Du Sinaï au Soudan: itinéraires d'une égyptologue : mélanges offerts au professeur Dominique Valbelle 270180521X, 9782701805214

"Du Sinaï au Soudan, de la Méditerranée à la quatrième cataracte du Nil, en passant V par le désert occidental et T

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French Pages 264 [286] Year 2017

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Table of contents :
préface
Liste des abréviations
TRAVAUX ET PUBLICATIONS dE dOmINIqUE VALBELLE
Early KushitE ObjEcts frOm NiNEvEh: musiNgs, miscEllaNy aNd artEfacts iN thE british musEum cOllEctiONs
Le panthéon de deir eL-Médina : Cinq petits téMoignages Conservés au Louvre
Un bronze royal agenoUillé d’époqUe koUchite : Une statUette de chabaka oU de taharqa ?
Le Goût des MonuMents dans L’ÉGypte ancienne
Les FrontiÈres MÉridionaLes de L’Égypte et L’archÉoLogie nubienne
La chapeLLe d’Osiris qui préside aux Occidentaux cOnnue par une série de bLOcs décOuverts à MédaMOud
StatueS of SenwoSret III In the Sudan natIonal MuSeuM, KhartouM
Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais
New INformatIoN oN the mININg expedItIoN to the wadI hammamat IN Year 3 of ramesses IV
Bras-droit, suBstitut, adjoint, assistant … une question de suBordination au Moyen eMpire
NectaNébo aux portes de la Nubie
De la natte au tapis Rouge : symbolisme De la natte hieR et aujouRD’hui *
Les soLdats de L’empire dans Le désert orientaL
Huisseries d’Égypte et de Nubie
L’antique et dangereuse Mafdet sur un vase en pierre de La reine ankhnespépy ii
Métaux, textiles et réseaux d’échanges à longue distance entre la fin du iiie et le début du iie Millénaires : les « Paddle doll
L’hommage au patron en Égypte ancienne
Muto
Le vice-roi de Kouch imenemneKhou à Saï
La toponymie égyptienne en territoires conquis : Les noms-programmes des
Des serpents et Des lions : la flotte stupéfiante De Chéops en mer rouge
TABLE DES MATIÈRES
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Du Sinaï au Soudan: itinéraires d'une égyptologue : mélanges offerts au professeur Dominique Valbelle
 270180521X, 9782701805214

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ORIENT

MÉDITERRANÉE | archéologie

23

UMR 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire CNRS, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France

DU SINAÏ AU SOUDAN

D

u Sinaï au Soudan, de la Méditerranée à la quatrième cataracte du Nil, en passant par le désert occidental et Thèbes, l’égyptologue Dominique Valbelle a parcouru l’ensemble du monde égyptien. Au cœur de l’Égypte, elle a travaillé à Deir el-Médina, le village des ouvriers royaux du Nouvel Empire, dans le grand temple romain de Médamoud, et a mené des recherches sur les institutions royales et l’administration. Aux marges de l’Égypte, dans le Sinaï, elle a ouvert la mission franco-égyptienne de Tell el-Herr, site de forteresses perse et romaine, et a mis en valeur le sanctuaire d’Hathor à Sérabit el-Khadim, au cœur de la région d’exploitation de la turquoise. Au Soudan, terre d’expansion des pharaons au Nouvel Empire, elle a étudié la présence égyptienne sur le site de Doukki-Gel, dans un contexte non-égyptien, celui de la culture Kerma. Son éclairage original sur l’histoire et de la culture égyptiennes, sa vision novatrice de la discipline, et la richesse des programmes qu’elle a lancés se reflètent dans cet ensemble de contributions, qui lui est offert par ses amis, étudiants et collègues. Le volume rassemble des études archéologiques, des essais d’histoire, et des publications d’objets inédits provenant à la fois du Soudan, du Sinaï et de la vallée du Nil.

rom the Sinai to Sudan and from the Mediterranean to the fourth cataract of the Nile including the western desert and Thebes, Egyptologist Dominique Valbelle has studied Egypt in its entirety. She has worked on its core – in the village housing royal staff of the New Empire, Deir el-Medina and in the great roman temple of Medamoud, and she has led research on various royal and administrative institutions. On the fringes of Egypt, in the Sinai, she opened the Franco-Egyptian mission of Tell el-Herr, the site of Persian and Romain fortresses. She brought to life the sanctuary of Hathor of Serabit el-Khadim, central to the area where turquoise was found. In the Sudan where pharaohs of the New Empire sought to extend their domain, she studies the Egyptian presence in the site of Doukki-Gel and in a non-Egyptian context, that of the Kerma culture. Her original insights into the various aspects of Egyptian history and culture, her wide and innovative vision of the discipline and the richness of the programs that she has initiated are borne out in this collection of contributions, offered by her friends, students and colleagues. This rich volume draws together archaeological studies, historical essays and the first publication of objects coming from Sudan, the Sinai and the Nile valley.

ISBN 978-2-7018-0521-4

(Mélanges offerts à Dominique Valbelle)

Textes réunis par

Nathalie Favry, Chloé Ragazzoli Claire Somaglino, Pierre Tallet

DU SINAÏ AU SOUDAN – Itinéraires d’une égyptologue

F

Itinéraires d’une égyptologue

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Éditions de Boccard

DU SINAÏ AU SOUDAN ITINÉRAIRES D’UNE ÉGYPTOLOGUE Mélanges offerts à Dominique Valbelle

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orient

méditerranée | archéologie

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DU SINAÏ AU SOUDAN ITINÉRAIRES D’UNE ÉGYPTOLOGUE Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle Textes réunis par Nathalie Favry, Chloé Ragazzoli, Claire Somaglino, Pierre Tallet

Éditions de Boccard

11 rue de Médicis, 75006 Paris 2017

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Illustration de couverture

Sud-Sinaï : vue générale du temple de Sérabit el-Khadim et relief représentant la déesse Hathor. [Photographies © Pierre Tallet]

Umr 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire Cnrs, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France

Directeur de la collection Véronique BOUDON-MillOT, Cnrs - Umr 8167, Orient et Méditerranée Responsable éditoriale Fabienne DUgaST, Cnrs - Umr 8167, Orient et Méditerranée Comité scientifique Françoise BRiqUel CHaTONNeT Sylvie DeNOix Vincent DéROCHe Olivier MUNNiCH Pierre TalleT Création de la maquette Fabien TeSSieR Mise en pages Nathalie FaVRy, Paris-Sorbonne © éditions de Boccard - 2017 iSBN : 978-2-7018-521-4 iSSN : 2101-3195

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préface

Parisienne de cœur et de naissance, Dominique Valbelle aurait pu échapper à l’égyptologie. Après une carrière de « préhistologue » contrariée à l’âge de six ans1, et passionnée par les arts majeurs, elle décide, une fois bachelière, de s’inscrire en licence de Lettres modernes à la Sorbonne. C’est le temps pour elle de s’adonner aux littératures étrangères, et surtout au théâtre. Elle le consomme, fascinée, depuis l’enfance ; elle l’écrit aussi. Passionnée de tout, elle n’entend d’ailleurs pas dissocier les lettres des arts figuratifs et s’inscrit parallèlement à l’École du Louvre, où elle découvre l’égyptologie. Une fois touchée par le virus égyptien, et tout en poursuivant ses multiples intérêts artistiques, elle s’y attelle avec la vigueur, l’énergie et la détermination qu’elle met et mettra à poursuivre tous ses projets : elle suit les cours de tous les grands maîtres de l’époque, entre l’École du Louvre, la Sorbonne, le Collège de France et l’EPHE. Et, si son premier travail de recherches est une maîtrise de lettres, son mémoire annonce déjà le caractère définitif de sa conversion égyptologique : elle consacre en effet cette étude aux Aegyptiaca de W. R. Hamilton. Dominique Valbelle conseille souvent aux plus boulimiques de ses étudiants, qui remplissent leurs programmes et en verrouillent par avance tous les recoins, de laisser de la place pour les opportunités et les rencontres. La richesse de son parcours et des directions poursuivies, mais aussi le nombre de collaborations établies, comme celui des étudiants de toutes nationalités qu’elle a formés, reflètent en effet ce sens de la sociabilité académique et des rencontres. Jean Yoyotte marqua ainsi ses débuts d’égyptologue en la mettant sur la piste des déesses Satis et Anoukis pour son doctorat de troisième

1. D. Valbelle, Les chemins d’Horus, Paris, Grasset, 2010.

cycle, à l’École pratique des hautes études2. Cette enquête la mène à étudier la diffusion d’un culte à partir d’Éléphantine et de la première cataracte vers le reste de l’Égypte, au Nord, et, au Sud, vers la Nubie et les marges du territoire égyptien. Elle parcourt par ailleurs la chronologie égyptienne, jusqu’aux temples de la XXXe dynastie, ptolémaïques et romains, annonçant une curiosité et des intérêts de recherches diversifiés et centrifuges, du Soudan au Sinaï, en passant par Deir el-Médina. La carrière de Dominique Valbelle commence donc sous le signe de la religion et de la culture ptolémaïques, un fil certes rendu discret par l’importance et le nombre de ses terrains d’études, mais qu’elle a suivi tout au long de sa carrière jusqu’à consacrer beaucoup de temps, lors des années qui viennent de s’écouler, au temple de Médamoud et à la porte de Tibère dont elle supervise la reconstitution et prépare la publication. Ces années de formation la mènent naturellement en Égypte et à l’Institut français d’archéologie orientale, où elle travaille, en tant que membre scientifique de 1972 à 1977. Elle se voit alors confier par Serge Sauneron, directeur de l’IFAO, l’étude de la communauté des ouvriers de Deir el-Médina, héritage scientifique de Jaroslav Černý disparu peu de temps auparavant, à laquelle elle consacrera sa thèse d’État. Le site, qui devient alors son « centre du monde »3, l’entraîne au cœur de l’histoire égyptienne et de ses institutions, l’un des axes majeurs de sa vie d’égyptologue. Cette rencontre initie également sa carrière d’épigraphiste et de hiératisante d’un côté et d’archéologue urbaine de l’autre. Avec ce sens si sûr des grandes amitiés scientifiques qui la carac2. D. Valbelle, Satis et Anoukis, Mainz am Rhein, Ph. von Zabern, 1981. 3. D. Valbelle, Les chemins d’Horus, op. cit., p. 89. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. V-VII

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VI • P. TALLET, C. SOMAGLINO, C. RAGAZZOLI, N. FAVRY

térise, elle entreprend avec Charles Bonnet l’étude archéologique du village. Cette époque de formation est donc menée tambour battant, et les terrains étudiés, les corpus rassemblés ou encore les disciplines mises en œuvre (épigraphie, paléographie, archéologie, religion, histoire de l’État, …) sont multiples. Elle a donc goûté à l’urbain à Deir el-Médina… elle n’en démord plus. Comprenant l’intérêt de ce domaine alors trop peu exploré en Égypte, elle s’y engage sur le terrain et en développe l’étude dans le cadre de colloques et projets scientifiques (le Groupe international pour l’étude des villes dans la vallée du Nil). Elle lui accorde également une place de choix dans son enseignement dès son élection comme professeur à l’université de Lille III en 1983, vocation d’enseignante suscitée par Jean Leclant. Dans cette optique, et à l’instigation de son collègue égyptien Mohamed Abd el-Maksoud, qui lui a fait découvrir le Nord-Sinaï, elle s’engage, dès 1984, dans la fouille du site de Tell el-Herr. Une mission archéologique franco-égyptienne alors créée concrétise son souhait d’établir une collaboration équitable entre les deux pays. La mission s’installe dans le village bédouin de Balousa situé à un peu moins de dix kilomètres du site où elle fait construire une maison qui, malgré des portes trop petites sous lesquelles le sable et la faune locale se faufilaient, des fenêtres trop grandes impossibles à fermer, du goudron qui coulait entre les planches de la toiture en bois, devint très vite un joli refuge dans lequel chaque membre de l’équipe déambulait entre les lauriers-roses, le manguier, le frangipanier et le bougainvillée. Les matinées sur le site et les après-midi dans les salles de travail de la maison ont contribué à mettre au jour et révéler, pendant près de vingt-cinq ans, d’abord un camp romain du Bas-Empire (fin ive siècle)4, puis deux forteresses en briques crues datées des ve-ive siècles avant J.-C. et dont la particularité – toujours unique à ce jour – est d’avoir été bâties en grande partie en briques crues cylindriques5. C’est en 1993 que cette implication de longue date dans l’étude du Nord-Sinaï et la fouille du site de Tell el-Herr permirent par ricochet à Dominique Valbelle de vivre l’une des expériences scientifiques les plus originales de sa carrière. Le Service des antiquités lui confie en effet à cette date l’étude du temple d’Hathor de Sérabit el-Khadim, 4. D. Valbelle & J.-Y. Carrez-Maratray, Le Camp romain du BasEmpire à Tell el-Herr, Paris, Éditions Errance, 2000 ; D. Valbelle, Tell el-Herr : les niveaux hellénistiques et du Haut-Empire, Paris, Éditions Errance, 2007. 5. C. Defernez, G. Nogara & D. Valbelle, Tell el-Herr : les niveaux de la fin du ve et du ive siècle av. J.-C. Tome 1 : un palais oriental à Migdol, Paris, Pups, 2017.

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cette fois au sud de la Péninsule. Ce sanctuaire, fondé au début de la XIIe dynastie par les équipes pharaoniques envoyées dans cette région à la recherche de la turquoise, attendait encore une étude scientifique et archéologique qui n’avait jamais été réellement menée sur le terrain, en dépit des nombreuses expéditions anglaises, américaines et israéliennes qui avaient auparavant fréquenté les lieux. Il est manifeste qu’elle tombe à cette occasion littéralement sous le charme de ce sanctuaire, perdu dans l’immensité d’un plateau de grès découpé en terrasses, et entaillé de tous côtés par de profondes vallées. De cela témoignent les lignes qu’elle consacre au site, aussi bien dans la narration de l’organisation quotidienne, particulièrement difficile, des missions archéologiques6 que dans la description poétique qu’elle fait de cet environnement dans la publication du résultat de ses travaux : Profondément entaillé de toutes parts, ses ouadis ouvrent des échappées vertigineuses vers les vallées environnantes. Au-delà de ces vallées, des montagnes se succédant à l’infini, dessinent un horizon onirique. Selon les heures du jour, la saison et le ciel, le décor, toujours imposant, prend des tonalités et des formes variées. La brume qui envahit les vallées, le soir ou lors des rares pluies de printemps, colore d’un bleu doux terrasses et rochers, tandis que d’autres, touchés par l’obscurité, se découpent en ombres chinoises sur les reliefs encore ensoleillés […] On y pénètre comme on pénètre dans le plus impressionnant des sanctuaires, et on y vit avec le sentiment d’un grand privilège accordé temporairement par les dieux7.

Trois campagnes archéologiques menées en collaboration avec Charles Bonnet, son complice de toujours, permettront alors de définir précisément la chronologie de l’aménagement du sanctuaire entre le règne de Sésostris Ier, son fondateur, et le Nouvel Empire égyptien ; de suivre étape par étape l’évolution de ces deux principaux organes cultuels – la zone des spéos, à l’est, et la Chapelle des rois, très originale, au nord ; de décrypter enfin son organisation théologique, en définissant précisément le rôle de toutes les divinités qui entrent en jeu dans ce monument complexe, et en attribuant à Ptah – et non à Sokar comme on le croyait précédemment – la deuxième chapelle cultuelle. Parue en 1996, l’étude qui résulte de ce travail monumental sur le terrain est aujourd’hui le fondement obligatoire de toute recherche s’intéressant à cette partie du Sinaï et a permis de mettre en valeur le mécanisme 6. D. Valbelle, Les chemins d’Horus, op. cit., p. 209-223. 7. D. Valbelle & Ch. Bonnet, Le sanctuaire d’Hathor maîtresse de la turquoise, Paris, 1996, p. 46.

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PRÉFACE • VII

qui lie étroitement – dans l’esprit des Égyptiens de l’Antiquité – l’obtention de la pierre fine et la stabilité de la monarchie : le « mythe de la turquoise ». À l’hiver 1983-1984, Dominique Valbelle entreprend son premier voyage au Soudan, pays que Charles Bonnet lui décrivait depuis de nombreuses années. Enchantée par cette première visite, elle collabore ensuite régulièrement aux travaux de l’équipe suisse qui œuvre au sud de la troisième cataracte du Nil, sur les sites de Kerma et Doukki Gel. Elle prend alors en charge un très important dossier épigraphique, constitué de centaines de blocs et fragments provenant de plusieurs générations de temples construits sur le site. C’est le lieu pour elle de nombreuses émotions scientifiques, au fil de belles découvertes qui mettent en lumière les différentes phases d’occupation de cette ville où vivaient Égyptiens et Nubiens – on pense tout particulièrement à la mise au jour exceptionnelle en janvier 2003 d’une cachette renfermant sept statues monumentales de rois de la fin de la XXVe dynastie et du début de la dynastie napatéenne. Au-delà de ces moments privilégiés, l’ensemble de l’étude permet progressivement de reconstituer les différentes phases de la conquête égyptienne de cette région au Nouvel Empire et d’évaluer son impact sur le développement des cultures locales plus tardives. L’ensemble de ces travaux de terrain, une connaissance extrêmement sûre d’un vaste corpus de sources et un goût prononcé pour les grands textes royaux ne pouvaient qu’amener Dominique Valbelle à développer des études novatrices et des synthèses d’ensemble sur le domaine de l’administration et des institutions égyptiennes. Prosopographie, étude du discours royal… autant de pistes qu’elle a explorées tout en encourageant ses étudiants et collègues à les parcourir avec elle. Ces travaux trouvent un aboutissement dans son Histoire de l’État pharaonique, publiée en 1998, qui constitue depuis un classique sur le sujet. Dominique Valbelle n’a ainsi jamais cessé de contribuer généreusement à la formation des étudiants, et à l’organisation plus générale de notre discipline. En 1997, elle succède à Jean Vercoutter à la tête de la Société française d’égyptologie – une institution qu’elle dirige ensuite jusqu’en 2009. Sa présidence témoigne d’une très grande ouverture sur le monde de l’archéologie, et, pendant les douze

années de son mandat, sa bonne connaissance de tous les scientifiques travaillant sur le terrain, aussi bien au Soudan qu’en Égypte, permet aux membres de la société d’avoir constamment une information de première main sur l’ensemble de l’actualité archéologique de la vallée du Nil. C’est dans le même état d’esprit de diffusion des connaissances qu’elle participe à l’édition de nombreuses revues et collections scientifiques, en particulier la collection « Passé / Présent », qu’elle crée à son arrivée en Sorbonne. Dans ce cadre elle promeut à la fois les travaux de spécialistes confirmés ou ceux d’étudiants et jeunes docteurs publiant pour la première fois. De même, pendant plus d’une trentaine d’années son énergie inlassable lui aura permis d’assurer la direction d’institutions francoégyptiennes dynamiques comme le Centre francoégyptien d’étude des temples de Karnak, de mettre en place d’importantes structures de recherches comme l’équipe « Mondes pharaoniques » (UMR 8167, « Orient & Méditerranée ») et d’intégrer toujours de façon efficace chercheurs égyptiens, soudanais et européens à l’égyptologie française. Du Sinaï au Soudan, de la Méditerranée à la quatrième cataracte du Nil, en passant par le désert occidental et Thèbes, Dominique Valbelle a donc parcouru l’ensemble du monde égyptien, travaillant tantôt en son centre, tantôt sur ses périphéries. Si elle a longtemps privilégié ces dernières, c’est qu’elle a très tôt compris que beaucoup s’y jouait, celles-ci fournissant un éclairage original sur l’ensemble des aspects de l’histoire et de la culture égyptienne. Promouvant et soutenant des projets scientifiques novateurs dans notre discipline, développant un goût et une sensibilité pour des espaces peu étudiés et difficiles d’accès tout en maîtrisant ce qui fait l’égyptologie dans sa plus grande tradition française – édition de textes, études des temples ptolémaïques et romains –, le parcours de Dominique Valbelle est marqué du sceau de l’originalité et de la transmission. C’est en hommage à son incontestable talent pour constituer des équipes, former des étudiants, développer des collaborations internationales, tout particulièrement avec ses collègues et amis égyptiens et soudanais, que nous avons souhaité lui offrir ce volume d’hommages, en témoignage de notre reconnaissance et de notre amitié.

N. F., C. R., C. S., P. T.

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Liste des abréviations

ÄAT

Ägypten und Altes Testament (Wiesbaden).

AVDAIK

Cf. ArchVer (ou AV).

AAWL

Abhandlungen der sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig, phil.-hist. Kl. (Göttingen).

BAAL

Bulletin d’Archéologie et d’Architecture Libanaises (Paris).

ACER

Annales du Centre d’études des religions (Bruxelles).

BAR-IS

British Archaeological Reports – International Series (Londres).

BASOR

Bulletin of the American Schools of Oriental Research in Jerusalem and Baghdad (Ann Arbor, Mich., New Haven).

ActaAth-8° Acta Instituti Atheniensis Regni Sueciae (Suède). AEA

Aegean Archaeology (Varsovie – Chapel Hill).

BdE

Bibliothèque d’Étude (Le Caire) (ou BiEtud).

Aegaeum

Annales d’archéologie égéenne de l’Université de Liège et UT-PASP (Liège).

BeitrÄg

Beiträge zur Ägyptologie (Vienne, Autriche).

ÄgLev

Ägypten und Levante (Vienne, Autriche).

BES

Bulletin of the Egyptological Seminar (New York).

AegHelv

Aegyptiaca Helvetica (Bâle – Genève).

AegTrev

Aegyptiaca Treverensia. Trieren Stud. Zum griechisch-römischen Ägypten (Université de Trèves, Mayence).

Aegyptus

Rivista Italiana di Egittologia e di Papirologia (Milan).

AfrPraehist Africa Praehistorica (Cologne).

BFSA Monographs British Foundation for the Study of Arabia Monographs (Oxford). BiAeg

Bibliotheca aegyptiaca (Bruxelles).

BiblArch

The Biblical Archaeologist (Ann Arbor, Mich., New Haven).

BiblNot

Biblische Notizen. Beiträge zur exeget. Diskuss. (Munich).

AJA

American Journal of Archaeology (Archaeological Inst. of Amer., New York – Baltimore, puis Norwood).

BIFAO

Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale (Le Caire).

AltorForsch

Altorientalische Forschungen (Berlin).

BiEtud

Cf. BdE.

Arché-Nil

Archéo-Nil. Bulletin de la Société pour l’étude des cultures prépharaoniques de la vallée du Nil (Paris).

BiGen

Bibliothèque générale (Le Caire).

ArchVer

Archäologische Veröffentlichungen (Berlin) (ou AV et AVDAIK).

BiOr

Bibliotheca Orientalis (Leyde).

BMA

ASAE

Annales du Service des Antiquités de l’Égypte (Le Caire).

The Brooklyn Museum Annuals (Brooklyn) = BrookMusA.

BMSAES

ASEg

Archaeological Survey of Egypt (Londres).

British Museum Studies in Ancient Egypt and Sudan (Londres).

ASLU

Archaeological Studies Leiden University (Leyde).

BSAE

British School of Archaeology in Egypt (and Egyptian Research Account) (Londres).

AulOr

Aula Orientalis. Rev. de estud. del Proximo Oriente antiguo (Barcelone).

BSFE

Bulletin de la Société française d’Égyptologie (Paris).

Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. IX-XI

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X • abréviations Iraq

Iraq (Londres).

JAEI

Journal of Ancient Egyptian Interconnections (University of Arizona).

Contributions to the Chronology of the Eastern Mediterranean (Vienne).

JAOS

Journal of the American Oriental Society (New Haven, Conn.).

CdE

Chronique d’Égypte (Bruxelles) (ou ChronEg).

JARCE

CEA

Connaissance de l’Égypte ancienne (Bruxelles).

Journal of the American Research Center in Egypt (New York).

CHAN

Culture and History of the Ancient Near East (Leyde – Boston).

JEA

Journal of Egyptian Archaeology (Londres).

JEH

Journal of Ecclesiastical History (Cambridge).

ChronEg

Cf. CdE.

JIIA

CRIPEL

Cahiers de Recherches de l’Institut de papyrologie et égyptologie de Lille (Villeneuve d’Ascq).

Journal of Intercultural and Interdisciplinary Archaeology.

JMA

Journal of Mediterranean Archaeology.

CT

De Buck (A.), The Egyptian Coffin Texts, 7 vol., 1935-1961 (Chicago, Ill.).

JNES

Journal of Near Eastern Studies (Univ. of Chicago, Ill.).

DE

Discussions in Egyptology (Oxford) (ou DiscEg).

JSA

Journal of Social Archaeology.

DFIFAO

Documents de fouilles de l’Institut français d’archéologie orientale (Le Caire).

JSSEA

Journal of the Society of the Studies of Egyptian Antiquities (Toronto).

DQAP

Quarterly of the Department of Antiquities in Palestine (Jérusalem – Londres).

JWAG

Journal of the Walters Art Gallery (Baltimore).

EgArch

Egyptian Archaeology (Londres) (ou EA).

JWP

Journal of World Prehistory.

EgUit

Egyptologische Uitgaven (Leyde).

KÄT

Kleine ägyptische Texte (Wiesbaden).

EM

Egyptological Memoirs (Leyde – Boston).

KRI

Kitchen (K. A.), Ramesside Inscriptions, Oxford.

ErghÖJh

Ergänzungshefte zu den Jahresheften des Österreischichen Archäologischen Institutes (Vienne, Autriche).

KSG

Königtum, Staat und Gesellschaft früher Hochkulturen (Mayence).

Kush

Kush. Journal of the Sudan Antiquities Service (Khartoum).



Helck, W., Lexikon der Ägyptologie (Wiesbaden) (ou LdÄ).

LdÄ

Cf. LÄ.

Levant

Levant. Journal of the British School of Archaeology in Jerusalem and the British Institute at Amman for Archaeology and History (Londres).

LGG

Leitz (Chr.), Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen (OLA, 110-116), Leuven.

CASAE

Cahiers. Supplément aux Annales du Services des antiquités de l’Égypte (Le Caire).

CCE

Cahiers de la Céramique Égyptienne (Le Caire).

CCeM

ExcMem

Excavation Memoirs (Londres).

FIFAO

Fouilles de l’Institut français d’archéologie orientale (Le Caire).

GDG

Gauthier (H.), Dictionnaire des noms géographiques contenus dans les textes hiéroglyphiques, 7 vol., Le Caire, Société royale de géographie d’Égypte.

Genava

Genava. Bulletin du Musée de Genève (Genève).

GLECS

Comptes-rendus du Groupe linguistique d’études chamito-sémitiques (Paris).

LingAeg

GM

Göttinger Miszellen. Beiträge zur ägyptologische Diskussion (Göttingen) (ou GöttMisz).

Lingua Aegyptia. Journal of Egyptian Studies (Göttingen).

MAIBL

GöttMisz

Cf. GM.

Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (Paris).

GOF

Göttinger Orientforschungen (Wiesbaden).

MÄS

Münchner ägyptologische Studien (Berlin – Munich).

HÄB

Hildesheimer ägyptologische Beiträge (Hildesheim).

MDAIK

Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts, Abt. Kairo (Wiesbaden).

HdO

Handbuch der Orientalistik (Leyde – Cologne).

Memnonia

Memnonia (Paris).

IBAES

Internet-Beiträge zur Ägyptologie und Sudanarchäologie (Londres).

MET

Mond Excavation at Thebes (Londres).

IEA

Les Institutions dans l’Égypte Ancienne (Paris).

MIE

Mémoires de l’Institut égyptien, puis Mémoires de l’Institut d’Égypte (Le Caire).

IEJ

Israel Exploration Journal (Jérusalem).

MIFAO

Mémoires publiés par les membres de l’Institut français d’archéologie orientale (Le Caire).

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abréviations • XI MMAEE

Metropolitan Museum of Art, Egyptian Expedition (New York).

MMAEE, R. de P. Tytus Memorial Series Metropolitan Museum of Art, Egyptian Expedition (New York).

RT

Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes (Paris) (ou RecTrav).

SAK

Studien zur altägyptischen Kultur (Hambourg).

SAOC

Studies in Ancient Oriental Civilizations (Chicago, Ill.).

MonAeg

Monumenta Aegyptiaca (Bruxelles).

NEA

Near Eastern Archaeology (Boston).

SDAIK

OBO

Orbis biblicus et orientalis (Fribourg – Göttingen).

Sonderschrift des deutschen archäologischen Instituts, Abteilung Kairo (Mayence).

SMA

OIP

Oriental Institute Publications (Chicago, Ill.).

Studies in Mediterranean Archaeology (Göteborg).

OLA

Orientalia Lovaniensia Analecta (Louvain).

StudAeg

Studia Aegyptiaca (Budapest).

OrMonsp

Orientalia Monspeliensia (Institut d’Égyptologie de l’Université Paul Valéry, Montpellier).

SudNub

Sudan & Nubia (Londres).

Sumer

Orientalia

Orientalia. Comment. periodici Pontif. Inst. biblici (Rome).

Sumer. Journal of Archaeology and History in Arab World (Baghdad).

Syria

PalHiero

Paléographie hiéroglyphique (Le Caire).

Syria. Revue d’art oriental et d’archéologie (Paris).

PAM

Polish Archaeology in the Mediterranean (Varsovie).

PIA

Papers from the Institute of Archaeology (Londres).

PdÄ

Probleme der Ägyptologie (Leyde) (ou ProblÄg).

PSBA

TAVO Beihefte Reihe B Tübinger Atlas des Vorderen Orients (Wiesbaden). UGAÄ

Untersuchungen zur Geschichte und Altertumskunde Ägyptens (Leipzig – Berlin, puis Hildesheim).

Proceedings of the Society of Biblical Archaeology (Londres).

UPA

Universitätsforschungen zur Prähistorischen Archäologie (Bonn).

QDAP

Quarterly of the Department of Antiquities in Palestine (Jérusalem – Londres).

Urk.

Urkunden des ägyptischen Altertums (Leipzig – Berlin).

RAAO

Revue d’Assyriologie et d’Archéologie orientale (Paris).

VicOr

Vicino Oriente. Annuario del dipart. di sc. stor. archeol. e antropol. dell’Ant. (Rome).

RAPH

Recherches d’archéologie, de philologie et d’histoire (Le Caire).

Wb

Wörterbuch der ägyptischen Sprache (Leipzig).

RAVA

Reallexikon der Assyriologie und vorderasiatischen Archäologie (Heidelberg).

Wb Beleg.

Wörterbuch der ägyptischen Sprache. Die Belegstellen (Leipzig).

RdE

Revue d’Égyptologie (Paris).

WorldArch

World Archaeology (Londres).

RecTrav

Cf. RT.

ZÄS

Zeitschrift für ägyptische Sprache und Altertumskunde (Leipzig – Berlin).

RINAP

The Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period (University of Pennsylvania).

ZBA

Zaberns Bildbände zur Archäologie (Mayence).

RSO

Rivista degli Studi Orientali (Rome).

ZDMG

Zeitschrift der deutschen Morgenländischen Gesellschaft (Wiesbaden).

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TRAVAUX ET PUBLICATIONS dE dOmINIqUE VALBELLE

Ouvrages 1. 2. 3. 4. 5.

6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13.

Ouchebtis de Deir el-Médineh (DFIFAO, 15), Le Caire, Ifao, 1972. La tombe de Hay (n° 267) à Deir el-Médineh (MIFAO, 95), Le Caire, Ifao, 1975. Catalogue des poids à inscriptions hiératiques de Deir el-Médineh n° 5001-5423 (DFIFAO, 16), Le Caire, Ifao, 1977. Satis et Anoukis (SDAIK, 8), Mayence, P. von Zabern, 1981 (Prix Delalande-Guérineau de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres). Avec J. P. Corteggiani & P. Posener-Kriéger, Deir el-Médineh, un village antique en Haute Égypte (Collection Grandes Écoles archéologiques françaises), Paris, M.L Bouquin, 1984. Avec J. Leclant, J.-Cl. Golvin, Fr. Le Saout, Cl. Traunecker & Cl. Vandersleyen, Égypte, Paris, Bordas et fils, 1984. Avec J. Leclant, J.-Cl. Golvin, Fr. Le Saout, Cl. Traunecker & Cl. Vandersleyen, Ägypten : Geschichte – Kunst – Menschen, Stuttgart, 1984. « Les ouvriers de la Tombe », Deir el-Médineh à l’époque ramesside (BdE, 96), Le Caire, Ifao, 1985. Villes et campagnes de l’Égypte ancienne (La Documentation Photographique, 12), Paris, La Documentation française, déc. 1985. La Vie dans l’Égypte ancienne (« Que Sais-je ? », n° 1302), Paris, PUF, 1988 [2e éd. 1992] (et traductions arabe, portugaise, américaine). Les Neuf Arcs. L’Égyptien et les étrangers de la préhistoire à la conquête d’Alexandre, Paris, Armand Colin, 1990. avec J.-.L Huot & J.-P. Thalmann, Naissance des cités, Paris, Nathan, 1990. L’Égyptologie (« Que sais-je ? », n° 1312), Paris, PUF, 1991 (et traductions arabe et turque) [1994 : édition corrigée].

14. avec G. Husson, L’État et les institutions, des premiers pharaons aux empereurs romains, Collection « U », Paris, Armand Colin, 1992 (et traduction arabe). 15. avec Ch. Bonnet, Le Sanctuaire d’Hathor, maîtresse de la turquoise. Sérabit el-Khadim au Moyen Empire, Paris, Picard, 1996. 16. Histoire de l’État pharaonique, Collection « Thémis Histoire », Paris, PUF, 1998 [édition révisée en 2004]. 17. avec Ch. Bonnet, Édifices et rites funéraires à Kerma, Paris, Errance, 2000. 18. avec J.-Y. Carrez-Maratray et alii, Le Camp romain du Bas-Empire à Tell el-Herr, Paris, Errance, 2000. 19. avec J.-Fr. Gout (photographies), Les Artistes de la Vallée des Rois, Paris, Hazan, 2002. 20. avec R. Solé, La Pierre de Rosette, Paris, Le Seuil, 1999 (et traductions anglaise, grecque et italienne) ; réédition en poche Point Seuil, 2004. 21. avec Ch. Bonnet, Le Temple principal de la ville de Kerma et son quartier religieux, Paris, Errance, 2004. 22. avec Ch. Bonnet, Des Pharaons venus d’Afrique : la cachette de Kerma, Paris, Citadelles & Mazenod, 2005. 23. avec R. Solé, The Rosetta Stone : The Decipherment of the hieroglyphs, Londres, 2006. 24. et alii, Tell el-Herr : Les niveaux hellénistiques et du Haut-Empire, Paris, Errance, 2007. 25. Les Chemins d’Horus, Paris, Grasset, 2010. 26. avec R. Demarée, Les Registres de recensement dans le village de Deir el-Médineh. « Il Stato Civile », Louvain, Peeters, 2011. 27. Les Stèles de l’an 3 d’Aspelta, avec une annexe de Cl. Rilly (BdE, 154), Le Caire, Ifao, 2012. 28. avec Ch. Bonnet, La Ville de Kerma : une capitale nubienne au sud de l’Égypte, Lausanne, Favre, 2014.

Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. XIII-XVIII

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XIV • dominique valbelle

29. Charles Bonnet. De la vigne au jujubier, Lausanne, Favre, 2014. 30. avec C. Defernez & G. Nogara, Tell el-Herr : les niveaux de la fin du ve et du ive siècle av. J.-C. Tome I : Un palais oriental à Migdol, Paris, Pups, 2017.

DirectiOn et éDitiOn D’Ouvrages 31. avec J. Bourriau (dir.), An Introduction to the Pottery of Northern Sinai. Preliminary Results of the Rescue Campaign 1990-1994 (CCE, 5), Le Caire, Ifao, 1997. 32. avec Ch. Bonnet (dir.), Le Sinaï durant l’antiquité et le Moyen-Âge. 4000 ans d’histoire pour un désert. Actes du colloque « Sinaï » tenu à l’UNESCO du 19 au 21 septembre 1997, Paris, Errance, 1998. 33. avec J. Leclant (dir.), Le décret de Memphis. Colloque de la Fondation Singer-Polignac à l’occasion du bicentenaire de la découverte de la Pierre de Rosette, Paris, De Boccard, 1999. 34. avec J.-M. Yoyotte (dir.), Statues égyptiennes et kouchites démembrées et reconstituées. Hommage à Charles Bonnet, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011.

articles 35. « Le naos de Kasa au Musée de Turin », BIFAO, 72, 1972, p. 179-194 et pl. 45-48. 36. « Deir el-Médineh », dans Lexikon der Ägyptologie I/7, Wiesbaden, Harrassowitz, 1975, col. 1028-1034. 37. « Satis et Anoukis » (position de thèse), Annuaire de l’EPHE Ve section, tomes 80-81/2, 1975, p. 143-146. 38. avec Ch. Bonnet, « Le village de Deir el-Médineh - reprise de l’étude archéologique », BIFAO, 75, 1975, p. 429-446 et pl. 62-72. 39. « Témoignages du Nouvel Empire sur les cultes de Satis et Anoukis à Éléphantine et à Deir el-Médineh », BIFAO, 75, 1975, p. 123-145 et pl. 18-23. 40. « Remarques sur les textes néo-égyptiens non littéraires (§ 1-5) », BIFAO, 76, 1976, p. 101-109. 41. avec Ch. Bonnet, « Le village de Deir el-Médineh - étude archéologique (suite) », BIFAO, 76, 1976, p. 317-342 et pl. 57-59. 42. « Remarques sur les textes néo-égyptiens non littéraires (§ 6-10) », BIFAO, 77, 1977, p. 129-136. 43. et alii, « Douch, rapport préliminaire de la campagne de fouilles 1976 » BIFAO, 78, 1978, p. 1-33 et pl. 1-8. 44. « Une tombe de l’Ancien Empire à Balat », BIFAO, 78, 1978, p. 53-63 et pl. 19-24.

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45. « La porte de Tibère dans le complexe religieux de Médamoud », dans J. Vercoutter (dir.), Hommages à la mémoire de Serge Sauneron, vol. I (BdE, 81/1), Le Caire, Ifao, 1979, p. 73-85 et pl. 13. 46. « La porte de Tibère à Médamoud : l’histoire d’une publication », BSFE, 81, mars 1978, p. 18-26. 47. « Le village de Deir el-Médineh : essai de chronologie schématique », dans W. F. Reineke (dir.), Actes du Premier Congrès International d’Égyptologie (2-10 octobre 1976, Le Caire), Stuttgart, 1979, p. 661-663. 48. avec Ch. Bonnet, « Un prêtre d’Amon de Pnoubs enterré à Kerma », BIFAO, 80, 1980, p. 1-12 et pl. 1-4. 49. et alii, « Douch, rapport préliminaire des campagnes de fouilles de l’hiver 1978-1979 et de l’automne 1979 », BIFAO, 80, 1980, p. 287-345 et pl. 75-98. 50. « Une égide d’Anoukis au musée du Caire », dans J. Vercoutter (dir.), Livre du Centenaire, 1880-1980 (MIFAO, 104), Le Caire, 1980, p. 153-156 et pl. 19-20. 51. « Meresger », dans Lexikon der Ägyptologie IV/1, Wiesbaden, Harrassowitz, 1980, col. 79-80. 52. « Raccords », dans Festschrift für Labib Habachi, MDAIK, 37, 1981, p. 475-478. 53. avec M. es-Saghir, « Per-Merou (Kommir) et le district de la Gazelle dans le 3e nome de Haute Égypte », BSFE, 91, juin 1981, p. 22-30. 54. « Satis », dans Lexikon der Ägyptologie V, 1982, Wiesbaden, Harrassowitz, 1982, col. 487-488. 55. « Modalités d’une enquête ponctuelle sur la vie quotidienne », dans L’Égyptologie en 1979 : Axes prioritaires de recherches, vol. 2 (Colloques Internationaux du CNRS, 595), 1982, p. 177-178. 56. avec M. el-Saghir, « Kommir », BIFAO, 83, 1983, p. 149-170 et pl. 28-31. 57. « Initiation à l’épigraphie des temples égyptiens des époques grecque et romaine », Annuaire de l’EPHE Ve section, tome 91, 1982-1983, p. 225-226. 58. « Initiation à l’épigraphie des temples égyptiens des époques grecque et romaine », Annuaire de l’EPHE Ve section, tome 92, 1983-1984, p. 213-214. 59. « L’institution de la Tombe, un témoin singulier d’histoire socio-économique en Égypte au Nouvel Empire », Dialogue d’Histoire Ancienne 10/1, 1984, p. 37-50. 60. « Initiation à l’épigraphie des temples égyptiens des époques grecque et romaine », Annuaire de l’EPHE Ve section, tome 93, 1984-1985, p. 189-190. 61. « Éléments sur la démographie et le paysage urbain, d’après les papyrus documentaires d’époque pharaonique », CRIPEL, 7, 1985, p. 75-87. 62. « Projets et résolutions du Groupe International pour l’Étude des Agglomérations dans la Vallée du Nil », dans S. Schoske (dir.), Quatrième Congrès International d’Égyptologie, Munich, 1985.

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travaux et publications • XV

63. « Les villes d’Égypte », Le Monde de la Bible n° 41, nov.-déc. 1985, p. 19-21. 64. « Les chantiers de pharaons », Le Monde de la Bible n° 41, nov.-déc. 1985, p. 25-26. 65. « Précisions apportées par l’iconographie à l’un des emplois du mot dmj », dans P. PosenerKrieger (dir.), Mélanges Gamal eddin Mokhtar (BdE, 97/2), p. 315-319. 66. « Initiation à l’épigraphie des temples égyptiens des époques grecque et romaine », Annuaire de l’EPHE Ve section, tome 93, 1984-1985, p. 189-190. 67. « Première Table Ronde du Groupe International pour l’Étude des Villes dans la Vallée du Nil », CRIPEL, 8, 1986, p. 13. 68. « Maintien et transformation de la société », Le Monde de la Bible n° 45, août-sept. 1986, p. 9-12. 69. « Les recensements dans l’Égypte pharaonique des troisième et deuxième millénaires », CRIPEL, 9, 1987, p. 33-49 et pl. 4-6. 70. « La notion de règlement dans les fondations royales d’époque pharaonique », DE, 7, 1987, p. 81-85. 71. « Entre l’Égypte et la Palestine : Tell el-Herr », BSFE, 109, 1987, p. 24-38. 72. avec Ch. Bonnet, « Un objet inscrit retrouvé dans un bâtiment napatéen à Kerma (Soudan) », CRIPEL, 9, 1987, p. 25-29 et pl. 2-3. 73. avec E. Louis, « Les trois dernières forteresses de Tell el-Herr », CRIPEL, 10, 1988, p. 61-71, pl. 8-14. 74. avec P. Lacovara, « Avant-propos : Deuxième table ronde du Groupe internationale pour l’Étude des Agglomérations dans la Vallée du Nil », CRIPEL, 11, 1989, p. 13. 75. et alii, « Sépultures à chiens sacrifiés dans la vallée du Nil », CRIPEL, 11, 1989, p. 25-39. 76. « Recherches archéologiques récentes dans le Nord-Sinaï », CRAI, juil.-déc. 1989, p. 594-607. 77. « L’artigiano », dans S. Donadoni (dir.), L’uomo egiziano, Rome, 1990, p. 35-62. 78. « Le paysage historique de l’exode » dans E. M. Laperrousaz (dir.) et alii, La Protohistoire d’Israël : De l’Exode à la Monarchie, Paris, Le Cerf, 1990, p. 87-107. 79. « L’Égyptien à Kerma sous l’Ancien Empire », dans Ch. Bonnet (dir.), Kerma, royaume de Nubie, l’antiquité africaine au temps des pharaons, exposition organisée au musée d’art et d’histoire, Genève, 14 juin-25 nov. 1990, Genève, Musée d’art et d’histoire, 1990, p. 95-97. 80. « Avant-propos », CRIPEL, 13, 1991, p. 11. 81. « Les plus anciennes listes connues de personnel auxiliaire (smdt) : les tablettes hiératiques CGC 25367 et 25368 du musée du Caire », CRIPEL, 13, 1991, p. 123-128. 82. « L’artisan », dans S. Donadoni (dir.), L’homme égyptien, Paris, 1992, p. 51-79. 83. « Der Handwerker », dans S. Donadoni (dir.), Der Mensch des Alten Ägypten, Frankfort, 1992, p. 50-78.

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84. « L’Égyptien en Nubie », dans Ch. Bonnet (dir.), Actes de la VIIe Conférence Internationale des Études Nubiennes (sept. 1990), vol. 1, Genève, 1992, p. 359-362. 85. « Les métamorphoses d’une hypostase divine en Égypte », Revue de l’histoire des Religions, 209, 1992, p. 3-21. 86. et alii, « Prospection archéologique et géomorphologique à la pointe orientale du Delta -19891991 », CRIPEL, 14, 1992, p. 11-22. 87. « La notion d’identité dans l’Égypte pharaonique », dans Sesti Congresso Internazionale di Egittologia : Atti, vol. 2, Turin, 1993, p. 551-556. 88. « L’égyptologie en France aujourd’hui », dans Livre blanc de l’orientalisme français, Paris, 1993, p. 169-174. 89. « Les nécropoles de Mirgissa », dans Br. Gratien & Fr. Le Saout (dir.), Nubie : les cultures antiques du Soudan, à travers les explorations et les fouilles françaises et franco-soudanaises : exposition organisée à la Fondation Prouvost, Marcq en Baroeul, du 16 septembre au 27 novembre 1994, Lille, 1994, p. 131-134. 90. « Histoire et archéologie aujourd’hui », dans M. Dewachter & A. Fouchard (dir.), L’égyptologie et les Champollion : recueil d’études publié à l’occasion du Colloque international célébrant le bicentenaire de la naissance de Jean-François Champollion « De l’Egypte des Pharaons à celle de 1990, Hommage de Grenoble aux frères Champollion » (29 novembre – 1er décembre 1990), Grenoble, 1994, p. 191-196. 91. « La (les) route(s) d’Horus », dans C. Berger, G. Clère & N. Grimal (dir.), Hommages à Jean Leclant, vol. IV, (BdE, 106/4), Le Caire, Ifao, 1994, p. 379-386. 92. « Nubie. Cultures antiques du Soudan », Le Monde de la Bible, 88, juil. – sept. 1994, p. 47-50. 93. « La restauration des bronzes d’El-Hobagi » dans La Nubie, Les Dossiers d’Archéologie, 196, sept. 1994, p. 58. 94. avec Ch. Bonnet & Fr. Le Saout, « Le temple de la déesse Hathor, maîtresse de la turquoise, à Sérabit el-Khadim. Reprise de l’étude archéologique et épigraphique », CRIPEL, 16, 1994, p. 15-29. 95. « The salvage campaign of North-Sinai: The history of a Border », Annual Meeting of the ARCE, Université de Toronto (mai 1994). 96. avec C. Defernez, « Les sites de la frontière égypto-palestinienne à l’époque perse », Transeuphratène, 9, 1995, p. 93-100. 97. « Avant-propos », CRIPEL, 17, 1995, p. 13-14. 98. « Formes et expressions de l’État égyptien en Nubie au Nouvel Empire », CRIPEL, 17/1, 1995, p. 167-174. 99. avec Ch. Bonnet, « Le temple d’Hathor maîtresse de la turquoise à Sérabit el-Khadim. Troisième campagne », CRAI, nov. 1995, p. 915-941.

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XVI • dominique valbelle

100. « Les niveaux hellénistiques de Tell el-Herr », BSFE, 132, 1995, p. 30-42. 101. avec M. Abd el-Maksoud, « La marche du Nord-Est », dans La Basse Égypte aux temps pharaoniques, Les Dossiers d’Archéologie, 123, 1996, p. 60-65. 102. « Chapelle de Geb et temple de millions d’années dans le sanctuaire d’Hathor, maîtresse de la turquoise », Genava, n.s. XLIV, 1996, p. 61-70. 103. « Jan Quaegebeur (1943-1995) », CRIPEL, 18, 1998, p. 13-15. 104. « Craftsmen », dans S. Donadoni (dir.), The Egyptians, Chicago – Londres, 1997, p. 31-59. 105. « Introduction » (CCE, 5), 1997, p. vii-ix. 106. avec Ch. Bonnet, « Topics, Problems, Insights ans Results of the Symposium », dans B. Sitter Liver & C. Uehlinger (dir.) Partnership in Archaeology. Perspectives of a Cross-Cultural Dialogue, 1997, p. 201-206. 107. « Le faucon et le roi », L’impero Ramesside, Conférence Internationale de l’Université La Sapienza, Rome (nov. 1994), Rome, 1997, p. 205-220. 108. avec Ch. Bonnet, « The Middle Kingdom Temple at Serabit el-Khadim », dans St. Quirke (dir.), The Temple in Ancient Egypt. New Discoveries and Recent Research, Londres, 1997, p. 82-89. 109. « Le papyrus. Un trésor inestimable », dans L’Égypte ancienne : les secrets du Haut Nil, Paris, 1998, p. 135-141. 110. « Les garnisons de Tell el-Herr (Migdol) de l’époque achéménide au Bas-Empire. État de la question en 1998 », CRAI, juillet-octobre 1998, p. 799-817. 111. « Introduction », dans Ch. Bonnet & D. Valbelle (dir.), Le Sinaï durant l’Antiquité et le Moyen-Âge. 4000 ans d’histoire pour un désert. Actes du colloque « Sinaï » tenu à l’UNESCO du 19 au 21 septembre 1997, Paris, 1998, p. 7-9. 112. « Les dieux égyptiens et la royauté au Sinaï », dans Ch. Bonnet & D. Valbelle (dir.), Le Sinaï durant l’Antiquité et le Moyen-Âge. 4000 ans d’histoire pour un désert. Actes du colloque « Sinaï » tenu à l’UNESCO du 19 au 21 septembre 1997, Paris, 1998, p. 50-55. 113. avec M. Abd el-Maksoud, « La frontière orientale du Delta depuis le bronze moyen jusqu’au bronze récent », dans A. Caubet (dir.), L’acrobate au taureau. Les découvertes de Tell el-Daba (Égypte) et l’archéologie de la Méditerranée orientale (18001400 av. J.-C.), Actes du colloque organisé au musée du Louvre par le service culturel le 3 décembre 1994, Paris, 1998, p. 85-98. 114. avec G. Husson, « Les questions oraculaires d’Égypte : histoire de la recherche, nouveautés et perspectives » dans W. Clarysse, Ant. Schoors & H. Willems (dir.), Egyptian religion in the last

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thousand years : studies dedicated to the memory of Jan Quaegebeur (OLA, 84-85), Louvain, 1998, p. 1055-1071 115. avec Fr. Le Saout, « Les archives de Clédat sur le Nord-Sinaï », CRIPEL, 20, 1999, p. 71-79 et pl. 2-4. 116. « Conception et expression de la guerre dans la littérature égyptienne », dans L. Nehmé (dir.), Guerre et conquête dans le Proche-Orient ancien, Actes de la table ronde du 14 nov. 1998 organisée par l’URA 1062, « Études Sémitiques », Collège de France, Paris, 1999, p. 23-32. 117. « Tell el-Herr », dans K.A. Bard (dir.), The Encyclopedia of the Archaeology of Ancient, Londres – New York, Routledge, 1999, p. 783-786. 118. « Kerma : les inscriptions », Genava, n.s. 47, 1999, p. 83-86. 119. « Les décrets égyptiens et leur affichage dans les temples », dans J. Leclant & D. Valbelle (dir.), Le Décret de Memphis, Paris, 2000, p. 67-90. 120. « Débats et conclusions » dans D. Valbelle & J. Leclant (dir.), Le Décret de Memphis, Paris, 1999, p. 141-145. e 121. avec G. Nogara, « La forteresse du iv siècle av. J.-C. à Tell el-Herr (Nord-Sinaï) » CRIPEL, 21, 2000, p. 53-64 et pl. 4-8. 122. avec G. Nogara, « Mission archéologique francoégyptienne de Tell el-Herr ; campagne 1998 », ASAE, 76, 2000-2001, p. 53-63. 123. « A First Persian Period Fortress at Tell el Herr », EgArch, 18, mars 2001, p. 12-14. 124. « Un fortin qui n’a rien d’égyptien », Historia thématique, 69, janvier-février 2001, p. 24-27. 125. « La vie d’un chantier au Nouvel Empire », Les dossiers d’archéologie, 265, 2001, p. 32-39. 126. avec G. Husson, « Oracles égyptiens et légitimité impériale dans l’Égypte romaine », dans M. Molin (dir.), Images et représentations du pouvoir et de l’ordre social dans l’Antiquité, Paris, 2001, p. 311-314. 127. « Kerma, les inscriptions », Genava, n.s. XLIX, 2001, p. 229-234. 128. « La regalità faraonica : la natura del potere », dans Chr. Ziegler (dir.), I faraoni, Milan, 2002, p. 95-111. 129. « Egyptian History and Pluridisciplinarity. The writing of history of Ancient Egypt, response to D.B. Redford », dans L. Pinch Brock & Z. Hawass (dir.), Egyptology at the Dawn of the Twenty-First Century: Proceedings of the Eighth International Congress of Egyptologists, Cairo, 2000, Le Caire – New York, 2003, p. 20-22. 130. avec Ch. Bonnet, « Un dépôt de statues royales du début du VIe siècle av. J.-C. à Kerma », CRAIBL, 147/2, mai 2003, p. 749-771. 131. avec Ch. Bonnet, « Amon-Rê à Kerma », dans N. Grimal, A. Kamel & C. May-Sheikholeslami

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travaux et publications • XVII

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XVIII • dominique valbelle

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Early KushitE ObjEcts frOm NiNEvEh: musiNgs, miscEllaNy aNd artEfacts iN thE british musEum cOllEctiONs Julie Renee Anderson Department of Ancient Egypt and Sudan, The British Museum

In 2008, several fragments of Kushite royal statues dating to the 7 th and 6th centuries BC, including the rulers Taharqo, Senkamanisken and Aspelta (?), were discovered upstream of the 5 th cataract at the site of Dangeil, Sudan in an Amun temple of the 1 st century AD. 1 It appears likely that these statues came from a statue cache that had been disturbed during the destruction of the later temple 2 and perhaps originated in an earlier royal and/or sacred structure. Two other statue caches containing the same family of kings (Taharqo, Tanwetamani, Senkamanisken, Anlamani and Aspelta) had been discovered previously in Sudan; one at Jebel Barkal in 1916 3 and the other much more recently at Kerma-Dokki Gel in 2003, 4 and as at Dangeil, the statues had been ritually broken. The surprising discovery of the Dangeil statues elicited animated discussions as to why statues of early Kushite rulers had been located so far upstream from Barkal, the heartland of Napata and the 25th dynasty.5 The southern geographical extent of Dynasty 25 and Napatan rule remains unknown, though it seems clear that Dangeil was under direct

royal control with this establishment of a royal statue cult in the first part of the 7th century BC.6 At this time, the exact disposition of Meroe, further to the south, remains uncertain but as J. Pope has observed, evidence for royal construction there largely appears later, in the second half of the 7th century BC. It increases during and following Aspelta’s reign in the 6th century BC, not only at Meroe, but also in its hinterland as well as in the Butana.7 Thus during the 7th century, Dangeil served as “a point of tangency between spheres of established royal hegemony and growing royal influence”.8 It should be acknowledged, however, that the absence of evidence for something does in and of itself not constitute evidence. Looking northward, Taharqo ruled an empire that stretched as far as Palestine. Both he as ruler, and his successor Tanwetamani, came into conflict with the Neo-Assyrians following their invasion of Egypt in 671 BC; a conflict described in numerous places including the annals of Esarhaddon and the royal inscriptions of Aššurbanipal (i.e. Fragment L; British Museum K.13721; Aššur-Babylon 3; Esarhaddon’s Monument A; Esarhaddon’s Monument C9 (and

1. Dangeil is located in River Nile State, roughly 350 km north of modern Khartoum. 2. Anderson & Salah 2009; Iidem 2010a; Iidem 2010b; Iidem 2014. 3. Reisner 1917; 1931; Dunham 1970. 4. Bonnet & Valbelle 2004; Iidem 2005; Bonnet et al. 2003. 5. The Berber-Abidiya Archaeological Project is very grateful to Dominique Valbelle and Charles Bonnet, among many other things, for their observations and remarks that contributed to our understanding and to the greater discussion of the statues and their disposition as a whole. It should also be mentioned that Dominique Valbelle and Salah Mohamed Ahmed have generously facilitated the participation in excavations at Dangeil, Sudan of numerous graduate students from the Sorbonne, Paris.

6. See further Pope 2014, p. 31, n. 187. For early Kushite royal artefacts (to the end of the reign of Aspelta) found upstream of Dangeil see also Anderson & Salah 2009, pp. 84-85, table 1. 7. Pope 2014, pp. 30-31. 8. Ibidem, p. 32. 9. A cast of Esarhaddon’s Monument C is housed in the British Museum (C. 189). The original inscription was cut into a cliff at Nahr el-Kelb Lebanon, beside an inscription of Ramses II, and it commemorates the first campaign inside Egypt by an Assyrian ruler. Dated roughly to 671 BC, it depicts Esarhaddon along with a cuneiform inscription documenting the capture of Memphis, Ascalon and Tyre. The British Museum acquired the cast in 1837 through a donation from Joseph Bonomi. Cf. Leichty 2011, Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 1-8

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during which the Kushites ultimately lost control of Egypt.10 Further, eleven fragments of fired clay glazed tiles excavated by A. H. Layard at Nimrud, which likely came from Fort Shalmaneser (Layard 1853, p. 164-7; 1867, p. 52-7; i.e. British Museum N.2067, N.1036, N.2066, N.2025), appear to commemorate Esarhaddon’s campaign against Egypt; a dating based upon artistic style and iconography. These tiles would have decorated walls within his royal residence and depict Assyrian soldiers, defeated enemies, and a fragment of an Egyptian city with distinctive walls, probably Memphis.11 Similarly, a wall panel from room M in Aššurbanipal’s North Palace at Nineveh (Kouyunjik) (British Museum ME 124928) depicting part of his Egyptian campaign shows the storming of an Egyptian fortress and soldiers who may be considered Kushites. There is some evidence for occasional contacts between the Nile valley and Assyria prior to Taharqo’s reign as attested to by numerous small objects such as scarabs and amulets. For example, three mud jar seals found at Nineveh (Kouyunjik) bearing the cartouche of Shabaka, (British Museum ME 84527; 84884; 1881,0204.352),12 may indicate some sort of limited diplomatic contact between the two empires early in the 25th Dynasty as could another seal with the name Mn-ḫpr-Rʿ (British Museum ME 84526) tentatively identified as belonging to either Piankhy or Shebitku (rather than Thutmose III or the 21st Dynasty High Priest of the same name);13 however, by the time of Taharqo’s rule the situation had clearly deteriorated. This was also not the first time that these two great powers had come into conflict. The armies of Sennacherib and the Kushites led by Taharqo prior to his ascension of the throne, had clashed in the Levant in 701 BC; images dramatically depicted on alabaster panels from the South-West Palace of Sennacherib at Nineveh (Kouyunjik), now in the British Museum (1856,0909.14).14 Of particular interest are those depicting the siege of Lachish (ME 124909) and the execution of foreigners who are perhaps Kushites.15 pp. 90-91; 94; 135; 181-186; 191-192; Parpola 1998, p. 164; Nadali 2006, p. 110, n. 10; Lambert 1992, passim. 10. These battles have been discussed extensively and will not be discussed here. See for example: Kahn 2001; Idem 2004; Idem 2014; Elat 1978; Spalinger 1974; Török 1997, etc. 11. For an extensive discussion of these bricks, iconography, subject and style see Nadali 2006 and Albenda 1982, pp. 12-16, pl. 5, 6, 7, 8. J. Reade suggests that these tiles decorated the façade of the throne room on Fort Shalmaneser (Reade pers. comm.). 12. Giveon 1985, p. 166. 13. Ibidem, p. 168, no. 6; Leclant 1965, p. 118. 14. See also Khan 2014. 15. Barnett & Bleibtreu 1998, p. 433c; Reade 1998, pp. 65-71; Ussishkin 1982, pp. 77, 87.

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There is also continuing evidence for contact between the Nile valley and Assyria following the defeat and withdrawal of the Kushites from Egypt. Certainly from the reign of Aššurbanipal many Egyptian names are attested in the Neo-Assyrian onomasticon.16 Examples of Egyptian names include Aḫūru – possibly a form of Horus; Al-ḫapi-mepi – The Apis bull has been brought to Memphis; Ammantanaḫti – Amon is my strength; Amu-rṭēše – it is Amon who has given him; Apî – meaning unknown; and Aṣê – prosperous.17 It is somewhat surprising that relatively few distinctly Kushite artefacts of the 7th century AD have been identified at Nineveh, the Neo-Assyrian capital, given the extensive military encounters between the Neo-Assyrians and the Kushites; events which were accompanied by plundering and sacking Memphis, the exile of Kushite and Egyptian royalty and nobles to Nineveh, and given the numerous archaeological excavations conducted at Nineveh beginning in the mid-19th century.18 Further, the southern mound at Nineveh, Nebi Yunus,19 is situated beneath a modern village and the presence of the underlying antiquities was common knowledge from at least the 19th century. E. Stevens writes in 1923: “There is a good deal of promiscuous and unscientific excavation going on in Nebi Yunus. Antiquity-dealers from Baghdad and elsewhere buy up houses in the village and dig beneath them, selling whatever they discover”.20 There is a notable exception; while the statue of Taharqo at Dangeil is the southernmost found thus far, the discovery of statues of Taharqo far to the northeast at Nineveh at Nebi Yunus, has largely been overlooked by scholars. Excavations conducted by Mohammad Ali Mustafa in 1954 at Nebi Yunus uncovered fragments of three statues of Taharqo (British Museum Departmental Correspondence 1955a-e).21 Although the statues had been burnt and 16. Zadok 1977; 1997. 17. Parpola 1998, pp. 87, 97, 102; 109, 112, 139. For further discussion see ibidem, XV-XVI and see also Zadok 1977. 18. For a list of excavations see Scott and MacGinnis 1990 and for a full discussion of Nineveh, the site, its history etc. see Reade 2000. 19. It is also perhaps timely to mention Nebi Yunus in light of the recent destruction of the shrine to the Prophet Jonah there on 24 July 2014 by the Islamic State of Iraq and the Levant (ISIL) or Dāʻish (‫)شعاد‬. 20. Stevens 1923, p. 100. 21. Note: this correspondence occurs with the Department of Egyptian and Assyrian Antiquities while C. Gadd is Keeper, just prior to its separation into the Department of Egyptian Antiquities and the Department of Western Asiatic Antiquities in 1955. Cf. Naji al Asil 1954a, pp. 110111; Idem 1954b, pp. 193-194; Idem 1955a, p. 4; Idem 1955b, pp. 129-131; Scott & MacGinnis 1990, pp. 6467; Vikentiev 1955, pp. 111-116.

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broken into small pieces, much of the bases were preserved and indicate that the statues had been roughly life-size, apparently of hard stone, and that they depicted the standing king striding forward, with the left foot in front (figs 1-3).22 One depicts the king standing upon the Nine Bows, representing the traditional enemies of foreign lands conquered by Egypt. The statues were situated in front of the main gate leading into the grounds of the Military Palace (or Review Palace) built by Sennacherib possibly upon an earlier structure, and later rebuilt by Esarhaddon, and they would have been the first things seen by those entering.23 The positioning of the statues is interesting. Naji al Asil describes them as “eloquent witnesses to the might of Assyria”24 while Vikentiev proposes two alternate reasons for their location: either as trophies of war brought back to Nineveh by the Assyrian army or as diplomatic gifts placed in a position of honour giving homage to Taharqo, the Kushite ruler.25 Several passages from the annals of Esarhaddon may provide an explanation for the positioning of the statues. From Nineveh (Prism) B (Nin. B): The one who plundered the land Arzȃ, which is in the district of the Brook of Egypt – I threw Asuḫīli, its king, into fetters along with his counsellors and brought (them) to Assyria. I seated them, bound, near the citadel gate of (the city of) Nineveh along with bear(s), dog(s) and pig(s).26

From Fragment B (British Museum K.8523): [I threw] Uabu, together with all of [the soldiers who were with him, into fetters and] brought (them) here and [bound them] to the left side of the citadel gate of the city of Nineveh.27

Further, the Victory Stela of Esarhaddon (also referred to as the Zincirli or Senjirli Stela now in the Pergamon Museum, Berlin, VA 2708), which commemorates his victory over Taharqo in 671 BC, depicts the Kushite crown prince Ushankhuru kneeling and bound with a rope tied around his neck. Esarhaddon holds the end of this rope and a mace in his left hand.

22. Following their excavation, these statues were taken to the laboratory of the Iraq Museum, Baghdad (Naji al Asil 1955, p. 4). 23. This gate has sometimes been referred to as the Mušlālu Gate, erroneously according to Reade (forthcoming). 24. Naji al Asil 1954a, p. 111. 25. Vikentiev 1955, p. 112. 26. Leichy 2011, p. 29. 27. Ibidem, p. 78.

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From these texts, it is clear that high-profile leaders of enemy troops and enemy rulers were not infrequently placed bound in front of city gates and one can envision the statues of Taharqo in exactly this position, perhaps symbolically restrained in some fashion. This would have been an effective and very public display of Assyrian military prowess and success; it also may be contrasted with the more private depictions of Kushite defeat (such as the tiles and wall panels mentioned above) positioned within the royal palaces of Esarhaddon and Aššurbanipal viewed by a select audience. Two of the statues bear inscriptions, thus confirming their identification, while the third statue appears to have been uninscribed, as far as can be determined from the remaining fragments. On the upper faces of the statue bases, between the striding feet, the inscriptions consist of two vertical lines enclosed within rectangular frames.28 One statue reads: nṯr nfr nb ỉr ḫt tȝ-h-r-q dỉ ʿnḫ ḏt mry Ỉn-ḥr ḥr-ỉb [tȝ -unknown place name] dỉ ʿnḫ The perfect God, Lord of Action (Ritual) Taharqo. Given life forever. Beloved of Anhur, who resides in [unknown place name], Given life.

The inscription on the second statue reads: nṯr nfr nb tȝwy nb ỉr ḫt tȝ-h-r-q [dỉ] ʿnḫ ḏt mry Ỉn-ḥr ḥr-ỉb [tȝ -unknown place name] dỉ ʿnḫ The perfect God, Lord of the Two Lands, Lord of Action (Ritual) Taharqo. [Given] life forever. Beloved of Anhur, who resides in [unknown place name], Given life.

Taharqo is also associated with Anhur (Onuris) in a stela from year 6 of his reign found in the first court of the Amun temple at Kawa where he is said to be “like Anhur”,29 probably fulfilling his role as god of war and son of Ra, defender of Egypt and a “righter of wrongs”. The place in which Anhur resides appears to have two different spellings, neither of which has been attested elsewhere thus far, though it is clearly a foreign land. Both inscriptions appear damaged making the second line with the place name unclear and as only photographs of casts of the inscriptions are now available,30 any conclusions drawn are tentative at best. Its identity 28. See Vikentiev 1955, inscriptions A, B and C for inscription line drawings; Naji al Asil 1954, figs 4, 5, for photographs of casts of the inscriptions. 29. Eide et al. 1994, p. 138. 30. Naji al Asil 1954, figs 4, 5.

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Figure 1 – Taharqo statues in situ to the right of the doorway. [Photograph courtesy Mohammad Ali Mustafa]

Figure 2 – Taharqo statues in situ. [Photograph courtesy Mohammad Ali Mustafa]

Figure 3 – Taharqo statues under restoration. Conservation laboratory Iraq Museum, Baghdad. [Photograph courtesy Mohammad Ali Mustafa]

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has been discussed inconclusively by V. Vikentiev 1955, W. K. Simpson31 and I. E. S. Edwards (British Museum Department Correspondence 1955b) with Simpson suggesting a place in Palestine or Syria with a reading of dgrw, Vikentiev suggesting a place on the White Nile named Ta-Erbalo and Edwards noting that it was a foreign place name beginning with tȝ followed by three unidentifiable signs. Edwards apparently received photographs, perhaps of the inscriptions themselves, but these have not been located and perhaps no longer exist (British Museum Departmental Correspondence 1955b). The sign between the couchant lions in one inscription and following the ỉr-sign in the other was interpreted by Vikentiev as an unknown full-faced animal, possibly a panther(?). It is possible to suggest two other readings of the foreign land with this aforementioned sign simply being a ḥr sign distorted by the cast and photograph, and thus reading either: tȝ-ỉr-ḥ(r)-r(w) or tȝ-r(w)-ḥ(r)-r(w).32 These, however, are also unknown place names. Correspondence between Naji al Asil and I. E. S. Edwards33 indicates that during the process of conservation and restoration of the statues in the Iraq Museum Baghdad, it became evident that the statues which bore inscriptions on the bases also bore inscriptions on their back pillars and apparently the same place name was mentioned. A sketch of the name on one of the back pillars provided by Naji al Asil (British Museum Departmental Correspondence 1955e) clarifies the matter little with the tȝ sign and foreign land determinative evident but the signs between them garbled (though the middle one looks somewhat like a k). Regrettably, without viewing the actual inscriptions (or even an accurate scaled line drawing or photograph), it is not possible to draw any conclusions at this point. Within the British Museum collection are a few additional, little known, artefacts that were recovered from Nineveh and may perhaps have been Neo-Assyrian war loot taken from Egypt. Among these a diorite bowl fragment (preserved height 78 mm) consisting of part of the body and base (British Museum N. 1632) was published by A. H. Layard34 and likely originated from the South-West Palace.35 The provenance provided in the British Museum register is Kouyunjik.36 A hieroglyphic inscription encircled 31. Idem 1955b, pp. 193-194. 32. I am grateful to Marcel Marée for these suggestions and for discussing this name with me. 33. British Museum Departmental Correspondence 1955c-e. 34. Layard 1853, pp. 594-595. 35. Searight et al. 2008, p. 100. 36. The attribution to the South East Palace at Nimrud, as suggested in the British Museum Online Catalogue (http:// www.britishmuseum.org/research/collection_online/

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the vessel’s shoulder and the preserved portion includes the name and title: “Reporting God’s Servant of Amun, Khaope”. M. Marée has commented extensively on the inscription, the date, name and titles of Khamope, so this will not be repeated here. He concludes: ‘The most probable original location of our dish was the temple of Amun in Karnak. For the beauty of the stone, it may have been taken by the Assyrians when they sacked Thebes in 663’.37 It is worth noting that a similar unpublished, inscribed stone (granite?) vessel bearing the name of Taharqo, was found at Assur and is now in Istanbul, as reported by W. Culican.38 Another artefact for consideration is a model headrest (British Museum EA 48030) (fig. 4) found at Nebi Yunus by Claudius James Rich, who served as the East India Company’s Resident in the Court of the Pasha of Baghdad from 1808 until his death from cholera in 1821. While in Iraq, in addition to collecting antiquities, he visited and mapped the topography of several archaeological sites among them Babylon, Nineveh and Nimrud. A Narrative of a Residence in Koordistan and on the site of ancient Nineveh, with a journal of a voyage down the Tigris to Baghdad, and an account of a visit to Shirauz and Persepolis was edited and published by his widow Mary, after his death. She also sold the headrest to the British

Figure 4 – Stone headrest (British Museum EA 48030). [Photography © The Trustees of the British Museum]

search.aspx) is a mistake and at odds with Layard’s publication and the attribution in the original register entry. 37. Searight et al. 2008, no. 619, pp. 101-102, fig. 63, no. 619. 38. Culican 1970, p. 31; AOM 9584.

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Museum in May 1825. It formed part of a large collection that included numerous Arabic, Persian and Turkish manuscripts, coins and other antiquities, which were purchased by the British Museum with a special Parliamentary Grant of £7500. Some of this material is now in the British Library.39 The model headrest, designated as such due to its small size, is roughly fashioned of white (now beige) limestone and stands 153mm high, has a length of 240 mm and is 97 mm wide at the base. The base is rectangular in shape with rounded corners. It is chipped, as are the edges. The concave head-support sits on three columns consisting of a thick central pillar which tapers upward from the base to the curved head-support and is flanked on either side by thinner papyri-form columns. The number 428 was painted on one of the vertical faces of the central support in white and crossed out with a black line at some point. Traces of black paint (?) or charring remain on the concave upper surface of the rest and on parts of the papyri-form supports. Rich described the headrest as a ‘curious little stone chair’40 and curious it is. While definitely Egyptian in origin of New Kingdom or later date, it is uninscribed, roughly made, rather heavy at 2.411 kg and as such not an item that could be regarded as particularly high status or deemed worth looting; but were it to have been covered with plaster and gold leaf it may have seemed a much more attractive object in the past. There is however, no direct evidence for this. A copper-alloy statuette of Anuket (Anukis) inlaid with gold was also found at Nebi Yunus reportedly in connection with the aforementioned Taharqo statues and is now in the Iraq Museum (IM no. 59032). The identification was based on the statuette’s iconography and the inscription on its base. A date in the 7th century BC (or slightly earlier) was proposed based upon the statuette’s association with the Taharqo statues, its style, the rarity of representations of Anuket and her association with Nubia. Taharqo is also shown offering to Amun-Re and Anuket on a stela at Kawa.41 Finally, a small copper-alloy figure of PtahTatenen (British Museum WA 98933) (fig. 5), a syncretic Egyptian creator god from Memphis, was excavated by Reginald Campbell Thompson at Nineveh (Kouyunjik) during his excavations in the Nabu temple conducted in 1904-1905 for the Trustees of the Museum. It was acquired by the British Museum in 1905. The mummiform statuette is

114.3 mm high and the god is holding a sceptre (presumably an ankh-djed-was sceptre although this feature is unclear on the figure), and wearing a headdress consisting of ram’s horns surmounted by two tall feathers and a sun-disc. Ptah-Tatenen is associated with Memphis and is present in the Kushite period (i.e. see the Shabako stone (British Museum EA 498)); however, it is more difficult to firmly attribute this statuette to a 7th century BC archaeological context or stylistically to an Egyptian origin due its level of preservation.42 Consequently its disposition as potential Neo-Assyrian war loot is less likely though it remains a possibility to be considered. It seems more probable that it served as a temple offering or dedication in the Nabu temple.

39. Safadi & Reade 1986, p. 3. 40. Alexander 1928, p. 286. 41. Naji al Asil 1955a, p. 4; W. K. Simpson in Naji al Asil 1955b, pp. 131-133; Scott & MacGinnis 1990, p. 64; Vikentiev 1956, pp. 76-79.

42. Stylistically, the statuette looks somewhat Phoenician.

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Figure 5 – Copper-alloy statuette of Ptah-Tatenen (British Museum WA 98933) [Photography © The Trustees of the British Museum]

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1955. Iraq Government Directorate General of Antiquities Telegram no. 19-26-435. British Museum Departmental Correspondence, Department of Egyptian and Assyrian Antiquities 1955d. I. E. S. Edwards to Naji al Asil. 1 March 1955. Ref. 304/55. British Museum Departmental Correspondence, Department of Egyptian and Assyrian Antiquities 1955e. Naji al Asil to I. E. S. Edwards. Baghdad, 3 April 1955. Iraq Government Directorate General of Antiquities Telegram no. 19-26-1037. Culican (W.) 1970 “Almunecar, Assur and Phoenician penetration of the western Mediterranean”, Levant, 2, pp. 28-36. Dunham (D.) 1970 The Barkal Temples, Boston, Museum of Fine Arts. Eide (T.), Hägg (T.), Pierce (R.) & Török (L.) (dir.) 1994 Fontes Historiae Nubiorum. Textual Sources for the History of the Middle Nile Region between the Eight Century BC and the Sixth Century AD. Vol. I. From the Eighth to the mid-Fifth Century BC, Bergen, University of Bergen. Elat (M.) 1978 “The Economic Relations of the Neo-Assyrian Empire with Egypt”, JAOS, 98(1), pp. 20-34. Giveon (R.) 1985 Egyptian Scarabs from Western Asia from the Collections of the British Museum (OBO, 3), Freiburg – Göttingen. Kahn (D.) 2001 “The inscription of Sargon II at Tang-I and the chronology of Dynasty 25”, Orientalia, 70, pp. 1-18. 2004 “Taharqa, King of Kush and the Assyrians”, JSSEA, 31, pp. 109-128. 2014 “The War of Sennacherib Against Egypt as Described in Herodotus II 141”, JAEI, 6(2), pp. 23-33. Lambert (W. G.) 1992 Catalogue of the cuneiform tablets in the Kouyunjik Collection of the British Museum: Third Supplement, London, British Museum Press. Layard (A. H.) 1853 Discoveries in the Ruins of Nineveh and Babylon, with Travels in Armenia, Kurdistan and the Desert, London, J. Murray. 1867 Nineveh and Babylon. A Narrative of a Second Expedition to Assyria during the Years 1849, 1850 and 1851, London.

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8 • julie Anderson Leclant (J.) 1965 Recherches sur les monuments thébains de la XXVe dynastie dite éthiopienne (BdE, 36), Le Caire. Leichty (E.) 2011 The Royal Inscriptions of Esarhaddon, King of Assyria (680-669 BC) (RINAP, 4), Winona Lake, Ind. Nadali (D.) 2006 “Esarhaddon’s Glazed Bricks from Nimrud”, Iraq, 68, pp. 109-119. Naji al Asil 1954a “Editorial Notes and Archaeological Events”, Sumer, 10, pp. 107-112. 1954b “News and Correspondence. Reading of the Hieroglyphic Inscriptions”, Sumer, 10, pp. 193-194. 1955a “The Archaeological Exhibition of 1955”, Sumer, 11 (1), pp. 3-4. 1955b “News and Correspondence”, Sumer, 11 (1), pp. 129-131. Pope (J.) 2014 The Double Kingdom under Taharqo. Studies in the History of Kush and Egypt, c. 690-664 BC (Culture and History of the Ancient Near East, 69), Leiden – Boston. Radner (K.) (dir.) 1998 The Prosopography of the Neo-Assyrian Empire. Vol. 1/I, Helsinki, University of Helsinki. Reade (J. E.) 1998 Assyrian Sculpture, London, British Museum Press. 2000 “Ninive (Nineveh)”, RAVA, IX (5-6), p. 388-433. Forthcoming “The Assyrian Palace at Nebi Yunus, Nineveh”, in J. N. Postgate Festschrift. Reisner (G.) 1917 “The Barkal temples in 1916”, JEA, 4, p. 213-227. 1931 “Inscribed monuments from Gebel Barkal”, ZÄS, 66, pp. 76-100. Rich (C.) 1838 A Narrative of a Residence in Koordistan and on the site of ancient Nineveh, with a journal of a voyage down the Tigris to Baghdad, and an account of a visit to Shirauz

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Le panthéon de deir eL-Médina : Cinq petits téMoignages Conservés au Louvre Guillemette Andreu-LAnoë Département des Antiquités égyptiennes, musée du Louvre

Au début des années 1980, quelques jeunes égyptologues – ancienne pensionnaire de l’IFAO pour Dominique Valbelle et pensionnaires en titre pour Marie-Ange Bonhême et moi-même, s’activaient dans les magasins de Deir el-Médina pour inventorier et exploiter le matériel lapidaire mis au jour par Bernard Bruyère jusqu’en 1955 et demeuré sur place1. Jean-François Gout était notre photographe, Gihane el-Maksoud† notre inspectrice et Ahmed Amer† notre intendant-cuisinier. De ces jours studieux et joyeux, nous gardons un souvenir lumineux tandis qu’une solide amitié, née sur la fameuse terrasse, ne cessa d’accompagner les années qui s’ensuivirent. Parmi les domaines d’excellence de Dominique, le site de Deir el-Médina a assurément l’antériorité. Il m’est agréable d’évoquer notre jeunesse tout comme le caractère inépuisable des objets mis au jour sur ce site en proposant ci-dessous l’étude de quelques petits monuments qui en proviennent et dont la nature documentaire ou fragmentaire ne justifie pas une exposition dans les galeries permanentes du département des Antiquités égyptiennes du Louvre2. 1. Chargée d’inventorier les 1250 (environ) fragments de stèles et de reliefs, j’ai déposé aux archives de l’IFAO les fiches manuelles résultant de mon travail, qui est en cours de traitement par le Dr. Omaïma el Shal, professeur d’égyptologie, allocataire de l’IFAO, en vue de leur publication en ligne sur le site de l’IFAO. 2. Je remercie vivement les collaborateurs du département qui m’ont aidée dans la préparation de ce travail : Vincent Rondot, directeur du département, Geneviève PierratBonnefois, conservateur en chef, Sophie Duberson, restauratrice, Audrey Viger, gestionnaire de la photographie, Christian Décamps, photographe, Catherine Bridonneau et Elisabeth David, chargées d’études documentaires. Les dessins au trait qui illustrent cette contribution sont dus au talent de Nathalie CoutonPerche, collaboratrice scientifique et dessinatrice au

E 16284 (fig. 1 ; pl. i.1-3) Cintre de stèle fragmentaire au décor peint (sphinx royal) Calcaire peint. H. : 12 cm ; la. : 9,5 cm ; ép. : 4,5 cm. État de conservation : manquent la partie gauche du cintre et la partie inférieure. En deux fragments recollées. L’ensemble de la surface a reçu l’application d’un vernis à une date indéterminée. Revers bombé et irrégulier, grossièrement épannelé. Technique : peinture. Marque : B. Provenance précise : temple, peut-être cachette Baraize dans l’enceinte du temple ptolémaïque3 ? Date : période ramesside. Mode d’acquisition : partage des fouilles de l’IFAO en 1939. Bibliographie : inédite.

département. Les cinq monuments ici présentés sont conservés en réserve. 3. Dans la liste des « Marques de provenance des trouvailles de Deir el-Médineh », dressée par Jean Yoyotte lorsqu’il était pensionnaire et classée dans l’ordre chronologique des campagnes de fouilles de Bernard Bruyère, (aujourd’hui consultable aux Archives de l’IFAO), on ne trouve pas cette marque B. Mais sachant qu’en 1939 le fouilleur a travaillé dans l’enceinte du temple, y compris dans le secteur déblayé en 1912 par Émile Baraize qui y fit de nombreuses trouvailles, on peut imaginer que Bruyère a affecté la lettre B aux menus objets qu’il y a redécouverts. Voir Bruyère 1952, p. 2 sq. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 9-15

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naître que ces bandes alternées de disques noirs n’évoquent guère l’iconographie traditionnelle des lions et que ce pelage tacheté évoque plutôt celui d’une panthère ou d’un guépard et fait de ce cintre de stèle un document particulièrement singulier, qui aurait pu figurer, n’était-ce son aspect fragmentaire, dans l’exposition passionnante intitulée Sphinx, les gardiens de l’Egypte, organisée par notre collègue E. Warmembol en 2006-20075.

E 13934 (fig. 2 ; pl. i.4) Figure 1 – Cintre de stèle fragmentaire au décor peint (sphinx royal, E 16284). [Photographie © musée du Louvre, dist. RMN-GP/ Christian Décamps, 2015]

Description4 : Ce cintre de stèle porte un décor peint sur une surface lisse et aplanie. On y voit, cerné par une ligne de contour noire tracée à environ 1 cm du bord, un sphinx couché et tourné vers la droite. Le motif est surmonté par un disque ailé, flanqué de deux uræi dont les corps se dressent sous les ailes. Le disque et les uræi sont rouges, les ailes sont noires. Le corps de l’animal est détaillé avec soin : robe mouchetée de taches circulaires noires, disposées à l’intérieur de rayures régulières peintes en rouge. Les pattes vigoureuses et la queue, dont l’extrémité est relevée, sont rouges. La tête est celle d’un pharaon, reconnaissable à son némès et à son uræus. Le trait de contour en noir, qui cernait le visage et marquait le sourcil et l’œil, est très effacé, tandis que la peau est encore rouge, tout comme le contour du némès et ses rayures. On ne distingue pas trace de barbe. En dehors du noir et du rouge, aucun autre pigment n’est visible, y compris sur les photographies destinées à révéler ce que l’œil nu ne peut voir. Commentaire : Malgré son état fragmentaire, ce cintre de stèle retient l’attention par sa qualité d’exécution et son iconographie. Peint d’une main sûre, le corps de l’animal montre un pelage savamment et sans doute patiemment composé. Il faut toutefois recon4. Christian Décamps, photographe au département, a traité ses images sources de cette stèle par ordinateur, ce qui a permis de reconnaître avec précision les détails du décor peint (pl. I.1-3).

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partie supérieure d’une stèle de pennakht Calcaire fin, sans aucune trace de polychromie. Veinages de calcite cristallisée6. H. : 21,5 cm ; la. : 22,5 cm ; ép. : 5,5 cm. État de conservation : pierre exfoliée. Manque la partie inférieure de la stèle. Éclat au sommet du cintre. Revers irrégulier, grossièrement épannelé. Technique : relief dans le creux. Marque : sans. Provenance précise : inconnue. Date : XXe dynastie. Mode d’acquisition : achat par Bernard Bruyère en 1927 chez l’antiquaire Mansour Mahmoud, donnée au Louvre par son acquéreur en 19297. Bibliographie : Bruyère 1930, p. 116, fig. 56. PM I-2, 1964, p. 732. Demarée 1983, p. 59. Leitz 2002, III, p. 343-344, [67]. Description : Le cintre est décoré d’une représentation d’un sphinx ophiocéphale tourné vers la droite. Comme le confirme la légende verticale Mr-s-gr.t située entre la tête de l’animal et la table d’offrandes, il s’agit de la déesse Méresger, sous sa forme hybride de sphinx à tête de cobra, ici surmontée d’un modius dont il manque les deux plumes verticales. Ce dernier est 5. Sur l’iconographie du sphinx voir Zivie-Coche 1997, p. 15-22 et Warmembol (dir.) 2006, passim. On trouvera dans ce catalogue d’exposition des sphinx à corps de crocodile, de scorpion, de bélier, et d’autres corps non identifiés qui pourraient être d’une panthère ou d’un guépard, comme le cat. 61, p. 29 et 217. Toutefois, dans ces exemples, il ne s’agit pas de sphinx royaux. 6. Selon la fiche d’intervention de conservation-restauration rédigée par Sophie Duberson à la suite de son travail sur cette stèle en juillet 2015. 7. Il s’agit de la « stèle en ma possession », dont parle Bruyère 1930, p. 49 n° 5, avec un renvoi fautif à la fig. 52, qu’il faut corriger en fig. 56.

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LE PANTHÉON DE DEIR EL MÉDINA : CINQ PETITS TÉMOIGNAGES CONSERVÉS AU LOUVRE • 11

Figure 2 – Dessin de la partie supérieure d’une stèle de Pennakht (E 13934). [Dessin © musée du Louvre, Documentation DAE/Nathalie Couton-Perche, 2015]

endommagé dans sa partie supérieure. Un serpent ailé, coiffé du disque solaire, occupe la partie gauche du cintre et déploie ses ailes en signe de protection de la divinité. Entre les pattes avant du sphinx se trouve un autel chargé d’offrandes qui retombent de chaque côté du plateau. Registre sous le cintre : partie supérieure d’une scène d’offrandes, séparée du cintre par un double trait horizontal incisé. À gauche, tête et buste du dieu Ptah, tourné vers la droite, tenant devant lui de ses deux mains son sceptre qui émerge de son vêtement momiforme et qui est composé des signes ouas, ankh et djed. Trois courtes colonnes de texte légendent la divinité : « Ptah de / la /St-nfr(w)», « Ptah de la Place des Perfections », expression qui désigne la Vallée des Reines. Face au dieu, un personnage masculin, le crâne rasé, lève le bras droit en signe d’adoration et tend une fleur de sa main gauche. Six courtes colonnes de textes indiquent que cette scène est au bénéfice « du ka du sḏm ʿš m S.t Mȝʿ.t, (celui qui entend /l’appel

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dans la Place de la Maât)8 / Pennakht, j.v./ et de son fils/ Hor/nefer, j.v. ». Commentaire : On retrouve sur cette stèle l’association traditionnelle de Ptah et de Méresger9, dans leur rôle tutélaire des spéos qui leur étaient dédiés sur le chemin conduisant à la Vallée des Reines, cette dernière étant d’ailleurs nommée ici (Set-Neférou) dans l’épithète du dieu Ptah10. Pennakht, le défunt, et son fils Hornéfer, ne sont pas connus dans les familles de la communauté de Deir el-Médina et n’apparaissent pas dans le Who’s who de B. Davies11. R. Demarée suggère que ce Pennakht est peut-être le 8. Sur les difficultés à traduire l’expression sḏm ʿš m S.t Mȝʿ.t et ma résistance à la traduction traditionnelle de « serviteur dans la Place de Vérité » voir Andreu 2002, p. 15-16. 9. Valbelle 1985, p. 315 ; Cabrol 2002, p. 52-53. 10. Leitz 2002, III, p. 175. 11. Davies 1999.

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même que le propriétaire de la stèle akh-iker A 19 de son corpus12, qui, selon lui, date de la première moitié du règne de Ramsès II. Mais le style de la stèle du Louvre, sa facture et le rendu des personnages (dieu et dédicant), en particulier les formes de leurs crânes, permettent de la situer dans la production des artisans de la XXe dynastie13. Par ailleurs, même si la provenance exacte de cette stèle, acquise par B. Bruyère à Louxor, est inconnue, on peut rappeler que les spéos dédiés à Méresger et Ptah « de la Place des Perfections » à l’entrée du chemin de la Vallée des Reines14 sont dédiés au nom de Ramsès III, pharaon de la XXe dynastie.

E 16360 (fig. 3 ; pl. ii.1) partie inférieure d’un ex-voto dédié à renout Calcaire fin. Veine d’ocre jaune verticale au centre de la stèle15. H. : 27,2 cm ; la. : 12,2 cm ; ép. : 4,8 cm. État de conservation : manquent partie supérieure et côté gauche du cintre. Registre inférieur complet. Revers irrégulier et épannelé. Technique : relief dans le creux. Traces de peinture rouge visibles à la binoculaire sur la surface non inscrite, au niveau du haut du texte du registre inférieur16. Marques (sur la cassure côté gauche) : 1245 / 22.3.31. Provenance précise : tombe 1245. Date : période ramesside. Mode d’acquisition : partage des fouilles de l’IFAO en 1939. Bibliographie : Bruyère 1934, p 10-11, fig. 6. Description : Malgré ses manques, le décor du cintre de cette stèle est parfaitement identifiable : à gauche une déesse-cobra ondulante, coiffée de deux cornes de vache qui encadraient un disque solaire. Au milieu du cintre se lit, en colonne, le nom de la déesse « Renout, maîtresse du ciel ». Devant la déesse se trouvent des offrandes : un autel supportant une aiguière surmontée d’une ou deux fleurs de lotus dont ne subsiste que l’extrémité des tiges ; de part et 12. Demarée 1983. 13. Éléments de comparaison dans Černý 1958, n° 11 ou Tosi & Roccati 1972 n° 50032 et 50034, verso p. 274. 14. Yoyotte 2003, p. 286. 15. Observation de Sophie Duberson, restauratrice. 16. Observation de Sophie Duberson, restauratrice.

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Figure 3 – Partie inférieure d’un ex-voto dédié à Rénout (E 16360). [Dessin © musée du Louvre, Documentation DAE/Nathalie Couton-Perche, 2015]

d’autre de l’autel deux jarres sur support tripode, bouchées et entourées d’une fleur dont la tige se déroule tout le long. Le registre inférieur montre, à droite, une femme debout, les bras levés en adoration devant une troupe de sept cobras rampants, disposés les uns au-dessus des autres. Une colonne de texte entre la dame et les serpents précise que cet ex-voto est « fait par Moutem-ipet, j.(v.) et sa fille Ta-an-hetep, j.v. ». Commentaire : Ce petit monument, dédiée à Rénout, appartient à la typologie de stèles « portant des séries de serpents et émanant de dames », savamment commentée par Jean Yoyotte17 qui montre que Méresger et Renout furent identifiées l’une à l’autre et se fondèrent dans une même entité divine, en 17. Yoyotte 2003, p. 296-298.

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particulier à Deir el-Médina. D’une facture fruste, cet ex-voto est un témoignage du culte domestique à la déesse-serpent protectrice de la communauté. Si l’on suit Jean Yoyotte jusqu’au bout de son raisonnement, ce monument serait un rappel du culte que la dédicante et sa fille, toutes deux du sexe féminin, portaient dans un contexte familier à sept serpents, animaux réels et non mythiques, qu’elles auraient soignés et nourris pour obtenir la faveur de la déesse. Malheureusement, cet ex-voto a été trouvé hors contexte originel, dans un puits bouleversé. Malgré la mention du nom de sa fille, Mout-em-ipet ne peut guère être identifiée dans les familles de la communauté de Deir el-Médina18.

E 14436 A (fig. 4) ex-voto au dieu ptah Calcaire. H. : 4,9 cm ; la. : 3,8 cm ; ép. : 1,4 cm. État de conservation : bon ; tranches lisses, dos grossièrement rabattu. Technique : incision. Marques : sans. Provenance précise : inconnue. Date : période ramesside. Mode d’acquisition : partage des fouilles de l’IFAO en 1935. Bibliographie : inédit. Description : Petit ex-voto maladroitement exécuté montrant à gauche le dieu Ptah, debout dans son naos à toit incurvé, gainé dans son vêtement momiforme et tenant son sceptre ouas devant lui . Le piédestal sur lequel il se tient est marqué par une légère surélévation par rapport à la ligne de terre. Devant lui, tourné vers la gauche, le dédicant, en taille un peu plus grande que Ptah, est également représenté de façon très maladroite. Vêtu d’une robe ample, il tend sa main droite vers le dieu en signe d’offrande ou de prière tandis que son bras gauche, très court est replié sur sa poitrine et que sa main gauche, tient peut-être la tige d’une fleur qui s’épanouit derrière sa tête.

Figure 4 – Ex-voto au dieu Ptah (E 14436). [Photographie © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

dans son association avec la déesse Meresger, auprès de la communauté de Deir el-Médina sous les Ramsès19.

E 16339 (fig. 5 ; pl. ii.2-3) Angle inférieur gauche d’une stèle peinte

Commentaire : Cet ex-voto, au décor incisé, est un des nombreux témoignages de la piété personnelle tournée vers Ptah, dont le culte fut très populaire, en particulier

Calcaire. H. : 14,5 cm ; la. : 12,8 cm ; ép. : 3,5 cm. État de conservation : manquent partie supérieure et moitié droite de la partie inférieure. Angle gauche recollé. Tranche et dos lisses. Décor et inscription bien conservés. Technique : peinture rouge et noire. Marque : Provenance précise : secteur nord, angle nord-est de l’enceinte du temple. Date : Ramsès II (?).

18. Davies 1999, p. 296 en cite cinq portant ce nom.

19. Voir supra note 9.

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la pl. II.3 est de la peinture rouge, utilisée pour le tracé préparatoire, parfois décalé par rapport au tracé définitif en noir. On devine que les signes en rouge de la fin de la 2e colonne et de la 3e colonne de texte ne correspondent pas toujours au texte définitif en noir. Le cintre de la stèle devait être occupé par une scène d’offrande dédiée à une divinité que précise le texte de la prière du registre inférieur. Il s’agit d’une forme animale du dieu Amon-Rê, soit un mouflon soit un bélier22, dont ne subsistent que les pattes. Devant lui, est déposée l’ombelle d’un lotus. Au registre inférieur trois colonnes de texte légendent le geste de prière de l’homme [agenouillé] dont on ne voit qu’un bras levé en adoration à droite. Le texte se lit ainsi : « Accorder des prières à Amon-Rê/ se prosterner pour ses kas chaque jour/ par le sḏm ʿš m S.t Mȝʿ.t Ka(…) »23. Figure 5 – Angle inférieur gauche d’une stèle peinte (E 16339). [Photographie © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

Mode d’acquisition : partage des fouilles de l’IFAO en 1939. Bibliographie : Bruyère 1952, p. 119, fig. 19920. Description :21 Tracés d’abord à la peinture rouge pour être corrigés à la peinture noire (pl. ii.3), le décor et le texte de ce fragment sont appliqués sur une surface finement préparée. Tout ce qui apparaît en blanc sur 20. Publiée seulement en photographie peu lisible par Bruyère, avec une erreur de légende et de numéro. 21. Christian Décamps, photographe au département, a réalisé des clichés de ce fragment à l’infra-rouge et aux ultra-violets qui ont permis de reconnaître avec précision les détails du décor peint.

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Commentaire : Mise au jour par Bruyère en 1939 lors du dégagement du secteur du temple et de la fouille du khenou de Ramsès II24, cette stèle fragmentaire peut être, par son style et le contexte archéologique, datée de Ramsès II.

Bien que modestes, ces petits monuments de Deir el-Médina témoignent du foisonnement des cultes qui se développèrent dans la communauté de Deir el-Médina sous les Ramsès, de leur aspect polymorphe et si particulier qu’on croit parfois pouvoir entrer dans l’intimité des « ouvriers de la Tombe ».

22. Cabrol 2002, p. 50. 23. Les deux premiers signes du nom du dédicant, Kȝ écrits au-dessus de ses mains, ne permettent pas de proposer un nom sûr pour ce sḏm ʿš. 24. Sur ce bâtiment, voir l’excellente mise au point de Valbelle 2014, p. 237-254.

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BiBliogrAphiE Andreu (G.) 2002 « “Artistes” de Pharaon », dans G. Andreu (dir.), Les Artistes de Pharaon, Deir el-Médineh et la Vallée des Rois, catalogue d’exposition, Paris – Bruxelles – Turin, p. 15-17. Bruyère (B.) 1930 Mert Seger à Deir el Médineh, (MIFAO, 58), Le Caire. 1934 Rapport sur les fouilles de Deir el Médineh (1931-1932), (FIFAO, 10), Le Caire. 1952 Rapport sur les fouilles de Deir el Médineh (1935-1940), (FIFAO, 20/II), Le Caire. PM I-2 1964 Porter (B.) – Moss (R.), Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs and Paintings, I, part 2, Oxford. Cabrol (A.) 2002 « Croire au village », dans G. Andreu (dir.) Les artistes de Pharaon, Deir el Médineh au Nouvel Empire », Dossiers d’archéologie, 272, p. 48-57. Černý (J.) 1958 Egyptian Stelae in the Bankes Collection, Oxford. Davies (B.) 1999 Who’s who at Deir el Medina (EgUit, XIII), Leyde. Démarée (R.) 1983 The ȝḫ jḳr n Rʿ-Stelae (EgUit, III), Leyde.

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Leitz (Chr.) (dir.) 2002, III Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen, Band III (OLA, 112), Leuven. Tosi (M.) & Roccati (A.) 1972 Stele e altre epigrafi di Deir el Medina (Catalogo del museo egizio di Torino, I), Turin. Valbelle (D.) 1985 « Les ouvriers de la Tombe », Deir el-Médineh à l’époque ramesside (BdE, 96), Le Caire. 2014 « Le khénou de Ramsès II », dans Borghouts (J. F.) et al., The Workman’s Progress, Studies in the Village of Deir el-Medina and other Documents from Western Thebes in Honour of Rob Demarée (EgUit, XXVIII), Leyde. Warmembol (E.) (dir.) 2006 Sphinx, les gardiens de l’Egypte, catalogue d’exposition, Bruxelles. Yoyotte (J.) 2003 « À propos de quelques idées reçues : Méresger, la Butte et les cobras », dans G. Andreu (dir.), Actes du colloque Deir el-Médineh et la Vallée des Rois, Paris, p. 281-307. Zivie-Coche (Chr.) 1997 Sphinx ! le Père la terreur, Paris.

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Un bronze royal agenoUillé d’époqUe koUchite : Une statUette de chabaka oU de taharqa ? Jocelyne Berlandini

Une statuette d’un pharaon agenouillé que l’on peut attribuer, dès le premier regard, à l’époque des rois kouchites qui dominèrent l’Égypte à partir de la seconde moitié du viiie siècle avant notre ère, mérite de s’inscrire dans la série remarquable des petits bronzes royaux d’époque tardive1. Des spécialistes comme Edna Russmann et Marsha Hill ont déjà mis en lumière la richesse et la densité des bronzes royaux de la XXVe dynastie pour lesquels on identifie parfois des contextes de production spécifiques selon leur provenance – Égypte ou Nubie –, et dont la diffusion s’est prolongée jusqu’à l’époque napatéenne2. J’aimerais faire de ce petit monument inédit l’objet d’un affectueux hommage dédié à mon amie de jeunesse Dominique Valbelle, en mémoire de notre découverte passionnée de la terre d’Égypte pendant l’été 1970. Par la suite, nous avons entrepris ensemble l’exploration de nombreux sites, une expérience empreinte d’aventures parfois risquées, mais pour nous à jamais inoubliables : de Saqqara à Thèbes, de Deir el-Medina aux inscriptions rupestres de Sehel ! Depuis, nos routes se sont séparées et sa carrière diversifiée a connu les succès que l’on sait ; mais parmi toutes les raisons qu’elle a de s’en enorgueillir, je retiendrai ici son association, dans le cadre de la mission archéologique de l’Université de Genève dirigée par Ch. Bonnet, à la spectaculaire découverte au Soudan de la série de sept monumentales statues 1. Collection privée européenne. Je remercie le propriétaire de ce monument pour son autorisation d’étude et de publication. 2. Russmann 1974, et particulièrement « Appendix II » pour la liste de ces artefacts (ibidem, p. 57-72) ; Hill 2004. Sur les techniques, alliages et types de la période, ibidem p. 1-5, p. 51-74, p. 69-73, p. 253, p. 255 (plus de 25 exemples), p. 259-260. Pour la période kouchite, voir aussi Pino 2007, p. 14-16, p. XI-XIII, XV.

royales kouchites pieusement conservées dans la cachette de Pnoubs (Doukki Gel). Ainsi sont réapparues les représentations colossales des deux derniers rois de la XXVe dynastie : Taharqa et Tanoutamon, ainsi que celles à taille humaine des trois premiers souverains de la dynastie napatéenne : Senkamanisken, Anlamani et Aspelta, toutes figures athlétiques de la puissance nubienne et de la dévotion à l’hypostase divine majeure de l’« Amon de Pnoubs ». Aujourd’hui restaurées, ces œuvres offrent, par leurs apports historiques et artistiques, une contribution majeure aux règnes de 690 à 570 avant notre ère3. Or, par chance, j’ai récemment rencontré dans une collection privée le bronze kouchite que je présente ici, et qui m’a semblé le sujet idéal pour un hommage à Dominique car, au delà de son mode mineur, paraît encore en lui un éclat de cette gloire inoubliée des « pharaons noirs ».

Description :

– Bronze plein. – Belle patine brun foncé avec nuances tirant vers le rouge. – Cassures : bras droit au niveau du coude, gauche au niveau de l’épaule, avant-pieds et orteils, ainsi que les trois tenons inférieurs maintenant détruits, avec vestiges d’arrachement pour celui placé à l’avant . H. : environ 8,1 cm. Pr. : 5,6 cm. H. tête : 2,1 cm. H. visage : 1,5 cm; L. max. visage : 1,5 cm. ; Ligne d’épaule : 3,3 cm. – Provenance inconnue.

3. Bonnet & Valbelle 2003, p. 754-771 ; Iidem 2005 ; Bonnet 2011, p. 21-32. Sur le royaume de Kouch et ses pharaons, voir Török 1997 et Morkot 2000. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 17-30

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D’après ses attributs et sa parure si caractéristiques, cette figurine agenouillée est celle d’un souverain de la XXVe dynastie qu’il faut tenter d’identifier sur la base des seuls critères stylistiques, en raison de l’absence d’inscription et de provenance connue (fig. 1 a-e). Les regalia intacts que le roi arbore sont caractéristiques de la période, à savoir la coiffe dite « kouchite » – connue sous diverses appellations et le résultat de la combinaison de divers éléments (seden, ândy, seh, khây)4 – ceinte du bandeau lisse à double uræus et rubans arrières, ainsi que le « collier-cordelette » avec ses trois amulettes criocéphales suspendues5. L’étroite calotte emboîte la forme arrondie du crâne un peu plus dilaté en partie supérieure, aplati à l’arrière et, comme il est fréquent, sa surface est entièrement constellée de minuscules pastilles en creux qui, comme en témoignent les mieux préservées, enserrent une zone interne légèrement bombée avec point médian6. Ce serre-tête classique s’orne d’un large bandeau bordé d’un fin liseré et gravé de stries verticales ; il se rétrécit sur le front pour porter l’épais double uræus à protome détaillé et au corps simple ondulant jusqu’à l’arrière lisse du lien où il s’interrompt7. Des pattes temporales étroites et plutôt droites sont à peine visibles8 et sur la nuque, à partir de la bordure, descend un large ruban à sections horizontales qui, au niveau de la jonction avec le collier, se dédouble et s’évase ; ce ruban est en outre piqueté jusqu’au milieu des omoplates. Autour du long cou massif du souverain, on observe 4. En dernier lieu, sur ce serre-tête et son symbolisme, voir Pompei 2007, p. 73-98 ; Idem 2010, p. 495-502. Une désignation sdn est attestée pour la première fois sur la stèle d’Aspelta : ibidem, p. 495-497 et fig. 1. Coiffes à coloris blanc chez Tanoutamon (argent/électrum) : Idem 2013, p. 446-447, fig. 4. Lors du couronnement, voir Idem 2014, p. 591-599. 5. Sur ces regalia, voir Russmann 1974, p. 25-44 et p. 26 (collier dès Chabaka) et Török 1987, p. 4-11 ; ici, non soumis à la damnatio memoriae postérieure, voir sur les martelages et la campagne nubienne de Psammétique II, Yoyotte 1951, p. 215-239 ; Russmann 1995 (couronne). Je remercie R. Gozzoli pour la communication de son ouvrage encore inédit sur Psammétique II dont la parution est prévue en 2016. Sur le dispositif du collier comme éventuel critère d’attribution, voir infra p. 25-26. 6. Les pastilles sont gravées et disposées assez régulièrement, parfois empâtées par une matière noirâtre. Noter la coiffe apparente à l’arrière de la tête, à la différence d’autres exemplaires connus où le corps du serpent et le ruban se superposent au bandeau (Athènes ANE 632, Londres BM EA 63595). 7. Liseré valant sans doute pour la frise d’uræi schématisés, attestée dès Chabaka. Double uræus (têtes écrasées, apparemment sans couronne), avec originellement une représentation encore partiellement visible de la colonne médiane d’écailles ovales. 8. En général, les pattes temporales sont de forme arrondie comme la zone effacée pourrait le suggérer.

