement li proia S’avoeques li aler l’en lessera, Moult volentiers le sien mestre verra,
14044 Drues de Gresce, que il ne vit pieça, Et li dansiax qui en mer le trouva, Le soudoier qui tant de prouesce a.
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La dame dist volentiers l’i menra ;
14048
Baudouïn l’ot, grant joie en demena.
[DXXIX] Li preuz Gyrart a la chiere hardie Toute manda sa riche baronnie : Il veut la dame soit moult bien convoïe 14052 Quar il se doute de la gent paiennie. Pour passer mer a la chose esploitie, Richement fet atourner la navie. La dame proic Gyrart par courtoisie 14056 Que bien gardast Morimont la garnie Tant que leur gent soit arrier reperie. Dist Gyrart : « Dame, la vostre conmandie
Sui prest de fere de cuer sanz tricherie ! 14060 Mes je vous proi que ne demourez mie : Maillefer dites, pour Dieu, le filz Marie, Reviegne ça, si fera courtoisie
Quar ceste terre est de genz desgarnie ; 14064
Viex sui et fresles, n’iert mes longue ma vie,
Forment me doute de la gent paienie Que ne reviegnent, le cors Dieu les maudie
!»
Adont respont la dame seigneurie : 14068
« Sire, pour Dieu, ne vous esmaiez mie,
Nous vous ferons venir gent et navie. » Gyrart l’entent, durement l’en mercie.
[DXXX] Dist Gyrart : « Dame, je sui en grant esmai ! 14072
Vous en irois et je ci remaindrai,
A poi de genz le païs garderai ; Viex sui et freles, gueres mes ne vivrai. En mon dormant ennuit moult traveillai,
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Il m’iert avis el songe que sonjai De cele tour lassus jus trebuchai, Par .I. petit que le col ne brisai. »
[DXXXI] Dist Gyrart : « Dame, ge sui moult esmaiés, 14080 Du divers songe fui forment traveilliés : Il m’iert avis, de verté le sachiés, Si tost que fui de la tour trebuchiés,
Vint .L. lÿon courant tout esragiés, 14084
Guculc bacc ct les denz rechigniez. [fol. 133 r. a.]
Par mi le pis m’eut tost ses gris fichiez, La m’occioit, n’en poi estre guetiez,
14088
Puis s’en fuÿ quant m’ot a mort plaiez. Mes aprés lui couroit .I. blanc levriers ; Par mons, par vaus fu si fors enchauciés
Au pardefin 1 fut tout depeciez. Telement fuy par le levrier vengiés. 14092 Or vous proi touz que le songe espeliez, Pour Jhesu Crist, a bien l’avertissiez ! »
Dist la duchesse : « Or ne vous esmaiez ! 14096
Bon est le songe, a bien est reperiez, C’est ce, biau sire, de verté le sachiez
Que li mien sire iert briément repairiez : Le levrier blanc qu’el songe veiiés, C’iert li danssiaus qui tant est essauciez ; 14100 Ma fille avra au los de hauz proisiez ! — Diex vous en oye ! dist Gyrart li princiers. Moult bien voudroie que ainssi fust changiez. »
14085.
tost est tracé en bout de ligne.
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[DXXXII] Or est Gyrart .I. poi asseürez, Mes, ainz que voie mes ses amis charnez, Sera li songes tout autrement muez Quar .I. espye, qui soit de Dieu dampnez, En Morimont avoit .IIIL. jours més. Parti s’en iert bien ot .II. mois passez, Dusques en Gresce ne s’iert point arrestez, À Val Jonas, qui fu bone citez ; La iert Perrus, le traïtre mortés, Qui le sicn frerc ot chacié du regnez, Baudouïnet, dont vous oÿ avez,
Qui ot esté en Morimont gardez. Querre l’ot fet le cuvert forssenez Quar bien voudroit qu’il fust mort et tuez Quar Pierrus fu bastars desloiautez. Es vous s’espye qui monta les degrez ; Voit le Perrus, s’est contre lui levez : « Amis, dist il, bien soiez vous trouvez ! De vos nouveles, s’il vous plest, nous contez. » Dist Marbarin : « Ge vous sai dire assez, Dela les mons ai esté moult lassez. : En la Prouvence, qui est riche contez, À .I. chastel, Morimont est clamez ; La maint vo frere, Bauduïn li membrez.
Moult est biax enfes parcreüz et fourmez Et si n’a pas enquor .XV. anz passez. [fol. 133 r. b.] Ja est plus grant que vous n’estes assez Et dit souvent, quant il est pourpenssez, Que, s’il vit tant qu’il puist estre adoubez,
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Sus vous venra s’il en [a] poestez.
14136
S’il vous puet prendre, a dolor languirez. Drues, son mestre, en est pieça alez, Soudoier est a .I. vallet remés Qui ne veut dire de quel terre il est nez. » Quant Pierrus ot que son frere est trovez,
Dieu en jura, qui en crois fu penez, N’avra mes joie si iert a fin alez. 14140 « Marbarin, frere, dist Pierrus li desvez, Qui est li hom qui par fu si osez Que le glouton rctint outre mes grez ? » Marbarin dist : « Aparmain le savrez : 14144 C'est .I. Gyrart, qui est viex et barbez, De Conmarchis, ainssi est apelez ; Son oncle fu dant Guillaume au Court Nez. Cil tint vo frere en moult grant richetez, 14148 Mes poi de gens a el païs remés Quar Maillefer les a pieça mandez. »
[DXXXIII]
14152
Pierrus Qui le Por la Le fel
le fel fu moult plain de boisdie, sien frere veut murdrir par envie grant terre qu’il ot en mainburnie. traïtre jura moult et afie
Qu'il mandera sa gent et sa navie,
14156
14132.
A Morimont ira a grant mesnie, S'il tient son frere, mort est a deceplie Et por s’amour perdra Gyrart la vie. Pierrus le fel a moult grant gent cueillie, Trente .M. furent, le cors Dieu les maudie !
en poestez, corr. C.
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Ni a celui qui n’ait broigne vestie. Gyrart menacent, qui ne s’en gardoit mie, Diex le sequeure, qui vint de mort a vie ! Hui mes est drois que de la dame die Conment ele a sa chose appareillie.
14168
[DXXXIV] La gentil dame durement se hasta, De son seigneur moult grant desirier a Qu'il l’ot mandee plus de .IIIT. jours a. Et Gracïicnne doucement li proia
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D’entrer en mer quar vraiement cuida, En son cuer dist et a ce s’aficha,
Que li varlez a fame la prendra. 14172
Ne savoit mie conment la chose ala : [fol. 133 v. a.] Cil iert son frere que ele tant ama,
Roy Maillefer andoi les engendra Et une mere ambedui les porta. 14176 Quant Maillefer la purté en savra Et la duchesse, moult grant joie avera.
[DXXXV] La nuit repere et le jour vet faillant. Les mariniers vont la nef atournant : 14180
Vin et viandes va l’en dedenz portant,
Armes, chevaus et maint bon garnement. Gyrart apele le courtois Madïant : « Amis, dist il, entendez mon semblant :
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Vous en irez a Miessines la grant, Si conduirez ma dame sauvement Et Gracïenne et Baudouïn l’enfant. Et si direz, s’il vous vient a talant,
14188 Au soudoier qui son non va celant
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Grant desir ai de savoir vraiement Quiex hons il est et qui sont si parant. Et de par moi saluez hautement 14192 Roy Maillefer et Grebuede enssement Et si leur dites que petit ai de gent. » Dist Madüïens : « A vo conmandement ! Bien leur dirai quanqu’alez conmandant. » 14196 Jusqu’au rivage s’en vont ainssi parlant ; La lune luist, moult fist bel et plaisant. La dame adestrent par dedenz le chalant Et Gracïenne, sa fille au cors plaisant,
14200
Avoec les dames Bauduïnet l’enfant.
[DXXX VI] La nuit fu bele et la lune leva. La gentil dame dedenz sa nef entra ;
Bien .XX. puceles avoeques li mena 14204 Et .XX. barons en cui plus se ffa. Es autres nés la baronnie entra Et Madïans as mariniers rouva Que tost siglassent quar moult grant desir a 14208 Qu'il puist venir enz el païs dela. Le marinier qui la dame guïa Moult richement sa chose appareilla, De dras de soie la nef encourtina. 14212 La mer fu quoie, .I. petitet venta, Le notonnier le sigle amont leva ; Le vent i fiert, qui leur nef esquipa. Tant ont siglié au vent qui les mena 14216 Que le jour vint et le soleill leva. [fol. 133 v. b.] Endroit midi .I. orage leva Qui la navie la dame recula, Droit vers Baudune le grant vent les chagça.
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La iert Bertran, qui la vile garda ; À moult court terme grant encombrier avra Par Piccolct, qui des nos cschappa ! Par ses journees li glouz tant esploita Qu’a Roche Brune droitement s’adreça, Roy Marbriens enz el chastel trouva ; Trestout l’afere li dist et raconta Con Maillefer roy Butor conquesta : « Prise ont la vile Loquiferne pieça Par .I. vallet, qui tant de prouesce a, Qui ne veut dire nului quel non il a. »
[DXXX VII] Dist Piecolet, le traïteur prouvez : 14232
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« Marbrien, sire, je sui forment irez Del roy Butor, qui tant fu redoutez,
Vo gentil frere, qui est mort et finez Par .I. garçon c’om ne set dont est nez. De Loquiferne est Maillefer chasez. En tour Baudune, qui est ci pres delez, La est Bertran en garnison remés, A poi de gent quar je le sai assez. » Marbrien l’ot, a poi qu’il n’est desvez Quant il ot dire que son frere iert tuez ; Mahomet jure, ou est sa seürtez,
14244
N’avra mes joie s’iert Bertran labitez Et Maillefer a martire livrez. Le jaiant a touz ses barons mandez
Tant qu’il en ot bien .XX.M adoubez. 14248 k
Droit vers Baudune es les acheminez. Li quens Bertran iert .I. matin levez, En la grant tour iert as estres montez Et resgarda environ et en lez ;
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Voit Marbriens et ses paiens armez, 14252 Bien sont .XX." qui les eüst contez. Voit le Bertran, bien s’est garde donez Que cils ne sont mie de leur privez. JL. Turc apele qui iert crestiennez, 14256 Roy souloit estre de .ITIT. royautez, Salabrun iert par son non apelez. « Salabrun, frere, dist Bertran li membrez,
Sages hons estes et consseillier privez.
14250 Mes or me dites, gardez nel me celez, [fol. 134 r. a.] Qui ces genz sont, se nul en ravisez,
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Qui ici viennent les frains abandonnez. » Dist Salabrun : « Aparmain le savrez : C’est Marbrien, le jaiant redoutez, Qui en prison vous tint tant ensserez ;
Dire a oÿ que estes eschapez. Se il nous prent par ses granz poestez, 14268 Chescun de nous iert malement menez, A grant tourment occis et demenez. » Bertran l’entent, moult s’est espouentez : « Hé las ! dist il, trop fis que fol prouvez 14272 Quant demorai en si lointaing regnez A poi de genz las et achaitivez ! » Dient ses homes : « Sire, ne vous doutez, Forte est la vile, bien vous i tensserez. 14276 .L. messagier esrant envoierez A Maillefer et si li manderez Qu'il vous sequeure, grant mestier en avez. » Et dist Bertran : « Bon consseil me donnez. » 14280 Letres fist fere, ne s’en est arrestez, Puis a ses chartres et ses briés seelez, A .I. message les a esrant livrez : « Frere, dist il, savez que vous ferez ?
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RENIER
14284 Droit a Miessines esrament en alez Et de par moi Maillefer saluez 14288
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Et mon besoig trestout li recontez ; Tres bien li dites, gardez ne li celez, Roy Marbriens m’a assis de touz lez. Tant a o lui de paiens amenez Contre .I. des noz sont bien .XXX. contez. » Dist le message : « Si con vous conmandez, Bien li dirai toutes vos volentez. » Atant s’en tourne, de la vile est sevrez,
En une nef en est en mer entrez, Envers Miessines s’est droit acheminez ; 14296 Mes, ainz que viegne Maillefer le membrez, Sera Bertran si durement grevez, Se Diex n’en pensse, tout sera deciplez ! Tout ce li fist Salabrun le desvez 14300 Et Piecolet, le traïtre mortez, Qui le vendi ainssi com vous orrez,
Cil Salabrun qui fu en fons levez 14304
Et au jaiant rendi les fremetez. [fol. 134 r. b.] Or vous dirons, s’entendre le voulez,
Del messagier conment il s’est hastez. Tant esploita, nuit et jour est alez, Droit a Miessines est a[u] port arrivez ;
14308
En la vile entre, au palés est alez, Par les degrez en est amont montez ; Les hauz barons a enssemble trouvez,
14312
De fere joie iert chescun aprestez. Es vous le més, qui les a saluez : « Cil Dieu de gloire qui en crois fu penez,
14307.
a port, faute par réminiscence de a Miessines.
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Il sault et gart les barons et les pers ! » Dist Maillefer : « Vous soiez bien trouvez ! Queles nouveles ci endroit aportez ? » Dist le message : « Maintenant le savrez : Bertran vous mande, qui tant est vo privez, Por Dieu de gloire, que vous le secourez Ou, se ce non, ja mes ne le verrez : Roy Marbriens l’a assis de touz lez,
Le fel jaiant, qui tant est redoutez, Qui em prison vous tint tant ensserrez. — Sainte Marie ! dist Maillefer li bers, Je cui et croi, ainssi est mes penssez,
Ja mes .I. jour ne serai reposez. » Quant Renier l’ot, si est avant passez : 14328
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« Sire, dist il, or ne vous dementez,
Bien vous dirai conment fere porrez : En ceste vile vo moullier atendez Et ge prendrai .XX. mile d’adoubez, N'arresterai pour home qui soit nez S’iere a Bertran, qui de Turs est grevez. » Dist Maillefer : « Frans damoisiax membrez,
Mouit estes preuz et hardi et osez ! Mes, se Dieu plest, ja sanz moi n’en irez. Le roy Grebuedes, mes sires li membrez, Ci demourra s’il est sa volentez Quar por sa fille est mon cuer moult irez, 14340 Que j’ai mandee .XV. jours apassez ; Je craim et doute, par Dieu de majestez, Qu’aucun orage ne les ait agrevez. »
14336
[DXXX VIII] Roy Maillefer a la fiere vigour 14344 A fet sa gent atourner sanz sejour
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Quar por Befrltran est en moult grant cremour Que ne l’ocïent li paien boiseour ; [fol. 134 v. a.] Renier meïsmes a fet moult bel atour,
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Toute la nuit s’atournent li plusour. Hors de Miessines issent au point du jor, Es nés entrerent li grant et li menour. Le roy les saigne quant se parti des lour, Puis les conmande a Dieu le creatour, Qui les ramaint a joie et a baudour.
[DXXXIX] Roy Maillefer a la chiere hardie Par la mer va a bele compaignie 14356 Bertran secourre vers la gent paienie, Mes trop est loing, a temps n’i vendra mie. Roy Marbrien, que le cors Dieu maudie,
Sovent assault Bertran par aastie ; 14360 Cil se deffent, qui nel doute une alye : Forte iert la tour et si iert bien garnie,
Ja n’i fust pris par la pute lingnie Se traïson n’i eüst conmencie. 14364 Hui mes est drois que de Gyrart vous die : A Morimont iert a poi de mesnie. Pierrus de Gresce, que le cors Dieu maudie, Venoit par mer a molt grant ost banie .14368
Por le sien frere qui veut tolir la vie,
Baudouïnet a la chiere hardie. Mes Dieu de gloire ne le volt soufrir mie Quar li varlez, cui Diex soit en aïe,
14372 Iert en la mer en la riche navie
14345. : 14371.
betran, corr. C. Diex ot.
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Ou la dame iert, qui moult fu esmaïe Pour la tourmente qui l’avoit acueillie ; Envers Baudune l’ot moult droit envoïe.
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[DXL] Pierrus le fel de nagier s’esploita. Tant ont siglié et le vent les chaça Et le deable, qui les maine et guïa,
14384
Souz Morimont droitement arriva ; Leur ancres getent, chescun terre prise a. Perrus le fel, qui onques Dieu n’enma, Toute sa gent a logier conmanda : Le fort chastel entour assiegera, Pris iert son frere, eschaper ne pourra.
14388
Toute la terre en pes quite tenrra, Mes de nul home agrevé ne sera. Mes, se Dieu plest, le traïtre il faudra
14392
Quar Bauduïn par mi la mer s’en va [fol. 134 v. b.] Avoec la dame, que Maillefer manda. Bien a .V. jours de Morimont sevra ; Diex les conduie si con pooir en a !
14380
Se il iert mort, certainement penssa,
Li quens Gyrart .]. matin se leva, Sus en la tour as estres s’apuia ; Voit la navie, durement s’esmaia
14396
Quar les enseignes mie ne ravisa. « Diex ! dist li quens, qui me consseillera ? Or croi ge bien mourir me covenrra, Vez ci le songe qui si m’espoenta. » 14400 Or vous dirai conment Pierrus ouvra :
14397.
cousseillera, corr. C.
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Toute sa gent a armer conmanda, A Morimont l’assaut conmencera.
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[DXLI] Li quens Gyrart s’est forment desmentez Quant vit qu’il fu ainssi avironnez. « Diex, dist il, Sire, qui en crois fus penez, Ne sai quiex genz sont venus en ces nés ! Crestiens semblent, si en sui trespenssez Pour quoi chescun est telement armez ;
À ce qu’il moustrent me sui bien aviscz Ce ne sont mie de nos amis charnés. » A ces paroles vint Perrus le desvez 14412
Mouit pres del mur tout selonc les fossez,
Mes il n’est mie d’assaillir amoustrez : Chescun des siens qui est o lui alez Rains d’oliviers ont en leur mains portez, 14416 Ce senefie pes et humelitez Quar bien cuida le traïtre prouvez Que Gyrart fust si fol et si desvez Que contre lui s’en isse desarmez. 14420 Pierrus conmande a ses homes privez : « Se Gyrart ist, tost soit pris et combrez : Gardés tres bien ne nous soit eschapez ! Tost iert aprés le chastel conquestez 14424
Et de mon frere ferai mes volentez ;
Occis sera s’il puet estre trouvez. Par traïson veull miex estre amontez,
14428
Ja por bien fere ne seroie doutez. » Dïent ses homes : « Moult bien parlé avez ! Ja de mal fere ne nous verrez lassez. » Tant est Pierrus aprouchié et alez Devant la porte est tout droit arrestez ;
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14432 Dist au portier :-« Amis, la porte ouvrez ! [fol. 135 r. a.] Crestiens sonmes, ja mar en douterez. »
Dist le portier : « Seigneurs, n’i enterrez Se de Gyrart n’en est congié donez. 14436 Mes or me dites quel chose vous querez. » Et dist Pierrus : « Amis, or vous hastez, A vo seigneur isnelement alez,
En cele porte erranment l’amenez : 14440 Bien li dirai pour quoi sui ça tournez. » Dist le portier : « .I. petit atendez, Je li vois dire ; maintenant me ravrez. » Atant s’en tourne, si monta les degrez,
14444
Gyrart trouva, qui moult s’iert dementez. Dist le portier : « Biau sire, or m’entendez A cele porte a .XX. homes armez, Mes je croi bien, dont Diex soit aourez,
!
14448 De nous mal fere n’est nus entalentez Quar il aportent rains d’olivier copez : Pes senefie, bien savoir le pouez. Et si m'ont dit, dont sui rasseürez,
14452
Crestiens sont d’un estrange regnez. Par moi vous mandent qu’a la porte venez, A vous sera leur besoing racontez. » Et dist Gyrart : « Tout en sui aprestez. 14456 Se mal nous veulent, Diex soit nos avouez Quar poi ai gent et il en ont assez Et si ne sai ou secours fust mandez. Maillefer, sire, dist Gyrart le membrez,
14460
Se Diex n’en pensse, trop demourer pourrez ! » A ces paroles est Gyrart aprestez,
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Vint a la porte, as estres est montez, Par la fenestre a son chief hors boutez. 14464 Perrus le voit, si est avant passez Quar bien estoit de parler aprestez. Gyrart salue ainssi con vous orrez : « Cil Damedieu, qui en crois fu penez, 14468 Il gart Gyrart, et lui et ses chasez, Par tel maniere que vous dire m’orrez : Qu'il ne me face ne ennuy ne viltez. » Et dist Gyrart : « Moult bien parlé avez ! 14472 Dec fcrc droit sui tout cntalentez Puis que vous estes crestiens et levez Et a no loy en fons regenerez. Se tort vous fais et moustrer le pouez, 14476
Amender veull tout ainssi que direz. [fol. 135 r. b.]
Mes or me dites de quel païs venez Et qui vous estes et que vous requerez. » Et dist Pierrus : « Moult volentiers l’orrez : 14480
Perrus ai non, si sui de Gresce nez,
Et l’en m’a dit c’un mien frere tenez : Bauduïn est par droit non apelez. Ses mestres est .I. traïtre prouvez : 14484
Drues a non, moult sui vers lui irez
Quar laidement est vers moi parjurez. Or vous dirai, Gyrart, que vous ferez : Se vous ces .IT. a mon bon me rendez,
14488
En no païs nous en verrez ralez, En vo chastel tout em pes remaindrez Que ja par moi n’i serez empirez. Se ce ne fetes et vous plus les tenez,
14462.
môntez (= monntez), corr. C.
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14492 A ceste porte iert li assaut criez ; N’en partirai pour venz ne pour orez Jusqu’a cele heure que vous saisi serez !
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Et, se par force estes a moi livrez, En nostre terre dela serez menez ;
La serez vous escorchié et salez Et puis aprés de miel oinz et frotez, En mi la place en la roe tournez ;
14500 Et a midi, quant jour iert eschaufez Et le soleill est chaut et haut levez, La serez vous de nos chicns devourez. » Gyrart l’entent, moult en fu esfree[z]
14504
Quar trop estoit en la vile esseulez :
JL furent quant touz les ot contez Et Pierrus ot .XXX." adoubez 14508
Sanz les archiers que il ot amenez. N'est pas merveille se il les a doutez ! Et nonpourquant moult bel s’est confortez, Bien respondi com hom amesurez : « Sire Perrus, dist Gyrart le loez,
14512
Voir vous dirai se puis estre escoutez : Cil Bauduïn dont vous parlé avez A bien ceenz .II. anz esté gardez, Mes il a bien .V. jours ou .VI. passez 14516 Que Maillefer, le fort roy renonmez, Manda sa fame par ses briés seelez Droit a Miessines, ou il est sejournez. La dame y va, qui moult a de bontez, 14520 Et avoec li est Bauduïn alez, [fol. 135 v. a.] Si les conduit Madïans le senez. »
14503.
esfree.
RENIER
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Quant Pierrus l’ot, a poi n’est forssenez ; Dist a Gyrart : « Lerre, vous le celez ! Mes, par Jhesu, se ne le me rendez, Aiïnz qu’i soit vespre, de male mort mourrez ! » Et dist Gyrart : « Pour noient en jurez, Ceenz n’est mie cil que vous demandez, Grant mal feroiz se vous nous assaillez. Pour Dieu, frans hons, et quar vous pourpenssez ! Soiez preudom, bon consseill retenez. » Et dist Pierrus : « Par foy, vous m’abetez ! Pour seul ice que vous dit en avez Ja mes nul jour ne seroiz deportez. » Un cornet sonne, s’a les siens apelez :
14536
Ce senefie, bien les ot escolez, Que chescun soit d’assallir aprestez. Gyrart li preuz de la porte est sevrez, En la tour monte, richement s’est armez.
14540
Par mi la vile fut tost le ban criez Que chescun soit garnis et conrreez.
[DXLII] En Morimont fu la gent esmaïe. Devant la tour qui estoit batellie Ot .I. grant arbre dont la fueille balie 14544 Et par desouz ot une place onnie ; La asembla Gyrart sa baronnie : « Seigneurs, dist il, pour l’amour Dieu, vous prie De bien desfendre, si ferez vaillandie 14548
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Quar cil Pierrus est moult plain de boisdie, Fel et traïtre, Damedieu le maudie ! »
Adont s’escrie toute la compaignie : « Sire Gyrart, ne vous esmaiez mie Quar pour mourir ne ferons couardie ! »
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Gyrart l’entent, forment les en mercie. ‘ As creniax montent, qui sont fet par mestrie, Les engiens tendent, qui geteront a hie.
14556 Voit les Pierrus, a poi qu’il ne marvie, Bien voit la vile li sera chalengie. [DXLIII] Pierrus fu fel, de male estracïon, Bastart estoit, onc ne fist se mal non.
14560 Sa gent escrie : « Assaillez a bandon ! Prise icrt la vile cui qu’il poist ct qui non,
14564
Ja ceuls leenz n’averont reançon. » La veïst l’en maint traïtre felon Porter eschieles pour monter environ. [fol. 135 v. b.] « Diex, dist Gyrart, par ton saintisme non, Deffent nous, Sire, de mort et de prison ! »
14568
Laigne et ramee aportent li felon, Enz el fossé les gietent a bandon ; Tant en i getent rasé sont jusqu’en sson.
[DXLIV] Li traïtour ont le fossé rasé, Par droite force s’en sont outre passé. 14572 Eschieles portent, dont il y ot plenté, As murs les drescent, contremont sont monté. Voit le Gyrart, si a haut escrié : « Deffendez vous, franc baron honnouré ! »
14576
Et cil si font, qui moult sont esfreé : Maint grant perron ont contreval geté, Merrien et piex qui lasus sont porté. Ceus des eschieles ont si mal atiré 14580 Plus de .IL. cenz en sont jus craventé ; Touz ceuls qui ont desouz le mur haoué
ENFANCES RENIER
14584
737
Ont ceuls deseure froissiez et entesté. Pierrus le voit, pres n’a le sens desvé ; Bien voit et set, s’en a le cuer iré, Qu’a cel assaut a petit conquesté. [DXLV] Moult fu Perrus courouciez et marris ; Voit sa gent morte, li auquant mal baillis.
14588
14592
14596
14600
Le jour trespasse et le soir fu seris, Li traïteur se sont arriere mis. Perrus jura lc roy de Paradis N’en partira, si sera Gyrart pris, Pendu sera ou detrait a roncins. Mes, se Dieu plest, le lerre en iert mentis : Forte iert la vile ou Gyrart iert assis, Bien se tendra se le ber n’est trahis. Hui mes dirons de Bertran le marchis Qu’assis avoit Marbrien le Perssis, Sovent assaut as murs d’araine bis. Bertran regrete tendrement ses amis, Viex iert et freles et moult iert afloibis.
[DXLVI] Li quens Bertran durement se gramie Quar moult avoit petit de compaignie. Hui mes rest drois que de Maillefer die,
14604
14608
Qui par mer nage a moult grant ost banie ; Renier, son filz, iert en sa compaignie. Droit vers Baudune a sa voie acueillie Bertran secourre vers la gent paienie, Mes trop iert loinz, a temps n’i venrra mie. [fol. 136 r. a.] Li quens Bertran iert en la tour antie.
738
ENFANCES
Paiens l’assaillent et font mainte envaïe ; Marbrien jure ne s’en partira mie,
14612
S'iert Bertran mort et sa gent detrenchie : Par traïson a sa prison brisie ! Avoec Bertran en la sale voutie lert Salabruns, qui moult sot de boisdie ;
14616
C'iert .I. lechierre, que le cors Dieu maudie,
Qui par paour ot sa foy relenquie. Quant voit la force de la gent paienie, Bien voit Bertran n’i porroit durer mie ; 14620 Lors sc pourpensse li cuvert plain d’envic, Mes n’en moustra semblant a cele fie, Que, se il puet, Bertran perdra la vie.
14624
Tant atendi que la nuit vint serie, .I. escuier apele ou moult se fie : « Amis, dist il, ne lairai nel vous die :
14628
14632
Vous en irez, quant la lune iert couchie, A Marbriens a la chiere hardie Et si li dites basset a vois serie S'il me veut rendre ma terre en ma baillie, HIT. royaumes qui sont de ma partie Dont je souloie avoir la seigneurie, Dites li bien, s’il ainssi le m’affie,
Je li rendrai Bertran sain et en vie Et ceste vile tout a sa conmaf[n]Jdie. » Et cil respont : « Bien iert l’oeuvre furnie. » 14636 Le glout s’en tourne que plus ne se detrie ; Par lui sera nostre gent donmagie !
14634.
conmadie, corr. C.
RENIER
ENFANCES
14640
RENIER
739
[DXLVII] Vet s’en l’espye quoiement a larron, Dusques as tentes n’i fist arrestoison. Marbrien trueve dedenz son paveillon Et le lechierre conmença sa reson ;
14644
Tout li conta du chief si ques en sson Que Salabrun li a mandé par non : S'il li veut rendre sa terre et son royon, Il li rendra, n’en soit en soupeçon, Toute la vile et le mestre danjon,
14648
Si porra ferc de Bertran tout son bon Aïnz que le sachent si chevalier baron. Dist Marbriens : « Salabruns est preudon, Sage et courtois, de bone afetoison !
Dites li, frere, que sanz male aucïon 14652
Toute sa terre li rendrai a son bon. » [fol. 136 r. b.]
[DXLVHI] Li més parla, qui bien savoit resnier : « Marbrien, sire, moult fetes a proisier, Il m’en couvient arriere reperier
14656
A mon seigneur vo parole noncier. Vers mienuit fetes appareillier Toute vo gent armer et haubregier. Et nous devons une porte guetier ; 14660 Quant nous orrons vostre gent chevauchier, Si l’ouverrons tout amplement arrier, Enz enterrez, cui qu’il doie ennoier. Pris iert Bertran, ne se porra guetier : 14664 De mon seigneur a fet son consseillier Et plus s’i fie qu’en nul autre princier. » Dist Marbriens : « Moult fetes a proisier ! Amis, biau frere, penssez de l’esploitier
ENFANCES
740
14668 De nostre afere plus que porrez noncier. »
14672
Et cil respont : « Plus n’en couvient proier. » A ces paroles est retournez arrier, En la vile entre sanz point de l’atargier Par .I. guichet qu’ot fet desverroullier. À son seigneur ala tout acointier Ce que li mande Marbriens l’avressier. Salabrun l’ot, n’i ot qu’esleescier.
14676 Diex, que Bertran ne set cel encombrier ! Il li feïst la teste rooïignier. [DXLIX]
14680
14684
14688
Li quens Bertran au courage vaillant Iert tout armé sus le destrier courant ; Par mi les rues va le ber chevauchant, A sa gent proie, por Dieu le royamant, Que bien gardassent jusqu’a l’ajournement. Dist Salabrun, que le cors Dieu gravent : « Sire Bertran, ne vous doutez noiïent : Forte est la vile et derriere et devant, Vous poez bien tres or mes en avant Oster l’auberc et le hiaume luisant Et reposer jusqu’a l’ajournement. »
Et dist Bertran : « C’est .I. dit de noient ! Hons qui a guerre, ce vous di vraiement, Asseürer ne se doit tant ne quant. » 14692 Endementiers qu’il vont ainssi parlant, Es Marbriens et sa gent acourant ; En la porte entrent c’om leur va desfremant. Onques Bertran ne s’en perçut noiant,
14674.
mamande,
corr. C.
RENIER
ENFANCES
RENIER
14696
Si vit venir paiens esperonnant ; [fol. 136 v. a.] Devant les autres vint Marbriens bruiant Et si cria, quant fu enz, hautemant :
14700
Mourir l’estuet a duel et a tourment ! »
« Ou est Bertran ? ne se voist pas celant, Bertran l’entent, moult se va esmaiant :
14704
« Diex, dist il, Pere, par ton digne conmant, Qui m’a trahi si tres vilainement ? Mes, par le Roy qui maint el firmament,
Ainz que je muire, m’irai moult chier vendant ! »
[DL] 14708
Moult fu Bertran courouciez et iré Quant vit qu’il iert traÿ et enganez. Salabrun huche et li dit : « Ça venez |!
Gentis hons, sire, quel consseill me donrez ? » Quant Salabrun voit paiens a touz lez Et Marbriens, qui vient tout abrievez,
14712
14716
14720
Bien cuida estre del tout assegurez. Dist a Bertran : « De folie parlez ! Je vous defi, de moi bien vous gardez, Vo dieu ne vaut .IT. deniers monneez ! Par mon conssell, dont petit vous doutez, Est Marbriens en ceste vile entrez.
Aprés cestui plus biau jour ne verrez ! » Et dist Bertran : « Le louier en avrez ! » Lors trest l’espee dont le pont iert dorez, Mes le paien est en fuïe tournez, À haute [voiz] s’est li glouz escriez : « Marbrien, sire, et quar me secourez ! »
14722.
A haute sest, corr. C.
741
742
ENFANCES RENIER
14724 Bertran l’enchauce de grant ire eschaufez. Ainz qu’il fust gueres ensus de lui alez, Le fiert li quens du brant qui fu letrez ; Par mi la teste fu si bien ass[enjez
14728
Que jusques denz fu fendu et copez. Le glout trebuche, Bertran s’est escriez : « Outre, traïtre, que mal fussiez vous nez ! De vo service le guerredon avez,
14732
Ja mes preudome nul jour ne traïrez ! Monjoie ! escrie, frans chevaliers, ferez ! Vendez vous bien ançois que vous mourez, En l’onneur Dieu hui la mort recevez !
14736
Qui ce fera, il en sera sauvez,
En Paradis hautement couronnez. » Dient ses homes : « Sire, ne vous doutez,
Ja pour mourir ne feront laschetez. » 14740 Par mi la vile fu li cris grant levez, [fol. 136 v. b.] Li estour fort et la mortalitez. Li quens Bertran se combat aïrez, III. paiens devant lui a tuez, 14744 Mes tant y ot des cuvers deffaez, N'i vaut sa force .II. deniers monne[e]z.
N’i a chemin encoste ne en lez Qui tout ne soit de Sarrazins peuplez. 14748
Nos genz occïent, dont c’iert duel et pitez :
Homes, enfanz ont moult les chiés copez, As fames grosses ont ouvers les costez Et les enfanz ont par mi espeez. 14752 Moult en desplot au Roy de majestez,
14727. 14745.
assez, corr. C. monnez, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
RENIER
S’em prist justice tele com vous orrez Quar, ainz III. jours acompliz et passez, lert de paiens si grant la morteutez
14756
14760
14764
Que .XXX." aront les chiés copez. Li quens Bertran s’est en haut escriez : « Maillefer, sire, ja mes ne me verrez ! » Mes pour noient s’est le ber dementez : Roy Maillefer s’est durement hastez, Il et Renier qui iert en mer entrez, Mes .I. orage les ot un poi grevez. [DLI] Moult fu Bertran courouciez et marris Quant il se vit de paiens si soupris.
Ne set ou trere por estre a garant mis, Ses homes voit detrenchiez et occis. « Diex, dist Bertran, qui en la crois fus mis,
14768 Or voi ge bien plus n’i a de mes dis,
14772
14776
Par traïson serai mort et occis ! Maillefer, sire, gentis hom posteïs, Ne me verrez mes jour que soiez vis. » Es vous atant Marbrien l’Antecris, L. fauxart porte dont l’acier fu fourbis,
De no genz fet moult grant abateïs ; Cui il conssuit bien est de la mort fis ! Plus de .L. en a a la fin mis. Ou voit Bertran, s’est cele part guenchis ;
Le jaiant crie : « Vassal, rendez vous pris ! Se ce ne fetes, ja serez mal baillis.
14754. 14755.
acoupliz. mortentez, corr. C.
743
ENFANCES
744
RENIER
14780 — Ja Dieu ne veulle, dist Bertran au fier vis,
14784
Que ge me rende tant com ge soie vis ! En mon poing est enquor le brant brunis Bon et entier, n’est brisiez ne croissis. Ainz que ge muire, me serai chier meris [fol. 137 r. a.] Et, se Diex veut que ci soie fenis,
M'ame iert sauvee au grant jour de juis. » 14788
Marbriens l’ot, s’en fu mautalentis. À sa gent crie : « Bertran soit assaïllis,
Mes gardez bien que il ne soit ocis, Ainz veull qu’il soit tout en sa force pris, Si en ferai du tout a mon devis ;
14792 Ainz demain vespre iert detrait a roncis. » Quant Bertran l’ot, moult fu espaouris, Escordement reclaime Jhesu Cris. Del branc qu’il tint a maint paien occis. 14796 Marbriens voit .I. Turc a la fin mis : Son cousin iert, si en fu moult marris. Le fauxart hauce, s’est vers Bertran saillis ; Grant cop li done le cuvert maleïs,
14800 Par mi la teste fu li quens consivis. Ne fust le hiaume qui iert fort et massis, Pourfendu fust, je croi, si ques el pis ! Et nonpourquant tant fu fort estourdis 14804 Pasmé chaï entre ses anemis. Ainz qu’il relieve ne qu’il soit resperis, Fu li frans quens de toutes pars sesis Et de ses armes fu moult tost desgarnis.
14782.
frât (= frant) brunis, corr. H.
ENFANCES RENIER
745
[DLII] 14808
14812
Pris fu Bertran de la gent paienour Et touz secs homes sont ocis a doulour. Mahomet jure Marbriens l’aumaçour Que ja si tost n’apercevra le jour Qu’a Loquiferne s’en ira sanz demour. S’il puet trouver Maillefer en la tour, Il l’ocira, ce dist, ainz le tierz jour.
14816
[DLIIT] Prise est Baudune et la tour conquestee, La gent françoise ocise et decopee. Marbriens monte en la sale pavee ; Bertran amaïnent cele gent mal senee,
14820
Entour le col li ont la hart nouee. Le fel jaiant en a sa loy jure[e] : Devant la vile, Loquiferne la lee,
lert Bertran mort et sa char tourmentee.
Dist Piecolet : « C’iert folie prouvee ! 14824
Quant Maillefer a bien la teste armee, Il n’est nul home qui ait a lui duree. S'il set conment ceste chose est alee,
Il ne lairoit pour riens en terre nee 14828 Qu'il ne sequeure Bertran chiere membree. [fol. 137 r. b.] Se le perdons, c’est verité prouvee, Ja mes la perte n’en sera restoree. »
[DLIV] Dist Piecolet, le traïteur mortés :
14820.
jure, corr. C ; faute par haplographie.
746 14832
ENFANCES RENIER « Marbrien, sire, se mon conseill creez,
Cruel justice de Bertran prenderez, A vo plesir maintenant le tenez ;
14836
De tele mort que vous deviserez Doit son cors estre occis et tourmentez Quar son lignage a moult paiens grevez. » Dist Marbriens : « Vous dites veritez,
Mes guerredon l’en iert hui delivrez. » 14840 Adont conmande le jaiant deffaez Que Bertran soit isnelement menez Dehors la vile enz el milieu des prez ; La sera il a chevaus desciplez. 14844 Dient paiens : « Si iert com dit avez. » Hors de la vile en fu li quens menez,
De Baudune issent Sarrazins a touz lez Pour vir conment Bertran iert atournez. 14848 Roy Marbriens a ses barons mandez Et il i vinrrent, nul n’en est arrestez, Et le jaiant les a aresonnez : « Seigneurs, dist il, quel consseill me donrrez ? 14852 Conment voulez, gardez nel me celez, Cist chaitif soit occis et afinez ? » Dient li uns : « Sire, quar le pendez ! » Les autres dïent : « Mes vous l’escorcherez ! » 14856
Dist Piecolet : « Sire, trop demourez :
Dit aviez qu’il seroit desciplez, À IL. chevaus detrait et desmembrez. S’ainssi le fetes, par tout serez doutez. » 14860 En tant qu’estoit Bertran si deparlez, Chescun disoit de lui ses volentez.
14833.
justistice, corr. C.
ENFANCES
14864
14868
RENIER
747
« Diex, dist li quens, qui en crois fus penez, Au jour de Pasques de mort resuscitez, Penssez de m’ame, par vos saintes bontez, Quar ge voi bien ne puis estre eschapez Mon cors ne soit a martire livrez. » A une estache qui estoit enz es prez Estoit Bertran loiez par les costez. Or vous dirai, s’entendre le voulez,
De Florentine au gent cors honourez, Qui estoit fame Maillefer li membrez,
14872
Et de sa gent, qui moult sont esfreez [fol. 137 v. a.] Quar de l’orage sont durement grevez. Tant vont vaucrant au vent et a l’orez Que souz Baudune tout droit sont arrivez,
14876 Mes des paiens ne sont pas avisez. Madïans a errament conmandez Que sa gent soient fervestus et armez 14880
Quar il ne sout ou il sont aterrez, Et il si font tres qu’il l’ot conmandez.
[DLV]
14884
14888
14883.
Desouz Baudune est la dame arrivee. Moult par fu lie quant se voit aterree Quar de l’orage ot esté moult grevee. Madïant huche a la chiere membree : « Amis, dist ele, pour la vertu nonmee, Ou sonmes nous et en quele contree ? Ceste cité qui si bien est fremee, Est ce Miessines que j’ai tant desiree ? » Dist l’estrumant : « Franche dame honoree,
grevevee, corr. C.
ENFANCES
748
RENIER
C’est une vile qu’est Baudune apelee, Ou Maillefer, qui tant a renonmee, 14892 A tant de paine souferte et enduree. Bertran la garde a la moie penssee. » La dame l’ot, grant joie en a menee,
Sainte Marie en a du cuer loee.
[DLVI] 14896
14900
« Madïans, frere, dist la dame au cors gent, Bien devons Dieu aourer hautement Qui de la mer nous gete a sauvement Quar bien cuidai mourir certainement Del grant orage qui nous greva forment ; Et d’autre part nous va moult gentement Quant el rrivage sonmes entrez najant. Esploitons nous tost et delivrement,
14904 En la cité entrons seürement Quar trop me doute de la paienne gent. Bien sai Bertran ne nous perçoit noient, En aucun lieu est or secreement :
14908
Quar, s’il savoit, par le mien escïent, Que nous fussons arrivez telement,
Encontre nous venroit isnelement A moult grant joie, il et toute sa gent. » 14912 La gentil dame ne set pas le tourment Que Bertran suefre, qui ot grant marrement. S’ele seüst com li est couvenant, Ele n’entrast en la vile noiant 14916 Qui li donast tout l’or de Boïvent. [fol. 137 v. b.]
14902.
arrivage.
ENFANCES RENIER
[DL VII] Madiïant fet sa gent appareillier, Des nés issirent serjant et escuier. La dame adestrent doi vaillant chevalier. 14920
Bauduïn l’enfes, qui le courage ot fier,
Tint Gracïenne et menoit sanz dangier ; Cele estoit fille Maillefer le guerrier, De Renier iert en moult grant desirier 14924 Qu'il la preïst a per et a moullier. Mes jusqu'a poi, mentir ne vous en quier, N’avra talent de deduit conmencicr. En la vile entre la dame et si princier, 149238 Bien se cuidoient a sseür herbregier ! Ançois le vespre ne le soleill couchier, Aront paour de leur testes trenchier Quar .I. paien, cui Diex doint encombrier, 14932 A Marbrien l’ala dire et noncier Tout le couvine no gent et acointier. Marbriens l’ot, le sens cuide esragier.
[DLVII] Marbrien a la parole escoutee 14936 Que au port est une nef arrivee, Sans son congié est en la vile entree. Mahomet jure, ou a mis sa penssee,
Tuit seront mort ainz que past la jornee.
14940 A Piecolet et ceuls de sa contree
14944
A conmandé Bertran chiere membree Que il le gardent dusqu’a sa retournee. S’il leur eschape por riens de mere nee, La teste avra chescun errant copee. Dist Piecolet : « Tel reson nous agree. » Roy Marbriens en a sa gent menee,
749
750 14948
ENFANCES RENIER Envers Baudune s’est tout acheminee. Or vous dirons, s’il vous plest et agree, De la duchesse, qui moult fu effreee : Quant ele fu dedenz la vile entree Et avoec li sa mesnie privee,
14952
Home ne fame n’ont la dedenz trouvee. Mainte meson i trouverent gastee Et mainte sale abatue et verssee. Dehors la vile ont grant noise escoutee 14956 Que paiens font, la pute gent desvee. « Diex, dist la dame, com sui espoentee ! Je cui et croi, a la moie penssee,
Que paiens ont ceste vile gastee. » 14960
Entrues que s’est la dame dementee, [fol. 138 r. a.]
Vers sa mesnie vouloit estre ralee. Aüinssi qu’il cuident fere la retournee, Voient la porte de paiens encombree : 14964 D’entrer se hastent, qui ainz puet l’a passee. Voit les la dame, de paour chiet pasmee. Quant ses barons l’en ont sus relevee,
14968
Une grant tour ont devant eus trouvee Dont la porte iert ouverte et desfermee. Droit cele part ont la dame portee, Enz sont entrez, n’i a qui leur devee,
Puis ont la porte verroillie et barree.
14972
[DLIX] Roy Marbriens a no gent esgardez Sus en la tour ; a poi qu’il n’es[t] desvez : Crestiens sont, bien s’en est avisez.
14973.
nes desvez, corr. C.
ENFANCES RENIER
Mahomet jure, a cui il s’est donez, 14976 Touz ierent mort a duel et a viltez,
14980
14984
Mar arriverent sanz son congié leur nefz ! Sa gent escrie : « Cele tour abatez Et ceus dedenz a martire livrez ! » Dient paiens : « Si com vous conmandez. » Adont assaillent environ et en lez. Ceus dedenz getent pierres et piex quarrez, De Sarrazins ce jour ont moult tuez. Jusques au vespre a li assaut durez, Onc n’i conquistrent paiens .Il. aus pelez, La tour fu haute de murs bien maçonnez.
[DELX] La nuit aproche et le jour va faillant ; 14988 Roy Marbriens va sa gent retraiant. Mahomet jure son dieu et Tervagant Que l’endemain tres l’aube apparessant Fera drecier la periere getant 14992 De quoi la tour ira jus craventant, Touz ceuls dedenz en ira tourmentant. Mes, se Dieu plest, il ira autrement
Se Diex guerist Renier le combatant 14996 Et Maillefer, son pere, le puissant ! Par mer venoient et moult se vont hastant. En la grant tour sont nos barons dolant ;
Par tout ont quis et arriere et avant, 15000 De chambre en chambre sont il alez cerchant, Mes il n’i truevent pain ne vin ne fromant ; N’ont de quoi vivre, moult se vont esmaiant.
Cele nuitie passent sifaitement
751
752
15004
ENFANCES
RENIER
Qu'il [ne] mengierent ne ne burent noïient.
[fol. 138 r. b.] Moult se demente Florentine au cors gent Et son seigneur regrete doucement : 15008
« Maillefer, sire, dist la dame en plorant, Vous me mandastes ge venoie a vo mant,
Mes forvoïe sui trop vilainement Tout par l’orage qui ci nous vint chaçant ! Ne me verrez ja mes en vo vivant 15012
Quar, ainz demain le soleill esconssant,
Serons nous pris de la gent mescreant Ou de famine mourrons, mien escïant. » Lors chiet pasmee la dame el pavement 15016 Quant l’en relievent si chevalier vaillant. Or vous dirons, s’il vous vient a talant, De Piecolet, le traïteur puant,
Qui Bertran garde enz el pré verdoiant. 15020 A une estache l’ont loiez li tyrant, Souvent le batent et derriere et devant. Et Bertran crie : « Merci, por Dieu le grant ! » Et, quant il voit n’avra merci noient, 15024 A Piecolet a dit moult hautement : « Lerre, traître, le cors Dieu te cravent
15028
15004. 15029.
Quant tu me lais vivre si longuement ! Miex ameroie mourir hastivement Qu’ainssi languir et estre a tel tourment. » Dist Piecolet : « Vous parlez en vacant ! Chier comperrez, ce vous jur et creant, La mort Tiebaut d’Arrabbe le puissant !
Quil mengierent. Dist piecolet. vous parlez pour en vacant, corr. C.
|
ENFANCES
RENIER
15032
Vous le navrastes d’un espié en lançant,
15036
Mal guerredon vous en irai rendant. » Lors le feri .IIIIL. cops d’un verjant Si que du cors li va le sanc coulant.
Del cop mourut, dont mon cuer est dolant ;
15040
Quant Bertran voit merci n’avra noiant, A sa vois clere s’escria hautement : « Vrai Dieu, dist il, biau Pere omnipotent, En vostre garde met m’ame entierement Quar le cors est alé, mien escïent. » Or vous dirons, s’il vous vient a conmant, De Maillefer, le hardi combatant,
15044
Et de Renier, li damoissiax vaillant,
Qui amenoïient le secours avenant. Tant ont siglié au vent qu’il orent grant Que souz Baudune se vont droit arrivant. 15048 Des nés issirent a la lune luisant, [fol. 138 v. a.]
Par mi les prez vont terre pourprenant. Mes de tant va a no gent gentement Que Sarrazins ne les vont percevant. 15052
Renier escoute, oit la gent mescreant Et ot Bertran, qui Dieu va reclamant ;;
Bien le connut et ala ravisant. Cele part queurt ou l’oit doulousant.
15056
Onc Piecolet ne l’aperçut noiant ; Si vit nos genz qui le vont encloant, Devant les autres venoit Renier bruiant,
15060
En ses poinz porte .I. pel agu et grant. Quant Piecolet le va reconnoissant,
15037. 15055.
bertrant ; faute par anticipation de la rime -ant. queurt est tracé en bout de ligne.
53
754
ENFANCES
N'’ot tel paour mes en tout son vivant ;
En fuïe tourne por lui metre a garant, Ses compaignons lessa tout quoiement, 15064 Onques n’i prist congié certainement ! Droit vers Baudune se vet acheminant. Renier le preuz ne l’af[la] pas sivant, Ne se prist garde du petit naïn tyrant.
15068
[DELXI] Vet s’en fuiant Piecolet a larron, Par .I. vaucel s’en fuit tout le troton ;
Le Roy de gloire li doint maleïçon ! 15072
Tout estraier lessa le franc baron Bertran le conte, qui n’avoit se mal non :
Moult se demente et fet grant marrisson Quar bien cuidoit mourir sanz reançon. Mes, se Dieu plest, il avra guerison ! 15076
Es vous courant Renier le dansillon.
[DEXII] Mouit se demente Bertran en souspirant : « Diex, dist il, Pere, par ton digne conmant, Qui de la Virge nasquis en Belleant, 15080 Penssez de m’ame, s’il vous vient a conmant, Quar le cors est alé, mien escïant. » A ces paroles vint Renier acourant, A Bertran vint, qui moult s’aloit pleignant ; 15084 Loiez le trueve a une estache grant, Si le gardoient .XXX. Popeliquant.
15062. 15066.
gagarant, corr. C. ne la pas, corr. C ; faute par haplographie.
RENIER
ENFANCES
RENIER
755
Chescun tenoit ou baston ou verjant,
15088
Si le batoient et derriere et devant. Voit le Renier, si leur va escriant : « Filz a putain, Jhesu Crist vous cravent ! Si m'aït Diex, touz irois comperant
Qu'’ainssi alez ce franc home empirant ! » Un fauxart voit, a sses .IL. poinz le prent : [fol. 138 v. b.] Miex l’aime assez qu’il ne fet le perchant. Fiert .I. paien si vertueusement Que jusque el piz le va tout pourfendant, 15096 Et puis .I. autre et le tierz en ssivant. Cui il conssuit, il n’a de mort garant ! Quant paiens voient leur damage pesant, 15092
Le plus hardi s’en est tourné fuiant ;
15100
Bertran lessierent estraier telement.
15104
Quant il le voit sus ses piez en estant, Dieu en gracie le Pere tout puissant. Onc ne le vout guerpir ne tant ne quant,
Renier le voit enquore tout vivant ;
Aünz le deslie tost et isnelement,
Puis li demande com li est couvenant. 15108
Et Bertran va lors Renier ravisant, N’ot mes tel joie en trestout son vivant, Adont li conte trestout son errement,
Conment fu pris par .I. paien pullent Qui le traÿ ainssi vilainement.
15112
[DLXIII] Grant joie maine Bertran, li frans marchis,
Quant il se voit hors de la prison mis Et entour lui voit venir ses amis Quar bien cuidoit de la mort estre fis.
ENFANCES
756
RENIER
15116 Roy Maillefer i vint tout ademis Et avoec lui moult de barons de pris.
15120
Quant Bertran voient, chescun fu esjoïs, Envers les nés a retourner sont pris ; Reposer veulent jusqu’au jour esclarcis,
Mes, s’il seüssent de la dame gentis Qui en la tour iert avoec ses nourris, La l’ot assise Marbriens l’Antecris,
Ja assaïllissent, n’i eüst terme mis. Ainz que le sache Maillefer le hardis, Avra la dame moult de travax sentis Et de famine ; li liex iert desgarnis 15126 Ou ele estoit, n’i ot ne geu ne ris. Or vous dirai des paiens maleïs : Piecolet est en la vile fuïs, A Marbriens s’en vint tout ademis : 15132 « Sire, dist il, fol plet vous est bastis ! Laval au port, dont ge sui moult penssis, Est arrivé Maillefer fervestis
15124
Et le vallet qui vo frere a occis ;
15136
15140
15144
Soudoier est, moult par est posteïs, [fol. 139 r. a.] Si ne veut dire a home qui soit vis Dont il est nez ne de comfait païs. Mes compaignons a touz a la fin mis Fors moi tout seul, qui m’en sui afuïs, Si a resqueus Bertran, qu’avions pris. » Marbriens l’ot, a poi n’esraja vis, De duel et d’ire devint taint et noircis : « Mahom, dist il, com je sui escharnis !
Pour quoi soufrez que ge sui si soupris ? Au grant besoig vous endormez touz dis ! »
ENFANCES
15148
RENIER
757
[DLXIV] Roy Marbriens fu de moult grant posnee, Fort ct cremu quant la teste ot armec. La tour avoit moult bien avironnee Ou la dame iert, et sa fille, ensserree
15152
15156
Et avoec lui sa mesnie privee. Riens ne savoit la duchesse honnouree Que Maillefer fust logié en la pree. Ele et sa fille s’est forment dementee Quar chescune iert de famine grevee. La nuit trespasse, si vint la matinee. [DLXV] Moulit fu la dame durement esmaïe ; Sa fille voit, qui plouroit et lermie, De la famine ot la couleur palie.
15160
15164
« Diex, dist la dame, qui tout as en baillie,
Secourez nous et nous fetes aïe ! Madiant, frere, dist la dame enseignie, Fetes errant que la tour soit cherchie De chambre en chambre, haut et bas, par mestrie Se ja viande i eüst nus lessie Ou autrement n’i porrons vivre mie. — Dame, dist il, a vostre conmandie. »
15168
[DLX VI] Quant Madïans voit sa dame esmarrir,
Li et sa fille de famine palir, Chescun des autres de mengier a desir,
15157. esmaiee, corr. C. ; faute par réminiscence de la laisse précédente.
758
15172
ENFANCES RENIER
La tour cercha haut et bas sanz loisir. En .I. destour est alé pour veiïr ; Voit .L. aumaire, si le courut ouvrir, Tout plain de miches c’on y ot fet quatir.
[DLXVII] 15176
Quant Madïant a l’aumaire trové, L'’uisset ouvri, moult tost l’ot desfermé,
Bien .IL. cenz pains y a dedenz trouvé
15180
15184
15188
Qui touz estoient de froment beluté. Un autre huisset a d’encoste avisé, Il l’a ouvert tout ensus et bouté : [fol. 139 r. b.] Leenz avoit .XX. paons empevré Qui por mengier ierent bien atiré. Dist Madïans : « Le Roy de majesté Celui graci qui ce nous a gardé ! » En ce que cil a ainssi Dieu nonmé, .J. bacheler l’a moult bien escouté, D'une bovete ist ou il ot esté ; Escuier fu quens Bertran l’alosé, De son païs l’ot o lui amené.
La iert fuÿ pour la paienneté Quar autrement eüst esté tué.
15192
[DLXVII] De la bovete est le vallet issus. Madïant voit, si li rendi salus
Del Roy de gloire, qui el ciel fet vertus. 15196
Dist Madïans : « Bien soiez vous venus ! Amis, biau frere, dont estes vous issus ? »
Et cil li conte, que ne li cela plus, Tout son afere, conment s’iert maintenus.
ENFANCES RENIER
15200
159
[DLXIX] Quant Madïans ot l’escuier oÿ, Tout son afcre li aconta aussi Conment il ierent en la tour afuï : « Assis nous ont li paien Arrabbi,
15204
15208
Roy Marbriens, qui onc Dieu ne creï. Se Diex n’en pensse, morz serons et peri ! » Dist Manessier : « Onques tele n’oÿ ! » A Madiant conta tout et gehi Conment paiens orent Bertran saisi : « Bien croi et pensse mort l’ont et mal baïlli. » Dist Madïant : « Tant sonmes plus marri Quar ge ne sai qui nous secourra ci. »
[DLXX] 15212
Quant Madïant Manessier escouta, Qui de Bertran telement dit li a,
Au vallet conte tout ainssi qu’il leur va : « Manessier, frere, par Dieu, qui tout fourma, Onques ersoir nul de nous ne menja ;
15216
Diex le guerisse qui ce pain ci mis a Et ces paons si tres bien atira ! Au desjuner nostre gent y avra,
Bien .VIL** sonmes qui touz nous contera. » 15220
Dist Manessier : « Ne vous esmaiez ja : Enz el celier .C. touniaus de vin ra Et el lardier .IIIL. cenz bacons gras, Mes plus de pain n’i sai que veez la. » 15224 Dist Madïans : « Qui bone char avra [fol. 139 v. a.] Et de bon vin longuement y vivra ! » Aprés ce mot en la grant tour monta Ou la duchesse se plainst et doulousa ; 15228 Mes Madïant bien la reconforta
ENFANCES RENIER
760
15232
Et li a dit que a mengier avra. La dame l’ot, moult s’en asouaja Et Manessier la table appareïlla. Chescun s’assiet qui mengier desira Quar a plenté le keu leur aporta, Et vins sus lye des meiïllors qu’il trouva. Or vous dirons, qui bien l’escoutera,
15236 De Marbriens conment il esploita : Ceuls de la tour durement menaça. [DLXXI] Roy Marbriens fu forment aïrez Quant il ot dire Maillefer est passez,
15240 Devant la vile logié et atravez. En mi la vile ou le marchié fu lez A ses hauz homes devant lui apelez : .V. rois y ot et .XIIIL. amirez 15244 Et .XXX.\ de paiens desfaez. Roy Marbriens les a aresonnez : « Seigneurs, dist il, quel conseill me donrez ? Se bien vous semble et vous i acordez, 15248 A Maillefer, qui tant est forssenez, Prendrai bataille cors a cors en ces prez Quar je vous di, et si est veritez,
Ja contre moi n’avera poestez. » 15252 Dient ses homes : « Sire, bien dit avez ! Se Maillefer estoit a fin alez, Li remenans seroit tost desmembrez. » Dist le jaiant : « Bien consseillié m'avez. 15256 Or vous dirai conment vous mainte[n]drez :
15256.
maïntedrez (= mainntedrez), corr. C
ENFANCES RENIER
15260
_ 15264
15268
A cele tour nulement n’assaillez Jusqu’a cele heure que le champ iert finez Quar ne voudroie por l’or de .IL. citez Que ceuls la hors seüssent veritez Que ci eüst crestiens enfremez, En ceste tour assis et ensserrez. » Dient ses homes : « Nous ferons touz vos grez. » Dist Marbriens : « Piecolet, ça venez ! A Maillefer erranment en irez Et de par moi bataille afierez. » Dist Piecolet : « Sire, mal dit avez Quar ge n’iroie por l’or de .XX. citez ! [fol. 139 v. b.] Quar je sai bien, et savoir le pouez, S’il me tenoit, tost seroie finez :
15272
Il me het plus que home qui soit nez, Par moi fu il pris et emprisonnez, Il et Bertran, qui nous est eschapez. » Dist Marbriens : « Or soiez respitez ! »
[DLXXII] Roy Mafrlbriens .1. message apela : 15276
15280
761
« Amis, dist il, aler vous couvendra A Maillefer, qui grant hardement a ; Et si li dites, ne li en mentez ja,
D'’ui en III. jours tant de respit avra, S'il l’ose fere, la bataille avera Contre celui qui mon frere tua. S’il me puet vaincre, toute la terre avra, Jusqu’en Egypte crestienté metra.
15284
Se je puis vaincre son champion dela,
15275.
mabriens, corr. C.
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762
RENIER
Si lest ma terre quar nis .I. droit n’1 a, Voist s’en arriere si con il vint deça. » Dist le paien : « Tres bien dit li sera. » 15288 Congié a pris, errament s’en tourna, De la vile ist, durement se hasta. As escharguetes de no gent demanda Roy Maillefer ou trouver le porra. 15292 Et dist Renier : « Bien moustré vous sera. » A Maillefer le messagier mena. Le Sarrazin son message conta Tout autressi que ses sires manda. 15296 Renier l’entent, grant joie en demena Quar la bataille a avoir desira, Mes le respit forment li ennuia. Et Maillefer moult bien s’i acorda 15300 Et dist qu’entrues son cors reposera. Le Sarrazin arriere repera,
La porte passe et en la vile entra. À Marbrien dist bien et raconta 15304
Que la bataille au crestien avra :
15308
Si ait la terre cil qui la conquerra ! Mes moult li poise que nul respit y a, Mes Maillefer moult bien s’i acorda. Dist Marbriens : « Bien sai qu’il me douta. »
[DLXXIIT]
15312
Quant la bataille fu ainssi fiancie, Trois jours ont trieves, si fu l’oeuvre establie. Hui mes est drois que de Gyrart vous die Et de Pierrus, que Damedieu maudie : [fol. 140 r. a.] Morimont ot environ assiegie, Il n’est nul jour qu’il n’i face envaïe.
Bien le deffent Gyrart chiere hardie :
ENFANCES
15316
RENIER
Forte iert la vile et moult bien bateillie. Quant Pierrus voit qu’il ne la prendront mie,
Lors ot tel duel qu’a poi qu’il ne marvie Quar bien cuidoit li cuvert plain d’envie 15320
Bauduïnet fust en la tour antie.
[DLXXIV] Pierrus le fel fu de mal escïent : A Morimont assaillot moult souvent. Gyrart iert enz, qui moult bien le deffent, 15324 Mes avoec lui avoit petit de gent. Pierrus penssa en son cuer quoiement Que, se il puet par nul afetement, Il traïra Gyrart prochainement. 15328 .I. sien message envoie isnelement Droit a Gyrart, si li mande briément
Qu'il veut parler a lui priveement Et fere pes a lui par serement. 15332
Cil s’en tourna tost et isnelement,
A Morimont vint sanz encombrement. Gyrart trouva el mestre mandement : Tout li conta, ne l’en ala mentant,
15336
Ce que ses sires ala Gyrart mandant. Et dist Gyrart : « Volentiers liemant Li pardonrai trestout mon mautalant S’il s’en reveut aler d’ore en avant. » 15340 Dist le message : « Vous parlez sagement ! Venez a lui, si orroiz son talant. »
[DLXXV] Le messagier de Gyrart se parti, Tout droit as tentes arriere reverti ;
15344
Pierrus conta tout ce qu’avez oÿ
763
ENFANCES
764
15348
Et le traïtre forment s’en esjoï. Gyrart le preuz, qui mal n’i entendi, Vint a la porte, le guichet entr’ouvi. Tout desarmé i vint Pierrus aussi : Ne vouloit mie qu’il se doutast de lui. « Gyrart, dist il, entendez envers mi : Je vous conjur de Dieu, qui ne menti,
15352
Voir me contez, que ne m’en soit menti. »
RENIER
[DLXXVI] Pierrus parla, qui moult sot de boisdie : « Gyrart, dist il, or ne me mentez mie : Se vous tenez mon frere en vo baillie, Rendez le moi, si ferez courtoisie. [fol.140 r. b.]
15356
En couvenant vous ai par foi plevie Ne li ferai ne mal ne vilanie. » Et dist Gyrart : « Par Dieu, le filz Marie,
15360 Voir vous dirai se Diex me face aïe : Avoec la dame qui est d’ici partie Ala vo frere o li en sa navie, Droit a Miessines ont leur voie acueillie. » Pierrus respont par mal et par envie : « Gyrart, dist il, or ne vous mescroi mie ! Ce poise [moi] pour tant qu’ai conmencie
15364
Encontre vous assaut ne estoutie
15368 Quar preudome estes et de bone lignie. Amende iert tout a vo conmandie : Or et argent vous donrrai grant partie. » Tout li pardone bonement sanz boisdie
15366.
Ce poise pour tant. LA
ENFANCES
15372
RENIER
Li quens [Gyrart] quant voit qu’il s’umelie, Mes ne set pas la tres grant felonnie Que Pierrus pensse ne la grant tricherie.
[DLXXVII] Pierrus parla, qui moult sot bel resnier : 15376
« Gyrart, dist il, moult fetes a prisier :
Ne cuidiez mie que je veulle empirier Le mien chier frere, ainz le veull essaucier ! Pour ce qu’en vous a loial chevalier,
15380 En amendise de vo lieu deforcier III. somiers vous ferai d’or chargier Et III. sonmes de dras pour courtoier Dont porront estre vestu li soudoier. 15384
Et le matin ferai m’ost deslogier,
En no païs en voulons reperier. Quant li mien frere revenra ci arrier,
Dites li bien que ge l’aim et tien chier. 15388 Quant il iert d’age pour estre chevalier, Tout li rendrai volentiers sanz dangier Toute la terre qu’ot son pere a baillier. » Et dist Gyrart : « Ce fet a merciïer ! 15392 S’ainssi le fetes que je vous oy noncier, Chescun vous doit et amer et prisier. » Et dist Pierrus : « Ce vous veull francier ! Enquor veull miex vers mon frere esploitier. » 15396 Pour ce le dist Pierrus le losengier Gyrart cuidoit de la porte esloignier.
15372.
Li quens quant voit quil sumelie, corr. Mt.
765
766
ENFANCES RENIER
[DLXX VII] Quant Pierrus voit que Gyrart pas n’istra Hors de la porte ne a lui ne vendra,
15400
Lors ot tel duel a poi qu’il n’esraja, [fol. 140 v. a.] Mes le traïtre nul semblant n’en moustra. Congié a pris, a ses trés s’en reva. Gyrart li preuz en sa grant tour monta ; 15404 Moult est joians que Pierrus s’en rira, Mes ne set mie que le lerre penssa. Se Diex n’en pensse, Gyrart mort en sera ! Picrrus le fel a ses genz conmanda 15408 Qu'il deslojassent : en mer entrer voudra Quar, se il puet, Gyrart engingnera. Et cils si font tres qu’il le conmanda. En leur nés entrent, chescun moult se hasta,
15412
15416
A moult grant haste tout l’ost se desloja. Leur sigles lievent et le vent s’i mesla. Vers une roche li glouz s’achemina ; En .I. regort de mer, la s’embuscha, De Morimont nel puet on veoir la. Pierrus le fel .IL. naves apresta,
Puis entra enz, .ILM homes mena. Tiex cognoissances et tiex armes porta
15420 Com Maillefer quant en bataille va.
15424
15417.
Et l’autre nef appareillier rouva, En tel maniere moult tres bien l’atira Que la nef iert ou la dame en ala Quant Maillefer, son seigneur, la manda. Lors a juré qu’a Morimont rira Quar, quant Gyrart les enseignes verra,
Pierre (= Pierruse), corr. C.
ENFANCES
15428
RENIER
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Bien set de voir qu’encontre lui istra ; Ainssi iert pris, eschaper ne pourra. Diex, quel malice le glouton pourpenssa ! Tout enssement fu il quil devisa.
[DLXXIX] Pierrus le fel, qui de Dieu soit dampnez,
15432
15436
Vers Morimont s’est droit acheminez. Par .I. matin se fu Gyrart levez, En la grant tour iert as estres montez. En la mer garde, si vit venir les nesz ; Voit les enseignes, si les connut assez.
Gyrart le preuz a ses barons mandez Et ceuls i vindrent de cui il iert amez : « Seigneurs, dist il, or vous reconfortez :
15440
Maillefer vient que vous tant desirez Et Florentine, dont Diex soit aourez ! Ja les verrés en ce port arivez ! Bien croi pour ce s’en soit Pierrus ralez, 15444 Le fel traïtre, qui Diex doint mals dehez ! [fol. 140 v. b.] Or vous dirai, seigneurs, que vous ferez : Atiriez vous au plus bel que pourrez, 15448 S’irons encontre celui dont sui amez, C’est Maillefer, bien soit il retrouvez
15452
15456
Quar bien cuidai, quant fu emprisonnez Entre paiens, mes n’en fust eschapez. » Ses homes dient : « Si com vous conmandez. » Les palefrois, les muls ont aprestez, Mes il n’i ot celui qui fust armez Quar ne se doutent de nului qui soit nez. Diex, quel damage, vrai Roy de majestez ! Se cil n’en pensse qui en crois fu penez,
ENFANCES
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Mort iert li quens, qui tant ot de bontez ! Les portes oeuvrent de la vile a touz lez Quar Gyrart iert de cuer asseürez ;
15460 De Morimont est issu li barnez, Gyrart devant sus le destrier montez, Moult richement vestu et arre[e]z, De dras de soie et d’ermins engourlez,
15464 Mes il n’ot d'armes fors que l’espee au lez, Ne nus des siens n’i avoit plus armez. Quant Pierrus voit qu’il vient si abrievez, Nc fust si liez por l’or de .IL. citez. 15468 Ses traïteurs a moult tost apelez : « Seigneurs, dist il, savez que vous ferez ? Vez ci Gyrart, qui est viex et meslez.
15472
Si tost qu’il iert venu pres de nos nesz, Gardez moult bien qu’il ne soit eschapez, En son chastel refuïs ne entrez.
Entrues qu’il iert des uns avironnez, A Morimont soient li autre alez. S’ainssi le fetes que deviser m’oez, La vile avrons toute a noz volentez. » Dient ses homes : « Or ne vous en doutez : Pris iert Gyrart et la vile averez. » 15480 Pierrus le fel estoit moult bien armez, Mes d’une houce iert desus aflubez ; Chescun des siens iert aussi atournez C’om ne veïst des armes la clartez. 15484 Es vous Gyrart, qui ne s’en iert gardez ; Moult pres des nés est li quens arrestez, Moult se merveille le vassal honnourez
15476
15462.
arrez, corr. C ; faute par haplographie.
RENIER
ENFANCES
RENIER
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Que Maillefer n’est a lui amoustrez
15488
15492
15496
Ne connoist nul de ceuls qu’issent des nés : [fol. 141 r. a.] Moult en y voit ja es chevaus montez, Mes il ne fu de nul d’euls saluez, Dont s’est Gyrart .I. petit esfreez. Bien vousist estre en Morimont rentrez, Mes c’iert a tart, trop iert avant alez. Gyrart apele ses homes plus privez : « Seigneurs, dist il, quel consseill me donrez ? Je me cricm moult que nc soic cngancz, Par traïson et mal mis et grevez. Ralons nous ent, se vous onques poez, À Morimont, no mestre fremetez. »
15500 Dient ses homes : « Si con vous conmandez. » A ces paroles es les vous retournez A esperons les frains abandonnez. Voit le Pierrus, en haut s’est escriez :
15504
« Seigneurs, aprés ! du retenir penssez ! »
[DLXXX] Vers Morimont Gyrart s’en retorna,
15508
Mes ne li vaut quar trop avant ala : Cils l’ont enclos qui ne l’ameront ja. Pierrus le fel hautement s’escria : « Gyrart, dist il, retournez a moi ça Quar le fuïr noient ne vous vaudra. Je sui Pierrus, qui tant grevé vous a,
15512 Au pardefin la vie vous toudra, Mar vous tenistes contre moi quant ving ça ! » Quant Gyrart ot le glouton qui cria, A sa parole moult bien le ravisa. 15516 Gyrart li dist quant de lui s’aproucha :
770
ENFANCES
RENIER
« Lerre, traïtre, mal ait qui vous porta ! Parjurés estes, dehet qui vous crera ! » Lors trest l’espee qui luist et verdoia ; 15520
Ferir le cuide, mes li glouz l’eschiva
Quar .I. traïtre entr’euls .II. se lança. Gyrart le preuz si grant cop li dona Que jusque el pis l’acier li convoia ; 15524 Mort le trebuche, onc ne brest ne cria. Puis fiert .L. autre que le chief li copa. Voit le Pierrus, a poi qu’il n’esraja ; A sa gent cric : « Prenez moi ce glout la ! 15528 S'il vous eschape, malement nous ira. » Adont l’assaillent, chescun l’avironna. En Morimont la nouvele en ala ; As armes crient, l’un a l’autre dit a :
15532
« Mal dehait ait qui Gyrart i laira Quar plus preudome sus cheval ne monta ! » [fol. 141 r. b.]
Pour leur seigneur chescun s’abandonna. [DLXXXI] Moult fu Pierrus fel et mautalentis, 15536 Gyrart assaillent et lui et ses nourris ; Bien se desfent conme ber posteïs,
Mes de cuer iert dolenz et engramis De ce qu’il iert d'armes tout desgarnis
15540 Fors seulement du brant qui iert fourbis. Pierrus escrie, qui fu fel et cuistis : « Gardés, mes homes, que Gyrart soit saisis ! Mes gardez bien que il ne soit occis,
15538.
cuert, corr. C ; faute par anticipation de iert.
ENFANCES RENIER
15544 Ainz veull qu’il soit mené en no païs ; La iert a honte essillié et destruis Quant il fu onques si fol ne si hardis Que par lui fu mon frere recueillis. » 15548 Dont fu Gyrart durement assaillis, Moult ont des siens et mors et mau baïllis.
Voit le Gyrart, moult fu espaouris. Devotement reclaime Jhesu Cris : 15552 « Glorïeus Dieu, qui en la crois fus mis, Au jour de Pasques de mort resurrexis, En Enfer fu vo chemin acucillis, Ci en getastes hors touz vos bons amis 15556 Et les meïstes en gloire en Paradis ; A vos aposteles deïstes pax vobis, De touz langages par ce leur apreïs, La sainte loy anoncier leur feïs ; 15560 La Magdalene confortas et deïs
15564
Qu’en Galilee verroies tes amis. Si com c’est voir, et mon cuer en est fis, Gardez, dous Sire, se tiex sont vo plesirs, Roy Maillefer, qui tant est de haut pris,
Que il ne soit par Sarrazins occis Quar, se il muert par Turs et par Perssis, Tout cest païs sera a essill mis,
15568 N'i sai mes home de cui soient garandis Quar de moi est noient, ce m'est avis :
Viex sui et freles et auques afloibis Et si sui d’armes tout nu et tout despris.
15572 Martir veull estre, ja ne me rendrai vis ; Pour nous mourut le roy de Paradis,
15576
Pour essaucier sa loy veull estre occis ! Le guerredon m'’en iert lasus meris. » Dont li souvint du mantel de samis :
771
772
ENFANCES
RENIER
Entour son braz l’a volepé et mis. Del brant moulu se deffent ademis. [fol. 141 v. a.]
[DLXXXII] Quant Gyrart ot s’ouroison definee,
15580 Bien se deffent au trenchant de l’espee. De Morimont issi sa gent armee, L’arrie[re]ban fu moult tost aprestee. Bien sont .V., n’i a cel n’ait plonmee 15584 Ou dart trenchant, javelot ou espee ; Dont fu la noise du tout renouvelce Et la bataille orrible et aduree. Quant Gyrart voit sa mesnie privee, 15588 « Morimont ! » crie a moult haute alenee. Et quant li sien ont la voiz escoutee,
15592
Par droite force ont la presse sevree ; Mes ne leur vaut une pome paree Quar Pierrus a tant de gent amenee
Bien sonft] .V. de pute renomee ; Des nés issirent quant oient la huee.
[DLXXXITII] Quant hors des nés sont li traïtre issu,
15596 .V.\ furent, a l’estour sont venu. La gent Gyrart furent si debatu Que les .II. pars en sont a mort feru. Pierrus s’escrie a loy de malostru : 15600
« Or as gloutons, touz ierent confondu A ces paroles sont traïteur venu,
15582.
Larrieban, corr. C.
15593.
son, corr. C.
!»
ENFANCES RENIER
15604
15608
773
A Gyrart lancent maint roit espié agu ; Desouz lui ont son cheval abatu, De .II. espiez l’ont enz el cors feru Si que le sanc l’en issoit hors a ru. Quant Gyrart voit qu’a son cheval perdu, Sachiez de voir moult courociez en fu. Pierrus le fel a moult grant joie eü Quant voit Gyrart jus a terre abatu. [DLXXXIV] Quant Gyrart voit qu’il iert ainssi navrez Et desouz lui fu son cheval verssez,
15612
15616
En piez resaut, tint le branc entesez,
Bien se deffent com vassal adurez. As cops qu’il a et feruz et donnez, Ne semble mie ne vieillart ne barbez ; .IL. traïteurs a devant lui tuez. Voit le Pierrus, a poi qu’il n’est desvez. Envers Gyrart en vint moult aïrez, . fauxart porte dont li acier fu lez ;
15620
Ja l’eüst mort s’il n’eüst trestournez ! Au devant gete le branc qui iert letrez,
De tel vertu fu le cop avalez Que de la main li est le brant volez. [fol. 141 v. b.] 15624 Pierrus s’escrie : « Seigneurs, or le prennez ! » Dont fu Gyrart si forment apressez Que maugré sien fu a terre enverssez. Ainz que puist estre li franc quens relevez, 15628
Fu tout entour et saisi et combrez,
15632
Par droite force li ont les poinz nouez Que par les ongles li est le sanc coulez. Et Gyrart crie : « Diex, quar me secourez ! Maillefer, sire, quant vous le saverez
774
ENFANCES RENIER
Que ainssi sui trahi et enganez,
15636
15640
Je sai de voir Sainte Marie, Que mon cors Miex ameroie
moult dolent en serez. dame, ne conssentez soit longues emprisonnez ! estre mort et finez Qu'’entre les mains ces traïteurs remez ! » Pierrus conmande que Gyrart soit menez En sa grant barge et bien emprisonnez Jusques atant que l’estour soit finez Et le chastel essillié et gastez. Et cils l’en mainent a cui fu conmandez.
[DLXXXV] Li traïteur en ont Gyrart mené En la grant nave, la l’ont emprisonné. La gent Gyrart furent touz destravé Pour leur seigneur, qu’il ont desmanevé ; 15648 Vers Morimont en sont fuiant tourné. Pierrus s’escrie : « Touz sont desbareté ! Or tost aprés, frans barons honnouré ! Prise iert la vile, n’i vaut leur poesté 15652 A la deffendre vaillant .L. oef pelé, »
15644
La veïst on maint traïteur hasté,
De l’enchaucier se sont abandonné. Maugré nos genz, qui ierent esfreé, 15656 Sont avoec euls enz en la vile entré. Es vous Pierrus sus le cheval monté ; Jusqu’a la tour n’i a son frain tiré, Descenduz est au marberin degré, 15660 El palés monte, ne li fu deveé, Et touz ses homes sont par la vile alé ;
De ceus qu’il truevent n’i ont nul deporté Que touz nes aient a martire livré.
ENFANCES
RENIER
775
15664 Tout l’avoir ont et saisi et robé, Puis ont errant par tout le feu bouté. Diex les confonde, le Roy de majesté,
15668
15672
Quant sanz desserte ont Gyrart si grevé ! Or vous dirons, se il vous vient en gré, [fol. 142 r. a.] En quel maniere l’en fist le champ malé Devant Baudune en mi .I. large pré Quant les .IIL. jours furent outre passé Dont Maillefer au courage aduré À Marbriens ot le respit donné.
[DLXXX VI] A un matin que li jour esclaira Doit le champ estre que Renier creanta, 15676
Que Marbriens a lui se combatra ; Mes, s’il seüst conment la chose va,
Tant de respit n’i eüst donné ja ! Sa chiere mere, qu’en ses flans le porta, 15680 Iert en la tour, moult de mal soufert a, Ou Marbriens l’autre jour l’enchauça. Il a .II. jours que de pain ne gousta. 15684
« Diex, dist la dame, qui nous confortera ? Cist Sarrazin qui ci assis nous a,
Je croi et pensse qu’il nous afenmera ! »
[DLXXX VII] La gentil dame ot le cuer moult marri Quant ele voit que le pain leur failli. 15688 Sa fille voit, cui la couleur pali. Dist la duchesse : « Vrai Dieu, qui ne menti,
15666.
Diex les les 9fôde ; le second les est exponctué.
ENFANCES
776
RENIER
C’ont empenssé ces paiens maleÿ ? Ja sont .IIL. jours passez et acompli 15692 Qu'il ne nous ont grevez ne assailli. Il nous voudront, je croi, afenmer ci. »
Dist Gracïenne : « Par le cors saint Remi, Ge ne sai, mere, conment soions gueri, 15696 N’i voi secours dont soions garanti. » Or vous dirons sanz fere lonc detri Conment Renier au courage hardi Conquist en champ Marbriens l’Arrabi 15700 Et delivra cele qui l’ama si, C’iert Gracïenne au gent cors seigneuri, Li et sa mere, qui iert en grant soussi.
[DLXXX VIII] Biaus fu li jours et le soleill raia, 15704 Cler fist et chaut, mes un petit venta. Roy Marbriens par matin se leva, Ses hauz barons par devant lui manda Et cis i vindrent tres qu’il le conmanda. 15708 Dist Marbriens : « Seigneurs, entendez ça : Hui en cest jour Contre celui qui Bien sui certain 15712 Tost iert vaincu
la bataille sera mon frere tua. qu’a moi pooir n’avra, quant contre moi vendra. [fol. 142 r. b.] Aprés celui Maillefer mort sera, Ja nul des autres puis ne se desfendra ! » Paiens l’entendent, chescun s’esleesça,
15716 Cuident voir soit ce que cil devisa. Roy Marbriens ses armes demanda Et Piecolet aprestees li a ; JL. rois y ot dont chescun li aida.
ENFANCES RENIER
15720
.I. auqueton premerain endossa Et par desus .I. blanc hauberc geta Et en son chief .I. bon chapel frema De fin acier qui moult cler flamboia ; 15724 D'une serpent la cuirie laça Qui tant fu forte que nul cop ne douta ; Ceinst .II. espees que durement ama, Son fauxart prist ou forment se fia. 15728 Roy Marbriens a ses paiens rouva La tour gardassent tant que il revendra ; Au reperier ceus dedenz occira. Dient ses homes : « Si iert com vous plera. » 15732 A ces paroles le jaiant s’en tourna. De la vile ist, en la place s’en va,
15736
15740
15744
Onques paien avoec lui ne mena ; Mahomet jure que nul n’en istera Jusques atant que il de voir savra Se nul François traïson mousterra. Droit en une ysle le paien s’arresta Que bien le virent ceus contre cui il va.
[DLXXXIX] Renier le preuz a la chiere membree Voit le jaiant, qui maine grant posnee ; Aprestez iert el milieu de la pree Pour la bataille qu’il avoit afiee. Renier s’escrie : « Trop ai fet demouree ! Or tost mes armes, por la vertu nonmee,
Je deüsse estre pieça a la mellee ! » Gyres, son mestre, a la broigne aprestee
15748
Et l’auketon et la cuiriie lee. Renier s’adoube, qui pas ne desagree ; Tost fu armé, n’i fist pas demouree.
777
778
ENFANCES RENIER
Roy Maillefer li a ceinte l’espee, Puis lace .I. hiaume de moult grant renonmee. Une grant yeve sauvage ont ensselee Qui .II. fors homes porteroit a journee. Mes Renier jure la vertu Dieu nonmee 15756 Que tout a pié ira en la mellee : [fol. 142 v. a.] Cil est a pié cui doit fere assemblee. Par yngaument sanz avoir reprouvee Contre le Turc voudra fere assemblee. 15760 A Murgalet la mace a demandee Dont il conquist roy Corbon en la pree ; Cil li aporte quar bien l’avoit gardee.
15752
[DXC] Quant Renier ot son cors bien adoubé, 15764
A Maillefer a congié demandé ;
Il le conmande au Roy de majesté Qui le remaint en vie et en santé. Tant esploita Renier au cuer membré 15768 Qu'il est venu au Sarrazin el pré. Roy Marbriens li a haut escrié : « Vassal, dist il, ne me soit pas celé : Estes vous ce qui mon frere a tué, 15772 Le roy Butor, qui tant ot de fierté ? » Et dist Renier : « Se Diex me doint santé, Butor occis ge, dont vous m'avez parlé, Si le conquis d’un branc d’acier letré 15776 Que j’ai ici avoec moi aporté ; Si ferai ge toi, s’en ai poesté. » Marbriens l’ot, pres n’a le sens desvé,
15766.
viez (?), corr. C.
ENFANCES RENIER
779
Mahomet jure chier sera comperé.
15780 Lors se deffient que n’i ont plus parlé.
15784
Le jaiant hauce le fauxart aceré, Aprés Renier a ruiste cop geté, Mes li dansiaus a un poi reculé. La mace entoise quant vit le cop passé, Fiert le jaiant, moult l’a bien assené
15788
Par mi la teste que tout l’a estonné. Le Turc chancele pres qu’il n’est jus verssé. Voit le Renier, si li a escrié : « Cuvert lechiere, deça vous ai tasté ! La terre claim ou paiens sont entré, Roy Maillefer la tendra a son gré. »
[DXCI] 15792
Quant Marbriens a le grant cop sentu, Bien poez croire que moult dolenz en fu ! Pour la ramposne ot le cuer irascu. Le fauxart hauce par moult ruiste vertu,
15796 Aprés Renier a ruiste cop feru ; Desus l’espaulle l’a .[. poi consseü, Cent mailles trenche du blanc hauberc menu, Mes en la char ne l’a mie feru. 15800 « Diex, dist Renier, quel cop m’as ci rendu ! [fol. 142 v. b] Se ne m'en venge, or pris poi ma vertu. » La mace entoise, qui moult pesante fu, Le jaiant fiert, onc ne li dist salu ;
15804 Par mi la teste s’en est le cop venu,
15808
Mes le jaiant avoit .I. cuir vestu D'une serpent tant dur et malostru Qu'il ne l’empire vaillissant .I. festu ; Mes en la teste si fort estonné fu
780
ENFANCES
Chancelant va par mi le pré herbu, Par nez, par bouche li ist le sanc a ru. Voit le Renier, sachiez joiant en fu.
15812
Il li escrie quant l’a aperceü : « Vassal, dist il, deça vous ai sentu !
Moi est avis que trop avez beü ! »
[DXCII] Roy Marbriïens durement s’aïra 15816 Quant il oÿ Renier quel ramposna ; Par grant irour son fauxart entesa,
Aprés Renier moult ruiste cop rua, Mes li vallés .I. petit trestourna ;
15820 Contre le cop sa grant mace geta Et le fauxart en .II. pieces brisa. Voit le le Turc, a poi qu’il n’esraja ; Trest une espee, du fuerre la sacha, 15824 Renier feri ainssi qu’il trestourna Si que le hiaume du chief li descercla Et par desouz le bacinet fauxa, Jusques au test la char li entenma. 15828 Renier guenchist quant le cop sentu a, .L. poi recule, Damedieu reclama Qu'il le guerisse si com pooir en a. Et le jaiant hautement li cria : 15832 « Cuvert lechierre, sentu vous ai deça ! Quant m’estordrez, malement vous ira ! Butor, mon frere, de vous vengié sera. » Renier ot bien que cil le menaça ; 15836 S'il ne se venge, de duel esragera. Par mautalent sa mace jus geta, L’espee a trete, qui luist et flamboia,
Dont le sien pere au matin l’adouba :
RENIER
-
ENFANCES
15840
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15860
RENIER
Recuite ot non, .I. fevre la forja, Galans ot non, qui le voir en dira. Au jaiant vint, si grant cop li donna Que la cuirie du serpent li copa, Li bacinés noient ne li tenssa : [fol. 143 r. a.] Du blanc hauberc la coiffe desmailla, Desus l'oreille l’acier li embroia. Le sanc en raie, a terre degouta. Voit le Renier, adont le ramposna : « Cuvert lechierre, mauvesement vous va ! Lcrre semblez a celc part deça. » Marbriens l’ot, durement l’en pesa.
[DXCIII] Roy Marbriens ot la chiere marrie Quant voit s’oreille a terre rooignie. S’il ne se venge, ne se prise une alye. Du brant d’acier feri a escremie Aprés Renier, tele li a païe Que sus l’espaulle a la broigne trenchie Et de la char li fendi grant partie ; Le sanc en raie sus l’erbe qui verdie. Et quant Renier a la plaie sentie, Dieu reclama, li filz sainte Marie, Qu'il le guerise du glout, que ne l’ocie.
[DXCIV] Renier le preuz ot moult le cuer dolant 15864 Quant voit son sanc a la terre coulant ; S'il ne se venge, ne se prise .I. besant. Recuite entoise, qui trenchoit durement, Vers Marbriens s’en vint iriement ; 15868 .I. cop li donne tant acesmeement
781
782
15872
ENFANCES
RENIER
Desus la hanche vint l’acier descendant, Jusques a l’os li va la char fendant. De la detresce va le paien braiant. Voit le Renier, si li dist fierement : « Cuvert lechierre, deça vous vois tastant !
Vous nous lairoiz Baudune quitement, Si la tendra Bertran au cuer vaillant, 15876 Que vous preïstes moult traïtreusement Par Piecolet, le traïteur pullent. Se ge le puis tenir d’or en avant, A grant doulcur nous l’irons labitant. » 15880 Dist Marbriens : « Trop vous alez hastant ! Ainz que voiez le soleill esconssant,
N’avrez talent de parler telement. » 15884
Lors prist .I. dart afilé et trenchant, A Renier lance moult aïreement,
L’auberc li passe, ne li valut noiant Et l’auketon par desouz enssement, Enz el vuit bu le navra malement, 15888
Mes Damedieu va li dansiaus tenssant [fol. 143 r. b.]
Qu'il es boiax ne l’empira noiant ; Mes a grant ruis en va le sanc courant. Dist Marbriens : « Quant m’irez eschapant, 15892 Moi ne autrui n’irez mais ramposnant ! Vous me lairoiz Baudune quitement,
Ja n’en tendra Maillefer plain .I. gant, Touz i mourront li François soudiant ! » 15896
Renier l’entent, d’ire va rougissant.
Ja mourra d’ire s’il n’en prent vengement. Vers Marbrien en vint isnelement,
15884.
airerment, corr. C.
ENFANCES
RENIER
En abandon va le sien cors metant.
15900 Recuite entoise, dont li acier resplent, Le jaiant fiert par vertu en traiant Par mi la teste, mes il va guenchissant ; Sus le braz destre vint l’espee bruiant 15904 Si que par mi en .IL. li va trenchant. Jus a la tere chiet l’espee au jaiant, Atout le poing li va el champ volant. Le Turc chancele, si cria hautement : 15908 « Mahom, dist il, vous ne valés noient Quant vous soufrez par .I. garçon puant S[u]i vergoigniez et deffet si vilment ! » A la grant noise que fesoit le jaiant 15912 Ceuls de la vile le vont bien entendant. [DXCV] Quant le jaiant se sent a mort feru, Il brait et crie quar grant mal a sentu.
15916
Ceuls de la vile l’ont moult bien entendu ; Des portes issent, si ont levé le hu ; Trente mil ierent li cuvert mescreü, N'i ot celui n’ait bon destrier crenu,
La lance el poing, au col l’escu pendu. 15920 Jusques en l’ysle ne se sont arrestu, Renier assaillent a force et a vertu ;
15924
S’il n’a secours, mal li est avenu Quar li dansiax durement lassez fu Del grant estour qu’il avoit maintenu.
15910.
Si vergoigniez, corr. C.
783
ENFANCES
784
15928
RENIER
[DXCVI] Quant Maillefer voit la paienne gent Issir des portes a esperons brochant, Sa gent escrie : « Trop alons detriant ! Or tost as armes, por Dieu le royamant, Si secourons ce chevalier vaillant Qui pour nous va son cors abandonnant. Je voi paiens qui viennent chevauchant
15932 Qui le feront, se il peuent, doulant. » [fol. 143 v. a.] Dient sa gent : « Ne vous alez doutant : Nc vous faudrons pour mourir vraicment. » Li quens Bertran au courage vaillant, 15936 L’arrieregarde va le ber conduisant Et Maillefer l’avangarde menant. Or vous dirons de Renier le puissant,
Qui se combat a la gent Tervagant : 15940 Par devant lui voit sa mace gesant Qu'il aporta el champ premierement ; Renier la prent a .Il. poinz fierement, A Marbrien en va tel cop donant 15944 Par mi la teste si vertueusement Le chapel ront de la serpent cloant Et le fort hiaume et la coiffe enssement. Jusques el pis le va tout defroissant. 15948 Le cors a terre chaït mort trebuchant ; L’ame s’em part sanz plus d’arrestement. Quant paiens voient leur seigneur mort gesant, Cele part vindrent a esperons brochant, 15952 Entour Renier se vont avironnant.
Lancié li ont maint roit espié trenchant, En pluseurs liex li vont l’auberc fauxant, Mes l’auqueton li va le cors tenssant.
15956 Et li dansiax se deffent durement,
ENFANCES RENIER
15960
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De la grant mace fiert arriere et avant, Cui il conssuit il n’a de mort garant, Mes trop y ot del put lin mescreant ! De l’autre part venoit a poignant La gent françoise, qui moult sont conquerant. Devant les autres vint Maillefer courant,
En ses .IL. poinz la grant loque pesant ; 15964 Fiert en la presse ou il la voit plus grant, A III. cops en va .X. occïant. En petit d’eure les va si departant Bien y alast I. grant char charroiant.
[DXCVII]
15968 François chevauchent courouciez et marri Tout pour Renier que Turc ont assailli. A l’estour vindrent, si ont levé le cri,
Hui mes seront paiens bien abaubi !
15972 La veïst on fier estour esbaudi,
15976
Tant lance frete et tant escu croissi, Mes sus touz autres Renier bien 1 feri : De la grant mace feroit environ lui, L'un abat mort, l’autre le test croissi ; [fol. 143 v. b.] Plus de .L. le jour en abati. Bien s’i prouva Mailiefer autressi,
Li quens Bertran, qui maint mal ot senti, 15980 Et touz les autres, qui sont preuz et hardi. Chescun occist ou Turc ou Arrabi. Par mi Baudune en ont oÿ le cri,
15984
Cis de la tour en sont touz esbahi Ou la dame iert au gent cors eschevi Qui fame estoit Maillefer le hardi.
786
ENFANCES
[DXCVII] Ceuls de la tour ont le cri escouté Et la grant noise et la mortalité. 15988 « Diex, dist la dame, vrai Roy de majesté, Je cui et croi, selonc le mien penssé,
Que Sarrazins sont la hors arrivé Pour nous destruire a duel et a vilté ! » 15992 La dame apele Madïant le sené : « Amis, dist ele, pour sainte charité, Montez lasus a ce haut fenestré, Si nous sachicz a dire vcrité 15996 Quel noise c’est la hors en mi ce pré. » Dist Madïant : « Dame, a vo volenté. » El mestre estage de la tour est rampé Et voit le chaple et l’estour grant et lé ;
16000
En mi la presse de la paienneté Voit la baniere Maillefer le douté ; Bien la connut, s’en a Dieu mercié. Vint a la dame, et si li a conté, 16004 Qui de famine ot le cuer agrevé, IT. jours avoit que de pain n’ot gousté. Dist Madians : « Dame, merci, pour Dé !
Lessiez le duel, trop l’avez demené. Aourons Diex qui nous a amené JL. tel secours dont serons delivré : Roy Maillefer, qu’avez tant desiré, À moult grant gent est la hors arrivé, 16012 As Sarrazins sont ja entremellé. »
16008
La dame [l’ot], Jhesu en a loé,
Tout son malage de joie a oublié.
16013.
La dame 1hesu en a loe, corr. C.
RENIER
ENFANCES
16016
‘16020
16024
RENIER
787
A vois s’escrie : « Franc chevalier membré, Issiez la hors, trop avez demouré, Si secourez vostre droit avoué, Roy Maillefer, le nouvel couronné ! Se le perdons, nous avons tout alé, » A ces paroles, estes vous devalé [fol. 144 r.a.] D'une tournele Baudoïn le membré.
[DXCIX] Bauduïn l’enfes de Gresce la loee A la nouvele oÿc ct escoutcc Que Maillefer se combat en la pree. Vint a la dame, parfont l’a enclinee, Puis s’agenoulle, dist li reson senee :
16028
16032
« Dame, dist il, pour la Virge honnouree, Congié requier d’aler en la mellee : Quatorze ans ai, bien puis ceindre m’espee ! Quant nous avrons la bataille finee, Conquerre irons, se Dieu plest, ma contree. Le soudoier, qui tant a renonmee, Qui me trouva en la grant mer salee,
Cil m’a sa foy plevie et creantee Qu'il m’aidera tant qu’avrai conquestee 16036
Toute la terre c’om m’a a tort robee ;
Ç’a fet mon frere qui a male penssee, Pierrus le fel, s’ame soit condampnee, Qui me vout fere murdrir en recelee. »
16021. “ee.
membree ; faute par anticipation de la laisse suivante, en
ENFANCES RENIER
788
[DC] 16040 Quant la duchesse a l’enfant entendu, À sa parole a bien aperceü, Se il vit longues, qu’il avra grant vertu. Sagement a la dame respondu : 16044 « Franc damoisel, por Dieu, le roy Jhesu, Atendez tant c’on ait le champ vaincu ! S’issiez hors entre tant mescreü,
16048
Paour aroie, se m’ame ait ja salu, Que vous eüssent ocis ou retenu : Onc ne feristes chevalier sus cscu. »
[DCI] Baudoïn l’enfes, quant la dame entendi,
Moult doucement tantost li respondi :
16052 ‘« Dame, dist il, pour l’amour Dieu, merci ! Grant sui et fort et sui assez fourni : XIII. anz ai, si sui forment marri
C’onques enquore Sarrazin ne feri. 16056 Se ge n’ai armes dont mon cors soit garni, Tout desarmé iraï, bien le vous di ! Adoubez moi, dame, je vous em pri, Et Gracïenne au gent cors eschevi 16060 Me ceindera le brant d’acier fourbi. Plus en avrai le cuer d’assez hardi. » Dist Madïans : « Ma dame, otroiez li ! Bien le menrrai el grant estour furni 16064 Et sain et sauf le vous ramenrrai ci. » [fol. 144 r.b.] Lors dist la dame : « Dont l’otroi bien ainssi. »
16045.
chäpy (= champi), corr. C.
ENFANCES
16068
16072
16076
RENIER
[DCI] Bauduïn l’enfes grant joie demena Quant il entent que adoubé sera. Les garnemenz Madïant apresta, .. chapelain la messe li chanta. Quant fu finee, li enfes s’avança Et Madïans les chauces li chauça ; Et puis aprés l’auberc li endossa. La gentil dame le hiaume li laça, A .XXX. laz tout entour li ferma ; Et Gracïenne l’espee ceint li a. Moult grant colee la dame li donna : « Chevalier soies ! hautement s’escria. Soies preudom, ja mal ne t’avendra. — Grant merciz, dame » l’enfes respondu a.
16080 Destrier ot bon, erranment sus monta.
16084
L. fort escu a son col pendu a Et la pucele son espié li baïlla. Cil de la tour chescun s’appareilla. Des portes issent, la dame les seigna Et Madïant les conduist et mena ; Bien sont .VIL**, ce dist il ques esma. De la vile issent, nul ne leur destourna,
16088 A l’estour vindrent et Bauduïn hua ;
16092
. 16096
Il crie « Gresce ! » et le cheval hurta. Chescun des autres aprés lui s’eslessa, Mes Baudouïn touz les autres passa ; L'’ante a brandie et l’escu embraça. .. paien fiert le premier qu’encontra, L’escu li perce, l’auberc li desmailla, Par mi le cors son espié li bouta, Mort le trebuche et la lance brisa. Puis trest l’espee, .I. autre feru ra,
789
790
ENFANCES
RENIER
Par desouz l’yaume la teste li copa. Puis fiert le tierz c’un des braz li osta. 16100 Paiens le voient, chescun a lui lança, Pour lui grever chescun l’avironna. Ja le preïssent quant l’enfes s’escria « Gresce ! » et « Venice ! », lors sa gent apela. 16104
Droon de Gresce, quant s’enseingne escouta,
Moult se merveille, ne set qui la hucha. Cele part broche, durement s’esploita ; En la grant presse son seigneur avisa, [fol. 144 v. a.] 16108
As armeüres moult bien conneü l’a,
Mes il ne sot de quel part il vint la. Drues de Gresce son cors abandonna,
16112
16116
Du brant d’acier maint paien mort geta, Mes la grant force Dr{o]on petit dura Quar cils l’encloent a cui moult ennuia ; Occis l’eüssent qu’il n’en eschapast ja Ne fust Renier qui la mace porta. Quant Drues voit qu’aidier ne s’i pourra,
« Gresce ! » et « Venice ! » hautement escria. Renier le preuz cele part s’adreça, En la grant presse Bauduïn esgarda, 16120 Qui a l’espee maïnt Sarrazin tua, Mes entour lui tant paiens asembla Se Diex n’en pensse, ja vif n’en estordra !
16124
16112.
[DCI] Grant fu l’estour et li chaples mortesz. Bauduïn l’enfes s’i est bien esprouvesz, Mes trop y ot des paiens deffaez ;
dron, corr. C ; faute par haplographie.
ENFANCES
RENIER
16128
Mien escïent, ja n’en fust eschapez Se Diex ne fust et Renier li membrez, Qui en la presse se met tout abrievez. Cui il conssuit moult est mal conreez ! En petit d’eure les a si desmeslez
16132
Le plus hardi fu si espouentez
791
Plus de .L. en a morz et tuez ;
Que il s’en fuient, es les desbaretez. Renier li preuz ne s’est asseürez ; A Baudoïn s’en vint pour veritez, 16136 Puis li demande par deboneretez Quiex hons 1l est et de quel terre nez. Et dist li enfes : « Sire, vous le savrez : Bauduïn sui, pas ne le mescreez, 16140 Qui vous jura et foy et loyautez Quant en la mer fui de vous encontrez. » Quant Renier l’ot, joianz en fu assez : « Amis, dist il, vous soiez bien trouvez ! » 16144 Dist Bauduïn : « Sire, moult sui irez : Il a .V. anz acomplis et passez Que ge vous dis promerain mes secrez, Tout mon afere conment il iert alez, 16148 Si ne vous estes en moi de tant fiez Que je seüsse conment estes nonmez
Et de quiex genz estrais et alevez ! » Renier li dist : « Amis, ne vous troublez : [fol. 144 v. b.]
16152 À brief termine, se Dieu plest, le savrez. » [DCIV] Moult ot grant joie Renier au cuer vaillant Pour la prouesce de Baudoïn l’enfant. Le chamberlenc y est venu poignant,
192
ENFANCES
16156 C’iert Madïans, qui ot bon escïent, Roy Maillefer et Bertran enssement, Touz sont venuz enssemble au parlement. 16160
Quant Maillefer a choisi Madiant, Bien le connut, moult se va merveillant. Il li demande sanz nul detriement : « Madüant, frere, nel m’alez pas celant : Ou est no dame, Florentine au cors gent ? »
16164 Dist Madïans : « Gel vous dirai briément. Maillefer, sire, Diex vous va visitant,
Bien le devez aourer hautement ! Veez vous la cele tour haute et grant 16168 A .I. des lez de la vile puissant Ou la mer vient chescun jour ondoiant ? Leenz lessai Gracïenne au cors gent Et Florentine, qui tant a d’escient. 16172 .I. grant orage, ce vous di vraiement, Par droite force nous y mena siglant. » Maillefer [l’ot], tout s’en va esperdant, Sa main leva et si se va seignant ; 16176 Dieu en mercie, le Pere tout puissant, Pour la nouvele se va esliescant, Et aussi fist Renier moult durement. Le champ cerchierent et arriere et avant, 16180 Desconfit ont le peuple soudiant.
[DCV] Renier li preuz a la chiere membree Fu moult joiant, c’est verité prouvee, Quant de sa mere oÿ la renonmee
16174.
Maillef‘, tout sen va esperdant, corr. C.
RENIER
ENFANCES
16184
RENIER
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Que Diex l’avoit la endroit amenee. Haut a parlé Renier sanz demouree : « Maillefer, sire, or oiez ma penssee :
16188
La merci Dieu, qui fist ciel et rousee, Gent sarrazine avons desbaretee, S’avons rescous Bertran chiere levee Et no dame est ci endroit arrivee, C’est Florentine, qui est preuz et senee.
16192
Fesons mander, sire, s’il vous agree, Le roy Grebuedes, qui tant a renonmee, Et la pucele qui tant est achctcc, La bele Ydoine, et Gonssent la letree, [fol. 145 r. a.]
16196
Que nous avons de paiens delivree. Quant toute arons nostre gent asemblee, Devant la dame, qui la mer a passee, Voudrai ge dire mon cuer et ma penssee,
16200
Quiex hons ge sui et de quele contree ; Oiant touz vous m’aventure iert contee,
Mouit longuement vous a esté celee. » Dist Maillefer : « Tel reson nous agree,
16204
16208
Mes une chose ai en mon cuer penssee Que miex vaudroit que no gent fust menee Droit a Miessines et iluec assemblee Quar la vile est de touz biens assezee Et plus i iert no gent asseüree
16212
Et a largesce richement ostelee. » Et dist Renier : « Dont soit tost aprestee Notre besoigne et durement hastee ! » Et dist li rois : « Si iert com vous agree. » Quant la parole ont assez devisee,
En la vile entrent qu’il orent conquestee, Jusqu’a la tour n’i ont fet arrestee 16216 Ou la dame iert et sa fille enfremee.
ENFANCES
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RENIER
Touz s’en estoient alez a la mellee Fors les puceles, qui la tour ont gardee. La dame esgarde de la grant tour quarree, 16220
Si voit venir nostre gent aroutee ; Ele meïsmes est a la porte alee, Si l’a ouverte tres que fu desfermee.
[DCVI] La gentil dame la porte desfrema 16224 Et Maillefer promerain y entra ; Sa moullier voit, doucement l’acola, Enz en la bouche III. fois la besa. Renier li preuz aprés son pere entra 16228 Et Gracïenne saluer le bienveigna Quar a mari bien avoir le cuida ;
N'iert riens en terre qu’ele tant desira. Quant Florentine Renier reconnut a,
16232 Le premier mot que la dame parla Son filz apele, doucement dit li a :
16236
16240
« Damoisiax, sire, pour Dieu, qui tout fourma, Vo non me dites, desiré l’ai pieça. — Aussi avons ! roy Maillefer dit a. Chescun de nous moult volentiers orra Dont il est nez et comfait non il a. »
[DCVII] Dist Florentine : « Frans damoisiax membrez, [fol. 145 r. b.] A Morimont, que de voir le savez, Couvent m’eüstes, noier ne le devez,
Quant Maillefer seroit desprisonnez Qu’adont devez dire nos volentez,
16244 Quiex hons vous estes et de quel parentez
ENFANCES
16248
RENIER
Et conment estes par vo non apelez. » Dist Renier : « Dame, .I. petit m’entendez, Se il vous plest, .I. respit me donnez. Droit a Miesines avoec nous en venrrez, La est vo pere, le fort roy renonmez. Quant no barnage i iert tout assemblez,
16252
Tout Teles Dont Dont
ce dirai que vous me requerez. nouveles, se Dieu plest, entendrez vostre cuer iert liez et assazez. » dist la dame : « Ja desdit n’en serez,
Mes or vous proi que, se de riens m’amez,
16256
Que le navie erranment aprestez Quar plus desire a savoir vos secrez Que la couronne de .XXX. roiautez ! Miex que nul home mon seigneur resemblez. »
16260
Li vallés l’ot, s’est vers terre clinez. Quant se redresce, si s’est haut escriez :
16264
« Barons, dist il, no besoigne hastez ! Nés et galyes esramment atirez, Tout le hernas vistement i portez. » Et cil si font qui gouvernent les nez. En tour Baudune est Bertran demourez
Et avoec lui .V."M homes armez. 16268
16272
| 16276
Enquor n’est mie Piecolet atrapez : Tout quoiement iert en fuïe tournez Entrues qu’estoit le chaple plus mortez. Par lui sera enquor Bertran grevez Et de paiens occis et desciplez Si com orrés se vous bien escoutez. Quant Maillefer fu en la mer entrez En la grant nave, dont li mas fu levez, Il et sa fame et Renier l’adurez, Drues de Gresce, Baudouïn le senez,
795
ENFANCES
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RENIER
Et le barnage, qui moult iert redoutez, Es autres naves entrerent a tous lez.
16280 Les sigles tendent, li vens s’i est frapez, En haute mer es les vous esquippez, Droit vers Miessines es les acheminez Quar chescun fu forment entalentez [fol. 145 v. a.]
16284
Du damoisel qui tant s’estoit celez Que il seüssent dont iert estrait et nez. Bel fu le jour et le temps atemprez. Renier resgarde, voit venir une nefz ;
16288 Bien ot dedenz .V.© homes armez, Touz bons serjanz hardis et esprouvez. [DCVI] Renier le preuz le dromont avisa, 16292
16296
Et par dedenz bien .V. homes a ; De Morimont chescun d’euls eschapa Quant le traïtre l’autre jour le gasta, Pierrus le fel, qui Gyrart en mena ; Par grant malice le prist et engigna. Or vient le terme que il le comperra, Du mal qu’ot fet le guerredon avra !
[DCIX] Cils de la barge se vont moult esmaiant : JL. jours a qu’il vont par mer najant, 16300 N'ont de quoi vivre, dont moult sont esmaiant. Ja ont juné .I. jour entierement, Aprés le jour la nuit toute enssement. Aler s’en cuide a Miessines la grant,
16304 Mes n’ont pas vent du tout a leur talent. Et, quant il vont no navie avisant, S’orent paour, ja ce nus ne demant !
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RENIER
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L'un dist a l’autre : « Or nous va malement !
16308 Cele navie ou il a de genz tant, C’est le traïtre qui nous vient poursivant, Pirrus le fel, que le cors Dieu cravent ! Or du siglier, seigneurs, por Dieu le grant !
16312
Se pouïons no barge esploitier tant Que nous fussons a Miessines entrant, Ne craindrions le glouton d’un seul gant Quar, se Dié plest, le Pere royamant,
16316 Nous trouverons Maillefer le puissant
16320
16324
Et le vassal qui son non va celant. Et, se Pierrus venoit la arrivant, Il seroit pris et mis a finement. Quant Maillefer savra son errement, Qu'il a traÿ Gyrart si tres vilment, Il en avra au cuer grant marrement. »
[DCX] Cil del navie furent en grant friçon Pour l’ost que maine Maillefer le baron Quar bien cuidoient li vaillant compaignon Que fust Pirrus, qui ait maleïçon. Chescun se paine de nagier a bandon, [fol. 145 v. b.]
16328
Mes ne leur vaut le monte d’un bouton Quar il n’ont vent s’a leur contraire non. Renier le preuz, qui cuer ot de lÿon, Bien s’aperçoit, quar il estoit sage hom,
16332 Que ceus fuioient qui ierent el dromon ; Lors se douta que ne soient larron. Grymbert apele, qui sist lez son gyron.
[DCXI] Renier parla a loy d’onme sachant ;
798
ENFANCES RENIER
16336 Grymbert apele, si li va demandant : « Amis, dist il, nel m’alez pas celant :
Connoissiez vous point ceuls de ce chalant Qui devant [nous] s’en vont par mer fuiant ? 16340 Je croi et pensse, par Dieu le tout puissant, Que lerres sont qui ne vont atendant. Crestiens semblent a ce qu’il vont moustrant. » Dist Grymbert : « Sire, je nes connois noiant
16344
16348
16352
Et si vous di, pour voir et vous creant, Qu'il n’a larron qui par mer voist robant Jusqu’a Marscillc nc a Brandis avant Ne si que Acre et jusqu’en Abylant Que ne connoisse, ce vous di loyaument. Tout le plus fort et le plus redoutant Ont devant moi esté et mi serjant Et plus me doutent que nul home vivant. » [DCXII] Dist Grymbert : « Sire, ne vous esmaiez mie Quar, s’il vous plest et c’est vo conmandie, Tost avrez ceus en la vostre baillie
Qui vont fuiant par mi la mer hautie. » 16356
16360
Renier l’entent, si l’acole et festie : « En quel maniere, amis, nel celez mie, Seroit si tot atainte leur navie ? » Et dist Grymbert : « Drois est que le vous die : D'’art d’ingromance sai toute la mestrie, Par Tabardin iert la chose fournie
Quar autrement ne porroit estre mie. » Et dist Renier : « Ce ne ferons nous, sire,
16339.
devant sen.
ENFANCES
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16368
RENIER
Ançois voudrai entrer en ma galye ! S’il sont preudome sanz mal et sanz boisdie, Bien sai du tout feront ma conmandie, Si ne veull pas Tabardin les cuirie : Sanz euls grever ne s’amoustreroit mie, Si douteroie que n’en fust esmaïe La gentil dame qui est en no navie Et Gracïenne, sa fille, l’eschevie. » [fol. 146 r. a.]
