La Guinée en quête de rupture !
 2343158142, 9782343158143

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Boubacar Yacine DIALLO est un grand reporter. Diplômé de l’Académie des sciences politiques et du journalisme de Bucarest, en Roumanie, il a été, tour à tour, rédacteur en chef du journal parlé de la Radiodiffusion nationale, directeur général de l’Office de la radiodiffusion et télévision guinéenne (ORTG), président du Conseil national de la communication (instance de régulation des médias en Guinée), ministre de l’Information et conseiller à la communication de la présidence de la République de Guinée. Il est vice-président chargé de l’administration de l’Institution nationale indépendante des droits humains.

Illustration originale de couverture : Antoine Vaysse.

ISBN : 978-2-343-15814-3 17,50 €

Boubacar Yacine DIALLO

L’exception guinéenne, datée du 28 septembre 1958, avec son « Non » massif, jeté à la figure du plus illustre des Français, le général Charles de Gaulle, au cours d’un référendum, tellement vantée par les Guinéens, était-elle une chance ou un handicap ? Un prétexte à refuser le changement en se repliant sur soi-même ou une bonne raison de montrer la voie de l’avenir, de mettre en mouvement une société différente ? C’est la réponse à cette question que cherche l’auteur à travers soixante ans d’histoire politique. L’originalité de ce livre est triple : par son sujet, une série de questionnements sur les raisons de l’échec de la rupture –  une fresque décrivant les comportements des «  voyous  » de la République  – qui font barrage à toute entreprise de réforme véritable ; par son auteur, un journaliste, haut fonctionnaire ; par son ambition, car cet essai, délibérément à contre-courant des modes, met en relief les défis que la Guinée doit relever, dans un refus catégorique de toute démagogie.

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !

Boubacar Yacine DIALLO

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !

La Guinée en quête de rupture !

Boubacar Yacine DIALLO

La Guinée en quête de rupture !

Du même auteur Yacine Diallo le Guinéen : pour la patrie et dans l’honneur (préf. Jean-Pierre N’Diaye), Paris, L’Harmattan, 1996, 111 p., nouvelle édition Yacine Diallo. Premier député guinéen à l’Assemblée nationale française, 2018 Guinée d’un régime à l’autre, Conakry, Éditions Arc-enciel, 1997, 202 p. Larmes de joie. Roman, Conakry, Éditions Ganndal, 2000, 114 p. Guinée : Le Général Sékouba Konaté au cœur de la transition, Paris, L’Harmattan, coll. « Points de vue », 2010, 2e éd. 2011, 251 p. La Guinée, un demi-siècle de politique (1945-2008). Trois hommes, trois destins, Paris, L’Harmattan, coll. « Études africaines », 2011, 305 p. Je m’appelle Conakry. Récits, mémoires et souvenirs, Paris L’Harmattan Guinée, 2017, 78 p.

© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15814-3 EAN : 9782343158143

« Les hommes d’État n’ont pas d’amis ! » Général de Gaulle

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS ........................................................... 11 EN GUISE D’INTRODUCTION .................................... 15 LE TEMPS DES DÉSILLUSIONS ................................. 19 UN CHAPELET D’ÉCHECS .......................................... 29 ET LES AUTRES ACTEURS DE LA GOUVERNANCE… .......................................... 43 UN CODE PÉNAL QUI IGNORE LA PEINE DE MORT ..................................................... 53 DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME DANS LA CONSTITUTION GUINÉENNE ................................................................ 101 LA SOCIÉTÉ CIVILE DIVISÉE ET INFILTRÉE ....... 109 REFONDER LA JUSTICE SOCIALE .......................... 113 SECOND MANDAT. LA RUPTURE EST-ELLE POSSIBLE ? .................................................................. 117 NOUVEAUX DÉFIS CHOIX DE CADRES COMPÉTENTS......................... 121 LA RÉFORME ET LA DÉMOCRATIE ....................... 123 DE QUOI LA GUINÉE A-T-ELLE BESOIN ? ............ 125 ET LA LIBERTÉ ? ........................................................ 133 L’AVENIR DE LA GUINÉE ........................................ 137 ANNEXES ..................................................................... 141 9

AVANT-PROPOS Ici, en Guinée, j’ai passé le meilleur de mon temps au cœur du pouvoir, tantôt comme journaliste – chroniqueur politique, tantôt comme haut fonctionnaire. Un pouvoir, parfois totalitaire, parfois à l’abandon, parfois aristocratique, voire clanique, parfois démocratique, au gré des régimes et des chefs d’État qui se sont succédé. J’ai scruté le comportement des hommes forts face au pouvoir et face à l’argent. Celui des présidents, comme celui de hautes personnalités de la République, considérées par beaucoup comme de véritables « sangsues ». J’ai mesuré à quel point certains hommes d’État étaient vulnérables, surtout devant la forfanterie et les gros mensonges dont sont capables les « voyous à col blanc » de la République qui envahissent l’appareil de l’État, dont certains d’entre eux pullulent au palais, que celui-ci soit situé dans une enceinte luxuriante ou encore dans une modeste caserne. J’ai longtemps hésité à évoquer leurs histoires que j’ai bues jusqu’à la lie, sans mon consentement, et souvent avec une réprobation qui m’a coûté des inimitiés évidentes. Souvent suivies de limogeages injustifiés et même une démission inattendue de mes fonctions de Directeur général de l’Office de la radiotélévision guinéenne (ORTG). Face à la persistance du clientélisme au sein du pouvoir et à ses effets de nuisance sur l’intérêt général, je me suis senti le devoir d’écrire, de raconter les pratiques les plus courantes, même les plus avilissantes, hélas payantes pour leurs auteurs sans scrupules ! N’en déplaise à ceux qui se reconnaîtront. N’en déplaisent aussi à tous ceux qui seront caricaturés et qui devront, en guise 11

de droit de réponse, si nécessaire, écrire leurs propres histoires, avec des déclinaisons sur ce qu’ils auront vécu de dramatique autour des Chefs d’État qui ont eu la lourde charge de présider aux destinées de la Guinée, souvent manipulés et trompés à souhait… Ceux qui m’en voudront sont d’ores et déjà prévenus : je ne renoncerai pas à poursuivre le débat avec eux ou avec leurs défenseurs invétérés, au nom de la vérité due aux citoyens qui ont souvent vécu leur quotidien comme une tragédie. D’autant plus que ces courtisans de toutes les époques et de tous les pouvoirs, par leurs actions nocives sur l’appareil d’État, contribuent à anéantir tous les espoirs permis. Voilà pourquoi, la rupture n’a pu être provoquée, malgré la succession des républiques, malgré la succession des chefs d’État, malgré l’identité idéologique des régimes, la révolution sous Sékou Touré, le redressement sous Lansana Conté et le changement sous Alpha Condé. Tous ou presque ont succombé au charme des courtisans, qui eux, pour la plupart, ont su regagner le camp présidentiel, aussitôt éjectés. Ils ont réussi, à chaque fois, à imposer leurs hommes, à commencer par eux – mêmes ; imposer aussi leurs points de vue, en occupant les postes les plus lucratifs, les plus enviables, non pas à cause de leur sacerdoce, mais à cause du « gain facile » que ces fonctions procurent. Autant de raisons qui font dire aux observateurs de la scène politique guinéenne que les soixante années d’indépendance ont été caractérisées par l’immobilisme sur un double plan politique et économique. Bien sûr, en dehors, sur le plan politique, du vent de liberté que le CMRN a fait souffler sur le pays sorti des entrailles d’une révolution déprimante ; en dehors aussi, sur le plan économique, du recadrage macro-économique qui a conduit à l’obtention du PPTE et à l’effacement de la très colossale dette du pays, sous Alpha Condé. 12

À peine arrivés dans les couloirs du palais, même sans aucune fonction officielle, ces marchands de fausses illusions affichent un train de vie insolent. En acquérant des villas cossues, des voitures haut de gamme... Tout devient grossier chez ces parvenus de la vingt-cinquième heure, au détriment des cadres compétents et honnêtes, incapables de « lécher » les bottes ou de tisser des lauriers à la gloire du « chef » aussitôt élu ou réélu. S’il y a bien un métier qui s’est montré fort lucratif dans tous les régimes, c’est celui de courtisan, incarné par ceux qu’on pourrait appeler à juste titre « les parasites de la République » guidés par leur seul instinct d’enrichissement illicite, rapide et malhonnête. Comme les oiseaux, ils volent de branche et branche et se posent sur les champs déjà à maturité, prêts à être récoltés. Évidemment, ils récoltent ce qu’ils n’ont pas semé : les vrais propriétaires des champs, ceux qui ont sué pendant des années sont jetés aux oubliettes... À l’image des citoyens honnêtes, j’ai longtemps attendu la rupture, comme on attend à la gare, mais un train qui n’arrive jamais. Ce livre, je le dédie à la Guinée qui travaille et à la Guinée qui souffre. Celle qui pense que la rupture — en tant que détachement volontaire d’avec le passé que ce soit en termes d’idées, d’actions ou encore de pratiques pour aller vers un avenir souhaité — est possible et même réalisable.

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EN GUISE D’INTRODUCTION Le processus de démocratisation engagé en Afrique, surtout depuis le début des années quatre-vingt-dix, a permis à un certain nombre de citoyens des pays pauvres de gagner une plus grande libéralisation de la vie politique. Même si un nombre encore important de pays, notamment du continent africain, résistent aux changements politiques, le mouvement de démocratisation semble irréversible. C’est bien le cas de la Guinée. Et ce en dépit des soubresauts qui ponctuent la marche vers l’édification d’un État de droit, respectueux des libertés enclenchées par le Général Lansana Conté dès le 22 décembre 1985, un an seulement après son arrivée au pouvoir par un coup d’État, sans effusion de sang. Comme, hélas, on peut le constater, les cercles obscurs qui gravitent autour du pouvoir sont encore réfractaires au changement tant annoncé, mais qui tarde à se réaliser. Jusqu’à présent, les Guinéens n’ont pas su transcender les clivages ethniques pour asseoir une unité nationale. Conséquence : la réconciliation qui devait panser les blessures du passé n’a pas été au rendez-vous. Même les efforts, pourtant, louables de la Commission provisoire de réflexion mise en place et dirigée par deux hauts dignitaires religieux1 tardent à produire des résultats à la hauteur des attentes. Tant le tissu social est abîmé et les discours politiques divisionnistes. 1

Monseigneur Vincent Koulibaly, Archevêque de Conakry – Elhadj Mamadou Saliou Camara, Grand imam de la Mosquée Fayçal de Conakry

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Évidemment, certains hommes politiques ont souvent surfé sur la misère des populations, pour les dresser contre le pouvoir en place qui n’arrive toujours pas à leur assurer le minimum vital. En arrivant au pouvoir, les chefs d’État guinéens savaient-ils déjà que si la démocratie est recherchée par elle-même, il est cependant important de noter que sa consolidation nécessite une amélioration des conditions de vie de la population ? Cette condition ne peut être remplie que si les gouvernants arrivent à améliorer les performances économiques de leur pays ; ce qui, à son tour, exige la pratique de la bonne gouvernance. Hélas, il ressort de la simple observation de la réalité que malgré les réformes engagées au cours de tant de décennies, les capacités institutionnelles et humaines actuelles et l’efficacité de l’administration publique demeurent encore insuffisants, faibles. Les autres acteurs de la gouvernance qui devaient servir de contrepoids au pouvoir exécutif ne sont pas en mesure, dans bien des cas, de jouer efficacement leur rôle. Sur le plan politique, par exemple, la Guinée a passé une bonne partie de son histoire dans les ténèbres. Avec une élite qui a vite abdiqué, avant d’être décimée par la machine impitoyable du PDG-RDA. Au point qu’après la mort de Sékou Touré et la disparition de son clan restreint, le pays a brillé par l’insuffisance de présidentiables à l’intérieur du pays. Désormais, il fallait les rechercher parmi les intellectuels qui avaient pu sauver leur tête en réussissant à s’extirper des tenailles du pouvoir et à vivre la « tragédie » 16

de l’exil. Loin du pays, loin des leurs, incapables d’agir pour changer le cours de l’histoire : Alpha Condé, Siradiou Diallo, Bâ Mamadou, Jean Marie Doré, parmi les plus connus. Tous ou presque étaient condamnés à mort par contumace. Leur retour au pays n’a été possible qu’avec l’avènement des militaires au pouvoir à Conakry et l’esprit d’apaisement du chef de la junte d’alors, le colonel Lansana Conté. Parmi eux, seul Alpha Condé a réussi son pari, accéder au pouvoir, après tant d’années de lutte acharnée. Soixante ans après son accession à l’indépendance, on a comme l’impression que la Guinée peine à changer son mode de gouvernance. Les présidents se succèdent, mais les entourages et les autres cadres véreux de l’administration publique se recyclent et perpétuent les mêmes mauvaises méthodes qui ont causé les échecs précédents. Empêchant ainsi la rupture de se produire.

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LE TEMPS DES DÉSILLUSIONS Une semaine après l’annonce de la mort subite du président Ahmed Sékou Touré aux États-Unis, l’armée guinéenne prend le pouvoir vraisemblablement vacant. Sans effusion de sang. Plutôt dans la douceur. Le Bureau politique du PDG2 qui délibérait dans une atmosphère de déchirements entre les dignitaires sur la succession, fut rapidement balayé. Dans le même temps, les structures inféodées au parti étaient supprimées. Les nouveaux dirigeants annoncent la fin du plombage politique et du dirigisme économique. Un quart de siècle plus tard, la liesse populaire qui salua le coup d’État militaire et l’écho suscité au sein de la communauté des Guinéens forcés à l’exil, en dirent long sur l’échec palpable du régime issu du défi de 1958 et qui avait nourri les espoirs de tout un continent appelé alors à prendre son destin en main. Cette situation dramatique était perçue comme le produit d’un isolement politique et de choix économiques imposés par Sékou Touré et sévèrement sanctionnée par les résultats situés loin des espérances d’un peuple digne et fier. Ce qui représentera une véritable désillusion pour la Guinée et ses admirateurs étrangers. Après l’euphorique accès au pouvoir et l’élimination rapide de la pyramide du PDG — mais non celle des cadres et de leur héritage idéologique —, les auteurs du coup d’État tranquille se sont employés de toutes leurs forces à légitimer leur action. Ce qui n’a pas été sans soubresauts ni conflits internes. Des clans se sont très vite 2

Parti démocratique de Guinée, parti unique

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formés, avec espoir de contrôler chacun le cœur même du pouvoir. Première conséquence : Une année durant, le CMRN a été doté d’une direction bicéphale, Lansana Conté exerçant la fonction de président, Diarra Traoré celle de Premier ministre-chef du gouvernement. L’absence de projet politique et le vide constitutionnel facilitèrent la manifestation de divisions multiples entre les factions de l’armée. Elle sera rapidement favorisée par des mesures sociales qui s’apparentent à un libéralisme économique auquel les Guinéens n’étaient pas habitués. Les conflits d’intérêts opposeront vite les hauts cadres de l’appareil d’État, ainsi que les membres du CMRN. Et le pire, c’est que la manifestation de la division sera notée entre les collectifs ethniques directement concernés a priori, ou plus subtilement impliqués a posteriori. Les relations entre le Président de la République et son Premier ministre sont parasitées par les querelles entre des clans qui veulent contrôler la substance du pouvoir. Les deux compagnons d’armes s’affrontent alors par clans interposés, au préjudice des promesses de bâtir un État de droit. Le colonel Diarra Traoré, poussé jusque dans les derniers retranchements, avec la suppression du poste de Premier ministre qu’il occupait avec délectation, commettra l’irréparable en tentant de fomenter un coup d’État avorté en juillet 1985. Ces compagnons d’infortune, lui-même et beaucoup d’anciens dignitaires du régime Sékou Touré furent exécutés en même temps. Sans un procès équitable. Le président Lansana Conté, selon des officiers proches, reconnaîtra, non sans regret, ces exécutions sommaires ordonnées par des éléments extrémistes de son clan qui avaient des comptes à solder avec ces officiers et autres

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anciens dignitaires, dont certains criminels qui auraient dû être jugés dans les normes. Il en fut autrement. La peur revient : tous ceux ou presque qui avaient retrouvé la liberté de parole, dès le 3 avril 1984, ont renoncé à dénoncer les tares du nouveau régime. Et comme par le passé, les murs ont poussé des oreilles. Il fallut attendre les années 90, avec l’introduction du multipartisme et la libre entreprise, pour voir un début d’ouverture. Pourtant, la rupture n’a pu être opérée. D’autant plus que les pratiques politiques sont restées quasiment les mêmes. Plusieurs fonctions enviées anciennement occupées par des ressortissants de la Haute Guinée sont dévolues à ceux de la Basse Guinée d’où est originaire le chef de l’État. On entendra alors parler de pouvoir soussou en place et lieu de pouvoir Malinké déchu. On aurait pu parler d’une simple vue de l’esprit, si la réalité des actes posés ne crevait les yeux ! Cet état de fait commença, lorsque Lansana Conté supprima, le 18 décembre 1984, le poste de Premier ministre au bénéfice d’un « dispositif ethno stratégique », pour reprendre les critiques d’un opposant. Comme lui, des observateurs avertis feront remarquer qu’après avoir consolidé sa base militaire, le nouveau pouvoir a joué sur la valse des cadres, le relatif quadrillage de l’administration, même s’ils s’abstiennent de conclure à l’émergence d’un « pouvoir soussou ». Il reste que des clivages ethniques, ou présentés comme tels, se manifestent à tous les niveaux de prise de décisions majeures, à commencer par l’entourage immédiat. Sans avoir la naïveté de croire que la Loi fondamentale annoncée dans le discours-programme de décembre 1985 aplanirait les divisions communautaires par sa seule existence, au moins pouvait-on espérer que des discussions, enfin engagées le 2 octobre 1989, émanerait un cadre démocratique facilitant un débat national. Alors, 21

la volonté de rupture avec l’ancien régime ont au moins le mérite d’être claire. Cette volonté eut engendré aussi une modification des relations entre le gouvernement et une diaspora ayant accueilli avec soulagement la mort de Sékou Touré et même l’avènement d’une junte militaire au pouvoir. D’abord partagés, les dirigeants guinéens ont ensuite ouvert quelques ministères à des représentants venus de l’extérieur, expression dont la connotation n’est pas sans importance. La création du ministère des Guinéens de l’étranger confié à Jean Claude Diallo3 eut rassuré les plus sceptiques. Avant, dans les discours tenus à l’époque en Guinée, les compatriotes de l’extérieur étaient considérés par les uns comme des traîtres à la cause révolutionnaire de la première République, par les autres comme des privilégiés ou des protégés qui n’ont pas eu à supporter la « barbarie » du PDG-RDA. Toujours est-il que dès 1985, plusieurs cadres guinéens vivant à l’étranger entrent au gouvernement : Jean Claude Diallo, au département des Guinéens de l’étranger, Kerfalla Yansané à la Banque Centrale, Ousmane Sylla au Département en charge des mines, Bassirou Barry à la Justice, Bana Sidibé à l’Habitat. Ils seront rejoints plus tard par Me Lamine Sidimé, promu Premier président de la Cour suprême. Ce retour de Guinéens exilés et leur nomination à de très hautes fonctions avaient suscité un grand espoir au sein de la population appelant la rupture de tous ses vœux. Toutefois, la démission prématurée de Jean Claude Diallo créa un vif émoi chez tous ceux qui avaient cru au changement dans la conduite des affaires de l’État.

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Jean Claude Diallo avant sa nomination vivait en Allemagne. Il occupera le poste de ministre de l’Information en 1985.

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Jean Claude Diallo n’avait pas supporté les atermoiements et la guerre de tranchées à laquelle se livraient les clans rivaux. Il en sera de même pour Elhadj Abdourahmane Bah, ministre des Affaires religieuses qui avait décliné poliment l’offre de son maintien au gouvernement. Il avait alors rejoint son Labé natal où il restera grand Imam de la Mosquée jusqu’à sa mort. Dans la foulée, des hommes politiques, à leur tour, font vite leur retour et s’inscrivent dans le combat pour un changement radical, encore difficile. Le pays est sous un régime d’exception, un régime militaire, qualifié d’autoritaire. Ce sont Alpha Condé, Siradiou Diallo, Bâ Mamadou, Jean Marie Doré. Leur combat commence par les dénonciations de tout ce qui pouvait être perçu comme dérives, tant politiques qu’économiques. Le leader du Mouvement national démocratique MND Alpha Condé publie régulièrement un journal pamphlétaire « Ségueti » avec des articles rédigés au vitriol, comme « le poisson pourrit par la tête », faisant allusion à Lansana Conté. Puis, avec la Nouvelle République, Bâ Mamadou, fondateur de l’UNR Union pour la Nouvelle République, tire à boulet rouge sur le régime et dénonce son incapacité à conduire, à bon port, les destinées du pays. La presse n’est encore pas libre, mais ils prennent des risques, notamment sur les radios étrangères RFI, BBC, VOA, Africa N° 1. De son côté, le pouvoir se montre toutefois tolérant. Ce combat permanent ajouté à la volonté manifeste de redressement des militaires sans expérience dans la conduite des affaires d’un État favorise une certaine ouverture. La Guinée commence à tenir une partie de ses promesses.

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Avec le multipartisme et les premières élections présidentielles tenues en 1993, bien que contestées, la Guinée donne le signal de l’ouverture déjà promise dans le discours-programme du 22 décembre 1985. Les élections législatives de 1995 viendront combler un vide institutionnel, en dotant le pays d’une assemblée nationale. Tous les courants y sont représentés. Tous les leaders des partis politiques en lice entrent au parlement. Le Parti de l’Unité et du Progrès de Lansana Conté n’a pas la majorité qualifiée. Ce qui donna une marge de manœuvre à l’opposition parlementaire, encore mal structurée. Les débats parlementaires sont animés, parfois virulents. La Guinée avance, sans pour autant réussir à imposer la rupture. Nombreux sont les dignitaires de l’ancien régime du Parti-Etat, ceux qui n’avaient pas les mains souillées de sang, qui ont su rebondir politiquement sous la férule du parti présidentiel, le parti de l’unité et du progrès, le PUP. Parmi les plus charismatiques figurent en bonne place Elhadj Boubacar Biro Diallo qui deviendra le président de l’Assemblée nationale et Aboubacar Somparé qui lui succédera. Tous deux avaient joué d’éminents rôles sous l’ère du PDG-RDA. À des exceptions près, étonnamment, le PUP marche sur les pas du PDG-RDA. Le pouvoir du chef est absolu, le parti prime sur l’État. Les militants de première heure doivent occuper les postes clés. Le débat interne doit être absent : les ordres sont exécutés sans murmures. En face, dans l’opposition, il en est de même : un homme, le leader ; un parti, celui qu’il a fondé avec son argent ; le fauteuil présidentiel comme seule finalité. La dérive autoritaire est permise et même flagrante dans certaines formations politiques.

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Malgré tout, la conquête pour les libertés cristallise les volontés politiques des uns et des autres. La Guinée commence à changer de visage, même si au fond, il persiste des pratiques rétrogrades, incompatibles avec le développement et la démocratie. Les pratiques du trafic d’influence, les passe-droits, les intimidations, la corruption… semblaient déjà plomber les chances d’un développement équilibré et durable. Un petit rappel, si la décision des militaires de rendre le pouvoir aux civils, par la voie des urnes, avait été saluée, il leur avait été reproché d’avoir eu à l’ombre un candidat, prêt à prendre une disponibilité dans l’armée et à se maintenir au pouvoir. Le projet est bien pensé, bien mûri. Ainsi, le président – soldat abandonnera sa tenue et se jettera dans le combat politique avec comme atouts aux yeux de l’opinion son courage d’avoir renversé un régime qu’on disait invincible, d’avoir libéré tous les détenus politiques, d’avoir permis le retour des exilés politiques, même ceux qui étaient condamnés à mort, d’avoir supprimé les normes de capitation qui pesaient lourdement sur les épaules des paysans, d’avoir libéralisé le secteur privé. Un militaire jugé suffisamment tolérant. Un autre atout pour lui, ceux qui devaient être ses adversaires étaient mal connus des Guinéens. Toutefois, le vote ayant un caractère ethnique, Alpha Condé, Siradiou et Bâ Mamadou totalisent à eux seuls un pourcentage de plus de 40 %. Ce qui était déjà une prouesse avec une administration qui brillait par son manque de neutralité au seul profit du pouvoir. Beaucoup de gens pensaient que la rupture serait arrivée avec l’élection présidentielle de 1993. D’autant plus que tout portait à croire qu’un deuxième tour était inévitable et que même une victoire de l’opposition était quasi certaine. 25

Lansana Conté et son système se maintiennent au pouvoir. La rupture, fondée sur l’alternance politique attendue, sera tout simplement différée. Un vaste chantier de réformes est ouvert. Les rares succès alternent avec les multiples échecs. Autant le multipartisme avançait, autant le respect des Droits de l’Homme présentait des signes de faiblesse avérés. Autant le libéralisme économique se renforçait, autant la corruption et les détournements des deniers publics se multipliaient dans une impunité effarante. Le pays avance, plutôt comme un crabe. À la mort de Lansana Conté en 2008, l’Etat de droit est en chantier, l’économie timidement remise sur les rails. Sans que la rupture ne se soit produite. Deux ans de flottement sous un régime d’exception, la parenthèse Moussa Dadis Camara (2009) – Sékouba Konaté (2010) : une nouvelle constitution est rédigée par un Conseil national de transition et adoptée sans référendum, dans la précipitation. Les pressions de la communauté internationale sont fortes. La classe politique se montre impatiente. La Constitution promulguée par ordonnance du président de la transition Sékouba Konaté est « taillée sur mesure », notamment pour permettre à certains leaders de se présenter, l’âge du candidat qui était fixé à 70 ans maximum a sauté. Au nom de la paix, de la stabilité politique, avait-on justifié cette disposition exceptionnelle. Plusieurs autres lois organiques sont votées dans les mêmes conditions, encore dans la précipitation. La communauté internationale ferme les yeux et encourage la marche forcée vers des élections même bâclées. La Guinée a déjà trop coûté aux bailleurs de fonds. Sans compter les craintes d’une déstabilisation des Institutions de la transition et d’une instabilité politique probable.

