Violences Polymorphes Conjugees au feminin pluriel: Briser le couple silence-impuissance 9789042942370, 9789042942387, 9042942371

Si la violence faite aux femmes a traverse des siecles, des civilisations et des continents, il serait important de deco

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Violences Polymorphes Conjugees au feminin pluriel: Briser le couple silence-impuissance
 9789042942370, 9789042942387, 9042942371

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C O N F L I C T, E T H I C S , A N D S P I R I T U A L I T Y 1 1

Violences polymorphes conjuguées au féminin pluriel Briser le couple silence-impuissance

sous la direction de

Marie-Rose Tannous, Ph.D.

PEETERS

VIOLENCES POLYMORPHES CONJUGUÉES AU FÉMININ PLURIEL

CONFLICT, ETHICS, AND SPIRITUALITY 11

Series Editors / Collection dirigée par Martin Blais Judith Malette

CONFLICT, ETHICS, AND SPIRITUALITY

󰀁󰀁

Violences polymorphes conjuguées au féminin pluriel Briser le couple silence-impuissance

sous la direction de

Marie-Rose Tannous, Ph.D.

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT

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A catalogue record for this book is available from the Library of Congress.

No part of this book may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher © Peeters, Bondgenotenlaan 󰀁󰀅󰀃, B-󰀃󰀀󰀀󰀀 Leuven (Belgium) ISBN 󰀉󰀇󰀈-󰀉󰀀-󰀄󰀂󰀉-󰀄󰀂󰀃󰀇-󰀀 eISBN 󰀉󰀇󰀈-󰀉󰀀-󰀄󰀂󰀉-󰀄󰀂󰀃󰀈-󰀇 D/󰀂󰀀󰀂󰀁/󰀀󰀆󰀀󰀂/󰀃󰀄

Table des matières Marie-Rose Tannous Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Partie I Mélodie Denis La violence psychologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀉

Caroline Boulanger La réalité du cauchemar qu’est la violence psychologique . . . . . . .

󰀂󰀃

Isabelle Lagrange La violence psychologique — harcèlement criminel dans un contexte de violence conjugale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀃󰀅

Maude Éloïse Saulnier La violence conjugale et ses particularités . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀅󰀃

Byanka Leroux La violence sexuelle et sa réalité déguisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀆󰀉

Partie II Geneviève Brouillard La réalité des femmes et les enfants victimes de violence conjugale dans les milieux ruraux des Comtés-Unis de Prescott-Russell. . . .

󰀈󰀅

Isabelle Beaudry La violence psychologique au cœur des violences basées sur l’honneur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀉󰀉

Halla Marie Modeste Messou L’agression sexuelle (viol physique) contemporaine envers les femmes : une question systémique ou inusitée ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀁󰀅

Dodine Fataki Le féminicide un drame humain sexiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀄󰀃

Anik Larivière La place des femmes dans l’univers sportif . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀅󰀃

VI

TABLE DES MATIÈRES

Partie III Karine Roy Les enfants de la violence conjugale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀆󰀇

François Mireault La violence de l’inceste : approche psychospirituelle d’un douloureux constat porté au genre féminin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀇󰀇

Marie-Rose Tannous Pour ne pas conclure. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀉󰀅

Biographies des auteur(e)s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

󰀁󰀉󰀉

Remerciements Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à chacun et chacune de mes douze étudiant(e)s. Je salue leur courage et leur assiduité pour que ce collectif se concrétise. Mes remerciements vont aussi à la faculté des Sciences humaines de l’Université Saint-Paul qui a accepté que ce collectif figure dans la série Conflicts, Ethics, and Spirituality. J’adresse mes sincères remerciements à tous mes collègues, à l’Université Saint-Paul, qui ont cru à ce projet et ont participé à partir de l’évaluation des douze chapitres à améliorer ce travail afin de pouvoir le publier. Je cite en particulier  : Professeur Martin Blais Professeur Gilles Fortin Professeure Monique Lanoix Professeur Buuma Maisha Professeure Judith Malette Professeure Julie Paquette Comme relire et corriger un livre avant de le publier est une étape essentielle, tous mes remerciements vont au p. Gaston Lessard pour sa généreuse contribution à partir de son méticuleux travail de correction exécuté gratuitement avec beaucoup d’amour et de dévouement. À tous ces intervenant(e)s, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.

Introduction Marie-Rose Tannous Université Saint-Paul, Ottawa

Si la violence faite aux femmes a traversé des siècles, des civilisations et des continents, il serait important de découvrir les éléments qui l’ont nourrie et ont participé à sa perpétuation. C’est ce que le cours IPA 󰀄󰀅󰀂󰀄 Femmes et violence : approche psycho-spirituelle, offert par la faculté des sciences humaines de l’Université Saint-Paul, Ottawa, a voulu explorer. Ce cours avait pour but de dévoiler plusieurs de ces éléments tels que l’autoritarisme politique et social, le système social patriarcal, l’interprétation erronée et sélective des textes sacrés, les mythes et les tabous socioreligieux autour de la violence. Le cours a surtout voulu analyser la participation de ces éléments à l’accroissement et à la multiplication des formes de manifestation de la violence faite aux femmes. Il s’est aussi intéressé aux implications qu’inflige la violence, sous ses différentes formes, à la femme aux niveaux psychologique, social, physique, sexuel, économique et spirituel. Le cours s’est attardé sur les possibilités d’aide et de soutien à offrir aux femmes sujettes à la violence. Il avait aussi pour but d’explorer des pistes de prévention à la violence qui touche à la femme ainsi que sensibiliser la société, tout sexe et genre confondus, à ce triste drame qui touche l’humanité. À notre grande surprise, le cours ne s’est pas limité à son aspect académique, bien qu’il soit un des objectifs primaires. Le temps et l’espace consacrés ont permis à ce cours de toucher des vies, d’ouvrir des blessures et de ranimer des souvenirs, lourds et difficiles à faire taire. Un sujet pareil est venu chercher le plus profond des expériences humaines, surtout là où la vie n’offre pas le meilleur d’elle, là où la vie est terne, voire sombre et ne promeut pas la joie, ni l’épanouissement. Si la violence vécue, exprimée à travers ce cours, ne fut pas l’expression d’une expérience personnelle, elle fut surement l’expérience amère de l’une des proches ou des connaissances des étudiant(e)s qui ont pris ce cours. C’est exactement ce que ces étudiant(e)s ont exprimé à travers leur travail académique de fin de session. Leurs travaux ont dépassé l’objectif et les exigences de la réussite du cours. Ils se rapprochent d’un cri, qu’à titre de leur professeure, j’ai voulu

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MARIE-ROSE TANNOUS

porter encore plus loin, pour qu’il ne reste pas confiné entre les quatre murs de leur classe. Je voudrais qu’il soit entendu sur une échelle plus élargie. Ce livre se veut missionnaire, porteur de flambeau avec et pour toute femme victime de violence sous ses différentes formes. Tout comme le cours, ce collectif ne vise pas à créer ou à renforcer une ségrégation entre la femme et l’homme, ni dessiner l’homme comme un loup qui cherche à dévorer la femme. Ce collectif s’est fixé des objectifs positifs tels que sensibiliser le public à la situation de la femme victime de violence, prendre conscience et connaissance de ses conditions précaires et s’outiller pour mieux se protéger, agir et intervenir. Ce collectif se rappelle et rappelle qu’il y a des hommes qui défendent la femme et ses droits plus que la femme même. C’est ainsi que les douze apôtres de ce collectif se voient en mission et souhaitent que leurs travaux, qui ne prétendent pas à la science, soient reçus comme un appel à un travail de collaboration entre les sexes et les genres pour tirer toute personne victime de violence de son état de victimisation. Il se veut aussi un outil de conscientisation pour toute personne qui utilise la violence dans ses relations interpersonnelles. Les cinq premiers chapitres de ce collectif nous familiarisent avec les différentes formes de violence. Dans le premier chapitre, Mélodie Denis nous introduit à la violence psychologique, une violence sournoise qui accompagne tout autre type de violence. Mélodie a à cœur de dévoiler certaines des manifestations de la violence psychologique qui n’est pas connue par tous et toutes. Son chapitre est un appel à prendre action contre cette violence, entre autres à partir de l’éducation de la société. Dans le deuxième chapitre, Caroline Boulanger choisit le couple comme lieu où se pratique et se vit la violence psychologique. À partir de chiffres, Caroline démontre la présence de la violence psychologique au sein du quotidien. Elle décrit ses manifestations et ses répercussions sur les femmes victimes de ce type de violence. À travers son chapitre, Caroline souhaite transmettre le courage et la force qui l’ont poussée à rédiger son texte. Caroline définit cette force comme étant celle qui permet de tenir tête aux injustices, de prendre l’initiative afin de réduire la violence. La force dont elle parle permet de ne pas avoir peur de dénoncer et d’agir. Ainsi, elle souhaite équiper son lectorat afin de devenir alerte et capable de détecter les signes très subtils de la violence psychologique. Au troisième chapitre, Isabelle Lagrange approfondit davantage la compréhension de la violence psychologique avec une exploration sur le harcèlement criminel utilisé comme un outil de la violence psychologique au

INTRODUCTION

󰀃

sein du couple sous un œil légal évolutif. En dépit de la subtilité de cette violence, Isabelle définit la violence psychologique et le harcèlement criminel et en déduit les répercussions aux plans spirituel, psychologique, social, physique et financier. Isabelle a voulu son chapitre comme un outil de prévention et de sensibilisation envers la brutalité psychologique perpétrée contre les femmes souvent positionnées dans un rôle de vulnérabilité. De ce fait, elle souhaite sensibiliser la société sur la reconnaissance et la responsabilisation de tout un chacun relativement aux impacts projetés sur la femme. Au quatrième chapitre, Maude Saulnier s’est arrêtée sur la violence conjugale et ses particularités. Dans son chapitre, l’auteure s’est surtout intéressée à l’histoire de la femme, dans certaines sociétés, qui fait écho à son image comme être subordonnée à l’homme. Maude a aussi parlé de la place de l’intervention féministe et discuté de sa contribution à l’amélioration de la condition des femmes. Étant elle-même intervenante sociale en violence conjugale, Maude a voulu contribuer, comme elle le fait à partir de son travail social, à trouver des manières d’innover dans les services offerts aux femmes, étant donné que les demandes dépassent largement leurs capacités. Elle souhaite que son chapitre puisse servir de soutien à toute femme victime de violence conjugale. Au cinquième chapitre, Byanka Leroux parle de la violence sexuelle et de sa réalité déguisée. Dans ce chapitre, Byanka fixe comme objectif l’exploration et l’exposition des difficultés présentées par les victimes d’abus sexuel. Elle se base sur la littérature pour parler du trouble du stress posttraumatique qui pourrait surgir à la suite de cet abus. Byanka ne se limite pas aux conséquences mais ouvre la conversation autour de solutions possibles et de services et programmes de préventions qui peuvent se mettre en place pour contourner ce type de violence. Byanka souhaite que son chapitre soit une initiative pour briser le silence autour d’un sujet tabou dans plusieurs sociétés : l’abus sexuel. Elle considère que le dévoilement d’une telle violence fait partie des solutions apportées pour atténuer l’amertume qui s’y associe. Les cinq prochains chapitres apportent une précision additionnelle : la naissance de la violence dans des contextes et des circonstances bien déterminés. Ces chapitres explorent la contribution de ces deux facteurs à encourager la violence, voire à la nourrir. Au chapitre six, Geneviève Brouillard choisit les milieux ruraux des comtés-unis de Prescott-Russell, pour parler de la réalité des femmes et des enfants victimes de violence conjugale dans cet endroit. Geneviève commence par définir la violence conjugale. Elle aborde les raisons principales

󰀄

MARIE-ROSE TANNOUS

de la violence qui touche femmes et enfants particulièrement dans cette région. Geneviève se questionne dans son chapitre autour des conséquences et des implications de la violence conjugale et surtout s’étonne de sa perpétuation malgré les ressources et les services disponibles. Dans ce chapitre, nous lisons l’inquiétude de Geneviève quant au futur des enfants de cette région, victimes de violence conjugale, qui sont les adultes de demain. Son objectif est de les initier afin qu’eux-mêmes puissent changer la réalité des comtés-unis de Prescott-Russell. Sa mission, à travers son chapitre, est de les sensibiliser afin de promouvoir un environnement de non-violence pour les générations futures. Son chapitre est un cri d’appel à la cessation de la violence. En arrivant au septième chapitre, Isabelle Beaudry nous ouvre les yeux sur une autre triste réalité : la violence psychologique dans les violences basées sur l’honneur. Isabelle décrit deux drames en un. La violence qui se justifie au nom de l’honneur, puis, en plus des conséquences physiques, elle soulève les conséquences psychologiques qui restent inédites. Isabelle traite du sujet de cette violence subtile qui laisse des traces inquiétantes sur ses victimes. Elle attire l’attention sur les gestes criminels commis dans l’intention de restaurer l’honneur familial. Elle n’oublie pas de parler des initiatives prises pour limiter ce type de violence, ni de mentionner les lois promulguées à cet égard ; toutefois, elle se questionne sur leur efficacité pour réduire cette violence. Le message d’Isabelle semble inclure la victime et la personne qui commet ce genre de violence, car elle considère qu’il pourrait être difficile d’appuyer les personnes ayant commis des actes de violence, et même de nature criminelle. Toutefois, Isabelle considère qu’il est important de venir en aide aux personnes ayant perpétré de tels gestes, dans le but de les sensibiliser et de chercher à prévenir la récidive. Il devient essentiel pour elle de détenir une ouverture d’esprit, permettant donc d’instaurer une confiance envers la réussite de cette clientèle, sans négliger la réalité des victimes. Au huitième chapitre, Modeste Messou retrace l’historique d’un drame humain qui touche particulièrement les femmes. Il s’agit d’agressions sexuelles et de viol. Dans ce chapitre, Modeste offre une analyse pour une meilleure compréhension de la réalité du viol dans nos sociétés. Elle remonte aux origines du viol pour mieux analyser son expression contemporaine. Ensuite, elle définit le viol et dessine le profil des personnes qui le commettent ainsi que celui des victimes. Modeste décrit et analyse les conséquences et les implications de ce crime aux plans physique, psychologique et sociétal. Elle finit en explorant quelques pistes de solutions afin d’éradiquer le viol. À partir de ce chapitre, Modeste vise à démystifier

INTRODUCTION

󰀅

l’idée de viol, à montrer son inhumanité et à sensibiliser au respect du corps de la femme. Elle cherche à sensibiliser son lectorat à ce qui se passe au quotidien autour du monde. Des femmes se voient dépourvues de leur droit de vivre et demeurent silencieuses à jamais dans leur tombeau. Au nom de notre humanité, Modeste lance un appel : agir maintenant ! Le neuvième chapitre traite du sujet du féminicide, une sorte de crime réservé aux femmes. Dodine Fataki cherche, à travers son chapitre, à lutter contre les inégalités de genre, les croyances et les attitudes négatives envers les femmes et les filles. En plus de la réflexion théorique sur le féminicide offerte par Dodine, elle explique la participation de certains contextes et systèmes socio-politiques dans la pratique de cette violence. Dodine prend la littérature comme ancrage pour sa recherche. Elle mentionne les difficultés éprouvées pour recenser le nombre de femmes tuées par cette violence. Cette réalité pousse Dodine à proposer quelques solutions préventives au féminicide, tout en reconnaissant les limites des solutions mentionnées et les défis rencontrés durant le processus de justice. La question retenue par l’auteure : « Est-ce un péché ou une anomalie de naître femme ? » résume le message qu’elle souhaite envoyer à travers son chapitre. Au dixième chapitre, Anik Larivière nous emmène dans l’univers sportif et se questionne sur la place de la femme dans un tel endroit. Au sein de cet environnement, en particulier, Anik dévoile une violence structurelle dont les femmes athlètes sont victimes. Elle met la lumière sur une masculinité toxique qui crée des injustices nuisant à l’épanouissement des femmes athlètes. Elle abonde dans ce sens et illustre ses propos à partir d’exemples concrets comme l’iniquité salariale, l’objectivation du corps des femmes athlètes, le harcèlement et le manque de promotion chez les filles. Elle analyse les conséquences sur ces femmes. Anik affirme que le monde du sport reconnaît continuellement des réussites extraordinaires qui peuvent battre les records des générations précédentes. Cependant, elle souhaite attirer l’attention sur la place qu’occupent les femmes athlètes dans ce domaine et qui semble être stagnante. Elle s’appuie sur la littérature pour proposer plusieurs stratégies afin de promouvoir le sport chez les filles et les femmes, pour d’une part dénoncer les iniquités et d’autre part promouvoir la santé physique et morale de la femme. Les deux derniers chapitres nous parlent de la violence qui ne connaît pas de limites et qui s’étend aux enfants dans le cadre de la violence conjugale/ familiale et l’inceste. Parmi les multiples visages de violence, Karine Roy choisit, au onzième chapitre, de parler de la violence que subissent les enfants témoins, et par le fait même également victimes de violence conjugale. Dans ce chapitre,

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MARIE-ROSE TANNOUS

Karine présente certains des impacts de la violence conjugale sur les enfants. Elle étale et analyse le coût de l’exposition de ces enfants à une telle violence, comme son impact sur leurs croyances de base telles que leur regard envers le monde et la définition de la normalité versus violence. De plus, Karine se voit exceptionnellement attentive aux implications d’une telle violence sur la relation mère-enfant. Elle suggère quelques solutions possibles pour mettre fin à ce type de violence répandu dans plusieurs familles. En plus de sensibiliser son lectorat à la violence conjugale et ses rouages, Karine espère améliorer les interventions professionnelles en contexte de violence conjugale et familiale pour une meilleure protection à la fois de la mère et des enfants. Quant à François Mireault, il présente, au douzième et dernier chapitre, une autre forme de violence qui peut toucher les deux genres masculin et féminin. Cependant, François choisit de s’arrêter sur le genre féminin. Il nous parle de l’inceste. Il définit le concept. Il aborde la dimension du mal et de la souffrance en lien avec cette violence. Il étale les conséquences et les impacts traumatiques de l’inceste sur la victime, puis revient sous un angle spirituel, plus précisément chrétien, pour parler des bénéfices et des glissements d’un partage de la souffrance avec le Christ. Ce travail s’achève par une série de questions qui ouvrent des pistes de réflexion en lien avec la violence de l’inceste et ses impacts sur le plan spirituel. Dans les dernières lignes, François parle de l’espoir et de la résilience des victimes d’inceste en accordant une place d’importance à la spiritualité et à la transcendance. À partir de son chapitre, et en guise d’un profond respect, d’appréciation et de reconnaissance à l’égard de la femme, François souhaite lever le voile sur ce genre de violence. Il remercie les parents, et en particulier sa mère, qui respectent le corps et le cœur de leurs enfants, en plus ils leur transmettent des valeurs qui les empêchent de se taire devant de telles pratiques.

PARTIE I

La violence psychologique Mélodie Denis Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : La violence est un outil de destruction et de contrôle, utilisé pour instaurer une dominance et éliminer la personne visée (Wallonie-Bruxelles, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Elle se présente sous de nombreuses et différentes formes : psychologique, verbale, sociale, physique, économique, spirituelle et sexuelle (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Quoique tous ces types de violence méritent d’être abordés, ce chapitre se concentre sur la violence psychologique puisqu’il s’agit d’une violence qui accompagne tous les autres types de violence. Ses conséquences négatives sont durables aux niveaux psychologique, émotionnel, développemental et physique sur les victimes, et particulièrement sur les femmes (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Le chapitre se poursuit sur un ton plus positif pour mentionner de nombreuses suggestions dans le but de limiter et de réduire la violence psychologique, telles que, dénoncer la personne qui commet l’agression, trouver des organisations et des ressources d’aide, croire et soutenir les victimes, offrir des services d’aide et d’éducation à la société, encourager les comportements de non-violence et agir de manière non violente (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). L’auteure n’omet pas de nommer les limites de ces suggestions qui rendent l’élimination de la violence psychologique une tâche difficile. ABSTRACT: Violence is a tool of destruction and control, which is used to insure dominance and eliminate the person touched (Wallonie-Bruxelles, 󰀂󰀀󰀀󰀆). It comes in many different forms: psychological, verbal, social, physical, economic, spiritual and sexual (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Although all these types of violence deserve to be addressed, this chapter focuses on psychological violence, since this type of violence accompanies all the other types of violence. It has lasting negative psychological, emotional, developmental and physical consequences for victims, but particularly, women (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). This chapter continues in more positive tone by mentioning many suggestions for limiting or reducing psychological abuse, such as, denouncing the person who commits the assault, finding organizations and support resources, believing and supporting victims, offering help and education services to society, encouraging non-violent behaviors and acting in a non-violent manner (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). However, the author does not omit to name the limits of these suggestions which make the elimination of psychological violence a difficult task.

󰀁󰀀

MÉLODIE DENIS

Introduction La violence, sous toutes ses formes, n’est pas un concept nouveau de notre monde (Wallonie-Bruxelles, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Elle existe depuis le début de l’humanité et nous la reconnaissons à travers les événements de l’histoire, ainsi que dans les mythes et les légendes (Wallonie-Bruxelles, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Les facteurs qui définissent son intensité et ses variations demeurent des sujets de la recherche actuelle (Blondin, Ouellet et Leclerc, 󰀂󰀀󰀁󰀈). La violence a comme but premier, la destruction et le contrôle. La personne qui utilise la violence cherche à éliminer l’autre personne, l’exclure et la faire taire, afin d’instaurer sa dominance et de répondre à son désir de toute-puissance (Wallonie-Bruxelles, 󰀂󰀀󰀀󰀆). La violence peut prendre de nombreuses différentes formes : psychologique, verbale, sociale, physique, économique, spirituelle et sexuelle. Toutes ces formes de violence peuvent se retrouver dans la violence conjugale, qui, quoiqu’elle touche aussi les hommes, est majoritairement dirigée vers les femmes selon les recherches du Secrétariat à la condition féminine (󰀂󰀀󰀁󰀉). C’est ainsi que les prochaines pages se concentrent sur la violence psychologique qui touche principalement les femmes. Nous justifions le choix particulier de ce type de violence, nous le définissons et nous partageons ce que disent quelques recherches à ce propos. Nous explorons les effets et les implications de la violence psychologique sur la femme, puis nous proposons quelques solutions et remèdes et finalement, nous terminons avec les limites de ces suggestions. Pourquoi parler de violence psychologique Selon la recherche de Blondin et ses collègues (󰀂󰀀󰀁󰀈), les victimes qui ont rapporté de la violence conjugale physique ont affirmé vivre de la violence psychologique. Cette forme de violence semble toucher plusieurs personnes sans que ces dernières soient nécessairement conscientes, au moment elles la subissent. Elle est difficilement prouvée, car elle ne laisse pas de cicatrices physiques ni de marques visibles. C’est une violence indirecte. Souvent, le terme violence est utilisé quand il s’agit d’un acte brutal accompagné de force physique (Cantin, 󰀁󰀉󰀉󰀅). Cependant, la perte de contrôle, les divers moyens utilisés pour dominer l’autre, les comportements qui atteignent l’intégrité de la dignité de l’autre ainsi que les menaces, bien qu’ils ne laissent pas de blessures physiques, causent des blessures plus profondes, des blessures intérieures comme résultantes

LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE

󰀁󰀁

de la violence psychologique (Cantin, 󰀁󰀉󰀉󰀅). L’histoire de Lynne en dit davantage sur ce type de violence et nous le définit. Lynne, une jeune de vingt et un an, se trouve obligée de s’éloigner d’un ami, car la relation devient teintée de violence psychologique. Lynne rapporte que cet ami essayait souvent de la manipuler et de la contrôler. Il se donnait toujours le droit de lui dicter ses actions et ses décisions. Il se fâchait contre elle lorsqu’elle passait du temps avec d’autres amis. Lorsqu’il se fâchait, il la traitait de noms qui la rabaissent, puis se justifiait en exprimant sa jalousie. Son ami ne pouvait pas comprendre à quel point elle n’appréciait pas sa manière de la traiter; il la méprisait, l’intimidait et l’humiliait. Cet ami l’accusait de le provoquer, car selon lui, Lynne savait qu’il avait des sentiments envers elle et qu’elle faisait exprès pour le rendre jaloux. Lynne était toujours en position de justification. Elle était presque sûre et convaincue d’être dans le tort. Un sentiment fort de regret et de culpabilité l’habitait tout le temps. Son ami trouvait toujours une façon de lui faire regretter ses comportements. En conséquence, Lynne reconnaît aujourd’hui les dommages que cette relation a laissés sur son estime de soi ainsi que sur sa confiance en elle. Les noms dont il l’a traitée dans le passé sont encore gravés dans sa mémoire. Elle est consciente des séquelles durables et de la difficulté de sortir d’une telle situation, surtout que cette violence, même si elle est courante et accompagne tous les autres types de violence, demeure difficile à détecter par la victime (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). En conséquence, ce type de violence passe souvent inaperçu (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Lynne s’est questionnée, à plusieurs reprises, sur la façon de dénoncer son ami. Comment une femme peut-elle dénoncer son conjoint, son copain, son père ou son frère ? De plus, sa plainte n’est pas assez fiable, car elle n’a aucune preuve de ce qui se dit et se fait dans le privé et dans l’intimité. L’histoire de Lynne nous démontre que les victimes de violence psychologique vont très rarement être prises au sérieux, puisque le témoignage de la victime à lui seul ne peut suffire. En l’absence de preuves physiques, la parole de la victime demeure sans preuve et sans appui (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Bien que cet abus soit en soi une agression sournoise qui porte le potentiel de détruire la victime, il demeure souvent dans l’ombre. Cependant, cette violence touche à l’intégrité psychologique de la personne qui n’est pas moindre que son intégrité physique (Cantin, 󰀁󰀉󰀉󰀅). L’histoire de Lynne nous mène au constat que la personne qui abuse psychologiquement utilise la violence psychologique comme un moyen d’exercer un contrôle sur l’autre personne et de porter atteinte à son estime de soi (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La violence psychologique se manifeste

󰀁󰀂

MÉLODIE DENIS

par des humiliations, des dénigrements, des regards, des attitudes et des propos méprisants, des interdictions et des limites motivées par la jalousie, du chantage, de la négligence et de la manipulation. Ces attitudes ne font que dévaloriser la victime (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Cette forme de violence accompagne tous les autres types, mais peut aussi se manifester seule (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Éclairage des recherches à propos de la violence psychologique Selon l’Enquête sociale générale de 󰀂󰀀󰀀󰀄, la violence psychologique a été rapportée de manière presque égale par les hommes et les femmes. Cette donnée veut dire que la violence psychologique atteint presque autant d’hommes (󰀁󰀇%), que de femmes (󰀁󰀈%) (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Toutefois, les femmes vivent les conséquences négatives de la violence psychologique de manière plus grave et sur une plus longue durée (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La violence psychologique peut se retrouver dans différents types de relation comme dans les relations parent-enfant, les relations de couple hétérosexuel et homosexuel, les relations entre pairs et les relations de confiance et d’autorité (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). De plus, comme déjà mentionné, la violence psychologique peut se manifester seule ou accompagnée d’autres types de violence (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Les résultats de recherche observés par Ouellet, Lindsay et Saint-Jacques (󰀁󰀉󰀉󰀄) ont démontré que les hommes qui abusent sont capables d’arrêter l’abus physique à la suite d’un programme de traitement. Par contre, pour maintenir leur contrôle sur leur partenaire, très souvent ils vont avoir recours à la violence psychologique (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Ce type de violence suit un cycle qui se répète et se renforce avec le temps. Si la violence psychologique est laissée à ellemême, elle ne disparaîtra pas (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Garbarino, Guttman et Seeley (󰀁󰀉󰀈󰀆) croient que la violence physique et la violence psychologique coexistent au sein d’une relation de couple et que le concept de violence psychologique inclut à la fois des aspects cognitifs et affectifs. La personne qui agresse psychologiquement peut avoir recours à deux types de tactiques pour atteindre sa victime : les comportements de négligence et les comportements délibérés (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Les comportements de négligence sont plus difficiles à détecter et ils comprennent l’empêchement de la victime d’avoir une interaction humaine normale ou le refus du droit à ses sentiments (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈).

LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE

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Au sein d’un couple, cette violence peut de manifester par une indifférence ou une négation de l’autre : faire semblant que la femme n’est pas présente et refuser de l’écouter (Lacombe, 󰀁󰀉󰀉󰀀). Quant aux comportements délibérés, ils représentent plutôt des formes de contrôle beaucoup plus agressives (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Parmi les tactiques de négligence, on retrouve des éléments comme l’indifférence par rapport aux comportements et aux sentiments de la personne et la banalisation des actions de la personne qui agresse ou de la situation. Agir de manière détachée de la victime ou agir seulement lorsqu’il le faut absolument sont parmi les tactiques de négligence. À ces derniers, Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) ajoutent le fait d’ignorer la victime et ses tentatives d’interaction, nier ses actions de violence, ses paroles ou faire semblant d’oublier, ne pas respecter des promesses ou des ententes. Ces comportements vont plus loin comme essayer de convaincre la victime qu’elle est à la source du problème, que tout est dans sa tête, que personne ne la croit, ainsi que contredire ce qu’elle dit (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Kirkwood (󰀁󰀉󰀉󰀃) parle ainsi de la surcharge de responsabilité et de la distorsion de la réalité subjective de la victime. Dans les tactiques délibérées, on retrouve plutôt des comportements comme des accusations, souvent faussées, de la part de la personne qui agresse envers la victime, comme la blâmer, contrôler ses sorties et ses fréquentations sous prétexte de jalousie, lui demander toujours des comptes à rendre et justifier ses actes et ses actions (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La personne qui utilise des tactiques délibérées peut aussi critiquer continuellement l’autre personne, ridiculiser la victime sur ses traits physiques, ses actions et son identité, crier contre l’autre personne, l’humilier, l’injurier, l’imiter ou l’infantiliser, harceler la victime en communiquant avec elle contre son gré et en lui envoyant des cadeaux non désirés pour la terroriser. La violence psychologique provoque la dégradation et la peur (Kirkwood, 󰀁󰀉󰀉󰀃). Elle vise aussi à exploiter la victime, la forcer à participer à des activités auxquelles elle ne veut pas prendre part, la menacer de la blesser ou de la tuer et l’isoler de sa famille, de ses amis, de la société sont parmi les tactiques délibérées mentionnées par Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈). La violence psychologique peut se faire sur tout type de personne, toutefois, il existe certains facteurs de risques qui accroissent les chances de devenir victime de ce type de violence. Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) nomment surtout les personnes avec une déficience, les personnes âgées, les personnes qui vivent dans un milieu isolé socialement et physiquement, les personnes autochtones, les personnes qui ont une barrière linguistique

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avec le milieu dans lequel elles vivent, ou encore les femmes qui ont un jeune partenaire sans emploi, un partenaire qui consomme de l’alcool, un partenaire avec un faible niveau de scolarité ou un partenaire qui a été témoin de violence envers sa mère (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Les conséquences et les implications de cette forme de violence sur la femme Pour continuer, la violence psychologique, comme toutes les autres formes de violence, laisse de nombreuses conséquences et implications sur les victimes. Quoiqu’elle cause des séquelles chez les hommes, ainsi que chez les enfants – comme le développement d’un trouble posttraumatique chez les hommes et le développement de troubles émotionnels et comportementaux chez les enfants (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈) – la violence psychologique a énormément de conséquences sur la femme, qui est la victime principale de cette forme de violence. À cause des insultes, des menaces, des dénigrements, des manipulations, des humiliations et des interdictions que la femme subit de la part de la personne qui l’agresse, le risque de développer un trouble de stress post-traumatique existe (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Le trouble de stress post-traumatique est caractérisé par des souvenirs troublants et des cauchemars, un retrait social, de l’anxiété, la dépression, un trouble de sommeil et de la fatigue, des difficultés à se concentrer et des pertes de mémoire. Le tout est accompagné de sentiments d’impuissance, de peur et de colère (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Mais le trouble de stress posttraumatique est loin d’être la seule conséquence que peut vivre la femme victime de violence psychologique. Des sentiments de honte, d’être inutile, de culpabilité, d’une faible confiance en soi et d’une baisse d’estime de soi sont très courants (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). « Cette perte d’estime se traduirait à son tour par une diminution des capacités à faire face à la relation abusive et, par conséquent, à s’y soustraire » (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈, p. 󰀁󰀄󰀄). La femme finit par accepter le message du partenaire qui abuse. Ces sentiments peuvent persister pendant très longtemps, car ils sont nourris par les accusations, les insultes, les cris et les paroles humiliantes du conjoint qui agresse (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). La femme peut vivre dans une peur constante et, si la violence se produit en présence de ses enfants, la femme peut avoir peur pour le bien-être ou même la vie de ces derniers (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈).

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D’autre part, le fonctionnement social de la femme victime de violence se voit affecté de multiples façons : la dépression, l’anxiété et les idées suicidaires (Lessard, Montminy, Lesieux, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). En conséquence, la femme risque de se retirer de la société et de s’engager dans une consommation abusive d’alcool (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Selon Stevens, Arsenault, et Santé Canada (󰀁󰀉󰀉󰀆), les femmes agressées psychologiquement sont cinq fois plus susceptibles de consommer de l’alcool que les femmes n’ayant pas eu une expérience de violence. Si la violence psychologique persiste pendant une longue période de temps, la femme peut développer des pensées suicidaires qui mènent aux tentatives de suicide (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La femme vit dans un état de confusion. Elle éprouve de la difficulté à prendre des décisions. Son isolement social, son absentéisme et la diminution de sa concentration deviennent des facteurs primaires de la baisse de sa performance au travail. Prud’homme (󰀂󰀀󰀁󰀁) explique que les implications deviennent de plus en plus graves si le cycle de violence se répète. La femme victime de violence finit par s’ajuster aux besoins du conjoint et dépend de ses humeurs. La baisse d’estime de soi touche à son image comme conjointe. En plus de sa vie professionnelle, elle se voit incompétente dans sa vie de couple, car la violence se poursuit en dépit de ses efforts et de sa performance pour plaire à son conjoint. Puisque la violence psychologique peut être de longue durée, même après qu’elle cesse, les femmes victimes peuvent avoir de grands problèmes d’adaptation au cours de leur vie, ainsi que de graves problèmes psychologiques comme ceux mentionnés plus haut (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La femme qui a vécu dans un contexte abusif pendant longtemps, arrive à percevoir la violence comme normale, et même justifiée (Prud’homme, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Cette femme « ne perçoit plus les manifestations du contrôle exercé sur elle par son conjoint. [Elle] se vide littéralement de son dynamisme et de son énergie vitale […] elle doute de ses émotions et de sa propre compréhension de la situation; parce qu’elle fait tout pour éviter de nouvelles agressions » (Prud’homme, 󰀂󰀀󰀁󰀁, p. 󰀁󰀈󰀂). En plus des problèmes psychologiques et de la dépendance affective qui peuvent se développer chez les femmes victimes d’agression psychologique, des problèmes physiques non reliés à des conditions médicales peuvent apparaître (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Des douleurs musculaires dans les membres et dans le dos, des maux de tête persistants et des problèmes d’estomac sont des exemples de problèmes physiques qui peuvent résulter de la violence psychologique (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). La femme victime de violence psychologique développe parfois

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des comportements à risque, comme par exemple, s’engager dans des relations sexuelles non protégées donnant lieu à des grossesses non intentionnelles (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈) ou à des maladies sexuellement transmissibles. Suggestions pour limiter la violence psychologique Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) offre une liste de suggestions et d’actions pour limiter la violence psychologique et y faire face. En voici quelquesunes. La première suggestion est de briser le silence en parlant à une personne de confiance. Cette personne peut être un(e) ami(e), un membre de la famille, un professionnel de soins de santé, un chef spirituel ou un mentor (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Briser le silence s’avère un pas crucial, car il a le potentiel de briser les chaînes de la victimisation (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Ainsi briser le silence apparaît comme un premier pas pour briser le cycle de la violence et la faire reconnaître. Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) suggèrent une ouverture au dialogue entre la victime et son conjoint. Les auteures encouragent la femme abusée à affronter la personne abusive, en lui avouant que son comportement n’est pas acceptable. Cette conversation peut s’ouvrir au pourquoi et au comment. La femme peut ainsi expliquer la façon dont elle aimerait être traitée et respectée dans l’intégralité de sa dignité. Une telle suggestion, nous fait sentir la confiance que les auteures (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈) placent en la victime et en la personne qui agresse, ainsi que leur conviction qu’un changement peut avoir lieu. Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) sont capables de voir le potentiel caché dans une femme violentée : faire face à sa situation, se tenir debout et se relever après l’agression. Ainsi, elle est capable d’exprimer ses besoins et de dénoncer l’expérience de la violence. D’autre part, le conjoint qui abuse peut ne pas être conscient de ses comportements. L’ouverture à cette conversation servira à la conscientisation, un moyen que Doherty et Berglund (󰀂󰀀󰀀󰀈) utilisent pour limiter la violence par la non-violence. Il est évident, que le couple est encouragé à consulter, ensemble et/ ou séparément, pour sortir du cycle de la violence et de la victimisation. C’est ainsi que femme et homme sont appelés à contacter des organismes et des professionnels en violence psychologique qui pourront les aider. Principalement, la victime peut se renseigner afin de trouver un endroit sécuritaire si elle est dans l’obligation de quitter son foyer. La personne

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peut aussi être orientée vers des programmes et des services qui l’aideront à traverser les obstacles qu’elle doit affronter (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Il reste important de suggérer à la femme des organismes communautaires et des groupes de soutien. L’orienter vers des sources d’aide la rassure et la laisse sentir qu’elle est comprise et appréciée (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈), car les normes sociales blâment souvent la victime et la rabaissent. Il important de faire comprendre à la victime que les professionnels la comprennent et sont là pour la soutenir (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Ainsi si une amie, un membre de la famille, une collègue de travail ou une voisine est victime de violence psychologique, il est d’abord important de les croire. La nécessité de la reconnaissance de la violence et de la domination tant individuelle que collective sur les femmes doit faire partie de l’intervention auprès d’une femme violentée (Prud’homme, 󰀂󰀀󰀁󰀁). La personne qui a vécu ces traumatismes, cherche à être crue et protégée, plutôt qu’à être blâmée et jugée. L’intervention doit se joindre à l’expérience de la femme comme signe de validation et d’empathie. Il revient à tous et chacun de participer à la limitation de cette violence. Si une personne travaille dans une école, un foyer de groupe ou un établissement de soins, cette personne peut limiter la violence psychologique en s’assurant de communiquer d’une manière non violente, ainsi qu’en encourageant ses collègues de travail à valoriser leur rôle d’aidant et en leur montrant comment reconnaître les signes de violence psychologique (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Si une personne travaille dans un milieu communautaire, de services sociaux, de santé ou un milieu juridique, il est possible pour elle d’offrir des services d’éducation par rapport à la violence psychologique, d’offrir des groupes de soutien, de l’hébergement, des services de consultation et des formations professionnelles (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Il faut aussi que cette personne offre un soutien émotionnel auprès des victimes (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Une personne participant à l’établissement de politiques et/ou à l’examen de la loi a le pouvoir d’établir des programmes qui appuient les victimes de violence psychologique (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La personne qui participe à la promulgation ou à l’examen de la loi doit aussi s’assurer que les services offerts aux victimes et les personnes qui agressent sont accessibles aux personnes ayant des besoins spéciaux, des personnes isolées et celles qui manquent de ressources (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Finalement, dans le cadre de la conscientisation collective, il devient impératif de mettre en place des programmes d’éducation pour que la société entière se sensibilise à la notion de la violence psychologique afin de la remarquer et en conséquence travailler pour la limiter et la contrer

󰀁󰀈

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(Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Des programmes qui visent à aider les gens à changer leurs comportements et mettre fin à la violence transmise à travers les générations sont aussi d’une grande utilité (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). L’éducation à la non-violence à partir des comportements, des interactions, des relations et le témoignage de vie des parents est une composante de base de l’éducation. Les limites aux suggestions pour réduire la violence psychologique Après avoir suggéré plusieurs actions pour limiter la violence psychologique, il est important de mentionner que les suggestions proposées ne représentent pas les seules actions possibles pour limiter la violence psychologique. Les suggestions mentionnées ne sont pas exhaustives. Évidemment, plusieurs autres n’ont pas été élaborées dans ce chapitre. De plus, même celles qui sont mentionnées se heurtent à des limites. La limite majeure est de passer des suggestions aux actions. Les personnes victimes de violence psychologique ne sont pas toujours capables de s’ouvrir à autrui pour dénoncer la violence et la personne qui les agresse, et cela pour toutes les raisons étalées et expliquées dans la partie qui touche aux conséquences de la violence. Parmi ces raisons, la violence psychologique fait souvent croire que tout est de la faute de la personne agressée, et qui en conséquence, elle mérite bien son sort (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Il devient ainsi inenvisageable de chercher de l’aide. Pour éviter le jugement et se protéger d’une violence psychologique additionnelle, la victime choisit le silence. De ce fait, la suggestion d’affronter son conjoint agresseur se heurte à la même limite. Va-t-il l’écouter ? Va-t-il se laisser convaincre par sa femme qu’il l’a mal traitée ? Va-t-il prendre en considération ses sentiments, son opinion et ses propos ? De plus, n’attire-t-elle pas un risque supplémentaire en le confrontant, comme n’encourt-elle pas se faire abuser davantage ? Une autre limite se voit à l’horizon. Si le conjoint qui agresse a isolé sa femme en l’empêchant de communiquer avec ses amis ou sa famille, il serait beaucoup plus difficile pour celle-ci d’atteindre une personne avec laquelle elle pourrait communiquer et se faire croire. Pour ce qui est de l’éducation de la société comme mettre en place des programmes pour aider les victimes ainsi que les personnes qui agressent, et offrir des services aux personnes isolées, ouvrir des maisons de réhabilitation et d’hébergement et offrir une thérapie adaptée, il faut avouer que cette mission ne s’avère pas facile. En termes de plan d’action, elle dépend de plusieurs éléments et se heurte à plusieurs limites. Plusieurs

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éléments conditionnent l’inauguration et le bon fonctionnement de tels programmes et organisations. À titre d’exemple, nous citons entre autres les ressources financières. Ces organismes ne reçoivent pas le financement gouvernemental nécessaire pour améliorer leurs services ni pour les élargir. En fait, en 󰀂󰀀󰀁󰀆, 󰀄󰀀% des maisons d’hébergement, au Canada, faisant partie d’un sondage, ont dit qu’elles recevaient un financement gouvernemental décroissant ou stagnant alors que la demande et les besoins de ces maisons augmentent. Ces dernières ont nommé les limites financières comme étant un des principaux obstacles à surmonter au cours de cette année-là (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). De plus, parmi les nombreuses maisons d’hébergement qui ne reçoivent pas assez de financement gouvernemental, se trouvent les maisons pour les femmes, les enfants. Les familles autochtones dans des réserves reçoivent jusqu’à 󰀅󰀀% moins de subventions (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). S’il manque déjà de financement pour les maisons d’hébergement existantes, mettre en place de nouveaux programmes et plus de maisons d’hébergement ne semble pas être un projet facile à réaliser. Une autre limite à ces suggestions serait qu’en dépit des efforts fournis et des ressources disponibles, plusieurs femmes n’utilisent pas ces ressources et ne profitent pas des programmes mis en place. Certaines choisissent de rester dans le milieu abusif ou sont portées à le faire. Il est toujours possible d’initier les gens, de les motiver et de les encourager à participer, à changer de mentalité et d’approche, à évoluer en même temps que la société et ses besoins, cependant, il n’est pas évident de garantir la réussite de ces initiatives si les gens ne souhaitent pas vivre ce changement de l’intérieur et se voir transformer par ce qui est offert. Il est aussi important de prendre en considération les éléments culturels et religieux. La violence n’est pas définie et vue de la même manière partout dans le monde. Dans plusieurs pays, la violence fait partie de la structure politique, sociale et religieuse. Elle fait partie de la pratique courante, passe inaperçue et se confond avec la normalité en conséquence, personne ne se questionne quant à sa légitimité ; ainsi, il devient évident de ne pas suggérer des solutions à un problème qui n’existe pas. Conclusion Pour conclure, la violence psychologique est le type de violence la plus sournoise, car d’une part elle est difficile à reconnaître ; d’autre part, elle accompagne tous les autres types de violence. Nous avons cité quelques-unes de ces implications négatives durables sur les victimes et

󰀂󰀀

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sur les femmes. Ce chapitre a voulu aussi, à travers l’histoire de Lynne, s’adresser à toute femme victime de ce type de violence. Ces quelques pages ont voulu conscientiser les personnes qui agressent à la souffrance qu’elles peuvent causer à leur victime. Il est aussi question de reconnaître cette violence afin que victime et acteur la reconnaissent et demandent de l’aide. Cette violence affecte l’estime de soi, la confiance en soi, l’intégralité de l’identité et de la dignité humaine, des aspects qui ne doivent pas être piétinés ; autrement, de sévères troubles psychologiques, émotionnels, développementaux et physiques peuvent surgir (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Quoiqu’il existe de nombreuses suggestions pour limiter ou réduire la violence psychologique, telles que dénoncer la personne qui agresse, aller vers des organisations et des ressources d’aide, croire et soutenir la victime, offrir des services d’aide et d’éducation à la société, encourager les comportements de non-violence, agir et parler de manière non violente (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈), ces derniers connaissent des limites, ce qui nous porte à ne pas baisser les bras mais plutôt à nous entraider afin que cette violence ne se perpétue pas. Bibliographie Blondin, O., Ouellet, F. & Leclerc, C. (󰀂󰀀󰀁󰀈). Les variations temporelles de la fréquence des violences physiques en contexte conjugal. Criminologie, 󰀅󰀁 (󰀂), 󰀃󰀄󰀃–󰀃󰀇󰀃. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀅󰀁󰀂󰀃󰀅ar Cantin, S. (󰀁󰀉󰀉󰀅). Les controverses suscitées par la définition et la mesure de la violence envers les femmes. Service social, 󰀄󰀄 (󰀂), 󰀂󰀃–󰀃󰀃. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀇󰀀󰀆󰀆󰀉󰀁ar Doherty, D. & Berglund, D. (󰀂󰀀󰀀󰀈). La violence psychologique : un document de travail. Centre national d’information sur la violence dans la famille. https://books.scholarsportal.info/en/read?id=/ebooks/ebooks󰀁/ gibson_chrc/ 󰀂󰀀󰀁󰀀-󰀀󰀈-󰀀󰀆/󰀅/󰀁󰀀󰀃󰀀󰀉󰀂󰀇󰀇 Garbarino, J., Guttman, E. & Seeley J.W. (󰀁󰀉󰀈󰀆). The Psychological Battered Child: Strategies for Identification, Assessment, and Intervention. San Francisco, California, Jossey-Bass. Hébergement femmes Canada (󰀂󰀀󰀁󰀇). Les chiffres: violence faite aux femmes et aux filles au Canada. http://fede.qc.ca/sites/default/files/upload/documents/ publications/hfc_les_chiffres_vff.pdf Kirkwood, C. (󰀁󰀉󰀉󰀃). Leaving Abusive Partners. Londres: Sage Publications. Lacombe, M. (󰀁󰀉󰀉󰀀). Au grand jour. Montréal, Les Éditions du remue-ménage. Lessard, G., Montminy, L., Lesieux, É., Flynn, C., Roy, V., Gauthier, S. & Fortin, A. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Les violences conjugales, familiales et structurelles : vers une perspective intégrative des savoirs. Enfances, Familles, Générations, 󰀂󰀂, 󰀁–󰀂󰀆. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀃󰀁󰀁󰀁󰀆ar

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Lindsay, J. & Clément, M. (󰀁󰀉󰀉󰀈). La violence psychologique : sa définition et sa représentation selon le sexe. Recherches féministes, 󰀁󰀁 (󰀂), 󰀁󰀃󰀉–󰀁󰀆󰀀. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀀󰀅󰀈󰀀󰀀󰀈ar Nason-Clark, N. (󰀂󰀀󰀀󰀄). When Terror Strikes at Home: The Interface between Religion and Domestic Violence. Journal for the Scientific Study of Religion, 󰀄󰀃 (󰀃), 󰀃󰀀󰀃–󰀃󰀁󰀀. Ouellet, F., Lindsay, J. & Saint-Jacques, M.-C. (󰀁󰀉󰀉󰀄). Une évaluation de programme à multiples facettes : l’intervention auprès des conjoints violents. Santé mentale au Québec, 󰀁󰀉 (󰀁), 󰀁󰀉󰀅–󰀂󰀂󰀄. Prud’homme, D. (󰀂󰀀󰀁󰀁). La violence conjugale : quand la victimisation prend des allures de dépendance affective! Reflets, 󰀁󰀇 (󰀁), 󰀁󰀈󰀀–󰀁󰀉󰀀. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀁󰀀󰀀󰀅󰀂󰀃󰀈ar Secrétariat à la condition féminine (󰀂󰀀󰀁󰀉). Violence conjugale. http://www.scf. gouv.qc.ca/index.php?id=󰀆󰀁 Stevens, L. E., Arsenault, R., & Santé Canada (󰀁󰀉󰀉󰀆). La violence psychologique: renseignements du Centre national d’information sur la violence dans la famille. Centre national d’information sur la violence dans la famille (Canada). http://publications.gc.ca/collections/Collection/H󰀇󰀂-󰀂󰀂-󰀁󰀈-󰀁󰀉󰀉󰀆F.pdf Wallonie-Bruxelles, P. C. (󰀂󰀀󰀀󰀆). Qu’est-ce que la violence ? http://www.bepax.org/ files/files/quest-ce-que-la-violence.pdf

La réalité du cauchemar qu’est la violence psychologique Caroline Boulanger Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Le présent chapitre traite de la violence psychologique, particulièrement, celle faite aux femmes au sein d’un couple. Il aborde également quelques-uns des différents types de violences accompagnés par la violence psychologique. Plusieurs statistiques frappantes démontreront la présence de la violence psychologique dans le quotidien, les façons dont elle se manifeste et les répercussions de celle-ci sur les victimes. Le chapitre s’ouvre à des solutions mises sur pieds pour tenter de réduire ce type de violence. L’auteure nommera les limites de chacune des solutions suggérées. ABSTRACT: This chapter discusses the psychological abuse, especially, women’s abuse within the couple. It also addresses some of the different types of violence accompanied by psychological violence. Several striking statistics will demonstrate the presence of psychological violence in everyday life, the ways in which it manifests itself and the repercussions of it on victims. The chapter deals with solutions put in place to try to reduce this type of violence. The author will name the limitations of each of the suggested solutions.