16372
16376
Et dist Grymbers : « A vo vouloir m’otrie ! O vous irai, sanz moi n’irez vous mie. » Et dist Renicr : « Bicn veull vo compaignie ; S’il sont mauvés et gent de mal garnie, Congié vous doins de fere vo mestrie Quar de mauvés respiter n’ai envie. »
[DCXIHI] Renier li preuz en sa galye entra, Droon de Gresce avoeques lui mena, 16380
Gyres, son mestre, mie n’i oublia
Et .XX. des autres ou il plus se fïa. Avoec la dame Maillefer demoura. Renier conmande et doucement proia 16384 Les mariniers de tost nagier hasta Et cil si font tres qu’il le conmanda. Envers la nave qui s’en fuit s’adreça ;
Tost l’ont atainte quar foiblement ala. 16388 Cil des fuianz chescun s’appareilla, Por euls desfendre chescun bien s’atira, Moult tost traisissent quant Renier s’escria : « Seigneurs, qui estes ? ne le nous celé ja ! 16392 Se preudonme estes, nul de vous garde n’a. » Et cil respondent : « Voir dit vous en sera : Soudoier sonmes de France par dela. »
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ENFANCES
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RENIER
[DCXIV] Cis de la nave furent aseguré 16396 Quant il oïrent Renier, qu’a si parlé. Robers Ricars s’a promerain moustré, Chevetains iert, a ce sont acordé ;
Chevalier iert et de grant parenté, 16400 Mes l’en l’avoit et bani et geté De son païs par sa grant foleté Pour .I. franc home que il avoit tué.
16404
16408
16412
16416
16420
[DCXV] Robers Ricars parla premierement. Renier apele, si li dist doucement : « Sire, dist il, il nous va malement ! A Morimont, le chastel bel et gent, Avons servi .. mois tant seulement Au meillor home, par le mien escïent, Qui soit el mont tant con le ciel s’estent. Gyrart a non ; Diex, qui fist terre et vent, Li veulle aidier s’il li vient a talent Quar .I. traïtre l’en maine moult vilment : Pierrus a non, le cors Dieu le cravent ! Par traïson le prist malvesement. » Tout li conta, ne l’en menti noient, [fol. 146 r. b.] Conment fu pris par le glouton pullent Par ses banieres qu’il fist traïtrement : « Nous en fuïmes pour avoir tenssement Quar tuit occis i fussons autrement, Et tuit li autre furent mort a torment. Droit a Miessines alons, s’eüssons vent ! A Maillefer dirons l'encombrement
De Morimont, c’ont gastee vilment 16424 Les traïteurs, cui Diex doint dampnement ! »
ENFANCES RENIER
Drues de Gresce, quant la parole entent, Del cuer souspire et pleure tendrement. Renier apele moult debonerement : 16428
16432
16436
16440
« Sire, dist il, pour Dieu omnipotent,
A vous me claime et a Dieu enssement Du traïteur qui a fet ce tourment : Mon seignor a tolu son chasement Et si le volt murdrir tout quoiement. Bastart traïtre est de mal encïent, Le Roy de gloire nous en doint vengement ! »
[DCXVI] Quant Renier ot du traïteur felon Qui gasté ot Morimont le danjon Et si en maine Gyrart en sa prison, Grant duel en ot au cuer et grant friçon. Dieu en jura, qui Longis fist pardon, Qu'il le dira Maillefer le baron. Ceus de la nef a touz mis a reson : « Seigneurs, dist il, or n’aiez marrisson :
Entre ces barges a ce riche dromon 16444
16448
Est Maillefer, por voir le vous dison. »
[DCXVII] Renier parla au courage hardi : Ceuls de la nef a conté sanz detri Conment il erent de Baudune parti Et conment orent secouru et gueri Li dux Bertran que Turs orent sesi. Quant cils l’entendent, de joie sont fremi,
Leur nef cesserent quar le temps fu seri.
801
802
ENFANCES
RENIER
[DCXVIHI] 16452 Cils de la nef se sont quoi arresté Tant qu’il aront a Maillefer parlé, Et tout l’afere de chief en chief conté. Atant es vous le fort roy redouté 15456 Et sa mesnie qui vienent abrievé. Renier li prie c’un petit ait cessé Tant que il ait oÿ et escouté Unes nouveles dont tuit seront iré. [fol. 146 v. a.] 16460 Dist Maillefer : « Qu’avez vous escouté ? » Et dist Renicr : « Bicn vous scra conté. » Cils du chalant ont le roy salué Du Roy de gloire, qui maint en Trinité. 16464 Robers Ricars a promerain parlé ; Sages hons iert et moult ot honesté. A Maillefer a dit et recordé Conment Pierrus ot Morimont gasté,
16468
Par traïson en ot Gyrart mené. Maillefer l’ot, s’a du cuer souspiré : « Diex, dist il, Pere qui es plain de bonté, Je cuit et croi, selonc le mien penssé,
16472 Ja mes .I. jour en trestout mon aé N'iere a repos que je n’aie grieté ! » Bauduïnet, qui ce ot escouté, À Maillefer doucement apelé : 16476 « Sire, dist il, aiez de moi pité ! A vous me plaig du traïteur prouvé Qui m'a tolue par force m'’erité. Se le mien mestre ne m’en eüst mené, 16480 Ocis m’eüst a duel et a vilté !
16452.
Qils, corr. C ; nouvelle bévue de l'enlumineur.
ENFANCES RENIER
803
[DCXIX] Maillefer, sire, dist Bauduïn li frans, Ce mal traïtre, Pierrus le mescheans, 16484
Par ce qu’il est bastart et soudiïans, Me vout occire, mefs] Diex me fu garans Et le mien mestre, Drues, qui est sachans.
Or vous pri, sire, que me soiez aidans Tant que ge soie de mes honneurs tenans. » 16488 Dist Maillefer : « G’en sui tout desirans, N'avrai mes joie s’iert ocis li tyrans. Pour Gyrart sui durement csmaians Qu'il ne l’ocie ainz qu’i soions venans. » 16492 Dist Gracïenne : « Cest encombrier est grans ! Se ne fust ore cest destourbier pesans, Droit a Miessines fussons tuit en brief temps ; La m’eüst prise li soudoier vaillans 16496 Qui tant par est hardi et conquerans. — Voirs est, ma fille, dist la dame plesans.
16500
16504
16484.
[DCXX] — Maillefer, sire, dist la bele as crins blons, Pour Dieu vous proi, qui soufri Passions, Que a Miessines premierement alons ; La nous dira li soudoier ses nons. En couvent m’a, moult a longue saisons,
Qu'il me prendroit a moullier a vo bons ; [fol. 146 v. b.] Bien tenssera vo terre et vo roions Contre la gent qui croient en Mahons ! »:
me diex, corr. C ; faute par réminiscence de me vout.
804
ENFANCES
[DCXXI] Dist Renier : « Bele, .I. respit vous queron : Ja Diex ne place, qui Longis fist pardon, 16508 Que façons feste ne nule asembloison Tant com Gyrart soit ainssi em prison. Je di pour voir que cil n’est pas preudon Qui maine joie et fet arrestoison 16512 Tant qu’a mesese set son bon compaignon S’aidier li puet et fere alegison ; S’adont li faut, mes amer nel doit on ! Pour .I. seul jour trop targicr, ce savon, 16516 Est uns hons mors et mis a guerison. » Chescun s’escrie qui entent la reson : « Damoisiax, sire, Diex vous croisse renon
Que preuz en dites, cuer avez de lÿon ! 16520 Qui vous faudra, ja de Dieu n’ait pardon ! » Atant es vous Grymbert, le bon larron ;
Ou voit Renier, si l’a mis a reson : « Sire, dist il, or n’aiez doutoison : 16524 Fetes nagier a force et a bandon Tant que sachiez du traïteur reson. Ja n’iert en vile, en chastel n’en danjon,
16528
16532
Tant soit sus roche de diversse façon, Que nel vous rende a vo conmandison. »
[DCXXII] Dist Grymbers : « Sire, or fetes tost nagier Tant que nouveles sachons du losengier. Ja n’iert en vile n’en chastel sus rochier Que nel vous rende sel voulez otroier Que huchier puisse Tabardin le legier. » Renier l’entent, si se prist a seignier : « Amis, dist il, ce n’a enquor mestier,
RENIER
ENFANCES
RENIER
16536 Bien le cuidons par force justicier. » Dist Grymbert : « Sire, se Diex me puist aidier, 16540
S’il avient chose, mentir ne vous en quier, Qu'il nous couviegne longuement ostoier, Vous me verrez ouvrer de mon mestier. » Dont dist Renier : « Bien fet a otroier ! » [DCXXIII] Roy Maillefer ot moult grant hardement. Renier apele, qu’il ama durement,
16544 Drues de Gresce, Bauduïn enssement : « Seigneurs, dist il, par le mien loement, Alons en Gresce, s’il vous vient a talent. Ja n’i avra chastel ne chasement [fol. 147 r. a.]
16548
Qui puist durer contre nous longuement Quar nous avons avoec nous bone gent, .XL. mile ou plus, mien escïent. »
Dist Renier : « Sire, moult parlez gentement,
16552
Or sai ge bien, si en sui moult joiant,
Que ne doutez pas la paine granment. »
_ 16556
[DCXXIV] Renier le preuz apela l’estrumant, De tost siglier le va forment proiant Quar droit en Gresce s’en veut aler siglant ;
N’arresteront, si com vont devisant, S’avra sa terre Bauduïn quitemant. Li damoisiax les en va mercïant. 16560 Les mariniers vont les sigles levant, En mer hautaine vont leur nés esquippant. Que vous iroie la matiere aloignant ? Tant ont alé au vent qu’il orent grant 16564 Que si qu’en Gresce ne se vont atarjant.
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ENFANCES
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RENIER
Al Civetor, la se-vont arrivant.
16568
Des nés issirent no chevalier vaillant, Chevaus et armes en ont trait li serjant. Tout droit vers Nistre se vont acheminant, Bien .V. journees y ot, ce vont disant.
N'’ont pas consseill qu’il voisent a pié tant, Ainz sont rentrez en leur navie grant. 16572 Droit vers Tarence vont leur nés esquipant ; C’estoit la terre Baudouïnet l’enfant. Au Val Jonas, une vile moult grant, Pres iert li pors a .IL. lieues errant, 16576 La arriverent, puis vont terre prenant. Pres fu du vespre, si vont leur trés tendant Jusqu'au matin qu’il virent l’ajournant. En labourage s’en vont li païsant 16580 Qui du païs sont tenant et manant. Quant voient l’ost, moult se vont esmaiant, Envers la vile sont arrier retournant ;
Bien furent .XIL., tuit viex hons et ferrant. 16584 Quant Renier voit qu’il s’en vont reperant, Bien set et pensse qu’il vont l’ost redoutant. .XX. escuiers leur envoie au devant Qui les ramainent a l’ost isnelemant ;
16588
Et li preudome vont de paour tremblant. Renier les voit, ses va asseürant ;
Devant son pere les ala conduisant, Puis leur demande moult debonerement [fol. 147 r. b.]
16592
S’il leur saroient dire a leur escïent De leur seigneur qui les va justiçant Quiex hons il est et s’il a fier semblant Et s’il les tient en pes et loiaument. 16596 Li .[. des .XITL. parla premierement, Sage home estoit et plain d’apenssement,
ENFANCES
16600
16604
RENIER
Plus de .C. anz avoit en son jouvent : « Seigneurs, dist il, ge vous di loiaument Voir vous dirai, par le Dieu qui ne ment ! Ne sai pour quoi demandez telement : Cil qui justice cest païs maintenant Et qui en prent et l’or fin et l’argent, II n’i a droit, se Damedieu m’ament, C’est .I. bastart, bien le sevent la gent !
16608
L frere avoit de moult petit jouvent, Droit hoir estoit de tout le chasement ; Cil l’en chaça par son enforcement. Or met le fel le païs a tourment, Les orfelins desherite vilment,
As veves dames leur rentes va tolant. 16612
Tant fet li glouz, que le cors Dieu cravent,
Que tuit le heent li petit et li grant ! »
[DCXXV] Renier apele le païsant sené : 16616
« Amis, dist il, se Diex te doint santé, De ce bastart me di la verité,
Conment a non ne nous soit pas celé. » Dist li preudom : « Bien vous sera conté : Pierrus a non, Diex li doint mal dehé ! »
16620
16624
Lors dist Renier : « Amis, foy que dois Dé, Di nous le lieu, se il te vient a gré, Ou il sejourne plus souvent a privé. » Et cil respont : « Ja ne vous iert celé : A Roche Agüe, .I. lieu moult redouté,
À .I. chastel moult richement fremé,
16616.
la pure verite ; pure est exponctué.
807
ENFANCES
808
RENIER
Tuit sont li mur de mer avironné. D'ici endroit i seroit on alé 16628 En mains d’un jour acompli et passé. » Et dist Renier : « Moult avez bien parlé ! » Aprés ce mot a Bauduïn mandé Et son bon mestre, qui de mort l’ot tenssé, 16632 Et il i vindrent quant il l’ot conmandé. Li païsant ont Drues esgardé, Bien le connurent, s’ont grant joie mené. De leur seigneur ont tantost demandé, [fol. 147 v. a.]
16636 Drues leur moustre Bauduïn le sené. Quant il le voient, s’en ont Dieu aouré
16640
Quar bien cuidoient qu’eüst son temps finé ; Au pié li vont, merci li ont crié : « Sire, font il, le Roy de majesté Soit gracié quant estes en santé ! Au Val Jonas a moult bone cité ;
Touz les bourjois sont dolenz et iré 16644 Du traïteur qui si a sourmonté. Nous savons bien de fine verité Tout aussi tost qu’il aront avisé Droon, vo mestre, qui tant a loiauté, 16648 Et vous, chier sire, que tant ont desiré, Qu'il vous feront homage et fealté. »
[DCXXVI] Renier parla, qui fut moult sages hons, Son pere apele et ses autres barons : 16652
« Bauduïn, frere, savez que nous ferons ?
Au Val Jonas ceste fois pas n’irons Ne reconoistre enquor ne nous ferons Quar, se Pierrus en ooit li renons
16656 Que tant de gent en cest païs fussons,
ENFANCES
RENIER
Bien s’en pouroit fuir a guerisons. Si vaut moult miex que quoiement alons Tant qu'il iert pris, moult bien nous celerons,
16660
16664
En no navie erranment enterrons Et ces preudomes avoeques nous menrrons ; A Roche Agüe sanz targier en irons, Le traïteur leenz asiegerons Par mer, par terre tant que nous pris l’arons. » Chescun a dit : « Sifait consseill est bons ! A vostre acort trestuit nous otroions. » Aprés ces moz entrent en leur dromons,
1668
16672
16676
16680
Puis i font metre toutes leur garnisons, Armes, chevaus et destriers arragons. Tendent leur sigles as mas sanz lonc sermons, En mer esquipent contre soleill escons.
[DCXX VII] Mouit se penerent nos barons de nagier. Le vent iert grant, qui les fet esforcier. Tant ont siglié et avant et arrier En tout le jour ne finent d’euls quoitier. A l’aserant conmence a espoissier, Vers mienuit prist le temps a changier, La lune lieve, si prist a esclairier. Adont perçurent li mestre marinier [fol. 147 v. b.] De Roche Agüe les murs et le terrier ;
Renier le moustrent et Maillefer le fier Et Baudouïn, le nouvel chevalier. Quant il l’entendent, n’i ot qu’esleescier. 16684 Ne voudrent mie du chastel aprouchier,
16672.
penererent, corr. C.
809
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ENFANCES
Pour miex celer s’ont trait vers .I. rochier. Robers Ricart, cil parla tout premier : « Seigneurs, dist il, se Diex me puist aidier,
16688
Bien sai cest lieu et avant et arrier Quar nous i fumes grant temps a soudoier A .I. visconte c’on apeloit Rogier,
Qui pour vo cors fist maint grant encombrier 16692 A vostre frere, Pierrus le losengier. Au pardefin prist mes sires Rogier, De male mort le fist martiriier. En mer estiemes alez pour gaaignier, 16696
16700
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Querre vitaille dont avions mestier Quant nous oïmes ceste douleur noncier ;
Onc puis n’osames ci endroit reperier. Or vous dirai con porrons esploitier : Fort est le lieu et moult fet a prisier, En la grant tour dont haut sont li clochier Est la prison qui fet a resoignier Ou Gyrart est, selonc le mien cuidier. Il couvendra nostre gent herbergier, En .I. aguet les ferons embuschier. Li autre voisent pour la proie acueillier À .V.M homes, chescun sus .I. destrier. Je sai Pierrus tant courageus et fier Qu'il s’en istra pour le sien chalengier. Quant le verrons des portes esloignier, Qui le porroit enclorre et apressier, Bien seroit pris sanz longues ostoier. Quar, bien vous di, penssez vous de guetier : S’il se repuet en son chastel fichier, Il couvendra ainz moult traire et lancier Et maint engien geter et apointier Aïnz que puissiez le chastel empirier
RENIER
ENFANCES RENIER
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Quar trop est fort fremé sus le rochier, S’a .IT. issues sus mer enz el gravier Desouz montaignes c’on ne puet espiier Ne nus nes puet trouver pour encerchier Se ne sont ceuls du fort chastel plenier. » Lors dist Renier : « Or ne vous esmaier, [fol. 148 r. a.]
16724
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Tant le ferons et jour et nuit guetier Que nous prendrons l’orgueilleus pautonnier. Vostre consseill afiert bien a proisier, Si le ferons com vous oy enseignier, Aumosne est grant de traïteur plessier. »
[DCXX VII] Au matinet, si tost qu’il ajourna, Renier li preuz et Bauduïn s’arma ; 16732
Bien .X.M homes en leur compaignie a. La proie acueillent et par ça et par la. En Roche Agüe la nouvele en ala,
Es .[. message qu’en la sale monta ; Ou voit Pierrus, hautement dit li a : 16736
« Sire, dist il, mauvesement vous va !
Ne sai quiex genz sont arrivez deça, La proie en mainent, nului contr’eus ne va. » Pierrus l’entent, a poi qu’il n’esraja ; 16740 TI jure Dieu que rescourre l’ira Et son païs encontr’eus desfendra. Hastivement ses armes demanda ; Cil li aporte a cui le conmanda, 16744 Akarïos, qui moult de mal penssa. Une suer ot que Pierrus espousa,
16722.
plennier.
ENFANCES
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RENIER
L’un d’euls en l’autre durement se fia. Mes d’une chose mauvesement leur va 16748 Quar, s’un preudome avoec els repera, N’en ont que fere s’a leur bon ne tourna. Pirrus s’adoube, l’auqueton endossa Et par deseure .I. blanc hauberc geta, 16752 Puis ceinst l’espee qui luist et verdoia Et en son chief .I. fort hiaume laça. Quant fu armé, sus .I. cheval monta. Par le chastel errant crier fet a 16756 Que touz s’armassent quar grant mestier en a. Par mi la vile chescun s’appareilla. Quant sont armez, a .V.M les esma, Male gent sont et mals hom les mena. 16760 Pierrus le fel maint malice fet a ; Onques preudome en sa vie n’ama, Mes traïteurs avoec lui soustoita,
Baniz murdriers avoeques lui mena, 16764 En itiex genz son courage mis a !
[DCXXIX] Moult fu Pierrus hardi et courajous, Plain de barnage et fel et envious, Mes onc n’ama Jhesu le glorious [fol. 148 r. b.] 16768 Et tout preudome metoit il au desous, Les traïteurs alevoit il touz jours. Et son serourge estoit fel et estous, De fere mal iert touz jours covaitous. 16772 Akarïos s’escria oiant tous : « Issons la hors, Pierrus, qu’atendons nous ? Trop fu hardi qui mesprist envers vous ! S’il est ataint, tost iert mis au desous. »
16776 Lors sont issuz des portes a estrous.
ENFANCES
RENIER
[DCXXX] De Roche Agüe Pierrus le fel issi,
Bien sont .V." de ceuls qui sont o lui. Aprés la proie chevauchent a estri,
16780 Renier l’en maine et Baudouïn aussi. Roy Maillefer et sa gent fervesti En .I. vaucel sont muciez et quati ; Tant atendront no baron seigneuri 16784 Que Pierrus ait le chastel deguerpi Et que il puissent estre au devant de lui. [DCXXXI] Pierrus chevauche, qui la proie a choisie ;
Ceus qui l’en mainnent a haute vois escrie :
16788
« Filz a putain, vous n’i garirez mie ! En ma terre estes entré sanz conmandie,
Chier l’achatrez ainz l’eure de complie ! » Bauduïn l’ot, s’a la resne sachie
16792 Et voit son frere, qui vient lance bessie ; Bien l’entendi, mes il nu connoist mie.
Li un fiert l’autre par moult grant estoutie, Leur escuz percent, n’i valent une alye ;
16796 La plus fort broigne est route et desartie, Andoi chaïrent des destriers de Surie,
Mes tost saillirent en piez a l’escremie. Or est la guerre des freres conmencie. [DCXXXII]
16800 Or fu a pié Bauduïn en la pree Contre son frere, qui ot male penssee.
16800.
Dr, corr. C ; nouvelle bévue de l’enlumineur.
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16804
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RENIER
Chescun tenoit el destre poing l’espee, Si se combatent par moult grant aïree. Le plus halegre ot la char entamee. Pierrus parla, qui ait courte duree : « Vassal, dist il, moult avez de posnee !
16808
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Mes ne vi home qu’a moi eüst duree. Mes or me dites, s’il vous plest et agree, Je vous cof[nljur, ne m’en fetes celee, Quel gent vous estes, qu’en ma terre est entree. » [DCXXXII] Quant Bauduïn a son frere escouté, [fol. 148 v. a.] Lors li respont a loy d’ome sené : « Vassal, dist il, vous m’avez demandé Quiex genz nous sonmes, bien vous sera co[n]té, Mes ainz voudrai savoir la verité :
16816
Qui le sire est qui maintient cest regné ? » Et dist Pierrus : « Ja ne vous iert celé : Sires en sui, touz font ma volenté. Pierrus ai non, qui ne doute home né. » 16820 Bauduïn l’ot, s’en a joie mené, Jhesu mercie quant si tost l’a trouvé Quar plus le het c’onme de mere né Pour le malice dont vers lui ot ouvré. 16824 Lors penssa l’enfes en son cuer en secré Celera soi tant qu’il ait demandé Pour quoi son frere avoit desherité. Adont en a Pierrus aresonné : 16828
« Vassal, dist il, or oyez mon penssé :
16809. 16814.
cojur, corr. C. cote, corr. C.
ENFANCES RENIER
16832
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Vous sovient il, moult a grant temps passé, De vostre frere, Bauduïn le maisné, Que vous chaçastes par force du terré ? Il est droit hoir, ne puet estre celé, Adont estoit de petitet aé. Or l’a tant Diex aidié et alevé Chevalier est de nouvel adoubé.
[DCXXXIV]
16836 Pierrus, dist l’enfes, ja nel vous quier celer, De seue part vous veull ge demander Se li voulez sa terre delivrer Et du mesfet irez merci crier. 16840 Bien vous menrai ou le porrez trouver. Tant proieront pour vous et conte et per
16844
Merci avrés, selonc le mien cuider. » Pierrus l’entent, bien cuide forssener, À Bauduïn conmença a crier :
« Cuvert lechierre, mar l’osastes pensser ! Pour Bauduïn, dont je vous oy parler, Vous irai ja vostre teste coper.
16848
Se puis Droon, le sien mestre, trouver,
Je li ferai andoi les yex crever Ou en .I. feu le sien cors embraser. » Lors se desfient, ne voudrent plus parler,
16852 Li uns fiert l’autre sanz point de deporter.
16856
Mes cil Pierrus fesoit tant a douter Ja Bauduïn nel peüst endurer Quant au secours i vint Renier le ber, [fol. 148 v. b.] Drues de Gresce, que Diex veulle honnourer ; Robert Ricart ne s’i vout pas celer. Ceus du chastel veïst l’en esprouver Et a nos genz et lancier et geter.
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ENFANCES
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16860 La oïst on grant esfroy demener. Pierrus le fel tint le brant d’acier cler ; Qui le veïst par la bataille aler Et sus nos genz et ferir et chapler, 16864 Bien peüst dire qu’il fist a redouter ! Aüinz qu’il ait fet son poindre outre finer, A .V. des nostres a fet leur temps finer. S’il fust preudome, ce sachiez sanz douter,
16868 Meillor guerrier peüst on poi trouver Ne plus hardi pour ses armes porter, Mes cn sa vic nc vout onc bien pensscer Fors a trichier et tolir et rober. 16872 Quant Renier voit le bastart s’i prouver Et voit sa gent ocire et afoler,
16876
Miex veut mourir que nel voist amender. Le fauxart hauce, dont bien savoit chapler, Es traïteurs en va maint cop doner. [DCXXXV] Grant fu le chaple et arriere et avant :
16880
Les traïteurs se vont bien deffendant, Les noz angoissent, moult les vont destreignant. Akarïos y est venu brochant,
Del brant d’acier va par les rens cerchant, De .II. des nostres va les testes prenant. 16884
Robert Ricart voit cel encombrement, Bien reconnut Makarin le tirant ; Lors jure Dieu, le vrai Pere puissant,
Miex veut mourir ne li voist au devant. Le destrier broche et il li va saillant,
16869.
Nepor hardi, corr. Mt.
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Vers le glouton en vint esperonnant. Il li escrie : « Cuvert, n’irez avant !
16892
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Bien vous connois, ne vous alez celant : Par vo consseill et vo malice grant Fu morz mes sires Rogier, qu’amoie tant. Mal guerredon vous en irai rendant ! Vostre mort gist en m’espee trenchant. » Makarinos n’ot mie cuer d’enfent Qui pour menace va de paour tremblant ; Bien entendi cil le va menaçant, Mes pour son dit nc va pas couardant. Li uns vers l’autre en vint iriement ; [fol. 149 r. a.]
16900
Makarinos feri premierement, Par mi le hiaume va Robert assenant Que fleurs et pierres en va jus craventant,
16904
Mes le bacin li va le chief tenssant. Le ber chancele de l’estourdissement, Mes il se tint a son arçon devant. Makarinos li dist en ramposnant : « Robert, ge croi, quant m'’iroiz esch[apJant, Mauvesement irez Rogier venjant. »
Le mestre cercle li va en .Il. copant,
16908
16912
[DCXXXVI] Robert Ricart fu dolenz et irés Quant ot qu’il fu telement ramposnés. Pour le grant cop fu un poi estonnés ; S’il ne se venge, poi prise ses fiertés. Le branc entoise qui fu d’or enheudés, Fiert le glouton ; si bien fu assenés
16908.
eschant, corr. C.
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RENIER
16916 Par mi son hiaume, qui fu a or gemés, Le comble trenche, le cercle fu copés, Coiffe et bacin li abat a .I. lés, Jusques el pis coula le brant letrés. 16920 Makarinos chaït mort enverssés, L’ame emporta Tabardin li mauffés. A ce point vint Pierrus le deffaés, Voit son serourge, qui iert a fin alés ; 16924 Lors ot tel duel qu’a po n’iert forssenés.
16928
[DCXXXVII] Pierus le fel ot le cuer moult dolant Quant il voit mort son serourge gesant. Dist a ses homes : « Assailliez aigrement Cel losengier, qu’il ne voist eschapant, Qui mon serourge a ocis si vilment ! » Et cils si font, moult le vont argüant.
16932
Quant voit Robert n’i dureroit noiant, « Morimont ! » crie a sa vois clerement. Bauduïn l’enfes le va bien entendant, Cele part vint a esperons brochant ; Drues, son mestre, le va de pres sivant.
16936 En la grant presse se vont ademetant, Mes ne leur vaut la montance d’un gant
16940
Quar traïteurs les vont si acloant, Fierent et traient et de dars vont lançant, Desouz Robert vont son cheval tuant Et Bauduïn l’enfes vont desmontant, Drues, son mestre, a la terre abatant. Ja fussent morz, par le mien escïent, [fol. 149 r. b.]
16944
Quant Renier vint, le fauxart paumoiant. En la grant presse se fiert iriement : Cui il conssuit, il n’a de mort garant !
ENFANCES RENIER
Tant en ocis devant lui el pendant
16948 Que touz li fuient et arriere et avant. Quant Pierrus voit son grant encombrement, Il prent .I. cor, si le va tentissant ; Entour lui vindrent si home et si serjant.
16952
« Seigneurs, dist il, alons nous ent errant
À Roche Agüe, le chastel avenant ! S’enz estions, la serons a garant. Bien voi no force ne nous vaut .I. besant ; 16956 La aval voi .L. deable tyrant, Contre ses cops ne durroicnt jaiant ! Bien sai mon frere ne m’ainme de noiant : Il m’ocira s’il puet esploitier tant. 16960 Mes, se g’estoie en ma grant tour manant, Ne douteroiïe sa force poi ne grant. » A ces paroles s’en vont acheminant, Vers le chastel s’en sont tourné fuiant,
16964 Mes il encontrent Maillefer le puissant, Qui de l’aguet leur saïlli au devant ;
En sa compaigne sont .X." combatant. La reconmence .L. estour moult pesant.
16968
Pierrus voit bien ne puet aler avant ;
Lors a juré et s’en va afichant Que, ainz qu’il muire, s’ira moult chier vendant. .. chevalier feri par maltalent,
16972 Dusques es denz le va tout pourfendant.
16976
Puis fiert .I. autre et le tierz enssement. Et touz les siens s’1 vont esvertuant, Mes pour noient s’i vont tant traveillant. Quant Maillefer choisi ce couvenant, Cele part vint, la maçue empoignant,
Et d’autre part vint Renier acourant, Droon de Gresce, Bauduïn vraiement,
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16980 Robers Ricart, qui n’i fiert mie lent.
16984
Touz furent morz li traïteur pullent : Pris ont Pierrus, le bastart soudiant ; A touz les autres vont les testes copant Fors qu’au prevost, qui va merci criant. Bien reconnut Bauduïn le vaillant, Droon de Gresce, le hardi combatant.
Quant il les voit, si en ot joie grant : [fol. 149 v. a.] 16988 Il apela Droon premierement Et Bauduïn et Renier enssement. La traïson leur va toute contant : « Seigneurs, dist il, s’il vous vient a talent
16992
16996
Que de la mort aie respitement,
Je vous rendrai le chastel quitement Et le prison a vo delivrement : Gyrart a non, si a le poil ferant. A Morimont en Prouvence la grant Le prist Pierrus si com il va disant. Baudouïn, sire, bien savez vraiement
Maint jour servi vo pere loiaument, 17000 Si ferai ge vous des or en avant. » Dist Bauduïn : « Vous parlez sagement Tout pour Gyrart, dont vous alez parlant. Se le pouez rendre sain et vivant, 17004 Vous n’avrés garde de mort ne de torment. » [DCXXXVIIT] Quant nos barons ont le champ aquité, Pierrus ont pris, le bastart forssené ; Sus .I. cheval l’ont erranment monté
17008 Et si li ont les poinz estroit noué D'un fort seÿn a .I. neu de baudré. Vers le chastel se sont acheminé
ENFANCES RENIER
Et le prevost les a devant guïé. En la vile entrent, ne leur fu pas veé, Puis sont les portes et li huis desfremé Tant que noz genz sont touz outre passé. Devant la sale descendent au degré, 17016 Conmunelment se sont touz desarmé. Puis ont errant au prevost conmandé Qu'il ait Gyrart de la prison osté : De lui veoir sont moult entalenté. 17020 Et cil si fist com l’en l’ot conmandé, En mi la place a Gyrart amené. Roy Maillefer l’a tantost acolé Et puis li a enquis et demandé 17024 En quel maniere Pierrus avoit ouvré ; Li quens Gyrart leur a tout raconté
17012
Con ses banieres chanja par mavesté,
17028
17032
17036
Ainssi le prist par sa grant fausseté. Maillefer l’ot, si en a Dieu juré Miex li venist c’onc ne l’eüst penssé. Baudouïn jure le Roy de majesté N’avra mes joie en trestout son aé [fol. 149 v. b.] Tresqu’a cele heure, ainssi l’a devisé,
Que le traïtre avra son temps finé : « Onc n’apartint moi ne mon parenté. » Dist Maillefer : « Moult avez bien parlé ! De quele mort que miex vous iert a gré Doit estre ocis quar il a trop regné. » Dist Bauduïn : « Sire, merci, pour Dé ! Je vous proi, sire, qu’en faciez tout vo gré
17040
Au los Gyrart, cui il a mal mené : En traïson a Morimont gasté ! » Et dist Gyrart : « Se Diex me doint santé, Je loeroie qu’il ait le chief copé !
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RENIER
17044 Tout pour l’onneur Bauduïn le sené Doit il mourir a greigneur honnesté. » Touz s’escrierent : « Gyrart a bien parlé ! » Lors ont Pierrus en la place amené,
Desus .I. tronc l’ont couchié et posé, La l’a tantost .I. vallet decolé ; Ainssi fu mort le traïtre prouvé. A l’endemain, quant il fu ajourné, 17052 S’esmuet Renier et vet par le regné Et Bauduïn a avoec lui mené De vile en vile, de cité en cité. Touz li font joie quant il l’ont ravisé 17056 Et si li font homage et feüté. Quant Renier ot longuement sejourné, .VIIL jours entiers ont el païs esté,
17048
Tuit li haut honme sont venuz et mandé,
17060 Droit a Miessines iront a grant barné. Or vient le terme, c’on a tant desiré, Conment Renier au courage aduré Dira pour quoi il a son non celé. 17064 Les serjanz sont moult durement hasté, Tout le hernas ont as naves porté. Roy Maillefer et Renier l’alosé, Droon de Gresce, Bauduïn le sené
17068
Et li haut home qui plus sont leur privé, En une nef sont touz ensemble entré. Et touz les autres se sont bien atiré : Cil qui n’ot nave si ot chalan ferré. 17072 Contre le vespre sont li sigle levé. Dist Gracïenne : « Vrai Roy de maïsté, Conssentez nous, se il vous vient en gré, Que puissons estre a sauveté alé [fol. 150 r. a.] 17076 Droit a Miessines, que j’ai tant desiré !
ENFANCES
RENIER
Quant li baron seront tuit asemblé,
Le soudoier que j’ai tant enamé Doit a ma mere dire tout son secré, 17080 Puis me doit prendre, ainssi l’ai en penssé. Bien tenssera la terre et le regné ! »
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[DCXXXIX] En haute mer vont nos barons najant, Droit vers Miessines se vont acheminant. Le roy Grebuedes iert iluec sejournant, Peres estoit Florentine au cors gent. Renier resgarde en la mer ondoiant, Voit .I. dromon par devant lui courant ; Dedenz avoit une dame vaillant, Mere iert Ydoine, la pucele sachant,
Qui pour Renier ot pris baptoiement. . Turc l’en maine par mer moult ledement Qui la menace d’ocire cruelment Enz el despit de la françoise gent. La dame pleure et crie hautement : « Lasse, dist ele, or me va malement !
17096 Mort est mes sires, si com l’en va disant, Ne de ma fille ne sai s’ele est vivant. Je criem et doute, dont je me vois doulant,
Que ne soit arsse a Miessines la grant. » 17100 Au cri que maine la dame enz el chalant Renier li preuz la va bien entendant. Gyres, son mestre, en va aresonnant : « Mestre, dist il, se vous m’amez noiant,
17104
Aprester fetes ma galye erranment ! En cele nef qui la va ravinant Oy une dame qui se va dementant : Je veull savoir com li est covenant.
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Se paiens sont cils qui l’en vont menant, Touz seront morz a duel et a torment. » Et dist son mestre : « Nous ferons vo conmant
!»
[DCXL] Renier le preuz le roy Maillefer prie 17112 Qu'un petit face arrester sa navie Tant que il ait la nef aconssuïe Ou la dame est qui si fort brait et crie. Dist Maillefer : « Mal ait qui ne l’otrie ! 17116 O vous irai en ma riche galye. » Dist Renier : « Sire, ainssi nel ferez mie, Ainz demourrez avoec nostre navie. Bien iert la nave, se Dieu plest, justicie [fol. 150 r. b.]
17120
Car ge menrai o moi gent moult hardie. » Dist Maillefer : « Fetes vo conmandie. »
17124
[DCXLI] Renier li preuz en sa galye entra ; Gyres, son mestre, avoeques lui mena, Drues de Gresce mie n’i oublia. Robert Ricart dedenz une autre entra, Envers la nef au paien s’adreça ; A .I. des lez moult tres bien l’acosta,
17128
Renier a l’autre, qui de pres le hasta.
Quant paiens voient que l’en les enchauça, D’euls bien desfendre chescun s’appareilla. Roy Moradas, qui touz les gouverna, 17132 Cil tint la dame, pourforcier la cuida. Et cele crie, qui grant paine endura : « Ydoine fille, ne sai conment vous va : Ge criem et doute qu’arsse estes grant pieça ! 17136 Le soudoier mal tenssee vous a
ENFANCES RENIER
17140
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Qui en sainz fons baptizier vous rouva. Mahom lessames tres qu’il le nous proia, Or voi ge bien mourir me covenra. » Et quant Renier la dame entendue a, Bien la connut et bien la ravisa. Lors jure Dieu, qui le mont estora,
17144
Que, se il puet, il la garandira. Sa gent escrie, d’assaillir les pria. Roy Moradas, quant la noise escouta,
La dame let, a la desfensse ala : Enz el chastel de la grant nef monta,
17148
17152
Maint arbaleste apresté i trouva. Sa gent escrie : « Seignors, Or i parra Qui ces galyes le miex desconfira. » Dient paiens : « Ne vous en doutez ja : Droit est li vens qui le voile tendra,
Ja pour leur force vo nef n’arrestera. »
17156
[DCXLIT] Roy Moradas iert de moult grant posnee, Sa gent escrie a moult grant alenee : « Tendez cel sigle au vent sanz demouree, Si soit no chose esploitie et hastee ! » Et cil si font par moult grant aïree. Li autre traient des quarriax a volee ;
17160
La gent Renier ont malement grevee. Voit le li ber, forment li desagree. Tant fort a Gyres sa galye hastee Qu’a la grant nave l’ont ajointe et serree.
17164
Robert Ricart a la chiere membree A l’autre lez a la nef acostee. Enz est entrez a cui qu’il desagree,
|
[fol. 150 v. a.]
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17168
ENFANCES RENIER
En son poing destre tenoit nue l’espee ; As Sarrazins dona mainte colee, Cui il consuit, toute est sa vie alee !
Et aprés lui est sa compaigne entree.
[DCXLIII] Quant Robert fu en la grant nef entrez,
17172
Dont fu le chaple perilleus et mortez, Roy Moradas li est encontre alez ;
D'un grant fauxart dont li acier fu lez Feri Robert ainz qu’il s’en fust gardez ;
17176
Par mi le hiaume fu si bien assenez Que tout le comble fu fendu et copez,
Mes le bacin qui desouz fu fremez Le garandi que il ne fu navrez. 17180 Quant Robert sent le cop, moult fu irez ; S’il ne s’en venge, tendra le a viltez. Le brant entoise qui fu d’or enheudez, Fiert le paien d’aïr tout tressüez ; 17184 Onc de ses armes ne fu noient tenssez, Jusques es denz fu fendu li Esclerz ! Le cors trebuche, l’ame emporte mauffez.
Lors est Renier enz en la nef entrez. Drues de Gresce, Bauduïn le senez Touz les paiens ont occis et tuez. En l’autre estage est Renier avalez ; La dame i trueve, qui moult ot de biautez : 17192 La char ot blanche plus que n’est noif assez, Couleur vermeille, denz blans menu serrez, Chiere riant et les braz bien moullez.
17188
Mere iert Ydoine dont vous oÿ avez ;
17196
La dame iert joenne, n’iert pas grant ses aez, Ele n’ot mie .XXXV. anz passez.
ENFANCES RENIER
827
Renier l’esgarde, si la connut assez : 17200
17204
« Dame, dist il, vo cors soit bien trouvez ! » Et dist la dame : « Frans damoisiax membrez, De Dieu de gloire soiez vous honnourez ! Mes or me dites, se vous riens en savez, Ou est ma fille dont tant estes amez. » Dist Renier : « Dame, par moi bien le savrez :
Droit a Miessines, qui est bone citez, Lessai vo fille a joie et en santez. La en irons, avoeques nous venrrez, [fol. 150 v. b.]
17208
17212
Et, s’il vous plest, marïec serez A I. franc home qui iert de France nez Dont vo cors iert servi et honnourez ; Mofrt] est vo sire, Brunamon l’amirez. » Et dist la dame : « Il iert tost oubliez
Quar trop estoit et freles et barbez Et si haioit Dieu et crestientez. »
17216
[DCXLIV] Renier li preuz a la dame amenee El mestreestage de la grant nave lee. La iert Robert a la chiere membree,
17220
Qui premier ot la nave conquestee. Touz les paiens qui leur vie ont finee Ont il getez en la grant mer salee : Bien ont la nef vuidie et delivree ! Renier parla, qui moult ot renonmee : « Robert, dist il, or oyez ma penssee :
17211.
mo,
corr.
C ; les deux dernières
effacées. 17217.
Robert ricart. ala chiere membree.
lettres de mort
sont
828
ENFANCES
RENIER
17224 Pour la prouesce que Diex nous a donee Et pour vo force, qui bien est esprouvee, Ceste grant nave vous soit quite clamee Et la richoise qui dedenz iert trouvee 17228 Quar bien l’avez conquise et aquitee. »
17232
[DCXLV] Robert Ricart n’ot mie cuer failli Quant ot le don que Renier li offri : « Grant merciz, sire, Robert li respondi, Biax est li dons dont m’avez revesti ! Se ceste dame l’otroioit tout ainssi,
Miex l’ameroie que le tresor Davi. » Et dist la dame : « Biau sire, ge l’otri. »
17236 Dist Robert : « Dame, et ge vous en merci ! Dont m’avroiz vous a per et a mari. Plus bel tresor de vous n’i ai choisi Se ge di bien, si l’otroiez ainssi. » 17240 La dame l’ot, forment li abeli ; Robert esgarde, moult le voit agenssi, Grant et bien fet, courageus et hardi.
[DCXLVI] Quant la dame ot Robert li requeroit 17244
Que volentiers a moullier la prendroit,
La dame dist, qui moult de bien savoit, Qu'’au los sa fille volentiers ouverroit
17248
Et le vassal qui le don li fesoit. Et Renier dist : « La chose bien iroit ! » A ces paroles Maillefer aprouchoit Et la navie qu’avoeques lui menoit. Renier li preuz a son pere contoit [fol. 151 r. a.]
172932 Conment la dame retrouvee il avoit,
ENFANCES RENIER
Mere iert Ydoine, qu’a Miessines estoit. Maillefer l’ot, Jhesu en mercioit. As marriniers erranment conmandoit 17256 De tost siglier quar desir en avoit Qu'il puist venir a Miessines tout droit. Et cil respondent que par temps isseroit Se Dieu de gloire conssentir leur vouloit 17260 À avoir vent tel com il aferoit.
[DCXLVII] Roy Maillcfer ct Renicr li membrez, Drues de Gresce, Bauduïn le senez,
Et le barnage, qui moult iert redoutez,
17264 Les sigles tendent, li vens s’i est meslez, En haute mer es les vous esquippez ; Et Dieu de gloire les a si droit menez, Desouz Miessines les a si bien guïez
17268
Par mi le Phar, qui iert et grant et lez,
17272
.L. messagier est par devant alez, En .IL. batel a terre est arrivez. Jusqu’a la sale ne s’iert point arrestez ; Le roy trouva, avoec lui ses privez. Li més parla, qui bien fu escoutez ;
? 17276
17280
Le roy salue com ja oÿr pourrez : « Cil Dieu de gloire, qui en crois fu penez, Au jour de Pasques de mort resuscitez, Il sault et gart les barons et les persz ! Sus touz les autres doit estre saluesz Le roy Grebuedes, qui est preuz et senesz » Dist le roy : « Frere, de Dieu soiez sauvesz !
Queles nouveles ci endroit aportez ? Dites les nous, bien serez escoutez. »
Dist le message : « Si com vous conmandez.
829
830
17284
ENFANCES
RENIER
Roy Maillefer et ses riches barnez, Et Florentine, dont moult estes amez,
Et avoec euls le soudoier senez Qui ne veut dire conment est apelez,
17288
En ce grand havre sont entrez en leur nez. Par moi vous mandent que encontr’eus alez Et a grant joie ceenz les amenez. — Diex ! [dist] li roy, t’en soies aourez
17292
Quant ceus que j’ainme m'as ici ame[ne]z ! »
[DCXLVII] Le roy Grebuedes grant joie demena ; Aval la vile errant crier fet a Que lil] s’aprestent quar aler s’en voudra, [fol. 151 r. b] 17296 A grant honnour sa fille recevra Et Maillefer et ceus qu’il amenra. Le roy Grebuedes richement s’atira. Tout pour la dame chescun s’esleesça, 17300 Jusqu’au rivage nul d’euls ne s’arresta. Et quant le roy sa fille encontree a, Andoi ses braz a son col li geta ; Et la duchesse de joie se pasma 17304 Pour le sien pere, que n’ot veü pieça. [DCXLIX] Grant fu la joie a icele asemblee Tout pour la dame, qui la mer ot passee.
17291. 17292. 17295.
Diex li roy, corr. C. amez, corr. C. Que saprestent, corr. Mt.
ENFANCES RENIER
831
Dedenz Miessines est nostre gent entree,
17308 Maillefer monte en la sale pavee,
17312
17316
Avoeques lui a sa moillier menee Et Renier a Gracïenne adestree Et Bauduïn de Gresce la loee. Robert Ricart a la dame guïee Qui fu trouvee enz en la mer salee. Ydoine 1 fu, la pucele senee : Pour Gracïenne a la couleur muee, Mes ele n’ose pas dire sa penssee. En picez sc drescc quar moult fu apenssee, Contre sa mere en est la bele alee ;
17320
L'une a lors l’autre besie et acolee. Maillefer a sa moullier apelee : « Dame, dist il, bien soiez vous trouvee !
17324
Pour moie amour avez la mer passee Et mainte paine souferte et enduree. Or vous sera moult bien guerredonnee Quar vous serez roÿne couronnee ! » La dame l’ot, si respont com senee :
17328
Mes une chose ai ge moult desiree,
« Sire, dist ele, vostre plesir m’agree, Si vous proi, sire, que ge soie escoutee :
17332
L don vous ruis, s’il vous plest et agree, Tant que ge aie ma reson devisee Au soudoier qui est de renonmee Quar moult desire, par la vertu nonmee, Que ge seüsse dont est, de quel contree. Il m’a .Il. fois vers Sarrazins tenssee,
17336
Se il ne fust, pieça fusse finee Et le païs et la terre gastee Ou me lessastes quant de vous fui sevree. » Dist Maillefer a la chiere membree : [fol. 151 v. a.]
ENFANCES
832
17340
« Dame, par Dieu, preuz estes et senee ! Ceste parole doit bien estre grace, Vo volenté n’en iert ja refusee ; Cele nouvele avons moult desiree ! »
17344
En Loquiferne, qui iert bone citez,
RENIER
[DCE] Fu le barnage et semons et mandez. Par le vouloir Renier, qui fu senez,
De Loquiferne iert le non remuez : 17348
Ce cst Micssine, ja mar cn doutcrez,
Et la grant eaue qui li couroit delez Est apelee le Phar, bien le savez,
17352
Onc puis ce non ne li fu remuez. La dame y iert, qui moult ot de biautez ; Ses sires iert Maillefer li membrez,
17356
Sa fille y iert et des autres assez. Dist Gracïenne : « Dame, que ne parlez Au soudoier que devant vous veez ? Demandez li, mere, si vous hastez,
De quel lignage il est estrait et nez Et conment est par droit non apelez. 17360 Et puis aprés, quant son secré savrez, Donnez le moi, si iert mes espousez,
En lui sera mon cors bien marïez Quar mieudres hons ne fu d’autre engendrez. » 17364 Et dist Ydoine, qui estoit par delez : « Ma damoisele, trop vous abandonnez
Et de parler d’un poi trop vous hastez !
17340. 17348.
Pame, corr. C ; faute par anticipation de par. Miessez, corr. C ; faute par anticipation de douterez.
ENFANCES
17368
17372
17376
RENIER
833
À gentil fame est honte et granz viltez Quant tant parole, et on ne l’en set grez. Ja li dansiax a espousé n’avrez, En autre lieu a le sien cuer donnez. » Quant Gracïenne a ces mos escoutez, Honteuse fu, si a le chief clinez,
N'ose mot dire pour li gentil barnez Et pour son pere, qui le chief a croullez. Et la dame a Renier aresonnez Courtoisement, que moult a redoutez Qu’encor nc çoilc envers li ses sccrez.
[DCLI] La gentil dame fist forment a prisier. Ou qu’ele voit le damoisel Renier,
17380 Courtoisement li prie sanz tencier : « Damoisel, frere, pour Dieu, ge vous requier Que vous me dites ceu dont vous veull proier. [fol. 151 v. b.] Couvent m’eüstes, ne le devez noier,
17384
Quant vous partistes de Morimont l’autr’ier, Se Dieu du ciel, le Pere droiturier,
Vous conssentoit que peüssiez aidier Roy Maillefer et hors des mains sachier
17388 À Sarrazins, cui Diex doint encombrier, Tout vostre afere me devez acointier. Or le me dites, g’en ai grant desirier ! » Dist Renier : « Dame, refuser ne le quier,
17368. 17374. 17382.
gret ; faute par réminiscence de set.
li chief. cen, corr. C.
ENFANCES
834
17392
Je le dirai sanz mot de mençongier Que bien l’orront dames et chevalier. Ge doi bien Dieu loer et graciier Que j'ai trouvé auques mon desirier. »
17396
Adont se teurent dux et conte et princier,
RENIER
Moult petitet y oïst on noisier, Pour escouter le damoisel Renier. [DCLII] Moult fu Renier plain de grant escïent. 17400 Sa merc apcle moult debonnerement : « Dame, dist il, or oiés mon talent :
Vous me deïstes l’autr’ier devant vo gent Quant Maillefer passa premierement 17404 La mer deça sus la paienne gent, Em Portpaillart, le mestre chasement,
17408
Laienz entra .I. lerre quoiement, Vo filz embla en son petit jouvent ; Onc puis n’oïstes de lui parler noient. — Voir, dist la dame, g’en ai le cuer dolent ! Quant m’en sovient, lors ai tel marrement
Par .I. petit que le cuer ne me fent. » 17412
Dist Renier : « Dame, or vous proi bonement
Avisez vous en vostre apenssement Se veiez le dansel de jouvent, Le vostre filz que desirez forment, 17416 Sel porriez raviser de noient. » La dame l’ot, lors ploura tendrement,
Et puis dist : « Frere, je vous di loiaument : Se je veoie devant moi en present 17420
Renier, mon filz, dont parlez telement,
Jel connoistroie moult bien, ne m’en dout nient, Qu'’a sa naissance aporta vraiement
ENFANCES
17424
RENIER
La crois royal vermeille apparissant. Damoisel, frere, vous m’alez demandant Se je savroie raviser mon enfant : [fol. 152 r. a.] Oïl, par Dieu, le Pere royamant ! À sa nessance aporta vraiement
17428
17432
La crois vermeille au destre lez seant,
Desus l’espaulle moult bien apparissant Et tout entour letres d’autel semblant. Par cele enseigne l’iroie connoissant. Or vous irai tout mon cuer descouvrant : Je croi et pensse — que l’iroie celant ? — Que mon filz estes, le cuer m'’i va traiant. Se je di voir, ne l’alez pas noiant. »
17436
17440
Dist Renier : « Dame, par le Dieu tout puissant, Trop est li hom plain de fol escïant Qui aparente nului en son vivant S’il ne soit bien de voir certainement Qu’engendrez soit d’un pere vraiement Ou d’une mere porté, c’est bien creant. »
[DCI] Quant Gracïenne a Renier escouté
Et oit sa mere, qui li a demandé 17444 Et le conjure qu’il die verité, S’il iert son filz, ne li soit pas celé, Dist Gracïenne : « Hé, Diex ! com grant vilté Que j’ai mon cuer ainssi abandonné 17448 A ce varlet qui tant a de biauté ! Moult criem et doute, a ce qu’ai entervé,
Que ne soions frere et suer apelé.
17440.
soient.
ENFANCES
836
RENIER
Moult miex amasse, par Dieu de majesté, 17452 N’apartenist moi ne mon parenté ! Bien le cuidoie avoir a.espousé Quar plus l’amoie c’onme de mere né. S’il est mon frere, bien a fole musé ! »
17456
[DCLIV] Moult ot le cuer Gracïenne marri : Tres bien vousist, pour verté le vous di,
Renier li preuz n’apartenist a li ; Moult micx amast la belc au cors gensi 17460 Qu'’ele l’eüst a per et a mari ! Mes, se Dieu plest, il n’ira pas ainssi,
Ainz l’avra cele qui de mort le gueri Et a celee petitet le nourri. [DCLV] 17464 Dedenz Miessines, cele cité puissant, En la grant sale de vert marbre luisant
17468
Vont Touz Pour Touz
li baron environ asseant. quoi se teurent li petit et li grant escouter le vassal conquerant : desiroient a savoir vraiement [fol. 152 r. b.]
Dont il iert nez et qui sont si parent. Renier parla a loy d’ome sachant : 17472
« Or m’entendez, dist il, petit et grant, Tele aventure orrés et maintenant Dont vous iroiz, ge croi, moult merveillant. »
Sa mere apele le vallet en oiant :
17476
« Dame, dist il, alez joie fesant : Ceenz est cil, bien le vois entendant, Qui vostre filz embla certainemant
Puis le vendi a Marsseille la grant ;
ENFANCES
17480
RENIER
Et cil aussi qui l’ala achetant Puis l’en mena par mi la mer najant ; Et y est cele qui l’ala nourrissant. Bien en savront dire le couvenant ;
17484
Il n’est pas mort, alez vous rehaïitant ! » La dame l’ot, si sailli en estant : « Amis, dist ele, pour Dieu le tout puissant,
17488
Le lerre fetes moult tost venir avant ! S’il ne me puet enseignier mon enfant, A mes .IL poinz l’irai mort estranglant ! » Dist Renier : « Dame, ce ne ferez vous nient !
17492
En mer le pris, si li oy en couvent Qu'il n’aroit garde de mort ne de torment. Aidié nous a puis ce di vassaument. » La dame l’ot, si respont sagement : « Damoisel, frere, vostre conmandement
17496
17500
Ne desdiroie por .M. mars d’argent Quar bien avez desservi grandement Que nous façons vo bon et vo talent, Mes, por Dieu, fetes celui venir avant Qui tant m’a fet le cuer tristre et doulant !
S’il plest a Dieu, tel chose ira disant Dont le mien cuer s’ira asouajant. » Dist Renier : « Dame, tout a vostre conmant ! »
17504
Grymbert apele, qu’il voit mu et tesant : « Amis, dist il, levez sus en estant, Si contez voir, se m’amez tant ne quant,
17508
17512
Si que bien l’oient li petit et li grant. Roy Maillefer, que vez ci en present, Bien croi et pensse cist est pere a l’enfant Et ceste dame est sa mere ensement. » Le roy Grebuedes, ses taions, bien l’entent : « Pour ce vous proi el vous vois conmandant
837
838
ENFANCES
RENIER
Verité dites sanz mençonge trouvant. [fol. 152 v. a.] N’aiez paour c’om vous voist mal fesant,
Pour vostre cors met le mien en present. » 17516 Adont se va Grymbert rasseürant, Haut a parlé, touz le vont escoutant. « Or m’entendez, dist il, conmunaument, Et roy et conte, chevalier et serjant,
17520
17524
Dames, puceles qui ci estes seant : Voir vous dirai, g’en trai Dieu a garant. »
[DCLVI] Grymbert le lerre moult hautement parla : « Seigneurs, dist 1l, por Dieu entendez ça : Il avint chose entour .XIIII. anz a Que Maillefer, qui tant de prouesce a,
De Portpaillart il et sa gent sevra Pour conquester la terre que prise a. 17528 Ses .IT. enfanz en la vile lessa Et a Gyrart moult doucement proia Des .IT. enfanz garder, que moult ama, Et de sa fame et du païs dela. 17532 Quant Maillefer en sa navie entra, Au convoier la dame moult ploura. En Portpaillart poi de genz demoura, Jusqu’a la mer chescun adont ala 17536 Pour leur seigneur, qui congié demanda. » [DCLVII] Grymbert parla, qui ot au cuer esmai : « Seigneurs, dist il, verité vous dirai :
IFÉLTÉ
Le G de Grymbert est resté en lettre d’attente.
ENFANCES
RENIER
En la grant sale trestout seul demourai, 17540
17544
De chambre en chambre isnelement alai Pour le tresor, que bien embler cuidai. Cosfres et huches si bien vuidiez trouvai N'i poi riens prendre, forment m’en couroçai. En une chambre au derrenier entrai, Une nourrice et l’enfant i trouvai ; Moult le vi bel, forment le goulousai.
.J. petitet derrier l’uis moi muçai 17548
Tant que le non de l’enfant escoutai ; Renier ot non, moult bien retenu l’ai. »
[DCLVII] Grymbert parla, qui le cuer ot marri ; Dist as barons qu’il vit environ lui : 17552
« Seigneurs, por Dieu, entendez envers mi :
17556
Devant vous touz vrai confés me rent ci Quar je ne sai se je avrai merci. Desvoiiez fu l’enfes par moi, ce di, Et or croi bien que g’en mourrai enqui. » Renier l’entent, tantost li respondi, [fol. 152 v. b.] Dist a Grymbert : « Ne vous esmaiez si,
Vous n’avrez garde, por voir bien le vous di ! 17560
Mes dites voir, gardez n’i ait menti. »
Grymbert l’entent, .I. petit s’enhardi.
[DCLIX] Quant Grymbert oit Renier chiere hardie, Qui l’asseüre de membres et de vie,
17564 |
Haut a parlé, bien fu sa vois oÿe : « Seigneurs, dist il, bien est droit que ge die L’enfant vi bel et de grant seigneurie, Dont m’apenssé d’une grande voisdie,
839
ENFANCES
840
17568
17572
Se le portoie sus mer a la navie, Que g’en avroie avoir et manandie. J. karmin fis de si grande mestrie Que la nourrice oy moult tost endormie, Puis pris l’enfant Renier, nel lessai mie,
Et .I. chier poile de soie d’Aumarie ; Plus n’emportai d’avoir a cele fie. Droit vers Marsseille fu ma voie acueillie 17576 Quar bien savoie le port d’ançoiseurie. »
[DCEX] Grymbert parla hautement en oiant : « Seigneurs, dist il, par Dieu le tout puissant, Renier emblai ainssi faiticement,
17580
Si l’emportai a Marsseille courant. La le vendi a un vieill marcheant Et si li dis le non de cel enfant. Quant li oy dit, si m’alai repentant
17584 Quar moult doutai c’on ne m’alast sivant. Pour escusance, c’on ne m'alast trouvant,
Dis li qu’entrai en .I. bois verdoiant, La trouvai ge une dame dormant, 17588 Tout quoiement li emblai son enfant ; Ainssi dis ge au chenu marcheant. Il vit li enfes bel et gent et plesant, .C. mars d’argent m'en ala delivrant 17592 Et une robe et un cheval courant. Au departir me dist son couvenant Qu'il l’en menrroit en Venice la grant ;
Pour son trieüage le donroit l’amirant.
RENIER
ENFANCES
RENIER
841
17596 Ne m'en fu riens, si m’en tournai atant, Plus n’en sai dire qu’il en fist en avant.
17600
Quel part qu’il soit, Jhesu li soit garant ! Mal ne fis onc dont tant soie doulant Toutes les fois que m’en va souvenant. » Gyres l’entent, si se dresce en estant ; [fol. 153 r. a.] Moult bien resemble preudome a son semblant, C’estoit le mestre Renier le combatant,
17604
17608
Qui tant l’avoit mené par Et por s’amour ot guerpi Et Mahomet et Jupiter le Gyres parla a loy d’onme
mer najant Tervagant grant. sachant :
« Seigneurs, dist il, j’achetai cel enfant
De quoi Grymbert vous va ici parlant. Droit en Venice l’alai o moi menant, Si le livrai l’amiral Brunamant
17612
Pour aquiter un treüage grant. Chescune anee li devoie .I. enfant Crestien masle a fere son conmant, En droit servage de mon fieu rachetant. 17616 Et l’amirant les haïoit si forment, Touz les enfanz de crestienne gent Fesoit il metre a ses lÿons devant Pour devourer et metre a finement. 17620 Mes Dieu de gloire l’en ala desfendant Des .Il. lÿons, nel blecierent noiant, Mes se couchierent delez lui doucement. »
17596. NE më (= nen m'en) fu riens, corr. Mt ; faute par anticipation de m'en.
842
ENFANCES
RENIER
[DCEXI] Gyres parla, qui bien fu escoutez : 17624
« Maillefer, sire, vers moi en entendez : Renier, vos filz, qui si vous fu emblez, Je l’achetai a deniers monneez Droit a Marseille, si voir com Diex fu nez,
17628
Et en Venice en fut o moi portez. A ce termine que vous dire m’oez Enquore estoie Sarrazin apelez. »
17632
17636
[DCEXII] Gyres fu sage et bien savoit parler ; A Maillefer conmence a reconter Conment il fist le sien filz presenter Pour son triuage, qu’il vouloit aquiter : « Cil amirant l’en fist täntost porter As .IL. lÿons pour son cors devourer,
Mes Dieu de gloire ne le vout oublier ! Cil amirant dont vous m’oiez conter Ot une fille qui moult fist a loer ; 17640 Moult estoit joenne, mes Diex li fist pensser. ... sien serjant li ala deviser De cel enfant et nouveles porter, Et la pucele ala l’enfant oster 17644 As .IT. lÿons et puis l’en fist porter Dedens sa chambre et richement garder. [fol. 153 r. b.] Tant le nourri qu’il est bel bacheler ; Bien le pouez devant vous esgarder, 17648 C’est cil dansiax qui tant fet a loer Qui le sien non ne vout onques nonmer
17634.
p (= par), corr. C.
ENFANCES
17652
RENIER
Ne a nului descouvrir son pensser. » La dame l’ot, si le court acouler ; Ja le besast sanz plus de l’arrester Quant Renier dist : « Dame, lessiez ester !
On ne doit mie geu ne feste lever S’on ne le puet loiaument demener. 17656 Ge me voudrai de mes dras desnüer, En pur mes braies tout nu desafluber Et si voudrai par devant touz moustrer La crois vermeille dont je vous oy parler. 17660 Se vous poez sus m’espaulle trouver La vostre enseigne, bien me veull acorder Que ma mere estes, si devrai Dieu loer Du grant perill dont m’a fet destourner. » 17664 Dient li prince : « Renier, con tu es ber ! Ja mauvés honme ne seüst ce pensser. » Adont s’ala Renier desafluber, Ne lessa riens sus son cors a oster 17668 Fors que ses braies por son cors esconsser. Puis est venu en mi la sale ester Et Florentine le prist a resgarder ; Sa mere estoit, plus pres li doit aler, 17672 Desus l’espaulle li vit la crois porter, Plus iert vermeille que rose d’outre mer. Voit le la dame, ne pot sus piez ester,
Si grant joie ot qu’il la couvint pasmer, 17676 Mes le sien pere la courut relever. La gentil dame se prist a escrier : « Maillefer, sire, trop pouez demourer !
Courez vo filz besier et acoler.
17669.
puist, corr. C.
843
844 17680
ENFANCES RENIER Bien devons Dieu gracïer et loer Qui des perilz l’a fés vif eschaper ! »
[DCEXIII] Mouit ot grant joie Maillefer li puissans, Son filz courut embracier par les flans : 17684 « Filz, dist le pere, por vous sui moult joians ! » .XX. fois le bese tant en fu desirans : « Renier, biau filz, dist Maillefer li frans,
17688
Ne vous cuidai veoir ja mes nul temps ! Por vous maint jour ai esté souspirans.
[DCLXIV] Filz, dist li pere, le Roy du firmamant [fol. 153 v. a.] Soit aourez que ge vous voi vivant, Et vostre cors a gardé de tourmant ! » 17692
Quant Gracïenne voit cel acointemant Que Renier fu son frere charnaument,
Tant fu honteuse que n’ose aler avant.
[DCLXV] Dedenz Miessines ot moult riche barné : 17696 Moult font grant joie li joenne et li barbé, N'i ot celui qui n’ait joie et fierté Tout pour l’amour du vassal aduré. Mes Gracïenne avoit le cuer iré, 17700 Moult miex l’amast a avoir espousé. Pour ce qu’ele ot son cors abandonné Envers Renier, n’ot pas lonc temps passé ! Se li dansiax l’eüst a mal tourné,
17704
Bien eüst fete de li sa volenté ! Tant iert honteuse la bele au cors mollé Quant li souvint conment avoit parlé
ENFANCES RENIER
Envers son frere n’a guenchi ne tourné,
17708 Ainz s’en fuit quoiement a celé, En une chambre a son cors enfremé.
17712
[DCEXVI] Dedenz Miessines, cele cité puissant, Fu Maillefer et son barnage grant ; Touz pour Renier se vont esbaudissant. Sus touz les autres va grant joie fesant La gentil dame pour Renier, son enfant. Quant voit Ydoine, la pucele sachant,
17716
Que Renier iert estrait de haute gent, S’ele en ot joie, ja ce nus ne demant. Or n’est il riens que tant voist desirant Qu'’ele l’eüst a mari bonemant.
17720 La bele Ydoine parla moult sagement, Oiant les genz vet Renier apelant : « Damoisel, sire, vous requier mon couvent
Dont me feïstes l’autre an le serement
17724 Et fiançastes de vo main nüement, Ce sevent bien vos homes li auquant, Que ja si tost ne savriez vraiement
17728
Qui iert vo pere et vo mere enssement, Fere devez grant part de mon talent,
17732
Moi prendre a fame, n’est riens que desir tant. Gentis hon, sire, ne m’alez refusant ! Pour vostre amour ai guerpi Tervagant Et Apolyn et Jupiterle grant, Et des lÿons alai vo cors ostant, [fol. 153 v. b.]
Nourrir vous fis et garder richement Enz en ma chambre maugré gent mescreant.
845
ENFANCES
846
[DCLXVII] 17736 Damoisiax, sire, dist Ydoine au vis cler, Pour Dieu vous proi ne me veulliez fauxer ! Quant vous deüstes d’avoec moi dessevrer, Querre vo pere en vousistes aler,
17740
Or et argent vous fis assez livrer Et riches armes pour vo cors adouber Et pour vous fere servir et honnourer
Fis de prison .VIL** prisons geter. 17744 A chescun fis plevir et creanter Par tout iroicnt ou les voudricz mencr ;
Tout ce fis ge por vous em pris monter, Ne le devez mie ore entr’oublier !
[DCLXVII] 17748
Damoisel, sire, dist Ydoine au vis fier,
A Rocheglise me deïstes l’autr’ier Si tost qu’avriez trouvé vo desirier, Le vostre pere, qui tant fet a proisier, 17752 Et vostre mere et vo lignage fier, Moi prendriez a per et a moullier. Gentis hons, sire, ne me veulliez boisier ! »
Dist Renier : « Bele, renoier ne le quier.
17756
Tant m’avez fet, se Diex me puist aidier,
Pour autre prendre ne vous doi pas lessier, Ainz vous voudrai courtement noçoier Au los mon pere, s’il le veut otroier. » 17760 Dist Maillefer : « Bien m’i veull obligier. »,
[DCLXIX] Renier parla a loy d’onme sachant : « Maillefer, sire, entendez mon semblant :
Puis qu’il vous plest et vous vient a talent,
RENIER
ENFANCES RENIER
17764
17768
La bele Ydoine tenrai son couvenant Et Gracïenne, ma suer, que j’aime tant, Donrrai a fame a Bauduïn l’enfant ; Filz est de roy, ce savons vraiement. Gonssent la sage, qui tant a d’escïent, Drues l’avra au courage vaillant. Robert Ricart, que ge pris durement, Moult est hardi et s’est de haute gent,
17772
La mere Ydoine avra a son talent Quar moult est bele, de gent afetement, Jocnc cst la dame ct de plesant jouvent. »
17776
N'ot mes tel joie en trestout son vivant Et a la dame ne va pas desplesant. [fol. 154 r. a.] Or vous dirons de Bauduïn l’enfant : Quant ot Renier, qui li va prometant
17780
Sa suer germaine au gent cors avenant, Grant joie en ot, de ce n’alez doutant.
Robert Ricart, quant la parole entent,
17784
Desront la presse, si est passé avant, Jusqu’a Renier n’i fist arrestemant, Au pié li chiet si tost qu’il vint devant : « Damoisiaus, sire, .C. merciz vous en rent,
Grant est le don que m’alez presentant ! Vez moi ci prest de recevoir le gant,
17788
Mes trop me semble qu’il tarde longuement. » Renier l’entent, si s’en rist bonement : « Bauduïn, frere, dist Renier liement,
17792
Demain seront les noces hautement Se les puceles ne m’en vont desdisant. » Ydoine l’ot, si parla hautement : « Par Dieu, Renier, bien m’i vois acordant !
Miex vousisse hui c’un autre jour prenant. »
847
848
ENFANCES
RENIER
[DCLXX] 17796 Moult fu Renier sages et apenssez. Sa mere apele, si li dist : « Ça venez ! — Filz, dist la dame, dites vos volentez ;
17800
Tant estes preuz, sages et avisez, De vous oïr est chescun desirez ! Ne veull desdire ce qu’arreer voulez. » [DCELXXI] Dist Renier : « Dame, fetes dont tost mander Vo belc fille, qui moult fet a locr !
17804
Ele est ma suer, si doi de li pensser. S’ele se veut a mon bon acorder, Je la voudrai hautement marier. » Et dist la dame : « Biau filz, moult estes ber !
17808
Le vo conmant ne doit nus trespasser. » Adont ont fet Gracïenne mander. Renier l’apele, qui sot moult bel parler :
17812
« Suer, douce amie, dist li le bacheler, Ge vous doi moult chierir et honnourer. Bien devons Dieu gracïer et loer, De grant pechié nous a fet destourner Quar nostre mere me volt l’autr’ier donner
17816
Le vostre cors a moullier et a per. Je me tesoie pour ma honte celer Quar ne savoie, se Diex me puist sauver, Quel part fu nez deça ou dela mer 17820 Ne ou peüsse le mien pere trouver. Or vous voudrai, s’il vous plest, assener [fol. 154 r. b.]
17798. 17817.
Fist, corr. C. fesoie.
ENFANCES
17824
RENIER
En tel lieu, bele, que moult devrés amer : A filz de roy veull vo cors marier. » Dist la pucele : « Frere, moult estes ber !
À vostre acort me veull du tout tourner. — Suer, dist Renier, ce fet a merciïer ! »
17828
17832
Cele nuitie ont lessie passer, Moult font grant joie li demaine et li per. Or vient chançon, c’on doit bien ramembrer, Conment paiens, cui Diex puist mal donner, Feront Bertran a grant douleur finer Et a chevaus le sien cors descipler Par Piecolet, qui maint mal set pensser. A l’endemain, quant virent ajourner, Font les puceles richement conrreer.
[DCLXXII] 17836 Le jour fu bel, si prist a esclerier, Prez reverdissent, fleurissent li pomier. El mois d’avrill aprés mars et fevrier Furent les noces en .I. jardin planier. 17840 Les .III. puceles font bien appareillier
17844
17848
17852
De riches dras et vestir et chaucier ; La mere Ydoine font moult bien atirier. Bien s’atournerent Bauduïn et Renier, Droon de Gresce et Robert le guerrier. Une chapele font benir et seignier J. saint evesque, qui moult fist a proisier. La messe y vont oÿr li chevalier. Le roy Grebuedes et Maillefer le fier Les .IL. puceles y mainent sanz targier. A l’endestrer y ot maint haut princier. Le bon evesque conmença le mestier De sainte Eglyse, que Diex puist essaucier.
849
850
ENFANCES RENIER
Grant fu l’offrende de besans et d’or mier Quant chescun ot espousé sa moullier. Aprés la messe reperent du moustier, 17856 Grant fu la joie el grant palés planier. Roy Maillefer couronna sa moullier De .X. royaumes qu’il ot a justicier. [DCLXXIII] Droit a Miessines, la cité enforcis,
17860 Fu grant la joie des frans barons eslis. Roy Maillefer fu sus touz esbaudis ;
Bien cuide avoir aquité son païs, Mes a court terme sera forment marris. 17864
17868
Or vient l’estoire, ou moult a de biaus dis, Coment Bertran sera a la fin mis [fol. 154 v. a.] Par Piecolet, qui de Dieu soit honnis, Mes en la fin en fu si mal baillis De mort honteuse en fu mort et ocis
Par le bon lerre, qui tant estoit seultis : Par le grant sens dont il estoit apris Fu Piecolet et retenu et pris, 17872 Le fel traïtre, le cuvert foymentis.
[DCLXXIV] Dedenz Miessines fu grant la baronnie. Renier li preuz ot espousé s’amie Et Bauduïn a la chiere hardie 17876 Ot Gracïenne, la bele, l’eschevie. Drues de Gresce, qui moult ot courtoisie, Cil ot Gonssent, qui de sens iert garnie.
17869.
Quar le bon lerre, corr. Mt.
ENFANCES RENIER
17880
Robert Ricart, ou n’ot pas couardie, Cil ot la dame, bien i fu emploïe. Roy Maillefer, qui proesce mestrie, De .X. royaumes ou moult ot seignorie À Florentine, sa moullier, revestie ;
17884
Riche couronne qui d’or iert entaillie Li mist el chief par moult grant seigneurie. Renier, son filz, donna en sa partie
17888
De tour Baudune le port et la navie. Mes Renier jure qu’il n’i demorra mie, Droit en Venice menrra sa compaignie : De par sa fame est ce sa seigneurie.
[DCLXXV] Roy Maillefer courtoisie penssa : 17892
Robert Ricart grant richesce donna,
17896
De Roche Agüe le chastel le fiva Et Val Jonas avoec li otroia Quar Bauduïn l’enfes si li loa Quar a voisin forment le desira. De Bauduïn, qui moult preudom sera,
Et de Pierrus, qui onques Dieu n’ama : Tant dis que tint le païs par dela, 17900
Mainte pucele honni et viola ;
Bien .XV. enfanz aprés lui demoura Que le glouton en ce temps engendra. JL. grant lignage des enfans esleva : 17904
Gybelin furent, ainssi l’en les nonma.
Enquore durent, qui le voir en dira, Male gent sont, poi de bons en y a.
17893.
le fina.
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ENFANCES
RENIER
De Bauduïn üns lingnage istra, 17908
Gerfe ont a non, ce seurnon leur donna Un apostole qui de cuer les ama. [fol. 154 v. b.] Cil sont preudonme, chescun a bien penssa,
La loy soustiennent se nul encontre va.
17912
[DCLXXVI] Ces .IL. lignages dont je vous vois contant De Bauduïn, le preuz et le vaillant,
Et de Pierrus, le cuvert soudiant, Li Gybelin amonterent puis tant 17916 Onques n’amerent les Gerfes tant ne quant, * Aïinz se guerroient et menu et souvent, Enquore durent cil doi lignage grant En Ronmenie et en Puille en avant 17920
17924
17928
17932
Et en Sezile, la contree avenant ;
Ceuls qui la ont esté certainement Bien en savroient dire le couvenant Se li estoire en va le voir dytant. Or vous dirons, s’il vous vient a talant, Des .IT. lignages conment vindrent avant. [DCLXXVII] La nuit aproche, le jour fu avesprez ; Les lis font fere en ces chambres parez Ou coucheront les nouviaus marïez. .J. saint evesque beneoit et sacrez Les liz seigna et puis s’en est tournez. Par le palés se coucha li barnez. Les gentis dames, Bien ont les lis et Ydoine couchent, Et Gracïenne, qui
dont il y ot assez, fez et ordenez ; qui moult ot de biautez, moult ot honnestez,
ENFANCES
17936
RENIER
Gonssent la sage, son pere fu Esclersz, La mere Ydoine o les gresles costez. Robert Ricart, cil fu ses avoucz ;
17940
17944
De celui fu Buyemont engenrez Et de Renier fu Tancré li membrez, De Bauduïn fu Jehan li senez, Li plus biax enfes qui onques puis fust nez, Mes a II. anz fu mort et deviez. Drues de Gresce, le vassal adurez, Cil n’ot nul hoir, dont moult fu puis irez.
En cele nuit dont vous parler m’oez Que Tancré fu conçut et engendrez 17948
Et son bon oncle, Buyemons li senez,
Moult de haus princes ot la nuit engendrez, Si con devise la vraie autoritez,
17952
Par la Dieu grace en maint loi[n]taing regnez. Tout ce fist Diex cui il ert pris pitez
17956
Li Apostole iert a Romme enserrez, Si le guerroie .I. paien desfaez. La nuit que fu Buyemont engendrez
Quar au desouz estoit crestientez : [fol. 155 r. a.]
Et son neveu, le bon vassal Tancrez,
A Cambrai fu Godefroy engenrez Qui de Buillon fu puiz sire clamez 17960
Quar le sien pere, Huistace li membrez,
Qui de Bouloigne fu quens et avouez, À Cambrai fu noçoiez et jurez, À sainte crois fu d’Idain espousez ;
17964
Cele fu mere as .IIT. freres charnez Qui puis conquistrent terres et richetez
17951.
loitaing.
853
854
17968
17972
ENFANCES RENIER
Sus gent paienne, ainssi CON VOUS OITrez, Quar Godefroy fu puis roy couronnez Del Saint Scpulcre ou Jhesu fu posez. Hüe li Maine fu la nuit engendrez ; Le roy Phelippe fu son frere charnez, Cil qui tint France au temps dont vous oez ; Le bon Estienne d’Ambemarle li bers,
Li quens Rotols, qui du Perche iert chasez, Et Aÿmars, qui fu boneürez, Qui du Mautran fu puis vesque clamez ; 17976
Et Bauduïn, li preus et li senez, Qui de Hainaut fu quens et avouez,
Li quens de Flandres qui Robert fu nonmez, Le bon Ricart qui a Chaumont fu nez 17980 Et cil de Bourges, Harpin le redoutez ; Et Baudouïn de Biauvais li senez,
Raimbaut Creton, qui moult fu adurez, Jehan d’Alis, qui fu hons moult osez. 17984 Ces vaillanz homes que je vous ai nonmez Par le vouloir au Roy de majestez En une nuit furent touz engendrez. Tout ce fist Diex qui avoit regardez 17988 Les siens serjanz qui estoient grevez De Sarrazins et moult vilment menez Et pour secourre sainte crestientez.
[DCLXX VIII] 17992 :
17996
Quant Renier ot son deduit tant mené Con il li plot et il li vint a gré, Lors s’endormi le vassal aduré. Ydoine veille, qui forment a penssé. Tout son courage a envers Dieu tourné, Preudefame iert de cuer et de penssé,
ENFANCES RENIER
N’avoit si sage el mont de son aé [fol. 155 r. b.] Fors sa mestre[sse], Gonssent au cors mollé.
18000
D’art d’yngromance savoit a grant plenté Et de clergie et de divinité. « Diex, dist Ydoine, vrai Roy de majesté, Vous soiez, Sire, gracié et loé !
18004
18008
Donné m'avez ce qu’ai tant desiré. » Entrues q’Ydoine avoit ainssi parlé, Es vous .I. angle par la Dieu volenté ; En la chambre entre, moult getoit grant clarté, Devant Ydoine s’est li angele arresté, Puis l’apela par debonereté : « Dieu te sault, fame, de par la Trinité ! » La dame l’ot, si a le chief levé,
Par mi la chambre a veü grant clarté, 18012
Mes onc por ce n’ot le cuer esfreé,
Ainz repondi par debonereté : « Et Diex vous gart qui m’avez salué ! Or vous conjur que me dites verté : 18016 Quele chose estes qui getez tel clarté ? » Et dist li angle : « Bien vous sera conté : Messagier sui au Roy de majesté, Saint Gabriel, ainssi sui apelé. 18020 Par moi te mande Dieu que as reclamé, Que ton mari, qui gist lez ton costé, A .L. enfant en ton cors engendré En ceste nuit qui avra grant bonté. 18024
Mes bien te di, ne doit estre celé,
Ançois qu’il muire, avra paine et durté.
17998. 18014.
mestre, corr. Mt diex vous vous gart ; Le second vous est exponctué.
855
ENFANCES
856
RENIER
Pour ce qu’il iert plain de grant loiauté, Te mande Diex, qui maint en deïté,
18028 Au chicf du terme, quant tu l’aras porté, Au plesir Dieu iert ton cors delivré. Quant il sera a son droit conrreé,
18032
Conmande tost qu’il soit crestienné Et en sainz fons baptisié et levé. Quant on l’avra du moustier aporté,
De ta mamele soit nourri et disné Ne d’autre fame ne soit jour aleté : 18036 Par les nourrices est maint enfes mué A ce retrait dont il est alevé. » Et dist la dame : « G’en ferai tout vo gré, Ja d’autre fame que de moi n’iert gardé. » 18040 A ice mot s’en est l’angele tourné, D'iluec s’em part, si cessa la clarté. [fol. 155 v. a.]
18044
[DCLEXIX] En tel maniere que li angele parla, Ydoine lait et a sa mere va Et tout aussi li dist et raconta. La nuit trespasse et le jour s’aproucha. Renier s’esveille, qui moult bien dormi a.
La bele Ydoine mot a mot li conta 18048 Ce que li angele li dist et conmanda. Renier l’entent, Dieu le Pere en loa. Touz se leverent quant le jour esclera, Au moustier vont quant on les sainz sonna. 18052 Quant il revindrent, la joie conmença Et Florentine enz en sa chambre entra. Les joenes dames moult bien l’en aiesa, Li baing sont fet la ou l’en les baigna 18056 Et les barons. Quant la messe fina,
ENFANCES
18060
RENIER
857
Enz el palés Maillefer repera ; Moult de hauz honmes avoeques lui mena. L’eaue ont cornee quant disner aprocha, Si sont servi que chescun s’en loa. Renier li preuz maïint riche don donna As jugleors dont grant foison y a. .VIIL. jours touz plains cele feste dura,
18064
18068
Mes jusqu’a poi grant paine leur croistra Par Piecolet, qui des nos eschapa ; Et jour et nuit li glouz tant esploita Qu’a Val Marie .I. chastel adreça. Le roy Grandoce en la sale trouva Et Piecolet moult bel le salua ; Voit le le roy, tantost le ravisa : « Amis, dist il, ne le me celez ja :
18072
18076
Queles nouveles nous aportez vous ça ? » Dist Piecolet : « Mauvesement nous va ! Mort est vo frere Salabrun grant pieça, Li quens Bertran l’ocist et decopa, Or tient Baudune a poi de gent qu’il a Quar Maillefer pour garder l’1 lessa. » Grandoce l’ot, Mahomet en jura Que, se il puet, son frere vengera.
18080 Dist Piecolet : « Bien ait qui vous porta ! Bien vous dirai conment vengié sera. »
18084 |
[DCLXXX] Dist Piecolet, le traïtre prouvez : « Bien vous dirai conment vengié serez, Conment Bertran iert pris et atrapez : Mandez vos homes et si les assemblez, [fol. 155 v. b.] En tour Baudune droitement en venez. Devant irai atout .C. Turs armez ;
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18088
18092
18096
ENFANCES
Pres de la vile a .I. haut bois ramez, La serez vous repus et esconssez. Et, se Bertran, qui tant nous a grevez, Ist de la vile ou il est sejourné Pour lui deduire avoec lui ses privez, Nous le prendrons, ja si bien n’iert gardez ! Ceuls qui seront en la vile remesz N’en savront mot, ainz vous iert ame[ne]z Et, s’il avient que cris en soit levez,
Plus avrez genz qu'il ne seront d’assez ; S’il nous enchaucent, n’en dourroie .Il. dez,
18100
18104
18108
18112
18095.
Touz i mouront que nul n’en iert remez. Mes a Baudune mie ne demourez, Trop est cruel Maillefer le desvez, Avoec lui est .I. soudoier remesz C’on va disant que est son filz charnez. Droit en Venice atout Bertran irez, La iert a honte ocis et tourmentez. » Et dist Grandoce : « Moult bien parlé avez ! Ainssi iert fet que vous le devisez. » Diex gart Bertran, qui de Virge fu nez, Quar je ne voi conment soit eschapez, Quar Piecolet iert a mal si tournez Nus ne puet estre encontre lui gardez. Mes a court terme, ainssi CON Vous oIrez, Sera Grymbert contre lui esprouvez Et Tabardin par argus apelez ; Par celui iert justicié li Esclersz.
amez, corr. C.
RENIER
ENFANCES
18116
RENIER
859
[DCLXXXI] Le roy Grandoce ot le cuer moult iré Tout pour son frere, que Bertran ot tué. Ses barons mande, n’i a plus demouré,
18120
18124
Qui de lui tiennent ne chastel ne cité Que a lui viegnent sus perdre l’erité. Or aït Diex Bertran par sa pité ! A brief termine avra son temps finé. Quant Sarrazin se furent asemblé,
.XX. furent richement conrreé, Droit vers Baudune se sont acheminé. Et Piecolet, cui Diex doint mal dehé,
JL. grant malice a en son cuer penssé. 18128
18132
Cent Turs en maine qui plus ierent douté, Devant s’en va, Diex lui envoit grieté ! [fol. 156 r. a.]
De Bertran prendre avoit grant volenté. Tant a li glouz son voiage hasté Pres de Baudune es le vous arresté En .I. bosqué fuellu et bien ramé ; La se repont tant qu’il soit avespré. Diex, qu’or nel set Bertran le renonmé
18136
18140
Bien ot .III. jours que il n’avoit esté En ce bosquet ne chacié ne joué. Moult ot le cors pesant et adoulé, Mes ses barons l’ont bien reconforté. Contre le vespre ont ensemble soupé,
Aprés mengier s’en sont couchier alé.
[DCLXXXII] Li quens Bertran cele nuit traveilla, En son dormant moult durement sonja. 18144
Ce li iert vis, dont moult s’espouenta,
Desus la chambre ou le ber reposa
!
860
ENFANCES RENIER
Vint uns esfondres qui si fort 1 hurta Par .L. petit que tout ne craventa. 18148 De la paour le conte s’esveilla, En mi son lit en seant se dreça, Lieve sa main et de Dieu se seigna. 18152
Le temps voit bel, ne plut ne ne venta, Par une treille li air leenz entra, La lune luist, qui clarté li donna ;
Seri et quoi fist, qui l’asseüra. Bertran s’apensse qu’il se recouchera,
18156 Mal ot el chief, si li rapesera. N'est pas merveille se le conte sonja Quar Piecolet, qui el bois s’embuscha,
Toute la nuit de sa mort pourparla ! 18160 Mes je croi qu’il par temps le comperra : Se Diex guerist Grymbert, qui la venra, Par son grant sens le traïteur prendra. Mais, ainz qu’il l’ait, moult a soufrir avra
18164
Li quens Bertran, qui durement penssa, Del pesant songe tout le cuer li mua.
[DCLXXXIIT] La nuit iert bele si con el temps d’esté,
La lune luist, qui giete grant clarté. 18168
Moult fist seri, moult petit a venté,
Ce a Bertran .I. poi rasseüré. Lors s’endormi, mes poi a reposé : Songié a songe qui moult l’a effreé. 18172
Ce li iert vis, dont le cuer ot iré,
L. dragon vit sus sa tour avolé [fol. 156 r. b.]
18148.
paon, corr. C.
ENFANCES
18176
RENIER
Qui feu et flamme par la gueule a geté Que tout le comble en a ars et bruslé. En l’autre songe li a aprés semblé Enz el bosquet dehors la fremeté Ot une leuve de nouvel faonné ; Pour ses foons ot tant diversseté
18180
N’encontroit honme que n’eüst estranglé. [DCLXXXIV] Fier fu le songe, moult fist a resoignier : Bicn icrt avis a Bcrtran le guerrier Qu'il iert alé enz el bois pour chacier ;
18184 La grande leuve li vint a l’encontrier, Touz ses serjanz li fist a mort plaier Et lui meïsmes abati du destrier, Encontre terre le fist agenouillier,
18188
Par mi le pis li vout ses denz lancier. Bertran s’esveille ou 1l n’ot qu’esmaier. Quant il se trueve enquor sain et entier, Dieu en gracie, le Pere droiturier.
18192 Lors a juré et prist a afichier
. 18196
18200
Que l’endemain ira el bois chacier. S’il puet la louve trouver ne aprochier, Il la voudra occire et martriier Et les louviax fera touz essillier. Diex ! quel damage du gentill timonnier Que il ne set son pesant encombrier De Piecolet, le traïteur murdrier, Qui le guetoit, o lui maint avressier ; Mes a court terme en avra tel louier C’on li fera les membres esracier
Quar le bon lerre, qui moult fist a prisier, 18204 Celui prendra Piecolet l’avressier
861
ENFANCES
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18208
18212
RENIER
Et le rendra Maillefer et Renier. Cils le feront a douleur machecrier, De son service avra moult mal louier. Or vous dirons de Bertran le guerrier : Si tost qu’il vit la journee aprochier, Lever se fist et vestir et chaucier : D'’aler el bois ot moult grant desirier. Or veulle Diex pensser du reperier !
[DCLXXXV] Au matinct cest li frans quens levez ; Mouit richement fu vestu et parez,
18216
Mes pour le songe iert forment trespenssez. Ses hauz barons a devant lui mandez, Et il i vindrent, ne s’en sont escusés. [fol. 156 v. a.]
Li quens Bertran les a aresonnés : « Seigneurs, dist il, .1. petit m’entendés : 18220 Viex sui et freles, si ai mon temps usés. Se Maillefer estoit ça retournés, Bien voudroie estre dela la mer passez. JL. petitet m'est le chief tresmuez, 18224 De maladie criem que soie grevez. Tout mon lignage est mort et deviez Fors Maillefer, le fort roy renonmez
18228
:
Roy est et sire de .XV. roiautez. A Morimont est Gyrart l’alosez, Bien voudroie estre a Portpaillart alez : Le cuer me dit, bien croire m’en pouez,
18232
Ne vivrai gueres, par temps serai finez. » Dient ses homes : « Sire, ne vous troublez ! De bon aage enquor vivre porrez .X. anz ou .XII., ne vous desconfortez,
Quar enquor estes fort et bien adurez
ENFANCES
RENIER
18236
Et, se Dieu veut que vous plus ne vivez, Se la mort vient, en bon gré la prenez. Diex ait votre ame quant volu]s trespaserez ! »
18240
Ceuls qui ce distrent en a moult mercïez.
863
Quant Bertran ot qu’ainssi fu confortez,
[DCLXXX VI] Li quens parla, en cui ot grant bonté : « Seigneurs, dist il, se Diex me doint santé, Bone gent estes a ce qu’ai escouté. 18244 Or vous dirai mon cucr ct mon penssé : Ennuit sonjai, qui forment m’a pené, Dehors la vile en .I. bosquet ramé En .I. vaucel delez un moult bel pré 18248 A une lueve de nouvel faonné. Jouant m’aloie por le douz temps d’esté. La male leuve si m’ot tost encontré, Mes compaignons que j’avoie mené 18252 I furent touz et morz et devouré Et moi meïsmes ot du cheval verssé. Avis me fut, ce vous di de verté,
Par mi le pis m’ot ses granz denz bouté, 18256 Pour la paour m'’esveille e non Dé. Ce dist li songes, dont j’ai le cuer iré, Se li louviaus peuent estre amonté, Il gasteront environ cest regné 18260 Granment ouelles, de ce ne soit douté. Or vous conmant que soient apresté [fol. 156 v. b.] Tost noz chevaus et moult bien ensselé Et chien et viautre, dont avons a plenté,
18238.
vos.
864
ENFANCES RENIER
18264
S’irons chacier la leuve par fierté. Se la trouvons, si en ferai mon gré Et ses louviax seront morz et tué. » Dient ses homes : « A vostre volenté ! » 18268 Tout ce ont fet que Bertran ot rouvé. Li quens conmande, quant .I. poi ot penssé, C'’on li aporte, ne doit estre oublié, Son cor d’ivoire a bendes d’or ouvré. 18272 Cil li aporte qui bien l’avoit gardé. [DCLXXXVII] Li quens Bertran ne s’est arresteüs : Lui et ses homes ou il se fia plus Es chevaus montent auferrans et cuerus. 18276 Muetes de chiens en maïnent .VIIL. ou plus Et chiens mestis et veautre corssus. Tout pour le songe est Bertran esmeüs. Hé las ! pour quoi est de la vile issus ! 18280 A sa fin va li franc quens esleüs, Mes ne set riens des cuvers mescreüs, De Piecolet, qui el bois s’iert repus. Tant va Bertran ne s’est arresteüs ;
18284 O lui cinquante de chevaliers membrus, Mes il n’avoient fors les brans esmoulus, Desarmez sont, n’ont haubers ne escus Quar il ne doutent Sarrazins .IL. festus, 18288 Ne quident mie que la soient venus. Ce fu folie, tant i perdirent plus Car Piecolet, qui soit li confondus, Ot espiiez nos barons et noz drus.
ENFANCES
18292
RENIER
865
[DCLXXX VII] Quant Bertran fu enz el bosquet entrez, Li veneeur cornoient a touz lez ;
18296
18300
La leuve quierent dont Bertran iert irez. Bien les avoit Piecolet espiez, Suïz a trace et leur dis escoutez. Si que truant estoit atapinez, Onc de no gent ne fu point ravisez. Quant il les ot bien veüs et esmez, Plus tost s’en tourne c’un destrier sejournez,
Jusqu’a l’aguet ne s’iert point arrestez. À ses paiens a dit : « Ne vous mouvez ! Ci vient Bertran d’armes tout esnüez,
18304
En petit d’eure ert en nos laz entrez, Pris iert par force et em prison menez. » [fol. 157 r. a.]
18308
Dient paiens : « Moult bien parlé avez ! S’il s’embat ci, ne puet estre eschapez. » A ces paroles est Bertran avalez En .I. vaucel, de sa gent esseulez,
Tout est enclos de Perssans et d’Esclerz. 18312
Piecolet voit Bertran, qu’iert devalez, Bien vit qu'il iert auques asseürez, Lors se desbusche et s’est haut escriez ; Dist hautement : « Seigneurs, trop demourez ! Vez ci Bertran, qui tant nous a grevez.
18316
S'il nous eschape, ce sera grant viltez ! » Quant cil l’entendent, s’ont les chevaus hurtez, À Bertran vindrent environ et en lez. Li quens les voit, s’en fu tout esfreez.
18310.
Nous lisons perssaus.
866
ENFANCES RENIER
18320
Bien voit qu’il ierent traÿs Par Piecolet quant s’en est Dieu reclama, qui en crois « Pere des ciex, vos homes
et espiez avisez. fu penez : secourez !
18324
Se mon jour est que ci soie finez,
Aiez de m’ame et merci et pitez. Bien croi le songe sera ore averez : Vez ci la leuve dont fu espla]ourez 18328 Qui me vouloit depercier les costez. » Tandis que s’est Bertran si dementez, Vint Piccolct, qui soit de Dicu dampnez, 18332
Qui touz les autres a conduiz et menez. Il leur escrie : « A ce glouton alez ! » Quant Bertran l’ot, s’en fu moult aïrez ;
Bien set que c’iert Piecolet le desvez : « Traïtre lerre, dist Bertran li membrez,
18336
Miex veull mourir que vous plus eschapez ! » Lors trest l’espee, si est vers lui tournez, Mes au devant est .I. paien alez ; Il fist que fols ainssi con vous orrez. 18340 Miex li venist qu’il fust ensus alez Et de Bertran .I. arpent reculez, Quar li franc quens s’est de ferir hastez : Par mi le chief fu si bien assenez, 18344 Que jusqu’el pis fu fendu et copez. Dist Piecolet : « Cist est .I. vif maufez ! Quil ataindra, il sera vergondez. »
18348
Ensus du conte s’est le fel reüsez, Ses paiens crie : « De l’assaillir penssez ! »
18327.
espourez.
ENFANCES
RENIER
867
[DCLXXXIX] Moult fu Bertran courouciez et marris [fol. 157 r. b.]
18352
18356
18360
Quant il se voit de Sarrazins soupris ; Lors jure Dieu, qui en la crois fu mis, Qu’ançois qu’il soit ne retenu ne pris, Se vendra chier envers ses anemis. Piecolet crie : « Bertran, rendez vous pris ! Se ce ne fetes, mort serez et ocis Quar n’avez honme par cui soiez gueris. » Li quens respont : « Traïtre foymentis ! Micx veull mort cstre que en ta prison mis. » Le cor sonna, de sa gent fu oÿs ; Cele part vindrent poignant touz ademis, Mes nuz sont d’armes, n’ont fors les brans fourbis,
Cinquante furent, tuit bacheler de pris ; Et paiens furent .C. as haubers vestis ! 18364
Es nos se fierent con le leu es brebis,
En petit d’eure les orent departis : Bien ont des nostres les .XXV. ocis ;
18368
18372
Encontre armé n’a pooir desgarnis. Voit le li quens, moult en fu asouplis. Dieu reclama, qui pardon fist Longis, Et pus jura com hom mautalentis Qu'il se vendra moult chier ainz qu’il soit pris.
[DCXC] Grant fu la noise enz el bosquet fuelli Quant Sarrazins ont Bertran assailli,
18376
Mes li franc quens au courage hardi Se deffent bien au brant d’acier fourbi ; Cui il conssuit tout a son temps feni ! Plus de .XIIIL. en ocist delez lui. Quant Piecolet voit qu’il se deffent si,
868
18380
ENFANCES
RENIER
Lors ot tel duel a poi du sens n’issi. Ses paiens crie que tost l’aient sesi Et cil l’assaillent qui sont mautalenti. La gent Bertran ont il demenez si Touz les ont mort li cuvert maleï.
[DCXCI] 18384 Li quens Bertran forment se dementa : Sa gent voit morte qu’aveques lui mena. Desarmez furent, pour ce petit dura ; Et lui mcïsmes d’armes nu sc trouva 18388 Fors de s’espee, plus arme nule n’a. Maint Sarrazin felon en decopa,
Mes poi li vaut quar durer n’i porra Quar touz [l’as]saillent, chescun moult l’argüa.
18392
Dist Piecolet : « Seigneurs, or i parra Lequel de vous touz plus hardi sera ! [fol. 157 v. a.]
Cil qui Bertran delivrer me pourra, Æ bon chastel Grandoce li donra 18396
Et grant richoise, mes povre ne sera. »
Sarrazins l’oient, chescun s’abandona. Devant les autres .I. paien se lança Pour le grant don que forment goulousa ; 18400
A Bertran vint, .I. espié li lança,
Enz el costé l’acier li embroia Si qu’el vui bu demi pié li entra, Le sanc en raie, qui a terre coula. 18404
Voit le li quens, forment li ennuia ;
Del branc qu’il tint a cil tel cop donna Que tresqu’el pis le fendi et copa,
18391.
touz saillent, corr. C.
ENFANCÉS RENIER Et le secont et le tierz retua,
18408 Mes sa grant force moult petit li vaudra Quar Piecolet ses paiens rescriïa Et recreans ensemble les clama.
18412
18416
[DCXCI] Moult fu Bertran courouciez et marris, Navré se sent el cors et mal baillis Et touz ses homes voit devant lui ocis. Bien set de voir n’en puet eschaper vis. En abandon s’est entre paiens mis, A plus de .VIL. a les chiés jus raïs Au brant d’acier et hors des bus ravis,
Mes ne li vaut vaillant .Il. parisis : Tant li lancierent dars et espiez fourbis
18420 Que desouz lui ont son cheval ocis. Bertran trebuche, mes tost est sus saillis ;
Bien se desfent contre ses anemis, Mes trop estoit navré li quens hardis, 18424 De .IIIL. espiez estoit el cors mal mis. Quant voit li quens que tant iert entrepris, De tres fin cuer reclama Jhesu Cris : « Glorïeus Dieu, si voir que tu nasquis 18428 De la pucele, Roÿne genitrix, En la crois fus pené pour tes amis Et de la lance vous i feri Longis ; Avulles iert, miracles 1 feïs 18432 Quar de vo sanc fu moult tost resclarcis, Diex ! quant il vit qu’en crois estiez mis, Merci cria et pardon li feïs ;
18416. A plus de .vi. en a ; Le en est exponctué.
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ENFANCES
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RENIER
Si con c’est voir, et-mon cuer en est fis, 18436 Aiez de m’ame et pitié et mercis Quar le cors est a grant martire mis ! [fol. 157 v. b.]
De hauberc sui et d’yaume desgarnis ; Se fusse armé, par Dieu de Paradis,
18440
Ja par paien ne fusse en cest jour pris. » [DCXCI] Quant Bertran ot finee s’ouroison, Paiens l’assaillent, li traïteur felon.
18444
Tant le destraignent li Sarrazin glouton Qu’a droite force abatent le baron. Dist Piecolet : « Prenez moi ce gaignon, Si le rendrai Grandoce l’Esclavon,
18448
Puis le ferons mourir tout a no bon : Il sera mis a grant destrucïon ! »
Et eil respondent : « Ce que voulez feron. »
18452
Bertran sesirent entour et environ, Puis le leverent sus .I. cheval gascon Et le loierent moult durement en son. Et li franc quens, par bone entencïon, Reclama Dieu et son saintisme non ;
Navrez a mort estoit sanz guerison.
18456
Del bois issirent Sarrazins a bandon, Grandoce encontrent, qui vient a esperon,
Et Piecolet li rendi son prison. Voit le li roy, si joiant ne fut hom :
18460 Tervagant jure, Jupiter et Mahom, Que Bertran iert mis a destrucïon.
Diex, quel damage du nobile baron ! Mes a court terme, mentir ne vous doit on,
18464 En avera Piecolet guerredon Quar pris sera par Grymbert le larron ;
ENFANCES
RENIER
Cil le rendra Maillefer l’Esclavon,
Et a son filz, Renier le champion.
[DCXCIV] 18468
Pris fu Bertran, le vassal adurez,
18472
Par Piecolet, qui de Dieu soit dampnez. Viex iert et frele li frans quens honnourez Et si estoit en .IIII. liex navrez De .IIL. espiez trenchans et afilez, Tout iert sanglant environ et en lez ; N'iert pas merveille se moult fu adoulez Quar il avoit .IIT. granz plaies mortez !
18476
« Diex, dist li quens, Pere, moi secourez,
18480
Penssez de m’ame quar le cors est finez ! Maillefer, sire, gentil roy couronnez, Moult sui dolenz que vous ne le savez. » Dist Piecolet, le traïtre prouvez : « Cuvert lechierre, de folie parlez ! [fol. 158 r. a.]
Ja mes a jour ne vous eschaperez Quar vo lignage a moult paiens grevez. 18484
Grandoce, sire, envers moi entendez :
Pris est Bertran, qui moult nous a grevez ; Droit en Venice, s’il vous plest, en irez,
18488
18492
Li amirant est mort et trespassez Et roy Butor et Marbriens tuez. Par .I. glouton sont nos regnes gastez Qui fet acroire as François rassotez Que son pere est Maillefer le doutez ; Prise a Ydoine, a li s’est mariez,
Venice cuide tenir toute a ses grez Et Rocheglise, qui est bone citez. Mes ge sai bien conment vous li toudrez : 18496 Ancui au vespre enlerrons en nos nez,
871
872
18500
18504
18508
18512
18516
18520
ENFANCES RENIER
A Rocheglise iert no chemin tournez, Poi y a voie, assez tost i venrrez, La iert Bertran occis et tourmentez Et membre a membre a chevaus escheflez. » Et dist Grandoce : « Si soit com dit avez, Piecolet, frere, moult es bien emparlez ! Ja vo consseill n’en sera refusez. » Tant atendirent que li temps fu temprez, Dont a Grandoce ses homes conmandez Que leur harnas soit as naves portez. Puis ont Bertran bien bendez les costez : Ne vouloit mie Piecolet li desvez Que par les plaies fust enquor deviez, Ainz veut qu'il soit plus griément tourme{[n]tez. Diex le confonde quar trop mals a penssez ! Mes a court terme, ainssi com vous orrez, lert Piecolet saisi et atrapez Et a nos genz rendu et delivrez Par le grant sens, ja mar en douterez, Dont Grymbert iert apris et douctrinez. Li Sarrazin sont entrez en leur nesz Et avoec euls en ont Bertran menez ; Vers Rocheglise se sont acheminez. Or vous dirons, s'entendre le voulez, De noz barons, cui Diex croisse bontez.
[DCXCV] Droit a Miessines, la mirable cité, Ot moult grant feste de no gentil barné. 18524 Tant ont ensemble li baron sejourné
18510.
tourmetez, corr. C.
ENFANCES
RENIER
873
Les dames ont tout leur terme porté [fol. 158 r. b.]
IX. mois touz plains, si qu’il [leur] vint en gré. 18528
18532
18536
Quant li enfanz furent des meres né, Tuit furent masle, moult orent de biauté,
Mes l’un des .IIL. ont il plus redouté, Ce fu le filz Bauduïn le membré. Tant fu malade cele qui l’ut porté Par .I. petit ne fu l’enfant finé. Prinsseignié l’ont en .I. bacin doré, Jehan ot non, telement l’ont nonmé, Quar le jour fu saint Jehan en esté. Les autres .IL. sont de grant dignité, Si com orrez se je sui escouté. Pour baptizier furent as fons porté ;
Ce dist l’evesque : « Conment seront nonmé ? » 18540 Chescun se teut, nul n’a .. mot sonné Quar il ne sevent de Renier l’aduré Lequel des nons li verroit mieus a gré. Voit le l’evesque, si a redemandé 18544 Que on li die sanz point de l’arresté Par confais nons il seront apelé Li doi enfant, mes nul d’euls n’a parlé. Ce fu example que Diex y a moustré : 18548 Es vous .I. angele qui geta grant clarté, Devant l’evesque a un brievet geté Et li saint hon l’a pris et resgardé ; Ens vit escript Buyemon et Tancré. 18552 Ce dist la letre Jhesu Crist a ma[n]dé Les .IL. enfanz soient ainssi nonmé.
18526. 18552.
si quil vint en gre, corr. C. amade, corr. C.
874
ENFANCES RENIER
Et quant l’evesque ot tout [ce] avisé,
18556
Oiant le peuple l’a dit et raconté. Touz s’i acordent, jouvencel et barbé. Renier i vint, a cui on l’a conté ;
Moult li plest bien, si a en haut parlé : « Seigneurs, dist il, or oyez mon penssé : 18560 Quant Diex nous mande la seue volenté, Ja quantli plest n’iert de nous destourné. »
[DCXCVI] Le saint evesque les enfanz baptisa : Le filz Robert Buyemont apela 18564 Et Tancré l’autre que Renier engendra. Quant levez furent et on les remporta, Chescune mere le sien enfant garda,
De sa mamele doucement l’alaita, Quar Dieu le Pere ce fere leur manda. Quant furent grant, l’un l’autre moult ama, [fol. 158 v. a.] Preudome furent et Diex les avança : Toute Anthÿoche Buyemont conquerra 18572 Et au Sepulcre pour Dieu moult se pena Quant Godefroy le prist et conquesta, Cil de Bullon qui pour Dieu se croisa.
18568
[DCXCVII] Li enfant furent baptisié et levé, 18576 En droit baptesme furent par nons nonmé L'un Buyemons et li autre Tancré.
18554. 18556.
tout avise. acordeñt (= acordennt), corr. C.
ENFANCES
RENIER
Or ont grant joie nos barons demené, Mes jusqu'a poi seront forment iré. 18580 Es vous .I. més poignant tout abricvé, El palés monte voiant tout le barné. En haut parla, moult fu bien escouté : « Cil Damedieu qui maint en Trinité 18584 Sault le barnage que ci voi assemblé, Sus touz li autre leur seigneur naturé ! » Dist Maillefer : « Diex te croisse bonté ! Est ce besoig qui t’a ci amené ? » 18588 Dist le message : « Malement est alé : Bertran ont pris li paien desfaé Par Piecolet, le traïtre prouvé. Le roy Grandoce l’en maine emprisonné 18592 En Rocheglise, qui est forte cité. lert Bertran mort se Diex n’en a pité ! » Renier l’entent, a poi n’est forssené
Quant en Venice sont Sarrazins entré : 18596 De par sa fame doit tenir l’erité ! Et Maillefer a grant duel demené,
Moult a Bertran et plaint et regreté. Dist Maillefer : « Se Diex me doint santé,
18600 N'’avrai mes joie en trestout mon aé Si tiendrai pris Piecolet le desvé ! Qui me rendroit le traïteur prouvé,
Je li donroie une riche cité. » 18604 Grymbert le lerre a le roy escouté ; En piez se lieve, s’a premerain parlé, Ou voit Renier, si li dist son penssé : « Gentis hons, sire, vo ban soient crié !
18608
Anqui au vespre, a soleill esconssé, Soient vos honmes enz es naves entré ;
Souz Rocheglise serons tost esquipé,
875
ENFANCES
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RENIER
Poi y a voie se vent avons tempré. 18612 D’art d’yngromance sai a moult grant plenté Et fors karmins, dont maint jour ai ouvré ; [fol. 158 v. b.] Bien cuit tant fere, selonc le mien penssé,
Pris vous rendré 18616 Qui tant nous a Dist Maillefer : S’ainssi le fetes Il vous sera tres
le traïteur prouvé fet ennuy et grieté. » « Dont avriez mon gré ! que l’avez devisé, bien guerredonné. »
[DCXCVIH] 18620 Renier parla a la chiere hardie : « Maillefer, sire, je vous requier et prie Que me prestez de vo chevalerie,
S’irai conquerre Venice la garnie, De par ma fame es[t] ce ma seigneurie ! Se Diex ce donne, le filz sainte Marie, Le Roy de gloire, qui vint de mort a vie, Que trouver puisse Bertran chiere hardie, 18628 Vers Sarrazins iert sa mort chalengie Quar, se ge puis, il n’i demourra mie. » Dist Maillefer : « Par les sainz que l’em prie,
18624
Renier, biau filz, sanz moi n’irez vous mie !
18632 Le roy Grebuedes a la barbe fleurie Ci demourra a privee mesnie Pour les .IIT. [dames] qui i sont acouchie Des .IIL. enfanz qui tant ont seignorie. »
18615. 18626. 18634.
Pris vous rendre. es ce, corr. C.
les .iii, qui, corr. Mt.
ENFANCES
18636
18640
18644
RENIER
877
Et dist le roy : « La vostre conmandie Ferai, biau filz, de cuer sanz tricherie ; Mes je vous proi que ne demourez mie Que vo besoigne ne me soit renoncie. » Dist Maillefer : « N'est droiz que ge l’oublie, Bien vous sera la besoigne noncie. »
DCXCIX] Renier parla, qui cuer ot de lÿon : « Maillefer, sire, entendez ma reson : Hastons nostre crre por Dicu ct por son non ! J'ai grant desir, se ja m’ame ait pardon, Que reüssons Bertran, le franc baron,
Se Diex ce donne que ravoir le puisson, 18648
18652
18656
Et de Venice, le païs bel et bon,
Soient getez Perssant et Esclavon Et qu’eüsson Piecolet le larron. Aprés irai sanz point d’arrestoison Au vrai Sepulcre ou prist surrection Le Roy de gloire pour no redemption Porter m’osfrende en bone entencion Et loer Dieu, cui ge doi guerredon Quar mon desir m’a donné et mon bon, Se raviïons Bertran, no compaignon. » [fol. 159 r. a.] Dist Maillefer : « Filz, moult es gentis hom,
Sages et preuz, de bonne afaitoison. » 18660 A ces paroles est montez el danjon Li quens Gyrart, qui blanc ot le grenon.
18658.
moulz, corr. C ; faute par réminiscence de filz.
ENFANCES
878
RENIER
[DCC] Le vieill Gyrart en la sale monta. Roy Maillefer tantost li reconta 18664 De Piecolet, qui Bertran traÿ a Et en Venice avoec lui l’en mena. « Diex, dist Gyrart, quel traïtre en lui a !
N'’avrai mes joie tant qu’en vie sera.
18668 Le cuer me dit, nel vous celerai ja, Ja mes Bertran dela n’eschapera. Or promet Dieu, qui le mont estora, Que, aussi tost que revenrons dela,
18672 En ermitage le mien cors s’en ira, En .I. desert iluec se celera. Moi ne chaut mes que le cors devendra, Diex en ait l’ame quant ele s’en istra ! 18676 Tout mon lingnage est mort moult grant temps a. » Maillefer l’ot, de pitié en ploura Et touz li autre, chescun en lermoia. Voit les Renier, moult hautement parla,
18680 Les hauz barons touz enssemble apela : « Seigneurs, dist il, pour Dieu, qui tout fourma,
Confortez vous et Diex vous aidera, Le dementer moult petit nous vaudra. [DCCI]
18684 Maillefer, sire, dist Renier li vaillans, Li dementers t’est I. povre garans.
18688
A ce port fetes venir nés et chalans, Si en alons en Venice la grans Bertran secourre entre Turs et Perssans
ENFANCES
18692
RENIER
S’il plest a Dieu qu'il soit enquor vivafn]s. Ançois qu’il muire, ferons paiens dolans ! » Dist Maillefer : « Filz, moult estes vaillans ! De vo consseill n’iere ja repentans. » Robert Ricart et Bauduïn li frans, Chescun de ceus fu d’aler desirans.