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Et voilà qu’en décembre 2010, à la faveur d’une présidentielle éprouvante, Alpha Condé du RPG prend les rênes du pouvoir face à son challenger Cellou Dalein Diallo de l’UFDG. Silence, au nom de la paix, au nom de la stabilité. La communauté internationale valide le scrutin et reconnaît le président en fonction. Lui aussi, comme Lansana Conté, puise des forces dans les rangs des anciens dignitaires, à cause sûrement de leur expérience : Fodé Bangoura, ancien homme fort du régime précédent, Kerfalla Yansané, Kiridi Bangoura, Moustapha Koutoubou Sano, Papa Koly Kourouma, Ousmane Kaba, Maturin Bangoura, Malick Sankhon, Me Abdoul Kabélé Camara, la liste est longue. Quelques caciques du RPG occupent des fonctions ministérielles qu’ils abandonneront très vite : Nantou Chérif aux Affaires sociales, Tidiane Traoré aux Transports, Dirius Dialé Doré à la communication. Certains observateurs pensent que le RPG n’était pas préparé à gouverner. D’autres par contre y voient une stratégie pour le nouveau président de maîtriser les rouages de l’administration par ceux qui l’avaient gérée auparavant. Le nouveau président passe une partie de son temps à dénoncer les échecs des régimes précédents tout en les rendant responsables de la situation calamiteuse du pays. Huit ans après son accession au pouvoir, les échecs de ses prédécesseurs lui ont-ils servi de leçon ?

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UN CHAPELET D’ÉCHECS Sur la construction de l’unité nationale À l’épreuve des faits, on a constaté que les régimes guinéens contiennent en eux-mêmes les germes de division du pays. Pourtant, la Guinée est un pays multiculturel dans lequel les communautés ont cohabité dans la paix durant des siècles. Il eut fallu que les politiques s’en mêlent, par des discours régionalistes, pour que le repli identitaire envahisse les citoyens, pour que chacun croit être en sécurité que dans son ethnie, parfois même dans sa tribu. À l’indépendance déjà, Sékou Touré avait fait de l’exclusion une dimension de sa politique. Il fallait généralement être de son clan pour occuper les plus hautes fonctions ou encore du clan de la Première Dame. Ce qui avait créé un front de « frustrés » dont le nombre grossissait au fil des ans. Ce qui donna la voie à des crises à caractère ethnique. Cette politique culminera en 1976, lorsque publiquement, le père de l’indépendance annonça : « Je déclare la guerre aux peulhs ». Avec comme conséquence, la mise en marche d’une machine répressive contre des cadres de l’une des ethnies majoritaires du pays. Ceux qui avaient tendance alors à expliquer faussement les crises sociales par les diversités ethniques, religieuses ou régionales, ont fini par admettre que cette vision des choses était contestable. On disait du régime sous Sékou Touré qu’il était viscéralement malinké, donc clanique. Pourtant, avant de s’en prendre à la communauté peule, il s’était attaqué aux commerçants malinkés qu’il assimila à 29

Cheytane4. Depuis sa mort en 1984 et la chute de son régime dans la foulée, le pays est déchiré par des luttes claniques ayant entraîné le ramollissement de l’État. À son avènement au pouvoir en 2010, le président Alpha Condé disait : « j’ai hérité d’un pays et non d’un État ». Bien sûr que le parti, le PDG-RDA avait dévoré l’État. Lansana Conté avait épuisé ses efforts pour le remettre en marche. Sa longue maladie a donné l’occasion aux extrémistes de son camp de saper de nouveau les fondements de l’État. D’autant plus que l’appartenance ethnique continuait à être un facteur de promotion dans la haute administration. La Guinée avec ses quatre régions historiquement naturelles avec huit langues nationales reconnues par l’Administration aurait dû pourtant profiter de cette diversité pour asseoir une unité nationale solide. À une condition que la suprématie de l’État et la mise en place d’institutions constitutionnelles solides soient une réalité. Sinon, comment expliquer le fait que le Burundi et le Rwanda, avec un nombre d’ethnies très limitées, parlant la même langue, habitant les mêmes régions du pays soient parmi les pays qui aient connu les pires crises sociales en Afrique au sud du Sahara. En Guinée, il existe des dizaines d’ethnies de dimensions variées. Mais aucune ne peut dominer l’autre, face à la Constitution. On ne trouve pas, comme au Rwanda ou au Burundi, cette dualité entre Hutus et Tutsis qui rend difficile la recherche d’un point d’équilibre. Ici, les ethnies savent qu’elles sont condamnées à coexister. Aucune d’elles ne possède de territoire suffisant pour former un État et le président ne pourrait pas gouverner en s’appuyant sur une seule ethnie, fût-elle numériquement 4

Satan

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majoritaire. La Guinée est un pays à la fois ouvert au progrès et aux nouveautés, mais également enraciné dans les différentes cultures. Seulement voilà, l’unité nationale est mise à rude épreuve, par la faute des politiques qui ont pris chacun leur ethnie en bandoulière, pire, qu’ils opposent aux autres par des discours sectaires et haineux. Surtout à la veille des consultations électorales au cours desquelles tous les dérapages sont possibles. Contrairement à l’Inde, la Guinée ne dispose pas d’une culture nationale ancienne, elle est en train de la créer à partir de la synthèse entre les cultures de toutes les ethnies composant le pays. Ce n’est que depuis 1958 que nous sommes devenus un État unitaire et que nous sommes en voie de créer une nation. Cet échec a poussé certains à croire que seuls les régimes autocratiques sont à même de construire l’unité nationale. Le cas guinéen illustre l’exact contraire. Pour Claude Aké5, « le pluralisme social africain exige plutôt plus de démocratie que le contraire, car la démocratie exige la négociation, les réconciliations et un consensus. La démocratie entraîne des négociations continuelles et une recherche perpétuelle d’équilibre entre les différents groupes ethniques, régionaux, religieux d’intérêt, privé ou public. » Exemple, malgré les conflits interethniques qui ont souvent ponctué la vie politique guinéenne, aucun groupe n’a jamais revendiqué la scission, mais plutôt la constitution d’un état unitaire, tel que stipulé dans toutes les constitutions. L’instauration de la démocratie dans les années 90 a donné plus de possibilité à l’ensemble des communautés de toutes les sensibilités ethniques et religieuses de participer à la construction d’un État. 5

Claude Aké, écrivain nigérian (1939-1996)

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Malgré tous les efforts déployés, la Guinée peine à asseoir son unité. Cela peut être interprété comme un échec des pouvoirs qui se sont succédé depuis l’indépendance. Pourtant si cette indépendance a été acquise, c’est en grande partie à cause de l’unité d’action dont ont fait montre toutes les régions du pays et des partis politiques toutes obédiences confondues. Un mince espoir pointe depuis peu à l’horizon, avec la mise en place d’une Commission nationale provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale. Une structure coprésidée par le Grand Imam de la Mosquée Fayçal et l’Archevêque de Conakry. Une commission qui a rendu un rapport intéressant sur lequel nous reviendrons. De l’échec économique Sous le régime de Sékou Touré, l’économie avait été centralisée, le commerce privé banni, sans aucune perspective. L’État était seul importateur et exportateur. Les magasins généraux publics ravitaillaient les citoyens recensés chacun dans leurs quartiers. Le système du rationnement des denrées de première nécessité a permis un ravitaillement mensuel des habitants. Du sucre au tissu, l’État achetait et revendait tout. Une pratique qui favorisa toutes sortes de trafic. Le gouvernement poussera le centralisme économique au point de créer la rareté des produits sur le marché. Le président Sékou Touré en personne ira fermer les magasins à Kankan, après avoir traité les hommes d’affaires « Malinkés » de Cheytane (Satan). Cette politique conduira au soulèvement populaire des femmes en 1977 qui n’hésiteront pas à se révolter contre le pouvoir de Sékou Touré qu’elles avaient pourtant encensé. L’Etat se trouva vite dos au mur. La dérive autoritaire se renforça pour étouffer toute velléité de contestation. 32

Force doit rester non pas à la loi, mais au diktat du PartiEtat qui avait accumulé les erreurs de choix stratégiques. L’échec économique était déjà prévisible et même plus que probable. La Guinée n’y échappera pas. Tout le monde croupissait dans la misère. Inutile de rappeler qu’après la mort du premier président, les militaires s’emparèrent du pouvoir. Ils ne tarderont pas à engager le libéralisme économique, avec la suppression du commerce étatique. Ce libéralisme, qualifié de « sauvage » par les plus sceptiques des observateurs, engagé au début des années 80, ne changera pas fondamentalement les conditions de vie des populations. La précarité s’installera durablement. La reprise des relations avec les Institutions de Bretton Woods contribuera certes à ramener le pays sur la scène mondiale, mais les bases de l’économie auront du mal à se consolider. Pour la Banque Mondiale, la manière de gérer, la nontransparence dans la gestion des ressources publiques et la corruption généralisée seraient, notamment, les principales causes des mauvaises performances des économies africaines. La Guinée figure sur la liste des pays les plus corrompus du monde. Les cadres rivalisent de détournements de deniers publics dans une impunité sans égale. Avec une exception : sous Sékou Touré, les bandits à col blanc étaient appréhendés, condamnés à de lourdes peines et parfois humiliés publiquement. Depuis 1984, les caisses de l’État ont fait l’objet de pillage systématique, au point que la BCRG était incapable de supporter les charges d’importation. Par contre, le secteur informel en a largement profité pour se développer, notamment sous Lansana Conté. D’un côté, compte tenu des difficultés pour son imposition et son contrôle, le secteur informel a considérablement réduit les ressources de l’État et diminué 33

en conséquence la capacité d’intervention des détenteurs du pouvoir et de l’administration. Ainsi, le développement du secteur informel affaiblit donc l’État. Mais, pour Lansana Conté, il fallait fermer les yeux sur les mauvais agissements des opérateurs économiques pour leur permettre d’investir dans le secteur de l’immobilier sur place. On verra alors pousser des immeubles comme des champignons, avec, très souvent, l’argent « sale ». Qu’importe ! C’est ainsi que le secteur informel s’est substitué à l’État pour offrir des services de base à la population : c’est le cas par exemple du développement de la médecine traditionnelle et de la vente illicite de faux médicaments ou encore de médicaments périmés qui ont pris de l’ampleur par rapport à la médecine curative moderne compte tenu de l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins sanitaires de la population. En prenant ainsi à son compte la satisfaction de besoins qui devraient s’adresser à l’État, le secteur informel a permis à ce dernier d’éviter une crise de légitimité politique. Ce double échec sur le plan politique et socioéconomique qui a mis en cause la légitimité de l’État a promu la lutte contre les régimes autocratiques et les aspirations des peuples à plus de démocratie et à plus de libéralisation de la vie politique et économique. C’est ainsi que, soutenue parfois par la communauté internationale, la société civile et les intellectuels vont exprimer de manière la plus violente, surtout depuis le début des années quatrevingt-dix, leur opposition aux régimes autocratiques et leurs aspirations pour une meilleure gouvernance. L’Etat ayant été incapable de répondre aux aspirations des populations, de fournir les services de base (éducation, santé, sécurité, etc.), et de corriger les inégalités et disparités, perd de sa crédibilité auprès de la population. 34

La révolte populaire de 2007, à l’initiative du mouvement social guinéen, qui avait conduit à l’imposition de l’état de siège et la nomination d’un Premier ministre choisi par ce dernier illustre l’échec patent d’un régime qui avait pourtant bien démarré.. Il était ainsi clairement démontré que si les Guinéens recherchaient plus de démocratie, ils visaient également l’amélioration de leurs conditions de vie. S’il paraît difficile d’établir a priori une relation entre régime politique et performances économiques, il est cependant prouvé que la consolidation de la démocratie exige de bonnes performances économiques. Plus que la nature du régime ce serait plutôt la pratique de la gouvernance du pays qui expliquerait la différence dans les performances économiques. La bonne gouvernance serait de nature à garantir de meilleures performances économiques. La bonne gouvernance suppose l’existence de capacités institutionnelles, humaines et matérielles adéquates ainsi que des acteurs (l’administration publique, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ainsi que la société civile) forts et qui s’équilibrent. Or ces conditions ne sont pas totalement remplies. Même s’il faut reconnaître que des efforts ont été consentis pour la mise en place des institutions républicaines, Assemblée nationale, Conseil supérieur de la magistrature, Cour suprême, Conseil économique et social et plus récemment Cour constitutionnelle, Cour des comptes, Institution nationale indépendante des droits humains. Il reste qu’il faut mettre à la disposition de ces institutions les moyens de leur indépendance. Pourtant certaines d’entre elles manquent encore de moyens pour fonctionner correctement. Un exemple palpable : depuis 1995, l’Assemblée nationale n’a toujours pas de siège. Elle est logée au Palais du peuple. Les autres institutions, à l’exception de la Cour Suprême, le sont dans des immeubles loués à des 35

particuliers, des opérateurs économiques qui se sont souvent vite enrichis à travers des marchés de gré à gré ou « arrangés ». Pourtant, la consolidation de la pratique de la bonne gouvernance exige le renforcement des capacités institutionnelles et humaines des différents acteurs (notamment administration publique, pouvoir judiciaire et société civile). Sur la bonne gouvernance La bonne gouvernance est perçue tant par les citoyens que les partenaires comme un facteur déterminant pour la promotion du développement. Là où la mauvaise gouvernance s’est installée durablement, on a assisté à des mouvements le plus souvent violents entre, d’une part, les tenants du pouvoir et, d’autre part, les populations aspirant à plus de liberté, à plus de respect des droits de l’homme, à une meilleure distribution des richesses du pays et à une meilleure façon de diriger et de gérer le pays. Les pouvoirs successifs ont été confrontés à des oppositions musclées. On peut citer la révolte des femmes en 1977 contre le régime de Sékou Touré ; les événements violents de 2007 sous le régime de Lansana Conté ; la tragédie du 28 septembre 2009 sous la Junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara et plus récemment, plusieurs morts suite aux manifestations de l’opposition républicaine. La Guinée a eu du mal à imposer une paix civile. Pouvoir et opposition se rejettent la responsabilité de ces violences. Ces violences ont souvent éloigné les investisseurs et fortement perturbé les activités économiques faisant perdre à l’État une bonne partie des ressources financières basées sur la perception des impôts et autres taxes. Creusant ainsi les déficits au-delà du prévisible. Pourtant,

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tout le monde répète à longueur de journée : « l’argent a peur du bruit. » De plus, les bailleurs de fonds les plus importants de la Guinée, les Institutions de Bretton Woods et l’Union européenne notamment, font de la bonne gouvernance un des critères d’attribution de l’aide publique au développement. Le Groupe de la Banque africaine de développement a également ressenti l’importance de la pratique de la bonne gouvernance pour l’amélioration de l’efficacité des politiques de développement en général et des performances de ses activités dans ses pays membres en particulier. Une génération de jeunes leaders continue de dénoncer la néo-colonisation économique à laquelle seraient soumis la plupart des États africains, notamment francophones. Une pratique perçue comme la conséquence logique de la manière dont ces pays ont accédé à leur indépendance nationale. Il en fut autrement pour la Guinée qui a arraché son indépendance par un « non massif » à la communauté proposée alors par le général de Gaulle. Ce qui jettera Sékou Touré dans l’isolement politico-diplomatique le plus total et le pays dans le dénuement le plus exaspérant. Au total, la Guinée a payé cher son « indélicatesse » envers le « maître ». Non sans fierté. Cette victoire sur la puissance coloniale lui avait conféré une grande popularité. Une fois l’indépendance acquise, il fallait penser au développement économique pour l’amélioration des conditions de vie des populations. L’euphorie quasigénérale qui a marqué l’accession du jeune État à l’indépendance faisait miroiter des lendemains meilleurs. En fait, l’indépendance n’était pas perçue comme une fin en soi, mais plutôt comme un instrument pour

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l’épanouissement culturel et social et pour le développement économique. À l’indépendance, toutes les dispositions fondamentales pour la démocratie et le respect des droits de l’homme étaient prises : multipartisme, liberté d’expression, de la presse, etc. Pour arriver à cette fin, il fallait la paix sociale et politique. Cette situation de stabilité aura une courte durée de vie. Le peu de liberté dont jouissaient les élites notamment a été vite balayé. Laissant place à un régime autocratique où toute tentative de jouissance de la liberté conduisait inéluctablement droit à la prison et bien souvent à la mort. Les ONG évoquent des chiffres effroyables. La gouvernance démocratique est donc enterrée, au profit d’un régime totalitaire dans lequel le pouvoir se concentre entre les mains d’un seul homme l’hyper président entouré de son clan qui étale ses tentacules sur les principaux rouages de l’administration publique. Les leaders politiques qui, pour contribuer à l’instauration d’une paix civile, avaient sabordé leurs formations ont été victimes du Régime dirigé d’une main de fer par celui qui se fera appeler « Responsable suprême de la Révolution ». Alors s’ouvre le débat sur la nécessité ou non d’un régime fort pour conduire les destinées du pays. La Guinée avait-elle besoin d’un régime fort ? Une des causes de la dégradation des libertés au lendemain de l’indépendance du pays a été sa prétendue incapacité à construire l’unité nationale et à produire des résultats probants sur le plan économique. Pour ses détracteurs, la démocratie impliquerait des conflits inutiles et provoquerait ainsi une perte de temps. Selon les thèses dominantes en cette période, la démocratie ne pouvait qu’exacerber et stimuler les 38

divisions et raviver les divergences. Même au plus fort des luttes des années quatre-vingt-dix pour plus de démocratie, les partisans des régimes autocratiques continuaient à prétendre que la démocratie pour les pays africains était un luxe. À Lomé, le président français Jacques Chirac avait clamé haut et fort que « les Africains n’étaient pas mûrs pour la démocratie ». Des propos qui en avaient choqué plus d’un. Malgré les timides tentatives d’édification dans les années 90 d’un État de droit, par le général Lansana Conté, objectif déjà annoncé dans son discoursprogramme du 22 décembre 1985, ni le partage du pouvoir ni l’alternance démocratique n’ont été possibles. Ce n’est qu’en 2010, en dépit d’une présidentielle contestée, qu’Alpha Condé accède au pouvoir, lui qui n’a jamais appartenu à aucun gouvernement, opposant qu’il était à tous les régimes. Les fraudes électorales et l’embastillement de l’opposition ont constitué un véritable frein à la démocratisation de l’État. À chaque fois, l’entourage a réussi à écarter les Guinéens qui pouvaient opérer les changements attendus. Pas un seul opposant n’a échappé au chantage politique et même à l’emprisonnement : Bâ Mamadou, Alpha Condé, Jean Marie Doré. Pour les thuriféraires du premier régime, la démocratie constituerait un danger réel pour la construction de l’unité nationale. Pour eux, avec les divisions ethniques, régionales, religieuses, etc., qui caractérisaient le pays, un certain autoritarisme était donc nécessaire pour contenir toute velléité de séparatisme, toute tendance qui risquait de diviser le pays. Le pire est d’avoir fait croire aux populations que les régimes totalitaires sont supposés pouvoir : — faire respecter les lois et réglementations en vigueur et permettre ainsi un fonctionnement normal de l’État, 39

— accélérer le processus de prise de décision, — mobiliser les ressources pour les investissements dans les infrastructures publiques notamment, — moderniser l’administration et les structures économiques pour favoriser la promotion du développement économique. En tout cas, cette théorie qui visait à perpétuer un pouvoir autoritaire s’est soldée par des échecs répétés. En règle générale, la primauté du pouvoir exécutif sur toutes les autres institutions constitutionnelles fausse l’esprit de la séparation des pouvoirs imposée par la Constitution. Et l’impression qui s’en dégage, c’est bien la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du seul président de la République. Même l’Assemblée nationale n’y échappe pas. Une situation qui l’empêche d’exercer le pouvoir de contrôle des actions du gouvernement. Le parlement mis en place en 1995, à l’issue des premières élections législatives multipartites, fut relégué au rôle de caisse d’enregistrement. La Cour suprême inféodée au pouvoir exécutif. Le pouvoir en place méprise les partis politiques, mate les grèves, ferme des journaux indépendants, musèle la presse ou pousse à l’autocensure des journalistes et des intellectuels. Le culte de la personnalité (père de la nation, guide suprême de la révolution, timonier, premier mari des femmes) a vite favorisé le clientélisme, le refus de délégation du pouvoir et l’absence de partage du pouvoir. Une pratique qui s’est poursuivie… La baisse de la démocratie atteint son apogée après la mort du général Conté, avec l’arrivée au pouvoir des militaires, qui gouvernent invariablement par ordonnances et décrets, abolissent les Institutions républicaines, notamment le Parlement, et suspendent la Constitution.

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Le recul de la démocratie ouvre sans doute la voie à des contestations parfois violentes. Voyons en quelques-unes, en guise d’illustration. Des revendications sur fond de violence Face à la détérioration inexorable des conditions économiques, politiques et sociales des populations et au risque de plus en plus grand de la désintégration de l’État, les mouvements de revendication sociale se sont accélérés et sont devenus plus violents que jamais. Les revendications prenaient deux formes : Il y a d’abord la forme politique de revendication qui demande le bannissement des réseaux clientélistes et exige la redistribution des ressources. Elle est portée à la fois par les partis politiques d’opposition et par la société civile. Il est même arrivé que les nouvelles élites (économiques ou/et intellectuelles) frustrées dans leur non-accès au pouvoir, remettent en cause le régime, réclament l’alternance et la promotion du multipartisme. Le succès des journées « ville morte » organisées par des contestataires de la forme de gestion du pouvoir confirme bien cette thèse. Les revendications menées par les syndicats, la CNTG en tête, sont d’abord plutôt d’ordre matériel ; les inégalités, la corruption, le népotisme et les violations des Droits de l’Homme, etc. sont dénoncés par la suite. Présentant des revendications négociables, ce premier groupe représente moins de danger pour le pouvoir en place. La deuxième forme de revendication vient des marginalisés, des exclus (groupes ethniques, régionaux ou religieux, les marginaux, les déscolarisés, etc.) qui n’ont rien à perdre ; ils sont prêts à tout casser.

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Les exigences de l’opposition républicaine se cristallisent sur deux principes fondamentaux au moins : 1- le principe de la démocratisation formelle, 2 — le principe de la bonne et saine gestion des affaires publiques. En ce qui concerne la démocratie, elle porte sur le respect de principes tels que : — l’organisation d’élections compétitives, libres et transparentes ; — le respect des droits civils, politiques et sociaux (droit de vote, et de compétition, liberté d’expression et de la presse, droit de réunion et d’association à des fins politiques, etc.). Sous tous les régimes, des scènes de violences ont été enregistrées engendrant des pertes en vies humaines et des dégâts matériels énormes. Les commerçants ont notamment payé un lourd tribut lors des manifestations. Et jamais les réparations promises n’ont suivi.

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ET LES AUTRES ACTEURS DE LA GOUVERNANCE… Le pouvoir législatif Dans un système démocratique véritable, il revient au pouvoir législatif de contrôler le pouvoir exécutif. Cette mission ne peut être efficacement réalisée que s’il y a une véritable séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. D’une manière générale, le contrôle des actions gouvernementales par les députés est également limité par la jeune expérience de la pratique démocratique dans les pays africains et à cause des traditions africaines caractérisées par un pouvoir exécutif fort. En outre, lorsque le chef de l’exécutif est issu du même parti que celui de la majorité au parlement, quel que soit le régime du pays, les critiques des actions gouvernementales par les députés sont mitigées. Faire du parlement un vrai contre-pouvoir À la différence du Sénégal, du Ghana et du Bénin, qui restent des modèles de démocratie réussie en Afrique de l’Ouest, la Guinée a toujours eu du mal à équilibrer les pouvoirs entre eux. Au mépris de la Constitution qui consacre pourtant la séparation des pouvoirs, de manière explicite. Le pouvoir exécutif subordonne le pouvoir législatif. Les Sénégalais, sous toutes les Républiques, attendent de la loi qu’elle garantisse le maximum de libertés au peuple. Les Guinéens attendent de la loi qu’elle règle les problèmes de la société, souvent par la compromission. Un 43

phénomène handicapant pour l’évolution démocratique d’un pays qui en a tant besoin. Il est illusoire de croire qu’un meilleur équilibre démocratique puisse résulter de cette répartition floue et mouvante des compétences entre le président de la République et le Premier ministre, par exemple, présenté comme chef du gouvernement dans la constitution. Il faudrait que le parlement soit plus fort afin de faire contrepoids au pouvoir exécutif, pour éviter toutes les dérives totalitaires auxquelles peut conduire le sentiment « d’hyper président », d’homme omnipotent. Bien sûr, les observateurs de la vie politique ne manqueront pas de relever que c’est en principe la même majorité qui détient les rênes du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Autrement dit, il ne servirait à rien de renforcer les pouvoirs du parlement, puisque parlement et président sont issus en réalité de la même majorité. De nos jours, la séparation des pouvoirs — chère à Montesquieu — ne serait pas à rechercher dans une meilleure répartition des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, mais dans un équilibre entre la majorité et l’opposition, notamment au sein du Parlement. Cela passe par l’adoption d’un statut officiel et protecteur conféré à l’opposition. Certes, la Guinée a franchi ce cap sur le plan législatif. Mais, il ne suffit pas seulement de favoriser celui qui serait le chef de file de l’opposition, à cause de la représentativité de son parti à l’assemblée nationale. Il en faut plus : l’opposition doit disposer de moyens importants, notamment pour constituer et faire vivre son fameux « shadow » cabinet, bénéficier également de droits propres et présider, par exemple, la commission chargée de contrôler l’utilisation de l’argent public par les administrations. Une observation qui vaut son pesant d’or : l’Exécutif, c’est un homme seul qui tire sa légitimité du suffrage 44

universel entouré de quelques ministres, de quelques conseillers. Le parlement, ce sont 114 députés différents issus de circonscriptions multiples et de listes nationales diverses. Le parlement n’a pas son pareil pour exprimer ce qui est ressenti par la population et constitue un lien unique en son genre pour élaborer et trouver des compromis entre des intérêts contradictoires. Or, il est maintenant établi que dans une démocratie ouverte, la concertation et le compromis ne sont pas des faiblesses, mais des conditions de réforme, et le rôle des politiques de tous bords sera de réussir de plus en plus à concilier les points de vue inconciliables et de satisfaire des intérêts divergents. L’Assemblée nationale de Guinée n’a pas su fédérer les positions divergentes même sur des questions d’intérêt national. D’un côté, la mouvance crie au triomphalisme et se contente de sa majorité relative pour faire passer des lois présentées par le gouvernement sans la moindre modification. De l’autre, l’opposition lance des votes négatifs, juste pour bloquer l’élan du pouvoir. Il faudrait qu’un jour mouvance et opposition comprennent que l’ouverture dans le débat et le compromis peuvent favoriser un débat fécond et des lois équilibrées. D’après les constitutionnalistes, cette ouverture permet d’aboutir à des textes plus équilibrés, plus opérationnels et finalement mieux acceptés par leurs adversaires d’origine. Beaucoup pensent de plus en plus que la Guinée s’enrichirait d’avoir dans un gouvernement des personnalités d’un autre bord, unies par la volonté du changement dans un contrat de confiance de la durée de la législature. Ils ont en particulier salué la création d’un poste de haut représentant du chef de l’État confié à un leader de l’opposition, Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines UFR. Et plus récemment l’entrée au gouvernement Kassory Fofana de certains leaders