Introduction La peur de découvrir une réalité peut mener certaines personnes à l’ignorer. Pourtant, cette réalité porte le potentiel d’ouvrir les yeux sur des aspects que nous ignorons ou sur des sujets que nous choisissons d’ignorer par peur d’en connaître la vérité. La violence faite aux femmes est l’un des sujets tabous qui rend les gens aveugles face aux destructions psychologiques, sociales et spirituelles qu’elle peut engendrer aux deux niveaux individuel et familial. Ceci nous pousse à ouvrir grand les yeux devant ce grave phénomène. Une étude faite au Canada en 󰀂󰀀󰀁󰀇 indique qu’environ tous les six jours une femme est assassinée par son partenaire intime (Hébergement Femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Pour briser le silence autour de la violence, nous avons choisi de parler particulièrement de la violence psychologique vécue par la femme au sein d’un couple afin de mieux la comprendre. Une définition

󰀂󰀄

CAROLINE BOULANGER

et une explication de cette violence seront d’abord élaborées. Ensuite, un résumé des points culminants des recherches actuelles sur ce type de violence ainsi que sur les répercussions de celle-ci sur la femme seront présentés. Nous terminons en abordant des suggestions visant à limiter ce type de violence et nous explorons leurs limites. Définition de la violence psychologique La violence psychologique a comme but de dévaloriser et de dénigrer l’autre (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La personne qui abuse a recours à des propos méprisants, des humiliations, du chantage et de la négligence (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ce type de violence atteint l’estime et la confiance de la victime à un tel point qu’elle finit par questionner son rôle et l’ampleur de sa responsabilité dans ce qui lui arrive (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ceci la pousse à croire qu’elle mérite son sort, ou encore pire, que ce sont ses comportements qui provoquent la personne qui l’agresse (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉); ainsi elle mérite de telles réactions. Dans bien des cas, la personne qui abuse va également tenter d’isoler sa victime puisqu’en l’isolant il devient plus facile de la contrôler (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La violence psychologique touche plusieurs personnes sans que ces dernières s’en rendent compte. C’est ainsi qu’elle me touche particulièrement comme femme. Elle représente le premier drapeau rouge à observer dans une relation soupçonnée être malsaine. De plus, ce type de violence accompagne les autres types de violence, dont la violence physique (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). Elle s’associe à différentes situations personnelles dans lesquelles la victime ne se reconnaît pas ainsi, car elle n’est pas toujours facile à déceler. Une personne peut être intimidée de différentes manières et à différentes étapes de sa vie sans s’en rendre compte. La violence psychologique semble donner du pouvoir à la personne qui abuse. Elle est très sournoise et la personne qui l’utilise peut en être consciente ou pas. Souvent la personne abusée ne se rend pas compte d’être victime de ce type de violence. En conséquence, la conscientisation à ce type de violence exige une exploration pour mieux la saisir et la comprendre. Sensibiliser et éduquer les gens à cette violence constituent éventuellement une prévention pour les victimes et pour les personnes qui la pratiquent. C’est ainsi que l’éducation ouvre les yeux de la victime et l’informe de ses droits pour remarquer l’injustice et le mal qu’impose la violence psychologique. S’informer et se renseigner poussent la société à mieux agir et à se protéger.

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La violence psychologique dans les recherches Plusieurs recherches sur la violence psychologique au sein d’un couple ont permis de définir les points culminants de la violence conjugale et de démystifier certains mythes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la violence psychologique ne se limite pas à un couple qui cohabite. Même les jeunes filles subissent ce type de violence au cours de leurs premières relations amoureuses. Une recherche, menée par l’Institut de la statistique du Québec (󰀂󰀀󰀀󰀂), a démontré qu’environ 󰀂󰀁% des filles de 󰀁󰀃 ans et 󰀃󰀄% des filles de 󰀁󰀆 ans questionnées ont répondu avoir été victimes de violence psychologique de la part de leur partenaire. Ces chiffres ne sont pas surprenants. Bien que l’être humain cherche à plaire et à être aimé tout au long de sa vie selon différentes formes et en fonction de son style d’attachement, ces besoins : aimé, être aimé, et le besoin d’appartenance à un groupe ou à une communauté se voient plus accentués à l’adolescence. À cette étape de la vie, plusieurs filles cherchent à vivre conformément aux exigences de l’autre, afin de recevoir son approbation. Il devient ainsi facile de devenir la proie d’une personne qui cherche à prendre avantage de la jeune fille. Dans un premier temps, il est très probable que certaines filles succombent au charme de la personne qui abuse, et ce, sans s’en rendre compte (Atger, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Dans son article, Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀇) parle de la « violence univoque », un terme qui désigne la violence dans son ensemble. Il explique qu’à la base, la violence « peut être considérée comme un dysfonctionnement conjugal fondé sur un rapport de force qui s’exerce par des brutalités physiques ou mentales à la seule fin d’imposer sa volonté à l’autre, de le dominer par tous les moyens » (Jaspard, 󰀂󰀀󰀀󰀇, p. 󰀃󰀆). Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀇) ajoute que ce type de violence est destructeur et qu’il engendre la peur et la culpabilité chez la personne qui la subit. En comprenant que la violence, dans son ensemble, désigne des brutalités mentales qui peuvent aussi mener à la violence physique, il devient possible de conclure que la personne qui subit les agressions se sent coupable. Le but de l’utilisation de cette violence est de contrôler l’autre, de lui imposer, voire de lui dicter ses comportements. Ce type de violence devient synonyme de la violence psychologique. Cette dernière accompagne toute autre violence. Même si ce chapitre se concentre sur la violence psychologique au sein du couple, il demeure important de savoir que ce type de violence peut se produire également au travail, à l’école et dans d’autres contextes, chaque fois qu’une personne cherche à contrôler une autre (Clinique Psychologie Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Dans son étude, Soares (󰀂󰀀󰀀󰀂) explique que les cas de

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violence psychologique au travail ont toujours existé, mais que depuis les années 󰀁󰀉󰀉󰀀, leur fréquence et leur intensité ont augmenté de façon significative dans divers pays. Les recherches portant sur la violence psychologique permettent aussi d’éclairer certains aspects nuancés sur lesquels nous nous questionnons. Certains mythes pourraient porter à croire que les femmes au foyer seraient plus exposées à la violence de la part de leur mari. Cependant, les recherches de Brown, Fougeyrollas-Schwebel et Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀂) ont démontré que : « les femmes au foyer qui n’ont jamais exercé d’activité professionnelle ont la même fréquence de violences conjugales que les actives » (p. 󰀁󰀅󰀉). On explique seulement que leurs valeurs peuvent être différentes. Vu leur dépendance économique reposant sur leur époux, elles peuvent avoir une plus grande tolérance envers les comportements de leur conjoint (Brown, Fougeyrollas-Schwebel, et Jaspard, 󰀂󰀀󰀀󰀂). Ceci démontre que la violence psychologique ne se limite pas à un contexte, ou à une catégorie. Elle n’a pas de cible bien déterminée non plus. Ainsi, aucune personne ne se trouve à l’abri de cette violence. Toute personne peut en être victime et n’importe quelle personne peut l’utiliser pour agresser une autre. En effet, Lamy et ses collègues (󰀂󰀀󰀀󰀉) ont pu constater, à travers leur étude faite auprès de 󰀆󰀂󰀈 femmes ayant consulté un service d’accueil aux urgences, que dans 󰀆󰀃% des cas étudiés, les femmes victimes de violence conjugale et leurs conjoints avaient un statut de haut niveau socioprofessionnel. Il est alors difficile de cerner une personne victime de violence psychologique, mais encore plus difficile de découvrir derrière quel statut social se cache la personne qui agresse. Bien que la violence choisie pour ce chapitre soit la violence psychologique, parler de la dimension de celle-ci au sein du couple permet d’ajouter des informations au niveau de la violence conjugale. Plusieurs études, entre autres celles faites par le Gouvernement du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀉), ont essayé de définir un profil qui correspond à l’image des femmes victimes de ce type de violence. Cependant, la plupart n’ont pas été en mesure de définir un profil type. Les victimes peuvent être jeunes ou plus âgées, scolarisées ou non, et proviennent de différents milieux socio-économiques. Cependant, ces recherches ont découvert que certaines femmes étaient plus fragiles que d’autres, dû à certains facteurs, dont l’âge, l’identité sexuelle, certaines limitations telles que la déficience mentale ou encore à cause de leur origine socio-démographique (Institut national de santé publique Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Certes, les femmes qui se retrouvent dans ces particularités sont souvent plus vulnérables, ce qui les caractérise comme des proies faciles et cibles de violence au moment opportun.

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Les chercheurs se réunissent autour des points communs concernant la violence psychologique, en apportant chacun des nuances et des éclaircissements par rapport à cette dernière. Ceci démontre qu’il est difficile d’obtenir, en tant que société, une définition claire, nette et précise de la violence psychologique. C’est sans doute ce qui fait de la violence psychologique une violence vaste, complexe et difficile à cerner. Cependant, qu’elle soit vécue dans un couple, au travail ou à l’école, elle cause de graves blessures chez les victimes. Certaines de ses répercussions seront abordées dans les prochaines lignes. La violence psychologique : ses impacts et ses conséquences La violence psychologique a des conséquences mortifères sur les victimes. Les impacts prendront différentes envergures en fonction de l’ampleur de l’emprise provenant de la personne qui agresse (Clinique Psychologie Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈). L’emprise peut référer aussi au style d’attachement de la victime à son abuseur et leur cycle d’interaction. Elle peut aussi se manifester par le stress que les victimes portent sur leurs épaules et qui devient ingérable et insupportable. D’autres femmes se sentent coupables, inférieures et incompétentes, en conséquence elles éprouvent de la difficulté à délimiter leurs responsabilités quant à l’agression (Passeport santé, 󰀂󰀀󰀁󰀆). L’énorme souffrance et la pression intérieure, ressenties par la victime, vont faire surface sous différentes formes et symptômes d’ordre physique et mental. Parmi ces derniers, nous nommons l’anxiété, la dépression, les maux de têtes, les douleurs musculaires et du dos ainsi que les problèmes d’estomac (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Certaines victimes vivent un syndrome de stress post-traumatique, ce qui peut également, dans certains cas, mener au suicide (Clinique Psychologie Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Les nombreuses conséquences psychologiques, qu’apporte ce type de violence, permettent à certaines victimes d’affirmer qu’il est beaucoup plus anéantissant que la violence physique (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Ceci s’explique par le fait, que la femme est atteinte dans son intégrité et son estime personnelle, ce qui instaure chez elle un sentiment de culpabilité ainsi qu’un manque de joie et de bonheur, et en conséquence un manque de goût à la vie (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). De plus, la personne qui abuse psychologiquement instaure un climat de peur en menaçant la sécurité de sa victime, de sa famille et de ses proches. La femme victime se voit terrorisée. De plus,

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elle se sent impuissante et incapable de protéger ses enfants et les gens qu’elle aime (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Il est aussi indispensable de noter que certaines femmes se tournent vers l’alcoolisme pour tenter de réduire leurs souffrances. En effet, « [l]es femmes qui sont agressées psychologiquement mais non physiquement sont cinq fois plus susceptibles d’abuser de l’alcool que les femmes n’ayant aucune expérience de la violence » (Stevens, Arsenault, et Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆, p. 󰀅). En extrapolant un peu plus, nous pouvons explorer la possibilité que d’autres femmes se tournent vers la consommation de stupéfiants pour échapper à leur cauchemar. Cependant, les écrits actuels ne soulèvent pas cette possibilité. En résumé, les conséquences et les impacts de la violence psychologique sont atroces à court terme et deviennent insupportables à long terme. La violence psychologique peut sembler moins offensive que les autres puisqu’elle ne laisse pas de cicatrice ou de démarcation physique. Cependant, en y regardant de près, on réalise que ses répercussions sont plus sournoises que les autres (Doherty et Berglund, 󰀂󰀀󰀀󰀈). La violence psychologique, adressée à la femme, est la manifestation du pouvoir masculin qui reçoit la soumission féminine comme réponse. La femme qui a travaillé et continue à travailler pour conquérir ces droits, peut se retrouver dans une relation qui l’opprime, la dénigre et l’éloigne de son objectif : vivre en toute dignité comme un être humain à part entière. Ce chapitre informe, jusqu’à présent, sur la présence et les conséquences de la violence psychologique sur la femme. Il est d’une grande importance d’ajouter à la compréhension de l’envergure de ce problème individuel et sociétal quelques suggestions mises en place pour limiter ce genre de violence. Il est aussi important de présenter les limites de ces suggestions. Est-il même possible d’explorer quelques solutions, à titre préventif de ce type de violence, qui prend naissance au sein d’un couple ? Un essai de réponse sera développé dans les prochaines lignes. Quelques suggestions et limites pour contrer cette violence Les ressources mises à disposition pour limiter ce genre de violence, montrent que la violence psychologique ne peut pas être isolée. Elle accompagne toute autre forme de violence. C’est pourquoi les suggestions mentionnées dans les prochains paragraphes visent surtout à aider les femmes victimes d’abus physique, et d’autres formes accompagnées de la violence psychologique.

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Une première suggestion présentée est la prévention universelle de la violence psychologique qui est un moyen reconnu de lutter contre ce type de violence (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Cette prévention s’adresse à tous et toutes et est abordée par une approche globale. Cette dernière aborde le sujet de manière générale dans le but d’inclure le plus de population possible, afin de ne pas figer la personne dans sa condition de victimation ou d’agression (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Le but est de promouvoir et d’éduquer aux comportements harmonieux, aux notions de justice au sein des relations et à l’empathie (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Lavoie explique que l’accent est surtout mis sur les programmes qui visent l’amélioration des compétences générales associées à divers problèmes, comme à titre d’exemple la relation dans le couple. Il classe ces compétences sous la prévention universelle contre la violence psychologique (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Selon Lavoie (󰀂󰀀󰀀󰀅), d’autres programmes spécifiques, qui ont le potentiel de motiver les gens à y participer, pourraient s’ajouter à la prévention des comportements violents. Une spécificité de ces programmes, c’est qu’ils prennent en considération la diversité et la complexité des contextes de la vie. Ainsi, ces programmes et ces compétences devraient être parmi les outils disponibles (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Mettre ces outils à la disposition de tous serait un moyen pour réduire les risques de la violence psychologique. Dans le même article, Lavoie (󰀂󰀀󰀀󰀅) mentionne que certains questionnaires, telle l’analyse factorielle de Tolman, qui comporte 󰀅󰀈 items évaluant le facteur “verbal-émotif” et le facteur “domination-isolement”, ont été développés dans le but de dépister si une personne est victime ou pas de violence psychologique (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Cependant, Follingstad et DeHart (󰀂󰀀󰀀󰀀) ont évoqué que certains de ces items reflètent plutôt des problèmes de manque de sensibilité et d’inaptitudes sociales que de violence psychologique. De plus, on peut questionner l’efficacité de ces questionnaires puisque la violence psychologique est difficile à dépister. Il devient difficile de croire qu’un simple questionnaire est suffisant pour déterminer un problème d’une telle envergure. Seulement, le questionnaire est utile pour une prise de conscience, si la personne soupçonne être victime de ce type de violence. Une initiative peut se faire comme se renseigner davantage ou demander de l’aide. La question qui demeure en suspens serait qui assurera le suivi, et comment ? Ainsi ce moyen préventif, bien qu’il soit un outil indispensable pour sensibiliser et conscientiser, demeure orphelin si d’autres interventions d’ordre plus pratique n’assurent pas un suivi. Thibault (󰀁󰀉󰀇󰀆) suggère une autre approche pour prévenir la violence psychologique. Il réfléchit à l’importance de l’éducation. À son dire

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(Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆), une première intervention devrait se faire chez l’enfant dès son bas âge. Les enfants apprennent de leurs parents, voire répètent les attitudes de leurs parents comme réponses aux frustrations. C’est avec l’éducation des parents qu’un enfant peut apprendre à ne pas contrôler et imposer ses visions aux autres. L’enfant peut apprendre à avoir une ouverture face aux visions externes (Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆). Dans certains cas, le modèle parental, qui accompagne l’enfant vers la vie adulte ne démontre pas cette ouverture. Bien au contraire, il établit des difficultés relationnelles et trace des limites rigides que l’enfant/adulte ne peut dépasser que par la force et la violence. Souvent, on entend des parents menacer leurs enfants, les punir et les priver de récompense s’ils n’obéissent pas. Sans vouloir minimiser l’autorité parentale ou la marginaliser, un enfant apprend que le parent a le contrôle sur lui et qu’à son tour, il peut donc avoir le contrôle sur les autres. Thibault (󰀁󰀉󰀇󰀆) aborde aussi le sujet de l’agressivité. Elle croit qu’elle fait partie de l’équipement instinct du bagage humain inné. Bien qu’elle ne soit pas à l’origine une pulsion nuisible, ni nécessairement destructrice, elle peut devenir à la base de la domination, si elle n’est pas éduquée et canalisée, car elle est dépourvue de freins spécifiques naturels. Apprendre à l’enfant comment canaliser cette énergie peut l’aider à diminuer son agressivité en la redirigeant vers une activité physique ou intellectuelle, où son comportement sera jugé plus convenable (Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆). Différentes organisations offrent des formations en guise de prévention à la violence, avant qu’elle ne prenne racine dans les foyers. Par exemple, un groupe de personnes formées qui se rend dans les écoles afin d’éduquer les jeunes sur les préventions contre la violence (Kurg, et al., 󰀂󰀀󰀀󰀂). Il s’agit de la prévention primaire (Kurg, et al., 󰀂󰀀󰀀󰀂). La prévention secondaire, de son côté, informe les gens qui ont été victime de violence sur les ressources mises à leur disponibilité. À titre d’exemple, guider une personne victime de violence vers les soins préhospitaliers (Kurg, et al., 󰀂󰀀󰀀󰀂). La prévention tertiaire, quant à elle, concerne les soins à long terme après la violence, telles que les tentatives de rééducation et de réinsertion dans la société pour limiter les traumatismes (Kurg, et al., 󰀂󰀀󰀀󰀂). Une limite par rapport à cette mesure de prévention mise sur pied pour précéder la violence est que ces trois préventions sont temporaires et ne peuvent soutenir les victimes ou les personnes à risque que pendant un temps limité (Kurg, et al., 󰀂󰀀󰀀󰀂). Kurg et ses collègues (󰀂󰀀󰀀󰀂) ont ainsi proposé une méthode plus efficace, soit d’offrir des ateliers de prévention pour des groupes cibles où l’on vise les personnes qui semblent être le plus exposées à la violence ou celles qui pourraient en manifester.

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Aussi appelée prévention ciblée, cette dernière permet d’informer et d’éduquer les gens qui n’exercent pas la violence psychologique, mais qui selon certaines caractéristiques seraient à risque de l’employer (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). On croit en fait que le vécu de la personne et son exposition à la violence psychologique dès l’enfance peuvent faire partie de ces caractéristiques (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). La prévention ciblée peut aussi chercher à venir en aide aux personnes plus enclines à être victimes de violence psychologique (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Cependant, une autre limite peut être soulevée : puisque la violence n’a pas d’origine, de religion, ou encore un profil type, comment pouvoir cibler les personnes qui sont dans le réel besoin ? Il existe également des centres ressources et des maisons d’hébergement accessibles aux femmes victimes de violence conjugale. Bien que le mal a déjà été fait lorsqu’une personne a recours à ce type de ressource, ces centres demeurent des moyens pour empêcher que d’autres séquelles se produisent. Il existe au Canada plus de cinq cents centres d’hébergement pour les femmes et enfants violentés (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Chaque nuit, elles sont plusieurs femmes à y trouver refuge puisque leur sécurité est mise en péril (Boulanger, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀉). Cependant, une limite rattachée à cette ressource, c’est que plusieurs femmes sont refusées puisque les centres sont déjà au maximum de leur capacité (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Cette réalité explique, en partie, pourquoi plusieurs de ces femmes violentées finissent par retourner dans les bras de la personne qui les a agressées, surtout si elles ne trouvent pas un abri sécuritaire hors du domicile où la violence a lieu (Boulanger, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀉). En effet, un sondage émis par Hébergement Femme Canada, a recensé que le manque de logements sécuritaires et abordables représente un motif principal expliquant le retour de la femme vers son agresseur (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). La réalité sur le terrain souligne une autre limite : le manque de ressources pour la prévention contre la violence psychologique qui s’explique par le manque de financement de la part du gouvernement. En « 󰀂󰀀󰀁󰀆, 󰀄󰀀% des 󰀂󰀃󰀄 maisons d’hébergement pour femmes sondées ont identifié un financement gouvernemental décroissant ou stagnant comme l’un des trois principaux défis qu’elles aient eu à relever au cours de l’année écoulée » (Hébergement femmes Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀄). Comment pouvoir assurer l’aide aux femmes victimes de violence sans avoir le support monétaire du gouvernement ? Ceci nous porte à explorer encore une autre limite concernant les suggestions ayant comme mission de limiter ce genre de violence. Il s’agit aussi d’assurer la formation continue du personnel comme les psychologues, les psychothérapeutes, les intervenantes sociales

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et les infirmières qui viennent en aide aux femmes violentées (Boulanger, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀉). N’oublions pas le rôle des policiers qui reçoivent les plaintes et assurent les enquêtes auprès de ces femmes. Le manque de preuves peut éventuellement alléger les sentences et nier la responsabilité de la personne qui a commis l’agression. Dans ce cas de figure, l’acte de violence demeure inconnu et le coupable jugé non-coupable (Laberge et Gauthier, 󰀂󰀀󰀀󰀀). De plus, les procédures sont longues, ce qui décourage plusieurs femmes de continuer leurs démarches pour sortir de leur misère (Laberge et Gauthier, 󰀂󰀀󰀀󰀀). Finalement, la plus grosse limite qui s’ajoute à toutes les suggestions de prévention mentionnées ci-dessus c’est l’absence de consensus sur ce qui est perçu comme de la violence psychologique (Lavoie, 󰀂󰀀󰀀󰀅). Comment ainsi s’entendre sur ce qu’est la violence psychologique et trouver des moyens pour limiter ce type de violence ? Il reste quand même à dire, qu’il s’agit d’une réalité qui demeure omniprésente et d’une souffrance vécue par la victime en dépit de l’ambiguïté de la description de cette violence. Conclusion La violence psychologique ne doit pas trouver sa place au sein de notre monde, cependant et malheureusement elle est très présente. Ses répercussions sur sa victime prennent des ampleurs différentes aux niveaux social, psychologique et spirituel. Elles ont le potentiel de détruire la vie de la victime. Bien que plusieurs tentent de mobiliser différentes ressources pour la prévenir, elle demeure à ce jour le cauchemar réel de plusieurs femmes. Il reste à se demander si un jour nous pourrons être en mesure d’éliminer la violence psychologique. Si cela est possible, réunissons nos intentions et mobilisons nos compétences pour contrer tout type de violence ainsi que la violence psychologique qui accompagne chacune des violences. Il est beau d’y croire, mais il est aussi beau de savoir que ce travail ne peut se réaliser qu’en mettant la main dans la main, en nous respectant l’un l’autre dans la grande fratrie que nous formons. Oui, la vie de la victime est détruite après un trauma, mais il y a toujours une possibilité de changement. L’espoir est là, autrement qu’est ce qui nourrit et motive l’aidant(e) pour venir en aide à l’aidée ? Évidemment, nous avons encore bien du chemin à faire pour nous rendre là, mais ensemble, nous pouvons faire un meilleur travail.

LA RÉALITÉ DU CAUCHEMAR QU’EST LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE

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CAROLINE BOULANGER

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La violence psychologique — harcèlement criminel dans un contexte de violence conjugale Isabelle Lagrange Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Ce chapitre a pour objectif de sensibiliser le lectorat concernant l’utilisation de la violence psychologique dans un contexte d’agression conjugale. De plus, une exploration sur le harcèlement criminel sera développée comme étant un outil de la violence psychologique. Bien que la violence conjugale, psychologique et le harcèlement criminel soient souvent considérés tabous, ils sont tous d’ordre social, public et peuvent de même devenir criminels. D’autre part, les conséquences accablantes de ces violences touchent majoritairement les femmes sur un volet biopsychosocial et à long terme. Positionnées dans plusieurs rôles de victimisation, les femmes auront des répercussions tant sur le plan spirituel, que psychologique, social, physique et financier. Bien que cela soit laborieux, en raison de la subtilité, cet article s’efforcera de définir la violence psychologique et le harcèlement criminel au sein du couple et sous un œil légal évolutif. Se basant sur une histoire vécue, ce texte élaborera sur l’émergence de victimes collatérales en plus de parler des effets qu’a le harcèlement criminel sur l’opprimée directe. Malheureusement, le regard infractionnel des institutions gouvernementales rend difficiles la dénonciation et l’obtention d’aide et d’indemnisation aux victimes. Il est toutefois possible d’entrevoir une approche victimologique et personnalisée à l’aide d’organismes comme la CAVAC. Dans le but d’alléger la lourdeur des impacts qu’imposent ces violences, plusieurs méthodes de préventions suggérées et déjà mises en place seront abordées. Cependant, bien que plusieurs moyens de précautions existent, la violence conjugale ne diminue pas pour autant et vise encore majoritairement les femmes. ABSTRACT: The following chapter aims to raise awareness to the readers concerning the use of psychological violence in the context domestic aggressions. In addition, this article will explore how criminal harassment is used as a tool of psychological abuse. Although domestic violence, psychological abuse or even criminal harassment are often considered taboo, they are all social, public and can also even be criminal. On the other hand, the overwhelming consequences of this violence mainly affect women on a biopsychosocial and long-term aspect. Positioned in many victimization roles, women will have spiritual, psychological, social, physical and financial repercussions. Although it is laborious, due to its subtlety, this article will strive to define the psychological violence and the criminal harassment within the couple and under a legal view that keeps evolving. Based on a true story, this text will elaborate on the emergence of collateral victims and discuss the effects of criminal harassment on the first victim. Unfortunately, the infractional view of government institutions makes it difficult to denounce and obtain help and compensation for victims. However, it is possible to have a

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ISABELLE LAGRANGE

glimpse of victimological and personalized approach through organizations such as CAVAC. In order to lighten the heaviness of the impacts imposed by this violence, several prevention methods suggested and already implemented will be presented. Nonetheless, while several means of precaution exist, spousal violence does not diminish so far and still targets mainly women.

Introduction Au fil des années, la notion de violence conjugale sut évoluer pour être ainsi mieux reconnue au Canada. Prenant forme au sein d’une relation amoureuse unie ou non par le mariage, elle peut persister dans le temps, et ce même après la séparation d’un couple (Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Bien que la femme ne soit pas la seule cible, Statistique Canada (󰀂󰀀󰀁󰀅) affirme que celle-ci demeure plus susceptible d’en être victime. Encore aujourd’hui l’agression conjugale reste un sujet tabou, mais il est important de ne pas la reconnaître comme étant une problématique de nature privée. D’ailleurs, elle constitue la première source de blessures assenées aux femmes en Amérique du Nord (Boudreau, Poupart, Leroux et Gaudreault, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Elle est donc d’ordre social, public et peut même devenir criminelle (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ne se réduisant pas au cadre familial et sans visage particulier, les conséquences de cette violence se présentent à long terme, sur un plan biopsychosocial, pouvant ainsi survenir à tous les niveaux socio-économiques (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario, s.d ; Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ce chapitre a pour objectif de mettre en évidence l’utilisation de la violence psychologique expérimentée par la femme, dans un contexte de violence conjugale. Pour ce faire, les opinions de divers études et ouvrages, instances gouvernementales et organismes, venant en aide aux femmes, seront mises en valeur. Un intérêt particulier sera accordé à l’utilisation du harcèlement criminel. Pourquoi la violence psychologique et le harcèlement criminel doivent-ils nous interpeller ? Quels sont les enjeux pour la condition féminine ? Comment les suggestions pour contrer cette violence aident-elles la cause ? Présentent-elles des limites ? Cet ouvrage permettra de démystifier le sujet et tentera de répondre à ces questions. Définir la violence psychologique et éclairage provenant des recherches La violence psychologique peut prendre plusieurs formes. Pour cette raison, il est difficile de l’établir définitivement. Lindsay et Clément (󰀁󰀉󰀉󰀈)

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

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parlent de l’absence d’une définition commune, principalement en raison de son caractère subjectif. Cette absence d’homogénéité pourrait s’expliquer dans les nuances que la violence psychologique engendre chez tout un chacun et selon la perception qu’une personne en fera (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Plusieurs éclaircissements existent, dans divers contextes ; par exemple, l’utilisation de la violence psychologique au sein du couple, ou même dans un climat de travail, par un collègue ou un cadre. Mais dans la position de violence conjugale, l’impact (violence psychologique) qu’elle opère est-il plus dommageable ? En définissant la violence psychologique, il sera peut-être possible de répondre à ce questionnement. Au sein d’une relation intime et de confiance, l’abus moral est à la source de toutes autres formes de violences (physique, monétaire, spirituelle, sociale, sexuelle). De plus, il n’est pas rare de constater que cette forme de violence puisse persister dans le temps (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). L’objectif étant d’exercer pouvoir et abus afin de dominer et contrôler la femme, favorisant ainsi l’atteinte de sa dignité et son autonomie, pouvant même lui faire vivre de l’insécurité, de l’impuissance et de l’infériorité (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). En s’installant sournoisement, la violence psychologique se présente alors subtilement (De Connivence, s.d.). Elle prend forme au sein de commentaires portant offense à l’estime de soi, qui en retour, amènent la victime à se questionner sur ses capacités en tant que femme (Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; De Connivence, s.d. ; Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Utilisée quotidiennement, elle se traduit par une dévalorisation de la femme. Parmi les moyens courants se trouvent le mépris, les critiques (cuisine, habillement, éducation), l’humiliation (privé ou publique), la dégradation (intellectualité, apparence, sexualité), la négligence, le chantage, le silence, et bien plus encore (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; De Connivence, s.d. ; Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Ces atteintes insidieuses peuvent prendre une vague ascendante dans le but d’isoler la victime socialement. Ainsi elle sera plus vulnérable face aux autres types de violence (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En réaction à cette emprise mentale, la femme ira même jusqu’à se demander, et finalement croire qu’elle serait possiblement la cause du comportement de son conjoint, ce qui la rendra davantage impuissante (De Connivence, s.d.). Il est ici question d’utiliser des gestes, des paroles ou encore de l’inaction de manière répétitive. La violence psychologique se présente alors directement et indirectement procurant des répercussions subjectives et

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ISABELLE LAGRANGE

conduisant en outre la victime jusqu’à la distorsion de sa réalité (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Plusieurs femmes victimes attestent même que celle-ci (violence psychologique) est la forme qui apporte le plus de douleurs, et ce, plus spécifiquement, dans un contexte de relation conjugale (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Sans vouloir amoindrir les effets que peut avoir cette violence au sein du travail, son utilisation dans une interaction intime peut être destructrice et dévastatrice. En raison de la distorsion que la femme fera de la réalité, elle risque la dépersonnalisation et une perte totale de son estime de soi (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Nous comprenons à présent que la violence s’effectue volontairement et a pour objectif de créer un doute, un mal-être chez la victime. Toutefois, il serait important d’ajouter à cette définition les insultes, l’ostracisme, l’isolement et même l’utilisation de comportements pouvant mettre en danger la vie de la victime (conduite dangereuse). De plus, l’attribution d’une attention particulière à la dimension subjective de cette violence est complètement écartée des diverses analyses offertes (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Afin de prendre en considération cette subjectivité, la personne ayant vécu la violence doit l’énoncer (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Voyons maintenant comment Lindsay et Clément (󰀁󰀉󰀉󰀈) arrivent à interpréter la violence psychologique : […] en contexte conjugal est un comportement intentionnel et répétitif qui s’exprime à travers différents canaux de communication (verbal, gestuel, regard, posture, etc.) de façon active ou passive, directe ou indirecte dans le but explicite d’atteindre (ou de risquer d’atteindre) l’autre personne et de la blesser sur le plan émotionnel.

À cela s’ajoute l’implication de comportements volontaires spécifiques sur une base routinière (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈).

Harcèlement criminel et éclairage provenant des recherches Bien que difficile à prouver en raison de sa subjectivité, la violence psychologique peut être de nature criminelle (Secrétariat à la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). À la suite des agressions physiques commises envers un partenaire intime, ce sont les menaces (󰀉 %) et le harcèlement criminel (󰀇 %) qui s’insolent le plus fréquemment. Afin de mieux comprendre le harcèlement criminel dans un contexte légal, regardons comment le Code criminel canadien (󰀂󰀀󰀁󰀅-󰀂󰀀󰀁󰀆) à l’article 󰀂󰀆󰀄 (󰀁) le définit :

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

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[…] il est interdit, sauf autorisation légitime, d’agir à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée si l’acte en question a pour effet de lui faire raisonnablement craindre — compte tenu du contexte — pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances.

Actes interdits (󰀂) constitue un acte interdit aux termes du paragraphe (󰀁), le fait, selon le cas, de : a) Suivre cette personne ou une de ses connaissances de façon répétée ; b) Communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances ; c) Cerner ou surveiller sa maison d’habitation ou le lieu où cette personne ou une de ses connaissances réside, travaille, exerce son activité professionnelle ou se trouve ; d) Se comporter d’une manière menaçante à l’égard de cette personne ou d’un membre de sa famille.  Le ministère de la Justice Canada (󰀂󰀀󰀁󰀂) ajoute que le harcèlement criminel peut s’opérer directement (menaces, dommage de biens, appels téléphoniques, courriels, texto), indirectement (intimidation envers les animaux et les enfants, par l’entremise d’un tiers) ou encore en faisant l’utilisation de la technologie (espionnage, GPS, filature, photos, cyber harcèlement, cyber intimidation, cyberattaque). Il est frappant de remarquer que cette forme de violence, qui est en fait un acte criminel, porte atteinte à la dignité d’une personne tout en brimant son intégrité physique et mentale. Positionnés dans un rôle de victime, les droits fondamentaux de la femme sont violés. Ceci provoque un risque accru de souffrance considérable pouvant la mener jusqu’à vivre un traumatisme (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Bien heureusement, au cours des années 󰀇󰀀, un éclaircissement significatif concernant les circonstances entourant la violence au cœur des couples permit au gouvernement québécois de mettre en place une politique d’intervention en matière de violence conjugale (Boivin et Ouellet, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Par le passé, la notion de harcèlement criminel était reconnue par le Ministère de la Justice Canada (󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀄󰀇) comme étant : « intimidation, propos indécents au téléphone (appels téléphoniques harassants), intrusion de nuit et manquement à un engagement ». Dans l’optique

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ISABELLE LAGRANGE

de favoriser le bien-être des femmes, en 󰀁󰀉󰀉󰀃, le terme légal que nous connaissons aujourd’hui fut inclus dans le Code criminel du Canada (Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). N’est-il pas rassurant de remarquer le regard évolutif que portent nos gouvernements (fédéral canadien et provincial québécois) sur la notion du harcèlement criminel ? Comment cette violence peut-elle tous nous toucher et pour quelles raisons ? Personne n’étant à l’abri d’être la cible de violence psychologique, il devient nécessaire d’y porter un intérêt personnel. De plus, puisque cette forme de violence est commune et fait intégralement partie de toutes autres formes de violence, nous pourrions tous l’expérimenter ou même être mobilisés à accompagner une personne victime de celle-ci. Ainsi cette section s’inspirera du témoignage d’une victime󰀁 de violence psychologique au sein d’une relation de couple avec l’utilisation du harcèlement criminel. Lors de cet échange, il était clair que, outre la victime directe, des victimes collatérales pouvaient émerger de cette situation abusive. Non seulement, cela pouvait bouleverser directement la victime, mais aussi son fils, sa petite-fille, ses petits-fils, son frère, ses sœurs et ami(e)s. Le plus remarquable fut de constater combien il s’avère compliqué de prouver et de dénoncer cette forme de violence où chacun perçoit, ressent et vit différemment les impacts de son emprise, et vu la difficulté d’opérer un dépistage, des personnes victimes de violence psychologique (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Bien souvent, le tourbillon et la vision infractionnelle que porte notre système de Justice envers les victimes (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃) favorisent le découragement et le non-dévoilement. De plus, un grand danger peut éventuellement guetter les femmes victimes, soit des circonstances aggravantes, comme l’homicide (Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Dans le cas du témoignage recueilli d’une victime, il fut question de mettre en preuve différentes données cellulaires et internet (courriels), la prise de notes d’échanges verbaux, les menaces d’atteinte à la réputation professionnelle et religieuse, les souhaits de mort des membres de sa famille et bien plus encore. 󰀁  L’histoire utilisée est véridique et aucun nom ne figurera afin de préserver l’anonymat et la sécurité de la victime. De plus, quelques données seront modifiées afin de protéger la confidentialité de celle-ci.

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

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Il est donc désolant de remarquer que plus de la moitié des victimes ne signalent pas les situations de harcèlement criminel et ce pour diverses raisons (par exemple en raison de la lourdeur du processus de mise en preuve) (Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Ce qui fut d’ailleurs le cas de la victime prise en exemple. Plusieurs semaines d’angoisses, de remises en question passèrent avant que la détermination agisse et la motive à déposer plainte. Cependant, il est particulièrement intéressant de constater que les femmes ne sont pas les seules victimes de cette violence. Bien qu’elles représentent environ les trois quarts des victimes de violence conjugale (Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂 ; Sinha, 󰀂󰀀󰀁󰀃), une grande différence existe entre les hommes et les femmes dans ce contexte. Pour la femme, le climat intime (conjoint actuel ou ex-conjoint) entoure ce type de violence, tandis que pour les hommes le harcèlement criminel ne découle pas de la violence conjugale (Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂 ; Sinha, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Ainsi, il est possible de dire que les victimes masculines collatérales de l’histoire prise en exemple vécurent de la violence psychologique sans que cela découle d’une violence conjugale personnelle, mais bien de la violence conjugale expérimentée par un être cher. À la complexité qu’apportent la violence psychologique et le harcèlement criminel, s’ajoute la lourdeur des démarches juridiques. La femme victime doit traverser plusieurs étapes pénibles qui lui demanderont de faire preuve de patience et de courage. Elle se retrouvera devant une multitude d’inquiétudes concernant sa sécurité et sera incessamment remise en doute, voire même discréditée (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 󰀂󰀀󰀀󰀇 ; Wemmers, 󰀂󰀀󰀀󰀃). Dans son désir de vouloir mettre fin à ses souffrances, elle peut se voir coincée entre deux pôles, soit dénoncer ou rester dans un cycle culpabilisant en raison de la manipulation exercée à son égard (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario, s.d.). Souvent par faute de preuves, la femme se trouvera dans la contrainte de rebrousser chemin et ce, afin d’amasser des preuves. Ainsi, dès le tout début, le processus s’alourdit (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Une grande responsabilité repose sur la victime qui est dans l’obligation de fournir des éléments favorisant l’arrêt du cursus de violence (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Bien que la plaignante puisse recevoir de l’aide de la part de divers organismes pour femmes violentées ou même la CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels), elle ne pourra obtenir un dédommagement,

󰀄󰀂

ISABELLE LAGRANGE

n’étant pas admissible aux critères de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂 ; IVAC, 󰀂󰀀󰀁󰀇 ; IVAC, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Il est à noter que l’IVAC existe depuis le 󰀁er mars 󰀁󰀉󰀇󰀂 (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; IVAC, 󰀂󰀀󰀁󰀄) et agit de manière indépendante de notre système de justice (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). En outre, aucune réforme n’a été effectuée depuis son adoption afin de venir en aide monétairement aux victimes de harcèlement criminel (Leavitt, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Malheureusement, un grand pourcentage de victimes affronte un système d’indemnisation ou de justice inéquitable ne répondant pas à leur besoin et les invitant perpétuellement à justifier et témoigner leur vécu. Le Ministère de la Justice Canada (󰀂󰀀󰀁󰀂) affirme que 󰀅󰀂 % des accusés se voient reconnus coupables en Cour de justice. La femme se bute donc à un découragement et une perte de confiance envers les services d’urgence, d’aide et la Justice, en plus de plonger dans un cycle de revictimisation. Devant ces faits énoncés et le témoignage du processus personnel d’une victime, un sentiment d’angoisse peut nous envahir face à la panoplie d’étapes et d’émotions que vivent les femmes victimes de harcèlement criminel. S’ajoute à cela la vision de notre système de justice qui tend à voir les victimes sous un regard infractionnel par un besoin de mise en preuve de faits, laissant pour compte toutes expériences subjectives (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Heureusement, des organismes comme le CAVAC permettent de pressentir une approche plus victimologique mettant en lumière le côté flou que peut habiter la femme (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Cette approche se concentre sur l’aspect holistique des femmes, légitimant un versant personnalisé selon la situation de chacune tout en reconnaissant leurs droits (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Exposé directement ou indirectement au traumatisme, il est encore plus désolant de remarquer l’utilisation des enfants, membres de la famille ou même des ami(e)s comme outil de harcèlement criminel (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Ce qui contribue à exercer une grande pression, de culpabilité et de sentiment de responsabilité additionnelle sur la femme victime. Conséquences et implications de la violence psychologique sur les femmes La femme victime de harcèlement criminel / violence psychologique entre alors dans un processus de victimisation, n’est pas sans conséquence.

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

󰀄󰀃

Pendant l’opération des actes du persécuteur, les activités quotidiennes de l’opprimée peuvent se voir bouleversées, la menant à vivre des émotions reliées à la crainte, la détresse et la colère (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario, s.d. ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Complètement désorganisées au niveau réactionnel, ne sachant plus comment se comporter, elle peut éprouver des troubles du sommeil ou une baisse d’appétit (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Devant une perte de sens envers les événements vécus, sa spiritualité peut être considérablement bouleversée, nécessitant une transition et de l’adaptation à l’égard de la victimisation (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Afin d’atténuer une grande souffrance intérieure, la personne pourrait se tourner vers l’usage d’alcool ou de drogues, contribuant encore plus à l’isolation déjà en place (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Face à ce traumatisme psychique, la femme peut aussi expérimenter un syndrome de stress posttraumatique (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Plusieurs femmes ne dénonceront pas la violence vécue par crainte de ne pas être prises au sérieux ou même en raison de l’appréhension de la lourdeur du processus judiciaire (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Certaines se demanderont pourquoi dévoiler si un risque de menaces subsiste toujours. En plus de porter le fardeau de la preuve, leurs habitudes de vie peuvent se voir modifiées afin d’assurer leur sécurité (déplacements, fréquentations, logement, changement de travail et horaire) (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Il est important de préciser que le cheminement de chaque femme variera selon l’expérience vécue, et comment celle-ci s’intégrera au sein de sa personnalité (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Le traumatisme subi par la violence psychologique et le harcèlement criminel fragilisera la victime et la mènera vers une grande détresse émotionnelle. En faisant preuve de résilience et cherchant à rebâtir un meilleur mode de vie, plus stable et saine, il serait possible pour elle de reprendre une routine quotidienne (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Cependant, avant d’entrevoir un minimum d’espoir, la femme vivra plusieurs conséquences sur le plan physique, psychologique, social, financier et spirituel (existentiel) (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario, s.d. ; Ministère de la Justice Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀂) :

󰀄󰀄 Spirituel (existentiel)

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Crises existentielles (foi, croyances brisées), vide, connexité absente, questionnements (vie, autorité), perte de sens et de jouissance.

Psychologique Dépression, culpabilité, honte, idées suicidaires, irritabilité, perte d’estime de soi et motivation, phobies, peur, anxiété, stress, dépendance (alcool, drogues, médicaments), SSPT, distorsions cognitives. Social

Retrait (isolement) social (famille, ami(e)s, travail), rupture, divorce, peur d’entrer en contact (affectif et physique).

Physique

Grande fatigue, symptômes physiologiques (sueur, tremblements, palpitations cardiaques, souffle coupé, maux de tête ou de dos, hyper ou hypo tension artérielle, dérèglement du cycle menstruel), trouble alimentaire.

Financier

Frais (déménagement, déplacement, avocat, protection, soins de santé), perte (financière due au délit, emploi, domicile, biens personnels).

Exposée à la violence conjugale, à la violence psychologique et au harcèlement criminel, la femme sera ensuite positionnée dans plusieurs rôles de victimisation (victimisation multiple) (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Les blessures psychologiques se verront amplifiées par un manque de soutien (entourage, société, système judiciaire) ; c’est alors que celle-ci vivra de la victimisation secondaire. Ici il est question d’éprouver perpétuellement une souffrance due aux actes criminels à l’origine du mal être (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃).

Suggestions de préventions Cette recherche sur la violence psychologique et même le harcèlement criminel nous guide principalement vers certaines mesures préventives en milieu de travail. Par contre, il fut possible de faire la découverte de suggestions afin d’éviter la violence conjugale, qui elle, bien souvent, peut s’accompagner d’une ou plusieurs formes de violence (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Puisque la violence psychologique est subtile, il est important en tant que société (gouvernements de divers pays, médecins, enseignants, intervenants, amis) d’être attentif et à l’écoute des signes que peuvent donner les victimes de violence psychologique ou de harcèlement criminel (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). À l’aide d’actions préventives, qui passent d’abord et avant tout par une

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

󰀄󰀅

compréhension approfondie de la problématique, il sera possible de cibler les facteurs de risques reliés à la violence (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Nous pouvons en déduire qu’un certain niveau d’éducation est nécessaire et doit être effectué sur le sujet. Mais à quelle instance et de quelle manière ? Certains programmes pédagogiques existent en milieu scolaire (primaire et secondaire) afin de conscientiser sur les notions de l’égalité des sexes, la violence et les habiletés relationnelles (relations saines) (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; World health organization, 󰀂󰀀󰀁󰀀, trad. libre). De plus, certaines campagnes médiatiques (journaux, télévision, réseaux sociaux) sur la violence permettraient de sensibiliser, éviter et outiller éventuellement une victime potentielle de violence conjugale (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La mise en place de traitements pour les conjoints démontrant un comportement violent constituerait aussi un dispositif de prévention. Ceux-ci visent à cibler l’abus de substances qui souvent en lien avec la perpétration de violence (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). L’instauration d’un système de réglementation sur la disponibilité et la vente d’alcool (World health organization, 󰀂󰀀󰀁󰀀, trad. libre) tel que nous pouvons le retrouver en Ontario et au Québec à l’aide de la LCBO, la SAQ et diverses publicités (télévision, réseaux sociaux) sensibilisant la population à une consommation excessive d’alcool. Une variété d’approches préventives est de mise afin de contrer la violence psychologique et le harcèlement criminel. Dès lors, au Canada, plusieurs méthodes existent sur le plan individuel, relationnel, communautaire, et social (travaillant l’aspect culturel et social par les normes) (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La naissance d’organismes communautaires venant en aide aux femmes victimes de violence et aux hommes perpétrant celle-ci favorise l’urgence de la problématique, mais aussi met de l’avant sa prévention. Au Québec, une Politique d’intervention en matière de violence conjugale vit le jour en 󰀁󰀉󰀉󰀅, permettant d’éviter, de dépister et de contrer la violence conjugale (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Différentes instances politiques participèrent à son élaboration (ministère de la Justice, Éducation, Santé et Service sociaux, la Sécurité publique et les secrétariats de la Condition féminine et à la Famille) tout en comptant sur la détection et l’adaptation à la réalité qu’éprouve tout un chacun sur une structure sociojudiciaire (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ce qui permit d’intégrer la vision victimologique (humaine) à la vue infractionnelle (objective) déjà existante.

󰀄󰀆

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Il est à noter qu’en 󰀂󰀀󰀁󰀈 le gouvernement québécois mit sur pied un Plan d’action gouvernemental 󰀂󰀀󰀁󰀈-󰀂󰀀󰀂󰀃 en matière de violence conjugale se basant sur la Politique d’intervention en matière de violence conjugale 󰀁󰀉󰀉󰀅 afin de prévoir de nouvelles méthodes de repérages en vue de la contrecarrer. Bien que notre système de Justice se fonde principalement sur des facteurs objectifs, il serait important de mentionner que les instances d’urgence sont de plus en plus formées afin d’intervenir contre la violence conjugale (implantation d’intervenants de la CAVAC à même le poste de police) (Ville de Gatineau, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La mise à l’épreuve des programmes d’intervention cités ci-haut démontre une efficacité accrue (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En revanche, puisque la problématique perdure, l’envie de poursuivre la recherche de stratégies de prévention persiste (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En voici quelques propositions : une meilleure formation du personnel de santé, dépistage précoce par le corps médical, services de santé (CLSC, cliniques d’urgence), ordonnances de protection (interdictions de contacts, accusation par le corps policier même face au refus de la victime, instauration de tribunaux spécialisés en violence conjugale) (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Limites de ces suggestions Malgré la mise en place de préventions ainsi que les études effectuées sur celles-ci, plusieurs limites subsistent. De plus, peu d’analyses permettent de valider leur efficacité en matière de réduction de la violence (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; World health organization, 󰀂󰀀󰀁󰀀, trad. libre). En ce sens, il est nécessaire en tant que société canadienne et même responsabilité mondiale de mobiliser luttes et applications de nouvelles recherches (World health organization, 󰀂󰀀󰀁󰀀, trad. libre) concernant l’utilité des services de soutien et de défense des victimes de violence conjugale sur la diminution de violence conjugale, comme refuges pour femmes violentées, ainsi que les effets des campagnes médiatiques de sensibilisation (Institut national de la santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). L’adoption d’efforts pour contrer la violence conjugale, la violence psychologique et le harcèlement criminel mérite tout de même certaines louanges. Toutefois, il est incontestable de remarquer que celles-ci persistent et que les statistiques visent encore majoritairement la femme. En aucune occasion, ces efforts de diminution à la violence ne doivent cesser. Mais il est impossible de laisser de côté le questionnement suivant :

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󰀄󰀇

à savoir pourquoi la violence psychologique et le harcèlement criminel ne diminuent pas pour autant ? Au courant des années, beaucoup d’énergies déployées envers les femmes victimes furent constatées. En contrepartie, il devrait être tout aussi important d’offrir apprentissage et sensibilisation aux hommes perpétrant la violence conjugale. À cela, en plus de prodiguer des programmes éducatifs aux enfants, la pertinence d’intégrer des ateliers de croissances et connaissances émotionnelles et personnelles est de mise. Malgré la présentation d’un éventail large de suggestions afin de contrer la violence, il est frappant de remarquer que la notion d’agressivité nous habitant tous (Tannous, 󰀂󰀀󰀁󰀉) est en quelque sorte négligée. Les ateliers en milieu scolaire proposés ci-haut permettraient à nos futurs adultes de mieux comprendre l’agressivité et qu’elle est non moins destruction que la force vitale (Tannous, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Par l’apprentissage et la reconnaissance de leurs propres parts de lumière et d’ombre, il leur serait davantage possibles de maîtriser cette agressivité, et par conséquent, prévenir la violence conjugale, la violence psychologique et le harcèlement criminel (Tannous, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Malheureusement, peu de suggestions existent en ce qui a trait au harcèlement criminel dans un contexte de violence conjugale. Il est tout de même possible d’entrevoir quelques corps policiers comme le SPVM ou le SPVG porter une attention particulière aux violences conjugales (SPVM, 󰀂󰀀󰀁󰀃-󰀂󰀀󰀁󰀇 ; Ville de Gatineau, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Soit en permettant la formation d’agents afin d’intervenir dans un contexte de violence conjugale ou en combinant à leurs services des intervenants du CAVAC. Par ailleurs, ce type d’action ne constitue pas une mesure politique provinciale ou même nationale. Les femmes victimes de violence conjugale, de violence psychologique et de harcèlement criminel, seront donc confrontées à peu de ressources, se voyant aussi refuser des indemnisations (IVAC, 󰀂󰀀󰀁󰀇, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La mise en preuve du harcèlement criminel, étant une tâche très diffficile, incrimine bien souvent la femme en lui demandant de fournir faits et contextes (Ville de Gatineau, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Dans l’intention de pressentir un minimum de quiétude, elle devra solliciter sécurisation à l’aide d’une ordonnance de protection (Manitoba, s.d.). Afin de retirer le poids qu’apporte le dévoilement, il serait intéressant de se pencher sur la proposition du World Health Organization (󰀂󰀀󰀁󰀀, trad. libre) qui serait d’implanter (au Canada ou ailleurs) un système de justice parallèle et spécialisé en violence conjugale, favorisant ainsi une approche plus globale aux victimes et accusés.