[DCCII] Maillefer fist ses nés appareillier, 18696 Bien les atournent li mestre marinier, Armes, chevaus y mctent cscuicr, Vins et viandes a plus d’un mois entier, Blé et bescuit et bacons de lardier. 18700 Aprés i entrent li vaillant chevalier, Serjanz a pié et aussi escuier, [fol. 159 r. b.] Et soudoiers qui veulent gaaignier. En une nave qui moult fist a proisier, 18704 Haut sont li mast et li voile sont chier, Touz sont de soie ouvrez a eschiquier. Laienz entra Maillefer le guerrier, Renier li preuz et Bauduïn le fier, 18708 Droon de Gresce c’ont fet gomphanonnier, Robert Ricart et Gyrart le guerrier Et avoec fu Gyres le consseillier. Le bon larron ne voudrent oubliier, 18712 Cil leur avra moult par temps grant mestier : Ançois qu’il puissent Piecolet justicier, Par yngromance li couvenra huchier JL. sien serjant, Tabardin le legier. 18716 Quant en la nave sont entrez li princier,
18689.
vivas, corr. C.
879
ENFANCES
880
RENIER
Es autres nés entrent li chevalier : Trente mil sont, Diex les gart d’encombrier ! Les mariniers font les sigles drecier, 18720 De Dieu se seignent quant dorent esloignier. Mouit ont grant vent qui les fet esploitier, Toute la nuit se painent de nagier. A l’ajourner, quant il dut esclerier, 18724 Souz Rocheglise arrivent el gravier. Renier le voit, Dieu prist a graciier, Bien reconnut les tours du mur planier ; Roy Maillefer em prist a arcsnicr, 18728 La tour li moustre qui siet sus le rochier Ou le nourri la pucele au vis fier. Des nés issirent no baron chevalier, Renier conmande et fist par l’ost huchier 13732 Que touz s’armassent sanz point de l’atargier ; Il ne veut mie sejourner por logier, Aiïnz veut l’assaut esranment conmencier. Lors font sonner maint gresle menuier ;
18736 Par mi la vile, ou ot maint avressier, Ot l’en li cor tentir et gresloier.
[DCCII] En Rocheglise roy Grandoces estoit. Quant ot la noise, s’en fu en grant esfroit ; 18740 Hors de son lit isnelement issoit, A la fenestre du grant palés venoit Et voit nos genz, qui s’arment a esploit, Pour assaillir chescun s’appareiïlloit. 18744 Voit les li roy, durement s’esmaioit ; Piecolet mande, et il a lui venoit, [fol. 159 v. a.]
Pour demander se ces nés connoissoit Et cele gent qui enz venue estoit.
ENFANCES
18748
RENIER
[DCCIV] Le roy Grandoce a Piecolet mandé Et cil i vint, qui maint mal a penssé. Le roy l’apele, si li a demandé : « Piecolet, frere, dites moi verité :
18752
Moult grant navie a en ce port entré ; Or me contez, se il vous vient a gré,
Quel gent ce sont, ne me soit pas celé. » Et Piecolet a le port esgardé ;
18756
Quant vit les nés, pres n’a le sens mué, Bicn les connut, s’a de paour tremblé. Voit le Grandoce, si li a demandé
18760
Pour quoi le voit si fort espouenté. Dist Piecolet : « Bien vous sera conté : Ceus qui la sont maintenant arrivé, C’est Maillefer, je l’ai bien avisé ;
18764
A l’autre enseigne a ce dragon cresté, C’est le vassal, qui tant a poesté, Qui le sien non a longuement celé. Or fet acroire a la crestienté Qu'il est filz Maillefer l’aduré ;
18768
18772
Prise a Ydoine, qui tant a de biauté. Cele autre enseigne qui est d’or esmeré A ce noir aygle que veez couronné, C’est Baudouïn de Gresce le regné ; Son frere a mort qu’iert bastart, et tué, Or tient la terre dont cil l’avoit geté. Or sai ge bien, dont j’ai le cuer iré, Se Mahomet n’a de nous grant pité,
18776
Touz serons morz a duel et a grieté. »
[DCCV] Le roy Grandoce fu forment esfreez
881
882
18780
ENFANCES
RENIER
Pour Maillefer, que il voit arrivez. Piecolet huche et li dist : « Ça venez, Amis, biau frere, quel consseill me donrrez ? »
Dist Piecolet : « Bien consseillié serez : Fetes errant Bertran soit escheflez Et a chevaus piez et mains atelez 18784 Quar je sai bien, se .II. jours le tenez,
18788
Que durement vous en repentirez. Et puis aprés as creniaus monterez, Contre François vo force mousterrez, Fcrez semblant que bien vous desfendrez. Jusques au vespre ainssi vous contenez, [fol. 159 v. b.] Forte est la vile, pour noïent en doutez,
18792
Ja sanz engiens n’i conquerront .II. dez. A l’anuitier, quant soleill iert clinez, A vo navie en privé conmandez Que li avoir soit erranment portez. Bien vous menrai, de ce ne vous doutez,
18796 Tant que serez de François eschapez, Ja par nul d’euls n’i serez ravisez. Puis en irons quel part que vous voudrez Quar autrement guerir ne vous pouez : 18800 Poi avez genz et Frans en ont assez. » Et dist Grandoces : « Bon consseill me donnez ! Ainssi iert fet que devisé l’avez. » A ces paroles est leur consseill finez, 18804 De la chambre issent, el palés sont entrez, Puis avalerent contreval les degrez. Devant la sale ot .IL. arbres plantez, La fu Bertran de paiens amenez, 18808 Moult ot de plaies environ les costez, Ja mes par mire ne seroit resanez. « Diex, dist li quens, qui en crois fus penez,
ENFANCES RENIER
18812
18816
Or voi ge bien, ainssi est mes penssez, Mon derrenier jour est hui ajournez ! A Dieu rent l’ame quar le cors est finez ; Miex aim mourir que plus fusse gardez Car el cors sui parfondement navrez, A grant douleur languis et a grietez. » Et Piecolet s’est en haut escriez, Dist a Grandoce : « Sire, trop demourez Pieça deüst Bertran estre finez
18820
883
!
Quar moult nous a par maintes fois grevez. — Glout, dist Bcrtran, tu soics vergondez !
18824
18828
Miex aim mourir que fusse vif remez ! Pour Dieu reçoif les mals que fais m’avez, De mon cors fetes le pis que vous pourez, En penitance le pren et en bons grez, Pour alegier mes pechiez criminez ; Diex avra m’ame en sa grant majestez Et t’en seras enquore vergondez. Piecolet lerre, mal fusses onques nez ! Par ton malice est maint preudon finez,
Mal guerredon t'en sera delivrez. » 18832
18836
Piecolet l’ot, a poi qu'il n’est desvez.
Dist a Grandoce : « Mauvés consseill avez [fol. 160 r. a.] Que cel glouton errant vous n’ocïez ! » Et dist le roy : « Fetes en touz vos grez De li occire ainssi que vous voulez. » Dist Piecolet : « Il sera escheflez ! » JIIL. chevaus a li glouz demandez,
Cil li amaine qui les ot aprestez.
18818.
abrandoce, corr. C.
884
ENFANCES
18840
Dont fu Bertran contre terre enverssez Et as chevaus mains et piez atelez, Et sus chescun est .I. garçon montez,
18844
Les .IIIT. membres li ont du cors sevrez.
RENIER
De IL. pars ont les chevaus hastez, Martiriez fu li frans quens honnourez,
L’ame s’em part, martir est deviez. Es vous .I. angele qui vint tout empenez, 18848
C'iert saint Michiel, ainssi fu il nonmez,
Si l’emporta es hautes majestez, Si le volt Diex a cui il s’icrt donnez,
18852
18856
Bien le dut fere, por lui s’iert moult penez ! Quatre .XX. ans acomplis et passez Ot tenu guerres et granz estours champez Contre paiens, les cuvers desfaez, Pour essaucier sainte crestientez. Et .XIIIL. anz, ce dist l’autoritez,
Vesqui aprés le Marchis au Court Nez. [DCCVI]
18860
Quant Sarrazins orent ainssi ouvré, Bertran ocis, detret et desmembré, As crestiax montent richement adoubé,
D’euls bien defendre ont grant semblant moustré. Voient nos genz, qui viennent abrievé. Quant Maillefer voit la paienneté, 18864 A vois leur crie : « Recreans parjuré !
18868
Rendez Bertran, le vassal aduré, Par traïson l’avez emprisonné, Et la cité ou vous estes entré, Nous delivrez a nostre volenté ! Et Piecolet, le traïtre prouvé,
Vous couvient rendre a nous emprisonné !
ENFANCES RENIER
18872
18876
1880
S’ainssi le fetes que ge l’ai devisé, Nous vous lairons aler a sauveté. Sc cc nc fetes, par Dicu de majesté, N'’en partirons pour vent ne pour oré, Ainz avrons prise par force la cité. » Et dist Grandoces : « Trop avez fol penssé, Ainz en seront maint ruiste cop donné ! [fol. 160 r. b.] Ne vous doutons vaillant .L. oef pelé : Forte est la vile et le mur haut et lé, Bien defendrons quar genz ai a plenté. » Maillefer l’ot, s’a l’assaut escrié ; Bien sont les murs entour avironé. Renier li preuz y a son cors pené,
18884
Drues de Gresce, Bauduïn le sené, Robert Ricart et Gyres le membré. Li soudoier s’en sont outre passé,
18888
Et ceus deseure ont maint perron geté, Merriens et piex dont leenz ot plenté ; Les noz ocïent a duel et a vilté.
18892
Et Piecolet leur a haut escrié :
Piquent et hauent, s’ont le fossé rasé.
Voit le Renier, a poi n’est forssené.
« Cuvers François, touz estes assoté
Qui pour Bertran estes ci arrivé ! Mes nel verrez en trestout vostre aé,
18896 A chevaus est le sien cors deciplé. » [DCCVII] Quant Piecolet a Renier entendu, À sa parole l’a bien reconneü.
18876.
885
brandoces ; Le b a été corrigé en G.
ENFANCES
886
18900
RENIER
Renier li crie quant l’a aperceü : « Traïtre lerre, mal vous est avenu ! N’en partirai si vous avrai pendu Se ge ne rai mon ami et mon dru,
18904
Bertran le conte, le vassal conneü. Par traïson l’avez pris et vendu ! » Piecolet l’ot, tout a le sanc meü.
Lors se repent et dist : « Tant mar i fu !
Ce poise moi que tel plet ai meü 18908
Quar or me dout que n’en soie irascu. »
[DCCVII] Moult est dolent Piecolet et marris : « Hé las, dist il, con or sui escharnis !
Je fis folie quant je Bertran ocis 18912
Quar, se il fust enquore sain et vis,
Par li me fusse respitiez et gueris Et as François apesiez, ce m'est vis. Mes or sai bien, se ge sui par euls pris, 18916 De moult grief mort serai a la fin mis. » Lors se pourpensse Piecolet li petis En quel maniere s’en puist estre fuïs, 18920
Mes, se Dieu plest, il iert aconssuïs ! Par le bon lerre sera Piecolet pris, Mes ainz avra moult de travaus sentis. [fol. 160 v. a.]
Or vous dirons de nos barons gentis : De l’assaillir iert chescun talentis 18924 Et Sarrazins se desfendent touz dis, Mouit ont des nos et navrez et ocis. Voit le Renier, s’en fu mautalentis :
Dieu en jura, qui pardon fist Longis, 18928 N'’en partira puis qu'ainssi l’a empris Si iert la vile et le chastel saisis.
ENFANCES
RENIER
[DCCIX] Grant fu l’assaut a la bone cité, Bien s’i espruevent no baron honoré. 18932 Robert Ricart au courage aduré La barbakane a brisié el fossé ; Et Sarrazins li ont maint cop donné Que tout li ont son hyaume dequassé 18936 Et en maint lieu l’ont enz el cors navté. Drues de Gresce ont il mal atiré : Delez le mur l’ont souvin aterré ; Ja l’oceïsssent a duel et a vilté 18940 Quant Bauduïn l’a arriere porté. Roy Maillefer et Renier li membré Virent tres bien que poi ont conquesté ; Le retret sonnel[n]t, si ont l’assaut cessé.
18944
18948
Forte est la vile et li mur crestelé : Ja sanz engien n’ierent paiens grevé. Renier apele Maillefer le douté : « Sire, dist il, or oiez mon penssé : Ja ne prendrons sanz perte la cité Se par engien ne sont li mur verssé,
Ainz perdrions de noz genz grant plenté. Li charpentier de l’ost soient mandé,
18952
Moult en avons avoec nous amené.
18956
— Renier, biau filz, dist Maillefer li ber, Moult nous savez de bons conssaus donner ! Pres du bois sonmes, si fesons charpenter Bones eschieles et cloies pour hourdrer
18943.
sonnet.
[DCCX]
887
»
888
18960
ENFANCES
RENIER
Que ceuls dedenz ne nous puissent grever Quant monterons pour en la vile entrer. » Dient li prince : « Bien fet a creanter ! Sifet consseill ne doit on refusser. » Lors conmanderent et font par l’ost crier Que touz se logent jusques a l’avesprer, Li charpentier voisent du bois coper :
18964 Eschieles facent qui miex s’en set mesler,
18968
Li autres cloies bien fera on lever, [fol. 160 v. b.] II. solz aront qu’en leur fera donner De touz les jours c’om les fera ouvrer. Lors veïst l’en genz vers le bois aler, Plus de .V. cenz qui veulent conquester, Merrien abatre et coper et doler, Et fere eschieles, et cloies manouvrer.
18972
Qui dont veïst Piecolet esfreer Quant voit nos genz telement demener :
« Hé las, dist il, com ge me puis irer ! Se ge n’eüsse fet Bertran labiter, 18976 Merci eüsse, selonc le mien pensser, Miex me venist fet l’eüsse garder. S'or le peüsse a Maillefer moustrer, Pour seue amour me lessast on aler. 18980 Or me couvient par moi seul apensser En quel maniere ge me puisse tensser. Ennuit par nuit ferai paiens armer, La hors as chans les en ferai aler 18984 Pour estourmir l’ost et desbareter. Se Frans ocïent ceus par leur fol errer, A poi m'en est se je me puis tensser
18965.
Li autres cloies bien les fera on lever, corr. Mt.
ENFANCES
RENIER
18992
Et le mien cors de perill destourner. Se Mahom donne de ci puisse eschaper, Mes ne voudrai crestïen encontrer : Deable sont pour paines endurer ! Fuiïr voudrai outre la Rouge Mer, Ja mes deça ne voudrai retourner ! »
18996
[DCCXI] Moult pourpenssa Piecolet grant boisdie Quant voit nos genz aler si aastie Pour engiens fere au grant bois qui verdic ; Bien set paiens n’i porront durer mie.
18988
889
Lors devala de la grant tour antie,
Le roy Grandoce apela, si li prie : « Sire, fet il, or ne vous ta[r]giez mie, 19000 Fetes vo gent soit moult tost fervestie ! Maugré François et l’ost qui est logie, Vous cuit je bien mener a garandie. Se demourons jusqu’a demain complie, 19004
Mien escïent, nus n’emportera vie.
19008
Maillefer est plain de grant felonnie : S’il nous puet prendre, n’i avra qui s’en rie, Touz nous fera mourir a grant haschie Pour ce qu’avons Bertran tolu la vie. » [DCCXII] Dist Piecolet, qui maint mal a basti : [fol. 161 r. a.] « Grandoce, sire, entendez envers mi : Fetes vos homes soient tost fervesti,
19012
Bien vous menrai ou serez garanti.
18999.
tagiez, corr. C.
890
ENFANCES RENIER
Par la posterne vers le bruellet fuelli Istrons la hors sanz fere hus ne cri ; . chemin bas y a vieill et anti,
19016
Par la irons quoiement et tapi, Tant serons [nous] de nul François choisi ; Et, se nous sonmes de François pourssivi, Au bois plessié en irons sanz detri ;
19020 La trouverons maint bon chalan garni, Nés et galyes, ge l’ai mandé ainssi. Enz enterrons, si serons garandi ;
En Cypre irons, le païs enforci ; 19024
La maint vostre oncle, bien serons conjoï. »
Et dist Grandoce : « Mieudre consseill n’oï ! » Lors fist ses homes touz venir devant lui,
19028
19032
19036
Puis leur conmande que tost soient garni, Et il si furent, n’i ont fet lonc detri. Le grant avoir n’ont pas mis en oubli : Troussé en ont maint mul et maint ronci. Et nos François ne sont pas endormi, Entour la vile orent maint tref basti. La nuit gueta Renier au cuer hardi, Drues de Gresce et Bauduïn o lui. Bien sont .XX.M, chescun ot brant fourbi. Toute la nuit chevauchent a estri ; Piecolet doutent, li cuvert Dieu menti,
Qu'il ne s’en fuie par nuit a l’asseri Quar moult desirent qu’il l’eüssent saisi. 19040 Renier en jure le Dieu qui ne menti S’il puet tenir le cuvert maleï, Ja mes nul jour n’avra de lui merci,
19017.
Tant serons de.
ENFANCES
19044
19048
RENIER
Ainz li rendra selonc ce qu’a servi. A ces paroles qu’il se demente si, Es vous Grymbert, le bon lerre seulti. Avoec lui ot maint bacheler hardi. Proier alerent tres le vespre enseri ; Assez amainent, dont seront replani, Vins et viandes, dont bien eirent garni. A l’ost l’envoie, bien i fu recueilli,
19052
19056
Mes le bon lerre n’arresta ne dormi, Jusqu’a Renier n’arresta ne guenchi. Voit le li ber, de joie s’esbaudi. [fol. 161 r. b.]
[DCCXI] Moult fu Renier sages et apenssez. Grymbert apele et li dit : « Ça venez. » Et cil respont : « Biau sire, que voulez ? » Et dist Renier : « Assez tost le savrez : Se voulez estre de moi touz jours amez,
19060
Je vous requier Piecolet nous rendez. C’iert moult grant honte s’il nous est eschapez ! Conjuremens et forz karmins savez,
Or vous requier pour moi tant vous penez Que Piecolet soit pris et atrapez 19064
19068
19047.
Sanz ce, amis, se fere le pouez,
Que Tabardin n’i soit pas apelez : Trop est hideus, lait et noir et barbez ; Quant ge le vi, tant fui espouentez Par poi ne fui hors de mon sens alez ! » Dist Grymbert : « Sire, ja mar m’en mescrerez, Tout mon pooir i sera esprouvez !
en seuri, corr. C.
891
892
19072
ENFANCES
Tant set de mal Piecolet le faez Que je dout moult ne me soit eschapez. Or vous proi, sire, que ne vous aïrez :
Foy que doi vous, ainz qu’il soit eschapez, Touz mes argus i seront esprouvez, 19076 Ja Tabardin n’i sera deportez. » Renier l’entent, si en a ris assez.
Dist au larron : « Amis, or m’entendez : Faites du miex que vous onques pouez. » 19080 A ces paroles que vous dire m’oez, S’em part Grymbert, tout seul s’en est tornez.
[DCCXIV] Grymbert li lerres de Renier se parti, Vers la cité son chemin acueilli. 19084
Ançois qu’il ait Piecolet le Perssi,
Avra le cuer moult tristre et moult marri Quar, se cil puet, ainz le jour esclarci Avra son cors de Frans bien garandi.
19088
[DCCXV] Grymbert le lerre au courage aduré Entour la vile a la nuit moult alé Et oreillé et assez escouté. Entrues qu’il iert ainssi a l’un costé,
19092 Li Sarrazin quoiement a celé Par la posterne issent de la cité ; En .I. vaucel se sont acheminé, Moult bien cuidoient estre touz eschapé !
19072. 19082.
set eschapez. L'initiale est restée en lettre d'attente.
RENIER
ENFANCES RENIER
19096
Mes Bauduïn a un tertre monté Pour seurveïr environ le regné. [fol. 161 v. a.]
19100
La lune luist, qui leur done clarté : Sarrazins voient, qui ja ont arouté Touz les sonmiers et la grant richeté. Voit les li ber, si a un cor sonné :
19104
Ce senefie sa gent soient armé. Le son du cor a Renier escouté ; « Venice ! » escrie, le cheval a hurté. Mes Bauduïn a premier asemblé : EI vaucel cntre, si a l’cspié branlé,
Fiert .I. paien qu’il a premier visé, 19108
19112
L’escu li perce, l’auberc li a fauxé,
Par mi le cors li a l’espié passé, Mort le trebuche a terre en mi le pré. Puis trest l’espee au pont d’or neelé, Si fiert .L. autre, le chief li a copé, Et puis le tierz et le quart a tué. Voit le Grandoce, pres n’a le sens desvé.
19116
Dist a ses honmes : « Mal nous est encontré Se cist eschape, qui si nous a grevé. Or tost a lui, pour Mahom, nostre dé ! »
Et cil si font, qui moult sont aïré. Lancié li ont maint fauxart aceré ; 19120 Tant fort l’angoissent li cuvert desfaé Que souz lui ont son cheval mort geté. Li ber trebuche, mes poi a sejourné : En piez saut sus, el poing le brant letré, 19124 Bien se desfent conme hons de grant fierté ; Mes sa prouesce eüst petit duré Se ce ne fust Renier au cuer membré. Quant Bauduïn se voit si agrevé,
19128
« Gresce ! » et « Venice ! » a hautement crié.
893
894
ENFANCES
RENIER
Es vous Renier poignant tout abrievé ; En ses .IL. poinz a un fauxart porté, Fiert en la presse, maint cop y a donné : 19132 Cui il consuit tout a son temps finé !
[DCCXVI] Grant fu la noise que font li mescreant : Bien cuident prendre Bauduïn le vaillant, 19136
Forment l’angoissent et derriere et devant, Mes Renier vint cele part acourant ;
19140
L faussart porte d’acicr bon ct trenchant, En la grant presse se fiert iriemant : Cui il conssuit il n’a de mort garant ! En petit d’eure vet la presse esclairant. Droon de Gresce i vint esperonnant ; [fol. 161 v. b.]
Maugré qu’en aient cele gent mescreant Ont remonté Bauduïn le puissant. 19144 Le roy Grandoce a brochié l’auferrant, Fiert .1. François au courouz qu’il ot grant, L’escu li perce et l’auberc jazarant, Par mi le cors li mist l’espié trenchant, 19148 Mort le trebuche par delez .I. pendant. Renier le voit, d’ire va tressüant,
Ja mourra d’ire s’il n’en prent vengement ! Le fauxart hauce qui trenche durement, 19152 Envers Grandoce aprocha vistement. Voit le le roy, moult grant paour l’emprent, En fuïe tourne, ne l’atendi noient,
Et aprés lui moult grant part de sa gent.
19145.
at courouz, corr. C.
ENFANCES
RENIER
19156 Au bos plaissié en vont tout droitement, .. marinier la endroit les atent Qui les menra, s’il puet, a sauvement. Quant paiens voient n’i dureront noient, 19160
Leur seigneur quierent, dont moult furent dolent. Quant ne le truevent, s’en font grant marrement.
Ceus qui remestrent el champ plus longuement Envers la vile sont retournez fuiant. 19164
19168
19172
19176
Quant Piecolet voit le descouvenant,
En soi meïsmes se va apourpenssant En quel maniere il s’ira guerissant : Envers la vile n’ira pas retournant, Ne vers la mer ne puet veoir garant Quar trop i voit felon enchaucemant. Par .I. vaucel s’en fuit tout seulemant Ne fu perçut d’onme qui fust vivant. Or vous dirons de Grymbert le vaillant : Pecolet quiert et arriere et avant. Quant ne le trueve, moult s’en va gramaiant. Son sens ne prise .I. denier vaillisant S'il ne puet rendre a Renier ce trichant,
C’est Piecolet, le felon naim puant, Le traïteur qui tant l’a fet dolant ; Mes ainz qu’il l’ait, ce vous di vraiement,
19180 Avra il moult soufert paine et torment. [DCCXVII] Grymbert le lerre fu forment aïrez,
Pecolet quiert, qui s’en fuit esseulez : « Diex, dist Grymbert, con or sui adoulez
19156.
bas, corr. C.
895
ENFANCES RENIER
896
19184
De ce larron, pour cui sui tant penez ! S’ainssi m’eschape, trop sui maleürez [fol. 162 r. a.] Quar je ne sai quel part il est tournez ! » Mes, ainz qu’il soit telement eschapez,
19188
lert Tabardin par argus apelez. Or vous dirai, s'entendre le voulez, Conment Renier, le vassal adurez,
À enchauciez Sarrazins et Esclersz ; 19192 Jusqu’a la mer ne fu son frain tirez. Le roy Grandoce fu moult espouentez, En sa ncf centre, s’a marinicrs hastez
19196
De tost nagier quar moult est desirez : Se pouoit estre jusques en Chypre alez,
Ne douteroit François .II. aus pelez. Quant Renier voit Sarrazins en leur nesz, Des sigles tendre s’iert chescun moult penez,
19200 Dieu en jura, a cui il s’est donnez, Aprés ira, ne sera arrestez : Ja Pecolet, le traïtre prouvez, N'i guerira, quel part qu’il soit tournez, 19204 Qu'il ne soit mort et a honte livrez. Mes pour noïent s’est Renier dementez : Piecolet n’iert mie es naves entrez, Par mi le bois s’en fuit tout esfreez. 19208 Ja par Renier n’eüst esté trouvez Se Diex ne fust et Grymbert li membrez, Qui de lui querre iert moult entalentez.
[DCCXVII] Quant Renier voit paiens en leur navie
19196.
Si pouoit.
ENFANCES RENIER
19212
Qui por fuir ont leur chose aploitie, Dieu en jura, le filz sainte Marie, Qu’aprés ira, soit savoir ou folie, Pour Pecolet, le lerre plain d’envie.
19216
S'il le puet vir, il n’eschapera mie !
19220
897
.L escuier apele ou plus se fie : « Amiz, dist il, savez que ge vous prie ? À Maillefer alez, n’arrestez mie, Et si li dites qu’il face chiere lie. En Rocheglise soit sa gent herbergie, La m’atcndra, avocc lui sa mesnic,
19224
Tant qu’avrai pris en la moie baïllie Le traïteur qui est plain de boisdie, C’est Pecolet, que le cors Dieu maudie
19228
!»
Et cil respont : « A vostre conmandie. Bien li dirai de la vostre partie Quar n’est reson que de rien vous desdie. »
[DCCXIX] Renier li preuz Sarrazins enchauça ; [fol. 162 r. b.] En une nef il et sa gent entra,
Robert Ricart avoeques lui mena 19232
Et Bauduïn, en cui moult se fïa ;
Drues de Gresce mie n’i oublia. Gyres, son mestre, celui les gouverna
19236
19218.
Quar de la mer savoit moult grant pieça. Grant baronnie aprés Renier en va : Bien sont .X." qui touz les contera. La grant navie aprestee trouva. Le roy Grandoce par la mer fuiant va,
Amez, corr. C ; faute par anticipation de savez.
ENFANCES
898
19240 Renier l’enchauce, qui de pres le hasta. Or vous dirai, qui bien l’escoutera,
19244
19248
De Maillefer conment il esploita : Quant la nouvele oÿ, moult se hasta, Isnelement son cors appareilla, En Rocheglise il et sa gent entra. Les Sarrazins qu’en la vile trouva Ont touz ocis, onc nul n’en eschapa. Piecolet quierent, mes riens ne leur vaudra :
Ja mes a jour Maillefer nel verra Dusqu’a celc heure que Grymbert li baudra, Qui de lui querre durement se pena. 19252
Toutes les rues de la vile cercha,
Sales et tours, mes pour nient se pena Quar Pecolet, qui tant de mal penssa,
Par 19256 Par Il. La
mi .I. bois son chemin adreça, .I. vaucel tout seul fuiant s’en va ; grandes lieues estoit esloignié ja ! nuit trespasse et le jour aproucha
Et Pecolet sus un tertre monta ;
19260
Et quant il voit que nus ne l’enchauça, En soi meïsmes grant joie demena : « Hé ! Mahom, sire, Piecolet s’escria,
Moult sera fol cil qui ne vous crera ! 19264 De grant peril le mien cors osté a. » Mes a court terme son pensser changera : Quant le bon lerre Tabardin huchera, En petit d’eure Pecolet trouvera. 19268 Mes tout avant dire me couvendra De Maillefer, qui le larron trouva. Il li demande si tost qu’il l’avisa : « Amis, biau frere, ne le me celez ja :
19272
Ou est Bertran, qui tant de prouesce a ?
RENIER
ENFANCES RENIER
19276
— Je ne sai, sire, Grimbert respondu a, [fol. 162 v. a.] Ne ge ne sai ou Pecolet ala. » Dist Maillefer : « Par mer fuiant s’en va, Renier l’enchauce a tant de gent qu’il a. »
[DCCXX] Dist Maillefer : « Grymbert, biau douz amis, Ce maus traïtres, Pecolet le petis,
Par mer s’en fuit courouceus et marris.
19280 Mon filz le suit, Renier le posteïs, S’ai grant paour qu’il ne soit entrepris Par Pecolet, qui de Dieu soit maudis !
19284
19288
Tant a de mals pourchaciez et bastis Nus ne s’em puet guetier, ce m'est avis. » Quant Grymbert l’ot, s’en fu mautalentis. Lors ne se prise vaillant .II. parisis : « Poi vaut mon sens, dist Grymbert li gentis, S’autre que moi avoit Piecolet pris ! » Lors s’en tourna, du roy a congié pris, Bien dit et jure, de ceu s’est aastis,
19292
899
N’avra repos mes par nuit ne par dis S’iert Piecolet et retenu et pris. Mes ainz qu’il l’ait, de ce soit chescun fis,
Avra il moult de granz travaus sentis !
19296
[DCCXXI] En Rocheglise roy Maillefer estoit : Lui et sa gent par tout Bertran queroit. Quant ne le trueve, forment s’en aïroit, Lors dit et jure Pecolet l’en menoit.
19290.
cen, corr. C.
ENFANCES
900
RENIER
Mes pour noient le roy le regretoit :
19300 En .L. destour le gentil quens gesoit, En IL. pars tout escheflé estoit. Le roy Grandoces par la mer s’en fuioit, Tout droit vers Chypre a esploit s’en aloit. 19304 Renier l’enchauce, qui de pres le sivoit. Tant s’esploita Gyres, qui gouvernoit, Le roy paien a .I. lez acostoit,
19308
19312
Robert Ricart de l’autre part venoit. Quant voit Grandoce qu’ainssi enclos estoit, Lors ot tel ducl a poi qu’il n’esrajoit. Les siens escrie, dont grant plenté avoit, Et d’euls defendre durement les prioit. Quant cil l’entendent, l’un tret, l’autre lançoit. Voit le Renier, forment s’en aïroit.
Æ fauxart tint qui durement trenchoit ; Tant s’esvertue, il et ceus qu’il menoit, 19316 Qu'en la grant nef avoec paiens entroit, Droon de Gresce, qui moult preudome estoit, [fol. 162 v. b.] Robert Richart, qui sus paiens chaploit, Et maint des autres qui moult Renier amoit.
[DCCXXII] 19320 Grant fu la noise de la gent paienie Quant Renier fu entré en leur navie. Tant i feri la nostre baronnie Qu'en petit d’eure fu la grant nef vuidie 19324 Des Sarrazins, la pute gent haïe. Le roy Grandoce a Renier merci crie, Bien voit sa force ne li vaut une alye. Et dist Renier : « Aiïnssi n’ira il mie ! 19328 Ja n’i sera vo vie respitie
ENFANCES
RENIER
Se ne rendez en la moie baillie Le petit naïm qui tant set de boisdie ; C’est Pecolet, que le filz Dieu maudie,
19332
19336
Par cui fu pris Bertran chiere hardie. » Dist le paien : « Or ai merveille oÿe ! Nous ne savons ou est n’en quel partie. [DCCXXI] Damoisiax, sire, dist Grandoce li frans, Par Mahomet, cui sui obeïssans,
Fuÿ s’en est Pecolet li tyrans Quant la bataille et li champ fu plus grans. Par son malice, Mahon li soit nuisans,
19340 Est ma gent morte et je sui recreans ! Mes, s’il vous plest, franc home conquerans, Sauvez ma vie, ja n’i serez perdans,
Mes ne serez par moi grevé nul tans, 19344 Si vous donrai mile mars de besans Et .C. mantiaus de soie traïnans, .M. espevriers et .M. chevaus courans ; Et chescun an serai vo redevans
19348 De .II. mulez qui bien seront amblans À frains, a seles a fin or reluisans, Et .Il. puceles qui sus seront seans,
Quar j'ai grant terre dont je sui roy tenans :
19352 Tout Anthÿoche est a moi apendans. Mon cousin est Corbadas li vaillans, Jerusalem tient et y est manans, Et le Sepulcre, dont il [est] moult doutans :
19345. 19355.
tramans, corr. L et Mt. dont il ml’t doutans, corr. C.
901
ENFANCES
902
RENIER
19356 Sarrazins ont sorti, n’a pas lonc tans, C'’un si grant peuple qui iert en Dieu creans Venra ça outre, ce fu li sors disans, Tout conquerra maugré Turs et Perssans,
19360 Mes je croi bien que du tout iert mentans ! » [DCCXXIV] Quant Renier ot le Sarrazin parler [fol. 163 r. a.] Et de la terre la outre deviser
Del Saint Sepulcre, ou Diex vout susciter, 19364 Ou li vassaus desiroit a aler, Renier l’apele, qui sot moult bel parler : « Sarrazin, frere, plest vous a escouter :
19368
Se me pouez au Sepulcre mener Sanz le mien cors ne ma gent empirer, De tout l’avoir que me voulez doner,
Moult volentiers vous veull quite clamer. » Et dist Grandoce : « Ce fet a merciïer !
19372
Bien vous i puis et conduire et guïer. » Dont li fiance a loiauté porter, Contre sa dent a fet son doit hurter : Ce senefie ne li voudra fausser.
19376 Dont font les sigles et tendre et atirer ;
19380
Tout droit vers Acre, la veulent cheminer. Ainz que Renier puist ja mes retourner, Li couvendra maint travaill endurer. Hui mes devons du bon larron conter : Pour Pecolet n’ot en lui qu’aïrer ; Moult se pena qu’il le peüst trouver
Et qu’il le puist roy Maillefer livrer.
[DCCXXV] 19384 Grymbert le lerre va Pecolet querant
ENFANCES
RENIER
903
Entour la vile et arriere et avant. Quant ne le trueve, moult se va gramoiant. Lors est monté sus .L. tertre moult grant ; 19388 Pres iert du bois qui aloit ombroiant Ou Piecolet s’en va d’aïr fuiant, Mes n’en savoit Grymbert ne tant ne quant. Maint fort karmin ala moult tost getant, 19392 Par les forz moz et par conjuremant Fist Tabardin acourre isnelement. Dyverssement s’est alé amoustrant : Noir iert et lais et de hisdeus semblant, 19396 Les yex ot rouges plus que charbon ardant, Tout iert velu et derriere et devant. .L crochet porte a guise de tyrant Et vint les denz durement rechignant ; 19400 Lonc fu .XX. piez quant il iert en estant. Quant voit Grymbert, si li dist laidement : « Di moi, dist il, pour quoi me vas penant ? »
Et dist le lerre : « Gel te dirai briemant : 19404 II te couvient muer tout autrement En la façon d’un bon cheval courant ; [fol. 163 r. b.] Si monterai et tu m’iras portant Ou trouver puisse Pecolet vistemant. » 19408 Dist Tabardin : « Ge n’en ferai noiant ! Cil Piecolet dont tu me vas parlant Est mes hons liges du tout outreement : Fait m’a homage et ge l’irai tenssant. 19412 Maint grant malice l’ai fet estre penssant ; Par mon consseill — que l’iroie celant ? — Fu Bertran mort et mis a finement.
19398.
porta ; faute par anticipation de a guise.
ENFANCES
904
Mes, quant li ame fu du cors dessevrant,
JL. blanc oisiax l’emporta en volant : Haut vers le ciel ala si tost montant Onques ne poi tant aler esploitant Que le peüsse aler aconsivant. 19420 Quant l’oy sivi tant con j’osai avant, Je retournai, si oy le cuer dolant Que ne le poi a moi aler sachant. » Quant Grymbert ot Tabardin le bruiant 19424 Que par lui iert Bertran mort telemant, Lors ot tel duel c’onques n’ot en plus grant, Dont se pourpensse conment l’ira venjant. D’art d’yngromance reva .IIL. moz disant : 19428 Si fort destraint Tabardin en lisant N'ose escondire riens qu’il voist conmandant.
19416
[DCCXXVI] Quant Grymbert ot Tabardin conjuré, Ne puet riens fere outre sa volenté. 19432 Grymbert le lerre li ra tost conmandé Sanz lui grever l’ait maintenant porté Tant que il voie Pecolet l’aduré : Prendre le veut en vie et en santé, 19436 Si le rendra Maillefer le membré, Si en fera toute la volenté. Quant Tabardin a Grymbert escouté, N'ose escondire ce qu’il a conmandé. 19440 Cheval devint richement ensselé, Frain ot et sele et poitral esmeré ; Puis s’abessa, Grymbert est sus monté
19425.
onc.
RENIER
ENFANCES
19444
19448
RENIER
Et Tabardin l’en a moult tost porté. Enz el bois entre, moult tost l’ot traverssé, Pccolct trucve souz .I. arbre ramé. La iert couchié quar il estoit lassé, Endormi iert, tout fu asseüré. Voit le Grymbert, tantost l’a ravisé ; Lues a congié a Tabardin doné [fol. 163 v.a.] Et cil s’esqueut, es le vous ent alé.
[DCCXXVII] 19452
19456
19460
19464
Grymbert le lerre Pecolet avisa Ou il dormoit, quar moult s’asegura. Grymbert s’apensse que il l’esveillera : Ja en dormant, ce dist, ne l’assaudra. Lors vint vers lui, hautement s’escria : « Traïtre, lerre, mal ait qui vous porta !
Ja vo malice ne vous garandira, A Maillefer venir vous couvendra, Cruel justice de vostre cors prendra. » Piecolet l’ot, a poi qu’il n’esraja, En piez saut sus que plus ne sonmeilla. Grymbert regarde, moult petit le prisa Quant plus de genz entour lui veüz n’a ; Mahomet jure ja pour lui ne fuira. .L. coutel sache, a Grymbert le lança,
Sanz defiance durement l’en navra, Desus les costes le charnaïll li trencha 19468 Si que le sanc a la terre en coula, Par mi le cuer bien ferir le cuida. « Diex, dist Grymbert, quel traïteur ci a ! »
19472
.J. baston hauce qu’il en sa main porta, Par mi le dos Pecolet en frapa Si roidement qu’a terre trebucha ;
905
906
ENFANCES
RENIER
Mes il saut sus, gueres ne s’esmaïia,
Envers Grymbert le coutel relança, 19476 Mes le bon lerre de lui bien se gueta. JL. autre cop referir le cuida,
Mes Pecolet par desouz se lança, Grymbert aert, par les flans l’embraça. 19480
S’or ne se guete, celui l’aterrera !
[DCCXXVII] Quant Grymbert sent Pecolet l’ot saisi, Moult le redoute pour le coutel fourbi Quar le traïtre l’en eüst tost murdri,
19484
Mes Jhesu Crist le tenssa et gueri Et l’auqueton que il avoit vesti : Onc le coutel ne pot passer par mi Contre le pis, ou li glouz le feri. 19488 Par mi la gorge Grymbert lors le saisi, Si fort l’estraint le bon lerre seulti Qu'il pert la force et fu tout estourdi. Aprés le hurte et Piecolet cheï, 19492 Contre une roche tout souvin l’abati Si qu’a bien poi le cuer ne li parti, [fol. 163 v. b.] Moult durement la teste li croissi. Quant Pecolet se sent si mal baïlli, 19496 A jointes [mains] cria Grymbert merci : « Gentis hons, sire, aiez pitié de mi ! A vous me rent et pour voir vous afi
En Dieu crerai et en sa mere aussi. 19500
Baptiziez sui, mes mal consseill creï
19492. souuin, corr. C. 19496. A jointes cria, corr. C.
ENFANCES
RENIER
Quant a Mahom onques puis reverti. » [DCCXXIX] Dist Pecolet, qui au cuer ot esmay : « Gentis hons, sire, a vous me renderai
19504
Et Mahomet a touz jours guerpirai : Ja mes creance en sifait dieu n’avrali] ! La ou voudrez, sire, vous atendrai
19508
Tant que ma pes a Maillefer avrai Quar devant lui aler je n’oserai Jusques atant qu’asseürez serali]. » Et dist Grymbert : « Tres bien vous i menrrai,
Ja pour vos plez, par Dieu, ne vous lairai :
LA)PA Traïteur estes, ja ne m’i fierai ! Se m’eschapez, jour mes liez ne serai. » Pecolet l’ot, lors doubla son esmai :
« Hé las ! dist il, or voi bien que mourrai
19516 Et que ja mes eschaper ne pourrai ! Moult ai fuÿ, or voi plus ne fuirai. » [DCCXXX] Moult fu Grymbert sages et apenssez. Piecolet tint, que il ot aterrez 19520 Quar il doutoit ne li fust eschapez Se de lui fust .I. poi ensus alez Pour le malice dont il iert escriez. Mes de ce fu Grymbert moult aïrez 19524 Ne set conment il l’ait emprisonnez
19505. 19509.
navra, corr. C. sera, corr. C.
907
908
ENFANCES
RENIER
Ne de quel chose soit loiez et bendez. Lors s’est Grymbert assez tost avisez, Une ceinture li a desceint du lez 19528 Dont Piecolet avoit ceint ses costez. Le tissu prist le bon lerre senez Et mains et piez a Piecolet nouez. De sa chemise li a les yex bendez 19532 Si qu’a petit qu’il ne fu avullez. Et Pecolet s’est forment dementez : Merci crioit le cuvert parjurez, Mes ne li vaut .Il. deniers monneez 19536 Quar au bon lerre n’en prent nule pitez.
[DCCXXXI] Quant Grymbert ot Pecolet le felon [fol. 164 r. a.]
Loiez et pris et mis en sa prison, Desus son col l’a chargié a bandon ;
19540
Petit estoit, ne pesoit se poi non. Grymbert s’en tourne sanz plus d’atendison Vers Rocheglise, ou sont li haut baron.
Roy Maillefer a conquis le danjon, Par tout ont quis et en la grant prison N’ont pas trouvé Bertran, le franc baron, Mes jusqu'a poi en orront le renon. Moult se demente Maillefer l’Esclavon : 19548 « Diex, dist li roy, qui soufris Passïon, Ou est Bertran que trouver ne puet on ? » A ces paroles es vous le bon larron Qui aportoit Pecolet le felon, 19552 Par cui maint home ot pris definoison.
19544
19525.
Ne del chose soit loiez & bendez, corr. C.
ENFANCES
19556
19560
RENIER
[DCCXXXII] En Rocheglise ot moult de grant barné ; Moult font grant duel li joene et li barbé Pour ce qu’il n’ont li quens Bertran trouvé, Mes si qu’a poi en savront verité Et tiex nouveles dont moult seront iré. Es vous Grymbert venu tout abrievé ; Maillefer trueve dolent et aïré Tout pour Bertran, le vassal esmeré, Dont il ne sevent nule certaineté. Grymbert voit moult Maillefer trespenssé. Par devant lui a Pecolet geté ;
19564
19568
Si durement l’a a terre rué Poi s’en failli qu’il n’ot le cuer crevé Et le traïtre a de paour tremblé. En petit d’eure l’ot on desprisonné Et desloiez et le front desbendé De quoi Grymbert l’avoit ence[mJbelé. Quant Pecolet se senti delivré,
19572
En piez saut sus, si a merci crié : « Seigneurs, dist il, aiez de moi pité !
Par fol conseill ai vo Dieu adossé. Or sai ge bien, et si l’ai esprouvé,
19576
19580
Mahom ne vaut .I. denier monneé. Se cest meffet m’aviez pardonné, À touz jours mes ferai vo volenté. » Maillefer l’ot, si l’en a resgardé ; Dist au traïtre : « Or ai fol escouté, Cuvert paien, Diex te doint mal dehé !
19569. encebelé, corr. L et Mt. 1957923 par (= parar), corr. C.
909
910
ENFANCES
RENIER
Qui nous donroit tout l’or de cest regné, [fol. 164 r. b.]
Ne remäindroit, par Dieu, qui me fist né, Que tu ne muires a duel et a vilté. » 19584 Dist Maillefer : « Ge n’ai pas oublié Le grant malice que t’eüs pourpenssé Quant me vendis a Butor l’encorné. 19588
Mes or nous di, garde ne soit celé, Que tu as fet de Bertran le membré,
Tout le meiïlleur de la crestienté, Le miex creant de tout le peuple Dé, Et le plus sage ct le miex cmparlé. 19592 Ge ne voudroie por tout mon herité
19596
Que il fust mort, s’avrai a lui parlé. » Piecolet l’ot, si n’a .I. mot soné, Maillefer doute, s’a de paour tremblé. Atant es vous Murgalet le sené ; En .I. destour avoit Bertran trouvé,
En III. pieces ot le cors escheflé. 19600
19604
À nos barons a esrament conté Qu'il a .I. honme en [un] destour trouvé Desouz .I. arbre, res a res du fossé, Que l’en a moult ledement atiré : « Andoi les braz sont de son cors sevré Et ses .IT. cuisses, je l’ai moult esgardé, Et bien me semble, ce vous di en verté,
C’on l’ait a force en tel point desciplé. » Maillefer l’ot, si a tantost penssé
19608
Que c’iert Bertran, s’a du cuer souspiré. Moult de hauz honmes le sont veoir alé, Quant Maillefer a Bertran avisé,
19600.
en destour, corr. L et Mt.
ENFANCES RENIER
19612
19616
Bien le connut, s’a tenrrement plouré, Mouit l’a de cuer et plaint et regreté : « Tant mar i fustes, franc que[n]s plain de bonté ! Martir mourustes entre paienneté ! Diex ait vostre ame en sa grant majesté ! Maint bon conseill estoit par vous donné. Diex le confonde, qui fu en crois pené, Par cui vous fustes telement atiré ! Tout ce fist fere Pecolet le desvé,
19620
Mal guerredon l’en sera presenté, De mort vilainc doit cstre labité, Si sera il, ja n’en iert eschapé ! »
19624
En une biere les ont en haut levé. Roy Maillefer au courage aduré [fol. 164 v. a.] Fist Bertran prendre, qu’il vit mal arreé.
Lors ont les membres Bertran amoncelé,
En une biere l’ont couchié et posé,
19628
19632
Enz el palés l’ont li baron porté Jusqu’au matin que il fu ajourné. L. lieu ont fet beneÿ et sacré Et .I. autel richement atourné. .I. saint evesque, qui moult ot de bonté,
La messe chante des morz en l’onneur Dé Et, quant il ot le service finé,
Devant l’autel ont le cors enterré 19636
Tout pour l’amour de Bertran l’alosé,
Que Diex ait s’ame par sa douce pité ! Or vous dirons, se il vous vient a gré, De Pecolet, le traïtre prouvé,
19640 En quel maniere son temps avra finé :
19613.
911
ques, corr. C.
912
ENFANCES
De mort honteuse mourra, bien l’a bracé ! Roy Maillefer apela son barné : « Seigneurs, dist il, or oyez mon penssé : 19644
A Dieu rent graces, qui maint en Trinité, De ce qu’avons Pecolet atrapé,
Le traïteur qui tant nous a grevé. Se bon vous semble et il vous vient a gré, 19648
Nous le ferons tenir en fremeté Tant que ravrons ceenz a ssauveté
Renier, mon filz, que j'ai tant desiré. 19652
Moult mc merveill, se Dicx mc doint santé, Pour quele chose il a tant demouré. » Diïent ses homes : « Moult avez bien parlé.
Diex le ramaint en bone poesté ! » 19656
Hui mes dirons de Renier le membré Conment Grandoce l’a conduit et mené :
A Tryple sont droitement arrivé, C’estoit la vile Grandoce l’amiré, Envers Renier tient bien sa loiauté.
19660
[DCCXXXII] Tout droit a Trype sont venu no baron. Renier li preuz, qui moult fu sages hom, Grandoce apele, si l’a mis a reson Que l’endemain, se ce li semble bon,
19664 Voudront aler au Sepulcre a bandon. Et dist Grandoce : « À vo conmandison. Bien vous menrrai, n’en aiez doutoison,
19668
Jusqu’a .IT. lieues est tout mie[n] le roion. Un mien parent tient l’autre region,
19667.
mie le roion, corr. L et Mt.
RENIER
ENFANCES RENIER
913
Roy Corbadas, qui est de grant renon. [fol. 164 v. b.] Bien sai pour moi n’i avrez se bien non. » Et dist Renier : « S’en avrez guerredon ; 19672
19676
Se point venoit, autel vous ferïon. »
[DCCXXXIV] Cele nuitie est Renier sejournez Tout droit a Trype, moult i fu honnourez. Et l’endemain es les acheminez ; Avoec Renier en est Drues alez Et Bauduïn de Gresce li sencz, Robert Ricart et son mestre Gyrez ; A .L. honmes es les vous aroutez,
19680
19684
19688
Et le barnage est a Trype remez Quar autrement ne fust il ja passez. Tant ont enssemble leur voiage hastez Qu’a Jerhusalem vindrent .L. avesprez. Roy Corbadas au courage adurez A son cousin joï et honourez Et pour s’amour a Renier moult festez : Richement furent serviz et conrreez Jusqu'au demain que il fu ajournez.
[DCCXXXV] Renier li preuz au courage hardi
19692
Au matinet se chauça et vesti Quar moult desire, pour verté le vous di, Que il eüst son voiage furni.
Touz ses barons apela devant lui, Gyre, son mestre, et Bauduïn aussi,
Robert Ricart et Drues le hardi. 19696 Et dist Renier : « Biaux seigneurs, ge vous pri Que no voiage soit tost paracompli,
ENFANCES
914
RENIER
Puis en irons esranment sanz detri A Rocheglise, ou lessai mon ami,
19700 Le mien chier pere, Maillefer, qu’est cremi. Je me dout moult, par Dieu, qui ne menti,
De Pecolet, le traïtre failli : Nous ne savons quel part il s’en fui ; 19704 Bien sai, s’il puet, il nous querra ennui. Ennuit sonjai, tres que fuy endormi, Qu'’ainssi que fumes a Trype reverti, Vint .I. liepart courant encontre mi ; 19708 As denz m’acrst, mes .I. poi li gucnchi, Bien me cuida avoir mort et honni,
Mes Dieu de gloire me tenssa et gueri. »
19712
Gyres, son mestre, tantost li respondi : « Sire, dist il, nous serons assailli, Or nous aït Jhesu par sa merci ! » [fol. 165 r. a.]
A ces paroles qu’il devisent ainssi, Es vous Grandoce, le vassal seigneuri.
[DCCXXXVI] 19716 Le roy Grandoce Renier aresonna : « Damoisiax, frere, quant vo conmant sera, Droit au Sepulcre mon cors vous conduira. — Grant merciz, sire » Renier respondu a. 19720 Chacun s’apreste quar aler y voudra, Et le paien par devant les guïa ; Selonc sa loy loiauté leur porta. Renier le preuz le Sepulcre besa, 19724 Puis vint au Temple, s’offrende i presenta. Le roy Grandoce par trestout les mena,
19728
JT. jours entiers Renier i sejourna Pour vir les liex ou Jhesu Crist passa, Et au tierz jour le congié demanda,
ENFANCES RENIER
19732
Roy Corbadas durement mercia. Le roy Grandoce sa chose appareilla Quar, se il puet, sauvement les menra, Mes a court terme .I. tel encontre avra, Se Diex n’en pensse, qui moult le grevera Quar .I. espye nostre gent espÿa Et jour et nuit li glouz tant se hasta
19736
Vint a Cesaire, enz en la vile entra,
915
Jusqu’au palés le glouton s’en ala. Roy Corssabrin en la sale trouva ; Trestout l’afere li dist et anonça 19740 Conment Renier roy Butor conquesta Et Marbriens et Salabrun tua : « Or est passé outre la mer deça, Bien croi et pensse no terre espiera ! 19744 Venice tient, paiens getez en a, Ydoine a prise, a moullier l’espousa,
19748
Baptesme prist et no dieu renoia. Bien sai, s’il puet, enquor nous grevera. » Corssabrin l’ot, Mahomet en jura Que, se il puet, au devant leur sera : Ja pour Grandoce eschaper nes laira,
19752
S’il en parole, avoec occis sera ! Et dist l’espye : « Bien ait qui vous porta ! Hastez vous, sire, a vous pooir n’avra
Le soudoier qui tant grevez nous a : Tout droit a Trype sa grant gent la lessa, 19756 Bien sont .X. mile dist cil qui les esma. Lui cinquantisme au Sepulcre en ala, [fol. 165 r. b.] Le roy Grandoce telement li loa,
19737.
glouta, corr. C ; faute par anticipation de ala.
916
ENFANCES
En son conduit les prist et amena. » 19760 Dist Corssabrin : « Fol conduit li fera Quar ja pour lui espernié n’i sera ; S’i li aïde, la teste em perdera ! »
Ses homes mande, le Turc plus n’arresta ; 19764 Bien sont .V." es quiex moult se fia. De Cesaire issent, l’espie les mena. Tout droit vers Trype Corssabrin chevaucha ; As .IT. lieuetes .I. bosquetel trouva, 19768 La s’embuschierent tant que Renier venrra Quar par ilucc passer le couvendra A poi de gent quar trop s’asseüra. Grant merveille iert s’il en eschape ja ! 19772 .L. furent crestiens qu’il ama Et de paiens jusques a .XXX. ira Ou roy Grandoce durement se fia ;
19776
Quatre .XX. furent qui touz les contera, Contre .V.M chapler les couvendra !
[DCCXXXVII] Renier chevauche, qui vient de Dieu hourer,
19780
Gyres lez lui, ou moult se dot fier Quar moult savoit de bons conssaus donner. Renier l’apele, ou il n’ot qu’amender :
« Mestre, dist il, bien devons Dieu loer S’ainssi poons sauvement retourner Del vrai Sepulcre, dont Diex volt susciter ! 19784 Mes une chose me fet moult trespensser : Ennuit sonjai, bien le vous doi conter,
19788
Si com devoie vers Trype cheminer, A .I. bosquet qu’il couvient trespasser, La m’assailli et me vint encontrer JL ours sauvage, qui me vout engouler,
RENIER
ENFANCES RENIER
19792 ‘
19796
917
Et aprés lui vi d’un tertre avaler Plus de .M. veautres, ce me fist esfreer Quar entour moi les vi avironner. Moult vi mes homes occire et mal mener Ne les pooie aidier ne conforter Quar trop avoie oeuvre a moi delivrer. » Quant Gyres l’ot, Dieu prist a reclamer. Renier apele, le gentil et le ber : « Sire, dist il, fesons nos genz armer,
19800
Plus en ferez a cremir et douter ; Bien croi paiens nous venront encontrer. S’il nous assaillent et nous veulent grever, [fol. 165 v. a.]
Deffendons nous tant con pourons durer. Tout ce a fet Pecolet li Escler, 19804 Afuïz est quoiement deça mer, De son malice ne se set nus garder. » Et dist Renier : « Diex le puist craventer ! Se Diex ce donne que je puisse raler 19808 A Rocheglise et mon pere trouver, Bien doi Grymbert haïr et adosser Qui Pecolet a lessié eschaper ! » Mes c’est a tort qu’il le prent a blasmer 19812 Quar le bon lerre, qui tant fet a loer, Li avra bien mestier ainz l’avesprer Quar, s’il ne fust, ne/le quier a celer, Ja n’en peüst Renier vif eschaper.
19816
[DCCXXX VIII] Renier li preuz a la chiere membree A conmandé que sa gent soit armee. Au roy Grandoce a dite sa penssee : « Sire, dist il, par la vertu nonmee,
918
ENFANCES
RENIER
19820 Je me criem trop que n’aions encontree D’aucune gent qui a mauvestié bee. » Et dist Grandoce : « Par ma barbe mellee, Ja par moi n’iert traïson demenee |! 19824 A mon pooir, a cui qu’il desagree, Vous conduirai jusqu’en la mer salee : Ja n’en sera ma loiauté fauxee ! » Et dist Renier a la chiere membree : 19828
« Grant merciz, sire, moult avez renonmee.
»
[DCCXXXIX] Renier chevauche a la chiere hardie Et sa mesnie, qui bien fu enseignie,
19832
19836
Le roy Grandoce avoec sa co[m]paignie. A .II. lieuetes ront Trype raprochie, El bosquet entrent ou la fueille balie Ou l’aguet fu de la gent paiennie. Roy Corssabrin, ou moult ot felonnie, Fu tout devant, s’ot la broigne vestie,
x
JU" Turs a en sa compaignie. Mahomet jure, a cui du tout s’otrie, Se Renier vient, qu’il n’eschapera mie 19840 Et tuit li sien seront mort a haschie Et, se Grandoce, qui les chadele et guie, Est si hardi que il le contredie Ne que il soit de la seue partie, 19844 Tout le premier la teste avra trenchie.
[DCL] Renier chevauche, qui moult fu trespenssez, [fol. 165 v. b.]
19831.
copaignie, corr. C.
ENFANCES RENIER
19848
Robert lez lui et son mestre Gyrez, Et Bauduïn et Drues le senez. En .I. vaucel es les vous avalez. Roy Corssabrin les a bien avisez,
19852
A leur encontre leur est devant alez. Il leur escrie : « Gloutons, n’eschaperez ! En traïson mon oncle ocis avez, Roy Marbriens, qui tant fu alosez,
Et roy Butor, qui de lui fu aisnez, Mes, se je puis, moult chier le comperrez ! » 19856
Quant Renier l’ot, ne fut mie esfreez ; Sa gent escrie : « Seigneurs, or i ferez ! »
Et dist Grandoce : « .I. petit vous soufrez : 19860
Corssabrin est .I. mien ami charnez, S'il me veut croire, en pes lessié serez. S’il vous assaut, de moi iert deffiez
Quar ja nul jour tant que durt mes aez N'iere traïtre, menti ne parjurez. »
19864
Et dist Renier : « Loiaument en parlez. » Dont est Grandoce par devant touz alez Vers Corssabrin, qui vient tout abrievez. Il li a dit quant pres lui fu alez :
19868
« Biau niés, dist il, dites que vous penssez. Ge vous requier, si chier con vous m’amez,
Que ces François que j’ai ci amenez Pour euls mal fere plus avant ne venez : 19872 En sauf conduit les ai pris et gardez. » Dist Corssabrin : « De folie parlez ! Cil qui mon frere occist sera tuez, Miex veull mourir qu’il me soit eschapez ! 19876 Et vous meïsmes, se aidier leur voulez, Je vous desfi, de moi bien vous gardez. » Grandoce l’ot, s’en fu moult effreez
919
ENFANCES
920
RENIER
Quar poi ot gent et cil en ot assez.
19880 Vers nos François est moult tost retournez ; Voit le Renier, si est encontre alez. Il li demande : « Sire, que raportez ? — En mon cousin n’ai fors que mal trouvez, 19884 Fetes du miex vers lui que vous pouez. Ne vous faudrai por estre desmembrez. Or vous dirai conment esploiterez : Se cest aguet estoit par mi outrez, 19888 Sus mon cheval, qu’est fort et abrievez, Irai a Trype se vous le conmandez, [fol. 166 r. a.] Si vous seroit le secours amenez. » Et dist Renier : « Moult bien parlé avez ! » 19892 Dont veïst l’en nos barons acesmez De bien ferir trestuit entalentez. Et Sarrazins leur vindrent a touz lez : Bien sont HI sus les chevaus montez, 19896 Et Renier n’ot que cinquante adoubez Et .XXX. Turs que Grandoce ot menez ! Mes, se Dieu plest, qui en crois fu penez, Ançois le vespre que soleill soit clinez, 19900 Venrra Grymbert a l’estour abrievez Sus Tabardin, ainssi com vous orrez, Quar autrement fust Renier mal menez
!
[DCLI] Grant fu la noise a l’estour conmencier. 19904 Renier li preuz est montez el destrier, L’escu embrace a loy de bon princier
19908
Et brandist l’ante au Fiert .[. paien, grant Par mi le cors li fist Mort le trebuche de
fer trenchant d’acier. cop li va paier, l’espié baignier, l’auferrant courssier.
ENFANCES
RENIER
921
Puis trest l’espee dont li pont fu d’or mier, Si fiert .I. autre, qui moult se fesoit fier, 19912 Jusques el pis li fist le brant glacier. Au premier poindre en fist .X. deviier. La veïst l’en Robert Ricart aidier, De renc en autre et ferir et maïillier, 19916 Drues de Gresce et Bauduïn le fier, Gyres li preuz, cil s’i sot bien aidier. Le roy Grandoce i fiert sanz espernier. Roy Corssabrin cuida le sens changier 19920 Quant voit sa gent ainssi griément traiticr. Le cheval broche a loy de bon guerrier Et brandist l’ante a .I. penoncel chier, 19924
Sus son escu va ferir Manessier ; Celui iert honme au damoïisel Renier,
Servi l’avoit grant piece de premier. Le Sarrazin li va tel cop paier L’escu li perce et le hauberc doublier, 19928
Par mi le cors li fist l’espié lancier,
Mort le trebuche par delez .I. lorier. Puis trest l’espee, si va ferir Rogier,
19932
Tout le pourfent jusques el henapier Et cil chiet mort de l’auferrant courssier.
[DCLII] Grant fu l’estour tres en mi le vaucel : [fol. 166 r. b.] Bien se desfendent no gentil damoisel,
Touz sont enclos et mis en .I. tropel. 19936 Renier li preuz a brochié le poutrel, Il tint l’espee au souroré ponmel ;
Fiert .I. paien c’on clamoit Dragonnel, Tout le pourfent jusques el haterel. 19940 Aprés ra mort Maldrin et Corssabel,
922
ENFANCES RENIER
Le roy Mardone et son filz Y vorel, Estanemont, Cordon et Faviel, Le vieill Margaire et son cousin Gorel ;
19944
.XII. en a morz tres e[n]mi le prael ! Paiens li fuient con li leu chace ainnel. Dist Corssabrin : « La voi .I. fier bedel,
Miex veull mourir qu’il n’i lesse la pel ! 19948
Or tost a lui, franc baron et isnel ! »
Et cil si firent quant oient son apel. Dont veïst on fere .L. si fier cembel Dont maint paien en fu mis en maissel.
[DCCXLII] 19952
Grant fu la noise et fiere l’envaïe : Bien s’i prova Renier chiere hardie. Et Bauduïn a sa resne sachie, Le cheval broche, des esperons l’aigrie, 19956 Vers ceus retourne qui sa gent ont ledie. Roy Corssabrin li vint lance bessie ; L'un feri l’autre par si grant arramie Qu'il s’entr’abatent sus l’erbe qui verdie, 19960 Mes il ressaillent em piez a l’escremie. Roy Corssabrin tint l’espee sachie : A Bauduïn en a tele païe Desus l’espaulle a sa broigne trenchie 19964 Et l’auqueton et la char escorchie ; Le sanc en raie, la terre en est rougie. Dist Bauduïn : « Le cors Dieu te maudie ! S’or ne me venge, ne me pris une alye. »
19944. 19945,
emi, corr. C. aumel, corr. Mt.
ENFANCES
19968
19972
RENIER
923
Le branc entoise et sa targe a haucie. Roy Corssabrin ne le doute une ortye Et Bauduïn le fiert par aastie Par mi son hiaume ou li or reflambie. Le Turc guenchi et l’espee est glacie, Jusques en terre plain pié y est fichie. Ainz qu’il l’en ait hors trete et resachie,
19976
19980
Fu si enclos de la pute lignie Que touz l’assaillent ; li .L. bret, l’autre crie. Ja le preïssent, ne leur eschapast mie, [fol. 166 v. a.] Quant Drues vint vers lui lance bessic, Robert Ricart 1 vint d’autre partie : La fu la noise du tout reconmencie.
[DCCXLIV] Grant fu l’estour a pié en mi la pree : Des .IL. vassaus chescun tenoit l’espee,
Mes Bauduïn de Gresce la loee 19984 Ot le pieur, dont moult li desagree Quar trop y ot de cele gent desvee. Lancié li ont maint espié a volee,
19988
En .XV. liex ont sa broigne empiree Et par desouz li ont la char navree. Dist Bauduïn : « Sainte Virge honnouree,
Or voi ge bien que ma vie est alee ! » Es vous son mestre qui vint a la meslee,
19992 Robert Ricart le suit de randonnee, Et li baron de la terre sauvee, Par droite force ont la presse sevree. Droon de Gresce, qui moult ot renonmee, 19996 Prist .I. cheval par la resne doublee ;
|
A Bauduïn s’en vint sanz arrestee, Monter l’a fet en la sele doree.
ENFANCES
924
RENIER
Renier i fiert au trenchant de l’espee. 20000 Dist Corssabrin : « Cele gent est faee ! Bien deüst estre pieça toute matee. »
20004
20008
[DCCXLV] Grant fu la noise et le cri enforça. Renier li preuz tant bien s’i esprouva, En .I. tropel toute sa gent mena, Au branc d’acier li un l’autre garda, Par droite force les Sarrazins outra. Le roy Grandoce delez lui chevaucha ; Renier l’apele quar en lui se fia : « Sire, dist il, entendez a moi ça :
Alez a Trype, ne vous atargiez ja ! Secours arons quant nostre gent savra
20012 Conment nous est, je croi tost ci vendra. » Et dist Grandoce : « Si iert com vous plera. » Atant s’em part, moult tost s’achemina ; Renier remest, qui paiens detria.
20016 Il et li sien tant bien s’i esprouva, Les .IIL. milliers si tres mal atira 20020
Les .IT. parties morz et navrez lessa. Mes Corssabrin tout adés enchauça, Paiens escrie : « Dehait qui s’i faindra ! » Renier li preuz tout derrier chevaucha, [fol. 166 v. b.] Ses compaignons touz devant lui mena ; De ses .L. qu’au Sepulcre guïa
20024 N'ot mes que .XXX., dont moult li dehaita. Mes a court terme moult plus a fere avra : Le roy Grandoce, qui pour le secours va, .L. tertre monte, devant lui resgarda ;
20028
Voit l’autre aguet, dont moult s’espouenta,
ENFANCES RENIER
Que Corssabrin embuchier conmanda.
IL. milliers furent, mal ait qui les porta ! Le roy Grandoce a Renier repera. 20032
20036
Tout li a dit, onc mot ne l’en cela,
De l’autre aguet qui a force vient la. Quant Renier l’ot, assez l’en ennuia. Ses compaignons touz ensemble apela Et dist Renier : « Seigneurs, or i parra Qui vers paiens son cors bien deffendra !
Soiez certain que cil qui ci mourra 20040
Que s’ame iert sauve, devant Dieu s’en ira. » Dient ses homes : « Ne vous en doutez ja
20044
Quar pour mourir l’un a l’autre ne faudra. » A ces paroles roy Corssabrin corna, L'un des aguez a l’autre s’ajousta, Renier encloent et sa gent que il a : Ne sont que .XXX. qui le voir en dira, Contre .III. mile, conment se maintendra ?
20048
20052
20056
[DCCXLVI] Grant fu la noise et cruiex la mellee : La gent Renier fu durement lassee Et Sarrazins leur viennent a hiee. Renier li preuz a la chiere membree I feri bien au trenchant de l’espee ; Robert Ricart a la seue esprouvee, Drues de Gresce, qui ot bone penssee,
Et Bauduïn, qui moult ot renonmee, Gyres li preuz, qui onc n’ama posnee. Mes ne leur vaut une ponme paree : Paiens leur lancent mainte givre aceree,
20029.
salabrin.
925
926
20060
ENFANCES RENIER
Traient et fierent de mainte grant plonmee. À maint des nostres ont la vie finee : .XV. en ont morz a icele assemblee Et .V. navrez par pesant destinee. Renier li preus voit sa gent mal menee, Ne sont que .X., s’en a couleur mue[e].
20064
Lors les regrete com mari s’espousee : « Franche mesniee [...] »
20065.
mue, corr. C ; faute par haplographie.
NOTES SUR LE TEXTE Sigles utilisés dans les notes : B : BALDINGER, Kurt, « Carla Cremonesi, Enfances Renier, Canzone di Gesta inedita del sec. XII», Zeitschrift für Romanische Philologie, 81, Heft 1/2, 1965, pp. 191-4. C : CREMONESI, Carla, « Enfance Renier, canzone di gesta inedita del sec. XIII », Milano-Varese, Istituto editoriale cisalpino, 1957, 705 p. H : HOLMES, Urban T., « Carla Cremonesi, ed. ÆEnfances Renier : Canzone di Gesta inedita del sec. XIII. », Speculum, 24, january 1959, pp. 101-3.
L : LECOY, Félix, « Comptes rendus. Carla Cremonesi, Enfances Renier, Canzone di Gesta inedita del sec. XIII. », Romania, 80,
1959, pp. 533-40.
Mt : MATSUMURA, Takeshi, « Sur le Texte des Enfances Renier », The Proceeding of the Department of Foreign Languages and Literatures, 38, n° 2, 1990, pp. 37-58. . G : GODEFROY, Frédéric, Dictionnaire de l’ancienne Langue française et de tous ses Dialectes, du IX° au XV° Siècle, Paris,
F. Vieweg, Libraire-éditeur, 1881-1893, Librairie Bouillon, éditeur, 1895-1902, 10 vol., 8011 p.
Émile
M : MOISAN, André, Répertoire des Noms de Personnes et de Lieux cités dans les Chansons de Geste françaises et les Œuvres étrangères dérivées, Genève, Droz, 1986, 2 t., 5 vol.
1046 p.
928
NOTES
SUR LE TEXTE
TL : TOBLER-LOMMATZSCH, Altfranzôsisches Wôrterbuch, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1915-36 ; Wiesbaden, Franz Steiner Verlag GMBH, 1938-95, 14 vol., 8127 p.
13 Guibors : le ms donne Guib‘s, que l’on devrait transcrire par Guibers ; c’est pourtant de Guibourc dont il est question (44), et non du frère de Guillaume. De deux choses l’une : soit le copiste utilise le signe ‘ pour abréger or (mais pourquoi ne le faire qu'ici ?), soit il a lu Guibers (lequel n’apparaît qu’au vers
350). ! 14 Rare exemple de césure lyrique (on en relève une autre au v. 376).
43 or oiez : l’adverbe or renforce l'impératif : « écoutez donc ! » 69 C identifie Venisce avec Venezia (Venise). L se récrie : « La géographie du poème [...] est d’une imprécision et d’une fantaisie bien propres à décourager la critique. Toutefois cette imprécision et cette fantaisie sont encore aggravées dans le peu qu’en dit M‘ Cremonesi [...], par le fait qu’elle identifie la ville sarrasine de Venice, patrie de Brunamond et d’Idoine et futur fief de Renier, avec Venise. Or Venise, dans la tradition ancienne du cycle de Guillaume [...] est une ville d’Espagne ; c’est la conquête particulière d’Aÿmer le Chétif » (534). L s’appuie sur la thèse développée par H. Suchier : « il s’agit [...] de Benisa, ville espagnole située près de Denia et ayant appartenu aux Maures
jusqu’en 1245. Au XIF siècle on a confondu ce Venice avec la ville italienne du même nom, et ainsi s’explique le nom de SaintMarc de Venice (Venis) qu’on trouve dans plusieurs passages d’Aliscans » (« Recherches sur les Chansons de Guillaume d'Orange », Romania, 32, 1903, pp. 370-1). Cette hypothèse, que H. Suchier partage avec R. Weeks, a pourtant été réfutée dès 1903 par E. Langlois : « M. Weeks] est convaincu que dans la légende primitive c’est en Espagne que [Aÿmer] s'illustre en
NOTES SUR LE TEXTE
929
luttant contre les infidèles, mais les arguments qu’il invoque [...] se réduisent à une série d’hypothèses, dont aucune ne repose sur le moindre appui. L’un des poèmes qui ont concouru à former la chanson d’Aliscans aurait raconté les aventures de Garin en Vénétie ; on aurait plus tard supprimé le nom de Garin, en négligeant de retrancher également celui de Venise [...], qui se serait ainsi trouvé accolé par erreur à celui d’Aïmer, D’Aliscans l’erreur se serait propagée dans d’autres compositions [...] Les choses se présentent en réalité bien plus simplement. En réunissant les indications données par le moine des Trois-Fontaines et par les auteurs de Fierabras [...], d’Aimeri de Narbonne [...] et de
Huon Capet |...], on a le sujet d’un poème perdu dont Aïmer était le héros : Aïmer est allé au secours du pape et des Romains, attaqués par les Sarrasins [...] ; il est blessé, fait prisonnier et conduit en captivité à Venise ; aidé par Soramonde, femme de l’aufage, il sort de prison, tue le Sarrasin, se rend maître de la ville, épouse sa libératrice et a d’elle un fils appelé Drogon. Il est raisonnable de croire que ce roman représentait un état ancien de la légende ; que plus tard seulement on a fait guerroyer Aïmer en Espagne, scène habituelle des exploits de la geste narbonnaïise ; et qu’alors des jongleurs ignorants placèrent au-delà des Pyrénées "Saint Marc de Venis" » (« Compte rendu de l’ouvrage de KR. Weeks, Aïmer le Chétif », Romania, 32, 1903, pp. 456-7). Vaines spéculations selon Ph. Ménard : « H. Suchier a tenté de localiser la Venise d’Aïmer en Espagne [...] en arguant que le champ d’action du héros était plutôt espagnol. Mais cette identification est un effort désespéré pour enraciner dans le réel une aventure de fiction. Quand les auteurs de chansons de geste parlent de Venise, ils ne nous transportent jamais en Espagne. Ils rêvent seulement d’une ville lointaine, exotique, parfois païenne. Ils n’ont jamais vu la cité des doges. Venise n’est qu’un nom pour eux » (art. cit., p. 532). « La Venise des Enfances Rénier (sic) est totalement irréelle » affirme R. Colliot (art. cit., p. 121). Et Ph.
930
NOTES
SUR LE TEXTE
Ménard de renchérir en soulignant que l’auteur ne témoigne « d'aucune connaissance de la Vénétie. L’éditrice du texte [...] a
dit gentiment que la géographie de l’auteur est piuttosto nebulosa. En fait, la Venise [des ER] n’a pas plus de réalité que Portpaillart cité dans la même œuvre [...] ou que Loquiferne qui siet pres de la mer » (id., 533).
83 se voldrai : soucieuse de distinguer les emplois respectifs des morphèmes se et si, nous corrigeons le ms, réservant ainsi se (< lat. si) aux emplois d’adverbe interrogatif ou de conjonction hypothétique et si (< lat. sic) à celui d’adverbe de manière ou de quantité. Cependant G. Moiïgnet fait remarquer que « cette analyse sommaire ne saurait répondre à tous les problèmes syntaxiques qui se posent ; elle ne résout pas la question des emplois où l’une et l’autre forme est utilisée » (« Ancien Français : Si/Se », Travaux de Linguistique et de Littérature, XV, 1,
p. 267). Il observe en effet une concurrence entre si et se lorsqu'il s’agit d'introduire une proposition non dépendante ; se et si ont alors indifféremment valeur d’adverbe de phrase et sont paraphrasables par « dans ces conditions », « alors », « ainsi ». C’est précisément la valeur de notre occurrence. Difficile, dès lors, de
trancher : confusion ? fait linguistique ? Substitution arbitraire ou motivée ? Le caractère isolé du phénomène semblerait confirmer l'hypothèse d’une confusion. En se fondant sur les 3676 premiers vers du Conte de Graal de Chrétien de Troyes (copie de Guiot), G. Moignet à pourtant pu établir que la substitution de se à si est, dans la majorité des cas, imputable à de « pures raisons de phonétique syntaxique, — en l’espèce, à une dissimilation » : la séquence « se li » est ainsi substituée à « si li» (id., p.271). Malheureusement l’explication ne convient pas aux occurrences que nous avons relevées. J.-Ch. Herbin remarque que dans Hervis de Mes « la confusion de si coordonnant et de se subordonnant est totale [...] sans qu’on puisse toujours parler de dissimilation » (. VIT). CI. Buridant, dans sa Grammaire nouvelle de l'Ancien
NOTES SUR LE TEXTE
931
Français, souligne la « large interpénétration entre les formes des deux struments » (p. 506). 95 « si ait bel parleour » : la leçon du ms a intrigué L : « ait est à la rigueur possible ; il est sans doute plus simple de corriger soit » (536), correction qu’avalise Mf. À l’origine du problème : le sens de parleour. Ici, il faudrait, semble-t-il, le prendre au sens de « parole, propos, discours » Seulement ni G, ni TL n'enregis-
trent cette acception. Bel parleour est à rapprocher du biau parlier (« beau parleur ») du vers 8579. Serait-il possible de voir dans ait bel parleour un tour impersonnel ? La construction paraîtrait curieuse... 103 Le débat reste ouvert sur la localisation de Pourpaillart. Pour M. J. Barnett, c’est Lattes, port de Montpellier (« Portpaillart in the Cycle de Guillaume d'Orange », The Modern Language Review, 51, pp. 507-11). Pour M, il s’agit d’une « ville située sur la mer en Espagne » (I, 2, 1330). H. Suchier croit même y reconnaître « Pagus Palliarensis, aux environs de Ribagorza et d’Urgel », non loin de Barbastre (Les Narbonnais, p. 243). J.-P. Martin, quant à lui, préfère y voir Sort, sur la Noguera Pallarese, en Haut Aragon («La Construction de l'Espace Sarrasin », Plaisir de l’Épopée, p. 73). L se borne à noter que dans notre chanson, Portpaillart est une ville de Provence « dont Morimont paraît être le port » et ajoute qu’elle « est peut-être situé[e] à l’intérieur des terres, puisque Grimbert, après s’y être emparé de Renier encore au berceau, gagne Marseille à travers la forêt » (535). Cette dernière hypothèse n’est pas recevable : aux vers 2376-81, Otran de Lymes, en route vers Loquiferne, essuie une tempête et aborde à Portpaillart. Effrayé par la présence probable de Maillefer, il repart derechef et aborde cette fois-ci à Morimont. À dire vrai, il apparaît vain de s’obstiner à situer précisément une ville largement imaginaire. « Dans - les chansons de geste [...] il y a beaucoup de choses rêvées et très
932
à
NOTES
SUR LE TEXTE
peu de choses vues » pourrions-nous conclure à l’instar de Ph. Ménard (« Venise dans les Chansons de Geste », p. 537).
114 Ce fu en may, en la douce saison : l’action débute au mois de mai comme dans la Prise d'Orange (éd. Régnier, v. 38 : Ce fu en mai el novel tens d’esté) ou le Siège de Barbastre (éd. Guidot, v. 48 : Au jor de Penthecoste). 170 Le ms donne as fin; faut-il lire a ffin et conclure à une agglutination doublée d’un redoublement de la consonne initiale du second terme ? L'examen du ms ne laisse pourtant planer aucun doute sur l’indentification du graphème ; et on notera que -sf- alterne fréquemment avec -ff- dans le ms. 175 la terre d'Egypte, c’est-à-dire les terres de son aïeul, le roi Desramé, dont a hérité Tibaut. 190 çoiles : P2 du présent de l'indicatif du verbe celer « cacher ». 214 La forme neveulr, évidemment non étymologique, semble résulter d’une confusion avec le verbe (ne) veult.
234 Ces mystérieuses tours de bis, dont l’auteur nous dit qu’elles
sont aux
mains
de Tibaut,
sont en réalité
les tours
d'Egypte (1041) où se retire le roi sarrasin après sa défaite à Loquiferne. C transcrit fours de bis, mais ne semble pas avoir élucidé le sens de cette expression que son glossaire se garde bien d'enregistrer. L marque sa perplexité : « tours de bis ? bis est sans doute un nom propre qui manque à la Table (peut-être d’Ebis) » (536). Mt se borne à noter : « bis, nom propre ? (L) ; manque à M » (53). Et M n'’atteste pas davantage Ebis. Peut-être pourrait-il s'agir d’une mélecture pour Egis, forme altérée d'Egyte ? Ou alors d’un nom commun ? TL, pas plus que G ne donne ebis, ni même debis. Pour TL, bis, employé comme
substantif, est à prendre au sens de couleur bise, un gris tirant sur le brun. L’auteur des Enfances Renier associe fréquemment l'adjectif bis à perron, pierre ou araine (« (pierre) de grès » selon TL, I, 512). La tour où Grymbert trouve refuge est ainsi de
NOTES SUR LE TEXTE
933
bise pierre bien fete et maçonnee (8993), la porte du château de Salabrun de bis perron (12068), la tour de Roche Foraine de bise pierre maçonnee (12943) ; lorsque Renier prend l'avantage sur Estorgant, il l’abat desus un perron bis (10854) ; par trois fois l’auteur évoque
des murs
d’araine
bis (4217,
5178,
14598).
L’expression tours de bis serait alors à traduire par « tours de pierre bise ». 244 Desramez li floris : selon CI. Lachet, le nom du roi Desramé « représente, sans doute, à la fois le gouverneur arabe d’Espagne Abd-er-Rahmän et le participe "desramé" au sens de "détruit" » (La Prise d'Orange ou la Parodie courtoise d'une
Épopée, p. 53). Desramé trouve en effet la mort dans la Chanson de Guillaume. 260 Rois en sera : C corrige en serai. Une distraction du copiste est possible, mais le ms offre d’autres exemples de la désinence -ra à la P1 du futur simple.
269 Le vo’ enfancons du ms eût dû être transcrit par vous enfançons ; C imprime cette leçon ; mais la forme pronominale vous ne convient pas : on attend un déterminant possessif. 282 Maillefer, qui fu fiers que lÿons : comparative d’égalité substituant
que
à com ; selon Ph. Ménard,
cette substitution
s’observe « lorsque la référence à un type exemplaire empêche le rapport d’égalité d’apparaître clairement » (Syntaxe de l'ancien Français, p. 342). 290 Nez et galiez pour metre garnisons : G. Gougengeim précise que les galies, « navire de guerre par excellence » car « plus rapides et plus maniables que les nefs », « peuvent être mues à la fois à la rame et à la voile ». Quant aux nefs, elles « servent essentiellément de transports » (« Notes sur le Vocabu-
laire de Robert de Clari et de Villehardouin », Études de Grammaire et de Vocabulaire français, Paris, Éditions A. et J. Picard, 1970, p. 311).
934
NOTES
SUR LE TEXTE
296 « si ferés que preudons » : « agissez en homme de bien » : comme le note Ph. Ménard, « le futur de l’indicatif est parfois un substitut de l’impératif, à la fois pour un ordre adouci et pour un commandement ferme. Le futur peut être coordonné avec un impératif » (op. cit., p. 326) ; c’est le cas puisque si ferés est coordonné à faites (295). Une tournure similaire apparaît aux vers 364-5 : Or faites tant, si ferés que sachans, Que l’en ne die vous soiez recreans. 300 « Que ne vous chaille d’outre la mer passer » : comme le fait remarquer CI. Buridant, le verbe « chaloir n’appartient que marginalement au champ lexical de l’obligation [...] le verbe peut être employé [...] dans des constructions limitées à la seconde personne de l’impératif négatif devant les infinitifs aimer, aïrer, douter, esmaier, desmenter, gramoier, où l’on avertit l’interlocuteur qu’il est dans son intérêt de ne pas aimer, s’irriter, s’effrayer, etc., ou que c’est inutile, donc qu’il lui faut s’en abstenir » (op. cit., p. 401). Employé dans une complétive au subjonctif et associé à la négation, chaloir exprime ici une mise en garde : « que, dans votre intérêt, vous ne franchissiez pas la mer ». 302 « S’avrez poour des testes a copper » : le coordonnant si revêt dans ce contexte une valeur adversative : « bien au contraire, vous
devrez
craindre
qu’on
ne
vous
coupe
la tête ».
C
imprime acopper ; L rectifie : « a copper en deux mots » (536), correction que reprend Mf ; sur le rôle de la préposition a, voir notre Introduction (VI).
335 C corrige aatis, conformément au lemme donné par G et TL, mais aautis réapparaît au vers 1499 ; le mot est d’origine incertaine. 356 Ellipse du pronom relatif régime : « le duel [que] vous avez entrepris ». 379 Gyrart assumera en réalité la garde de Portpaillart ; est-ce
une confusion du poète ou une manière de laisser entendre que la
NOTES SUR LE TEXTE
935
ville est très proche du fief de Guillaume ? (voir aussi le vers 419). 410-1 Butor et Corbon sont affublés de noms pittoresques ; le nom du premier évoque le butor, oiseau appartenant à l’ordre des ciconiiformes ; son nom serait composé du latin butio (de butire, « crier ») et de taurus (« taureau »). Le cri du butor rappelle celui du taureau, ce qui lui vaut, dans certaines régions, le nom de « boeuf du marais ». Est-ce par analogie avec ce volatile peu amène que Butor est décrit comme cornuz com .I. buef (2071) ? P. Bancourt émet, quant à lui, l’hypothèse que le nom de Butor proviendrait du nom arabe Abu Tahir (Les Musulmans dans les Chansons de Geste du Cycle du Roi, p. 42). Quant à Corbon li
courbez (6970), dont l’auteur dit qu’il est plus noir qu’arrement destrempez (5553), son nom n’est pas choisi par hasard : le corbeau est traditionnellement présenté comme un oiseau diabolique. 413 que prouesce mestrie : C a reproduit la leçon du ms, malgré son incohérence ; correction en qui prouesce mestrie Sur le modèle de Maillefer, qui proesce mestrie (14019 et 17882). 474 Citant notre texte, TL traduit trousser par aufpacken, verpacken, zusammenpacken, c’est-à-dire « envelopper, emballer, empaqueter » (IX, 553). 491 dot : P3 du passé simple de devoir ; cette forme inattendue n’est pas isolée dans le ms, mais L y voit une « faute d’impression [...] pour doit » (536) et Mt reprend la correction à son compte, sans se soucier de la justifier. 496 « Quand
la nourrice,
sortant de son
sommeil,
se fut
levée ». 511 « mal fusse j'onques nee » : « quel malheur que je soie née ! », « pauvre
de moi ! » Comme
le fait remarquer
Cl.
Buridant, « l’adverbe mal, phonétiquement et sémantiquement très proche [de mar], est un équivalent de mar, avec la même valeur détrimentaire » (op. cit., p. 527).
936
NOTES SUR LE TEXTE
518 « Mort, quar me pren ! » : quar, associé à un l'impératif, marque une « légère nuance d’impatience et d’empressement que nous rendrions aujourd’hui par donc placé après le verbe » (L. Foulet, Petite Syntaxe de l’ancien Français (3° éd. revue), Paris, Champion, « CFMA », 1990, p. 293). 534 Nous comprenons : « Si tu veux le vendre, tu as un acheteur tout trouvé ». 536 « À condition que tu me dises dans quel pays tu l’as enlevé » ; Ph. Ménard note que la locution conjonctive mes que suivie d’un subjonctif d’éventualité peut revêtir un sens hypothétique « pourvu que, à condition que » (op. cit., p. 233 et p. 243). 538-43 Ce mensonge par lequel Grymbert se met à couvert pèsera lourd dans la destinée de Renier ; longtemps, en effet, Renier refusera de croire qu'il est bien le fils de Maillefer en raison des contradictions qu’il relève entre le récit du larron et celui de Florentine. 543 « N'en sorent mot » : « ils n’en surent rien », « ils ne s’en rendirent pas compte » ; dans la locution ne savoir mot (1606, 3234, 3968 etc.), mot, partiellement grammaticalisé, n’apparaît plus comme un substantif à part entière, mais comme un simple « renforcement de la négation » (CI. Buridant, op. cit., p. 708). 548 « Ja mar en douterez ! » : on traduira cette séquence formulaire par un impératif négatif : « n’en doutez pas ». La formule est synonyme de ja mar en mescroirez (6996, 11166, 19069). Dans un autre contexte, ja mar en douterez peut prendre le sens de « n’ayez crainte » (1080, 14433, 17348, 18515) et a
alors pour équivalent mar vous esmaierez. Ja mar en douterez connaît de nombreuses variantes : mar le redouterez (666), mar vous irez doutant (735), mar vous covient douter (2766), ja mar en soit douté (8293), ja mar ce douterez (8710), Mar vous en douterez (9646) etc.
551 « Que le donrrez ? » : « pour combien me le donneriezvous ? » Le pronom interrogatif que peut s’employer au sens de
NOTES SUR LE TEXTE
937
« combien » (Ph. Ménard, op. cit., p. 102 et CI. Buridant, op. cit., p. 688). 556 On appréciera la manière dont Grymbert fait monter les enchères : Gyre ne lui offrait que .C. mars de parisis au vers 535. 575 qui bien l’escoutera : le pronom relatif sujet qui à antécédent implicite revêt ici une valeur hypothétique et équivaut à « si l’on ». Cette expression est reprise aux vers 12091, 12979, 15235 et 19241, toujours pour attirer l’attention du lecteur. Ce type de construction est très fréquente dans notre chanson, en particulier dans les tours formulaires soulignant le caractère pléthorique des effectifs guerriers : 2057 Bien sont .C." qui bien les veut jugier !, 2170 Bien sont .C." qui bien les veut nombrer, 6352 Bien sont .XX.” qui bien les set nombrer, 71372 .XX." sont qui bien les contera. 617 J. Dufournet remarque que le terme auferrant, ici employé comme adjectif au sens d’ « impétueux, fougeux », « vient de l'arabe al-faras, cheval. Sous l’influence de l’adjectif ferrant il a changé de suffixe » (Cours sur la Chanson de Roland, p. 77). 619 /ez le bois Rubïon : la leçon du ms est curieuse, même si le personnage de Rubïon apparaît quelques vers plus loin (668). C avait transcrit bois rubiïon ; hélas, aucun dictionnaire n’enregistre le mot rubiïon : pourrait-il s’agir d’une réfection de l'adjectif rubeste « sauvage », épithète fréquente de bois comme le prouvent les exemples de TL (VIII, 1525) et de G (VII, 258) ? L'hypothèse apparaît peu vraisemblable, d’autant plus qu’il est fait mention d’un bosquet Rubïon le Perssant au vers 10017. 665 « m'eritez » : dans Aliscans, Tibaut est présenté comme le neveu de Desramé : il s’estime donc fondé à se revendiquer l'héritage du père de Rainouart. 680 « il a plus de force n’ot Renoart d'assez » : dans cette comparative de supériorité, caractérisée par l’ellipse de l’articulant que, la locution adverbiale d'assez « de beaucoup à, à beaucoup près» vient renforcer la supériorité exprimée par plus. On
938
NOTES SUR LE TEXTE
traduira donc : « il a beaucoup plus de force que Renoart ». Ce type de comparative de supériorité « renforcée » est fréquente dans notre texte : Quar ge l’aim plus que nul autre hom d’assez (5833), Plus avons gent que il ne sont d'assez (12241), plus fu grant d’assez (13070), Plus en avrai le cuer d'assez hardi (16061), Plus avrez genz qu'il ne seront d'assez (18097). 685 « com oisel enmuez » : l’orgueilleux Tibaut ne veut pas rester confiné dans son palais « comme un oiseau en mue ». B commente : « ôfters belegt ist die Wendung en müe “eingeschlossen” von belagerten Kriegern (TL), da mausernde Vôgel in einen dunkeln Käfig gesperrt wurden, daher dann wohl enmué ‘“eingesperrt (wie ein mausernder Vogel)” » (193). 725 Réminiscence du « catalogue épique » qui figure au début d’Aliscans ? « Et Guïelins et li preuz Guinemans » (éd. Régnier, v. 6).
750 hauberc jazarant : « la nature exacte de cette cotte de mailles, note P. Bancourt, reste encore incertaine, mais le nom en montre l’origine orientale. Ce nom proviendrait de l’espagnol Jazarino, mot issu de l’arabe et signifiant « algérien » ou bien il serait une dérivation du mot persan kazâghand, désignant une cotte de mailles prise entre deux épaisseurs de tissu rembourré. Ce serait alors une espèce de gambison armé » (op. cit., pp. 925-
6). 766 or batu : l'expression désigne un or qu’on a réduit en feuilles minces avant de l’appliquer en dorure sur le heaume. 769 « Dieu l’a protégé si bien que Tibaut ne l’a pas atteint dans sa chair. » La conjonction que possède ici une valeur consécutive. 787 Cui il consuit tout a son temps eùü : « celui qu’il atteint de ses coups voit sa vie s’achever ». Ce cliché formulaire destiné à rehausser les prouesses guerrières d’un chevalier chrétien connaît nombre d’avatars : 914 Cui il conssuit, il est a mort jugiez, 3583 Cil qu'il consuit n’a de mort nul garant, 3671 Cil qu’il conssuit,
NOTES SUR LE TEXTE
939
perdre li fet la vie, 3706-7 Cui il consuit de l’espee trenchant N'i covient mire ne d’entrait tant ne quant, 8549 Cui il conssuit tout a son temps finé, 10334 Cui il conssuit n’a de mire mestier, 14775 Cui il conssuit bien est de la mort fis, 16129 Cui il conssuit moult est mal conreez ou encore 17169 Cui il consuit, toute est sa vie alee. 795 lingnage Quahu : périphrase traditionnelle pour désigner les Sarrasins ; Quahu (ou Kahu) est un dieu sarrasin dont le nom
« provient sans doute du mot chaos que les trouvères ont pu rencontrer, sinon chez les Pères de l’Église, qui l’emploient pour traduire le mot hébreu 16hu, du moins dans la Bible où le mot désigne soit ce qui est vaste et désert, soit la dévastation et la vanité, et surtout dans la parabole du mauvais riche avec le sens d’abîme. De cet abîme évoquant l’enfer le trouvère a fait un démon puis un dieu » (P. Bancouït, op. cit., p. 384). 804 machecrie : intéressante graphie d’un mot que TL enregistre sous les formes macecrerie, maceclerie ou maçacrerie et qui est d’origine incertaine ; on notera la présence de graphies parallèles : machecrier (18206) et machacre (2210). 822 Personne n’a remarqué l’hypermétrie du vers ; correction en belfroy sur le modèle de belfroi (2369).
829 Comme au vers 12444 (ja tournast a Renier a folie), le sémantisme du substantif folie est à rattacher à celui du verbe afoler « tuer », dont l’étymon est *fullare (qui a donné fouler en FM). Le mot folie a néanmoins été influencé par le substantif folie dérivé de fol (dont l’étymon est follis). G précise que le terme folie « a exprimé l’ardeur désordonnée du combat » (IV,
50). TL donne le sens « Kampfersübermut, tolles Kämpfen », mais précise que dans la locution torner folie, le mot peut prendre le sens « schlimmer Ausgang » (II, 2012). C’est ce deuxième sens qui nous semble le plus pertinent; le vers 829 doit être traduit par « les Français seront massacrés » et le vers 12444 par « Renier aurait immanquablement été tué ».
940
NOTES SUR LE TEXTE
853 Enz [el] fons : au vers 9913, on observe une omission inverse : /Enz] el milieu. I] est vrai que la préposition enz (« dedans », du lat. intus) et l’enclise el (en + le) font double emploi. 859 C transcrit de bourdel, comme s’il s’agissait d’une locution adverbiale. Elle se garde pourtant bien d’en éclaircir le sens et ni TL ni G n’en attestent l’existence. Faut-il rapprocher bourdel du substantif borde, bohorde « choc des lances » ? Ou considérer, comme nous l’avons fait, que bourdel est un nom propre, i. e. « Bordeaux » ?
909 deniersz : le -z final de deniersz, tout comme
celui de
guerriersz (912) et de courssiersz (918), est dénué de toute justification phonétique ; il « rime pour l’oeil ». Faut-il attribuer l’adjonction de ce -z à un copiste désireux d’harmoniser la rime ? On notera qu’il fait défaut à fiers (921). 917 « Qu'il serait désormais très risqué de rester ». 918 Le vers est métriquement et syntaxiquement faux ; dans le ms une croix indique la lacune, mais le mot manquant, nécessairement monosyllabique, ne figure pas, comme c’est souvent le cas, au bout de la ligne. C, qui laisse en blanc, explique en note : « Tra iert e et c’è la crocetta di richiamo per la correzione, che
perd manca; si potrebbe emendare introducendo un altro aggetivo predicativo, ma in casi come questo la scelta à sempre piuttosto arbitraria : qui iert [bon] et coursiersz » (98). Certes, bon est l’épithète la plus couramment appliquée à cheval (x 9), mais nous préférons, à cause du contexte, compléter par fort sur le modèle de 4426 : .J. fort cheval courssier. 927 « Je ne sais où trouver refuge ». 968-9 La syntaxe est déroutante en raison de la place de l’hypothétique s’eschaper puet ; elle est en effet subordonnée à la relative Qu'a Maillefer enquor paine fera et non à la principale En son cuer ce penssa. Il faut comprendre : En son cuer ce penssa que s'eschaper puet, a Maillefer enquor paine fera.
NOTES SUR LE TEXTE
941
990 Le ms donne arrive : redoublement de la consonne initiale, trait typique des graphies picardes ? Ou confusion avec le verbe arriver ? 1000 ce soit on : « on sait cela », « le fait est avéré ». 1003-4 « Bertran mit tant d’ardeur à lancer l’épieu qu'il l’enfonça dans la coque du bateau ». Le pignon (ou penon) de l’espié est « espèce de bannière à longue queue, que le chevalier attachait à sa lance » (G, VI, 84) ; cette métonymie (la partie pour le tout) est fréquente comme le montrent les exemples cités par G : El cors li met le fer et le pignon ; Qu'’ens u cors lui conduit le lance et le pignon etc. (id.) Quant au verbe atachier, dont le sémantisme a été influencé par esfachier, il signifie « ficher, enfoncer, planter » (G, I, 460 et III, 587). Nous avons
rétabli le pronom /”, complément direct d’atacha, sans doute omis par haplographie. 1014 La confusion esclavon/ esclabon se reproduit au vers 4450. 1021 lancé : P1 du passé simple de lancer (de même, on relève alé pour alai au vers 7883). 1038 C propose de corriger par ans ; nous préférons corriger anz : l’omission du mot a très certainement pour origine son « télescopage » avec ainz. 1049 Porte Noiron : l'expression est curieuse : « porte de Néron », comme Pré Noiron ? C semble considérer noiron comme un adjectif (« noire ») puisqu’elle imprime porte noiron. 1057 Un décalage est perceptible entre le syntaxe et la coupe du vers : le verbe est, rejeté dans le second hémistiche, se trouve
mis en valeur. Cette discordance entre coupe métrique et coupe prosodique s’observe souvent dans notre texte : 1136, 2608, 2982, 3203, 6988, 10397, 11925, 13438, 13456, 15777, 16338, 17180, 18812, 18815 erc. 1058 si joiant ne fut hom : « on ne vit jamais homme plus heureux ».
942
NOTES SUR LE TEXTE
1094 mollez : le verbe pronominal de sens réfléchi soi moller est ici le quasi synonyme de soi asseoir : soi moller en la chaiere signifie littéralement « se caler dans le trône » de telle manière que le corps épouse la forme du siège ; G donne en effet pour soi moler « prendre la forme de, se presser contre » (V, 372). 1095-8 La construction de cette phrase a dérouté C. Il faut comprendre : « le comte Guillaume et le sage Bertran ont ceint la tête de Maillefer, comme il y avait consenti, d’une couronne d’or où étaient serties de nombreuses pierres précieuses de grande qualité et de grande valeur. » 1108 « Sans tarder davantage, il descendit du bateau » ; nous
trouvons ici une bonne illustration des observations formulées par Ph. Ménard : « les consécutives introduites par le simple que emplissent les textes en AF, mais parfois le rapport de conséquence reste vague. Dans certains cas, on ne saurait dire si la subordonnée est une consécutive ou une causale [...] Souvent, le
rapport de la principale et de la consécutive reste lâche, et il peut arriver que la consécutive répète sous une autre forme ce que disait la principale. En FM, au lieu d’employer une consécutive, on utiliserait une juxtaposition, une coordination par et ou bien un gérondif » (op. cit., p. 221). 1119 ra : P3 du présent de l’indicatif de ravoir, forme préfixée de l’auxiliaire avoir : « Florentine est, elle aussi, passée par de grandes souffrances ». 1128 « Il est très inquiet pour son épouse ». 1130 cuida esragier vis : « elle manqua de perdre complètement la raison » ; il s’agit là d’un cliché formulaire.
« Pour
cuidier, note Ph. Ménard, on passe tout naturellement du sens de « croire » à celui de « faillir » ; cuidier sert ainsi à exprimer « l’action presque accomplie ou qui a failli s’accomplir » » (op. cit., p. 132). Vis est l'adjectif vif (« vivant ») comme le confirme TL ainsi qu’une occurrence du Roman de Thèbes, ou vif s’accorde au féminin : par pou de deul vives n'enragent (éd.
NOTES SUR LE TEXTE
943
Raynaud de Lage, v. 1974). Dans la locution esragier vis (qui apparaît également aux vers 2480, 3346, 5183, 15142), vis semble prendre une valeur adverbiale et renforcer le sens du verbe esragier comme le note TL : « praed. mit adv. Sinn, zur Verstärkung des Bedeutung des Verbums buchstäblich, auf der Stelle rasend werden » (XI, 440).
1136 enoiliüe : C corrige la leçon du ms en en Orliie (« à Orléans ») ! L, sans recourir au ms, relève la mélecture : « Guibourc a reçu les saintes huiles, l’extrême onction » (536) ; plus loin, on retrouve en effet Guibourc à l’article de la mort. 1141 5e ce non: il s’agit d’une hypothétique exceptive : « sinon ». 1150-1 « Maillefer, mon neveu, il faut nous mettre d'accord sur la personne que nous laisserons ici pour assurer la garde de notre pays ».
1154 Piecolet le seultis : épithète de nature : « Piecolet le rusé ». L’adjectif seultis (du lat. subtilis) est plus connu sous la forme soutil. Cette forme n’est pas répertoriée par TL, mais G enregistre l’adverbe seultilement (qui apparaît au vers 10131) et note : « voir soutilment » (VII, p. 406). 119%6-7 Rocheglise est très certainement le port de Venise ; au vers 6338, l’équipage de Grebuede la présente comme /a mestre clef de Venise la grant. 1207 Dans le nom de l’émir Brunamant, la racine brun — qui entre aussi dans la composition de Salabrun — est vraisemblablement en relation avec la noirceur de la peau du personnage (voir P. Bancourt, op. cit., pp. 45-6). 1216 C imprime : « Demande lui ou preïs cel enfant. » Si la frontière entre discours direct et indirect est bien souvent délicate à établir dans notre texte (en raison, en particulier, de la fréquente ellipse de la conjonction que après les verbes introducteurs de parole), il est en revanche impératif de marquer le passage au discours direct dans ce vers : preïs est la P2 du verbe prendre au
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NOTES
SUR LE TEXTE
passé simple (la forme preïs présente une base faible ou « longue » ; la P3 présenterait une base forte ou « courte » à laquelle viendrait se greffer le morphème personnel -f : prist). 1218 Le sujet du gérondif en dormant n’est pas celui de la proposition de référence ; c’est bien de la dame, et non de Grymbert, dont il est ici question. 1226 « Je vais le jeter à mes lions » ; « avec les temps de l'avenir, [ja] marque la proximité temporelle, l’imminence » note CI. Buridant (op. cit., p. 523). 1227 Le distique L'enfant a pris, si l'emporte courant, Vint a la chambre, si vet l’uisset ouvrant a été supprimé car il fait double emploi avec les vers 1232-3. Un doublon d’une telle ampleur est un cas unique dans notre ms. 1273 « Murgalet est accoudé devant elle >» ? Ou ne serait-ce pas plutôt « Murgalet est prosterné devant elle » (appuyé sur les coudes = prosterné). La forme pronominale (s’est acoutez) conviendrait sans doute mieux au sens ; la présence d’un s de flexion à Murgalés a pu entraîner une omission du s pronominal par haplographie. TL traduit le verbe soi acouter (I, 119) par « sich niederlegen » (« se coucher ») et « sich stützen » (« s’appuyer »). Mais dans les exemples « À terre s’acosterent Et treis feiz l’aorerent » et « Agenoillié se sont et acouté » (I, 120), soi acouter nous semble devoir être traduit par « se prosterner ».
1347 celé : graphie pour celez (voir aussi 16391). 1357 Guibourc n’est pas certaine de son salut : « pour moi est maint preudome feni » reconnaît-elle au vers 1361.
1369 Proier est un infinitif substantivé. 1389 Selon CI. Buridant, la périphrase aler + participe présent exprime la « phase durative » (op. cit., p. 357). On notera que cette périphrase, ici conjuguée à l’imparfait, sert à exprimer l’aspect itératif («qui avait l'habitude »), comme souloir (conjugué à l’imparfait) + infinitif : cele est morte qui me souloit donner Les bons conssauls et folie blasmer (1467-8).
NOTES SUR LE TEXTE
945
1413 L et Mf proposent de corriger en si est escrié ; la tournure reste curieuse. La forme pronominale est attestée dans le ms : À sa vois clere s'est en haut escrié (10517) ; correction calquée sur le vers 8943 : cil s’i est moult penez. Autre correction proposée par Mf : si ert escrié. 1416 vif : P1 de l'indicatif présent du verbe vivre. 1424 Ce serment n’est pas sans rappeler celui prêté par le frère de Guillaume, Aÿmer le Chétif. 1449 par folement garder : « à cause d’une surveillance défectueuse ». L’infinitif garder est « accidentellement » —et non « essentiellement » — substantivé selon la taxinomie de Cl. Buridant (op. cit., p. 315). Quoique précédé d’une préposition, il conserve en effet des traits verbaux, en particulier celui de recevoir une caractérisation adverbiale et non adjectivale (à comparer avec par leur fol errer au vers 18985). 1547 olz : CSS de ost « armée » (osts > oz) ; on notera la présence d’un / adventice ; cette particularité graphique a également été relevée par M. Ott dans son édition de Guibert d’Andrenas (p. 59). 1565-6 C ponctue : qu'il le fist asener : en tel lieu est. Mais il nous semble plus pertinent d'imprimer qu'il le fist asener En tel lieu est (17821-2 Or vous voudrai, s’il vous plest, assener En tel lieu, bele, que moult devrés amer). Il s’agit d’une construction apo koinou dont le texte offre d’autres exemples.
1590-6 Rupture de construction : le sujet de la subordonnée (le fils du prévôt) n’est pas le même que celui de la principale (les jeunes Vénitiens) ; ce type de glissement est courant en ancien français. 1649 Jui oiant : « devant lui ». 1651 C imprime la leçon du manuscrit, faute d’avoir trouvé . une correction pleinement satisfaisante : « l’emendamento non è neppur facile da introdurre, nè mi pare che il senso del primo emistichio si accordi perfettamente con quello del secondo [...]
946
NOTES
SUR LE TEXTE
Ho cercato di adattare la punteggiatura al testo cosi come sta per ricavarne una interpretazione che non esigesse interventi, ma confesso che non sono pienamente convinta della lezione. Anzitutto non è consuetudine in questo lungo poema, di chiudere la proposizione a metà verso e iniziare un nuovo periodo nel secondo stata indotta a fare al v. [1652]. Mi sembrerebbe più accettabile un emendamento che accoppiasse diversamente i quattro emistichi dei due versi : « Bastart trouve ! » il le vont clamant. Moult a grant duel adont se va pensant. Tuttavia il v. [1651] resta sempre ipometro. » (634) Ce qui suffit à montrer le caractère improbable de cette correction alambiquée... Mf propose de compléter le vers par car, que Où quant. 1676 « Ne pars pas avant de lui avoir parlé ». 1690 Droit a l’ostel Renier s’en est alee : la coupe du vers est trompeuse. Renier n’est pas le sujet de la phrase, comme sa position pourrait le laisser penser, mais le complément déterminatif d’ostel. 1693 vous soiez bien trouvé : « Vous arrivez à propos », « vous tombez bien » ; l'expression est synonyme de bien soiez vous venuz (7770 etc.) 1700 Cette chamberiere anonyme se révèlera être la mestresse d’Ydoine, Gonsent la magicienne (11182). 1744 errement : il est extrêmement difficile de restituer en français moderne le sens de ce substantif que P. Jonin traduit par « ce qu'il en est ». TL met côte à côte quatre sens : « Treiben, Verhalten, Ergehen, Befinden » (HI, 773). | | 1838-42 On remarquera la fermeté de l’enchaînement avec la laisse précédente : ces vers répètent les vers 1833-7. 1844 TL donne pour l'adjectif naïf les sens suivants : « gebürtig» (« natif, originaire), « natürlich » (« naturel »), « echt, wirklich, recht » (« véritable, vrai ») ou « angemessen » (« convenable », VI, 479 et sg.). Mais aucun de ces sens ne semble convenir à notre passage. Nous nous rangeons donc du côté de G,
NOTES
SUR LE TEXTE
947
qui donne pour naïf a « attaché, accoutumé dès sa naissance » (V, 465). Renier a reçu dès son plus jeune âge une instruction religieuse. 1901 « Je veux réparer le tort que je lui ai fait ». 1920 L'emploi des temps est surprenant ; on attendrait un futur dans la subordonnée circonstancielle, mais le vers eût été trop
long ; l’ancien français est moins rigoureux que le français moderne en matière de concordance des temps. 1939 Dans la comparaison blanche aussi con flor, flor désignait à l’origine la « fleur de farine », à la blancheur immaculée. Le complément de pré qu’y adjoint le poète montre que ce cliché formulaire s’est vidé de son contenu initial (voir aussi 5346, 8187).
1940 vert hiaume : l’épithète est traditionnelle (3505 vert hiaume gemé, 6324 vert hiaume gemé, 5350 .I. vert yaume cerclé etc.) ; « Schultz-Gora prétend que vert fait allusion aux reflets de l'acier [...] ; en fait les heaumes
étaient peints » affirme
Cl.
Régnier dans son édition de la Prise d'Orange. Certes, on relève un hiaume painturé au vers 3854 ; mais comment traduire le verbe verdoier dans la formule : l’espee qui luist et verdoia (15519) ? M. Plouzeau pense que l’adjectif vert remonterait « à une époque où la matière des casques, point encore de l’acier » brillait « d’un éclat verdâtre [...] loin que la perception informe la langue, la formule littéraire informerait la perception » (« Vert heaume : Approches d’un Syntagme », Les Couleurs au Moyen Âge, Senefiance n° 24, Université de Provence, Publications du CUERMA, 1988, pp. 633-4). 1960 « Et qui ma mere » : ellipse du verbe fu. 1984 « Por .I. jour courre n'iert estans ne lassez » : tour concessif hypothétique : « il n’éprouvera ni fatigue ni lassitude, - dût-il courir un jour entier ». CI. Buridant note que le strument « por passe au sens concessif dès lors que, en contexte, la cause
948
NOTES SUR LE TEXTE
se révèle inopérante contre toute attente, et suruRe alors la contre-cause » (op. cit., p. 655) 1987 Le nom de l’épée de Renier, Requite (ou Recuite), signifie « dont la lame a été recuite », opération qui la rendait plus flexible donc plus résistante. 1988 Galant, célèbre forgeron et armurier sarrasin, frère de Munificans et d’'Haurifas, est mentionné dans de nombreuses chansons de geste telles que Garin de Monglane, les Enfances Garin de Monglane, Raoul de Cambrai, la Chevalerie Ogier ou encore Bueve de Hantone ; ici, l'évocation de son nom rehausse le prestige du branc d’acier offert par Ydoine. 2063 Une correction en fur{s] fier est également possible (cf. 4324) ; la faute s’explique peut-être par une confusion avec le nom propre Turfier (5655 le roy Turfier). 2095 Osrragons : le nom de ce messager sarrasin n’est pas choisi pas hasard : os renvoie à ost « armée » et fragon est une déformation de dragon. 2103 « Qu'un clerc, aussi savant soit-il, ne pourrait les compter ». Ce cliché formulaire accuse la supériorité numérique de l’armée sarrasine — et par conséquent la supériorité guerrière des Chrétiens. 2109-11 Marbrien voudra réserver le même sort à Maillefer (9875, 10093-4) et Pierrus ajoutera à l’intention de Gyrart quelques atroces raffinements : « La serez vous escorchié et salez Et puis aprés de miel oinz et frotez, En mi la place en la roë tournez ; Et a midi, quant jour iert eschaufez Et le soleill est chaut et haut levez, La serez vous de nos chiens devourez » (14497-502). La chanson mentionne d’autres tortures réservées aux chrétiens comme l’écartèlement, le dépeçage, la pendaison,
la noyade, le viol, la fustigation ou le supplice du feu. Il est en effet dans la tradition épique de prêter aux Sarrasins le goût des supplices, ce trait venant opportunément souligner leur barbarie. Les chrétiens, eux, préfèrent mettre
à mort leur ennemis
par
NOTES SUR LE TEXTE
949
décollation (Oeillart 9445, Brunamon 13858, Pierrus 17049): « Tout pour l’onneur Bauduïn le sené Doit il [Pierrus] mourir a greigneur honnesté » (17044-S) déclare ainsi Gyrart, qui recom-
mande de décapiter l’usurpateur. 2111 L’anthropophagie ajoute au caractère bestial des Keneliex ; le trait n’est pas isolé dans la chanson : le roi Marbrien dévore ses victimes aprés les avoir fait cuire à la broche (9758-9). La Prise d'Orange, Aliscans et la Chanson de Guillaume dépeignent aussi les Sarrasins comme anthropophages. 2128 « Si cela ne m'était pas imputé comme un acte vil » ; il est contraire à l’éthique chevaleresque de s’attaquer à un messager, qui se présente toujours sans armes. Le larimier (« interprète >») du géant Oeillart desarmé va, .I. mantel aflubé, (9186) rapporter les propos de son maître à Renier. 2159 sourcuidee : TL traduit le participe passé adjectivé sorcuidié par « anmaâend, hochfahrend » (IX, 880) et G donne
« orgueilleux, présomptueux » (VIII, 527). 2167 Bertran brace quarrele] : l’épithète homérique est simplement accollée au nom propre. Faisant l’économie de la préposition a qui marque habituellement la caractérisation, cette construction présente une commodité métrique certaine. On en relève d’autres exemples aux vers 3873, 7152 (Gyrart chiere membree), 10693 (Renier cuer de lÿon), 11769, 11866 (Renier chiere membree), 12429 (Renier chiere hardie), 12762 (Frans bons chiere membree), 13628, 13750, 13861, 14828, 14941 . (Bertran chiere membree), 15315 (Gyrart chiere hardie), 16190
(Bertran chiere levee), 17562, 18627, 19332. 2199 suient : P6 de l’indicatif présent de [sivre] « suivre » ; on peut hésiter à imprimer sivent, qui est la forme que l’on rencontre partout
ailleurs
dans
le ms
(2816,
4427,
6029); dans
cette
occurrence, toutefois, un accent à valeur diacritique frappe le premier jambage et non le dernier.
