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PIERRE GASSENDI DU PRINCIPE EFFICIENT, C'EST-À-DIRE DES CAUSES DES CHOSES
Les styles du savoir Défense et illustration de la pensée à l'âge classique Une collection dirigée par Pierre Caye et Sylvie Taussig Le dix-septième siècle souffre de sa majesté : tout en lui semble grand, en particulier le savoir et la pensée dominés par les imposants systèmes philosophiques et théologiques. Pourtant, ce siècle n'est pas moins riche que le précédent en minores inventifs, en expériences de pensée ponctuelles mais fécondes, qui structurent, en tous domaines, le savoir et la paideia des hommes de façon non moins solide et durable que les grandes constructions théoriques auxquelles nous sommes habituellement renvoyés. Les Styles du savoir visent à corriger cet effet de mirement qui affecte la compréhension de ce siècle, en insistant sur un certain nombre des notions et de textes oubliés, négligés, méconnus qui s'avèrent pourtant fondamentaux pour la constitution des savoirs et des institutions à l'âge classique. En republiant des textes aujourd'hui inaccessibles et en proposant aux lecteurs des essais peu soucieux des frontières tracées par les interprétations dominantes, cette collection se propose ainsi de dessiner les contours d'un « autre » dix-septième siècle.
PIERRE GASSENDI
DU PRINCIPE EFFICIENT, C'EST-À-DIRE DES CAUSES DES CHOSES
Syntagma philosophicum Physique, section I, Livre 4
TRADUCTION, INTRODUCTION ET NOTES PAR SYLVIE TAUSSIG
BREPOLS
© 2006, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium Al! rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.
D/2006/0095/9 ISBN 2-503-52277-7 Printed in the E. U. on acid-free paper
TABLE DES MATIÈRES
Introduction ...... ... ... ..... ...... ... ....... ..... ....... ...... ..... ...... ...... ... .... ... . .. ... Bibliographie .............................................................. ...................... Œuvres de Gassendi .. ..... ...... ................................................... Ouvrages et articles consacrés à Gassendi ................................ Listes des abréviations ..... ...... .... ....... ... ...... ... ..... ..... ....... ..... .. ..... ... ....
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Du principe efficient, c'est-à-dire des causes des choses .............. 35 Chapitre 1 Quelles sont les causes que recherchent les physiciens...... 37 Chapitre 2 On donne parmi les causes une seule la première de toutes, c'est-à-dire, ce qui revient au même, que Dieu est............ 53 Chapitre 3 Ce qu'il faut penser de la forme sous laquelle nous percevons Dieu ........ ...... ........ ...... ... ... ... .. .... .... ... ...... 83 Chapitre 4 De quel genre sont les perfections dont nous comprenons qu'elles sont en Dieu ..... .. ..... ....... ... ..... .. .... .. . 111 Chapitre 5 Que Dieu est l'auteur, c'est-à-dire la cause productrice du monde...................................................... 143 Chapitre 6 Que Dieu est le conducteur, c'est-à-dire la cause qui pilote le monde ....... ....... ...... ..... ..... ... .... ....... 175 Chapitre 7 Que Dieu conduit même le genre humain par un soin spécial............................................................ 199 Chapitre 8 Quel est le principe intime et premier de l'action dans les causes secondes ........ ........ ...................... 227
INTRODUCTION
