Endommagements Et Rupture De Matériaux 9782868837141, 286883714X, 9782759802395, 2759802396

Table des matières; Avant-propos; Notations; I Les endommagements des matériaux; II Les endommagements, le désordre et l

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French Pages 256 pages Year 2004

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Table of contents :
Table des matières......Page 4
1.Les matériaux,matière ouvrée......Page 22
2.Endommagement :création de nouvelles surfaces......Page 23
3.Clivages et glissements......Page 25
4.Endommagement par clivage......Page 33
5.Endommagement ductile par cavitation......Page 34
6.Endommagement par fatigue......Page 41
7.Endommagement de corrosion sous contrainte......Page 51
8.Endommagement de .uage......Page 52
9.Combinaisons d ’endommagements......Page 53
10.Conclusion......Page 55
A.Annexe :Modèle de Rice et Thomson......Page 56
2.Contrainte théorique de rupture......Page 58
3.Glissement localisé et dislocations......Page 61
5.Les inclusions......Page 64
6.Grains et joints de grains......Page 70
8.Les fibres......Page 77
9.Conclusion......Page 80
A.Annexes......Page 81
1.Notions de mécanique de l ’endommagement......Page 92
2.Mécanique des matériaux plastiques poreux......Page 100
3.Conclusion......Page 105
A.Annexes......Page 106
1.La fragilisation par l ’hydrogène......Page 108
2.La corrosion sous contrainte......Page 123
3.Fatigue-corrosion......Page 132
4.Conclusion......Page 133
Annexe.Propagation d ’une .ssure par accumulationde gaz en fragilisation par l ’hydrogene.......Page 134
1.Développement des recherches sur la fatigue......Page 136
2.Développements de la maîtrise de la rupture fragile......Page 138
3.Conclusion......Page 157
A.Annexes......Page 158
1.Les stades et conditions d ’endommagement......Page 162
2.La fatigue......Page 164
3.La corrosion sous contrainte et la fatigue-corrosion......Page 176
4.L ’endommagement par .uage......Page 177
5.Interactions fatigue-.uage......Page 187
A.Annexes......Page 189
1.Équilibre entre coût de maintenance et coût des défaillances......Page 192
2.Contrôles non destructifs......Page 194
3.Un exemple de maintenance, celle des ouvrages d ’art......Page 201
2.Guérison des tissus vivants......Page 210
3.Des matériaux autocicatrisants ?......Page 211
1.Conditions pour pouvoir parler d ’une science des endommagements ?......Page 218
2.Lois universelles......Page 219
4.Methode scientifique......Page 221
5.But de la science des endommagements......Page 224
A.1.Facteur d ’intensité de contrainte......Page 226
A.2.Taux de libération d ’énergie......Page 232
A.3.Intégrale de Rice-Cherepanov J......Page 236
A.4.Zones plastifiees en tete de fissure......Page 237
Index......Page 248
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Endommagements Et Rupture De Matériaux
 9782868837141, 286883714X, 9782759802395, 2759802396

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ENDOMMAGEMENTS ET RUPTURE DE MATÉRIAUX

ENDOMMAGEMENTS ET RUPTURE DE MATÉRIAUX Dominique François École Centrale de Paris

17, avenue du Hoggar Parc d’activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

ISBN : 2-86883- 714-X Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

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Table des matières

Avant-propos .................................................................

IX

Notations .......................................................................

XIII

1 • Les endommagements des matériaux 1. Les matériaux, matière ouvrée .......................................

1

2. Endommagement : création de nouvelles surfaces.............

2

3. Clivages et glissements ................................................. 3.1. Plans de clivage et plans de glissement ......................... 3.2. Fragilité ou ductilité ? ................................................

4 4 9

4. Endommagement par clivage ......................................... 12 5. Endommagement ductile par cavitation .......................... 13 6. Endommagement par fatigue ......................................... 6.1. Fatigue des monocristaux........................................... 6.2. Fatigue des polycristaux ............................................ 6.3. Fatigue thermique .................................................... 6.4. Fatigue de roulement ................................................

20 20 22 26 26

7. Endommagement de corrosion sous contrainte................. 30 8. Endommagement de fluage ............................................ 31 9. Combinaisons d’endommagements ................................. 32

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II

D. FRANÇOIS

10. Conclusion .................................................................. 34 A.1. Annexe : Modèle de Rice et Thomson ............................... 35

2 • Les endommagements, le désordre et les hétérogénéités 1. Ordre parfait, désordre parfait, ordres et désordres locaux . 37 2. Contrainte théorique de rupture ..................................... 37 3. Glissement localisé et dislocations ................................. 40 3.1. Mécanisme de Zener ................................................. 40 3.2. Les cellules de dislocations en fatigue ........................... 41 4. Le désordre des lacunes................................................. 43 5. Les inclusions .............................................................. 43 5.1. Les inclusions sources de clivages ou de cavités .............. 43 5.2. Naissance de fissures sur les inclusions ........................ 45 6. Grains et joints de grains............................................... 6.1. Rôle de la taille de grain dans l’endommagement par clivage............................................................. 6.2. Quelques éléments de mécanique de la rupture................ 6.3. Propagation d’un embryon de fissure de clivage ............... 6.4. Blocage des clivages sur les joints de grains ................... 6.5. Cas des martensites et des bainites.............................. 6.6. Loi de Weibull.......................................................... 6.7. Rôle des grains dans la propagation des fissures de fatigue

49 49 49 51 51 52 53 54

7. Croissance et coalescence des cavités ............................. 56 8. Les fibres .................................................................... 56 8.1. Fibres plus fragiles que la matrice ................................ 57 8.2. Matrice plus fragile que les fibres ................................. 57 9. Conclusion .................................................................. 59 A. Annexes ...................................................................... A.1. Contrainte théorique de rupture ................................... A.2. Loi de Weibull.......................................................... A.3. Développements supplémentaires sur la mécanique des inclusions ........................................................

60 60 60 62

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TABLE DES MATIÈRES

III

A.4. Modèles de croissance de cavités ................................. 66 A.5. Composites à fibres .................................................. 68

3 • Endommagement et matériaux poreux 1. Notions de mécanique de l’endommagement .................... 1.1. Traitement élémentaire .............................................. 1.2. Relation entre les processus microscopiques d’endommagement et la mécanique de l’endommagement . 1.3. Malheureusement des incompatibilités ! ......................... 1.4. Mécanique de l’endommagement dans le cadre de la thermodynamique des processus irréversibles ................

71 71 74 77 78

2. Mécanique des matériaux plastiques poreux ..................... 79 3. Conclusion .................................................................. 84 A. Annexes ...................................................................... 85 A.1. Module d’élasticité d’un matériau élastique linéaire isotrope contenant une fissure en forme de piécette .................... 85 A.2. Taux de croissance des cavités .................................... 85

4 • Environnement et endommagement 1. La fragilisation par l’hydrogène ...................................... 1.1. Pénétration de l’hydrogène dans les métaux ................... 1.2. Diffusion de l’hydrogène ............................................ 1.3. Mécanismes de fragilisation par l’hydrogène ................... 1.4. Influence de divers paramètres sur la fragilisation par l’hydrogène ...................................................... 1.5. Aspects fractographiques ...........................................

87 88 93 94 99 100

2. La corrosion sous contrainte .......................................... 2.1. Phénoménologie ....................................................... 2.2. Amorçage des fissures de corrosion sous contrainte .......... 2.3. Propagation des fissures en corrosion sous contrainte .......

102 102 105 106

3. Fatigue-corrosion ......................................................... 111

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IV

D. FRANÇOIS

4. Conclusion .................................................................. 112 A. Annexe : Propagation d’une fissure par accumulation de gaz en fragilisation par l’hydrogène .......................... 113

5 • Endommagement et besoins industriels 1. Développement des recherches sur la fatigue ................... 115 2. Développements de la maîtrise de la rupture fragile .......... 2.1. L’essai Charpy ........................................................ 2.2. Les avions et Griffith ................................................. 2.3. L’Atlantique Nord et la température de transition fragile-ductile ......................................................... 2.4. La conquête de l’espace et la maîtrise du nucléaire et la mécanique de la rupture ..................................... 2.5. L’électro-nucléaire, le gaz et le pétrole et la mécanique de la rupture en élasto-plasticité .................................

117 117 118 119 130 132

3. Conclusion .................................................................. 136 A. Annexes ...................................................................... 137 A.1. Calcul des champs de contraintes et de déformations dans la section d’une éprouvette cylindrique entaillée, d’après Bridgman.................................................... 137 A.2. Influence de la vitesse de déformation sur l’énergie de clivage .............................................................. 138

6 • Prévoir les évolutions des endommagements 1. Les stades et conditions d’endommagement..................... 141 2. La fatigue .................................................................... 2.1. Approche globale...................................................... 2.2. Propagation des fissures longues en fatigue .................... 2.3. Comportement des fissures courtes............................... 2.4. Prévision de l’amorçage des fissures de fatigue ...............

143 143 148 152 153

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TABLE DES MATIÈRES

V

3. La corrosion sous contrainte et la fatigue-corrosion .......... 155 3.1. Prévoir l’absence de corrosion sous contrainte ou de fatigue-corrosion.............................................. 155 3.2. Propagation des fissures de corrosion sous contrainte et de fatigue-corrosion .............................................. 156 4. L’endommagement par fluage......................................... 4.1. Les facteurs de prévision............................................ 4.2. Naissance des cavités ............................................... 4.3. Croissance des cavités .............................................. 4.4. Vitesse de propagation des fissures en fluage .................

156 156 158 160 165

5. Interactions fatigue-fluage ............................................. 166 6. Conclusion .................................................................. 168 A. Annexes ...................................................................... 168 A.1. Prévision de la durée d’amorçage d’une fissure de fatigue au voisinage d’un trou .............................................. 168 A.2. Naissance des cavités de fluage .................................. 169

7 • Endommagements et maintenance 1. Équilibre entre coût de maintenance et coût des défaillances............................................................ 171 2. Contrôles non destructifs .............................................. 2.1. Ce qu’il importe de contrôler ........................................ 2.2. Examens visuels ...................................................... 2.3. Ressuage ............................................................... 2.4. Magnétoscopie......................................................... 2.5. Radiographie et gammagraphie ................................... 2.6. Ultrasons ............................................................... 2.7. Courants de Foucault ................................................ 2.8. Émission acoustique .................................................

173 173 174 174 175 175 176 178 179

3. Un exemple de maintenance, celle des ouvrages d’art ........ 180 3.1. Un traitement déterministe ......................................... 180 3.2. Traitement fiabiliste.................................................. 181

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VI

D. FRANÇOIS

8 • Guérison des endommagements 1. La ménagère et le bricoleur recousent et collent ............... 189 2. Guérison des tissus vivants............................................ 189 3. Des 3.1. 3.2. 3.3. 3.4.

matériaux autocicatrisants ?.................................... Le cas du verre ........................................................ Cicatrisation des polymères ........................................ Autocicatrisation de composites céramiques .................... Autocicatrisation des bétons .......................................

190 190 191 193 194

9 • Conclusion 1. Conditions pour pouvoir parler d’une science des endommagements ? ................................................ 197 2. Lois universelles .......................................................... 198 3. L’expérience est imprégnée de théorie............................. 200 4. Méthode scientifique .................................................... 200 5. But de la science des endommagements .......................... 203

A • Annexe. Éléments de mécanique de la rupture en élasticité linéaire A.1. Facteur d’intensité de contrainte ................................... 205 A.1.1. Champs de déplacement, de déformation et de contrainte à l’extrémité d’une fissure ....................................... 205 A.1.2. Calcul des facteurs d’intensité de contrainte................. 208 A.2. Taux de libération d’énergie ........................................... A.2.1. Détermination du taux de libération d’énergie G ............ A.2.2. Relation entre le taux de libération d’énergie G et le facteur d’intensité de contrainte K ....................... A.2.3. Détermination de l’écartement des lèvres de la fissure ....

211 211 213 214

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TABLE DES MATIÈRES

VII

A.3. Intégrale de Rice-Cherepanov J ...................................... 215 A.3.1. Définition de J ...................................................... 215 A.3.2. Détermination expérimentale de J .............................. 216 A.4. Zones plastifiées confinées en tête de fissure ................... 216 A.4.1. Zone plastifiée en contrainte plane ............................. 216 A.4.2. Zone plastifiée en déformation plane .......................... 221

Quelques livres recommandés et utiles ................... 225 Index ............................................................................... 227

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VIII

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Avant-propos

Il existe un certain nombre d’ouvrages qui traitent des endommagements des matériaux. J’en ai moi-même écrit un avec mes amis André Pineau et André Zaoui (Comportement mécanique des matériaux, Hermès, 1991 et sa traduction en anglais Mechanical Behaviour of Materials, Kluwer, 1998). Comment faire pour apporter un peu de neuf ? C’est surtout dans l’organisation des chapitres que j’ai cherché à innover. J’ai essayé de regrouper les questions selon des problématiques générales touchant à des domaines conjoints : par exemple l’ordre et le désordre ; la façon dont les besoins industriels ont poussé au développement du domaine ; l’incidence des connaissances concernant les endommagements sur la maintenance. J’espère ainsi susciter de l’intérêt au détriment peut-être d’un exposé de construction plus linéaire. Il faudra parfois aller d’un chapitre à un autre pour faire le tour de certaines questions, ce que l’index facilite. J’ai voulu écrire quelque chose qui ne rebute pas trop les lecteurs qui auraient des préventions par rapport aux formules mathématiques. Elles sont parfois difficilement évitables. Certains calculs sont rassemblés à la fin des chapitres, pour permettre une compréhension plus approfondie. De même, ai-je inclus une annexe finale rassemblant des éléments de mécanique de la rupture en élasticité linéaire, qui intervient à de nombreuses reprises dans le traitement des endommagements. Pour autant, la possession de quelques connaissances en mécanique du solide et en science des matériaux est indispensable. Je ne suis pas revenu sur la définition du tenseur des contraintes, sur des notions élémentaires de chimie et de thermodynamique, sur les diagrammes de phase et les traitements thermiques, sur la diffusion, etc. Les étudiants d’un niveau de mastère, voire de licence, devraient ne pas éprouver trop de difficultés. J’espère que ces derniers, comme leurs professeurs, les chercheurs et les ingénieurs, trouveront cet ouvrage utile. Les matériaux constituent un domaine vaste. Je n’ai pas introduit beaucoup de notions sur les matériaux non métalliques. Ce sont les métaux que je connais le mieux. Par ailleurs, la métallurgie a été à la

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X

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D. FRANÇOIS

base des progrès scientifiques sur les matériaux. Les approches qu’on a développées sur les alliages métalliques ont été, et sont encore dans bien des cas, transposées aux autres matériaux. C’est l’excuse que j’avance pour les polyméristes et les céramistes frustrés. Tout particulièrement, les composites auraient mérité d’être mieux traités. À ma décharge, ils sont si divers qu’il est difficile de tirer des lois générales à leur sujet. La plupart des exemples que j’utilise sont fournis par les aciers. Cela ne devrait pas restreindre outre mesure le champ des applications, dans la mesure où leurs propriétés se transposent aux autres alliages métalliques cubiques centrés ou cubiques à faces centrées. Le premier chapitre donne un panorama général sur les endommagements des matériaux. Il se fonde sur la différence essentielle qui existe entre les clivages et les glissements. Il traite d’abord des endommagements instantanés, conduisant à la rupture brutale. Puis il examine les endommagements qui se développent plus ou moins lentement et qui aboutissent aux ruptures différées. Le deuxième chapitre aborde la question essentielle des désordres et des hétérogénéités qui jouent un rôle fondamental en ce qui concerne les endommagements. Il est structuré par les divers types d’hétérogénéités rencontrées : dislocations, lacunes, inclusions, joints de grains, cavités, fibres. Le troisième chapitre traite des matériaux poreux dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des matériaux endommagés. L’occasion est donnée d’aborder la mécanique de l’endommagement qui a connu, en France notamment, de nombreux développements récents, mais qui suscite quelques réserves. Le comportement des matériaux plastiques poreux a lui aussi fait l’objet de nombreux travaux dans les dernières années. Ils ont beaucoup contribué à une modélisation efficace du développement des endommagements par cavitation. Le quatrième chapitre est consacré aux interactions de l’endommagement avec l’environnement. C’est un domaine qui fait appel tant à la chimie qu’à la mécanique. Cette pluridisciplinarité nécessaire, mais malaisée à réaliser, a certainement freiné pendant longtemps la compréhension des phénomènes. Depuis quelques années, des progrès certains ont été accomplis. Je me suis efforcé d’en tenir compte. En tout cas, l’influence des environnements sur les endommagements est un sujet de grande importance pratique et parfois trop négligé. Ce chapitre commence par le problème de la fragilisation par l’hydrogène, que l’on retrouve ensuite dans certains cas de corrosions sous contrainte. La fatigue corrosion apporte de plus des aspects de synergie complexes. Le cinquième chapitre cherche à montrer comment les besoins industriels qui ont évolué au cours du XXe siècle ont nécessité des développements dans le domaine des endommagements. L’exemple de la

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AVANT-PROPOS

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XI

transition fragile ductile des aciers est celui traité. On aurait pu en choisir d’autres, mais celui-là est particulièrement parlant. La prévision des évolutions des endommagements est de la plus haute importance pour estimer la durée de vie des pièces et des structures et pour éviter des défaillances prématurées. Elle fait l’objet du sixième chapitre. Ce sont les endommagements par fatigue qui sont les plus redoutés, car en fait les plus fréquents. Mais les endommagements par fluage sont aussi à craindre. J’ai essayé de montrer comment la connaissance des mécanismes aboutit à des modélisations bien fondées. Le septième chapitre aborde un domaine nouveau, encore peu développé : celui de la maintenance conditionnelle. Le problème est de connaître la stratégie à adopter pour une maintenance aussi efficace que possible en termes de coûts. Je n’y parle évidemment que des aspects liés aux matériaux, laissant de côté tous les développements mathématiques auxquels ce sujet donne lieu. Le chapitre huit, malheureusement très court faute d’exemples, est consacré à la guérison des endommagements, ce que sait si bien faire le vivant. Les matériaux morts sont beaucoup plus rétifs, bien que, quelques exemples très particuliers peuvent être donnés pour des verres, des polymères et des céramiques. Il faudra de l’imagination pour fabriquer des matériaux qui guérissent spontanément. Dans la conclusion, je me suis aventuré dans le domaine de l’épistémologie élémentaire. Prévenir les endommagements demande une approche scientifique. Pour la pratiquer, avoir quelques notions méthodologiques me semble utile. Je livre donc aux lecteurs quelques réflexions plus ou moins popperéniennes appliquées aux endommagements. On en tirera, j’espère, l’idée que des progrès valent encore la peine d’être réalisés. Mon souhait est que le présent ouvrage puisse modestement y contribuer. La retraite a l’avantage de permettre une certaine réflexion sur les connaissances que l’on a pu acquérir et l’envie pointe d’en faire profiter des plus jeunes que soi. Aussi, lorsque Jean Philibert a insisté pour que je me lance dans la rédaction d’un ouvrage sur l’endommagement des matériaux, n’ai-je pas trop longtemps hésité. Voici le fruit du travail dont je suis venu à bout. Je remercie Jean Philibert de m’avoir ainsi sollicité et de m’avoir fait de bien utiles suggestions. S’il est une tâche fastidieuse, c’est bien celle consistant à rassembler les illustrations. Nombre d’entre elles m’ont été procurées par des collègues que je remercie vivement, ainsi que Daniel Kervern qui m’a souvent tiré d’affaire face aux scanners et aux ordinateurs.

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XII

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Notations

a : distance entre plans denses a : longueur d’une fissure a : rayon d’une fissure a : rayon minimal d’une éprouvette cylindrique entaillée A : surface d’une fissure a 0 : distance entre plans denses à l’équilibre a 0 : longueur initiale d’une fissure a d : limite de détection d’une fissure par contrôle non destructif A j : surface des joints de grain recouverts de cavités de fluage b : distance interatomique b : longueur du ligament d’une éprouvette b : vecteur de Burgers d’une dislocation B : épaisseur d’une éprouvette ou d’une pièce c : dimension d’une inclusion C : coefficient de la loi de Paris C : complaisance C ∗ : paramètre de Riedel et Rice pour la propagation des fissures en fluage c i : coût unitaire d’une inspection C i : coût total des inspections C ijkl : constantes d’élasticité C Iijkl : constantes d’élasticité d’une inclusion c r : coût unitaire d’une réparation C r : coût total des réparations C t : paramètre de Riedel et Rice en fluage primaire d : taille de grain d : dimension d’un élément de volume d’un matériau d : longueur d’un glissement D : paramètre d’endommagement D j : coefficient de diffusion dans les joints de grain D s : coefficient de diffusion superficielle D α : coefficient de diffusion dans le fer alpha D γ : coefficient de diffusion dans le fer gamma

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XIV

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D. FRANÇOIS

E : module d’Young E e : énergie élastique emmagasinée E eff : module d’Young effectif E eq : déformation plastique appliquée équivalente E f : module d’Young d’une fibre E I : module d’Young d’une inclusion e ij : déviateur des déformations E ij : champ de déformation lointain E m : module d’Young d’une matrice E p : module d’écrouissage E p : énergie d’adsorption f : fraction volumique de fibres f : fraction volumique de cavités ; porosité F : force appliquée f c : valeur critique de la porosité à partir de laquelle son augmentation s’accélère f f : porosité qui fait perdre au matériau toute résistance f I : fraction volumique d’inclusions F j : coefficient de surface de joint d’une cavité intergranulaire F s : coefficient de surface totale d’une cavité intergranulaire F v : coefficient de volume d’une cavité intergranulaire g : exposant de la loi de Monkman-Grant G : enthalpie libre G : taux de libération d’énergie G c : ténacité du matériau exprimé en termes d’énergie de rupture H : demi-distance moyenne entre fibres J : intégrale de Rice-Cherepanov ; taux de libération d’énergie en plasticité k : facteur de forme d’une inclusion k et σ1 : paramètres du modèle de Rousselier k : constante de Boltzman k : limite d’élasticité en cisaillement k : module d’incompressibilité K : facteur d’intensité de contrainte K c : ténacité du matériau exprimé en terme de facteur d’intensité de contrainte k I : module d’incompressibilité d’une inclusion K I , K II , K III : facteurs d’intensité de contrainte en mode I, II et II respectivement K ICSC : seuil de non fissuration en corrosion sous contrainte k m : module d’incompressibilité d’une matrice K max : valeur maximale du facteur d’intensité de contrainte au cours d’un cycle K T : facteur de concentration de contrainte l : dimension d’un volume de matériau L : demi-longueur d’une fibre L : distance entre cavités

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NOTATIONS

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XV

m : rapport du module d’Young d’une inclusion à celui de la matrice m : exposant de la loi de Norton m : exposant de la loi de Paris m : exposant de Weibull M(x) : fonction de poids n : exposant d’écrouissage N : nombre d’éléments de volume N : exposant d’écrouissage N : nombre de cycles N d : nombre de cycles nécessaires pour atteindre la limite de détection par contrôle non destructif N i : nombre de cycles séparant deux inspections N u : nombre de cycles d’utilisation d’un appareil p : pression P : charge P 0(σ) : probabilité de rupture d’un élément de volume P R(σ) : probabilité de rupture Q : contrainte en tête de fissure provenant du second terme du développement en série q 1 , q 2 : paramètre du modèle de Gurson, Tveergard, Needleman r : distance à l’axe d’une fibre r : distance à l’extrémité d’une fissure R : charge de rupture d’un composite R : constante des gaz parfaits R : dimension de la sone plastifiée en tête de fissure R : rapport de la charge minimale à la charge maximale au cours d’un cycle R : rayon d’une cavité R : rayon de courbure d’une cavité intergranulaire R : rayon de courbure d’une entaille R : rayon d’une fibre R ∗ : rayon critique de création d’une cavité R 0 : paramètre du modèle de Rice et Thomson proportionnel au rayon du cœur d’une dislocation rapporté au vecteur de Bürgers R c : rayon critique de création d’une cavité R CI : rapport de l’énergie dépensée par fissuration d’un joint de grain à l’énergie de surface R e : limite d’élasticité R f : charge de rupture d’une fibre R m : charge de rupture de la matrice R p : contrainte d’écoulement r Y : correction d’Irwin R ν : facteur de triaxialité en mécanique de l’endommagement s : rapport de la dimension axiale à la dimension radiale d’une inclusion axisymétrique

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XVI

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D. FRANÇOIS

s : surface d’une microfissure S : paramètre du modèle de Rice et Thomson proportionnel au rapport de l’énergie de surface au produit du module de cisaillement par le vecteur de Bürgers S : section d’une éprouvette S eff : section effective d’une éprouvette qui est égale à la section retranchée de l’aire endommagée S ij : déviateur des contraintes appliquées S ijkl : tenseur d’Eshelby s α : solubilité dans le fer alpha s γ : solubilité dans le fer gamma T : contrainte résultant du second terme du développement en tête de fissure T : période des cycles T : température absolue t R : durée de vie en fluage U : énergie de cohésion U 0 : énergie de cohésion à l’équilibre U 0 , U m , U r : paramètres du modèle de Rice et Thomson U act : énergie d’activation de formation d’une boucle de dislocation à l’extrémité d’une fissure de clivage U T : somme de l’énergie potentielle et de l’énergie élastique u act : paramètre du modèle de Rice et Thomson proportionnel au rapport de l’énergie d’activation de formation d’une boucle de dislocation à l’extrémité d’une fissure de clivage à µb 3 m u r : déplacement radial dans la matrice f u z : déplacement axial dans une fibre m u z : déplacement axial dans la matrice v : déplacement v : vitesse des dislocations V : volume V : volume d’une cavité V 0 : volume d’un élément V 0 : volume dépourvu de cavités v 0 , τ0 et m : paramètres de la loi de vitesse de propagation des dislocations v c : vitesse de propagation d’une fissure de clivage W : densité d’énergie de déformation Y : taux de libération d’énergie d’endommagement Y c : valeur critique du taux de libération d’énergie d’endommagement ∆E : variation d’énergie potentielle ∆G ∗ : enthalpie libre d’activation de création d’une cavité ∆K I : amplitude du facteur d’intensité de contrainte ∆K Ieff : amplitude du facteur d’intensité de contrainte effectif ∆K s : seuil de non propagation des fissures de fatigue ∆εnom : amplitude de déformation nominale

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NOTATIONS

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XVII

∆ε : amplitude de déformation locale ∆σnom : amplitude de contrainte nominale ∆σ : amplitude de contrainte locale Φ et Ψ : angles qui interviennent dans la modèle de Rice et Thomson Σ : contrainte uniaxiale de traction appliquée Σeq : contrainte équivalente de Von Mises appliquée Σij : champ de contrainte lointain Σm : contrainte hydrostatique appliquée ΣR : contrainte appliquée pour la naissance d’une fissure dans une inclusion ou à son interface Σr : contrainte radiale appliquée Σz : contrainte axiale appliquée Ω : volume atomique Ψ(Σ) : potentiel de Gurson Ψ : angle de raccordement à l’équilibre de la surface d’une cavité et d’un joint de grain α : partie sphérique du tenseur d’Eshelby pour une inclusion sphérique α : angle que fait la normale à un plan de glissement avec l’axe de propagation de la fissure α : paramètre de la loi de comportement d’un matériau β : partie du tenseur d’Eshelby agissant sur le déviateur des déformations d’une inclusion sphérique β, β : paramètres du modèle de Rice et Thomson δj : épaisseur conventionnelle d’un joint de grain δs : épaisseur conventionnelle des chemins de diffusion superficielle δ : écartement de fissure (CTOD, crack tip opening displacement) ε2 : déformation au cours du fluage secondaire εIij : déformation dans une inclusion εLij : déformation libre (ou propre) εkk : variation relative de volume εm : déformation de la matrice ε0 : limite d’élasticité γ : glissement γc : énergie de clivage γj : énergie de joint de grain γp : énergie de déformation plastique dans l’énergie de rupture γs : énergie de surface ϕ : potentiel de dissipation en mécanique de l’endommagement µ : module de cisaillement µI : module de cisaillement d’une inclusion µm : module de cisaillement d’une matrice ν : coefficient de Poisson νI : coefficient de Poisson d’une inclusion νm : coefficient de Poisson d’une matrice

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XVIII

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θ : angle polaire à l’extrémité d’une fissure ρD : densité de dislocations mobiles σ : contrainte σ0 : limite d’élasticité σ0 : contrainte d’écoulement (matériau plastique parfait) σ0 : contrainte théorique de rupture σ0 : seuil de Weibull σd : la plus petite des contraintes locales de rupture d’une inclusion ou de son interface σd : limite d’endurance en fatigue σeff : contrainte effective σeq : contrainte équivalente σ f : contrainte dans une fibre σf : contrainte de rupture d’une inclusion dans le modèle de Smith σ I : contrainte uniaxiale de traction dans une inclusion σij : tenseur des contraintes σijI : contrainte dans une inclusion σ m : contrainte dans la matrice σR : contrainte de rupture d’un composite σRm : contrainte de rupture de la matrice σrr , σθθ , σzz : contraintes radiale, circonférentielle et axiale respectivement σu : contrainte moyenne de Weibull f σz : contrainte axiale dans une fibre τ : contrainte de cisaillement τ f : contrainte de cisaillement à la surface d’une fibre τi : contrainte de frottement agissant sur les dislocations ; contrainte interne ω : paramètre dans le modèle de McClintock ξ0 : rayon du cœur d’une dislocation rapporté au vecteur de Bürgers

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1.

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Les endommagements des matériaux

Les matériaux, matière ouvrée

Au-delà de la signification courante du mot endommagement, dégradation, détérioration d’un objet, il convient tout d’abord de préciser de quoi il sera question dans le présent ouvrage. Nous allons considérer l’endommagement des matériaux. Un matériau est de la matière ouvrée, travaillée par l’homme. De l’argile devient matériau entre les mains du potier ; les alliages métalliques sont des matériaux puisqu’ils résultent d’opérations de réduction de minerais (les pépites d’or qui attendent le travail des orpailleurs n’en sont pas) ; la sève de l’hévéa récoltée et manipulée deviendra le matériau caoutchouc. Ainsi les matériaux prennent-ils naissance au cours de leur élaboration qui met en jeu de nombreux procédés : broyage, réductions, coulées, laminage, forgeage, étirage, frittage, etc. Ces diverses opérations confèrent aux matériaux une certaine structure à diverses échelles : grains(1) cristallographiques, texture(2) , inclusions, phases, etc. À leur tour ces structures procurent des propriétés aux matériaux, notamment en ce qui concerne ce livre, des propriétés mécaniques : élasticité(3) , plasticité(4) , viscosité(5) , résistance, ductilité(6)

(1) Grain : élément d’un polycristal possédant une seule orientation cristallographique. (2) Texture : distribution des orientations cristallographiques des divers grains d’un polycristal. (3) Élasticité : comportement mécanique tel qu’après relâchement des efforts, il ne subsiste pas de déformation résiduelle. (4) Plasticité : comportement mécanique tel qu’après relâchement des efforts, il subsiste une déformation résiduelle indépendante du temps. (5) Viscosité : comportement mécanique qui dépend du temps. (6) Ductilité : au sens macroscopique, capacité d’un matériau à se déformer plastiquement de façon relativement importante avant rupture ; au sens

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ou fragilité(7) , dureté, etc. Enfin, tout le travail d’élaboration des matériaux vise un objectif pour lequel ceux-ci doivent réaliser certaines performances : usinabilité, formabilité, durabilité, reproductibilité, fiabilité, solidité, beauté, faible coût, etc. Ces performances peuvent être atteintes grâce aux propriétés des matériaux, elles-mêmes tributaires des structures qui résultent enfin des procédés d’élaboration. Telle est la boucle fondamentale dans laquelle fonctionnent les industries des matériaux, mais aussi en fait l’ensemble des industries manufacturières puisque tout objet fabriqué est constitué de matériaux. La résistance à l’endommagement est une propriété des matériaux qui prend place dans ce cycle. En amont, elle est dépendante des structures et donc des élaborations ; en aval, elle conditionne certaines performances essentielles.

2.

Endommagement : création de nouvelles surfaces

Malheureusement ces matériaux ont une fâcheuse tendance à s’endommager. Leurs propriétés se détériorent, leurs performances diminuent. Ceci résulte d’évolutions de leur structure. C’est en examinant ces diverses évolutions que nous pourrons décrire et classer précisément les divers types d’endommagement des matériaux. Ce que nous appelons ici endommagement correspond à l’apparition et au développement irréversible de nouvelles surfaces. Nous excluons de ce fait les phénomènes de corrosion et de fragilisation qui sont pourtant responsables d’immenses dégradations. Les fragilisations en effet résultent de modifications internes dans les matériaux qui ne s’accompagnent pas de créations de nouvelles surfaces, mais qui en réduisent la ductilité. Il s’agit de migrations d’atomes, par exemple vers les joints de grains(8) , lors de la fragilisation de revenu(9) , vers les dislocations(10) lors de la

microscopique, caractérise un matériau qui s’endommage par formation de cavités qui croissent par déformation plastique. (7) Fragilité : au sens macroscopique, incapacité d’un matériau à supporter des déformations plastiques un peu importantes sans se rompre ; au sens microscopique, caractérise un matériau qui s’endommage par clivages. (8) Joint de grains : surface d’accolement entre deux grains. (9) Fragilisation de revenu : fragilisation qui se produit à hautes températures en raison de la migration d’impuretés métalloïdiques vers les joints de grain. (10) Dislocation : défaut linéaire dans une structure cristallographique résultant du déplacement, l’une par rapport à l’autre, de deux surfaces bordées par la ligne de dislocation.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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fragilisation au bleu des aciers(11) . Il s’agit aussi de la fragilisation par irradiation, résultant notamment du bombardement des matériaux par des neutrons dans les réacteurs nucléaires. Cependant dans ce dernier cas, il peut y avoir endommagement au sens où nous l’entendons, parce que les lacunes(12) en sursaturation créées par irradiation peuvent se rassembler pour former des cavités responsables du gonflement du matériau. D’une façon générale, tous ces phénomènes de fragilisation provoqués par des modifications de composition locale résultant de ces migrations d’atomes facilitent les processus d’endommagement, et c’est à ce titre seulement que nous les évoquerons. Il est un cas particulier, fort important de fragilisation, celle due à l’hydrogène. Nous l’inclurons dans les phénomènes d’endommagement au sens où nous l’entendons. En effet, alors que d’autres atomes en se rassemblant par diffusion au sein du matériau forment des précipités, les atomes d’hydrogène migrant au sein d’un matériau produisent une bulle de gaz, ou plutôt une fissure gonflée. Il y a bien formation de nouvelles surfaces. Il nous faut cependant préciser un peu ce que nous entendons par création de nouvelles surfaces. Nous y incluons uniquement celles qui se traduisent par une baisse de la contrainte apparente appliquée sur le matériau. Cette contrainte apparente est le rapport de la force appliquée sur une éprouvette à sa section dans un essai de traction. Cette section peut être mesurée à l’aide d’un palmer. Elle n’est pas diminuée des nouvelles surfaces qui ont pu se développer à l’intérieur du fût de l’éprouvette, celles qui justement constituent les endommagements, et qui ne sont pas visibles, du moins à l’œil nu. Le rapport de la force appliquée à la section portante, celle qui subsiste entre les nouvelles surfaces d’endommagement, est une contrainte effective. Ces simples notions sont à la base de la mécanique de l’endommagement dont nous reparlerons plus en détail dans le chapitre 3. Plus les endommagements se développent, plus de nouvelles surfaces apparaissent, plus diminue la contrainte apparente. Ce processus aboutit à la rupture de l’éprouvette. Nous conviendrons d’exclure les phénomènes de rupture, correspondant à la séparation du matériau en deux ou plusieurs morceaux distincts, du champ de l’étude des endommagements. C’est pourquoi nous ne parlerons pas de l’usure, phénomène de dégradation important s’il en est, mais qui résulte de l’arrachement de petites particules de matière.

(11) Fragilité au bleu : fragilisation qui résulte de la migration d’atomes de carbone ou d’azote vers les dislocations, bloquant ainsi le déplacement de ces dernières. (12) Lacune : défaut ponctuel dans une structure cristallographique correspondant à une position atomique laissée vacante.

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Plus généralement, un endommagement est susceptible de diminuer la résistance d’un matériau dans d’autres directions que celle de la sollicitation. Une compression peut par exemple créer des fissures parallèles à son axe, affectant la résistance perpendiculairement à celui-ci.

3.

Clivages et glissements

3.1.

Plans de clivage et plans de glissement

Si nous nous plaçons à l’échelle des atomes, nous sommes en mesure d’aborder la classification des processus d’endommagement. À ce stade, nous n’avons pas affaire à des endommagements proprement dit, mais à des mécanismes qui seront ceux qui sont à la base de leur apparition. Le plus simple est de considérer un cristal. Comme le révèle la diffraction des rayons X, ou encore comme le montrent des images obtenues au microscope électronique à haute résolution, les atomes y sont rangés de façon régulière aux nœuds de réseaux cristallographiques (Fig. 1.1). Ils appartiennent ainsi à des plans cristallographiques dont certains sont écartés les uns des autres plus que tous les autres. Ces derniers sont aussi les plans qui possèdent la plus forte densité d’atomes. À titre d’exemple, dans de très nombreux métaux, les atomes, qui peuvent être représentés par des billes, s’empilent de façon compacte sur des plans, formant ainsi des rangées orientées à 60° les unes des autres (Fig. 1.2). Ces plans denses s’empilent les uns sur les autres en se décalant pour que les atomes du dessus viennent se caler entre ceux du dessous, dans les positions Q ou R de la figure 1.2. On obtient de cette façon soit des empilements de type PQRPQR (cubique à faces centrées), soit de type PQPQPQ (hexagonal compact). Dans les deux cas, lorsque des efforts sont appliqués sur le cristal, il peut se déformer par glissements de ces plans les uns sur les autres. Examinons toutefois le cas d’un cristal d’empilement PQPQPQ, hexagonal compact, comme le zinc. Il n’est pas très difficile de fabriquer un monocristal de zinc, c’est-à-dire un morceau dans lequel les plans en question ont partout la même orientation. Cela peut se réaliser en faisant fondre ce métal dans un creuset constitué d’un tube en pyrex placé dans un four électrique tubulaire vertical (Fig. 1.3). On solidifie ensuite le métal de façon dirigée en faisant lentement sortir le creuset du four. C’est la méthode de Bridgman. On obtient de la sorte des monocristaux qui ont crû à partir d’un germe unique formé au début de la solidification. Ces monocristaux possèdent des orientations variées selon celle du germe initial. Nous allons maintenant exercer un effort de traction sur ces monocristaux de zinc.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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Fig. 1.1. Image d’un réseau d’atomes d’aluminium obtenue au microscope électronique à haute résolution montrant leur arrangement régulier. Il s’agit d’un alliage contenant du cuivre. On observe une rangée plus claire qui correspond à un rassemblement d’atomes de cuivre sur un plan dense du réseau de l’aluminium, formant ainsi un amas de GuinierPreston. Cet amas a été cisaillé par le passage d’une dislocation. (Reproduit de Karlík M., Jouffrey B., Journal de Physique III, 6, 1996, pp. 825-829, avec l’autorisation des Éditions de Physique ; et de Karlík M., Jouffrey B., Belliot S., Acta Materialia (formerly Acta Metallurgica et Materiala), The Copper Content in Guinier-Preston (GP1) Zones in Al-1.84At.% Cu Alloy, 46, 1998, pp. 1817-1825, avec l’autorisation d’Elsevier.)

Le premier monocristal testé a une orientation telle que les plans denses P et Q sont perpendiculaires à la direction de la traction (Fig. 1.4). Il est alors impossible de provoquer un glissement de ces plans les uns sur les autres, car ils ne sont soumis à aucun effort de cisaillement. Le déplacement des plans sous l’effet de la force de traction

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P

Q P

P R

Q P

P R

Q P

P R

Q P

P R

Q P

P R

P

Fig. 1.2. Empilement dense de billes formant des rangées à 60◦ les unes des autres. Les emplacements des billes dans l’empilement des plans denses successifs sont désignés par P, Q et R.

creuset

four

Fig. 1.3. Méthode de Bridgman pour fabriquer des monocristaux. Le creuset sort lentement du four en descendant de façon qu’un germe unique se forme à la partie inférieure.

se fait dans une direction perpendiculaire aux plans denses, jusqu’à rupture des liaisons atomiques (en mécanique de la rupture, on parle de mode I de rupture). Il se crée alors une surface de rupture le long d’un tel plan. Il s’agit d’un clivage. Le second monocristal testé est orienté de telle sorte que les plans denses P et Q sont à 45° de la direction de traction. Ils sont alors soumis

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plan de base

Fig. 1.4

Fig. 1.5

Fig. 1.4. Schéma de rupture par clivage d’un monocrystal de zinc. Fig. 1.5. Schéma de rupture par glissement d’un monocrystal de zinc.

à un effort de cisaillement. (La contrainte de cisaillement vaut dans ce cas la moitié de la contrainte de traction.) Aussi vont-ils être capables de glisser les uns sur les autres. (Le processus de glissement qui fait intervenir des dislocations ne nous importe pas ici.) Ces glissements n’étant pas réversibles lorsqu’on décharge l’éprouvette, la déformation est une déformation plastique. Si un glissement, déclenché le long d’un plan particulier, se poursuit alors le long de ce même plan, il se forme à la surface du monocristal une marche de hauteur égale à l’amplitude du glissement (Fig. 1.5). Un tel glissement est susceptible de se poursuivre jusqu’à séparation complète du monocristal en deux parties. Notons que la formation d’une marche à la surface ne constitue pas à proprement parler un endommagement, puisque les nouvelles surfaces ont été créées

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Fig. 1.6. Les quatre plans denses du réseau cubique à faces centrées.

à l’extérieur, et que la surface portante est la même que la surface effective. Suivant l’orientation du monocristal de zinc nous observons donc deux modes de rupture entièrement différents. Faisons maintenant l’essai de traction sur un monocristal de cuivre, cubique à faces centrées (CFC), pour lequel l’empilement des plans atomiques denses(13) est de type PQRPQR. (Un tel monocristal peut être obtenu par la méthode de Bridgman, de façon un peu moins simple que pour celui de zinc en raison de la température de fusion plus élevée du cuivre.) Or, on peut montrer que dans un réseau cubique à faces centrées, il existe quatre familles de plans denses (Fig. 1.6) possédant des orientations différentes (leurs normales sont les diagonales du cube à faces centrées). Il existe alors toujours un plan dense soumis à une contrainte de cisaillement suffisante pour y provoquer un glissement.

(13) Les plans denses du réseau CFC sont des plans {111}. Soit [uvw] la direction de l’axe de traction. Si θ est l’angle que fait cette direction avec la normale à l’un des plans {111}, la contrainte normale sur ce plan vaut σ cos θ et la contrainte de cisaillement τ = σ cos θ sin θ. Sur le plan (111) par exemple :  τ = 2σ(u + v + w)(u 2 + v 2 + w 2 − uv − vw − wu) 1/2 /3(u 2 + v 2 + w 2).

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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Fig. 1.7. Schéma de formation d’une striction par glissements dans un monocristal de cuivre.

Il n’est pas possible de provoquer de clivage. La rupture surviendra par suite de glissements successifs sur divers plans denses (Fig. 1.7). En effet, le glissement sur un plan donné devient de plus en plus difficile au fur et à mesure qu’il se développe, phénomène appelé écrouissage(14) . Le relais est alors pris par un autre plan dense, appartenant ou non à la même famille.

3.2.

Fragilité ou ductilité ?

Intuitivement, nous nous rendons bien compte que les matériaux peuvent être grosso modo classés en deux catégories : ceux comme les alliages métalliques, les polymères, qui sont malléables, qui se déforment avant de se rompre, et ceux, comme les oxydes, les carbures, les sulfures, les matériaux cimentaires, les verres, qui sont au contraire fragiles. Dans les premiers, des glissements peuvent aisément se développer alors que ce n’est pas le cas dans les seconds. Ces derniers se rompent par clivages lorsqu’ils sont cristallins, par des ruptures appelées concoïdales lorsqu’il s’agit de verres amorphes. Est-il possible de comprendre les raisons de ces différences ? Une réponse nous est donnée par le modèle proposé par James R. Rice et

(14) Écrouissage : augmentation de la contrainte qu’il faut appliquer pour déformer le matériau au fur et à mesure de l’augmentation de la déformation plastique.

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R. Thomson en 1974. Nous verrons dans le chapitre 2, section 3.1 pourquoi les glissements résultent du déplacement des dislocations (voir Fig. 2.3), défauts linéaires dans les cristaux. Comme à l’extrémité d’une fissure de clivage, les contraintes locales sont très grandes, il est possible d’émettre des boucles de dislocations à partir de cette extrémité. Cette émission s’accompagne de la formation de marches qui émoussent le clivage (voir Fig. 2.5). Dans ce cas, la fissure de clivage ne peut se propager ; au lieu de se rompre par clivage, le matériau se déforme par glissements. Rice et Thomson ont calculé l’énergie d’activation nécessaire pour qu’une telle émission de dislocations ait lieu. Il faut en effet pour cela : premièrement dépenser l’énergie propre de la boucle de dislocation ; deuxièmement dépenser l’énergie de surface de la marche créée ; troisièmement profiter du gain d’énergie provenant de la relaxation partielle du champ de contraintes local. Le résultat de ce calcul, présenté en annexe à la fin du chapitre, est que l’énergie d’activation est fonction d’une part de la taille du cœur de la dislocation et d’autre part du rapport S de l’énergie de surface au produit µb du module de cisaillement(15) par le vecteur de Burgers(16) de la dislocation. (Ce vecteur de Burgers est souvent égal à la distance interatomique.) Lorsque le rapport S est plus grand que 0,1 l’énergie d’activation pour créer la boucle de dislocation est toujours présente et elle est d’autant plus élevée que le rayon du cœur(17) est petit. Si au contraire S est plus petit que 0,1, suivant la valeur du rayon du cœur, il existe des situations où l’énergie de création des boucles est négative ; cela veut dire que l’émission des dislocations en tête de fissure de clivage est spontanée. Dans ce cas, les clivages ne peuvent se propager et le matériau est ductile. Les résultats sont présentés dans le tableau 1.I donné par Rice et Thomson. Il montre que pour les métaux cubiques à faces centrées, plomb, or, cuivre, argent, aluminium, nickel, l’émission des boucles de dislocation est spontanée. C’est l’inverse pour le tungstène, cubique centré, qui doit se cliver facilement, ainsi que pour le béryllium et le zinc, hexagonaux. Nous voyons que le sodium, cubique centré, présente une énergie d’activation d’émission de dislocation très faible ; ce métal est effectivement malléable. Le fer alpha, cubique centré, est à la limite de l’émoussement des clivages ; nous verrons qu’il se clive effectivement à basses températures, alors qu’il présente une rupture ductile à hautes températures. Les oxydes, le chlorure de sodium, le fluorure de lithium,

(15) Module de cisaillement : en comportement élastique, rapport de la contrainte de cisaillement au glissement. (16) Vecteur de Burgers : vecteur de déplacement des deux surfaces en regard bornées par la ligne de dislocation. (17) Cœur d’une dislocation : zone entourant la ligne de dislocation où les déformations excèdent la limite de l’élasticité linéaire.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

Tableau 1.I. Résultats de Rice et Thomson. Cristaux

Énergie d’activation (eV)

Pb Au Cu Ag Al Ni

Pas d’état activé Émission spontanée de boucles de dislocation

Rayon de la boucle activée rapporté au vecteur de Bürgers b

Na Feα [100] Feα [110] W

0,02 2,2 19 329

1,5 5,1 17 50,7

LiF NaCl MgO Al2 O3

58 62 205 852

32 33 37 20

Si Ge C

111 260 351

20 42 27

Be Zn

180 107

23 21,2

ainsi que les matériaux covalents, silicium, germanium et carbone se clivent facilement. Ce modèle montre aussi que l’énergie de surface est un paramètre essentiel. Une réduction de cette énergie est susceptible de rendre clivable des matériaux normalement ductiles. C’est ce qui se passe dans la fragilisation par les métaux liquides. Les joints de grains possèdent une certaine énergie γj . Si par conséquent une fissure suit un tel joint, sa propagation fait disparaître cette énergie et l’énergie de surface 2γs qu’il faut dépenser en est réduite d’autant. On pourrait donc s’attendre à ce que la fissuration intergranulaire(18) soit plus aisée que le clivage. Il faut cependant tenir compte du fait que l’énergie de surface est anisotrope. Celle d’un plan de clivage est inférieure à celle d’un joint de grain d’un facteur estimé à 1,2. L’étude du rapport R CI de l’énergie correspondant

(18) Fissuration intergranulaire : fissuration qui suit les joints de grains.

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Tableau 1.II. Valeurs des rapports µ/k et R CI pour quelques métaux. Au

Ag

Cu

Pt

Ni

Nb

Ta

V

Fe

Mo

W

Cr

µ/k

0,11

0,19

0,22

0,24

0,34

0,25

0,31

0,32

0,33

0,48

0,52

0,82

R CI

1,09

1,02

0,99

0,97

0,87

0,97

0,91

0,89

0,88

0,75

0,71

0,42

à la rupture intergranulaire à l’énergie de clivage renseignera sur la propension à l’un ou l’autre type de rupture. R CI =

2γ int s − γj 2γ

cli s

= 1,2 −

γj 2γscli

·

(1.1)

Si ce rapport est inférieur à 1, la rupture intergranulaire est favorisée. En 1953, Alan H. Cottrel a estimé que l’énergie de joint de grain dépendait du module de cisaillement µ et de l’énergie de surface du module d’incompressibilité k. R CI est alors fonction du rapport µ/k = 3(1 − 2ν)/2[1 + ν],ν étant le coefficient de Poisson. Nous voyons sur le tableau 1.II que ce sont le molybdène, le tungstène et le chrome qui présenteraient spontanément des ruptures intergranulaires. Le modèle de Rice et Thomson, un peu modifié comme l’a fait Rice lui-même en faisant intervenir le rapport R CI , peut être appliqué au cas de la fissuration intergranulaire. Il confirme que cette fissuration n’est pas concevable pour les métaux cubiques à faces centrées, alors qu’elle serait de règle pour les métaux cubiques centrés et hexagonaux, l’énergie d’activation des boucles de dislocation augmentant dans le rapport 1/R CI . Comme ce n’est pas ce qui est observé en général, il faut en conclure que la ségrégation d’impuretés sur la surface et sur les joints peut complètement modifier ce rapport. On explique d’ailleurs ainsi l’apparition de ruptures intergranulaires dans tous les types de métaux, y compris les CFC, lorsque les joints de grain ont été fragilisés par la migration d’impuretés, notamment métalloïdiques, ou par celle de l’hydrogène.

4.