950
NOTES
SUR LE TEXTE
2224 defendant : « à toute allure » ; il s’agit du gérondif de desfendre, verbe dérivé de fendre (rien à voir, donc, avec desfendre « défendre »). Defendant est très vraisemblablement à rapprocher de la « notation adverbiale de vitessse » fendant
analysée par Ph. Ménard (op. cit, p. 172) ou, mieux encore, d’afendant, attestée dans notre texte (7283). Cet emploi n’est toutefois attesté ni par G ni par 7L. 2226 esp{aJouri : C n’a pas remarqué l’hypométrie du vers ; la faute se reproduit au vers 9610 et 18327 ; correction sur le
modèle des vers 3154, 14793 et 15550. 2254 assolu est le participe passé adjectivé du verbe assoudre pour lequel TL donne les sens « hoch, heilig » et « unumschränkt » (I, 67). G traduit lui aussi assolu par « saint, pur, sans tache en général ». Il relève également l’expression courage assolu,
dans
laquelle
il donne
à assolu
le sens
d’« entier,
déterminé » (I, 452). 2275 « Ils n’ôtèrent pas leur haubert de toute la nuit », « ils restèrent toute la nuit à monter la garde ». Deshaubregier est la forme préfixée du verbe haubregier, « revêtir d’un haubert », luimême dérivé du substantif hauberc. 2288-9 Comme le fait remarquer C. Jones, « the polyglot motif thus provides further evidence, if any were needed, that the chanson de geste display only the most superficial interest in cultural diversity » (« Polyglots in the Chanson de Geste », « De sens rassis », Essays in Honor of Rupert T. Pickens, edited by K. Busby, B. Guidot and L. E. Whalen, Amsterdam-New York NY, Rodopi, 2005, p. 306). Elle ne voit dans ce motif qu’un prétexte à « the enumeration of varied and colorfulsoundind languages » (ibid.). 2332 « il ne crient home qui soit de mere nez » : « il ne craint personne ». 2336 « vis deables » : cette insulte est stéréotypée. CI. Régnier affirme que, placé devant un substantif, l’adjectif vif « sert à
NOTES SUR LE TEXTE
951
former une sorte de superlatif » et prend le sens de « vrai » (éd. Prise d'Orange, p. 152). TL (XI, 445) traduit plus justement l’expression vif diables par « leibhaftiger Teufel » (« le diable personnifié », « le diable incarné »). 2370 le fist aler: est-il nécessaire de corriger le par les en accord avec le vers précédent ? Il n’est pas exclu que /e renvoie au seul Maillefer. Il serait aussi possible d’imprimer lé, forme anglo-normande de les attestée dans le Roland. 2373 C se contente de transcrire : Otrans de Lymes o le ….. scler ; Mt note : « malgré une tache, on lit au moins Le roy » (46). Il nous semble distinguer, loupe à la main, Carboucler. La restitution du passage est rendue fort complexe par le fait que ce personnage n’apparaisse qu’en cet endroit de la chanson et que l’onomastique sarrasine autorise toutes les fantaisies (on rencontre toutefois un païen du nom de Charbocle dans Garin le Loherenc, éd. Iker-Gittlemann, v. 784). 2381 bien l’i cuident trouver : C transcrit par li cuident, erreur que ni L ni Mf ne relèvent. 2392-5 On se souvient que Maillefer avait fait restaurer la forteresse de Morimont où il s’était retiré après sa victoire à Loquiferne (1556-9). 2412 s'avra : le si de repérage fictif est élidé devant voyelle. 2417 Le ms donne nagent, mais on attend un participe présent ; pourrait-il s’agir d’une faute par réminiscence de vient ? 2475 Souvenir de la parabole du bon Pasteur (Psaumes, 23 ; Jérémie, 23, 1-4 ; Ézéchiel, 34 ; Évangile selon saint Jean, 10, 118). 2478 C transcrit de sa lorye et traduit lorye par « lorica ». L note : « de sa lorye ? la traduction du glossaire est impossible. » (537) Mt ajoute : « sens obscur [...] ; lire sans doute de Salorye, voir M I, 2, p. 1393 Salorie « ville sarrasine d’Espagne. » (53).
2495 faintins : C ne corrige pas en faintis malgré les occurrences des vers 3368, 3466 et 4226.
952
NOTES SUR LE TEXTE
2525 a .VI. mois : « pour six mois » ; comme le note Cl. Buridant, la préposition a peut exprimer « la situation dans le temps, repère d’un procès », en particulier pour la durée (op. cir., p. 466). 2538 « Qu'ils ne partiront pas, quoi qu’il doive arriver ». 2549 au] point de : correction sur le modèle de 2529 et 14348 ; peut-être une confusion avec la locution adverbiale a point (3220). 2553 Ces marchands affamés rappellent les marchands naufragés que rencontre Rainouart dans le Moniage Rainouart (éd. Bertin, version I, CLXTII). 2566 Le poète exagère : Ydoine n’avait libéré que cent quarante prisonniers français des geôles de Brunamon (2003). 2625 Ce vers illustre bien le caractère anarchique de la flexion bicasuelle dans le ms : le sujet (l’enfant) et le complément d’objet direct (les marcheanz) sont tous deux au CR. Le verbe, au singulier, dissipe toute ambiguïté syntaxique. 2634 Il s’agit des croix qu’arborent les navires chrétiens ; elles sont également mentionnées aux vers 4240 et 6360 (por les crois qu’il voit as maz porter). 2638 Décalage entre la syntaxe et la coupe du vers mettant en valeur le verbe veoir. Il ne semble guère possible d’y voir une maladresse du versificateur : la forme dissyllabique marchans (544, 551, 1788, 1803, 1833 etc.) eût pu facilement être substi-
tuée à marcheans. 2664 N'en connut mie : « il ne reconnut rien d’elle », i. e. « Renïier ne reconnut pas sa mère » ; dans cette phrase négative, le pronom en, employé avec mie, « exprime le partitif » (CI. Buridant, op. cit., p. 709). 2675 biau parler : l'infinitif parler est substantivé au sens de « parole, discours ». 2681 reconter : le sens usuel de reconter est « raconter, rapporter », mais il ne convient pas ici : ce n’est pas Renier qui
NOTES SUR LE TEXTE
953
reconte à son maître la conversation qu’il a eue avec Ydoine. Assis à côté de son disciple, Gyre reconte lui-même ses propos afin de pouvoir le reprendre si nécessaire ; TL donne le sens de « zusammenfassen, recapitulieren » (VIII, 462). Mais il semble préférable de traduire reconter par « soupeser, évaluer ». 2709-10 Bel exemple de construction disloquée ; il s’agit plus précisément ici d’une rarissime dislocation à droite dite « cataphorique » : elle est employée « pour mettre le référent rhématique en relief », i. e. Renier son filz (CL Buridant, op. cit. p. 756). 2758 « ma pes garder » : c’est-à-dire « vous mettre à l’abri de mes remontrances ». 2798 Si ne l'ait Dieu : bonne illustration de la confusion souvent observée par les linguistes entre le tour formulaire optatif si m'aït Deus et le tour hypothétique se Deus m'aït (ou plutôt, dans notre ms, se Diex me soit aidis, v. 3374, ou se Diex me puist
aidier, V. 17757), à cette particularité près que la confusion s’exerce généralement en sens inverse, la conjonction hypothétique se se substituant à l’adverbe si « marqueur d’assertion » (voir CI. Buridant, op. cit., pp. 512-3). Il eût fallu ici imprimer ait, subjonctif de aidier, et non aïf, subjonctif d’avoir. Mais impossible, pour des raisons métriques, de compter ait pour un dissyllabe. Si ne l’ait Dieu se présente comme un avatar de si m'aït Diex « Que Dieu vienne à mon secours ! » (5961, 9624, 15090) ou de or aït Diex « Que Dieu vienne au secours (d’untel) ! » (2167, . 3121, 5164, 9412, 18121). Il serait toutefois absurde, dans ce
. contexte, de traduire Si ne l'ait Dieu par « Que Dieu ne vienne pas à son secours ! ». Le jongleur espère évidemment tout le contraire ! On attend ici se Dieu ne l’aït sur le modèle de se Diex n'en a pitez (480), de Se Diex n’en pensse (515) ou de S'il n’a aïde (6463) : en effet, « si Dieu ne vient pas à son secours »,
Gyrart avra le chief del bu ravi (2799). Dans se Dieu ne l’aït, le . verbe aidier n’est pas conjugué au subjonctif, mais à l’indicatif
954
NOTES
SUR LE TEXTE
(CL. Buridant note que la P3 de l’indicatif présent d’aidier prend des formes variées : aiue, aiut, aïe, aït, voir op. cit., p. 281) et la postposition du sujet Dieu n’a plus lieu d’être, la conjonction de subordination se étant impropre, à la différence de l’adverbe si, à occuper la zone préverbale. 2820 « Le plus vigoureux n’aurait pas pu remuer un pied pour le ramener vers lui », à. e. « il serait resté immobile, inanimé ». 2847 C laisse en blanc et note : « in margine la solita crocetta indica l’intenzione di correggere il verso che cosi risulta ipometro, ma la correzione manca ; perd sembrerebbe plausibile il supplemento : quant [i/] le demanda. » Mais qui est ce il ? Renier parle de Florentine, aux questions de laquelle il n’a pu répondre que par un mensonge. Mt propose de corriger en « quant [ele] (ou [el mel) demanda » (51) ; nous préférons rectifier par quant [me] le demanda, tournure plus naturelle. 2855 « Entois, note L, contrairement à ce que dit le glossaire [de CT], n’a rien à voir avec enteser ; c’est une graphie de entait (la laisse est d’ailleurs en -ais), du lat. intactus, au sens de
« plein d’ardeur, violent » (ici en parlant du combat, ce qui paraît un emploi exceptionnel) » (537). En effet, TL enregistre l’adjectif entait au sens de « unberührt,
unversehrt,
vollkommen,
ganz »
« vierge, intact, entier, complet » ou, en parlant de personnes, « frisch, eifrig » « alerte, ardent » (LIL, 550). 2889 Noiron : Néron, le persécuteur impérial, est devenu un dieu mulsulman pour l'imagination populaire : « cela était d’autant plus facile, note P. Bancourt, que le symbolisme médiéval retrouvait dans le nom de Nerone(m) devenu Nérone > Neiron > Noiron l’idée de nigru(m) > neir > noir, qui évoquait pour la sensibilité du temps la notion de mal » (op. cit., p. 383). Ce n’est pas un hasard si le poète met en scène des Sarrasins à la peau noire : Corbon est dépeint noir conme mauffez (8323) et le maléfique Tarbardin est pour sa part noir conme meure (13056). De même, lorsque Renier et Grymbert se déguisent en
NOTES SUR LE TEXTE
955
messagers sarrasins, ils s’enduisent le visage du suc d’une plante qui les rend « plus noir que poiz ne qu'arrement » (9999). 2894 C transcrit lignage chenon. L s'interroge : « chenon ? sans doute un nom propre » (537). La tentation est grande, en effet, de voir dans chenon le nom d’une divinité païenne — comme dans les périphrases traditionnelles gieste Noiron (2889), gent Tervagant (3774) ou gent Jupin (7098). Mt est plus prudent et remarque que Chenon manque à M. La présence au vers 7683 de chenine gent ou au vers 11292 de diex chenins confirme, contre ZL, qu’il s’agit bien là d’une réfection de l’adjectif chenin que TL traduit par « hündisch », « de chien » (IL, 347). G, qui enregistre l'adjectif sous la vedette chienin, note qu’il est fréquemment employé au figuré au sens de : « qui a le caractère d’un chien, lâche, méchant, pervers [...] mauvais, aigre, hargneux ; littéralement, de chien » (IL 122). La comparaison
animalière n’a rien de surprenant : Butor est fel con gaignon (4452), Corbon bret a guise de gaignon (8364), les Agriparts se nourrissent de char crue conme gaignon desvé (12263), les Kaneliex aboient aussi com loiaumier (4430), les Beduïns sont décrits comme des chien mastin (7083) et Gyrart s’exclame : « Chien sont paien ! » (7157 ; voir aussi 7156).
2900-1 Lorsqu'elle est suivie du mode subjonctif, la conjonction que revêt une valeur finale et doit être traduite par « afin que » (même valeur au vers 2916). 2903 Peut-être une mélecture pour si respont (17327, 17495 etc.).
2924 « Aussi longtemps que nous connaftrons quelqu'un qui veuille vous nuire ». 3010 Enflé est sans doute à prendre au sens de « courroucé, irrité » ; voir Moult ot le cuer couroucié et enflé (3072) et les exemples donnés par TL : enflez et iriez, curuçus e enflez, si enflés et si embrons ainsi que de Maltalent et d’ire enfla cume une boteille (III, 341). Le nom de Baraton (ou Baratron) viendrait
956
NOTES
SUR LE TEXTE
du latin classique et ecclésiastique barathrum « gouffre, abîme » (P. Bancourt, op. cit., p. 384). Mais il n’est pas impossible qu'un croisement se soit produit entre Baraton et le substantif barateor « trompeur ». Quant à Margoz, il s’agit du nom déformé du peuple de Magog de l’Apocalypse (id., p. 384) 3025 Pour M, qui n’apporte pas davantage de précision, Duresté est une « ville et [un] pays » (I, 2, 1155). L. Demaison
l’identifie avec Dorestatum, sur le Rhin, non loin d’Utrecht, « cité très importante à l’époque carolingienne, qui a été détruite par les Normands au IX° siècle, et qui n’est plus aujourd’hui qu’un simple bourg de Hollande (Wyk te Duerstede). Son nom est resté dans les traditions épiques, mais le souvenir de sa véritable situation s’est altéré de bonne heure, et l’on en fait presque partout une cité païenne d'Orient » (Aymeri de Narbonne, p. 263). Dans
la Chanson
de Roland
(éd. Segre), il est fait
mention d’une ville du nom de Durestant : « ville en Espagne. Ou bien (Roncaglia) : la barre du Douro (Dur-estant) » hasarde .C. Segre (op. cit., p. 303). Il est d’autant plus probable que notre auteur ignorât la localisation de cette mystérieuse cité que desci en Duresté est une formule épique éculée pour marquer l’extrême éloignement et, accessoirement, l’intensité. Dans le Siège de Barbastre, on relève : n'a si bel chevalier desci en Durestez (éd. Guidot, v. 2751), dans Aliscans : N'ot si felon deci qu'en Duresté
(éd. Régnier, v. 5770), dans Ami et Amile : N'ot douz si biax desci en Duresté (éd. Dembowski, v. 2966) et dans la Chanson
de Roland : De tute Espaigne aquiterai les pans Des les porz d'Aspre entresqu'a Durestant (éd. Segre, vv. 869-70). 3052 « Et s’il me craint trop pour sortir ». La conjonction que revêt ici une valeur causale ; l'emploi du subjonctif, inhabituel
dans ce contexte, s’explique peut-être par l'influence virtualisante de l’hypothétique s’il n’en ist. 3061 se herité : pour respecter la mesure, il faudrait élider le déterminant possessif féminin picard se.
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NOTES SUR LE TEXTE
957
3128 Le poète souligne la fougue de Renier, qui ne met pas le pied à l’étrier pour se hisser sur le cheval ; le vieux Tibaut, lui, y monte par les estrier dorez (704). La formule est déclinée aux vers 3517 et 8224. 3136 « Il s’en retournait au campement ». Rot est la forme préfixée d’or. 3147 l’escu sesi : «l’écu au bras » ; la formule indique l'intention offensive de Renier ; « avant le combat, l’écu demeurait suspendu au cou du chevalier par une large et longue courroie [...] Au moment d’affronter un adversaire, le chevalier embrassaïit son écu en passant le bras gauche dans d’autres courroies, les énarmes, situées vers le centre de l’écu » (S. Lefèvre, « Répertoire », Œuvres complètes de Chrétien de Troyes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1479). 3183 qu'ot perdu sa vertu : élision du pronom relatif sujet. 3190 On attend un passé simple (prist) et non un subjontif imparfait (preïst), toujours dissyllabique (5548, 14928). 3191 Mr note : « cueru = « plein d’ardeur (d’un cheval) » [...] le mot manque à TL, mais [G] le relève en citant Aymeri de Narbonne [..] Louis Demaison, éd. d’Aymeri [...], considérait
cueru comme une mauvaise leçon de crenu » (5-54). L’adjectif cueru est attesté en d’autres endroits du texte : 3840 destrier grant et fort et cueru, 18275 Es chevaus montent auferrans et cuerus. Mais on relève aussi l’épithète traditionnelle crenu « à la belle crinière » : 779 li auferrant crinu, 8122 .1. roncin crinus, . 15918 bon destrier crenu. 3200 « Pour rien au monde il ne m'aurait autorisé à y aller ». 3220 « Si bien qu’il rejoignit à l’heure la salle d’apparat ». 3222 « Gyre était en train de regarder autour de lui lorsqu'il aperçut Renier ». Gyre cherche Renier du regard car il a remarqué son absence. 3255 « Et, s’il venait à prendre l’avantage, ce serait bien vite corrigé ! »
958
NOTES SUR LE TEXTE
3258 « Mon frere » : Gyrart parle de Guïelin, resté à Portpaillart, dont il attend du renfort (voir les vers 2898-900). 3276 doievent : cette forme d’indicatif présent est curieuse, peut-être fautive ; on attendrait doivent. 3279 « voiant moi » : « sous mes yeux », « devant moi » ; le témoin oculaire insiste sur la véridicité de son récit : « ce creez » ajoute-t-il au vers 3297. 3296 Disjonction du démonstratif cil et de la relative déterminative introduite par dont : « l’homme dont je vous ai parlé descendit de cheval ». 3304 « Je ne les ai pas vus en ressortir depuis lors ». 3316 Son cors meïsme : « en personne » ; CI. Buridant note que le substantif cors tend à se grammaticaliser en pronom personnel opérant un renforcement de l’identité (op. cit., p. 412) 3322 TL atteste le verbe soi remuer au sens de « sich entfernen » (VIII, 762). Il faut comprendre : « Maudit soit celui qui s’esquive ». 3336 le roy Margariz : un margarit est un « renégat » en ancien français. Un personnage du même nom apparaît dans la Chanson de Roland. 3341 Corsaus : le nom du géant est formé sur la base corstout comme ceux de Corssabel, Corssabrin et Corssoult ; « l’étymologie populaire associe l’idée de grosseur aux noms formés sur "cors" » note P. Bancourt (op. cit., p. 47). Cors« suggère l’idée de gigantisme, de corpulence » renchérit J. Dufournet (« Notes sur les Noms des Sarrasins dans {a Chanson de Roland », Revue des Langues romanes, XCI, 1987, ne 0895). 3357 « Pere qui ne mentis » : la périphrase renvoie à Dieu le Père: 3366 Antecris : comme le note P. Bancouït, les Sarrasins sont
souvent présentés dans les textes épiques comme « étant le peuple de l’Antéchrist : ils sont assimilés au peuple de Gog et de Magog
NOTES
SUR LE TEXTE
959
dont la victoire doit, selon la tradition apocalyptique, marquer la venue de l’Antéchrist » (op. cit., p. 347). 3370-1 Disjonction de la principale Je me dout moult et de la conjonctive pure Que ne soiez de Sarrazins assis. 3385 Fait de bois, l’écu était peint ; on peut penser que celui de Guïelin porte ses armoiries (l’azur est une couleur héraldique), ce qui permet à Gyrart de l'identifier malgré la distance. Triste écho à ce passage : lors de la mort de Guïelin, c’est à son écu doré que Gyrart reconnaîtra le corps défiguré de son frère (38534). C’est un écu, encore, qui servira de civière au mort (3904).
3397 ses soumis : « ses vassaux », VOir vassaus seigneuris (3379). 3403 « Florentine sait se conduire avec courtoisie et affabilité », 1. e. « elle les accueille avec la courtoisie et l’affabilité dont elle est coutumière ». 3415-8 Le passage est de compréhension délicate : « mais inconscient serait celui qui s’imaginerait pouvoir en cet instant s’abandonner à l’oisiveté car les Sarrasins se montreront si prompts à les attaquer que Guïelin n’aura pas même le temps d’ôter son armure ». 3421 « penssez de l'aprester » : « préparez-vous à combattre ». 3509 Emploi vicariant (suppléant) de la conjonction que, qui introduit une seconde hypothétique au subjonctif : « S’il est un homme de bien et qu’il fasse preuve de loyauté... » 3553 La leçon du ms est curieuse ; C choisit de la reproduire ; L marque laconiquement sa perplexité : « quel ? » (537) ; Mt est tout aussi intrigué : « quel : corriger peut-être que » (51). CI. Buridant note que quel est parfois employé comme un « articulant de comparaison », en particulier dans l’Ouest (op. cit., p. 650) ; quel .I. gant pourrait ainsi constituer une proposition comparative
elliptique : quel est .I. gant, « pas plus qu’un gant ».
960
NOTES SUR LE TEXTE
3576 L’écu est muni en son centre d’une bosse de métal (ou boucle) qui sert à dévier les coups. 3596 « Il envoya ce jour-là nombre de Sarrasins à la tombe ». 3600 « Or du bien fere » : « nous avons bien combattus ». 3628 lentir : correction sur le modèle de Jusques es denz li fist l'acier sentir (3610) et surtout de Une des broches li fist en char sentir (4614).
3639 Les fougueux destriers des Sarrasins piaffent et « font résonner le sol » du choc de leurs sabots. 3657 Fiert s'en la presse : on attendrait plutôt Se fiert en la presse ; mais le vers eût été trop long... 3710 « Le plus courageux s’enfuit de lui-même » ; de soi « -
souligne le procès autonome, "de son propre mouvement, sans l’aide d’autrui" » (CI. Buridant, op. cit., p. 450). 3774 la gent Tervagant : périphrase traditionnelle pour désigner les Sarrasins ; on trouvera chez P. Bancourt un rappel des principales théories qui ont été formulées au sujet de l’origine de ce dieu (op. cit., pp. 378-83). 3786-7 La relative qui se combat est disjointe de son antécédent Renier ; il faut lire : Quant vit Renier qui se combat a pié de son tronçon, moult ot grant marrisson. 3819 On se souvient que Renier avait porté un coup similaire au géant Corsout (3181) ; il en fera de même avec Butor (13614) et Marbrien (15854).
3918 Le substantif chatel, du latin capitale, signifie « bien, patrimoine, possession, principalement mobilière ; rapport en argent d’un champ, d’une vigne, rente ; jouissance ou perception des fruits d’un travail » (G, II, 89). TL donne un sens similaire : « Besitz, Habe, Gewinn » (I, 314). Le sens ne paraît pas convenir au contexte. Sans doute faut-il comprendre chastel. Il ne nous semble toutefois pas impératif de corriger : il est possible que la graphie chatel témoigne de l’assimilation du s implosif
NOTES SUR LE TEXTE
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(qui a du se produire à la fin du XIF siècle, cf. G. Joly, Précis de Phonétique historique, p. 98). 3937 gieston noiron : C reproduit la leçon du ms. L, lui, est intrigué : « Gieston ? » (537) ; quant à Mf, il fait remarquer qu'aucun dictionnaire n’enregistre ce mot ; il s’agit très certainement d’une faute par anticipation (cf. 2889 gieste Noiron). 3939 « plus fier [...] d’un lÿon » : de, à l'instar de que, joue le rôle d’un articulant de comparaison lorsque le système comparatif exprime une relation de disparité (ici, de supériorité), voir CI. Buridant, op. cit., p. 649. 3973 dras de soie : correction sur le modèle de 9917, 14211 et 15463 ; il n’est cependant pas impossible que des soit une graphie pour dais ou dois (du latin discum) qui peut signifier « dais, tenture ».
3991 C corrige par vous voudrai, maïs la leçon du ms est la bonne : nous n’est pas le pronom personnel de la première personne du pluriel (ce qui n’aurait aucun sens ici), mais bien l’enclise de ne vous. 4017 Vaudroit est la P3 du conditionnel de valoir, employé ici dans une tournure impersonnelle au sens de « servir à, être utile
à » ; on traduira: « pourquoi le cacher ? ». L’expression est : synonyme de que l’iroie celant ? (17433, 19413). 4033 Estes vous Gyres : estes est bien le présentatif es, réanalysé comme la P2 de l’indicatif présent du verbe estre et accordé en conséquence avec vous. 4107 « La fille du prince au secours duquel je veux aller ». 4126 fel prevost : il s’agit du père du jeune Vénitien qui avait tenté d’assassiner Renier (vv. 1589-90). 4136 « Je ne suis pas tombé du ciel ! » ; un avolé est un hergelaufen pour TL (I, 778). 4143 « conment que soit parler » : « quoi qu’on dise ». 4144 L'enclise nel (ne + le) fait double emploi avec nului ; faute, maladresse ou redondance expressive ?
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NOTES SUR LE TEXTE
4301 « Poile n’est pas une peau de bête comme il est dit au glossaire
[de C], note L (537), mais
une
pièce d’étoffe ; la
coutume d’étendre sur le sol un tapis sur lequel s’assoit le chevalier que ses écuyers vont revêtir de ses armes est bien connue.
»
4321 Le français moderne connaît une expression équivalente, quoique familière : « qu’il n’y perdra pas de plumes ». 4340 ferez : il ne s’agit pas de la PS5 de l'indicatif présent du verbe fere, mais de celle du verbe ferir, « donner des coups, combattre ». 4355 Allusion aux Armées du Ciel qui, dans l’Apocalypse, exterminent les nations païennes (19, 11-18). 4368-9 « Si quelqu'un parmi vous ne se sent pas le courage de combattre, je l’autorise à rebrousser chemin ». 4392 desreele] : correction sur le modèle des participes passés féminins esfreee (11122, 11785, 13178) et effreee (2440, 14949).
4401 ours en ramier : les expressions en ramier et en landon (4445) sont synonymes : elles signifient toutes deux « tenu en laisse ». J. Morawski relève le proverbe : « Or ne vi vieill chien mener en landon » (Proverbes français antérieurs au XV° siècle, Paris, Champion, 1925, p. 56, n° 1532). Un ramier (ou landon) est « un billot que l’on attache au cou d’une bête pour l'empêcher de courir ou de s’enfuir, pour l’entraver dans ses mouvements »
note L (538). C avait traduit ours en ramier par « orso nella macchia, nel bosco » et ours en landon « orso nella landa » … 4418 « Plus rapidement qu’un oiseau ne fuirait un épervier » ; on trouve une déclinaison de cette comparaison au vers 6058 : Devant lui fuient con l’aloe espevrier. Le poète emploie également les variantes animalières : Devant lui fuient con fust beste sauvage (4570), Que touz li fuient con fust gryphon volage (12486), Paiens li fuient con li leu chace ainnel (19945).
NOTES SUR LE TEXTE
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4428 « Même le plus couard (des chevaliers) était courageux » : l’hyperbole est renforcée par l’oxymore ; le genre épique se plaît à ces formules saisissantes. 4453 Le ms donne arrenmison, mais ce substantif est inconnu des dictionnaires ; peut-être s'agit-il d’une faute pour arramison, qui pourrait être un dérivé du verbe arramir « combattre avec ardeur » ? Mais ce mot n’est pas davantage attesté que le premier. En considération du contexte, nous corrigeons par grant aïroison, sur le modèle de 4439, 7234 et 8342. 4535 Petit se faut : omission possible d’une barre d’abréviation : on attendrait petit s’en faut. 4551 Gestoure : L fait remarquer que dans l’édition de C « Aussi com leu qui en gestoure va est traduit au glossaire par aller en quête d’une proie ( ?)" ; c’est une erreur, gestoure n'ayant pas été identifié ; c’est un nouvel exemple, et très bien venu, du mot rare gestoire, le sens est "temps des amours, rut" ; l’emploi du mot dans notre passage confirme l’interprétation et l’étymologie de M. Tilander (par lat. gestire) contre celle de M. von Wartburg, FEW, V, 3 (par lat. jactare) et du Tobler-Lommatzsch » (538). On trouve la même remarque chez B, qui traduit aler en gestoure par « être en rut » (193). 4554 La gent Apolin : périphrase stéréotypée pour désigner les Infidèles ; bien que les chrétiens du Moyen Âge aient eu tendance à assimiler les dieux de l’Antiquité (comme Jupiter) à des dieux sarrasins, la ressemblance d’Apolin avec Apollon est trompeuse : le nom d’Apolin viendrait de l’arabe Abû l-la‘in, « père du Maudit » (c’est-à-dire Satan), ou de ibn al-lxin, «fils du Maudit » (voir P. Bancourt, op. cit, p. 377). On ne saurait cependant exclure un croisement avec le nom du dieu grec comme le note P. Bancourt : « c’est en effet surtout de l’Apollon des Vies de Saints que provient l’Apolin des chansons de geste » :(op. cit. p.377). ;
4557 « Les Pincenarts se montrent tout aussi inamicaux ».
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NOTES
SUR LE TEXTE
4563 Bebelin n’est pas à rapprocher du substantif beubant « arrogance » (7747), mais de l'adjectif bobelin enregistré par TL au sens de « dumm, einfältig, tolpelhaft » (I, 1009). 4579 li Kanelieu marage : la leçon du ms nous semble corrompue ; malage n’est pas un adjectif mais un substantif signifiant « douleur, peine » (1121, 4226, 4573, 16013) ; il s’agit vraisemblablement d’une faute par réminiscence du malage du vers 4573. Nous corrigeons en marage sur le modèle du vers 6029 : pute gent marage. 4620 C propose de corriger tel en a [duel] ; mais la tournure correcte serait plutôt tel duel en a (3603, 4585, 7239, 11920).
10703,
4664 aprés les cos chantans : « après le premier chant du coq ». Comme le note CI. Buridant, « le participe présent peut être le noyau d’une proposition subordonnée marquant une circonstance, accompagné d’une préposition » (op. cit., p. 326). 4681 Quapalu (qu’on rencontre également sous la graphie Kapalu) n’est pas sans rappeler Chapalu, le chat gigantesque que la Bataille Loquifer emprunte aux romans arthuriens ; consulter l'ouvrage de Ph. E. Bennett, Carnaval héroïque et Écriture cyclique dans la Geste de Guillaume d'Orange, pp. 246-7. 4695 « Il leur faut aller à la rencontre de Corbon », à. e., « ils
se doivent de réserver à Corbon un bon accueil ». 4710 « Jusqu’à la tombée de la nuit, (jusqu’à ce) que nous ne puissions plus voir » ; veïons (P4 du subjonctif présent de veoir) compte pour un trisyllabe. 4720 « Il mourra ou il sera fait prisonnier, rien ne pourra l’en protéger ! » 4745 Mäaillefer, enserré de toutes parts, en est réduit à lancer des appels à l’aide désespérés : il sait qu’il n’a aucun secours à attendre de Louis, dont Guillaume avait condamné la mollesse et la lâcheté (223-7), pas plus que de son père (4767) qu’il n’a pas
NOTES SUR LE TEXTE
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revu depuis son mariage avec Florentine et qu’il n’espère guère enquore vif trouver (4768). 4762 Le ms donne .V. anz, mais il a été dit précédemment que Guillaume a disparu depuis sept ans (3870, 3882), ce qui s’accorde mieux avec la chronologie des événements. 4781-2 « Il aurait mieux valu pour Maillefer que Piecolet périsse noyé plutôt qu’il le laissât partir ainsi ! » 4877 Femenie : C imprime Semanie. Lcommente : « il est tout à fait contraire à une saine méthode de changer le femanie du ms. en semanie et par suite d'introduire une Seprimanie illusoire dans la géographie du poème, d’autant plus que la Femenie est souvent citée dans les chansons de geste » (538). M donne pour Femenie : « pays sarrasin d’outre la Mer Rouge, désert en Asie mineure » (I 2, 1155). Les éditeurs de Partonopeu de Blois précisent que « Femenie [...] désigne littéralement le « pays des femmes », et s'emploie de manière courante au Moyen Âge pour parler de la terre des antiques Amazones » (Partonopeu de Blois, édition par ©. Collet et P.-M. Joris, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 2005, p. 831). 4886 Le ms donne Costentin noble ; C reproduit cette coupe fautive. 4900 qu'a Dieu nonmé : élision du pronom relatif sujet : qu{i] a Dieu nonmé. 4922 qui maint en majesté : « qui est au plus haut des cieux ». 4935-8 Rupture de construction : « Lorsque le bon roi eut été éprouvé par la maladie au point de sentir qu’il ne recouvrerait jamais la santé, il fit venir le fils qu’il avait eu d’une concubine ». La subordonnée circonstancielle quant se vit adoulé répète Quant le bon roy ot tant le mal porté. 4941-2 « Le temps que son frère atteigne l’âge où on l’adoubera chevalier ». 4944 sus sainz juré : « l'expression jurer sor sainz fait allusion au geste de la main posée sur les livres saints ou les reliques, ou
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NOTES SUR LE TEXTE
élevée au-dessus d’eux » note G. Moignet (Grammaire de l’ancien Français (Morphologie — Syntaxe), Paris, Klincksieck, 1976, p. 325). 4967-71 Nette rupture de construction : le CSS li enfes devrait être le sujet de la proposition, et non le COD d’'occiroie. 4996 dedesouz: il s’agit d’une forme « surétoffée » de la préposition locative sous (CI. Buridant, op. cit., p. 485). 5025-6 La leçon est vraisemblablement corrompue car il est impossible, syntaxiquement, de rattacher et devant lui visee à ce qui précède. Il faudrait peut-être corriger : Quant li vallez enz en la mer salee Une galye a devant lui visee. 5030-1 La leçon redondante (aprestee / acesmee) nous paraît suspecte. 5059 Décalage entre la syntaxe et la coupe du vers ; le vers serait-il corrompu ? 5066 .II. mois a acomplis : construction impersonnelle : « il y a deux mois. » 5091 La ligature & doit bien être transcrite par ef et non par hé : « comme pour l’optatif, le jussif avec adverbe peut être appuyé par et » (CI. Buridant, op. cit., p. 733). Tournure similaire aux vers 12840, 13637, 14529 et 14723. 5123 « Or ai dit que berchier ! » : relative raccourcie ; littéralement : « j’ai dit ce que (dit) un berger » ; on traduira plutôt : «j'ai parlé comme un sot». Berchier est employé figurément au sens de « manant, grossier personnage, homme de rien, sot, stupide » comme le fait remarquer G (I, 626 ; TL confirme cet emploi : « adj. übertr. : dumm, unbehilflich, roh », L927): 5253 Le ms donne « Se roy Butor estoit a fui alez », mais il
s’agit d’une mélecture pour estoit a fin alez (aler a fin : « mourir »). Il est peu probable que Maillefer envisageât une autre issue à son duel contre Butor... Cette expression, de plus, n’échappe pas au stéréotype : avant le duel de Marbrien contre Maillefer, les
NOTES SUR LE TEXTE
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conseillers du roi sarrasin sont ainsi convaincus que « Se Maillefer estoit a fin alez, Li remenans seroit tost desmembrez » (15253-4). Il est possible que le copiste ait été abusé par la présence du verbe fuir au vers 5255 (fuiroient) et par la ressemblance de cette tournure avec le verbe afuïr (9021, 9036, 15141, 15201, 19804) ou avec la périphrase rourner en fuïe « prendre la fuite » qui apparaît à neuf reprises dans le ms. 5282 On voit Grandoce accomplir un geste similaire au vers 19374 : contre sa dent a fet son doit hurter. D. Collomp s’est appliqué à dégager la valeur symbolique de ce geste qui accompagne traditionnellement le serment sarrasin. Selon lui, la dent représente la « matérialisationde sentiments paroxystiques » alors que le doigt dressé est l’« indication d’une déclaration solennelle, rappel du doigt de Dieu, et donc en lien direct avec le serment sur la foi » (« Le Doïigt sur la Dent », Le Geste et les Gestes au
Moyen Âge, senefiance n° 41, p.619). P. Bancourt formule plusieurs hypothèses sur l’origine de ce geste : « le simple geste de lever le doigt dans l’épopée de Mélik Danishmend manifeste le désir du vaincu d’adhérer à l’Islam. Ce geste aurait été mal interprété par les chrétiens et aurait pour eux perdu sa signification véritable. Acte de foi, par lequel le fidèle s’engage envers Dieu, il aurait été considéré par les chrétiens comme
l’acte du
serment par lequel l’homme s’engage envers son semblable, Il est possible aussi que le modèle réel du geste épique soit à chercher dans celui qui accompagne le serment que le musulman prête parfois sur sa tête et qui consiste à porter la main à son cœur, à ses lèvres et à son front » (op. cit., I, pp. 457-8). CI. Lachet note que ce geste apparaît dans la Prise d'Orange, Bueves de Conmarchis et le Siège de Barbastre, ainsi que dans des chansons aussi variées que la Chevalerie Ogier, les Enfances Ogier, Sone de Nansay, Otinel et Doon de Mayence (La Prise d'Orange ou la
Parodie courtoise d'une Épopée, p. 66).
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NOTES SUR LE TEXTE
5306 L affirme que « champ malé est une graphie de champ meslé [...] ; l'expression signifie non pas “champ de bataille”, mais “combat corps à corps” » (538). L'expression champ malé serait donc synonyme du substantif meslee « bataille, combat corps à corps ». Cette interprétation laisse Mf sceptique (54) : il fait remarquer que TL traduit en camp malé par « in feierlichem Zweikampf » « en duel judiciaire » (V, 982) et que W. von Wartburg donne pour maler « fixer le jour, efc. pour le combat judiciaire » (Franzôsisches Etymologisches Wôrterbuch, 16, 500 b). Nous ajouterons pour notre part que 7L observait déjà une confusion entre malé et mellé, commentant l'expression camp mellé par un catégorique « also nicht “Handgemenge” » (V, 983). Un champ malé est donc bien un « combat judiciaire » ; l'expression a d’ailleurs pour exact synonyme champ arami, c’est-à-dire « combat fixé (par un serment) » (12680 champ arami et juré). Notre interprétation est corroborée par G, qui enregistre le verbe maler au sens de « assigner, faire régler le sort judiciaire par le mall germanique » (V, 115). 5318-22 Le saffre « serve se lo indossa chi crede in Dio, ma non a Butor che è saraceno ! » fait remarquer C (635). Maladresse ou syncrétisme islamo-chrétien, proche de celui étudié par
P. Bancourt (op. cit., p. 563) ? Il est difficile de savoir ce que désigne exactement le mot saffre, issu du bas latin saphirus, mais dont le sémantisme semble avoir subi l'influence de safran. Les sens donnés par TL — « Saphir ; auch : ein goldener Lack » (IX, 42) — ne nous semblent pas convenir ici, pas plus que la traduction proposée par G (« orfroi », VII, 281). Toutefois, en comparant les exemples cités par ces deux dictionnaires avec notre occurrence, il semblerait pertinent de voir dans le saffre une sorte
d'habillement de tête (peut-être recouvert d’une laque dorée) posé sous le chapel ou sous le heaume : Le chiercle (des Helmes) a tout la coiffe tresparmi li trancha, Et le saffre dessous trestour li esmïa (TL, IX, 43) ; Bien fait son saffre en son chief bien fermer
NOTES SUR LE TEXTE
969
Qui tant est durs qu’on nel peut esgruner (G, VII, 281). Il est possible que le mot désigne tout simplement un hauberc saffré (3500, 5315, 5349, 8188, 9247). Il est à noter que le petit Lexique de Godefroy, augmenté par J. Bonnard et Am. Salmon, atteste saffre au sens de « panne, fourrure servant de doublure » (p. 471). 5339 Destiné à régler le sort d’une bataille, le champ malé fait s’opposer en combat singulier et à une date convenue les deux meilleurs guerriers de chaque camp. Le champ malé permet de limiter les pertes en vies humaines, mais donne surtout l’occasion au héros
de se distinguer.
Récurrent
dans
notre
chanson,
le
combat judiciaire se déroule toujours selon la même modalité, celle du « fameux holmgang » pour reprendre les mots de L (535). Le rituel scandinave du holmgang consistait en un duel sur une petite surface (appelée Holm), ici l’espace restreint d’une île. 5346 chauches : exemple de « palatalisation picarde » comme le pense C (voir Ch. Gossen, Grammaire de l’ancien Picard, p. 91 et sg.) ou faute par réminiscence de la première syllabe du mot, où la dorso-vélaire [k] en position initiale devant a a abouti régulièrement à ch ? On ne relève pas d’autres exemples de ce type de palatalisation dans le manuscrit. 5374 « Maillefer niés » : Butor est le neveu du roi Desramé,
le père de Rainouart, donc l’oncle de Maillefer. 5377-80 La proposition hypothétique antéposée « Se tu ne veulz ta folie lessier Et a noz Diex viegnes merci proier » est interrompue par l’incidente « Devant Mahom t'estuet agenoul” lier ». C’est pourquoi une seconde hypothétique, « S’ainssi nel - fez », employant le pronom neutre anaphorique le, précède la . principale « tu le comperras chier ! » 5397 « Que la crainte de mourir ne lui fera jamais commettre un acte de lâcheté ». 5405 « Trouvé vous ai deça » : Maillefer raille son adversaire : « je vous ai atteint de ce côté ! ». TL atteste bien le verbe trouver
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NOTES SUR LE TEXTE
au sens de « treffen » (X, 698). Trouver alterne avec taster et
sentir dans ce cliché formulaire : 5433 « Degça vous vois tastant », 9344 « Deça estes tastez », 13608 « Deça vous ai senti », 15790 « deça vous ai tasté », 15814 « deça vous ai sentu », 15833 « sentu vous ai deça ». 5417 i : forme réduite de il. Mais il n’est pas exclu d’y voir une faute par anticipation de n’i demoura. 5425 un tour : «une volte » ; il s’agit d’un tour françois (5430) : « dans cette évolution la monture éperonnée croise l'adversaire ; le cavalier lui fait faire demi-tour et revient sur ses pas » (Aliscans, éd. Régnier, p. 353). La figure semble être une spécialité de Rainouart (id., v. 7990). 5457-62 La Genèse ne fait évidemment pas mention de cet épisode au cours duquel le Serpent tente, en vain, de corrompre Adam ; Ève n’en apparaît que plus coupable. Le verbe semondre ou semonner est donné par G au sens d’ « inviter » (VII, 374) ; dans ce contexte, cette « invitation » prend la figure d’une tentation. G enregistre l'adjectif semoneor au sens de « qui invite, qui excite » (id., p. 374). Ni G, ni TL n’enregistrent le verbe
leçonner, très vraisemblablement dérivé de leçon ; ici, le sens semble être « inciter, pousser à » ; son sémantisme paraît proche de celui de semondre. 5531 « En faerie » : en pays de féerie, c’est-à-dire sur l’île d’Avalon. 5543 La teste ot grosse assez plus d’un sengler : plus loin, les Agriparz sont dépeints veluz conme cerf ou sengler (7052) et le farouche Corbon présente des dents lons plus c'un senglier sauvage (8127). Le sanglier peut néanmoins être connoté méliorativement : « Chevalier soies hardi conme sengler » lance Grebuede à Renier (8215).
NOTES SUR LE TEXTE
971
5550 piez bestournez, c’est-à-dire « orientés à l’envers » ; P. Bancourt note que le principe directeur du « monde à l’envers » est souvent exploité dans les descriptions de monstres épiques (op. cit., p. 82). 5552 C est tentée de corriger la leçon du ms : « la lezione singe ramez COnVince poco in quanto le unghie taglienti e affilate non sono proprie della scimmia, a cui tanto meno si addice l’attributo ramez, solitamente applicato al cervo (dalle corna ramose). Nè, per analoghe ragioni, mi è parso possibile un emendamento sengle (cengle) » (635). On peut s’étonner que C n’ait pas songé à rapprocher cette expression de ours ramez (7056) ou, mieux encore, de ours en ramier (5519) : un singe ramé est un singe « tenu en laisse ». On sait qu’il existait au Moyen Âge des montreurs d’ours et de singes savants. Ces animaux
sont associés
dans une
vignette des Ménageries,
un
manuscrit du XV° siècle (Paris, Arsenal, ms 5196, fol. 257) où on les voit s’ébattre, attachés à un piquet, dans le parc du duc de Berry. La référence au singe dans ce portrait « terrifique » de Corbon n’est pas surprenante : le singe passait au Moyen Âge
pour une créature diabolique (malin comme un singe) car il était capable de contrefaire (singer) les humains. On peut voir des singes sculptés sur les chapiteaux des colonnes de l’église SaintGermain l’Auxerrois à Paris. 5555 La maçue de Corbon est si lourde qu’ « un cheval attelé ne pourrait la déplacer » ; l’hyperbole souligne la force herculéenne du Sarrasin. 5594 lance sus feutre : « la lance appuyée sur la pièce feutrée fixée au plastron », c’est-à-dire « prête pour la charge », «en arrêt » ; l’expression est synonyme de lance bessie (16792, 1057, 19978). 5631-2 Aut est la P3 subjonctif présent d’aler : « je préfère * désormais mourir plutôt qu'être comme une pie qui s’envolerait en un autre lieu ».
972
NOTES SUR LE TEXTE
5751 On attendrait est venu. S’agirait-il d’une faute par réminiscence d’A ce port ? C’est peu probable car on relève La dehors a venu .I. bacheler au vers 12894. Et CI. Buridant nous apprend que « certains verbes peuvent être employés, soit avec avoir, soit avec estre, au passé composé [...], particulièrement les verbes de mouvement » (op. cit., p. 372). Et de citer un vers de Rutebeuf : Tant a venu de la gent (id., p. 374). Toutefois cet exemple n’est guère probant car a y apparaît moins comme l’auxiliaire de venir que comme un a impersonnel (« il y a »), ce que confirme d’ailleurs la traduction proposée par CI. Buridant : « Il est tellement venu de gens ». À ce port a venu .I. soudoier est donc à traduire littéralement : « Il est venu à ce port un mercenaire ». On notera que le tour À ce port a / venu .I soudoier s’accommode mieux de la césure que le tour À ce port est / venu .I. soudoier. 5761 Curieux et cruel manège de Murgalet : que lui importe que sa maîtresse aime Renier du cuer sanz fausseté (5790) ? Serait-ce Renier qui lui aurait suggéré de mettre à l’épreuve la fidélité d’Ydoine ? 5783 geüst est la P3 du subjonctif imparfait de gesir, « être couché ».
5815 Ydoine ne peut pas manifester publiquement son affection pour Renier, car elle n’est encore qu’une païenne. 5821 plaig : à corriger par plaifn]g comme le fait C ? Il pourrait s’agir d’une simple omission de la barre d’abréviation. Mais le radical de la P1 est peut-être refait sur celui des personnes faibles (plaignons, plaignez). On relève une forme similaire au vers 16477. 5878 À la différence de Guibourc, qui s’appelait Orable avant son baptême.
NOTES SUR LE TEXTE
973
5909 Le passage du discours indirect au discours direct n’est pas nettement marqué ; mais c’est souvent le cas dans les textes médiévaux. 5933 « Il ne vous épargnera rien ». 6016 La locution adverbiale a une avivee, hapax ignoré des dictionnaires, doit-elle être rapprochée du substantif avivement enregistré par G (« excitation, aiguillon ») et que TL atteste au sens, fort différent, d’« Erhôhung, Steigerung » (« augmentation, accroissement ») ? Cela ne paraît guère pertinent. C, qui croit lire aiunee, corrige cette expression obscure par a une aünee, pour laquelle elle donne le sens d’« insieme » (« ensemble ») ; l’ex-
pression est proche de touz a une hiee (11148, 12455) et touz a une huee (2161, 4390, 8890).
6052 quar nes .I. n’en adeingne : « car il n’a aucun égard pour ses adversaires » ; C avait corrigé en n’en ateingne. 6080 jorra : P3 du futur simple de joir. 6165 C referme les guillemets après se il est mes vivant, mais il est évident que le jongleur reprend la parole dès Diex, par ta grace (6163) car Gyrart ignore que Renier est à la recherche de - son père ; le héros, on le sait, s’est bien gardé de révéler qu'il était un rrouvé | : 6207 Ydoine ne manifeste aucune tendresse à l’égard de son père. « D’une façon générale les liens du sang n’arrêtent pas le zèle furieux des Sarrasins devenus chrétiens » note P. Bancourt (opxéit. \p#551): 6221 De manière fort surprenante, personne n’a décelé l’hypométrie du vers. 6225 dont : forme « relativement peu répandule] » selon CI. Buridant de doint, P3 du subjonctif présent de doner (op. cit. p. 283). 6250 L’adverbe si, employé derrière un premier impératif, sert à renforcer l’injonction ; la séquence venez, si + impératif est à _ rapprocher de alez, si + impératif, très fréquente dans les
974
NOTES SUR LE TEXTE
chansons de geste comme:le fait remarquer CI. Buridant (op. cit., p. 624). 6263 La leçon du ms est très suspecte : ussier Signifie « portier » (12219) ; C corrige a l’ussier par al vis fier ; cette correction ne nous convainc pas. 6313 Taions : Grebuede n’est pas le « grand-oncle » de Renier, mais le pere sa mere (6314) ; G précise que raion peut aussi référer à l’aïeul (VIII, 628). TL ne donne d’ailleurs pour faion que le sens de Groâvater (X, 50). Rien d’étonnant, donc, à ce que Renier soit partout désigné comme le neveu de Grebuede (6502, 6506, 6533, 6537, 6555 etc.), c’est-à-dire comme son « petitfils ». 6332 « Jetez l’ancre jusqu’à ce que la mer redevienne calme ».
6351 Gerbuedes : le copiste a vraisemblablement mal développé le signe abréviatif ‘ qui peut noter er ou re ; c’est la première apparition de Grebuede dans la chanson. 6352 Le ms donne un hypomètre ; à défaut de pouvoir estimer l’effectif des chevaliers qui accompagnent Grebuede, nous corrigeons .XX."' mais .XX. homes eût pu convenir, même si le poète ne nous a pas habituée à pareille sobriété numérique... 6380 J. Morawski enregistre ce proverbe sous la forme Qui glouton haste, estrangler le veut (op. cit., p. 71, n° 1956). M. Tyssens, qui remarque l’emploi répété de proverbes dans Gadifer, considère le procédé comme « étranger au style épique » (« La Composition du Moniage Rainouart », p. 592). 6465 Il n’est nulle part fait mention que Florentine ait envoyé un messager à son père ; ce genre de « péripéties rétroactives » est monnaie courante dans notre chanson. 6479-80 Florentine n’avait pas révélé à Renier, au cours de leurs entrevues, que son premier-né avait été enlevé : « N'avons nul filz, dont moult nous puet peser » avait-elle simplement déclaré (4005). Le trouble de Renier au récit de Grebuede est donc compréhensible.
NOTES SUR LE TEXTE
975
6496 Le sens de marchist n’est pas sans ambiguïté : TL enregistre le verbe marchir sous deux vedettes distinctes ; le premier marchir est une réfection de marchier, « fouler aux pieds », et signifie « im Kampf niederschlagen » ; le second marchir est dérivé de marche (« frontière ») et signifie « angrenzen » (V, 1144). Même si le second sens est séduisant (le vers constituerait un indice pour localiser l’île mystérieuse sur laquelle règne Grebuede), il semble toutefois que ce soit bien le premier qui prévale dans l’esprit du poète ; on lit un peu plus loin : Le roy Grebuedes a Renier raconta [..] de Pierrus conme il le guerroia (6505-7). 6497-503 Les griefs
de Grebuede envers Pierrus restent allusifs, quoique mortels ; cela suffit toutefois à expliquer pourquoi Grebuede s’allie à Renier pour aider Baudouïn à reconquérir le trône de Grèce. 6515 Le ms donne qui, et non que comme l’imprime C ; mais il paraît pertinent de rectifier en que ; il est possible que le copiste ait confondu
voier
(« conduire,
guider ») avec
veoir
(« voir » ; la forme analogique voier est attestée). 6580-1 « A sa réaction je verrai bien si je suis son fils, elle ne pourra le cacher ». 6587 « Nature ne puet mentir » dit un proverbe médiéval... (J. Morawski, op. cit., p. 48, n° 1347). 6650 Accord du participe passé avec le substantif le plus proche (même tournure au vers 11142). 6722 « Les poètes épiques, note P. Bancourt, rencontrent un trait de la civilisation musulmane en attribuant aux Sarrasins la pratique des arts divinatoires, effectivement très répandue dans le monde islamique médiéval » (op. cit., p. 464). Comme Otran de Limes, Gonsent, à la nuit tombée, lit dans les astres le cours de
l'Histoire (11136). P. Bancourt rappelle que l’astrologie était une discipline du Quadrivium (op. cit., p. 608).
976
NOTES
SUR LE TEXTE
6801 Avec quel auxiliaire compléter cette proposition ? C imprime : Tant [sont] alé ; nous préférons corriger en [ont] alé
sur le modèle des vers 12868 Tant ont alé vax et mons chevauchant et 16563 Tant ont alé au vent qu'il orent grant. 6805 Le nom de Marbrien comporte le préfixe mar- « qui révèle à la fois la menace proche du péril sarrasin et l’espoir de châtier les agresseurs » (J. Dufournet, art. cit., p. 94). 6818 roy Briens : il s’agit bien évidemment de Marbrien ; on peut s’étonner que C ne corrige pas. 6837 Renier rêve lui aussi d’un ours sauvage qui [le] vout
engouler (19790), transparente prémonition de l’embuscade tendue par Corsabrin. L’ours, dont l’auteur souligne la féroce et bruyante bestialité, est toujours associé à la paiennie : les Kaneliex braient con font ours en ramier (4401) ou aussi c'ours en landon (4445) ; Butor brait conm'un ours en ramier (5519) ; Corbon, dont les doigts sont griffus comme les pattes d’un ours (7056), n’a pas de mal à se métamorphoser en un ours qui bruit et crie (8438).
6849 Le gryphon est un animal fabuleux qui mêle les caractéristiques du lion. (corps) à celles de l’aigle (serres, ailes, tête).
« Mais c’est un animal instable, observe J. Dufournet, qui présente beaucoup de variantes, liées souvent aux besoins de la décoration. Fréquemment,
il porte des oreilles de chat, et, aux
pattes de devant, des serres d’aigle. Ici, il s'achève en serpent, portant écailles, poils et plumes ; là, proche du dragon, il n’a pas de pattes de derrière ; ailleurs, c’est un quadrupède avec bec crochu et ailerons » (op. cit., p. 97). Dans notre chanson, cette
chimère est toujours présentée comme terrifiante : le monstrueux Tabardin arbore des griffes trop plus trenchans que griphon parcreüs (8918) et les Sarrasins fuient Renier con fust gryphon volage (12486). 6883 Salabron : peut-être une mélecture pour Salabrun ; c’est ici la première apparition d’un personnage promis à une singu-
NOTES SUR LE TEXTE
977
lière destinée, à tel point que nous avons longtemps douté qu’il s'agisse du même : dans ce passage, Salabrun semble être le geôlier de Marbrien. Un peu plus loin, devenu roi (7370), il est envoyé en renfort à Morimont par Butor (7372) ; il se distingue aux côtés de Corbon lors de la bataille, mais s’éclipse lors de la déroute sarrasine (8592). Nous le retrouvons seigneur de Roche Foraine ; ravisseur d’Ydoine, il n’est que tardivement identifié et lorsque son armée est défaite par Renier, il prend à nouveau lâchement la fuite (13161, 13167). Le personnage est amené à réapparaître, comme l’annonce le jongleur : Par li sera li quens Bertran grevez (13164). En effet, le roi turc de .IIII. royautez (14256) n'hésite pas à se convertir (14255, 14302) pour devenir le conseiller de Bertran (14259), rappelant en cela le non moins
fourbe Piecolet qui, comme lui, par paour ot sa foy relenquie (14627). Ayant acquis la confiance de Bertran, Salabrun le livre
à Marbrien dans l’espoir de recouvrer sa terre et son royon (14644). Mais lorsque Bertran comprend qu’il a été trahi, il pourfend d’un coup d’épée Salabrun, qui avait en vain tenté de fuir (14728). Après sa mort, le poète nous révèle que Salabrun était le frère de Grandoce (18074). 6929 Cliché épique qu’on trouve déjà, sous une forme différente, dans le Roland : « Gesir porrum
el burc de seint
Denise » promet Margarit à Marsile (éd. Segre, v. 973). 6947 Decipler ou descipler est de traduction délicate : il est présenté par les dictionnaires comme dérivé du substantif deceplie : ou descepline : « (kürperliche) Züchtigung, Strafgericht » pour . TL (3, 1490). Doublet de descepliner, il est attesté au sens « zächtigen, ein Strafgericht vollziehen, martern » (id., 1492). Il n’est pas impossible, toutefois, que le sémantisme de decipler ait subi l’influence de son quasi-homonyme deciper, quelquefois . graphié desciper (du latin dissipare), enregistré par G au sens de « saisir, enlever » (2, 444) et de « détruire » (id., 556 ; TL donne le substantif féminin decipaille au sens de « Gemetzel », cf. 3,
978
NOTES SUR LE TEXTE
1252) et B note : « offensichtlich sind die Familien von dissipare und von disciplina hier kollidiert » (192). Notre auteur paraît employer deciper au sens d’« anéantir en dispersant » : selon le contexte, le verbe semble pouvoir signifier « écarteler » (18896 À chevaus est le sien cors deciplé ; voir aussi les vers 6957, 12562,
14843,
14857,
17832,
19606)
ou
« tailler en pièces,
massacrer » (14298 Se Diex n’en pensse, tout sera deciplez !, 16272 de paiens occis et desciplez). 6991 Le démonstratif ci! fonctionne comme un pronom de rappel pour un soudoier qui est de France nez (6987), le sujet de la complétive conjonctive pure interrompue par une longue incidente (6988-90).
7011 C reproduit la leçon du ms, mais se garde bien d’élucider le sens du mot estris dans ce contexte ; nous avons corrigé en
sains et vis Sur le modèle de sains et vis (10886, 5231) ou sain et vis (10871, 18909) ; ce groupe binaire alterne avec sain et puissant (8746), sains et vivant (9722), sain et entier (9947), sain et en vie (12278) et sain et sauf (16064).
7028 J. Morawski enregistre une variante de ce proberbe : Un Jjor de respit cent souz vault (op. cit., p. 89, n° 2451). 7131 Mt, qui a remarqué l’hypométrie du vers, propose de compléter le second hémistiche par /il] li ; mais la tournure nous semble artificielle, le poète n’opérant jamais de reprise pronominale dans ce contexte
(1625,
1644, 3769,
5972,
6336 etc.) ;
correction sur le modèle de 4164 et 4166. 7175 Tournure optative au subjonctif imparfait introduite par « l’adverbe
d’insistance » quar qui « donne
de la vivacité à
l’exclamation » : « Ah ! si seulement Loquiferne était... » (Ph. Ménard, op. cit., p. 147). 7184 Le vers donné par le ms, quoique cohérent, ne rime pas ; il est curieux que personne n’ait songé à corriger ; correction sur le modèle du vers 7170.
NOTES
SUR LE TEXTE
979
7222 C corrige praé en preerat, car elle a cru lire perat (il est vrai que, dans le ms, le r de praé, par son curieux tracé, rappelle la ligature &). La correction est jugée « très improbable » par L (538). 7236 Un bougon est une « grosse flèche, gros trait d’arbalète, assez semblable au matras, et dont l’extrémité se terminait par une tête » (G, I, 699). La leçon est suspecte pour A : « as though it were intended for boug(r)on, an oblique case of bougres » (103). L note : « de bougon n’est pas le complément de merrien, comme semble le suggérer [C], c’est plutôt un complément à valeur adverbiale « en façon de trait, en guise de trait, comme un trait », mais de toute façon l’expression est étrange » (538). TL cite la comparaison : « li chevaus lança com bougons » (I, 1100). Il est également possible que bougon désignât, par métonymie, le fer fixé à l’extrémité du merrien : « Celui que le javelot frappe de son extrémité ». 7270 Nous hésitons à corriger en o sa grant baronnie ; une faute par réminiscence de en mer n’est pas à exclure. 7308 L marque son étonnement : « atrosnee ? » (538). Mt commente : « atrosnee est la leçon du Ms malgré le doute de Z, mais à corriger atornee ? » (51). On attendrait plutôt galye aprestee (5030, 8885, 9472, 19238). Le verbe arrosner est en effet inconnu des dictionnaires ; peut-être s’agit-il d’un dérivé de
trosner, « peser » (trone = poids) ? Atrosnee pourrait signifier « chargée (du nécessaire) » ? 7343 trop demourer porra : «il est à craindre qu’il tarde trop ». Ph. Ménard fait remarquer que pooir « s'emploie à côté de l’adverbe trop pour atténuer une affirmation » (op. cit. p. 135). Cette atténuation se justifie doublement ici : par l’emploi du futur d’une part (l’avenir comporte nécessairement une part d’incertitude), par l’antéposition d’une subordonnée hypothétique d’autre part (la réalisation du procés est ainsi soumise à une condition : se Diex n’en pensse). La tournure est attestée en
980
NOTES
SUR LE TEXTE
d’autres endroits : 10717 « Trop poons demourer ! », 11281 « Trop longuement pouez bien demourer », 14460 « Trop demourer pourrez », 17678 « Trop pouez demourrer ». 7366 pors : C avait lu païs. L, sans recourir au Ms, avait décelé la mélecture : « lire peut-être pors, conformément à une légende bien connue sur la mort de Mahomet » (538). Dans sa thèse sur les Musulmans dans les Chansons de Geste du Cycle du Roi, P. Bancourt consacre un long chapitre à cette légende « édifiée dans une intention polémique dès le IX° siècle par les chrétiens d'Orient » et dont les chansons de geste n’ont « recueilli que des bribes » (pp. 367-8). Dans le Couronnement de Louis, Guillaume, répliquant aux provocations des Sarrasins, affirme que le prophète Mahomet, de passage à la Mecque, but plus que de raison et se fit dévorer par des porcs (éd. Langlois, vv. 851-2). E. Langlois note que cette légende apparaît également dans les Narbonnais, le Siège de Narbonne, le Bastart de Bouillon ainsi que Gaufrey (id., p. 154). P. Bancourt ajoute à cette liste déjà longue Floovant et Aiol (op. cit., pp. 370-1). 7396-7 Quoique le propos soit simple, la syntaxe est complexe : « même s’il a été capable de concevoir de grands méfaits, l’homme qui me les apprendra sera mon ami ». 7458 Le poème abonde en songes prémonitoires dont les personnages s'efforcent de dégager la senefiance : comme dans le rêve de Maillefer (9787), Renier est figuré ici sous la sem-
blance d’un dragon protecteur. Ce n’est donc pas un hasard si on voit plus loin Renier arborer un dragon cresté pour enseigne (18762). Néanmoins, la symbolique du dragon est, à l’instar de celle du lion, extrêmement ambiguë : le songe de Bertran met en scène un dragon destructeur (18172). On pourra se reporter au chapitre que J. Dufournet consacre au dragon dans ses Cours sur la Chanson de Roland : « il est l’agent de la tentation et de la damnation, l’animal démoniaque par excellence » (p. 106).
NOTES
SUR LE TEXTE
981
7515 Le quantificateur de totalité touz est renforcé par le pronom indéfini chescun, de sens distributif, qui dissocie et singularise les éléments d’un ensemble, en l'occurence : touz ses homes. 7557 Il manque un vers, lequel contenait le premier élément de l'alternative dont Renier est le second. Au regard du contexte, cela ne peut être que Maillefer. Mr propose de compléter par roy Maillefer
qui est tant demourant
(52). Nous
préférons
une
formule plus « passe-partout » sur le modèle de 5428 : Le sien chier pere, qui moult ot hardement. 7567 C corrige en puli]s. C’est pécher contre la logique : le procès exprimé par fendant est simultané à celui exprimé par ateignant ; nous corrigeons plus sur le modèle d’autres tournures intégrant une unité de mesure : 732 plus d’un arpent, 4482 plus d’une lieue, 8995 plus d’une arbalestee, 10752 plus de .XV. piez, 13605 Plus i entra de .I. doie et demie. 7846 Redire n’est pas à traduire par « dire à nouveau » (car Renier n’a jamais révélé son identité à Florentine) mais par « dire pour sa part ». Florentine, qui a répondu aux questions de Renier (7844), attend que celui-ci lui rende la pareille. 7896 ce vous creant : « croyez-le », « soyez-en convaincu ». 7904 Nous amerai : nous est l’enclise de ne et vous (voir note
3991). 7911 « Se g'en devoie mourir » : « dussé-je mourir » ; la conjonction hypothétique se suivie du subjonctif peut exprimer la . concession hypothétique et prend le sens de « même si » (CI. Buridant, op. cit., p. 671). 7922 Gyrart : C ne corrige pas cet évident lapsus ; on observe la même confusion au vers 9605 ; celle-ci a peut-être pour origine une abréviation mal résolue. 7930-2 « Je voudrais bien que ce que vous dites soit vrai, mais - vous avez déclaré. » |
982
NOTES SUR LE TEXTE
7981 « Pour quelle raison Renier l’avait interrogée au sujet de son fils ». 7994 sera : il s’agit de la forme picarde de la P1 du futur d’estre. 8107 « La peur de la honte ne l’eût pas retenu, il se serait enfui. » 8111 Narrastera : la faute est assez similaire à celle du vers 64417. 8413 Décalage entre la syntaxe et la coupe du vers ; la désinence PS du futur II (-riez) est toujours disyllabique dans le ms : 1897 porriez, 4815 avriez, 5247 seriez, 10361 verriez, 17754 prendriez. 8421 ne puet muer n'en rie : « elle ne peut s'empêcher d’en rire. » 8460 loie : il s’agit bien du verbe /oier « lier », dont TL atteste l'emploi au sens de « stocken » dans l’expression la langue me loie (V, 466). Il faut comprendre : « qu’il ne peut plus respirer ».
8513-4 « Le païen a retrouvé son apparence initiale ». 8523 La confusion denz/ deuz se reproduit au vers 10848 (C ne songe pas à corriger et imprime un cocasse maugré ses denz !) ; ce blasphème est traditionnel dans les joutes verbales que se livrent païens et chrétiens : 5438 maugré vos deuz le ravrai maintenant lance Butor à Maillefer ; au vers 10848, c’est au jongleur de railler Estorgant qui maugré ses deuz est tombé à genoux devant Renier. 8571 « Il s’est aussitôt relevé car il craint de mourir ». 8631 « Conment vous est » : « comment allez-vous ? » 8647 Le personnage de Guichart, mentionné lors du baptême de Gracïenne, n’a plus été évoqué depuis lors : on s’étonne que l’auteur n'ait pas jugé nécessaire de nous signaler sa participation à l’expédition de Maillefer. 8677 Le verbe demener, « manifester un sentiment », impose
une complémentation (184 grant joie en demena, 328 grant duel
NOTES SUR LE TEXTE
983
en demena, 3878 grant dolor demena), absente ici ; il s’agit sans doute là d’une confusion avec le verbe (soi) dementer, « se lamenter, gémir ». 8712 « Si cela vous agrée, vous vous fiancerez avec ma fille ; je serai ainsi davantage assurée que vous mettrez une grande hâte à revenir. » 8815 On peut hésiter à corriger quar sur le modèle de quar mestier en ai grant (1396, 4738), quar mestier en est grant (11546), quar j'en ai grant mestier (13939), quar grant mestier en a (16757). , 8868 noviax chevaliers : il s’agit des marchands gênois, fraîchement adoubés (8773-80). 8873 La conjonction que semble introduire une complétive ; mais soi appareillier (« se préparer ») n’accepte pas ce type de construction. La proposition introduite par que est une simple circonstancielle ; l’emploi du futur indique que nous avons affaire à une consécutive : « de telle manière qu’il le secourra ». 8879 « A vous que monte ? » : « que vous importe ? » 8968-9 Correction sur le modèle des vers 1255-6 : Tel destinee ot Renier vraiement Des gentis fees qui furent au nessant. 8993-4 Nous avons interverti ces deux vers car la syntaxe manquait de cohérence : les participes passés fete et maçonnee se rapportent à la tour (8992). 8922 Le siecle fine : « c’est la fin du monde ».
8998-4 Comme en témoigne la description de l’inexpugnable forteresse des pirates, le mécanisme d’un pont tourneïs est assez complexe : « le pont mobile qui défendait l’entrée des châteaux, explique S. Lefevre, [...] fut qualifié de tournant parce qu'il pivotait ou basculait vers le haut ou vers le bas, au moyen de contrepoids et autour d’un axe horizontal [....] Le système dans son ensemble était long comme deux fois la partie qui servait à passer le fossé. L’autre partie était invisible car engagée sous la porte elle-même, dans les fondations de l’édifice. » Lorsque
984
NOTES SUR LE TEXTE
Grymbert parvient à la forteresse, Rohart commence par lui ouvrir la porte avant de relever le pont (9049-52). Le vers 9003 indique que la forteresse est pourvue d’une porte coulissante : « ce système de fermeture permettait de séparer rapidement les assiégés ayant tenté une sortie et se repliant des attaquants qui pouvaient les poursuivre jusqu’à l’intérieur » (art. cit., p. 1503). La cité de Loquiferne est elle aussi pourvue d’une grant porte coulice que les Sarrasins referment en rompant la corde qui la maintient levée (11716-7). 9002 La leçon du ms, pont par jour, paraît suspecte à L ; « pont est la leçon du Ms malgré le doute de L, mais le sens ? » note Mt (52). Il est probable que la leçon soit corrompue : le participe passé ouvree appelle un sujet de genre féminin. 9027-30 Les noms pittoresques dont le poète affuble sept de ses quarante voleurs sont volontairement suggestifs : le nom de Noiron évoque l'adjectif noïron « noir », allusion, sans doute, au teint olivâtre du pirate et à la noirceur de son âme... La sonorité
de Morgaire se rapproche de celle de l’adjectif morgueur « qui a de la morgue, arrogant ». Certains noms apparaissent comme de véritables sobriquets comme Maltirant (« qui tend à mal ») ou Malvoillant (« malveillant, animé de mauvaises intentions »). Au vers 9409, le poète ajoute à cette inquiétante galerie un certain Malcuidans (« qui nourrit de mauvaises pensées »).
9041 Deillars : faute similaire à l’initiale des vers 9304, 9388 et 9415. 9099 Le ms donne fors ; mais sors apparaît plus satisfaisant pour le rythme comme pour le sens (en dépit des fors karmins du vers 9953) ; la confusion entre les graphèmes s et f n’est pas un fait isolé dans le ms. 9199-200 L'emploi de l’imparfait de l'indicatif est incongru dans ce contexte ; on attendrait un passé simple ; maïs la laisse est en -oif.….
NOTES SUR LE TEXTE
985
9254 Le subjonctif confère à cette subordonnée relative une valeur optative. 9276 conment qu'il voist prenant : « quoi qu’il puisse advemir»; tournure impersonnelle introduite par une locution conjonctive à valeur concessive, exact synonyme de conment qu'il doie aler. 9287 « Et je vous telement » : « Et moi de même ». 9342 H note : « some of us have long suspected that the vuit bu(c), where one can be wounded with minor consequences, designated the fleshy tissue above the hips » (102). H s'appuie en particulier sur le passage suivant : Enz el vuit bu le navra malement, Mes Damedieu va li dansiaus tenssant Qu'il es boiax ne l’empira noiant (15887-9). Mt note pour sa part : « vuit bu = « faux du corps » (L) ; FEW [XIV], 590a vuitbu « thorax » qui
reprend Gdf [VII], 317b » (55). 9383 Faut-il attribuer la majuscule à Martin ? Sur ce point, TL et G, comme nombre d’éditeurs, ne s’accordent pas : TL enregistre Martin comme un nom propre. Pour G, martin est un nom commun, déformation possible de matiere ; c’est pour lui une « idée » ou « un projet » (il donne quelques exemples dans lesquels martin n’est pas employé dans un tour figé). Les expressions chanter, parler, plaidier d'autre martin sont traduites par « changer de ton, baisser de ton, rabattre son caquet » (V, 188), sens couramment admis par les éditeurs. Mais ceci ne permet pas d’expliquer comment a pu exister, parallèlement à : chanter d'autre martin, l’expression parler d'autre Bernart, . attestée par TL et qu’on relève, entre autres, dans Berenger au lonc cul : « vous parleroiz d'autre Bernart » (Chevalerie et Grivoiserie, Fabliaux de Chevalerie, publiés par J.-L. Leclanche, . Paris, Champion, 2003, p. 94, v. 214). Cette expression serait-elle - une variante de la première, Bernart ayant été substitué à Martin,
‘pris pour un nom propre ? Dans son article « Parler d’autre Martin » (Travaux de Linguistique et de Philologie, XXVIT,
986
NOTES SUR LE TEXTE
1999), G. Roques retient l'hypothèse selon laquelle Martin, nom propre très courant, a pu être employé pour désigner « le premier venu, n'importe qui » (id., p. 109) et propose de traduire parler d'autre Martin par « sè comporter d’une façon différente » (id., p. 113), ce qui est plausible dans le contexte de notre phrase. Selon lui, si Bernard a pu se substituer à Martin, c’est parce que « Bernard est un autre Martin » (id., p. 115).
9439 Sorbrin : «il est possible que les noms construits avec sor- (issu de la racine germanique
sarrasins « saur »)
signifiant en ancien français « fauve, châtain, foncé » [..] évoquent [...], dans la pensée du trouvère et de son public, une
idée de noirceur » observe P. Bancourt (op. cit., p. 46). 9475 On peut s’étonner que personne n'ait détecté la faute ; correction sur le modèle du vers 6139 : Touz serons morz, nus n'en eschapera. 9481 rachaça : C imprime rachata, ce qui inspire à L la remarque suivante : « rachater, au sens de « rassembler, ramener », n’est pas au lexique ; l'exemple est pourtant intéressant » (539). Mais Mf, comme nous, lit bien rachaça (48).
9582 doi : s'agit-il de la P1 de l’indicatif présent ou du passé simple de devoir ? Un paradigme refait sur le modèle du passé simple d’avoir est attesté dorent).
dans
notre
manuscrit
(P3 dot, P6
9601-4 Cette phrase est particulièrement alambiquée : « Dieu m’a manifesté sa grande affection lorsqu’à Morimont, au moment où nous devions nous mettre en route, il me poussa à refuser la proposition de ma mère qui voulait me faire épouser celle qui, comme je peux bien le prouver, est ma sœur germaine ». 9635 Malgré l'absence d’incise indiquant un changement d’énonciateur, il semblerait que ce soit Grymbert, et non Renier
comme le pense C, qui prononce cette parole. On a vu un peu plus haut Grymbert lui offrir ses services (9622-7). Et on comprend mal pourquoi Renier promettrait à Grymbert, qu’il
NOTES SUR LE TEXTE
987
vient de gracier, de réaliser toutes ses volontés ! Ne s’est-il pas déjà engagé à laisser la vie sauve à son ravisseur ? Le vers suivant, « Or vous dirai conment vous le ferez », apparaît clairement comme une réponse de Renier à la proposition de Grymbert. 9647 La conjonction que revêt ici un sens causal. 9669 La correction proposée par C, qui intervient en deux endroit du vers, n’apparaît pas pleinement satisfaisante ; il est possible qu’un vers fasse défaut. 9692 desconforter : graphie pour desconfortez. 9718 « De ce ne m'est noiant » : « peu m'importe ». 9800 À bien vendra : « la situation tournera à notre avantage ». 9829-31 Cette description fait écho à celle que l’auteur donnait de l’armée de Maillefer débarquant à Loquiferne : À blanches armes s'ot chescun bon destrier, À crois vermeilles sont les hiaumes d'acier Et leurs escuz et li penoncel chier (4351-3). 9842 Quel sens donner à jaullier, qui semble être l’épithète de vallet ? Il est possible qu’il s’agisse d’une réfection du substantif
jaiolier (« geôlier ») enregistré par TL (IV, 1545). À moins qu’il ne faille y voir une graphie pour gallier « mauvais plaisant » (G, IV, 210). Mais il est aussi envisageable de rapprocher jaullier du substantif jallier, jallyer, attesté par G au sens de « bâton » (IV, 629). Un vallet jaullier serait ainsi chargé de donner la bastonnade aux prisonniers... interprétation évidemment corroborée par la suite du texte ! 9905 Le substantif redor (également employé au vers 13481) est enregistré par ZL sous la forme rador ; il signifie à l’origine « Strômung » (« courant », en parlant de l’eau) ; employé dans des locutions adverbiales, il prend le sens de « Schnelligkeit, Ungestüm » (VIII, 156). . 9912-5 L fait remarquer que le mot quapitaus désigne « une salle de tribunal, un lieu de justice [ou l’en tenoit touz les plez generaus] situé sur le marché [li marchiez ingaus] de la ville
988
NOTES SUR LE TEXTE
sarrasine de Baudune, à côté des changes [li changes seignoraus] ; le mot est à rapprocher du chapitel relevé par Godefroy . au sens de « auvent », mais dont les sens ont dû être plus variés » (539)
9913 C invente une diérèse sur milieu pour rétablir le mètre. L note que « la scansion de milieu par trois syllabes est impossible, le vers est faux » (539). Milieu compte toujours pour deux syllabes (10161, 14850, 15748). Mr propose de « supprimer le tréma et corriger [enz] (ou [ef]) el milieu » (45). Nous complétons
avec enz sur le modèle de 14850 en raison de l’extrême fréquence de la locution prépositionnelle « redondante » enz el dans le ms : 721 enz el pré verdoiant, 822 enz el belfroy, 1406 enz el palés listé etc. 9933 Nous quarantisme : « nous (étant) quarantième », « avec une trentaine de personnes ». CI. Buridant note que l’ordinal peut s’employer « avec un pronom régime tonique ayant la fonction logique de sujet pour marquer l’accompagnement en formant une construction absolue héritée de l’ablatif absolu latin se tertio, se quinto etc. » (op. cit., p. 227). 9989 De Maillefer con li est couvenant : « comment se porte Maillefer ». 9993 La tour roujoiant : périphrase pour désigner la tour de Baudune. Lorsque Renier et Grebuede abordent à Baudune, le poète précise que de rouges pierres sont tuit li pavement (9733). 9998 Le motif du déguisement est peut-être une réminiscence de la Prise d'Orange : pour pouvoir s’introduire dans le palais d'Aragon, Guillaume, Guillebert et Guïelin se couvrent le corps d’un enduit noir. Comme Renier et Grymbert, ils se font passer pour des messagers (de Tibaut, en l’occurrence) et se frottent à un portier peu amène (éd. Régnier, XIV-V). 10017 Il est curieux de retrouver le vieux roi Rubÿon à Baudune : après sa défaite à Morimont face à Renier (3821), on l’a vu rejoindre Butor à Loquiferne (6701). Ici, il semblerait qu’il
NOTES SUR LE TEXTE
989
assure la garde de la forteresse de Baudune : au vers 10702, on le voit en effet mener l’assaut contre Renier. 10055 alissons : forme régulière de la P4 de l’imparfait du subjonctif du verbe aler caractérisée, à l’instar des verbes du _ premier groupe, par la présence du suffixe -iss aux personnes 4 et 5 (7561 doutissons, 9769 atargissiez). 10092 On notera l’emploi du pronom relatif qui lorsque l’antécédent est un nom de ville. 10112 II faut pratiquer la césure après ge : Pour ce vous di ge / mon cuer et mon penssé : « ge est atone » observe Mf (54). Cette particularité a été également relevée par L (540) au vers 15775 : Butor occis ge / dont vous m'avez parlé. 10155
C corrige bien hâtivement duit en drut ; duit est le
participe passé, ici adjectivé, du verbe duire que TL enregistre au sens
de
« ziehen,
streichen »
(IL, 2097).
TL
cite plusieurs
exemples où le verbe est employé pour parler des branches d’un arbre : « Einsi estoient li raim duit Que vers terre pandoient tuit », « les branches mener et duire », « les branches [...] qui sagement duites estoient » (ibid.). Dans notre texte, bien duit
pourrait être traduit par : « dont les branches sont disposées de manière régulière », « aux branches harmonieusement disposées » ; le sens paraît très proche de celui de compassé. 10170 Tables dormans : C transcrit tables d'ormaus et traduit « panche di orno » ! « Je ne crois pas, commente ZL, que l’orme ait jamais été d’un grand usage en ébénisterie ; de toute façon, il faut lire ici tables dormans, c’est-à-dire « tables installées à poste fixe, tables que l’on ne monte pas à chaque repas pour les démonter, le repas terminé » (ce qui était l’usage au Moyen Âge, au moins dans les romans) ; le Tobler-Lommatzsch donne quelques exemples de l’expression » (539). Les rables dormans s’opposent aux frestres dont il est question au vers 13119. A : l'appui de la lecture de Z, précisons que ces tables, dont l’auteur
990
NOTES SUR LE TEXTE
nous dit qu’elles sont de marbre bien ouvré, étaient sans doute bien difficiles à déplacer. 10206 « Il ne pensait qu’à s'emparer du palais ». 10239 estera : futur analogique d’estre (et non d’ester) formé sur la base de l’infinitif roman estr- avec insertion d’un e svarabhaktique (G. Joly, op. cit., p. 172). 10273 Ça .XX., ça .XXX. : « par vingt ou trente » ; « ça répété peut indiquer la distribution spatiale ou non » (CL Buridant, op. cit., p. 534).
10317 mace aceree : il faudrait peut-être corriger hache aceree ; c’est Renier qui s'empare de la mace quaree mentionnée au vers 10299 ; Grymbert, lui, se contente du fauxart dont l’alemele iert lee évoqué au vers 10298, que l’auteur décrit plus bas comme une grant hache (10338). 10319 Desarmez sont : ils ne portent pas d’armure. Un peu plus loin, on voit Renier s'inquiéter car il avoit le chief tout desarmé (10354).
10322 Renier se place dos au mur de manière à ce que personne ne puisse surgir derrière lui et le surprendre. 10361 Le démonstratif ces ne détermine qu’un substantif au pluriel, ce qui n’est pas le cas de palés (pour autant que nous puissions le déterminer grâce au participe passé) ; il serait sans doute pertinent de corriger en cest. 10367 la monte : nous hésitons à corriger le monte sur le modèle de 5613, 10347 et 16329 ; pour les dictionnaires, monte est féminin. 10380 a brandon : cette locution adverbiale, qui n’est enregistrée ni par TL ni par G, signifie vraisemblablement « à grands flots, en abondance » et apparaît comme un synonyme d’a ruis (7966) et d’a grant ruis (3704, 6133, 15890). Elle apparaît dans un contexte similaire au vers 11952 : À grant brandon le cler sanc
en
issi. Le
sens
usuel
de brandon
est « torche,
tison,
faisceau de paille enflammé » (G, VIII, 367). Mais TL atteste
NOTES SUR LE TEXTE
991
également le mot au sens de « Fetzen, Stick » dans l’Histoire de Guillaume le Maréchal : E uns brandons de sanc li vole Fegié del nies e de la boche (I, 1123). Il nous semble toutefois que la traduction « filet, flot de sang » serait mieux appropriée. Le glissement sémantique de « tison » à « flot » est difficilement explicable et le Franzôsisches Etymologisches Wôürterbuch ne nous est d’aucun secours. La locution a brandon pourrait-elle résulter d’une déformation d’a bandon ? 10511 Dans ce contexte, le verbe rapiner (à rapprocher de son dérivé atapiner, au vers 18297) n’a pas le sens de « cacher » qu’on
lui prête couramment
(« vermummen
» traduit
TL, X,
103) ; tapiner apparaîtrait plutôt comme un dérivé de taper « frapper avec le plat de la main ». Il nous semble plausible de le traduire par « donner des coups ». 10539 « Car aucun de nous deux n’aurait la possibilité de partir »,
10565 moult le par va grevant : rupture de construction : le sujet de la principale n’est pas celui de la subordonnée circonstancielle. 10679 Le substantif niee signifie « nichée, couvée » ; G signale un emploi figuré (V, 496) ; TL également, qui traduit par « Menschen » (VI, 639). Niee renvoie ici au posfat et à sa gent adoubee (10677). 10721 « que tant poons aimer » : « que nous avons bien des raisons d’aimer ». Comme le note CI. Buridant, « pooir passe [...] du sens de « être puissant, fort » — en correspondance avec l'adjectif verbal poissant — au sens de « avoir la possibilité de » + infinitif, éventuellement sous-entendu, pour avoir un sens quasiment effacé avec amer, dans des vers formulaires » (op. cit.,
p. 293). 10847 Le coup est identique à celui que Renier avait porté au … géant Oeillart (9431-2).
992
NOTES SUR LE TEXTE
10867 Mahom désigne ici une idole représentant Mahomet. Il est en effet traditionnel dans l'épopée, au mépris de la vérité historique, de dépeindre les Mulsumans comme idolâtres. Au vers | 12518, Butor ne dit-il pas de Tervagant : d’or et d'argent efs]t tout fet et fourmez ? P. Bancourt note que les idoles sarrasines sont toujours de métal et qu’on les dresse parfois « au haut des tours pour les présenter à l’adoration des fidèles » (op. cit. p. 388). 10936 Le pronom personnel il reprend cil Dieu, le sujet de la proposition, séparé du verbe par une relative et une apposition. 10949 Escle[r]z : correction en Esclerz sur le modèle de 2102, 2296, 11208, 17186, 17936 et 18310. 11057 Ce mystérieux Maubruiant, qui n'apparaît qu’en cet endroit de la chanson, et le père d’Ydoine ne font qu’un comme le fait très justement remarquer Mf : en effet, Ydoine s’écrie à sa vue : « li mien pere a juré sa creance Que il m'ardra » (110667) et au vers 11083 Brunamon donne l'assaut. De plus, le nom de Maubruiant constitue, au à près, l’anagramme de Brunamant. 11099 La barre du p de piquois est effacée, ce qui fait lire viquois à C ; « We should expect biquois » affirme H (102) ; « viquois
m'est
inconnu,
note
L (539);
on
attend
un
mot
signifiant « pic » peut-être piquois » ; Mft retient cette dernière lecture ; au vers 9020, on relève bien piquois. 11152 « Le roi Brunamon a sonné la prise », « il a donné l'assaut en soufflant dans son cor ». 11184 La forme verbale pranent est curieuse”; il s’agit sans doute d’une graphie pour prenent (en et an alternent fréquemment dans le ms).
11213 son frere : ce n’est pas le frère du prevost que Renier a tué, mais cil qui iert filz au prevost soudïant (1627). Du reste, le prevost rectifie de lui-même au vers 11237 : .I. filz avoie. 11235-41 Le prévôt atténue à dessein la responsabilité de son fils : Renier est présenté comme un jeune homme présomptueux,
NOTES SUR LE TEXTE
993
obnubilé par le désir de surpasser ses camarades. En prétendant que Renier a tué son fils parce que celui-ci l’avait appelé « bâtard », le prévôt passe sous silence l’odieuse machination ourdie par son fils. Et, pour achever de dénigrer Renier, il assimile sa soudaine disparition à une fuite. 11265 « Ils en éprouvent tous de la joie car ils n’ont aucune sympathie pour lui ». 11312 « Mes or voi bien que ge n'i a noient » : a est sans doute une forme picarde de ai. 11359 Pour Z, la leçon est suspecte : « le hubi ? » (539) Mt est perplexe : « Kahu le hubi est la leçon du Ms malgré L, mais le sens ? » (52). TL ne nous fournit aucun éclaircissement. G, en revanche, enregistre hubi, participe passé et adjectif (du verbe hubir, « se réjouir »), qu’il traduit par « en bonne santé et en bonne humeur ». Le sens ne paraît pas convenir au contexte. G ajoute toutefois que l’édition de 1732 du dictionnaire de Richelet donne pour (se) hubir un sens bien différent : « hérisser le poil ou la plume comme les oiseaux et les autres animaux qui sont en colère, Voyez ce chat comme il se hubit. Ce mot est vieux. Il se dit figurément des personnes » (G, IV, 517). Kahu le hubi pourrait donc signifier « Kahu l’irascible ». Les dieux sarrasins n’ont rien de bienveillant ni de jovial : Baraton n'est-il pas qualifié d’enflé par le poète ? 11392-416 L'ensemble de ce dialogue manque de vraisemblance : le messager affecte un ton exagérément comminatoire à l'égard de Brunamon ; ce dernier n’est-il pas pourtant l’allié fidèle, le dru (11661), de Butor, à qui il a porté secours à Loquiferne ? De son côté, l’impitoyable Brunamon, qui s’apprétait à brûler sa rénégate de fille, sent soudain son cœur de père se serrer au fier mandement (11410) de Butor ! Les arguments du messager, auxquels Brunamon finit par se rendre, sont pourtant similaires à ceux qu’il énonçait aux vers 11313-20.
994
11444
NOTES SUR LE TEXTE
sa soage : C corrige s’asoagia ; correction
sur le
modèle de s’en asoaja (7974).
11492 Nous avons amendé la leçon du ms en deux endroits. Le démonstratif ces est donné par les grammaires comme indifféremment déterminant ou pronom. Toutefois, il importe de noter que, dans notre texte, cette forme est exclusivement employée comme déterminant ; elle ne convient donc pas ici, où l’on attend une
forme pronominale. Nous avons ainsi jugé pertinent de rectifier ceus (ceuls x 41 vs cels x 15), quand bien même la syntaxe exigerait l'emploi du cas régime cils (mais le texte donne l'exemple de nombreuses entorses : 2856, 4471, 11418, 11591,
11838 etc.) Le verbe vienent apparaît clairement comme un lapsus : outre le fait que la syntaxe du vers manque de cohérence, il est à noter que la gent Renier (11490) ne se dirige vers l’armée chrétienne qu’au vers 11495 : Cele part tournent et moult se vont hastant. La correction en virent prépare l’énumération des détails visuels (banieres, penons) qui permettent aux fuyards d’identifier l’armée de Renier (11493-4). 11584 Pour mettre en valeur l'intensité dramatique de la montée au bûcher d’Ydoine, le poète opère un ingénieux « montage en parallèle » en multipliant les allusions à l’arrivée imminente de Renier à Loquiferne. 11619 montent : « enfourchent leur cheval ». 11666 La traduction de la locution adverbiale tres dont, dont c’est l’unique occurrence dans notre texte, est délicate : tres est semble-t-il employé comme une préposition au sens de « dès, depuis » (Ph. Ménard, op. cit., p. 291) ; dont serait quant à lui à
prendre dans son sens temporel « alors » (id., p. 268) : « il aurait mieux valu pour nous que Maillefer eut été dès lors pendu »,
c’est-à-dire juste après son entrée en prison ; comme l’explique Brunamon, bien téméraire est celui qui s’avise de garder en vie un prisonnier tel que Maillefer ! 11689 ne set qu'ele die : « elle ne sait que dire ».
NOTES SUR LE TEXTE
995
11797 loing est une lieuee : « il est à une lieue ». 11848 La conjonction que revêt un sens consécutif : « ils battirent le champ de bataille de telle manière qu’ils s’imaginèrent pouvoir les trouver ». 11874 « Dont nous n'avons plus de nouvelles ». 11877 « Que nous nous en retournions à nos bateaux ». 11878 « com la chose est alee » : « ce qu'il est advenu », « ce qui est arrivé ». 11894 Le repentir sera iert prouve que le maintien du futur étymologique d’estre s'explique en partie par sa commodité métrique. 11947 l'a aersse : C imprime la aerse ; mais la forme verbale correcte aurait été aert (indicatif présent, cf. 1632) ou aerst (passé simple, cf. 19708) ; la forme aersse est une licence métrique pour aerssee, participe passé féminin d’aerdre « saisir, attraper ». 11979 C transcrit la mehaignie ; mais mehaignie est un participe passé féminin picard. 11970 Si les laisses CDXLIIT et CDXLIV proposaient deux versions du même épisode (Ydoïine traînée par les tresses alertant Renier de ses cris // Ydoine ligotée à un arbre alertant Renier de ses cris), la laisse CDXLV ne fait qu’enrichir la seconde version de nouveaux détails (les tresses d’Ydoine attachée aux branches,
Salabrun profitant de la situation pour assouvir ses désirs). 12010 Mt note « vers faux (L), corriger peut-être [ce]l eaue li sembla » (52). Nous corrigeons bien li sembla sur le modèle du , vers 6847 : bien li sembla qu'il fu aseürez. 12064-8 Cette brève description du chastel de Salabrun fait écho à celle de la forteresse des pirates (8998-9004). 12114 Noir conme meure : comparaison stéréotypée ; l’extraordinaire beauté du cheval et la noirceur de sa robe accuse le caractère diabolique de cette monture.
…
12145 L note que « le cheval faé du démon Tabardin qui fend les airs, mais qui renverse ses cavaliers si l’un d’eux fait le signe
996
NOTES
SUR LE TEXTE
de croix [est] un thème populaire très répandu et que le Moyen Âge a utilisé dans la littérature d’édification. » (535) Dans la Queste del saint Graal on trouve ainsi un épisode très similaire à celui de notre chanson, celui du « don contraignant » fait à Perceval : une femme, en réalité le Diable, offre au jeune homme un splendide cheval noir. Mais lorsque Perceval s’avise de se signer, sa monture le jette à terre et disparaît dans un tourbillon de flammes (éd. Pauphilet, Paris, Champion, « CFMA »,1984, p. 92). 12147 non fera : « le cheval ne prendra pas la fuite ». 12157 que trop demourera : « qu’il ne doit pas tarder » ; comme le note Ph. Ménard, le futur « peut se charger [...] de nuances modales (futur d’ordre ou de prière, de protestation,
d’atténuation, de probabilité) » (op. cit., p. 144). 12227 sanz la pietaille : « (ils sont trente mille) sans compter l'infanterie ». Le poète affectionne ce type de renchérissement : lorsque Butor passe les portes de Loquiferne, le poète précise qu’il est accompagné de cinquante mille cavaliers, « sanz ceuls a pié » (12261). 12270 Quel sens donner au mot navie (« flotte ») dans ce
contexte ? Il semble désigner la masse confuse et bruyante de l’armée païenne. Ni G, ni TL, toutefois, ne font état d’un emploi figuré du mot. 12324 gramiant : on peut hésiter à corriger en gram{o]iant sur le modèle des vers 3735, 19174 et 19386 car la forme gramie (4650, 4864, 6327, 7191, 7207, 14601) est régulière pour la P3 du présent de l’indicatif. 12327 gardant : la lecture du dernier mot du vers est rendue délicate par la présence d’une large trace brunâtre ; nous parvenons néanmoins à lire gardant, à l’instar de Mr ; C avait imprimé
tardant. 12316 « Si cela n’avait pas été le cas, les choses auraient mal tourné pour lui ! »
NOTES
SUR LE TEXTE
997
12333 Cloant est un adjectif verbal (dérivé de clorre) enregistré par G au
sens
de « fermant » (II, 155). Nous
préférons
traduire par : « solidement fixé (sur la tête) ». L’adjectif cloant apparaît comme un synonyme de serré : Mes le bacin fu dur et si serrez Qu'il ne l'empire .II. deniers monneez (10838-9) ; D'acier estoit bon et dur et serrez (13132). 12442 Tout est la P3 du présent de l’indicatif de tolir / toldre « Ôter ».
12467 arc de cor : « arc de corne », arc de bois contrecollé avec du tendon au dos et de la corne au ventre pour améliorer sa résistance à la courbure ; ce petit arc portait également le nom d’arc turcois ; les Chrétiens avaient pu en mesurer l’efficacité lors des Croisades (voir P. Bancourt, op. cit., p. 954). 12499 C corrige en plain droi. L s’insurge : « plain doi est excellent, la correction en droi est barbare » (539). L'expression est en effet à rapprocher de plain pié (665 N'avra a pes plain pié de m'eritez) et de plain gant (5435 De Loquiferne ne tendrez ja plain gant). 12501 sa : C corrige en sai. 12539 L’omission d’un mot à la rime est une faute rarissime ; l'expression conment qu'il doie aler est attestée dans le ms :
1869, 11577, 13653. 12586 Manque total d’esprit critique de Butor qui approuve successivement les propositions contradictoires de Maillefer, de Brunamon et de Malaquin. 12650 Ce vers est suspect car il fait double emploi avec le vers 12648 ; peut-être faudrait-il supprimer ce dernier. 12697 La conjonction que introduit une explicative : « à savoir que ». 12705 « Le sens de la phrase demande une négation » fait . justement remarquer Mt (52). Renier veut affronter Butor à la place de son père. Maillefer est réticent car il doit sa libération à la promesse qu’il a faite de participer à ce duel (12678-9). Si
998
=
NOTES SUR LE TEXTE
Maillefer accepte que Renier propose cette substitution à Butor, il se refuse à l’imposer à son adversaire : « ne voudroie ma loiauté fausser » (12706).
12708 12842 prendre 12927
Les .XX. paiens : il s’agit de prisonniers de guerre. pre[n]ge : forme de la P3 du présent du subjonctif de (CI. Buridant, op. cit., p. 288). « Vous n’aurez pas à craindre qu’on ne détruise votre
tour ».
12936 pendré : graphie pour pendrai, P1 du futur simple de prendre. 12977 A l’endemain mes : l’adverbe temporel mes renforce la locution adverbiale a l’endemain ; mes signifie « à partir de ce moment pour l’avenir » ; on traduira donc : « jusqu’au lendemain » (CI. Buridant, op. cit., p. 557). 13018 Selon CI. Buridant, le coordonnant car peut « fournir une explication au sens de "c’est pourquoi" » (op. cit., p. 511). 13076 Ellipse du pronom relatif sujet : « nul païen n’assiste à ce spectacle sans être saisi par la peur ». 13109 baus : le ms donne bans, conformément à la transcription de C, et non
baus comme
l’affirme Mt;
nous
nous
rangeons à la correction hasardée par L : « peut-être faut-il lire baus [..], c’est-à-dire "poutre" » (539). Ces baus servaient à obstruer la porte ; voir le vers 14971 : ont la porte verroillie et barree. 13152 Il s’agit d’un « verrou à barre »; Grymbert fait coulisser la barre en sens inverse pour ouvrir la porte. 13187 trestrent : P6 du passé simple de frere. 13252 C transcrit (corrige ?) la voie. Cette tournure, proche d’haster son chemin (9185), pourrait aussi appeler un possessif : le[ur] voie. I nous semble toutefois plus simple de voir dans /e un article féminin picard,
NOTES
SUR LE TEXTE
999
13309 Cliché formulaire soulignant la solidité d’une arme défensive ; la broigne de Corbon, elle aussi, ne crient cop que l’en ferir i sache (8130). Employé comme un semi-auxiliaire au sens d’« être en mesure de », savoir fonctionne comme un équivalent de pouvoir (CI. Buridant, op. cit., p. 294). 13327 fermvesti : à la différence de C et de Mr, qui rectifient en fervestir, nous avons conservé la leçon du ms car il s’agit là d’une intéressante graphie « étymologisante » de fervestir ; ce verbe est à l’origine un composé du substantif fer (du latin ferrum « métal ») et du verbe vestir ; mais le copiste semble confondre fer avec l'adjectif ferm « fort » (du latin firmum). 13348 Le passage est au discours indirect libre, le subjonctif imparfait deüst exprimant le souhait non réalisé, par conséquent l’impatience de Renier : « il devrait déjà être au combat ! » 13443 Élision du pronom relatif sujet qui. 13464 On attendrait qui moult bien vont taillant; s’agit-il d’une confusion entre les relatifs qui et que, qui s’observe souvent dans les ms ? Il n’est pas totalement exclu de voir dans que une conjonction à valeur consécutive : « la massue présentait des côtés (faits) de telle manière qu’ils étaient très tranchants ». 13644 el l’amoit sanz enmer : la leçon du ms est contradictoire : « elle l’aimait sans aimer » (?). La lecture du vers est délicate : C transcrit sanz mer ; Mt s'interroge : « lire sanz envier (?) » (52) ; malheureusement la rime ne convient pas. Faute de mieux, nous corrigeons sanz esmer, « Sans compter ». 13825 Comme la Floripas de Fierabras, condamnée au supplice du feu par l’émir Balan, Ydoine fait preuve de « la pire insensibilité » lorsque son père refuse de se convertir (P. Bancourt, op. cit., p. 553). 13843 La fidélité de Brunamon à sa religion pourrait n’être pas dénuée de grandeur si Renier, par son attitude moqueuse (13846 tout en riant), ne la réduisait pas à un entêtement stupide, motivé
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NOTES SUR LE TEXTE
par l’orgueil plus que par la piété : Ja por ma fille ne ferai tel folie s’exclamait un peu plus haut le vieux roi sarrasin (13789). 13916 « Aurait-il eu cinq cents vies qu’il n’en aurait pas gardé une seule ». 13994 Le ms donne Jouvêciax est ml't + biaus bachelerz ; on comprend mal pourquoi C transcrit l’obèle par et alors qu’elle la transcrit par est au vers 16811 : quen ma terre + entree ; la tournure, de plus, rappelle moult iert let bacheler (5544) et moult iert biau bachelerz (8611). 14100 proisiez : il s’agit bien d’un substantif, signifiant « hommes estimés », « hommes de renom » ; TL enregistre le participe passé proisié au sens d’ « hochgeschätzt, gerühmit, gepriesen » et fait mention d'emplois substantivés (VII, 1895). 14110 Val Jonas : le substantif val, fréquent dans la toponymie sarrasine (Valbis, Val Marie), « introduit l’idée d’une profondeur proche des abîmes infernaux » note J. Dufournet (art. cit., p. 96). 14156 L'emploi du présent de l’indicatif dans l’apodose rend « inéluctable la conséquence » (CI. Buridant, op. cit., p. 629). 14211 Il est tentant de traduire le verbe encourtiner par garnir de voiles comme le fait C ; le poète précise que la nef de Renier est ornée de voiles de soie ouvrez a eschiquier (18705). Cette acception, toutefois, n’est attestée ni par TZ, qui donne « etw. mit Tüchern, Teppichen behängen » (IL 256), ni par G, qui donne « garnir de tapisseries, de tentures, parer » (IL, 119). Et B fait remarquer : « im Glossar wird encortiner mit it. velare übersetzt, das selbst in maritimer Bedeutung nicht zutrifft ; es hat hier die ganz geläufige Bedeutung von « orner de tentures » (für die Dame, welche die Nacht auf dem Schiff verbringt) » (193). 14294 En une nef en est : C corrige la leçon du ms par En une nef or est ; mais la correction ne paraît pas indispensable. 14368 qui pour cui « à qui » ; même emploi au vers 15749. 14371 C imprime la leçon du manuscrit : cui Diex ot en aïe. Mais le relatif cui est réservé au régime indirect et Diex est un
NOTES SUR LE TEXTE
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CS. Impossible, donc, de comprendre : « qui a Dieu en aide », « qui a le secours de Dieu », à moins de corriger par qui Dieu ot en aïe. Mais on attend plutôt une relative optative ; nous amendons la leçon du ms sur le modèle du vers 2949 : Le Roy de gloire leur veulle estre en aïe ! 14388 le traître il faudra : il faudrait peut-être corriger par Le traître faudra : à qui le pronom il pourrait-il bien renvoyer dans ce contexte ? à Dieu ? à un sujet impersonnel ? on attendrait alors : au traître il faudra. Nous comprenons pour notre part : « s’il plaît à Dieu, le traître ne parviendra pas à ses fins » (TL donne pour falir « nicht erreichen », III, 1610). Il s’agit là d’un cliché rhétorique qui connaît de nombreuses déclinaisons formulaires : 2414 se Dieu plest, il en iert parjuré ; 2498 se Dieu plest, il a de ce mentis ; 2509 se Dieu plest, du tout iront mentant ; 2804 se Dieu plest, il n'ira pas ainssi ; 2957 se Dieu plest, ainssi ne sera mie ; 5702 se Dieu plest, assez en lesseront ; 7255 se Dieu plest, bien en porra mentir ; 7268 se Dieu plest, ainssi n'ira il mie ; 7348 se Dieu plest, il s’en parjurera ; 8115 se Dieu plest, il ira autrement ; 11578 se Dieu plest, il l'estuet parjurer ; 13007 se Dieu plest, li lerres mentira ; 14593 se Dieu plest, le lerre en iert mentis. 14415-6 Très probable réminiscence de l’ambassade de Blancandrin dans le Roland : « Branches d'olive en voz mains porterez : Co senefiet pais e humilitét » (éd. Segre, vv. 72-3).
14581 haoué ; on relève la forme hauent au vers 18892 ; le verbe houer (« manier la houe ») est dérivé du substantif houe
qui provient du francique *hauwa (TL, IV, 1126). 14606-7 Comme en français moderne, certains verbes de mouvement (ici, la périphrase verbale acueillir sa voie, « se mettre en route ») sont construits directement avec un « com-
plément de progrédience » (l’infinitif secourre). 14620-2 Une proposition coordonnée introduite par mais est ici intercalée entre la principale et sa complétive conjonctive pure ;
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NOTES SUR LE TEXTE
il faut comprendre : Lors se pourpensse li cuvert plain d'envie, Que, se il puet, Bertran perdra la vie, Mes n'en moustra semblant a cele fie. 14671 Dans la locution adverbiale sanz point de l’atargier, l’infinitif atargier, précédé de l’article défini, n’est qu’« accidentellement substantivé ». Quant au substantif point, il a encore en ancien français « un sens concret pour marquer une infime partie prise sur un tout déterminé circonscrit par l’article » (CI. Buridant, op. cit., p. 321). 14686 « tres or mes en avant » : « dès à présent ». 14730 « Outre, traître » : l'expression est stéréotypée ; selon TL, outre est ici employé comme une interjection à valeur injurieuse : « schmähender Zuruf, Zuruf an den Besiegten » (VI, 1424). 14751 espeez : « transpercés de l’épieu », plutôt que « passés
au fil de l’épée » (malgré Godefroy) » affirme ZL (540). Mais TL (II, 1171-2) ainsi que G, qui traduit « percer d’un coup d’épée » (I, 519), accréditent la seconde interprétation. 14782
Seul H a remarqué
la confusion frant / brant ; de
manière inexplicable, Mf ne la recense pas parmi ses « corrections à faire ».
14879 il ne sout : C imprime sont ; Mt relève la mélecture. Il reste que la forme sout est curieuse : il s’agit sans doute d’une graphie pour sot, P3 du passé simple de savoir : « car il ne savait pas à quelle terre ils avaient accosté ». Une faute par anticipation de sont est possible. 14902 C corrige au rivage ; mais la syntaxe appelle plutôt la préposition en (4244 entrer en cel rivage) ; nous maïntenons le redoublement consonantique sur le modèle du vers 6414. 14964 qui ainz puet l’a passee : « qui le peut passe la porte avant les autres », « ils franchissent la porte à qui mieux mieux ». 14989 La syntaxe est curieuse, mais respecte le rythme du vers.
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15030 « ce vous jur et creant » : construction ramassée, ce vous étant mis « en facteur commun » à jur et à creant ; il faut comprendre ce vous jur et ce vous creant « je vous le jure, soyezen convaincu » (7896 ce vous creant). 15135 « vo frere » : le roi Butor, frère aîné de Marbrien.
15180 J7 l’a ouvert tout ensus : littéralement : « il l’a ouvert tout en arrière », c’est-à-dire « il l’a ouvert en le poussant » (au lieu de le tirer à lui). 15187 C imprime bouete ; Mt commente : « bouete = « pas-
sage souterrain » (A) ; lire plutôt bovete ; le mot manque à TL (I, 1001-2) et [G] (L 714) qui ne citent que bove et bovet ; FEWI,
473a ne relève que des attestations modernes de cette forme » (55). G donne pour le mot bove un sens qui nous semble plus adapté au contexte que celui proposé par H : « arrière-cave dans laquelle on tient le vin sous clé et plus fraîchement que dans la première cave servant à contenir la bière » (I, 714). 15227 plainst : P3 du passé simple de plaindre. 15372 La correction proposée par C crée un décalage flagrant entre la syntaxe et la coupe du vers : li quens quant voit / qu'il [ainsi] s’umelie.
15396-7 « Le perfide Pierrus prononça ces paroles dans l’espoir de faire sortir Gyrart ». 15524 brest : passé simple (sigmatique) du verbe braire. 15541 cuistis : cet hapax ne figure ni dans G, ni dans 7L. II apparaît difficile d’en cerner le sens exact; s'agit-il d’un synonyme de fel ? Faut-il le rapprocher de l’énigmatique costif enregistré par 7L au sens de « schädlich » (« nuisible, malfaisant ») : « Li orages [...] hisdos et costis » (II, 941) ? 15557 C imprime par vobis ; certes, les lettres r et x sont graphiquement proches, mais comment € pouvait-elle mécon-
naître la phrase que le Christ ressuscité lance à ses disciples (Évangile selon saint Luc VIL 36 et saint Jean, 20, 19) ? Let Mt,
inexplicablement, ne relèvent pas la mélecture.
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NOTES SUR LE TEXTE
15598 Les .IL. pars : « les deux tiers » ; TL atteste part au sens de « zwei Drittel » (VIL 351). 15758 « De manière équitable, sans encourir de reproche ». 15761 roy Corbon : il serait peut-être opportun de corriger roy Butor, car Renier déclare un peu plus loin à Marbrien : « Butor occis ge, dont m'avez parlé, Si le conquis d’un branc d’acier letré Que j'ai ici avoec moi aporté » (15774-6). 15774 C corrige ce vers en ôtant le pronom ge ; sur notre refus
de corriger, voir la note 10112. 15777 « Si j’en ai le pouvoir, je ferais de même avec toi ». 15850 Le substantif lerre « voleur » peut être employé comme une injure au sens de « crapule, canaïlle » (« Schurke, Schuft », TL, V, 199). 15910 C note : « ho preferito non intervenire nel testo, ma credo che si dovrebbe emendare in sui vergoigniez : secondo la lezione del manoscritto non solo manca il verbo ma anche il senso non regge. » Si le subjonctif est le plus souvent utilisé dans les complétives de soufrir (4000-1, 8244-5, 9519), il se trouve néanmoins une occurrence pour donner raison à € : « Pour quoi soufrez que ge sui sis soupris ? » (15145) Peut-être s’agit-il là d’un petit accommodement avec la métrique : soie, à la différence de sui, est dissyllabique... 15935-6 Intéressante dislocation à gauche avec reprise périphrastique : le ber pour Bertran. 15940 sa mace gesant : mace dont Renier s’était débarrassé au vers 15837. 15967 « Qu'un chariot aurait pu passer sans difficulté » ; maniant énergiquement sa loque, Maillefer a en effet dispersé la presse des Sarrasins. Il s’agit d’un cliché épique ; dans le Siège de Barbastre, on peut lire : « Aprés les .IV.C. peüst on charroier » (éd. Guidot, v. 227). Voir également les déclinaisons formulaires enregistrées par TL, IL, « charriier », 286-7.
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16004 Qui de famine ot le cuer agrevé a pour antécédent /a dame ; il s’agit d’une relative « non contactuelle » comme aime à en utiliser le poète. 16013 Même faute qu’au vers 16174 ; l’omission passe inaperçue car elle ne compromet pas la cohérence de la phrase. 16099 La conjonction c’ (que) prend dans ce contexte une valeur consécutive : « puis il frappa le troisième de son épée de telle manière qu’il lui trencha le bras ». 16270 « Alors que le combat faisait rage », « au plus fort du combat. » 16329 « Car le vent ne fait que les pousser dans la mauvaise direction ».
16339 L’ajout du pronom nous permet à la fois de rétablir la mesure du vers et d'obtenir un rythme satisfaisant. 16421 « s’eüssons vent » : si / se exclamatif suivi d’un verbe au subjonctif imparfait est propre à exprimer le regret : « si seulement nous avions du vent ! ». 16422-4 La réitération des enjambements, ici comme ailleurs,
tend à estomper les limites du vers. Dans les ER, l’unité organique du vers comme de la laisse apparaît sans cesse menacée. La prose n’est pas loin. 16471-2 Les plaintes de Maillefer font écho à celles de Charlemagne à la fin du Roland (éd. Segre, v. 4000 : « Deus ! [...] si penuse est ma vie ! »). Guillaume, lui aussi, est appelé à de nouveaux combats dans le Couronnement de Louis alors qu’il espérait pouvoir se reposer (éd. Langlois, vv. 2657-9). 16516 « mors et mis a guerison » : le coordonnant ef possède ici une valeur alternative : « mort ou sauvé ». 16519 preuz en dites : « vous parlez de manière raisonnable » ; TL enregistre preu comme un substantif « neutre » : l'expression ne dites preu est traduite par «ihr sagt nichts rechtes, nicht ziemliches » (VII, 1921).