󰀄󰀈

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Conclusion Un manque reste à combler au sein de nos instances gouvernementales et de leur loi en matière de violence conjugale, violence psychologique et harcèlement criminel. Quelle importance accordons-nous en tant que société au rôle que joue la victime vis-à-vis de la subjectivité de son vécu ? Heureusement, il est possible de remarquer une évolution dans la compréhension de la violence conjugale, voyant les femmes victimes non seulement sous un regard infractionnel, mais aussi victimologique (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Perçue comme étant témoin des crimes éprouvés, face au système pénal canadien, la victime doit constamment entamer des démarches d’aide et reste un sujet d’objectification (Wemmers, 󰀂󰀀󰀀󰀃). Touchant toutes formes de violences, le harcèlement criminel a pour objectif d’exercer contrôle et pouvoir sur la victime. Il débute sournoisement et est en constante évolution, ce qui rend sa prévention difficile et retarde l’intervention. Les impacts sur la femme sont si grands qu’ils atteindront sa dignité et son intégrité. Puisque la femme doit à priori reconnaître ce dont elle est victime, ce qui souvent se ressent tardivement, elle se voit entrer dans une souffrance incommensurable pouvant aller jusqu’au traumatisme. L’identification de ce préjudice lui permettra de verbaliser la situation plus convenablement et peut-être même désirera-t-elle l’aide nécessaire. Le contraire est autant capital ! L’oppresseur doit lui aussi admettre l’impact de ses actions pour enfin recevoir un soutien à la gestion de son agressivité. Pour ainsi y arriver, la mise en place d’un service judiciaire spécialisé pourrait épauler notre système actuel mal adapté aux besoins de tous. Peutêtre permettrait-il, aux femmes et aux personnes à l’origine de la souffrance, d’être mieux outillés pour cibler (meilleure connexion avec leurs émotions et responsabilisation des gestes) ce dont elles sont respectivement victimes. Cependant de multiples questions peuvent subsister vis-à-vis de la violence conjugale, la violence psychologique et le harcèlement criminel. Serait-il possible un jour de contrer véritablement celles-ci ? En raison de l’aspect génétique, motivationnel et naturel de l’agressivité, il apparaît invraisemblable d’entrevoir une éradication de la violence. Cependant, le développement ainsi qu’une reconnaissance de notre intelligence émotionnelle en milieu scolaire inspireraient une lueur d’espoir. Par nos émotions, une meilleure connexion personnelle et sensibilité humanitaire se sentiraient. Bibliographie Boivin, R., & Ouellet, F. (󰀂󰀀󰀁󰀃, 󰀃󰀁 octobre). La Politique d’intervention en matière de violence. https://www.erudit.org/fr/revues/ss/󰀂󰀀󰀁󰀃-v󰀅󰀉-n󰀂-ss󰀀󰀈󰀇󰀉/󰀁󰀀󰀁󰀉󰀁󰀀󰀉ar.pdf

HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

󰀄󰀉

Boudreau, J., Poupart, L., Leroux, K. & Gaudreault, A. (󰀂󰀀󰀁󰀃). Introduction à l’intervention auprès des victimes d’actes criminels. Montréal : Association québécoise Plaidoyer-Victimes. p. 󰀈, 󰀉, 󰀁󰀄–󰀁󰀉, 󰀂󰀄–󰀃󰀇, 󰀄󰀂–󰀄󰀇, 󰀉󰀀–󰀁󰀀󰀉, 󰀁󰀁󰀄– 󰀁󰀁󰀉, 󰀁󰀂󰀆–󰀁󰀄󰀁, 󰀂󰀀󰀆–󰀂󰀀󰀉. Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario (s.d.). Formes de harcèlement criminel. http://www.centrepasserelle.ca/index.cfm?Voir=sections&Id =󰀁󰀀󰀅󰀄󰀃&M=󰀂󰀉󰀁󰀉&Repertoire_No=󰀂󰀁󰀃󰀇󰀉󰀈󰀉󰀃󰀄󰀂 Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario (s.d.). Harcèlement criminel. http://www.centrepasserelle.ca/index.cfm?Voir=sections&Id=󰀁󰀀󰀅󰀄󰀂&M=󰀂󰀉 󰀁󰀉&Repertoire_No=󰀂󰀁󰀃󰀇󰀉󰀈󰀉󰀃󰀄󰀂 Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario (s.d.). Roue du pouvoir et du contrôle. http://centrepasserelle.ca/documents/roue-du-pouvoir.pdf Centre passerelle pour femmes du nord de l’Ontario (s.d.). Conséquences du harcèlement criminel. http://www.centrepasserelle.ca/index.cfm?Voir=sections &Id=󰀁󰀀󰀅󰀄󰀅&M=󰀂󰀉󰀁󰀉&Repertoire_No=󰀂󰀁󰀃󰀇󰀉󰀈󰀉󰀃󰀄󰀂 Code criminel (󰀂󰀀󰀁󰀅-󰀂󰀀󰀁󰀆). Harcèlement criminel, 󰀂󰀆󰀄 (󰀁), (󰀂). Montréal : Wilson & Lafleur Limitée. p. 󰀁󰀇󰀅. De Connivence violence conjugale (s.d.). Formes de violence conjugale. http:// www.deconnivence.ca/femmes/formes-violence-conjugale Indemnisation des victimes d’actes criminels (󰀂󰀀󰀁󰀄). Rapport annuel d’activité 󰀂󰀀󰀁󰀄. https://www.ivac.qc.ca/a-propos/Documents/Rapport_annuel_IVAC_ 󰀂󰀀󰀁󰀄.pdf Indemnisation des victimes d’actes criminels (󰀂󰀀󰀁󰀇). Victime : conditions d’admissibilité. https://www.ivac.qc.ca/victimes/Pages/conditions-dadmissibilite.aspx Indemnisation des victimes d’actes criminels (󰀂󰀀󰀁󰀇, 󰀂󰀁 septembre). Politique sur la preuve de surveillance de l’acte criminel. https://www.ivac.qc.ca/a-propos/ Documents/DC󰀁󰀀󰀀󰀀-󰀂󰀈󰀂.pdf Indemnisation des victimes d’actes criminels (mars 󰀂󰀀󰀁󰀉). Manuel des politiques IVAC. https://www.ivac.qc.ca/a-propos/Documents/IVAC-politiques. pdf Institut de la statistique (󰀂󰀀󰀁󰀅). La violence psychologique est la forme de violence la plus souvent subie en contexte conjugale. http://www.stat.gouv.qc.ca/sallepresse/communique/communique-presse-󰀂󰀀󰀁󰀇/juin/juin󰀁󰀇󰀀󰀆a.html Institut national de la santé publique (󰀂󰀀󰀁󰀉). Prévention : Actions gouvernementales. Politique d’intervention en matière de violence conjugale et Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale. https://www.inspq.qc.ca/ violence-conjugale/prevention/actions-gouvernementales Institut national de la santé publique (󰀂󰀀󰀁󰀉). Prévention : Interventions préventives. https://www.inspq.qc.ca/violence-conjugale/interventions-preventives Josse, E. (󰀂󰀀󰀁󰀄). Le traumatisme psychique chez l’adulte. Paris : De Boek Supérieur. p. 󰀃󰀅–󰀄󰀃. Leavitt, S. (󰀂󰀀󰀁󰀉, 󰀂󰀃 mai). Filmée à son insu pendant 󰀈 ans dans sa propre maison. Radio-Canada adaptation française de CBC par : Lecompte, A-M. (󰀂󰀀󰀁󰀉, 󰀂󰀃 mai). https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/󰀁󰀁󰀇󰀁󰀄󰀀󰀃/femme-filmee-insu-conjointmaison-indemnisation-victimes-ivac?fbclid=IwAR󰀂SE󰀇qKevKtq󰀁Wru_ VAmpW-NaE󰀇󰀈F󰀆wyI󰀈lhnqRMOZHdeF󰀀GIFT󰀃mlvvks Lindsay, J. & Clément, M. (󰀁󰀉󰀉󰀈). La violence psychologique : sa définition et sa représentation selon le sexe. Recherches féministes, 󰀁󰀁 (󰀂), 󰀁󰀃󰀉–󰀁󰀆󰀀. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀀󰀅󰀈󰀀󰀀󰀈ar

󰀅󰀀

ISABELLE LAGRANGE

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HARCÈLEMENT CRIMINEL DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE

󰀅󰀁

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La violence conjugale et ses particularités Maude Éloïse Saulnier Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Dans le cadre de ce chapitre, l’auteure s’intéresse aux recherches portant sur la violence conjugale et à ce qui la distingue des autres types de violence. Elle étudie les conséquences et les implications de la violence conjugale sur la femme. Elle jette la lumière sur quelques suggestions pour contrer cette violence, comme le rôle des maisons d’hébergement et leur contribution au bien-être des femmes abusées, leurs objectifs primaires d’assurer la sécurité et le futur de ces femmes. L’auteure s’arrête sur la place de l’intervention féministe, discute de l’importance d’une adéquate éducation sociale et de l’accompagnement des conjoints ayant des comportements violents. Elle n’omet pas de nommer et de reconnaître les limites de chacune des solutions suggérées. ABSTRACT: This chapter deals with domestic violence and its peculiarities. It gives a special place to the researches in this field and cites the different manifestations of this type of violence. Then, it studies the consequences and implications of domestic violence on women. It sheds light on some suggestions for countering such violence, such as the role of safe houses and their contribution to the welfare of abused women, their primary goals such as ensuring the safety and future of these women. The text also considers the place of the feminist intervention, discusses the importance of an adequate social education and the accompaniment of the spouses with violent behaviors. The text does not omit to name and recognize the limits of each of the suggested solutions.

Introduction Ce chapitre porte sur l’histoire de la femme, dans la plupart de nos sociétés occidentales, qui fait écho à l’image d’un être subordonné à l’homme (Harsch, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Ainsi, et dû à ce rapport inégal de force, les femmes se voient opprimées et victimes d’actes de violence (Simon, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Désormais, grâce à l’évolution scientifique et sociale, la violence conjugale sera dorénavant dénoncée et passe, graduellement, d’un problème réservé au secteur privé à une préoccupation sociale et politique (Lapierre et Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀄, p. 󰀇󰀀). Dans ce travail, il sera question de définir la violence conjugale, de soulever les contributions scientifiques sur le sujet, de trouver les conséquences et les implications de cette forme de violence sur la femme et d’explorer ce qui pourrait limiter ce genre de violence.

󰀅󰀄

MAUDE ÉLOÏSE SAULNIER

La violence conjugale en chiffres La violence conjugale touche plusieurs femmes. Selon Lessard et ses collègues (󰀂󰀀󰀁󰀅), le tiers des femmes de la planète en a déjà été victime. Cette violence peut marquer leur passé, leur présent et leur futur étant donné qu’elle laisse nettement des conséquences graves sur les plans physique et émotionnel (Lessard, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). Des femmes peuvent se questionner pendant plusieurs années autour de leur responsabilité dans les relations qu’elles entretiennent. Certaines se voient responsables et se définissent comme un facteur déclencheur de la colère et de la violence de leur partenaire. Il est difficile, voire, par moment impossible, de comprendre que la personne seule est responsable de ses émotions et de ses actions. Cette prise de conscience nécessite un travail approfondi que plusieurs femmes n’arrivent pas à faire vu les conditions psychologiques par lesquelles elles passent. Somme toute, personne n’est à l’abri de la violence en général, et de la violence conjugale en particulier. Les femmes sont les victimes premières en ce qui concerne ce type de violence, et ce partout dans le monde (Simon, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Avec les lois, les organismes et la société, nous avons le pouvoir de changer cette violence en énergie constructrice permettant une harmonie au sein des sexes. La violence conjugale selon les recherches scientifiques En Occident, il est possible de trouver des définitions semblables de la violence conjugale et de la façon de la juger ou même de la condamner. Selon Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀄), la dénonciation de la violence, faite aux femmes dans les années 󰀁󰀉󰀇󰀀 et 󰀁󰀉󰀈󰀀, a accru la recherche scientifique envers la violence conjugale et a contribué à la mise en place des ressources judiciaires, d’hébergement et d’aide pour les victimes. Ainsi, les trente dernières années ont permis à plusieurs chercheurs de discuter autour d’une définition possible de ce type de violence, pour mieux cerner le sens et la réalité qui l’entoure (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂). Notamment au Canada, la définition de la violence conjugale s’est construite sur plusieurs années d’intervalle : Le Conseil Consultatif canadien sur la Situation de la Femme (…), en 󰀁󰀉󰀈󰀀, dénonce seulement deux types de violence, soit la violence physique et la violence psychologique (…). Cinq ans plus tard, Deborah Sinclair (…) inclut les formes psychologiques, physiques, sexuelles ainsi que la destruction des biens matériels dans sa définition des types de violence conjugale. [Ce serait en 󰀁󰀉󰀉󰀃 que la] définition [s’]élargit à 󰀅 dimensions : physique, sexuelle, psychologique, financière et spirituelle (Laughrea et al., 󰀁󰀉󰀉󰀆, p. 󰀉󰀆).

LA VIOLENCE CONJUGALE ET SES PARTICULARITÉS

󰀅󰀅

Aujourd’hui, selon le Secrétariat de la condition féminine du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀉), la violence conjugale ne se limite pas à une relation maritale, mais peut se manifester aussi dans un contexte extramarital ou amoureux, actuel ou passé. Elle n’est pas l’exclusivité d’une tranche d’âge. Elle peut se vivre à tous les âges de la vie. Dans la littérature anglophone, un nouveau concept plus inclusif vient remplacer le concept de la violence conjugale. Il s’agit du concept de la « violence entre partenaires intimes » (Lessard, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). Il inclut la violence dans les relations amoureuses des adolescents et la violence de post-séparation. Dans cette dynamique de violence, il y a une personne qui domine et une victime. La personne qui domine a une volonté de contrôler l’autre, voire l’éliminer (Frogneux et De Neuter, 󰀂󰀀󰀀󰀉). En effet, le dominant utilise des stratégies pour intimider et dénigrer sa victime. Selon le Secrétariat de la condition féminine du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀉), la violence psychologique aurait pour but de dévaloriser l’autre. Plusieurs attitudes ou propos méprisants, techniques d’humiliation ou de dénigrement, le chantage ou la négligence servent à rabaisser et contrôler la victime. Cette violence psychologique porterait atteinte à l’estime de soi et la confiance en soi de la victime (Secrétariat de la condition féminine du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Certains de ces faits et gestes peuvent être condamnés en justice : « [n]otamment, les menaces, la violence physique, la négligence criminelle, la violence sexuelle, le harcèlement criminel, l’enlèvement [et] la séquestration [sont de nature criminelle] » (Secrétariat de la condition féminine du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ainsi selon, la violence conjugale se manifeste via plusieurs types de violence : la violence psychologique — d’ailleurs cette dernière accompagne tous les types de violence —, la violence verbale, la violence physique, la violence sexuelle, la violence économique ainsi que la violence spirituelle. Selon Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇), la violence psychologique « relève[rait] d’un processus conscient répété et constant qui se manifeste à travers un ensemble de comportements touchant directement ou indirectement l’intégrité psychologique de la femme » (p. 󰀁󰀀). Alors que la violence verbale est utilisée par le dominant pour créer l’insécurité et la peur (Secrétariat de la condition féminine du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Gosselin (󰀂󰀀󰀀󰀇) classe l’intimidation, le sarcasme, le dénigrement, les insultes, les hurlements et les menaces sous la violence verbale. La violence physique serait tout acte qui entraine des dommages corporels ou risque d’en entraîner (Josse, 󰀂󰀀󰀀󰀇, p. 󰀈) par exemple les coups, les blessures, les bousculades, les brûlures, les morsures ou les fractures en allant jusqu’à la mort de la victime (Secrétariat de la condition féminine du Québec).

󰀅󰀆

MAUDE ÉLOÏSE SAULNIER

La violence sexuelle, quant à elle, englobe tout acte à caractère sexuel sans consentement (Gosselin, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Selon le Secrétariat de la condition féminine du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀉), ce type de violence est une atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime. Étant donné que la violence psychologique accompagne la violence sexuelle, cette dernière peut dépasser la sexualité. La personne qui agresse s’en sert pour dominer l’autre personne dans ce qu’elle a de plus intime. Ainsi, la violence sexuelle englobe tout acte d’agressions sexuelles, de harcèlement, d’intimidation, de manipulation, de brutalité dans le but d’obtenir une relation sexuelle ou poser des gestes à caractères sexuels, sans le consentement de l’autre personne. Collard (󰀂󰀀󰀁󰀇) propose de définir l’abus sexuel « comme toute interaction sexuelle impliquant une / des personne(s) qui n’y consent(ent) pas » (p. 󰀃󰀀). Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇) décrivent la violence sexuelle comme l’imposition de désirs sexuels à la personne. Il peut aussi être question d’utiliser des « plaisanteries avilissantes, d’insultes, d’attouchements non désirés, de jalousie [ou] d’accusations d’ordre sexuel » (p. 󰀁󰀁). Finalement, la violence économique serait la surveillance constante ou le contrôle absolu des ressources financières et matérielles du couple (Secrétariat de la condition féminine du Québec). Dans certains cas, la victime n’a pas accès au marché du travail ou au milieu académique, ce qui limite son autonomie financière (Secrétariat de la condition féminine du Québec). La violence économique est souvent présente aussi chez les femmes immigrantes qui dépendent économiquement de leur conjoint. Ce facteur devient un élément supplémentaire qui maintient ces femmes dans une relation violente (Lessard, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). La violence économique se manifesterait aussi dans des actions qui consistent à nuire à l’autonomie financière de la victime, à refuser l’accès à des ressources financières, à l’interdire de travailler ou à exercer un contrôle sur le choix de son travail (Boudjemil et Boughanem, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Ces mêmes auteurs (󰀂󰀀󰀁󰀇) nous rappellent également qu’aucune femme n’est à l’abri de tous ces types de violence, car ils considèrent la violence faite aux femmes comme un phénomène universel. Ils poursuivent : « les femmes peuvent être battues par leurs pères, leurs frères, leurs fiancés et surtout par leurs conjoints » (p. 󰀃), ainsi cette violence n’est pas réservée à un groupe social en particulier. « Elle concerne tous les milieux riches et pauvres, ruraux et urbains, quel que soit le niveau d’études, l’âge ou l’origine culturelle » sans « se limiter pas à un problème judiciaire et social, mais est désormais considérée comme faisant partie intégrante de la santé publique » (p. 󰀃).

LA VIOLENCE CONJUGALE ET SES PARTICULARITÉS

󰀅󰀇

Taïbi (󰀂󰀀󰀁󰀃) décrit les différentes manifestations de la violence conjugale. Elle ajoute que celle-ci emprunte la voie spirituelle, si la religion d’une personne ou ses croyances spirituelles sont utilisées pour manipuler, dominer ou contrôler l’autre personne. Le Ministère de la Justice du Canada (󰀂󰀀󰀁󰀁) définit ainsi la violence spirituelle : [Elle] inclut l’utilisation de la religion d’une personne ou de ses croyances spirituelles pour la manipuler, la dominer ou la contrôler. Cela peut comprendre d’empêcher une personne de s’adonner à des pratiques spirituelles ou religieuses, ou de ridiculiser ses croyances (p. 󰀂).

Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀁󰀂) ajoutent à cette définition que la violence spirituelle serait certes, d’empêcher une personne de s’adonner à des pratiques spirituelles ou religieuses, le fait de « forcer une femme à se marier ou à avoir des enfants, ou au contraire de l’empêcher d’en avoir » (p. 󰀁󰀅). La recherche de Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀄) permet de soulever les différentes perspectives d’analyse concernant le phénomène de victimisation lors d’une situation de violence conjugale. Notamment, des chercheuses féministes croient que « la violence conjugale [est un] exercice de contrôle des femmes résultant du pouvoir et de la domination masculine et [donc est une] manifestation de l’oppression patriarcale » (p. 󰀇󰀀). Pour d’autres chercheuses féministes tel que mentionné par Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀄), la violence familiale est une question de dynamique familiale dysfonctionnelle provenant de l’exacerbation des conflits entre conjoints. Finalement, les mouvements masculinistes mentionnent, que selon les enquêtes faites par Statistiques Canada en 󰀁󰀉󰀉󰀉, 󰀂󰀀󰀀󰀄 et 󰀂󰀀󰀀󰀉, femmes et hommes sont victimes des crimes de violence conjugale. Ils dénoncèrent particulièrement « le silence entourant la violence exercée par les femmes et la victimisation des hommes » (Lapierre et Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀄, p. 󰀇󰀁). Les conséquences et les implications de cette forme de violence sur la femme Selon Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇), la femme serait donc la cible première de toutes violences et par le fait même subira les conséquences graves de ces actes. Les effets directs de la violence se manifestent de manière directe ou indirecte sur la santé physique, psychologique, affective, sociale, spirituelle et professionnelle. Sur le plan physique, ces femmes

󰀅󰀈

MAUDE ÉLOÏSE SAULNIER

peuvent avoir plusieurs difficultés comme celle « de concentration ou d’oublis fréquents, d’asthme ou de crises d’hyperventilation, de fractures ou de foulures » (p. 󰀄). Les troubles du sommeil et de l’alimentation et des abus de substances psychoactives sont aussi mentionnés par ces mêmes auteurs (Boudjemil et Boughanem, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Ils soulèvent aussi les troubles qui affectent la sexualité en citant « la dyspareunie, le vaginisme, l’anorgasmie et des troubles des menstruations, des avortements spontanés pendant la grossesse, des ruptures prématurées des membranes et des accouchements prématurés, des hémorragies, des affections pulmonaires et cardiaques et la mortalité de la femme » (p. 󰀁󰀆-󰀁󰀇). Quant au niveau psychologique, il est également possible que ces femmes vivent de la confusion. Selon Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇) une ambivalence peut persister accompagnée de l’anxiété, des crises de panique, de l’hypervigilance et du stress continuel. Cette ambivalence est la résultante du cycle même de la violence qui se répète en commençant par l’escalade de la tension suivie de l’explosion. La période de l’accalmie suit l’explosion où la personne qui a commis l’agression se justifie en expliquant les raisons de son acte. Puis advient la période de lune de miel ou la rémission (Fédération des maisons d’hébergement pour femmes). La confusion et les sentiments d’humiliation, d’incompétence, de honte, de colère et d’impuissance chez la victime sont parmi les effets soulevés (Gauthier et Montminy, 󰀂󰀀󰀁󰀂). De plus une perte d’estime de soi, un repli sur soi ainsi que plusieurs autres troubles psychosomatiques, des troubles cognitifs (difficulté de concentration et d’attention), des idées et/ou des tentatives de suicide, sont mentionnés par Boudjemil et Boughanem (󰀂󰀀󰀁󰀇). Bilodeau (󰀁󰀉󰀉󰀀) partage ses observations sur les conséquences de la violence conjugale sur la santé mentale de la femme. Elle constate que les femmes qui viennent en maison d’hébergement s’interrogent si elles ont provoqué la violence de leur conjoint. Au moment de l’agression, plusieurs sentiments les habitent. Elles veulent soulever l’injustice qu’impose et inflige l’agression. Impuissantes, elles se voient dépossédées de leurs droits, ce qui suscite humiliation et colère à la fois. Cependant, selon Bilodeau (󰀁󰀉󰀉󰀀), ces femmes ne tardent pas à s’ajuster « aux messages de l’enfance et aux réactions de l’entourage. Elles oublient leur juste colère ou minimisent la gravité de l’agression subie; elles se rendent responsables. Elles doutent de leur perception de la réalité, elles ne parlent pas de l’agression par peur d’être davantage culpabilisées ou ridiculisées » (p. 󰀄󰀈-󰀄󰀉). Bilodeau (󰀁󰀉󰀉󰀀) se réfère ainsi au style d’attachement de la femme et à la dynamique de la famille d’origine qui décident de la

LA VIOLENCE CONJUGALE ET SES PARTICULARITÉS

󰀅󰀉

réaction de la femme. Ne reconnaissant pas leurs moyens de défense ni leurs capacités à faire face aux évènements, plusieurs femmes se sentent envahies et incapables de prendre leurs propres décisions. Les suggestions pour contrer cette violence Dans cette section, quelques suggestions qui ont été développées à travers le temps pour contrer cette violence seront partagées. Il sera question de la contribution des maisons d’hébergement ainsi que du rôle de l’intervention féministe. Maison d’hébergement et judiciarisation Au Québec, ce n’est que vers le milieu des années 󰀁󰀉󰀇󰀀 que les femmes, victimes de violence conjugale, ont pu demander de l’aide auprès de maisons pour femmes en difficulté (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Ces maisons avaient comme un premier but de contrer la violence conjugale en offrant aux femmes l’aide nécessaire afin de les protéger de la violence de leur conjoint. Cette procédure voulait faciliter l’accès à l’aide sans devoir emprunter des systèmes qui ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Les systèmes, dont il est question, suivent des modèles traditionnels opérant selon un mode hiérarchique, relevant des structures patriarcales. Ainsi, pour offrir aux femmes une solution leur permettant de se soustraire la violence de leur conjoint, ces maisons d’hébergement n’ont pas voulu passer par ces systèmes (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇; Walker, 󰀂󰀀󰀀󰀂). En effet, d’année en année, les services dans les maisons d’hébergement ont pris de l’ampleur. Plusieurs d’entre elles auraient créé des services de suivis posthébergement et des services de consultation externe. Comme le mentionne le mémoire du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (󰀃󰀁 octobre, 󰀂󰀀󰀁󰀈, p. 󰀆-󰀇), ces maisons d’hébergement qui reçoivent les femmes victimes de violence conjugale sont plus que de simples lieux d’hébergement. Les responsables de ces maisons visent d’abord la sécurité de la femme. Pour prévenir toutes sortes d’intrusions, ces maisons ont mis en place des mécanismes pour assurer la sécurité des femmes comme assurer des intervenantes disponibles et capables de couvrir les services pendant 󰀂󰀄 h et tout au long de l’année soit 󰀃󰀆󰀅 jours par an. Ces maisons, en plus du service immédiat, ont aussi pensé au suivi post-hébergement. Il est crucial d’assurer la protection de la femme victime de violence conjugale, de l’héberger, mais il est aussi indispensable

󰀆󰀀

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de l’aider à acquérir son autonomie. De plus, si ces femmes ont quitté la maison d’hébergement, elles se gardent la possibilité d’y revenir pour s’entretenir avec une intervenante. Cette dernière saura les accompagner pour faciliter certaines démarches comme la prise de décision autour d’une nouvelle vie. Cette étape s’avère d’une grande importance, car plusieurs femmes hésitent à quitter le foyer conjugal, à cause des difficultés et des imprévus liés aux prochaines étapes. D’autres femmes aspirent à leur liberté et autonomie et souhaitent obtenir de l’aide sans nécessairement utiliser les services d’hébergement. Elles cherchent donc des ressources et des intervenantes en consultation externe pour refaire leur vie. Les maisons d’hébergement ont développé ce type de service pour répondre aux besoins de ces femmes. En dépit des efforts fournis pour ces services accessibles à cette clientèle, les maisons d’hébergement font face à un enjeu de taille. Elles ont touché à leur capacité maximale alors que les demandes dépassent largement leur capacité. Plus de 󰀇󰀇 maisons d’hébergement parmi les 󰀁󰀀󰀉 de Québec sont dans l’obligation de refuser annuellement plusieurs milliers de femmes par manque de places (Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, 󰀃󰀁 octobre 󰀂󰀀󰀁󰀈). Sur l’ensemble des maisons d’hébergement, au Québec, qui ont répondu au sondage fait entre 󰀂󰀀󰀁󰀆 et 󰀂󰀀󰀁󰀇, les données collectées démontrent plus de 󰀂󰀃 󰀅󰀆󰀈 refus et une moyenne de 󰀁󰀈 󰀈󰀈󰀀 refus par an sur un calcul qui s’étend sur 󰀅 ans (󰀃󰀁 octobre 󰀂󰀀󰀁󰀈). La suggestion pour remédier à ce problème serait que « [l]a dispensation des services sociaux relève de la juridiction des provinces certes, mais que le gouvernement fédéral [assure] un rôle central pour régler le […] manque de places dans les maisons […] d’hébergement […] et ainsi permettre [aux] femmes et à leurs enfants de vivre en sécurité » (󰀃󰀁 octobre 󰀂󰀀󰀁󰀈, p. 󰀈). Une autre façon de contrer la violence conjugale est de judiciariser celle-ci, processus qui n’existe pas dans tous les pays du monde. Ce fut seulement après la création des ressources pour les victimes, au Québec, que la violence conjugale fut judiciarisée comme un autre moyen pour contrer cette violence (Laughrea, et al., 󰀁󰀉󰀉󰀆). En dépit des progrès qui se sont produits, la judiciarisation de ce type de violence a fait face à certaines limites. Entre autres, les personnes responsables des actes violents peuvent seulement « être poursuivis en vertu [des] dispositions sur les voies de fait, menaces, harcèlement, agression sexuelle, agression armée, enlèvement, séquestration, tentative de meurtre et homicide involontaire » (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂, p. 󰀁󰀄). En dépit de cette réalité, nous demeurons conscientes et confirmons que toutes les formes d’agression, sans exception, devraient

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être condamnées socialement. Nous croyons aussi que même si la violence n’entraîne pas dans tous les cas des poursuites judiciaires, cette donnée ne doit pas changer fondamentalement le caractère répréhensible de l’agression, ni le traitement nécessaire (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂). L’intervention féministe Quelle place occupe l’approche féministe et comment pouvons-nous identifier son intervention ? L’approche féministe est une « approche globale tenant compte des structures sociales inégalitaires, de la socialisation des jeunes filles et de la responsabilisation des conjoints agresseurs » (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀁󰀆). L’utilisation de l’intervention féministe en maison d’hébergement ne s’est pas limitée à l’accompagnement des femmes dans leur expérience. Nous lui devons surtout l’introduction de la théorisation de certaines composantes de la violence conjugale (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Pour reconnaître l’apport de l’intervention féministe, il serait judicieux de mentionner les efforts fournis pour mettre en place une conceptualisation de la violence conjugale, qui jusque-là n’était pas assez connue. Cette initiative a permis de reconnaître la nécessité de rendre permanent les services pour ces femmes (Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Il serait difficile de circonscrire l’intervention féministe. Bourgon et Corbeil (󰀁󰀉󰀉󰀀) ont choisi de dresser un bilan de l’intervention féministe, en interrogeant les intervenantes qui pratiquaient l’intervention féministe dans les maisons d’hébergement, les centres d’aide auprès des femmes victimes d’agression sexuelle, afin d’écouter leur témoignage sur la spécificité de cette intervention et l’évolution de leurs pratiques. Cependant, devant la rareté des écrits québécois sur le sujet, les auteures se sont retrouvées dans l’impossibilité de compléter ce bilan exhaustif. Elles ont ainsi décidé de se baser sur les expériences des professeures d’université et de formatrices à l’intervention sociale en milieu institutionnel (Bourgon et Corbeil, 󰀁󰀉󰀉󰀀). Selon Bourgon et Corbeil (󰀁󰀉󰀉󰀀), la thérapie féministe américaine a mis l’accent sur quatre objectifs qui se complètent. Le premier a surtout comme but d’encourager les femmes à briser leur isolement et de sortir du silence et de la stigmatisation. Comme deuxième objectif, l’approche vise à aider les femmes à redécouvrir leurs capacités. Ces dernières n’étaient pas faciles à identifier étant donné que ces femmes ont vécu sous le poids de la violence et de la domination de la personne qui les agresse. L’approche vise à aider ces femmes à retrouver leur potentiel. En dernier lieu,

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elle vise à laisser la place à l’expression des émotions réprimées. La femme victime de violence a le droit d’exprimer sa colère et sa frustration. Elle est encouragée à exprimer ses besoins. Elle est accompagnée dans la quête de son bien-être afin de reprendre goût à la vie et s’affirmer dans ses droits. En reprenant les objectifs fixés par l’intervention féminine, il nous semble que, contrairement aux approches traditionnelles qui tendent à individualiser les cas, l’intervention féministe se base sur une analyse sociopolitique plutôt qu’une interprétation centrée sur la dimension individuelle. L’approche féministe ne se classe pas sous une norme ni ne prend une définition univoque. Elle prend plutôt en considération « l’hétérogénéité en ce qui a trait aux pratiques » (Dagenais, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀁󰀈). Cependant, selon Dagenais (󰀂󰀀󰀁󰀅) la pluralité du féminisme soulignée et cet amalgame ne facilitent pas la définition de l’approche féministe. Elle ajoute (Dagenais, 󰀂󰀀󰀁󰀅), qu’un bon nombre d’intervenantes auraient de la difficulté à mettre leur pratique dans un cadre théorique bien défini et élaboré. Winchester Moore (󰀂󰀀󰀁󰀃) considère l’approche féministe comme une approche intégrative, « a viewpoint » ou « a lens » (p. 󰀆󰀅). Éducation sociale adéquate Selon le Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈), la violence conjugale est une problématique qui nous concerne tous et toutes. Alors, il est important que nous soyons informés et proactifs. Dire que la violence nous concerne tous et toutes implique la responsabilité de chacun dans un premier temps pour contribuer à la prévention de cette violence et pour la contrer. Reconnaître sa propre responsabilité dévoile la bonne volonté et l’intention de vouloir contribuer à la campagne de sensibilisation Cependant, les bonnes intentions et volontés ne suffisent pas à elle seules, il faut qu’elles s’accompagnent des actions. Agir exige que la population soit en mesure de reconnaître les différentes facettes de la violence ainsi que les comportements, les attitudes, les préjugés et les mythes qui l’entourent. Selon le Gouvernement du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀈), la sensibilisation de la population à la violence a le potentiel de contribuer à réduire la tolérance sociale à son égard. Une population informée saurait identifier les ressources mises à la disposition des victimes, mais surtout permettre, voire, encourager, les témoins d’actes de violence de signaler toute situation de violence (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Divulguer de telles situations devient la responsabilité de chacun.

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Le Gouvernement du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀈) se projette dans le futur en pensant à des plans à long terme. Il devient urgent de promouvoir des rapports égalitaires auprès des jeunes générations afin de leur épargner la prévalence de la violence dans leurs relations amoureuses comme plusieurs recherches le démontrent. Le Gouvernement du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀈) soulève un problème sous-dénoncé celui des agressions sexuelles sur les campus des universités au Québec. Une loi fut promulguée à cet égard visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur. La Loi prévoit que tout établissement d’enseignement doit établir une politique qui aura pour objectif de prévenir et de combattre les violences à caractère sexuel dans le but d’assurer des lieux d’études et de travail sains, sécuritaires et respectueux. L’article 󰀁󰀈 précise que l’établissement devra adopter sa politique avant le 󰀁er janvier 󰀂󰀀󰀁󰀉 et la mettre en œuvre au plus tard le 󰀁er septembre 󰀂󰀀󰀁󰀉 (Éducation et Enseignement supérieur Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En dépit des efforts fournis pour l’éducation de la société concernant les différents types de violence, notre époque précisément, l’époque de la technologie, apporte de nouveaux enjeux. Le Gouvernement du Québec (󰀂󰀀󰀀󰀁-󰀂󰀀󰀀󰀉) soulève de nouveaux défis difficiles à contourner : Les cyberviolences sont un phénomène répandu, mais il est encore difficile d’en cerner l’ampleur. Selon la recension de Fernet et ses collaborateurs (󰀂󰀀󰀁󰀈), jusqu’à 󰀇󰀈% des femmes rapportent avoir déjà subi un geste de cyberviolence de la part d’un partenaire ou d’un ex-partenaire. L’accompagnement des conjoints ayant des comportements violents Selon le plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale (Gouvernement du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈), l’accompagnement des conjoints ayant des comportements violents serait une piste de solution pour contrer la violence conjugale. Le gouvernement reconnaît l’utilité et l’urgence de former les policières et les policiers. Il croit que les nouveaux outils et les avancés en matière de violence peuvent aider à assurer une intervention adéquate auprès des victimes mais aussi auprès des personnes qui commettent l’agression. Le besoin de réhabilitation s’impose, afin de ne pas réduire ces personnes à leur acte. D’autre part, une condition essentielle devient inévitable et est la base de la prévention à la violence : briser le cycle de la violence afin de limiter les conséquences et limiter le nombre de nouvelles victimes. Le rôle du système judiciaire serait de faire une rigoureuse évaluation et d’estimer le degré du danger lié à l’acte posé. C’est une autre prévention des risques d’homicide en temps de crise.

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Audet (󰀂󰀀󰀀󰀂, p. 󰀅󰀄), mentionne également l’importance de prodiguer des soins aux conjoints violents : Au Québec, le traitement des hommes violents est maintenant reconnu comme un élément essentiel de la lutte contre la violence conjugale (…). Il est devenu évident, autant pour les intervenants que les chercheurs, que la réduction de la violence conjugale et sa prévention nécessitent des services à l’intention des agresseurs. On convient qu’une intervention limitée à la victime ne suffit pas et que les conjoints violents doivent s’engager dans un processus de réflexion et de changement.

Il serait donc erroné de considérer l’emprisonnement des conjoints violents comme la meilleure approche pour la prévention de la violence conjugale (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂). L’idée des programmes de traitement aurait pris de l’ampleur au Québec et comptait à l’époque 󰀂󰀅 programmes ayant des techniques à caractère curatif (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂). C’est ainsi que plusieurs perspectives thérapeutiques ont été appliquées dans le cadre des traitements des hommes ayant des comportements violents comme l’approche psychodynamique, cognitive-behaviorale, systématique et proféministe (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂, p. 󰀆󰀃). Toutefois, ces suggestions ont des limites car en dépit des programmes d’aide aux personnes qui agressent et commettent des gestes violents, le nombre de cas de violence déclarés ne semble pas avoir diminué (Laughrea, et al., 󰀁󰀉󰀉󰀆). Aujourd’hui, et plusieurs années suivant l’implantation de ces programmes, dans le système de la santé, nous nous questionnons sur l’efficacité de ces modèles puisque la violence psychologique, verbale et sexuelle semble être encore être très présente auprès des femmes dont le conjoint suit ce programme (Audet, 󰀂󰀀󰀀󰀂). Conclusion Comme auteure féministe, nous ne voyons pas que les femmes sauront contrer par elles-mêmes, et seules, la violence. Les femmes ne peuvent que s’allier avec les hommes pour ainsi avec un discours semblable promouvoir ensemble des rapports de respect et d’égalité indépendamment des sexes. L’empathie nous unit comme femmes, surtout quand nous partageons des expériences semblables. Il devient évident de vouloir aider toute femme victime de violence et se mettre à son service, pour passer à travers ses douloureuses expériences. Un travail de soutien, de sensibilisation,

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d’intervention et de conscientisation peut se faire sur une petite comme sur une grande échelle. Ce chapitre en est un exemple. À la fin de ce travail, nous mentionnons qu’il n’était pas question d’examiner la différence ou le taux de violence conjugale envers les hommes, mais il serait important pour la recherche scientifique de voir si les enjeux sont sensiblement les mêmes. En effet, les hommes sont eux aussi victimes des crimes de violence conjugale. Il serait ainsi indispensable, par souci de justice d’équité de dénoncer « le silence entourant la violence exercée par les femmes et la victimisation des hommes » (Lapierre et Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀄).

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LA VIOLENCE CONJUGALE ET SES PARTICULARITÉS

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La violence sexuelle et sa réalité déguisée Byanka Leroux Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Le but de cette étude est l’exposition des difficultés présentées chez la plupart des victimes à la suite des traumatismes à caractère sexuel. Des statistiques présentées démontrent que le trouble du stress post-traumatique serait l’une des conséquences les plus partagées par les victimes. D’autres études présentées dans ce texte démontrent en effet que la violence à caractère sexuel est très présente au sein de diverses sociétés. Nous pouvons aussi remarquer que celle-ci aurait évolué dans le temps, ce qui aurait encouragé l’évolution des visions générales des parties impliquées. Or, en définissant une telle atrocité, nous serons en mesure d’établir des pistes de solutions qui pourraient être reconnues comme étant adéquates dans certains cas. Pour ce faire, l’élaboration des divers types de violences sexuelles est présentée. Évidemment, l’unicité des situations et les difficultés présentées doivent être prises en considération. La présentation d’étude de cas permettrait à son tour la sensibilisation aux victimes. Bref, divers services et programmes de préventions ont été établis afin de mieux englober les parties touchées. Ceci permettrait en effet une réflexion approfondie sur la violence sexuelle en général. ABSTRACT: Considering that the research presented in this study shows that sexual violence is prevalent in various societies, the purpose of this research will be to expose the challenges presented to a large portion of the victims following sexual trauma. With time, this issue has marginally declined but is nowhere near eradicated. However, by defining such an offense, identifying solutions that could be adequate in some cases will become a possibility. While defining various types of sexual violence, we will be able to better understand the current state of this type of brutality. Evidently, the uniqueness of the situations and the challenges presented must be taken into consideration. Therefore, the case study presented in this research will also help raise awareness among victims. Various prevention services and programs have been established to better reach the affected parties. As a result, this study will allow for in-depth reflection on sexual violence in general.

Introduction La violence à caractère sexuel est une triste réalité qui affecte plusieurs contextes à travers le monde. Cette forme d’abus ne tient pas compte de la culture, de l’environnement ni des antécédents de la victime (La

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Croix-Rouge, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Il pourrait alors être dit qu’aucune personne n’est à l’abri d’une telle atrocité. Il va de soi que la violence à caractère sexuel serait traumatisante pour plusieurs victimes (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). La brutalité sexuelle aurait des impacts très graves sur l’épanouissement des individus touchés. Ces derniers pourraient être affectés dans le domaine social, psychologique et physique (Richard, 󰀂󰀀󰀁󰀀). La sexualité est un phénomène social qui a connu une grande évolution à travers les époques, les contextes et les sociétés (Lemoine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Grâce à l’élaboration de son sens, la perception de la violence sexuelle ainsi que la compréhension des implications sur les victimes ont à leur tour connu des modifications. Aujourd’hui, l’abus sexuel, défini comme crime, est de plus en plus dénoncé. Ses implications sont prises davantage en considération (Lemoine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Certaines recherches, comme celle de Salmona (󰀂󰀀󰀁󰀃), démontrent que ce type de violence touche principalement les femmes et est commis dans la plupart des cas par des hommes, sans pour autant nier que cette violence peut aussi toucher les hommes. Il est aussi important de savoir que les recherches peuvent manquer de précision, car les statistiques représentent uniquement les victimes qui ont dénoncé la personne qui a agressé, alors que plusieurs données non récoltées demeurent inédites (Association mémoire traumatique et victimologie, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Nous pouvons aussi ajouter qu’en dépit de l’évolution des recherches et des connaissances, les implications, à long terme, sur la santé de la victime ne sont pas toujours prises en considération. C’est pourquoi, il est important de prendre conscience de cette réalité afin d’améliorer les services et les ressources offerts aux victimes, à court et à long termes (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Qu’est-ce que la violence sexuelle ? La violence sexuelle serait caractérisée par tout comportement de nature sexuelle qui serait infligé à un individu sans son consentement éclairé (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Par ailleurs, la violence sexuelle englobe toute sorte de violences physiques et psychologiques reliées évidemment à la sexualité (Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Il serait évident de dire que la violence à caractère sexuel représente un grand problème au sein de diverses sociétés (Organisation mondiale de la santé, 󰀂󰀀󰀀󰀂). Celle-ci pourrait être considérée comme étant la forme la plus taboue et la plus cachée dans un contexte

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conjugal. À l’intérieur d’une relation, la violence sexuelle se qualifie par le viol, le contrôle des rapports sexuels, le harcèlement sexuel, l’imposition d’actes dégradants ou l’intimidation en vue d’obtenir des gratifications sexuelles (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). La violence sexuelle peut en effet prendre diverses formes selon le contexte donné. Ainsi, l’agression sexuelle serait à son tour caractérisée par le contact direct ou par une activité sexuelle sans consentement éclairé (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Cette forme d’agression peut aussi être infligée sans contact physique. Autrement dit, une femme, un enfant ou même un homme qui serait forcé à regarder des imageries, des vidéos ou des actions en direct serait reconnu comme étant victime d’agression sexuelle (La Croix-Rouge, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La brutalité sexuelle peut aussi être manifestée par le harcèlement. Ce dernier serait défini par des actions, des gestes ou des paroles qui seraient perçus comme étant menaçants, mais aussi de nature sexuelle. L’individu qui commet le harcèlement sexuel est conscient que ses gestes ne sont pas désirés mais persiste quand même dans ses actions (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Pour sa part, le voyeurisme prend forme lorsqu’un individu en question observe sans son consentement éclairé, une autre personne. Dans ce cas, la victime s’attend à être seule et celle-ci ne prend pas conscience de ces observations au moment où elles surviendraient (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Par ailleurs, la violence sexuelle peut se traduire sous forme d’exploitation. Ce type serait caractérisé par le contrôle sexuel abusif non consentant d’une autre personne. La personne qui agresse prend avantage de la sexualité de sa victime par la distribution de vidéo pornographique ou par l’implication d’activités sexuelles sans le consentement de cette dernière (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Au cours des temps, la violence sexuelle a toujours été sanctionnée par une autorité déterminée (Lemoine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Aujourd’hui, ce type de violence n’est plus marginalisé, bien au contraire, il est de plus en plus dénoncé. Cependant, en dépit des lois et des législations qui sanctionnent, la pression sociale qui ne tolère pas les récidives, les interdits sociaux, moraux et religieux qui dénoncent cette pratique, la violence sexuelle se perpétue (Lemoine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Au Canada et dans plusieurs autres pays, les crimes de nature sexuelle sont sanctionnés par un code criminel prédéterminé. Des modifications auraient été proposées au Code criminel canadien en 󰀁󰀉󰀈󰀂 afin que la violence sexuelle faite aux femmes soit prise en égard. Auparavant, le Code criminel canadien emprisonnait à perpétuité les individus retrouvés coupables de viol (Gall et Somerville, 󰀂󰀀󰀁󰀆). À ce jour, celui- ci sanctionne tout crime violent de nature sexuelle. La modification aurait été influencée par des statistiques qui démontrent que les femmes sont plus

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à risque d’être violées que les hommes. Cela étant dit, les changements tentent l’abolition de la notion du genre en se basant sur le fait que les hommes et les femmes sont tous deux capables de commettre des crimes de nature sexuelle (Gall et Somerville, 󰀂󰀀󰀁󰀆). Que dit la littérature à propos de ce type de violence ? Des recherches, comme celle de Collin-Vézina et Cyr (󰀂󰀀󰀀󰀃), démontrent que les antécédents et le vécu des personnes qui agressent seraient à prendre en considération dans un contexte de violence sexuelle. Cependant, il ne faut pas prendre pour acquis qu’une personne agressée agressera à son tour. Donc, l’historique d’un individu serait un facteur clé parmi plusieurs autres (Collin-Vézina et Cyr, 󰀂󰀀󰀀󰀃). « La plupart des chercheurs admettent que le phénomène est complexe et qu’une théorie ne peut en aucun cas se fonder sur une cause unique » (Association des services de réhabilitation sociale du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀃, p. 󰀆). Ainsi, il devient difficile de comprendre les déclencheurs de la violence étant donné la complexité des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels qui sont à la source d’un tel comportement. De plus, ces facteurs n’échappent pas aux distorsions cognitives des personnes qui agressent et qui ne perçoivent pas l’agression comme un acte criminel. Les recherches de l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀃) démontrent que la délinquance sexuelle provient principalement d’un environnement plus défavorisé. De plus, les personnes qui ont commis des agressions sexuelles ont fait face à des problèmes judiciaires avant l’âge de 󰀁󰀈 ans. Ces mêmes recherches mentionnent que la personne qui agresse peut agir seule, comme elle peut être armée ou sous l’effet d’une substance. Dans les cas de pédophilie, la personne qui viole agit plus rarement sous l’effet de la drogue (Association des services de réhabilitation sociale du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Des statistiques démontrent aussi que quatre délinquants sexuels sur cinq ont un niveau d’étude inférieur à la 󰀁󰀂e année et alors deux sur trois auraient recours à l’aide sociale comme principale source de revenus (Association des services de réhabilitation sociale du Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Sur une base plus biologique, des recherches démontrent que l’agressivité humaine en général ferait partie du bagage génétique (Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆). Au sein de n’importe quelle espèce, certains individus pourraient être plus aptes à être agressifs que d’autres. Dans la majorité des cas, les mâles

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de plusieurs espèces sont reconnus comme étant plus violents (Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆). En effet, l’agressivité pourrait être reliée au chromosome Y qui serait retrouvé chez les hommes. Sans que celle-ci soit exclusive, l’agressivité est une pulsion primaire partagée par plusieurs espèces (Thibault, 󰀁󰀉󰀇󰀆). Cet élément, bien qu’il soit fondé et prouvé par certaines recherches, ne peut justifier par lui-même des comportements déviants. Ces propos ne trouvent pas le même écho dans les recherches de Salmona (󰀂󰀀󰀁󰀃). Dans son article, Salmona (󰀂󰀀󰀁󰀃) démontre qu’une femme sur cinq et un homme sur quatorze se retrouverait être victime d’agression sexuelle au cours de leur vie. Ceci démontre en effet la réalité associée à ce type de violence qui toucherait davantage les femmes, mais n’épargne pas les hommes. Les attaques envers les femmes seraient, dans 󰀉󰀅% des cas, initiées par des hommes qui font souvent partie du réseau des connaissances de la victime en question. Ceci démontre que même dans les environnements considérés comme sécurisés, les risques demeurent présents (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Parmi les éléments contributeurs, des individus en position d’autorité tirent avantage de leurs fonctions pour obtenir des faveurs de nature sexuelle (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). D’autres statistiques expliquent qu’une femme sur quatre serait victime de violence sexuelle dans leur cadre de vie de couple (Organisation mondiale de Santé, 󰀂󰀀󰀀󰀂). À tous ces facteurs, les mythes autour de la nature de la violence sexuelle contribuent à la dilution de sa gravité. À titre d’exemple, parler de la violence sexuelle, comme une affaire privée, qui se passe au sein du couple et ne doit pas être divulguée pour préserver l’intimité du couple, ou bien pour ne pas interférer dans la vie conjugale. Encore une fois, la violence sexuelle aurait lieu lorsque la victime ne partage pas son consentement éclairé lors des rapports de nature sexuelle (Université d’Ottawa, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Il est important que le consentement soit manifesté implicitement, verbalement et de façon volontaire lors de l’initiation des rapports entre deux individus. Autrement, une personne forcée à participer à des activités sexuelles est considérée comme victime de ce type de violence (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Si un des participants partage son désaccord par des paroles, des gestes ou des attitudes, il va de soi que celui-ci refuse la pratique sexuelle suggérée ou imposée (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). À noter que, selon la loi, le consentement apparent ne serait pas considéré comme une évidence. Si un individu est incapable de consentir à cause de son état mental, son âge ou son état physique, le consentement dit apparent ne sera pas retenu (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃).