Endommagement par clivage

Examinons maintenant le cas d’un polycristal susceptible de se cliver. Il s’agira par exemple de zinc, mais aussi, cas fort important, de fer ou d’un acier ferritique, alliage cubique centré. Dans ce dernier cas, les plans cristallographiques de clivage sont les faces du cube (les plans {100}). Les différents grains possèdent des orientations différentes. Certains seront donc orientés de telle sorte que les plans cristallographiques de clivage ne soient soumis qu’à une contrainte de cisaillement faible et au contraire à

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

(a)

(b)

Fig. 1.8. (a) Clivages bloqués sur des joints de grains. (b) Clivages se propageant de grains en grains jusqu’à rupture.

une contrainte normale de traction importante. Selon un mécanisme qu’il nous faudra examiner plus en détail chapitre 2, section 3, des clivages apparaissent dans ces grains. Il arrive que ces clivages ne puissent se propager dans les voisins qui ont des orientations défavorables et qu’ils se bloquent sur les joints de grains (Fig. 1.8). Un endommagement est bien alors créé : les surfaces des grains clivés diminuent la section portante. Dans d’autres cas, au contraire, plutôt plus fréquents, les clivages apparus dans les grains les plus favorablement orientés réussissent à se propager dans les grains voisins, au prix d’une certaine désorientation, et de proche en proche, de façon brutale, provoquent la rupture du polycristal (Fig. 1.9). Le tableau 1.III indique quels sont les plans cristallographiques de clivage rencontrés dans divers matériaux. L’endommagement des matériaux cimentaires peut être rattaché à l’endommagement par clivage. En effet, il se développe sous effort, au sein de ces matériaux, des réseaux de fissures qui s’ouvrent perpendiculairement à l’extension maximale. C’est ainsi que dans un essai de compression, bien plus courant pour ces matériaux que l’essai de traction difficile à réaliser, les fissures s’ouvrent parallèlement à l’axe de compression (Fig. 1.10). Les matériaux cimentaires contiennent des porosités à diverses échelles. Ce sont des sources de fissuration. Dans le béton, les zones faibles sont les interfaces entre la pâte de ciment et les granulats. On peut les considérer comme des fissures et envisager qu’il existe un endommagement initial.

5.

Endommagement ductile par cavitation

Soit maintenant un polycristal d’un matériau qui n’est pas susceptible de se cliver, du cuivre par exemple, mais aussi un acier austénitique, ou

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Fig. 1.9. Fractographie d’un acier au carbone rompu par clivage. On observe des surfaces de rupture très planes, correspondant à divers grains et des réseaux de rivières qui se développent pour rattraper les désorientations entre grains voisins (cliché Djafari ECP).

Tableau 1.III. Plans cristallographiques de clivage dans divers matériaux. Structure Cubique centré Cubique à faces centrées Hexagonal compact Diamant NaCl ZnS CaF2

Plan de clivage (100) (111) (0001) (111) (100) (110) (111)

Exemples de matériaux aciers ferritiques, Mo, W, Ta très rarement observé Be, Mg, Zn, Ti, graphite diamant, Si, Ge NaCl, LiF, MgO, AgCl ZnS, BeO CaF2 , UO2 , ThO2

encore un alliage d’aluminium, tous matériaux CFC. Certains grains ont une orientation telle qu’une famille de leurs plans cristallographiques de glissement est soumise à une forte contrainte de cisaillement. Ils vont se déformer par des glissements et soumettre donc leurs voisins, qui eux restent élastiques, à des contraintes importantes. Ainsi les déformations par glissements vont-elles se propager de proche en proche et bientôt tout

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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Fig. 1.10. Schéma de la fissuration dans un essai de compression sur un matériau cimentaire.

le polycristal se déformera plastiquement. À ce stade, aucune nouvelle surface n’a été créée et il n’y a pas d’endommagement. Notons que cette déformation par glissements se fait à volume constant. Cette constatation est de la plus haute importance ; nous aurons souvent l’occasion d’y revenir. De ce fait, une éprouvette qui s’allonge par déformation plastique doit diminuer de section. Aussi la contrainte appliquée, rapport de la force appliquée à la section portante, augmente-t-elle. Il faut que le matériau puisse résister à cette sollicitation croissante. Son écrouissage, résultant de la déformation plastique, lui permet de le faire jusqu’à un certain point car il arrive un moment où la diminution de section l’emporte. La déformation se localise alors dans une partie de l’éprouvette qui s’amincit : il est apparu une striction (Fig. 1.11) et, si le chargement est à force contrôlée, brutalement la striction devient totale et l’éprouvette se rompt par instabilité plastique. Ce phénomène ne s’accompagne pas d’endommagement. Cependant, dans la plupart des cas, le développement de la striction est interrompu par la rupture de l’éprouvette, avant que la striction ne devienne totale. Afin de comprendre ce qui s’est produit, nous effectuons une coupe de l’éprouvette par son axe, avant que cette rupture ne se soit produite (Fig. 1.12). En dessous de la surface, nous pouvons observer des cavités, allongées dans le sens de la déformation. Leur taille décroît

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Fig. 1.11. Striction d’une éprouvette de traction de 8 mm de diamètre.

Fig. 1.12. Coupe de la partie strictionnée d’une éprouvette en acier faiblement allié. On observe des cavités au sein de la partie strictionnée. Au centre elles se sont rejointes pour former une fissure (avec l’autorisation d’Hermès Science).

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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au fur et à mesure que nous nous éloignons de la surface de rupture. Un examen plus attentif permet d’observer des inclusions dans ces cavités. Une observation complémentaire de la surface de rupture au microscope électronique à balayage (Fig. 1.13), révèle que cette surface est constituée de la juxtaposition de trous, appelés cupules. Au fond de certaines d’entre elles, nous pouvons voir des inclusions. Les cavités, en réduisant la section portante, constituent bien un endommagement. Nous pouvons chercher à expliquer ce qui s’est passé (Fig. 1.14). Les inclusions dans les alliages sont par exemple des oxydes, des sulfures, des nitrures, qui sont très difficiles à déformer plastiquement par des glissements, du fait de leur structure cristallographique défavorable. Au sein d’un alliage qui, lui, se déforme plastiquement par glissements, elles constituent des zones où se concentrent les contraintes. La mécanique des inclusions permet de calculer cet accroissement local. Il peut devenir suffisant pour rompre l’inclusion par clivage, ou encore pour rompre l’interface entre l’inclusion et la matrice. Cet amorçage de cavités constitue un endommagement. Il s’aggrave alors par suite de la croissance des cavités en raison de la déformation plastique de la matrice. Il existe des modèles qui permettent de calculer cette croissance. Lorsque la taille des cavités devient suffisante, c’est-à-dire lorsque l’endommagement devient critique, elles peuvent se rejoindre par exemple par striction des pédoncules qui subsistent entre elles, ou encore par instabilité de glissement ; la coalescence des cavités provoque la rupture. Suivant la nature des inclusions, et leur concentration, l’endommagement par formation de cavités peut être plus ou moins précoce. Un facteur essentiel est le taux de triaxialité des contraintes, c’est-à-dire le rapport de la contrainte moyenne à la contrainte équivalente, responsable de la déformation plastique. C’est une question que nous examinerons ultérieurement. Il suffit ici de signaler que ce taux de triaxialité des contraintes augmente au voisinage de l’axe de l’éprouvette lorsque la striction se développe. Les conditions sont alors remplies pour que les cavités croissent. Dans une certaine mesure l’endommagement des polymères peut être rattaché à l’endommagement ductile par cavitation. En effet, la déformation plastique des polymères résulte du déplacement des molécules les unes par rapport aux autres, analogue à des glissements dans les cristaux. Il se forme effectivement des cavités, très aplaties, des fissures en quelque sorte, appelées craquelures (crazes en anglais) (Fig. 1.15). Les faces de ces craquelures sont pontées par des filaments qui sont constitués de chaînes moléculaires extraites de la matrice.

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Fig. 1.13. Fractographie montrant des cupules et les inclusions qui ont donné naissance aux cavités de rupture ductile (acier faiblement allié).

(a)

(b)

(c)

Fig. 1.14. Schéma des trois stades de rupture ductile. (a) Naissance des cavités sur des inclusions. En haut, l’inclusion a été clivée ; en bas, l’inclusion a été décollée. (b) Croissance des cavités par déformation plastique de la matrice. (c) Coalescence des cavités. En haut striction des ligaments internes ; en bas coalescence par cisaillement.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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(a)

(b)

Craquelures Fig. 1.15. Craquelure provoquée par fluage de polyethylène haute densité (PEHT). Sur le cliché du haut on observe les fibrilles qui pontent les lèvres de la craquelure. Le cliché du haut a été obtenu après une attaque oxydante qui supprime les plus petites d’entre elles (H. Ben Hadj Hamouda, thèse École nationale supérieure des mines de Paris 2000 ; figure aimablement communiquée par R. Piques).

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6.

Endommagement par fatigue

6.1.

Fatigue des monocristaux

La fatigue des matériaux est un phénomène qui survient sous l’effet de sollicitations cycliques. Reprenons nos monocristaux, favorablement orientés pour le glissement. Nous allons maintenant les solliciter par des efforts successivement positifs et négatifs. De la sorte le cisaillement sur les plans de glissement s’inverse. L’effort de traction sur l’éprouvette monocristalline crée une marche à la surface dans un certain sens (Fig. 1.16). Lorsque nous déchargeons, puis que nous sollicitons en compression, le glissement se fait en sens inverse. S’il était parfaitement réversible, la marche disparaîtrait. Mais la déformation plastique de glissement a provoqué un certain écrouissage sur le plan qui a été activé en premier, de sorte que le glissement en sens inverse se produit sur un plan différent. Suivant sa position, cela crée à la surface soit une excroissance, appelée extrusion, soit une rainure, appelée intrusion. À chaque cycle, ce mécanisme se répète, aboutissant à la formation de nombreuses extrusions et intrusions. Il y aurait un début d’endommagement, puisque les intrusions contribuent à diminuer la section portante, mais il serait quasiment nul étant donné le faible rapport de la profondeur des intrusions à la dimension de la section. Or, si nous examinons l’évolution des dislocations dans le cristal à l’aide du microscope électronique à transmission, nous nous apercevons qu’elles se groupent en formant des cellules (Fig. 1.17). La densité de dislocations est très grande dans les parois de ces cellules et très faible ailleurs. C’est une disposition classique due à l’écrouissage, mais le cyclage a pour effet de rendre ces parois de plus en plus denses. Elles envahissent l’ensemble du monocristal et cela correspond à un certain degré d’écrouissage : la contrainte de cisaillement atteint un palier. Pour que la déformation puisse se poursuivre alors, il apparaît dans la structure en parois, des canaux, dans lesquels les dislocations circulent aisément (Fig. 1.18). Ces canaux sont orientés dans la direction de glissement. On les appelle bandes de glissement persistantes, car, en effet, elles subsistent à l’attaque métallographique. Les glissements se concentrent donc dans ces bandes. Les intrusions et les extrusions se multiplient et se renforcent. Les intrusions constituent des amorces de fissures de cisaillement qui pénètrent dans le cristal. Ces fissures sont désignées par fissures de type B. Ainsi l’endommagement commence réellement à se manifester, et il augmente au cours du cyclage.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

(a) Phase de traction

(b) Phase de compression formation d’une extrusion

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(c) Phase de compression formation d’une intrusion

Fig. 1.16. Schéma des glissements successifs par fatigue. Formation (a) d’une marche, (b) d’extrusions et (c) d’intrusions.

Fig. 1.17. Micrographie de microscope électronique à transmission montrant des cellules de dislocations créées par fatigue sous amplitude de déformation de +/−0,2 % dans un acier inoxydable austénitique (avec l’autorisation d’Hermès Science).

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Fig. 1.18. Micrographie réalisée au microscope électronique à transmission montrant des bandes de glissement persistantes dans un acier inoxydable austénitique 316L (en anglais Persistent Slip Bands P. S. B.). Les dislocations s’y arrangent en parois formant une structure en échelle. (Thèse de C. Gaudin, Université de Technologie de Compiègne.)

Il faut remarquer que le mécanisme doit être différent pour une éprouvette sollicitée en torsion pour laquelle les glissements, parallèles à la surface, ne créent pas de marches. Pourtant des fissures dans ces directions apparaissent bien. Elles ne pénètrent pas dans le cristal. On les désigne par fissures de type A (Fig. 1.19). Il est clair que l’endommagement se développe moins vite dans ces conditions.

6.2.

Fatigue des polycristaux

Ayant vu comment l’endommagement prend naissance dans des monocristaux, nous pouvons maintenant envisager la façon dont la fatigue se manifeste dans un polycristal. Les grains les plus favorablement

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

σ2

σ3

σ1

σ2

σ3

Surface

Cercle de Mohr

Fissure de type A

σ2

σ1

Surface

σ3

σ2

Cercle de Mohr

Fissure de type B

Fig. 1.19. Fissures de type A et de type B, σ2 et σ3 sont les contraintes principales.

orientés pour le glissement sont les premiers à se déformer. Les plans de glissement y sont orientés à 45° de la surface. Des bandes de glissement persistantes s’installent dans ces grains et c’est dans ces grains-là que les fissures vont apparaître en premier. Mais, remarque de grande importance, les grains situés à l’intérieur du matériau, enserrés entre des voisins qui restent élastiques, se déforment peu, et ce sont les grains de la surface qui interviennent. L’endommagement de fatigue est un endommagement de surface. Cependant, les glissements vont petit à petit se répandre dans d’autres grains en raison de l’écrouissage des premiers. On constate que des fissures de fatigue prennent naissance en divers endroits, à des instants différents, et qu’il en existe donc à un moment donné une population de tailles différentes (Fig. 1.20). Les fissures les

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Fig. 1.20. Naissance et premiers développements de fissures de fatigue dans un alliage de titane qui présente des macrozones de grains ayant des orientations très proches (thèse de C. Le Biavant ECP).

plus grandes prennent petit à petit le pas sur les autres, et finalement, une seule fissure se propage. Il ne faut pas négliger dans ces mécanismes de naissance des fissures de fatigue le rôle que peuvent jouer les inclusions. De façon analogue à ce qui se passe pour l’apparition des cavités d’endommagement ductile, les inclusions sont des sites de concentration de contrainte. Les fissures de fatigue prendront donc facilement naissance en surface à leur voisinage. La présence des inclusions provoque dans certains cas, exceptionnels, l’apparition de fissures au sein du matériau et non pas à sa surface : on observe alors un aspect caractéristique de la surface de rupture appelé œil de poisson (Fig. 1.21) ; il est dû au développement progressif de la fissure à partir de l’inclusion. Ce type d’endommagement apparaît dans la fatigue appelée gigacyclique, autrement dit de la fatigue à très faible niveau de sollicitation cyclique entraînant la rupture au bout d’un nombre de cycles de l’ordre du milliard. On l’observe également dans certains cas en fatigue de roulement. Ces fissures apparues à la surface de certains grains, pénétrant dans le matériau, se heurtent à des obstacles, des barrières (Fig. 1.22). Ce sont notamment les joints de grains, puisque les orientations des plans de glissement ne sont pas les mêmes dans les grains voisins du plan où les fissures ont pris naissance. Il existe d’autres barrières, comme les colonies

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

Fig. 1.21. Naissance de fissure de fatigue sur une inclusion au sein d’une éprouvette d’acier faiblement allié en fatigue gigacyclique, donnant un facies caractéristique en œil de poisson. L’inclusion est constituée d’un oxyde mixte d’aluminium et de calcium. (Y. Murakami, T. Nomoto et T. Ueda, Fatigue Fract. Engng. Mater. Struct., 22, 1999, pp. 581-590, avec l’autorisation de Blackwell Science.)

Surface

Stade II

Stade I

Fig. 1.22. Schéma de propagation des fissures de fatigue. Fissures bloquées sur une barrière constituée par un joint de grain. La plus longue fissure a franchi les joints de grain et, après une propagation sous l’effet du cisaillement en stade I, elle prend petit à petit une orientation perpendiculaire à la contrainte principale maximale et entre dans le stade II de la propagation.

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perlitiques(19) dans les aciers ferritiques. Certaines fissures s’arrêtent définitivement en se heurtant à ces barrières. D’autres réussissent à les franchir. Elles conservent pendant un certain nombre de cycles une orientation voisine de celle de l’origine, à 45◦ de la surface. Il s’agit du stade I de la fissuration par fatigue. À la fin de ce stade, la propagation change de direction : elle se fait perpendiculairement à la direction de la plus grande contrainte principale, la direction axiale dans le cas d’une éprouvette de traction compression. C’est le stade II. (En mécanique de la rupture, cette propagation est dite de mode I.) Comment les fissures de fatigue peuvent-elles se propager au cours de ce stade ? À leurs extrémités, il existe une très forte concentration de contraintes de sorte qu’une zone déformée plastiquement s’y développe. Lorsque la fissure est sollicitée en traction, des glissements à son extrémité provoquent son ouverture (Fig. 1.23). Celle-ci s’accompagne d’une petite avancée de l’extrémité. Comme les glissements ne sont pas réversibles, la refermeture dans la phase de compression ne supprime pas l’avancée précédente. Cet aspect sera davantage développé ultérieurement. Les glissements irréversibles successifs laissent souvent sur la surface de rupture des stries caractéristiques (Fig. 1.24).

6.3.

Fatigue thermique

Ce type d’endommagement par fatigue provient de variations cycliques de la température. Comme l’équilibre de température entre la surface et le cœur de la pièce ne s’établit pas instantanément, il existe des déformations différentielles, cycliques elles aussi. Il en résulte des variations périodiques de contrainte qui donne naissance à des fissures. Elles ont ceci de particulier qu’en raison du caractère équibiaxé du champ de contrainte en surface, elles forment un réseau de faïençage (Fig. 1.25). En général ces fissures pénètrent dans la pièce sur une certaine profondeur, puis finissent par s’arrêter.

6.4.

Fatigue de roulement

Un cas particulier d’endommagement par fatigue est celui de la fatigue de roulement. Ses particularités proviennent de ce que, au contact d’une roue et d’un rail, ou encore de deux dents d’engrenage, la contrainte est maximale non pas à la surface de contact mais à une certaine distance en (19) Colonies perlitiques : la perlite dans les aciers est constituée de lamelles alternées de ferrite, autrement dit de fer cubique centré contenant une faible quantité de carbone dissous, et de carbure de fer appelé cémentite.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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(a) Fissure fermée.

Lignes de glissements

(b) Ouverture de la fissure. Avancée de la fissure.

(c) Refermeture de la fissure. Formation d’une strie.

Fig. 1.23. Schéma de propagation d’une fissure de fatigue.

Fig. 1.24. Fractographie montrant des stries de fatigue dans un acier au carbone (cliché Djafari ECP).

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Fig. 1.25. Faïençage de fatigue thermique dans un acier inoxydable austénitique (cliché A. Fissolo CEA).

dessous. Les divers types de fissuration par fatigue de roulement peuvent être classés en trois catégories : les fissures de surface, les fissures amorcées sous la surface et les fissures amorcées sur des défauts profonds.

Les fissures superficielles Les fissures superficielles dues au phénomène de rochet plastique(20) sont le résultat de déformations plastiques successives qui s’accumulent en surface de la bande de roulement. Ces fissures s’amorcent en surface et se propagent selon une faible inclinaison par rapport à celle-ci, perpendiculairement à la direction de glissement relatif de la roue et (20) Rochet plastique : résultat de déformations plastiques, dues à une sollicitation cyclique, qui s’accumulent à chaque cycle.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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du rail. Assez rapidement, elles dévient dans une direction radiale. Puis, plus tardivement, lorsqu’elles atteignent des profondeurs de 1,5 à 2 mm, elles prennent une direction circonférentielle. Le branchement de ces fissures vers la surface emporte un morceau de la bande de roulement en produisant un écaillage. L’échauffement superficiel résultant du frottement peut être suffisamment intense pour provoquer une fissuration de fatigue thermique. Les fissures naissant à la surface sont, dans ce cas, perpendiculaires à la bande de roulement. Comme les précédentes, elles dévient dans une direction circonférentielle et aboutissent en définitive aux mêmes sortes de dégâts superficiels. Les méplats sur les bandes de roulement se forment lors des glissements de la roue sur le rail. La température atteinte peut être telle que l’austénitisation(21) se produit. Comme ensuite le refroidissement par l’intense conduction thermique vers le corps de la roue est violent, il se forme de la martensite(22) fragile.

Les fissures sous-jacentes Les contraintes de contact atteignent leur maximum en dessous de la surface, à une profondeur de l’ordre de 4 à 5 mm. Elles sont susceptibles d’amorcer des fissures sous-jacentes qui se propagent jusqu’à une profondeur de l’ordre de 20 mm. Elles prennent alors une direction circonférentielle et finissent par provoquer des écaillages de plus ou moins grandes dimensions.

Fissures dues à des défauts Les fissures amorcées sur des défauts métallurgiques s’amorcent en général à des profondeurs supérieures, de l’ordre de 10 à 30 mm sous la surface. Ces défauts peuvent être des porosités ou des inclusions. Ces fissures entraînent également des écaillages conséquents, mais elles peuvent aussi finir par se propager vers l’axe de la roue. Un cas particulier est la formation d’écaillages résultant de la fragilisation par l’hydrogène (voir le paragraphe suivant).

(21) Austénitisation : à 910 ◦ C, le fer pur, qui est cubique centré à basses températures, phase appelée fer alpha ou ferrite, se transforme en austénite, phase cubique à faces centrées appelée aussi fer gamma. (22) Martensite : phase hors d’équilibre qui se forme lorsqu’un acier est trempé, c’est-à-dire refroidi brutalement, depuis le domaine austénitique. La structure de la martensite est quadratique centrée.

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7.

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Endommagement de corrosion sous contrainte

Le phénomène de corrosion sous contrainte est dû à une combinaison d’une sollicitation mécanique constante et d’un milieu extérieur agressif. Insistons sur le fait que l’endommagement de corrosion sous contrainte nécessite la combinaison de la sollicitation mécanique et du milieu agressif, chacun séparément étant complètement inoffensif. La nature des couples matériau-environnement pouvant donner lieu à la corrosion sous contrainte est très variée. Des acides et des bases, des milieux salins, sont en cause mais de l’eau peut suffire, voire l’humidité de l’air. Le tableau 4.I du chapitre 4, qui traite plus complètement des endommagements par corrosion sous contrainte, indique quelques couples de matériaux et de milieux agressifs pouvant donner lieu à corrosion sous contrainte. La naissance de l’endommagement est évidemment superficielle, puisque c’est la surface de la pièce qui est soumise à l’effet du milieu agressif. Les fissures qui y prennent naissance se propagent ensuite vers l’intérieur de la pièce. Un mécanisme souvent invoqué est la création de surfaces fraîches par les glissements (Fig. 1.26). La surface étant recouverte d’une couche d’oxyde passivante, les marches de glissement détruisent cette couche. Avant qu’elle ne se reconstitue, un couple électrolytique existe entre la surface fraîche nue et les zones protégées voisines. La dissolution

couche protectrice

surface fraîche

Fig. 1.26. Schéma de création d’une surface fraîche par débouché d’une ligne de glissement à la surface.

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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anodique creuse une fissure. Elle se propage ensuite par un mécanisme analogue qui se renouvelle à l’extrémité de la fissure. Les fissures de corrosion sous contrainte sont souvent ramifiées (Fig. 4.10). Au contraire, le couple électrolytique peut introduire de l’hydrogène naissant qui fragilise le métal. Cette fragilisation peut être due à un affaiblissement des liaisons atomiques, autrement dit une baisse de l’énergie de surface ; un autre mécanisme est la précipitation de l’hydrogène en sursaturation sous forme de bulles de gaz.

8.

Endommagement de fluage

L’endommagement de fluage(23) apparaît à haute température, suffisante pour que la vitesse de fluage sous effort constant (c’est-à-dire la vitesse de déformation) ne diminue jamais au cours du temps. Cela distingue ce type de fluage de celui qui peut exister à basse température, fluage logarithmique dont la vitesse ne cesse de décroître au cours du temps. Pour fixer les idées, cette température de fluage à haute température est, en degrés Kelvin, supérieure à la moitié de la température absolue de fusion. À ces hautes températures, les phénomènes de diffusion sont actifs. Un matériau contient toujours une certaine proportion de positions atomiques inoccupées, des lacunes. La concentration de lacunes à l’équilibre est fonction exponentielle de la température. Par ailleurs, les lacunes peuvent migrer, et ceci d’autant plus vite que la température est élevée. Ainsi la diffusion prend-elle place. Lorsque deux lacunes se rencontrent, elles peuvent former une bilacune (Fig. 1.27) ; avec une troisième, une trilacune et finalement une cavité. La formation des cavités est facilitée par l’existence d’une tension hydrostatique(24) . (On comprend bien effectivement qu’au contraire une pression hydrostatique tend à les faire disparaître.) Sous contrainte de traction, il existe une contrainte hydrostatique, égale au tiers de celleci. Dans les conditions de fluage, des cavités sont donc susceptibles de germer, dans la mesure où l’énergie de leur surface est inférieure au travail de la contrainte appliquée au matériau. Elles peuvent le faire beaucoup

(23) Fluage : sous contrainte constante, un matériau visqueux voit sa déformation augmenter au cours du temps ; c’est le fluage. Nous parlons ici du fluage qui se produit à hautes températures, supérieures à la moitié de la température absolue de fusion pour fixer les idées. (24) Tension hydrostatique : un champ de contrainte hydrostatique est tel que les trois contraintes principales sont égales. Quelle que soit la direction d’une facette dans le solide, elle n’est soumise qu’à une contrainte normale. Cette contrainte est la même dans toutes les directions.

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lacunes

trilacune

cavité

bilacune

Fig. 1.27. Schéma de création d’une cavité par diffusion de lacunes.

plus facilement sur les joints de grains. En effet, l’énergie de joint de grain qui disparaît lors de l’apparition de la cavité contribue à augmenter le gain d’énergie résultant de cette formation de cavité. Les cavités qui ont germé sur les joints croissent par diffusion de lacunes le long de ces derniers. Cette croissance intéresse essentiellement les joints qui sont perpendiculaires à la contrainte principale maximale (Fig. 1.28). Ces joints entièrement recouverts de cavités constituent autant de fissures, d’où résulte un endommagement. Cependant l’ouverture de ces fissures n’est possible que dans la mesure où le matériau qui les entoure est capable de se déformer, et donc que sa vitesse de fluage est suffisante. Suivant les cas, c’est donc soit la vitesse de diffusion des lacunes le long des joints de grains soit la vitesse de fluage qui contrôle le développement de l’endommagement de fluage.

9.

Combinaisons d’endommagements

La combinaison de sollicitations cycliques et d’un milieu agressif provoque un endommagement de fatigue corrosion. Dans certains cas, il y a simple superposition des deux phénomènes de fatigue et de corrosion sous contrainte. Mais dans d’autres cas, des effets de synergie interviennent

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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contrainte de traction

(a)

joints endommagés

(b)

Fig. 1.28. Joints de grains endommagés par fluage. Schéma et micrographie d’un acier inoxydable austénitique ayant subi un essai de fluage à 600 ◦ C (avec l’autorisation d’Hermès Science).

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et le taux d’endommagement est alors supérieur à l’addition des taux d’endommagement de fatigue pure et de celui de corrosion sous tension pure. Les sollicitations cycliques à haute température provoquent l’endommagement de fatigue fluage. Les fissures de fatigue se propageant dans un matériau endommagé par le fluage acquièrent une vitesse plus grande que celle de fatigue pure. La fatigue fluage s’accompagne en général d’interaction avec l’environnement, ce qui complique encore les phénomènes.

10. Conclusion Partant des deux mécanismes élémentaires de rupture des monocristaux, le clivage et le glissement, nous avons pu bâtir une classification des phénomènes d’endommagement (voir Tab. 1.IV). C’est un mécanisme analogue au clivage qui est responsable de l’endommagement des matériaux cimentaires. Ce sont les glissements qui provoquent les endommagements de cavitation ductiles, les endommagements de fatigue et ceux de corrosion sous tension, tous endommagements fort fréquents. L’endommagement des polymères provient de mécanismes analogues aux glissements des matériaux cristallins, le déplacement des molécules les

Tableau 1.IV. Les divers types d’endommagement. Type de rupture Ruptures brutales (le temps n’intervient pas)

Endommagement volumique

Endommagement mixte

clivages cavitation (cupules) craquelures dans les polymères fissuration des matériaux cimentaires

Ruptures différées fragilisation par (le temps intervient) l’hydrogène endommagement fatigue-fluage par fluage à haute température fragilisation par irradiation (s’il apparaît des cavités)

Endommagement surfacique fragilisation par les métaux liquides (Hg, Ga)

corrosion sous contrainte fatigue-corrosion fatigue

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CHAPITRE 1 – LES ENDOMMAGEMENTS DES MATÉRIAUX

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unes par rapport aux autres. L’endommagement de fluage est provoqué par la migration des lacunes. Il va falloir maintenant dépasser la simple description et examiner plus en détail comment se développent ces divers endommagements. Nous allons voir que les hétérogénéités, et tout d’abord le désordre des structures, jouent un rôle fondamental pour comprendre les mécanismes qui sont en jeu.

A. Annexe : Modèle de Rice et Thomson (J.R. Rice et R. Thomson, Phil. Mag., 29, 1974, pp. 7397) (Fig. 2.5) L’énergie propre de la boucle de dislocation de rayon r rapporté au vecteur de Burgers est donnée par : U disl = µb 3r

2−ν 8(1 − ν)

log

8r e 2 ξ0

(1.2)

où µ est le module de cisaillement, b le vecteur de Burgers, ν le coefficient de Poisson(25) et ξ0 est le rayon du cœur rapporté au vecteur de Burgers. L’énergie de la marche créée par l’émission de la boucle vaut : U mar = 2γsb 2(r − ξ0) cos Ψ sin Φ

(1.3)

où Φ est l’angle que fait le plan de glissement avec le plan de clivage et Ψ celui que fait le vecteur de Burgers avec le front de fissure, γs l’énergie de surface. Le gain d’énergie résultant de la relaxation du champ de contrainte est déterminé en calculant le travail effectué pour développer la boucle de dislocation. On trouve : 1/2    γs 2 Φ U σ = −0,9862 (r 2/3 − ξ02/3) sin Φ cos Φ cos · (1.4) µb 3 µb 1−ν 2 En posant : U0 =

2−ν 8(1 − ν)

(25) Coefficient de Poisson : dans un essai de traction, valeur absolue du rapport de la déformation radiale à la déformation axiale.

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D. FRANÇOIS

Um = 2

Us =

γs cos Ψ sin Φ µb 2,092

(1 − ν)



1/2

1/2

γs µb

sin Φ cos Φ cos

Φ 2

la condition d’activation est donnée par : dU act dr

= 0 = U 0 log

er + U m + U sr 1/2 ξ0

(1.5)

Finalement, cette condition est portée sur un graphe en coordonnées réduites : U act

u act =

(2 − ν) 2 β2 3 µb 8(1 − ν) β 16(1 − ν) γs

S=

5β(2 − ν) µb

paramétré par : R0 =

16β 5(2 − ν)β2

ξ0 .

Dans ces expressions : 1 Φ = cos Ψ sin Φ cos β 2 1 = cos Ψ sin Φ. β Pratiquement, u act ≈ S≈

U act µb 3

γs µb

R 0 ≈ ξ0 . Dans le cas de la fissuration intergranulaire il faut multiplier u act et R 0 par R CI .

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2

1.

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Les endommagements, le désordre et les hétérogénéités

Ordre parfait, désordre parfait, ordres et désordres locaux

Divers exemples vont nous montrer que l’endommagement est fortement favorisé par le désordre au sein des structures des matériaux. Alors que le comportement élastique y est fort peu sensible, le désordre est essentiel dans le développement des endommagements. L’ordre parfait, mais également le désordre parfait, rendent l’apparition de l’endommagement quasiment impossible (sans pour autant supprimer la rupture). Grâce au désordre, apparaissent des hétérogénéités dans les champs de contraintes, sources d’endommagement. On comprend que si le désordre est parfait, il n’est pas concevable de l’augmenter localement de sorte que les hétérogénéités en questions n’existent plus. Elles pourraient au contraire intervenir si, dans une structure parfaitement désordonnée, apparaissaient des zones d’ordre local : des cristallisations, des inclusions cristallines. En effet, de telles hétérogénéités jouent un rôle dans l’endommagement du verre. Pour en revenir au désordre local dans une structure ordonnée, les hétérogénéités affectent les matériaux à différentes échelles : celle des dislocations, celle des précipités et des inclusions isolées ou celle de leurs amas. Les inclusions tout particulièrement joueront un rôle fondamental. Nous allons nous intéresser à ces désordres dans l’ordre des échelles croissantes.

2.

Contrainte théorique de rupture

En revenant à la rupture par clivage du monocristal de zinc dont nous avons parlé au chapitre précédent, nous essayons d’estimer la contrainte théoriquement nécessaire pour rompre les liaisons atomiques afin de séparer le cristal en deux le long d’un plan dense comme cela a été réalisé. Un calcul approximatif, développé ci-après, permet d’en trouver l’ordre de

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D. FRANÇOIS

3

2,5

2

1,5

1

0,5

0 0

0,5

1

1,5

2

2,5

-0,5

-1

-1,5

-2

-2,5

U /2γ s

10 σ/E

Fig. 2.1. Variation de l’énergie de cohésion, rapportée au double de l’énergie de surface, et de la contrainte, rapportée au module d’Young divisé par 10, en fonction de la distance entre plans denses a rapportée à la distance à l’équilibre a 0 . On suppose que l’énergie de cohésion U est de la forme : U = Am − Bn et on a choisi m = 10 et n = 1. a

a

grandeur : la contrainte théorique de rupture est de l’ordre du dixième du module d’Young(1) . C’est une valeur excessivement élevée. Pour le zinc, comme le module d’Young est égal à 90 000 MPa, la contrainte théorique de rupture est de l’ordre de 9 000 MPa. Elle est de plusieurs ordres de grandeur plus élevée que la contrainte de rupture observée en réalité. Pour le fer, le module d’Young étant égal à 200 000 MPa, la contrainte théorique de rupture est de l’ordre de 20 000 MPa, alors que pour les aciers les plus résistants la contrainte de rupture ne dépasse pas 3 000 MPa. Cette estimation de la contrainte théorique de rupture peut se faire en partant de la variation possible de l’énergie de cohésion U en fonction de la distance a entre deux plans denses (Fig. 2.1). Elle résulte de deux contributions : l’une positive correspondant à l’attraction entre les ions positifs que sont les atomes de zinc démunis des électrons de

(1) Module d’Young : dans un essai de traction, rapport de la contrainte à la déformation dans le domaine d’élasticité linéaire.

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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leur couche périphérique et ces électrons formant, dans un métal, le nuage électronique chargé négativement ; l’autre négative provenant de la répulsion entre les ions positifs. La variation de l’énergie de cohésion avec la distance entre les plans présente donc un minimum pour la distance d’équilibre a 0 (soit b(2/3) 1/2 si b est la distance interatomique). L’énergie U 0 correspondante est égale à deux fois l’énergie de surface γs , puisque nous créons deux surfaces en séparant le cristal en deux morceaux. (Cette énergie est reliée à l’énergie de sublimation nécessaire pour former un gaz, c’est-à-dire pour éloigner les atomes à grande distance les uns des autres.) La force nécessaire pour éloigner les plans denses, c’est-à-dire la contrainte parce que nous considérons une unité de section, est la dérivée de U par rapport à a (puisque le travail élémentaire de la contrainte pour un déplacement da donne la variation élémentaire de U). La contrainte théorique de rupture σ0 , maximum de la courbe donnant σ en fonction de a, correspond par conséquent au point d’inflexion de la courbe donnant U en fonction de a. Par ailleurs pour une faible variation de a, le cristal est élastique linéaire et la pente de la variation de la contrainte en fonction de l’allongement relatif est égale au module d’Young E. Pour calculer la contrainte théorique il faut donner une forme mathématique approximative à la variation de l’énergie de cohésion en fonction de a. Le plus simple est de l’approximer par une branche de sinusoïde. Munis des trois données précédentes : a 0 , γs et E nous pouvons alors calculer la contrainte théorique de rupture :  Eγs σ0 = · (2.1) a0 Une valeur typique de l’énergie de surface γs , µb/20, µ étant le module de cisaillement égal à E/2(1 + ν) où ν est le coefficient de Poisson, conduit à l’ordre de grandeur de la contrainte théorique de rupture : E/10. Cette excessivement forte contrainte théorique de rupture est cependant atteinte pour les trichites (en anglais whiskers), monocristaux dépourvus de défauts qui ont la forme de poils. Les plus courants sont les trichites d’alumine et les trichites de carbure de silicium. Il convient donc de trouver la raison pour laquelle les matériaux usuels présentent des contraintes de rupture bien plus faibles que la contrainte théorique de rupture. Or, pour créer un endommagement il faut bien quelque part atteindre la contrainte théorique de rupture, afin de rompre au moins quelques liaisons atomiques. La contrainte théorique de rupture a été estimée en supposant un ordre parfait. Ce sont divers défauts, qui, en détruisant l’ordre parfait des cristaux, permettent de proposer des mécanismes pour créer localement des concentrations de

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contrainte suffisantes, atteignant la contrainte théorique de rupture : joints de grains, dislocations, lacunes, inclusions. Nous voyons donc que l’endommagement est associé au désordre. Cependant le désordre parfait, supprimant les inhomogénéités, est tout aussi favorable à des résistances à la rupture très élevées. Le verre, en sortie de filière, lorsque des manipulations n’ont pas créé de microfissures, posséde une très forte résistance. Le verre est un liquide surfondu dans lequel l’ordre atomique, au moins à grande distance, est absent.

3.

Glissement localisé et dislocations

3.1.

Mécanisme de Zener

Nous pouvons envisager comment la contrainte théorique de rupture peut être atteinte localement. Imaginons, au sein d’un polycristal, un grain dont l’orientation est telle qu’il est soumis à une forte contrainte de cisaillement qui peut y déclencher un glissement (Fig. 2.2). Si ce grain était isolé, le glissement formerait deux marches de part et d’autre.

d

τ x

zones de concentration de contrainte

Fig. 2.2. Un glissement localisé dans un grain peut créer une forte surcontrainte dans ses voisins. (À gauche, le grain est désolidarisé de ses voisins et glisse librement ; à droite, il provoque un effet de coin sur les grains voisins.)

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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Au sein du polycristal, il appuie comme un coin sur les deux grains voisins. Ceci provoque des concentrations de contrainte très élevées, suffisantes pour atteindre la contrainte théorique de rupture. C’est le mécanisme qui a été proposé en 1946 par C. Zener, physicien américain. Pour le quantifier, nous pouvons considérer le glissement comme une fissure ouverte en mode II, c’est-à-dire une fissure dont les lèvres glissent l’une sur l’autre dans une direction perpendiculaire à son front. La mécanique de la rupture nous enseigne que la contrainte à l’extrémité de cette fissure est donnée par l’expression : √ d σ=τ √ (2.2) 2 x où τ est la contrainte de cisaillement appliquée sur le plan de glissement, d la longueur du glissement et x la distance à l’extrémité de la fissure, c’est-à-dire à l’extrémité du glissement. La contrainte maximale à une distance égale à la distance interatomique b serait donc de l’ordre de 160τ pour un glissement tel que d = 10 5b (environ 30 microns). Le problème se pose maintenant de savoir quelle est la contrainte nécessaire pour provoquer le glissement. Or, une estimation, par un calcul analogue à celui effectué pour celle de la contrainte théorique de rupture, donne un ordre de grandeur pour la contrainte théorique de glissement de l’ordre de µ/10, µ étant le module de cisaillement égal à E/2(1 + ν). Nous trouvons à nouveau une valeur beaucoup trop élevée par comparaison avec les contraintes de glissement réelles. C’est encore une fois l’hypothèse d’un ordre parfait des atomes le long du plan de glissement qui est responsable de ce résultat. On sait que ce sont les dislocations, défauts linéaires dans l’empilement régulier des atomes (Fig. 2.3), qui permettent un glissement beaucoup plus facile. Les concentrations de contrainte proviennent alors d’empilements de dislocations, qui sont analogues à des fissures dont les lèvres frottent les unes sur les autres (Fig. 2.4). Il convient donc de corriger un peu l’expression précédente, donnant la contrainte locale en tête de glissement, dans la mesure où, pour déplacer les dislocations afin de provoquer le glissement, il faut exercer une contrainte de frottement τi qui se retranche donc de la contrainte appliquée τ.

3.2.

Les cellules de dislocations en fatigue

Nous avons vu que la fatigue était intrinsèquement liée à des glissements localisés, qui résultent d’hétérogénéités. Nous avons vu également que les sollicitations cycliques provoquent une structure de

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dislocation

Fig. 2.3. Schéma d’une dislocation. Un demi-plan d’atomes supplémentaire a été introduit.

Fig. 2.4. Empilements de dislocations sur les joints de grain.

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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dislocations en cellules bien marquées, tout au moins si l’énergie de faute d’empilement est suffisamment élevée. Nous sommes dans une situation de désordre intermédiaire. Les cellules de dislocations ne constituent pas des endommagements, mais elles interviennent dans l’écrouissage cyclique du matériau. Celui-ci détermine le niveau de contrainte, et réciproquement d’ailleurs la dimension des cellules est d’autant plus petite que l’amplitude des contraintes cycliques est grande. Cette amplitude conditionne à son tour le développement des intrusions et des extrusions dans les bandes de glissement persistantes. Ces cellules de dislocations sont des configurations très instables. Si nous changeons l’axe de sollicitation, si, par exemple, après avoir sollicité en traction compression nous sollicitons en torsion alternée, les cellules sont détruites et d’autres sont reconstruites. Sous des sollicitations multiaxiales hors phase, par exemple de traction compression et torsion alternée combinées complètement déphasées, les cellules de dislocations ne peuvent s’établir. Il en résulte une sorte de turbulence, désordre important qui effectivement accélère l’endommagement de fatigue.

4.

Le désordre des lacunes

Nous avons vu que l’endommagement de fluage était dû à des accumulations de lacunes sous forme de cavités. Il est clair que ce processus sera d’autant plus efficace que la concentration de lacunes sera plus grande, c’est-à-dire que la température sera plus élevée. C’est une autre manifestation du désordre, favorable à l’endommagement. La présence de lacunes, dans la mesure où elles peuvent être réparties de multiples façons, fait apparaître une entropie de configuration, traduction quantitative de ce désordre.

5.

Les inclusions

5.1.

Les inclusions sources de clivages ou de cavités

Une forme de désordre qui joue un rôle essentiel dans la création d’endommagements est constitué par les inclusions. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, les inclusions non métalliques dans les alliages ne se déforment pas plastiquement et constituent donc des points durs, sièges de concentrations de contraintes. C’est ainsi que des microfissures sont susceptibles de naître soit dans les inclusions elles-mêmes soit aux interfaces. Dans la suite de ce chapitre nous allons examiner essentiellement des mécanismes d’endommagement conduisant à la

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rupture brutale. Cependant il ne faudrait pas oublier que les inclusions jouent aussi un rôle majeur dans l’amorçage des endommagements de fatigue. Cela résulte bien sur des concentrations de contraintes au voisinage des inclusions qui activent des processus de glissements. Une partie de ce qui va suivre se transpose donc bien en fatigue. Les microfissures ainsi créées peuvent soit se propager dans la matrice sous forme de clivages, soit se transformer en cavités par suite de la déformation plastique de la matrice par glissements (Fig. 1.14). Ces cavités croissent et finalement se rejoignent en entraînant la rupture. Le modèle de Rice et Thomson permet de comprendre pourquoi, dans certains cas, l’endommagement est dû aux clivages et dans d’autres à la cavitation (Fig. 2.5). Il considère la façon dont une fissure de clivage s’émousse en émettant des boucles de dislocations à sa pointe. Il convient de comparer l’énergie de surface dépensée par clivage à celle d’une boucle de dislocation. On s’aperçoit qu’il existe une température critique de transition entre clivage et blocage de la fissure par émoussement et qui dépend de la structure des matériaux. Pour la ferrite, cette température est très basse, de l’ordre de −200 ◦ C. Au contraire elle est supérieure à la température ambiante pour les inclusions non métalliques.

plan de glissement

dislocation

émoussement

Fig. 2.5. Schéma du modèle de Rice et Thomson. Une dislocation est émise à partir de l’extrémité d’un clivage. Ceci émousse la fissure comme le montre la coupe figurant en bas.

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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C’est pourquoi les clivages naissent dans ces inclusions. Cependant il existe aussi un effet de vitesse qui ne permet pas à l’émoussement de se manifester. La température de transition entre clivage et cavitation est donc augmentée par la vitesse de clivage des inclusions. Toujours est-il que dans les matériaux qui sont susceptibles de se cliver (matériaux cubiques centrés et hexagonaux), c’est à basses températures que les clivages apparus dans les inclusions se propagent dans la matrice, alors qu’à hautes températures ces derniers forment des cavités qui croissent par déformation plastique de la matrice. Dans les matériaux qui ne se clivent pas (matériaux cubiques à faces centrés), c’est évidemment ce dernier mécanisme qui intervient à toutes températures. Nous allons examiner plus précisément comment les contraintes se concentrent dans les inclusions, qui constituent elles-mêmes un désordre de structure, en distinguant le cas de faibles déformations plastiques hétérogènes de la matrice de celui de grandes déformations plastiques. Nous verrons comment le désordre de répartition des inclusions favorise l’endommagement. Puis nous examinerons la croissance des cavités.

5.2.

Naissance de fissures sur les inclusions

Deux situations sont à considérer : pour de faibles déformations plastiques de la matrice, les glissements sont encore fort hétérogènes et le mécanisme de Zener d’empilements de dislocations peut être envisagé sur l’obstacle que constitue l’inclusion ; pour des déformations plastiques plus importantes, le champ de ces déformations devient beaucoup plus homogène, auquel cas la mécanique des inclusions, développée par Eshelby, apporte des réponses. Cette dernière permet de calculer les champs de contraintes et de déformations à l’intérieur des inclusions et à leur voisinage.

Faibles déformations plastiques. Modèle de Smith L’expression donnant la contrainte en tête d’un glissement bloqué sur un joint de grain conserve sa validité lorsque l’obstacle est une inclusion. Toutefois, il faut tenir compte de l’interaction entre l’empilement de dislocations et l’inclusion. La naissance d’une fissure au sein de l’inclusion selon ce mécanisme peut être alors calculée par le modèle proposé par Edward Smith en 1966 (Fig. 2.6). Il est constitué par la juxtaposition de deux empilements de dislocations : celui incluant les dislocations réelles de la ligne de glissement et celui des dislocations fictives représentant la fissure dans l’inclusion. On suppose que l’alliage

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empilement de dislocations

dislocations fictives représentant la fissure dans l’inclusion

2c

Fig. 2.6. Schéma du modèle de Smith.

suit la loi de Hall-Petch qui donne la relation entre la limite d’élasticité R p et la taille de grain d : R p = σi + k yd −1/2 .

(2.3)

Le modèle de Smith donne alors la contrainte critique σf pour fissurer l’inclusion de module de cisaillement µI et de dimension 2c :  √  k 2y 4 cτi 4γs µI 2 . (2.4) − 1+ σf = c πk y π(1 − ν)c Le premier terme représente la contrainte qu’il faut exercer pour la propagation d’une fissure de largeur 2c dans un champ de contrainte uniforme, et le second la réduction de cette contrainte critique résultant de l’empilement de dislocations créant une forte hétérogénéité de la contrainte. Pour √ fixer les idées, en supposant c = 1 micron, τi = 100 MPa, k y = 0,33 MPa m, ce terme est égal à (400 MPa) 2 , alors que le premier, en considérant que γs = µIb/20, b étant la distance interatomique, vaut environ (300 γc MPa) 2 ; dans cette expression γc est l’énergie de clivage égale à 2γs . Pour la cémentite (carbure de fer Fe3 C) par exemple, γc valant 1 à 2 J/m2 , la contrainte de fissuration est donc très petite.

Grandes déformations plastiques. Mécanique des inclusions Le champ de contrainte devient beaucoup plus homogène lorsque la déformation plastique se développe. Il est alors possible de se tourner

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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vers la mécanique des inclusions développée par J.D. Eshelby en 1976 à Sheffield. Cependant celle-ci a été établie dans le cadre de l’élasticité linéaire. Il y aura donc lieu d’en envisager l’extension au cas de la plasticité. Commençons toutefois par étudier cette théorie dans le cas de l’élasticité. (On trouvera quelques indications plus détaillées à la fin du chapitre, section A.3.) La mécanique des inclusions démontre que dans une inclusion ellipsoïdale le champ de contrainte est uniforme. Elle donne, dans le cas de l’élasticité linéaire, la déformation d’une inclusion isolée et la contrainte à laquelle celle-ci est soumise en fonction des champs lointains. Elles sont fonctions des constantes d’élasticité de la matrice et de l’inclusion et de la forme de l’ellipsoïde. Pour une inclusion sphérique, on trouve des expressions simples, fonctions du coefficient de Poisson de la matrice, donnant d’une part le rapport de la variation de volume de l’inclusion à celle de la matrice et le rapport des composantes des déviateurs des déformations d’autre part. Le premier rapport dépend du rapport des constantes d’incompressibilité de l’inclusion et de la matrice, et le second du rapport des modules de cisaillement. Dans le cas d’une contrainte appliquée de traction uniaxiale, on trouve que l’inclusion est soumise non seulement à une contrainte uniaxiale qui peut être supérieure à celle qui est appliquée mais aussi à des contraintes de traction latérales lorsque le rapport du module d’Young de l’inclusion à celui de la matrice est suffisant (supérieur à 1 dans le cas d’une inclusion sphérique de même coefficient de Poisson que celui de la matrice). On trouve aussi que, dans la matrice, la contrainte au voisinage de l’inclusion varie comme la distance qui l’en sépare à la puissance −5 puis −3 plus loin. La mécanique des inclusions a été étendue par Marcel Berveiller et André Zaoui à l’Université de Villetaneuse en 1979 au cas d’un comportement plastique avec écrouissage linéaire de la matrice. La concentration de contrainte dans l’inclusion est alors fonction croissante de la pente d’écrouissage et elle dépend d’un facteur de forme de l’inclusion. Celui-ci prend des valeurs particulièrement élevées pour des inclusions en forme d’aiguilles parallèles à la contrainte principale maximale et pour des inclusions en forme de disques sollicités dans leur plan. Nous comprenons dès lors que de telles inclusions sont celles qui se clivent ou dont l’interface se rompt en premier. Elles sont particulièrement néfastes du point de vue de l’endommagement. C’est le cas par exemple des inclusions de sulfure de manganèse allongées par les opérations de laminage ou de tréfilage des aciers qui les contiennent.

Effets de volume des inclusions À ce stade, nous sommes assez surpris de ne pas voir intervenir le volume des inclusions (alors qu’il intervenait dans le modèle de Smith). Pourtant,

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en réfléchissant au fait que nous n’avons jusqu’à présent parlé que d’inclusions isolées, cela est bien normal, leurs volumes étant négligeables par rapport à celui de la matrice. Cependant, trois considérations introduisent un effet de taille. La première tient à l’équilibre énergétique qui doit exister entre la variation d’énergie de déformation lors de la fissuration d’une inclusion et la création d’énergie de surface. La première variant comme le cube de la dimension de l’inclusion et la seconde comme son carré, il faut atteindre pour la rompre un niveau de déformation d’autant plus élevé que l’inclusion est petite. En fait, cet effet de taille ne joue que pour des dimensions très faibles, le critère de concentration de contrainte, indépendant du volume, étant celui qui est critique pour les inclusions de tailles habituelles. Le second effet, faisant intervenir la dimension des inclusions, est un effet statistique. La probabilité de fissuration est d’autant plus élevée que le volume des inclusions est grand. Enfin, le troisième effet de taille, le plus important, est à relier à l’interaction entre inclusions, non pris en compte jusqu’à présent. La concentration de contrainte dans des inclusions qui interagissent, comme dans la matrice à leur voisinage, est évidemment fonction de leurs tailles respectives.