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NOTES SUR LE TEXTE
16572 Le ms donne bien farence, comme l’a lu J. Runeberg (op. cit., p. 75), et non tarente, comme le voudrait C.
16575 a .II. lieues errant : « à deux lieux de là », « à deux lieues de distance » ; errant n’est pas à interpréter comme un adverbe, mais comme le participe présent d’errer, qui prend ici une valeur passive : « pouvant être parcourues ». 16587
Qui les ramainent : « afin qu'ils les ramènent » ;
employé dans une proposition relative, le subjonctif exprime la finalité (CL Buridant, op. cit., p. 347). Mais il serait aussi possible d'imprimer : « Qu’i les ramainent ». 16624 Roche Agüe : on ne peut s'empêcher de rapprocher le séjour de Pierrus du Mont Agüe du Moniage Guillaume ou des Narbonnais ; H. Suchier faisait remarquer que « ce pourrait fort bien être le Mons Acutus de Philomena {...] situé près de l’ancien
Clusae Spaniae, auj. l’Ecluse, Pyrr. Or., qui forme l’entrée de l'Espagne et où l’on montre encore aujourd’hui «les ruines du château des Maures» » (Narbonnais, p. 244). Si cette localisation est exacte, la ressemblance des deux toponymes ne serait que fortuite : la Roche Agüe de Pierrus se situe sur le rivage grec. 16639 Au pié li vont : « ils se jettent à ses pieds. » 16691 « vo cors » : Robert s'adresse à Baudouïn. 16711-2 Rupture de construction : qui n’est pas le sujet de la seconde proposition. 16721 « Et personne n’est en mesure de les trouver, même en se livrant à d’intenses recherches ».
16807 Élision du pronom relatif sujet qui. 16872 C transcrit par si prouver ; nous transcrivons s’i sur le modèle des vers 12429 et 15979, 16895 enfent : C corrige par enfant ; mais on observe fréquemment dans le ms la substitution du digramme en à an (et réciproquement). 16924 C corrige par poli] ; mais la forme po est attestée par
TL (VII, 2039).
NOTES SUR LE TEXTE
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16939 II pourrait paraître pertinent d'imprimer dé dars (force est de constater, du reste, qu’une hésitation est plus d’une fois permise dans notre texte entre de et dé = des). Le vers 13120 (où de est élidé) prouve toutefois que de est à interpréter comme une préposition marquant l'instrument : Lancent de glaives et d’espiez nouelez. Dans les ER, des est l’enclise de la préposition de + les; il remplit plus rarement la fonction d'article « partitif » pluriel et n’est jamais employé comme un article indéfini pluriel. 16979 Bauduïn vraiement : leçon curieuse ; s’agirait-il d’une faute pour iriement ? 17146 a la desfensse ala : « il partit assurer la défense du navire ». 17147 La nef décrite ici est un navire de guerre à plusieurs ponts (ou estages, voir 17190) caractérisé par la présence d’un chastel arrière (château) ; cette tour de bois érigée sur le mestre estage permettait de surplomber l’adversaire, donnant l’avantage de la hauteur aux archers ; Moradas se rejouit ainsi d’y trouver maint arbaleste apresté (17148). 17181 Le ms donne tendra le a viltez ; c’est un pronom réfléchi, pourtant, que l’on attendrait dans cette formule stéréotypée abondamment déclinée par le poète : le combattant se mépriserait s’il ne vengeait pas l’affront infligé par son adversaire : S’il ne s’en venge, poi prise ses vertus (3165), S'il ne s’en venge, ne se prise .I. denier (4414), S'il ne s’en venge, petit se prisera (5411), S’il ne le venge, moult sera grant viltez (8329),
S'il ne se venge, tient soi a escharni (8380), S'il ne s’en venge, ne se prise .I. espi (9325), Se ne me venge que ramposné m'avez, Je ne me prise .Il. deniers monneez (9346-17), S'il ne le venge, soi tient a engané (10509), S'il ne s’en venge, poi prise sa posnee (13612), S’il ne se venge, ne se prise une alye (15854), S'il ne se
venge, ne se prise .I. besant (15865), S'il ne se venge, poi prise ses fiertés (16913) ec. Il semble toutefois possible de faire de le un pronom « neutre » : « il considérera cela comme un acte vil ».
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NOTES SUR LE TEXTE
17198 Comme le note L., la mère d’Ydoine, future épouse de Robert Ricart, est douée « d’une étonnante jeunesse, puisque cette mère n’a guère que trente-cinq ans [...] alors que sa fille en a au moins vingt-six » (534). En effet, lorsqu’ Ydoine recueille le jeune Renier, elle a douze ans (1272) et Renier à peine deux (1278). Au vers 8332, Renier approche déjà des seize ans (voir également les vers 1587 et 16145). Le calcul est simple, mais il fallait bien que la mère d’Ydoine fût en âge de procréer pour donner un oncle à Tancrède.. et encore séduisante pour plaire à Robert ! On voit ainsi la jeune veuve déclarer qu’elle ne regrette pas son époux car « trop estoit et freles et barbez » (17213). Un peu plus loin, Renier souligne à nouveau l’immarcescible jeunesse de la mère d’Ydoine : « Joene est la dame et de plesant jouvent » (17772). 17217 Il est fort probable qu’un vers ait été omis car le verbe de la proposition principale fait défaut. Ce vers manquant, certainement placé après la relative qui premier ot la nave conqguestee, devait indiquer la présence de Robert sur le mestre estage où Renier vient de conduire la mère d’Ydoine. On voit en effet Renier s'adresser à Robert au vers 17223. Nous nous sommes contentée de retoucher le premier hémistiche sur le modèle de 8618 La iert Gyrart, 9761 La iert Bertran ou 14111 La iert Pierrus. 17248 « La chose bien iroit ! » : « Cela me va », « cela me
convient ». 17253 Élision du pronom relatif sujet qui. 17315 Ydoine change de couleur en voyant Gracïenne, qu’elle croit être sa rivale, au bras de Renier. Un peu plus loin, elle rappelle à cette dernière, trop heureuse à la pensée d’épouser Renier, qu’« en autre lieu a le sien cuer donnez » (17370). 17330 ruis : P1 de l'indicatif présent de rouver, « demander ». 17355-6 Comme le note Ph. Ménard, le groupe que... ne (du latin quidni) marque le regret et équivaut à "pourquoi ne... pas" » (op. cit., p. 102).
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17375 Comme au vers 17422, la conjonction que revêt une valeur causale. 17439 soit : il s’agit du verbe savoir. 17440 Le ms donne soient, mais le sujet est singulier (qui, pronom relatif indéfini, au vers 17438). 17441 « C’est bien creant » : « cela peut bien être cru ». Le participe présent adjectivé creant prend une valeur passive. 17542-72 Le récit de Grymbert présente une nouvelle version de l’enlèvement de Renier. On relève quelques contradictions avec la version initiale. Grymbert affirme ici : « Cosfres et huches [..] bien vuidiez trouvai ». Pourtant, le poète avait précisé qu’il avait trouvé les coffres verroilliez et fermez (465). Alors que dans la version initiale, Grymbert semblait ne s’être emparé de l’enfant que par dépit, il confesse ici que sa beauté et sa noblesse ont excité sa convoitise : 17546 Moult le vi bel, forment le goulousai, 17566 L'enfant vi bel et de grant seigneurie. Quelques « broderies » sont ajoutées au récit initial : Grymbert révèle par quel procédé il a appris le nom de l’enfant (17547-8) et avoue avoir également dérobé .I. chier poile de soie d’Aumarie (17573). 17585 « En guise de couverture, afin qu’on ne puisse pas me retrouver ». 17596 « Ne m'en fu riens » : « je ne m'en souciai pas ». 17609 Le pronom relatif quoi renvoie ici à un animé (17608 cel enfant) ; CI. Buridant note en effet que « dès le XIIF, le français commence à confondre les genres : quoi, en particulier, commence très tôt à élargir son emploi aux antécédents animés et inanimés, en particulier quand la relative comprend un verbe impliquant la parole » comme c’est le cas ici (op. cit., p. 478). 17614 a fere son conmant : la préposition a peut introduire un complément exprimant le but : « pour exécuter son ordre » (CI. - Buridant, op. cit., p. 466).
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NOTES SUR LE TEXTE
17616 Le pronom personnel les est cataphorique: il annonce Touz les enfanz de crestienne gent. À moins qu’il ne renvoie implicitement à l’ensemble des chrétiens. 17673 rose d’outremer: il s’agit de ce que nous appelons aujourd’hui la rose trémière (altération d’outremer), variété de guimauve à haute tige, très décorative. Originaire d’Orient, elle est également connue sous les noms de passerose, primerose, alcée rose ou bâton de Jacob. Cette plante contient des substances colorantes autrefois utilisées pour teindre les vêtements. 17817 La leçon fesoit, reproduite par C, est bien celle du ms ; mais il est vraisemblable d’y voir une mélecture pour fesoit: Renier préfère garder le silence plutôt que d’avouer qu’il ignore l'identité de ses parents. 17879 « Où j'étais né, deçà ou delà la mer », « en pays chrétien ou sarrasin ». 17837-9 La reverdie symbolise le renouveau et la fertilité : ce n’est pas un hasard si les noces de Renier et de ses amis ont pour cadre un jardin printanier. 17850 À l’endestrer : « pour les accompagner » ; le verbe endestrer, ici substantivé, est enregistré par G et TL comme une variante d’adestrer. G donne pour adestrer : « donner la main, marcher à droite et par extension accompagner, suivre, amener »
(I, 100). 17869 le bon lerre : périphrase pour Grymbert. 17893 Le ms donne fina ; G atteste finer de au sens de « conclure un accord » (« Au regarts des reliefs deubs dudit fief ledit Jehan des Meurs en fina et composa audit commandeur parmy et moyennent ung muy de blé ») ou de « s'acquitter de, payer » (IV, 10), mais le sens ne nous paraît pas convenir au contexte ; on attendrait plutôt le verbe fiever, fiefer, Pare « investir d’un fief » (TL, III, 1832).
17897 Le vers ne se construit pas. C ponctue les vers 17895-9 comme suit : quar a Bauduïn l'enfes si li loa / quar a voisin
NOTES SUR LE TEXTE
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forment le desira, / de Bauduïn qui moult preudom sera. / Et de Pierrus qui onques dieu n’'ama / tant dis que etc. Malheureusement, cette ponctuation contribue à rendre le passage encore plus obscur. Il apparaît que c’est le vers 17897 qui pose problème ; ce qui précède est parfaitement cohérent : Maillefer investit Robert Ricart de la seigneurie de Val Jonas sur le conseil de Baudouïn,
ce dernier souhaitant l’avoir pour voisin. Nous avons tout lieu de penser qu’un vers a été omis entre les vers 17896 et 17897 : on attend une formule marquant une transition narrative comme [Or
est drois que je vous die] De Bauduïn etc. On relève aux vers 17912-4 : Ces .1L. lignages dont je vous vois contant De Bauduiïn, le preuz et le vaillant, Et de Pierrus. 17909 Un apostole qui de cuer les ama : difficile de déterminer avec exactitude l'identité de ce pape favorable aux Guelfes. Il pourrait s’agir d’Innocent III (1160-1216) qui, dès le début de son pontificat, en 1198, avait pris parti pour le Guelfe Otton de Brunswick contre le Gibelin Philippe de Souabe dans leur rivalité pour conquérir le trône d’Allemagne. Il est curieux que notre auteur considérât guelfe comme un surnom qui aurait été donné aux Welf par un pontife bienveillant. Faut-il y voir un nouvel exemple de la manie étymologique de notre auteur ? peut-être rapproche-t-il gerfe de gerfauc, un grand rapace diurne très estimé au Moyen Âge pour la fauconnerie ? En réalité, gerfe n’a rien à voir avec gerfauc ; c’est dans la bouche de la population italienne que Welf s’est altéré en guelfe ; Waiblingen, un château que les Hohenstaufen possédaient en Souabe, a subi la même déformation
pour aboutir à Gibelin. 17954-5 Li Apostole iert a Romme enserrez, Si le guerroie .I. paien desfaez : allusion à un épisode de la Querelle des Investitures, qui a opposé les papes à des seigneurs et à des souverains sur - la question de l'investiture des évêques et des abbés. Le premier acte de cette querelle fait s’affronter le pape Grégoire VII (1015/20-1085) à l’empereur germanique Henri IV (1050-1106),
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NOTES
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soucieux de défendre l'investiture laïque. Humilié à Canossa en 1077 lorsqu'il a dû implorer le pardon du pontife, Henri IV prend sa revanche en assiégeant Rome. Il s’empare de la ville en 1083 et se fait donner la couronne impériale par l’antipape Clément IT en 1084. Grégoire doit se réfugier au château Saint-Ange, d’où il appelle les Normands à son secours. CI. Roussel remarque que le thème du siège de Rome fait « l’objet d’une certaine inflation dans les chansons de geste tardives » ; il cite ainsi Lion de Bourges, Florent et Octavien, Dieudonné de Hongrie et la Belle Hélène de Constantinople (« Le Siège de Rome dans les Chansons de Geste tardives », La Chrétienté au Péril sarrasin, Senefiance n° 46, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, 2000, p. 220).
17963 Ces trois frères sont Eustache III de Boulogne, Godefroi de Bouillon et Baudouin [° de Jérusalem. 18098 dourroie : il s’agit d’une forme de donroit dans laquelle n implosif a été assimilé par r. 18110 La succession de deux quar est maladroite, voire suspecte. Mt propose d’amender en Par Piecolet iert a mal tournez : « il [Bertran] sera ainsi mis à mal par Piecolet ». Mais il nous semble préférable de maintenir la leçon du ms : « Car Piecolet était si enclin au mal ». 18111 « De traïtor ne se peut on garder® dit un proverbe médiéval (J. Morawski, op. cit., p. 20, n° 569). 18146 C corrige l’esfondre du ms en esfoudre ; mais il est hâtif de faire d’esfondre le produit d’une confusion en u et v ; G. Roques fait état de cette forme, influencée par le verbe esfondre, qui alterne fréquemment avec esfoudre dans les textes picards (Aspects régionaux du Vocabulaire de l’ancien Français, p. 172). 18189 Il semblerait que la conjonction ou ne possède pas ici une
valeur temporelle
(« tandis
que, lorsque »), mais
causa-
le (« car ») ; c’est l’esmai engendré par sa vision nocturne qui
NOTES SUR LE TEXTE
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tire Bertran de son sommeil. Ph. Ménard signale que cet emploi est rare (op. cit., p. 212). 18238 Le ms donne vos frespaserez ; mais la forme vos est partout dans le texte employée comme déterminant et l’on attend ici une forme pronominale. 18260 ouelles : « brebis » ; nous nous conformons à la transcription de L et de Mf ; C avait transcrit ce mot par ovelles sous l’influence de l’étymon ovicula (de ovis). TL enregistre ce mot sous le lemme oeille et imprime ouelle (VI, 987) ; en français moderne, ce mot apparaît sous la forme ouailles. 18346 Quil est l’enclise de qui et de il : « Celui qu’il atteindra de ses coups sera couvert de honte ». 18348 Ses paiens crie : Piecolet est le sujet de cette proposition : « Piecolet crie à ses paiens » ; hémistiche identique au vers
18380. 18367 « Un homme désarmé n’a pas de pouvoir contre un homme en armes ». 18370 C corrige par puli]s ; mais la forme pus est attestée par TL (VII, 2102). 18391 II n’est pas nécessaire de corriger si l’on pratique une césure lyrique. 18402 Le ms donne vuibu ; la chute du final de vui témoigne de l’agglutination des deux mots. 18416 « raïs ? » s'interroge L (540). En dépit des apparences, il s’agit bien du participe passé du verbe raire (ou rere, voir TL, VIN, 973) signifiant « couper, trancher à ras ». La littérature épique fait un usage abondant de ce verbe (voir les nombreux exemples donnés par TL) dont le sémantisme est très proche de celui de rooignier. Dans notre texte, rais a été refait en raïs pour
la rime ; on notera que la forme rais satisfaisait les exigences du mètre puisque le vers contenait un en qui a été exponctué par un
. copiste zélé.
|
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NOTES SUR LE TEXTE
18542 Verroit n’est pas le conditionnel de veoir, mais de venir ; venir a gré a (qqn) est une locution fréquente dans le ms (cf. note 18526 et les vers 1960, 4903, 4927 etc.) Même si une omission de la barre d’abréviation est envisageable, il ne nous semble pas nécessaire de corriger verroit par venrroit ; la forme verroit peut résulter de l’assimilation de n implosif dans une forme sans d épenthétique (CI. Buridant, op. cit., p. 292). 18554 L, Mr se contentent de signaler que le vers est faux. 18565 La conjonction de coordination quant est mise en facteur commun aux deux propositions. 18615 C n'avait pas remarqué l’hypométrie du vers. Mt propose d’amender la leçon du ms en /que] puis vous rendre ; mais cette correction n’est pas pleinement satisfaisante ; dans la construction je cuit tant fere (que)..., la subordonnée est toujours au futur (voir les vers 9969-70 et 12204-S). Et il ne suffit que d’un accent pour changer un infinitif (rendre) en un futur (rendré = rendrai).
18638-9 « Mais, pour vous part, je vous prie de ne pas tarder à m'informer de vos difficultés ». 18657 « Se ravions Bertran, no compaignon » : cette hypothétique postposée est subordonnée à « Aprés irai sanz point d'arrestoison Au vrai Sepulcre ». 18723 « À l'aube, juste avant le lever du soleil » : comme le note CI. Buridant, « devoir passe du sens de « reconnaître comme dette, être redevable de », au sens de « devoir » comme obligation morale, jusqu’à l'expression de l’habituel (ce qui doit arriver de manière prévisible), et de l’imminentiel » (op. cit., p. 294). Ainsi, devoir au passé simple + infinitif exprime une « imminence non aléatoire » (« être sur le point, près de») «en particulier pour le lever, le coucher du soleil » (id., p. 354). 18745-6 Nouvel exemple de disjonction : il faut comprendre : Piecolet mande pour demander se ces nés connoissoit et il a lui venoit.
NOTES SUR LE TEXTE
1015
18788 « Vous ferez croire aux chrétiens que vous êtes en mesure de vous défendre ». 18943 C imprime la leçon du ms ; Mt corrige par sonne, mais c’est très certainement Maillefer et Renier, évoqués deux vers
plus haut, qui, face à la déroute de l’armée des Francs, sonnent la retraite. 19006 « n’i avra qui s’en rie » : euphémisme : « il n’y aura personne pour en rire », c’est-à-dire « cela ne sera pas une partie de plaisir ».
19044 Il semblerait que que soit ici employé comme un adverbe relatif : a ces paroles (« à ces mots ») peut en effet remplir le rôle d’un antécédent de sens temporel (G. Joly, op. cit. p. 395). Dans cet emploi, la subordonnée introduite par que « exprime les circonstances qui caractérisent le contenu de ce laps de temps » (CL Buridant, op. cit., p. 565). 19047 enseuri : C corrige par enseri ; en effet, enseri est le participe passé du verbe impersonnel enserir « se faire soir » dont G note qu’il est souvent associé aux substantifs vespre et nuit (IL, 235). TL donne pour enserir « hereinbrechen » (I, 527) ; le vespre enseri est donc à traduire par « la nuit tombée ». Il est à noter qu'il existe un adjectif enseri, dérivé de seri, dont le sens est « calme, tranquille, doux » (G, II, 235 ; voir aussi TZ, III,
526). La graphie enseuri s’explique peut-être par une confusion du copiste avec l'adjectif enseïr, de même sens qu’asseür ; TL atteste l’existence du verbe asseürir « ruhig, sich ruhig hatten » . (I, 592). Peut-être existait-il un verbe enseürir ? 19064-5 « Sans faire appel, si possible, cher ami, à Tabardin ». La locution conjonctive sanz ce que a ici un sens exceptif: « sans que » ; le subjonctif souligne que cette exception n’est qu’envisagée par l’esprit (voir Ph. Ménard, op. cit., p. 154 et CI. Buridant, op. cit., p. 731). … 19072 La leçon est suspecte : on attend un subjonctif dans la subordonnée complétive conjonctive pure introduit par douter. Il
1016
NOTES SUR LE TEXTE
s’agit très certainement d’une confusion soit / set par réminiscence du set du vers précédent (19071 Tant set de mal). Grymbert | déclare en effet un peu plus loin: ainz qu’il soit eschapez
(19074). 19156 Au bas plaissié : l'expression est obscure ; C corrige par bos, forme picarde de bois (du latin *boscu). Nous faisons de
même sur le modèle des vers 19019-20 : Au bois plessié en irons sanz detri ; La trouverons maint bon chalan garni. Au vers 3338, Rubïon et ses hommes vont en riviere es bois par plesseïz. 19195 Comprendre : quar moult [en] est desirez.
19196 Le contexte exige le recours à une hypothétique : l'expression est à rapprocher de celle des vers 16960-1 : « se g'estoie en ma grant tour manant, Ne douterroie sa force poi ne grant. » Il est à noter, toutefois, qu’une confusion s’observe très tôt en ancien français entre si et se. 19202-4 « Ja Pecolet [...] N'i guerira, quel part qu'il soit tournez, Qu'il ne soit mort et a honte livrez » : « où qu’il aille, Piecolet n’échappera pas à une mort honteuse. » 19246 qu'en la vile trouva : le sujet de la relative est au singulier, mais celle de la principale se trouve au pluriel (ont ocis). Ces accords « flottants » sont fréquents en ancien français. 19250 baudra : futur simple de baillier « donner, livrer ». 19345 C, qui imprime la leçon du ms, fait remarquer : « il verso è ipometro e non sembrerebbe richiedere, per il senso, alcun emendato. Tuttavia, per ricondurre il verso alla giusta misura si potrebbe supplire : de soie [bien] tramans » (610) ; L corrige plus justement tramans par traïnans « manteaux à traîne » (540), rétablissant la mesure et le sens. 19373 li fiance a loiauté porter : « il lui promet de se comporter loyalement avec lui » ; comme le note CI. Buridant, « la rection de l’infinitif peut s'accompagner de la préposition a » (op. cit., p. 314).
NOTES SUR LE TEXTE
1017
19388 La périphrase aler + participe présent revêt ici une valeur descriptive : elle exprime l’aspect « sécant » du procès : « l'intervalle de référence du procès est envisagé sans limite » (Grammaire méthodique du Français, p. 294). 19416 Le blanc oisiax qui emporte l’âme de Bertran au ciel est
une colombe, emblème du Saint-Esprit. 19422 Le démon Tabardin, que le poète dépeint comme une divinité psychopompe, se désole de n’avoir pu emmener l’âme de Bertran en Enfer ; on se souvient avec quelle joie il s’était emparée de celle de Corbon (8540-3). 19454 en dormant : le sujet du gérondif n’est pas le même de celui de la proposition de référence. 19466 Sanz défiance : « sans l’avoir défié », c’est-à-dire par
surprise ; Piecolet n’a pas les scrupules de Grymbert. 19569 « encembelé = enkembeler « garrotter » » note Mr (53). 19686 pour s’amour : « en raison de l’affection qu’il porte à son cousin. »
19700 Élision du relatif sujet qui. 19713
C corrige Orle] nous
ait ; mais aït, de aidier, est
dissyllabique. 19743 « no terre espiera » : il ne s’agit sans doute pas du verbe espiïer qui peut prendre le sens d’« épier » (« spähen », TL, II, 1205) ou celui de « glaner » (« (wie Âhren) lesen », id. 1206). Le contexte nous conduit à rapprocher espier d’espillier, que TL enregistre au sens de « piller, dépouiller » (« auspliün\dern », id., 1207) ; il n’est pas impossible que le copiste, déconcerté par ce verbe qui n’apparaît en nul autre endroit du texte, ait corrigé espillera en espiera. 19757 Lui cinquantisme : littéralement : « lui (étant) cinquantième », c’est-à-dire « avec quarante-neuf hommes » (voir note 9933). 19764 es quiex : « en lesquels ».
1018
NOTES SUR LE TEXTE
19795 « Car j'étais déjà bien assez occupé à me sauver ». La conclusion de ce second rêve laisse planer davantage d’ambiguïté sur l’issue de l’embuscade de Corsabrin : « Dieu de gloire me tenssa et gueri » déclarait Renier à l’issue du premier, dans lequel Corsabrin était figuré sous les traits d’un léopard (19711). 19869-71 La syntaxe de ces trois vers est curieuse ; on notera la dislocation « à gauche » de « ces François que j'ai ci amenez », repris par le pronom euls. 19942 C donne Estanembut, abusée par une tache qui semble allonger le o en b ; Mf relève la mélecture et rectifie en « Estavemont (voir M, I, 1, p. 387, Estevenon = Estienne) » (50). Mais
ces deux lectures s’avèrent pareillement erronées : le ms donne Estanemont ; il s’agit d’un nom païen, associé à ceux, exotiques donc fantaisistes, de Cordon et de Faviel. 19945 C donne aumel « bête à cornes », qui est la leçon du ms, contre Mt, qui veut lire ainnel « agneau » ; mais une confusion du copiste est probable (18364 es nos se fierent con le leu es brebis).
19947 « Je préfère mourir plutôt qu’il n’y laisse la peau », c’est-à-dire « je préfère mourir plutôt que de ne pas le tuer ». 19993 ji baron de la terre sauvee : de Grèce. 20018 Les .II. parties : « les deux tiers », c’est-à-dire deux mille hommes
! La victoire semble acquise, mais avec le renfort inopiné de deux mille hommes (20030), l’armée de Corsabrin retrouve son effectif initial (20046).
20029 Salabrin : c’est Corsabrin qui a posté en embuscade une armée de deux mille hommes derrière le tertre : on le voit souffler dans son cor pour les appeler en renfort (20042). Pourquoi C ne corrige-t-elle pas ce lapsus ? Sa justification n’est guère convaincante : « Per quanto abbia preferito non mutare la lezione offerta dal ms., sono indotta a pensare che sia un errore per Corsabrin, in quanto del primo non è mai fatto cenno, mentre
NOTES SUR LE TEXTE
1019
il secondo dovrebbe essere logicamente l’autore dell’imboscata » (638). 20065 Cet hémistiche est placé en réclame ; C ne l’avait pas reproduit dans son édition.
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TABLE DES PROVERBES ET EXPRESSIONS
SENTENCIEUSES
Ons qui couvoite ce qu’avoir ne pourra Enz en la fin pour cheitis s’en tendra. (vv. 427-8)
« Nul soudoier ne se doit enfremer Pour tant qu'il veulle en nul haut pris montez. » (Renier, vv. 2750-1) « Miex vaut par sens la guerre demener Que par folie issir mal conquester. » (Gyre, vv. 2755-6)
« Nus povres hons ja montez ne sera Se grant proesce et grant hardement n'a. » (Renier, vv. 2853-4) « Par couardise est maint home honni Et li bon sont honnourez et chieri Et de puceles bienvenuz et servi. » (Tierri, vv. 3142-4)
} « Miex vaut assez a honor trespasser Que il ne fet vilainement durer. » (Gyrart, vv. 3428-9)
« Hom soudoier qui se va reponnant Et au besoig enz en chambres muçant, Em bas le dient li petit et li grant : « Cil est faintis, ja ne vaudra noient, L’en pert tout ce qu'en va en lui metant. » » (Renier, vv. 3463-7)
1022
TABLE DES PROVERBES
« Par .I. couart puet l’en moult empirier Et tout .I. ost honnir et vergoignier, Et .I. hardi les fet touz rehaitier. » (Maillefer, vv. 4370-2)
« [...] cuer de fame voit on por poi mué. » (Renier, v. 6218) « Qui glouton haste, 6380)
il le veut estrangler. » (Murgalet,
v.
« Quant une fame a .I. enfant porté Et l’en li a lonc temps desmanevé, [..] Au chief du terme quant on li a moustré, Cuer li remue, ne puet estre celé, Couleur li change et a le cors maté Pour la nature, qu'’ele a l’enfant porté. » (Renier, vv. 6583-91) « [...] fol et assoté Qui lonc temps garde son anemy morté ; Puisqu'il le tient pris en sa fremeté, Tantost le doit avoir a fin mené. » (Corbon, vv. 6780-3) « [...] mains a l’en d'anemis en non Dé, Plus tost a l’en des
autres fet son gré. » (Corbon, vv. 6784-5)
« Songe est fantosme,
qui i croit fet foltez ! » (Bertran à
Maillefer, v. 6874)
«[...] .M. mars d'or vaut .I. jour de respis. » (Bertran rapportant les paroles de Guibourc, v. 7028) « [...] qui bien aime sifait mal ne crient mie. » (Gracïenne à sa mère, au sujet du dépucelage, v. 8420)
\
ET EXPRESSIONS
SENTENCIEUSES
1023
« Grant perill est d’enfans desmanevez : Par les bastarz c’on gete aval trovez, C’on ne set dire qui les a engendrez, Est moult le siecle empirié et grevez. » (Florentine, vv. 8494-7) « Il n’est nus hons tant ait de mals bracez Que, s'il puet estre vraile]ment confessez Et repentans, que il ne soit sauvez. » (Renier, vv. 9507-9) « Par male haste puet on poi conquester ! » (Renier, v. 9587) « Qui bon courage et bonne esperance a Et vraie foy Damedieu portera, [...] en la fin Jhesu li aidera. » (Bertran à Maillefer, vv. 9778-80)
« Nul ne puet nuire cui Il veut amer. » (Bertran, au sujet de Dieu, v. 9825)
« Par fantosme ja hom n’amontera ! » (Renier à Grymbert, v. 10237) « Nule science ne doit estre celee Qui au besoig ne doie estre moustree » (Grymbert à Renier, vv. 10430-1) « Nul ne se doit en tel chose afiier ! » (Renier à Grymbert, au sujet de la magie noire, v. 10446) « N'afiert a roy qui veut en pris monter Qu'il soit traître ne se veulle mesler. » (Maillefer, vv. 12605-6)
- « Trop lonc celer a maint home grevé. » (Grebuede à Renier, v. 13382)
1024
TABLE DES PROVERBES
« Hons qui a guerre [...] Asseürer ne se doit tant ne quant. »(Bertran, vv. 14690-1) « Cil n’est pas preudon Qui maine joie et fet arrestoison Tant qu'a mesese set son bon compaignon S’aidier li puet et fere alegison. » (Renier, vv. 16510-16513) « Pour .I. seul jour trop targier [...] Est uns hons mors et mis a guerison. » (Renier, vv. 16515-6) «Aumosne est grant de traïteur plessier. » (Renier, v. 16928) « Trop est li hom plain de fol esciant Qui aparente nului en son vivant S’il ne soit bien de voir certainement Qu'engendrez soit d’un pere vraiement Ou d'une mere porté. » (Renier, vv. 17437-41) « On ne doit mie geu ne feste lever S’on ne le puet loiaument demener. » (Renier, vv. 17654-5) « Par les nourrices est maint enfes mué À ce retrait dont il est alevé. » (L’Archange Gabriel à Ydoine, vv. 18036-7)
GLOSSAIRE
a, prép., 124 etc. : pour ; 186 etc. : avec ; 400 etc. : de ; 1581 : contre ; 3841 etc. : pour ; 12376 etc. : par.
aaïisier, v. pron., 225 :jouir des commodités et des plaisirs de la vie, prendre du bon temps ; 6251 : prendre du repos. [aancrer], v. intr. ou pron., 4904, 2100, 6332 : jeter l'ancre, mouiller. aastie, sf, (par —), loc. adv., 8424, 14359, 19970 : avec ardeur, violemment. aastie, adv., 8846, 18994 : rapidement.
[aastir], v. pron., 2780, 2876, 9045, 19290 : se faire fort de. aautis, adj., 335, 1499 : qui se dépêche, pressé ; voir aastir. abaier, v. intr., 4399, 5605, 5661, 7242 : pousser des cris stridents. abandon, sm., metre son cors en — loc. v. 8352, 15799, soi
metre en — 18415 : mettre du cœur à combattre, exposer sa vie. abandon(n}er, v. tr, 3658, 5953, 10723, 13720, 15930, 16110 : exposer au danger ; 3995, 6202, 8768, 10146, 11199, 17447, 17701 : céder, donner ; 10066 : ouvrirà une libre circulation ; pron., 3331 : se mesurer, affronter ; 3721 : s’abandonner, remettre sa destinée dans les mains de Dieu ; 5753, 5846, 7677, 11086, 11636, 15534, 15654, 18397 : mettre du cœur, en part. à combattre, exposer sa
vie ; 6645, 11396, 11397 : donner son cœur à ; 8209 : se
1026
GLOSSAIRE
soumettre à ; 17365: perdre sa retenue ; part. prés. employé comme adv., 3566 : à vive allure ; les frains abandon(n)ez, loc. adv., 12238, 14262, 15502 : la bride sur le cou du cheval, à vive allure. abateïs, sm., 14774 : massacre.
[abaubir], v. tr., 15971 : mettre en grave difficulté.
[abelir], v. imp., 17240 : être agréable, plaire. [abessier], v. tr., 5623 : mettre à mal. [abeter], v. tr., 14531 : prendre pour dupe.
[abosmer], v. intr. 12140 : être affligé ; part. pas. 502, 1333, 9326, 9611, 11072 : affligé, triste. abraser, v. tr., 2541 : brûler.
abrievé, adj., 711, 2447, 3299, 3898, 5390 : empressé, qui se précipite. abuvree, part. pas., 42 : qui a bu à satiété, ivre. [acener], v. fr., 186, 6275 : appeler quelqu'un en lui faisant signe. acerin, adj., 7081 : d’acier, acéré. acesmeement, adv., 15868 : habilement. [acesmer], v. fr., 700, 3122, 5336, 5967, 12247 : équiper pour la bataille, armer ; 5031 : préparer ; part. pas., 6634, 11124 : élégante ; 19892 : en armes. achaitivez, adj., 14273 ; acheitivee, 6637, 11127 : mal en point. [acheminer], v. pron., 2304, 7062, 7363, 8532, 10020 : se mettre en route ; 7400, 9728, 11423, 13950, 14295, 14947, 15065 : se diriger ; part. part., 152, 12716, 14247 : en route (pour).
achetee, adj., 16194 : qui a de la valeur. acheter, v. fr., 5608, 11414, 13243 : payer. [aclaroier], v. tr., 12409 : éclaircir, disperser.
GLOSSAIRE
1027
aclinans, adj. v., 368 : soumise. aclinez, part. pas. employé comme adj., 6860 : dont la tête est baissée, soucieux. [aclorre], v. tr., 8982 : entourer, environner ; 16938 : serrer
de près, presser. acoïintemant, sm1., 17692 : accueil aimable.
acointier, v. #r., 4367, 6491, 14673, 14933, 17389 : faire connaître, apprendre ; 10596 : faire connaissance de. acoler, v. fr., 432, 4088, 6656, 7377, 8630 etc. : prendre par
le cou. [acons(s)ivir], v. fr., 17113, 18919, 19419: arteindre (au terme d’une poursuite), rattraper. [aconter], v. fr., 15200 : rapporter, relater. acorder, v. fr., 1608 : approuver ; — a 8488 : unir (par les liens du mariage) ; 9643 : réconcilier ; pron., 2620 : se mettre d'accord ; 2314, 2579, 3414, 4018, 4098 : s’accorder,
donner
son
accord
à ; 4949,
9390 : conclure
un
accord avec ; part. pas., 16398 : d'accord. acort, sm., soi tourner/ otroier a l’— de 6369, 8765, 16666,
17825 : donner son accord aux propositions de qqn. acoster, v. tr., 2678 : placer à côté de ; pron. 9070, 10322 : se placer à côté de. [acoubler], v. tr, 6977 : attacher (en vue de procéder à l’écartèlement).
acouchie, part. pas., 539 : couchée ; 18634 : couchée, qui relève de couches. acouler, v. fr., 17651 : voir acoler. acourre, v. intr., 19393 : accourir ; part. prés. adv. 1236,
8952, 12100, 14693, 15083, 16978, 19136 : en courant, à vive allure.
1028
*
GLOSSAIRE
acouter, v. intr. ou pron., 2530, 7402, 11052, 12889 : s’accouder, s'appuyer ; part. pas., 1273 : voir note corr. [acraventer], v. tr., 7346 : abattre, renverser. acube, 5f., 616, 2506, 3838, 6169, 7069 : fente. acueillier, v. tr., 2424, 9932, 16706, 16730 : s’emparer de ; 11431, 14374 : emporter ; — son chemin vers, loc. v., 526,
3136, 6800, 11815, 19083, — son chemin en 3361, 5243, 15554, — sa voie vers 6315, 10923, 14606, 17575, — sa voie a 15363, — son erre vers 8009 : se mettre en route, aller en direction de, se diriger vers. acuser, v. fr., 4126 : dénoncer. adamasgier, v. fr., 10326 : blesser. [adeingnier], v. tr., 6052 : aimer, agréer, traiter avec égards . [ademetre], v. pron., 9289, 16936 : se précipiter de toutes ses
forces. ademis, part. pas. employé comme adv., 527, 1158, 5210, 8020, 10817, 15116, 15131, 18360: tête baissée, à toute allure, par ext. sans tarder ; 15578 : de toutes ses forces. adentee, sf., 5500 : chute sur le visage. adés, adv., 7596, 8960, 20019 : aussitôt ; (tout —), loc. adv.,
12264 : toujours. [adeser], v. tr., 1287, 3298 : toucher. [adestrer], v. tr., 14198, 14919, 17310 : conduire. [adoner], v. pron., 6233 : se donner à.
adont, conj. & adv., 352, 393, 871, 1356, 1402 efc. : alors. adosser, v. fr, 1515 : quitter, abandonner ; 3057, 6640,
11120,
11413,
12516,
12809,
12825,
19573 : renier,
abjurer ; 19809 : rejeter, détester. adouber, v. fr., 2745, 13350, 15839 etc. : armer, équiper pour
la bataille ; 8149, 8773, 8780 etc. : faire chevalier, adouber ; — son cors, loc. v., 3043, 3498, 5313, 9237, 12256
GLOSSAIRE
1029
etc. : se préparer pour la bataille, s'armer ; pron., 645, 695, 697, 2143, 2173 etc. : se préparer pour la bataille ; part. pas., 1971, 3513, 3947, 4942, 6747 etc. : armé chevalier, adoubé ; 4499, 5331, 10677 etc. : armé. adoubez, sm., 673, 686, 706, 2082, 14246, 14331, 14506, 19896 : chevaliers en armes. adoulé, adj., 1029, 3895, 5584, 19183 : affligé, contrarié ; 4938, 8480, 8624, 18138, 18474 : qui éprouve de la douleur, douloureux, mal en point. adrecier, v. fr., 5821 : faire droit à ; 6454, 11430 : diriger ; — son chemin, loc. v., 919, 11644, 19255 : se diriger ; intr., 18067 : atteindre, parvenir ; pron., 906, 967, 3656, 6063,
6063 etc. : se diriger ; 12402 : se jeter ; 14224 : parvenir. aduré, adj., 141, 1090, 1337, 1517, 2083 etc. : aguerri, fort,
vaillant ; 15586 : âpre. aé, sm., 1272, 1301, 1950, 4917, 4941, 6738, 11215, 16833, 17197, 17997 : âge ; 1309, 1511, 1957, 3030, 5008, 5798, 5879, 12671, 16472, 17031, 18600, 18895, 19862: vie, existence ; (par —), loc. adv., 1825 : longtemps. [aerdre], v. tr., (aert) 1635, (aerdant) 1645, 5567, (aersse)
11947,
13792,
19479,
(aerst) 19708 : saisir, attraper ;
pron., 1632 : se rattraper, se retenir. aesier, v. fr., 10204 : mettre à leur aise, satisfaire, contenter ;
voir aaisier. [aesmer], v. tr., 2977, 10254 : estimer ; voir esmer. afaitoison/ afetoison, sf, de bon(n)e -, loc. adj., 3473, 18659 : qui présente les qualités les plus honorables et les
plus aimables. afeminee, part. pas., 7321 : affamée. afendant, part. prés. adv., 1283 : à vive allure ; voir note … 2224afenmer, v. fr., 4827, 5827, 15686, 15694 : affamer.
1030
GLOSSAIRE
[aferir], v. imp., 8751, 12605, 16726, 17260 : convenir.
afetement, sm., (de gent —), loc. adj., 17773 : gracieuse ; (par nul —), loc. adv., 15326 : de quelque façon. afetiez, adj., 920 : instruit, habile, prudent. [affier], v. tr., 14632 : voir afïer. afichier, v. tr., 4366, 18192 : affirmer, jurer ; pron., 14170,
16969 : se jurer de, se promettre. afier/ afiier, v. tr., 8712 : se fiancer avec, donner sa foi à ;
9218, 13277, 15266, 15743 : s'engager (à participer à un combat judiciaire) ; 11952, 11948, 12287, 14153, 19498 : promettre, jurer ; pron., 8234, 10446 : avoir confiance, placer sa confiance (dans qqch). afilé, part. pas. adj, 3519, 4313, 5562, 7055, 8613, 9339, 13058, 15883, 18472 : trenchant, aiguisé.
afiner, v. tr., 2388, 8661, 9490, 13148, 14853 : tuer ; 6726, 8621 : terminer, achever. afleboier, v. fr., 5510, 8143 : affaiblir, diminuer (les forces de).
afloibis, part. pas. adj., 14599, 15570 : affaibli, diminué. [afluber], v. tr., 4308, 5317, 15481 : envelopper, recouvrir ; part. pas., 9186 : agrafé. afoler, v. tr., 1860, 2730, 2775, 3511, 4128, 4771, 5104, 5354, 7745, 9634, 9680, 12171, 12500, 12506, 13513, 13640, 13711, 13723, 16873 : blesser mortellement, tuer ;
sm., 4780 : mort. [afondrer], v. intr., 717, 8967 : être submergé, couler. [afronter], v. tr., 13734 : frapper sur le front, assommer. [afuïr], v. intr., 9021, 9036, 19804 : fuir, s'enfuir ; pron., 15140 : s'enfuir ; part. pas., 15201 : réfugié. agenssi, adj., 17241 : beau. [agrejier], v. tr., 8427 : accabler de coups.
GLOSSAIRE
1031
[agrever], v. intr., 1392 : souffrir ; tr., 2348, 8550, 9007, 12468, 13675, 14342, 14387 : mettre à mal, accabler ;
imp., 9416 : être pénible, douloureux ; part. pas., 39, 8484, 8930, 10831, 13631, 16004, 19127 : mal en point, accablé.
agu, adj., 775, 3177 : qui se termine en pointe, pointu ; 3524, 3545, 5980, 6766, 7229, 8120, 8902, 8917, 10300, 15059, 15602 : acéré. aguet, sm., 9934, 9939, 10664, 10715, 18301, 19834, 19887, -20028, 20033, 20043 : troupe de guerriers faisant le guet ; 16705, 16965 : lieu où se tient une troupe qui fait le guet. ahan, sm., 12478 : peine, souffrance ; 13456 : effort ; (a ahans), loc. adv., 7121 : cruellement. ahannage, sm., metre son cors en —, loc. v., 10982 : se donner
de la peine. [ahonter], v. tr., 3490 : déshonorer, couvrir de honte. aider/ aïder, v. fr., 367, 1397, 2287, 11491 : porter secours, secourir. aidier, v. fr., 598, 2042, 2650, 2911, 3012 etc. : secourir, porter secours à ; (aidiez) 2489, 3667 : à l’aide ! au secours ! ; intr., 5659, 19914 : se défendre ; pron., 3527, 4423, 5520, 5612, 5677 etc. : se défendre, combattre.
aidis, adj., 3374 : secourable. aïe, sf, 816, 2279, 5618, 5630,
7199,
11972 : secours,
renfort ; estre en - loc. v., 2949, 14371 : être secourable ;
fere — 3677, 10956, 10964, 15161, 15360 : venir au Secours, SeCourir. [aiesier], v. tr., 18054 : mettre à l’aise ; voir aaisier. aigrement, adv., 12314, 16927 :vigoureusement, avec ardeur, violemment.
1032
GLOSSAIRE
[aigrier], v. tr., 840, 19955 : piquer ; 3754 : pousser à agir, aiguillonner, exciter ; pron., 9016 : se piquer de, se mettre en tête de. ainmer, v. f#7., 16958, 17290 : aimer.
ainnel, sm., 19945 : agneau. ains, prép. & adv., 67, 276, 371, 1521, 1529 : voir ainz. ainssi, adv., (— que), loc. conj., 6585, 6868, 7378 etc. : comme ; 10767, 14961, 15824, 19706 : alors que. ainz, prép., 399, 970, 1147 etc. : avant ; (— que), loc. conj.,
896, 1038, 1117 etc. : avant que ; adv., 892, 1858, 2710 etc. : au contraire ; 2014, 2419, 16816 : auparavant ;(or-),
loc. adv., 10282 : tout à l'heure, il y a un instant ; (- mes) 10580 : jamais auparavant ; (qui ainz —) 13157 : à qui mieux mieux. aiol, sm., 601 : voir aÿol. aïr, sm. : contrariété en général ; 3171, 3708, 12328, 13138, 13686, 17183 : colère, irritation, ardeur guerrière, désir de vengeance ; 19390 : dépit ; (par —), loc. adv., 3607, 3624,
4586, 6040 : mû par la colère, par une ardeur guerrière, énergiquement, violemment ; (par grant —) 4459, 12401 : mû par une grande colère, par une grande ardeur guerrière, très énergiquement ; (par tel —) 4623 : si énergiquement, si violemment. aïree, sf, (par moult grant —), loc. adv., 5490, 8892, 10669,
11749, 12471, 13745, 16803, 17158 : mû par une grande colère, par une grande ardeur guerrière, très énergiquement ; (par si grant —) 12661 : de manière si énergique. aïreement, adv., 15884 : violemment. [aïrer], v. fr, 2938, 11238 : contrarier, fâcher ; intr., 1884, 5394 : se mettre en colère, s’irriter ; 4825 : éprouver un dépit mêlé d'inquiétude ; pron., 2139, 4538, 9419 etc. : se
GLOSSAIRE
1033
mettre en colère, s’enflammer de colère, s’animer d’une ardeur guerrière ; 7548, 8426, 9156 etc. : éprouver un dépit mêlé d'inquiétude ; part. pas., 466, 900, 5299 etc. :
dépité, irrité, bouillant de colère ; 497, 3923, 8693 etc. : affligé ; 2458, 3286, 8322, 11149 : qui fait preuve d'ardeur au combat ; sm., 885, 7034, 10707, 19381 : colère, irrita-
tion, dépit. aïroison, sf, (par tel —), loc. adv., 999, 2205 : animé par une telle agressivité, si violemment ; (par grant —) 4339, 4453, 7234, 8342 : mû par la colère, par une ardeur guerrière. ais, sm., 12383 : planches (de l’écu). [ajoindre], v. tr., 17163 : accoler. ajournant, sm., 16578 : lever du jour. ajournee, sf, 2897, 6726, 11440 : lever du jour. ajournement, sm., 14682, 14688 : lever du jour.
ajourner, v. imp., 1407, 2720, 10072, 12993, 13008, 16729, 17051,
17834,
19629,
19688 : faire jour; intr., 18812:
arriver ; part. pas., (chescun jour ajourné) 5894 : chaque jour (qui passe) ; sm., 2529, 2549, 18723 : lever du jour. ajouster, v. pron., 20043 : se joindre à. alaine, sm., 8460, 8469, 8481 : souffle, respiration.
alegier, v. tr., 1754, 18826 : soulager, rendre moins pénible. alegison, sf, fere —, loc. v., 16513 : soulager. alemele, 5f., 10298, 11748, 13613 : fer d'arme tranchante. alenee, sf. (a —), loc. adv., 517 ; (a moult haute —) 7309,
8883, 13177, 13759, 13883, 15588, 17155, (a haute -) 10309 : de tout son souffle, avec une voix forte. [alentir], v. pron., 1496, 10999 : se mettre en retard, tarder ;
intr., 7543 : ralentir la cadence ; part. pas., 347, 1140, 9410 : lent, qui tarde à ; 8481 : affaibli. aleours, sm., 12956 : chemins de ronde.
1034
GLOSSAIRE
aler, v. intr., 8545, 16019 : perdre ; (est bien la chose alee) 10427, (mal est la chose alee) 11872 etc. : les choses vont
mal/ bien ; — sus 283, 366 : marcher sur ; part. pas., 4493, 10478, 15041, 15081 : perdu. aleüre, sf, (grant —), loc. adv., 336 : à vive allure. alever, v. intr., 877 : se relever, se mettre debout ; 8217 : s'élever en dignité ; tr., 4122, 5099, 6759, 9596,
11403,
18037 : élever ; 5987, 16769, 16834 : accroître la dignité de, élever en dignité ; part. pas., 1810, 16150 : issu. aloe, sf, 6058 ; aloete, 11033 : alouette. aloïignier, v. tr., 5664, 16562 : allonger, rendre plus long. aloser, v. tr., 3530 : louer ; part. pas. adj., 143, 1040, 6299, 8191, 8644, 15188, 17066, 18228, 19636, 19853 : loué, renommé. alye, sf. 2124, 5613, 10367, 12441, 13778, 14360, 15854, 16795, 19326, 19967 : alise, fruit de l’alisier (variété de sorbier) au goût légèrement acidulé. amatis, adj., 339 : moulu, éreinté. ambedoi, adj., 3302 ; ambedui,
14175 : tous les deux.
amblans, adj. v., 19348 : vifs, rapides. amende, sf, 15369 : réparation, dédommagement. amender, v. infr., 177, 1566, 1569 : se parfaire, acquérir plus de qualité, de valeur ; 14476 : réparer un tort ; tr., 1901 : réparer,
dédommager ; 2682,
2921,
3255,
6535,
8806,
9985, 16874, 19780 : corriger; 2733, 16604 : aider. amendise, sf, 15380 : réparation. [amenisier], v. tr., 901, 5173 : diminuer le nombre de, décimer, massacrer. amenrir, v. fr., 4593 : diminuer le nombre, faire périr. amesurez, adj., 6872, 14510 : qui fait preuve de mesure, sage.
GLOSSAIRE
1035
amiral, sm., 699, 1207, 1220, 1244, 4470, 6339, 8202, 9545, 12360, 13296, 17611 : émir, seigneur sarrasin.
amirant, sm., 562, 567, 580, 1204, 4127, 5063, 6322, 6935, 7715, 11092, 13777, 13831, 17595, 17616, 17635, 17638, 18487 : émir, seigneur sarrasin. amiré, sm., 1271, 1281, 2112, 3033, 4304, 5302, 5338, 10071, 10115, 10948, 11154, 11178, 12235, 15243, 17211, 19658 : émir, seigneur sarrasin. amist(i)é, sf, 1300, 1903, 2790, 3063, 3110, 5803, 8313, 10944, 13379 : amitié, affection, amour. amont, adv., 451, 1350, 2810, 7521, efc. : en haut. amonter, v. f7., 1980, 13909, 14426 : élever en dignité, respecter ; 3996, 4852, 8207 : donner l'avantage à,
favoriser ; intr., 17915, 18258 : grandir, devenir adulte ; 7398, 10237 : s'élever en dignité, être respecté. amorti, part. pas., 9047, 11333 : glacé (d’effroi). amoustrer, v. intr., 15487 : se montrer, se présenter ; pron., 8932, 10248, 16368, 19394 : se montrer, apparaître ; estre amoustrez de + inf., loc. v., 14413 : manifester l'intention de. ancesserie, sf. (de grant -), loc. adj., 104: très ancien ; ançoiseurie, (de vieill —) 1072, 10910 ; (de vieille —) 4643 : très ancien ; (d’ —) 17576 : ancien. ancui, adv., 9414, 13365 : aujourd'hui ; (- dedenz tierz di)
2831 : d'ici à trois jours ; (- au vespre) 6687, 18496 : ce soir. andeu(l}s, adj., 4705, 5576, 6191 : tous les deux. andoi, pron., 866, 3129, 3478, 5491, 6980, 7023 etc. : tous les deux. … andui, pron., 6433, 8309, 12165 : voir andoi.
1036
GLOSSAIRE
anemi, sm., 237, 1481, 2491, 3383, 3413 etc. ; anemy, 2775, 6781 : ennemi ; 1759 : diable. | angele, sm., 18007, 18040, 18042, 18048, 18548, 18847 ; angle, 3732, 4355, 18005, 18017 : ange. angoisse, sf, 14, 6131, 7407, 9315 : douleur, souffrance. angoissier, v. fr., 2500, 3627, 3720, 7546, 8458, 8477, 11991,
16879, 19120, 19135 : presser, tourmenter, harceler. aniaus, sm., 9921 : voir aniax. aniax, sm., 6895 : chaînes, fers. anqui, adv., 5239, 18608 : voir ancui.
ante, sf, 844, 2452, 5610,
10757,
12305,
12347,
16092,
19906, 19922 : bois de la lance, lance. anti, adj., 524, 3377, 7493, 8012, 8395 efc. : vieux, ancien.
antiquité, sf. : ancienneté ; (d’—), loc. adj., 9889,
10058:
ancienne.
anuitement, sm., 7536, 11526 : tombée de la nuit. anuitier, v. imp., 6713, 7248 : faire nuit ; sm., 18793 : à la tombée de la nuit. aombrer, v. fr., 10157 : abriter du soleil, plonger dans l'ombre. [aorer], v. fr., 151 : voir aourer. aourer, V. f7r., 996, 1025, 2640, 2723, 3029 etc. : adorer,
rendre grâce à ; part. pas. (crois aouree) 12767 : sacrée. [aouvrer], v. tr., 10163 : actionner, faire fonctionner. apareillier, v. tr., 1173 : voir appareillier. [aparenter], v. tr., 17438 : traiter comme un parent. [aparir], v. pron., 9710 : apparaître, se montrer. [aparler], v. tr., 10524 : parler, adresser la parole. aparmain, adv., 1795, 13992, 14143, 14263 : tout de suite. apartenant, sm., 1654 : parent. [apartenir], v. fr., 17034, 17452, 17458 : être apparenté à.
GLOSSAIRE
1037
apassé, part. pas. d’[apasser], 1339, 14340 : passés, accomplis. [apendre], v. tr., 1260, 19352 : appartenir. apenssement, s”1., 9984, 16597, 17413 : réflexion, jugement.
apensser, v. pron., 499, 1803, 5425 etc.: penser à, se rappeler ; 1599, 5201, 8505 etc. : former le projet, décider que ; 3326, 8738, 13136 : penser, se faire la réflexion, se dire à soi-même (que) ; 8870, 12803 : penser,
réfléchir ;
10547, 18980 : réfléchir au moyen de ; part. pas. adj. 5088, 6008, 6184 etc. : réfléchi, sage, prudent. apertement, adv., 1633 : habilement, avec vivacité ; 1761 : ouvertement, franchement ; 71288 : avec attention ; 11116 : clairement. [apesier], v. pron., 18914 : faire la paix (avec) ; part. pas. adj., 4868 : calme. [aplanier], v. fr., 1240 : caresser. [aploitier], v. #r., 19212 : garnir, équiper. apoier, v. pron., 633, 2054, 5188 : s'appuyer. [apointier], v. tr., 9009 : disposer, arranger ; 16716 : ajuster, tendre (en vue du jet). aporter, v. fr., 7833, 17422, 17427 : porter, arborer. apostas, sm., 10652 : potentat.
aposteles, sm., 15557 : apôtre ; apostole, 17909 : pape. [apourpensser], v. pron., 8936 : penser, se faire la réflexion (que) ; 19165 : réfléchir avec attention au moyen de. appareillier, v. tr., 821, 3523, 3526 etc. : préparer, apprêter ; — sa chose, loc. v., 13937, 14164, 14210, 19730 : faire ses préparatifs ; pron., 1167, 1548, 2143 etc. : se préparer, ._ s’apprêter. apparissant, adj. v., 7704, 17423, 17429 : apparent, visible ; voir aparir.
1038
GLOSSAIRE
aprés, prép., 2249, 3287, 5514, 9017, 13614, 13692, 15782, 15796, 15818, 15856 : en direction de ; 990, 7757, 9462 etc. : à la suite (de gqn) ; adv., 19, 122, 156 efc. : ensuite ;
15504, 15650, 19201 efc. : à sa poursuite ; venir —, loc. v., 9362 : se lancer dans une poursuite ; (en —), loc. adv., 34,
112, 2109, 4349, 9501, 13798 : ensuite. apress(ier, v. tr, 795, 3728, 5172, 13710, 15625, 16711 :
presser, serrer de près ; 2709 : harceler, opprimer. aprester,
v. fr., 156, 289, 2306,
2561, 2712,
préparer en général ; 315 : investir d'un
3111
message
etc.:
(en
parlant d’un messager) ; 1973, 2173, 4489 etc. : armer;
pron., 1546, 6626, 7698 etc. : se préparer au combat, s’armer ; part. pas., 1698, 8154, 8163 etc. : prêt ; sm., 3421 : préparatifs guerriers. aprestes, smn., 5041 : préparatifs. apris, part. pas. adj., 1850, instruit.
1992, 2020, 4044, 5071
etc. :
[aprouvender], v. tr., 8660 : approvisionner. [aqueiïllier], v. fr., — sa voie vers, loc. v., 8869 : se diriger vers ; voir acueillier.
aquis, part. pas., 13502 : accablé, rompu de fatigue. aquester, v. fr., 11836 : acquérir, remporter. aquiter, v. fr., 1208, 17612, 17634 : acquitter (une redevan-
ce) ; 2357, 7174, 12725, 13873, 17228, 17862 :délivrer, se rendre maître de, conquérir ; 8407 : sauvegarder ; 13396, 17005 : remporter. [aquoisier], v. pron.,
8975,
11680 : s’apaiser,
se calmer;
10968 : se faire, faire silence ; 11682 : se tenir tranquille, se calmer ; part. pas., 8044 : silencieuse et immobile. araine, sf, 4217, 5178, 14598 : (pierre) de grès. arami, part. pas., 12680 : fixé, déterminé ; voir arrami.
GLOSSAIRE
1039
ar(r)amie, sf, 3678 : ardeur guerrière, bataille ; fere —, loc. v., 2966 : combattre ; (par =), loc. adv., 7525, 8387, 11982, 12431, 19958 : avec ardeur, avec vivacité, avec force ; (par si fiere —) 818 : avec une telle ardeur, avec une telle puissance. arbalestee, sf, 8994 : portée d'arbalète. arbrisel, sm., 850 : arbrisseau. [archoier], v. tr., 9753 : tirer à l'arc, chasser ; intr., 12160 : se courber. arçon, sm., 702, 2196, 2206, 3162, 3518, 3801, 4455, 8233, 10770,
12404,
16906 : arçon,
l’une des deux pièces ou
arcades qui forment le corps de la selle. ardoir, v. tr., 2508 etc. : brûler ; intr., 1290 : brûler, briller. ardure, sf, 2247 : violent ressentiment, feu de la colère. [arenger], v. pron., 2257 : se mettre en rangs, en ordre de bataille. aresnier, v. fr., 6066, 6481, 8140, 9965, 18727 : adresser la
parole. [aresonner],
v.
fr., 1914,
2642,
7291,
7413,
7787
etc. :
adresser la parole. arestison, sf, (sanz plus d’ —), loc. adv., 121 : sur-le-champ, sans délai. [argüer], v. tr., 13018, 16930, 18390 : presser, aiguillonner. argus, sm., 541, 8923, 12971, 18114, 19075, 19188 : artifices. armure, sf, 2154, 10304 : arme. [arouter], v. tr., 19099 : ranger à la file pour faire partir ;
intr., 11709, 13105, 19679 : se rassembler pour se mettre en route ; part. pas., 16220 : qui va d’un même pas. arragon, adj., 2195, 12061, 16669 : originaire d'Aragon ; sm., 950, 988 : cheval d'Aragon.
GLOSSAIRE
1040
arrami, part. pas. adj., 3378 : ardent au combat, impétueux, qui a hâte d’en découdre ; 8033 :fixée, déterminée. arreer, v. tr., 2353, 3116, 5041 : préparer ; 17801 : arranger, décider ; mal — 4511, 19626 : mettre à mal ; part. pas. 1799, 15462 : paré, habillé, mis. arrement,
sm.,
5553,
9999,
11207 : matière
dont on fait
l'encre, encre. [arresnier], v. fr., 4987 : voir aresnier.
arrestage, sm., (sanz —), loc. adv., 11473, 13929 : sans délai, sur-le-champ.
arresté, sm., (sanz point de l’—), loc. adv., 18544 : sans délai, sur-le-champ. arrestee, sf, fere —, loc. v., 16215 : marquer un arrêt ; (sanz —), loc. adv., 19997 : sans délai, sur-le-champ. arrestemant, sm., fere —, loc. v., 17783 : marquer un arrêt ; arrestement, (sanz plus —), loc. adv., 15949 : immédiate-
ment, sur-le-champ. arrester, v. infr., 3193, 3497, 4529, 6381, 6784 etc. : marquer un arrêt, tarder ; (Dusqu’a la chambre le marchis n’arresta) 1343 etc. : le marquis se rendit d'une seule traite à la chambre ; (N’arresterai. si) 6651-2, 8111-2, 8853-4 : je n'aurai de cesse que ; tr., 3827 : terminer ; 5029, 7303 :
arrêter, immobiliser ; pron., 105, 3906, 5573 etc. : marquer un arrêt, tarder ; (sanz plus de l’—), loc. adv., 17653 : sur-
le-champ. arrestoison, sf, 6175, 14641 : arrêt, pause ; fere -, loc. v., 16512 : se reposer ; (sanz plus d’-), loc. adv., 629 : sans tarder davantage, sur-le-champ ; (sanz nule —) 2908, (sanz —) 4448, (sanz point d’—) 18651 : même sens. arriver, v. intr., 587, 609, 1107 etc. : toucher la rive, accos-
ter ; 613, 614, 652 etc. : débarquer ; pron., 1329, 2391,
GLOSSAIRE
1041
15047 etc. : accoster; tr., 9059, 9742, 14976 etc. : faire toucher la rive à, faire aborder. [arrouter], v. pron., 10774 : voir arouter.
ars, sm., 12115 : partie antérieure du cheval, poitrail. art, sm., 8446 : art magique. asavoir, v. fr., 5761 : connaître, mettre à l'épreuve. asemblee, sf, 6022 etc. : voir assemblee. asemblement, sm., 3743, 6898 : mêlée, combat.
asembler, v. tr., 2177 : voir assembler. asembloison, sf., 16508 : rassemblement, fête. [asegurer], v. tr., 16395 : rassurer ; pron. 19452 : se sentir
en sécurité, hors de danger ; voir asseürer. asener, v. intr., 1566 : arriver ; voir assener.
aserant, sm., 16676 : tombée du jour, crépuscule, soir. [asfier], v. tr., 6613, 6923 : voir afier. asfoler, v. tr., 71 : voir afoler. [asouagier], v. pron., 4240, 13211,
15230,
17502 : êfre
soulagé. asprement, adv., 1632, 7714, 12880, 13090 : vivement, avec
ardeur, âpreté. aspres, adj., 13478 : vif. assazez, adj., 16253 : satisfait. assegurez, part. pas., 14712 : hors de péril ; voir asegurer. assemblee, sf, 6620 : rassemblement ; 20060 : combat,
bataille ; fere —, loc. v., 15757, 15759 : se battre. assembler, v. fr., 293, 5695, 7153 efc. : réunir, rassembler ;
intr., 5604 : s’assembler, se réunir ; pron., 8643 : se rassembler ; sm., 5595 : mêlée, choc de deux armées. . assener, v. fr., 2577 : retrouver, rejoindre ; 3157, 3292, 4532,
5399, 5414 etc. : atteindre de ses coups ; 17821 : placer. assentir, v. tr., 4601 : faire sentir ses coups (à qqn).
1042
GLOSSAIRE
asseoir, v. tr., 2296, 2326, 2594, 5146, 6461 etc. : assiéger.
asseri, sm., 19038 : tombée du jour, crépuscule, soir. [asserir], v. intr., 1171 : tomber.
asseür, adj., 8713 : assurée. asseürer, v. tr. 9683, 16589, 17563 : garantir la sûreté de, accorder une sauvegarde ; 16589, 18154 : rassurer ; intr.,
4898, 13717, 16208 : se tenir tranquille, être au repos ; pron.,
12893,
14691, 16134 : se tenir tranquille, être au
repos ; 4898, 7784, 17516, 19770 : se sentir rassuré, en sûreté ; 12120 : avoir confiance, se fier ; part. pas., 5293, 6647, 7470 etc. : rassuré, confiant ; 7451, 9189, 19447 :
tranquille, immobile. assez, adv., 58 etc. : beaucoup, en quantité ; 552 etc. : très ; (d’—), loc. adv., 680 : à beaucoup près ; voir note 680. assezee, part. pas., 16207 : pourvue. assise, sf, 2595 : siège. [as(s)oldre], v. tr., 9500 : absoudre ; part. pas. adj. (as(s)olu), 2254, 2630 : voir note corr. as(s)oté, adj. & sm., 2077, 3065, 6780, 18893 : dépourvu de bon sens, téméraire. assotis, part. pas. adj., 238 : fou, téméraire. assoupli, part. pas. adj., 351, 5200 : abattu. astache, 5f., 1722 : branche.
[astir], v. tr., 8104 : provoquer, défier. ataches, 5b. f, 9919 : attaches. [atachier], v. tr., 1004 : voir note corr. atant, adv. 99, 1235, 1313 etc. : à ce point du récit, làdessus ; (jusqu'— que), loc. conj., 2265, 12741, 15641, 15736, 19509, (dusques — que) 8799, 10995 : jusqu’à ce que. atapinez, part. pas., 18297 : caché.
GLOSSAIRE
1043
atargier, v. intr., 5192, 9769 : tarder ; pron., 5511, 6027,
14022, 20010 : tarder à, se mettre en retard ; (sanz point de l’—), loc. adv., 14671, 18732 : sans tarder, aussitôt.
atarjoison, sf. (sanz plus d’-), loc. adv., 984 : sans plus tarder, sur-le-champ. ateingnance, sf, 11067 : action de s'emparer de qqn. ateler, v. fr., 6964, 18783, 18841 : attacher ; part. pas., 4293, 5555 : pourvu d’un attelage. [atemprer], v. pron., 6437 : s’apaiser ; part. pas. adj., 5023, 6625, 16286 : calme, paisible, doux. atendison, sf., (sanz plus —), loc. adv., 19541 : sans attendre davantage. [atendrir], v. pron., 11408 : s’atendrir, s'émouvoir. [atenrir], v. pron., 422 : voir atendrir.
aterrer, v. tr., 3584, 8560, 10779, 13680, 13701, 18938, 19480, 19249 : jeter à terre ; intr., 6378, 7065, 14879, 14882 : arriver au rivage. ati(e)r(i)er, v. fr, 1409 : préparerà l'enterrement, embaumer (le corps d’un mort) ; 2533, 15183, 15217 : cuisiner, assaissonner (un. aliment) ; 3746, 10443, 8594, 13190,
14579, 18937, 19602, 19618, 20017 : traiter ; 4169, 15422, 16263 : préparer (un bateau) à prendre la mer (en particulier, en y disposant vivres et armes) ; 6723, 13022, 19376 : préparer, arranger, disposer d’une certaine manière ; 9228 : préparer au combat, revêtir d’une armure ; 10010, 17842 : apprêter d’une certaine manière, vêtir ; 12227 : équiper ; pron., 4262, 7506, 16389 : se préparer pour le combat, s’armer ; 15446, 17298 : se vêtir ; 17070 : faire des préparatifs (en vue d’une action) ; part. pas, 3021, 6627, 6665 : prêt pour le combat, armé.
1044
GLOSSAIRE
atour, sm., 94 : caractère ; 3771: équipement militaire; 10184 : vêtements, parure ; fere moult bel -, loc. v., | 14347 : s’équiper richement, s'armer. ato(u)rner, v. tr., 578, 4665, 4973 etc. : préparer à prendre
la mer ; 2818, 13690 : traiter ; 6593 : préparer, apprêter ; 12708 : vêtir ; 13298 : préparer pour le combat, armer ; 19631 : parer, décorer ; pron., 1547 : s’armer, s'équiper pour le combat ; 7044 : se préparer à prendre la mer ; 9963 : s'habiller, se vêtir. atout, prép., 3337, 3631, 8980, 9862, 11005, 12070, 12121, 12675, 15906, 18087, 18104 : avec ; adv., 8543 :avec cela. [atraver], v. fr, 3001, 13263, 15240 : héberger sous des
tentes. atrosnee, part. pas. adj., 7308 : voir note corr. aucion, sf, 14651 : action. aucun, dét., 1542, 2985, 3369, 4047, 4135 etc. : quelque ;
pron., 264 : quelques-uns. aufage, sm., 12491, 13270, 13306 : souverain sarrasin. auferrant, adj., 617, 3812, 12345, 13561, 18275 : impétueux,
fougueux ; sm., 738, 779, 928, 3191, 7666, 8222, 11695, 11806, 12315, 12362, 19144, 19909, 19932 : cheval de bataille, coursier. aumaçour, s., 410, 10189, 14810 : émir, dignitaire sarrasin. aumaire, sn., 15173, 15175 : garde-manger.
aumosniere, sf, 12049 : aumônière. aüner, v. #7, 292, 3013 : rassembler, réunir ; intr. 5609, 6119 : se rassembler. auquant, pron., 7136, 14587, 17725 : quelques-uns, plusieurs. auques, dét., (— de) 7007 : beaucoup de ; adv., 18, 4887 : assez ; 4898, 7543, 12454, 18312 : un peu, quelque peu; 6531, 11507, 13227, 17395 : bien ; 7841, 15570 : très.
GLOSSAIRE
1045
auqueton, sm., 1001, 3117, 3499, 3577, 3770 etc. ; auketon, 5314, 10001, 10761, 15748, 15886 : hoqueton, corset
bourré porté sous le haubert. au(Ds, sm., 6693, 14985, 19197 : gousses d’ail.
autel, adj., 7921, 12644, 17430 : semblable, pareil ; adv., 19672 : pareillement, de même. autiex, sm., 9522 : autels.
autressi, adv., 1667, 6614, 6814, 15978 : aussi, également ; 4001 : comme, de même que ; (tout — que), loc. conj. 15295 : de la même manière que, tout comme. aval, prép., 2269 etc. : dans, parmi ; 3352 etc. : le long de ; adv., 7235, 7539, 9110 etc. : en bas ; venir -, loc. v., 2636 : descendre ; descendre — 3170, avaler — 6850: s’abattre ; cheoir — 9004, aler — 13135 : tomber ; (la —), loc. adv., 16956 : là-bas. avaler, v. intr., 2572 : arriver à vive allure ; 5400, 7665 : s’abattre violemment ; 6274, 6847, 9471 efc. : descendre ; tr., 4533, 6074 : abattre, faire tomber ; 4912 : baisser ; 5730, 10549 : jeter ; pron., 9845, 10555 : descendre.
avancement, sm., 2619 : profit. avancier, v. fr., 4347, 5129, 18570 : avantager, favoriser. avant, adv., 4893 : loin ; 4031 : avancé ; (ore — !) 7535 : en
avant ! ; (ne pot en —) 7570 : il n’en pouvait plus, il était hors d'état d’aller plus loin ; (tout —), loc. adv., 173, 581,
11438, 11583, 19268 : auparavant ; (d’ore en —) 1376 etc. : dorénavant ; (arrier et —) 1650 : partout; (en —) 14686, 17597, 17919 : à partir de cet instant ; venir -, loc. v.
1220, passer — 1648 : s’avancer,
s'approcher ; venir —
1765, 17925 : arriver ; venir en — 1243, 1658 : arriver. … [aventurer], v. intr., 3205 : arriver par aventure.
[averer], v. tr., 18326 : réaliser, accomplir.
1046
GLOSSAIRE
[avertir], v. intr., 6943 : faire attention ; tr., 9800, 14093 :
étudier, interpréter. avespree, sf., 2859, 7783, 8356, 11136 : tombée du jour. avesprer, sm., 4213, 7047, 18962, 19813 : soir.
avironner, v. fr. 8569, 9092, 9450, 12878, 12885, 14404, 15149, 15474, 15529, 15952, 16101, 18882 : encercler, cerner de toutes parts ; 13877, 13881, 16626 : entourer ; intr., 9080, 19792 : former un cercle, se poster (tout autour de). avis, sm., 5075 : plaisir, agrément ; estre — a (qqn) que... loc. v. imp., 233, 6847, 10266 : intentions.
7172,
9124,
9787
etc. : sembler ;
avisance, sf, 9984, 10110 : finesse, subtilité. aviser, v. tr., 584, 710, 2448 etc. : apercevoir, voir ; 8359 :
viser ; pron., 19526 : trouver un expédient. avoé, sm., 4964 : voir avoué. avoir, sm., 2656, 3837, 4948 etc. : bien meuble, bien en général. avolé, part. pas., 4136, 6232 : venu, descendu ; 18173 : en train de voler. avoué, sm., 4492, 5858, 6391, 8531, 9354 etc. : seigneur ; 17938 : époux. avressier, sm., 2046, 4358, 4427 etc. : l'ennemi du genre humain, le diable ; 4402, 5118, 5513 etc. : (en parlant d’un homme) démon ; 10225, 10438 : démon ; 18200, 18736 : ennemis. [avuller], v. tr., 19532 : aveugler.
avulles, adj., 18431 : aveugle, frappé de cécité. aÿol, sm., 245, 6441, 6796, 9640, 10786 : aïeul, grand-père. ays, sm., 7246 : planches ; voir ais.
GLOSSAIRE
1047
baaiïllier, v. intr., 4434 : mourir. bacheler, sm., 1586, 2545, 2564, 2626, 2677 etc. : jeune homme qui n’a pas encore été adoubé. bacin, sm., 3179, 10838, 16904, 16918, 17178 : calotte de fer
portée sous le heaume ; 10168, 18533 : récipient, cuvette. bacinet, sm., 15826, 15844 : calotte de fer portée sous le heaume. bacons, sm., 7068, 15222, 18699 : jambons. baee, adj, (gueule —) 6838, 7472, 10417, 11765, 14084: grand ouverte. baïllie, sf, 4655, 11688, 14629, 15355, 19223, 19329 : pouvoir ; 7204 : secours ; metre em — a, loc. v., 111 : apporter à (qqn) ; avoir (la) — (de) 838, 1074, 2125, 8054 ; avoir en (sa) — 4867, 8855, 8030, 8405, 8854, 13780, 15160, 16354 : avoir en son pouvoir, sous sa domination ;
8403 : avoir pour époux. baiïllier,
v.
fr., 223,
15390 : gouverner ; 3129,
15082 :
donner ; 3527 : manier ; 12935 :saisir, capturer ; 19250 : livrer ; voir note corr. ba(bllir, v. tr., 3636, 4470, 12290 : gouverner ; mal — 543, 651, 4480, 4620, 5070 erc. : mettre à mal, maltraiter.
baignier, v. tr., 844, 19908 : passer, enfoncer. baing, sm., 18055 : bains. balance, sf, 11065 : péril. [baloier], v. intr., 7296, 11494 : flotter ; 14544,
19834 :
frémir, trembler. ban, sm., 14539, 18607 : levée des troupes.
bandon, (a —), loc. adv., 126, 980, 990, 2199, 3802, 12062, 18456, 19539, 19664 : précipitamment, à vive allure, sans tarder ; 610 : brutalement ; 947, 1055, 4447, 7603, 14560, 14568, 16327, 16524 : de toutes ses forces, sans retenue,
1048
GLOSSAIRE
énergiquement,
violemment ; metre
a -, loc. v., 2914:
abandonner, céder ; metre son cors a — 3437, 5084, 10863 ; .
soi metre a — 5641 : s’exposer au péril, se sacrifier. banie, part. pas., 14367, 14604 : levée par ban. baptizier, v. tr., 545, 1068, 1812, 4905, 5120 etc. : baptiser.
baptoïiement, sm., 17090 : baptême. barbakane, sf., 18933 : ouvrage de fortification extérieur au château et percé de meurtrières. barbé, adj., 659, 1366, 4502 etc. : barbu, d’où : vieux, âgé ; sm., 15615, 17696, 18556 : homme qui porte la barbe, homme âgé. bargaigne, sf, 6051 : choc, mêlée. barge,
sf, 2572,
4239,
4581,
4858,
5255
etc. : barque,
embarcation plate, canot affecté à une nef. barnage, sm., 722, 1099, 3013, 4241, 4347 etc. : assemblée de guerriers ; 4572, 16766 : hardiesse. barné, sm., 159, 184, 1076, 1327, 2525 efc. : assemblée de
guerriers ; 5886 : exploits, hauts faits. baron, sm., 291, 322, 343 efc. : homme hardi, guerrier ; adj.
609, 2547, 2890 etc. : hardi, qualités guerrières.
qui se distingue par ses
baronnie, sf., 416, 2280, 6307, 6312, 7212 etc. : assemblée de guerriers ; 12289, 14017 : hardiesse, bravoure. [barrer], v. tr., 14971 : bloquer, obstruer avec une barre. bas, adv., 3981, 6216 : à voix basse, tout bas ; (a — ton), loc. adv., 129, (em —) 3465, 4116, (em — son) 3484 : tout bas,
à voix basse. basme, sm., 1409 : baume. basset, adv., 7448, 8864, 10210, 14628 : à voix basse.
GLOSSAIRE
1049
bastir, v. tr., 2864, 7250, 19032 : monter ; 8042, 9010 : bâtir, élever ; 15132, 19009, 19283 : disposer, arranger, prépa. rer. batant, part. prés. adv., 11712 : rapidement. bate(illie, part. pas. adj. 9907, 10924, 11045, 14541, 15316 :fortifiée. batel, sm., 7957, 10667, 13933, 17270 : bateau. baudour, sf, 93: hardiesse, courage ; 10185,
14353 :
allégresse, joie. baudrain, sm., 4311 : baudrier, ceinturon. baudré, sm., 4314, 12420 : baudrier ; 17009 : couverture de la selle. baudrel, sm., 2153, 5327, 13485 : baudrier, ceinturon. baus, sm., 13109 : poutres. bebelin, sm., 4563 : sot ; voir note corr. bedel, sm. inj., 19946 : mercenaire, pillard. [beer], v. tr., 12213, 19821 : tendre à, être enclin à.
behourder, v. intr., 10705 : frapper. belement, adv., 3207, 9742, bruit, doucement.
10221,
10425 : sans faire de
belfroi, sm., 3269 ; belfroy, 822 : échafaud en forme de tour, avec loges et gradins, à partir duquel les dames et les personnages de haut rang suivaient les combats. _
beluté, part. pas. adj., 1426 : réalisé avec une farine blutée (tamisée pour la séparer du son) ; 15178 : bluté, passé au tamis.
bender, v. tr., 7576, 12376, 18507 : panser ; 10476 : renforcer avec des bandes de métal ; 19525 : attacher avec des liens ; 19531 : appliquer un bandeau, bander ; part. pas., 12470, 13114 : renforcé avec des bandes (de métal). bendes, sf, 18271 : bandes.
1050
GLOSSAIRE
beneïçon, 5f., 983, 7596 : bénédiction. beneïr, v. tr., 1498, 7815, 11897 ; [beneÿr], 19630 : bénir.
beneoit, part. pas. adj., 3432, 5477, 17929 : béni. beneürez, sm., 6569, 9516 : bienheureux. beneÿcçon, sf, 133 : voir beneïçon. berchier, sm., 5123 : voir note corr.
[bersser], v. tr., 8896, 10041 : frapper, transpercer de flèches. besant, sm., 3198, 3725, 10540, 15865, 16955, 17853, 19344 : monnaie d’or de Byzance. bescuit, sm., 6622, 7046, 11002, 18699 : biscuit. besoï(n)g, sm., 688, 1811, 2137, 3369, 4063, 5113 efc.: difficulté extrême ; 2282, 5057, 5159, 5420, 10032 etc. : besoin, nécessité ; 3226 : c'est nécessaire ; 10004 : affaire ; (au —), loc. adv., 3464, 10431, (au grant —) 15146 : dans les
situations difficiles. besoigne, sf, 1542, 1696, 2137, 5054, 6545 etc. : difficulté extrême ; 6649,
11141 : tâche ; 9987,
16211,
16262 :
affaire. beson, sm., 2911 : difficulté extrême. bestournez, adj., 5550 : tournés à l'envers.
beter, v. intr., 6136 : couler. beubant, sm., 7747 : présomption, arrogance, outrecuidance. [bienveignier], v. tr, 1595, 3144 : faire bon accueil ; (Gracienne saluer le bienveigna) 16229 : Gracïenne le salua avec bienveillance. bienveullans sb. m. 2284 : amis, alliés. biere, sf, 1410, 3596 : cercueil ; 19627 : brancard pour porter les morts. bis, sm. (?), (tours de —) 234 : voir note corr. blasmer, v. tr., 887 etc. : blâmer, faire des reproches. [blastengier], v. tr., 13791 : outrager.
GLOSSAIRE
1051
blecier, v. tr., 1288, 2882, 5504, 8418, 11980 erc. : blesser. blesmir, v. tr. , 4615, 8377 ; [blaismir], 2882 : blesser.
bloi, adj., 3280 : bleu. boiax, sm., 15889 : entrailles.
boisdie, sf, 827, 9011, 10908, 11674, 14615, 15353, 16365, 18993, 19330 : tromperie, ruse ; 14150, 14548, 19224: traîtrise ; (sanz —), loc. adv., 418 : de manière certaine ; 15371 : sincèrement.
boiseour, adj., 2213, 8985, 10348, 14346 : trompeur, félon. boisier, v. fr., 17754 : trahir, faire défaut à ; (sanz —), loc. adv., 10599 : loyalement. bon, sm., 1487, 3086, 4018, 5701, 5756 etc. : volonté, bon
plaisir ; tout a son -, loc. adv., 11464 : selon sa volonté ; torner au —, loc. v., 12054, 12753, 16749 : faire la volonté, se soumettre à la volonté de. bondie, sf, 814 : sonorité. bondir, v. tr., 3352 : faire retentir ; intr., 3639, 4590 : résonner. bonement, adv., 1749, 1902, 6615, 8072, 9293, 12862, 15371, 17412, 17719, 17789 : avec bonté, douceur, courtoisie. boneürez, sm., 17974 : voir beneürez. bort, sm., 4916 : bord du bateau. bosquetel, sm., 19767 : petit bois.
boucle, sf, 3576, 12357 : bosse du bouclier. ‘boufee, sf., (de —), loc. adv., 2464 : avec arrogance, jactance. boufoi, sm., 3271 : vacarme.
bougon, sm., 7236 : voir note corr. boulir, v. intr., 1672 : bouillir de colère ; 4603, 10830 : se
répandre, couler. bouter, v. tr., 492, 1234, 1601, 1634, 1764, 1720, 8376, 9458, 11214, 11764, 15180 : pousser, précipiter ; 2148, 2452,
1052
GLOSSAIRE
4229, 6895, 7090, 8558, 10676, 13699, 16095, 19255: passer, enfoncer ; 9125, 9378, 13251, 15665 : mettre ; 11764 : jeter ; — hors 5209, 12229, 14463 : sortir ; — avant
7414 : avancer ; pron., 10006, 13142 : se jeter. bovete, sf, 15187, 15192 : cave ; voir note corr.
brace, sf., 2167 : bras. [bracier], v. tr., 9507 : machiner, responsable de.
tramer ; 19641 : être
braïdir, v. tr., 3629 : hennir.
braidis, adj., 3380 : fougueux. braïer, sm., 754 : ceinture, taille. braïies, sf., 7863, 7915, 17657, 17668 : ample culotte serrée
aux jambes par des lanières. [braire]/ [brere], v. intr., 3313, 4401, 4445, 4546, 4550, 4617
etc. : pousser des cris stridents, semblables au braiement d'un âne. branc, sm., 224 etc. ; brant, 764 etc. : lame de l'épée, épée. brandon, (a —), loc. adv., 10380 ; (a grant —) 11952 : voir
note 10380. branller, v. tr., 2450, 19106 : mettre en mouvement, brandir ;
abs., 3529 : agiter, manier l'épée ; intr., 6310 : s’agiter. bretesches, sf, 5947, 9907 : balcon en encorbellement, qui surmonte une porte fortifiée et permet aux défenseurs de laisser tomber des projectiles sur les assaillants. bricon, sm., 2916, 10986 : lâche.
briément, adv., 1740, 5140, 7397, 7703, 8090, 9712, 10029, 11505 etc. : dans un bref délai, sans tarder. briés, sm., 5824, 14281, 14517 : lettre.
brievet, sm., 18549 : écrit, lettre. brin, sm., 7086 : bruit. broches, sf., 4614 : armes pointues.
GLOSSAIRE
1053
[bro(u)chier], v. tr., 738, 840, 846 etc. : piquer, éperonner ; 3812 : diriger à coups d’éperons ; a esperons brochant, Loc. adv., 11809, 12295, 15926, 15951, 16934 : en piquant des - deux, à vive allure ; abs., 3607, 3662, 3669, 6031, 10772, 16106 : s’élancer, se précipiter ; part. prés. adv., 744, 7563, 7657, 12368, 16880 : en piquant des deux, en se précipitant, à vive allure. broigne, sf, 843, 1939, 2146, 8129,
11727
etc. : cuirasse
garnie d’écailles de métal, de têtes de clous. broudé, part. pas., 5327 : brodé. bruellet, sm., 19013 : petit bois. bruiant, adj. v., 1630, 4880, 4976, 8106 : bruissante, agitée ;
19423 : vif, rapide. [bruïr], v. tr., 2956, 6950, 7266, 10959 : brûler. [bruire], v. intr., 8438, 9906 : faire du bruit ; part. prés. adv., 932, 5162, 7652, 9703, 12372, 14697, 15058 : avec une hâte bruyante, à vive allure ; 15903 : violemment. bruni, adj, 2244, 8368, 10822, 11935, 13586, 14782 : _ brillant. bu(t), sm., 776, 2799, 3181, 6791 : buste ; vui(t) — 9342, 12351, 15887, 18402 : voir note 9342.
buletez, adj., 27 : voir beluté. busynes, sf, 12220 : trompettes, clairons. but, sm., 7055 : bout.
! buyes, sf, 10542, 10562 : chaînes, entraves.
ceenz, adv., 685, 1285, 3302, 3374, 3476 etc. : ici, en ce lieu. ceint, sm., 8119 : ceinture.
1054
GLOSSAIRE
celé, (en =), loc. adv.; 1311, 1936, 6739, (a —) 1831, 3038, 4952, 8593, 17708, 19092 ; celee, (a —), 512, 11787, 17463 : en secret, en cachette. celer, v. tr., 226, 325, 544 etc. : cacher, dissimuler ; pron., 4043, 16890, 16825 : dissimuler son identité ; 7822 : agir
subrepticement, en cachette ; 14699, 16659, 16857 : se cacher ; 18673 : se retirer ; sm., 13382 : action de cacher ; (en —), loc. adv., 4116 : en cachette.
celeson, sf., (n’en faites —) 131 : n’en faites pas mystère ; celoison, (sanz nule —), loc. adv., 4079 : sans rien cacher.
celestin, adj., 7092 : céleste, du ciel. celier, sm., 15221 : cave.
cembel, sm., 851, 6035, 19950 : assaut. cendaus, sm., 9916 : étoffes de soie, ou de demi-soie, compa-
rables au taffetas. cerchier, v. fr., 464, 3850, 11848, 11985, 13773, 13931, 15171, 16179, 19252 : parcourir en tous sens à la recherche de qqch, battre, fouiller ; intr. 14999, 16881 : aller à la recherche de qqch. cercle, sm., 767, 1941, 3178, 4309, 5497 etc. : espèce de couronne renforçant les heaumes ; souvent en or, elle peut s'orner d’émaux ou de pierres précieuses. cerclé, part. pas., 908, 5350, 13130 : renforcé avec un cercle de métal. certaineté, sf, 19561 : information certaine. certement, adv., 5471 : en vérité. cesser, v. fr., 16451 : arrêter, immobiliser.
ceu, pron., 540, 1020, 6492, 6986, 17382, 19290 : cela. [chadeler], v. tr., 826, 7213, 19841 : mener (une troupe au combat). [chaeler], v. tr., 9441 : voir chadeler.
GLOSSAIRE
1055
cha(dere, sf, 1073, 1085, 1094, 4950, 10909 : trône. chaillou, sm., 2501 : projectiles de pierre. chainses, sm., 11587 : chemises.
chaïr, v. intr., 3295, 5520, 7247, 8929, 10514, 14804, 15948, 16797, 16920 : tomber. chaitif, sm., 14853 : voir cheitif.
chaitivoison, sf., 5690 : prison. chalan(t), sm., 253, 966, 989 erc. : bateau plat utilisé pour le transport. chalenge, sm., (sanz —), loc. adv., 8824 : sans encombre. chalengier, v. tr., 2064, 2126, 3114, 4338, 5532 etc. : récla-
mer, disputer par la force des armes ; 4408 : faire payer. [chaloir], v. imp., 229, 300, 1674, 1745, 1884 etc. : importer.
champ, sm., 896 etc. : bataille, combat ; 3852 etc. : champ de bataille. champez, part. pas., (estours —) 18853 : bataille rangée. champion, sm., 3120, 7605, 8349, 9178, 15284, 18467 : combattant en champ clos. change, sm., 9915 : bureau de change. changier, v. tr., 4412, 5658, 19919 : perdre la raison, devenir
fou. chapel, sm., 2148, 5322, 5324, 5401, 5517 etc. : habillement de tête, sorte de cervelière en acier présentant un bord plus ou moins saillant posée sous ou sur le heaume. chaple, sm., 3758, 3844, 4632, 4709, 7749 etc. : choc des armes, affrontement, combat. chapleïs, sm., 10806 : combat.
chaplement, sm., 9303, 13657 : combat. chapler, v. intr., 874, 2972, 3119, 5606, 8424 etc. : frapper
rudement avec une arme, combattre ; 12900 : se battre (contre qqn) ; sm., 12693 : combat.
1056
GLOSSAIRE
chaploier, v. intr., 3525, 8137 : voir chapler. chaplison, sf., 971, 7606 : choc des armes, combat.
|
char, sm., 58, 2521, 2524 etc. : viande ; 751, 769, 3685 etc. :
chair. charchant, sm., 5730, 6894 : voir quarcans. chargier, v. tr., 530, 15381, 19539 : charger ; 1933 : confier,
remettre ; voir chargier. charnaill, sm., 13674, 19467 : chair. charnaument, adv., 17693 : charnellement, de sang.
charnés, adj, 3362, 11032, 14011, 14104, 14410, 17964, 17970, 18103, 19859 : de même sang ; 9651 : faits de chair et de sang, mortels. charpenter, v. tr., 7512 : frapper ; 12533, 12540, 18955 : fabriquer (avec du bois). charpentier, sm., 18951, 18963 : menuisier.
charriere, sf, 3598 : chemin. [charroier], v. tr., 15967 : voir note corr. charteriers, sm., 6290 : voir chartrier. chartre, sf., 5682, 5731, 5892, 6282, 6886 etc. : prison, geôle. chartres, 5f., 671, 14281 : lettres, missives.
chartri(ier, sm., 1227, 5714, 9837, 9870, 10483, 10511, 10551, 10631, 12807, 13238 : gelier.
10495,
chasé, sm., 2310, 5296, 14468 : vassal.
chasement, 5m., 7732, 9274, 9714, 9735, 16431, 16547, 16607, 17405 : fief, domaine. [chaser], v. tr., 6692, 8277, 12591, 14236, 17973 : investir (d’un fief). chastaine, sm., 2041 : chef, capitaine. chastel, sm., 86 etc. : château-fort ; 17147 : construction de bois à étages ; voir note corr. chasti, sm., 3145 : recommandations.
GLOSSAIRE
1057
chastoier, v. tr., 4363, 4395, 10441 : faire des recommandations. chastris, sm., 4789 : mouton. Chatel, sm., 3918 : voir note corr. chaüs, part. pas. de [chaoir], 3172 : tombé, à terre. [cheïr],
v. intr.,
8372,
19491 : romber ; 8975 : retomber,
cesser ; voir chaïr. cheitif, adj. & sm., 428, 10403 : malheureux ; 3864, 9846,
9873, 10403 : captif, prisonnier ; inj., 3564 : misérable. chemise, sf. 12834, 19531 : long vêtement de lin ou de chanvre. chenin, adj. inj., 7683, 11292 : de chien. chenon, adj. inj., 2894 : voir note corr. chetis, adj., 271 : méchant, misérable ; voir cheitif. chevalerie, sf, 4646, 7194, 18622: cavalerie, guerriers à cheval ; 8039 : prouesses, exploits dignes d’un chevalier. chevauchie, sf. (a moult grant —), loc. adv., 11906 : de toute
la vitesse de son cheval, à grandes chevauchées. chevetain(e), sm., 863, 16399 : chef, capitaine. chief, sm., 371, 776, 1098 etc. : tête ; 6500 : chef ; (au — du terme), loc. adv., 6586, 18028 : au terme de ce délai ; (el premier —) 13560 : en tête ; (du — si ques en son) 14642, (de — en —) 16454 : d’un bout à l’autre. chier, adj., 422 etc. : cher ; 4353 etc. : précieux ; avoir -, _ Loc. v., 216 etc., tenir — 5905 : aimer, chérir ; adv., 897 etc. : cher, chèrement. chiere, 5f., 106, 412, 506, 1063, 2270 etc. : expression du
visage ; 1692, 7468, 8043, 10293, 10676, 11053, 11884 : tête, visage ; fere — esbaudie,
loc. v., 1061, fere — lie
19221 : se réjouir, manifester sa joie ; fere — marrie 2435, 4645, 6330 : manifester sa tristesse, se lamenter, se désoler.
1058
GLOSSAIRE
chierement, adv., 1641, 5599 : cher ; 7971 : tendrement. chierir, v. tr., 3143, 3341, 4611, 6805, 17812 : chérir.
chierté, sf, avoir en -, loc. v., 1827, tenir en — 3081 : avoir de l'affection pour, aimer. chievage, sm., 1769 : tribut imposé sur les personnes. [choisir], v. tr., 3135, 4793, 6319, 6952, 7278 etc. : aperce-
voir.
chose, sf, 6651 : créature ; (S’il avient — que) 76, 1156, 9623 : s’il advient que ; (Or veull savoir conment la — va) 1731 : ce qu'il en est ; (Or vous dirai conment la — ira) 7382 : la manière dont les choses vont se dérouler.
cielee, adj., 7443, 10428 : pourvue d’un ciel (plafond orné). cinquantisme, adj., 19757 : voir note corr. cirge, sm., 10550 : bougie.
clamer, v. fr., 1652, 1729, 3945, 4878, 5845 etc. : appeler ; 4410, 5269, 8029, 8054, 12591, 15790 : réclamer, préten-
dre à ; pron., 16429 : se plaindre. claré, sm., 1428, 6596, 10256 : vin mêlé de miel et d'épices. cler, adj., (vin —) 58 : synonyme de claré ; 305, 2182, 16862 : brillant ; 1456, 1611, 3412, 4172, 8801 : lumineux, radieux ; 267, 353, 486 etc. : clair ; (— feu) 8336 : étincelle ; 9313, 9331, 11952, 11960, 12311 : limpide ; (a — ton), loc. adv., 979 : d’une voix sonore, éclatante ; adv., 47, 15723 :
de manière éclatante ; fere —, loc. v. imp., 5023, 15704 : faire beau. clerement, adv., 949, 3780, 11929, 16932 : de manière sonore. clergie, sf., 18000 : science de clerc, savoir, instruction. cleu, sm., 10321 : clous.
GLOSSAIRE
1059
cliner, v. tr., 1857, 2688,
17372 : incliner, baisser ; 2315,
4831, 4920 : se soumettre (à) ; pron., 16260 : s’incliner ; part. pas., 1468 : baissée, soucieuse ; 18792 : couché. Cloant, adj. v., 12333, 15945 : voir note 12333. [clorre], v. tr., 4142 : entourer, encercler. cloies, sf, 18956, 18965, 18971 : claies, treillages. [co(u)arder], v. intr., 7575, 7647, 16898 : être lâche, montrer couard.
cognoissances,
se
sf, 15419 : figures peintes sur les écus,
armoiries. cognoistre, v. tr., 1740, 4728, 6605 etc. : connaître ; 2380, 2420, 2664 etc. : reconnaître. coitier, v. fr., 583 : faire progresser à vive allure ; 959, 3713, 9399 : serrer, presser ; pron., 1174, 4345 : se hâter, courir à franc étrier. coivre, sm., 5330 : cuivre.
colee, sf., 8213, 8783, 11759, 13617, 16076, 17168 : coup sur le cou ou la nuque. [comander], v. tr., 1490 : recommander. comble, sm., 13072, 13084, 18175 : partie supérieure d’une porte, construction dominant un édifice ; 16917, 17177 :
partie supérieure du heaume. [combrer], v. tr., 14421, 15628 : maîtriser, empêcher de se mouvoir. compaigne, sf. 706, 4280, 7588, 11616, 13741, 16966,
17170 : compagnie. compains, sm., 10140 : cas sujet singulier de compagnon. compassé, part. pas., 8999, 12941 : construite, agencée ; 9896, 10155 : harmonieux, régulier.
1060
GLOSSAIRE
comperer, v. tr., 897, 1641, 5380, 5599, 8318, 8339, 9841, 10658, 12193, 12826, 12989, 13365, 13572, 15030, 15090, 15779, 16296, 18160, 19855 : payer. complie, sf, 16790, 19003 : soir. condampner, v. fr., 16038 : damner. conduire, v. tr., 3159 : enfoncer ; 6326,
12291,
14396 :
protéger ; 14186 : servir de sauf-conduit à. conduit, sm., 12651 : escorte ; 19759, 19760, 19872 : sauf-
conduit, protection. conduitour, sm., 383 : chef. confait, adj., 45 : faite de telle manière ; 10874 : quel. confaitement, adv., 9245, 9673 : comment, de quelle manière. confés, adj., 17553 : qui s’est confessé. confession, sm., (en —), loc. adv., 4080 : en tête-à-tête. confondre, v. tr., 2196 : faire tomber ; 2206 : blesser ; 2896,
3835, 4625, 5186, 5587, 5899, 9387, 9767, 11719 etc. : écraser, faire périr. conforter, v. tr., 353 etc. : réconforter, consoler ; 1389 etc. : donner du courage, encourager ; pron., 14509 : se ressaisir. confus, adj., 8926 : ébranlé, secoué. congié, sm., 431, 437, 1879 etc. : permission de partir ; 2027, 4369,
10503 : autorisation ; (au — prendre)
6657 : au
moment des adieux. [conjoïr], v. tr., 3398, 6807, 7870 : accueillir avec joie, faire bon accueil ; pron., 9759 : se régaler. conjurement,
sm., 9039, 9099, 9278, 9622, 19061, 19392 :
sortilège, maléfice. conjurer, v. fr., 1711, 1822, 3084 erc. : prier, demander avec
insistance ; 8950, 12099, 13093, 13095 : évoquer au moyen d’incantations.
|
GLOSSAIRE
1061
conjurisons, s., 9953 : charmes, sortilèges. conmandement, sm., 1401, 6158, 8665 etc. : protection ; 7907 : volonté. [conmander]|,
v. tr., 102,
1393,
3722
etc. : recommander,
mettre sous la protection ; 14194 : ordre ; pron., 7516, 8178 : se résoudre à ; 11039 : se placer sous la protection de. conmandie, sf., 2962, 7267, 8412, 9013, 11684 etc. : volonté ;
11262 : ordre ; 16789 : sans permission ; (tout a vo —) 817, 15369 : comme
il vous plaira, à votre convenance ;
(s’il est vo —) 6302, 11041 : s’il vous plaît. conmandise, sf, 11542 : ordre. conmandison, sm., 16528 : volonté ; (a vo —) 4070, 6183,
19665 : à vos ordres. conmant,
sm., 2656, 5150, 5473 etc. : volonté, désir, gré ;
3540, 5160, 9280 etc. : ordre ; (s’il vous vient a —) 15080 : s’il vous plaît ; (au Dieu —), loc. adv., 1401, (au Damedieu —) 3731 : sous la protection de Dieu ; (par le Jhesu -) 9730 : par la volonté de Dieu. conmunaument, adv., 17518 : tous ensemble. conmune(l)ment, adv., 1402 : général ; 7044, 17017 : tous ensemble. conquerant, adj. v., 3458, 4981, 7643, 9804, 12341, 15961, 16496, 17468, 19341 : héroïque. conquester, v. tr., 19, 175, 306 etc. : conquérir, faire la conquête de ; 1897, 2601, 2610 etc. : acquérir. [conraer], v. tr., 1408 : apprêter, embaumer ; 2444 : armer, équiper pour le combat ; [conreer], 3035, 3060 : préparer, apprêter ; 16129 : traiter. - conrroi, sm., 3272 : équipement ; 4511 : troupe de combat-
tants, corps de troupe.
1062
GLOSSAIRE
cons(s)eil(l), sm., 3859 : conseiller ; 7140 : décision ; 18803 :
délibération ; (N’ont pas — qu’il voisent a pié tant) 16570 : ils ne jugent pas bon de parcourir une telle distance à pied ; prendre -, loc. v., 1150, 9750 : délibérer, se consulter (au sujet de) ; (en —), loc. adv., 7799, 8162 : à part, en privé. conss(e)illier,
v.
tr,
2060,
5765,
12027,
14397 : aider,
secourir ; 10210 : dire à voix basse, de manière à n'être pas entendu
d’un tiers, chuchoter ; pron., 4424,
10198,
10581 : se parler intérieurement, réfléchir.
cons(s)ivir, v. tr., 787, 2232, 2250, 3583, 3621, 3706, 7720, 8360, 8376, 10825, 13476, 13489, 13685, 15797, 19132 : atteindre de ses coups. conte, sm., 526 : récit.
contençon, sf., (sanz —), loc. adv., 634, 12072 : sans opposer de résistance, de bonne grâce. contenement, s., 3443, 6160 : manière de se tenir, comportement. [contenir], v. pron., 18789 : se comporter, se conduire.
content, sm., 8092 : dispute, conflit, bataille. conter, v. fr., 217 etc. : compter. contez, sm., 14124 : comté. [contraloier], v. tr., 7271 : contrarier la progression d’un bateau, souffler en sens contraire. [contr’atendre], v. fr., 11496 : artendre. contre, prép., 4695 etc. : en direction de, à la rencontre de ; 2927 etc. : à côté de ; 11809 etc. : vers, environ ; 12175 etc. : vis-à-vis ; 18841 : à. contredi, sm., 6802 : opposition. [contredire], v. tr., 8010 : empêcher ; 11296, 19843 : défen-
dre.
GLOSSAIRE
1063
contremont, adv., 1303, 2095, 6071 etc. : vers le haut ; (en —), loc. adv., 764, 2248, 2369 etc. : vers le haut. contresté, sm., 3112 : résistance, opposition. contrester, v. pron., 1441 : s’en empêcher. contreval, adv., 3560, 7568, 8378 etc. : vers le bas, en contrebas, à terre ; (en —), loc. adv., 3815, 4616, 7514, 13199 : vers le bas, en contrebas, à terre. [conversser], v. intr., 2400, 13077 : résider.
convoier, v. fr., 6473, 7820 : accompagner ; 8248 : ramener ; 14051 : escorter ; 15523 : enfoncer ; sm., 17533 : convoi, cortège. cop, sm., 746 etc. : coup. coper, v. fr., 2923, 3178, 3294, 3654, 4204
etc. : couper,
trancher ; 13769 : failler en pièces. copper, v. fr., 302, 3293 : voir coper. cor, sm., 12467 : corne ; voir note corr. corbon, sm., 13069 : corbeau. corner, p. fr., 2215, 2737, 11152, 12909 : sonner (la retraite,
l'assaut), déclencher en soufflant dans un cor ; 2926, 3036, 4036, 6250, 6547, 6592, 18059 : faire apporter (l’eau) en soufflant dans un cor ; 12220 : souffler dans, faire retentir ; intr., 2734, 2805, 3419, 9975, 10714, 18293, 20042 : souffler dans un cor. . cornet, 51, 10608, 14534 : cor, olifant.
cors, sm., 479, 683, 844 etc. : corps, enveloppe charnelle ; 1408, 1411, 1459 etc. : dépouille ; 2152 : le milieu du cors (par opposition à la tête) ; 3501, 5316 : partie d'un vêtement qui couvre le buste ; 3910 etc. : personne ; 3437, 3658, 4166 etc. : vie ; 1714, 1785, 1927 etc. : employé en équivalence d'un pronom personnel ; 2774, 3043, 3128 etc. : employé en équivalence d'un pronom personnel
1064
GLOSSAIRE
réfléchi ; (Mon — meïsmes) 1750, 3316 : moi-même/ luimême en personne ; (par son —), loc. adv., 3206, 5736 : à | lui seul. corssage, sm., 8097 : grosseur du corps, corpulence. cors(s)us, adj., 8121, 10284, 18277 : corpulent. costel, sm., 856, 13464 : côté tranchant de la lame d’une
arme. cote, sm., 12709 : manteau. cotele, sf., 1722 : petit manteau court. couardie, sf. 12281, 14552, 17879 : couardise. coubrer, v. fr., 5359, 10316 : brandir. coulant, adj. v., 9003 : coulissante, à coulisses. [couler], v. tr., 3815, 13199 : faire tomber ; 16919 : plonger,
enfoncer ; part. pas., 6624 : filtrée. couleur, sf, 2122, 2468, 2689 etc. ; coulour, 385, 11758 : couleur du visage, teint.
coulice, adj., 11717 : à coulisses, coulissante. coulouree, part. pas. adj., 505 : au beau teint, aux belles couleurs ; 11754 : teinte. couls, sm., 10540 : cous. courage, smn., 1337, 2403, 2667, 3118, 4198 etc. : cœur, siège de la vie intérieure ; 2969, 10979, 13412, 13924 : ce qu’on a sur le cœur, pensées, intentions ; (de bon —), loc. adv., 3993 : de bon cœur ; 5419, 12862 : du fond du cœur ; (de vrai —) 11428, 13000 : du fond du cœur ; (en son —) 5813, 10198, 10583 : en lui-même.
courant, adj. v., 3274, 3974, 7116 : vif, rapide. courbez, sm., 6970 : corbeau. [courcier], v. tr., 6822 : contrarier. courelment, adv., 13856 : de tout mon cœur.
GLOSSAIRE
1065
courgie, sf, 7210, 7965, 8655 : fouet fait de plusieurs courroies. courouceus, adj., 19279 : contrarié. couro(u)cier,
v. tr., 2239, 8182, 10226 : contrarier ; pron.
3226, 17543 : se mettre en colère, éprouver une vive contrariété ; part. pas., 332, 349, 1504, 3073, 5635 etc. : contrarié ; sm., 5912, 12939 : colère.
courouz, sm., 19145 : courroux, colère. courre, v. intr., 1155, 1575, 1984 etc. : courir ; 873, 3526,
4359, 11756 : s’élancer, se précipiter ; 9905, 12830 : couler ; — sus/ seure 1644, 1724, 13624 : s’élancer pour attaquer, assaillir ; pron., 732, 4425, 8846 : se précipiter, se déplacer à vive allure. courssier, adj., 918, 4426, 8222, 19909, 19932 : vif, rapide ; sm., 10005 : cheval.
courtement, adv., 17758 : dans peu de temps, dans un bref délai. courtoier, v. intr., 15382 : paraître à la cour d’un prince. coute, sf, 2676, 6192 : lit de plume. coute, sm., 12358 : coude. couvenant, 571, 4021, 4977, 6531, 9810, 16976, 17483, 17922 : éfat des choses ; 8084, 17594, 17764 : convention, accord, arrangement ; (con li est —) 9989, 12369, 14914, 15106 : comment il va ; (Ja fust a l’un malement —) 12339 :
la situation allait mal tourner pour l’un des deux combattants ; avoir (en) —, loc. v., 564, 5842, 8701, 8750 : avoir
promis par un engagement solennel. couvent, sm., 17722 : engagement, promesse ; (par I. —-) 5265, (par tel —) 9266, 12580 : à la condition suivante ; (Par .1. — … que) 12696 : à la condition que ; avoir (en) -,
1066
GLOSSAIRE
loc. v., 566, 1768, 5092, 5273, 7983 etc. : avoir promis par un engagement solennel. co(u)vine, sf., 4079, 4800, 4907, 14933 : projets secrets. [couvoitier], v. tr., 427, 14023 ; [couvaitier], 4872 : désirer
ardemment. covaitous, adj., 16671 : désireux, qui tend à. covoitis, adj., 258 : envieux, jaloux.
[covrir], v. pron., 8358, 9393, 13536 : se mettre à l’abri des Coups. crabacier, v. tr., 5665 : renverser à terre. craventer, v. fr., 748, 875, 7460, 7621, 9457, 9783, 12405,
12761, 14580, 14992, 16902 : faire tomber, renverser, abattre ; 2594, 3554, 4516, 6117, 8672, 13844, 15025, 15089, 16310, 16413, 16612, 18147, 19806 : écraser, accabler, meurtrir. creance, sf, 1855, 11165, 11401, 13785,
19505 : croyance,
foi religieuse ; 5283, 7394 : engagement, promesse jurée ; jurer sa —, loc. v., 11066, 11075 : jurer sur sa foi. creant, adj. v., 370, 3810, 4895, 7948, 10537 etc. : qui croit, croyant ; 17441 : qui peut être cru ; voir note corr. creanter, v. fr., 1317, 1866, 1889, 1910, 2014 erc. : promettre, jurer.
cremir, v. fr., 945, 1062, 1266, 1962, 2332, 4458, 4473, 5360, 5950, 6989, 7243, 8129, 8420, 8991, 13309, 19700, 19799 : craindre, redouter ; pron., 19820 : s'inquiéter à la pensée
que. cremour, sf, 14345 : inquiétude, crainte. cremu, adj., 4636, 15148 : redoutable. cresme, s., 9655 : chrême, huile consacrée. cresté, adj., 18763 : à la crête dressée. crestelé, adj., 9107, 9891, 18944 : crénelé.
GLOSSAIRE
1067
crestiané, part. pas. adj., 546, 1280, 1811, 13822 : chrétien. crestian(n)er, v. fr., 1904, 8793, 11245 : baptiser ; pron. 2168, 5880 : se convertir au christianisme.
crestiax, sm., 7346, 18860 : créneaux. crestien(n)er, v. fr., 69, 6104 : baptiser ; pron., 6638, 11412,
11773 : se convertir au christianisme ; part. pas., 7176, 9526, 9540, 9546, 11073 erc. : chrétien, converti.
crestienté, sf, 7845 : foi de chrétien ; prendre -, loc. v. 11179 : se convertir au christianisme. [crever], v. intr., 5020 : se disperser ; 6854, 8539, 8675, 9459, 19565 : éclater (de douleur). cri, sm., 2144, 2838, 7167 etc. : clameur, cris de guerre ; 2782 : renom ; 2427 : nouvelle ; (a haut —), loc. adv., 2813, 11353, 11929, 11962 : d’une voix forte. [crier], v. tr., 13450 : créer.
criminez, adj., (pechiez —) 18826 : mortels. crins, s"1., 668, 16498 : cheveux. crinu, adj., 779, 8122 : à la belle crinière.
croissir, v. #r., 2807, 7246, 14783, 15973, 15973, 19494: briser, rompre.
-
croistre, v. fr., 1100, 3014, 3933, 4925, 6417, 6432, 7726, 11467, 11477, 16518, 18520, 18586 : donner ; 5987 : augmenter ; imp., 11673 : arriver. [crouller], v. tr., 17374 : hocher. cruais, adj., 2858 ; cruex, 679, 8118 ; cruez, 12812 : cruel, farouche ; cruiex, 20047 : sanglante. crualté, sf, 11512 : cruauté ; (par moult grant -), loc. adv. 6214 : très cruellement. [cueillir], v. tr., 14158 : réunir, rassembler. cuer, sm., 387, 422, 441 etc. : cœur, siège de la vie intérieure, âme : 636, 972, 10693 etc. : courage ; 2931, 7846, 9264,
1068
GLOSSAIRE
10113, 16199 erc. : pensées ; 7768, 8109, 10640 : ses esprits ; (et — et cors), loc. adv., 5868 : d’âme et de corps ; (en son —) 968, 1497, 2932, 3246, 6492 etc. : en son for
intérieur ; (de vrai —) 1395, 2006 ; (de —) 2009, 5004, 6638 etc. ; (du —) 5790, 13836, 14895 ; (del —) 6554 : sincèrement. cueriner, v. fr., 1584 : détester, haïr. cueru, adj., 3191, 3840, 18275 : plein d’ardeur ; voir note 3191.
cuidier, v. tr., 238 etc. : penser ; 5629 etc. : croire, avoir des raisons de croire que ; 944 etc. : s’imaginer, croire à tort ; sm., 10206 : pensée ; (selonc le mien -—), loc. adv., 9945, 10583, 16703 : à mon avis.
cuir, sm., 2243, 5317, 5516, 15805 : capuchon de cuir porté sous le heaume. cuirie, sf., 2147, 3117, 4308, 10760, 12307, 12434, 13797 ; cuiriie, 15748 : capuchon de cuir porté sous le heaume ; 15724, 15843 : peau [cuirier], v. tr., 809, 4857, 11967, 16367 : tourmenter.
cuistis, adj., 15541 : voir note corr. cuite, adj., lessier —, loc. v., 9207 : laisser (une terre) quitte
de redevance ; clamer — 9283 : déclarer libre ; voir quite. cure, sf., avoir — de, loc. v., 3102, 12481 : avoir des attentions (pour qqn), faire cas (de gqn) ; 10205 : se soucier (de) ; 10230 : avoir besoin (de). cuvert, adj. & sm. inj., 219, 411, 782, 789, 1590 etc. : vil,
abject.
dahez, sm., 10136 : voir dehait.