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politiques de l’opposition, notamment Aboubacar Sylla et Mouctar Diallo mérite d’être mentionnée. Il faut le reconnaître, aujourd’hui, le parlement a peu de moyens de travail. Les facilités allouées aux parlementaires guinéens sont sans commune mesure avec celles dont disposent les parlementaires sénégalais, béninois ou ghanéens… Le parlement ne deviendra réellement un contrepouvoir à l’Exécutif et au gouvernement, que lorsque ces deux organes d’État seront obligés de négocier avec les élus du peuple. Ce qui est loin d’être le cas pour l’Assemblée nationale dans laquelle pourtant la mouvance présidentielle ne détient pas la majorité qualifiée. Raison de plus pour éviter la politique de l’exclusion au profit de la politique intégrante. Maintenant que l’opposition dispose d’un statut le reconnaissant comme un acteur indispensable des institutions, il faut lui permettre de jouir des droits attachés à ce statut : être associée aux consultations menées en temps de crise, être reçue régulièrement par le président de la République, avoir des représentants lors des visites officielles… Un progrès, le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, de l’UFDG, figure sur la liste des personnalités officielles. Avec un rang honorable, avant les membres du Gouvernement. Il bénéficie aussi d’une subvention. On le sait déjà, la place, le rôle, les pouvoirs du parlement sont symboliques du bon fonctionnement d’une vraie démocratie. Un parlement puissant est un marqueur efficace d’une démocratie vivante. Il ne faut pas craindre de donner des compétences supplémentaires à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas d’autre choix démocratique que celui du renforcement du pouvoir d’initiative et de contrôle parlementaire. Il est grand temps ! 46

En contrepartie, les parlementaires doivent retrouver toute la rigueur requise dans l’élaboration des textes législatifs, avec des lois moins nombreuses, mais mieux préparées, mieux rédigées. Cependant, l’Assemblée nationale étant toujours dominée par le parti au pouvoir, le jeu des alliances facilité par le recours à la corruption de députés pourra permettre à l’exécutif de se soustraire au contrôle du pouvoir législatif. Dans la majorité des pays africains, le contrôle des actions gouvernementales par le pouvoir législatif serait plus une vue d’esprit qu’une réalité. La Guinée ne fait pas exception. Aucun des régimes qui se sont succédé n’a été capable de provoquer la rupture. Le spectre de la continuité a pesé sur tous les parlements, y compris celui issu des législatives multipartites de 1995. Malgré la pugnacité du président du parlement issu de ces consultations. El Hadj Boubacar Biro Diallo avait affiché toute son indépendance contre la volonté de son camp, qui soutiendra aveuglément la mouvance présidentielle. Il finira par être isolé, répudié, avant d’être évincé. En dehors de l’Assemblée nationale, l’Administration dispose d’institutions chargées du suivi, de l’audit, du contrôle, etc. de la gestion des ressources publiques : il s’agit notamment de la Cour des Comptes, de l’inspection (Générale) d’État, de l’Inspection des finances. Il faut noter qu’en Guinée, la pratique de la confidentialité des rapports de ces institutions limite l’efficacité de leurs actions. Dans beaucoup d’autres pays, la Cour des Comptes n’est pas opérationnelle. En Guinée, elle a été mise en place au début de l’année 2016. L’Inspection (générale) d’État et l’Inspection des finances sont généralement 47

dotées de ressources humaines qualifiées, expérimentées. Cependant, elles manquent souvent de matériel et sont dotées de budget de fonctionnement ne leur permettant pas de réaliser efficacement leurs missions. Si ces services ont procédé à des audits de bonne qualité, les rapports de ces missions ne sont pas systématiquement rendus publics, donc, les conclusions transmises au ministre des Finances ou au Chef de l’Exécutif ne sont pas connues. En fait, ce sont les rapports concernant des personnalités « gênantes » qui sont publiés de manière parcellaire par voie de presse. Sans aucune poursuite. Le drame, c’est que ces rapports ne sont publiés qu’à la veille de consultations électorales majeures ou lorsque l’opposition brandit des menaces de mobilisation populaire. Comme par coïncidence. L’intention de l’Exécutif, c’est bien de discréditer ces personnalités en les présentant comme des « bandits à col blanc ». Une vieille pratique qui s’est révélée parfois payante. Un système judiciaire en quête d’indépendance - Les insuffisances du système judiciaire En Guinée, comme un peu partout en Afrique francophone notamment, le système judiciaire se caractérise par l’insuffisance de ressources humaines en quantité et en qualité et par le manque de moyens matériels de fonctionnement. Le nombre limité de personnels entraîne une faible couverture géographique du pays. Pour lutter contre la concentration judiciaire dans les grandes villes des pays, le système judiciaire a mis en place les audiences foraines (déplacement de l’instance judiciaire compétente sur le lieu de l’infraction.) Ce système, censé approcher la justice des justiciables, est handicapé par la pénurie des 48

moyens de déplacement. En outre, le système adopté ne garantit pas l’intégrité de la justice compte tenu des préjugés défavorables que les citoyens ont vis-à-vis des juges. En observant le système judiciaire guinéen, on peut bien penser que « beaucoup de justiciables sont convaincus que, sur les causes qui sont soumises aux juridictions, ces dernières tranchent soit selon l’appartenance politique, soit en faveur du riche contre le pauvre, de l’habitant de la ville contre celui de la campagne, du lettré contre l’analphabète, de l’homme contre la femme. » Des accusations rejetées en bloc par les magistrats. En dehors du déficit en personnel, l’administration judiciaire souffre d’un sous-équipement. C’est ainsi que les fournitures courantes de bureau font défaut. Le matériel informatique est rare. Les archives sont épisodiquement constituées et conservées. Les locaux sont inadaptés et vétustes, car souvent construits à l’époque coloniale. Les véhicules de fonction, lorsqu’ils sont disponibles, sont rarement en état de marche et manquent de carburant. La documentation juridique est une denrée rare. La faible décentralisation de l’appareil judiciaire et l’insuffisance notoire de la couverture judiciaire de l’ensemble du pays a pour conséquence d’éloigner la justice du justiciable. Cette distance géographique se trouve renforcée par une distance psychologique qui résulte de l’ignorance en matière juridique et de l’analphabétisme élevé de la population. La justice a alors recours à des interprètes. La fidélité de la traduction n’étant pas assurée, cette pratique a un impact négatif sur 49

la fiabilité des informations sur lesquelles sont basés les jugements rendus. Les règles et procédures sont complexes, peu appropriées, et la procédure mise en œuvre en matière civile et commerciale est très incertaine. Elle résulte non seulement de textes épars du droit colonial, mais aussi incomplets. L’absence de spécialisation des magistrats est le résultat de la formation qui met l’accent sur la justice judiciaire (droit pénal et droit civil). La matière administrative est insuffisamment connue et mal appliquée, le contenu de la formation est identique pour tous les magistrats qui peuvent recevoir, après cette formation, n’importe quelle affectation. Cependant, des voyages d’études, des séminaires, des journées de réflexions ou d’études, etc. leur donnent parfois l’occasion, lorsqu’ils peuvent en bénéficier, de compléter et/ou mettre à jour leurs connaissances. L’unité de juridiction et la dualité fonctionnelle l’emportent. L’indépendance de la justice, inscrite dans toutes les constitutions, est beaucoup plus formelle que réelle. Le président de la République est président du Conseil supérieur de la magistrature, ceci dans le but de garantir l’indépendance de la Justice, alors, qu’ailleurs, la tendance est de confier cette présidence aux hauts magistrats. La prééminence du chef de l’Exécutif dans les pays africains ne permet pas de garantir cette indépendance. Évidemment, les chefs d’État se défendent toujours d’interférer dans les dossiers judiciaires. Des magistrats après avoir exercé des fonctions politiques (ministres, conseillers par exemple) reprennent

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leur robe. Des juges ont des affinités politiques bien connues. La proclamation des résultats des élections législatives ou présidentielles à la faveur de partis politiques au pouvoir, quelles que soient les preuves de fraudes et les irrégularités dans le processus électoral, n’est pas de nature à prouver aux citoyens que les chambres constitutionnelles ne sont pas à la merci du pouvoir exécutif et des partis au pouvoir. Mais il y a désormais une Cour constitutionnelle en Guinée. En dehors de leur accointance avec des partis politiques, des magistrats entretiennent des liens parfois coupables avec des hommes d’affaires. L’action disciplinaire qui devrait les remettre dans le droit chemin ne fonctionne pas souvent. Il est vrai que bien des magistrats ont été sanctionnés ces derniers temps, sur la base de plaintes déposées auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Ce qui est une avancée, résultat de la volonté politique du régime en place à moderniser la justice guinéenne. - La justice est-elle bien administrée ? Selon un rapport officiel publié par le Ministère de la Justice (États généraux de la justice guinéenne mars 2011), il est désormais établi que le système judiciaire en Guinée souffre d’une insuffisance notoire des effectifs, d’une pénurie de personnel qualifié et de ressources financières. D’après les statistiques officielles, en 2010, il y avait moins de 300 magistrats et 200 avocats en Guinée, pour la plupart installés à Conakry. Cinq ans plus tard, ces statistiques n’ont que légèrement bougé. Une série de réformes est engagée par le Garde des Sceaux, Maître Cheick Sako, notamment avec l’amendement du Code 51

pénal et du code de procédure pénale avec l’abolition de la peine de mort. Il en va de même de la restructuration de l’appareil judiciaire, avec un objectif clair, rapprocher la justice du justiciable et redonner confiance au citoyen face à la justice. Le système judiciaire se composait avant 2015 seulement de la Cour suprême, de deux Cours d’appel (avec une Cour d’Assises chacune), de dix (1 0) tribunaux de première instance et de 26 Justices de paix. En 2015, de nouvelles institutions judiciaires ont été créées. Un découpage plus adéquat est en chantier. Concernant les juridictions ordinaires, le système est en transition vers la mise en place de 16 justices de paix et de 15 tribunaux de première instance. On note la suppression des Cours d’Assises et le transfert de leurs compétences aux juridictions de droit commun. On note aussi la création de la Cour constitutionnelle et de la Cour des Comptes et aussi du tribunal de commerce, plusieurs procès à Conakry et à Nzérékoré ont inquiété les organisations de défense des droits humains, préoccupés par leur incompatibilité avec les normes internationales. En particulier, il a été relevé des problèmes liés au nonrespect des règles de procédure relatives à l’administration de la preuve, le fondement sur lequel engager des poursuites, l’accès préalable des avocats de la défense aux dossiers de leurs clients et l’indépendance des juges. Les juges semblaient réticents à ordonner la libération provisoire de détenus et rejetteraient automatiquement les allégations de la défense faisant état de brutalités policières ou d’illégalités dans la détention provisoire de certains prévenus. Le nouveau Code pénal redore le blason de la Guinée.

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UN CODE PÉNAL QUI IGNORE LA PEINE DE MORT Depuis peu, la Guinée s’est dotée d’un nouveau code pénal qui tient compte des nouvelles réalités et qui ignore volontairement la peine de mort. Le ministère de la Justice, initiateur du projet, n’a rien épargné pour présenter aux députés des motifs valables pour faire voter cette loi, qui a été promulguée par le président de la République. Compte tenu de la pertinence des motifs présentés par le Ministère de la Justice et de l’intérêt qu’ils pourraient susciter auprès des populations, nous les publions in extenso. « I — DE LA NÉCESSITÉ D’UN NOUVEAU CODE PÉNAL La République de Guinée a amorcé depuis 2009, une transition politique qui s’est traduite par la promulgation, le 7 mai 2010, d’une nouvelle constitution qui réaffirme dans son préambule l’adhésion du peuple de Guinée aux idéaux et principes, droits et devoirs établis par les Chartes des Nations-Unies, de l’Union Africaine, la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi que toutes les conventions et traités internationaux ratifiés dont elle est également partie prenante, notamment : — les Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels — la Convention des Nations-unies contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes — la Convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petits calibres et autres 53

matériels connexes — la Convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels et dégradants — la Convention contre la criminalité transfrontalière organisée — la Convention de la lutte contre la discrimination de la femme. Tout en réaffirmant sa volonté d’édifier un État de droit par la promotion de la bonne gouvernance et son désir de lutter contre la corruption et les crimes économiques, la Guinée a dans le titre II de cette constitution renforcée, la protection de la personne, des biens et des libertés fondamentales notamment dans ses articles 5 à 26. Dans son discours d’investiture, le Président de la République, le Professeur Alpha CONDÉ, a dédié son mandat : « à la primauté du droit, la réhabilitation de l’autorité de l’État, la bonne gestion de la chose publique, et un meilleur fonctionnement du pouvoir judiciaire afin d’assurer la protection de l’État, des investisseurs et des citoyens, sans distinction de fortune, d’ethnie, pour une cohésion sociale et politique… » Dans le cadre de son programme de société, la réforme de la justice a été érigée parmi les priorités nationales, à travers l’adoption d’une politique nationale de réforme du secteur qui s’est fixée pour objectif de résoudre les dysfonctionnements relevés au cours des états généraux tenus dans le cours du mois de mars 2011, notamment la désuétude des instruments juridiques, mais aussi la prise en compte de la nécessité d’internationaliser les nombreuses conventions et autres traités régionaux et internationaux. Dans sa mission d’appui au gouvernement dans l’élaboration des lois et des règlements, le Ministère de la Justice a mis en place, avec l’appui de partenaires techniques et financiers (PNUD, UE, HCDH, Ambassade de France, CICR...), une commission de révision du Code pénal. 54

Sous la supervision du secrétariat exécutif de la réforme de la justice, la commission comprenant des magistrats, des représentants des organisations de la société civile, des forces de défense et de sécurité, du ministère des Droits de l’homme et des Affaires sociales, du Comité international de Croix rouge, et du Haut Commissariat aux Droits de l’homme, s’est retrouvée dans des travaux d’atelier. Au terme de ses activités, la commission a élaboré un projet de code pénal s’articulant autour de : — l’intégration dans le projet des conventions et traités dont la République de Guinée est partie prenante — la mise en cohérence des modifications législatives intervenues à la suite de l’adoption de la loi L/N° 20/002/CNT du 07 janvier 2012 portant code de justice militaire, qui a entrainé l’abrogation des articles 849 à 909 du Code pénal — la prise en compte de la loi L/2008/AN du 19 août 2008 portant Code de l’enfant guinéen — l’élaboration de nouvelles incriminations et principes de droit pour combler les lacunes révélées dans la pratique au bout de quinze années d’utilisation du Code pénal actuel. II- DU CONTEXTE ET DE LA STRUCTURE DU PROJET 1— Du contexte Adopté par la loi N° 98/036 du 31 décembre 1998 le Code pénal a été élaboré sous l’empire de la Loi fondamentale de 1990. Il compte 608 articles repartis en cinq livres : Livre I : Des peines Livre II : Des personnes punissables, excusables ou responsables pour crimes ou pour délits Livre III : Des crimes, délits et de leur punition 55

Livre IV : Des contraventions Livre V : Des infractions d’ordre militaire et des peines applicables par le tribunal militaire. Ce code à la suite de l’usure du temps comporte de nos jours des difficultés d’utilisation provoquées par les bouleversements socio-économiques et politiques que la société guinéenne a connus. Ces exigences marquées par la mondialisation imposent la mise à jour de ce précieux document pour le rendre cohérent avec la constitution du 7 mai 2010 et les engagements internationaux de la Guinée. La fixation dans un corps législatif ordonné systématiquement et une certaine vocation permanente, conformément à la tradition de codification, doit contribuer à la stabilité et à la connaissance de la loi pénale comme élément essentiel pour définir le statut du citoyen dans une société démocratique. La volonté de rédiger un projet de code entièrement accessible aux citoyens et autres usagers du droit a guidé la commission. 2- De la structure du projet La structure du code a été substantiellement modifiée par le projet, les dispositions préliminaires ont connu un grand bouleversement. Le plan du présent code comporte en tête des dispositions préliminaires et à la suite sept livres à savoir : Le livre I : Des dispositions générales Le livre II : Des crimes et délits contre les personnes Le livre III : Des crimes et délits contre les biens Le livre IV : Des crimes et délits contre la nation, l’Etat, la paix publique et les intérêts publics Le livre V : Des crimes de guerre Le livre VI : Des autres crimes et délits Le livre VII : Des contraventions. 56

LIVRE I : DES DISPOSITIONS GÉNÉRALES À l’instar des nombreux codes des pays francophones, il est nécessaire d’introduire dans le projet les principes généraux du droit pénal invoqués devant les juges par les avocats et autres justiciables afin de donner une base légale à leurs requêtes et moyens de défense. Actuellement, les praticiens font souvent référence à la constitution, à la doctrine, au Code pénal français, à la charte de la déclaration universelle des Droits de l’Homme et autres instruments internationaux. Dès lors, le livre premier se répartit de la manière ciaprès : Titre I : De la loi pénale Titre II : De la responsabilité pénale Titre III : Des peines et mesures de sûreté Le titre premier intitulé ‘‘De la loi pénale’’ introduit les principes généraux suivants : L’article 3 pose le principe que la loi pénale est d’interprétation stricte. L’article 4 donne la possibilité aux juridictions répressives compétentes d’interpréter les actes administratifs (réglementaires ou individuels) et d’en apprécier la légalité lorsque la solution du procès en dépend ; L’article 5 introduit le principe de la légalité de l’infraction et de la peine Les articles 6, 7, 8 introduisent les normes sur l’application de la loi pénale dans le temps Les articles 9, 10, 11,12, 13 régulent les conditions d’application de loi pénale dans l’espace. Ces dispositions introduisent les conditions de poursuites des infractions commises à l’étranger et posent la règle que la loi pénale de la Guinée s’applique à l’ensemble du territoire de la République, et assimile les navires et aéronefs au territoire national. 57

TITRE II : DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE Le Code pénal actuel a énoncé la responsabilité dans les dispositions préliminaires qui traitent la tentative dans les articles 3 et 4, au livre II du chapitre I des complices, coauteurs et recel des malfaiteurs dans les articles 51, 52, 53, 54, 55, ainsi que de l’irresponsabilité pénale et la minorité aux articles 59 à 69. Dans le projet de code pénal, la responsabilité pénale a été regroupée au titre II en deux chapitres. L’innovation majeure enregistrée dans ce titre a consisté en l’introduction du principe de la responsabilité pénale de son propre fait et l’extension de celle-ci au fait non intentionnel en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il a également posé le principe de la responsabilité pénale des personnes morales à l’exclusion de l’État. S’agissant des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité, ces dispositions ont été renforcées par la prise en compte de la situation de la présomption de légitime défense lorsque l’acte a été accompli pour repousser, la nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vol et de pillage ; Quant à l’âge de la responsabilité pénale des mineurs, il a été renvoyé aux dispositions du code de l’enfant. TITRE III : DES PEINES ET DES MESURES DE SURETÉ Le Code pénal actuel traite dans le livre I les peines suivantes : — les peines criminelles aux articles 7 à 24 — les peines correctionnelles aux articles 34 à 39 ; — les peines contraventionnelles, à l’article 50 — des dispositions communes aux articles 25 à 30. 58

Il traite également de manière éparse les peines accessoires et complémentaires ci-après : — la dégradation civique à l’article 21 — l’interdiction de certains droits aux articles 31, 38 et 39 — l’interdiction de séjour, aux articles 40, 41 et 42. Dans le projet du code, la régulation des peines répond à des préoccupations essentielles qui consistent à prendre en compte les modèles de sanctions qui sont en train d’émerger dans les pays francophones, qui visent à sanctionner l’auteur de l’infraction et à favoriser son amendement, son insertion et sa réinsertion. Tout en regroupant les peines par catégories, le projet a introduit la notion des peines applicables aux personnes morales, parmi les peines correctionnelles, les peines alternatives ou de substitution à l’emprisonnement. L’introduction des peines alternatives répond au souci de résoudre la problématique de la surpopulation carcérale. Elles ont pour but d’éviter de rompre les liens de travail et les liens familiaux du condamné, ce qui facilite sa réinsertion. Le projet a supprimé les peines d’emprisonnement pour les contraventions, à ce niveau, il consacre l’amende, la confiscation et la publicité. Les typologies de peines alternatives introduites dans le projet sont : — le travail d’intérêt général qui consiste à accomplir des travaux au profit de la collectivité. Il est strictement encadré dans le projet pour éviter que cela ne soit assimilé aux peines de travaux forcés prohibés par nos lois et par la constitution — le jour-amende est une contribution quotidienne dont le condamné est assujetti en tenant compte de ses ressources et charges pendant un certain nombre de jours — la sanction réparation, est une injonction faite au condamné d’indemniser et de réparer 59

le préjudice subi par la victime selon les modalités fixées par la juridiction. Dans un souci d’efficacité des peines, le projet de Code pénal a introduit de nouvelles peines complémentaires et accessoires qui sont : — l’interdiction du territoire — la confiscation des biens — la publicité de la condamnation. Le projet a supprimé la peine de mort en s’inspirant du fait que nos juridictions ont mis non seulement une longue période sans la prononcer, mais de la nécessité de se conformer aux dispositions de l’article 6 de la constitution qui dispose : ‹‹l’être humain a droit au libre développement de sa personnalité, il a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Nul ne peut être l’objet de torture... ›› Du régime des peines Le Code pénal actuel traite le régime des peines, la récidive, aux articles 43 à 47, et les circonstances atténuantes affectant la peine, aux articles 48 à 50 du livre I intitulé " La peine". Le projet a introduit le principe que la juridiction dans les limites de la loi détermine le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur. Il a également prévu pour les peines privatives de liberté non assorties de sursis, la période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier de la suspension de la peine, de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, ainsi que de la liberté conditionnelle. La durée de la période de sûreté a été fixée de moitié, lorsqu’il s’agit d’une peine privative de liberté de moins de 5 ans, celle de plus de 5 ans, de deux tiers. Quant à la réclusion criminelle à perpétuité, elle est de 30 ans dans la durée maximale.

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Le projet a reconduit les mêmes conditions d’obtention de circonstances atténuantes. Il a introduit d’importantes innovations quant aux modalités du prononcé de la peine par la juridiction. Il a réaffirmé le principe que pendant le prononcé de la peine, la juridiction doit tenir compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et l’amende doit être fixée en tenant compte de ses ressources et de ses charges. Les nouvelles modalités d’application de la peine sont : — la semi-liberté et le placement à l’extérieur — le fractionnement de la peine — la dispense de peine et l’ajournement — le sursis simple — le sursis avec la mise à l’épreuve — le sursis assorti de l’obligation d’accomplir le travail d’intérêt général — le suivi sociojudiciaire. Le projet de code envisage que les peines doivent être basées sur la culpabilité de l’auteur et les mesures de sûreté sont déterminées en fonction de l’état de dangerosité de la personne en cause. Les mesures de sûreté ont pour objet la défense et la protection de la société. Ces mesures sont : — l’internement — l’internement avec injonction de se soigner — la confiscation. Le projet a fixé les conditions de l’extinction et de l’effacement des condamnations qui sont : la prescription, la grâce, la réhabilitation et l’amnistie. Le travail de codification a été réalisé conformément à la hiérarchie des valeurs découlant de la constitution du 7 mai 2010, qui est d’essence libérale et démocratique. Ce qui a conduit à présenter tout d’abord les atteintes contre les personnes et les biens, ensuite les atteintes contre la Nation, l’État, la paix publique et les intérêts publics, les crimes de guerre, les stupéfiants et substances psychotropes, les atteintes à la santé publique, la cybercriminalité, les infractions aux législations des 61

armes, les peines applicables aux actes de l’OHADA et enfin, des contraventions. LIVRE II : DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES TITRE I : DES CRIMES CONTRE LE GROUPE DE PERSONNES ET CONTRE L’ESPÈCE HUMAINE Il n’existe pas dans le Code pénal actuel les incriminations et la répression visant les atteintes faites à des groupes de personnes, de sorte que la poursuite de certains événements que la République de Guinée a connus récemment tels que les faits commis en janvierfévrier 2007, le 28 septembre 2009, a été difficile à cause du caractère désuet des dispositions pénales actuelles. Par conséquent, le présent projet a repris les définitions des crimes prévus dans la convention de Rome, à savoir : le génocide, et les crimes contre l’humanité et a fixé les peines qui s’y attachent. Également, il a prévu, dans les dispositions particulières, le principe de l’imprescriptibilité de l’action publique et de la peine, l’ordre du supérieur hiérarchique et la qualité d’officiel ne peut faire obstacle à la poursuite dans les cas d’infractions prévues dans la Convention de Rome. L’introduction des incriminations contre l’espèce humaine dans le projet du code constitue une véritable innovation compte tenu des progrès scientifiques et technologiques. Elle vise à assurer la protection et le respect du corps humain contre certaines pratiques, telles que le clonage, l’altération du génotype, les expérimentations aberrantes avec du matériel génétique de l’homme, le trafic de la cellule humaine et la gestation pour autrui.

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Il doit ainsi être mis un accent dans le projet de code civil que ‹‹ les conventions portant gestation pour autrui sont nulles ››. Le projet de Code pénal a prévu des atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique de la personne, lesquelles comprennent d’une part les délits traditionnels tels que les coups et blessures volontaires, l’avortement, le viol, et les menaces et d’autre part des nouvelles incriminations, qui sont : — la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le but de renforcer la protection des droits de la personne et mettre en œuvre la convention des Nations-unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, ratifiée par la République de Guinée le 10 octobre 1989 — la mutilation génitale féminine et les différents harcèlements sexuels et moraux afin de favoriser l’épanouissement et la protection de la femme en harmonie avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le code de travail en vigueur. À ce niveau, la régulation de ces incriminations et de la peine a tenu compte du système de détermination de la gravité en fonction de l’incapacité temporaire de travail (ITT), mais aussi de la qualité de la victime lorsque cette qualité est déterminante. La régulation des atteintes volontaires contre la vie tourne autour du meurtre et de l’assassinat, des réalités beaucoup plus proches, mais qui se distinguent par les circonstances de la réalisation de l’acte infractionnel. Dans les atteintes aux libertés de la personne, une distinction nette a été faite entre l’enlèvement, la séquestration et la prise d’otages.