󰀇󰀄

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La violence sexuelle et ses conséquences Le centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel d’Ottawa (CALACS) (󰀂󰀀󰀁󰀄) stipule que l’agression sexuelle va au-delà des douleurs physiques, puisqu’elle entraine des douleurs psychiques et spirituelles plus profondes. Les agressions à caractère sexuel peuvent avoir des conséquences très graves pour plusieurs victimes. « Les violences sexuelles ont le triste privilège d’être, avec les tortures, les violences qui ont les conséquences psychotraumatiques les plus graves » (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Puisque celles-ci entrainent de grandes souffrances psychiques, il est sûr que les risques associés aux stress post-traumatiques chroniques sont très probants. En effet, 󰀈󰀀% des victimes d’agressions à caractère sexuel développeraient des troubles dissociatifs directement en lien avec l’agression vécue (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). La durée des troubles psychotraumatiques peut varier en fonction de la nature de l’agression et de la capacité de résilience de la victime (Salmona, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Il serait mentionné que le syndrome du stress post-traumatique serait reconnu comme étant une réaction normale à la suite d’un évènement qui aurait mis la vie de l’individu en question en danger. La violence sexuelle en un. Selon Haskell (󰀂󰀀󰀀󰀄), le développement émotif et psychologique d’un individu peut être grandement marqué par un traumatisme. Il poursuit qu’il existe deux types de stress associés à un évènement traumatisant. Un stress post-traumatique simple est présent lorsqu’une personne est exposée à des incidents qui se sont produits uniquement une fois. Alors, le stress post-traumatique complexe serait le résultat d’un trauma relié à la violence qui serait survenue à plusieurs reprises (Haskell, 󰀂󰀀󰀀󰀄). Naturellement, des problématiques physiques peuvent aussi surgir à la suite de violence sexuelle. Les troubles alimentaires sont très probants à la suite d’un traumatisme et pourraient par la suite entraîner d’autres problèmes physiques tels que les maux de tête, la fatigue et d’autres troubles somatiques (Institut national de santé publique, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Les victimes de violence sexuelle sont aussi évidemment plus vulnérables aux infections transmises sexuellement et aux grossesses non désirées. Par la suite, d’autres troubles sexuels tels qu’une baisse de libido, des douleurs lors des rapports sexuels et même le dégoût face à la sexualité peuvent surgir (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Ici, il est important de comprendre que les conséquences et leurs longévités peuvent varier selon le contexte. Les répercussions peuvent être vécues immédiatement après le trauma ou plusieurs années plus tard (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃).

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󰀇󰀅

Les difficultés et les répercussions psychologiques associées aux traumatismes sexuels sont difficiles à gérer. La victime doit apprendre à vivre avec ses blessures. Cette dernière peut éprouver plusieurs émotions telles que la tristesse, la dépression, la culpabilité, le sentiment de colère et une faible estime de soi. Des idées suicidaires récurrentes sont identifiées comme une résultante de ce type de violence (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Dans un contexte psychologique, on peut aussi retrouver l’anxiété et la frustration reliés aux procédures judiciaires associées à l’évènement en question. De plus, ces individus peuvent faire face à des difficultés relationnelles avec leurs conjoints, leurs amis et leur entourage en général, ce qui pourrait alors entraîner des difficultés au travail et le rejet de la part des paires. Ces problématiques sociales pourraient à leur tour entraîner des difficultés au niveau financier (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Selon l’intuition nationale de la santé publique (󰀂󰀀󰀁󰀉), les symptômes associés au stress post-traumatique seraient divisés en trois grandes catégories. Dans un premier temps, la victime présente des symptômes de flashbacks qui lui font revivre l’évènement traumatisant en pensées ou en cauchemars. Par la suite, celle-ci cherche à éviter tout ce qui pourrait être lié à l’agression ou à l’agresseur. Enfin, l’individu en question ferait face à de l’hyperactivité neurovégétative même en l’absence de danger, ce qui pourrait entraîner des problématiques reliées à l’insomnie. Évidemment, les traumatismes ne sont pas vécus ni reçus de la même manière par tous. Dans son ouvrage, Tondreau (󰀁󰀉󰀉󰀇) décrit un épisode flashbacks en trois étapes. Avant le flashback, elle mentionne qu’elle vivait de grandes terreurs, ce qui lui donnait un sentiment d’être en danger si son environnement n’était pas suffisamment sécurisant. À ce moment, elle se dissocie complètement de sa réalité puisque l’obsession constante du trauma est présentée (Tondreau, 󰀁󰀉󰀉󰀇). Pendant le flashback, la terreur extrême s’installe. Celle-ci lui fait revivre l’évènement traumatisant dont elle a fait l’expérience. À ce moment, les notions du temps et de l’espace sont perdues. Les sentiments associés au moment de l’abus resurgissent et ne semblent plus aboutir. Finalement, après le flashback, la fatigue extrême et le retour à la réalité s’installent. Il arrive même parfois que son sommeil soit d’une durée de 󰀂󰀄h ou plus puisque son corps essaie d’éviter toutes souffrances associées à ces difficultés. Selon Tondeau (󰀁󰀉󰀉󰀇), l’individu ayant connu un traumatisme devient plus vulnérable à un autre flashback lors du rétablissement. En dépit de la difficulté de retrouver un certain sens de normalité à la suite d’un événement traumatisant, Tondreau (󰀁󰀉󰀉󰀇)

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partage son expérience afin de démontrer qu’il est possible de reprendre goût à la vie même après avoir vécu de la violence sexuelle. Autrement dit, elle témoigne afin de donner espoir aux gens qui sont victimes de violence en disant : « Rappelez-vous ! Le flashback que vous venez de vivre n’est qu’une réminiscence du passé et non la réalité » (Tondreau, 󰀁󰀉󰀉󰀇, p. 󰀁󰀉󰀈). Comment reprendre sa vie en main et quelles sont les étapes ? Les individus victimes de violence passent par trois grandes étapes à la suite d’un trauma. Ces étapes résument le cheminement des victimes d’agressions, tout en gardant l’unicité de chaque vécu (Centre LAVI, 󰀂󰀀󰀁󰀁). En premier lieu, l’étape de choc permet la survie de la victime. Par ailleurs, il peut aussi provoquer de grandes souffrances psychiques. Dans cet état, l’individu en question peut se sentir dissocié de sa réalité. Il passe par « un état de conscience modifié sans induction externe qui permet au sujet de se protéger dans les situations de tension auxquelles il/elle ne peut plus faire face » (Fareng et Plagnol, 󰀂󰀀󰀁󰀄, p. 󰀃). Il s’agit d’un mécanisme de défense naturelle qui permet à la personne de se protéger d’une situation menaçante. La personne se coupe des douleurs pour assurer sa survie (Fareng et Plagnol, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Quand il s’agit d’une dissociation traumatique, cette dernière se décrit comme un processus de séparation mentale qui affecte les perceptions, les émotions, la mémoire et l’identité (Fareng et Plagnol, 󰀂󰀀󰀁󰀄). En conséquence, la personne perd l’accès à sa conscience et à l’auto-contrôle. La personne se retrouve dépersonnalisée car elle est coupée de la relation à soi (Fareng et Plagnol, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Cette perte de repère entraîne un blocage psychique qui empêche la victime de fonctionner pleinement et consciemment (Centre LAVI, 󰀂󰀀󰀁󰀁). La perte de repère s’étend aussi au concept de temps et d’espace. Fréquemment, la personne dans un état de choc pourrait avoir de la difficulté à se souvenir de son évènement traumatisant. Ces difficultés pourraient entraîner de grandes confusions qui enchaineraient le développement de problèmes de santé mentale (Centre LAVI, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Certains individus touchés par cette violence gardent le silence afin d’atténuer la peur imminente du trauma. Ces réactions sont vues comme normales, car elles traduisent le choc de l’agression ; cependant la situation vécue n’est pas normale (Centre LAVI, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Une personne qui aurait été violentée se détachera peu à peu de l’étape du choc afin de retrouver un certain sens de normalité (CALACS, s.d.). La deuxième période est l’étape du réajustement. Les femmes victimes de violence (sujet de ce chapitre) réalisent que durant la période précédente (de choc), elles ont négligé plusieurs aspects de leur vie personnelle

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et professionnelle, voire même leurs enfants. C’est ainsi que la période de réajustement prend place comme une étape de rattrapage afin de compenser ce qui a été négligé. Il s’agit d’un retour à la vie (CALACS, s.d.). Bien que cette période initie le retour à la vie, elle demeure fragile, car ces femmes vont faire face à leur impuissance et à leurs limites. Les évènements traumatisants ne sont pas oubliés, mais la volonté de retrouver un équilibre dans leur vie commence graduellement à prendre le dessus (Centre LAVI, 󰀂󰀀󰀁󰀁). La vie à cette étape ressemble plutôt à une survie avant que cette dernière prenne son plein essor et le nouveau moi commence à se reconstruire. Cette volonté de renaître et de reconstruire un moi plus confiant marquent la troisième étape du processus, la période de l’intégration. La femme reprend sa routine et son quotidien en dépit des séquelles associées au traumatisme. La réconciliation avec le soi blessé et les événements permettent un changement d’attitude et d’action afin que la vie surgisse. Il est évident que le processus ne s’impose pas. Il dépend évidemment de la sévérité du traumatisme et du niveau de résilience de la personne en question (CALACS, s.d.). Les diverses conséquences associées à la violence sexuelle peuvent aussi varier selon divers facteurs, par exemple l’âge de la victime, la nature de la violence, la relation entre la personne qui agresse et la victime, la fréquence, la durée et l’intensité des traumatismes, la réaction de l’environnement et les services disponibles (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Prévention et quelques pistes de réflexions Plusieurs initiatives ont offert une prévention à la violence en matière sexuelle et ont ouvert des pistes pour la réflexion ainsi que pour l’action. Parmi ces initiatives, faire de la violence sexuelle un sujet de recherche afin de mieux cerner la problématique et en trouver des préventions (Loots, Dartnall et Jewkes, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Les recherches faites à cet égard ont permis de compiler des données et des informations utiles pour penser des méthodes de prévention et d’intervention applicables dans ce domaine. C’est ainsi qu’au cours des 󰀄󰀀 dernières années, cette problématique a connu une attention croissante autour du monde, et en conséquence des activités de sensibilisation au public ont été mises en place ainsi que des services et des ressources (Benoit, Shumka, Phillips, Kennedy et BelleIsle, 󰀂󰀀󰀁󰀅).

󰀇󰀈

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Au niveau politique, même si le Canada n’a pas de politique nationale spécifique contre la violence sexuelle, cependant cinq provinces (l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et le Québec) agissent en cas de violence sexuelle selon une politique qui contre cette violence. Ces provinces ont un plan d’action pour prévenir ce type de violence, offrir des services aux victimes et puis les accompagner dans leur processus comme survivantes (Benoit, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). Parmi ces plans d’action, nous citons les campagnes de sensibilisation du public. Ces campagnes visent la sensibilisation du public à la violence sexuelle, comme faisant partie de la responsabilité de chacun et de tous. Cette sensibilisation a un but à double volet : prévenir les abus sexuels, mais cela ne peut se faire si les normes sociétales, les pratiques organisationnelles habituelles, les attitudes de la collectivité et des personnes qui commentent l’agression ne changent pas (Haskell, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Ainsi, la sensibilisation ne se limite pas à la prise de conscience, elle s’étend à l’action et vise un changement radical au niveau des systèmes et des mentalités. À titre d’exemple, blâmer les victimes à cause de leur tenue vestimentaire ou des places fréquentées. De la sorte, la responsabilité de cette violence ne repose plus sur les épaules frêles de la victime, elle devient celle de la collectivité. Quand ces changements sont mis en place, les femmes victimes d’une telle violence se sentent en sécurité, ce qui les encourage à briser le silence et dénoncer l’agression (Minerson, Carolo, Dinner et Jones, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Certaines campagnes ont comme objectifs d’identifier et de reconnaître les situations dangereuses, les attitudes et les comportements sexistes. Les interventions, dans une situation où une femme risque d’être agressée sexuellement, offrent ainsi soutien et compassion (Haskell, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Les services de soutien spécialisés sont offerts par des professionnel/les de la santé, mais aussi par les professionnel/les du droit et de l’aide spécialisée aux victimes d’agression sexuelle. Il y a une coordination entre les corps policiers, le réseau de la santé, les services aux victimes et d’autres organismes communautaires, ce qui permet aux femmes de recevoir une aide plus complète, soit une aide médicale, juridique et psychologique (Benoit, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). La collaboration avec les organismes communautaires ouvre des horizons divers et assure un plus large réseau de ressources. Ayant parlé plus haut du choc traumatique que subissent les victimes d’agression sexuelle, il serait intéressant de mentionner qu’un modèle d’intervention post-traumatique est aussi mis en place. Ce modèle prend en considération toutes les répercussions de la violence à caractère sexuel sur la vie et sur le développement d’une femme. Ce type d’intervention

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vise à créer, dans un premier temps, une relation de confiance et de collaboration entre la victime et l’équipe professionnelle. Bien que la sécurité et le respect de la volonté de la survivante occupent la première place, cette intervention mise aussi sur l’« empowerment » de la personne afin de réduire les risques d’une nouvelle victimisation, de favoriser sa guérison et de l’aider à se réapproprier son autonomie (Benoit, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀅). À ce sujet, les Instituts de recherche en santé du Canada (󰀂󰀀󰀁󰀅) ont établi entre autres un programme qui offre des cours d’autodéfense afin d’équiper les femmes avec les moyens nécessaires pour confronter lors des situations à risque d’agressions à caractère sexuel. Des sessions d’information sur la sexualité et les relations saines sont offertes. Il est mentionné que plusieurs ne connaissent pas leurs droits ni les limites lorsqu’il est question de sexualité (Instituts de recherche en santé du Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Ce programme croit à l’importance de l’éducation en matière sexuelle pour prévenir divers futurs incidents. Quelques limites font en sorte que la prévention complète devient une utopie. Des initiatives ont été mises en place afin de répondre adéquatement à des traumatismes lorsque ceux-ci ne peuvent pas être empêchés (Organisation mondiale de la santé, 󰀂󰀀󰀀󰀂). Afin de venir en aide aux victimes de violence sexuelle, il est important d’être en mesure de répondre à leurs besoins. Encore une fois, l’unicité de chaque situation ferait en sorte que les besoins de chaque femme varient selon sa propre expérience, son environnement, sa culture et sa famille (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Parmi les limites rencontrées, les intervenants se voient portés à avoir une formation complète qui couvre plusieurs aspects afin d’arriver à répondre aux besoins des victimes. Cela étant dit, le professionnel doit être en mesure de soutenir la victime et lui assurer les ressources nécessaires afin d’assurer le meilleur rétablissement possible (Boudreau, Gaudreault, Leroux et Poupart, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Parmi les soins demandés, les suivis psychologiques sont primordiaux aux cheminements des femmes. Il serait même dit que l’intervention rapide pourrait diminuer les conséquences associées aux traumatismes à long terme. Parmi les limites, nous mentionnons l’environnement des victimes qui occupe un rôle essentiel dans le processus de rétablissement. Cet environnement échappe souvent au pouvoir des professionnels/les. Certaines femmes, pour des raisons diverses, se voient obligées de revenir dans un environnement malsain qui ne contribue pas à leur autonomisation et ne facilite pas leur guérison.

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Conclusion Dans ce chapitre nous avons parlé de la violence sexuelle comme une triste réalité qui prend place dans plusieurs cadres et contextes sociétaux. Nous avons évoqué quelques-unes de ses répercussions sur les victimes. Nous avons expliqué comment les difficultés résultant de ce type de violence touchent diverses sphères du quotidien d’une victime. Nous avons aussi évoqué quelques plans d’action adoptés au Canada afin d’offrir prévention, aide et soutien aux femmes victimes de violence sexuelle. Parmi les programmes offerts et les initiatives prises à ce sujet, le Canada se voit promouvoir la sensibilisation du public pour une meilleure action au niveau de la collectivité. Les programmes visent surtout à faire resurgir le sens de la vie et encourager les victimes à reprendre leur vie, mais cette fois-ci avec plus de connaissance et moins de peur. La formation et la sensibilisation ont le pouvoir de réduire les taux de récidive. En dépit des limites, un cheminement de la guérison, souvent un peu long, peut être envisagé grâce aux ressources extérieures mais surtout grâce aux ressources intérieures de chacune des victimes : la persévérance et la résilience qui permettent à ces femmes d’apprendre à revivre en dépit d’un passé lourd et pesant (Tondreau, 󰀁󰀉󰀉󰀇).

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LA VIOLENCE SEXUELLE ET SA RÉALITÉ DÉGUISÉE

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PARTIE II

La réalité des femmes et les enfants victimes de violence conjugale dans les milieux ruraux des Comtés-Unis de Prescott-Russell Geneviève Brouillard Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : La violence conjugale (VC) est une réalité très présente, mais parfois de nature cachée aux yeux des voisins et des amis. En 󰀂󰀀󰀁󰀆, au Canada, 󰀄󰀀 󰀅󰀇󰀇 victimes ont rapporté, aux services policiers, une violence commise par un conjoint ou ex-conjoint. La violence habite plusieurs maisons familiales dans les milieux ruraux, plus précisément dans les comtés de Prescott-Russell comme l’évoque le rapport : Une réalité qu’on ne peut ignorer écrit par la Coalition de Prescott-Russell contre la violence faite aux femmes. Dans ce chapitre nous allons définir ce qu’est la violence conjugale appuyée par des témoignages d’enfants. Pourquoi touche-t-elle particulièrement les femmes et les enfants victimes de cette région ? Malgré les ressources et les services disponibles, pourquoi certaines femmes continent-elles à éprouver ce genre de difficultés ? Pourquoi les obstacles sont-ils encore présents à ce jour ? Ainsi, nous allons constater les conséquences, les impacts et les implications de la (VC) sur les victimes, puis nous allons fournir quelques suggestions pour alléger ce problème sociétal tout en reconnaissant les limites de de ces suggestions. ABSTRACT: Domestic violence (VC) is a very present reality, but sometimes hidden in the eyes of neighbors and friends. In 󰀂󰀀󰀁󰀆, in Canada, 󰀄󰀀 󰀅󰀇󰀇 victims reported violence committed by a spouse or ex-spouse to the police. Violence is part of several family homes in rural areas, specifically in the United Counties of Prescott-Russell as evoked by the report: A Reality That Cannot Be Ignored written by the Prescott-Russell Coalition to end violence towards women. In this chapter we will define what is domestic violence supported by children’s testimonies. Why does it particularly affect the women and children who are victims of this region? Despite the resources and services available, why do some women continue to experience these kinds of difficulties? Why are the obstacles still present today? Thus, we will see the consequences, impacts and implications of (VC) on the victims, then we will provide some suggestions to alleviate this societal problem while recognizing the limitations of these suggestions.

Introduction La violence conjugale est une problématique très présente au Canada. Selon les statistiques, il y a une présence accrue dans certaines provinces,

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tandis que d’autres statistiques semblent démontrer une stabilisation. Selon l’Institut National de Santé Publique du Québec, qui cite Burczycka (󰀂󰀀󰀁󰀈), en 󰀂󰀀󰀁󰀆, 󰀃󰀁 󰀇󰀉󰀈 femmes, victimes de violence de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint, ont été déclarées auprès des services policiers. Ces chiffres nous poussent à croire que ce n’est qu’une partie de la pointe de l’iceberg, car la violence conjugale (VC) semble s’installer tranquillement, insidieusement avec le début de la relation amoureuse. Les femmes victimes de VC ne racontent pas ce qui se produit dans leur maison, derrière les portes fermées et les rideaux baissés. Elles ne dévoilent leurs situations que lorsqu’il devient difficile, voire impossible de vivre sous le même toit avec la personne qui les abuse. L’élément déclencheur est souvent le sentiment d’insécurité. Lorsque la vie de ces femmes ainsi que celle de leurs enfants se voient menacées, elles se sentent avec leurs enfants en danger, ainsi elles cherchent à les protéger. Pour ce faire, elles ressentent l’urgence d’appeler les services policiers, selon la région de leur résidence, afin d’accéder aux services les plus appropriés. Cette situation n’est pas celles des femmes et des enfants provenant des milieux ruraux, où les services sont restreints, voire non offerts et même parfois inexistants. Nous constatons ainsi les conséquences de cette réalité sur ces femmes : la marginalisation, l’urbanicentrisme, le patriarcat rural, l’isolation et la pauvreté pour ne citer que ceux-là. Avant d’aller plus en profondeur avec ces enjeux, il est important de définir la violence conjugale. La violence conjugale L’Organisation des Nations Unies (󰀁󰀉󰀉󰀃) et Statistiques Canada (󰀂󰀀󰀁󰀃, p. 󰀄) définissent la violence à l’égard des femmes comme : tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.

Cette définition, adoptée maintenant par plusieurs pays à travers le monde, mentionne les trois principaux types de violence : physique, sexuelle et psychologique. Cette définition ne spécifie pas l’acteur de la violence. Cependant, elle mentionne certains actes ainsi que certaines circonstances en lien avec des contextes et des statuts qui demeurent indéfinis. Ainsi, elle peut inclure les époux, les conjoints de fait, les partenaires amoureux actuels et ceux

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séparés, divorcés, des ex-conjoints de fait ou ex-partenaires sexuels, indépendamment du sexe et du genre des couples. C’est ainsi que nous pouvons constater que la VC ne considère pas seulement les couples mariés, divorcés ou séparés, mais tous les autres types de relation et de statut mentionnés auparavant. En reprenant la définition des Nations Unies (󰀁󰀉󰀉󰀃), nous nous questionnons sur la place des enfants. Dans ce chapitre, ils seront considérés comme des témoins et des victimes. Il est important de comprendre que les enfants sont aussi des victimes puisqu’ils ont entendu, vu, vécu et remarqué la violence commise, comme l’indique Lapierre et coll. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Certains enfants ont défini la VC en mentionnant qu’elle augmente de manière progressive, en intensité et en fréquence. Alors, selon Lapierre et coll. (󰀂󰀀󰀁󰀅), les enfants expliquent qu’au début il s’agit de problèmes de communication et de conflits qui ne cessent pas et qui sont toujours présents. Les enfants relatent que le rôle de pouvoir et de contrôle est maintenu par la personne qui agresse, en décrivant avoir vu leur mère et eux-mêmes confinés dans la maison, dans une chambre en particulier, alors, que la personne qui violente est libre de se promener dans toutes les autres pièces de la maison. Ou encore ces enfants ont parlé des interdictions spécifiques comme ne pas parler une langue en particulier. Ils rapportent aussi des comportements d’agressions verbales entre les adultes comme : humiliations, cris, insultes, critiques, menaces et intimidation, sans identifier qui commet la violence. Les enfants décrivent aussi des comportements d’agressions physiques : étranglement, coups, fessées et séquestration. Donc, comme le mentionne Starks (󰀂󰀀󰀀󰀇), cité par Lapierre et coll. (󰀂󰀀󰀁󰀅), la violence utilisée n’est pas toujours physique et/ou verbale, elle est une série d’actions qui visent à contrôler et à dominer la femme et les enfants. La réalité dans les milieux ruraux Afin de mieux comprendre la situation en région rurale, il est important d’identifier quelques éléments problématiques qui influencent la réalité de ce milieu et desquelles découle la VC. Parmi ces facteurs qui participent à la victimisation des femmes et des enfants nous citons : l’urbanicentrisme, le patriarcat rural, l’isolement, l’absence de réseau social, l’absence de transport en commun et l’éloignement géographique, la pauvreté, la pénurie de logements accessible, la garde légale des enfants, le processus judiciaire ainsi que l’abus de substances et l’alcoolisme. Qu’est-ce que l’urbanicentrisme et comment le définir ?

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Selon Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆) : « L’urbanicentrisme se caractérise par l’assimilation du vécu des femmes rurales à celui des femmes urbaines, c’est-àdire en interprétant la réalité des femmes victimes de violence en milieu rural selon le contexte de la violence que subissent les femmes en milieu urbain » (p. 󰀁󰀅󰀉). De plus, comme l’explique Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆), un des aspects de l’urbaniscentrisme est l’idéalisation de la vie à la campagne. Ce facteur contribue à cacher les problèmes sociaux existants et en conséquence favorise leur perpétuation. Cette idéalisation encourage le préjugé d’homogénéité, car la diversité en milieu rural fait défaut. À ce fait, et comme l’expliquent Hornosty et Doherty (󰀂󰀀󰀀󰀁), s’ajoute le patriarcat rural qui sous-tend que les femmes en milieu rural sont inférieures ou sont les subordonnées des hommes. Même si le patriarcat rural est aussi une réalité en milieu urbain, il semble que la croyance que la femme est inférieure à l’homme est particulièrement présente en milieu rural. De plus, les normes communautaires très puissantes en milieu rural interdisent de révéler la violence vécue par les femmes. Le rapport : Une réalité qu’on ne peut ignorer écrit par la Coalition de Prescott-Russell (󰀂󰀀󰀁󰀄) contre la violence faite aux femmes mentionne que dans cette région rurale, la VC est encore très taboue. D’une part, ces dernières seront mal vues si elles divulguent leur réalité, d’autre part, la culture d’oppression exige que ces femmes soient autonomes et qu’elles ne dépendent pas des services d’aide. Les femmes et les enfants victimes de violences vivent plusieurs difficultés et rencontrent plusieurs obstacles à divers niveaux. Le rapport stipule qu’il y a une marginalisation de la situation et ces femmes survivent en s’adaptant à leur réalité dans ce contexte du milieu urbain : « 󰀈󰀂,󰀆 % des femmes ayant répondu ont déclaré avoir vécu une ou plusieurs formes de violence » (p. 󰀁󰀆󰀅). Dans les milieux ruraux, les histoires de VC se règlent en famille. De plus, le réseau social de ces femmes et de leurs enfants est très restreint. Ainsi, la femme et les enfants victimes de VC sont isolés puisque le dévoilement ne dépasse pas leur entourage familial. Souvent, ils n’ont pas le soutien adéquat à leurs besoins, car ils se fient à la famille pour régler leur situation et se voient dépourvus de toute autre ressource. Plusieurs autres facteurs contribuent à la vulnérabilité de ces femmes comme le manque d’éducation, les moyens financiers limités, l’éloignement géographique qui isole de toute autre réalité. La violence demeure inédite et invisible au regard extérieur. Les comportements du partenaire abusif ne sont pas visibles tant et aussi longtemps qu’un témoin n’est pas présent physiquement dans la maison. En plus de l’éloignement géographique entre les milieux ruraux et les services offerts, il y a le manque flagrant de transport en commun, comme

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l’indique Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆). Aucun transport en commun n’est possible pour parcourir les distances entre les différents villages et les petites villes, ce qui restreint la possibilité que les femmes violentées sortent du milieu violent. La femme doit se débrouiller avec ses propres moyens, si aucun des membres de sa famille ne lui suggère de la conduire et la reconduire. À titre d’exemple, une femme victime de VC provenant du village d’Embrun peut parcourir jusqu’à 󰀁󰀅󰀈 kilomètres pour l’aller et le retour afin d’accéder aux services d’aide aux victimes et aux témoins, situé dans le village de L’Orignal comme le souligne (Coderre, 󰀂󰀀󰀁󰀆). De plus, peu de femmes ont une voiture à leur disposition. Un taxi, pour faire l’aller et le retour du village de Plantagenet à la ville d’Hawkesbury, peut coûter jusqu’à quarante dollars, pour une trentaine de kilomètres parcourus. Ainsi, une femme, mère monoparentale, dont le revenu annuel est de moins de dix mille dollars par année, ne peut pas se permettre ce genre de dépenses qui viennent ébranler son budget restreint. La pauvreté est une autre problématique en milieu rural. Plusieurs femmes n’ont pas les moyens financiers pour subvenir à leurs besoins ni à ceux de leurs enfants. Ces femmes ont besoin de l’appui de divers services en ce qui a trait à l’assurance-emploi, aux subventions d’aide pour payer le logement, aux prestations pour enfants et à la banque alimentaire. Ces services offerts dans la communauté ont des partenariats entre eux. Par exemple, la société d’aide à l’enfance a un partenariat avec le centre de la petite enfance comme la Maison de la famille pour obtenir des coupons rabais pour le lait, les couches et les produits nécessaires pour l’hygiène du bébé. Aussi, il y a le Bureau de santé de l’Est de l’Ontario qui offre divers services pour les enfants issus de famille ayant un faible revenu. Ces services permettent d’aider les femmes et les enfants ayant des difficultés financières. En fréquentant ces services, une femme victime de violence aura accès à l’information, car elle sera informée sur la façon d’entrer en contact avec d’autres organismes. Un autre élément touchant à la confidentialité semble influencer la décision des femmes victimes d’avoir recours aux services d’aide. Ces femmes ont tendance à vouloir se déplacer loin de leur milieu ambiant afin de ne pas être repérées dans les salles d’attente ou questionnées par des personnes qui les connaissent. Par exemple, une femme, qui réside près de la petite ville d’Hawkesbury, risque de connaître quelqu’un dans la salle d’attente. Alors, elle va se rendre à la prochaine petite ville, soit Rockland pour tenter de garder la confidentialité. En dépit de la volonté de ces femmes de rester anonymes, la possibilité d’être étrangère dans les milieux ruraux est minime, car les familles et les gens se connaissent.

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En voulant éviter la honte, le jugement et l’oppression, certaines femmes choisissent le silence. D’autres font le choix d’appeler les services en cachette, si elles se trouvent incapables de quitter le milieu violent. En suivant les procédures offertes par les divers services, les femmes vont pouvoir assurer leur sécurité. Les services s’assurent que la femme sache comment bloquer les numéros lorsqu’elles font des appels. Comment effacer leurs traces dans leur cellulaire. Par exemple, si la femme appelle une maison d’hébergement, son numéro ne sera pas affiché sur le relevé téléphonique pour garder l’anonymat de l’appel. Cependant, en plus des défis mentionnés auparavant, pour accéder aux services ou aux ressources, plusieurs femmes se retrouvent sur des listes d’attente. Par exemple, la Maison Interlude a seulement dix lits dans leur maison d’hébergement. Elle doit pourtant assurer le service à toutes les femmes et les enfants victimes de VC de Prescott-Russell et les comtés de Stormont-Dundas et Glengarry pour une superficie totale de 󰀅 󰀃󰀁󰀃,󰀈󰀇 km carrés. C’est une très grande superficie et les demandes dépassent les capacités de cette maison, qui essaie de fonctionner avec un petit budget à cause du financement limité provenant du gouvernement. Il devient ainsi impossible d’offrir plus de lits d’hébergement. Quant aux groupes d’aide qui offrent un soutien aux femmes victimes de VC, ils se forment en fonction des besoins et à un endroit où la demande est plus grande. Ces groupes doivent avoir suffisamment d’inscriptions pour être mis sur pied. Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆) explique qu’à titre d’exemple, si un groupe de soutien est offert à Rockland, à Hawkesbury, ou à Casselman, pour servir les nombreux petits villages autour de ces petites villes centrales, toutes ces femmes doivent s’y rendre. Souvent, n’ayant pas les moyens de transport, elles ne peuvent pas profiter de ce service. Ainsi, les maisons d’hébergements doivent leur assurer un transport, souvent très coûteux, alors qu’elles fonctionnent avec des moyens financiers très limités. Des ententes peuvent se faire avec une compagnie de taxi afin d’offrir ce service aux femmes et à leurs enfants victimes de violence. De plus, et pour différentes raisons, il est difficile, voire parfois impossible d’assurer un soutien à long terme. Les interventions sont brèves et ne peuvent pas offrir à chacune des femmes un suivi individuel et à long terme. Très souvent, les objectifs ne sont pas atteints selon les attentes des femmes ni comme les services l’espéraient. La thérapie n’est souvent pas complétée. Il s’agit souvent d’une amorce d’intervention qui se prend fin pour diverses raisons. Par exemple, comme déjà mentionné et comme le soulignent Turcotte, Beaudoin et Pâquet-Deehy (󰀁󰀉󰀉󰀈), des femmes ne peuvent pas poursuivre la thérapie, car elles ne peuvent pas se rendre

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là où a lieu le groupe de soutien. Dans d’autres cas, les services ne sont pas adaptés aux situations particulières des femmes et des enfants victimes de VC (Lapierre et Côté, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆) évoque une autre problématique en milieu rural, c’est la pénurie de logements abordables. Les logements disponibles sont souvent à un prix élevé et les femmes, avec des revenus très limités, n’ont pas les moyens financiers pour se permettre de payer un tel loyer. Les logements transitoires, qui se trouvent dans les grandes villes, sont inexistants, et les logements subventionnés sont très difficiles à avoir. Les femmes qui obtiennent un logement subventionné se considèrent comme choyées, car ce n’est pas la réalité de toutes les femmes. N’ayant souvent aucun contrôle sur les finances, elles n’ont aucune économie. La violence financière, faisant partie de la VC, démontre que la personne qui agresse contrôle les dépenses et décide des frais de la nourriture, des diverses factures et des prestations pour enfants. Les femmes victimes de VC se retrouvent dépourvues de toute opinion à cet égard. Elles n’ont pas un compte bancaire individuel, elles sont souvent victimes de chantage, et peuvent même se sentir forcées à signer divers contrats et à assumer des dettes. Sorties de la relation abusive, certaines se retrouvent avec des dettes. Elles reçoivent des factures, des relevés de comptes avec des dépenses dont elles ne sont pas l’auteure. Celle qui a le moins de connaissance en matière de finances fait face à de gros obstacles. Il s’agit d’un poids supplémentaire laissé sur les épaules frêles de la femme victime de VC. Les femmes victimes de VC, issues de la classe moyenne ou de la classe aisée, se retrouvent parfois avec le même problème que celles sont issues de classe moins favorisée. Ces femmes n’ont pas accès à leurs ressources financières puisque souvent elles sont partenaires de petites entreprises comme une ferme familiale. L’entreprise de la ferme a été léguée par les ancêtres à elle ou à son conjoint. Elle est souvent copropriétaire ou actionnaire avec ce dernier. Si elle décide de quitter le milieu de violence, elle perd ses sources de revenus, alors qu’elle a mis beaucoup d’efforts pour que sa famille soit bien établie. Lors d’un divorce ou d’une séparation, si elle doit entamer des procédures judiciaires car elle est propriétaire d’une entreprise ou d’une maison, plusieurs scénarios possibles peuvent se produire. Le pire c’est la perte de ses possessions. Dans les milieux ruraux, surtout dans un milieu majoritairement agricole, le taux de chômage peut être très élevé. Selon le recensement de Statistiques Canada (󰀂󰀀󰀁󰀉), en 󰀂󰀀󰀁󰀆, le taux de chômage à Prescott-Russell s’est élevé à 󰀅,󰀃 % tandis qu’en 󰀂󰀀󰀁󰀁 il était à 󰀇,󰀄 %. Il devient de plus en plus difficile que les femmes victimes de VC décident de quitter le milieu de violence.

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De plus, il y a un attachement émotionnel, puisque c’est la terre de ses ancêtres. L’amour de la terre et de l’agriculture constitue plus qu’un travail, c’est son identité et sa fierté. C’est son futur ainsi que celui de ses enfants. La femme victime de VC se retrouve devant des choix déchirants, qui ont des conséquences lourdes sur elles et sur ses enfants. En plus de ses souffrances en lien avec sa situation de femme violentée, il y a un deuil à faire. Lorsque la femme quitte la relation abusive, elle doit s’attendre à de nombreux changements. Le déménagement en est un parmi plusieurs. Chaque changement est équivalent à une perte de repères, une vulnérabilité accrue, une pauvreté et un risque pour sa sécurité et celle de ses enfants, car souvent la VC ne prend pas fin à la suite de la séparation. La femme doit se chercher un nouvel emploi, une nouvelle école pour ses enfants et un nouveau logement. Elle doit aussi entamer des procédures pour avoir la garde des enfants. Lorsqu’elle entame les procédures judiciaires, elle doit faire reconnaître le danger de la personne qui agresse pour se protéger et assurer la sécurité de ses enfants. Cependant, si le père/ou son substitut n’a jamais abusé physiquement ou sexuellement les enfants, la loi ne l’empêche pas d’avoir la garde des enfants. Les femmes victimes de VC sont confrontées en cour à la personne qui agresse Elles sont dépeintes de manière à vouloir se justifier ou démontrer leur capacité de s’occuper de ses enfants. Des propos venant de la partie qui agresse sont utilisés pour ne pas lui accorder la garde totale, ni la garde partagée. Pour soulever l’aliénation parentale, la parole des enfants peut se voir déformée. Les femmes et les enfants victimes de VC sont victimes de diverses souffrances, autant psychologiques que physiques. Les enfants témoins et victimes de violence conjugale Selon Turcotte, Beaudoin, Pâquet-Deehy (󰀁󰀉󰀉󰀈), Lapierre et Damant (󰀂󰀀󰀀󰀄), Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀁) et Lapierre et coll. (󰀂󰀀󰀁󰀅), les enfants témoins et victimes de VC peuvent ressentir de la peur, de la honte, de la culpabilité, de la haine, de la tristesse, de la frustration, de la colère et de l’impuissance. Les enfants peuvent être désespérés, devenir particulièrement irritables et agressifs. Ils peuvent éprouver de l’anxiété, une faible estime de soi, avoir des pertes d’appétit, des maux de tête, des problèmes de concentration, des idées suicidaires et des phobies. Aussi, ils peuvent faire de l’insomnie et éprouver des difficultés scolaires, comme une déficience au niveau des habiletés verbales, intellectuelles et sociales. Ces faits peuvent démontrer des problèmes d’adaptation et des problèmes de fonctionnement

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à court et à long terme. Certains ont recours à des stratégies violentes pour résoudre les conflits. Par exemple, un enfant mentionne qu’il touchait à la boîte d’allumettes qui traînait. Le père le battait pour qu’il n’y touche plus. Selon cet enfant, le comportement du père est assimilé au rôle éducatif du père. La méthode que son père employait était la bonne. Lapierre et Damant (󰀂󰀀󰀀󰀄) expliquent que les enfants aînés d’une famille peuvent avoir été exposés plus que leur fratrie, car ils peuvent être intervenus dans les situations de violences afin de protéger leur mère ou leur fratrie. De plus, ils peuvent éprouver un sentiment de responsabilité à l’égard de leur mère et de leur fratrie. Ce sentiment de responsabilité peut entraîner un sentiment de culpabilité si cet enfant ne réussit pas la mission qu’il s’est donnée, ou qu’on lui a infligée. L’enfant porte la responsabilité de la perpétuation de la violence, au cas où il quitte la pièce pour se protéger physiquement et/ou psychologiquement s’il n’arrive pas à contrôler la situation. Certains de ces enfants présentent le syndrome de stress post-traumatique comme conséquence de la violence. Suggestions et limites pour contrer la violence conjugale Si la réalité des femmes et des enfants victimes de VC est aussi difficile, la responsabilité éthique et humaine exige de penser à des solutions. Certaines solutions et suggestions sont offertes par les divers organismes œuvrant dans les milieux ruraux de Prescott-Russell. En effet, comme le mentionne Lessard, Alvarez-Lizotte, Germain, Drouin et Turcotte (󰀂󰀀󰀁󰀇), une pratique concertée en violence conjugale et maltraitance permet d’offrir de meilleurs services aux communautés. C’est pourquoi en 󰀂󰀀󰀀󰀇, la Coalition de Prescott-Russell pour éliminer la violence faite aux femmes a été créée, elle regroupe 󰀁󰀄 organismes au total. Selon Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆), la Coalition a reçu une subvention du Ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, qui a comme objectif de sensibiliser, d’éduquer la communauté au sujet des violences faites aux femmes et de promouvoir la collaboration et la coordination des organismes de la collectivité. Autrefois, les organismes œuvrant dans les milieux ruraux travaillaient de manière indépendante, en utilisant des méthodes d’intervention diverses. Cette indépendance entraînait diverses difficultés lorsqu’une situation exigeait une collaboration entre les organismes comme le souligne Lessard, Alvarez-Lizotte, Germain, Drouin et Turcotte (󰀂󰀀󰀁󰀇). Ainsi, dans une pratique de concertation, les divers intervenants devaient tenir compte des responsabilités de chacun des organismes ainsi que de leur potentiel. Aussi,

󰀉󰀄

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il faut penser aux ressources disponibles de chaque organisme, comme l’évoquent Turcotte, Beaudoin, Pâquet-Deehy (󰀁󰀉󰀉󰀈), Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀁) et Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆). À titre d’exemple, pour le service de « popote roulante », ceux qui sont issus du milieu communautaire reçoivent moins de subventions du gouvernement. Pour les dons en nourriture, ils dépendent des épiceries, des restaurants et des entreprises privées. Tandis que les organismes issus du milieu public ont des ressources assurées comme les hôpitaux et les agences des services d’aide à l’enfance. Aux défis déjà mentionnés, les divers intervenants doivent être conscients du pouvoir de chaque organisme, de son mandat d’intervention et de sa vision. Parfois, la collaboration fait défaut. Par exemple, une femme victime de VC éprouve des difficultés à se trouver un logement et un emploi. N’ayant pas un moyen de transport, elle décide de rester dans le milieu violent. Cependant, les services d’aide à l’enfance exigent que la mère sorte de ce milieu, sans quoi ils lui retirent ses enfants. Le bien-être de ses enfants devient sa responsabilité ; autrement elle risque d’être accusée de négligence. La maison d’hébergement va tenter d’établir avec la femme victime de VC un plan de sécurité, afin d’assurer sa sécurité ainsi que celle de ses enfants lors du prochain épisode de violence. Si elle ne parvient pas à établir les étapes du plan de sécurité et que les services d’aide à l’enfance l’apprennent, ils peuvent lui retirer la garde des enfants. Cette situation était si souvent présente, ainsi chaque organisme se battait pour faire entendre raison à l’autre organisme. Ainsi, la femme était revictimisée, en lui demandant d’assumer les conséquences de la perte de la garde de ses enfants. La Coalition a permis d’éviter ce genre de problème comme le soulignent Lapierre et Côté (󰀂󰀀󰀁󰀁), Lessard, Alvarez-Lizotte, Germain, Drouin et Turcotte (󰀂󰀀󰀁󰀇). Ayant une diversité d’experts autour d’une même table, il devient plus facile de discuter ensemble des solutions possibles et de suggérer des ressources pour aider une femme et ses enfants. Cette collaboration optimise la réussite de la mission auprès de ces femmes et de leurs enfants. Dans les milieux ruraux de Prescott-Russell, les familles ne vivent pas seulement avec la problématique de la VC. Souvent, il y a d’autres problématiques associées comme l’abus d’alcool et de drogues, des troubles de santé mentale, des situations où un membre de la famille a une déficience intellectuelle, physique, ou sociale. Dans certaines situations, un membre fait partie d’une bande du monde criminalisé. De plus, il y a aussi des réseaux de prostitution puisque les frontières interprovinciales sont très proches. La région de Prescott-Russell est une plaque tournante pour le marché de drogues dures, la prostitution et le trafic humain. Toutes ces

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󰀉󰀅

problématiques teintent les modes d’intervention de chaque organisme, car ils doivent en rester conscients comme le mentionne Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆). La Coalition de Prescott-Russell a créé un questionnaire que les organismes, offrant des services aux gens de la communauté, peuvent utiliser afin d’avoir un portrait réel et plus complet de la situation et de la problématique de la violence faite aux femmes. Ainsi, les organismes, qui ont participé à la collecte de données, ont eu cette prise de conscience de la réalité ambiante. Ils ont réalisé que leur formulaire ne permettait pas nécessairement de bien compiler des statistiques véritables sur leurs prestations de services offerts ni sur les raisons pour lesquelles les gens utilisaient leurs services. En ayant participé à cette recherche-action, ils ont développé de meilleurs formulaires d’accueil, d’outils de contextualisation des situations ainsi que de meilleures pratiques pour identifier des victimes de violence comme le relate Coderre (󰀂󰀀󰀁󰀆). Toutefois, il faut comprendre que certains mandats ont créé des limites aux autres organismes. À titre d’exemple, les services d’aide à l’enfance doivent protéger les enfants de tout contexte qui nuit à leur développement comme mentionné plus tôt dans le travail. Évidemment, le système judiciaire a aussi des limites dans la loi, en matière de protection. Les limites de celui-ci n’ont pas été discutées. Il est certain qu’il faudrait poursuivre avec une évaluation de la loi, lors de la demande de divorce, la séparation des biens, les visites supervisées avec le conjoint violent et les enfants. Il y a souvent des clauses non respectées qui mettent les intervenants et les familles en danger. Conclusion Pour conclure, ce travail nous a introduit à la réalité des femmes et des enfants victimes de VC en milieu rural. Cette réalité n’est pas suffisamment reconnue lors des procédures, car la parole n’est pas toujours accordée à ces femmes lors du processus. Les enfants sont des acteurs de changements sociaux, comme le mentionnent Lapierre et Damant (󰀂󰀀󰀀󰀄). Écouter leurs paroles, ne pas comparer leur témoignage à celui de la mère ou celui du père, leur donne le droit d’exprimer ce qu’ils ont vécu. Ils ont le droit d’être entendus et respectés dans leurs besoins tout comme leurs mères victimes de la VC. Le portrait des milieux ruraux de PrescottRussell, tel qu’il est peint, est réel. Il y a de grandes problématiques et la VC en est une parmi d’autres. La Coalition de Prescott-Russell et les nombreux organismes participants font un merveilleux travail afin de sensibiliser, d’éduquer la communauté, mais ce n’est pas terminé. Il est

󰀉󰀆

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inquiétant de voir le gouvernement conservateur provincial couper dans les services offerts aux personnes les plus vulnérables de la région de PrescottRussell. La Coalition dépend entièrement des décisions de celui-ci. Regardons les statistiques de Statistiques Canada (󰀂󰀀󰀁󰀃) du rapport Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques : « [D]ans l’ensemble, les hommes étaient responsables de 󰀈󰀃 % des actes de violence commis contre les femmes et déclarés par la police. Le plus souvent, l’auteur présumé était le partenaire intime (comprends les conjoints et les partenaires amoureux) de la femme (󰀄󰀅 %) ; venaient ensuite les amis et les connaissances (󰀂󰀇 %), les étrangers (󰀁󰀆 %) et les membres de la famille autres que le conjoint (󰀁󰀂 %) » (p. 󰀈).