GLOSSAIRE
1069
damage, sm., 204, 1335, 1824, 1949, 2079 etc. : dommage, préjudice ; fere grant — a ggn, loc. v., 4566, 12484 : causer
un grand tort, d’où : tuer en grand nombre ; garder de — 11469, 13272 : protéger ; tourner a -, loc. v. imp., 12547 : être préjudiciable. damagier, v. tr., 911, 6059 : causer du tort, tuer. damoisel,
sm., 1193, 1257, 1336, 1659, 1662 etc. : enfant,
jeune homme noble qui n’est pas encore reçu chevalier. dampnement,
sm., 16424 : damnation.
[dampner], v. tr., 6235, 6962, 9519, 9557, 14106, 15431, 18330, 18469 : damner. dangier, sm., (sanz —), loc. adv., 9847, 14921, 15389 : de bon
gré, sans opposer de résistance. danjon, sm., 627, 1050, 2891 etc. : donjon. danner, v. pron., 4131 : se damner. dansel, sm., 384, 1862, 2036, 2037, 2781 etc. ; danssel, 7709, 14099 : jeune homme. dansillon, sm., 5703, 15076 : jeune homme. dant, sm., 1077, 3196, 3394, 14146 : titre honorifique qu'on plaçait devant le nom d’une personne qu’on voulait distinguer. danter, v. intr., 1573 : dompter (un cheval).
dart, sm., 2155, 4314, 5329, 9339, 9417 etc. : arme de trait, sorte de javelot empenné utilisé pendant l’époque carolingienne et jusqu'au XIF siècle. deable, sm., 809, 2336, 7063, 10650, 12410, 16956, 18990 : créature diabolique ; 5457, 8951, 8972, 14378 : le diable.
deablie, sf., 808 : diablerie, sortilège. [debastre], v. pron., 8920 : s'agiter bruyamment ; [debatre],
v. tr., 15597 : frapper, accabler de coups. debonere, adj., 2222 : bon, débonnaire.
1070
GLOSSAIRE
debonereté, sf, (par -), loc. adv., 5868, 16136, 18013 : avec bonté et douceur. debon(n)erement, adv., 1763, 6147, 9981, 10569, 16591, 17400 : courtoisement. [debrisier], v. tr., 7528 : briser, rompre.
18008, 16427,
[decipler], v. tr., 6947, 14298, 18896 : voir note 6947. declin, sm., tourner a —, loc. v., 7084 : dévaster. [deçoivre], v. tr., 783, 8907, 9279 : causer du tort, porter
préjudice ; 11376 : tromper, trahir. decoler, v. fr., 13858, 17049 : trancher le cou, décapiter.
decoper, v. tr., 683, 2429, 8554, 8646, 12551, 14816, 18075, 18389 : railler en pièces. dedenz, prép., 443 etc. : dans, à l’intérieur de ; (- tierz di) 2831 etc. : sous trois jours ; (— quinzaine) 5143 : en moins de quinze jours ; (- demain) 6716, 9874 : d’ici à demain ; (par —), loc. prép., 4882 : dans ; adv., 1249 etc. : dedans, à l’intérieur. [deduire], v. pron., 10037, 10046, 18092 : prendre du bon
temps. deduit, sm., 1539, 8823, 14926 : plaisir, distraction, divertissement, réjouissances ; 17991 : plaisir charnel. deduitier, sm., 1716 : plaisir, distraction.
defaillir, v. tr., 9284 : faire défaut à (qqn). defendant, part. prés. adv., 2224 : voir note corr. defeniz, part. pas., 2863 : terminé, achevé. [deffroer], v. tr., 13099 : briser, rompre. defiance, sf, (sanz —), loc. adv., 6067, 19466 : sans défier son
adversaire, sur-le-champ. [defiler], v. intr., 3704 : couler. defin, sm., metre a —, loc. v., 4556 : tuer.
GLOSSAIRE
1071
[definer], v. tr., 5485, 11047, 15579 : terminer, achever ; intr., 12136 : prendre fin, s'achever ; part. pas., 3861 : mort.
definoison, sf, prendre -, loc. v., 19552 : mourir.
deforcier, v. tr., 15381 : s'emparer par la force. [defroissier], v. tr., 15947 : pourfendre. [degaster], v. tr., 9381 : ravager, dévaster.
degré, sm., 15659, 17015 : perron ; 153, 322, 340, 1111, 1203, 2095, 5811, 8013, 8610, 8720, 8997, 10928, 12232, 14118, 14309, escalier.
14443,
18805 : marches
d'un
escalier,
[deguerpir], v. tr., 6922 : renier ; 16784 : quitter. [dehaitier], v. imp. , 20024 : décourager, accabler. dehé, sm. et interj., 2423, 4537, 8641, 10483, 11511, 16619, 18126, 19580 ; dehait, 3645, 15532, 20020 ; dehet, 476, 6768, 15444 : formule d’imprécation, de damnation. dehors, adv., (par —), loc. adv., 5814 : au dehors, extérieurement.
deïté, sf, 18027 : le domaine divin, les cieux. delez/ delés, adv., 28, 469, 707 : (exprimant la proximité) à côté, non loin, côte à côte ; 458, 6255, 8152 : (exprimant la concomitance) parallèlement, dans le même temps,
également ; 18938 : contre ; (par —), loc. adv., 8656 : parallèlement, dans le même temps, également ; 17363 : à côté, à proximité ; prép. 37, 850, 1477, 2679 : à côté de ; (par —), loc. prép., 3345, 3579, 19148, 19929 : à côté de delis, sm., 1472, 2497, 2870, 3390, 5078 : plaisir, jouissance.
delivre, (a —), loc. adv., 6893 : librement. . delivrement, adv., 7668, 9302, 14903, 16995 : avec empressement. delivrer, v. tr., 319, 1775, 1802, 2110, 7476 etc. : livrer, remettre ; 2455, 5835, 7644, 10415, 13293 etc. : débarras-
1072
GLOSSAIRE
ser ; 2790 etc. : rendre libre, libérer ; sm., 9695 : libération. delivroison, sf, 11462 : libération. [deloier], v. pron., 930 : s’attarder. demaine, sm., 1455, 17828 : seigneur. demener, v. tr., 184, 328, 573, 1126, 1508 efc. : manifester, laisser éclater : 2755, 3423, 4698, 6099, 8965, 9428,
10409, 10651, 16860, 17655, 19823 : faire ; 6974, 11339, 14269, 18382, 18973 : traiter, en part. maltraïter, malmener ; pron., 2768, 3403, 6573, 18973 : se conduire, agir. dementer, v. pron., 594, 886, 924, 2435, 2526 etc. : se désoler, se lamenter ; intr., 1386, 6142 : être désolé ; sm., 18683, 18685 : action de se désoler. demour, sm., (sanz —), loc. adv., 99, 376, 2215, 14812 : sans
attendre, sur-le-champ. demo(u)rage, sm., fere —, loc. v., 6031 : tarder, perdre du temps ; (sanz plus de —), loc. adv., 8128 : sans tarder davantage ; (sanz —) 13928 : sans tarder, sur-le-champ. demourance, sf, fere —, loc. v., 11064 : tarder. demourans, sm., 8594 : ceux qui restaient. demouré, sm., (sanz —), loc. adv., 6777 : sans tarder. demo(u)ree, 5f., 6654 : délai ; fere —, loc. v., 7172, 10302, 10682, 10794, 11071, 15744, 15750: tarder, perdre du temps ; (sanz —), loc. adv., 40, 10421, 16185, 17156 : sans
tarder ; (sanz plus de —) 11790,
12474 : sans
tarder
davantage ; (sanz point de —) 12215 : sans tarder, sur-le-
champ. demourer, v. intr., 884, 1089, 1164, 1452, 1548 etc. : rester ;
2603, 2611, 2621, 2830, 10594 : s'engagerà rester auprès de, se mettre au service de qqn ; 4265, 4496, 5157, 5176, 7200, 7344 etc. : tarder ; 7463, 10784 : prendre fin ; pron.,
GLOSSAIRE
1073
1196 : tarder, perdre du temps ; (sanz —), loc. adv., 490 : sans tarder, sur-le-champ ; (sanz gueres —) 3422 : dans un bref délai, bientôt ; sm., 917 : action de rester à un endroit. demoustrer, v. tr., 50, 2548, 5814 : faire voir, laisser parattre ; pron., 8913 : se montrer, apparaître. denier, sm., 228, 909, 1187, 1813, 2301 etc. : monnaie de
faible valeur. deparler, v. tr., 14860 : mal parler de ggn. departie, sf., 2437, 5621 : séparation. departir, v. intr., 1666 : partir ; tr., 1356 : se séparer de, quitter ; 4948 : distribuer, attribuer ; 13589 : trancher ; 15966, 18365 : disperser ; pron., 4475, 5288 : (employé dans un sens réciproque) se séparer, se quitter, se disperser ; 7107 : se séparer, quitter ; 9161 : partir ; sm., (au —) 403, 17593 : au moment de se séparer.
[depecier], v. tr., 14090 : failler en pièces. depercier, v. tr., 18328 : percer.
deporter, v. tr., 1262, 2426, 9527, 11177, 11630, 13794, 14533, 15662, 19076 : épargner, laisser la vie sauve ; 5933, 8176 : épargner gqch à qqn, dispenser ; 8730 : user de ménagements à l'égard de ; intr., 2935 : remplir une charge, un office ; (sanz point de —), loc. adv., 13656, 16851 : sans ménagement, avec une extrême violence. : [dequasser], v. tr., 18935 : briser. _ derechief, adv., (tout —), loc. adv., 7577 : aussitôt.
deresnier, v. tr., 5341, 5649, 8250, 8408 : défendre, soutenir par les armes, disputer la possession de. derrain, adj. adv., (au —), loc. adv., 1728 : en dernier lieu, à la fin, en fin de compte. [derreer], v. pron., 6861 : sortir du bon sens, devenir fou.
1074
GLOSSAIRE
derrenier, adj., 18812 : dernier ; adv., 421 : enfin, en dernier lieu ; (au —), loc. adv., 4144, 8302, 17544 : enfin, finale-
ment. desafluber, v. pron., 7863, 17657, 17668 : se déshabiller. [desartir], v. tr., 843, 16796 : briser, mettre en pièces.
desbareter, v. tr, 884, 2188, 2461, 8591, 11153, 12557, 13397, 15649, 16133, 16188, 18984 : mettre hors de combat, mettre en fuite. [desbender], v. tr., 19568 : ôter un bandage à. [desbuschier], v. pron., 18313 : sortir du lieu où l’on se
tenait embusqué. [desceindre], v. fr., 19527 : défaire, détacher. [descercler], v. tr., 5401, 15825 : rompre le cercle métallique (qui renforce les habillements de tête). descipler, v. tr., 6957, 12562, 14843, 14857, 16272, 17832, 19606 : voir note 6947. [descirer], v. tr., 8442 : déchirer, rompre.
descombrer, v. fr., 2345, 4085, 7189, 9182, 10361 : délivrer, débarrasser ; part. pas., 12167 : débarrassé de ses cavaliers (en parlant d'un cheval).
desconffessez, part. pas., 9494 : non confessé. desconfire, v. fr., 3970, 6993, 8019, 10865, 10896, 16180, 17150 : vaincre, défaire ; 12961 : abattre ; part. pas., 868, 922, 3921, 4438, 6166, 12240 : vaincu, défait. [desconforter], v. pron., 3249, 3882, 6863, 6873, 9692 etc. :
se désespérer, se lamenter. descouvenant, sm., 19164 : déconvenue, déconfiture. desdire, v. tr., 557, 1082, 2777, 6439, 6828, 7014 etc.: manifester son désaccord avec gqch, contredire, s'opposer
à ; pron., 12635 : se dédire, ne pas tenir ce qu’on a affirmé précédemment.
GLOSSAIRE
1075
[desdosser], v. tr., 1423 : ôter (du dos). deseplie, sf, metre a —, loc. v., 2955 : soumettre punition corporelle, torturer.
à une
desert, sm., 18673 : lieu solitaire, retiré.
desertie, sf, 5627 : lieu solitaire, retiré. [des(s)ervir], v. tr., 2829, 6824, 6954, 11411, 17497 : mériter. desfaé, adj. & sm., 2311, 2394, 3002, 4316, 4520 etc.: mécréant. [desfere], v. tr., 6985 : tuer ; 9377 : ravager. [desfier], v. tr., 8319, 9286,
13786,
19877 : défier, provo-
quer ; pron., 16851 : se défier l’un l’autre. desfremer/ desfermer, v. fr., 1298, 5362, 5800, 5999, 6891 etc. : OUVTir.
[desgarnir], v. tr., 11934, 14807 : dépouiller ; part. pas. 14063, 15127, 15539, 18438 : dépourvu, en manque de, dépouillé; 18367: voir note corr. [deshaubregier], v. fr., 2275 : voir note corr.
desirant, adj. v., 373, 2285, 4668, 4896, 7137, 16488, 17685, 18694 : qui désire, désireux. desiree, sf., 7160 : désir.
desirez, part. pas. adj., 17800 : désireux. desirier, sm., 1887, 2671, 5128, 5910, 14166, 14923, 17390, 17368, 17750, 18211 : désir, ce que l’on désire. : [desjuner], v. tr., 6293 : (iron.) nourrir, régaler.
deslacier, v. fr., 9436, 11790, 11935, 13198, 13796 : défaire les lacs (qui permettent d’attacher le heaume) ; 10338 :
brandir. deslogier, v. intr., 15384, 15408 : lever le camp ; pron., 15410 : même sens. desloiautez, adj., 14117: boat de loyauté, déloyal. [desloier], v. fr., 19568: délier, ôter les liens.
1076
GLOSSAIRE
[desmaillier], v. fr., 5442, 12384, 15845, 16094 : rompre les mailles (d’un haubert). [desmailloler], v. fr., 120 : démailloter.
[desmanever], v. tr., 3868, 6584, 6758, 8494, 9688 : enlever ; 10086, 15647 : perdre. [desmenter], v. pron., 14403 : voir dementer. desmentir, v. fr., 3609, 12307, 12349 : mettre en pièces. [desmesler], v. fr., 16130 : disperser (la mêlée des combattants). desmesurez, adj., 2300, 2331, 5949, 6290, 12804 : orgueil-
leux à l'excès, arrogant ; 6849 : d’une taille démesurée. [desmonter], v. 17., 16941 : faire tomber désarçonner.
de sa monture,
desnüer, v. pron., 7862, 9597, 17656 : se dépouiller. [despaner], v. fr., 5321 : déchirer, mettre en pièces.
desparlez, part. pas., 3329 : qui parlent, en train de parler ; voir deparler. despendre, v. tr., 4984 : dépenser.
despit,
sm.,
1225,
1772,
2130,
2803
efc.:
humiliation,
outrage. despiter, v. fr., 11229, 12541 : manifester son l'égard de (qqn), humilier.
mépris à
despouller, v. tr., 11587 : déshabiller ; 11936 : ôter.
despris, part. pas. de [desprendre], 15571 : démuni. [desprisier], v. tr., 9950 : mépriser, faire peu de cas. desprisonner, v. tr, 10560, 10931, 12898, 16242, 19567: délivrer, libérer, faire sortir de prison. desreele], part. pas. adj., 4392 : hors du bon sens l'honneur.
et de
[desrober], v. tr., 2554, 8887, 9359, 9521 : dépouiller, voler. [desrompre], v. tr., 8615, 17782 : fendre, écarter.
GLOSSAIRE
1077
desrubans, sm., 12018 : précipices. [dessasfrer], v. tr., 11750 : faire perdre sa dorure. desserree, part. pas. adj., 4389 : dispersée. desserte, sf, (sanz —), loc. adv., 15668 : lâchement, mérite. dessevrance, sf, 11063 : séparation.
sans
dessevree, sf., 3688, 6632, 7181 : séparation, moment de se
séparer. des(s)evrer, v. intr., 161, 439, 3243, 4189, 7816 etc. : se séparer ; pron., 3883 : se séparer ; 7399 : s’en aller ; sm.,
1464, 2362, 5093, 5366, 8807 : séparation. destendre, v. tr., 9290 : lever pour frapper, brandir ; 7507 : lancer ; part. pas., 8911 : décoché. destinee, sf., 38, 5017, 20061 : présage, augure. destiner, v. tr., 63, 600, 12050 : destiner, attribuer ; 1531,
8583 : décider d'avance, fixer ; 5494, 13623 : régler. destornee, sf, (sanz point de —), loc. adv., 1188 : sans suivre
un chemin détourné, directement. desto(u)rner, v. tr., 205, 3017, 9681, 16087, 18561 : détourner, empêcher ; 1837 : enlever ; 12196, 18987 : préserver ; 17663, 17814 : éviter ; intr., 2378, 4207 : suivre un chemin
détourné. destour, sm., 10903, 15172, écarté, retiré, recoin.
19300,
19597,
19600 : Jieu
destourbier, sm., 11390, 16493 : empêchement, contretemps. [destraindre], v. fr., 2520, 2523, 5577, 11993 : entraver ;
3699, 16879, 18443 :serrer de près, harceler ; 9118 : faire pleuvoir sur ; 19428 : contraindre. destraver,
v. intr., 4208 : perdre sa contenance ; 12556 :
décamper ; part. pas., 15646 : décontenancé. [destreindre], v. tr., 16879 : voir destraindre.
1078
GLOSSAIRE
destrempez, part. pas., 5553 : détrempé, delayé avec de l’eau. destroit, adv., 11978 : étroitement. destruison, sf, 3791 : massacre. desver, v. tr., 1836, 3849, 6754, 9678, 10499, 12036, 12538 etc. : perdre (la raison) ; intr., 1882, 6856, 10833, 14240, 14973, 15617, 18832 : devenir fou ; part. pas. adj., 2114,
2145, 2334, 6878, 7457 etc. : enragé, sanguinaire ; 14418 : qui a perdu la raison, fou. desverroullier, v. fr., 14672 : ouvrir.
desvestir, v. pron., 71914 : se dépouiller. [desvoïer], v. fr., 6489, 17555 : enlever.
[desvoïer], v. pron., 7886 : devenir furieux. [desvoleper], v. tr., 31 : ôter ses langes (à un enfant).
detordre, v. tr., 1462 : tordre. [detraire]/ [detrere], v. fr, 11019, 18859 : écarteler.
14592,
14792,
14858,
[detrenchier], v. tr., 904, 3730, 11646, 14612, 14766 : tailler en pièces, massacrer. de(s)tresce, sf, 6075, 12437, 15871 : ce qui presse cruellement, angoisse. detri, sm., fere —, loc. v., 9397, 15697, 19028 : tarder ; (sanz —), loc. adv., 2801, 6927, 16446, 19019, 19698 : sans tarder, sans délai ; (sanz nul —) 11362 : sans aucun délai. detriement, sm., (sanz nul —), loc. adv., 16161 : aussitôt.
detrier, v. intr., 3538, 7202, 7688, 8248, 13554, 15927 : tarder ; tr., 5168 : laisser, différer, remettre à plus tard ; 9032, 20015 : faire perdre du temps, retarder ; pron., 8249, 10922, 11987, 14636 : perdre du temps. [devaer], v. tr., 7478 : disputer ; voir deveer.
GLOSSAIRE
1079
[devaler], v. intr., 6837, 11185, 16020, 18311, 18997: descendre ; 9423 : s’abattre. devant, prép., 1970, 2305, 3485 etc. : avant ; (par —), Loc. prép., 1200, 1204, 6362 etc. : devant ; (— yer) 10233: avant-hier ; 4027 : auparavant ; (— que), loc. conj., 3038 : avant que ; adv., 751 etc. : sur le devant ; 4679 etc. : au
devant ; 4974 : en premier. deveer, v. fr., 5973, 13649, 14970, 15660 : empêcher ; 12145 : interdire. devier/ deviier, v. intr., 1038, 1416, 3860, 6643, 8666, 9547, 10340, 11994, 13700, 17943, 18225, 18509, 19913 : mourir.
devis, sm., 2027, 7003, 14791 : volonté, désir ; 8006 : propos, paroles ; (a son —), loc. adv., 236, 14790 : à son gré, comme bon lui semble ; (tout a vostre —) 11011 : comme il
vous plaira. deviser, v. tr., 62, 122, 125, 321, 1876 etc. : dire, exposer, raconter ; 284 : désigner ; 446 : décrire ; 6375, 17641, 19362: parler (de) ; 7633 : mettre en ordre ; 14835:
choisir ; intr., 604, 4254, 7360 : parler, tenir des propos ; imp., 12599 : décider. devision, sf. (par tel —), loc. adv., 4454, 8359 : de telle manière, de telle sorte. devour, sm., 2212 : massacre.
dez, sm., 18098 : dés à jouer. di, sm., 1147 etc. : jour, journée ; 19291 : jour (par opposition à nuit) ; (plus n’i a de mes dis) 14768 : c'en est fini de
ma vie ; (touz dis), loc. adv., 2315 : pour toujours ; 2474, 5076, 13124, 13508, 18924 :sans cesse, sans discontinuer ;
15146 : toujours ; (puis ce —) 4838, 17493 : depuis ce jour, depuis lors.
1080
GLOSSAIRE
digneté/ dignité, sf, 1097, 1942, 3506, 5332, 5351 valeur ; 1289, 1307 : noblesse. dit, sm., 537 : récit ; 1079,
etc. :
14689 : conseil ; 3432, 6999,
10276, 16898, 18296 : propos, paroles ; 17864 : récits en vers ; (Or en lessons les dis) 10892 : cessons de palabrer. diter, v. tr., 4776, 6385 : dire. divers, adj., 5387 : mauvais, cruel, sauvage ; 6676 :fâcheux ; 8124, 14080 : singulier, bizarre, inquiétant ; 16527 : (en parlant d'un lieu) éloigné, écarté, perdu. diversseté, sm., 18179 : méchanceté, agressivité. divinité, sf., 1322, 18000 : art du devin.
do(ujctriner, v. tr, 84, 1568, 8289, 8501, 13048 : instruire ; part. pas., 9123, 18516 : instruit. doler, v. tr., 18970 : amincir, aplanir (avec une doloire).
dominé, adj., (Temple —) 5013 : de Dieu. dont, adv., 315, 9505, 1758 etc. : donc ; adv. & conj., 470, 934, 1185 etc. : alors ; pron., 510, 597, 916 etc. : de quoi,
ce dont ; 533, 1653, 1657 etc. : d'où. dormant, sm., 6264, 14075, 18143 : sommeil.
dormans, adj. v., (Tables —) 10170 : tables installées à poste fixe. doublatin, adj., 7075 : à mailles doubles. doublier, adj., 19927 : à mailles doubles. douçour, sf, 10188 : dilection. doulant, adj. v., 11801, 17500, 17599 : affligé ; fere -, loc. v., 13470, 15932 : faire souffrir, malmener. [douler], v. intr., 12183 : souffrir ; pron., 17098 : s’affliger.
doulouser, v. intr., 1461, 12967, 15055, 15227 : se désoler, se lamenter ; pron., 3916, 4156, 12999 : se désoler, se lamenter. doutance, sf, 12151, 12210 : crainte, inquiétude.
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GLOSSAIRE
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doute, sm., 12135 : inquiétude.
doutee, sf, (c’est sanz —) 7162 : cela ne fait aucun doute. douter, v. tr, 66, 720, 733 etc.: craindre, redouter ; 548 etc. : douter ; 2290, 6374 : hésiter ; 2583, 2766, 2922 etc. : s'inquiéter, avoir peur ; pron., 735, 3449, 5156 etc. :
s'inquiéter ; 1858, 3370, 5206 erc. : craindre (que) ; 7925 : douter de ; 14052, 15349, 19701 : se méfier de, se défier de ; 16333 : se douter ; (sanz —), loc. adv., 1588, 2555, 4848 etc. : sans aucun doute ; part. pas. adj., 1518, 5340, 5889 etc. : craint, redouté, redoutable. doutoison, sf., 16523, 19666 : crainte.
drap, sm., 3973, 7051, 7862, 7914, 9597, 9916, 9962, 12266, 12834, 15383 : étoffe destinée à couvrir le corps, vêtements ; 8185, 12492 : pièce d'’étoffe posée au sol, tapis ; 14211 : tentures. dre(s)cier, v. #r., 1184 etc. : hisser ; 2907 : relever ; intr., 9854 : se mettre debout, se lever ; pron., 11208, 11484, 17317, 17601 : se lever. droit, sm., 6527, 14472 : justice ; (a son —), loc. adv., 18030 : comme il convient.
droit, adj., 2118, 8028, 8040, 8422, 11904, 17565, 18640 : juste ; 4492, 4964, 4974, 5529, 5699, 5858, 6495 etc. : légitime ; 2694, 8166, 14482, 17359 : vrai, exact ; 9891 : abrupts ; 17152 : bon, favorable ; 18576 : convenable ; (droite voie), loc. adv., 1886 : par le chemin le plus direct ;
(par droite force) 3729, 8590, 11106, 11767, 14571, 15590, 15629, 16173, 19994, 20006, (a droite force) 7547, 18444 :
par la force. ‘droit, adv., 538, 1214, 5885 etc. : précisément, exactement ; 943, 956, 967 etc. : directement, tout droit ; 1580, 8902 : bien, habilement ; (- fere), loc. v., 7398 : agir de manière
1082
GLOSSAIRE
loyale ; (a —), loc. adv., 33 : convenablement ; (au plus —) 12002 : au plus vite. droitement, adv., 1550, 9720, 9964, 11432, 11547, 13953, 14224, 14379, 18086, 19156, 19657 : directement, sans faire de détour.
droiturier, adj. & sm., 207, 3533, 4373, 9865 : qui agit selon le droit, la justice, juste, équitable, bon. dromon(t), sm., 289, 614, 986, 1004, 1019 erc. : navire à un ou plusieurs rangs de rames superposés. dru, sm., 698, 2253, 3197, 4707, 6412, 7771 etc. : ami intime, favori ; 797, 13968 : bien-aimé, époux ; tenir a ses drus, loc. v., 11661 : considérer comme son ami.
druerie, sf., 8404, 11976 : plaisir charnel, jouissance. druz, adj., 8189 : dense, épais. duel, sm., 328, 334, 356, 440, 455 etc. : souffrance, chagrin.
duit, part. pas.,
10155 : aux
branches
harmonieusement
disposées ; voir note corr. duree, sf, 7161, 3877, 7161, 8207, 11762, 11796, 12945, 13166, 16805 : durée de la vie, vie ; avoir — (contre), loc. v., 2469, 4384, 5498, 8891, 11151, 11741, 11744, 11875, 12457, 13287, 13747, 13763, 14825, 16807 : résister longtemps (à qqn ou à qqch). durement, adv., 327, 1359, 1392, 1399, 1595 etc. : beaucoup, fortement, fort ; 731, 5398, 5428, 6083 etc. : lourdement ; 2968, 3976, 7980, 9342, 10246 etc. : profondément ; 4881,
10407, 13792 : rapidement ; 8440, 15548, 19494, 19564 : violemment ; 8951, 12437 : à grands cris ; 18452 : étroitement ; 18785 : amèrement durer, v. intr., 394 : se maintenir ; 869, 937, 2189
résister ; 1465, 1509, 1597 etc. : vivre, survivre. duré, sf., 18025 : douleur.
etc.:
GLOSSAIRE
1083
dux, sm., 16449, 17396 : duc. dÿapre, sm., 8223 : drap de soie à fleurs ou arabesques ici utilisé comme caparaçon (housse d'ornement pour un cheval). [dyter], v. tr., 17923 : raconter ; voir diter. dyvers, adj., 8129, 9715 : voir divers.
dyverssement, effrayante.
adv., 19394 : sous une apparence
bizarre,
e, prép., 8180, 8417, 9684, 18256 : en. e, interj., 4102 : hé ! [efforcier], v. pron., 2841 : voir esforcier. einz, adv., 6543 : voir ainz. ellessier, v. intr., 4362 ; pron., 9462 : voir eslessier. ellis, adj., 8035 : voir eslis. [embarrer], v. fr., 9422 : défoncer, fendre. [embatre], v. fr., 3825, 13604 : enfoncer ; pron.,
4711,
18307 : se ruer, se précipiter. embler, v. tr., 520, 542, 576, 1123, 1218 etc. : enlever. embracier, v. fr, 10600, 17683, 19479 : prendre dans ses bras ; 10757, 12380, 16092, 19906 : mettre à son bras.
[embriever], v. tr., 671 : mettre par écrit, rédiger. [embroier], v. fr., 3818, 12357, 15846, 18401 : enfoncer. embronchier, v. intr. ou pron., 10208, 11407 : baisser la tête,
prendre un air sombre, soucieux. embuschier, v. éntr. ou pron., 9934, 10530, 15415, 16705,
18158, 19768 : se poster en embuscade. empali, part. pas., 6919 : qui a perdu ses couleurs, pâle, hâve. emparlé, part. pas. adj., 18502, 19591 : sage, dont la parole est sensée.
1084
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empen(n)é, adj., 4321 : couvert de toutes ses plumes, indemme ; 5329, 9115 : pourvu d'une empenne ; 18848 : ailé. [empensser], v. tr., 6422, 15690 : penser, songer. empevré, part. pas. adj., 1427, 15181 : relevé de poivre, poivré. empirier, v. fr., 78, 91, 909, 2245, 4370 etc. : faire du mal,
blesser (en parlant d'un animé) ou détériorer (en parlant d’un objet). [emploier], v. tr, 3756, 4546 : assener, appliquer ; 8402, 17880 : prendre pour épouse. emplouré, part. pas. adj., 504, 508, 3900, 5995, 6653 : en larmes, affligé. emprendre, v. fr, 8818, 12603, 14753, 18727, 18928 : entreprendre,
commencer ; 789 : assaillir ; 1248, 4157,
6157, 6917, 10050, 19153 : saisir, envahir. [empresser], v. fr., 3775 : serrer de près, harceler. emprise, sf, 13321 : entreprise. en, prép., (- ce que), loc. conj., 15185 : alors que. enamer, v. fr., 1304, 2605, 17078 : se prendre d'affection pour, aimer. [enangler], v. tr., 8564 : acculer. [encembeler], v. tr, 19569 : lier. encerchier, v. tr., 16721 : voir note corr. [enchaener], v. fr., 6286 : enchaîner.
enchant, s., 8430 : enchantement, sort. enchantement, sm., 3591, 8452 : magie.
enchanter, v. fr., 498, 8429, 8937, 9134, 10402 : ensorceler. enchanterie, sf, 10374 : magie. [enchargier], v. tr., 11860, 11905 : prendre en charge.
enchartrier, sm., 5726 : geôlier. enchaucemant, sm., 19169 : poursuite.
_.
GLOSSAIRE
enchaucier,
1085
v. tr., 920, 939, 946, 977, 2228, 3620, 3790,
4416, 8948, 9016, 9061, 9084 erc. : poursuivre, pourchas-
+ ser. [encheoir], v. imp., (enchie) 3104 : arriver. [enchierir], v. tr., 3105 : honorer, élever en dignité. encient, s”1., 16433 : voir escïent.
enclin, adj., 7090, 7098 : incliné, soucieux, inquiet. [encliner], v. #r., 4683, 16026 : saluer en s’inclinant ; pron., 5416, 9615 : s’incliner ; part. pas. adj. 10293, 11884: inclinée, soucieuse. enclorre, v. tr., 2488, 3683, 3726, 4743, 15056, 15507,
16113, 16711, 18310, 19308, encercler, cerner, acculer.
19935,
19975,
20044 :
encombrement, s5., 1621, 9298, 12203, 16422, 16883, 16949 : dommage ; (sanz —), loc. adv., 15333 : sans encombre. encombrier, s1., 4330, 4350, 5166, 5535, 5671 etc. : domma-
ge. encontré, sm., 4513 : rencontre. encontre, prép., 1113, 1333, 4703, 6003, 6065 etc. : vers, en direction, à la rencontre de ; 1299, 2662, 6448 : à son/ leur approche ; 2126, 2912, 2947, 4528, 5264 etc. : contre ; adv., 6418, 13127, 13256, 19881 : à sa rencontre, en sa direction ; 17911 : à l'encontre ; dire -, loc. v., 11263 : contredire. encontre, sm. 5301, 7376, 7759 etc. : rencontre ; 4285,
19732 : attaque. encontree, sf, 19820 : aftaque. encontrement, 5s/., 7655 : rencontre. encontrier, v. fr., 740, 745, 2749, 3287, 4429 etc. : assaillir, frapper, atteindre de ses coups ; 1009, 2564, 3397, 4889,
1086
GLOSSAIRE
6411 efc. : rencontrer, croiser ; imp., 2384, 6395, 13082, 13688, 19115 : arriver, advenir ; sm., 2180, 2190, 3402, . 4679, 7377, 13258, 13454 : rencontre, assaut ; venir a l’ -, loc. v., 5372, 18184 : venir à la rencontre de, accourir en direction de. encor(e), adv., 18, 98, 149, 266, 1453, 1996 etc. : un jour ;
(n’a pas — granment) 1213 : il n’y a pas longtemps ; voir enquor(e).
encorné, part. pas. adj., 2149, 4302, 8297, 12236, 13054, 13281, 13564, 19586 : cornu, coiffé de cornes. encoste, adv., 7290 : à côté ; (par —), loc. adv., 29, 9747, (par d’—) 10152, 10299, (d’—) 15179 : à côté, à proximité. encouragiez, part. pas., 9143 : désireux. [encourtiner|, v. tr., 14211 : voir note corr. encrisme, sm. inj., 1005, 2202, 7612 : scélérat. encrouer, v. fr., 9631, 11746, 11829, 12191, 12521 : pendre. encuser, v. fr., 1318 : trahir ; 3991 : dévoiler, révéler ; 8170, 9538 : blâmer, accuser. endementiers, adv., (— que), loc. conj., 4254, 4275, 5447, 7360, 11082, 14692 : alors que. endestrer, inf. sm., 17850 : voir note corr. [endrescier], v. tr., 402, 6656 : relever, redresser. endroit, prép., 14217 : au moment de ; adv., (la —), loc. adv.,
159, 12058, 13096, 16185, 19157 : là ; (ci —) 2400, 5694, 5767, 10941, 11534, 14316, 16190, 16627, 16698, 17282 ; (-— ci) 9653 : ici ; (ici —) 5541 : à ce point du récit, maintenant.
endroit, sm., (par tel — ) 5319 : de telle manière.
endurer, v. intr., 1778 : souffrir, permettre ; 2187 : résister face à l'ennemi, soutenir le combat. : enfançon, sm., 269, 542, 1263, 1268 : petit enfant, nourrisson.
GLOSSAIRE
1087
enflé, part. pas. adj., 5893, 6295 : contusionné, meurtris ; 3010, 3073 : gonflé, rempli de colère. enforcement,
s1.,
16608 : violence,
action
de prendre
de
force. enforcier, v. intr., 334, 1186,
1402, 5742,
12940 : devenir
plus intense, redoubler d'intensité ; pron., 3614 : reprendre courage, redoubler d’ardeur ; part. pas. adj., 2786, 7484, 9055, 17859, 19023 : fortifié ; 2823 : intense, violent, âpre. engaigne, sf. : colère ; (par —), loc. adv., 6050 : sous l’emprise de la colère. [enganer], v. tr., 8942, 10077, 10644, 12657, 13083, 14707, 15496, 15633 : tromper, prendre en traître ; part. pas., 510 : affligée ; 10509 : bafoué. engien, sm, 14555, 16716, 18791, 18945, 18949, 18995: machine de guerre ; engin(g), 2985, 13499 : stratagème, artifice ; (mal —) 7079 : fourberie [engingnier],
v. tr, 8973,
11651,
12022,
15409 : tromper,
prendre en traître. engouler, v. fr., 6839, 19789 : avaler.
engourlez, part. pas., 15463 : paré. [engraïignier], v. tr., 6046 : augmenter. engramir, v. fr., 1662 : contrarier ; intr., 3633 : s'affliger ; part. pas. 2825, 7112, 7489, 10816, 13598, 15538 : contrarié, chagriné. [enhaïr], v. tr., 7203 : détester, ne pas porter dans son cœur. enhermie, adj., 7206 : sombre.
enheudé, adj., 16914, 17182 : muni d'un pommeau. enlatimez,
sm.,
2065 : homme
instruit dans
les langues ;
enlatinez, adj., 6705 : instruit dans les langues. {enmer], v. tr., 14381 : aimer.
[enmieudrer], v. tr., 75 : rendre meilleur, douer de qualités.
1088
GLOSSAIRE
enmour, s"., 10193 : affection. enmuez, part. pas., (com oisel —) 685 : enfermé comme un. oiseau en mue. ennoïÿ/ ennuy, sm., 3283, 6431, 12500 : forte contrariété, peine, tourment ; tourner a -, loc. v. imp., 12502 : être très
désagréable. ennoier/ ennuier, v. fr., 2709, 4025 : contrarier fortement ; imp., 563, 597, 1180, 1704, 1728 etc. : être très désagréable, pénible. ennui, sm., querre — a, loc. v., 19704 : nuire à (qqn).
ennuiés, sf., 6501 : forte contrariété. ennuit, adv., 7450, 9782, 9786, 9815, dernière ; 10045, 18982 : ce soir.
9827
etc. : la nuit
enoiliie, part. pas. adj., 1136, 1339 : qui a reçu les saintes huiles, l'extrême onction, qui se trouve à l’article de la mort.
enquerre, v. fr, 1114, 2574, demander, s’enquérir de.
2670, 4028, 5035,
17023:
enqui, adv., 17556 : aujourd'hui. enquor(e), adv., 969, 13832, 19747 : à nouveau ; 1653, 3450, 3947 etc. : encore, pour le moment ; 4995, 7030, 9808 etc. : un jour ; 4601, 15395, 16654 etc. : maintenant ;
6503, 6973 : déjà, à l'heure qu'il est ; 11332, 13979, 14780 etc. : encore, toujours ; 18233 : encore, de plus ; (onques —), loc. adv., 2972 : jamais encore ; (n’a — gueres) 3268 : il y a un instant ; (— plus) 6464 : encore davantage ; (onques —) loc. adv., 16055 : jamais encore ; conj., 5086 : (exprimant la concession) encore que, bien que. enroidir, v. intr., 3627 : devenir raide.
ense(i)gnier, v. {r., 6268, 11382, 17488 : montrer, indiquer (le lieu où se trouve qqn ou qqch) ; 16727 : conseiller ; (n’ot
GLOSSAIRE
1089
en lui qu’—) 12921 : il réunit toutes les qualités ; part. pas. adj., 108, 8417, 12736, 13781, 15162, 19830 : instruit, sage. ensei(n)gne, sf., 839 : banderole de la lance ; par glissement métonymique, lance ; 6577, 7828, 7865, 7972, 9598, 17431, 17660 : signe distinctif ; 7685, 10744, 12217, 12792, 18763, 18769 : bannière, oriflamme ; 7927,9574 :indices ; 14396, 15426, 15436 :armoiries ; 16104 :cri de guerre, de ralliement.. ens(s)eler, v. tr., 5984, 10716, 15753, 18262 : seller, harnacher ; part. pas., 3123, 3514, 10176, 19440 : harnaché, prêt à être monté (en parlant d’un cheval). enseri, adj., 19047 : voir note corr. ens(s)er(r)er, v. tr, 2328, 2522, 3000, 5825, 7317 etc. :
assièger, empêcher de sortir ; 8645 : enfermer, emprisonner. ensi, adv., 288 : ainsi. enssement, adv., 429 efc. : de la même manière ; 604 etc. :
ainsi, de telle manière ; 1746 etc. : également, de même ; (tout — que) 6817, (tout — con) 9219 : exactement de la même manière que. ensseulé, part. pas., 460 : laissé seul, seul. ensus, ady., 1352, 3169, 4624, 15180, 18340 : en arrière ; (—
de), loc. prép., 10843, 14725, 18347, 19521 : loin de.
entaillie, part. pas. adj., 1073, 10912, 17884 : ciselée. entalenté, adj., 8504, 9504, 13042,
13521, 14448, 14472,
16283, 17019, 19210, 19893 : désireux, animé par l'envie
de. ente, 5f., 1708 : arbre nouvellement greffé.
entencion, sf, 18454, 18654 : intention. entendant, adj. v., 1189, 9799 : attentif.
1090
GLOSSAIRE
entendre, v. tr., 586, 1078, 1084, 1358, 1536 etc. : écouter,
tendre l'oreille, prêter àttention ; 2717, 2719 : être occupé à ; 7973, 16683, 17477 : examiner avec attention, considé-
rer ; (mal n’i entendi) 15346 : il n’y vit rien de dangereux, il ne se méfia pas. [entenmer], v. tr., 8443, 15827 : entamer. entente, s5f., 12199 : assaut. ententivement, adv., 13544 : violemment. enterin, adj., 7099 : sincère, pur. enterrer, inf. sm., 1460 : enterrement, mise en terre. [enterver], v. tr., 7467, 17449 : comprendre, analyser.
[enteser], v. fr., 772, 856, 2482, 3154, 3166 etc. : brandir, lever pour frapper ; part. pas. 5556, 13141 : prêt à frapper. [entester], v. tr., 14582 : frapper à la tête. entois, adj., 2855 : voir note corr.
[entr’abatre], v. pron., 19959 : se faire tomber réciproquement de cheval. entr’acointier, v. pron., 6067 : s’assaillir l’un l'autre.
[entr’acoler], v. pron., 6433 : se prendre réciproquement par le cou. entrait, sm., 3707 : bande de toile enduite de baume pour être
mise sur la entrant, part. mencement entraverssee, entre, prép.,
plaie. prés. employé comme prép., 13866 : au comde. part. pas. adj., 10671 : rayée de bandes. 1164, 4451, 4459, 4577, 5482 etc. : parmi ;
3461 : contre ; conj., 4718 : et.
lentreferir], v. pron., 5384, 8322 : se donner réciproquement des coups. entregiet, sm., 8360 : coup d’une arme.
.
GLOSSAIRE
1091
[entremeller], v. tr., 16012 : engager la mêlée (avec qqn). [entremetre], v. pron., 8004 : se mêler d'une affaire. entr’encontrer, v. pron., 3572, 12343 : engager la mêlée ; part. pas., 13527 : engagés dans le combat. | [entreprendre],
v.
tr;
356:
commencer ; 5232,
11017,
18425, 19281 : attaquer par surprise ; part. pas., 3351 : interdit, surpris. entresi, adv., (— que), loc. prép., 4455, 6038 : jusque. entr’oir, v. fr., 1348, 3668, 11986, 12446 : entendre vaguement. entr’oublier, v. tr., 17747 : oublier un instant. entrues, adv., 15300 : pendant ce temps ; (— que), loc. conj., 1628, 8934, 11879, 14960, 15474, 16270, 18004, 19091 : pendant que, tandis que ; 11215 : alors que. envaïe, sf., 800, 3593, 7519, 14610, 15314, 19952 : assaut. envaïr, v. {r., 687, 2431, 3614, 3640, 4461, 4471, 4594, 5081 eic. : attaquer. envenimer, v. f7., 74, 5353 : imprégner de venin. envers, prép., 1358 efc. : vers, du côté de ; 5085 etc. : contre. [enversser], v. fr., 5446, 15626, 18840 : faire tomber à la renverse ; part. pas, 3317, 8559, 10514, 16920 : à la
renverse. envie, sf., 7522, 14620, 15319, 19215 : haine ; (par —), loc. adv., 14151, 15364 : de manière haineuse. envious, adj., 16766 : haineux. | environ, adv., 612, 626, 2392, 2520, 4819 etc. : de toutes parts, de tous les côtés ; (— et entour) 375, 2209, (- et en
lez) 464, 12833, 13147, 14250, 14981, 18318, 18473, (entour et —) 1006, 7594, 18450, (— de touz lez) 5567 : de toutes parts.
1092
GLOSSAIRE
envis, adv., 1488 : à contrecæur ; (non —) 1159, 1484, 1848, 2031, 3433, 5223, 10889 : volontiers, de bonne grâce ; (a … —), loc. adv., 2472, 11014 : à confre-coeur.
envoier, v. tr., 2898 etc. : envoyer ; 5803, 10257 : remettre, donner ; 9147, 11655, 11665 : jeter. enz, prép., 428 etc. : en ; 721 etc. : dans ; adv., 930 etc. :
dedans.
erbage, sm., 12482 : lieu couvert d'herbe, pré. erboi, sm., 3281 : herbe.
erité, sm. ou sf., 665, 4943, 5341, 8197, 8270, 12598, 16478, 18120, 18596 : terre reçue en héritage. ermins, s., 15463 : peaux d'hermine. erra(n)ment, adv., 3637, 4267, 4674, 9114,
10555, 11368, 14439, 14877, 15265, 15288, 16080, 16256, 16660, 17007, 17104, 17255, 18795 : promptement, rapidement.
errant, part. prés. adv., 938, 1545, 1764, 2129, 2368 etc. :
promptement, rapidement. erre, sm., 8009 : chemin ; 18644 : allure. errement,
s.,
1744, 3977, 7709,
15109 : voir note 1744 ;
16320 : manière d'agir. errer, v. infr., 10119, 10724 : se mettre en route ; 12550 :
agir ; sm., 18985 : manière d'agir. errour, sf., 7887 : voir esrour. ersoir, adv., 6734, 11136, 12136, 15215 : hier soir. es, présentatif, 322, 695, 1107, 2490, 2629 etc. : voici. es, encl., 196, 1041, 2184, 2368, 2998 etc, : en les, dans les. [esbahir], v. pron., 7874 : s'étonner ; part. part., 337, 1483,
4795, 7190, 10824, 13577, 15983 : frappé de stupeur. [esbanoïer], v. intr., 1615 : se divertir. esbaudir, v. tr., 2814, 4464, 4588, 5637, 7518 etc. : donner
du courage, de l’ardeur au combat ; 10914 : animer, mettre
GLOSSAIRE
1093
de la gaité ; pron.,
6611,
6806,
9310,
17712,
19053:
s’animer, s'échauffer, se réjouir ; part. pas. adj., 1061, 7025, 10858, 17861 : joyeux ; 15972 : ardent, animé, vif, acharné. [escerveler],
v. tr., 8538,
10512,
11101
: faire sortir
la
cervelle du crâne. escharboucle, sm., 9898 : pierre précieuse d’un rouge très
vif.
escharguete, sf, 2943 : guet ; 4793, 12654, 15290 : rroupe qui fait le guet. escharnez, adj., 6294 : décharné. [escharnir],
v. fr.,
1923,
11302 : bafouer,
railler ; 3340,
4220, 5527, 15144, 18910 : porter atteinte à, trahir les intérêts de ; part. pas., 5227, 8380, 9317 : bafoué, ridiculi-
sé. escharssement, adv., 3741 : fout juste, à peine. [eschauder], v. fr., 11603 : bräler. [eschaufer], v. tr., 3776 : assaillir avec ardeur ; intr. 1715 :
devenir chaud ; part. pas., 9328, 10834, 13138, 13526, 13633, 14724 : bouillant (de colère) ; 14500 : chaud.
[eschefler], v. tr, 18500, 18782, 18837, 19301, 19598 : écarteler, démembrer. [escherguetier], v. intr., 9163 : faire le guet. . eschevi, adj., 415, 2789, 2822, 8397, 10919, 11672, 13775, 15984, 16059, 16371, 17876 : mince, svelte. eschiele, sf. 727, 2188, 2460, 2463, 3550 etc. : bataillon,
corps de bataille. eschiele, sf. 2809, 7520, 7528, 9106, 9145 etc. : échelle.
- eschinee, sf, 10803 : le dos. eschiquier, sm., 18705 : damier.
eschiver, v. fr., 8684, 15520 : éviter, esquiver.
1094
GLOSSAIRE
escient/ esciant, sm., 16171, 17768 : sagesse, bon sens ; (bon —) 10015, 16156 : sagesse ; (fol —) 11314 : déraison ; 16592 : avis ; (mien —), loc. adv., 678, 1278, 2089 etc., (par le mien —) 1224, 1261, 4747 etc., (selonc mon —) 6911 : à mon avis, selon moi ; (de mal —), loc. adj., 4714, 15321 : dont les intentions sont mauvaises, méchant ; (de moult
grant —) 4884, (plain de moult grant —) 13827, (plain de grant —) 17399 : d’une grande sagesse, plein de bon sens ; (de bon —) 8450 : sage. esclairier, v. fr., 3673, 13737, 19140 : éclaircir, rendre moins dense ; intr., 423 : être radieux ; 2272, 11625, 16678:
briller, luire ; 9744, 11989, 15674 : se lever, jeter ses premiers rayons ou ses premières lueurs (en parlant du jour, du soleil, de la lune). esclandrement, sm., (sanz nul —), loc. adv., 4969 : sans éclat, discrètement, en secret.
esclaves, sm., 1845 : prisonniers. esclerier, v. imp., 11609, 17836, 18723 : faire jour ; voir esclairier. [esclistrer], v. intr., 11434 : jeter des éclairs. escoler, v. fr., 1572, 14535 : instruire ; part. pas., 1979, 2321, 6189, 6240, 9358, 8500 : instruit, savant, bien formé, habile. escondire, v. fr., 3083, 11946, 19429, 19439 : s'opposer à,
refuser. escons, adj, 16671 : couchant. esconsser, v. intr., 2262, 13292 : se coucher ; 4764, 4836, 17668, 18089 : cacher, dissimuler ; 11433 : se voiler ; pron., 9884 : se cacher, se dissimuler ; part. pas., 18608 : couché ; part. prés, 4888, 11697, 15011, 15881 : couchant ; adv., 5465 : secrètement. escontre, sm., 3390 : voir encontre.
GLOSSAIRE
1095
[escorchier], v. tr., 2109, 9875, 10093, 13790, 14497, 14855, 19964 : écorcher. escordement, adv., 14794 : de tout son cœur.
escornez, part. pas. adj., 6697 : voir encornez. [escorre], v. pron., 12164, 19450 : s’élancer. [escouvenir], v. imp., 4695 : falloir. escremie, sf., 16798, 19960 : combat, lutte ; (a —), loc. adw., 15855 : violemment.
escremir, v. inftr. 1576 : faire des armes ; pron., 10186 :faire des armes, s’escrimer. escriee, sf. (fere —), loc. v., 10426 : appeler en criant. escrier, v. fr., 730, 734, 781, 792, 834 etc. : crier, dire en criant ; 866, 2470, 5637 etc. : appeler en criant, apostro-
pher ; 19522 : accuser ; pron., 500 etc. : s’écrier ; 7412, 10717, 11962 : pousser des cris. escrin, s"1., 1931, 5800 : coffre. [escueillir], v. fr., 1003 : lancer. escuier, s71., 618, 975, 2783, 3076, 3085, 3189, 3435, 3947,
4036 etc. : jeune homme non encore adoubé, serviteur chargé de porter l’écu du chevalier. escusance, sf. (pour —) 17585 : pour se mettre à couvert, en guise de couverture. [escuser], v. pron., 18217 : chercher à s’exempter. esforcement, s., 6343 : effort, ardeur ; voir enforcement. esforcier, v. fr., 11948 : violer ; intr. 16673 : aller à vive allure ; pron., 985, 12030 : se hâter ; 2458, 7515, 7580,
11088 : prodiguer des efforts, mettre de l’ardeur à la tâche ; 8464 : se ressaisir.
. esfondres, sm., 18146 : orage. esfraé, part. pas., 1505, 11145 : inquiet, effrayé.
1096
GLOSSAIRE
esfreer, v. intr., 2588, 18972, 19791 : être inquiet, prendre peur ; pron., 1864, 5539, 5545 etc. : s'inquiéter, prendre peur ; part. pas., 7113, 3068, 4290 etc. : inquiet, effrayé ; sm., 2380 : crainte.
esfroit, sm., 18739 : effroi, frayeur. esfroy, sm., 16860 : bruit, vacarme. esgardement, sm., (par droit —), loc. adv., 7640 : légitime-
ment. esgarder, v. tr., 32 etc. : examiner avec attention ; 712 etc. : regarder ; 11830 : garder. esgaree, part. pas. adj., 6636 : abandonnée ; 13752 : incertain, embarrassé. [esgruner], v. tr., 4545 : réduire en morceaux. [esgueter], v. tr., 1249, 12098 : épier, surveiller ; 2665:
regarder à la dérobée. esjoïr, v. pron., 3439, 4235, 4802, 10859, 15345 : se réjouir ; part. pas., 2030, 3384, 4050, 7022, 14027, 15118 :satisfait, réjoui, content.
eslais/ eslés, sm:, 8227 : élan d’un cavalier qui charge ; (a —), loc. adv., 2856 : de toutes leurs forces. eslessier,
v. pron.,
3648,
5439,
16090 : s’élancer ; intr.,
9937 : s'empresser de ; part. pas., 903 : en s’élançant, à toute allure. [eslever], v. intr., 17903 : s'élever en rang, en dignité ; part. pas. adj., 679, 7311, 13276 : digne, noble. esliescier/ [esleescier], v. tr. 5131 : réjouir, contenter ; pron.
425, 1105, 16177 : se réjouir ; sm., 5770, 10220 : joie, contentement. eslis, adj., 1167, 2878, 7999, 10807, 10864, 17860 : d'élite, excellent.
GLOSSAIRE
esmaï/ esmay, s5m., 3494, 19514 : trouble, désarroi.
1097
12742,
14071,
17537,
19502,
esmaiance, 5f., 11060 : désarroi.
esmaier, v. {r., 198 etc. : mettre en émoi, effrayer ; intr. 229 etc. : s'inquiéter ; 718 etc. : avoir peur ; part. pas. 2274 etc. : inquiet ; sm., 2058 : désarroi, effroi. esmarrir, v. intr., 15168 : s’affliger ; part. pas., 9046 : affligé. esmax, 57., 4310, 12253 : émaux.
esmer, v. fr., 667, 2175, 6539, 16086, 16758, 18299, 19756 : compter, estimer ; 1959, 7425 : penser, juger ; 6723 : interpréter. esmeré, adj., 1941, 10837, 18769 : pur ; 10168, 19441 : d’or pur ; 19560 : illustre, distingué. esmerveillier, v. pron., 9020 : éprouver un grand étonnement. [esmier], v. tr., 12404, 12406, 12433 : pourfendre, fendre en
deux. esmoulu, adj., 772, 3176, 13484, 18285 : trenchant, acéré.
[esmovoir], v. pron., 17052 : se mettre en route, partir ; 11475 : bouger ; part. pas., 2247, 11370, 13494, 18278 : agité, troublé ; 2629, 8912 : en mouvement.
[esnüer], v. pron., 7915 : se dépouiller ; part. pas., 18304 : dépourvu. [espandre], v. intr., 6155, 7568, 8326, 8378, 12319: se répandre, couler ; part. pas., 3164 : répandu. [espaourir], v. pron., 3154 : prendre peur, perdre son sangfroid ; part. pas., 2226, 14793, 15550 : apeuré. esparez, adj., 6666 : sans nuages, serein. esparpeillier, v. intr., 4404 : se disperser.
1098
GLOSSAIRE
espaune, sf, 11752 : mesure de longueur correspondant à la distance entre l'extrémité du pouce et celle du petit doigt
dans leur plus grand écart. [espeer], v. tr, 14751 : passer au fil de l'épée ; voir note COTT. [espelier], v. tr., 14092 : interpréter.
[esperdre], v. pron., 7700, 16175 : se désespérer ; part. pas., 3168, 8924, 13483 : troublé. esperir, v. tr., 7765 : faire retrouver ses esprits (à qqn), réanimer.
espernier,
v. tr, 910, 5656, 9860,
10331,
10749,
12001,
12153, 12439, 19761 : épargner, ménager ; (sanz —), loc. adv., 4433, 19918 ; (sanz plus de l’—) 5384 : sans ménagement, violemment. esperon, sm., 840, 902, 2481, 2892, 3619 etc. : éperon ; (a —),
loc. adv., 943, 957, 18458, 11810, 12295, 15502, 15926, 15951, 16934 : en piquant des deux, de toute la vitesse du cheval. espevrier, sn., 4418, 6058, 19346 : épervier, rapace. espié, sm., 947, 960, 999, 1002, 1022 etc. : épieu,
arme d'hast, ressemblant à une lance courte; il s'agissait à l'origine d’une arme de chasse par opposition à la lance, plus longue, qui était l'arme du premier choc à cheval.
espie, sm. ou sf. 4277, 7622, 19765 : voir espye. [espier]/ [espiier], v. tr., 4276, 16720, 18291, 18295, 18320 : épier. [espier], v. tr., 19743 : voir note corr. espine, sf, 11272, 11308, 11453 etc.:
épine,
arbre
ou
arbrisseau épineux. esploit, sm., (a —), loc. adv., 18742, 19303 : promptement ; (a
grant —) 9220 : à vive allure.
…
GLOSSAIRE
1099
esploitier, v. intr., 174, 670, 4339, 5727, 7330 etc. : agir, procéder ; 14223, 14306, 15767, 18066, 18721 : progresser, avancer à vive allure ; tr., 14053, 17157 : accomplir,
exécuter rapidement ; 16312 : faire avancer ; pron., 8828, 9488,
14376,
14903,
16106
etc. : agir avec
ardeur
et
énergie, se hâter, s'empresser ; sm., 14667 : exécution. esploree, adj., 11795 : baignée de larmes. [espo(u)enter], v. tr, 6833, 6866, 6876, 8934, 10461 etc. : effrayer ; intr., 12554 : prendre peur ; pron., 7889, 10247, (ss’espouent) 13665, 14276 : prendre peur ; part. pas. 11881, 12268, 13076, 14957 : effrayé. [esprendre], v. fr., 759, 11298 : enflammer (de colère) ; part. pas., 2871, 11285 : allumé, ardent. espro(u)ver, v. tr., 2085, 3426, 4528, 6116, 11893, 16858,
18113, 17225, 19070, 19075, 20052 : mettre à l'épreuve, vérifier l'efficacité ou la valeur (en particulier guerrière) de qqn ou de gqch ; 3489, 5789, 6580, 9630, 19574 : vérifier ;
pron.,
2852, 2973, 3093, 9451,
11635,
12387,
16124,
20003, 20016 : mettre à l'épreuve sa valeur, se distinguer
au combat ; part. pas., 8330, 16289 : qui s’est distingué au combat, vaillant. espoissier,
v. intr.,
11608 : s’assombrir,
devenir sombre ;
imp., 16676 : faire sombre, faire nuit. espoori, part. pas., 9402 : effrayé. : espousé, sm., 4955, 8718, 14013, 17361 : époux ou épouse ;
avoir a -, loc. v., 17369, 17453, 17700 : avoir pour époux ou épouse. espye, sm. ou sf. 2397, 14106, 14118, 14638, 19734, 19752 : espion. - fespÿer], v. tr., 19734 : voir espier.
esquarrez, adj., 13118 : frenchants, affûtés.
1100
GLOSSAIRE
esqueilli, part. pas. adj., 3139 : rapide, empressé. [esquiper], v. intr. ,753 : glisser. [esquip(pJer], v. tr., 452, 16562, 16573 : faire avancer, faire voguer ; intr., 1005,
16671 : partir, prendre
(la mer) ;
18610: arriver ; pron., 2396, 8811 : partir, prendre (la mer). esracier, v. tr, 18202 : arracher.
esragier v. intr., 1125, 1130, 2993, 4540, 4582, 5183, 9150, 14934, 15836 : devenir fou, perdre la raison ; part. pas. 913, 5507, 14083 : fou furieux, enragé. esra(n)ment, adv., 1085, 12510, 13835, 14284, 18734, 19599,
19698 : voir erranment. esrant, adv., 11301, 14276, 14282 : voir errant. esrer, ». intr., 9602 : voir errer. esrour, 5f., 10192 : comportement, manière d'agir.
essaier, v. fr., 10639, 13015 : goûter ; 7359, 12413 : éprouver. [essarter], v. tr., 9377 : dévaster.
essaucier, v. f7., 15378, 15574, 17852, 18855 : glorifier, élever en dignité ; part. pas. 14099 : qui a acquis la gloire. essele, sf, 10762 : aisselle. essenmillier, v. intr., 9935 : essaimer, se disperser par essaims. esseulez, part. pas., 9351 : isolé ; 9524, 14505, 18310, 19183 : laissé seul, esseulé. essill, sm. : fourment, destruction ; mener en grant -, loc. v.,
2115 : forturer jusqu'à ce que mort s’en suive ; metre a — 15567 : ravager, détruire. essillier, v. #r., 15545, 18196 : faire périr ; 15642 : ravager, détruire.
GLOSSAIRE
1101
[establir], v. tr., 2805 : déclencher ; 5993, 12283 : ranger en troupe ; 15310 : décider. estache, sf., 7262 : pieu central d’une tente ; 14867, 15020, 15084 : poteau. estage, sm., 9968, 10867, 10910 : place, emplacement ;
17190, 17216 : pont d’un navire ; (enz el plus haut —), loc. adyv., 4236 : tout en haut ; (el haut —) 4571 : en haut, au ciel ; (el mestre —) 4725, 10965, 15998 : en haut, au sommet ; (en son —) 6024, 10390, 10748 : lorsqu'il est
debout ; lever en son — 10977 : se lever, se mettre debout. estant, sm., (en —), loc. adv., 3696, 9716, 9738, 11107, 15102, 19400 : debout, sur ses pieds ; (en son —) 5148 : lorsqu'il est debout ; saïllir en —, loc. v., 12321, 17485, soi drescier en — 11484, 17601, lever sus en — 17505 : se mettre debout.
estans, adj., 1984 : épuisé. estelé, adj., 6735 : étoilé. [estendre],
v. fr., 764, 2248,
13534 : lever pour frapper,
brandir ; 8185 : étendre ; pron., 3626, 6938 : s'étendre, s’allonger ; 9713,
10575,
11536 : se dresser ; 16409 :
s'étendre ; part. pas., 8915 : vingt pieds de haut ; (tout estendus) 8929 : de tout son long. ester, v. intr., 2844, 2983, 6112, 7390, 7987, 13954, 17669, 17674 : se tenir debout, se dresser ; lessier —, loc. v., 311,
896, 1447, 1559, 2710 etc. : ne plus s'occuper de, quitter, abandonner ; pron., 11833, 12565 : se planter. [estonner], v. tr., 5402, 5499, 5504, 8337, 11743, 15786, 15808, 16912 : éfourdir. [estordre], v. intr., 3764 : s'échapper, fuir ; tr. 4627, 5406, 5434, 11939, 13469, 15833 : échapper ; 16122: en réchapper, en sortir ; pron., 8447 : s'enfuir loin de. estorement, s1., 7284 : force armée.
1102
GLOSSAIRE
[estorer], v. tr., 1116, 2850, 3253, 5396, 9067, 10260, 10753, 11425, 12412, 13364, 17142, 18670 : créer. estouné, part. pas., 4534 : voir estonner. estour, sm., 392, 744, 745 etc. : mêlée, combat, bataille.
esto(u)rmie, sf., 2430, 3663, 5611, 7516, 8857, 10362, 11668, 12428 : mêlée, lutte, bataille. estourmir, v. intr., 3354 : s’ébranler pour aller à l'attaque ; tr. 18984 : mettre en déroute. estous, adj., 16770 : dur, violent. estoutie, sf, 8045 : hardiesse, bravoure ; 15367 : attaque fière et impétueuse ; (par —), loc. adv., 803, 824, 8423 :
avec une hardiesse 16794 : violemment.
impétueuse ; (par moult
[estovoir], v. imp., (estuet)
1375,
grant -)
1444, 2583, 2700,
3700
etc. : falloir. estracion, sf, 14558 : extraction. estraier, adj., 10177, 15071 : tout seul ; 11647 : qui erre ça et là, solitaire. [estraindre], v. tr., 19489 : serrer. estrait, part. pas. d’[estraire], 546, 1657, 1760, 1810, 1841 etc. : issu. estrange, adj., 1919, 1922, 1924 etc. : étranger ; sm., 5101 : étranger. [estrangler|, v. tr., 1292, 18180 : dévorer. [estranller], v. #r., 7366 : voir [estrangler]. estre, sm, 595 : lieux ; 3108, 4028, 4066 : situation, condi-
tion, état d’une personne. estres, sm., 2530, 7402, 8396, 8473, 12889, 14249, 14394, 14462, 15434 : partie supérieure d’un bâtiment (d’une tour, d'une porte etc.)
GLOSSAIRE
1103
estri, sm., 2806, 3140 : assaut ; (a —), loc. adv., 19037 : à qui mieux mieux, à vive allure.
16779,
estroit, adv., 6656, 12513, 17008 : étroitement. estrous, adj., (a —), loc. adv., 16776 : avec vivacité, aussitôt. estrumant, s., 451, 1198 : matelot ; 4869, 9707, 9726, 14889, 16554 : pilote d’un bateau.
[esvertuer], v. pron., 4297, 5410 : se ranimer, se fortifier; 16974, 19315 : employer ses forces, prodiguer des efforts. evage, adj., 4245, 4577, 11474 : qui vient de la mer.
example, sm., 18547 : signe.
façon, sf., 119 : face, visage ; 2194, 2201, 19405 : morphologie. faé, part. pas., 7477, 9251, 19071, 20000 : doué de pouvoirs magiques.
faerie, sm., 5531, 8272 : en pays de féerie. faignans, adj. v., 4669 : qui se dérobe, qui fait défaut, lâche. faillir, v. intr., 255 : faire défaut ; 2879, 9131, 13284 : prendre fin ; 1491, 7248 : tomber ; 2796 : se coucher; 7483, 14388 : échouer, ne pas atteindre son but ; tr., 2832,
5846, 6460, 8470, 8482, 10992, 16514, 15687 : faire défaut, manquer à ; imp., (poi s’en faut) 1647, 2461, 4859, 13135,
(petit se faut) 4535,
(petit en faut) 8347,
9314,
11979, (petit failli) 9279, (poi s’en failli) 12166, 12362, 19565 : il s’en faut/ fallut de peu pour que ; part. pas. adi., 245,
650,
5080 : qui se dérobe,
lâche ; 19702 : sans
honneur, perfide, déloyal. [faindre], v. pron., 2840, 3645, 3763, 5941, 9138, 11093, 11705, 20020 : se dérober, manquer de courage.
1104
GLOSSAIRE
faintis, adj., 2495, 3368; 3466, 4226 : qui se dérobe, qui fait | défaut, lâche. fais, sm., 2860 : peine, tourment. faiticement, adv., 17579 : habilement, subrepticement.
faitis, adj., 7013 : sage, sensé ; 11000 : bien faits. faiture, sf, 8097 : visage ; 8957 : forme. [falir], v. tr., 8007 : réfuter ; voir faillir. [fameillier], v. intr., 7406 : avoir faim, être affamé. fanjas, sm., 10006 : bourbier, marais. fantosme, sm., 6874, 8452, 8503, 10237 : apparence trompeuse, illusion, enchantement.
faonné, part. pas. adj., 18177 : qui a mis bas. fauxart/ faussart, sm., 2155, 7081, 7245, 7356, 7512 etc. :
arme d’hast dérivée de la faux et constituée d’un fer large monté dans le prolongement de la hampe dont l'unique tranchant est convexe. fauxer/ fausser, v. t7., 3769, 19108 : trancher. fauxer/ fausser, v. tr., 4012,
4507,
8547,
15826,
15954,
5113,
9586,
11570,
12706,
17737, 19375, 19826 : faire défaut, manquer à la parole donnée, trahir ; intr., 4759, 7818 : mentir ; pron., 13650 :
se parjurer, manquer à la parole donnée ; part. pas. 11161 : faux, mensonger. fauxeté/ fausseté, sf, 5790, 9658, 13714, 17027 : trahison ; (sanz —), loc. adv., 5004,
8171 : sincèrement ; (par -)
12600 : de manière déloyale, perfidement. [faveler], v. tr., 1625 : parler. fea(u)lté, sm., 16649 : foi et hommage d’un vassal envers son
seigneur ; (en —), loc. adv., 4945 : conformément à la loyauté qu'un vassal doit à son seigneur.
GLOSSAIRE
1105
felon, adj. & sm. inj., 283, 1005, 2202, 2193, 3803 erc.: traître, fourbe, sournois, cruel (le felon est le contraire du preudon, cf. vv. 9954-5) ; 973, 3941, 6180, 19169 : péril-
leux ; 6775 : funeste. felonnie, 5f., 11258,
19005,
19835 : méchanceté,
cruauté ;
15373 : méfait, forfait. fenestré, sm., 15994 : fenêtre. ferarmé, part. pas. adj., 695, 6005, 10306, 11057, 12246, 13744, 13803 : armé, en armes ; sm., 6760 : hommes en armes. ferine, sf, 10166 : farine. ferir, v. tr., 765, 773, 841, 848, 857 etc. : frapper ; abs., 859, 2209, 2459, 3582, 3595 etc. : donner des coups ; intr.,
4580, 8642 : se précipiter ; 14217 : s’engouffrer violemment ; pron., 452, 1185, 2370, 2629 etc. : s’engouffrer violemment ; 803, 903, 3657, 4459, 7676 etc. : se précipiter avec ardeur. fermeté, sf., 4501 : voir fremeté. fer(r)ant, adj., 3808, 4742, 9802, 10572, 16583 : aux cheveux
et à la barbe grisonnants ; 7638, 16995 : grisonnant. ferré, part. pas. adj., 17072 : renforcé avec du fer. ferté, sf., 2424, 13565 : voir freté. fervestir, v. pron., 4694 : revêtir une armure, s'armer ; part. pas., 823, 2228, 3342, 5240, 5958 etc. : armé, en armes. fervestis, sm., 5068, 7142 : hommes en armes. fés, sm., 3454 : fardeau ; (tout a .I. —), loc. adv., 9941 : tous ensemble. feste, sf., 10914, 10915, 13866, 16508, 17654, 18063, 18523 : _ fête. fester, sm., 2719 : fête, réjouissances
1106
GLOSSAIRE
festoier, v. tr., 6807, 7740, 11903, 16356, 19687 : faire bon accueil (à qqn) ; intr., 3044, 6830, 10640 : faire fête, se divertir ; pron., 3416 : faire fête, se divertir. festu, sm., 15807, 18287 : fêtu de paille. fet, sm., 10339 : fait, acte. fetis, adj., 4230 : bien faits ; 10810 : sage, sensé ; voir faitis.
feuls, adj., 5472 : traîtres ; voir felon. feüté, sm., 17056 : foi d’un vassal envers son suzerain. feutre, sm., 5594, 7712 : pièce feutrée fixée au plastron, où s’appuie la lance pour la charge. fevre, sm., 10409, 15840 : forgeron. fi, adj., (tout de —), loc. adv., 11328 : avec certitude.
fiance, sf. 2001, 3488, 6097 etc. : confiance, foi ; avoir -, loc. v., 4082, 4224, 9958 etc. : avoir la certitude (que), être certain (de).
fiancier, v. tr., 2005, 4112, 4963, 5776, 13923, 15394, 17724, 19373 : jurer, promettre ; 8737 : épouser ; — bataille, loc.
v., 8051, 12730, 15309 : s'engager à participer à un combat judiciaire ; pron., 5007 : se jurer réciproquement. fichier, v. fr., 14085, 19973 : ficher, enfoncer ; pron., 4342, 4397, 9944, 16714 : se réfugier.
fie, sf, 837, 3672, 3679, 7521, 8394, 8856, 11683, 12276, 13782, 14621, 17574 : fois. fier, v. pron.,
13, 1609,
1689
etc. ; [fiier], 5653 : avoir
confiance en (qqn), se fier à (qqch). fier, adj., 282, 921, 1177, 3120, 3939 etc. : ardent au combat, farouche, impétueux ; 408, 14343 : puissante, forte ; 2063, 4329, 5924, 8245, 11489, 12928 : féroce, sauvage ; 7170, 800, 818, 3593, 5386, 5609, 12313, 15972, 19950, 19952 : fort, violent, intense, âpre, acharné ; 5536, 5761, 5904, 6269, 7024, 8015 etc. : noble ; 2065 : excellent, supérieur ;
GLOSSAIRE
1107
11410 : cruel; 12018, 18181: formidable ; 19946 : arrogant ; soi fere —, loc. v., 19911 : faire preuve d'’arrogance. fierement, adv., 730, 834 : d'une voix forte, avec ardeur; 1635, 3640, 9288, 12459, 15942 : violemment, en manifes-
tant une grande ardeur guerrière, avec âpreté ; 2277, 4715, 8049, 8061, 13467, 15872 : avec hauteur, arrogance.
fierté, sf., 2387, 3896, 5262, 5294, 5887, 6749, 19124 : (dans un sens mélioratif) ardeur au combat, impétuosité, valeur
guerrière ; 2325, 3113, 5339, 8639, 13393, 15572 : (dans un sens péjorafif) férocité ; 4291, 12248, 16913 : force physique ; 17697 : fougue ; mener grant -, loc. v., 4523 : se montrer féroce ; (par grant —), loc. adv., 2477 : avec une grande ardeur guerrière ; (par —) 8548, 10352, 13708, 13889,
18264 : avec ardeur ; (par tel —) 8304 : avec une
telle ardeur. fieu, sm., 17615 :fief.
figurage, sm., 8124 : apparence. [figurer], v. pron., 8503, 8956, 10387, 12112 : se transformer ; part. pas., 33 : conformé (en parlant d’un nouveauné). [filer], v. intr., 13607 : couler. fin, adj., 747, 1748, 2158, 3501, 3502 etc. : de bonne qualité ; 7099, 18427 : délicat, tendre ; 8330 : parfait, excellent. fin, sf, 7093 : fin de la vie, mort ; (enz en la —), loc. adv., 428, (en la —) 9780, 17868 : finalement, au bout du comp-
te ; aler a (sa) -, loc. v., 5, 170, 1513, 5253, 7078 etc. : mourir ; metre a (la) - 2518, 11030, 14776, 14796, 15139, 17865, 18916 ; mener a — 6783 : tuer, faire périr ; fere laide — 4555, mener laide — 7072 : agir de manière cruel-
le ; mener en la — 8499 : terminer, achever.
1108
GLOSSAIRE
finans, adj. v., 10621 : mourant. finement, sm., 6915 : fin de la vie, mort ; (metre a —), loc. v., » 6525, 7741, 11551, 16319, 17619, 19414 : fuer. finer, v. intr., 67, 518, 1024, 1033, 1415 etc. : mourir ; 2261,
8922, 10740, 10783, 12242 etc. : prendre fin, se terminer ; 5461 : parvenir à ses fins ; 12960, 16676 : cesser; tr. 1510, 2409, 3042, 3876, 3924 etc. : mettre fin à, terminer ; 5829, 9644 : mettre à mort ; (au —), loc. adv., 2731 :
finalement. fis, adj., 240, 1141, 3364, 4233, 5642 etc. : certain, assuré ;
5216 : confiant. fla(del, sm., 2209, 4315, 4360, 4403, 4453
etc. : arme
de
combat composée d’une masse de fer de forme rectangulaire retenue par un bout de chaîne à l'extrémité d’un bâton. [flamboier], v. intr., 8959,
10393 : flamber ; 9231, 12116,
13354, 15723, 15838 : jeter de vifs éclats, resplendir. [flammer], v. intr., 11585 : flamber. [flatir], v. intr., 2486, 9332, 13607 : tomber. fleuri/ flori, adj., 244, 528, 2494 etc. : chenu ; 4577 : décoré
par une fleur en rosace ; 13774, 18632 : blanche. flote, sf., 4328 : troupe. flour, sf, 397 : fleuron, élément le plus précieux. foiblement, adv., 16387 : à faible allure. folage, sm., 13267 : action folle. fol(e)té, sf., 693, 3064, 5946, 10952 : action folle : 8580: parole folle ; 6874, 12645, 16401 : folie. folie, sf., 829, 12444 : voir note 829,
folie, sf, 715 etc. : action folle, inconsidérée. foloison, sf, 994 : folie, imprudence. fondee, part. pas., 2158 : fait, confectionné.
GLOSSAIRE
1109
[fondre], v. intr., 10412 : s'effondrer, s’écrouler.
fons, sm., 122, 134, 139 etc. : les fonts baptismaux. foons, sm., 18179 : petits (d'animal), progéniture. force, sf, (— li venra) 2978 : il prendra l'avantage ; (en —), loc. adj., 5335 : valide ; (en sa —), loc. adv., 716, 14790 : en son pouvoir, à sa merci ; (a —) 5855, 19607 : par la
force ; 7603, 15921 : violemment ; 16524, 20033 : à vive allure ; (par vive —) 2108 : par la force. forçour, adj., 2220, 9907 : fortifié ; 10346 : vigoureux. [forlignier], v. pron., 11313 : trahir les valeurs de ses ancêtres. [for(s)mener], v. tr, 2466, 5395, 8445, 12053, 13242 : malmener. forment, adv., 10, 13, 172 etc. : fort, intensément, très, beaucoup ; 1646, 2459, 5414 etc. : avec force, violemment ; 4178, 5964, 16555 efc. : avec insistance. fors, prép., 214, 1425, 1514, 1598, 1697 etc. : excepté; (—
que), loc. prép., 1517, 3867, 8047, 15464, 16984, 17668, 19883 : si ce n’est, excepté ; loc. conj., 7176 : si ce n’est que. forssener, v. intr., 8284, 10656, 10703, 11249, 11648, 11915, 14522, 16843, 16924, 18594, 18891 : devenir fou, perdre toute mesure ; part. pas., 500, 3295, 6879, 9340, 14115,
15248, 17006 : qui a perdu toute mesure ; (la gent forssenee), périphrase, 3683, 4386, 10670, 11128, 13280, 13761, 13807, 13862 : les paiens. fort, adv., (a —), loc. adv., 8941 : de toutes vos forces.
1110
GLOSSAIRE
[forvoier], v. intr., 15008 : s’égarer, perdre son chemin. fossier, adj., (larron —), 12936 : voleur de grand chemin. fouïr, v. pron., 4223 : fuir. foulour, sm., 389 : massacre, carnage. fourbi, part. pas. adj., 2482, 2835, 3161, 3521, 8383 etc. :
nettoyé, propre, brillant. fourcel, sm., 858, 6038 : poitrine.
fourches, sf, 4628, 6779, 9609, 9631, 9631, 11828, 12522, 12532, 12540 etc. : gibet. fourme, sf., 12113 : forme, apparence. fourmer,
v. fr., 1346,
1711, 2846, 3225, 4181
etc. : faire,
modeler ; pron. 12115 : être formé d’une certaine manière ; part. pas. adj., 9328, 13053, 14127 : bien bâti, robuste ; (ledement —) 5549 : fait de manière disgracieuse. fourni, adj., 12432, 13497, 16053 : robuste.
fournir, v. tr., 16362 : exécuter, accomplir. foymentis/ foimentis, adj., 270, 523, 6801, 17872, 18357 : parjure. frain, sm., 703, 1017, 2094 etc. : frein ; (les frains abandonez) loc. adv. 12238, 14262, 15502 : à vive allure, de toute la vitesse du cheval. fraindre, v. fr., (fret) 767, 5610, 6048, 15973 : briser,
rompre. frainte, sm., 4547, 6099, 8438, 9428 : tumulte.
franc, adj., 358, 637, 781, 791, 841 etc. : noble. fremaus, sm., 9919 : broches. fremer,
v. fr., 1943,
3503,
5322,
5325,
5347
etc. : fixer
solidement ; 7878 etc. : fermer ; part. pas., 2392, 2402, 2445, 8989, 8992 etc. : fortifié ; 6894 : enserré. fremeté, sf., 6284, 6782, 7417, 8565, 9625 etc. : forteresse.
fremillon, adj., 622, 948, 1056, 7597, 10690 : frémissant.
GLOSSAIRE
1111
freour, sf., 2218 : frayeur, effroi. fresé, adj., 4505 : galonné, plissé. fresles, adj., 14064 : faible.
freté, sf. 1589, 8263, 10076 : forteresse. friçon, sm., 628, 3930, 8358, 16323, 16438 : émoi, peur.
froer, v. tr., 6851, 10706, 13067, 13694 : rompre, briser. [froissier] v. tr. 4455, 6038, 10803, 12404 : trancher, couper,
pourfendre ; 9422, 9867, 10395 : casser, briser ; 14582 : porter des coups violents. [froncir], v. tr., 954 : contracter, froncer. fu, sm., 2871, 8123, 11378 : feu. [fueillir], v. intr., 115, 424, 643 : se couvrir de feuilles ; part.
pas., 338, 538, 648, 6808, 11964, 18133, 18372, 19013 : couvert de feuilles. fuerre, sm., 3802, 15823 : fourreau, gaine de l'épée. fuianz, sm., 16388 : fuyards. fuïe, sf. : fuite ; to(u)rner en —, loc. v., 878, 9465,
11643,
12364, 13078, 14721, 15062, 16269, 19154 : prendre la Juite. fuir, sm., 15510 :fuite. furni, adj., 3094, 9737 : bien bâti, robuste, 16063 : violent, intense. [furnir], v. tr., 14635, 19692 : accomplir.
vigoureux ;
fu(s)(t), sm., 3842 : bois ; 3172, 3765 : arme proche du perchant, sorte de poutre de bois garnie de ferrures ; 7526 : poutre. fuÿr, v. intr., 15190 : se réfugier.
. gaaigne, sf., 9350 : gains, ressources.
1112
GLOSSAIRE
gaaignier, v. tr., 2954, 6324, 10199 : prendre possession par la force ; 4983 : gagner; intr., 16695,
18702 : faire du .
butin. gaber, v. fr, 3307, 4115 : se moquer de ; pron., 1920 : se moquer de, railler ; 3567 : plaisanter. gaignon, sm., 4452, 7615, 8364, cour ; inj., 18445 : chien.
12264 : chien de basse-
[gaitier], v. intr., 12966 : voir guetier. galie, sf, 290, 4169, 5042 erc. : galère, petit navire de guerre long et étroit galioz, sm., 7116 : petits navires. galoper, v. intr., 1575, 3131 : aller au galop, aller à vive allure. galye, sf., 5026, 5031, 5034 etc. : voir galie. galÿot, sm., 2628 : matelots ; voir galioz. gant, sm., 1602, 3462, 3553, 3714, 5435, 5444, 13834, 15894, 16314, 16937 : (valeur d'un) gant ; 17787 : gant symbolisant le mariage. garandage, sm., fere le — de, loc. v., 10983 : soustraire à, préserver de. garandie, sf, (a —), loc. adv., 10904, 11677 : en lieu sûr ;
aler a —, loc. v., 7274 : se rendre en lieu sûr ; fere — de 12435 : soustraire à, préserver de ; mener a — 19002 : conduire en lieu sûr. garandir, v. fr., 15568, 17143, 17179, 19087, 19457 : protéger, préserver ; part. pas., 19022 : en lieu sûr. garant, sm., 4746, 7966, 11108, 12323, 18685 : protection ;
19168 : refuge ; (a —), loc. adv., 16954 : en lieu sûr, à l'abri ; soi traire a —, loc. v., 927, venir a — 7127, 11710, soi metre a — 12364, 15062, s’en aler a — 11488, 11710 : trouver refuge, se mettre à l'abri ; n’avoir — de 2502, 3583,
GLOSSAIRE
1113
4720, 7678, 7720 etc. : ne pouvoir échapper à ; estre — 7906, 16484, 17598 : être secourable ; metre a — 14765 : mettre en lieu sûr ; traire a — 17521 : prendre pour garant. garantir, v. fr., 2774, 7197, 15696 : protéger ; part. pas., 19012 : protégé, en lieu sûr. garce, sf. inj., 11196, 11946, 12814 : traînée. garçon, sm., 618, 2801, 3211, 3263, 3267 etc. : valet ; inj.
6758, 11397, 13569, 13690, 14235, 15910 : misérable. garde, sf., prendre —, loc. v., 1720, soi donner — 2659, 7335,
8516, 9482, 11626, 13151, 13159, 14253 : prendre garde, prêter
attention à, remarquer, se rendre compte ; soi prendre — de 4046, 8022, 9132, 10252, 15067 : prendre
garde, prêter attention à, se méfier de, remarquer, se rendre compte ; avoir en — 2105 : avoir la garde de ; avoir — (de) 2987, 7896, 8971, 9649, 10322, 11683, 12927, 16392, 17004, 17492, 17559 : avoir à craindre ; metre en — 6615, 11164, 11594 : mettre sous la protection de ;
prendre en — 8011 : se charger de la garde de. garder, v. tr., 91, 6943, 19587 etc. : prendre garde, faire attention ; 584, 3135, 3560 etc. : regarder ; 1867, 3365,
4091 etc.: protéger ; 18814: soigner ; abs., 14682 : garder une place-forte ; pron., 6869, 10261, 10664 : prendre garde, faire attention à, se méfier de ; 12083 : se _ défendre ; sm., 1449 : voir note corr. garir, v. fr., 11628, 12363, 16788 : voir guerir. garnement, sm., 1932, 3110, 4769, 4993, 5311 efc. : armes,
… armure, équipement militaire ; 3973, 5801 : habits. garnir, v. tr., 1168, 2033, 7219, 12956 : pourvoir (qqch) de
ce qu’il est nécessaire d'y mettre ou d’y ajouter ; part. pas., 419, 811, 1064, 4653, 4871, 6320 etc. : fortifié ; 3353, 3441, 7491, 8407, 10277, 13041, 13328, 14540 efc. : revêtu
1114
GLOSSAIRE
d'une armure, armé, prêt à combattre ; 5990, 7007, 8842, 10826, 11002, 16056, 16375, 17878, 19049 : muni, pourvu ; 19020 : prêt, rempli de tout ce qui est nécessaire. garnison, sf. 290, 616, 6168, 7599, 16668 : équipement militaire ; (est Bertran en- remés) 14238 : Bertran est resté
pour assurer la défense (de la tour). garz, sm., 1730 : enfant mâle.
gastel, sm., 849 : gâteau. gaster, v. tr., 197, 1521, 2377, 2517, 4216
etc. : ravager,
dévaster. gaut, sm., 11964 : bois, forêt. [gehir], v. tr., 11360 : prononcer ; 15206 : raconter.
gel, encl., 7703, 10029, 10053, 10599, 11794, 11808, 16164, 19403 : je le. gemé, adj., 3505, 5324, 16917 : orné de pierreries.
genitrix, adj., 18428 : qui a enfanté. genoull, sm., 10853, 13490 : genou. genoullon(s), (a —), loc. adv., 3700, 8347 : à genoux. gensi, adj., 17459 : joli, beau. gent, sf, 1212 etc. : race, extraction. gent, adj. 1612, 1736, 1743 etc. : agréable ; 2945, 9670 : noble. gentement, adv., 3456, 16551 : de manière noble ; aler —, loc.
v. imp., 6150, 14901, 15050 : aller bien (pour qqn). gentil, adj., 277 etc. : noble. gesir, v. intr., (gist) 1120, (jut) 1434, 3856, 3278, 3317 etc. : être couché, allongé ; 1424, 12264 : coucher, dormir ; 16894 : se trouver, être situé. gestoure, sf, 4551 : temps des amours, rut ; voir note corr. getant, adj. v., 14991 : qui sert à lancer des projectiles.
GLOSSAIRE
1115
geter, v. fr., 196, 478, 696 etc. : jeter, lancer ; 1305, 5221 : laisser échapper ; 598, 3362, 5735 etc. : faire sortir, délivrer ; 1734 : abandonner ; 2046, 2706, 16400 : faire sortir, chasser ; 4510, 16112, 19121: faire tomber, abattre ; 5412, 6084, 12421 etc. : projeter, asséner ; — jus, 8925,
15837
etc. : lancer par terre ; intr., 1576, 3528 :
manier une arme en la faisant passer d’une main à une autre ; 10699,
13682 : donner des coups ; 2738,
2773,
14555 : lancer des projectiles ; pron., 3264 : se jeter. geu, sm., 1573, 1592 : jeu ; 4045, 15129, 17655 : gaité. giron, sm., 623, 7598 : côté.
givre, sf., 10368, 20057 : javelot barbelé en forme de serpent. glacier, v. intr., 19912, 19972 : glisser vers le bas. glaives, sm., 13120 : armes d’hast (lance, épieu etc.) glatin, sm., 7088 : clameur, cris, tapage.
glatir, v. intr., 801, 3354, 3727, 4430, 4592, 7242 : pousser des hurlements. glo(u)t(on), sm. inj., 1680, 2895, 3002, 3048, 3699 etc. : brigand, canaille. [goulouser], v. tr., 12391, 17546, 18399 : convoiter.
gouverner, v. f7r., 16265 : conduire ; 19234 : guider ; intr., 19305 : tenir le gouvernail. gracïer/ graciier, v. tr., 13098, 14028, 15103, 15184, 16641,
17395, 17680, 17813, 18002, 18191, 18725 : remercier, rendre grâce à. graer, v. fr., 1899, 17341
: voir greer.
graindre, adj., 13522 : plus grand. [gramoier], v. pron., 3735, 4650, 4864, 6327, 7191, 7207, 14601, 19174, 19386 : se désoler, en proie à une vive inquiétude.
granment, adv., 1213 : longtemps ; 3830, 5906, 8174, 16553, 18260 : grandement, beaucoup.
1116
GLOSSAIRE
graus, sm., 7229 : crocs, sorte de fourches à dents recourbées. gravele, 5f., 10159 : sable, gravier. graventer, v. fr., 2724, 7175, 7432, 10778, 11102 : abattre, renverser ; 4784, 5147, 6110, 7645, 14683 : accabler, meurtrir ; voir Craventer. gré, sm., 3082, 4962, 6785 etc. : volonté ; 1013, 1083, 1989 etc. : remerciements, actions de grâces ; 2982, 4815, 5799 etc. : reconnaissance ; (de —), loc. adv., 1296, 3018, 3115, 4929 : volontiers, de bonne grâce, avec plaisir ; (de ses grez) 473 : par sa volonté ; (a son —) 1938, 3053, 5267
etc., (par ses grez) 1098 : selon sa volonté, conformément à sa volonté ; (outre mon —) 1951, 3991, 5854 erc. : contre ma volonté ; (en bons grez) 18825 : de bon gré ; savoir — a + inf., loc. v., 3125, 3517 : être désireux de ; savoir bon — a qqn 1316, 2008, 3495 etc. : être reconnaissant envers
gqn ; venir a —, loc. v. imp., 1960, 4903, 4927, 5287, 5870 etc. : plaire, agréer à. greer, v. fr., 1079, 1912, 9576, 12590 : approuver. greigneur, adj., 17075 ; greignor, 4441, 13359 :plus grand. grelle/ gresle, sm., 694, 871, 4257, 4696, 18735 : trompette. grenon, sm., 954, 18661 : moustache, favoris. gresles, adj., 17937 : mince. gresloier, v. intr., 10610, 18737 : retentir. grevage, sm., 10980 : tourment. grevaine, adj., 2040 : pénible.
grever, v. tr., 10, 78, 192, 479, 1039, 1252, 1288 etc. : faire souffrir, accabler, nuire à ; imp., 743 : être pénible à, affliger ; pron., 1437 : se fatiguer. grief, adj., 917, 9144, 12031 : périlleux ; 5475, 12093, 18916 : pénible, douloureux.
GLOSSAIRE
1117
griément, adv., 18510, 19920 : cruellement.
grieté, sf, 5558, 6431, 6762, 8946, 12853, 16473, 18129, 18616 : douleur, souffrance ; (a duel et a —), loc. adv. 12844, 18776, 18816 : douloureusement.
grifaigne, adj., 6045 : sauvage, cruelle. [gripher], v. tr., 8439 : griffer, lacérer. gris, adj., 261, 2478 : aux cheveux et à la barbe grisonnants ;
sm., 529 : fourrure de petit-gris. gris, sm., 8917, 14085 : griffes. gryfon, sm., 6870, gryphon 6849, 12486, griphon, 8918 : animal fabuleux, chimère associant le corps d’un lion à la tête, aux griffes et aux ailes d’un aigle. guenchir, v. intr., 531, 3631, 4618, 14777, 17707 : aller en direction de, se diriger ; 2476, 13626, 19052 : tourner, gauchir, dévier, faire des détours ; 2250, 3816, 4543, 5413,
6085, 8370, 9393, 9418,
12353,
12422,
13448,
15828,
15902, 19972 : se détourner, faire un écart, reculer ; tr.,
2241 : tourner, diriger ; 3155, 11939, 19708 : échapper ; 12315 : détourner ; pron., 10823 : se reculer. guerir, v. fr., 769, 1268, 2415, 2510, 2545, 2732, 2874, 2958, 3634 etc. : protéger, préserver, sauver ; intr., 3613, 12423, 19203 : réchapper vivant (d’une situation périlleuse) ; 4474 : résister ; 8419, 12692 : guérir ; pron., 9470, 10402, 18799, 18913, 19166 : se sauver, se soustraire au danger. guerison, sf, 3940 : protection, salut ; (por —) 989 : pour y trouver refuge, pour se mettre à l’abri du danger ; fere -, loc. v., 8363 : protéger ; avoir — 12080, 15075 : réchapper vivant (d’un danger) ; metre a — 16516 : sauver ; (a —), loc. adv., 944, 16657 : à l'abri, en sûreté ; (sanz —) 18455 : sans possibilité d'en réchapper.
1118
GLOSSAIRE
guerpir, v. fr., 940, 11943, 15104 : quitter, laisser, abandonner ; 5693, 6640, 10905, 10972, 11198, 11262, 13778, 13843, 17605, 17731, 19504 : renier, abjurer. guerredon, sn., 5957, 7737, 15575, 18655, 19671 : récom-
pense ; 11252, 18831, 19620 [guerredonner], récompenser. guerroiage, sm., guetier, v. éntr.,
14731, 14839, 15034, 16297, 16893, 18464, : châtiment. v. tr., 1991, 17324, 18619 : payer de retour, 10975 : action de faire la guerre, guerre. 2994, 12981, 16173, 19033 : faire le guet ;
tr., 14659, 16725, 18200 : surveiller, épier ; pron., 13448, 14663, 19284, 19476, 19480 : prendre garde, se préserver,
se mettre préservé.
hors d'atteinte ; part. pas,
14086 : protégé,
guïer, v. tr., 826, 6318, 7213 etc. : guider, conduire ; 1002,
12385 : faire passer, enfoncer. guiler, v. fr., 4117 : tromper,
abuser ; (sanz —), loc. adv.,
2760 : sincèrement. guisarme, sf, 11267 : arme d’hast, composée d'un long pieu sur lequel était emmanchée une lame trenchante recourbée et une pointe droite.
habiter, v. tr., 879 : approcher. ha(s)chie, sf, 7209, 11673, 12278 : tourment, peine, douleur ; (a —), loc. adv., 10370, 19840 : de manière cruelle ; (a grant —) 19007 : de manière très cruelle: halegre, adj., 2820, 13456, 16805 : indemne, vigoureux. hantee, part. pas., 13168 : fréquentée, empruntée. [haper], v. tr., 6563, 8441 : saisir.
GLOSSAIRE
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hardement, sm., 444, 2854, 3103, 3147, 3469 etc. : hardiesse, audace ; fere —, loc. v., 3452 : combattre. harnas, sm., 18506 : équipements guerriers. hart, sf, 14819 : corde. haste, sf, 1110, 9587, 10178, 15412 : hâte, précipitation. haster, v. fr., 1027, 17162, 18843 :faire avancer rapidement ;
11619, 12102, 16384, 19194 : presser, faire se dépêcher ; 4755 : transmettre rapidement ; 9185, 9987, 12787, 13246,
13252, 16211, 16262, 17157, 18131, 19682 : accomplir rapidement ; 3417, 6380, 10849, 13683 : presser, attaquer avec vigueur, harceler, ne pas laisser un instant de répit ; 8948, 9466, 15654, 17128, 19240 : poursuivre, talonner ; (Hastons nostre oirre !) 398, 18644 : pressons l’allure;
(por l’assaut plus —) 10704 : pour le rendre plus violent ; (Pour plus —) 11621 : pour aller plus vite ; pron., 434 etc. : se dépêcher ; (Trop vous alez hastant) 5436, 7173, 9335,
15880 : vous allez trop vite en besogne ! ; part. pas. 15653 : qui se hâte ; sm., 12003 : hâte, précipitation. hastivement, adv., 1231, 12197, 15027, 16742 : rapidement,
sur-le-champ. haterel, sm., 1636, 6041, 7666, 19939 : nuque. haubregier, v. intr., 4323, 9152, 9930, 14658 : revêtir un
haubert, se préparer au combat ; pron., 5913 : revêtir un haubert, se préparer au combat. haucier, v. tr., 4514, 8321, 9307, 9862, 10504, 10821 erc. : lever pour frapper, brandir ; 5161, 5724 : hisser ; intr., 1717 : se lever. [ha(o)uer], v. tr, 14581 : remuer avec une houe ; intr., 18887 : manier la houe, piocher. haut, adj., (en —), loc. adv., 341, 500, 1099, 2097, 3150 etc. : d’une voix forte, sonore.
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hautain, adj. 2039, 7062, 16561 : profonde ; 6669, 6669, 11040, 11431 : puissant ; 12065 : haut, élevé. hautement, adv., 154, 6300, 14737, 14897, 16166, 17791, 17806 : de manière solennelle ; 593, 1205, 1222, 1463, 2134 etc. : d’une voix sonore ; 9975, 9992 : de manière
sonore. hautie, adj., 16355 : profonde. heer, v. tr., 16613 : haïr. henapier, sm., 19931 : crâne. henas, sm., 28 : vases à boire (souvent munis d’un couvercle).
herberges, sm., 7383 : campement. herbergier, v. fr., 16704 : faire camper (une armée) ; intr., 19221 : demeurer ; pron., 1357 : se loger.
herberjage, sm., 12488 : voir hebrejage. [herberjier], v. pron., 8113 : voir herberjier. herberjoison, sf., prendre -, loc. v., 620 : camper. herbrejage, sm., 11471, 13269 : campement. herité, sf. ou sm., 3061, 6968, 8276, 13391, 19592 : voir erité.
hermin, adj., 630 : d’hermine. hernas, sm., 9128, 16264, 17065 ; hernois, 8785 : équipement d’un homme d'armes.
hetie, part. pas. adj., 12931 : bien portante. hetier, v. pron., 9822 : reprendre espoir. heut, sm., 2087, 9395 : garde de l'épée. hie, sf., (a —), loc. adv., 7523, 10365, 14556 : voir hiee. hiee, sf., (a —), loc. adv., 6012, 7454, 7523, 10308, 10418, 14555, 20049 : avec ardeur et en nombre ; 10365, 13619 : à coups redoublés, sans ménager sa peine ; 9004 : d’un coup ; (touz a une —) 11148, 12455 : tous ensemble. [hochier], v. r., 822 : agiter. hoir, sm., 4004, 4955, 5529, 5699, 6692 etc. : héritier.
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hon(n)esté, sm., 8578, 16469, 17935 : honnêteté, honorabilité ; (a greigneur —) 17045 : de la manière la plus honora-
ble, la moins infâmante. hon(n)eur, sm., 16487 : fiefs. honor, sm., 2612 etc. : honneur ; 6518 : empire. hontage, sm., 4247, 6574, 11467 : honte, déshonneur ; (a tel —), loc. adv., 4583 : de manière si honteuse.
hordree, part. pas., 8886 : chargée, garnie ; voir hourdrer. hors, adv., 677 etc. : à l'extérieur. houce, sf, 15481 : couverture. hourdrer, v. intr., 11827, 18956 : entourer de hourds le sommet des murs. hourer, v. tr., 19777 : voir ourer. hu, sm., 798, 2255, 3834, 4702, 15926, 19014 : clameur, cri. huches, sf, 17542 : coffres.
huchier, v. tr., 1649, 2059, 4727, 7337, 10224, 11428, 11648 etc. : appeler à haute voix, en criant ; 2142, 7349, 9227, 9483 : réclamerà grands cris ; 3060, 3535 : ordonner d’un
ton impérieux que ; 4332, 4374, 16108, 5373, 5912, 8252, 9838, 16105, 18731 : crier, dire en criant ; 12023 : pousser
à pleine voix ; intr., 10482 : crier. hué, sm., 9190, 13718 : clameur, cris.
huee, 5f, 2144, 6011, 7167, 10665, 10683, 12451, 13757, 15594 : clameur, cris ; mener grant -, loc. v., 2448, 6006 : pousser de grands cris ; (touz a une —), loc. adv., 2161, 4390, 8890 : fous ensemble. huer, v. intr., 741, 2178, 4698, 5600, 16088 : crier. huerie, 5f, 825 : clameur, cris. hui, adv., 1207, 1796, 3949 etc. : aujourd’hui, maintenant ; (— matin) 1276, 10033, (— main) 6199 : ce matin ; (- mes), loc. adv., 3, 1186, 1564 etc. : maintenant.
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huis, sm., 6891, 10061, 10066, 10405, 10492, 13067, 13099, 17013 : voir uis. huisset, sm., 15179 : voir uisset.
humelier, v. intr., 9834 : s’incliner, reconnaître la supériorité de son adversaire ; voir umelier. humelitez, sm., 14416 : bonté, douceur. huoison, sm., 4435, 7224 : clameur, cris de guerre.
hure, 5f, 8958 : tête (en parlant d’une baleine). hurter, v. tr., 902, 2481, 3148, 3821, 4504 erc. : piquer, _ éperonner ; 3041 etc.: heurter, frapper ; 1646, 5282, 13693, 19374 : entrechoquer ; pron., 9866 : se cogner. hussier, sm., 10219 : portier.
hu(s)tin, sm., 4553, 4561 : bataille, combat.
ice, dét., 839, 8382, 8525, 8664, 11789, 12023, 13198, 18040 : forme renforcée de ce ; pron., 1822, 8311, 13856, 14532 : cela. ier, adv., 4709 : hier ; (l’a(u)tr’ —), loc. adv., 189, 2267, 2337
etc. : naguère. iluec, adv., 1540, 1617, 2653 etc. ; ilueques, 10038, 12668,
13332 : en ce lieu, là. ingromance, s"1., 11896, 12082, 12760, 13048, 16360 : magie
noire. irais, adj., (De leur amis c’ont perduz sont —) 2862 : affligés. irascu, adj., 763, 780, 15794, 18908 : contrarié, chagriné. iriemant, adv., 13732, 19138 ; iriement 7676, 13535, 15867, 16899,
16945 ; iriiement
5429 : emporté par la colère,
avec ardeur, vigoureusement ou à vive allure. irer, v. intr., 11256 : se mettre en colère ; pron., 1402, 6570,
11224, 18974 : éprouver une forte contrariété, mélange de
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dépit et de chagrin ; part. pas., 1020, 1046, 1414, 1523, 1954 etc. : contrarié, chagriné ; 5563 : emporté par la colère, avec ardeur. irour, sf., (par grant —), loc. adv., 15817 : enflammé par la colère, avec une grande vigueur. isnel, adj. adv., 852, 19948 : rapidement ; 6040: violemment ; isniax, adj., 3939 : vif, agile. isnelement, adv., 1113, 1227, 2033, 2551, 4913 etc. : promp-
tement. issi, adv., 13460, 13538 : (employé comme intensif) si. issir, v. intr., 1633 etc. : sortir ; 5011, 5453 : descendre (de parents) ; — du sens, loc. v., 2236, 3153, 3603, 3632, 4585
etc. : devenir fou, perdre la raison ; pron., 18675 : sortir, se séparer (du corps), quitter. itant, adv., (a —), loc. adv., 4032 : alors ; (por — que), loc. conj., 1280, 9700 : pour cette raison que, parce que ; (pour seul — que) 5855, 7883, 10960 : pour la simple raison que.
ja, adv., 1641 etc. : bientôt, sans tarder ; (— mar), loc. ady.,
548, 1080, 6996, 8293, 8710, 11167, 14433, 17348 : ja renforce mar qui exprime une mise en garde ou un conseil dissuasif ; (— mes) 607 etc. : jamais plus ; 1309 etc. : jamais, pas une seule fois. jaïant, sm., 3024, 3033, 3037, 3043, 3045 etc. : géant. jaïs, sm., 10812 : géant. jalir, v. tr., 2817 : geter, lancer ; 3349 : mettre, allumer ; intr., 3623, 12957 : tomber.
janglier, v. intr., (paroler et —) 9840 : bavarder. . jaullier, adj. (?), 9842 : voir note corr. jazarant, adj., 750, 5442, 13546, 19146 : voir note 750.
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jel, encl., 17421 : je le. joiant, adj. v., 360, 1058, 1353, 2515, 3969 etc. : qui se réjouït, joyeux, heureux. [joindre], v. pron., 10754 : se battre contre.
joïr, v. tr., 82, 19685 : bien accueillir ; 6080 : jouir de. jornee, sm., 9729 : voir journee. jouer, v. intr., 1577, 1599, 1717, 10640, 18137, 18249 : s'amuser, prendre du bon temps ; pron., 3416 : prendre du bon temps. journee, sf, 526, 9730, 13951, 14223, 16569 : jour de voyage, étape ; 18209 : jour ; (a —), loc. adv., 15754 : dans la même journée. jours, sm., (a touz —), loc. adv., 19504, 19577 : pour toujours, à jamais. jouste, prép., 3967, 4037 : à côté de. jouster, v. intr., 65, 873, 2185, 2312, 5601 : jouter, combattre
de près ; sm. 8774 : joute, combat. [jousticier], v. tr., 13440 : voir justicier.
jouvencel, sm., 1596, 3934, 5752, 6122, 6988, 13994, 18556 ; jovencel, 3839, 3945, 5946 : jeune homme. jouvent, sm., 1775 : jeunesse ; (de trop petit —), loc. adj.
1751 : d’un âge trop tendre ; (de premier —) 6908 : dans ma prime jeunesse ; (de —) 7970, 17414 : d’un jeune âge ; (de moult petit —) 16606 : d’un très jeune âge ; (en son petit —), loc. adv., 8101, 17407 : alors qu'il était tout petit ; avoir en (son) —, loc. v., 3450, 7928, 16598 : avoir pour
âge. jugier, v. tr., 914, 6827, 11658 : condamner ; 2057 : estimer, compter ; 12560 : approuver. jugleors, sm., 18062 : jongleurs.
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Jjuïs(e), sm., 1138, 8922, 14787 : jour du jugement dernier ; 11540 : jugement. juper, v. intr., 5605 : crier. jurer, v. intr., 17962 : donner sa foi, se marier. jus, adv., 748, 2539, 3186 etc. : à bas, en bas, par terre ; (couchiez vous —) 1438 : étendez-vous ; (la —), loc. adv., 5792, 6366 : là-bas ; metre —, loc. v., 4912 : baisser ;
11377 : abjurer ; — de, loc. prép., 2817, 11185, 11927 : en bas, à bas de. justice, sf., 11202, 14753 : punition, châtiment ; prendre — de
gqn, loc. v., 14833, 19459 : exécuter, mettre à mort. justicier, v. fr., 220, 4411, 5528, 10653, 16593, 16602, 17858 : dominer, régner sur ; 12971, 16536, 17119, 18115,
18713 : se rendre maître (de qqn ou de gqch), capturer (gqn). justicier(e), adj., 9859, 5390 : qui juge.
kaiïllos, sm., 9110 : projectiles de pierre.
kamoisié, part. pas., 6145, 6193 : meurtri, couvert de plaies et de contusions. kaon, sm., 2207, 4456 : nuque.
karcant, sm., 9855 : voir quarcans. keu, sm., 15233 : cuisinier.
labité, sm., 10736 ; labitee, sf., 10792 : massacre. labitement, sm., 7722 : massacre. labiter, v. fr., 4524, 6752, 6881, 6976, 7554, 9613 etc.: abattre, maltraiter, tuer.
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laidement, adv., 14485 : de manière vile, abjecte ; 19401 :
d’un ton désagréable, agressif ; voir ledement. laidoier, v. tr., 4413 : insulter, outrager ; 13325 : malmener,
mettre à mal. laiens, adv., 1494, 2402, 9271, 10147 : voir leenz.
laigne, sf, 14567 : bois. lairris, sm., 2473, 2887, 3345, 5185, 6951, 7144 : lande. lait, adj. 2201, 19066 : laid, horrible, hideux ; 4550 : désagréable, discordante ; 4555, 7072, 7085 : cruel.
lambrus, sm., 2633, 7781, 13962 : lambris. lanceïz, sm., 2845 : jet de projectiles. lancier, v. tr., 785 etc. : lancer ; 5682 : jeter ; 9477 : mettre,
allumer ; 18188 : planter, enfoncer ; 19928 : passer ; intr. 10218 : se jeter ; abs., 1578, 6107, 11088, 16715, 16858 : lancer des traits ; 2773 : combattre avec la lance. landon, sm. : billot que l’on attache au cou d’une bête ; (ours en —) 4445 : ours mené en laisse (par un bateleur) ; voir note 4401. languir, v. intr., 3611, 5560, 5719, 12821, 12844, 14133, 15028 : dépérir, mourir à petit feu. lanier, adj., 4368, 5645 : couard, lâche au combat. lapidage, sm., 4568 : carnage, massacre. lapider, v. tr., 2365 : massacrer. lardier, sm., 15222, 18699 : garde-manger. larron, sm. : voleur ; (a —), loc. adv., 14638, 15068 : à la dérobée. las, sm., 1163, 2696, 3880, 4102, 5580, 6138, 9617 etc. : malheureux. lasse, sf, 8573, 11339, 12088, 12842, 13195, 13639, 17095 : malheureuse.
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lasté, sf., 1429, 10468 : manque, privation ; 9879, 10481 : lâcheté due à la fatigue ou au manque de forces. lasus adv. 2639, 3269, 4630, 9788, 10646. 14578, 15575, 15994 ; lassus, 359, 7773, 12952, 13964, 14077 : là-haut. latimier, sm., 2059, 7778, 8017, 11648 : homme qui connaît
plusieurs langues ; 6384, 6389, interprète, messager. laton, sm., 625, 2158, 2198 : laiton. laval, adv., 15133 : en bas. lavant, adv., 9709 : là devant. laver, v. intr., 3036 : se laver. layt, adj., 5540 : laid.
9168,
9169,
10922 :
laz, sm., 3504, 5325, 5971, 13303, 13306, 16074 : lacets qui
servaient à attacher le heaume ; 18304 : piège. lé, sm., 6594 : côté ; 8273 : flanc, ventre ; voir lez. lé, adj., 1600, 2147, 2153, 10298, 11748, 11752, 13613, 15748, 18879 : large ; 7312, 11054, 13279, 13626, 13810, 13860, 13910, 14821, 17216, 15999 : grand, vaste ; (tout en lonc et en —}), loc. adv., 8264 : en long et en large, entièrement.
lechierre, sn. inj., 9447, 9856, 10819, 11212, 13468, 14616, 14641, 15789, 15832, 15849, 15873, 16845, 18481 : débauché. leçon, sm., 2915 : parole. [leçonner], v. fr., 5458 : voir note corr.
ledement, adv.. 809, 1666, 5474, 12086, 12859, 17091, 19603 : cruellement ; 5549 : hideusement. [ledenÿjier], v. fr, 3223 : tancer, réprimander ; 12990 : maltraiter. ledesce, sf, 5547 : laideur.
1128
ledir, v. tr, 1923, 2881, 3151, 6815,
GLOSSAIRE
19956 : maltraiter,
outrager, déshonorer : 3141, 3616, 13579 : blâmer.
leenz, adv., 5827, 9270, 9734, 10106, 10165, 10245, 12757, 12879, 14562, 15181, 16170, 16663, 18152, 18889 : làdedans, là, à l’intérieur. legier, adj., 5385, 5771, 8228, 8331, 8986, 9832, 10332, 10589, 13479, 16533, 18715 : vif, agile ; (de —), loc. adv.,
222 : facilement. lent, adv., 12304, 16980 : lentement. lermoier, v. intr., 1127, 3239, 10625, 15158, 18678 : verser
des larmes, pleurer. lés, sm., 16918 : voir lez. lessier, v. fr., 171 efc. : laisser, abandonner ; 2043, 5741, 5377, 5702, 5962 etc. : cesser, abandonner (une activité, un projet etc.) ; 6922, 6936, 13833 : renier ; 12569 : laisser de côté, ne pas écouter (un conseil donné) ; 453 etc. : cesser de parler de ; ne — (que) + subj., loc. v., 275, 304, 1146,
2116 : n'avoir de cesse (que) ; ne — a + inf. 3261 : ne pas manquer de. let, adj., 963 : honteux, blâmable ; 5544 : hideux ; voir lait. letré, adj., 83, 2103, 2297 etc. : savant ; 8201, 14726, 15621, 15775, 16919, 19123 : couvert d'inscriptions. leu, sm., 4551, 18364, 19945 : Joup. leuve, sf, 18178, 18184, 18250, 18264, 18294, 18327 : louve. lever, v. tr., 34, 146, 545 etc. : tenir sur les fonts baptismaux, baptiser ; 37, 10292 : dresser, mettre sur les trétaux ;
2255, 3834, 11725 etc. : faire retentir ; 4950 : élever en dignité ; intr., 1120, 6718, 8958 ec. : se lever ; 1121, 5022, 9487 : survenir, commencer ; pron., (sus vous levez) 9631 etc. : levez-vous ; part. pas. adj., 16189 : noble.