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Tout comme l’enlèvement et la séquestration, supposés être commis par un fonctionnaire ou une autorité investie de pouvoirs publics. Quant à la prise d’otage, si elle est commise par des personnes ou des entités afin de contraindre un État, une organisation internationale, une personne physique ou morale d’accomplir un acte ou s’abstenir en tant que condition de libération des personnes en otage. Le projet a également renforcé la protection des personnes jouissant d’une protection internationale à travers l’incrimination des atteintes physiques dont ils peuvent faire l’objet ainsi que leurs locaux officiels et leurs moyens de transport. L’incrimination de l’enregistrement et de la diffusion d’images de violence permettent d’assurer la protection des personnes contre les agressions les plus dangereuses de la vie privée découlant de la prolifération des nouvelles technologiques. Les atteintes à la dignité et à la personnalité ont connu de grandes innovations dans la mesure où les incriminations prévues dans le Code pénal actuel ont été renforcées et améliorées. Il s’agit du proxénétisme, de l’expérimentation de la personne humaine, des mises en gage des êtres humains, des atteintes à la sépulture, de la dénonciation calomnieuse, de la diffamation et de l’injure. De nouvelles incriminations ont été introduites dans le projet de code, dans le cadre de la mise en œuvre de : — la Convention contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que les protocoles contre le trafic des migrants, la traite des personnes. — la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale — la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. 64

— la Convention pour la protection de toutes personnes contre les disparitions forcées. — la Convention des Nations-Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces innovations permettent d’assurer une meilleure protection des droits humains, de lutter efficacement contre la traite des êtres humains, le trafic illicite des migrants et l’exploitation de la mendicité. L’introduction des incriminations relatives au mariage forcé permet de lutter efficacement contre le mariage précoce et les violences basées sur le genre dont fait l’objet la jeune fille en République de Guinée. La régulation des incriminations de la discrimination en raison de l’origine raciale, ethnique, sexuelle ou handicap vise à assurer l’égalité des personnes, sur la base de la constitution du 7 mai 2010, dans la fourniture des services, dans les conditions d’accès au travail et sur le plan de l’exercice de l’activité économique. Quant aux atteintes au secret et à la vie privée, elles ont pour objectif la protection de l’intimité des personnes. Les atteintes à la famille ont été structurées en fonction de la diversité d’intérêt à protéger et un accent particulier a été mis sur le refus de s’acquitter de la pension alimentaire résultant des condamnations civiles. Le présent code a estimé par une mesure de cohérence de renvoyer ces infractions portant atteinte à l’enfance aux dispositions du code de l’enfant. LIVRE III : DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES BIENS Le titre premier de ce livre est bâti fondamentalement sur trois incriminations qui sont : le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance.

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Ces différentes infractions sont classiques dans le Code pénal, mais leurs concepts ont connu des évolutions substantielles grâce à la jurisprudence et aux progrès scientifiques et techniques. En partant du fait que le vol est l’appropriation frauduleuse la plus courante du bien d’autrui, il a connu dans le projet une extension aux appropriations frauduleuses d’eau et d’électricité au préjudice des sociétés de distribution afin de résoudre la problématique récurrente de branchements clandestins. Il a été maintenu dans le projet, le vol du bétail avec cette spécification tirée de la recrudescence du phénomène dans les zones d’élevage. Tout en considérant le vol comme étant une infraction qui déshonore son auteur et choque l’opinion de la communauté sociale, le projet a étendu les immunités familiales, prévues à l’article 426 du Code pénal, aux collatéraux entre eux, qu’ils soient germains, utérins ou consanguins. Cette extension trouve sa justification dans la force du maintien des liens familiaux qui les font échapper aux poursuites pénales, mais laisse la possibilité à la victime d’introduire une action civile en réparation du préjudice subi. Les incriminations spécifiques relatives à l’extorsion et au chantage ont été renforcées par la prise en compte des circonstances aggravantes. Il a été décidé de maintenir parmi les infractions voisines de l’escroquerie : le stellionat (1) introduit dans le Code pénal guinéen à sa révision de 1998 pour lutter contre les multiples ventes de parcelles et autres conflits fonciers consécutifs au boum de la construction dans les villes de Guinée. Dans le cadre du renforcement de cette incrimination, le projet de code a introduit de nouvelles normes pour sanctionner les comportements des fonctionnaires des 66

domaines et cadastres, de l’agriculture, des eaux et forêts qui altèrent les plans, les titres et autres actes administratifs portant sur la propriété foncière et domaniale. Il a également incriminé le fait de céder et d’acquérir un immeuble bâti ou non sans immatriculation au livre foncier pour mettre fin aux conflits fonciers récurrents dans nos juridictions et s’inscrit dans les dispositions pertinentes du Code foncier et domanial qui font obligation à tous détenteurs de droits immobiliers de l’inscrire au livre foncier. La filouterie constitue dans le Code pénal actuel un larcin. Le projet l’a toutefois assimilé aux infractions voisines de l’escroquerie, car le service a été accompli sur la base d’une certaine tromperie de la victime. Également les incriminations liées à l’utilisation des véhicules, bateaux à moteur, pirogues, à l’insu du propriétaire et sans son consentement, ainsi que les délits des agissements tendant à écarter ou à limiter un enchérisseur ou adjudicateur. Les atteintes au chèque ont été maintenues dans le projet tout en les renforçant par l’introduction de nouvelles incriminations à travers la répression de la falsification des chèques et autres instruments de paiement. Le délit d’appropriation par les détournements a été revu, à ce titre, la définition de l’abus de confiance ne comporte plus les six contrats visés à l’article 433 du Code pénal comme étant la condition préalable de la réalisation de l’infraction. (1) — (manœuvres frauduleuses qui consistent à vendre un terrain dont on sait ne pas être propriétaire)

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Ce délit n’exige désormais pour sa réalisation qu’une remise précaire de la chose suivie d’une utilisation déloyale qui conduit à la non-représentation de l’objet. Les délits patrimoniaux comprennent les insolvabilités punissables sont rangés dans les détournements : le détournement de gage ou d’objet saisi, et l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité. Il a été introduit des innovations par l’incrimination du délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Dans le chapitre IV intitulé « De la contrefaçon et des autres fraudes », il a été mis en œuvre la convention de Bangui portant organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) pour combler les lacunes du Code pénal actuel dans les incriminations de la concurrence déloyale et de la contrefaçon. En vue d’éviter que certaines activités délictueuses ne soient pas sanctionnées, le projet a prévu des incriminations suivantes : l’abus de blanc-seing, les entraves apportées à la liberté des enchères, les maisons de jeux, la loterie et le prêt sur gage. TITRE II : DES AUTRES ATTEINTES AUX BIENS Le code actuel définit le recel à l’article 497 du Code pénal et parmi les innovations que le projet a introduit, il y a le recel aggravé lorsqu’il est commis de façon habituelle ou facilitée par l’exercice d’une activité professionnelle. Également le recel par assimilation, lorsqu’il est constitué par le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier l’origine d’un bien détenu tout en étant en relation avec des personnes se livrant à des activités illicites.

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Il en est ainsi dans le cadre du proxénétisme de l’individu qui cohabite avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution, la traite des personnes, le trafic de drogue. Cette incrimination spéciale comporte une présomption légale qui permet de lutter efficacement contre cette activité illicite qui permet aux malfaiteurs de commettre certaines infractions parfois très graves. L’innovation à ce niveau a consisté à soumettre l’activité de brocanteur sous peine de sanction pénale à l’obligation de tenir le registre de vente et d’achat des objets qui doivent être tenus à jour. La notion de blanchiment de capitaux est apparue dans les années 1980 avec la mondialisation croissante des opérations financières et des circuits financiers. Elle est utilisée par la grande criminalité organisée pour blanchir l’argent de ses activités. La Convention de Vienne, du 20 décembre 1988, contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes a recommandé aux États parties d’incriminer le blanchiment de capitaux issus du trafic de stupéfiants. Le Code pénal actuel a effectivement mis en œuvre la recommandation par l’incrimination dans l’article 398 relative au blanchiment des capitaux de la drogue. Avec l’évolution, cette incrimination est devenue une infraction générale distincte et autonome pour lutter efficacement contre la transformation « de l’argent sale » qui est issu d’activités criminelles (le trafic d’armes, de drogues, la traite des êtres humains ou autres. activités illicites). Étant membre du GIABA (Groupe international d’action contre le blanchiment de l’argent en Afrique de l’Ouest), la Guinée a fait adopter la loi L/2006/010/AN du 24 octobre 2007 relative à la lutte contre le blanchiment

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des capitaux, ainsi que la loi contre le financement du terrorisme. L’introduction dans le projet de code des incriminations prévues par ces deux lois permet de les rendre lisibles et de les mettre à la portée des praticiens et acteurs de la justice (magistrats, avocats, notaires et autres officiers de police judiciaire et ministériels). Les atteintes matérielles à la propriété consistent à détruire, dégrader ou détériorer les biens. Le projet de code pénal les a regroupées dans cette rubrique, ce sont : l’incendie volontaire, l’usage d’explosifs, le pillage et la destruction d’objets mobiliers, la dévastation de récolte, l’abattage d’arbres, la destruction et la dégradation d’édifices, d’installations publiques et privées, la destruction de titres, les dommages aux animaux, le bris de scellés et l’enlèvement de bornes et l’inondation. Il s’ajoute une nouvelle incrimination, l’infraction des menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et de fausse alerte. Le livre IV est consacré aux crimes et délits contre la Nation, l’État, la paix publique et les intérêts publics. Il est composé de six (6) titres : - Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation - Le terrorisme, le bioterrorisme, et la piraterie - Les atteintes à la confiance publique - Les atteintes à l’autorité de l’État - Les atteintes aux intérêts publics - La participation à une association de malfaiteurs. Ce titre a connu d’importantes innovations dans sa structure et de nouvelles incriminations ont été introduites. L’innovation majeure dans les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et de l’État consiste à la 70

définition de l’attentat et le complot, ainsi qu’à présenter les éléments qui ont un caractère de secret de défense nationale. Il prévoit aussi la trahison, l’espionnage, les troubles à l’État par le massacre, la dévastation ou le pillage, la participation à un mouvement insurrectionnel, les atteintes aux institutions de la République et à l’intégrité du territoire national qui sont des infractions graves portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, à l’État et à l’ordre constitutionnel établi. TITRE II : DU TERRORISME BIOTERRORISME ET DE LA PIRATERIE

DU

Dans ce titre, le projet a mis en œuvre : 1— La Convention de l’Union Africaine pour la prévention et la lutte contre le terrorisme du 14 juillet 1990. 2 — La Convention des Nations-Unies pour la répression du financement du terrorisme du 20 juillet 2003. Avec l’internalisation de ces deux conventions, les incriminations introduites dans ce titre couvrent les actes de terrorisme, les actes illicites dirigés contre la sécurité des plates-formes fixes, l’attentat terroriste à l’explosif, les actes illicites dirigés contre l’aviation civile, les actes illicites de violence dans les aéroports, les actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime. À travers la mise en œuvre de ces incriminations, le projet vise à lutter efficacement contre le phénomène qui est en train d’émerger en Afrique de l’Ouest. La République de Guinée possédant un sous-sol très riche et entourée de pays dans lesquels les activités de terrorisme se développent fortement pourrait devenir objet de convoitise pour les uns et les autres. Ces incriminations permettent de lutter contre l’implantation du terrorisme dans le pays. 71

TITRE III : DES ATTEINTES A LA CONFIANCE PUBLIQUE Ce titre comprend notamment — le faux — la fausse monnaie — la contrefaçon du sceau de l’État, la falsification des titres et valeurs fiduciaires émises par l’autorité publique. Le projet a introduit une nouvelle définition du faux, qui a pris en compte l’évolution de la technique, notamment des nouvelles technologies et de l’informatique. Il a classé les différents types de faux en fonction de leurs valeurs probantes, et comporte ainsi : — le faux en écriture publique ou authentique — le faux en écriture de commerce ou de banque — le faux commis dans certains documents administratifs, feuilles de route et certificats — le faux en écriture privée. Les incriminations de la fausse monnaie ont connu un changement majeur. Les innovations introduites ont pour but de lutter efficacement contre la mise en circulation de faux billets de banque. Le projet a prévu les incriminations ci-après : — la contrefaçon ou la falsification des pièces ou billets de banque en cours en Guinée ou émis par les institutions étrangères ou internationales. — le transport, la mise en circulation ou la détention des pièces ou billets contrefaits ou falsifiés. — l’importation des matières, appareils et objets destinés par leur nature à la fabrication, à la contrefaçon, la falsification, l’altération des pièces monétaires, effets de trésor, billets de banque sans avoir une autorisation. Il a réglementé la confiscation des pièces monétaires et des billets de banque contrefaits, ou falsifiés, ainsi que des matières et instruments destinés à servir à leur fabrication en désignant la Banque Centrale de la République de Guinée comme étant l’institution qui reçoit les 72

confiscations et supervise les destructions des billets contrefaits et les instruments contrefaisants. Le projet a traité les incriminations spéciales portant sur la contrefaçon du sceau de l’État, la falsification des titres et valeurs judiciaires émises par l’autorité judiciaire ; TITRE IV : DES ATTEINTES A L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT Ce titre relatif aux atteintes à l’autorité de l’État a été présenté dans le projet de code de la manière suivante : Chapitre I : Des manifestations illicites et de la participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique. Ces dispositions fondamentales n’ont pas réellement changé. Cependant, elles ont été structurées afin de les rendre accessibles. Chapitre II : les atteintes à l’exercice de droits civiques ont été renvoyées aux dispositions de la loi portant code électoral. Chapitre III : Les atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique a connu quelques refontes à travers la suppression des articles 128, 129, 130, 131, 132, 134, 135, 136, 137, 138 et 139 du Code pénal actuel. Ces articles suscités n’étaient pas conformes à la constitution du 7 mai 2010, constituant ainsi des obstacles à la réalisation des règles pour lutter efficacement contre les abus d’autorité commis par des personnes exerçant une fonction publique. Le projet a introduit les incriminations suivantes : — les abus d’autorité dirigés contre l’administration qui sanctionnent certains agissements illicites du 73

dépositaire de l’autorité publique pendant l’exercice de ses fonctions, tendant à faire échec à l’exécution des lois, de même que le fait de continuer à exercer des fonctions dont on n’est plus titulaire. — les abus d’autorité dirigés contre les particuliers sont constitués des atteintes à la liberté individuelle, les discriminations, les atteintes à l’inviolabilité du domicile, et au secret de la correspondance. Le chapitre IV relatif aux atteintes à l’administration publique commises par des particuliers introduit les délits d’outrage, de rébellion, d’usurpation de titres, de fonctions, d’uniformes, de signes emblèmes réservés, de l’usage irrégulier de titres et de qualités. Il a été introduit de nouvelles incriminations en relation avec la protection de l’emblème ou des dénominations présentant ressemblances avec l’un des signes distinctifs des Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels. Il y a aussi le délit d’opposition à l’exécution des travaux publics en vue de lutter contre les agissements et entraves visant à empêcher la réalisation des travaux d’utilité publique. Le chapitre V est relatif aux autres atteintes commises contre l’administration par les fonctionnaires, agents publics et particuliers sont : — la fraude dans les examens et concours — la soustraction, la destruction et le détournement de biens contenus dans un dépôt public. — les atteintes à l’état civil. Le chapitre VI traite des atteintes à l’exercice et des troubles à l’ordre commis par le ministère des Cultes qui incrimine le délit d’offense contre l’exercice des cultes, ainsi que des troubles à l’ordre public qu’ils sont susceptibles de commettre.

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L’incrimination spéciale du délit de charlatanisme a été opérée. Le chapitre VII traitant des atteintes à l’action de la justice. Une place importante a été accordée aux atteintes à l’action de la justice, en considération du fait que rendre la justice est une fonction essentielle dans un État de droit. Ce rôle éminent appelle ainsi à une protection contre certains comportements et agissements qui nuisent au fonctionnement de l’institution. Il s’agit de protéger la justice non pour elle-même, mais comme support de l’activité de l’État. Dans cette perspective, les incriminations portant atteinte à la justice qui se trouve dans le Code pénal actuel ont été regroupées suivant leurs centres d’intérêt, mais aussi de nouvelles incriminations ont été mises en œuvre dans le projet pour permettre une bonne marche du service public de la justice. Ces atteintes ont été regroupées en quatre rubriques : - les entraves à la saisine de la justice qui traitent du recel de malfaiteurs, l’altération, les entraves dans la recherche des preuves d’un mineur porté disparu, les actes d’intimidation de la victime d’un crime ou délit de ne pas porter plainte et le recel de cadavre - les entraves à l’exercice de la justice incrimine les dénis de justice, la divulgation de l’information à des personnes susceptibles d’être impliquées comme auteur, coauteur, complice ou receleur dans le but d’entraver les investigations, les actes d’intimidation à l’encontre d’un magistrat ou toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle, les auxiliaires de justice, les défenseurs des Droits de l’Homme en vue d’influencer son comportement dans l’exercices de ses fonctions, les entraves par la prévarication, le délit de fuite, l’abstention délictueuse, le faux témoignage, le refus de témoigner, le bris de scellés, 75

le détournement d’objets placés sous scellés, le faux serment, la divulgation du secret d’instruction, la subordination de l’interprète et d’expert - les atteintes à l’autorité de la justice sont renforcées par l'introduction à côté des incriminations existantes des agissements suivants - les atteintes au respect dû à la justice qui répriment l’outrage adressé à un magistrat ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle, le discrédit sur les actes ou décisions juridictionnelles et les dénonciations mensongères d’un crime ou délit exposant les autorités judiciaires d’inutiles recherches - l’évasion qui est le fait par un détenu de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis - les atteintes à l’autorité de la justice pénale regroupent les violations des interdictions édictées par la justice pénale, le refus d’accomplir le travail d’intérêt général et s’agissant des personnes morales, des violations résultant des peines prévues à l’article 84 du projet prononcé par la justice pénale. TITRE V : LES ATTEINTES AUX INTÉRÊTS PUBLICS La lutte contre le détournement de deniers publics, la corruption et les autres infractions assimilées occupe une place importante dans le projet de Code pénal. Elle constitue la clé de voûte de la réussite économique de notre pays. Le Code pénal actuel évoque le détournement, la soustraction et le recel de deniers publics aux articles 178 à 184, la corruption des articles 191 à 194, le trafic d’influence à l’article 195. À l’examen de ces articles, la nécessité s’est imposé d’intégrer la Convention des Nations Unies contre la corruption que notre pays a ratifiée pour mieux lutter contre le fléau social que constitue la corruption.

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Considérés comme étant des maux insidieux, la corruption et les détournements de deniers publics sapent la démocratie et l’État de droit, faussent le jeu des marchés, nuisent à la qualité de la vie et créent un terrain propice à la criminalité organisée en raison du fait que d’importantes ressources qui devraient être consacrées au développement sont détournées. Ils sont la cause principale des mauvais résultats économiques et constituent un obstacle majeur à un développement social et à la réduction de la pauvreté. La mise en œuvre de cette convention dans le projet du Code pénal permet de renforcer la lutte contre la corruption à travers l’incrimination des formes de corruption les plus répandues dans le secteur public et privé. Ce titre se présente comme suit : — le détournement, la soustraction et le recel des deniers publics. — la corruption et les infractions assimilées. — les atteintes à la liberté d’accès à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de services publics. TITRE IV : LA PARTICIPATION ASSOCIATION DE MALFAITEURS

A

UNE

L’association de malfaiteurs est réprimée par les articles 269 et 270 dans le Code pénal actuel comme étant une infraction criminelle. Le projet l’a traitée en apportant une nouvelle touche à travers l’incrimination de l’association de malfaiteurs criminelle et celle qui est formée en vue de la commission d’un délit.

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LIVRE V : DES CRIMES DE GUERRE, DES CRIMES D’AGRESSION ET DU MERCENARIAT Dans ce livre, le projet de code pénal a mis en œuvre des conventions couvrant le droit international humanitaire. Il s’agit notamment des infractions graves aux conventions de Genève de 1948 et leurs protocoles additionnels — des violations graves des lois et coutumes de la guerre, applicables aux conflits armés internationaux — des violations graves des lois et coutumes de la guerre applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international — des crimes d’agression prévus dans le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. Il a été mis un accent dans les dispositions particulières que l’action publique et les peines prévues dans le présent livre sont imprescriptible, ainsi que l’ordre du supérieur ne dispense pas des poursuites et que le chef militaire donneur d’ordre peut être poursuivi comme complice ou coauteur. La participation à l’activité de mercenariat a été introduite dans le projet de code pour lutter contre les organisations criminelles, spécialement le recrutement pour combattre dans un conflit armé. À travers ces incriminations, la République de Guinée a mis en œuvre dans son droit interne les conventions ciaprès : — la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement des mercenaires du 04 décembre 1989, ratifiée le 18 juillet 2003 — la Convention de l’OUA sur l’Élimination du Mercenariat en Afrique signé le 10 février 1978, ratifiée le 22 mai 2003. LIVRE VI : DES AUTRES CRIMES ET DÉLITS

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Ce livre est composé de six titres qui traitent les matières suivantes : — les stupéfiants et autres substances psychotropes — les infractions à législation sur les armes — la cybercriminalité — les atteintes à la santé — les peines applicables aux infractions prévues par les actes uniformes de l’OHADA — le délit d’initié. Ce livre vise à adapter le dispositif répressif à certaines formes de criminalité. TITRE I : DES STUPÉFIANTS ET AUTRES SUBSTANCES PSYCHOTROPES La décennie de l’année 2000 a été fortement marquée en République de Guinée par une recrudescence du trafic illicite de drogues (cocaïne, héroïne, cannabis…). Cette situation est favorisée par un certain nombre de facteurs dont la porosité des frontières, la pauvreté des populations portées à la corruption, la faiblesse des moyens de lutte, l’inadaptation de la législation sur les stupéfiants et substances psychotropes. Avec la recrudescence du phénomène, la sous-région ouest-africaine considérée jadis comme zone de transit est devenue un marché local important de consommation. La République de Guinée était devenue très récemment, pour les trafiquants, une zone de transbordement des précurseurs, équipements et autres matières utilisées dans la fabrication des drogues. À cela, s’ajoute le fléau du blanchiment des capitaux de la drogue qui constitue le terreau fertile pour l’ensemble des crimes transnationaux. En tant que membre de l’organisation régionale de lutte anti-blanchiment (GIABA), notre pays s’est engagé à la mise en œuvre de toutes les recommandations pour renforcer la lutte contre le trafic et l’usage illicite des stupéfiants et autres substances psychotropes. 79

Il en est ainsi dans le présent titre où il a été mis en œuvre les conventions ci-après : — la Convention de 1961 sur les stupéfiants, celle de 1971 sur les substances psychotropes, le trafic illicite — la Convention des Nations-Unies sur la lutte contre les stupéfiants et les substances psychotropes — les 49 recommandations du GAFI, révisées en février 2012, relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce titre se présente ainsi qu’il suit : Chapitre I : Dispositions préliminaires. Chapitre II : Classification des stupéfiants, substances psychotropes et les précurseurs. Chapitres III, IV, V, VI, VII, VIII, IX : Les incriminations et peines Chapitre X : Les causes d’atténuations et d’exemption de peines. TITRE II : DES INFRACTIONS LÉGISLATION SUR LES ARMES

A

LA

La lutte contre la circulation et la prolifération des armes de toutes sortes est une préoccupation de la République de Guinée. Il existe dans la législation guinéenne la loi L/96/008/AN du 22 juillet 1996 portant sur les armes, les munitions, les poudres et explosifs. Cette loi est devenue inadaptée d’où la nécessité d’intégrer dans le projet les nombreuses Conventions ratifiées par notre pays. Ces conventions sont les suivantes : — la Convention sur l’interdiction de la mise au point de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction 1993 — la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production, et du transfert des mines anti personnelles et 80

sur leur destruction 1998 — la Convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre et autres matériels connexes de 2006 — la Convention sur les armes à sousmunitions 2008 ; Ce titre comporte les incriminations ci-après : Chapitre I : La mise au point, la fabrication, le stockage et l’emploi des armes chimiques. Chapitre II : Les armes légères, le petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes. Chapitre III : L’emploi, le stockage, la production et le transfert des mines anti personnelles et leur destruction. Chapitre IV : Les armes à sous-munitions. TITRE III : DE LA CYBERCRIMINALITÉ Le traitement des atteintes susceptibles de se commettre sur ou au moyen d’un système informatique connecté à un réseau doit prendre en considération les nouvelles réalités, les documents informatiques, l’usage de carte de crédit ou de débit, les interceptions, la problématique de la pornographie des mineurs. Dans ce titre, d’importantes innovations ont été apportées dans le traitement de la cybercriminalité pour adapter les incriminations à l’évolution technologique. Il a été disposé ainsi dans le projet, les faits répréhensibles suivants : Chapitre I : Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé des données Chapitre II : Les interceptions. Chapitre III : Les atteintes aux cartes bancaires. Chapitre IV : Les traitements non autorisés de données personnelles. Chapitre V : Les atteintes liées aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

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TITRE IV : LES ATTEINTES A LA SANTÉ Ce titre regroupe les incriminations relatives à la protection de la santé individuelle, celle de la famille et de la collectivité, aussi mentionne-t-il les normes portant sur la reproduction. Il se présente donc de la manière suivante : Chapitre I : Les atteintes à la santé publique. Chapitre II : Les atteintes à la santé de la reproduction. Il est caractérisé par introduction dans le projet de la partie incrimination du Code de la santé publique et la loi L/2000/010/AN du 10 septembre 2000 portant Santé de la reproduction. TITRE VI : DES PEINES APPLICABLES AUX INFRACTIONS PRÉVUES PAR LES ACTES UNIFORMES DE L’OHADA Ce titre regroupe les incriminations prévues par les différents actes uniformes de l’OHADA LIVRE VII : LES CONTRAVENTIONS La partie spéciale du projet de code finit avec les contraventions. L’innovation importante apportée dans ce livre consiste en la classification des contraventions en 5 classes, reparties en fonction de la peine d’amende encourue par le contrevenant. Les incriminations contraventions sont réparties en quatre titres : — les contraventions contre les personnes — les contraventions contre les biens — les contraventions contre la Nation, l’État ou la paix publique. — les contraventions résultant des atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l’intégrité d’un animal. » (Fin de citation). 82

De la peine de mort Le 4 juillet 2016, l’Assemblée nationale guinéenne adopte un nouveau code pénal et un nouveau code de procédure pénale qui ne prévoient pas la peine de mort. La réclusion à perpétuité (30 ans) est la peine maximale qui y est prévue. Faisant passer la Guinée d’un moratoire de fait à un moratoire de droit. Les dernières exécutions capitales remontant à 2001. Signalons que le 11 mars 2011 — 53 pays s’opposent au projet d’imposer un moratoire sur la peine de mort au niveau de l’ONU, suite à la résolution de décembre 2010. Dans une note verbale à propos de la résolution 65/206, "Moratoire sur l’application de la peine de mort", adoptée le 21 décembre 2010, 53 pays "continuent de s’opposer à toute tentative visant à imposer un moratoire sur la peine de mort ou l’abolition de cette dernière en violation des dispositions du droit international en vigueur". Inquiétude des associations de défense des Droits de l’Homme Si cette nouvelle réjouit les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, les textes adoptés suscitent malgré tout quelques inquiétudes. Amnesty International s’inquiète de certaines dispositions jugées « liberticides » contenues dans la nouvelle loi. « Certaines dispositions demeurent floues. Les forces de l’ordre pourraient s’abriter derrière la notion de légitime défense pour commettre des bavures sans être inquiétées », s’inquiète François Patuel, chercheur pour l’ONG, interrogé par Jeune Afrique.

