Edouard Glissant: De Memoire D'Arbres (French and English Edition) 9051836767, 9789051836769

NÉ en 1928 À Sainte-Marie en Martinique, Edouard Glissant compte aujourd'hui parmi les Écrivains les plus important

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French, English Pages 116 [117] Year 1996

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Table of contents :
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Dedication
Préface du directeur de la collection
INTRODUCTION
Chapitre I: DU COMBAT DE LONGOUE ET DE BÉLUSE
L’instant et la durée
Ubiquité et finitude
Voix épique et cri d’esclave
Le Maître et l’Esclave
Chapitre II : SPLENDEURS ET AMERTUMES DE L’UN
L’Un et la blessure du monde
Le Vent
La Saison Unique
Le cri et la parole
L’oubli et l’odeur du temps
Chapitre III: L’ARBRE, LE NOM ET LA SOUCHE
L’Autre et autrui
L’arbre et le nom
Chapitre IV: DE LA RACINE AUX RHIZOMES
La parole du paysage
La clairière des mots
Les herbes et l’écriture
EN GUISE DE NON-CONCLUSION : TRAITÉ DE L’ARCHIPEL
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
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Edouard Glissant: De Memoire D'Arbres (French and English Edition)
 9051836767, 9789051836769

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EDOUARD GLISSANT

Collection Monographique Rodopi en Litterature Fran9aise Contemporaine sous la direction de Michael Bishop

XXVI EDOUARD GLISSANT

Amsterdam - Atlanta, GA 1996

Jean-Pol Madou

EDOUARD GLISSANT De memoire d'arbres

CIP-GEGEVENS KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK, DEN HAAG Madou, Jean-Pol Edouard Glissant: de memoire d'arbres I Jean-Pol Madou. Amsterdam - Atlanta, GA 1996 : Rodopi. - (Collection monographique Rodopi en litterature fran9aise contemporaine, ISSN 0169-0078 ; 26) Met lit. opg. ISBN: 90-5183-676-7 Trefw.: Glissant, Edouard I Antilliaanse (Franstalige) letterkunde ; geschiedenis; 20e eeuw. ©Editions Rodopi B.V., Amsterdam - Atlanta, GA 1996 Printed in The Netherlands

pour Fausette pour Nicolas et Florence.

Preface du directeur de la Collection La Collection Monographique Rodopi en Litterature Franr;aise Contemporaine vise a offrir une serie d'etudes critiques, concises et cependant a la fois elegantes et fondamentales, consacree aux ecrivain/e/s fran~ais/es d'aujourd'hui dont l'oeuvre temoigne d'une richesse imaginaire et d'une verite profonde. La plupart des etudes, choisissant d'habitude d'embrasser la pleine gamme d'une oeuvre donnee, s'orienteront vers des auteur/els dont l'ecriture semble exiger tout de suite le geste analytique et synthetique que, je l'espere du moins, la Collection accomplira. De Soleil de la conscience, La Lezarde et Le Sel noir, jusqu'a Poetique de la Relation, Fastes et Tout-monde, l'oeuvre d'Edouard Glissant ne cesse de deployer ses etonnantes richesses, la grace vigoureuse de sa mouvance affective, la force d'une ethique de l'immanence et de la relation constamment repossibilisees. Fondee sur la double conscience d 'un passe fait d' affreux desequilibres et de violentes defigurations et d'un present ou persistent amertumes, blessures et impasses, !'oeuvre de Glissant, splendidement, inlassablement epique, et done visionnaire, cherche a refonder et, prophetique, a relancer, a restituer urgence, emergence, relation. La poetique de la memoire et de l'origine qui s'y profile, ne puise pas ainsi dans une psychologie de la nostalgie, mais elabore plutot une "memoire du futur" qui redynamise options et faisabilites, beautes de I' opaque et surgissements irreductibles du subjectif, du poiein, de la presence. L'etude de Jean-Pol Madou, elegante, sentie, delicatement meditee, nous permet de mieux penetrer dans ce si emouvant univers glissantien, cette "clairiere" ou s'accomplit la danse de l'exil et de la reterritorialisation, de l'etre et des etants, entre dialectique et extase, dicible et ineffable. Michael Bishop Halifax, Nouvelle-Ecosse Canada janvier 1996