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le caractéristique sautoir en relief des parures kouchites. Au « collier cordé » est suspendu le médaillon criocéphale axial, apparemment sans globe solaire et sans uræus9 avec, de part et d’autre, deux cordons qui retombent et qui portent les têtes de bélier subsidiaires aujourd’hui presqu’effacées. Le cordon gauche est en outre, semble-t-il, très finement segmenté. Ces deux pendentifs latéraux descendent en légère oblique jusqu’à la hauteur des mamelons, plus bas donc que l’important joyau médian ; une telle disposition ne connaît pas vraiment de parallèle exact10. En raison de l’usure, ces bijoux symboliques sont très patinés, mais restent, malgré l’altération de surface, encore parfaitement reconnaissables, surtout si on les compare avec ceux du splendide exemplaire ciselé d’Athènes (National Archeological Museum ANE 632) au nom de Chabaka (722-707 avant notre ère), proche d’ailleurs par certains points de notre monument (fig. 2)11. À l’origine, notre statuette, bien que de taille moitié moindre, a dû recevoir une attention et un soin similaires – du moins pour son visage et sa parure –, d’autant qu’elle appartient aussi à ce type dominant dans les arts du métal de la « posture agenouillée », qui connaît un regain de faveur à partir de la Troisième Période intermédiaire, dont l’époque kouchite se veut l’héritière, avant d’être fort appréciée à l’époque saïte. La figurine, image d’un souverain de son temps, présente une apparence « enfantine » par ses proportions, car sur son long cou puissant, marqué par deux sillons droits (?)12, la tête finement sculptée paraît plus importante par rapport au canon court du reste du corps traité plus schématiquement, surtout dans sa partie inférieure. Accentué par une 9. Pendentif à tête enfoncée, avec fente horizontale à la base (mufle) et traces des oreilles (en creux ?). La restitution peut être proposée d’après Athènes ANE 632. Cf. infra notes 3233. Sur ces amulettes à têtes de béliers (parfois portées également en boucle d’oreille), voir Aubert 2001, p. 133. 10. L’aspect perlé symbolise sans doute le tressage de la cordelette ; voir sur le sujet la remarque de Russmann 1981, p. 150-151, fig. 6. Dans les modèles de sautoirs de la série des bronzes, le plus proche est celui de la statuette NyCarlsberg Glypt. AEIN 1696 (temple T de Kawa) ; cf. infra note 54. 11. Russmann 1974, p. 12-13, fig. 1 ; p. 57, II A.1. Pour une comparaison avec le style de la série : ibidem, p. 12-15, fig. 1-5 ; et avec le style héliopolitain (?) de la tête Londres BM EA 63833 : Idem 2001, p. 223-225, n° 120. Voir aussi Hill 2004, p. 158-159, n° 17, pl. 29 (K-1). Sur le style « provincial » plus réaliste, voir Myśliwiec 1988, p. 35, p. 37 (« Kushite touch »). Cf. infra note 32. 12. Prolongeant l’arrière du crâne aplati, la nuque épaisse présente ici un rétrécissement sur sa base. Sur le type du « cou taurin », attesté au moins dès Chabaka, voir Myśliwiec 1988, p. 35, pl. XXXII (naos d’Esna) et sur le « cou-colonne » (tendance sous Chabataka), ibidem, p. 3839, pl. XXXIV (Osiris Heqa-djet).

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Figure 1 – Statuette en bronze d’une collection privée. a – Vue de face. b – Détail de la coiffe. c – Vue de dos. d – Profil droit. e – Profil gauche. [Photographies © V. François]

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Figure 2 – Statuette en bronze au nom de Chabaka, Athènes ANE 632. [D’après Bianchi 1988, p. 64, fig. 31]

surface quelque peu érodée et sa patine, son modelé doux paraît gommer les détails et accroître l’apparence « charnelle » selon un style qui lui paraît propre. Une belle largeur d’épaule se déploie en courbe adoucie vers les bras partiellement détruits ; le droit a conservé son bracelet d’épaule, gravé de stries verticales entre les bordures horizontales lisses transposant les fines tubulures enserrant de minuscules éléments (plaquettes, perles, etc.)13. La position originelle des membres supérieurs se devine encore par la légère inclinaison de la partie du bras conservée jusqu’au coude, sans doute pour tenir en position basse une offrande placée entre les mains disposées en parallèle (vase, table d’offrandes, naos, etc.)14. On ne peut exclure cependant un possible repli des bras vers le haut comme pour le port « naturaliste » des deux petites jarres de la statuette NyCarlsberg Glypt. AEIN 605 (fig. 3)15. Le buste charnu contraste avec la finesse de la taille et l’étroitesse des hanches. La haute poitrine bombe ses pectoraux au-dessus du ventre plat dégagé par la ceinture lisse. Creusé, l’ombilic rond s’insère dans une dépression « en goutte » qui suggère le bipar13. Grâce à son rendu minutieux, distinct d’autres bracelets (par ex. Athènes ANE 632, régulant de fines rangées horizontales par une triple forme verticale). 14. Posture très fréquente dont la gestuelle est parfois symboliquement détruite (mains sectionnées), cf. infra p. 24. 15. Cf. infra note 48. Je remercie infiniment Mme Tyne Bagh, Conservatrice du musée, pour son aide et la communication d’excellents clichés de ce monument, ainsi que de l’ensemble des bronzes kouchites conservés dans les collections muséales de Copenhague qui seront cités par la suite.

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Figure 3 – Statuette NyCarlsberg Glyptotek AEIN 605. [Photographie © Copenhague, NyCarlsberg Glyptotek]

tisme originel maintenant presqu’effacé16. Le pagne-chendjyt croise de la manière la plus classique son pan gauche sur le droit, avec un déploiement de lignes profondément incisées sur les côtés et au dos, mais qui ont disparu sur le dessus des cuisses et l’étroite languette médiane17. Exceptée la courbe souple de la taille et des reins, une géométrisation domine le traitement du reste du corps, en relation avec la sèche technique de simplification employée par le bronzier. De profil, la disproportion constatée se confirme dans le rapport entre le haut et le bas de la silhouette où s’amenuise toute la partie inférieure des membres, et où les volumes schématisés du dos et des fesses aplaties se stylisent. C’est la tête qui présente le plus de critères stylistiques à prendre en compte en vue d’une attribution de la figurine à un roi au sein de la dynastie kouchite. Par chance, l’iconographie de cette période est riche et bien connue, en particulier 16. Pour l’adoption de cette convention, spécificité des œuvres kouchites, voir en dernier lieu Perdu 2012a, p. 60-61 ; dans la statuaire privée contemporaine, selon un canon plus élancé, voir ibidem, p. 310-311. 17. Dans une disposition classique, la languette parvient à mi-cuisse.

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grâce à la production de petite statuaire de métal. L’étude des concordances ou des dissemblances doit concerner l’ensemble des œuvres en bronze et en pierre, mais les données demeurent tributaires du matériau, de l’échelle ou des inscriptions, ces dernières restant prioritaires comme base de comparaison. De prime abord, malgré sa petitesse, la face oblongue finement détaillée de notre bronze paraît offrir les qualités requises pour une « individualisation » d’un être particulier et pour refléter la physionomie du pharaon régnant, à travers l’apparent vérisme de certains traits qui aboutissent à l’expression d’un ethnotype18. Exhaussé par la colonne du cou, le visage offre un bel ovale allongé aux joues lourdes qu’éclairent, sous des sourcils mis en relief par leur contour gravé, de grands yeux horizontaux largement ouverts à découpe en amande, dont le globe légèrement saillant paraît conserver une trace de l’iris19. Une légère dépression horizontale sous l’orbite oculaire apporte un supplément d’intensité au regard dilaté, de part et d’autre de la très fine racine nasale. Après un ressaut sous le front, le long nez camus s’évase en narines rondes20 et le très court philtrum21 suscite le retroussis d’une longue bouche horizontale aux lèvres pulpeuses22. Les commissures font ressortir l’épaisseur charnue des joues selon le renflement vertical des plis naso-géniens caractéristique de l’époque23. Comme sur certains bronzes apparentés, cette bouche allongée entraîne une expression

sérieuse, voire amère, trouvant écho, mais de manière beaucoup plus accentuée, sur le sphinx de Taharqa (Londres BM EA 1770) découvert dans le temple T de Kawa : sur ce dernier, les lèvres épaisses sont étirées à l’extrême, entre la parenthèse de coins non relevés24. Bien que maintenant émoussé, le profil révèle encore mieux la projection vers l’avant du bas du visage25, ainsi que l’épaisseur charnue de la bouche et des joues, puis le léger retrait du menton court et carré dont la fermeté se prolonge par la mâchoire jusqu’à d’imposantes oreilles obliques en fort relief, dont la droite s’orne probablement d’un bijou rond (boule ?)26. En raison de la position de la tête, le regard semble porter légèrement vers le haut comme s’il était dirigé vers un élément plus élevé, peut-être la représentation d’une divinité placée en face de l’offrant royal, comme sur la célèbre dyade de Taharqa devant le dieu Hemen (Louvre E 25276)27. Cette physionomie, empreinte à la fois de force et de douceur, est caractéristique d’une statuaire de qualité, comme le montre l’exemple, notamment, du svelte pharaon debout en némès et canne d’apparat conservé dans une collection privée28. On peut aussi la rapprocher de la face délicatement ciselée offerte par l’athlétique pharaon agenouillé, en némès, NyCarlsberg Glypt. AEIN 141, qui est dotée, sous des sourcils modelés, d’yeux immenses légèrement étirés et d’un long nez un peu camard parfaitement préservé,

18. Sur ce style de statuaire, voir Hill 2004, p. 53-56 (« unified ‘realistic’ royal image »). Pour une présentation de l’ethnotype kouchite, voir Myśliwiec 1988, p. 44-45 (combinaisons avec le modèle égyptien royal) et Török 1997, p. 339-341. Pour le concept de « portrait », symbiose du réel perçu et d’image idéale / idéelle, voir Tefnin 1979, p. 230-244 et Laboury 2009, p. 175-196. 19. Sourcils droits, un peu plongeants à ses deux extrémités ; découpe gravée de l’œil (courbe supérieure accentuée) avec légère saillie du globe et canthus interne à distance de la très fine racine nasale, iris (œil gauche ?). 20. Longue arête reliée au départ du sourcil par un trait gravé (à gauche), pointe aplatie (pression du moule ou choc ?) et ailes des narines épatées. Sur ce trait « negroïde », voir Myśliwiec 1988, p. 36-37 ; chez les premiers Napatéens, voir Bonnet & Valbelle 2005, p. 106-107, p. 131 (Senkamanisken), p. 110-112, p. 129 et p. 209 (Anlamani), p. 114 et p. 116, p. 133 (Aspelta) ; dans la production d’ouchebtis, voir infra note 60. 21. Sur ce trait associé à un aspect poupin encore présent dans la statuaire de pierre chez Aspelta, voir Bonnet & Valbelle 2005, p. 114 et p. 116. 22. Elles dépassent la base nasale et sont modelées. La lèvre supérieure dessine un léger « arc de Cupidon » et s’enfle d’une pointe médiane sur la lèvre inférieure plus épaisse. Les coins sont en « parenthèses » ou en « U ». La région sous-mentonnière est plate. 23. Sur ce « pli kouchite » de la narine au bas de la joue dont il fait ressortir l’épaisseur charnue, voir Bothmer 1960, p. 1, Russmann 1968, p. 89 et Idem 1974, p. 11 et p. 24 (Kashta).

24. Statue en granit gris-pâle. Cf. Macadam 1955, p. 139, pl. LXXIV, Vandier 1955, p. 78, Russmann 1974, p. 18, p. 50, Appendix I, n° 18, fig. 12, Bonnet & Valbelle 2005, p. 143 et Bagh 2015, p. 114, fig. 2.50. Une bouche qui imiterait la partie inférieure du mufle léonin (gueule allongée, menton court et large) ? Plus généralement, sur l’expression « sérieuse », voir infra p. 24-25. 25. Sur la zone proéminente du nez et de la bouche comme trait ethnique, voir Myśliwiec 1988, p. 35-38, p. 40-41 ; voir infra note 62. 26. Oreilles de grande taille, dont la droite est plus détachée, avec lobe porteur d’une excroissance arrondie. Sur les boucles d’oreilles des rois kouchites (anneau, tête de bélier, losange), voir Russmann 1974, p. 26-27, fig. 6 (Chabataka, chapelle d’Osiris Heqa-djet), p. 52, n° 26 (sphinx Brooklyn Museum 05.316). Noter l’association, chez Chabataka, de ce bijou avec le « cou-colonne » : cf. Myśliwiec 1988, p. 38-39, pl. XXXIV ; pour Taharqa, voir Welsby 2014, p. 14, cliché-couleur (Macadam 1955, pl. XXIIc). 27. Position suggérant une insertion de la figurine sur une base commune. Cf. infra note 41 et note 70. 28. Statuette de 11,4 cm de hauteur, à la facture plus rude : ovale oblong, joues pleines, sourcils en léger relief, large découpe des yeux (arc plus convexe pour la paupière supérieure), long nez à narines évasées, haut philtrum, bouche allongée horizontale. Cf. Pamminger 2000, p. 154, n. 6, pl. XXVI-XXVII, Quertinmont 2007, p. 145, n° 49 (Chabaka ?) et Perdu 2012b, p. 177, p. 179, n° 87. Pour une certaine filiation avec le bronze agenouillé NyCarlsberg Glypt. AEIN 141, voir infra note 29.

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au-dessus d’une bouche pulpeuse29. En ce qui concerne notre statuette, la minutie avec laquelle sont réalisés les principaux traits dénote un désir de « personnalisation ». Pourtant, le cartouche du roi n’a pas été gravé sur la ceinture. Ce petit bronze est donc un artefact de qualité qui prend sa place dans la production de sculptures en métal kouchites dégageant, malgré sa surface doucement modelée, une impression de puissance dont la source remonte à des courants antérieurs particulièrement appréciés à cette période éprise d’archaïsme et désireuse, non seulement de renvoyer aux modèles royaux de l’Ancien et du Moyen Empire, mais aussi de manifester par ce biais une filiation royale évocatrice de son ethnicité conquérante30. Les modèles de comparaison abondent et couvrent plusieurs règnes31. Dans le type « agenouillé », l’exceptionnel Chabaka déjà évoqué (Athènes ANE 632) constitue un archétype à la ciselure incomparable32, chef-d’œuvre d’orfèvrerie et image vigoureuse du premier souverain de la dynastie – ou considéré comme tel –, avec sa belle musculature en modelé bipartite, ses bras robustes cerclés de bracelets et sa forte tête aux traits marqués (cf. fig. 2)33. Datant de la fin du viiie siècle avant notre ère, certaines de ses particularités s’accordent à notre artefact : attitude, tête ronde à calotte piquetée, yeux globuleux, regalia, etc., tandis que les subtiles différences tiendraient à la virtuosité de son exécution : double uræus à protome strié et boucle sommitale, bandeau plat bordé en haut d’uræi schématisés34, décor arrière gravé d’ailes, tubulure de contour pour la coiffe, ruban dédoublé à son amorce, alternance des composants pour les bracelets et la ceinture, pointe des mamelons en relief, pagne plissé, etc. Mais, le visage fortement individualisé, plus large et intense par ses volumes et ses détails appuyés, accentue les yeux globuleux, le nez droit 29. Statuette agenouillée de 9,6 cm de hauteur. La provenance est inconnue (acquis vers 1890). Le collier est altéré (?). Cf. Jørgensen 2009, p. 266-267, cat. 92.1 (en haut, à gauche). 30. Sur la question de l’affirmation d’une stabilité culturelle, voir Török 1997. Sur les arts de cette période et une influence des artistes venus d’Égypte (Memphis, Thèbes, etc.), ibidem, p. 332-341. 31. Pour un survol de la production, voir aussi Aubert 2001, p. 132-139. 32. Statuette de 16 cm de hauteur, en cuivre plein : cartouche (fermoir) ; boucle sommitale en « S » (Pompéi, 2007, p. 84, fig. 11). Cf. Russmann 1974, p. 12-15 et Hill 2004, p. 158159, n° 17, pl. 29 (K-1). Cf. supra note 11. 33. Sur une transposition « réaliste » des traits physiques du roi, à rapprocher de sa représentation sur le naos d’Esna, voir Myśliwiec 1988, p. 35-38 (« naturalistic vision »). 34. Qualifié par la suite de bandeau « riche », pour le distinguer du bandeau « simple » sans festonnage supérieur de minuscules uræi schématisés.

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aux narines épatées, les joues pleines aux « plis kouchites » et la bouche aux lèvres disjointes35, avec à son cou élancé un sautoir à courtes retombées criocéphales dotées d’uræus au-dessus du pendentif médian à globe et uræus. Distinct par bien des points stylistiques de notre artefact, ce bronze a été apparenté au modèle debout de Saint-Pétersbourg (musée de l’Ermitage 731), lequel est d’une facture plus sèche, mais qui présente une attitude dynamique alliant de même vigueur et sveltesse (fig. 4). Athlétique, paré du serre-tête constellé à bandeau « riche », il montre une poitrine haute aux mamelons gravés, en contraste avec son bassin mince que souligne au-dessous d’un ombilic en goutte, la large ceinture ornementale du pagne plissé36. Son visage plus condensé présente certaines similitudes avec celui de notre modèle : sourcils gravés, larges yeux horizontaux, long nez, et surtout bouche droite étirée aux lèvres épaisses37, tandis que son sautoir régalien comporte de fines retombées lisses au-delà des clavicules, qui descendent plus bas que le bijou axial disqué. On peut penser que ces deux bronzes d’exécution soignée proviennent d’ateliers royaux diffusant l’un des modèles de représentation établis pour Chabaka, sans que l’on puisse préciser le moment de leur réalisation ni les rattacher entièrement, par leur style plus rude et sévère, à celui de notre artefact. La statuaire de Chabataka étant fort rare38, il faut aussi analyser le riche ensemble d’œuvres de pierre et de bronze relevant du règne de Taharqa (690-664 avant notre ère), qu’il s’agisse d’exemplaires parfois certifiés par son cartouche ou le plus souvent attribués à ce pharaon sur la foi du style, de la provenance ou du prestige39. La belle tête monumentale en diorite sombre Caire CG 560, avec son esquisse de 35. Sous un haut philtrum, les lèvres sont comme entrouvertes et présentent un contour aigu ; la lèvre inférieure est plus longue et épaisse. 36. Statuette de 18,5 cm de haut, au pagne à pan gauche sur droit, avec traces de dorure ? Cf. Russmann 1974, p. 65, n° 25 (avec réf.), fig. 19 et Hill 2004, p. 236-237, n° 287, pl. 31 (K-2). 37. Type qui apparente le modèle conservé à Saint-Pétersbourg (musée de l’Ermitage 731) à celui d’Athènes (ANE 632) d’après l’analyse d’E. Russmann. 38. Voir l’attribution possible à ce roi de la monumentale tête Caire CG 1291 en granit rouge, avec son pli courbe en S du nez à la bouche : Russmann 1974, p. 15-16, p. 53, Appendix I, n° 29, fig. 7 et Myśliwiec 1988, p. 38-39. 39. Voir Russmann 1974, p. 16-17, et surtout p. 16, n. 3, p. 20 pour la tendance à privilégier l’attribution à Taharqa, et Myśliwiec 1988, p. 42. Au sujet du style, voir Hill 2004, p. 54-55, p. 59-60 (trois types). Concernant les ateliers et les influences, voir Bonnet & Valbelle 2005, p. 118-127, et concernant le souverain, voir Pope 2014. Sur la stèle aux quatres « merveilles/présages », lors de l’inondation exceptionnelle de l’an VI, voir en dernier lieu Gozzoli 2009, p. 235-248 et Perdriaud 2009.

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Hemen41. Délicatement sculptée, la tête ronde aux joues pleines pèse au-dessus d’un cou épais sur un corps svelte et athlétique, tandis que les coins relevés de la bouche composent ce trait stylistique défini comme un sourire. D’apparence similaire, parfois attribuée à Chabaka, l’athlétique statuette agenouillée Metropolitan Museum of Art 2002.8 éclaire de même sa face joufflue au menton carré dont les joues rebondies rétrécissent les longs yeux sous des sourcils en relief42. Par ailleurs, malgré les altérations, sur son torse élancé, le sautoir encore perceptible encadre le bijou médian criocéphale au globe avec uræus par de courtes lanières retombant sur un axe oblique extérieur vers les larges épaules (fig. 5)43. L’aspect poupin aux joues plantureuses de son visage rappelle celui de la statuette Musées royaux d’Art et d’Histoire E 6942 de Bruxelles, découverte à Kawa, dont le corps agenouillé adopte un canon de type enfantin au doux modelé, avec bandeau « riche » et sautoir à retombées verticales, qui descendent plus bas que l’amulette médiane à globe avec uræus (fig. 6)44. Dans ce courant de plénitude heureuse, les deux élégantes statuettes agenouillées aux larges épaules musculeuses et au juvénile corps svelte Berlin ÄM 34393 (couronne blanche)45 et Berlin ÄM 34397 (serre-tête) avec cartouche arrasé sur la ceinture de Taharqa46, accen-

Figure 4 – Statuette debout en bronze Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage 731. [Photographie © St-Petersbourg, Musée de l’Ermitage]

sourire, donne de ce souverain un portrait (thébain ?) considéré comme archétypal, qu’individualisent les principaux traits déjà reconnus, mais toujours susceptibles de se décliner en de subtiles variations40. Dans la production d’œuvres métalliques, ce type dominant d’expression « aimable » apparaît sur la figurine royale ciselée de la dyade déjà évoquée Louvre E 25276 où Taharqa agenouillé, aux larges épaules, offre les vases-nou à l’antique dieu faucon

40. « Tête ronde, joues pleines, yeux bien fendus ... » : Vandier 1955, p. 78-79, fig. 5. Voir aussi Russmann 1974, p. 1617, p. 47, Appendix I, n° 9, fig. 8-9.

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41. Statuette de 11 cm de hauteur : cartouche à l’arrière de la ceinture, serre-tête sans ruban, absence de collier, bandeau « riche », uræi couronnés avec boucle sommitale, haut philtrum, bipartisme. Cf. Vandier 1955, p. 73-79, pl. 5, Hill 2004, p. 59, p. 160-161, n° 22 (réf.), pl. 33 (K-4) et Baud 2010, p. 173-174, fig. 222. Cf. supra note 27. 42. Statuette de 7,2 cm de hauteur : présence de dorure sur la coiffe et le pagne ; cartouche indistinct sur le fermoir ; bras brisés ; tête en « pain de sucre », bandeau « riche » à rubans et décor de faucon à l’arrière ; bouche incurvée vers le haut, à lèvre inférieure plus épaisse ; « boule » au lobe de l’oreille droite, bipartisme, souple modelé. Cf. Hill 2004, p. 226, n° 243, p. 320, pl. 35 (K-6). Concernant ce type complexe avec des traits possibles de Chabaka, ibidem, p. 59-60. 43. Le renflement final suggère la présence de la petite tête de bélier. 44. Statuette de 8,1 cm de hauteur : cou épais, yeux globuleux, nez épaté, haut philtrum, longue bouche à lèvre inférieure plus épaisse (ourlée ?) à l’expression souriante modérée ; calotte constellée visible à l’arrière sous le bandeau chevauché par le corps ophidien axial. Cf. Macadam 1955, II, p. 144, pl. LXXIXa, Hill 2004, p. 62, p. 183, n° 78 (K24), Derriks 2007, p. 139-140, n° 43 (style kouchite : Taharqa ?) et Pino 2007, p. 15, fig. 46. Noter le type rappelant l’iconographie d’Amenhotep III. Sur le collier à retombées juste au-dessus des seins, voir infra p. 26. 45. Statuette de 15,5 cm de hauteur : altération du collier et du cartouche sur le fermoir ; yeux étirés ; lèvre épaisses ; nez droit épais avec philtrum ; « pli kouchite » peu marqué ; mamelons gravés. Cf. Hill 2004, p. 178, n° 62, p. 322 (K-8). 46. Statuette de 15,5 cm de hauteur : altérations de la coiffe, du bandeau « riche », de l’uræus et du collier (bijou axial plus bas) ; yeux étirés ; court nez droit aux narines rondes ;

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Figure 5 – Statuette agenouillée New York, MMA 2002.8. [Photographie © New York, Metropolitan Museum of Art]

tuent par des commissures plus remontantes ce trait facial qui confère à leur visage un contentement radieux dans l’accomplissement des rites désormais interdit en raison de leurs mains sectionnées (fig. 7). Vu leur parenté, ces statuettes déclinent en ronde bosse une image royale spécifique qui reste distincte par son expression de notre exemplaire, reflétant avec sa série de bronzes proches, l’une des formes créées pour le pharaon dans certains ateliers, selon un style défini par M. Hill comme moins austère que celui de Chabaka, empreint de plus d’élégance et d’aménité, même si les caractéristiques demeurent largement celles de son prédécesseur47. Dans la riche iconographie assurée ou présumée de Taharqa, un autre courant privilégie une bouche allongée aux lèvres pulpeuses et à l’expression « sérieuse » qui la rapproche, au moins sur ce point, de notre document. Ainsi, s’inscrit dans ce type la statuette anonyme NyCarlsberg AEIN 605, déjà mentionnée pour son attitude « naturaliste », qui étire sous un nez épaté, une bouche horizontale aux lèvres souplement modelées, dans une face quasi quadrangulaire, tandis que son long cou porte un sautoir à courtes retombées au creux de l’épaule (cf. fig. 3)48. Son visage à l’air méditatif est celui qui bouche allongée avec lèvre inférieure plus épaisse et incurvée. Cf. Hill 2004, p. 56, n. 25, p. 60, p. 159-160, n° 19, p. 321, pl. 36 (K-7). 47. Russmann 1981, p. 154, n. 39 ; Hill 2004, p. 53-54. 48. Statuette haute de 9 cm, dont la surface est corrodée, mais qui révèle néanmoins les cavités des grands yeux, un nez pincé à la racine (ressaut ?) et le « pli kouchite ». On observe une emphatisation des mains par leur taille. Les uræi sont couronnés et avec boucle sommitale (cf.

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Figure 6 – Statuette agenouillée Bruxelles MRAH E 6942. [Photographie © Bruxelles, Musées Royaux d’Art et d’Histoire]

est sans doute le plus proche du nôtre, en raison de sa forme allongée, aux lourdes joues et mâchoires, tout en s’en distinguant par le port plus haut du serre-tête en « pain de sucre » aux uræi couronnés et avec boucle sommitale. Identifiée par son cartouche, la virile statuette Londres BM EA 63595 du temple A de Kawa élève sur un corps trapu sa forte tête aux traits appuyés qui rappellent par leur force les beaux bronzes antérieurs de Chabaka : yeux immenses, nez droit aux narines épatées, bouche saillante sur un petit menton en retrait, tandis qu’autour du cou taurin à nuque plate le sautoir abrège ses courtes retombées à peine obliques vers le haut des épaules (fig. 8)49. Elle rappelle la tête quadrangulaire aux Russmann 1974, p. 35, n. 1). Les retombées (pendentifs latéraux importants) se situent en haut de l’épaule. Cf. Ibidem, p. 62, n° II B.15, Hill 2004, p. 59-60 (attribution à Chabaka), p. 192, n° 113, pl. 32 (K-3) et Jørgensen 2009, p. 268-269, n° 93.1. Cf. supra note 15. Sur l’exagération de ce type de bouche, voir le sphinx Londres BM EA 1770 : supra note 24. 49. Statuette haute de 9,3 cm (alliage au plomb) : cartouche (bracelets d’épaule et fermoir) ; bandeau « riche », double uræus couronné et avec boucle sommitale ; sourcils en relief ; yeux dilatés (iris ?) ; nez à forte pointe ; lèvres épaisses

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Figure 7 – Statuette agenouillée Berlin ÄM 34397. [Photographie © Berlin, Ägyptische Museum]

Figure 8 – Statuette agenouillée Londres BM EA 63595. [Photographie © The Trustees of the British Museum]

joues amples et aux yeux immenses de la gracile statuette debout Boston, Museum of Fine Arts 1970-443, provenant de la Cachette de Karnak. Anciennement incrustée d’or, cette dernière est parée d’un collier à trois amulettes de taille quasi semblable s’équilibrant au niveau des épaules (fig. 9)50. Une parure similaire apparaît sur la statuette NyCarlsberg Glypt. AEIN 1595, au nom de Taharqa, illustrant l’offrant royal agenouillé, à grosse tête joufflue (fig. 10)51. (supérieure plus longue), « pli kouchite ». Cf. Russmann 1974, p. 65-66, n° II B.27 et Hill 2004, p. 60, p. 62 (filiation nubienne ?), p. 160, cat. 21 (analyse de l’alliage), p. 323, pl. 38 (K-9). Sur ce type en bas-relief, voir Myśliwiec 1988, pl. XXVIIIb, pl. XXXId, pl. XXXII (Chabaka), pl. XLII, c (Taharqa). 50. Statuette de 15 cm de hauteur : bandeau « riche » ; uræi couronnés ; yeux en amande étirée ; nez droit à forte pointe ; bref philtrum ; lèvres épaisses. Cf. Russmann 1974, p. 60, n° II B.9, fig. 17, Myśliwiec 1988, p. 118, pl. XLIV c. et Hill 2004, p. 62, p. 180, n° 69, pl. 42 (K-14). Pour le collier et ses variations de dispositif, voir infra p. 25-26. 51. Statuette de 14 cm de hauteur : cartouche sur le fermoir ; traces d’or ; bandeau « simple » ; double uræus couronné avec boucle ; amulettes secondaires du collier à peine plus plus petites que la médiane (globe avec uræus) ; corps élancé souplement modelé, bipartisme ; languette presqu’aux genoux. Cf. Russmann 1974, p. 57-58, cat. n° II A.2, Hill 2004, p. 160, n° 20, p. 319, pl. 34 (K-5) et Jørgensen 2009, p. 268, p. 270-272, fig. n° 93.2.

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En raison du dispositif du sautoir, on est tenté de retenir ce dernier comme critère d’identification possible, surtout quand il présente des retombées proches de celles de notre statuette. Deux bronzes découverts à Kawa, site privilégié par Taharqa, pourraient ainsi fournir un indice d’attribution52. À la semblance des grandes statues de Taharqa et de Tanoutamon à Doukki Gel53, la figurine agenouillée du temple T (NyCarlsberg Glypt. AEIN 1696), plutôt trapue et à lourde tête, montre un cou taurin enserré de la cordelette, dont les retombées latérales descendent plus bas que le bijou axial, juste au-dessus des seins54 (fig. 11), comme chez sa consœur du temple A (Copenhague, Nationalmuseet Antikensammlung 9381)55. L’exemplaire debout offrant 52. Sur ce site et les découvertes faites dans les temples T et A, voir Bagh 2015, p. 83-126. Concernant le programme décoratif de légitimation, de confirmation et de renouvellement du pouvoir royal, voir Török 1997, p. 291-299. 53. Concernant le collier à retombées verticales, voir Bonnet & Valbelle 2005, p. 88-89 (Taharqa), p. 94-101 (Tanoutamon : amulette axiale plus importante). Voir aussi pour les successeurs Anlamani et Aspelta, ibidem, p. 110-111, p. 114-116. 54. Statuette haute de 8 cm : traces d’or ; yeux étirés ; mamelons en relief ; bandeau « riche » (?) ; double uræus couronné sans boucle sommitale. Cf. Russmann 1974, p. 62, n° II B.16, Hill 2004, p. 62 (filiation nubienne plus tardive ?), p. 192, n° 114, p. 331, pl. 46, à gauche (K-25), Jørgensen 2009, p. 272-273, fig. n° 93.3 et Bagh 2015, p. 109 (0646). 55. Sanctuaire (J15), côté ouest, près du sol (fouilles Fr. Griffith) : statuette de 14,3 cm de hauteur, à la surface corrodée, avec traces d’or, bandeau « riche » (?), double uræus lové en boucle sommitale et patte temporale arrondie. Cf. Russmann 1974, p. 62, n° II B.14, Hill 2004, p. 62, p. 192, cat. 112, pl. 46, à droite (K-22) et Bagh 2015, p. 124 (0135).

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Figure 10 – Statuette NyCarlsberg Glyptotek AEIN 1595 [Photographie © Copenhague, NyCarlsberg Glyptotek].

Figure 9 – Statuette Boston MFA 1970-443 [Photographie © Boston, Museum of Fine Arts].

Maât, découvert au Gebel Barkal (Boston MFA 21.3096) en propose une version apparentée (fig. 12)56, tandis que celui plus tardif d’un pharaon napatéen (Chicago OIM 13954), à la puissante tête rectangulaire et à l’expression sévère, dispose de cordons dont les retombées descendent jusqu’aux seins57. Dans cette série provenant de Nubie, il semblerait que ce dispositif de collier-cordelette soit favorisé, mais il ne saurait constituer un critère d’identification suffisant, en raison d’autres différences notables observées sur ces figurines, notamment dans leur style général. En fait, pour un motif vraiment ressemblant au nôtre, on doit se référer à la statuaire de pierre, en particulier celle du second souverain napatéen Senkamanisken (643-623 avant notre ère), sur laquelle les pendentifs latéraux du collier descendent jusqu’aux pectoraux

56. Haute de 19,9 cm, la statuette provient du grand temple d’Amon (B 501) : collier à pendentifs latéraux plus petits que l’axial avec uræus ; sans boucle sommitale (?) ; larges yeux étirés (iris ?) ; long nez camus aux narines épatées ; longue bouche droite. Cf. Russmann 1974, p. 59-60, Appendix II B.8 et Hill 2004, p. 62 et n. 39, p. 180, n° 68, p. 330, pl. 45 (K-21). 57. Statuette de 20,5 cm de hauteur : facture rude et schématique ; incrustations d’or ; court nez droit ; haut philtrum ; bouche horizontale au contour précis ; fortes oreilles ; bandeau « lisse ». Cf. Hill 2004, p. 64 (« unusual bronze »), p. 191, p. 333, n° 109, pl. 48 (K-46).

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Figure 11 – Statuette NyCarlsberg AEIN 1696 [Photographie © Copenhague, NyCarlsberg Glyptotek].

(fig. 13)58. Ce détail de parure montre qu’il faudrait en tenir compte pour dater la sculpture de cette époque en Nubie, illustrée par les grandes statues du Gebel Barkal et de Doukki Gel qui développent en même temps souvent une silhouette au buste plus court avec des épaules rondes, ainsi qu’une tendance croissante à la schématisation59. Force est de convenir qu’aucun élément décisif, surtout sur la seule base de la parure, ne permet une attribution convaincante de notre statuette aux règnes de Chabaka ou de Taharqa, même si ce dernier apparaît le plus envisageable. En effet, une grande partie des statuettes au sein des corpus des bronzes royaux ne pouvant être attribuée, en l’absence de cartouche, à un roi ou un autre, il est difficile de définir les caractéristiques stylistiques et iconographiques de chaque règne. On devine des filiations à l’œuvre, qui relient cet ensemble à d’autres productions de petite statuaire, comme

58. Voir la statue du roi couronné du pschent dans Bonnet & Valbelle 2005, p. 102-107, et surtout p. 102 (amulettes latérales touchant la pointe des mamelons), p. 134-135 (comparaison avec la première statue de Tanoutamon). Concernant le trait concomittant du double uræus sans boucle sommitale (?), voir infra note 68. On ne connaît par ailleurs aucune figure en bronze attribuée de manière certaine à ce souverain. 59. Hill 2004, p. 55 et n. 20.

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un bronze royal agenouillé d’époque kouchite • 27

Figure 12 – Statuette Boston MFA 21.3096. [Photographie © Boston, Museum of Fine Arts].

l’abondante manufacture d’ouchebtis60 ou de représentations divines. Ainsi, la tête particulière de notre figurine royale s’accorde à celle dressée sur un cou potelé d’une statuette de la Collection Gandur, où l’artisan a délicatement sculpté un rare dieu-enfant élancé et nu, porteur de la boucle juvénile unie aux regalia kouchites – un serre-tête constellé de pastilles gravées et un longiligne double uræus couronné, en association avec une chaîne à pendentif-cœur (fig. 14)61. Comme sur notre exemplaire, des caractéristiques « ethniques » transparaissent à travers ses grands yeux horizontaux animés d’iris incrustés, son nez camus aux narines épatées et, au-dessous du minuscule philtrum, la moue de la sensuelle bouche aux lèvres épaisses62. 60. Kendall 1997, p. 194-195, n° 201-220 (Taharqa) ; Bonnet & Valbelle 2005, p. 122-123. Noter, dans la profusion d’exemplaires, certains avec des traits de type « négroïde ». 61. Bianchi 2014, n° 27 ; Garcia 2015, p. 48-49, p. 111, fig. 4.13. Il s’agit peut-être aussi d’une représentation du pharaon kouchite en enfant de la déesse, à rapprocher, en tenant compte dans ce cas-ci de la boucle absente et d’un seul uræus, du bas-relief en grès Brooklyn 70.1 attribué à Taharqa (sur sa naissance divine à Kawa, Török 1997, p. 296297 et n. 517). 62. Semblable caractéristique physiologique « africaine » qui comprime un long nez épaté à une bouche gonflée proéminente ; ovale allongé, petit menton enrobé ; « pli kouchite » discret ; deux sillons horizontaux au cou (?), boucle d’oreille en or. Pour ce style, à rapprocher de sa transposition en bas-relief sur le fragment Brooklyn

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Figure 13 – Statue de Senkamanisken à Kerma. [D’après Bonnet & Valbelle 2005, p. 102].

À l’époque de la XXVe dynastie et ultérieurement, des courants diversifiés régissent l’élaboration de la petite statuaire royale en métal, conjuguant de façon quasi inextricable leurs caractéristiques variables et rendant difficile toute hiérarchisation des traits stylistiques, qu’ils soient innovants, permanents ou résurgents. Les spécialistes ont déjà souligné la difficulté à classer ces représentations souvent anépigraphes, même s’il leur a été possible de mettre en lumière certains traits « individualisant » les souverains les mieux connus comme Chabaka ou Taharqa63. On a aussi mis en évidence une production plus tardive dont l’existence est attestée par quelques bronzes d’un style schématisant, à rattacher aux successeurs napatéens dans la seconde moitié du viie siècle avant notre ère64. Même si elle peut paraître d’une exécution plus sommaire que certaines pièces à la réalisation plus achevée, notre figurine s’inscrit à son tour par l’équilibre des proportions, la précision des détails et la sensibilité du modelé, dans un art du métal florissant, capable de rivaliser avec la grande statuaire. Les spécificités ethniques de son visage font probablement écho à celles diffusées par des œuvres monumentales perdues, saisissant malgré la différence d’échelle, la Museum 70.1 déjà évoqué, n. 61 supra (yeux horizontaux, oreille oblique). Sur l’ethnotype, voir supra note 25. 63. Russmann 1981, p. 154. Hill 2004, p. 51-62. 64. Ibidem, p. 62-65.

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Figure 14 – Statuette de dieu-enfant de la collection Gandur. [D’après Bianchi 2014, n° 27]

quintessence de leurs lignes et de leurs volumes. En fait, ce bronze garde son originalité dans une série de multiples modèles aux subtiles déclinaisons, parmi lesquels on ne retrouve pas de parallèle exact. Outre l’incertitude des appartenances, la parenté des artefacts et la combinaison incessante de leurs caractéristiques invitent à la prudence concernant toute attribution qui serait trop assurée. Si l’on s’appuie sur certains traits – visage allongé, corps de type enfantin, absence de sourire et de boucle sommitale pour le double uræus65, sautoir à longues retombées –, une attribution sous le règne de Taharqa ou à une période plus tardive, soit dans la première moitié du viie siècle avant notre ère, resterait envisageable. Notre exemplaire intégrerait ainsi la série connue de représentations de ce roi offrant une expression sérieuse66. Mais, ces critères peuvent déjà appartenir à l’époque de Chabaka et perdurer à travers celle de Taharqa plus tardivement

65. Comme sur NyCarlsberg Glypt. AEIN 1696 attribué à Taharqa. Cf. supra note 54. 66. Cf. supra p. 25-26.

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jusqu’aux derniers rois napatéens67. Ainsi, la particularité d’un double uræus sans boucle sommitale se retrouve sur la statuaire de pierre de Tanoutamon, et se poursuit chez Senkamanisken et Aspelta (deuxième moitié du viie siècle avant notre ère)68, parfois associée d’ailleurs aux cordons verticaux du collier retombant juste au-dessus des seins. Comme tant de bronzes royaux la plupart du temps en posture agenouillée, notre figurine se conforme à une attitude privilégiée qui cristallise l’image de Pharaon dans l’exercice de sa pratique cultuelle, même si la perte de ses bras ne permet pas de définir cet acte plus clairement69. Il s’agit d’une représentation de l’officiant royal accomplissant le rituel pour son dieu, réalisée soit comme une statuette indépendante sur sa propre base, soit comme un élément composite inséré dans un socle commun, à la semblance de la célèbre dyade Louvre E 2527670. Bien que la provenance soit inconnue (Nubie ?)71, on peut légitimement penser que cet artefact relevait du matériel employé dans les temples, ou à l’extérieur au cours de grandes cérémonies et de processions en cortège des statues de culte et des barques sacrées. Dans le cadre de son rôle symbolique, le modèle réduit en métal fonctionne et perpétue, comme les œuvres en pierre plus monumentales, l’activité primordiale d’offrande et de dévotion à la divinité. À une échelle mineure, même si elle est de petites dimensions, cette figurine royale agenouillée enrichit la série d’une trentaine d’exemplaires attribuables à la XXVe dynastie et témoigne, une fois encore, de la qualité d’un art où le bronzier sait exprimer l’essence figurative de la lignée kouchite. L’œuvre semble même ici dépasser le savoir-faire technique pour conférer à cet intense petit visage de Pharaon une expression d’intériorité qui lui garde sa part d’inconnu.

67. Sur la complexité de la statuaire napatéenne ou d’époque plus tardive, voir Hill 2004, p. 55-56 ; pour les bronzes napatéens : ibidem, p. 62-63. Noter la tendance à la schématisation et au stéréotype. 68. Concernant la grande statuaire de Doukki Gel, voir Bonnet & Valbelle 2005, p. 71, p. 94, p. 96-97 et p. 99 (Tanoutamon), p. 106-107 (Senkamanisken, avec le large bandeau lisse) comme p. 156 (Anlamani), p. 114 et 116 (Aspelta). Au Gebel Barkal, voir par exemple la statue Boston MFA 23.731 (Senkamanisken). Pour une vue d’ensemble de ces statues, voir Bagh 2015, p. 18, fig. 19. Pour le collier, voir supra note 58. 69. Sur la prédilection pour ce type et sa signification, voir Hill 2004, p. 70-73, p. 121-147, p. 253 (rare en statuaire de pierre). 70. Cf. supra note 27 et note 41. Cf. Hill 2004, p. 70. 71. Sur les altérations et mutilations des regalia kouchites comme marqueurs de provenance, voir Hill 2004, p. 58-59 ; concernant le style et le type des œuvres en Égypte et en Nubie : ibidem, p. 69-74 ; Bonnet & Valbelle 2005, p. 118-139.

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un bronze royal agenouillé d’époque kouchite • 29

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Le Goût des MonuMents dans L’ÉGypte ancienne Marie-Ange Bonhême Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

Dans le Discours sur l’histoire universelle à Monseigneur le Dauphin (1681), Bossuet, pétri d’un commerce assidu avec l’antiquité, s’émerveillait sur les ruines des Égyptiens : Si nos voyageurs avaient pénétré jusqu’au lieu où cette ville était bâtie (i.e. Thèbes), ils auraient sans doute encore trouvé quelque chose d’incomparable dans ces ruines ; car les ouvrages des Égyptiens étaient faits pour tenir contre le temps. Leurs statues étaient des colosses. Leurs colonnes étaient immenses. L’Égypte visait au grand, et voulait frapper les yeux de loin, mais toujours en les contentant par la justesse des proportions1.

Bossuet, après que Melchisédech Thévenot2, bibliothécaire du roi – informé par un capucin, le père Protais, qui avait décrit Karnak et Louqsor en 1668 sans se douter qu’il s’agissait de la « Thèbes aux cents portes » chantée par Homère (Iliade IX, v. 379) – eut publié ce récit dans sa collection des Voyages, s’en inspira pour composer la première description dans la littérature française des ruines grandioses du temple d’Amon à Karnak, avec ses allées de sphinx, ses pylônes et ses cent vingt colonnes : On y admire surtout un palais dont les restes semblent n’avoir subsisté que pour effacer la gloire de tous les plus grands ouvrages. Quatre allées à perte de vue, et bornées de part et d’autre part des sphinx d’une matière aussi rare que leur grandeur est remarquable, servent d’avenues à quatre portiques dont la hauteur étonne les yeux. Quelle magnificence et quelle éten1. Bossuet 1870, p. 367. 2. Carré 1932, p. 44-49 et Idem, 1956, p. 24-38 ; Barguet 1962, p. 24, n. 1.

due ! Encore que ceux qui nous ont décrit ce prodigieux édifice n’ont-ils pas eu le temps d’en faire le tour, et ne sont même pas assurés d’en avoir vu la moitié ; mais tout ce qu’ils y ont vu était surprenant. Une salle, qui apparemment faisait le milieu de ce superbe palais, était soutenue de cent vingts colonnes de six brassées de grosseur, grandes à proportion, et entremêlées d’obélisques que tant de siècles n’ont pu abattre3.

Respirant librement en face des tombeaux des grands, encore mieux à son aise en face des tombeaux des empires, Bossuet ajoute, en une majestueuse orchestration philosophique sur leur postérité : L’Égypte n’avait pas encore vu de grands édifices, que la tour de Babel, quand elle imagina ses pyramides, qui, par leur figure autant que par leur grandeur, triomphent du temps et des Barbares. [...] Mais, quelque effort que fassent les hommes, leur néant paraît partout. Ces pyramides étaient des tombeaux4.

À la fin d’octobre 1806, Chateaubriand, après sept jours de navigation depuis Rosette, découvre, en arrivant au Caire, le sommet des pyramides : Continuant de remonter le fleuve, nous aperçûmes, à notre gauche, la crête du mont Moqattam, et à notre droite les hautes dunes de sable de la Libye. Bientôt, dans l’espace vide que laissait l’écartement de ces deux chaînes de montagnes, nous découvrîmes le sommet des Pyramides. [...] Le Nil, qui était alors comme une petite mer ; le mélange des sables du désert et de la plus fraîche verdure ; les pal miers, les sycomores, les dômes, les mosquées et les minarets du Caire ; les pyramides lointaines de Sacarah, d’où le 3. Bossuet 1870, p. 367. 4. Ibidem, p. 368-369. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 31-54

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32 • marie-ange bonhême fleuve semblait sortir comme de ses immenses réservoirs : tout cela formait un tableau qui n’a pas d’égal sur la terre. “Mais, quelque effort que fassent les hommes, dit Bossuet, leur néant paraît partout : ces pyramides étaient des tombeaux !” [...] Mais pourquoi ne voir dans la pyramide de Chéops qu’un amas de pierre et un squelette ? Ce n’est point par le sentiment de son néant que l’homme a élevé un tel sépulcre, c’est par l’instinct de son immortalité : ce sépulcre n’est point la borne qui annonce la fin d’une carrière d’un jour : c’est une espèce de porte éternelle, bâtie sur les confins de l’éternité5.

Les intuitions de Chateaubriand sont intéressantes au regard des connaissances de l’époque, avant même le déchiffrement des hiéroglyphes en 1822 par Champollion : le Nil ressenti comme une petite mer, à l’instar de l’océan primordial ; le flot annuel du Nil au Caire perçu comme surgissant des immenses réservoirs memphites du fleuve, à l’instar de la pensée égyptienne. Chateaubriand restitue le milieu originel, un pays en son état initial, mi-aquatique, bientôt luxuriant, et mi-désertique. Il sait voir et voit grand. Les tableaux sont composés. Une lecture géographique du cadre naturel du Caire d’abord, avec la vallée en coupe, le Nil encadré par la chaîne arabique à l’est et les dunes libyques à l’ouest, rehaussée de la confrontation des sables et de la canopée verdoyante des palmiers et des sycomores ; le regard du peintre ensuite : la distribution des plans et leur étagement en profondeur, après la variété des arbres de la Vallée entremêlés à la typologie des monuments du Caire ; enfin les lointaines pyramides sur le plateau, restées inaccessibles à Chateaubriand. Et les considérations philosophiques sur les pyramides, « ces portes funèbres de l’Égypte », et sur la continuité des générations, s’opposant à la vaine et précaire jouissance du luxe et des plaisirs abrités dans les palais, culmine dans une réflexion sur le néant, initiée par Bossuet, dont il prend le contre-pied. Chateaubriand, au-delà de la quête d’images où placer la scène des Martyrs et de l’expérience irremplaçable de son propre voyage, est l’écho lointain des poètes latins et de la littérature grecque, d’Horace en ses Odes inspirées d’Épicure, de Pétrone dans le Satyricon et d’Hérodote au livre II de ses Enquêtes. Or ceux-ci sont eux-mêmes le reflet de l’Égypte dans les Chants de harpiste. En une référence aux hommes de lettres à trois degrés. Notre temps a consacré diverses études sur le culte moderne des monuments6. La passion des 5. Chateaubriand 1894, p. 308. 6. Concernant l’époque contemporaine : Riegl 1984 ; Choay 1984, p. 7-20 ; Chastel 1997, p. 1433-1467 : cette étude tire

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anciens Égyptiens pour les monuments a retenu mon attention, dans une dimension essentiellement profane – qui n’est pas non plus celle de l’architecte –, par le regard que les Égyptiens ont porté sur le profil et l’usage de leurs monuments, par les types d’interventions mises en œuvre sur leur patrimoine immobilier, et par la perception des rapports entre le passé et le présent qu’imposent l’entretien, la restauration, voire la réfection à neuf des édifices. Les remarques qui suivent tentent d’éclairer d’abord le goût des ruines, puis le langage des pierres et celui des mots, afin de redonner un peu de vie à l’ensemble des moyens techniques et intellectuels mis en œuvre pour entretenir et refaire ce qui dans le bâti serait devenu peu à peu hors d’usage, afin aussi d’atteindre ou du moins essayer d’expliciter les idées sousjacentes, les concepts actifs derrière la politique monumentale des anciens Égyptiens.

Le goût des ruines et des monuments La mélancolie et la nostalgie appliquées aux monuments ne sont pas inconnues en Égypte. L’attachement aux villes durant le Nouvel Empire donne lieu à l’expression lyrique de la nostalgie du voyageur, à l’époque thoutmoside, regrettant la ville qu’il vient de quitter : Amon, retiens-moi dans ta ville (var. tes murs) !7

ou d’un dignitaire en mission administrative, contraint de s’éloigner de Thèbes pour atteindre la Résidence ramesside du Delta : Le scribe royal et échanson du roi Sethy aimé de Ptah, Bay, dit à Amon-Rê roi des dieux : Je ne suis qu’un touriste de la Province du Nord. Viens pour me laisser contempler Thèbes la belle (O. Caire CG 25 766).

que précise un poète : Son esplanade est pour le démuni, son sanctuaire pour le nanti8 (O. Gardiner 25 r°).

Reflet d’une rivalité entre Thèbes, la métropole religieuse, et la nouvelle capitale politique des Ramsès dans le Delta, ces textes soulignent l’élan et l’affection pour des formes architecturales aimées, regardées inlassablement et avec attention (ptr) : un mur d’enceinte, un parvis et la partie couverte du temple d’Amon, qui se substituent à la ville. L’éloiparti d’un certain nombre d’articles antérieurs du même auteur cités en page 1465, note 1. Concernant l’Égypte ancienne, voir Assmann 1986, p. 47-56. 7. Ostracon Nakhtmin 87/173, 1 = en dernier lieu : Ragazzoli 2008, p. 26, 100-101 et 132. 8. Ostracon Caire CG 25 766 = en dernier lieu : Ragazzoli 2008, p. 39-41 et Ostracon Gardiner 25 r° = ibidem, p. 32-33.

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gnement est créateur de souvenirs et les repères sont les installations cultuelles de la cité. Le Conte du revenant9, connu par des ostraca de la XIXe dynastie (xiiie-xiie siècles avant J.-C.), est consacré aux relations entre des vivants et un mort de haut rang, qui se nouent autour de la restauration d’une tombe abandonnée : le mort presse des vivants successifs, une suite de cinq interlocuteurs apparemment dépourvus d’une pieuse attention pour les tombes anciennes, d’y effectuer les travaux de reconstruction de sa sépulture, afin que cesse son errance due au mauvais état de son tombeau que le temps a ruiné. Le conte montre, par les éléments de biographie du mort qui raconte sa vie sur terre, que derrière un monument est un possesseur de tombe qui érige de son vivant le monument en vue de sa propre pérennité. Le conte aussi est un prétexte pour découvrir l’antithèse entre l’éphémère qui caractérise l’humain (la succession des cinq rencontres) et ses œuvres (la décrépitude persistante du tombeau), et la qualité irréversible et permanente de l’état du mort affecté dans sa survie posthume par des vivants indifférents, laissant se dégrader les monuments dans l’oubli. C’est alors que s’adressant à son dernier interlocuteur, un grand-prêtre d’Amon, qui vient de lui dire : Je ferai remettre à neuf [ta] sépulture (m mȝwt) », var. Je [te] ferai faire une sépulture sur un terrain neuf (ḥr mȝwt, c’est-à-dire récemment gagné sur le Nil)10,

le mort décrit, ému et triste, la ruine de sa tombe en connaisseur des vieux murs qui s’éboulent et des charpentes tombées en travers des accès : À quoi bon ce que tu veux faire ? Est-ce que le bois n’est pas abandonné au soleil ? N’est-il pas abandonné derrière l’entrée du jardin, au point qu’on ne peut plus y pénétrer ? La pierre devenue vieille s’écroule [lacune]11.

C’est là un monument que les yeux aimaient regarder, dont l’ancienneté est la source de l’intérêt qu’on lui porte et qui acquiert de l’existence en raison même de sa ruine. La mélancolie tient à la négligence et à l’oubli du monument, à l’effacement progressif de la ruine, au délaissement du souvenir que le mort voulait perpétuer dans la pierre, conduites qui semblent « accorder peu de prix à la nécropole ». Ainsi la mélancolie révèle le retentissement affectif et des pensées restées tournées vers l’au-delà, toutefois le consentement à la ruine correspond à l’incapacité d’agir. On peut certainement rapprocher ce conte post-amarnien de la version du Chant du harpiste de Neferhotep datant de Horemheb où l’auteur interroge : « Pourquoi agir ainsi contre le pays d’éternité ? », à une époque où 9. Gardiner 1932, p. 89-94 et Lefebvre 1949, p. 169-177. 10. Lefebvre 1949, p. 175. 11. Ibidem, p. 176.

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l’on restaurait les monuments ruinés ou vandalisés par le fanatisme12. Subordonnée à la sensibilité, une culture historique est sous-jacente (formes, techniques et plan du tombeau, nom, carrière et croyances du mort), mais qui a très peu à voir avec la valeur historique du monument. Tout au plus un pressentiment confus de la valeur d’ancienneté. Cependant on trouve également une approche nostalgique des monuments, des lieux qui existaient mais dont les places ont disparu, dans un poème du Nouvel Empire écrit par les harpistes anonymes des Chants du harpiste. Apparaissant à la fin de la XVIIIe dynastie pour se terminer après la XXe dynastie, ils sont tous gravés dans des tombes, à l’exception d’un seul sur papyrus, et le harpiste est représenté accroupi tenant sa harpe et « aveugle », l’œil fermé ou vide, en signe de cécité ou d’inspiration musicale. Tous ces chants « n’ont en commun que le noyau thématique de la vanité du monde »13 et ne forment pas un ensemble homogène. Nous suivrons la version du poème sur papyrus, le chant d’Antef. Le destinataire du propos n’apparaît pas et les questions sont rhétoriques. En son absence, l’amorce de dialogue se mue en conversation intérieure où l’interrogation n’est qu’une forme du débat fictif de l’auteur avec lui-même, un pur artifice qui pallie la monotonie d’affirmations en série, et souligne le goût de l’anéantissement : Les nobles et le bienheureux de même, sont ensevelis dans leurs tombeaux. Ils avaient des maisons dont les lieux n’existent plus. Qu’est-il advenu d’eux ? Que sont devenus les lieux qui leur appartenaient ? Leurs murs se sont écroulés, leurs places ont disparu, comme s’ils n’avaient jamais existé14.

Le goût pour les charmes mélancoliques du passage de la vie à la mort, qui fait le harpiste s’aimer dans le sentiment de sa ruine15 à la manière de Senancour (Oberman), culmine dans la méditation : « Qu’est-il advenu d’eux ? » et « Comme s’ils n’avaient jamais existé ». Pour celui qui vit, le mur de la mort est infranchissable, constituant l’espace et le temps impartis à chacun en une sorte d’enclos d’où il ne peut s’échapper pour connaître l’empire des morts et les temps révolus. L’écroulement des demeures de la vie et de la mort, avec son corollaire la disparition des hommes et de la pensée, produisent l’effacement du réel, c’est-à-dire de la matière et de la pensée, qui sont des machines à refouler le néant dans l’inexistence. D’une part l’esquive de l’actualisation coupe court à tout 12. Krieger 1956, p. 53-54. 13. Osing 1992, p. 13. 14. Je suis la traduction de P. Krieger d’après Schott 1956, p. 75. 15. Senancour 1804, lettre XXIV ; sur l’absence d’adresse au destinataire : Boissieu & Garagnon 1987, p. 212.

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développement descriptif, sinon à une énonciation de caractère générique. D’autre part, la réflexion philosophique part d’un vécu singulier, affirmé, qui s’efface, et devient universel dans un élargissement méditatif. Nulle humilité dans ce constat sur la fragilité de l’existant. L’homme dont le passé n’est plus, advenu il ne sait où, harpiste aveugle à son avenir indiscernable, est livré à son présent instauré en jouissance de l’instant. C’est sans doute la plus ancienne formulation du thème de la douleur et du plaisir mis en regard. Ce présent fait de l’inconsistance du bonheur est toutefois la seule possibilité : il renvoie le harpiste à l’oubli, il le rend oublieux de l’exploration du monde, un monde d’une densité inouïe, et le constitue en aventurier du bonheur : Que ton cœur donc s’apaise. L’oubli t’est salutaire, Obéis à ton cœur, aussi longtemps que tu vivras. Mets-toi de la myrrhe sur ton front, revêts-toi de lin fin, parfume-toi avec les merveilles véritables, qui font partie de l’offrande divine. Augmente ton bonheur, afin que ton cœur ne languisse pas. Suis ton désir et ta félicité, remplis ton destin sur la terre16.

Hérodote se fait l’écho de l’Égypte dans le passage sur le « chant de Linos » : Au cours des réunions chez les riches Égyptiens, après que le repas est terminé, un homme porte à la ronde une figurine de bois dans un cercueil, peinte et sculptée à l’imitation très exacte d’un mort [...] ; il montre cette figure à chacun des convives en lui disant : “Regarde celui-là, et puis bois et prend du plaisir ; car, une fois mort, tu seras comme lui”17.

Horace, inspiré par Épicure, exalte le carpe diem : Profitez d’un avis sage : songez à boire votre meilleur vin et refermez toutes vos espérances dans des bornes étroites. Hélas ! tandis que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. Profitez du jour présent et ne vous fiez pas au lendemain18 ;

et Petrone rapporte un thème similaire à propos du banquet de Trimalchion dans le Satyricon : lors des banquets circulait une image de mort (« un squelette d’argent ») afin de raviver le goût de la vie, et de conclure : Hélas, pauvres humains, nous ne sommes que néant [...]. Vivons donc, tant qu’il nous est donné de jouir19. 16. Schott 1956, p. 76. 17. Hérodote, Enquêtes, II, 78. 18. Horace, Odes I, XI. 19. Pétrone, Satyricon, 34.

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En réalité c’est un vieux thème proche-oriental, connu par l’épopée de Gilgamesh20, relayé dans l’Écclésiaste (I, 4 et IX, 7-10), sur la perpétuité des générations et les joies de l’existence dont il faut profiter durant la vie. Mais il y a plus. Le Harpiste expose la continuité des générations de rois reposant dans leurs tombeaux, à défaut de celle de l’existant, et la pérennité de la pensée : Les générations s’évanouissent et disparaissent, d’autres viennent à leur place, depuis le temps des ancêtres, les dieux qui vécurent autrefois, et reposent dans leurs pyramides. J’ai entendu les paroles d’Imhotep et de Hardedef qui sont citées en proverbes, et survivent à toutes choses21.

Le contraste est riche de sens entre le défini et l’indéterminé comme le rend très bien la traduction. Les générations contextuellement définies, « qui s’évanouissent et disparaissent », ce qui rigidifie l’allusion à l’avenir de l’espèce humaine en lui conférant un avenir clos, eschatologique, sont aussitôt corrigées par l’indéfini des générations nouvelles, « d’autres viennent à leur place », indéfini d’ouverture, dont l’éternité est assurée, celle des « dieux qui vécurent autrefois et reposent dans leurs pyramides ». Le contraste continue. L’invocation des deux sages Imhotep et Hardedef, qui caractérisent indirectement les rois dans leur cadre spatiotemporel, opère une antithèse, qui est au fond de la vie, entre la pérennité de la pensée et la brièveté de l’existant – les êtres et leurs œuvres – dont on retrouve à nouveau l’écho dans les Odes d’Horace lorsqu’il affirme, en une dédaigneuse magnificence pour les pyramides, que la gloire de ses vers ne mourra pas : J’ai achevé un monument plus durable que le bronze et plus élevé que les pyramides bâties par les rois22.

En réalité, des nuances sont exposées par le Harpiste. La permanence affecte le rôle des sentences et des sages, mais aussi, parmi les éléments matériels, la continuité des générations de rois ainsi que les pyramides où ils reposent. En revanche, les éléments matériels qui disparaissent ne sont plus la continuité des générations de rois, mais les individus et leurs tombes quand ils sont des particuliers. Le scepticisme agit différentiellement. Il n’affecte pas les croyances solaires, celles des rois et leurs tombeaux Ce qui est frappé de destruction dans la matérialité de la vie, c’est la tradition osirienne : on ne revient pas du 20. Assmann, «Harfnerlieder», LÄ II, col. 977 ; Pritchard 1969, p. 90. 21. Schott 1956, p. 75. 22. Horace, Odes III, XXX, 1-2.

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royaume des morts. Le chant poursuit et redouble dans le scepticisme sur l’immortalité humaine :

le sursaut, porté en particulier par les valeurs de remémoration dans l’action constructive.

Nul ne revient de là-bas, qui nous dise quel est leur sort23.

Le harpiste, dont la démarche est rationaliste et qui procède par absence de certitude, adopte une attitude négative à l’égard de la survie des particuliers. À la recherche de preuves de l’existence de l’au-delà, observant que son accès est impossible, il constate que cela n’existe pas : l’empirisme sans faille du sceptique, limité à la négation de l’au-delà, coexiste avec les croyances traditionnelles dans l’au-delà. Du rôle de la philosophie dans le regard tourné vers les monuments. Ainsi, les monuments, à la fois matière et passé, ne sont là que pour métaphoriser la grandeur révolue par contraste avec la chute présente, dans une délectation voluptueuse du néant des grandeurs humaines. Toutefois, la rigueur argumentative des Égyptiens contient le lyrisme. En parallèle au Chant du harpiste gravé sur les murs d’une tombe, comme si la mort semblait née en Égypte : Vois, personne n’emporte avec lui ses biens, Vois, personne ne revient qui s’en est allé24 ;

et pour exhorter à supporter patiemment la mort d’un être cher, mais en opposition à un lyrisme personnel qui ne perce pas ou si peu dans les textes égyptiens, Horace rappelle que Mercure n’est pas doux aux prières de Virgile pleurant un ami : Hélas, c’est en vain que votre tendresse le redemande aux dieux [...] Quand vous tirerez de votre lyre des sons plus touchants que ceux d’Orphée, dont les arbres entendirent la voix, vous ne rappelleriez pas à la vie l’ombre vaine que Mercure a une fois rangée, avec sa verge fatale, dans le noir troupeau25.

Il prend soin de retracer également à un ami, par l’engagement de l’homme avec les éléments de la nature, le vain attachement aux biens de ce monde, au sein desquels sont les possessions foncières, métonymie des édifices qu’elles portent : Il faudra quitter ces parcs immenses que vous avez achetés, cette maison, cette métairie que le Tibre baigne de ses eaux, il faudra les quitter26,

en des moments filés du néant des grandeurs humaines. Jusqu’à présent, par nos exemples et commentaires, le pessimisme règne en laissant les monuments achever leur existence naturelle en une sorte de déclinisme monumental. Il reste à examiner

23. Schott 1956, p. 75. 24. Ibidem, p. 76. 25. Horace, Odes I, XXIV. 26. Horace, Odes II, III.

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Le Langage des pierres Construire pour durer, c’est implicitement pressentir la valeur historique des monuments. S’attacher à les regarder, à les relever ou les reconstruire, c’est reconnaître leur valeur d’ancienneté, faire œuvre pieuse et les rendre à leur utilisation que l’altération entravait. Je ne retiendrai pas évidemment l’évolution de l’ensemble des monuments en leur multiplicité, seulement quelques exemples dans le foisonnement monumental, qui m’ont paru significatifs.

Monuments et patrimoine Sous le mot de monument nous regroupons le réseau concret des temples, palais et des nécropoles, c’est-à-dire l’architecture en ses éléments construits distribués dans l’espace, ce qui implique les abords, et aussi le mobilier les peuplant que sont les obélisques, les colosses, les statues, les stèles, etc. qui entretiennent doucement dans les consciences égyptiennes l’imprégnation des croyances et plus rudement l’autorité monarchique. Des rites s’y déroulaient : la liturgie des funérailles royales qui se développent en partie hors des temples et des tombeaux, celles du couronnement et des cérémonies jubilaires révélant l’importance des mouvements de foule, les préparatifs considérables et le ravitaillement nécessaires, les grandes fêtes religieuses annuelles qui mettaient en relation, par des processions de dieux d’un temple à l’autre, leur fonctionnement et leur organisation théologique. Les édifices sont des repères à fort potentiel d’attachement, que les yeux aiment regarder, et qui donnent vie au passé. Les textes littéraires n’ont de cesse de mentionner la splendeur et l’opulence des temples, le summum de l’efficacité cultuelle des rois dans la construction de grandes structures, qu’il s’agisse de temples d’envergure ou d’amples sépultures. Déroulant la liste des rois d’Égypte, Hérodote27 ne cesse de mentionner les fondations et relèvement de villes et de temples (Memphis, Boubastis), les constructions de pyramides (Chéops et Chéphren), les réparations et agrandissements harassants de grands temples surpassant ce qu’avaient fait les devanciers (Saïs). Dans le « Dialogue du désespéré avec son âme », dont le seul manuscrit connu date de la XIIe dynastie, la splendeur et l’originalité des monuments érigés 27. Hérodote II, 99 à II, 176.

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par la civilisation égyptienne n’ont pas échappé aux habitants de la vallée du Nil : On a fait des constructions de granit, on a élevé des portiques et des pyramides magnifiques et d’un travail parfait, et leurs propriétaires devinrent des dieux28.

Ce sont les monuments des siècles, aménagés dans les franges désertiques de la vallée du Nil et immergés dans l’histoire, que l’auteur interroge sur l’opportunité de continuer à exister. La perpétuité des monuments essentiels à la communauté des hommes de la vallée du Nil constitue dès lors ces monuments en patrimoine, dont « la notion semble immémoriale » comme l’a rappelé André Chastel29, et qui correspond aux difficultés de la conscience collective face à des troubles perçus comme menaçant son intégrité. Ce n’est que tardivement, à partir des dominations étrangères du Ier millénaire avant J.-C., que la notion de patrimoine monumental cultuel est manifeste, lorsque, de façon contrapontique, un groupe politiquement et géographiquement défini, les Kouchites, cherche, en adoptant les coutumes indigènes avant d’entrer dans le temple de Karnak, à être reconnu comme Égyptien dans des temples et des cités qui deviennent ainsi la preuve tangible de leur existence en tant que riverains de la basse vallée du Nil. Dans la Dat où le roi Sisebek l’a envoyé, Meryrê rencontre le grand dieu vivant et, pour répondre à sa question sur l’état du pays, lui dépeint l’antithèse de l’opulence des temples : « Les temples sont très prospères [...] les temples sont embellis » (Papyrus Vandier 4,3)30 et des injustices sociales, en une confrontation des contraires qui renforce le sérieux des informations. Il semble que la beauté des édifices d’Égypte n’était pas faite pour les ruines. Cependant il y a un contrepoint. Il faut bien voir que les monuments n’étaient pas considérés comme immuables, chaque pharaon s’attachant à modifier les monuments de ses prédécesseurs, voire à les raser. La mise en perspective qui affecte ces édifices imposants est rafraîchissante. Par une description des comportements, on arrive à saisir des traces du dialogue que les Égyptiens ont mené avec leur passé. À Karnak, la cour entre le IVe et le Ve pylônes fut transformée en salle hypostyle par Thoutmosis III, où se remarquent les trois arêtes sur le fût des colonnes papyriformes renvoyant aux emprunts faits à des temps anciens par les constructeurs31; cette salle hypostyle fut plus tard dédoublée par l’édification de la grande salle hypostyle entre les IIIe 28. Schott 1956, p. 139. 29. Chastel 1997, p. 1433-1469. 30. Posener 1985, p. 65-66. 31. cf. infra, p. 39.

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et IIe pylônes, dont la décoration reflète la gloire des rois sur le champ de bataille ; la succession des sanctuaires depuis Sésostris Ier jusqu’à Philippe Arrhidée, qui étaient démontés et les blocs stockés sur place, ne laisse pas d’étonner, ponctuant les changements du goût et ceux de la politique. Les temples et leurs abords, qui forment les cités, sont réversibles. La destruction suit deux voies, selon qu’elle vise l’anéantissement symbolique, par un démontage soigneux comme dans le cas de la chapelle Rouge de la reine Hatchepsout, ou bien la destruction en vue du remplacement de l’édifice en ruine. Les constructeurs n’ont pas l’âme mélancolique. Un peu plus tard dans la dynastie, un autre ébranlement survint. Dès la mort d’Akhenaton, Amarna, la capitale politique et religieuse fondée par le roi, fut délaissée puis démolie par les restaurateurs de l’orthodoxie amonienne, la tombe du roi profané, ses images martelées. On trouve dans ces comportements des analogies avec les vicissitudes souffertes par les demeures de la Couronne en France : Clagny, le château neuf de Saint-Germain-en-Laye, Marly, le Trianon de porcelaine et la grotte de Thétys furent détruits, Chambord cédé ; Versailles, transformé par Louis XIV, altéré au xviiie siècle, n’a pas non plus semblé intouchable en 1792 et, finalement épargné, le château fut partiellement réaménagé au xixe siècle, entretenu continûment et adapté aujourd’hui selon une politique de grands travaux. La sacralité des lieux saints n’était pas non plus intangible. Des profanations et des pillages de tombes royales sont connus32, celles des rois de l’Ancien Empire : « ce que cachait la pyramide est vide » (« Lamentations d’Ipouour ») et les tombeaux des rois thinites, agressés par les soldats indisciplinés du roi Khety (« Enseignement pour le roi Merikarê »). Ce sont des pillages survenus lors d’un vide institutionnel : « le roi a été déposé » (« Lamentations d’Ipouour »), différents des pillages du Nouvel Empire à Thèbes sous Ramses IX et Ramses XI dans un contexte d’institutions subsistantes mais perverties33. Des habitations privées ont été installées dans le temple funéraire d’Ouserkaf, sans que cela interrompe le culte dans le sanctuaire, et sans doute dans celui de Neferirkarê à Abousir. Occupé d’abord par les desservants dès la fin de la VIe dynastie, des murets étant construits pour retenir les débris amoncelés, le temple de Neferirkarê fut déserté après l’éclatement institutionnel de la fin de l’Ancien Empire puis devint un cimetière dès la fin du Moyen Empire34. L’occupation par les troupes perses est également documentée, soulignant s’il en était 32. Bonhême & Pfirsch 2008, p. 78. 33. Vernus 1993, p. 183-187. 34. Posener-Kriéger 1976, p. 640-641.

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besoin, la réutilisation transgressive et peu honorable du temple de Neith à Saïs par une brutale soldatesque foulant aux pieds les lieux et les croyances locales : « Sa Majesté (= Cambyse) ordonna de chasser tous les étrangers qui s’étaient établis dans le temple de Neith, de jeter bas leurs maisons et toutes leurs immondices (?) qui étaient dans ce temple »35. La notion de monument sacré n’est pas supérieure aux vicissitudes de l’histoire, encore moins pour des soldats d’occupation. Se pose la question du recyclage des monuments (statues, édifices, pour l’essentiel) devenus vétustes, inutiles, cassés, incendiés, endommagés volontairement parfois. Les remplois36 ont affecté des blocs d’édifices antérieurs, parfois des édifices entiers, des statues également, parfois fragmentaires ; ces blocs sont trouvés dans des bâtiments neufs, leur conférant une protection, affirmant la continuité monarchique par perpétuation de l’ancien dans le nouveau et aussi le respect pour des objets qui restent consacrés, et pour pallier des carences en matériau. La multiplication des statues dans les temples, par leur encombrement, en raison des réorganisations de l’espace poursuivies dans les programmes architecturaux et statuaires et en fonction de changements politiques, a obligé les prêtres et les architectes à trouver des solutions. Comme on le sait, les musées ne furent pas inventés alors. Par-delà les dépôts lapidaires provisoires dans l’enceinte des temples pour les blocs en attente d’un remploi, les fosses destinées à recevoir des objets méritant égard et conservation répondent à ces besoins et jouent le rôle de nécropole d’un mobilier de pierre hors d’usage. On les trouve en de nombreux temples37 : Tell Moqdam, Athribis, Tanis, Memphis, Louxor, Karnak dans la « cour de la cachette » devant le VIIe pylône, au milieu de la tribune du quai, Karnak-Nord, Semna, Kerma, Sanam, Gebel Barkal, Meroe, Tabo etc. Alors que les traces de destruction volontaire des statues dans la violence ne sont que rarement attestées dans la basse vallée du Nil, les deux cachettes du Gebel Barkal et celle de Doukki Gel (Kerma) au vie siècle avant notre ère, contenaient des statues brisées, placées selon un ordre relatif dans la fosse38. Les coups portés visaient à décapiter, briser le corps en deux, à en séparer les bras, les jambes et les pieds. Les dommages étaient 35. Statuette naophore d’Oudjahorresne, Vatican n° 158, l. 19-20 : Posener 1936, p. 15. 36. Cf. infra, p. 45. 37. Leclant 1990, p. 577-586 ; Vernus 1978, p. 113-115, doc. 129 (favissa), p. 115-116, doc. 130 (trésor) et p. 114, n. 3 (liste rapide de cachettes) ; Bonnet & Valbelle 2005, p. 174-182, 186 (Semna). 38. Bonnet & Valbelle 2005, p. 181-182 ; Reisner 1917, p. 213227 ; Idem 1918, p. 99-112 ; Idem 1920, p. 247-264.

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cependant limités, les noms et les visages des souverains sont intacts. Ces atteintes posthumes à l’intégrité royale étaient destinées à contester le pouvoir d’un groupe précis de rois39. En Égypte, la proscription s’opère entre autres par des martelages affectant les noms des rois sur leurs statues et sur les murs de temples, après l’épisode amarnien et le départ des Éthiopiens. C’est donc un vandalisme d’État et l’on est loin de l’aveuglement qui présida à la perte des rois de Juda pris pour ceux de la France, dont ils exprimaient la filiation symbolique, sur la façade de Notre Dame en 1793. Il ne s’agit pas de situations révolutionnaires où seraient détruits les « trophées de la superstition »40 par un peuple ignorant en des agissements furieux, relayé par des démolisseurs et des spéculateurs. On devine seulement que, à côté de la damnatio memoriae étatique, en Égypte, des particuliers ont pu se livrer à des déprédations, des formules imprécatoires contre ceux qui endommagent les temples en comportant l’éventualité41. Enfin, un traitement paysagiste des pyramides et des temples rend compte des origines profondément autochtones des édifices. Les édifices ne sont pas indépendants des paysages, notion foisonnante, qui les habitent et des pratiques dont ils procèdent. Ne pas en tenir compte reviendrait à fragmenter les vues d’ensemble. Dans l’architecture religieuse et funéraire, le but est d’évoquer les éléments du monde dans la pierre. Les Égyptiens cherchent des réponses dans la nature, dans la contemplation du pays aimé, à leurs interrogations sur les origines du monde et ses fins dernières, de manière à opérer une transposition architecturale dans la pierre. Les pyramides sont des émanations du désert. Elles sont l’équivalent construit des inselberg, ces reliefs isolés résiduels qui dominent la platitude de la pédiplaine dans le désert libyque, sur la pointe desquelles se difractent les rayons solaires dont les arêtes sont la matérialisation et que l’être invisible du roi mort gravit pour aller se fondre dans le soleil. Les maîtres d’ouvrage et les théologiens d’Héliopolis choisissent les formes dans le paysage, ce qui entraîne des défis techniques immenses et il y a bien l’idée d’une imitation de la nature. Quelle que soit la morphologie du paysage réel auquel elle emprunte42, l’Égypte ajoute à 39. Bonnet & Valbelle 2005, p. 181. 40. Selon la formule de l’abbé Grégoire dénonçant le vandalisme révolutionnaire (« Je créai le mot pour tuer la chose ») cité par Chastel 1997, p. 1440. 41. Cf. infra, p. 49. 42. Le rôle du paysage est prégnant en architecture au point de dispenser de toute construction. La pointe triangulaire de la cime thébaine à silhouette pyramidale, s’élevant au sommet de la muraille de la montagne, avait valeur de couronnement des tombeaux de la nécropole thébaine. Une autre montagne en Nubie, la « montagne pure », émerge abruptement

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l’existant quand elle bâtit : elle régularise, schématise, proportionne, à des fins pratiques, idéologiques et aussi, à l’évidence, par esthétisme. En ce sens, l’Égypte invente. La civilisation égyptienne n’a pas tenu de discours sur elle-même, les choses les plus importantes n’ont pas été écrites. Malgré cela, nous discernons que, parmi les plans divins que le roi devait réaliser, il y avait la conscience d’un paysage à parfaire, qu’on observe dans les travaux architecturaux des rois. Les temples, implantés dans la vallée au pied des gebel ou sur les bourrelets limoneux formés le long des rives par embergement naturel, fournissent un tout autre vocabulaire des formes. La forêt de colonnes à chapiteaux papyriformes soutenant le plafond des salles hypostyles est un symbole pétrifié des marais ancestraux du Delta, qu’ils soient localisés à Chemmis ou ailleurs, où se réfugia Horus l’enfant, prototype du pharaon43. Les pylônes, qui sont la transposition architecturale des montagnes encadrant le lever du soleil, participent des réminiscences cosmogoniques et contribuent à équilibrer le profil des temples, aux côtés du naos, situé sur le point le plus élevé du site, du lac sacré voisin et du mur d’enceinte aux lits ondulés, évocateurs de la butte primordiale émergeant des ondes de l’océan initial. Ce récit de la naissance du monde projeté dans la pierre et la brique imprégnait les consciences, parce qu’il résulte d’une observation familière de la vie paysanne, lorsque les limons apparaissent lors de la décrue. Le culte monumental que le roi effectue pour assurer la sécurité de l’univers peut revêtir la forme de l’enfoncement de certains édifices dans le sol pour offrir le moins de prise possible aux forces de destruction. Dans ce contexte, le temple semi-rupestre de la reine Hatchepsout, implanté au fond d’un hémicycle de falaises, est un modèle d’adaptation au paysage, en ce qu’il parfait ce que la nature propose. Les portiques en gradins superposés reprennent l’horizontalité des lits sédimentaires déposés au fil des ères géologiques, tandis que les piliers les soutenant prolongent la verticalité des ravinements en un au-dessus de la plaine à la IVe cataracte et fut représentée sur plusieurs reliefs comme un temple rupestre abritant une forme locale du dieu Amon ; cependant, au pied de l’éminence, temples et palais, villes et nécropoles antiques furent regroupés. Voir Kendall 1997, p. 168-169. 43. Dans le « Texte de la Jeunesse », Thoutmosis III se compare à « l’enfant Horus dans Chemmis » pour fonder son droit à la royauté, en corrélant explicitement la salle hypostyle sise entre le IVe et le Ve pylône (ouadjyt, litt. : « la salle des colonnes papyriformes ») et les marais de Chemmis où il se cache avant d’être reconnu et désigné encore enfant par Amon comme futur souverain : Urk. IV, p. 157, 13. Voir aussi Legrain & Chevrier 1977, p. 104, note ac et p. 232-233.

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rassemblement des temps, ceux de l’homme et ceux de la nature, proprement vertigineux. Enfin, les temples rupestres et les hypogées, creusés au flanc des falaises du désert dominant la vallée, suppriment toute architecture de surface et rendent manifeste, par un minimalisme architectural, la volonté de protection contre les forces extérieures menant à la ruine. Intégrée au cosmos, la civilisation égyptienne sculpte et bâtit en imitant la morphologie de son environnement ou en enfonçant ses sanctuaires dans le roc, afin d’offrir le minimum de prise à la destruction. Un idéal de valeurs stabilisantes. À quels modèles répondent la distribution des monuments dans l’espace de la vallée du Nil et le développement des grands édifices ? Concernant la distribution dans l’espace, deux voies sont possibles et complémentaires. D’un côté, celle du roi, maître de la crue, dominant la nature, et l’aménagement progressif du territoire. De fait, si une vallée, étroit ruban fertile bordé de déserts immenses, est jalonnée du Sud au Nord de temples et de palais, de structures funéraires à composante pyramidale, cela fait ressortir l’acte créateur du roi et de ses services. Mais à regarder de près, la thèse de la domination de la nature est à réévaluer. D’une part, c’est la configuration de la vallée qui impose ou interdit le choix des implantations de l’architecture monumentale et vernaculaire : sépultures au flanc du gebel en Haute Égypte ou sur les plateaux de la région memphite, capables de supporter la charge des pyramides ; temples et palais installés linéairement au pied des gebels, là où le sol se relève, la roche supplantant les terres arables, et sur les levées alluvionnaires déposés par le Nil le long de ses rives. Surimposé au déterminisme de la géographie linéaire de l’axe Sud-Nord, le maillage des buttes constitue la plupart des implantations comme des îles émergeant du lit majeur du Nil inondant la vallée d’un gebel à l’autre. D’autre part, les sites élus pour être construits sont empreints d’une nature rebelle et de drames cosmogoniques, chargés de chaos, qui contredisent l’ordre et la rationalité, le cliché du triomphe de la culture sur la nature. La répartition de constructions tout au long d’une vallée fluviale peu peuplée a fait surgir l’idée abusive d’une unité programmatique et idéologique. En réalité, la royauté, dans ses œuvres architecturales, fut conduite à s’adapter à des difficultés aléatoires au gré de la dynamique du fleuve, d’un nuage qui crève et du peuplement animalier des fondrières au pied du gebel et dans les déserts limitrophes, en particulier des lions au débouché des oueds. La ressource qu’est l’eau du fleuve ou du ciel confronte la société des deux rives du Nil à des déséquilibres entre besoins, surabondance et

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déficit, modifiant également le cadastre. Les tempêtes, avec bourrasques de vent et flots d’eau violents, apportent des boues torrentielles dans les hypogées royaux et des déferlements d’eau dans les oueds. La lionne Pakhet, litt. : « celle qui gratte », que son nom met en relation avec l’érosion, est honorée au Speos Artemidos en ce qu’elle a creusé le ravin menant à la vallée et ouvert le chemin à la trombe d’eau ravageant les villages. Une stèle du roi Ahmosis relatant une tempête, montre le roi impliqué concrètement dans les opérations d’évacuation de l’eau, de secours d’urgence et donnant les ordres de remise en état. Le climat porté à la sécheresse pouvait devenir typhonien, l’implantation dans le territoire étant loin de suivre un ordre géométrique et statique44. Des dynamismes variés caractérisent les implantations humaines et contrarient les traits généraux des rapports de l’homme et de son milieu. Devant faire face à l’imprévisible, la royauté pharaonique ne pratiquait pas « ce désir superbe de forcer la nature » (Saint-Simon). Par ailleurs, le modèle de développement des grands édifices est organique. D’une part, le temple une fois construit, une cérémonie d’animation est effectuée sur une maquette, analogue au rituel d’ « ouverture de la bouche » réalisé sur les momies et les statues pour leur donner vie. C’est dire que le temple est conçu comme un organisme vivant, évolutif, qui implique le principe d’une nature active et relève de l’histoire naturelle. D’autre part, le temple, comme les plantes qui croissent, procède par ajouts et extensions pour s’adapter aux circonstances nouvelles45. Confirmant cette autre approche relevant de la botanique, il n’est pas exclu que l’enfouissement des milliers de statues et objets divers dans les fosses creusées dans le sol de l’aire sacrée des temples soit lié au thème des semences et des germinations. Directement au contact de la nappe phréatique, pensée comme l’océan primordial, les objets se chargent d’une énergie divine qui se propage dans l’édifice46. Ces remarques fournissent un départ pour interroger les processus qui sous-tendent l’originalité monumentale des Égyptiens.

44. Sur l’imbrication des monuments avec la nature, dans un espace mobile et vivant : Quenet 2015, p. 39-49 ; sur la stèle d’Ahmosis relatant un orage et une pluie diluvienne entre Thèbes et Dendara : Vandersleyen 1967, p. 124-159. 45. Cf. infra, p. 41. 46. Leclant 1990, p. 581-584.

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Quelques caractéristiques du goût pour les monuments En premier lieu, on remarque un goût pour l’antique au sein même de la culture pharaonique. Il peut affecter le mobilier. D. Valbelle et W. V. Davies47, par leurs études distinctes mais convergentes, ont montré que lors de l’irruption des Kouchites en Égypte durant la Deuxième Période intermédiaire, ceux-ci pillèrent les villes d’Égypte comprises entre Éléphantine et Cusae, dont les noms sont mentionnés sur les statues royales et privées retrouvées surtout dans les sépultures des rois de Kouch à Kerma48, pour être intégrées au mobilier funéraire des immenses tumuli. Parmi diverses hypothèses permettant de comprendre la démarche des Kouchites, entre autres celle de statues considérées comme des sacrifiés pour affirmer la gloire posthume de ces rois, à l’instar des statuettes d’envoûtement figurant les ennemis transpercés d’aiguilles, ou bien celle du rappel de la puissance militaire des rois de Kerma, il n’est pas à exclure qu’une disposition esthétique doublée du goût pour tout un matériel qui provient de temples ou de tombes abandonnées, en passe de devenir des antiquités, explique cet approvisionnement sur place afin de décorer tombes et palais peut-être, montrant les Kouchites comme des collectionneurs de pièces d’art. On retrouve chez les Éthiopiens de la XXVe dynastie, qui sont les lointains successeurs des rois de Kerma, un même goût pour l’antique concernant les formes architecturales. Les colonnes papyriformes des kiosques monumentaux éthiopiens qui équipent les temples de Karnak aux quatre points cardinaux de l’ensemble se dégagent des lourdes proportions ramessides pour retrouver l’élancement des colonnes engagées de la maison du Nord dans le complexe funéraire de Djoser à Saqqara et des colonnes de la grande colonnade d’Aménophis III à Louxor. Ajoutons que le fût des colonnes n’est pas strictement circulaire. Trois arêtes verticales forment saillie de bas en haut du fût, à l’imitation des trois nervures de la tige du papyrus. Ce naturalisme des colonnes engagées de Djoser (une seule nervure visible à égale distance de l’engagement de la colonne dans le mur) et des trois nervures des colonnes d’Aménophis III fut repris, selon une double référence temporelle, par les Éthiopiens dans leur volonté de s’inscrire dans la plus ancienne tradition stylistique des Égyptiens49. Cela suppose une faculté d’orientation dans le temps de ce qu’il convient déjà 47. Kouch en Égypte et les statues égyptiennes à Kouch : Davies 2003, p. 38-44 ; Valbelle 1998, p. 201-202. 48. Bonnet & Valbelle 2005, p. 183-185. 49. Leclant 1965, p. 204-206.

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d’appeler l’histoire de l’art. Mais il y a eu interprétation : les trois nervures ne sont pas équidistantes entre elles comme sur la plante, deux arêtes se faisant face, tandis que la troisième est à mi-course des deux précédentes, et ce pour être vues de qui processionne dans l’axe de la colonnade, autrement dit en fonction de la valeur d’usage du bâtiment. Une valeur d’ancienneté est active dans ce choix, de commémoration également, puisque la référence du nouveau pouvoir éthiopien à l’aube du viiie siècle est celui du fondateur de l’Ancien Empire dans son édifice funéraire de Saqqara et d’Aménophis III au Nouvel Empire; cependant, elle n’oblitère pas la nouveauté. La fidélité au modèle des débuts, et son inflexion liée à l’usage, pour n’être pas exprimée discursivement n’en est pas moins effective. De plus, les nervures longitudinales des colonnes adviennent dans un type nouveau de construction, les colonnades-propylées éthiopiennes50, dont l’antécédent pourrait être les constructions légères de l’époque amarnienne plaquées en façade des édifices, seulement connues par des représentations, et promises à un bel avenir durant l’époque ptolémaïque puis romaine. Ainsi, dans un chassécroisé architectural, la valeur de nouveauté des kiosques à colonnes et à murs bahuts de Taharqa n’a pas été niée ou empêchée dans sa mise en œuvre par la valeur d’ancienneté des colonnes le constituant, lesquelles reprenaient le modèle des débuts. L’importance du programme architectural de Taharqa, sa valeur esthétique également, ont ouvert un compromis entre l’ancien et le nouveau. On voit, en germe, comment une dynastie peut traiter l’héritage, en ses diverses strates, par transformations progressives. Dans d’autres cas, la nouveauté est intégrée dans la tradition. L’architecture des temples est réglée par la permanence des données cosmogoniques, la conception anthropomorphique des dieux et la répétition des gestes liturgiques durant plusieurs millénaires. La fidélité aux techniques, en particulier la technique de couverture, et la constance dans les principes d’organisation de l’espace sont la règle. Par tradition les Égyptiens maintiennent la colonne et l’architrave parce que, l’espace liturgique étant réservé aux seuls prêtres et non ouvert à la foule, ils n’ont pas besoin de desserrer les espaces internes, ce qu’eût permis la voûte – qu’ils connaissaient – mais qui leur était inutile dans le temple. De même, une analogie de structure entre les complexes funéraires royaux à pyramide et le plan-type du temple remanié par Thoutmosis III a été mis en évidence par

50. Leclant 1965, p. 200 sq.

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P. Barguet51 ; la structure des temples n’a pour ainsi dire pas changé depuis Thoutmosis III jusqu’à la fin de l’histoire pharaonique. Traditionalistes mais pragmatiques, ils innovent cependant : les inflexions théologiques et par suite des rituels nouveaux, ou bien des rituels dont l’importance relative s’est modifiée, imposent des innovations au sein de bâtiments dont les données fondamentales restent inchangées sous les dominations macédonienne puis romaine. Les kiosques, ces petits édifices périptères élancés et élégants précèdent l’édifice principal pour accompagner les processions ou sont parfois des constructions totalement indépendantes, installées sur le toit des temples lorsque l’on procédait à la cérémonie du « toucher du disque », c’est-à-dire à l’exposition des statues au rayons de Rê en vue de leur régénération. Des terrasses auxquelles des escaliers ménagés à l’intérieur des bâtiments donnent accès sont propices à recevoir ces édifices où se déroulent de telles cérémonies. Enfin, se met en place peu à peu, à partir de la XIXe dynastie, un édifice autonome, le mammisi ou « maison de vie », qui, au fil des modifications politiques et religieuses pendant le Ier millénaire avant J.-C., sera consacré au dieu-fils, troisième personne de la triade locale. C’est un monument dédié à un « scénario intemporel », où s’opère l’adaptation d’un rituel de la royauté, celui du cycle de la naissance divine de l’héritier du trône, au bénéfice des dieux-enfants52. L’innovation est signe de « la soumission constante de la forme aux idées du moment »53. À partir de l’époque ptolémaïque, la science sacerdotale codifie la mise en chantier et la reconstruction – sur des plans agrandis – des grands sanctuaires conformément au « plan fondamental » élaboré depuis le temps du dieu, concrètement depuis l’Ancien Empire, voire même depuis les rois légendaires. Thot, modèle du pharaon, dieu de l’écrit, s’adresse au dieu d’Edfou, Horus Behedety en lui offrant un livre dans une scène du temple : Je suis venu vers toi, mon père, Behedety. Je suis ta réplique, issue de toi. Je t’apporte la réplique de l’agrandissement de ton district depuis le temps du dieu jusqu’à aujourd’hui54.

L’« impératif d’agrandissement » du monument55, derrière la présentation cultuelle qui fige le temps, est inscrit dans le temps de l’histoire, puisque la référence au « temps du dieu » marque le début de la 51. Le plan d’un temple répond à des données décelables dès le début de l’histoire égyptienne : Barguet 1962, p. 331sq. 52. Forgeau 2010, p. 306-308 et 360. 53. Viollet-le-Duc 1854, p. XIII. 54. Edfou VI, 181,3 = Vernus 1995, p. 104-105. 55. Vernus 1995, p. 104 ; pour une discussion critique sur l’« agrandissement du temple », lire Barguet 1962, p. 336.

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durée historique indispensable à l’activité monumentale. C’est la version en abrégé d’un programme selon lequel le temple ptolémaïque schématise celui du Nouvel Empire, lequel procède de la tradition de l’Ancien Empire remaniée par Thoutmosis III, tradition dont la source est dans le temps des dieux qui régnèrent sur la terre. L’adéquation aux premiers modèles domine à l’époque tardive. La valeur de nouveauté, en concordance avec la valeur d’usage, est parfaitement tolérée en Égypte par les monuments venus du fond des temps ; elle ne s’oppose pas à leur valeur d’ancienneté. L’héritage architectural trimillénaire, devenu historique par la force du temps, a la souplesse de s’adapter en acceptant des usages nouveaux. Dans le même temps, les maîtres d’œuvre étaient au fait dans la maîtrise de mise en œuvre : les techniques s’améliorent au cours du temps dans le sens d’une consolidation : hauteur des assises régularisées, fondations plus larges et profondes, plafonds renforcés par une seconde dalle de couverture, et les formes des éléments architecturaux se diversifient : portes à linteau brisé, murs d’entrecolonnement, fin des claustra remplacés par de hauts soupiraux obliques, colonnes à chapiteaux composites dont les éléments floraux se développent appliqués contre la campane – stylisant l’ombelle ouverte du papyrus – selon des étagements et une suite arithmétique sur la base du chiffre 4 et de ses multiples. L’observation des plantes dont la structure est dessinée sur le motif, une étude de la botanique peut-être, un répertoire de la flore ornementale parfois imaginaire relèvent d’un savoir relatif à la composition de l’ornement. Dans le cas des chapiteaux composites des temples ptolémaïques, l’influence normative est certaine mais l’application d’un canon des formes est tempérée par l’attrait de la diversité, puisqu’il fut observé qu’il n’est pas deux chapiteaux composites qui fussent semblables dans un même temple. C’est qu’il s’agissait de réaliser une somme cosmogonique. En revanche, dans les salles hypostyles du Nouvel Empire, qui sont la réminiscence bruissante du marais primordial de papyrus pétrifiés, la dimension du temps fut intégrée dans l’architecture, puisque les colonnes des travées latérales obscures sont surmontées de chapiteaux en forme de bouton non éclos, tandis que les colonnes de l’allée centrale, située dans l’axe de la course solaire Est-Ouest, et pour cela inondée de lumière, sont plus hautes avec l’ombelle ouverte signifiant leur maturité. On note également la pérennité du goût, qui est l’un des éléments définissant une civilisation. Des édifices répondant à des conceptions anciennes à

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peines remaniées quant à leur organisation de l’espace, leur forme d’ensemble et leurs techniques de mise en œuvre furent édifiés à neuf, sans dégradation ni trace de vieillissement factices, ce qui postule l’unité de style. Il n’y eut pas d’antagonisme apparent ou connu entre la valeur de nouveauté et la valeur d’ancienneté. La véritable raison tient pour ces hommes à l’impossibilité d’oublier tout un monde cultuel et liturgique qui imposa des tracés structurés ainsi qu’un répertoire des formes qui a partie liée à l’héritage esthétique, avec l’éducation de l’œil, et aux nécessités visuelles dont ils ont été imprégnés. La démarche de reconstruction repose sur la perception claire de l’état originel de l’édifice, afin de reconduire les formes anciennes, et reconnaît la valeur historique des temples à reconstruire. Le concept même de valeur « historique » est d’origine récente, mais la chose est ancienne – la restauration fidèle, quoiqu’imparfaite, par les Ptolémées des assises inférieures des parties de bâtiments mal en point afin d’éviter qu’ils ne s’écroulent, telle la cour du temple de Khonsou, étant aisément discernable. La valeur historique, dans le cas des bâtiments rebâtis complètement, est à la confluence de la valeur d’ancienneté et de la valeur de nouveauté, dans la mesure où l’objet originel est à rétablir dans sa forme primitive, en un état achevé qui implique l’unité stylistique, de sorte que les additions d’éléments qui n’existaient pas à l’origine fassent partie intégrante de l’ensemble formant un tout. À l’inverse, aucun roi n’a hésité à modifier les monuments de ses prédécesseurs, voire à les démonter. De l’ancien fut remplacé par du plus récent au sein d’un bâtiment. Prenons l’exemple des sanctuaires successifs du grand temple d’Amon-Rê à Karnak. Le plus ancien sanctuaire conservé est le reposoir de barque de Sésostris Ier utilisé pour les processions. À la Chapelle blanche de Sésostris Ier succéda le sanctuaire d’albâtre d’Aménophis Ier et de Thoutmosis Ier, dont les blocs furent remployés dans le IIIe pylône. Puis Thoutmosis II fit construire à son nom et à celui d’Hatchepsout un autre sanctuaire en calcaire dur pour abriter la barque processionnelle du dieu. À son tour la reine l’enleva pour le remplacer par un nouveau sanctuaire de barque. Inachevé à la mort de la reine, le logement de la barque portative d’Amon-Rê bâti sous le règne d’Hatchepsout fut démonté par Thoutmosis III, ce qui le sauva sans doute de la ruine puisque la plupart de ses blocs furent stockés dans des dépôts lapidaires à l’intérieur de l’enceinte de Karnak avant d’être remployés un siècle plus tard dans le troisième pylône de Karnak. Enfin, le sanctuaire de Thoutmosis III en syénite fut remplacé par celui de Philippe Arrhidée, qui est toujours debout, Philippe déclarant que le précédent monument « allait à la ruine » :

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42 • marie-ange bonhême La Majesté du roi de Haute et Basse Égypte, maître des trônes des Deux Terres, maître de l’accomplissement des rites, Élu de Rê-aimé d’Amon, le fils de Rê de son corps, son aimé, Philippe, a trouvé le grand siège d’Amon allant à la ruine, alors qu’il avait été construit au temps de la Majesté du roi de Haute et de Basse Égypte Menkheperrê (= Thoutmosis III), le fils de Rê de son corps, son aimé maître des couronnes, Thoutmosis. Sa Majesté l’a reconstruit comme quelque chose de nouveau, en granit, en travail excellent d’éternité ; [...] L’Horus, taureau-puissant-aimé-de-Maât, le roi de Haute et Basse Égypte Setepenrê-meriamon, le fils de Rê Philippe, il a fait son mémorial pour son père Amon-Rê, maître des trônes des Deux Terres, qui préside à Karnak56.

l’œuvre dans la culture monumentale. La grandeur architecturale du règne d’Amenemhat Ier est contenue dans une strophe de son Enseignement, qui présente, après l’exaltation de l’œuvre de son règne, les éléments constitutifs d’une « maison » (pr) ornés de matériaux précieux, les uns importés des contrées méridionales, l’or et le lapis-lazuli provenant du pays des Medjaou et l’argent du pays de Ouaouat, les autres des pays septentrionaux, tels le cuivre et le bronze. Cette « maison » qui semble être un palais, bien que l’auteur précise que la construction fût faite pour l’éternité, était le couronnement d’un règne victorieux :

Véracité du propos ? Une restauration, c’est-àdire un rétablissement du monument de Thoutmosis dans son état originel, eut lieu durant le règne de Séthi Ier. Assurément la base des blocs devait être rongée par le salpêtre, ou avoir été altérée de quelque façon par le vieillissement naturel. Cela détermina certainement le choix de Philippe, décidé à reconstruire plutôt qu’à restaurer, à l’imitation d’Alexandre qui venait de doter le temple de Louqsor d’un sanctuaire neuf. La politique ne fut pas absente de la décision, les Macédoniens étant reconnaissants à Amon d’avoir légitimé leur pouvoir par un oracle et voulant se concilier le clergé indigène et la population de la Thébaïde. Il est possible d’observer que ces nouveaux sanctuaires advinrent à grands frais soit lors du démarrage d’une nouvelle dynastie (Sésostris Ier, fils du fondateur du Moyen Empire et de la XIIe dynastie – Aménophis Ier et Thoutmosis Ier, fils et petit-fils d’Ahmosis, fondateur du Nouvel Empire et de la XVIIIe dynastie – Alexandre et Philippe), soit lors d’une crise dynastique (Hatchepsout s’emparant du pouvoir grâce à l’oracle d’Amon et Thoutmosis III, l’enfant-roi écarté provisoirement par la reine, quoique reconnu par un oracle concurrent). Pas moins de six reposoirs de barque se succédèrent dans le plus grand ensemble de temples de l’Égypte, bâti et constamment agrandi par les rois d’Égypte tout au long de deux millénaires, Philippe allant même jusqu’à revenir à l’emploi devenu archaïque de blocs de grandes dimensions. Enfin, et parce que les monuments ne peuvent être affranchis de la connaissance et de la mise en œuvre des matériaux qui les constituent et les ont produits, ces derniers retiendront notre regard. Le goût des Égyptiens pour les monuments ne peut se dissocier des roches et de la terre dont ils sont construits. Une très fine connaissance des matériaux, tant la pierre à bâtir que les pierres et matériaux précieux, est à

La provenance de ces matériaux, qui concourent à l’ornementation et à l’achèvement de l’édifice, reflète les succès extérieurs contre la Nubie au Sud et les Asiatiques au Nord. L’indication d’une construction faite pour l’éternité souligne que l’édifice était bâti en pierre, la solidité étant gage de durée. Cette formulation à valeur architecturale implique que la brique était habituellement requise pour l’habitat des vivants, palais royal inclus. Ce qui recouvre une réalité historique, les plus anciens monuments étant construits en brique. Le fait qu’Amenemhat Ier prenne soin de souligner qu’il s’agit d’un monument construit pour l’éternité signale peut-être une rupture avec la pratique architecturale antérieure, qui prendrait le tour d’une amélioration dans le matériau. Cela pourrait aussi bien montrer que les temples et les palais n’ont pas toujours été conçus comme des entités distinctes, le palais pouvant abriter le roi et le divin. Ici, le roi est sensible non seulement à ce qui constitue une nouveauté, je veux dire l’emploi de la pierre dans un palais (si l’hypothèse est valide), mais encore à l’emploi de matériaux chargés de valeur symbolique. L’accumulation des pierres et des métaux précieux, avec leurs couleurs, laisse une impression de solidité et de splendeur, reflet de la gloire du roi. Cette description, qui n’est pas complètement réaliste, pourrait préfigurer, au moins dans sa forme rédactionnelle, la description de la Jérusalem nouvelle chez Isaïe (54,11-12),

56. Urk. II, 12 = Barguet 1962, p. 137.

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Je construisis une maison ornée d’or, son plafond était en lapis-lazuli, son sol d’argent, ses portes de cuivre aux verrous de bronze. Elle était faite pour l’éternité57.