Le désordre de répartition des inclusions La fraction volumique d’inclusions est loin d’être constante au sein d’un matériau. On y rencontre souvent des amas de fraction volumique élevée. L’endommagement se développe en premier lieu dans ces zones. Alors que cette répartition plus ou moins aléatoire des inclusions n’a qu’une influence tout à fait négligeable sur le comportement élastique du matériau, elle joue au contraire un rôle essentiel pour l’endommagement. Encore une fois le désordre le favorise. Nous pouvons considérer un amas d’inclusions et la matrice qui les entoure comme une macro-inclusion équivalente, de module d’élasticité supérieur à celui de la matrice sans inclusions dans le cas où le module d’élasticité des inclusions est supérieur à celui de la matrice (inférieur dans le cas contraire). Nous pouvons alors calculer la concentration de contrainte dans cette macro-inclusion et nous trouvons quelle est évidemment d’autant plus élevée que la fraction volumique locale d’inclusions est grande. Cela explique bien pourquoi les amas constituent des zones privilégiées pour l’apparition de l’endommagement. Notons que la mécanique des inclusions isolées, sans interaction, peut être étendue au cas d’inclusions en interaction en considérant que la matrice est le siège d’un champ de déformation moyen. Mais ce

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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modèle n’est pas adéquat pour traiter les problèmes d’endommagement dans la mesure où le champ moyen fait disparaître les irrégularités de désordre.

6.

Grains et joints de grains

6.1.

Rôle de la taille de grain dans l’endommagement par clivage

Nous avons vu que la naissance des clivages était d’autant plus facile que la longueur des glissements, responsables des concentrations de contraintes, était grande. Or cette longueur est reliée à la taille de grain. Celle-ci joue donc un rôle important dans le déclenchement de l’endommagement par clivage. Les gros grains sont très néfastes de ce point de vue et l’élaboration des aciers par exemple s’efforce de les éliminer. Des petits grains deviennent inefficaces pour provoquer l’ouverture d’une fissure en tête d’un glissement. À la limite, l’endommagement ne peut apparaître dans des nanograins et finalement a fortiori dans un matériau amorphe. Nous allons voir que la taille de grain intervient aussi dans la propagation des fissures. Il nous faut pour cela introduire quelques notions de mécanique de la rupture afin de comprendre comment se comporte une fissure dans un matériau fragile.

6.2.

Quelques éléments de mécanique de la rupture

Les microfissures qui sont apparues, en particulier par clivage des inclusions, doivent maintenant se propager. L’étude de la propagation des fissures fait partie de la mécanique de la rupture (on trouvera en annexe de fin d’ouvrage des éléments de mécanique de la rupture beaucoup plus complets). Elle a été développée par Georges Irwin dans les années cinquante dans les laboratoires de la marine américaine pour un matériau élastique linéaire, un matériau tel qu’après décharge il ne subsiste aucune déformation résiduelle et tel que les déformations sont proportionnelles aux chargements. La mécanique de la rupture montre qu’à l’extrémité d’une fissure existe localement un champ de contraintes singulier, c’est-à-dire tel que les contraintes tendent vers l’infini quand on se rapproche de cette extrémité. Cette solution est évidemment perturbée par la déformation plastique (ou par la microfissuration) qui apparaît au voisinage de cette dernière ; mais le champ singulier reste dominant si la zone plastique reste de dimensions suffisamment faibles. Il est tel que

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la densité d’énergie de déformation varie comme l’inverse de la distance à l’extrémité de la fissure. Sa caractéristique essentielle est que le niveau de cette densité d’énergie de déformation (et donc de contrainte et de déformation) ne dépend que d’un seul paramètre, le facteur d’intensité de contrainte K. Celui-ci est fonction du chargement de la pièce fissurée, de la dimension de la fissure et de la géométrie de la pièce. On conçoit dès lors que la propagation d’une fissure a lieu lorsque ce facteur d’intensité de contrainte atteint une valeur critique, la ténacité du matériau K c . Le calcul du facteur d’intensité de contrainte pour une certaine situation permet donc de prévoir la propagation de la fissure dans un matériau donné. Une autre approche de la mécanique de la rupture consiste à établir, comme l’avait fait A.A. Griffith en 1920 à Farnborough, un bilan global de conservation d’énergie pour une propagation virtuelle de fissure. Le facteur caractéristique est alors le taux de libération d’énergie G. Il comprend le taux de variation de l’énergie potentielle des charges appliquées et celui de l’énergie élastique emmagasinée. Il compense l’accroissement d’énergie de surface de la fissure. Toutefois, en raison de la déformation plastique qui se développe en tête de fissure, l’énergie de rupture G c est en réalité beaucoup plus élevée que l’énergie de surface. Il existe une relation simple entre G et K pour une fissure qui se propage sans bifurquer : G=

K2 E

(2.5)

E  étant égal à E, le module d’Young du matériau, dans une situation de contrainte plane, et à E/(1 − ν2) dans une situation de déformation plane, où ν est le coefficient de Poisson. La première situation se rencontre dans les plaques minces uniquement chargées dans leur plan et à la surface des pièces, la seconde au centre des pièces épaisses. La même relation que la précédente existe évidemment entre l’énergie de rupture G c et la ténacité K c . Notons que comme G s’exprime en joules par √ mètre au carré, et K en pascals racine carré de mètres (ou plutôt en MPa m). À titre d’exemple, dans une plaque de grandes dimensions comportant une fissure centrale de longueur 2a soumise à une contrainte de traction homogène σ, le facteur d’intensité de contrainte en mode I est donné par la formule : √ K I = σ πa.

(2.6)

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Nous constatons que plus la longueur de la fissure augmente plus K est grand ; lorsque la contrainte atteint la valeur critique correspondant à la ténacité du matériau K c la propagation se poursuit de façon catastrophique.

6.3.

Propagation d’un embryon de fissure de clivage

Un embryon de fissure de clivage apparue dans un grain peut s’y propager si la condition K > K c est réalisée. La figure 2.7 montre qu’il en est bien ainsi. En effet, selon le site d’amorçage du clivage, nous observons effectivement que les résultats expérimentaux correspondent à une relation entre la contrainte de rupture et la racine carrée de la dimension du site, K étant donné approximativement par la formule précédente. La propagation du clivage se fait alors de façon brutale, car K augmente lorsque sa longueur s’accroît.

6.4.

Blocage des clivages sur les joints de grains

Toutefois, le joint de grains peut constituer un obstacle à la propagation. En effet, l’orientation du plan cristallographique de clivage est différente dans les grains qui entourent celui où le clivage a pris naissance, et elles sont évidemment moins favorables. Nous voyons encore une fois apparaître l’influence du désordre, ici celui de l’orientation des grains. L’énergie de clivage devient donc à ce stade de traversée des joints de grain supérieure à ce qu’elle était au début de la propagation. Le facteur d’intensité de contrainte étant proportionnel à la racine carrée de la taille de la fissure, nous en déduisons que, si les grains sont suffisamment petits, il est possible que la fissure de clivage se bloque au niveau des joints (Fig. 1.8a). Ainsi, se produit-il un endommagement stable. Dans le cas contraire, la fissure de clivage, après avoir envahit les grains voisins de celui où elle a pris naissance, se propage de façon catastrophique, entraînant la rupture brutale sans endommagement stable. Nous voyons que si les fissures de clivage se sont bloquées alors que leur taille est celle du grain, il faut exercer une contrainte proportionnelle à l’inverse de la racine carrée de la taille de grain pour provoquer la rupture. C’est bien ce qui est observé expérimentalement (Fig. 2.7). Mais, une telle relation vaut également lorsque le stade critique est la propagation à partir d’une inclusion. Il semble qu’il en soit ainsi dans la mesure où la taille de ces dernières est corrélée à celle des grains.

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Fig. 2.7. Contrainte de clivage en fonction de l’inverse de la racine carrée de la taille de grain d ou de celle des inclusions c (d’après G.T. Hahn, Met. Trans. A, 15A, 1984, p. 947). B K Ia est le facteur d’intensité de contrainte critique pour la propagation à travers l’interface, ou le joint de grain (boundary en anglais).

6.5.

Cas des martensites et des bainites

Après transformations martensitique ou bainitique, les grains sont envahis de lattes ou d’aiguilles dont les parois jouent le même rôle que les joints de grains dans les structures non transformées. Une conséquence importante est que la propagation des fissures de clivages est rendue plus

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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difficile dans les microstructures fines obtenues par les refroidissements les plus rapides.

6.6.

Loi de Weibull

L’effet de taille de grain introduit un élément statistique où intervient encore une fois le désordre, cette fois-ci à l’échelle du polycristal. En effet, tous les grains n’ont pas les mêmes dimensions, leurs orientations sont plus ou moins favorables à l’apparition des clivages. Ainsi, les contraintes de rupture d’une série d’éprouvettes identiques sont-elles distribuées statistiquement. Il en résulte que la contrainte moyenne de rupture diminue lorsque le volume de la zone plastifiée augmente ; zone plastifiée, parce que les clivages sont déclenchés par une déformation plastique, et que par conséquent ils n’apparaissent pas en dehors de cette zone. Or, plus cette zone plastifiée est grande plus la probabilité d’y rencontrer un élément critique pour le clivage est élevée. Le traitement quantitatif de la distribution statistique des contraintes de clivage est effectué en considérant que cette distribution suit la loi de Weibull (établie en 1939 par W. Weibull en Allemagne, voir en fin de chapitre, section A.2, un traitement plus développé sur cette loi). Celle-ci découle de la théorie du maillon le plus faible : la pièce qui se rompt est considérée comme constituée d’éléments plus ou moins fragiles parfaitement indépendants les uns des autres ; la rupture de l’ensemble intervient lorsque le plus fragile cède (c’est le comportement d’une chaîne constituée de maillons). La loi de Weibull fait intervenir trois paramètres qui dépendent du matériau : une contrainte de rupture moyenne, une contrainte seuil, souvent considérée comme nulle, et l’exposant de Weibull qui caractérise l’étendue de la distribution. À un exposant élevé (de l’ordre de 20 pour les aciers) correspond une distribution resserrée et réciproquement. L’aspect statistique de la rupture se retrouve pour tous les matériaux fragiles (verre, céramiques). Le détail des mécanismes diffère, mais le caractère aléatoire de leur sévérité se retrouve toujours. La loi de Weibull est d’application générale. Elle permet de prévoir l’effet de volume dû à la plus grande probabilité de rencontrer un défaut critique dans un grand volume que dans un petit. Elle permet aussi de tenir compte de la répartition des contraintes, car à contrainte moyenne identique, un gradient de contrainte sollicite, au-delà de cette contrainte moyenne, un volume plus faible qu’une contrainte homogène. Pour appliquer la loi de Weibull, il importe de vérifier que les éléments fragiles sont bien indépendants les uns des autres et que le plus faible entraîne la rupture de l’ensemble. Ce n’est pas le cas, par exemple, lors

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de l’endommagement par compression d’un matériau fragile comme de la pâte de ciment (Fig. 1.10). Il y préexiste des microfissures multiples, plus ou moins grandes et d’orientations variables et donc plus ou moins critiques. Celle qui l’est le plus se propage en premier, mais elle bifurque pour se placer dans une orientation parallèle à celle de la compression. Elle devient alors inactive, alors que d’autres fissures, moins critiques se propagent à leur tour et bifurquent de la même façon. Il est clair que dans ce cas la théorie du maillon le plus faible ne convient pas. Un problème analogue se retrouve pour l’endommagement du béton. Ce matériau est constitué de granulats enrobés dans de la pâte de ciment. Les fissures les plus critiques qui s’y trouvent, souvent d’ailleurs à l’interface avec les granulats, lorsqu’elles se propagent, viennent se bloquer sur d’autres granulats. De plus, pour ces matériaux, l’accroissement progressif de l’endommagement par multiplication des fissures conduit à des interactions entre celles-ci, ce qui rend caduc l’hypothèse d’indépendance des éléments.

6.7.

Rôle des grains dans la propagation des fissures de fatigue

Nous avons vu que les fissures de fatigue prennent naissance par des glissements cristallographiques irréversibles dans les directions des cisaillements maximaux. Dans ces conditions, ces fissures éprouvent de la difficulté à se propager dans les grains voisins de celui où elles ont pris naissance. Les interfaces avec les plaquettes de cémentite, les parois des aiguilles et des lattes de martensite et de bainite(2) constituent elles aussi des barrières efficaces à la propagation de ces fissures. Aussi la diminution de la taille de ces éléments de la microstructure est-elle favorable au blocage de l’endommagement. À l’inverse la présence de colonies de grains de faible désorientation facilite la propagation des fissures comme cela a été observé par exemple dans un alliage de titane. Une situation fort différente prévaut lors de la propagation des longues fissures de fatigue. Cette propagation, au cours du stade II, se fait perpendiculairement à la direction de la contrainte principale maximale (ouverture en mode I en mécanique de la rupture). Or la refermeture de la fissure à la décharge, en raison des déformations plastiques irréversibles qui interviennent à son extrémité, ne vient pas parfaitement épouser le relief qui était présent à l’ouverture (Fig. 2.8). De ce fait, les faces (2) Bainite : constituant hors d’équilibre des aciers qui est constitué d’un mélange de ferrite et de cémentite (carbure de fer).

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(c) Fig. 2.8. Défaut de refermeture d’une fissure de fatigue en raison de sa propagation en zigzag le long de directions cristallographiques (a) et micrographie (c) due à S. Pommier ECP. La présence de débris, d’oxyde (b) provoque aussi un défaut de refermeture.

de la fissure viennent en contact avant décharge totale. Il en résulte que l’amplitude efficace de la sollicitation est inférieure à celle qui est appliquée. Ainsi, plus ce phénomène est-il prononcé, plus la propagation de la fissure de fatigue est-elle freinée. La propagation de la fissure de fatigue se fait en zigzags plus ou moins accusés. Une grande amplitude

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de ces derniers produit un fort effet de refermeture. Or, cette amplitude est associée à la taille de grain, puisque l’avancée de la fissure se fait par des glissements. Nous voyons que la présence de gros grains rend la propagation plus difficile. C’est donc un effet tout à fait inverse de celui observé à la naissance des fissures de fatigue.

7.

Croissance et coalescence des cavités

Les premiers modèles de croissance de cavités, à partir de leur apparition au niveau des inclusions, dans une matrice qui se déforme plastiquement ont considéré une cavité isolée, cylindrique (modèle de Frank McClintock développé en 1965 au MIT) ou sphérique (modèle de Rice et Tracey proposé en 1969), dans un champ axisymétrique. Ils montrent que le taux de croissance est proportionnel à l’accroissement de déformation plastique équivalente et fonction exponentielle du taux de triaxialité des contraintes (rapport de la contrainte moyenne à la contrainte équivalente). Ce dernier paramètre joue donc un rôle fondamental. Il est d’autant plus élevé, et par conséquent le taux de croissance des cavités également, que la déformation plastique est davantage confinée. Elle le sera par exemple énormément à la pointe d’une fissure. Ces modèles ignorent l’interaction entre cavités. Lorsque leur fraction volumique devient grande, on considère que l’on a affaire à un matériau poreux. Comme nous le verrons en annexe A.4, le modèle de A.L. Gurson, objet de sa thèse à Brown University en 1975, donne le critère de plasticité d’un tel matériau. Il procure aussi le taux de croissance des cavités. Mais, étant un modèle à champ moyen, il n’est pas pertinent pour traiter de l’influence de variations locales de fraction volumique de cavités sur leur taux de croissance et donc sur le développement de l’endommagement. De nombreuses études par calcul numérique aux éléments finis ont été entreprises pour déterminer les effets d’interactions. On constate que le taux de croissance des cavités est d’autant plus élevé que la fraction volumique est grande. Il apparaît ainsi que le désordre de répartition des inclusions, d’où s’ensuit celui de répartition des cavités, accélère l’endommagement.

8.

Les fibres

Les matériaux renforcés par des fibres possèdent des structures variées. La fraction volumique de fibres, leur diamètre, leur longueur, leur résistance à la rupture et celle de la matrice, la ductilité des deux composants constituent autant de caractéristiques qui peuvent jouer sur

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l’endommagement. Deux cas se présentent : soit ce sont les fibres qui se rompent en premier soit c’est la matrice. Examinons les successivement.

8.1.

Fibres plus fragiles que la matrice

Lorsque les fibres sont continues et toutes alignées, leur rupture laisse subsister une matrice endommagée de résistance à la rupture affaiblie. En général la rupture des fibres entraîne donc immédiatement celle de la matrice. La résistance à la rupture suit approximativement une loi des mélanges en fonction de la fraction volumique des fibres. On montre que si la fraction volumique de fibres présente des fluctuations, la résistance à la rupture du composite est diminuée par rapport à ce qu’elle serait pour un arrangement de fibres parfaitement régulier. Une autre manifestation de l’influence néfaste du désordre est l’endommagement précoce des zones où les fibres ne sont pas parfaitement alignées. Dans le cas des fibres discontinues le transfert de charge de la matrice sur les fibres joue un rôle essentiel. Il se fait par l’action de la contrainte de cisaillement que la matrice exerce sur les fibres. On montre (Fig. 2.9), par le modèle de la «gaine de cisaillement» (en anglais shear lag), que le cisaillement, nul au milieu des fibres, augmente de façon exponentielle lorsqu’on se rapproche de leurs extrémités. Conjointement, la contrainte normale dans la fibre, nulle à ses extrémités, est maximale à leur milieu. Cette contrainte maximale est d’autant plus élevée que la longueur de la fibre est grande. Aussi lorsque le composite est sollicité, l’endommagement commence par la rupture des fibres les plus longues en leur milieu. Progressivement, il gagne les fibres de plus en plus courtes. Cependant, si la résistance à la rupture des fibres est suffisante par rapport à celle de l’interface, c’est cette dernière qui cède en premier. Ceci produit alors un endommagement par déchaussement des fibres à leurs extrémités. La contrainte maximale dans les fibres est une fonction décroissante de la distance qui les séparent. Si par conséquent la fraction volumique présente des fluctuations, la rupture des fibres intervient en premier lieu là où elle est la plus grande. La figure 2.10 montre ainsi une surface de rupture d’un composite polymère renforcé par des fibres de verre sur laquelle on peut observer des ruptures de fibres là où leur fraction volumique est la plus grande et des déchaussements là où elle est plus faible. Nous constatons une fois de plus le rôle important du désordre sur l’endommagement.

8.2.

Matrice plus fragile que les fibres

L’endommagement débute évidemment par la fissuration de la matrice lorsque celle-ci est plus fragile que les fibres. Il est souhaitable d’éviter

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(a)

2

1

0

-1

0

1

2 longueur de la fibre

σf / σ m τf / σm

(b) σf /σm

τf /σm

0

1

2 x/2L

Fig. 2.9. Distribution de la contrainte de cisaillement () à la surface d’une fibre dans un composite et de la contrainte de traction () dans la fibre (a) en élasticité (b) après plastification de la matrice. On a pris comme hypothèse que le module d’Young de la fibre était le double de celui de la matrice, que le rapport de sa longueur à son diamètre valait 10, et que le rapport de la distance entre fibres à leur diamètre valait 10.

autant que possible la transmission aux fibres des fissures ainsi créées. Des interfaces suffisamment faibles procurent des déviations des fissures le long des fibres. Il s’ensuit que les composites de cette sorte doivent être soigneusement conçus et élaborés. Les fluctuations de fraction volumique

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Fig. 2.10. Surface de rupture d’un composite polymérique renforcé par des fibres de verre montrant un déchaussement là où la fraction volumique de fibres est plus petite et au contraire une rupture des fibres là où elle est plus forte.

de fibres introduisent dans ces composites des zones où la largeur de la matrice est plus importante que la moyenne. Des fissures s’y produiront de façon précoce. De plus, elles seront plus nocives, car plus longues, vis-à-vis de leur propagation dans les fibres.

9.

Conclusion

Dans les divers exemples que nous avons examinés le désordre local dans un matériau ordonné, l’ordre local dans un matériau désordonné, créent des concentrations de contrainte locales qui, en atteignant dans ces zones la contrainte théorique de rupture, provoquent des endommagements. Diverses échelles sont concernées : celle des lacunes, celle des dislocations et de leurs cellules, celle de leurs empilements, celle donc des grains, celle des inclusions et de leurs amas, celle des fibres dans les composites. La loi de Weibull permet de prévoir la probabilité

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d’endommagement. Divers modèles procurent les conditions d’apparition des endommagements et de leur développement, essentiellement en l’absence d’interactions entre fissures ou cavités. Mais ces interactions, et par conséquent les hétérogénéités de leur répartition, jouent un rôle prépondérant alors que nous manquons d’outils pour estimer correctement leurs effets. Retenons que ces désordres sont de la plus haute importance en matière d’endommagement.

A.

Annexes

A.1. Contrainte théorique de rupture Pour estimer l’ordre de grandeur de la contrainte théorique de rupture σ0 il faut faire une hypothèse sur la variation de la contrainte en fonction de la distance interatomique a. La plus simple consiste à supposer qu’elle est sinusoïdale : σ = σ0 sin

2π (a − a 0 ) λ

(2.7)

λ étant une longueur d’onde inconnue. Pour a − a 0 petit on peut écrire : σ = σ0

a − a0 2π · (a − a 0) = E a0 λ

(2.8)

D’autre part, le travail de séparation du cristal en deux parties étant égal à 2γS :  a0 +λ/2 λ 2π 2γS = (a − a 0) da = σ0 · (2.9) σ0 sin λ π a0 En éliminant λ entre les équations 2.8 et 2.9 on trouve :   EγS 1/2 σ0 = · a0

(2.10)

A.2. Loi de Weibull Loi du maillon le plus faible On considère un solide constitué de la juxtaposition de N éléments parfaitement indépendants. Ces éléments ont une probabilité de rupture sous une contrainte σ égale à P 0(σ). La probabilité de non rupture est

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donc égale à 1 − P 0(σ), et pour N éléments elle vaut [1 − P 0(σ)] N . Comme l’hypothèse du maillon le plus faible est que la rupture d’un élément entraîne la rupture de tous les autres, la probabilité de rupture de l’ensemble est égale à : P R(σ) = 1 − [1 − P 0(σ)] N .

(2.11)

Cette expression peut s’écrire aussi (simple transformation mathématique) : P R(σ) = 1 − exp [−Nf (σ)]

(2.12)

en posant :  f (σ) = log



1 1 − P 0(σ)

.

(2.13)

Nous introduisons le volume en appelant V 0 celui d’un élément et V celui de l’ensemble de sorte que N = V/V 0 . Ainsi le volume apparaît-il dans la formule ci-dessus donnant la probabilité de rupture sous une contrainte σ. Elle augmente avec le volume V. Si maintenant la contrainte n’est pas homogène, nous décomposons le morceau de matériau en volumes élémentaires ∆V, chacun étant assez petit pour que la contrainte y soit considérée comme constante égale à σ. La probabilité de non rupture de l’ensemble vaut alors :  

∆V 1 − P R = Π[1 − P R(σ)] = exp −Σ f (σ) V0

(2.14)

soit en passant à la limite :    dV . P R = 1 − exp − f (σ) V0 V

(2.15)

Loi de Weibull La loi de Weibull suppose que :  f (σ) =

σ − σ0 σu

m .

(2.16)

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A.3. Développements supplémentaires sur la mécanique des inclusions Inclusion de mêmes constantes d’élasticité que celles de la matrice Le premier cas considéré est celui d’une inclusion ellipsoïdale de mêmes constantes d’élasticité C ijkl que celles de la matrice. (La notation C ijkl pour les constantes d’élasticité traduit l’anisotropie du matériau, chaque indice pouvant prendre la valeur 1, 2 ou 3. En réalité il n’y a pas 3 × 3 × 3 × 3 = 91 constantes d’élasticité pour le matériau le plus anisotrope mais seulement 21. Un moindre degré d’anisotropie réduit ce nombre, jusqu’à 2 pour un matériau isotrope.) Une telle inclusion est par exemple une zone portée localement à une température différente de celle de la matrice (en négligeant la variation des constantes d’élasticité avec la température) ; ou encore, une inclusion introduite par frettage dans une cavité de moindres dimensions. Extirpée de la matrice, l’inclusion subit une déformation libre εLij . La contrainte σijI dans l’inclusion enserrée dans la matrice est alors donnée par : σijI = C ijkl (S klmn − δkm δln)εLmn

(2.17)

S ijkl étant le tenseur d’Eshelby qui dépend de la forme de l’inclusion et du coefficient de Poisson ν. Dans une inclusion sphérique le tenseur d’Eshelby, pour des matériaux isotropes, se réduit à : α=

β=

1+ν 3(1 − ν) 2(4 − 5ν) 15(1 − ν)

(2.18)

α agissant sur la variation de volume εkk et β sur le déviateur e ij du tenseur des déformations : εIkk = αεLkk e Iij = βe Lij .

(2.19)

Le tableau 2.I donne des valeurs du tenseur d’Eshelby dans des cas extrêmes.

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Tableau 2.I. Tenseur d’Eshelby pour diverses formes d’inclusions. Tenseur d’Eshelby S 1111

Inclusion sphérique

inclusion en forme de disque

0

1

7 − 5ν 15(1 − ν)

S 2222 , S 3333 S 2233 , S 3322

inclusion en forme d’aiguille

5ν − 1 15(1 − ν)

S 2211 , S 3311

5 − 4ν

8(1 − ν) ν 2(1 − ν)

S 1122 , S 1133 S 2323

0

8(1 − ν) 4ν − 1

ν

0

1−ν

4 − 5ν

3 − 4ν

15(1 − ν)

8(1 − ν) 1

1

4

2

S 1212 , S 1313

0

Inclusion de constantes d’élasticité différentes de celles de la matrice Dans le cas d’une inclusion de constantes d’élasticité différentes de celles de la matrice, l’utilisation d’une déformation libre équivalente permet de calculer la contrainte dans l’inclusion : σijI = Σij + C *ijkl(E kl − εIkl ) −1

C *ijkl = C ijkl (S klmn − δkm δln)

(2.20)

Σij et E ij étant respectivement la contrainte et la déformation dans le champ lointain (existant en l’absence d’inclusion). Naturellement la déformation dans l’inclusion est reliée à la contrainte par la relation : σijI = C Iijkl εIkl

(2.21)

C Iijkl étant les constantes d’élasticité de l’inclusion. Dans le cas d’une inclusion sphérique pour des matériaux isotropes: εIkk = e Iij =

km αk I + (1 − α)k m

E kk

µm βµI + (1 − β)µm

E ij

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D. FRANÇOIS

σmI = s Iij =

kI αk I + (1 − α)k m

Σm

µI βµI + (1 − β)µm

S ij

(2.22)

k m et µm étant respectivement le module d’incompressibilité et le module de cisaillement de la matrice, et k I et µI ceux de l’inclusion. Dans le cas où la contrainte appliquée est une contrainte uniaxiale de traction Σ, si les coefficients de Poisson de l’inclusion et de la matrice sont identiques, ces expressions se réduisent à :    σI = (1 − ν)   Σ

1 1 − 2ν 1 +ν +2 m

10

+

2(4 − 5ν) +

  7 − 5ν 

(2.23)

m

où m est le rapport du module d’Young de l’inclusion à celui de la matrice. Cette expression est celle du facteur de concentration de contrainte de l’inclusion. C’est une fonction croissante de m qui devient supérieure à 1 pour une valeur critique de ce rapport. Dans ce dernier cas, dans la matrice la contrainte décroît lorsqu’on s’éloigne de l’inclusion selon l’expression :  3  5 c 27 c 1 σm + . (2.24) Q = 3 + [5(1 − 2νm)Q − K Iσ + 1] Σ 2 2r 2 2r Dans cette expression : Q= K Iσ =

1 −m 7 − 5ν + 2(4 − 5ν)m 3(1 − ν) 1 +ν +2

1 − 2ν m

(2.25)

à condition que les coefficients de Poisson soient les mêmes dans l’inclusion et dans la matrice. (Sinon il faudrait prendre pour m le rapport des modules de cisaillement.)

Interaction entre inclusions Le modèle ci-dessus ne s’applique qu’à une inclusion isolée, ou pour des inclusions suffisamment éloignées les unes des autres pour que leurs interactions puissent être négligées. Il est possible de tenir compte dans une certaine mesure de ces interactions moyennant des hypothèses

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simplificatrices. (Le modèle de Mori-Tanaka par exemple fait l’hypothèse d’un champ uniforme moyen dans la matrice.) Pour des inclusions sphériques isotropes de fraction volumique f I dans une matrice isotrope de même coefficient de Poisson, la concentration de contrainte est donnée par : σmI = s Iij =

1 (1 − f )[1 + α(m − 1)] + f Im I

1 (1 − f )[1 + β(m − 1)] + f Im I

Σm S ij .

(2.26)

Les modules d’élasticité de cet ensemble sont donnés par : m −1 k = 1 +fI M I k (1 − f )[1 + α(m − 1)] + f Im µ m −1 · = 1 +fI µM (1 − f I)[1 + β(m − 1)] + f Im

(2.27)

Extension à la plasticité Le modèle d’Eshelby, valable en élasticité linéaire, a été étendu au cas d’une matrice plastique par Berveiller et Zaoui. Ils ont considéré que la matrice se comportait alors comme un matériau élastique de module d’Young égal à la pente d’écrouissage E p et de coefficient de Poisson égal à 1/2. Ceci conduit à l’expression de la contrainte dans l’inclusion : −1 − δij δkl)E kl . σijp = Σij + E p(S ijkl

(2.28)

Dans le cas de symmétrie axiale, cette expression donne : σ = Σm + 23 Σeq + kE pE eq

(2.29)

où Σm est la partie hydrostatique de la contrainte appliquée (Σz + 2Σr)/3, Σeq la contrainte équivalente de Von Mises Σz − Σr , E eq la déformation plastique équivalente et k un facteur de forme. Le tableau 2.II donne des valeurs de ce facteur de forme pour divers cas. L’expression précédente donnant la contrainte dans l’inclusion peut être modifiée en tenant compte de la relation entre la déformation et la contrainte équivalentes : E pE eq = Σeq − R e .

(2.30)

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D. FRANÇOIS

Tableau 2.II. Facteur de forme k dans divers cas pour un chargement axisymétrique (s est le rapport de la dimension axiale à la dimension radiale). Cas

k

Inclusion aiguille (s > 1) Direction longitudinale (A) Direction transverse (B)

2 3 1 2

 

1 + 2s

1



2

3 2 log (2s − 1) − 1 1 + 2s 2

1

9 2 log (2s − 1) − 1

Inclusion sphérique

−1

s =7 4,66

 +1

1,83

1

Inclusion disque (s < 1) Direction de la face (C) Direction du coté (D)

k

2 3 2

 

3

4 3πs 10 3πs

 −1

s = 1/7 1,31

 −1

4,28

La contrainte appliquée ΣR pour rompre l’inclusion, ou l’interface, est alors donnée par l’expression : ΣR + k(Σeq − R e) = σd

(2.31)

σd étant la plus petite des contraintes locales de rupture de l’inclusion ou de l’interface. Le tableau 2.II montre que les inclusions qui se rompent le plus facilement sont celles qui, ayant une forme d’aiguille, sont sollicitées selon leur axe, ou encore celles qui, ayant une forme de disque, sont sollicitées selon leur diamètre.

A.4. Modèles de croissance de cavités Modèle de McClintock Soit une cavité cylindrique de rayon R dans un corps cylindrique de rayon infini soumis à un chargement axisymétrique. On montre que si la loi de comportement est une loi de Norton : σeq = σ0 ε·neq

(2.32)

le taux de triaxialité des contraintes, Σz et Σr étant respectivement la contrainte appliquée axiale et la contrainte appliquée radiale, est donné

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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par : 1 1 Σr + = Σz − Σ r 3 3



ω

(1 + x 2)

n−1 2

dx +

0

1 3

(2.33)

 · · avec ω = V/ 3E 2V. Dans cette expression V est le volume de la cavité et E z la déformation axiale globale. Dans le cas où le solide est sans consolidation avec n = 0, l’intégration de l’expression précédente donne le taux de croissance de la cavité en fonction du taux de déformation radiale et du taux de triaxialité des contraintes : · V · E zV

=

  3sh 3

 Σr . Σz − Σ r

(2.34)

Modèle de Rice et Tracey Soit une cavité de rayon R dans un solide sans consolidation soumis à un chargement axisymétrique. Le taux de croissance de la cavité est donné en fonction du taux de triaxialité des contrainte est du taux de déformation plastique équivalente par :     · 3 Σm 3 Σm R · · − βχE eq exp − χ χ = αχE eq exp R 2 Σeq 2 Σeq

(2.35)

où χ vaut +1 si la contrainte axiale est supérieure à la contrainte radiale et −1 dans le cas contraire. La constante α a été estimée à 0,283, valeur sous-estimée (et la constante β à 0,275).

Modèle de Gurson L’équation de la surface d’écoulement d’un solide plastique sans consolidation, de porosité f, est donnée par :   2 Σeq 3 Σm − (1 + f 2) = 0. (2.36) Ψ(Σ) = 2 + 2fch σ0 2 σ0 Le premier terme n’est autre que la surface d’écoulement de Von Mises d’un matériau non poreux.

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D. FRANÇOIS

A.5. Composites à fibres Fibres continues La fraction volumique de fibres f est égale à la section des fibres rapportée à celle du composite. La contrainte σ dans le composite est donnée par la loi des mélanges : σ = fσ f + (1 − f )σ m

(2.37)

σ f et σ m étant respectivement la contrainte dans les fibres et dans le composite. Lorsque la contrainte de rupture des fibres R f est atteinte la contrainte dans le composite est donnée par :   Rf f m m σR = fR + (1 − f )σ ε = f (2.38) E E f étant le module d’Young des fibres. La résistance résiduelle de la matrice est alors : σRm = (1 − f )R m

(2.39)

R m étant la résistance à la rupture de la matrice. La résistance à la rupture du composite R est égale à la plus grande des valeurs de σR et de σRm .

Fibres discontinues. Modèle de la «gaine de cisaillement» Soit une fibre d’axe Oz, l’origine des coordonnées étant située au milieu de la fibre de longueur 2L et de rayon R. La contrainte normale dans la fibre est σzf et la contrainte de cisaillement exercée par la matrice sur l’interface τ f . L’équilibre d’une tranche de fibre dz s’écrit : πR 2

dσzf dz

+ 2πRτ f = 0.

(2.40)

En supposant que le déplacement u m r dans la matrice soit indépendant de z, le cisaillement est donné par : ∂u m τ z = m ∂r µ

(2.41)

où µm est le module de cisaillement de la matrice. Faisons l’hypothèse que la contrainte de cisaillement dans la matrice varie linéairement d’une valeur nulle à une distance H de l’axe de la fibre à τ f à la surface de celle-ci. Nous pouvons alors calculer le déplacement

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CHAPITRE 2 – LES ENDOMMAGEMENTS, LE DÉSORDRE ET LES HÉTÉROGÉNÉITÉS

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u fz dans la fibre qui est égal à celui de la matrice à la surface de la fibre :    H τf H − r τf m f m um (r = H) = u − u (r = H) = − (H − R). dr = − (r = R) − u z z z z m H −R 2µm R µ (2.42) En dérivant cette expression par rapport à z nous trouvons : εzf − E z =

R(H − R) d 2 σzf H − R ∂τf = 2µm ∂z 4µm dz 2

(2.43)

où E z est la déformation globale de la matrice égale à Σz /E m , Σz étant la contrainte appliquée et E m le module d’Young de la matrice. Comme εfz = σzf /E f , E f étant le module d’Young de la fibre, l’intégration de l’équation différentielle précédente donne, avec comme conditions aux limites une contrainte nulle aux extrémités de la fibre :   ch2[µm /R(H − R)] 1/2 z Ef f σ z = Σz m 1 − . (2.44) E ch2[µm /R(H − R)] 1/2L Cette contrainte est maximale au milieu de la fibre. La contrainte de cisaillement à l’interface, dérivée de la contrainte normale, est elle maximale aux extrémités de la fibre et nulle en son milieu.

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3

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Endommagement et matériaux poreux

Les endommagements par clivage, par cavitation à basse comme à haute température, ceux des matériaux cimentaires, commencent par l’apparition de microfissures ou de microcavités. Ainsi le matériau devient-il poreux. L’étude du comportement mécanique de tels matériaux apporte des indications essentielles pour déterminer l’évolution des endommagements. Dans le chapitre précédent, partant de solutions pour une cavité isolée, nous avons en général été arrêtés par les problèmes d’interaction entre cavités. L’attaque va être ici inverse ; elle va consister à traiter le problème du comportement mécanique d’un matériau poreux sans se soucier des champs de contraintes et de déformations locaux à l’échelle des cavités individuelles. Un outil utile dans ce domaine est celui de la mécanique de l’endommagement. Elle a été en premier lieu proposée par L.M. Kachanov, mécanicien russe, en 1958 pour traiter des endommagements en fluage. Elle a ensuite été développée pour d’autres cas d’endommagement, quelques fois de façon abusive, car nous verrons qu’elle doit être réservée aux endommagements volumiques. Ces développements ont notamment consisté à inscrire la mécanique de l’endommagement dans le cadre rigoureux de la thermodynamique des processus irréversibles. Nous passerons ensuite au cas des matériaux poreux plastiques, en examinant le modèle de Gurson, qui date de 1975, et sa modification par Vigo Tveergard et Alan Needleman en 1984, ainsi que le modèle de Gilles Rousselier établi en 1979.

1.

Notions de mécanique de l’endommagement

1.1.

Traitement élémentaire

Soit une éprouvette de section S d’un matériau qui a subi un endommagement de sorte qu’il contient des cavités ou des microfissures. Sa section effective capable de transmettre des efforts est donc inférieure à S. Désignons-la par S eff . Nous pouvons définir un paramètre d’endommagement D tel que sa valeur soit nulle en l’absence

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D. FRANÇOIS

d’endommagement est égale à 1 s’il est total, c’est à dire si S eff = 0. Nous posons donc : D =1−

S eff · S

(3.1)

La contrainte effective agissant sur le matériau endommagé est donnée par : σeff =

F S σ =σ = · S eff S eff 1 −D

(3.2)

F est la force appliquée. Le comportement du matériau est alors celui qu’il possède dans son état non endommagé en remplaçant la contrainte σ par la contrainte effective σeff . Ainsi, si le comportement est élastique, dans un état de traction uniaxiale, la déformation est-elle donnée par : ε=

σ σeff = · E eff E(1 − D)

(3.3)

Nous constatons que le matériau endommagé a un module d’Young effectif plus petit que le module d’Young du matériau non endommagé. Nous disposons ainsi d’un moyen d’estimation du paramètre d’endommagement. Il suffit de mesurer E eff = E(1 − D). Cela peut se faire en déchargeant l’éprouvette après déformation (Fig. 3.1). Comme le comportement au cours de la décharge est élastique, la pente de la droite de la contrainte en fonction de la déformation procure la valeur de ce module. On constate bien qu’au cours d’un essai de traction sur un alliage ductile, comme un alliage d’aluminium, la pente déterminée lors de déchargements partiels diminue au fur et à mesure que la déformation augmente (Fig. 3.2). (On constate souvent une chute du module d’élasticité au début de la déformation plastique. Elle est généralement due à un effet produit par la courbure des arcs de dislocations qui n’a rien à voir avec un endommagement.) Ce moyen de détermination du paramètre d’endommagement est utilisable pour tous types de matériaux. À titre d’exemple considérons un matériau qui s’endommage par multifissuration, le béton. Un essai de traction sur du béton donne une courbe qui présente un maximum pour une faible déformation (Fig. 3.3). Un tel comportement s’explique aisément en notant que le paramètre d’endommagement doit être fonction monotone croissante de la déformation. Alors : σ = E eff ε = E[1 − f (ε)]ε.

(3.4)

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σ

ε

0

Fig. 3.1. Détermination du module effectif d’un matériau endommagé. Des déchargements partiels au cours de l’essai de traction permettent en mesurant la pente de déterminer le module effectif.

D% 20

15

10

5

0 1

0

2

3 ε%

78 µm 29 µm 5 µm

Fig. 3.2. Évolution en fonction de la déformation ε du paramètre d’endommagement (D) déterminé par la mesure du module effectif au cours d’un essai de traction d’éprouvettes d’aluminium renforcé par environ 44 % en volume de particules d’alumine de différentes tailles. (D’après M. Kouzeli et al., Advances in Mechanical Behaviour, Plasticity and Damage, D. Miannay et al. Eds., Elsevier, 2000, pp. 729-734.)

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D. FRANÇOIS

σ MPa

2

1

0 0

2

1

ε.104

Fig. 3.3. Courbe de traction d’une éprouvette en béton.

La contrainte présente bien un maximum pour une déformation εc telle que : εc =

1.2.

1 − f (εc) f (εc)

·

(3.5)

Relation entre les processus microscopiques d’endommagement et la mécanique de l’endommagement

Nous allons voir comment relier la mécanique de l’endommagement appliquée à un volume de matériau macroscopique aux mécanismes d’endommagement à l’échelle microscopique (cavités, microfissures). C’est un problème d’homogénéisation consistant à établir une loi de comportement macroscopique en partant du comportement d’éléments de volume microscopiques endommagés. Il se résout de diverses façons. La méthode exposée maintenant consiste à établir une équivalence en énergie. Il importe de définir des variables dont dépend l’énergie dissipée par le processus d’endommagement. Au niveau microscopique, l’élément de volume contient une microfissure de surface s et la puissance dissipée lors de sa propagation

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

d

d l

d si

l

l

Fig. 3.4. Schéma d’un matériau multifissuré contenant n éléments de dimension d × d × d contenant une fissure de surface s i .

vaut Gds/dt, G étant le taux de libération d’énergie. Au niveau macroscopique, il faut faire correspondre à la variable d’endommagement D un taux de libération d’énergie par endommagement Y, la puissance dissipée valant YdD/dt. Soit un volume de matériau macroscopique de dimensions l × l × l, divisé en volumes élémentaires microscopiques de dimensions d × d × d (Fig. 3.4). n d’entre eux contiennent des microfissures d’aire s i . L’homogénéisation consiste à égaler la puissance dissipée dans ces n éléments à celle qui est dissipée dans le volume macroscopique : n 

· G is· i = YDl 3 .

(3.6)

1

En supposant que les microfissures se propagent en dissipant une énergie constante G c , ténacité à l’échelle microscopique, l’endommagement se développant à Y constant égal à Y c , l’expression précédente devient : Gc

n  1

s i = Y cDl 3 .

(3.7)

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D. FRANÇOIS

La microfissuration tend à se localiser dans une bande étroite de dimension l × l lorsque le paramètre d’endommagement atteint la valeur 1. Alors la somme des aires fissurées vaut l 2 et l’expression précédente devient : l=

Gc · Yc

(3.8)

Les deux relations précédentes 3.7 et 3.8 permettent maintenant de calculer le paramètre d’endommagement. Il est donné par : D=

n 1 si. l2 1

(3.9)

Nous retrouvons ainsi la définition que nous avions donnée précédemment puisque l 2 est égal à S et la somme des aires microfissurées à S − S eff . Le raisonnement qui vient d’être fait peut être transposé au cas de microcavités de volume d 3 . Le volume macroscopique contient alors une fraction volumique de cavités donnée par : f=

nd 3 · l3

(3.10)

L’endommagement se traduit par un accroissement de volume des cavités sous l’effet de la déformation plastique, comme nous allons le voir plus en détail dans la section suivante. La puissance dissipée correspond au travail de la contrainte hydrostatique σm .  · · 3σm ε·pm dV = 3σm f l 3 = YDl 3 . (3.11) V

En supposant une plasticité parfaite entraînant un rapport σm /Y constant, nous trouvons que le paramètre d’endommagement vaut : D=

3σm f. Y

(3.12)

Comme pour les microfissures, l’endommagement se localise dans une bande étroite de volume l × l × d lorsque D atteint la valeur 1, avec un nombre de cavités égal à l 2 /d 2 . De la sorte : 3σm l 2 d 3 = 1. Y d2 l3

(3.13)

Finalement : D =n

d2 · l2

(3.14)

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

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Nous retrouvons ainsi un paramètre d’endommagement défini par une densité surfacique de défauts.

1.3.

Malheureusement des incompatibilités !

En faisant l’hypothèse qu’il faut remplacer la contrainte par la contrainte effective dans la loi de comportement en élasticité, nous avons trouvé que le paramètre d’endommagement était tel que : D =1−

E eff E

(3.15)

E eff étant le module d’Young du matériau endommagé. Malheureusement cette relation, qui peut être considérée comme une définition, est incompatible avec celle déduite de l’homogénéisation, c’està-dire une densité surfacique de défauts. Il suffit pour le montrer de calculer le module d’Young d’un élément de volume l × l × l contenant une fissure en forme de piécette de rayon a et soumis à une contrainte de traction homogène. Si l’aire πa 2 de la fissure est petite devant celle de l’élément de volume on montre que : D=

16 3π

(1 − ν2)

a πa 2 l l2

(3.16)

ν étant le coefficient de Poisson. Ce résultat est différent de la densité surfacique de fissures πa 2 /l 2 . Cette incompatibilité constitue une très sérieuse critique de la mécanique de l’endommagement des matériaux multifissurés. Mark Kachanov, le fils de celui qui a introduit la mécanique de l’endommagement, fait à juste titre remarquer que, pour des défauts quelconques sans interaction, les modules d’élasticité M peuvent se mettre sous la forme : M eff 1 = M 1 + Cf

(3.17)

C étant un paramètre qui dépend du type de cavités présentes dans le matériau et f leur fraction volumique. Si l’endommagement est relié à la fraction volumique de défauts, on ne retrouve donc pas une relation d’endommagement analogue à la relation 3.15. De plus, la distribution des défauts, son hétérogénéité, dont nous avons vu toute l’importance au chapitre 2, n’intervient pas dans la relation 3.17. On trouve des cas, par exemple celui de fissures situées en rangées parallèles les unes audessus des autres, où la configuration des défauts a un effet bénéfique par rapport à une distribution au hasard, alors que le module effectif chute de la même façon.

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D. FRANÇOIS

Un autre problème est celui de l’effet de taille. À égale dimension de fissures, la densité surfacique diminue évidemment si la taille de l’élément de volume augmente. On en déduirait une diminution de l’endommagement, alors que de manière générale l’effet de taille est inverse. Cette objection est particulièrement critique dans le cas de l’endommagement par fatigue qui se développe à partir de la surface des pièces. La définition la plus pratique est celle qui est fondée sur le rapport des modules d’Young, mais il importe de rester conscient qu’elle ne prend pas bien en compte les processus d’endommagement à l’échelle microscopique.

1.4.

Mécanique de l’endommagement dans le cadre de la thermodynamique des processus irréversibles

Nous avons introduit le taux de restitution de densité d’énergie Y associé au développement de l’endommagement. De même que le taux de libération d’énergie en mécanique de la rupture est fonction de la dimension de la fissure, on trouve une expression de Y en fonction du paramètre d’endommagement D à partir de la définition fondée sur le module d’Young. Cette expression dérive du potentiel thermodynamique, c’est-à-dire l’enthalpie libre de Gibbs, d’un solide élastique linéaire isotrope endommagé. Elle postule que Y est la dérivée partielle de ce potentiel par rapport à la variable d’endommagement D. Elle est la suivante : 2 σeq Y= Rν (3.18) 2E(1 − D) 2 où σeq est la contrainte équivalente de Von Mises(1) et R ν est la fonction de triaxialité des contraintes :  2 2 σm R ν = (1 + ν) + 3(1 − 2ν) (3.19) σeq 3

(1) Le vecteur contrainte t i qui agit sur une facette de normale n i dans un solide, possède une composante normale et une composante de cisaillement dans le plan de la facette. Il est fonction des 6 composantes du tenseur des contraintes, qui sont les composantes σij des contraintes qui agissent sur les trois facettes perpendiculaires aux axes de coordonnées. (Si i = j la composante est une contrainte normale, alors que si i = j il s’agit d’une composante de cisaillement. La permutation de i et j ne modifie pas la composante en question.) t i = σijn j (avec la convention d’Einstein sur la sommation des indices répétés).

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

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où σm est la contrainte hydrostatique(2) . On montre aussi que : Y=

1 F 2 ∂C 2 V ∂D

(3.20)

formule analogue à celle de la complaisance de la mécanique de la rupture en élasticité linéaire, où C est la complaisance(3) , F la force appliquée et V le volume de la pièce. L’évolution de l’endommagement dD/dt dérive d’un potentiel de dissipation ϕ ∂ϕ · · D= ∂Y

(3.21)

· ε· , cas · ε· , on trouve tout simplement D· = ε/ Ainsi par exemple, si ϕ = Y ε/ 0 0 particulier de l’évolution que nous avions postulée ci-dessus.

2.

Mécanique des matériaux plastiques poreux

Le critère de plasticité d’un matériau plastique non poreux est une hypersurface dans l’espace des contraintes σij . Comme la déformation plastique d’un tel matériau se fait à volume constant cette hypersurface est un hypercylindre ou un hyperprisme de génératrice parallèle à l’axe hydrostatique, une variation de la contrainte hydrostatique ne modifiant Il existe au moins trois directions principales orthogonales entre elles selon lesquelles les contraintes sont purement normales et sont appelées contraintes principales. Une représentation possible du tenseur des contrainte utilise l’espace des contraintes dans lequel l’état des contraintes est représenté par un vecteur dont les composantes sont les trois contraintes principales. La contrainte équivalente de Von Mises est donnée par la relation : 2 2 2 2 2σeq = (σ33 − σ22) 2 + (σ11 − σ33) 2 + (σ22 − σ11) 2 + 6(σ23 + σ31 + σ12 )

= (σ3 − σ2) 2 + (σ1 − σ3) 2 + (σ2 − σ1) 2 où σij sont les 6 composantes du tenseur des contraintes et σ1 , σ2 et σ3 les contraintes principales. Indépendante du choix des axes de coordonnées, la contrainte équivalente de Von Mises caractérise l’état de déformation plastique d’un solide isotrope. (2) La contrainte hydrostatique, qui ne dépend pas du choix des axes de coordonnées, est égale à la moyenne des trois contraintes principales. (3) Complaisance : dans le domaine élastique, rapport du déplacement du point d’application d’une force à cette dernière.