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Motif d’espoir pour l’Afrique La Guinée porte désormais à 19 le nombre de pays africains ne pratiquant plus la peine de mort. En 2015, Amnesty notait que « l’année a été marquée par un certain nombre d’évolutions positives en matière de peine de mort en Afrique subsaharienne. » Le même rapport précisait : « le nombre de condamnations à mort prononcées a diminué fortement, passant de 909 en 2014 à 443 en 2015. » Soit une baisse de 51 %. En outre, le Congo et Madagascar ont aboli la peine capitale pour tous les crimes et plusieurs autres États sont classés abolitionnistes de fait. Il ne s’agit pas d’une abolition à proprement parler, mais « aujourd’hui, aucun juge ne peut requérir la peine de mort » en Guinée, comme l’a expliqué Fodé Maréga, député à l’assemblée nationale de Guinée, membre de l’action mondiale des parlementaires (PGA) et partenaire d’Ensemble contre la Peine de mort (ECPM). Techniquement, le pays devient ainsi le e 19 (selon Amnesty International) ou le 20e (selon Ensemble contre la Peine de mort) État africain abolitionniste. « Seule une minorité de 15 États dispose encore de la peine capitale sur le continent tandis que 18 pays appliquent un moratoire de fait sur les exécutions », précise un communiqué d’ECPM. Seul bémol, mis en exergue par les deux ONG : « Ces avancées majeures ne doivent pas être affaiblies par des dispositions qui constitueraient de réelles menaces pour la liberté d’expression et de rassemblement pacifique, les droits des femmes et la lutte contre l’impunité », alerte François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest pour Amnesty International.

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Droits de l’homme en Guinée Depuis son indépendance en 1958, la Guinée n’a pas été capable de faire respecter systématiquement les Droits de l’Homme. Pourtant, dans la constitution, la protection et la promotion des droits humains figurent en bonne place. Comme dans tous les discours officiels des plus hautes autorités du pays. Cependant la torture a toujours été un moyen d’extorsion d’aveux. Sous le régime de Sékou Touré, les plus hauts cadres n’y ont pas échappé, accusés qu’ils étaient des « comploteurs » à la solde des Occidentaux. Le camp Boiro est devenu tristement célèbre, « un mouroir » pour tous ceux qui étaient, même à tort, accusés de trahison. Des centaines d’innocents y ont perdu la vie dans des conditions inhumaines. Sous la Deuxième République, la torture s’est poursuivie dans les casernes, où beaucoup de militaires en ont fait les frais, souvent accusés de tentatives de coup d’État ou d’attentats contre la personne du Chef de l’État. Le Colonel Diarra Traoré, ancien Premier ministre, et ses compagnons d’infortune, accusés d’une tentative de coup d’État, ont été exécutés de façon sommaire en 1985, sans avoir eu droit à une justice équitable. Le pire arriva le 28 septembre 2009. Une manifestation publique pacifique appelant à l’organisation d’élections libres en Guinée a été violemment réprimée par la junte militaire au pouvoir. Selon le rapport du Haut-commissariat des Droits de l’Homme en Guinée, « cette répression s’est soldée par 156 morts, 109 viols établis, 40 personnes portées disparues, de multiples arrestations et détentions illégales et des actes de torture dans les prisons et autres centres de détention. » Face à la gravité des faits rapportés par la presse et par les victimes, le Secrétaire général des Nations-Unies créa une commission internationale d’enquête chargée : 85

— d’établir les faits ; — de déterminer la nature des crimes commis ; — d’établir les responsabilités et, dans la mesure du possible, d’identifier les auteurs ; — de faire des recommandations, notamment à propos des mesures propres à faire apparaître les responsabilités. Au terme de ses investigations, la Commission internationale a souligné que l’impunité était un motif de préoccupation prioritaire en Guinée. Bien que le Gouvernement guinéen ait voulu coopérer avec le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale. Une volonté politique a permis aux missions de la CPI de se rendre dans le pays à plusieurs reprises en 2010. Un groupe de trois juges renommés a été chargé par la Chancellerie d’enquêter sur les atteintes aux Droits de l’Homme commises le 28 septembre 2009 et leurs suites judiciaires. Selon plusieurs spécialistes, la capacité de ces juges à s’acquitter de leur mandat et de mener des enquêtes a été entravée par le manque de ressources matérielles et humaines. Leurs activités ont également souffert d’un manque de soutien politique, le Gouvernement se concentrant davantage sur la transition politique que sur la poursuite des auteurs présumés des infractions en question. Les juges auraient interrogé plus de 200 victimes. Or, en décembre 2010, aucune des victimes de viols et d’autres violences sexuelles commises le 28 septembre 2009 et que connaissait le bureau du HCDH en Guinée n’avait été interrogée. En outre, la plupart des personnes citées dans le rapport final de la Commission internationale d’enquête étaient toujours en fonction en décembre 2010 et n’avaient pas été poursuivies. Le bureau du HCDH en Guinée envisage de coopérer plus

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étroitement avec le groupe de juges en 2011. Les personnes citées le sont encore en 2016. Fin 2017, il a été annoncé la clôture de l’instruction du dossier, avec une douzaine d’inculpations. Ouvrant ainsi la possibilité de la tenue du procès. En janvier 2007, les syndicats guinéens ont provoqué des troubles un peu partout pour protester contre l’ingérence du Gouvernement dans l’administration de la justice, après la libération du richissime homme d’affaires, Mamadou Sylla et du Vice-gouverneur de la Banque centrale d’alors, Fodé Soumah, par le Président Lansana Conté. En deux mois, la violence avait gagné tout le pays. Les militaires, en particulier la garde présidentielle, ont tué 226 personnes, selon le rapport publié par la Coalition pour la défense des victimes des événements de janvier et février 2007 en Guinée. Le Gouvernement de l’époque avait approuvé la création d’une commission nationale d’enquête, composée notamment de militants des Droits de l’Homme, éminents et estimés, pour examiner les allégations faisant état d’atteintes aux Droits de l’Homme, lors de ces événements, mais cette commission n’a jamais été opérationnelle, faute de volonté politique. Le 23 mars 2017 à Genève, il a été procédé à l’examen de la situation des Droits de l’Homme en Guinée Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des Droits de l’Homme en Guinée en 2016. Lors de la présentation du rapport M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a rappelé que le Conseil avait décidé de tenir un débat interactif en présence de toutes les parties intéressées sur la mise en œuvre de ladite résolution en mettant l’accent sur la lutte contre l’impunité. Dans son précédent rapport sur le sujet, le Haut-commissaire avait formulé une série de recommandations que le 87

Gouvernement guinéen a entrepris de mettre en œuvre en 2016. Le bureau du Haut-commissariat sur le terrain a coopéré avec le Gouvernement guinéen, les organisations de la société civile et d’autres parties prenantes nationales et internationales en vue de l’élaboration de stratégies tendant à relever les défis, ce qui a abouti à d’importants jalons en termes de respect des Droits de l’Homme. En effet, l’Assemblée nationale a adopté le Code pénal et le Code de procédure pénale tels que révisés, qui comprennent une incrimination de la torture et l’abolition de la peine de mort. Des modules Droits de l’Homme ont en outre été intégrés dans le programme d’études des Forces de défense et de sécurité, ce qui reflète des jalons dans le renforcement de l’état de droit. M. Gilmour a ajouté que des efforts ont été déployés dans le domaine de la justice transitionnelle et de la réconciliation nationale, marqués par la soumission, le 29 juin 2016, au Président, du rapport final des Consultations nationales par les deux chefs de file des communautés chrétienne et musulmane qui président conjointement la Commission provisoire nationale pour la réconciliation. Les principales recommandations étaient centrées sur l’établissement d’une commission « vérité et réconciliation », la réforme des secteurs de la sécurité et la justice, la révision des archives historiques et l’intégration d’une perspective sexospécifique dans le processus de réconciliation. À propos de la tragédie du 28 septembre, il a souligné qu’un pas crucial a été fait dans le sens de l’obligation redditionnelle des auteurs des atrocités commises en 2009 à Conakry, M. Aboubacar Sidiki Diakité, l’aide de camp du capitaine Dadis Camara, ayant en effet été arrêté à Dakar le 16 décembre 2016 et extradé vers la Guinée le 12 mars 2017. Un bémol néanmoins, a poursuivi M. Gilmour : malgré l’engagement du Gouvernement à 88

lutter contre l’impunité, des lacunes subsistent dans la réponse apportée à de nombreuses affaires de violations des Droits de l’Homme, comme l’illustre le faible nombre de poursuites des auteurs présumés de crimes contre l’Humanité commis le 28 septembre 2009. M. Gilmour a, en outre, attiré l’attention sur la méfiance de la population à l’égard du système judiciaire, ce qui conduit à des situations de justice privée, et sur la durée des détentions avant procès. L’impunité prévaut également s’agissant des violences fondées sur le sexe, y compris les mutilations génitales féminines dont les auteurs sont rarement présentés devant la justice, a poursuivi M. Gilmour. Il a également fait état de défis s’agissant des droits économiques, sociaux et culturels, et plus particulièrement en ce qui concerne la transparence de la gestion des ressources minérales et la protection de l’environnement et des communautés dans les zones d’extraction minière. Le Haut-commissariat a continué d’être saisi d’allégations d’arrestations et de détentions arbitraires, de recours excessif à la force par les services de sécurité, de torture et de lacunes dans l’obligation de protéger la population dans les nombreux cas de lynchage, a ajouté le Sous-secrétaire général. La plupart de ces allégations renvoient à des violations qui semblent être imputables aux forces de sécurité, a-t-il indiqué. Il a précisé que le Haut-commissaire recommandait notamment une réforme du secteur de la sécurité, un appui au plan de relève après l’épidémie du virus Ebola et un soutien à l’institution nationale des Droits de l’Homme, de même que la cessation de la violence à l’égard des femmes. De son côté, CHEICK SAKO, ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux de la République de Guinée, a déclaré que pour répondre, notamment, aux préoccupations de la Fédération internationale des ligues 89

des Droits de l’Homme (FIDH), il articulera son propos autour des efforts déployés par le Gouvernement guinéen en faveur de l’amélioration du cadre juridique, d’une part, et du traitement des cas de violations graves des Droits de l’Homme, d’autre part. Il a rappelé qu’en mars 2011, le Gouvernement avait organisé les états généraux de la justice, qui firent le constat accablant d’une justice profondément démunie, les infrastructures judiciaires et pénitentiaires étant vétustes, exiguës, inappropriées ou inexistantes, et en tout cas, non conformes aux normes internationales. Sur la base de ce diagnostic, un vaste chantier de réforme de la justice a été ouvert, dans le cadre de l’élaboration de la politique nationale et du plan d’action prioritaire de réforme de la justice 2015-2019. Le ministre a ensuite signalé que la lutte contre l’impunité figure au nombre des quatre axes d’intervention prévus par ce plan, avec une série d’activités visant l’amélioration du fonctionnement de la chaîne pénale et la lutte contre la violence basée sur le genre, ainsi que l’humanisation et la modernisation du système pénitentiaire. Le plan d’actions prioritaires comporte également l’accès au droit et à la justice, l’indépendance d’une magistrature responsable et le renforcement et la valorisation des capacités humaines et institutionnelles. Le ministre de la Justice de la Guinée a ajouté que, dans le domaine spécifique de la lutte contre l’impunité, les efforts du Gouvernement ont permis la création de juridictions militaires désormais opérationnelles. D’autre part, le pool de juges d’instruction mis en place pour apporter une réponse pénale appropriée aux événements tragiques du 28 septembre 2009, qui ont conduit à ce qu’il est convenu d’appeler « le massacre du 28 septembre », est sur le point d’achever son travail avec l’appui des Nations Unies. De nombreux témoins et victimes ont été entendus. De nombreuses inculpations ont été faites ; des 90

commissions rogatoires internationales ont été délivrées et une extradition a été obtenue, a précisé le ministre. Il a dit compter sur un accompagnement de la part des partenaires techniques et financiers et a souligné la nécessité de la mise en œuvre du document-projet concernant l’appui de l’ONU pour l’amélioration du fonctionnement de la chaîne pénale. Toujours au cours des discussions, M. KALIFA GASSAMA DIABY, ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté de la République de Guinée, a souligné les difficultés structurelles auxquelles fait face le pays. Il est extrêmement important de reconnaître la gravité des choses et d’expliquer la situation, a-t-il insisté. Il faut travailler à la consolidation de l’État et travailler au renforcement du contrat social, pour que la société ne se sente pas distincte, dissociée, de l’État, a-t-il expliqué. La société doit se sentir impliquée dans le processus de réconciliation nationale, afin de construire une société où les citoyens partagent les mêmes valeurs. Il faut assurer le fait de rendre compte pour les violences commises à intervalles réguliers au cours de cette dernière décennie, a indiqué le ministre. Selon MME ASMAOU DIALLO, Présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009, le massacre du 29 septembre 2009 avait coûté la vie à 150 personnes et a ajouté que des milliers de femmes avaient été violées. Le bureau du Procureur a estimé que les actes commis au stade, où se déroulait la manifestation pacifique réprimée de manière sanglante, pouvaient constituer des crimes contre l’Humanité. La justice nationale a fait des progrès très importants dans la poursuite et la répression des auteurs du massacre, a souligné Mme Diallo. De très hauts responsables ont été mis en cause et la justice a promis un procès cette année. Mais, certains responsables de ces crimes sont toujours en 91

poste auprès du Gouvernement, a fait observer la Présidente de l’Association des victimes. L’appui de la communauté internationale sera essentiel pour la réussite de ce procès, où les victimes et les témoins devront être protégés, a-t-elle conclu. Au cours des débats, l’Union européenne a rappelé être un partenaire de longue date de la République de Guinée, notamment dans les domaines du renforcement de la justice, de l’état de droit et de la défense des Droits de l’Homme. L’Union européenne a salué les réformes entreprises par la Gouvernement, notamment la réforme du Code pénal abolissant la peine de mort et faisant de la torture une infraction à part entière. En outre, l’Union européenne a dit espérer que les récentes avancées dans le domaine de la justice permettront enfin la tenue d’un procès sur les violences du 28 septembre 2009, qui marquerait un tournant dans la fin de l’impunité et sur la voie de la réconciliation nationale. La France a salué les efforts de la République de Guinée, en liaison avec les mécanismes des Nations Unies en matière de défense des Droits de l’Homme, en faveur du rétablissement de l’état de droit et d’un meilleur respect des Droits de l’Homme. Toutefois, des efforts restent à accomplir, notamment dans la reddition de compte pour les crimes commis en septembre 2009, même si des efforts sont à saluer concernant le renforcement du système judiciaire. La Belgique s’est félicitée de la tenue d’un dialogue politique inter-guinéen qui a abouti à un accord global. Faisant écho aux propos tenus par la France, la Belgique a salué la suppression de la peine de mort et l’incrimination de la torture. Malgré quelques progrès dans le système judiciaire, de nombreux crimes contre les forces de l’ordre restent en suspens. En outre, la Belgique s’est inquiétée du nombre très élevé des violences basées 92

sur le genre. Des lacunes concernant les mutilations génitales féminines ont également été relevées. Le Royaume-Uni a reconnu les progrès effectués par la République de Guinée dans certains champs des Droits de l’Homme, comme en attestent l’abolition de la peine de mort et l’incrimination de la torture. Toutefois, les faibles progrès concernant la lutte contre l’impunité sont préoccupants. Le Royaume-Uni a, à cet égard, appelé à la reddition de compte pour les auteurs des crimes commis lors des événements de septembre 2009. Beaucoup de délégations, notamment celles des pays africains, ont salué les mesures prises par « la Guinée, pays frère » pour mieux protéger les Droits de l’Homme. Le Mali et le Bénin se sont félicités du dialogue national entrepris par le Gouvernement, tandis que le Togo et l’Égypte ont dit apprécier les réformes législatives entreprises, notamment celle du Code pénal. Le Tchad a lui aussi indiqué apprécier les efforts déployés en faveur de la réconciliation nationale. L’Algérie apprécie les efforts consentis pour la promotion de l’État de droit et l’adaptation des lois nationales aux normes internationales. Toutes ces délégations, sans exception, ont demandé que le Haut-commissariat poursuive sa coopération avec la Guinée et lui accorde une assistance technique et un renforcement des capacités dans les limites du respect des principes régissant ces mécanismes, dont la non-ingérence et le respect des priorités nationales. La communauté internationale, elle aussi, doit venir en aide à ce pays, pour l’aider à se remettre des conséquences de l’Ebola, a-t-il été rappelé. Cette aide permettra que la Guinée puisse être retirée de l’ordre du jour du Conseil, a souligné le Maroc. Les États-Unis ont pour leur part souligné que l’impunité continuait de régner en Guinée, avec de hauts responsables qui ne sont même pas inquiétés pour leurs 93

actes. La question de la transparence de la justice reste aussi un sujet de préoccupation, a ajouté la délégation des États-Unis, se demandant pourquoi les procès sur le massacre du 28 septembre 2009 ne sont toujours pas ouverts. Est-ce une question logistique ou financière, a-telle demandé ? Au nombre des organisations non gouvernementales, la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), avec l’appui de ses partenaires en Guinée, a indiqué, s’agissant du dossier du massacre du 28 septembre, que ces organisations (représentant plus de 450 victimes) s’étaient constituées parties civiles dans la procédure judiciaire en cours. La FIDH s’est félicitée de l’extradition, puis de l’inculpation, le 14 mars, d’Aboubacar Sidiki Daikité, dit « Toumba ». Les organisations appellent la justice guinéenne à poursuivre ses efforts pour mener la procédure à son terme afin qu’un procès transparent, crédible et dans lequel participeront toutes les personnes impliquées dans ce massacre, dont Moussa Dadis Camara, puisse se tenir sans délai. La Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’Homme a exhorté quant à elle à persévérer dans la lutte contre l’impunité dans les affaires de torture et de violations du droit à la vie. La RADDHO a réaffirmé sa solidarité avec les victimes, avant de condamner la persistance de cas de viols, notamment de jeunes filles de 13 ans, ainsi que l’échec de la campagne nationale contre les mutilations génitales féminines. Le Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le dialogue (CIRID) a salué la dynamique de dialogue inclusif et de renforcement des capacités, accompagnée par le Haut-commissariat, qui, par la portée de ses objectifs spécifiques, va bien au-delà de la résolution épisodique d’une crise en renforçant structurellement les bases de la cohésion et de la justice 94

sociale. Cette dynamique, endogène à l’Afrique, fait du dialogue un outil de réconciliation et de résolution des conflits. En guise de conclusion, M. GILMOUR a remarqué que nombre d’intervenants avaient soulevé la question des suites de l’incident tragique du 28 septembre et salué tous les efforts déployés pour organiser un procès afin d’assurer la reddition de compte. Il est aussi indispensable que les personnes inculpées ne puissent plus exercer de fonctions ni de responsabilités publiques, ce qui fait qu’il est préoccupant de voir l’un deux diriger le Gouvernorat de Conakry, a ajouté le Sous-secrétaire général aux Droits de l’Homme. Les victimes et les témoins craignent pour leur sécurité et il est de l’obligation du Gouvernement de garantir leur protection ainsi que celle du personnel judiciaire, a-t-il ajouté. S’agissant de l’assistance technique dans le domaine de la lutte contre la traite des enfants, M. Gilmour a garanti au Royaume-Uni qu’il fournirait une réponse par écrit. Les mutilations génitales féminines sont un fléau particulièrement grave alimenté par l’impunité ; il faut donc combler cette lacune, a en outre souligné M. Gilmour. M. SAKO a déclaré que la présence de deux ministres prouve à quel point la Guinée fait cas de la présente réunion avec le Conseil. Pour toutes les violations graves, notamment celles fondées sur le genre ou encore les mutilations génitales féminines, le travail est en cours, a-til assuré. Concernant le massacre du 28 septembre, un inculpé a déjà été extradé, ce qui est un gage du respect de l’État de droit, a-t-il poursuivi. Expliquant que le Gouvernement guinéen avance avec précaution, il a souligné qu’il importe que tout procès soit impartial et juste ; et celui-ci en particulier aura lieu en Guinée et répondra aux normes internationales en matière de procédure, a ajouté le ministre guinéen de la 95

Justice. Conscient que ce dossier peut aller jusqu’à la Cour pénale internationale, M. Sako a fait valoir le principe de subsidiarité et appelé à faire confiance au Gouvernement pour lui permettre d’aller jusqu’au bout de ses responsabilités. M. GASSAMA DIABY a, quant à lui, souligné que la Guinée avait besoin d’un contexte qui favorise la mise en pratique des normes internationales. Loin de minimiser l’ampleur des problèmes en matière des Droits de l’Homme, il a cependant rappelé qu’il ne suffit pas de faire le procès des événements du 28 septembre ; il a surtout jugé très important de comprendre la situation sociale et structurelle de la Guinée, car le Gouvernement fait face à nombre de « structures périphériques » qui sont bien plus puissantes que lui, a-t-il déclaré. Il faut veiller à ce que le combat de l’État ne devienne pas la destruction de l’État, a-t-il ajouté ; il ne faut pas mener une « politique suicidaire, mais au contraire agir avec prudence pour sortir des griffes de ces structures », a-t-il insisté. On ne change pas les sociétés comme on change les mémoires des ordinateurs, a conclu le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté. Les droits de l’Homme en Guinée contenus dans la constitution de 2010 Les Droits de l’Homme sont les droits fondamentaux de l’être humain. Ils définissent la relation entre l’individu et les structures du pouvoir, en général l’État. Ils fixent les limites dans lesquelles l’État peut exercer son pouvoir et exigent en même temps de l’État, des mesures positives pour garantir un environnement qui permet à tous les êtres humains de jouir de s’épanouir. Les Droits de l’Homme portent sur tous les aspects de la vie ; leur exercice permet aux hommes et aux femmes de décider de

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leur vie en toute liberté, dans l’égalité et le respect de la dignité humaine. Le peuple de Guinée a proclamé à travers le préambule de sa constitution du 10 mai 2010, son adhésion aux idéaux et principes, droits et devoirs établis dans la Charte de l’Organisation des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les Conventions et Pactes internationaux relatifs aux Droits de l’Homme, l’Acte constitutif de l’Union Africaine, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et ses protocoles additionnels relatifs aux droits de la femme, ainsi que le Traité révisé de la CEDEAO et ses protocoles sur la démocratie et la bonne gouvernance. Aussi, pour donner une valeur juridique importante aux Droits de l’Homme, cette constitution leur consacre-t-elle un titre entier notamment le titre II, soit le plus long de la Constitution. Ces droits consacrés dans la Constitution de 2010 se divisent en droits civils et politiques, en droits économiques, sociaux et culturels, et en droits collectifs des peuples à l’autodétermination, à l’égalité, au développement, à la paix et à un environnement sain. 1- Dans le domaine des droits civils et politiques (art 5 à 14) • Le droit à la vie • Le droit de ne pas être soumis à la torture ni a des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. • Le droit de ne pas être tenu en esclavage ni en servitude ni d’être soumis aux travaux forcés • Le droit à la liberté et à la sécurité de la personne ; •Le droit des personnes détenues d’être traitées avec humanité ; • La liberté de circulation • Le droit à un procès équitable • L’interdiction de lois pénales rétroactives 97

• Le droit à être reconnu coupable devant la loi • Le droit à la défense • Le droit de manifester • Le droit à la vie privée • La liberté d’opinion et d’expression • Protection contre toute propagande en faveur de la guerre et de l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse. L’article 18 garantit le droit de se marier et de fonder une famille. 2- Dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels (art 15, 16, 19 et 20) • Le droit au travail • Le droit aux conditions de travail justes et favorables • Le droit de former des syndicats et de s’y affilier • Le droit à la sécurité sociale • La protection de la famille • Le droit à un niveau de vie suffisant, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants. • Le droit à la santé • Le droit à l’éducation. 3- Dans le domaine des droits collectifs et le droit à un environnement sain (art 16, 17 et 21) Les droits des peuples : • à disposer d’eux-mêmes • au développement • à disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles • à la paix • à un environnement sain. Il y a lieu de rappeler que cette Constitution guinéenne répond à celle d’un État moderne : un État qui reconnait la 98

liberté des citoyens et consacre la séparation des pouvoirs. Elle consacre les principes fondamentaux des droits de l’homme qui sont : le principe d’égalité des Droits de l’Homme, de non-discrimination des Droits de l’Homme, d’universalité des droits de l’homme et d’interdépendance Droits de l’Homme. Elle fait également mention de la sacralité des Droits de l’Homme.

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DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME DANS LA CONSTITUTION GUINÉENNE Article 5 : La personne humaine et sa dignité sont sacrées. L’État a le devoir de les respecter et de les protéger. Les droits et les libertés énumérés ci-après sont inviolables, inaliénables et imprescriptibles. Ils fondent toute société humaine et garantissent la paix et la justice dans le monde. Article 6 : L’être humain a droit au libre développement de sa personnalité. Il a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale ; nul ne peut être l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. La loi détermine l’ordre manifestement illégal. Nul ne peut se prévaloir d’un ordre reçu ou d’une instruction pour justifier des actes de tortures, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains. Article 7 : Chacun est libre de croire, de penser et de professer sa foi religieuse, ses opinions politiques et philosophiques. Il est libre d’exprimer, de manifester et de diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image. 101

Il est libre de s’instruire et de s’informer aux sources accessibles à tous. La liberté de Presse est garantie et protégée. La création d’un organe de presse ou de média pour l’information politique, économique, sociale, culturelle, sportive, récréative ou scientifique est libre. Le droit d’accès à l’information publique est garanti au citoyen. Une loi fixe les conditions d’exercice de ces droits, le régime et les conditions de création de la presse et des médias. Article 8 : Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits. Nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son sexe, de sa naissance, de sa race, de son ethnie, de sa langue, de ses croyances et de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Article 9 : Nul ne peut être arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés, pour les motifs et dans les formes prévues par la loi. Tous ont le droit imprescriptible de s’adresser au juge pour faire valoir leurs droits face à l’État et ses préposés. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’une procédure conforme à la loi. Tous ont droit à un procès juste et équitable, dans lequel le droit de se défendre est garanti. Le droit à l’assistance d’un avocat est reconnu dès l’instant de l’interpellation ou de la détention. La loi établit les peines nécessaires et proportionnées aux fautes qui peuvent les justifier. 102

Article 10 : Tous les citoyens ont le droit de manifestation et de cortège. Le droit de pétition est reconnu à tout groupe de citoyens. Tous les citoyens ont le droit de former des associations et des sociétés pour exercer collectivement leurs droits et leurs activités politiques, économiques, sociales ou culturelles. Tous les citoyens ont le droit de s’établir et de circuler sur le territoire de la République, d’y entrer et d’en sortir librement. Article 11 : Quiconque est persécuté en raison de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses, de sa race, de son ethnie, de ses activités intellectuelles, scientifiques ou culturelles, pour la défense de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République. Article 12 : Le domicile est inviolable. Il ne peut y être porté atteinte qu’en cas de péril grave et imminent, pour parer à un danger commun ou pour protéger la vie des personnes. Toute autre atteinte, toute perquisition ne peuvent être ordonnées que par le juge ou par l’autorité que la loi désigne et dans les formes prescrites par celle-ci. Le secret de la correspondance et de la communication est inviolable. Chacun a droit à la protection de sa vie privée. Article 13 : Le droit de propriété est garanti. Nul ne peut être exproprié si ce n’est dans l’intérêt légalement constaté de tous et sous réserve d’une juste et préalable indemnité.