Voici que je vais poser tes pierres sur des escarboucles, et tes fondations sur des saphirs ; je ferais tes créneaux de rubis, tes portes d’escarboucles et toute ton enceinte de pierres précieuses ;

reprise avec une toute autre ampleur et une toute autre portée dans l’Apocalypse de Jean (9-21) : non 57. Papyrus Millingen, 3 3-5 = Lopez 1963, p. 29-33, pl. 4-8. Voir aussi le papyrus Sallier II dans Hawkins 1841, pl. XII, 1-2.

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seulement la ville est d’or, mais chacune des douze assises du rempart la protégeant est construite avec une pierre précieuse différente, jaspe, saphir, émeraude et ainsi de suite pour chaque assise. En revanche, la pierre à bâtir, qui provient de la Vallée ou des déserts limitrophes et produit la solidité du gros œuvre, n’a pas pour seul objectif l’esthétisme, qui est réel dans les sanctuaires successifs de Karnak. La Chapelle blanche de Sésostris Ier est bâtie dans un calcaire siliceux très fin d’une parfaite blancheur. La Chapelle rouge de la reine Hatchepsout, en réalité bichrome pour souligner la structure architecturale, associe de la diorite gris foncé évoquant la noirceur fertile du limon humide au quartzite rouge du Gebel el-Amar évocateur de la fournaise volcanique où périrent carbonisés les ennemis de la royauté58 ; des enduits d’unification rouge pour le quartzite bariolé et noir pour la diorite furent appliqués sur les blocs pour faciliter la lecture du décor peint en jaune : de la bichromie à la trichromie noire, rose, jaune, le décor peint participe de l’effet architectural. On perçoit que la polychromie décorative est conçue comme un ensemble unitaire étendu à l’ensemble du monument. Des choix esthétiques ont également présidé à la répartition des pierres dans l’édifice : afin de souligner l’architecture, les blocs de diorite sombre de la Chapelle rouge la ceinturent sur deux lignes horizontales, l’assise de soubassement et l’assise sommitale formant corniche, reliées verticalement entre elles par des portes élevées dans ce même matériau et disposées dans les façades est et ouest du bâtiment. Les piliers héraldiques et les sanctuaires successifs de Thoutmosis III puis de Philippe Arrhidée sont bâtis en syénite rose à l’emplacement de la Chapelle rouge. Sans compter les grès jaunes au symbolisme solaire du Gebel Silsileh très souvent employés à partir de la XVIIIe dynastie, les carrières étant proches de Thèbes ; solide, le grès contribua au sauvetage de Karnak et de nombreux temples par les Ptolémées. Maniées par les tailleurs de pierre et les maçons du roi pour parer le gros œuvre de pierre grossière utilisée dans les bâtiments, les pierres de parement sont tributaires des sources d’approvisionnement locales et varient selon les couleurs, la nature chimique, la taille et la régularité des cristaux, les différentes résistances. C’est la question de l’usage des matériaux que maçons, tailleurs de pierre et architectes essaient d’adapter à leur fonction. Les qualités constructives des pierres déterminent souvent leur emploi suivant les parties d’un bâtiment. La Chapelle rouge comporte les encadrements de porte, la corniche de couronnement et le soubassement en diorite très dure, évoquant la noirceur fertile du limon humide, à peu près imperméable à

Dans le contexte des temples de Thèbes, le postulat de l’unité de style n’a pas tenu face à la décision des pouvoirs neufs de marquer les grands temples dynastiques de leur empreinte, pouvoirs qui ont dû contribuer à résoudre le débat éventuel entre les anciens et les modernes, pris entre la volonté d’accélérer la destruction et celle de la ralentir par la restauration. Dilemme tempéré certainement par l’absence d’architectes étrangers lors de la domination macédonienne et par le défaut d’écoles pour former les Égyptiens à d’autres modèles architecturaux. Ce ne sont pas les maîtres étrangers de l’Égypte qui tiennent en main la mise en œuvre de l’architecture religieuse de l’Égypte, mais en réalité le clergé égyptien. Les Égyptiens tenaient à leur culture, ils ont assuré la sauvegarde de la culture classique qu’ils ont contribuée à pérenniser jusqu’à nous. Les derniers rois indigènes de la XXXe dynastie ont lancé un vaste programme de construction relatif aux portes et aux enceintes dans de nombreux édifices, dont les temples de Karnak, et de nouveaux

58. Yoyotte 1978, p. 148-150.

59. Dobrev 1993, p. 195 et n. 55, p. 196 et n. 56.

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l’eau et résistant davantage à l’action des eaux salines que les granites où la cristallisation des sels fait éclater la cohésion des cristaux, par suite des remontées capillaires de la nappe phréatique parce que les granites contiennent mica et feldspath solubles. Les assises supérieures sont en quartzite rose animé par la vie. Généralement, seuils, encadrements de porte, parfois un temple entier (temple bas de Chephren, l’Osireion d’Abydos) sont bâtis en roches dures, surtout le granite et la diorite. Enfin un habillage idéologique peut avoir été donné à l’innovation que constitue l’emploi massif du granite dans la construction. Chéops utilisa le granite venu d’Assouan dans les piliers de son temple funéraire, dans la chambre du sarcophage et pour son sarcophage, tandis qu’il porte parallèlement un nom théophore incluant celui de Khnoum, dieu de la cataracte59. Pensées impérissables comme le temps, employées pour que durent les édifices, exprimant l’autochtonie des monuments par le matériau arraché au sol d’Égypte, les pierres à bâtir sont porteuses d’un discours technique et symbolique. C’est un ensemble de capacités, de savoirs sur les qualités des pierres et de la terre, et d’idées véhiculées par la géologie, qui confère sa valeur au patrimoine monumental lequel, à côté des guerres et de l’agriculture, a largement accaparé la force humaine. Ce qui compte c’est l’efficacité du discours des pierres, y compris dans sa dimension esthétique.

Monuments et mémoire

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chantiers à Philae (pylône) et Behbeit el-Haggar, suivis par leurs successeurs Lagides et Romains, qui œuvrèrent à faire bâtir de simples chapelles et de vastes édifices : Edfou et Philae, Kom Ombo aux axes et sanctuaires dédoublés, Dendera et Esna. Grâce aux Ptolémées et aux empereurs de Rome, sans qui peu aurait survécu, l’Égypte prend sur le terrain son aspect architectural définitif, celui que nous connaissons60, témoignage de la stabilité d’une culture religieuse qui se pensait détentrice des secrets des débuts du monde, dans un monde méditerranéen agité par les mutations, voire les passions, politiques et religieuses. Les Égyptiens ne semblent pas vouloir se passer des monuments et soustraire froidement de leur univers culturel et cultuel leurs inscriptions et les statues qui les scandent. Leur présence est un besoin. Peut-on alors parler de « monuments historiques » ? Certainement pas le concept dans sa plénitude. Plutôt quelques ébauches conceptuelles et quelques mesures de protection, exceptionnelles et épisodiques : réfection par l’orthodoxie triomphante après les destructions amarniennes, celle des restaurateurs orthodoxes qui à leur tour démolirent Amarna et ses temples, restaurations menées par les Ptolémées en continuateurs de leurs prédécesseurs. De fait, les Égyptiens n’ont pas oublié que les rites du culte culminaient dans l’acte de « donner la maison à son père », le dieu. Mais il ne faut surtout pas omettre d’ajouter à la dimension cultuelle la valeur de commémoration dont la royauté et les prêtres enveloppaient leurs édifices. Aux liturgies solennelles, fêtes religieuses, célébrées annuellement pour réveiller la pérennité des dieux, et fêtes royales, qui réactualisent la puissance du souverain (la confirmation du pouvoir royal et les fêtes jubilaires), s’ajoutent les rites du culte quotidien visant à pérenniser la création, conçus comme la célébration et le prolongement de l’ordre cosmique par l’intermédiaire du pharaon desservant du dieu. Le temple est littéralement un « mémorial », où se perpétue une mémoire cultuelle, mais aussi monarchique, celle de l’État égyptien, en la personne du roi. Le roi bâtit la maison du dieu, mais en tant que son monument61. Les monuments, y compris funéraires, sont la forme principale par laquelle les Égyptiens se représentent leur passé. Cette mémoire monumentale est certes répétitive en ce qu’elle réalise inlassablement le mythe de la création du monde et du triomphe de l’Égypte, entravant le développement de la mémoire historique, puisque l’événement n’est que l’illustration du mythe. Mais les monuments sont également une somme d’œuvres 60. Sauneron 1967, p. 187. 61. Assmann 1986, p. 51.

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personnelles, celles des générations de rois, qui s’expriment dans le temple, où la mémoire de chacun des rois se confond avec celle du royaume. En cela, la mémoire déposée dans les monuments n’est pas hors du monde, mais de ce monde. Elle n’est pas vide de réalité historique, tout n’y est pas fictif ni déshabité. Le goût des monuments ne refoule pas l’histoire, puisque les Égyptiens parviennent à insérer le particulier, l’individuel, dans le stéréotype.

L’expression écrite de L’activité monumentaLe Après le langage de la pierre, les mots : le discours des Égyptiens sur leur activité monumentale. De la confrontation des données matérielles et des textes, dont le vocabulaire, des nuances apparaissent. Elles se manifestent sous le triple trait de l’amélioration, de l’agrandissement ou encore du renouvellement à neuf. La valeur de nouveauté, en particulier celle d’usage nouveau – en ce qu’il est pratique et coïncide avec l’évolution idéologique – peut entrer en compétition avec la valeur d’ancienneté, mais elle n’interfère pas au point d’abolir le respect de l’ancien.

Le vocabulaire de l’architecture monumentale Les monuments sont doublement ressentis et conséquemment désignés. D’une part, le monument proprement dit, caractérisé par des matériaux solides et précieux, fait pour durer et parfaire la création. D’autre part le monument en tant qu’œuvre architecturale. C’est cet ensemble que l’homme égyptien perçoit dans l’aménagement monumental de la vallée. Les possibilités constructives et la beauté d’ensemble à la fois masquent les ressorts de l’Égypte, parce que les édifices ne sont pas immédiatement compréhensibles – trop d’espace et trop d’ignorance – , et dévoilent l’immensité de l’énergie humaine et de l’effort intellectuel déposés dans la personne du roi, maître d’ouvrage en dernier ressort. Le mot égyptien mnw désignant un « monument » est un dérivé substantival du verbe mn, « être stable », « durer ». C’est un terme générique appliqué principalement, mais pas uniquement, aux temples et aux édifices funéraires62. Les temples perpétuent les événements formant la mémoire collective et historique sous une forme cultuelle selon une conception négatrice de l’histoire qui décante et recompose l’activité royale conformément au modèle originel. Dans les monuments est déposée une mémoire 62. Wb II, 70. Cf. supra, p. 35.

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traduite en rites effectués au bénéfice du dieu, combinant l’image, les déplacements processionnels et la psalmodie des textes. Les temples n’en sont pas moins les monuments du roi, qui les revendique comme siens, faisant coïncider sa mémoire individuelle avec celle du royaume. Les couronnements, les jubilés royaux, les guerres et le massacre des ennemis, la fondation de temples, toutes actions gravées sur les murs de temples et banales à force de répétition de règne en règne, trouvent cependant un point d’ancrage dans l’histoire en ce que le contexte précis diffère d’un règne à un autre. Par le fait, des formes embryonnaires d’une écriture de l’histoire, constituée de listes de noms et d’événement stratifiés chronologiquement apparaissent dès avant la Ire dynastie. La place de l’antique Menes63 en tête de la liste des rois d’Égypte à partir de Séthi Ier et la conception même de ce roi idéal témoignent de l’émergence d’un dialogue avec le passé. Les parois des édifices portent la biographie des rois, d’abord réduite à des événements listés dans des annales mais nullement narrative, avant que la biographie des particuliers et ses formes narratives n’« entrent enfin dans les modes d’écriture de l’histoire officielle royale » à partir de la XIe dynastie64. Dès lors, l’histoire devient une autobiographie royale gravée sur les murs des temples. Si les monuments portent également des Annales et des Listes de rois (à partir de la XVIIIe dynastie et surtout de la XIXe dynastie), c’est que la mémoire monarchique n’oblitère pas le sens de l’histoire. Celui-ci existe. Se tournant vers leur passé, les intellectuels de l’Égypte ancienne l’ont périodisé, le découpant en trois grandes étapes inaugurées chacune par un roi fondateur : Menes, fondateur de l’unité égyptienne, Montouhotep, fondateur du Moyen Empire et Ahmosis du Nouvel Empire. Au Ramesseum, on lit que les scribes se tournant vers les débuts de l’histoire pharaonique ont résumé et présenté deux millénaires d’histoire par la seule juxtaposition de trois noms royaux inaugurant chacune des trois grandes périodes de leur histoire. Leur conscience de l’histoire n’est pas sommaire. Il n’y a pas de doute que les archives des temples livrent la connaissance du passé et sa reconstruction en périodes. Simplement, l’idéologie égyptienne s’efforce de nier l’histoire en rattachant l’événement à la répétition d’un modèle, de sorte que le présent ne soit pas historique. Ce découpage en séquences reste opératoire aujourd’hui, puisque avant même que le texte égyptien du temple de millions d’années de Ramses II ne fût connu de nous, les historiens allemands conçurent la même périodisation au milieu du xixe siècle et appliquèrent à l’his63. Bonhême & Pfirsch 2008, p. 304. 64. Baud 2003, p. 298.

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toire égyptienne la dénomination des « Empires » égyptiens qu’ils subdivisèrent en Ancien, Moyen et Nouvel Empire65. En outre, la mémoire monarchique peut se révéler intransigeante et fidèle à la fois quand, pour se manifester, un roi peut démonter soigneusement l’œuvre intacte de son prédécesseur, telle la Chapelle rouge d’Hatchepsout par Thoutmosis III, pour la remployer enfouie bloc par bloc, lesquels sont ajustés avec minutie en lits superposés dans de nouvelles constructions. Tous n’ont pas été retrouvés et c’est Aménophis III qui en fit le meilleur usage dans les fondations du IIIe pylône, puisque presque tous les blocs qu’il y remploya sont parvenus en très bon état. On comprend vraiment qu’en Égypte tout monument est un mémorial. Mais selon quelles logiques ces pierres qui appartenaient au dieu furentelles remployées ? Les éléments antérieurs servent concrètement de matériau de construction pour des édifices nouveaux. Les intentions – au-delà du thème de l’éventuelle exécration du prédécesseur, qui peut se combiner avec celui de l’incorporation de l’ancien dans le nouveau – et les méthodes – au-delà de la facilité à réutiliser des blocs de pierre de taille trouvés sur place dans un nouveau chantier – restent à comprendre : groupements de blocs de remploi par thèmes voisins, dans des parties de bâtiment comme les fondations ou les soubassements. Les raisons échappent. On observe sans peine que ce comportement à l’égard du patrimoine peut être rapproché de la reconstruction périodique en matériaux identiques mais neufs des sanctuaires dynastiques d’Isé au Japon tous les vingt ans, qu’ils soient endommagés ou non. Jean Leclant a livré ses réflexions d’égyptologue dans un sanctuaire shinto66. À côté du terme mnw renvoyant à tout ce qui garde et consacre le souvenir, le monument, signe identitaire, est aussi une œuvre architecturale désignée par le mot « travaux » et des expressions très générales où ce terme est qualifié dans sa nature : « des travaux d’éternité », ou bien par diverses formules d’appréciation dont la variable est l’épithète plus que la forme grammaticale : « d’une facture excellente », « excellent de facture », « parfait de facture », voire « d’un travail solidement maçonné », « agrandi de facture », « divin de facture », « magnifique de facture », « parfait en travaux d’éternité », formules s’appliquant aussi bien à des statues qu’à des bâtiments de pierre et des colosses. Les verbes wȝsj « écrouler », « être en ruine » et apparemment plus récent mais de même sens ḏʿm « se délabrer », « être en ruine », wȝj r wȝsj « menacer ruine », wȝḥ [ḥr] tȝ « être à terre », sk 65. Ranke 1931, p. 277-286. 66. Leclant 1959, p. 1-7 ; Chastel 1997, p. 1464, 1469 et n. 72 ; cf. supra, p. 37.

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« (être) détruit », thj « (être) endommagé » par quelqu’un sont contrebalancés par l’action de « faire un monument comme neuf » (jr mnw m mȝwt), de le « renouveler » (smȝwj, wḥmj), l’« élargir » (swsḫ), le « (re)construire » (sqd), littéralement l’« entourer de murs » (jnb), c’est-à-dire le (re)construire, l’« agrandir » (sʿȝ / swr), l’« améliorer ou parachever », le « rendre parfait» (smnḫ, snfr), et de « redresser les murs pour l’éternité » (ṯs.t jnb r nḥḥ). Des tailleurs de pierre, maçons et ravaleurs posant le revêtement font (jrj), construisent (qd), entretiennent ou maintiennent (smn) de façon incessante afin de ne pas laisser le monument aller à sa ruine (wȝj r wȝsj), autrement dit restaurent ou consolident (srwd), renouvellent (smȝ) et donnent forme (sjqr) à l’édifice cultuel67. Le lexique de la remise en état et de la reconstruction a prééminence sur celui de la ruine et de l’écroulement. Les mots-clés sont maintenir, restaurer et renouveler, autrement dit la conservation, la restauration et la reconstruction, toutes opérations revêtant parallèlement les traits de l’amélioration (parfaire, agrandir, élargir, embellir) par rapport à l’existant légué par les prédécesseurs. Les factitifs sont nombreux, qu’ils soient morphologiques, marqués par l’ajout du préfixe s devant le verbe, ou de sens. C’est que le roi, maître d’ouvrage, fait faire (les travaux) par d’autres que lui-même. Il semble qu’à l’entretien (smn) et à la consolidation (srwḏ) bien attestés, les Égyptiens aient fréquemment préféré les reconstructions, en partie conjecturales et élargies, en entente avec l’histoire. Bâtisseurs plus que restaurateurs. On peut se demander quel est le sens de « conservation » pour les anciens Égyptiens. La conservation serait peut-être moins celle des vieilles pierres que la récapitulation sur de vieux grimoires de toutes les données de tel ou tel temple dans ce que les Égyptiens appellent le « plan fondamental » ou la « charte » (snty), établi depuis le temps des origines. Ce qui expliquerait que l’absence de conservation des monuments ruinés n’ait pas pour conséquence la perte de mémoire, mais au contraire permette le remplacement à neuf , identique à l’existant, l’innovation partielle n’étant là que pour s’adapter aux changements des temps et le surpassement pour n’être pas un piètre successeur. Et qu’en est-il de l’acte de restaurer ? Aucun écrit n’a livré de définition, ni de philosophie de la restauration, ni fixé le champ d’action avec ses limites. Les chantiers des grands temples à partir du Nouvel Empire 67. Le vocabulaire de la ruine et de sa réfection est dispersé dans les exemples cités par P. Vernus et classés en vue d’une étude de typologie des expressions formulaires : Vernus 1995, p. 36, 73, 95-106. Ajouter : Christophe 1961, p. 17-29 et Vandersleyen, 1967, p. 145 sq.

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s’étendent sur des siècles, voire des millénaires. Celui des temples de Karnak dépasse tous les autres. Les remaniements constants de « ce vaisseau où l’alliance des siècles s’était faite si naturellement » - selon la magnifique définition de Notre Dame de Paris par B. Foucart68, qu’il est opportun de rappeler pour l’appliquer au grand temple d’Amon-Rê à Karnak - expliquent son hypertrophie ; les rois y travaillèrent jusqu’à l’époque romaine, chaque nouveau règne ayant pour mission de compléter l’œuvre du prédécesseur. L’ensemble n’a évidemment jamais été conçu de manière synthétique dès le départ. Pas de programme préétabli. Ce n’est pas une faiblesse, cela ajoute à la complexité des lieux, évolutifs comme un organisme. En ce temps-là, le temple était un produit sans fin, construit sur des siècles, voire des millénaires, résultant d’ajouts successifs, de modifications tributaires de l’histoire, des matériaux employés plus ou moins périssables et de l’évolution des rites, s’essayant à parachever une création par essence inachevée. Le temps fut un des matériaux de l’architecture et l’achèvement reporté à la fin des temps. En cela les temples classiques tranchent avec la sobriété et l’unité des sanctuaires tardifs : Edfou, pourtant édifié sur deux siècles, de 237 à 57 avant J.-C., ne compte que deux étapes dans sa construction : la construction du temple proprement dit, du naos à l’hypostyle intérieure, fût d’abord réalisée sous Ptolémée IV Philopator ; puis, sous Ptolémée VIII Évergète II, la seconde partie du bâtiment, de la première salle hypostyle au pylône ainsi que le mur d’enceinte, est née d’un seul jet, sans aucune reprise, de là sa remarquable unité. Consciemment inspirés des précédents de Karnak et de la rive gauche thébaine, les pylônes et les hypostyles des temples gréco-romains ressuscitent la grandeur des temples ramessides et affirment la stabilité du modèle immémorial. Il est également fait état soit d’un « descriptif » (jry) ou de « règles d’exécution » (tp-rdw)69, mais la matérialité de ces documents fait défaut et leur contenu n’est pas explicité, de telles consignes paraissant moins être une réalité qu’un stéréotype. En effet, les Égyptiens ne travaillaient pas de manière normée. Et pourtant, sans qu’aucune formule mathématique ne fasse l’unité d’un bâtiment, sans unité de référence, avec une programmation se précisant étape par étape au fur et à mesure que le bâtiment sortait de terre, comme si l’élaboration mentale du volume architectural suppléait à un plan coté, une harmonie d’ensemble très forte se dégage de ces grands ensembles développés dans le 68. Foucart 1997, p. 1623. 69. Vernus 1995, p. 106 et n. 437 (jry), p. 107 et n. 442 (tp-rd), p. 117 et n. 485 (tp-rd).

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temps et gagnant en étendues. Il convient aussi de prendre en compte tous les efforts cachés qui relèvent d’une mission d’élégance. Les édifices sont marqués par la sûreté du regard quant au profil général des temples, par l’expérience des matériaux et l’habileté de la main autrement dit un savoir-faire, par la traduction architecturale d’éléments du paysage : ce sont les réminiscences cosmogoniques qui font, du temple, le microcosme de l’univers, en parvenant à pétrifier le récit de la création du monde et l’émergence du roi dans l’histoire. Ce qui imbrique les bâtiments et les hommes qui sont impliqués dans la construction, du fellah au pharaon, c’est la pensée du maintien de l’ordre cosmique créé par les dieux. C’est au roi qu’il revient de réaliser les plans des dieux et de faire construire villes et temples. Ces cités avec leurs bâtiments de pierre sont le signe d’une organisation étatique présentant une administration rigoureuse et l’affichage d’une volonté de gouverner y compris par la contrainte : le calendrier des travaux suppose un pouvoir doté de moyens coercitifs. Il faut de l’État pour la réalisation effective de ces travaux, parce qu’ils accaparent une grande partie de la force de travail de la société. Les modifications incessantes d’un règne à l’autre montrent sur le terrain des raccords, des reprises, des remplacements, des ajouts (jnj jnw, « apporter des additions » et rdj ḥȝw-ḥr, « ajouter à », « augmenter »)70, des extensions (dj ḥȝw m ʿȝ, « donner un surcroît d’extension »)71 pour répondre aux exigences renouvelées des rois successifs – ce qui loge l’éphémère au sein de la culture monumentale à vocation d’éternité. Les équipes de constructeurs s’adaptent, puisqu’elles parviennent à donner l’impression d’une harmonie préétablie, qui n’est pas, mais résulte du goût acquis plus utile souvent que les mesures et qui reflète une passion constructive proportionnée à leur volonté d’éternité.

L’apport textuel à la pratique constructive des Égyptiens À côté de l’œuvre construite, les textes égyptiens apportent leur tribut d’informations. Passée la phase de construction des premiers temples et des premières sépultures, les Égyptiens n’ont eu de cesse dans leurs discours, sinon dans leur pratique constructive, d’intégrer les nouveautés architecturales dans la conformité à l’ancien. Un classement général des formules et des formes de l’adéquation des actes du présent au modèle des origines, ainsi que le surpassement dans la continuité, a été entrepris par P. Vernus pour toutes les fins auxquelles les anciens Égyptiens les destinaient, 70. Vernus 1995, p.73 et 103. 71. Ibidem, p. 103.

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qu’elles soient architecturales, qu’il s’agisse d’un surcroît de biens, de compositions religieuses ou scientifiques mises en œuvres par le roi ou des particuliers72. À partir de quelques textes, nous essaierons de montrer le tableau de la restauration idéale dans le monde pharaonique, sans cesse perturbée par les contingences qui affleurent et exceptionnellement par l’expression de l’innovation. Par le biais de la permanence monumentale vouée à l’éternité, et par l’enracinement des normes dans l’univers théologique, les Égyptiens surent montrer leur solidité psychique, fortement identitaire, mais aussi l’individualité des acteurs. Ce qui est premier dans l’unité de style, pour les temples, c’est le rappel de la « première fois », autrement dit de la création du monde. Toutankhamon vante son œuvre de rétablissement des monuments et de restauration de l’ordre, après l’expérience d’Amarna, en référence aux premiers commencements : Qui consolide pour lui (le dieu) ce qui tombait en ruine par des monuments voués à l’éternité, qui chasse pour lui le désordre répandu dans les Deux Terres, de sorte que Maat est établie à sa place, afin de faire que le mensonge soit son abomination et le pays comme (un retour à) la première fois73 ;

un monde qui s’affirme dans sa plénitude d’ordre mais qui contient le désordre sous-jacent. En renvoyant uniquement au modèle de la « Première Fois », les Égyptiens n’ont pu effacer l’épaisseur de l’histoire, qui implique la répétition. Cela explique que la prise en charge de l’ancien soit placée dans le neuf (remploi), que l’ancien soit refait comme neuf, identique à l’existant, c’est-à-dire qu’il soit restauré selon la terminologie égyptienne. Ils ont méconnu qu’un « édifice, étant pris dans l’écoulement du temps, ne saurait être fixé dans un état premier et parfait »74. Toute action est déjà signe d’écart avec le passé. Le restaurateur est trahi par sa passion du retour aux origines, car toute intervention s’appuie sur une analyse de ce qui survit et du possible ou du souhaitable, en un dialogue entre le passé et le présent. Le renouvellement à l’identique est en réalité beaucoup plus souvent « à la façon de », qui est déjà confirmation de l’écart. La singularité de l’entreprise truffe le stéréotype, ne serait-ce que par le fait que le pharaon restaurateur inscrit son nom (ce qui est porteur d’individualité) sur le monument se substituant au précédent, et non celui de son prédécesseur, dont le souvenir parfois veut être enfoui. Et aussi parce que les principes proclamés 72. Ibidem, p. 72-108. 73. Urk. IV, 2026, 16-19 = Vernus 1995, p. 36, n. 5. 74. Foucart 1997, p. 1622.

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sont intenables. À quelques exceptions près dont Chabaka, qui refit les scènes gravées pat Thoutmosis IV à la porte du IVe pylône, et reproduisit fidèlement les cartouches de son prédécesseur précisant toutefois que c’était là son œuvre75, avant Alexandre qui la restaura à son tour. À l’exception aussi des Ptolémées qui, restaurant les assises inférieures des murs de la cour du temple de Khonsou ruinées par le salpêtre, re-gravèrent les scènes presque effacées sur les blocs neufs en y reportant le nom devenu illisible de Hérihor. Sans la magnifique abnégation des Ptolémées, non seulement le monument aurait disparu, mais une page de l’histoire du grand-prêtre d’Amon devenu roi aurait été celée. De cette tension entre le modèle de référence et l’inéluctable mouvement de la vie sous les traits du singulier, du spécifique, sont issues les diverses solutions de confrontation avec le passé, qu’on peut classer en degrés. De nombreux rois bâtissent conformément à leur prédécesseurs, mais aussi en rivalisant avec eux pour devenir les premiers à le faire « depuis le temps du dieu », ce qui peut aussi être exprimé sur le mode négatif : On n’avait pas vu cela depuis le temps des suivants d’Horus76,

avec de nombreux clichés bâtis sur diverses constructions négatives dont celui-ci où Ptolémée Évergète et Bérénice se proclament uniques : ceux (le roi et la reine) dont les égaux n’ont pas existé depuis les dieux jusqu’à aujourd’hui77.

Il arrive aussi que le précédent soit daté en référant le monument dont il est question à un roi qui se réfère lui-même à un roi plus ancien encore, lequel renvoie à la généalogie mythique des serviteurs d’Horus que sont les rois ancestraux. C’est le cas des précédents datés par comparaison avec les prédécesseurs comme en témoignent les archives de Dendara : La grande charte de fondation (snty wr) fut trouvée dans Dendara parmi les écrits anciens, copiée sur un rouleau de cuir de l’époque des suivants d’Horus (re)trouvé à Memphis dans un coffre du palais royal, au temps du roi de Haute et Basse Égypte, maître des Deux Terres Meryrê, fils de Rê, maître des couronnes, Pepi doué de toute vie, durée et prospérité comme Rê éternellement78,

75. Barguet 1962, p. 90 ; Yoyotte 1953, p. 28-38. 76. Stèle d’Ombos de Thoutmosis Ier = Urk. I, IV, 86, 3-4 et Vernus 1995, p. 56. 77. Clère 1961, pl. 43 et Vernus 1995, p. 52. 78. Dendara VI, 158,7-159,2 = Cauville 2004, p. 64, 462-463, Daumas 1952, p. 166-167 et Daumas 1973, p. 13.

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et Le grand plan dans Dendara ; renouveler le monument qu’avait fait le roi de Haute et de Basse Égypte, maître des Deux Terres, Menkheperrê, fils de Rê, maître des couronnes Thoutmosis, après que cela eut été trouvé dans les écrits anciens du temps du roi Cheops79.

Ces deux inscriptions de la crypte du nord-ouest indiquent que le temple actuel est la reconstruction d’un temple beaucoup plus ancien. Elles montrent que l’importance du texte écrit est capitale80. C’est le livre qui est la référence et dicte son action au roi. Par le livre, auxquels se réfèrent le maintien du culte et la restauration des monuments, le roi se rattache au passé. Mais c’est dans le présent du roi que le temple est reconstruit. Les références à plusieurs degrés indiquent les niveaux de la tradition auxquels se réfèrent les nouveaux acteurs de la politique de construction monumentale. La chronologie de l’historique de Dendara serait en quatre étapes : plan fondamental établi aux temps des rois ancêtres, trouvé au temps du roi Cheops, (re)trouvé au temps du roi Pepi Ier par ailleurs qualifié de « fils d’Hathor, dame de Dendara » et renouvelé par Thoutmosis III81. Davantage, par le choix des rois Cheops, bâtisseur de la grande pyramide de Giza, et Thoutmosis III, à l’activité constructrice considérable adaptant les modèles de l’Ancien Empire aux temps nouveaux, fixant l’archétype du plan du temple divin qui fut repris jusqu’à la fin de l’histoire pharaonique, est affirmée synthétiquement l’immense continuité architecturale longue de presque trois millénaires qui requiert la stabilité du goût et un État fort subordonnant les destinées individuelles au projet collectif. La recherche d’archives est enracinée dans la pensée des Égyptiens. Pour autant le recours au temps des rois ancestraux est-il exact ou fictif ? L’écriture balbutiante vers la fin du IVe millénaire avant J.-C. avait-elle capacité à prendre en charge des indications aussi complexes que celles d’une charte de fondation ? Nous ne le pensons guère. Que l’affirmation soit vraie ou fictive, elle assure une cohérence qu’on retrouve dans toutes les formules de conformité au modèle (idéal) des temps premiers. Il s’agit de souligner l’ancienneté de l’implantation. Et encore ne sont-ce là que des enregistrements en raccourci, de nombreux noms de rois étant omis : la mémoire livre une histoire reconstruite, avec des points de repères sans date

79. Dendera VI, 173, 9-10 = Cauville 2004, p. 64, 480-481 et Vernus 1995, p. 58, n. 125. 80. Loprieno 1998, p. 23. 81. Cauville 2004, p. 64.

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précise renvoyant à un temps vague82. Après les rois ancestraux, puis ceux de l’Ancien Empire, l’activité reprend sous les XIe et XIIe dynasties du Moyen Empire ; les archives, pendant le Nouvel Empire, enregistrent la reconstruction et le renouvellement du temple par Thoutmosis III ; les travaux n’ont pas cessé sous ses successeurs de la XVIIIe dynastie non plus que sous les Ramessides ; le premier mammisi fut construit par Nectanebo Ier ; les autres bâtiments pharaoniques sont de l’époque ptolémaïque et romaine jusqu’à Marc-Aurèle. À ce sentiment d’une continuité idéale, s’oppose l’attitude contemporaine. Qui aujourd’hui, parmi les architectes de grands projets, affirmerait explicitement que nos chantiers publics prennent leur source dans le temps des bâtisseurs de cathédrales, en passant par le temps de Versailles et de la fortification des frontières par Vauban, alors que le public leur accole le label « pharaonique » devenu dépréciatif ? Et pourtant, ces deux étapes marquent à jamais l’histoire des grands chantiers publics de la France parce qu’ils fournissent aux princesprésidents des modèles de défis technologiques et d’organisation des plus coûteux à relever, puisque les droits des personnes se sont renforcés, et cela quoique l’État soit affaibli et la symbolique affadie : fin de la gloire et dépeuplement de l’invisible. La conformité dans la préservation des bâtiments est une notion très ambiguë, mais omniprésente parce que la civilisation égyptienne pose le principe de l’adéquation à ce qui a été fait dans les temps anciens : C’est parce qu’il envisageait le futur qu’il t’a chargé de restaurer (smȝwj) son temple, de redresser (ṯsj) les murs pour l’éternité, les dallages de la première fois jusqu’à la profondeur des limons des temps anciens83,

selon le « plan fondamental » (snṯ) du temple défini dans les « règles d’exécution » (tp-rdw), où la règle écrite est le reflet de l’œuvre des dieux : C’est Sa Majesté qui donna la règle d’exécution comme le fit Ptah84.

Notion ambiguë parce que jamais les conditions matérielles, notamment les techniques d’appareillage et d’assemblage des blocs, et humaines de la mise en œuvre ne sont identiques d’un chantier à l’autre, a fortiori selon les époques. Ambiguë parce que les conditions pratiques d’emploi des édifices sont infléchies pour la même raison : est-on 82. Loprieno 2001, p. 89-129. 83. Règne de Merikarê, inscription de Khety à Assiout (tombe IV) : Griffith 1889, pl. 20, 19-20 et Vernus 1995, p. 105-106. 84. Sethi Ier en Abydos : Calverley 1938, pl. 47 et Vernus 1995, p. 107.

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vraiment sûr que l’approvisionnement des temples et les liturgies sont préservés de toute évolution ? Ambiguë aussi parce que la restauration étant engagée dans la durée a peu de chance d’être jamais parachevée. Enfin parce que l’esthétique du vieillissement naturel n’est pas reproductible. De sorte que les Égyptiens juxtaposent volontiers des impératifs contradictoires : la conformité à l’état ancien et les surpassements de toute nature. On comprend que la conformité est celle du respect du plan des origines et que toute modification, conçue sous la forme du surpassement, n’affecte pas cette conformité, mais concerne l’amélioration des matériaux, de l’ornementation ou encore l’agrandissement. Quoi qu’il en soit, l’affirmation maintes fois répétée de la reconstruction à l’identique, de la conformité au modèle des origines, suppose pour les Égyptiens davantage le souci de la dignité de leurs édifices qu’une fidélité sans faille aux techniques de construction, aux décors et aux usages. C’est ainsi que la contradiction est dépassée. Un texte de Taharqa concerne la fondation d’un sanctuaire menaçant ruine qui est réédifié. La fondation (mnw) consiste en une remise à neuf d’un petit temple d’Amon à Memphis : Or donc Sa Majesté trouva ce sanctuaire menaçant ruine ; il n’y avait plus de biens intacts. Sa Majesté fit que soit à la charge de tout chef des travaux de la Résidence et à tous les artisans de Sa Majesté qu’il (le temple) fut reconstruit conformément à son état d’auparavant [...] il était plus beau que son état d’auparavant85,

où interviennent toutes sortes d’artisans et des chefs de travaux, ce qui laisse penser que le petit temple d’Amon à Memphis, venu à l’état de ruine, est réédifié en lui adjoignant ce qui lui manquait : un portique peut-être et des magasins. C’est donc une remise à neuf suivie de la réorganisation de la structure économique. Rien ne permet de vérifier la conformité proclamée. Enfin une formule imprécatoire contre d’éventuels « vandales » fait de Ptah-Sokar le garant de l’intégrité de la stèle portant ce texte : Quant à celui qui maintiendra cette stèle faite pas Sa Majesté, il fera ce qui [est loué] de Ptah-Sokar. Quant à celui qui endommagera cette stèle que [Sa Majesté (?)] a faite [pour] son père A[mon-qui-préside-au-temple], il est promis au massacre de Ptah-Sokar et Amon-Rêqui-préside-aux-temples le massacrera86.

À l’autre extrémité de son royaume, Taharqa précise la nature de l’amélioration apportée au temple d’Amon à Kawa : 85. Stèle de Taharqa Caire JE 36861, l. 3 à 7 = Meeks 1979, p. 224-225, 233 (5). 86. Ibidem, p. 228.

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50 • marie-ange bonhême Il trouva ce temple bâti en briques [...] alors ce temple fut (re)construit en belles pierres blanches87.

La brique et la pierre la remplaçant sont juxtaposées dans le descriptif, ce qui implique une hiérarchie des matériaux. La brique – humble et périssable – est soumise aux forces abrasives du vent et des eaux pluviales qui entraînent usure, tassements et effondrements, par opposition à la pierre, matériau d’éternité. Et pourtant, la brique est un matériau doté d’immenses qualités : résilience, inertie, plasticité, en ce qu’il se plie aux volontés de l’architecte selon le module employé pour les différentes affectations. On sait par différents décrets portés sur des stèles de Kawa que la règle, lors des opérations de reconstruction et de dotation, est la succession des interventions sur plusieurs années ; les différents décrets définissent les étapes de la reconstruction et marquent la progression des travaux88. Des colonnes aux chapiteaux plaqués d’or entraînent une amélioration qualitative : Leurs fleurs sont en or, à l’image de l’horizon du ciel. Elles sont plus belles que ce qui a existé avant89,

et l’extension des temples ne contrevient pas au plan des origines. Enfin, il ne semble pas qu’il y ait jamais eu de table rase du passé pour faire du nouveau en architecture, à l’exception peut-être d’Amenhotep fils de Hapou qui procéda plutôt par suppression de ce qui constituait les étapes précédentes afin de pouvoir reconstituer l’état originel : Un homme (à cause duquel) on ne reconnaît plus le cours des événements depuis la Première Fois parce qu’ils se trouvent oubliés quand il a aménagé leurs emplacements 90.

*** Les bâtiments sont traversés par des centaines de générations successives. Les occupants préservent, restaurent, réédifient conformément à la tradition, mais en modifiant toujours. C’est évidemment une contradiction, parce que refaire à l’identique, sur des chantiers à grande échelle, est une fiction, d’autant plus grande que le passage du temps 87. Kawa n° IV, l. 10 et 22 = Macadam 1949, pl. 8 et Vernus 1995, p. 97. 88. Meeks 1979, p. 257. 89. Thoutmosis III = Urk. IV, 168, 9 et Vernus 1995, p. 98-99. 90. Vernus 1995, p. 118-119 = CGC 583, l. 8-9.

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s’accumule. Au point de construire, à l’époque des dominations macédonienne et romaine, des bâtiments conformes à une idéologie survivante parce qu’elle ne coïncide plus avec la société des temps nouveaux. Dans les temples égyptiens d’époque romaine, le nom du roi devenu lointain n’est plus gravé dans des cartouches restés vides, en attente de son éventuelle venue. Plus encore, le temple de Douch est uniquement gravé sur les façades, c’est-à-dire les faces tournées vers l’extérieur, celles qui sont vues par le prêtre entrant dans le temple selon le point de vue du visiteur, tandis que les murs sont anépigraphes au revers, puisque le dieu, moteur du temple, est désormais absent : les dieux se sont effacés. L’homme et l’architecture n’ont plus la même cadence. Cependant l’espace égyptien reste balisé par ces grands édifices dont la disproportion des moyens mis en œuvre, relativement aux croyances affaiblies et à la richesse du pays, contribue à stériliser l’avenir. Les temples tardifs ne sont pas l’emblème de l’Égypte, comme le sont les pyramides qui signalent de loin l’emplacement du corps des rois morts et la doctrine solaire. Celles-ci concentrent une organisation étatique, une triple immortalité – solaire par la forme pyramidale du tombeau, stellaire par leur orientation par rapport au Nord et osirienne, le sarcophage étant décalé vers l’Ouest, domaine du couchant – et des avancées techniques favorisant le perfectionnement constructif. Ce faisant, les pyramides sont l’annonce magnificente d’un monde neuf. En revanche, les temples gréco-romains sont le condensé des formes, des textes et des rites qui expriment la civilisation égyptienne, dans un monde en pleine mutation, dont l’Égypte n’est plus le centre, un monde en voie d’être submergé par de nouvelles croyances, celles du salut. En alignant leurs mythes gravés au long des murs des temples neufs, les Égyptiens ont rassemblé tous leurs moyens techniques et intellectuels pour récapituler leur civilisation dans le pressentiment poignant de leur fin. Ils s’essayèrent à ce qui devint peu à peu « l’expérimentation d’une véritable culture de survie »91. C’est que, au cours des siècles, les civilisations élaborent des synthèses et, à un moment donné, elles s’arrêtent sur ce à quoi elles tiennent plus ou moins, elles s’en éprennent et les érigent en modèle indépassable. Alors la logique des formes l’emporte sur la logique du contenu qui, peu à peu se vidant, provoque l’inversion de la valeur des deux termes92. Le goût des monuments par l’imitation de l’antique a conduit les Égyptiens à entretenir, réparer, refaire un monument, c’est-à-dire à le construire dans « un 91. Foucart 1997, p. 1641. 92. Levi-Strauss & Eribon 1988, p. 189 et 212.

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état complet qui n’a peut-être jamais existé »93 avant l’époque ptolémaïque et romaine, ce qui est une fictionnalisation. Et même une falsification concernant la décoration : alors que des poèmes officiels célébraient au Nouvel Empire le triomphe de Ramsès à Kadech, mille ans après la mémoire n’en était pas émoussée puisqu’on retrouve la liste des mêmes peuples vaincus au temple d’Edfou, alors même que certains d’entre eux n’existaient plus. De sorte qu’on peut se demander si, plus spécialement à l’époque ptolémaïque et romaine, les maîtres d’ouvrage que furent les grands clergés locaux, hantés par le crépuscule, la mort des objets et des sentiments qui changent, n’eurent pas une démarche apparentée à celle d’un Viollet-le-Duc au nom de la continuité de la culture. La difficulté est qu’il est presque impossible d’examiner le processus de formation du paysage architectural dans le concret, parce que, malgré les apparences et ce qu’expriment les textes, la bâtisse dans son état originel n’existe plus par suite des modifications ou des destructions engagées. Souvent, on est réduit à examiner ce qui se passe dans l’esprit des gens qui proclament la bonne manière de procéder, mais dont nous ignorons si leur conduite se conforme à leurs mots. Nous n’avons ni les moyens de connaître ce qu’ils ont réellement fait, ni parfois les intentions réelles qui furent les leurs en (re) bâtissant. Dans l’ignorance du modèle, nous ne savons pas s’ils l’ont vraiment appliqué dans la réalité de la reconstruction. Il y a de l’inabouti et une absence de formalisation dans cet essai qui vise à la fois à caractériser le regard porté par les Égyptiens sur leur patrimoine monumental et à inventorier leurs conduites et les valeurs s’y rapportant, sans doute en raison du foisonnement des problèmes liés à la construction des édifices et en raison de la diversité des solutions, rendant évidemment impossible une loi d’ensemble. Toutefois, des remarques particulières peuvent avoir une portée générale. La topographie et la géologie d’une vallée alluvionnaire riche en limons et argiles au sein d’immensités minérales font du grand œuvre architectural pharaonique une litanie monumentale lentement surgie de la pierre et du limon. Il y avait le moins d’écart possible entre ce que

les Égyptiens bâtissaient et leur pays, entre l’attachement aux formes et les structures du paysage et des plantes. Il leur était tenu un langage architectural qui reflétait leur expérience quotidienne. Le savoir-faire diffus des artisans, venu du tréfonds d’un peuple, explique le silhouettage donné aux édifices grâce aux techniques de découpe de la pierre et d’épannelage communes à celle des sculpteurs. Les maîtres d’œuvre ont su fournir des réponses architecturales à des besoins cultuels et au besoin d’intégration de l’architecture au paysage. Fruit des passions des rois et d’un peuple, l’art monumental de la vallée du Nil est une pensée solidifiée, qui inscrit le pouvoir terrestre dans une cosmogonie. Bossuet, contemporain du chantier de Versailles et par suite sensible à la clarté des plans, aux perspectives et points de fuite, aux axes directeurs et à la netteté de leur articulation, témoigne à propos de Thèbes de quatre allées à perte de vue aux fins d’enrichir l’architecture de son temps des inventions de l’Égypte, « maintenant que le nom du roi pénètre aux parties du monde les plus inconnues, et que ce prince étend aussi loin les recherches qu’il fait faire des plus beaux ouvrage de la nature et de l’art ». Il est à peu près certain que Bossuet servit de jalon pour ouvrir aux urbanistes à venir les voies de l’architecture égyptienne. Bossuet répercuta les perspectives et les harmonies des ruines monumentales de l’Égypte dans l’appréciation de ses composantes, avec la sûreté du regard et la fermeté du discernement :

93. Viollet-le-Duc 1866, p. 14.

94. Bossuet 1870, p. 368.

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Le bon goût des Égyptiens leur fit aimer dès lors la solidité et la régularité toute nue. N’est-ce point que la nature porte d’elle-même à cet air simple, auquel on a tant de mal à revenir quand le goût a été gâté par des nouveautés et des hardiesses bizarres ? Quoi qu’il en soit, les Égyptiens n’ont aimé qu’une hardiesse réglée ; ils n’ont cherché le nouveau et le surprenant que dans la variété infinie de la nature et ils se vantaient d’être les seuls qui avaient fait, comme les dieux, des ouvrages immortels94.

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Les FrontiÈres MÉridionaLes de L’Égypte et L’archÉoLogie nubienne

Charles Bonnet Université de Genève Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Les sites de Doukki Gel et Kerma au nord du Soudan sont riches en vestiges archéologiques car le territoire est occupé durant plusieurs millénaires et la plaine alluvionnaire a favorisé très tôt l’exploitation agricole. Un peu en amont de la troisième cataracte, cet espace géographique commande les grandes pistes vers le sud le long du nil ou, au travers des déserts, vers le Kordofan ou le Darfour, le Soudan Central ou les côtes de la mer Rouge. Les contacts avec l’Égypte donnent aussi aux établissements successifs un rôle de carrefour où se mêlent les traditions régionales et les apports des royaumes voisins ou d’autres plus méridionaux et plus lointains, formant une sorte de conservatoire architectural. La longue collaboration avec Dominique Valbelle nous a permis de confronter les données historiques, épigraphiques et archéologiques, enrichissant d’autant nos résultats, et nous aimerions ici lui rendre hommage. Je souhaiterais évoquer un sujet qui a largement bénéficié de cette approche pluridisciplinaire, soit les différents modes de bâtir observés dans les constructions mises au jour durant les fouilles. Aux époques anciennes, les populations occupant ce territoire intermédiaire entre l’Égypte, le monde méditerranéen et le continent ne disposaient pas de l’écriture ; leur histoire ne peut donc être restituée que par le biais des vestiges qui, même si certains restent difficiles à interpréter, laissent cependant reconnaître les influences régionales ou provenant de contrées situées à bonne distance. Durant nos premières saisons, nous avons essayé de comprendre comment étaient employés certains matériaux. Les plus anciens bâtiments étaient édifiés à l’aide de poteaux de bois dur et de terre argileuse ; les milliers de trous de ces poteaux dégagés ont permis d’observer en plan les traces de huttes circu-

laires (fig. 1) ou de constructions quadrangulaires qu’il a été possible de rattacher à des lieux de culte ou des ateliers. Dès les périodes préhistoriques, les habitations de ce type sont bien attestées, elles sont peu à peu remplacées par des constructions en « galous », soit des mottes de terre façonnées. Cette technique permet d’élever des murs plus épais et de fonder d’importantes fortifications dotées de bastions arrondis. Des clôtures sinueuses établies de cette façon vont bientôt limiter de vastes cours où l’on retrouve le petit bétail ou des réserves alimentaires. L’apparition de la brique crue intervient déjà vers 2300 avant J.-C, il s’agit sans doute d’un emprunt à l’Égypte. Si les traces des constructions en terre ou en « galous » sont difficiles à repérer avec exactitude, l’architecture de briques crues nous a ouvert un champ d’observations illimité. Certes, les interventions sur ce type de structures demandent d’infinies précautions. Les murs ou les supports apparaissent au niveau du sol et des reconstitutions du plan puis la restitution théorique des élévations devient nécessaire. Lorsque l’on dispose de modèles comparatifs, cette approche convient parfaitement mais les territoires africains n’ont pas livré beaucoup d’exemples archéologiques du IIIe ou du IIe millénaire avant J.-C. et notre démarche touche des terres souvent presque inconnues. Dès lors, nous avons essayé d’affiner notre méthodologie d’intervention et de rechercher un système documentaire permettant sans cesse de faire référence aux relevés des vestiges. La brique crue étant un matériau facile d’emploi, des monuments de taille impressionnante peuvent être bâtis très rapidement grâce au travail de plusieurs équipes. La proximité et l’abondance de la terre alluviale mettent à disposition des quantités illimitées d’argile, surtout si l’on rappelle que les villes sont

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Figure 1 – trous de poteaux des huttes circulaires. [Photographie © J.-B. Sevette]

Figure 2 – Les décapages dans la ville antique. [Photographie © J.-B. Sevette]

généralement entourées de profonds fossés qui fournissent la matière première. nous avons décidé d’étudier les constructions par ensembles pour mieux appréhender le rôle et l’influence de certaines institutions sur le développement de l’urbanisme. La désertification marquée dès les débuts du IIIe millénaire avant J.-C. a beaucoup diminué la fréquence des pluies, ce qui a favorisé la conservation des structures de briques. Cependant, les agrandissements, les remaniements successifs ou les changements d’affectation subis par nombre de ces bâtiments, associés aux dégâts liés à l’érosion éolienne, compliquent singulièrement la lecture de vestiges. En intervenant par décapages fins, il est devenu évident qu’un édifice arasé puis reconstruit laissait des traces suffisantes pour en dresser un plan détaillé (fig. 2), montrant les changements d’orientation ou l’ajout de nouvelles fondations, tandis que la présence des tessons de céramique apportait les éléments de datation indispensables. L’on sait l’importance des fouilles stratigraphiques et, en certains endroits, nous avons eu la possibilité d’étudier des coupes et d’obtenir des résultats convaincants. toutefois, ce sont avant tout les décapages horizontaux qui ont livré pour les niveaux de destructions ou de fondations, voire les premières

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assises, le plus d’information quant aux choix architecturaux. Il est apparu que sur quelques centimètres de hauteur le plan des structures successives pouvait être restitué grâce aux briques crues de bâtiments ou de fortifications complètement différents bien que rien ne soit visible sur les coupes. Il a ainsi fallu se résoudre à ne fouiller en profondeur qu’après avoir systématiquement relevé la superposition des vestiges. La découverte de la ville antique de Kerma et son dégagement en surface nous ont donné l’occasion de dresser le vaste plan d’une métropole royale nubienne. L’image ainsi reconstituée se compose de bâtiments quadrangulaires dont l’architecture est inspirée par les villes égyptiennes (fig. 3 ; pl. III.1). Que ce soient les temples ou les chapelles, comme les résidences des dignitaires ou de simples habitations, on retrouve des modèles égyptiens établis le long de la vallée du nil. Cependant les murs étayés par des pilastres sont généralement assez étroits et témoignent de toitures relativement légères, un peu surhaussées pour faciliter les courants de l’air, une particularité qui tient au climat. Vers 2000 avant J.-C. se maintiennent encore des huttes circulaires, peut-être pour une population distincte ou pour un habitat secondaire. Il faut relever la présence d’une

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Figure 3 – Plan topographique de la ville au Kerma Classique. [Dessin © M. Berti & M. Kohler]

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hutte de dimensions plus importantes que nous avons interprétée comme une salle d’audience du roi ; là aussi, on retrouve une tradition régionale que l’on peut associer à une influence plus africaine. L’architecture de la ville antique marque une transition qui correspond au territoire nubien. Le royaume suit en partie l’organisation et l’urbanisme de son voisin du nord mais certains éléments d’architecture sont en rapport avec des traits provenant du Sud. Les imposantes forteresses pharaoniques de la deuxième cataracte ont certainement été observées par les maîtres d’œuvre nubiens qui vont parfois copier les systèmes défensifs (fig. 4). Pourtant, les bastions militaires espacés les uns des autres, côté égyptien, deviennent des dispositifs accolés à Kerma. Ils sont quelquefois constitués de tours établies les unes à côté des autres pour former une paroi extérieure presque sinueuse. Les bâtiments religieux souvent tripartites ou l’imposante defuffa, le temple principal de la ville, peuvent parfaitement se comparer aux quartiers des hout-ka égyptiennes ou même à certains grands édifices de culte bâti en pierre ; cependant de nombreux détails liés à

l’architecture de briques crues n’ont pas leur pendant en Égypte.

*** À Doukki Gel, à moins d’un kilomètre au nord de la ville antique de Kerma, ont été mis au jour les vestiges d’un ensemble urbain complètement différent. Sous les fondations de nombreux monuments religieux ou palatiaux attribués à la colonisation pharaonique ou aux empires napatéen et méroïtique se sont conservés les restes d’une ville datée en l’état du Kerma Classique (17501500 avant J.-C.). nous avons pu constater que cette extraordinaire fondation était entourée d’une puissante enceinte partiellement fortifiée servant à protéger des lieux de culte, des palais et un centre artisanal pour la fonte du bronze. Autour de cette première enceinte s’étendaient les murs et les colonnes de plus de huit palais cérémoniaux alors qu’une seconde ligne de fortifications rendait aussi inexpugnable cet espace intermédiaire. Il est devenu évident qu’une agglomération cérémonielle devait être mise en relation avec la ville antique et que des allées processionnelles facilitaient le passage de l’une à l’autre (fig. 5). Cette découverte remarquable a montré que l’architecture des bâtiments contemporains des cultures Kerma est encore inconnue. Les trois temples et la chapelle du centre de l’agglomération présentent un plan ovale avec un mur épais contrebuté par des massifs arrondis pour faciliter un voûtement en terre. L’espace intérieur de cette agglomération est également occupé par des palais dotés de trois trônes façonnés en terre argileuse renforcée par des segments de roseaux. Ces monuments disposent de nombreuses colonnes de briques. Le dégagement des palais extérieurs a permis de compléter l’observation des caractères uniques de ces constructions. Les murs périphériques des bâtiments pouvaient atteindre plus de quatre mètres d’épaisseur si l’on tient compte des contreforts élevés contre la façade arrondie. Les plans sont ovales ou presque circulaires, souvent un peu irréguliers. Les colonnes qui supportaient la toiture de fibres et de poutres sont très rapprochées. Dans le palais A, nous pouvons en reconstituer

Figure 4 – Un type de fortifications influencé par l’Égypte. [Photographie © J.-B. Sevette]

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Figure 5 – Les allées conduisant à Doukki Gel. [© Google earth]

environ 1400 et des allées menant aux trônes passaient au travers de cette sorte de forêt (fi g. 6). Les portes des bâtiments ou de la ville cérémonielle sont également sans parallèles, elles sont faites de deux tours opposées de 6 à 12 mètres de diamètre avec un passage comportant un seuil et deux crapaudines en terre. L’architecture ainsi définie n’est pas comparable à celle de la ville antique nubienne. Sans pouvoir trouver des exemples documentés, on doit imaginer que ces constructions sont à rattacher à des modèles africains qui auraient été bâtis sous la direction de maîtres d’œuvre venus d’ailleurs. Certes les fortifications extérieures avec leurs bastions accolés ont peut-être été établies sous le contrôle nubien mais les bâtiments ovales ou circulaires relèvent d’une autre tradition. nous avons proposé avec Dominique Valbelle que des rois ou des chefs militaires de certains royaumes méridionaux se soient fédérés avec les nubiens pour résister aux assauts des

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Figure 6 – Vue générale du Palais A à Doukki Gel. [Photographie © B. n. Chagny]

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armées venant d’Égypte. Cette architecture singulière représenterait donc l’une des origines les plus anciennes de ce que nous connaissons de l’architecture africaine par des exemples de la fin du Moyen Âge et des xixe ou xxe siècles. Doukki Gel a conservé encore une troisième manière de construire très originale, les vestiges datent des débuts de la colonisation égyptienne durant la XVIIIe dynastie. Une fois encore, on peut constater que les techniques pour l’utilisation de la brique crue sont encore à mieux détailler. Le site est occupé lors de l’expédition de thoutmosis Ier qui va araser la ville cérémonielle de Pnoubs pour y fonder un menenou. Les constructions sont alors caractérisées par des plans rectangulaires, les trois temples et les deux palais favorisent la comparaison avec des monuments égyptiens bien que ce soient surtout des constructions en pierre qui peuvent être utilisées pour l’étude. La présence de portiques périptères en briques témoigne d’un caractère architectural que l’on attribuait au règne d’Hatchepsout. toutefois, le système de l’énorme enceinte fortifiée aux bastions accolés appartient à la tradition du royaume de Kerma (pl. III.2). Il n’est pas fréquent dans la vallée du nil de pouvoir restituer le plan d’un palais cérémoniel égyptien. nous avons pu dans ce cas comparer les aménagements de la salle du trône avec deux sièges supplémentaires très semblables à ceux qui se trouvaient dans l’un ou l’autre des palais antérieurs. De la même façon, la porte orientale du palais sud de thoutmosis Ier est conçue avec deux tours massives identiques aux entrées des exemples bâtis par les nubiens ou leurs voisins africains. Alors que l’architecture égyptienne est parfaitement établie, on a toutefois la preuve que certains traits correspondent à des emprunts aux autres traditions. Il est vrai que la préparation des briques et la qualité du matériau marquent une nette différence, les techniques sont plus élaborées par les équipes égyptiennes même si on peut supposer que des nubiens participaient aux différents chantiers. Les trois architectures qui ont été analysées se développent durant une période relativement courte. Les habitants ont pris part aux travaux et les nouveaux arrivants malgré les troubles étaient informés sur la manière de construire de plusieurs populations distinctes. en l’espace de quelques années les changements vont se multiplier puisqu’un roi du royaume de Kerma va reprendre le pouvoir avant que thoutmosis II et surtout Hatchepsout rétablissent l’hégémonie égyptienne. Ce sont les fortifications qui font la preuve archéologique, par leurs transformations, de l’effort de guerre consenti tant par les nubiens et leurs alliés que par les Égyptiens. Ainsi l’enceinte extérieure de Doukki Gel

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est reprise de nombreuses fois et nous avons pu suivre les énormes murs et leurs bastions sur près de 40 mètres d’épaisseur. Les palais eux aussi ont été arasés puis reconstruits ou abandonnés. Ces quelques réflexions font la preuve que le Royaume de Kerma fortifie son territoire alors que ses rois ont acquis une puissance exceptionnelle. Les débuts de la XVIIIe dynastie en Égypte correspondent aussi à une période durant laquelle les forces pharaoniques sont à même de diriger des offensives majeures au-delà des frontières méridionales. Ces conflits motivent la construction de systèmes de défense d’une incroyable complexité, et lorsque l’on dégage des centaines de bastions militaires ou les murs d’enceintes solidement étayés, lorsqu’apparaissent de multiples chemins de ronde où se déployaient les archers, enfin lorsque les traces rubéfiées ou des cendres témoignent de la violence des assauts, on doit restituer des campagnes guerrières farouches qui ne sont que partiellement attestées. Durant les règnes de thoutmosis Ier, thoutmosis II et Hatchepsout, puis de thoutmosis III, soit quelques décennies, la nubie alliée aux royaumes du Soudan Central va résister de façon inouïe. D’autre part, la domination égyptienne n’est que partielle et certaines des traditions locales se maintiennent. Ainsi, thoutmosis Ier et ses successeurs vont multiplier dans leurs bâtiments officiels la présence de salles hypostyles (fig. 7) et même autour des temples des portiques périptères. Derrière la porte principale de la ville au nord, la salle hypostyle égyptienne n’aura pas moins de 150 puis 300 colonnes, se faisant peut-être l’écho de la « forêt sacrée » des 1400 colonnes de l’ancien palais A arasé mais bien présent dans les esprits. Les forces en présence opposent leurs fortifications mais également leurs architectures cérémonielles et le recours à la brique crue facilite l’édification rapide de ces ensembles imposants.

*** notre approche met en évidence des techniques insoupçonnées et il faudra du temps pour reconsidérer le développement de ces chantiers. Les bâtiments dégagés présentent souvent un caractère dont les modèles nous échappent. Pourtant les contacts de l’Égypte avec la nubie paraissent bien connus mais les travaux en cours au Soudan changent l’histoire régionale. D’autre part, la puissance des grands royaumes de l’Afrique centrale nous semble

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Figure 7 – Vestiges de la salle hypostyle égyptienne à Doukki Gel. [Photographie © B. n. Chagny]

plus développée comme pourraient l’indiquer les échanges avec Pount, l’agglomération proche de Kassala où plusieurs sites antiques vers l’ouest qui restent à découvrir. Les recherches engagées avec

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Dominique Valbelle vont, nous l’espérons, confirmer nos interprétations de ce territoire frontière entre deux mondes où se sont déroulés des mouvements de populations de grande ampleur.

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La chapeLLe d’Osiris qui préside aux Occidentaux cOnnue par une série de bLOcs décOuverts à MédaMOud Laurent Coulon EPHE / EA 4519 « Égypte ancienne : archéologie, langue, religion »

Parmi les monuments de l’époque kouchito-saïte qu’a livrés le site de Médamoud1, essentiellement en remploi, un ensemble de cinq blocs provient de manière assurée d’un même monument (fig. 1). Il s’agit d’une chapelle osirienne dont le décor présente de fortes analogies avec celui de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, reposoir du « fétiche » d’Abydos en bordure de la voie de Ptah à Karnak. Il est dès lors probable qu’elle ait été créée à la même période et par le même concepteur, en l’occurrence Sheshonq (A), grand intendant de la divine adoratrice Ânkhnesnéferibrê, sous le règne du pharaon saïte Amasis. Les inscriptions de ces blocs de Médamoud ont déjà été partiellement publiées dans une étude sur les uraei gardiens du fétiche abydénien2, mais il restait à étudier le monument de manière plus complète, pour autant que son caractère fragmentaire le permette, et à tenter de caractériser l’autre collège de dieux-gardiens présent aussi bien sur ce monument que sur la chapelle thébaine.

Présentation des éléments conservés Les cinq blocs ont été enregistrés dans l’inventaire des découvertes réalisées par la mission de F. Bisson de la Roque en 1932 sous les numéros 6525-6529 ; des photographies en sont conservées dans les archives de l’IFAO3. Ces blocs ont été dégagés lors de la fouille

1. L’étude du site a récemment été reprise sous la direction de Dominique Valbelle. Voir dernièrement Valbelle & Relats Monserrat 2015. 2. Coulon 2011, part. p. 86, 88, 90-92. 3. Nous avons pu obtenir l’accès à ces photographies et l’autorisation de les publier auprès de Bernard Mathieu, alors directeur de l’IFAO. Nous avons bénéficié également dans

des installations coptes du dromos. Le journal de fouilles décrit ainsi ces trouvailles : Les installations coptes du dromos nous ont donné un petit nombre de pierres décorées remployées. Parmi celles inventoriées se trouvent deux lots intéressants : – Un lot avec fragments de textes qui, par le style et la dimension des pierres, me paraissent se rattacher soit au monument Chapenapit, soit à un monument de cette époque ; – Un lot de pierres d’Aménophis IV dont un profil artistique de ce roi en relief dans le creux, pierre de musée malheureusement en mauvais état.4

Les blocs qui nous intéressent font partie du premier lot. Le parallèle qui peut être établi avec la façade du naos de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou (fig. 2) permet d’assurer leur identification : – le bloc Médamoud n° 65295 est inscrit avec les légendes de deux des quatre uræi qui occupent les scènes n° 50 à 53 de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou6 : [rs(t)-ḥr] « Celle-à-la-face-vigilante » (= n° 52) et spdt-ḥr « Celle-à-la-face-aiguisée » (n° 50). Sur une autre face du bloc, pour laquelle nous ne disposons pas de photographie, est visible un fragment d’inscription en « relief » sur deux nos recherches de l’aide précieuse de Nadine Cherpion, alors responsable des archives. 4. Journal de fouilles de F. Bisson de la Roque, Médamoud, 1932, p. 166 (Archives IFAO, Orphea_ms_2004_0008). 5. Coulon 2011, p. 88, fig. 3a-b. Cf. Bisson de la Roque 1933, p. 64 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 576 : « [Morceau de pierre ; signes bleus gravés ; grès ; H.s. 0 m 24 ; L.s. 0 m 34 ; E. 0 m 58 ; côté remployé, relief ; [Dromos, installations coptes ; 20 févr.] ». 6. Les numéros de scènes correspondent à la numérotation adoptée dans l’édition de la chapelle, actuellement en cours de publication (Coulon à paraître). Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 63-73

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Figure 1 – Blocs provenant de la chapelle d’Osiris qui préside à l’Occident découverts à Médamoud : 1. n° 6528 ; 2. n° 6525 ; 3. n° 6529 ; 4. n° 6526+6527 [Photographies © Archives IFAO].

colonnes, ce que F. Bisson de la Roque considère être la preuve que le bloc a été remployé. – les blocs Médamoud n° 65257, 65268+65279 et 652810 portent les représentations et les légendes de trois des quatre dieux coutilliers qui occupent les scènes n° 54 à 57 de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou.

7. Bisson de la Roque 1933, p. 63 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 576 : « Morceau de pierre. Texte gravé peint en bleu. Chapenapit (?) ; grès ; H.s. 0 m 18 ; L. 0 m 50 ; E.s. 0 m 37 ; Dromos, installations coptes ; 20 févr. ». 8. Bisson de la Roque 1933, p. 63 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 576 : « Idem [/6525] avec divinité à tête de crocodile ; [grès] ; H.s. 0 m 20 ; L. 0 m 50 ; E. 0 m 35 ; idem [= même provenance et date de découverte que 6525]. » 9. Bisson de la Roque 1933, p. 63 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 577 : « Morceau de pierre. signes bleus gravés ; grès ; H.s. 0 m 17 ; L.s. 0 m 50 ; E.s. 0 m 32 ; Dromos, installations coptes ; 20 févr. » 10. Bisson de la Roque 1933, p. 63 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 577 : «[Idem/6527]. H.s. 0 m 16 ; L.s. 0 m 48 ; E.s. 0 m 34 ; [idem = même provenance et date de découverte que 6528] ».

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La présence de faces dressées sur quatre des blocs de Médamoud montre que ceux-ci étaient disposés dans les montants d’une porte, comme à Karnak. La disposition des divinités sur le monument ne peut néanmoins être semblable à celle observable sur la chapelle d’Osiris Ounnefer Maître des aliments, où les huit dieux-gardiens sont superposés sur quatre registres de part et d’autre de la porte. En effet, sur le bloc Médamoud n° 6529, les légendes des deux uræi se suivent l’une derrière l’autre. Il est donc envisageable que les serpents étaient disposés deux par deux de chaque côté de la porte. En revanche, la configuration et les attitudes des dieux coutilliers semblent en tout point analogues à celles observées à Karnak : les deux dieux regardant vers la gauche ont la main gauche posée sur le genou et la main droite, tenant le couteau, levée au niveau des yeux, tandis que, en symétrique, les dieux-gardiens lèvent la main gauche en signe de protection, au même niveau que la main droite qui tient le couteau. La disposition respective des dieux coutilliers pourrait correspondre également à celle de Karnak. À partir des éléments disponibles, nous proposons une restitution possible de la disposition initiale des blocs (fig. 3), en nous appuyant sur le parallèle de

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Figure 2 – Façade du naos de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou. [Dessin A. Guillou © Mission Sanctuaires osiriens de Karnak]

Karnak. Cette reconstruction schématique doit évidemment être considérée comme un outil de clarification des données existantes, l’absence de liaison entre les différents éléments rendant leur association très hypothétique. Ainsi, pour le positionnement du bloc n° 6528, on peut hésiter entre le registre inférieur et le registre supérieur du montant gauche, incertitude que le faible recoupement des textes avec la version de Karnak, très lacunaire, ne

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permet pas de trancher. Dans la restitution adoptée, c’est le rythme d’alternance des blocs qui nous a amené à privilégier le registre supérieur, car dans le cas contraire, l’espacement entre le bloc aux uræi (n° 6529) et le bloc n° 6528 impliquerait la présence entre les deux d’un bloc très fin, ce qui est peu logique. Là encore, l’absence d’informations précises sur le schéma initial et les données constructives rendent ces considérations très fragiles.

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Figure 3 – Reconstitution hypothétique de la chapelle d’Osiris qui préside aux Occidentaux à partir des blocs découverts à Médamoud. [Dessins des blocs Y. Hamed / A. Guillou. Infographie de la reconstitution : C. Sagouis, L. Coulon © Mission Sanctuaires osiriens de Karnak].

Il n’est pas exclu que d’autres blocs découverts à Médamoud dans le même contexte que ceux décrits précédemment puissent avoir fait partie du même édifice. Ainsi, le bloc n° 621711, rangé par F. Bisson de la Roque parmi les blocs des XXVe et XXVIe dynasties, porte un décor caractéristique des portes jubilaires12 : une divinité anthropomorphe décrite comme « Min maître d’Akhmîm » et portant un plateau surmonté des signes ânkh et ouas est représentée face à deux tiges jubilaires encadrant 11. Bisson de la Roque 1933, p. 62 ; indications du registre IFAO – Médamoud 1932, p. 550 : « 6217 – A-B – 2 [morceaux] – Fragment décoré H. 0,25 [m] ; L. 0,55 [m] ; E. 0, 50 [m] ; relief en creux ; idem [= Dallage du kiosque nord] ; janvier [1932] ». 12. Sur ces portes, voir principalement Leclant 1965, p. 220, n. 2 ; Eder 2002, p. 85-101 ; von Falck & Effland 2013, p. 77-96.

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une inscription verticale (fig. 4). Or, la façade du naos de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou porte précisément un décor de porte jubilaire de part et d’autre de la représentation des dieuxgardiens (scènes n° 30-47). Sur le bloc de Médamoud, le fragment d’inscription se trouvant entre les tiges jubilaires doit probablement se lire [ḥr st Tfnw]t nt ʿnḫw, « sur le trône de Tefnout des vivants », pendant féminin (et donc attribuable à la divine adoratrice) de la formule ḥr st Ḥr nt ʿnḫw « sur le trône d’Horus des vivants » qui se trouve dans l’inscription correspondante de la chapelle de Karnak13 et se rapporte dans ce cas à Amasis (n° 46). En fonction de ce parallèle, la scène incluant Min 13. Sur ce parallélisme entre le « trône de Tefnout (var. Ouadjet) » et le « trône d’Horus », voir Leclant 1957, p. 166-167.

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Figure 4 – Bloc remployé découvert à Médamoud avec décor de porte jubilaire (n° 6217). [Dessin du registre de fouilles IFAO – Médamoud 1932 (IFAO, Orphea_ms_2004_0008), p. 550].

(et probablement derrière lui le pavillon jubilaire) à Médamoud correspondrait à la scène n° 38 de la façade de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, dans laquelle malheureusement la légende du dieu est détruite14. En l’absence de photographie du bloc, il est difficile d’établir de manière plus précise ce rapprochement. L’identification du dieu auquel est consacré le monument d’où proviennent les blocs présentés ci-dessus est assurée par la mention de celui-ci dans les légendes des dieux-gardiens. Là où c’est « Osiris Ounnefer Neb djefaou » qui est cité à Karnak, c’est « Osiris qui préside aux Occidentaux »15 qui est invoqué sur les blocs de Médamoud. Il est légitime de penser que, à l’instar de la chapelle thébaine, c’était également le « fétiche » abydénien qui était désigné sous cette forme d’« Osiris qui préside aux Occidentaux », comme il l’est régulièrement par ailleurs16.

les quatre uræi léontocéPhales Une présentation détaillée du collège des quatre uræi protégeant le « fétiche » d’Abydos a été publiée récemment et nous y renvoyons pour l’analyse des sources et l’établissement des textes17. Outre les chapelles de Karnak et de Médamoud, ce collège est attesté également dans les reliefs du temple d’Hibis, 14. Min fait régulièrement partie des dieux représentés sur les portes jubilaires. Voir ainsi dans le temple de Ramsès III à Médinet Habou (Medinet Habu V, pl. 251 [K]) ou le temple de Ptah à Karnak (Ptah n° 40 = Biston-Moulin & Thiers 2016, p. 74). 15. Ou « Osiris qui préside à l’Occident », selon les graphies, les deux expressions pouvant être considérées comme parfaitement équivalentes. Cf. LGG V, 783b. 16. E.g. Abydos (éd. Calverley et al.) I, pl. 11. 17. Coulon 2011, p. 85-108.

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dans la salle K218. La scène décorant le mur nord montre le roi offrant Maât au « fétiche » abydénien appelé « Osiris Khenty-Imentet, le grand dieu, maître d’Abydos ». Les autres dieux présents sont Horus-sur-sa-colonnade, Harendotès, Isis et Nephthys, ainsi qu’Horus et Thot qui maintiennent le pilier du « fétiche ». De part et d’autre de celui-ci, se trouvent les uræi (non léontocéphales) placés sur des naos et crachant du feu. Par ailleurs, ces mêmes cobras sont représentés au pied du « fétiche » d’Abydos sur une stèle de la XXVIe dynastie (Londres BM EA 808) provenant d’Abydos et appartenant à Ounnefer, qui porte les titres de prêtre-ḥsk, chambellan, prêtre hépetoudjat, connu du roi et le fils (royal), et scribe royal de la Maison-de-Vie19. La disposition des uræi sur les reliefs renvoie au même schéma que le « quadrilatère » défensif des rituels du Nouvel Empire qui mettaient en jeu quatre uræi en argile crachant du feu, quatre « nobles dames » (špswt) disposées aux coins d’une pièce pour protéger celui qui y sommeille20. Les conventions de la représentation en deux dimensions nécessitent ici une organisation par paires groupées de part et d’autre du reliquaire. Une dimension supplémentaire est probablement donnée à la présence des uræi dans le sens où le « fétiche » abydénien conserve et incarne la tête du dieu et que ces serpents sont par nature ceux qui sont « sur la tête » d’Osiris et peuvent même naître des « écoulements » de celle-ci. Mais à ce carré protecteur est aussi associée une série d’élaborations théologiques : les noms des quatre uræi sont formés à l’aide du mot « visage » (ḥr), formant ainsi un groupe de « quatre faces »21, et les cobras sont chacun dotés d’une tête de lionne, l’ensemble évoquant naturellement la déesse quadrifrons, Temet-Hathor, dont la triple personnalité d’uræusœil de Rê-lionne l’associe à Bastet/Sekhmet. Elle manifeste en effet son pouvoir protecteur envers Rê ou, par délégation, envers Osiris par l’entremise de quatre uræi associés aux quatre points cardinaux. Cette élaboration théologique se laisse tracer jusqu’à la Maison-de-Vie d’Abydos à travers le témoignage de la stèle d’Ounnefer (Londres 18. Hibis III, pl. 25. 19. Coulon 2011, p. 93-98. 20. Cf. Ritner 1990, p. 25-41 ; sur les exemplaires d’uræi en argile découverts en contexte archéologique pouvant se rattacher à ce rituel, voir dernièrement Szpakowska 2011, p. 71-74 (avec réf.). 21. On peut rapprocher de ces quatre visages crachant du feu l’entité à laquelle est identifiée la divine adoratrice Ânkhnesneferibrê dans une des formules de son sarcophage : nts pȝ ḥrw fdw ḥr nḥbt wʿt nb nbjt r ḫftyw.f – « Elle est (celui aux) quatre visages sur un seul cou, le maître de la flamme contre ses ennemis » (Sander-Hansen 1937, p. 128, § 418-419).

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BM EA 808), déjà citée, où les noms donnés aux uræi confirment le lien qui existe entre ceux-ci et les noms des quatre déesses-bnnt (Sekhmet, Bastet, Ouadjyt, Shesemtet)22 qui protègent Osiris à Abydos et sont précisément celles associées à la déesse quadrifrons. Enfin, signalons qu’un hymne ptolémaïque à la déesse Répit du temple d’Athribis, récemment publié, nous fournit une description supplémentaire de quatre déesses-uræi (jfdwt) analogues, associées à la protection de la tête d’Osiris contre ses ennemis et ceux d’Horus23.

Édition synoptique des textes – Dieu coutillier n° 1 K = Karnak, chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou n° 54

K:

[1] [... ...] [2] [...] jj...].k m pḥ[t]y.k r ḫ[3][fty]w nb n Wsjr wn-nfr nb ḏfȝw sjpt [4] [... ...] [1] [... ...] [2] [...] tes [...] de ta force contre tous les ennemis d’Osiris Ounnefer maître des aliments, [puissestu] comptabiliser (a) [...]

les quatre dieux coutilliers Le deuxième collège de dieux-gardiens n’est pas attesté, à notre connaissance, dans la documentation, en dehors des chapelles de Karnak et de Médamoud. Mais cette lacune est peut-être due à l’état très fragmentaire des inscriptions qui ne laissent connaître aucun nom complet pour aucun des quatre dieux, ce qui rend les identifications très difficiles. Le bloc Médamoud n° 6525 permet de connaître les premiers signes d’une légende commençant, après ḏd mdw jn, par . Ces signes pourraient être éventuellement considérés comme le début d’un nom divin ; ainsi, le théonyme jyt-m-ḏr.f, « celui que Iyt24 entoure (= protège) » est attesté dans un texte magique contre les serpents25. Néanmoins, alors que les discours des uræi sont à la première personne, les textes préservés comportent ici des adresses à la deuxième personne ordonnant au dieu-gardien d’abattre les ennemis par différentes actions ; il paraît donc probable, malgré la présence du jn « par » après ḏd mdw « paroles à dire », que la légende contenait au début une invocation j « ô » suivie du nom du dieu-gardien, puis du discours qui lui est adressé26.

Pour un exemple d’usage du verbe sjp dans un contexte de destruction des ennemis, voir LGG VI, 170a, s.v. sjp sbjw m šʿt.sn, « qui assigne les rebelles à leur lieu d’exécution ». (a)

– Dieu coutillier n° 2 (à tête de crocodile) K = Karnak, chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou n° 55 M = Médamoud, bloc n° 6526+6527

K: M: K: M: K: M:

22. Notons que la séquence « Sekhmet, Bastet, Ouadjet, Shesemtet », suivant le nom de la déesse Mout, est insérée dans une énumération de divinités protectrices du corps osirien gravée sur le sarcophage d’Ânkhnesneferibrê (Sarcophage d’Ânkhnesnéferibrê 164 = Sander-Hansen 1937, p. 67). 23. Leitz 2012, p. 759-761. 24. Sur Jyt, lieu abritant l’omoplate d’Osiris à Létopolis, voir Meeks 2006, p. 47-49, n. 28. 25. Voir stèle Londres BM EA 190 (+ Copenhague, Ny Carlbersg Glyptotek ÆIN 974), l. 28. Pour la lecture, voir Osing 1992, p. 477 et 479-480, n. (e) ; LGG I, 133a-b. 26. Cp. les invocations adressées aux divinités gardiennes des portes dans le chapitre 144 du Livre des Morts. Cf. Abdelrahiem 2006, p. 1-16 ; bibliographie complémentaire dans Lucarelli 2010, p. 85-102, part. p. 86-88.

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K: M:

[1] [...] [M. m hh.f my jr.k mnmn] [2] sbty nb n ḫftyw n Wsjr Wnn-nfr Nb-ḏfȝ[3]w (var. M. ḫnty Jmntt) dj.k sw m sbj n sḏt sḫm.k [4] jm.f mj sḫm[5.]k {t} m sbj nb m ȝt[6] n nšny.k

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la chapelle d’osiris qui préside aux occidentaux• 69 [1] [Ô celui qui ...] avec sa flamme (a). Viens faire trembler (b) [2] tout rempart des ennemis d’Osiris Ounnefer maître des aliments (var. M. qui préside à l’Occident). [3] Fais-en un holocauste (c) ! Aie pouvoir sur lui [4] comme tu as [5] pouvoir sur tout rebelle (d) au moment (e) [6] où tu te déchaînes (f) ! »

L’expression m hh.f « avec son souffle brûlant » est attestée dans de nombreuses épithètes divines. Voir LGG IV, 811b-c. (b) Sur mnmn décrivant l’activité de divinités agressives : « Celui qui fait trembler le sol (ktkt tȝ) et qu’on appelle “Remueur” (mnmn) » (HPBM IV, pl. XIX, T1, r° 60-61 ; trad. Vernus 1990, p. 181. Cf. LGG III, 302b). Voir aussi Traunecker 1992, p. 345-346, § 304. (c) Sur cet holocauste auquel est voué l’ennemi, voir Yoyotte 1980-1981, p. 91 et 93 [= Yoyotte 2013, p. 64 et 66]. L’expression sb n sḏt peut désigner concrètement le « mode de combustion de l’image ennemie ». Cf. Herbin 2013, p. 273. (d) Le signe n’a pas de tête sur l’original. (e) Sur ȝt avec le sens spécifique de « moment d’attaque », voir Gardiner 1948, p. 14-15 ; Ritner 1990, p. 31-32, (G) et (I). (f) La fin de la légende est traduite par Rondot 1989, p. 257, n. 10. Pour la phraséologie, cp. e.g. CT IV, 396a-b : dj.k sḫm.j m mw mj sḫm mj sḫm stš m mw m ʿwȝt wsr grḥ pw n nšn ʿȝ : « Puisses-tu faire que je maîtrise l’eau comme Seth maîtrisa l’eau quand il lésa Osiris, cette nuit de la grande fureur » (trad. Vernus 1989, p. 199). Le prototype de ce déchaînement peut être aussi Sekhmet, comme en LD III, 264d, col. 2-3 (tombe de Bakenrenef) : dd.ṯn sḫm.j m mw mj sḫm Sḫmt m sbjw. Sur le jeu de mots sḫm / Sḫmt, voir Goyon 1966, p. 53, n. (5). (a)

[1] M : [... ...]wd ʿȝw [... ...] [2] M : [... ...] n Wsjr ḫnty-Jmntyw [x+1] K : [... ...] nb [1] M : [... ...] qui met le feu (?) (a) [... ...] [2] M : [... ...] d’Osiris qui préside aux Occidentaux [x+1] K : [... ...] tous les [...] Nous suggérons de reconnaître ici le mot rare Wb I, 166, 9, « Feuersglut » ; AnLex 77.0571, « brasier ». Cf. Varille 1968, p. 71. Le terme semble proche par le sens de nbjt, nsrt, hh ou sḏt, employés régulièrement avec le verbe wdj (Wb I, 387, 3-4).

(a)

– Dieu coutillier n° 4 (à double tête d’oiseau) K = Karnak, chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou n° 57 M = Médamoud, bloc n° 6525

K: M: K: M: K: M:

– Dieu coutillier n° 3

[1] M : ḏd mdw jn j ḏ[w...] [2] M : my sḫm.k... [3] K : [Wsjr] Wnn-nfr Nb-ḏfȝw wd.k sḏt[4].k (M : sḏb.k) jm.f [5] sḫr.k sw m [6] ȝt nt nšny.k

K = Karnak, chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou n° 56 M = Médamoud, bloc n° 652827

K:

[1] Paroles à dire par (sic) : « Ô Dj[ou ?...] (a) [2] Viens prendre le pouvoir sur [...] [3] [Osiris] Ounnefer Neb djefaou, puisses-tu lancer ta flamme sur lui (b) ; puisses-tu l’abattre dans le moment de ta fureur ! »

M: K:

L’identité de ce dieu-gardien à l’apparence si originale est difficile à établir, car son nom n’est que très partiellement conservé. Si les traces correspondent bien à une lecture Ḏw[...], le nom pourrait être formé sur le nom ḏw « mal », que ce soit simplement une désignation Ḏw (voir un dieu coutillier ainsi nommé en Edfou V, 105, 1, 7° ; Rizzo 2012, p. 119) ou un composé du type Ḏw-hh, « celui à (a)

M:

27. Pour l’incertitude sur l’appartenance de ce bloc à la représentation du dieu-coutillier n° 1 ou n° 3, voir supra.

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70 • laurent coulon l’haleine mauvaise » (LGG VII, 610b). Il ne nous a pas été possible néanmoins d’identifier un tel théonyme au sein d’un collège de quatre dieux coutilliers semblable à celui de nos chapelles. Si l’on s’attache maintenant à l’iconographie du dieugardien et si l’on tient compte de la forte coloration abydénienne des chapelles d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, force est de s’interroger sur les relations possibles entre notre dieu-gardien et le dieu Hâpy à double tête d’oiseau attesté à deux reprises dans le sanctuaire d’Osiris (“inner Osiris hall”) du temple de Séthy Ier à Abydos (LGG V, 44c (E) et 46b [41] ; Cauville 2010, p. 38-39). Dans l’une des scènes, il est suivi par Maât (Abydos, éd. Calverley et al., III, pl. 11), dans l’autre par Nephthys (ibidem, pl. 14). L’aspect particulier du dieu de l’inondation a été expliqué soit par une allusion à l’activité des oiseaux au moment de la crue (el-Sawi 1983, p. 7-13), soit par un jeu graphique avec les deux canards qui, dans le système hiéroglyphique, peuvent se lire ḥpy (Youssef 1984-1985, p. 415-417). Selon J.-Cl. Goyon, « le dieu représenté avec les deux têtes d’oie (...), n’a, à peu près sûrement, rien à voir avec Ḥʿpy « Nil » étant très probablement ḥpy, génie-canope, fils d’Horus, dont les deux oies accolées ou en tête sont un emblême et une graphie courante (Wb III, 70, 6-7) » (Goyon 1990, p. 260). Les graphies du théonyme à Abydos laissent néanmoins peu de doute sur l’identification au dieu de l’inondation Hâpy. Les commentateurs ont rapproché ce Hâpy d’un dieu avec une iconographie proche attesté à Hibis, sur le mur sud de la salle K2, à forte tonalité abydénienne. Néanmoins, son nom n’est pas préservé (en dernier lieu, Cauville, loc. cit. ; cf. Cruz-Uribe 1988, p. 102-103, et n. 485). Il intervient au sein d’une scène que J. Yoyotte décrit ainsi : Sur le mur latéral sud, le roi fait offrande à Osiris-Andjty, forme busirite du dieu, que suivent quatre divinités formant une série dont la constitution, d’apparence hétéroclite, attend d’être expliquée, mais qui en tout cas, devaient avoir en commun une connexion quelconque avec la protection d’Osiris et avec sa résurrection (cf. Yoyotte 1980-1981, p. 69 = Yoyotte 2013, p. 39).

Le dieu à double tête d’oiseau est précédé par Oupouaout et suivi de [Mout]-qui-porte-son-frère et Horus maître de l’Orient (Hibis III, pl. 24). Si aucun lien assuré ne peut être établi entre les différentes divinités évoquées et le dieu-gardien de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, il reste néanmoins possible de supposer que l’apparence de ce dernier répond lui aussi à un jeu entre son nom (ḏw...) et son apparence à deux têtes d’oiseaux, puisque un oiseau ḏwt est attesté dans les Textes des Sarcophages (Wb V, 551, 8). On peut suggérer par exemple un rendu par un « duel graphique » du nisbé ḏwy « le mauvais » (cf. Gaber 2015, p. 67, n. 6). (b) Ce passage est confus dans la version de Karnak, car la fin du mot ḏfȝw a été gravée par erreur après le cobra et le

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t d’un mot qui dans la version de Médamoud est sḏb. La version correcte nous semble être celle utilisant wdj sḏt « mettre le feu » (Wb IV, 376, 1). Elle aurait subi l’attraction de l’expression wd sḏb, « causer des dommages » (Wb IV, 382, 8-12). Pour la construction avec m, cp. wdj ḏw m « infliger le mal à » (AnLex 77.1103).

Même si ce quatuor de divinités ne nous est pas connu par ailleurs, il peut être comparé à d’autres groupes de quatre dieux coutilliers bien attestés au sein des gardes rapprochées d’Osiris28. S’agissant spécifiquement de la protection du « fétiche » d’Abydos, deux collèges de quatre dieux coutilliers offrent des analogies fonctionnelles évidentes : – le collège de dieux coutilliers à tête animale composé de Qfdnw (tête de babouin), Bȝsttṯȝy / Tfnwt-Bȝstt (tête de lionne), Ḥr ḥry nst.f (tête de crocodile ou de faucon) et Jnpw / Jsds (tête de chacal), présent dans les temples de Séthy Ier et Ramsès II à Abydos, dans le temple de Ramsès III à Médinet Habou, dans le temple de Khonsou à Karnak (ép. Ramsès IV) et sur quelques autres objets d’époque tardive29 ; ce quatuor porte l’appellation collective « les quatre fils d’Osiris » sur le coffret à viscères ptolémaïque Wien A 2123, d’origine thébaine30 ; – le collège de dieux coutilliers à tête humaine composé de Sbk, Sbkt, Tm et Tmt, attesté autour du « fétiche » d’Abydos sur des sarcophages d’époque tardive, parfois associé à d’autres divinités31. Ce collège est désigné également par l’expression « les quatre akhou qui veillent sur la majesté d’Osiris » dans une formule de protection contre les animaux venimeux (variante de la “formule de Khnoum”)32 mais aussi sur les sarcophages de Ḏd-ḥr, où l’expression devient : « les quatre akhou grands et vénérables qui assurent la garde de la tête d’Osiris »33. Il semble y avoir eu 28. Voir Dendera X, 207, 3-8 et pl. 100 (Nebhat, Nebdes, Kheseferrouty, Khesefsebyou). 29. Voir l’inventaire des attestations dans Coulon 2011, p. 99101 ; ajouter les sources citées par Mekis 2012, p. 249 et n. 16. 30. Ibidem ; cf. Reiser-Haslauer et al. 1979, p. 107-108 (M 6). 31. Leitz 2011, § 19, p. 329-336 et part. p. 334, n. 23. 32. Cette formule est attestée par exemple sur les stèles Caire CG 9405, 13-14 et CG 9410, col. 10-11, Moscou, Pushkin Museum I.1.a. 4467, 11-12, ou le P. Brooklyn (Wilbour) 47.218.138, § 10, x+II, 7. Cf. Goyon 2012, p. 17 (avec détail des sources). 33. Caire CG 29305, éd. Maspero 1914, p. 207. Sur ce sarcophage, l’iconographie des quatre dieux est singulière : « quatre momies de cynocéphales, debout, la face à l’est, avec une aile recourbée qui leur sort des reins et qui leur monte jusqu’à la hauteur du sommet de la tête » (ibidem). Sur l’autre sarcophage de Ḏd-ḥr fils de Jʿḥ-ms, la désignation du collège intervient dans le texte du bandeau supérieur de hiéroglyphes qui surmonte la représentation de quatorze divinités qui s’achève par les figures de Sbk, Sbkt, Tm et Tmt : jw n.k ȝḫw fdw špsw jpw jr.sn rs ḥr tp.k : « Viennent

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la chapelle d’osiris qui préside aux occidentaux• 71

une spécialisation progressive de ces dieux-gardiens dans la protection de la relique abydénienne du dieu, d’où leur association avec le « fétiche ». En tout état de cause, même s’il faut rester prudent sur le caractère « original » de l’élaboration de cette compagnie divine, il est possible de supposer que le concepteur de la décoration des chapelles de Karnak et de Médamoud, le grand intendant de la divine adoratrice Sheshonq (A)34, a pu contribuer à sa création et concevoir notamment les invocations adressées à chacun des dieux-gardiens35.

conclusion Au vu des similitudes du programme décoratif et des particularités épigraphiques communes, la chapelle osirienne de Médamoud fait selon toute probabilité partie du même programme architectural et théologique que celle de Karnak et les deux édifices ont été vraisemblablement conçus parallèlement. Les vestiges du décor de la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou permettent d’y voir un reposoir du « fétiche abydénien » et cette fonction conviendrait aussi à l’édifice connu par les blocs de Médamoud. Le fait que ces chapelles soient consacrées à deux formes distinctes du dieu des morts, Osiris Ounnefer maître des aliments et Osiris qui préside aux Occidentaux, n’a rien pour surprendre, dans la mesure où la multiplicité des épiclèses divines est caractéristique des édifices osiriens thébains36. Ces deux formes à l’honneur dans chacune des chapelles devaient ainsi présenter deux aspects complémentaires du dieu, deux phases du cycle de renaissance37, ce jeu d’oppoà toi ces quatre akhou vénérables qui assurent la garde de ta tête » (Caire CG 29304, éd. Maspero 1914, p. 147 et 149150). Les notices de LGG I, 44c-45a (ȝḫw fdw špsw [1] et ȝḫw fdw špsw ʿȝw) sont à fusionner en fonction de cette identification. Sur ces dieux, voir aussi dernièrement FischerElfert 2015, p. 125-131. 34. Sur la culture littéraire et théologique de ce personnage reflétée par ses monuments, voir Coulon 2011, p. 105-106 (avec réf.). 35. Il est frappant que les dieux coutiliers semblent agir plus par le pouvoir de la flamme que par celui du couteau, ce qui laisserait penser à un « assemblage » de formules un peu artificiel. 36. Leclant 1965, p. 263-286. 37. De nombreux monuments font apparaître un jeu de symétrie / d’opposition entre Osiris Ounnefer et Osiris qui préside aux Occidentaux. Voir e.g., parmi de très nombreux exemples, le linteau Caire JE 32091 présentant deux scènes symétriques dans lesquelles le roi Séthy Ier offre les vases-nmst respectivement à Osiris Ounnefer et Osiris Khenty-Imentet (Brand 2000, p. 185, fig. 15 et 93) ; ou les inscriptions de la statue saïte Statue Macquarie

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sition entre deux formes osiriennes étant bien exploité par ailleurs sur les monuments thébains38. À fortiori, la complémentarité entre Osiris Ounnefer et Osiris qui préside aux Occidentaux, dans le cas particulier où ces désignations renvoient au « fétiche » abydénien, est illustrée dans les décors du temple de Ramsès Ier à Abydos, dans les scènes symétriques montrant l’offrande des rois Ramsès Ier et Séthy Ier au fétiche processionnel39. Subsiste le problème fondamental de la localisation initiale de la chapelle partiellement remployée à Médamoud. Certains arguments peuvent soutenir la thèse d’un transport de ces blocs depuis Karnak jusqu’à Médamoud après le démantèlement de la chapelle dont ils provenaient. Les talatates d’Amenhotep IV découvertes elles aussi en remploi à Médamoud ont probablement une origine thébaine40. Certains reliefs éthiopiens41 et ptolémaïques42 découverts dans le même contexte présentent tellement d’analogies avec les décors de la chapelle d’Osiris coptite à Karnak qu’il est tentant de voir dans ce monument leur origine. L’hypothèse d’un circuit processionnel du fétiche abydénien passant par les deux stations à l’époque saïte alimenterait davantage la thèse d’une localisation sur un même site de ces deux édifices. Néanmoins, au vu de la richesse théologique du sanctuaire de Médamoud, de la découverte dans ce site d’une table d’offrandes au nom de la divine adoratrice Ankhnesneferibrê, qui n’est pas forcément un remploi43, et du fait que les quatre villes de Montou, le « palladium » thébain, dont fait partie Médamoud, ont une importance dans la théologie osirienne telle qu’elle est reflétée dans la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou44, la question ne peut être considérée comme définitivement close. Il reste à espérer que la poursuite de l’exploration du site permettra de localiser plus précisément d’éventuels vestiges de bâtiments kouchito-saïtes construits in situ ou d’écarter encore davantage l’hypothèse de leur existence.

University (Sydney) MU 2668 + Caire CG 38372 (JWIS IV, p. 676-677, n° 59.61). 38. Coulon 2010, p. 6-10. 39. Winlock 1921, pl. 1-3. 40. Gabolde (M.) 1998, p. 36, n. 306. 41. Coulon 2014, p. 978, n. 13. 42. E.g. les blocs Médamoud n° 4552, 4554 ou 5399. 43. Paris, Louvre E 12989. Cf. JWIS IV, p. 735, n° 59.105. 44. Voir la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, scène n° 6 (= LD III, 273f), où sont représentés Montou « maître de puissance dans les quatre villes » et Râttaouy « maîtresse des quatre villes ».

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StatueS of SenwoSret III In the Sudan natIonal MuSeuM, KhartouM W. Vivian Davies Griffith Institute, Oxford

Among the many Egyptian sculptures contained within the rich collection of the Sudan National Museum (SNM) are three statues of King Senwosret III of the late 12th Dynasty.1 Though provenanced and known in the literature, they have received only sporadic attention – perhaps to some extent because they are incomplete – and the inscriptions which they bear have been almost entirely ignored. I offer here an account with images of these interesting statues, one from Uronarti, two from Semna,2 in honour of a colleague who, among many achievements, has made major contributions to knowledge of the Egyptian presence in Nubia. 1. Khartoum, SNM 452. From Uronarti. Hard sandstone (?). Dimensions: Ht: 1.09 m; W: 43 cm; Depth: 85 cm. (figs 1-5). Bibliography: PM VII, p. 144; Budge 1907, I, pp. 492-493; Van Siclen 1982, pp. 36-39; Polz 1990, I, p. 19, II, p. 9, no. 17; Sourouzian 1994, p. 510, no. 12; Polz 1995, p. 237, n. 65; Hinkel 2002, pp. 24-25, 00452; Seidlmayer 2000, pp. 237-238, p. 240; Vogel 2004, pp. 74-76, p. 142, pp. 251-252; Hornung and Staehlin 2006, p. 20, pp. 80-81; Valbelle 2011, p. 13, fig. 1. The statue, a hebsed type, is shown in fig. 1 as currently displayed in the Sudan National Museum, next to the Senwosret III stela from Uronarti (SNM 451), with which it was probably associated on 1. For recent overviews of this king and his reign, see Tallet 2005; Marfoisse & Andreu-Lanoë (dir.) 2014. 2. For co-operation and permission to publish the pieces, I am grateful to Abdelrahman Ali, Director-General of the National Corporation for Antiquities and Museums, Ghalia Garelnabi Abdelrahman, Director of the SNM, and Ikhlass Abdellatief, Senior Curator in the SNM. The photographs are by James Rossiter, taken in 2013 and 2014. Epigraphic recording was carried out during the same period by the present writer and Bert Verrept.

site (see below). Once no doubt shown wearing the white crown but now headless, it represents the king seated on a throne with low backrest and tall rectangular back-pillar,3 his feet placed on a rectangular pedestal incised with the symbolic Nine Bows, the pedestal now cracked right through across the left ankle and right foot (fig. 2). The king wears the short jubilee cloak, the borders, both horizontal and vertical, decorated with a three line fringe. His arms are crossed, right on left, the hands, with knuckles and thumbs indicated, shown as freed from the cloak, the left hand holding a crook with a long curved stave, the right hand a flail with curved butt, its component-parts fully detailed.4 The knees and legs are thick and heavy and modelled so as to show the underlying bone structure. The feet are large and the toes long, though they are now much eroded. Faint traces of a decorative rectangular frame with banding survive on the right side of the throne. There are inscriptions on the throne’s front, on either side of the legs, the hieroglyphs orientated inwards, and on the pedestal in front of the feet, the hieroglyphs, contained in a single long cartouche, orientated right to left. The proper right throneinscription (fig. 3) reads: “The Horus Divine of Forms, King of Upper and Lower Egypt, Khakaure, beloved of Montu, may he live for ever.” The left throne-inscription (fig. 4) reads: “The Two Ladies Divine of Births, Perfect God, Son of Re of his body, Senwosret, beloved of Ptah, may he live for ever.” The inscription within the cartouche on the pedestal (fig. 5) reads: “Perfect God, Lord of the Two Lands, 3. Probably extending originally as far up as the rear of the tip of the white crown; cf., for example, Polz 1995, pp. 239-240, fig. 2, c, right. 4. On the form of dress and appurtenances of both this statue and no. 2 below, see Sourouzian 1994, pp. 501, 504-505. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 75-85

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Figure 1 – Stela SNM 451 and statue SNM 452 of Senwosret III from Uronarti. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 2 – Statue SNM 452 of Senwosret III. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 3 – Statue SNM 452, right throne inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project] Figure 4 – Statue SNM 452, left throne inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 5 – Statue SNM 452, pedestal inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

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statues of senwosret iii in the sudan national museum, khartoum • 77

Lord of Ritual, King of Upper and Lower Egypt, Khakaure, beloved of Re-Harakht(y).” 2. Khartoum, SNM 447. From Semna. Sandstone. Height: about 123 cm; width, about 45 cm; depth, about 76 cm (figs 6-12). Bibliography: PM VII, pp. 147-8; LD Text V, p. 199; Budge 1907, I, pp. 60-61, p. 477; Delia 1990, p. 92; Polz 1990, p. 12, no. 24, pl. 85; Sourouzian 1994, p. 511, no. 13; Polz 1995, p. 237, n. 65, p. 244, n. 96; Seidlmayer 2000, pp. 237-238, p. 240, pl. 6; Hinkel 2002, p. 24, 00447; Vogel 2004, pp. 74-76; Hornung and Staehelin 2006, p. 20, pp. 80-81. The statue is currently on display within the 18th Dynasty temple of Semna, rebuilt in the garden of the SNM. Generally in poor condition and also headless, it is of the same basic type as no. 1. It shows the king, under life-size, seated on a throne with backrest and tall back-pillar,5 his feet, much damaged, placed on a rectangular pedestal incised with the Nine Bows,6 the pedestal again cracked right through across the ankles and the corners missing (fig. 6). He wears a long jubilee cloak and a broad collar arranged in eight rows,7 the bottom row consisting of dropbeads (fig. 7). The arms are crossed, right over left, the left hand holding a crook, the right a flail, mostly now gone. Traces of decoration in the form of rectangular frames with banding are visible on the sides of the throne, more prominently on the proper left side (one large frame, one small, the latter located in the rear lower corner). There are two parallel columns of inscription, placed respectively on the front of the throne and on the pedestal to the right and left of the king’s legs and feet (figs 8-11), the hieroglyphs orientated inwards. They are now very damaged and incomplete but it is highly probable from what remains in each case that they were originally identical in content, reading (fig. 12): “Perfect God, Lord of the Two Lands, Khakaure, beloved of Dedun, foremost of Ta-Sety, in8 Sekhem-Khakaure (name of Semna fortress),9 given life eternally.”

Figure 6 – Statue SNM 447 of Senwosret III from Semna. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project] Figure 7 – Statue SNM 447, detail. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

5. Cf. n. 3 above. 6. See Polz 1995, p. 247, no. 12. 7. See ibidem, p. 244, no. 6, with n. 96, fig. 6, A.1. Cf. the same type of collar, similarly rendered and very well preserved, on the contemporary statue of Queen Khenemetneferhedjet (Louvre, DAE, E 32564; Grajetzki 2014, p. 55, fig. 7); for a more detailed example, Sourouzian 1994, p. 511, no. 15, fig. 1, d. 8. The body of the m-owl is preserved in the proper right column here but not its head; in the left column, the top of the head survives but not the body. 9. See Vogel 2004, p. 62, Table 2, no. 2, and pp. 259-261; Tallet 2005, p. 56; Obsomer 2007, pp. 66, 68; Tallet 2014b, p. 146. The posthumous name in full was “fortress (mnnw) of Sekhem-Khakaure-justified;” cf., for example, Hintze and Reineke 1989, I, pp. 150, 152; II, pl. 209, no. 504, line 3, 211, no. 509, line 4; Obsomer 1995, p. 337.