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D. FRANÇOIS

σ2

surface dӎcoulement

axe hydrostatique

σ1

σ3

plan Π

Fig. 3.5. Surface d’écoulement dans l’espace des contraintes principales σ1 , σ2 , σ3 .

pas la surface d’écoulement. (Une représentation possible dans un espace à trois dimensions est obtenue dans l’espace des trois contraintes principales, voir Fig. 3.5.) Cette surface d’écoulement doit être convexe en vertu du théorème du travail maximal. De plus, pour un matériau isotrope et de limites d’élasticité en traction et en compression égales, la coupe droite de la surface d’écoulement est proche soit d’un cercle (critère de Von Mises) soit d’un hexagone régulier (critère de Tresca) (Fig. 3.6). On sait aussi que l’écoulement se fait de telle sorte que le vecteur déformation est normal à la surface d’écoulement au point représentatif de l’état des contraintes provoquant l’écoulement. (Il faut faire coïncider les axes des déformations et des contraintes principales.) Nous voyons que la donnée de la surface d’écoulement permet à la fois de déterminer le chargement qui correspond à la sortie du domaine d’élasticité et la loi d’écoulement du matériau. Le problème est maintenant de trouver la surface d’écoulement d’un matériau plastique poreux. A priori cette surface doit couper la partie positive de l’axe hydrostatique. En effet, une pression hydrostatique

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

σ2

critère de Von Mises

critère de Tresca

0

σij dεijp

σ3

σ1

Fig. 3.6. Critères de Tresca et de Von Mises. Est représentée la coupe de la surface d’écoulement par le plan Π, lui-même perpendiculaire à l’axe hydrostatique. Le vecteur d’accroissement de déformation plastique est normal à la surface d’écoulement au point représentatif de l’état des contraintes.

engendre une diminution de volume alors que c’est le contraire pour une tension hydrostatique. Sinon, la surface d’écoulement est encore convexe, et la normalité de l’écoulement respectée ; sa symétrie résulte de l’isotropie du matériau ; mais les limites d’élasticité en traction et en compression ne sont plus égales. Gurson a proposé un critère de plasticité pour un matériau plastique poreux sans consolidation. Si la contrainte hydrostatique est Σm et la contrainte équivalente Σeq , et σ0 la contrainte d’écoulement, l’équation de la surface d’écoulement est donnée par :   2 Σeq 3 Σm − (1 + f 2) = 0 3.22 (et 2.36) Ψ(Σ) = 2 + 2fch σ0 2 σ0 f étant la fraction volumique de cavités et σ0 la contrainte d’écoulement du matériau plein. Nous constatons que si cette fraction est nulle le critère de Gurson se réduit au critère de Von Mises. Nous voyons intervenir le taux de triaxialité des contraintes, de la même façon qu’il le fait pour une cavité isolée. On montre d’ailleurs que le critère de Gurson peut être déduit du calcul de cavité isolée. Sous contrainte hydrostatique, la plastification se

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D. FRANÇOIS

contrainte équivalente réduite

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1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0

1

2 3 taux de triaxialité des contraintes

3,5

f=0 f = 0,01 f = 0,05 f = 0,1 Fig. 3.7. Critère de Gurson pour diverses fractions volumiques de porosité (f ). La contrainte équivalente rapportée à la contrainte d’écoulement figure en ordonnées en fonction de la contrainte hydrostatique rapportée à la contrainte d’écoulement en abscisses.

produit pour :

  Σm 2 1 . = log σ0 f 3

(3.23)

Ceci représente la solution exacte du problème. La figure 3.7 montre la coupe de ce critère pour diverses valeurs de la fraction volumique de cavités. Nous voyons que plus la fraction volumique de cavités est grande plus le critère se rapproche de l’origine ; autrement dit, plus la limite d’élasticité est petite. Par ailleurs la loi de normalité de l’écoulement montre que le vecteur déformation plastique possède bien une composante hydrostatique(4) (4) En un point d’un solide déformé, la déformation est caractérisée par les six composantes εij du tenseur des déformation. Elles représentent selon les

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

positive ; autrement dit, le volume augmente lorsque le matériau est soumis à une contrainte de traction. Ceci dit, l’application de la loi de normalité avec le critère de Gurson conduit à un taux de croissance des cavités qui est indépendant de leur fraction volumique, comme on le montre dans l’annexe A.2. Le critère de Gurson a été modifié par Tvergaard et Needleman pour mieux prendre en compte, de façon empirique, la rapide coalescence des cavités peu avant la rupture :   2 Σeq 3q 2 Σm * − 1 − (q 1 f * ) 2 = 0 (3.24) Ψ = 2 + 2q 1 f ch Rp 2R p avec :

 f =



f

*

f c + (1/q 1 − f c)( f − f c)/( f f − f c)

si

f < fc f ≥ fc

(3.25)

R p est la contrainte d’écoulement du matériau. f c est une valeur critique de la fraction volumique de cavités à partir de laquelle son augmentation s’accélère et f f la fraction volumique de cavités qui fait perdre au matériau toute résistance. En général les valeurs de q 1 et de q 2 , qui sont empiriques, sont souvent prises respectivement égales à 1 et à 1,5. Le taux d’accroissement de la fraction volumique de cavités df/dt est la somme du taux dû à leur croissance et de celui dû à leur naissance. En vertu de l’invariance du volume du matériau (excluant celui des cavités) et de la loi de normalité, le premier est donné, en fonction du taux de · déformation plastique équivalente(5) E peq , par : · f 1 −f

=

· E peq ∂Ψ/∂Σeq

(∂Ψ/∂Σm).

(3.26)

trois directions Ox i des axes de coordonnées, l’élongation εii = ∆l i /l i et les deux glissements 2εij qui sont les cosinus de la variation des angles entre les directions des axes de coordonnées. Il existe au mois trois directions principales orthogonales entre elles pour lesquelles les glissements sont nuls. La composante hydrostatique du tenseur des déformations est la somme des trois déformations principales. Elle représente la variation de volume provoqué par la déformation. (5) La déformation plastique équivalente est donnée par l’expression : 2 p p p εeq = εij εij . 3

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D. FRANÇOIS

C’est-à-dire :

  q 1q 2 R p q 2 Σm · ·p . f (1 − f )E eqsh f crois = 2 Σeq 2R p

(3.27)

Le second taux d’augmentation de la porosité est donné par : · · f nais = D EE peq

(3.28)

dans le cas fréquent où la naissance des cavité est contrôlée par la déformation. DE est la distribution des fractions volumiques en fonction de la déformation. Le critère de Gurson, Tveergard et Needleman est fort utile pour suivre dans un calcul par éléments finis l’évolution de la fraction volumique de cavités et donc celle de l’endommagement. Il permet en particulier de déterminer le moment où l’endommagement atteint une valeur critique conduisant à la rupture. Il s’agit dans ce cas d’un calcul couplé avec la plasticité, ce qui n’était pas le cas lorsque, avec par exemple le taux de croissance d’une cavité donné par la loi de Rice et Tracey, on cherchait en post-traitement le moment où était atteinte une taille critique de cavité. Partant de la thermodynamique des processus irréversibles, Rousselier a proposé un modèle un peu différent. Le potentiel d’écoulement est donné par :   Σeq Σm Ψ(Σ) = =0 (3.29) − R p + kσ1 f exp 1 −f (1 − f )σ1 où k et σ1 sont des paramètres qui dépendent du matériau. Ces critères, en particulier celui de Gurson, ont été perfectionnés pour mieux représenter la réalité. Par exemple, des modifications ont été introduites pour tenir compte de la forme plus ou moins ellipsoïdale des cavités, ou de l’anisotropie de la matrice.

3.

Conclusion

L’évolution du module d’Young d’un matériau poreux permet de définir un paramètre d’endommagement D. Celui-ci affecte la contrainte qui intervient dans la loi de comportement du matériau. La mécanique de l’endommagement est l’équivalent, à l’échelle macroscopique d’un matériau endommagé, de la mécanique de la rupture d’une microfissure. Le passage d’une échelle à l’autre n’est toutefois pas convenable. Les modèles de Gurson, généralisation de ceux établis pour une cavité isolée, et sa modification par Tveergard et Needleman, ainsi que le modèle de

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CHAPITRE 3 – ENDOMMAGEMENT ET MATÉRIAUX POREUX

Rousselier, qui dérive de la thermodynamique des processus irréversibles, permettent de suivre l’évolution de la porosité au cours de la déformation d’un matériau plastique.

A.

Annexes

A.1. Module d’élasticité d’un matériau élastique linéaire isotrope contenant des fissures en forme de piécette Soit un élément de volume l × l × l, d’un matériau élastique isotrope de module d’Young E et de coefficient de Poisson ν, contenant une fissure en forme de piécette de rayon a et soumis à une contrainte de traction homogène σ. Le taux de libération d’énergie G est donné dans ce cas par sa relation avec K I d’une part et par la formule de la complaisance d’autre part : G= G=

1 − ν2 2 4 1 − ν2 2 KI = σ a E π E 1 2

(σl 2) 2

∂C ∂πa 2

(3.30)

où C est la complaisance de l’élément de volume (telle que le déplacement v = CF, F étant la force appliquée). On en déduit la complaisance par intégration et donc le module du matériau fissuré : E eff =

E 1 + 16(1 − ν2)a 3 /3l 3

·

(3.31)

En utilisant la définition du paramètre d’endommagement 3.15, avec ce résultat on aboutit à la formule 3.16.

A.2. Taux de croissance des cavités La matrice étant incompressible, le volume V est la somme du volume sans porosité V 0 et de f V. Alors : · · V f · = V 1 −f

(3.32)

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Le volume des cavités étant proportionnel à R 3 , leur taux de croissance est donné par : 3

· · · · R f V 1V = + = · R f V fV

(3.33)

· Le taux de variation de volume du solide poreux V/V, en vertu de la loi de normalité, est proportionnel à ∂Ψ/∂Σm . Par ailleurs, le taux de · déformation plastique équivalente E peq est proportionnel à ∂Ψ/∂Σeq . Ainsi, de la relation 3.33, il vient : · 1 R 1 ∂Ψ/∂Σm · ·p R = E eq 3f ∂Ψ/∂Σeq

(3.34)

Cette formule est équivalente à la formule 3.26. Le critère de Gurson donne alors, en appliquant la formule 3.34 :   · 1 R 3 Σm 1 σ0 . (3.35) sh = · E peq R 2 σ0 2 Σeq Ce taux de croissance est indépendant du niveau de porosité, alors que ce n’est pas ce qui est observé expérimentalement.

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Environnement et endommagement

On pourrait consacrer une partie de ce chapitre à l’impact de l’endommagement des matériaux sur l’environnement. Cet impact peut être en effet considérable. Songeons aux dégâts provoqués par le naufrage de l’Amoco Cadiz, de l’Erica et plus récemment du Prestige. La rupture d’une commande de gouvernail, les déchirures des coques ont entraîné des pollutions catastrophiques des côtes. Songeons aux destructions de bâtiments d’habitation mal conçus pour résister aux séismes. Songeons aussi aux atteintes potentielles à l’environnement que pourrait provoquer un accident nucléaire comme celui de Tchernobil, encore que dans ce cas ce n’est pas l’endommagement des matériaux qui en soit la cause. Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, combien de ruptures de circuits d’usines chimiques, ou même agro-alimentaires, n’ont-elles pas pollué de rivières ? Nous n’en dirons pas davantage ici sur ce sujet qui renvoie en fait aux chapitres consacrés à la prévision des endommagements et à la maintenance. Ce qui va nous préoccuper est l’influence de l’environnement sur l’endommagement. Il va s’agir des interactions entre le milieu, air, eau, liquides, et le développement de fissurations. Nous ne considérerons pas la corrosion généralisée et l’oxydation, sujets de grande importance, mais qui n’entrent pas dans la définition que nous nous sommes donnée de l’endommagement, création de nouvelles surfaces. Les phénomènes d’endommagement qui vont intervenir sont, bien entendu, ceux qui prennent naissance à la surface des matériaux et non pas les endommagements volumiques : fluage, cavitation. Nous allons aborder la corrosion sous contrainte, la fatigue corrosion, la fragilisation par l’hydrogène. En fait, c’est ce dernier sujet dont nous parlerons en premier, dans la mesure où il intervient ensuite dans les deux autres phénomènes.

1.

La fragilisation par l’hydrogène

Il faut se méfier de la fragilisation par l’hydrogène parce que cet élément est présent dans de nombreux milieux, à commencer par l’eau.

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Sa dissociation est susceptible de faire pénétrer de l’hydrogène dans les matériaux où, étant donnée sa très petite taille, il se place en position interstitielle, et il peut diffuser rapidement même à des températures relativement basses. Il fragilise ensuite les matériaux par divers mécanismes. Nous allons voir successivement la pénétration de l’hydrogène, sa diffusion et la façon dont il fragilise les métaux.

1.1.

Pénétration de l’hydrogène dans les métaux

Mise en solution de l’hydrogène L’hydrogène se dissout dans les métaux non pas en tant que molécule mais sous la forme d’un proton. Il prend sa place dans les zones où la densité électronique est la plus faible. Ce sont des positions interstitielles. Les atomes d’hydrogène provoquent alors une grande expansion volumique dans les métaux de transition : 5 %, soit 0,2 nm3 par atome. Du fait de ces interactions électroniques, la solubilité est plus grande dans les réseaux cubiques centrés (CC) que dans les réseaux cubiques à faces centrées (CFC), en dépit de la compacité maximale de ces derniers. On constate aussi que la diffusion des atomes d’hydrogène est moins rapide dans ces réseaux cubiques à faces centrées que dans les réseaux cubiques centrés. Comme toute diffusion en sites interstitiels, celle de l’hydrogène est rapide, et tout particulièrement grande. Enfin, cette forte expansion volumique de l’hydrogène en solution favorise le piégeage des protons par les défauts des réseaux : lacunes, dislocations, joints de grains ; elle explique aussi la sensibilité à la présence de contraintes hydrostatiques.

Hydrogène introduit au cours de l’élaboration Il n’est pas rare de constater la présence d’hydrogène introduit dans les alliages métalliques au cours de leur élaboration lorsqu’ils se trouvent à l’état liquide. En effet la solubilité de l’hydrogène dans les métaux liquides est grande. Il faut alors prendre garde à la vapeur d’eau qui risque de se décomposer. Les procédés d’élaboration sous vide permettent d’éliminer les gaz présents dans le métal liquide. Mais, s’il subsiste de l’hydrogène dissous, comme sa solubilité en phase solide est plus faible qu’en phase liquide, il se rassemble au cours du refroidissement pour former des cavités aplaties, les flocons. Un des cas à redouter est l’introduction d’hydrogène dans le métal lors des opérations de soudage. La vapeur d’eau peut être réduite, notamment dans l’arc électrique qui procure la chaleur pour la fusion, ce qui charge

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CHAPITRE 4 – ENVIRONNEMENT ET ENDOMMAGEMENT

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en hydrogène le métal d’apport. Il est indispensable, pour éviter cette introduction, d’utiliser des électrodes de soudage parfaitement sèches, ayant donc subi un étuvage et conservées à l’abri de l’humidité. Il faut éviter de souder dans une atmosphère trop humide. L’hydrogène ainsi introduit dans les joints soudés est responsable du phénomène appelé fissuration à froid.

Hydrogène introduit en phase gazeuse Les cas rencontrés couramment sont moins ceux où les matériaux baignent dans de l’hydrogène gazeux que ceux où ils sont en contact avec de la vapeur d’eau ou encore de l’hydrogène sulfuré. L’interaction des gaz avec la surface commence par l’adsorption ; elle est suivie par l’absorption et enfin par la pénétration de l’hydrogène dans le métal. L’énergie potentielle d’une molécule diminue lorsqu’elle se rapproche d’une surface, et elle s’y adsorbe donc. Cette adsorption peut être nondissociative ou dissociative selon la nature de la surface. L’adsorption de l’hydrogène est dissociative sur les métaux de transition. Dans ce cas, la chute de potentiel au voisinage de la surface est plus grande pour les atomes de gaz dissociés que pour les molécules (Fig. 4.1). E p représente l’énergie d’adsorption physique. L’absorption chimique qui suit est activée ou non activée selon le signe de l’énergie de dissociation de la molécule d’hydrogène. La présence d’une couche d’oxyde augmente beaucoup l’énergie d’activation nécessaire pour la dissociation de la molécule d’hydrogène. Dans ce cas, la pénétration des atomes d’hydrogène dans le métal est régie par la dissociation proportionnellement à la pression et non pas à sa racine carrée comme dans le cas de l’adsorption. Toutefois, l’adsorption n’est ralentie que pour des couches d’oxyde dépassant une épaisseur critique de l’ordre de quelques nanomètres. Il faut ensuite que l’hydrogène pénètre dans le métal. Il s’agit du passage de l’atome d’hydrogène d’un site d’absorption à l’interface à un site interstitiel dans le métal. Ce phénomène s’accompagne d’une augmentation de l’énergie potentielle ∆E. Si cette dernière est supérieure à l’énergie de dissociation, la réaction de dissolution est endothermique. Lorsqu’elle est exothermique les hydrures sont stables. C’est le cas par exemple avec le titane et le zirconium ou le tantale. La dissolution de l’hydrogène peut être fortement modifiée par la présence d’autres molécules gazeuses. Celles-ci peuvent provoquer l’occupation de sites d’adsorption, diminuant le taux de recouvrement possible par l’hydrogène. Elles peuvent aussi modifier l’énergie d’adsorption des atomes d’hydrogène. Les atomes d’hydrogène peuvent ensuite diffuser dans le métal d’un site interstitiel dans un autre.

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Energie potentielle métal

oxyde interface

Ediff 2H+M endothermique EA

∆E

ENA

Distance H2+M

Ediff Ep

Ec ∆E exothermique

Fig. 4.1. Schéma de l’énergie des molécules et atomes d’hydrogène au voisinage de la surface permettant de visualiser les étapes de l’entrée de l’hydrogène dans un métal : adsorption, absorption, pénétration. E p est l’énergie d’adsorption physique ; EA l’énergie de dissociation activée et E NA l’énergie de dissociation non activée ; E C est l’énergie de chimisorption ; E énergie de transfert d’un atome d’hydrogène absorbé dans un site interstitiel ; E diff est l’énergie de diffusion (d’après J. Chêne et A.M. Brass, Corrosion sous contrainte, D. Desjardin et R. Oltra Eds., les Editions de Physique, 1990, pp. 159-210).

Hydrogène introduit en phase liquide En phase liquide interviennent des phénomènes électrochimiques. L’étape de dissociation de la molécule d’hydrogène est court-circuitée. En milieu acide, les ions H+ se combinent avec un électron pour donner un atome absorbé. En milieu basique c’est la réaction oxydante de l’eau avec un électron qui dégage de l’hydrogène. Ces réactions de réduction cathodique (fixation d’électrons) sont couplées avec des réactions d’oxydation anodique (perte d’électrons) du métal.

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La décharge cathodique de l’hydrogène fait intervenir, en plus de ces réactions, la recombinaison des atomes adsorbés pour dégager de l’hydrogène gazeux et, par ailleurs, la pénétration des atomes adsorbés dans le métal. Ce sont les diverses cinétiques de ces réactions qui déterminent la vitesse d’introduction de l’hydrogène. Les éléments présents dans le métal peuvent soit ralentir soit favoriser la pénétration de l’hydrogène. Ceux qui la freinent sont ceux qui déplacent le potentiel de corrosion vers des valeurs plus nobles. On peut citer comme exemples les alliages fer-cuivre, fer-zirconium et fer-molybdène ; le phosphore sous forme de phosphate ; le silicium, le chrome et le nickel diminuent eux aussi la pénétration de l’hydrogène. Au contraire, les impuretés métalloïdiques comme le phosphore, le soufre, l’arsenic, le sélénium, l’antimoine favorisent la pénétration de l’hydrogène. Elles agiraient en empoisonnant la réaction de recombinaison des atomes d’hydrogène pour former de l’hydrogène gazeux. Les impuretés présentes dans le milieu agressif peuvent elles aussi ralentir ou accélérer l’introduction de l’hydrogène dans le métal. L’oxygène qui favorise la formation d’oxydes superficiels est défavorable à la pénétration. Il en est de même de nitriles organiques fortement oxydants. Les impuretés qui au contraire favorisent la pénétration de l’hydrogène sont métalloïdiques : phosphore, arsenic, antimoine, soufre, sélénium, tellure mais aussi des ions d’halogènes Cl− , I− , et encore CN− , les nitrates et les acétates... Ces poisons agiraient en diminuant l’énergie de chimisorption. De très faibles concentrations suffisent.

Rôle des contraintes La pénétration de l’hydrogène dans le métal est favorisée par la présence d’une contrainte hydrostatique qui dilate la maille du réseau métallique. Les atomes d’hydrogène trouvent ainsi davantage de place en insertion. Les atomes d’hydrogène sont de ce fait, ainsi qu’en raison d’interactions d’origine physique, attirés par les dislocations. La présence de ces dernières favorise donc l’introduction de l’hydrogène.

Solubilité de l’hydrogène La pénétration de l’hydrogène dans les métaux est donc fonction de nombreux facteurs. L’activité de l’hydrogène en est l’un des plus important : pression partielle en phase gazeuse, fugacité thermodynamique en phase liquide. En général, ce facteur intervient par sa racine carrée selon la loi

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de Sieverts. En phase liquide, le pH joue un rôle essentiel. Mais il faut compter de plus avec la température qui accélère les cinétiques, avec la nature du métal, avec les couches superficielles, avec les impuretés, celles du milieu ambiant comme celles du métal, avec enfin les contraintes et les dislocations. Ces différents facteurs, plus la présence de pièges dont nous allons parler à propos de la diffusion, conditionnent la solubilité de l’hydrogène dans les métaux. La figure 4.2 montre l’évolution de la solubilité de l’hydrogène dans le fer en fonction de la température. Nous remarquons en premier lieu, comme nous l’avons déjà signalé, que cette solubilité qui, d’une façon générale augmente avec la température, est grande dans le liquide. Par ailleurs elle est plus importante dans le réseau CFC du fer gamma que dans celui CC du fer alpha. Ceci, qui peut paraître paradoxal étant donné la forte compacité du réseau CFC, résulte de la disposition plus favorable des sites d’insertion dans ce réseau que dans le réseau CC. La figure 4.3 montre que la solubilité de l’hydrogène dans le fer alpha suit une loi d’Arrhénius, avec toutefois une forte

cm3/100 g log s Solubilité ppm poids

1,5

25

10

1

20 liquide 15

5 0,5

1

0

10 Feγ

0,5 5

Feδ

Feα 0 500

-0,5

-1 1000

1500

Fig. 4.2

C

1

1,5

2

2,5

3

1000/T K

Fig. 4.3

Fig. 4.2. Variation de la solubilité de l’hydrogène dans le fer en fonction de la température (l’échelle des ordonnées est approximative). Fig. 4.3. La solubilité de l’hydrogène dans le fer alpha suit une loi d’Arrhénius à hautes températures. La déviation à basses températures est due au piégeage.

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déviation à basses températures. Cette déviation provient justement du piégeage. Les lois de solubilité dans le fer alpha et dans le fer gamma sont respectivement : s α = 3,7p 1/2 exp ( −6500/RT ) s γ = 42,7p 1/2 exp ( −5300/RT ).

(4.1)

On obtient à 20 ◦ C les concentrations suivantes sous une atmosphère : 6,3.10−4 ppm poids dans le fer alpha et 4,8.10−2 ppm poids dans le fer gamma. Du fait de la plus grande solubilité de l’hydrogène dans l’austénite, on est en droit d’incriminer le taux d’austénite résiduelle dans des aciers faiblement alliés ou dans des aciers biphasés pour leur plus ou moins grande sensibilité à la fragilisation par l’hydrogène ou à la corrosion sous contrainte. Cependant les résultats sont contradictoires. On a pu montrer que c’est en réalité la microstructure qui joue un rôle prépondérant. C’est la distribution des pièges, à une échelle très fine qu’il importe de considérer. Nous allons y revenir.

1.2.

Diffusion de l’hydrogène

Diffusion à hautes températures L’hydrogène diffuse dans les métaux de site interstitiel en site interstitiel. La vitesse de diffusion est donc rapide. Elle suit une loi d’Arrhénius. Dans le fer, en cm2 .s−1 : D α ≈ 7,8.10

−4

D γ ≈ 4,35.10

exp ( −1900/RT )

−3

exp ( −12350/RT ).

(4.2)

Ainsi (Dt) 1/2 vaut 57 µm pour 1 seconde à la température ambiante dans le fer alpha ! On trouve évidemment des paramètres différents selon les aciers, mais la diffusion est toujours bien plus rapide dans les aciers ferritiques que dans les aciers austénitiques.

Diffusion à basses températures en présence de pièges Comme pour la solubilité, le coefficient de diffusion apparent à basses températures est très différent des valeurs extrapolées selon la loi d’Arrhénius établie à hautes températures. Ceci résulte du piégeage des atomes d’hydrogène sur divers sites, piégeage qui disparaît si la

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température est suffisante pour vaincre l’énergie de liaison entre l’atome d’hydrogène et les pièges. Les pièges sont de diverses sortes. Les atomes interstitiels, le carbone, l’azote et l’hydrogène lui-même constituent des pièges mais dont l’énergie d’interaction se chiffre en quelques centièmes d’électron-volt. Plus conséquents sont les atomes d’alliage en substitution pour lesquels l’énergie d’interaction peut s’élever à quelques dixièmes d’électron-volt. On trouve ensuite les dislocations. L’énergie d’interaction dans ce cas résulte d’une part d’une interaction élastique avec le champ de contrainte des dislocations et d’autre part d’une interaction avec le cœur. Elle vaut en moyenne 0,28 eV. Les joints de grain, les joints de macles constituent des pièges avec une énergie d’interaction de l’ordre de 0,4 eV. Les interactions les plus fortes se font avec des inclusions : cémentite (0,7 eV ), carbure de titane (0,8 eV ), nitrures, sulfures de manganèses, oxydes. Tous ces pièges, outre qu’ils augmentent la solubilité apparente de l’hydrogène, ralentissent la diffusion. Ils jouent un rôle important dans les phénomènes de fragilisation que nous allons bientôt examiner. Cependant les dislocations sont capables de transporter de l’hydrogène piégé au cours de leur déplacement. Elles permettent aussi la diffusion de l’hydrogène le long de leur cœur, la diffusion par « tuyau » (pipe diffusion). Leur présence peut donc augmenter le coefficient de diffusion.

1.3.

Mécanismes de fragilisation par l’hydrogène

Des mécanismes variés ont été invoqués pour expliquer le rôle fragilisant de l’hydrogène, non sans d’âpres disputes. En réalité, chacun de ces mécanismes doit intervenir de façon plus ou moins importante. Voici quels en sont les principaux.

Fissuration par pression interne d’hydrogène S’il existe dans les alliages une forte pression interne d’hydrogène, créant une situation hors d’équilibre, il peut précipiter pour former des cavités dans lesquelles les atomes se recombinent sous forme moléculaire. Cette précipitation est hétérogène et se produit sur des interfaces, des inclusions, voire des empilements de dislocations. La pression à l’intérieur des cavités, en raison de la diffusion progressive de l’hydrogène, augmente jusqu’à atteindre une valeur critique provoquant la fissuration lorsque le taux de libération d’énergie disponible atteint la ténacité locale du matériau. La propagation de la fissure s’accompagne d’une augmentation de son volume et donc d’une réduction instantanée de la pression. La fissure s’arrête donc. La fissuration reprend lorsque la diffusion

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de l’hydrogène provoque une remontée suffisante de la pression. Le phénomène se répète conduisant à une succession de sauts (Fig. 4.4). L’aspect fractographique montre alors des stries analogues aux stries de fatigue avec lesquelles une confusion peut s’établir. Une forte sursaturation en hydrogène dissous résulte évidemment de son introduction dans le métal liquide, pour lequel nous avons vu que la solubilité était très grande, suivie d’un refroidissement assez rapide pour que l’hydrogène ne soit pas éliminé par diffusion. C’est la raison de la présence de fissures ou de bulles appelées « flocons » qui constituent un endommagement néfaste de l’alliage (Fig. 4.5). On trouve également des facies ayant l’aspect d’un « œil de poisson ». Dans les joints soudés, la présence de contraintes résiduelles, induites par le refroidissement inhomogène de la pièce et par des phénomènes liés à la plasticité de transformation, provoque la « fissuration à froid » si de l’hydrogène a été introduit dans la zone fondue. De plus, l’hydrogène diffuse depuis la zone fondue dans la zone affectée par la température qui peut être elle aussi le siège de fissuration à froid. Ceci est encore aggravé par la formation de martensite de faible ténacité en raison du refroidissement très rapide par conduction. Pour l’éviter, en plus de l’étuvage soigneux des électrodes de façon à éliminer les traces d’humidité, il convient de préchauffer pour ralentir le refroidissement et de postchauffer pour éliminer l’hydrogène par diffusion. Une autre situation de forte pression interne d’hydrogène est procurée par le chargement cathodique auquel correspond une forte fugacité (>1000 MPa).

Réduction de l’énergie de surface Il existe deux variantes de ce modèle. Dans la première ce serait l’hydrogène adsorbé qui réduirait l’énergie de surface, alors que dans la seconde ce serait l’hydrogène absorbé qui réduirait l’énergie de liaison entre les atomes de métal. Ce dernier modèle nécessite des concentrations d’hydrogène locales élevées. Elles peuvent être trouvées au voisinage des pièges, interfaces, inclusions, ou dans des zones de forte tension hydrostatique. Quel que soit le mécanisme, la réduction de l’énergie de surface entraîne une réduction de la ténacité. On objecte que la majeure partie de l’énergie de rupture résulte de la déformation plastique en tête de fissure, et qu’ainsi, une réduction de l’énergie de surface n’aurait quasiment pas d’influence. C’est oublier que si les liaisons atomiques se rompent pour un niveau de contrainte plus faible, la plastification se développe bien moins. Il existe donc une relation entre l’énergie de surface et l’énergie de déformation plastique et partant la ténacité.

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Fig. 4.4. Propagation par sauts d’une fissure de fragilisation par l’hydrogène dans un alliage fer-silicium. La décoration des dislocations, présentes dans les zones plastifiées en tête des fissures, permet de visualiser les positions successives du front de la fissure. (A.S.Tetelman et W.D. Robertson, Acta. Met., 11, 1963, p. 415.)

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Fig. 4.5. Flocons dus à la précipitation de l’hydrogène en sursaturation dans de l’acier faiblement allié (C.A. Zapffe et C.E. Sims, Trans A.I.M.E., 145, 1941).

Mobilité des dislocations Les atomes d’hydrogène interagissent avec les dislocations, comme nous l’avons vu. Ils sont donc susceptibles d’en bloquer le déplacement ou d’en diminuer la mobilité. Ceci se traduirait par un effet de durcissement. Un tel phénomène est bien constaté, mais à l’inverse un effet adoucissant de l’hydrogène est également invoqué. Ceci a été observé dans du fer de haute pureté notamment. L’hydrogène joue certainement un rôle sur la configuration du cœur des dislocations dans les alliages cubiques centrés et plus généralement sur l’énergie de

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faute d’empilement(1) . En la diminuant il empêche le glissement dévié(2) au profit du glissement plan. Or les glissements plans, en augmentant la force des empilements de dislocations et donc les concentrations de contrainte locales, favorisent l’apparition des endommagements. Par ailleurs, les glissements plans facilitent la rupture des couches passivées au débouché des lignes de glissement en surface. Ceci contribue à la pénétration de l’hydrogène. D’un autre coté, la diminution de l’énergie de surface rend plus aisée la formation des marches superficielles qui accompagnent la création de dislocations à partir de la surface. Ce phénomène favoriserait la plastification. Nous voyons donc que la situation est loin d’être simple et que, de plus, des variations de composition des alliages sont susceptibles d’interagir avec ces divers mécanismes. Il est alors difficile de fournir une conclusion ferme concernant ces effets.

Effets métallurgiques L’hydrogène peut former des hydrures avec un certain nombre de métaux. Ce sont le niobium, le vanadium et le tantale, le zirconium et le titane ainsi que les alliages de ces métaux. En général, ces hydrures sont fragiles et de leur rupture résulte un endommagement du matériau. La formation des hydrures est favorisée dans les zones de forte tension hydrostatique, là où également se rassemble l’hydrogène dissous. Les zones plastifiées en tête de fissure sont donc particulièrement visées. De nature très différente est l’action de l’hydrogène dissous sur la stabilité de l’austénite. Il joue sur le point M S (3) et favorise la formation de martensite. La fragilité de cette phase réduit donc la ductilité, mais, d’un autre coté, la formation de martensite d’écrouissage(4) , accompagnée d’une augmentation de volume, joue sur les contraintes locales en diminuant les contraintes hydrostatiques ce qui a un effet inverse.

(1) Énergie de faute d’empilement : une faute d’empilement correspond à une mauvaise séquence dans l’empilement des atomes. Par exemple, dans un cristal CFC l’empilement régulier PQRPQRPQR est perturbé en PQRQRPQRP (voir chapitre 1). À ce défaut correspond une énergie de faute d’empilement. (2) Glissement dévié : un glissement qui, ayant commencé sur un certain plan cristallographique, continue en étant dévié sur un autre. (3) Point M S : température en dessous de laquelle apparaît de la martensite au cours de la trempe. (4) Martensite d’écrouissage : la martensite qui se forme au cours de la déformation plastique.

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1.4.

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Influence de divers paramètres sur la fragilisation par l’hydrogène

Influence de la température La fragilisation par l’hydrogène s’observe dans un certain domaine de température. À basse température, l’absence de diffusion la fait disparaître. À haute température, c’est au contraire la vitesse de diffusion extrêmement rapide qui homogénéise les concentrations ou même évacue l’hydrogène. Dans les alliages qui forment des hydrures, ceuxci se dissolvent à hautes températures. Il est à remarquer que la vitesse de déformation a un effet inverse de l’habitude sur la transition fragileductile (à hautes températures). Plus la vitesse de déformation est grande, moins la diffusion a-t-elle le temps d’opérer et plus la ductilité subsiste.

Effet de la taille de grain, des précipités et des inclusions Nous avons vu que les joints de grain, les précipités et les inclusions constituent autant de pièges pour les atomes d’hydrogène. On comprend alors que leur multiplication, en piégeant de plus en plus, supprime les possibilités de concentrer localement l’hydrogène et de former des fissures. Ceci conduit à préconiser des vitesses de refroidissement élevées afin de favoriser l’affinement des microstructures. La sensibilité à la fragilisation par l’hydrogène va croissant de la martensite revenue(5) qui contient de multiples fins carbures, à la martensite brute de trempe qui n’en contient pas, en passant dans l’ordre par la bainite revenue(6) de structure plus grossière, la perlite, le mélange de perlite et de ferrite, et la bainite. Un autre exemple de l’influence bénéfique de la finesse de la microstructure est fourni par le rôle de la température de traitement d’un acier contenant des carbures de titane. Plus cette température est élevée, plus gros sont ces carbures et plus importante la réduction de ductilité en raison de l’action de l’hydrogène (Fig. 4.6). Nous avons vu plus haut l’influence de certaines impuretés sur la pénétration de l’hydrogène. Notons tout particulièrement celle du phosphore.

(5) Martensite revenue : au cours de maintiens en température, température de revenu, la martensite se décompose pour former de fins carbures de fer (carbures epsilon). On obtient de la martensite revenue. (6) Bainite revenue : bainite ayant subi un maintien en température.

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100

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% RA

80

60

40

20

0 0

200

400

600

800

C

non chargé après 5h de chargement après 24h de chargement

Fig. 4.6. Réduction de ductilité due à la fragilisation (RA) par l’hydrogène après des traitements à diverses températures d’un acier au titane.

Signalons enfin qu’il existe des effets de synergie de diffusion vers les joints de grain entre l’hydrogène et certains éléments comme le phosphore, l’antimoine et l’étain.

1.5.

Aspects fractographiques

L’endommagement de fragilisation par l’hydrogène ne se caractérise pas par un aspect fractographique particulier (Figs. 4.7 à 4.9). Nous avons déjà vu que la fissuration par saccades, due à la diffusion progressive de l’hydrogène, se traduit par des faciès de stries aisément confondues avec les stries de fatigue. Les ruptures peuvent être transgranulaires comme intergranulaires. Les faciès peuvent revêtir un aspect fragile de pseudoclivages, y compris dans les CFC, comme des aspects ductiles, jusqu’à des cupules. On observe fréquemment des fissurations secondaires.

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Fig. 4.7. Facies de rupture intergranulaire de fragilisation par chargement cathodique à l’hydrogène d’un acier martensitique17-4 PH revenu 1 h à 500 ◦C (cliché F. El Hilali, ECP).

Fig. 4.8. Facies de rupture mixte à cupules et intergranulaire d’un acier martensitique 17-4 PH fragilisé par chargement cathodique (cliché F. El Hilali, ECP).

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Fig. 4.9. Facies de rupture à cupules avec des fissures secondaires d’un acier martensitique 17-4 PH fragilisé par chargement cathodique (cliché F. El Hilali, ECP).

Mais elles sont, dans bien des cas, dues à l’oxydation ultérieure à la rupture des surfaces des fissures.

2.

La corrosion sous contrainte

2.1.

Phénoménologie

La corrosion sous contrainte est le résultat de l’action simultanée d’un milieu agressif et d’une contrainte d’origine mécanique. Les milieux en question sont de nature très variée. Le tableau 4.I donne une liste non exhaustive des principaux couples de métaux et d’environnement pouvant conduire à de la corrosion sous contrainte. Dans bien des cas, de faibles traces de l’agent corrosif, en solution comme en phase vapeur, de l’eau ou de l’hydrogène sulfuré par exemple, peuvent suffire pour déclencher le phénomène d’endommagement par corrosion sous contrainte. En ce qui concerne les contraintes, ce sont évidemment celles de tension qui sont néfastes. Il existe un seuil en dessous duquel la corrosion sous contrainte ne se manifeste pas. Il ne faut pas oublier l’action des

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CHAPITRE 4 – ENVIRONNEMENT ET ENDOMMAGEMENT

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Tableau 4.I. Principaux couples de métaux et d’environnements pouvant conduire à de la corrosion sous contrainte. Matériau

agent corrosif

Aciers au carbone aciers doux aciers mi-durs aciers durs

− + soude, NO− 3 , OH , NH4 , CO/CO2 HCN H2 O, H2

Aciers peu alliés

H2 O, H2 , H2 S

Aciers inoxydables aciers austénitiques aciers ferritiques aciers martensitiques

Cl− (en présence d’O2 ), Br− , OH− H2 H2 , H 2 O

Laitons α Laitons β et α + β

composés cupro-ammoniacaux, NH3 , atmosphères humides, sels de mercure H2 O (eau de mer)

Alliages d’aluminium alliés au Zn alliés au Cu et Mg

NaCl/H2 O, NaCl/HCl H2 O NaCl, KCl, MgCl2 en solution

Alliages de magnésium

eau distillée, K2 Cr2 O7

Alliages de titane Ta6V Ta8VD

N2 O4 liquide Cl− , Br− , I− , H2 O, CH3 OH, CCl4

Alliages de nickel

NaOH, KOH, soude fondue, vapeurs d’HF

Verres, bétons

H2 O

contraintes résiduelles. Un bon moyen de lutter contre la corrosion sous contrainte consiste à introduire dans les pièces des contraintes résiduelles de compression, par exemple par grenaillage(7) . A contrario, la corrosion sous contrainte peut procurer un moyen de détecter la présence de contraintes résiduelles de tension par la création de fissures qui se placent perpendiculairement à la plus grande contrainte principale. Les fissures de corrosion sous contrainte sont souvent ramifiées (Fig. 4.10). Ce caractère est caractéristique, mais n’est pas toujours présent. L’absence de fissures ramifiées n’exclut donc pas la possibilité d’un endommagement par corrosion sous contrainte.

(7) Grenaillage : procédé de traitement de surface qui consiste à la bombarder par des particules projetées à grande vitesse, procurant un écrouissage superficiel.

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Fig. 4.10. Fissure ramifiée de corrosion sous contrainte d’un acier inoxydable austénitique 304 dans un milieu chloruré (N.A. Nielsen, J. Mater., 5, Déc. 1970).

Parmi les nombreux exemples de problèmes liés à la corrosion sous tension, on peut mentionner les fissurations de cartouches de l’armée britannique des Indes. Elles intervenaient dans le climat chaud et humide des moussons et fut pour cela appelée « season cracking » (fissuration saisonnière). Plus récemment, la corrosion sous contrainte d’alliages à base de nickel a créé de gros soucis à l’industrie nucléaire en

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affectant les tubes des générateurs de vapeur. Le phénomène est monnaie courante dans les industries chimiques. Il touche aussi l’industrie aéronautique qui craint l’action d’atmosphères humides sur les alliages d’aluminium.

2.2.

Amorçage des fissures de corrosion sous contrainte

Les fissures de corrosion sous contrainte apparaissent évidemment à la surface des pièces. Elles sont le résultat de phénomènes de corrosion localisée. Ceux-ci proviennent de sites anodiques où se dissout le métal alors que la surface passivée reste cathodique dans son ensemble. Le mécanisme le plus souvent invoqué est la rupture du film de passivation par l’émergence d’une bande de glissement (Fig. 1.26). Il apparaît alors une marche de surface de métal fraîche qui est anodique par rapport au film protecteur. Dans les essais de traction sur éprouvettes lisses, on observe l’influence de la vitesse de sollicitation. Lorsqu’elle est suffisante, la dissolution n’a pas le temps d’intervenir. Ce n’est qu’en dessous d’une vitesse de déformation critique de l’ordre de 10−5 par seconde que l’on note une fragilisation. Cependant, à très basses vitesses, le film protecteur peut se reformer plus rapidement que ne se créent les marches de surface fraîche. Cependant, d’autres sources de dissolution anodique locale existent. Il s’agit notamment des ségrégations d’impuretés dans les joints de grains. On assiste alors à une attaque préférentielle de ces joints. Le rôle de la contrainte dans ce cas est de rompre le film protecteur et de maintenir l’accès du milieu corrosif aux zones qui se dissolvent. À coté de la dissolution anodique, de l’hydrogène peut être introduit dans le métal dans les zones cathodiques. Il se produit alors une fragilisation par l’hydrogène ainsi que nous venons de le voir dans le précédent paragraphe. Étant donné que les phénomènes d’amorçage sont liés à l’émergence de bandes de glissement, ou encore dans le cas de la fragilisation par l’hydrogène à des empilements de dislocations, la planéité des glissements joue un rôle essentiel en corrosion sous contrainte. Les possibilités de glissements déviés, liées à de relativement grandes énergies de fautes d’empilement, réduisent les hauteurs de marches et les concentrations de contrainte en tête des empilements de dislocations. Ceci ne favorise donc pas la corrosion sous contrainte qui est au contraire fortement accrue si l’énergie de faute d’empilement est faible. De même la taille de grain est un facteur important. Lorsque les grains sont gros, la longueur des glissements est importante. Il en résulte que les hauteurs des marches et les concentrations de contrainte en tête des

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empilements sont grandes ce qui favorise la corrosion sous contrainte. De même, la taille de grain joue évidemment un rôle dans le cas de fissuration intergranulaire due à la ségrégation d’impuretés. Comme dans bien d’autres phénomènes, c’est l’inverse de la racine carrée de la taille de grain qui intervient. Lorsque l’amorçage est dû à la ségrégation d’impuretés dans les joints de grains, induisant une fissuration intergranulaire, de faibles variations de leur teneurs peuvent modifier considérablement la susceptibilité à la corrosion sous contrainte. La teneur en éléments d’alliage qui coségrègent avec les impuretés joue également un rôle. Par exemple, la précipitation de carbures de chrome dans les joints de grain des aciers inoxydables austénitiques est tout à fait néfaste. Elle s’accompagne de la formation de zones appauvries en cet élément qui sont alors le siège de la dissolution anodique.

2.3.

Propagation des fissures en corrosion sous contrainte

Vitesse de propagation L’influence de la contrainte intervient en tête de fissure par le facteur d’intensité de contrainte K. La fissuration se fait grosso modo en mode I, mais le branchement des fissures, très souvent observé, atténue ce facteur par rapport à ce qu’il serait pour une fissure de même longueur non branchée et le calcul exact n’est pas immédiat. Néanmoins, la vitesse de propagation des fissures da/dt est reliée au facteur d’intensité de contrainte. Dans un graphe bilogarithmique log (da/dt) en fonction de log (K I) (Fig. 4.11), nous remarquons qu’il existe un seuil appelé K ICSC (K ISCC en anglais). Au-dessus de ce seuil, la vitesse augmente avec K I jusqu’à un plateau où cette vitesse en devient indépendante. Elle croit à nouveau lorsque le facteur d’intensité de contrainte se rapproche de la ténacité du métal. On interprète en général la présence du plateau par l’accès limité du milieu corrosif à l’extrémité de la fissure. Ce qui régit alors la vitesse de fissuration est l’écoulement de ce milieu dans la fissure. Comme l’ouverture de la fissure est faible, le nombre de Reynolds(8) est petit et l’écoulement est laminaire. C’est apparemment le long du front de fissure qu’il est prépondérant. Sur la figure 4.11 nous remarquons que la limite d’élasticité n’a pas d’influence sur le seuil K ICSC , mais qu’en revanche elle affecte beaucoup (8) Nombre de Reynolds : rapport sans dimension du produit de la masse volumique du fluide par sa vitesse et par une dimension caractéristique (ici l’ouverture de la fissure) à la viscosité dynamique.

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da/dt m/s

a

da/dt m/s

10-5 10-5 10-6 10-6

10-7 b

10-7

10-8

10-8

10-9

10-9

10-10 10-11

10-10

c

10-12 0

20

40

60

80

100 K MPam1/2

Fig. 4.11

10-11 600

800

1000 1200 1400 1600 Rp0,2 MPa

Fig. 4.12

Fig. 4.11. Vitesse de propagation des fissures en corrosion sous contrainte da/dt en fonction du facteur d’intensité de contrainte K I . Il s’agit d’aciers faiblement alliés de limites d’élasticité différentes dans de l’eau à 100 ◦C : (a) R p0,2 = 1700 MPa ; (b) R p0,2 = 1220 MPa ; (c) R p0,2 = 760 MPa (d’après M.O. Speidel, Application of Fracture Mechanics to Materials and Structures, Martinus Nijhoff Pub., 1984). Fig. 4.12. Vitesse de propagation des fissures au palier de corrosion sous contrainte d’aciers dans de l’eau désaérée à 100 ◦C en fonction de la limite d’élasticité R p0,2 . Tous les résultats sont inclus dans la bande dispersion correspondant à un facteur 10. R.N. Parkins, Br. Corrosion J., 14, 1979.

le niveau du plateau. Une relation empirique a été trouvée pour de nombreux aciers dans de l’eau désaérée à 100 ◦ C. Elle est représentée sur la figure 4.12 sur laquelle la bande représente une dispersion d’un facteur 10.

Mécanismes de propagation Le milieu corrosif à l’extrémité de la fissure est différent du milieu extérieur, car les échanges, nous venons de le voir, y sont limités. La détermination expérimentale des conditions qui règnent à cette extrémité est délicate. Néanmoins, les conclusions suivantes ont pu être dégagées en condition de corrosion libre. La concentration en oxygène est très faible. Dans ces conditions, pour les aciers ferritiques, c’est l’hydrolyse des ions ferreux qui est prépondérante et le milieu à l’extrémité de la fissure est neutre ou très légèrement basique. Au contraire, pour les aciers

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inoxydables, la présence du chrome rend le milieu acide. Il en est de même pour les alliages d’aluminium. Comme pour l’amorçage des fissures, deux mécanismes principaux interviennent pour leur propagation en corrosion sous contrainte : soit un mécanisme de dissolution anodique, soit un mécanisme cathodique de fragilisation par l’hydrogène. Le modèle de « dissolution-glissement » (slip-dissolution) considère que la propagation se fait par une succession d’attaques par oxydation anodique, de nouvelle formation du film protecteur et de rupture de ce film par l’émergence de bandes de glissement à l’extrémité de la fissure (Fig. 4.13). La vitesse de propagation de la fissure dépend alors

Densité de charge électrique d’oxydation

da/dt cm/s

10-4 10-5

formation de la couche d’oxyde

10-6 10-7 10-8

rupture de la couche d’oxyde

Temps

Fig. 4.13

V = 8,5 x 10-4 (dε/dt)0,55

10-9

10-10

10-8

10-6

10-4

10-2

dε/dt s-1

Fig. 4.14

Fig. 4.15

Fig. 4.13. Schéma du modèle de dissolution-glissement (d’après F.P. Ford). Fig. 4.14. Vitesse de propagation de fissure en corrosion sous contrainte d’un acier inoxydable austénitique dans de l’eau à 288 ◦C en fonction de la vitesse déformation à l’extrémité de la fissure (d’après F.P. Ford, Corrosion sous contrainte, les Éditions de Physique, 1992). Fig. 4.15. Schéma du modèle de clivage induit par un film protecteur.

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d’un équilibre entre la vitesse de dissolution, celle de formation du film protecteur et la vitesse de déformation à l’extrémité de la fissure. Plus cette dernière est grande, plus la vitesse de propagation de la fissure en corrosion sous contrainte est élevée. La figure 4.14 montre l’exemple d’un acier inoxydable austénitique dans de l’eau à 288 ◦ C. Un autre modèle voisin considère que la rupture du film protecteur est un clivage provoqué par des glissements à l’extrémité de la fissure et qui se propage un peu en avant de la fissure (Fig. 4.15). Ces modèles permettent de comprendre la morphologie des facies de rupture en corrosion sous contrainte qui présentent souvent des aspects fragiles avec des pseudo-clivages, y compris dans les CFC. On observe également souvent des propagations en zig-zag le long de plans cristallographiques (Figs. 4.16 et 4.17). Ces divers modèles sont quantifiés ; ils servent de base à des logiciels de calcul et ils permettent des prévisions quantitatives des propagations de fissure.

Fig. 4.16. Schéma des principaux détails microfractographiques de la corrosion sous contrainte cristallographique, présentant des facettes primaires (FP), des stries (S), des rivières (LR), des rivières dentelées (LRD), des facettes secondaires (FS), des microfacettes (MF) et des microfacettes en feuillets (MFF). Le plan moyen et la direction moyenne de fissuration sont notés PMF et DMF respectivement (J.I. Dickson, S.Q. Li et J.P. Baïlon, Corrosion sous contrainte, les Éditions de Physique, 1992).

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Fig. 4.17. Rivières d’orientation moyenne {100}, formées de deux séries de facettes secondaires {111} en corrosion sous contrainte de laiton 70Cu-30Zn (J.I. Dickson, S.Q. Li et J.P. Baïlon, Corrosion sous contrainte, les Éditions de Physique, 1992).

Les mécanismes de propagation des fissures en corrosion sous contrainte provoquée par l’hydrogène sont ceux qui ont été décrits précédemment dans le paragraphe consacré à la fragilisation par l’hydrogène. Les aspects spécifiques à prendre en compte sont l’acidification du milieu à l’extrémité de la fissure et le fort taux de triaxialité des contraintes qui existe dans la zone plastifiée en tête de fissure. Nous avons vu que

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l’acidification peut se produire dans les aciers contenant du chrome et dans les alliages d’aluminium. La plus forte activité de l’hydrogène qui l’accompagne active l’introduction de celui-ci dans le métal. Dans la zone plastifiée, le haut niveau de contrainte hydrostatique créé par son confinement accroît la concentration en hydrogène et favorise la naissance de microfissures. Telle est sans doute la raison pour laquelle une augmentation de la limite d’élasticité accroît la sensibilité à la corrosion sous contrainte, dans la mesure où le niveau de la contrainte hydrostatique est lié à celui de la limite d’élasticité.

3.

Fatigue-corrosion

La fatigue-corrosion s’apparente à la corrosion sous contrainte. Elle fait intervenir les mêmes mécanismes. Mais la variation cyclique des contraintes introduit des modifications dans les processus de plastification. Il s’ensuit des interactions avec les couches passivées qui peuvent être différentes, ainsi que des perturbations affectant le transport de l’hydrogène dans les zones plastifiées. Une première approche consiste à tout simplement considérer que la fatigue-corrosion est la superposition de la fatigue pure, en l’absence de milieu corrosif, et de corrosion sous contrainte. On peut alors écrire l’augmentation de la longueur a de la fissure par cycle de la façon suivante:     da da da = + . (4.3) dN dN F dN CSC En divisant par la demie période T, cette équation donne la vitesse de propagation en fonction du temps (en supposant des cycles rectangulaires) :     da 1 da da + . (4.4) = T dN dt dt F

CSC

Ainsi est mis en évidence l’influence de la fréquence de cyclage. Plus celleci est grande plus la vitesse de propagation est élevée. La figure 4.18 schématise cette simple superposition qui est bien vérifiée dans un certain nombre de cas. Comme la corrosion sous contrainte se manifeste essentiellement lorsque le facteur K est à sa valeur maximale K max , une variation du rapport R de la charge minimale à la charge maximale modifie ce diagramme (Fig. 4.19). Cependant, dans bien des cas, la sollicitation cyclique fait apparaître de la corrosion sous contrainte en dessous du seuil K Icsc .

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log da/dN

log da/dN

f1

R2

R1

f2

log∆ K

Fig. 4.18

log∆K

Fig. 4.19

Fig. 4.18. Schéma donnant la vitesse de fissuration en fonction du facteur d’intensité de contrainte en fatigue-corrosion lorsqu’il y a simple superposition de la fatigue pure et de la corrosion sous contrainte. La fréquence de cyclage f modifie la position relative de la courbe de fatigue et de la courbe de corrosion sous contrainte (Équation 4.4). Lorsque la fréquence est trop faible, la dépassivation est insuffisante pour qu’il y ait un effet de fatigue corrosion. Fig. 4.19. Modification du diagramme précédent selon le rapport R.