Ainsi, les statistiques nous permettent d’enrayer l’hypothèse de Lapierre et Damant (󰀂󰀀󰀀󰀄) puisqu’il y a un pourcentage élevé d’agressions déclaré où l’auteur présumé est le conjoint. Les données démontrées plus haut ne semblent être que la pointe de l’iceberg, car diverses raisons expliquent le silence d’une femme victime de VC. Bibliographie Burczycka, M. (󰀂󰀀󰀁󰀈). Affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police. La violence familiale au Canada : un profil statistique 󰀂󰀀󰀁󰀆 (p. 󰀆󰀃-󰀇󰀇). Ottawa : Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada. Chamberland, C. & Fortin, A. (󰀁󰀉󰀉󰀅). La violence psychologique envers l’enfant : quelques pistes d’action préventive à retenir. Service social, 󰀄󰀄 (󰀂), 󰀁󰀂󰀉–󰀁󰀄󰀆. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀇󰀀󰀆󰀆󰀉󰀆ar Coderre, C. (󰀂󰀀󰀁󰀆). Une réalité qu’on ne peut ignorer. Portrait régional des violences faites aux femmes des comtés de Prescott-Russell et les services communautaires disponibles pour les femmes et les familles. Récit d’une rechercheaction. Reflets, 󰀂󰀂 (󰀂), 󰀁󰀅󰀅–󰀁󰀇󰀃. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀃󰀈󰀉󰀇󰀅ar Doucet, M. (󰀂󰀀󰀁󰀂). Exposition à la violence conjugale et adaptation de l’enfant. Analyse des variables médiatrices et examen des profils individuels (Thèse de doctorat) Université de Montréal. https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/ handle/󰀁󰀈󰀆󰀆/󰀈󰀉󰀃󰀂 Dupuis, F. & Dedios, M. (󰀂󰀀󰀁󰀀). L’impact de la violence conjugale sur les enfants : quel parent est responsable ? Recherches féministes, 󰀂󰀂 (󰀂) 󰀅󰀉–󰀆󰀈. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀀󰀃󰀉󰀂󰀁󰀀ar Gouvernement de l’Ontario (󰀂󰀀󰀁󰀅). Ce n’est jamais acceptable : Plan d’action pour mettre fin à la violence et au harcèlement sexuels. https://www.ontario.ca/fr/ page/ce-nest-jamais-acceptable-plan-daction-pour-mettre-fin-la-violence-etau-harcelement-sexuels-rapport Hopwood-Wallace, S. (󰀂󰀀󰀀󰀉). Documented symptoms in children exposed to domestic violence (Thèse de maîtrise). Université McGill de Montréal.http://digitool. library.mcgill.ca/webclient/StreamGate?folder_id=󰀀&dvs=󰀁󰀅󰀅󰀅󰀁󰀂󰀀󰀅󰀂󰀅󰀄󰀉󰀁~󰀆󰀄󰀈

VICTIMES DE VIOLENCE AUX COMTÉS-UNIS DE PRESCOTT-RUSSELL

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Hotte, J. (󰀂󰀀󰀁󰀀). L’admissibilité de la preuve du syndrome de l’enfant battu à titre de légitime défense : un espoir pour l’enfant victime ? Revue générale de droit, 󰀄󰀀 (󰀁), 󰀄󰀅–󰀉󰀅. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀂󰀆󰀉󰀉󰀂ar Institut national de santé publique du Québec (󰀂󰀀󰀁󰀉). Trousse Média sur la violence conjugale. https://www.inspq.qc.ca/violence-conjugale/statistiques/ ampleur La Coalition de Prescott-Russell pour éliminer la violence faite aux femmes (󰀂󰀀󰀁󰀄). Une réalité qu’on ne peut ignorer. Portrait régional des violences faites aux femmes des comtés de Prescott-Russell et les services communautaires disponibles pour les femmes et les familles. https://coalitionviolencepr.ca/images/client/documents/ Documents_pertinents/Rapport_final_-_󰀁󰀄mai__󰀂󰀀󰀁󰀄.pdf Lapierre, S. et coll. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Conflits entre conjoints ou contrôle des hommes sur les femmes ? L’expérience et le point de vue d’enfants et d’adolescents exposés à la violence conjugale. Des violences conjugales aux violences intrafamiliales : quelles définitions pour quelles compréhensions du problème ?, 󰀂󰀂, 󰀅󰀁–󰀆󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀃󰀁󰀁󰀁󰀈ar Lapierre, S., Coderre, C., Côté, I., Garceau, M.-L. & Bourassa, C. (󰀂󰀀󰀁󰀄). Quand le manque d’accès aux services en français revictimise les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. Reflets, 󰀂󰀀 (󰀂), 󰀂󰀂–󰀅󰀁. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀂󰀇󰀅󰀈󰀅ar Lapierre, S. & Côté, I. (󰀂󰀀󰀁󰀁). On n’est pas là pour régler le problème de violence conjugale, on est là pour protéger l’enfant : la conceptualisation des situations de violence conjugale dans un centre jeunesse du Québec. Service Social, 󰀅󰀇 (󰀁), 󰀃󰀁–󰀄󰀈. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀀󰀆󰀂󰀄󰀆ar Lapierre, S. & Damant. D. (󰀂󰀀󰀀󰀄). Les mauvais traitements envers les enfants et les adolescents. Le point de vue d’enfants et d’adolescents victimes. Service social, 󰀅󰀁 (󰀁), 󰀉󰀈–󰀁󰀀󰀉. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀀󰀁󰀂󰀇󰀁󰀄ar Lessard, G., Alvarez-Lizotte, P., Germain, A.-S., Drouin, M.-È. & Turcotte, P. (󰀂󰀀󰀁󰀇). Défis et conditions de réussite d’une pratique concertée en violence conjugale et maltraitance envers les enfants. Nouvelles pratiques sociales, 󰀂󰀉 (󰀁-󰀂), 󰀂󰀂󰀄–󰀂󰀃󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀄󰀃󰀄󰀀󰀃ar Lindsay, J. & Clément, M. (󰀂󰀀󰀀󰀅). La violence psychologique : sa définition et sa représentation selon le sexe. Recherches féministes, 󰀁󰀁 (󰀂), 󰀁󰀃󰀉–󰀁󰀆󰀀 doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀀󰀅󰀈󰀀󰀀󰀈ar MIH au service des femmes, enfants, ados ! (󰀂󰀀󰀁󰀉) [Présentation Powerpoint présenté lors d’un processus d’embauche] Maison Interlude House, Hawkesbury Ontario, Copie papier Statistique Canada (󰀂󰀀󰀁󰀉). Profil du recensement, Recensement de 󰀂󰀀󰀁󰀆. Prescott and Russell, United counties [Division de recensement], Ontario et Ontario [Province]. https://www󰀁󰀂.statcan.gc.ca/census-recensement/󰀂󰀀󰀁󰀆/dp-pd/prof/details/ page.cfm?Lang=F&Geo󰀁=CD&Code󰀁=󰀃󰀅󰀀󰀂&Geo󰀂=PR&Code󰀂=󰀃󰀅&Data= Count&SearchText=Prescott%󰀂󰀀and%󰀂󰀀Russell&SearchType=Begins& SearchPR=󰀀󰀁&B󰀁=All&GeoLevel=PR&GeoCode=󰀃󰀅󰀀󰀂&TABID=󰀁 Statistique Canada (󰀂󰀀󰀁󰀃). Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques (Publication no 󰀈󰀅-󰀀󰀀󰀂-X). https://www󰀁󰀅󰀀.statcan.gc.ca/n󰀁/pub/󰀈󰀅󰀀󰀀󰀂-x/󰀂󰀀󰀁󰀃󰀀󰀀󰀁/article/󰀁󰀁󰀇󰀆󰀆-fra.pdf Turcotte, N. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Relations d’objet et difficultés d’adaptation chez les enfants exposés à la violence conjugale (Thèse de doctorat). Université du Québec à Trois-Rivières. http://depot-e.uqtr.ca/󰀇󰀇󰀉󰀉/󰀁/󰀀󰀃󰀁󰀁󰀂󰀈󰀆󰀂󰀉.pdf

󰀉󰀈

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Turcotte, D., Beaudoin, G. & Pâquet-Deehy, A. (󰀁󰀉󰀉󰀈). Étude descriptive des interventions individuelles et spontanées auprès des enfants et des adolescents exposés à la violence conjugale. Service social, 󰀄󰀇 (󰀃–󰀄), 󰀁󰀈󰀉–󰀂󰀂󰀀. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀇󰀀󰀆󰀈󰀀󰀀ar

La violence psychologique au cœur des violences basées sur l’honneur Isabelle Beaudry Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Située au sein de diverses relations interpersonnelles, la violence psychologique est principalement perpétrée envers les femmes et elle a pour but d’acquérir un contrôle sur celles-ci. De nature criminelle ou non, cette violence subtile laisse des traces inquiétantes sur ses victimes, souvent au mépris des moyens utilisés, pour quitter le cycle agressif. La violence psychologique accompagne tout autre type de violence, portant atteinte à la dignité et à l’intégrité d’un individu. Elle s’inscrit comme étant l’outil principal des violences basées sur l’honneur (VBH) qui sont grandissantes au Canada, bien que le sujet demeure tabou. Un défi s’installe quant à ce phénomène, puisqu’aucune définition globale ou légale n’existe. Il faut toutefois comprendre que les VBH se distinguent de la violence conjugale ou familiale en raison du motif adhérant à un code d’honneur. Les Canadiens furent bouleversés à la suite de l’affaire Shafia, vastement répandue dans les médias en 󰀂󰀀󰀁󰀂, où l’on a révélé des gestes criminels commis dans l’intention de restaurer l’honneur familial. Par la suite, des initiatives et des lois furent mises en place pour rivaliser contre les VBH à travers le pays. Toutefois, sont-elles réellement aptes à les limiter ? Dès lors, la violence psychologique parmi les VBH mérite d’être examinée afin de comprendre ses caractéristiques et de déduire les conséquences qu’elle risque d’engendrer sur ses victimes. Il importe donc d’attribuer des définitions justes à l’égard de la violence psychologique et des VBH en employant des exemples concrets, ainsi qu’offrir des suggestions pour tenter de les diminuer et d’améliorer la condition féminine face à ces violences. ABSTRACT: Primarily perpetrated to gain control over women, psychological abuse can be found amongst various types of interpersonal relationships. This type of subtle violence may be of criminal nature and leaves its victims with disturbing consequences. These women often lack proper resources to leave the aggressive cycle of abuse. Psychological violence accompanies every other type of violence, as it affects the dignity and integrity of the victims. It is the primary element of honor-based violence (HBV) which is growing in Canada. Nevertheless, this topic remains taboo and challenges arise regarding this phenomenon given that no global or legal definition exists. Moreover, HBV is not to be confused with domestic or family violence, as the motive refers to an honor code. In 󰀂󰀀󰀁󰀂, Canadians were shocked by the Shafia trial, where criminal offences, in the intention of restoring the family’s honor, were broadly exposed in the media. Subsequently, laws and strategies were established to circumscribe

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ISABELLE BEAUDRY

HBVs across the country, but are they adequate to alleviate them? Psychological violence among HBV is worth examining in order to understand the circumstances, as well as to decrease the amount of repercussions for its victims. Thus, the significance of this article lies in assigning proper definitions to this type of violence with the use of concrete examples, as well as to offer suggestions to mitigate its consequences and to improve support services for women affected.

Introduction Il n’est pas rare d’entendre parler d’incidents concernant la violence psychologique, même aujourd’hui. Située au cœur de diverses relations interpersonnelles, dans des contextes conjugaux, familiaux, et même au travail, la violence psychologique laisse de nombreuses empreintes sur ses victimes. Malheureusement, ce sont principalement les femmes et les filles qui se retrouvent victimes dans ces cycles de violence et elles ne savent pas comment s’en sortir. Ayant suscité l’intérêt des chercheurs depuis les années 󰀈󰀀 (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈), ce type de violence aura connu plusieurs définitions. Ainsi, quelle place occupe-t-elle parmi les violences basées sur l’honneur (VBH) ? De multiples discussions concernant les VBH ont fait surface au Canada, mais plus particulièrement au Québec, à la suite de l’affaire Shafia en 󰀂󰀀󰀁󰀂. Cette cause, grandement médiatisée, a mis en lumière le meurtre quadruple de femmes afghanes, et ce, au nom du code d’honneur familial (Geadah, 󰀂󰀀󰀁󰀆). Les VBH constituent toujours un sujet tabou au sein d’un grand nombre de communautés, malgré les souffrances bouleversantes qu’elles infligent à leurs victimes (Jimenez, Cousineau, Tanguay et Wahba, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Quoique des démarches en matière de prévention furent employées en raison de la croissance de ces actes criminels depuis 󰀁󰀉󰀉󰀀 (Fournier et McDougall, 󰀂󰀀󰀁󰀄), ce sujet demeure peu discuté alors qu’il touche autant de victimes. À l’inverse de ce que plusieurs s’imaginent, les VBH apparaissent dans tous les coins du monde, incluant le Canada (El-Hage, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ce phénomène mérite donc d’être regardé à la loupe afin de démystifier les préjugés qui l’entourent, ainsi que de sensibiliser la population quant aux dangers associés à ces actes de violence. En utilisant une approche féministe, examinons la réalité qu’entoure la violence psychologique et les VBH en leur donnant des définitions et en évaluant les suggestions données afin de limiter ces violences.

LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE AU CŒUR DES VIOLENCES

󰀁󰀀󰀁

Violence psychologique parmi les violences basées sur l’honneur Portrait de la violence psychologique La violence psychologique ne fut telle reconnue que depuis les années 󰀈󰀀 (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Aussi, elle est connue sous le nom de cruauté mentale. Plusieurs chercheurs ont tenté de la définir, cependant nous pouvons retenir que ce type de violence fait allusion à un abus de pouvoir et de contrôle. Il se manifeste par des comportements tumultueux sans contact physique avec la victime, comme la rejeter ou la dénigrer. Il porte atteinte à la dignité d’un individu et diminue sa valeur personnelle (Croix rouge canadienne, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, s.d.). La violence psychologique peut aussi prendre la forme d’un acte criminel, comme le harcèlement criminel (Ministère de la Justice, 󰀂󰀀󰀁󰀇). La violence psychologique est la plus difficile à déceler en raison d’une absence de traces visibles et de sa subjectivité (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). Cependant, cela ne signifie pas qu’elle n’engendre aucune conséquence lorsqu’elle est vécue (Santé Canada, 󰀁󰀉󰀉󰀆 ; Université McGill, 󰀂󰀀󰀁󰀅). En effet, plusieurs femmes indiquent que ce type de violence est plus douloureux que la violence physique (Lindsay et Clément, 󰀁󰀉󰀉󰀈). La violence psychologique repose sur une certaine subjectivité, c’est-à-dire que nous possédons une perception différente de ce qui est considérablement violent. Connaître l’intention de la personne commettant l’acte de violence, ainsi que sa répétition nous permet donc d’évaluer les incidents que nous considérons comme étant violents, selon Lindsay et Clément (󰀁󰀉󰀉󰀈). Souvent, la violence psychologique accompagne tous les autres types de violence, quoiqu’elle puisse être subtile (Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Désagréablement, lorsqu’une personne y est exposée de façon récurrente, celle-ci aurait tendance à intérioriser les propos dénigrants de l’auteur, de telle sorte qu’elle se croit responsable de vivre ces atrocités (Boudreau, Poupart, Leroux et Gaudreault, 󰀂󰀀󰀁󰀃). Une fois un climat inquiétant et dommageable instauré chez la victime, cette dernière devient plus susceptible d’endurer les autres formes de violence ou de rester sous l’emprise de son conjoint ou des membres de sa famille (Action ontarienne contre la violence faite aux femmes, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Puisque la violence psychologique est sournoise, il peut être difficile d’en prendre conscience ainsi que de comprendre son ampleur. Dans le but d’améliorer la condition des femmes victimes de cette violence, il devient capital d’être en mesure de cerner ce type de violence pour la

󰀁󰀀󰀂

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prévenir, ou la reconnaître lorsqu’elle apparaît. Une meilleure compréhension de celle-ci permettrait aux intervenants et aux experts des services sociaux de venir en aide à des femmes plus vulnérables n’ayant pas le courage ou la force de s’en sortir. Portrait des violences basées sur l’honneur Les VBH n’ont pas de définition légale ou internationale à ce jour, de telle sorte qu’il peut être complexe de les comprendre ou de les reconnaître. Dans le but d’établir une définition représentative des VBH, il devient capital de déceler ce qu’est l’honneur. Pouvant se trouver parmi diverses cultures et religions, le phénomène de l’honneur n’est pas de nouvelle date. Son origine exacte est difficile à repérer puisque l’application de celui-ci s’appuie sur des facteurs sociaux, financiers ainsi que sur des croyances personnelles ou religieuses. L’histoire démontre que l’honneur fut enraciné dans le modèle patriarcal instauré depuis la Rome antique (Gouvernement du Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). De façon formelle ou non, on s’y réfère encore aujourd’hui dans tous les coins du monde comme en Italie, en France, en Turquie, en Iraq et même au Canada. En grande majorité, un écart s’installe entre les codes d’honneur individuel et social, quoiqu’ils soient intimement liés selon les recherches anthropologiques (Schneider, 󰀁󰀉󰀆󰀉). Analysons donc brièvement ce phénomène en deux temps. Tout d’abord, l’honneur personnel peut être décrit comme étant un sentiment ou un état de conscience éprouvé à l’égard d’une chose ou d’une situation, ou encore il peut servir de guide quant au cheminement existentiel d’une personne. L’honneur peut être compris comme étant un ensemble de qualités structurant la valeur d’un individu et apte à influencer la conduite relative à ses croyances morales (Alev Dilmac, 󰀂󰀀󰀁󰀄). D’autres circonstances expliqueraient la notion d’honneur par la capacité de protéger ses biens matériaux et ses objets de valeur. En ce qui concerne le concept de l’honneur sur un plan familial ou communautaire, celui-ci fait référence aux normes sociales établies par des gens qui partagent la même culture, la même religion ou qui proviennent de la même région, par exemple (Couroucli, 󰀁󰀉󰀉󰀁 ; Bouju, 󰀂󰀀󰀀󰀉). Lié à la réputation et au pouvoir, l’honneur prescrit une place et un statut social aux individus d’une même société, faisant allusion au respect qu’on leur accorde (Alev Dilmac, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; Schneider, 󰀁󰀉󰀆󰀉). L’identité de groupe serait renforcée en imposant un code d’honneur par la mise en pratique et l’observance des limites sociales au sein d’une même collectivité

LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE AU CŒUR DES VIOLENCES

󰀁󰀀󰀃

(Schneider, 󰀁󰀉󰀇󰀁). L’honneur ne se limite donc pas à la famille, mais concerne plutôt l’image de soi projetée dans la société. En somme, l’honneur se rapporte à la compétition et la réputation au point de vue individuel ou social (Pitt-Rivers, 󰀁󰀉󰀆󰀅). Nous pouvons comprendre que la représentation du phénomène diffère pour chacun et ne devrait, en aucun cas, être critiquée par autrui. Pourtant, il n’est pas rare d’entendre dire que l’honneur masculin et féminin sont opposés (Pitt-Rivers, 󰀁󰀉󰀆󰀅) ou qu’une conduite spécifique soit attribuée à une personne en raison de son âge ou de son statut social. C’està-dire, l’honneur de l’homme est généralement basé sur sa capacité à faire transparaître sa masculinité par ses qualités d’intégrité et de courage, de même qu’il a le devoir de protéger les membres de sa famille (Ali-Diabacte, Miville-Dechêne, Geadah et Desbiens, 󰀂󰀀󰀁󰀄). De toute évidence, l’homosexualité et la manifestation des conduites féminines sont interdites aux hommes, de sorte qu’ils pourraient être sévèrement pénalisés. À l’opposé, le comportement honorable d’une femme est typiquement fondé sur la pudeur, la modestie et sur la capacité de cette dernière de préserver sa chasteté. Soumise par obligation, une épouse, une sœur, une fille ou une nièce se retrouverait sous l’autorité familiale masculine où un contrôle excessif lui serait imposé dans l’intention de conserver son honneur (AliDiabacte, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). Par le fait même, des actes violents et destructeurs sont perpétrés au nom d’un honneur dit « barbare » et impulsif lorsqu’un individu commet, ou est présumé commettre des gestes considérés immoraux aux yeux des membres de sa famille ou de sa communauté (Alev Dilmac, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; AliDiabacte, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). C’est ainsi que l’on vise à réparer l’honneur souillé par une réaction de vengeance envers la personne déshonorée. Revenons au 󰀁󰀆e siècle (󰀁󰀅󰀀󰀀-󰀁󰀅󰀉󰀉), lorsque le roi Henri VIII d’Angleterre a donné la mort de ses épouses puisqu’elles étaient présumées avoir commis des actes d’adultère. Celles-ci auraient fait preuve de désobéissance quant à leur pureté sexuelle et manifesté des comportements d’infidélité. Devant son image souillée, le roi a tenté de restaurer son honneur par l’exécution des deux femmes, tout en déployant sa puissance et sa virilité. Notamment, dans plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, un individu ayant blessé l’honneur d’une famille par le viol d’une femme se verrait exonéré de tout blâme en épousant sa victime. À son tour, la victime serait forcée de marier son violeur dans le but de restaurer l’honneur perdu de sa famille (Ali-Diabacte, Miville-Dechêne, Geadah et Desbiens, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Ce qui précède pourrait nous amener à nous poser la question suivante : comment définir les VBH convenablement ? Plusieurs organismes, tels

󰀁󰀀󰀄

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que l’Entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, le Human Rights Watch, ainsi que le Conseil du statut de la femme du Québec ont tenté de fournir une définition juste pour décrire les VBH. Les éléments à retenir de ces définitions sont les caractéristiques suivantes : les VBH sont à la base d’un pouvoir ou d’un contrôle excessif sur la conduite des femmes due à une pression familiale ou collective, menant à la condamnation de la déshonorée (Ali-Diabacte, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; El-Hage, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; Geadah, 󰀂󰀀󰀁󰀆). Un bon nombre d’auteurs, ainsi que plusieurs victimes peuvent être associées à ces actes prémédités et violents ayant pour but de restaurer l’honneur perdu (Béchard, Elgersma et Nicol, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; Gouvernement du Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇 ; L’actualité, 󰀂󰀀󰀀󰀉 ; Université de Sherbrooke, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Le motif distingue les VBH de la violence conjugale ou intrafamiliale, soit l’honneur. Vraisemblablement, il est difficile d’identifier l’honneur comme le motif de ces gestes puisque l’auteur du crime et même la victime sont susceptibles de le déguiser (El-Hage, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En effet, ce phénomène demeure d’ordre privé dans bien des cas. Le tableau suivant met en lumière tous les types de violences surgissant des VBH (Bouclier d’Athena, 󰀂󰀀󰀁󰀉 ; Lamboley, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Cette représentation graphique comporte des définitions et des exemples concrets (Secrétariat de la condition féminine, 󰀂󰀀󰀁󰀉) afin de mieux comprendre les différentes sortes de violences. Il est important de noter que plusieurs types de violence sont souvent employés à la fois, et que la violence psychologique demeure prédominante puisqu’elle accompagne toute autre forme de violence (Action ontarienne contre la violence faite aux femmes, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Types de violence

Définitions

Exemples

Chercher à dévaloriser une personne, – Menaces en tenant des attitudes et des propos – Chantage Psychologique méprisants à son égard. L’estime de soi – Suicide forcé et la confiance en soi de la victime en sont atteintes. Verbale

Parole ou ton de voix utilisés de façon – Insultes subtile ou directement pour intimider, – Hurlements humilier, ou contrôler une personne. – Intimidation verbale

Physique

Avoir recours à des gestes physiques – Mutilations génitales violents à l’égard d’une personne dans féminines le but de lui causer du tort. – Défiguration – Brûlures à l’acide

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󰀁󰀀󰀅

Sociale

Isoler socialement une personne afin – Isolement forcé et d’exercer un contrôle éminent sur elle, séquestration ainsi que limiter ses ressources. – Surveillance continue des membres de la famille ou de la collectivité

Économique

Comportements et gestes directs ou – Travail forcé indirects empêchant une personne – Travail non rémunéré d’avoir une liberté économique. – Activités économiques contrôlées

Sexuelle

Acte à caractère sexuel se produisant – Mariage forcé sans le consentement de la victime, – Agression sexuelle avec ou sans contact physique, dans le – Viol et inceste but de la dominer.

Spirituelle

Utilisation de concepts et de dogmes – Culpabilisation au pour manipuler et contrôler une per- nom des croyances sonne, ou se servir d’une religion ou (code d’honneur) d’une croyance pour justifier la vio- familiales ou lence et la domination. communautaires – Sanctions au nom des croyances (code d’honneur) familial ou communautaire

Touchant, majoritairement, des jeunes filles et des femmes (Boëls, 󰀂󰀀󰀁󰀅 ; Fournier et McDougall, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; Frazier, 󰀂󰀀󰀁󰀈), le caractère genré est inhérent aux VBH, favorisant la division des sexes (Chagnon, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Nous pouvons aussi remarquer que la violence psychologique est à l’origine de toute autre forme de VBH puisqu’elle est employée dans le but de contrôler sa victime, caractéristique que les autres types de violence ne pourraient acquérir seuls. Il est désolant qu’encore aujourd’hui, plusieurs communautés adhèrent à des mœurs sociales sexistes, supprimant les droits de la femme en exerçant un pouvoir et un contrôle inabordable sur elle. Alors, n’est-ce pas un problème social auquel nous devrions réagir dans le but d’éteindre l’inhumanité faite aux femmes ? Les traces des violences psychologique et basées sur l’honneur Tout comme la violence psychologique, les VBH engendrent des conséquences graves pour les victimes pouvant mener jusqu’à la mort. Les répercussions sont diversifiées de sorte que la femme rencontre une

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multitude de défis même si elle s’enfuit du milieu où la violence est perpétrée. Atteintes dans leur intégrité morale et dans leur estime de soi, certaines victimes vivent des répercussions à long terme (Drapeau et WoldeGiorghis, 󰀁󰀉󰀉󰀄). De plus, la femme risque de tomber à nouveau dans un cycle de victimisation à la suite de la dénonciation des crimes imputés à son égard en raison d’une renonciation des membres de sa famille ou de la communauté à laquelle elle appartient (Jimenez, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀇). Une violence psychologique bien inscrite dans l’esprit de la femme sèmera le doute et la peur, donc elle aura de la difficulté à s’en défaire. Observons le tableau suivant ayant pour but d’illustrer quelques traces que peuvent laisser toutes les formes de violence relatives aux VBH, sur les plans psychologique, physique, social, économique, ainsi que spirituel (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃 ; Jimenez, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). Conséquences

Exemples

Psychologique Anxiété et peur, dépression et idées suicidaires, culpabilité. Physique

Fractures, ecchymoses, douleurs musculaires, épuisement et problèmes de sommeil, décès.

Sociale

Liens bousillés avec l’entourage, isolement, retrait des activités ou loisirs.

Économique

Frais quant aux procédures judiciaires, frais relatifs aux soins de santé, frais associés au déménagement.

Spirituelle

Perte de sens à sa vie et perte de la foi, absence de connexion avec soi-même et autrui, vide existentiel.

Comme nous pouvons le constater, les victimes de VBH connaissent de tristes réalités et des conséquences inimaginables, pouvant perdurer sur une longue durée après les incidents. Les recherches sur le sujet nous donnent l’occasion de réfléchir davantage quant aux conséquences aggravantes de la violence psychologique en matière de VBH. Pour une jeune femme ayant toujours adhéré aux convictions sociales de sa famille, cette dernière pourrait ne pas constater le contrôle et le mépris qu’elle endure. L’isolement de celle-ci empêche son éducation, de telle sorte qu’elle reconnaît la violence comme étant « normale ». À son tour, risque-t-elle de commettre cette même violence psychologique, accompagnée de plusieurs autres formes de violence, envers ses propres enfants, perpétuant un cycle intergénérationnel de VBH ?

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󰀁󰀀󰀇

Il est admirable d’observer la résilience qui s’installe chez certaines de ces victimes, une fois qu’elles prennent conscience du courage et des forces qui les habitent, les motivant à rebâtir leur vie (Drapeau et WoldeGiorghis, 󰀁󰀉󰀉󰀄). En effet, les femmes à travers le monde laissent paraître une bravoure affichant leurs capacités d’adaptation à un stress incalculable et permettant de garder espoir à la suite de l’affrontement. Cette résilience donne confiance à l’égard de l’humanité et estompe quelques soucis concernant ces violences. Lutter contre la violence psychologique au Canada La violence psychologique a suscité l’intérêt des chercheurs en matière de violence conjugale, de violence à l’égard des enfants et dans un contexte de travail. Cependant, aucune étude n’a été faite concernant ce type de violence dans un cadre de VBH. Il serait pertinent de mener une étude approfondie quant à cette problématique puisque l’ignorance face à celleci cause plusieurs victimes. Pouvons-nous adopter une vision où nous puissions voir fleurir des mouvements de lutte contre la violence faite aux femmes, mais particulièrement vis-à-vis de la violence psychologique utilisée comme moyen principal des VBH ? À cette fin, voici une liste des suggestions connues pour limiter ces types de violence. À la suite des recherches mentionnées dans cet ouvrage, il ne serait pas faux de croire que peu d’initiatives, encore actives à ce jour, furent mises sur place par rapport à la violence psychologique. La Gendarmerie royale du Canada (GRC, 󰀂󰀀󰀁󰀅) suggère aux victimes de violence d’entreprendre un plan d’action afin d’échapper à celle-ci. La GRC offre les recommandations suivantes : discuter de la problématique avec un proche, dénoncer l’auteur des actes à la police, ainsi que demander de l’aide auprès d’organismes spécialisés dans ce domaine. De même, le Centre national d’information sur la violence dans la famille (󰀂󰀀󰀀󰀈), et la Croix rouge canadienne (󰀂󰀀󰀁󰀉) proposent des tactiques similaires afin d’éliminer le risque pour les victimes prises dans un cycle de violence. Ces ressources renvoient souvent à des organismes prévoyant la sécurité des victimes, aidant à trouver des endroits d’hébergement pour ces dernières dans des cas plus sévères. Quoique la violence psychologique semble apparaître dans des contextes variés, le Ministère de la Justice canadienne (󰀂󰀀󰀁󰀉) suggère de signaler la violence vécue aux services de police, aux services à la victime, à des organisations communautaires, aux professionnels de la santé, à des lignes d’écoute, aux services juridiques,

󰀁󰀀󰀈

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ainsi qu’à une personne de son entourage jugée digne de confiance dans le but d’obtenir des services de soutien ou d’information. Les limites des suggestions pour contrer la violence psychologique Tentant de mettre fin à sa souffrance, la victime se verrait déchirée entre son engagement dans un processus de dénonciation à la police et de remise en question vis-à-vis de sa honte, ainsi que sa culpabilité (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Une fois les démarches entreprises, celle-ci aurait le devoir de recueillir suffisamment de preuves, ce qui engendre un lourd processus menant au découragement. En effet, la responsabilité pèse sur la victime d’effectuer un signalement, d’assembler une quantité suffisante de preuves et d’accéder par elle-même à des services d’aide et de soutien (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Une personne pourrait-elle faire perdre confiance dans les autorités policières parce qu’elle doit traverser une quantité d’épreuves accablantes seule ? Ainsi, les procédures judiciaires conduiraient les victimes à un cycle de victimisation perpétuel, car elles devraient témoigner des horreurs vécues à maintes reprises, et ce, sous un regard contraventionnel plutôt que victimologique (Boudreau, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀃). Par exemple, le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels met l’accent sur la subjectivité réelle des incidents que peuvent vivre les victimes (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Ceci permettrait de rétablir un lien de confiance avec ces individus. Une vision holistique de la victime favoriserait-elle un processus plus fluide et supportable ? En grande majorité, les renseignements d’aide aux victimes de violence se situent sur des sites web, et ils figurent parfois dans des annonces à la télévision. Comme soulevé plus haut, les victimes de violence psychologique se retrouvent sous l’emprise d’un pouvoir et d’un contrôle de la part de l’auteur. Ces faits amènent à croire que les victimes pourraient se trouver sans aucun accès électronique, empêchant la recherche adéquate des services et des informations mentionnés. Rivaliser contre les violences basées sur l’honneur au Canada Les intervenants et les experts dans le domaine des services sociaux possèdent-ils réellement les connaissances et les outils nécessaires pour agir au regard des VBH ? Afin de lutter contre ce phénomène, des initiatives subséquentes furent introduites à travers quelques provinces canadiennes.

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󰀁󰀀󰀉

Des organismes fédéraux et provinciaux, comme Justice Canada, la Gendarmerie royale du Canada, le Toronto Police Service, ainsi que d’autres services ont élaboré des formations, des conférences annuelles et des tables rondes en matière de VBH. De plus, le Conseil du statut de la femme du Québec a convoqué une recherche afin d’améliorer les formations des intervenants sociaux face au sujet (Ali-Diabecte, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). Sur un plan légal, en 󰀂󰀀󰀁󰀅, le gouvernement canadien a mis en place le projet fédéral S-󰀇 nommé Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares. Cette législation avait pour but de « décourager le terrorisme » (Bird et Nicol, 󰀂󰀀󰀁󰀀, p. 󰀁) en traçant le portrait de quelques types de VBH et en réitérant que ce sont des pratiques illégales au Canada, comme le mariage forcé et les mutilations génitales féminines (Béchard, Elgersma et Nicol, 󰀂󰀀󰀁󰀄 ; Geadah, 󰀂󰀀󰀁󰀆 ; Jimenez, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). Au Canada, les infractions criminelles associées aux VBH ne sont pas catégorisées à part, donc la détermination de la peine repose sur l’acte commis, peu importe le motif d’honneur. Par exemple, un individu trouvé coupable d’avoir commis un meurtre au nom de l’honneur (avec préméditation) se verrait passible d’un emprisonnement à vie dans un établissement fédéral, avec la possibilité de remise en liberté après 󰀂󰀅 ans d’incarcération. Une controverse s’installe à ce niveau, car plusieurs jugent nécessaire d’ajouter les VBH au Code criminel du Canada, alors que d’autres soutiennent qu’elles sont punies sévèrement à la base (Université de Sherbrooke, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Les limites des suggestions pour contrer les violences basées sur l’honneur Les disciplines ci-dessus ont rencontré quelques défis. Aucune formation n’a été offerte sur un échelon fédéral, de sorte que des lacunes existent visiblement à l’égard d’une standardisation parmi les différentes provinces. Notamment, il existe une insuffisance parmi les ressources communautaires offertes aux victimes de VBH, ainsi qu’au niveau des outils pour appuyer ces dernières (Ali-Diabecte, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀄). Par exemple, en raison des espaces limités, les centres d’hébergement adaptés pour les jeunes filles faisant l’expérience de telles violences rencontrent des défis affreux sous la rubrique de logement pour toutes les personnes en faisant la demande. Certaines se verraient placées sur des listes d’attente insensées, alors qu’elles se retrouveraient sans logement après avoir quitté leur famille, par exemple. À l’opposé de ce qui précède, bien que la criminalisation des VBH et la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares pourraient décourager certains comportements en guise de prévention, certains

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groupes d’appartenance employant le code d’honneur se verraient réticents vis-à-vis des termes « barbares » et « terrorisme » (Jimenez, et al., 󰀂󰀀󰀁󰀇). Visant des groupes minoritaires souvent immigrés au Canada, des préjugés ou des stéréotypes pourraient envahir l’esprit des autres. Pourtant, nous identifions le Canada comme étant un pays multiculturalisme. Est-il péjoratif d’attribuer des adjectifs aussi destructeurs visant des groupes minoritaires, souvent immigrés au pays ? De même, les termes défavorables exhorteraientils les victimes à rester dans le cycle de violence de peur d’être dénigrées face aux jugements qu’autrui porterait à leur égard ? Lançons-nous alors vers les pistes de solutions suivantes en matière de sensibilisation et de prévention pouvant aider à diminuer la violence psychologique et les VBH. Recommandations Programme de sensibilisation dans un cadre pédagogique Nous ne pouvons nier que les victimes les plus susceptibles de subir des VBH sont les jeunes filles. Alors, il serait pertinent d’offrir un programme pédagogique de sensibilisation pour les étudiants d’école secondaire à travers le pays, afin d’adresser la problématique et démontrer un appui envers ceux et celles qui vivent cette triste réalité. Un comité pourrait procéder à une évaluation de la population cible, ainsi qu’à situer la matière dans des cours appropriés. Programmes préventifs pour personnes judiciarisées Les victimes d’infractions criminelles n’occuperont jamais un espace suffisant au sein du système de justice pénale, sous le regard contraventionnel. Toutefois, il serait judicieux de porter une attention spéciale aux services inexistants pour les personnes accusées et condamnées d’un acte criminel violent au nom de l’honneur. Alors, tentons de réduire le taux de récidive par le développement de programmes à titre préventif en vue d’aider ces individus. De toute évidence, les intervenants sociaux auraient besoin d’une formation spécifique en vue de partager les informations et les outils nécessaires aux participants à ces programmes. Conclusion Pouvant surgir dans diverses situations, la violence psychologique a pour but principal d’exercer son pouvoir et son contrôle sur une personne. Il est important de retenir que les victimes peuvent ne pas la reconnaître

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puisqu’elle s’avère subjective en matière de ce que l’on considère comme étant violent, de l’intention se situant derrière l’acte et de sa fréquence. Étant donné que la violence psychologique accompagne tout autre type de violence, elle demeure au cœur des VBH, peu importe le motif. Une chose est certaine, celle-ci laisse des empreintes néfastes, et bien souvent à long terme sur ses victimes. Pourquoi sont-elles toujours grandissantes dans les médias si des initiatives furent mises en place afin de les limiter ? La raison pourrait s’inscrire au niveau d’un manque de formation au niveau fédéral par son absence de standardisation à travers le Canada. De surcroît, les ressources communautaires d’aide aux victimes sont mal adaptées pour la quantité de femmes ayant recours à leurs services. Les recommandations ci-dessus pourraient aider à diminuer les instances de violence psychologique, ainsi que les VBH. Toutefois, il serait approprié d’étudier à fond les programmes éducatifs qui s’appliqueraient aux étudiants des écoles secondaires à travers le pays, et des programmes de prévention qui viseraient les personnes ayant des démêlés avec la justice afin d’en évaluer les résultats. En effet, ceux-ci pourraient mener à d’autres suggestions visant la diminution des violences faites aux femmes de façon générale. Bibliographie Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (󰀂󰀀󰀁󰀈, 󰀂󰀄 avril). La violence psychologique. https://aocvf.ca/prises_de_position/la-violence-psychologique/ Alev Dilmac, J. (󰀂󰀀󰀁󰀄). The Civilized and the Barbarous: Honor in French and Turkish Contemporary Societies. International social science review, 󰀈󰀉, 󰀁–󰀂󰀄. Ali-Diabacte, M., Miville-Dechêne, J., Geadah, Y. & Desbiens, I. (󰀂󰀀󰀁󰀄). Les crimes d’honneur : de l’indignation à l’action. Conseil du statut de la femme, Québec, Canada. Béchard, J., Elgersma, S. & Nicol, J. (󰀂󰀀󰀁󰀄, 󰀁󰀇 novembre). Projet de loi S-󰀇 : Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d’autres lois en conséquence. https://lop.parl.ca/sites/ PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/LegislativeSummaries/ 󰀄󰀁󰀂S󰀇E Boëls, N. (Avril 󰀂󰀀󰀁󰀅). Crimes justifiés par l’honneur. Agir pour soutenir les victimes potentielles. L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. https://www. oiiq.org/sites/default/files/uploads/periodiques/Perspective/vol󰀁󰀂no󰀂/󰀁󰀁intervention-communautaire.pdf Bouclier d’Athena (󰀂󰀀󰀁󰀉). Violence basée sur l’honneur. http://athenalegalinfo.com/ fr/violence-basee-sur-lhonneur/violence-basee-sur-lhonneur/ Boudreau, J., Poupart, L., Leroux, K. & Gaudreault, A. (󰀂󰀀󰀁󰀃). Introduction à l’intervention auprès des victimes d’actes criminels. Montréal, Association québécoise Plaidoyer-Victimes.

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ISABELLE BEAUDRY

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LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE AU CŒUR DES VIOLENCES

󰀁󰀁󰀃

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L’agression sexuelle (viol physique) contemporaine envers les femmes : une question systémique ou inusitée ? Halla Marie Modeste Messou Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Ce chapitre a pour objectif de mieux comprendre la réalité du viol dans nos sociétés. Il s’agit de saisir les véritables déterminants du viol avec l’idée qu’une fois appréhendés ces derniers permettent de générer des solutions définitives à cette problématique. Pour ce faire, nous tenterons, tout d’abord, de remonter aux origines du viol pour mieux analyser son expression contemporaine. Ensuite, il sera question de circonscrire ladite notion en abordant : la définition du viol, le profil des violeurs et des victimes, les mythes, les typologies du viol ainsi que l’imputabilité de l’acte. Puis, ce sont les conséquences et les implications de ce crime au plan physique, psychologique et sociétal qui nous intéresseront. Nous explorerons également quelques pistes de solutions et les limites des suggestions envisagées pour éradiquer le viol. Ainsi, ce travail vise à démystifier l’idée de viol, à montrer son inhumanité et à sensibiliser au respect du corps de la femme. ABSTRACT: This chapter aims at better understanding the reality of rape in our societies. We will identify and explain the factors that lead to rape in hopes that an improved understanding of these will help eradicate this persistent problem. First, we will provide a historical background on rape to grasp its contemporary expression. Then, we will address the definition of rape, the profile of the rapists and the victims, the myths, the classification of rape as well as its accountability. Then, we will analyze the consequences and the implications of this crime at a physical, psychological and societal level. Finally, we will also explore some possible solutions and their limits. Thus, this work aims at demystifying the idea of rape, demonstrating its inhumanity and raising awareness of respect for the woman’s body.

En temps de guerre ? Dans l’œuvre, La deuxième moitié : Plaidoyer pour un nouveau féminisme, Kanko livre ce qui constitue un fil d’Ariane dans l’univers problématique des agressions sexuelles (viol) commises par des hommes sur des femmes adultes (incluant le viol conjugal) :

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HALLA MARIE MODESTE MESSOU

New Delhi, dimanche 󰀁󰀆 décembre 󰀂󰀀󰀁󰀂. Une étudiante revient du cinéma. Quoi de plus normal pour une fille de 󰀂󰀃 ans ? Mais pas pour les six hommes qu’elle a le malheur de croiser dans un bus. Ils passent à tabac le garçon qui l’accompagne avant de la frapper et de la violer sauvagement à tour de rôle. La jeune fille appelle au secours. Elle se débat. De toutes ses forces, elle tente de résister. En vain. À un moment donné, l’un des violeurs a plongé sa main en elle et a tiré quelque chose de long et de mou, c’étaient des intestins (Kanko, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀁󰀇󰀅).

En temps de guerre ? Pas du tout ! Et c’est ce qui retient notre attention. En effet, ce n’est pas tant le fait que le viol se déroule à New Delhi, dans un espace-temps reculé, mais plutôt que cet événement nous rappelle une série de faits récurrents plus près de nous (en 󰀂󰀀󰀁󰀉). Nous pensons, par exemple, aux mouvements #metoo (#AgressionNonDénoncée ou #BeenRapedNeverReported) devenus le symbole atypique de ces violences. Rappelons-le, il est quand même significatif et alarmant de constater que certains viols ne se déroulent pas en temps de guerre, puisque les exactions envers les femmes sont devenues des crimes ordinaires (malgré une barbarie indicible) et qu’elles ont acquis de nouvelles formes insidieuses. Au plan personnel, nous avons été bouleversée par le suicide de la jeune Hollandaise, Noa Pothoven, victime de viol à répétitions, et qui, par conséquent, avait arrêté de s’alimenter. La simple réminiscence de son décès nous plonge dans une ire indescriptible au point de nous rendre sensibles à tous les types d’actes de violence : chaque femme violée, chaque larme versée voire chaque cri nous pousse à imaginer le pire. Cela nous amène à nous demander si la valeur attribuée à la femme est le déterminant du viol devenu, en toute vraisemblance, banal et omniprésent. Notons deux exemples notoires de cette conjoncture : d’abord aux ÉtatsUnis, le cas de Harvey Weinstein, célèbre producteur hollywoodien inculpé, à plusieurs reprises, d’agressions sexuelles sur des femmes en France. Le cas au Canada de Gilbert Rozon, l’impresario, inculpé pour viol. Il nous semble incompréhensible que certains, à l’instar de Denis Mukwege Mukengere, prix Nobel de la Paix 󰀂󰀀󰀁󰀈, vouent leur vie à apaiser les souffrances des femmes victimes de viols et à lutter contre ce fléau, pendant que d’autres (délinquants sexuels) continuent leurs méfaits de façon systématique et, a priori, en toute impunité. Dans le présent travail, nous souhaiterions mieux comprendre le viol des femmes adultes, les caractéristiques et le profil des victimes et de leurs agresseurs dans le contexte contemporain. Nous tenterons de montrer que la problématique du viol des femmes est à prendre très au sérieux, que

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l’idée de viol doit être mieux appréhendée pour bien orienter les décisions politiques qui seront prises en réponse à la culture du viol qui prolifère dans nos sociétés contemporaines. À cet effet, nous nous proposons d’examiner une série de questions essentielles relatives au viol : de quoi est-il question quand on parle de viol ? Quelle est la singularité du viol dans nos sociétés actuelles ? Qu’en est-il des auteurs et des victimes ? Et s’il n’existait pas des répercussions et des implications dues aux agressions sexuelles physiques des femmes ? Et si des traitements psychologiques et des médications constituaient des moyens efficaces pour mettre fin à une culture du viol ? Sinon, existe-t-il des solutions envisageables qui soient plus efficaces ? Telles sont nos préoccupations dans ledit travail. Pour notre part, nous avançons que nous aurions tort de considérer les agressions sexuelles physiques des femmes adultes comme un épiphénomène résultant de comportements, émanant de ces dernières. Autrement dit, vu le caractère insidieux du viol des femmes adultes, toute perception et appréhension doivent être mises de côté. Ainsi, on peut aider à faciliter l’interdiction de tout acte d’agression envers les femmes, à travers le monde. Les effets néfastes comme les traumatismes et les implications ne concernent pas les victimes seulement, mais peuvent même se transposer aux générations futures (dimension transgénérationnelle des traumatismes) et conséquemment, touchent l’humanité tout entière. Ainsi, notre démarche dans ce travail se propose de faire le point sur deux questions particulières dont on a débattu, souvent avec passion, au cours des dernières décennies concernant les agressions sexuelles des femmes. La première d’entre elles a trait à la conception même du viol contemporain et des quelques concepts ou notions qui s’y rattachent (définition, auteurs et victimes, mythes, typologie, imputabilité de l’acte). Ensuite, nous tenterons d’exposer quelques pistes d’éclairage sur les conséquences et les implications des agressions sexuelles sur des femmes en les situant dans une perspective réflexive. L’objectif général de notre démarche est de montrer comment les sensibilités, les attitudes et les valeurs, notamment les mauvaises interprétations du comportement de l’autre, peuvent conduire à l’irréparable qu’est le viol dont les victimes, rappelons-le, sont souvent des femmes. À cet effet, une réflexion historique préalable nous permettra de circonscrire, à la fois, les traits caractéristiques et la dynamique du viol dans nos sociétés contemporaines et de tenter de mettre une barrière efficace à la culture du viol qui est, hélas encore, omniprésente dans nos sociétés et à laquelle on semble s’accoutumer. Enfin, nous examinerons les pistes de solutions et les limites des suggestions.

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HALLA MARIE MODESTE MESSOU

Viol : Dimensions historiques Souvenons-nous que chez les anciens, à l’époque du roi Hammourabi, le viol pratiqué sur une femme n’est pas considéré, d’une certaine manière, comme une question criminelle s’il est perpétré par le conjoint (Mariani, 󰀂󰀀󰀀󰀇). À cet effet, une description historique nous aide à mieux appréhender quel problème moral pose l’agression d’une femme et pourquoi une réflexion contemporaine nous serait indispensable pour la protection des femmes adultes violées (y compris par les partenaires conjugaux). Cruveilhier (󰀁󰀉󰀃󰀈), spécialiste en assyriologie, semble une source incontournable sur la question du viol, car ce dernier décrit, dans Commentaire du code Hammourabi, un moment important de l’idée de viol chez les anciens et dans le Code d’Hammourabi en présentant le viol comme étant un produit naturel des interactions entre l’agresseur et la victime. Ainsi, le viol, par exemple d’une femme mariée, est considéré tout simplement, selon le Code d’Hammourabi, comme étant un acte d’adultère Cruveilhier (󰀁󰀉󰀃󰀈). Autrement dit, dans ledit Code, le viol existe uniquement dans un contexte conjugal, car il est assimilé à une relation extraconjugale (une femme mariée victime de viol est tout aussi coupable que son agresseur). Plus encore, si une épouse est violée, c’est qu’elle a consenti, selon le même Code, à l’acte sexuel. Par conséquent, « [s]i la femme d’un homme a été prise au lit avec un autre mâle, on les liera et jettera dans l’eau, à moins que le mari ne laisse vivre sa femme, et que le roi ne laisse vivre son serviteur » (Cruveilhier, 󰀁󰀉󰀃󰀈, p. 󰀂󰀃-󰀂󰀄). Alors, le fait que le viol (considéré comme un acte consensuel) d’une femme adulte par l’époux soit déclaré ou considéré comme légal — c’està-dire implicitement qu’il est autorisé par une instance reconnue telle que le Code d’Hammourabi — dispense-t-il de s’interroger sur son caractère moralement légitime ou illégitime ? D’aucuns pourraient se demander si la femme est, en soi, une propriété du mari (comme le stipule ce Code d’Hammourabi); peut-on mettre une barrière en supposant que le viol de l’épouse par le mari ne doit pas être réprimandé dans nos sociétés actuelles ? Avec la loi hébraïque, selon Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇), c’est un autre ton qui est donné. Il y a un changement ou une réorientation dans la façon dont les problèmes sont posés. Les peuples hébreux tiennent compte, selon elle, de la notion du consentement dans l’acte sexuel. Ainsi, dans une situation de viol, une femme qui se défend lors d’une agression sexuelle n’est pas tenue, selon la Torah, comme étant responsable de l’acte contrairement à ce que préconise le Code Hammourabi. Toutefois, une telle prémisse et conception de l’imputabilité relative au viol d’une femme adulte nous

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laissent dubitatifs et nous font sourciller : comment prouver qu’une femme, victime de viol, a bel et bien résisté à son bourreau ? Enfin, dans son ouvrage,  Une guerre contre les femmes ? Femmes et enfants, même souffrance, Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇) rappelle certains éléments fondamentaux et les cadres théoriques subséquents permettant de saisir les logiques sous-jacentes à l’autorisation des viols de certaines femmes au Moyen Âge (ce qu’elle appelle catégories traditionnelles femmes : statut social), dans une perspective guerrière. Selon elle, la guerre, dont la confusion, la destruction et la peine constituent le champ lexical, doit être pensée du point de vue des seigneurs ou des soldats. Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇) dira que le « ... viol des femmes de modeste condition par les seigneurs ou par les soldats est toléré en temps de guerre. En revanche, celui des femmes de haute noblesse est puni de mort » (p. 󰀁󰀂󰀃). Il s’agit dès lors, pour Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇), d’exposer deux catégories de femmes du Moyen Âge : les femmes, dites pauvres, dont le viol est toléré ou voire autorisé pendant la guerre, et les femmes riches et nobles dont le viol est punissable en tout temps (considéré comme désacralisation ou acte immoral). L’historienne Cassagnes-Brouquet (󰀂󰀀󰀁󰀂), dans « La Vie des Femmes au Moyen Âge », dépeint un tableau similaire du viol au Moyen Âge. Toutefois, l’auteure précise, en outre, que la survalorisation de la virginité, les faibles peines et les légères amendes à la suite du viol des femmes de modeste condition (en temps de paix et de guerre) par les nobles et les clercs sont chose commune à l’époque médiévale. Ces conditions entraînent un rejet systématique des femmes violées, contraignant ces dernières à la prostitution pour survivre (Cassagnes-Brouquet, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Ainsi, au Moyen Âge, la valeur de la femme est liée à sa virginité et cela réduit la femme à l’état d’objet qui perd son attrait après usage. En somme, le viol des femmes, depuis l’antiquité (Code d’Hammourabi), n’est plus objet d’une thèse. On n’a pas, certes, à être pour ou contre les agressions sexuelles des femmes. Toutefois, on sait que le viol a toujours existé ainsi que l’usage des lois (hébraïque). Dans certains cas, l’usage de la force paraît même nécessaire pour contraindre certaines catégories de femmes à se laisser violer (Moyen Âge). Ainsi, d’une certaine manière, tous les paradoxes que suscitent la notion des agressions sexuelles ou le viol des femmes sont une réponse à ce que nous désignons pour la suite par double constat : d’une part, l’existence incontestable des viols des femmes à travers les temps anciens et, d’autre part, il n’y a dans certains cas rien que la force des lois (des actions communes) comme remède aux agressions sexuelles. Tout cela circonscrit ainsi l’espace d’une réflexion sur l’agression sexuelle des femmes adultes dans nos sociétés contemporaines (mythes, typologie, etc.).