GLOSSAIRE
1129
levier, sm., 3046, 3170, 3582, 3662, 4327, 5983, 10325: masse d’armes, sorte de poutre renforcée de ferrures. lez, prép., 164, 354, 619, 1239, 1616 etc. : à côté de ; 10548 : contre ; sm., 3290, 8375, 9318, 12251, 15464, 16168, 17127, 19527 : côté ; (environ et en —), loc. adv., 464, 12833, 13147 etc. : de toutes parts ; (a chescun —) 589, 9077 : de chaque côté ; (de touz —) 592, 2294, 2326, 2523,
5567, 14288, 14321 : de tous les côtés, de toutes parts ; (del —) 2096, 2344 : qui pend au côté ; (au destre —) 3180, 3293, 7920, 17428 : du côté droit ; (encoste et en —) 4320 : tout autour ; (a touz —) 5561, 5577, 6256, 7066, 8326,
9093, 9120 etc. : de tous les côtés, de partout ; (lez a —) 6192,
10929,
11192 : côte
à côte ; (encoste
ne
en -)
14746 : ni d’un côté ni de l’autre ; (a l’autre —) 17165 : de
l’autre côté ; (a .I. —) 19306 : d’un côté. liement, adv., 4251,
17790 : d’un ton joyeux ; 7731 : avec
joie, avec plaisir, de bon gré. liepart, sm., 19707 : léopard.
lieu, sm., 1566, 17822 : place, rang. lieuetes, 5f., 19767, 19832 : petites lieues.
lige, adj., 6518 : (en parlant d’un suzerain) envers qui l’on est tenu par l'hommage lige ; 19410 : qui a promis à son seigneur une fidélité sans restriction. ligement, adv., 10554 : complètement. lignie, sf, 4862, 5625, 15368, 19975 ; lingnie, 836, 2948, 14362 : lignée, lignage, famille. lin, sm., 2517, 7095, 15959 : lignage. linage, sm., 211, 1508 : lignage.
[lire], v. intr., 19428 : proférer des incantations. . lisse, sf inj., 11301 : chienne.
1130
GLOSSAIRE
listé, adj., 1406, 5811, 10068, 10101, 10149, 10349, 10488 : aux murs veinés, marbrés, de marbre ; 2451, 3126, 8557 :
bordé d’un contour de fer et d'acier ; 7436 : veiné. livroison, sf., 6169 : nourriture ; (Del tout me met en la Dieu
—) 11466 : je m'en remets complètement à Dieu. lobeour, sm., 411 : trompeur, menteur. loement, sm. 3451, 8073, 16545 : conseil, avis. loer, v. tr. 182, 2651, 7691, 17394, 18002 erc. : louer,
remercier, rendre grâce à ; 3320, 3328, 6939 etc. : louer, faire l’éloge de ; 5250, 10685, 17043, 17895, 19758 : juger bon, approuver, conseiller, recommander ; fere a —, loc. v., 48 : être agréable ; 865,
1851,
2553
etc. : être digne
d’éloges ; pron., 3231, 18060 : se féliciter de ; part. part. adj., 1503, 2323, 4387, 5018, 6007 etc. : réputé, renonmé.
logier, v. intr., 14382, 18733 : camper sous des tentes ; pron., 2165, 2263, 2269, 7260, 12964, 18962 : même sens ; part. pas., 2516, 15153, 15240, 19001 : établi, installé dans un
campement. loi, sb. f., 20, 3268 : voir loy. loial, adj., 4955 : légitime ; 15379 : loyal. loiaument, adv., 1782, 4982, 13853, 16595, 16599, 16999, 17418, 17655, 19864 : de manière loyale ; 11138 : légale-
ment, en bonne et due forme. loiaumier, sm., 4430 : chien de chasse, en principe tenu en laisse. loiens, sm., 5577 : liens. loier, v. tr., 2108, 5674, 8307, 10476, 11768, 11992, 14868, 15020, 15084, 19525, 19538 : lier, attacher avec des liens ; 8460 : voir note corr.
GLOSSAIRE
1131
loisir, sm., 3418, 12200 : capacité ; 71739 : permission ; (a —), loc. adv., 3638 : à son aise, à son choix ; (sanz —) 15171 : sans retard. loke, sf, 802, 875, 913, 4420, 4431
etc. : sorte de masse
d'armes présentant une tête garnie de pointes. longues, adv., 12411, 15636, 16042, 16712 : longtemps. loque, sb. f, 719, 731, 4602, 5428, 5564 etc. : voir loke. lorier, sm., 19929 : laurier.
los, sm., 5987 : renommée ; 2768, 4003, 5285, 7730, 8750, 14100, 17040, 17246, 17759 : approbation, consentement, conseil. losengier(e), sm., 219, 4326, 4344, 5393, 5522, 5907, 6496, 8145, 9848, 15396, 16530, 16692, 16928 : trompeur, félon, traître. lot, sm., 5718, 6289, 8660, 13855 : mesure de liquides qui, au
nord de la Loire, valait généralement quatre pintes. louier, sm., 10604 : récompense ; 14719, 18201, 18207 : châtiment. louviax, sm., 18197, 18267 ; louviaus, 18260 : louveteaux.
loy, sf. 1907, 2528, 2947, 6640, 9349, 10905, 10972, 11073 etc. : foi, religion ; 12495 : manière de parler, langage ; 13313 : mode ; 19722 : serment ; (a — de), loc. prép., 3547,
5865, 7641, 10346, 12034, 12870, 15599, 16335, 16812, 17471, 17607, 17761, 19905, 19921 : à la manière de, comme. lues, adv., 7451, 19449 : aussitôt, sur-le-champ. lueve, sf, 18249 : voir leuve.
luitier, v. tr., 1581 : lutter. luour, 5f., 100 : lumière. lye, sf., (vin sus —) 3842, 6623 : vin clair.
1132
GLOSSAIRE
mace, sf., 3154, 3166, 3286, 5922, 6083 etc. : masse d'armes dont la tête est hérissée de pointes acérées ; 5488, 12470 : marteau qui se trouve à l’extrémité du flaiel ou du maill. machacre, sm., 2210 : massacre. machecrie, sf. 804 : massacre.
machecrier, v. fr., 18207 : massacrer. maill, sm., 2156, 2206, 2248 : masse d'armes, arme de choc
formée d'un manche et d'une tête de métal garnie de pointes. maillié, part. pas., 13487 : formé de mailles. maillier, v. intr., 10475, 19915 : donner des coups de mail,
frapper. mailluel, sm., 30 : maillot d'enfant, langes. main, sf., (main a —), loc. adv., 7781 : côte à côte ; (de vo -) 17724 : sincèrement. main, adv., 1665 : matin, de bon matin. mainburnie, sf., 14152 : garde.
maingiers, inf. employé comme sm., 156 : repas. mains, adv., 556, 6784, 16628 : moins.
mains, adv., 1320 : matin. maintenant, adv., 323, 585, 4793 etc. : immédiatement, aussitôt ; 1601, 5438, 6975 etc. : bientôt, sans tarder ; (tout
—), loc. adv., 3541 : tout de suite. [maintenir], v. fr., 4632, 15924 : soutenir (un combat) ; 16816 : avoir sous sa garde ; pron. 15198, 15256, 20046 : s’y prendre, se comporter. mairrien, sm., 7234, 7539 : voir merrien.
maisné, sm., 16830 : puîné, cadet. maissel, sm., 6043 : carnage, massacre ; metre en -, loc. v., 19951 : massacrer.
GLOSSAIRE
1133
majesté, sf. 1419, 3121, 4491, 4518, 4922 etc. : ciel. mal, adj., 19278 : mauvais, méchant. malage, sm., 1121, 4246, 4573, 16014 : douleur, peine.
malé, part. pas., (champ —) 5306, 6199, 8299, 9175, 9240, 13372, 15669 : voir note 5306.
maleïçon, sf, 2912, 7221, 8355, 11448, 12060, 12069, 15070, 16326 : malédiction. maleïr, v. fr., 4478, 4597, 5181 : maudire ; part. pas., 1164,
2791, 2809, 2873, 2886 etc. : maudit. malement, adv., 756, 1115, 1387, 2466, 3646 etc. : mal.
maleüré, adj. & sm., 509, 5580, 7183, 19185 : malheureux, infortuné. malice, sm., 2309, 7396, 15429, 16760, 16823, 18127, 19412, 19522, 19585 : méfait ; 6500, 13850, 16295, 16891, 18830, 19339, 19805 : malignité ; 8457, 9039, 19457 : maléfice. malostru, adj. & sm., 782, 4626, 4700, 8118, 8895, 8908, 15599 : grossier, fruste, brutal ; 15806 : rugueuse. malsfez, sm., 8620 : voir mauffé. maltalent, sm., 16971 : voir mautalent. malvesement, adv., 16414 : lâchement. manage, sm., 10966 : bâtiment d'habitation. manandie, sf, 1066, 2127, 10901, 17569 : domaine, terre. manant, adj. v., 359, 4660, 7123, 9268, 16580, 19354 : qui
habite, qui réside ; 1214, 1589, 1767, 3565, 4725, 16960 : riche, opulent, puissant. mandement, sm., 6902, 7549, 7728, 10044, 15334 : salle (d’un château) ; 11410 : sommation. manier, adj., (arc —) 7564, 9753 : arc dont on bande la corde à la main (au contraire de l’arbalète).
maniere, sf, 2672, 8432, 8453, 8513, 10388 etc. : apparence ; 3443, 3600, 5387, 6580 : façon d'agir, comportement.
1134
GLOSSAIRE
manouvrer, v. tr, 18971: fabriquer ; part. pas, 12796 : fabriqué, construit.
10169,
manouvriers, sm., 1556, 4842 : manœuvres. mant, sm., 15008 : mandement, action de mander. mantel, sm., 9186, 12709, 15576, 19345 : manteau. mar, adv., 548 etc. : sur les différentes valeurs de mar, voir
notre étude de la langue. marage, adj., 4579, 6029 : qui vient de la mer. marberin, adj., 15659 : de marbre.
marbre, sm., 1477 : pierre. marbrin, adj., (palés —) 7089 : de marbre. marche, sf., 2418 : contrée. marcheant, sm., 528, 534, 560 etc. : marchand.
marcheer, v. intr., 2587 : faire du commerce. marchié, sm., 1898, 9912, 15241 : marché, accord ; 6960 : lieu où l’on fait du commerce, place du marché. [marchir], v. tr., 6496 : voir note corr.
marchis, sm., 308 etc. : marquis. marine, sf, 957, 11536 : mer. marinier, sm., 448, 4911, 6319, 6334, 7274 etc. : marin.
maroier, v. intr., 2061 : naviguer. marrement,
571.,
13660,
14913,
16322,
17410 : chagrin,
contrariété ; 19162 : plaintes. marriniers, sm, 17255 : voir marinier. marrir, sm., 3618, 12959 : contrariété.
marris, part. pas., 254 : chagriné, contrarié. mar(r)isson, sf, 127, 941, 974, 1678, 3786 etc. : chagrin, contrariété.
mars, sn., 535, 553, 703, 5802, 7028, 10540, 17496, 17591, 19344 : poids équivalent à huit onces, servant à peser des métaux précieux (or, argent) ou des pièces de monnaie.
GLOSSAIRE
1135
martiax, smn., 10408 : marteaux.
martir, sm., 15572, 18846, 19614 : martyr (au sens figuré). martire, sm. : douleur ; a —, loc. adv., 11284 : dans la douleur ; livrer a —, loc. v., 2540, 2725, 7059, 11168,
14244, 14979, 15663 : supplicier, mettre à mort ; metre a grant — 18437 : placer dans une situation extrêmement douloureuse. martiri(ber, v. tr., 5768, 16694, 18847 ; martriier 18195 : mettre à mort. marvoier,
v. intr., 812, 2434, 7524, 10440, 10752, 14556, 15318 : perdre la raison, devenir fou.
11671,
massis, adj., 2481, 10813, 11003, 14801 : ferme, solide. mastin, adj., 7083 : qui a le caractère d’un chien, hargneux. mat, adj., 7841 : abattu, affligé ; 8036 : vaincu ; 8928, 13709 : faible, fatigué. mater, v. fr., 1582, 2913, 2919, 3050, 3921, 5266, 5309, 5364 etc. : vaincre ; 1945,
3510 : blesser,
meurtrir ; 6588,
10566, 10627 : rendre faible, affaiblir. matinet, sm., 107, 624, 1687 etc. : point du jour.
mau, adv., 15549 : mal. mauffé, sm., 3590, 4514, 8541, 13685, 16921 : diable, démon. maugré, sm., 806, 3674, 11713, 12480, 8175, 19142 : mauvais gré, mécontentement, chagrin, peine ; (sien), loc. adv., 15626 : malgré qu'il en ait ; prép., 118 etc.: au grand dam de. maulté, 5f., 6769 : maux, souffrances. mautalent, sm, 758, 6046, 9323, 11977, 13787, 15338: colère,
ressentiment ; (par —), loc. adv.,
11100,
11259,
13459, 15837 : mû par la colère et le ressentiment, énergi-
1136
GLOSSAIRE
quement ; (par moult fier —) 12313 : mû par un puissant ressentiment. mautalentis, adj., 10820, 14787, 15535, 18370, 18381, 18926, 19285 : irrité. mauvesement, adv., 3642 : mal, à notre désavantage. mauvestez, sf, 9657 : acte mauvais, trahison ; mauvestié, 19821 : méchanceté ; mavesté, (par —), loc. adv., 17026 : traîtreusement.
meautris, sf. inj., 11301 : prostituée. meciner, v. fr., 12692 : soigner. meffet, sm., 12521, 19576 : méfait. [mehaignier], v. fr., 905, 6047, 11979 : blesser à mort, tuer. mellé, adj., 668, 19822 : grisonnant, poivre et sel.
mellee, 5f., 3689, 5996, 6019, 7463, 10304, 11736, 13610, 13743, 15746, 15756, 16028, 16217, 20047 : mêlée, bataille, combat. meller, v. fr., 4127 : jeter l'opprobre sur (qqn), compromettre ; pron., 1458 : s'occuper de. membré, part. pas. ad)j., 164 etc. : renommé ; 506 etc. : sage, avisé, prudent. membré, adj., 1512 : robuste, membru. membru, adj. 781, 2826, 3836, 7776, 18284 : vaillant ; 13478 : membru. mençonge, 5m., 1865, 7910, 17513 : mensonge.
mençongier, v. intr., 10592 : dire des mensonges, mentir. mençongier, adj., 17392 : contraire à la vérité. menee, sf., (a hideuse —) 13762 : avec des cris affreux.
mener, . f7., 11146 : mettre à mal, pousser à bout ; (mal —) 72, 2293, 6867 etc. : mettre à mal. meneur, s., 9738 : le plus petit.
GLOSSAIRE
1137
mentir, v. fr., 2544, 7255, 10881, 13007 : manquer à sa parole ; 4063, 13245 : faillir à, faire défaut, ne pas remplir (une tâche) ; part. pas. adj., 10881, 19037, 19863 : traître ;
estre menti de. 4056, 14593 : manquer à sa parole, se parjurer. menu, adj. 13300, 15798 : à mailles fines ; adv. 8189, 17194 : étroitement ; 9891, 13487 : finement ; 17918 : à intervalles rapprochés, fréquemment. menuier, adj., 18735 : à la sonorité aiguë.
merci, sf., 654 etc. : pitié ; 1381 etc. : grâce ; tourner a sa -, loc. v., 2797 : mettre qqn à sa merci ; metre a — 13506 :
vaincre ; crier — 16889, 19571 : crier grâce.
16984,
18434,
19325,
19534,
mercier, v. /7., 1181, 1132, 1906, 2624, 2655 etc. : remercier. merir, v. fr., 266, 8393, 11954, 13596, 15575 : payer de retour ; pron. 14784 : vendre sa vie.
merite, sf, 3695 : ce que l’on mérite, récompense. merkedi, sm., 2529 : mercredi.
merrien, s1., 2743, 2842, 7236, 12915, 12957, 13118, 14578, 18889 : arme de jet proche du javelot (le plus souvent lancée du haut des remparts) ; 18970 : bois de construc-
tion, de charpente. merveille, sf, 3616, 4477, 6271, 6755, 10433, 19333 : chose étonnante ; (N’est pas —) 3616, 4477, 4596, 5571, 10615, 11015 : rien d'étonnant à cela ; (N’iert pas — se...), loc. v.,
440, (N'est pas — se...) 2363, 9443, 12009, 14508, 18157, 18474 : rien d'étonnant à ce que, ce n'est pas surprenant si. ; (C’iert grant — se...) 572, 590 : ce serait fort surprenant si. ; (C’iert — se...) 4194 : ce serait surprenant si... ; (c’est — se...) 9520 : c’est un miracle si... ; (C’est grant —
que.)
12171,
13820: c’est fort étonnant que, c'est un
1138
GLOSSAIRE
miracle si. ; (Grant — iert se.) 19771 : ce sera fort surprenant, ce sera un miracle si. ; (a grant —), loc. adv., | 4291, 12248 : de manière impressionnante.
merveilleus, adj. 4553, 7684, 12342, 13308 : admirable, remarquable.
13458 : terrible ;
merveillier, v. pron., 2394, 3985, 4043, 5375, 7881 etc. : se
demander dans une grande perplexité ; 9888 : admirer, s’émerveiller ; 16160, 17474 : éprouver une surprise mêlée de plaisir ; 12177, 12179, 15486, 16105 : s'étonner,
trouver surprenant ; (ne fait a —) 9853 : il n'y a pas là sujet à étonnement. mes, adv., 404 etc. : désormais ; 442 etc. : plus, davantage ; 453 etc. : mais ; 516 etc. : (en contexte négatif) jamais ; 2534 etc. : au contraire ; (ja —), loc. adv., 607 etc. : jamais (plus), pas une seule fois ; (hui —) 1186 etc. : maintenant, à présent ; (a touz jors —) 1316 etc. : pour toujours, à jamais ; (— onc) 1823 etc. : jamais ; (des ore —) 2038 etc. : désormais ; (- que), loc. conj., 536, 1986 : à condition que. més, sm., 1107, 2898, 3008 etc. : messager. [meschaïr], v. imp., 8381 : être dommageable. mescheans, adj., 16482 : enclin à faire le mal. meschever, v. fr., 880 : maltraiter, massacrer. meschief, sm., 5581 : malheur, calamité.
meschins, sm., 3435 : jeune homme. mescreant, adj., v. 2283, 3447, 3539, 3726, 3972 etc. : qui ne croit pas en Dieu, infidèle ; (n’en soiez mescreans) 9801 : croyez-le bien ; sm., 4657, 5424, 7285, 19133 : mécréant,
infidèle. mescrebü, sm., 789, 2257, 13474, 15917, 16046, 18281 : mécréant, infidèle, paien. [mescroire], v. tr., 1814, 4874, 6273, 6664, 6847, 6996, 9801, 11166, 15365, 16139, 19069 : ne pas croire, refuser de croire.
GLOSSAIRE
1139
mesericorde, sf, 9454 : sorte de poignard ou d'épée très courte à lame mince utilisé dès le XIIT° siècle. meserree, sf., 7315 : tort, malheur. meserrer, v. intr., 5368 : s’écarter du devoir.
mesese, sf, 16512 : embarras. [mesfere], v. tr., 11830 : causer du tort. mesfet,
sm.,
1901,
4149,
4149,
9557,
16839 : mauvaise
action, tort causé à quelqu'un, méfait. mesiere, sf, 10548 : muraille.
meslé, adj., 2338, 13399, 13801, 15470 : voir mellé. meslee, sf, 12459, 13274, 19991 : voir mellee. mesler, v. pron., 3415, 18964 : s’occuper (de) ; 12606 : se battre ; 15413, 17264 : s’engouffrer ; voir meller. mesnie, sf, 414, 540, 3477 etc. : ceux qui cohabitent avec un
chef de famille, gens de la maison, la grande famille avec les domestiques ; 815,
830,
2945
etc. : train,
suite
et
compagnie d’un seigneur, ses hommes d'armes, ses troupes ; 6171 : race, peuple. meson, 5b. f., 12071, 13872, 14953 : maison, demeure. [mesprendre], v. tr., 16774 : faire tort à.
mesprison, sf. (sanz point de —), loc. adv., 1681 : sans risque d'erreur, de manière certaine. mes(s)age, sm., 322, 335, 348, 1115, 1134 efc. : messager. mestis, adj., (chiens —) 18277 : de races mélangées, bâtards.
| mestier, sm., 10448 : façon de faire ; 17851 : service religieux ; avoir —, loc. v., 310, 1396, 4263, 4738, 5191 etc. : avoir besoin ; (n’i a — celee) 8884, 11794 : pourquoi le cacher ? ; avoir — a gqgn 7589, 7690, 8236, 10329, 16535, 18712, 19813 : être utile, rendre service à ; (ce ne nous a
—) 10229 : c’est inutile ; ouvrer de son — 9098, 16540 :
1140
GLOSSAIRE
faire son office ; estre — loc. imp. 9975, 18716 : être | nécessaire. mestre, adj., 1050, 767, 1050 etc. : principal ; sm., 1572, 1620, 1661 efc. : maître. mestrie, sf, 11896, 16360, 16376, savoir-faire ; (par —), loc. adv.,
17570 : maîtrise, art, 7261, 10911, 14554,
15164 : bien, avec savoir-faire ; (par moult grande -) 9012 : si bien ; (par tel —) 10373 : avec un tel savoir-faire, si habilemment. [mestrier], v. fr., 413, 14019, 17881 : se montrer maître, exceller dans ; 8367, 9305, 11990, 13532 : malmener.
meure, 5f., 12114, 13056 : mûre noire, fruit du mûrier. mi, sm. : milieu, moitié ; (par —), loc. prép., 1109 efc. : par ; 4880 etc. : au milieu de, dans ; 6154 etc. : en plein milieu de, sur ; 11040 etc. : à travers, au travers de ; loc. adv.,
(mon païs te partirai par —) 6926 etc. : en deux, en parts égales. mier, adj., 17853, 19910 : pur. mieudre, adj, 5830, 6607, 9409, 17363, 19025 : cas sujet singulier de meilleur. mieus, adv., (qui — miex), loc. adv., 4447 : à qui mieux mieux. milsoudour, sm., 2223 : cheval de grand prix, cheval de bataille. mirable, adj. 6729, 11514, 13562, 18522 : puissante. mire, sm., 3707, 10334, 12376, 18809 : médecin. moillier, sf. 431 : voir moullier.
moilon, sm., 8362 : milieu. mollé, part. pas. adj., 8200, 11509, 13895, 17705, 17998 : voir mouillé. [moller], v. pron., 1094 : voir note corr.
GLOSSAIRE
1141
monciaus, sf., 9920 : fas, amas.
monneé, part. pas., 1813, 2301, 5269, 5566, 5956 etc.: frappé (en parlant d’une monnaie). mont, sm., 1116, 2850, 3253, 5396, 9067 etc. : monde. mont, sm., (tout en un —), loc. adv., 2235 : d’un seul coup. montance, sf, 13834, 16937 : valeur.
monte, sm. ou sf., 5613, 10347, 10367, 16328 : valeur. [monter], v. tr., 1937, 2853, 3106, 13371, 17746 : élever (en dignité) ; intr., 1976, 2612, 2627, 2751, 2853, 3438, 5954, 7398, 12605 : s'élever (en dignité) ; imp., 8879 : servir ; part. pas., 5591, 12260 : sur sa monture. morel, adj., 855 : à la robe sombre (en parlant d’un cheval). mortalité, sf, 14742, 15987 : massacre. mortel, adj., 934, 6232, 13158, 13518, 16270, 17172 : où l’on
peut craindre de trouver la mort, dangereux, périlleux ; 2302, 6781, 13980, 14111, 14300, 14831 : qui mérite la mort. morteutez, sf, 14755 : massacre.
mot, sm., 12099, 13050, 19392, 19427 : paroles magiques, incantations. moufles, sm., 9862 : menottes.
moullé, part. pas. adj., 2401, 7438, 11181 : aux proportions harmonieuses. moullier, sf, 127, 1128, 1175, 1433, 1445 etc. : épouse. moulu, adj., 3622, 3823, 8900, 15578 : aiguisé, trenchant.
moustier, sm. 1457, 5343, 9522, 17854, 18033, 18051 : église. [mouvoir] , v. tr., 4561, 11662, 18907 : causer, occasionner ; 13967 : envoyer ; pron., 71357, 12155, 18302 : bouger, se mettre en mouvement ; intr., 13947 : se mettre en mouvement, partir ; part. pas., 19905 : troublé.
1142
GLOSSAIRE
mu, adj., 17504 : muet, silencieux. mucier, v. intr., 10216 : se cacher ; pron., 3464, 17547 : se
tenir caché ; part. pas., 16782 : caché, embusqué. muer, ». intr., 1734, 11206 : ne faire qu'un tour (en parlant du sang) ; 2667, 12427, 18165 : être troublé sous le coup
d’une violente émotion ; 7839 : changer de couleur sous le coup d’une violente émotion ; 6218, 9282, 9793, 11607, 14105, 18036 : changer, se transformer, devenir différent, s’altérer ; 8421 : s'empêcher (de) ; (pres n’a le sens mué) 18757 : il s’en fallut de peu qu'il ne perdît la raison ; tr., 8432, 8453, 8507 : changer, transformer ; pron., 8437, 8502, 8955, 9793, 12113, 13069 : se transformer; part. pas., 2468, 7322, 10674, 11758, 13387, 17315 : dont le teint s’est altéré sous l’effet d'une violente émotion. muls, sm., 15452 : mulets. murdrier, s., 5196, 6499,
16763,
18199 : meurtrier,
assassin. murdrir, v. tr, 5455, 6517, 14151, 16039, 16432, 19483 : assassiner. musart, adj., 5845 : traître, parjure. musé, sf, 17456 : perte de temps.
nagier, v. intr., 528, 1027, 1185, 1328, 2316 etc. : voguer, naviguer.
naier, v. fr., 1602, 4781, 5193, 5917, 9609 : noyer. naïs, adj., 1844 : voir note corr. ; inj., 5218 : niais, sot.
naturé, adj., 4924, 5345, 13716, 18585 : de naissance. nave, 5f., 6349, 9125, 9172, 9193, 11419 etc. : bateau, navire. navie, sf, 958, 4876, 6311 etc. : bateau ; 1075, 1173, 7091 etc. : flotte ; 12270 : note corr.
GLOSSAIRE
1143
navrer, v. fr, 167, 176, 2075, 2267, 2885 etc. : blesser. nee, sf, 1697, 12045 : créature.
neelé, part. pas. adj., 9248, 19111 : ciselé. nel, encl., 404, 544, 794, 1383, 1713 etc. : ne le. nes, encl., 1761, 3304, 3616, 4477, 4596 etc. : ne les. nes, adv., 6052 : pas même. nessant, 577., 1256 : naissance. neu, sm1., 8655, 17009 : noeud. niee, sf, 10679 : groupe d'individus ; voir note corr.
nis, adv., 15285 : pas du tout, nullement. noant, adj. v., 13838 : qui nage. nobile, adj., 5644, 18462 : qui l'emporte par ses mérites. nobleté, sf, 1940 : valeur ; 5795, 8193 : valeur guerrière, bravoure ; 6428 : allure pleine de noblesse ; 9888, 10139 : richesse ; (par —), loc. adv., 9893 : richement. noçoier, v. intr., 4112 : se marier ; tr., 8406, 17758, 17963 :
épouser. noelé, adj., 3518 : voir neelé. noiant, sm., 1221, 3742, 5454 etc. : rien ; adv. 937, 4730, 14695 etc. : nullement, pas ; 4745, 17103 : un tant soit peu ; (de —), loc. adv., 3718, 5443 : un tant soit peu ; 13841 : en vain ; 16958 : nullement. noïaus, sm., 9918 : agrafes. noient, sm. & adv., 1737 etc. : voir noiant. . noier, v. fr., 5754, 6484, 8253, 11649 : cacher, refuser de dire ; 16241, 17383 : nier, refuser d'admettre.
noier, v. intr., 6356 : se noyer ; voir naïer. noif, sf., 17192 : neige. noircir, v. intr., 997, 15143 : devenir noir de colère, entrer dans une colère noire ; 3626, 11981 : perdre ses couleurs ; 11607 : s’assombrir.
1144
GLOSSAIRE
noise, sf. 628, 798, 800, 2144, 3573 efc. : bruit, tapage ; (Si laist la —) 2 : qu’il fasse silence ; mener (grant) -, loc. v., 3214, 10482, 10643 etc., fere grant — 333, 15912, demener grant — 3423, 4697, lever la — 11725 : faire du bruit.
noisier, v. intr., 4398, 5662, 12922, 17397 : faire du tapage, crier ; (sanz —), loc. adv.,
10221
: à voix basse ; sm.
(lessiez le —) 2043, 5741 : faites silence. non, sm., (par —), loc. adv., 14643 : formellement, positive-
ment. noncier, v. fr., 1179, 2062, 3215, 5749, 5127, 5130, 6487, 9827, 10223, 12926, 12929, 14656, 14668, 14932, 15392, 16697, 18641 : annoncer, rapporter, raconter, dire. nonmé, part. pas., 4941, 5009, 8652, 13866 : fixé (en parlant d’un jour) ; (la vertu nonmee) 6010, 7449, 10432, 11793, 11873, 11885, 12763 etc. : la puissance divine. nonne, sm., 8425 : neuvième heure. nonpo(u)rquant, adv., 1972, 5414, 9878, 10769, 14509, 14803 : néanmoins. nonsachant, adj v., 6151, 7962 : insensé ; sm., 71748 : païen.
[noter], v. tr., 7325 : rapporter. notonnier, sm,
1184, 5158, 6667, 7300, 14213 : nautonier,
personne qui conduit un bateau. nouelez, part. pas. adj., 702, 13120 : voir neelé. nourri, 5m., 2783, 5222, 15122, 15536 : celui qui est élevé avec la famille du seigneur, qui fait partie de sa cour, familier, serviteur. nourrir, v. tr., 1301, 1311, 1568, 1603, 1607 etc. : élever. nouvel, adj. adv., (de —), loc. adv., 4471, 4594 : de nouveau ; 16835, 18178, 18248 : nouvellement, récemment. nu, encl., 16793 : ne le,
GLOSSAIRE
1145
nu, adj. & adv., (nu a —), loc. adv., 3180 : sans rencontrer
d’obstacle, de plein fouet. nüement, adv., 17724 : sans déguisement, sans fard. nuitie, sf., 1454, 3916, 4168, 4721, 7977 etc. : nuit.
o, prép., 163, 312, 673 etc. : avec ; 353, 1736, 2000 erc. : au. ©, adv., 953 : oui. obeïr, v. intr., 2795, 3098, 19336 : être soumis ; pron., 3086, 3347, 11919 : se soumettre ; 8003 : se mettre au service de.
obligier, v. pron., 17760 : se porter garant. occision, sf., 2203 : massacre. oe(u)vre, sf. 8052, 14635, 19795 : affaire ; 8990, 10182: ouvrage ; 15310 : acte judiciaire. [oeuvrir], v. tr., 10798, 12258, 15458 : ouvrir.
oignement, sm., 8520 : onguent. oirre, sf, 398 : allure ; voir erre.
oisour, sf, 400 : épouse, femme. olz, sm., 1547 : voir ost.
ombrage, adj., 6028 : ombreux ; 12487 : sombre ; 12490 : qui fait de l’ombre ; 13926 : ombrageux. [ombroier], v. intr., 11861, 19388 : faire de l’ombre ; pron.,
9748 : se mettre à l'ombre. onc, adv., 545 etc. : voir onques. : [ondoier], v. intr., 11434, 16169 : s’agiter ; adj. v., 3783, 4165, 9702, 17086 : qui s’agite, mouvante.
onneur, s1., 2700 efc. : honneur dans lequel quelqu'un est tenu ; 3507 : richesses ; 10603 : fief. onnie, adj., 14544 : égale, plane. -onques, adv., 6, 406, 1494, 1654, 1870 efc. : jamais, pas une
seule fois, pas ; 511, 1163, 7801, 8099, 8157 efc. : jamais,
1146
GLOSSAIRE
quelque jour ; (- mes), loc. adv., 3119, 9086, 9306 : jamais, pas une seule fois ; (- puis) 877, 3304 : jamais plus . depuis lors ; 17942, 19501 : jamais depuis lors. or, adv., 35 etc. : à présent ; 43 etc. : (renforçant l'impératif) donc ; voir note corr. ; (— ainz), loc. adv., 10282 : tout à
l'heure. orceul, sm., 10167 : vases, cruches.
ordener, v. tr., 726, 4378, 7633 etc. : répartir en corps de bataille ; 8995, 8998, 9665 etc. : arranger, disposer d’une
certaine manière ; 12887 : mettre en rangs ; part. pas., 26 : rangé ; 5875 : qui a reçu l’ordination. ordure, sf, 12480 : vilenie. ore, adv., 594 etc. : voir or. oré, sf, 13065, 18874 : vent ; (a l’—), loc. adv., 12264 : à la
belle étoile, en plein air. [oreillier], v. intr., 19090 : tendre l'oreille, écouter.
orendroit, adv., 1666, 4729, 7899, 8070, 9352 : à l'instant. oriant, adj., 7876 : aux reflets dorés. oriflour, sm., 381 : oriflamme. orquanoi, adj. 3273 : originaire d'Hyrcanie, région de l’ancienne Perse, au sud-est de la Mer Caspienne. oscure, adj., 12479 : ignoble. | oscuree, part. pas. adj., 11868 : obscure, profonde ; (la fosse —), périphrase 3693 : l'Enfer. oscurté, sf, 10493 : obscurité. osé, part. pas. adj., 1081, 1524, 3070, 3330, 8331, 9174, 9361, 12515, 12524, 14141, 14335, 17983 : audacieux, téméraire. osiere, sf, 5388 : osier. ost, sm., 2920, 2974, 4371, 4693, 5012 etc. : armée. oste, sm., 3194 : hôte, celui qui donne l'hospitalité, qui héberge.
GLOSSAIRE
1147
ostel, sm., 1660, 1690, 4096, 4100, demeure, habitation, logis.
6400 etc. : maison,
osteler, v. tr., 6441, 10089, 16209 : loger, héberger.
ostoier, v. intr., 1178, 16539, 16712 : faire la guerre. otout, adv., 559, 11799 : avec tout cela.
otroier,
v. fr,
1102 etc. : octroyer,
donner ; 3314
etc. :
accorder, donner son accord à ; pron., 231, 8754, 10993 etc. : donner son accord, consentir, s’accorder à ; 8172,
8725 : se donner entièrement à. oubli, sm., metre en —, loc. v., 19029 : oublier, (sanz —), loc. adv., 2802 : sans faute.
négliger ;
oublier, v. pron., 9816 : perdre la conscience de son existence ; 10258 : se distraire ; 11144 : se confier. ouelles, sf, 18260 : brebis. ounour, s"., 98 : pouvoir. {ourer], v. intr., 1370 : prier. ouroison, sf, 5485, 15579, 18441 : oraison, prière.
outrageusement, adv., 7665 : violemment. outre, prép., 300, 430, 1561 etc. : au-delà de ; 3280 : au travers de ; 1951, 12052, 19431 : contre ; adv., (ça —), loc. adv., 19358 : ici (depuis là-bas) ; (la —) 19362 : là-bas, au loin ; passer —, loc. v., 1023, 8616, 10764 : passer (outre),
aller au-delà, plus loin ; 8177, 9131, 12728 : passer, s'achever, arriverà son terme ; soi — passer 14572, 18886 : passer (outre), aller au-delà ; finer — 16865 : achever. [outrer], v. intr., 5501, 13629 : passer, s'achever ; tr. 13375 : achever; 19887: passer, franchir ; 20006: dépasser ; part. pas. interj., 14730 : voir note corr. [outrecuidier], v. pron., 6122 : présumer de ses forces. outreement, adv., 19410 : absolument, sans réserve.
1148
ouvrer,
GLOSSAIRE
v.
fr,
5319:
mettre
en
œuvre
(des matériaux),
façonner (qqch) ; 9098, 13023, 16540, 16823, 18613 :faire usage ; intr., 3, 2759, 2765, 4907, 5307 etc. : faire, agir,
procéder ; 4842, 18967 : travailler, œuvrer ; part. pas. adj., 3117, 3504, 4310 etc. : ouvré, ouvragé, travaillé, façonné.
paie(n)neté, sf, 1312, 2407, 3133,
10350,
15190,
16000,
18863, 19614 : les païens.
paie(n)nie, adj., 806, 1067, 2130, 2947, 3674 etc. : païenne ; sf., 8038 : les païens.
paier, v. tr., 5515, 8388, 9846, 9856, 15856 : donner des coups, frapper. paile, sm., 696 : voir poile. painer, v. pron., 489, 2721,
16327,
18722 : se mettre
en
peine, faire l'effort de. painturé, part. pas. adj., 3854 : peint. palasin, adj., 2519 ; palazin, 7102 ; palazis, 1153 : palatin. paour, sm., 955, 1360, 3816 etc. : crainte, inquiétude, peur ;
avoir — de, loc. v., 1128, 1175, 7797 : être inquiet au sujet de. paouri, part. pas., 3090 : apeuré, effrayé. par, adv., 864, 6569, 10565, 10862, 13713, 14882 etc. : particule intensive, superlative ou augmentative. par, prép., (tout— li), loc. adv., 5201 : de lui-même ; — si que,
loc. conj., 8404 : pourvu que, à condition que. [paracomplir], v. fr., 19697 : achever, accomplir complétement. parage, sm., 1978, 4114, 4135 : lignage. parant, sm., 14190 : parent.
parcreüs, part. pas. adj., 8918, 11369, 14127 : grant, robuste.
GLOSSAIRE
1149
pardefin, sm., (au —), loc. adv., 14090, 15512, 16693 : à la
fin, finalement. paré, part. pas. adj., 41, 1434, 17927 : apprêté (pour le coucher) ; 555, 18214 : habillé, vêtu ; 3682, 11150, 11733, 12046, 15591, 20056 : pelée, épluchée. parisis, sm., 535, 1161, 3375, 13498, 18418, 19286 ; paresis,
1475 : denier parisis, monnaie frappée à Paris. parfin, sf, (en la —), loc. adv., 13653 : à la fin, finalement. parfondement, adv., 12371, 18815 : profondément, grièvement. parfont, adj., 1600, 6278, 6282 : profond ; adv., 16025 : en s’inclinant profondément, respectueusement. parlement, sm.,
1613, 16158 : discussion ; tenir —, loc. v.,
1598 : parler. parleour, sm., 95 : voir note corr. parler, v. tr., (S’il en parole) 19751 : s’il y trouve à redire. parlier, sm., (biau —) 8579 : beau parleur (sans connotation péjorative). paroler, v. fr., 9840 : parler. [paroir], v. intr., 14190 : paraître, se montrer ; imp., 2617 : être évident ; (or i parra) 5938, 9100, 9338, 13367, 17149, 18392, 20036 : on va bien voir. part, sf. 15598 : fiers ; (de seue —) 16837 : de sa part;
(grant —) 17728, 19155 : une grande partie ; (quel —) 927, 1124, 1503, 3631, 3884 etc. : où ; (cele —), loc. adv., 531, 784, 799, 967, 2573 etc. : vers cet endroit, de ce côté, en
cette direction, là ; (d’autre —) 3676, 3931, 4118, 4129, 5102 etc. : d’un autre côté ; (d’une —) 8914 : d’un côté ;
9567 : à l'écart ; (de l’autre —) 10786, 15960, 19307 : de l’autre côté ; (d’une — et d’autre) 12344 : de part et d'autre, des deux côtés ; (a cele —) 15850 : là.
1150
GLOSSAIRE
partie, sf. 2958, 19843 : camp, parti ; 5632, 8865, 14018, 19334 : endroit ; 14630, 17886 : part d’héritage ; 20018 : tiers ; (d’autre —), loc. adv., 19979 : d’un autre côté ; (de. la vostre —) 19227 : de votre part. partir, v. tr., 842 : briser ; 2834, 11958 : tailler en pièces ;
6791, 6948 : séparer (en tranchant) ; intr., 3625 : être séparé ; 19493 : se briser en morceaux ; 11026 : se sortir (d’une situation périlleuse) ; pron., 5995 : se séparer de, quitter. parture, sf., 12684 : élément d’une alternative, autre éventualité. pas, sm., 6675 : situation ; (le —), loc. adv., 12294 : aussitôt ; adv., 2197 : au pas.
passer, v. fr., 8676 : mettre fin à ; 15885 : transpercer. pastres, sm., 2475 : pâtre, berger. patez, adj., 13057 : muni de pattes.
paume, sf., 7567 : mesure de longueur équivalant à la paume de la main. paumoier, v. fr., 3528, 3662, 3669, 6062, 6095, 13362, 16944 : prendre en main, manier. pautonnier, sm. inj., 9864, 16725 : scélérat. paveillon, sm., 7617, 14640 : tente aux pans semblables aux
ailes d’un papillon. pecherris, sm., 11291 : pécheresses. [pecier], v. tr., 12383 : mettre en pièces. pel, sm., 3524, 3545, 3595 etc. : épieu, lance. pel, sf, 19947 : peau. peliçon, sm., 630 : pelisse, tunique fourrée. pendant, sm., 3560, 3579, 16947, 19148 : coteau, colline. pener, v. fr., 1418, 1990, 2341, 2542, 2728 etc. : faire souffrir, faire de la peine (à), causer du tort (à) ; 18883,
GLOSSAIRE
1151
19402 : mettre en peine ; pron., 435, 1936, 4179, 5648, 8943, 10378, 10553, 11172, 13296, 16672, 18572, 18851, 19062, 19199, 19251, 19253, 19382 : se donner de la peine
(pour), se mettre en peine (de), ne pas ménager sa peine (pour) ; (De son seigneur Maillefer soit penant) 4179 : qu'il se mette en peine pour Maillefer, son époux. penis, adj., 3372 : affligé. penoncel, sm., 847, 3280, 4231, 4353, 7296, 8226, 19922 : pennon. penons, sm., 11494 : étendards. penser, infr., 185 : voir pensser. pensis, adj., 349, 1149 : voir penssis. penssans, adj. v., 9809 : pensif, perdu dans ses pensées. penssé, sm., 1324, 1837, 2383 etc. : pensées ; 1290, 3077, 5261 etc. : avis ; avoir en —, loc. v., 3040, 4947, 5785 etc. :
avoir dans l'esprit. penssee, sf, 4379, 5027, 6633 etc. : ce qu'on a dans l'esprit, avis ; (qui iert en grant —) 1691 : qui était plongé dans ses pensées, très pensif ; (de male -), loc. adj., 10288 : qui nourrit de mauvaises intentions. pensser, v. tr., 515, 570, 607, 796, 828 etc. : prendre soin de, veiller sur ; 867, 872, 3421, 3606, 4333, 4345, 4606 etc. :
s'occuper de, s'appliquerà ; 968, 1596, 1735 etc. : penser, être d’avis, se dire à soi-même ; 1686, 1908, 2607, 2669,
6577 etc. : penser à, avoir à l'esprit, réfléchir à, envisager ; pron., 1174: s'appliquer à ; 4118 : prendre en considération ; intr. réfléchir, être agité état d'esprit ; 1842, envie ; (me vient en
7835 : avis.
1852, 2718, 4100, 4154, 5864 etc. : de pensées ; sm., 970, 9282, 19265 : 17650, 19265 : pensée ; 2727 : désir, —) 4019 : me vient à l’esprit ; 5101,
1152
GLOSSAIRE
penssi, adj, 2035, 3976, 4047, 4214, 7138 préoccupé, inquiet.
efc. : pensif,
per, sm., 621, 942, 4850 : compagnon ; 1455, 16841, 17828 : :
pair ; 1570 : pareil, égal ; 2364, 4123, 5122, 5757, 6211, 11247, 11348, 13515, 14924, 17237, 17460, 17723, 17816 : époux ou épouse. [percevoir], v. fr., 3194, 10022, 13162, 13486, 15051 erc. :
voir,
remarquer ; pron.,
728,
7699,
3761,
5426,
7945 : se
rendre
compte. perchant,
sm.,
936, 3588,
15093 : arme
de
combat similaire au tinel ; sorte de poutre renforcée de bandes de métal. perche, sf., 3757, 6000 : voir perchant. percussion, sf. 5692 : douleur. perduz, part. pas., 4640 : morts. periere, sf., 14991 : machine de guerre qui jette des pierres. perir, v. infr., 4859 : couler.
peris, sm., 3365 : périls. per(r)on, sm., 2807, 4545 : pierre ; 2817, 7230 : projectile de pierre ; 6177, 10151 : grand escalier. persis, adj., 4232 : bleus.
pes, sf., 2728, 6274, 9372 etc. : paix ; 19507 : réconciliation ; 4195, 5741,
8626 : silence ; (n’avrai mes
— tant que...)
599 : je n'aurai de cesse, de repos que... ; (a —), loc. ady., 665, (em —) 4943 : sans faire la guerre, sans résistance. pesant, adj. v., 745, 1404, 2499, 4740 etc. : fâcheux, désagréable, pénible ; 3545, 3773, 5448 etc. : lourd, robuste ; (par — destinee), loc. adv., 20061 : malheureusement.
peser, v. intr., 731, 5398, 6083 etc. : être lourd, robuste ; imp., 327, 1873, 2363 etc. : être pénible, désagréable.
GLOSSAIRE
1153
petitet, adj., 1950, 9006, 16833, 17463: tout petit ; adv., 7979, 17397 : peu ; (.I. —), loc. adv., 54, 1350, 1559, 4199, 4670 etc. : un peu. peüe, part. pas. de [paistre], 13871 : rassasiée, repue. pieça, adv., 206, 248, 1338, 1538, 4264 etc. : depuis longtemps, depuis un bon moment ; (- que), loc. conj., 1120 : il y a longtemps que. piece, sf., (moult grant — a) 426 : il y a très longtemps ; (grant —), loc. adv., 2400, 2785, 7794, 13420, 19925 : longtemps ;
(en grant —) 4190 : pendant longtemps. pietaille, sf, 12227 : milice à pied, gens de pied, infanterie. piex, sm., 7539, 9109, 14578, 14982, 18889 : madrier. piez, sm., 13118 : épieu.
pignon, sm., 1003 : bannière à longue queue que le chevalier attachait à sa lance, voir note corr. piler, sm., 6543 : pilier. piour, ad]j., avoir le —, loc. v., 2731, 10242 : avoir le désavantage (dans un combat).
[piquer], piquois, percer pis, sm., pis, sm.,
v. intr., 18887 : frapper à coups de pioche. sm., 9120, 11099 : sorte de pioche utilisée pour les murailles. 2807 : pioches. 2242, 2483, 5441, 6136, 9864 etc. : poitrine.
pis, adj., avoir le — , loc. v., 2884 : avoir le désavantage (dans un combat).
piteusement, adv., 1403, 7441 : pitoyablement. plaidoier/ pledier, v. intr., 9839, 12937 : parler. plaier, v. tr., 2075, 8649, 9336, 10327, 14087,
18185 :
blesser ; part. pas., (a mort plaiez) 9148 : mortellement
.
blessé. plaigne, sf, 6049 : plaine.
1154
GLOSSAIRE
plais, sm., 2861 : discussion ; voir plet.
plaisir/ plesir, sm., 2024, 3999, 4589, 4608, 5720 etc. : ce qui plaît à qqn, bon plaisir, volonté. plaissié, part. pas., 19156 : voir plessier. planche, sf, 4581, 12011 : petit pont de bois. planee, adj., 2163 : lisse ; 12226 : brunie, c’est-à-dire dont on a poli le fer par frottement. planier, adj., 2053, 6262, 6485, 17839, 17856 : vaste ; 3524,
4360, 4403, 9844, 18726: grand, imposant ; 3600 : pleine ; 4422, 8142 : violent, acharné. plate, sf, 9921 : lingot. plenté, sf., 6750, 8510, 10114, 11087, 12267 etc. : abondance,
multitude, quantité ; (a grant —), loc. adv., 1321, 10153, 11188, 17999 : en grande quantité ; (a —) 10165, 15233, 18263, 18880 : en abondance ; (a moult tres grant —) 10629, 18612 : en très grande quantité. plenteusement, adv., 1747 : en abondance.
plesseïs, sm., 3338 : haie, clôture ; 8001 : bois entourés de clôtures. plessier, v. fr., 5675, 16728 : accabler, opprimer, détruire ; part. pas., 19019 : entouré de haies entrelacées. plet, sm., 9914 : assemblée de justice réunie autour du roi, d'un seigneur ; 11662, 15132, 18907 : querelle, conflit, combat ; 11970, 13788, 19511 : paroles.
plevir, v. fr., 1068, 10906, 10921, 12737, 13514 etc. : engager, lier par un serment ; 1142, 1905, 3989 etc. : Jjurer, promettre ; 8411 : donner sa foi, épouser. plo(n)mee, sf, 2465, 10672, 12465, 15583, 20058 : masse d'armes, sorte de maçue munie d'une tête de plomb. ploroison, sf, 1007 : pleurs, plaintes. plour, sm., 402 : pleurs.
GLOSSAIRE
1155
ploureïz, sm., 521 : action de pleurer, pleurs, plaintes. plourer, v. intr., 1334, 1431, 2535 etc. : pleurer ; sm., 8680 :
pleurs, plainte, lamentation. plus, adv., (plus et —), loc. adv., 2627 : de plus en plus. pluseur/ plusour, pron.,
393, 2713,
6753,
10186,
11647,
14348 : la plupart ; adj., 406, 2216, 3952, 6373, 8442 etc. : nombreux. poair, sm., 5086 : pouvoir. poesté, sf, 472, 5270, 5278, 6763, 13689, 15777 : puissance, pouvoir ; 5003, 5834, 9260, 14132, 15651, 18764, 19654 : force, vigueur ; 14267 : vive force, violence ; 13218 : avantage (dans un combat) ; avoir — (en)contre ggn, loc. v., 5308, 15251 : prendre l'avantage sur, dominer ; (par vive —), loc. adv., 7431, 8546, 10351, 13707 : avec une grande
violence. poestis, adj., 265, 5212 : tout puissant, qui a le pouvoir ; 13516 : vigoureux. poi, adv., 213 etc. : peu ; 16868 : difficilement ; (A —- m'en est) 18986 : peu m'importe ; a — que. 812, 1125, 2434 etc., par — que. 5446, par .I. — que... 6121, 8967, 9678, 11994 : peu s’en faut que. ; (se — non) 19540 : rien du tout ; (jusqu’a —), loc. adv., 334,
1106,
11145,
14925,
18064, 18579, 19541, (si qu'a —) 19556 : dans peu de temps ; (ne — ne grant) 940, 1238, (— ne grant) 16961 : nullement. poigneo(u)r, sm., 378, 2214 : combattant, guerrier.
poile, sm., 4301, 9917, 17573 : pièce d'’étoffe, drap de soie broché, tapis sur lequel s’assoit le chevalier que ses écuyers font revêtir de ses armes.
1156
GLOSSAIRE
poindre, v. intr., 735 : piquer des deux, charger, attaquer ; sm., 3584, 3827, 10750, 16865, 19913 : course impétueuse,
charge, assaut ; part. prés. adv., 177, 3564, 3898, 5290, : 8553, 8561, 13738, 16155, 18360, 18580, 19129 : en piquant des deux, à vive allure ; (a poignant), loc. adv., 7625, 12340, 15960 : en piquant des deux, en se précipitant, à vive allure. poine, sm., 7950, 9863 : peine. point, sm., 12644 : état; (quant — en sera) 453 : quand le moment sera venu ; (Se — venoit) 19672 : si l’occasion s’en présentait ; (a —), loc. adv., 3220 : au bon moment ; (tout par ce —) 3888, (a ce —) 11894 : à ce moment, là-dessus ;
(par cest —) 9182 : en cette occasion. poissant, adj. v., 363, 5423, 7900, 9026 : puissant.
poissonnez, sm., 1629 : petits poissons. poitral, sm., 19441 : partie du harnais couvrant la poitrine du
cheval. poiz, sm., 9999 : pois. poli, adj., 644, 7871 : lisse ; 2276 : dont les murs sont lisses, en marbre ; 2800 : fait au tour.
pomel, sm., 9706, 9887, 9895 : petite boule en forme de pomme, généralement en or, placée au sommet d’un bâtiment. ponmel, sm., 19937 : pommeau de l'épée.
pont, sm., 2162 : planche du navire pour l’embarquement ou le débarquement ; 7080, 7719, 8212, 9248, 13857, 14720, 19111, 19910 : pommeau de l'épée. popeliquans, sm., 2289 : langue païenne.
por, prép., — que, loc. conj., 9529 : pourvu que. po(u)rpens(s)er, v. pron., 470, 1655, 4024, 4786, 6591, 7860, 7890, 8429, 9156, 10586, 13568, 13793 : former telle
GLOSSAIRE
1157
résolution ; 2695, 6538 : penser, se dire à soi-même ; 1267, 2307, 9470, 10255, 13533, 18917, 19426 : chercher par la réflexion, réfléchirà ; 14529 : se raisonner, réfléchir à deux fois ; 14620: réfléchir; tr., 7954, 9495, 15429, 18993, 19585 : ourdir, concevoir ; part. pas., 14130 :
pensif. porter, v. fr., 9, 4549, 5466, 6466, 7336, 7395, 8273, 9074, 9447 etc. : porter (un enfant dans son ventre) ; 512 etc. : emporter ; 947, 9107 : appuyer ; 1228 etc. : apporter; 10507 : faire tomber ; 13916 : emporter sauve ; sm., (au
cors —) 1459 : au cortège funéraire. posnee, sf, 12944, 13248, 13612, 13821,
15147,
16806,
17154, 20055 : arrogance ; mener grant —, loc. v., 5487,
6018, 15741 : faire preuve d’arrogance. postas, sm., 10677 : voir apostas. posteïs, adj., 1995 : puissant, vigoureux ; 2023 : qui en a le pouvoir. postis, sm., 2492 : porte. poudriere, sf., 11599 : fourbillon de poussière. pour, prép., T0 etc. : à cause de.
[pourchacier], v. tr., 19284 : poursuivre avec ardeur, comploter. pourfis, sm., 1996 : profit. pourforcier, v. fr., 12045, 17132 : forcer, vaincre la résis-
tance de, faire céder. [pourparler], v. fr., 18159 : discuter, tramer ; imp., 4965 : décider à l'issue d’une discussion, arrêter. [pourprendre], v. fr. — terre, loc. v., 15049 : prendre terre, aborder. pourpris, sm., 243, 273, 1160, 1480, 3461 : terre conquise
sur l’ennemi.
1158
GLOSSAIRE
[pourssivre], v. tr., 3344, 9043, 16309, 19018 : poursuivre en
vue d'attaquer.
L:
poutrel, sm., 846, 6034, 19936 : poulain. poverté/ povreté, sf. 1045, 1529, 4197, 5890, 9807 : malheur, dommage ; 1924, 3079, 7440, 9807, 10459 : manque,
besoin. [praer], v. tr., 7222 : piller, ravager, mettre à sac.
preage, sm., 4567, 11472, 12485, 13271 : pré. pree, sf, 2165, 2446, 3680 etc. : pré. premerain, adj., 2460, 7635, 12284 : première ; adv., 2382,
4612, 4901, 6509, 9229, 12661, 13924, 15720, 18605 : en premier. premier,
adv., 613,
1077,
2683
etc.: en premier ; 2828,
3120, 3205, 8730 : début, commencement, première fois ; (grand temps a de —) 10585 : i/ y a fort longtemps ; (grant piece de —), loc. adv., 19925 : il y a longtemps, autrefois. premierement, adv., 1203 etc. : en premier ; 7929 etc. : pour la première fois. premiers, adv., 62 : en premier.
prendre,
v. fr., 8406,
8725,
8757,
11685,
12819,
16495,
17080, 17757, 18492, 18768, 19745 : épouser ; — à + inf. périphrase v., 59, 484, 886 etc. : commencer à, se mettre à.
present, sm., metre son cors en —, loc. v., 8070, 17515 : se mettre à la disposition (de) ; (en —), loc. adv., 4161, 6903, 7933, 12184, 17419, 17508 : en présence, présent, en la présence de qqn, présentement. [prester], v. tr., 18622 : prêter. preus/ preuz adj. 143, 203, 345 etc. : preux, hardi, courageux ; sm., 16519 : voir note corr. primes, adv., 9209 : la première fois ; (a —), loc. adv., 2340 :
à la première heure.
GLOSSAIRE
1159
princier, sm., 210, 1183, 5521 etc. : prince, chef.
[prinsseignier], v. tr., 18533 : baptiser. pris, sm., 4799 : prix, valeur ; (de —), loc. adj., 279, 336, 1169 etc. : de valeur ; 1839, 3395, 11293, 15117, 18362 : dont les qualités doivent susciter l'estime ; (de haut —) 533,
15565, (de grant —) 3440, 10862 : que l’on doit tenir en haute estime ; (de moult grant —) 1928, 11027 : de très grande valeur ; monter en -, loc. v., 1937, 3438, 13371, 17746 : élever en dignité ; intr., 2751, 5954, 12605 : s'élever en dignité ; estre em —, loc. v., 1999 : susciter l'estime ; croistre son — 5987, alever em — 8217 : s'élever
en dignité, faire croître sa renonmée. prisier, v. fr., 213, 995, 1919, 2976, 3165, 3530 : faire cas
de, estimer ; 217 : compter ; voir proisier. prison, sf, 8551, 14566 : action de prendre, capture ; metre en sa —, loc. v., 19538 : faire prisonnier ; sm., 5712, 6778, 6884, 10086, 12636, 16994, 17743, 18458 : prisonnier. privé, adj., 3859, 5002, 6412 etc. : intime ; sm., 163, 698, 3321 etc. : intime, ami ; (a —), loc. adv., 4951, 16622 : en
privé, en tête-à-tête, sans tiers. priveement, adv., 3954, 15330 : seul à seul, en tête à tête. pro(u)e(s)ce, sf, 93, 413, 2605, 2854, 3103 ec. : bravoure ; 2963, 3836, 6167, 6326, 12769 etc. : acte de bravoure,
exploit courageux. proie, sf, 2424, 2433, 7143, 9932, 9936, 16706, 16738, 16779, 16786 : troupeau. proier, v. fr., 421 : recommander. proier, v. intr., 19047 : se livrer à des pillages. proisier, v. fr., 3328, 5374, 9925, 10598, 14654, 16726, 17751, 17846, 18703 : louer. proisiez, sm., 14100 : voir note corr.
16732,
14666,
1160
GLOSSAIRE
promerain, adv., 16146, 16224, 16397, 16464 : voir preme-
rain. promiers, adv., 7038 : en premier. proprement, adv., 1385 : en personne. pro(u)ver, v. tr., 1871, 5598, 9604, 10719 : se rendre compte
par expérience de qqch, voir ; 8053 : établir la vérité de gqch ; pron., 3581, 7746, 12429, 15978, 19953 : se distinguer au combat, faire ses preuves ; part. pas., 470, 2307, 4960, 8941 etc. : convaincu de culpabilité. prouvance, sf, 9959 : manifestation de ce que l’on est, de ce que l’on vaut réellement. puant, adj. v. inj., 8469, 15018, 15909, 19177 : abject. pueple, sm., 2729, 5470 : l'humanité ; 3970 : peuple. [puïer], v. intr., 7527 : monter, grimper. puis, adv., 167, 877, 1039, 3298, 3304 eïc. : depuis cet instant,
ensuite, par la suite ; prép.,
1279, 3087, 4766,
4838, 6741 efc. : depuis ; (— que), loc. conj., 288 etc. : puisque ; 1526 etc. : depuis que, dès lors que. pullent, adj. inj., 15110, 15877, 16416, 16981 : abject. pur, adj., (em —), loc. adv., 7863, 11587, 17657 : seulement,
simplement vêtu de. purté, sf, 5796, 13385, 13902, 14176 : pure vérité. put, adj., 2145, 2517, 2948, 3666, 4245 etc. : ignoble.
putel, sm., 6039 : bourbier. putie, sf, 8862 : action vile et basse, ignominie ; 11264: caractère vil, vilenie. pyment, sm., 13015 : boisson composée d'épices et de vin.
quanque, pron. relatif, 179, 2017, 2351, 2425, 2654 etc. : tout ce que.
GLOSSAIRE
1161
quans, sm., 10615 : voir quens. quant, pron., 3084 : tout ce que ; 18560 : tout ce qui ; ne tant ne —, loc. adv., 1252, 1288. 3707 etc. : nullement.
quant, conj., 59, 262, 392 etc. : (temporel) quand ; 246, 357, 361 etc. : (causal) puisque. quapitaus, sb. m., 9914 : voir note corr.
quarantisme, dét., 9933 : voir note corr. quarcans,
s"”.,
10541,
10562 ; quarkan,
12512,
12649 :
collier de fer fixé à un poteau pour y attacher un prisonnier. quarme, sm., 472 : charme, sortilège. quarré, sf., 7507 : voir quarrel. quarré, adj, 719, 2167, 3046, 3127, 4508 etc. : solide, robuste, vigoureux ; 2156, 4312, 5488, 9005, 10299 erc. :
de forme carrée, quadrangulaire ; 5551 : taillé, formé. quarrel, sm., 7514, 8900, 8902, 8911, 9115, 9118 etc. : projectile tiré par l’arbalète, ainsi appelé en raison de sa section carrée ; plus court que la flèche et muni d'un fer plus lourd, le quarrel ne possédait que deux pennes au lieu de trois pour la flèche. quarrelee, adj., 10684 : recouverte de carreaux, carrelée. quartier, sm., 5323, 13601 : un des quatre côtés du heaume
ou du chapel, qui avaient la forme d’une pyramide quadrangulaire ; 8225, 9831 : quartier de l’écu.
quatir, v. tr., 15174, 16782 : cacher, dissimuler. quel, encl., 1741, 9956, 11228 : que le ; 9389 : qui li; 15816 : qui le. querniax, sm., 2742, 4228 : créneaux. querre, v. fr., 973, 1880, 2025, 2418, 2512 etc. : chercher,
rechercher. | quens, sm., 277 etc. : cas sujet singulier de comte.
1162
GLOSSAIRE
ques, encl., 16086: qui les. quidier, v. tr., 18288 ; sm. 209 : voir cuidier. quil, encl., 15430: qu’il le ; 18347 : qui il. quinzisme, dét., 4993 : quinzième. quite, adj, [lessier] -, loc. v., 3051, 8000 : abandonner, laisser (une terre) quitte de redevance ; ravoir — 4995 :
récupérer, reprendre pleine possession de ; rendre — 5698 : restituer ; tenir — 12584, 14386 : posséder (une terre) sans être soumis à une quelconque redevance ; clamer — 7996, 12690, 17226, 19370 : abandonner, céder sans contrepartie.
quitement, adv., 4885, 8080, 15874, 15893, 16993 : librement, sans charge ni redevance ; 7644 : complètement. quoÿ/ quoy, adj. 388, 2360, 2944, 4868, 8813, 14212, 16452 : calme, tranquille, paisible ; 3278, 3979, 5815, 6011, 9190, 11210, 17467 : tranquille, silencieux, muet;
fere —, loc. v. imp., 18154 : faire beau. quoiement, adv., 1259, 3246, 10100, 15325 : intérieurement,
sans être entendu ; 1831, 6517, 16432 : en secret, sans que personne n’en sache rien ; 3038, 3213, 3542 efc. : à la dérobée, furtivement, sans faire de bruit ; 3484, 7551, 10272 : discrètement, à voix basse. quoitier, v. tr., 3155 ; pron., 4173, 5116, 16675 : voir coitier.
[rachacier], v. fr., 9481 : ramener. rachetement, sm., (sanz nul —), loc. adv., 11529 : sans aucune
chance d’en réchapper. racheter, v. fr., 2543, 5477 ; rachater, 4754 : rédimer ; 17615 : dégager, en s’acquittant, les choses laissées en gage. [racorre], v. intr., 5440 : s’élancer à nouveau.
GLOSSAIRE
1163
[raemplir], v. tr, 14029 : combler ; part. pas., 6305: complète. raier, v. intr., 752, 3703, 6132, 6146, 7658, 8391, 8444, 8457, 9868, 10379, 12311, 13548, 15847, 15859, 18403, 19965 : couler, se répandre. [raier], v. intr., 12176, 10564, 15703 : rayonner, briller.
rains, sm., 14415, 14449 : rameaux. [raire], v. tr., 18416 : couper à ras ; voir note corr. ralier, v. tr., 815, 833, 12272 : rassembler, rallier.
raloier, v. tr., 5660 : voir ralier. ramé, adj., 1425, 1821, 9257, 10530, 11867 erc. : branchu, rameux ; 5552,
7056 : tenu
en laisse,
voir note 5552;
12265 : qui arbore ses bois ; 12835 : formés de branchages. ramee, sf, 14567 : branchages. [ramener], v. pron., 5447 : se redresser. [ramesurer], v. fr., 3067 : raisonner, inciter (qqn) à adopter
une attitude plus mesurée. ramier, s/., (ours en —) 4401, 5519 : ours mené en laisse par un bateleur ; voir note 4401. ramoi, s., (cerf en —) 3274 : cerf ramé, jeune cerf dont les bois poussent. [ramper], v. intr., 2818, 6479, 7228, 7521, 7537, 13124,
15998 : monter. ramposne, 5f., 763, 13472, 15794 : affront. [ramposner], v. tr., 5408, 9346, 12426, 13345, 15816, 15848, 15892, 16907, 16910 : tenir des propos insultants et provocants à l'égard de son adversaire, railler. ramus, adj., 10155 : rameux, touffu.
1164
GLOSSAIRE
randon, sm., (de grant —), loc. adv., 991, 7233 : à toute allure ; (de —) 2204, 4451 : à vive allure ; (de tel —) 4440, 8361 : si violemment. randon(nee, sf, (de —), loc. adv., 2449, 4388, 6003, 7233, 7458, 11880, 12041, 12469, 13035, 13046 ec. : à toute allure ; 4451, 5491, 13614 : avec ardeur, violemment ; (de moult grant —) 13624 : à très vive allure ; (a moult grant —) 11753 : abondamment. randoner, v. intr., 5034 : aller à vive allure. rapasser, v. intr., 191, 1895, 1963, 7790 : revenir. [rapesier], v. fr, 18155 : apaiser, calmer. rappareillier, v. pron., 3219 : se rhabiller ; part. pas., 9142 : prêt à combattre. rasazer, v. fr., 4145 : combler, satisfaire. rasegier, v. fr., 221 : assiéger de nouveau. [raser], v. tr., 13146 : frencher à ras ; 2808, 14569, 14570, 18887 : remplir à ras bord, combler.
rassazez, part. pas. adj., 7855 : satisfait. rasseürer, V. f7., 18169 : rassurer, calmer ; intr., 6361, 12208, 14451 : être rassuré ; pron., 9090, 17516 : reprendre de l'assurance.
rassis, part. pas. adj., 3387 : rasseréné. [rassotir], v. intr., 6921 : perdre tout discernement ; part.
pas., 11355, 18490 : soft, dénué de discernement. [ratirier], v. fr., 2395 : restaurer. [ravaler], v. pron., 3318 : redescendre. ravine, sf. (de tel —), loc. adv., 1003, 12317, (par tel —) 13475 : avec une telle violence. [raviner], v. intr., 4544, 12006 : tomber, se précipiter ;
17105 : voguer à vive allure. [ravir], v. tr., 2799, 6949, 18417 : séparer.
GLOSSAIRE
1165
raviser, v. fr., 1112, 1349, 1435, 2420, 3853 etc. : reconnattre ; pron., 6875 : se ressaisir. ravoi, sm., 10162 : ravine, torrent.
reançon, sf, 9364 : rançon ; 11457, 14562 : possibilité d'en réchapper ; (sanz —), loc. adv., 3793, 15074 : sans possibilité d'en réchapper. recelee, (en —), loc. adv., 7448, 10289, 13167, 16039 : discrètement, secrètement ; 12802 : en tête à tête. [rechaner], v. intr., 4547, 8528 : pousser des cris stridents
rappelant le braiement de l'âne ; [rechenner], 8436: braire. [rechignier], v. tr., 14084, 19399 : montrer (les dents) d’un air agressif ; abs., 8960 : montrer les dents. reçoivre, v. tr., 3383 : recevoir, accueillir. reconter, v. fr., 1335, 3886, 14286, 17632, 18663 : rapporter, raconter ; 2681 : voir note corr.
[recoper], v. tr., 1034 : couper, rogner. recorder,
v. ftr., 8448 : réciter ; 9497 : confesser ; 9638,
11563, 16466 : rapporter, raconter. [recorre], v. intr., 6153 : s’élancer à nouveau ; voir corre. reco(u)vrer, v. f7., 1319, 1453, 3823, 3928, 5502, 13630: retrouver, faire revenir ; 10728, 13876 : s'emparer de ;
8518 : tirer d’une difficulté, d'un danger ; sm., 890: recours. reco(u)vrier, sm., 212, 5121 : remède, recours. [recreander], v. intr., 6121 : se déclarer vaincu, se rendre. recreant, adj. v., 365, 18410, 18864 : lâche ; 3570, 7573, 7995, 8036, 8112, 19340 : qui se déclare vaincu, qui se rend ; fere — ggn, loc. v., 3050, 5266, 8079, 9176, 9267, 12596, 12681, 13552 : vaincre.
1166
GLOSSAIRE
[recroire], v. tr., 2256, 4627, 8306 : forcerà s’avouer vaincu, vaincre. [recueillir], v. tr., 2240, 3838 : ramasser, s'emparer de ê 15547, 19050 : accueillir. redevans, adj. v., 19347 : redevable. redo(u}r, sm., (de grant —), loc. adv., 9905 : avec une grande
rapidité ; (de tel —-) 13481 : avec une telle violence ; voir note COTr. redoutant, adj. v., 16349 : redoutable. redouter, v. fr., 2971, 18529 : être en proie
à de vives
inquiétudes pour qqn ou qqch ; pron., 4130 : craindre ; part. pas., 1275 etc. : craint, redouté, redoutable. referir, v. intr., 9399, 13619, 19477 : frapper à nouveau ; pron., 12377 : s'élancer à nouveau. [reflamboier], v. intr., 2273, 8386, 9391, 19971 : jeter de vifs
éclats, resplendir. [refraindre], v. pron., 6053 : réfréner ses ardeurs, s’apaiser. refrait, sm., 13005 : vivres qui se mangent avec du pain. [refuïr], v. intr., 15473 : se réfugier. refusee, sf., (sanz —), loc. adv., 7163 : de bonne grâce. refus(s)er, v. tr., 1699, 12703 : contrarier, faire obstacle à ;
5855, 8728, 17730 : repousser. [regeter], v. tr., 11997, 12831, 12851 : jeter à nouveau.
regne/ regné, sm., 25, 1983, 2072 etc. : royaume. regort, sm., 15415 : petit détroit, petit golfe. reison, sf, 3483 : voir note corr. et reson. rehaitier/ rehetier, v. tr., 3251, 3643, 4417 : réconforter,
rassurer ; pron., 4372, 17484 : se rassurer. [relenquir], v. tr., 1363, 5213, 11118, 11317, 11350, 14617 : renier, abjurer.
GLOSSAIRE
1167
remaindre, v. intr., 163, 278, 391, 1035, 2035 etc. : rester, demeurer (dans un lieu ou une situation) ; 2863, 12963 : cesser, s’interrompre ; 12366, 19162, 20015: rester en arrière ; 18099 : rester vivant, survivre ; imp., 296, 19582 : ne pas se faire, ne pas avoir lieu. [remembrer], v. pron., 3889, 8742 : se souvenir, se rappeler ; imp., 9764 : revenir à la mémoire. remenant/ remanans, s., 2591 : le reste, le restant ; 1527,
5254, 5677, 12425, 13747, 15254 : ceux qui restent, les survivants ; (de —), loc. adv., 5174 : de reste. [remener], v. tr., 9254, 15766 : ramener. remonter, v. fr., 3806, 12055, 12481, 19143 : remettre en selle ; intr., 3299 : se remettre en selle.
remuant, adj. v., 7717 : ardent, vif. remuans, part. prés., 10539 : voir note corr. [remuer], v. tr, 5878, 17347, 17351 : changer, modifier ; intr., 6587 : être troublé, bouleversé ; pron., 3322 : voir note COrr.
renc, sm., 12409, 16881, 19915 : rangées de combattants. rengier,
v. fr., 12886 : mettre en rangs ; part. pas., 709, 12222, 13725 : en rangs. renmailloler, v. fr., 55 : remmailloter. renoier, v. fr., 5376, 6925, 17755, 19746 : renier ; part. pas.,
9141 : traître, faux. renon, 577., 16655, 19546 : nouvelle. [renoncier], v. fr., 18640 : voir note corr. reno(n)mee, sf., 7159 : annonce de la venue ; 6640, 7323, 11874, 16183 :bruit, nouvelle ; 12048, 13044 : valeur ; (de
—), loc. adj., 6628, 17332, (de moult grant —) 10420, 12791, 15752 : réputé, de (très) grande valeur. [renteser], v. tr., 9455 : brandir à nouveau.
1168
GLOSSAIRE
repaire, sm., 12063 : demeure, séjour. repairier/ reperier, v. intr., 1766 : demeurer, séjourner ; 3351, 4673, 7122, 7192, 7223 etc. : revenir ; 4635, 14181 : tomber ; 5197, 16748 : s’allier avec qqn, renouer une alliance avec ; 9141, 9941 : retourner ; 9850 : faire un pas en arrière, reculer ; — arriere 5526, 5651, 14057, 14655 :
s’en retourner ; pron., 8227 : revenir (sur ses pas) ; (a bien est reperiez) 14095 : i! annonce un heureux retournement de situation ; sm., 3344, 4065, 4086, 15730, 18212 : retour. [replanir], v. tr., 19048 : rassasier. [repondre], v. pron., 3463, 7772, 18088, 18134, 18282 : se cacher. reposer, v. intr., 21 etc. : être en repos, en paix. reprouchon, 5f., 3487 : reproche, blâme. reprouvee, sf, 15758 : reproche, blâme.
[reprouver], v. fr., 6213 : lancer en reproche (à qqn). reprouvier, sm., 963 : action blâmable, déshonorante. reprovier, sm., 4409 : action blâmable, déshonorante ;
11341 : reproche, déshonneur. [requerre], v. tr., 4054, 5383, 9635 etc. : demander (qqch) ; 4606, 7845, 8736 etc. : prier (qqn) ; 5468, 7952 : chercher
avec succès, trouver ; pron., 13658 : s'attaquer l’un l’autre. res, (res a —), loc. adv., 19601 : fout contre, tout près. resachier, v. fr., 19974 : dégainer, brandir à nouveau ; sm.,
9458 : action de brandir à nouveau. [res(s)aillir], v. intr., 13493, 15612, remettre debout.
19960: se relever, se
resaner, v. #7, 18809 : remettre sur pied, guérir ; pron., 12641 : se soigner.
GLOSSAIRE
1169
resbaudir, v. tr, 3604: ranimer l'ardeur, courage. [resclarcir], v. tr., 18432 : rendre la vue. rescourre, [rescrier], resne, 5f., resnier, v.
redonner
du
v. {7., 2491, 3799, 15141, 16189, 16740 : sauver. v. tr., 18409 : appeler à nouveau. 2164, 16791, 19954, 19996 : rêne. fr., 6486, 10447, 14653, 15375 : parler.
resoignier, v. fr., 3532, 4322, 5509, 5683, 6055, 6068, 8132, 16702, 18181 : craindre, redouter ; part. pas., 8858 : redoutable. reson, 5f., 1679, 4087, 7847 etc. : raison ; 1709, 2904, 4685,
7475, 7806, 10685, 10797, 11047, 11391, 11461, 11883, 13441, 13814, 13882, 14641, 14945, 16026, 16203, 16517, 17331 : discours ; 2888, 3929, 5686, 7608, 18643: ce qu'on pense, avis ; 9952 : formules magiques ; (n’est — que...), loc. imp., 19228 : il ne serait pas légitime que... ; metre a —, loc. v., 1051, 1131, 3431, 3474, 4069, 6178, 7139,
10275,
16441,
16522,
19662 : adresser la parole,
engager le dialogue, dire, demander ; (a —) 3483 : en s'adressant à vous, en vous interrogeant ; (tout par —), loc. adv., 2909 : comme il était légitime. resonner, v. intr., 9566 : parler.
res(s)ortir, v. intr., 3615, 4599, 7249, 10336, 12457 : reculer, se retirer, s'enfuir. | respassement, sm”., 1384 : rétablissement, retour à la santé. respasser, v. intr., 1451, 2076: se rétablir, recouvrer la
santé, guérir. [resperir], intr., 14805 : retrouver ses esprits. respit, sm., 5286 etc. : répit, délai. respitement, sm., (que de la mort aie —) 16993 : qu’on m'épargne la mort.
1170
GLOSSAIRE
respit(ier, v. fr, 4972, 6825, 7035, 9135, 12195, 15274, 16377, 19328 : garantir, épargner, sauver ; 11892, 13825 : différer, éviter ; pron., 18913 : se sauver ; part. pas. 9660 : épargné, à qui on a fait grâce. [resquiper], v. intr., 2389, 9102 : reprendre la mer. ressoignans, adj. v., 9803 : redoutable. [restorer], v. fr., 14830 : combler. restraint, part. pas., 9883 : serrés l’un contre l'autre, en rangs serrés. [resvigourer], v. tr., 12454 : redonner de la vigueur (à qqn). retenir, v. fr., 2625, 3195, 4980, 5016 : engager, enrôler ; 3837 : s'emparer de ; 12575 : tenir à nouveau ; 11261,
16048, 17871, 18352, 19292 : faire prisonnier ; 14142: pourvoir aux besoins de. [retinter], v. fr., 503 : faire retentir.
retour, sm., (sanz nul —), loc. adv., 405 : sans remède. reto(u)rnee, sf, 11877, 14942, 14962 : retour. [retraire], v. fr., 2505, 14988 : faire rentrer au camp ; intr., 7750 : battre en retraite, rentrer au camp ; pron., 2860 : même sens ; 9938, 10679 : reculer. retrait, sm., 2859 : retraite ; 18037 : action de retirer (un nouveau-né à sa mère). [retuer], v. tr., 18407 : tuer à nouveau. [reüser], v. pron., 18347 : s'éloigner, reculer.
revage, sm., 7609 : rivage. revel, sm., 860 : violence. revenir, v. intr., 8669 : retrouver ses esprits ; sm., (au —), loc. adv., 517 : de retour à elle ; 12242 : au retour. [reversser], v. tr., 3580 : renverser de son côté.
GLOSSAIRE
1171
[revertir], v. intr., 2490, 5217, 7148, 11295, 15343, 19706 : retourner, revenir ; 19502 : revenir (au dieu que l’on a renié). [revesquir], v. intr., 3590 : ressusciter. [revestir], v. tr., 8002, 17232, 17883 : mettre en posssession, investir. revider, v. fr., 51 : visiter, rendre visite.
riant, adj. v., 17194 : gaie, enjouée. riber, v. tr., 1581 : combattre.
richeté, sf, 1819 : noblesse ; 4948, 17968, 19101 : richesses, biens ; 10150, 14147 : luxe, magnificence, somptuosité. richoise, sf, 2918, 13250, 17227, 18396 : biens, richesses. rien, 5f, 13870 : chose. riens, sf, 540 etc. : rien ; 1466 etc. : chose ; 6341, 14827,
14943 : créature ; (— nule) 1383 etc. : quelque chose, quoi que ce soit que ce soit ris, sm. 1305, robe, sf., 555,
; (de —), loc. adv., 5933 etc. : en rien, en quoi ; adv., 15152 : nullement, aucunement. 4045, 5221, 15128 : rire. 17592 : vêtement, habit.
rober, v. fr., 2584, 5047, 6565, 8980, 13206, 15664, 16036 : voler, dérober, enlever ; intr., 16345, 16871 : voler, agir en voleur. roberie, s5f., 8848 : vol, rapine. roe, sf, 14499 : roue. roee, sf., (a la —), loc. adv., 2162 : à la ronde.
roidde, adj., 3274 : rapide. roidement, adv., 11718, 12006, 19473 : brutalement. roion, s., 16504, 19667 : royaume. roiste, adj., 12942 : raide. roit, adj., 1022, 1031, 1055, 2835, 3279, 3574, 3768, 15602, 15953 : ferme, solide.
1172
GLOSSAIRE
[rompre], v. tr., 11958;-16796 : rompre. ronci(n), sm., 530, 1155,-3096, 6947, 8122, 11019, 14592, 14792, 19030 : cheval de somme. ronmans, s"., 2288 : voir roumans. rooignier, v. tr., 2129, 11267, 14677, 15853 : couper, tran-
cher. roolant, part. prés., 2501 : roulant en contrebas.
roon, adj., 632 : aux parois courbes ; 6176, 8343 : de forme arrondie. [ro(u)stir] , v. tr., 6792, 9758 : rôtir, brûler. rouïllier, v. intr., 2055 : regarder avec insistance et étonnement (en roulant des yeux). roumans, 5., 4659 : le roman, par opposition au latin ;
6373 : langues vernaculaires. route, sf., (de —), loc. adv., 1412, 5385 : de suite, d'affilée. rouver, v. {7., 299, 1878, 2745 etc. : demander avec insistan-
ce, supplier, implorer ; 437, 488, 1892 etc. : demander ; 13019 : appeler. royamant, adj. & sm., 1374, 6522, 7735, 7917, 11530, 13831, 14681, 15928, 16315, 17426 : rédempteur. royon, s”., 14644 : voir roion. ru, sm., (a —), loc. adv., 15605, 15810 : à flots.
ruer, p. fr., 19564 :jeter, précipiter ; 10510, 13123, 15818 : asséner ; abs., 1578 : donner des coups. ruis, sm., 8065, 10162 : ruisseau ; (a grant —), loc. adv., 3704,
6133, 15890 : à grands flots, abondamment ; (a —) 7966 : à flots. ruiste, adj., 2249, 5402, 5412, 6084, 9858, 11173, 12421, 15782, 15795, 15796, 15818, 18877 : violent, terrible.
»
GLOSSAIRE
1173
sablon, sm., 613 sablonnier, sm., sablonniere, sf, sachant, adj. v., sage.
: rivage ; 2191 : plaine de sable. 4356, 5658 : plaine de sable. 3597 : plaine de sable. 364, 2621, 3547, 3740, 4176 etc. : instruit,
sachier, v. tr., 2820 : voir note corr. ; 13597, 15823, 19465 : dégainer, tirer ; 13798, 17387 : ôter, retirer ; 16791,
19954 : tirer (les rênes du cheval s’arrêter) ; — a soi 19422 : tirer pas., 19961 : dégainée, nue, prête saf(f}ré, part. pas. adj., 3500, 5315, d’une laque dorée.
pour le faire ralentir ou à soi, s'emparer ; part. à frapper. 5349, 13802 : recouvert
saffre, sm., 5318, 5322 : voir note 5318.
saiete, sf., 7565 : flèche. [saignier], v. tr., 14351 : voir seignier. saillir, v. intr., 629, 1631, 10418 : sortir à vive allure, bondir hors de ; 3148, 3619, 4468, 10406, 12014, 13616 : sauter, bondir ; (- em piez), loc. v., 791, 5912, 8048, 8629, 10314,
16798, (— sus) 7668, 8571, 10675, 10829, 13681, 18421, (— sus ses piés en estant)
12321, (— en estant)
17485 : se
mettre debout ; 1578, 1582, 8374, 11361, 11766, 16965 : s’élancer, se précipiter ; 8825 : survenir ; 9313, 10856, 11323,
11960: sortir, jaillir ; pron.,
10821,
14798 : se
précipiter, s’élancer. sainti, part. pas. adj., 2833 : saints. saintisme, adj., 12078, 14565, 18454 : très saint. sainz, sm., 18051 : cloches. saison, sf. (moult a longue saisons) 16502 : il y a fort longtemps ; voir seson. salu, sm., 796, 15803, 16047 : salut.
1174
GLOSSAIRE
[salver], v. tr., 1207, 4923, 14314, 17277, 18009, 18584: protéger. samis, sm., 15576 : riche étoffe de soie sergée provenant de \ Syrie et d'Asie Mineure. [saouler], v. tr., 13871 : rassasier, combler.
sapinoi, sm., 3270 : lieu planté de sapins. sarrazinois, sm., 1849, 2289 : la langue sarrasine. sarrazinour, adj., 10182 : sarrasin.
sasfrez, part. pas. adj., 13300 : voir saf(fjré. sauvage, adj., 10972 : païenne.
sauvagines, sf, 10042 : gibier. sauvement, adv., 6355, 12876, 14185 : sain et sauf ; (a —),
loc. adv., 5481, 14899, 19159 : sain et sauf. sauver, v. fr., 19342 : laisser sauf. sauveté,
sm.,
(a —), loc. adv., 2106,
7419,
12771,
17075,
18872, 19649 : sain et sauf ; 9360 : en lieu sûr. seant, adj. v., 12365 : bien située. seaus, sm., 671 : sceaux.
secourance, sf, 11062 : secours. secré, adj., 8580 : discret. secreement, adv., 5134 : discrètement, à voix basse ; 14907 : secrètement. secroi, s., (en —), loc. adv., 3981 : en secret. secroiement, adv., 4736 : secrètement. [seeler], v. tr., 14281 : sceller ; part. pas., 8520 : contenu ;
9897 : serti ; 14517 : scellées. segnorie, sf, 63 : terre seigneuriale segnoris, part. pas. adj., 343, 1497, seigneuri, adj., 655, 2120 : riche ; noble ; 10909 : précieuse ; 15701
; 105 : voir seigneurie. 2034 : puissant, noble. 1148, 2781, 2812 ec. : : gracieux.
GLOSSAIRE
1175
seigneurie, 5f., 561 : richesse ; 1102, 14631 : autorité seigneuriale, domination ; 1260, 11687. 17566 : noblesse ; 8027, 13312, 13779 : puissance ; 8863, 10913, 17891,
18624 : terre seigneuriale ; 14025 : valeur ; (par moult grant —), loc. adv., 17885 : de manière solennelle. seignier, v. fr., 8246, 9255, 16084, 17845, 17930 : bénir, faire
le signe de croix sur ggn (pour le recommander à Dieu) ou gqch ; pron., 5534, 10228, 10250, 11048, 12146, 12163, 13423,
16175,
16534,
18150,
18720 : se signer ; sm.,
12145 : signe de la croix. seignorage, s1., 13310 : valeur.
seignoraus, adj., 9915 : seigneurial. [seignorir], v. tr., 1927 : traiter en seigneur, honorer. seignorie, part. pas. adj., 1804 : voir segnoris. seignorie, sf, 14016, 17882, 18635 : voir seigneurie. seignouri, part. pas. adj., 645, 7481 : voir segnoris. sejour, sm., (ne repos ne —) 395 : repos ; (a —), loc. adv. 388 : en repos, en paix ; (sanz —) 14344 : sans tarder, surle-champ ; fere —, loc. v., 101, 399 : farder. sejo(u)rner v. intr. 7, 180, 674 etc.: rester
en
un
lieu,
séjourner, résider, s'établir ; 10619 : prendre du repos, se reposer ;
10641,
19122 : rester,
demeurer
dans
une
situation donnée ; 18733 : s'arrêter ; pron. 1202 : s’arréter, faire une pause ; part. pas. 2070, 2422, 18300 : reposé, frais, dispos. sel, encl., 4481, 7240, 7810, 9299 : si le ; 5077 : se il ; 10214, 16532, 17416 : se le. selonc, prép., 9395, 12029 : tout le long de ; 10114: en raison de ; 14412 : fout près, tout contre ; 19043 : à proportion de ; 19722 : conformément à ; (- le mien penssé) 1290, 8576, 15989, 16471, 18614, (- le mien avis)
1176
GLOSSAIRE
1925, 5234, (- mon escïent) 6911, 12194, 12573, (-le mien
pensser) 7835, 9694; 18976, (— le mien cuidier) 9945, 10583, 16703, 16842 : à mon avis. | semblant, sm., 8062, 9294, 12567, 12877, 14183, 17722: avis ; 7921, 9715, 17430, 19395 : apparence ; 16594, 17602 : mine, physionomie ; fere —, loc. v., 1604, 3251 : laisser paraître (un sentiment) ; 3324, 4386, 4396, 10022,
18788 : faire semblant, faire comme si ; moustrer — 14621, 15401 :laisser paraître (un sentiment) ; 18861 : faire mine. [semondre], v. tr., 5457 : voir note corr. ; 17345 : convoquer. sen, sm. : bon sens ; issir du —, loc. v., 4479 : devenir fou,
perdre la raison. sené, adj, 144, 1530, 1988, 3012, 3326 etc. : sage, sensé ; ! (gent mal senee), périphrase, 11768, 13170, 13756, 14818 :
les paiens. sens, s1., 1388, 9983, 17878 : sagesse, prudence, sagacité, entendement ; 19068 : raison, bon sens ; 1997, 5735, 6189,
6240, 8467, 9101, 10106, 10572, 12867, 12976, 17870, 18163, 18515, 19175, 19287 : intelligence, talent, aptitude, capacité ; 12738 : action sensée ; (par —), loc. adv., 727, 2755 : avec bon sens. senssis, adj., 8017 : sensé.
sentines, sf, 8927 : bateaux proches du chaland. sentir, v. tr, 13608, 15813, 15832 : atteindre.
sequourre, y. fr., 793, 1396, 2900, 4738, 4745, 4757, 5420, 6905, 7102, 9823, 12039, 13001, 14162, 14278, 14828: secourir. seoir, v. intr., 2677, 19350 : s’assoir ; 3737, 17520, 18149 : être assis ; 7920, 9705, 17428 : être situé, se trouver dans
une position.
GLOSSAIRE
1177
seri, adj., 2268, 2944, 6317, 6332, 7259, 11012, 11034, 14588, 14263, 16451, 18154, 18168 : tranquille, calme ; 8864, 14627 : basse ; adv., 643 : harmonieusement. serjant, sm., 1228 : jeune enfant ; 1779, 3035, 4036 etc. : serviteur ; 3546, 4348, 9114, 14918, 16289, 16569, 16951, 17064,
17519,
17987,
18187,
18701 : homme
d'armes,
homme de troupe à pied. sermon, s"1., 8356 : discours ; (sanz lonc sermons), loc. ady.,
16670 : sans perdre de temps en vaines paroles, sans tarder. sermonner, v. fr., 484 : parler, discourir. serourge, sm., 16770, 16923, 16926, 16929 : beau-frère. serpent, sf., 15724 : serpent. serree, adj., 6624 : noire, profonde (en parlant de la nuit).
. serreement, adv., 3561 : en rangs serrés. [serrer], v. fr., 948, 12346, 17163 : presser, appuyer (contre) ; intr., 9883 : se trouver près l’un de l’autre ; part. pas., 709, 4395, 4498 efc.: en rangs serrés ; 10838,
13132 : fermement fixé sur la tête. servage, sm., 17615 : obligation, devoir. service, sm., 155, 1460, 19634 : office religieux,
messe ;
4166, 4990 : service féodal ; 8578 : mérite. servir, v. #r., 2006 etc. : rendre les devoirs d’un vassal ; 3144, 3277, 3962 etc. : faire des honneurs, faire bon
accueil (à qqn) ; 19043 : agir, se comporter. ses, encl., 7139, 16589 : si les. seson, sf, 281 : saison ; (moult a longuc —) 639 : il y a fort longtemps. seuglement, adv., 13855 : seulement.
. seule, adÿj., 9209 : déserte, inhabitée.
1178
GLOSSAIRE
seulement/ seulemant, adv., (tout —), loc. adv., 19174 : tout seul ; (tant —) 939 : même sens ; 16408 : seulement.
seulti, adj. & sm., 1154, 4796, 17869, 19045, 19489 : subtil, rusé, astucieux ; 2032, 4051 :subtil, prudent, fin ; voir note
1154. seultiment, adv., 10131 : subtilement, de manière astucieuse, rusée. seürement, adv., 1254 : paisiblement ; 14904 : en sécurité. seurmonter, v. fr., 11235 : surpasser ; voir [sourmonter].
seürté, sf., 2411, 10111, 10657, 14242 : foi, confiance ; 5277, 5283 : assurance, garantie ; (a —), loc. adv., 3065, 5873 :
en sécurité ; 6398 : en confiance. seurveïr, v. fr., 19097 : surveiller, observer.
seutilleté, sf, 10110, 10650 : finesse. sevrer, v. intr., 1269, 2305, 2761, 4809, 5774 etc. : se séparer (de), s'éloigner (de), quitter, partir ; tr., 3181, 8894, 11079, 11132, 13618, 18844, 19603 : séparer, couper, disjoindre ;
15590, 19994 : fendre. seÿn, sm., 17009 : lien.
si, adv., 1036, 1093, 1372 etc. : ainsi, de cette manière ; —
que(s), loc. prép., 858, 2206 : jusque ; (— que), loc. conj. 313, 598, 842 etc. : de telle manière que, si bien que ; 2052, 4675, 6276, 18298 : au moment où, alors que ; 12240 : ainsi que, comme. siecle, sm., 4, 3882, 5588, 8763, 8922 : monde terrestre, ici-
bas ; 171, 1515, 8765 : état séculier ; 2964, 8497 : l’ensemble des hommes. sien, sm., 16709 : son bien. sifait/ sifet, adj., 8420, 9561, 10996, 11197, 16665, 18960, 19505 : qui est de telle sorte, tel, pareil.
GLOSSAIRE
1179
sifaitement, adv., 4168, 4782, 7534, 10010, 12373, 13843, 15002 : ainsi, de cette manière. sigle, sm., 451, 1184, 2160, 2389, 2560 etc. : voile de bateau.
siglier, v. intr., 448, 583, 1328, 2390, 2551 erc. : cingler. simple, adj., 3979 : discret, réservé. simplement, adv., 10570 : avec douceur, affabilité. [sivre], v. tr., 980, 2816, 4427, 6029 : suivre, poursuivre. sitost, adv., 1968 : aussitôt. so(u)ef, adv., 1669, 2022, 5082 : avec douceur, avec affection.
sofisaument, adv., 2590 : à notre faim. so(u)frir, v. tr., 3617, 4475, 4595, 7606, 8988 : tenir bon contre, résister à ; 6764, 6769, 8244, 9519, 13391, 14370, 15145, 15909 : tolérer, permettre ; pron., 7851, 19858 : se
montrer patient. [soier], v. tr., 1034 : couper, scier.
soignant, sf, 4937 : concubine. [soudre], v. tr., 770 : payer. solipnement, adv., 155 : solennellement. [soloir], v. fr., 224 : voir souloir. solz, sm., 18966 : monnaie de valeur fixe, d'argent ou de cuivre. somiers, s., 15381 : voir somniers. son, sm., (en —), loc. adv., 3804, 18453 : sur le dessus (du heaume, du cheval) ; 7228, 12066, 14569 : en haut ; (du
chief si ques en sson) 14642 : d’un bout à l’autre. [soner], v. fr., 19594 : dire. songier, v. tr., 6271 etc. : voir en songe, se figurer ; intr., 6264 etc. : faire des songes, rêver. sonmes, sf., 15382 : coffres que l’on met sur le dos des bêtes de somme. sonmiers, sm., 19100 : chevaux de charge.
1180
GLOSSAIRE
sort, sm., 196, 201, 6715, 6722, 6731, 6743, 6746, 11329, 11459, 19358 : artifice par lequel un devin consulte les. sorts, pratiques divinatoires ; 6775, 6816, 11161 : prédiction ; 9099, 10243, 10384, 13022 : artifice de sorcier, charme, incantfation. [sortir], v. tr., 639, 6713, 6817, 11136, 13324, 13511, 19356 :
trouver dans les sorts, prédire. sotie, sf, 13788 : softise. soudees, sf. 2650 : salaire, solde.
soudiant, adj. & sm., 1622, 1627, 1639, 2286, 3699 etc. : trompeur, traître. soudoier, sm., 2351, 2750, 2890, 2902, 3097 etc. : homme d'armes, soldat, mercenaire.
soufisant, adj. v., 12207 : approprié. [soufraindre], v. tr., 6054 : tourmenter.
soulacier, v. pron., 5126 ; intr., 5906 : prendre du plaisir. [souloir], v. tr., 1448, 1467, 4760, 11311, 14256, 14631 : avoir coutume de. soupeçon, sm., 132, 3486 : crainte ; estre en — de, loc. v.,
3798, 14645 : être inquiet au sujet de. [soupeçonner], v. intr., 7891 : être inquiet. [souprendre], v. tr., 3391, 14764, 15145, encercler. [souploier], v. intr., 6518 : être soumis à.
18350 : prendre,
sourcuidee, adj., 2159 : arrogante, présomptueuse. [sourdre], v. imp., (sourt) 11008 : arriver, survenir. sourgon, sm., 10161 : source. [sourmonter], v. intr., 16644 : s'élever, accéder à un rang
élevé. souroré, adj., 19937 : doré.
GLOSSAIRE
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[sourvenir], v. intr., 912, 4449, 5522 etc. : arriver à vive allure. soussi, sm., estre en —, loc. adv., 11357, 15702 : être inquiet. [soussier], v. pron., 2989 : s'inquiéter. [soustoitier], v. tr., 16762 : offrir l'hospitalité, héberger.
soutis, adj., 253 : faits avec art. souvenant, adj. v., 7909 : qui se souvient. souvente, adj., (— foiz), loc. adv., 961, 5458 : à plusieurs
reprises. souvin, adj., 1721, 4562, 9865, 10854, 11765, 18938, 19492 : jeté en arrière, à la renverse. [souviner], v. intr., 1725 : tomber à la renverse ; tr., 4509 :
jeter à la renverse. subgis, part. pas., 248 : souris. sulent, adj., 8598 : trempé de sueur.
suppellatis, adj., 7000, 10884 : qui est au-dessus de tout. surrection, sf, 18652 : résurrection. sus, prép., 27 etc. : sur, au dessus de ; 116 etc. : en haut de ; 283, 366, 382 etc. : contre ; 1178, 11602 : vers ; 18120 : sous peine de ; adv., 5188 etc. : en haut, au dessus ; (soi) lever — 160, 9632, 17505 : se mettre debout ; relever — 7571, 13646, 14966 : remettre debout. susciter, v. intr., 19363, 19783 : ressusciter.
syglaton, sm., 631 : manteau taillé dans une riche étoffe d’origine orientale ornée de médaillons.
taborie, sf, 801 : vacarme, tapage. tafure, adj., 12477 : sarrasine.
taint, adj., 6193, 6919, 8632, 11981, 13188, 15143 : qui a changé de couleur ; sm., 12383 : peinture.
1182
GLOSSAIRE
taions, sm., 6313, 6555, 9577, 17511 : aïeul, grand-père. talent, sm., 1379, 1742, 4040, 5053, 5407 etc. : envie, désir ;
5135: désir amoureux, amour ; (De prendre Orenge n’avrez ja mes — !) 757 : je vais vous faire passer l'envie de vous emparer d'Orange ! ; (s’il vous vient a —) 1242, 1377, 11699, 12864, 16546, 16991 : si vous le désirez; (Mon cors meïsmes est tout a vo —) 1750 : je suis entièrement soumise à vos désirs ; (de mon cors feront a leur —) 6912 : ils feront de moi ce qu'il leur plaira. talentis, adj., 18923 : désireux, empressé.
tamaint, dét., 210 : maints. tans, sm., 19356 : temps ; (a —), loc. adv., 7125 : à temps, assez vite ; (moult petit de —) 9795 : très peu de temps ; (en brief —) 9805 : bientôt, dans un bref délai ; (nul —) 19343 : jamais ; voir temps. tant, adj., 12948 : d'aussi grandes ; pron., (ne — ne quant),
loc. adv., 1252,
1288, 3724, 5461, 7739, 9297, 11333,
12200, 15104, 19390 : ni peu ni prou ; adv., 484 etc. : si ; — seulement, loc. adv., 939, 16407 : seulement, en tout et
pour tout ; de — 7662, 8515, 10264, 10318, 15050, 16148 : tellement ; — que, loc. conj., 8 etc. : jusqu’à ce que, le temps que ; 21 etc. : tant que, aussi longtemps que ; —- com 239 etc. : aussi longtemps que ; 16409 : aussi loin que ; po(u)r — que + subj. 2751, 7909, 10166 : pour autant que, st toutefois ; en — que 2090 : pendant que. tantost, adv., 40, 52, 823 etc. : aussitôt ; (— que), loc. con).,
10638 : dès que. tapi, adv., 19016 : secrètement. [tapiner], v. tr., 10511 : frapper, voir note corr.
GLOSSAIRE
1183
targe, sf. 841, 2451, 4575, 10671, 19968 : petit bouclier réservé au combat corps à corps ; fixé au bras entre l'épaule et le coude, il permet de dévier les coups. targier, v. pron., 318, 1182, 2010, 3648, 4243 etc. : tarder. tart, adv., 2741 : trop tard ; (a —), loc. adv., 4846, 15493 :
trop tard. [taster], v. tr., 5433, 9344, 12322, 13468, 15789, 15873: toucher, atteindre de ses coups. tele, sf., 5496, 8388, 10802, 11739, 12472, 15856, 19962 : un tel coup ; 15208 : une telle chose, une telle nouvelle. telement,
adv.,
7912,
9660,
11803
erc. : ainsi,
de
cette
manière ; 9287 : de même, pareillement. tempest, s1., 13097 : vacarme.
tempeste, sf, 8965 : tempête ; sm. 10411 : vacarme. tempesté, sf. 8925 : tempête ; 10486 : vacarme. tempré, part. pas., 2157 : en acier trempé ; 3502, 12254, 13128 : trempé. tempré, part. pas. adj., 18504, 18611 : tempéré, favorable. temps, sm, 787, 2409, 3042, 3924, 5299 etc. : temps de vie,
vie ; (par —), loc. adv., 17258,
18160,
18231,
18712 :
bientôt ; (a —) 6089, 14357, 14608 : à point nommé ; (nul —) 17687 : jamais. tenant, adj. v., 16487, 16580, 19351 : qui tient, qui possède ; 10001, 12332, 13462 : résistant, solide ; sm., (en un —), loc. adv., 1229 : d’une traite, sans interruption. tencier, v. tr., 1719 : discuter (avec) ; intr., 4400 : pousser des cris de guerre ; (sanz —), loc. adv., 5764, 12924, 17380 : avec affabilité, courtoisement.
tençon, 5f., 7614 : bataille ; (sanz —), loc. adv., 1010, 2903 : doucement, courtoisement.
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GLOSSAIRE
tendre, v. tr., 2506 etc. : monter, dresser ; 3789, 7769 : se diriger, être porté vers ; 7761: jeter ; 8896, 14555 : bander ; pron., 11937 : se porter vers. tenir, v. tr., 99, 234, 244, 301, 307 etc. : posséder ; 1079, 5778, 19659 : observer fidèlement ; 3201, 3832 : diriger ; 3369 : retenir, retarder ; 12148: maîtriser ; 11311 : considérer ; pron., 428, 8380, 9317 etc. : se considérer;
14595 : résister. tenrour, sf, 387 : tendresse, affection. tenrrement, adv., 19611 : tendrement, avec attendrissement.
tenssement, sm. : défense, protection, secours ; 16418 : vie sauve. tensser, v. fr., 891, 1018, 2356, 2741, 2774 etc. : protéger ; pron., 676, 2741, 12904, 14275, 18980, 18986 : se protéger, se mettre à l'abri. tentie, sf. 832 : sonorité. tentir, v. intr., 4445, 18737 : sonner,
résonner ; 11983 :
retentir ; tr., 16950 : faire résonner. terme, sm., 8 : terme de la grossesse ; 2973, 5532, 7110 etc. : moment ; 15124 : délai; porter son —, loc. v., 18525 : mener sa grossesse à terme ; (a brief —), loc. adv., 436 etc., (a court —-) 1045 efc., (a poi de —) 2876 etc., (en brief —)
7334 : dans peu de temps, dans un bref délai ; (a moult court —) 579 : même sens ; (ainz lonc — passant) 1230, (ainz
lonc — passé) 5901 : même sens ; (moult grant —) 5009 : pendant longtemps ; (au chief du —) 6586, 18028 : au terme de ce délai. termine, sf, 22, 6490, 17629 : époque, moment ; (a brief —), loc. adv., 3259, 4055, 9824, 13514, 16152, 18122 ; (a court —) 9665 : dans peu de temps ; (lonc -) 4824 : longtemps. terré, sm., 16831 : pays, région.
GLOSSAIRE
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terree, sf, 12797 : terre, sol. terreour, sm, 380 : ferres, domaines. terrier, sm., 16680 : terres.
testeletes, 5f., 8961 : petites têtes. [timonner], v. fr., 3515 : éperonner, aiguillonner. timonnier, sm., 9947, 10586, 18197 : rimonier, celui qui tient
la barre de gouvernail. tirant, s., 7120, 16884 : voir tyrant. tolir, v. tr., 805, 2584, 3188, 6700, 15512 etc. : ôter, ravir. ton, sm., (a bas —), loc. adv., 129 etc. : à voix basse ; (a haut —) 949 etc., (a cler —) 979 : à haute voix. to(u)rment, sm., metre a —, loc. v., 5483, 16609 : mettre à mal ; livrer a — 13553 : torturer. torssis, sm., 10556, 12653 : torche, flambeau. tortis, sm., 612 : torches, flambeaux. tost, adv., 289, 449, 474, 541, 552 etc. : vite, rapidement, sans tarder ; (si — que), loc. conj., 3216, 5776, 6649 etc. :
dès que. _touailles, sf, 10168 : serviettes. toudis, adv., 1479 : toujours. tour, sm., 2222, 9183 : moyen, expédient ; 5425, 5430 : volte ; 9959 : situation. tourmente, sf., 78, 8971, 10394, 14374 : tempête. tourmenter, v. intr., 4857, 6350, 9487, 8909, 9487, 10249 : être agitée par une tempête ; tr., 6945, 6965, 11273, 14822, 14836, 14992, 18105, 18499 : maltraiter, torturer ; 9089 :
faire s'agiter. tourneïs, adj., 9000, 9052, 12067 : tournant ; voir note 9000. tournele, sf, 3212, 4843, 9901, 10397, 10425, 12065, 13074, 16021 : tour, tourelle.
1186
GLOSSAIRE
tourner, v. pron., 559, 882, 1313 etc. : s’en aller ; intr., 53% dévier ; 870, 892 : s’en aller ; 2559 : aller, se rendre ; — arrier, loc. v., 2251 : s’en retourner ; — au deseure, 2313 : remporter la victoire ; tr., 2128 : voir note corr. ; 2406, 2471, 2571 etc. : diriger. tout, adv., — po(u)r 172, 523, 1508, 1827, 3240 etc. : renforce
la préposition por ; (del — en —), loc. adv., 5867, (du —) 7483, 8283, 11164 etc., (del —) 11170, 11466, 14712 : complètement, intégralement. traïn, sm., 4559, 7085 : massacre.
traïnans, adj. v., 19345 : pourvus d’une traîne. [traïner], v. tr., 6792, 10094, 12243, 12510 : faire traîner par un cheval.
traire/ trere, v. 17., 618, 5801, 6892, 9792, 9970, 13010, 16567 : faire sortir, tirer de ; 3161, 5653, 9318, 13543 : dégainer,
tirer hors du fourreau ; 4017,
17434 : attirer ;
6668, 8811 : lever (l'ancre) ; 9115, 17159 : tirer ; 12337 : lancer ; 15901 : viser ; — a la mort, Loc. v., 2857 : tuer ; abs., 1564, 8890, 9117, 9272, 11088, 12467, 12950, 16390, 16715, 16939, 20058 : tirer (des traits) ; pron., 2, 168, 11941 : venir ; soi — arrier, loc. v., 5511, 13575 : reculer ;
intr. 16685 : se diriger. traïteur, sm., 5598, 8469, 14231 etc. ; traïtour, 409, 2307, 14570 : traître.
traïtrement, adv., 16417 : en prenant en traître, perfidement. traïtreusement, adv., 15876 : perfidement. [trametre], v. tr., 13921 : transmettre.
travaill, sm., 1422 etc. : tourment, peine. travaillié, part. pas., 7570 : voir traveillier. traveillier, v. tr., 5125 : maltraiter ; 12101 : déranger ; intr.,
6265, 7894, 14075 etc. : être tourmenté, souffrir ; pron.,
GLOSSAIRE
1187
5648, 5759, 10590, 16975 : se mettre en peine ; part. pas., 110, 10009, 10054 etc. : épuisé. trebuchier, v. tr., 850, 2182, 3579, 3611, 3651 etc. : culbuter,
faire tomber. tref, sm., 616, 2133, 2262 etc. : tente ; 6669 : mât, vergue.
tregeté, part. pas. adj., 3501, 5316 : ciselé. treille, sf., 18152 : grille. trellie, adj., 8389 : pourvue d’un treillis, grillagée. tres, prép., 2191, 3030, 11957, 19933, 19944 : suivi d’une autre préposition, tres est un adverbe de renforcement ; 5065, 12993, 13970 : depuis ; 10034, 14990, 19047 : dès ; (— or mes en avant), loc. adv., 14686 : désormais ; (- que),
loc. conj., 4914, 5312, 14880, 15710, 15707, 16222, 16385, 17138, 19705 : (suivi de l'indicatif) dès que ; 5127 : (suivi
du subjonctif) jusqu'à ce que. [tresaillir], v. intr., 6279 : tressaillir, sursauter. [tresmuer], v. intr., 18223 : être troublé. trespasser, v. intr., 181, 1391, 2268 etc. : s'achever, arriver à son
terme ; 746, 3813, 5045,
12354 : passer ; 1047,
1354, 1400 etc. : mourir ; 1625, 10148, 10667, 19787 : traverser ; 3881 : quitter ; 12170,
17808 : passer outre,
transgresser. trespensser, v. intr., 7938, 9691, 19784 : être plongé dans ses
pensées, préoccupé ; part. pas. adj., 2691, 3306, 6871 etc. : pensif, préoccupé. trespenssis, adj., 7147 : pensif, préoccupé. tresque(s), prép., 1671, 5655 : jusque. tressüer, v. intr., 5409, 8462, 12303, 13456, 19149 : franspirer (sous l’effet d’une émotion, d’un effort) ; part. pas., (d’aïr tout tressüez) 17183 : écumant de colère.
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GLOSSAIRE
[trestourner], v. intr., 15620, 15819 : s’écarter pour esquiver un coup, faire un écart ; 15824 : se retourner pour faire face. trestres, sm., 13119 : tréteaux.
trestout, dét. & pron., 2698, 3030, 3086 erc. : forme renforcée de tout. treüage, sm., 1768, 17612 : voir trieüage. treverssez, part. pas., 13109 : jetés en travers. [tribouler], v. tr., 7324 : maltraiter. trichant, sm., 19176 : fourbe, traître. tricherie, sf., 15374 : ruse, stratagème ; (sanz —), loc. adv., 14059, 18637 : loyalement.
trichier, v. intr., 16871 : tromper. trié, part. pas. adj., 10160 : de la meilleure qualité. trieüage, sm., 564, 1223, 1801, 9208, 17595 : tribut.
trieves, sf., 12640, 12691, 12737, 13284, 15310 : rrêve. triuage, sm., 17634 : voir trieüage. trop, adv., 398 etc. : excessivement, extrêmement.
tropel, sm., 19935, 20004 : troupe. trosne, sm., 6721 : ciel. troton, adv., 2197 : au trot ; (tout le —), loc. adv., 15070 : à
vive allure. trousser,
v. fr., 474 : voir note
corr. ; 5330 : accrocher,
suspendre ; 19030 : charger (une bête de somme).
trouvé, sm., 1640, 1652, 1667, 1732, 2697, 2849, 3235 etc. : enfant trouvé. trouver, v. fr., 1865, 7910, 17513 : inventer ; 11556 : composer ; 5405 : atteindre de ses coups ; (vous soiez bien trouvee !) 1693, 1792, 2322 etc. : vous arrivez à propos, vous tombez bien ! truant, sm., 18297 : crapule, misérable.
GLOSSAIRE
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tuilee, adj., 12225 : couleur de tuile. tymonier, sm., 214, 5189 : voir timonnier.
tyrant, sm., 3586, 3719, 5421 etc. : homme cruel, sanguinaire ; 5474,
15021
: bourreau,
tortionnaire ; adj., 4728,
16957 : cruel, sanguinaire.
u, encl., 12350, 12509 : en le. uis, sm., 1235, 7878, 9791, 10104, 10217 erc. : porte.
uisset, sm., 1298, 10398, 15176 ; usset, 1233 : petite porte, guichet. umelier, v. pron.,
1070, 3228, 10132,
attitude humble et respectueuse, s’incliner, se pencher.