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Article 14 : Le libre exercice des cultes est garanti, sous réserve du respect de la loi et de l’ordre public. Les institutions et les communautés religieuses se créent et s’administrent librement. Article 15 : Chacun a droit à la santé et au bien-être physique. L’État a le devoir de les promouvoir, de lutter contre les épidémies et les fléaux sociaux. Article 16 : Toute personne a droit à un environnement sain et durable et a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection de l’environnement. Article 17 : Le transit, l’importation, le stockage, le déversement sur le territoire national des déchets toxiques ou polluants et tout accord y relatif constituent un crime contre la Nation. Les sanctions applicables sont définies par la loi. Article 18 : Le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’État. Les parents ont le droit et le devoir d’assurer l’éducation et la santé physique et morale de leurs enfants. Les enfants doivent soin et assistance à leurs parents. Article 19 : La jeunesse doit être particulièrement protégée par l’État et les collectivités contre l’exploitation et l’abandon moral, l’abus sexuel, le trafic d’enfant et la traite humaine. Les personnes âgées et les personnes handicapées ont droit à l’assistance et à la protection de l’Etat, des Collectivités et de la société.

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La loi fixe les conditions d’assistance et de protection auxquelles ont droit les personnes âgées et les personnes handicapées. Article 20 : Le droit au travail est reconnu à tous. L’État crée les conditions nécessaires à l’exercice de ce droit. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de son sexe, de sa race, de son ethnie, de ses opinions ou de toute autre cause de discrimination. Chacun a le droit d’adhérer au syndicat de son choix et de défendre ses droits par l’action syndicale. Chaque travailleur a le droit de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination des conditions de travail. Le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent. Il ne peut en aucun cas porter atteinte à la liberté du travail. La loi fixe les conditions d’assistance et de protection auxquelles ont droit les travailleurs. Article 21 : Le Peuple de Guinée détermine librement et souverainement ses Institutions et l’organisation économique et sociale de la Nation. Il a un droit imprescriptible sur ses richesses. Celles-ci doivent profiter de manière équitable à tous les Guinéens. Il a droit à la préservation de son patrimoine, de sa culture et de son environnement. Il a le droit de résister à l’oppression. Article 22 : Chaque citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements. Chaque citoyen a le devoir de participer aux élections, de promouvoir la tolérance, les valeurs de la démocratie, d’être loyal envers la Nation.

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Chaque citoyen a le devoir de respecter la personne humaine et les opinions des autres. Chaque citoyen doit contribuer, dans la mesure de ses moyens, à l’impôt et doit remplir ses obligations sociales pour le bien commun dans les conditions que la loi détermine. Chaque citoyen a le devoir sacré de défendre la Patrie. Les biens publics sont sacrés et inviolables. Toute personne doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de détournement, de dilapidation ou d’enrichissement illicite est réprimé par la loi. Article 23 : L’État doit promouvoir le bien-être des citoyens, protéger et défendre les droits de la personne humaine et les défenseurs des droits humains. Il veille au pluralisme des opinions et des sources d’informations. Il assure la sécurité de chacun et veille au maintien de l’ordre public. Il assure la continuité des Institutions et des services publics, dans le respect de la Constitution. Il garantit l’égal accès aux emplois publics. Il favorise l’unité de la Nation et de l’Afrique. Il coopère avec les autres États pour consolider leur indépendance, la paix, le respect mutuel et l’amitié entre les peuples. Il assure l’enseignement de la jeunesse qui est obligatoire. Il crée les conditions et les institutions permettant à chacun de se former.

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Article 24 : La loi garantit à tous l’exercice des libertés et des droits fondamentaux. Elle détermine les conditions dans lesquelles ils s’exercent. Elle ne peut fixer de limites à ces libertés et à ces droits que celles qui sont indispensables au maintien de l’ordre public et de la démocratie. Les groupements dont le but ou l’activité est contraire aux lois ou qui troublent manifestement l’ordre public peuvent être dissous. Article 25 : L’Etat a le devoir d’assurer la diffusion et l’enseignement de la Constitution, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 ainsi que de tous les instruments internationaux dûment ratifiés relatifs aux Droits humains. L’État doit intégrer les droits de la personne humaine dans les programmes d’alphabétisation et d’enseignement aux différents cycles scolaires et universitaires et dans tous les programmes de formation des forces armées, des forces de sécurité publique et assimilées. L’Etat doit également assurer dans les langues nationales par tous les moyens de communication de masse, en particulier par la radiodiffusion et la télévision, la diffusion et l’enseignement de ces mêmes droits. Article 26 : Quiconque occupe un emploi public ou exerce une fonction publique est comptable de son activité et doit respecter le principe de neutralité du service public. Il ne doit user de ses fonctions à des fins autres que l’intérêt de tous. La vulgarisation de ces droits est une obligation qui incombe à l’État. Malheureusement, très peu de citoyens y ont accès.

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LA SOCIÉTÉ CIVILE DIVISÉE ET INFILTRÉE La participation de la population à la vie de la cité est une des conditions de la bonne gouvernance. Pour qu’elle puisse être efficace, la participation exige l’existence d’une société civile dynamique, efficace et structurée pour permettre l’intégration des préoccupations des différents groupes composants du pays. Plus proche de la population, la société civile est plus en mesure de contribuer à une synthèse des aspirations des différentes composantes de la société. Elle veillera également à l’information de la population et à surveiller les actions gouvernementales dans l’intérêt de la population. L’apport de la Société civile pour une meilleure participation de la population est d’autant plus important, que d’une part, la décentralisation peine à s’implanter dans beaucoup de pays et que, d’autre part, le taux élevé d’analphabétisme dans la majorité des pays surtout en milieu rural, constitue un véritable handicap à l’information des populations. La Société civile se compose des associations, des ONG, des groupements villageois, des syndicats et des organisations professionnelles, de la presse, des chefferies traditionnelles, des mouvements religieux. En 2007, la société civile guinéenne avait tenté de provoquer des changements politiques majeurs, en imposant ses choix politiques au pouvoir exécutif, notamment la nomination d’un Premier ministre aux pouvoirs étendus. Grâce à une mobilisation populaire sans égale sur toute l’étendue du territoire. Une véritable révolte qui a poussé le pouvoir dans ses derniers 109

retranchements. Ce qui constitua une illustration de la capacité de mobilisation et d’influence sur les pouvoirs publics de la société civile. Le mouvement social dirigé par Rabiatou Sérah Diallo, Ibrahima Fofana, sans l’appui des partis politiques d’opposition, avait poussé le président de la République à nommer Lansana Kouyaté au poste de Premier ministre et un gouvernement de consensus avait été formé. Hélas, l’enthousiasme n’a été que de courte durée, et sa destitution a été vite provoquée par « les vautours » du palais. Au point que son successeur a été l’un de ceux qui avaient été chassés par les mouvements de rues, en l’occurrence, Ahmed Tidiane Souaré, qui demeura au poste jusqu’à la mort du président Lansana Conté, un an plus tard. La rupture ainsi annoncée a été une nouvelle fois ajournée. On comprend alors que la capacité de la société civile à jouer un rôle efficace, exige d’elle qu’elle fonctionne aussi selon les règles démocratiques (transparence, imputabilité, impartialité, légalité, etc.), nécessite qu’elle ait des moyens de sa politique et qu’elle se comporte de manière professionnelle. Évidemment, la société civile a besoin d’espace de communication pour atteindre le maximum de citoyens. Et les médias d’État, souvent fermés à la critique sur les mauvaises décisions du gouvernement, n’ont pas su permettre aux acteurs de la société civile de s’exprimer librement. Il fallut donc attendre la démonopolisation de l’audiovisuel pour que les diverses opinions puissent être relayées. C’est sous le régime de Lansana Conté que la liberté de la presse et la libéralisation de l’espace audiovisuel ont vu le jour. Des lois ont été votées. Plus récemment encore, 110

précisément en 2010, pendant la transition militaire, sous Sékouba Konaté, la dépénalisation des délits de presse a été obtenue. S’il faut saluer le courage de la presse privée dans la lutte pour une libéralisation de la vie politique, il y a lieu de noter qu’elle est marquée par une pénurie de ressources financières et humaines. Ainsi pour pouvoir survivre, elle est souvent contrainte à devenir une presse d’opinions ayant tendance à diffuser des informations à sensation. Ces difficultés sont aggravées par les entraves créées par l’administration à la liberté de presse. Les multiples saisies de la presse, les amendes lourdes imposées contre les presses privées, les arrestations, voire les emprisonnements des journalistes, limitaient les capacités du quatrième pouvoir à informer la population et à dénoncer les abus et les errements du pouvoir en place. Des pratiques qui ont cessé, même si les menaces et autres violences exercées sur les hommes de médias persistent. En ce qui concerne les ONG et les associations, elles manquent de ressources et vivent le plus souvent de subventions de partenaires extérieurs, ce qui réduit leur marge de manœuvre. En outre, une simple enquête permet de saisir l’ampleur des difficultés auxquelles font face les ONG. La plupart des ONG n’ont ni siège, ni moyens financiers pour pouvoir assurer les tâches administratives minimales. Le besoin de renforcement de leurs capacités institutionnelles et humaines est donc évident. Si la contribution de la société civile dans la lutte pour la libéralisation de la vie politique a été remarquable en 2007, il faut cependant regretter qu’une fois le changement démocratique formel obtenu, elle a perdu de sa cohésion, voire a plus ou moins éclaté. « Les forces centripètes ont pris le dessus sur l’intérêt général, chaque groupe s’étant cantonné dans des revendications catégorielles. Plus grave, certains responsables des ONG 111

se sont inféodés au pouvoir exécutif, avec une ambition affichée, celle de devenir membre du gouvernement ou d’institutions étatiques. Les plus illustres d’entre eux ont occupé des fonctions ministérielles ou présidé aux destinées d’institutions constitutionnelles. Sans avoir préparé la relève. Malgré tout, parmi elles certaines font bonne figure et honorent le pays au niveau national et international.

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REFONDER LA JUSTICE SOCIALE Jamais notre société n’a parlé autant de la justice sociale, alors qu’elle n’a jamais admis dans les faits autant de grandes injustices. Jamais elle n’a autant ponctué ses discours, ses plans ou ses lois, du mot « social » — Cohésion sociale, justice sociale – alors qu’elle n’a jamais fait aussi peu pour l’équité. La réalité de notre système est qu’il protège ceux qui ont quelque chose et qu’il est très dur avec ceux qui n’ont rien. Pour dire les choses simplement, c’est la loi du plus fort, du plus riche. Comment en est-on arrivé là ? En différant les réformes qu’il fallait faire : celle de l’État qui coûte trop cher sans être efficace et celle de la protection sociale qui gaspille trop d’argent, à des fins politiques. Depuis longtemps déjà, la Guinée avait découragé l’initiative et s’acharnait à punir la réussite. Empêcher les plus dynamiques de réussir socialement. À force de vouloir l’égalitarisme pour chacun, on finit par pénaliser tout le monde. Les économistes l’ont dit et répété. Le double phénomène de diabolisation et de déification de l’argent et des hommes riches est un phénomène frappant, en Guinée, plus que partout ailleurs. Un milliardaire peut se faire en un laps de temps, pourvu qu’il rentre dans les bonnes grâces du pouvoir et qu’il rafle les gros marchés publics. Évidemment, il s’appauvrit aussitôt qu’il est lâché. Les exemples font légion. Pour les uns, l’argent n’est que corruption. Corruption du sport, de la politique, des affaires en général. Il achète 113

tout, travestit tout, détruit tout. Ce que François Mitterrand appelait si habilement « argent honni ». Pour les autres, l’argent serait l’expression du bonheur. Permettant tout, offrant tout, facilitant tout. Sa recherche finissant par être obsessionnelle. Ces attitudes extrêmes et pas forcément contradictoires traduisent une gêne vis-à-vis de la réussite matérielle. Au lieu d’être exemplaire et de servir de référence, cette réussite est bien souvent comprise comme suspecte, étrange, au final, illégitime. Notre pays doit passer de la justice virtuelle ou théorique à la justice réelle et concrète. Pour cela, il n’y a rien de plus important que de restaurer le travail comme une valeur cardinale. Et pour cela encore il n’y a qu’un seul moyen : « prouver que le travail paye », c’est-à-dire qu’il donne une récompense en termes de rémunération et de considération. Il n’y a rien de plus démotivant que de constater qu’un surcroît de travail ou de responsabilité n’apporte rien. Les revenus du travail doivent en toutes circonstances être supérieurs à ceux de l’assistance. Chacun doit avoir la certitude que s’il le mérite, le chemin de la promotion sociale lui est ouvert, même sans posséder d’amis ou de parents haut placés, comme c’est le cas depuis fort longtemps. Le choix en définitive doit être celui de la promotion sociale, c’est-àdire l’espoir donné à chacun que par son travail et son mérite, il vivra mieux que ses parents, ses enfants mieux que lui, et que de cette ascension sociale il sera le témoin heureux et serein. La Guinée doit s’orienter vers une société où celui qui travaille progresse dans l’échelle sociale et où celui qui veut travailler est aidé à trouver un emploi pour exaucer son vœu de promotion sociale. Dans ce domaine, beaucoup d’actions devront être déclenchées.

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La promotion et la protection du genre doivent être encouragées par les pouvoirs publics. La place de la femme dans les sphères de l’État doit être préservée. Car à y regarder de près, on se rend bien compte du nombre très réduit de femmes au gouvernement, au parlement et dans biens d’autres secteurs de prise de décisions. Un déficit qui devra être corrigé.

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SECOND MANDAT LA RUPTURE EST-ELLE POSSIBLE ? Comme elle est différente de celle du 21 décembre 2010, cette matinée du 14 décembre 2015, la cérémonie de prestation de serment du président de la République Alpha Condé a lieu au palais Mohamed V, anciennement Palais des Nations, et non au Palais du Peuple. Du faste, de l’apparat, rien n’a été épargné. Tout a été soigneusement préparé et minuté. Le cadre est somptueux. Distingués invités et membres du cabinet s’auto-congratulent. Aucune émotion, c’est naturel. Tous ceux qui sont là ont remporté la victoire ou consommé dans le silence leur défaite, excepté Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG et arrivé deuxième. Excepté Lansana Kouyaté, leader de PEDN. En même temps, quel soulagement ! On est sûr de garder le pouvoir et ses attributs : voitures officielles, chauffeurs, motards, cocardes, gyrophares, secrétaires, téléphones, voyages... Cinq ans encore pour asseoir son avenir. En ce lundi de décembre, combien pensent à dire « merci » à celui qui les a faits ? On s’habitue vite aux honneurs, à la facilité et l’on oublie comment on les a obtenus. La vision de la récompense, c’est du passé, l’artisan se reconnaîtra au pied du mur. Le vieil antagonisme entre clans rivaux va devoir s’apaiser. Beaucoup pensent déjà à tort que le nouveau Premier ministre sera différent de son prédécesseur, Mohamed Saïd Fofana, qui avait su dissimuler ses traits de chef du gouvernement. Son pouvoir était sous le boubou. Sans reflet. Il savait dès les premiers jours que le pouvoir d’Alpha Condé était entier, 117

comme celui de ses prédécesseurs, comme celui de ses pairs d’ici et d’ailleurs. Le président à peine réinstallé est prêt. Il acceptera dans son gouvernement des personnalités d’autres bords politiques, notamment ceux qui ont « contribué » et bien plus succombé à sa victoire, qu’ils présentent comme franche, même si au début de la course certains d’entre eux l’accusaient de tous les maux d’Israël. La politique n’est pas « hygiénique », aimait à répéter un grand homme d’État. Elle sert des intérêts immédiats, caractérisés par des alliances fragiles. Celui qui deviendra le haut représentant du Chef de l’État, Sidya Touré, leader de l’UFR, avait vite multiplié les gestes d’apaisement. Se souvient-on de sa phrase lancée de manière impromptue sur une radio locale : « Un opposant qui n’arrive pas au pouvoir est comme un gros chat à la maison qui n’attrape pas de souris ». Alpha Condé veut se draper dans les habits tant convoités de Mandela. Il a promis d’être le Mandela de la Guinée. Inutile de dire que le président reste le maître des questions diplomatiques, de la Défense et aussi des questions de développement. Il n’est en rien différent, sur ce plan, de Sékou Touré et de Lansana Conté, tous jaloux de leur pouvoir. Tous se vantent de l’avoir obtenu grâce à la confiance du peuple, au nom duquel ils l’exercent, sans partage. Ils sont en première ligne et ne laissent aucune place au « fusible ». Au début du second mandat, des responsables du RPG, même mécontents, n’osent pas remuer la langue. Ils ruminent et ne sauraient fulminer. Alpha leur a demandé gentiment de le laisser faire de la politique. Il en est un maître à penser. Il y a passé toute sa vie ou presque. Le président apparaît sous un nouveau jour, comme un homme courageux et généreux. Il a comme, on dit, « le cœur sur la main », toujours présent pour aider ses amis dans les moments difficiles. Beaucoup d’entre eux qui 118

espéraient occuper la fonction de Premier ministre seront déçus. À l’annonce du nom du PM, tout le monde est surpris : un technocrate « froid », connu des milieux miniers et pas de l’opinion, Mamady Youla. Ceux qui le connaissent, comme le chef de file de l’opposition, saluent sa compétence et regrettent le fait qu’il n’aurait pas les mains libres.

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NOUVEAUX DÉFIS CHOIX DE CADRES COMPÉTENTS Le premier défi, c’était celui de la bonne gouvernance supportée par des cadres compétents et honnêtes c’est-àdire choix du Premier ministre et composition de l’équipe gouvernementale. Alpha Condé se plaignait de ne pas connaître les cadres, comme Lansana Conté l’avait dit et répété après son arrivée au pouvoir. Il se vante de les connaître maintenant. Ainsi, toute décision de nomination de sa part devrait être exempte d’erreur d’appréciation. Une question quand même : le gouvernement ainsi constitué est-il le plus apte à revitaliser une économie que la corruption et le virus Ebola ont fragilisée, à porter les industries ou ce qu’il en reste au plus haut ? À sa nomination à la primature, Mamady Youla, c’est vraiment un changement. Un sondage montrerait un grand nombre de voix favorables. Mais le PM doit compter avec tous ceux qui lui dénient toute légitimité et voient dans son arrivée le fait du prince. Au palais comme au parti RPG, sa nomination passa mal. Pour tous ceux qui s’estimaient plus dignes de la fonction, la pilule fut amère. Le chef de l’État est souverain en la matière. C’est la Constitution que le lui confère. Rien de mal lorsqu’on sait, pour paraphraser un journaliste célèbre, que « la vie vous apprendra que c’est la jalousie qui mène le monde. » C’est peut-être la jalousie qui empêchera le gouvernement d’obtenir des résultats. Ils s’y sont tous mis, les amis d’hier, comme certains conseillers de Sekhoutouréya, qui auraient dû le soutenir. 121

Certains « caciques » de la mouvance présidentielle considèrent le nouveau Premier ministre comme un simple usurpateur. Le président, lui, contrairement aux autres, attendait de cette nomination un sursaut, un renouveau d’intérêt pour la chose publique ; c’est son entourage qui, le premier, sabote cette initiative à laquelle il devra, malgré lui, mettre un terme un jour ou l’autre, s’il tient à gagner son pari.

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LA RÉFORME ET LA DÉMOCRATIE La réforme est-elle incompatible avec la démocratie ? La démocratie rythmée par les élections ne favorise pas nécessairement la clairvoyance ni le courage. Répondre à la question est davantage l’affaire des hommes politiques que de la démocratie elle-même, qui est ce que chacun en fait. S’il s’agit d’éviter les allers et retours qui déconcertent et compromettent l’avenir, la démocratie est utile. De toute manière, la société guinéenne ne s’est jamais prêtée aux changements autoritaires et rapides, sauf durant la Révolution du PDG-RDA qui la laissa exsangue et désorganisée. Finalement, dictature ou république libérale, ancien régime ou société moderne, c’est toujours la même chose : la Guinée a du mal à organiser son évolution dans le calme et dans l’esprit démocratique. En Guinée, c’est la liberté qui est une idée neuve, pas l’État. C’est la liberté qui est une pensée hétérodoxe, le culte de la liberté est le contraire de la pensée unique. La voie de l’avenir c’est celle d’un libéralisme fondé sur une véritable connaissance à la fois des aspirations et des besoins de la société et à une volonté ferme de s’y adapter. La Guinée était exsangue. Les choses ne pouvaient pas demeurer en l’état. Bien sûr, il faudra de la souplesse, de la modestie et de la détermination. C’est la méthode de la réforme. L’apologie du volontarisme est légitime s’il s’agit d’une volonté constante, qui ne se perd pas dans les détails ; elle est absurde s’il s’agit de vouloir tout changer sans précaution, car cela conduit à tous les reculs. Bien 123

sûr, la réforme suppose du temps, la durée permet l’explication et l’adhésion des esprits. Rien n’est plus faux que d’assimiler la brutalité à la ténacité. Les réformes nécessaires aujourd’hui, chacun les connaît, bien peu s’y résignent, moins encore les veulent : mieux assurer la croissance et l’emploi, en particulier celui des jeunes, rendre force et dynamisme à la société en bannissant les charges, en supprimant nombre de contraintes et de réglementations, garantir financièrement la protection sociale, en diversifiant les prestations en fonction des besoins, moderniser l’éducation en la décentralisant davantage, en la désuniformisant. Ces réformes indispensables, entreprises dans une compétition mondiale farouche, nécessitent des sacrifices de chacune des catégories sociales. Si la Guinée veut redevenir une grande nation, prospère comme son sous-sol, dynamique, exportatrice, comme elle l’était pendant la période coloniale, voire plus, il lui faut admettre le changement comme la clé de voûte, comme un passage obligé, au total, elle doit « épouser son siècle », comme disait de Gaulle. On sait par exemple que le chômage est le mal fondamental de notre société, dû à l’insuffisance de la croissance, mais, d’abord et avant tout, à la rigidité des mécanismes économiques et sociaux. D’autres font beaucoup mieux que nous, non parce qu’ils ont des monnaies sous-évaluées ou des déficits publics plus importants, mais parce qu’ils sont régis par des règles plus souples, moins nombreuses, qu’ils sont plus rapides, moins englués dans les pratiques qui ne correspondent plus aux besoins de l’époque. Aujourd’hui, le courage consiste à dire que le coût du travail est trop élevé pour les entreprises. Et que l’État doit y faire face, avec réalisme et effort de compromis, lorsque c’est nécessaire. 124

DE QUOI LA GUINÉE A-T-ELLE BESOIN ? La Guinée et les Guinéens ont vécu entre réussites et échecs, espoirs et déceptions. Au point de faire dire aux observateurs avertis que ce pays aux potentialités énormes, si rien n’est jamais acquis, rien n’est jamais perdu. Et il conviendrait pour la Guinée d’aller vers un changement de caractère. Une question alors vient à l’esprit tout de suite : le caractère du pays peut-il changer ? Dans tous les cas de figure, pour affronter le tournant du siècle, la Guinée n’a nul besoin d’oublier qui elle est, ni ce qu’elle représente, nul besoin non plus de se crisper sur elle – même en refusant de prendre toute sa part dans la course au progrès et d’en tirer les conséquences. La Guinée — de Sékou Touré à Alpha Condé —, sans exception, est incroyablement fière, parfois vaniteuse : c’est à la fois sa qualité et son défaut. Mais surtout son défaut, ce qui lui a fait perdre une certaine crédibilité. Les gouvernants ont le devoir de lui redonner confiance, non pas en la berçant d’illusions, mais en faisant appel à son goût « évanoui » du défi, de l’émulation entre ses meilleures compétences. Ce à quoi s’essaie le président Alpha Condé. Ils devront aussi pouvoir rendre aux Guinéens l’espoir tant agité, hélas, rarement comblé, l’optimisme et surtout la foi en eux-mêmes, car très généralement ils sont présentés comme des moins que rien, incapables du plus petit sursaut. Les Guinéens doivent avoir le sentiment, ou plus exactement la certitude d’avoir choisi les dirigeants qui 125

ont un dessein clair, une volonté ferme, une sincérité véritable qui entraîne un patriotisme intransigeant. Que d’efforts pour combattre toutes les scléroses, l’attentisme, la paresse, la défense farouche d’intérêts dépassés, bien souvent égoïstes. La lutte contre le scepticisme, contre le sentiment que donne notre société de se raidir sur elle-même et de refuser toute évolution, doit être désormais engagée. Cette lutte ne devra connaître ni trêve ni fin. Qui ne sait pas qu’avec tant de violences, de tragédies vécues depuis son indépendance, le pays a besoin de relire les pages sombres de son histoire. Sans gêne. Avec un double objectif : éviter les erreurs du passé et se projeter vers l’avenir, avec toujours présent à l’esprit l’adage qui dit que « l’union fait la force » et que la justice fonde la paix civile. La Guinée, pour se reconstruire, a des besoins énormes : La Guinée a besoin de vérité et de réconciliation Le temps presse. Autour du pays qui aurait dû être le phare, tout a changé. Il aurait pu être le plus fort, hélas. Il n’empêche, il doit, en tout cas, devenir le plus rayonnant. C’est encore possible. Il y a encore pour la Guinée une grande place dans le monde. À elle de l’occuper. Tout dépendra des politiques choisies et mises en œuvre, tout dépendra aussi de la qualité des hommes qui gouvernent le pays dans tous les compartiments. Beaucoup de Guinéens refusent de voir les réalités en face ou, en tout cas, ne se donnent pas les moyens de les changer. L’État n’a pas su créer, pour le moment, de la richesse. Si le pays est un grand exportateur de minerai, il n’arrive toujours pas à devenir une des puissances sousrégionales, telle la Côte d’Ivoire qui se remet pourtant de plusieurs années de guerre civile. 126

Peut-on, pour caractériser les grandes tendances de l’opinion, continuer d’opposer le réalisme à l’irréalisme, la liberté à la justice, le culte des nations à celui des Droits de l’Homme ? Les choses sont devenues moins simples. Les positions des uns et des autres se rapprochent sur les meilleurs moyens d’assurer l’efficacité économique, la justice sociale, la liberté individuelle, la politique étrangère, la restructuration des forces de défense et de sécurité. Mais, l’opinion guinéenne ne doit pas avoir le sentiment que règne un conformisme général, que tous sont ralliés aux mêmes solutions et qu’il n’y a plus désormais de choix qu’entre des hommes aux propos plus ou moins séduisants et non pas entre des idées et des projets qui les traduisent dans les faits. Il faut retrouver le vrai sens de la politique : le choix de décisions claires, exprimant une conception de la société compréhensible par tous, ne fût-elle pas celle de tous ni leur mise en œuvre résolue… La Commission nationale provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale codirigée par le Grand Imam de la Mosquée Fayçal et l’Archevêque de Conakry a fait des recommandations dans son rapport final. Ces recommandations dont nous publions un extrait devront être approfondies et exécutées par une véritable structure qui fera appel à toutes les compétences. A.