Cela provient des modifications que le cyclage introduit comme mentionné ci-dessus.

4.

Conclusion

La revue succincte des effets de l’environnement sur les phénomènes d’endommagement nous montre un domaine complexe, où les interactions sont nombreuses et variées : interactions entre divers milieux corrosifs et divers métaux, ou même des matériaux comme le verre ; entre processus électrochimiques et surfaces ; entre couches protectrices et plastification ; entre dislocations, inclusions, interfaces et hydrogène pour n’en citer que quelques-unes. Il est alors difficile de dégager des lois générales. Nous nous sommes efforcés de le faire, mais il importe de garder à l’esprit que chaque cas particulier peut présenter des spécificités. Nous sommes là dans un domaine où les prévisions ne sont pas faciles et où la prévention des endommagements est délicate.

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CHAPITRE 4 – ENVIRONNEMENT ET ENDOMMAGEMENT

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Annexe. Propagation d’une fissure par accumulation de gaz en fragilisation par l’hydrogène. Soit une fissure en forme de piécette de rayon a emplie d’hydrogène sous pression p. Le facteur d’intensité de contrainte est donné par : KI =

2 √ p πa . π

(4.5)

Cette fissure se propage lorsque p atteint une valeur critique correspondant à la ténacité K Ic du matériau : √ π K Ic pc = (4.6) √ · a 2 Au cours de la propagation le volume V de la fissure augmente, la pression diminue, suivant la loi des gaz parfaits, et la fissure s ’arrête lorsque K I atteint la ténacité à l’arrêt K Ia : 2 K Ia pa = √ √ · π a + ∆a

(4.7)

Le volume de la fissure est proportionnel à h.a 2 , h étant son ouverture, elle-même proportionnelle à p.a. Comme p.V est constant on obtient finalement : a + ∆a K Ic · = a K Ia

(4.8)

On observe que les sauts sont réguliers, quelque soit d’ailleurs la forme de la fissure.

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1.

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Endommagement et besoins industriels

Développement des recherches sur la fatigue

Les progrès réalisés pour comprendre les phénomènes d’endommagement et pour les maîtriser sont fortement liés aux besoins industriels et plus généralement à la demande sociale. Les développements industriels font apparaître des problèmes, des risques nouveaux qui pèsent sur les recherches technologiques en matière d’endommagement. Les premiers chemins de fer ont connu des accidents, dont certains très graves, en raison de rupture de roues. Les premières études sur la fatigue ont alors été lancées. A. Wöhler, en Allemagne entre 1852 et 1869, se rendant compte que les ruptures en question étaient dues aux sollicitations cycliques, effectua des essais pour trouver le nombre de cycles à la rupture d’éprouvettes soumises à des contraintes de diverses amplitudes. Il montra que la durée de vie était d’autant plus faible que l’amplitude des sollicitations était grande (Fig. 5.1). Pendant de nombreuses années c’est cette approche globale qui a continué de prévaloir. Il s’agissait simplement de trouver l’influence de divers paramètres sur le nombre de cycles à la rupture : effet de la contrainte moyenne, effets de contraintes complexes, effet d’entaille par exemple. Peu d’études étaient consacrées aux mécanismes de l’endommagement par fatigue. Peu après la seconde guerre mondiale, les premiers avions à réaction commerciaux, les Comets, subirent des explosions en vol. Ces catastrophes provenaient de la propagation de fissures de fatigue dans le fuselage à partir de hublots. Les sollicitations cycliques dans ce cas étaient les variations de pression différentielle entre les appareils pressurisés et l’extérieur. La demande d’études sur la propagation des fissures de fatigue devint alors pressante. Elle fut aussi relayée par les exigences de l’industrie nucléaire qui s’était tournée essentiellement vers des réacteurs à eau pressurisée. Les contraintes cycliques dans les parois, risquant de

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∆σ MPa

350

300

250

200 10 4

10 5

10 6

10 7

10 8 N

Fig. 5.1. Courbe de Wöhler donnant la durée de vie en fatigue en fonction de l’amplitude des contraintes cycliques pour un acier doux.

provoquer la propagation de fissures, pouvaient entraîner l’explosion des circuits primaires des réacteurs au cas où ces fissures atteindraient une taille critique. L’industrie automobile pour sa part ne pouvait envisager la présence dans les organes sensibles de fissures se propageant. Là où les industries aéronautiques et nucléaires étaient en mesure d’organiser des contrôles périodiques, cela n’était pas envisageable par les constructeurs d’automobiles. Aussi, ces derniers ont-ils poussé des recherches sur les processus d’amorçage et sur les limites d’endurance. Notons que, bien entendu, ces recherches sont tout autant cruciales pour toutes sortes d’industriels, y compris ceux de l’aéronautique et du nucléaire. Ce bref survol des incitations aux développements des connaissances sur la fatigue montre qu’il n’y eut guère d’anticipations et que ce sont en fin de compte les accidents et les incidents en service qui ont été la source principale des efforts d’investigation. Ce processus est regrettable. Il a évolué déjà dans le nucléaire et le fera de plus en plus sous la pression des exigences du développement durable. Peuton en effet continuer par exemple à construire et faire fonctionner des usines de produits chimiques, des grands barrages, des immeubles de grande hauteur sans anticipation des ruptures en service qu’ils pourraient subir ? Dans ces domaines l’on n’est certes pas dépourvu d’outils de prévision des endommagements, et les ingénieurs ne sont pas irresponsables, mais il ne serait pas inutile de pousser encore davantage les recherches sans attendre de catastrophe majeure.

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CHAPITRE 5 – ENDOMMAGEMENT ET BESOINS INDUSTRIELS

117

Nous allons examiner plus en détail un autre exemple, celui de la rupture fragile, dont les développements passés ont présenté les mêmes caractéristiques.

2.

Développements de la maîtrise de la rupture fragile

2.1.

L’essai Charpy

Les études sur la rupture fragile, caractérisée par son aspect brutal et l’absence de déformation plastique importante préalable, commencent véritablement à la fin du XIXe siècle, en raison notamment de préoccupations liées à de nombreuses explosions de chaudières. Très dangereuses, elles étaient responsables non seulement de dégâts matériels mais aussi de morts d’hommes. Les ingénieurs savaient à cette époque que les entailles dans les pièces étaient le siège de concentrations de contraintes, et que celles-ci pouvaient donc être à l’origine de ruptures. Ils se rendaient aussi compte, comme chacun d’entre nous, que les sollicitations par chocs aggravaient les choses. Roland à Roncevaux voulant détruire Durandal, sa vaillante épée, la cogne contre un rocher. Mais les ingénieurs de la fin du XIXe , au vu du caractère brutal des explosions, manquaient de données sur l’influence réelle de ce facteur dynamique. Ils ont alors imaginé des essais dans lesquels on faisait tomber une masse sur une éprouvette afin de la rompre. Il s’agissait d’essais par tout ou rien : l’éprouvette se rompait ou ne se rompait pas. Les résultats restaient donc très qualitatifs. Un progrès décisif fut accompli par l’introduction du mouton-pendule (Fig. 5.2). En effet, celui-ci permettait de mesurer l’énergie absorbée par la rupture de l’éprouvette. Il suffisait de mesurer la différence entre la hauteur du pendule avant sa chute et celle à la quelle il remontait après avoir cassé l’éprouvette. Ainsi fut introduite la notion de résilience mesurée par l’énergie absorbée dans l’essai de rupture au moutonpendule. Une faible résilience correspond évidemment à une grande fragilité. Le mérite de Georges Charpy fut d’étudier de manière systématique l’influence de divers paramètres sur les résultats de tels essais. Il put ainsi en réduire la dispersion. Il comprit l’influence néfaste des stries d’usinage et mit au point l’entaille en trou de serrure (Fig. 5.3) obtenue en perçant un trou, ce qui crée des stries dirigées de telle sorte qu’elle sont sans effet sur la rupture de l’éprouvette, et en le reliant à la surface par un trait de scie. Ainsi fut introduit en 1901 l’essai appelé aujourd’hui essai Charpy, toujours largement employé dans le monde entier.

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Fig. 5.2. Le mouton-pendule conçu par Georges Charpy pour la mesure de la ténacité.

2.2.

Les avions et Griffith

Le développement de l’aviation conduisit à la fin de la guerre de 14-18 à la création du centre de recherche de Farnborough en Angleterre. Y travaillait Griffith sur la rupture du verre, rupture fragile s’il en est. On ne construisait certes pas d’avions en verre, mais la fissuration de

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Fig. 5.3. Entaille en trou de serrure fait en sorte que les stries d’usinage sont parallèles à la direction de la contrainte principale maximale.

cockpits devait sans doute justifier ces recherches. Analysant le bilan d’énergie lors de l’accroissement de la surface d’une fissure, il aboutit en 1919 (par un calcul un peu erroné) au critère qui porte son nom, comme nous l’avons vu. Il n’était pas le premier à proposer un tel critère, mais le poids de l’aéronautique et de la science britannique aidant, c’est Griffith qui est resté dans les mémoires. Son laboratoire ayant pris feu à partir de la torche du souffleur de verre, il abandonna d’ailleurs toute recherche sur la rupture et inventa un moteur génial qui aurait pu faire sa gloire plus légitimement peut-être. Puis, les besoins industriels n’étant pas demandeurs, on ne donna pas grande suite au critère de Griffith, du moins dans l’immédiat.

2.3.

L’Atlantique Nord et la température de transition fragile-ductile

Rupture de Liberty Ships La résilience des aciers ferritiques est très faible à basses températures et atteint des valeurs élevées au-delà d’une température de transition. La compréhension de ce phénomène a véritablement avancé après que les américains aient perdu une centaine de Liberty Ships. Premiers navires en construction soudée, ils subissaient des ruptures catastrophiques lorsque la température était trop basse. C’est ainsi que le Schenectady se fendit littéralement en deux une nuit froide dans le port de Boston en faisant un bruit d’explosion spectaculaire. Ces ruptures prenaient naissance dans les zones soudées, à un angle de raccordement entre la coque et le château, et se propageaient de façon extrêmement brutale sans être arrêtées, comme cela aurait été le cas dans une construction

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en tôles rivées où les fissures seraient restées limitées à une seule tôle. Les contraintes résiduelles dues au soudage étaient essentielles dans le déclenchement du phénomène. Ces accidents catastrophiques ont incité les laboratoires de la marine américaine à d’importantes investigations sur l’influence de la température et de la microstructure des aciers sur leur résilience.

Transition de ductilité d’une éprouvette non entaillée en acier ferritique Pour comprendre l’origine de la transition de ductilité, il faut se rappeler que les clivages ne peuvent prendre naissance s’il n’y a pas une déformation plastique préalable, créant par son hétérogénéité des concentrations de contrainte. Il convient donc de prendre en compte l’évolution de la limite d’élasticité avec la température (Fig. 5.4). Pour les aciers ferritiques, cubiques centrés, elle augmente beaucoup lorsque la température décroît. À très basses températures, le niveau des contraintes à la limite d’élasticité est suffisant pour déclencher immédiatement un σ/E A% clivages

cupules

σf / E

Rp / E A%

0

TNDT

FATT

T K

DBTT

Fig. 5.4. Diagramme de Davidenkov montrant l’évolution de la limite d’élasticité en fonction de la température absolue et son écart avec la contrainte de clivage. L’allongement à la rupture en dépend au-delà de la température de ductilité nulle (TNDT). Lorsqu’il atteint une valeur suffisante la rupture par clivage fait place à la rupture ductile à cupules ; ceci a lieu pour une température de transition de faciès FATT (Fracture Appearance Transition Temperature).

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clivage qui se propage de façon brutale à travers tout le polycristal. L’allongement à la rupture est nul. À des températures plus élevées au contraire, à la limite d’élasticité, le niveau des contraintes est inférieur à la contrainte nécessaire pour que le clivage se propage : la contrainte de clivage. La rupture ne se produit qu’après une déformation plastique suffisante pour que l’écrouissage élève le niveau des contraintes à celui de cette contrainte de clivage. La limite d’élasticité baissant au fur et à mesure que la température augmente, l’écart entre cette limite d’élasticité et la contrainte de clivage s’accroît. Il s’ensuit que l’allongement à la rupture augmente. L’acier devient de plus en plus ductile. La température à laquelle la limite d’élasticité est égale à la contrainte de clivage est la température de ductilité nulle (TNDT). À une température suffisamment élevée, la déformation qu’il faudrait atteindre pour créer des clivages devient supérieure à celle nécessaire pour former des cavités et les faire croître provoquant une rupture ductile à cupules. Il apparaît donc une température de transition de faciès de rupture FATT (Fracture Appearance Transition Temperature). À partir de cette température, le critère de rupture devient une déformation critique. La charge de rupture présente alors un écart avec la limite d’élasticité qui n’évolue plus. Le diagramme de N.N. Davidenkov (1936) est évidemment fort schématique. En réalité la transition est plus complexe. Les clivages prennent naissance un peu en avant du fond de l’entaille, dans la zone où les contraintes sont les plus élevées en raison du confinement de la zone déformée plastiquement. À basses températures, la rupture de l’éprouvette est entièrement une rupture par clivage. On dit que le taux de cristallinité est de 100 %. À hautes températures au contraire, la rupture est entièrement de type ductile à cupules. On parle de rupture fibreuse. Dans la transition de ductilité, une déchirure ductile commence à se produire dans le fond de l’entaille. La fissure qui en résulte provoque un confinement important de la zone plastifiée, avec une augmentation du taux de triaxialité des contraintes. La vitesse de déformation locale subit aussi une augmentation. Ces divers effets déclenchent une rupture par clivages. Mais la perte de confinement de la plasticité sur les bords de l’éprouvette provoque des déchirures ductiles par cisaillement. De tout ceci il résulte que la surface de rupture présente une partie clivée en son centre entourée de lèvres de cisaillement. Le taux de cristallinité caractérise la portion de la surface occupée par les clivages.

Effet de la vitesse de sollicitation Lorsque la vitesse de sollicitation augmente, la limite d’élasticité s’accroît en raison de la difficulté accrue de franchissement de certains obstacles

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(atomes de carbone et d’azote en insertion notamment) par les dislocations par activation thermique. Cette augmentation n’existe donc pas au zéro absolu. Elle disparaît aussi au-delà d’une température suffisante pour permettre le franchissement de ces obstacles grâce à la seule activation thermique. Par ailleurs la contrainte de clivage tend à diminuer lorsque la vitesse de sollicitation augmente, parce que les dislocations ont moins le temps de relaxer les contraintes en tête de clivage (voir en annexe A.2). L’augmentation de la limite d’élasticité d’une part, la baisse de la contrainte de clivage d’autre part, provoquent évidemment une augmentation de la température de ductilité nulle (Fig. 5.5). Voilà pourquoi les sollicitations très rapides par choc à l’ambiante peuvent parfois provoquer une grande fragilité : elles sont susceptibles, pour certains aciers, de faire que la température ambiante devienne plus basse que la température de ductilité nulle. Il s’ensuit que la détermination de la fragilité d’un acier doit être réalisée par un essai de choc si l’on souhaite se mettre à l’abri de ruptures catastrophiques. Ceci conforte l’intuition du sens commun.

σ/E

Rp (dε/dt)1 Rp (dε /dt)2 > (dε/dt)1

σ f /E

0 NDT1

NDT 2

T K

Fig. 5.5. L’augmentation de la vitesse de déformation augmente la température de transition fragile ductile.

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Effet d’entaille Considérons maintenant une éprouvette cylindrique comportant une entaille circulaire (Fig. 5.6). Nous pouvons comprendre pourquoi au sein de cette entaille, la contrainte moyenne augmente beaucoup. En effet, comme la déformation plastique se fait à volume constant, un petit élément de volume situé sur l’axe de l’entaille, s’allongeant dans le sens de l’axe, doit diminuer de diamètre. Si cette diminution peut se faire sans problème dans une éprouvette de section constante, il n’en est plus de même au sein d’une éprouvette entaillée dans la mesure où, de part et d’autre de l’entaille, il existe des parties qui ne diminuent pas de diamètre. Il apparaît donc des contraintes de traction dans les directions radiales. Pour que la déformation plastique puisse continuer, il est nécessaire que la différence entre la contrainte axiale et ces contraintes radiales reste égale à la contrainte d’écoulement du matériau. Nous voyons donc que la contrainte axiale augmente par rapport à ce qu’elle serait dans une éprouvette lisse, dans la mesure où les contraintes radiales de traction apparaissent. La contrainte moyenne augmente dans les mêmes proportions : le taux de triaxialité des contraintes, rapport de

allongement

σr

R 2a

Fig. 5.6. Création d’un fort taux de triaxialité des contraintes dans une éprouvette circulaire entaillée. La contraction radiale d’un petit élément de volume situé sur l’axe de l’éprouvette en raison de l’allongement axial crée des contraintes radiales de traction.

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σ/E

éprouvette lisse éprouvette entaillée

σf

0 NDT lisse NDT enraillée

T K

Fig. 5.7. L’effet d’entaille augmente la température de transition fragile ductile.

la contrainte moyenne à la contrainte d’écoulement prend des valeurs élevées dans une éprouvette entaillée. Elles le sont d’autant plus que le rayon à fond d’entaille est petit. Ceci exprime l’effet du confinement de la déformation plastique. Nous retrouverons une augmentation du taux de triaxialité des contraintes dans toutes les situations où la déformation plastique est confinée : au fond d’une entaille, encore bien plus en tête d’une fissure, au sein d’une striction. On trouvera en annexe A.1 des formules donnant de façon approximative, d’après une analyse de P.W. Bridgman (en 1952), la répartition des contraintes dans une éprouvette cylindrique entaillée. Cela étant, la limite d’écoulement d’une éprouvette entaillée étant supérieure à celle d’une éprouvette lisse, nous voyons que la température de ductilité nulle est elle aussi plus grande que celle d’une éprouvette lisse (Fig. 5.7). Voilà qui conforte à nouveau l’intuition du sens commun : il importe de déterminer la température de transition fragile-ductile en opérant sur des éprouvettes entaillées, afin de se mettre à l’abri des accidents dus à une trop grande fragilité.

Retour sur l’essai Charpy. Autres essais La résilience déterminée par l’essai Charpy est évidemment fonction de la ductilité des aciers testés. Elle présente une transition (Fig. 5.8)

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KV (J)

%

250

100

200

80

taux de cristalinité

60

150

100

40 énergie absorbée

20

50

0 -80

-60

-40

-20

0

20

C

Fig. 5.8. Courbe de transition de résilience KV pour un acier au carbone manganèse (direction L-T) (d’après J. Morrison et Xiaozhu Wu, From Charpy to Present Day Testing, Elsevier 2002).

à une température critique qui peut être déterminée de diverses façons : température correspondant à la moyenne des résiliences au palier inférieur et au palier supérieur, température correspondant à une valeur déterminée de la résilience, par exemple 28 joules (TK28). On constate que les valeurs présentent une certaine dispersion, en particulier dans la transition. On observe souvent dans cette zone de température une bimodalité, certaines éprouvettes présentant une résilience correspondant au palier inférieur et certaines au palier supérieur. D’après les considérations précédentes sur l’effet de confinement, nous comprenons que la résilience dépend de la forme de l’entaille usinée sur l’éprouvette. L’entaille en trou de serrure n’est plus guère utilisée, les moyens d’usinage ayant gagné en qualité depuis les travaux de Charpy. L’entaille en U procure un confinement inférieur à l’entaille en V. C’est cette dernière qui est maintenant d’un usage courant (Fig. 5.9).

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Fig. 5.9. Éprouvette Charpy avec entaille en V.

L’utilisation de l’essai Charpy a donc permis de mieux comprendre les facteurs jouant sur la température de transition fragile-ductile et notamment l’influence de la microstructure des aciers. Or, dans les Liberty Ships, dans les constructions soudées plus généralement, la zone adjacente à la zone de métal fondu est affectée par l’élévation de la température. Dans ces zones affectées par la température, ces ZAT, on rencontre des microstructures diverses. Il nous faudra examiner comment elles peuvent déplacer la température de transition fragile-ductile. Mais auparavant, nous nous rendons compte que l’essai Charpy, utilisant une éprouvette de 10 mm × 10 mm, ne procure pas un confinement de la plasticité à fond d’entaille aussi important que celui que procurerait une éprouvette d’épaisseur plus grande. Nous sommes conduits à supposer que la température de transition fragile-ductile d’une tôle plus épaisse que 10 mm serait supérieure à celle déterminée par l’essai Charpy. Voilà qui n’est pas rassurant. Construire un pendule capable de rompre des éprouvettes de plus grandes dimensions est pratiquement exclu : sa taille devrait varier comme la section de l’éprouvette. Cette considération a conduit Pellini à proposer un essai qui n’est autre que celui envisagé à la fin du XIXe siècle : faire tomber une masse sur une éprouvette entaillée de même section que celle des tôles employées pour la construction. Mais on ménage une butée pour limiter la déformation du corps d’épreuve. À basses températures l’acier est si fragile qu’il se rompt avant d’avoir touché la butée. À hautes températures, au contraire, cette dernière empêche la rupture. On détermine ainsi par essais successifs à diverses températures, la température de ductilité nulle de Pellini (NDT pour Nil Ductility Temperature).

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Des essais similaires ont été réalisés sur des tôles sollicitées par un explosif : l’essai de bombement à l’explosif (explosion bulge test). Suivant que la tôle se rompait ou présentait un bombement après l’essai, elle se trouvait en dessous ou au-dessus de la NDT. Le confinement maximal de la déformation plastique n’est pas atteint dans une entaille usinée, aussi aiguë soit-elle, mais en tête d’une fissure. Il faudrait donc, pour jouer la sécurité, effectuer des essais sur des éprouvettes comportant des fissures, obtenues, par exemple, par fatigue. On entre alors dans le domaine de la mécanique de la rupture, qui viendra plus tardivement. Néanmoins, l’essai Robertson était à l’époque le plus sévère de tous. Il consistait à provoquer, à partir d’une zone fragilisée, la propagation d’une fissure dans une tôle sous tension soumise à un gradient de température. La fissure se propageant vers des régions de plus en plus chaudes, finissait par s’arrêter. On pouvait ainsi déterminer la température d’arrêt de fissure. On combinait les effets dynamiques et ceux de confinement maximal. Il est dommage que cet essai ne soit plus guère pratiqué, en raison évidemment de sa lourdeur. En dépit d’efforts de Pellini pour donner un caractère prédictif à ces divers essais selon le niveau des contraintes, la température et l’épaisseur des tôles rencontrés en construction, ils restent assez qualitatifs. Ils donnent néanmoins, grâce au diagramme de Pellini (Fig. 5.10), des indications précieuses sur l’écart que l’on peut admettre entre la température minimale de service et la NDT. Il nous faut maintenant voir comment il est possible, en jouant sur la composition et la microstructure des aciers, de réduire la température de transition fragile-ductile.

Les effets de la composition des aciers et de leur microstructure sur la température de transition fragile-ductile Les deux termes qui déterminent la température de transition fragileductile sont la limite d’élasticité et la contrainte de clivage. Or, la limite d’élasticité varie comme l’inverse de la racine carrée de la taille de grain selon la loi de Petch. Nous avons vu au chapitre 2 que la taille des empilements de dislocations qui provoquent l’apparition des clivages, surtout par la rupture des inclusions, intervenait par l’inverse de sa racine carrée. Nous savons que la taille des inclusions elles-mêmes conditionnait la propagation des fissures de clivage. Nous avons vu enfin que dans certains cas c’étaient les joints de grains qui constituaient les obstacles critiques à la propagation des clivages et que la taille des grains intervenait encore par l’inverse de sa racine carrée. On trouve bien

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σF/Rp

1,00

0,75

FTP

petite fissure

FTE taille de fissure croissante

courbe d’arrêt de fissure CAT

0,50

0,25

NDT

NDT + 30 F NDT + 60 F (17 C) (33 C)

NDT + 120 F (67 C)

Fig. 5.10. Diagramme de Pellini représenté schématiquement. On porte le rapport de la contrainte de rupture à la limite d’élasticité en fonction de la différence entre la température et la NDT. FTE est la température de transition en élasticité ; FTP la température de transition en plasticité.

expérimentalement que la température de transition fragile-ductile varie en fonction de l’inverse de la racine carrée de la taille de grain. Quid alors de la taille des inclusions ? On dit généralement qu’elle serait corrélée à celle du grain, et qu’elle n’interviendrait pas directement. Toujours est-il qu’il faut diminuer la taille de grain pour abaisser la température de transition fragile-ductile ; la taille de grain, ou celle d’éléments de microstructure qui peuvent bloquer glissements et clivages : lattes de martensite, paquets de bainite. Nous disposons ainsi d’un guide pour l’amélioration des aciers.

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Les éléments d’alliage gammagènes (en premier lieu le nickel, mais aussi le manganèse) diminuent la température de transformation de l’austénite. Ils tendent donc à affiner la structure transformée, ferrite et perlite. Ce sont des éléments favorables à une diminution de la température de transition fragile-ductile. Au contraire les éléments alphagènes (le chrome, le molybdène, le vanadium, éléments ajoutés pour d’autres raisons), en augmentant la température de transformation de l’austénite, donnent des microstructures plus grossières, défavorables. Les éléments interstitiels, carbone et azote, augmentent la limite d’élasticité de la ferrite et par conséquent augmentent la température de transition fragile-ductile. Pis encore, ils sont susceptibles de former des « atmosphères »(1) autour des dislocations, c’est-à-dire des fortes concentrations le long de la ligne de dislocation, bloquant leur déplacement. Ceci entraîne la fragilité au bleu des aciers, ainsi dénommée en raison de la couleur de l’oxyde FeO qui se forme aux environ de 300 °C, température de création des atmosphères. Pour affiner le plus possible les microstructures afin de diminuer la température de transition fragile-ductile il faut tremper rapidement. C’est ainsi que la bainite inférieure(2) est plus favorable que la bainite supérieure(3) . La température de fin de laminage à chaud doit être aussi basse que possible pour diminuer la taille de grain. Enfin, il importe de favoriser autant que faire se peut l’homogénéité de la déformation plastique pour réduire les sources de concentration de contrainte. Dans cet ordre d’idée, il est préférable d’utiliser des alliages à forte énergie de faute d’empilement, ce qui favorise les glissements déviés ; d’éviter l’ordre à grande distance(4) ; de disposer de précipités non cisaillables(5) .

(1) Atmosphère : rassemblement des atomes de carbone et d’azote au voisinage du cœur des dislocations. (2) Bainite inférieure : variété de bainite qui se forme aux plus basses températures. (3) Bainite supérieure : variété de bainite qui se forme aux plus hautes températures. (4) Ordre à grande distance : dans un alliage qui présente de l’ordre à grande distance, la structure cristallographique est constituée de sous-réseaux, deux si l’alliage est biphasé, de sorte que tout atome d’une sorte a pour plus proches voisins des atomes d’une autre sorte. (5) Précipités non cisaillables : si les précipités sont suffisamment gros les dislocations sont forcées de les contourner, alors qu’au contraire, s’ils sont assez petits, les dislocations peuvent les traverser en les cisaillant.

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Un naufrage qui ne se serait pas produit quarante années plus tard Si ces diverses considérations, grandement développées sous la pression de la construction soudée, en particulier dans la construction navale, avaient été connues des constructeurs du Titanic, il est probable que ce navire n’aurait pas coulé. On a en effet pu récupérer, grâce à des engins sous-marins, des morceaux des tôles de sa coque déchirée par le choc avec l’iceberg. On s’est aperçu que leur température de transition fragile-ductile était supérieure à 0 °C. Au moment de la collision, elles étaient donc fragiles et elles se sont fissurées de façon catastrophique. Si au contraire, leur température de transition fragile-ductile avait été plus basse, la coque se serait déformée sans se rompre.

2.4.

La conquête de l’espace et la maîtrise du nucléaire, et la mécanique de la rupture

Vers 1950, aux États-Unis, commence le développement de fusées (grâce à Von Karman « récupéré » en Allemagne). Malheureusement nombre d’entre elles explosent en vol. Il fallait donc être capable de mieux maîtriser les phénomènes de rupture. Les essais classiques, comme nous venons de le voir, ne procuraient que des indications qualitatives insuffisantes pour prévoir si, sous une sollicitation donnée, une pièce pouvait ou non se rompre. C’est alors que Georges Irwin, qui travaillait dans les laboratoires de la Marine Américaine, utilisa des résultats de mathématiciens russes concernant la singularité de contrainte à la pointe d’une fissure d’acuité totale, pour développer la mécanique de la rupture en élasticité linéaire. Nous en avons déjà vu quelques notions (Chap. 2, Sect. 6.2). L’idée est la suivante : comme les contraintes sont très concentrées à l’extrémité d’une fissure, il suffit de focaliser l’étude sur cette zone à une échelle qui fait disparaître au loin les contours de la pièce (Fig. 5.11). On trouve alors que la partie principale du développement des contraintes en puissances de la distance à l’extrémité de la fissure revêt la même forme pour toutes les fissures du monde (les fissure idéales dans des solides élastiques linéaires). Un seul paramètre détermine le niveau des contrainte à une certaine distance, petite, de l’extrémité : le facteur d’intensité des contraintes K. Il est fonction du chargement de la pièce fissurée, de sa géométrie et de la longueur de la fissure. L’aspect génial de cette théorie est qu’elle permet la tranférabilité des résultats. À condition que le facteur d’intensité des contraintes soit le même, il est impossible à un petit observateur, situé près de l’extrémité de la fissure, en mesurant les déformations, de savoir s’il se trouve dans une éprouvette ou dans

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chargement

a

x2

r θ x1

Fig. 5.11. Singularité des contraintes en tête de fissure.

une fusée. La rupture de l’éprouvette comme celle de la pièce se produira lorsque le facteur d’intensité des contraintes atteindra la valeur critique, c’est-à-dire la ténacité K Ic déterminée en laboratoire. Si l’on est donc capable de calculer le facteur d’intensité des contraintes dans la pièce contenant une fissure de dimensions donnée, sous un chargement donné, on sera en mesure de prévoir sa rupture connaissant la ténacité. Nous avons vu que la plastification qui se produit en tête de fissure perturbe le champ des contraintes idéal des mathématiciens (Fig. 5.12). Néanmoins, si la limite d’élasticité est assez grande, cette perturbation est suffisamment faible pour que, moyennant une faible correction, la mécanique de la rupture en élasticité linéaire reste valable. C’est bien le cas pour les fusées et pour l’espace en général qui utilisent des alliages à haute limite d’élasticité. La mécanique de la rupture en élasticité linéaire y a trouvé ses premières applications.

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x2

x2 σ

τ τ max

(a) x1

0 σ33

x3

σ11

σ22

σ

x3

cisaillement à 45 bloc rigide τ

τ max.

(b)

k σ 11 début de propagation

σ 33

σ22 σ n

plastification généralisée

Fig. 5.12. Zone plastifiée en tête de fissure (a) en contrainte plane ; (b) en déformation plane. On a figuré aussi les cercles de Mohr pour les contraintes dans la zone plastifiée dans le plan qui prolonge la fissure ; ils mettent en évidence la forte triaxialité des contraintes en déformation plane.

2.5.

L’électro-nucléaire et la mécanique de la rupture en élasto-plasticité

L’industrie électro-nucléaire se développe à partir de 1960 environ avec de sévères exigences de sécurité. Mais dans le cas des réacteurs à eau pressurisée, les parois ne sont pas constituées d’aciers ayant une aussi haute résistance que celle des aciers utilisés dans les applications

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CHAPITRE 5 – ENDOMMAGEMENT ET BESOINS INDUSTRIELS

O

CTOD CTOD

d

a v

Fig. 5.13

Fig. 5.14

Fig. 5.13. Le concept d’écartement critique de fissure (CTOD). La fissure se propage au moment de la rupture d’une petite éprouvette fictive située en tête de fissure, donc pour un écartement critique. Fig. 5.14. Schéma de principe de la mesure de l’écartement de fissure (CTOD). L’ouverture du capteur v est avec lui, dans le rapport des distances au centre instantané de rotation O de l’éprouvette de flexion à la longueur de la fissure a.

spatiales. Aussi, la plastification en tête des fissures a-t-elle une extension telle que la mécanique de la rupture en élasticité linéaire sort souvent des limites de validité. Il a fallu alors se tourner vers des modifications débouchant sur la mécanique de la rupture en élasto-plasticité. Deux voies ont été explorées : la première, développée en Grande Bretagne, correspondait à une tentative d’approche locale sommaire. Le critère de propagation de fissure était l’écartement critique de fissure à son extrémité (en anglais crack tip opening displacement CTOD), l’idée étant que, à cet écartement, correspondait une déformation à la rupture du matériau juste en avant de la tête de fissure (Fig. 5.13). Il fallait alors être capable et de mesurer expérimentalement l’écartement critique (Fig. 5.14) et de calculer l’écartement de fissure en fonction du chargement. Ces deux aspects ne sont pas aisés, mais c’est encore le second qui est le plus difficile et il n’est résolu que de façon approximative. Il est intéressant de constater qu’une telle approche met en jeu des concepts de nature physique qui font partie de la culture traditionnelle des anglais. La seconde voie a été développée aux États-Unis et, indépendamment, en ex-Union Soviétique (où elle n’a d’ailleurs pas connu le même succès). Elle repose sur des concepts de mécanique mathématique. L’intégrale J de James Riceet Genady Cherepanov est une intégrale de contour (Fig. 5.15) qui jouit en élasticité non linéaire de deux propriétés essentielles : elle est indépendante du contour d’intégration Γ qui entoure l’extrémité de la fissure ; elle est égale au taux de libération d’énergie pour une avancée virtuelle de fissure. Ces deux

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x2 t u n

Γ

0

Fig. 5.15. Définition de l’intégrale de Rice-Cherepanov : J =

x1

 Γ

∂u

(W dx 2 − t i ∂x i ds). 1

propriétés sont étendues au cas de la plasticité dans la mesure où il n’y a aucune décharge et où le trajet de chargement est radial. Dans ce cas en effet, le comportement d’un matériau plastique n’est pas distinct de celui d’un matériau élastique non linéaire. L’intégrale J permet donc, en faisant passer le contour de la surface de la pièce à un cercle de petit rayon, de relier le champ singulier en tête de fissure au champ lointain. Elle joue alors le même rôle que le facteur d’intensité des contraintes en élasticité linéaire : elle est le paramètre qui caractérise, en fonction du chargement, de la taille de la fissure et de la géométrie de la pièce, le niveau des déformations en tête de fissure. J doit donc permettre la tranférabilité des résultats. Une restriction intervient : J est aussi fonction du comportement du matériau, contrairement à K. Le calcul de J pour une situation donnée doit être effectué pour chaque matériau, rendant quasiment impossible la création d’un catalogue étendu. Malheureusement, on s’est aperçu de plus que le second terme du développement des contraintes en puissance de la distance à l’extrémité de la fissure, (la contrainte Q), perturbe suffisamment le champ singulier pour que la valeur critique de J soit fonction du type de chargement de la pièce. En dépit de ces réserves, l’intégrale J, qu’il vaut sans doute mieux considérer comme un taux de libération d’énergie, selon sa seconde propriété fondamentale, rend de grands services pour la prévision de la rupture en élasto-plasticité. Son utilisation a évidemment largement débordé le domaine de l’électronucléaire.

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CHAPITRE 5 – ENDOMMAGEMENT ET BESOINS INDUSTRIELS

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Face aux restrictions qui viennent d’être mentionnées quant à la validité de la valeur critique de J, des tentatives ont été faites pour réconcilier l’approche locale et la mécanique de la rupture en élastoplasticité. L’idée est d’utiliser des critères d’endommagement physique, critère de clivage, critère de rupture ductile par cavitation, appliqués dans le champ proche de l’extrémité de la fissure qui dépend de J (et de Q). C’est à cette idée que correspondent les premières tentatives de Alan Tetelman et Rodney Wilshaw (en 1967), puis de Robert Ritchie, John Knott et James Rice en 1973. Mais la façon la plus aboutie d’aborder ce problème est celle qu’a mise en œuvre le groupe Beremin de l’École des mines de Paris autour d’André Pineau. Comme pour toute approche locale, il est nécessaire de déterminer expérimentalement les critères de rupture d’une part et de calculer d’autre part les champs de déformation et de contrainte locaux. Les moyens de calcul actuels ont acquis une puissance qui permet de résoudre ce dernier problème. On voit là à l’œuvre l’interaction avec les développements technologiques sous l’incitation de diverses pressions socio-économiques. Un des grands mérites de l’approche locale est de mettre en évidence l’influence des processus d’endommagement sur la résistance à la propagation des fissures envisagée d’un point de vue macroscopique. Grâce à l’approche locale en mécanique de la rupture, il est maintenant possible de relier les résultats de l’essai Charpy avec la ténacité K Ic du matériau. Depuis longtemps, on avait cherché des relations empiriques entre ces quantités, car l’essai Charpy est beaucoup plus simple et moins coûteux qu’un essai de mesure de la ténacité, mais seule cette dernière est transposable. Ces relations empiriques, établies pour un acier, ou à la rigueur une catégorie d’aciers, sont utiles, mais doivent être extrapolées avec prudence. Par ailleurs, l’instrumentation de l’essai Charpy permet d’enregistrer la force appliquée au marteau en fonction de son déplacement (Fig. 5.16). On dispose alors d’un moyen pour en déduire l’évolution des contraintes et des déformations au voisinage de l’entaille au cours de l’essai. L’approche locale permet aujourd’hui de déterminer le critère de clivage à l’aide de résultats obtenus à basses températures par essais Charpy couplés à des calculs des champs de contraintes dans l’éprouvette, et de d’utiliser ce critère pour calculer la ténacité, telle qu’elle pourrait être déterminée avec une éprouvette préfissurée. Ce travail est plus ardu au palier supérieur de la transition fragile ductile lorsque le processus de rupture est ductile à cupules. En effet, les déformations plastiques sont alors bien plus grandes qu’au palier inférieur. Des efforts sont en cours pour l’étude de la transition, rendue difficile en raison de l’existence conjointe des deux processus d’endommagement dans l’éprouvette.

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D. FRANÇOIS

Force

16 Fm Fiu Fgy

12

8 Fa 4

0 0

2

4

6

8

Déplacement mm

Fig. 5.16. Exploitation d’un enregistrement de la force appliquée au marteau du mouton pendule en fonction du déplacement dans un essai Charpy instrumenté. F gy est la force limite de plasticité généralisée ; F m la force maximale ; F a est la force correspondant à l’arrêt de la propagation instable ; F iu − F a renseigne sur la fraction de rupture par cisaillement.

3.

Conclusion

Nous avons vu que les progrès accomplis dans la connaissance et la maîtrise des endommagements avaient été fortement induits par les exigences des développements industriels et des risques qui y étaient associés. Néanmoins, une enquête menée il y quelques années en Europe, venant compléter une enquête analogue faite aux États-Unis, a montré que le coût des ruptures était encore aujourd’hui de l’ordre de 4 % du PIB. Il se produit encore un nombre considérables de défaillances qui pourraient être évitées. Elles peuvent être attribuées d’une part à des déficiences dans les connaissances et nul doute que des recherches supplémentaires sont à même d’en faire disparaître certaines. Mais, d’autre part, un bon nombre d’accidents pourrait être supprimé par de meilleures prises en compte des phénomènes d’endommagement au moment de la conception des appareils et par une maintenance plus rigoureuse. C’est de nos jours la pression du développement durable, terme nouveau et à la mode, mais qui recouvre des préoccupations

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CHAPITRE 5 – ENDOMMAGEMENT ET BESOINS INDUSTRIELS

qui ne sont pas seulement d’aujourd’hui, et qui doit être incitatif pour une meilleure maîtrise des endommagements. Nous verrons dans le chapitre 7 comment elle peut intervenir pour une bonne planification de la maintenance.

A.

Annexes

A.1. Calcul des champs de contraintes et de déformations dans la section d’une éprouvette cylindrique entaillée, d’après Bridgman (Fig. 5.17) Soit une éprouvette cylindrique entaillée de rayon minimal a et dont l’entaille possède un rayon de courbure R soumise à un effort de traction. L’hypothèse faite par Bridgman est que les déformations radiales et tangentielles dans la section minimale sont homogènes et égales. De plus les isostatiques sont supposées être des cercles. Les contraintes dans la section minimale, lorsqu’elle est entièrement plastifiée, sont alors données en fonction de la distance r à l’axe de l’éprouvette par les expressions :   a2 − r2 σrr = σθθ = σeq log 1 + 2aR

(5.1)

   a2 − r2 . σzz = σeq 1 + log 1 + 2aR

(5.2)

2,5 Contraintes réduites

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2 1,5 1 0,5 0 0

0,2

0,4

0,6 Rayon réduit

0,8

1

1,2

Fig. 5.17. Variation des contraintes dans une éprouvette cylindrique entaillée d’après Bridgman.

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La contrainte moyenne dans cette section vaut donc :     2R a σ¯ zz = 1 + . log 1 + a 2R

(5.3)

Le taux de triaxialité des contraintes est maximal sur l’axe où il vaut :   σm 1 a . (5.4) = + log 1 + σeq 2R 3

A.2. Influence de la vitesse de déformation sur l’énergie de clivage L’énergie de clivage comprend deux termes : l’un correspond au travail de rupture des liaisons atomiques 2γs , l’autre au travail γp de déformation plastique, tous les deux correspondant à une unité d’augmentation d’aire de fissure. Cette dernière énergie, largement supérieure à la première, provient du travail nécessaire pour déplacer les dislocations en tête de fissure. Il est donné pour une fissure de longueur a dont l’extrémité se propage à la vitesse v c par : · γp da = γpv c dt = W dt

(5.5)

avec : · dW = τ γ· dV où τ est la contrainte de cisaillement résolue sur les plans de glissement, γ le cisaillement et dV l’élément de volume. Or : γ· = ρDbv

(5.6)

ρD étant la densité de dislocations(6) mobiles de vecteur de Bürgers b et de vitesse v. Cette vitesse peut être exprimée en fonction de la contrainte de cisaillement par une loi de type :  m τ v = v0 . (5.7) τ0 En tête de fissure, la mécanique de la rupture donne la singularité élastique qui permet d’écrire la valeur de la contrainte normale σ sur le plan qui prolonge la fissure à une distance b de son extrémité, en supposant un clivage en forme de piécette de rayon a. Cette contrainte, (6) Densité de dislocations : longueur totale des lignes de dislocation par unité de volume.

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parce qu’il y a rupture, doit être égale à la contrainte théorique de rupture, de sorte que :   2 Eγs 2 a = (5.8) σ= Σ b π b π où Σ est la contrainte appliquée normale au plan de clivage. Ainsi :  Eγs Σ= · (5.9) a Par ailleurs, la contrainte de cisaillement résolue sur les divers plans de glissement en tête de fissure est donnée par :  a τ=Σ τ˜(θ, α) (5.10) r θ étant l’angle polaire par rapport à l’extrémité de la fissure et α l’angle de la normale au plan de glissement. On peut maintenant calculer l’énergie de clivage par intégration, pour les divers plans de glissement, dans un volume situé à l’extrémité de la fissure :  m  π/2  ∞ 1 τ γp = τρDbv 0 r dr dθ v τ c 0 −π/2 b =

 α

π/2

−π/2

τ˜m+1 dθ





(Eγs)

m+1 2

ρDb

b

v 0 1−m r 2 dr. v c τ0m

(5.11)

En définitive, le rapport de l’énergie de clivage à l’énergie de rupture des liaisons est donné par : γp 2γs

=A

E

m+1 2

m−1

γs 2

τ0mb

m−5 2

ρD

v0 · vc

(5.12)

A est un facteur numérique qui dépend de l’orientation des divers plans de glissement en tête de fissure. Ce rapport décroît lorsque la vitesse de propagation du clivage augmente.

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6

1.

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Prévoir les évolutions des endommagements

Les stades et conditions d’endommagement

Si les clivages et les cavités sont créés instantanément dès que les conditions critiques de sollicitations sont réunies et qu’ils n’évoluent que si ces sollicitations augmentent, les endommagements dus à la fatigue, à la corrosion sous contrainte, au fluage, sont fonction du temps. Il est essentiel de pouvoir prévoir leurs évolutions afin d’assurer l’intégrité des structures. Ces divers endommagements connaissent une phase de naissance suivie d’une phase de croissance aboutissant finalement à la rupture. La transition entre ces deux phases est généralement mal définie ou se rapporte à un critère arbitraire de dimension de fissure. Certains diront par exemple que l’amorçage des fissures de fatigue correspond à des fissures de tailles inférieures au millimètre. Pourquoi ? Parce que cellesci sont difficiles à détecter. Une amélioration de la méthode de détection déplacerait alors le critère. Cette question de visibilité des fissures rend l’étude des phases d’amorçage délicate. La connaissance des évolutions des endommagements y est imparfaite. Au contraire nous disposons de critères beaucoup plus précis et fiables pour les phases de croissance des fissures. Ceci pose naturellement des problèmes pour la prévision des ruptures ou pour la détermination de leurs origines en cas de rupture en service. Au moment de la conception des pièces, il importe de se placer du côté de la sécurité. Négliger alors la phase de croissance procure une marge par rapport à la durée de vie. Lorsque des fissures sont détectées en service, il est satisfaisant de n’avoir à tenir compte que de leur croissance. La situation la plus délicate se rencontre en expertise, lorsqu’il faut remonter à l’origine des fissures. Les incertitudes sur la phase d’amorçage introduisent des fourchettes sur la date de leur apparition qui peuvent radicalement modifier les conclusions quant aux causes de la rupture.

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L’évolution des endommagements fait intervenir les sollicitations auxquelles les pièces sont soumises, les propriétés des matériaux dont elles sont constituées et la géométrie des pièces et des fissures ellesmêmes. La plus grande partie des incertitudes qui affectent la prévision des évolutions provient d’une connaissance imparfaite des sollicitations. Des sollicitations d’origine mécanique tout d’abord : les pièces peuvent être le siège de contraintes internes introduites au cours des fabrications et qui sont difficiles à estimer ; rares sont les cas où les sollicitations sont régulières comme celles qui s’exercent sur un récipient gonflé toujours à la même pression ; bien plus souvent elles sont variables et au surplus aléatoires ; l’environnement est en général fort mal connu (taux d’humidité, température, etc.) ; les conditions d’application des efforts sont souvent mal définies et la mécanique du contact sujette à caution (frottements, glissements, états de surface, etc.). Les propriétés des matériaux sont elles aussi sources d’incertitudes en raison notamment des conditions particulières qui président à leur détermination. Les essais en laboratoire correspondent à des configurations simples pour pouvoir effectuer des mesures. Ils ne reproduisent pas toujours les conditions de service, à supposer qu’on les connaisse. Ajoutons que le matériau n’est pas à l’abri de phénomènes de modifications de ses propriétés au cours du temps, en particulier de fragilisations. Il importe donc d’acquérir une connaissance aussi bonne que possible des processus d’endommagement pour interpoler, voire extrapoler convenablement. C’est pourquoi les recherches sur l’endommagement sont loin d’être achevées. La connaissance de la géométrie des pièces pose évidemment moins de problèmes, encore que l’usure en service la modifie. Plus délicate est la détection de la forme exacte des fissures. Elle met en jeu les contrôles non destructifs. Malgré les progrès accomplis dans ce domaine, notamment dans celui des contrôles par ultrasons, il reste délicat de bien connaître la profondeur des fissures, une donnée essentielle pour une prévision correcte. Le philosophe Cournot disait qu’en histoire la prédiction était plus facile que la « rétrodiction », parce que dans ce dernier cas les conditions initiales étaient à jamais perdues. Mais, pour la prévision des évolutions de l’endommagement, il n’y a pas que les conditions initiales, celles qui sont connues aujourd’hui, qui entrent en ligne de compte ; toute la suite des conditions futures intervient. Or, autant pèsent des incertitudes sur ces dernières, autant, en « rétrovision », a-t-on davantage de connaissances sur ce que les conditions ont été. Ainsi, l’asymétrie entre le futur et le passé n’a-t-elle pas lieu d’être invoquée. Examinons maintenant les divers cas d’endommagement dépendant du temps : la fatigue, la corrosion sous tension et le fluage et éventuellement leurs interactions.

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

2.

La fatigue

2.1.

Approche globale

143

Les recherches sur la fatigue ne datent pas d’aujourd’hui et dès le e XIX siècle Wölher avait observé que l’amplitude de la sollicitation diminuait la durée de vie. Les résultats sont portés sur la courbe de Wöhler (SN curve en anglais), où le nombre de cycles est en échelle logarithmique. Ces courbes continuent à être couramment utilisées pour prévoir la durée de vie (Fig. 5.1). Pour une machine d’essai fonctionnant à 10 hertz, il faut une trentaine d’heures pour atteindre un million de cycles. Aussi se contente-t-on souvent de déterminer la limite d’endurance à un million de cycles, qui est l’amplitude de la contrainte à partir de laquelle il ne se produit pas de rupture avant cette durée de vie. Typiquement, la limite d’endurance des aciers vaut environ la moitié de la charge de rupture ; celle des alliages d’aluminium le tiers. À l’aide de sollicitations plus rapides, par exemple par ultrasons, il est possible de reculer cette limite ; on constate alors que la limite d’endurance apparente décroît, mais beaucoup moins rapidement qu’aux niveaux d’amplitudes de contrainte plus élevés. D’après ce que nous savons sur l’amorçage des fissures par des glissements irréversibles nous pouvons être assurés qu’une limite d’endurance existe bien puisqu’il faut dépasser la limite d’élasticité pour que ces derniers se produisent. Nous nous méfierons cependant des actions de l’environnement qui pourraient par exemple créer des piqûres de corrosion, sites favorables à l’amorçage des fissures de fatigue. Elles apparaissent alors pour un niveau de contrainte inférieur à la limite d’élasticité apparente. À partir de la courbe de Wölher, on peut définir un paramètre d’endommagement. Il est pris égal, pour une amplitude de contrainte donnée, au rapport du nombre de cycles qu’a subi le matériau au nombre de cycles nécessaires pour amener la rupture. (Ce paramètre n’a rien à voir avec le paramètre d’endommagement D défini à propos des milieux poreux au chapitre 3.) Ce paramètre d’endommagement par fatigue a le mérite d’être de détermination aisée, mais, sa signification physique est loin d’être claire. Il supposerait que le processus est linéaire. Une preuve qu’il ne l’est pas est fournie par les cumuls d’endommagements ; la somme de l’endommagement ainsi défini acquis à un premier niveau d’amplitude de contrainte et de celui acquis à un second niveau ne sont pas égales, en général, à la somme obtenue en inversant l’ordre des niveaux. Au moment de la rupture au second niveau, la somme des endommagements est rarement égale à 1. On constate souvent que solliciter en premier à un niveau faible augmente la durée de vie au niveau supérieur et qu’au contraire, solliciter d’abord à forte amplitude diminue

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la durée de vie à un niveau inférieur. Pourtant la règle de cumul linéaire des endommagements, ou règle de Miner (M.A. Miner en 1945), est si commode d’emploi qu’elle est le plus souvent adoptée, bien que fausse. La question se pose de savoir comment la mettre en œuvre dans le cas de sollicitations d’amplitudes variables. Faut-il par exemple compter pour un cycle chaque maximum sur la courbe de la sollicitation en fonction du temps ? Ou bien, comme on le fait en réalité, ne compter que les amplitudes les plus fortes englobant d’autres plus faibles selon la méthode dite de la chute de pluie : l’axe du temps étant vertical, ne prendre en compte que ce qui est « mouillé » par une pluie verticale (Fig. 6.1). La détermination de la courbe de Wöhler est couramment effectuée par des essais de flexion rotative où les fibres externes des éprouvettes sont alternativement en traction et en compression. La sollicitation correspond à un rapport R de la contrainte minimale à la contrainte maximale égal à −1. Or le niveau moyen de contrainte modifie la durée de vie : elle est d’autant plus courte que ce niveau est élevé. Le diagramme de Goodman

Sollicitation 1

2 3 4 5

6 7

8

Temps

Fig. 6.1. Comptage des cycles par la méthode de la goutte de pluie.