INTRODUCTION

Ne en 1928

a Sainte-Marie

en Martinique, Edouard Glissant compte

aujourd'hui parmi les ecrivains les plus importants de la litterature antillaise d'expression franc;aise. Depuis la parution de son premier roman La Lezarde, qui lui valut le prix Renaudot en 1958, ii n'a cesse de s'imposer comme l'auteur le plus fecond de sa generation prenant ainsi la releve de celle qui nous imposa les noms d'Aime Cesaire, Rene Menil, Joseph Zobel et Franz Fanon. Poete, romancier, essayiste, dramaturge, critique d'art, Glissant deploie son o~uvre sur differents registres reprenant inlassablement la question de l'identite antillaise. Mais sans doute l'antillanite ne saurait-elle se laisser saisir par le concept d'identite sans le mettre violemment en question. En effet, que peut etre la litterature d'un peuple arrache

a son origine ii ya quatre siecles par la Traite et qui, en !'absence d'une

memoire collective, n'a jamais pu elaborer au moyen de mythes et d'epopees, la categorie du passe ? Qu'est ce qu'un peuple ne brutalement a la modernite et qui n'a pu murir dans les profondeurs stratifiees du temps ? « Nous avons tous oublie ensemble

»1

dit Mathieu Beluse, l'un des heros principaux du Quatrieme Siecle.

Telle est la question

a laquelle toute l'oeuvre de Glissant tente de repondre. La a une question plus profonde:

question de la memoire et de l'origine renvoie ainsi

qu'est-ce qu'oublier ? Car la force enigmatique de l'oubli, c'est qu'il nous laisse toujours quelque part en rapport avec ce qui est oublie.

En !'absence d'une

memoire archivee et de datations precises, l'odeur du temps et le sous les acacias ,, continueront

«

vent glissant

a charrier les eris et les murmures des ancetres

oublies. S'agit-il des lors ici d'une nostalgia de l'origine ? Non, certes. II s'agit plutot d'une memoire du futur conferant au chant glissantien ce scuffle epique qui traverse et souleve toute la production poetique et romanesque. Car l'origine n'est pas en arriere mais en avant. Tel est, contrairement au mythe penche sur l'origine, le mouvement profond de la parole epique

a l'ombre de laquelle se rassemble une

communaute au moment du plus grand peril : se forger une memoire qui se transmettra aux generations futures.

Nul ne l'a mieux compris que Roland

a

1. Le Quameme Siec/e, Paris, Editions du Seuil, 1965. Nous renvoyons a !'edition Gallimard, collection "L'imaginaire", p. 57.

7

Roncevaux, soucieux tout au long de la bataille de la chanson future qui sera chantee sur lui 2 : Male can9un n'en deit estre cantee (vers 1466)

L'oeuvre de Glissant tiendra-t-elle lieu de cette epopee qui fait si cruellement defaut a la culture antillaise 3 et dont !'Occident s'etait detourne a l'aube des Temps modernes ? Une litterature epique serait-elle encore possible, voire souhaitable 4 ? Si la chanson de geste est fondatrice en ce qu'elle marque l'eveil de la conscience nationale, enracine la communaute dans un territoire qu'elle sacralise du sang de ses martyrs et transfigure ce qui fut une humiliante defaite militaire en une gloire mystique, elle est aussi propMtique en ce qu'elle fait apparaitre au coeur de l'echec tout ce qui permet de relativiser les valeurs de territoire, de racine et de filiation. Ecoutons Glissant: Cette litterature epique est etonnamment prophetique: elle dit la communaute, mais a travers la relation de son apparent echec ou en tout cas de son depassement, l'errance, consideree comme tentation (desir de contrevenir a la racine) et plus souvent eprouvee dans les faits. Les livres du sacra ou de l'historicite portent en germe l'exact contraire de leurs turbulentes reclamations ... La victoire des Grecs dans l'lliade tient a une supercherie. Ulysse au retour de son Odyssee n'est reconnu que de son chien, le David de l'Ancien Testament est souille par l'adultere et le meurtre, la Chanson de Roland est la chronique d'une defaite, les personnages de Sagas sont marques du signe de la fatalite inarretable, et ainsi de suite. Ces livres fondent tout autre chose qu'une certitude massive, dogmatique ou totalitaire (hormis l'usage religieux qu'on en fera): ce sont des livres d'errance, par dela las recherches ou las triomphes de l'enracinement que le mouvement de l'histoire exige 5 .