Le Syntagma philosophicum, tel qu'il occupe les deux premiers tomes des Opera omnia de Gassendi 1, constitue une somme philosophique, dont la composition suit les trois grandes divisions hellénistiques de la philosophie : Logique, Physique et Éthique. Publié en latin peu de temps après la mort de son auteur, il n'est pas accessible au lecteur non latiniste, sinon dans des traductions partielles, notamment de l'introduction générale et de la logique. J'ai choisi de traduire le livre IV de la Physique2, car comme le fait très justement remarquer Olivier Bloch à qui j'emprunte l'essentiel de cette courte présentation, l'ensemble de la théologie gassendiste se trouve rassemblé dans ces huit chapitres qui occupent les pages 283 à 337 du tome I de l'édition de Lyon. Comme l'essentiel du Syntagma, ce livre provient du dépeçage et de la réorganisation du travail que Gassendi a mené autour de la philosophie d'Épicure qu'il a rédigé en deux temps, en 1636-37 et en 1641-45 ou 46, pour servir à constituer ce qui devait s'appeler le De vita et doctrina Epicuri. En 1647, au grand dam de Gassendi, Luillier fait paraître le De vita et moribus Epicuri libri octo, apologie d'Épicure concernant sa vie et ses mœurs. En 1649 paraissent à Lyon les trois volumes in-4° des Animadversiones in decimum librum Diogenis Laertii cum nova interpretatione et nota (Remarques sur le Livre X de Diogène Laërce avec une nouvelle tra-
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Opera omnia. Lyon, L. Anisson et I. B. Devenet, 1658, 6 vol. in-f". Je tiens à remercier Carlos Lévy qui m'a aidé à débrouiller le latin parfois obscur de Gassendi. 2
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duction et des notes) qui est l'édition du livre X de Diogène Laërce assortie d'un commentaire de Gassendi, réorganisé selon les trois parties de la philosophie hellénistique (canonique, physique et éthique). Le second volume contient un appendice, Philosophùe Epicuri Syntagma, ou manuel abrégé des trois parties de la philosophie épicurienne, qui pose la fiction d'un Épicure s'exprimant à la première personne pour exposer les grandes lignes de sa philosophie; ce« premier» Syntagma, qu'il ne faut pas confondre avec le Syntagma philosophicum (ou Philosophia Epicuri Syntagma) dont je traduis ici un livre et qui figure en tête des Œuvres complètes, est recadré par des commentaires et critiques auxquels Gassendi le soumet et qui sont inspirés par le dogme catholique, à savoir qu'il affirme, contre le fondateur du Jardin, la finalité dans l'univers, l'éternité de la matière et la Providence, contre le hasard. Quant aux Animadversiones dont seules l'édition de Diogène Laërce et les remarques grammaticales sont reprises dans les Œuvres complètes (tome v), elles marquent une étape essentielle dans l' appropriation par Gassendi de la philosophie du Jardin ; les notes et commentaires qui le composent seront « remembrés »3 pour constituer le « second >> Syntagma, qui est unifié : les critiques que Gassendi adresse à la philosophie du Jardin y sont intégrées, et l'épicurisme est christianisé, sans rupture apparente, par le philosophe qui parle en son nom propre. Le livre IV de la Physique fait suite à l'exposé de la conception de la matière selon Gassendi interprétant Épicure et trouve son principe dans le postulat qui se trouve p.133a: «Tout changement matériel, dépendant d'une cause, d'une cause seconde du moins, est impossible sans mouvement, car l'action d'une cause n'est autre que mouvement.» Il est construit en huit chapitres que j'énumère : Chapitre 1 : Quelles sont les causes que recherchent les physiciens ; Chapitre 2 : On donne parmi les causes une seule la première de toutes, c'est-à-dire, ce qui revient au même, que Dieu est ; Chapitre 3 : Ce qu'il faut penser de la forme sous laquelle nous percevons Dieu ; Chapitre 4 : De quel genre sont les perfections dont nous comprenons qu'elles sont en Dieu ;
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B. Rochot, Les Travaux de Gassendi sur Épicure et sur l'atomisme (p. 168).