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HALLA MARIE MODESTE MESSOU

PREMIÈRE PARTIE Cadre conceptuel Une acception du mot viol Avant d’entrer plus dans les détails, il est nécessaire de partir d’un sens définitionnel global, général, de ce qu’on pourrait qualifier de viol afin d’installer les bases conceptuelles de notre réflexion. En son sens premier, d’après Amnesty International, un viol n’est ni plus ou moins qu’un rapport sexuel obtenu par la force ou sous la menace (Amnesty International, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Par conséquent, d’aucuns peuvent avancer qu’il y a viol si la victime a exprimé clairement un refus aux relations sexuelles envisagées et que cette dernière a résisté à son partenaire (ce qui rejoint le flou conceptuel du viol mentionné précédemment). Il y aurait ainsi des différends conceptuels très complexes et, a priori, insurmontables à plusieurs niveaux (objectifs différents, intérêts contradictoires) (Amnesty International, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Nous pensons, par exemple, au cas du Canada qui, d’un point de vue juridique, selon l’Institut National de Santé publique Québec, considère le viol comme une agression sexuelle lors de laquelle il y a une pénétration d’un orifice d’un individu sans son consentement (Institut National de Santé publique Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Dans le même sens, McGregor (󰀂󰀀󰀀󰀅) ajoute que le viol est un rapport sexuel obtenu avec force physique et sans consentement libre de la présumée victime (traduction libre). Ce dernier introduit donc un autre élément, à savoir l’idée de la liberté au consentement. « Ce modèle actuel de sexualité se réfère à ce que Michel Foucault appelle le “dispositif de sexualité” selon lequel l’accord du partenaire est requis et l’outrepasser rend le rapport sexuel illégitime » (Collart, 󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀃󰀀). Selon l’idée de McGregor (󰀂󰀀󰀀󰀅), accepter d’avoir des relations sexuelles consentantes sous la contrainte (voire se sentir obligé d’en avoir) constitue un viol. Nous pensons, pour notre part, au viol conjugal comme un des exemples probants des viols perpétrés, sans usage de force ni de pression explicite, mais avec un consentement non conformiste. D’aucuns peuvent se demander comment distinguer un devoir conjugal d’une femme (sur le plan sexuel) et un viol conjugal, puisque la notion de consentement n’apparaît pas, par exemple, dans la législation en France ? En effet, en France, un viol est « ... [tout] acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commise sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise… » (Code pénal, 󰀂󰀀󰀁󰀁, Livre III, Section 󰀃, para 󰀁). Si en France, le consentement libre n’est pas une exigence, pour

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Collart, il ne suffit pas, il doit être également éclairé pour être valide (Collard, 󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀃󰀀). En d’autres mots, le consentement doit être donné sans contrainte et avec connaissance des tenants et aboutissants de sa conduite. Il faut dire que, de façon concrète, la revue de la littérature nous permet de soutenir qu’il n’y a pas, en tant que tel, de consensus en ce qui concerne la définition d’agression sexuelle. Toutefois, la perception de la faible approbation ou acquiescement et atteinte aux droits d’une personne sont des éléments centraux acceptés par la majorité d’auteurs et des pays, car nombreux sont ceux qui s’interrogent afin de savoir si le viol ne serait pas un euphémisme pour le mot « agression armée ou voie de fait grave ». De ces polémiques conceptuelles, nous retenons la définition du viol tel que proposé par Amnesty International (󰀂󰀀󰀁󰀈) : un rapport sexuel sans consentement est un viol, car c’est celle qui reçoit le moins ou presque pas de critique en général (bien que « Seuls neuf pays européens sur les 󰀃󰀃 de l’espace économique européen (en prenant en compte séparément les trois systèmes juridiques du Royaume-Uni) reconnaissent cette simple vérité » (Amnesty International, 󰀂󰀀󰀁󰀈, p. 󰀁). Pour Amnesty International (󰀂󰀀󰀁󰀈), d’après la Cour pénale internationale, le viol se définit comme suit : 󰀁. L’auteur a pris possession du corps d’une personne de telle manière qu’il y a eu pénétration, même superficielle, d’une partie du corps de la victime ou de l’auteur par un organe sexuel, ou de l’anus ou du vagin de la victime par un objet ou toute partie du corps. 󰀂. L’acte a été commis par la force ou en usant à l’égard de ladite personne ou d’une tierce personne de la menace de la force ou de la coercition, par exemple, menaces de violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la faveur d’un environnement coercitif, ou encore en profitant de l’incapacité de ladite personne de donner son libre consentement (p. 󰀁󰀂󰀈).

Ainsi, le viol est un acte sexuel perpétré par une personne sur une autre sans son consentement. L’idée du viol selon Amnesty International et les désaccords des politiques sur une définition universelle acceptable du viol nous force à nous poser une question : à qui profite ce flou définitionnel ? Au violeur, bien évidemment ! Qui est-il alors ? Un bourreau inusité ou pas si loin ! Le « ... violeur [est] un homme de tous les jours. Les études et les recherches essayant de tracer le profil psychologique du violeur indiquent toutes qu’il s’agit d’hommes ordinaires, “normaux” […] L’agresseur est en général un homme que la femme connaît, ou fréquente » (Mariani, 󰀂󰀀󰀀󰀇, p. 󰀁󰀂󰀈).

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En effet, hormis les intérêts sexuels déviants et les distorsions cognitives (conditions propices aux viols) (Institut National de Santé public Québec, 󰀂󰀀󰀁󰀉), c’est en ces termes que répond Jessica Mariani à la question de savoir s’il existe un profil type d’un violeur. Selon elle, un individu violeur, de femme, n’a pas concrètement de traits particuliers qui pourraient être aperçus ou appréhendés par une personne aguerrie : très souvent l’homme qui viole n’est jamais très loin de nous. Un époux attentionné ou un père de famille modèle ? Le riche président directeur (PDG) d’une société ? Un politicien que l’on admire ou bien encore le gardien bienveillant de l’immeuble qui vous salue tous les matins. Les apparences sont ainsi trompeuses en matière du viol. D’ailleurs, Statistique Canada révèle qu’un « ... peu plus de la moitié des victimes connaissait la personne qui les a agressées sexuellement. Le plus souvent, l’agresseur était un ami, une connaissance ou un voisin, puis un étranger » (Shana et Cotter, 󰀂󰀀󰀁󰀇, p. 󰀃). Ainsi, une plus grande part des auteurs de viol sont des personnes qui connaissent les habitudes de leur victime et sont, justement, à l’affût d’une occasion propice pour accomplir leur forfait. À cet effet, d’aucuns peuvent avancer que les femmes sont, elles-mêmes, les instigatrices des maux qu’elles dénoncent, c’est-à-dire les viols dont elles sont présupposées être les victimes ? Mythes autour du viol : femme, victime de sa liberté ? Qui aurait pensé qu’une fillette de 󰀁, 󰀂 ou moins de cinq ans peut faire partie des victimes d’agression sexuelle ? (Massicotte, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Qui aurait pensé, ne serait-ce qu’un instant, qu’une femme en état végétatif peut subir un viol ? (Agence France-Presse, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Qui aurait pensé qu’une femme âgée en maison de retraite peut être violée ? (Lambert, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Qui aurait pensé qu’une femme handicapée peut être agressée sexuellement ? (Humanité & Inclusion, s.d.) Ou encore, qui aurait pu imaginer Lady Gaga (Le Parisien, 󰀂󰀀󰀁󰀈), ou Oprah Winfrey (Paris Match, 󰀂󰀀󰀁󰀈) comme des femmes violées ? On ne peut s’empêcher de se demander si les hommes de la société contemporaine se seraient employés à réduire, par humiliation progressive, la virulence du pouvoir des femmes (Intelligence, force de caractère, beauté, richesse)󰀁. Y seraient-ils parvenus ?

󰀁  L’acharnement contre les femmes par le viol semble être fondé sur une crainte de ses qualités et forces. La femme semble être une menace pour le pouvoir des hommes dans la société.

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󰀁󰀂󰀃

Ainsi, naître une femme constitue, a priori, un déterminant naturel du viol, c’est-à-dire lié à la nature et à la nature humaine. Alors cela (déterminisme) peut être exploité, utilisé à des fins politiques (société patriarcale), personnelles (foyer conjugal) et ainsi engendrer toutes sortes de dérives. En ce sens, les agressions sexuelles des femmes adultes prennent, en toute vraisemblance, l’apparence d’une guerre insidieuse sans précédent, et le problème s’étoffe encore si on y ajoute des mythes qui l’accompagnent (des incitateurs probants). En effet, plusieurs mythes de la femme violée continuent d’être véhiculés et entretenus dans nos sociétés. Pensons aux propos relatés par Unger et Crawford dans The Rape Recovery Handbook de Matsakis, selon qui « de nombreuses femmes n’ont pas connaissance de tous les comportements qui constituent des agressions sexuelles, leur perception est floutée par les nombreux mythes sur l’agression sexuelle qui existent dans notre culture » (Matsakis, 󰀂󰀀󰀀󰀃, p. 󰀆󰀆) [traduction libre]. Nous pensons, par exemple, au fait de dire que les femmes violées sont des femmes qui veulent l’être nous semble fallacieux ; il en est de même de l’affirmation selon laquelle une femme vêtue de manière sexy attire le violeur (Renard, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Cela est exagéré, car le phénomène du viol n’est pas nouveau. Dans cette perspective, les femmes deviennent victimes de leur liberté, liberté qu’elles prennent pour se faire belles ; liberté qu’elles se permettent d’accepter les invitations des personnes qu’elles rencontrent pour la première fois ; liberté de se présenter aux diverses entrevues, etc. Par conséquent, les stéréotypes autour de la femme victime de viol deviennent des catalyseurs ou des appels au viol (Renard, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Les croyances populaires qui les sous-tendent ont un effet pervers lors des dénonciations des actes de viol. Les victimes sont difficilement crues et donc pas prises au sérieux, voire qu’elles peuvent, dans certains cas, être condamnées implicitement pour le viol dont elles sont victimes (Renard, 󰀂󰀀󰀁󰀈). Ainsi, mythes ou stéréotypes relatifs aux agressions sexuelles des femmes, trop nombreuses dans nos sociétés actuelles, contribuent inéluctablement à invalider cette calamité. Par conséquent, lesdits mythes, dont invention (mensonge), ruse, légèreté, idylle, sacrifice, facile, destruction (déshumanise), la confusion ainsi que la peine et la souffrance qui constituent le champ lexical doivent être pensées du point de vue de la victime. À cet effet, ils ne devraient pas être véhiculés ou établis en termes de « à qui la faute » ou de défense d’une tierce partie impliquée dans le forfait d’un viol, mais de conséquences sur la femme présupposée victime. Il s’agit dès lors pour nous de tenter de répondre à la question : peut-on parler d’un

󰀁󰀂󰀄

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modus vivendi en ce qui concerne le viol d’une femme adulte aujourd’hui ? Nous pouvons répondre par l’affirmative même s’il n’existe pas de profil type des violeurs. Nous l’avons vu, une grande majorité des violeurs fait partie des proches de la victime. En ce sens, ces derniers ont une manière d’être qui met en confiance la victime. D’autres sont inconnus de cette dernière, par conséquent, ce qui nous laisse penser que leur approche est différente. Encore, existe-t-il un modus operandi propre à tous les violeurs ? Oui ! Nous le verrons plus loin avec la typologie de l’agression sexuelle telle que décrite par Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄) dans Viol et violeurs. Par exemple, le fait que les violeurs planifient leur attaque dans le moindre détail pour ne pas être vus ou reconnus, un autre agit dans l’obscurité (Billon, 󰀁󰀉󰀈󰀄). Ainsi, l’intérêt d’examiner la problématique des agressions sexuelles commises sur les femmes sous l’angle critique à partir des conséquences sur la liberté des victimes est à la fois théorique (philosophique) et historique et doit prendre en compte la réalité du monde contemporain. Vers une typologie contemporaine de l’agression sexuelle physique Plusieurs auteurs ont tenté de catégoriser les viols pour mieux les circonscrire (Cohen, Seghorn, et Calmas (󰀁󰀉󰀆󰀉) cités par Maisha, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Par conséquent, la typologie que nous allons présenter repose sur des perspectives de différents auteurs spécialistes de la question du viol. Il s’agit tout d’abord de Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄), médecin psychiatre, dont nous retenons la position, principalement parce qu’il utilise une classification basée sur ses interventions en milieu carcéral. Ainsi, dans Viol et violeurs, Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄) affirme que le viol est un projet mûri à l’avance (intentionnel) avec une phase prédélictuelle et une autre qui correspond au passage à l’acte ; il distingue deux types de viols commis sur les femmes : individuel avec stratégie d’attaque et collectif (Billon, 󰀁󰀉󰀈󰀄). Du premier (individuel avec stratégie d’attaque), Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄) décrit au moins 󰀁󰀅 caractéristiques qui donnent lieu à divers scénarios de viol selon les individus. Ainsi, un viol de type individuel avec stratégie d’attaque est une combinaison d’un ou plusieurs éléments dont le fait d’être programmé ou prémédité, violent avec ou sans meurtres sexuels, répétitifs, à visage masqué, nié à cause du sentiment de honte, perpétré par des individus, quelle que soit leur classe sociale… Quant au viol collectif, Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄) explique qu’il est caractérisé par la similarité des stéréotypes (discours dégradants ou objectivants à propos des femmes) entretenus par les agresseurs sexuels. À la différence de ce type, dans le viol individuel, c’est la préméditation et le caractère unique

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󰀁󰀂󰀅

de chaque histoire qui prévaut. Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄) remarque que le viol collectif est prédominant dans les milieux pauvres. Il en distingue deux soustypes. Premièrement, le viol par vengeance et pour humilier qui a toujours une motivation : la vengeance (l’agresseur cherche à soumettre et à dominer une femme parce qu’elle a refusé ses avances) ou l’humiliation (cas des femmes violées pour être contraintes à l’esclavage sexuel). Le viol par bande « habituel » dans lequel des participants qui, sous l’effet de groupe (dépersonnalisation) sans motif particulier, choisissent leur victime au hasard et par surprise (Billon, 󰀁󰀉󰀈󰀄). Dans certains groupes, le viol pourrait apparaître comme un défi lancé à un membre du groupe qui dégénère en viol collectif. Ensuite, Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅) apporte des aspects contemporains plus exhaustifs du viol. Il s’agit, pour nous, de distinguer les catégories caractérisées à la fois par ce que certains auteurs appellent, les agents (qui sont les auteurs du viol ?) et les moyens mis en œuvre pour arriver à leurs forfaits (comment s’y prennent-ils ?). Ce double questionnement nous amène finalement à retenir, en plus des types de viols présentés par ces derniers, d’autres formes insidieuses spécifiques à nos sociétés actuelles. Tout d’abord, nous retenons la typologie du viol exposée par Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅) dans les violences contre les femmes. Cette dernière a la particularité de saisir une plus large variété de types de viol, ce qui simplifie l’identification des agresseurs sexuels, et du type d’agression correspondant dont les femmes sont les principales victimes. À travers son article, Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅) relève quatre types de viol. Elle identifie le premier type comme relevant de l’idée selon laquelle les violeurs sont des proches (viol par des proches). Selon elle, ce dernier est perpétré par « des membres de la famille, par des proches ou des personnes ayant autorité […] la persuasion, le chantage affectif, la menace verbale peuvent être appuyés par des brutalités physiques sans qu’elles atteignent l’atrocité des crimes sadiques » (p. 󰀆󰀆). En d’autres mots, le premier type se déroule généralement dans les familles avec des modes de coercitions verbales et non verbales. Nous pensons, par exemple, au fait qu’une fille se laisse abuser, car son beau-père ou autre menace de tuer sa mère si elle ne couche pas avec lui. Le deuxième type, viols par abus de pouvoir, est, selon Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅), le fait qu’une personne utilise son pouvoir (rang, position sociale ou autre) pour soumettre autrui, notamment les femmes adultes, à satisfaire son propre désir sexuel par des menaces de représailles éventuelles en cas de refus. Il s’agit dans ce contexte d’un cas de violence où il est difficile de démontrer que la femme n’est pas consentante. Nous

󰀁󰀂󰀆

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n’avons qu’à nous référer aux cas de viols des femmes adultes par Harvey Weinstein, Bill Cosby ou Gilbert Rozon. Tous les présumés agresseurs occupaient, au moment des faits, des positions d’autorité et ces derniers évoquent tous que les présumées étaient consentantes. Rappelons, enfin, qu’il peut s’agir, selon Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅), d’une emprise psychologique dans le cas de mineurs ou d’une emprise économique sur une femme démunie qui les inciterait à céder aux avances. En outre, l’auteur (Jaspar, 󰀂󰀀󰀀󰀅) pointe un autre type de viol qu’elle intitule « viol par surprise » (p. 󰀆󰀇). Il s’agit, selon Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅), de cas de viol dans lesquels les victimes ne connaissent pas leurs bourreaux et donc un inconnu qui, toutefois, utilise sa force physique pour infliger des sévices corporels, notamment sexuels. C’est un type de viol qui, selon l’auteur, se solde trop souvent, hélas, par des féminicides. Autrement dit, ces types de viol sont perpétrés par des inconnus et l’agresseur peut avoir kidnappé sa victime (choisie au hasard, donc sans préméditation), l’avoir enfermée et réduite à un objet sexuel. En dernier lieu, Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅) parle du viol en réunion qui correspond au viol collectif de Billon (󰀁󰀉󰀈󰀄). McGregor (󰀂󰀀󰀁󰀆) est un autre auteur qui retient notre attention pour ce travail. Dans son ouvrage, Is it Rape ? : On Acquaintance Rape and Taking Women’s Consent Seriously, l’auteur distingue les viols perpétrés sans armes (sans consentement) de ceux commis avec armes (caractérisés par l’utilisation de la force). Dans le premier, dont la classification se rapproche de celle de Jaspard (󰀂󰀀󰀀󰀅) (l’existence ou non d’un lien entre la victime et son agresseur), McGregor (󰀂󰀀󰀁󰀆) observe deux types de viol : par une personne connue ou non de la victime. Il soutient que ces deux types de viols ont des conséquences psychologiques néfastes sur les victimes. Toutefois, dans le cas du viol par une connaissance, il explique que « c’est la capacité de faire confiance à autrui, d’entretenir une relation intime et de gérer la colère qui en résulte qui sont affectés négativement » (p. 󰀆󰀇). Concernant les viols avec armes et blessures graves, McGregor (󰀂󰀀󰀁󰀆) fait remarquer que ce type de viol est marqué par la force exercée sur la victime qui laisse cette dernière sans choix puisque la force de l’agresseur est supérieure à celle de la victime. L’auteur soutient que les viols avec armes sont plus graves que ceux sans armes. Enfin, c’est la classification du viol par Messina-Dysert (󰀂󰀀󰀁󰀅), dans Rape Culture and Spiritual Violence : Religion, Testimony, and Visions of Healing, qui retient notre attention, car l’auteur, (Messina-Dysert, 󰀂󰀀󰀁󰀅), y établit une catégorisation du viol, plutôt exhaustive et explicite, sur la base des endroits où les viols sont commis et de la relation victime-agresseur.

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󰀁󰀂󰀇

En effet, en plus de relever l’existence du viol par un étranger ou véritable viol dont elle admet la rareté, elle pointe aussi vers un viol par une connaissance universelle et rarement criminalisée et dans lequel la victime est coupable, car elle connaît son agresseur, ce qui diminue sa crédibilité (Messina-Dysert, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Le viol en groupe est une autre catégorie que l’auteur retient : commis par au moins deux personnes en quête de challenge et de statut pour prouver leur virilité, dans lequel le but est l’humiliation de la victime dans l’anonymat. Messina-Dysert (󰀂󰀀󰀁󰀅) parle aussi du viol Marital comme un viol minimisé dans lequel un époux force sa femme à avoir des relations sexuelles sur une durée et à des fréquences différentes. Le viol d’honneur est un viol en groupe typique des sociétés islamiques utilisé pour punir ou jeter la honte sur une famille, car la femme symbolise l’honneur. « Honor, or izzat, is conneted to the sense of the man’s right to possess and control women […] Men possess honor by objectifying honor in the person of a woman […] Because of this objectification, the community does not recognize women as individuals » (Messina-Dysert, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀄󰀄). Le viol de guerre dans lequel les femmes sont considérées comme des trophées de guerre que s’approprie le vainqueur. Messina-Dysert (󰀂󰀀󰀁󰀅) explique qu’aujourd’hui, le viol est une tactique pour détruire des communautés. Le viol chez les militaires perpétré par des hommes soldats sur des femmes soldats. Messina-Dysert (󰀂󰀀󰀁󰀅) note un nombre important de femmes soldats qui sont victimes de violence sexuelle. L’esclavage sexuel est un autre type de viol dans lequel une femme est vendue comme une marchandise. Ce type de viol est très prisé, car l’investissement est minimal pour le trafiquant (Messina-Dysert, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Aujourd’hui, outre ces typologies du viol, les agressions sexuelles envers les lesbiennes font émerger un nouveau type de viol que l’on qualifie de viol de conversion ou viol correctif (Centre International pour la Paix, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Thomas (󰀂󰀀󰀁󰀃), dans Homophobia, Injustice and « Corrective Rape » in Post Apartheid, expose une différence cruciale dans la compréhension du viol. Selon Thomas (󰀂󰀀󰀁󰀃), le viol curatif a pour but de forcer la victime à devenir hétérosexuelle, tandis que le viol des femmes hétérosexuelles vise à punir ces dernières. À qui la faute, À qui la raison ? Le viol est un acte incompréhensible tant il va à l’encontre de notre humanité. Qui doit-on blâmer ? La victime, pour un vêtement trop court ?

󰀁󰀂󰀈

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Les mythes qui nous entourent et nous façonnent ? Le violeur pour son manque de contrôle ? À qui la faute, à qui la raison ? Une seule chose est certaine, la victime n’est pas le bourreau. D’un point de vue profane, les causes du viol des femmes peuvent paraître flagrantes. Toutefois, la littérature nous apprend à mieux appréhender les soubassements du viol qui sont plus complexes à cerner. Dans les lignes qui suivent, quelques-unes d’entre elles retiennent notre attention. Premièrement, il faut compter avec le fait que l’homme n’est pas toujours maître de lui-même (ses pulsions, ses émotions). Selon Clark et Lewis (󰀁󰀉󰀈󰀃), à la différence d’un homme normal, le violeur a un taux d’agressivité sexuel plus élevé que la norme. À en croire Clark et Lewis (󰀁󰀉󰀈󰀃), un homme qui viole a probablement un déséquilibre hormonal. Faut-il alors croire que tous les hommes sont des agresseurs sexuels en puissance ? Ensuite, selon DeKeseredy (󰀂󰀀󰀁󰀁), la violence envers les femmes est une décision personnelle ; elle s’apprend dans les groupes à travers la consommation de matériel pornographique ou de magazines érotiques qui contribuent à réduire la femme à un objet de jouissance sexuelle. Autrement dit, le viol est loin d’être relié à la nature humaine, l’homme apprend à violer. Renard (󰀂󰀀󰀁󰀈), dans En finir avec la culture du viol, explique que : dans la pornographie, les femmes sont plus souvent représentées en situation de soumission et les hommes en situation de domination [...] les femmes sont représentées comme étant indifférentes ou favorablement réceptives a ces actes brutaux ou dégradants, ce qui a pour effet de les normaliser aux yeux du spectateur [...] Beaucoup de travaux en psychologie sociale ont cherché à déterminer si les images dépeignant les femmes en objets sexuels ont un effet sur les croyances et les comportements. Leurs résultats suggèrent qu’elles ont en effet tendance à rendre davantage sexistes et tolérants aux violences sexuelles (p. 󰀁󰀃󰀉).

Par conséquent, si le viol est acquis, c’est que l’homme peut faire le choix de ne pas violer. La pression des pairs (amis) et la violence dans les médias n’excusent aucunement le viol. Les magazines et les médias, qui décrivent la femme comme un objet de jouissance et non comme un être humain qui doit être aimé et protégé, incitent à une violence gratuite envers les femmes. Unger et Crawford (󰀁󰀉󰀉󰀂) diront que le matériel pornographique incite au viol. Si une femme est violée parce qu’elle se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, si le rôle des femmes qui jouent des scènes pornographiques suggèrent que les femmes aiment se faire brutaliser, à qui doit-on imputer le crime ? Il va sans dire qu’un homme ne naît pas violeur, il le devient suite à une décision personnelle. Les hommes qui violent choisissent de le faire.

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Puis, d’un point de vue psychologique, Gauthier (󰀂󰀀󰀀󰀈) explique que « [l]a victime peut parfois se comporter comme l’agresseur et abuser les autres, soit en se complaisant dans son état de victime, en attribuant la faute à l’entourage ou en ayant des attentes inappropriées, soit en agressant son entourage sur le même mode négatif que ce dont elle se plaint » (p. 󰀆󰀈). En d’autres mots, la personne qui a été violée peut violer à son tour pour se venger, apaiser sa douleur ou transférer sa colère sur une autre personne. Les sociétés patriarcales ne sont pas en reste dans la problématique du viol des femmes. À ce propos, DeKeseredy (󰀂󰀀󰀁󰀁) explique que le patriarcat « est un système de pouvoir basé sur le sexe dans lequel l’homme a des privilèges économiques et un pouvoir supérieur » (p. 󰀇󰀁) [traduction libre]. En d’autres mots, c’est la place de la femme dans la société qui est problématique. Dans le patriarcat, la femme est inférieure à l’homme. Ce contexte donne, a priori, à l’homme le droit de soumettre les femmes de quelque manière que ce soit. Il nous semble donc possible d’avancer que le patriarcat légitime et encourage le viol. Si l’on se réfère aux propos de Kanko (󰀂󰀀󰀁󰀅), en Inde, de « ... nombreuses femmes veulent leur indépendance et travaillent pour l’obtenir […] Elles sont souvent victimes d’agressions sexuelles parce que leur choix de vie est un affront au conservatisme des sociétés patriarcales » (p. 󰀁󰀇󰀆). Le viol des femmes est justifié chaque fois qu’une femme essaie de jouir de la liberté d’être femme dans le monde, de s’émanciper des lois qui la discriminent. Naître fille, devenir épouse et/ ou mère, prive-t-il la femme de son droit à l’autodétermination ? Le cas de Jyoti Singh, la jeune fille à laquelle nous avons fait allusion au début de notre travail est parlant. L’un de ses agresseurs, Mukesh Singh, explique que « les filles ne devraient pas sortir après neuf heures […] Donc l’étudiante a elle-même provoqué ce viol. Le travail domestique, c’est pour les filles. Leur rôle n’est pas de traîner dans les discothèques et les bars, faire des choses mauvaises et porter des vêtements inconvenants » (Kanko, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀁󰀇󰀆). En d’autres mots, le viol est une sentence suite à une désobéissance aux règles. Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que la femme semble être cette enfant qui n’atteindra jamais sa majorité et dont l’homme aura éternellement la responsabilité. La permissivité du viol des femmes peut trouver ses racines dans certaines grandes religions. Parlant du Christianisme, Bardet-Giraudon, Benoît et Locquet (󰀁󰀉󰀈󰀃), dans Viol et crédibilité, affirment que les écrits de la Genèse ont contribué à faire de la femme un objet sexuel. Ils expliquent qu’à la suite du péché originel, et parce que la femme a conduit l’homme au péché, Dieu déclare que la femme sera soumise à l’homme, la reléguant ainsi à un rang inférieur à l’homme, à un objet au service de l’homme ;

󰀁󰀃󰀀

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la femme est le mal (Bardet-Giraudon, Benoît et Locquet, 󰀁󰀉󰀈󰀃, p. 󰀁󰀆󰀁󰀇). Parlant de la femme, ces auteurs diront : « Sa fonction sexuelle n’aura désormais qu’une fin : la reproduction, assurer la continuité de la race et la transmission de l’héritage […] la conséquence de ce statut est que, lorsque la femme est victime d’une agression, il n’y a pas infraction contre une personne humaine, mais contre un bien » (p. 󰀁󰀇). Cette acception, nous force à penser que le viol comme toute autre violence trouve ses origines dans la religion. L’Islam n’est pas en reste. Les paroles du prophète Mohammed en disent long sur la place de la femme et par conséquent sur son traitement. Piot (󰀂󰀀󰀁󰀂) avance ainsi les propos du prophète dans le Hadith du Coran : « Je n’ai vu personne aussi dépourvu que vous d’intelligence et de religion » (vol 󰀂, 󰀅󰀄󰀁). Autrement dit, dans l’Islam, c’est l’idée erronée selon laquelle une bonne femme est dépourvue d’intelligence qui contribue au mépris de la femme, aux inégalités, à la domination, ainsi qu’aux violences contre ces dernières (Piot, 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀁󰀀󰀁). En d’autres termes, la vision sexiste de la femme dans l’Islam est une porte ouverte pour la soumission sexuelle de la femme, et donc le viol. Kanko (󰀂󰀀󰀁󰀅) va dans le même sens quand elle décrit des dérives des groupes fondamentalistes. Par exemple, « le groupe terroriste État islamique (Daesh) considère le viol comme une marque d’adoration qui rapproche son auteur de Dieu, un rite barbare assorti d’une prière au début et d’une autre à la fin » (p. 󰀁󰀉󰀀). En d’autres mots, le fait de soumettre une femme sexuellement plaît à Dieu. Ainsi, la femme violée, dans certaines religions, est victime de son sexe. Enfin, et si la femme était, en réalité, le sexe fort ? Nous pourrions aisément avancer que le viol est une tentative pour contenir sa force, la réprimer. Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇) note que « le viol est sans aucun doute une arme d’épuration ethnique. On viole, on tue, on laisse des milliers d’orphelins et d’enfants abandonnés […] le viol crée une destruction de l’identité et un abandon de la résistance » (p. 󰀁󰀃󰀆). En d’autres mots, selon l’auteure, les femmes sont violées parce qu’elles constituent la force et les piliers d’une communauté. Cette vision contredit la vision patriarcale de la femme et la place au centre même du pouvoir. Ainsi, violer une femme, c’est tuer et anéantir un groupe. Nahoum-Grappe (󰀂󰀀󰀀󰀇) renchérit quand elle dit que « toucher le gène là où il se reproduit, dans le ventre des femmes, permet imaginairement de détruire toute la communauté ennemie dans son essence collective présumée » (p. 󰀅󰀇). Nahoum-Grappe (󰀂󰀀󰀀󰀇) reconnaît donc à la femme un certain pouvoir, car cette dernière porte en elle l’identité communautaire. La survie de tout un peuple est liée à la femme. Les propos de Nahoum-Grappe (󰀂󰀀󰀀󰀇) nous esquissent déjà les répercussions délétères du viol des femmes.

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DEUXIÈME PARTIE Mais quelles sont ces conséquences ou implications en question ? Spirituel ? Une affirmation selon laquelle le viol serait sans aucune conséquence et implication pour les femmes victimes constituerait une ineptie. En effet, la violence, quelle qu’elle soit, laisse toujours des empreintes physiques et psychologiques. Le viol, puisque c’est de lui qu’il est question, est considérablement dommageable pour les femmes et ses implications sont multiples. On trouve des conséquences tant au niveau physique qu’au niveau psychologique. Au niveau physique, Maisha (󰀂󰀀󰀁󰀇), dans des tabous sexuels transgressés : viol en temps de guerre, détaille bien les atrocités que la femme subit pendant un viol. Selon lui, « le viol s’accompagne d’autres formes de violence physique, par exemple les coups et blessures, la torture, la mutilation de l’organe génital et les grossesses non désirées ; l’agresseur se servant soit d’une arme, soit d’une force physique excessive » (p. 󰀆󰀃). En d’autres mots, pendant le viol, la femme subit des blessures corporelles internes et externes. Une femme qui subit un viol est victime d’une infraction dans son corps. Imaginez qu’un individu entre sans autorisation dans votre maison, hésiterez-vous à vous défendre ? De même, une femme qui est sur le point de subir un viol ou en train d’être agressée sexuellement se défendra sûrement par la force ou par un mécanisme de sidération (Renard, 󰀂󰀀󰀁󰀈). C’est une question de survie. La brutalité du geste de l’agresseur et toutes formes de résistances entraînent inévitablement des dommages physiques externes et internes. Le viol a des effets conséquents sur les parties internes du corps de la femme. En ce sens, Maisha (󰀂󰀀󰀁󰀇) soutient que le viol peut être à l’origine de Fistule rectale, vaginale, c’est-à-dire de l’excrétion de matières fécales par le vagin. Ainsi, le viol entraîne une désorganisation de la disposition naturelle des organes internes de la femme, notamment de l’intestin et du vagin. C’est le cas de Joyce, une dame d’environ 󰀇󰀀 ans qui souffre d’une fistule après avoir été violée par des soldats en République du Congo (Ward, Kirk et Campbell Ernst, 󰀂󰀀󰀀󰀅). La violence contre la femme dénature et déforme son corps. À long terme, NahoumGrappe (󰀂󰀀󰀀󰀆) souligne qu’à la suite d’un viol la femme peut montrer des difficultés à avoir des rapports sexuels et des problèmes gynécologiques ; il y a aussi le risque de contracter le VIH et de se suicider. Le traumatisme physique d’une femme violée est sans appel. La virulence du viol d’une

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femme démontre clairement la gravité des séquelles potentielles physiques, mais aussi le traumatisme psychologique avec lesquelles cette dernière doit vivre même si elle survit. Ainsi, le traumatisme somatique engendré par les coups et blessures et le viol laisse entrevoir que sa santé mentale pourrait être fragilisée. D’un point de vue psychologique, l’Institut de santé publique du Canada (© 󰀂󰀀󰀀󰀁-󰀂󰀀󰀁󰀉) explique qu’il faut compter les conséquences possibles du viol parmi les troubles mentaux comme la dépression et le trouble de stress post-traumatique. C’est dire que le viol affecte l’équilibre psychique de la femme. Le choc est tel qu’il est difficile à la femme violée de faire sens. C’est d’ailleurs ce que Maisha (󰀂󰀀󰀁󰀇) souligne quand il écrit que la femme qui a été violée a peur et est terrorisée au point où elle se replie sur elle-même; elle peut également éprouver des sentiments comme la honte et la culpabilité. En d’autres mots, selon Maisha (󰀂󰀀󰀁󰀇), la femme violée se met à l’écart volontairement parce qu’elle est traumatisée par le viol, parce qu’elle vit dans la peur d’être violée encore, et qu’elle se sent coupable et honteuse face au regard des autres. Par conséquent, la femme qui est victime du viol se victimise une seconde fois elle-même à cause de son sentiment d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, ce qui est à l’origine de la dépression ou des troubles post-traumatiques. Troubles mentaux, difficultés d’ordre sexuel et autres conséquences du viol affectent directement la qualité de vie de la femme. Elles peuvent l’empêcher d’être fonctionnelle et d’entrer en relation avec les autres. Maisha (󰀂󰀀󰀁󰀇), en se référant à MSF-Holland, explique que le viol « conduit à un isolement social à la suite de l’humiliation vécue par la victime et ses proches, au bris des liens relationnels familiaux […] à la perte d’emploi ou à des difficultés d’accès au milieu de travail par peur d’être violée à nouveau, à des difficultés financières » (p. 󰀆󰀄-󰀆󰀅). Ainsi, à la suite d’un viol, une femme peut s’ostraciser à cause du sentiment de honte et de culpabilité vécu à la suite du viol. Le monde d’une femme s’effondre après une agression sexuelle (elle perd son équilibre psycho-socio-économique). Le viol a également un coût pour la société. Selon Dekeseredy (󰀂󰀀󰀁󰀁), « il [faut] environ 󰀂󰀉 󰀇󰀉󰀀 󰀂󰀇󰀅 $ pour faire fonctionner des centres d’accueil en cas de viols/agressions sexuelles dans tout le Canada […] le coût pour la prévention et le traitement y compris l’éducation, la sensibilisation communautaire et le counseling est estimé à 󰀂󰀈 󰀇󰀉󰀀 󰀂󰀇󰀄 $ [traduction libre] » (p. 󰀉󰀇). Autrement dit, le coût élevé de la prise en charge des femmes violées et de la sensibilisation montre que le contribuable, la société également payent le prix fort du viol des femmes. Tout cet argent aurait pu servir pour la recherche contre le cancer ou des maladies rares. Comment faire pour enrayer le viol des femmes ?

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Par ailleurs, dans les cas de viols collectifs de femmes en temps de guerre, les conséquences vont au-delà de la victime. Vlachová et al. (󰀂󰀀󰀀󰀅), insistent sur le fait que « le viol de femme dans une communauté peut être considéré comme le viol du corps même de la communauté et, ce faisant, c’est le tissu tout entier de cette communauté qui se désagrège. La réaction des familles et des communautés consiste souvent en la condamnation des victimes » (p. 󰀁󰀁󰀈). Autrement dit, le viol a pour conséquences le rejet de la victime. Ce rejet peut mener au suicide qui est une conséquence possible du viol. Existe-t-il un bout de tunnel ? Rappelons-nous des conséquences et des implications dévastatrices du viol perpétré par des hommes sur des femmes adultes : blessures physiques, fistules, troubles de stress post-traumatiques, difficultés relationnelles, grossesses, coût social, etc. Comment rester insensible face à un tableau aussi macabre de l’après-viol ? Le viol est inacceptable et inhumain. La société contemporaine a le devoir de donner espoir aux femmes, notamment aux victimes. Peut-on ou comment éradiquer définitivement le viol des femmes dans nos sociétés ? Puisque le viol des femmes concerne chacun de nous, conséquemment une problématique sociétale et une question de santé publique (à court et long terme), les hommes et les femmes, les médias et les élus du peuple doivent respectivement s’approprier ce combat (travailler en concert). Notre point de vue est motivé par le simple fait que depuis des décennies, bon nombre d’organisations non gouvernementales et gouvernementales mettent sur pied des programmes et des campagnes de sensibilisation censés prévenir et éradiquer le viol. Où en sommes-nous, puisque le problème est toujours d’actualité ? De nombreuses femmes sont encore violées et ce, de façon récurrente. Nous pensons, par exemple, aux conflits violents contemporains (cas des conflits armés en Afrique) au cours desquels, de manière systématique et constante, les viols des femmes sont devenus armes de guerre (Nahoum-Grappe, 󰀂󰀀󰀁󰀁). On en parle ainsi (armes de guerre) pour créer des climats de terreur afin d’humilier et soumettre des communautés entières. Fort heureusement, nous appréhendons quelques pistes de solutions à envisager pour prévenir le viol ou l’éradiquer. Faut-il restreindre la liberté des femmes pour éliminer le viol ? Dans l’histoire de la jeune fille indienne, mentionnée dans notre introduction,

󰀁󰀃󰀄

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l’un des agresseurs explique que « “[les] viols ont lieu aussi à cause des vêtements des femmes, de leur comportement et de leur présence dans les lieux inappropriées” » (Kanko, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀁󰀈󰀆) pour ainsi dire que l’accoutrement ou la manière de s’habiller devient un facteur important. À cet effet, les femmes doivent donc s’autocensurer (se priver de leur liberté) pour éviter d’être violées. Que ces dernières prennent conscience de cet aspect et évitent, le cas échéant, de se retrouver dans certaines situations ou endroits dans lesquels leur sécurité est menacée à cause de leur habillement ! Suffit-il alors à la femme de se soumettre aux stéréotypes pour éviter le viol ? Il nous semble que non, en aucun cas. De tels propos ne règlent pas le problème du viol des femmes. Rappelons-le, ce ne sont pas seulement des femmes adultes qui sont victimes de viols, les filles mineures et le nourrisson en sont également victimes (Institut National de Santé public Québec, © 󰀂󰀀󰀀󰀁-󰀂󰀀󰀁󰀉). Mis à part les violeurs, ce sont les appréhensions des femmes et les perceptions du viol (mythes, stéréotypes, etc.) véhiculées dans les sociétés et les mythes qui les accompagnent qui sont à combattre. Il « réifient »󰀂 et infantilisent la femme la privant d’exercer un droit fondamental à savoir de s’autodéterminer et d’exprimer librement sa manière d’être femme dans le monde. Plus encore, ils valident et encouragent un système désuet qui faisait de la femme la propriété de l’homme. Si une femme accepte de se soumettre aux mythes (y compris des stéréotypes), elle se fait esclave d’un système de pensée󰀃 et de croyances faites pour la maintenir dans le silence, dans la peur et dans l’ombre de son propriétaire (l’homme). N’est-ce pas le système qui pèche contre la femme en cherchant à la soumettre ? Changez les politiques sociales et durcissez les sanctions pénales contre les délinquants sexuels ! Renard (󰀂󰀀󰀁󰀈) apporte deux remarques importantes à ce sujet. Premièrement, Renard identifie des tendances similaires en occident concernant le viol : « En France, la proportion de plaintes pour viol qui débouchent sur une condamnation est de l’ordre de 󰀁󰀅 % à 󰀂󰀅 % [...] seulement 󰀂 % des violeurs ou agresseurs sexuels sont condamnés » (p. 󰀄󰀁). Deuxièmement, « [Les violences sexuelles] prennent racine dans un système social inégalitaire [...] la distribution inégalitaire des richesses entre femmes et hommes fait que les premières sont souvent dépendantes économiquement des seconds, un contexte favorable à leur subordination sexuelle » (p. 󰀁󰀂󰀇). 󰀂

 Ici, le verbe réifier prend le sens de chosifier.  Quand une femme décide de ne plus porter de mini-jupe pour ne pas attirer un viol, elle s’autocensure et nie ses propres droits. Elle n’est plus maîtresse de sa vie, elle perd de son identité. 󰀃

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En ce sens, la lutte contre le viol doit se faire au niveau judiciaire et au niveau social. D’ailleurs, au Canada, l’Institut National de Santé Publique Québec suggère de « [promouvoir] des normes sociales favorisant la non-tolérance des agressions sexuelles et de rapports inégaux entre les hommes et les femmes » (Institut National de Santé publique Québec, © 󰀂󰀀󰀀󰀁-󰀂󰀀󰀁󰀉). En d’autres mots, réduire les disparités salariales et de postes entre les sexes d’une part, et encourager le respect des femmes par une plus grande fermeté pénale d’autre part, permettraient de résoudre la problématique du viol des femmes. Cette mesure peut contribuer à réduire le viol des femmes. En effet, donner aux femmes la possibilité d’accéder à des postes de responsabilité et aux salaires conséquents, c’est reconnaître ouvertement leur valeur et leur force. Autrement dit, c’est reconnaitre que l’homme n’est pas supérieur à la femme, que la différence de sexe n’est pas synonyme de domination sexuelle, mais un appel au respect de la différence des sexes et au droit à l’autodétermination. Il semble nécessaire de reconnaitre à la femme sa valeur et ses qualités, de lui donner de plus grande opportunité et responsabilité, de la laisser devenir ce qu’elle désire (mère, travailleuse), d’admirer et d’encourager les différentes expressions de sa féminité et de la laisser se réaliser pleinement pour que le monde la voit autrement (comme un sujet et non comme un objet). Selon Bob Pease (cité par Ward, Kirk et Campbell Ernst, 󰀂󰀀󰀀󰀅), la violence des hommes contre les femmes est liée aux inégalités de pouvoir entre les genres, de ce fait, en réduisant l’écart entre les sexes, la violence envers la femme diminuera. Il nous semble que cette affirmation peut porter les fruits tant espérés par ces femmes victimes de viol ou par les victimes potentielles. Nous pensons que tant que la femme ne sera pas prise au sérieux c’est-à-dire tant qu’il existe des inégalités salariales entre les hommes et les femmes, tant que la femme subit une ségrégation dans les secteurs d’activités, les viols persisteront. Certes, la réponse de Pease (cité par Ward, Kirk et Campbell Ernst, 󰀂󰀀󰀀󰀅), aux violences faites contre les femmes nourrit de l’espoir, mais elle fait face à d’autres femmes qui font l’apologie du système patriarcal et de ses inégalités. Par exemple, il existe des femmes dont le fondamentalisme religieux cautionne et défende l’idée selon laquelle la femme est inférieure à l’homme et se doit lui être soumise, encourageant ainsi les pratiques abusives de l’homme envers la femme. Par ailleurs, concernant les sanctions judiciaires, Renard (󰀂󰀀󰀁󰀈) nous explique que des études en psychologie sociale ont établi que « les agresseurs potentiels font des choix rationnels : ils n’agressent que si le rapportbénéfices/risques leur semble favorable […] plus ils croient qu’ils pourraient risquer de subir une sanction (arrestation par la police ou renvoi de l’université, par exemple), moins ils se déclarent prêts à violer. Au-delà

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de l’aspect strictement légal, le risque de conséquences plus informelles (par exemple, la désapprobation de la famille et des amis) semble également les influencer » (p. 󰀇󰀆). Ainsi, si le coût élevé du viol a un effet dissuasif, un rejet du viol par l’entourage immédiat de l’homme diminue les risques de passage à l’acte. Nous pensons qu’une personne qui a toutes ses facultés mentales et qui viole une femme doit être sanctionnée durement. Ainsi, elle touchera le fond et fera l’expérience de la souffrance. Il nous semble qu’elle peut alors prendre conscience de la mesure de son acte et de la valeur de la femme. À notre avis, ni la femme ni l’agresseur ne sont coupables de l’omniprésence du viol des femmes adultes. Qu’il soit question d’éradiquer ou même de réduire le viol des femmes, la tâche s’avère difficile tant les soubassements de ce crime sont enracinés dans un système paternaliste de nos sociétés et nourris par des mythes et des condamnations insignifiantes. Face à un tel système où la justice est lente à agir, légère dans ses sentences, le délinquant sexuel semble être insaisissable et les femmes violées préfèrent continuer à vivre leur souffrance en se niant. N’oublions pas le nombre de récidives sexuelles ; les femmes se vautrent dans leur silence pour éviter les représailles de leur agresseur, le courroux de parents, les regards hostiles et accusateurs de culture sexiste, etc. Une telle société a-telle vraiment les outils pour protéger les femmes ? Quand il s’agit de la protection des victimes de viols ou même de leur reconnaissance en tant que victime, voir au-delà du système pour continuer à vivre, voilà la voie que certaines femmes ont choisi d’emprunter pour survivre à un système qui ne les avantage pas. Ces victimes doivent souvent renoncer à être ellesmêmes (se nier) pour pouvoir exister et vivre. Prenez courage, dénoncez les agresseurs ! Encourager les femmes à dénoncer les viols s’avère être une autre solution prometteuse et nécessaire. Mariani (󰀂󰀀󰀀󰀇) préconise une dénonciation en masse du viol des femmes : « il faut que toutes les institutions participent a la dénonciation des violences partout, sous toutes leurs formes » (p. 󰀁󰀅󰀀). Nous pensons que les viols peuvent diminuer si de nombreuses femmes dénoncent, car cela pourrait démontrer l’ampleur de ce fléau et le sérieux de ce crime. Toutefois, il nous semble que plus les femmes de notoriété sortiront du silence, plus les femmes dans les coins les plus reculés trouveront la force de faire de même. Ainsi, la solidarité entre femmes de toutes conditions peut, selon nous, contribuer à faire évoluer la législation de certains pays, à rendre ce fléau inacceptable dans le monde et à prendre au sérieux la femme qui dit « j’ai été violée ». Nous l’avons vu avec des mouvements comme #metoo qui ont inondé les réseaux sociaux et ont contribué à

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l’arrestation de personnes de haut rang ou célèbres. Une seule dénonciation a soulevé un mouvement d’ensemble et nous pouvons dire que chaque voix de femme est une force. Et, nous croyons que c’est ce mouvement d’ensemble qui changera les mentalités. Le viol, c’est le combat de toutes les femmes. Mais, il paraît crucial de ne pas mettre en question la véracité des propos de la femme qui dit être victime de viol, de ne pas la tenir coupable, mais de l’accueillir avec empathie pour l’aider à récupérer toutes les pièces du pot d’argile brisé. On se rappelle encore les propos du juge Russo qui demande à la victime de viol si cette dernière a fermé les jambes pour essayer de repousser son agresseur (The New York Times, Avril 󰀂󰀀󰀁󰀉). De tel propos n’encouragent pas les femmes à dénoncer leur crime, mais à se culpabiliser et à emporter leur secret dans leur tombe. Enfin, ce sont des familles qui sont appelées à participer à l’éradication du viol. Pour Ebadi, propos rapporté par Ward et al. (󰀂󰀀󰀀󰀅), « “les femmes sont les victimes de cette culture patriarcale, mais elles en sont également les porteuses. Gardons en mémoire le fait que chaque homme qui opprime la femme a été élevé dans les confins de la maison de sa mère” » (p. 󰀂󰀅󰀂). Par conséquent, selon Ebadi, la maison est l’endroit où la conversion de l’homme peut se faire. Nous pouvons aller plus loin que l’auteur pour dire que, quel que soit le foyer (foyers monoparentaux, d’orphelinat et de maison d’accueil), les garçons doivent être éduqués dès le bas âge au respect de la femme et à des valeurs d’égalité. C’est ce conseil qui a été brandi par un homme lors de manifestation de défense de la femme en Inde. Il se lit comme suit : « “Ne dites pas à vos filles de s’habiller autrement. Enseignez à vos fils le respect des femmes” » (Kanko, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀁󰀈󰀈). Nous sommes d’accord avec cette proposition. L’éducation à l’amour, à une sexualité responsable, au respect et à la reconnaissance de la femme est un des fondements du changement de mentalité des hommes. Plus les garçons seront initiés à respecter et à prendre au sérieux une femme, plus ils deviendront des hommes capables de combattre le viol. Mettre les hommes à contribution dans la résolution de la problématique du viol à travers leur éducation dans le cercle familial est essentiel. Toutefois, nous pensons que de nombreuses femmes doivent être formées à élever leurs garçons, car plusieurs d’entre elles ne se prennent pas au sérieux. Par ailleurs, quelquefois ce que la famille arrive à inculquer à ses fils, la société le défait (des magazines et des films pornographiques, qui objectivent la femme…). Par conséquent, un autre combat est à mener au niveau des médias pour que cesse la réification de la femme et que règne son humanisation. Enfin, il nous semble que le manque de solidarité entre les femmes constitue une

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contre-force à la résolution du problème du viol. En effet, certaines femmes commanditent des viols de filles et de femmes et d’autres acceptent le viol comme châtiment pour la désobéissance d’une femme. Comment alors repenser la résolution de ce fléau, si des femmes sont indifférentes à la souffrance infligée à leurs sœurs ? Enfin, nous avons vu que la peine a trouvé une définition universelle du viol. Nous pensons que cette étape est essentielle pour éradiquer le viol. Il faut définir le viol, selon la perception et la souffrance des victimes et non selon les systèmes paternalistes. Il est de notre avis, que personne ne peut mieux définir le viol que les femmes mêmes qui l’ont vécu. Conclusion synthèse Le problème qui nous a occupée dans ce travail à savoir l’agression sexuelle (viol) contemporaine envers les femmes : une question systémique ou inusitée ? était celui de mieux comprendre le viol. À cet effet, nous nous sommes appuyée sur des auteurs comme Kanko, Mariani et Statistique Canada, pour ne citer que ceux-ci, avec l’ambition que ces derniers nous aideraient à jauger des solutions déjà mises en place pour résoudre ce fléau. Ainsi, à la fin de notre étude, nous avons relevé que la notion de viol a considérablement évolué pour intégrer progressivement l’idée de consentement. Toutefois, nous avons remarqué que plusieurs pays n’ont pas pris en compte le consentement dans leur législation. Et pourtant, le viol implique l’idée de force, de relation sexuelle, et de consentement. Ensuite, nous avons trouvé que les auteurs de viols sont généralement des personnes proches de la victime et que toutes les femmes sont potentiellement à risque. Les mythes qui accompagnent les viols nous ont permis de comprendre que les femmes sont violées simplement parce qu’elles sont femmes et non pour leur manière de se vêtir. Puis, nous avons repéré quatre types de viol, à savoir, lorsque les violeurs sont des proches, les viols par abus de pouvoir, les viols, « par surprise » et les viols en réunion. Par ailleurs, nous avons reconnu des causes et des fonctions au viol. Par exemple, le fait que les hommes consomment du matériel pornographique en groupe amène ces derniers à vouloir soumettre la femme ; les sociétés patriarcales et les religions ont semé également des grains du viol en parlant de la supériorité de l’homme sur la femme, etc. Les conséquences et les implications du viol ont également fait l’objet d’exploration. Elles nous ont permis de relever que les femmes sortent du viol avec des

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séquelles physiques (excrétions des selles par le vagin) et psychologiques (dépression) qui ont des répercussions indéniables sur leur fonctionnement, notamment leur capacité à travailler, à avoir des rapports sexuels et même sur l’économie de la société (augmentation des dépenses de l’état pour aider les femmes violées). Enfin, concernant les suggestions et les limites, nous avons pensé que conseiller les femmes à ne pas se promener à certaines heures est un conseil judicieux qui prive toutefois la femme de sa liberté et la fait se soumettre encore une fois à la société patriarcale. Par ailleurs, nous avons reconnu qu’encourager les femmes à dénoncer leur viol est une étape décisive dans la résolution du problème. Mais, il nous a semblé que le témoignage des femmes de notoriété donne plus de poids dans ce combat contre le viol et qu’il doit être encouragé. Enfin, éduquer les hommes à prendre au sérieux la femme, à l’aimer et à la respecter nous a semblé une solution louable. Nous avons pensé que les femmes doivent apprendre à s’aimer et s’estimer pour mieux éduquer leurs garçons et leurs filles. Cependant, avec l’avènement des poupées silicones pour adultes, nous nous demandons si les agressions sexuelles n’en seront pas multipliées. Bibliographie Agence France-Presse (󰀂󰀃 janvier 󰀂󰀀󰀁󰀉). Un infirmier arrêté après l’accouchement d’une femme en état végétatif. Lapresse. https://www.lapresse.ca/international/ etats-unis/󰀂󰀀󰀁󰀉󰀀󰀁/󰀂󰀃/󰀀󰀁-󰀅󰀂󰀁󰀂󰀀󰀈󰀉-un-infirmier-arrete-apres-laccouchementdune-femme-en-etat-vegetatif.php Amnesty International (s.d.) Qu’est-ce que le viol ? https://www.amnesty.fr/focus/ le-viol Amnesty International. (󰀂󰀀󰀁󰀈). Seulement 󰀉 pays européens reconnaissent qu’un rapport sexuel sans consentement est un viol. Amnesty International. https:// www.amnesty.fr/discriminations/actualites/seulement-󰀉-pays-europeensreconnaissent-quun-rapport Bardet-Giraudon, C., Benoit, G. & Locquet, D. (󰀁󰀉󰀈󰀃). Viol et Crédibilité, Paris, Masson. Billon, B. (󰀁󰀉󰀈󰀄). Viol et violeurs, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique. Cassagnes-Brouquet, S. (󰀂󰀀󰀁󰀂). La vie des femmes au Moyen Âge, Rennes, Éditions Ouest-France. Code pénal (󰀂󰀀󰀁󰀁). Agressions sexuelles (art. 󰀂󰀂󰀂-󰀂󰀂 à 󰀂󰀂󰀂-󰀃󰀃-󰀁), Livre III - Titre II Atteintes à la personne humaine. Section 󰀃 : Des agressions sexuelles. https:// www.gisti.org/spip.php?article󰀂󰀃󰀉󰀈 Cohen, M., Seghorn, T. & Calmas, W. (󰀁󰀉󰀆󰀉). Sociometric study of sex offenders. Journal of Abnormal Psychology, 󰀇󰀄, 󰀂󰀄󰀉–󰀂󰀅󰀅. doi: 󰀁󰀀.󰀁󰀀󰀀󰀇/s󰀁󰀀󰀅󰀀󰀈-󰀀󰀀󰀅󰀁󰀈󰀀󰀁-󰀂

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LE VIOL PHYSIQUE UNE QUESTION SYSTÉMIQUE OU INUSITÉE ?