Recommandations générales

1. Que le Gouvernement s’engage à la mise en place des mécanismes de la justice de transition répondant effectivement aux attentes formulées par les populations au cours des consultations nationales ; 2. Que le Gouvernement, les Nations Unies et les autres partenaires techniques et financiers engagent des discussions urgentes en vue de la mise en œuvre des

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recommandations formulées dans le présent rapport aux niveaux stratégique, programmatique et opérationnel ; 3. Que la communauté internationale poursuive son appui au processus de réconciliation en Guinée en assurant le financement nécessaire pour la mise en œuvre des recommandations ; 4. Que la prise en compte des besoins spécifiques des hommes et des femmes soit intégrée dans les mécanismes qui seront mis en place pour la réconciliation nationale en Guinée ; 5. Que des réparations urgentes soient engagées pour les cas des victimes ayant des besoins pressants et ne pouvant attendre la mise en place et l’opérationnalisation des mécanismes proposés ; 6. Que les acteurs politiques privilégient le dialogue comme mode de règlement des conflits ; 7. Que la journée historique du 28 septembre soit institutionnalisée comme journée nationale du repentir, du pardon et de demande de grâce à Dieu pour le peuple de Guinée. B. Recommandations concernant le droit à la vérité 8. Qu’il soit créé par voie législative, une commission de vérité reposant sur les principes et standards existant en la matière, 9. À cet effet, la Commission devra : a) Prendre en charge les violations suivantes : — Assassinats, — Arrestations et détentions arbitraires, — Pillages des biens, — Actes de torture, — Destructions des infrastructures publiques et privées, 128

— Coups et blessures graves, — Viols, — Exécutions sommaires, — Violences sexuelles, — Incendies des maisons, — Décisions judiciaires injustes, — Exécutions des personnes par le feu, — Exils forcés, — Dévastations des champs et du bétail, — Dénonciations des victimes pour les faire tuer, — Spoliations des biens et des propriétés, — Expropriations pour cause d’utilité publique sans indemnisation, — Expulsions. b) Enquêter sur les violations commises de 1958 à 2015. c) Être composée de personnalités de bonne moralité selon les préférences suivantes : — Membres des confessions religieuses, — Personnalités nationales choisies pour leur qualité personnelle, — Membres des organisations de la société civile, — Membres des professions libérales, — Personnalités étrangères choisies pour leur qualité personnelle — Agents du gouvernement/administration. d) Suivre dans son fonctionnement les standards existant en matière de conduite des travaux d’une Commission-vérité, e) Proposer des mesures devant garantir la nonrépétition des actes de violences graves commis, f) Être indépendante de tout pouvoir et faire preuve d’impartialité, g) Accorder une grande attention aux groupes vulnérables particulièrement aux personnes âgées, aux 129

personnes vivant avec des handicaps, aux enfants et surtout aux femmes ayant des besoins spécifiques, h) Proposer des mesures visant la mise en place d’un programme de réparations qui tiennent compte du contexte guinéen, i) Proposer des mesures d’apaisement des victimes, j) Publier les conclusions de ses travaux et des mécanismes de suivi. C. Recommandations sur le droit à la justice 10. Que les mesures prises dans le cadre de la réforme de la justice en cours soient dynamisées et que la justice soit plus proche des citoyens, 11. Que des sanctions exemplaires soient prises à l’égard des acteurs judiciaires qui violent les lois, 12. Que la chaîne pénale soit renforcée afin de rétablir la confiance entre les justiciables et la justice. D. Recommandations relatives aux réparations 13. Que des réparations urgentes soient engagées pour des victimes dont la situation de vulnérabilité est attestée et nécessite une prise en charge médicale et psychologique ; 14. Qu’un programme de réparation réaliste tenant compte des réparations individuelles, collectives, matérielles et symboliques soit proposé par la Commission-vérité à la suite des travaux. À ce titre, d’autres mesures doivent être envisagées : a) des mesures efficaces visant à faire cesser les violations persistantes dans notre pays ; b) la recherche des personnes disparues et des corps des personnes tuées ; c) l’assistance y compris internationale pour la récupération, l’identification et la réinhumation des corps 130

conformément aux vœux exprimés ou présumés de la victime ou aux pratiques culturelles des familles et des communautés ; d) une déclaration officielle ou des décisions de justice rétablissant les victimes et les personnes qui ont un lien étroit avec elles dans leur dignité, leur réputation et leurs droits ; e) les excuses publiques, notamment la reconnaissance des faits et l’acceptation de la responsabilité de l’État et de ses préposés ; f) les sanctions judiciaires et administratives à l’encontre des personnes responsables des violations ; g) la construction de stèles ; h) les commémorations et hommages aux victimes. E. Recommandations institutionnelles

liées

aux

réformes

15. Que des dispositions appropriées soient prises en vue de la rédaction et de l’enseignement de l’histoire générale de la Guinée ; 16. Que des réformes engagées dans les secteurs de la justice, de l’administration, de la défense et de la sécurité soient dynamisées et soutenues par une stratégie de communication appropriée ; 17. Que des mesures idoines soient prises en vue de lutter contre l’instrumentalisation des ethnies à des fins politiques ; 18. Que des actions soient menées tant sur le plan légal qu’institutionnel en vue d’une professionnalisation de l’administration en général et de l’administration électorale en particulier ; 19. Que les institutions républicaines soient renforcées en vue de servir de rempart à la commission de nouveaux actes de violations des Droits de l’Homme ;

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20. Que l’approche genre soit prise en compte dans l’ensemble des réformes institutionnelles ; Il est bien clair que ces recommandations méritent d’être appliquées. Elles sont de nature à réconcilier les Guinéens entre eux et à promouvoir l’État de droit dans un pays qui en a tant besoin.

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ET LA LIBERTÉ ? La Guinée a incontestablement besoin de liberté en tant que « nécessité bien comprise », besoin d’une société de mérite et de promotion, où chacun reçoit le juste prix de ses efforts fondé d’abord sur la responsabilité et l’initiative individuelle. Pourtant beaucoup de Guinéens, portés au nivellement et à l’uniformité, sont tentés, à la moindre difficulté, de recourir à l’État et à ses contraintes. Notre pays baigne depuis plusieurs générations dans un conformisme qui lui sert de pensée unique. Il inhibe toutes les initiatives, effarouche tous les partisans du changement. La liberté est aujourd’hui une idée à « rénover » dans la société guinéenne. La culture de la liberté doit y compléter la culture de l’égalité. La Guinée a besoin de réformes Le changement annoncé, organisé est aussi une idée neuve, et non plus les troubles désordonnés, la révolution brutale. Elle y est moins préparée que d’autres, plus portée à défendre le statu quo dans lequel elle voit la garantie de la justice, du caractère intangible de l’idéal républicain. Nul ne doit se résigner et se dire qu’il est légitime, au nom des mentalités et d’une exception guinéenne, prétexte d’une identité perpétuellement figée, de refuser le changement. Une question se pose à nos dirigeants d’hier, mais surtout d’aujourd’hui : quel pays laisseront-ils à ceux qui vont leur succéder, un pays sclérosé, paralysé par les règles innombrables, incapables de lutter avec les puissances de demain, ou alors un pays rajeuni et prêt à la 133

compétition ? Ils ont le choix entre la réforme voulue et organisée, ou bien une révolution brutale, avec ses injustices et ses actions destructrices ou encore une inexorable décadence. Le sens du renouveau est clair : il faut un État protecteur des libertés, mais pas gestionnaire de l’économie, un État qui fixe le cadre dans lequel l’initiative de chacun peut se déployer à l’aise, mais qui ne prétend pas s’y substituer en toutes circonstances en réglant tout lui-même, au risque de devenir totalitaire et policier comme du temps fort triste du régime de Sékou Touré — un État plus impartial, plus souple, plus respectueux des autonomies personnelles, locales et professionnelles, moins boulimiques, ne réduisant pas à néant le dynamisme spontané des groupes et des individus. Le temps presse. Rien ne nous sera donné que nous n’ayons gagné nous-mêmes, en dominant nos réactions de crainte devant l’avenir. Bien heureusement, la jeunesse et les réseaux sociaux en constituent des garanties. L’information circule. Nul ne peut plus rien cacher, ce qui contribue à aseptiser la vie publique. On peut bien se réjouir du fait que les jeunes, tous genres confondus, ont pris leur juste place dans les réseaux sociaux, mieux que les hommes de médias. Avec leur talent, la Guinée se réveille. La Guinée a besoin de dialogue et de stabilité Nelson Mandela, cet immense leader politique sudafricain auquel Alpha Condé a souhaité ressembler en termes d’héritage politique, a affirmé dans un chemin vers la liberté qu’il "n’était pas un messie, mais un homme ordinaire qui était devenu un leader en raison de circonstances extraordinaires." Ces circonstances extraordinaires sont semblables aux opportunités qui 134

s’offrent à lui au cours de ce deuxième mandat à la tête de la Guinée. L’âge et le parcours politique qui sont une source d’inspiration, la recomposition de l’espace politique qui lui garantit une majorité confortable à l’Assemblée nationale, la réelle volonté exprimée par les citoyens lors de la dernière présidentielle de placer la construction du pays au-dessus de toutes divergences et autres considérations particularistes… sont autant de facteurs à la disposition du pouvoir pour travailler à la reconstruction du pays. En guise de symboles forts, deux éminents responsables de OSIWA dans une lettre ouverte au président Alpha Condé indiquaient : « Il est vrai que vous n’êtes pas un messie, mais vous avez encore les moyens de poser ces actes forts dans la mesure où, ainsi que vous l’affirmiez encore dans votre discours d’investiture de décembre 2015, "l’essentiel de (vos) actions vise à atteindre (les) objectifs qui demeurent : la construction d’un pays uni, fort, libre et fraternel. Un pays tourné vers la prise en compte des aspirations (des) populations, par une gouvernance soucieuse d’offrir aux uns et autres une vie meilleure…". Ce sont ces actes qui vous rapprocheront de la philosophie et de la démarche de Nelson Mandela. Ce sont ces actes, Monsieur le Président de la République, qui jetteront les bases de la construction du « rêve guinéen. » La stabilité n’est possible que si l’État réussit à maintenir la cohésion sociale et parvient à faire appliquer la loi de manière équitable.

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L’AVENIR DE LA GUINÉE S’il est vrai qu’une certaine Afrique est actuellement dans une situation très difficile à cause des guerres civiles et tribales, les éléments porteurs d’espoir demeurent nombreux et importants, car il existe aussi une Afrique en paix et qui travaille. Pour cette Afrique-là, les dures leçons de la crise passée sont une source d’expérience quotidiennement mise à profit. Tout chef d’État est par nature quelqu’un qui lutte, et quelle que soit la situation à laquelle il est confronté, il fait preuve d’afro-réalisme. C’est une attitude faite de raison et de résistance devant les difficultés. Ce qui signifie que ni la fatalité ni les difficultés ne peuvent empêcher d’inventer l’avenir, pour reprendre des propos chers à Abdou Diouf, ancien président du Sénégal. Certes, il faut évoquer l’avenir sans complexe, avec une volonté claire, d’adapter notre société, encore traditionnelle et essentiellement agricole, aux défis de la modernité, de l’industrialisation, des technologies avancées et de l’internalisation des échanges. Autrement dit, esquisser un projet de société qui n’occulte aucune difficulté. Si le pragmatisme raisonné imprègne la volonté politique affichée, tout comme les voies à suivre, en revanche, il est évident qu’il n’y a pas de grandes actions sans rêve anticipateur. Exemple, l’un des défis qui attend le pouvoir, c’est celui de maîtriser un formidable enjeu démographique. D’ici vingt-cinq ans, la population guinéenne pourrait doubler, selon les experts. Lesquels pensent que c’est une chance et une force pour le pays, à condition d’avancer 137

vers un nouveau modèle de développement où la responsabilité individuelle est le centre nerveux des ambitions et des réussites attendues. Responsabiliser est la condition nécessaire à tout acte de progrès pour qui veut conquérir l’avenir souhaité. La place de la jeunesse dans la dynamique du développement est primordiale. C’est pourquoi, il est fort conseillé de créer toutes les conditions possibles pour une meilleure intégration des jeunes, avec l’objectif de toujours mettre en valeur la responsabilité. Le ministère de la Jeunesse ne ménage certes aucun effort. Sauf que les ressources affectées sont insuffisantes. L’État entend favoriser l’insertion par des soutiens à la création de projets individuels grâce à d’importants financements communément appelés fonds sociaux. Des fonds à la fois motivants et productifs, favorisant l’auto-emploi, c’est-àdire l’autoproduction de services qui participent aux divers processus du développement. Au total, il s’agira de donner à chacun la meilleure chance de réaliser ses capacités personnelles, d’accéder à un vrai métier, de maîtriser sa vie, de refuser le repli sur soi et son corollaire qui est du tout attendre d’un Étatprovidence, aujourd’hui révolu, là réside l’inspiration libérale et sociale de la société guinéenne souvent réfractaire à un changement auquel elle aspire, mais a une peur inexpliquée. De même, dans ce contexte de progression démographique, cette quête de responsabilisation prendra en compte prioritairement l’avenir de la femme et de la famille. En Guinée, un ministère a été spécialement créé à cette fin. Qu’il s’agisse de la scolarisation des jeunes filles, de la formation professionnelle, du planning familial, bref de la place et du rôle de la femme dans une société africaine moderne, toutes ces questions devront faire l’objet d’une réflexion politique assidue pour trouver 138

les meilleures solutions possibles sur le plan social et économique. Déjà, les femmes guinéennes y participent avec intelligence et ardeur, même si leur nombre est encore insuffisant dans tous les rouages de l’administration et du secteur privé. L’autre défi du développement portera sur l’économie. L’assainissement des finances publiques est une urgence pour conforter la crédibilité. La Guinée nourrit des ambitions légitimes de développement dans tous les domaines. Ces ambitions ne pourront être matérialisées qu’avec une rigueur exemplaire de la base jusqu’au sommet de l’État. En quête de rupture… les Guinéens peuvent toujours en rêver !

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ANNEXES SECOND MANDAT — DISCOURS D’INVESTITURE DU PRÉSIDENT ALPHA CONDE (CONAKRY, 14 DÉCEMBRE 2015) Excellences Madame et Messieurs les Chefs d’État, Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle, Mesdames institutions,

et

messieurs

les

représentants

des

Mesdames messieurs les membres du gouvernement, Honorables invités, Chers amis de la Guinée, Chers compatriotes, Je suis très sensible aux témoignages d’amitié et de soutien qui me sont adressés depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015. Et je voudrai ici remercier et souhaiter la bienvenue en Guinée, notre cher pays, à tous nos hôtes, les chefs d’États qui ont bien voulu honorer de leur présence cette cérémonie de prestation de serment. En mon nom propre et celui du peuple guinéen, j’exprime la profonde gratitude pour cette marque de fraternité, d’amitié et de sympathie. Un motif de fierté pour le peuple guinéen. 141

À toutes les délégations des pays frères et amis, aux représentants des organisations internationales et à tous les amis de la Guinée venus en ce jour partager notre fierté, j’exprime ma profonde reconnaissance. Je tiens également à remercier les partenaires internationaux présents à nos côtés ces cinq dernières années, les pays amis et frères qui n’ont ménagé aucun effort pour nous apporter leur soutien, notamment durant les difficiles moments de la crise sanitaire que la Guinée a connue en 2014. Et nous avons œuvré ensemble pour vaincre cette terrible maladie qui a porté un coup dur aux pays touchés et à leurs économies. Chers compatriotes, Le 11 octobre 2015, les Guinéens dans leur grande majorité ont exprimé leur choix en faveur de ma candidature à l’élection présidentielle. C’est un honneur pour moi de remercier le peuple de Guinée. Pour cette nouvelle marque de confiance, qu’il vient de me renouveler, en me portant pour une seconde fois à la magistrature suprême de notre pays. C’est un nouveau mandat présidentiel me permettant, de continuer l’œuvre commune que nous avons entreprise ensemble au cours des cinq dernières années. Pour donner un autre avenir à la République de Guinée, sur le plan politique, économique et social. Je me réjouis du travail accompli durant ce quinquennat, avec l’ensemble des forces vives du pays : les jeunes, les femmes, les travailleurs, pour construire ensemble une Guinée nouvelle, moderne et dynamique.

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Ce jour de prestation de serment intervient après une consultation électorale libre et inclusive. C’est un jour symbolique pour notre nation parce qu’il contribue au renforcement du processus démocratique engagé depuis 2010. Nous avons organisé cette dernière élection dans un contexte pacifique, un climat apaisé qui est l’illustration de la maturité politique et citoyenne de nos compatriotes. C’est pourquoi je rends un hommage particulier aux institutions républicaines dont l’ardeur au travail, la compétence et l’indépendance ont assuré le succès de l’organisation de ce scrutin. J’encourage ces institutions à poursuivre cette voie qui crédibilise et consolide la république. J’adresse ma reconnaissance aux forces politiques, aux organisations de la société civile, aux associations professionnelles, aux jeunes, aux femmes et aux anciens qui se sont impliqués pour assurer la tenue d’un scrutin apaisé et le triomphe de notre programme politique : à savoir, La Guinée en marche vers le progrès. Je félicite l’ensemble de la presse nationale qui a fortement contribué à la sérénité et au bon déroulement du scrutin. Je tiens à le relever et à saluer son travail. Peuple de Guinée, le 11 octobre 2015, par votre volonté souveraine, vous m’avez une fois de plus accordé votre confiance pour présider aux destinées de notre cher pays. En me réélisant à la magistrature suprême, vous prenez avec moi un engagement nouveau et fort pour traduire dans les actes notre devise à savoir, le travail, la justice et la solidarité. Je vous promets de consacrer toute mon énergie à préserver l’indépendance de la Guinée, sa souveraineté chèrement acquise, son unité nationale et son rayonnement dans le monde.

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Mes chers compatriotes L’essentiel de nos actions vise à atteindre nos objectifs qui demeurent : la construction d’un pays uni, fort, libre et fraternel. Un pays tourné vers la prise en compte des aspirations de nos populations, par une gouvernance soucieuse d’offrir aux uns et autres une vie meilleure à travers une politique de développement, marquée du sceau de la lutte contre la pauvreté, de la mise en place d’une politique d’éducation et de santé menant à l’épanouissement de nos populations. Parlant de l’avenir, ma pensée va d’abord à la jeunesse et aux femmes, car elles constituent le socle de notre essor économique et social. La Jeunesse et les femmes sont les actrices majeures de la renaissance de la nation guinéenne. Avec elles, nous construisons un nouveau pays, dans un contexte international aujourd’hui marqué par des crises majeures, comme la lutte contre le terrorisme, et la lutte contre le péril climatique. Je suis heureux de retrouver des partenaires internationaux qui nous aident à effectuer cette tâche consistant à faire de la Guinée dans ce contexte, un pays modèle et exemplaire pour l’intégration africaine, la coopération avec les grands ensembles du monde. La Guinée change, avec le renforcement des libertés publiques, une cohésion sociale qui se traduit par un dialogue permanent avec les partis politiques et la société civile afin de gérer ensemble les défis qui se posent à notre république…

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Nous rêvons d’une société prospère pour tous. Il s’agit de relever les défis du développement dans une société de projets qui offrirait des emplois aux jeunes, faciliterait l’autonomisation des femmes, et rendrait plus attractif notre pays dans le cadre d’un partenariat gagnantgagnant avec les acteurs publics et privés extérieurs. C’est pourquoi, je vous promets de continuer à réhabiliter nos infrastructures, nos écoles, pour offrir un meilleur cadre de formation à nos jeunes qui ne seraient plus tentés par les douloureuses migrations à travers les océans dont les télévisions nous offrent aujourd’hui le triste spectacle. C’est dans ce cadre que nous comptons attirer les ressources de notre diaspora vers leurs pays d’origine, afin d’offrir une meilleure image de l’Afrique qui ne serait pas toujours celle de la main tendue, de la charité. Je vous invite à avoir foi en notre pays, à cultiver vivement l’amour pour notre mère patrie, pour notre patrimoine commun. Je demeure convaincu que c’est dans la tolérance, le pardon et la paix que nous allons ensemble faire de notre pays, la Guinée, un pays modèle. Devant toute la Nation guinéenne, je réitère, en ce moment solennel, mon engagement à servir sans faille les intérêts de notre peuple. Porté par le suffrage universel, je reste au service de tous les Guinéens. À mes frères et amis Chefs d’État qui ont fait le déplacement de Conakry, aux éminentes personnalités et à toutes les délégations, je réitère mon ferme engagement à continuer d’œuvrer au renforcement de la paix et de l’intégration africaine, à la consolidation de la coopération internationale et de l’amitié entre les peuples. Vive la Guinée, vive le peuple guinéen uni et solidaire ! Je vous remercie 145

DISCOURS DE KELEFA SALL PRÉSIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE (14 DÉCEMBRE 2015) Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’État, Excellences Mesdames les Premières Dames, Mesdames et Messieurs les Chefs de gouvernement, Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation, Distingués représentants des pays frères et amis, Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions constitutionnelles, Mesdames et Messieurs les Membres du gouvernement, Excellence Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations Internationales accréditées ; Honorables Invités, Mesdames et Messieurs tout protocole respectueusement observé. Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha CONDE, La Cour constitutionnelle a reçu votre Serment et vous installera dans vos fonctions de Président de la République le 21 décembre 2015 conformément à la Constitution. Avant ce jour, permettez-moi de mettre à profit cette circonstance pour m’adresser à vous et à travers vous, à mes compatriotes, dont je sollicite l’attention. L’élection présidentielle du 11 octobre 2015 était, à certains égards, source de risque de troubles sociaux. Les guinéennes et guinéens, en votant massivement, dans le calme et la sérénité, avec un taux de participation de 68,43 %, ont déjoué tous les scénarii imaginés. En cela, ils ont démontré leur maturité politique. C’est par sa capacité à se mobiliser, aux heures difficiles, pour construire ce qui est essentiel à son destin de dignité, qu’un peuple grave l’image que l’histoire retiendra de lui. C’est donc tout 146

naturellement vers ce grand Peuple que vont mes premières félicitations. Les guinéens dans leur majorité et le Tout Puissant et Miséricordieux ont voulu que ce soit vous Professeur Alpha CONDE qui présidiez aux destinées de notre pays. Telle est la loi de la démocratie : la gouvernance par la Majorité, et ce dans le respect de la Minorité. Monsieur le Président de la République, dernier terme de la gloire humaine, la fonction de Président de la République est caractérisée par la brutale coexistence entre notoriété et sujétion. C’est là tout le paradoxe de vos responsabilités futures : vous serez à la fois premier et second, maître et serviteur, supérieur et subordonné. Vous vous êtes engagé solennellement à respecter la constitution et les décisions de justice, à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire, et l’indépendance nationale. Par cet acte, vous venez de faire une déclaration de loyauté et d’engagement signifiant que force doit rester à la loi et que nul n’est au-dessus de la loi. C’est cela un État de droit, un État dans lequel, aussi bien l’État que les citoyens sont soumis sans distinction à l’autorité de la loi. Vous avez été élu le 11 octobre 2015 pour continuer la lutte du peuple de Guinée contre la misère et l’immoralité. La confiance que nos concitoyens viennent de vous renouveler est une reconnaissance pour l’effort fourni et les résultats obtenus, au cours d’un mandat marqué par une crise sanitaire inattendue et sans précédent, et une série de manifestations politiques. Malgré ce contexte, vous avez pu réaliser des exploits. Pourtant, il y a 5 ans, en prenant en main les destinées de la Guinée, il y avait beaucoup à faire ou à refaire si bien, qu’aujourd’hui encore, ce qui reste à faire est énorme. Mais dédramatisons. Pour vous reprendre « Si vous avez devant vous une montagne à franchir, il faut un 147

jour commencer à grimper, vous n’atteindrez pas tout de suite le sommet, mais au moins aurez-vous fait un premier pas ». Votre premier mandat a été le premier pas or de l’avis de Jiménez de Arechaga, « il n’y a que le premier pas qui coûte ». Monsieur Le Président de la République, votre jugement de vos devanciers est sévère et sans appel et peut se résumer à cette question : « Qu’ont fait nos dirigeants de ce fabuleux potentiel que Dieu a donné à la Guinée ? Seule l’histoire détaillante et analysante donnera la réponse à cette question. Je fais remarquer seulement que vous avez placé la barre très haut pour vos successeurs. C’est dire à quel point, le choix renouvelé du peuple vous oblige à davantage de prouesses pendant votre second et dernier mandat. Ce mandat s’annonce très difficile pour vous, car, après avoir réalisé des exploits inattendus, le Peuple croit que vous pouvez et que vous devez solutionner tous ses maux. À cet instant précis, je ne doute point que l’un de vos soucis est de laisser l’image positive d’un homme d’État visionnaire, talentueux et Bâtisseur de la Guinée moderne. Vous êtes déjà entré dans l’histoire pour avoir amorcé avec succès le défi de l’électrification de la Guinée par la construction du Barrage de Kaléta. Les chantiers de l’éducation de qualité pour tous, de la couverture sanitaire universelle, de la lutte contre l’impunité, de la préservation et de la récupération du domaine public et maritime, de la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens, des emplois durables et décents, de la poursuite des investissements dans le secteur de l’électrification ou enfin d’une administration d’État figureront certainement parmi les priorités de votre quinquennat.