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Figure 8 – Statue SNM 447, right throne inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 9 – Statue SNM 447, left throne inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 12 – Statue SNM 447, copy of inscriptions. [Drawing by W. V. Davies and B. Verrept]

Figure 10 – Statue SNM 447, right pedestal inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

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Figure 11 – Statue SNM 447, left pedestal inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

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3. Khartoum, SNM 448. From Semna. Red granite. Max. surviving height about 38 cm; max. depth, about 45 cm; max width, about 30 cm; height of pedestal, 16 cm (figs 13-18). Bibliography: PM VII, p. 150; Delia 1990, p. 92, n. 2; Polz 1990, I, p. 17, II, p. 18, no. 37; Hinkel 2002, p. 24, 00448; Hill 2004, p. 244. This much damaged piece, currently in storage in the SNM, consists of the lower section, largely the knees, lower legs and feet, of a finely modelled figure, under life-size, showing the king, wearing a shendytkilt (remnants of which survive), kneeling on a pedestal with rectangular back-pillar (figs 13-14). The upper body including the arms and head are missing.10 On the pedestal, between the king’s knees, is a circular socket (its diameter, 9 cm; its maximum surviving height, 15 cm), framed by the remains of rectangular struts modelled in the stone on either side. Very well worked with a polished finish, the socket is undoubtedly part of the original figure. It was evidently designed to receive a separate object made of a different material, most likely a wooden post or pole, which was probably to be understood as being held or supported by the king’s hands when the figure was complete. Inscribed across the front of the pedestal (fig. 15) is a long cartouche containing the titles and prenomen of the king, “Perfect God, Lord of the Two Lands, Khakaure, [beloved of …],” the dedication unclear and the end lost. The back-pillar, which tapers slightly from bottom to top, is also inscribed on all three faces. The wider rear face (fig. 16) bears the end of two

Figure 15 – Statue SNM 448, pedestal inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 13 – Statue SNM 448 of Senwosret III from Semna, right side. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 16 – Statue SNM 448, back pillar inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 14 – Statue SNM 448, right three-quarter view. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

10. Note the fragment of a red granite head of Senwosret III found at Semna (now Boston MFA 24.1764; PM VII, 150; Duham & Janssen 1960, p. 28, pl. 125, A, B; Polz 1990, p. 24, no. 51; 1995, p. 234, n. 36).

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Figure 17 – Statue SNM 448, back pillar, right side inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

Figure 18 – Statue SNM 448, back pillar, left side inscription. [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

columns, “…Khakaure, given life……beloved of [a male deity, name and epithet lost]…. that he may give all life, endurance and dominion.” The right face (fig. 17) has “…beloved of […Lady (?) of] Elephantine (Ȝbw), given life eternally,” the deity referred to in this case probably Satis.11 The left face (fig. 18) has only “… beloved of … given life eternally.”

Comment

Given its modern find-spot, at the bottom of the hill on the eastern side beneath the king’s chapel at Uronarti,12 statue no 1 (SNM 452) is almost certainly the chapel’s “missing” cult-statue, perhaps located

11. On the epithet nbt Ȝbw as attached to Satis, see Valbelle 1981, p. 93. 12. Budge 1907, I, pp. 492-493. In describing the discovery of the statue, Budge mentions the presence also of a “statue of Osiris, of about the same height,” of which there is otherwise no record (PM VII, 144; Van Siclen 1982, pp. 38, 55, n. 34). This may be a case of mistaken double-counting on Budge’s part.

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originally within a niche in its west wall.13 It probably served as the model or inspiration for the figures of the deified king included in scenes in the renewed 18th Dynasty chapel.14 The gods invoked on the statue might be taken to reflect its purpose: Re-Harakhty and Ptah, solar and creator deities appropriate to the hebsed,15 and Montu, the warrior-god par excellence, much favoured by the imperious Senwosret III.16 The existence of a special cult to “Montu lord of Khesefiuntyu (Uronarti),” probably situated within the chapel, is attested to in a later Uronarti source.17 13. Van Siclen 1982, pp. 15, 35, 39; Seidlmayer 2000, p. 240; Vogel 2004, pp. 142, 252, no. 7; Idem 2009, p. 180, no. 6; Idem 2010, pp. 32-33; Idem 2011, pp. 329-330, fig. 8, p. 334, fig. 10. 14. Van Siclen 1982, pp. 27-32, figs. 12-13; Ullmann 2009, p. 248; Karlshausen 2009, pp. 61-62, 323, no. 14. 15. Hornung & Staehelin 2006, pp. 47-48. 16. See Tallet 2005, pp. 91-95; Idem 2014a, p. 22, fig. 1, p. 27; Postel 2014, pp. 119-120, 123, fig. 13; Andreu-Lanoë 2014, pp. 128, 130-131. 17. The source is an inscribed figure of Amenhotep II’s viceroy, Usersatet, which was found in the chapel

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The inscriptions on no. 2 (SNM 447), a hebsed figure of slightly variant type with a long cloak,18 are also informative. They confirm that the statue was dedicated by Senwosret III to the god Dedun in the fortress of Semna, no doubt set up in a chapel or temple to the god built by the king, which like the Uronarti chapel was renewed during the 18th Dynasty.19 The statue was found lying within the 18th Dynasty sanctuary,20 the walls of which are decorated with scenes showing the worship of Dedun and, as at Uronarti, the deified Senwosret III. Two of the scenes actually depict a statue of the king in jubilee form, seated within a shrine on a sacred barque.21 The unusual kneeling statue, no. 3 (SNM 448), incorporating a socket for a separate component (long disappeared), would also have been placed within the original temple at Semna. An immediate clue as to its function is probably to be found in the afore-mentioned scenes in the 18th Dynasty temple, where small figures of a king are shown kneeling and holding the corner-poles of a portable kiosk containing the god’s shrine.22 Our statue might well have been such a figure, though on a bigger scale (too heavy to be easily portable), perhaps one of several, acting as a support, practical and ritual, for a sedentary structure covering a shrine containing a large cult-statue of a deity (possibly Dedun). One of the inscriptions on the statue almost certainly once included the name of a cataract goddess, probably Satis, part of whose epithet survives. It is likely that the deities’ names now lost from the other inscriptions were those of Dedun, Khnum and possibly Anket. Previously assumed to be the remnants of a statue holding nu-pots,23 no. 3 represents a type new to the three-dimensional stone repertoire and provides a small but intriguing insight into the nature of the temple’s ritual furniture.24 (Khartoum, SNM 32; PM VII, 143; Budge 1907, I, pp. 488, 491-492; Dewachter 1974, pp. 54-55, 58; Van Siclen 1982, pp. 37-38; Vogel 2004, p. 253, n. 5); Davies, forthcoming. 18. Cf. Hornung & Staehelin 2006, p. 80. 19. Caminos 1998, p. 14, n. 7; Vogel 2004, p. 260, no. 7. 20. PM VII, p. 147; Budge 1907, pp. 60-61, 21. Caminos 1998, pl. 50, 57, 58; Hornung & Staehelin 2006, p. 80; Karlshausen 2009, pp. 60-62, 322-323, no. 13; Vogel 2010, pp. 38-39. 22. Cf. Caminos 1998, pp. 101, 108, pl. 51-52, 55-56. On the representation and meaning of such figures, see now Hill 2004, pp. 126-127, 134-135, 245-246; Karlshausen 2009, pp. 35, 60, 196-197. 23. Polz 1990, I, p. 18. 24. Note also in this context the fine red granite offering table of Senwosret III now in Dublin, National Museum of Ireland (NMI 1899.308; Murray 1910, 9; Van der Plas 2000; Hölzl 2002, pp. 106, 188, pl. 17), with dedication to, “Khnum, lord of the Cataract Area,” “Dedun, foremost of Nubia” and

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As is well known, the two boundary stelae of Year 16 of Senwosret III, from Semna and Uronarti respectively,25 each refer to a twt n ḥm.ỉ, “statue/ image of my Person,” caused to be established on site by the king at the same time as the stela, “in order that you be firm for it, in order that you fight for it” (Semna stela lines 18-19; Uronarti stela, lines 18-19, incomplete; for the latter (SNM 451), see fig. 1 (left); figs 19-20). It is very possible that our statues, 1 and 2, correspond to the two twt in question, a correlation consistent with the modern find-spots of the two stelae and statues respectively, their proximity to each other and their likely original settings.26 The hebsed form of the statues, representing the cyclical renewal of the king,27 would be appropriate to the context, namely a contested boundary, both real and cosmic.28 Beyond their immediate purpose, cult-statues of such significance would surely also have played a role in promoting the wider cult of the king as well as his posthumous deification, a phenomenon substantially rooted in his military achievements in Nubia.29 The above account is hardly the last word on these statues and their original context. Particularly pertinent in the case of no. 1 is the recent “Satis, mistress of Elephantine,” said to have come from Lower Nubia “from an island in the Second Cataract area.” Cf. Van der Plas 2000. 25. For the Semna stela (Berlin, ÄM 1157), see (selectively) PM VII, p. 151; Obsomer 1989, pp. 65-67, 181-182, fig. 24, pl. II; Seidlmayer 2000, pp. 233-237; Vogel 2004, pp. 73-77; Tallet 2005, pp. 44-48, fig. 5; Obsomer 2007, pp. 70-72, fig. 12; Vogel 2010, pp. 12-15; Idem 2011, pp. 327-328, 332-334, fig. 6; Mathieu 2014, pp. 86-87, fig. 1; Tallet 2014b, pp. 145-146. For the Uronarti stela (Khartoum, SNM 451), see PM VII, p. 143; Janssen 1953; Dunham 1967, pp. 32-33; Obsomer 1989, pp. 65-67, 183, fig. 25; Hinkel 2002, p. 24, 00451; Vogel 2004, pp. 73-77; Tallet 2005, pp. 44-45, 56; Vogel 2010, pp. 31-33; Idem 2011, pp. 329-331, figs. 7, 9. On the Senwosret III Nubian campaigns, note the observations of Valbelle 2014, p. 106-107. 26. Argued persuasively by Seidlmayer 2000; cf. Van Siclen 1982, p. 25; Polz 1990, I, pp. 17-18; Vogel 2004, pp. 73-77; Tallet 2005, p. 48; Hornung & Staehlin 2006, pp. 80-81; Vogel 2011, pp. 327-335. Note that the back of the Uronarti stela (to which a modern support has been fitted) is rough and relatively unworked (pers. observation), suggesting that it was not intended to be free-standing but rather to be emplaced, originally perhaps in one of the walls of the chapel-terrace; cf. now Vogel 2011, pp. 331-332, fig. 9, p. 334, fig. 10. For the back of the Semna stela, substantially modified in modern times, see Seidlmayer 2000, p. 235; cf. Vogel 2011, p. 331, n. 31. 27. Hornung & Staehlin 2006, p. 81: “…der König durch seine Statuen an der so weit von Ägypten entfernten Grenze wirksame Präzenz markieren wollte und durch die Sedfest-Tracht seinem Bild fortgesetzte Erneuerung und damit eine unbeschränkte Dauer zu garantieren meinte.” 28. Cf. Vogel 2011, pp. 331-332. 29. Cf. Tallet 2005, pp. 48, 52, 73-75, p. 188; Idem 2014b, p. 146; El-Enany 2004; Idem 2014.

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Figure 19 – Stela SNM 451 from Uronarti [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project] Figure 20 – Detail, lines 17-19 [Photography © J. Rossiter / SNM Sculpture project]

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statues of senwosret iii in the sudan national museum, khartoum • 83

discovery that the site of Uronarti (together with that of Shalfak) is not, as was widely assumed, “a casualty of the Aswan Dam… now covered by the waters of the Nile,”30 but survives, well above the height of the reservoir, in a state of preservation more or less as it was in the 1960s.31 Gratifyingly, Uronarti is currently the subject of a new research

30. Van Siclen 1982, p. 11; cf. Seidlmayer 2000, p. 242. 31. Welsby 2004; cf. Vogel 2009, p. 166, n. 3; Idem 2010, pp. 32, 60.

project.32 The site’s survival offers, among other priorities, an opportunity to address inadequacies in the earlier work and published record, including in due course, it might be suggested, those relating to the chapel of Senwosret III, remains of which are still present and in situ.33

32. Organised jointly by the University of Vienna, Austria, and Brown University, USA; see Knoblauch and Bestock 2013 and 2014. 33. See Welsby 2004, colour plate LIII. I was able to view the remains during a visit to Uronarti in 2011.

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Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais Catherine Defernez, Séverine Marchi et Giorgio nogara1 CNRS/UMR 8167-Équipe « Mondes pharaoniques » UMR8164-HALMA « Histoire Archéologie Littérature des Mondes Anciens »

C’est sur « les chemins d’Horus2 » que nos routes ont croisé celle de Dominique. Cet étonnant chemin semble bien avoir fait un crochet (certainement planifié par les dieux) par la maison de Balousa ; c’est à l’ombre de sa terrasse ombragée, témoin d’innombrables discussions – pas toujours sérieuses – que notre amitié est née et a pu se développer, avec la longue et grande aventure qu’a été la fouille de Tell el-Herr. Le dernier chapitre de cette histoire, nous en sommes sûrs, n’a pas encore été écrit. Les travaux archéologiques conduits ces dernières années sur le site de Tell el-Herr ont mis en évidence, pour la phase d’occupation correspondant à la fin du ve et au premier quart du ive siècle avant J.-C., l’existence de bâtiments à fonction particulière tels que des sanctuaires et des maisons tours. L’édifice le plus prestigieux de la citadelle est certainement le complexe palatial construit à la fin du ve siècle avant J.-C3. Les maisons occupées par les militaires de la garnison étaient, cela va de soi, bien plus modestes. Elles n’en demeurent pour autant pas moins intéressantes, car leur analyse permet d’aborder les caractéristiques de l’architecture domestique en contexte fortifié. L’étude des assemblages céramiques et du mobilier découverts en place donne l’occasion d’évoquer certains aspects, très concrets, de la vie quotidienne des occupants du site. Le contraste entre le palais et les quartiers d’habitation environnants a motivé notre choix de présenter un ensemble de deux petites habitations (fig. 1 ;  pl. IV), les unités 59 et 60, situées dans l’ombre d’un édifice majeur, destiné à marquer la puissance du pouvoir en place. 1. Les auteurs sont membres de la Mission archéologique franco-égyptienne de Tell el-Herr (Nord-Sinaï, Égypte). 2. Valbelle 2010. 3. Defernez, Nogara & Valbelle 2017.

L’organisation des espaces Les maisons 59 et 60 sont des constructions mitoyennes présentant une organisation semblable, caractérisée par deux pièces de plan rectangulaire bâties en enfilade (fig. 2 ;  pl. V.1). Elles ont été édifiées en deux temps – en commençant par l’unité 60 – dans un espace ouvert (P8) délimité à l’ouest par la façade arrière des magasins orientaux du palais, au sud par le mur septentrional des unités 53, 54 et 55 et au nord par un bâtiment (unité 99) dont n’a été dégagé que le mur sud. Une impasse, R14, sera aménagée entre ce bâtiment et les maisons 59 et 60. L’ensemble constitue la dernière adjonction à un quartier de communs édifié immédiatement après l’achèvement du chantier de construction du palais. On remarque qu’un espace d’une quarantaine de centimètres en moyenne a été maintenu entre le mur ouest de la maison 60 et le mur est des magasins du palais. De façon tout à fait inhabituelle pour des édifices contigus4, les bâtisseurs ont été contraints de séparer les maçonneries de leurs logements de celles du complexe palatial. Cela indique une gestion spécifique de la mitoyenneté dont l’origine est certainement à trouver dans l’évidente différence hiérarchique existant entre les deux bâtiments. Les murs porteurs des deux unités s’adossent au sud contre le mur nord des ensembles 53-54-55, sans que les maçonneries ne soient pour autant liées. L’extrémité sud du mur de la maison 60 rejoint le mur de l’habitation 53 à l’endroit où celui-ci s’appuie contre l’angle sud-est des magasins, sans toucher ces derniers. L’option de construire une maçonnerie 4. Dans les îlots d’habitation, les murs des constructions les plus récentes sont toujours en contact avec les murs des édifices préexistants ; ceci, indépendamment de la technique de construction retenue pour assurer la jonction entre les maçonneries. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur DominiqueValbelle – p. 87-99

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Figure 1 – Plan de situation des unités 59 et 60 dans l’angle nord-ouest de la forteresse. [Dessin © Mission franco-égyptienne de Tell el-Herr]

non perpendiculaire au mur de fond peut s’expliquer par la nécessité de gagner un peu de surface utile pour la pièce arrière de la maison. Exception faite du mur nord de l’unité 60, large de 0,80 m, les éléments porteurs de ces deux constructions sont peu épais (entre 35 et 40 cm) et, tous, édifiés en briques cylindriques grises

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pour les fondations et en briques rectangulaires de même couleur pour les élévations. L’architecture respecte peu l’urbanisme préexistant ; les murs orientés nord-sud suivent l’axe donné par la maçonnerie occidentale de la maison 60. Ils sont ainsi légèrement de biais par rapport à celui sur lequel ils s’appuient.

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Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais • 89

Figure 2 – Plan de détail des unités avec le mobilier trouvé in situ. [dessin © Mission franco-égyptienne de Tell el-Herr]

La construction 60 est accessible depuis l’impasse R14. Elle comprend deux espaces distincts séparés par une cloison peu épaisse de 0,35 m. La porte d’entrée se situe à l’extrémité orientale du mur de façade nord. Elle est large de 1 m et dotée d’un seuil constitué d’une marche en limon renforcée par une pièce de bois dont il ne reste que le négatif. L’empreinte d’une crapaudine a été observée contre le mur oriental, à l’intérieur de la pièce. Un marchepied d’entrée construit en briques crues dans la rue marquait clairement la porte. Le sol de la pièce d’entrée (A) est en limon induré (fi g. 3), rechapé à plusieurs reprises, tout comme celui de la pièce du fond (B). Les parois conservées sur environ 0,50 m de hauteur étaient enduites de limon. La salle principale dispose d’une installation destinée au broyage des céréales parfaitement conservée (pl. V.2). L’aménagement, accolé au mur oriental, est haut d’environ 0,20 m. Sa partie sommitale présente une dépression centrale correspondant à l’emplacement d’une meule dormante qui a été abandonnée sur le sol à proximité. De chaque côté de la meule, une cuvette ovale, recouverte d’un enduit de couleur rouge, pouvait recevoir le matériel issu du broyage. Le dispositif est précédé d’une fosse peu profonde en forme de croissant entourée d’un bourrelet de limon, également enduite de rouge, et elle aussi destinée à la collecte du matériel broyé. L’application d’un badigeon rouge à la surface des installations de broyage et sur le mur d’appui des

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dispositifs est caractéristique du site de Tell el-Herr5 ; sur la vingtaine d’aménagements reconnus pour les différentes phases d’occupation de la forteresse, dix-sept zones de broyage ont livré les traces d’un apprêt coloré. Une porte de 0,65 m de large pourvue d’un vantail est percée dans le mur de refend ; l’empreinte de la crapaudine révèle que celle-ci était scellée au pied du montant ouest. Elle donne accès à l’espace arrière dont le sol en limon présente les mêmes stries blanchâtres que celles observées dans la pièce d’entrée. Les maçonneries de ce local ont été presque complètement arasées par la fondation du tronçon nord du rempart du camp romain6, mais une partie du mobilier archéologique a été retrouvée en place sur le sol, scellée par le niveau de démolition. L’entrée de l’ensemble 59 se situe à l’extrémité orientale du mur de façade nord. La porte, large de 0,85 m, dispose d’un seuil en briques crues et d’une crapaudine en calcaire prise dans le sol de la pièce. Les restes d’une marche extérieure sont visibles dans la ruelle. Les deux espaces communiquent grâce à une porte de 0,70 m de large qui ne conserve aucune trace d’huisseries. Ce passage est ouvert à l’extrémité occidentale du mur de refend. 5. Voir Marchi 2014, p. 61-63 et fig. 49, p. 39. 6. Valbelle & Carrez-Maratray 2000, p. 84.

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Figure 3 – Vue de la pièce 60A, vers l’est. [Photographie © Mission francoégyptienne de Tell el-Herr]

La pièce d’entrée (A) n’a livré aucune installation domestique fixe alors que l’angle sud-ouest de l’espace arrière (B) abritait un foyer en quart de cercle délimité par un muret de protection en briques crues haut d’une dizaine de centimètres. L’absence d’éléments de faune ou d’autres déchets de cuisine parmi les rejets charbonneux nous indique que ce foyer était utilisé d’avantage pour le chauffage que pour la cuisson d’aliments.

Figure 4 – Vue de l’impasse R14, vers l’est. [Photographie © Mission franco-égyptienne de Tell el-Herr]

Le fond de l’impasse R14 est occupé par une installation de cuisson comprenant un foyer et un four à pain en céramique (tannour), pris dans un massif de briques crues (fig. 4). Le sommet de ce massif constituait un plan de travail sur lequel a été abandonnée une amphore de Chios (cf. infra). Cet agencement est le dernier d’une série de quatre installations de cuisson superposées, toutes constituées d’un four à pain et d’au moins un foyer. Il faut donc comprendre, en l’absence de foyers « privés » dans les unités 59 et 60, que l’installation de cuisine mise au jour dans l’impasse était utilisée de façon communautaire par les habitants des deux unités. Les quatre réfections de l’agencement, survenues dans un laps de temps assez court, font elles aussi état d’une utilisation intense des fours.

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observations préLiminaires

des assembLages céramiques des unités 59 et 60

Comme il a été précisé en préambule, l’étude des unités d’habitations 59 et 607 s’inscrit en contrepoint de celle du vaste complexe palatial contemporain (fin du ve siècle avant J.-C.)8, situé à proximité, dans la partie occidentale du site. Cette analyse, dont le caractère préliminaire est à souligner, met en évidence un contraste notable du matériel extrait de ces bâtiments, tant en ce qui concerne la qualité que la fonction des vases. Si le vaisselier d’apparat, de service et les emballages des crus les plus renommés de la Méditerranée classique sont attestés en grande quantité dans l’un des édifices les plus imposants du tell9, le vaisselier courant d’usage domestique est, de toute évidence, plus largement représenté dans le cadre contextuel décrit. Ce constat s’impose, certes, à l’issue de l’examen des assemblages collectés dans les unités attenantes au palais, 59 et 60, mais paraît aussi assuré à l’examen des nombreux lots extraits de l’ensemble des habitats dégagés dans la partie occidentale du site. Comparativement au matériel du palais, l’indice de fragmentation et de préservation des vases mis au jour dans les îlots d’habitations est relativement faible. Parmi les unités considérées, c’est principalement dans l’ensemble 60 que les vaisselles à caractère domestique prédominent. Elles forment en effet un total de 7 NMI10 (NTT : 104 ; total NMI : 16) dans la pièce 60A et 9 NMI (NTT : 112 ; total NMI : 14) dans la salle arrière 60B. Outre des aménagements voués au broyage des céréales, d’autres types d’installations de taille plus modeste mais toutefois imposante ont été mis au jour. Ainsi, dans la pièce 60B, les fragments d’une large bassine de forme ovale, à fond plat, gisaient sur le sol primitif. Caractérisée par une vasque profonde à la paroi épaisse, évasée, et une ouverture délimitée par une lèvre en bandeau, massive, cette bassine (fig. 5.1), en pâte alluviale très grossière L1 (Vienna System Nile C)11, devait occuper une place notable 7. Il est à préciser que dans les études préliminaires du matériel céramique (notamment Defernez 2007, p. 547-620), les pièces 59A, 59B, 60A et 60B apparaissent sous les numérotations suivantes : N11, N21, N9 et N15. 8. Defernez, Nogara & Valbelle 2017. 9. Ibidem, chap. VII. 10. NMI : nombre minimum d’individus. NTT : nombre total de tessons. 11. Une classification récente des fabriques de Tell el-Herr a été proposée dans Defernez, Nogara & Valbelle 2017. On se référera en outre à Defernez 2003, p. 26-45 ; Eadem 2007, p. 549-553. Pour ce qui concerne les références au système de Vienne, voir Nordstöm & Bourriau 1993,

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dans la salle arrière de l’habitat considéré. Les résidus d’un épais dépôt blanchâtre sur la paroi externe, sans doute les traces d’un revêtement à la chaux, laissent supposer que cette céramique était sans doute initialement vouée à une fonction précise (qui demeure à ce jour à déterminer), à une quelconque préparation artisanale, que l’on doit mettre en corrélation avec le reste du matériel trouvé associé12. Outre une jarre-faisselle à la panse épaisse percée de multiples trous, les vaisselles de dimensions plus modestes mais de facture tout aussi grossière, en pâte alluviale L1 (Nile C), qui abondaient encore sur le sol de la pièce 60B, sous forme fragmentaire, se composaient de deux larges plateaux-dokkas (fig. 5.2) à la panse profonde et évasée, d’une plaque à pain de forme circulaire (avec traces de combustion sur l’une des parois)13 et d’un haut support conique surmonté d’un large plateau (diam. ouv. > 35 cm) à la lèvre plate, profilée en S, et à la paroi interne marquée de stries profondes14 ; la fonction précise de ce récipient reste méconnue mais, ainsi que semblent le démontrer les nombreuses traces de feu observées sur la paroi externe, une utilisation de cette céramique comme brasero peut être proposée. Quelle qu’ait été sa vocation initiale, ce haut support, encore partiellement revêtu d’un épais engobe rouge poli, devait occuper une place privilégiée au sein de la pièce (sans doute sa partie centrale). À côté de ces vaisselles de facture grossière (à caractère domestique et artisanal), les assemblages issus de l’occupation de 60B ont révélé la présence de vaisselles fines, telle qu’une coupelle à la lèvre éversée et base annulaire (en pâte alluviale L2 et engobe rouge poli [proche de l’exemplaire de la fig. 5.5]), et de productions exogènes. Sans doute utilisées secondairement pour le stockage de denrées solides ou semi-liquides, trois amphores biconiques d’origine phénicienne quasi-complètes (à la lèvre plate ou convexe) ont été retrouvées écrasées sur le

p. 173-174, pl. II. Comme il a déjà été précisé, les fabriques L2 et L4 attestées à Tell el-Herr s’apparentent à la Nile C Variant 2 dans la classification des pâtes établie à Éléphantine (Aston 1999, p. 3), aux groupes J1 et J2 dans les corpus mis en place à Saqqara (en dernier lieu, Aston & Aston 2010, p. 3-4). 12. Pour comparaison avec des exemplaires complets, voir Marchi 2014, p. 58-63, fig. 87, p. 77, fig. 112, p. 173, fig. 197, p. 182, fig. 204. Ce type de bassine a été récemment évoqué dans Defernez, Nogara & Valbelle 2017 (chap. VII). 13. Pour comparaison, voir Defernez 2003, pl. IV : type 13. 14. Formant les types 173a-b, 176 et 177 dans la classification initiale (ibidem, p. 288-293, pl. LXI, LXIII), ces récipients ont longtemps été interprétés à tort comme des coupes ou mortiers et de simples supports de vases.

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sol (cf. fig. 3)15 ; la base d’une amphore importée de Chios a également été recueillie (fig. 6.3, col)16. À l’examen préliminaire des ensembles céramiques homogènes extraits de l’occupation primitive de la pièce attenante 60A (cf. fig. 3), les éléments les plus significatifs et imposants appartiennent au répertoire de la céramique d’usage domestique, modelée ou façonnée au tour dans une pâte alluviale grossière L1 ou L2. Ont été recensés les fragments d’une bassine ovale de forme comparable à celle trouvée dans 60B (fig. 5.1), deux bords de plaques à pain rondes, plusieurs panses et bords digités appartenant à un petit four à pain, une jarre de cuisson à la panse sphérique et un haut support conique de brasero, à la base arrondie percée d’un trou d’écoulement ; comme leurs pendants identifiés dans la salle voisine 60B, un engobe rouge poli couvrait systématiquement la surface des récipients. À ces éléments s’ajoute une gamme de formes plus communes, en pâte alluviale de texture plus fine, L2 ou L4, composée d’un bol-jatte à la vasque profonde, hémisphérique, connu sous l’appellation de goldfish bowl17, d’une coupelle à lèvre éversée et base annulaire (cf. fig. 5.5), d’une coupelle-lampe et d’une assiette ou coupe à la lèvre profilée en S. Contrairement à la pièce voisine, les productions exogènes sont rares et principalement représentées par des bases : une haute base annulaire d’une cuvette ou mortier d’origine chypriote18 (fig. 6.4) et la partie inférieure d’une amphore du nord de l’Égée, aisément reconnaissable à sa forme « pithoïde » et son talon court, mis en valeur par deux filets peints en rouge (cf. fig. 3). Que ce soit dans l’une ou l’autre salle de l’unité 60, les productions calcaires font quasiment défaut, de même que les céramiques fines de la Grèce attique ou de la Grèce de l’Est, qui fournissent habituellement les principaux repères chronologiques. En l’absence de ces indices, la documentation dont nous disposons, conjuguée aux données comparatives, autorise, cependant, une datation des lots étudiés au sein de la phase VA de Tell el-Herr19, laquelle couvre, rappelons-le, les toutes dernières décennies du ve siècle et le premier quart 15. Pour comparaison, voir Defernez 2003, p. 378-380, pl. LXXXV : types 244a-b. 16. Le modèle décrit correspond au type 231 dans la classification initiale (ibidem, pl. LXXIX ; Eadem 2007, p. 558-559, 589-590, 611, fig. 3 : 9-11). 17. Sur ce point, se référer à Aston 2011, p. 45-79 ; Defernez, Nogara & Valbelle 2017. 18. Ce type de récipient est fréquent dans les contextes de Tell el-Herr (Defernez 2003, p. 402-411, pl. XCI-XCII). 19. Eadem 2007, p. 548, 585-587.

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du ive siècle avant J.-C. ; les céramiques communes possèdent des contreparties sur des sites majeurs contemporains et les rares importations attestées connaissent des pendants en Grèce et en mer Noire dans des contextes datés dans les mêmes fourchettes chronologiques20, datation que ne semblent pas contredire les données céramiques issues de l’habitat mitoyen 59. Au terme de l’analyse préliminaire des trouvailles céramiques plus nombreuses faites dans l’unité 59 (NMI : 25 dans 59A et 22 dans 59B), c’est le répertoire de la phase VA qui est en effet largement illustré21. Sont certes attestés plusieurs aménagements domestiques mais aussi un éventail de formes plus large et varié22. Ainsi, parmi l’assemblage important extrait des niveaux d’occupation de la salle principale 59A (fig. 7), ont été identifiées dans la catégorie des productions alluviales (fabriques L2 et L4), à côté des formes d’usage courant destinées à la préparation et à la cuisson des aliments (jarres et pots sphériques de cuisson ; jattes [proche fig. 5.3] ; support), des vaisselles de table et de service, dont quelques formes atypiques possédant des attestations parmi le matériel tardif de la nécropole du Nouvel Empire de Saqqara (caches d’embaumeurs et comblement de puits de tombes)23. En pâte alluviale L2 ou L4 à engobe rouge mat ou poli, mentionnons une torche à la panse conique, deux grands plats à carène basse et fond aplati (fig. 5.4)24, une coupe à la vasque profonde et carène haute, deux coupelles à la lèvre éversée et base annulaire (fig. 5.5), une coupelle-lampe et un pichet ovoïde à base arrondie, légèrement asymétrique (fig. 5.6) ; en pâte calcaire C1 ou C2, signalons un cruchon à la panse globulaire et parois fines 20. La plupart des catégories de vases mentionnées ici ont été récemment largement évoquées dans le cadre de la publication du matériel du palais (Defernez, Nogara & Valbelle 2017). On se référera en outre à Defernez 2003 ; Eadem 2007, p. 547-620. 21. Se référer à Defernez 2003, pl. LX-LXXX. 22. Plusieurs formes significatives de cette séquence et bien préservées de l’érosion sont représentées. 23. Se référer en dernier lieu à Aston & Aston 2010, p. 208, pl. 2 : 26, 29, 35-36 (parallèles pour plats, coupes à carène haute et torches), p. 218, pl. 12 : 81 (coupelle convexe), p. 224, pl. 18 : 143, 145 (cruchons), p. 226-227, pl. 20 : 164165, 168-171, pl. 21 (plats, torches), p. 237, pl. 31 : 274-275 (plats). Voir également Aston 2011, p. 263, fig. VI.38 : 17 (cruche), p. 264, fig. VI.39 : 3, 6 (coupe à carène et plat), p. 278, fig. VI.48 : 324-326 (plats et coupelles), p. 280, fig. VI.49 : 335, 339 (plat, coupe à carène), p. 287, fig. VI.53 (torches), p. 293 (426), 294, fig. VI.58 : 426-430 (cruches) ; en outre, French & Ghaly 1991, p. 93-124 (fig. 10-11, 14, 35, 37, 71-72, 112-113). Pour une liste de références plus exhaustive, se référer à Defernez, Nogara & Valbelle 2017. 24. Des plats de forme analogue ont également été découverts sur le site d’Éléphantine (Aston 1999, p. 217, pl. 66 : 1918-1919, p. 225, pl. 69 : 1980 - 550-400 avant J.-C.).

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Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais • 93 Diam. ouv. indéterminé

1. TEH P98/363 (secteur nord-60B) Diam. ouv. indéterminé

2. TEH P98/364 (secteur nord-60B) 0

5 cm

4. TEH P98/366 (secteur nord-59A)

3. TEH P98/353 (secteur nord-59A)

5. TEH P98/352 (secteur nord-59A)

7. TEH P98/447 (secteur nord-59A)

6. TEH P98/434 (secteur nord-59A)

8. TEH P98/449 (secteur nord-59A) 0

5 cm

Figure 5 – Céramiques issues des unités 59A et 60B. [Dessins © S. Boulet, N. Favry & C. Defernez]

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1a. TEH P98/542 (secteur nord-59B)

1b. TEH P98/542 (secteur nord-59B)

2. TEH P98/403 (secteur nord-59B) 3. TEH P98/415 (secteur nord-R14)

4. TEH P98/342 (secteur nord-59A)

5. TEH P98/348 (secteur nord-59B)

0

5 cm

Figure 6 – Céramiques issues de l’unité 59 et de l’impasse R14. [Dessins © S. Boulet, N. Favry & C. Defernez]

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Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais • 95

Figure 7 – Vue de la pièce 59A, vers l’est. [Photographie © Mission francoégyptienne de Tell el-Herr]

(fig. 5.7), une coupelle convexe à anneau de base (fig. 5.8) et un col d’amphore de table. Sur le plan typologique (et chronologique), un même constat paraît évident à l’issue de l’étude du matériel découvert sur le sol de la pièce attenante, 59B. Outre les fragments d’une bassine ovale, d’un petit four domestique (à évent), de deux jarres de cuisson et d’un haut support de brasero (avec traces de feu et dépôts de couleur blanchâtre), un éventail formel peu commun et attrayant, connaissant peu d’occurrences parmi la documentation existante, a été mis au jour. Ainsi, parmi les productions alluviales à engobe rouge poli (fabriques L2 et L4), ont été recensés une bouteille cylindrique à haut col mouluré et à la paroi entièrement engobée rouge (fig. 6.1a-1b), ainsi que deux bols hémisphériques, mis en valeur à la base de la lèvre par une série de cannelures. Dans la catégorie des productions fines calcaires (fabriques C1 et C2)25, il est à mentionner la présence d’une coupelle à lèvre à marli et base annulaire, soigneusement revêtue d’un épais engobe 25. Pour une description précise de ces fabriques, se référer à Defernez 2009, p. 178.

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blanc rosé, d’un cruchon (fig. 6.2) et d’un pichet, de forme sphérique, en pâte sableuse, verdâtre pour l’un et orangée pour l’autre, et d’un vase à l’effigie de Bès26. Réalisée dans une pâte très épurée (fabrique C1, blanche à rosée) et de facture soignée, cette céramique de forme atypique (panse sphérique, épaule courte et carénée, base annulaire et col en bandeau) reproduit une version assez élaborée du visage du dieu Bès, alliant des éléments pastillés et des éléments incisés ; les yeux, le nez, les moustaches et les bras sont représentés. Avec ou sans décor, ce type de récipient connaît plusieurs attestations dans la région de Saqqara-Memphis27 et, surtout, sur le site immergé de Thônis-Héracléion, où un vase en bronze de forme comparable a été découvert28. 26. Ce vase Bès a déjà fait l’objet d’une étude exhaustive (ibidem, p. 164-165, 192, fig. 14 : type F). Rappelons que la pièce 59B fut anciennement numérotée N21. 27. French & Ghaly 1991, p. 120-121, fig. 96-97 ; Aston & Aston 2010, p. 222, pl. 16 : type 116, p. 223, pl. 17 : type 128 ; Aston 2011, p. 262, fig. VI.38 : 5b. 28. Voir notamment Grataloup 2012, p. 188, fig. 3, p. 190, fig. 5 et p. 194, fig. 9 : 1-2 (vase en bronze avec visage et bras de Bès).

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Contrairement à l’unité 60, les assemblages collectés dans 59 offrent quelques jalons chronologiques fournis par la documentation attique : un bord de coupe vernissé noir et un lécythe aryballisque figurant une tête féminine coiffée d’un sakkos29, provenant respectivement des pièces 59A et 59B. Assigné au peintre d’Al Mina, ce lécythe trouve de bons parallèles datés de la fin du ve et du début du ive siècle avant J.-C., dans les centres de consommation majeurs du bassin méditerranéen oriental de la fin de l’époque classique30. Outre les fragments de six amphores de Chios (fig. 4 et 6.3)31, la base d’un autre lécythe aryballisque a été mise au jour dans l’impasse R14 ; le décor y figure une queue de panthère32. Les catégories amphoriques sont également représentées mais sous forme fragmentaire. Ont notamment été identifiés les bords de trois amphores phéniciennes, la base d’une amphore de Péparéthos33, deux cuvettes ou mortiers de provenance chypriote (fig. 6.4), plus connus sous l’appellation de Persian bowls34, et le col d’une amphore de table d’origine nord-égéenne (fig. 6.5). Tout comme la céramique attique, les occurrences connues plaident en faveur d’une datation de ces conteneurs et autres récipients vers la fin du ve/ début du ive siècle avant J.-C., ce que semblent conforter les indices chronologiques issus des niveaux de destruction et d’abandon de ces habitats. Les ultimes niveaux d’occupation marquent l’abandon de ces maisons dans le courant du ive siècle avant J.-C., soit pendant la phase IV de Tell el-Herr (2e/3e quarts du ive siècle), comme nous le verrons ultérieurement35.

Le mobiLier Aux assemblages céramiques déjà présentés doivent être associés quelques objets de la vie quotidienne. Ainsi, dans la maison 60, un encensoir cubique à quatre pieds en calcaire36, un outil en os que nous qualifierons de lissoir et quelques poids perforés en terre crue, ont été mis au jour dans la pièce d’entrée.

29. Lécythe décrit et publié dans Defernez 2007, p. 555-557, 588, 610, fig. 2 : 6. 30. Ibidem, p. 555-557, 588. Pour d’autres références, voir en dernier lieu Defernez, Nogara & Valbelle 2017. 31. Se référer à Defernez 2007, p. 558-559, 589-590, 611, fig. 9-11. 32. Forme décrite et publiée (ibidem, p. 555-557, 588, 610, fig. 2 : 7). 33. Forme publiée (ibidem, p. 562-563, 591, 612, fig. 5 : 17). 34. Sur ce point, voir Defernez 2003, p. 402-411, pl. XCII : type 255. 35. Le matériel spécifique de la phase IV de Tell el-Herr sera évoqué dans une prochaine monographie. 36. N° 98/096 (L. 8,1 cm ; l. 8,1 cm ; ht. 5,8 cm).

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Le lissoir (fig. 8) appartient à une catégorie d’objets fréquemment découverts sur le site de Tell el-Herr. Il s’agit d’outils fabriqués à partir de côtes de grands ruminants parfois débitées dans la longueur. De dimensions variables, ils présentent toujours une extrémité pointue, l’autre arrondie. L’exemplaire trouvé dans cette habitation mesure 10,1 cm de long pour 2 cm de large et 0,2 cm d’épaisseur en moyenne37. Il présente une nette usure des bords et de son extrémité arrondie. Si la découverte d’objets de ce type est régulièrement mentionnée sur les sites égyptiens et procheorientaux38, leur fonction reste encore à préciser et sujette à discussion. Ils ont été interprétés comme des outils pour réparer les filets de pêche, des instruments liés au tissage ou à la fabrication des papyrus, des stylets, ou encore des accessoires cosmétiques39. Il est également intéressant de signaler qu’un objet identique à la pièce étudiée, en matière et dimensions, est attesté dans les collections du Musée islamique du Caire ; daté de l’époque abbasside (ixe siècle après J.-C.), il est présenté dans une vitrine exposant des instruments utilisés en chirurgie40. Sur le site de Tell el-Herr, ces objets sont souvent associés à des aiguilles et à des pointes en os ou en bronze, ainsi qu’à des poids de métier à tisser en terre crue41, circulaires et perforés, dont quelques éléments ont d’ailleurs été trouvés dans cet espace. L’hypothèse d’un emploi de lissoirs dans le cadre d’une activité de production textile, notamment pour défaire les nœuds ou guider les fils des métiers à tisser, peut donc être avancée. Néanmoins, la présence de tels objets ne permet pas d’assurer qu’une quelconque activité de tissage se soit déroulée dans la pièce d’entrée de la maison 60, car ils ont pu simplement y être stockés en prévision d’une utilisation ultérieure. Enfin, deux encensoirs en calcaire ont été découverts dans la pièce arrière de la maison. L’un est comparable à celui de la pièce d’entrée (fig. 9) ; de forme cubique, à quatre pieds, il mesure 10,4 cm de côté et 4,9 cm de haut42. Le second brûle-parfum est plus élaboré43 ; sa base est plane et ses côtés portent 37. N° 98/114. 38. Voir par exemple : Petrie 1917, p. 53-54, pl. LXVI (128, 129, 132) ; Idem 1928, p. 17 ; Kemp & Vogelsang-Eastwood 2001, p. 358-373 ; Giddy 1999, p. 162-166, pl. 35 et 87 ; Bennet & Blakely 1989, p. 284-285 et fig. 211 ; Stern & Magen 1984, p. 22, fig. 9 (13-14). 39. Marchi 2014, p. 102-104. 40. Sur cette interprétation, se reporter à Van Beek & Van Beek 1990, p. 208. 41. Sur ce type d’objets se reporter à Marchi 2014, p. 104-105. Voir également Crivelli, Kohen & Lupo 2012, p. 207-209 et fig. 6 et 6. 42. N° 98/037. 43. N° 98/036 (Inv. CSA 479 ; ( l. 6,5 cm ; ht. 8,5 cm).

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Figure 8 – Lissoir en os (n° 98/114). [Photographie © Mission francoégyptienne de Tell el-Herr]

un décor en relief sculpté représentant un motif architectural à corniches. Dans ce contexte domestique, les trois encensoirs peuvent être considérés comme des objets de la vie courante, destinés à purifier l’air et à chasser les insectes indésirables. Le sol de la pièce d’entrée de la maison 59 a, quant à lui, livré deux meules complètes, dont une circulaire de 25 cm de diamètre, ainsi que plusieurs autres fragments (cf. fig. 7). Trois amulettes figurant des yeux oudjat ont également été retrouvées dans l’angle sud-est de la pièce. Il s’agit d’amulettes moulées en pâte calcaire de facture simple et de petites dimensions44. Une seule des faces est décorée de lignes incisées et un point de pâte de verre brune figure la pupille. En dehors de la céramique, la pièce arrière n’a fourni aucun élément de mobilier domestique.

L’organisation des activités domestiques L’agencement des espaces de vie dans ce secteur, ainsi que l’analyse du mobilier qui y a été retrouvé, apportent des indications sur l’organisation du quotidien des habitants de la forteresse. Si les deux maisons semblent être des entités indépendantes puisqu’elles disposent de leur propre entrée et ne communiquent pas entre elles, la répartition des équipements domestiques indique, en revanche, que les occupants ont certainement dû mettre en commun tout ou partie de leurs aménagements, car seule la maison 59 44. N° 98/017 (L. 1,6 cm ; l. 1,2 cm ; ép. 0,4 cm), N° 98/018 (L.1,9 cm ; l. 1,2 cm ; ép. 0,4 cm) et N° 98/019 (Inv. CSA 476 ; L. 1,8 cm ; l. 1,2 cm ; ép. 0,4 cm).

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Figure 9 – Encensoirs en calcaire (a : n° 98/036 ; n° 98/037). [Dessins © Mission francoégyptienne de Tell el-Herr]

dispose d’un foyer et l’unique installation de broyage se situe dans la maison mitoyenne. La distribution spatiale du mobilier laisse supposer une concentration des activités artisanales et domestiques (préparations alimentaires) dans les pièces de l’ensemble 60 et dans la rue. En effet, l’espace public a certainement été privatisé puisque plusieurs fours sont construits au fond de l’impasse, à l’extérieur des habitations. Les occupants des maisons 59 et 60 disposaient ainsi d’un accès privilégié à ces fours qui pouvaient également être utilisés par d’autres résidents du quartier. Sur le site de Tell el-Herr, et pour la période considérée, il est rare que les maisons soient totalement autonomes pour leur production alimentaire. Seules cinq maisons sur les soixantedeux jusqu’à présent étudiées possèdent un équipement complet permettant à la fois de broyer et de cuire son pain sans devoir utiliser la meule ou le four du voisin.

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Il faut donc comprendre que le recours au partage des espaces disponibles pour les activités domestiques liées à la préparation des aliments – et notamment à la boulangerie – était fréquent dans le cadre restreint de la forteresse. Dans cette surface par définition fermée, l’espace utilisable individuellement était limité, ce qui obligeait les occupants des lieux à adopter des solutions « communautaires » pour beaucoup de pratiques ou d’activités inhérentes à la gestion des tâches quotidiennes. Il faut ici se demander quels critères régissaient le regroupement des soldats (et éventuellement des personnes les accompagnants) au sein des zones

d’habitat. Étaient-ils assujettis à la fonction exercée par chacun dans la garnison ou, celle-ci étant en partie constituée de mercenaires, davantage tributaires de leur identité culturelle ? Si des pistes de réflexion ont d’ores et déjà été proposées45, la poursuite des études approfondies sur le mobilier permettra sans doute de compléter notre point de vue sur les occupants de Tell el-Herr.

45. Defernez 2003, p. 512-519 et Marchi 2014, p. 203-205.

bibLiographie Aston (D. A.) 1999 Elephantine XIX. Pottery from the Late New Kingdom to the Early Ptolemaic Period (ArchVer, 95), Mayence. 2011 « T3 phrt ty. The Saqqara Embalmers’ Caches Reconsidered; Typology and Chronology », dans D. Aston, B. Bader, C. Gallorini, P. Nicholson & S. Buckingham (dir.), Under the Potter’s Tree. Studies on Ancient Egypt Presented to Janine Bourriau on the Occasion of her 70th Birthday (OLA, 204), Leuven, p. 45-79. Aston (B. G.) 2011 « The Pottery », dans M.J. Raven, V. Verschoor, M. Vugts & R. Van Walsem (dir.), The Memphite Tomb of Horemheb, Commander in Chief of Tutankhamun, V: The Forecourt and The Area South of the Tomb with Some Notes on the Tomb of Tia (Palma Egyptology, 6), Turnhout, p. 191-303. Aston (D. A.) & Aston (B. G.) 2010 Late Period Pottery from the New Kingdom Necropolis at Saqqâra. Egypt Exploration Society-National Museum of Antiquities, Leiden, Excavations 1975-1995 (ExcMem, 92), Londres – Leyde.

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Bennet (W. J.) & Blakely (J. A.) 1989 Tell el-Hesi, The Persian Period (Stratum V) (The Joint Archaeological Expedition to Tell el-Hesi, vol. 3), Winona Lake. Crivelli (E.), Kohen (Cl.) & Lupo (S.) 2012 « Two Foundation Deposits in a Domestic Context at Tell El-Ghaba, A First Millenium Settlement in the Eastern Delta, Egypt », JARCE, 48, p. 205-219. Defernez (C.) 2003 La céramique d’époque perse à Tell el-Herr. Étude chrono-typologique et comparative (CRIPEL suppl. 5/1-2), Lille. 2007 « Le mobilier amphorique provenant d’un édifice monumental découvert sur le site de Tell el-Herr (Nord-Sinaï) », dans S. Marchand & A. Marangou (dir.), Amphores d’Égypte de la Basse Époque à l’époque arabe (CCE, 8), Le Caire, p. 547-620. 2009 « Les vases Bès à l’époque perse (Égypte-Levant). Essai de classification », dans P. Briant & M. Chauveau (dir.), Organisation des pouvoirs et contacts culturels dans les pays de l’empire achéménide, Actes du colloque organisé au Collège de France, 9-10 novembre 2007 (Persika, 14), Paris, p. 153-215.

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Cuisine et dépendanCes à l’ombre du palais • 99 Defernez (C.), Nogara (G.) & Valbelle (D.) 2017 Tell el-Herr. Les niveaux du ive siècle av. J.-C. Tome I. Un palais oriental à Migdol, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, Paris.

Nordström (H.-A.) & Bourriau (J.) 1993 « Ceramic Technology: Clays and Fabrics », dans D. Arnold & J. Bourriau (eds.), An Introduction to Ancient Egyptian Pottery 2 (SDAIK, 17), Mainz, p. 145-190.

French (P.) & Ghaly (H.) 1991 « Pottery Chiefly of the Late Dynastic Period, from Excavations by the Egyptian Antiquities Organisation at Saqqara, 1987 » (CCE, 2), p. 93-124.

Petrie (W. M. F.) 1917 Tools and Weapons (BSAE, 30), Londres. 1928 Gerar (BSAE, 43), Londres.

Giddy (L.) 1999 Kom Rabi‛a. The New Kingdom and Post-New Kingdom Objects, The Survey of Memphis II (ExcMem, 64), Londres.

Stern (E.) & Magen (Y.) 1984 « A pottery Group of the Persian Period in Samaria », BASOR, 253, p. 9-27.

Grataloup (C.) 2012 « Céramiques calcaires d’époque perse et des dernières dynasties indigènes à Thônis-Héracléion », Égypte Nilotique et Méditerranéenne, 5, p. 167-194.

Valbelle (D.) 2010 Les chemins d’Horus, Grasset, Paris.

Kemp (B. J.) & Vogelsang-Eastwood (G.) 2001 The Ancient Textile Industry at Amarna (ExcMem, 68), Londres. Marchi (S.) 2014 L’habitat dans les forteresses de Migdol (Tell el-Herr) durant les ve et ive siècles av. J.-C. Étude archéologique, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, Paris.

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Valbelle (D.) & Carrez-Maratray (J.-Y.) (dir.) 2000 Le camp romain du Bas-Empire à Tell el-Herr, Errance, Paris. Van Beek (G.) & Van Beek (O.) 1990 « The function of the Bone Spatula », BiblArch, 53/4, p. 205-209.

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New INformatIoN oN the mININg expedItIoN to the wadI hammamat IN Year 3 of ramesses IV Robert Demarée Leiden University

The following contribution is presented as a small token of friendship and gratitude to the dedicatee of this volume. The ostracon Metropolitan Museum MMA 14.6.216 was donated to the Museum in 1912 together with some other objects most probably found by Harold Jones while working for Theodore Davis late December 1908 or early January 1909 in front of KV 57 (tomb of Horemhab).1 This limestone ostracon measures 16 x 27 cm. Top obverse = right edge reverse.

(10) III šmw day 21: completing 32 days, while the purification-priests(?) went all(?) […]. (11) Day 22: Reaching Coptos by the rḫ.n=f statue of bḫn-stone; makes 33 days. (12) Rewarding the expedition on day 23, day 24, by the High Priest of (13) Amun (and) the agents of the Mayor of Thebes (No). Figure 1 – O. MMA 14.6.216 verso. [Photography © R.J. Demarée]

The recto bears an incomplete and as yet unidentified literary text. The museum inventory records present no more information, but upon inspection the verso (figs 1 and 2a-b) proved to be inscribed as well, although the writing is bleached and partly effaced, which of course seriously hampers any attempt at transcription and reading. Fortunately however, almost all 13 lines of text are to a great extent legible (fig. 3).

Translation

(1) Regnal year 3, III šmw, day 15: in the southern temple. (2) Day 16: in the temple […] (3) Day 17: in the temple; completing 10 [days?…] (4) Day 18: in the temple of Men-ma‘at-Ra […] (5) Day 19: in the shrine […] (6) [Day 20 ?…] cross over […] (7) 10 days there in the temple […] 20 days in the temple (?) […] (8) 6 days in the southern temple, 4 days in the temple Ḏsr.t, makes 10 days. (9) Completing 30 days of dragging with the block of bḫn-stone. 1. Site 23 in Reeves 1990, p. 310. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 101-106

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102 • robert demarée

Figure 2a – Upper half of O. MMA 14.6.216 verso. [Photography © R.J. Demarée]

Figure 2b – Lower half of O. MMA 14.6.216 verso. [Photography © R.J. Demarée]

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new informationon the mining expedition to the wadi hammamat in year 3 of ramesses iV • 103

Notes (1)-(8) Due to the imperfect condition of the upper half of the ostracon only the beginnings of these lines are legible. As a result the exact nature of the mentioned sanctuaries remains unknown. Supposedly there were visited during the transport of the stone-block, which lasted 30 days as noted in line (9) below. (3) r-mḥ 10 n (hrw) – probably the same construction as in line (7) below. (4) This temple of Men-ma’at-Ra is not known as a sanctuary founded by Sethi I.

(5) For the different aspects of a sḥ-nṯr – shrine – see Postel and Régen 2005, pp. 248-250. (6) The few legible signs in the middle of this line point to a reading ḏȝ(j). (7)-(8) The different constructions to note the number of days are remarkable. (9) For the stone-block see line (11) below. (10) At the beginning of this line there is a clear correction by the scribe. Most probably he changed a

Figure 3 – Transcription of O. MMA 14.6.216 verso. [Drawing © R.J. Demarée]

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104 • robert demarée simple “day 21” into a fuller “III šmw, day 21” - the first sign of šmw (Gard. N37) is written over the sundisk (Gard. N5) for sw. His counting of ‘32 days’ must be a mistake, since the previous line notes a ‘completing 30 days’ on the foregoing day. The use of a circumstantiated emphatic ỉ-sḏm=f in ỉw ỉ.šm nȝ ʿb.w r-ḏr.w […] is noteworthy. Although the writing is bleached and rather vague, nȝ ʿb.w r-ḏr.w seems certain. (11) Also in this line there is a correction by the scribe. After the date pḥ r is written over earlier signs. In view of what is written in this line, the stone-block mentioned in line (9) was clearly meant to become a specific type of statue.2 (12) For mk as a verb ‘to reward’, here written as mk.w ‘rewards’, cf. O. Cairo 25504, rt. 2,2; O. DeM 41, vs. 10; O. DeM 10051, rt. 2. (13) rwḏ.w-agents of the Mayor of Thebes are not known to me from other sources.

Commentary Admittedly these notes are extremely brief, yet they do inform us about presence or work in a temple, the transport of a block of bḫn-stone which took 33 days to arrive at Coptos, and the rewarding of armypeople, all in the 3rd month of šmw of a regnal year 3. Now although this year is not dated to the reign of a specific ruler, given the fact that the general palaeography of the text points to a date in the 20th dynasty, this information immediately brings to mind the mining expeditions to the Wadi Hammamat, notably those to quarry bḫn-stone, or greywacke. Some years ago Thomas Hikade published a useful summary of our knowledge concerning these mining expeditions to the Wadi Hammamat during the New Kingdom.3 Of particular interest in relation to the text of our present ostracon is the major expedition to the Mountain of Bekhen which took place in year 3 of Ramesses IV, the fourth expedition of this kind during the reign of this ruler.4 A rock inscription in the Wadi Hammamat records a first visit by authorities including the High Priest of Amun-Re Rʿ-ms-sw-nḫt in year 3, I šmw 26, and a stela carved in year 3, II šmw 27 tells about the large scale 2. For this type of statues, see Borghouts 1982, pp. 81-82, 90; Grandet 1994, p. 29 note 128. 3. Hikade 2006, pp. 153-168. For the quarry of bḫn-stone. see esp. Ibidem, p. 154 and fig. 1. For the writing of bḫn with the eye-determinative, see Bojowald 2011, pp. 89-91. 4. Cf. Hikade 2006, pp. 159-164. Earlier literature: Goyon 1949, p. 341ff.; Černý 2001, pp. 61-62, 66 and 79; Harrell & Brown 1992, pp. 81-105.

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expedition of more than 8.000 men to the stone quarries, led by i.a. the High Priest of Amun-Re Rʿ-mssw-nḫt and the Mayor of Thebes Ỉmn-ms (who also held the title Chief Taxing Master).5 The return of that expedition was commemorated in a stela set up at Coptos, now Cairo Museum JdE 27740, dated to year 3, III šmw.6 One of their main tasks may thus well have been to extract the big block of bḫn-stone intended for a statue mentioned in the Metropolitan Museum ostracon, which records precisely its transport in year 3, III šmw. A slight problem is that according to his accession date, the year number of Ramesses IV changed on III šmw 15. This means that as of line 2 on our ostracon the year date should have been changed into year 4, or that with the text of our ostracon we are dealing with an earlier expedition, almost exactly one regnal year before the fourth expedition. In the absence of any other evidence, e.g. no graffiti in the Wadi Hammamat, the latter option seems not very plausible. Possibly, though hard to prove, the block of bḫn-stone to be quarried during this expedition is the one of which a measurement is noted in O. Cairo CG 25262 (dated year 3, I ȝḫ.t 19) as ‘5 cubits, 3 palms, 2 fingers’ (almost 3 meters) long.7 Almost certainly however the block mentioned in the Metropolitan Museum ostracon and in the Wadi Hammamat inscription is the same as that recorded in a legend on the so-called Mine Map (P. Turin 1879 recto, fragment F, legend 18)8: (1) … [stone] of bḫn found in the Mountain of Bekhen (2) …[the king …], l.p.h.. [having sent] the great magistrates to bring the rḫ-n=f of bḫn-stone (3) … [to] Egypt. They deposited it in the Place of Truth beside the Temple (ḥw.t) of Userma’atRe‘-setepenRe‘, the [great] god. (4) … [They (?)] left (it) at the Necropolis Office (pȝ ḫtm n pȝ ḫr) and (there) it lay being half(5) worked in year 6.

From these two records we learn that a big block of bḫn-stone was quarried in the Wadi Hammamat, worked into a so-called rḫ.n=f statue and transported to the west bank of Thebes. And we may conclude that this rḫ.n=f statue, quarried some years before with extreme efforts,

5. 6. 7. 8.

M 223 and M 12 in Couyat & Montet 1912; KRI VI, pp. 12-14. Ibidem, p. 16. Daressy 1901, pl. LIV; cf. Černý 2001, p. 66. Cf. Černý 2001, p. 61.

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was left lying unfinished still in year 6 of Ramesses IV9 somewhere between the Ramesseum and the village of Deir el-Medina.10 9. The Mine Map certainly dates to the reign of Ramesses IV, as Hikade 2006, p. 162, rightly points out. The fact that the name of Ramesses VI appears in a text on the verso of this papyrus is no reason to date the recto to his reign, as Burkard 2006, p. 40 seems to think. 10. For the hotly debated location of the ḫtm n pȝ ḫr, see ibidem, pp. 31-42; Eyre 2009, pp. 107-117; Koh 2005-2006, pp. 95-101.

In view of its find spot, the text of the Metropolitan Museum ostracon certainly derived from the Deir el-Medina community, and therefore constitutes yet another record confirming the involvement of members of this Institution in other projects than their main task, the execution of royal tombs.

BiBliography Bojowald (S.) 2011 “Einige Bemerkungen zur Schreibung des ‘bḫn’Steines mit dem ‘Augendeterminativ’”, ZÄS, 138, pp. 89-91. Borghouts (J. F.) 1982 “A Deputy of the gang knows his business (Hier.Ostr. 67, 1)”, in R. J. Demarée & Jac. J. Janssen (dir.), Gleanings from Deir el-Medîna (EgUit, 1), Leyde, pp. 71-99. Burkard (G.) 2006 “Das ḫtm n pȝ ḫr von Deir el-Medine”, in A. Dorn & T. Hofmann (dir.), Living and Writing in Deir el-Medine (AegHelv, 19), Bâle, pp. 31-42.

Eyre (C. J.) 2009 “Again the ḫtm of the Tomb. Public Space and Social Access”, in M. Görg & S. Wimmer (dir.), Texte – Theben – Tonfragmente: Festschrift für Günter Burkard (ÄAT, 76), Wiesbaden, pp. 107-117. Goyon (G.) 1949 “Le Papyrus de Turin dit « Des Mines d’Or » et le Ouadi Hammamat”, ASAE, 49, pp. 337-392. Grandet (P.) 1994 Le Papyrus Harris I (BM 9999), volume 2 (BdE, 109), Le Caire.

Černý (J.) 2001 A Community of Workmen at Thebes in the Ramesside Period (BdE, 50), Le Caire [2e éd.].

Harrell (J. A.) & Brown (V. M.) 1992 “The Oldest Surviving Topographical Map from Ancient Egypt (Turin Papyri 1879, 1899, and 1969)”, JARCE, 29, pp. 81-105.

Couyat (J.) & Montet (P.) 1912 Les inscriptions hiéroglyphiques et hiératiques du Ouadi Hammamat (MIFAO, 34), Le Caire.

Hikade (T.) 2006 “Expeditions to the Wadi Hammamat during the New Kingdom”, JEA, 92, pp. 153-168.

Daressy (G.) 1901 Ostraca (Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire, n° 25001-25385), Le Caire.

Kitchen (K. A.) 1983 Ramesside Inscriptions: Historical and biographical, 6, Oxford, Blackwell.

Dorn (A.) & Hofmann (T.) (dir.) 2006 Living and Writing in Deir el-Medine : Socio-historical embodiment of Deir el-Medine texts (AegHelv, 19), Bâle.

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Koh (A. J.)

2005-2006 “Locating the ḫtm n pȝ ḫr of the Workmen’s Vil-

lage at Deir el-Medina”, JARCE, 42 (published 2008), pp. 95-101

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106 • robert demarée Postel (L.) & Régen (I.) 2005 “Annales héliopolitaines et fragments de Sésostris Ier réemployés dans la porte de Bâb al-Tawfiq au Caire”, BIFAO, 105, pp. 229-293.

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Reeves (N.) 1990 Valley of the Kings. Decline of a Royal Necropolis, Londres – New York, Kegan Paul International..

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Bras-droit, suBstitut, adjoint, assistant … une question de suBordination au Moyen eMpire Nathalie Favry Université Paris-Sorbonne (Paris IV) Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. Benjamin Franklin

Le rapport de subordination en Égypte ancienne est souvent difficile à appréhender. Bien que des centaines de titres administratifs, religieux et militaires soient connus à ce jour, la majorité d’entre eux peut bien souvent n’être présentée qu’au sein d’un organigramme linéaire, dans lequel le rapport de subordination reste quasi inexistant. Certaines études ont toutefois été menées dans le but de mettre en exergue d’éventuels rapports hiérarchiques entre des titres employés dans une sphère administrative définie. Ainsi, St. Quirke établit-il pour la fin du Moyen Empire une forme de hiérarchisation de titres au sein du palais (ses « Inner Palace » et « Outer Palace »), du Trésor et des différents bureaux supervisés par le vizir1. De même, W. Grajetzki présente-t-il les trésoriers et leurs équipes depuis la XIe jusqu’au début de la XIIIe dynastie sans toutefois véritablement énoncer une hiérarchie précise au sein de cette institution2, comme le fit avant lui W. Helck dans son ouvrage sur l’administration égyptienne3. Pour des raisons évidentes liées à la nature des sources documentaires, ces études se concentrent essentiellement sur les hauts fonctionnaires de l’administration égyptienne4 et portent un intérêt moindre aux personnels de rangs inférieurs. Cette contribution tentera d’accorder une place aux bras-droits, adjoints et autres assistants de ces grands adminis-

1. 2. 3. 4.

Quirke 2004. Grajetzki 2001, p. 7-11. Helck 1958, p. 83. Voir pour exemple Grajetzki 2000.

trateurs de l’État dans l’organigramme institutionnel de l’Égypte ancienne. À côté de titres définissant spécifiquement un métier – « carrier » (jky), « boulanger » (rtḥty), « rameur » (ẖnw), « brasseur » (ʿfty), pour ne citer que quelques exemples – nombre de références définissent en premier lieu un grade avant de donner une fonction. Ainsi, jmy-rȝ « directeur » ne fournit qu’une information incomplète et n’est d’ailleurs jamais employé seul au sein d’une titulature puisque, en tant que tel, il ne définit pas la fonction d’un individu5 mais le place à l’occasion dans une certaine frange de la société égyptienne6. 5. À ce jour, seules deux attestations référencées du Moyen Empire proposent peut-être un jmy-rȝ seul : Sahathor sous le règne d’Amenemhat III sur la stèle IS 114 de Sérabit el-Khadim (Gardiner, Peet & Černy 1955, pl. XXXVIII, XXXVI) et Neferhor sur une table d’offrandes provenant de Saqqara datée de la fin de la XIIe dynastie (Vernus 1976, pl. 14). Toutefois, à Sérabit el-Khadim, le jmy-rȝ Sahathor est noté en dernière position sur la face ouest de la stèle à la suite d’un jmy-rȝ mšʿ nommé Iouki, d’un qȝw Kemeni et surtout d’un jmy-rȝ [… ?] Iii[…] et nous pouvons supposer un simple oubli ou seulement la volonté de ne pas répéter un titre similaire à celui déjà noté à la ligne précédente. Enfin, à Saqqara, nous savons que Neferhor était en réalité un « intendant » (jmy-rȝ pr) et que la présence, à une seule reprise, de jmy-rȝ seul ne peut être que le résultat d’un oubli du complément pr de la part du graveur. 6. Un article sur l’ensemble des grades observés dans la hiérarchie administrative de la société égyptienne est en cours de préparation. À titre d’exemples, les jmy-rȝ, ḫrp et sḥḏ sont de grade 1 ; au grade 2, nous retrouvons les jry-ʿt, ẖry-ʿ et wḥmw ; au grade 3 sont classés les ḥkȝy, sš wr, šmsw ou ḥry-pr ; les sš et ḫtmw seuls apparaissent au grade 4 alors que le 5e comprend les jmy-sȝ et ṯȝw. Ȝṯw intègre enfin le 6e et dernier grade actuellement défini. Jmy-rȝ est donc, à ce jour, Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 107-122

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108 • nathalie favry

Au Moyen Empire, plus de quatre cents titres sont composés à partir de la racine jmy-rȝ à laquelle sont ajoutées une ou plusieurs informations complémentaires. Toutefois, lorsque l’on analyse chacune de ces occurrences, on note que très peu d’entre elles disposeraient d’une position suffisamment élevée pour bénéficier de l’aide d’adjoints ou de subordonnés. En fait, dans l’état actuel de nos connaissances, seuls huit « directeurs de … » bénéficient d’un assistant ou d’un subordonné. Il s’agit du « capitaine de navire » (jmy-rȝ ʿḥʿ n […])7, du « directeur des querelles/de la police » (jmy-rȝ šnṯ)8, du « directeur de dépôt/ magasin » (jmy-rȝ st)9, du « directeur de la rwyt » (jmy-rȝ rwyt)10, du « directeur du désert » (jmy-rȝ smyt)11, du « directeur du harem royal » (jmy-rȝ jp(t) nswt)12, de « l’intendant en chef » (jmy-rȝ pr wr) et du « directeur des choses scellées » (jmy-rȝ ḫtmt). Les six premiers de la liste ne disposent que d’un seul subordonné alors que l’« intendant en chef » et surtout le « directeur des choses scellées » ont en revanche sous leurs ordres un nombre plus conséquent d’assistants qui permet de dresser un organigramme. C’est donc à partir de ces deux exemples particuliers que nous avons choisi d’étudier la place des bras-droits, adjoints, substituts et assistants de ces hauts dignitaires égyptiens.

LE JDNW Dans son analyse du titre de « directeur des choses scellées » (jmy-rȝ ḫtmt), W. Helck établit une classification des titres et fonctions placés directement sous son autorité13. C’est ainsi que le jdnw n considéré comme le titre-racine exprimant le grade le plus élevé de l’administration égyptienne. L’analyse en cours montre, en effet, qu’à une exception près (soit le titre jmy-rȝ pr « intendant »), tous les titres commençant par « directeur » semblent appartenir au grade 1 de notre classification. 7. Le ȝṯw Djehouty[…] est subordonné au jmy-rȝ ʿḥʿ n […] sur la stèle Londres BM EA 215 (Néferhotep Khasekhemrê, avant). Cf. Simpson 1974, pl. 38 [ANOC 25.1]. 8. Le gardien des biens (jry-ḫt) Senebou est subordonné à un directeur des querelles sur la stèle Caire CG 20746 (Moyen Empire). Cf. Lange & Schäfer 1908, p. 378-380. 9. L’escorteur (šmsw) Djehouty est subordonné à un jmy-rȝ st sur la stèle Caire CG 20065 (Sésostris III – Amenemhat III). Cf. Lange & Schäfer 1902, p. 80-81. 10. Le « directeur des boulangeries » (jmy-rȝ ʿmrw) Pepy est subordonné au « directeur de la rwyt » (jmy-rȝ rwyt) sur la stèle Caire CG 20683 (Sésostris III – Amenemhat III). Cf. Lange & Schäfer 1908, p. 310-311. 11. L’escorteur (šmsw) Sasetyt est subordonné au jmy-rȝ smyt sur la stèle Londres BM EA 504 (XIIe – XIIIe dynastie). Cf. HTBM III 1912, pl. 13. 12. Sopedouemsaf est le jdnw du directeur du harem royal (jmy-rȝ jp(t) nswt) sur la stèle Stockholm NME 17 (seconde moitié de la XIIIe dynastie ). Cf. Andreu 1980, pl. XXXVIII. 13. Helck 1958, p. 83.

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jmy-r ḫtmt, jmy-rȝ ḫ , « jdnw du directeur des choses scellées » ( ; ), apparaît directement en seconde position dans la hiérarchie, au-dessus de titres tels que jmy-rȝ ḫtmtyw « directeur des scelleurs », jmy-rȝ ʿẖnwty n ḫȝ n jmy-rȝ ḫtmt « camérier du bureau du directeur des choses scellées » et jmy-rȝ ʿẖnwty ḫrp kȝwt « camérier et contrôleur des travaux ». La position intermédiaire tenue par le jdnw semble indiquer alors qu’il pouvait exercer la même autorité que son supérieur hiérarchique sur les autres fonctionnaires cités dans la liste. Ce constat reste toujours d’actualité et a encore été récemment développé par W. Grajetzki qui indique que l’on pourrait même envisager que le jdnw soit placé « aux côtés » du Trésorier14. Vingt-cinq jdnw n jmy-rȝ ḫtmt sont actuellement connus entre le règne de Sésostris III à la XIIe dynastie et celui de Sobekhotep Khaneferrê à la XIIIe dynastie : – Ameny ; Abydos, stèle Berlin 120415 (Sésostris III). On présume qu’il aurait pu être nommé AmenyKemes / Kemes sur les stèles Caire CG 2043516 et Uppsala VM023617 (Amenemhat III ?) et Amenyseneb sur le monument de Sérabit el-Khadim IS 83 (an 2 d’Amenemhat III) et, par conséquent, être éventuellement le frère du « directeur des choses scellées » Iikherneferet ; – Sehetepibrê ; Abydos, Caire CG 2053818 (Sésostris III – Amenemhat III) ; – Amenyseneb ; Sérabit el-Khadim, pilier IS 8319 (an 2 d’Amenemhat III). On suppose que son supérieur hiérarchique est le « directeur des choses scellées » Iikherneferet dont on a retrouvé sept stèles à Abydos (Berlin 1204, Caire CG 20038, CG 20140, CG 20310 et CG 20683, Genève D50 et Londres BM EA 202) ; – Inen ; Sérabit el-Khadim, stèle IS 10120 (Amenemhat III) ; – Nebâ[a]our ; Sérabit el-Khadim, stèle IS 156 (Bruxelles, Musées Royaux d’Art et d’Histoire E.2310)21 (fin de la XIIe dynastie) ; – Iki ; El-Lahoun, papyrus Londres UC 32099B22 (Fin XIIe dynastie – Début XIIIe dynastie) ; – Iari ; Dra Abou el-Naga, papyrus Boulaq 18, XVI.1223 (Khendjer Ouserkarê Nymaâtenkharê). 14. Grajetzki 2013, p. 240-241. 15. ÄIB III 1904, p. 170-175 ; Simpson 1974, pl. 1 [ANOC 1.1]. 16. Lange & Schäfer 1908, p. 33 ; Simpson 1974, pl. 4 [ANOC 1.11]. 17. http://www2.gustavianum.uu.se/vm/vmdb/vmdb. php?lang=en&act=view&post=978 (consulté le 21/01/2015). 18. Lange & Schäfer 1908, p. 145-150 ; Leprohon 2009, p. 277-292. 19. Gardiner, Peet & Černy 1955, pl. XXVI. 20. Ibidem, pl. XXXII. 21. Ibidem, pl. XLII ; Delvaux 2014, p. 153. 22. Collier & Quirke 2002, p. 12-13. 23. Scharff 1922, pl. 4**.

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Il est mentionné à la fin d’une liste d’individus à la tête de laquelle on retrouve le vizir Ânkhou ; – Ameny ; Dra Abou el-Naga, papyrus Boulaq 18 (Khendjer Ouserkarê Nymaâtenkharê). Il est cité en introduction d’une section (XIX.3-4) et en dernière position d’une liste d’individus (XIX,3.12)24 ; – Sainheret (?) ; provenance inconnue, stèle Louvre C1225 (Khendjer Ouserkarê Nymaâtenkharê, environ) ; – Ibiâ ; Abydos, stèle Caire CG 2008626 (Sobekhotep Khaneferrê) ; – Mery ; Abydos, stèle Stockholm NME 1727 (seconde moitié de la XIIIe dynastie). Il est mentionné en compagnie du « jdnw du directeur du harem royal » Sopedouemsaf ; – Ourerout (?) ; Abydos, stèle Londres BM EA 24228 (XIIIe dynastie) ; – Netjerouraou ; Abydos, stèles Manchester 296329 et Caire CG 2010030 (XIIIe dynastie) ; – Sobekiry ; Coptos, stèle Louvre C3031 ( XIIIe dynastie) ; – Itefsen ; Abydos, stèle Caire CG 2008532 (XIIIe dynastie ?) ; – Âam ; Tell el-Dabʿa, tombe n° 5, sceau Caire JdE 9120133 ; – Bebi ; provenance inconnue, sceau Moscou 207334 ; – Nebsoumenou ; Tûkh (= Ombos), 18 empreintes de sceaux Londres UC 2634435 ; – Nefertem ; provenance inconnue, sceau Martin n° 727 ; – Netjenou ; provenance inconnue, sceau Martin n° 80736 ; – Khentykhetyemsaf-Houy[…] ; provenance inconnue, sceau New York MMA 26.7.28637 ; – Saouadjyt ; provenance inconnue, sceau Chicago OI 1856538 ; – Sehetepib ; Abydos, sceau Caire JdE 20429 et sceau Moscou 214939 ;

24. Ibidem, pl. 6** et 7**. 25. Simpson 1974, pl. 80 [ANOC 58.1]. 26. Lange & Schäfer 1902, p. 101-103. 27. Andreu 1980, pl. XXXVIII. 28. HTBM III 1912, pl. 27. 29. Garstang 1901, pl. 12.4 ; Simpson 1974, pl. 29 [ANOC 19.3]. 30. Lange & Schäfer 1902, p. 121-122 ; Simpson 1974, pl. 29 [ANOC 19.2]. 31. Gayet 1889, pl. LIII. 32. Lange & Schäfer 1902, p. 100. 33. Martin 1971, pl. 42A[20], n° 311a. 34. Ibidem, pl. 1[3], n° 445. 35. Ibidem, pl. 14[24], n° 676. 36. Ibidem, pl. 1[13]. 37. Ibidem, pl. 16[32], n° 1230. 38. Ibidem, pl. 29[40], n° 1280. 39. Ibidem, pl. 25[2], n° 1633 et pl. 11[24], n° 1634. Rien ne permet toutefois d’assurer qu’il s’agit d’un seul individu.

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– Tjenou ; provenance inconnue, sceau Caire JdE 7504340. Seuls quelques monuments sont en mesure de nous fournir d’autres informations que les simples noms de ces jdnw.w et nous révèlent ainsi que le titre n’est pas tant lié à un statut social qu’à une mission précise définie dans le cadre d’une délégation spécifique. En effet, seuls deux des vingt-cinq « jdnw.w du directeur des choses scellées » ont porté les titres de rang jry-pʿt ḥȝty-ʿ : Sehetepibrê sous Amenemhat III et Ibiâ sous Sobekhotep Khaneferrê. En outre, seul Sehetepibrê sous le règne d’Amenemhat III est le bénéficiaire d’une titulature très élaborée puisque son statut social est également défini par les titres auliques ḫtmty-bjty et smr-wʿty, mais aussi et surtout par des titres qui lui confèrent une position relativement élevée dans la hiérarchie administrative du Moyen Empire : jmy-rȝ gs-pr « directeur du gs-pr », jmy-rȝ ʿbw wḥmw šwt nšmwt « directeur des animaux à cornes, à sabots, à plumes et à écailles »41, jmy-rȝ sšwy n sḫmḫ-jb « directeur des deux marais du divertissement » et jmy-rȝ kȝwt nb(w)t nt pr-nswt « directeur de tous les travaux du palais ». Donc, même si Sehetepibrê ne porte pas le titre de jmy-rȝ ḫtmt, il semble dans la réalité aussi bien en posséder le rang que les fonctions. L’étude conjointe des deux stèles abydéniennes Caire CG 20539 de Montouhotep datée de Sésostris Ier et Caire CG 20538 a déjà montré que Sehetepibrê s’est largement inspiré de la biographie de son illustre prédécesseur pour rédiger son propre monument42. Il est alors évident que, sous les règnes de Sésostris III et Amenemhat III43, Sehetepibrê a participé aux célébrations des Mystères d’Osiris en Abydos à la place du jmy-rȝ ḫtmt44, et qu’à ce titre, il a mené exactement toutes les tâches et tous les rituels dont devait s’acquitter ce haut dignitaire : « J’ai agi en tant que “Fils-qu’il-aime’’ dans la conduite du Château de 40. Ibidem, pl. 23[36], n° 1741. 41. L’association entre un gs-pr qualifiée d’« unité agricole censée livrer périodiquement une partie de leur production à l’État ou à d’autres institutions » et la gestion de troupeaux et autres parcs animaliers est étudiée par J. C. Moreno Garcia (1999, p. 116-131). 42. Voir en particulier Leprohon 2009, p. 277-292. 43. Ibidem, p. 278 : « It is noteworthy that the Royal Instructions specifically mention Amenemhat III as the object of adoration on the side of the stela depicting Senwosret III in the lunate. Perhaps Sehetepibre simply wished to show respect to the reigning monarch on the front of his stela - by naming Amenemhat III in the lunate of the Recto - while at the same time commemorating the other ruler he had served in his lifetime ». 44. Sehetepibrê n’a malheureusement pas indiqué le nom du jmy-rȝ ḫtmt en activité. Plusieurs directeurs des choses scellées nous sont toutefois connus pour le règne de Sésostris III – Senânkh (an 8), Iikherneferet (an 19), Sobekemhat et Senouseret (an 10 de Sésostris III ou Amenemhat III ?) – et pour le règne d’Amenemhat III – Iikherneferet (?) (an 2), Antef (an 33), Inen, Ouahka et Senebef (?).

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l’Or lors des Mystères du Maître d’Abydos. J’ai dirigé la construction de la barque-nšmt et j’ai créé ses cordages ». C’est alors le « titre » jdnw n jmy-rȝ ḫtmt qui conserve la trace de cette action limitée dans le temps45. Le statut social élevé de Sehetepibrê, ainsi que la place accordée à ce titre dans les titulatures du personnage – souvent en dernière position juste avant le nom –, indiquent sans équivoque que cette mission fut jugée de première importance par son propriétaire46. jmy-r pr wr « jdnw de Le statut du jdnw n jmy-rȝ l’intendant en chef » ( ; ) semble être similaire à celui du jdnw du directeur des choses scellées. En effet, sur les onze références actuellement connues, plusieurs d’entre elles nous permettent clairement de supposer qu’il y a eu délégation de la fonction lors d’événements relativement importants même si aucun texte biographique ne vient la confirmer. – Ameny Sechenen ; Sérabit el-Khadim. Il est le bénéficiaire de l’offrande sur la stèle IS 93 et porteur de l’offrande devant la déesse Hathor sur la table d’offrandes IS 95. Il possède également les stèles IS 96, IS 97 et IS 402 et son nom apparaît sur les reliefs IS 94c-d, ainsi que sur la statuette féminine IS 98 (Chicago, Haskell Museum 8663)47 (an 15 d’Amenemhat III) ; – Iounefer ; Ouadi el-Houdi, stèle WH 23 (Assouan 1485)48 (Sobekhotep Khaneferrê) ; – Saremeny (?) ; Ouadi Hammamat, stèle royale datée peut-être de l’an 9 de Sobekhotep Khaneferrê49 ; – Ipety ; Abydos, stèle Caire CG 2005350 (XIIe dynastie) ; – Keki ; Abydos, stèle Caire CG 2039151 (Sobekhotep Sekhemrê-Seouadjtaouy) ; – Menekhsobek ; Abydos, stèles Bologne KS 1910 et KS 193352 (XIIIe dynastie) ; 45. Le renouvellement du matériel cultuel, ainsi que la réhabilitation du culte à Osiris ont été particulièrement privilégiés à la fin du règne de Sésostris III, comme l’indique notamment le texte de la stèle Berlin 1204 du « directeur des choses scellées » Iikherneferet. Cf. Tallet 2005, p. 95-97. 46. Les activités menées par Iikherneferet et les jdnw.w de directeurs des choses scellées en général sont plus précisément exposées par S. Desplancques (2006, p. 352-354). 47. IS 93 : Gardiner, Peet & Černy 1955, pl. XXVIII ; IS 94c-d : ibidem, pl. XXIX et XXXIII ; IS 95 : ibidem, pl. XXX ; IS 96 : ibidem, pl. XXXII ; IS 97 : ibidem, pl. XXVI ; IS 98 : ibidem, pl. XXXIII ; IS 402 : ibidem, pl. LXXXIII. 48. Fakry 1952, p. 40-42, fig. 33 ; Sadek 1980, p. 48-50, pl. XI. 49. Simpson 1969, p. 154-158. La lecture jdnw n jmy-rȝ pr wr privilégiée par Fischer 1997, p. 53, n° 575, est préférée à la lecture jmy-rȝ ʿẖnwty n jmy-rȝ pr wr initialement proposée par Simpson 1969, p. 158. 50. Lange & Schäfer 1902, p. 63. 51. Ibidem, p. 386-388. 52. Simpson 1974, pl. 73 [ANOC 66.2-3] ; Bresciani 1985, p. 32-33, pl. 10 et p. 34-35, pl. 11.

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– Senouseret ; El-lahoun, papyrus Londres UC 32205 (le titre et le nom de Senouseret sont notés perpendiculairement au texte principal daté de l’an 6 du règne d’Amenemhat IV)53 ; – Nesekhemtouef ; provenance inconnue, stèle Leyde V.99 54. Il fait face au dédicataire principal, le « camérier en chef de la maison de l’Argent » (jmy-rȝ ʿẖnwty wr n pr-ḥḏ), Sarerout ; – Iounefer ; Qouban, scarabée Caire JdE 8626355 ; – Khentyhotep ; provenance inconnue, scarabée Londres BM EA 2825456 ; – Djouh ; Licht, extérieur du mur d’enceinte de la pyramide de Sésostris Ier, scarabée Caire JdE 5883357. Un seul supérieur hiérarchique direct est connu pour l’un de ces jdnw.w : il s’agit de « l’intendant en chef » (jmy-rȝ pr wr) Âabmâ(i)(?), dédicataire de l’offrande sur la stèle Caire CG 20391 en compagnie du « camérier et contrôleur de troupes » (jmy-rȝ ʿẖnwty ḫrp skw), Renseneb. À l’instar du jdnw du directeur des choses scellées, le jdnw de l’intendant en chef est le plus souvent mentionné par la seule combinaison de son titre et de son nom. Toutefois, deux individus possèdent une titulature plus complète. En premier lieu, Ipety (XIIe dynastie) est également un jmy-rȝ prwy-ḥḏ, « directeur de la double maison de l’Argent », jmy-rȝ ddt pt qmȝt tȝ, « directeur de ce que fournit le ciel et de ce que produit la terre » et jmy-rȝ sšwy n sḫmḫ-jb, « directeur du double marais du divertissement ». Il s’agit de trois titres régulièrement portés par des membres très élevés dans la hiérarchie de l’administration centrale égyptienne, soit des vizirs, des directeurs des choses scellées, des directeurs du Harem royal ou encore des intendants/intendants en chef58 et par conséquent, porteurs des titres de rang jry-pʿt ḥȝty-ʿ ḫtmty-bjty et 53. La lecture du titre est particulière : jdnw Sn-wsrt (n) jmy-rȝ pr wr. Cf. Collier & Quirke 2002, p. 121-123. 54. Boeser 1909, n° 52, pl. XL. 55. Martin 1971, n° 71. 56. Ibidem, n° 1223. 57. Ibidem, n° 1766d. 58. Deux intendants portent un ou plusieurs de ces titres : sous le règne de Montouhotep II, Bouaou est un jmy-rȝ pr m tȝ r-ḏr=f en même temps que jmy-rȝ prwy-ḥḏ (sarcophage Caire CG 28027 : Lacau 1904, p. 66-73), et sans précision chronologique autre que le seul Moyen Empire, on connaît un dénommé Nakhtsobek qui fut un jmy-rȝ pr, jmy-rȝ prwy-ḥḏ et jmy-rȝ prwy-nbw (stèle Caire CG 20729 : Lange & Schäfer 1908, p. 359-360). Deux intendants en chef sont également recensés : sous Sésostris Ier, l’intendant en chef Hor fut aussi un jmy-rȝ ddt pt qmȝt tȝ (stèle Louvre C2 : Simpson 1974, pl. 44 [ANOC 29.1]), et sous Sésostris II, l’intendant en chef Khnoumhotep fut un jmy-rȝ sšwy n sḫmḫ-jb (Dahchour, mastaba n° 2 : Allen 2009, p. 13-31).

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smr-wʿty. Dans le cas d’Ipety, il apparaît que pour une raison qui reste obscure à ce jour, il soit le seul individu détenteur de ces trois titres à ne porter aucun titre aulique en début de titulature. Le second « jdnw de l’intendant en chef » à disposer d’autres titres est Ameny Sechenen sous le règne d’Amenemhat III. En tant que chef d’expédition à Sérabit el-Khadim, il porte le titre de ḫtmw-nṯr, « chancelier du dieu »59, mais on retrouve également au sein de sa titulature les titres de sḏty nswt, « enfant royal » et sbȝ n Ḥr nb ʿḥ, « pupille d’Horus, le maître du palais », ainsi que ceux de jmy-rȝ ḫt nbt nt nswt, « directeur de toute propriété du roi » et de ḥry-tp [Šmʿw] Tȝ-mḥw, « chef de [Haute] et Basse-Égypte ». L’ensemble de la titulature est toujours précédé du titre aulique rḫ nswt, auquel on peut ajouter, à une occasion sur la stèle IS 93, les titres ḫtmty-bjty et smr-wʿty. La nature de la mission dévolue aux jdnw.w est donc clairement définie : il s’agit d’assurer la suppléance d’un individu dont la présence physique lors d’une mission ou d’un événement ne pouvait être garantie. C’est ainsi que le jdnw peut se substituer à un directeur des choses scellées lors des célébrations des Mystères d’Osiris à Abydos et c’est ainsi qu’il peut aussi remplacer l’intendant en chef dans le cadre d’une mission spécifique dans le Sinaï60. Le statut social des jdnw.w est majoritairement peu élevé si l’on considère que seuls deux « jdnw.w de directeurs des choses scellées » ont porté des titres de rang et qu’un seul de ces deux individus disposait d’une titulature plus élaborée avec des titres de direction (jmy-rȝ gs-pr, jmy-rȝ ʿbw wḥmw šwt nšmwt, jmy-rȝ sšwy n sḫmḫ-jb et jmy-rȝ kȝwt nbwt nt nswt). Le même constat s’impose pour le « jdnw de l’intendant en chef » puisqu’un seul d’entre eux a porté les titres de rang ḫtmty-bjty, smr-wʿty et rḫ nswt mȝʿ associé au titre de ḫtmw-nṯr « chancelier du dieu » lui conférant la direction d’une expédition à Sérabit el-Khadim61, et qu’un seul a disposé au 59. Tallet (sous presse). 60. P. Tallet rappelle qu’« il est probable que l’on procédât » lors de l’expédition de l’an 15 d’Amenemhat III « au creusement d’une niche cultuelle dans le spéos d’Hathor, et que cette mission fut l’occasion de renouveler en partie le matériel sacré équipant le sanctuaire ». Cf. Tallet (sous presse). L’action détaillée de cet jdnw de l’intendant en chef lors de sa mission au temple de Sérabit el-Khadim, mais également sa position à la cour, sont développées par D. Valbelle & Ch. Bonnet (1996, p. 25-26). 61. Même si tous les chefs d’expédition au Sinaï n’étaient pas systématiquement des ḫtmw.w nṯr, il convient toutefois de préciser que, en dehors de quelques références provenant de stèles abydéniennes ou encore de nécropoles provinciales comme Béni Hassan et Meir, l’essentiel des attestations actuellement connues apparaît en contexte

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cours de sa carrière de titres de direction (jmy-rȝ prwy-ḥḏ, jmy-rȝ ddt pt qmȝt tȝ et jmy-rȝ sšwy n sḫmḫ-jb) sans toutefois étonnamment porter en parallèle de titre(s) aulique(s). C’est donc la mission qui prime et le jdnw peut autant être le substitut d’un haut dignitaire de l’administration centrale, comme nous venons de le voir, que le suppléant d’un dignitaire disposant de charges locales : – jdnw n ḥȝty-ʿ, « jdnw du comte » : Renseneb est cité sur le scarabée Londres UC 1142162 alors que sur la stèle abydénienne Caire CG 20022 datée du Moyen Empire au sens large, un père et son fils sont des « jdnw du comte d’Antaeopolis » (Ṯbw)63. Il s’agit d’un dénommé Ibou et de l’un de ses descendants Henenet. Cette proposition de succession est inversée par rapport à l’ordre initialement présenté par Lange et Schäfer. En outre, nous proposons d’associer à la stèle Caire CG 20022 la stèle Caire CG 20599 de l’intendant Kay64 ; en effet, sur les deux monuments il est fils d’Ibou et d’une dame Sat-Antef. Toutefois, sur la stèle Caire CG 20599, Ibou porte le titre de jmy-rȝ pr, titre qui pourrait indiquer simplement que cette stèle fut érigée à un stade certainement postérieur de la carrière du jdnw. – jdnw n Tp-jḥw, « jdnw d’Atfih » : Sehetepibrê-[…] est connu par la statuette Favre B, Yverdon-lesBains, château d’Yverdon EE 83.2.465. On suppose que ce titre sous-entend que le jdnw était attaché au maire (ḥȝty-ʿ) de la ville d’Atfih et non à la localité en tant qu’entité géographique. – jdnw nb w H̱nmw, « jdnw du maître du district de Chnoum »66. – jdnw n Ḫʿj-Wsrt, « jdnw de la ville de pyramide de Sésostris Ier »67. Les exemples révèlent enfin que le jdnw peut aussi se substituer à un fonctionnaire de moindre rang : – jdnw n sš sḫ, « jdnw du scribe de l’abattoir (?) » : l’unique référence actuellement connue apparaît sur le scarabée Londres UC 11349 de Iy68.

expéditionnaire (Ouadi Gasous, Sérabit el-Khadim et Ouadi Maghara). Pour la seule péninsule du Sinaï, 24 des 37 chefs de mission recensés par P. Tallet sont des « chanceliers du dieu » (Tallet (sous presse) : Tableau récapitulatif des chefs d’expédition au Moyen Empire). Cf. Merrer 2006, p. 38-41 pour l’analyse générale du titre. 62. Martin 1971, pl. 37[19], n° 829a. 63. Lange & Schäfer 1902, p. 22-23. 64. Iidem 1908, p. 239-240. 65. Wild 1971, p. 97-106, pl. XIX ; Kothay 2007, p. 27, n. 33. 66. Fischer 1997, n° 576a. 67. Ibidem, n° 578a. 68. Martin 1971, pl. 2[28], n° 13.

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– jdnw n ẖnw.w, « jdnw des rameurs » : les trois références connues (Reti, Gebou et Âqou) sont mentionnées sur la même stèle Londres BM EA 24869 (Moyen Empire), en compagnie d’autres titres liés directement à la corporation des rameurs : sš n ẖnw.w, ṯsw n ẖnw.w et ẖnw. – jdnw pḏt : le titre n’est cité qu’une fois sur la stèle Vienne KHM ÄS 132 datée de la fin XIIe – XIIIe dynastie70. – jdnw n sḏm rmṯ : le titre est porté par Iouenef sur la stèle Louvre C1371 datée aux alentours du règne de Sobekhotep Khaneferrê, par Senebtifi sur la stèle Louvre C24972 datée de la seconde moitié de la XIIIe dynastie et par Bebi, le dédicataire de la stèle Leyde V.11073 datée plus largement du Moyen Empire. Dans le cadre d’une analyse globale actuellement menée sur les différents grades existants au sein de la société égyptienne, nous avons pu définir que le porteur du titre jdnw pouvait apparaître à deux niveaux hiérarchiques différents : à un poste de direction de l’administration centrale, directement subordonné au jmy- rȝ qui constitue, rappelons-le, le grade administratif suprême actuellement connu, ou à un grade bien moins élevé et prestigieux, au même niveau que les ḥry-pr « majordome », ṯȝw et jmy-sȝ « protecteur / homme de la garde »74. La place fluctuante du jdnw aussi bien au cœur de l’élite égyptienne que bien plus bas dans l’échelle sociale confirme ainsi que le porteur du « titre » jdnw n’exerce pas une fonction mais dirige une mission et que son statut est, par conséquent, subordonné à celui accordé à l’administrateur qu’il supplée.

LE H̱RY-ʿ ET LE ḪTMW H̱RY-ʿ L’ensemble des attestations de jdnw date au plus tôt du règne de Sésostris III et la question se pose alors de déterminer si un ou plusieurs autres titres auraient pu exister avant ce règne pour exprimer la même activité que celle échue aux subordonnés de la fin de la XIIe dynastie.

69. HTBM III 1912, pl. 8. 70. Hein & Satzinger 1989, p. 34-38 suggèrent une lecture jdnw (n ḥrj) pḏt). 71. Spalinger 1980, pl. 8. 72. Andreu 1980, pl. XXXIX ; Andreu-Lanoë 2014, p. 76, fig. 6. 73. Boeser 1909, n° 16, pl. XIV. 74. Pour être complet sur le sujet, il faut enfin signaler que le jdnw (grade 2) bénéficie aussi d’un subordonné comme l’indique le titre jry-ḫt (grade 3) n jdnw « gardien de la propriété du substitut » porté par un dénommé Tjaï sur la stèle Leyde V.67 (cf. Boeser 1909, n° 49, pl. XXXVI).

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Le titre ẖry-ʿ, généralement traduit par « assistant, adjoint, subordonné »75, pourrait éventuellement être un bon candidat. Les premières attestations du titre remontent à l’Ancien Empire et se rencontrent aussi bien seules que suivies d’un complément qui peut être une institution, un autre fonctionnaire ou des artisans76. En dehors du titre-racine ẖry-ʿ que l’on retrouve aussi avec la même graphie au Moyen Empire ( ), et à l’exception du titre ẖry-ʿ nswt, aucune des références de l’Ancien Empire n’a de parallèles connus au Moyen Empire. Par contre, huit nouvelles entrées existent à partir du règne de Sésostris Ier77 : ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt « adjoint du directeur des choses scellées », ẖry-ʿ n jmy-rȝ pr wr « adjoint de l’intendant en chef »78, ẖry-ʿ nswt n sȝtw (?) « adjoint royal de … »79, ẖry-ʿ n smȝyt nswt « adjoint des Archives royales »80, ẖry-ʿ n wʿb « adjoint du prêtre-wʿb »81, ẖry-ʿ n sm « adjoint du prêtre-sm »82, ẖry-ʿ ẖry-ḥbt ḥry-tp « adjoint du chef prêtre-lecteur »83 et ẖry-ʿ n wdpw n ʿt jwf « adjoint du régisseur du bureau de la viande »84. Le fait que le titre ẖry-ʿ existe auprès du « directeur des choses scellées » et de l’« intendant en chef » permet de l’analyser en parallèle avec le jdnw également 75. Jones 2000, n° 2827 et suivants, donne plusieurs traductions selon le titre développé : « assistant », « under-director », « subaltern », « acolyte », alors que W. A. Ward privilégie « assistant » comme H. G. Fischer. Cf. Bogdanov 2006, p. 28 (résumé anglais) ; Idem 2008, p. 37 (résumé anglais) ; Idem 2010, p. 30 (résumé anglais). 76. Jones 2000, n° 2827 à 2843 : ẖry-ʿ, ẖry-ʿ ʿ(w), ẖry-ʿ wʿ m ḥww ʿrq-jnt, ẖry-ʿ Wp-wȝwt, ẖry-ʿ pr, ẖry-ʿ(sic) pr-ʿȝ n mrwt, ẖry-ʿ pr-ḥḏ/ḥwt-ḥḏ, ẖry-ʿ nswt, ẖry-ʿ ḥwwt Wȝḏt (?), ẖry-ʿ ḥqȝ, ẖry-ʿ ḫrp sḥ, ẖry-ʿ(sic) smsw pr-ʿȝ, ẖry-ʿ smntyw (?) et ẖry-ʿ gs (?). 77. Sous ce règne, il s’agit de quatre ẖry-ʿ seuls : Rehedjet, Kȝ[…] et Khonsou, qui sont des « adjoints » du boucher (sfty) Ameny sur la stèle Berlin ÄGM 26/66 (cf. Satzinger 1969, pl. IIIb ; Simpson 1974, pl. 15 [ANOC 6.4]) et Âaou sur la stèle Caire CG 20026 (an 10) (cf. Lange & Schäfer 1902, p. 33-34). 78. Samontou et Néni sur la stèle Rio de Janeiro 634 [2426] : cf. Kitchen 1990, p. 43-47, pl. 19-24. Signalons que R. Hannig (2006, n° 25137) lit le titre ẖry-ʿ n jmj-rȝ pr « Gelhilfe des Haushofmeisters ». 79. Le titre est recensé par W. A. Ward (1982, n° 1197) « Royal Assistant of Brick(-making) ». R. Hannig propose la lecture ẖry-ʿ seul. Senebef (fin XIIe – XIIIe dynastie) porte le titre sur la stèle Vienne KHM ÄS 136 : Hein & Satzinger 1989, p. 48-54. 80. Âtitet est cité sur le scarabée Londres BM EA 66729 : Martin 1971, pl. 9 [9], n° 385. 81. Senebi sur la stèle Vienne KHM ÄS 182 (Sobekhotep Sekhemrê-Seouadjtaouy, environ) : Hein & Satzinger 1989, p. 137-142. 82. Ip est cité sur la stèle royale de Ezbet Rushdi datée de l’an 5 de Sésostris III : Sheḥata 1959, p. 216, pl. IX. 83. Sainheret (XIIe dynastie) sur la stèle Londres BM EA 568 : HTBM II 1912, pl. 4. 84. Nefertem sur la stèle Roanne 163, datée avant le règne de Neferhotep Khasekhemrê : de Meulenaere 1985, p. 78, fig. 1 ; Gabolde 1990, p. 35-38.

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bras-droits, substituts, adjoints... une question de subordination au moyen empire • 113

présent dans le cadre d’une subordination à ces deux hauts fonctionnaires. Quatorze ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt ( ; ) sont actuellement connus à partir du règne d’Amenemhat II : – Nakhti ; Abydos, stèle Caire CG 2009085 (an 24 d’Amenemhat II) ; – Sahathor ; Abydos, table d’offrandes Leyde C.1486 (Amenemhat II) ; – Menouhotep ; Abydos, stèle Berlin 1204 (Sésostris III). La stèle appartient au « directeur des choses scellées » Iikherneferet ; – Iby ; Abydos, stèle Caire CG 2031087 (Sésostris III – Amenemhat III). La stèle appartient au « directeur des choses scellées » Iikherneferet ; – Ihyseneb ; papyrus Kahoun I.2 (Londres UC 32167)88 (an 29 d’Amenemhat III) ; – Ânkhren ; El-lahoun (?), table d’offrandes Moscou, Pushkin Museum I.1.a 5339 (4093)89 (an 29 d’Amenemhat III) ; – Iouefni ; Sérabit el-Khadim, stèle IS 10590 (an 30 d’Amenemhat III) ; – Senouseret ; provenance inconnue, stèle Louvre C7 (Amenemhat III91) ; – Sobekhotep ; provenance inconnue, stèle Louvre C7 (Amenemhat III) ; – Qemaou ; Abydos (?) ; stèle Caire CG 20435 (Amenemhat III) ; – Ikou/Iky (?) ; Ayn Soukhna, étiquette de jarre92 (fin XIIe dynastie) ; – Ânkh ; Abydos, stèle Caire CG 2014393 (XIIIe dynastie) ; – Bak ; Abydos (?), stèle Rio de Janeiro 634 [2426] (XIIe – XIIIe dynastie) ; – Ipou ; Abydos, stèle Caire CG 2018694 (Moyen Empire)95.

85. Lange & Schäfer 1902, p. 109-110. Sur le monument, seule l’indication de l’an 24 est clairement lisible ; la datation sous le règne d’Amenemhat II est la plus fréquemment admise. Cf. Freed 1996, p. 333. 86. Boeser 1910, pl. 1, n° 1. 87. Lange & Schäfer 1902, p. 322. 88. Collier & Quirke 2004, p. 118-119. 89. Hodjash & Berlev 1982, p. 76-77, n° 33. 90. Gardiner, Peet & Černy 1955, pl. XXXIV. 91. Valloggia 1969, p. 128 : « La stèle du Louvre peut être datée au minimum de l’an 43 d’Amenemaht III ». 92. Matériel d’Ayn Soukhna : communication personnelle de Pierre Tallet (le document sera publié par G. Castel & P. Tallet (dir.), Ayn Soukhna IV). 93. Lange & Schäfer 1902, p. 168-169. 94. Ibidem, p. 215-216. 95. Il faut ajouter à cette liste un dénommé Nebou mentionné sur une stèle en grès sur laquelle le nom d’Amenemhat IV est inscrit. Voir le catalogue de vente Boisgirard-Antonini du 5 juin 2013, p. 22, n° 61 (communication personnelle ; le document doit être publié par Philippe Collombert).

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L’étude chronologique de ces quatorze attestations de ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt actuellement connues montre que ce titre a existé au moins depuis le règne d’Amenemhat II et par conséquent bien avant la première mention d’un jdnw n jmy-rȝ ḫtmt sous le règne de Sésostris III. Toutefois, il est évident aussi que le titre perdure sous les règnes suivants (huit individus le portent entre le règne de Sésostris III et celui d’Amenemhat III). Cependant, contrairement aux évolutions chronologiques remarquées pour le titre jdnw, on observe que, pour la dynastie suivante, seuls deux individus sont recensés à ce jour. Il s’agit d’un dénommé Ânkh, mentionné sur la stèle Caire CG 20143 provenant d’Abydos datée largement de la XIIIe dynastie, ainsi qu’un certain Nebou (?) nommé sur la stèle de son supérieur hiérarchique, le jmy-rȝ ḫtmt, dont le nom a malheureusement disparu. Ajoutons à cette énumération Bak de la stèle Rio de Janeiro 634 [2426] (XIIe – XIIIe dynastie) et Ipou de la stèle Caire CG 20186 (Moyen Empire). Ainsi, on peut conclure que le titre de « adjoint du directeur des choses scellées » tend à disparaître peu à peu après le règne d’Amenemhat III. Le titre ḫtmw ẖry-ʿ ẖry- « scelleur (et) adjoint » - avec la graphie ( ) - est quant à lui attesté pour la première fois semble-t-il sous le règne de Sésostris Ier. Il apparaît alors sans complément d’information dans le contexte de la supervision de chantiers royaux. Ainsi, un dénommé Mery indique sur la stèle Louvre C3 qu’il a été envoyé en mission en Abydos en l’an 9 du règne de Sésostris « afin de diriger pour lui (la construction d’un) sanctuaire d’éternité au renom plus grand que celui de Ro-Setaou, supérieur en aménagements à n’importe quel sanctuaire de l’éminent district des dieux : ses murs ont déchiré le ciel, le lac que l’on y avait creusé égalait le Nil, les portails qui perçaient le firmament étant de pierre blanche de Tourah »96. Comme pour le titre ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt, c’est sous le règne d’Amenemhat II que l’on rencontre le premier des quatorze ḫtmw et ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt actuellement répertoriés. Il s’agit de Kay dont la présence en l’an 3 à Abydos semble être également liée à la supervision de travaux menés sur le site : « je suis venu pour contrôler les artisans auprès de sa Majesté »97.