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

(J. Goodman en 1914) permet de rendre compte de cet effet (Fig. 6.2). On y porte la contrainte maximale et la contrainte minimale à la limite d’endurance en fonction de la contrainte moyenne. On suppose qu’elles décrivent des droites qui se rejoignent évidemment à la charge de rupture. L’écart entre les deux représente la limite d’endurance. Lorsque l’état des contraintes n’est pas uniaxial le problème se pose de savoir quelle contrainte équivalente adopter pour se replacer sur la courbe de Wöhler (ou sur le diagramme de Goodman). On adopte souvent la contrainte équivalente de Von Mises. L’amorçage des fissures de fatigue résultant de glissements, il vaudrait peut-être mieux prendre celle de Tresca. En fait, ce n’est pas d’une importance majeure en raison ∆σ

Rm

limite d’endurance

limite d’endurance en flexion rotative Rm

0

-1

0

1

σ moyen

Rapport R

Fig. 6.2. Diagramme de Goodman donnant la limite d’endurance en fonction de la contrainte moyenne. Sur l’échelle du bas figure le rapport R de la charge minimale à la charge maximale.

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des incertitudes pesant sur les processus eux-mêmes : nous avons vu, par exemple, que des sollicitations hors phase modifiaient totalement la structure des dislocations engendrées par la fatigue et conduisent effectivement à d’importantes réductions de la durée de vie. Il existe divers critères empiriques incorporant amplitude de contrainte équivalente et contrainte hydrostatique. Nous verrons plus loin l’application d’un tel critère, celui de Ky Dang Van (mis au point à l’École polytechnique en 1999). Lorsque l’amplitude des contraintes augmente au-delà d’un certain niveau, la déformation dépasse la limite d’élasticité macroscopique et la durée de vie diminue beaucoup : on entre dans le domaine de la fatigue plastique oligocyclique. On travaille alors plutôt à amplitude de déformation constante. La durée de vie est donnée par la courbe de Manson-Coffin (Fig. 6.3) (S.S. Manson en 1953 et L.F. Coffin en 1959). Elle est portée sur un graphe bilogarithmique. Elle comporte deux branches, l’une correspondant à la partie plastique de l’amplitude de déformation et l’autre à la partie élastique. Cette dernière correspond à la loi de Basquin. On constate que la durée de vie est, de façon approximative, inversement proportionnelle à la racine carrée de l’amplitude de déformation plastique. Très grossièrement, un essai de traction peut être assimilé à un essai log∆ε p

1 100/(100-Z) 0,1

loi de Manson-Coffin -0,6

0,01 loi de Basquin 0,001 -0,12 1/4 1

10

100

1000

10 000

100 000

log N

Fig. 6.3. Critère de Manson-Coffin donnant la durée de vie en fatigue oligocyclique en fonction de l’amplitude de la déformation. La pente est en général proche de −1/2. L’extrapolation pour 1/4 de cycle donne à peu près la striction. Pour les faibles déformations, la loi de Basquin correspond à une pente proche de −0,12.

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de fatigue de durée de vie égale à 1/4. La striction à la rupture Z % se situerait alors dans le prolongement de la courbe de Manson-Coffin. On est surpris de constater qu’il en est (approximativement) bien ainsi ! Pourtant les mécanismes de rupture en rupture brutale et en fatigue sont complètement différents ! Cet accord permet d’utiliser la méthode dite des « pentes universelles » qui donne la courbe de Manson-Coffin en l’absence d’essais à partir de la seule connaissance des caractéristiques de traction, D = log [100/(100 − Z )], Z étant la striction, et R m /E le rapport de la charge de rupture au module d’Young. Selon cette règle : ∆ε = D(4N) −0,6 + 3,5

R m −0,12 . N E

(6.1)

Bien entendu, cette relation ne permet qu’un premier dégrossissage. Il doit être complété par des essais si l’on souhaite une prévision fiable. On a souvent affaire à des pièces comportant des concentrations de contrainte, zones où, bien que l’ensemble de la pièce reste dans le domaine d’élasticité, la déformation cyclique est plastique. La courbe de Manson-Coffin permet de prévoir l’amorçage des fissures dans ces zones en imaginant qu’elles englobent une petite éprouvette fictive. Il importe alors de savoir quelle est l’amplitude des déformations plastiques dans cette zone de concentration de contrainte. Il est possible d’utiliser la relation approximative de Neuber : ∆σ∆ε = K 2T ∆σnom ∆εnom

(6.2)

∆σ et ∆ε sont les amplitudes de contrainte et de déformation locales, dans la zone de concentration de contrainte, ∆σnom et ∆εnom les amplitudes de contrainte et de déformation nominales et K T le facteur de concentration de contrainte. Comme la pièce reste élastique dans son ensemble, ∆εnom = ∆σnom /E. Il est naturellement possible de faire mieux par un calcul numérique aux éléments finis. L’ensemble des données précédentes permet, sans connaître finalement les mécanismes en jeu, de prévoir relativement correctement la durée de vie de pièces en fatigue. Nous sommes néanmoins conscients que les essais de fatigue sont effectués sur des éprouvettes de petites dimensions et que se pose le problème de leur transposition à des pièces de taille plus importante. La simple constatation que les fissures s’amorcent en surface suffit à nous montrer que ce problème existe. Il subsiste bien des situations qui nécessitent des connaissances précises sur ces mécanismes. Nous allons examiner comment se traite le problème de la propagation des fissures longues, puis celui de l’amorçage.

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2.2.

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Propagation des fissures longues en fatigue

Loi de Paris Nous avons vu que les fissures de fatigue étant entrées dans le stade II se propageaient perpendiculairement à la direction de la contrainte principale maximale. Elles le font par ouverture non réversible en mode I grâce à des glissements à leur extrémité (Fig. 1.23). Dans ces conditions, il est naturel de prendre comme paramètre le facteur d’intensité des contraintes K I qui détermine le niveau d’ouverture, ou plutôt son amplitude de variation ∆K I . C’est ce qu’a fait Paul Paris (avec F. Erdogan en 1963), en portant sur un graphe bilogarithmique la vitesse de propagation de la fissure da/dN, c’est-à-dire son avancée par cycle, en fonction de ∆K I (Fig. 6.4). On obtient alors expérimentalement des points qui se situent sur une droite dont la pente dépend des matériaux. Elle est souvent proche de 3. Cependant il est évident qu’une propagation brutale interviendra lorsque la valeur maximale de K I atteindra la ténacité K Ic du matériau. Aussi la pente de vitesse de propagation augmentet-elle lorsqu’on se rapproche de cette valeur. On entre en effet alors dans un régime mixte de propagation des fissures, par fatigue et par formation de cavités de rupture ductile. D’un autre côté, lorsque diminue progressivement l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes on atteint un seuil de non propagation.

log(da/dN) mm/cycle

10-2 10-3 10-4 10-5 10-6

10

100 log∆ K MPam-1/2

Fig. 6.4. Loi de Paris donnant la vitesse de propagation d’une fissure de fatigue en fonction de l’amplitude de variation du facteur d’intensité de contrainte.

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

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L’ouverture de la fissure est proportionnelle au carré du facteur d’intensité de contrainte. Si le rapport R est nul, ∆K I est égal à K max . La pente de la droite de Paris devrait donc être égale à 2. La différence provient du fait que le front de fissure n’avance pas entièrement tout du long à chaque cycle. Il existe des cycles dormants. On devrait, pour mieux mettre en évidence les mécanismes, utiliser des coordonnées adimensionnelles : par exemple rapporter la vitesse de propagation à la distance interatomique, valeur minimale physiquement, et adopter en abscisses le rapport de l’écartement de fissure ∆K 2I /2ER e à la distance interatomique (E est le module d’Young et R e la limite d’élasticité en principe obtenue après déformation cyclique). Dans cet ordre d’idée, on trace une courbe de référence :  3,5   da/dN ∆K n  ∆K   = = (6.3) b ∆K s E 2b ∆K s représente le seuil de non-propagation. Le régime de propagation des fissures correspondant à la loi de Paris est peu sensible à la microstructure des matériaux. L’effet le plus sensible est celui qui provient de la refermeture provoquée par la rugosité des surfaces des fissures en raison des déviations au passage des joints de grains (Fig. 2.8) ; cet effet est d’autant plus prononcé que le grain est gros.

Effet du rapport R Selon le rapport R de la contrainte minimale à la contrainte maximale, la droite de Paris est plus ou moins décalée : la vitesse de propagation est d’autant plus grande que le rapport R est élevé. De même, le seuil est abaissé lorsque le rapport R augmente. Nous avons vu que, du fait de la rugosité de la surface de la fissure en raison de déviations locales, l’ouverture de la fissure est provoquée non pas par ∆K I mais par une valeur effective plus faible ∆K Ieff tenant compte des effets de refermeture (Chap. 2, Sect. 6.7). D’autres phénomènes contribuent à ces effets. En premier lieu, la refermeture de la fissure crée des contraintes de compression dans la zone plastifiée en tête de fissure. Il faut les vaincre avant de pouvoir réouvrir la fissure. En second lieu, des couches d’oxydes peuvent se former sur les surfaces de la fissure empêchant sa refermeture. La vitesse de fissuration devrait être fonction uniquement de ∆K Ieff . La détermination de ce paramètre est délicate. Elle se fait couramment à partir des enregistrements de la force appliquée à l’éprouvette en fonction de l’ouverture de la fissure. Ces enregistrements montrent une rupture de pente au moment de l’ouverture effective de la fissure. La droite de Paris

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intrinsèque est obtenue pour des rapports R élevés (0,8 souvent), car alors la valeur minimale de K I est supérieure au seuil d’ouverture et donc ∆K Ieff est égal à ∆K I . Cette notion de facteur d’intensité de contrainte effectif n’est malheureusement de peu d’utilité pour la prévision des propagations dans la mesure où nous ne disposons pas de loi donnant ce facteur.

Effet de surcharge Si, au cours d’un essai sous amplitude de contrainte constante, on exerce une surcharge, c’est-à-dire un cycle d’amplitude plus importante, on observe ensuite une diminution de la vitesse de fissuration et même un arrêt. Cet arrêt peut être définitif si la surcharge est suffisante. Ce phénomène provient des contraintes de compression qui apparaissent au moment de la décharge. La surcharge crée une zone plastifiée de plus grande dimension que celle de la zone plastifiée résultant du cyclage précédent réalisé sous amplitude plus faible. Conjointement la zone où s’établissent des contraintes de compression est elle aussi plus grande. La fissure ralentit fortement en traversant cette zone, et elle s’arrête même si les contraintes de compression sont suffisamment fortes. Des chargements comportant des surcharges périodiques provoquent donc d’importantes perturbations par rapport à la loi de Paris.

Interaction avec l’environnement Les interactions avec l’environnement perturbent la propagation des fissures de fatigue. Les résultats obtenus sous vide donnent des lois différentes de celles observées sous air. Jean Petit distingue trois régimes : un régime intrinsèque de stade I correspondant à la propagation sous vide de longues fissures par cisaillement le long de plans cristallographiques de monocristaux ; un pseudo-régime intrinsèque de stade I correspondant à la propagation le long de plans cristallographiques de fissures de petites dimensions par rapport à la taille de grain ; et un régime intrinsèque de stade II correspondant à la propagation des fissures longues, de grandes dimensions par rapport à la taille de grain. C’est le premier de ces régimes qui est le plus rapide. Le second de ces régimes est le plus lent en raison des effets retardateurs des barrières que constituent entre autres les joints de grains. Le régime de stade II est insensible à la microstructure et à la composition des alliages. Il correspond à une loi de Paris unique avec un exposant égal à 4 si la vitesse de propagation des fissures est rapportée au rapport de la variation du facteur d’intensité des contraintes effectif Keff (corrigé des effets de fermeture) au module d’Young (Fig. 6.5). Cependant, en dehors des fissures prenant naissance au sein du matériau et pas à sa

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

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logda /dN m/cycle

10-6 10-7 10-8 10-9 10-10 2.10-5

5.10-5

10-4

2.10-4

log∆Keff /E m1/2

Fig. 6.5. Régime de propagation intrinsèque sous vide de stade II pour des fissures de grande longueur (aciers, alliages d’aluminium et de titane). (D’après J. Petit, G. Henaff et C. Sarrazin-Baudoux, Engineering against Fatigue, Balkema, 1999.)

surface (fatigue de roulement, fatigue gigacyclique, fatigue amorcée sur des retassures), la connaissance des lois de propagation sous vide sont de peu d’intérêt pour la prévision des durées de vie. Mais pourtant ces lois permettent de mieux comprendre les effets d’environnement sur la propagation des fissures de fatigue (voir aussi le chapitre 4). La simple humidité de l’air provoque des vitesses de propagation supérieures à celles observées sous vide si la fréquence n’est pas trop élevée. Au-dessus d’une vitesse critique, de l’ordre de 10−8 m/cycle, correspondant à une taille de zone plastifiée en tête de fissure de l’ordre de la taille de grain, on retrouve un comportement en fissuration analogue à celui observé sous vide mais avec une vitesse de propagation plus élevée et plus sensible à la composition des alliages. Ceci correspond à un régime piloté par l’adsorption de vapeur d’eau. En dessous de cette vitesse critique, la loi de Paris observée a un exposant égal à 2. Ce régime est piloté par la diffusion d’hydrogène dans la zone plastifiée à partir de la surface de la fissure. Il est créé par décomposition de la vapeur d’eau. Il produit des effets de fragilisation encore mal identifiés.

Prévision de la propagation La loi de Paris permet de prévoir par intégration l’évolution de la dimension de la fissure et, connaissant la ténacité et donc la longueur critique

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de la fissure, le nombre de cycles à la rupture. Cette intégration est facile lorsque l’amplitude de la contrainte est constante. En effet ∆K I est une fonction connue de la longueur a de la fissure. Dans des cas simples, seule intervient la racine carrée de a. Toutefois, on a affaire en général à une fissure semi elliptique pour laquelle ∆K I est aussi fonction de son excentricité et pas seulement de sa profondeur a. Une intégration analytique n’est plus alors possible qu’en faisant l’hypothèse que l’excentricité reste constante au cours de la propagation. Il faudrait cycle après cycle calculer l’avancée de la fissure en chaque point le long du front. De plus, le rapport de la profondeur de la fissure à l’épaisseur de la pièce intervient aussi. Ces complications peuvent être surmontées par calcul numérique. Sous amplitudes variables, il faut calculer les incréments de longueur de fissure cycle après cycle, ce qui est beaucoup plus lourd mais pas infaisable. On notera que le processus est fortement non linéaire. Au début de la propagation, pendant de nombreux cycles, la fissure avance peu, puis sa vitesse s’accélère beaucoup. Une incertitude sur la longueur initiale de la fissure a de fortes répercussions sur la durée de vie. Cette non linéarité est une des raisons pour mettre en doute la règle de cumul linéaire de Miner. Les calculs de propagation de fissure sont utilisés dans l’aéronautique pour déterminer la période séparant les inspections. Il importe en effet que cette période soit inférieure au temps que mettrait une fissure à la limite de détection pour devenir critique.

2.3.

Comportement des fissures courtes

Nous avons vu que les fissures une fois amorcées rencontrent des obstacles microstructuraux qui les bloquent plus ou moins. La propagation de ces fissures courtes se fait donc par saccades. Par ailleurs, la zone plastifiée qui accompagne la fissure n’est pas de la même sorte que pour les fissures longues. En effet, au lieu de se développer vers l’avant de la fissure, elle le fait vers l’arrière en débouchant sur la surface. De ce fait, il n’existe plus de force de refermeture et la vitesse de propagation est supérieure à ce que prévoirait la loi de Paris. Il en résulte que la prévision du comportement des fissures courtes est très délicate. Le diagramme de Kitagawa (Fig. 6.6) (H. Kitagawa et S. Takahashi en 1976) procure une aide pour évaluer à partir de quand une fissure peut être considérée comme longue. Il consiste à porter, dans un diagramme bilogarithmique, l’amplitude de contrainte en fonction de la longueur de la fissure. Comme ∆K I est de la forme amplitude de contrainte multipliée par la racine carrée de la longueur de la fissure, le seuil de

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log∆σ

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limite d’endurance seuil de non propagation des fissures longues -1/2

loga

Fig. 6.6. Diagramme de Kitagawa. Le logarithme de l’amplitude de la contrainte ∆σ est porté en ordonnées et le logarithme de la longueur a de la fissure en abscisses. Les fissures ne se propagent pas en dessous de la limite d’endurance et en dessous du seuil de non propagation, représenté par une droite de pente −1/2.

non propagation d’une fissure longue est représenté dans ce diagramme par une droite de pente −1/2. Par ailleurs, les fissures ne se propagent pas en dessous de la limite d’endurance qui est une droite horizontale sur le diagramme. Il apparaît un domaine de non propagation en dessous des deux droites. Leur intersection correspond à la longueur minimale 

des fissures longues. En adoptant l’approximation ∆K s = E 2b, une limite d’endurance d’environ la moitié de la charge de rupture et cette dernière étant égale à 0,003 fois le module d’Young E, nous trouvons que cette longueur minimale est de l’ordre de 85 microns. C’est la dimension approximative de la taille de grain.

2.4.

Prévision de l’amorçage des fissures de fatigue

Cette prévision est fondée sur le concept d’une petite éprouvette fictive placée parallèlement à la surface de la pièce dans la zone et la direction les plus chargées (voir un exemple de calcul en annexe A.1). Ainsi estil possible de se raccorder aux résultats des essais obtenus sur des éprouvettes dont les dimensions sont en général inférieures à celles de la pièce en question. Notons tout de même que la situation est totalement inversée pour un composant microélectronique par exemple. Pour prévoir si une fissure de fatigue risque de s’amorcer, le critère le mieux fondé, car il repose sur une analyse physico-mécanique de la naissance des fissures de fatigue, est celui de Dang Van (Fig. 6.7). Sur un

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graphe où la contrainte de cisaillement maximale agissant à la surface de la pièce est en ordonnées et la contrainte hydrostatique en abscisses, on trace le trajet de chargement. Par exemple, un essai de torsion alterné sera représenté par un segment vertical passant par l’origine ; un essai de flexion rotative par un segment passant par l’origine de pente 3/2. Sur ce diagramme, on porte la limite d’endurance sous la forme d’une droite, transposition du diagramme de Goodman. Aucune fissure ne s’amorce si le trajet de chargement ne rencontre pas cette limite d’endurance. Le critère de Dang Van est d’un emploi commode et son utilisation se répand petit à petit dans les bureaux d’étude. Il est particulièrement utile en fatigue de roulement. En raison des fortes interactions des fissures courtes avec les barrières microstructurales, le stade d’amorçage est très sensible à ce paramètre. Il dure d’autant plus longtemps que la dimension caractéristique de la microstructure (tailles des grains, des phases, des inclusions...) est plus petite. Nous avons vu que les endommagements de fatigue prenaient très souvent naissance sur des inclusions (Chap. 1, Sect. 6.2). Cet aspect du phénomène a amené Y. Murakami à proposer un modèle reliant la

∆τ

limite d’endurance en torsion limite d’endurance en traction-compression

0

∆σ m

trajet de chargement

Fig. 6.7. Critère de Dang Van permettant l’analyse à la fatigue dans le cas de chargements complexes. La limite d’endurance est portée sur un graphe où l’amplitude du cisaillement figure en ordonnées et l’amplitude de la contrainte moyenne en abscisses. Le trajet de chargement doit rester en deçà de la limite d’endurance pour éviter l’amorçage des fissures de fatigue.

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

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limite d’endurance à la dimension des défauts. Examinant la valeur du seuil de non-propagation en terme du facteur d’intensité de contrainte ∆K s pour un grand nombre d’alliages, il a constaté que ce facteur variait comme la racine carrée de l’aire du défaut à la puissance 1/3. La racine carrée de l’aire du défaut est introduite en raison de la forte corrélation qui existe entre celle-ci et le facteur d’intensité de contrainte maximal pour un défaut quelconque, tridimensionnel. Murakami a aussi constaté que les résultats dépendaient de la dureté des alliages. En effet, la dureté dépend de la contrainte d’écoulement et donc des possibilités de glissement. Or, ∆K s est proportionnel à la limite d’endurance σd multipliée par la racine carrée de l’aire à la puissance 1/2. En définitive la relation proposée par Murakami est la suivante : β  √ −1/6 1 − R σd = α(HV + 120)( aire) (6.4) 2 où la limite d’endurance est exprimée en MPa, l’aire en µm 2 , le paramètre α vaut 1,43 pour les défauts et les inclusions superficiels et 1,56 pour les défauts et inclusions internes, HV est la dureté Vickers en kg/mm2 , R le rapport de charge et le paramètre β est donné par : β = 0,226 + HV × 10 −4 .

3.

La corrosion sous contrainte et la fatigue-corrosion

3.1.

Prévoir l’absence de corrosion sous contrainte ou de fatigue-corrosion

Comme nous l’avons vu au chapitre 4, les interactions entre l’environnement et les matériaux sous sollicitations constantes ou cycliques sont fort complexes ce qui rend la prévision difficile. La meilleure est d’exclure tout simplement la corrosion sous contrainte et la fatiguecorrosion par un choix judicieux du matériau. Il n’est en effet guère envisageable de jouer sur l’environnement qui en général est ce qu’il est. Comment donner ici des règles générales étant donnée la grande variété des situations ? Nous nous rappellerons que la sensibilité à ces phénomènes croît avec la résistance des matériaux. Nous garderons également à l’esprit la susceptibilité des métaux recouverts de couches passivées, comme les aciers inoxydables. Nous nous méfierons de la planéité des glissements qui entraîne de fortes concentrations de contrainte et des ruptures aisées de ces couches, une localisation des sites de dissolution anodique et de pénétration de l’hydrogène ; éviter

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donc les faibles énergies de faute d’empilement qui gênent les glissements déviés, ainsi que les précipités cohérents cisaillables. Cette dernière considération explique pourquoi un revenu au-delà du pic de dureté des alliages d’aluminium est un remède connu à la corrosion sous tension. Dans certains cas, nous aurons recours à la protection cathodique, qui, en portant la pièce à un potentiel négatif combat la dissolution anodique.

3.2.

Propagation des fissures de corrosion sous contrainte et de fatigue-corrosion

Comme pour la fatigue pure, le paramètre qui s’impose pour caractériser la propagation des fissures en corrosion sous contrainte est le facteur d’intensité de contrainte K. Rappelons alors que, sur un diagramme bilogarithmique de la vitesse de fissuration da/dt en fonction de K, il apparaît un seuil de non fissuration K ICSC et un stade correspondant à un très fort accroissement de cette vitesse avec K (Fig. 4.11). Puis il existe un palier, avant l’accélération correspondant à la proximité de la ténacité K Ic . La présence du palier s’explique par la difficulté rencontrée par le milieu agressif pour atteindre le fond de la fissure si celle-ci est suffisamment longue. La connaissance de cette courbe permet de calculer l’évolution d’une fissure dans une pièce donnée en fonction du chargement. La vitesse constante au palier (Fig. 4.12) rend le calcul enfantin si l’on néglige le premier et le dernier stade, approximation souvent bien suffisante étant données une fois de plus les incertitudes sur les chargements et les formes exactes de fissures. Nous avons vu que la combinaison de la fatigue et de la corrosion sous contrainte pouvait être simplement additive, mais que dans bien des cas des effets de synergie apparaissent. Il est donc indispensable, pour une prévision correcte de la propagation en fatigue-corrosion, de disposer des courbes de Paris correspondant le plus fidèlement possible aux conditions de service. Cela est particulièrement délicat en raison de l’influence pas du tout négligeable de la fréquence de cyclage.

4.

L’endommagement par fluage

4.1.

Les facteurs de prévision

L’endommagement par fluage intervient comme nous l’avons vu à des températures absolues supérieures à la moitié de la température absolue de fusion. D’après ce que nous savons des mécanismes, nous nous attendons à ce que la vitesse d’autodiffusion soit déterminante. La vitesse

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d’endommagement serait alors fonction exponentielle de la température absolue. Un autre facteur est, bien entendu, le niveau de contrainte, mais en fait celui de la contrainte effective, celle qui agit sur les surfaces de joints de grain non endommagées. La vitesse d’endommagement serait donc aussi fonction du niveau d’endommagement. Ceci peut se mettre sous une forme de loi d’endommagement en utilisant le paramètre d’endommagement D de Kachanov, qui rappelons-le, est défini par : σeff =

σ 1 −D

·

(6.5)

Le taux d’endommagement peut être mis sous la forme :  k σ 1 · · D = D0 µ (1 − D) q

(6.6)

où µ est le module de cisaillement. La vitesse de fluage (Fig. 6.8), elle-même liée à la diffusion des lacunes, commence par décroître au cours du stade primaire, pour devenir

ε

0,04

dε/dt h-1 10-4

vitesse de fluage

0,03

0,02

10-5

0,01

0

500

1000

temps h

Fig. 6.8. Évolution de la déformation (ε) et de la vitesse de déformation en fluage (dε/dt). Il apparaît 3 stades : primaire, secondaire et tertiaire.

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D. FRANÇOIS

constante au cours du stade secondaire. Elle augmente ensuite, au cours du stade tertiaire, à partir du moment où apparaît l’endommagement (ou aux basses températures un phénomène de striction, comme observé dans un essai de traction). Si, au cours du stade secondaire, la vitesse de déformation est donnée par une loi de forme :  m σ (6.7) ε·2 = ε·0 µ au cours du stade tertiaire on aurait :  m σ 1 · ε· = ε·0 µ (1 − D) m

(6.8)

Le taux d’endommagement est ainsi lié à la vitesse de déformation. Par intégration de la loi d’endommagement on trouve :  k σ · t. (6.9) 1 − (1 − D) q+1 = (q + 1)D 0 µ La rupture se produit lorsque D = 1, de sorte que : tR =

1 · (q + 1)D 0(σ/µ) k

et l’allongement à la rupture correspondant vaut :   1 ε·0 σ m−k . εR = q − m + 1 D· 0 µ

(6.10)

(6.11)

On observe que la durée de vie t R est reliée à la vitesse de fluage secondaire par la loi de Monkman-Grant (F.C. Monkman et N.J. Grant en 1956) : ( ε·2) gt R = C

(6.12)

C étant une constante. Il s’ensuit qu’il faut que g soit égal à k(m + 1)/m. La loi de Monkman-Grant est bien utile pour prévoir la durée de vie en fluage. Nous pouvons chercher comment elle peut se relier aux mécanismes d’endommagements en fluage et pour cela examiner d’abord la naissance des cavités, puis leur croissance et enfin l’ouverture des fissures créées dans certains joints de grain.

4.2.

Naissance des cavités

La naissance des cavités de fluage se traite comme un problème de germination. Il faut que le travail fourni par la contrainte au cours de la création de la cavité soit au moins égal à l’énergie de surface qui

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apparaît (le calcul est donné en annexe A.2). Le premier terme étant proportionnel au cube du rayon de la cavité et le second à son carré, il existe un rayon critique et une énergie d’activation. Le phénomène est thermoactivé et le taux d’apparition des cavités est fonction exponentielle de la température. L’énergie d’activation est fonction du rapport entre l’énergie de surface, énergie qui est dépensée lorsqu’une cavité apparaît sur un joint de grain, et l’énergie de joint de grain, énergie qui disparaît. Cette dernière dépend de la ségrégation des impuretés dans les joints de grain qui peut donc fortement augmenter le taux de naissance des cavités. Par ailleurs, l’énergie d’activation est inversement proportionnelle au carré de la contrainte. Il y faut inclure la pression à l’intérieur de la cavité. Or, celle-ci peut devenir très grande par exemple par accumulation d’hélium lors du fluage sous irradiation. C’est un autre facteur qui augmente le taux de naissance des cavités. Pour que les cavités apparaissent, il est nécessaire que des lacunes viennent s’y rassembler par diffusion. Celle-ci se fait le long des joints de grain et c’est le coefficient de diffusion intergranulaire qui intervient. Cependant les ordres de grandeur trouvés sont loin d’être toujours suffisants et il est indispensable de faire intervenir des concentrations de contraintes pour obtenir des taux de naissance raisonnables. Les mécanismes les plus vraisemblables pour obtenir ces concentrations de contrainte sont ceux qui résultent de la présence d’inclusions dans les joints, bloquant les glissements intergranulaires qui interviennent aux températures considérées (Fig. 6.9).

amorce de cavité

Fig. 6.9. Schéma montrant comment des inclusions dans les joints peuvent favoriser la naissance des cavités de fluage en raison du glissement le long du joint.

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4.3.

D. FRANÇOIS

Croissance des cavités

La croissance des cavités résulte à la fois de la déformation viscoplastique du matériau et de la diffusion des lacunes vers ces cavités. Selon le niveau de contrainte et de température, ces phénomènes sont plus ou moins prépondérants. Lorsque la vitesse de déformation est grande et que la diffusion des lacunes n’a pas le temps d’intervenir c’est la viscoplasticité qui pilote la croissance des cavités. Dans le cas contraire, c’est la diffusion des lacunes. Il existe des situations intermédiaires où les deux phénomènes sont couplés. Enfin, il y a des cas où ce qui limite la croissance des cavités est le fluage de la matrice. On trouvera en annexe A.4 du chapitre 2 les lois de croissance de l’endommagement correspondant à ces divers régimes.

Croissance pilotée par la viscoplasticité La croissance des cavités pilotée par la viscoplasticité, lorsque la vitesse de déformation est grande et la vitesse de diffusion des lacunes faible, n’est guère différente de la croissance sous l’effet de la déformation plastique. C’est une question que nous avons déjà examinée, et nous avons vu que le taux de croissance était une fonction exponentielle du taux de triaxialité des contraintes et qu’il était proportionnel à l’accroissement de déformation plastique équivalente (Chap. 2, Sect. 7). Dans le cas de la viscoplasticité, cet accroissement est la vitesse de déformation viscoplastique, donné par exemple par la loi de Norton (ε· = ε·0 σ m ). La loi de croissance des cavités reste par ailleurs la même qu’en plasticité ; c’est celle de Rice et Tracey par exemple.

Croissance pilotée par la diffusion des lacunes Le flux des lacunes vers une cavité située dans un joint de grain se fait le long de ce dernier. Il obéit à la loi de Fick et le potentiel de diffusion résulte de la différence entre l’énergie d’une lacune dans le joint soumis à une contrainte normale σn et celle de la lacune située à la surface de la cavité. Le simple modèle de Hull et Rimmer (D. Hull et D.E. Rimmer 1959) (Fig. 6.10), considérant une cavité sphérique de rayon R, donne une vitesse de croissance telle que : D j δj σ n Ω · R= kT LR

(6.13)

où D j est le coefficient de diffusion intergranulaire, δj l’épaisseur conventionnelle du joint, k la constante de Boltzman, T la température

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absolue, Ω le volume d’une lacune et L la distance entre cavités le long du joint de grain. Comme la forme d’équilibre d’une cavité dans un joint n’est pas sphérique, mais lenticulaire, la formule précédente doit être modifiée (Fig. 6.11). Il apparaît une fonction plus compliquée de la distance entre cavités et de leur rayon, faisant aussi intervenir le rapport entre l’énergie de joint de grain et l’énergie de surface. En effet, plus ce rapport est grand plus la cavité est aplatie. La forme de l’équation précédente, comme celle

σn flux de lacunes

joint de grain

cavité de rayon R

Fig. 6.10. Schéma du modèle de Hull et Rimmer.

σn

Ψ

R 2r

Fig. 6.11. Modification du modèle de Hull et Rimmer tenant compte de la forme lenticulaire des cavités de fluage (cos Ψ = γj /2γ0 ).

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D. FRANÇOIS

obtenue pour les cavités lenticulaires, montre que la vitesse de croissance de la surface de joint interceptée, la vitesse d’endommagement en quelque sorte, est proportionnelle à la contrainte, donnant un temps nécessaire pour fissurer un joint de grain inversement proportionnel à celle-ci. Il peut arriver cependant que les cavités ne puissent maintenir une forme d’équilibre et que, le flux de lacunes étant trop grand, elles s’aplatissent complètement en forme de fissures. Dans ce cas, la vitesse de croissance de l’endommagement est proportionnelle au cube de la contrainte.

Croissance des cavités pilotée par le couplage entre la diffusion et la viscoplasticité Le déplacement de part et d’autre d’un joint de grain normal à la contrainte principale maximale est dû en partie à l’émission de lacunes le long du joint de grain, lacunes qui diffusent vers les cavités, et en partie à la déformation de fluage des grains adjacents. Plus cette dernière est rapide, moins la contribution des lacunes est nécessaire, et donc plus la portion de joint de grain siège de source de lacunes est réduite. La distance de diffusion, qui était égale à la moitié de la distance entre cavités L, diminue. On aboutit à un modèle qui tend asymptotiquement vers celui où les grains sont rigides pour les faibles contraintes, et vers celui de viscoplasticité pure lorsqu’elles sont grandes. La vitesse de croissance de l’endommagement reste cependant proportionnelle à la contrainte et le temps à rupture inversement proportionnel à celle-ci.

Croissance retardée par le fluage des grains non endommagés Les modèles jusqu’ici développés supposaient que le fluage des grains non endommagés était suffisamment rapide pour suivre la déformation de part et d’autre des grains endommagés. Cependant sous faibles contraintes, la faible vitesse de fluage des grains non endommagés retarde la croissance des cavités dans ceux qui le sont (Fig. 1.28). On aboutit dans ce cas à un modèle qui tend asymptotiquement vers une vitesse de croissance de l’endommagement proportionnelle à la vitesse de fluage secondaire. La relation avec la contrainte dépend alors de la loi de fluage secondaire. Le tableau 6.I récapitule les lois de croissance de l’endommagement, mesuré par la surface A j des joints de grain recouverte de cavités, pour les divers régimes qui viennent d’être décrits. Suivant les régimes d’endommagement par fluage, on trouve donc des lois qui sont fonctions de la vitesse de fluage secondaire ou de la contrainte. Cependant la vitesse de fluage secondaire est elle-même

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

Tableau 6.I. Lois de croissance de la surface Aj des joints de grain recouverte de cavités, pour les divers régimes d’endommagement par fluage. Régime d’endommagement

Loi d’endommagement 1 dAj

Déformation viscoplastique

Diffusionnel cavités à l’équilibre

∆=

D j δj D s δs

1

j

3/2  dA F j D j δj Ω j ∼ 32 σ Aj = √ 3 π F v kT L3 dt

Couplage diffusion/viscoplasticité cavités à l’équilibre

Fluage de la matrice

3/2  dA 4 F j αd · j = √ ε pour dε/dt petit Aj dt 3 π Fv L 3/2  dAj 64 F j D j δj Ω = √ AjQ(Aj) σ pour dε/dt grand dt 3 π F v kT L3

 avec R c = 2γs /σ et Q(Aj) = ln Aj + Aj(1 − Aj /4) − 3/4 Ψ est l’angle de raccordement à l’équilibre de la surface de la cavité et du joint de grain tel que cos Ψ = γj /2γs . γs est l’énergie de surface, γj l’énergie de joint de grain, D j et D s les coefficients de diffusion dans les joints de grain et sur la surface respectivement, δj et δs les épaisseurs conventionnelles des chemins de diffusion dans les joints de grain et sur la surface respectivement (Fig. 6.11). R étant le rayon de courbure de la surface de la cavité à l’équilibre et V son volume, Fj =

π L2 4 R2

Aj = π sin 2 Ψ et F v =

V R3

=

2π 3

(1 − cos Ψ) 2(2 + cos Ψ).

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D. FRANÇOIS

fonction de la contrainte, proportionnelle à celle-ci si le fluage est de Herring-Nabarro (C. Herring en 1950 et F.R.N. Nabarro) ou de R.L. Coble (1953), fonction puissance si l’on est dans le régime dépendant des déplacements des dislocations. L’intégration des lois d’endommagement en fonction du temps jusqu’à un endommagement critique, égal à 1 par exemple, donne le temps à rupture. Ce dernier est donc relié à la contrainte par une loi de Monkman-Grant dont l’exposant dépend du régime considéré. Nous constatons que toute prévision de durée de vie en fluage nécessite la connaissance du régime qui est dominant selon la température et la contrainte. Michael Ashby à partir de 1972 a pu tracer des cartes de déformation par fluage sur lesquelles on peut trouver les divers régimes (Fig. 6.12). Il est indispensable d’être fort prudent lorsqu’on extrapole des résultats obtenus en laboratoire, dans des conditions permettant en général d’accélérer la vitesse de fluage, à

σ/µ

plasticité

10-2

recristallisation dynamique

10-3

fluage par les dislocations 10-2

10-4

10-4

fluage de Coble

fluage de Herring-Nabarro

10-5

10-10

-6

10-8

10

0,4

0,8

10-6

0

0,2

0,3

T/TF

Fig. 6.12. Carte d’Ashby des déformations en fluage de l’aluminium avec une taille de grain de 10 µm. La contrainte rapportée au module de cisaillement est portée en ordonnées en fonction de la température absolue rapportée à la température absolue de fusion en abscisses. Les lignes d’isovaleurs de la vitesse de déformation sont figurées. (D’après H.J. Frost et M.F. Ashby, Deformation Mechanism Maps, Pergamon, 1982.)

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des conditions de service. Celles-ci peuvent être telles que l’on se trouve dans un régime d’endommagement différent, au quel cas l’extrapolation n’a pas de sens.

4.4.

Vitesse de propagation des fissures en fluage

Comme pour les fissures de fatigue, la vitesse de propagation des fissures en fluage doit être reliée à l’état des déformations en tête de fissure. Si la zone plastifiée est confinée au sein de la singularité élastique, c’est le facteur d’intensité des contraintes K qui détermine l’état des contraintes et des déformations dans cette zone plastifiée. Si cette dernière croît au point de faire disparaître la singularité élastique, c’est le paramètre J, taux de libération d’énergie de Rice, qui détermine l’état des déformations en tête de fissure. Il s’agit d’une généralisation du taux de libération d’énergie G du comportement élastique linéaire, à un comportement non linéaire. Lorsqu’intervient le fluage, les contraintes dans la zone plastifiée subissent une relaxation : la déformation élastique ainsi libérée se transforme en déformation viscoplastique. Cette relaxation est la plus intense à l’extrémité même de la fissure, là où les déformations sont les plus fortes. Au début, il subsiste autour de la zone relaxée une zone plastifiée où domine la singularité conditionnée par le facteur d’intensité de contrainte K, ou par J suivant l’étendue de la zone plastifiée (Fig. 6.13). Les endommagements de fluage se produisent au sein de cette zone. Si la rupture intervient pour un allongement faible, caractéristique d’un comportement fragile, la vitesse de déformation en tête de fissure est sous la dépendance de K (ou de J). La vitesse de fissuration est alors elle aussi fonction de ce paramètre. Ultérieurement, au bout d’un temps caractéristique t tr la zone qui se relaxe s’étend, au point d’envahir entièrement la zone plastifiée. Les déformations en tête de fissure ont alors eu le temps de s’accroître.

zone plastifiée

zone relaxée

Fig. 6.13. Extension progressive de la zone relaxée en tête de fissure.

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logt

fluage diffusion KI, C* C*

Ch*

KI élastique

J plastique logσref

Fig. 6.14. Domaines de dominance des paramètres de fissuration en fluage.

Ceci suppose que la rupture n’intervient pas trop tôt, ce qui est la caractéristique d’un comportement ductile. Le paramètre déterminant les déformations n’est plus alors K (ou J). Il faut dans ce cas en utiliser un autre pour caractériser la vitesse de fissuration. On se tourne vers le paramètre C ∗ de Riedel (H. Riedel en 1980) et Rice. Ce paramètre est défini de façon analogue à J, mais en remplaçant l’énergie dissipée par la puissance dissipée. Le paramètre C ∗ est défini en supposant un régime stationnaire de fluage secondaire (la vitesse de fluage est constante). Dans le stade primaire, on utilise un paramètre C t , ou C h , qui varie à tout instant au cours du temps. La figure 6.14 montre les domaines dans lesquels dominent les divers paramètres qui caractérisent la vitesse de fissuration en fluage. Pour que toutes ces analyses soient valables, il convient que la vitesse de fissuration soit suffisamment lente pour ne perturber qu’une faible étendue de la zone sous la dominance des précédents paramètres.

5.

Interactions fatigue-fluage

L’endommagement de fluage, se traduisant par une détérioration progressive des joints de grain, modifie les propriétés mécaniques des

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

matériaux et facilite la naissance puis la propagation des fissures de fatigue. Réciproquement, l’écrouissage cyclique, qui intervient au cours de la fatigue, modifie les conditions d’apparition des endommagements de fluage. Lorsque les fissures de fatigue se propagent, les zones plastiques cycliques en tête de fissure sont le siège d’endommagements de fluage accrus. Il y a donc des interactions entre fatigue et fluage avec des effets de synergie. De façon élémentaire, on peut caractériser l’endommagement de fluage par un paramètre analogue au paramètre de Miner pour l’endommagement par fatigue. Rappelons que ce dernier n’est autre que le rapport du nombre de cycles à un niveau d’amplitude de sollicitation donné à la durée de vie à ce même niveau. En fluage donc, le paramètre correspondant, bien entendu différent de celui de Kachanov défini section 4.1, sera le rapport du temps écoulé à un niveau de sollicitation donné à la durée de vie à ce même niveau, ou encore de la déformation subie à la déformation à la rupture. Les codes de construction utilisent la première définition du paramètre d’endommagement en fluage. Pourtant, il semblerait que la seconde définition, celle faisant intervenir la déformation, procure

Endommagement en déformation

1,5

1 sommation linéaire

0,5

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

Endommagement de fatigue

Fig. 6.15. Cumul des endommagements de fatigue et de fluage. Le paramètre d’endommagement de fluage est le rapport de la déformation cumulée au cours des maintiens à la déformation à la rupture. Les points expérimentaux correspondent à des essais sur acier inoxydable austénitique 316 à 570 ◦C (tracé approximatif). La zone en grisée est celle qui est acceptable du point de vue des endommagements de fatigue-fluage. (D’après J. Wareing, Engineering against Fatigue, Balkemea, 1999.)

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des résultats moins dispersés. Son inconvénient est qu’elle nécessite l’évaluation de la relaxation à chaque maintien. La figure 6.15 montre des résultats de cumuls d’endommagements par fatigue et par fluage. On observe qu’un faible endommagement par fluage réduit considérablement la durée de vie en fatigue. Il apparaît aussi clairement que la sommation linaire n’est pas du tout convenable. Dans ces conditions, on peut adopter la limite en forme de L comme limite de cumul d’endommagements.

6.

Conclusion

La prévision de la durée de vie est réalisable à partir de lois qui sont plus ou moins bien établies. Les difficultés résident dans le nombre de paramètres qui entrent en jeu : chargements, température, environnement, microstructure des matériaux, traitements de surface, et d’autres encore. De ce fait, les lois générales sont trop imprécises ; il est nécessaire d’établir des lois particulières pour les diverses circonstances rencontrées en pratique. Les extrapolations à partir des essais réalisés en laboratoire demandent de prendre quelques précautions, par exemple pour s’assurer que l’on ne va pas changer de processus d’endommagement. C’est la propagation des fissures de fatigue qui peut être le mieux appréhendée. Leur amorçage est déjà plus difficile à traiter. En fluage, les mécanismes diffèrent suivant la température et la contrainte. Il conviendrait aussi de tenir compte dans le domaine des hautes températures des effets de l’environnement qui sont loin d’être négligeables et dont nous n’avons pas parlé. En corrosion sous contrainte, le mieux est de se mettre à l’abri du phénomène, en choisissant bien le matériau en fonction du milieu agressif, en utilisant la protection cathodique ou des revêtements de surface anticorrosion.

A.

Annexes

A.1. Prévision de la durée d’amorçage d’une fissure de fatigue au voisinage d’un trou Soit une pièce comportant un trou. On sait que le facteur de concentration de contrainte K T bord du trou cylindrique vaut 3. Si une plastification locale au bord du trou se produit, l’approximation de Neuber (H. Neuber en 1961) (Equ. 6.2) permet d’écrire : ∆ε∆σ = 9

2 ∆σnom · E

(6.14)

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CHAPITRE 6 – PRÉVOIR LES ÉVOLUTIONS DES ENDOMMAGEMENTS

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Si la loi d’écrouissage cyclique du matériau mise sous la forme : σ = σ 0 εn .

(6.15)

  1 2 n+1 ∆σnom ∆ε = 9 . Eσ0

(6.16)

l’équation 6.14 donne :

On peut alors utiliser la loi de Manson-Coffin pour prévoir la durée d’amorçage d’une fissure de fatigue au bord du trou. À défaut de l’avoir déterminée expérimentalement, on peut avoir recours à la loi des pentes universelles (Equ. 6.1). Si la déformation plastique est suffisante, la contribution de la loi de Basquin est négligeable et :  N=

1 D 4



Eσ0 2 ∆σnom



1 n+1

 

1 0,6

.

(6.17)

A.2. Naissance des cavités de fluage Dans un solide homogène sous pression hydrostatique σm la variation de l’enthalpie libre quand se crée une cavité sphérique de rayon R est donnée par : ∆G = 4πR 2 γs + ∆E e −

4 3

πR 3 σm

(6.18)

γs étant l’énergie de surface et E e l’énergie élastique emmagasinée. 3(1 − 2ν) 2 4 ∆E e = α πR 3 σm . E 3

(6.19)

Ce terme est négligeable parce que le niveau de contrainte en fluage est relativement faible. Pour former la cavité il faut franchir une barrière d’énergie ∆G ∗ correspondant au rayon R ∗ qui annule la dérivée partielle de la variation d’enthalpie libre par rapport à R. Ceci donne : R ∗ = 2γs /σm et ∆G ∗ = (16π/3)(γs3 /σm2 ).

(6.20)

La germination sur un joint de grain réduit l’énergie de surface de γj /4 dans l’équation 6.18.

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Cependant la forme d’équilibre d’une cavité sur un joint n’est pas sphérique mais lenticulaire comme sur la figure 6.11. L’angle Ψ est donné par : γj = 2γs cos Ψ.

(6.21)

On pose : S = l’aire de la surface de la cavité = F SR 2 ; S j = l’aire du joint de grain intercepté par la cavité = F jR 2 ; V = le volume de la cavité = F VR 3 . On modifie alors l’équation 6.17 en conséquence. Sur un joint plan : F S = 4π(1 − cos Ψ) F j = π sin 2 Ψ FV =

2π 3

(6.22)

(1 − cos Ψ) (2 + cos Ψ) 2

R ∗ est toujours donné par la même expression, mais ∆G ∗ vaut 3

8π γs 3 2

σn

(1 − cos Ψ) 2(2 + cos Ψ).

∆G ∗ diminuent avec l’angle Ψ ou lorsque la contrainte normale sur le joint augmente. On voit que le taux de germination des cavités sera fortement influencé par la pression dans la cavité ou par la ségrégation d’impuretés sur le joint.

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7

1.

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Endommagements et maintenance

Équilibre entre coût de maintenance et coût des défaillances

Lorsqu’on participe à des expertises judiciaires concernant des litiges résultants d’accidents, on est frappé par les dépenses qui en découlent. Les entreprises font-elles vraiment la comparaison entre ce qu’auraient coûté une conception et une maintenance plus soigneuses et les coûts des défaillances ? Si cela était fait plus souvent, les endommagements possibles seraient mieux pris en compte. Dans les bureaux d’études, les sollicitations auxquelles les pièces risquent d’être soumises sont bien souvent sous-estimées. Il est difficile d’envisager tous les cas de figures. Les pratiques des usagers sont par-dessus tout imprévisibles. Certains types de sollicitations sont trop souvent ignorés : les agressions de l’environnement, les contraintes résiduelles notamment. Une autre erreur courante consiste à porter toute son attention sur les pièces essentielles, celles qui mettent directement en jeu la sûreté de fonctionnement, et à négliger des pièces secondaires, conçues sans souci de leur longévité. Leur défaillance pourtant est susceptible d’entraîner des frais importants, voire même d’affecter le fonctionnement des pièces essentielles, et, à la limite, de provoquer la rupture de ces dernières. Un autre facteur de ruine des structures est l’absence de prise en considération de certains types d’endommagement. Il faudrait que les concepteurs soient tenus de parcourir une « check list » pour s’assurer que l’on n’a pas oublié de se prémunir contre certains d’entre eux. Comme les fabrications ne sont pas à l’abri d’imperfections, des contrôles adéquats sont indispensables avant la mise en service. De même, des contrôles périodiques sont ensuite souvent nécessaires. Naturellement, beaucoup d’industries sont parfaitement conscientes de tous ces problèmes et font le maximum pour supprimer, ou tout au moins limiter, les risques de défaillances. Il existe pourtant des cas où la durée de vie des pièces est délibérément limitée afin d’obliger les usagers à

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acheter des rechanges, à un prix qui est d’ailleurs largement supérieur à celui, masqué, auquel sont vendues les pièces d’origine. On remarquera que de telles pratiques demandent une toute aussi bonne maîtrise de l’endommagement que celle exigée par le souci de sûreté et de longévité maximales. On pourrait, par souci de perfection, multiplier les précautions et les contrôles. Mais ceci a un prix, et il faut aussi que la durée de fonctionnement des équipements ne soit pas entièrement absorbée par la maintenance. Il existe donc un optimum : une maintenance insuffisante risque d’entraîner des coûts prohibitifs de défaillances, alors que trop en faire est une dépense sans rapport avec les gains possibles de fiabilité. Dans la recherche de cet optimum, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte : le coût des pièces associé au choix qui est fait des matériaux employés et de leur mode de fabrication ; le coût de chaque opération de maintenance auquel est associé un aspect de choix du procédé de contrôle présentant le meilleur rapport coût-efficacité ; le risque de défaillance qui est fonction de la durée d’utilisation des appareils ; le coût de chaque défaillance, partagé entre coût direct et coût indirect ; et la politique de réparation ou de remplacement adoptée selon les résultats des opérations de maintenance. Nous voyons qu’il entre dans la recherche de l’optimum bien des aspects aléatoires. Les plus importants proviennent des risques de contrôles imparfaits, des incertitudes qui pèsent sur les endommagements et de l’évaluation des conséquences possibles des défaillances et de leur coût. Ce dernier aspect est lié au degré de responsabilité des divers protagonistes : le fabricant, l’exploitant, les pouvoirs publics. Moins ce degré est grand et plus l’absence de précaution peut se manifester. Prenons deux exemples extrêmes : d’un côté les bicyclettes et de l’autre les réacteurs nucléaires. Dans le premier cas le coût d’une défaillance est faible ; la personne qui se perçoit comme le plus responsable est le malheureux cycliste, avec un bras dans le plâtre à la suite de la rupture de la fourche de son vélo, et qui ne se retournera ni vers le fabricant ni vers l’État. La maintenance est de l’entière responsabilité de l’exploitant, qui dans ce cas, probablement inconscient de risques de ruptures, optimisera le coût en n’en faisant pas ou très peu. Le fabricant est lui essentiellement tenu par sa réputation et par la concurrence. Le coût des soins prodigués au cycliste accidenté n’est pas ce qui l’incitera à fabriquer des engins plus solides. Il sera plutôt préoccupé d’alléger ces derniers sans détériorer la fiabilité au-delà de ce qui nuirait à son image de marque. Quant aux pouvoirs publics, l’étendue des dépenses de sécurité sociale entraînées par les ruptures de bicyclettes n’est pas suffisante pour les amener à légiférer de façon particulière afin de garantir la sûreté de fonctionnement. Le paysage est évidemment tout autre

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dans le nucléaire où les conséquences d’un accident pourraient être incommensurables. Dans ce cas, pouvoirs publics, exploitant et fabricant sont tous sur la brèche pour augmenter le plus possible le degré de sûreté des installations. Mais c’est sans doute la réglementation qui dans ce cas, où la responsabilité de l’État serait la première engagée, est le moteur le plus puissant. Nous pouvons remarquer que, dans l’appréciation du coût des défaillances, il est possible de faire des estimations objectives, affectées d’incertitudes plus ou moins grandes, mais que la perception du risque par le public est un facteur qui pèse fortement sur les politiques de maintenance. Or cette perception peut être sans commune mesure avec les coûts objectifs. Nous voyons que la détermination des bonnes politiques de maintenance devrait rassembler des spécialistes de champs disciplinaires variés : mécaniciens et métallurgistes ou plus généralement ingénieurs en science des matériaux, ingénieurs en contrôles non destructifs, fiabilistes et spécialistes de statistiques et de probabilité, spécialistes en analyse du risque, sociologues. Or, ces divers acteurs ne se rencontrent guère. Rares sont les recherches et les études qui associent ces aspects variés. Pour y voir un petit peu plus clair, nous allons examiner plus en détail quelques-uns de ces aspects en commençant par les contrôles non destructifs. Puis nous verrons les résultats d’un travail de thèse sur la maintenance des ouvrages d’art qui peut servir d’exemple caractéristique d’une démarche possible. On trouvera section 3.2 une tentative d’analyse plus complète du coût des défaillances.