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En tant que Président de la République, vous devez être le rassembleur, au-dessus des partis politiques et des contingences. C’est là votre défi. Et comme l’a dit un de vos admirateurs, qui a longtemps partagé vos peines et vos joies : « Alpha CONDE s’est aménagé avant l’heure et de manière constante les habitudes et aptitudes d’un homme de défi ». À cet instant précis, toute la Guinée prie afin que vous soyez l’homme de la situation. La Cour, en sa qualité de régulatrice du fonctionnement et des activités des Pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’État vous encourage à accélérer l’intégration de toutes les énergies, de toutes les compétences, et de toutes les expertises pour la cohésion sociale et le développement durable de notre chère Guinée. Guinéennes et Guinéens, chers compatriotes, La Guinée est une famille, nous le disons à toutes les occasions. Alors unissons-nous dans la fraternité pour mieux nous connaître, nous comprendre, nous apprécier, nous aimer et rester toujours solidaires. N’excluons personne. Encourageons et favorisons le débat inclusif dans la richesse que constitue, en plus de celle du sol et du sous-sol, notre diversité ethnique et culturelle. Faisons en sorte que désormais, gouvernants et gouvernés, membres ou non des partis politiques, acceptent que les affaires de l’État ne soient le bien de personne. Elles appartiennent au peuple qui en délègue la gestion temporaire, non pas à un maître comme on a souvent tendance à le penser, mais à un serviteur. Monsieur le Président de la République, sur le chemin de l’histoire, ceux qui sont devant sont ceux qui sont en vue. Veuillez constamment avoir présent à l’esprit que, quand on est devant, l’on doit être le référentiel, tandis que 149

lorsqu’on est derrière, personne ne vous regarde. Alors demain, ne dites pas que les Guinéens vous fatiguent ou vous agacent. Considérez seulement qu’ils vous en demandent un peu trop. La conduite de la Nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne vous entourez pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’Unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes, car si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant. Monsieur le Président de la République, permettez-moi, au nom de la Cour et à mon nom personnel, de vous présenter, à vous et à votre famille nos félicitations pour votre élection pour un second mandat de cinq ans. Que le Tout-Puissant et Miséricordieux vous accorde longue vie, bonne santé ainsi que les ressources morales et intellectuelles nécessaires pour mener à bien votre noble, délicate et difficile mission. Permettez-moi également de remercier les éminentes personnalités présentes dans cette salle, de féliciter les sept autres candidats pour la considération et le respect des voix exprimées pour eux par nos concitoyens ainsi que tous les acteurs de la vie nationale pour leur appel au calme et à la cohésion nationale. Monsieur le Président, soyez prêt dès le 21 décembre pour que vive la Guinée. La Cour vous donne la parole pour vous permettre de vous adresser à votre Peuple. LA COUR donne acte : À Maitre Daye KABA, Greffier en Chef de la lecture de son rôle d’audience ; À Monsieur Ahmed Therna SANOH, Conseiller à la Cour, de la lecture de son rapport ; 150

À Monsieur Alpha CONDE, Président de la République, de sa prestation de serment et le renvoi à l’audience du 21 décembre 2015 pour son installation dans ses fonctions ; À Monsieur Kèlèfa SALL, Président de la Cour, de son intervention ; À Monsieur Alpha CONDE, Président de la République, de son allocution ; Ordonne que du tout, il sera dressé procès-verbal pour être versé au rang des minutes de la Cour et publié au Journal Officiel de la République. FIN DE L’AUDIENCE La Cour invite son Excellence Monsieur le Président de la République à la séance de photo avec les membres de la Cour. L’audience est levée.

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DISCOURS DE NOUVEL AN D’ALPHA CONDE (31 DÉCEMBRE 2015) Guinéennes et Guinéens, mes chers compatriotes, Au seuil de la nouvelle année 2016, je voudrais tout d’abord célébrer avec vous, la sortie de notre pays de la crise sanitaire à virus Ebola que la Guinée a connue dès le début de l’année 2014. C’est pour notre pays et le peuple guinéen, un moment important. C’est pour moi aussi, l’occasion de vous remercier pour votre courage devant ce qu’il faut bien appeler un fléau, auquel vous avez constamment et sans relâche fait face. Le peuple guinéen a démontré une nouvelle fois sa capacité à affirmer son unité nationale dans la lutte contre une maladie dont les conséquences ont été multiples, préjudiciables à nos populations, à notre économie et d’une manière plus générale, aux intérêts supérieurs de notre nation. Avec l’engagement de chacun d’entre vous, nos efforts et notre résistance ont été couronnés de succès face à l’épidémie. Désormais, dans tous les domaines, nous envisageons l’avenir avec de meilleures perspectives. C’est le lieu aussi de remercier toutes les institutions internationales, les États qui ont été constamment à nos côtés, ainsi que les organisations non gouvernementales, nationales et internationales. Je n’oublie pas l’action soutenue apportée par le corps médical tant national, qu’international, qui a pris une place importante dans la victoire contre cette terrible maladie qu’est Ebola. Autant que le peuple guinéen qui peut être fier de cette victoire commune et globale.

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Mes chers compatriotes En ce début de l’année 2016, j’adresse à chacune et à chacun de vous, à l’ensemble de nos compatriotes vivant à l’Étranger, mes vœux de santé, de bonheur et de prospérité. En ces instants précis, je nourris une pensée solidaire pour nos compatriotes qui connaissent des moments difficiles dans les épreuves qu’ils traversent dans leur vie quotidienne. Je formule également une pensée à l’intention de nos braves soldats mobilisés dans le cadre des opérations de maintien de la paix sur le continent, notamment au Mali, pays frère. Par la même occasion, je présente les condoléances à mon nom et celui du peuple de Guinée, aux familles de nos compatriotes tombés sur ces fronts de maintien de la paix. J’adresse mes vœux à l’endroit des communautés africaines et non africaines vivant sur notre territoire, dans la fraternité, la solidarité et la communion avec le peuple guinéen, profondément attachés aux valeurs d’hospitalité, de partage et de tolérance qui caractérise notre nation. Comme vous le savez, notre pays a vécu le 11 octobre 2015, une élection présidentielle, un scrutin libre et ouvert qui s’est déroulé dans un climat serein et apaisé, preuve de la maturité de nos populations qui ont eu la possibilité de s’exprimer librement, dans le cadre d’un vote inclusif dont le premier vainqueur est la nation guinéenne. À ce propos, je voudrais ici réitérer mes remerciements à l‘ensemble des forces politiques et mouvements de soutien qui se sont engagés dans le processus électoral, marqué par un esprit de paix et de consolidation de nos acquis démocratiques. J’invite également toutes les forces vives du pays à travers leurs diversités, à trouver des points de convergences sur les sujets d’intérêt national. Cela permettra à notre pays de relever les défis majeurs qui se posent en matière de développement économique et social. 153

C’est dans cet esprit de concorde nationale que nous allons prochainement organiser des élections locales qui donneront à nos communes, les moyens d’élire de nouvelles autorités qui auront pour mission d’approfondir notre politique de décentralisation et de soutien aux collectivités locales. Ces prochaines échéances électorales seront l’occasion une nouvelle fois, de consolider le pluralisme politique dans notre pays. Mes chers compatriotes Le 11 octobre 2015, vos m’avez réélu dès le premier tour à la tête de l’État et à travers votre vote massif, vous avez exprimé votre volonté de poursuivre pour les cinq années à venir, les changements amorcés dans notre pays depuis 2010. Cette marque de confiance envers ma personne et mon programme politique, économique et social, est l’illustration de l’ambition que j’ai pour les Guinéens. Il s’agit d’entreprendre les réformes nécessaires pour améliorer les conditions de vie de tous les Guinéens, notamment, en facilitant à chacun l’accès à l’emploi, à un logement décent, ainsi qu’à l’éducation et à la santé. Je ne ménagerai pas mes efforts pour œuvrer dans cette direction, soyez-en convaincu, et je ne vous décevrai pas… L’année 2016 sera aussi celle de l’approfondissement de la démocratie, à travers notamment l’élargissement et le respect des libertés publiques indispensables au maintien d’une vie politique apaisée en Guinée. Je n’oublie pas la grande cause de l’unité nationale. Je réaffirme une fois de plus, que nous devons continuer à renforcer notre cohésion nationale pour donner à chacun ce que la république se doit d’offrir à tous les citoyens quels que soient leurs choix politiques, leurs origines communautaires ou régionales, ou encore leurs convictions religieuses. 154

Guinéennes et Guinéens L’année 2015 qui s’achève a été particulièrement riche en enseignements, en défis et en espoirs dans notre marche vers la construction d’un État moderne et efficace dans notre quête de développement. Les nombreuses perturbations liées à la crise Ebola ont certes profondément marqué l’évolution socio-économique de notre pays, affectant les secteurs vitaux, les revenus de nos exportations ainsi que nos capacités d’investissement. Malgré ce contexte général difficile, des acquis importants ont été néanmoins réalisés, du fait du dynamisme du monde rural, du monde des affaires, des services publics et paraétatiques. Le potentiel du secteur minier constitue également un réel espoir d’une profonde transformation de la structure économique de notre pays. Je rends hommage aux jeunes, aux femmes et aux anciens, dont la détermination, le pragmatisme et la sagesse ont fortement contribué à la réalisation de nos performances économiques et sociales. Les répercussions des difficultés économiques sur la vie de nos sociétés ont montré l’urgente nécessité de bâtir un système de gouvernance susceptible d’engager une meilleure régulation de nos capacités économiques. C’est une nouvelle gouvernance qui commence avec ce quinquennat qui sera marqué par une culture du résultat, destinée à améliorer les conditions de vie des Guinéens, notamment par l’intégration des jeunes et des femmes au marché de l’emploi. Nous allons faciliter l’accès des populations, notamment celles les plus démunies, aux services sociaux de base. La promotion de la formation et de l’emploi des jeunes est inscrite dans l’agenda politique du gouvernement en 2016. En matière de santé publique, les efforts seront poursuivis en vue d’accroître l’offre

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sanitaire par la réhabilitation des infrastructures existantes et la construction de nouveaux centres médicaux. Socle de notre politique, la valorisation du capital humain, principal levier de développement se traduira par la conduite des actions prioritaires suivantes, en faveur du système éducatif : — la construction d’infrastructures scolaires et universitaires ; — le renforcement des stratégies de lutte contre les disparités, notamment de genre. Chers Compatriotes, Le renforcement de la politique de désenclavement de certaines régions du pays nous impose des investissements soutenus dans les domaines routiers, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires. La construction et l’aménagement de pistes rurales et d’ouvrages d’art dans toutes les régions sont également des impératifs pour le raffermissement du processus de décentralisation. Après la construction du barrage de Kaleta, nous venons de poser la première pierre du barrage de Souapiti, en vue d’accroître ainsi les possibilités de desserte des différentes localités guinéennes. La construction du barrage va permettre à tous les Guinéens d’accéder à l’électricité et d’en fournir à des pays de la sous-région. C’est dans cette optique qu’une stratégie de croissance accélérée et de développement durable sur la période 2016-2020, sera adoptée pour constituer un cadre propice à nos politiques économiques et sociales.

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Guinéennes et Guinéens La paix sociale dans notre pays est fortement liée à celle du continent africain. Sans une stabilité durable, l’Afrique ne saurait relever avec succès les nombreux défis de son développement. Dans cette perspective, nous devons continuer de déployer des efforts pour l’instauration de la paix dans les pays en conflit, par l’établissement du dialogue. Ce qui permettra de lutter plus efficacement contre le terrorisme international qui frappe certains de nos pays frères et voisins. Nous comptons engager la Guinée dans la lutte contre le péril climatique, après notre adhésion aux idéaux de la Cop 21 qui s’est récemment tenue à Paris, en vue de la réduction des émissions de gaz à effets de serre. Les grandes nations se fortifient à l’épreuve des difficultés et s’inspirent des riches et fertiles expériences de leur histoire pour façonner leur destin. J’invite le peuple guinéen dont la détermination au travail et le sens élevé du patriotisme sont exemplaires, à cultiver davantage encore la fraternité et la solidarité. J’exprime une nouvelle fois ma gratitude aux pays amis de la Guinée, aux partenaires au développement dont le soutien constant conforte notre marche déterminé vers le progrès. À nos compatriotes de l’extérieur, je renouvelle ma reconnaissance pour leur immense contribution à l’affirmation de notre patrie. À cet effet, nous ne devons pas oublier l’intégration plus poussée de la diaspora guinéenne dans le processus de développement économique et social de notre pays. Notre gouvernement fera en sorte que les Guinéens de l’étranger s’investissent davantage et de façon durable dans le développement économique de leur pays…

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Chers Compatriotes, Je demeure convaincu de votre détermination à adhérer avec enthousiasme aux vastes chantiers d’édification d’une Guinée nouvelle et solidaire. Encore une fois, je vous réitère mes vœux de bonne et heureuse année 2016. Je vous remercie.

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Liste des Premiers ministres depuis l’indépendance de la Guinée en 1958 Nom Début Louis Lansana Béavogui 26 avril 1972 Diarra Traoré 5 avril 1984 poste aboli Sidya Touré 9 juillet 1996 Lamine Sidimé 8 mars 1999 François Louceny Fall 23 février 2004 poste vacant Cellou Dalein Diallo 9 décembre 2004 poste vacant Eugène Camara 9 février 2007 Lansana Kouyaté 1er mars 2007 Ahmed Tidiane Souaré 20 mai 2008 Kabiné Komara 30 décembre 2008 Jean-Marie Doré 26 janvier 2010 Mohamed Saïd Fofana 24 décembre 2010 Mamady Youla 26 décembre 2015 Ibrahima Kassory Fofana Mai 2018

Fin 3 avril 1984 18 décembre 1984

8 mars 1999 23 février 2004 30 avril 2004 5 avril 2006 26 février 2007 20 mai 2008 24 décembre 2008

26 janvier 2010 24 décembre 2010 26 décembre 2015 Mai 2018

LISTE DES PRÉSIDENTS DE L’ASSEMBLÉE 1958 — 1963 : Saïfoulaye Diallo Léon Maka 1995 — 2002 : El Hadj Boubacar Biro Diallo (PUP) • 2002 - 2008 : Aboubacar Somparé (PUP) • 2013 - 2018 (Fin de la législature) : Claude Kory Kondiano • • •

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GUINÉE CONAKRY AUX ÉDITIONS L'HARMATTAN Dernières parutions SOTELGUI De la coopération Sud-Sud au portefeuille de l'Etat (1993-2013) Mamadou Pathé Barry Cet ouvrage s'interroge sur l'échec financier de la Sotelgui, opérateur historique des télécommunications de Guinée, qui a été l'un des premiers de la sous-région à réussir sa restructuration et sa privatisation et à introduire la téléphonie cellulaire GSM, Areeba, Orange, Cellcom et Intercel. Il a ensuite vu naître, l'un après l'autre, d'autres opérateurs GSM, qui, eux, évoluent actuellement dans le pays. L'auteur montre comment cette société, qui regorgeait d'atouts économiques, disposait d'un taux d'équipement des plus élevés et d'un vivier de cadres fort compétents, s'est retrouvée, vingt ans après sa création, face à une situation de « cessation de paiement ». (Coll. Harmattan Guinée, 152 p., 18 euros) ISBN : 978-2-343-15181-6, EAN EBOOK : 9782140099670

ETUDIANTS GUINÉENS EN URSS Souvenirs et témoignages Alama Kandé Dès l'aube des indépendances, la grande majorité des dirigeants cherchent des voies et des moyens pour former en urgence des jeunes cadres, afin de relever les défis dans tous les domaines de développement socioéconomique de leurs pays respectifs. Ils se tournent vers Moscou, qui avait alors développé une sorte d'Erasmus soviétique pour les étudiants africains, asiatiques et latino-américains. Des jeunes Guinéens, filles et garçons ont partagé avec d'autres jeunes de différentes nationalités des années de formation, et de vie tout court, dans les campus et en dehors. (Coll. Harmattan Guinée, 90 p., 12 euros) ISBN : 978-2-343-14772-7, EAN EBOOK : 9782140099434

LES FLEURS DE L'EXIL Poèmes Oumar Sivory Doumbouya Les poèmes qui composent ce recueil ont été rédigés alors que l'auteur se trouvait loin de sa Guinée natale. Il considère chacune de ses compositions comme étant une fleur, dont les strophes et vers, rimés ou pas, constituent des pétales avec lesquels toute lectrice ou lecteur pourra s'encenser à volonté. (144 p., 15 euros) ISBN : 978-2-343-12765-1, EAN EBOOK : 9782140097997

MES IDENTITÉS REMARQUABLES Poèmes Oumar Sivory Doumbouya Mes identités remarquables est constitué de textes poétiques qui évoquent des personnes, objets ou événements admirés par l'auteur et qui ont contribué à sa formation culturelle, personnelle et intellectuelle. Il s'agit soit d'icônes telles qu'Angela Davis, W.E. B. du Bois ou Miriam Makeba, d'un tableau artistique peint par une amie mais aussi de faits historiques retracés sous forme de films. (118 p., 14 euros) ISBN : 978-2-343-12766-8, EAN EBOOK : 9782140098048

L'AFRIQUE, UN CONTINENT EN VOIE DE "CHINISATION" Roman d'économie-fiction Ibrahima Soumah Préface de Mamane, chroniqueur à Rfi Il est difficile d'imaginer ce que sera l'Afrique en 2070, au moment où la Chine sera la superpuissance économique et avide de ressources naturelles abondantes et encore inexploitées en Afrique. Ce roman d'économie-fiction compare d'un côté la montée en puissance de la Chine en matière économique et même militaire, et de l'autre côté la mauvaise gouvernance généralisée et destructrice de l'Afrique. Il passe par le détour d'une histoire d'amour entre un jeune Chinois, Wang, et une jeune Africaine, Binta, pour démontrer ces enjeux socio-économiques. (Coll. Harmattan Guinée, 176 p., 19 euros) ISBN : 978-2-343-15035-2, EAN EBOOK : 9782140093227

MOHAMED-ALIOUM FANTOURÉ THÉMATIQUE ET TECHNIQUES NARRATIVES DANS L'OEUVRE ROMANESQUE D'UN ÉCRIVAIN GUINÉEN Aimé Angui Préface de Marcellin Boka Alioum Fantouré est un écrivain qui se situe à cheval sur la première et la seconde génération du roman africain francophone. S'agissant de la première, il est en conformité avec la thématique de cette époque (dénonciation de l'entreprise coloniale, racisme etc). La seconde présente une toute autre thématique (dictature, tyrannie, mauvaise gestion, incurie politique, népotisme) et les Nouvelles Ecritures (intertextualité etc). Ce livre démontre les qualités narratives et thématiques de l'oeuvre romanesque de Mohamed-Alioum Fantouré en faisant se côtoyer forme et sens. (Coll. Culture Africaine, 232 p., 23,5 euros) ISBN : 978-2-343-14774-1, EAN EBOOK : 9782140090295

SUIVRE SON DESTIN Hors des sentiers battus du mariage Aïssata Doumbouya Préface de Oumar Sivory Doumbouya Ce roman retrace l'histoire d'Anna, une jeune fille africaine qui vécut une enfance heureuse, avec Marc, avec qui elle était fiancée depuis sa tendre enfance. Comme toutes les jeunes filles de son entourage, elle fut excisée à onze ans. C'est suite à ce malheur que sa vie connaîtra des hauts et des bas. (Coll. Harmattan Guinée, 122 p., 14 euros) ISBN : 978-2-343-14771-0, EAN EBOOK : 9782140092985

FABLES DU MONDE IMMONDE Aly Ben Camara "Salan salan ? Salan salan ? Petit Naby ? Petit nan Naby ra ? Allez wop ? A vous, requins, Les lions chantaient haut ainsi Jetant à l'eau la tortue, se frottant les mains." (84 p., 11,5 euros) ISBN : 978-2-343-14553-2, EAN EBOOK : 9782140090158

AUTOUR DE L'ENFANT NOIR DE CAMARA LAYE Un monde à découvrir Elsie Augustave, Irène Assiba d'Almeida Ce livre a été conçu pour accompagner la lecture de ce chef-d'oeuvre de la littérature africaine. Il met l'accent sur la langue, la culture et l'analyse littéraire et contient divers travaux dirigés pour améliorer et enrichir l'expression écrite. L'expression orale permettra l'organisation des idées et le développement du sens critique. Des questions d'analyse stimulent la compréhension lexicale, syntaxique, stylistique et culturelle, et encouragent une lecture active et attentive de l'autobiographie de Camara Laye. (Coll. Harmattan Guinée, 220 p., 18 euros) ISBN : 978-2-343-14745-1, EAN EBOOK : 9782140088353

LES CLÉS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA GUINÉE Nouvelle édition Mamadi Camara Préface de Seydi Ababacar Dieng Cette nouvelle édition rend l'analyse des clés du développement plus exhaustives. Partant des cinq atouts naturels majeurs - potentiel minier, énergétique, hydrologique, agricole et de l'ouverture sur la mer - l'auteur propose une stratégie de transformation de la Guinée reposant sur 4 piliers : l'agriculture, les mines, l'énergie hydro-électrique et la bonne gouvernance. S'en suit une analyse comparative tirée d'expériences réussies de pays africains (Ghana, Cap-vert...) et étrangers (Malaisie). (206 p., 21 euros) ISBN : 978-2-343-14632-4, EAN EBOOK : 9782140088131

L'INFERNAL QUADRILLE Récit Politique Nouvelle édition Aminata Barry Le quadrille est une danse dite en contredanse dans laquelle sont engagées quatre jeunes filles, des amies inséparables, qui seront frappées par un même destin, des vies traversées de fissures et de fracture...Il se danse à quatre, comme les quatre jeunes filles d'ethnies différentes, à travers lesquelles s'entremêlent leur existence, dont le but est de faire voyager le lecteur à travers des épisodes qui ont ponctué la vie de cette jeune nation guinéenne qui n'a jamais cessé d'étonner. (Coll. Harmattan Guinée, 96 p., 12 euros) ISBN : 978-2-343-14619-5, EAN EBOOK : 9782140088339

CONFESSIONS SOUS LES TROPIQUES Roman Kadiata Kaba Sally a décidé de venir en Guinée pour passer la fête de la Tabaski dans le village de son père. Une nuit, sa cousine Marietta lui téléphone pour lui demander de venir au chevet de sa tante. Sally comprend que ce n'est qu'un stratagème pour l'attirer dans les bras de Soumaïla, le fils de sa tante. Cette aventure conduisit la jeune femme au Sénégal, où elle rencontra Youssef, le frère jumeau de l'assassin de son petit ami à Lagos et père de sa fille. Commence alors, pour elle, une véritable vengeance. (Coll. Harmattan Guinée, 132 p., 14,5 euros) ISBN : 978-2-343-14730-7, EAN EBOOK : 9782140087448

ELECTIONS ET DÉMOCRATIE LOCALE EN GUINÉE L'approche heuristique d'une démocratie par le bas Saikou Oumar Balde La nouvelle administration électorale guinéenne est constamment confrontée à des défis techniques, politiques et administratifs. Par ailleurs, rehausser le niveau de connaissance des citoyens des vrais enjeux locaux est fondamental pour assurer un engagement citoyen responsable. Cet ouvrage réinvente la façon de comprendre les besoins démocratiques de la Guinée qui s'établissent aussi par des processus électoraux. (Coll. Études africaines, 138 p., 16,5 euros) ISBN : 978-2-343-13971-5, EAN EBOOK : 9782140077685

KALÉTA Le barrage facteur d'intégration des Etats membres de l'OMVG Alpha Oumar Sy Savané Préface de Cheikh Taliby Sylla Le barrage hydroélectrique de Kaléta, réalisé par le Projet d'Aménagement hydroélectrique de Kaléta (PAHK), est l'ouvrage de production énergétique le plus important et le plus performant de la Guinée. Ce livre fait la relation de toutes les tentatives pour la construction d'un barrage important sur le fleuve Konkouré depuis la période coloniale. (Coll. Harmattan Sénégal, 144 p., 15,5 euros) ISBN : 978-2-343-14526-6, EAN EBOOK : 9782140083501

VICTIME DE LA POLYGAMIE Destin de famille Roman Mohamed Lamine Minka Kourouma Issu d'une famille nombreuse et polygame, Tamba se fit remarquer très tôt des enseignants par son courage à toute épreuve et son intelligence hors pair. Ses succès irritèrent sa marâtre, méchante et envieuse, qui décida de faire des consultations, afin d'empêcher le jeune de poursuivre ses études. Tamba réussira-t-il à surmonter les obstacles dressés sur son chemin par la polygamie et à se tailler une place au soleil ou sera-t-il une autre victime de ce terrible fléau social ? (Coll. Les Impliqués, 94 p., 12 euros) ISBN : 978-2-343-10117-0, EAN EBOOK : 9782140083983

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Boubacar Yacine DIALLO est un grand reporter. Diplômé de l’Académie des sciences politiques et du journalisme de Bucarest, en Roumanie, il a été, tour à tour, rédacteur en chef du journal parlé de la Radiodiffusion nationale, directeur général de l’Office de la radiodiffusion et télévision guinéenne (ORTG), président du Conseil national de la communication (instance de régulation des médias en Guinée), ministre de l’Information et conseiller à la communication de la présidence de la République de Guinée. Il est vice-président chargé de l’administration de l’Institution nationale indépendante des droits humains.

Illustration originale de couverture : Antoine Vaysse.

ISBN : 978-2-343-15814-3 17,50 €

Boubacar Yacine DIALLO

L’exception guinéenne, datée du 28 septembre 1958, avec son « Non » massif, jeté à la figure du plus illustre des Français, le général Charles de Gaulle, au cours d’un référendum, tellement vantée par les Guinéens, était-elle une chance ou un handicap ? Un prétexte à refuser le changement en se repliant sur soi-même ou une bonne raison de montrer la voie de l’avenir, de mettre en mouvement une société différente ? C’est la réponse à cette question que cherche l’auteur à travers soixante ans d’histoire politique. L’originalité de ce livre est triple : par son sujet, une série de questionnements sur les raisons de l’échec de la rupture –  une fresque décrivant les comportements des «  voyous  » de la République  – qui font barrage à toute entreprise de réforme véritable ; par son auteur, un journaliste, haut fonctionnaire ; par son ambition, car cet essai, délibérément à contre-courant des modes, met en relief les défis que la Guinée doit relever, dans un refus catégorique de toute démagogie.

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !

Boubacar Yacine DIALLO

LA GUINÉE EN QUÊTE DE RUPTURE !