15372 : adopter une
se soumettre ; 4865:
[usler], v. intr., 4702, 7086 ; [uller], 4550 : hurler.
vacant, adj. v., 15029 : oisif. val(Deton, sm., 120, 1277, 1684, 1798 : garçon. valoir, v. fr., 1388 etc. : servir, être utile à ; intr., 8648 :
avoir de la force. vair, sm., 529 : fourrure de l’écureuil du Nord. vaillandie, sf, 14547 : acte de vaillance. vaillant, adj. v., 723, 1193, 2059, 2214, 2510 etc. : doué de grandes qualités, de valeur ; 929 : capable de résistance, puissante ; sm., 1161, 6400, 6940, 9404, 15652, 18418, 18878, 19286 : la valeur de.
vaillissant, sm., 909, 2245, 3817, 4789, 7231, 8991, 11103, 12334, 12938, 15807 : la valeur de. vantage, sm., 3090 : jactance.
1190
GLOSSAIRE
vanter, v. pron., 684 : tirer vanité (de qqch) ; 2732, 3071, 9629 : se faire fort de. varlet, sm., 4167, 5805, 8411, 8411, 9235 etc. : garçon, jeune
homme.
varleton, sm., 7026 : garçon. varllez, sm., 10862 : voir varlet. vassal, sm., 2034, 3271, 3288, 3299, 3379 etc. : jeune homme de naissance noble.
vassaument, adv., 17493 : avec loyauté. vasselage, sm., 5262, 6749, 10976, 13264, 13374 : vaillance,
courage. vaucel, sm., 853, 3132, 3851, 4394, 6033 efc. : vallon. [vaucrer], v. intr., 8966, 14874 : voguer.
vax, sm., (— et mons) 12868 : par monts et par vaux. veautre, sm., 18277, 19791 ; viautre, 18263 : chien courant
spécialisé dans le courre au sanglier. veer, v. tr., 1913, 3084, 11274 : s'opposer à, refuser ; 1553, 1789, 2812, 10698, 12914, 17012 : empêcher ; 10104, 10312, 10726 : interdire. veïr, v. fr., 15172 : voir. veneeur, 5/., 18293 : chasseurs. vengement, s., 760, 3811, 11096,
12189,
12326
etc. :
vengeance. venir, v. {r., 12822 : parvenir ; — sus, loc. v., 11405, 11663, 14132 : marcher sur ; imp., Miex (li) venist (que) 4781, 11210, 11666, 12843, 13144 etc. : il aurait mieux valu (pour lui) que ; (A bien vendra) 9800 : /a situation tournera à notre avantage. venjoison, 5f., 998 : vengeance. venoison, sf, 1427, 2533 : chairs de grand gibier.
GLOSSAIRE
1191
[verdoier], v. tr., 424, 8391, 9747 : être vert ; 8462 : pâlir, devenir blême ; 15519, 16752 : jeter de vifs éclats.
vergoigne, sf, 5418 : honte. vergoignier, v. tr., 4371, 15910 : couvrir de honte, déshono-
rer. vergonder,
v. fr., 3054,
3875,
5103,
8315,
9345,
10645,
11167, 11933, 11996, 12051, 18346, 18821, 18828 : couvrir de honte, déshonorer. verité, sf, 24 etc. : voir verté. verjant, sm., 15035, 15086 : verge. [verroillier], v. tr., 465, 7878, 10429, 14971 : verrouiller. verrois, sm., 13067, 13152 : verrous.
vers, prép., 869 etc. : contre ; 1400 etc. : à l'approche de ; 1908 etc. : envers. verssee, sf, 11742, 12456 : culbute. versser, v. fr., 1721, 5602, 6853, 8537, 8570 etc. : faire tomber, renverser, précipiter ; — jus, loc. v., 2539, 4535, 7461, 10701 : jeter à terre, abattre ; abs., 3232 : servir de l’eau ou du vin ; intr., 5403, 8471, 8422 etc. : tomber. verté, sf, 3848, 3871, 6742, 7849 : nouvelle, information ; 5256, 8290, 18016 : vérité ; (de —), loc. adv., 4487, 6494, 11653 etc., (par —) 4963, 9259, (por —) 8651, 11363, 13322, (pour —) 17457, 19691, (en —) 19605 : en vérité. [vertir], v. intr., 1503, 2227, 2487, 2815, 4792 : se tourner,
se diriger. vertu, 5f., 3165, 3175, 3183, 3426, 5494 etc. : force, puissan-
ce, vigueur, valeur guerrière ; (— nonmcc) 6010, 15747, 7449, 11885, 12763 etc. : puissance divine ; 13965, 15194 : miracles ; (par tel —), loc. adv., 773, (de tel —) 6850, 13066, 15622 : avec une telle vigueur ; (par —) 791, 15901 : vigoureusement ; 2252, 13139 : par la force ; (par granz
1192
vertus) 8905 : avec violemment.
GLOSSAIRE
une grande vigueur ; (a —) 15921 :
vertuage, sm. : force ; (par moult grant —), loc. adv., 4578 : avec une grande vigueur. vertueusement, adv., 15094, 15944 : vigoureusement, violem-
ment. vertueuz, adj., 363 : vigoureux. vesque, sm., 17975 : évêque. vessel, sm., 2306 : vaisseau. veves, adj., 16611 : veuves.
viande, sf, 1170, 3974, 7045, 10202, 10629, 10633, 13013, 14180, 15165, 18698, 19049 : vivres, victuailles. vieutez, sf. 13136 : voir vilté. vif, adj., 239, 260, 982, 1166, 3866 etc. : vivant,
en vie ; 2336, 18345 : vrai ; adv., 1130, 2480, 3346, 5183, 10815, 15142 : voir note 1130.
vilain, adj., 10000 : vil, de basse condition ; 19621
: infâman-
te, ignominieuse. vilainement, adv., 3429, 5455, 7964, 11313, 14703, 15009, 15111 : de manière vile. [vilaner], v. tr., 12052, 13088 : déshonorer. vilanie, sf. 8849, 11046, 15358 : vilenie, mauvais traitement ; tourner a —, loc. v., 2128 : considérer comme vil, honteux.
vilment, adv., 3746, 9725, 15910, 16321, 16412, 16423, 16610, 16929, 17989 : de manière abjecte, vile, cruelle. viltage, sm., 10971 : vilenie. vilté, sm., 8329, 14470, 17367, 17446, 18316 : vilenie, infamie, action vile et basse ; (a duel et a —), loc. adw., 4961, 5782, 7433, 10356, 11176, 11510, 12824, 14976, 15991, 16480, 18890, 18939, 19583 : cruellement ; tenir en - loc. v., 2698 ; avoir en — 6216 : mépriser ; tourner a
GLOSSAIRE
1193
grant — 5856, 7058 : détruire, dévaster ; soi tenir a — 17181 : se mépriser. vir, v. tr., 6021, 10140, 14847, 19216, 19727 : voir. virer, v. pron., 6840 : se diriger. vis, sf., 267, 353, 486 etc. : visage. vis, sm. : avis ; estre— a, loc. v. imp., 3382, 4421, 5031, 6273, 6835, 6853, 18144, 18172, 18914 : être avis, sembler à.
viser, v. 1r., 5026, 6115, 6311, 6842, 9258, 9460, 9705, 9699, 10495, 19107 : voir, remarquer, observer.
visiter, v. tr., 15, 1532, 5590, 12663, 12676, 16165 : veiller sur (qqn). viste, adj., 1631, 12330 : vif. vistement, adv., 1631, 2132, 5041 etc. ; vistemant vite, rapidement.
19408 :
vitaille, 5f., 592, 2525, 2557, 2568, 2588, 2600, 2644, 2657, 2991, 3841, 4821, 4826, 5200, 7319, 7380, 7440, 16696 : victuailles, vivres, provisions de bouche. vivant, sm., 1210, 1757, 4160, 7627, 8095 erc. : vie.
voiage, sm., 10974 : expédition militaire ; 18131, 19682: allure ; 19692, 19697 : pèlerinage. voie, sf, 1886 : direction ; 3824, 4878, 10020, 12389, 12381, 12389 : route, chemin ; 11424, 18498, 18611 : route, trajet ; 6519 : extraction ; tourner sa — vers, loc. v., 2471, 12219, 12794 : se diriger vers ; accueillir sa — 6315, 7275, 8869, 10923, 14606, 15363, 17575 : se mettre en route ;
soi metre a — par mi 3396 : franchir ; soi metre a — hors 6521 : sortir ; fere — a 8616: s’écarter pour laisser passer ; lessier sa — 9019 : changer de route ; haster sa — vers 13252 : se précipiter, se diriger à vive allure vers. [voier], v. tr., 3476, 6515 : conduire, mener. voillant, adj., 138, 372, 1475 : voir vaillant.
1194
GLOSSAIRE
voir, adj., 3314, 3364, 5478, 6555, 7901 etc. : vrai ; (po(urr —), loc. adv., 638, 12117, 16444 etc. : en vérité ; (de —),
916, 4909, 5787, 7029, 9101, 9571, 15427, 15607, 15634, 15736, 16240, 17439, 18414 : avec certitude ; adv., 1859, 1869, 3256, 7812, 7898 etc. : vrai ; 231, 294, 1488, 1794, 2883 etc. : en vérité, certes ; sm., 1862, 4759, 9369, 10391, 15841 etc. : vérité. voirement, adv., 12874 : en vérité. vois, sf., (a —), loc. adv., 3538, 16015, 18864 : à haute voix.
voisdie, sf., 17567 : ruse. voisin, sm., 4557 : voir note corr. volage, adj., 12486 : qui vole, ailé. volee, sf, 7459 : volée, groupe d'oiseaux qui volent ensemble ; lancer a -, loc. v., 3684, 11726, 19986, traire a (la)
— 12950, 17160, 12467, ferir a la — 11760 : faire pleuvoir (les flèches, les coups etc. sur qqn) ; saillir a la — 11766 : fondre sur. volentiers, adv., 376, 1159, 1296 etc. : volontiers, de bonne grâce. volentis, adj., 1163, 11024 : désireux. [voleper], v. tr., 15577 : enrouler.
voler, v. ftr., 6093, 11602, 12383, 12395, 12418, 15623, 15906 : projeter dans l'air ; 5578, 8336, 9432, 10513, 10847 : faire jaillir. volti, adj., 103, 257 : voir vouti. voter, v. tr., 6372 : s'adresser à quelqu'un, s'entretenir avec lui. [vouer], v. tr., 6227 : promettre.
vouti, adj., 6803, 7990, 8023, 14614 : aux plafonds voûtés.
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GLOSSAIRE
1195
vraiement, adv., 736, 1606, 3563 etc. : avec certitude ; 1211, 1219, 1250 etc. : en vérité ; 7695 : certainement, assuré-
ment ; si — que, loc. conj., 3358 : aussi vrai que. vrejanz, sm., 12829, 12835 : voir verjant.
yaue, sf. 6592 : eau. yaume, sm., 3116, 3381, 3503, 3609, 4263 : heaume. yeve, sf, 15753 : jument. ygaument, adv., 7669 : de manière équitable. yngaument, adv., (par —), loc. adv., 15758 : de manière équitable. yngal, adj. : plat, uni (en parlant d’un terrain) ; (li marchiez yngaus) 9912 : la place du marché. yngremance, sf, 84 ; yngromance, 1685, 8501, 9358, 17999, 18612, 18714, 19247 : voir ingromance.
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INDEX DES NOMS
PROPRES
ABEL 5455 : Abel, fils d'Adam et Ève, tué par Caïn, son frère. ABRACHEMONT (- le gris) 261 : personnage énigmatique dont le jeune Maillefer aurait tué la sœur en Loquiferne. Abylant (jusqu’en —) 16347 : pays lointain, peut-être une ville portuaire (à l'instar de Marseille, Brindes et Saint-Jean-d'Acre) ;
C propose d'y voir Abila, en Syrie, mais ce toponyme n'est pas sans rappeler Abyla, l’une des deux « colonnes d’Hercule », aujourd'hui le Mont Acho, près de l’enclave espagnole de Ceuta au Maroc, qui fait face à Gibraltar. Açopars 4592 : peuple païen ; voir Agriparz. Acre (si que —) 16347 ; (droit vers —) 19377 : le port de Saint-Jeand’Acre (ou Akko) aujourd'hui situé en Israël ; perchée sur un promontoire à l'extrémité nord de la baie d’'Haïfa, la ville fut prise par les croisés le 26 mai 1104 et remise au roi Baudouin [. Elle devint la place forte des croisés en Palestine. ADAN 5452, 5457 : Adam, le premier homme, mari d'Êve et père de Caïn et Abel. AKARÏOS 16744, 16772, 16880 : homme de confiance de Pierrus, dont il a épousé la soeur ; instigateur de la mort du seigneur Rogier, il est tué par Robert Ricart ; il apparaît également sous le nom de Makarin ou Makarinos. Agriparz 7049, 8138 ; Agripars 7509 ; Agripart 7519, 7537, 8271, 8529, 8544, 8569, 12261 ; Agrypars 7073, 7117, 7241 ; Agrypart 7228 : ethnie sarrasine peuplant la Griphonnie, royaume de Corbon situé au delà de la mer Rouge ; les Agriparts: sont dépeints par le poète comme des sauvages à la peau velue, vivant
1198
INDEX DES NOMS
PROPRES
nus, cheminant à pied, dormant à la belle étoile et se nourrissant exclusivement de chair crue. AMANT
(saint —) 12206 : Saint Amand, apôtre des Flandres, né
vers 600 près de Nantes et mort en 679 ou 684 dans l’abbaye qu'il avait fondée à Einone, devenue ultérieurement Saint-Amandles-Eaux ; il fut aussi aumônier du roi Dagobert et évêque de Tonnerres, puis de Maastricht. Amoravi 649, 6809, 7497 ; Amoravis 2488 : les Almoravides, dynastie berbère nomade et musulmane des confins du Sahara et du Soudan, dont l'empire, aux XF et XII‘ siècles, s'étendait de l'Afrique du Nord jusqu'au sud de la péninsule ibérique. Angienes (Droit a —) 1499 : /e monastère et l’abbaye d’Aniane, fondés en 782 par saint Benoît d'Aniane dans l'actuel département de l'Hérault ; c’est là que se retire Guillaume après la mort de Guibourc.
Antecris 5184, 10280, 14772, 15123 : l'Antéchrist ; 3366, 7145 : les païens, les Infidèles ; Antecri 7498 : les païens, les Infidèles. Anthiïoche 13890 ; Anthÿoche sarrasine sous la domination
18571, 19352 : Anrioche, ville du roi Grandoce ; aujourd'hui,
Antakya, ville turque près de la frontière syrienne ; tombée aux mains des Turcs seldjoukides en 1084, elle est prise par les Croisés le 2 juin 1098, lesquels en font la capitale d’une principauté au profit de Bohémond.
APOLIN 11119, 11318 ; (la gent —) 4554, 7091 ; APOLYN 17732 : un des principaux dieux du panthéon sarrasin ; voir note 4554. Apostole (Li —) 17954 : Hildebrand (1020-1085), moine bénédictin originaire de Soana, en Toscane, devenu pape sous le nom de Grégoire VII en 1073 ; lors de la Querelle des Investitures, il est assiégé au château Saint-Ange par l’empereur allemand Henri IV ; il appelle Robert Guiscard à son secours, lequel reprend Rome avec 40000 guerriers. ARIVANT 9029 : pirate sarrasin. Arrabe (Tibaut d’-) 830, 988, 2266, 4287, 4335 ; Arrabbe (Tiebaut d'—) 761, 950, 15031 ; (Tibaut d’-) 900 : l'Arabie, royaume aux mains de Tibaut.
:
INDEX DES NOMS PROPRES
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Arrabe 734, 845 ; Arrabbe 781 : Arabes, musulmans en général. Arrabbi 2811, 2837, 6920, 11326, 15202 ; Arrabis 4787, 5224, 6789, 13576, 15694 ; (Marbriens l’-) 10286 ; Arrabbis 7141 ; (Corssoult li —) 5073 ; Arrabi 7495, 15981 ; (Butor l’-) 5202, 11366, 13578 ; (Maillefer l’-) 6789 ; (Marbriens l’-) 15699: Arabes, musulmans en général. Aumarie (.I. chier poile de soie d’—) 17573 : Almeria, ville d'Espagne prise par les Arabes au XF siècle et reconquise par Alphonse VIL roi de Castille, en 1147 ; à l'époque des Almoravides, la ville tirait sa prospérité du commerce de la soie. Avalon (por tout l’or d’ -) 3481 : île imaginaire, séjour de la fée Morgue, donnée par la tradition comme la dernière demeure du roi Arthur ; Rainouart y est transporté par les fées dans la Bataille Loquifer. AŸMARS
17974 : Adhémar de Monteil, chef croisé, évêque du Puy
et légat pontifical ; mort de la peste en 1098 à Antioche. AŸMERS (le cheitif —) 3864 : sixième fils d'Aymeri de Narbonne et d’'Hermenjart de Pavie.
Babiloyne 12689 : ville ou pays sarrasin situés au-delà de la Mer Rouge ; le toponyme rappelle Babylone, cité mésopotamienne construite sur le cours moyen de l’Euphrate et détruite par l'invasion sassanide au IIF siècle ; d’aucuns identifient néanmoins la Babylone épique avec Le Caire. BARATON (- l’enflé) 3010 : divinité païenne ; voir note corr. BARRABA 11385 : Barrabas, le brigand du récit de la Passion du Christ, considéré comme une divinité païenne. BARREZ (le riche roy —) 2101, 2295 ; (le roy —) 4266, 4468 ;
BARRÉ (le roy —) 4586 : roi sarrasin allié à Butor. BAUDOUÏN DE BIAUVAIS (- li senez) 17982 : un des chefs de la première croisade qui se déroula de 1096 à 1107. BAUDUÏN 14389, 14482, 14513, 14520, 16088, 16119, 16139, 16144, 16544, 16558, 16630, 16652, 16730, 16791, 16800, 16811, 16820, 16844, 16846, 16854, 16979, 16989, 17001, 17038, 17053,
1200
INDEX DES NOMS PROPRES
17790, 17843, 17897, 17907, 17913, 17941, 18940, 19034, 19096, 19105, 19127, 19232, 19694, 19847, 19954, 19962, 19966, 19970, . 19989, 19997, 20054 ; (— de Gresce la loee) 5018, 17315, 19983 ; (- l’enfes) 16941, 17895 ; (— l’enfes) 14040, 14920, 16066, 16124, 16933 ; (- l’enfes de Gresce la loee) 16022 ; (— li membrez) 14126 ; (— l’enfes de Gresce la loee) 17311 ; (- li frans) 16481, 18693 ; (— le vaillant) 16985, 19134 ; (— le sené) 16636, 17044, 17067, 18884 ; (— le maisné) 16830 ; (- le senez) 17188, 17262 ; (- l'enfant) 17766, 17778 ; (— a la chiere hardie) 17875 ; (- le membré) 18530 ; (- le fier) 18707, 19916 ; (— le puissant) 19143 ; (— de Gresce li senez) 19677 ; BAUDOUÏN 5997, 14048, 16091, 16682, 16780, 16998, 17030 ; (— l’enfant) 14186 ; (- le senez) 16277 ; (—- de Gresce le regné) 18771 ; BAUDOÏNET 8796 ; (- l'enfant) 7637, 7755 ; BAUDOÏN 16135 ; (- le sené) 6424 ; (— l’enfes) 7586, 7779, 16050 ; (— le membré) 16021 ; (— l'enfant) 16154; BAUDUÏNET 14039, 15325, 16478; (l'enfant) 14206 ; BAUDOUÏNET 14113 ; (- a la chiere hardie) 14369 ; (- l'enfant) 16573 : Bauduïn, fils légitime du roi Richier et héritier du trône de Grèce ; demi-frère cadet de Pierrus ; époux de Gracïenne et père de Jehan ; le personnage a peut-être été inspiré au poète par Baudouin 11 Porphyrogénète (1217-73), prince de Courtenay, couronné empereur de Constantinople en 1240, puis contraint à l'exil par Michel VIII Paléologue, empereur de Nicée. BAUDUÏN 17976 : Baudouin VI dit Baudouin de Mons, comte de Flandres (1030-1070). BAUDUNE 13982, 14815, 14846, 14890, 15874, 15893, 16447, 18076 ; (en tour —) 5682, 5690, 6286, 6898, 8280, 8309, 8645, 9553, 10141, 10197, 10320, 10349, 10362, 10413, 10895, 10965, 14237, 16266, 18086 ; (a tour —) 5710, 6777, 8685, 9720, 9746, 12607 ; (dusqu’a —) 5725, 10725 ; (dusqu’en —) 5739, 12598 : (vers —) 6800 ; (en — la grant) 8745, 13851 ; (jusqu’a —) 8794 ; (— sus mer) 9587 ; (droit vers —) 9728, 14219, 14247, 14606, 15065, 18125 ; (- la tour) 9899 ; (desouz —) 9922, 14881 ; (tour —) 10655 ; (- la lee) 13910 ; (envers —) 14375, 14947 ; (souz -)
INDEX DES NOMS
PROPRES
1201
14875, 15047 ; (devant —) 15670 ; (par mi —) 15982 ; (de tour — le port et la navie) 17887 ; (a —) 18100 ; (pres de —) 18132 : puissante ville portuaire aux mains du roi Butor ; Maillefer et
Bertran sont emprisonnés dans sa célèbre forteresse ; C rapproche le toponyme Baudune de Vaudune, la forteresse du royaume de Rubÿon évoquée dans Bueve de Conmarchis ; 3612, 4464, 10704, 13758 : cri de guerre de Tarside, de Rubion, puis de Maillefer. Beduïns 4698 ; Beduïn 7082 : les Bédouins, peuple sarrasin. Belleant (Virge de —) 3723 ; (en —) 10013, 15080 ; Belleem (en -) 6937 ; Belleent (en —) 5467, 7901 : Bethléem, lieu de naissance
de Jésus.
BERNART 3862 ; BERNART DE BRUBANT 7963 ; BERNART DE BREBANT 13852: fils aîné d'Aymeri de Narbonne et d'Hermenjart de Pavie ; père de Bertran et oncle de Gyrart. BERTRAN 6, 176, 637, 640, 653 etc. ; (— le tymonier) 214 ; (li quens —) 615, 1054, 2179, 2225, 2328, 4248, 4486, 4504, 5368, 5367, 5596, 6958, 9811, 10576, 10579, 13164, 13399, 14248, 14601, 14609, 14742, 14757, 15979, 18075, 18142, 18164, 18218, 18273, 18384, 19555 ; (— le renonmez) 660, 6296 ; (— le conte) 724, 15073, 18903 ; (— li membrez) 1015, 1095, 2291, 14258, 18335 ; (— l’alosez) 1040 ; (— li palazis) 1153 ; (- le guerrier) 1172, 18183, 18207 ; (- au corage aduré) 1517 ; (sire —) 2066, 2080, 4496, 9785, 14684 ; (— l’adurez) 2083 ; (li quens — a la chiere hardie) 2270; (— le chevalier loez) 2323 ; (— a l’aduré courage) 4237 ; (— le cremuz) 4636 ; (— li tymoniers) 5189 ; (li gentis) 5235, 10860 ; (- le palazin) 7102 ; (- le renonmé) 8281, 8308, 18135 ; (- l’alosé) 8644, 19636 ; (— au vis cler) 9820 ; (—
au vis fier) 9826 ; (- le barbez) 10091 ; (— le sené) 10458 ; (- le timonnier) 10586 ; (— li quans) 10615 ; (— le hardis) 10808 ; (- le fleuris) 10876 ; (- le marchis) 14596 ; (— au fier vis) 14780 ; (chiere membree) 14828, 14941 ; (quens — l’alosé) 15190 ; (- au cuer vaillant) 15875 ; (li quens — au courage vaillant) 14678, 15935 ; (- chiere levee) 16189 ; (li dux —) 16449 ; (la gent —) 18382 ; (— chiere hardie) 18627, 19332 ; (- le membré) 19588 ;
1202
INDEX DES NOMS
PROPRES
BERTRANS 151 ; (- l’adurez) 141 ; (li quens -) 2281, 4656, 10622 :fils de Bernart de Brubani, frère de Guïelin et neveu de Guillaume d'Orange. Boïvent (l’or de —-) 7654, 14916 : royaume païen dont la richesse
était légendaire ; sans doute le duché lombard de Bénévent, en Italie. Bougres 4400, 4466, 4555, 5662, 7242 ; (- desvez) 2334 ; Bougre
7496 : les Bulgares, peuple païen ; ce terme désignait à l'origine les hérétiques influencés par les religions dualistes bogomiles venues des Balkans. Bouloigne 17961 : le comté de Boulogne-sur-mer, aux mains de Godefroi de Bouillon. Bourdel (Gaudin de —) 859 : Ja ville de Bordeaux, fief de Gaudin. Bourges (cil de —) 17980 : /a ville de Bourges. Brandis 16346 : Brindes (Brindisi), port sur l’Adriatique, au sud de
l'Italie, conquis par Robert Guiscard au XT° siècle et intégré au royaume de Sicile. BRUNAMANT 11523, 12568 ; (l’amiral —) 1207, 6339, 12360, 17611 ; (fier roy —) 11489 ; BRUNAMONS 1846, 6140; (— l’amirez) 1271 ; BRUNAMON 5072, 5295, 5307, 5325, 5606, 11194, 11249, 11268, 11358, 11387, 11407, 11414, 11419, 11439, 11443, 11447, 11661, 11708, 12244, 12345, 12363, 12506, 12544, 12549, 12625, 13315, 13319, 13554, 13763, 13774, 13788, 13801, 13812, 13829, 13841 ; (- l’amirez) 1281, 17213 ; (roy —) 5063, 5294, 5658, 10950, 11057, 11083, 11152, 11189, 11258, 11304, 11381, 11448, 11467, 11511, 13303 ; (- l’amiré) 5302 ; (- l’amirés) 11154 ; (-, sire) 11224, 12504 ; (- le Perssis) 11297 ; (le roy — li chenus) 11372 ; (- le Perssoy) 12494 ; (- l’aisnez) 13294 ; (— le Perssi) 13326 ; BRUNAMONT 5121 : roi perse, seigneur de Venise et père d'Ydoine ; il est décapité sur l’ordre de sa fille. BUEVES 326 ; (- au cors membré) 1512 ; (— le renonmez) 3865 ; BUEVE DE COUMARCHIS 332 ; BUEVON 3797, 7218, 7604 : fils d'Aymeri de Narbonne et d'Hermenjart de Pavie ; père de Girart et de Guïelin. BUEVON 5011 : voir Buyemon.
INDEX DES NOMS PROPRES
BUÏMONT Bullon
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11566 : voir Buyemon.
13889 ; (le duc de —) 11570 ; (cil de —) 18574 : château,
terre, seigneurie dans les Ardennes,
domaine de la famille des
ducs de Bouillon (Belgique, province de Luxembourg). BURGIBUS (- l’avressier) 10225 : Belzébuth, le prince des démons, pris pour un dieu païen. BUTOR 2134, 2229, 2239, 2246, 2287 etc. ; (— l’aumaçour) 410 ; (roy —) 672, 2069, 2117, 2139, 2146 etc. ; (roy — le membrez) 2099 ; (roy — l’amirez) 2112 ; (— li encornez) 4302, 12236 ; (- le
glue]rrier) 4359 ; (— l’avressier) 4402, 5513 ; (roy — le cornus) 4703, 11373 ; (- l’Arrabi) 5202 ; (roy — le tyrant) 5421, 9736 ; (l’escornez)
6697 ; (sire —) 6771,
6979,
6999,
12545,
12567,
12576 ; (— le Perssi) 6798, 13581 ; (— le forssenez) 6879 ; (— l’encorné) 8297, 13564, 19586 ; (roy — le puissant) 10030, 10043,
13556 ; (roy — l’amiré) 10071, 10115 ; (roy — l’Arrabi) 11366, 13578 ; (— l’Esclavon)
11449 ; (— le sauvage)
11468 ; (— le
Perssant) 11542 ; (roy — l’aufage) 13270 : seigneur de Loquiferne et roi de Pincernie ; créature monstrueuse et gigantesque dépeinte coiffée de cornes ; frère aîné de Marbrien, neveu de Desramé, oncle de Corsabrin et cousin de Tibaut ; O. Densusianu note que le personnage s'inspire peut-être d’Abitaurus (VIIF s.), voir son édition de la Prise de Cordres, p. 182. BUYEMON 13887, 13896, 18541 ; BUYEMONS 18578; (- li senez) 17944 ; BUYEMONT 17939, 17956, 18563, 18571 :fils de Robert Ricart et de la mère d’Ydoine ; hist. Bohémond I” (1054-1111), -fils aîné de Robert Guiscard et d'Aubrée de Buonalbergo ; prince de Tarente, puis premier prince d’Antioche ; il épouse en 1105 Constance, fille de Philippe F°.
Cambrai
17958,
17962 : la ville de Cambrai,
dans le Nord, où
Godefroy de Bouillon a été conçu et où il a épousé Ide. Candie 943, 956, 978 : cité sarrasine au bord de la mer où le roi Tibaut pense trouver refuge après sa défaite à Loquiferne ; est-ce, comme on l’affirme parfois, Cadix, en Andalousie, ou Gandia, non
1204
INDEX DES NOMS PROPRES
loin de Valence ? Peut-être pourrait-il s'agir de l'antique Heraklium (aujourd'hui Héraklion) en Crète ; conquise par les » Sarrasins en 826, la ville devint, sous le nom de Radd-al-Khandaq, une base fortifiée ; tombée sous la domination de Byzance en 961, puis vendue à Venise en 1204, elle fut rebaptisée Candie ou Candia, nom qui, par extension, servit à désigner la Crète toute entière. [CARBOUICLER (le roy —) 2373 : roi sarrasin allié à Rubion. CAËÛN 5454 : CAÏN (lignage —) 7073 : Caïn, fils d'Adam et Eve, meurtrier de son frère Abel ; il aurait les Agryparts pour descendance. Cesaire 19736, 19765 : Césarée, seigneurie de Corsabrin ; hist. ville construite par Hérode en l'honneur de César sur le littoral méditerranéen ; autrefois ville et port de Palestine, aujourd’hui située en Israël entre Haïfa et Tel Aviv, elle est devenue un site archéologique et une station balnéaire renommés. Civetor 16565 : La ville portuaire de Civetot ou Kibotos (aujourd'hui Gemlik en Turquie), près de Nicée, sur le golfe de Nicomédie, au bord de la mer de Marmara, théâtre de la défaite de Pierre l'Ermite et de la prise des Chétifs ; c’est là qu'aborde Bauduïn lors de son retour en Grèce. CODROUÉ
(l'amiral —) 8202 : roi sarrasin, ancien possesseur de
Recuite, l'épée de Renier ; le personnage apparaît dans de nombreuses chansons de la Geste. Conmains 7119, 7242 ; Conmain 7496, 12389 : les Comans (appelés Polovises par les Russes et Kiptchaks par les musulmans), peuple turc nomade qui vivait dans les plaines au nord de la mer Noire ; « venus de Sibérie au XF siècle, ces barbares
nomades des bords du Dniepr menaçaient l'empire byzantin. Nombre d’entre eux servaient cependant dans l’armée sarrasine » note P. Bancourt (op. cit., p. 18). CORBADAS (- li vaillans) 19353 ; (roy —) 19669, :19729 ; (roy — au courage adurez) 19684 : roi sarrasin de Jérusalem, cousin de Grandoce.
INDEX DES NOMS PROPRES
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CORBON 411, 4695, 4704, 4714, 5301, 5535, 5538, 5542, 5549, 5685, 5738, 6754, 6786, 6799, 6882, 6946, 6955, 7053, 7075, 1238-07261.47350, 7360, 067,.1375; 1378, 1399 47425:97498, 7480, 7482, 7485, 7489, 7508, 7530, 7572, 7589, 7591, 7602, 7608, 7613, 7650, 7660, 7663, 7673, 7747, 7988, 8008, 8045, 8105, 8118, 8124, 8139, 8147, 8251, 8269, 8293, 8320, 8321, 8323, 8334, 8337, 8341, 8353, 8371, 8387, 8423, 8426, 8432, 8502, 8511, 8516, 8522, 8527, 8531, 8536 ; (Le roy — d’outre la Rouge Mer) 4689 ; (roy —) 4692, 4699, 5524, 5700, 6685, 6770, 7047, 7071, 7243, 7249, 7344, 7364, 7412, 7446, 7477, 7499, 7984, 8027, 8132, 8256, 8366, 10691, 11399, 12601, 15761 ; (— le losengier) 5522 ; (-— le fel) 5572, 5675, 7033, 7415, 7510, 7517, 7533 ; (roy — l’avressier) 5667 ; (— le desvez) 6878 ; (— le noir) 6962; (— li courbez) 6970 ; (— le tirans) 7120 ; (Sarrazin -)
7220 ; (- le tyrant) 8098 ; (- le faé) 9551 : roi des Agryparts allié à Butor ; fils naturel de Rainouart et de la fée Morgue, et par conséquent demi-frère de Maillefer. CORDON 19942 : guerrier païen membre de l’armée de Corsabrin et tué par Renier. CORSAUS (- li granz) 3341 ; CORSSAUS (roy -—) 3350 : roi et géant sarrasin amené par le roi Tarside à Morimont et tué par Reñnier. CORSSABEL 19941 : guerrier païen tué par Renier, membre de l'armée de Corsabrin. CORSSABRIN 19748, 19760, 19766, 19859, 19866, 19873, 19946, 20000, 20019, 20029 ; (roy —) 19738, 19835, 19849, 19919, 19957, 19961, 19969, 20042 : roi turc, seigneur de Césaire ; frère
aîné de Butor, neveu de Marbrien ( !) et de Salabrun et cousin de
Grandoce. CORSSOULT 5755, 5959, 6063 ; (- li Arrabbis) 5073 ; (roy -) 5836, 5907, 6201 ; CORSSAUS 6042 ; (- li desfaez) 5851 ; (- le desfaé) 5888 ; (roy —) 6023 ; CORSSAULT 6153 ; (- le grant) 5932 ; CORSAULT (- li granz) 5147 : roi et géant sarrasin ; il assiège Ydoine à Venise.
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INDEX DES NOMS PROPRES
CORSSOUT 708 : compagnon d'armes du roi Tibaut ; il pourrait s'agir du même personnage que précédemment. COSTENTIN (tresor —) 7079 : Constantin, empereur de Byzance. Costentinnoble 4886 : voir Coustantinoble. Coumarchis (Bueve de —) 333 ; (de — le ber) 482 ; Commarchis (cil de -) 2883 ; Conmarcis (Gyrart de —) 280 ; Conmarchis 14145 ; (de — le ber) 2711, 3420 ; (le redouté de —) 3027-8 ; (Gyrart de —) 3430, 4177, 7114, 7991, 8551, 8618 : Commarchis, fief de Bueve, frère de Guillaume, puis de son fils Gyrart ; la localisation de Conmarchis est problématique : « on en reste à la mystérieuse Conmarcensis provincia proposée autrefois par A. Scheler » note D. M° Millan, qui ajoute : « il s'agit donc [...] de fictions que les poètes acceptaient et se fransmettaient sans éprouver le besoin d'’expliciter autrement » (La Chevalerie Vivien, p. 508) ; 3653, 7225 : cri
de guerre de Gyrart. Coustantinoble 66 : l'empire grec de Constantinople. Cypre 19027 ; Chypre 19191, 19298 : l’île sarrasine de Chypre, royaume de l'oncle de Grandoce ; l’île fut ravagée par les invasions arabes de 632 à 964.
DAMEDIEUS 15 ; DAMEDIEU 2651, 3204, 3405, 4648, 4922, 5419, 6318, 8449, 8860, 9779, 10768, 11902, 12975, 13364, 13677, 14039, 14467, 14549, 15312, 15829, 15888, 16604, 18583 ; (au — conmant) 3731 ; DAMEDÉ 5320, 6222, 8260, 13217, 13388 ; (en l’onneur —) 5872 ; (el non de —) 6407 ; (la grace —) 8601 : Dieu. DARMADIR (le roy —) 4469 : roi sarrasin. DAVI (le tresor —) 2821, 6934, 17234 : David, roi d'Israël, psalmiste.
DENIS
(saint —) 348, 2489, 5246 ; (le cors saint —) 10879 : saint
Denis, premier évêque de Paris (IIF siècle), protecteur des rois de France. DESRAMEZ (- li floris) 244 ; (le fort roi —) 662; (le roy —) 12520 ; DESRAMÉ 1103, 1526, 2338, 4336; (roy —) 12592: roi
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sarrasin, seigneur de Loquiferne, père de Guibourc et de Renouart ; oncle de Butor ; tué par Guillaume à la bataille de l’Archamp. DIEUS 50, 137, 151, 202, 312, 342, 346, 361, 367, 369, 1471, 1509, 1531, 1532 ; DIEU LE CREATOUR 102, 2219, 14352 ; DIEU 130, 182, 206, 229, 265 etc. ; (— merci) 35, 5204, 6353, 6368, 6392, 6405, 13859 ; (a — beneÿçon) 133 ; (— de Paradis) 232, 355,
4052, 5236, 5638, 10877, 13509, 18439 ; (a — beneïçon) 983, 7596 ; (- omnipotent) 1382, 7642, 9286, 9986, 16428 ; (au — conmandement) 1401 ; (vrai —) 2827, 5464, 5467, 8350, 9513, 10533, 11287, 15039, 15689 ; (cors —) 2952, 3554, 6054, 7517, 8392, 13844, 14066, 14159, 14358, 14356, 14616, 14683, 15025, 16310, 16413, 16612, 19225, 19966 ; (— de gloire) 3961, 9498, 10934, 12685, 14313, 14319, 14370, 17201, 17259, 17266, 17275, 17620, 17637, 19710 ; (— de majesté) 4491, 8631, 10480, 13885, 17451, 18873 ; (vrai — de majesté) 4518, 7843 ; (— le tout puissant) 4735, 10012, 16340, 17486, 17578 ; (— de Trinité) 4939 ; (a la — volenté) 4946 ; (- le royamant) 6522, 7917, 11530, 13831, 14681, 15928 ; (— le grant) 7702, 15022, 16311 ; (a la — conmandie) 8412 ; (e non —) 8417 ; (— de majestez) 9492, 14341 ; (en l’onneur —) 9500, 14735 ; (vrai — de majestez) 9517 ; (— posteïs) 10893 ; (l’amour —) 10955, 14546, 16052 ; (la mere —) 11427, 11597, 11988 ; (en la — livroison) 11466 ; (le vrai cors —) 12863 ; (vrai — de lassusz) 13964 ; (Glorïeus —) 15552, 18427 ; (la vertu — nonmee) 15755 ; (la mercie —) 16187 ; (- du ciel) 17385 ; (le — tout puissant) 17436 ; (la — grace) 17951 ; (la— volenté) 18008 ; (au plesir —) 18029 ; DIEU LE DROITURIER 207, 5740, 6482, 9926 ; DIEX 476, 480, 515, 519, 570 etc. ; (- merci) 1319, 8518 ; (- de gloire) 2576, 5037, 9721 ; (cors —) 5147 ; (vrai — omnipotent) 5478 ; (vrai —) 12026 ; DIÉ 16317 ; (- de Paradis) 1132 ; (- le royamant) 1374 ; (le cors —) 7645 ; DÉ 3062, 5006, 8198, 9682, 16006, 16620, 17038 ; (l’amour —) 1952, 13394 ; (en non —) 3922, 6784 ; (e non —) 8180, 9684 ; (au conmandement —) 8665 ; (tout le peuple —) 19590 ; (en l’onneur -) 19633 ; DEX 3531 ; DEU 6526 ; DIEU LE PERE 18049, 18568 : Dieu.
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INDEX DES NOMS PROPRES
DRAGONNEL 19939 : guerrier païen, membre de l'armée de Corsabrin et tué par Renier. DRIUES 4902, 4921, 4929, 4967, 4986, 5006 ; DRIUON 4997 ; : DRIEU 6174 ; DRIUON DE GRESCE 6424 ; DRUES DE GRECE 6508 ;:DRUES 6514, 14134, 14484, 16116, 16485, 16633, 16636, 16935, 16942, 17769, 19676, 19978 ; (- le hardi) 19695 ; (— le senez) 19848 ; DREUES 6522, 6528 ; (- li esleüz) 7779 ; DREUES DE GRECE 7585, 7632; DROON DE GRECE 7636, 7756, 9462, 12782, 13154 ; DROON DE GRESCE 8560, 9293, 10773, 10810, 12217, 13108, 16104, 16379, 16979, 16986, 17067, 17844, 18708, 19141, 19317, 19995 ; DRUES DE GRESCE 10778, 12792, 13267, 14044, 16110, 16277, 16425, 16544, 16856, 17124, 17188, 17262, 17877, 17944, 18884, 18937, 19034, 19233, 19916, 20053 ; DRIUS DE GRESCE 12966 ; DROES 9300, 9468 ; DROON 16848, 16988 : chevalier grec, protecteur du jeune Bauduïn ; époux de Gonsent. Duresté (desci en —) 3025 : cité lointaine ; voir note corr.
Eglyse (sainte -) 17852 : la sainte Église. Egyte (la terre d’—) 175 ; Egypte (Es tours d’—) 1041 ; (Jusqu’en -)
15283 : l'Égypte, terre d’Esclavonie, royaume sarrasin aux mains de Tibaut. ELYE (le cors saint -) 4873 : Élie, le prophète biblique Enfer 11289 ; (droit en —) 3361, 8543, 9515 ; (en —) 5476, 15554 : l'Enfer. ERNAUT
(- li membrez) 3863 : Ernaut de Gironde, quatrième fils
d'Aymeri de Narbonne et époux de Béatrix, fille de Savari, comte de Gironde. Esclavonie 1060 : royaume de Tibaut en Afrique du Nord, s'étendant jusqu’à l'Égypte, peuplé par les Esclavons. Esclavons 286 ; Esclavon 952, 993, 1014, 2192, 4450, 6166, 7592, 11457, 18649 ; (Maillefer l'-) 635, 4442, 5705, 10688. 18466, 19547 ; (Tibaut li —) 985 ; (Tibaut l’—) 1052 ; (Butor l’—) 11449 :
INDEX DES NOMS
PROPRES
1209
(Grandoce l’—) 18446 : les Slaves, peuple païen, confondu avec les Sarrasins. Escler 868, 899, 2754, 2943, 4673, 4683, 4758, 4772, 6358, 6370, 12534 ; (la gent a l’—) 2554 ; (Piecolet li —) 19803 ; Esclerz 2102,
2296, 10949, 11208, 17185, 18319 ; Esclersz 13086, 17936, 18115, 19191 : les Slaves, peuple païen confondu avec les Sarrasins. Escripture 5469 : les saintes Écritures, les Évangiles. Esperit (saint —) 8465 ; Espir (por saint —) 4605 : le saint Esprit. ESTANEMONT 19942 : guerrier sarrasin tué par Renier, membre de l’armée du roi Corsabrin. ESTIENNE D’AMBEMARLE (le bon — li bers) 17972 : Étienne, comte d’Aumale (Albemarle) et seigneur d'Holderness ; chevalier croisé ; petit-fils d'Étienne de Champagne et fils du comte de Troie et de Champagne Eudes (Odon) I et d’Adélaïde (Alice),
fille de Robert le diable et demi-sœur de Guillaume le conquérant. ESTORGANT 10756, 10765, 10817, 10820, 10852 ; (— le jaïs) 10812 ; ESTORGANS
de l’armée de Rubïon, ESTORNAMONS (- li l’armée du roi Rubÿon, EVAIN 5462 ; EVE 5452
10747, 10775, 10831 : géant turc, membre
tué par Renier à Baudune. gris) 2478 : guerrier païen, membre de tué par Gyrart à Morimont. : Êve, la première femme, épouse d'Adam.
FAVIÏEL 19942 : guerrier sarrasin, membre de l'armée de Corsabrin, tué par Renier. Femenie 4877 : terre lointaine aux confins du monde connu ; voir note Corr. FLORENTINE 110, 416, 420, 432, 458, 505, 513, 1119, 1137, 1143, 2372, 2436, 2442, 2530, 2665, 2716, 2800, 2930, 3055, 3062, 3238, 3372, 3737, 3745, 4020, 4032, 4083, 4176, 5229, 5581, 7165, 7201, 7550, 7697, 7787, 8350, 8396, 8409, 8473, 8804, 13401, 13908, 13922, 14036, 15441, 16171, 16191, 16231, 16239, 17285, 17670, 17883, 18053 ; (— a la fresche coulour) 385 ; (— au vis cler) 486, 9578 ; (dame — au vis cler) 2771 ;
1210
INDEX DES NOMS PROPRES
(— au cler vis) 4049, 11023 ; (dame — au cors gent) 7294 ; (- au gent cors honoré) 13222 ; (— au gent cors honourez) 14870 ; (- au
cors gent) 15004, 16163, 17085 : la duchesse Florentine, fille du roi Grebuede, épouse de Maillefer ; mère de Renier et de Gracïenne.
FOUCHIÉ DE MELANT 724: chevalier chrétien, membre du barnage de Guillaume. Frans 2458, 2508, 4467, 4475, 4516, 4595, 5607, 8595, 18800 ; (en la tèrre des —) 4658 ; Franc 3613, 3713, 4542, 8085, 10650, 12343, 13652 : Français, chrétiens.
France 223, 2783, 5192, 6987, 11222, 16394, 17209, 17971 ; (en douce —) 1974, 4741, 4810 ; (- le païs) 4234 ; (en —) 4756, 5243, 7387 ; (en — le païs) 5219 : la France. François 841, 894, 897, 904, 1856, 1918, 2003, 2011, 2205, 2254, 2472, 3348, 3572, 3608, 4454, 4461, 4798, 5268, 5592, 6051, 6341, 6693, 6714, 6820, 6928, 7253, 8003, 8090, 8093, 8112, 9546, 11095, 11175, 11199, 11229, 12238, 12300, 12341, 12403, 12509, 12541, 12725, 13287, 13293, 13336, 13552, 13662, 13726, 15737, 15895, 15968, 18490, 18787, 18796, 18893, 18914, 19001, 19017, 19018, 19031, 19145, 19197, 19870, 19880 : Français.
GABRIEL (saint —) 18019 : l’archange Gabriel, messager de Dieu, qui annonce à Ydoine la naissance de Tancrède. Gadres (cuir de —) 5317, 5516: le califat de Cordoue, en Espagne À;
le cuir de Cordoue, ou maroquin, considéré au Moyen Âge comme une matière précieuse, était aussi appelé le Cordouan; ceux qui le travaillaient se nommaient les cordouanniers. Gaiete (de — la tour) 396 : ville sarrasine où se dresse une forteresse évoquée sous le nom d’Aiete dans le Moniage Rainouart ; « peutêtre Gaète, port d'Italie sur la méditerranée » (MR I, éd. Bertin,
p. 89). GALANS 1988, 15841 : célèbre armurier sarrasin qui forgea Recuite, l'épée offerte par Ydoine puis par Florentine à Renier.
INDEX DES NOMS
PROPRES
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Galice (Devers —) 2704 : la Galice, province d'Espagne, dont Renier prétend être originaire. Galilee (en —) 15561 : la Galilée, province du Nord de la Palestine.
GAUDINS (- l’alosez) 143 ; GAUDIN DE BOURDEL 859 : neveu de Guillaume ; selon M, il s'agirait du fils aîné de Dreux de Montdidier et de la fille aînée d’Aymeri de Narbonne (I, 1, 464). GAUDIN 2479 : chevalier français né à Paris et tué par Estornamon ; peut-être le même personnage que le précédent. Gennes
2555,
2587 : Gênes,
grande cité marchande,
en Italie ;
(celui de —) 138 : le toponyme de Genmes renvoie dans cette occurrence soit à Genève, en Suisse, soit à Gênes, en Italie.
Gerfe 17908 ; Gerfes 17916 : les Guelfes, le lignage de Bauduiïn de Grèce ; hist. famille ducale de Souabe (Welfen) soutenue par la papauté. GIRES 1199, 1203 ; GIRE 1220, 1223 ; GYRES 1767, 1809, 1826, 1832, 1910, 1917, 2032, 2570, 2678, 2746, 2752, 2769, 2915, 2917, 2928, 3222, 3448, 350, 3794, 3599, 3781, 3785, 3899, 4033, 4155, 4864, 4873, 5027, 5040, 5114, 6032, 6128, 6134, 6147, 6185, 6254, 6423, 6538, 6548, 6552, 7869, 7893, 7905, 7916, 7922, 7939, 8016, 8561, 8599, 8838, 8847, 8870, 9074, 9255, 9628, 10744, 10752, 10764, 10767, 10771, 11220, 12218, 12286, 12354, 12366, 12369, 12370, 12732, 12877, 13349, 13664, 15747, 16380, 17102, 17123, 17162, 17601, 17607, 17623, 17631, 19234, 19305, 19711, 19778, 19796 ; (- le preudom) 2905 ; (- le preuz) 2942, 7587, 7780, 9460, 11865, 12783 ; (dant —) 3196, 3394 ; (- le marcheant) 6144, 7671, 7877, 12348, 13739 ; (- le vaillant) 6529, 9292 ; (— le marchant) 7632, 7756 ; (— au poil
ferrant) 7638 ; (— li preuz) 8943, 9070, 19917, 20055 ; (- li gentis) 10809 ; (- le consseillier) 18710 ; (- le membré) 18885 ;
GYRE 1899, 2570, 2579, 2779, 2921, 3474 , 3503, 3794, 5109, 5116, 5963, 5989, 6001, 6535, 8844, 12446, 19694 ; (- le mestre) 2032 ; (- le preuz)
2815;
GYRON
2037;
GYRE
6595 ;
GYREZ 13107, 19678, 19846 : vieux marchand, serf de l'émir de Venise, devenu, après sa conversion, le précepteur du jeune Renier ; voir Gires.
1212
GODEFROI
INDEX DES NOMS PROPRES
(- le membré) 5012 ; GODEFROY
18572 ; (- le membré)
17957, 17966,
13887 : Godefroi IV (vers 1060-1100),
comte de Boulogne-sur-mer, duc de Basse Lorraine, dit Godefroi | de Bouillon ; deuxième fils d'Eustache II et de sainte Ide ; l'un des chefs de la première croisade ; premier roi de Jérusalem. GONSSENS 11331, 11791, 11808 ; GONSSENT 11701, 11880, 11804, 11814, 11850, 11857, 17772, 17882 ; (— mestresse) 11459 ; (- la letree) 16196 ; (- la sage) 17768, 17936 ; (— au cors mollé) 17998 : fille convertie d'un Sarrasin, devineresse et suivante d'Ydoine ; elle épouse Droon de Grèce. GONTIER 10779 : chevalier chrétien mis à mal par Estorgant. GOREL 19943 : guerrier sarrasin tué par Renier ; cousin du roi Margaire et membre de l’armée de Corsabrin. GRACÏENE 183 ; GRACÏENNE 8401, 8483, 8755, 13997, 14168, 14186, 14199, 14921, 15694, 16075, 16228, 16371, 16492, 17073, 17310, 17315, 17355, 17371, 17442, 17446, 17456, 17692, 17699, 17765, 17809, 17876, 17935 ; (- au gent cors avenant) 3739 ; (— au gent cors bien mollé) 8200 ; (— au gent cors honnouré) 8566 ; (— au gent cors seigneuri) 15701 ; (- au gent cors eschevi) 16059 ; (— au cors gent) 16170 ; GRASSÏENNE 7438 : Gracïenne, fille de Maillefer et Florentine, sœur cadette de Renier ; épouse de Bauduïn de Grèce et mère de Jehan. GRANDOCE 18078, 18106, 18395, 18457, 18484, 18501, 18505, 18758, 18818, 18833, 19010, 19025, 19114, 19154, 19308, 19371, 19653, 19656, 19662, 19665, 19715, 19750, 19822, 19841, 19858, 19865, 19878, 19897, 20013 ; (roy —) 18068, 18116, 18591, 18748, 18777, 18998, 19144, 19193, 19239, 19325, 19716, 19725, 19730, 19758, 19774, 19818, 19831, 19918, 20007, 20026, 20031 ; (- l’Esclavon) 18446 ; (- li frans) 19335 ; (— l’amiré) 19658 ; GRANDOCES 18801, 18876 ; (roy —) 18738, 19302 : seigneur de Val Marie,
frère de Salabrun, GREBUEDES 7184, 6505, 6663, 6680, 9739, 9745, 9881,
cousin 12471 7215, 9979,
roi sarrasin de Tripoli et d’Antioche ;
de Corbadas et de Corsabrin. ; (rois —) 6386 ; (roy —) 6351, 6405, 7325, 8015, 8211, 8555, 9018, 9199, 10011, 10015, 10743, 10809, 10859,
INDEX DES NOMS PROPRES 10876, 10914, 12181, 12206, 13266, 13369, 14337, 16193, gentis) 10869 barbe fleurie)
1213
10985, 11037, 11640, 11843, 11871, 11883, 12132, 12216, 12284, 12379, 12453, 12668, 13221, 13254, 13423, 13500, 13645, 13738, 13744, 13760, 13985, 17084, 17279, 17293, 17298, 17511, 17848 ; (-li ; (roy — a la chiere membree) 13254 ; (roy = a la 18632 ; GREBUEDE 14190 : Grebuede, le roi des
Îles, grand-père maternel de Renier.
Gresce 20, 6501, 14480 ; (- sus la mer) 68 ; (Bauduïn de — la loee) 5019, 17311 ; (Driuon de —) 6424 ; (Droon de —) 8560, 9293, 10773, 10810, 12217, 13108, 16104, 16379, 16979, 16986, 17067, 17844 ; (Drues de —) 10777, 12791, 13266, 14044, 16110, 16277, 16425, 16544, 16856, 17124, 17188, 17262, 17877, 17944 ; (Drius de —) 12966 ; (dusques en —) 14113 ; (Pierrus de —) 14366 ; (Bauduïn l’enfes de — la loee) 16022 ; (en —) 16546, 16564; (droit en —) 16556 ; Grece 4885, 4930, 6174 ; (Drues de —) 6508 ; (Dreues de —) 7585, 7632 ; (Droon de —) 7636, 7756, 9462, 12782, 13154 : la Grèce, l'empire des Grecs, héritage de Bauduïn
conquis par Renier ; Gresce 16089, 16103, 16117, 19132 : cri de guerre de Bauduïn et de Drues. Griphonnie 8270 : royaume de Corbon situé au-delà de la Mer Rouge et peuplé par les Agriparts. GRIMBERT 523, 548, 19273 ; GRIMBERS 527; (- li lerres) 474 ; GRYMBERS 9038, 9046, 9181, 9446, 10131, 10223, 10297, 10323, 13035, 10443, 10447, 12770, 13035, 13043, 13047, 13093, 16372, 16529 ; (- a la chiere hardie) 10371 ; (- le lerre) 10399, 12968 ; (- li preuz) 10550 ; (- li lerres) 10560 ; GRYM-
BERT 8834, 8879, 8888, 8907, 8923 etc. ; (— le lerre) 8932, 10102, 17522, 18604, 19181, 19384, 19432, 19451, 19449 ; (sire —) 10436 ; (- le ferrant) 10572 ; (- le larron) 12081, 18465 ; (— li lerres) 13149 ; (- le lerre au courage aduré) 19088 ; (- le vaillant) 19172 ; (- li membrez) 19209 ; (- li gentis) 19287 ; GOMBERS 9356, 9406, 9441, 9493, 10123, 10191, 10441, 10454, 12750, 12776, 12871, 12978 ; (- li lerres) 10209, 13008 ; (- le lerre) 10419 ; GOMBERT 9464, 9473, 9512, 9630, 9653, 9952, 9997, 10107, 10135, 11903, 12103, 12126, 12142, 12157,
1214 12169,
INDEX DES NOMS PROPRES 12743,
12867 ; (— le lerre) 9610 : larron et magicien,
ravisseur de Renier ; allié du géant Oeillart, chef des pirates, qu'il initie à ses sortilèges, puis de Renier; il est aussi connu sous le nom de Gombert. GUILANS DE MONTIR 4463 ; GUELLANT DE MONTYR 4587 : Sarrasin, toujours associé à Priemor. GUIBERS (rois — li gentis) 350 ; GUIBERT (roy —) 3863 : Guibert
d’Andrenas, le plus jeune des fils d'Aymeri de Narbonne ; frère de:-Guillaume. GUIBORS 13 ; (dame — a la clere façon) 119 ; (- o le cler vis) 353 ; GUIBOURS 140, 294, 297, 331 ; (dame —) 44 ; (- li ensegnie) 108 ; (- au cler vis) 267 ; GUIBOURT 129, 1515 ; (dame —) 314 ; GUIBOR 170 ; GUIBOURC 401, 437, 457, 504, 507, 519, 797, 1117, 1149, 1338, 1358, 1364, 1373, 1392, 3881, 4760, 5624 ; (— l’eschevie) 415 ; (- contesse) 1464 ; (— au cler vis) 1136 ; (Dame —) 1344 ; (- o le cors gent) 4748 ; (— la gentis)
7027 : la comtesse Guibourc née Orable, princesse sarrasine convertie ; fille du roi Desramé et sœur de Rainouart ; épouse de Tibaut d'Afrique, puis de Guillaume. GUICHARS (- li preuz) 143 ; GUICHART 8611, 8630, 8633, 8664, 8666 : chevalier français, neveu de Gyrart, parfois donné comme le frère de Vivien. GUILLAUME 141, 148, 171, 202, 207, 231, 287, 298, 324, 327, 332, 351, 372, 399, 406, 417, 439, 659, 684, 736, 743, 761, 778, 782, 836, 854, 865, 932, 979, 1009, 1012, 1015, 1025, 1044, 1051, 1083, 1112, 1183, 1327, 1334, 1348, 1351, 1373, 1461, 1477, 1488, 1502, 1506, 1514, 3867, 4746, 4761, 4834, 5626 ; (— li membrés) 164, 318 ; (sire —) 233, 358 ; (li quens —) 277, 318,
374, 382, 412, 443, 653, 710, 726, 755, 972, 1095, 1101, 1174, 1342, 1403, 1411, 1493, 3882 ; (- le marcis) 344 ; (li quens — a la chiere hardie) 412, 1063 ; (- le vaillant) 725 ; (— li fiers) 921 ; (- li marchis) 1469 ; GUILLAUME AU COUR NEZ 157 : GUILLAUME AU COURT NEZ 1077; (dant —) 14147 : Guillaume d'Orange, fils d'Aymeri de Narbonne et d'Hermenjart de Pavie.
INDEX DES NOMS
PROPRES
1215
GUIMER (- li floris) 278 : chevalier chrétien, sans doute un parent de Guillaume. GUINEMANT (- li quens) 725 : chevalier chrétien, vraisem-
blablement apparenté à Guillaume. GUIS 142, 328 ; GUÏELIN 215, 725, 1518, 1548, 2899, 3367, 3414, 3656, 3680, 3696, 3846, 3851, 3858 ; GUÏELYN 418, 3389, 3404, 3676, 3686, 3696, 3744, 3851, 3912 ; (— le ber) 3400: Guielin ou Gui, second fils de Beuve de Conmarchis et d'Helissent ; frère de Gyrart ; il trouve la mort sur le champ de bataille de Loquiferne. GUYMAR DE PYMEL 848 : chevalier chrétien tué par Mauduis de Rames ; peut-être le même personnage que Guimer. GYBELIN 17904, 17915 : la famille des Gibelins. GYRARS 142, 328 ; (li quens —) 1507 ; GYRART 417, 1330, 1332, 1523, 1534 etc. ; (— le guerrier) 215, 18709 ; (— le poigneour) 378 ; (— le preuz a la chiere membree) 506 ; (- le preuz) 2432,
2711, 2878, 3393, 7479, 13944, 15346, 15437, 15522 ; (li quens 2441 ; (li quens —) 2450, 2474, 2660, 3856, 3878, 3890, 7715, 14393, 14403, 15372, 17025, 18661 ; (— le palasin) 2519 ; (- le redouté) 3027 ; (- li quens) 3058 ; (le ber —) 3195 ; (— le preudom) 3477 ; (- le preuz a la chiere hardie) — a la chiere membree)
3664, 3751 ; (- le vaillant) 3731 ; (— chiere membree) 7152; (le quens —) 7103 ; (- le fleuri) 7105 ; (- a la membree) 7318 ; (— li viex) 7381, 7402 ; (— li preuz) 14537, 15403 ; (- au courage vaillant) 7681 ; (— li chenuz)
3873, chiere 7575, 7777 ;
(— le preuz au courage aduré) 13400 ; (li preuz — a la chiere hardie) 14049 ; (- li princiers) 14101 ; (- le membrez) 14459 ; (— le loez) 14511 ; (sire —) 14551 ; (- chiere hardie) 15315 ; (—
l’alosez) 18228 ; (le vieill —) 18663 ; GYRART DE CONMARCIS 280 ; GYRART DE COUMARCHIS (- le ber) 482; GYRART DE CONMARCHIS 3430, 4177, 7991, 8551 ; (- li frans) 7114 ; (— li berz) 8618 : fils aîné de Bueve de Conmarchis.
Hainaut 17978 : le Hainaut, province belge.
1216
INDEX DES NOMS PROPRES
HARPIN (- le redoutez) 17980 : Eudes Harpin, dernier vicomte de
Bourges ; en 1100, il vend ses biens au roi de France Philippe 1°" pour financer son départ en croisade ; il est le héros de la chanson des Chétifs. HÜE LI MAINE 17969 : Hugues dit « le Grand », chef croisé, seigneur de Chaumont, comte de Valois et de Vermandois (10571102) ; fils d'Henri 1°, roi de France, et d'Anne de Kiev ; frère
du roi Philippe F. HUISTACE (- li membrez) 17960 : Eustache IL, comte de Boulogne (1020-1080), père de Godefroy de Bouillon.
IDAIN
17963 : Jde de Lorraine, devenue sainte Ide (1040-1113),
fille de Godefroi le barbu et épouse d’Eustache Il ; mère de Godefroi de Bouillon. Irveilles 9905 : fleuve qui coule au pied de la forteresse de Baudune. Isle (le roy d’— la renonmee) 7310 ; (roy d’—) 7328, 7588, 7631, 7978, 8239, 8552, 8789, 8803, 9370, 9637, 10573, 10609, 10711, 10993, 11615, 12774 ; (bon roy d'-) 7670, 9253, 9576, 9669, 10528, 10594, 10717, 13350 ; (le roi d’—-) 10790: île sous la domination du roi Grebuede, père de Florentine ; nous ne disposons d'aucun indice pour l'identifier.
JEHAN 18534 ; (— li senez) 17941 : neveu de Renier, fils de Bauduïn de Grèce et de Gracïenne. JEHAN D’ALIS 17983 : chevalier français, protagoniste de la première Croisade. JEHAN (saint —) 18535 : saint Jean. Jerusalem 13891, 19354 ; Jerhusalem 19683 : /a ville de Jérusalem. JHESU CRIS 249, 274, 1134, 5079, 5207, 7020, 10861, 13503, 14794, 15551, 18426 ; (en l’onneur —) 5639 ; (par [le] douz -) 4224 ; JHESUS 357 ; JHESU 1353, 1871, 1874 , 3996, 4517, 6515, 6913, 7582, 8247, 8447, 8509, 8603, 8794, 9606, 9780,
INDEX DES NOMS
PROPRES
1217)
9835, 10250, 10722, 11693, 11811, 12676, 12768, 13423, 13953, 14524, 16013, 16821, 17254, 17598, 17968, 19713 ; (roy —) 793, 16046 ; (par —) 2341 ; (le glorïieus —) 3185 ; (la char —) 3691 ; (— le posteï) 6936 ; (par le — conmant) 9730 ; (- le glorious) 16767 ;
JHESU CRIST 1393, 1430, 4895, 5460, 10537, 11290, 11911, 11975, 12825, 13000, 13893, 14093, 15089, 18552, 19484, 19724 ; (vrai Pere —) 11290 : Jésus Christ.
Joieuse 772, 856 : épée donnée par Charlemagne à Guillaume.
JOSÜEZ (le vieill -) 690 ; JOSÜEZ 1027 : chef sarrasin à qui Tibaut laisse la garde de Loquiferne. JUDAS
(- le fel) 5471 ; (fel —) 11354 : Judas l’Iscariote, l’apôtre qui trahit Jésus. Juïs 11315, 13894 ; (feuls —) 5472 : le peuple juif. JUPIS 3010 ; JUPI 6787 ; JUPIN (la gent -) 7096 ; JUPITER 11385, 18460 ; (- le grant) 11119, 11318, 17606, 17732 : Jupiter, divinité païenne devenue un dieu du Panthéon sarrasin.
Kahu (- le hubi) 11359 : dieu sarrasin ; voir Quahu.
Kaneliex 2199, 4400, 4429, 4555, 4568, 4592, 5661 ; Kanelieu 2212, 4325,
4440 ; (— malage)
4579 ; Keneliex
2333,
4466,
4584 ; Kenelieu 4444 : les Cananéens, peuple païen allié à Butor ; cette ethnie anthropophage, armée de massues, se déplace à pied. KAPALU 4684, 7985, 7988, 7988, 8006, 8083, 8098 : messager du roi Corbon ; voir Quapalu. Kartage
(le brant de —) 4574;
(en —) 8131 : il s'agit soit de
Carthage, ville fondée par les Phéniciens au fond du golfe de Tunis et autrefois spécialisée dans le négoce des métaux (argeni, étain), soit de Carthagène, en Espagne, fondée par le carthaginois Hasdrubal en 226 av. J.-C.
LAZARON
981 : Saint Lazare, le ressuscité de l'Evangile.
1218
INDEX DES NOMS
PROPRES
Limes 195, 881, 2979, 3829, 6710, 6732 ; Lymes 690, 826, 2374, 2382, 2464, 2505, 2793, 2839, 2988, 3762, 6703, 6727, 6994 : ville sous la domination d'Otran, peut-être Nîmes ; dans la Prise
d'Orange figure en effet un personnage du nom d’Otran présenté comme le roi de Nîmes. LOEŸS 223, 4756 ; (vaillant roy — le ferrant) 4742 ; (bon roy -) 5244 : Louis, roi de France, fils de Charlemagne et époux de Blancheflor, la fille d'Aymeri de Narbonne. LONGIS 2872, 5186, 5241, 16439, 16507, 18369, 18430, 18927 : saint Longin ; ce personnage n'apparaît pas dans la Bible, mais dans les Évangiles apocryphes et la Légende Dorée ; ce centurion aveugle aurait percé le flanc de Jésus en croix et aurait recouvré la vue en se frottant les yeux de sa main où aurait coulé le sang du Christ. Loquiferne 235, 247, 264, 584, 587, 608, 626, 824, 838, 1075, 2105, 2125, 2136, 2265, 4498, 4708, 4872, 5163, 5267, 5407, 5435, 7174, 9705, 9713, 10023, 10092, 11485, 11532, 12270, 12477, 12597, 12687, 13330, 13562, 13873, 14228, 14236, 17347 ; (en —) 276, 366, 819, 893, 1076, 1109, 1562, 2051, 2093, 2252, 2258, 3244, 3897, 3998, 4014, 4205, 4211, 4214, 4236, 4483, 4501, 4723, 4758, 4772, 5069, 5177, 5187, 5342, 5527, 6460, 6471, 6729, 8291, 8294, 8826, 12717, 13338, 17344 ; (— sour mer) 301 ; (souz —) 644, 721, 861, 971, 2165, 2191, 4553, 8340, 9552, 11441, 11521, 11668, 13457, 13610, 13742 ; (vers —) 923, 1026, 2227, 2406, 4061, 4642, 5823, 7101, 11423, 11432, 11547, 11710, 12219, 12365, 12399, 12428 ; (a —) 1048, 2326, 2376, 4648, 5094, 8816, 11244, 11395, 11514 , 14812 ; (- sus mer) 12584, 12621 ; (— la lee) 13860, 14821 : ville sarrasine bâtie au bord de la mer ;
le roi Tibaut, à qui est revenu l'héritage de Desramé, en est le seigneur ; prise par Maillefer et Guillaume, la ville est rebaptisée Messine par Renier. Luti (les Turcs de -) 7496 : selon M, ville et royaume des Lutis,
peuple sarrasin (I, 2, 1227) ; « à l’origine, les Leutices ou Wilzes, peuple slave habitant l'actuel duché du Mecklembourg » (H, 656) ; N. Andrieux-Reix note que le nom de Luti a également pu
INDEX DES NOMS
PROPRES
1219
être identifié « avec celui de Luiserne (ville sarrasine d'Espagne)» (Moniage Guillaume, p. 337). MADÏANS 7467, 14206, 14877, 14896, 15168, 15183, 15195, 15199 15224, 16006, 16062, 16071, 16156, 16164 ; (- le senez) 14521 ; MADIÏANT 8805, 8808, 14884, 14917, 15162, 15175, 15193, 15206, 15209, 15211, 15228, 15997, 16068, 16087, 16159, 16162 ; (le courtois —) 14182 ; (- le sené) 15992 ; MADÏENS
14194 : chambellan de Grebuede. MAGDALENE
(La -) 15560 : sainte Marie-Madeleine,
la péche-
resse de l'Évangile. - MAKARIN (- le tirant) 16884; MAKARINOS 16895, 16900, 16907, 16920 : autre nom d’Akarïos. MAHOMET 654, 1282, 1778, 1816, 1824 etc. ; MAHOM 663, 888, 925, 1206, 1294 efc. ; (- le rassoti) 11355 ; MAHON 895, 996, 1258, 2867, 5212, 5693, 8305, 10088, 11452, 11465, 11954, 19339 : le prophète Mahomet, né en 570 à La Mecque et mort en 632, considéré comme un dieu sarrasin.
MAILLEFER 3, 7, 23 etc. ; MAILLEFERS (rois —) 1501, 1522 ; MALLEFER 4791 ; MAILLEFIER 6483 ; (fort roi —) 8136 : Maillefer l’Esclavon, fils de Raïinouart et d’Aélis, la nièce de Guillaume ; père de Renier et de Gracïenne. MALAQUIN 6978, 6998 ; (roy —) 6967, 11832, 12564, 12566 ; (-, sire) 7014 ; (— le ber) 12576 : puissant roi turc, conseiller de Butor. MALCUIDANS 9409 ; MALCUIDANT 9438 : pirate. MALDRIN 19940: guerrier païen tué par Renier, membre de l’armée de Corsabrin. MALTIRANT 9028 : pirate. MALVOILLANT 9030 : pirate. MANESSIER 15205, 15211, 15214, 15220, 15231 : écuyer de Bertran. MANESSIER
19923 : homme de Renier, tué par le roi Corsabrin ;
peut-être le même personnage que précédemment. MARBARIN 14122, 14140, 14143 : espion du roi Pierrus.
1220
INDEX DES NOMS
PROPRES
MARBRÏEN 6810, 14240, 14264, 14611, 14640, 14691, 14930, 14932, 14935, 15303, 15898, 15943 ; (-, sire) 14232, 14654, . 14723, 14832 ; (roy —) 14358, 15701 ; (- le Perssis) 14597 ; (— l’antecris) 14772 ; MARBRÏENS 6810, 6818, 6878, 6883, 6970, 9876, 10031, 10048, 10074, 10196, 11658, 14251, 14649, 14666, 14693, 14697, 14711, 14717, 14787, 14796, 14817, 14838, 14934, 15131, 15142, 15236, 15264, 15274, 15308, 15673, 15676, 15681, 15708, 15778, 15790, 15851, 15867, 15880, 15891, 18488, 19741 ; (roy —) 6803, 9735, 9751, 10041, 10079, 14225, 14288, 14321, 14848, 14946, 14972, 14988, 15147, 15203, 15233, 15238, 15245, 45275:.15705:15717:215728 1576015815 05852; 19853 ; (roy — au courage aduré) 10112 ; (- le douté) 10116 ; (— ‘ l’Arrabis) 10286 ; (— a la chiere hardie) 14627 ; (— l’avressier) 14674 ; (- l’antecris) 15123 ; (— l’aumaçour) 14810 ; (- l’Arrabi)
15699 : géant et roi sarrasin, frère cadet du roi Butor, seigneur de Baudune et de Roche Brune, tué par Renier. MARDONE (roy —) 19939 : roi sarrasin tué par Renier ; père d’Yvorel et allié de Corsabrin. MARGAIRE (le vieill —) 19943 : guerrier sarrasin tué par Renier ; cousin de Gorel et membre de l’armée de Corsabrin.
MARGARIZ
(roy -) 3336 : roi sarrasin, allié du roi Rubïon et
d'Otran de Limes ; voir note corr. MARGOZ 3010 : divinité sarrasine ; voir note corr.
MARIE 2438 ; (sainte —) 113, 2335, 3667, 3667, 4519, 5091, 5583, 6654, 7105, 11593, 11730, 11930, 12841, 13592, 13637, 14324, 14895, 15635 ; (le filz sainte —) 828, 1065, 7196, 10900, 10963, 15859, 18625, 19213 ; (dame sainte —) 2961, 5619, 8401, 11680, 11968 ; (le filz —) 4870, 8847, 11039, 11855, 12275, 12733, 13777, 13785, 14061, 15355 : la Vierge Marie, mère de Jésus. Marchis au Court Nez (Le —) 1044, 1364, 3867, 6696, 18857 : sobriquet de Guillaume d'Orange. Marsseille (vers —) 525 ; (droit a —) 1814, 9535 ; (a — sus mer) 6541 ; (a —) 6559, 7929, 8837, 9674, 17580 ; (droit vers —) 7275, 17575 ; (a — la grant) 17479 ; Marseille (Jusqu’a —) 16346;
_ INDEX DES NOMS PROPRES
1221
(Droit a —) 17627 : la ville portuaire de Marseille dans les Bouches-du-Rhône. MARTIN (le jor saint —) 7100 : saint Martin, l'Apôtre des Gaules, évêque de Tours (mort en 397). MARTIN chanter d’autre — 9383 : voir note corr. MAUBRUIANT (roy =) note 11057 : roi sarrasin, certainement Brunamon ; voir note corr. MAUDUIS DE RAMES 707 ; MAUDUIS 817 ; MAUDUIZ DE RAMES 813, 846 : chef sarrasin, compagnon d'armes du roi Tibaut ; dans Aliscans, il commandait la cinquième eschiele de
Desramé. MAUPRIN 3620; (— le combatant) 3717 ; MAUPRINS Sarrasin, homme du roi Rubion, tué par Gyrart.
3643 :
Mautran 17975 : siège de l'évêché d'Adhémar de Monteil. MICHIEL
(saint —) 18848 : saint Michel, archange, protecteur des
chevaliers à l'heure de la mort ; il emporte l'âme de Bertran au Paradis. Miesines 13875 ; (droit a —) 16249 ; Miessines 13905, 13912, 13982, 13984, 14023, 14888, 17344 ; (— la grant) 14184, 16299 ; (droit a —) 14284, 14307, 14518, 15363, 16206, 16421, 16494, 17060, 17076, 17203, 17859, 18522 ; (envers —) 14294 ; (hors de
—) 14348 ; (droit vers —) 16282, 17083 ; (a -) 16313, 16500, 17257, 17253 ; (a — la grant) 16303, 17099 ; (desouz —) 17267 ;
(dedenz —) 17307, 17464, 17695, 17710, 17873 : la ville fortifiée de Messine, ancienne Loquiferne, en Sicile ; Miessines 13883 : cri de ralliement des hommes de Renier. Monjoie 730, 792, 3655, 3660, 3752, 4518, 10799, 14733 : cri de guerre de Charlemagne devenu celui des Français. Montir (Murgalés de —) 1267, 4463 ; Montyr 4587 : mystérieuse cité sarrasine dont seraient originaires Murgalet et Guilant; Montir 3612 : cri de guerre du roi Tarside. MORADAS (roy —) 17131, 17145, 17154, 17173 : roi turc, ravisseur de la mère d'Ydoine ; tué par Robert Ricart. MORANT 9027 : pirate. |
1222
INDEX DES NOMS PROPRES
MORGAIN 5530 ; MORGUE (- la fee) 8273 : la fée Morgue, soeur du roi Arthur, amante de Rainouart et mère de Corbon. MORGAIRE (roy —) 12381 : roi sarrasin allié à Brunamon et tué par Grebuede à Loquiferne. MORGAIRES 9028 : pirate. Morimont 1538, 2492, 2631, 2724, 2950, 2983, 2990, 3542, 4660, 7001, 7032, 7058, 7390, 7418, 7476, 7614, 7711, 7997, 8029, 8042, 8240, 8348, 13944, 14125, 14391, 15313, 15416, 15460, 15581, 16292, 16423, 16467, 17041, 17384 ; (a —) 1546, 1550, 2113, 2317, 2440, 2499, 2559, 2593, 2599, 2855, 3342, 3400, 4736, 5093, 5841, 6575, 6601, 6927, 6982, 7040, 7223, 7276, 7358, 7384, 7484, 7493, 7516, 7532, 7574, 7987, 7990, 8057, 9582, 9593, 9602, 10883, 12615, 13935, 13960, 14155, 14365, 14402, 15322, 15333, 15425, 15475, 15499, 16240, 16406, 16996, 18228 ; (la terre de — sus mer) 2367 ; (souz —) 2391, 2516, 3593, 3663, 3749, 3758, 6991, 7064, 7070, 7590, 11398, 14379 ; (en —) 2427, 2430, 2522, 2658, 2945, 3000, 3068, 3208, 3349, 3356, 3399, 3736, 3905, 3969, 4832, 7088, 7126, 7138, 7151, 7190, 7217, 7317, 7334, 7379, 7680, 7784, 8113, 8150, 8395, 8472, 8565, 8604, 14107, 14114, 14541, 15492, 15530 ; (vers —) 2471, 2473, 3201, 5696, 6689, 7400, 7750, 8009, 11053, 13950, 15432, 15505,
15649 ; (- la freté) 8263 ; (— la garnie) 14056 ; (— le
danjon) 16436 : ville portuaire de Provence, proche de Porpaillart, où se dresse une forteresse juchée sur un rocher ; 2453,
15588, 16932 : cri de guerre de Gyrart. MORIS (le cors saint —) 3370 : saint Maurice, martyr de la légion thébéenne, exécuté sur l’ordre de Maximien en 286. MOŸSANT 5451 : Moïse, législateur des Juifs. MURGALÉS DE MONTIR 1267 ; MURGALÉS 1269, 1273, 1282, 1314, 5784 ; MURGALET 1317, 1689, 1701, 1788, 5049, 5062, 5133, 5140, 5142, 5748, 5765, 5770, 5773, 5799, 5804, 5992, 6247, 6362, 6372, 6379, 6390, 6394, 6401, 6409, 6413, 7778, 8017, 8235, 8867, 11641, 12290, 12387, 13155, 13353, 13360, 15760 ; (- le fier) 5750 ; (- au courage vaillant) 7672 ; (— li chenus) 8899 ; (— le sené) 19596 ; MURGALET DE VALBIS
INDEX DES NOMS
PROPRES
1223
1933 ; MURGALEZ 5136; MURGALET DE PERSSIE 11853 : geôlier sarrasin et fidèle serviteur d’Ydoine ; devenu chrétien, il se met au service de Renier en qualité d'interprète.
Nistre
(tout droit vers
—) 16568 : Nicée
(aujourd’hui
Iznik en
Turquie), ville du royaume de Bauduïn de Grèce, située au sud est
de Constantinople et à cing journées de cheval de Civetot ; cette cité d'Asie Mineure fut prise par les croisés le 26 juin 1097. Noiron (porte —) 1049 : nom de l’une des portes de Loquiferne ; voir note COrr. NOIRON 11385 ; (la gieste —) 2889, 3937 ; (la mesnie —) 6171 ; (la gent —) 7235 : l’empereur romain Néron, qui fit martyriser les chrétiens ; dans l'imaginaire médiéval, cette figure tutélaire du paganisme est devenue un dieu sarrasin ; voir note 2889. NOIRON 9029, 9440, 9458 : pirate. Nostre Dame 1395 : La Vierge Marie.
OELLART 9222, 9034, 9401 ; (- le forssenez) 9340 ; OELLARS 9085, 9289 ; OIELLART 9428 ; (- le lerre) 9166 ; OEILLARS 9169, 9396 ; (- le grant) 9041 ; OEILLART 9087, 9095, 9226, 9280 ; (— le grant) 9153, 9304,
9388,
9415 : géant,
chef des
pirates et allié du magicien Grymbert ; tué par Renier. ORABLE (- dame) 1414 : nom païen de Guibourc, l'épouse de Guillaume. Orenge 379, 757 ; (—- la garnie) 419: Orange, ville fortifiée, conquise par Guillaume sur le roi Tibaut. Orïant (le pueple d’ —) 3970 : l'Orient. OSTRAGONS
2095, 2116, 2131 ; OSTRAGON
5707 : messager
du roi Butor. OTRANS DE LIMES 195, 2979, 6710 ; OTRANS DE LYMES 690, 826, 2373, 2382, 2464, 2793, 2839 ; OTRAN DE LIMES 881, 3829, 6732 ; OTRANS 6817 ; (- li hardiz) 3334 ; OTRAN DE LYMES 2505, 2988, 3762, 6703, 6727, 6994 ; OTRAN (roy
1224
INDEX DES NOMS PROPRES
—) 3635 : roi et devin sarrasin apparenté aux rois Rubion et Salatré ; décrit comme vieux et chenu.
Paris 225, 1146, 2479, 4057 : Paris, capitale du domaine royal et de la France, principale résidence des rois et de la cour de France. Paradis 232, 355, 1132, 1471, 1843, 1994, 4052, 5236, 5638, 10877, 11018, 13509, 14590, 15573, 18439 ; (en —) 2457, 3363, 3732, 14737, 15556 : le Paradis. Pasques (Au jour de —) 11288 : Pâques. Passion 2896, 11455, 11817, 19548 ; Passions 16499 : la Passion du Christ. Pavie (hiaume de —) 13796 : Pavie, capitale de la Lombardie ; le heaume de Pavie, habillement de tête renommé au Moyen Âge, était fait de trois pièces rivées, avec une doublure en forme de croix sur la face et percée de vues sur l'arrête saillante horizontale ; la partie antérieure descendait en manière de bavière sur le camail. PECOULET 186, 250 ; PECOULÉS 193, 240 ; PIECOLET 409, 445, 586, 715, 1179 etc. ; (— le seultis) 1154 ; (— le petis) 4222, 4797 ; (- l’avressier) 18204 ; (— le desvez) 18334 ; (- li desvez) 18508 ; (— le desvé) 18596, 18601 ; (- le larron) 18650 ; (- lerre) 18829 ; (- li petis) 18917 ; (— le faez) 19071 ; (— le Perssi)
19084 ; PECOLET 584, 19173, 19182, 19202, 19215, 19225, 19254, 19259, 19267, 19274, 19298, 19331, 19381, 19384, 19407, 19445, 19451, 19472, 19478, 19481, 19495, 19502, 19514, 19533, 19565, 19570, 19639, 19645, 19702, 19810 ; (— li petis) 11020, 19278; (- li tyrans) 19337 ; (- l’aduré) 19434 ; (— le felon) 19537, 19551 ; (- le desvé) 19619 ; (— li Escler) 19803 : PIE-
QUOLET 4785, 4803, 4840, 5196 : nain et magicien sarrasin ; ancien précepteur de Maillefer, il devient son conseiller après sa conversion feinte. Perche 17973 : comté faisant partie du Maine. Pere 2846, 3357, 5451, 6158, 7880, 14028, 14702, 15078, 16470, 18049,
18476,
18568 ; Pere
celestin
(vrai —) 7092;
Pere
INDEX DES NOMS
PROPRES
1225
Creatour (vrai —) 10187 ; Pere de lasus 2639 : Pere des ciex
18323 ; Pere droiturier 3533, 5117, 5382, 5647, 5684, 9942, 10330, 10437, 10582, 10602, 17385, 18191 ; Pere droituriers (vrai —) 5190 ; Pere Jhesu Crist (vrai —) 11290 ; Pere justiciere
5390 ; Pere justicier (vrai —) 9859 ; Pere omnipotent 7555, 8746 ; (biau —) 15040 ; Pere puissant 16885 ; Pere royamant 7735, 16316, 17426 : Pere tout poissant 5423, 7900, 9026 ; Pere tout puissant 15103, 16176 ; (vrai —) 16885 : Dieu le Père. PERE (le jour saint —) 13864 : saint Pierre, chef des apôtres, martyrisé à Rome en l'an 64. PERRUS 6507, 14111, 14119, 14464, 14480, 14586, 14590 ; (- le fel) 6515, 14381
; (— le desvez) 14411
; (sire —) 14511
; PIER-
RUS 14117, 14137, 14400, 14420, 14430 etc.; (- li desvez) 14140; (— le fel) 14150, 14158, 14376, 15321, 15407, 15417, 15431, 15480, 15508, 15608, 16038, 16294, 16318, 16321, 16760, 16777, 16861 ; (— de Gresce) 14366 ; (— le losengier) 15396, 16692 ; (— le mescheans) 16482 ; (— le deffaés) 16922 ; PIRRUS
16326, 16750 ; (- le fel) 16310 ; PIERUS (- le fel) 16925 : fils naturel du roi Richier ; usurpateur du trône de Grèce au détriment de son demi-frère, Bauduïn, héritier légitime; il meurt décapité sur l’ordre de Gyrart. Persans 366 ; Perssant 734, 922, 952, 1014, 1206, 2192, 3555, 3712, 4744, 5146, 6166, 7572, 9734, 9995, 10035, 18649 ; (Rubïon le —) 10017 ; (Butor le —) 11542 ; Perssans 4667, 7119,
9789, 18311, 18688, 19359 ; Perssanz 4698 : Habitants de la Perse, Sarrasins en général. Persis 247, 275, 1157 ; Perssis 3343, 3434, 5063, 5238, 11008, 15566 ; (Brunamon le -) 11297 ; (Marbrien le —) 14598 ; Perssi (Butor le —) 6798, 13581 ; (Brunamon le —) 13326 ; (Piecolet le —) 19084 : habitants de la Perse, Sarrasins en général. Perssie (Murgalet de —) 11853 ; (la gent de —) 13314 : le royaume
de Perse. Perssoy (Brunamon le —) 12494 : Perse. Phar (le —) 13879, 17350 ; (par mi le —) 17270: le détroit de Messine.
1226
INDEX DES NOMS PROPRES
PHELIPPE (roy -) 17970 : Philippe [”, roi de France (1060-1108), qui régnait sur la France au temps de la Première Croisade. PINABEL (roy —) 857 : roi sarrasin allié à Tibaut d'Afrique, tué par Guillaume à Loquiferne. PINABEL (roy —) 6037 : roi sarrasin allié au géant Corsoult, tué par Renier à Rocheglise. PINART 2183 : Le roi Pinart, tué par Bertran à Loquiferne. PINART
DEL
BRUELL
ANTI
11342 : roi sarrasin, prétendant
malheureux de la belle Ydoine ; C note que le personnage rappelle Pinart de Brouseule, qui apparaît dans Galien li Restorés. Pincenart 2200, 4548, 4557, 7497 ; (li cornu -— boiseour) 2213 ; (li — fier) 4329 ; (le — felon) 4449 ; Pincenars 2150, 2334, 4399,
4561, 4566, 5662 ; Pincenarz 4465 : habitants de la Pincernie, caractérisés par leur tête cornue et un langage se limitant à des hurlements ; hist. les Petchénègues, peuple turc nomade qui s'était établi à la fin du IX° siècle sur le rivage de la mer Noire, entre les bouches du Danube et les bords du Don, « vers les frontières de l’Empire byzantin qu'ils ne cessèrent de harceler au X° siècle jusqu'à ce que leurs bandes disloquées entrassent à son service comme troupes auxiliaires » (P. Bancourt, op. cit., p. 17). Pincernie 672, 2117, 4294, 4552 : royaume de Butor, peuplé par les Pincenarts. Ponti (l’amirant de —) 6935 : ville ou pays sarrasin. Popeliquans 7117 ; Popeliquant 15086 : peuple païen ; hist. secte manichéenne, dont on parla lors de la quatrième croisade. Pourpaillart (en -) 103 ; Poupaillart (en —) 116, 1505 ; Portpaillart 485, 17527 ; (a —) 6456, 6565, 8836, 18229 ; (en —) 6486, 17534 ; (Em —) 17403 ; Porpaillart 2385 ; (en —) 459, 521, 1548, 6474, 7937, 9532 ; (a —) 602, 2898 ; (souz —) 1329, 2379 ; Porpoillart (vers —) 6315 : ville située en Provence, non loin de Morimont ; conquise par Guillaume, elle échoit à Rainouart puis à Maillefer qui en confie la garde à Guïelin ; lieu de naissance de Renier ; voir note 103.
INDEX DES NOMS
PRIEMOR Barré.
PROPRES
4463, 4587 : compagnon
1227
d'armes des rois Butor et
Provence (en —) 25 ; (Droit en —) 1214 ; (— la garnie) 8041 ; Prouvence (Droit en —) 538 ; (en la —) 14124 ; (en — la grant)
16996 : la Provence, région du sud de la France où se situent Portpaillart et Morimont. Puille (en —) 17919 : la Pouille, province de l'Italie méridionale bordant la mer Adriatique.
QUAHU (lingnage —) 795 : dieu du Panthéon sarrasin ; voir Kahu.
QUAPALU 4681, 8023, 8049, 8061, 8087 ; (— le felon) 7601 : messager du roi Corbon ; voir Kapalu. Quartage (drap de —) 12492 ; (hiaume de —) 13305 : Carthage ou Carthagène ; voir Kartage.
RAIMBAUT CRETON 17982 : chevalier croisé qui se distingua au siège d'Antioche. Rains 1146 : Reims, dans la Marne, ville impériale. Rames (Mauduis de —) 707 ; (Mauduiz de —) 813, 846 : Ramah, ville de Palestine (aujourd’hui Ramleh) située entre Jaffa et Jérusalem, évêché franc ; 851 : cri de guerre de Mauduis. Recuite 8203, 8384, 15840, 15866, 15900 ; Requite 1987 : nom de l'épée de Renier forgée par Galant ; elle a jadis appartenu à
l'émir Codroué ; voir note 1987. REMI (le cors saint —) 15694 : Saint Rémi, évêque de Reims qui convertit Clovis (mort en 530).
RENIERS 136, 147 ; RENIER 177, 478, 491 etc. : Renier, fils de Maillefer et de Florentine ; frère de Gracïenne ; époux d’Ydoine et père de Tancrède. RENOART 680, 5826, 6695, 8313 ; (- au perchant) 5426 ; (- le fier) 5530 ; (— au vis fier) 5536 ; RENOUART (- a perchant) 3588 ; (— le douté) 8274 : fils du roi Desramé et frère de Guibourc ; il se convertit, épouse Aélis, la fille du roi Louis et de
1228
INDEX DES NOMS
PROPRES
Blancheflor, et engendre Maillefer ; il est aussi le père de Corbon, qu'il conçut avec la fée Morgue. RICART (le bon -) 17979 : chevalier croisé, né à Chaumont, compagnon de Baudouin de Bouillon, l'un des Re frère de
Richard li Restorés. RICHIER 4933: Richier, le défunt roi de Grèce, père de Bauduïn et de Pierrus. ROBERS RICARS 16397, 16403, 16464 ; ROBERT RICART 16857, 16883, 16910, 17125, 17229, 17312, 17770, 17775, 17879, 17892, 17938, 18693, 18709, 18885, 19231, 19307, 19678, 19695, 19914, 19979, 19992, 20052 ; (— a la chiere membree) 17164, 17217 ; (- au courage aduré) 18932 ; ROBERS
RICART
16686,
16980 ; ROBERT 16901, 16908, 16931, 16940, 17171, 17175, 17180, 17223, 17231, 17241, 17243, 18563, 19846; (- le guerrier)
17844 ; ROBERT RICHART 19318: vassal du vicomte Rogier ; époux de la mère d'Ydoine et père de Bohémond ; hist. Robert Guiscard, père de Bohémond [”, prince de Tarente, duc de Pouille et de Calabre (1057-1085). ROBERT
17978 : Robert, comte de Flandres, fils de Robert [° le
Frison; chevalier croisé, chefs des Flamands à la Première Croisade; hist. Robert II, le Jérosolymitain, mort en 1111. Roche Agüe 16680, 16777, 17893; (a —) 16624, 16662, 16953; (en —) 16733 : seigneurie de Rogier, où se dresse un château environné par la mer ; voir note 16625. Roche Brune 10084 ; (a —) 10036, 10047, 10073, 14224 : château situé non loin de Baudune ; il est entouré de forêts giboyeuses où le roi Marbrien aime à séjourner. Roche Foraine 12795, 12869, 12941, 13165, 13249 : forteresse aux mains de Salabrun ; peut-être la ville de Massa Furiana, en Sicile ; foraine pourrait également être un simple adjectif signifiant « étrangère ». Rocheglise 5999, 6026, 6337, 11076, 11200, 18494, 18501, 18506, 18523 ; (a —) 1196, 5143, 17749, 18497, 19699, 19808 ; (en —) 2786, 5903, 5904, 6112, 6168, 6262, 6444, 6620, 6671, 10947, 10957, 11045, 11059, 11068, 11122, 18592, 18738, 19221, 19245,
.
INDEX DES NOMS PROPRES
1229
19295, 19553 ; (souz —) 5747, 5809, 6044, 6069, 6317, 6660, 11285, 18610, 18724 ; (vers —) 5924, 18520, 19542 ; Rocheglyse 5144 : cité portuaire,
aux abords de Venise,
où se dresse une
forteresse dans laquelle Ydoine trouve refuge. ROGIER 10779 : chevalier français mis à mal par Estorgant. ROGIER 16690, 16693, 16892, 16909 : le vicomte Rogier, seigneur de Roche Agüe, assassiné par Pierrus sur les conseils de Makarin ; Robert Ricart est présenté comme l‘un de ses vassaux ; hist.
peut-être Rogier [' dit le Grand Comte, comte de Sicile et de Calabre (1060-1101), frère cadet de Robert Guiscard . ROGIER 19930 : chevalier français tué par Corsabrin. ROHART 9055, 9437 ; (— le fel) 9014, 9020, 9049, 9456 ; ROHARS 9408 : pirate, gardien de la forteresse des pirates. Ronmenie (en —) 17919 : la province de Rome, en Italie. Rosne 6690 : le fleuve du Rhône. ROTOLS
(Li quens —) 17973 : Rotrou, comte du Perche, croisé.
Roy 3108, 7653, 11334, 14704 ; Roy de gloire 1369, 2949, 8217, 13780, 13965, 15070, 15194, 16434, 16463, 18626, 18653 ; (- de sainte majesté) 13373 ; (Vrai —) 13593 ; Roy de lassus 7773 ;
Roy de majesté 3121, 5014, 5895, 6430, 8663, 9255, 10100, 10451, 15183, 15666, 15765, 16640, 17030, 18018 ; (vrai —) 10464, 10523, 15988, 18001 ; Roy de majestez 5944, 6864, 8167, 8319, 10945, 13103, 13524, 14752, 17985 ; (vrai —) 15455 ; Roy de majestés (vrai —) 11156 ; Roy de maïsté (vrai —) 17073 ; Roy du firmament 7967, 9721, 11550 ; Roy du firmamant 17690 ; Roy suppellatis 10884 ; Roy omnipotent 6904 : Dieu. Roÿne courounee 519 ; Roÿne couronnee 11729, 13181 ; Roÿne genitrix 18428 : la Vierge Marie, mère de Dieu. RUBÏON 619, 3014, 3560, 3602, 3820, 10733, 10737 ; (roy —) 2858, 3007, 3334, 3635, 3641, 3711, 6992 ; (-, sire) 2989, 3340 ; (— le sené) 3012 ; (— le Perssant) 10017; RUBIONS 10702 ; RUBŸONS 668, 692, 880, 2374, 2410, 2494; (roy —) 2722 ; RUBŸON 820, 827, 2792, 2865, 2979, 2981, 2996, 3029, 3346, 3808, 3813, 6701 ; (roi —) 2975 : roi sarrasin, oncle de Tarside-;
décrit comme sage et chenu, il est conseiller de Tibaut, puis de
1230
INDEX DES NOMS PROPRES
Butor qu’un passage donne pour son neveu ; il assure alors la garde de la tour de Baudune. RUMBRERS 9027 ; RUBERS 9440 : pirate.
Saint Denis (a -) 6929 ; (jusques a —) 8005 : bourg, abbaye au nord de Paris, fondée par Dagobert. . SALABRON 6883 ; SALABRUN 6885, 6971, 7490, 7499, 12826, 12902, 12937, 12945, 12953, 12980, 12989, 12994, 13026, 13127, 13141, 14257, 14258, 14263, 14302, 14643, 14675, 14683, 14708, 14710, 18074, 19741 ; (roy —) 7545, 8591, 12805, 12813, 12858, 12984, 13011, 13080, 13159 ; (-, sire) 12892 ; (- le fier) 12928 ; (— le desvez) 14299 ; SALABRUNS 7395, 7563, 12847, 12916, 13088, 14615, 14649 ; (roy —) 7370, 8533, 12888, 13166: roi turc, seigneur de Roche
Foraine ; tué par Bertran ; voir note
6883. SALATRÉ 2793, 2980, 3335, 3790 : roi sarrasin, parent des rois Rubiïon et Otran, décrit comme vieux et chenu ; il est probable
qu'il s'agisse du même personnage que le suivant. SALATREZ 708 : compagnon d'armes de Tibaut. Salorye 2478 : ville ou pays sarrasin dont serait originaire Estornamon le gris ; selon M. Of, il s'agirait d’une « localité espagnole, entre Balaguer et Andrenas » (éd. de Guibert d’Andrenas, p. 459). Sarrasins 188 ; Sarrazins 227, 777, 804, 872, 899 etc. ; (— felons) 283, 9969 ; (frans — membru)
781 ; (franc -) 3763 ; Sarrazin
734, 868, 1028, 1247, 1581 etc. ; (li — felon) 4074, 4438 ; (li — glouton) 18444 ; Sarrasin 11365, 12060, 12084 : les Sarrasins,
peuple païen, ennemi des Français et de la Chrétienté. Sauveour (le saint —) 390 : Le Sauveur. Sepulcre 5014, 13892, 18572, 19355, 19363, 19367, 19664, 19723, 19757, 20023 ; (Saint —) 7952, 17968 ; (le — outre mer) 11569 ; (vrai —) 18652, 19783 ; (droit au —) 19718 : le tombeau du Christ à Jérusalem et l’église, visitée par les Pèlerins et les Croisés. Sezile 13880, 17920 : l'île de la Sicile au sud de l'Italie.
INDEX DES NOMS PROPRES
1231
Sire 2527, 3365, 9519, 14405, 14566, 18002 ; (dous -) 15563 : Le Seigneur, Dieu.
SORBRIN 9439 : pirate. Surie (destrier de —) 807, 3675 ; (destriers de —) 16797 : la Syrie,
royaume sarrasin réputé pour ses chevaux ; aujourd'hui l’équivalent de la Syrie, du Liban, d'Israël et de la Jordanie réunis. SYMON 2784 : chevalier français prisonnier des Sarrasins à Venise et libéré par Ydoine, devenu l'écuyer de Renier. SYMON (le cors saint —) 2910: Simon « le Cananéen », « le zélote », l’un des douze apôtres de Jésus. SYMON 10779 : chevalier français mis à mal par le géant Estorgant.
TABARDIN 8910, 8952, 8955, 8974, 10226, 10236, 10248, 10359, 10375, 10385, 10400, 10407, 10411, 10414, 10421, 10462, 12100,
12106, 12111, 12121, 12150, 12159, 12164, 12748, 12761, 12973, 13031, 13046, 13051, 13061, 13064, 13094, 16361, 16367, 18114, 19065, 19076, 19188, 19266, 19393, 19408, 19423, 19428, 19430, 19438, 19443, 19449, 19901 ; (- le mauffé) 8541 ; (— le mausfez)
8931 ; (— le legier) 16533, 18715 ; (- li mauffés) 16921 ; (- le bruiant) 19423 : messager de Belzébuth, équivalent démoniaque de saint Michel, qui emporte les âmes des païens en Enfer ; il est évoqué à de nombreuses reprises par Grymbert.
TANGERÉ 5011 ; TANCRÉ 11566, 13887, 13895, 17947, 18551,
18564, 18577 ; (— li membrez) 17940 ; TANCREZ (le bon vassal —) 17957 : Tancrède, fils de Renier et d'Ydoine, neveu de Bohémond ; hist. Tancrède de Hauteville (1072-1112), chef croisé,
fils d'Eudes le Bon marquis et d'Emma, la sœur de Bohémond de Tarente ; prince de Tibériade et de Galilée puis d’Antioche ; il épouse Cécile, la fille de Philippe I” en 1106. Tarence (droit vers —-) 16568 : terre faisant partie du royaume de Bauduïn de Grèce ; hist. peut-être la ville de Tarente, colonie spartiate fondée vers l'an 708 av. J.-C. à l'extrémité sud de la
1232
INDEX DES NOMS
PROPRES
péninsule italienne, ouverte par son golfe sur la mer lonienne et la Méditerranée orientale. TARSSIDES (roy -) 3019 ; TARSSIDE (roy —) 3032 ; TARSIDES (roy —) 3336, 3607, 4469 : roi sarrasin, neveu du roi Rubion. Temple 19724 ; (le — dominé) 5012 ; (le — honnouré) 13890 : le Temple de Jérusalem, construit par le roi Salomon, détruit par Nabuchodonosor II et reconstruit au retour de la captivité des Juifs à Babylone. TERVAGAN 3026, 6787, 12517 ; TERVAGANT 5149, 8102, 11118, 11317, 11520, 12188, 13833, 14989, 17605, 17731, 18460 ; (la gent —) 3774, 7649, 11113, 15939 : Tervagani, l'une des quatre idoles que les chrétiens du Moyen Âge prétendaient être adorées par les Sarrasins. TIEBAUT 167, 176, 189, 241, 641, 650, 681, 733, 1526, 5608 ; (roy —) 5, 627, 646, 656, 12520 ; (rois —) 200, 208, 220, 234; TIEBAUS 307 ; TIBAUT 694, 697, 700, 704, 713, 745, 758, 773, 778, 780, 812, 869, 884, 907, 910, 915, 923, 928, 937, 941, 953, 955, 962, 964, 977, 991, 993, 995, 1006, 1014, 1016, 1029, 1032, 2337, 4408 ; (sire —) 669, 756 ; (roy —) 728, 967, 1000, 1018, 1041, 4411, 5299 ; (— li Esclavon) 985 ; (— le renonmez)
1037 ; (- l’Esclavon) 1052 ; (ber —) 1060 ; TIBAUT D’ARRABE 830, 4287 ; (roy —) 2266 ; (— le guerrier) 4335 ; TIEBAUT D’AR-
RABBE 761, 950 ; (- le puissant) 15033 ; TIBAUT D’ARRABBE 900 ; TIEBAUT D’ARRABE 988: seigneur de Loquiferne et roi d’Esclavonie, vaste royaume comprenant l"Égypte ; neveu de Desramé et premier époux d'Orable ; blessé à mort par Bertran. TIERRI 2784, 3076, 3082, 3085, 3107, 3115, 3128, 3134, 3137, 3192, 3207, 3210, 3219, 12368 ; (— le preuz) 3122, 3526 : TYERRI 7587 ; (- le preuz) 5967, 5992, 13664 ; (— le senez) 13108, 13155 : chevalier français tiré des geôles de Brunamon par Ydoirie et devenu l'écuyer de Renier. Trinité 16463, 18009, 18583, 19644 ; (Dieu de —) 4939 ; (roy de —) 13225 ; (vrai roy de -) 4525 ; Trinitez (sainte -) 9549 : (dame de —) 12841 : Dieu en trois personnes : Père, Fils et Esprit.
INDEX DES NOMS PROPRES
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Tryple 19657 ; Trype 19680, 19706, 19832, 19890 ; (tout droit a —) 19660, 19674, 19755 ; (tout droit vers —) 19766 ; (vers —) 19786 ; (a —) 20010 : à l'époque de la première croisade, le comté franc de Tripoli en Syrie (aujourd'hui au Liban) dont la capitale était la ville portuaire de Tripoli ; en 1201, le comté de Tripoli fut réuni à la principauté d’Antioche, ce qui explique que dans notre chanson le roi sarrasin Grandoce règne à la fois sur Tripoli et sur Antioche. Turcouples 5605 : Turcs ; à l’origine, il s'agissait de « mercenaires byzantins qui formaient un corps d'archers montés à l’imitation des archers montés turcs » (P. Bancourt, op. cit., p. 16). TURFIER (roy -) 5654 : roi sarrasin, allié de Brunamon, tué par Bertran. Turs 247, 710, 874, 876, 1157, 1482, 2177, 2448, 2500, 3044, 3434, 3572, 3605, 3636, 4591, 4667, 4698, 7119, 7206, 7599, 11008, 14333, 15566, 16450, 18087, 18128, 18688, 19359, 19837, 19897 ; (— maleïs) 1164 ; (- fier) 4324 ; (- de Luti) 7496 ; Turc 275, 649, 740, 1524, 2228, 2594, 2857, 2943, 3339, 3343, 3626, 3654, 3816, 4478, 5238, 5567, 5674, 6395, 6809, 8128, 8358, 8373, 9847, 10746, 10828, 11762, 11796, 11810, 11831, 12053, 12069, 12299, 12353, 12434, 12457, 12563, 12752, 12908, 13081, 13085, 13332, 13499, 13536, 13542, 13660, 13675, 13766, 13858, 14255, 14796, 15759, 15787, 15822, 15909, 15969, 15981, 17091, 19763, 19972 ; (— fier) 2063, 8245, 9833 : habitants de la Turquie, Sarrasins, souvent associé aux Perses. Tyr (hiaume de —) 3622 : Tyr (aujourd'hui Sour, au Liban), ville et port de la Phénicie antique, pris par les Croisés en 1124 ; Tyr faisait le négoce des métaux (argent, étain).
Valbis (Murgalet de —) 1933 : cité ou pays sarrasin dont serait originaire Murgalet. Val Jonas 14110, 16574, 16642, 16653, 17894 : puissante cité du royaume de Bauduïn de Grèce, à deux lieues du rivage méditerranéen.
1234
INDEX DES NOMS PROPRES
Val Marie 18067 : cité sarrasine sous la domination de Grandoce. Venisce 69 ; Venice 562, 579, 2761, 5065, 5119, 10917, 18493, 18648, 19744 ; (- sus mer) 4119 ; (droit en —) 5111, 5885, 7794, 17610, 17889, 18104, 18486 ; (- la grant) 5141, 17594 ; (— sus la mer) 6208 ; (- la garnie) 6320, 18624 ; (en -) 9544, 17628, 18595, 18665 ; (— la lee) 13810 ; (en — la grans) 18687 ; Venise 2045 ; (dusqu’a -) 1196 ; (— la grant) 6338 : ville sarrasine,
patrie du roi Brunamon, voir note 69 ; Venice 3780, 6127, 7630, 10744, 11639, 12218, 12452, 13759, 16103, 16104, 19128 ; (— la garnie) 12445 : cri de guerre de Renier, de Gyre et de Bauduïn. Virge 4734, 5465, 6392, 6937, 10013, 11183, 11335, 13163, 13443, 15078, 18107 ; (- honnouree) 515, 16028 ; (sainte —) 1844 ; (—- de Belleant) 3723 ; (— honoree) 7452, 11775, 13916 ; (sainte — honoree) 10680 ; (— roÿne) 11931 ; (- honouree) 12764 ; (sainte — honnouree) 19988 : la Vierge Marie, mère de Jhésu.
YDOINE 1683, 1687, 1700, 1734, 1762 etc. ; (la bele —) 1706, 1762, 1914, 2010, 2762, 4121, 5112, 5763, 5942, 5970, 6077, 6112, 6197, 6448, 6631, 9595, 10943, 10955, 11080, 11089, 11321, 11519, 11572, 11592, 12025, 12736, 13193, 13203, 13212, 13229, 13241, 13642, 16195, 17720, 17764, 18047 ; (— o le cors gent) 1736 ; (- au cors gent) 1743 ; (— au vis cler) 1774, 6671, 17736 ; (— au cler vis) 1921, 11028 ; (la bele — au gent cors eschevi) 2789 ; (- au cors plesant) 3471, 11702 ; (— o le vis cler) 5055, 5974 ; (— o le cler vis) 5064 ; (— a cors plesant) 5145 ; (— au cler visage) 6025 ; (— la sachant) 8468 ; (— l’eschevie) 10919,
13775 ; (- au cors moullé) 11181 ; (la pucele — au cors mollé) 11509 ; (- la senee) 11772 ; (— au cors mollé) 13895 ; (— au vis fier) 17748 : Ydoine, fille de Brunamon, seigneur de Venise ;
magicienne ; elle élève Renier, puis se convertit et l'épouse ; mère de Tancrède. Ysle (roy d’—) 6312, 6417, 6536, 6608, 7293, 8766, 10772, 10790 ; (roy de l’-) 6439 ; (bon roy d’-) 7640, 7776, 8782 ; (bons rois d'—) 9091 : île mystérieuse sur laquelle règne Grebuede ; 10743,
INDEX DES NOMS PROPRES
1235
11640, 12386, 12453, 13760 : cri de guerre de Grebuede ; voir Isle. YVOREL 19941 : fils du roi Mardone ; guerrier païen, membre de l’armée de Corsabrin, tué par Renier.
XATEMENI
EN
2
TABLE DES MATIÈRES introdnctions ah
ntffni care
01.
7
clé:
9
Dr Analyse du texte, f_Liôs.us.supins said" 1 46 Phase 1 : Enlèvement de Renier et Reconquête de Eoqmiférncssues disons. 20h al Phase 2 : Départ de Venise, Bataille de Morimont hésedeboquiienne .:..2,..4..0 40 Phase 3 : Sauvetage d’Ydoine, Capture de Maillefer et seconde bataille de Morimont ............ Phase 4 : Retrouvailles de Renier avec Grymbert éblabérationde Maillefers .. ani ent alt 1, Phase 5 : Second Sauvetage d’Ydoine et seconde Bataille deillbpquiferne same. 2nesis 1 1€. … Phase 6 : Capture de Gyrart, Bataille de Baudune et Reconquête du Royaume de Grèce ........
17
IL. - Contexte de l’œuvre
aus ctunanse
...... annee
17
19 22 25 27.
30
Phase 7 : Noces de Renier, Mort de Bertran et
Pélerinage à Jérusalem... . .ninolodemohA 45. .: 34 Re dénouement perdu... ..:.....: sxghtee 1h... 36 RU A)
Étude DHÉRne nLL Lune 42 Une intégration cyclique problématique ..... 48 Le crépuscule des Aymerides ..saiaertà 11. : 49 Geste de Guillaume ou Geste de Rainouart ? . 55
L'élargissement cyclique:
. einolodeoM 4£ :»: 62
1238
TABLE DES MATIÈRES
B) Un rapport ambigu aux codes épiques ....... 66 Le rôle du jongleur dans la conduite du récit . 67 Aspects de la stéréotypie épique .......... 72 4 La techniQuor"dellallarsser MM en 79 C) Une chanson de divertissement
............
88
Les emprunts aux contes folkloriques ....... Dépaysement él'exoHime Un savant mélange de détentes et de tensions OTAMALQUES Re - UReCRTES D} E’héroïsme épique ‘en-péril -?. . AMEN, 48, AR CRU: Renier} un héros'hybrides MISE, :, & 598 Le héros.et la mer: 4. ARNO Le héros ‘face aufsurdatürel 29 MER, 3 208
89 96
IV. - Présentation du manuscrit V. - VersificationaVs.
19497
...............
101 107 108 114 120
130
QùRAMUNUOUS, : #98 139
A) Table des rimes... ..190N4RR 2h MOUSE! 7e 139 r}' Baisses Férimnesgs7ueé Dion. :. 6 DER 139 2} Laisses masculines. H9MPON PR AUS 140
B) Picerices poétique 1) Graphiëgtn
TE.
90
ne
Eu
TGS.
:, Q 2e&
145
Nb aUpn09et7e 146
2) PHORÉtIQUuE TPE RNA, AN 200071, 1, L 908 3} Morphologie :: «+ MAMA # SRG 4) Syntaxe ss se, MIO MMIOMAN
147 151 154
3) Vocabulaire
156
M
SR
RTE
VI. - Étude de la Tanger. SUPAINS GORE SQU. ! 1} Graphies. . 20 278 Sue 4 a E., 2} Phômétique 277.40 gnusil abur) Met). 3) Morphologie. 222 Insee. T.
157 157 162 167
TABLE DES MATIÈRES
ESS TERRES OR
1239
2 AMIS ET
RE MEME MUR ne er
tes, 174 ee à 193
DT NCIDES COTE + PSP RSR TR use hs PP
Te
nee
PU UN
204
Transcnpton desdettres …...:..".5::4.. rhsenphonides Chiffres, un... Résolution des signes abréviatifs et des ae ne Questions de syntaxe graphique .......... Emploi de signes diacritiques ........... Usage de la majuscule, ponctuation
ChÉmenditonmda
195 195
.......
0 LChaert
205 206 207 211 214 216
217
MIE 2"Bibhograplie Sommaire "2 .........,....
224
TEXTE DES ENFANCES RENIER ...............
251
Dites un le lente
Rd en de ie 5 dou vs te 927
Table des proverbes et expressions sentencieuses
DOTE
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Index des noms propres Table des matières
1021
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1197
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