2.

Contrôles non destructifs

2.1.

Ce qu’il importe de contrôler

Le but des contrôles non destructifs est de détecter la présence éventuelle d’endommagements. Il serait souhaitable de le faire au plus tôt. Mais nous nous heurtons là aux capacités de détection des appareils de contrôle. On ne sait de façon courante détecter ni les cavités de rupture ductile ou de fluage, ni les fissures de dimensions microscopiques, surtout si elles sont dispersées dans le volume. Dans ces conditions, c’est essentiellement la présence de fissures macroscopiques, de fissures susceptibles de se propager et de conduire à la rupture, qui doit être révélée. Au-delà de la simple détection de la présence d’une fissure, indication déjà importante pour la sécurité de fonctionnement, il peut être souhaitable de prévoir comment elle risque de se propager. Il faut pour cela avoir recours à la mécanique de la rupture. Or, celle-ci nous enseigne que

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2c

2a

a

2c Fig. 7.1. Fissures réelles et fissure elliptique ou semi-elliptique idéalisées.

c’est le petit axe des fissures elliptiques ou semi-elliptiques qui doit être apprécié en premier lieu, car c’est lui qui intervient dans l’expression du facteur d’intensité de contrainte maximal le long du front (Fig. 7.1). Les fissures réelles peuvent être assimilées à de telles fissures idéalisées. Cette exigence complique passablement les contrôles non destructifs nécessaires. Nous n’aborderons ici que les méthodes les plus courantes.

2.2.

Examens visuels

La méthode la plus immédiate consiste tout simplement à essayer de voir les fissures qui débouchent à la surface. Le pouvoir séparateur n’est pas inférieur à la longueur d’onde de la lumière. À l’œil nu, on ne distinguera que des fissures dont l’ouverture à la surface de la pièce dépasse une fraction de micron. Comme les fissures sont en général peu ouvertes la possibilité de les détecter ainsi est faible. Il faut de plus que leur longueur soit suffisamment grande, car l’ouverture, sous une contrainte donnée est proportionnelle à cette longueur. L’utilisation d’une loupe améliore les possibilités de distinguer les fissures.

2.3.

Ressuage

C’est la technique du ressuage qui procure les meilleures conditions d’observation visuelle. La surface est mouillée par un produit coloré en rouge, de faible tension superficielle, de sorte qu’il est susceptible

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d’aisément pénétrer dans les fissures qui débouchent à la surface et d’y rester. On essuie ensuite le produit et l’on applique une légère couche d’un produit blanc dans laquelle perfuse le liquide coloré inclus dans les fissures. Ainsi apparaissent-elles. L’avantage de ces examens visuels est qu’ils sont simples et peu coûteux. Ils demandent néanmoins d’être exécutés avec soin : bonne préparation de surface, contrôle de la température et de la durée. Mais ils ne permettent pas de déterminer la profondeur des fissures, la dimension essentielle dans la mesure où les fissures superficielles sont en règle générale plus longues que profondes. On estime à 1,5 mm la sensibilité du ressuage.

2.4.

Magnétoscopie

La technique, qui s’apparente d’une certaine façon au ressuage, consiste à détecter les anomalies de champ magnétique provoquées par les défauts. La pièce est soumise à un champ magnétique et l’imagerie est obtenue par des produits indicateurs répandus à la surface. Par rapport au ressuage, l’avantage de la magnétoscopie est d’être capable de révéler des défauts proches de la surface mais n’y débouchant pas ou insuffisamment ouverts pour que les liquides y pénètrent. Elle ne peut pas non plus donner d’indication sur la profondeur des défauts. On estime, comme pour le ressuage, à 1,5 mm sa sensibilité.

2.5.

Radiographie et gammagraphie

Le principe est le même que celui employé dans le domaine médical. Mais l’absorption des rayonnements par les matériaux est d’autant plus élevée que leur numéro atomique est grand. Ceci limite donc l’épaisseur des produits que l’on peut examiner si l’on se limite à des temps de pose raisonnables. La gammagraphie, utilisant un rayonnement de plus faible longueur d’onde que celle des rayons X, procure la possibilité d’examen de pièces plus épaisses. Si ces techniques révèlent bien des porosités, elles sont peu capables de détecter des fissures. Si le faisceau est incliné par rapport au plan de ces dernières, le trajet dans l’intervalle entre les lèvres est insuffisant pour donner un quelconque contraste. Les seules fissures visibles sont celles qui sont parallèles au faisceau. L’avantage de ces méthodes est qu’elles permettent la détection de défauts enfouis, avec des réserves en ce qui concerne les fissures. Malheureusement, la détermination de leurs dimensions dans la direction du faisceau est impossible.

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2.6.

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Ultrasons

Le principe de la détection des défauts par ultrasons repose avant tout sur la réflexion des faisceaux par les discontinuités. Celle-ci n’a lieu que si les défauts ont une taille au moins égale à la longueur d’onde. Les ultrasons employés ont des fréquences de 10 à 20 MHz, soit des longueurs d’onde de 0,58 et 0,29 mm respectivement. Des réflexions seront donc obtenues pour des défauts de l’ordre de 0,3 mm. Les ultrasons sont injectés dans la pièce à contrôler à l’aide d’un transducteur piézoélectrique. La réception des faisceaux réfléchis peut se faire à l’aide d’un deuxième transducteur ou du premier. Dans ce cas, il faut que l’impulsion ultrasonore soit de durée inférieure au temps de parcours des ondes. Les ondes ultrasonores sont de deux types : des ondes longitudinales, la vibration ayant lieu dans le sens de la propagation, et des ondes transversales, la vibration a lieu perpendiculairement. Il est nécessaire que les transducteurs soient en liaison très étroite avec la surface des pièces pour assurer une bonne pénétration des ondes. Cela est plus délicat pour les ondes transversales que pour les ondes longitudinales. On interpose en général une graisse entre la surface des transducteurs et celle de la pièce. Une autre technique consiste à immerger la pièce dans un liquide qui transmet les ultrasons ; de l’eau suffit. Dans ce cas ne se propagent que des ondes longitudinales. En donnant au transducteur une forme convenable, on peut générer des ondes plus ou moins sphériques et créer des faisceaux focalisés. Lorsque le faisceau traverse l’épaisseur d’une plaque perpendiculairement à sa surface, il est réfléchi par la surface opposée à celle où les ultrasons sont injectés (Fig. 7.2). Si le signal émis est une impulsion, le transducteur fonctionnant en émetteur puis en récepteur recevra une impulsion réfléchie au bout d’un temps correspondant au double de la durée du parcours pour traverser la plaque. Des réflexions multiples se produisent, de sorte que les échos successifs, d’amplitude décroissante en raison de l’absorption, sont tous séparés de cette même durée. Si maintenant un défaut se trouve quelque part au sein de la plaque, il réfléchira les ultrasons en donnant une impulsion arrivant avant l’écho de fond. Si le défaut est de taille suffisante, il peut complètement réfléchir le faisceau et occulter cet écho de fond. On peut déterminer à quelle distance de la surface se trouve le défaut en question par la mesure du temps de parcours. La détermination de la taille du défaut ainsi détecté peut se faire en réalisant un balayage de la surface par le transducteur. Lorsque le faisceau vient intercepter la frontière du défaut, il est réfléchi partiellement et ceci d’autant moins qu’il s’écarte davantage de ce dernier. On voit que la résolution ainsi que la précision de la mesure de la dimension des défauts est directement liée à la taille de la section du faisceau.

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CHAPITRE 7 – ENDOMMAGEMENTS ET MAINTENANCE

écho de fond

Temps

Transducteur 2B/c B

écho de défaut écho de fond

défaut

Temps Transducteur

2d/c

d B

Fig. 7.2. Réflexion des ultrasons par la surface et par un défaut. Écho de fond et écho de défaut.

Ceci montre l’intérêt des faisceaux focalisés. Nous remarquons que c’est la surface projetée sur un plan perpendiculaire au faisceau qui est mesurée. Nous sommes maintenant confrontés au problème de détection des fissures perpendiculaires à la surface de la plaque, invisibles si le faisceau est perpendiculaire à cette dernière. Il peut être résolu en utilisant des transducteurs injectant un faisceau incliné par rapport à la surface de la plaque (Fig. 7.3). Nous remarquons que dans ces conditions il ne reçoit aucune réflexion. Il faut maintenant utiliser un transducteur récepteur convenablement placé pour recevoir l’écho de fond.

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défaut

Transducteur émetteur

Transducteur récepteur

Fig. 7.3. Détection d’un défaut perpendiculaire à la surface.

Dans des pièces de forme plus compliquée que celle d’une plaque, il peut être difficile de recueillir un écho de fond. Le contrôle repose alors entièrement sur les échos en provenance du défaut. Or, ils ne sont captés que si leur orientation est convenable par rapport aux transducteurs. Le risque est grand qu’un certain nombre de défauts restent invisibles. Toutefois, les défauts ne font pas que réfléchir les ultrasons ; ils les diffractent aussi. Les bords de fissure réémettent des ondes. Celles-ci génèrent des échos qui peuvent permettre la détection d’une fissure en position de non réflexion ; mais ces échos sont analogues à ceux que donneraient un très petit défaut en position de réflexion. Nous sommes alors trompés et nous ne savons pas que nous avons en réalité affaire à la diffraction par le bord d’une grande fissure. Nous risquons bien de ne pas donner l’alarme. Les ultrasons constituent cependant la méthode la mieux adaptée pour la détection des fissures et pour la détermination de leurs dimensions. Mais leur résolution est telle qu’il ne faut pas espérer descendre en dessous de tailles de l’ordre du millimètre. De plus, la probabilité de détection de fissures de dimensions supérieures est loin d’être de cent pour cent.

2.7.

Courants de Foucault

Un courant électrique ne peut traverser une fissure ou, tout au moins, y rencontre une certaine résistance. La fissure agit en augmentant la résistance électrique de la pièce. Ceci procure donc un moyen de

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détection, mais il faut être capable de comparer la résistance de la pièce fissurée à celle d’une pièce saine. Le dispositif le plus convenable utilise des courants de Foucault induits à la surface de la pièce par une bobine parcourue par un courant à haute fréquence. En couplant deux bobines se translatant parallèlement à la surface de la pièce à contrôler, on peut détecter une variation d’impédance d’une des bobines par rapport à l’autre si les courants de Foucault sont perturbés par la présence d’une fissure. Une disposition efficace est procurée dans le cas d’un tube qui peut être entièrement entouré par une bobine d’induction. La méthode des courants de Foucault ne peut donner une idée de la taille des fissures détectées que par étalonnage préalable sur des pièces contenant des défauts types. La précision n’est pas considérable, mais la méthode est rapide.

2.8.

Émission acoustique

Cette méthode consiste à détecter des ondes émises par le développement des défauts. À l’extrémité d’une fissure qui se propage, ou même simplement qui s’ouvre, un champ acoustique est émis. En plaçant un micro pour détecter ces ondes, il est possible de s’apercevoir de sa présence. En en disposant trois formant un triangle, la localisation devient réalisable en comparant les temps d’arrivée des signaux. Il est naturellement nécessaire de solliciter la pièce pour faire « chanter » les défauts. On constate, pour ce faire, qu’il faut dépasser le dernier niveau de sollicitation atteint ; c’est l’effet Kaiser. Une des difficultés d’application de cette méthode provient de l’atténuation des ondes au cours de leur propagation. Il n’est donc pas possible d’estimer directement la nocivité du défaut d’après l’amplitude du signal reçu, même en supposant l’intensité émise corrélée avec la dimension de la fissure. Un autre inconvénient provient de la présence de signaux parasites, dus par exemple à des frottements, à des écoulements de fluides. Par rapport aux autres méthodes, à condition de disposer d’un nombre suffisant de capteurs, l’émission acoustique permet une surveillance de toutes les parties de la structure critique et pas seulement des zones soumises à inspection. Elle permet, de plus, de le faire en continu par des enregistrements effectués même en l’absence de personnel. C’est ainsi que sont mis sous surveillance les câbles des ponts à haubans. Dans ce cas, les ruptures de torons constituent des événements acoustiques intenses. C’est pour cette raison que cette méthode est particulièrement bien adaptée pour des composites à fibres, fibres qui se cassent individuellement en émettant un fort signal.

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3.

D. FRANÇOIS

Un exemple de maintenance, celle des ouvrages d’art

Le Laboratoire Central des Ponts et Chaussée est évidemment préoccupé des problèmes que pose la maintenance des ouvrages d’art. Conscient des questions que pose l’équilibre entre les coûts des inspections et des réparations et celui des possibles défaillances, il s’attache à analyser au mieux l’organisation de la maintenance. Il a notamment étudié celle des ouvrages métalliques soudés, en faisant porter son attention tout particulièrement sur l’endommagement par fatigue. Je me réfère ici à la thèse de Mladen Lukic (1999).

3.1.

Un traitement déterministe

Commençons par un traitement déterministe. Supposons qu’il existe dans un joint soudé une fissure de profondeur a 0 . Comme avant mise en service une inspection a été pratiquée, avec une limite de détection a d , a 0 est inférieur à a d . Soit une durée d’utilisation de l’ouvrage correspondant à N u cycles de fatigue. Soit N i le nombre de cycles entre deux inspections. Le nombre de cycles nécessaires N r pour qu’une fissure de profondeur a 0 en se propageant atteigne une taille critique entraînant la rupture peut être calculé en intégrant la loi de Paris (Fig. 7.4). Ce nombre est d’autant plus petit que la longueur initiale de la fissure est grande. Le nombre de cycles nécessaires N d pour qu’une fissure de longueur initiale a 0 atteigne la dimension possible à détecter a d est inférieur à N r , et à la limite tend vers 0 si la longueur initiale de la fissure est très proche de la limite de détection. En fait, le nombre de cycles entre réparations ne peut évidemment être inférieur à N i . Supposons qu’à chaque inspection révélant la présence d’une fissure, l’ouvrage est réparé. La somme dépensée au bout de N u cycles comprend le coût de l’ouvrage, plus le coût des inspections, plus celui des réparations, plus celui d’une défaillance au cas où elle se produit. Si le coût unitaire d’une inspection est c i , le coût total des inspections est C i = c iN u /N i . Il décroît lorsque N i augmente. Le coût total des réparations, si chacune coûte c r , est C r = c rN u /N d . Si le nombre de cycles à la rupture est supérieur à la durée d’utilisation, les inspections sont inutiles. Comme nous sommes dans l’ignorance quant à la valeur de la longueur initiale de la fissure, il faut au pire supposer qu’elle est très proche de la limite de détection. Il faut donc calculer N r en intégrant la loi de Paris à partir de a d . Lorsque N r(a d) est inférieur à N u , une défaillance risque de se produire si N i est plus grand que cette valeur. Alors le coût total augmente brusquement du coût de cette défaillance (qui peut être fort élevé !). Nous constatons qu’il existe donc un optimum lorsque N i = N r(a d). Pour des

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CHAPITRE 7 – ENDOMMAGEMENTS ET MAINTENANCE

loga mm 100

ar

10 ad a0 = 2 mm

1

a0 = 1 mm 104

2.104

4.104

105 log N Nd

Nr

Fig. 7.4. Évolution de la dimension a d’une fissure qui se propage par fatigue et nombre de cycles N d pour atteindre la limite de détection du contrôle non destructif et N r pour atteindre la taille critique.

valeurs inférieures des intervalles entre inspections, nous en faisons trop qui sont inutiles et cela augmente les coûts ; pour des valeurs supérieures, une défaillance risque de se produire, induisant une forte augmentation du coût.

3.2.

Traitement fiabiliste

Les facteurs d’incertitude Le traitement précédent a beau être déterministe, il nous a fallu introduire un élément d’incertitude quant à la dimension de la fissure initiale non détectée. Si maintenant nous considérons toutes les incertitudes concernant les chargements de l’ouvrage et donc des cycles de fatigue, la température, les contrôles non destructifs, les paramètres de la loi de Paris, la ténacité et donc la dimension critique de la fissure, sa forme, les contraintes résiduelles de soudage, et finalement le taux d’actualisation des coûts en raison de l’inflation, nous voyons qu’un

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traitement fiabiliste est indispensable prenant en compte tous ces aspects statistiques.

Variables déterministes et variables probabilistes Une étude a tout d’abord été effectuée pour examiner l’influence des divers paramètres et de leur dispersion sur la durée de vie et sur l’indice de fiabilité pour un assemblage soudé particulier d’un pont métallique soumis à la fatigue. Elle a montré, en partant de valeurs vraisemblables des divers paramètres et de leur dispersion, que la longueur initiale de la fissure, son facteur de forme, le nombre de cycles annuels, l’exposant m et le coefficient C de la loi de Paris, l’erreur sur la ténacité K Ic , la dispersion des amplitudes de la contrainte, le seuil de non propagation devaient être considérés comme des variables probabilistes. Les autres au contraire comme la température extérieure, la température de transition fragile ductile, le nombre de cycles d’amorçage des fissures de fatigue, les contraintes résiduelles comme les contraintes appliquées pouvaient être considérées comme des variables déterministes. Les paramètres qui ont la plus grande influence sur l’indice de fiabilité sont ceux de la loi de Paris et de leur écart type, surtout celui du coefficient C, le seuil de non propagation et son écart type, et le nombre de cycles d’amorçage. De moindre influence sont la variation de contrainte et le nombre de cycles annuels, et enfin, moins influents encore, la longueur initiale de la fissure et son facteur de forme. Il importe donc de connaître aussi précisément que possible ces facteurs qui affectent plus ou moins l’indice de fiabilité. L’étude faite montre (Fig. 7.5) que, en raison de la propagation de la fissure par fatigue, l’indice de fiabilité se dégrade au cours du temps, ou, autrement exprimé, que la probabilité de défaillance augmente. Elle le fait essentiellement à partir de 40 ans d’utilisation du pont. L’indice de fiabilité atteint la valeur réglementaire de 3,8 au bout d’environ 35 ans. (L’indice de fiabilité β (Fig. 7.6) est tel que la probabilité de défaillance est égale à la fonction de répartition de la variable aléatoire normale centrée réduite prenant la valeur β.)

Influence de la maintenance sur l’indice de fiabilité L’étape suivante consiste à examiner l’influence des inspections en service sur l’indice de fiabilité. Quatre hypothèses peuvent être retenues : (1) le contrôle ne détecte aucune fissure ; (2) il en détecte une mais ne détermine pas ses dimensions ; (3) il en détecte une et évalue ses dimensions ; (4) à la suite d’un contrôle positif, il est décidé de réparer l’assemblage.

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CHAPITRE 7 – ENDOMMAGEMENTS ET MAINTENANCE

β P

a0 = a(R6)

10

a0 = b 8

0,04

a0 = b/2

6

0,03

4

0,02

2

0,01

0 0

20

40

80

60

Temps années

0

20

40

60

80

Temps années

Fig. 7.5. Évolution de l’indice de fiabilité (β) et de la probabilité de défaillance (P) en fonction du temps. Les calculs correspondent à une taille critique de fissure calculée par la méthode R6. Ils sont comparés à une taille critique égale à l’épaisseur b de la semelle de l’assemblage soudé ou à sa moitié. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

1 0.9 Probabilité de défaillance, Pf

0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0 −5

−4

−3

−2

−1 0 1 Indice de fiabilité,

Fig. 7.6. Relation entre indice de fiabilité et probabilité de défaillance.

2

3

4

5

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La maintenance ainsi effectuée permet une requalification de la pièce contrôlée : l’indice de fiabilité est réévalué. En plus de la valeur moyenne de la sensibilité de la méthode de contrôle non destructif employée, le coefficient de variation des mesures joue un rôle très important. Nous ne serons pas surpris de constater que s’il est élevé la requalification ne conduit pas à des augmentations très grandes de l’indice de fiabilité. Si la requalification intervient au bout de 35 ans, un contrôle qui ne détecte pas de fissure permet une augmentation de l’indice de fiabilité d’autant plus élevé que la sensibilité de la méthode de contrôle est grande et son coefficient de variation faible (Fig. 7.7). Corrélativement, la détection d’une fissure sans mesure de sa dimension induit une détérioration de l’indice de fiabilité, cette fois-ci d’autant plus grande que la sensibilité est faible et le coefficient de dispersion élevé (Fig. 7.8). La détection avec mesure permet d’augmenter l’indice de fiabilité si la sensibilité de la méthode de contrôle non destructif est bonne, inférieure à 1 mm, mais à une détérioration si elle est insuffisante (Fig. 7.9). Lorsque la requalification intervient au bout de 10 ans, la non détection de fissure ne permet qu’une augmentation de l’indice de fiabilité négligeable (Fig. 7.10). L’inspection arrive trop tôt pour pouvoir détecter des fissures. Ceci se traduit d’ailleurs par une détérioration de l’indice de fiabilité même avec mesure des dimensions de la fissure détectée, sauf si la sensibilité est très grande (Fig. 7.11 et 7.12). β

P Sans inspection µ(a d ) = 0,2 mm µ(a d ) = 0,5 mm µ(a d ) = 1,0 mm µ(a d ) = 2,0 mm µ(a d ) = 5,0 mm

0,04 0,03

5 4

0,02

3

0,01

2

0

0

20

40

60

80

1 Temps 0 années

20

40

60

80

Temps années

Fig. 7.7. Requalification à 35 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui ne détecte pas de fissure et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

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β

P

5 0,08 4 0,06 3

0,04

2 0,02 0

1 0

20

40

80

60

Temps années

Sans inspection µ(ad ) = 0,2 mm µ(ad ) = 0,5 mm µ(ad ) = 1,0 mm µ(ad ) = 2,0 mm µ(ad ) = 5,0 mm

0 -1 -2

0

20

40

80

60

Temps années

Fig. 7.8. Requalification à 35 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui détecte une fissure mais n’en détermine pas les dimensions et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.) β P 5 0,08 4 0,06 3 0,04 2 0,02 1 0 0

20

40

60

Sans inspection µ(a d ) = 0,2 mm µ(a d ) = 0,5 mm µ(a d ) = 1,0 mm µ(a d ) = 2,0 mm µ(a d ) = 5,0 mm

80

Temps années

0

-1

-2

0

20

40

60

80

Temps années

Fig. 7.9. Requalification à 35 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui détecte une fissure et en détermine les dimensions et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

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P

β Sans inspection µ(ad ) = 0,2 mm µ(ad ) = 0,5 mm µ(ad ) = 1,0 mm µ(ad ) = 2,0 mm µ(ad ) = 5,0 mm

0,04 0,03

5 4

0,02

3

0,01

2

0

0

20

40

60

80 Temps années

1

0

20

40

60

80

Temps années

Fig. 7.10. Requalification à 10 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui ne détecte pas de fissure et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

β P 5 0,08 4 0,06 3 0,04 2 0,02 1 0

0

20

40

60

Sans inspection µ(a d ) = 0,2 mm µ(a d ) = 0,5 mm µ(a d ) = 1,0 mm µ(a d ) = 2,0 mm µ(a d ) = 5,0 mm

80 Temps années

0 -1 -2

0

20

40

60

80

Temps années

Fig. 7.11. Requalification à 10 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui détecte une fissure mais n’en détermine pas les dimensions et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

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P

β

0,08

5

0,06

4

0,04

3

0,02

2

0

0

20

80 Temps 1 années 0 Sans inspection

40

60

µ(a d ) = 0,2 mm µ(a d ) = 0,5 mm

-1

µ(a d ) = 1,0 mm µ(a d ) = 2,0 mm µ(a d ) = 5,0 mm

-2 0

20

40

60

80 Temps années

Fig. 7.12. Requalification à 10 ans. Modification de l’indice de fiabilité pour un contrôle qui détecte une fissure et en détermine les dimensions et pour un coefficient de variation des contrôles de 30 %. µad représente la valeur moyenne du seuil de détection. (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

Évaluation des coûts Ceci fait, il est possible d’aboutir à une évaluation des coûts. Le travail a été effectué uniquement dans le cas de la réparation de l’assemblage soudé dès qu’une fissure est détectée. Le coût total de la maintenance (Fig. 7.13) est fonction de la sensibilité du contrôle non destructif. Le calcul est fait en supposant que le coût des inspections est indépendant du seuil de détection, ce qui constitue évidemment une simplification inexacte, le coût augmentant si l’on veut atteindre de meilleurs seuils de détection. Ceci dit, le coût total décroît fortement lorsque la limite de détection augmente jusqu’à 0,5 mm. En effet, lorsque la limite de détection est très faible, on répare trop souvent. Le coût total est minimal pour une sensibilité comprise entre 0,5 et 1,5 mm. Au-delà de 1,5 mm le coût augmente en raison de l’accroissement de la probabilité de défaillance, mais peu. Parallèlement, les instants d’inspection correspondant aux coûts minimaux sont très grands pour les grandes sensibilités ; ils passent par un fort minimum pour les limites de détection d’environ 0,3 mm pour ensuite augmenter vers une valeur asymptotique d’environ 33 ans. Pour les limites de détection comprises entre 0,5 et 1,5 mm, donnant les coûts minimaux, les instants d’inspection vont de 20 à 30 ans.

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%C

1,2 ad mm 5

1

0,8

4

0,6

3

0,4

2

0,2

1

0

0 0

1

2

3

4

5 ad mm

0 20 30 10 40 Instant de première inspection (années)

Fig. 7.13. Coût total minimal en pourcentage du coût de l’ouvrage neuf et instant de première inspection (calculé uniquement à partir de 10 ans, d’où l’intervalle sur la courbe) en fonction du seuil de détection du contrôle non destructif a d . (D’après M. Lukic, thèse ENPC, 1999.)

L’influence de divers paramètres a été examinée. Le taux d’actualisation fait beaucoup varier le coût total minimal, le divisant par 7 par le passage de 4 à 8 %. Ceci fait penser que la construction de ponts sophistiqués pour aboutir à rendre la maintenance inutile, avec des taux d’actualisation faibles, ne se justifierait pas. Les coûts d’inspection et de réparation ont peu d’influence. Mais les coûts d’inspection élevés conduisent à un retard de 2 à 3 ans de l’instant d’inspection, alors que c’est l’inverse pour les coûts de réparation. Le coût de défaillance joue un rôle essentiel, mais néanmoins le multiplier par 1000 ne fait que doubler le coût total minimal. Plus il est élevé, plus il est indispensable de diminuer le seuil de détection, plus il faut avancer l’instant d’inspection. L’étude aboutit finalement à des instants d’inspection compatibles avec la pratique courante d’entretien des ouvrages d’art qui prévoit de refaire la peinture des ouvrages métalliques tous les trente ans environ. Cette recherche n’est pas encore assez documentée, mais des travaux se poursuivent dans cette voie. C’est la collecte de données sur les paramètres influents qui en constitue la pierre d’achoppement.

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1.

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Guérison des endommagements

La ménagère et le bricoleur recousent et collent

Rares sont les cas où les endommagements sont recherchés. On pense au vitrier qui, au diamant, raye le verre pour le couper à la bonne dimension ; au brise-glace ; aux trous du papier hygiénique (encore que ...) ; à l’ouverture des boîtes pour les boissons. Nous cherchons bien plutôt à prévenir les endommagements et, s’ils se produisent, comme nous serions contents de pouvoir les guérir ! Malheureusement, ils sont très généralement irréversibles. Alors il nous faut réparer. Dans la vie courante, quels moyens nous viennent-ils à l’esprit pour réduire un endommagement ? Nous avons recours à la couture pour raccommoder une déchirure. Nous utilisons de la colle pour réparer un bris de vaisselle, pour mettre une rustine sur une chambre à air crevée. Divers procédés de soudage sont utilisés par des bricoleurs outillés. Les moyens ne sont guère nombreux : les fils et la colle. Ce sont ceux que nous retrouvons, en dehors des ennuis domestiques, pour espérer traiter de cas industriels. Le principe de la couture commence à être envisagé pour les ouvrages d’art en béton. L’idée consiste à coller sur la paroi de voiles fissurés des éléments en matériaux composites à fibres, de façon à empêcher l’ouverture des fissures et la poursuite de leur propagation. Malheureusement, il n’est guère observé de guérison spontanée des artefacts. Ce chapitre sera donc bien trop court.

2.

Guérison des tissus vivants

Le vivant sait, lui, guérir les endommagements. Les tissus se cicatrisent, les fractures des os se consolident. Ça marche moins bien pour les branches d’arbres rompues. Un cas d’endommagement du squelette pas toujours connu est la fissuration par fatigue. Comme un vulgaire fil de fer,

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un os soumis à des efforts cycliques peut commencer à se fissurer à partir de sa surface. L’avantage du vivant est qu’il émet très précocement des signaux d’alarme, sous forme d’une vive douleur. Le sportif atteint réduit donc à temps les sollicitations. Un peu de repos et la fissure se guérit en formant un cal. C’est alors seulement que le radiologue pourra observer cet endommagement et le diagnostiquer. C’est toujours satisfaisant de savoir quelle a été la cause de son mal. On raconte que des squelettes de soldats d’Hannibal présentent de telles traces de fissurations par fatigue. Gageons qu’il en fut alors de même pour ceux de bien des fantassins des temps passés.

3.

Des matériaux autocicatrisants ?

3.1.

Le cas du verre

Pourtant, l’apparition d’un endommagement provoque une augmentation d’énergie de surface. Lorsque le taux de libération d’énergie d’origine mécanique est insuffisant, cet endommagement devrait donc disparaître afin de tendre vers un état d’énergie minimale ; les nouvelles surfaces créées devraient se recoller. En général, il n’en est rien en raison de l’existence de phénomènes irréversibles. Les surfaces fraîches des métaux se recouvrent d’oxydes ; des déformations plastiques accompagnent la formation des fissures. Toutefois, celles-ci devraient être peu importantes dans le cas de matériaux très fragiles. Les fissures apparues dans ces matériaux pourraient alors se refermer et guérir. Effectivement, de tels phénomènes ont été observés dans les verres. Un certain soin doit accompagner la fissuration initiale, pour éviter la formation d’aspérités sur les surfaces de rupture ou même de débris susceptibles d’empêcher la refermeture. On constate alors que les fissures disparaissent même avant complète décharge. Mais, lorsque la charge est ensuite à nouveau appliquée, l’énergie de rupture est moindre que celle mesurée sur le verre vierge. La guérison n’est donc pas parfaite. C’est ce que montre la figure 8.1. Nous y voyons que la vitesse des fissures, après refermeture réalisée dans diverses conditions, est dans tous les cas supérieure, pour un taux de libération d’énergie donné, à la vitesse observée pour une fissure vierge. Ceci est attribué à l’interaction de molécules d’eau avec les surfaces fraîches ouvertes par la fissuration. Les fissures guéries possèdent encore de ce fait une certaine réflectivité. Des expériences ont donc été effectuées sous vide ou dans des atmosphères aussi dépourvues d’humidité que possible. Dans ce cas encore, les guérisons restent imparfaites. Il est probable que les deux surfaces en regard ne reviennent pas exactement en contact de la façon dont elles étaient situées

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CHAPITRE 8 – GUÉRISON DES ENDOMMAGEMENTS

Vitesse de propagation m/s

723 K

10-2 a

10-4

b

573 K

c 473 K

10-6 d 10-8 A 10-10 0

2

4

6

8

G (J/m2)

Fig. 8.1. Effet du taux de libération d’énergie (G) sur la vitesse de propagation à l’ambiante de fissures dans un verre de soude-chaux-silice. La courbe A représente les résultats obtenus sur fissure vierge. a, b, c, représentent les résultats obtenus après refermeture et un séjour de, respectivement, 5 minutes, 24 heures et 30 jours à l’ambiante ; d ceux obtenus après un traitement à 393 K ; les points cerclés sont les résultats obtenus après un traitement aux températures indiquées. (D’après B. Stavrinidis et D.G. Holloway, Phys. Chem. of Glasses, 24, 1983, pp. 19-25.)

avant fissuration, et que les liaisons atomiques ne peuvent se reconstituer à l’identique.

3.2.

Cicatrisation des polymères

La guérison de fissures a été de même observée dans des polymères. Les expériences consistent à fissurer une éprouvette de mécanique de la rupture de façon à pouvoir mesurer l’énergie de rupture, puis à remettre les surfaces rompues en contact à différentes températures et pour des durées variables. L’énergie de rupture est ensuite mesurée à nouveau à la température ambiante. La figure 8.2 montre des résultats obtenus en 1981 par Jud, Kausch et Williams à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne sur du PMMA (polyméthylméthacrylate) et sur du PSAN (polystyrène acrylonitrile), des polymères amorphes non interconnectés. On remarque que la guérison est obtenue à des températures supérieures à la température de transition vitreuse (100 ◦C). La restauration de l’énergie de rupture suit une loi en t 1/4 . La guérison peut être

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KIi MPa m1/2

1

KIi d’origine

0,5 0,4 a b c d 0,3 0,2

0,1 0,1

e

1

10 100 Temps (minutes)

1000

Fig. 8.2. Guérison de morceaux de polymères rompus (PMMA) mesurée en déterminant la ténacité à l’amorçage de la propagation K Ii en fonction du temps de maintien à diverses températures : (a) 390 K ; (b) 385 K ; (c) 382 K ; (d) 378 K. La courbe e représente les résultats obtenus après séchage sous vide et polissage, puis maintien à 390 K. (D’après K. Jud, H.H. Kausch et J.G. Williams, J. Mater. Science, 16, 1981, pp. 204-210.)

complète pour des durées relativement courtes. Cette restauration suit une loi d’Arrhenius avec une énergie d’activation de 274 kJ/mol. Elle est interprétée comme un phénomène de reptation des chaînes moléculaires de polymère à travers l’interface, pour former des enchevêtrements. De ce fait, la guérison se fait d’autant plus rapidement que le poids moléculaire est plus petit. La durée de guérison correspond d’ailleurs à celle nécessaire pour le déplacement d’une chaîne par reptation sur une distance égale à leur longueur moyenne. On pourrait alors penser que la guérison de polymères interconnectés ne serait pas possible, en raison de l’immobilité relative des chaînes. Pourtant des expériences ont montré qu’il n’en était rien et des guérisons complètes ont été obtenues sur des résines époxy par exemple. L’hypothèse avancée pour expliquer ces observations est que la fissuration initiale créerait un grand nombre de nouvelles extrémités de chaînes, donnant des sites réactifs. La guérison des fissures dans les polymères dépend aussi d’une phase préalable de formation de la surface de contact entre leur deux faces. Initialement, elles ne se touchent qu’en quelques aires. C’est par déformation viscoplastique induite par l’énergie interfaciale que le

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CHAPITRE 8 – GUÉRISON DES ENDOMMAGEMENTS

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mouillage complet intervient. Une fois réalisé ce mouillage, l’interface possède une résistance due à l’énergie interfaciale. Elle est néanmoins bien plus faible que celle du matériau compact, résistance qui est rétablie par la diffusion des chaînes moléculaires. Des résultats comparables ont été obtenus avec des élastomères. Comme ils fonctionnent au-dessus de la température de transition vitreuse, la phase de mouillage est très rapide pour ces matériaux. Le phénomène de guérison revêtirait évidemment une grande importance pratique pour les composites à matrice polymérique renforcée par des fibres. Malheureusement l’endommagement de ces matériaux s’accompagne de ruptures des interfaces entre fibres et matrice, de délaminages, d’arrachements et de ruptures de fibres. Dans ces conditions la guérison par diffusion moléculaire ne suffit plus pour supprimer l’endommagement. L’idée a alors été émise d’incorporer dans le composite des capsules ou des fibres creuses contenant un matériau polymérisable sous l’action d’un catalyseur incorporé à la matrice (S.R. White et al., Nature, 409, 2001, pp. 794-797). L’endommagement s’accompagne de la rupture de ces capsules et de la dispersion du monomère dans le matériau provoquant ainsi sa guérison par polymérisation. Cette idée a été mise en œuvre pour une époxie dans laquelle ont été dispersées des capsules de 50 à 200 µm contenant du dicyclopentadiène. Le catalyseur de Grubb était incorporé à la résine. L’autoguérison d’un échantillon endommagé a restitué 75 % de la résistance d’origine.

3.3.

Autocicatrisation de composites céramiques

Des concepts analogues ont été mis en œuvre dans le domaine des céramiques. On a récemment mis au point, notamment au laboratoire des composites thermostructuraux de Bordeaux, des matériaux possédant jusqu’à un certain point la capacité de guérison spontanée. Il s’agit de composites à matrice céramique autocicatrisante. Les composites à matrice céramique sont destinés à des applications à hautes températures pouvant dépasser 1200 ◦C pour des moteurs de réacteurs ou des échangeurs de chaleur. La matrice est en carbure de silicium SiC et les fibres de renforcement sont nécessairement en carbone, car celles en céramique présentent une résistance au fluage trop faible au delà de 1200 ◦C. L’inconvénient est alors l’oxydation du carbone. Il faut protéger le composite contre ce phénomène. Or, le bon fonctionnement de ces composites est fondé sur la multifissuration de la matrice qui leur procure une certaine capacité de déformation. Cette multifissuration est obtenue grâce à la déviation des fissures le long des fibres en raison du dépôt sur

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leur pourtour d’une couche de carbone pyrolytique fortement anisotrope. Malheureusement, les fissures permettent à l’oxygène d’atteindre les fibres et de les dégrader. On a eu alors l’idée d’interposer une couche d’un matériau capable de boucher les fissures en formant un verre à haute température. De bien meilleurs résultats ont été atteints en concevant des matrices multicouches. En effet, l’obturation des fissures par le verre est alors bien plus efficace. On utilise divers matériaux formant des verres qui agissent chacun dans un domaine donné de température. Le carbure de bore B4 C en formant un oxyde de bore protège le carbone en dessous de 800 ◦C ; la silice issue de l’oxydation du carbure de silicium agit au-dessus de 1200 ◦C. Entre ces deux températures, il se forme des borosilicates. Ces diverses couches, séparées par des couches de matériaux assurant la déviation des fissures, sont réalisées par infiltration chimique pulsée. Dans les composites à matrice de carbure de silicium renforcée par des fibres de carbone SiC/C, la dégradation des fibres par oxydation passe par un minimum vers 1000 ◦C en raison des effets antagonistes, lorsque la température augmente, de l’accélération de l’oxydation et de la moindre fissuration engendrée par la différence des coefficients de dilatation de la matrice et des fibres. Mais, dans les multicouches, l’oxydation forme les verres protecteurs et les fibres ne sont pas dégradées (Fig. 8.3). Des essais de fatigue dans l’air sous une contrainte maximale de 150 MPa ont donné des durées de vie 3,6 fois plus élevées à 1000 ◦C qu’à 600 ◦C. Il a été montré que ceci résultait du bouchage des fissures par la formation des verres, efficace à 1000 ◦C alors qu’il n’existe pas à 600 ◦C.

3.4.

Autocicatrisation des bétons

La guérison spontanée de béton a surtout été observée depuis la mise au point de bétons à hautes performances. À titre d’exemple, relatons les expériences réalisées par Édouard Parant dans son travail de thèse (2003). Il portait sur un béton renforcé par des fibres métalliques et dont la matrice UHP (Ultra Hautes Performances) contenait 1050 kg/m3 de ciment, 514 kg/m3 de sable, 268 kg/m3 de fumée de silice, 44 kg/m3 de superplastifiant, 211 litres d’eau. L’addition de fumée de silice de très fine granulométrie permet d’augmenter beaucoup la compacité des bétons. Celle de superplastifiant procure une fluidité telle que la proportion d’eau peut être fortement réduite. Cette faible proportion d’eau contribue elle aussi à la réduction de la porosité. Quatre conditions d’essai sur des dallettes ont été mises en œuvre sur ce béton de fibres afin de tester sa durabilité : une première série correspond à des dallettes conservées à l’air à 50 % d’humidité ; la seconde à des dallettes

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CHAPITRE 8 – GUÉRISON DES ENDOMMAGEMENTS

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Fig. 8.3. Coupe longitudinale d’un composite à matrice céramique renforcée par des fibres de carbone (CMC). La matrice multicouche est constituée d’empilements de carbone pyrolytique dopé au bore, de carbure de bore B4 C, de carbone pyrolytique dopé au bore et de carbure de silicium. Le composite a été rompu à 700 ◦C. On observe les multiples déflection des fissures et les zones de guérison (healing zones) obtenues par formation d’un composé fusible (figure aimablement communiquée par R. Naslain, laboratoire des composites thermostructuraux CNRS UMR47).

endommagées par fatigue puis maintenues dans une ambiance agressive d’eau salée ; la troisième à des dallettes endommagées et maintenues sous un chargement de flexion constant dans l’air ; la quatrième à des dallettes endommagées et maintenues sous un chargement constant dans l’eau salée. Ces dallettes sont ensuite testées en flexion pour examiner leur comportement à la suite des divers traitements qu’elles ont subis. Le résultat, surprenant, est que ce sont les dallettes ayant été soumises au quatrième traitement, a priori le plus sévère, qui présentent finalement

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les meilleures caractéristiques de raideur et de charge de rupture. L’explication donnée est la suivante : étant donné la faible proportion d’eau dans cette matrice cimentaire UHP, les grains de ciment sont loin d’être complètement hydratés. Au cours du maintient sous charge des dallettes préalablement endommagées dans l’ambiance agressive, l’eau qui pénètre dans les fissures réagit avec les grains anhydres, formant des hydrates qui comblent les fissures. Leurs propriétés mécaniques sont donc meilleures que celles des dallettes qui ont été chargées dans l’air pour lesquelles la réaction d’hydratation n’a pas eu lieu. Elles sont aussi meilleures que celles des dallettes qui ont été maintenues dans une ambiance agressive mais non chargée, de sorte que les fissures demeuraient fermées et que l’eau n’y pénétrait pas. Ainsi, les dallettes qui ont bénéficié de la guérison de leur endommagement de fatigue ontelles retrouvé la raideur des dallettes vierges laissées dans l’air à titre de témoins. Ceci ne constitue pas une observation unique. D’autres cas d’autocicatrisation de bétons ont été signalés. Nous comprenons bien pourquoi ils sont apparus surtout depuis la mise au point de bétons contenant de faibles proportions d’eau, puisqu’il s’agit de l’hydratation de grains de ciment laissés anhydres. À l’appui de cette explication ont été faites des observations au microscope électronique à balayage montrant en effet le comblement des fissures par des hydrates. Il semble de plus que le processus de guérison affecte également les interfaces entre les renforts de fibres métalliques et la matrice cimentaire. En conclusion, nous voyons donc qu’il n’existe pas encore beaucoup d’exemples de matériaux autocicatrisants. Mais la voie est ouverte pour en inventer de nouveaux et l’espoir est permis d’un chapitre bien plus fourni sur ce sujet dans quelques années.

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Conclusion

À la fin de ce parcours dans le monde de l’endommagement, je souhaite discuter quelques questions épistémologiques. Je le fais, tout en ayant la crainte de provoquer le sourire des philosophes des sciences, parce que je constate que dans le domaine des sciences de l’ingénieur certaines notions que je trouve fondamentales sont en grande partie ignorées. Il en résulte souvent des erreurs méthodologiques, en tout cas un manque de clarté dans les démarches adoptées. C’est ainsi que les hypothèses qui devraient sous-tendre tout travail scientifique restent généralement informulées. Il est à craindre que, dans bien des cas, elles n’existent tout simplement pas. Ce défaut paraît, au contraire, peu répandu dans le domaine des sciences de l’homme et de la société. Il me semble intéressant de risquer une réflexion épistémologique à propos de l’endommagement, serait-ce de façon naïve, car il a, comme nous l’avons vu, des conséquences scientifiques et pratiques et des retentissements sociaux économiques fort importants.

1.

Conditions pour pouvoir parler d’une science des endommagements ?

Peut-on parler de science de l’endommagement ou des endommagements ? Il faut pour cela qu’existe à propos de ces phénomènes un système structuré d’énoncés universels. Des énoncés universels, c’est-à-dire des énoncés qui ne sont pas limités à une région particulière de l’espace ou du temps ; un système structuré, de façon qu’il puisse être fécond. Tant que l’endommagement n’est abordé que par des règles de l’art, aucune innovation n’est concevable. Il faut se tenir à ces règles un point c’est tout. Et pourtant ces règles sont bien des énoncés universels. Mais elles ne constituent pas un système structuré d’où peuvent être déduites des conséquences face à des situations nouvelles. Cependant, d’après Popper, il faut de plus que les énoncés universels en question soient falsifiables. Karl Popper a traité la question de la

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démarcation de la science en disant qu’elle repose sur des énoncés universels falsifiables, dont il serait donc possible de démontrer la fausseté par confrontation à l’expérience. S’il n’est pas possible d’imaginer des essais de falsification, on a affaire à de la métaphysique. Quelle expérience pourrait-on faire pour prouver que l’astrologie se trompe ? Bien malin qui pourrait en concevoir une. Ce n’est donc pas une science. Ce critère de démarcation a été critiqué, car les expériences destinées à falsifier une théorie reposent elles-mêmes sur des théories falsifiables. Rien ne garantit donc qu’elles ne soient pas entachées d’erreurs. Ces réflexions ont amené Alan Chalmers (Qu’est-ce que la science ?) à introduire le concept de degré de fécondité d’une théorie scientifique dans le cadre de ce qu’il appelle le réalisme non figuratif : « Le monde physique est tel que nos théories physiques actuelles lui sont applicables à un degré ou à un autre. » Voilà une conception qui doit satisfaire les sciences de l’ingénieur, préoccupées essentiellement par les applications.

2.

Lois universelles

Nous pouvons bien sûr alors parler d’une science de l’endommagement. Quels seraient pour cette science des énoncés universels ? Il se trouve que Karl Popper, dans un exposé beaucoup plus général (La logique de la découverte scientifique), donne l’exemple suivant : un fil s’est rompu parce qu’il a été soumis à une charge de deux livres alors qu’il résiste à une charge d’une livre ( je pourrais évidemment transcrire en unités S.I., mais je préfère rester proche du texte de Popper). Cette analyse causale de la rupture du fil repose sur une loi universelle ainsi énoncée : « Chaque fois qu’un fil est soumis à une charge excédant celle qui caractérise sa résistance, il se rompt. » Par ailleurs il y a deux énoncés singuliers, énoncés donc qui n’ont une application que dans un domaine limité de l’espace et du temps : « La charge caractéristique de la résistance du fil est une livre » et « La charge à laquelle le fil a été soumis était de deux livres. » Comme nous y reviendrons plus loin, nonobstant les objections faites à la falsification comme critère de démarcation, elle demeure en un sens plus fructueuse que la validation. Peut-on imaginer une expérience de falsification de la loi universelle exprimée comme ci-dessus ? Il faudrait découvrir un matériau incassable ! Mais Karl Popper explique qu’elle pourrait être remplacée par deux énoncés universels : « Pour tout fil de structure et de section données (du 2024 T4 de 0,1 mm de diamètre par exemple) il existe une charge caractéristique telle que le fil se rompt si on le soumet à une charge excédant cette valeur » et « Pour tout fil ayant la structure et la section en question la charge caractéristique vaut moins de deux livres. » La falsification de la deuxième loi est plus

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facilement imaginable ; il suffirait de trouver un fil de 0,1 mm de diamètre en 2024 T4 de résistance supérieure à deux livres. Le fait que cela nous semble parfaitement utopique montre la solidité de notre science des endommagements. Mais il suffit, pour la « falsificabilité », que l’expérience puisse être envisagée. D’ailleurs, si jamais un chercheur annonçait dans un congrès scientifique qu’il a trouvé un tel fil ( j’ai assisté à un événement semblable), l’émoi de la communauté scientifique serait à son comble. Nous pouvons trouver quantité d’énoncés universels dans le domaine de l’endommagement. Par exemple : « La contrainte de clivage varie comme l’inverse de la racine carrée de la taille de grain » ; « La croissance des cavités est d’autant plus rapide que le taux de triaxialité des contraintes est grand » ; « La limite d’endurance de l’acier 35CD4 vaut au plus 660 MPa. » Il faut remarquer que ces énoncés sont équivalents à des énoncés de non-existence comme « il n’existe pas de matériau dont la contrainte de clivage ne varie pas comme l’inverse de la racine carrée de la taille de grain » ; « il n’existe pas de cavité dont la croissance est d’autant plus lente que le taux de triaxialité des contraintes est grand » ; « il n’existe pas d’acier 35CD4 dont la limite d’endurance est supérieure à 660 MPa ». Autrement dit, les lois universelles sont des lois qui interdisent et qui disent d’autant plus qu’elles interdisent davantage. Celle concernant l’acier 35CD4 nous en apprend moins sur l’endommagement en général que les deux autres, car elle ne fait porter son interdiction que sur un acier particulier. Nous voyons aussi que plus nous pouvons imaginer des falsifications possibles d’un énoncé universel, plus il nous renseigne. L’énoncé « la contrainte de clivage diminue lorsque la taille de grain augmente » est moins facile à falsifier que l’énoncé « la contrainte de clivage varie comme l’inverse de la racine carrée de la taille de grain ». Aussi nous en apprend-t-il moins sur l’endommagement. Nous voyons tout l’intérêt des lois universelles les plus précises et les plus mathématisées. Cependant les énoncés de non-existence, dans la mesure où ils sont universels, ne sont pas falsifiables. Qui pourrait dire, malgré toutes les expériences imaginables, qu’il n’existerait pas quelque part dans le monde un matériau dont la contrainte de clivage serait proportionnelle à la taille de grain ? Mais, de même que tout énoncé universel au sens strict est équivalent à un énoncé de non-existence, tout énoncé de non-existence a son équivalent sous forme d’un énoncé universel au sens strict. De la même façon que les exposés universels de non-existence ne sont pas falsifiables, les énoncés universels au sens strict ne sont pas vérifiables. Dans un système structuré, les divers énoncés universels découlent d’énoncés plus généraux. La loi de croissance des cavités est établie en utilisant une loi d’écoulement plastique ; cette loi, elle-même, dépend de la loi de normalité ; et, plus en amont, on trouvera le second principe

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de la thermodynamique. On remontera ainsi finalement aux lois les plus fondamentales. Si nous cherchons dans le domaine de l’endommagement les énoncés les plus universels possibles, notre quête sera peu fructueuse. Je trouve par exemple : « La contrainte théorique de rupture est voisine de la racine carrée du rapport du module d’élasticité multiplié par l’énergie de surface à la distance interatomique » ; « Les métaux cubiques à faces centrées ne se clivent pas » ; « Les métaux cubiques centrés présentent une transition fragile-ductile. »

3.