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Chapitre 5 : Que Dieu est l'auteur, c'est-à-dire la cause productrice du monde; Chapitre 6 : Que Dieu est le conducteur, c'est-à-dire la cause qui pilote le monde; Chapitre 7 : Que Dieu conduit même le genre humain par un soin spécial; Chapitre 8 : Quel est le principe intime et premier de l'action dans les causes secondes. La construction de ce livre est typique de la manière dont Gassendi puise dans le De vita et doctrina Epicuri pour constituer le second Syntagma par réorganisation d'une matière déjà exposée. Le premier et le huitième chapitres, issus des premiers chapitres écrits en 36-37 du livre XVI De caussis (sic), fortuna et Jato 4, sont consacrés au sens strict au thème de la causalité physique qui donne son nom au livre, et entre ces deux chapitres, Gassendi insère l'essentiel du livre XXI (chapitre 1 à 6 De deo authore et rectore mundi5) écrit en 1642. 6 Cette insertion qui rompt la démonstration sur la causalité suit une structure apparemment simple : le chapitre 2 démontre l'existence de Dieu et présente la manière dont on peut la prouver (p. 287-295) ; le chapitre 3 est consacré à la manière dont l'homme peut percevoir sa nature ; le chapitre 4 à la manière dont nous percevons ses attributs ; le chapitre 5 présente Dieu comme le créateur du monde ; le chapitre 6 défend la thèse de la Providence générale de Dieu et le chapitre 7 celui de sa Providence spéciale. Quant aux deux chapitres qui encadrent cette démonstration, le 1 pose la question (quelles sont les causes que recherchent les physiciens ?) à laquelle le 8 répond: ils recherchent la« matière active» (materia actuosa).
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Manuscrit des livres XII à XX, Tours 709, livre XVI, fol. 247. Pour l'étude des manuscrits voir R. Pintard, La Mothe le Vttyer, Gassendi, Guy Patin (p. 32 sqq.), B. Rochot, Les travaux... et O. Bloch, La philosophie de Gassendi. Nominalisme, matérialisme et métaphysique (p. 496 sqq.). 5 Le chapitre 7 sur les démons et génies ou anges est rejeté à la fin de l'éthique 848853 et 856-860 où il rejoint les 4 chapitres finaux (5 à 8) du livre 16 sur la fortune et le destin (827-847) 6 Manuscrit du livre XXI Ashburnham 1239 (Florence, Biblioteca laurenziana).
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Dès lors O. Bloch pose la question cruciale : les six chapitres intercalaires constituent-ils un détour inutile ? Il faut noter en tout cas que le chapitre 8 s'écarte beaucoup de la lettre du chapitre qui y correspond dans le De vita et doctrina Epicuri (Livre XVI : De causis, Fortuna et Fato, chap. 3), dans la mesure où il atténue l'affrontement entre matérialisme et religion.7 Ainsi le livre dans son ensemble s' emploie-t-il à combiner les deux points de vue apparemment contradictoire du De Causis et du De Deo. Si les six premiers chapitres sont consacrés à l'exposé sur Dieu comme cause première et providentielle, le septième, le plus court, expose la thèse matérialiste et se suffit des lois naturelles : les atomes sont indissolublement matière et cause sans qu'un principe immatériel du mouvement vienne s'imposer à une matière inerte. Gassendi expose cette thèse en refusant toute métaphore artificialiste, dont il récuse la pertinence, les choses naturelles et les choses artificielles n'étant pas susceptibles d'être identifiées : dans les choses naturelles, l'agent et la matière ne font qu'un, alors que dans les choses artificielles l'agent est nécessairement distinct de l' œuvre qu'il produit à partir de la matière. En revanche Gassendi a pleinement recours à ce type de métaphores au moment de défendre sa thèse d'un Dieu créateur et recteur de l'univers, d'un Dieu comme cause première et providentielle. La pensée de Gassendi telle qu'elle se lit dans la construction même du livre se développe en deux temps : il commence par admettre la création éternelle, puis tout se passe comme si les atomes étaient éternels et tenaient d'eux leur énergie. Il existe donc une cause première supérieure à la causalité physique qui lui est subordonnée. Gassendi effectue la mise en évidence de cette cause première dans les chapitres consacrés à la réfutation des arguments des athées et aux preuves de l'existence de Dieu. I..:exposé de la nécessité de la création et de l'existence de Dieu permet d' affirmer l'insuffisance de la causalité par les causes secondes, des causes physiques, à savoir la matière active ou les atomes qui sont un principe de mouvement et d'action, et non pas de permanence. I..:action des causes secondes ne fait qu'un avec leur mouvement ; c'est-à-dire que rien ne peut
7 Selon O. Bloch,
p. 356 et 357.