2. Leopold Peeters, "Le 'faire' et le 'dire' dans la Chanson de Roland", dans Revue des

langues romanes, 1975, pp. 377-393.

3. Derek Walcott, poete anglophone de tile Sainte-Lucie, se refere lui-aussi au genre epique en intitulant l'une des ses oeuvres maitresses Omeros, New-York, Farrar Straus Giroux, 1990. 4. Voir Wiliam Calin, "La tradition epique medievale dans la litterature moderne : le cas Aragon", dans Charlemagne et l'epopee romane, Les Congres et Colloques de l'Universite de Liege, vol. 76, tome 2, 1978, pp. 459-468.

5. Poetique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990 pp. 27-28.

8

Visitant la Vallee des Rois et les tombes pharaoniques, l'auteur de Tout-

monde reaffirme le lien entre le recit epique et la defaite politique

OU

militaire. La

splendeur des monuments n'est souvent qua l'envers d'un desastre : Je conjecture que les plus importants de ces Pharaons ne furent peut-etre pas les plus spectaculaires. Ramses II a couvert de roches geantes et de litanies monumentales ce qui fut pour lui, Kadesh, presque une defaite. C'est partir de tel/es defaites, OU d'aussi confuses victoires, que /es peuples, et encore plus !es rois, ecrivaient l'epique, sur le parchemin ou dans la pierre, qui las consacrait en eux-memes6 .

a

a

Mais la defaite est dicible, fUt-ce au prix de mille falsifications. Vaincu, le Pharaon ne cesse pas pour autant d'appartenir au camp des vainqueurs. Et sa defaite ne sera jamais qu'une rubrique dans le Grand Livre des Conquetes. Quant au neveu de Charlemagne, sa Geste reitere le sacrifice de la Croix. Par sa mise mort la victime emissaire est appelee revanche, est

a fonder l'ordre

a

de la Parole. La Traite, en

a proprement parler indicible et ne donne lieu a aucun recit. C'est

done sur fond d'absence de mythes et d'epopees que s'enleve I' oeuvre de Glissant. Non contente d'en circonscrire la vacance, elle en reinscrit l'urgence au coeur de notre modernite. Mais ce qui etait une carence pourrait s'averer aujourd'hui un atout pour la pensee. En effet, toutes les categories negatives qui fondaient !'existence antillaise - la Traite comme arrachement

a la

matrice, l'esclavage

comme combat sans temoins, la perte de la memoire collective, le deracinement, !'absence d'un arriere-pays cultural, la transcendance despotique de l'Autre - tous ces traits vont maintenant chez Glissant former une configuration, un veritable dispositif de la pensee au sein de laquelle va s'elaborer un nouveau discours, Le

Discours antillais, qui rendra

a son

tour possible l'emergerwe d'une nouvelle

poetique : La Poetique de la Relation. S'y affirmera la primaute de l'Autre sur le Meme, du Divers sur l'Un, de la Terre sur le Territoire, de la Relation sur la Substance, et le dur noyau de l'opacite singuliere y resistera

a la

fallacieuse

transparence de l'Universel. Nomadologie et monadologie viennent ainsi chez Glissant nouer une etrange alliance prophetisant l'avenement d'un nouveau monde baroque. 6. Tout-monde, Paris, Gallimard, 1993, p. 526. Nous renvoyons a !'edition Folio. II s'agit d'un texte que le roman attribue au romancier lui-m~me et dont Mathieu Beluse aurait souligne quelques passages. D'ou la presence des italiques. 9