L’expérience est imprégnée de théorie

Il est très important de noter que toute expérience repose sur un présupposé théorique, sur l’existence de certaines lois universelles. Effectuer une série d’essais pour déterminer la relation entre la contrainte de clivage et la taille de grain repose sur l’hypothèse qu’une telle relation existe, sur l’énoncé universel « il existe une relation entre la contrainte de clivage et la taille de grain ». Au surplus, il faut disposer de connaissances théoriques sur le clivage et sur les grains et leurs joints. Lorsque Paul Paris étudie la vitesse de propagation des fissures de fatigue, il sait que d’autres l’ont fait avant lui, mais sans tenir compte des enseignements de la mécanique de la rupture. Or, Paul Paris fait l’hypothèse a priori qu’il existe une relation entre cette vitesse et le facteur d’intensité des contraintes. Cela lui est absolument indispensable pour concevoir l’expérience qui nécessite une éprouvette particulière pour laquelle la relation entre le facteur d’intensité des contraintes et la longueur de la fissure soit connue. Opposer, comme on le fait souvent, expérimentation et théorie est un contresens. Les possibilités offertes par les ordinateurs permettent d’imprégner l’expérience de plus en plus de théorie. Déterminer par exemple les lois de croissance de cavités à partir d’essais sur des éprouvettes entaillées suppose des calculs de la répartition des contraintes et des déformations dans l’entaille tout au long de l’essai, ce qui nécessite des calculs par éléments finis ainsi que l’utilisation de méthodes inverses pour déterminer les paramètres des lois de comportement.

4.

Méthode scientifique

Je vais paraphraser un passage de Karl Popper tiré de La connaissance objective dans lequel il montre comment la science apporte des explications à partir de l’exemple d’un rat mort. Je remplacerai son rat empoisonné par une canalisation rompue. Nous voilà donc devant

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le reste d’une catastrophe sous la forme d’une canalisation rompue. « L’explicandum » est donc « cette canalisation s’est rompue ». Si nous voulons l’expliquer, nous en sommes réduits à des hypothèses. Nous pouvons par exemple supposer que la canalisation a été soumise à des mises en pression périodiques et qu’elle a péri par fatigue. Cette hypothèse formule une explication, un « explicans » d’où peut se déduire l’explicandum. De plus, elle suggère des tests indépendants possibles pour en vérifier sa validité. Mais l’explicans « la canalisation a été soumise à des contraintes cycliques » ne permet pas de déduire à lui seul l’explicandum « la canalisation s’est rompue » . Il faut lui adjoindre des lois universelles et des conditions initiales sous forme d’énoncés singuliers. La loi universelle serait « les contraintes cycliques d’amplitude supérieure à la limite d’endurance entraînent la rupture des matériaux par fatigue » et les conditions initiales « la canalisation a été soumise à des contraintes cycliques dépassant la limite d’endurance du matériau dont elle est constituée ». Nous sommes maintenant en mesure de déduire l’explicandum de l’explicans. Il nous a fallu compléter les conditions initiales par une loi universelle. En effet si la loi universelle était « les contraintes cycliques dues à des variations de pression n’entraînent pas de rupture par fatigue », les conditions initiales n’expliqueraient rien. Cependant un doute subsiste : sommes-nous certains que les contraintes cycliques auxquelles a été soumise la canalisation dépassaient la limite d’endurance ? Il ne suffit pas de répondre que « c’est bien le cas puisque la canalisation s’est rompue ». L’explication par l’explicandum est un cercle vicieux. Il faut trouver un test indépendant de l’explicandum : par exemple effectuer des mesures de contraintes sur une canalisation identique, ou des calculs à partir de la pression variable qui existait dans la canalisation. Au surplus, un sceptique pourrait mettre en doute la loi universelle elle-même. Il ne suffirait toujours pas de lui répondre : « Vous voyez bien qu’elle est correcte puisque la canalisation s’est rompue. » Il faudrait effectuer des essais indépendants pour prouver que la loi universelle est bonne. On peut naturellement s’appuyer sur des tests passés, sur la bibliographie. Ces considérations peuvent apparaître comme allant de soi. Mais j’ai vécu, en expertise de pièces rompues, des situations à peine plus complexes que celle que je viens d’imaginer, et où des parties en cause n’avaient visiblement aucune notion sur la méthodologie ci-dessus exposée : explicans constitué de lois universelles et de conditions initiales d’où peut être déduit l’explicandum et nécessité de tests indépendants de ce dernier. La science n’est pas seulement là pour apporter des explications, elle doit aussi permettre des prévisions et déboucher sur des applications.

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Ceci est évidemment crucial pour une science de l’ingénieur comme l’est la science de l’endommagement. Dans ces cas, le schéma que nous venons d’examiner fonctionne en sens inverse. Les prévisions prennent la place de l’explicandum et nous partons de lois universelles et de conditions initiales plus ou moins bien connues. Comme les lois universelles comportent un certain degré de flou, même une loi aussi quantitative que la loi de Paris comporte des incertitudes ; comme les conditions initiales, déjà insuffisamment déterminées à l’origine, peuvent évoluer dans le temps, les prévisions sont évidemment entachées d’incertitudes. C’est une des tâches de la science de l’endommagement d’aboutir à des prévisions de plus en plus sûres, par exemple d’évaluer des durées de vie des pièces et des ouvrages aussi fiables que possible. En matière d’applications, la science de l’endommagement intervient dans le choix de matériaux plus résistants, aptes à répondre aux exigences du service. Elle détermine la façon dont il faut calculer les pièces. Elle met en garde contre de mauvaises pratiques en fabrication. Elle donne des indications sur les contrôles à mettre en œuvre et sur les opérations de maintenance à effectuer. Dans ces diverses situations, l’explicandum est constitué par le cahier des charges. L’équipement ou l’ouvrage visés doivent répondre à certaines exigences. Les ingénieurs s’appuient pour les satisfaire sur des lois universelles, sur des règles de l’art et des codes de constructions, pour trouver les conditions initiales, c’est-à-dire les conceptions de pièces et les procédés de fabrication, les méthodes de contrôle. Les scientifiques et les ingénieurs sont confrontés à des problèmes qu’il leur faut résoudre. Pour le faire ils partent d’hypothèses. Ils soumettent ensuite celles-ci à des tests. Les résultats engendrent de nouveaux problèmes et nous aboutissons au schéma poppérien : P 1 → TT → EE → P 2 , où P signifie problème, TT théorie à l’essai (tentative theory) et EE élimination de l’erreur. Ce que nous avons vu de la maîtrise progressive de la rupture fragile est un bon exemple du fonctionnement de ce schéma. Il devrait être toujours présent à l’esprit des chercheurs qui soumettent des projets de recherche ou des articles : bien poser le problème, expliciter les hypothèses de travail, exposer la méthodologie mise en œuvre pour les tester. Les procédures de test consistent à dériver de l’hypothèse, de l’explicans, une prédiction, un explicandum, et à la comparer à une situation réelle, observable. Nous voulons par exemple déterminer la loi de propagation d’une fissure de fatigue en utilisant une éprouvette DCB (Double Cantilever Beam, éprouvette comportant deux bras sollicités à leur extrémité) soumise à une variation de charge d’amplitude constante. Utilisant la loi de Paris, nous prédisons donc que la vitesse de propagation va décroître puisque nous savons que, dans cette éprouvette, le facteur d’intensité

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des contraintes diminue lorsque la fissure se propage. Or l’essai, s’il montre bien au commencement que la loi de Paris est respectée, aboutit à un ralentissement et à un arrêt de la propagation. Notre hypothèse est invalidée. Nous avons découvert qu’il existait un seuil. Nous sommes maintenant face à un nouveau problème. Notons que nous allons peutêtre un peu vite en besogne en falsifiant ainsi la loi universelle qu’est la loi de Paris. Car ce sont les conditions initiales qui peuvent être fausses : mauvaise régulation de la machine d’essai, détection erronée de la position de l’extrémité de la fissure par exemple. Il faudra procéder à un examen critique sérieux pour éliminer ces erreurs-là. À supposer que nous n’ayons pas poussé l’essai assez loin pour atteindre le seuil de non-propagation, est-ce à dire que nous aurions validé la loi de Paris ? La réponse est négative. Une autre hypothèse sous forme d’une autre loi de propagation, fausse, aurait pu donner le même résultat. La falsification résulte à coup sûr d’une prévision non vérifiée (modulo les conditions initiales) ; la prévision vérifiée n’entraîne pas corroboration. Pourtant, des vérifications faites dans des conditions inattendues ont forte valeur de corroboration. Si la loi de Paris est vérifiée sur des matériaux aussi divers que des aciers, des alliages d’aluminium, des polymères, nous sommes véritablement enclins à lui faire confiance. En fait, nous avons d’autant plus confiance dans la loi de Paris que nous avons des justifications théoriques de sa validité. En l’occurrence, il s’agit de modèles décrivant le comportement du matériau à l’extrémité de la fissure ; modèles de moins en moins schématiques, allant, grâce aux ordinateurs, jusqu’à des simulations des déplacements des dislocations, voire des atomes. Ces modèles reposent évidemment sur des hypothèses et le jeu consiste toujours à les falsifier les uns après les autres pour s’approcher de plus en plus de la réalité. Elle ne sera jamais atteinte puisque la falsification reste toujours possible.

5.

But de la science des endommagements

La science des endommagements, science de l’ingénieur, se donne pour but avant tout de satisfaire la demande sociale, de mieux prévoir et prévenir les endommagements. Elle est tenue d’apporter des résultats sous forme d’applications. Aussi les modèles, et les simulations qu’ils permettent, sont-ils fondamentaux. Dans bien des situations pratiques, un modèle élémentaire, mais efficace, suffira. On pourrait en rester là. Mais ce serait sans compter sur les circonstances imprévues, généralement dues à notre ignorance. La science des endommagements, comme les autres, doit aller de l’avant et anticiper.

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Elle repose essentiellement sur les théories universelles de la mécanique de Newton, de la thermodynamique, de la chimie sans du tout avoir recours à la relativité et à la mécanique quantique (sauf pour les instruments d’observation). Elle ne remet pas en question ce noyau dur, au sens de Lakatos, déclaré infalsifiable. En revanche, elle travaille bien sur un programme de recherche, visant à étendre la ceinture protectrice, comme l’appelle Lakatos, des hypothèses auxiliaires, des conditions initiales, des énoncés d’observation. Que ce noyau dur soit déclaré infalsifiable est illustré de façon presque caricaturale par le mépris absolu dans lequel Le Chatelier, grand métallurgiste s’il en était, tenait la théorie de la relativité, élucubration pour lui d’esprits germaniques tordus. La science des endommagements demeure riche de multiples développements possibles. Son degré de fécondité est encore considérable. Il serait fort préjudiciable à l’humanité, à son souci de développement durable, que des chercheurs ne se saisissent des situations à problèmes qui se présentent, n’avancent des hypothèses nouvelles à leur sujet et ne les soumettent à la critique.

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A

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Annexe. Éléments de mécanique de la rupture en élasticité linéaire

A.1. Facteur d’intensité de contrainte A.1.1. Champs de déplacement, de déformation et de contrainte à l’extrémité d’une fissure Considérons une pièce de forme et de chargement quelconque contenant une fissure. Sachant que les contraintes sont maximales près de son extrémité, nous isolons cette zone et nous développons le champ de déplacement u i en puissances de r la distance à l’extrémité (Fig. 5.11). Nous plaçons des axes de coordonnées Ox1 , Ox2 et Ox3 respectivement dans le plan de fissure perpendiculaire au front, perpendiculaire au plan de fissure et le long du front. Nous utilisons également des coordonnées cylindriques r, distance à l’extrémité de la fissure et θ angle polaire par rapport à l’axe Ox1 . Le problème est décomposé en problèmes élémentaires correspondant aux trois modes élémentaires d’ouverture de la fissure (Fig. A.1). Comme on fait l’hypothèse de l’élasticité linéaire cette décomposition est licite, les solutions élémentaires pouvant ensuite être superposées. En mode III, les déplacements sont en tout point parallèles au front de fissure : les composantes u 1 et u 2 sont nulles. Les modes I et II sont des modes plans, la composante u 3 du déplacement étant nulle. Les problèmes de répartition des champs de déplacement sont résolus en écrivant les équations de l’équilibre assorties de la condition aux limites de nullité des contraintes sur les lèvres de la fissure : σi 2(θ = + ou − π) = 0. En mode III, on trouve :  2K III r θ u3 = sin + 0(r) (A.1) µ 2π 2 où µ est le module de cisaillement. 0(r) correspond aux termes du développement en puissances de r supérieures à 1/2.

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Mode I

Mode II

Mode III

Fig. A.1. Les trois modes d’ouverture de fissure.

Le champ de déformations s’en déduit par dérivation et ensuite le champ de contrainte en utilisant les relations de Hooke. On trouve : 

   K III σ13 − sin θ/2 = . σ23 2πr cos θ/2

(A.2)

En mode plan (modes I et II) on trouve : ur =

1 4µ



r 2π 





K I (2κ − 1) cos

− K II (2κ − 1) sin

θ 2

θ 2

− 3 sin

− cos 3θ 2





2

 + 0(r)

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CHAPITRE A – ANNEXE

uθ =

1 4µ



r 2π 





K I −(2κ + 1) sin

− K II (2κ + 1) cos

θ 2

θ 2

− 3 cos

+ sin

3θ 2





2

 + 0(r).

(A.3)

On distingue le cas de la déformation plane (pièce épaisse) où εi3 = 0 et celui de la contrainte plane (plaque mince ou surface libre) où σi3 = 0. κ = 3 − 4ν en déformation plane et κ = (3 − ν)/(1 + ν) en contrainte plane. En mode I les déplacements sont donnés, en coordonnées cartésiennes, par :      r cos(θ/2)[κ − 1 + 2 sin 2(θ/2)] KI u1 = + 0(r). (A.4) u2 2µ 2π sin(θ/2)[κ + 1 − 2 cos 2(θ/2)] Les champs de contrainte sont donnés par les expressions :   σ   1 − sin(θ/2) sin(3θ/2)    11 K σ22 =  I cos(θ/2) 1 + sin(θ/2) sin(3θ/2) + 0(r).     σ12 2πr sin(θ/2) cos(3θ/2)

(A.5)

En déformation plane : σ33 = ν(σ11 + σ22). En contrainte plane : σ33 = 0. En mode II :      r K II u1 sin(θ/2)[κ + 1 + 2 cos 2(θ/2)] = + 0(r) u2 2µ 2π − cos(θ/2)[κ − 1 − 2 sin 2(θ/2)] σ  11

σ22 σ12

   − sin(θ/2)[2 + cos(θ/2) cos(3θ/2)]    K II = + 0(r). sin(θ/2) cos(θ/2) cos(3θ/2)   2πr  cos(θ/2)[1 − sin(θ/2)] sin (3θ/2) 

(A.6)

On vérifie bien que sur les lèvres de la fissure pour θ = +/−π, seul le déplacement u 2 est différent de zéro en mode I et seul le déplacement u 1 en mode II. À partir des expressions précédentes, il est aisé de calculer les contraintes principales et notamment sa valeur maximale et la direction correspondante. De même peut-on calculer la direction pour laquelle la contrainte normale sur une facette passant par le front est maximale ainsi

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que la valeur de cette dernière. Ces calculs sont utiles pour prévoir la direction de la propagation de la fissure, surtout en mode II et a fortiori en mode mixte. On trouve pour la contrainte principale maximale en mode I :   KI θ θ σI =  1 + sin . (A.7) cos 2 2 2πr Sa  valeur  maximale se trouve dans une direction θ = π/3 où elle vaut : 3 3K I /4 2πr. Par ailleurs :   θ KI θ 1 + sin 2 (A.8) σθθ =  cos 2 2 2πr    dont la valeur maximale 4 2K I /3 3 2πr se trouve pour un angle θ tel que cos θ = 1/3. En mode II : θ K II 3 σθθ =  sin θ cos (A.9) 2 2πr 2   dont la valeur maximale vaut 2 3K II /3 2πr pour un angle θ tel que cos θ = 1/3. Pour un matériau anisotrope les facteurs d’intensité de contrainte peuvent être trouvés dans l’annexe D de The Sress Analysis Hanbook de Hiroshi Tada, Paul C. Paris et George R. Irwin (Del Research Co., Hellertown, Penn., 1973).

A.1.2. Calcul des facteurs d’intensité de contrainte Le facteur d’intensité de contrainte est donc le paramètre qui intègre les différents facteurs que sont le chargement et la géométrie de la pièce et la dimension de la fissure. Il convient de savoir comment calculer les facteurs d’intensité de contrainte pour pouvoir connaître le niveau des contraintes et des déformations en tête de fissure. Montrons tout d’abord que le facteur d’intensité de contrainte est le même que celui que produirait l’application sur les lèvres de la fissure des contraintes qui s’y exerceraient en son absence (en condition de charge imposée). En effet, le problème cherché (Fig. A.2) peut être considéré comme la superposition de la pièce non fissurée et soumise aux charges imposées et de la pièce chargée uniquement sur

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CHAPITRE A – ANNEXE

(a)

(b)

(c)

Fig. A.2. Principe de superposition : une pièce fissurée chargée (a) peut être représentée par la superposition de la pièce chargée non fissurée (b) et de la pièce fissurée non chargée (c), mais pour laquelle des forces réparties égales aux contraintes qui existaient dans la pièce non fissurée sont appliquées sur les lèvres de la fissure. Le facteur d’intensité de contrainte est le même pour ce dernier cas et pour la pièce fissurée chargée.

l’emplacement de la fissure de forces réparties convenables pour annuler les contraintes qui existent avant que celle-ci ne soit présente. Seul ce deuxième problème comporte une singularité élastique ; c’est donc celle cherchée. L’utilisation de cette méthode permet de calculer les facteurs d’intensité de contrainte par sommation de ceux qui sont produits par des charges élémentaires concentrées. Par exemple, on montre que dans une plaque infinie contenant une fissure de longueur 2a, chargée par deux forces ponctuelles égales et opposées +/−P par unité d’épaisseur à une distance b de l’axe (Fig. A.3), le facteur d’intensité de contrainte vaut : P KI = √ πa



a +b a −b

1/2

.

(A.10)

Un tel chargement peut être réalisé en enfonçant un coin dans la fissure.

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D. FRANÇOIS

P

2a

b

Fig. A.3. Fissure soumise à deux charges ponctuelles P par unité d’épaisseur.

Comme cas particulier si b = 0 : P KI = √ · πa

(A.11)

Si maintenant nous appliquons des contraintes +/−σ(x) sur les lèvres, nous trouvons K I par sommation :    +a σ(x) a + x 1/2 dx. (A.12) KI = √ πa a − x −a En particulier si σ(x) = constante = σ, l’intégrale précédente donne : √ (A.13) K I = σ πa. Nous obtenons ainsi la valeur du facteur d’intensité de contrainte pour une plaque infinie, contenant une fissure de longueur 2a, chargée soit par une pression interne p = −σ, soit par une contrainte nominale homogène σ. Plus généralement on aura :   2 a KI = M(x)σ(x) dx (A.14) π 0 M(x) est la fonction de poids de Buekner. Elle est seulement fonction de la géométrie.

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CHAPITRE A – ANNEXE

Cas d’une fissure plane elliptique d’axes a et b, chargée en mode I dans un massif infini sous contrainte homogène σ. L’équation de l’ellipse étant paramétrée par x = a cos Φ, y = b sin Φ, on montre que K I est donné par : √  a 2 1/4 σ πa  2 K I(Φ) = cos 2 Φ (A.15) sin Φ + b E(k) où E(k) est l’intégrale elliptique :  π/2 1/2 E(k) = (1 − k 2 cos 2 Φ) dΦ

(A.16)

0

avec k2 = 1 −

 a 2 b

K I est maximal au sommet du petit axe et vaut : √ σ πa (K I) max = · E(k)

(A.17)

(A.18)

Si a = b la fissure est circulaire (penny shaped c’est-à-dire en forme de sou ou de rondelle) et : KI =

2 √ σ πa. π

(A.19)

A.2. Taux de libération d’énergie A.2.1. Détermination du taux de libération d’énergie G Nous considérons une pièce fissurée supportant un poids P (Fig. A.4). Cet ensemble constitue un système thermodynamique fermé. Le poids provoque un déplacement v de son point d’application. Comme le comportement est élastique linéaire : v = CP

(A.20)

C s’appelle la complaisance de la pièce. C’est une fonction de la surface de la fissure A. L’énergie du système comprend : l’énergie potentielle du poids P : −Pv ; l’énergie élastique emmagasinée : (1/2)Pv ; l’énergie de surface : (S + 2A)γS . Désignons par U T la somme de l’énergie potentielle et de l’énergie élastique : U T = −(1/2)Pv.

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surface A

v

P

Fig. A.4. Pièce fissurée soumise à une charge P dont le point d’application se déplace de v.

Imaginons une augmentation de surface infinitésimale virtuelle de la fissure dA. D’après le premier principe de la thermodynamique, l’énergie totale du système reste constante. Donc : dU T + 2γS dA = 0.

(A.21)

Posons : G=−

dU T dA

(A.22)

G est le taux de libération d’énergie. D’après la relation A.22 à l’équilibre : G = 2γS .

(A.23)

Lorsque G excède cette valeur critique il apparaît de l’énergie cinétique ; la fissure se propage. Théoriquement lorsque G est inférieur à 2γS la fissure devrait se refermer. En pratique il n’en est rien en raison de la présence d’irréversibilités comme des couches d’oxydes ou des déformations plastiques locales. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui font que la valeur critique est bien plus élevée que 2γS . On la désigne par G c , ténacité du matériau.

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CHAPITRE A – ANNEXE

Revenons à l’équation A.21 et remplaçons U T par −(1/2)Pv et tenons compte de v = CP. À poids constant : G=

1 2

P2

∂C . ∂A

(A.24)

Cette formule s’appelle la formule de la complaisance. Elle permet une détermination expérimentale de G grâce à des mesures de la complaisance pour diverses surfaces de fissures. On vérifiera facilement que cette relation reste la même si c’est le déplacement qui est imposé.

A.2.2. Relation entre le taux de libération d’énergie G et le facteur d’intensité de contrainte K Pour établir la relation qui doit exister entre G et K I en mode I, nous revenons à l’extrémité de la fissure de longueur a qui se propage de da (Fig. A.5). Nous égalons G au travail de refermeture de la fissure rapporté à la surface créée par unité de longueur de front. En un point situé à une distance x 1 de l’extrémité O de la fissure avant propagation le travail

σ22

KI /(2πx1)1/2

u2

O’

O

da Fig. A.5. Relation entre K I et G.

x1

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élémentaire de refermeture vaut : 2(1/2)σ22(x 1, θ = 0)u 2(da − x 1, θ = π). On multiplie par 2 pour tenir compte du fait qu’il y a deux lèvres. En utilisant les formules A.4 et A.5 :   a+da  K I K I da − x 1   (A.25) κ + 1 dx 1 . G da = 2π a 2πx 1 2µ Cette intégrale donne les formules, respectivement en contrainte plane et en déformation plane : G=

K 2I E

G=

K 2I (1 − ν2). E

(A.26)

La démonstration précédente montre bien que la formule trouvée n’est valable que si la fissure se propage sans déviation. Si en effet il n’en était pas ainsi, alors que dans l’intégrale, la contrainte avant propagation serait connue dans toute direction, il n’en serait pas de même du déplacement qu’il importerait de connaître après propagation. De la même façon, on peut calculer les relations entre G et K II et K III en supposant toujours une propagation sans déviation. Cette hypothèse est rarement vérifiée en modes II et III. Toutefois, les fissures restent rectilignes dans de tels modes si le matériau est fortement anisotrope avec des plans de propagation privilégiés. Ce peut être le cas de matériaux composites. D’une façon générale moyennant cette condition de propagation rectiligne : G=

K 2I + K 2II K2 (1 − ν2) + III (1 + ν). E E

(A.27)

A.2.3. Détermination de l’écartement des lèvres de la fissure La formule de la complaisance A.24 montre que le taux de libération d’énergie G doit permettre de retrouver le déplacement du point d’application d’une charge. En utilisant le théorème de réciprocité on aboutit à une formule simple qui donne l’ouverture ∆F en un point donné des lèvres de la fissure :  ∂K IF 2 ac da (A.28) K IP ∆F =  E aF ∂F où E  est la valeur convenable du module d’élasticité selon que l’on est en contrainte plane ou en déformation plane, K IP est le facteur d’intensité de contrainte du chargement qui ouvre la fissure, K IF celui d’un chargement

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CHAPITRE A – ANNEXE

auxiliaire procuré par une charge ponctuelle F appliquée sur les lèvres de la fissure au point où l’on souhaite connaître l’ouverture, a F est la distance qui sépare ce point de l’origine et a c celle qui sépare l’extrémité de la fissure de l’origine. Il existe des solutions pour les charges ponctuelles dans un certain nombre de configurations, ce qui permet des calculs assez aisés. Par exemple si l’on cherche l’ouverture du centre d’une fissure de longueur 2a dans une grande plaque soumise à une contrainte de traction σ, on a d’après les formules A.11 et A.13: 2σ ∆F =  E



+a −a

da =

4σa · E

(A.29)

A.3. Intégrale de Rice-Cherepanov J A.3.1. Définition de J Avec les coordonnées habituelles Ox1 , Ox2 on entoure l’extrémité de la fissure en mode plan par un contour Γ parcouru dans le sens direct (Fig. 5.15). Le comportement du matériau est supposé élastique. J est défini par :    ∂u i W dx 2 − t i ds J= ∂x 1 Γ

(A.30)

où W est la densité d’énergie de déformation, t i le vecteur contrainte appliqué sur un point du contour, u i son vecteur déplacement et ds un élément du contour. Par définition :  W=

εij

σij dεij .

(A.31)

σij εij .

(A.32)

0

Si le comportement est linéaire : W=

1 2

(Dans toutes les expressions précédentes on utilise la convention d’Einstein sur la sommation des indices. Par exemple a ib ij = a 1b 1j + a 2b 2j + a 3b 3j .)

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Si P(v) représente l’évolution de la charge appliquée à une pièce en fonction du déplacement v de son point d’application et A l’aire de la fissure, on montre que :   P   v ∂P ∂v dP. (A.33) − dv = J= ∂A ∂A v 0 0

A.3.2. Détermination expérimentale de J D’après ces formules, il serait nécessaire pour estimer J expérimentalement, de disposer d’une série d’éprouvettes possédant des aires de fissure croissantes. Heureusement, Rice, Paris et Merkle ont montré que pour une éprouvette de flexion, possédant une fissure profonde, J était proportionnel à l’aire sous-tendue par la courbe de la charge appliquée en fonction de la flèche :  θ  v 2 2 J= M dθ = P dv (A.34) Bb 0 Bb 0 où B est l’épaisseur de l’éprouvette, b la longueur du ligament restant au delà de la fissure (et par conséquent Bb sa surface), M est le moment de flexion et θ l’angle de rotation. On généralise cette formule à d’autres configurations d’éprouvettes : J=η

U Bb

(A.35)

où η est un facteur géométrique et U l’aire sous-tendue. En flexion η = 2, en traction η = 1.

A.4. Zones plastifiées en tête de fissure A.4.1. Zone plastifiée en contrainte plane État des contraintes On se place en mode I. Dans le plan qui prolonge la fissure les directions principales des contraintes sont les axes Ox1 , Ox2 , Ox3 (Fig. 5.12a). Les contraintes σ3i sont nulles. La contrainte principale maximale est σ2 . Le plus grand cercle de Mohr est donc celui qui passe par les contraintes σ3 = 0 et σ2 . Le critère de Tresca montre que dans la zone plastifiée, le cisaillement maximal étant égal à k, contrainte d’écoulement

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CHAPITRE A – ANNEXE

en cisaillement égale à R p /2, σ2 = R p . Cette contrainte d’écoulement augmente lorsqu’on se rapproche de l’extrémité de la fissure pour un matériau écrouissable puisque la déformation croît. Pour un matériau plastique parfait la contrainte σ2 reste constante, égale à la contrainte d’écoulement. La contrainte σ1 est nulle à l’extrémité même de la fissure. À la frontière de la zone plastifiée, elle doit être égale à sa valeur dans la singularité élastique, c’est-à-dire selon la formule A.5, à σ2 , donc à R p .

État des déformations L’examen du cercle de Mohr montre que les cisaillements maximaux s’exercent sur des facettes inclinées à 45◦ des directions Ox2 , Ox3 . C’est selon ces directions que se développe la déformation sous forme de bandes de glissement (Fig. 5.12a). Ils sont très concentrés si la capacité d’écrouissage du matériau reste faible et deviennent bien plus diffus dans le cas contraire. Ces glissements débouchent à la surface de la pièce. Si son épaisseur est B, la hauteur de la zone plastifiée à la surface, pour un matériau à faible consolidation, est égale à B puisque les bandes sont inclinées de 45◦ . Pour une fissure qui débouche à la surface libre d’une pièce épaisse la hauteur de la zone plastifiée n’est plus restreinte ; sa dimension peut être estimée approximativement par le contour sur lequel est atteint le critère de Von Mises.

Dimension de la zone plastifiée. Modèle d’Irwin À la frontière de la zone plastifiée, dans le plan qui prolonge la fissure (θ = 0), d’une part : KI · σ2 =  2πx 1

(A.36)

σ2 = R p .

(A.37)

D’autre part :

On pourrait en conclure que la dimension de la zone plastifiée R est donnée par :   1 KI 2 . (A.38) R= 2π R p Cependant il n’en est rien, car le fait de tronquer la distribution de la contrainte σ2 prévue par la mécanique de la rupture en élasticité linéaire, rompt l’équilibre. Il importe de récupérer la force perdue, représentée par

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σ

ry

Rp δ

ry

0

x

R

Fig. A.6. Modèle d’Irwin pour estimer la dimension de la zone plastifiée en contrainte plane.

l’aire hachurée sur la figure A.6. L’hypothèse formulée par Irwin est que la singularité élastique est translatée vers la droite de r Y , la correction d’Irwin. Autrement dit, la fissure se comporte comme une fissure élastique fictive de longueur a + r Y . Pour calculer cette quantité il suffit d’égaler les aires hachurées sur la figure A.6 en faisant l’hypothèse que la matériau est plastique parfait sans consolidation :  r YR p = 0

R





1 K 2I  − R p  dx 1 = 2π R p 2πx 1 KI

rY =



1 2π

KI Rp

2

(A.39)

= R

en appelant R  la distance calculée par la formule A.38. R=

1 π



KI Rp

2 .

(A.40)

On voit que la fissure élastique fictive a son extrémité au centre de la zone plastifiée. Ce modèle est approximatif dans la mesure où il ne s’intéresse qu’au plan qui prolonge la fissure.

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CHAPITRE A – ANNEXE

Pour un matériau écrouissable, obéissant à la loi de comportement :  N ε σ =α (A.41) ε0 σ0 ε0 et σ0 étant les limites d’élasticité, α et N des coefficients caractéristiques du matériau on trouve :   1 N − 1 KI 2 R= . (A.42) π N + 1 Rp

Écartement de fissure Ce même modèle permet de calculer l’écartement de fissure δ (CTOD, crack tip opening displacement) en utilisant la formule A.39 : δ = 2u 2(r = r Y, θ = π) =

4 K 2I 4 G = · π ER p π Rp

(A.43)

Le modèle d’Irwin correspond à un modèle analytique exact en mode III.

Modèle de Dugdale-Barrenblatt On imagine une fissure fictive englobant complètement la zone plastifiée, mais refermée à son extrémité par des forces réparties égales à la contrainte d’écoulement R p sur une longueur R. Ceci représente bien une fissure et sa zone plastifiée pour un matériau sans consolidation pour lequel la hauteur de la zone plastifiée est petite. On calcule le facteur K I de la fissure provoquée par les forces appliquées d’une part et par les forces de refermeture d’autre part. On écrit que ce facteur d’intensité de contrainte est nul puisqu’à l’extrémité de la zone plastifiée il n’y a pas de singularité élastique. On détermine ainsi R en partant de la formule A.12 : 

R

KI − 0

R=

2R p  dx = 0 2πx π 8



KI Rp

(A.44)

2 .

Cette dimension n’est pas très différente de celle trouvée avec le modèle d’Irwin (formule A.40).

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Avec ce même modèle de Dugdale-Barrenblatt on trouve l’écartement de fissure (appliquer la formule A.28) : δ=

K 2I G = · Rp ER p

(A.45)

Calcul de l’écartement de fissure à l’aide de l’intégrale J On choisit comme contour d’intégration la frontière de la zone plastifiée en supposant qu’elle est de faible hauteur comme c’est le cas pour un matériau à faible consolidation. On obtient alors :      δ/2 ∂u i ∂u 2 J= W dx 2 − t i ds = 2 σ2 dx 1 = 2 σ2 du 2 . ∂x 1 ∂x 1 0 Γ Γ

(A.46)

Comme la hauteur de la zone plastifiée est égale à B, l’épaisseur de la plaque, on peut transformer l’intégrale précédente :  J =B

δ/B

σ(ε) dε.

(A.47)

0

Dans l’approximation de la zone plastique confinée et si le matériau obéit à la loi de comportement représentée par la formule A.41 : K2 J =G = I =B E



δ/B

 σ0

0

ε αε0

1/N

dε =

N

σ0

N + 1 (Bαε0)

1/N

δ

N+1 N

.

(A.48)

Pour un matériau sans consolidation (1/N = 0) on retrouve la formule A.45 ci-dessus.

Influence de la contrainte T Les formules A.5 représentent la partie principale des contraintes à l’extrémité de la fissure. Si l’on cherche le second terme de leur développement en puissances de r, on trouve qu’il existe une contrainte σ11 constante appelée contrainte T. Cette contrainte modifie la contrainte équivalente de Von Mises et a donc une influence sur l’étendue de la zone plastifiée. Ontrouve qu’elle est réduite d’un facteur 3/4 pour un rapport T/R p = −1/ 3. Au contraire elle tend vers l’infini si ce rapport tend vers 1.

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CHAPITRE A – ANNEXE

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A.4.2. Zone plastifiée en déformation plane Contraintes dans la zone plastifiée Dans l’état de déformation plane, la contrainte σ33 est égale à la moyenne de σ11 et de σ22 . Ceci résulte du fait que le coefficient de Poisson vaut 1/2 en déformation plastique, car elle est isovolumique. Dans le plan qui prolonge la fissure (x 1x 3 ), la contrainte principale minimale est la contrainte σ1 . Cette contrainte est positive en raison de l’invariance du volume qui impose une contraction dans la direction x 1 . De ce fait les cercles de Mohr sont décalés vers les contraintes positives. Il apparaît un fort taux de triaxialité des contraintes (Fig. 5.12b).

Déformations dans la zone plastifiée L’examen des cercles de Mohr montre que les cisaillements maximaux s’exercent sur des plans à 45◦ des directions Ox1 et Ox2 . Dans la zone plastifiée, les glissements se font vers l’avant de la fissure et ils viennent mourir à la frontière de la zone élastique.

Modèle des lignes de glissement On ne développe pas ici la théorie des lignes de glissement valable en déformation plane pour un solide plastique parfait (sans consolidation). On rappelle simplement que, le long de ces lignes, les relations de Hencky permettent de calculer la contrainte hydrostatique σm en fonction de la variation de l’orientation θ de la ligne : σm + 2kθ = Cte le long d’une ligne α inclinée de π/4 par rapport à la contrainte principale maximale,

(A.49)

σm − 2kθ = Cte le long d’une ligne β inclinée de −π/4 par rapport à la contrainte principale maximale. En tête de fissure, le champ de lignes de glissement de Prandtl (Fig. A.7) se présente sous la forme de deux éventails de 90◦ symétriques par rapport au plan de fissure et un carré incliné de 45◦ dans son prolongement. Les lignes β émanent de l’extrémité de la fissure dans l’éventail supérieur. Dans l’éventail, la contrainte est telle que :   π σθ = σm = 1 + 3 k − 2kθ. (A.50) 2

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x2

σ 22 = (2+π)k

0

x

σ 11 = π k

Fig. A.7. Lignes de glissement en tête d’une fissure en déformation plane ; champ de Prandtl.

Les déformations εr et εθ y sont nulles car les lignes de glissement sont radiales, donc : ∂u r =0 ∂r   1 ∂u θ + ur = 0 ∂θ r

(A.51)

soit : u r = f (θ)

(A.52)

u θ = g(r) − f (θ). On en déduit le cisaillement : 1 ∂u r ∂u θ u θ f (θ) + f (θ) d + − = +r γrθ = r ∂r ∂r r r dr



 g(r) . r

(A.53)

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CHAPITRE A – ANNEXE

Au voisinage de l’extrémité de la fissure du coté de x 1 positif, le déplacement est nul. Il en résulte :   π f θ = =0 4 (A.54)   π f θ= = g = Cte. 4 On choisit g = 0. On définit R(θ) par : f (θ) + f (θ) = γ0R(θ)

(A.55)

d’où, au voisinage de l’extrémité de la fissure ; γrθ = γ0

R(θ) · r

(A.56)

La déformation varie comme 1/r ce qui est en accord, pour un matériau plastique parfait, avec la même variation de l’énergie de déformation. γ0 est la limite d’élasticité en cisaillement k/µ. R(θ) représente la distance de l’extrémité de la fissure à la frontière de la zone plastifiée. L’énergie de déformation est donnée par : W = kγ0

R(θ) · r

(A.57)

On introduit l’intégrale J (équation A.30) en prenant comme contour d’intégration un cercle de rayon r petit. On a montré que J était indépendante du contour d’intégration pour un solide élastique. On étend cette propriété au comportement plastique dans la mesure où ce dernier ne diffère pas d’un comportement élastique non linéaire tant que le trajet de chargement reste radial et qu’il n’y a aucune décharge. On remarque qu’il suffit d’intégrer entre −π/4 et +π/4, car hors des éventails de Prandtl les déplacements sont constants et R(θ) = 0. On trouve :      3π/4 π J = kγ0 (A.58) R(θ) cos θ + 1 + 3 − 2θ sin θ dθ. 4 π/4 On peut approximer la forme de la zone plastifiée par une lemniscate : R(θ) = −R max cos 2θ.

(A.59)

Le calcul de l’intégrale J conduit à la relation : R max =

3 3(1 − ν) J  =  kγ 4 2(1 + π/2) 0 8 2(1 + π/2)



KI k

2 .

(A.60)

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On peut aussi estimer l’écartement de fissure en utilisant la relation : du 2  J = 2k



3π/4

π/4

= γ0R(θ) sin θ

  π cot gθ + 1 + 3 − 2θ dθ. dθ 4

(A.61)

du 2

On peut supposer que du 2 /dθ est symétrique par rapport à θ = π/2, ce qui annule des termes dans l’intégration. On trouve :   π δ 1 − ν2 K 2I J =2 1+ k δ= . (A.62) 2 2 1 + π/2 Ek On notera qu’en avant de la fissure, dans le carré où la contrainte est constante les contraintes principales σ1 et σ2 sont données par : σ1 = πk,

σ2 = (2 + π)k.

(A.63)

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Quelques livres recommandés et utiles

Engineering Materials - An Introduction to their Properties and Application, M.F. Ashby and D.R.H. Jones, Pergamon Press, 1980. Hydrogen in Metals, C.D. Beachem, American Soc. for Metals, 1977. Engineering against Fatigue, J.H. Beynon, M.W. Brown, T.C. Lindley, R.A. Smith and B. Tomkins, Balkema, Rotterdam, 1999. Physical Aspects of Fracture, E. Bouchaud, D. Jeulin, C. Prioul and S. Roux, Kluwer Acad. Pub., 2001. La fatigue des métaux, R. Cazaud, G. Pomey, P. Rabbe et Ch. Janssen, Dunod, 1969. Corrosion sous contrainte, phénoménologie et mécanismes, D. Desjardins et R. Olstra, les Éditions de Physique, 1990. Creep of Metals and Alloys, R.W. Evans and B. Wilshire, Institute of Metals, London, 1985. La rupture des métaux, D. François et L. Joly, Masson, 1972. Mechanical Behaviour of Materials, D. François, A. Pineau et A. Zaoui, Kluwer Acad. Pub., 1998. Propriétés mécaniques des matériaux, D. François, A. Pineau et A. Zaoui, Hermès Science, 1993. Essais mécaniques et lois de comportement, D. François, Hermès Science, 2001. Dislocations, J. Friedel, Pergamon, 1964. Deformation-Mechanism Maps, H.J. Frost and M.F. Ashby, Pergamon Press, 1982. Introduction à la mécanique des polymères, C. G’sell et J.-M. Haudin, Institut National Polytech. de Lorraine, 1994. Fundamentals of Creep and Creep Rupture in Metals, F. Garofalo, MacMillan, New York, 1965. Introduction à la mécanique de la rupture, R. Labbens, Pluralis, 1980. Mechanics of Solid Materials, J. Lemaitre et J.-L. Chaboche, Cambridge U. Press, 1990.

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D. FRANÇOIS

Mechanical Behavior of Materials, F.A. McClintock and A.S. Argon, Addison-Wesley Pub., 1966. Stress Intensity Factors Handbook, Y. Murakami, Pergamon Press, 1987. The Stress Analysis of Cracks Handbook, H. Tada, P.C. Paris and G.R. Irwin, Del Research Corporation, Hellertown, 1973. Fracture of Structural Materials, A.S. Tetelman and A.J. McEvily, Wiley, 1967.

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Index

A absorption, 89 adsorption, 89 amas d’inclusions, 48 amorçage de cavités, 17 amorçage des fissures de fatigue, 153, 168 applications, 201 approche locale, 133 approximation de Neuber, 168 Ashby, 164 atmosphère, 129 austénitisation, 29 autocicatrisation, 193, 194 B bainite, 54, 56, 128 bainite inférieure, 129 bainite revenue, 99 bainite supérieure, 129 bande de glissement, 105 bandes de glissement persistantes, 20, 43 barrières, 24 béton, 13, 54, 74, 194 Bridgman, 137 Burgers (vecteur de), 10 C ∗

C , 166 carte d’Ashby, 164

cavité, 16, 32, 45, 56, 169 cavitation, 13 cellules, 20 cellules de dislocations en fatigue, 21, 41 cémentite, 26, 54 chargement cathodique, 95 Charpy, 117 chute de pluie (Comptage des cycle), 144 cicatrisation, 191 clivage, 6, 12, 44, 49, 51, 109, 121, 138 coalescence des cavités, 17 Coble, 164 coefficient de Poisson, 35 cœur d’une dislocation, 10 colonies perlitiques, 26 complaisance, 79 composite, 57, 68 composites céramiques, 193 concentrations de contrainte, 147 concoïdales (rupture), 9 constructions soudées, 126 contrainte hydrostatique, 79 contrainte effective, 72 contrainte équivalente de Von Mises, 79 contrainte Q, 134 contrainte théorique de glissement, 41

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contrainte théorique de rupture, 37, 60 contraintes principales, 79 contraintes résiduelles, 103 contrôles non destructifs, 173 corrosion localisée, 105 corrosion sous contrainte, 30, 103, 155 couches passivées, 98, 155 couplage entre la diffusion et la viscoplasticité, 162 courants de Foucault, 178 courbe de Wöhler, 143 coût de maintenance, 171 coût des défaillances, 171 coûts, 187 craquelures, 17 crazes, 17 critère de Dang Van, 154 critère de démarcation, 198 critère de Gurson, 81 critère de Gurson, Tveergard et Needleman, 84 critère de plasticité, 79 critère de Tresca, 80 critère de Von Mises, 80 croissance de cavités, 17, 66, 85, 160 croissance et coalescence des cavités, 56 CTOD, 133 cubique à faces centrées, 8 cuivre, 8 cumul linéaire des endommagements, ou règle de Miner, 144 cupules, 17 D Dang Van, 146, 153 Davidenkov, 121 déformation plastique équivalente, 83

déformations principales, 83 densité de dislocations, 138 désordre, 37 développement durable, 116 diagramme de Goodman, 144 diagramme de Kitagawa, 152 diagramme de Pellini, 127 diffusion de l’hydrogène, 93 diffusion des lacunes, 160 directions principales, 79 dislocation, 2, 41, 94, 97 dissolution anodique, 105, 108 dissolution-glissement, 108 divers types d’endommagement, 34 ductilité, 1 E écaillage, 29 écartement critique de fissure, 133 écrouissage, 9 effet d’entaille, 123 effet de refermeture, 56 effet de surcharge, 150 effet de taille, 78 effet du rapport R, 149 effets de refermeture, 149 effets de volume des inclusions, 47 élasticité, 1 élastomères, 193 éléments alphagènes, 129 éléments d’alliage gammagènes, 129 empilements de dislocations, 41 émission acoustique, 179 endommagement des polymères, 17 énergie de cohésion, 38 énergie de faute d’empilement, 105 énergie de faute d’empilement, 98, 129, 156 énergie de rupture, 50 énergie de surface, 39

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énoncés singuliers, 198 énoncés universels, 197 environnement, 87, 150 Eshelby, 47, 62 essai Charpy, 117, 124, 135 essai de bombement à l’explosif, 127 essai Pellini, 126 essai Robertson, 127 examens visuels, 174 explosion bulge test, 127 extrusion, 20 F facteur d’intensité de contrainte, 50, 106, 130, 148 facteurs d’incertitude, 181 faisceaux focalisés, 176 falsification, 198 fatigue, 20, 24, 115, 143, 189 fatigue corrosion, 32 fatigue de roulement, 24, 26 fatigue fluage, 34, 166 fatigue gigacyclique, 25 fatigue plastique oligocyclique, 146 fatigue sous vide, 151 fatigue thermique, 26 fatigue-corrosion, 111, 155, 156 fatigue-fluage, 166 faute d’empilement, 98 fiabilité, 172 fibres, 56, 68 film de passivation, 105 fissuration à froid, 89, 95 fissuration intergranulaire, 11, 106 fissures courtes, 152 fissures de type A, 22 fissures de type B, 20 flexion rotative, 144 flocons, 88, 95 fluage, 31, 156 fluage logarithmique, 31

fragilisation, 2 fragilisation au bleu, 3 fragilisation de revenu, 2, 12 fragilisation par irradiation, 3 fragilisation par les métaux liquides, 11 fragilisation par l’hydrogène, 11, 87, 94, 105, 110, 113 fragilité, 2 fragilité ou ductilité, 9 G gaine de cisaillement (shear lag), 57, 68 gammagraphie, 175 gigacyclique, 24 glissement, 7, 14 glissement dévié, 98, 129 glissements plans, 98 gonflement, 3 grain, 1, 54 grenaillage, 103 Griffith, 118 guérison, 190, 191 H Herring-Nabarro, 164 hexagonal compact, 4 hydrogène, 88 hydrogène sulfuré, 89 hydrures, 89, 98 I impuretés, 91 incertitudes, 142 inclusions, 17, 24, 29, 43, 45, 49, 62, 99, 128 indice de fiabilité, 182, 184 instabilité plastique, 15 intégrale J, 133 interaction entre inclusions, 48, 64

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interstitiels, 129 intrusion, 20 Irwin, 130 J joint de grains, 2, 51, 127 K Kachanov, 71 Kitagawa, 152 L lacune, 3, 31, 43 laminage, 129 Liberty Ships, 119 limite d’élasticité, 120, 127 limite d’endurance, 143, 155 loi de Basquin, 146 loi de Manson-Coffin, 146 loi de Monkman-Grant, 158 loi de Norton, 160 loi de Paris, 148 loi de Petch, 127 loi de Weibull, 53, 60 loi du maillon le plus faible, 60 lois universelles, 198 loupe, 174 M magnétoscopie, 175 maintenance, 172 Manson-Coffin, 146 martensite, 29, 54, 55, 100, 129 martensite d’écrouissage, 98 martensite revenue, 99 matériaux cimentaires, 13 matériaux fragiles, 53 matériaux plastiques poreux, 79 mécanique de l’endommagement, 3, 71 mécanique de la rupture, 49, 130

mécanique de la rupture en élasto-plasticité, 132 mécanique des inclusions, 46, 62 méthode scientifique, 200 mise en solution de l’hydrogène, 88 modèle de Gurson, 56, 67 modèle de Hull et Rimmer, 160 modèle de McClintock, 66 modèle de Mori-Tanaka, 65 modèle de Rice et Thomson, 10, 35, 44 modèle de Rice et Tracey, 67 modèle de Rousselier, 84 modèle de Smith, 45 module d’Young, 38 module de cisaillement, 10 modules d’élasticité, 77 Monkman-Grant, 158, 164 mouton-pendule, 117 Murakami, 154 N naissance de fissures, 45 naissance des cavités, 158, 169 Neuber, 147 nombre de Reynolds, 106 O œil de poisson, 24, 95 ordre, 37 ordre à grande distance, 129 os, 189 ouvrages d’art, 180 oxydation anodique, 90 P paramètre d’endommagement, 71, 143, 157 Pellini, 126 pentes universelles, 147 pièges, 93

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planéité des glissements, 155 plans cristallographiques de clivage, 12 plans de glissement, 4, 5 plasticité, 1 point M S , 98 polymères, 17, 191 Popper, 197 potentiel de dissipation, 79 précipités, 99, 129 précipités cohérents, 156 précipités non cisaillables, 129 prévisions, 201 probabilité de défaillance, 182 propagation, 113, 151 propagation des fissures, 148 propagation des fissures de corrosion sous contrainte, 156 propagation des fissures de fatigue, 54 propagation des fissures en corrosion sous contrainte, 106 propagation des fissures en fluage, 165 propagation des longues fissures de fatigue, 54 propagation sous vide, 150 propagations en zig-zag, 109 protection cathodique, 156 pseudo-clivages, 109 Q questions épistémologiques, 197

résilience, 117, 125 ressuage, 174 Rice et Tracey, 160 Riedel, 166 risque, 173 risques de défaillances, 171, 172 rochet plastique, 28 Rousselier, 84 rupture ductile à cupules, 121 rupture fibreuse, 121 rupture fragile, 117 rupture intergranulaire, 12 ruptures, 9 S season cracking, 104 ségrégation d’impuretés, 106 seuil, 106 seuil de non fissuration, 156 seuil de non propagation, 148 shear lag, 57 sollicitations cycliques, 20 solubilité de l’hydrogène, 91 soudage, 88 stade I de la fissuration par fatigue, 26 stade II, 26 stade primaire, 157 stade secondaire, 158 stade tertiaire, 158 striction, 15 strie (fatigue), 26 surcharge, 150

R radiographie, 175 rapport R, 144, 149 réalisme non figuratif, 198 réduction cathodique, 90 refermeture, 56, 149 réparation, 172 répartition des inclusions, 48 requalification, 184

T taille de grain, 49, 99, 105, 127 taux de cristallinité, 121 taux de croissance des cavités, 85 taux de libération d’énergie, 50, 133 taux de libération d’énergie par endommagement, 75

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taux de restitution de densité d’énergie, 78 taux de triaxialité des contraintes, 17, 121 taux des triaxialité des contraintes, 123 température de ductilité nulle, 121 température de ductilité nulle de Pellini, 126 ténacité, 50 ténacité K Ic , 131 tenseur d’Eshelby, 63 tenseur des contraintes, 78 tenseur des déformation, 82 tension hydrostatique, 31 texture, 1 thermodynamique des processus irréversibles, 78 traitement fiabiliste, 181 tranférabilité des résultats, 130 transition de ductilité, 120 transition de faciès de rupture, 121 transition fragile-ductile, 119, 127 trichites, 39

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U ultrasons, 176 V vapeur d’eau, 89 variables déterministes, 182 variables probabilistes, 182 vecteur de Burgers, 10 verre, 40, 190 viscoplasticité, 160 viscosité, 1 vitesse de déformation, 138 vitesse de fluage, 157 vitesse de sollicitation, 121 Von Mises, 81, 145 W Weibull, 53, 59 Wöhler, 115, 143 Z zinc, 4