op. cit., p. 168. Sur la vigueur plus forte de la première rédaction, voir
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agir sans produire du mouvement et rien ne peut produire du mouvement sans agir. 8 Aussi Gassendi critique+il la théorie aristotélicienne puis scolastique de la matière première, qui fait de la Forme le principe agissant dans les causes secondes; il lui oppose le principe de la« matière active». En bref, les atomes sont créés, en nombre fini, avec leur mobilité interne ; à cette mobilité de la matière active est rattaché l'ensemble des causes secondes. L'existence du hasard est réfutée dès lors que l'infinité spatiotemporelle est supprimée, ce qui permet de faire tomber le principe de l' isonomia et de réintroduire la nécessité d'un dieu producteur et recteur des choses. 9 Les arguments mécanistes des épicuriens anciens et nouveaux sont ainsi réfutés : il faut certes référer les merveilles à la nature à condition de la considérer comme savante. 10 Quant à la mise en évidence de l'existence de Dieu et de sa Providence, Gassendi recourt à différents ordres de preuve, mais ce premier objectif se double d'un second, puisqu'il s'agit également de progresser dans son propre livre, à savoir de rendre compatible in fine le matérialisme épicurien réinterprété et le providentialisme. Il démontre ce faisant une habileté certaine, puisque sa réfutation de l'athéisme ne se fonde pas seulement sur Lactance 11 , directement dirigée contre la philosophie épicurienne sa négation de la providence, son affirmation du hasard contre les causes finales - mais également sur la Métaphysique d'Aristote, les réfutations du De Natura deorum de Cicéron et le livre VII de la Cité de Dieu d'Augustin. Le travail auquel Gassendi procède sur le livre X des Lois de Platon, qui précède bien évidemment Épicure et où c'est Prodicos qui défend l' argument atomiste, est particulièrement remarquable, dans la mesure où c'est un thème épicurien - le consentement universel et l'anticipation - qui per-
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O. Bloch, op. cit., p. 178. Voir encore p. 207 le lien avec le dynamisme. O. Bloch, op. cit., p. 382. 10 C'est une « sagesse » qui imprime une force aux « semences » des choses pour qu'elles puissent réaliser les effets qu'on leur connaît (p. 286a). Plus loin (316a sqq.), Gassendi voit dans le phénomène de la cristallisation non pas une preuve du modèle matérialiste, mais seulement l'évidence qu'il y a dans l'existence des semences des animaux, plantes, pierres et autres une connaissance qui aurait sa source en Dieu. 11 Lactance est déjà très présent dans le livre précédent à propos du ex nihilo nihil. 9
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met de réfuter les quatre explications traditionnelles de l'origine « humaine » de la religion 12 : 1. l'origine en est sociopolitique selon Critias : ils' agit de faire respecter les devoirs politiques ; 2. Selon Évhémère, les dieux sont des hommes divinisés ; 3. Pour Prodicos, ils procèdent de la divinisation des forces utiles de la nature ; 4. Enfin ils sont le produit de la peur des hommes devant les phénomènes célestes. Gassendi montre qu'à chaque fois ces explications naturalistes, sans compter le fait qu'aucun témoin ne les rapporte ni ne les accrédite, présupposent l'anticipation, c'est-à-dire la préexistence de la croyance. Gassendi puise dans des textes classiques pour organiser son argumentation, mais leur proximité et leur entrelacement créent un texte étonnant, à la fois parce qu'il tisse l'intrication de principes épistémologiques tirés de la philosophie épicurienne et de croyances traditionnelles 13 , et opère un agencement complexe de preuves philosophiques (l'anticipation) et chrétiennes (la tradition et le témoignage) : selon O. Bloch, la preuve par le consentement universel (Cicéron) est ainsi ramenée aux catégories théologiques