96. Traduction de Chr. Barbotin 2005, p. 145. Voir le commentaire de P. Vernus (1973a, p. 230-232). 97. Stèle Berlin 1183. Cf. ÄIB III 1904, p. 166-167.

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Sous les règnes suivants, on retrouve les treize « scelleurs (et) adjoints du directeur des choses scellées » ( ; ): – Menouhotep ; provenance inconnue, bloc Vernus 1973b, p. 255-256 (Sésostris III – Amenemhat III) ; – Iouefni ; Sérabit el-Khadim, stèle IS 10098 (an 20 d’Amenemhat III) ; – Khouioui(?)sobek ; Ouadi Maghara, stèles IS 27 et IS 2899 (an 41 et an 42 d’Amenemhat III) ; – Sobekhotep ; Ouadi Maghara, stèles IS 27 et IS 28 (an 41 et an 42 d’Amenemhat III) ; – Kemeni ; Sérabit el-Khadim, stèle IS 107100 (Londres BM EA 694) (an 44 d’Amenemhat III) ; – Sahat[hor] ; Ouadi el-Houdi, stèle WH 21101 (an 2 d’Amenemhat IV) ; – Menekhib (?) ; Ouadi Maghara, stèle IS 35102 (an 6 d’Amenemhat IV) ; – Senââib ; Ouadi Maghara, stèle IS 35 (an 6 d’Amenemhat IV) ; – Sainheret ; Abydos (?), stèle Londres BM EA 568103 (XIIe dynastie) ; – Senpou ; Éléphantine, stèle Héqaïb 47104 (Neferhotep Khasekhemrê – Sobekhotep Khaneferrê) ; – Senebefn(i) ; Abydos, stèle Manchester 2963105 (XIIIe dynastie) ; – Nakhtemniout (?) ; Abydos, stèle Caire CG 20658106 (Moyen Empire) ; – X ; Ouadi Maghara, stèle IS 43107 (Moyen Empire).

ḫtmw ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt. Il s’agit de Sahathor sous le règne d’Amenemhat II, de Menouhotep sous celui de Sésostris III et de Iouefni sous celui d’Amenemhat III. Ainsi, avec une évolution chronologique relativement similaire et ces trois exemples de titres portés par un même individu, il est clairement établi que nous aurions affaire à deux versions d’un seul titre composé sur l’association de deux « racines » - ḫtmw et ẖry-ʿ. Dans cette optique, Kay pourrait éventuellement constituer une preuve de cet état de fait puisque l’on a noté que sur la stèle Berlin 1183 datée de l’an 3 d’Amenemhat II, il est défini en tant que ḫtmw seul dans la dédicace au registre supérieur et en tant que ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt dans la colonne de texte qui fait face à sa représentation au-dessous 108. La chronologie des attestations semble montrer, enfin, que jusqu’au règne d’Amenemhat III les deux versions cohabitent équitablement, mais qu’à partir de l’an 40 de ce même règne, le choix se porterait plutôt sur la version développée ḫtmw ẖry-ʿ : Kemeni en l’an 40 et l’an 44 ; Khouioui(?)sobek et Sobekhotep en l’an 41 et l’an 42. Cette tendance semble confirmée sous le règne d’Amenemhat IV puisque aussi bien Sahat[hor] en l’an 2 que Menekhib et Senââib en l’an 6 sont des « scelleurs (et) adjoints du directeur des choses scellées » 109.

La majorité de ces références apparaît en contexte expéditionnaire, principalement dans le Sinaï (Sérabit el-Khadim et Ouadi Maghara), mais aussi au Ouadi el-Houdi, avec une fourchette chronologique relativement étroite, soit le règne d’Amenemhat III et celui d’Amenemhat IV. Les autres attestations issues de documents d’Abydos et d’Éléphantine sont, soit plus tardives, soit chronologiquement imprécises. Leur nombre relativement faible tend à montrer, toutefois, que le titre disparaîtrait progressivement au début de la XIIIe dynastie. Enfin, au moins trois individus ont porté indistinctement les titres ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt et

Après une étude séparée des deux titres-racines jdnw et ẖry-ʿ/ḫtmw ẖry-ʿ, une analyse globale s’avère nécessaire pour déterminer si, au-delà de ces seules constatations chronologiques, des modalités d’utilisations particulières de l’un ou l’autre titre peuvent être définies. Un document nous amène précisément à nous interroger sur l’existence en parallèle des titres jdnw n jmy-rȝ ḫtmt et ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt. Il s’agit de la stèle Berlin 1204 provenant d’Abydos et datée du règne de Sésostris III (fig. 1). Le propriétaire du monument est le jmy-rȝ ḫtmt Iikherneferet représenté en tant que bénéficiaire principal de l’offrande. Toutefois, face à lui est aussi figuré – mais à une échelle inférieure – « son

98. Gardiner, Peet & Černý 1955, pl. XXXI. 99. Ibidem, pl. XI et XII. 100. Ibidem, pl. XXXIII ; HTBM IV 1912, pl. 17. 101. Fakhry 1952, p. 39-40 ; Sadek 1980, p. 44-45. 102. Gardiner, Peet & Černý 1955, pl. XI. 103. HTBM II 1912, pl. 4. 104. Habachi 1985, p. 73, pl. 123. 105. Garstang 1901, pl. 12.4. 106. Lange & Schäfer 1908, p. 290-291. 107. Gardiner, Peet & Černy 1955, pl. XII.

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LE JDNW ET LE H̱ RY-ʿ / ḪTMW H̱ RY-ʿ

108. Cf. Berlev 1978, p. 179-183 ; Quirke 2004, p. 53. 109. Pour être tout à fait complet sur la question, il convient d’indiquer que ce phénomène de « double version » d’un même titre ne se produit qu’en association avec le « directeur des choses scellées ». Nous ne connaissons à ce jour aucun ḫtmw ẖry-ʿ attaché à un « intendant en chef » (jmy-rȝ pr wr) ni à aucun autre membre de l’administration ou institution égyptiennes recensé avec le simple titre-racine ẖry-ʿ.

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bras-droits, substituts, adjoints... une question de subordination au moyen empire • 115

jmy-rȝ ḫtmt Iikherneferet

jdnw n jmy-rȝ ḫtmt Ameny

ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Menouhotep

Figure 1 – La stèle Berlin 1204. [D’après Simpson 1974, pl. 1]

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116 • nathalie favry

frère »110, le jdnw n jmy-rȝ ḫtmt Ameny qui devient le second bénéficiaire de l’offrande. Au-dessous de lui, un troisième frère, le rḫ nswt Sasetyt, est également assis devant une table d’offrandes et est précédé d’un homme debout portant un miroir et un vase-nw (?). C’est ce dernier personnage nommé Menouhotep qui porte le titre de ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt. L’organisation telle qu’elle est proposée sur la stèle de Berlin semble naturellement marquer une hiérarchie : le jmy-rȝ ḫtmt suivi du jdnw n jmy-rȝ ḫtmt qui bénéficient tous deux de l’offrande et le ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt qui présente l’offrande au « directeur des choses scellées ». On pourrait alors envisager que, jusqu’au règne de Sésostris III et la création de la charge d’jdnw, le ẖry-ʿ ou ḫtmw ẖry-ʿ était l’adjoint direct d’un haut responsable de l’administration centrale – en l’occurrence un jmy-rȝ ḫtmt et un jmy-rȝ pr wr – ou encore d’un détenteur d’une prêtrise (wʿb, sm, ẖry-ḥbt ḥry-tp) ; et l’on pourrait tout aussi bien supposer que le ẖry-ʿ/ḫtmw ẖry-ʿ passe au même moment sous les ordres du jdnw lorsque ce titre vient à être accordé à un fonctionnaire dans le cadre d’une délégation de fonction. La question se pose maintenant de savoir si, à partir de cette date, le ẖry-ʿ ou ḫtmw ẖry-ʿ reste toujours un subordonné direct du jmy-rȝ dont il était préalablement l’adjoint, ou s’il devient systématiquement le subordonné du jdnw – et même du jmy-rȝ ḫtmtyw « directeur des scelleurs » comme semble le proposer W. Helck 111. Aussi bien l’attitude des personnages impliqués sur la stèle Berlin 1204, que la présence du ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Iby en dernière position de la procession de porteurs d’offrandes en l’honneur du jmy-rȝ ḫtmt Iikherneferet (sans mention de « son » jdnw) sur la stèle contemporaine Caire CG 20310 (fig. 2), nous amène toutefois à confirmer une subordination directe du ẖry-ʿ/ḫtmw ẖry-ʿ au jmy-rȝ et non à son jdnw, quelque soit la période chronologique concernée. L’absence d’un jdnw n jmy-rȝ ḫtmt sur la stèle de la XIIIe dynastie citant le ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Nebou (?) sous les ordres de « son » jmy-rȝ ḫtmt tend à confirmer la relation directe qui existait entre le directeur et son adjoint. Il semble alors évident que la subordination d’un 110. Il s’agit de la mention sn=f, littéralement traduit par « son frère ». Il pourrait exprimer, dans ce contexte, une proximité professionnelle de premier ordre. Cf. Revez 2003, p. 127 : « The kinship term sn “brother”, may metaphorically convey a wide range of meanings, including “friend,” “lover,” “husband,” “colleague” and “confrere”. In such cases, sn refers to an alter ego, a person who is on an equal footing with someone else, because both share the same value or hold similar power ». 111. Helck 1958, p. 83-84.

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XIIe dynastie (Nombre d’attestations)a

XIIIe dynastie (Nombre d’attestations)

12

20

jdnw

5 15

jdnw n jmy-rȝ ḫtmt

ẖry-ʿ ḫtmw ẖry-ʿ

36

10

10

ḫry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt ḫtmw ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt

21

9 7

25

15

3 2

4

2

(a) Seules les attestations datées d’un règne précis ou de deux règnes concomitants ont été retenues.

ẖry-ʿ à un jdnw n’apparaît au final que si ce dernier est spécifiquement nommé pour remplacer le jmy-rȝ ponctuellement absent ou indisponible. La stèle Manchester 2963 datée de la XIIIe dynastie (fig. 3) pourrait illustrer ce fait puisque c’est le ḫtmw ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Senebefn(i) qui apporte l’offrande à son bénéficiaire le jdnw n jmy-rȝ ḫtmt Netjerouraou. En conclusion, on observe donc que les deux titres jdnw et ẖry-ʿ/ḫtmw ẖry-ʿ évoluent en sens contraire l’un de l’autre entre les XIIe et XIIIe dynasties : H̱ ry-ʿ « adjoint » est attesté largement dès l’Ancien Empire et réapparaît à la XIIe dynastie, sous le règne de Sésostris Ier, en même temps que sa variante ḫtmw ẖry-ʿ « scelleur (et) adjoint ». Sous le règne de Sésostris III, un nouveau titre, le jdnw fait son apparition et vient s’intercaler entre le jmy-rȝ qu’il remplace ponctuellement pour des missions spécifiques (fêtes d’Osiris à Abydos, supervision de chantiers royaux) et son adjoint. Toutefois, à cette période, il apparaît que ce titre n’exprime qu’une délégation et que, pour cette raison, la traduction « substitut » – dans le sens « suppléant, remplaçant » – devrait être privilégiée. Dans un tel cadre, le détenteur du titre régulier ẖry-ʿ reste l’adjoint du jmy-rȝ auquel il est subordonné, ou de son jdnw lorsque ce dernier obtient la délégation de titre. Dans l’un ou l’autre cas, la subordination se fait toujours sur deux échelons : le premier échelon est occupé par le « directeur » ou son « substitut » lorsqu’il existe et le second échelon est occupé par son « adjoint » seul ou son « scelleur (et) adjoint ».

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bras-droits, substituts, adjoints... une question de subordination au moyen empire • 117

jmy-rȝ ḫtmt Iikherneferet

ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Iby

Figure 2 – La stèle Caire CG 20310. [D’après Simpson 1974, pl. 2]

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118 • nathalie favry

jdnw n jmy-rȝ ḫtmt Netjerouraou

ḫtmw ẖry-ʿ n jmy-rȝ ḫtmt Senebefn(i)

Figure 3 – La stèle Manchester 2963. [D’après Garstang 1901, pl. 12.4]

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bras-droits, substituts, adjoints... une question de subordination au moyen empire • 119 Grade 1

è

ê

ê

Grade 2

Cette situation semble toutefois évoluer très rapidement puisque dès la XIIIe dynastie, on note un nombre d’attestations croissant des titres introduits par jdnw alors que les ẖry-ʿ et ḫtmw ẖry-ʿ semblent se raréfier. À cette période, le titre jdnw est plus fréquemment employé dans différents contextes institutionnel, géographique ou social ; il peut alors être attaché au Harem royal, aux juges, à un gouverneur de ville ou encore à un scribe. Cette évolution ne fait que progresser puisque le jdnw devient un véritable titre régulier que l’on retrouve au Nouvel Empire dans de nombreuses sphères de l’administration égyptienne (pr-ḥḏ, šnwt, pr-ʿȝ), militaire/policière (mšʿ, mḏȝw) ou religieuses (pr Jmn-Rʿ, Ptḥ), dans des cadres géographiques précis

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(st mȝʿt ḥt Jmntt, Tȝ-styw, Wȝwȝt, Kȝš), dans l’entourage de hauts fonctionnaires (jmy-rȝ pr-ḥḏ, jmy-rȝ kȝwt, wḥmw), pour ne citer que quelques exemples112. À l’inverse, le titre ẖry-ʿ disparaît peu à peu des titulatures au cours de la XIIIe dynastie pour devenir presque totalement absent de tout titre purement administratif recensé au Nouvel Empire113. On peut alors supposer que l’« adjoint » ẖry-ʿ n’ayant plus raison d’être, c’est le jdnw, initialement le « substitut », qui le remplace et devient l’« adjoint » à part entière.

112. Près d’une cinquantaine de titres créés à partir du titre–racine jdnw sont actuellement recensés pour le Nouvel Empire. 113. Chl. Ragazzoli a montré que le titre ẖry-ʿ « semble annexé par le monde scribal, où il joue un rôle identitaire fort en désignant des relations interpersonnelles structurantes dans ce milieu, fondées sur la transmission et le partage du savoir d’une génération à l’autre. (...) Le khéry-â désigne donc un professionnel, probablement au début de sa carrière, dans sa relation avec les autorités de sa profession ». Cf. Chl. Ragazzoli, Les artisans du texte. La culture des scribes en Égypte ancienne d’après les sources du Nouvel Empire, Thèse de doctorat inédite soutenue le 10 décembre 2011 à l’Université Paris-Sorbonne – Paris IV, p. 133-134 (publication en préparation).

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NectaNébo aux portes de la Nubie Annie Forgeau Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

Le site et les environs de Philae sont d’un caractère qui porte naturellement à la méditation […]. Tout à l’heure au milieu de ce spectacle, dont le silence n’est troublé que par le bruit lointain de la cataracte, je songeais avec une sorte d’émotion et de bonheur que j’étais sur l’un des points les plus remarquables de la terre, dans des lieux fabuleux et dont les noms, prononcés dès l’enfance, ont pris une signification gigantesque et presque magique. Je touchais aux rochers des cataractes, aux portes de l’Éthiopie, aux bornes de l’Empire Romain. [...] Je touchais l’une des immuables divisions du globe, et le premier pas que j’allais faire était vers la zone torride1.

Arrivée le 5 décembre 1828 au soir sur l’île de Philae, l’expédition franco-toscane à laquelle participe le jeune Nestor l’Hôte en repart le 16 décembre pour sa destination finale, Ouadi Halfa,  atteinte le 30 décembre. Elle y séjourne de nouveau sur le chemin du retour du 2 au 7 février 1829. Au contraire de Nestor l’Hôte, sensible à la magie du lieu, porte ouverte sur des horizons lointains, mais fort peu disert sur les monuments qui « ont été si exactement décrits dans le grand ouvrage sur l’Égypte que je me bornerai ici à la plus stricte explication du plan2 », Champollion, dans les lettres qu’il adresse à son frère, ne paraît guère s’être laissé aller à de douces rêveries ; sa crise de goutte passée, il « commence l’exploitation » du site et constate : Tout y est moderne, c’est-à-dire de l’époque grecque ou romaine, à l’exception d’un petit temple d’Hathôr et d’un propylon engagé dans le premier 1. Lettre de Nestor l’Hôte à ses parents datée du 8 décembre 1828, dans Harlé & Lefebvre 1993, p. 172. 2. Lettre en date du 5 février 1829, dans Harlé & Lefebvre 1993, p. 229.

pylône du temple d’Isis, lesquels ont été construits et dédiés par le pauvre Nectanèbe Ier ; c’est aussi ce qu’il y a de mieux3.

Mon propos n’est pas de commenter les jugements esthétiques de Champollion, très vite lassé par la « sculpture barbare » du grand temple, représentative à ses yeux de l’art décadent de l’époque ptolémaïque et pire encore de la période romaine. Ce qui me retiendra, c’est sa rencontre avec le pharaon Nectanébo « à la frontière extrême de l’Égypte4 », une expression convenant parfaitement, semble-t-il, à la réalité territoriale du pays sous la XXXe dynastie. Lors de l’avènement de celle-ci, la Nubie est hors du contrôle égyptien depuis le retrait des rois kouchites et rien n’atteste une quelconque tentative de reprise d’autorité sous le règne des trois derniers souverains indigènes. 3.  « Neuvième  lettre,  Ouadi-Halfa,  2e cataracte, 1er janvier 1829 », dans Champollion 1829, p. 43. 4. « Huitième lettre, De l’île de Philae le 8 décembre 1828 », dans Champollion 1829, p. 37. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 123-130

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À Dominique qui s’intéressa aux déesses de la Première Cataracte avant d’étendre son champ d’action « en zone torride » et qui, sur les marges septentrionales, à Tell el-Herr, enquête sur l’activité de(s) Nectanébo(s), je suis heureuse d’offrir ces quelques réflexions qui ont pour seule prétention de  remonter le cours du Nil et le fil du temps jusqu’où  et au moment où les savants occidentaux ont pour la  première fois identifié in situ un monument inscrit aux cartouches du « pauvre Nectanèbe Ier ». Que vaut au roi ce qualificatif de « pauvre » ? Champollion  ne le précise pas. Parce qu’il est alors encore largement  méconnu ?  Parce  qu’il  a  fondé  une  dynastie qui ne sut résister à l’ultime invasion perse ?  Bien  que  Champollion,  qui  connaît  parfaitement ses classiques et Diodore en particulier, lui attribue la juste place dans la suite des souverains de la XXXe dynastie, le destin des deux Nectanébos, celui qui repoussa victorieusement l’armée achéménide en 373 et celui qui fut mis en échec par les troupes d’Artaxersès III en 342/341, est encore à son époque, et par lui-même d’ailleurs souvent, entremêlé. Dans la notice qu’il rédige, avant de repartir pour la France, à destination de MéhémetAli, certes à dessein « sommaire » selon ses propres termes, il résume en une phrase lapidaire les soixante années d’indépendance de l’Égypte de la XXVIIIe à la XXXe dynastie et dénie le titre de roi aux souverains anonymement renvoyés à leur impuissance face au danger perse :

respectivement ḫpr-kȝ-rʿ et nḫt-nb.f, son co-équipier italien Ipolito Rosellini montre plus d’hésitation. Son ouvrage, I Monumenti dell’Egitto e della Nubia, I, Monumenti Storici, paru en 1832, est, sauf erreur de ma  part,  la  première  publication  où  se  trouvent  reproduits des portraits légendés du souverain. Deux d’entre eux proviennent de Philae, l’un (pl. 14 [57]) des propylées de Nectanébo improprement appelés à la suite de Champollion « petit temple d’Hathor » (fig. 1)7, l’autre (pl. 18 [16]) de la porte du premier pylône du temple d’Isis, la seconde construction au nom du roi encore en place sur l’île (fig. 2)8. Les autres représentations du souverain dans le volume sont regroupées sur la planche 154 [1] et [2] – un remploi dans la Citadelle du Caire et une scène de massacre de prisonniers dessinée dans le kiosque saïte usurpé par Nectanébo Ier bâti en

Figure 1 – Portrait de Nahsctefnèb. [D’après Rosellini 1832, pl. 14 [57]]

Quelques chefs égyptiens, pleins de courage, arrachèrent momentanément leur patrie à la servitude, mais leurs généreux efforts s’épuisèrent bientôt contre la puissance toujours croissante de l’empire persan5.

En 1829, l’image et le nom de Nectanébo sont déjà familiers à Champollion qui, au cours de son séjour en Italie, a eu l’occasion, lors de sa visite du musée de Bologne, de repérer « un grand bas-relief en granit  ou basalte noir, portant une adoration du roi Nectanèbe6 », qu’il connaissait par ailleurs grâce à une gravure de l’antiquaire Francesco de Ficorini. Si, lors de son exploration des monuments de Philae, lui-même ne paraît nourrir aucun doute quant à l’identité du roi dont les noms en cartouche se lisent 5. « Notice sommaire sur l’Histoire d’Égypte, rédigée à Alexandrie pour le Vice-Roi, et remise à Son Altesse le 29 novembre 1829 », dans Hartleben 1986, p. 443. 6.  Lettre envoyée « à Champollion-Figeac, Bologne, 6 mars  1825 », dans Hartleben 1909, p. 183. Il s’agit de la dalle en grauwacke conservée au Museo Civico sous le n° KS 1810 provenant d’une avant-porte aménagée devant le temple d’Atoum à Héliopolis montrant le roi à genoux, offrant à des divinités monstrueuses juchées sur des piédestaux. Voir l’étude de J. Yoyotte (2003, p. 219-265).

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7. Le dessin est repris dans Champollion 1835, pl. 85, 2, trois ans donc après celui de Rosellini ; pour l’emplacement exact de la représentation du roi sur le monument, voir PM, VI, 1939, p. 206 (12). 8. Pour une reconstitution historique des différentes périodes de construction à Philae, voir Haeny 1985, p. 197-233.

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nectAnebo Aux portes de lA nubie • 125

avant du portique de Chabaka/Taharqa du petit temple de Médinet Habou9. Le commentaire de la planche 14 [57] est ainsi libellé : « portrait de Nahsctefnèb, Nectanébo de la dynastie XXX sébennytique, qui est le dernier des pharaons indigènes de l’Égypte, sans qu’il soit possible de décider s’il fut le premier ou le second des deux Nectanébos de cette ultime dynastie10 ». De fait, l’incertitude dont fait part Rosellini  ne  sera  définitivement  levée  qu’au  début  du siècle suivant, après de longues tergiversations. L’homonymie dans les sources classiques du premier et du troisième souverain de la XXXe dynastie prête à l’époque d’autant plus à confusion que la paternité des quelques monuments connus de Nectanébo II, ci-devant nḫt-ḥr-ḥbyt, est alors faussement attribuée à Amyrtée, le libérateur de l’Égypte après la première domination perse et l’unique pharaon de la XXVIIIe dynastie dont, rappelons-le, aucun document portant la version hiéroglyphique de son nom n’a été jusqu’à ce jour retrouvé. Autant la transcription grecque des noms personnels des deux Nectanébos forgée à partir d’un paradigme consonantique commun, différemment vocalisé selon les auteurs, est proche de la forme nḫt-nb.f, autant elle ne renvoie que partiellement à nḫt-ḥr-ḥbyt,  d’où  la  proposition  de  lecture  « Amahorte » faite sur deux obélisques alors récemment  arrivés  au  British  Museum  par  John  Gardner Wilkinson11, que Rosellini adopte pour sienne. Aussi la représentation de Nectanébo II provenant de la salle hypostyle du temple de Khonsou à Karnak 12  figurant  sur  la  planche  154  [3]   des  Monumenti dell’Egitto e della Nubia sert-elle à illustrer les réalisations d’Amyrtée dans les rétrospectives historiques consacrées au règne de ce dernier par Rosellini, au même titre que d’autres œuvres de Nectanébo II conservées dans les collections européennes :  outre  les  deux  obélisques  du  British  Museum, le sarcophage du roi, également au British  Museum, la stèle donnée au prince Metternich par Mehémet Ali (aujourd’hui New York MMA 50.85) et la table à libation Turin 175113. C’est en 1852 seulement, la plupart des membres de l’expédition francotoscane disparus, que Samuel Birch déchiffre correctement la titulature gravée sur les obélisques londoniens, permettant ainsi de rendre à Nectanébo II 9. Dessin repris dans Champollion 1845, pl. 196 [1] ; pour l’emplacement de la scène, voir PM, II2, 1972, p. 464 (23) et plan 44 ; voir aussi infra, n. 16. 10. Rosellini 1833, p. 499. La traduction respecte la lettre du texte italien, mais dans l’esprit, c’est le nom de Nectanébo qui est « le dernier des pharaons indigènes de l’Égypte ». 11. Londres, British Museum 523-524 ; sur cette question voir  Iversen  1972,  p. 51-61 :  « The  Obelisks  of  Nectanebos  (B.M. 523-24) ». 12. Voir PM II2 1972, p. 233 (24). 13. Rosellini 1833, p. 201-206 ; Idem 1841, p. 206-216.

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ce qui lui revient. Le dossier toutefois n’est pas clos ; le consensus qui a fini par s’imposer bon an mal an chez  les savants quant à l’ordre des deux Nectanébos, non sans contradiction parfois – tel Rosellini qui, dans le même ouvrage, prône la prudence et fournit un tableau dans lequel la XXXe dynastie débute sans la moindre réserve avec le règne de nehsctanebf/ nahsctefnèb14 –, est remis en question dans les années 1855 par Auguste Mariette. Mais ceci nous éloigne et

Figure 2 – Nahsctefnèb avec le pschent sur la tête. [D’après Rosellini 1832, pl. 18 [16]]

14. Idem 1833, p. 227. Voir aussi, par exemple, Lesueur 1848, p. 211, 331.

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de Philae et du dévoilement des constructions de Nectanébo, le premier du nom donc, puisque la figure  historique du second a tardé à prendre consistance – un paradoxe au regard de la renommée littéraire  dont  bénéficia  le  personnage  de  Nectanébo II,  héros de plusieurs récits tardifs dont le Roman d’Alexandre, pour ne citer que le plus célèbre. Il suffit  d’indiquer ici que la publication de la Chronique démotique par W. Spiegelberg en 1914 a clairement démontré la fragilité de la reconstitution de Mariette, mise de nouveau à mal, peu de temps après, par la découverte, dans le temple d’Hibis, de blocs au nom de nḫt-nb.f dans les fondations d’un portique décoré par nḫt-ḥr-ḥbyt. L’erreur néanmoins a longtemps persisté et se rencontre encore parfois de loin en loin. Déplacés au sud de l’île sous le règne de Ptolémée XII, les propylées de Nectanébo, qui accueillent le visiteur accostant à Philae, constituent aux yeux des voyageurs du xIxe siècle un monument remarquable à plus d’un titre, et pas seulement parce qu’il est un produit du véritable génie égyptien avant que celui-ci ne s’abâtardisse au contact d’influences  étrangères.  D’une  construction  homogène,  l’édifice  a  gardé  une  partie  de  son  élévation, contrairement aux autres réalisations du souverain vues au gré des étapes, au mieux réduites à leurs soubassements, quand elles ne sont pas démantelées sous forme de blocs épars15. Fort de ce qu’il a observé à Philae, Champollion est ainsi mieux enclin à apprécier, lors de sa seconde visite à Médinet Habou sur le trajet du retour, le kiosque saïte décoré sous Nectanébo Ier – dit par lui « chapelle élevée par l’un des princes qui avait brisé le joug des Perses » –, auquel il n’avait accordé qu’une attention rapide lors de son précédent passage : Au pylone (sic) de Soter succède un petit édifice d’une exécution plus élégante, semblable en son plan au petit édifice à jour de l’île de Philae ; mais les huit colonnes qui le supportaient sont maintenant rasées jusqu’à la hauteur des murs des entre-colonnemens (sic). Tous les basreliefs encore existants représentent le roi Nectanèbe, de la trentième dynastie, la Sébennytique [… ]16.

15. L’autre monument sur leur itinéraire qui aurait pu lui être comparé est le portique érigé à Hermopolis sous le règne du roi ; vu et dessiné par les membres de l’expédition d’Égypte (Description de l’Égypte, Antiquités, planches, IV, pl. 51-52), il a été détruit en avril 1826 et seules subsistent aujourd’hui les bases des colonnes, voir Snape & Bailey 1988.  16. Dix-huitième lettre, « Thèbes (Médinet-Habou), le 30 juin 1829 », dans Champollion 1829, p. 153-155 ; voir aussi des remarques similaires dans Champollion 1844, p. 319320 ; à propos du dessin de la scène de massacre en provenant, voir supra, n. 9. Pour le compte-rendu de la première visite de Champollion sur les lieux, voir septième lettre, « Thèbes, le 24 novembre 1828 » dans Champollion 1829.

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Ce sont de même les propylées de Philae, « monument précieux comme étude17 », qui nourrissent les réflexions d’Émile Prisse d’Avennes  quant à l’évolution du style architectural égyptien sous la dernière dynastie indigène. Celui qui se définit  comme  « un  artiste  et  un  antiquaire18 » déambule à Philae quinze jours durant, en juinjuillet 1836, sept ans et demi donc après les membres de l’expédition franco-toscane ; il y demeure de nouveau du 4 au 7 septembre 1837 lors de son deuxième voyage en Nubie à partir de Thèbes19. Dans son journal daté de 1836, il décrit minutieusement « le petit temple d’hathor (sic) dont il ne reste plus que les six colonnes et le petit mur d’entrecolonnement du côté de l’ouest20 » et en dresse le plan à main levée. Les notes, au demeurant succinctes, prises sur les lieux par Champollion, qui s’intéresse plus à la lecture des inscriptions qu’il ne se complaît dans des considérations artistiques, ne sont pas alors connues21 ; c’est donc sans autre préjugé que ceux de l’époque que Prisse rend compte de ce qui fait l’originalité du monument : la sculpture, sur l’abaque couronnant les chapiteaux campaniformes des supports, d’une quadruple tête d’Hathor surmontée d’un naos imitant la caisse de résonance du sistre. Le résultat, selon lui, est loin d’être réussi ; s’il reconnaît encore « le style pharaonique » dans « le style des colonnes et surtout (dans) le fuselé du fût », il estime que l’ensemble montre « le déclin de l’art de cette époque » et que « cet échafaudage d’élemens (sic) sur la colonne [….] n’est pas d’un bel effet » ; il est toutefois sensible à la beauté des chapiteaux dont la présence dans un monument de la XXXe dynastie prouve, à l’encontre de l’opinion admise jusque-là, que les Grecs n’en sont pas « les inventeurs ». Quand, lors de de son deuxième séjour en Égypte (6 juin 1858 – 12 juin 1860), Prisse revient à Philae à l’automne 185922, il a avec lui « l’ouvrage de la 17. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des  Manuscrits, NAF 20418 « Archéologie égyptienne », f. 273. 18. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des  Manuscrits, NAF 20420 « Antiquités et antiquaires », f. 48, voir Volait 2011, p. 93-101 ; Volait 2013. 19. Dates fournies par recoupement des annotations de Prisse dans NAF 20418, f. 269, f. 282 et NAF 20416 « Géographie », f. 194. 20. NAF 20418, f. 272, d’où provient aussi la citation ci-après. 21. Voir Champollion 1844, p. 166 : « Les chapiteaux de ces colonnes, à campanes, décorées avec assez de goût, sauf la plus voisine de la grande galerie, qui déjà offre quelques petites volutes, sont surmontés en guise de dèz (sic) par quatre têtes  d’Hathor, ce qui suffit pour caractériser un  temple de la déesse ». 22. Il ne reste, à ma connaissance, aucun commentaire de sa main relatif à cette dernière visite sur l’île, mentionnée, en revanche, dans le journal et la correspondance de Famars Testas qui l’accompagna tout au long de son second séjour en Égypte, voir Raven 2013, p. 189-213.

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Figure 3 – Philae. Temple A. Colonnade occidentale. [D’après Lepsius 1849, pl. 285a]

Commission, celui de Gau et celui de Lepsius23 ». Or le  tome III des Denkmäler de Lepsius qui, à la tête de l’expédition prussienne, était à Philae – « un de ses plus beaux souvenirs » – en novembre 184324, contient une gravure représentant « la colonnade occidentale du temple A. de Philae », c’est-à-dire des propylées de Nectanébo (fig. 3)25. Si les six fûts sont reproduits avec un certain souci d’exactitude quoiqu’il manque la représentation des déesses-vautours dans leur partie sommitale, seuls deux chapiteaux sont montrés ornés de leur décor, au reste fort approximatif. Les murs d’entrecolonnement, quant à eux, sont vierges de toute scène figurée. Pour son Atlas de l’Art Égyptien26, Prisse veut faire mieux. Il exécute – ou fait exécuter – sur place plusieurs aquarelles dont l’une figure  deux  colonnes  avec  leur  entablement,  leurs  chapiteaux  dont  feuillages  et  ombelles  florales  sont  soigneusement détaillés, et le dessin d’une scène d’offrande – le roi présentant Maât à Amon-Rê et Mout – sur le mur-bahut qui les relie (fig. 4). Au premier regard, l’image fait illusion et semble 23. Lettre adressée à Félicien de Saulcy le 16 janvier 1860, Bibliothèque, Institut de France MS 2283, f. 97, citée par Dewachter 1988, p. 174. 24. Lepsius 1852, p. 110, lettre envoyée de « Korusko, le 20 novembre 1843 ». 25. Lepsius 1849, pl. 285a. 26. Prisse d’Avennes 1878.

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conforme à la réalité du monument, mais dès qu’on essaie de la situer précisément, on constate que la scène représentée n’est pas à son juste emplacement. Elle ne se trouve pas en effet entre deux colonnes, comme il paraît, mais à l’extrémité méridionale, là où  le dispositif s’interrompt. Considéré comme un document de travail, l’esquisse est progressivement enrichie ; dans un premier temps, deux colonnes d’inscription sont ajoutées dans l’espace laissé vide de part et d’autre du tableau d’offrande (fig. 5), puis, pour la publication de la planche en 187827, il est fait choix de centrer la composition sur ce dernier et de le reproduire à l’identique sur les deux murs-bahuts voisins pour équilibrer l’ensemble (fig. 6). L’artiste a pris le pas sur l’antiquaire ; sous couvert d’authenticité,  Prisse  propose  une  vue  recréée  de  l’édifice,  auquel, étrangement, aucune étude exhaustive n’a été consacrée jusqu’à très récemment28. Cet arrêt sur image sera le point d’orgue à ce bref récit de la redécouverte conjointe et de Philae et de Nectanébo. Rosellini, Champollion, Lepsisus et Prisse en furent les pionniers ; leurs apports respectifs ne sont pas du même aloi. Si le dernier nommé s’est autorisé quelque liberté peu compatible avec l’exi27. Ibidem, pl. I, 47. 28. Lombardi 2013 ; un long temps s’est écoulé depuis les premiers découvreurs !

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Figure 4 – Émile Prisse d’Avennes, crayon, aquarelle sur papier vélin, 1859, Paris, BnF, département des Manuscrits,  NAF 20437 (2), 22-XV-2, f. 6.

Figure 5 – Colonne du temple de Nectanèbe, Émile Prisse d’Avennes, Philae : Maquette, 1859-1878, Plume, encre noire, aquarelle sur papier vélin, Paris, BnF, département des Manuscrits, NAF 20437 (2), 22-XV-1, f. 10.

Figure 6 – Colonnes du temple de Nectanèbe – Philae – XXXe dynastie [D’après Prisse d’Avennes 1878, pl. I, 47 © Zeitouna Book]

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gence de rigueur – mais là n’était point son projet –, c’est pourtant à la planche de son Atlas « Colonnes du temple de Nectanèbe – Philae – XXXe dynastie » que les propylées de Philae doivent d’être devenus l’exemple emblématique du programme architectural du roi. Bien des pièces du puzzle auquel chacun  à sa façon a contribué sont encore manquantes. Certes, lors des opérations de démontage des monuments de l’île, des blocs supplémentaires appartenant aux propylées ont été retrouvés, remployés dans le second pylône, mais la question de la localisation originelle de l’édifice reste posée.  Quant aux raisons pour lesquelles Nectanébo Ier construisit à Philae, où déjà avant lui les souverains  de la XXVIe dynastie avaient fait bâtir, elles procèdent de la situation géographique de l’île, dernier bastion de l’Égypte avant des contrées potentiellement hostiles que devait subjuguer la

mise en scène monumentale de la connivence du roi et  des  dieux.  Il  est  difficile  d’en  dire  plus.  Sur  les  relations des souverains de la XXXe dynastie avec les voisins du sud, les sources en effet sont muettes, un silence que contredit l’assertion des auteurs classiques selon laquelle Nectanébo II, craignant que les Perses n’investissent Memphis, abandonne la ville sans combat et s’enfuit en Nubie. Une telle décision suppose des contacts préalables avec la puissance recevante. Des hypothèses ont été échafaudées pour élucider qui elle peut être, nulle ne convainc vraiment, à moins qu’il ne s’agisse d’un topos littéraire associant la notion d’exil avec les confins nubiens. En l’état actuel des connaissances,  les « portes de l’Éthiopie » marquent donc la limite au-delà de laquelle se perd la trace de l’un et l’autre Nectanébo, mais aucune page d’histoire n’est jamais définitivement écrite.

BiBliographie Champollion (J.-Fr.) 1829 Lettres de M. Champollion le Jeune, écrites pendant son voyage en Égypte, en 1828 et 1829, Paris, Imprimerie Firmin Didot. 1835 Monuments de l’Égypte et de la Nubie d’après les dessins exécutés sur les lieux sous la Direction de Champollionle-Jeune, et les descriptions autographes qu’il en a rédigées, I, Paris, Imprimerie et Librairie Firmin Didot Frères [ouvrage publié à titre posthume]. 1844 Monuments de l’Égypte et de la Nubie. Notices descriptives conformes aux manuscrits autographes rédigés sur les lieux par Champollion Le Jeune, I, Paris, Imprimerie et Librairie Firmin-Didot frères [ouvrage publié à titre posthume]. 1845 Monuments de l’Égypte et de la Nubie d’après les dessins exécutés sur les lieux sous la Direction de Champollionle-Jeune, et les descriptions autographes qu’il en a rédigées, II, Paris, Imprimerie et Librairie Firmin Didot Frères [ouvrage publié à titre posthume]. Dewachter (M.) 1988 Un Avesnois : l’égyptologue Prisse d’Avennes (18971879) : études et documents inédits (Société Archéolo-

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gique et Historique de l’Arrondissement d’Avesnes [Nord]. Mémoires, 20), Avesnes-sur-Helpe. Haeny (G.) 1985 « A Short Architectural History of Philae », BIFAO, 85, p. 197-233. Harlé (D.) & Lefebvre (J.) (dir.) 1993 Sur le Nil avec Champollion, Lettres, journaux et dessins inédits de Nestor L’Hôte. Premier voyage en Égypte 1828-1830, Orléans – Caen, Paradigme. Hartleben (H.) (dir.) 1909 Lettres et journaux de Champollion le Jeune, I. Lettres écrites d’Italie  (Bibliothèque  Égyptologique, 30),  Paris. 1986 Lettres et journaux de Champollion le Jeune, II. Lettres et journaux écrits pendant le voyage d’Égypte  (Bibliothèque Égyptologique, 31), Paris [rééd. 1909]. Iversen (E.) 1972 Obelisks in exile, II. The Obelisks of Istanbul and England, Copenhague, G. E. C. Gad Publishers.

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130 • Annie forgeAu Lepsius (C. R.) 1849 Denkmäler aus Ägypten und Äthiopien nach den Zeichnungen der von Seiner Majestät dem Könige von Preussen Friedrich Wilhelm IV nach diesen Ländern gesendeten, und in den Jahren 1842-1845 ausgeführten wissenschaftlichen Expedition, III, Berlin, Nicolaische Buchhandlung. 1852 Briefe aus Ægypten, Æthiopien und der Halbinsel des Sinai. Geschrieben in den Jahren 1842-1845 während der auf Befehl Sr. Majestät des Königs Friedrich Wilhelm IV von Preussen ausgeführten wissenschaftliche Expedition, Berlin, Wilhelm Herz. Lesueur (J. B. C.) 1848 Chronologie des rois d’Égypte, Paris, Imprimerie Nationale. Lombardi (M.) 2013 « Il “chiosco” del Re Nectanebo I a File », dans P. Gallo (dir.), Egittologia a Palazzo Nuovo, Studi e ricerche dell’Università di Torino (Studi e Ricerche Storiche), Turin, p. 47-153. Porter (B.) & Moss (R.) 1939 Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs, and Paintings VI. Upper Egypt: Chief Temples (excluding Thebes) Abydos, Dendera, Esna, Edfu, Kôm Ombo, and Philae, Oxford, Clarendon Press. 1972 Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs, and Paintings II. Theban Temples, Oxford, Clarendon Press [2e éd.] Prisse d’Avennes (É.) 1878 Histoire de l’art égyptien d’après les monuments : depuis les temps reculés jusqu’à la domination romaine. Atlas, Paris, A. Bertrand.

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Raven (M. J.) 2013 « Extraits du journal égyptien de Willem de Famars Testas (1858-1860) », dans M. Volait (dir.), Émile Prisse d’Avennes. Un artiste-antiquaire en Égypte au xix e siècle  (BdE,  156), Le Caire, p. 189-213. Rosellini (I.) 1832 I Monumenti dell’Egitto e della Nubia, I (Monumenti Storici, 1), Pise. 1833 I Monumenti dell’Egitto e della Nubia, I (Monumenti Storici, 2), Pise. 1841 I Monumenti dell’Egitto e della Nubia, I (Monumenti Storici, 4), Pise. Snape (S.) & Bailey (D.) 1988 The Great Portico at Hemopolis Magna: Present State and Past Prospects (British Museum Occasional Paper, 63), Londres. Volait (M.) 2011 « “Avec le double empressement d’un artiste et d’un antiquaire”, Les arts de l’Égypte médiévale vus par Émile Prisse d’Avennes », dans M.L. Prévost et al., Visions d’Égypte, Émile Prisse d’Avennes (1807-1879) [catalogue de l’exposition], Paris, Bibliothèque  nationale  de  France, p. 93-101 . Volait (M.) (dir.) 2013 Émile Prisse d’Avennes. Un artiste-antiquaire en Égypte au xixe siècle (BdE, 156), Le Caire. Yoyotte (J.) 2003 « Un nouveau souvenir de Sheshanq I et un muret héliopolitain de plus », RdE, 54, p. 219-265.

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De la natte au tapis Rouge : symbolisme De la natte hieR et aujouRD’hui * Faiza Haikal Université Américaine du Caire

La natte tressée avec des roseaux est l’un des artéfacts les plus communs de l’Égypte ancienne. Elle eut de multiples usages depuis la préhistoire, puisqu’elle servit pour la construction d’abris dans les champs, de doublure pour les murs des tombes archaïques ou de couverture pour les défunts, de rideaux de portes ou de fenêtres dans les maisons construites en matériaux plus solides, de surface sur laquelle on pouvait s’étendre ou dormir, ou même pour déposer des offrandes alimentaires. Elle est connue sous des noms divers1. Dans une excellente étude sur le titre sš n tmȝ, Ben Haring a clairement démontré que tmȝ désigne une natte habituellement tressée en roseaux2. Irene Grumach–Shirun ajoute que ce mot est même réservé aux nattes tressées et non tissées bien qu’il ait été aussi déterminé par le signe du tissu3. Penelope Wilson nous rappelle néanmoins qu’à Béni Hassan, une inscription mentionne clairement que la natte tmȝ pouvait aussi être tissée (sḫt) ; nous y reviendrons plus loin4. Cette natte se trouve associée à plusieurs titres administratifs dont le plus commun est celui dont parle Ben Haring dans son article – sš n tmȝ – et qui d’après lui, dans sa phase d’utilisation la plus ancienne, fait référence à un fonctionnaire en rapport avec l’administration des champs. Ce titre se développe pour inclure d’autres obligations qui comprennent des responsabilités juridiques, puisque

le scribe de la natte se trouve être au service de la qnbt locale. Au Nouvel Empire, nous le retrouvons aussi dans d’autres contextes où ce fonctionnaire sert d’intermédiaire entre le vizir et les « ouvriers de la Tombe ». Plusieurs autres titres sont composés avec le mot tmȝ5 : dans un contexte religieux par exemple, nous rencontrons aussi les šnyt tmȝ6, « entourage de la natte », les ḏȝḏȝt nt tmȝ7, « le conseil de la natte », ou encore les tmȝtyw8, « ceux de la natte ». C’est de cette natte en particulier que nous souhaitons parler dans cet article, car aussi bien dans un contexte profane que dans un contexte religieux, elle conférait à celui qui la possédait une importance particulière9. C’est pourquoi j’aimerais offrir aujourd’hui une telle natte à Dominique Valbelle pour la remercier du rôle qu’elle a joué dans le monde de l’égyptologie, aussi bien à travers ses publications et ses fouilles, qu’à travers son engagement à l’égard de ses étudiants, de ses collègues et de ses amis. Nous savons tous que les plantes en Égypte ancienne sont des émanations divines puisqu’elles poussent sur le corps du dieu Geb grâce aux rḏw/ fluides qui exsudent du corps d’Osiris après sa mort10. Parmi les plantes/herbes qui sont tressées pour faire des nattes, la plante ʿnbw/ʿnb est la seule spécificiquement mentionnée en rapport avec la fabrication de la natte tmȝ. Cette plante a été

* Je voudrais tout d’abord remercier mon assistant Amr Omar pour m’avoir aidé à assembler les références nécessaires à cet article ainsi que tous mes amis qui m’ont donné leur opinion sur ce sujet. 1. Le Wb mentionne les termes suivants : jdnjw, Wb I, 154, 11 ; psšt, Wb I, 555, 1 ; sȝq, Wb IV, 26, 15-16 ; sbḫn, Wb IV, 93, 1 ; šnp Wb II, 514, 10 ; qn/qnj, Wb V, 51, 10-11 ; tm, Wb V, 307, 2- 14. 2. Haring 2000, p. 135-139. 3. Grumach-Sharun 1980, dans LÄ III, col. 1246-1248, s.v. “Matte”. 4. Newberry 1893, pl. 13 ; Wilson 1997, p. 1144.

5. Voir LGG VII, 427. 6. Haring 2000, p. 138 ; CT, sp. 333. 7. Haring 2000, p. 138. Voir aussi le titre honorifique « Celui qui s’assied sur la natte avec son maître » (ḥms ḥr tmȝ ḥnʿ nb=f) qui souligne la proximité qui existe entre le maître et le subordonné à qui est fait cet honneur. Voir Anthes 1928, pl. 20, nos. 3, 3-4. (ḥms ḥr tmȝ r-gs nb=f). 8. CT, sp. 1099. 9. Haring 2000, p. 138. 10. Passim dans la littérature religieuse. Voir par exemple Aufrère 1999, p. 3-35 et références mentionnées. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 131-138

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identifiée par plusieurs archéobotanistes avec l’herbe Halfa (Halfa grass) ou Desmostachya bipinnata11 qui est depuis longtemps considérée comme une plante sacrée dans diverses traditions : pour les Bouddhistes, cette plante aurait servi de siège à Bouddha pendant ses méditations et son emploi dans certains rituels sacrés était mentionné dans le Rig Veda12. Elle servait aussi de siège aux prêtres et aux dieux. Une herbe semblable (Kush grass) aurait également été recommandée à Krishna dans le Bhagavad Gita13 comme siège pour ses propres méditations. Cette analogie avec l’Égypte ancienne est frappante. En effet, bien que cela ne soit pas une loi absolue, une natte est très souvent placée sous le siège des dieux. Régulièrement aussi, elle est assez grande pour inclure l’officiant dans les scènes d’offrandes aux divinités, aussi bien sur les stèles14 que dans 11. Tackholm 1941, p. 177-185. Voir aussi http://en.wikipedia. org/wiki/Desmostachya_bipinnata (page consultée le 21 janvier 2014). 12. Le Rigveda (la gnose en vers) est une collection d’hymnes sacrés Sanskrit qui forment un des quatre Védas de la religion Hindou. Ce texte contient plusieurs versions mythopoétiques sur l’origine du monde, des hymnes aux divinités et des prières pour la vie et la prosperité de ce monde qui sont encore utilisées dans certains rituels, voir http://en.wikipedia.org/wiki/Rigveda (page consultée le 21 janvier 2014). 13. Le Bhagavad Gita est un texte sanskrit de 700 vers qui fait partie de l’épopée du Mahabharata- Bhagavan. Ce texte rapporte une conversation du Prince Arjuna de Pandava avec son gourou le Seigneur Krishna qui lui sert aussi de conducteur de char. Au cours de cette conversation, Krishna instruit son disciple sur la voie de la sagesse, de la dévotion et de l’altruisme, voir http://en.wikipedia.org/wiki/ Bhagavad_Gita (page consultée le 21 janvier 2014). 14. Des scènes qui montrent des ouvriers assis sur une natte – et en fabricant une autre – existent dans les tombes de l’Ancien Empire, néanmoins rien ne prouve que dans ce contexte nous ayons vraiment des nattes tm3. D’après le Wb V, 307, 2, ce mot n’est pas attesté avant le Moyen Empire. Pour le Moyen Empire, voir par exemple au British Museum la stèle de Sa-Hathor (HTBM II, pl. 19 n° 143) où le siège du défunt est posé sur une natte alors que celui de sa femme (?) en face de lui, ne l’est pas ; la stèle de Anhor (HTBM II, pl. 4) où ce sont les offrandes qui sont posées sur deux nattes se superposant ; ou encore la stèle de Sehetepîb (HTBM II, pl. 27) où deux couples se faisant face des deux côtés de deux tables d’offrandes sont assis sur des sièges posés sur une natte. Entre les deux tables se trouve une pile d’offrandes, elle aussi posée sur une natte, etc. Pour le Nouvel Empire, voir par exemple la stèle de Kahou (HTBM VI, pl. 43) : cette stèle est divisée en trois registres. Au registre supérieur le défunt debout par terre présente une libation à Osiris assis sur un trône, avec debouts derrière lui la déesse de l’Ouest et le dieu Anubis. Devant Osiris, on voit une table d’offrandes chargée de légumes. Une grande natte est déployée sous les dieux et leurs offrandes. Sur le second registre le défunt et son épouse sont assis sur des sièges posés sur une natte. Néanmoins, pour marquer l’importance du défunt par rapport à sa femme, il a encore une autre natte sous ses pieds. Au troisième registre, deux nattes sont posées sur

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les temples15 car l’officiant, purifié et initié, est transposé dans un état supérieur qui lui permet de communiquer avec le monde divin et d’accomplir le ritual d’offrande16. On retrouve également cette natte dans les vignettes du Livre des Morts17 ou d’autres textes religieux. Elle enveloppe même parfois le siège ou le trône des dieux et la table d’offrande ḥtp comme pour les sacraliser. Elle sert en outre souvent comme nappe, ou comme plateau sur lesquels les offrandes sont déposées. Bien que cela ne soit pas toujours spécifié, il est probable que nous ayons ici la natte tmȝ souvent mentionnée dans les textes religieux. Dans les tombes, on la retrouve aussi dans un contexte plus mondain, sous le siège du défunt et parfois aussi sous celui de son épouse, ainsi que sous le siège des invités dans les banquets18. Doit-on assumer que ces invités sont aussi de hautes personnalités, les égaux, socialement parlant, de leur hôte ? Ou bien cela signifierait-il que le propriétaire de la tombe les reçoit royalement ? C’est aussi sur une natte tmȝ que le sage Djedjy se reposait, quand le prince Hordedef vint le chercher pour l’emmener à la cour de son père le grand pharaon Chéops19. Les raisons du choix de la plante ʿnb pour la confection de cette natte comme support des entités sacrées ne sont pas très claires. Plus que pour de simples raisons d’hygiène, son usage dans les religions anciennes pourrait être du aux vertues des guéridons. Sur la stèle de Touiia (HTBM VI, pl. 45, n° 472), les sièges des couples qui se font face de chaque côté d’une table d’offrandes sont posés sur une natte. La stèle de Sementaoui et de Iateniatef (HTBM VII, pl. 27, n° 279), divisée en deux registres, les représente agenouillés, Sementaoui devant Amon et Mout assis et Iateniatef et sa femme devant Meret-Seger assise elle-aussi. Alors que sur le registre supérieur les divinités et l’officiant sont sur une natte, sur le deuxième registre ni la déesse ni les adorants ne le sont, ce qui semble indiquer que la natte n’est pas une nécessité du rituel. Cela continue ainsi au Nouvel Empire et aux époques suivantes. 15. Voir par exemple les présentations d’offrandes du temple de Séthi Ier à Abydos, en particulier celles de la chapelle d’Osiris dans Gardiner et al. 1933, vol. I, pl. 4, 6, 10 et 13 ; vol. II, pl. 10. Voir aussi Mariette 1998, pl. 13e ; Naville 1894-1908, pt. 1, pl. IV et XV ; pt. 2, pl. XLVIII ; pt. 3, pl. LVI ; pt. 5, pl. CXXXV, CXXXVII, CXL-CXLI et CXLIII. 16. Voir Kruchten 1989, p. 176 sq. 17. Les divinités du tribunal d’Osiris et bien sûr Osiris luimême, et les divinités dans certaines scènes d’adoration ou de momification du mort, de jeu de senet et de la renaissance du soleil, sont souvent placées sur des nattes. Voir Faulkner 1998, pl. 1, 3-4, 6-9, 11, 18, 24 et 36-37. 18. Pour les tombes, voir par exemple Davies 1925, pl. V, IX-X, XII et XXXVI ; Idem 1941, pl. X, XII, XXII, et XLI ; Idem 1917, pl. XV et XVII ; Idem 1943, pl. IX-X, LI, LXIII, LXIVLXVI, LXVII, LXXII, LXXV, LXXVII, LXXXV, XCV, CII, CVIII et CIX ; Dorman 1991, pl. 18 ; Hofmann 1995, pl. couleur III-V et VIII ; pl. XVII-XIX, XXVI, XXVIII et XXXIV. 19. P. Westcar 7, 14-15 : gm.n.f sw sḏr(w) ḥr tmȝ m sš… n pr.f. Cf. Blackman 1988.

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de cette herbe qui était aussi employée dans les domaines de la magie ou de la médecine en Égypte et ailleurs20. Encore plus que l’iconographie, les textes religieux soulignent l’importance de la natte tmȝ. Celui qui la détient, possède aussi une garantie d’intégration dans le monde divin. En fait, il devient l’égal d’Osiris avec tous les avantages matériels que cela implique, comme le suggèrent les passages suivants des Textes des Sarcophages : ḥms.j ḥr tmȝ sšm.j sḫty mȝtw ḥtpw n ẖrdw.j n mrwt.j jn(.sn) n.j dy(.sn) n.j ẖr.j mrwt.j jt.j mwt.j m ḫȝw… « Je m’assieds sur ma natte, je gouverne les deux champs de Matou. Les offrandes sont pour mes enfants et mes serviteurs. Elles me sont apportées et sont placées pour moi et pour mes serviteurs et pour mon père et ma mère par milliers… »21.

Un peu plus loin, on lit aussi : dy Nwt ʿ.wy.s r.k ḥms.k ḥr tmȝ n Wsjr sḫnt Rʿ st.k wʿb(w).k m š qbḥ kȝp n.k Jnpw snṯr wn.k wsw ḥr psḏt mȝ.k sštȝ n ntt jm.s wbn.k m šwty spd šsp.n.k ȝtf ḥr smn.tw n.k ḥḏt ḥr ṯntȝt mj jryt n ḥr m ḫʿw.f jn Rʿ… « Nout place ses mains sur toi pour que tu t’asseyes sur la natte d’Osiris et que Rê rende ta place prééminente. Tu es purifié dans le lac d’eau fraîche et Anubis brûle de l’encens pour toi. Tu ouvres les fenêtres vers l’Ennéade et tu vois les mystères qui sont en elle. Tu brilles dans les plumes de Soped après que tu as porté les couronnes d’Horus. La couronne blanche est fixée sur toi sur le trône / podium (d’Horus) comme Rê l’a fait pour Horus à son couronnement… »22.

À remarquer ici non seulement l’évocation de la natte d’Osiris, mais aussi l’implication que la suite du rituel peut avoir lieu uniquement si le défunt est devenu, grâce à cette natte, l’égal du dieu, puisqu’il est couronné sur le trône d’Horus. Le ton du passage, la purification et l’encensement du défunt, et sa vision des mystères de la Douat, suggèrent que ce texte est 20. Desmostachya bipinnata/halfa est employée par la médecine populaire pour soigner la dysenterie et la ménorrhagie. Cette plante est supposée avoir aussi des effets diurétiques et analgésiques. http://en.wikipedia.org/wiki/Desmostachya_ bipinnata (page consultée le 21 janvier 2014). Connue ausi sous le nom de Eragrostis Cynosuroides en Indes, elle est très appréciée pour le traitement de l’asthme, des problèmes urinaires, de la jaunisse et contre les vomissements : http:// en.wikipedia.org/wiki/Eragrostis (page consultée le 21 janvier 2014). 21. CT, sp. 214 ; Faulkner 1998, p. 171 ; Carrier 2004, p. 517. 22. CT, sp. 61 ; Faulkner 1998, p. 56 ; Carrier 2004, p. 143.

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un texte d’initiation. Si cette hypothèse s’averrait correcte, s’asseoir sur la natte d’Osiris serait une étape majeure dans le parcours du postulant. Ou encore : tmȝ n ḏḥwty m ḥwt-sr jmyt Jwnw jn nṯrw nbw Mȝʿt r jst ʿȝt r nḏ-r n pȝwtyw-tȝ ḥryw pȝwt-tȝ … 23 « Les nattes de Thot sont déployées dans le château du Prince à Héliopolis, disent tous les dieux. Maât est au Grand Palais, pour s’enquérir/prendre conseil auprès du dieu primordial qui est supérieur aux dieux primordiaux ».

L’association de Thot avec les nattes du Château du Prince à Héliopolis, où siège le tribunal des dieux, est intéressante. Que la gestion des nattes soit attribuée à Thot en particulier peut être due au fait que c’est lui qui inscrit le résultat de l’examen des défunts, en tant que dieu de l’écriture, du savoir et de la magie, après leur jugement dans la salle des deux Maât. Si le défunt est justifié, il a probablement droit à une natte, que lui remettra Thot. Nous lisons aussi dans le Livre des Morts : js kȝ.j jm.j ḥnʿ Wsir tmȝ.j tmȝ.f mm wrw24 « Je réfléchissais à mon sujet avec Osiris : ma natte est sa natte parmi les Grands ».

Il est clair que le défunt se considère l’égal d’Osiris ; on lui doit le même respect parmi les Grands, même si dans le Livre des Morts25, Osiris est aussi appelé « Celui pour qui les Grands se lèvent de sur leur natte ». Autrement dit, les Grands adoptent une attitude plus modeste en sa présence. Ce titre osirien qui apparaît déjà sur une stèle du Moyen Empire26 se retrouve plus tard à plusieurs reprises27. Une prière sur une stèle de Deir el-Medineh qui souligne le désir de l’officiant de se trouver avec le dieu l’implore en ces termes : « Adoration à Rê quand il se lève à l’horizon oriental du ciel : Salut à toi qui te lève du Noun et qui illumine 23. CT sp. 166 ; voir aussi Faulkner 1998, p. 31. Pour une traduction du passage complètement différente voir Carrier 2004, p. 82-83. 24. BD 124 ; Allen 2011, p. 195. 25. Naville 1886, p. 181, no 23. 26. ʿḥʿ n.f wrw ḥr tmȝ.sn, hymne à Osiris, stèle du Louvre (G 30), voir Hassan 1928, p. 38 sq ; Assmann 1999, p. 464, no 204. Voir aussi la stèle de Khenty-khaty-em-hat : Smither & Dakin 1939, p. 159. 27. Stèle votive Leyde V.65 au Nouvel Empire ; stèles Berlin 2294 et Berlin 7305 : Wb Beleg. V, 307, 9.

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On rencontre cette natte fréquemment dans les tombes du Nouvel Empire, aussi bien dans les scènes que dans les textes où nous lisons : jw msw.k ḫft sȝḥ ḥnʿ ḥr jmy Spdt m šmws n nṯr ʿȝ jmy tmȝ wsḫt mȝʿty29 « Ta renaissance se fera en face d’Orion, avec Horus qui est dans Sothis en tant que suivant du grand dieu qui est sur la natte de la salle des deux Maât » 30.

Ou encore : « Je traverse dans la barque Nechemet en joie, en tant que le premier de ceux qu’il bénit. Les justifiés sont appelés à lui (je suis le premier d’entre eux)… ma natte est à Oupeker, (donc) mon ka est pourvu chaque jour (tmȝ.j m w-pkr kȝ.j mn rʿ nb)… »31.

Dans les temples on retrouve encore cette fameuse natte dans les textes de plusieurs rituels. Dans le temple de Séti Ier à Abydos par exemple, il est dit dans une prière adressée à Amon pour être accepté parmi les bienheureux : Dj n.k st sšm.k tmȝwtyw snḏm n.k jb n psḏt

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« Un siège t’est donné pour que tu guides ceux de la natte afin que l’Ennéade soit bien disposée à ton égard ».

Ce passage me rappelle les séances de zikr en Égypte aujourd’hui où les officiants sont sur une natte de joncs ou un tapis. Cet espace est réservé aux officiants et doit être propre. Celui qui dirige le mouvement des officiants et leurs psalmodies est lui-même assis sur une chaise à l’écart, un peu comme un chef d’orchestre. Comme en Égypte ancienne, ces chants sont chantés pour nḏm-jb/ satisfaire Dieu. Le titre de « Cheikh el-Seggada » ou Cheikh du Tapis est d’ailleurs généralement attribué en Égypte au chef d’une confrérie religieuse 33.

28. Voir Turin, stèle #22 du Nouvel Empire, Wb Beleg. V, 307. 29. Loret 1889, p. 130. 30. Référence évidente à Osiris sur son trône. 31. Tombe de sȝ-jst, Wb beleg. V, 307. 32. Mariette 1998, chap. IX, table 4. Voir aussi Gardiner et al. 1933, pl. 4. Dans ce texte le mot tmȝ présente le déterminatif du tissu ; aurions nous ici un exemple de la natte tissée, et en l’occurance en tissu plutôt qu’en roseaux ? Voir supra note 3. 33. Voir aussi Hassan 1928, p. 44.

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Un autre texte d’Abydos dit : r n ʿq r sḫm sḫkr st.k ṯsw tmȝw.k’34 « formule pour entrer dans le saint des saints. Que ton trône/siège soit embelli et ta /tes natte(s) élevée(s) »35.

Une autre scène à Abydos montre le roi présentant au dieu une natte de roseaux rayée de rouge. Il serait intéressant de savoir à quel moment la natte acquiert cette couleur. Le texte qui accompagne la scène parle de l’offrande des sḫt/champs et marécages, comme si les roseaux de la natte symbolisaient tout ce que ces champs présentent. Si nous poussons le symbolisme un peu plus loin, cette natte pourrait représenter toute la force de vie et de régénération que ces produit divins apportent36. À Karnak, une scène de l’époque gréco-romaine représentant Thot et Nehemet ‘ouwayt est accompagnée d’un texte décrivant Thot de la façon suivante : sw m jmy-r njwt, ḥms ḥr tmȝ37 « il est le maire/gouverneur de la ville qui s’assied sur une natte tmȝ » soulignant une fois de plus que cet honneur n’est pas donné à tout le monde.

Dans le Mammisi d’Edfou, il est même dit que wnn sȝ Rʿ (Pt) ḥr tmȝ.f, « Le fils de Rê (Pt) est sur son tmȝ »38 : il semble qu’à cette époque le mot ait aussi acquis le sens de trône. On retrouve encore cette natte tmȝ dans des textes magico-religieux très tardifs39, où l’officiant s’agenouille sur la natte pour communiquer avec le monde du divin. Cet officiant dort ensuite sur la natte pour recevoir la réponse qu’il doit communiquer à son patient40. Ces quelques exemples confirment le symbolisme de la natte tmȝ et son rôle de référant social aussi bien dans le domaine religieux que dans le domaine profane en Égypte ancienne, rôle auquel nombre d’égyptologues ont déjà fait allusion. Il a déjà été mentionné plus haut que ce rôle se retrouve 34. Mariette 1998, table 4 ; Gardiner et al. 1933, pl. 4, Ici aussi, la natte présente le déterminatif du tissu. 35. Rappelons également que le mot siège pourrait avoir en égyptien comme en arabe le sens de « poste » ou de « prestige ». Voir Wb I, 3, 14. 36. Gardiner et al. 1933, vol. I, pl. 12. 37. Sethe & Firchow 1957, p. 62. 38. Chassinat 1910, p. 91. 39. Griffith & Thompson (dir.) 1974, p. 45, col. V, 7 et p. 51, col. VI. 40. Harris 1998, p. 43 sq.

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dans plusieurs autres cultures à travers les âges41. Ainsi, lorsqu’Agamemnon revint victorieux de la guerre de Troyes, son épouse Clytemnestre déploya pour lui des tissus pourpes, apparemment pour que ses pieds ne foulent pas la terre comme le commun des mortels42. Avec l’apparition du christianisme en Égypte, l’usage de la natte individuelle pour marquer le statut social d’une personne semble avoir disparu, ou du moins n’est-il pas clairement documenté. Des sources du xie siècle connues sous le nom de « documents de la Guénizah », provenant de la Synagogue Ben Azra dans le vieux Caire, montrent néanmoins que les Égyptiens n’avaient pas perdu cette pratique, puisqu’ils envoyaient déjà des commandes de nattes/ tapis de prière de toutes les couleurs à la grande mosquée de Kairouan en Tunisie43. Plus tard, les recherches sur l’histoire du tapis montrent que, comme en Égypte, les personnalités importantes étaient toujours représentées siégeant sur un tapis personnel, plus beau que celui des autres dans le cas où d’autres personnages étaient présents. D’après Richard Ettinghausen44 par exemple, Ibn Battuta, le fameux explorateur marocain du xive siècle, mentionne dans les comptes rendus de ses voyages – dont l’un contient une des plus ancienne description que nous ayons de la vie au Caire – que les membres d’une confrérie s’asseyaient chacun sur leur propre natte/tapis quand ils se réunissaient pour des séances religieuses. Quand un nouveau postulant arrivait, il attendait à la porte du « monastère » avec son tapis sur l’épaule (il avait une canne à la main et une cruche-ibriq). Le portier annoncait sa présence au « serviteur » de la zaouia (chapelle) qui allait le recevoir. Le « serviteur » lui demandait d’où il venait et qui était son cheikh/père spirituel. Il était ensuite invité à entrer dans la zaouia et le serviteur lui prenait son tapis/natte, et le déroulait dans un endroit précis, puis il lui montrait l’endroit où il pouvait faire ses ablutions (d’où l’importance de la cruche pour se procurer l’eau nécessaire). Après avoir rejoint sa natte, il commencait par faire une prière puis il se joignait aux autres membres présents dans la chapelle. Dans un autre récit, Ibn Battouta indique que c’était le serviteur de la zaouia

41. Il n’est pas question ici de suggérer une influence égyptienne sur les autres cultures en contact avec l’Égypte à ce sujet, mais seulement de souligner des analogies culturelles. 42. Eschyle, Agamemnon, écrit en 450 av. J.-C., traduit par E. D. E. Morshead, URL : http://classics.mit.edu/ Aeschylus/agamemnon.html (page consultée le 21 janvier 2014). 43. Ettinghausen 1974, p. 17. 44. Ibidem, p. 11-12.

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qui était chargé d’apporter les tapis individuels avant l’arrivée du cheikh et de ses disciples. Il semble donc évident que la natte ou le tapis de prière n’était pas simplement employé durant les cinq prières quotidiennes, mais qu’il était en usage en toute circonstance ou pour toute réunion religieuse. Il était donc devenu un objet nécessaire au rituel et avait acquis par là-même, une certaine révérence. Une série d’illustrations, dont la plus ancienne se trouve dans un livre de Tabari traduit d’un document persan45, montre le prophète Mohamed assis sur un tapis de Shiraz, en train de discuter avec Abou Bakr et Ali, le premier et le quatrième califes du monde musulman. Une miniature du xve siècle illustrant un récit du voyage nocturne du prophète (Mi’raj Namah) – elle se trouve actuellement à la Bibliothèque Nationale à Paris46 – représente une scène semblable montrant le prophète avec Adam, Noé et David à sa gauche et Abraham, Moïse et Jésus à sa droite, tous en prière. Mais le prophète de l’Islam est assis au centre, sur un tapis de prière qui souligne son autorité spirituelle, comme il se doit dans un livre le glorifiant. Il est clair que le tapis avait acquis une fonction spécifique, peut-être plus sociale que religieuse, d’autant plus que le tapis n’est pas essentiel à la prière en Islam, où il suffit simplement pour prier de trouver un endroit propre pour que celui/celle qui prie puisse se prosterner. En Égypte, jusqu’à assez récemment et peut être même encore jusqu’à aujourd’hui, le tapis de prière est un objet consacré duquel on doit prendre soin, et dont la propreté doit être assurée. De plus, pour des raisons d’hygiène, les gens ont pris l’habitude d’employer leur propre tapis de prière dans les mosquées, même si celles-ci ont déjà d’immenses tapis de prière pour la collectivité. Si l’usage du tapis de prière individuel semble avoir en Égypte des raisons plus pragmatique, il n’en reste pas moins que la valeur du tapis peut parfois montrer la classe sociale ou la richesse de celui qui le possède. Dans un contexte profane en revanche, le tapis déployé aujourd’hui est beaucoup plus grand et il n’est déployé que pour des célébrités. Et ce fameux tapis est rouge, ce qui nous rapproche plus particulièrement du tapis déployé pour Agamemnon, dont nous avons parlé plus haut. Si nous passons ici à la couleur du tapis et au symbolisme du rouge, je voudrais retourner au symbolisme des couleurs et particulièrement du rouge dans l’Égypte Ancienne. Il a été étudié par de 45. D’après ibidem, p. 12-13. Al-Tabari (v. 839-923) est un savant musulman du début du Moyen Âge. 46. Ibidem, p. 13 et p. 14, fig. 3.

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nombreux chercheurs47 qui réhabilitent cette couleur trop souvent considérée uniquement, tout au moins de prime abord, comme une couleur de mise en garde, souvent séthienne et négative. Il serait difficile d’oublier que dans les Textes des Pyramides, les signes dont on avait peur étaient souvent coupés par un couteau tracé en rouge. Comme l’indique Bernard Mathieu « la dimension péjorative de la “couleur” dšr trouve son expression la plus manifeste dans le P. Ebers (1, 14-15), où il est demandé à Isis, fort à propos qualifiée de “Vénérable de magie” : “Ô Isis, Vénérable de magie, veuille me délivrer, veuille me libérer de tout mal, de toute infection, de tout ce qui est rouge !” (J Ȝs.t Wr.t-ḥkȝw wḥʿt wj fḫt wj m-ʿ ḫ.t nb.t bjn.t dw.t dšr.t) »48. Néanmoins, il y a rouge et rouge, et chaque nuance a sa propre spécifité ; la langue égyptienne les différencie généralement bien49. Ce sont probablement ces nuances qui expliquent la couleur pourpre des tissus déployés sous les pieds d’Agamemnon, dont nous avons parlés plus haut. Elles expliqueraient peut-être aussi pourquoi, en Égypte, les tapis des églises orthodoxes sont toujours rouges et ceux des mosqués souvent rouges ou rouges et verts50. Pour le symbolisme de la couleur rouge en général, je me reférencerai ici surtout à l’étude de Patrick Gautier qui explique, lui aussi, que le rouge est une couleur polyvalente qu’il faut manier avec prudence. Son symbolisme dérive de ses référants culturels ; ainsi l’aspect attirant et positif du rouge s’explique par le rapport de cette couleur avec le sang : parce que le sang est rouge et qu’il est indispensable à la vie, « le sang, qui 47. Voir aussi la bibliographie sur les couleurs et leur symbolisme et usages donnée à la fin de l’article de Mathieu 2009. 48. Ibidem, p. 35. 49. Nous trouvons dans le Wb au moins cinq mots différents pour la couleur rouge : jns, Wb I, 100, 4-5 ; mrš, Wb II, 113 ; ṯms, Wb V, 369, 7 ; ṯr, Wb V, 386, 13 et dšr, Wb V, 388, 1-3. 50. Pour le symbolisme de ces deux couleurs, voir Gautier 1997.

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constitue un lien privilégié entre “rouge” et “vital”, devient un intermédiaire implicite qui permet au lexème “rouge” de signifier “vital”… Le concept moderne d’énergie convient particulièrement au rouge : énergie cosmique, énergie vitale, dont l’excès s’extériorise en énergie ignée. Le monde est le lieu de circulation d’une formidable énergie primitive, apparue sur l’île de l’Embrasement et dont l’homme n’est qu’un maillon »51. En effet cette énergie et cette vitalité du rouge expliqueraient l’usage de cette couleur pour les vêtements et les accessoires des particuliers, des rois et des dieux, en particulier les dieux en rapport avec le soleil52. De plus, les tissus rouges sont aussi présentés au défunt pour lui rendre la vue et lui permettre de se mouvoir53. Enfin, comme le dit encore Patrick Gautier, « l’usage de l’ocre rouge, qui s’imposait par sa facilité d’emploi, devait conférer à cette couleur la faculté de mettre en relief : si le noir fait surgir le signe, le rouge le distingue54 ». Cette analyse du rouge dans l’Égypte ancienne me semble convenir parfaitement au tapis rouge qui, comme l’antique natte tmȝ, distingue ceux pour qui il est déployé et, grâce à sa couleur, renouvelle leur énergie pour un nouveau cycle de créativité. 51. Ibidem, p. 13-15. 52. Voir simplement à titre d’exemples : Davies 1927, pl. VIII et XXI ; Eaton-Kraus 1985, pl. XVI ; McDonald 1996, p. 50, 52-53, 56, 58, 68, 72, 89 ; Gardiner et al. 1933, vol. I, pl. 5, 7, 11-12, 14, 16 et vol. II, pl. 6, 7. 53. Voir Kurth 1990, p. 52-57 et références mentionnées pour la présentation de tissus colorés et en particulier du bandeau rouge sšd. Pour le tissus jtmy rouge foncé (probablement une variante de jdmy, Wb I, 153, 14-18, comparer avec damm en arabe qui signifie sang) avec lequel les pieds du défunt étaient enveloppés pour lui donner la faculté de bouger et le bandeau rouge vif sšd qui rendait la vue, voir Smith 1993, p. 46. Pour les étoffes rouges le Wb donne aussi jnsy, Wb I, 100, 9 ; jdmy, Wb I, 153, 14-18 et ṯms.t, Wb V, 369, 14-5. 54. Gautier 1997, p. 15.

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de LA nAtte Au tApIs rouge : symboLIsme de LA nAtte HIer et Aujourd’HuI • 137

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Les soLdats de L’empire dans Le désert orientaL El-Sayed Mahfouz Université d’Assiout et Université du Koweït

Je considère Dominique Valbelle comme l’une des personnalités les plus représentatives de l’égyptologie française. Elle fut ma directrice de thèse et guida mes premiers pas en archéologie sur le chantier de Tell el-Herr. Mais elle est et reste aussi une amie dont le soutien m’est important dans les moments difficiles de ma vie. L’administration, le désert et l’armée… ces trois sujets occupent une grande place dans les thèmes de recherche de Dominique. C’est pourquoi j’ai souhaité lui offrir une contribution sur la présence de l’armée et de son personnel dans le désert oriental durant le Nouvel Empire. L’institution royale au Nouvel Empire prend un caractère militaire, la fondation de la XVIIIe dynastie reposant sur les efforts guerriers pour libérer le pays. Cette tonalité militaire s’observe durant l’ensemble de la période, avec des souverains qui construisent un empire au Proche-Orient et repoussent la frontière méridionale au delà de la quatrième cataracte du Nil. Dans un tel contexte, la classe militaire occupe logiquement une position très favorable dans la société égyptienne et exerce un pouvoir jusque dans le domaine civil1. Or, la présence militaire est rare dans le désert oriental au Nouvel Empire. On y repère plusieurs officiers et soldats dans la composition d’expéditions vers les mines et carrières. Les interventions violentes sont rares cependant : seules les expéditions militaires sous les règnes d’Amenhotep III et Akhénaton dans la région du ouadi Allaqi (?) sont bien connues. Sous Amenhotep III donc, après une première campagne militaire au pays de Kouch en l’an 5 du règne, menée par le roi lui-même, une opération de moindre ampleur est lancée en fin de règne dans le 1. Gnirs 2013.

désert oriental à la hauteur de Ouaouat2, comme en atteste la stèle Londres BM EA 657, retrouvée à Semna3. Le document indique que le vice-roi de Kouch Mérymès a levé des troupes depuis la forteresse (mnnw) de Koubban – qui sécurisait l’accès aux ouadi aurifères de Basse-Nubie, en particulier le ouadi Allaqi, et servait de centre logistique pour l’exploitation de l’or – jusqu’au mnnw de Tery (try), dont l’emplacement exact reste inconnu, mais qui, d’après la distance indiquée sur la stèle, devait être édifié au niveau de la 3e cataracte. La stèle précise que cette mobilisation était destinée à réprimer la rébellion d’Ibehet, contrée située dans le désert oriental, dans la région des mines d’or de Ouaouat – certains l’on d’ailleurs rapprochée de la zone du ouadi Allaqi, où plusieurs inscriptions rupestres au nom du vice-roi ont d’ailleurs été répertoriées, dont une où lui est attribué le titre de « général en chef » (jmy-r mšʿ wr)4. La campagne militaire menée sous le règne d’Akhénaton5 est attestée quant à elle par un texte du

2. Sur les campagnes nubiennes sous Amenhotep III, cf. Topozada 1988 ; Cabrol 2000, p. 375-378 ; Morris 2005, p. 312-317. 3. Edwards 1939, p. 21-22, pl. XX ; Urk. IV, 1659-1661. 4. Sur Ibehet, toponyme connu dès l’Ancien Empire : GDG I, 64 ; Zibelius 1972, p. 74-75 ; Zibelius-Chen 1994. Le toponyme est notamment cité dans les dépêches de Semna (3, p. 2, x+14). Pour les inscriptions rupestres au nom de Mérymès dans le ouadi Allaqi : Piotrovski 1983, n° 74, 82, 180. Le vice-roi est également mentionné dans une autre zone d’exploitation aurifère, plus au nord dans le désert oriental (ouadi Barramiya) : cf. Hikade 2001, p. 220 (n° 156-157). 5. Ce souverain a mené une politique étrangère bien plus agressive que ce qui a longtemps été dit. Les découvertes récentes en Nubie, notamment à Doukki Gel, le confirment. Sur la politique d’Akhénaton en Nubie et ses conséquences, voir récemment Bonnet 2003, p. 261-262 et Valbelle 2003, p. 291. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 139-148

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vice-roi de Kouch Djéhoutymès6 copié sur deux stèles monumentales retrouvées à Bouhen et Amada7. Elle fut provoquée, indique le document, par une attaque des gens d’Ikayta – un région qui correspond vraisemblablement à la région des mines d’or du ouadi Allaqi8 – sur les Nubiens de la vallée du Nil. En représailles, le roi ordonna à Djéhoutymès de mater cette révolte et d’écraser les populations rebelles. Ce dernier gagna une bataille dont on ignore les détails, mais qui se déroula dans le désert, et concrétisa sa victoire par la capture d’un petit nombre de prisonniers de guerre – ce qui atteste la modestie de la rébellion – et la prise de butin. Le but principal de l’opération était de sécuriser les mines aurifères du ouadi Allaqi ; le traitement cruel imposé aux vaincus – le supplice du pal en particulier – montre d’ailleurs la volonté de marquer les esprits et de décourager les velléités de révolte dans une région particulièrement stratégique pour l’empire égyptien, puisqu’elle fournissait une bonne partie de l’or qui arrivait en Égypte à cette époque. À noter cependant qu’aucune inscription rupestre datant du règne de ce roi n’a été découverte à ce jour dans la région. En dehors de ces rares opérations punitives destinées à sécuriser des zones hautement stratégiques, tous les autres indices de la présence militaire de l’État égyptien dans le désert oriental se concentrent dans la titulature de personnages engagés dans des expéditions a priori pacifiques, destinées à se procurer des matières premières9, dans lesquelles ils intervenaient pour leurs capacités d’organisation, de recrutement10 et/ou dans le cadre de leur sécurisation. L’un des plus beaux exemples en est la grande expédition de l’an 3 du règne de Ramsès IV au ouadi Hammamat, qui engagea la participation de 8368 hommes afin d’exploiter les carrières de grauwacke (bekhen)11, dont les personnes suivantes, susceptibles d’appartenir au personnel militaire :

6. Pour une liste complète des vice-rois de Kouch, voir : Reisner 1920, p. 78- 80 ; Gauthier, 1920-1921, p. 228 ; Habachi 1968, col. 633. 7. Texte établi par Helck 1980. Voir la synthèse, traduction et l’ensemble des références dans Laboury 2010, p. 292295. Sur cette expédition, voir également Schulman 1982. 8. Zibelius 1972, p. 96 ; Schulman 1982, p. 303-304 ; ZibeliusChen 1994. 9. Sur les expéditions dans le désert oriental durant le Nouvel Empire, voir Hikade 2001, p. 57-64 et passim. 10. Gnirs, 2013, p. 667-675. 11. Sur les expéditions au ouadi Hammamat datant du règne de ce roi, voir Hikade 2001, p. 38-46 ; Idem 2006, p. 156-161 ; Peden 1994a, p. 24-28.

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– jdnw n pȝ mšʿ ḫʿ-m-trj « le lieutenant de la troupe, Khâemter », – kṯn nḫt-jmn n ẖnw « le conducteur de chars de la Résidence, Nakhtamon », – sš sḥnw snr n pȝ mšʿ « le scribe du rassemblement de la troupe, Sener », – sš dnj n pȝ mšʿ rʿ-ms-sw-nḫt « le scribe de la distribution de la troupe, Ramsèsnakht », – sš mšʿ s 20 « scribes de la troupe : 20 hommes » – ḥry-jḥw n ẖnw s 20 « Chefs d’écurie de la Résidence : 20 hommes » – ḥry ȝṯw n mšʿ ḫʿ-m-mȝʿ-n-r « le chef des officiers d’intendance de la troupe, Khâmmaâner », – ȝṯww n mšʿ s 20 « officiers d’intendance de la troupe : 20 hommes », – kṯn nt-ḥtr s 50 « conducteurs des chars de l’écurie : 50 hommes », – jdnw wr s 1 « lieutenant en chef : 1 homme », – mḏȝyw s 50 « policiers des déserts : 50 hommes »12. L’ensemble travaillait sous la direction du premier prophète d’Amon et directeur des travaux Ramsèsnakht avec d’autres agents de l’État comme le directeur du trésor, les artisans et les prophètes. Soulignons tout de même que mšʿ a le sens général de « troupe » et ne renvoie pas forcément à l’armée… d’où l’hésitation que l’on peut avoir sur le rattachement militaire effectif de plusieurs des titres mentionnés plus haut. Dressons maintenant la liste des militaires ayant pris part aux expéditions du Nouvel Empire vers les mines et carrières du désert oriental13.

12. CM 12 : KRI VI, 12-14 ; Christophe 1949, p. 20-21. La liste mentionne aussi rmṯ  mšʿ s 5000, « 5000 hommes de troupe », mais qu’il faut considérer ici sans doute plutôt comme le gros de la force de travail recrutée pour l’expédition, et non pas comme des hommes de l’armée. 13. Des attestations provenant de Sérabit el-Khadim seront également intégrées. D’un point de vue géographique, le Sinaï ne se trouve pas dans le désert Oriental bien sûr, mais la politique égyptienne la traitait comme une partie des soi-disant déserts orientaux étant donnée la nature commune des activités (extractions de métaux et pierres semi-précieuses). Enfin, pour un certain nombre des expéditions se rendant au Sinaï, la traversée d’une partie du désert oriental afin d’embarquer sur la côte de la mer Rouge était au programme.

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lES SoldatS dE l’EMpirE danS lE déSErt oriEntal • 141

Le général en chef14 Nous avons déjà souligné que l’attribution du titre au vice-roi de Kouch Mérymès au ouadi Allaqi devait être en relation avec l’expédition punitive de la fin du règne d’Amenhotep III contre les populations semi-nomades qui menaçaient sans doute la région des mines d’or. L’autre attestation d’un général en chef de l’armée se trouve à Sérabit el-Khadim (IS 269) et concerne un anonyme contemporain de Séthi II, qui était également « fils royal » (sȝ nswt).

titre

jmy-r mšʿ wr « général en chef »

personnage

date

Mry-ms

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 74)

Anonyme

Sérabit elKhadim IS 269

jdnw n jmy-r mšʿ Sérabit elMnṯw-tȝwy« lieutenant Khadim nḫt d’un général » IS 308, 309

titre ḥry pḏwt « chef de troupe »

Amenhotep III

Séthi Ier

Époque ramesside

Le seul jdnw n jmy-r mšʿ, « lieutenant d’un général », attesté à Sérabit el-Khadim est Mnṯw-tȝwy-nḫt qui portait également le titre de « messager royal dans tous les déserts » (wpwty nswt r ḫȝst nbt).

Les chefs de troupes15 Les ḥryw pḏwt sont parmi les officiers de l’armée les plus représentés dans la documentation du désert oriental au Nouvel Empire. Ce titre, qui n’est jamais attesté avant le Nouvel Empire et qui apparaît occasionnellement à la Basse Époque, caractérise l’organisation militaire de la période. Les chefs de troupes assument diverses charges, dont le commandement d’une série de compagnies, la supervision de patrouilles aux frontières et l’organisation de la main-d’œuvre dans les projets civils comme les travaux dans les mines et carrières. Le titre est souvent suivi d’un toponyme précisant la zone d’exercice du dignitaire – ṯkw (Tell 14. Sur ce titre voir : Schulman 1964, p. 41-44 ; Yoyotte & Lopez 1969, p. 3-19 ; Husson & Valbelle 1992, p. 143 ; Chevereau 1994, p. 7-33 ; Gnirs 1996, p. 3-12 et passim. 15. Sur ce titre voir : Schulman 1964, p. 53-56 ; Yoyotte & Lopez 1969, p. 3-19 ; Chevereau 1994, p. 64 ; Gnirs 1996, passim.

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el-Retaba) ou ṯȝrw (Tell Heboua) par exemple – ou par la mention de son institution de rattachement – comme le temple d’Amon. Un certain nombre d’exemples du titre et de ses variantes sont rattachés à la catégorie des titres militaires mais n’ont pas obligatoirement ce sens dans le contexte des expéditions vers les mines et carrières. Ainsi du ḥry pḏt n nbw « chef des régiments de l’or » ʿnnȝ sur une stèle du ouadi Kanaïs 16. personnage

date

wsr-ḫʿw [...]

Sérabit elKhadim IS 294

Ramsès IV

Pȝ-nbw

Ouadi Kanaïs (KRI I, 73, 4)

Séthi Ier

Jmn-m-jpt

Sérabit elKhadim IS 247, 260, 261.

ḥry pḏt n pr-jmn « chef de troupe du jmn-ms domaine d’Amon »

Ouadi Hammamât G 98

Nouvel Empire

ḥry pḏwt n nbw « chef de ʿnnȝ troupe de l’or »

Ouadi Kanaïs (KRI I, 72, 4)

Séthi Ier

nby

Stèle Leyde V.43 (Urk. IV, 1634, 14, 17 et 1635, 10).

Thoutmosis IV

jmn-m-ḥȝt

Sérabit elKhadim IS 60

Thoutmosis IV

pȝ--rw

Bir Nasib (KRI VII, 127, 6-7 ; Tallet 2003, p. 263)

Merenptah

ʿšȝ-ḥb-sd

Sérabit elKhadim IS 247, 252

Séthi Ier – Ramsès II

ḥry pḏwt n ṯȝrw « chef de troupe de Tjarou » ḥry pḏwt n ṯkw « chef de troupe de Tjékou »

ḥry pḏwt qnj  « chef de troupe vaillant »

16. Chevereau (1994, p. 89) considère le titre de ce personnage mentionné sur la stèle du ouadi Kanaïs comme un titre militaire ; l’adjonction de n nbw rend cette hypothèse incertaine.

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Les chefs d’écuries17 Les ḥryw  jḥw n’avaient apparemment aucune responsabilité militaire directe. La documentation de ce titre montre qu’ils avaient davantage de liens avec les institutions civiles qu’avec l’armée. Le sens général du titre, qui n’apparaît qu’à partir du Nouvel Empire, signifie que ses titulaires étaient chargés de l’entretien des chevaux. Ils étaient souvent attachés à une institution et faisaient parfois partie du palais comme le ḥry jḥw n ḥm=f, « chef d’écurie de sa Majesté », le ḥry  jḥw n ẖnw « chef d’écurie de la Résidence » et le ḥry  jḥw  n  nb  tȝwy « chef d’écurie du Maître du DoublePays », d’un temple comme le ḥry  jḥw  n  jmn « chef d’écurie d’Amon » ou encore de l’armée avec le ḥry  jḥw n mšʿ « chef d’écurie de l’armée ». Les témoignages sur la présence égyptienne dans le désert oriental durant le Nouvel Empire révèlent la présence de plusieurs « chefs d’écurie » : un « chef d’écurie de son maître » au ouadi Allaqi, un « chef d’écurie d’Amon » au ouadi Kanaïs. Le vice-roi de Kouch Jwny a lui-même porté le titre de « chef de l’écurie «écurie de Séthi-Mérenptah» ». Ce fait confirme que le titre pouvait être porté aussi bien par de hauts fonctionnaires, comme le vice-roi de Kouch, que par des agents de classes inférieures. titre

personnage Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 85)

Amenhotep III

Ouadi Allaqi (Černy 1947, n°13 = Piotrovski 1983, n°10 ; Piotrovski 1983, n°17)

Ramsès II

pȝ-n-ȝst-rʿ

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 139)

Époque ramesside

pȝ-n-wȝḏt-rʿ

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 138)

Époque ramesside

pȝ-n-ȝs.t-rʿ

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 139)

rʿ-ms [...]

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 119)

rw pȝ-rc

ḥry jḥw « chef d’écurie »

date

Époque ramesside

17. Sur ce titre voir : Schulman 1964, p. 51-53 ; Yoyotte & Lopez 1969, p. 3-19 ; Husson & Valbelle 1992, p. 142 ; Chevereau 1994, p. 135-168.

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ḥry jḥw n jmn « chef d’écurie pȝ-nbw d’Amon »

Ouadi Kanaïs (KRI I, 73, 4)

Séthi Ier

ḥry jḥw n jḥt  n sty-mryn-ptḥ « chef jwny d’écurie de l’écurie de SétyMérenptah »

Ouadi Kanaïs (KRI I, 304, 2)

Séthi Ier

ḥry jḥw n  nb=f « chef d’écurie de son maître »

Ouadi Allaqi, (Piotrovski 1983, n° 179)

Ramsès II

ḥȝtjȝy

Les escorteurs et leurs chefs Le rôle et le rattachement des šmsw et de leurs supérieurs font encore l’objet de débats entre égyptologues. Certains les considèrent par exemple comme faisant partie de l’institution militaire, à savoir de la garde royale, et supposent que leur tâche principale était d’assurer la sécurité du roi18. La signification littérale du terme šmsw est « celui qui suit ». Son attachement au roi est souvent suggéré par un complément apposé au titre : šmsw nswt, šmsw  nb=f.  Ces cadres étaient certainement attachés au palais royal et jouaient le rôle de représentants du roi similaires aux messagers royaux (wpwty nswt) et aux hérauts (wḥmw nswt). Enfin, ils semblent faire partie de la main-d’œuvre dans les expéditions vers les mines et carrières du désert oriental. titre

personnage

date

jmn-m-jpt

Ouadi Allaqi 129, 151, 161

Époque ramesside

jj

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 170)

Époque ramesside

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 115)

Époque ramesside

pȝ-n-ʿnw

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, 34, 42, 114, 141)

Époque ramesside

pȝ-n- […]

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, 49)

Nouvel Empire

ḥry šmsw jrj-nfr « chef des escorteurs »

18. Voir par exemple ibidem, p. 92-93.

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lES SoldatS dE l’EMpirE danS lE déSErt oriEntal • 143 ḥry šmsw n  ḥm=f « chef des escorteurs de Sa Majesté »

Sérabit elKhadim IS 247 ; 252 ; 260 ; 261

Ramsès II



Ouadi Allaqi 168

Nouvel Empire

pȝ-n-ʿnw

Ouadi Allaqi Époque 34, 63, 42, 58, ramesside 114, 141

pȝ-n-dwȝ

Ouadi Allaqi 176

Époque ramesside

pȝ-n.[…]

Ouadi Allaqi 40

Nouvel Empire

mry-ḏḥwty

Ouadi Allaqi 121

Nouvel Empire

ms-jmn

Ouadi Allaqi 40

Nouvel Empire

nḫt

Ouadi Allaqi 17

Nouvel Empire

jmn-m-jpt

šmsw ns-pȝ-mdw« escorteurs » šps

Papyrus IFAO (Koenig Ramsès V ou 1979, Ramsès X pl. XXXXXXII)

ḥr-nfr

Ouadi Allaqi 41

Nouvel Empire

ḫnsw

Ouadi Allaqi 8, 16

Ramsès II

ẖnmw-ms

Papyrus IFAO (Koenig Ramsès V ou 1979, Ramsès X pl. XXXXXXII)

sȝk

Ouadi Allaqi 124

Nouvel Empire

ḏḥwty-ms

Ouadi Allaqi 123

Nouvel Empire

ḏḥwty-nfr

Ouadi Allaqi, n° 35

Nouvel Empire

šmsw nb=f « escorteur de Anonyme Sa Majesté »

Sérabit elKhadim IS 180

Thoutmosis III

šmsw nswt « escorteur royal »

nb-ms

Ouadi Dungash (Eichler 1998, n° 6)

XVIIIe dynastie

nḥsy

Ayn Soukhna AmenhoCCIS 236 tep Ier

šmsw nswt r [jw]t=f ḥr ḫȝst [rsw]t mḥtt « escorteur royal lors de sa [venue] dans les pays étrangers du [sud] et du nord »

jmn-ms

Tombe d’Imenmès (TT 89) (Urk. IV, 1024, 15)

Amenhotep III

Les conducteurs de chars19 Le titre kṯn parfois transcrit kdn et écrit en syllabique, désignait des militaires conduisant un char. Il apparaît à l’époque amarnienne. Les représentations de batailles figurent ces kṯn conduisant un char ou parfois participant directement aux combats. Le titre est souvent attaché au nom royal (kṯn pȝ jḥw ʿȝ n wsr-mȝʿt-rʿ mry jmn n ḫnw n pr rʿ-mss)20 ou à l’une de ses épithètes (kṯn  n  ḥm=f ; kṯn  tpy  n  ḥm=f ; kṯn  tpy  n  nb  tȝwy)21 ou bien encore à l’institution centrale (kṯn tpy n ẖnw). Leur présence dans les zones des mines et carrières du désert oriental n’est sans doute pas liée à des raisons militaires ; ils étaient apparemment utiles pour le transport des produits, surtout les lourdes pierres, depuis les zones d’exploitation jusque dans la vallée du Nil. Les attestations étudiées montrent que les personnages qui portaient ce titre et ses variantes étaient bien placés dans la hiérarchie sociale comme les fils du roi pȝ-rʿ-ḥr-wnmy=f  et mnṯw-ḥr-ḫpš=f  ou le vice-roi de Kouch, Jwny. Des militaires de rang plus modeste ont également porté ce titre, comme nḫt-jmn et rʿ-ms.

titre

personnage

date

kṯn « conducteur rʿ-ms-sw de char »

Ouadi Hammamât CM 223

Ramsès IV

kḏn  « conducteur rʿ-ms-sw de char »

Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 73)

Époque ramesside ?

kṯn n ḥm=f « conducteur jwny de char de Sa Majesté »

Ouadi Kanaïs (KRI I, 304, 2)

Séthi Ier

19. Sur ces dignitaires, voir : Schulman 1964, p. 67-68 ; Yoyotte & Lopez 1969, p. 3-19 ; Chevereau 1994, p. 173186. 20. Ibidem, p. 173. 21. Ibidem.

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144 • El-SayEd Mahfouz kṯn tpy n ḥm=f pȝ-rʿ-ḥr« conducteur wnmy=f de char en chef de Sa Majesté » mnṯw-ḥrḫpš=f kṯn n ẖnw « conducteur nḫt-jmn de char de la Résidence »

Sérabit elKhadim CCIS 199b

Ramsès II ou Ramsès III

Sérabit elKhadim CCIS 199b

Ramsès II ou Ramsès III

Ouadi Hammamât, CM 12

Ramsès IV

Les soldats Le titre simple de « soldat » (wʿw), sans autre précision, ou de « soldat de l’équipage du bateau » (wʿw  n  ẖny) est également attesté. Le premier apparaît sur un graffito du ouadi Allaqi et le second sur une stèle rupestre du ouadi Kanaïs. Nb-sny qui a porté le titre de wʿw n ẖny « soldat de l’équipage du bateau », ne se trouvait cependant pas au ouadi Kanaïs en tant que militaire : P. Brand pense qu’il fut chargé de creuser le puits de Kanaïs22 ou bien qu’il était le responsable du transport des produits exploités, en tant qu’expert en nœuds et en utilisation des cordages.

titre wʿw « soldat »

personnage

pȝ-nfr-ḫpry

wʿw n ẖny « soldat de nb-sny l’équipage du bateau »

date Ouadi Allaqi (Piotrovski 1983, n° 26)

Ramsès II

Ouadi Kanaïs (KRI I, 72, 8)

Séthi Ier

On peut également mentionner un ensemble de titres habituellement rattachés au domaine militaire qui sont attestés dans les différentes régions du désert oriental au Nouvel Empire : ṯȝy sryt « porteétendard »23, sš mšʿ « scribe de l’armée » ou jdnw n pȝ sȝ « lieutenant de la compagnie ». Dans ce contexte, ils ne semblent pas cependant correspondre à une véritable fonction militaire.

22. Brand 2000, p. 282, n° 3.128. 23. Au ouadi Allaqi : P3-rʿ […] (Piotrovskij 1983, n° 10, 17), pn3st-rʿ (ibidem, n° 139), pn-w3ḏ-rʿ (ibidem, n° 138), pt (ibidem, n° 105), mnwj (ibidem, n° 65), rw (ibidem, n° 85).

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La police du désert L’absence d’actions militaires régulières dans le désert oriental au Nouvel Empire ne signifie pas pour autant que la présence égyptienne était toujours pacifique. Cette zone était peuplée de tribus nomades qui ne furent jamais complètement soumise à un quelconque pouvoir. Il fallait donc protéger les expéditions et les produits exploités. C’est pourquoi des policiers-mḏȝyw participèrent aux expéditions. Le terme mḏȝyw a une origine ethnique rappelant la tribu dont étaient issus ces habitants du désert oriental24. Dès le Moyen Empire, comme en témoignent les dépêches de Semna, ils furent employés par l’État égyptien pour surveiller les déserts, sécuriser les caravanes et les sites d’exploitation, car ils avaient une grande connaissance de ces régions arides, de leurs routes et sources d’eau, ainsi que des autres tribus nomades qui y circulaient et étaient familiarisés aux rudes conditions de vie dans les zones désertiques. Mais le titre de chef des medjayou (ḥry  mḏȝyw et wr  n  mḏȝyw) a généralement été confié à des Égyptiens25. Nous avons pu repérer que des policiers du désert avaient participé à des expéditions dans le désert oriental au Nouvel Empire. Sous le règne de Thoutmosis III, sur les parois du mur septentrional de la tombe du premier prophète d’Amon mn-ḫprrʿ-snb (TT 86), le ḥry  mḏȝyw n gbtyw « chef des policiers du désert de Coptos »26 est accompagné par le jmy-r ḫȝswt nbw n gbtyw « directeur des déserts aurifères de Coptos » et le jmy-r nww « directeur des chasseurs ». Il prend la tête d’une délégation composée de sept personnages offrant les produits du désert oriental – autruche et ses œufs, ou encore antilope – au chef du clergé d’Amon27. La scène montre que les travaux menés dans cette région furent dirigés par ces trois fonctionnaires. Le directeur des mines aurifères s’occupait de l’exploitation du métal précieux, le directeur des chasseurs de la chasse aux animaux du désert et enfin le chef des policiers du désert de la sécurisation et de la protection des zones d’exploitation. Le dignitaire nby, contemporain de Thoutmosis IV, dont la longue titulature témoigne des responsabilités sur la frontière nord-orientale en tant que « gouverneur et chef de troupe de Tjarou » (ḥ3ty-ʿ n ṯȝrw et ḥry pḏt n ṯȝrw) mais aussi méridionale 24. Pour une synthèse sur les Medjayou et les références plus anciennes : Zibelius-Chen 2007 ; Liska 2011. 25. Gardiner 1947, p. 74*-89* ; Posener 1958, p. 38-43 ; Černy 2001, p. 261-284 ; Andreu 1978, p. 302, note 2. 26. Urk. IV, 931. 27. Davies 1933, pl. 9.

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lES SoldatS dE l’EMpirE danS lE déSErt oriEntal • 145

comme « directeur du poste-frontière de Ouaouat » (jmy-r ḫtm n tȝ wȝwȝt) était également wr n mḏȝyw, « chef des policiers du désert ». Il possédait également des titres confirmant son importance au sein de l’institution royale, comme « messager royal dans tous les pays étrangers », « enfant du kap » et « grand dans le palais » (wpwty nswt ḥr ḫȝst nbt, ẖrd  n  kȝp et ʿȝ m pr-nsw)28. La titulature de ce personnage à Sérabit el-Khadim indique l’importance de cette catégorie de dignitaires dans les zones désertiques à partir de la deuxième moitié de la XVIIIe dynastie. Sous le règne de Séthi I er, le vice-roi de Kouch jwny portait le titre de wr  n  mḏȝyw « chef des policiers du désert », dans sa titulature sur une stèle rupestre du ouadi Kanaïs. Il s’agissait non seulement d’un haut fonctionnaire de l’État, mais aussi du représentant du pouvoir central. Cela indique que les chefs des mḏȝyw n’étaient plus des fonctionnaires de classe moyenne ; les principaux responsables des zones méridionales avaient alors tendance à assumer également des fonctions de police à l’époque ramesside. Après la fin des expéditions militaires de grande envergure et le recentrage de la politique égyptienne dans la région sur l’exploitation économique, la nécessité de la présence d’importantes forces armées ne se faisaient plus sentir, mais des forces de police étaient nécessaires pour assurer la sécurité. titre

wr n mḏȝyw « grand des Médjayou »

personnage

Ouadi Hammamât G101

Ramsès IV

Le graffito du ḥry  mḏȝyw  h[rw]-nfr au ouadi Dungash pourrait nous indiquer que les ḥryw mḏȝyw avaient un rang inférieur à celui des wrw mḏȝyw car les deux ḥry  mḏȝyw étaient anonymes et celui de TT 86 est représenté s’inclinant devant le premier prophète d’Amon en tant que l’un de ses sujets alors que nous venons de voir la haute position hiérarchique des wrw mḏȝyw. titre ḥry mḏ3yw n  gbtyw « chef des Médjayou de Coptos » ḥry mḏ3yw « chef des Médjayou »

personnage

date

Anonyme

Tombe de Menkheperrê- Thoutmoseneb (TT 86) sis III (Urk. IV, 931, 12)

h[rw]-nfr

Ouadi Dungash (Eichler 1998, n° 9)

XVIIIe dynastie

date

nby

Stèle Leyde V.43 (Urk. IV, 1635,8).

jwny

Ouadi Kanaïs Séthi Ier (KRI I, 304, 3)

nn-ḫm-sn

Sérabit elKhadim IS 304

Nouvel Empire

stḫ-nḫt

Sérabit elKhadim IS 301, 295, 296, 305

Époque ramesside

Thoutmosis IV

28. Sur ce personnage et l’ensemble de sa titulature, voir Björkmann 1974 ; Somaglino 2010, p. 673-678.

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jdnw n wr n mḏȝyw n ʿ-rsy « le lieutenant du chef ʿšȝ-jḫwt des policiers du désert de la région méridionale »

Enfin, la plupart des grandes interventions au ouadi Hammamat sous le règne de Ramsès IV furent organisées sous la protection de ces medjayou : l’expédition de l’an 1 était sécurisée par vingt policiers du désert (mḏȝyw)29 conduits, d’après la stèle rupestre G89, par un jdnw n wr qui est sans doute le jdnw n wr n mḏȝyw n ʿ-rsy ʿš3-jḫwt, « le bras droit du chef des policiers du désert de la région méridionale Ashakhet » mentionné par une autre inscription rupestre, et qui portait aussi le titre d’« envoyé royal vers les montagnes mystérieuses » (wpwty-nswt  r  ḏww  štȝwt)30 ; l’expédition de l’an 3 était quant à elle, nous l’avons déjà mentionné plus haut, protégée par cinquante policiers de désert.