Le discours poetique de Glissant s'articule a !'intersection de trois prob lematiques fondamentales, chacune constituant un champ polarise par une serie d'oppositions, et auxquelles !'auteur fera subir un deplacement par rapport a leur lieu d'origine : un champ philosophique 7 constitue par l'entrelacement de quatre types de relations ontologiques : l'Un et le Divers, le Meme et l'Autre, l'Etre et le Non-Etre, !'Instant et la Duree; un champ poetique tendu entre la Poesie et le Recit, entre !'exigence du chant et la pulsion narrative ; un champ geopolitique opposant et liant tout a la fois les forces de deterritorialisation aux forces de reterritorialisation (d'ou les references de plus en plus frequentes a la pensee «rhizomatique ,, de Deleuze et Guattari)6 . L'oeuvre de Glissant se repartit principalement entre trois genres : l'essai, le roman, la poesie. Nous verrons s'etablir entre eux toute une serie de relations transversales. Son oeuvre theatrale se limite a une seule oeuvre: Monsieur Toussaint (1961) dont ii publia une version abregee (1978). Au domaine de l'essai

appartiennent L'lntention poetique (1969), Le Discours antillais ( 1981) et Poetique de la Relation (1990). Soleil de la conscience (1956), quanta lui, releve tant du

poeme en prose que de l'essai auquel ii affiche son appartenance. Si les essais sont porteurs d'une esperance tout impregnee d'optimisme tragique et de gai savoir, !'oeuvre romanesque, en revanche, nous donne a lire la lente usure de la societe martiniquaise, I'« extinction par defaut

»,

la « mort blame

»,

la chute dans le

derisoire, autant de maux qui selon Glissant affectent le peuple des Antilles coince par le destin entre un impossible retour a l'Un (l'Afrique) et une impossible assimilation a l'Autre (la culture occidentale).

Ni l'Un ni l'Autre ; Malemort et

Malendure. Au roman appartiennent La Lezarde (1958), Le Quatrieme Siecle (1964), Malemorl (1975), La Case du Commandeur (1981),

Mahagony (1987), Tout-

monde (1993). D'un bout a l'autre de la production romanesque reapparaissent les

a

7. Edouard Glissant esttitulaire d'un diplOme superieur de philosophie obtenu la Sorbonne en 1953. Son memoire : Decouverte et conception du monde dans la poesie contemporaine fut dirige par Jean Wahl, !'auteur de Poesie, pensee, perception (Paris, Calman-Levy, 1948) qui fut aussi a l'epoque directeur du College philosophique.

a

8. S'il fallait relier Glissant une lignee philosophique - ce qui n'irait pas sans protestation de sa part - ce n'est pas la lignee Platon-Descartes-Kant-Hegel-Husserl mais celle de LucreceLeibniz-Deleuze qu'il faudrait le rattacher.

a

a

10

memes personnages issus des deux lignees principales qui se partagent l'ile, les Longoue et les Beluse, dont la saga resume le destin du peuple martiniquais. Papa Longoue, depositaire de la sagesse ancestrale, sorcier et guerisseur de son metier, met ses dons de voyance au service d'une vision prophetique du passe

a laquelle

ii tente d'initier le jeune Mathieu Beluse qui, marque par la rationalite occidentale, s'efforce de mettre de l'ordre dans cet immense chaos que fut l'histoire de la Traite et de l'esclavage. Rassemblant les evenements qu'il recueille au fil de ses

a l'ordre lineaire du temps a l'echec. Seule la parole poetique

enquetes, le jeune Beluse tente de les soumettre historique. Sa tentative est cependant vouee sera

a la mesure de cette tache, puisqu'elle seule sera capable d'introduire " des

travees de phosphore brulant dans la masse accumulee des mots et des choses revelees. ,, Double de !'Auteur, dont ii essaie mais en vain de s'affranchir en lui disputant la gestion du Recit, Mathieu ne cesse d'etre fascine par cette autre creature glissantienne, Marie Celat (Mycea) qu'il a aimee autrefois et qui, muree dans sa folie, oppose la simplicite du silence interieur tout empreint d'une indicible