del' autorité et de la foi. 14 Les doctrines d'Épicure sont ainsi prises tour à tour à charge et à décharge, dans une présentation complexe : les preuves de l'existence de Dieu se tirent du consentement universel, rapproché de l'anticipation épicurienne; et pour ce qui est de la connaissance de Dieu, Gassendi adopte les principes de la théologie négative (incapacité de l'homme de percevoir l'infini) et de la théologie analogique (anticipation et nominalisme). La présentation est d'autant plus« sinueuse »15 que Gassendi annonce qu'il va se contenter de deux preuves par la raison et par la foi (par l'anticipation générale et par la contemplation de la nature), Épicure ayant rejeté la seconde, mais quand il expose l'origine de l'anticipation, il affirme qu'elle n'est pas une idée innée, mais qu'elle se fabrique par la réception des données sensibles - l'ouïe et la vue - si bien que la première
12 Les trois premières sont dans la Disquisitio III, respectivement 327a, 326b, et 326b327a. 13 Le plus certain est aussi le moins philosophique, à savoir la croyance dans le « bon » Dieu. l4 O. Bloch, op. cit., p. 416. l5 O. Bloch, op. cit., p. 419.
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preuve en vient à se confondre avec la seconde. Là encore, Gassendi s' emploie à concilier des thèmes avant lui incompatibles : d'une part le sensualisme, et d'autre part la distinction entre la raison et la foi. Quant à l'anticipation, elle est universelle, non pas comme une idée innée de Dieu, mais comme l'aptitude à reconnaître Dieu quand il se présente, soit par perception sensible (prolepsis), impression directe, ou bien au terme d'une comparaison née par raisonnement. 16 Les deux preuves (l'une par anticipation et l'autre celle que la raison tire de la contemplation du monde comme effet d'une cause productrice) ne disent rien sur la forme ou nature de Dieu. Car la connaissance de l'homme est spécifiquement sensible alors que Dieu est infiniment au-delà du sensible et de toute représentation sensible. Il est donc nécessaire de séparer radicalement la question de l' existence de Dieu, qui se prouve facilement à la fois par la raison et la foi, du problème de sa nature divine : l'homme peut être certain del' existence de Dieu, mais ce qu'il est lui reste inaccessible (chapitre 3). I.:affirmation de l'existence de Dieu s'accompagne chez Gassendi de la négation d'un savoir absolu sur son essence, parce qùil est transcendance absolue (sa lumière est pour nous ténèbres, p. 295a). Il en vient ainsi à poser les principes de la théologie négative, puis les principes de la théologie analogique, telle que l'homme est obligé de penser Dieu sous une espèce sensible, à condition de penser d'abord que la représentation est inadéquate et que Dieu est toujours autre chose. Il n'empêche que l'homme se représente la forme de Dieu sous une espèce sensible, à savoir la forme humaine, qui comprend à la fois l'intelligence et la liaison à un corps. Pour Gassendi, ces comparaisons sont justifiées à conditions d'être produites par le raisonnement : en tout état de cause, la connaissance approximative de l'essence de Dieu ne relève pas de l'intuition, mais de la spéculation. À Dieu doit ainsi être attribué tout ce que l'homme pressent de perfection en lui à condition d'en retrancher tout ce qu'il y a d'imperfections, qui occupent dès lors une fonction essentiellement critique. Le raisonnement permet de conclure, par analogie avec l'intelligence humaine et le corps humain, auxquels toutes imperfections sont retirées, que son intelligence est supérieure, une intel-
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Sur le lien avec la Disquisitio, voir O. Bloch, op. cit., p. 422.
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ligence suprasensible, c'est-à-dire selon l'explication épicurienne que Dieu a « comme un corps et comme un sang », puis « comme une prudence »,