29. Ouadi Hammamat, G89 ; KRI VI, 1, 13. 30. Ouadi Hammamat, G101 ; KRI VI, 3, 4-5 ; Hikade 2001, n°124 ; Gnirs 1996, p. 157-158.

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146 • El-SayEd Mahfouz

Pour conclure, depuis le rétablissement de l’État centralisé au début du Nouvel Empire, l’administration s’intéressa au désert oriental, non seulement pour des raisons économiques, car la zone était riche en ressources naturelles (mines et carrières), mais aussi pour des raisons stratégiques, puisque ce désert permettait d’accéder à la mer Rouge. C’est pour cela que, de manière régulière, des expéditions incluant du personnel militaire y furent envoyées. Les interventions militaires à proprement parler restèrent

rares : on en compte deux durant les règnes d’Aménophis III et Aménophis IV, pour sécuriser la zone des mines d’or du ouadi Allaqi. L’aridité de la zone ainsi que sa faible densité de population – seules quelques tribus au sud représentaient un danger réel – expliquent ces effectifs restreints. En revanche, la présence des policiers du désert (mḏȝyw) était indispensable pour sécuriser l’ensemble des activités et pour assurer la reconnaissance des itinéraires et routes désertiques.

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lES SoldatS dE l’EMpirE danS lE déSErt oriEntal • 147 1925

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148 • El-SayEd Mahfouz Yoyotte (J.) & Lopez (J.) 1969 « L’organisation de l’armée et les titulatures de soldats au Nouvel Empire », BiOr, 26/1, p. 3-19. Zába (Z.) 1974 The Rock Inscriptions of Lower Nubia (Czechoslovak Concession) (Czechoslovak Institute of Egyptology in Prague and in Cairo Publications, 1), Prague.

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Huisseries d’Égypte et de Nubie eNquêtes sur les fragmeNts aux Noms de qÉNia, de HorNakHt et de Nebrê Julie Masquelier-loorius CNRS/UMR 8167 - Équipe « Mondes pharaoniques »

Je souhaiterais exprimer ici ma profonde affection et ma reconnaissance à Dominique Valbelle en lui offrant ces trois courtes études sur des fragments d’huisseries aux noms de Qénia à Deir el-Médina, de Hornakht dans les forteresses de Nubie et de Nebrê à Zaouyet Oumm el-Rakham. Tous ces documents, provenant soit du site de la Place de Vérité, soit d’enceintes fortifiées du Nouvel Empire, avaient été initialement intégrés au corpus de la thèse que j’avais préparée sous sa direction1 ou ont fait l’objet de recherches postdoctorales, et représentent, me semble-t-il, de parfaits exemples pour mettre en exergue l’intérêt que Dominique Valbelle a porté toute sa vie égyptologique au site de Deir el-Médina, au Soudan, mais aussi aux forteresses des deux côtés de la frontière.

Les huisseries de deir eL-Médina au noM du serviteur dans La PLace de vérité

Qénia

Deux montants de porte en calcaire au nom de Qénia, issus de la collection de Robert James Hay, ont été acquis par le British Museum en 1868 : il s’agit des parties inférieures d’un montant gauche (inv. BM EA 1243) et d’un montant droit (inv. BM EA 918)2. L’existence d’un troisième 1. Masquelier-Loorius 2003. 2. BM EA 1243 : hauteur : 0,625 m/largeur : 0,0185 m ; BM EA 918 : hauteur : 0,625 m/largeur : 0,026 m. Cf. Porter & Moss 1999, p. 739 ; Hall 1925, pl. 13.

jambage en calcaire portant cet anthroponyme est attestée par une photographie de Bernard Bruyère (montant gauche, fig. 1 a-b)3. Les inscriptions de deux jambages (BM EA 918 et photo B. Bruyère) donnent deux variantes du titre de Qénia, titre par ailleurs très commun à Deir el-Médina : « serviteur du Maître du Double Pays dans la Place de Vérité » (sḏm ʿš n nb tȝ.wy m s.t mȝʿ.t) ou « serviteur dans la Place de Vérité à l’Ouest de Thèbes » (sḏm ʿš m s.t mȝʿ.t ḥr jmnt wȝs.t). Elles fournissent également le nom de son épouse, la « maîtresse de maison » (nb pr) Touy. Sur les deux jambages, l’agencement de la décoration et des inscriptions est identique : le texte gravé en creux, organisé en deux colonnes, se développait depuis le sommet des montants jusqu’à la partie inférieure, où figure un tableau, dans Je remercie vivement Ilona Regulski (Conservatrice au British Museum, département de l’Égypte ancienne et du Soudan) d’avoir vérifié que les blocs de même hauteur répertoriés sous les numéros d’inventaire BM 1243 et BM 918, correspondent bien à deux monuments distincts et non aux deux faces d’un même monument. La gravure des signes sur les deux blocs est très soignée, contrairement à l’impression que donnent les relevés de Hall. http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details.aspx?objectId=121 236&partId=1&searchText=qenia&object=22944&page=1 http://www.britishmuseum.org/research/collection_ online/collection_object_details.aspx?objectId=121130& partId=1&object=22944&page=1 (pages consultées le 10 octobre 2015). 3. Cette photographie est publiée dans Meskell 1999, p. 156 fig. 4.9. Ne pas tenir compte de la légende : ce fragment de jambage est considéré par l’auteur comme un linteau. De plus, il ne s’agit pas du fragment au nom de Qénia et Touy conservé au British Museum à Londres. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 149-157

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150 • julie masquelier-loorius

a

b

Figure 1 – Montant gauche de porte au nom de Qénia à Deir el-Médina. a – [Photographie © B. Bruyère, IFAO] b – [Fac-similé réalisé d’après photographie © J. Masquelier-Loorius]

lequel Qénia et sa femme Touy sont représentés. Des colonnes de texte de plus petites dimensions que celles qui figurent dans la partie supérieure viennent confirmer leur identité et leur fonction. Qénia et son épouse sont assis sur un siège en bois aux pieds imitant les pattes d’un animal. Le mari porte une longue tunique et une perruque qui tombe jusqu’aux épaules, et il tient d’une main un bâton à ombelles de papyrus, et de l’autre, un morceau de tissu, qui pourrait être un mouchoir4. 4. Ce morceau de tissu est souvent défini comme tel dans les descriptions de scènes, soit comme un « morceau de tissu carré servant à faire un baluchon, à emballer quelques affaires » (cf. http://www.cnrtl.fr/definition/mouchoir), pièce qui aurait pu donc servir de sac de transport du matériel professionnel.

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L’épouse est assise un peu en retrait de Qénia et embrasse celui-ci en le tenant par les épaules. Elle est aussi vêtue d’une tunique qui tombe jusqu’aux chevilles, partiellement transparente et dont les manches retombent sur le haut des bras. Une fleur de lotus a été figurée au-dessus de sa perruque tripartite, à l’avant du cône d’onguent figuré au sommet de sa tête. Cette représentation d’un couple n’est pas rare dans la documentation du Nouvel Empire, sur les stèles ou dans les reliefs et peintures qui ornent les sépultures. Cependant, les figurations de personnages au bas des montants sont relativement peu attestées en comparaison du nombre important d’huisseries mises au jour sur le site de Deir el-Médina et surtout, elles affichent de très

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huisseries d’égypte et de nubie • 151

nombreuses variantes (identité et filiation du/des personnage(s), attitude, vêtements). Alors que la figuration d’un couple assis dans la partie inférieure d’un jambage demeure exceptionnelle dans la documentation de Deir el-Médina, le tableau reproduit au bas du montant de Qénia et Touy présente de nombreuses similitudes avec celui qui a été gravé sur le jambage de Pached et Mekhay-Ib5, provenant de la tombe thébaine TT 292 (fi g. 2a-b). Si la facture de la gravure est également semblable sur les montants de Qénia et de Pached, une analyse paléographique ne permet pas de confirmer la contemporanéité des monuments. Les jambages de ces deux serviteurs dans la Place de Vérité n’ont pas été travaillés par le même artisan, a priori : le

personnage agenouillé, signe déterminatif de l’anthroponyme, n’est pas dessiné de la même manière sur les blocs. Le signe A52 de la liste établie par Gardiner (personnage accroupi tenant le flagellum) présente une forme très singulière sur ce bloc : la seconde main du personnage est bien dessinée sous celle tenant le flagellum, mais la jonction du bras avec le thorax est marquée. Habituellement, l’espace situé sous l’épaule, entre la face interne du bras et la partie latérale du torse, est évidé par les lapicides. Cette forme n’est attestée que sur une seule autre huisserie de pierre, gravée au nom de Qenkhépéchef6. Cependant, l’architecture et la composition des monuments de Pached et de Qénia (proportions, organisation de la

a

5. Conservé au musée du Louvre à Paris. Cf. Andreu 2002, p. 286 n° 229 (n° inv. E 13992).

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0

Figure 2 – Montant de porte au nom de Pached (TT 292). a – [Photographie © B. Bruyère, IFAO] b – [Fac-similé réalisé d’après photographie © J. Masquelier-Loorius]

b

6. Ce signe ne figure pas, par exemple, dans la paléographie de la tombe de Sennedjem, un contemporain de Pached. Cf. Haring 2006, p. 32, § 14.

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décoration) sont en tous points comparables : plusieurs blocs s’empilaient pour former le montant, qui devait être encastré dans la maçonnerie, comme en témoigne la surface légèrement épannelée le long du bord extérieur et qui était masquée. Les colonnes d’inscriptions et le cadre étaient donc centrés sur la largeur de la face du montant, une fois que celui-ci était en place. Si quelques parallèles existent, comme le décor du jambage gravé au nom du chef d’équipe Néferhotep et de son épouse7, sur lequel le couple est également figuré au bas de la face extérieure du montant, des exemples d’encadrements de portes présentant de telles similitudes, tant dans l’agencement et le rendu de la décoration que dans les inscriptions, sont rares dans la documentation très riche du site de Deir el-Médina8. Il est donc tout à fait probable que ces éléments soient contemporains du tout début de la XiXe dynastie9, du règne de Séthy Ier et du début de celui de Ramsès II, d’après la datation de la tombe thébaine de Pached (TT 292)10. Nous savons, grâce à d’autres monuments, que Qénia correspond à un diminutif de Qenherkhépéchef11. En considérant la période d’activité de ce serviteur dans la Place de vérité, il est envisageable d’identifier ce Qénia, mentionné sur deux montants avec sa femme Touy, avec Qenherkhépéchef fils d’Ipouy : l’identité de l’épouse de ce personnage n’était pas connue jusqu’à présent12. De plus, étant donné que le signe A52 de la liste de Gardiner présente aussi une forme particulière sur une huisserie au nom de Qenkhépéchef mentionnée ci-dessus, il est envisageable que ce dernier corresponde à une (légère) abréviation du nom Qenherkhépéchef13 et que ces huisseries se réfèrent au final à un seul personnage. En l’absence de données prosopographiques et généalogiques supplémentaires, il n’est pas possible de s’assurer que les inscriptions des deux jambages concernent le même personnage que celui qui est mentionné sur deux autres artefacts au nom d’un 7. Conservé au musée du Louvre à Paris. Cf. Ibidem, p. 74 n° 1 (n° inv. E 13991). 8. Bonhême & Masquelier-Loorius (à paraître). 9. Sur les éléments de datation relative des tombes thébaines, lire : Masquelier-Loorius 2013, p. 254-255. 10. Hofmann 2004, p. 66 ; Masquelier-Loorius 2013, p. 253. 11. D’après les inscriptions de la statue du gardien Ameneminet (Musée égyptien du Caire, JE 43576). Lire Andreu 2006, p. 15 ; Kitchen 1980, 692-693, n° 3 (le texte de la ligne 15 doit être revu) ; Davies 2013, p. 506-507. 12. Davies 1999, Qenhirkhopshef (iii), p. 210 et diagramme 31. Touy n’est pas répertoriée comme une épouse, voire une sœur d’un Qenherkhépéchef à Deir el-Médina. 13. Par exemple, Davies 1999, p. 84, note 70.

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serviteur dans la Place de Vérité nommé Qénia : un petit fragment de montant de naos qui a été découvert dans le village, au sein de la maison de Sennedjem14 et un loquet qui fait partie des collections du musée de Turin15. Ce dernier élément était destiné à verrouiller une porte, soit dans la maison de l’artisan et sa famille, soit dans leur sépulture16. Sur le loquet, le nom de son père, Bouqentouf, serait indiqué, ce qui induirait l’existence d’un second serviteur dans la Place de Vérité nommé Qénia si nous considérons que les jambages sont effectivement au nom de Qenherkhépéchef fils d’Ipouy. Sur le montant découvert en contexte d’habitat, seule la mention de la filiation a été conservée : « [...] son fils, Qénia ». Cependant, il ne fait pas de doute que les deux montants qui présentent des éléments de décoration similaires se réfèrent au même Qénia et qu’ils formaient les montants gauche et droit d’un même passage. L’étude des (fragments d’)encadrements de porte encore en place dans les tombes de Deir el-Médina, ou dont l’emplacement d’origine est renseigné ou a été clairement identifié, indique que ces jambages devaient orner le passage d’une porte de la sépulture de Qénia, et plus précisément de l’accès à la chapelle de la tombe, dont la localisation n’est pas connue17.

d’une forteresse à L’autre, de Bouhen à saï : L’huisserie au noM de hornakht et La Question de La Période raMesside à saï Un fragment de montant gravé au nom du « lieutenant de Kouch Hornakht » (jdnw n Kš Ḥr-nḫt), avec la figuration de ce personnage au bas du jambage, a été photographié avec d’autres blocs épars par Francis Geus alors qu’il supervisait des fouilles sur le site de Saï (fig. 3). Toutefois, cet artefact n’a jamais été mentionné dans la documentation relative aux campagnes de fouilles18. 14. La marque « SenNedjem » sur le fragment confirme sa provenance. Sur ce dernier document, Qénia est mentionné en tant que fils d’un personnage dont le nom n’a pas été conservé. Bruyère 1939, p. 324 (13°) et pl. XVIII (5). 15. Porter & Moss 1999, p. 748, cat. suppl. 5621 : loquet de Qénia, serviteur, fils de Bouqentouf. Pour des exemples de loquets en bois provenant de ce site, consulter : Andreu 2002, p. 76, n° 5 abc. 16. Les loquets ont été découverts sur l’ensemble du site, soit dans les habitations, soit dans les tombes. 17. Pour une étude exhaustive des encadrements et des fragments, cf. Bonhême & Masquelier-Loorius (à paraître). 18. Afin de mener à bien ma recherche sur les huisseries des vice-rois de Kouch en Nubie (diplôme d’études approfondies, 1999), Francis Geus m’avait fourni toute la documentation relative au site de Saï, c’est-à-dire les Journaux de

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Les autres huisseries au nom de Hornakht, fragmentaires également, ont toutes été mises au jour dans un contexte de remploi : — Deux jambages droits, conservés au musée de Khartoum (inventoriés sous le même numéro 446). Ces montants ont été interprétés comme des artefacts découverts sur le site de Saï, mais ils ne sont pas mentionnés dans les Journaux de fouilles de ce site, à l’instar du montant dont la photographie m’avait été confiée19. — Un montant qui vient de la fouille de la zone SA.F2 de Saï (inv. S. 772), mais qui a été remployé 20. — Un montant découvert dans le village d’Abri, repéré par A. J. Arkell21. — Un montant mis au jour dans la forteresse de Bouhen, sur lequel Hornakht est représenté22. En listant ces éléments architecturaux au nom d’Hornakht, il est apparu que deux de ces montants ne formaient qu’un seul et même document, qui a pu être identifié grâce aux cassures absolument identiques qui sont visibles sur la photographie et sur le fac-similé dans la publication des inscriptions de la forteresse : la partie inférieure du jambage au nom de Hornakht mise au jour à Bouhen correspond au fragment qui a été photographié plus tard à Saï par Francis Geus. Nous ne connaissons pas le trajet effectué par ce montant, mais nous savons que les artefacts provenant des fouilles de Bouhen ont été transférés au musée de Khartoum, lors des grandes opérations de sauvetage des temples de Nubie, dans les années 196023 : il est possible que quelques « pierres » aient été involontairement égarées ou laissées à Saï à cette époque. Le lieutenant de Kouch Hornakht ne semble attesté par aucune huisserie découverte in situ à Saï24. Son nom apparaît sur des blocs d’Amara Est, fouilles inédits depuis le début des campagnes, ainsi que les photographies qu’il avait à sa disposition. La diapositive n’était toutefois pas datée ; il est probable que le cliché ait été pris dans les années 1970. 19. Porter & Moss 1995, p. 165. Cf. Fouquet 1975, p. 134 fig. 5 et fig. 7, p. 135 doc. 8 et p. 136 doc. 9 ; Vila 1977, p. 24-25 fig. 1 (3,4 et 5) ; Hein 1991, p. 59, Sa/RII/4 et Sa/RII/5 ; Budka 2001, p. 211, doc. 196 et doc. 197. Kitchen 1980, 117, 65, n° 3 et n° 4 ; Idem 2000, p. 80-81, n° 65.3 et n° 65.4. 20. Fouquet 1975, p. 134 fig. 8 et p. 136 doc. 10 ; Hein 1991, p. 59, Sa/RII/6 ; Budka 2001, p. 211-212 doc. 198. Kitchen 1980, 118, 65, n° 5 ; Idem 2000, p. 81, n° 65.5. 21. Porter & Moss 1995, p. 166. Arkell 1950, p. 33 fig. 3 ; Fouquet 1975, p. 135 doc. 7 (la fig. 6 se réfère au doc. 6) ; Hein 1991, p. 58, Ab/RII/2 ; Budka 2001, p. 210 doc. 195. Kitchen 1980, 117, 65, n° 2 ; Idem 2000, p. 80, n° 65.2. 22. Smith 1976, p. 113-114 (1394 et 1600-1601), photographie de la partie inférieure : pl. LXXIV, 5 et fac-similé des deux parties, supérieure et inférieure : pl. XXI, 7 et 8. 23. Aucune indication relative au trajet des blocs depuis Bouhen jusqu’à Khartoum n’est mentionnée dans Smith 1976, p. v. 24. Son nom apparaît sur trois blocs de grès découverts en 2015 par l’équipe de J. Budka (ERC Starting Grant Project AcrossBorders), dans le remplissage du puits de la

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remployés dans les villages voisins d’Abri et de Karassin, comme les fragments au nom du vice-roi de Kouch Héqanakht, qui a exercé sa fonction sous le règne de Ramsès II. D’autres blocs au nom d’Héqanakht25 ont été mis au jour parfois en contexte sur le site d’Amara Ouest : il est donc tout à fait envisageable que les huisseries gravées au nom de Hornakht proviennent elles aussi d’Amara

Figure 3 – Montant de Hornakht conservé à Saï. [Photographie © Francis Geus]

tombe 26 dans le cimetière de Saï (SAC5). Cf. http:// acrossborders.oeaw.ac.at/author/juliabudka/page/3/ (page consultée le 10 octobre 2015). 25. Ces linteaux et montants fragmentaires sont mentionnés dans les ouvrages suivants : Porter & Moss 1995, p. 166. Arkell 1950, p. 33 fig. 2 ; Fouquet 1975, p. 129-133 doc. 1 à doc. 5, p. 130 fig. 2 à fig. 4 ; Hein 1991, p. 58, Ab/RII/1 ; Budka 2001, p. 209-210 doc. 194. Kitchen 1980, 117, 65, n° 2 ; Idem 2000, p. 80, n° 65.2.

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Ouest et non de Saï, comme le pressentaient déjà Alain Fouquet et Michel Dewachter26. L’unique vice-roi de Kouch mentionné sur les blocs découverts à Saï (quelques-uns demeuraient in situ au moment de leur découverte) est Néhy27, contemporain du règne de Thoutmosis III28 et il n’y a donc, à ma connaissance, aucun témoignage d’Héqanakht ou d’un autre vice-roi de Kouch de la période ramesside sur l’île de Saï, ni même d’un lieutenant de Kouch, ce qui semble confirmer l’installation définitive du représentant du roi à Amara Ouest au tournant des XViiie et XiXe dynasties. Ainsi, les seuls fragments documentés de la période ramesside à Saï correspondent à deux stèles, dont les inscriptions n’ont pas de rapport direct avec l’administration des villes et des forteresses de la région, ainsi qu’à quelques fragments au nom d’un représentant du roi : une stèle royale du règne de Séthy Ier dont l’inscription relate une action défensive à caractère militaire29, une stèle au nom du « fils royal (vice-roi) de Kouch Sétaou » (sȝ nswt n kš Stȝw), et également quelques fragments non publiés portant le nom de ce fonctionnaire.

QueLQues reMarQues à ProPos des huisseries au noM de neBrê, coMMandant de régiMent à Zaouyet ouMM eL-rakhaM Aux franges occidentales du territoire égyptien, à Zaouyet Oumm el-Rakham, à la suite de Labib Habachi qui avait identifié le site dans les années 1970, l’équipe de l’Université de Liverpool dirigée par Steven Snape a progressivement mis au jour les vestiges d’une forteresse de Ramsès II. Les encadrements des portes figurent parmi les éléments en pierre qui constituent les uniques témoins inscrits à Zaouyet Oumm el-Rakham : nous pouvons distinguer, d’après l’iconographie et le type d’inscriptions qui y ont été gravées, au moins deux groupes d’huisseries sur ce site correspondant à deux secteurs n’ayant pas la même destination. Un premier ensemble est constitué de montants qui portent une formule d’offrande à la divinité ou 26. Fouquet 1975, p. 137-138 ; Dewachter 1978. 27. Lire Minault-Gout 2007, p. 279, p. 283-284. L’étude entreprise dans mon DEA montre que le vice-roi de Kouch Néhy est attesté à Saï par au moins cinq linteaux fragmentaires ou fragments de linteaux, ainsi que par cinq montants fragmentaires ou fragments de montants. 28. Lire en dernier lieu : Gabolde 2012, p. 136. 29. Cette stèle est quasi identique à une seconde, découverte sur le site d’Amara Ouest. Sur ces stèles et les références bibliographiques, voir Masquelier-Loorius 2013, p. 96. Lire également Obsomer 2012, p. 103.

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d’adoration de celle-ci (Ptah pour le montant droit), afin qu’elle accorde des bienfaits au personnage ou à son ka ; la titulature et le nom du bénéficiaire, le « commandant de régiment » (jmy-r(ȝ) pḏt) Nebrê étant indiqués en fin de colonne. Trois fragments au nom de Nebrê pourraient provenir d’un seul encadrement de porte de ce type30 : la partie inférieure d’un montant gauche, le mentionnant comme « [... scribe royal] véritable, qu’il aime, le commandant de régiment31, le directeur des pays étrangers, Nebrê, (puisse-t-il être) juste de voix » ([...sš nswt] mȝʿ mry=f ḥry pḏt jm(y)-r(ȝ) ḫȝswt Nb-rʿ mȝʿ ḫrw) et deux fragments de montant droit, sur lesquels on reconnaît les épithètes de Ptah, « […le maître d’]Â[n]khtaouy, au beau visage, qui est sur le Grand Siège32, afin qu’il accorde un heureux séjour, un corps en joie […pour le ka du/pour le commandant] de régiment, le directeur des pays étrangers, Nebrê, (puisse-t-il être) juste de voix » ([…nb] ʿ[n]ḫ-tȝwy nfr-ḥr ḥry st wrt rd=f ḥmsj nfr ẖt ẖr rš[wt…(n kȝ) n ḥry] pḏt mr ḫȝswt Nb-rʿ mȝʿ-ḫrw). Le second groupe rassemble des linteaux et des montants en calcaire qui ont parfois été découverts à leur emplacement d’origine, la face décorée rabattue au sol, à l’avant des passages qu’ils ornaient, lors de la fouille des magasins en brique crue aménagés au nord du temple33, à une centaine de mètres à l’est de la zone préalablement explorée par Labib Habachi34. Les montants sont gravés d’inscriptions protocolaires (une colonne de texte) et les linteaux qui y étaient associés, montrent une scène symétrique, dans laquelle Nebrê est représenté aux deux extrémités, dans l’attitude de l’adoration, agenouillé, portant une longue chevelure et un long pagne35, face aux cartouches royaux centraux contenant les noms de Ramsès II, figurés à la verticale – « Ousermaâtrê Sétepenrê » (Wsr-mȝʿt-rʿ Stp-n-rʿ) et « Ramsès Méryamon » (Rʿ-ms-s mry-jmn) –. La gestuelle de Nebrê se substitue à la formule d’adoration qui n’a donc pas besoin d’être inscrite, contrairement aux exemples de linteaux découverts

30. Porter & Moss 1995, p. 368. Les deux éléments de montant droit : Habachi 1980, p. 15. Partie inférieure d’un montant gauche (hauteur 0,86 m) ; parties inférieure et centrale d’un montant droit (hauteurs respectives 0,65 m et 0,80 m). Ces éléments architectoniques sont dits être conservés au musée gréco-romain d’Alexandrie (inv. P/JE 10382 à P/JE 10384). Consulter : Rowe 1948, p. 4, vii, p. 10 fig. 5 et p. 77 No. II ; Habachi 1980, p. 13-15, fig. 1-2. Cf. Porter & Moss 1995, p. 368 ; Kitchen 1979, 475, 181 (a) (b) et Idem 1996, p. 294 ; Idem 1989, 46, 409 ; Budka 2001, p. 213-214, doc. 202-204. 31. Chevereau 1994, p. 72, n° 11.54. 32. Désignation d’un trône. 33. Snape 2003, p. 63-70. 34. Idem 1998, p. 1082. 35. Idem 1997, p. 24 (fig. dans l’angle supérieur gauche) ; Leclant & Clerc 1998, p. 317 ; Budka 2001, p. 213 doc. 201.

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dans le bâtiment Sud36. Au-dessus de Nebrê, à gauche et à droite du linteau, figurent son titre et son nom sur une ligne de texte : « Directeur des pays étrangers, Nebrê, (puisse-t-il être) juste de voix » (mr ḫȝswt nb-rʿ mȝʿ ḫrw). Au premier groupe pourrait être rattaché un montant gauche fragmentaire publié par Labib Habachi37, gravé d’inscriptions protocolaires, en particulier, d’une épithète royale en rapport avec le rôle du roi et de la forteresse, construite à la limite du désert occidental : « Le dieu parfait, le puissant, qui anéantit les Tjéhénou (Libyens), le roi de Haute- et Basse-Égypte, le maître du double pays, Ousermaâtrê [Sétepenrê…] » (nṯr nfr qn sk ṯḥnw nswt-bjty nb tȝwy wsr-mȝʿt-rʿ[stp-n-rʿ…]). Ce montant pourrait avoir orné l’accès à un entrepôt, comme en témoignent les jambages gauche et droit complets, en deux morceaux chacun, de la porte d’un magasin aménagé dans la forteresse de Zaouyet Oumm el-Rakham38, développant une série d’épithètes royales puis le nom du roi : « Dieu parfait, maître du double pays, au bras victorieux/maître de l’accomplissement des rites, Ousermaâtrê Sétepenrê, le fils de Rê, maître des apparitions/maître de l’accomplissement des rites, Ramsès Méryamon, doué de vie comme Rê » (nṯr nfr

nb tȝwy nḫt ḫpš/ nb jr(w) ḫt Wsr-mȝʿt-rʿ stp-n-rʿ sȝ rʿ nb ḫʿw rʿ-ms-s mry-jmn dj ʿnḫ mj rʿ). Un fragment de relief, mis sur le marché de l’art en mars 200339, provient sans aucun doute de ce second groupe d’huisseries inscrites au nom de Nebrê. L’étude approfondie de la pièce montre qu’il s’agit de la moitié gauche d’un linteau de porte, en tout point similaire à celui du magasin 5 de Zaouyet Oumm el-Rakham, si ce n’est qu’il n’est pas conservé sur toute la largeur. La ligne de texte qui était gravée au-dessus de la figuration du personnage n’a pas été conservée, mais un faon de bubale visible en début d’inscription permet de restituer le titre de chef de garnison (jm(y)-r(ȝ) jwʿyt), et le nom de Nebrê devait être indiqué avant le déterminatif du personnage assis encore discernable sur le bloc (fig. 4). Une comparaison paléographique de la divinité Maât tenant le sceptre-ouser notamment, ainsi qu’une confrontation des détails iconographiques comme le rendu de la tunique du personnage, montrent que ces deux linteaux sont tout à fait semblables. Cette huisserie provient bien de la porte d’un magasin du site de Zaouyet Oumm el-Rakham et c’est le commandant de régiment Nebrê qui y est représenté.

Figure 4 – Linteau fragmentaire provenant de la porte d’un entrepôt de Zaouyet Oumm el-Rakham. [Photographie et fac-similé © Julie Masquelier-Loorius]

36. Sur ceux-ci, la formule rdj jȝw apparaît. Cf. Snape 2004, p. 157, fig. 10. 37. Hauteur 0,80 m ; Habachi 1980, p. 16 et pl. V A ; Kitchen 1989, 46, 409 B. 38. Porte du magasin 2. Cf. Snape 1998, p. 1082. Snape 1997, p. 24 (fig. dans l’angle inférieur droit) ; Leclant & Clerc 1998, p. 317.

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39. Piasa archéologie 2003, p. 65 n° 269.

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L’antique et dangereuse Mafdet sur un vase en pierre de La reine ankhnespépy ii Anne Minault-Gout CNRS/UMR 8167 – Équipe « Mondes pharaoniques »

Lors des fouilles menées en 2000 par la Mission archéologique française de Saqqara (MafS)1 au monumentfunérairedelareineAnkhnespépy II – mère du roi Pépy II, épouse de Pépy Ier puis de Mérenrê, régente – à Saqqara-sud dans le cimetière de la famille de Pépy Ier, furent mis au jour les fragments d’un vase décoré de l’emblème de Mafdet. Portant le numéro d’inventaire A II-695-7 du catalogage de la MafS, cet objet provient du caveau de la reine où il se trouvait rejeté dans le sarcophage parmi un entassement de fragments de vases en pierre et d’offrandes, situation résultant des pillages, de l’intense activité des carriers et, finalement, des « fouilles » anciennes à la recherche d’objets, comme celles menées à la fin du xixe siècle2.

Le vase Du récipient, un vase cylindrique à fond plat et lèvre en bourrelet, en calcite3 ou travertin4 (traditionnellement nommé albâtre ou albâtre égyptien

1. Sous la direction d’Audran Labrousse. 2. Notamment, à Saqqara-sud, celles du Consul Travers. Certains objets conservés au musée de Berlin – des fragments de Textes des Pyramides et des vases en pierre –, dont la provenance semble être le cimetière de la famille de Pépy Ier, viennent des « fouilles » qu’il avait organisées ; les objets trop fragmentaires, ou considérés comme secondaires, étaient rejetés – ou gardés en réserve. Rappelons également la présence d’un espace de « réserve » d’objets sur le site, dans le secteur de la tombe de Rêhérichefnakht. Voir Labrousse 2000, p. 278 ; Minault-Gout 2000, p. 282 ; Berger-El Naggar & Labrousse 2005, p. 2022 ; Berger-el Naggar & Fraisse 2008, p. 1. 3. De Putter & Karlshausen 1992, p. 43-46 ; Klemm & Klemm 2008, p. 147-166 (« calcite-alabaster »). 4. Harrell 1990, p. 37-42 ; Aston 1994, p. 42-47 ; Shaw 2010, p. xv, p. 11-30 ; Harrell 2013, p. 3, 17.

dans la littérature égyptologique), ne restent que deux fragments jointifs (fig. 1). Le diamètre est de 20,8 cm environ ; la hauteur maximale conservée est de 15 cm, mais le vase devait atteindre 45 à 50 cm ; l’épaisseur de la lèvre est de 2 cm, la paroi s’affine jusqu’à une épaisseur de 1,1 cm. La lèvre est en bourrelet extérieur arrondi, souligné d’un discret relief. Le profil, légèrement concave, devait s’élargir vers la base. Cette forme très ancienne de jarre à onguent apparaît dès le Nagada I. Cet exemplaire, dont la partie la plus large est l’ouverture et dont le profil est concave, datable d’une fourchette comprise entre la Ire et la IVe dynastie5, est beaucoup plus ancien que le tombeau auquel il bénéficiait. La cassure entre les deux fragments, extrêmement brunie et érodée, semble également être ancienne ; elle est probablement due aux premiers pillages bien qu’il soit possible que le vase ait été associé au trousseau funéraire de la reine alors qu’il était déjà abimé, sa valeur symbolique liée à la mention de la divinité, demeurant, elle, intacte6. Le signe , mesurant 3 cm de hauteur, est gravé à 7 cm sous le bord du vase (fig. 2). Ce signe, symbole de la déesse Mafdet, représente un animal courant verticalement, rampant, sur la hampe du signe šms T18 lequel est un « crook S39 with a package containing a knife, 5. Aston 1994 (« cylinder beakers »), p. 99, fig. 20, également p. 103. 6. Cf. Posener-Krieger 1976, p. 208 : « On peut se demander alors dans quelle mesure les actes rituels pouvaient être accomplis avec des instruments en mauvais état. Si l’on en croit les inventaires d’Abousir, l’aspect des objets n’entrait pas en ligne de compte, tout geste étant, dans le rite, simulacre auquel le verbe donne réalité et puissance ». Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 159-166

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etc. lashed to it » 7. Le pictogramme a la valeur « suivre », « accompagner » 8. Composé du bâton et de cet élément lié duquel sort une lame, il a été interprété, d’une part, comme l’équipement d’un nomade et, d’autre part, comme un instrument d’exécution 9. On peut également y voir une tige de papyrus qui s’incurve légèrement sous le poids de l’animal, comme dans les si nombreuses représentations des mastabas 10 ; cependant, alors, le « paquet » attaché à la tige n’est plus compréhensible. On remarquera que, dans notre exemple, aucune lame n’est figurée sortant de la tige, comme on peut également l’observer sur l’inscription de la Pierre de Palerme (tableau 1).

Figure 1 – Vase inv. A II-0695-7. [Photographie © Mafs]

Figure 2 – Détail. [Photographie © Mafs]

L’animal, long et fin, assez court sur pattes, donne une impression de légèreté. La tête est courte et le museau pointu, les oreilles sont marquées et dressées et la queue est longue et incurvée. Il s’agit d’un félin, un carnassier aux dents et aux griffes redoutables (cf. infra, références aux Textes des Pyramides) ; à l’intérieur de cette famille des félidés, plusieurs identifications possibles ont été proposées : chat, lynx, panthère, lionne11, genette12, etc. Il semble que l’identification à la genette commune – Genetta genetta (Linné, 1758) –, qui est celle souvent adoptée pour les représentations de Mafdet13, soit ici appropriée, comme elle l’est également pour deux des trois représentations de la Ire dynastie (cf. tableau 1). Elle est appelée la « grimpeuse »14, la « coureuse », la « lieuse » ou « l’entraveuse »15, ou encore la « fureteuse »16. Probablement, à 7. Gardiner 1964, p. 513. 8. Wb IV, 482. 9. Références : Gardiner 1964, p. 513, n. 1 et n. 2. Pour l’équipement d’un nomade, voir Loret 1903 p. 12-13 : « le signe représente, du reste, tout le modeste bagage d’un nomade primitif : une couverture ou une toile de tente, un bâton à bout recourbé et un couteau de silex… » ; pour l’instrument d’exécution (de décapitation), voir Capart 1898, p. 125. 10. Alliot 1951, p. 21-24 ; Aufrère 1998, p. 22-24 ; Osborn & Osbornova 1998, p. 89-90. 11. Notamment : chat : Gardiner 1938, p. 89-90 ; panthère : Westendorf 1968 ; lionne : Vernus, dans Vernus & Yoyotte 2005, p. 180-182, (sur la genette, voir p. 610) ; Osborn & Osbornova 1998, p. 117 ; dernièrement, sur les divinités félines, voir Bartos 2014, p. 1-8. 12. Sur la genette : Aufrère 1998, p. 9-11 ; Osborn & Osbornova 1998, p. 88-92 ; Malek 2006, p. 35-36, fig. 18. 13. Kees 1941, p. 33 ; Alliot 1951, p. 21 ; Aufrère 1998, p. 10-11 ; Corteggiani 2007, p. 305-306. 14. Kees 1941, p. 33. 15. Graefe 1980, col. 1132. 16. Godron 1990, p. 137 : « … son nom signifie “la Fureteuse” et [que] le signe šms sur lequel elle grimpe lui est associé pour rappeler qu’elle est la compagne des hommes et qu’elle les aide à la chasse ».

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Tableau 1 – Représentations de Mafdet : Ire dynastie (1-3). Ire-VIe dynastie (4-5).

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1. Jarre : tombe de Den à Abydos (Wilkinson 1999, p. 289, fig. 8.6 (2), d’après Petrie 1901, pl. VII.7). 2. Empreinte de sceau de Den : tombe de Den à Abydos (Wilkinson 1999, p. 289, fig. 8.6 (1), d’après Petrie 1900, pl. XXXII.39). 3. Coupe : Den, Abydos (Wilkinson 1999, p. 289, fig. 8.6 (4), d’après Petrie 1900, pl. VII.4 + 1901, pl. VII.10). 4. Pierre de Palerme, règne de Den (Wilkinson 1999, p. 289, fig. 8.6 (3). 5. Vase A II-695-7 : tombe de la reine Ankhnespépy II à Saqqara .

l’origine, était-ce un animal accompagnant le roi, un félin apprivoisé, qui le protégeait et symbolisait en même temps son pouvoir et sa force17.

Mafdet M3fdt (Wb II, 29) (vase en cristal de roche de Den ; cf. supra, tableau 1 et infra, tableau 2) (Pierre de Palerme ; cf. supra, tableau 1) (Neit, § 1212d, TP 519)

Premières attestations

La très ancienne déesse Mafdet18 apparaît à la I dynastie sous le règne du roi Den. Puis on la re

17. Westendorf 1966, p. 131-135 ; Wilkinson 1999, p. 290. 18. Wb II, 29, 5-6 (félin aux griffes acérées, déesse), IV, 482, 9. Sur cette divinité on verra notamment : Gardiner 1938, p. 83-91 ; Bonnet 1952, p. 434-435 ; Westendorf 1968, p. 248-256 ; Graefe 1980, 1132-1133, s.v. « Mafdet » ; Kammerzell 1994 (sur l’étymologie du nom mȝfdt) ; Leitz 2002,

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rencontre à nouveau dans la liste de la Pierre de Palerme, associée à ce même roi Den et, enfin, dans les Textes des Pyramides. Ses premières représentations sur un fragment de vase en pierre et sur une empreinte de sceau provenant d’Abydos (Ire dynastie, Den), de même que celle de la Pierre de Palerme (également associée à Den) sont identiques et montrent un animal long aux courtes pattes fléchies courant verticalement sur le signe šms19 (n° 1, 2, 4 du tableau 1). En revanche, la troisième attestation de l’époque de Den (n° 3 du tableau 1), sur un vase en cristal de roche (fig. 3), identifiée comme Mafdet par la présence de son nom, montre un animal tenant un sceptre ouas, à la tête rectangulaire, aux hautes pattes et dont la queue incurvée est plus épaisse à l’extrémité ; sa position est bien différente puisqu’elle est debout sur une composition hiéroglyphique signifiant « maîtresse de la demeure de vie » ; il s’agirait d’une lionne ou d’un guépard. p. 235-236 ; Corteggiani 2007, p. 305-306. Sur Mafdet en relation avec les Textes des Pyramides, on se reportera désormais à Mathieu et al. 2013, avec bibliographie ; je remercie B. Mathieu pour m’avoir communiqué sa notice de L’Univers des Textes des Pyramides, programme de l’équipe Égypte Nilotique et Méditerranéenne (UMR 5140 du CNRS et Université Paul-Valéry de Montpellier). 19. Voir Wilkinson 1999, p. 289.

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Figure 3 – Vase du roi Den provenant d’Abydos. [D’après Wegner 2014, p. 45, n° 7]

Ainsi les représentations de la déesse montrent deux avatars – au moins – du félin Mafdet, la genette et la lionne-guépard20. Compagne et protectrice du roi, la « mission » qui lui est dévolue – connue par les Textes des Pyramides (cf. infra) – est la protection de la « Demeure de vie » et la destruction et décapitation des êtres malfaisants, principalement les serpents, grâce à ses griffes redoutables.

Pierre de Palerme

Une mention de Mafdet apparaît sur la Pierre de Palerme, recto, 3e registre, case 13 : année x+13 des annales du roi Den (n° 4 du tableau 1). D’abord traduite comme « L’année de la naissance de Séchat et Mafdet », il faut dorénavant y voir « L’année de façonner les statues de Séchat et de Mafdet »21.

Textes des Pyramides

B. Mathieu, lors de conférences consacrées à l’origine du corpus des Textes des Pyramides22, a souligné l’importance des dynasties thinites dans le processus de composition des textes, citant notamment des sections faisant référence à Mafdet, divinité qui n’était jusqu’alors connue que par les quelques documents de l’époque de Den cités 20. A. H. Gardiner (1938, p. 89-90) avait discuté de ces deux aspects différents de la divinité et opté alors pour l’identification à un chat. 21. Schäfer 1902, p. 21, pl. I ; Godron 1990, p. 136-137, avec références bibliographiques ; Wilkinson 1999, p. 289. Sur la Pierre de Palerme, on se reportera à Wilkinson 2000 et à Hsu 2010. 22. Depuis 2011 : conférences à Bâle, Lyon, Paris et Grenoble, cette dernière ayant été publiée dans la revue Senouy : Mathieu 2014, p. 33-35.

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ci-dessus. « Dans les Textes de Pyramides elle s’attaque à l’adversaire du défunt lorsqu’il se présente sous forme de serpent. Le ritualiste s’exprime ainsi : Les doigts de N qui sont sur toi, ce sont les doigts de Mafdet qui réside dans la Demeure de vie (§ 677d) ; Il tranchera ta tête avec ce couteau qui est dans la main de Mafdet qui réside dans la demeure de Vie ! (§ 442c). »23. On verra aussi le § 297 (TP 440-441) : la main de N. qui vient contre le serpent, est celle de Mafdet « qui préside à la Demeure de Vie », elle frappera au visage et griffera aux yeux24 ; le § 438a (TP 295) : Mafdet saute au cou du serpent25 ; le § 1212d : les pointes du harpon avec lequel le roi décapite ses ennemis sont comparées aux griffes de Mafdet26. La « Demeure de vie », désigne probablement les appartements royaux du Palais et peut-être, plus précisément, ses réserves de nourriture27. Il appert donc que cette divinité, proche compagne et protectrice du roi, avait une importance considérable durant la période archaïque28, à un point tel que lui ériger une statue (ainsi qu’à Séchat) ait été un événement marquant une année du roi Den.

23. Ibidem, p. 34. 24. Sethe 1908, p. 229 ; Faulkner 1969, p. 88 ; Allen 2005, p. 54 (Ounas), p. 288 (Pépy II). 25. Sethe 1908, p. 228 ; Faulkner 1969, p. 88 ; Allen 2005, p. 54 (Ounas), p. 330 (Neit). 26. Sethe 1910, p. 180 ; Faulkner 1969, p. 193 ; Allen 2005, p. 161. 27. Gardiner 1938, p. 89 ; Hornblower 1943, p. 85 ; O’Connor 1987, p. 35. 28. Westendorf 1966, p. 131-135 ; Wilkinson 1999, p. 290.

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Tableau 2 – Les quatre mentions de Mafdet sur des vases en pierre.

Vases inscrits au symbole ou au nom de Mafdet (tableau 2) 1. Abydos, tombe de Den29

Fragments d’une jarre cylindrique (d’après la photographie publiée par Petrie), pierre blanche (calcite ?) inscrite d’une mention de Mafdet sous l’apparence d’une genette, devant le serekh de Den. L’inscription est, d’une façon exceptionnelle, gravée en relief, technique qui est celle des stèles contemporaines30 : « On a tall alabaster cylinder jar is an inscription in high relief, with the standard of the goddess Mafdet and the name of Den. This is the only such relief inscription yet found. »31.

2. Abydos, tombe de Den et proximité de la tombe de Semerkhet32 (fig. 3)

Fragments d’une coupe en quartz (ou cristal de roche) ; les trois fragments jointifs du bord portant le numéro UM E6865 sont conservés à l’University of Pennsylvania Museum. Une représentation gravée de Mafdet, figurée sous l’apparence d’une lionne debout sur le « château de vie », la patte droite tendue vers un sceptre ouas (la partie entre le sceptre et la patte manque) décore le vase ; son nom m3fd(t) est inscrit au-dessus d’elle : « The upper part of the 29. Petrie 1901, pl. VII.7. 30. Cependant un fragment de vase en calcite est également inscrit en relief au serekh de Narmer : ibidem, p. 19, pl. II.3. 31. Ibidem, p. 25. 32. Petrie 1900, pl. VII.4 (fragment gauche) ; Idem 1901, pl. VII.10 (fragment droit). Des photographies des deux fragments rassemblés sont publiés dans O’Connor 1987, p. 35 (en noir et blanc), fig. 14 et Wegner 2014, p. 45, n° 7 (en couleur, photographie utilisée ici fig. 3).

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finely-engraved crystal vase, figured in Royal Tombs i. vii. 4, was found this year. The whole group can now be restored. The lioness goddess Mafdet is standing holding an uas scepter, beneath her is the title “mistress of the house of life” »33.

3. Saqqara-nord, tombe de Hemaka

Fragment d’une grande coupe en « schiste » 34, groupe de signes gravée de l’inscription : qui désigne la déesse Mafdet35 si on le compare à l’inscription 1, où apparaissent également les signes . Cependant, la présence du signe , s’il s’agit bien de lui, demeure difficile à interpréter.

4. Saqqara-sud, tombe de la reine Ankhnespépy II

Le vase inv. A II-695-7 – datable dans une fourchette comprise entre la Ire et la IVe dynastie36 – de même que l’inscription qu’il porte – dont les rares parallèles connus datent de la Ire dynastie – sont beaucoup plus anciens que l’époque de la reine Ankhnespépy II. Ce phénomène de conservation et de réutilisation – par ailleurs attesté au cimetière de la famille de Pépy Ier – a été mis en évidence sur de nombreux autres sites pour des vases portant des mentions de rois37. Ainsi en 1928, B. Gunn38, dans sa conclusion d’une étude de fragments de vases en pierre rejetés par les pillages dans l’enceinte de Djoser et inscrits à 33. Petrie 1901, p. 25. 34. Emery 1938, p. 61, fig. 18, n° 1719. 35. Bernard-Delapierre 1940, p. 220-221. 36. Aston 1994 (« cylinder beakers »), p. 99, fig. 20, également p. 103. 37. Résumé récemment dans Vlčková 2006, p. 89-90. 38. Gunn 1928, p. 173-174.

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des noms royaux des deux premières dynasties ou à des noms et titres de ces périodes, écrit : « The inclusion in a king’s funerary equipment (in the wide sense) of stone vessels made in the reigns of his predecessors, and inscribed with their names, seems to have been common, if not customary, in the Old Kingdom. »39. Il donne ensuite une liste d’autres exemples, dont le plus ancien date de Semerkhet (pour Adjib son prédécesseur)40. À propos des vases inscrits des galeries de Djoser, P. Lacau note : « on a puisé dans une même réserve pour approvisionner en vases tous les appartements souterrains de la pyramide. Il s’agissait bien d’une réserve accumulée par les prédécesseurs de Zoser, puisqu’un certain nombre de vases portent leurs noms et qu’aucun ne donne celui de Zoser lui-même »41, et : « Ainsi, les réserves de vases et, sans doute, d’objets mobiliers nécessaires aux tombes existaient sous les règnes précédents, et les différents rois y ont puisé pour garnir successivement leurs tombes personnelles ou des tombes de particuliers. En Abydos […] ces tombes ont été approvisionnées dans les mêmes magasins qui serviront plus tard au roi Zoser »42. G. A. Reisner relève le même phénomène dans les matériels de Chéphren, Mykérinos et Sahourê43. À la pyramide de Rêdjedef à Abou Rawash, un seul vase est inscrit et il l’est au nom de Chéops44 ; à la pyramide de Raneferef à Abousir, ce sont quatorze vases ou fragments qui sont inscrits (incisés ou peints), aux noms de Snéfrou et de Menkaouhor45. Un dernier exemple étonnant est celui d’un vase fort ancien, de Khâsekhemoui, provenant d’Abydos, 39. Ibidem, p. 173. 40. Ibidem, p. 173-174. 41. Lacau & Lauer 1965, p. 95-96. 42. Ibidem, p. 96. 43. Reisner 1931, p. 102-105, 200-201. 44. Valloggia 2011, p. 64, fig. 252 (inv. 165). 45. Vlčková 2006, p. 83-88.

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et (ré)-inscrit à la XXVe dynastie au nom de la divine adoratrice Aménirdis Ire. La raison du choix de ce vase est sa provenance abydénienne et sa proximité avec le tombeau d’Osiris46. Il reste à se demander pour quelle(s) raison(s) des mentions de Mafdet apparaissent sur des vases en pierre. Ils devaient sans doute être offerts à cette divinité (coupe)47 ou renfermer un produit (jarres cylindriques), réel ou symbolique, en rapport avec les morsures de serpents, Mafdet étant celle qui protège de ces dangers. Dans le cas du vase inv. A II-695-7 de Saqqara, cette probabilité a sans doute un lien avec les Textes des Pyramides et le fait que la reine Ankhnespépy II fut la première à disposer de ces Textes dans son caveau. Il apparaît, à l’étude de son mobilier, que la reine, bien qu’elle possédât un grand nombre de types de vases en vigueur à la VIe dynastie – dont certains spécialement inscrits pour elle de ses noms et titres –, avait également eu accès aux réserves royales. En effet, parmi sa vaisselle, certains éléments, notamment des jarres cylindriques ou des coupes à bord rentrant, sont clairement plus anciens que la fin de l’Ancien Empire. Si la mention de Mafdet est bien aussi ancienne que le vase d’une part, que le vase lui-même est datable des Ire-IVe dynasties d’autre part, et que, en l’état actuel de la recherche, les trois parallèles connus de vases en pierre portant le symbole ou le nom de la déesse Mafdet sont datables du roi Den de la Ire dynastie thinite, il paraît légitime d’avancer l’hypothèse d’une datation similaire pour notre vase.

46. Meyrat 2013, p. 233-242. 47. O’Connor 1987, p. 35.

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NOTE SUR « LE PROJET ARCHÉOLOGIQUE QATAR-SOUDAN » PROmOTION D’UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LA PRÉSERvATION DES mONUmENTS ANTIQUES DE LA RÉGION DU mOyEN-NIL Salah Eldin MohaMed ahMed National Corporation for Antiquities and Museums, Khartoum

Le projet archéologique du Qatar-Soudan (QSAP) est une initiative du Qatar ayant pour objectif la promotion du riche patrimoine archéologique de la République du Soudan. Il est le résultat d’une volonté politique commune aux deux pays : Son Excellence le Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani (puis Émir de l’État du Qatar) a exprimé à Son Excellence le Président de la République du Soudan Omar Hassan Ahmed FM Al- Bachir, il y a déjà quelques temps, sa volonté de promouvoir l’archéologie nationale. Son Excellence le Cheikh Hassan bin Mohamed bin Ali Al-Thani (vice-président de Qatar Museums Authority – QMA) a d’abord été l’interlocuteur du Qatar avant de présider, plus tard, la Commission mixte du projet. Son Excellence le Dr. Mustafa Osman Ismail (devenu, par la suite, conseiller du Président de la République du Soudan) est devenu le représentant du Soudan et le président de la partie soudanaise de la Commission mixte. Deux rencontres scientifiques ont été organisées afin de définir le potentiel archéologique du Soudan et de discuter de ses besoins immédiats. La première réunion s’est tenue à Khartoum les 16 et 17 février 2009 ; elle a réuni les responsables qataris et soudanais, ainsi que des experts nationaux et internationaux. La deuxième rencontre a eu lieu à Doha les 14 et 15 Avril 2009 sur le même modèle. Vingt-deux dossiers, regroupant vingt-sept projets archéologiques, ont été présentés au cours de cette dernière réunion. Ces rencontres eurent pour résultat de définir les projets et de fixer les programmes d’intervention pour cinq ans, de 2013 à 2018. Le budget total

approuvé pour ces projets est de 135 000 000 US$. L’ensemble des projets concernent quatre domaines principaux : les musées, le financement des missions archéologiques, la conservation des pyramides de Méroé, du Gebel Barkal, de Nouri et d’el-Kourrou, et la construction de bases scientifiques au Gebel Barkal et à Méroé.

Les musées Dans le secteur des musées, le projet porte en particulier sur la réhabilitation du Musée National du Soudan (SNM), mais également sur la construction d’un nouveau musée sur le site de Naga :

Le Musée National du Soudan (SNM)

Le Musée National du Soudan (SNM) a été inauguré en 1971 (après la campagne archéologique de Nubie-UNESCO) et n’a jamais bénéficié, depuis lors, d’aucun entretien et même d’aucun développement significatif des expositions. Dans le cadre du projet archéologique QatarSoudan, le programme de réhabilitation du Musée National du Soudan insiste sur sept points principaux (fig. 1) : 1– La réhabilitation et l’extension des jardins ; 2– La réalisation d’une nouvelle protection moderne autour des temples conservés dans les jardins ; 3– La réhabilitation du bâtiment principal du musée ; 4– La modernisation de la muséographie ; 5– L’actualisation des systèmes de sécurité, de la climatisation et de l’éclairage ; Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 167-171

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Figure 1 – Projet du futur Musée National du Soudan à Khartoum. [©Agnieszka Dobrowolska (conception) – Archinos Architecture (équipe technique)]

6– La prise en compte de la nouvelle extension du musée dédiée à l’exposition des artefacts des périodes tardives de l’histoire du Soudan. 7– La construction d’un Centre d’accueil des visiteurs dans les jardins du musée.

La construction d’un musée de site à Naga

Le site de Naga est situé dans la région du Boutana à environ 35 km à l’est du Nil et 170 km au nord-est de Khartoum. Il est l’un des sites les plus remarquables de la civilisation méroïtique et l’un des plus appréciés des touristes. Il comprend des temples richement décorés et un bâtiment connu sous le nom de « Kiosque », ou sanctuaire d’Hathor, fortement influencé par l’architecture méditerranéenne et l’art hellénistique. L’idée de construire un musée archéologique sur le site même a été suggérée par les archéologues du Musée égyptien de Berlin qui conduisent

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des fouilles et restaurent les monuments depuis plus de quinze ans. La conception du musée a été réalisée par l’architecte britannique David Alan Chipperfield (fig. 2).

Les missions archéologiques Le projet a, dès sa première année d’existence (soit entre 2013 et 2015), financé vingt-neuf missions archéologiques. Onze nouvelles missions archéologiques sont venues se greffer au programme au cours de la saison 2014-2015, portant, à ce jour, le nombre total de missions financées à quarante. Les programmes de recherche de ces nombreuses missions concernent toutes les époques de l’histoire du Soudan, soit de la période préhistorique

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note Sur « Le projet ArchéoLogique qAtAr – SoudAn » • 169

Figure 2 – Projet du futur musée de Naga. [Conception © David Chipperfield Architects]

Figure 3 – Partie sud-ouest de l’église de Ganatti. [Fouilles et restauration : Debba-Dam Archaeological Salvage Project, DDASP]

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(environ 350 000 ans avant notre ère) jusqu’aux époques médiévale et islamique (xixe siècle). Les sites étudiés se trouvent aussi bien sur les rives du Nil que dans l’arrière-pays, dans la partie nord du Soudan, sur une distance d’environ 800 km au nord de Khartoum (fig. 3, pl. VI.1). Ces missions conduisent aussi bien des prospections qu’elles réalisent des sondages, mènent des fouilles, participent à la conservation, à la protection, à la présentation des sites et à leur plan d’aménagement. Les missions réunissent enfin dix pays : RoyaumeUni, France, Allemagne, Pologne, Canada, ÉtatsUnis, Italie, Espagne, Danemark et Soudan.

La Mission Qatari pour les Pyramides du Soudan (QMPS) Un projet développé en parallèle ne porte que sur les pyramides édifiées au Soudan. Il implique les quatre complexes pyramidaux de Méroé (Begraweya), du Gebel Barkal, de Nouri et d’elKourrou. Le travail inclut des prospections géophysiques pour localiser de nouvelles tombes inconnues, mais aussi la fouille de certains tombeaux préservés (fig. 4,  pl. VI.2), des travaux de restauration et de conservation des vestiges, et enfin l’aménagement des sites pour recevoir les touristes.

Figure 4 – Descenderie de la pyramide Beg.N 9 refouillée par la mission QMPS. [Photographie © Pawel Wolf]

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note Sur « Le projet ArchéoLogique qAtAr – SoudAn » • 171

Figure 5 – Une vue du camp de Dohat Méroé. [Photographie © S. Mohamed Ahmed]

Dans un premier temps, les acteurs de ce projet se sont concentrés sur les tombes royales de Méroé (Begraweya), en partenariat avec l’Institut Allemand d’Archéologie (DAI). L’accord établi avec cette institution scientifique comprend également le financement de la numérisation des archives de Fritz Hinkel, architecte allemand ayant travaillé pendant plus de quatre décennies au sein du Service des Antiquités du Soudan, spécialement pour le projet de restauration des pyramides de Méroé. Tout au long du programme, une attention particulière sera également accordée : 1– À la gestion du problème de l’érosion éolienne et de l’accumulation de sable sur le site des pyramides ; 2– Au plan d’aménagement de l’ensemble du site de Méroé et à la réalisation d’une présentation attractive des pyramides pour les visiteurs.

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Les bases scientifiques Deux camps ont été construits au Gebel Barkal et à Méroé. Ils ont été nommés respectivement : Dohat Al-Barkal et Dohat Méroé. Le but de ces campements est de fournir aux scientifiques l’hébergement adéquat et les installations de travail nécessaires pour conduire leurs différents programmes de recherche. La pérennité de ces camps est enfin assurée, puisqu’ils seront remis au gouvernement soudanais à la fin du projet et auront pour finalité leur emploi dans la promotion du tourisme sur les deux sites.

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Métaux, textiles et réseaux d’échanges à longue distance entre la fin du iiie et le début du iie Millénaires : les « Paddle dolls », un indice négligé ? Juan Carlos Moreno García CNRS/UMR 8167 – Équipe « Mondes pharaoniques »

L’œuvre égyptologique de Dominique Valbelle est inséparable de l’étude des relations entre l’Égypte et les régions voisines. Ses travaux sur Kerma, sur la péninsule du Sinaï (Sérabit el-Khadim, Tell el-Herr) ou ses études de synthèse, désormais classiques (comme Les neuf arcs ou Histoire de l’État pharaonique), témoignent d’une carrière particulièrement féconde qui a renouvelé les perspectives sur les contacts extérieurs du pays des pharaons. Des thématiques autour desquelles elle a su créer et animer une équipe de chercheurs très actifs dans l’exploration du Sinaï, des ports de la Mer Rouge ou de la Nubie. En analysant le rôle joué par certaines figurines énigmatiques dans les réseaux d’échanges internationaux à la fin du IIIe et le début du IIe millénaires, je voudrais dédier cette contribution en hommage affectueux à une collègue très appréciée. Les figurines communément désignées par le terme anglais « paddle dolls » (ou « poupées-rame ») continuent toujours à défier l’interprétation des égyptologues1. Ellen Morris a consacré récemment une excellente étude à l’analyse de ces objets – au moins une centaine de ces poupées sont publiées ; elles viennent généralement d’un contexte funéraire – et elle a souligné à juste titre leurs connotations rituelles2. Cependant, je pense qu’il existe aussi un autre aspect complémentaire mais largement négligé, à savoir le reflet du développement des échanges et des routes commerciales sur de longues distances, entre l’Asie Centrale, le 1. Jouets, poupées, concubines des morts, personnifications des colliers menat, statuettes de fertilité, danseuses de la déesse Hathor, incarnations des déesses pour la protection et la guérison, etc. : Morris 2011, p. 71-103 (pour un historique des interprétations, cf. p. 71-73). Cf. aussi Pinch 1994, p. 127, fig. 67. 2. Morris 2011.

Proche-Orient, l’Afrique nord-orientale et le bassin de la Méditerranée orientale, de la fin du IIIe millénaire aux premiers siècles du IIe millénaire avant notre ère. La prise en considération de cette dimension jusqu’à présent négligée découle de trois réflexions inspirées par les « paddle dolls » : leur rapport avec des innovations dans la production et la teinture des textiles en laine, leur relation avec le développement de nouveaux réseaux commerciaux et, enfin, l’association entre des échanges et des « paddle dolls » dans une tombe de la Première Période intermédiaire à Qoubbet el-Haoua. Ma première réflexion est suscitée par les robes aux couleurs et aux motifs très vifs portées par ces figurines (fig. 1). Bien que les chercheurs aient proposé des hypothèses diverses pour interpréter ces motifs, certaines me semblent à exclure, comme celles qui y voient des tatouages, voire des habits élaborés en vannerie. Alors qu’effectivement des tatouages en forme de symboles, de motifs géométriques ou de divinités sont couramment représentés sur les « paddle dolls », ainsi que sur d’autres types de figurines, il me semble qu’en ce qui concerne les motifs colorés évoqués plus haut3, leur régularité géométrique et l’étendue de la zone du corps où ils figurent (entre la poitrine et le pubis) sont en revanche peu compatibles avec l’hypothèse du tatouage. Ainsi, les tatouages souvent portés par les « paddle dolls » se distinguent nettement des motifs de ce que j’interprète comme des habits. Quant à la vannerie, les scènes de plusieurs tombes du Moyen Empire (pour ne citer que celles plus ou moins contemporaines de ces figurines) montrent certes 3. Riefstahl 1944. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 173-194

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Figure 1 – « Paddle doll », Collection Emmacha. [Photographie © Roger Basille]

des objets tissés avec des fibres végétales dont les motifs sont très proches de ceux figurant sur les « paddle dolls », y compris des couleurs très vives4, mais il en va de même pour la décoration, par exemple, des stèles fausses-portes ou des sarcophages, et ceci depuis l’Ancien Empire5. Leurs motifs géométriques complexes pourraient s’inspirer des nattes, des paniers ou d’autres récipients similaires. Cependant, outre le manque de confort de tels hypothétiques habits, le recours à la vannerie pour la confection de vêtements d’usage quotidien, non rituel, me semble improbable6. En revanche, les motifs présents sur les « paddle dolls » pourraient 4. Wills & Hacke 2010, p. 87-96. Voir aussi Manassa 2012a, p. 99-110. 5. Voir des exemples publiés récemment dans Lashien 2013, pl. 53, 58a, 59a ; Thompson 2014, pl. 11, 15, qui indique (p. 40 n. 122) que ce type de panneaux reproduisant la façade des palais apparaît dans les tombes des IVe et Ve dynasties et devient moins fréquent au cours de la VIe. Ils deviendront très fréquents par la suite ; voir par exemple Naville 1907, pl. XXIII. 6. Wendrich 2000, p. 254-267 ; Vogelsang-Eastwood 2000, p. 269.

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s’inspirer, au moins en partie, des textiles. Des parallèles contemporains sont bien attestés comme, par exemple, les motifs textiles égéens reproduits dans le décor du plafond des tombes de Hâpidjéfa à Assiout7, de Ouâkhka II à Qaou el-Kebir8 et sur la stèle fausse-porte de Oukhhotep à Meir9, comparables aux motifs utilisés dans les peintures murales d’Ebla10. Textiles et vannerie étaient donc une source d’inspiration pour la décoration des tombes, des stèles et des murs, de sorte que la présence de motifs géométriques très similaires sur les « paddle dolls » pourrait s’expliquer par la même origine. Une hypothèse d’autant plus probable quand on considère que de nombreuses « paddle dolls » portent des bretelles croisées sur leur dos, ce qui correspond mieux à des robes qu’à des tatouages. Dans cette perspective, ces motifs colorés complexes constituent un indice supplémentaire en faveur de l’hypothèse d’un textile. Mais alors, quel type de textile? Si le lin est la fibre principale, sinon unique, utilisée dans la production d’étoffes en Égypte pharaonique, il faut néanmoins insister sur deux aspects relatifs à la production et à la représentation des textiles. Le premier est le prestige, ce qui fait du lin la fibre préférée pour la confection d’habits de parure, « haut de gamme » et de vêtements à usage rituel, y compris dans les inhumations. Cette particularité explique que le lin soit surreprésenté dans les contextes archéologiques et iconographiques11 en lien avec les monuments de l’élite, mais moins bien représenté dans les contextes d’habitats domestiques et modestes, à ce jour d’ailleurs moins documentés. En revanche, des traces d’emploi de la laine en Égypte proviennent, précisément, de ces contextes et il s’avère donc possible que l’utilisation de la laine ait été bien plus répandue qu’on ne l’admet communément12 et que, par conséquent, l’importance apparente du lin dans l’iconographie, les documents administratifs et les inhumations, obéisse, en grande partie, au contraste entre les notions de aisé / modeste, prestigieux / ordinaire et urbain / campagnard (voire nomade), avec une préférence nette pour le lin au détriment de la laine. En outre, le lin offre une faible protection contre le froid, de sorte que la garde-robe des anciens Égyptiens devait 7. Tombe Assiout 1 : Shaw 1970, p. 25-30. En général, cf. Barber 1991, p. 345-347, 351-352 (des listes de tombes égyptiennes de toutes époques avec des motifs textiles égéens figurent aux pages 339 et 396) ; Idem 1998, p. 13-16. 8. Tombe Qaou 18 : Petrie 1930, pl. 1. 9. Tombe Meir B4 : Blackman 1915, p. 15, pl. 9, 28. 10. Di Ludovico & Ramazzotti 2012, p. 287-301. 11. À propos de l’emploi de la couleur blanche dans la décoration des tombes, en tant que symbole de pureté, les habits sacerdotaux et le parvis des temples, cf. Hartwig 2003, p. 304. 12. Barber 1991, p. 49, n. 6 ; Hall 1986, p. 10 ; Kemp 2001, p. 34-55.

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les « paddle dolls » • 175

comprendre sans doute aussi des vêtements plus chauds, élaborés en laine et en cuir, mais sur lesquels les sources sont bien plus discrètes que pour le lin13. Les populations des régions voisines furent, quant à elles, représentées dans les monuments pharaoniques avec des habits en laine, ce qui les distinguait, du point de vue idéologique, des Égyptiens. On peut citer par exemple les Asiatiques de la célèbre caravane de la tombe de Khnoumhotep II de Beni Hassan14 ou ceux qui figurent sur un pilier de la tombe du général Antef15, du règne de Montouhotep II – on observera en particulier la femme représentée au quatrième registre et qui porte, outre des tatouages (une caractéristique habituelle des « paddle dolls ») une robe colorée, vraisemblablement en laine16. Les chasseurs et les pasteurs17, les Libyens et les habitants des oasis furent représentés également parés d’habits différents de ceux des Égyptiens ; ils arborent régulièrement un baudrier croisé, que l’on observe surtout pour les danseuses libyennes et oasiennes dans le cadre de cérémonies en l’honneur d’Hathor. Les tatouages, enfin, sont habituels dans les représentations des Libyens. Bandoulières croisées et association avec Hathor sont justement caractéristiques des « paddle dolls »18. En définitive, toute analyse des fibres textiles employées en Égypte doit analyser avec précaution les conventions artistiques et les principes idéologiques pharaoniques, qui faisaient des habits des marqueurs ethniques19. Le deuxième aspect relatif aux textiles concerne leur teinture, très difficile dans le cas du lin, ce qui complique la conservation des couleurs pour cette fibre. Par conséquent, les habits aux couleurs et aux motifs vifs portés par des Asiatiques et des Libyens, entre autres, furent sans doute tissés en laine. On verra plus loin que, précisément, vers la fin du IIIe et 13. Hallmann 2007, p. 15-27. 14. Des photographies en couleur dans Shedid 1994, p. 6061, fig. 101-104 ; Kanawati & Woods 2010, phot. n° 90102. Pour d’autres représentations d’étrangers avec des habits en couleur à Beni Hassan, cf. Shedid 1994, p. 29, fig. 40, p. 69, fig. 116 (la représentation d’un tapis apparaît p. 44, fig. 72) ; Kanawati & Woods 2010, phot. n° 68, 67, 163. 15. Jaroš-Deckert 1984, pl. 1, 3, 14, 17, dépliant 1 ; Vogel 2010, p. 56-57. 16. À propos des tatouages en Égypte ancienne, cf. Keimer 1948 ; Bianchi 1988, p. 21-28 ; Tassie 2003, p. 85-101. 17. Voir la représentation d’un chasseur dans la tombe de Ptah-hétep et Akhethétep à Saqqarah (Ve dynastie) : Vogelsang-Eastwood 1993, p . 166-167 ; ou celle d’un pasteur (libyen ?) dans la tombe de Baqet III de Beni Hassan (XIe dynastie) : Shedid 1994, p. 29, fig. 40. 18. Romion 2011, p. 91-102 ; Hubschmann 2012, p. 62-64. 19. Pour le cas des habits portés par les Asiatiques, cf. Vogelsang-Eastwood 1999, p. 80-86 ; Pritchard 1951, p. 36-41. Pour les Nubiens, cf. Vogelsang-Eastwood 1993, p. 20-21 ; Lacovara 2011, p. 541-546 ; Pomerantseva 2014, p. 451-456.

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le début du IIe millénaires, des innovations techniques permirent la production de textiles en laine aux motifs complexes et/ou teints. Dans ces conditions, la décoration des « paddle dolls » ne ferait que reproduire des traits contemporains et considérés typiques des étrangères : des habits aux motifs complexes, très colorés, en laine, ainsi que des tatouages et des coiffures exubérantes. La signification première des « paddle dolls » serait donc celle de représentations de femmes étrangères, dont on cherche à souligner « l’exotique ». Que ce type de figurines apparaisse justement durant une période d’essor des échanges internationaux, d’innovations dans les techniques de fabrication des textiles et de commerce intense des étoffes, et qu’elles coexistent avec d’autres types de figurines véhiculant aussi la notion d’étranger (comme les figurines inscrites de textes d’exécration, les figurines de fertilité, etc.), suggère pourtant un emploi spécialisé qui n’était pas assuré par ces dernières. Ma deuxième réflexion sur les « paddle dolls » porte, précisément, sur le commerce international à cette période. Entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire les échanges connurent donc un essor considérable dans une vaste aire comprenant l’Asie Centrale, le Proche-Orient, l’Afrique du Nord-Est et le bassin de la Méditerranée orientale, avec deux produits principaux : les métaux et les textiles. D. Wengrow a de plus souligné que les échanges à longue distance à cette époque ont souvent porté sur des objets typiquement féminins et relativement modestes (miroirs, épingles à chas, etc., ainsi que parfums et onguents) et que, dans le cas des épingles à chas, il est loisible de penser qu’elles étaient utilisées sur des pièces d’étoffe en laine20. Innovations techniques (tissage, métallurgie du cuivre), mode, échanges à longue distance et aspects culturels propres à la sphère féminine vont donc de pair avec l’apparition d’un type de figurines aux caractéristiques très similaires : aplaties, représentant des femmes nues, à la coiffure et à la parure exubérantes, souvent dépourvues de jambes, portant des tatouages, etc21. Enfin, un autre aspect notable de la circulation des textiles sur une longue distance est leur rôle de vecteurs de diffusion de motifs ornementaux, repérables sur des supports aussi divers que la céramique ou l’architecture22. À souligner, enfin, la nature « invisible », du point de vue archéologique 20. Wengrow 2009, p. 141-160. 21. Wilkinson 2012, p. 647-662 ; Idem 2014, p. 262-266. On peut ajouter aussi Ögüt & Piller 2014, p. 585-601 ; Peyronel 2013, p. 73-88 ; Idem 2014, p. 613-632 ; Sakal 2015. 22. Good 2006, p. 191-214 ; Idem 2007, p. 168-173 ; Wilkinson 2012, p. 650-652 ; Idem 2014a, p. 267-281 ; Idem 2014b ; Smith 2013, p. 143-160.

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(les célèbres known unknowns signalés par S. Sherratt23), d’un grand nombre de ces produits en raison de leur caractère modeste et quotidien, en plus d’être périssables (textiles) et recyclables (métaux). La troisième caractéristique est l’association étroite des « paddle dolls » avec des traces de contacts internationaux dans une tombe d’Assouan de la fin du IIIe millénaire. En effet, la tombe Qoubbet el-Haoua n° 88 a livré de nombreux indices de contacts avec l’extérieur, dont une « paddle doll » ainsi qu’une coupe de style égéen (Kamares)24. De la céramique Kamares apparaît fréquemment associée aux élites du Proche-Orient et de l’Égypte, que ce soit à Tell el-Dabʿa, dans les alentours de Ititaouy (Licht, Haouara, Lahoun), à Abydos, à Qoubbet el-Haoua, et même à Bouhen, en Nubie25. Bien que la datation du vase Kamares de Qoubbet el-Haoua ait suscité des discussions, des liens entre la Crète et l’Égypte sont bien établis entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire26. D’ailleurs, des fragments de céramique minoenne (notamment, un fragment de céramique Kamares MMIB Proto-palatiale, datant de 2000 avant notre ère, ainsi que des fragments postérieurs, de 1700 avant J.-C. environ) ont été mis au jour dans le port pharaonique de Mersa / Ouadi Gaouasis27. Des fragments de vaisselle cananéenne sont aussi présents sur ce site28, tandis que de la vaisselle égéenne (ainsi que levantine et Kerma) a été retrouvée dans des contextes de la même période à Umm Mawagir (oasis de Kharga)29 ; toujours de la même époque, de la vaisselle Kerma, cananéenne et des moules à gâteaux, dont les seuls parallèles connus proviennent de Mari en Syrie, ont été découverts à Ayn Asil (oasis de Dakhla)30. Ceci montre donc que les indices de contacts entre l’Égypte et le monde minoen n’avaient rien d’exceptionnel dans les régions du sud de l’Égypte vers 2000 avant notre ère, notamment sur les routes reliant le Nil aux déserts et à la mer Rouge. Dans ce contexte, la biographie de Jj-Šmȝ St-kȝ d’Éléphantine, de la fin de la Première Période intermédiaire (tombe Qoubbet el-Haoua n° 110), apporte 23. Sherratt 2010, p. 91 ; Idem 2011, p. 7-8. 24. Edel 2008, p. 993-994, fig. 24, p. 1044-1045. À propos de cette tombe, cf. Höveler-Müller 2006 ; Edel 2008, p. 979-1069. 25. Edel 1980, p. 176-214. Une discussion récente dans Walberg 2001, p. 9-18 ; Merrillees 2003, p. 127-142 ; MacGillivray 2009, p. 187-193 ; Barrett 2009, p. 211-234 ; Steel 2013, p. 110-112. 26. Warren 1995, p. 2 ; Watrous 1998, p. 19-27 ; Manning 2008, p. 113-116 ; Wiener 2013, p. 34-43. 27. Fattovich 2012, p. 9. 28. Ibidem, p. 9, 43, fig. 41. Cf. aussi Bard 2013, p. 545-546. 29. Manassa 2012b, p. 131, p. 142-143. 30. Marchand & Soukiassian 2010, p. 154-155, p. 168, p. 206207, p. 227.

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également des informations précieuses sur ces échanges puisqu’elle décrit les missions commerciales que son propriétaire accomplit afin de livrer des produits étrangers à la Maison de Khéty (le royaume de Héracléopolis), comme « la myrrhe de Byblos », de l’or et du cuivre du « Pays du dieu », de l’encens de Nubie, de l’ébène, de l’ivoire et, enfin, des animaux exotiques. Éléphantine aurait donc pu jouer le rôle de relais entre les routes venant de la Méditerranée, de la Nubie, de la mer Rouge méridionale et du Soudan oriental31. Enfin, les Nubiens semblent très actifs dans ces échanges, y compris à Éléphantine même, dans les oasis et dans le port de Mersa / Ouadi Gaouasis32. Par conséquent, Jj-Šmȝ St-kȝ ne ferait que poursuivre les activités de ses prédécesseurs de l’Ancien Empire à Éléphantine, avec l’organisation de missions commerciales vers le Soudan, le Levant et ailleurs. Rien d’étrange donc à ce que le dignitaire inhumé dans la tombe n° 88 de Qoubbet el-Haoua soit aussi entouré d’objets attestant ces contacts, comme un vase Kamares ou une « paddle doll ».

Figurines et échanges extérieurs L’hypothèse de T. C. Wilkinson sur le rapport entre l’apparition de figurines féminines aux caractéristiques très particulières et le développement des échanges sur une vaste aire géographique ouvre une perspective d’analyse féconde33. C’est le cas, notamment, à propos de l’association de ces figurines avec des circuits commerciaux actifs, en marge des États et des grandes institutions (palais, temples). Dans le cas égyptien, ces figurines se distinguent d’autres objets similaires, comme les figurines inscrites de textes d’exécration, qui évoquent des peuples et des contrées étrangers et qui, dans les cas les plus élaborés, représentent un étranger aux bras attachés dans le dos34. Le propos de ces objets reste toujours obscur et ne semble pas lié à des rituels funéraires. En effet, bien que ces figurines soient brisées et inhumées lors de certaines cérémonies, on ignore le contexte de ces célébrations visant à la destruction symbolique des ennemis. Plusieurs 31. Edel 2008, p. 1743-1744, p. 1814, fig. 24. À propos de cette tombe, Ibidem, p. 1715-1815. 32. Cf. les contributions réunies dans le volume ForstnerMüller & Rose 2012, passim. Cf. aussi Manzo 2012a, p. 4758 ; Idem 2012b, p. 75-106 ; Idem 2011, p. 71-85 ; Idem 2014, p. 1149-1157 ; Raue 2013, p. 149-155, pl. 29. On remarquera à ce propos que des Pountites arrivaient par voie fluviale ou maritime pour faire du commerce avec les Égyptiens pendant la XVIIIe dynastie : Bradbury 1996, p. 37-60. 33. Wilkinson 2012, p. 647-662 ; Idem 2014, p. 262-266. 34. À propos du motif du prisonnier avec les bras attachés et les textes d’exécration, cf. Ritner 1993, p. 113-180.

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ensembles datés de la VIe dynastie ont été découverts dans les nécropoles memphites, notamment à Giza et Saqqara, dans des tombes de particuliers ou à proximité, ce qui semble exclure des rituels d’État et suggérer plutôt des célébrations privées qui, dans le cas de Giza, eurent lieu à quelques semaines seulement d’intervalle35. L’impression donc de cérémonies menées dans un cadre privé est confortée par le fait que ces ensembles ne sont pas non plus associés à des temples. La même interprétation semble valable pour un assemblage important de figurines provenant de l’extérieur de la forteresse de Mirgissa, près de la « Ville ouverte »36 ; on remarquera que les maisons de la « Ville ouverte » sont souvent entourées de petites huttes de stockage, l’ensemble constituant des unités résidentielles habitées probablement, entre autres, par des marchands. Une autre figurine découverte à Balat provient également d’une zone d’habitat37. En outre, ces figurines se caractérisent par la précision des noms et des toponymes recensés. Loin de reproduire uniquement des formules stéréotypées, les textes d’exécration de l’Ancien et du Moyen Empire contiennent un riche répertoire d’anthroponymes et de toponymes étrangers, qui évoluèrent avec le temps ; si les textes de l’Ancien Empire mentionnent surtout des pays et des individus de Nubie, ceux du Moyen Empire évoquent de plus en plus d’Asiatiques et des localités et pays du Levant. Enfin, ces textes diffèrent par leur contenu d’autres textes similaires de la Première Période intermédiaire, dont les protagonistes sont des Égyptiens et où l’on attache une grande importance à leurs nourrices dans les expressions de filiation38. Bien que les figurines du Moyen Empire avec des textes d’exécration apparaissent surtout dans des localités frontalières et des points de départ de routes caravanières, comme Mirgissa, Ouronarti, Semna, Balat ou Éléphantine39, elles n’ont pas été détectées jusqu’à présent dans des ports (Ayn Soukhna, Mersa / Ouadi Gaouasis) ou sur des sites miniers à l’épigraphie pourtant riche (comme Sérabit el-Khadim ou Gébel Zeit). On peut donc conclure que l’emploi de figurines porteuses de textes d’exécration était lié à des rituels menés par des particuliers dans un cadre privé (c’est-à-dire en marge de l’État) et qui, en raison de leur localisation géographique, étaient possiblement en rapport avec l’organisation de caravanes40. 35. Diego Espinel 2013, p. 26-33. 36. Vila 1963, p. 135-160 ; Idem 1973, p. 625-639. 37. Grimal 1985, p. 111-121. 38. Posener 2013, p. 135-176, pl. III-IX, pl. coul. 12. 39. Posener 1987, p. 5. Pour Éléphantine cf. en plus Diego Espinel 2013, p. 29. 40. À noter les différences par rapport à d’autres figurines féminines plus tardives, trouvées en contexte funéraire dans les oasis de Bahariya et Dakhla et liées peut-être à

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Un autre type de figurine suggère un lien entre les figurines des textes d’exécration et les « paddle dolls ». Un exemple bien conservé est une statuette de la fin du Moyen Empire représentant une femme au nez à « bec d’oiseau » – un type surtout attesté en contexte non-funéraire –, aux poignets liés derrière le dos, qui porte une jupe laissant le genou visible et ornée de bandes verticales avec des motifs ronds. Des marques autour du cou et sur le dos (ici, en forme de Y) suggèrent soit une représentation sommaire de ligotage, soit des tatouages ou scarifications avec, peut-être, l’image fort schématique d’un panier (fig. 2  et  3)41. D’autres figurines féminines similaires représentent une femme nue avec le même type de nez et bras liés également derrière le dos ; certaines portent une jupe ainsi qu’une sorte de panier sur le dos42. Comme la représentation d’étrangères portant sur leur dos des paquets et des enfants devient habituelle au Moyen Empire43, il semblerait que la construction dans ces figurines de l’image stéréotypée de « l’étrangère » emprunte des éléments typiques des figurines d’exécration (les bras attachés)44, combinés avec des attributs typiques des femmes « exotiques », venues d’ailleurs (jupes colorées, tatouages, coiffures particulières). Cependant, le ligotage des bras d’une femme n’est pas un élément habituel dans ce type de figurines. Pour revenir aux figurines féminines au nez à « bec d’oiseau », elles sont très fréquentes à cette époque et sont représentées en général nues, avec colliers, tatouages et coiffure aplatie assez élaborée, ou avec des orifices pour insérer des brins de laine ornés de coquillages et de perles en terre crue (fig. 4)45. En outre, il était habituel qu’elles soient enveloppées dans une pièce de lin décorée de perles, d’amulettes, de scarabées, de fils et de mèches de couleur46. Dans certains cas, elles portent en plus des rituels pour obtenir l’aide d’un défunt dans l’espoir d’obtenir une grossesse et un accouchement heureux : Boutantin 1999, p. 41-61 ; Colin & Zanatta 2006, p. 21-56. 41. Loffet 2013, p. 58-61 [n° 96], avec des parallèles contemporains. 42. Kóthay & Liptay (dir.) 2013, p. 36-37. 43. Pinch 1993, p. 200 ; Pierrat-Bonnefois 2014, p. 173 et 176, fig. 9, 288, n° 233. 44. Néanmoins la représentation des bras attachés n’était d’aucune manière limitée aux étrangers puisqu’elle figure aussi avec des Égyptiens ou des divinités : Posener 1958, p. 256. 45. Parmi des exemples publiés récemment, cf. D’Amicone (dir.) 2006, p. 95[29] ; Loffet 2013, p. 55-57 [n° 95] ; Trapani 2012, p. 541 et fig. 8. Pour ce type de figurines, cf. en général Pinch 1993, p. 199-203, pl. 46 [C-D]-48, qui correspondent aux types 2 et 3 de son classement ; Waraksa 2009, p. 99-102. À propos des coiffures, cf. Teeter 2010, p. 71. 46. Waraksa 2009, avec l’excellent exemple cité par cet auteur et qui figure dans Hayes 1959, p. 17, fig. 6. Cf. aussi Pinch 1993, p. 201.

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Figure 2 – Figurine d’exécration, vue de face, Collection Emmacha. [© Roger Basille] Figure 3 – Figurine d’exécration, vue de dos, Collection Emmacha. [© Roger Basille]

un enfant47. D’autres figurines du début du IIe millénaire représentent également des femmes nues avec des tatouages, ainsi que des Nubiennes aux jupes colorées et décorées48. Des tatouages et le pubis très marqué y sont fréquents et elles sont parfois accompagnées d’un enfant, une caractéristique que l’on retrouvera ultérieurement49. L’essor de ces figurines est sans doute indissociable de l’importance accrue prise par les Asiatiques et les Nubiens en Égypte à partir de la Première Période intermédiaire. Si des soldats asiatiques obéirent aux ordres des gouverneurs de Beni Hassan, des tombes levantines « de guerrier » sont également repérables à Kom el-Hisn et des marchands et des particuliers venus d’Asie fréquentèrent Tell el-Dab‛a, Lahoun, Abydos, etc.50 ; des soldats nubiens faisaient aussi partie des armées thébaine et héracléopolitaine et furent représentés sur des monuments d’Assiout51, de Gébélein, de Mo‛alla et d’Éléphantine. L’influence nubienne est aussi très marquée dans l’entourage de Montouhotep II à travers la présence de soldats qui participèrent à ses campagnes52, les dames de sa cour (y compris certaines de ses épouses et leurs

47. Hayes 1959, pl. 47 [B]. 48. Ibidem, p. 220-221, fig. 136-137. 49. Kaiser 1967, p. 45 n° 456-458. 50. Bietak 2010, p. 139-181; Muhlestein 2011, p. 190-235. 51. El-Khadragy 2008, p. 219-241. 52. Darnell 2003, p. 31-48 ; Idem 2004, p. 23-37 ; Idem 2008, p. 81-110, pl. 8-9 ; Bietak 2006, p. 285-293 ; Postel 2008, p. 329-340.

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servantes53) et la mode des tatouages et des coiffures nubiens sous son règne54. Enfin, les magiciens nubiens acquirent une solide réputation en Égypte, et la mention des « Nubiens du désert » dans les papyrus magico-médicaux de la XVIIIe dynastie55, remonte probablement à la Première Période intermédiaire, quand les inscriptions contemporaines mentionnent précisément ces Nubiens56. Justement, les figurines trouvées dans des sites miniers renforcent leur association avec les notions d’« étranger » et de protection en milieu hostile. Le cas du Gebel Zeit au bord de la mer Rouge – dont les mines de galène furent exploitées entre 2000 et 1200 avant J.-C. – propose des pistes importantes57. À la différence d’autres sites miniers dans lesquels furent érigés des temples et des stèles monumentales, le « sanctuaire » bâti au Gebel Zeit au Moyen Empire consistait en un simple mur circulaire de 7,70 m de diamètre fait de blocs de calcaire entassés. 53. Schneider 2010, p. 151. Cependant, l’emploi de la couleur noire pour représenter la peau de ces dames pourrait obéir aussi à une convention au lieu d’indiquer une origine nubienne : Ćwiek 2007, p. 26-27. 54. Pinch 1993, p. 213 ; Tassie 2003, p. 88-93, avec la mention d’une figurine et d’une momie de Koubban dont les tatouages étaient similaires. 55. Cf. P. Berlin 3027, section D, 2, 7-10 : « que s’écoule cette Asiatique qui vient du gébel (ḫȝst), cette Nubienne qui vient du désert (mrw) » et l’étude de Koenig 1987, p. 105. En général, Ritner 1993, p. 140 n. 623, p. 201 n. 930, p. 217 n. 1010. 56. Fischer 1968, p. 138 et 140. 57. Castel, Gout & Soukiassian 1984-1985, pl. IV ; Castel 1984, p. 50-52.

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C’est ici que les membres des expéditions déposaient des ex-voto, comme des figurines, des amulettes (dont certaines représentaient Bès), des perles, etc. Mais le type le plus fréquent est la figurine féminine nue, au nez à « bec d’oiseau », parfois parée d’amulettes et enveloppée dans un tissu de lin fin brodé. Certaines d’entr’elles montrent des tatouages ou scarifications et des éléments de parure courants, comme les colliers. De plus, ces figurines présentent des coiffures élaborées, soit avec des pans retombant sur les épaules et le dos, soit une coiffure en fils de lin sur lesquels sont collées des boules d’argile nouées sur des trous percés au sommet de la tête. Enfin, une dizaine d’entre elles portent des enfants nouveauxnés sur la poitrine ou sur le dos. Le cas du Gebel Zeit est particulièrement notable parce qu’il s’agit d’un sanctuaire « informel », à la différence des fondations cultuelles « officielles » consacrées à Hathor en Égypte (Deir el-Bahari) et à l’extérieur, dans des forteresses (Faras, Mirgissa), des sites miniers (Sérabit el-Khadim, Timna) ou des centres portuaires (Byblos)58, sans oublier les statuettes hathoriques de la fin du Bronze Ancien trouvées à Mari59. En outre, Gebel Zeit révèle des contacts avec des populations étrangères puisque des Asiatiques participaient à l’extraction de la galène et la transportaient vers la Vallée du Nil, comme l’attestent non seulement la célèbre caravane représentée dans la tombe de Khnoumhotep II à Beni Hassan60, mais aussi le sceau-cylindre syrien (xviiie siècle avant J.-C.) trouvé dans la tombe de la mine 200 de Gebel Zeit61. Ce rapport entre figurines et zones de contact avec des populations étrangères, en marge d’un contexte funéraire, rappelle les sites contemporains ayant livré des figurines avec des textes d’exécration. Dans les deux cas, les figurines semblent véhiculer l’idée de protection face à la menace extérieure, une protection d’autant plus prisée que les expéditions du Moyen Empire au Gebel Zeit semblent débuter autour du règne d’Amenemhat III, règne qui marqua d’ailleurs le point culminant des expéditions envoyées vers les sites miniers (Sérabit el-Khadim, Ouadi el-Houdi, « Stela Ridge » en Nubie)62. Une autre caractéristique de ces figurines est leur rapport avec la protection de l’enfance. D’ailleurs, de nombreuses figurines féminines au corps nu et au nez à « bec d’oiseau » portent des enfants 58. Pinch 1993, p. 3-80. 59. Quenet 2008, p. 268. 60. Newberry 1893, pl. XXX-XXXI. 61. Régen & Soukiassian 2008, p. 329-330. 62. D’autres monuments attribués à ce règne seraient en réalité postérieurs : Marée 2009, p. 159-160 ; Lorand 2010, p. 104-106 ; contra Régen & Soukiassian 2008, p. 21 (7), 49.

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Figure 4 – Figurine à nez à « bec d’oiseau », Collection Emmacha. [© Roger Basille]

et apparaissent en contexte domestique63. En réalité, l’ambivalence entre les notions de protection et de contact avec l’extérieur, d’une part, et de protection de l’enfance dans le cadre des pratiques propres à la sphère féminine, d’autre part, n’est pas exclusive de ces figurines et s’exprime par d’autres moyens, présents aussi dans les « paddle dolls ». C’est le cas, par exemple, des tatouages où figure parfois la déesse Taouret64. Les premières représentations des formes composées de Taouret et les premières images de Bès sont contemporaines, précisément, des premières attestations des « paddle dolls », vers 2100 avant J.-C. Taouret et Bès figurent également 63. Voir un bon exemple dans Moeller 2012, p. 96-98. 64. Keimer 1948, p. 25-32, pl. XV-XVII ; Pinch 1994, p. 127, fig. 67. Parfois les « paddle dolls » portent des tatouages/ images d’autres types d’animaux, comme des oiseaux (Keimer 1948, pl. 16), des tortues (Uranić 2007, p. 207-208 [458]), etc.

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sur d’autres objets, comme les ivoires magiques (cf. section suivante) et leur riche iconographie d’animaux mythologiques (sphinx, griffon, etc.)65. Mais la popularité de ces deux divinités ne s’est pas limitée uniquement à l’Égypte et ont été diffusées en Crète dès la fin de la Première Période intermédiaire66. Des amulettes reproduisant des emblèmes divins et des scarabées sont également apparus à cette époque, dans un contexte d’élaboration d’éléments portables de protection inspirés de la culture pharaonique officielle (le pilier-djed, l’œil-ouadj, le nœud-tjet)67. La circulation d’idées et de produits explique sans doute la diffusion, puis l’adaptation et la réinterprétation locales, de certains éléments culturels entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire, y compris les figurines aplaties. Cette intensification des échanges internationaux explique aussi une certaine standardisation des systèmes de poids, perceptible sur une vaste aire géographique, de la Mésopotamie et du Levant à la vallée de l’Indus, voire la vallée du Nil, œuvre très vraisemblablement de populations mobiles et de marchands indépendants68. Deux questions émergent. D’une part, la collaboration entre Égyptiens et populations étrangères – parfois « marginales » – dans l’organisation d’activités jadis du ressort exclusif de l’État, comme le commerce international et l’exploitation des minéraux ; d’autre part, le fait que ces populations étaient aussi très actives dans l’organisation d’opérations économiques, et cela de manière autonome (à savoir sans la direction des États) et sur de longues distances, dans les domaines de l’exploitation de ressources minières69 et naturelles (comme le bitume)70, les échanges de textiles71 ou le commerce en général72. Ceci explique pourquoi, par exemple, les activités d’extraction minière ont continué au Sinaï et même prospéré en Jordanie pendant les 65. Pinch 1994, p. 39-42 ; Roberson 2009, p. 427-445. Cf. aussi Altenmüller 1975, p. 720-724 ; Gundlach 1986, p. 494-497 ; Meeks 1992, p. 423-436. 66. Weingarten 1991 ; Idem 2013, p. 371-378. Cf. néanmoins Simandiraki-Grimshaw 2011, p. 79-87. 67. Wegner 2010, p. 119-142 ; Idem 2009, p. 447-496. 68. Rahmstorf 2012, p. 316. 69. Bloxam 2006, p. 287 ; Meyer 2010, p. 39-52 ; Ben-Yosef et alii 2010, p. 724-746 ; Levy, Ben-Yosef & Najjar 2012, p. 197-214 ; Rehren & Pusch 2012, p. 215-221 ; Grigson 2012, p. 82-100. 70. Connan, Carter, Crawford et al. 2005, p. 21-66 ; Connan & Carter 2007, p. 139-181. 71. Cf. note 21. 72. Moreno García 2013, p. 88-101. Quelques exemples dans Fuller & Boivin 2009, p. 13-46 ; Boivin & Fuller 2009, p. 113-180 ; Fuller, Boivin, Hoogervorst & Allaby 2011, p. 544-558 ; Richardson 1999, p. 149-164 ; Kepinski 2007, p. 87-128 ; Näser 2012, p. 81-92 ; Porter 2012 ; Wilkinson 2014, passim. Cf. aussi Morrison & Junker 2002.

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périodes de crise de la monarchie pharaonique, grâce à l’initiative des populations locales qui extrayaient, transportaient et trafiquaient le cuivre provenant du Sinaï et de la Jordanie73. Dans d’autres cas, l’extraction de minéraux (comme l’or) était pratiquée de manière saisonnière par des communautés d’agriculteurs74. La circulation fluide des populations pastorales expliquerait, enfin, la diffusion d’un type de hache (hache en ancre) entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire depuis la Transcaucasie jusqu’en Égypte (Abydos, Helouan) et depuis la Mésopotamie jusqu’au Levant75, ainsi que les lances à douille attestées aussi bien au Proche-Orient qu’en Égypte (Beni Hassan, Tell el-Dab‛a)76. Ce type de collaboration entre la monarchie pharaonique, des Nubiens et des marchands itinérants au long des circuits d’échanges expliquerait, par exemple, la présence de céramique Kerma, de la Nubie orientale, de la mer Égée, du Levant et de l’Érythrée à Mersa / Ouadi Gaouasis, ou encore la présence de céramique cananéenne, égéenne et nubienne dans les oasis de Dakhla et Kharga. Quant à Serabit el-Khadim, les inscriptions et l’iconographie évoquent la participation d’Asiatiques, de sḫtjw « campagnards » et de jmnw « habitants d’Iménou » aux activités qui y avaient lieu. Si les Asiatiques travaillaient et assuraient la protection – au moins partielle – du site et des expéditions (certains sont représentés armés), et qu’un Khébeded « frère du chef de Rétjenou » jouissait d’une certaine autorité et d’un certain statut social77, les sḫtjw « campagnards » étaient des populations autonomes menant une vie pastorale et exploitant le milieu naturel, surtout dans le Delta oriental78. Quant aux jmnw, ils provenaient de la région de Jmnw, limitrophe de la Vallée du Nil, et collaboraient dans la logistique des expéditions vers Serabit el-Khadim79. Enfin, des bandes de guerriers levantins parcouraient le Delta et se faisaient enterrer dans ses marges occidentales (Kom el-Hisn) et orientales (Tell el-Dab‛a) pendant la Première Période intermédiaire et la XIIe dynastie80. Égyptiens, Asiatiques, nomades, sḫtjw et jmnw intégraient donc la communauté minière de Serabit 73. Pour la Première Période intermédiaire, cf. Jirásková 2011, p. 539-568. Pour les siècles précédents : Nigro 2014, p. 39-64. Pour la Deuxième Période intermédiaire, cf. Bloxam 2006, p. 297. 74. Un exemple dans Meyer 2010, p. 39-52. 75. Gernez 2006a, p. 183-193. 76. Idem 2006b, p. 67-85. 77. Bietak 2010, p. 147-150; Idem 2006, p. 285-293 ; Goldwasser 2013, p. 353-374. 78. Quirke 2004a, p. 183-184 ; Idem 2004b, p. 70-71. Cf. aussi Moreno García 2013, p. 94-99 ; Kóthay 2013, p. 498-500. 79. Arnold 2010, p. 200-206. 80. Goldwasser 2013, p. 367-371 ; Moreno García 2014, p. 614-615.

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el-Khadim, dont le centre d’articulation sociale était le temple d’Hathor, maîtresse de la Turquoise. Dans ce contexte, l’apparition de figurines féminines aplaties comme les « paddle dolls », aux traits sexuels marqués, avec des tatouages / scarifications et des chevelures exubérantes, est donc un phénomène commun au Proche-Orient, à l’Asie Centrale, à l’Anatolie et à l’Égée depuis la fin du IIIe millénaire. C’est clairement une époque d’intensification des échanges après la crise de certains États (l’Égypte de l’Ancien Empire, la Mésopotamie des dynasties d’Akkad et d’Ur III, etc.), de diffusion de nouvelles idées et techniques (armement, production textile, etc.), de renouveau de la culture matérielle et des pratiques funéraires (notamment la présence d’armes dans les tombes) ; une période au cours de laquelle les populations mobiles et « marginales » ont joué un rôle majeur. D’ailleurs, l’association des textiles avec des routes caravanières et des déesses protectrices comme Astarté est fréquente au Levant81. Par conséquent, l’importance des figurines, de la protection de l’enfance et du culte à Hathor – précisément dans des zones de contact avec des populations étrangères (Nubie, Byblos, Sinaï, Gebel Zeit, etc.) – s’explique par le besoin de négocier et de consolider des liens mutuellement satisfaisants pour toutes les parties impliquées dans les activités marchandes et / ou d’extraction de minéraux82, soit des relations où la confiance et l’emploi de symboles féminins ont joué un rôle crucial en l’absence d’États puissants83. D’où le succès des figurines sur de vastes distances et leurs variantes locales, que ce soit sous la forme des « paddle dolls » en Égypte ou, pour citer un exemple proche-oriental, les statuettes féminines et les vases anthropomorphes exceptionnels de Urkesh, de la fin 81. Boertien 2007, p. 63-77. 82. Bloxam 2006, p. 296 : « Hathor symbolism in a mining context [is] perhaps related to the fostering of group cohesion and solidarity. This might be particularly relevant to any potential tensions in getting access to materials in marginal zones that required engagement with indigenous groups. The concept of resource absorption also feeds into such a mechanism, as outside of monopolized resources, the relationships as described above would be extremely susceptible to oscillations in political strategies and endeavours in Egypt’s marginal territories. Maintenance of social relationships at a local level would be paramount to securing the flow of material that would require negotiation, particularly with local groups. Perhaps feminine imagery was spun into webs of local significance in these mining sites ». 83. Ibidem, p. 287 : « Haaland and Haaland [...] consider that female symbols have the potential to evoke certain kinds of associations across a range of archaeological contexts that relate to a basic concern –the quality of trust in human relations. This assessment comes from the presence of large assemblages of female figurines, found in many domestic contexts in prehistoric South-east European sites ». En général, cf. Wengrow 2009, p. 141-160.

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du IIIe millénaire. Il est probable que ces objets furent utilisés pour la manipulation d’onguents lors de rituels de guérison et de protection en rapport avec les forces de l’au-delà localisées dans l’inframonde84. Il est significatif que les « paddle dolls » disparaissent vers le début de la XVIIIe dynastie, quand la régulation du commerce international devient une affaire d’État réglée entre souverains. Mais à la différence d’autres types de figurines, les « paddle dolls » présentent des caractéristiques bien particulières : elles ne sont pas vouées à la destruction85 ; leur élaboration en bois et leur décor méticuleux révèlent un certain souci de durabilité et de transport facile ; elles sont toujours habillées avec des vêtements de couleur (d’autres figurines étaient souvent enveloppées de tissus en lin ou autres matières86, mais la disparition de ces « habits » a fait penser à tort que la nudité leur était consubstantielle). Enfin, qu’elles apparaissent surtout dans les tombes de l’élite de la région thébaine depuis le règne de Montouhotep II, à savoir une période d’intensification des contacts commerciaux, viendrait confirmer le rapport entre les « paddle dolls » et les échanges à une époque où des spécialistes étrangers s’installent en Égypte, quand l’approvisionnement en turquoise, en lapis-lazuli, en myrrhe, en encens et en autres produits de luxe devient une « affaire d’État », avec des fonctionnaires dévolus à leur gestion. Mais, contrairement à d’autres types de figurines (comme celles au nez à « bec d’oiseau »), les « paddle dolls » restent rares sur les sites où les négociations commerciales sont habituelles et abondent en contextes funéraire et magique87, leur conférant un caractère plus restreint et par conséquent plus élitiste.

« Paddle dolls » et innovations textiles à la Fin du iiie millénaire Un des éléments les plus caractéristiques des « paddle dolls » est leur habit de couleur. Si le lin (très difficile à teindre) et les habits de couleur blanche sont caractéristiques de l’élite – par des considérations à la fois rituelles et de distinction –, l’importance des couleurs dans les vêtements portés 84. Recht 2014, p. 11-24. 85. Waraksa 2008, p. 3. 86. Et ceci depuis le Néolithique : Çilingiroğlu 2009, p. 15-17. 87. Cf. le cas d’une tombe de la XIIIe dynastie au Ramesseum où fut découverte une boîte dont le contenu concernait la protection magique des enfants, comme un papyrus avec des formules relatives à la grossesse et l’accouchement, un ivoire magique, une « paddle doll », une figurine représentant Bès, des figurines dites de fertilité, etc. : Pinch 1993, p. 217.