souffrance a la rage de tout dire qui demange !'Auteur. Celui-ci ne se designe-t-il pas comme le departeur? Mais entre le tout dire du Tout-monde et la Folie Mycea y a-t-il vraiment contradiction ? N'entrent-ils pas en Relation selon cette «travee de phosphore» qui court-circuite l'idee meme de relation et avec elle toute la logique de l'etre ? Comme l'affirme l'un des aphorismes glissantiens: L'Etre est relation, mais la Relation est sauve de l'idee de l'etre9 . L'ethique de la Relation, qui l'emporte ici sur la metaphysique de l'etre, affecte tout le champ de la poetique glissantienne. Sans effacer cependant la difference des genres - chaque oeuvre y affiche son appartenance-, la Poetique de la Relation en problematise les seuils, en deplace les cloisons, les faisant vaciller dans les turbulences et les vertiges du Tout-monde. Aussi Glissant se refere-t-il a la parole epique, puisque seule !'union de la Poesie et du Recit est a meme de dire le Tout-monde. Et sans doute s'agit-il moins de le dire que de saisir ce qui s'en exprime. Le Tout-monde n'est pas indicible et le mot n'est pas le meurtre de la chose. Echos-mondes et agents de relais, comme les appelle Glissant, les langues travaillent dans la matiere de la Relation. Le mot est lui-meme 9. Poetique de la Relation, 1990, p 199. 11

un evenement, une turbulence, une creation. Au fond, toutes les langues seraient creoles, ouvertes au jeu illimite de leurs relations reciproques. Le Tout-monde n'est pas la totalite de l'etre, mais le tourbillon des etants. Reinscrite dans la modemite, la parole epique, loin d'apparaltre comme un genre desuet, revele avec autant plus de force l'un de ses traits essentials. Comme l'a montre Staiger10 ,

l'epopee resiste a I' imposition d'une cloture par !'usage de la parataxe. Conferant a chaque sequence narrative une relative autonomie, celle-ci n'en garde pas mains un pouvoir liant soustrait a l'emprise de la totalite. II appartient a la parole epique de pouvoir rassembler sans totaliser, d'accumuler dans l'archipel de ses laisses le Divers comme autant de choses dites et revelees. C'est bien cette parole en archipel qui sous-tend !'oeuvre de Glissant tant romanesque que poetique. L'oeuvre poetique se compose essentiellement de trois recueils, Le Se/ noir (1960) dont la reedition de 1983 reprend avec quelques modifications Le sang rive (1961) et Boises (1978); Poemes (1965) qui contient Les lndes (1965) et reproduit deux recueils parus precedemment; Un champ d7/es (1952) et Terre inquiete (1954); Pays reve, pays reel (1985); et Fastes (1991) dont le titre evoque le nom de cet autre grand exile que fut Ovide. De nombreux poemes parus en revues ont ete repris dans !'edition des Poemes complets. Parmi eux citons 8ayou11 et L'oeil derobe22 . Fascine par cet autre" antillais,, que fut Saint-John Perse - fascination

a laquelle ii ne manque pas de resister-, Glissant s'est senti des affinites profondes avec des poetes aussi differents que Valery, Segalen, Reverdy, Claude!, Char, Bonnefoy. La poesie de Glissant est avant tout une poetique du cri et de l'oralite, de la voix et du scuffle. Delivrer le cri noue au fond de la gorge, l'ouvrir

a toutes

ses vibrations et fulgurances sonores, le modular en une duree porteuse d'un chant epique, telle est la tache que s'assigne le poete antillais. Usant de metres et de rythmes differents, alternant le mouvement solennel du verset avec des rythmes hachures et saccades, la poesie glissantienne arrache le cri de l'esclave

a cet a

instant eternel dans lequel l'avait fige le discours du Maitre, et l'ouvre

10. E.Staiger, Les concepts fondamentaux de la poetique, traduit de l'allemand par R. Celis et M.Gennar, Bruxelles, Lebeer-Hossman, 1990. 11. "Bayou" dans Horizons