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Le féminicide un drame humain sexiste Dodine Fataki Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Afin de lutter contre les inégalités de genre, les croyances et les attitudes négatives envers les femmes et les filles, ce chapitre propose une réflexion théorique sur le féminicide, une sorte de crime réservé aux femmes. Il définit ce genre de violence, le décrit dans sa forme la plus meurtrière parmi les autres types de violences. Il explique la participation de certains contextes et systèmes sociopolitiques dans la pratique de cette violence. L’auteure se base sur des faits mentionnés par la littérature pour expliquer la difficulté de recenser le nombre de femmes tuées par cette violence. Elle propose quelques solutions préventives au féminicide. Elle reconnaît les limites aux solutions mentionnées comme les défis rencontrés durant le processus de justice. ABSTRACT: In order to fight against gender inequalities, negative beliefs and attitudes towards women and girls, this chapter proposes a theoretical reflection on feminicide, a kind of crime reserved for women. It defines this type of violence, describes it in its most lethal form among the other types of violence. It explains the participation of certain contexts and socio-political systems in the practice of this violence. The author uses facts cited in the literature to explain the difficulty of identifying the number of women killed by this violence. She proposes some preventive solutions to feminicide. She recognizes the limits of the solutions mentioned as the challenges encountered during the justice process.

Introduction Dans le but d’attirer l’attention de son auditoire sur la violence et la discrimination à l’égard des femmes, la sociologue sud-africaine Diana Élisabeth Hamilton Russell emploie publiquement et pour la première fois, en 󰀁󰀉󰀇󰀆, le terme féminicide au Tribunal des crimes contre les femmes (Radford et Russell, 󰀁󰀉󰀉󰀂). La sociologue sud-africaine avait défini le terme comme étant le meurtre des femmes commis par des hommes parce qu’elles sont des femmes (Radford et Russell, 󰀁󰀉󰀉󰀂). De manière encore plus précise, il s’agit d’une violence sexiste contre les femmes, parce qu’elles sont des femmes, mais aussi parce que les lois qui gèrent leurs pays sont établies

󰀁󰀄󰀄

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selon un modèle juridique et social patriarcal. Le système patriarcal se définit comme un système social dans lequel l’homme est dépositaire de l’autorité au sein de la famille ou, plus largement, au sein du clan (Delphy, 󰀁󰀉󰀉󰀈). En conséquence, les lois établies et les traditions sociales favorisent l’homme et ses droits au détriment de la femme et de ses droits et font de la société une société patriarcale. L’Organisation mondiale de la santé (󰀂󰀀󰀁󰀂), distingue quatre formes de féminicide : intime, crime d’honneur, crime lié à la dot et non-intime. Parmi ces types de féminicide, le féminicide intime est la forme la plus dangereuse, car la victime vit avec son présumé assassin. Victime et personne qui agresse se fréquentent souvent. Ce type de féminicide représente 󰀃󰀈% de crimes contre les femmes dans le monde (OMS, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Si les trois premières formes sont commises par un proche ou un parent de la victime, la forme non-intime, quant à elle, est commise par un inconnu, une personne qui n’a pas de liens avec la victime. Cette personne est aux prises avec des préjugés sexistes, des pensées et des sentiments misogynes qui dictent sa haine et ses comportements. La charte des Nations Unies, sur le droit universel de la personne, stipule dans les articles 󰀂 et 󰀅 que chaque personne peut se prévaloir de tous les droits sans distinction de race ou de sexe et que nulle personne n’est censée être soumise à des tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants (N.U., 󰀁󰀉󰀄󰀅). Selon cette même charte, l’homme et la femme doivent jouir équitablement des droits à la sécurité indépendamment de leur sexe et/ ou de leur genre. Dans cet état de figure, aucun préjugé sexiste ou système étatique ne peut se prévaloir du droit à la discrimination sous un couvert protecteur justifiant l’acte cruel envers les femmes, comme tout simplement le fait qu’elles soient femmes. Plusieurs faits sur le terrain ne se trouvent pas compatibles avec cette charte ; c’est ainsi que les organisations de défense des droits de la personne essayent d’évoquer le droit de la femme comme un principe juridique fondamental destiné à influencer la restauration de sa condition dans toute sa globalité. Le féminicide est une situation complexe, car il ne se limite pas seulement à la femme, considérée comme victime directe, mais il engendre également plusieurs autres victimes indirectes dans l’entourage incluant les enfants, les parents et les amis. Le féminicide se présente comme la violence la plus cruelle car il vole à la femme son pouvoir, sa liberté, son honneur et encore plus son droit à la vie. Ce mal fait penser : est-ce un péché ou une anomalie de naître femme ?

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󰀁󰀄󰀅

Le féminicide en chiffres et son intersectionnalité Il est difficile d’établir le chiffre exact de cette violence (féminicide). Les données recueillies par diverses sources ne représentent que le tiers des violences commises, car plusieurs ne sont pas déclarées ou même demeurent inconnues. À titre d’exemple : le féminicide commis à la suite d’une violence conjugale peut être déclaré comme un suicide. Les femmes assassinées lors des massacres armés collectifs sont considérées comme des femmes disparues. Au Canada, plusieurs femmes autochtones ont disparu, particulièrement dans l’ouest du pays. Les cadavres de certaines d’entre elles ont été retrouvés, certaines portant des traces de viol (Radio Canada, 󰀀󰀆/󰀂󰀀󰀁󰀉). Les femmes victimes de mariage forcé, dont les causes de leur mort ne sont pas élucidées, restent souvent dans l’ombre. Radio-Canada publie le 󰀃󰀀 janvier 󰀂󰀀󰀁󰀉 : « Pas moins de 󰀁󰀄󰀈 femmes et filles ont été tuées en 󰀂󰀀󰀁󰀈 au Canada, soit l’équivalent d’une victime tous les deux jours et demi, révèle une étude de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation ». Ces chiffres montrent l’ampleur de la situation et sa gravité. Le groupe Facebook “Féminicide par compagnon ou Ex”, une plateforme qui s’intéresse au crime lié à la violence contre la femme, mentionne une augmentation du taux de féminicide qui passe d’une femme tuée tous les trois jours, à une femme tuée tous les deux jours. Bien qu’une telle référence ne puisse être considérée comme une source fiable, elle reflète une réalité qui touche à la femme et à sa vie. Au premier janvier 󰀂󰀀󰀁󰀉, à la suite de l’assassinat de Julie Douib par son ex-conjoint, la France aurait atteint le nombre de trente victimes liées au féminicide sur son territoire. En mars 󰀂󰀀󰀁󰀉 le nombre des victimes avaient atteint seize (Le Point, 󰀀󰀃/󰀂󰀀󰀁󰀉) En 󰀂󰀀󰀁󰀄, Walter dresse un portrait de deux jeunes filles autochtones, Shannon et Maily, disparues depuis 󰀂󰀀󰀀󰀈. Son rapport a permis d’avoir une vision d’ensemble plus précise au sujet des problématiques internes et externes qui ont un lien avec l’héritage violent de la colonisation des communautés autochtones canadiennes. Walter (󰀂󰀀󰀁󰀄) expose les multiples problématiques découlant de la colonisation, telles que la violence structurelle, institutionnelle, familiale et personnelle. Walter (󰀂󰀀󰀁󰀄) soulève également la banalisation de ces violences et les conséquences qui en découlent sur le quotidien des femmes. Toujours selon les sources Walter (󰀂󰀀󰀁󰀄), entre 󰀁󰀉󰀈󰀀 et 󰀂󰀀󰀁󰀂, mille cent quatre-vingts et une femmes autochtones ont disparu. Seulement les corps de 󰀉󰀀% d’entre elles ont été

󰀁󰀄󰀆

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retrouvés. Proportionnellement, rapporté à la communauté autochtone, cela représente 󰀄% de la population canadienne. Il est question d’un équivalent de 󰀈󰀀󰀀󰀀 Québécoises et de 󰀃󰀄󰀀󰀀󰀀 Canadiennes (Walter, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Le rapport d’Amnesty International (󰀂󰀀󰀀󰀄), sur la violence contre les femmes, estime que les jeunes femmes autochtones avaient cinq fois plus de risques que les autres femmes de mourir des suites de violences. Les femmes autochtones représentent 󰀃% de la population canadienne et 󰀁󰀀% des victimes de meurtres à l’échelle nationale. Seule la moitié de ces crimes sont résolus par rapport à 󰀈󰀄% de taux de résolution des crimes au Canada. En 󰀂󰀀󰀁󰀀, le Mexique a enregistré 󰀃󰀂󰀀󰀀 cas d’homicide précisément dans la ville de Ciudad Juárez. Labrecque (cité par Gillioz, 󰀂󰀀󰀁󰀄) qui a fait une recherche sur le féminicide dans ce coin du monde, reconnaît que les chiffres sur les féminicides ne sont pas toujours fiables, pour plusieurs raisons : les statistiques officielles ne concordant pas avec celles des collectifs engagés contre la violence. Néanmoins, selon des sources fiables, de 󰀁󰀉󰀉󰀃 à 󰀂󰀀󰀁󰀁, environ 󰀁󰀃󰀀󰀀 femmes ont été tuées à Ciudad Juárez. Mais ce qui frappe surtout dans les chiffres avancés, c’est la très forte augmentation des crimes à partir de l’année 󰀂󰀀󰀀󰀈 : entre 󰀂󰀀󰀀󰀇 et 󰀂󰀀󰀁󰀁, le nombre de féminicides et d’assassinats de femmes a été multiplié par 󰀁󰀀. Cette aggravation de la criminalité est à mettre en lien avec les rivalités entre cartels de la drogue qui se sont intensifiées au cours des dernières années, ainsi qu’avec la politique répressive du gouvernement à leur endroit (p. 󰀁󰀄󰀀)

Cette situation rend difficile la tâche des groupes de défense de droits des victimes, car ils ne peuvent pas vérifier l’exactitude des crimes résolus rendus par les autorités mexicaines tant que les données restent contradictoires. Selon l’Observatoire citoyen national du féminicide, 󰀇󰀅 % des cas de féminicide à Ciudad Juárez restent encore impunis (Gillioz, 󰀂󰀀󰀁󰀄). La recherche de l’Institut Small Arms Survey (󰀂󰀀󰀁󰀂) montre qu’il y a environ 󰀆󰀆󰀀󰀀󰀀 femmes et filles assassinées chaque année dans le monde, ce qui représente environ 󰀁󰀇 % du total des homicides. Elle estime qu’il peut en avoir probablement beaucoup plus, mais les données ne sont pas accessibles dans grand nombre de pays, particulièrement les pays africains, moyen-orientaux et dans certains pays asiatiques. En revanche, l’institut relève que « les variations régionales au sein d’un même pays peuvent être trompeuses puisqu’en 󰀂󰀀󰀀󰀉 le taux de féminicide à Ciudad Juárez était de 󰀁󰀉 pour 󰀁󰀀󰀀 󰀀󰀀󰀀 femmes » (Small Arms Survey, 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀁-󰀃 cité par Labrecque, 󰀂󰀀󰀁󰀃). C’est ainsi que les recherches de Walter, de Labrecque et de l’Institut Small Arms Survey ont pu relever les mêmes défis : l’accès difficile aux données exactes, l’impunité ou l’allègement de peine.

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󰀁󰀄󰀇

Ainsi pour une meilleure compréhension des éléments qui nourrissent et participent à la naissance et au maintien de la violence faite aux femmes, la notion de l’intersectionnalité ne peut être écartée. Crenshaw a décrit les différentes manières dont la race et le genre interagissent dans la construction des aspects structurels, politiques et représentationnels de la violence envers les femmes (Crenshaw, 󰀁󰀉󰀉󰀁, notre traduction). Exposées à la violence sexuelle au sein de leur communauté, la loi du silence leur impose de fermer l’œil et de garder la bouche cousue, sous peine de représailles. Au Canada, ces femmes se sentent ignorées par la justice à cause du préjugé racial et culturel qui pèse sur elles. Elles sont sujettes à diverses formes de violence telles que : des services inadaptés, des discours de critique, des attitudes de méfiance, en plus de l’accès réduit à la justice. On se souviendra des femmes autochtones qui ont fait des allégations de viol par des policiers au Québec. Leurs causes n’ont pas abouti auprès de la cour de Montréal, parce que leur témoignage n’était pas concluant. Ces femmes sont exposées à la marginalisation au sein de leur famille, en raison de leur sexe et de leur race, car les codes de conduites familiales placent l’autorité de l’homme au dessus de celle de la femme, la pénalisant ainsi sur une base sexiste. L’homme utilise son pouvoir de chef de famille pour abuser de la femme au vu du système patriarcat préétabli. Ainsi, les normes sociales se fondent sur des croyances et des attentes visant la femme et ses comportements. La domination et le contrôle du corps de la femme et le harcèlement sexuel ne sont plus mis en doute et passent pour des attitudes normales, voire légitimes pour corriger la femme et la contrôler. Les normes sociales néfastes, qui contribuent aux inégalités entre les femmes et les hommes, font partie des facteurs les plus importants et les plus systémiques, ce qui amène à croire que le féminicide est un problème structurel touchant différentes régions du monde. Le féminicide et ses répercussions Bien que le féminicide menace particulièrement la vie de la victime, cependant il ne faut pas perdre de vue que ses répercussions touchent aussi à l’entourage de la victime comme sa famille proche et ses connaissances. Et si nous avons choisi dans ce chapitre de parler particulièrement de la victime, nous n’oublions pas de mentionner les répercussions sur la personne qui commet ce meurtre, sa famille et son entourage. Les séquelles qui ne concernent pas la victime d’une manière isolée, donnent la conviction qu’il ne s’agit pas d’une affaire privée et que ce crime peut bouleverser

󰀁󰀄󰀈

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plusieurs personnes, voire familles. Ainsi ce problème devient une anomalie sociale et collective qui mérite la mobilisation de tous et toutes. Réclamer justice, protection et prévention pour ces femmes au nom de chacun et chacune serait-il un point de départ afin de limiter le cycle de l’agression, voire, le meurtre de ces femmes ? Faut-il se contenter de dénoncer de telles cruautés ? La perpétuation de tels actes démontre non seulement une culture de meurtre mais aussi une complicité des autorités judiciaires incarnée dans le silence et l’indifférence. Vu que cette violence vise spécifiquement les femmes, le ratio filles et garçons restera grandement en déséquilibre dans le monde si l’action n’est pas prise à temps pour stopper le féminicide. Un autre aspect peut s’ajouter aux conséquences, c’est la peur et l’insécurité qui peuvent prendre place et causer des ségrégations entre les sexes. Ayant connu des proches victimes de ce type de violence, certaines femmes peuvent bâtir des préjugés contre l’autre sexe, ce qui peut toucher directement ou indirectement la relation entre les sexes, l’institution du mariage et la perception du mariage comme tel et du célibat. Les préjugés sexistes et les lois préconçues contre la femme sont une raison de plus qui empêche la femme de réclamer l’équité et la justice. La femme demeure ainsi figée dans ses conditions sociales, économiques et émotionnelles limitées à cause de sa soumission à l’autre sexe. N’oublions pas de mentionner l’augmentation du trafic des jeunes filles à la prostitution, leur soumission en cas de mariage précoce ou forcé, la grossesse précoce ou non voulue, le risque de mortalité maternelle accrue et leur retrait précoce du système scolaire. Ainsi la roue du féminicide continue à tourner nourrie par tous ces éléments. Préventions et limites L’image semble très sombre et risque de l’être dans le futur, si le système de justice reste influencé par un système patriarcal qui conçoit la femme comme un être à contrôler. Dans cet état de figure, il sera difficile d’obtenir gain de cause. Ce dernier se comprend comme la promulgation de lois en faveur de la femme, mais aussi leur application afin que les peines qui se rapportent au féminicide deviennent concrètes et rendent justice à toute victime. De plus, ces lois peuvent constituer une prévention de ce genre de crime, car le féminicide ne peut être éliminé que si les instances judiciaires s’en mêlent et adoptent une perception féministe de l’oppression

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󰀁󰀄󰀉

qui va au-delà de l’approche criminelle. La peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes liées à la perpétration du crime (Beaupré, 󰀂󰀀󰀁󰀅). Il est important que les femmes se mobilisent, elles aussi, pour faire entendre leur voix contre les préjugés, les stéréotypes et la discrimination. Des campagnes de sensibilisation à cet égard serviront à donner des formations qui informent et expliquent aux femmes le terme féminicide, les exhorte à dénoncer toute suspicion de violence et en cas de fait, elles seront capables de prévenir le féminicide. Récolter soigneusement les données devient ainsi possible, car le féminicide se déguisera moins en une autre forme de drame. Cette formation doit être accompagnée de l’engagement des autorités compétentes de chaque pays du monde à publier les statistiques exactes de féminicide sans vouloir camoufler aucun de ces cas. Comme déjà mentionné, recueillir des données exactes sur le féminicide représente un énorme défi, notamment dans les pays où le système de collecte des données médicales et policières ne recense pas les cas d’homicide ou les classe sous une autre catégorie. Il serait moins possible de contourner un drame pareil si les autorités d’un pays pensaient plus à la femme et à ses droits. Comme mentionné dans la recherche de Labrecque (󰀂󰀀󰀁󰀃) sur le féminicide, les assassins jouissent de l’impunité, car ils sont protégés par le pouvoir patriarcal mexicain. Comment déposer plainte si le bourreau est l’ami du juge ? D’autres suggestions peuvent aussi être envisagées, cependant il n’est pas facile que la justice soit rendue de façon équitable à l’égard de la femme tant que le système patriarcal qui domine plusieurs lois dans le monde continue à être privilégié. À titre d’exemple, la discrimination à l’accès à la justice au Canada le code pénal sanctionne de réclusion criminelle le meurtre commis en raison d’orientation sexuelle ou de race (Monfort, 󰀂󰀀󰀀󰀆). En revanche, il ne prend pas en compte l’impunité de délit, ce qui rend la peine d’emprisonnement plus courte. Imaginons une famille qui a perdu l’un des leurs à la suite du féminicide, l’accusé est mis en prison , et une année plus tard il retrouve sa liberté. Des décisions pareilles font perdre à la justice la confiance ainsi que sa fiabilité. Et enfin, éduquer la femme et l’initier à ses droits et à ses devoirs sont parmi les solutions les plus souhaitées. La femme devrait savoir se défendre et défendre ses droits. Les femmes éduquées accéderont ainsi aux postes de prise de décision tels que devenir ministres, chefs de police, juges, chercheuses, médecins légistes et avocates. L’accès à de postes pareils donne la possibilité à la femme d’œuvrer pour une meilleure justice sociale basée sur l’équité et l’égalité des sexes.

󰀁󰀅󰀀

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Vu que la femme constitue la moitié de la société, faut-il épargner l’autre à sa responsabilité ? Sensibiliser les hommes autour de l’égalité de sexe, les droits de la personne : homme et femme, ainsi qu’aux impacts négatifs du féminicide sur l’entourage et les descendants de la femme, s’avère une demande cruciale et constructive. Conclusion En conclusion, il convient de se rappeler que dans plusieurs pays, des femmes sont agressées et torturées, d’autres subissent la mort parce qu’elles sont des femmes. Des réalités et des faits nous ont poussé à nous demander si être une femme ou se faire connaître comme une femme devient-il un péché ? Quelle que soit la façon de nommer le féminicide ou le contexte dans lequel il est commis, il demeure un crime à nommer et devant lequel il faut prendre action, afin de protéger la femme, l’initier et la préparer à prendre en mains sa vie. Ce chapitre a abondé dans ce sens dans le but d’éduquer et de responsabiliser chacun et chacune devant un drame qui n’est pas de l’ordre du privé, mais du public car même s’il touche la moitié de la société, il s’adresse à son ensemble.

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La place des femmes dans l’univers sportif Anik Larivière Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Ce travail de recherche démontre ce qu’est la violence structurelle et comment les femmes athlètes en sont victimes notamment à cause de la masculinité toxique créant des injustices nuisant à l’épanouissement de celles-ci. Que ce soit au niveau de l’iniquité salariale, de l’objectivation du corps des femmes athlètes, du harcèlement et du manque de promotion du sport chez les filles, cette violence fait en sorte que moins de femmes pratiquent le sport et celles qui le font sont victimes de conditions beaucoup plus difficiles que leurs collègues masculins. On entre dans l’aire d’un léger revirement où la place des femmes dans le domaine devient plus importante mais il est encore difficile de faire avancer le changement. Le rapport de recherche du Patrimoine canadien (Patrimoine canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇) propose plusieurs stratégies afin de promouvoir le sport chez les filles et les femmes, pendant ce temps, les équipes sportives féminines continuent de dénoncer les iniquités. Cette recherche démontre qu’il importe de prendre cette question au sérieux si on tient à ce que les filles et les femmes soient en santé. ABSTRACT: The following article aims to show how women in sports are victims of structural violence namely because of toxic masculinity. This toxic masculinity creates multiple situations of injustice infringing on the development of women in sports. Whether it is through salary iniquities or the objectifying of women athletes, harassment or the manner in which we promote women and sports, this violence creates a hostile environment for the development and treatment of women. Girls and women are therefore less inclined to practice sports than their male counterparts. Although some changes have been made, much work is still necessary in order to attain any kind of equality. Heritage Canada has published a report (Heritage Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇) proposing many strategies in order to promote women in sport, but many women’s sport teams continue to voice important concerns about unfair treatment. This paper aims to show how structural violence against women in sports is present and can be linked to larger health issues for women and girls.

Introduction Le 󰀂󰀄 février 󰀂󰀀󰀁󰀉, la compagnie Nike produisait une publicité diffusée pour la toute première fois le soir de la remise des Oscars intitulée Dream Crazier avec une narration de la championne de tennis Serena Williams (Williams, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Cette publicité dénonce les clichés que l’on attribue aux

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femmes lorsqu’elles ont certains comportements. Elle affirme que « si je me fâche, je suis hystérique; si je suis émotionnelle, je suis dramatique; si je veux jouer contre les garçons, je suis folle » (traduction libre de Williams, 󰀂󰀀󰀁󰀉). En moins de 󰀂󰀄 heures, on compte plus de 󰀄,󰀅 millions de visionnements de cette publicité. Nike sort par la suite une deuxième publicité intitulée Dream with us (Nike, 󰀂󰀀󰀁󰀉) proposant cette fois aux jeunes filles de repousser les limites qui existent dans le monde du sport ; de faire bouger et de changer les choses. Cette publicité gagne tout autant en popularité. Si ces publicités interpellent autant de gens, c’est certainement parce qu’elles réussissent à nommer clairement ces iniquités systémiques entre hommes et femmes dans ce domaine qui sont, jusque-là, non seulement tolérées, mais soutenues par une multitude d’arguments et de comportements les favorisant. Si la structure même du sport favorise un contexte d’iniquité, favoriserait-elle aussi un contexte de violence ? Depuis mon plus jeune âge, ayant un sens aigu de la justice, je me demande ce qui fait que les hommes et les femmes dans le domaine du sport ne semblent pas jouer sur des terrains égaux. Cette thématique sera donc le sujet choisi afin de démontrer ce qu’est la violence structurelle et son impact dans le domaine du sport chez les femmes ainsi que dans la promotion de la masculinité toxique. Certaines implications féminines ainsi que certaines recommandations et stratégies seront énumérées. Enfin, le travail présentera les limites de celles-ci. Qu’est-ce que la violence structurelle et sa place dans le domaine sportif La violence structurelle est un concept théorique développé par Johan Galtung en 󰀁󰀉󰀆󰀉. Celui-ci la définit comme étant la « capacité des États et des sociétés à produire de l’oppression » ou encore comme « toute forme de contrainte pesant sur le potentiel d’un individu du fait des structures politiques et économiques » (Gatelier, 󰀂󰀀󰀁󰀂). Cette forme de violence sévit lorsque la structure organisationnelle et économique crée une position inégalitaire pour certains groupes démographiques par rapport à d’autres membres de cette même société. Gatelier (󰀂󰀀󰀁󰀂), dans son document intitulé Violence structurelle, décrit celle-ci comme étant produite par les institutions politiques où les pratiques sociales permettent ces inégalités d’exister. Ce sont ces mêmes structures politiques et sociales qui empêchent certains individus ou groupes d’individus de pouvoir répondre à des besoins de base tels que l’accès à l’éducation, aux soins santé, d’évoluer socialement et économiquement. La violence structurelle peut prendre la forme,

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notamment, du sexisme, du racisme, de la xénophobie et de l’homophobie. Des individus marginalisés ou groupes défavorisés ne bénéficient donc pas des mêmes opportunités en ce qui a trait au pouvoir politique, juridique, économique et social. Gatelier (󰀂󰀀󰀁󰀂) s’appuie sur les définitions de la violence telles que décrites par Galtung : « Si Galtung voit la violence directe comme un fait et la violence culturelle comme un invariant, une permanence, la violence structurelle est un processus. Agissant à travers la complexité de ses structures, c’est un processus lent qui produit de l’inégalité, de la souffrance… ». Dans ce contexte, il n’est donc pas surprenant que la violence structurelle dans le monde du sport ne soit pas facile à cerner et il devient alors difficile d’agir afin de l’enrayer. Gatelier (󰀂󰀀󰀁󰀂) poursuit en affirmant que cette forme de violence est pérenne puisqu’elle est ancrée dans les structures de la société. « La violence structurelle consiste en l’organisation d’institutions ou de normes destinées à rationaliser l’usage de la violence et, par conséquent, à en renforcer l’impact social » (Massias, 󰀂󰀀󰀁󰀁). Les organisations sportives fonctionnent normalement de manière structurée et suivent le modèle hiérarchique de la plupart de nos organisations nord-américaines avec une structure de pouvoir bien établie et claire. Ces mêmes structures encouragent de façon parfois insidieuse une culture de violence défavorable aux femmes en brimant leur participation au pouvoir, en créant des environnements où le harcèlement est toléré et en encourageant une culture du silence en ce qui a trait aux autres formes de violence physique, psychologique et sexuelle. Encore aujourd’hui, on retrouve très peu de femmes dans les fonctions de pouvoir au sein des organisations sportives (Patrimoine Canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Cette sous-représentation explique peut-être la lenteur du progrès dans ce domaine. L’historique de la place des femmes dans le domaine sportif Les femmes n’ont pas toujours eu le droit de pratiquer le sport. Sophie Duquette, dans son mémoire de l’Université du Québec à Trois-Rivières, présente l’implication des femmes dans le domaine sportif parallèlement aux réalités socioculturelles (religieuses, sociales, politiques et éducatives) et l’évolution de celles-ci (Duquette, 󰀁󰀉󰀉󰀉). Les toutes premières apparitions des femmes dans le domaine du sport au début du XIXe siècle étaient en tant que spectatrices. Les applaudissements de celles-ci servaient de récompense pour les athlètes masculins. Il faudra attendre jusqu’en 󰀁󰀈󰀈󰀉 pour qu’une équipe féminine de baseball s’inscrive à une joute à New York (Duquette, 󰀁󰀉󰀉󰀉). C’est donc le début de l’implication des femmes

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en tant qu’athlète dans la sphère sportive. Au Québec, en 󰀁󰀈󰀈󰀀, l’influence de la France s’installe et la bicyclette fait son apparition. Au début, on voulait que ce soit seulement les hommes qui y aient accès. Alors on crie à la disgrâce lorsqu’on voit une femme y monter. La revue Sport et masculinités, publiée par Jim McKay et Suzanne Laberge (McKay et Laberge, 󰀂󰀀󰀀󰀆), démontre à quel point le sport et la masculinité ont un lien très serré. On mentionne que le sport était utilisé comme moyen, au milieu du XIXe siècle, de discipliner les jeunes turbulents. Ils pratiquaient alors un sport très violent et brutal. À l’époque, c’est surtout les sports que l’on retrouvait aux Jeux olympiques antiques qui étaient pratiqués, dont la lutte. Ces jeunes auraient apporté cette idée au niveau universitaire et ils avaient comme croyance que le sport forgeait l’identité masculine. Les hommes qui pratiquaient ces sports étaient anglo-saxons (hommes à la peau blanche), hétérosexuels et bourgeois, laissant donc très peu de place à la diversité. Il faudra attendre jusqu’au XXe siècle afin de commencer à retrouver une certaine démocratisation dans le domaine et c’est là que les femmes ont pu commencer à prendre encore plus de place. Cependant, l’opinion publique reste que « la place de la femme n’est pas dans une arène mais bien à la maison où son devoir domestique, éducatif et conjugal, devrait l’accaparer » (Duquette, 󰀁󰀉󰀉󰀉). La masculinité toxique dans le domaine du sport et les violences que cela entraîne Dans l’article Le féminisme au Masculin (Prosper, 󰀂󰀀󰀁󰀇), Will Prosper, l’auteur militant pour les droits civiques, affirme que l’univers du sport crée des milieux masculins auxquels les femmes ont peu ou pas accès et où persiste souvent une culture très machiste (...) et se construit en rabaissant les femmes et les homosexuels (auxquels on attribue des caractéristiques féminines) (...) On nous dit trop souvent que pour être un homme, il faut dominer : les autres, ses émotions, etc. On nous dit aussi qu’il faut posséder des choses, incluant les femmes, transformées en objets de gratification sexuelle censés récompenser une attitude dominante. Ces images de la virilité sont véhiculées chaque jour dans la publicité, la culture de masse. Il faut les combattre. Dénoncer la fausse masculinité et comprendre le féminisme sont deux choses intimement liées (Prosper, 󰀂󰀀󰀁󰀇).

Alors que ces univers sont créés pour encourager la performance masculine, ceux-ci découragent la performance chez les femmes ce qui réduit la place du féminisme.

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« Les exemples de violences diverses envers les femmes abondent dans l’actualité par les temps qui courent. L’élection de Donald Trump à elle seule illustre à quel point la misogynie est présente et à quel point la banalisation des agressions sexuelles et du viol est chose courante » (Prosper, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Si on se sert des accusations de 󰀂󰀀󰀁󰀈 portées contre l’entraîneur Larry Nassar (Freeman, 󰀂󰀀󰀁󰀈), qui aurait commis des agressions sexuelles sur 󰀃󰀀󰀀 athlètes au cours de sa carrière en tant qu’entraîneur et médecin pour l’équipe nationale américaine de gymnastique, afin de se poser les questions : Comment est-ce qu’une personne réussit à avoir des comportements abusifs pendant une aussi longue période et avec autant de victimes sans qu’il y ait eu d’accusations qui soient portées avant tout récemment ? Sommes-nous en train de dire que pour que les femmes réussissent, elles doivent se taire et accepter leur sort, comme c’est aussi le cas dans plusieurs autres sphères comme le domaine de la scène, de la politique et de l’entreprenariat ? Elles devraient accepter de subir des injustices et des abus afin de pouvoir percer dans leur domaine et de réaliser leurs rêves. Pourrions-nous alors supposer que ces abuseurs seraient donc très conscients de l’importance qu’occupe le rêve au sein de l’athlète et se serviraient de cette vulnérabilité afin de pouvoir commettre des actes violents reprochables qui ont trop longtemps été passés sous silence ? Prosper (󰀂󰀀󰀁󰀇) dénonce la place qu’occupe la masculinité toxique, cette fausse masculinité encouragée chez les sportifs et comment celle-ci crée des climats abusifs ainsi que dangereux. Le concept de masculinité devient toxique lorsque la testostérone devient le symbole de ce qu’est le pouvoir, la force et même la barbarie. C’est donc l’image d’un construit social de ce qu’est l’homme puissant (Myrttinen, 󰀂󰀀󰀀󰀃) et l’idée que c’est même par la violence qu’on peut faire preuve de masculinité. Cette masculinité peut entraîner toutes sortes de comportements et combien de fois on entend des expressions telles que : « Tu cours comme une fille, tu lances comme une fille, tu n’as pas de couilles ». Ne serait-on pas en droit de formuler l’hypothèse suivante : Si la femme est considérée comme étant plus faible alors il n’est pas surprenant qu’on lui accorde moins d’importance et qu’on doute d’elle lorsqu’elle dénonce des injustices. Dans le rapport Les femmes et les filles dans le sport du Comité permanent du patrimoine canadien (󰀂󰀀󰀁󰀇), plusieurs témoignages permettent de mieux comprendre les enjeux, particulièrement dans le contexte du Canada. Parmi ces témoignages, notons celui de Dr. Penny Werthner, professeure à la faculté de kinésiologie de l’université de Calgary. Ancienne athlète olympique, Werthner note le manque de femmes entraîneurs ainsi que de personnel professionnel féminin dans le domaine sportif (Patrimoine

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canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Le sport de compétition demeure un domaine dominé par les hommes. Werthner considère que le milieu du sport de compétition de haut niveau est un environnement abusif parce que les compétences masculines et le physique masculin sont toujours considérés comme la norme dans le sport féminin ou le sport en général. [...] Nous approchons de 󰀅󰀀% pour ce qui est du taux de participation, mais pas sur les autres plans. Je dirais que nos athlètes féminines ne se sentent pas toujours à l’aise dans le milieu sportif qui peut même, parfois, les ridiculiser subtilement (Werthner, 󰀂󰀀󰀁󰀇).

Les défis des femmes athlètes Dans un domaine fondé largement sur des racines où la masculinité est signe de succès, où la masculinité toxique est encouragée, ce n’est pas partie gagnante et la lutte ne se fait pas sans violence pour les femmes. La première femme ayant osé courir un marathon en témoigne. La course a été interdite pendant longtemps aux femmes puisqu’on croyait qu’elles n’avaient pas l’endurance pour courir et que cela pouvait avoir un impact direct sur leur fertilité. Cependant, lors du marathon de Boston en 󰀁󰀉󰀆󰀇, Kathrine Switzer réussit à se camoufler parmi les hommes pour son enregistrement mais décide de laisser paraître sa féminité lors de la course. Elle décide de défier ce système et cette culture où l’on interdit à la femme de prendre ses propres décisions face à sa place au sport. Lors de la course, les réactions des pelotons sont divisées : certains admirent son courage et d’autres trouvent qu’elle n’a pas sa place. Pendant la course, Switzer dérange jusqu’au point de se faire arracher son dossard par Jock Semple. Elle sera par la suite disqualifiée de la course. Son conjoint lui demandera également de ne plus courir parce qu’il craint que cette “révolte” lui cause des difficultés pour se qualifier lui-même aux Olympiques. En 󰀂󰀀󰀁󰀂, il n’était pas question de la place des femmes dans le domaine mais bien du port du voile à la FIFA (Le monde, 󰀂󰀀󰀁󰀄). Dans une société où le port du voile est coutume, il est normal que les femmes pratiquant le sport gardent ce signe religieux. Cependant, cela a déclenché tout un débat. Est-ce que le port du voile a réellement un impact sur la performance sportive ? Ne serait-ce pas encore un exemple de violence structurelle envers les femmes et d’un manque de tolérance ? La FIFA (Le monde, 󰀂󰀀󰀁󰀄) a donc décidé d’accepter le port du voile et cela permettra à plusieurs équipes de participer aux Jeux Olympiques qui tolèrent le port de ce signe religieux depuis 󰀁󰀉󰀉󰀀. Par contre, dans une perspective intersectionnelle, ces femmes portant le voile sont victimes d’oppressions combinées : Lorsqu’il

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est question du droit du port de celui-ci, selon une perspective plus libérale, on dira que c’est une régression puisque le voile peut représenter une oppression en soi. Elles ne sont donc pas à l’abri de cette polémique lorsqu’on veut lutter contre cette violence structurelle qui empêche les femmes de s’épanouir. Pendant que le port du voile dérange certains, d’un autre côté, certaines athlètes pratiquent des sports comme dans des ligues où les femmes sont très peu équipées, très peu vêtues et jouent le même sport contact que les hommes. C’est le cas pour la ligue Legends football league (anciennement appelé Lingerie football league). On pourrait donc comprendre comment cela influence la place des femmes dans le domaine du sport. L’enjeu ici est qu’étant donné qu’on ne retrouve pas l’équivalent de ce sport chez les hommes, alors pourquoi existe-t-il chez les femmes ? « La présence de corps féminins physiquement puissants constitue une menace pour les hommes, suscitant une « hystérie » masculine et des tentatives pour freiner les aspirations des femmes et leur résistance à l’exclusion que leur imposent les hommes » (McKay et Laberge, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Alors est-il préférable de la dévêtir afin de servir de divertissement ? Encore une fois, il s’agit d’une question d’objectification du corps des femmes où cette fois-ci on le tolère et même l’encourage à des fins de divertissement qui n’ont rien à voir avec la performance sportive. Alors comment est-ce différent des vêtements de Williams qui sont d’ailleurs conçus pour améliorer sa performance ? Le corps de la femme est souvent le sujet de nombreux débats. C’est le cas de Serena Williams (TVA nouvelles, 󰀂󰀀󰀁󰀉), qui se retrouve constamment le sujet de controverses puisqu’elle porte, selon certains, des vêtements trop serrés pour jouer au tennis. On reproche aussi à cette championne de ne pas être suffisamment féminine puisque son corps manquerait de « délicatesse ». On se retrouve alors dans une dichotomie où ce n’est plus la place de la femme dans le domaine sportif qui crée la controverse mais plutôt son apparence : Est-elle trop vêtue avec son voile ? Ou porte-t-elle des vêtements trop serrés ? Sont-ce là encore des moyens de dénigrer les femmes athlètes ? Quelles sont les implications et revendications féministes? Si l’on considère que la femme est plus faible et donc moins « bonne » au sport, il n’est pas surprenant que cela nous conduise à créer une culture où les conditions des athlètes féminines ne sont pas les mêmes que celles des athlètes masculins. La promotion du sport féminin, les commandites et les prix qui sont remis ne sont pas toujours les mêmes entre les genres.

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De plus, le salaire des athlètes féminines n’est pas toujours équivalent à celui des hommes. Par exemple, le 󰀈 mars 󰀂󰀀󰀁󰀉, 󰀂󰀈 joueuses de l’équipe nationale de soccer des États-Unis ont décidé de poursuivre en justice la fédération américaine afin de dénoncer les inégalités entre les équipes masculines et féminines (Messias, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Le salaire des femmes pratiquant le soccer représente 󰀃󰀈% du salaire des athlètes masculins. Elles exigent alors que leurs contrats soient révisés. Elles préféreraient qu’une convention soit mise en place afin de s’assurer que les femmes aient de meilleures conditions économiques puisque, malgré le fait qu’elles soient moins bien payées, elles se sont classées en première place dans la FIFA en 󰀂󰀀󰀁󰀈 tandis que les hommes ne se sont même pas classés à cette coupe du monde. De plus, cette équipe rapporte plus de revenus à la fédération que l’équipe masculine (Gardian sport, 󰀂󰀀󰀁󰀉). Ce n’est pas seulement d’un point de vue économique que les femmes dénoncent les injustices. Des femmes victimes d’abus dénoncent de plus en plus les agressions commises par leurs collègues et leurs entraîneurs. Chaque fois qu’une femme décide de défier les conventions et que celle-ci pratique un sport considéré plus masculin, cela représente une forme de revendication. L’effet d’influence par les pairs permet à de nombreuses équipes sportives féminines de se créer mais parfois, faute de financement, elles ne perdurent pas. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à la Ligue de hockey féminin canadienne qui a dû fermer ses portes le 󰀁er mai 󰀂󰀀󰀁󰀉 (Piché et St-Aubin, 󰀂󰀀󰀁󰀉). La Ligue de hockey féminin affirme, afin de justifier cette décision, que « bien que le hockey sur glace soit exceptionnel, le modèle d’affaires n’est pas rentable ». Alors dans une culture canadienne où le hockey fait quand même partie d’un certain patrimoine (dont l’ancêtre est le jeu de La Crosse inventé par les Premières Nations du pays), comment est-ce qu’on explique que ce sport soit bien ancré et important pour nos équipes masculines mais que ce ne soit pas le cas lorsque les femmes le pratiquent ? Ces joueuses doivent donc trouver des stratégies puisque l’avenir du hockey féminin au Canada est en jeu. C’est pourquoi on retrouve des représentantes des Canadiennes de Montréal participant activement aux discussions afin de déterminer le sort des joueuses et tenter de reprendre leur place. Quelques suggestions pour limiter cette violence Le gouvernement du Canada a mis en place une politique concernant le sport pour les femmes et les filles. C’est un bon point de départ pour l’amélioration des conditions des femmes et des filles dans le monde du sport. Par contre, le succès dépend de l’application, la mise en œuvre de

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plans d’action concrets ainsi que la mesure des résultats de leur fiabilité. Plusieurs recommandations soumises au comité de la chambre des communes gagneraient à être mises en œuvre pour le plus grand changement. Le Comité permanent du patrimoine canadien présente dans son rapport Les femmes et les filles dans le sport une série de 󰀁󰀆 recommandations pour Sport Canada afin d’augmenter la présence féminine dans ce domaine (Patrimoine canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇) : – Revoir la Politique pour établir des objectifs mesurables – Le Patrimoine canadien devrait imposer l’égalité des sexes en négociation des ententes – Recommande de récolter des données concernant la présence féminine comme athlète mais aussi, au sein des organisations et administrations – Recommande d’utiliser des fonds pour des groupes sous-représentés – Recommande des installations sportives encourageant la participation des femmes – Recommande d’ajouter des demandes de subvention pour lutter pour l’égalité des genres – Le Patrimoine canadien devrait avoir un leadership en ce qui a trait à l’élaboration des politiques sportives – Des mesures devraient être adoptées afin d’augmenter la participation des femmes – Recommande de trouver des façons d’obtenir plus d’appui financier – Recommande que le gouvernement du Canada mette en place des critères de financement favorisant la place des femmes dans le domaine – Obliger les organismes à assurer une représentation féminine au sein de leur équipe administrative ainsi que dans des postes de cadres – Inciter les organisations sportives à se fixer des objectifs pour atteindre l’égalité des sexes – Recommande d’imposer des temps de diffusion pour les équipes féminines dans les chaînes de télévision et la radio – Trouver des occasions de célébrer les succès des athlètes féminines afin de faire la promotion du sport chez les femmes et les filles – Trouver des occasions d’attirer plus de compétitions internationales féminines au Canada – Le gouvernement du Canada devrait participer activement à l’élaboration d’initiatives afin d’éliminer la violence afin de créer un environnement sécuritaire En outre, le Patrimoine canadien présente des stratégies afin de mettre en place des politiques visant à promouvoir le sport chez les femmes et de veiller à ce que le domaine du sport soit sécuritaire. Comme stratégies,

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il présente l’amélioration des programmes sportifs, la création d’un leadership stratégique qui vise à apporter une expérience de qualité chez nos sportives, faire la promotion du besoin d’impliquer les femmes dans le domaine ainsi que trouver des moyens d’enrichir les connaissances en ce qui à trait à la participation féminine dans le sport par l’utilisation de la recherche et du développement (Patrimoine canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇). C’est donc dans cette même veine d’idées que les organisations sportives devraient apporter du changement. Les limites des suggestions Au Canada ce n’est que depuis 󰀁󰀉󰀉󰀅, soit lors de la mise en place de la politique concernant le sport chez les femmes et les filles, que Sport Canada suit les données sur la participation des femmes et des filles dans le sport. Ces données permettent au ministère de suivre les progressions ou les retards et d’élaborer des cibles (Gouvernement du Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Les données sur la participation féminine dans les sports sont donc très récentes et cela a sûrement un impact sur la lenteur des décisions prises afin de promouvoir le sport des femmes. Étant donné que les changements au niveau de la violence structurelle doivent passer par des investissements importants de la part des gouvernements et des grandes organisations sportives et par la mise en place d’incitatifs, de politiques et de fonds destinés à ces changements, on peut s’attendre à ce que tout changement prenne énormément de temps. La position sociale des femmes, variant tellement d’un pays à l’autre, ainsi que la fragilité des questions sociales touchant particulièrement les femmes, même dans les pays dits développés, rendent tout progrès plus difficile. Il faudra un engagement politique ferme et une volonté sociale importante pour que les changements puissent se faire sentir. Limites de ce travail Bien que la thématique portant sur la violence envers les femmes dans le domaine sportif peut être très large et multidimensionnelle, ce travail a abordé spécifiquement les thèmes de la violence structurelle ainsi que les conséquences de la masculinité toxique sur les femmes dans le domaine du sport. La recherche sur le sujet de la violence envers les femmes dans le domaine sportif n’est pas très exhaustive. On peut supposer que les différents mouvements sociaux arriveront peut-être à susciter l’intérêt

LA PLACE DES FEMMES DANS L’UNIVERS SPORTIF

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autour de cette question et nous permettront d’augmenter nos connaissances collectives afin d’agir pour enrayer ces iniquités. À la lumière des lectures et des recherches consultées pour ce travail, on peut affirmer que plusieurs personnes seraient d’avis que la question d’équité entre hommes et femmes dans le domaine sportif n’est pas un enjeu social prioritaire puisque lorsque l’on parle d’athlètes féminines de haut niveau, on parle d’une toute petite minorité de femmes. Plusieurs pourraient mettre en doute l’importance d’encourager ou de faciliter l’accès aux femmes à des postes ou fonctions de leaders d’associations sportives ou d’entraîneurs d’élites et pourraient affirmer que ce n’est peut-être pas si important que cela d’assurer cette représentation féminine. N’est-il pas prioritaire pour un athlète d’avoir accès au meilleur entraîneur ou à une association gérée par un leadership efficace peu importe qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme ? Dans les faits, l’importance d’atteindre l’équité ne touche pas seulement le sport professionnel ou de haut niveau. La violence structurelle, présente dans tout ce qui touche les femmes et le sport, contribue à décourager les filles et les femmes de l’activité sportive en général, et ce, à partir d’un très jeune âge. Selon le rapport soumis au Comité permanent du patrimoine canadien sur les femmes et les filles dans le sport, deux statistiques sont assez alarmantes. La première confirme que les filles et les femmes pratiquent moins de minutes d’activités physiques par jour que les garçons et les hommes et ce pour tous les groupes d’âge. La deuxième indique que les femmes entre 󰀂󰀀 et 󰀅󰀉 ans sont en moins bonne santé physique aujourd’hui qu’en 󰀁󰀉󰀈󰀁. « Les femmes sont en moins bonne santé physique qu’il y a une génération. Plus particulièrement, les femmes âgées entre 󰀂󰀀 et 󰀅󰀉 ans sont en moins bonne condition physique que les femmes du même âge l’étaient en 󰀁󰀉󰀈󰀁 » (Patrimoine canadien, 󰀂󰀀󰀁󰀇). Il faut donc considérer que la violence structurelle ainsi que la masculinité toxique dans le monde du sport n’ont pas simplement un impact sur les femmes qui pratiquent le sport de haut niveau ou sur les professionnelles du monde du sport, mais que notre incapacité à faire des changements en profondeur a un impact important sur la santé des femmes qui représentent quand même 󰀅󰀁% de la population mondiale. Le sujet de la santé de cette démographie doit donc devenir un intérêt collectif important. Des changements de fond au niveau des politiques et programmes sont essentiels afin de créer des espaces et des structures sécuritaires qui permettent aux femmes de se développer dans le sport tant au niveau compétitif qu’au niveau social, communautaire et personnel. C’est avec un engagement des leaders, hommes et femmes, que nous arriverons à changer les structures tout comme les paradigmes mentaux des sociétés.