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par les « paddle dolls », véritable marque d’identité de ces objets, mérite un commentaire. D’abord, d’importantes innovations techniques ont transformé la production textile vers la fin du IIIe millénaire, à commencer par le métier vertical à pesons. Utilisé en Anatolie depuis le Néolithique88, puis à Chypre au Bronze Ancien, tout comme en Jordanie d’après les fouilles récentes menées à Tell ‛Abū al-Kharāz89, son emploi s’est répandu en Mésopotamie au cours du dernier siècle du IIIe millénaire, ainsi qu’à Ebla et à Mari, en Syrie, autour de 1900 avant notre ère90. Ce type de métier offre de nombreux avantages par rapport au métier horizontal : il permet non seulement de produire plus d’étoffes mais, en plus, d’augmenter la surface tissée et d’introduire des motifs plus complexes, notamment dans le cas des tapisseries. Précisément, l’apparition du métier vertical à pesons en Mésopotamie coïncide avec celle des tapisseries multicolores en laine, notamment l’étoffe désignée par le terme mardatum dans les sources paléo-assyriennes et de Mari91. En effet, ces documents évoquent des habits ornés de motifs, souvent floraux92, et précisent que les habits colorés mardatum n’étaient pas des habits ajustés mais drapés et qu’ils symbolisaient surtout l’autorité, d’où leur adoption par les rois et leur usage dans les échanges entre les cours royales93. De ce point de vue, les textiles mardatum n’étaient pas uniquement des tapis mais aussi des capes. Plus tard, les archives de Nuzi du xve siècle avant notre ère révèlent que le terme mardatum comprenait aussi des draps, des couvre-lits, des coussins et des chapeaux94. Bien que les textes de la deuxième moitié du IIIe millénaire évoquent déjà des étoffes à couleurs multiples, il semble que leur teinture était exceptionnelle et que, en réalité, les effets de couleur étaient obtenus par l’emploi de laines de tonalités naturelles différentes. Ce ne fut qu’à partir de 2050 environ avant notre ère que la teinture textile devint plus fréquente95. Le fait que les textiles colorés mardatum soient drapés, et non ajustés, implique l’utilisation 88. Schoop 2014, p. 429-434. 89. Fischer 2009, p. 109-117. 90. Peyronel 2007, p. 30. 91. Michel & Veenhof 2010, p. 252-253 ; Lassen 2010, p. 279280 ; Smith 2013, p. 161-188. 92. Lassen 2010, p. 276-278 ; Durand 1983, p. 410, p. 454-455, n° 342 ; Barrelet 1977, p. 51-92. 93. Durand 2009, p. 61-65. 94. Smith 2013, p. 168-169. 95. Waetzoldt 2010, p. 201-209. Voir cependant la mention des teinturiers et des étoffes de couleurs dans les archives d’Ebla datées du xxive siècle avant notre ère : Biga 2010, p. 146-172. En revanche, l’emploi du métier à tisser horizontal implique qu’il était difficile de concentrer les processus de tissage et de teinture dans de grands ateliers au palais : Peyronel & Vacca 2013, p. 439.

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d’épingles à chas pour les attacher. Ce type d’épingle apparaît déjà au Bronze Ancien, pendant la deuxième moitié du IIIe millénaire, sur une aire géographique assez vaste comprenant l’Anatolie, la Syrie, la Jordanie, la Palestine et le Liban. Cependant, leur distribution devient plus restreinte au Bronze Moyen, limitée surtout à l’ouest de l’Euphrate, et ceci malgré la mention habituelle des habits en laine dans les textes mésopotamiens96. Un autre type d’épingle, à tête à double spirale, se caractérise par une distribution très particulière : bien attestée sur une vaste aire depuis la Roumanie jusqu’à l’Indus, elle est curieusement absente en Mésopotamie et au Levant97. On peut donc conclure que l’emploi des épingles à chas ne dépendait pas exclusivement de l’usage d’habits en laine mais aussi des modes vestimentaires, ce qui pourrait expliquer leur rareté en Égypte, leur apparition surtout dans des zones à forte implantation asiatique comme le Delta oriental et le fait que leur utilisation semble associée à la présence d’Asiatiques98. En tout cas, les épingles à chas deviennent très habituelles au Proche-Orient à partir de la fin du IIIe millénaire, tant dans les tombes que dans les dépôts votifs ; elles sont souvent accompagnées d’armes et autres objets en métal, y compris des éléments de parure féminine99. Il est remarquable à ce propos que des outils de tissage, comme les fuseaux, soient parfois élaborés en métaux précieux et placés dans les tombes des élites procheorientales en tant que marqueurs de statut100. Une fois de plus, de nouvelles manifestations idéologiques en rapport avec les textiles apparaissent donc vers la fin du IIIe millénaire. En effet, les dépôts d’objets métalliques comportant une majorité d’armes sont rares au 96. Voir les études classiques suivantes de Henschel-Simon 1938, p. 169-209 et Klein 1992. Des contributions récentes dans Peltenburg et alii 1996, fig. 11 ; Shalev 2002, p. 307-318 ; Palmieri & Di Nocera 2004, p. 378 ; Philip 2007, p. 187-197 ; Iamoni 2012, p. 349-363. 97. Wilkinson 2014, p. 283. 98. Sparks 2004, p. 28, 33-34, 39, 42, 49. Elle estime que la rareté de ces objets en Égypte correspond à une pratique vestimentaire arrivée de Canaan mais peu répandue dans la Vallée du Nil. Il faut signaler pourtant que la plupart de ces trouvailles en Égypte proviennent des tombes et non de contextes urbains et que l’iconographie pharaonique révèle que les manteaux étaient noués sur l’épaule plutôt qu’attachés par des épingles. Pour les épingles trouvées à Tell el-Dab‛a, cf. Philip 1995, p. 69, fig. 3, p. 72-73 ; Idem 2006, p. 94-107, 157-160, 220-223. Pour des trouvailles récentes dans des habitats domestiques en dehors de cette localité, cf. Giddy 1999, p. 178, 187-188 ; Kemp & Stevens 2010, p. 344, fig. 20.1, p. 346, fig. 20.3, p. 347-348, 350, fig. 20.1 ; Stevens 2012, p. 207-210. 99. Un excellent exemple dans Hameeuw & Jans 2008, p. 76. En général, cf. Wengrow 2009, p. 141-160. 100. Baccelli, Bellucci & Vigo 2014, p. 101-102, avec bibliographie.

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Proche-Orient : Arslantepe (Anatolie orientale, fin du IVe millénaire), Tell Mabtouh (Syrie septentrionale, vers 2500-2350 avant notre ère), Pompeiopolis (Paphlagonie, sur la côte turque de la mer Noire, fin du IIIe millénaire), Tell Sougha (plaine de la Beqa‛a, Liban, vers 2100-1900 avant notre ère) et les nombreux dépôts d’offrandes des temples de Byblos (début du IIe millénaire, y compris la célèbre Montet Jar101)102. Cependant les épingles, ainsi que les torques, les bracelets, des outils divers et des éléments de parure y sont fréquents. Particulièrement significative est la diffusion entre le Bronze Ancien et le Bronze Moyen (fin du IIIe et début du IIe millénaire), de nouveaux types d’armes aux caractéristiques très particulières, que ce soient les haches en ancre (Transcaucasie, Mésopotamie, Levant et Égypte), les lances à douille (Égypte, Levant, Mésopotamie et Golfe Persique), etc.103 Toujours à la même époque apparaissent les sépultures dites « de guerrier », distribuées sur l’ensemble de la côte levantine (depuis Kom el-Hisn en Égypte jusqu’en Syrie) et qui comprennent une panoplie d’armes très spécifique : poignard, lance à douille et hache fenestrée104. La diffusion de certains types d’armes est donc concomitante à la circulation de savoirs techniques, de populations nomades et d’élites armées sur un vaste cadre géographique. Comme O. Goldwasser l’a exprimé avec précision, ces populations « were not warriors in the narrow sense of the word, but desert experts, caravaneers and entrepreneurs ‘on the move’ »105. Cette diffusion est alors accompagnée de nouvelles formes d’expression de soi, tant dans le domaine vestimentaire (avec des parures élaborées, des capes et des manteaux impliquant l’emploi d’épingles), que dans le domaine funéraire (avec l’apparition des sépultures « de guerrier »). Enfin, le rapport entre les innovations textiles et la notion de protection (y compris des enfants et des nouveaux-nés) se manifeste dans l’apparition contemporaine d’un autre type d’objet, les couteaux ou ivoires magiques, avec une riche iconographie où figurent Taouret et d’autres créatures comme Bès et des animaux mythologiques (sphinx, griffon, etc.)106. Leur forme très particulière, en croissant, est 101. Tufnell & Ward 1966, p. 165-241. 102. Gernez & Souleiman 2013, p. 41-59 ; Gernez 2012, p. 101-128. 103. Gernez 2006a, p. 183-193 ; Idem 2007, p. 67-85 ; Kepinski 2013, p. 159. 104. Philip 1989 ; Warfinkel 2001, p. 143-161 ; Tubb 2007, p. 531-539 ; Gernez 2006b, p. 67-85 ; Cohen 2012, p. 307319. 105. Goldwasser 2013, p. 370-371. Cf. aussi Gernez 2006b, p. 75-76 ; Kepinski 2007, p. 87-128. 106. Steindorff 1946, p. 41-51, 106-107 ; Altenmüller 1965 ; Idem 1986, p. 1-27 ; Bourriau 1991, p. 13-15 ; Pinch 1994, p. 39-42 ; Roberson 2009, p. 427-445.

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identique à celle d’une variante de poids utilisé dans les métiers verticaux à pesons et qui apparaît en Anatolie. Bien que les traces les plus anciennes de son usage remontent au IVe millénaire – dans une tombe à Alishar – son utilisation devient courante dans cette région dès le début au moins du IIe millénaire, comme l’attestent les empreintes de textiles mais aussi la riche iconographie sigillaire, où des divinités et des rois portent des habits confectionnés avec ce type de peson. Cet outil permettait la confection non seulement d’étoffes de qualités plus variées mais aussi de tissages et de motifs très compliqués, dont un des plus caractéristiques consistait en des lignes obliques formant des motifs en arêtes ou épis107. Un autre outil similaire, découvert dans plusieurs nécropoles de l’Asie Centrale datées entre 2300 et le début du IIe millénaire, a une forme identique au couteau employé dans la confection de tapis108. Enfin, les pesons à croissant anatoliens portent souvent des motifs et des impressions109, une pratique reprise dans les pesons simples découverts en Palestine et inscrits avec des pseudo-hiéroglyphes110. Une fois de plus, une innovation textile venue de l’extérieur fut incorporée dans le domaine rituel et religieux en Égypte, associée à la notion de protection. On peut signaler d’ailleurs que certains couteaux magiques furent découverts enveloppés de pièces d’étoffe111.

conclusion La fin du IIIe millénaire fut une période féconde en innovations culturelles et rituelles au ProcheOrient, coïncidant avec l’essor des échanges, des routes commerciales, de nouveaux développements techniques, d’une importance accrue des populations mobiles, des innovations importantes dans le domaine textile et à l’absence de grandes monarchies. Dans ces conditions, la généralisation d’un type de figurine féminine très particulière (aplatie, au pubis marqué, avec des tatouages / scarifications et à la chevelure et coiffure exubérantes) sur de vastes espaces soulève des questions. Associée à des divinités comme Hathor et Innana / Astarté, et avec des caractéristiques adaptées aux particularités culturelles locales, elle véhicule la notion de protection dans des domaines 107. Lassen 2011, p. 23-31 ; Idem 2012, p. 78-92 ; Idem 2013b, p. 135-145. Wilkinson 2014, p. 253-256 ; Baccelli, Bellucci & Vigo 2014, p. 104. 108. Wilkinson 2014, p. 256-257. 109. Lassen 2013a, p. 81, [fig. 5.3], p. 87. 110. Marcus & Artzy 1995, p. 135-149 ; Miglio 2014, p. 50-58. 111. Allen 2005, p. 30, fig. 2.

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fort divers (mines, espaces domestiques, centres rituels, tombes, navigation, etc.)112, surtout là où des échanges et des communautés multiculturelles jouaient un rôle important. Les « paddle dolls » ne constituent qu’un des types de figurines féminines présentes en Égypte entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire avant notre ère. Tout en partageant certaines caractéristiques communes avec ces figurines, leurs habits colorés constituent néanmoins un indice précieux de l’importance acquise par les textiles à cette période – y compris dans le domaine symbo112. La même figurine peut véhiculer plusieurs significations selon les contextes, en Égypte ou ailleurs ; voir par exemple Tzonou-Herbst 2010, p. 210-222 ; Idem 2009, p. 161-175 ; Backhouse 2013, p. 22-40. 113. Boertien 2007, p. 63-77 ; Baccelli, Bellucci & Vigo 2014, p. 117.

lique – comme dans le reste du Proche-Orient et de l’Asie Centrale. Deux conclusions se dégagent de cette étude. D’une part, les « paddle dolls » sont un marqueur précieux des échanges internationaux auxquels participa l’Égypte et dont un des vecteurs étaient les textiles de couleur aux motifs complexes. D’autre part, la filature et les fuseaux ont été associés aux notions de protection, de naissance et de destin, d’où la valeur symbolique de certaines activités de tissage et des divinités et créatures surnaturelles reliées à elles113. Les « paddle dolls », les couteaux magiques, l’essor de Taouret et Bès, en sont la variante locale, adaptée aux traditions égyptiennes. Ce n’est donc pas un hasard si les « paddle dolls » sont plus fréquentes dans les zones à forte implication commerciale, comme la région thébaine ou la Moyenne Égypte depuis la fin de la Première Période intermédiaire, et surtout à partir du règne de Mentouhotep II.

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L’hommage au patron en Égypte ancienne Sur La prÉSentation de Soi du Scribe comptabLe du grain amenemhat (tt 82) et d’autreS adminiStrateurS intermÉdiaireS à La XViiie dynaStie Chloé Ragazzoli Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

Un volume de mélanges se présente certes comme un recueil d’érudition mais il n’en saisit pas moins un ensemble de liens humains, d’amitié, de transmission, et de collaboration1. Aussi ai-je voulu, non sans quelque esprit d’affectueuse facétie, profiter de l’occasion pour offrir à Dominique une anthologie et une réflexion sur la forme que pouvait prendre l’hommage en Égypte ancienne. Dans cet article, je me propose de partir à la recherche d’hommages au patron dans le monde des scribes et des administrateurs de la XVIIIe dynastie. En considérant l’hommage comme un acte de discours, je vais mettre en évidence le rôle qu’il joue pour la construction de l’identité personnelle, ainsi que l’établissement de solidarités sociales et professionnelles. Mon point de départ est l’autoprésentation du scribe comptable du grain et intendant du vizir, Amenemhat, dans sa tombe de Cheikh Abd el Gournah (TT 82), construite sous Thoutmosis III. Dans son discours biographique, dans les scènes de vie et dans les scènes d’offrandes, Amenemhat n’a de cesse de rendre hommage à son patron, le vizir Ouseramon. Comme d’autres administrateurs et scribes de rang intermédiaire de la même époque, dont les monuments sont ici examinés, Amenemhat met en scène le lien à son supérieur. Ces différents cas montrent comment une élite intermédiaire parvient à négocier sa position sociale dans la hiérarchie officielle tout en se ménageant une identité propre. Je considère d’abord l’hommage rendu à Ouseramon dans la biographie d’Amenemhat, et les 1. Sur l’histoire de la pratique, voir Waquet 2010. Pour une bibliographie se reporter à la note 1, p. 77.

échos qu’il entretient avec le discours biographique des hauts dignitaires de l’époque, mais aussi la littérature de scribes de l’époque ramesside. Dans un second temps, je prends en compte la place accordée au haut dignitaire dans le programme décoratif de la tombe d’Amenemhat et dans celle de ses collègues d’un rang équivalent. Enfin, les deux scènes des banquets offerts par Amenemhat au vizir Ouseramon et au père de ce dernier, le vizir Aâméthou-Ahmosé, permettent de mettre en évidence, à travers leurs parallèles, différentes attestations d’offrandes au patron à la XVIIIe dynastie.

Biographie d’amenemhat et éloge d’ouseramon Le scribe Amenemhat nous est connu par sa tombe de Cheikh Abdel Gournah, la TT 822, mais aussi par une stèle rupestre au Gebel Silsileh3, une mention dans le cénotaphe du vizir Ouseramon4, une base5 et une boîte d’ouchebtis6, et une inscription de visiteur dans la tombe d’Antefiqer (TT 60)7, proche de la sienne. Il commença sa carrière au sein

2. Porter & Moss 1994, p. 163‑167 ; Davies 1915 ; Kampp 1996, p. 326-330. Sur la réutilisation, probablement consciente, d’une tombe du Moyen Empire : Wasmuth 2013, p. 53-55. 3. Griffith 1889, p. 96-97 = Urk. IV, 1052. 4. N° 17 : Caminos & James 1963, p. 57-63. 5. Den Haag Museum Meermanno‑Westreeniamun T 2360 : Newberry 1932, p. 142, n° 5. 6. Brooklyn 50.130 : James 1974, p. 82-83 7. Gardiner 1920, n° 33, p. 29, pl. XXXVII ; Ragazzoli 2013, p. 313. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 195-217

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du Trésor de Karnak avant d’être intendant du vizir. Ses titres principaux sont les suivants8 : – (j)m(y)-r(ȝ) pr n(y) ṯȝty, « intendant du vizir » ; - (j)m(y)-r(ȝ) ḫbsw, « directeur des champs labourés » ; - ḥry mrw n(w) Jmn, « supérieur des tisserands d’Amon » ; - ḥsb jt m šnʿt ḥtpw nṯr n(y) Jmn, « comptable du grain dans le grenier des offrandes divines d’Amon » ; - smsw hȝyt [n(y) pr-Jmn], « maître des cérémonies du domaine d’Amon » ; - sš, « scribe » ; - sš n(y) ṯȝty, « scribe du vizir » ; - sš ḥsb jt, « scribe comptable du grain ». Amenemhat passe l’ensemble de sa carrière auprès d’un dignitaire influent de la cour d’Hatchepsout et de Thoutmosis III, Ouseramon, lui‑même fils du vizir Aâmethou‑Ahmosé9. Ouseramon est en effet directeur du Trésor de Karnak puis vizir de Thoutmosis III, à moins que les deux fonctions ne coincident10. Si Amenemhat construit son identité officielle autour de la figure tutélaire d’Ouseramon, ce dernier évoque également ses subordonnés dans son cénotaphe du Gebel Silsileh, à la tête desquels est représenté Amenemhat11. Membre d’une élite de second rang, qui n’a pas un accès direct au roi dont il est séparé par un dignitaire du premier cercle auquel il répond, Amenemhat place son lien à Ouseramon au centre de la définition de son identité officielle. L’hommage au patron permet alors à une élite intermédiaire de trouver au sein du décorum officiel, qui décrit un monde organisé entre le roi, les hauts dignitaires et le peuple, les outils pour thématiser son identité propre.

Éloge de soi, éloge de l’autre La biographie d’Amenemhat inclut un éloge de son maître, qui reprend le discours biographique propre aux très hauts dignitaires de cette époque. Cette auto‑présentation apparaît sur deux stèles, peintes de part et d’autre de l’entrée du naos, sur le mur est. Seule la stèle sud est suffisamment conservée pour permettre une traduction continue (cf. fig. 4) : 8. Sur la prosopographie de ce personnage, voir Davies 1915, p. 6-7 ; Eichler 2000, n° 42 p. 244. 9. Sur le rôle du personnage, voir Shirley 2014, p. 184-186. 10. Dziobek 1998, p. 131 ; Shirley 2014, p. 184‑186. 11. Caminos & James 1963, p. 57-63. Voir aussi le commentaire de Dziobek 1998, p. 128‑130.

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(1) ḥȝt-sp 28 ḫr ḥm n(y) Nswt-Bjty Mn-ḫpr-Rʿ d(.w) ʿnḫ ḏd wȝs mj Rʿ ḏt (1) « L’an 28 sous la majesté du roi de Haute et de Basse-Égypte Menkhéperrê doué de vie, stabilité et puissance comme Rê et à jamais. (2) d nswt ḥtp Jmn-Rʿ nb nswt tȝwy ḫnt(y) jpt-swt [Psḏt]12 ʿȝt jm(y)t r(ȝ)-pr.f [Wsjr]13 m [swt.f nbwt]14 Psḏt ʿȝt jm(y)t ẖr(yt)-nṯr (2) Fasse le roi que s’apaisent Amon-Rê, le maître des trônes du Double-Pays, celui qui préside à Ipetsout, Et la grande [Ennéade] qui réside dans son temple, Et [Osiris] dans [toutes ses places], Et la grande Ennéade qui réside dans la nécropole, d.sn pr(t)-ḫrw (3) ḫt nbt wʿbt šs mnḫt snṯr bȝs dd(t) pt qmȝt tȝ jnnt ḥʿpy [m] {h}tpt.f prrt ḥr wḏḥw n(y) [Jmn] De sorte qu’ils accordent des offrandes invocatoires (3), à savoir toutes bonnes choses pures, Des pièces d’albâtre et d’étoffe, de l’encens et de l’onguent, Et ce que donne le ciel, façonne la terre Et apporte l’inondation depuis sa source, Et ce qui sort sur les autels d’Amon, [n kȝ n(y)] sš n(y) ṯȝt(y) J[mn]-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ms~n Jnt.f-ʿȝ mȝʿ(.tj)-ḫrw [Pour le ka du] scribe du vizir A[men]emhat juste-de-voix, né d’Antefô, juste-de-voix. (4) sš [Jmn-m]-ḥȝt [mȝʿ-ḫrw] ḏd.f jnk bȝk šms(w) nb.f mnḫ jb jr(w) ḏd(t).f d~n.f pr.f dmḏ r-ḫt.j ḏbʿwt.f nb ẖr sḫr[.j] tp rs ḥr jp ḫt.f n mh {n} ḥr ḫrp kȝt.f (4) Le scribe [Amenem]-hat [juste‑de‑voix] dit : ‘‘Je suis un serviteur qui suit son maître, Quelqu’un à l’esprit efficace, quelqu’un qui a fait ce que (son maître) dit. Il a placé son domaine entier sous ma conduite, Tous ses sceaux étant à [ma] disposition. (Je suis) quelqu’un de vigilant à compter ses biens, Qui ne néglige pas de contrôler ses travaux. (5) jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr ḥsst kȝ ʿnḫ nswt 12. D’après Davies 1915, p. 71. 13. Ibidem. 14. Restauration ibidem.

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m ẖr(y)t n(yt) rʿ nb sʿr~n.f mȝʿt n nb.s mrrt ḥm.f r tr njs(.w) tnw dwȝ ḥr spw.f nbw mnḫw (5) Le directeur de la ville, le vizir Ouser a accompli Ce qui est loué par le ka vivant du roi Dans le cours de chaque jour : Il fit remonter la justice à son maître, Ce que sa majesté désire à tout moment, Convoqué chaque matin en raison de toutes ses actions efficaces. (6) jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr mrrt nṯrw nbw m jrt hpw smnt tp-rd m jrt r(ȝ)w-pr.sn m smnḫ ḥtpw-nṯr.sn m wpt šbw.sn [m ḥnq n].sn mȝʿt mrrt.sn (6) Le directeur de la ville, le vizir Ouser a accompli Ce que désirent tous les dieux En faisant respecter les lois et en établissant la règle, En construisant leurs temples, En instituant leurs offrandes, En répartissant (?) leurs repas, [en leur offrant] la maât qu’ils désirent. (7) jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr [mr]r[t] pʿt rḫy[t] jnḏ jmȝr ḥnʿ wsr nḫ ḫȝrt jwtt hnw snḏm jb jmȝḫw wrw d~n.f ẖrdw ḥr st jt jt jt d[~n.f] tȝ nb m ḥtp (7) Le directeur de la ville, le vizir Ouser a fait Ce que désirent l’élite et le peuple, Consulter le pauvre comme le puissant, Protéger la veuve sans enfant, Réjouir le cœur des grands défunts, Il plaça les enfants à la place de leur arrière grand-père, [Il] mit le pays tout entier en bon ordre.’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (8) Jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr wḏȝw ʿšȝw r pr-nswt m ḥḏ nbw ḫsbd mfkȝt ʿȝt nb(t) špst ḥnw n(w) ḥḏ nbw ḥmtj bjȝ jpd m ȝbny ssnḏm mry jw dwȝ n.f nṭr ḥr.s (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…] (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands [d’Amon Amenemhat juste-devoix dit] : (8) ‘‘Le directeur de la ville et vizir Ouser a fait De nombreux bijoux pour le palais royal,

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En argent et or, en lapis-lazuli, en turquoise, Et en toute pierre précieuse, De la vaisselle d’argent, d’or, de cuivre et de fer, Du mobilier d’ébène, d’acacia et de bois‑méry, Le dieu l’a loué pour cela, (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux].’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (9) jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) ṯȝt(y) Wsr twtw ʿšȝw r pr-nswt m ḥḏ nbw ḥmtj bjȝ hbny [mry jnr n(y)] mȝt nb mnḫt rwḏt d.w n [ms…mrḥt ḥʿw]15 nṯr mrt ḥtw [m] spȝt [nbt] (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…] (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands [d’Amon Amenemhat juste-devoix dit] : (9) ‘‘Le directeur de la ville et vizir Ouser a fait De nombreuses statues pour le palais royal, En argent et en or, en cuivre et en fer, en ébène [et en bois d’acacia, Et en toute pierre de] granite efficace et durable. Il a été donné à [son sculpteur … de l’onguent pour le corps] divin, Des gens et des champs [dans chaque] nome. (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux].’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (10) jw jr~n n.f wr pn twtw ʿšȝw M ḥmt bjȝ m ḫt nb šps m […b] d.w ḥtp swt[.sn] m r(ȝ)w-pr nṯrw šmʿyt [mḥw] […] ḫft (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…] (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur [des tisserands d’Amon Amenemhat juste-devoix dit] : (10) ‘‘Ce dignitaire fit pour lui de nombreuses statues, De cuivre, de bronze, et de tout bois précieux, De […] Il a été accordé qu’elles aient leur place dans les temples divins de Haute et [de Basse‑Égypte] […], (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux].’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (11) jw [jr~n n.f] wr pn [š ʿȝ nfr wrt] ḥr Jmntt n(y) Njwt Rsy wd(.w) m [ḫt] nb nfr [s]rd(.w) m [ḫt] nb mḥ jnbw.f smnḫ m […] (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…] (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands [d’Amon Amenemhat juste-de15. Restitution d’après Davies 1915, p. 72.

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voix dit] : (11) ‘‘Ce dignitaire [s’est fait] Un [très grand et très beau jardin] à l’ouest de la ville du Sud, planté avec toutes sortes de beaux [arbres], Et fleuri de toutes sortes d’[arbres] doux, Ses murs ornés [ …], (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux].’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (12) jw [jr]~n n[.f] wr pn js ʿȝ mnḫ wrt ḥr ḏw bḫn n(y) tȝ ḏsr sʿȝ.w sš(.w) sȝwt.f qrst šps(t) m […] (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…] (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands [d’Amon Amenemhat juste-devoix dit] : (12) ‘‘Ce dignitaire a [fait] pour [lui] Une très grande et très efficiente tombe, Sur la montagne ( ?) du pays sacré, Elevant et inscrivant ses murs, Un noble sarcophage dans […] (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux].’’ (a) sš ḥsb jt ḥry mrw [n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f] (13) jw jr~n n.f wr pn […] šps […] jnbw[.f] m ḏbʿt […] […] qd.tj m jnr sš.tj […] (b) jnk [ḫrp kȝwt ḥr.s…]16 (a) Le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands [d’Amon Amenemhat juste-devoix dit : (13) ‘‘Ce dignitaire à fait pour lui […] vénérable […] [Ses] murs en briques […] […] construits avec de la pierre, Et inscrits de […]. (b) (mais) c’est moi [qui en ai contrôlé les travaux …]’’. » La structure de cet texte est assez claire : l’éloge est placé dans la bouche du défunt par la formule des autobiographies funéraires, N ḏd.f, « N dit : ». Néanmoins, seul le premier paragraphe (ligne 4) évoque l’action d’Amenemhat et fait apparaître la première personne du singulier. Tous les autres paragraphes constituent autant de strophes d’un éloge anaphorique du vizir Ouseramon et des ses accomplissements. Chaque ligne commence ainsi par la formule jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr, « Le 16. Davies 1915, pl. XXV ; Urk. IV, 1043-1048.

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directeur de la ville et vizir Ouser a accompli… », réduite ensuite à la variation jw jr~n n.f wr pn, « Ce dignitaire a fait pour lui… ». L’éloge suit fidèlement les biographies des hauts dignitaires de la cour d’Hatchepsout et de Thoutmosis III, transposées ici à la troisième personne du singulier, puisque le discours n’est pas autoréférentiel mais placé dans la bouche d’un tiers. Le texte suit de même le partage attendu entre biographie idéale et biographie narrative17. La biographie idéale dresse le portrait traditionnel du haut dignitaire, proche du roi et se tenant à la tête du peuple18. Il emploie pour ce faire les épithètes attendues, notamment chez les vizirs, comme sʿr(w) mȝʿt « celui qui fait remonter la justice (jusqu’au roi) »19, jr(w) ḥsst, « celui qui accomplit ce que loue (le roi) »20. Certaines formules se trouvent quasiment telles quelles chez le vizir Rekhmirê, comme njs tnw wnwt ḥr spw.f nbw mnḫw, « convoqué à tout moment en raison de toutes ses actions efficaces »21. Cela concerne même tout le paragraphe portant sur la sollicitude d’Ouseramon à l’égard du peuple et du plus faible : nḏ(w) jmȝr ḥnʿ wsr nḫ(w) ḫȝrt jwtt hnw snḏm(w) jb jmȝḫw wrw d~n.f ẖrdw ḥr st jt jt jt.f d[~n.f] tȝ nb m-ḥtp « Celui qui prend soin du pauvre et du riche, Celui qui protège la veuve sans enfant, Celui qui réjouit le cœur des grands défunts, En ayant placé les enfants à la place de leur arrière grand-père, En ayant mis le pays tout entier en ordre. » Les termes sont en effet très proches de ceux employés par Rekhmirê à son propre sujet : jw wp~n.j mȝ[jr ḥ]nʿ wsr [jw] nḥm~n.j sȝ-ʿ m-ʿ nḫt […] jw nḫ~n.j ḫȝrt jw[tt] hj smn[~n].j sȝ jw[ʿ] ḥr nst jt.f22 « J’ai jugé le pauvre comme le riche, J’ai sauvé le faible du fort, […] J’ai protégé la veuve sans mari, 17. Voir par exemple Frood 2007, p. 2. 18. Rickal 2005, I, p. 260. 19. Rickal 2005, II, p. 868-888. 20. Ibidem, p. 101 ; chez Rekhmirê : Urk. IV, 1094, 16 ; Qenamon : Urk. IV, 1391, 9 ; 1394, 10 ; 1402, 16 ; Âamethou : Urk. IV, 490, 13. 21. Urk. IV, 1141, 1 : njs tnw wnwt ḥr sp.f nb mnḫw. 22. Urk. IV, 1077, 17–1078, 7.

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J’ai (r)établi le fils héritier sur le trône de son père. » L’assertion renvoie par ailleurs aux règles normatives auxquelles doit se plier le vizir, telles qu’on les trouve énoncées dans la tombe d’Ouseramon précisément, dans l’enseignement délivré par son père et prédécesseur, Âaméthou-Ahmosé : (wsr r) […] ḫȝrt r pḥty23 « Sois puissant [pour protéger] la veuve contre la force physique. » sȝwjw jb ʿqw m […]24 « Réjouis le cœur de qui entre dans […] » sȝw{s}j.k jb.sn25 « Réjouis leurs cœurs. » De même, dans l’Installation du vizir telle qu’elle est conservée dans la tombe TT 131 d’Ouseramon, ce dernier doit garantir la transmission de l’héritage du père au fils : d.f ḥtp sȝ nst jt26 « Qu’il assure que le fils occupe le trône du père » nn ṯnt rḫ n.f r [ḫm] n.f27 « Sans distinguer entre celui qu’il connaît et celui qu’il ne connaît pas. » La question du jugement équitable et sans préjugé reste par ailleurs l’un des thèmes centraux de tout le Cycle du vizir. On le voit, la première partie de l’éloge est donc éminemment normative et idéale, elle répond au rôle dévolu au vizir par le roi dans l’ordre du monde28. Le texte emprunte à un univers de discours spécifique, celui des biographies des vizirs de cette époque et des textes du Cycle du vizir, qui relèvent également de l’auto-présentation de ces personnages. La biographie narrative nous rapproche quant à elle davantage d’Amenemhat. Les faits qui sont décrits renvoient aux créations – statues, biens précieux, monuments et tombes – supervisées par Ouseramon. Ce sont en effet là des tâches qu’il a accomplies en tant que directeur du Trésor d’Amon à Karnak, puis en tant que vizir29 et auxquelles 23. L21‑22 : Dziobek 1998, p. 29. 24. L29 : ibidem, p. 32. 25. L42 : ibidem, p. 28. 26. B30 : ibidem, p. 10. 27. B32 : ibidem, p. 11. 28. À ce sujet, voir ibidem, p. 151. 29. Sur le curriculum du vizir Ouseramon : ibidem, p. 157-163 ; Shirley 2014, p. 184-186.

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Amenemhat a donc participé, comme le souligne la colonne de texte à la fin des lignes 8 à 13 (voir infra) : jnk ḫrp kȝwt ḥr.s, « c’est moi qui en ait supervisé les travaux ». Le texte fait directement écho au discours d’Ouseramon dans sa propre tombe : ḏd.f jr~n(.j) n(.j) js mnḫ m njwt.j n(y)t nḥḥ sqr~n(.j) st ḥrt.j m smjt n(yt) ḏt30 « Il dit : ‘‘J’ai fait pour moi une tombe efficiente, Dans ma ville d’éternité, J’ai établi la place de ma sépulture, Dans le désert de toujours. » Amenemhat a donc construit un discours biographique en tiroir, en insérant dans sa stèle biographique un éloge de son maître. Ce faisant, il inscrit dans sa tombe des éléments de discours marqués du prestige des très hauts dignitaires. De plus, les accomplissements d’Ouseramon, en faveur d’Amon comme directeur du Trésor de Karnak ou en faveur du roi en tant que vizir, renvoient également à la carrière d’Amenemhat, qui fut scribe du Trésor et intendant du vizir, et qui se trouve ainsi associé au succès et au prestige de son patron.

Éloge du deuxième cercle : problème de décorum Les premiers commentateurs, s’étonnant du fait qu’Amenemhat parle autant de son patron dans son auto-présentation, y ont lu un manque d’événements intéressants dans sa carrière, qu’il aurait voulu pallier en évoquant celle beaucoup plus impressionnante d’un vizir31. En réalité, l’hommage au patron nous fait entrer dans la matière des mondes professionnels et des liens sociaux au‑delà du cadre idéologique de l’État égyptien où chacun est serviteur du roi. La présentation de soi d’un dignitaire de second rang, comme Amenemhat, relève d’un enjeu de phraséologie et de décorum. Pour le haut dignitaire32, l’élément central de son identité est son rapport direct et privilégié au roi. Cette relation est d’ailleurs la condition même d’existence de la tombe (et par suite du discours biographique), puisque c’est le roi qui l’a accordée : la biographie devient ainsi par réciproque le signe et la preuve du lien que le 30. Dziobek 1998, p. 78‑79, pl. 4, l. 12‑13. 31. Davies 1915, p. 37. 32. Voir par exemple Guksch 1994, p. 35‑39.

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dignitaire entretient avec la personne royale33. De ce point de vue, l’hommage au patron, dès lors qu’il est question du roi, est omniprésent dans la biographie officielle. Il structure entièrement le discours biographique, qu’il s’agisse de la section idéale ou de la section événementielle. Mais si l’on descend du sommet des corps de l’État au sein de ces derniers, un problème se pose en effet pour des personnages qui appartiennent au deuxième cercle de l’élite, suffisamment élevés pour posséder un monument funéraire mais ne travaillant pas directement pour le roi : ils ne peuvent pas mettre en avant leurs liens à ce dernier. Il s’agit là d’un problème de décorum et de phraséologie : comme le souligne E. Rickal, « les expressions dans lesquelles [le personnage] se place explicitement en position d’infériorité n’ont naturellement guère leur place ; là où affirmer adorer, respecter et obéir à son dieu ou son roi est une marque de dignité, se présenter comme le subalterne zélé d’un autre particulier ne semble guère flatteur »34. Les dispositifs mis en place par Amenemhat dans son programme d’auto-présentation soulignent ce problème de décorum : il ne peut que reprendre ce discours centré sur la personne royale, mais en remplaçant ce maître par son propre patron, c’està‑dire le vizir. Dès lors, Amenemhat peut s’appliquer des épithètes prestigieuses qui appartiennent normalement au premier cercle de l’élite, tout en magnifiant son patron qu’il place au centre de son univers. Voilà qui revient aussi à placer ce dernier dans une position inédite, semblable à celle du roi par rapport aux hauts dignitaires. Le discours strictement autobiographique d’Amenemhat – du moins la part qui est conservée – est assez modeste. Il se limite aux sections encadrantes de la stèle biographique, à quelques épithètes du corridor entre la salle transverse et le naos de sa tombe35 et de la stèle du Gebel Silsileh36. Ces épithètes se distribuent en deux catégories, celles qui renvoient aux compétences dans l’accomplissement du travail et celles qui décrivent le lien et l’obéissance à l’autorité (fig. 1). Toutes les épithètes qu’Amenemhat emploie relèvent donc du discours biographique du premier cercle de l’élite, comme la thèse d’E. Rickal nous permet de le mesurer37. Dans une position de braconnage assez caractéristique des subordonnés, 33. Hartwig 2004, p. 22, avec bibliographie. 34. Rickal 2005, I, p. 211. 35. Corridor, mur sud, extrêmité ouest : Davies 1915, p. 62, pl. XXXI ; Urk. IV, 1051 et Davies 1915, p. 62, pl. XIV ; Urk. IV, 1050. 36. Griffith 1889, p. 96‑97 = Urk. IV, 1052. 37. Rickal 2005.

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il se réapproprie le discours du cercle supérieur en le pliant à sa situation, à travers deux mouvements tactiques. Le premier consiste à reprendre à son compte des épithètes employées de manière archétypale ou symbolique par le haut dignitaire, comme ḥsb, « celui qui dénombre »42 ou rs-tp, « vigilant »43, mais en les emplissant d’un sens concret et précis dans le cadre de son activité professionnelle. Il spécifie et rétrécit ce qui chez le haut dignitaire repose sur une posture générale face au monde. « Dénombrer (ḥsb) le monde » renvoie chez Amenemhat à son cœur de métier et il donne la liste de ce qu’il compte ; la vigilance comme trait de caractère (rs-tp) se rapporte ici à une activité concrète pratique : tp-rs ḥr jp(t) ḫt.f, « attentif à contrôler ses biens ». Partout Amenemhat reprend à son compte une thématisation de la fonction qui relève de la phraséologie des hauts dignitaires mais en l’adaptant à son échelon, ce qui revient en général à rendre concret ce qui chez les premiers relève de la déclaration de principe et de responsabilité. On le voit notamment avec l’unique paragraphe qui renvoie à l’action d’Amenemhat : (4) sš [Jmn-m]-ḥȝt [mȝʿ-ḫrw] ḏd.f jnk bȝk šms(w) nb.f mnḫ jb jr(w) ḏd(t).f d~n.f pr.f dmḏ r-ḫt.j ḏbʿwt.f nb ẖr sḫr[.j] tp rs ḥr jp ḫt.f n mh {n} ḥr ḫrp kȝt.f (4) « Le scribe [Amenem]-hat [juste‑de‑voix] dit : ‘‘Je suis un serviteur qui suit son maître, Quelqu’un à l’esprit efficace, quelqu’un qui fait ce que (son maître) dit, Il a placé son domaine entier sous ma conduite, Tous ses sceaux étant à ma disposition, (Je suis) quelqu’un de vigilant à compter ses biens, Qui ne néglige pas de contrôler ses travaux”. » En plus de nous dire en termes polis qu’il avait « les clés de la boutique », Amenemhat use d’une phraséologie que l’on retrouve dans la bouche de vizirs à propos, non pas des biens privés d’une personne, mais du royaume d’Égypte ou des domaines divins. Ainsi, chez le vizir Ptahmès, à la même époque :

38. Urk. IV, 1052, 2. 39. Urk. IV, 1052, 3. 40. Urk. IV, 1052, 4. 41. Davies 1915, pl. IX, col. 4 = Urk. IV, 1062, 6. 42. Rickal 2005, I, p. 270. 43. Ibidem, p. 88-90.

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CompŽ tences jr(w) ḏd(t).f mnḫ jb n mh ḥr ḫrp kȝt.f rs-tp ḥr jp ḫt.f ḥsb(w) rmṯ Jmn ḥsb(w) wnnt ḥsb(w) ḥȝwt ḥsb(w) bjȝ ḫrp rs-tp jrr(w) ḥry ḫt.f nb

Ç quelquÕ un qui fait ce quÕ il (= son ma” tre) dit È Ç quelquÕ un ˆ lÕ esprit efficace È Ç sans nŽ gligence en contr™ lant ses (= son ma” tre) travaux È Ç vigilant en comptant ses (= son ma” tre) biens È Ç celui qui compte les gens dÕ Amon È Ç celui qui compte ce qui existe È Ç celui qui compte les champs labourŽ s È Ç celui qui compte le minerai È Ç Un contr™ leur vigilant È Ç quelquÕ un qui joue le r™ le de supŽ rieur de tous ses (= son ma” tre) biens È

St• le Sud (TT82) ; corridor mur sud (TT82) St• le Sud (TT82) ; corridor mur sud (TT82) St• le Sud (TT82) St• le Sud (TT82) corridor mur sud (TT82) (TT82, perdu)44 (TT82, perdu)45 (TT82, perdu)46 corridor mur sud (TT82) corridor mur nord (TT82)

Rapport au ma” tre bȝk šms(w) nb.f

Ç un serviteur qui suit son ma” tre È

St• le Sud (TT82)

mry nb.f

Ç bien aimŽ de son ma” tre È

šms(w) nb.f r nmtwt.f

Ç celui qui suit son ma” tre dans ses dŽ placements È

corridor mur sud (TT82) ; Salle transverse, mur nord47 St• le Gebel Silsileh

  Figure 1 – Épithètes du scribe Amenemhat sur ses différents monuments.

rdy n.f tȝwy m ḫfʿ ḏbʿwt Ḥr m ȝmmt48 « A été placé le Double-Pays dans son poing, Le sceau d’Horus dans sa main fermée. » Chez Sennéfer, maire de Thèbes : sȝw jyt.f r tp jȝt r ḥsb šmw r šnwt sšr nswt ẖr sḏȝwt.f49 « Celui dont on attend la venue pour compter les récoltes pour les grenier, Les biens du roi étant sous son sceau. »

44. Urk. IV, 1052, 2. 45. Urk. IV, 1052, 3. 46. Urk. IV, 1052, 4. 47. Davies 1915, pl. IX, col. 4 = Urk. IV, 1062, 6. 48. Rickal 2005, p. 8 (copie personnelle de l’auteur). Pour une photographie de l’objet, voir Vernus 1978, p. 39, col. 1 et http://cartelen.louvre.fr/cartelen/visite?srv=car_ not&idNotice=3316 (dernière consultation le 29 juillet 2015). 49. Urk. IV, 1430, 14-15.

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La seconde tactique est plus spectaculaire. Elle consiste à employer des épithètes renvoyant à l’autorité supérieure, sans la préciser : chez les dignitaires, il s’agit du roi ; ici il s’agit d’Ouseramon. Le procédé entretient un effet de flou valorisant tant pour Amenemhat que pour Ouseramon, assimilé à la personne royale. Cette présentation de soi en miroir apparaît clairement dans les échos qu’on décèle entre l’éloge d’Ouseramon tel que le prononce Amenemhat et le discours biographique d’un autre dignitaire du premier cercle, Inéni (TT 81), proche d’Ouseramon et directeur du Double Grenier d’Amon. Le texte d’Inéni comporte lui aussi une large section anaphorique, marquée par une série de paragraphes débutant par la formule jw mȝȝ~n.j, « j’ai vu/ supervisé… », suivie de la description des travaux effectués sous sa responsabilité. Je donne ci-dessous le début de chacune de ces strophes : jw mȝ~n.j mnnw jr~n.f m [Jpt-swt] (…) jw mȝ~n.j sʿḥʿ […] bȝk(w) m ḏȝmw

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jw mȝ~n.j sʿḥʿ sbȝ ʿȝ Jmn (…) jw mȝ~n.j sʿḥʿ tḫnwy [wrw (…) jw mȝ~n.j mḏḥ dpt špst (…) [jw mȝ~n.j šȝd š jr~n n.f ḥm.f ḥr jmntt] n(y)t njwt, wd mȝʿ.f m ḫt nb bnr jw mȝ~n.j šȝd ḥrt n(y)t ḥm.f m wʿʿw50 « J’ai supervisé les monuments qu’il a fait dans [Ipetsout] (…) J’ai supervisé l’érection de […] incrusté d’électrum. J’ai supervisé l’érection de la grande porte d’Amon (…). J’ai supervisé l’érection des deux [grands] obélisques (…). J’ai supervisé la construction de l’auguste barque (…). [J’ai supervisé le creusement du lac-jardin que sa majesté s’est fait à l’ouest] de la ville, Planté sur tous ses côtés de toutes sortes d’arbres doux, J’ai supervisé le creusement de la tombe de sa majesté en secret (…). » L’effet de miroir est saisissant : Inéni semble avoir accompli pour le roi et le dieu ce qu’Amenemhat a assisté Ouseramon à faire. Le vocabulaire n’est néanmoins pas le même, notant une différence de nature dans le travail accompli : ici le roi « agit/ crée » (jrj) et le dignitaire « voit/supervise » (mȝȝ). Chez Amenemhat, le dignitaire fait figure de puissance agissante, à travers le verbe jrj, et son subordonné fait advenir le travail, non pas par le verbe mȝȝ, qui ne lui sied guère, mais par le verbe ḫrp (voir infra). Une clé de l’hommage professionnel se révèle : elle permet en effet pour l’apologue de participer à la gloire dont il pare son destinataire.

La position du haut dignitaire : autorité de commandement Amenemhat se taille une place dans la représentation classique du monde par le très haut dignitaire. En effet, dans la vision de la société telle qu’elle ressort des présentations de soi des membres de l’élite royale, le monde se divise en trois grandes catégories d’hommes : le roi, les dignitaires et ses pairs, et le peuple, tous niveaux confondus. Par le déplacement qu’il opère en employant la phraséologie des hauts dignitaires pour une position secondaire, Amenemhat créé un terme intermédiaire. Et une sphère d’existence pour l’élite du second cercle. Cet échelon est celui des contrôleurs, administrateurs et autres contremaîtres : 50. Urk. IV, 55, 15-57, 5.

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l’ensemble des scribes qui encadrent le travail au plus près de son accomplissement et que l’on voit amplement représentés dans les scènes de la vie quotidienne des tombes, sous la surveillance hiératique du dignitaire, laquelle est désignée par le verbe mȝȝ. La stèle biographique nord (fig. 2) peut se comprendre, à travers sa mise en page particulière, comme la traduction discursive de ce partage des tâches bien attesté dans l’iconographie. Les lignes horizontales constituant le cœur du discours autobiographique sont encadrées à gauche (et probablement à droite comme tend à l’indiquer la seconde stèle mieux conservée) par une colonne de texte en dénominateur commun ; son contenu doit donc être ajouté au début et à la fin de chaque ligne de texte, qui correspond aux actions d’Amenemhat. Chacune des lignes 7 à 17 se termine ainsi par l’évocation du patronage d’Ouseramon dans la colonne finale : m-bȝḥ (j) m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) (j)m(y)-r(ȝ) ḥwwt wrwt 6 Wsr n jr.j ḏȝt jm, « en présence du directeur de la ville, vizir et directeur des six grandes chapelles, Ouser, devant qui je n’ai jamais commis de faute ». L’expression m-bȝḥ convoque directement les évocations des agissements du dignitaire dans la présence royale, mais évoque surtout les activités d’un contrôleur sous la présidence du haut dignitaire auquel il répond. Dans le programme funéraire, on voit ainsi des scribes comptables du grain à l’œuvre dans des scènes supervisées par le défunt, comme chez Pahéry à El‑Kab51 (fig. 3). Amenemhat travaille pour la gloire de son maître, qui travaille lui-même pour le roi. Cette notion apparaît dans la bouche d’autres scribes-comptables du grain, représentés dans la tombe du maire de Thèbes de cette époque (TT 96) et directeur des greniers d’Amon, Sennéfer, un personnage qui appartient comme Ouseramon au premier cercle de l’élite. Il préside naturellement à la scène, dans la position hiératique du dignitaire pourvu de son grand bâton52 :

51. On remarquera que si cette scène montre un scribe comptable du grain au travail (en haut à droite), le gouverneur porte métonymiquement également le titre de scribe comptable du grain, puisque ce travail se fait sous son autorité : mȝȝ jṯrw šmw jtrw prt Jwnt nbt jrrt m sḫt jn ḥȝt(y)-ʿ n(y) Nḫb ḥȝt(y)-ʿ n(y) Jwnyt jrr(w) mȝȝ m ȝḥwt n(y) w-ʿ rsy sš ḥsb jt P‘-ḥry mȝʿ-ḫrw, « Inspecter les saisons d’été, contrôler les saisons d’hiver et tous les travaux qui se font dans la campagne sous le gouverneur d’El-Kab, le gouverneur d’Anyt, qui agit et inspecte dans les champs du district du sud, le scribe comptable du grain Pahéry juste-de-voix». 52. Porter & Moss 1994, p. 198 (11).

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FORMULE D’OFFRANDES

en présence du vizir

ACCOMPLISSEMENTS D’AMENEMHAT ?

Figure 2 – Reconstitution de la structure de la stèle biographique nord. [D’après le relevé de Davies 1915, pl. XXIX (à gauche)]

nȝ n(y) sšw ḥsb jt n(w) šnʿ ḥtpw nṯr n(y) [Jmn] m jpt-swt ḏd.sn : mḥw mḥ mr(w) pȝ ḥȝt(y)-ʿ mḥ wr sp-sn n Jmn ḫpr ḥswt.f m-bȝḥ nswt hȝ pȝ(y).f ȝḫ mtt jb.f r mḥ pȝ [šnʿ ḥtpw nṯr n(y) Jmn] ḥnʿ [nṯrw] nty r-ḫt.f53 « Les scribes comptables du grain du grenier des offrandes divines d’ [Amon] à Karnak disent : “Continuez à remplir, le gouverneur veut que ça se remplisse vraiment bien pour Amon, Que sa faveur puisse advenir devant le roi en raison de son (= Sennéfer) utilité et sa constance À remplir le [grenier des offrandes divines d’Amon] et [des dieux] qui sont à sa suite”. » Amenemhat évoque donc dans son discours biographique son patron dans la posture du haut dignitaire, tel que ce dernier se fait représenter traditionnellement dans sa tombe.

53. Urk. IV, 1420, 12-15.

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Le tour de passe-passe d’Amenemhat : autorité de compétence À l’extrémité de la chaîne de commandement, la réalité du travail est assurée par le scribe, l’administrateur-ḫrp qui s’engage physiquement, auprès des travailleurs. Amenemhat développe l’idée dans son discours biographique que la réalité du travail lui revient en posant en définitive une question pérenne sur le principe d’autorité ou d’« auctorialité » : appartient‑elle au commanditaire ou à l’exécuteur ? La mise en page de la stèle sud semble offrir une réponse à cette question. Le dispositif graphique permet en effet d’encadrer les actions du vizir par le travail effectif du propriétaire de la tombe (fi g. 4). Comme dans le cas de la stèle nord, les lignes de la partie centrale du discours biographique sont encadrées par deux colonnes de textes, disposées à droite et à gauche. Elles se lisent en « dénominateur commun » pour chacune de ces lignes, qui commencent par la même formule : jw jr~n (j)m(y)-r(ȝ)

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Figure 3 – Un scribe comptable du grain, détail du mur ouest de la tombe du gouverneur Pahéry à El‑Kab. [D’après Naville et al. 1894, pl. III]

Figure 4 – Reconstitution de la stèle sud de la paroi est du naos, TT 82. [D’après le relevé de Davies 1915, pl. XXV (à gauche)]

INTRODUCTION DU DISCOURS BIOGRAPHIQUE

Conclusion du discours

Introduction du discours

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ELOGE ANAPHORIQUE DU VIZIR

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 205

njwt ṯȝty Wsr… « Le directeur de la ville et vizir Ouser fit… ». À partir de la quatrième ligne, l’éloge est encadré par la colonne de gauche, présentant le texte comme le discours d’Amenemhat, « le scribe comptable du grain, le supérieur des tisserands d’Amon, Amenemhat juste‑de‑voix, dit » (sš ḥsb jt ḥry mrw n(yw) Jmn Jmn-m-ḥȝt mȝʿ-ḫrw ḏd.f). La colonne de droite conclut chaque strophe décrivant les accomplissements du vizir Ouser sur le rôle joué par Amenemhat : « (mais) c’est moi qui en ai contrôlé les travaux […] » (jnk ḫrp kȝwt ḥr.s […]). Le terme central ici est celui de ḫrp, renvoyant à l’administration concrète. Par ce discours comme par le dispositif graphique, Amenemhat encadre les entreprises mises au compte du vizir auquel il rend hommage, le terme ḫrp étant au cœur de ce procédé. Or, il s’agit là d’un véritable topos du discours des scribes et des administrateurs intermédiaires au Nouvel Empire, avec un partage des tâches assumé entre le haut dignitaire, le sr (ou wr en néo-égyptien, comme ici), qui prend l’initiative, commande, et son scribe qui administre, encadre concrètement le travail, en s’y engageant physiquement et en appliquant notamment directement la coercition54. Le scribe est le dernier maillon de la chaîne de commandement, comme on le lit dans la Satire des Métiers : mk nn wn jȝwt šw[t m] ḫrpw wp-ḥr sš ntf pw ḫrp (XXI, 6)55 « Vois, il n’y a pas de métier sans contrôleurs, Sauf (celui de) scribe, c’est lui le contrôleur. » L’idée fait florès à l’époque ramesside dans la littérature de scribe. Dans le recueil de miscellanées du P. Sallier I, à la fin d’une variation sur la condition du paysan (P. Sallier I, 5, 11-6, 9), le locuteur conclut par contraste sur la situation du scribe : wpwt sš ntf ḫrp bȝkw n(y) bw-nb56 « Mais le scribe, c’est lui qui administre les corvées de tous. » Avec le discours d’Amenemhat, on voit donc se manifester dans le discours historique de la XVIIIe dynastie un thème popularisé plus tard dans la littérature de scribe de l’époque ramesside. Le discours et la situation sociale bien documentée d’Amenemhat permettent en effet d’éclairer les revendications d’indépendance des scribes, qui ne 54. Spalinger 2006, p. 17. 55. Jäger 2004, p. 148-149. 56. P. Sallier I, 6, 9.

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constituent pas une négation illusoire de la hiérarchie à laquelle ils sont soumis – et dont ils tirent aussi leur prestige. Les scribes, à l’interface de l’ordre donné et de l’ordre réalisé, en viennent à revendiquer la réalité de toute action et peuvent s’arroger sur le plan symbolique une autorité dont ils sont loin de jouir dans la réalité. Les miscellanées reprennent en effet la position de contrôleur du scribe, qui lève les taxes et contrôle les corvées, autrement dit les deux bras de l’action de l’État en Égypte : wpt sš, ntf ḫrp n(y) bw-nb57 « Mais le scribe, c’est l’administrateur de tous. » ḥrw sš ntf ḥsb nȝ bȝkw n(w) nȝy r-ḏrw58 « Or le scribe, c’est le comptable des corvées de tout le monde. » Comme Amenemhat, le scribe de ces textes est celui qui garantit l’accomplissement des travaux. La littérature de scribes amplifie cette réalité par le biais d’une métonymie fonctionnelle : en marge de la force de travail, ils la contrôlent et revendiquent finalement l’autorité réelle sur tout ce qui se fait en terre d’Égypte : m šȝʿ m wr r ktt d.tw r msw.f r sš ntf pȝy.sn tpy59 « Du grand au petit, On les place comme enfants du scribe, C’est leur chef. » jm jb.k r jr sš ḫrp.k tȝ-tmmt60 « Applique toi à devenir scribe, Et tu administreras l’humanité. » En s’identifiant à tous les travaux accomplis en Égypte, les scribes finissent par s’identifier à l’État et par se confondre en termes d’autorité avec la classe des dignitaires, qui reste par ailleurs leur horizon en termes d’ascension sociale. Un texte du P. Chester Beatty IV exprime cette position avec éloquence : JR SŠ NḤM.F TW m bȝkw mk.f tw61ḥr kȝwt nbt

57. 58. 59. 60. 61.

P. Anastasi V, 17, 2. Voir aussi P. Sallier I, 6, 8-9. P. Lansing, 5, 7. P. Chester Beatty IV, v° 2, 10-11. P. Anastasi III, 6, 3. le texte donne mk.tw.f.

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rwj.f tw ẖry jknw nȝy.sn ḫt62 tm.k fȝ mstj jry.f jwd.k r ẖny wsr rj.f tw ḥr ḏn tm.k ḫpr ẖry nbw qnw ẖry ḥr(y)w ʿšȝw jr jrt nb ḥnwt.tw.f sš pȝy.sn tpy « SOIS SCRIBE, CELA TE PRÉSERVERA des corvées, Cela te protègera de tous les travaux, Cela t’éloignera de sous la bêche et de leurs bâtons, De sorte que tu ne portes pas le couffin, De sorte que cela t’exempte de manier la rame, De sorte que cela t’éloigne de sous les tourments, De sorte que tu ne prennes pas place sous des maîtres nombreux, Sous des chefs multiples. Mais quant à tout ce qui se crée, c’est (sur) son ordre, Le scribe, c’est leur supérieur. M SŠ ḤTRJ Šmʿw Mḥw Ntf šsp n.sn Ntf ḥsb n nty nb Mnfyt nb ḥr ʿwy Ntf sšmw wrw m-bʿḥ d.w s nb r rd.f ntf sḥn tȝ mj-qd.f šs nb r ḫt.f C’EST LE SCRIBE QUI TAXE la Haute et la Basse-Égypte, C’est lui qui reçoit leur dû, C’est lui qui rend compte de tout, Toute l’infanterie repose sur ses bras, C’est lui qui conduit les dignitaires dans la présence royale, Chaque homme étant placé à ses pieds, C’est lui qui commande au pays tout entier, Chaque chose (étant placée) sous son autorité.

ḥsy m-sȝ bjȝt.f nfr63 DEVIENS SCRIBE, QUE TES MEMBRES DEVIENNENT SOUPLES, Que tes mains deviennent délicates, Que tu puisses sortir vêtu de blanc ayant été promu, Que les courtisans te saluent, Qu’on cherche un homme excellent, on te trouve, On ignore un petit, C’est celui qui est compétent qu’on reconnaît, Il élèvera son entregent jusqu’à atteindre l’état de dignitaire, Etant loué pour son parfait comportement. » Le discours historique d’Amenemhat et les textes littéraires des scribes ramessides résonnent comme le commentaire des scènes de tombes où l’on voit paysans et artisans travailler sous les ordres de scribes engagés dans la tâche, sous la surveillance tutélaire du dignitaire richement habillé qui veille et contrôle sans être engagé dans l’action (ce qu’exprime le verbe mȝȝ). La place ménagée par Amenemhat à son patron dans son discours biographique montre en outre bien combien l’hommage au maître relève de la présentation de soi.

scènes de vie : ouser et amenemhat (salle transverse, mur ouest) L’hommage d’Amenemhat à Ouseramon par le biais de sa biographie s’intègre dans le programme de sa tombe, qu’il faut considérer dans toute sa cohérence (fig. 5). Le programme décoratif participe en effet dans son ensemble de la monumentalisation du défunt et de la thématisation de son identité.

JR SŠ Nʿ ʿWT.F ḫpr ḏrty.k gḥ.y pry.k wbḫ.tj jw.k sʿȝ.tj wšd tw šdtyw wḫȝ tw jqr gm.tw.k bw jr.tw rḫ šsrj gm.tw m pȝ nty sšsȝ ṯsy.f nmtt r pḥt.f wr

Peu de scènes conservées évoquent l’existence professionnelle d’Amenemhat et, là encore, il s’agit d’évoquer la prééminence d’Ouseramon (fig. 6). Une scène évoque un combat de taureau (mȝȝ ʿḥȝ kȝwy [jn Wsr]) ; la figure qui y préside n’est pas le défunt, mais Ouser(amon), dont les paroles sont rapportées : ḏd.f pȝ jwȝ ḫpr(.w) wr, j~n pȝ (j)m(y)-r(ȝ) njwt ṯȝt(y) Wsr, « il dit : ‘‘Ce taureau est devenu grand’’, dit le directeur de la ville et vizir Ouser »64. Le combat de taureaux est une scène relativement bien attestée des tombes de la XVIIIe dynastie chez des contemporains d’Amenemhat, mais dans les parallèles recensés, c’est le défunt lui-même qui y préside65. Son rang le

62. Le scribe du P. Chester Beatty IV, v° 3, 12 donne . Dans la version du P. Anastasi II, 7, 1 : , ḫnḫ, « bêche » (Wb III, 299, 3) ; P. Chester Beatty V, 7, 10 : , un hapax.

63. P. Chester Beatty IV, v° 3, 11-4, 6. Voir aussi sur le même thème P. Sallier I, 6, 9-7, 9 ; P. Anastasi II, 6, 7-8, 5 ; P. Chester Beatty V, 7, 9 – 8, 2. 64. Davies 1915, pl. VI. 65. TT 123 : Amenemhat, directeur du grenier (Porter & Moss 1994, p. 236 (5) ; TT 127 : Senemiâh, directeur de tout ce

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 207 o Scène de banquet N

r Am. reçoit offrandes de son fils Scène de banquet Porteurs d’offrandes

Fêtes d’Hathor

s

r

p Stèle autobiographique

p

k i

q

o

s Am. reçoit offrandes de son fils Scène de banquet Rites des fêtes épagomènes Procession d’offrandes q Stèle autobiographique

l

k

Cérémonies funéraires & Voyage vers Abydos

i

l

Am. reçoit offrandes de son fils

Am. reçoit offrandes de son fils

i

j

Ouverture de la bouche

g

a

Banquet en l’honneur d’A et son épouse

b

«Fishing & fowling»

Chasse hippopotame

Taureau champion appartenant à Ouser

Scènes aquatiques et agricoles

g

f Am. offre banquet aux ancêtres

a

b

f e

Am. offre banquet aux artisans

Scène de banquet

e Am. offre banquet au vizir Ouser et à sa famille

c

c

Chasse

d d Am. offre banquet au vizir Ahmosé et à sa famille

Figure 5 – Programme décoratif de la tombe d’Amenemhat (les lettres sont celles données dans la publication de Davies 1915, p. 22).

Figure 6 – TT 82, détail du registre médian de la section sud du mur ouest de la salle transverse. [D’après Davies 1915, pl. 6]

permet. Par ailleurs, c’est à cette époque que le roi commence à être représenté dans les tombes des hauts dignitaires. Amenemhat semble suivre ce mouvement en intégrant l’image d’Ouseramon dans son propre programme décoratif66.

qui pousse (Porter & Moss 1994, 242(7)) ; TT 81 : Inéni, directeur du grenier d’Amon, TT 81 (Dziobek 1992, pl. 61). 66. e.g. Dodson & Ikram 2008, p. 221.

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La représentation d’Ouseramon chez Amenemhat répond au problème de décorum déjà évoqué. La position d’Amenemhat n’étant pas celle d’un dignitaire de premier rang qui préside (mȝȝ) aux activités, mais celle d’un administrateur qui les fait advenir, les conventions habituelles de représentation ne sont guère adaptées à sa situation. On retrouve ce problème, et une similaire résolution, chez des administrateurs du rang d’Amenemhat, en particulier chez d’autres scribes du grain de l’époque. Quinze

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208 • chloé ragazzoli

collègues d’Amenemhat portant le titre de scribe comptable du grain à Karnak sont connus pour la XVIIIe dynastie ; trois d’entre eux (dont Amenemhat) portent également des titres les attachant au service d’un haut dignitaire : Amenemhat dit Iouty est intendant du grand prêtre d’Amon ; Ounésou est scribe de la ville du sud et Djéserkarêsoneb est intendant du deuxième prêtre d’Amon67. La tombe d’Ounésou (A4) est connue par les dessins de Hay68 (fig. 7). Or les scènes évoquant ses activités de scribe de la ville sont placées sous la présidence de son patron, le gouverneur de Thèbes et directeur du Grenier, Siouser. Dans son commentaire de cette tombe aujourd’hui perdue, L. Manniche montre combien Ounésou a par ailleurs emprunté au programme de la tombe de Pahéri, gouverneur de El‑Kab, mais plutôt que prendre la place du propriétaire de la tombe, il a glissé dans ce rôle son propre patron, d’un rang adéquat. Le scribe comptable du grain et intendant du second prêtre d’Amon, Djéserkarêsoneb, se représente également au travail, mais place lui aussi les scènes sous la présidence d’un grand dignitaire, sur le mur est de la salle transversale de sa tombe (TT 38) (fig. 8).

Le registre médian est dominé par le défunt, à la fois officiant et récipiendaire d’un service d’offrandes. Ces scènes relèvent du discours archétypal de la tombe. En revanche, les deux autres registres évoquent l’existence professionnelle du défunt. En effet, le registre supérieur montre Djéserkarêsoneb à la tâche, dans une scène d’arpentage qui relève de ses fonctions de scribe du grain. Bien qu’assisté, il est partie prenante de l’action et il est représenté à une échelle comparable à celle des autres personnages. Le registre inférieur évoque quant à lui le compte du grain, lors de la récolte. La scène est présidée non par Djéserkarêsoneb mais par un haut dignitaire dont le nom est perdu (fig. 9). En outre la tombe de Djéserkarêsoneb, et cette paroi en particulier, empruntent beaucoup à celle de son patron, le second prêtre d’Amon Amenhotep Siouser (TT 75)70. Ayant probablement orchestré la construction de ce dernier monument en tant qu’intendant, Djéserkarêsoneb pourrait bien rendre hommage à son maître par ces emprunts explicites, à moins qu’il ne s’approprie simplement les images du pouvoir diffusées par la première élite (fig. 10).

Figure 7 – Scène de marché dans la tombe du scribe comptable Ounésou, placée sous la présidence du son patron, le maire Siouser (TT A4). [Dessin de L. Manniche d’après le manuscrit de Hay (Manniche 1988, pl. 7)]

67. Eichler 2000, p. 40. 68. Manniche 1988, p. 62-87, pl. 6-9. 69. Voir aussi les scènes agricoles, également sous la présidence de Siouser, conservées au Louvre (N 1431) : Manniche 1988, pl. 9, fig. 17.

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70. Nims & Davies 1965, pl. 2.

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 209 Figure 8 – Mur est de la salle transverse de la tombe de Djéserkarêsoneb (TT 38). [Photographie © Chl. Ragazzoli]

Figure 9 – Mur est du hall transverse de la tombe du scribe comptable Djéserkarêsoneb, le montrant au travail dans une scène d’arpentage (registre supérieur) sous la présidence de son maître (registre inférieur). [D’après Nims et Davies 1965, pl. 2]

Djéserkarêsoneb

Djéserkarêsoneb

Djéserkarêsoneb

Son maître (nb.f)

Djéserkarêsoneb

Scène d’arpentage

Figure 10 – Mur nord du hall transverse de la tombe d’Amenhotep Siouser (TT 75), patron de Djéserkarêsoneb. [D’après Nims & Davies 1965, pl. 2]

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On retrouve ainsi la scène de l’arpentage, en si bonne place dans la tombe de Djéserkarêsoneb, représentée de manière quasiment identique71. On notera par ailleurs que l’échelle des tailles et des attitudes sur cette paroi reprend la hiérarchie et l’organisation des tâches évoquées jusqu’ici entre le haut dignitaire et son député, qui est représenté. Le défunt de haut rang préside à l’ensemble de l’activité, mais sans y prendre part : sa position est immobile, hiératique. Il est isolé de l’ensemble des saynètes et participe d’un espace qui lui est propre. En revanche, le scribe comptable est partie prenante de l’activité et ne se distingue de la masse des travailleurs que par la nature de son travail, son isolation ou encore sa tenue vestimentaire. La même situation est à constater chez un autre scribe comptable du grain d’Amon, Khnoumhosé : sa tombe (TT 253) comprend des scènes évoquant son activité en des termes iconographiques proches de ceux de la TT 75, mais là encore le scribe comptable prend part à l’action et ne se distingue des travailleurs physiques que par son apparence, la nature de son activité (écrire et enregistrer) et son positionnement dans la scène72. Le dignitaire intermédiaire place donc ses activités sous le patronage du haut dignitaire. Le lien peut aussi s’exprimer à travers des citations iconographiques renvoyant à la tombe du patron.

offrandes à ouser Chez Amenemhat, l’hommage au patron prend enfin la forme explicite d’une offrande. Si l’on considère le synopsis de la tombe, les banquets et les scènes de fête se signalent par leur grand nombre73. Ils forment en effet le thème principal de la première salle et continuent à jouer un rôle important dans le naos (fig. 11). Hormis la section nord du mur ouest et le mur nord, consacrés à des scènes de chasse aquatique et désertique, lesquelles relèvent d’un discours archétypal de domination des forces naturelles par le défunt, les quatre autres parois représentent des 71. Amenemhat a de son côté beaucoup emprunté à la tombe attribuée au vizir Antefiqer (TT 62), où il a laissé une marque de son passage (Davies 1920, p. 27-29, n° 33, pl. 37-37a ; Ragazzoli 2013, p. 313), autre façon de s’inscrire dans le monde viziral : Davies 1915, p. 6-7 ; Davies, 1920, p. 10, 20 ; Hartwig 2004, p. 45 ; Ragazzoli 2011, p. 297-298 ; Eadem 2013, p. 284 ; DenDonker 2010 ; Idem 2012. 72. Strudwick 1996, pl. XIII. 73. Sur le motif du banquet en général dans les tombes, voir Manniche 1997a ; Idem 1997b, p. 40-44 ; Idem 2003 ; Hartwig 2004, p. 98-103.

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scènes de banquet. Le premier de ces banquets, qui prend place dans le contexte des festivités de Nouvel An, est offert à Amenemhat et son épouse par leur fils (section sud du mur ouest) ; les autres sont offerts par Amenemhat à ses ancêtres (mur sud, registre supérieur), aux artisans qui ont construit la tombe (mur sud, registre inférieur), au vizir Ouseramon et à son épouse (mur est, section sud) et au vizir Âamethou‑Ahmosé et à son épouse (mur est, section nord). Ces deux derniers banquets rattachent Amenemhat à son existence professionnelle, officielle, et relèvent de sa biographie événementielle. Il faut d’ailleurs noter que ces hommages aux deux vizirs se trouvent sur le mur est, le plus engagé dans le monde des vivants. La position de ces deux scènes prépare en outre, sous la forme d’un écho topographique, les deux stèles biographiques du naos, également disposées sur le mur est, l’ensemble relevant de la même sphère de la vie d’Amenemhat (fig. 12). Seuls les registres supérieurs sont conservés, de part et d’autre de l’entrée. Ils constituent deux scènes symétriques, d’offrandes et d’un banquet donnés par Amenemhat à son patron et sa famille, le vizir Ouser (côté sud) et au père de son patron, le vizir Ahmosé (côté nord). Dans les tombes thébaines, des scènes de banquet sont attestées sur ce mur, qui peut également être occupé par des offrandes aux dieux de Thèbes ou des scènes évoquant les fonctions du défunt74. Les deux banquets d’Amenemhat participent de la même intention : il s’agit à la fois d’honorer des personnalités thébaines et d’évoquer l’identité professionnelle d’Amenemhat. Ce type de dévotion, qui semble tracer les contours d’une piété professionnelle sur le modèle de la piété filiale, se retrouve dans quelques monuments d’autres administrateurs de rang intermédiaire. Proche à la fois chronologiquement et sociologiquement du scribe comptable du grain Amenemhat, on peut citer le cas du scribe comptable du pain Ouserhat, qui vécut sous Amenhotep II. Il est le propriétaire de la TT 56 (fig. 13). Dans cette tombe, le mur est du hall transverse présente la stèle fausse‑porte attendue et six scènes d’offrandes. Si Ouserhat est le récipiendaire des quatre scènes situées de part et d’autre de la fausse porte, le registre supérieur montre d’autres bénéficiaires. Le nom du bénéficiaire de droite est perdu, mais celui de la scène de gauche, accompagné de son épouse, est Iamounédjeh, le premier héraut du seigneur du Double Pays (wḥmw nswt tpy n(y) nb tȝwy)75 (fig. 14).

74. Davies 1915, p. 81, n. 5. 75. Beinlich-Seeber & Shedid 1987, p. 72, pl. 8.

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 211 Amenemhat et son épouse

fils

banquet : famille du défunt banquet : famille du défunt

Chasse à l’hippopotame

N

banquet : famille du défunt

banquet : artisans

banquet : artisans Amenemhat

banquet : famille du défunt

banquet : famille du défunt

banquet : famille du défunt

banquet : famille du défunt Amenemhat

banquet : ancêtres

scènes de marais

Vizir Âamethou

Amenemhat

scènes de marais

Scène de chasse dans le désert

banquet : ancêtres

Combat de taureaux

banquet : famille du défunt

banquet : famille du défunt

Amenemhat

vizir Ouser

Figure 11 – Synopsis des murs de la salle transverse de la tombe d’Amenemhat et reconstitution des scènes d’offrandes (TT 82).

Figure 12 – Banquet offert par Amenemhat à Ouseramon (restitution en rouge) Salle transverse, mur est, section sud. [D’après Davies 1915, pl. III]

Les éditeurs de la tombe notent combien cette scène d’offrandes à un très haut dignitaire et non pas au propriétaire de la tombe est inhabituelle et en déduisent que les deux personnages devaient entretenir des liens familiaux, peut‑être par alliance76. En l’absence de données historiques explicites, rien ne permet de l’exclure, mais il est beaucoup plus signifiant de noter que Iamounédjéh, directeur du grenier de Haute et de Basse‑Égypte et héraut royal, était le « patron » du scribe comptable du pain de Haute et de Basse‑Égypte et député du Héraut royal 76. Ibidem, p. 21 et 111.

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Ouserhat77. Les liens entre les deux personnages sont thématisés comme filiaux ; or, les différents parallèles développés ici tendent à démontrer l’existence d’une filiation professionnelle qui relève de la métaphore, même si une politique d’alliance pouvait accompagner par ailleurs de telles solidarités78. On retrouve à la XVIIIe dynastie ce motif de l’offrande au patron sur des stèles. Ces monuments 77. Voir par exemple Urk. IV, 961, 2. Sur la carrière des deux personnages et leurs points de rencontre : Beinlich-Seeber & Shedid 1987, p. 105 ; et sur les liens familiaux et profes‑ sionnels des deux personnages : ibidem, p. 109. 78. Avec ibidem, p. 110.

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Figure 13 – Disposition des scènes de la salle transverse de la chapelle de la tombe du scribe Ouserhat (TT 56). [D’après Beinlich‑Seeber & Shedid 1987, pl. 1]

Iamounédjeh

Ouserhat

Ouserhat

?

Ouserhat

Ouserhat

Figure 14 – Mur de la salle transverse de la tombe d’Ouserhat (TT 56). [D’après Beinlich‑Seeber & Shedid 1987, pl. 8 et détail pl. 1]

votifs semblent être adressés par des subordonnés au sens large à l’autorité dont dépend l’administration à laquelle ils sont rattachés. On y retrouve le motif de l’offrande faite au haut dignitaire telle qu’elle est représentée sur les murs de la tombe d’Amenemhat et celle de Ouserhat. La stèle rupestre du Gebel Silsileh, que le scribe comptable du grain Hati a dédicacée au directeur de grenier de Haute et de Basse Égypte Nakhtmin provient ainsi d’un milieu social tout à fait comparable à celui d’Amenemhat et évoque des liens hiérarchiques similaires. Retrouvé près du cénotaphe du directeur

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du Trésor Résy, l’objet dessine les contours d’un monde social cohérent. Seul le texte en est connu grâce à des publications anciennes : (1) rdt dwȝ n Jmn sn tȝ n nb nṯrw nṯr njwt jn ḫȝy (2) sš nswt (j)m(y)-r(ȝ) šnwty n(y) Šmʿyt Mḥw mḥ(w) jb n(y) nswt m st.f nbt, (j)m(y)-r(ȝ) šnʿty (3) [n(y) Jmn Mn]-nḫt Ḥȝti « Rendre grâce à Amon, embrasser la terre pour le maître des dieux, le dieu de la ville, par le comptable du grain du scribe royal, directeur du grenier de Haute et de Basse‑Égypte, le confident

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 213

du roi dans toutes ses places, le directeur du double grenier [d’Amon] Nakht[min] Hati. »79 Les autres exemples que l’on peut rassembler pour cette période semblent provenir d’une autre administration spécifique, celle dominée par le vice‑roi de Koush Mérimosé, qui exerça sous Amenhotep III. Il s’agit d’un ensemble de stèles sur lesquelles on voit des scènes d’offrandes semblables à celles qu’Amenemhat et Ouserhat dédient à leur patron dans leur tombe : le subordonné officie devant son supérieur, assis à une table d’offrandes généreusement approvisionnée. Trois de ces stèles sont connues, et semblent devoir être rattachées au monument funéraire du haut dignitaire. La stèle British Museum EA 86080 présente une scène d’offrandes tout à fait similaire à celle évoquée précédemment (fi g. 15). Une légende accompagne Mérimosé (à gauche) et l’officiant (à droite). La scène surmonte un texte dont seule la première ligne est conservée : (scène, ligne de gauche, au-dessus de Mérimosé) sȝ nswt Mr-ms « le fils royal Mérimosé. »

(scène, colonnes de droite, au-dessus de Panymiâm) sš P(ȝ)-n(y)-(2)-mjʿm (3) ḏd.f wʿb sp-sn (4) n kȝ.k « Le scribe Pany(2)miâm (3) dit : ‘‘ Pur, pur (4) pour ton ka !’’. » (texte) (1) [d nswt] ḥtp Wsr nṯr ʿȝ ḥqȝ ḏt d.f prt-ḫrw jḥ ȝpd ḫt nbt nfrt wʿbt […] (1) [Fasse le roi] que s’apaise Osiris, le grand dieu, le seigneur de l’éternité, de sorte qu’il accorde des offrandes invocatoires (de) bœuf, volaille, et toutes bonnes choses pures […]. » On peut citer deux autres stèles provenant de Gournet Mourraï, là où était enterré Mérimosé81. La stèle Liverpool n° 25 lui a été consacrée par son porteur de sandales Amonemouja82 : (1) d ḥtp nswt Wsr d.f prt-ḫrw jḥ ȝpd ḫt nbt nfrt wʿbt n kȝ n(y) (2) sȝ nswt n(y) Kȝš Mrj-ms jn bȝk sʿnḫ rn n(y) nb(3).f ṭȝy ṯbwty n(y) sȝ nswt Mrj-Ms Jmn-m-wjȝ (1) « Fasse le roi que s’apaise Osiris, de sorte qu’il accorde des offrandes invocatoires de bœuf,

Figure 15 – Stèle Londres BM EA 860. [Hall 1925, p. 12. http://www.britishmuseum.org/research/ collection_online/collection_object_details.aspx?museumno=86 0&ILINK|34484,|assetId=1213408001&objectId=121053&partId=1]

79. Urk. IV, 1205, 14-1206, 7 ; Griffith 1889, p. 107. 80. Urk. IV, 1934, 18 ; Gauthier 1916, p. 135.

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81. Varille 1945a. 82. Idem 1945b ; Urk. IV, 1934, 12-16.

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volaille et toute bonne chose pure, pour le ka du (2) fils royal de Koush Mérimosé. Par le serviteur qui fait vivre le nom de son (3) maître, Le porteur de sandales du fils royal Mérimosé, Amonemouja. » La dernière de ces stèles a été consacrée par le scribe de la correspondance Houy83. Le tableau, fragmentaire, montre une scène comparable au deux stèles précédentes : le subordonné fait offrande, derrière une table bien garnie, au fils royal Mérimosé, assis sur un siège : (légende du vice-roi) (1) pȝ sȝ-nswt jqr wʿb ʿwy (2) ḥsy n(y) nṯr nfr sȝ nswt n(y) K(ȝ)š (3) Mr-ms (1) « Ô fils royal excellent aux mains pures, (2) Loué du dieu parfait, Le fils royal de Koush (3) Mérimosé ! » (légende du scribe) (1) ḥs.f tw mr.f tw […] (2) šsp n.k ʿnḫ n(y) [Jm]n pr(w) (3) m mnst jn sš (4) šʿt n(y) sȝ nswt (5) Mr-ms Ḥwy (1) « Il te louera ! Il t’aimera ! […] (2) Reçois donc la vie d’Amon sortant de la Ménéset ! Par le scribe (4) de la correspondance du fils royal (5) Mérimosé, Houy. » H. Gauthier interprète cette stèle comme « relative au culte funéraire dont fut l’objet après sa mort le vice‑roi d’Éthiopie, fils d’Amenhotep III, Mérimosé […] pour qui, tout au moins à [s]a connaissance, il n’existait jusqu’à présent que peu de traces d’un culte »84. Les autres exemples d’hommages au patron présentés ici nous permettent de dire que, sans y voir le signe d’un culte à proprement parler, ce monument constitue un autre témoignage de la piété professionnelle à laquelle cette petite enquête est consacrée. Ces ex‑voto évoquent enfin un autre corpus votif, certes plus modeste, mais dessinant une piété corporative et un monde social tout aussi cohérents, à savoir les graffiti et dédicaces laissés par les scribes des chantiers de constructions des temples d’Hatchepsout et Thoutmosis III à Deir el‑Bahari dans une tombe inachevée (MMA 504) qui surplombe 83. Urk. IV, 1935, 4- 8 ; Gauthier 1916, p. 134-135 ; Varille 1940, p. 569, n. 1. 84. Gauthier 1916, p. 135.

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le site. Ces documents sont en effet adressés aux autorités du lieu, au premier rang desquelles Senmout mais aussi les grands prêtres du temple85. Le milieu social concerné est très proche de celui d’Amenemhat puisque le fils d’Ouseramon, le prêtre Mérymaât, y a rendu hommage à son père.

conclusion Amenemhat construit l’ensemble de son identité autour de celle d’Ouseramon, dont il espère probablement bénéficier du prestige social. Il rend ainsi grâce à son maître en lui ménageant un espace de premier plan dans sa tombe. On peut se demander si l’hommage n’est pas à prendre encore en termes plus littéraux. En tant qu’intendant du vizir, Amenemhat a mené les travaux des différentes tombes d’Ouseramon – comme il le revendique lui-même dans sa stèle biographique (voir supra). N’est‑ce pas dans ce cadre qu’il a pu bénéficier des ressources nécessaires à la construction de sa propre tombe, en empruntant au vizir la force de travail indispensable ? Une autre singularité de son programme décoratif propose peut-être une réponse : le hall transverse comprend un banquet un peu inattendu, sur le mur sud, celui qu’Amenemhat offre aux artisans qui ont construit sa tombe86. Ces scènes sont rares : artistes et architecte des tombes sont parfois mentionnés ou insérés dans des scènes87 mais n’en sont jamais le sujet, à l’exception de la tombe TT 250 à Deir el‑Médina où l’on trouve une scène d’offrandes à l’architecte Néferhotep88. On peut ainsi se demander si la tombe d’Amenemhat ne serait pas indirectement la rétribution de sa position auprès du vizir (qui prend là encore la posture du roi qui accorde une tombe au haut dignitaire), raison pour laquelle il le remercie en lui rendant hommage. Voilà qui renvoie à un autre thème de la littérature de scribes de l’époque ramesside, celui de la promesse de construire un domaine à son maître89, domaine funéraire par bien des aspects90. Dans tous les cas, le programme d’auto‑ représentation d’Amenemhat révèle un réseau de discours et de représentations spécifiques à l’élite du second cercle de son époque qui, à travers l’éloge au patron, emprunte au décorum des dignitaires du

85. Ragazzoli (à paraître), § 3.2.5. 86. Davies 1915, pl. VIII. 87. El-Shahawy 2010, p. 17, p. 189 : voir TT 106 (vizir Paser, Séthy Ier–Ramsès II), TT 62 (Amenemouasekhet, Directeur du conseil, Thoutmosis III). 88. Bruyère 1927, p. 62, pl. VII-VIII ; Abdul-Qader, 1966, p. 118. 89. P. Anastasi IV, 8, 7-9, 4 ; P. Lansing, 10, 10-11, 7. 90. Ragazzoli 2008, p. 202-203.

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l’hommage au patron en égypte ancienne • 215

premier cercle. Le patron honoré prend ainsi à la fois la place du père et du roi91. En dernière instance, ces hommages au patron, tout modelés qu’ils soient sur l’hommage au roi des hauts dignitaires, s’inscrivent pleinement dans l’organisation du corps social en Égypte ancienne, 91. Eadem 2011, chap. 9.

laquelle repose en réalité très largement sur les relations sociales et économiques entre un patron et sa clientèle92, telles qu’elles se dégagent par exemple de l’organisation de l’espace autour des grandes villas à El‑Lahoun et Amarna93. 92. Voir récemment la synthèse de J.C. Moreno Garcia 2013. 93. e.g. Kemp 1989, p. 154‑157.

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Muto Alessandro Roccati Université de Turin

My lips parted like a dumb man’s … but they made no sound (Fitzgerald, The great Gatsby, end chap. VI)

Nella civiltà egizia, solitamente così loquace, tanto che consente anche ai morti di parlare e di ascoltare, si dà molta importanza al silenzio, e la qualità del silenzioso è una delle virtù. Ma a colui che è silenzioso per natura, che è muto o sordomuto, si è prestata scarsa attenzione, tanto che un lemma relativo («stumm») manca nel Lexicon der Ägyptologie.1 E tuttavia non vorrei parere poco virtuoso alla cara amica e collega che qui si festeggia se per una volta facessi parlare i muti: ỉw.f sbȝ.f ỉbb r mdt, swbȝ.f ʿnḫwy ỉd “(il faraone) insegna ai muti a parlare, apre le orecchie del sordo”. (Insegnamento di un uomo a suo figlio, § 4, 9-10)2. Muto è dunque una situazione negativa rispetto a quella di “parlante”, ed essa è facilmente correlata alla sordità, cf. il prologo dell’ Insegnamento di Ptahhotep (pPrisse 4, 4): ỉrty nḏsw, ʿnḫwy ỉmrw …r gr, n mdw.n.f “la vista è debole, l’udito sordo … la bocca tace e non riesce a parlare”. Le facoltà dei sensi sono ben note fin dai tempi più antichi (tatto, vista, udito, gusto, olfatto), apparentemente considerando la vista a parte: 1. Complementare è la voce “Reden und Schweigen” di Assmann, LdÄ V, 1984, col. 195-201. 2. Fischer-Elfert 1999. Si noti l’allitterazione tra sbȝ e swbȝ.

- Pyr. 788 c: PMN ỉʿy rmnwy.k, wbȝ msḏrwy.k “sono lavate le tue braccia, aperte le tue orecchie”, - Pyr. 712 a wp.n T r.f, wbȝ.n T šrt.f “Teti apre la sua bocca, apre il suo naso, - Pyr. 712 b zȝš.n T msḏrwy.f apre le sue orecchie”. - Pyr. 1673 b: M wp.ṯn n MN r.f, sšn.ṯn msḏrwy.f “aprite al faraone la sua bocca, spalancate le sue orecchie”. usando ogni volta verbi appropriati per “aprire”. Le stesse facoltà sono più tardi ancora negate ai demoni, secondo il Libro di Apopi, che risale almeno al Nuovo Regno: - pBremner-Rhind 27, 11 ỉw ḫtm.n.ỉ r.f spty.f, ỉw ḫbȝ.n.ỉ ỉbḥw.f, ỉw ḥsb.n.ỉ ns.f r ḥngg.f, ỉw ỉṯ.n.ỉ mdw.f, ỉw šp.n.ỉ ỉrty.f, ỉw nḥm.n.ỉ sḏm ỉr.f … ỉr.ỉ sw m tm wn “ho chiuso la sua bocca e le sue labbra, ho strappato i suoi denti, ho tagliato la sua lingua dalla sua gola, ho portato via la sua parola, ho accecato i suoi occhi, ho sottratto il suo udito … rendendolo inesistente”.

Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 219-223

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Nel Papiro del Processo di Torino ai rei sono amputati nasi e orecchie (fnḏw msḏrw) 3 per lo stesso scopo. Vista e udito sono ancora considerati insieme: - Coffin T. V 223 g (B 1 C, B 1 L) n šp.ỉ, n ỉd.ỉ “non sono cieco, non sono sordo”. è detto dal defunto, che rivendica in tal modo la sua vitalità. La vista e l’udito sono in particolare funzioni essenziali del linguaggio, la cui nomenclatura si applica ad oggetti visibili, dando ad essi un nome mediante dei suoni, che sono a loro volta ripresi dai geroglifici, una « raffigurazione parlante » del discorso. Tuttavia, benché la “bocca” esplichi diverse funzioni, per la parola occorre la lingua, un organo che non tutti gli esseri possiedono;4 difatti per gli egizi la facoltà di parola era inerente all’organo fisico della lingua.5 Il fatto di non udire (il silenzio) non significa però automaticamente sordità: - Pyr. 499 b-c n šp W d.k sw m kkw n ỉd.f tm.f sḏm ḫrw.k “Unis non è cieco, anche se lo poni nelle tenebre, e non è sordo anche se non ode la tua voce”. in contrappunto con Pyr. 259 a-b W pỉ, W mȝ, W pỉ, W ptr W pỉ sḏm, W pỉ, W wn ỉm “Unis vede, osserva, sente, esiste”. La spiegazione di questo passo, e della sua ambiguità circa le facoltà di vista e udito, è stata data da Oleg Berlev con pertinenti osservazioni circa i testi collocati in luoghi inaccessibili dei sepolcri: “Two conclusions are inevitable. First, that the kings in their pyramids and the Blessed in their tombs read (or were supposed to) read the texts written for them …, being eternal readers for whom reading has become a form – or rather the form, the only one – of existence. And second, their reading power is not based on sight. Then it must be hearing. They should therefore have a perfect ear to hear the hieroglyphs speak.”6 La scrittura ieratica, che con il secondo millennio a.C. diviene la scrittura libraria, è invece muta rispetto ai geroglifici, che sono una “scrittura parlante”, e Thot la “fa parlare” (rdỉ mdw drf), insegnando il procedimento di lettura. Può essere 3. 4. 5. 6.

Erman 1879, p. 79. Posener 1968, pp. 106-111. Sauneron 1960, pp. 31-41; cf. Roccati 2007, p. 329. Berlev 1998, p. 774-775. Cf. Roccati 1997-2000 et 2016.

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che originariamente la lettura di un documento scritto in ieratico fosse silenziosa.7 La sordità è certo una caratteristica negativa: sḫ ḥr “esser sordo di volto” (JEA 39 (1952), p. 53n) è antonimo di nfr ḥr (ZÄS 53 (1917) p. 115 nfr ḥr sinonimo di ḥtp “esser propizio: esaudire”). Il silenzio, come assenza di parola, o di risposta, può esser inteso in modo simile al nostro “fare il sordo”: - Pay. B1 211 sḏmw, n ȝ sḏm.n.k, tm.k tr sḏm ḥr m “(Tu) che devi ascoltare, ma non ascolti, perché dunque non ascolti?”. Le truppe di Ramesse II nella Battaglia di Qadesh sono sorde al suo appello (§§ 115-116): - KRI II 41 wnn.ỉ ḥr sgb n.sn, bw sḏm.n n.ỉ wʿ ỉm.sn, ỉw.ỉ ḥr ʿš (n.sn) “gridavo a loro, (ma) non mi ascoltava/udiva (ness)uno di loro, mentre chiamavo”. Per converso, il non saper parlare genera la condizione di “muto”. I demoni sono muti perché non sanno parlare: - pBremner-Rhind 28, 7 nn wn … ȝḫw.sn tp-r.sn mdw.sn ỉm “non hanno formule magiche, asserzioni orali, parole”. Infatti ad essi è negata addirittura la bocca: - pBremner-Rhind 31,5 nn ḫpr.k nn ḫpr r.k “non esisterai e non esisterà la tua bocca”. Analoga può esser la condizione del coccodrillo, considerato privo di lingua,8 il quale pertanto è collocato tra gli esseri malefici che il dio Horo calpesta nelle stele magiche. Altrimenti la bocca è chiusa, bloccata o sigillata: - M.u.K. p. 51 mỉ šrỉ.tw r, mỉ ḫtm.tw r n pȝ ʿȝ 77 wnnyw m ỉw-nsrsr “come è bloccata la bocca, come è chiusa (sigillata) la bocca dei settantasette asini che abitano nell’Isola della fiamma”9. L’impossibilità di emettere suoni si traduce parimenti nell’incapacità di ascolto. Il Naufrago del celebre racconto però “non sente” perché “non 7. Contardi 2010, p. 266-267. 8. Cf. nota 4 supra. 9. Erman 1901; Yamazaki 2003.

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muto • 221

comprende” la voce del serpente. Come un sordomuto, che non comprende, perché non sente: - Nauf. 73-76 ỉw mdw.k n.ỉ, nn wỉ ḥr sḏm st “tu mi parli, (ma) io non sento/capisco”. Infatti il verbo “udire” (sḏm) è polisemico in egiziano, significando anche “obbedire”, e soprattutto “capire, comprendere”. Ad esempio i demoni capiscono solo il dialetto.10 Gli animali invece parlano linguaggi comprensibili, in quanto possiedono la lingua, quindi non sono muti. Il dio Aten per contro nella sua effigie solare non parla, ma si esprime con i raggi a guisa di mani. Qual è la differenza tra “muto” e “silenzioso”? Se una qualità dei dignitari è quella di fare sfoggio di eloquenza,11 c’è pure chi vanta il suo silenzio, o il suo riserbo, con un atteggiamento statico che si oppone a quello dinamico dell’oratore facondo, simile all’opposizione sopra menzionata tra il magistrato e l’oasita:12 - Leiden V.4, 9 ỉnk grw mm srw “io fui uno silenzioso (muto) tra i magistrati” (regno di Sesostri I o Amenemhat II). Nello stesso periodo il faraone lodava un suo dignitario “perché taceva”, e lo amava “perché tratteneva il calore” (del discorso, noi diremmo “tratteneva la lingua”): - Brit. Mus. 828, 11 ḥz.n w(ỉ) ḥm.f n gr, mr.n.f w(ỉ) n dȝr(.ỉ) srf Ciò si conforma a quanto raccomandato nell’antichissimo e sempre osservato Insegnamento di Ptahhotep (pPrisse 16, 4-16, 13), dove un lungo passo elogia la qualità del tacere e del sapere ascoltare, in un mondo in cui le parole erano considerate alla stregua di proiettili: nfr sḏm nfr mdt sḏmw nb ȝḫt ȝḫ sḏm n sḏmw nfr sḏm r ntt nbt ḫpr mrwt nfrt nfr-wy šzp zȝ ḏd ỉt.f ḫpr n.f ỉȝwt ẖr.s mrrw nṯr pw sḏm 10. Roccati 2011, p. 94. 11. Idem 2000. 12. Pay. B1 211, e cf. nota 16.

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n sḏm.n msddw nṯr ỉn ỉb sḫpr nb.f m sḏm m tm sḏm ʿnḫ wḏȝ snb n z ỉb.f ỉn sḏmw sḏm ḏd mrr sḏm pw ỉr ḏdt nfr-wy sḏm zȝ n ỉt.f rš-wy ḏddy n.f nn zȝ ʿn.f m nb sḏm sḏmw ḏdw n.f st mnḫ.f m ẖt ỉmȝḫy ḫr ỉt.f ỉw sḫȝ.f m r n ʿnḫw ntw tp tȝ wnnt.sn “Chi è efficace ad ascoltare è efficace a parlare, chi è ascoltato è in vantaggio, (ma) utile è ascoltare (anche) per chi è ascoltato,13 (perché) l’ascolto è più efficace di tutto, (e) si produce l’amore effettivo; quanto è buono che un figlio riceva il dire di suo padre, per cui gli è avvenuto di invecchiare. Chi ascolta è uno amato dal dio, chi il dio detesta è incapace di ascoltare. Il cuore (la mente) plasma il suo possessore come uno che ascolta o uno che non ascolta: vita, prosperità, salute è il cuore di un uomo. Chi è ascoltato è uno che ascolta e parla, è amato chi ascolta e pratica ciò che è detto. È efficace che un figlio ascolti (obbedisca a) suo padre, è felice colui cui si dice ciò, un figlio si illustra come possessore di ascolto (intelligenza). È uno che è ascoltato cui si dice ciò: egli è efficace nel pensiero (ventre), un onorato presso suo padre. Il suo ricordo è nella bocca dei vivi: quelli che sono sulla terra e futuri”. Questo passo fu certamente chiosato e ampliato più tardi, ma in esso ricorron tutte le espressioni che riappaiono nelle iscrizioni autobiografiche private già dalla XI dinastia, ciò che fornisce un terminus ante per l’esistenza dei precetti. Siccome i manoscritti che lo riportano risalgono probabilmente ad un archetipo che fu redatto al principio della XII dinastia, ciò significa che in quel contesto culturale si verificarono per la prima volta le premesse per una “codificazione” scritta di un’opera, analogamente a quante altre composizioni possiamo 13. Cf. Urk. VII 32, 13 sḏmw n.f sḏmw “(uno) che ascoltano quelli che ascoltano (i giudici).”

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attribuire alla stessa iniziativa redazionale. Per di più nel passo citato non si fa menzione di scrittura: esso è tutto teso alla promozione dell’ascolto attivo come premessa dell’apprendimento di una parola efficace. La parola deve essere usata con circospezione, allora sarà energica quanto un’azione.14 Con pari prudenza si sarà dovuto, a quel tempo, fare uso della scrittura. Joris Borghouts nota come la caratterizzazione del “silenzioso” non sia talmente concepita in termini etici quanto rispetto a norme di comportamento sociale nella vita quotidiana, in una comunità dove una certa eguaglianza tra gli appartenenti ad un certo livello abbia richiesto una

14. Laisney 2014, p. 81.

simile distinzione.15 Certamente un cambiamento si operò nel passaggio dal periodo in cui la scrittura non era ancora divenuta di dominio generale,16 a quello in cui la facoltà di “uditore” si trasformò in quella di “lettore”, e il “silenzioso” acquisì connotazioni legate non solo all’atteggiamento, ma altresì al comportamento.17 In realtà la “loquacità” della civiltà egizia fu l’esito di un lungo processo, e non certo, per lo meno a livello documentario, un fatto iniziale.18 Per dirla con Dante (Paradiso IX 4) “Taci, e lascia volger gli anni.” 15. Borghouts 1980. 16. Roccati 2008. 17. Idem 2005. 18. Idem 1986.

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Le vice-roi de Kouch imenemneKhou à Saï Vincent Rondot Département des Antiquités égyptiennes, musée du Louvre

Parmi les collègues qui ont œuvré à orienter mes recherches vers le Soudan antique, Dominique Valbelle a joué un rôle de premier plan. Depuis mon recrutement au CNRS, par petites touches, elle a su me faire progresser vers le franchissement de la frontière à la première cataracte, jusqu’aux sanctuaires à Amon dans l’île de Méroé. C’est en quelque sorte une contribution « en route » vers le Sud que je voudrais lui offrir avec cette stèle de la XVIIIe dynastie dont j’eus le bonheur de découvrir un fragment dans le village d’Abri, sur la rive est du Nil en face de l’île de Saï. Les inscriptions de Séhel m’avaient déjà amené, avec Annie Gasse, à faire la connaissance de son propriétaire et depuis, Vivian Davies a beaucoup contribué à préciser la liste de ses attestations. Vingt-cinq années séparent les dates de découverte de trois fragments qui permettent de reconstituer le cintre d’une stèle en calcaire affichée un jour sur l’île de Saï (fig.  1). Le grand fragment de droite a été trouvé le 22 novembre 1973, dans la zone sud de la ville pharaonique (fort ottoman)1. Le petit fragment inférieur est une trouvaille fortuite faite en février 1996, par L. Soldati, dessinateur de la mission, sur la bordure nord-ouest de la ville pharaonique. Enfin, j’ai repéré le fragment de gauche le 29 janvier 1999 à quelques mètres du Cheikh Idris Aly Reda (Qoeïka eg-Gama’). Il servait de support à un tronc d’arbre pour prévenir l’attaque des termites. Le transport du fragment dans les magasins de l’île de Saï fut organisé par Ali el-Meghrani, Antiquities Officer de la mission, et c’est Francis Geus qui a fourni le raccord avec les

1. N° de fouille Saï 1100, provenance SAF5 (journal de fouille). Dimensions générales du cintre h. 41 x l. 71 x ép. 12 cm ; dimensions du fragment gauche : h. 36 x l. 33 x ép. 12 cm.

deux fragments trouvés précédemment et conservés dans les magasins de l’île de Saï. L’assemblage obtenu conserve la scène complète décorant le cintre d’une stèle, sculptée en relief dans le creux. Au sommet, le disque solaire n’est doté que d’une seule aile et d’un seul uræus, à droite et au-dessus du dieu. À gauche, un œil-oudjat occupe la place de la deuxième aile. Le dieu, hiéracocéphale et coiffé du pschent, est représenté assis sur un trône, tenant le sceptreouas de la main droite et le signe-ânkh de la main gauche. Le trône est lui-même placé sur une estrade à l’avant biseauté. La légende hiéroglyphique désigne le dieu comme : 1

2

Ḥr-kȝ-nḫt nb Tȝ-stj ḥr(y)-jb Wȝst « Horus-taureau-puissant, le maître de Ta-Seti2, qui réside à Thèbes ».

Derrière le dieu, la formule classique de protection : 3 sȝ ʿnḫ ḏd wȝs ḥȝ.f nb [...] « Toute protection, vie, stabilité et force sur lui […] ».

2. Il y aurait beaucoup à dire sur le dieu Horus Taureau (puissant) maître de Ta-Seti, la divinité tutélaire de Saï. Jean Vercoutter avait ouvert la voie dans son article de Kush IV en 1956. Luc Gabolde a repris l’examen des sources dans les actes à paraître du 13e Congrès international des Études nubiennes de Neuchâtel en 2014. Merci à lui pour les informations m’ayant permis d’éviter les chausses-trappes dans la documentation du lapidaire des magasins de Saï. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 225-228

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Figure 1 – Assemblage des trois fragments reconstituant le cintre de la stèle d’un vice-roi de Kouch dans l’île de Saï. [Photographie © Mission archéologique de l’île de Saï]

Devant le dieu est placée une table d’offrande chargée des produits habituels (pains, vases, cuisseau-khepech, tête de bovin, concombre, volaille troussée, botte d’oignons, etc.). Sous la table, apparaissent deux vases autour desquels s’enroule une tige de lotus terminée par un bouton. Le dédicant est figuré dans la partie gauche. Il est dans l’attitude de la prière, un genou à terre et les deux bras levés, paumes ouvertes vers le dieu. Il est coiffé d’une perruque s’arrêtant aux épaules et la ligne en demi-cercle autour de son cou indique qu’il porte une chemise. Deux colonnes de texte devant et derrière lui et une ligne au-dessus de lui portent le texte de la prière et sa titulature :

4 5 6

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rdjt jȝw n Ḥr kȝ [...] Nfr-[ḥtp] ḥr(y)-jb Wȝst j[n] mḥ-jb ʿȝ m Njwt [Rsy] [sȝ nswt n(y)] Kȝš [...] « Donner des louanges à Horus Taureau [adorer (?)] Nefer[hotep ?] qui réside à Thèbes (a), p[ar] (b) le confident dans la Ville [du Sud] (c), [le fils royal d]e Kouch […] ». (a) Le texte indique bien « Horus Taureau » et non « Horus Taureau puissant » comme dans la légende de la représentation du dieu. Le signe qui suit ne se laisse pas reconstituer facilement. On pourrait penser aux deux bras levés de l’orant dans le signe dw3 par exemple, avec assimilation de l’Horus Taureau à Neferhotep qui réside à Thèbes (?). Comparer avec la séquence sur le linteau de Nehy à Saï (Inv. S.419, Cat. n° 027) : [rdjt j3w n Hr] k3 sn t3 n nb Stj (information Luc Gabolde). (b) Mon relevé de terrain (fig.  2) est certainement à corriger ici : Gardiner M17 et non la plume H6 (qui serait d’ailleurs orientée dans le mauvais sens). (c) Wb II, 118, 13 et Beleg. II, p. 170 qui renvoie à la TT 96 de Sennefer. Le titre est toutefois absent des Urk. IV, 1417-1434, pour une raison que j’ignore et alors qu’il est bien présent, une fois, dans la titulature du plafond (merci à Dimitri Laboury pour ces précisions). Imenhotep, vice-roi sous Thoutmosis IV,

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le vice-roi de kouch imenemnekhou à saï • 227

Figure 2 – Dessin à main levée du fragment gauche, au moment de sa découverte le 29 janvier 1999. [Relevé © V. Rondot]

est « confident of Kush », Habachi 1979, col. 632, n. 58 avec réf. à Urk. IV, 1636 (550). Le titre paraît rare et sera à étudier.

La figure ainsi que l’ensemble des textes, tout particulièrement à l’emplacement du nom, ont été martelés. C’est là la difficulté et l’un des intérêts de ce document (fig. 2). La première question qui se pose est celle de la datation, liée immédiatement à la seconde que nous voudrions résoudre ici, celle de l’identification du vice-roi martelé et commanditaire de la stèle. La présence du disque solaire demi-ailé accompagné d’un œil-oudjat aurait pu apparaître comme le critère stylistique le plus immédiatement utilisable3. Cependant, l’éventail temporel que ce critère indique va selon les auteurs d’Amenhotep Ier ou Thoutmosis Ier à Amenhotep III, précision qui en l’occurrence n’est pas suffisante pour dater la stèle autrement qu’à la XVIIIe dynastie4. C’est par la question de l’identité du vice-roi et la résolution de 3. Mostafa 1993 ; Zayed 1999. 4. Dans sa thèse disponible en ligne, R. L. Shonkwiler propose pourtant que ce détail soit observable également sur

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la lecture de son nom martelé que l’enquête peut progresser. Dans la liste des vice-rois de Kouch, deux porteurs du titre à la XVIIIe dynastie ont fait l’objet de martelages : Inebny/Imenemnekhou et Ousersatet5. Sur notre stèle, on observe que le martelage du nom est particulièrement soigné, ne laissant aucun signe reconnaissable si ce n’est peut-être, observé dès le relevé de terrain, le bras armé Gardiner D40 en fin de colonne. Une revue des occurrences du nom — plus ou moins martelé — d’Ousersatet, notamment sur les graffiti de Sehel6, montre que le nom n’utilise pas le bras armé D40, que ce soit au milieu ou en final de des stèles ramessides voire de Basse Époque : Shonkwiler 2014, p. 76, n. 62 et 63. 5. Davies 2008, p. 41, n. 11. Quoiqu’on l’ait supposé, Seny ne fut jamais martelé (Gabolde 2011-2012, p. 134). Inebny / Imenemnekhou ne font qu’un seul personnage comme l’a montré V. Davies. Sur la question de la succession des vice-rois de Nubie sous le règne d’Hatchepsout, il faut désormais compter avec Penrê (Valbelle 2007). 6. Gasse & Rondot 2007, n° seh 253 (martelé), seh 254 (martelé), seh 255 (en partie martelé), seh 256 (en partie martelé), seh 257 (martelé), seh 258 (non martelé), seh 259 (martelé), seh 260 (martelé).

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ses graphies. Le nom d’Imenemnekhou, en revanche, présente assurément ce signe D40, suivi ou non d’un w (G43), avant le déterminatif7. Cet indice, associé au martelage particulièrement consciencieux du nom, caractéristique du vice-roi tant à Séhel, Shalfak, Kumma et Tombos, désigne sans véritablement laisser subsister de doute, le vice-roi en exercice à partir de l’an 18 de la corégence entre Hatchepsout et Thoutmosis III.

7. À Séhel : Gasse & Rondot 2007, seh 241 ; à Tombos : Davies 2008, fig. 4, p. 55 et fig. 10, p. 59.

Ainsi pouvons-nous ajouter Saï à la liste des « stations » dans lesquelles le nom d’Inebny/ Imenemnekhou est désormais attesté en Nubie égyptienne et soudanaise. Nous pouvons également ajouter un exemple d’un martelage particulièrement systématique ou particulièrement soigné, comme on voudra le décrire, et qui apparaît comme caractéristique de la damnatio dont ce vice-roi a été l’objet. On ne saurait dire en l’état de la documentation quelle valeur attribuer à ce détail. Signale-t-elle (tout simplement) un artisan chargé de remonter le Nil pour effectuer un travail qu’il a réalisé avec une conscience professionnelle particulière ?

BiBliographie Davies (V.) 2008 « Tombos and Viceroy Inebny / Amenemnekhu », BMSAES, 10, 2008, p. 39-63 = Sudan & Nubia, 12, p. 25–33.

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Vercoutter (J.) 1956 « New Egyptian Texts from the Sudan », Kush, IV, p. 66-82. Zayed (A. El-H.) 1999 « La stèle du vice-roi de Nubie, Ousersatet, au British Museum », Memnonia, X, p. 213-223.

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La toponymie égyptienne en territoires conquis : Les noms-programmes des menenou Claire Somaglino Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

C’est à Dominique que je dois de m’être engagée sur le chemin des forteresses et des frontières, aussi il m’est agréable de lui offrir cet article consacré aux toponymes désignant des menenou, un type de structure auquel nous avons consacré de nombreuses et toujours passionnantes discussions. Après la conquête de nouveaux territoires au Moyen et au Nouvel Empire, le pouvoir égyptien mit en œuvre une grande variété de moyens – politiques, symboliques, religieux, économiques – pour établir et consolider son hégémonie. L’un d’eux était la fondation de nouveaux établissements, qui constituaient l’ossature de sa domination, et auxquels différents types de noms furent donnés. Certains furent désignés d’après des toponymes issus de la région où ils était implantés ; d’autres en revanche se virent attribuer un nom égyptien, qui avait régulièrement une signification politique forte, d’où le terme de « nom-programme » que j’emploierai ici pour les désigner. Cette dernière catégorie de noms peut être rattachée au domaine de la néotoponymie, processus consistant à renommer des lieux existants ou à nommer de nouvelles entités territoriales et/ou administratives et dont l’analyse est fructueuse pour la géographie politique. L’étude du stock toponymique égyptien durant l’ensemble de l’époque pharaonique montre en effet que nombre de noms de lieux furent attribués par le pouvoir central : dès l’époque thinite, et tout au long de l’histoire égyptienne, noms de domaines, de complexes funéraires, de villes de pyramides, de fondations funéraires ou encore de villes nouvelles – en particulier les capitales royales – furent désignés par des

1. Il m’est agréable de remercier Pierre Tallet, Chloé Ragazzoli et Sylvain Dhennin pour leurs relectures et commentaires, ainsi qu’Harco Willems pour ses suggestions.

toponymes complexes, qui expriment des qualités du lieu en question ou intègrent le nom royal2.

Les forteresses-menenou du Moyen eMpire Durant la XIIe dynastie, une série de forteresses fut fondée dans les territoires nubiens conquis par les rois égyptiens entre les 1re et 2e cataractes du Nil3. Ces forteresses appartenaient à un type d’établissement nommé menenou (mnnw) dans les sources égyptiennes4. Le terme désignait alors à la fois les imposantes forteresses construites en Nubie, mais aussi plusieurs villes fortifiées localisées sur la frontière traditionnelle de l’Égypte, aux environs de la 1re cataracte. Ce type d’établissement était donc à cette époque caractéristique des territoires conquis et des zones frontalières5. Différents types de sources livrent les noms de ces forteresses-menenou de Nubie : dépêches de Semna, empreintes de sceaux retrouvées dans les forteresses, stèles royales ou privées, inscriptions rupestres6. Surtout, une liste complète en est fournie par l’Onomasticon du Ramesseum : énumérés du sud au nord, les 17 menenou cités précèdent immédiatement dans le document la liste des villes de HauteÉgypte7. Examinons tout d’abord un à un les toponymes qui désignent ces forteresses ou établissements fortifiés, en suivant leur ordre de citation dans l’Onomasticon. Je présenterai une première

2. Yoyotte 1957-1960. 3. Entre autres : Vogel 2004, p. 61-90 ; Obsomer 1995, p. 253270 et p. 336-360. 4. Pour un bref résumé sur ce terme, ainsi que la bibliographie correspondante, cf. Somaglino 2013. 5. Somaglino 2010b. 6. Vogel 2004, p. 61-90 ; Somaglino 2013. 7. Gardiner 1947, p. 10-11, pl. II. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 229-242

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230 • claire somaglino

1re cataracte

N

MER ROUGE Ikkour

Kouban

Aniba Faras

Serra

Alla

qi

adi Ou g Cab aba

Bouhen Mirgissa 2e cataracte Shalfak Askout Ouronarti Semna Kumma Amarra Saï Sedeinga Soleb Sesebi 3e cataracte

Ou adi

Doukki Gel Kerma Kawa Gebel Barkal 4e cataracte

Kurgus 5e cataracte

0

200

Figure 1 – Carte de la Nubie au Moyen et au Nouvel Empire. [Carte © Cl. Somaglino]

analyse de chaque nom, en détaillant les termes employés et leurs usages habituels8 (fig. 1). – Dȝr-Styw, « Qui subjugue les Sétiou »9, du nom d’une population nubienne10. Le verbe dȝr11, « subjuguer, dominer, oppresser », est régulièrement employé depuis l’Ancien Empire, dans l’expression « subjuguer les pays étrangers » (dȝr ḫȝs.wt), afin de décrire l’action royale, tout particu8. Je ne discuterai pas ici l’identification de chaque toponyme à un site archéologique : cf., entre autres, Vogel 2004, p. 62 ou Tallet 2015, p. 53-71 pour une remise à jour des identifications proposées en son temps par Gardiner (Gardiner 1916). 9. « Celui ou celle qui subjugue les Sétiou », je renviendrai ensuite sur l’analyse grammaticale. Styw : Wb III, 488, 11-12. 10. Sur les Styw et les Jwntyw, dont les noms sont d’ailleurs souvent réunis pour désigner à partir du Moyen Empire, l’ennemi nubien en général, cf. Valbelle 2012. 11. Wb V, 414, 4-7 et 418, 3-12 ; Postel 2004, p. 79, note 352.

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lièrement en légende de la représentation du roi massacrant des ennemis12. Cette iconographie est bien attestée depuis les premières dynasties égyptiennes, en particulier sur les zones frontalières de l’Égypte13. L’image avait une valeur à la fois commémorative et apotropaïque. On note également l’emploi de dȝr ḫȝswt dans les hymnes royaux du Moyen Empire : hymne au roi dans l’Enseignement d’Amenemhat Ier (avec la variante dȝr wȝwȝ.yw, « subjuguer les habitants de Ouaouat »)14, hymne à 12. Voir en particulier les inscriptions du Sinaï : IS 5 sous Snéfrou (dȝr ḫȝs.wt) ; IS 8 sous Sahourê (dȝr ḫȝs.wt nb.wt) ; CCIS 22 sous Sahourê (dȝ Sṯtjw) ; IS 10 sous Niouserrê (dȝr ḫȝs.wt nb.wt) ; IS 16, sous Pépi Ier (dȝr Mnṯw ḫȝs.wt nb.wt). 13. Pour les exemples les plus anciens au Sinaï, sous le règne de Den : CCIS 1-3 ; Rezk Ibrahim & Tallet 2008, p. 155-180. 14. Enseignement d’Amenemhat, section XII (Helck 1969, p. 77).

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la toponymie égyptienne en territoire conquis : les noms-programmes des menenou • 231

Sésostris Ier dans le Conte de Sinouhé15, Hymne à Sésostris III16. Cette expression fut aussi choisie pour nom d’Horus par plusieurs rois : à la XIe dynastie, Antef II, Antef III et Montouhotep II arborent, dans des scènes en relation avec la domination des pays étrangers, un nom d’Horus reprenant cette épithète17. L’expression dȝr Styw apparaît donc comme une adaptation au contexte précis de la 2e cataracte du plus général dȝr ḫȝswt. Le toponyme est d’autant mieux choisi qu’il désigne la forteresse la plus méridionale de la zone de domination égyptienne sur le territoire nubien, Semna-Sud. – Sḫm-Ḫʿ-kȝw-Rʿ-mȝʿ-ḫrw, « Puissant-est-Khâkaourêjustifié » pour le menenou de Semna. Le nom de couronnement du roi Sésostris III constitue la composante principale de la désignation de ce menenou. Mȝʿ-ḫrw, « justifié », a sans doute été ajouté au toponyme après la mort du roi et n’apparaît pas systématiquement dans les graphies du toponyme – elle est omise sur plusieurs sceaux ou empreintes de sceau en particulier, ce qui se justifie par l’étroitesse du support. – Jtnw-pḏwt, « Qui s’oppose aux Arcs / à ceux de l’arc ? », pour le menenou de Koumma. Les Arcs font référence ici aux ennemis traditionnels de l’Égypte, les « Neuf Arcs ». Cette épithète est également utilisée à partir de la fin du Moyen Empire, et surtout à la XVIIIe dynastie dans les temples de Semna et Koumma pour qualifier Khnoum de la cataracte18. – Ḫsf-Jwntyw, « Qui repousse les Iountiou », pour le menenou d’Ouronarti. Le verbe ḫsf est régulièrement employé lorsqu’il s’agit d’éloigner ou punir des ennemis de toute nature : étrangers, divinités dangereuses, etc.19 Les Iountiou font justement partie des ennemis de l’Égypte dans la région nubienne : le terme désigne traditionnellement les populations nomades du Sinaï, du désert occidental et de Nubie. On retrouve ces Jwntyw dans le premier Hymne à Sésostris III (cf. infra) et les Jwntyw m Sty (« Iountiou de Nubie ») dans les textes d’exécration

15. B50 et R74. 16. P. Kahoun LV.1, 2-4 (= P. Londres UC 32157). 17. Postel 2004, p. 79-80, 125, 157-158. Exemple de la chapelle de Montouhotep II à Dendera (Caire JE 46068), où ce nom d’Horus du roi apparaît avec une liste de territoires et de populations soumis (Gundlach 1994, p. 148-149 ; Postel 2004, p. 319). 18. Cf. LGG I, 622 pour l’ensemble des références. Il semble bien alors s’agir d’une épithète, et pas du toponyme désignant le menenou de Koumma, puisque jtnw-pḏ.wt n’est jamais suivi du déterminatif de la ville. L’épithète peut d’ailleurs être développée en jtnw-pḏ.wt m rȝ-ʿȝ ḫȝswt (LGG I, 622-623), rȝ-ʿȝ ḫȝswt, « la porte des pays étrangers » désignant dans ce contexte la 2e cataracte. Elle est régulièrement suivie d’une autre épithète qualifiant le dieu de ḥw dndn.w (?), « qui frappe ceux qui sont en colère (?) » (LGG V, 64). 19. Wb III, 335,6-337,2 ; Blumenthal 1970, p. 226, 243, 253.

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de Mirgissa, dans la catégorie « Nubiens » (Nḥsyw)20. Ce sont ces mêmes Jwntyw Sty que Sésostris III renverse (sḫr) d’après la stèle de Khousobek21. Les menenou sont de nouveau associés à l’action de « repousser les Iountiou » sur une stèle rupestre de Thoutmosis II gravée sur la route entre Assouan et Philae, où il est fait allusion aux forteresses construites par Thoutmosis Ier et menacées par une rébellion nubienne : « ces [men]nenou que ton père a construits grâce à ses victoires, le roi de Haute et de Basse-Égypte Aâkheperkarê, puisse-t-il vivre à jamais, pour s’opposer aux pays rebelles des Iountiou de Ta-Seti de Khent-hen-nefer »22. – Wʿf-ḫȝs.wt, « Qui assujettit les pays étrangers » pour le menenou de Shalfak. Le sens premier du verbe wʿf est « courber », mais D. Lorton a montré dans son étude de la terminologie juridique de la XVIIIe dynastie, que la meilleure traduction dans ce contexte était « assujettir » (« to make subject », « to hold subject »)23. Cette expression est régulièrement employée à partir du Nouvel Empire dans les titulatures royales, parfois même dans les épithètes, pour décrire l’action du pharaon24. – Dr-Styw, « Qui écarte les Sétiou », pour le menenou d’Askout. On note la mention, pour la seconde fois, de l’ethnonyme Sétiou dans un nom de menenou. Le verbe employé ici, dr, exprime par excellence l’action royale de repousser le chaos, de pacifier une terre25. Ainsi entendue, cette pacification s’opère en repoussant l’ennemi au dehors, aux limites de la création, non pas en l’annihilant26. Une telle expression de la mise à l’écart des rebelles, apparaît régulièrement dans les épithètes ou noms du souverain dès le Moyen Empire27. – Jqn28 puis Bhn29 : tous deux semblent être des toponymes nubiens, désignant les régions dans lesquelles se situent les forteresses de Mirgissa et de Bouhen. 20. Koenig 1990, p. 106-107. Ces textes semblent dater du milieu de la XIe dynastie, peut-être des règnes d’Amenemhat II-Sésostris II. Sur les Iountyou : Wb II, 55, 3-7 ; sur les Nehesyou : Zibelius 1972, p. 140-141. 21. Stèle Manchester 3306 ; sur l’utilisation de Jwntyw-Sty pour désigner l’ennemi nubien, cf. Valbelle 2012. 22. nn n (7) [mn]nw.w qd~n jt=k m nḫt.w=f n(y)-sw.t bjt(y) ʿȝ-ḫprkȝ-Rʿ ʿnḫ ḏ.t r ḫsf ḫȝs.wt bšt.wt Jwn.tyw Tȝ-Sty nw Ḫn.t-ḥn-nfr (Urk. IV, 138,16-139,1). 23. Wb I, 285, 1-14 ; Lorton 1974, p. 83-84. 24. Grimal 1986, p. 322-324 et 678-679 (voir par exemple l’une des versions développées du nom des Deux-Maîtresses de Ramsès II : ibidem, p. 322 ; Beckerath 1999, p. 152-153, N1°). 25. Wb V, 463,1-474,12. 26. Grimal 1986, p. 305 et 671-672. 27. Blumenthal 1970, p. 231, 235 ; Postel 2004, p. 256 ; Grimal 1986, p. 671-673. 28. Zibelius 1970, p. 94. 29. Ibidem, p. 109.

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– Jnq-tȝ.wy, « Qui rassemble les Deux-Terres », peut-être pour le menenou de Faras. Là encore, référence est faite à l’action royale, puisque maintenir la cohésion de l’Égypte relève des devoirs fondamentaux du roi. On retrouve ainsi cette expression dans un hymne à Sésostris III : le roi est « celui qui rassemble les Deux-Terres par l’action de ses bras » (jnk tȝ.wy m r-ʿ ʿ.wy=f)30. « Les Deux-Terres » désignent généralement la Haute et la Basse-Égypte, mais dans le contexte nubien, on pourrait y voir l’Égypte et la Nubie. – Ḫsf-Mḏȝyw, « Qui repousse les Médjayou », pour le menenou de Serra. Les Médjayou, mentionnés dans les sources égyptiennes depuis la VIe dynastie, étaient des groupes nubiens qui nomadisaient dans le désert oriental, à la latitude de la Basse-Nubie31. On note la deuxième occurrence de l’utilisation du verbe ḫsf dans un nom de forteresse, après celui d’Ouronarti. – Mʿȝm/Mjȝm32 et Bȝky33 sont également deux toponymes nubiens, désignant ici les forteresses d’Aniba et Kouban. Je n’analyserai pas les cinq derniers noms de la liste de l’Onomasticon qui désignent les menenou établis sur la 1re cataracte et au nord de celle-ci, car ils portent des toponymes égyptiens bien connus par ailleurs (Snmwt, Ȝbw, H̱ ny, c’est-à-dire Senmout, Éléphantine et le Gebel Silsileh ; deux toponymes sont également en lacune). On remarque donc l’existence de deux catégories de noms pour désigner ces forteresses. Par un processus de « recyclage toponymique », certaines sont désignés par des endonymes, c’est-à-dire des toponymes issus de la langue parlée dans la région où se situe l’établissement nommé, ici donc le nubien : Iqen, Baki, Kouban, Miam. Signalons, d’un point de vue méthodologique, que ces toponymes ne sont connus que par la documentation égyptienne, car la langue nubienne n’était alors pas écrite. Les Égyptiens semblent s’être intéressés aux toponymes et ethnonymes de la Nubie et des déserts, qui sont cités dès l’Ancien Empire dans les récits d’expéditions, comme ceux d’Hirkhouf ou PépynakhtHéqaïb34. Au Moyen Empire, la stèle Florence 2540 érigée à Bouhen sous le règne de Sésostris Ier donne une série de toponymes et/ou ethnonymes désignant

30. P. Kahoun I, 3-4 ; Blumenthal 1970, p. 178. 31. Zibelius 2007 ; Liszka 2011. 32. Zibelius 1972, p. 120-122. 33. Ibidem, p. 111-112. 34. Obsomer 2007, p. 39-52, pour un point récent sur les débats concernant la localisation des toponymes cités dans ces textes ; Valbelle 2014a.

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les pays étrangers de Nubie35, tout comme les figurines d’envoûtement utilisées dans les rituels d’exécration, relevant de la magie d’État36. Les autres forteresses sont désignées par des noms-programmes de sens agressif pour la plupart, qui résument et symbolisent la politique des rois égyptiens en Nubie. La plupart sont formés sur le même schéma : un verbe au participe perfectif/ imperfectif actif exprimant une action agressive, suivi de l’objet de cet action, à savoir un ethnonyme ou toponyme désignant un peuple ou pays non-égyptien. Le nom-programme ainsi formé exprime la domination du roi égyptien sur ce peuple ou cette région. Il est à remarquer que la seule fois où le verbe n’exprime pas une action agressive, dans le toponyme Jnq-tȝ.wy, l’objet est « Les Deux-Terres », à savoir l’Égypte, ou l’ensemble Égypte-Nubie sous domination égyptienne. On peut s’interroger sur l’antécédent ou sujet réel du participe dans ces noms-programmes : qui de la forteresse ainsi désignée ou du roi effectue ces actions de dominations ? Par exemple, dans le toponyme « Celui qui repousse les Iountyou », s’agit-il de « (le menenou qui) repousse les Iountyou » ou « (le roi qui) repousse les Iountyou » ? Aucune occurrence de ces toponymes ne donne une forme développée du nom. Notons immédiatement que considérer menenou comme l’antécédent et sujet du verbe cadre mal avec le mode de présentation choisi dans l’Onomasticon du Ramesseum, où la mention de catégorie mnnw n(y), « le menenou de », avec le n(y) du génitif indirect, est en effet placé en facteur commun devant les toponymes. La comparaison avec d’autres toponymes du Moyen et du Nouvel Empire, qui relèvent de cette catégorie des noms-programmes, avec le même schéma de composition (verbe + ethnonyme ou nom de pays), incite à privilégier plutôt l’hypothèse du nom du roi comme antécédent ou sujet réel. Au Moyen Empire, la nouvelle capitale fondée par Amenemhat Ier était Jṯ-tȝ.wy, « qui saisit les DeuxTerres ». Le toponyme est parfois abrégé en Jṯw et W.K. Simpson a démontré que sa forme développée – rarement employée cependant – est Jmn-m-ḥȝt-jṯ-tȝ. wy, « Amenemhat-saisit-les-Deux-Terres »37. Le nom est changé en Sḥtp-jb-Rʿ-jṯ-tȝ.wy, « Sehetepibrê-saisitles-Deux-Terres », pendant le règne de son petit-fils Amenemhat II, l’emploi du nom de couronnement d’Amenemhat II, Sehetepibrê, permettant d’éviter la confusion entre les deux rois. Nous verrons également plus loin qu’au moins quatre noms de 35. Obsomer 1995, p. 325-330. 36. Posener 1940 ; Koenig 1990. 37. Simpson 1963, p. 53-59 ; pour un point complet sur ce toponyme, sa construction et sa signification, cf. Lorand 2016.

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villes fortifiées du Nouvel Empire, dont certains désignaient des menenou, avaient un nom-programme adoptant le schéma de composition : nom du roi + verbe + ethnonyme. Enfin, lorsque l’on envisage la terminologie choisie pour désigner les forteresses de Nubie au Moyen Empire, on observe qu’elle s’inspire largement ou reprend fidèlement la phraséologie royale telle qu’elle est développée dans les noms et les épithètes royaux. Le parallèle avec le premier Hymne à Sésostris III du P. Kahoun, qui thématise le roi dans son rôle de défenseur des frontières et massacreur des populations étrangères ou rebelles, est d’ailleurs frappant38. On y retrouve plusieurs verbes et expressions employées dans les noms des menenou du Moyen Empire et du Nouvel Empire : dȝr ḫȝs.wt, jnq tȝ.wy, smȝ pḏtyw. Le sujet des verbes employés dans les noms-programmes des menenou devait donc sans trop de doute être le souverain, même si le nom royal n’a jamais été explicitement inclus dans ces toponymes. Le seul à intégrer explicitement le nom royal présente une formation différente des autres : Sḫm-Ḫʿ-kȝw-Rʿ-mȝʿ-ḫrw, nom du menenou de Semna, est composé d’une proposition à prédicat adjectival, qualifiant le nom de couronnement du roi Sésostris III. Cette construction est bien attestée durant la XIIe dynastie pour les noms des temples funéraires et des villes de pyramide, mais généralement avec le nom de naissance du roi : le temple funéraire de Sésostris II à el-Lahoun est nommé Sḫm-(Sn-wsrt)mȝʿ-ḫrw, « puissant est Sésostris-justifié »39, celui d’Amenemhat II à Dahchour Sḫm-(Jmn-m-ḥȝt)mȝʿ-ḫrw / Sḫm-Jmny, « Puissant est Amenemhatjustifié / Puissant est Imeny » 40, et la ville de pyramide d’Amenemhat III à Haouara Sḫm-(Jmn-m-ḥȝt)-ʿnḫ-ḏtr-nḥḥ, « Puissant est Amenemhat, puisse-t-il vivre pour toujours et à jamais »41. De manière générale, on remarque que le nom de naissance du roi est préféré à son nom de couronnement dans la plupart des noms de domaines et de fondations funéraires de l’Ancien et du Moyen Empire42. On peut également s’interroger sur les raisons pour lesquelles le nom de la forteresse de Semna est 38. P. Kahoun LV.1 (= P. Londres UC 32157) : Mathieu 2014, p. 88-89 ; Allen 2015, p. 369-382. 39. Gomaá 1987, p. 403-405 ; l’identification du toponyme au complexe funéraire ou à une partie de la ville de pyramide fait encore débat : cf. le résumé des différentes hypothèses dans Horvath 2009, p. 171-173. 40. Gomaá 1987, p. 51-52. 41. Dans ces trois cas, la mention « justifiée » a sans doute été intégrée au toponyme du vivant du roi fondateur du complexe funéraire ou de la ville. La mention a ici une valeur « prospective », en relation avec le caractère funéraire de ces fondations (Obsomer 1995, p. 430-431). 42. Jacquet-Gordon 1962, passim.

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composé différemment. Sans doute parce que cette forteresse représentait la frontière de l’Égypte, comme Sésostris III lui-même l’exprime dans une stèle érigée là en l’an 16. La totalité des territoires nubiens conquis par les Égyptiens constituait en réalité une zone frontalière, mais Semna en représentait la porte méridionale. Donner le nom du roi à cette forteresse était donc hautement symbolique. De cette manière, attaquer Semna, c’était attaquer le roi lui-même, d’autant plus qu’il avait fait ériger là des statues à son effigie43. Il donnait ainsi à la forteresse et à la frontière le pouvoir de son propre nom de couronnement et assumait pleinement l’une de ses principales fonctions : protéger et étendre les frontières de l’Égypte. L’ensemble de ce dispositif matériel et symbolique illustre parfaitement la notion de « roi-frontière », telle qu’elle a put être développée par J.-Cl. Goyon44. Le même procédé semble à l’œuvre dans le processus de nomination de plusieurs ensembles frontaliers destinés à protéger le pays : les « murs du prince » (jnb(.w)-ḥqȝ) dans le ouadi Toumilat, construits sous le règne d’Amenemhat Ier d’après le Conte de Sinouhé et la Prophétie de Néferty45, ou encore les « murs d’Amenemhatjustifié » (Jnb.w-Jmn-m-ḥȝ.t-mȝʿ-ḫrw), mentionnés sur une stèle datée de l’an 33 d’Amenemhat III retrouvée à Kerma et appartenant à un Antef46. Les deux types de toponymes que nous venons d’examiner – d’origine locale, ou nomsprogrammes – coïncident avec les deux étapes principales de conquête et de prise en main administrative de la Nubie par les Égyptiens. Ces deux étapes correspondent également aux phases de construction des menenou, dont le rôle était de contrôler et gérer ces territoires. Durant la première phase, à partir de la fin de la XIe dynastie et surtout au début de la XIIe dynastie, des toponymes d’origine locale sont attribués à ces nouveaux établissements. Ils désignaient vraisemblablement à l’origine le lieu ou la région au sein de laquelle ils étaient bâtis. Les menenou de Kouban, Aniba, Bouhen et même Mirgissa sont édifiés pendant cette première phase47. Mais les menenou dont on sait par les textes et surtout par l’archéologie, qu’ils ont été construits durant le règne de Sésostris III, sont quant à eux désignés uniquement par des noms-programmes. Les forteresses de la 2e cataracte datent majoritairement du règne de ce roi, qui organisa l’administration et la 43. Voir Davies, ce volume, pour l’ensemble des références et une analyse de ces statues. 44. Goyon 1993. 45. Sinouhé R42 ; Néferty E66. 46. Stèle d’Antef : BMFA 13.3967 et 20.1222a-b (photographie : http://www.mfa.org/collections/object/stele-ofamenemhat-iii-141483). 47. Obsomer 1995, p. 253-269 et p. 336-345.

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défense de la région48. L’identification de deux des menenou portant un nom-programme, Jnk-tȝ.wy et Ḫsf-Mḏȝyw, avec les sites de Faras et Serra reste incertaine, et les données archéologiques disponibles sur ces deux sites sont peu abondantes49. Ici, le critère de la toponymie pourrait donc être employé pour dater leur édification. Si l’on se fie au schéma de composition de leur nom, ces deux menenou ont dû être construits sous le règne de Sésostris III. Pourquoi passe-t-on de l’endonyme au néotoponyme-nom-programme pour désigner les menenou de Nubie sous Sésostris III ? Ce souverain mena une politique particulièrement énergique en Nubie, avec pas moins de quatre campagnes militaires attestées durant son règne, destinées à stabiliser la frontière égyptienne à l’extrémité méridionale de la 2e cataracte du Nil50. Le renforcement de l’emprise égyptienne sur la Basse-Nubie passa en particulier par le réaménagement des forteresses fondées par ses prédécesseurs, et par la fondation de nouveaux établissements, essentiellement sur la 2e cataracte. Sésostris III voulut très certainement marquer plus clairement la domination égyptienne sur cette région stratégique, pourvoyeuse de matériaux précieux comme l’or, et qui faisait face à un royaume de Kerma alors en pleine expansion51. Ces mesures concrètes sont combinées à la mise en place d’un dispositif symbolique et idéologique perfectionné, qu’exprime parfaitement le texte gravé sur les stèles de Semna et d’Ouronarti, les statues du roi à la frontière ou encore les hymnes royaux de Lahoun52. Cette politique à tout point de vue très volontariste laissa d’ailleurs des marques profondes dans la mémoire monarchique égyptienne, comme nous le verrons ensuite. Les menenou, s’ils constituaient d’un point de vue pratique le squelette de cette domination et de l’administration des territoires conquis, étaient également conçus comme des symboles du pouvoir égyptien53. La puissance des fortifications – les plus imposantes et perfectionnées jamais construites par les Égyptiens durant l’époque pharaonique – l’exprime très clairement, ainsi donc que le nom qui leur fut donné, 48. Tallet 2015, p. 53-71 49. Obsomer 1995, p. 261-265. 50. Tallet 2015, p. 40-47. 51. Voir la toute dernière synthèse sur la ville de Kerma et ses fortifications, qui permet d’évaluer la puissance du royaume : Bonnet & Valbelle 2014, en particulier p. 224-229. 52. Stèles-frontières : voir en dernier lieu traduction et références dans Mathieu 2015, p. 86-87 ; pour la statue du roi, voir supra, note 43 ; pour les hymnes, voir supra, note 38. 53. Ce type de structure fortifié est d’ailleurs appelé exclusivement par l’expression « menenou royal » (mnnw n(y)sw.t) à l’Ancien Empire, ce qui montre qu’ils sont porteurs d’une symbolique forte (cf. Somaglino 2013).

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en jouant sur la performativité du verbe, phénomène bien attesté en Égypte ancienne54. On notera cependant que Sésostris III ne renomma pas les premières forteresses égyptiennes, même lorsqu’il y fit réaliser des travaux d’agrandissement ou de rénovation. Sans doute parce que leur nom était déjà bien établi dans l’usage égyptien ; un toponyme comme celui de Bouhen était employé depuis l’Ancien Empire, époque à laquelle les Égyptiens y avaient implanté un comptoir55.

Les menenou du nouveL eMpire Durant le Nouvel Empire, des établissements fortifiés, fondés à l’extérieur de la vallée du Nil, furent parfois, mais moins systématiquement, pourvus d’un nom-programme agressif. En Nubie, de nouveaux menenou furent fondés au sud de la 2e cataracte, au moins dès le règne de Thoutmosis Ier. L’aspect de ce type d’établissement a cependant changé depuis le Moyen Empire ; il s’agit désormais davantage de villes fortifiées que de forteresses et les temples y occupent une place plus importante56. Le royaume de Kerma ayant été définitivement éliminé durant la première moitié de la XVIIIe dynastie, les impératifs défensifs étaient moins pressants57. Du sud au nord, on connaît donc grâce à différentes sources les toponymes suivants, qui désignent les principaux établissements égyptiens58 : – Smȝ-ḫȝs.tyw, « Celui-qui-tue-les-étrangers ». Ce nom fut donné par Thoutmosis III au menenou de Gebel Barkal, comme l’indique la stèle du roi retrouvée sur ce site59. Le verbe smȝ est réguliè54. On notera d’ailleurs à ce propos que certains toponymes s’apparentent presque à des souhaits. Ainsi du nom d’une galerie de mine du Sinaï ouverte sous le règne d’Amenemhat III : wn ḥwt.t r tp-nfr Swȝḏ.t mšʿ=s rdj.t ntt jm=s rn=s, « ouvrir avec succès la galerie dont le nom est “celle qui rend prospère sa troupe en donnant ce qui est en elle” » (IR Sinaï 53 à Sérabit el-Khadim = CCIS 161). Pour le Nouvel Empire, on pourra citer le toponyme Wȝb.w=n-mn-m-wḥȝ.t, « Nos-racines-sont-stables-dans-l’oasis », qui désignait un lieu de l’oasis de Dakhla (Tallet & Marchand 1999, p. 308 et 310). 55. Obsomer 1995, p. 253. 56. Voir la morphologie des villes d’Amara-ouest, Kawa, Sesebi, Saï (Kemp 1972) ou encore Doukki Gel (Bonnet 2012). 57. Chronologie confirmée par les fouilles récentes du site de Doukki Gel (ibidem), dont les vestiges contribuent à montrer, en plus des textes égyptiens royaux, les derniers soubresauts de la résistance nubienne. 58. Cette liste ne mentionne pas les toponymes déjà en usage au Moyen Empire et qui continuent à désigner des sites égyptiens de Basse-Nubie : Bhn, Bȝky, Mʿȝm/Mjȝm, Jtnw-pḏ. wt, etc. On notera également que pȝ-nbs n’apparaît pas dans la liste compilée ici, le toponyme ne semblant en effet désigner Doukki Gel qu’à partir des règnes de Senkamanisken et Aspelta, et ne constituer encore au Nouvel Empire que l’épithète de la forme d’Amon adorée sur le site (Valbelle 2003, p. 206 ; Eadem 2014b, p. 120-121). 59. Urk. IV, 1228, 12.

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rement employé dans la terminologie royale, tuer les ennemis étant l’une des tâches fondamentales du roi. (cf. l’épithète smȝ-pḏtyw dans l’Hymne à Sésostris III cité plus haut) 60. – Try61 : il s’agit clairement ici d’un toponyme nubien. D’après la stèle de Mérymès dans laquelle il est cité, il était situé quelques 540 km au sud de Koubban, en navigant sur le fleuve, ce qui situerait ce menenou à proximité de la 3e cataracte du Nil62. – Sg[rḥ-tȝ.wy ?], « Celui-qui-pacifie-[les-DeuxTerres ?] »63. Ce menenou était localisé entre les 3e et 4e cataractes, sans qu’il soit possible d’être plus précis, le site auquel il correspond n’ayant pas été identifié64. La présence du verbe sgrḥ au début du toponyme est bien établie65, mais le complément d’objet est en lacune. La restitution la plus souvent proposée est tȝ.wy, « les Deux-Terres », car cette proposition est employée dans les titulatures d’Amenhotep III et Toutânkhamon66. Elle constitue également une épithète de Séthi Ier, sous le règne duquel ce toponyme est attesté67. On notera enfin que l’Hymne à Sésostris III déjà cité plus haut indiquait que le roi « avait pacifié les Deux-Rives » (sgrḥ~n=f jdb.wy)68. D’autres restitutions du nom de ce menenou ont cependant été proposées, qui préfèrent des toponymes ou ethnonymes nubiens ou des termes désignant les rebelles ou les ennemis69. L’adaptation d’une épithète royale au contexte locale reste la plus plausible ; c’est un phénomène déjà observé pour les nomsprogrammes du Moyen Empire. – Gm-(pȝ)-Jtn, « Aton-a-été-trouvé » : nom donné par Amenhotep IV à la ville fortifiée de Kawa70. Il est possible qu’il ait changé le nom de la ville, fondée avant son règne, au plus tard sous celui de son père Amenhotep III. Le nom de Gm-pȝ-Jtn avait déjà été

60. Wb IV, 122,7-123,11 ; Blumenthal 1970, p. 228 ; Grimal 1986, p. 659-660. 61. Zibelius 1972, p. 175. 62. Urk. IV, 1659, 16 ; Morris 2005, p. 330-333. 63. Texte relatant une campagne nubienne sous Séthi Ier contre Irem, inscrit sur deux stèles déposées à Saï et Amara-ouest : KRI VII, 10, 5-6. 64. Pourrait-il s’agir de Sesebi, ville égyptienne dont on ignore le nom antique ? cf. Morris 2005, p. 664-665. Ou encore de Kawa (Kitchen 1983, p. 82, indique que ce pourrait être la limite nord pour localiser ce menenou), qui est nommé Gem-Aton (Gm-(pȝ)-Jtn) sans doute seulement sous le règne d’Amenhotep IV, et donc on ignore le nom antérieur ? 65. Kitchen 1993, p. 85. 66. Beckerath 1999, p. 140-141 (N1°) et p. 144-145 (N3°). 67. Grimal 1986, p. 317. 68. P. Kahoun LV.1, III, 4, en contrepoint de mk~n=f tȝ.wy, « il a protégé les Deux-Terres ». 69. Morris 2005, p. 663-664. 70. Inscriptions provenant du site et mentionnant le nom de Gm-(pȝ)-Jtn : Laming Macadam 1949. Synthèse récente et références sur le site : Gabolde 2015, p. 272-283.

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donné au nouveau temple d’Aton à Karnak, puis à l’un des temples d’Aton à Amarna71. – Nb-mȝʿ.t-Rʿ-ḫʿ-m-Mȝʿ.t, « Nebmaâtrê-est-celuiqui-est-apparu-en-tant-que-Maât » : il s’agit du nom du menenou de Soleb72. Il désigne le temple, mais sans doute aussi plus largement la ville, qui n’a cependant pu être fouillée jusqu’à présent. Le toponyme est composé autour du nom de couronnement d’Amenhotep III et d’une épithète qui entre dans la composition de son nom d’Horus (kȝ-nḫt-ḫʿ-m-Mȝʿ.t). Il est très souvent abrégé en Ḫʿ-m-Mȝʿ.t73. – Pr-Rʿ-ms-sw-mry-Jmn, « Le-domaine-deRamsès-aimé-d’Amon »74. Ce toponyme désigne le menenou d’Amara-ouest, la capitale de la région administrative de Kouch durant l’époque ramesside. Il est très semblable au nom de Pi-Ramsès, à l’est du Delta (pr-Rʿ-ms-sw-ʿȝ-nḫtw, « Le-domaine-de-Ramsès-grand-de-victoires »). Sous Ramsès III, le nom de la ville semble changé en Pr-Rʿ-ms-sw-ḥqȝ-Jwnw-ʿ.w.s-ʿȝ-nḫtw, « Le-domainede-Ramsès-prince-d’Héliopolis-v.s.f.-grand-devictoire », en tout point encore une fois identique à la désignation de Pi-Ramsès sous le même règne : il est cité dans le P. Harris I parmi les villes dans lesquelles le roi a fait réaliser des travaux pour Amon ; le texte précise qu’elle était située en Nubie et elle pourrait correspondre, si l’on suit la proposition de P. Grandet, à Amarra75. – Šȝʿ.t : il s’agit d’un toponyme vraisemblablement nubien, qui apparaît pour la première fois dans les 71. GDG V, p. 215 ; LÄ I, 545. 72. GDG IV, p. 166 ; Urk. IV, 2068. 73. On signalera également le toponyme Ḥw.t-Tjy, qui désigne le temple de Sédeïnga, fondé pour la reine Tiy à quelques kilomètres de celui de son époux. Le toponyme est mentionné sur le pilier dorsal d’une statue de la reine : Orientalia 64, 1995, p. 326, fig. 57 et Orientalia 65, 1996, p. 338-339, fig. 42. 74. Attesté à quatre reprises : deux fois sur la stèle Brooklyn 39423, retrouvée dans l’avant-cour du temple d’Amara (KRI II, 322, 9 et 13) ; dans un texte du temple d’Amara (KRI II, 218, 6) ; sur un montant de porte également retrouvé à Amara (Spencer 1997, pl. 157). Cette dernière attestation est lacunaire, pour un résumé sur les différentes restitutions possibles, cf. Morris 2005, p. 672673. La meilleure solution me semble être celle proposée par Spencer 1997, p. 168-169, à savoir la restitution de Rʿms-sw-mry-Jmn après pr. Ce qui reste du signe après le groupe pr pourrait effectivement correspondre aux plumes de la coiffe d’Amon, plutôt qu’au signe mn, et correspondre ainsi au début du nom de Ramsès II (avec la graphie où Amon et Rê sont représentés face à face au début du nom. L’absence de cartouche pour écrire le nom de Ramsès dans la désignation d’Amara est attesté sur le bloc provenant du temple (KRI II, 218, 6, ce qui va donc à l’encontre des réserves de Morris 2005, p. 672-673, sur la restitution du cartouche), même si la graphie du nom du roi n’est alors pas la même que celle proposée pour le montant de porte. 75. P. Harris I, 8, 13. Grandet 1994 (vol. 2), p. 49-50 (note 193) et Idem 1983, p. 108-109.

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sources égyptiennes au Moyen Empire pour désigne l’île de Saï76. Lorsqu’une ville fortifiée, un menenou, y est construit dès le début du Nouvel Empire, cet endonyme lui est attribué. – Nb-ḫprw-Rʿ-sḥtp-nṯrw, « Nebkheperourê-est-celuiqui-apaise-les-dieux », ou « qui-a-apaisé-les-dieux », qui peut être abrégé en Sḥtp-nṯrw77 : il s’agit du nom du menenou de Faras, en Basse-Nubie, capitale de la région administrative de Ouaouat durant le règne de Toutânkhamon. Le nom de la ville fortifiée est constitué du nom de couronnement du souverain, suivi de l’une de ses épithètes78. La forme divinisée du roi était adorée dans le temple principal de la ville79. On constate au Nouvel Empire en Nubie le même mélange entre endonymes et noms-programmes. Mais ces derniers, contrairement à ce qui avait été observé pour le Moyen Empire, ne présentent qu’exceptionnellement un sens belliqueux. En cela, ils expriment bien le changement de nature de la domination égyptienne dans cette région, où il n’y avait plus réellement d’opposition organisée après le règne de Thoutmosis III. Les établissements construits par les Égyptiens sont par conséquent beaucoup plus légèrement fortifiés qu’au Moyen Empire et les temples prennent une place importante dans leur schéma urbain. Les souverains du Nouvel Empire se lancent d’ailleurs dans un large programme de construction de temples en Nubie – dans ou hors de ces villes fortifiées –, où le culte aux formes divinisées du roi avait une importance spécifique80. Un seul de ces toponymes présente donc clairement un sens agressif, à la manière des nomsprogrammes du Moyen Empire. Il s’agit de « Celuiqui-tue-les-étrangers », donné par Thoutmosis III au menenou de Gebel Berkal. Ce même Thoutmosis III a nommé de semblable manière un menenou implanté sur la côte du Liban, à l’issue de sa première campagne victorieuse en Syrie-Palestine, comme le rapportent les Annales du roi : Mn-ḫpr-Rʿ-wʿf-šmȝw, « Menkheperrê-est-celui-qui-assujettit/a assujettiles-nomades »81 : 76. Zibelius 1972, p. 154 f. G. Posener considérait qu’il s’agissait d’un toponyme égyptien. Cette proposition a été réfutée par Cl. Rilly (Rilly 2006-2007), mais continue à être parfois retenue (Devauchelle 2009, p. 33-37). 77. Urk. IV, 2068 ; Karkowsky 1981, p. 28. 78. Sur le sens de sḥtp dans les épithètes royales, cf. Grimal 1986, p. 515 (353). 79. Pour une synthèse récente sur Faras à l’époque de Toutânkhamon, voir Gabolde 2015, p. 260-270. 80. Ullmann 2009. 81. Šmȝw a le sens général d’« étranger », mais aussi le sens plus précis de « vagabond, nomade ». On note donc ici la nuance péjorative. Ce menenou construit au Liban est également évoqué sur la stèle du Gebel Barkal, mais le passage est abîmé et le toponyme lui-même n’est pas préservé

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ḥr ḫȝs.t Rṯnw m mnnw qd~n ḥm=j m nḫt.w=f ḥr jb n wr.w n(y).w Rmnn nty rn=f r Mn-ḫpr-Rʿ-wʿf-šmȝw « […] dans le pays de Retenou, dans le menenou que Ma Majesté a construit grâce à ses victoires sur les chefs de Remenen, dont le nom est Menkheperrê-est-celuiqui-soumet-les-nomades »82.

Ce passage affirme clairement que la fondation du menenou est un acte de politique royale, conséquence des actions victorieuses ou exploits (nḫt.w) du souverain83 – une telle affirmation se trouvait déjà dans la stèle d’Assouan-Philae de Thoutmosis II à propos des menenou fondé par son père84. Il s’agit d’établir une structure qui non seulement commémore ses victoires, mais aussi les perpétue en soumettant les populations vaincues, en faisant de ses dirigeants des vassaux de l’Égypte. Le nom de l’établissement participe donc de cette politique, comme l’indique la place qui lui est donnée dans le texte. Ce nom, « Menkheperrê-est-celui-qui-soumet-les-nomades », est l’illustration de la politique de la royauté égyptienne ; il définit, comme l’avait déjà en partie révélée l’expression qd m nḫt.w=f, « construit grâce à ses victoires », une structure de domination du territoire, d’affirmation de la présence égyptienne et de son autorité, dont le roi est le symbole le plus puissant. Le nom de ce menenou fondé au Liban ainsi que celui du menenou de Gebel Barkal en appellent aussi à la mémoire monarchique, tant ils sont semblables aux noms des menenou établis par Sésostris III en Nubie. Mn-ḫpr-Rʿ-wʿf-šmȝw, « Menkheperrêest-celui-qui-assujettit-les-nomades », évoque fortement le nom du menenou de Shalfak sous Sésostris III : Wʿf-ḫȝs.wt , « Celui-qui-assujettit-lespays-étrangers ». Il est vraisemblable que Thoutmosis III voulait, en baptisant ainsi ces deux villes fortifiées de Nubie et du Liban, se référer aux pratiques du règne de Sésostris III et donc se placer dans la continuité de ce glorieux ancêtre. C’est d’ailleurs Thoutmosis III qui a institutionnalisé le culte de la forme divine de Sésostris III en Nubie, dans les forteresses fondées par celui-ci85. En promouvant son culte et en adoptant le même type de toponymes pour les établissements fortifiés qu’il fit construire, Thoutmosis III faisait donc explicitement référence à son illustre prédécesseur, grand conquérant ainsi érigé en modèle.

(Urk. IV, 1233,6). Le site archéologique correspondant n’est pas connu ou identifié. 82. Urk. IV, 739, 15-17 et 740,1. 83. Sur nḫt et nḫt.w dans l’idéologie royale : cf. Galán 1995. 84. Urk. IV, 138, 15-139, 1. Passage cité supra. 85. El-Enany 2004 et 2014 ; Tallet 2015, p. 73-75. Ce culte existait déjà dès la fin du Moyen Empire (ibidem, p. 74).

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Thoutmosis III est d’ailleurs coutumier du fait puisqu’une désignation similaire à celle de ces deux menenou est attestée dans les Annales du roi pour qualifier une enceinte (sbty) destinée à isoler la ville assiégée de Megiddo de l’extérieur : jr(=w) rn=f m Mn-ḫpr-Rʿ-ʿḥ(=w)-Sṯtyw, « Son nom (= le mur) fut fait «Menkheperrê-est-celui-qui-capture-lesAsiatiques» »86. Il permet de souligner une fois de plus la valeur performative que pouvait avoir ce type de désignation, qui exprimait la nature de l’action royale mais participait aussi à sa réalisation ou à sa mémorisation et donc à sa perpétuation, par les vertus magiques du verbe. Ces noms-programmes attribués par Thoutmosis III ne semblent pas s’être fixés dans la toponymie égyptienne se référant à la Nubie et au Liban. En effet, ils ne sont plus attestés après son règne – certes, les toponymes désignant les établissements égyptiens en Nubie sont dans leur ensemble assez mal attestés dans la documentation contemporaine. On note que dans le texte des stèles d’Amada et Éléphantine, qui rapporte les campagnes victorieuses d’Amenhotep II, le roi indique qu’il a fait pendre le corps de l’un des princes asiatiques vaincus au « mur d’enceinte de Napata » (pȝ sbty n(y) Npt)87. Il pourrait tout à fait s’agir d’une autre désignation du menenou mentionné par Thoutmosis III dans sa stèle du Gebel Barkal. Mais ici, seul est employé le toponyme local, Napata, qui désigne l’ensemble de la région entre Kurru et Gebel Barkal88. Gebel Barkal – dont l’éminence rocheuse était appelée « la Montagne-pure » (ḏw-wʿb) par les Égyptiens –, ou la région située entre Gebel Barkal et Kurgus, était également nommé Ns.wt-tȝ.wy, « Trônes-des-Deux-Terres »89, un toponyme qui d’après la stèle de l’an 47 de Thoutmosis III érigée là, désignait le lieu avant même l’arrivée des Égyptiens : « écoutez, gens du sud qui êtes dans la Montagne-pure, qui était appelée Trônesdes-Deux-Terres parmi les gens, avant qu’elle ne soit connue » (sḏm.w rmṯ ḫnt-tȝ nty m Pȝ-ḏw-wʿb ḏdw r=f Ns. 86. Urk. IV, 661,6. On notera que dans l’inscription dédicatoire du temple de Ptah, le même épisode est rendu de la manière suivante : ʿḥ=j st m dmj wʿ qd~n=j ḥr=s m sbty n(y) wmtt, « Je la pris au piège dans une seule ville car c’est un épais mur d’enceinte que j’avais construit autour d’elle » (Urk. IV, 767, 10-12). Le vocabulaire employé est similaire, mais la présentation ne se fait pas cette fois-ci sous la forme d’un toponyme. Le verbe ʿḥ (Wb I, 213, 17-19), signifie littéralement, « piéger, capturer au filet ». On notera son emploi dans le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari pour exprimer là aussi la domination sur les pays étrangers, dans un discours adressé par les dieux à la reine : ʿḥ=ṯ ḫȝs.wt ʿšȝ.wt, « puisses-tu capturer de nombreux pays étrangers » (Urk. IV, 248, 2). 87. Urk. IV, 1297, 14-16. 88. Zibelius 1972, p. 137-138. 89. GDG III , p. 101-102.

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wt-tȝ.wy m rmṯ n rḫ=tw=f)90. L’assertion est pour le moins étrange… le toponyme nubien présentait-il quelque ressemblance phonétique avec l’expression égyptienne, qui constituait une épithète du dieu Amon-Rê ? Toujours est-il qu’il s’agissait là pour le roi d’affirmer la nature égyptienne du lieu avant même la conquête – assimilée pour les Egyptiens à la « découverte » du lieu –, ce qui constituait une preuve supplémentaire de la légitimité de celle-ci. On relève encore l’existence de trois autres noms-programmes agressifs dans les sources égyptiennes du Nouvel Empire. Tous trois désignent des établissements situés sur la frontière occidentale du pays : – Mry~n-Ptḥ-ḥtp-ḥr-Mȝʿ.t-[jnḥ ?-Ṯḥ]nw, « Mérenptahhotep-her-Maât-[est-celui-qui-entoure ?-les-Tjeh] enou » : ce lieu était situé à l’ouest du Delta, sans qu’il soit possible d’être plus précis. Il est cité dans la grande inscription de Mérenptah à Karnak, qui a trait à la campagne du roi contre une coalition libyenne parvenue dans la zone occidentale du Delta égyptien91. – dmj Wsr-Mȝʿ.t-Rʿ-mry-Jmn-ḫsf-Ṯmḥw, « la ville Ousermaâtrê-aimé-d’Amon-est-celui-qui-repousseles-Tjemehou » : il s’agit du nom de l’une des villes fortifiées figurées dans les représentations de la première campagne menée par Ramsès III contre les Libyens sur les murs du temple de Medinet Habou et où le roi passe en revue les captifs92 (fig. 2). – Wsr-Mȝʿ.t-Rʿ-mry-Jmn-ʿ.w.s-ḥȝq-bšṯw, « Ousermaâtrê-aimé-d’Amon-v.s.f.-est-celui-qui-a-capturéles-rebelles ». Le verbe ḥȝq, « capturer, razzier »93, est régulièrement employé au Nouvel Empire dans les récits de combat pour décrire l’action du roi. Selon N. Grimal, le terme « décrit à la fois l’acte de guerre lui-même et la domination qu’il traduit »94. Cet établissement est mentionné dans l’énumération des biens offerts à la triade thébaine dans le 90. Urk. IV, 1238, 5-7. 91. KRI IV, 8, 4 : « […] entre le per-ma de Mérenptah-hotepher-Maât [est-celui-qui entoure les Tje]henou qui est dans Per-irer jusqu’aux villes (dmj.w) qui sont sur le désert, depuis Mérenptah-hotep-her-Maât […] » (voir aussi Manassa 2003, p. 58). La localisation de Per-irer fait débat : peut être près de Létopolis pour Grandet 1994, vol. 2, p. 250-251, mais plutôt sur la frange occidentale du Delta dans la région d’Imaou pour De Meulenaere 1964, p. 170-171 et Guermeur 2005, p. 83 ; voir encore Manassa 2003, p. 25-27. 92. KRI V, 14, 13 ; The Epigraphic Survey 1930, pl. 22. 93. Wb 32,14-33,5. 94. Grimal 1986, p. 679-680 ; l’utilisation conjointe de ḥȝq et bšṯw est attestée par ailleurs dans un texte du temple de Ramsès II à Abydos. Dans un discours adressé à ses successeurs, Ramsès indique tous les bienfaits qui retomberont sur ceux d’entre eux qui protégeront le nome thinite. Dans la liste : « vous capturerez les rebelles contre Taméry » (ḥȝq=ṯn bšṯw r Tȝ-mry) (KRI II, 532, 7) ; sur le terme bšṯw, cf. Omar 2008, p. 49-52.

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Figure 2 – La « ville Ousermaâtrê-aiméd’Amon-est-celui-qui-repousse-les-Tjemehou » représentée dans le temple de Medinet Habou. [D’après The Epigraphic Survey 1930, pl. 22]

P. Harris I95. Un troupeau donné aux dieux paît à cet endroit qui, précise la liste, se trouve « sur le Grandfleuve » (m jtrw-ʿȝ), une région réputée pour ses zones de pâturage96. Dans le contexte du règne de Ramsès III, comme l’indique P. Grandet, les « rebelles » mentionnés dans le toponyme doivent être les tribus libyennes et leurs alliés, vaincus par le roi97. On notera d’ailleurs le nom du troupeau enregistré immédiatement après dans la liste : « le troupeau d’Ousermaâtrê-aimé-d’Amon-v.s.f. qui défait les Mechouech » (mnmn.t Wsr-Mȝʿ.t-Rʿ-mryJmn-ʿ.w.s fḫ Mššw)98. La nature exacte de ces trois établissements situés à l’ouest de l’Égypte reste inconnue ; le deuxième est qualifié de dmj, mais le terme n’est pas spécifique et peut se référer à n’importe quel type d’établissement humain – ville, menenou, etc. –, puisqu’il constituait en quelque sorte l’hypéronyme du champ lexical des 95. P. Harris I, 10, 7. 96. Grandet 1999, p. 53. Dans la même liste sur le P. Harris I, la plupart des troupeaux mentionnés sont d’ailleurs localisé sur ce « grand fleuve ». L’ouest du Delta est une zone privilégiée de pâturage pour les bovidés depuis les débuts de l’histoire égyptienne. 97. Ibidem, p. 52. On retrouve d’ailleurs l’emploi de ce verbe ḥȝq dans ce même contexte des guerres libyennes, à Medinet Habou : ainsi le roi « a capturé celui qui viole sa frontière » ([ḥȝ]q~n=f thȝ(.w) tȝš=f) (KRI V, 20, 10 ; Grimal 1986, p. 679 (675)) ou encore « a repoussé les Neuf Arcs et capturé les Meshouesh » (dr pḏ.wt 9 ḥȝq Mʿšȝwȝš ) (KRI V, 57, 13 ; Grimal 1986, p. 680 (679)). 98. P. Harris I, 10, 8.

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établissements humains99. Le fait qu’ils soient localisés au sein des régions frontalières occidentales et qu’ils portent un nom-programme de sens agressif pourrait indiquer – au vu de l’analyse précédemment faite de ce type de toponymes – qu’il s’agissait de menenou. Les textes du règne de Mérenptah indiquent en effet que des menenou étaient établis sur la frontière occidentale de l’Égypte au début de l’époque ramesside100. Enfin, la représentation qui est faite de ce dmj est bien celle d’une ville qui est, au minimum, fortifiée, puisque deux murs d’enceinte munis de bastions et de créneaux la caractérisent (cf. fig. 2). Si l’on analyse les noms des autres établissements égyptiens, fortifiés ou non, situés dans les zones frontalières ou dans les territoires conquis par les Égyptiens, on constate qu’ils présentent un schéma de composition différent. Ils incluent généralement le nom du roi, mais ne sont pas des nomsprogrammes. L’un des exemples les mieux documentés est celui des établissements fortifiés jalonnant la route du Nord-Sinaï. Le relief du mur extérieur nord de la salle hypostyle du temple d’Amon de Karnak, réalisé sous Séthi Ier, ainsi que le

99. Valbelle 1985. 100. Voir en particulier l’inscription de la guerre libyenne à Karnak, col. 41, qui mentionne les « menenou de l’ouest » (mnnw.w jmntt) (KRI IV, 7, 3) ; l’un d’eux devait être la forteresse de Zawiyet Umm el-Rakham à environ 300 km à l’ouest d’Alexandrie, édifiée et utilisée sous le règne de Ramsès II. Le terme menenou est en effet mentionné sur un relief de sa porte d’entrée (Morris 2005, p. 624).

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P. Anastasi I, livrent les noms de ces stations101, qui suivent la plupart du temps la construction suivante : désignation du type d’établissement suivi du nom du roi (nom de naissance ou de couronnement) et plus ponctuellement du nom de la région d’implantation. Le nom du roi est d’ailleurs susceptible d’être changé en fonction du roi régnant. En voici quelques exemples, qui intègrent le nom de Séthi Ier : pȝ m-k-t-r n(y) (Mn-Mȝʿ.t-Rʿ), « le migdol de Menmaâtrê » ; pȝ nḫtw n(y) (Stẖy-Mr-n-Ptḥ), « le nekhtou de Séthy-aiméde-Ptah », qui devient sous le règne de Ramsès II nḫtw (Wsr-Mȝʿ.t-Rʿ)-ʿ.w.s., « le nekhtou d’Ousermaâtrêv.s.f. »102. La puissance du nom royal et son potentiel de vecteur de crainte, voire de terreur, sont bien attestés dans l’idéologie royale égyptienne depuis l’Ancien Empire103. Plusieurs textes indiquent aussi clairement que l’insertion du nom royal dans certains toponymes a pour but la soumission de groupes de population. C’est une allusion fréquemment faite pour les établissements de type nekhtou, qui sont des colonies militaires peuplées de prisonniers de guerre, implantées sur les frontières du pays ou en Égypte même : « je les ai établis dans des forteresses, soumis à mon nom » (snṯy=j st m nḫtw.w wʿf=y ḥr rn=j) ou encore « j’ai établi leurs meilleurs soldats dans des forteresses portant mon nom » (grg=j nȝy(-n) ḥȝty.w m nḫtw.w ḥr rn=j), indique Ramsès III à propos des prisonniers faits lors de la campagne contre les Peuples de la mer et contre les Libyens104. Or ces établissements fortifiés portent justement le nom du roi. 101. Pour une analyse des variantes des noms de ces stations entre les deux versions du relief de Karnak et le P. Anastasi I, cf. Somaglino 2010a, p. 435-444. 102. KRI I, 8,1 et 3 et P. Anastasi I, 27, 5. 103. Bonhême & Forgeau 1988, p. 317 ; Grimal 1986, p. 638-639. 104. P. Harris I, 76, 8 et 77,5 ; traduction Grandet 1994, vol. 1, p. 337. Un passage de la louange des courtisans au roi

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ConCLusion La néotoponymie a donc joué un rôle notable dans le processus de (re)sémantisation des territoires conquis au-delà des frontières traditionnelles de l’État égyptien. Les toponymes sont des signes très forts d’appropriation et de domination : nommer les lieux constitue un acte politique fondateur, qui changeait, dans l’esprit des Égyptiens, la nature de ces espaces. Les noms-programmes examinés ici constituaient un récit qui transformait l’espace et l’érigeait en territoire égyptien. Le nom et les épithètes du roi y avaient une place primordiale. Ces noms-programmes dessinaient une véritable géographie royale et montraient que le souverain assumait l’une de ses principales fonctions : préserver les frontières de l’Égypte, mais aussi les élargir pour repousser le chaos. Grâce à la performativité du nom, ces toponymes de sens agressif prenaient place dans le système symbolique et magique de défense de l’Égypte et de domination des territoires conquis.

dans la grande inscription dédicatoire de Ramsès II dans son temple d’Abydos, pourrait relever de la même thématique : « Ton nom (sera) dans tous les pays, depuis le sud – Khent-hen-nefer – le nord – les rivages de la mer – jusqu’à la limite des pays étrangers de Retenou, dans les villages et les nekhtou du roi, les villes fondées et équipées de gens » (rn=k m tȝ nb šȝʿ m rsy Ḫnt-ḥn-nfr mḥty m pds.wt nt š r-mn r(ȝ)-ʿ ḫȝs.wt Rtnw m wḥ.wt nḫtw.w n(y) n(y)-sw.t dmj.w grg[=w] ʿpr=w m rmṯ) (KRI II, 330, 13-15). Enfin, il semble même que le nom du roi puisse être marqué au fer rouge sur l’épaule de prisonniers de guerre, si l’on analyse une scène du temple de Medinet Habou (The Epigraphic Survey 1930, pl. 42), ou la section historique du P. Harris I (77, 5-6).

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Des serpents et Des lions : la flotte stupéfiante De Chéops en mer rouge Pierre TalleT Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

Le site du ouadi el-Jarf1 a sans doute été la première expérimentation égyptienne d’un port intermittent sur la mer Rouge, au tout début de la IVe dynastie – modèle qui fut repris, à plus petite échelle, sur les sites postérieurs d’Ayn Soukhna2 et de Mersa Gaouasis3, entre le milieu de l’Ancien Empire et le Moyen Empire. L’un des traits distinctifs de l’ensemble de ces aménagements côtiers, dont deux n’ont été découverts que très récemment, est la présence systématique d’un système de galeriesmagasins, conçu entre autres pour abriter les embarcations, soigneusement démontées pour être laissées en attente sur place entre deux opérations maritimes. Les sites de Mersa Gaouasis et d’Ayn Soukhna ont livré, dans des niveaux correspondant à leur occupation au Moyen Empire, des vestiges conséquents de la flotte ayant fréquenté à cette période l’un et l’autre de ces sites. Dans deux galeries du deuxième de ces points portuaires, ce sont les restes 1. Le site est étudié par une mission jointe de l’université de Paris-Sorbonne, de l’université d’Assiout et de l’Ifao. Outre les financements accordés par l’Ifao, le CNRS (UMR 8167 « Orient et Méditerranée ») et le ministère des Affaires étrangères, la mission a bénéficié à l’origine d’une importante dotation de la fondation Aall, et d’une aide financière et logistique régulière des sociétés Vinci et Colas Rail que nous souhaitons particulièrement remercier ici. Sur les derniers développements de la fouille du site, voir en particulier Tallet & Marouard 2014, p. 4-14 ; Tallet, Marouard & Laisney 2012, p. 399-446 ; Tallet 2013, p. 76-84. 2. Le site d’Ayn Soukhna, découvert à la fin des années 1990, est l’objet d’une campagne archéologique annuelle depuis 2001 dans le cadre d’un partenariat entre l’université de Paris-Sorbonne, l’université du Canal et l’Ifao, voir entre autres Abd el-Raziq et al. 2002 ; Abd el-Raziq et al. 2011 et Abd el-Raziq et al. 2016. 3. Le site de Mersa Gaouasis, découvert en 1976, fait l’objet de nouvelles fouilles depuis 2001 dans le cadre d’un partenariat entre l’université de Boston et l’université l’Orientale de Naples. Cf. Abd el-Moneim Sayed 1977, p. 140-178 ; Idem 1983, p. 23-37 ; Idem 1978, p. 69-71 ; Bard & Fattovich (dir.) 2007.

de deux embarcations complètes – mais malheureusement carbonisées à la suite d’un pillage de ces dépôts – qui ont été mis au jour4. Leur analyse a permis de démontrer qu’il s’agissait vraisemblablement de deux navires d’une quinzaine de mètres de long, dont le système d’assemblage renforcé semble avoir été spécifiquement conçu pour la navigation en mer5. Les pièces d’embarcations découvertes à Mersa Gaouasis – plus hétérogènes mais non consumées – semblent quant à elles avoir correspondu à des vaisseaux sensiblement plus grands, de l’ordre d’une vingtaine de mètres de longueur, et été spécifiquement destinées à une navigation lointaine vers le pays de Pount et les confins méridionaux de la mer Rouge6. Sur le site du ouadi el-Jarf, le bilan est pour l’instant bien plus modeste : si le système de rangement frappe par son caractère massif (fig. 1  et 2) – au moins un e trentaine de galeries-magasins y ont été aménagées et ont sans doute fonctionné de façon pratiquement contemporaine – très peu d’éléments des embarcations que l’on y entreposait ne nous sont pour l’instant parvenus. Il semble au contraire que les pièces qui pouvaient encore avoir de la valeur ont été systématiquement récupérées par l’administration égyptienne avant l’abandon définitif du site. On ne retrouve généralement, lors de la fouille de ces galeries, que des éclats de bois provenant du démontage des bateaux, des cordes, des tenons, et des éléments d’une taille relativement modeste (éléments de rames, d’accastillage et d’assemblage) (fig. 3). Les pièces de bois les plus remarquables sont celles qui ont été abandonnées dans le comblement du système de fermeture des galeries, et qui étaient sans doute déjà considérées 4. Pomey 2012, p. 35-52. 5. Ibidem, p. 45-47. 6. Ward & Zazzaro 2007, p. 135-163 ; Zazzaro & Calcagno 2012, p. 65-85. Du Sinaï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle – p. 243-253

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244 • Pierre tallet vers le Zon s camp es 2 e à 4 (0 ments ,5 km )

75

dépotoirs de céramique

X=463600

X=463400

X=463200

75

75 70

vers le bâtiment intermédiaire Zone 5 (2,8 km) vers les installations portuaires Zone 6 (4,8 km)

OUADI AL-JARF

75

Secteur des galeries

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rampe d’accès empierrée

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10

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9 8 17

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7

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fours de potier

Y=3196800

1 2

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installations légères

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four de potier

90

90

dépotoirs de céramiques 85 95

N

vers la so urce d’Ay n Marya monastè m re St-Pau l (9 km)

80 85

20

Y=3196800

front de taille 70 zone d’extraction des blocs des galeries

Y=3196600

Y=3196600

L'équidistance des courbes de niveau est de 1 m

© IFAO, MOM, PARIS IV 2011 - DL/GM/PT

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200

400 m

Figure 1 – Plan du système de galeries magasins du ouadi el-Jarf. [Plan © D. Laisney]

Figure 2 – Entrée des galeries G1 - G2. [Photographie © Mission archéologique du ouadi elJarf, Gr. Marouard]

comme inutilisables dans la phase finale du fonctionnement du port. Ainsi, une grande varangue de 2,55 m de portée a-t-elle été découverte dans la descenderie de la galerie G5 (fig. 4). Cette pièce de la coque ne suffit pas, cependant, à donner une image claire des embarcations ayant été utilisées sur le site. Selon les termes de Patrice Pomey, auquel l’étude de ces vestiges a été confiée, avec une envergure de 2,55 m pour cet élément, il est possible de restituer un bateau de 10 à 15 m, si l’on prend un coefficient d’allongement entre 4 et 6 et en admettant que la varangue est prise au maître-couple, c’est-à-dire au point de plus grande largeur de l’embarcation. Si, en revanche, on considère que cette varangue n’est qu’une pièce intermédiaire – ce qui donnerait une pièce au maître couple d’environ 4 m – on pourrait alors avoir affaire à un bateau de beaucoup plus grande taille, entre 16 et 25 m7. Cette dernière mesure semble mieux correspondre à la grande taille des galeries elles-mêmes aménagées pour recevoir ces 7. P. Pomey, communication personnelle.

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Des serPents et Des lions : la flotte stuPéfiante De chéoPs en mer rouge • 245

Figure 3 – Éléments de bois et cordes découverts dans les galeries du site. [Photographie © Mission archéologique du ouadi el-Jarf, Gr. Marouard]

Figure 4 – Varangue découverte dans le comblement du système de fermeture de la galerie G5. [Photographie © Mission archéologique du ouadi el-Jarf, Gr. Marouard]

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246 • Pierre tallet

bateaux démontés : celles-ci ont en effet un gabarit qui leur permettait d’abriter un matériel particulièrement volumineux. Elles font en moyenne une vingtaine de mètres, mais peuvent atteindre, pour les plus longues d’entre elles, la dimension de 32 m. Tout ceci reste malgré tout bien conjectural et il est malheureusement possible que la fouille se poursuive encore pendant plusieurs années sans livrer de restes beaucoup plus conséquents de la flotte qui opérait sur les lieux au début de l’Ancien Empire. Une source à notre disposition pourrait cependant lever un coin du voile jeté sur ces navires perdus : il s’agit des noms des équipes qui ont fréquenté le site, qui nous sont quant à eux transmis par de très nombreux supports. Ceux-ci apparaissent en effet sur les jarres-containers fabriquées sur le site, sur des marques de contrôle apposées sur les blocs de fermeture des galeries, sur des ancres de bateaux découvertes dans la zone littorale du site, voire sur des papyrus comptables qui enregistrent les denrées qui leur sont livrées. Or, certains de ces noms semblent associer étroitement les équipes qui les portent aux embarcations dont elles avaient la responsabilité, en nous donnant une image indirecte de celles-ci. Les cinq formulations qui sont attestées dans le secteur des galeries-magasins du site sont sans doute sur ce point, comme nous allons le voir, particulièrement éloquentes.

Les équipes du ouadi eL-Jarf Équipe 1 : 

rḫw bjkwy nbw (fig. 5)

Ce nom d’équipe – que l’on peut traduire par « Ceux qui sont connus du Double Horus d’or » – a été retrouvé exclusivement sur des jarres destinées, dès leur cuisson, à équiper ce groupe de travail. La plupart de ces inscriptions ont été mises au jour dans la galerie 15 du site, mais les secteurs des galeries G3-G7 et G8-G12 en ont livré de plus petites quantités. Cette expression obéit à une construction classique, où un terme exprimant la relation privilégiée qui existe entre les membres de l’équipe et le souverain est associé à l’un des noms de celui-ci. On connaît sous l’Ancien Empire des équipes d’ouvriers composées de membres désignés comme les rḫw, les smrw ou encore les mrw – soit respectivement, les « connus », les « amis » et les « aimés » – de tel ou tel roi8. Si des formulations de ce type sont bien attestées 8. Pour des exemples renouvelés de toutes ces formulations, désignant des équipes royales qui sont nommées sur des blocs de la chaussée montante de Sahourê au début de la Ve dynastie, cf. El-Awady 2009, p. 237. Nous sommes en

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Figure 5 – L’équipe rḫw bjkwy nbw (inscriptions sur jarres). [Dessin © P. Tallet]

au sein des marques de contrôle que l’on retrouve sur les chantiers royaux, on peut également noter qu’elles sont bien présentes dans le domaine de la marine, pour nommer plus spécifiquement des équipages. Sur des blocs récemment découverts de la chaussée de Sahourê, deuxième roi de la Ve dynastie, il est frappant de relever une formule presque identique à celle-ci, et d’ailleurs pratiquement indifférenciable dans l’écriture hiératique. L’un des équipages, qui est plus particulièrement associé sur le tableau à une embarcation du nom de Sʿnḫ-Rḫyt (Celui qui fait vivre le peuple-rekhyt), s’appelle en effet rḫw nṯrwy nbw « Ceux qui sont connus du Double Dieu d’or » – expression formée sur le nom d’Horus d’or de ce dernier roi, très proche de celui de son prédécesseur de la IVe dynastie9.

revanche moins convaincu par l’existence d’une équipe portant le nom des « ivrognes » (tḫw) de Menkaourê (traduction encore soutenue par Roth 1991, p. 128 et n. 35) et dont la formulation exprimerait l’adoration du roi par cette troupe, « ivre » de lui. Il nous semble que la formule est de façon bien plus classique, une désignation des « rḫw » (les connus) de Menkaourê, le r initial, certes bien modeste, pouvant effectivement être confondu avec un t. Les équipes de l’Ancien Empire dont le nom est construit sur ce vocable rḫw en combinaison avec un nom royal sont en effet de mieux en mieux attestées, rendant cette traduction de plus en plus probable : outre l’exemple d’une équipe d’Ounas connu de l’auteur (loc. cit), on peut maintenant ajouter le nom de notre « équipe 1 » – supra, et deux noms d’équipes de Sahourê (cf. el-Awady 2009, p. 145 et 197). 9. Ibidem, pl. 2.

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Des serPents et Des lions : la flotte stuPéfiante De chéoPs en mer rouge • 247

équipe 2 : / / : wr mȝj / wr mȝj=s (?) / ʿpr šmsw wr mȝj (fi g. 6) Ce nom d’équipe est lui aussi abondamment attesté sur des jarres containers (fig. 6, 3-6). La formulation abrégée – qui peut se traduire par « Grand est le lion » – est celle qui a été le plus souvent utilisée, mais il est possible que la variante wr mȝj=s « Grand est son lion », avec inclusion d’un pronom suffixe féminin, apparaisse ponctuellement dans l’écriture de cette formule (fig. 6, 4-5)10. Le même nom d’équipe est également transmis à onze reprises, dans l’état actuel du dégagement du site, par les marques de contrôles portées sur les blocs de fermeture des galeries (fig. 6, 1-2)11. Dans ce contexte, la formule est présentée différemment, la

Équipe 3 :  dwȝ Wȝdt (fi g. 7)

Figure 6 – L’équipe wr mȝj (inscriptions sur jarres et marques de contrôle). [Dessin © P. Tallet] 1.

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plupart des inscriptions ne mentionnant que « Le Lion » (mȝj) suivie de l’expression ʿpr šmsw (l’équipe des escorteurs) . Une unique inscription à l’entrée de la galerie G5 démontre cependant qu’il ne s’agit que de variantes d’une même formule, transmise exceptionnellement à cet endroit de façon complète : « L’équipe des escorteurs de ‘Grand est le lion’ » Le sens de la formule est clair, dans ses grandes lignes – le lion étant un animal dans lequel le roi se reconnaît facilement, le nom de ce groupe de travail serait ici formé sur la métaphore rapprochant le souverain du fauve. Mais l’inclusion occasionnelle du pronom =s au sein de cette formule est plus difficile à expliquer, car le mot ʿpr « équipe » comme le mot šms « escorteur », qui désignent tous deux l’équipe, sont masculins et ne peuvent lui servir de référent. Le phénomène, comme on va le voir, n’est pas isolé dans le corpus qui est à notre disposition. ʿpr šmsw H̱ nm-ḫw=f-wj

Ce nom d’équipe est le plus mal attesté jusqu’ici sur le site – deux occurences seulement en ont été découvertes lors de la campagne de fouille de 2014, devant les galeries G7-G17 et G9 où, dans les deux cas, cette formule apparaît en alternance avec la suivante (notre n° 4), dont elle est proche. Elle semble toutefois bien désigner une équipe spécifique, peut-être chargée de la manipulation des blocs à une phase antérieure à celle de leur pose dans le système de fermeture des magasins. La traduction semble cette fois-ci associer le nom du souverain au culte d’une divinité tutélaire de la monarchie, et pouvoir être traduite « L’équipe des escorteurs de ‘Chéops est celui qui vénère Ouadjet’ ».

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10. Il est moins probable que ce signe, grossièrement exécuté, soit en fait une tentative de noter le j final de mȝj, le lion. 11. Sur les blocs du système de fermeture des galeries G2, 3, 5, 10, 13 et 14 du site.

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Figure 7 – L’équipe H̱ nmw-ḫw=f-wj dwȝ Wȝḏt (marques de contrôle). [Dessin © P. Tallet]

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Équipe 4 :  jn Wȝḏtj=s (fig. 8)

ʿpr šmsw H̱nm-ḫw=f-wj

Le nom de cette équipe n’est, comme le précédent, livré que par des marques de contrôle qui sont portées sur les blocs de calcaire fermant les galeries du site, mais cette formule est la plus fréquemment observée dans ce contexte (fig. 8, 1). Dans l’état actuel de l’étude de ce complexe de magasins, treize attestations en sont maintenant connues12. La formule est cette fois-ci invariable, même si la paléographie n’est pas toujours identique, et si le regroupement des signes (en ligne ou en colonnes) peut fluctuer légèrement. Dans certains cas, on observe une notation abrégée de cette expression, qui s’accompagne de la mention d’une section de l’équipe qui a dû plus particulièrement prendre en charge le transport ou la pose de tel ou tel bloc. Par exemple, on trouve devant la galerie G17, l’expression : (fig. 8, 2). Les deux premiers signes suffisent à identifier l’équipe par une contraction de son nom (jn Wȝḏt - « Celui qui amène Ouadjet »), tandis que le dernier est la marque d’une subdivision de l’équipe : la phyle (sȝ) wȝḏt13. La traduction de ce nom n’est pas évidente, et nous avons fait plusieurs propositions successives pour la rendre14 – mais il nous semble maintenant certain que l’interprétation la plus satisfaisante est bien : « l’équipe des escorteurs de ‘Chéops apporte ses deux uræi’ ». La lecture Wȝḏtj (le double uræus) par ailleurs bien attestée, nous semble en effet plus appropriée que celle de Nbtj (les deux maîtresses) ou Nṯrtj (les deux divinités), le sens général restant proche 15. On note ici, comme dans le cas possible du nom de l’équipe n° 2, l’inclusion dans la formule d’un pronom-suffixe féminin – qui ne 12. Devant les galeries G1, 4, 6, 7-17, 8, 9 et 10 du site. 13. Roth 1991, p. 9-59, analyse les différents noms de tribus qui composent une équipe, dont quatre sont bien attestés dans l’abondant matériel épigraphique découvert sur le site du ouadi el-Jarf (marques de contrôle, marques sur jarres, papyrus comptables et journaux de bord). Cette nomenclature est elle-même héritée de la désignation des quatre quadrants d’une embarcation : wrt (ou jmywrt) étant associé à tribord, tȝ-wr à babord, wȝḏt à la proue et nḏst (ou jmy-nḏst) à la poupe – ce que démontre entre autres l’emploi de ces termes sur la barque de Chéops à Giza. Il est néanmoins possible que la dernière phyle, jmy-nfrt, dont on considère parfois qu’elle apparaît à une époque plus tardive, soit déjà présente au début de la IVe dynastie (cf. notre document fig. 9.3 infra). Dans le cas de l’inscription du ouadi el-Jarf dont il est ici question, la récurrence de la même séquence accompagnée cette fois du signe (tȝ-wr) devant la galerie G2 du site va bien dans le sens de notre interprétation. 14. Tallet 2014, p. 38. 15. Pour cette interprétation du signe voir Schweitzer 2005, p. 306.

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Figure 8 – L’équipe H̱ nmw-ḫw=f-wj jn Wȝḏtj=s (marques de contrôle). [Dessin © P. Tallet]

peut se rapporter ni au roi, ni à l’équipe – et qui cette fois-ci apparaît systématiquement dans toutes les occurrences que nous avons de ce nom. La solution qui nous paraît la plus logique est qu’il désigne en fait une embarcation – dpt, mot féminin sous entendu – à laquelle le nom même de l’équipe fait référence. C’est en fait le cinquième nom d’équipe attesté sur le site – dont nous n’avions pas trouvé jusqu’ici la signification précise – qui permet sans doute d’en avoir la preuve, et l’explication. Équipe 5 :  wrrt H̱ nm-ḫw-f-wj (fig. 9)

: ʿpr šmsw mȝ

Ce nom d’équipe est le mieux attesté dans le matériel retrouvé sur le site. Il apparaît plus d’une soixantaine de fois sur les jarres inscrites qui y ont été découvertes (fig. 9, 1-4), notamment dans la galerie G23, où l’immense majorité des dipinti qui nous sont parvenus le transmettent, mais aussi un peu partout dans le secteur des galeries. Des tessons portant cette même formule ont également été mis au jour lors de la fouille des camps installés sur le littoral. L’expression n’est cependant, la plupart du temps, notée que de façon très concise par quatre signes hiéroglyphiques – à lire mȝ wrr – ce qui rend son interprétation particulièrement délicate. Une inscription exécutée de façon beaucoup plus fine (fig. 9, 4), également découverte en 2012 dans la galerie G23, montrait cependant que nous avions là, comme dans les autres cas, la mention d’une équipe d’ouvriers car la séquence se terminait par les mots ʿpr šmsw comme dans le cas des formules 2, 3, et 4, que nous avons analysées plus haut. Seul l’un des papyrus découverts en 2013 à l’entrée des galeries G1 et G2 (fig. 9, 5) donne le nom

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Figure 9 – L’équipe mȝ wrrt H̱ nmw-ḫw=f-wj (inscriptions sur jarres et papyrus). [Dessin © P. Tallet ; Photographie © Mission archéologique du ouadi el-Jarf, G. Pollin]

complet de cette équipe, et nous permet d’en comprendre la signification : ʿpr šmsw mȝ wrrt H̱ nm-ḫw-f-wj – que nous traduisons : « L’équipe des escorteurs de “ proue est l’uræus de Chéops” ». Le vocable mȝ ( ) avec le sens de « proue », « extrémité de bateau » est en effet bien attesté dans la documentation égyptienne, même s’il est essentiellement transmis par des sources du Nouvel Empire16. Wrrt ( ) apparaît dès la Ve dynastie pour désigner l’uræus royal17 et l’on relève l’épithète 16. Jones 1988, p. 166, n° 61-62; Wb II, 6, 3-4. 17. Wb I, 332, 1-2 « Die Große (Uräusschlange) » = PT 239, 401 ; voir aussi LGG II, 478 sq.

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divine wrrtj ( ) qui en est issue dans les Textes des Pyramides18. Le nom de l’équipe fait donc clairement référence, dans ce cas précis, à une particularité de l’embarcation à laquelle elle était rattachée : une proue en forme de cobra.

une fLotte menaçante Si l’on fait le bilan des informations recueillies, il semble se confirmer que les équipes du ouadi el-Jarf sont plus spécifiquement des équipages 18. Wb I, 133, 15 = PT 463.

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affectés à des embarcations bien définies – ce que nous avions déjà pressenti sans pouvoir le démontrer. On relève en effet que, hormis dans le cas de l’équipe 1 – pour laquelle des éléments nous manquent certainement car nous ne connaissons à ce jour que des versions abrégées, sur les jarres de stockage, du nom qui permet de la désigner – toutes les formulations obéissent strictement au même schéma. Elles incorporent le nom d’une embarcation, suivi des deux signes ʿpr et šmsw, présentés dans un ordre variable. S’il est probable que le signe ʿpr n’est ici employé que pour signifier de façon très large la notion de groupe de travail, le mot šmsw pourrait avoir, dans ce contexte, un sens bien plus précis, l’équipage étant véritablement la formation qui escorte, accompagne tel ou tel navire. Si l’on revient maintenant sur l’ensemble de ces désignations, il est frappant de constater que dans au moins trois cas (les nos 2, 4 et 5), elles évoquent ce qui pouvait apparaître à la proue de l’embarcation, c’est-à-dire un élément décoratif conférant véritablement sa personnalité à celle-ci : un lion, un double cobra, un uræus. Le même système pourrait être à l’œuvre, de façon indirecte, dans la constitution du nom de l’équipe 3, la mention de la déesse Ouadjet qu’il incorpore faisant peut-être elle aussi référence à une enseigne inhérente à son gréement. La représentation d’une flotte d’apparat un peu plus tardive – celle du roi Sahourê telle qu’elle figure au début de la Ve dynastie sur des bas-reliefs récemment retrouvés sur la chaussée montante de son complexe – confirme en tout cas de façon éclatante cet aspect menaçant de l’escadre royale : les bateaux sont bien dotés à leur proue de lions, de faucons et de double cobras, même si, dans ce dernier cas, ni les noms des navires, ni ceux des équipes qui les manœuvrent ne semblent s’inspirer directement des enseignes qu’arborent les embarcations (fig. 10)19. Un problème logique se pose cependant : les galeries du ouadi el-Jarf ont clairement été aménagées pour abriter ces embarcations, qui étaient démontées et laissées à la fin de chaque mission sur le site, en attente d’une future opération navale. Or, celle-ci pouvait n’avoir lieu que plusieurs années plus tard, comment, dans ces conditions, des équipes de spécialistes de la batellerie, qui 19. On relève par exemple que le bateau du nom de Sʿnḫ Rḫyt (« celui qui vivifie les Rekhyt » porte à la proue un lion et est manœuvré par l’équipe des « connus du Double Dieu d’or » – rḫw nṯrwy nbw) – le parti a donc été pris, dans ce cas, de démultiplier les références au roi plutôt que d’affimer par la récurrence d’un même nom le lien fort existant entre ces trois éléments (El-Awady 2009, pl. 2).

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étaient manifestement en permanence au service de la monarchie20, auraient-elles pu adopter le nom d’embarcations dont elles étaient la plupart du temps séparées ? Cela voudrait-il dire que le nom de ces groupes pouvait être modifié au fil du temps, au gré des missions qui leur étaient confiées et des navires qu’ils desservaient ? La solution que nous entrevoyons pourrait venir encore à l’appui de notre analyse générale, car ce n’est pas, en première instance, à une embarcation que les équipes sont liées, mais bien à l’enseigne qu’elle est susceptible d’arborer. Dès lors, il est parfaitement imaginable que laissant derrière elles – si précieux soientils – des amas de pièces de bois de cèdre dans les galeries du site, ces équipes se soient retirées à la fin de leur séjour en emportant avec elles ces emblèmes de puissance, gages à la fois de leur identité et de celle de toutes les embarcations qu’elles étaient susceptibles de manœuvrer à leur retour dans la vallée du Nil. Depuis les origines mêmes de la civilisation pharaonique, la personnalité du roi s’incarne dans les bateaux amiraux de sa flotte, signes tangibles de sa puissance et de son rayonnement. Sur les reliefs prédynastiques récemment découverts à Nag el-Hamdulab, une série importante de vaisseaux cérémoniels porteurs d’enseignes sont intégrés dans la mise en scène d’une fête royale21. Au ouadi ‘Ameyra (Sud-Sinaï), l’image même du bateau se substitue en quelque sorte à celle du souverain pour affirmer la présence de celui-ci. Les serekh et noms royaux y ont en effet été, depuis la période de Nagada IIIA, combinés à la coque des embarcations qui y sont représentées, à la façon de cabines dont ils sont indissociables22. Sur le bas-relief du Gebel Sheikh Suleiman, qu’il faut probablement dater du début de la Ire dynastie, c’est l’embarcation elle-même, personnification du roi, qui accomplit l’acte fondamental de maîtriser l’ennemi nubien, au moyen d’un cordage liant son cou au pont du bateau23. Les rois de la IVe dynastie ont continué de jouer à l’infini sur cette symbolique, conférant aux navires royaux des épithètes royales en guise de noms : ainsi l’embarcation en cèdre du Liban de cent coudées de long dont la construction est rapportée, sous le règne de Snéfrou, par la pierre de Palerme, se 20. Les archives sur papyrus découvertes sur le site en 2013, notamment les fragments de journaux de bord de ces mêmes équipes, montrent bien que celles-ci se voyaient confier par l’administration de nombreuses missions tout au long de l’année, et ce dans des endroits très divers (Tourah, la pyramide royale et la région Memphite, ou encore le centre du delta du Nil) – sur cette documentation, voir Tallet 2016. 21. Hendryckx, Darnell & Gatto 2012, p. 1068-1083. 22. Tallet & Laisney 2012, p. 381-398 ; Tallet 2015. 23. Somaglino & Tallet 2014, p. 1-48.

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Des serPents et Des lions : la flotte stuPéfiante De chéoPs en mer rouge • 251

Figure 10 – Proue d’embarcation de Sahourê sur les bas-reliefs de la chaussée montante de son complexe à Abousir. [D’après El-Awady 2009, pl. 2]

nomme-t-elle Dwȝ Tȝwy « Celui qui adore les DeuxTerres », une allusion claire au pouvoir du prince24. Reflet du roi, miroir de sa capacité à ordonner l’univers, ces bateaux arborent ainsi à leur proue les fauves et animaux agressifs dans lesquels le souverain se reconnaît : lions, faucons et serpents qui en ornent la proue sont à leur tour la matérialisation de cette puissance. Ces emblèmes qui par métonymie finissent par désigner à la fois l’embarcation qui en est pourvue et l’équipe qui la dessert, confèrent ainsi à chacun de ces vaisseaux son indivi-

24. Wilkinson 2000, p. 141-143. L’utilisation de « noms-programmes », attribués à des réalisations de prestige et énonçant de façon performative les qualités du roi, est un phénomène récurrent, que l’on retrouve tout au long de l’histoire égyptienne. Au Moyen Empire, le réseau de forteresses-menenou édifié par Sésostris III sur la IIe cataracte du Nil est désigné par une litanie d’épithètes royales affirmant la puissance du souverain et la destruction de tout ennemi potentiel (Gardiner 1916, p. 184-192 ; idem 1947, p. 9-11, pl. II, IIA ; voir également l’article de Cl. Somaglino dans ce volume).

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dualité propre, énonçant les différentes facettes du pouvoir royal. Dans le contexte d’une navigation maritime qui avait pour objectif des terres étrangères, ces proues menaçantes, léonines et ophidiennes, avaient pour fonction ultime de frapper de stupeur les populations à la rencontre desquelles se portaient les Égyptiens, qu’ils aient navigué vers Pount25 ou vers les côtes moins lointaines, mais peut-être tout aussi hostiles, de la péninsule du Sinaï26.

25. Sur la possibilité de contacts avec Pount dès la IVe dynastie, voir notamment l’ouvrage récent de Diego-Espinel 2011, p. 182-186, qui relève en particulier une première mention des arbres - ʿntjw, qui proviennent traditionnellement de Pount, dans le complexe de Snéfrou à Dahchour. 26. L’existence d’une forteresse datée par son matériel de la IVe dynastie à El-Markha, sur la côte occidentale du Sinaï exactement à l’aplomb du site du ouadi el-Jarf – et fonctionnant probablement comme son point de débarquement (Mumford 2006, p. 13-67) – ou encore la position défensive de la plupart des implantations égyptiennes de l’Ancien Empire que l’on peut observer dans la zone minière (Tallet 2012, p. 25, 41-42, 52-56) sont des indices que les équipes pharaoniques envisageaient de rencontrer une opposition dans cette région à cette période.

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Des serPents et Des lions : la flotte stuPéfiante De chéoPs en mer rouge • 253

Zazzaro (Ch.) & Calgagno (Cl.) 2012 « Ship Components from Mersa Gawasis. Recent Finds and their Archaeological Context », dans P. Tallet & E. Mahfouz (dir.), The Red Sea in Pharaonic Times (BdE, 155), Le Caire, p. 65-85.

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PLANCHES COULEUR

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planches couleur • 257

1 – Cintre de stèle fragmentaire au décor peint (sphinx royal, E 16284). [Paris © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

Planche I

2-3 – Cintre de stèle fragmentaire au décor peint (sphinx royal, E 16284). Les photographies sont traitées informatiquement afin de faire apparaître le dessin du décor. [Paris © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

4 – Partie supérieure d’une stèle de Pennakht (E 13934). [Paris © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

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Planche II

1 – Partie inférieure d’un ex-voto dédié à Renout (E 16360). [Paris © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

2-3 – Angle inférieur gauche d’une stèle peinte (E 16339). Photographie ayant fait l’objet de traitements destinés à faire apparaître le double tracé du dessin, d’abord en rouge, puis en noir. [Paris © musée du Louvre, dist. RMN-GP/Christian Décamps, 2015]

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planches couleur • 259

Planche III

1 – Plan topographique de la ville au Kerma Classique. [Dessin © M. Berti & M. Kohler]

2 – Les fortifications du menenou sous Thoutmosis Ier. [Photographie © B. N. Chagny]

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Planche IV

?

?

Magasins du palais

99 Impasse R14

Complexe palatial

53A

60A

59A

60B

59B

Place P8

53B 55B

54 53D

55A

53C

I I

I II I I

I II I I I I I I I I I

I

I I I I I II I I I II I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I II I I I II I I I I I I II II II I II I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I II I I I

I

I

I I I I I I I I I I I I I I I I II I I I

II I II I I II I I

II

II I

II I I I I II I I I I I I I I II I

II II

I II II I I I I I II I

II

II

II

I II

II I I

I

I

I I I I I I I II I I I I II I I I I I I

0

5

I II

1 0m

Plan de situation des unités 59 et 60 dans l’angle nord-ouest de la forteresse. [Dessin © Mission franco-égyptienne de Tell el-Herr]

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planches couleur • 261

Planche V

47,23

Imp a sse R 1 4

47,16

47,08 46,96 47,55

47,10

47,16

47,80

47,00

A

A 47,38

47,17

47,16

47,58

Pla ce P8

47,26 46,88

47,16

46,94

B

M ai s on 6 0

B

47,26 46,93

M a iso n 5 9

céra m i qu e m eu l e end u i t rouge pi er re c a l caire fou r

0

3 m

1 – Plan de détail des unités avec le mobilier trouvé in situ. [Dessin © Mission franco-égyptienne de Tell el-Herr]

2 – Détail de l’installation de broyage de la pièce 60A. [Photographie © Mission francoégyptienne de Tell el-Herr]

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Planche VI

1 – Partie sud-ouest de l’église de Ganatti. [Fouilles et restauration : Debba-Dam Archaeological Salvage Project, DDASP]

2 – Descenderie de la pyramide Beg.N 9 refouillée par la mission QMPS. [Photographie © Pawel Wolf]

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TABLE DES MATIÈRES

Préface .................................................................................................................................... V Liste des abréviations ................................................................................................................................. IX travaux et PubLications de dominique vaLbeLLe ............................................................................... XIII anderson Julie Renee Early Kushite Objects from Niniveh : Musings, Miscellany and Artefacts in the British Museum Collections ............................................................................................................... 1 andreu-Lanoë Guillemette Le panthéon de Deir el Médina : cinq témoignages conservés au Louvre ............................................. 9 berLandini Jocelyne Un bronze royal agenouillé d’époque kouchite : une statuette de Chabaka ou de Taharqa ? ............................................................................................................................................. 17 bonhême Marie-Ange Le goût des monuments dans l’Égypte ancienne ..................................................................................... 31 bonnet Charles Les frontières méridionales de l’Égypte et l’archéologie nubienne...................................................... 55 couLon Laurent La chapelle d’Osiris qui préside aux Occidentaux connue par une série de blocs découverts à Médamoud .............................................................................................................. 63 davies W. Vivian Statues of Senwosret III in the Sudan National Museum, Khartoum ................................................... 75 defernez Catherine, marchi Séverine et nogara Giorgio Cuisine et dépendances à l’ombre du palais ............................................................................................. 87 demarée Robert New Information on the Mining Expedition to the Wadi Hammamat in Year 3 of Ramesses IV................................................................................................................................. 101 favry Nathalie Bras-droit, substitut, adjoint, assistant… Une question de subordination au Moyen Empire ........................................................................................................................................ 107 forgeau Annie Nectanébo aux portes de la Nubie ............................................................................................................ 123

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haikaL Fayza De la natte au tapis rouge : symbolisme de la natte hier et aujourd’hui............................................ 131 mahfouz El-Sayed Les soldats de l’Empire dans le désert Oriental ...................................................................................... 139 masqueLier-Loorius Julie Huisseries d’Égypte et de Nubie. Enquêtes sur les fragments aux noms de Qénia, de Hornakht et de Nebrê .......................................................................................................... 149 minauLt-gout Anne L’antique et dangereuse Mafdet sur un vase en pierre de la reine Ankhnespépy II.............................................................................................................................................159 mohamed ahmed Salah el-Din Note sur « Le projet Archéologique Qatar-Soudan ». Promotion d’une coopération internationale pour la préservation des monuments antiques de la région du Moyen-Nil ......................................................................................................................... 167 moreno garcia Juan Carlos Métaux, textiles et réseaux d’échanges à longue distance entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaires : les « paddle dolls », un indice négligé ? .......................................... 173 ragazzoLi Chloé L’hommage au patron en Égypte ancienne. Sur la présentation de soi du scribe comptable du grain Amenemhat (TT 82) et d’autres administrateurs intermédiaires à la XVIIIe dynastie .......................................................................................................... 195 roccati Alessandro Muto .............................................................................................................................................................. 219 rondot Vincent Le vice-roi de Kouch Imenemnekhou à Saï ............................................................................................. 225 somagLino Claire La toponymie égyptienne en territoires conquis : les noms-programmes des menenou .................................................................................................................................................. 229 taLLet Pierre Des serpents et des lions : la flotte stupéfiante de Chéops en mer Rouge ......................................... 243 PLanches i–vi .............................................................................................................................................. 255

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Dans la même collection Volume 1 | 2007 Job, ses précurseurs et ses épigones, par Maria Gorea. Volume 2 | 2008 D’Ougarit à Jérusalem. Recueil d’études épigraphiques et archéologiques offert à Pierre Bordreuil, édité par Carole Roche. Volume 3 | 2008 L’Arabie à la veille de l’Islam. Bilan clinique (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 28-29 août 2006), édité par Jérémie Schiettecatte en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 4 | 2009 Sabaean Studies. Archaeological, epigraphical and historical studies, edited by Amida M. Sholan, Sabina Antonini, Mounir Arbach. Volume 5 | 2009 Les échanges à longue distance en Mésopotamie au Ier millénaire. Une approche économique, par Laetitia Graslin-Thomé. Volume 6 | 2011 D’Aden à Zafar, villes d’Arabie du sud préislamique, par Jérémie Schiettecatte. Volume 7 | 2012 Dieux et déesses d’Arabie : images et représentations (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 1er-2 octobre 2007), édité par Isabelle Sachet en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 8 | 2012 Alessandro de Maigret, Saba’, Ma’în et Qatabân. Contributions à l’archéologie et à l’histoire de l’Arabie ancienne, choix d’articles scientifiques préparé par Sabina Antonini et Christian Julien Robin. Volume 9 | 2012 Scribes et érudits dans l’orbite de Babylone (travaux réalisés dans le cadre de l’ANR Mespériph 2007-2011), édité par Carole Roche-Hawley et Robert Hawley. Volume 10 | 2012 South Arabian Art. Art History in Pre-Islamic Yemen, par Sabina Antonini de Maigret. Volume 11 | 2012 L’Orient à la veille de l’Islam. Ruptures et continuités dans les civilisations du Proche-Orient, de l’Afrique orientale, de l’Arabie et de l’Inde à la veille de l’Islam (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 17-18 novembre 2008), édité par Jérémie Schiettecatte en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 12 | 2013 Entre Carthage et l’Arabie heureuse. Mélanges offerts à François Bron, édité par Françoise Briquel Chatonnet, Catherine Fauveaud et Iwona Gajda. Volume 13 | 2013 Bijoux carthaginois III. Les colliers. L’apport de trois décennies (1979-2009), par Brigitte Quillard. Volume 14 | 2013 Regards croisés d’Orient et d’Occident. Les barrages dans l’Antiquité tardive (Actes du colloque tenu à Paris, Fondation Simone et Cino del Duca, 7-8 janvier 2011, et organisé dans le cadre du programme ANR EauMaghreb), édité par François Baratte, Christian Julien Robin et Elsa Rocca.

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Volume 15 | 2014 Paradeisos. Genèse et métamorphose de la notion de paradis dans l’Antiquité (Actes du colloque international), sous la direction d’Éric Morvillez. Volume 16 | 2015 Devins et lettrés dans l’orbite de Babylone (travaux réalisés dans le cadre de l’ANR Mespériph 2007-2011), sous la direction de Carole Roche-Hawley et Robert Hawley. Volume 17 | 2015 Les Jafnides. Des rois arabes au service de Byzance (vie siècle de l’ère chrétienne) (Actes du colloque de Paris, 24-25 novembre 2008), sous la direction de Denis Genequand et Christian Julien Robin. Volume 18 | 2015 Figures de Moïse, sous la direction de Denise Aigle et Françoise Briquel Chatonnet. Volume 19 | 2016 Le coran de Gwalior. Polysémie d’un manuscrit à peintures, sous la direction de Éloïse Brac de la Perrière et Monique Burési Volume 20 | 2016 Tamnaʿ (Yémen). Les fouilles italo-françaises. Rapport final, sous la direction d’Alessandro de Maigret et Christian Julien Robin. Volume 21 | 2016 Architecture et décor dans l’Orient chrétien (ive-viiie siècle). Actes de la journée d’étude en hommage au Père Michele Piccirillo (INHA, Paris, 8 décembre 2011), publiés par François Baratte et Vincent Michel Volume 22 | 2016

Les coutumes funéraires dans le royaume de Méroé. Les enterrements privés, par Vincent Francigny.

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ORIENT

MÉDITERRANÉE | archéologie

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UMR 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire CNRS, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France

DU SINAÏ AU SOUDAN

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u Sinaï au Soudan, de la Méditerranée à la quatrième cataracte du Nil, en passant par le désert occidental et Thèbes, l’égyptologue Dominique Valbelle a parcouru l’ensemble du monde égyptien. Au cœur de l’Égypte, elle a travaillé à Deir el-Médina, le village des ouvriers royaux du Nouvel Empire, dans le grand temple romain de Médamoud, et a mené des recherches sur les institutions royales et l’administration. Aux marges de l’Égypte, dans le Sinaï, elle a ouvert la mission franco-égyptienne de Tell el-Herr, site de forteresses perse et romaine, et a mis en valeur le sanctuaire d’Hathor à Sérabit el-Khadim, au cœur de la région d’exploitation de la turquoise. Au Soudan, terre d’expansion des pharaons au Nouvel Empire, elle a étudié la présence égyptienne sur le site de Doukki-Gel, dans un contexte non-égyptien, celui de la culture Kerma. Son éclairage original sur l’histoire et de la culture égyptiennes, sa vision novatrice de la discipline, et la richesse des programmes qu’elle a lancés se reflètent dans cet ensemble de contributions, qui lui est offert par ses amis, étudiants et collègues. Le volume rassemble des études archéologiques, des essais d’histoire, et des publications d’objets inédits provenant à la fois du Soudan, du Sinaï et de la vallée du Nil.

rom the Sinai to Sudan and from the Mediterranean to the fourth cataract of the Nile including the western desert and Thebes, Egyptologist Dominique Valbelle has studied Egypt in its entirety. She has worked on its core – in the village housing royal staff of the New Empire, Deir el-Medina and in the great roman temple of Medamoud, and she has led research on various royal and administrative institutions. On the fringes of Egypt, in the Sinai, she opened the Franco-Egyptian mission of Tell el-Herr, the site of Persian and Romain fortresses. She brought to life the sanctuary of Hathor of Serabit el-Khadim, central to the area where turquoise was found. In the Sudan where pharaohs of the New Empire sought to extend their domain, she studies the Egyptian presence in the site of Doukki-Gel and in a non-Egyptian context, that of the Kerma culture. Her original insights into the various aspects of Egyptian history and culture, her wide and innovative vision of the discipline and the richness of the programs that she has initiated are borne out in this collection of contributions, offered by her friends, students and colleagues. This rich volume draws together archaeological studies, historical essays and the first publication of objects coming from Sudan, the Sinai and the Nile valley.

ISBN 978-2-7018-0521-4

(Mélanges offerts à Dominique Valbelle)

Textes réunis par

Nathalie Favry, Chloé Ragazzoli Claire Somaglino, Pierre Tallet

DU SINAÏ AU SOUDAN – Itinéraires d’une égyptologue

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Itinéraires d’une égyptologue

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Éditions de Boccard