󰀁󰀆󰀄

ANIK LARIVIÈRE

Bibliographie Comité permanent du patrimoine canadien (󰀂󰀀󰀁󰀇). Les femmes et les filles dans le sport. https://www.noscommunes.ca/Content/Committee/󰀄󰀂󰀁/CHPC/ Reports/RP󰀉󰀀󰀆󰀈󰀂󰀆󰀈/chpcrp󰀀󰀇/chpcrp󰀀󰀇-f.pdf Duquette, S. (󰀁󰀉󰀉󰀉). Recherche socio-historique sur les femmes dans la sphère sportive au Québec (󰀁󰀈󰀉󰀀-󰀁󰀉󰀉󰀃). Université du Québec à Trois-Rivières. Flynn, C., Damant, D. & Bernard, J. (󰀂󰀀󰀁󰀄). Analyser la violence structurelle faite aux femmes à partir d’une perspective féministe intersectionnelle. Nouvelles pratiques sociales, 󰀂󰀆 (󰀂), 󰀂󰀈–󰀄󰀃. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀂󰀉󰀂󰀆󰀀ar Freeman, H. (󰀂󰀀󰀁󰀈). How was Larry Nassar able to abuse so many gymnasts for so long? https://www.theguardian.com/sport/󰀂󰀀󰀁󰀈/jan/󰀂󰀆/larry-nassar-abusegymnasts-scandal-culture Gatelier, K. (󰀂󰀀󰀁󰀂). Violence structurelle. http://www.irenees.net/bdf_fiche-notions󰀂󰀁󰀃_fr.html Gouvernement du Canada (󰀂󰀀󰀁󰀇). https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/ services/politiques-lois-reglements-sport/politique-mobilisation-activefemmes-filles.html Guardian sport (󰀂󰀀󰀁󰀉). US women’s team sues US Soccer over ‘institutionalized gender discrimination’. https://www.theguardian.com/football/󰀂󰀀󰀁󰀉/mar/󰀀󰀈/ usa-womens-team-sues-us-soccer-pay-equality Le monde (󰀂󰀀󰀁󰀄). La FIFA autorise le port du voile, colère du foot français. https:// www.lemonde.fr/sport/article/󰀂󰀀󰀁󰀄/󰀀󰀃/󰀀󰀁/la-fifa-autorise-le-port-du-voilecolere-du-foot-francais_󰀄󰀃󰀇󰀆󰀁󰀃󰀇_󰀃󰀂󰀄󰀂.html McKay, J. & Laberge, S. (󰀂󰀀󰀁󰀆). Sport et masculinités. Clio. Histoire‚ femmes et sociétés. doi: 󰀁󰀀.󰀄󰀀󰀀󰀀/clio Messias, T. (󰀂󰀀󰀁󰀉). L’équipe féminine de football des États-Unis poursuit sa fédération en justice. http://www.slate.fr/story/󰀁󰀇󰀄󰀄󰀁󰀄/equipe-usa-football-feminin-soccerdiscrimination-genre-justice Myrttinen, H. (󰀂󰀀󰀀󰀃). Désarmer la masculinité. http://www.tafel.levillage.org/ armee/votations/Disarming+Masculinities.pdf Piché, A. & Saint-Aubin, F. (󰀂󰀀󰀁󰀉). La Ligue canadienne de hockey féminin fermera ses portes. https://ici.radio-canada.ca/sports/󰀁󰀁󰀆󰀁󰀆󰀁󰀄/hockey-feminin-liguecanadienne-lchf-fermeture Prosper, W. (󰀂󰀀󰀁󰀇). Violences - entendre le cri des femmes. La revue Relations, 󰀇󰀈󰀉 (Mars–Avril, Centre justice et foi), 󰀃󰀀–󰀃󰀁. Publicité de la compagnie Nike (󰀂󰀀󰀁󰀉). Dream Crazier. https://www.youtube. com/watch?v=whpJ󰀁󰀉RJ󰀄JY Publicité de la compagnie Nike (󰀂󰀀󰀁󰀉). Dream with us. https://www.youtube. com/watch?v=IHcWPVbDArU TVA nouvelles (󰀂󰀀󰀁󰀉). L’habillement de Serena Williams fait encore réagir. https:// www.tvanouvelles.ca/󰀂󰀀󰀁󰀉/󰀀󰀁/󰀁󰀅/lhabillement-de-serena-williams-faitencore-reagir

PARTIE III

Les enfants de la violence conjugale Karine Roy Université Saint-Paul, Ottawa

RÉSUMÉ : Parmi tous les visages de la violence, ce chapitre parcourt la violence que subissent malgré eux les enfants témoins, et par le fait même également victimes, de violence conjugale. Ce chapitre présente les résultats des recherches sur l’impact de la violence conjugale sur les enfants. Il tente également de recenser quelques solutions possibles pour mettre un terme à ce type de violence répandu dans plusieurs familles. Cette recherche vise à soutenir les intervenants en travail social et en counseling ainsi qu’à suggérer des pistes d’orientation afin d’améliorer leurs interventions auprès des enfants et des femmes victimes de violence conjugale. ABSTRACT: Among all the faces of violence, this chapter explores domestic violence which is imposed on children against their will by making them witnesses, and also victims. This paper presents the results of a research on the impact of domestic violence on children who are not only witnesses but also victims. This research tries also to identify some possible solutions to put an end to this kind of violence that is widespread in several families. The purpose of this research is to support social workers and counselors and to suggest ways to improve their interventions with children and women who are victims of domestic violence.

Introduction Au Canada, depuis quelques années, on entend davantage parler de violence conjugale. Les dénonciations se font beaucoup plus ouvertement et sont maintenant encouragées par le gouvernement par le biais de diverses publicités. Entre autres, le livre d’Ingrid Falaise « Le Monstre » (Falaise, 󰀂󰀀󰀁󰀅) est une dénonciation publique qui a eu beaucoup d’envergure, principalement au Québec et en Ontario français. Aujourd’hui, une série télévisée s’en inspire afin de démontrer les rouages et les sournoiseries de la violence conjugale (Lafortune, 󰀂󰀀󰀁󰀉). C’est une dynamique qui est difficile à comprendre pour l’entourage de la victime car souvent le portrait que projette la personne qui agresse n’est pas cohérent avec la réalité des abus que vit la victime. Or, la violence conjugale, qui s’inscrit dans un contexte familial où vivent et grandissent des enfants, comporte une seconde dimension et ajoute un niveau de complexité à cette dynamique de violence. La violence conjugale a sans aucun doute un impact inhérent

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sur les enfants et peut lourdement endommager leur développement global. Par conséquent, une question importante se pose alors : les enfants en deviennent-ils également victimes ? Ainsi, à partir d’un examen de la littérature et des recherches portant sur les enfants et leurs rôles dans un contexte de violence conjugale, on tentera de lever le voile sur cette question. Bien que personne ne soit à l’abri de ce phénomène : hommes et femmes (Statistique Canada, 󰀂󰀀󰀁󰀁), couples homosexuel et hétérosexuel (Statistique Canada, 󰀂󰀀󰀀󰀄), et ce peu importe le statut socio-économique des gens, ce chapitre s’attarde sur la violence conjugale subie par la mère et par le fait même par ses enfants dans un couple hétérosexuel où le père serait la personne qui agresse. En dépit de la réciprocité de la violence au sein du couple suggérée dans certaines enquêtes épidémiologiques, les enfants sont davantage susceptibles d’être témoins d’actes de violence contre leur mère que contre leur père, et de voir ou d’entendre les agressions les plus graves contre leur mère (Fortin, 󰀂󰀀󰀀󰀉, p. 󰀁󰀂󰀀).

À la lumière de ces propos, ce chapitre tentera de comprendre comment la violence subie par la mère peut avoir de graves répercussions chez ses enfants. Pour ce faire, il faut d’abord distinguer la violence conjugale de la violence familiale qui n’est en fait qu’une question de perception. « La perspective de la ‘violence familiale’ s’inscrit dans un paradigme systémique définissant la violence conjugale comme le produit d’une dynamique relationnelle ‘dysfonctionnelle’ » (Lapierre, et collab., 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀅󰀄). À la lumière de cette définition, ce travail se référera donc à la violence conjugale qui peut parfois se transformer en violence familiale dépendamment de la situation. On en fera la distinction par leur appellation. L’exposition des enfants à la violence conjugale En premier lieu, il faut comprendre que l’exposition des enfants à la violence conjugale est en même temps une forme de violence envers l’enfant mais également une certaine forme de violence psychologique envers la mère. En fait, la définition de violence psychologique offerte par Cunningham et Baker (󰀂󰀀󰀀󰀇) comprend : Commentaires, insultes ou sarcasmes humiliants traitant la victime de nulle, paresseuse, grosse, laide ou stupide, lui dicter comment elle doit s’habiller, menacer de se suicider ou de lui enlever les enfants, la surveiller, être jaloux sans fondement, l’empêcher de voir sa famille ou ses ami(e)s, maltraiter l’animal de la maison, détruire des objets précieux ou à valeur sentimentale (p. 󰀃).

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Les enfants font donc, selon elles, partie de l’équation dans un contexte de violence familiale. En effet, rien n’a de plus grande valeur sentimentale aux yeux d’une mère que ses enfants. Par le fait même, les enfants se retrouvent, malgré leur volonté, victimes de violence. De même, « [d]ans certaines régions du Canada, le fait d’exposer des enfants à la violence conjugale peut être considéré comme une forme de mal affectif ou de blessure psychologique » (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇, p. 󰀃). D’autant plus que, selon l’enquête sociale générale au Canada, on note qu’environ sur 󰀅% des cas de violence conjugale, un enfant a également été victime de violence (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Ainsi, la violence psychologique et émotionnelle affecte assurément l’enfant mais également la mère. Contrairement à ce que l’on peut croire, un enfant n’est pas passif dans cette violence mais demeure constamment actif. Il apprend à anticiper, il a peur pour sa sécurité, il peut tenter de stopper la violence en intervenant. Cependant, il est activement victime de la situation violente. L’exposition à la violence chez les enfants peut survenir sous plusieurs formes. L’enfant peut donc : – VOIR : la violence subie par la mère ou la nouvelle conjointe du père lors de ses droits d’accès (les coups). Il voit aussi les répercussions physiques (ecchymoses) et psychologiques (dépression chez la mère). – ENTENDRE : les conflits, les insultes, les menaces et les coups. – APPRENDRE : ce que leur mère a subi. – ÊTRE UTILISÉ : par le parent qui agresse, comme objet afin d’atteindre l’autre parent. – MANQUER : de sécurité et de soutien (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Par conséquent, l’enfant devient un objet pour le parent qui agresse et celui-ci s’en servira donc à sa guise pour atteindre la mère. Malheureusement, dans tout cela, c’est encore l’enfant qui écope. Cette objectification prouve une fois de plus que l’enfant n’est pas simplement témoin mais d’autant plus victime de l’abus que subit également sa mère. Concrètement, le père peut alors : – Projeter sa violence et blâmer les enfants à cause de leur comportement ; – Encourager les enfants à répéter les mêmes comportements et en conséquence blesser leur mère (aliénation parentale) ; – Menacer les enfants ou les liens d’attachement des enfants (comme à partir des animaux domestiques ou leurs effets personnels) ; – Dénigrer leur mère ;

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– Tenter d’obtenir une garde complète des enfants afin d’atteindre la mère (ce qui affecte également les enfants et leur lien d’attachement avec la mère) ; – Prendre les enfants en otage pour obtenir ce qu’il veut ou les kidnapper carrément (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Évidemment, cette forme de violence affecte la mère et l’enfant, ce qui explique pourquoi le lien mère-enfant est souvent gravement effrité dans de telles circonstances. Pour leur part, les enfants souffrent énormément et cela crée parfois chez eux des distorsions au niveau cognitif et au niveau de l’apprentissage (ex : il n’y a pas de répercussions à la violence, si je ne veux pas être victime je dois devenir violent, les hommes sont plus forts que les femmes, une personne qui nous aime peut nous faire du mal, etc.). En fait, les enfants n’ont pas de figure paternelle saine et positive et sont donc privés de ce lien important. Comme le lien mère-enfant est également menacé, l’enfant se retrouve donc souvent « sans parents ». Comme résultante, son estime de soi et sa perception de soi peuvent être négatives puisqu’il n’a pas nécessairement la compréhension totale de la situation et se blâme très souvent (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Cela étant dit, les rôles au sein de la famille peuvent alors être inversés (par mesure d’adaptation et de protection), ce qui peut être très malsain pour l’enfant. Il peut adopter le rôle de protecteur, de confident (de la mère ou du père), de l’allié, de l’arbitre, de l’enfant parfait, ou du bouc émissaire (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). De plus, la violence familiale amène, autant la mère que le père, à vouloir « cacher » ce qui se passe à la maison (soit par honte ou par manipulation) et l’enfant se retrouve alors coupé de ses liens sociaux et donc de ressources potentielles pour l’aider à s’en sortir. Ce qui peut également pousser l’enfant à vivre un grand manque de sécurité et un stress accru auxquels il n’est pas toujours capable de s’adapter. Ainsi donc, l’enfant peut tenter de s’y adapter de façon inadéquate, voire même dangereuse comme s’isoler ou se sentir responsable. De plus, l’exposition fréquente à la violence familiale pourrait avoir des répercussions sérieuses quant à leurs croyances fondamentales et à leur perception du monde. Ils pourraient donc croire que la violence est normale et même nécessaire en lui trouvant une raison d’être. Bref, ces répercussions peuvent également nuire à leur développement selon l’étape dans laquelle ils ont été victimes de cette même violence. Si la violence persiste dans le temps, (au cas où la femme ne quitte pas le partenaire qui l’agresse), cela pourrait avoir un impact sérieux sur le développement global de l’enfant, voire même altérer ses relations et la qualité relationnelle à l’âge adulte (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). En fait,

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l’enfant peut manifester différentes difficultés d’adaptation, dont des problèmes de santé physique et mentale, des problèmes sur le plan du fonctionnement social et des problèmes d’ordre cognitif (problèmes d’attention) ou académique (retard ou échec scolaire). Les difficultés le plus souvent étudiées sont les troubles intériorisés tels l’anxiété ou la dépression, les troubles extériorisés comme les problèmes de conduite et l’agressivité, et l’état de stress post-traumatique (Doucet et Fortin, 󰀂󰀀󰀁󰀀, p. 󰀂󰀀󰀃).

De même, l’enfant peut vivre des séquelles au niveau psychologique et vivre un conflit de loyauté. Les conflits de loyauté « surviennent lorsque l’enfant se sent coincé entre ses parents et croit possible de perdre l’amour de l’un s’il manifeste sa loyauté envers l’autre » (Doucet et Fortin, 󰀂󰀀󰀁󰀀, p. 󰀂󰀀󰀃). En d’autres mots, l’enfant se sent dans l’obligation morale de protéger sa mère, qui est dans le cas présent « victime » mais doit également rester loyal à son père pour ne pas perdre son amour et le protéger également (en quelque sorte de lui-même). L’étude de Doucet et Fortin (󰀂󰀀󰀁󰀀) démontre que les conflits de loyauté sont plus fréquents chez les filles que chez les garçons. C’est souvent dans de tels contextes que l’on peut voir que les rôles familiaux sont inversés. L’enfant se voit donc devenir « le parent ». On appelle ce phénomène, la parentification. L’enfant prend la responsabilité de la situation et, vivant un sentiment de honte et de culpabilité, tente alors de réparer les torts ainsi que la relation elle-même. En fait, par manque de sécurité, l’enfant se sent forcé de restaurer un certain climat sécuritaire dans sa famille (Doucet et Fortin, 󰀂󰀀󰀁󰀀). Violence conjugale et répercussions sur la relation mère-enfant Comment la violence faite aux enfants (de façon directe ou indirecte) peut-elle, du même coup, toucher la mère ? Les impacts chez la mère sont nombreux. Son manque d’estime de soi (à la suite de l’abus conjugal) peut même affecter son rôle de parent ou sa capacité parentale. Effectivement, elle se voit souvent modifier son style parental en réaction aux comportements du partenaire qui l’agresse. Elle devient parfois plus permissive soit pour être aimée de ses enfants et défaire le portrait négatif qui a été peint d’elle par le père. Paradoxalement, elle devient plus sévère pour tenter de satisfaire les exigences du partenaire qui agresse (Racicot, Fortin et Dagenais, 󰀂󰀀󰀁󰀀). Par la manipulation du père envers les enfants, elle peut même être perçue comme la « méchante » et perdre le respect de ses enfants. Les enfants pourraient également lui en vouloir et la rendre responsable de leur situation. Elle pourrait facilement se laisser entraîner dans une

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compétition de loyauté contre son conjoint ou ex-conjoint qui l’a agressée. Elle abuse ainsi à son tour de ses enfants. Les troubles de santé mentale et leurs symptômes peuvent aussi nuire aux capacités parentales de la mère (comme la dépression, l’anxiété et l’insomnie). Cela dit, elle pourrait employer des stratégies de survie inadaptées et dangereuses pour les enfants (les abandonner, devenir agressive envers eux et/ou consommer) (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Comment faire pour mettre fin à cette violence faite aux enfants Comment faire alors pour limiter ou encore plus, mettre fin à cette violence faite aux enfants ? Comment intervenir dans de pareils cas ? La solution proposée semble si logique : « [l]a meilleure façon d’aider les enfants est de mettre fin à la violence conjugale et aux mauvais traitements, de sorte qu’ils n’y soient plus exposés » (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Bref, il suffit simplement de réinstaurer un sentiment de sécurité chez eux. Il faut alors aider la mère et les enfants à subvenir à leurs besoins de base (se loger, se nourrir, se vêtir) ou à trouver un moyen d’y parvenir. Le besoin de stabilité chez les enfants devient également fondamental pour leur développement. Les interventions doivent également adresser le lien parental mère-enfant d’un côté, en appuyant la mère dans son rôle (en lui offrant des ressources et des techniques). D’un autre côté, en écoutant et en prenant en compte le point de vue de l’enfant et en lui offrant des stratégies adaptées (Cunningham et Baker, 󰀂󰀀󰀀󰀇). Certes, c’est une solution logique, mais ô combien compliquée. En réalité, lors de la rupture (dans les cas où il y a rupture), les enfants vivent un certain deuil et parfois se sentent déchirés dans cette situation. Il est donc important de les considérer dans le processus thérapeutique et de leur donner une place centrale (Vasselier-Novelli et Heim, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Il faut être franc et honnête avec eux mais ne pas tenter de les convaincre pour autant. On suggère également d’utiliser la loi et de faire un signalement aux autorités d’aide à l’enfance en concomitance avec le traitement thérapeutique afin d’avoir des résultats optimums (Vasselier-Novelli et Heim, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Une attention privilégiée devrait aussi être apportée à l’accueil des femmes victimes de violence conjugale ainsi qu’à leurs enfants en centre d’hébergement car c’est une étape importante de leur histoire (VasselierNovelli et Heim, 󰀂󰀀󰀀󰀆). De plus, on propose de leur offrir la possibilité

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de participer à des groupes de partage afin de rendre et d’écouter des témoignages. Cette suggestion a pour but de briser en quelque sorte l’isolement et le sentiment de honte associé à cette violence (Vasselier-Novelli et Heim, 󰀂󰀀󰀀󰀆). Mère et enfants se sentiront plus soutenus et compris dans leur expérience. Les limites des suggestions Plusieurs limites font surface face aux suggestions mentionnées. En dépit de la fragilité de la relation mère-enfant qui cause souvent le plus de dommage chez l’enfant comme chez la mère, encore à ce jour, les soutiens proposés en hébergement offrent deux services distincts plutôt que de travailler avec la mère ET l’enfant (Racicot, Fortin et Dagenais, 󰀂󰀀󰀁󰀀). Malgré tout, le fait d’effectuer un travail thérapeutique chez la mère et les enfants ne met pas fin à la violence pour autant. D’une façon ou d’une autre, la personne qui agresse tentera toujours d’exercer un contrôle coercitif sur ceux-ci. L’enfant sera entre autres soumis aux manipulations de son père et le travail accompli en thérapie pourra alors être à recommencer. Reste que, malgré la fin de la relation, plusieurs victimes « précisent que la violence s’est aggravée ou qu’elle a commencé après la séparation. Dans 󰀃󰀇 % des cas, la violence n’a pas augmenté en gravité, dans 󰀂󰀄 % elle s’est aggravée, et dans 󰀃󰀉 % elle a commencé après la séparation » (Hotton, 󰀂󰀀󰀀󰀁, p. 󰀁). Ainsi, la fin de la relation ne détermine pas la fin de la violence. L’étude de Bourassa (󰀂󰀀󰀀󰀄) démontre également l’importance de travailler le concept de soutien social avec l’enfant. Ce concept est défini comme « un métaconstruit englobant trois concepts : les ressources du réseau de soutien, les comportements de soutien et le soutien perçu » (p. 󰀁󰀇). Cette étude souligne, entre autres, que la mesure la plus juste du soutien social chez les adolescents serait le soutien perçu puisqu’il fait référence à une interprétation différente du soutien selon la réalité de chacun. Tel que mentionné antérieurement, certains facteurs sous-tendent que les jeunes victimes de violence conjugale ont des relations interpersonnelles plus limitées et plus pauvres que leurs pairs. Par le fait même, ils ne se sentent pas soutenus par leur réseau de soutien (les amis) ce qui engendre alors plusieurs problèmes d’adaptation chez certains jeunes, principalement à l’adolescence (Bourassa, 󰀂󰀀󰀀󰀄). On peut en déduire que ces données démontrent entre autres l’importance pour les jeunes d’obtenir un soutien renforcé (entre autres de la part des services de protection

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à l’enfance) afin de contrebalancer leur soutien perçu. Pourtant, il n’y a présentement pas d’uniformité quant aux évaluations des risques pour l’enfant en situation de violence conjugale chez les intervenants. En fait, alors que certains sont en mesure de « reconnaître l’impact négatif de la présence de la violence conjugale pour la sécurité ou le développement des enfants ainsi que l’importance d’en tenir compte dans leur évaluation » (Lavergne, Hélie et Malo, 󰀂󰀀󰀁󰀅, p. 󰀆), plusieurs ne le reconnaissent pas encore. La violence conjugale devrait pouvoir être considérée comme le point central de la démarche d’intervention sans qu’il y ait nécessairement d’autres formes de violence ou négligence signalées. Lorsque la mère quitte la relation conjugale abusive, offrir un soutien à l’enfant, à long terme, suppose ne pas perdre de vue la priorité de la protection de l’enfant, car la violence demeure imminente dans plusieurs cas puisque la violence conjugale ne se limite pas à un statut marital ou conjugal. Conclusion En conclusion, la violence conjugale et familiale est un problème complexe dû à sa dynamique complexe et interrelationnelle. Les témoins deviennent facilement des victimes et du même coup, les enfants deviennent souvent les principaux souffre-douleur de la dynamique malsaine. Par ailleurs, lorsque la violence conjugale demeure unilatérale, il semble que la situation peut s’avérer moins dommageable pour l’enfant. Cependant, si la violence conjugale se transforme en violence familiale, l’enfant en écopera plus souvent qu’autrement et il se verra adopter des rôles inappropriés au sein de sa famille. L’enfant est souvent utilisé comme un outil pour atteindre la mère, de là l’importance de prioriser le travail sur la relation mère-enfant afin de minimiser les répercussions. En fait, la personne qui agresse est souvent bonne manipulatrice aussi. Son narcissisme l’empêche de voir ou de ressentir les dommages causés à l’enfant dans ce contexte. Protéger l’enfant et ne pas perpétuer la violence dans les prochaines générations deviennent une urgence. Il est également nécessaire d’éduquer la mère quant aux dommages et aux répercussions que vivront ses enfants afin de la conscientiser dans ses futures actions et stratégies autant dans le processus judiciaire (pour la garde d’enfants entre autres) que dans ses interactions futures avec le partenaire qui commet l’agression. En effet, en ayant des enfants avec ce dernier, elle ne pourra jamais couper le lien avec lui.

LES ENFANTS DE LA VIOLENCE CONJUGALE

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Cela étant dit, cette recherche amène une réflexion sur l’impact spirituel de la violence conjugale autant chez les enfants que chez la mère. Il n’y a pas beaucoup de recherches qui s’y attardent. Ce serait donc intéressant à l’avenir de se pencher sur la question afin d’explorer ce côté essentiel et fondamental de l’être humain qui si souvent peut se retrouver brimé par cette violence. Bibliographie Bourassa, C. (󰀂󰀀󰀀󰀄). Violence conjugale et troubles de comportement des jeunes : effet médiateur de la perception du soutien des amis. Service social, 󰀅󰀁 (󰀁), 󰀁󰀄–󰀂󰀉. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀀󰀁󰀂󰀇󰀀󰀉ar Cunningham, A. & Baker, L. (󰀂󰀀󰀀󰀇). Petits Yeux, Petites Oreilles. Comment la violence envers une mère façonne les enfants lorsqu’ils grandissent. London, Ontario : Centre des enfants, des familles et le système de justice. Doucet, M. & Fortin, A. (󰀂󰀀󰀁󰀀). La parentification et les conflits de loyauté chez l’enfant exposé à la violence conjugale : contribution du point de vue de l’enfant sur la violence. Enfance, 󰀂 (󰀂), 󰀂󰀀󰀁–󰀂󰀂󰀁. doi: 󰀁󰀀.󰀄󰀀󰀇󰀄/S󰀀󰀀󰀁󰀃󰀇󰀅󰀄󰀅󰀁󰀀󰀀󰀀󰀂󰀀󰀄󰀁 Falaise, I. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Le Monstre. Montréal, Les Éditions Libre Expression. Fortin, A. (󰀂󰀀󰀀󰀉). L’enfant exposé à la violence conjugale : quelles difficultés et quels besoins d’aide ? Empan, 󰀇󰀃 (󰀁), 󰀁󰀁󰀉–󰀁󰀂󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀃󰀉󰀁󰀇/empa.󰀀󰀇󰀃.󰀀󰀁󰀁󰀉 Hotton, T. (󰀂󰀀󰀀󰀁). La violence conjugale après la séparation. Statistique Canada, No 󰀈󰀅-󰀀󰀀󰀂-XIF Vol. 󰀂󰀁 no 󰀇 au catalogue. Lafortune, C. (Producteur) & Sauvé, P. (Réalisateur). (󰀂󰀀󰀁󰀉). Le Monstre [Série télévisuelle], Montréal, Radio-Canada. Lavergne, C., Hélie, S. & Malo, C. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Exposition à la violence conjugale : profil des enfants signalés et réponse aux besoins d’aide des familles. Revue de psychoéducation, 󰀄󰀄 (󰀂), 󰀂󰀄󰀅–󰀂󰀆󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀃󰀉󰀂󰀅󰀅ar Lapierre, S., Côté, I., Buetti, D., Lambert, A., Lessard, G. & Drolet, M. (󰀂󰀀󰀁󰀅). Conflits entre conjoints ou contrôle des hommes sur les femmes ? L’expérience et le point de vue d’enfants et d’adolescents exposés à la violence conjugale. Enfances, Familles, Générations, 󰀂󰀂, 󰀅󰀁–󰀆󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀁󰀀󰀃󰀁󰀁󰀁󰀈ar Racicot, K., Fortin, A. & Dagenais, C. (󰀂󰀀󰀁󰀀). Réduire les conséquences de l’exposition de l’enfant à la violence conjugale : pourquoi miser sur la relation mère-enfant ? Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 󰀈󰀆 (󰀂), 󰀃󰀂󰀁–󰀃󰀄󰀂. doi: 󰀁󰀀.󰀃󰀉󰀁󰀇/cips.󰀀󰀈󰀆.󰀀󰀃󰀂󰀁 Statistique Canada (󰀂󰀀󰀀󰀄). L’orientation sexuelle et la victimisation. Ottawa : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique. https://www󰀁󰀅󰀀. statcan.gc.ca/n󰀁/fr/pub/󰀈󰀅-󰀂󰀂󰀄-x/󰀈󰀅-󰀂󰀂󰀄-x󰀂󰀀󰀁󰀀󰀀󰀀󰀀-fra.pdf?st=Hpo_G󰀂ym Statistique Canada (󰀂󰀀󰀁󰀁). La violence familiale au Canada : un profil statistique. Ottawa : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique. https://www󰀁󰀅󰀀.statcan.gc.ca/n󰀁/fr/pub/󰀈󰀅f󰀀󰀀󰀃󰀃m/󰀈󰀅f󰀀󰀀󰀃󰀃m󰀂󰀀󰀀󰀈󰀀󰀁󰀆-fra. pdf?st=b󰀂󰀉wiy-N Vasselier-Novelli, C. & Heim, C. (󰀂󰀀󰀀󰀆). Les enfants victimes de violences conjugales. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 󰀃󰀆 (󰀁), 󰀁󰀈󰀅–󰀂󰀀󰀇. doi: 󰀁󰀀.󰀃󰀉󰀁󰀇/ctf.󰀀󰀃󰀆.󰀀󰀁󰀈󰀅

La violence de l’inceste : approche psychospirituelle d’un douloureux constat porté au genre féminin François Mireault Université Saint-Paul, Ottawa

« Celui qui ne souffre pas ne sait rien… » Ignacio Larrañaga

RÉSUMÉ : Dans ce chapitre, l’auteur présente l’une des formes de violence dont le corps et la psyché de la femme ne sont que trop souvent la cible. Partant d’une approche spirituelle, la violence de l’inceste sera d’abord abordée par la dimension du mal et de la souffrance. Les définitions des concepts de pédophilie et de viol serviront à mieux circonscrire l’inceste, faisant ainsi advenir la nature et les caractéristiques qui lui sont propres. Ce n’est qu’après cette démonstration que les conséquences et les impacts traumatiques de l’inceste sur la victime seront démontrés. En seconde partie, l’auteur revient sous l’effigie spirituelle en s’interrogeant dans un premier temps sur les bénéfices d’un partage de la souffrance avec le Christ. Ce travail s’achève par une série de questions qui favorisera et suscitera des pistes de réflexion et de recherches novatrices en lien avec la violence de l’inceste et ses impacts sur le plan spirituel. L’auteur destine ses dernières lignes à l’espoir et à la résilience des victimes d’inceste par un hymne à la joie qui saura interpeller ceux et celles qui auront choisi d’accorder, dans leur vie, une place d’importance à la spiritualité, à la transcendance et à tout ce qui nous dépasse et que plusieurs appellent Dieu. ABSTRACT: In this chapter, the author presents one of the forms of violence in which the woman’s body and psyche are all too often the target. Starting from a spiritual approach, the violence of incest will first be approached through the dimension of evil and suffering. Definitions of the concepts of pedophilia and rape will serve to better define incest, thereby bringing its own nature and characteristics. It is only after this demonstration that the consequences and traumatic impacts of incest on the victim will be demonstrated. In the second part, the author returns to the spiritual effigy by first examining the benefits of sharing suffering with Christ. This work ends with a series of questions that will encourage and stimulate lines of thought and innovative research related to the violence of incest and its spiritual impact. The author had discuss his last lines to the hope and the resilience of the victims of incest by a hymn to joy which challenge those who have chosen to grant, in their lives, a place of importance to spirituality, transcendence and all that is beyond us and that many call God.

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FRANÇOIS MIREAULT

Introduction La violence a toujours fait partie de la vie des humains sur terre, et cela depuis l’avènement du monde. Il y a cependant des violences qui nous persécutent jusqu’au plus profond de notre âme et nous blessent à tout jamais. Cela est certainement vrai de la violence de l’inceste. Cependant, certains groupes vivent l’oppression plus que d’autres et la femme en fait malheureusement trop souvent partie. Bien que la violence, qui est développée au cours de ce travail, puisse toucher sans distinction au genre féminin et masculin, il est ici question spécifiquement de la violence de l’inceste portée à la femme. Si les conséquences de l’inceste sur le plan psychologique sont bien mises au jour dans la littérature, il en est autrement sur le plan spirituel. De ce fait, il n’est pas rare de voir l’impact des séquelles psychospirituelles négligées, pour ne pas dire totalement ignorées du processus de guérison. Par conséquent, l’objectif premier de ce chapitre est de mettre en lumière l’importance de prendre en compte ce volet. Dans un premier temps, il sera question d’aborder la violence de l’inceste du point de vue de l’approche spirituelle lié à la dimension du mal et de la souffrance. Deuxièmement, les notions d’inceste, de pédophilie et de viol seront explicitées, définies et clarifiées pour éviter toute ambigüité qui pourrait porter préjudice à l’interprétation. Troisièmement, nous approfondirons la nature même de l’inceste et de ses impacts au plan psychologique. Quatrièmement, nous examinerons les conséquences liées à la souffrance qu’engendre la violence de l’inceste et regarderons ce que signifie une identification à Jésus-Christ dans le registre spirituel et soulignerons l’importance de prendre en compte ce volet dans le processus de traitement. Finalement, ce travail s’achèvera par une série d’interrogations qui favoriseront et susciteront, espérons-le, des pistes de réflexion et de recherches novatrices en lien avec cette forme de violence et ses impacts sur le plan spirituel. Bien que cette forme de violence ne soit pas nouvelle dans nos sociétés modernes, on dénombre uniquement pour la province de Québec, entre les années 󰀁󰀈󰀅󰀈 et 󰀁󰀉󰀃󰀈, 󰀂󰀁󰀇 cas d’inceste répartis sur 󰀁󰀃󰀁 procès qui auront mené finalement à 󰀉󰀅 condamnations (Cliche, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Une des problématiques rencontrées avec cette forme de violence réside dans la difficulté à lui accoler une définition précise (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆). L’inceste estil une forme de viol lorsque pratiqué sur un adulte ou relève-t-il plutôt de la pédophilie lorsqu’accompli sur des mineurs ? Qu’arrive-t-il lorsque la justice de certains pays ne considère pas l’inceste comme un viol ? Ce chapitre tentera de démystifier ces interrogations.

LA VIOLENCE DE L’INCESTE

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Dans les cas d’inceste, bien qu’il soit question de violence physique, il n’en demeure pas moins qu’une grande part de la violence véhiculée est de nature psychologique. Ensemble, elles soutiennent les notions de mal et de souffrance humaine qui seront réunies sous l’effigie théologique dans le but de susciter une réflexion spirituelle sur ces notions. Cette forme de violence, portée à la psyché et au corps de la femme rejoint naturellement la dimension d’intersectionnalité et place une fois de plus le genre masculin à l’avant-scène des actions néfastes dont elle se rend coupable. Ce triste constat permet d’exposer quelques faits sur l’une des nombreuses formes de violence à laquelle la femme fait face depuis l’avènement du monde. Le but de cet article n’étant pas de fournir des réponses toutes faites, mais plutôt de susciter une réflexion sur les conséquences de l’inceste au plan spirituel et de mettre en lumière l’importance de ce volet pour les victimes qui sont croyantes. Cet écrit s’adresse donc aux professionnels pour qui la dimension spirituelle fait partie intégrante d’un plan de traitement. Une approche spirituelle de la dimension du mal et de la souffrance Le mal, mais qu’est-ce donc que le mal ? Ces paroles vous rappellent vaguement quelque chose ? En fait, il s’agit d’un subtil « clin d’œil » faisant intervenir, d’une façon travestie, un dialogue historique associé aux paroles du préfet de Judée, Ponce Pilate, prononcé devant Jésus la veille de sa crucifixion lorsqu’il lui demanda « [la vérité,] qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 󰀁󰀈:󰀃󰀈). Cette partie tient lieu de discours sur les notions de mal et de souffrance en leur accolant une dimension théologique se voulant être dans les faits une quête de réponse. Le mal, associé à la souffrance, font tous deux partie de la vie des humains depuis la chute et revêtent un caractère désagréable pour qui en fait l’expérience. Le mal peut être de l’ordre physique, comme une coupure infligée à la suite d’une mauvaise manœuvre avec un couteau, ou encore de l’ordre psychologique suite à la mort d’un être cher par exemple. « Le mal entre dans notre expérience comme mal (…) non quand il est objet de connaissance, mais lorsqu’il est le terme d’une réaction affective » (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉, p. 󰀁󰀀), rapporte Louis Bertrand Geiger auteur de L’expérience humaine du mal (󰀁󰀉󰀆󰀉). C’est la dimension émotionnelle qui s’exprime comme tant de variantes : tristesse, peur, douleur, désespoir pour ne nommer que cellesci qui caractérisent l’expérience du mal. Le mal est l’inverse de ce qu’est la vie dans son élan et en un sens le mal est une absurdité (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). Une

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absurdité, car le mal s’exprime par une non-réponse qui invite à la douleur et à l’incompréhension. Il nous fait vaciller et fait bien souvent en sorte que le sens que l’on donnait à cette vie s’en trouve du coup perdu, égaré et c’est précisément là que réside le problème : quel sens donnons-nous au mal qui nous afflige ? (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). Le bien non seulement a un sens, une direction, mais il a du sens (…) [c]’est donc parce que notre être a un sens (…) que le mal apparaît lui-même comme absurde, c’est-à-dire dénué de sens par rapport à tel élan précis (…) [l]e mal apparaît comme absurde, dans la mesure très exactement où il nous constitue dans un état (…) il brise ou dévie la trajectoire le long de laquelle notre être se porte vers son propre épanouissement [à] (…) la réalisation de ses actualités (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉, p. 󰀁󰀀󰀀).

Le mal se dépeint en substance selon trois constituants. En premier lieu, le mal lui-même qui se comprend comme l’événement traumatogène. En second lieu, la connaissance et la réalité associées au mal et finalement les réactions affectives que le mal produit en chacun de nous (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). L’existence simultanée de ces trois constituants rapproche la définition du mal à celle de la souffrance humaine. Lorsque les souffrances, physique et psychologique sont infiniment grandes et qu’elles nous conduisent au seuil de l’abandon et au désespoir, on se tourne bien souvent vers ce qui nous dépasse, ce qui nous transcende, pour leur donner un sens. Chez les chrétiens, c’est en la figure de Jésus, ou celle du Père, qu’une telle demande d’aide est formulée. Nous sommes en ce moment précis à la recherche d’un sens, d’une explication pour faire taire cette atroce douleur jointe à l’incompréhension qui lui est rattachée. La colère et l’injustice nous envahissent et on se demande Qu’ai-je fait à Dieu pour qu’une telle chose m’arrive ? Comment peut-il laisser arriver pareil événement ? N’est-il pas celui qui doit nous protéger ? Geiger nous apporte un élément de réponse intéressant en stipulant que Dieu n’est pas la cause du mal et que, s’il permet la souffrance physique, c’est assurément comme la condition d’un plus grand bien lorsque nous serons réunis en Christ auprès du Père et de l’Esprit saint au cœur du Royaume (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). Cela explique que notre passage sur la Terre est soumis à d’innombrables menaces et que les créatures qui la composent ne sont formées que d’êtres d’inégale perfection (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). Quant à la dimension morale du mal, Dieu qui n’a qu’une parole, le permet pour honorer le don de liberté qu’il a fait aux humains (Geiger, 󰀁󰀉󰀆󰀉). La violence de l’inceste s’apparente à la mort de l’âme, car elle apporte avec elle humiliation et désespoir. L’inceste, c’est comme mourir et mourir

LA VIOLENCE DE L’INCESTE

󰀁󰀈󰀁

« [c’]est l’acte le plus solitaire de la vie. C’est la solitude même » (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀂󰀁). Si la mort est enveloppée de chaleur et de compassion, alors la solitude est en partie allégée (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃), mais il en va tout autrement avec la violence de l’inceste ; la victime reste seule après l’acte de violence, elle s’éteint dans la solitude et le désarroi. Pour un croyant, la souffrance ne s’explique qu’à travers Jésus et le châtiment qu’il a dû soutenir sur la croix; la victime d’inceste devient donc le témoin de sa propre souffrance et de celle de Jésus, « [c]elui qui souffre dans la foi, souffre dans le Christ. Plus encore, c’est Jésus lui-même qui souffre et meurt de nouveau » (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀂󰀂). Il est bon de reconnaître que, bien que nous puissions nous sentir seuls dans l’épreuve, connaître des moments de profond désespoir, nous ne sommes jamais seuls dans l’adversité et la douleur. Jésus la partage une fois de plus, dans son infinie bonté, avec ceux et celles pour qui il a donné sa vie.

Définitions des notions d’inceste, de pédophilie et de viol Notion d’inceste On retrouve le phénomène de l’inceste à plusieurs moments au courant de l’histoire de l’humanité et de ce fait, la définition que l’on en fait est caractéristique de la culture et de l’époque qui la porte. Par exemple, Philon le juif, au premier siècle de notre ère, en fait un éloge et reconnaît l’inceste comme étant un privilège de noblesse, parlant alors d’inceste dynastique s’exprimant comme « l’union incestueuse des membres de certaines classes sociales, de certaines corporations ou de certaines confréries. Il s’agit généralement d’unions à l’intérieur de famille princière ou aristocratique » (Georgin, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀁󰀅). Cependant, il n’y a pas qu’une définition pour la caractériser et les interprétations sont aussi complexes que la problématique. Généralement, l’inceste peut être défini comme une « relation sexuelle entre individus qui sont apparentés à un degré prohibé » (Georgin, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀁󰀅). Il faut reconnaître que l’inceste ne se produit pas uniquement lorsqu’il y a relation sexuelle complète et que c’est la proximité du lien de parenté, souvent sous l’effigie du mariage, qui en dicte les frontières (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆). L’étymologie du terme inceste vient du latin incestum qui signifie non chaste, souillé et impur décrivant dans une généralité une relation sexuelle au sein d’une même famille et mettant au jour un comportement déviant par rapport à une loi (Bauchet, Dieu et Sorel, s.d.). Lorsque l’on fait

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allusion à l’inceste, il est fort probable, mais non exclusif que la pédophilie puisse faire partie de l’équation. De ce fait, il est important d’en donner une définition claire qui permettra de faire la nette distinction entre les deux concepts, puisque dans quelques cas le parent réalise l’inceste avec l’enfant lorsque celui-ci est d’âge mineur et cette relation se perpétue une fois l’enfant devenu adulte. Notion de pédophilie La pédophilie est définie comme « une attirance ou préférence sexuelle d’un adulte envers les enfants prépubères ou en début de puberté » (Bauchet, et coll., s.d., p. 󰀃). Comme l’acte d’inceste et de la pédophilie sont tous deux des actes de violence, il faut percevoir la notion de pouvoir, du parent incestueux, comme fondement commun aux deux actes, et de ce fait augmente la disposition de vulnérabilité de la victime. Par conséquent, l’on reconnaît dans ce comportement un abus de pouvoir et par extension un abus sexuel (Bauchet, et coll., s.d.). Ce qui différencie principalement la relation pédophile de l’inceste est la relation par elle-même, c’est-à-dire « le contexte dans lequel elle évolue [et] qui permet ou induit le passage à l’acte, et non pas un désir irrépressible pour les enfants » (Bauchet, et coll., s.d., p. 󰀃). En d’autres mots, le pédophile est attiré par toutes relations sexuelles qui ont comme finalité un enfant ou un préadolescent, alors que le comportement incestueux trouve sa finalité dans la relation filiale. Un individu doit répondre aux trois critères diagnostiques pour être en mesure d’être considéré comme ayant un trouble pédophile ; 󰀁) présence de fantasmes entraînant une excitation sexuelle intense, sur une période d’au moins 󰀆 mois, avec un ou plusieurs enfants âgés de treize ans ou moins (Barlow, Durand, Gottschalk et Granger, 󰀂󰀀󰀁󰀆 ; Crocq, Guelfi, Boyer, Pull et Pull-Erpelding, 󰀂󰀀󰀁󰀆). 󰀂) le sujet a accompli ses pulsions sexuelles entraînant avec elle une importante détresse liée à des difficultés relationnelles (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆 ; Crocq, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). 󰀃) le sujet pédophile a plus de seize ans et moins de cinq ans qui le séparent de sa victime (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆 ; Crocq, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). Fait surprenant, nombreux sont les hommes qui commettent l’inceste, donc le pratiquant uniquement sur leurs propres enfants, et qui ne reconnaissent pas l’acte sous-jacent de pédophilie et y voient plutôt un signe d’amour à l’égard de leurs enfants ou encore une forme d’enseignement (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆 ; DarvesBornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆).

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Notion de viol Après avoir passé en revue les définitions d’inceste et de pédophilie, tentons maintenant de définir la notion de viol. Au sens juridique le viol s’interprète comme étant [T]out acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. (…) On distingue le viol des autres agressions sexuelles à travers l’existence d’un acte de pénétration qui peut être vaginale, anale ou buccale. Cet acte peut être réalisé aussi bien avec une partie du corps (sexe, doigt...) qu’avec un objet (« Viol – Définition juridique », s.d.).

Le viol sans être exhaustif dans cette définition revêt une action importante : l’acte de pénétration de la part de l’agresseur envers sa victime (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Ce type de définition n’est assurément pas acceptée de tous et, n’en déplaise à plusieurs, le viol est principalement caractérisé par la dimension de pénétration alors que cette violence est assurément beaucoup plus complexe. Cependant, au sens juridique, c’est bien l’action liée à la pénétration qui la définit. Voici quelques chiffres qui permettront d’avoir un portrait lié à ces types de violences en relation avec le genre. La littérature scientifique reconnaît que 󰀉󰀀% des hommes et 󰀁󰀀% des femmes sont des pédophiles, témoignant ainsi d’une prévalence de 󰀁󰀀 pour 󰀁 (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). De ce fait, les femmes rapportent davantage avoir subi, durant l’enfance, des agressions et de la maltraitance à caractère sexuel que leurs homologues masculins (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). Pas moins de 󰀁󰀂% des hommes et 󰀁󰀇% des femmes rapportent avoir été touchés de façon inappropriée par des adultes dans leur enfance (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). Retenons que dans la mesure où l’acte sexuel est posé par l’agresseur à l’intérieur des limites de la famille sur des enfants présentant les premières manifestations de maturité sexuelle (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆), et même si l’acte ne trouve pas sa fin dans une relation sexuelle complète, nous parlons d’inceste (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆). Ceci s’interprète en lien avec des questions de disponibilité associées à la victime augmentées des diverses tensions interpersonnelles systémiques (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). En d’autres mots, « la transgression de l’interdit existe lorsque l’agresseur fait fonction de parent (…) il y a [donc] inceste quand le mariage est impossible [entre l’agresseur et la victime] » (Bauchet, et coll., s.d., p. 󰀂). La pédophilie quant à elle trouve sa finalité dans l’acte d’assouvissement des pulsions sexuelles de l’agresseur sur des enfants mineurs où l’on ne

󰀁󰀈󰀄

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reconnaît peu ou aucun signe de maturation sexuelle et cela peu importe s’il s’agit de filles ou de garçons, connu ou non de l’entourage de l’agresseur (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). Finalement, le viol se caractérise par l’action de pénétration d’une partie du corps de l’agresseur, ou de tout autre objet matériel que l’agresseur fait pénétrer, par les voies naturelles, à l’intérieur du corps de la victime (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆 ; « Viol – Définition juridique », s.d.).

Nature de l’inceste et ses impacts traumatiques sur le plan psychologique Nature de l’inceste Il est reconnu dans la littérature que l’inceste serait de nature transculturelle plutôt que naturelle et que pour cette raison la France a modifié son code pénal en 󰀂󰀀󰀁󰀀 pour y inclure la prohibition de l’inceste comme forme d’agression sexuelle distincte par rapport aux autres actes d’agression de même nature (Bauchet, et coll., s.d.). Les recherches indiquent qu’il existe des différences notables liées au genre lorsqu’il est question des réactions à la suite d’une agression (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). La femme éprouverait des désordres internalisés de type dépressionnaire, de l’anxiété, un sentiment d’isolement associé à de la culpabilité et ceux-ci trouveraient leurs origines dans les processus adaptatifs spécifiques au genre féminin (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). Les réactions des hommes à la suite d’une agression prendraient plutôt la forme de désordres externalisés tels que les abus de substance, de l’irritabilité et divers comportements destructeurs associés à de violentes crises de colère (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). Dit autrement, à la suite d’une agression les femmes vivent des réactions émotionnelles internes qui sont plus du domaine privé alors que chez les hommes, les réactions sont plutôt adressées par des comportements externes plus facilement observables dans leurs actions (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). Bien que l’on comprenne que l’inceste fasse partie de la réalité de certaines familles, il est légitime de s’interroger sur les types de familles incestueuses et se demander ce qui les caractérise comme système incestueux. Nous retrouvons deux types de famille incestueuse. Dans un premier temps, celles qui sont fermées sur elles-mêmes et imperméables à leur environnement extérieur; viennent ensuite les familles indifférenciées, enchevêtrées, où les rôles respectifs de chacun sont confondus et mal définis. Dans ces familles les notions de limite sont inexistantes et l’on retrouve un niveau d’engagement excessif entre les sujets (Bauchet, et coll., s.d.). Quel que soit le type de famille incestueuse que l’on rencontre, les mêmes finalités les caractérisent, à savoir que les besoins associés aux

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adultes sont toujours prioritaires, revêtant une dimension d’urgence sur les enfants qui ne servent qu’à assouvir ces urgences (Bauchet, et coll., s.d.). Il devient clair qu’à ce stade les enfants de ces familles sont utilisés et chosifiés par les adultes (Bauchet, et coll., s.d.). On retrouve généralement deux types d’inceste dans les systèmes familiaux. Le premier qui concerne 󰀉󰀀% des situations est l’inceste père-fille qui semble advenir lorsque le père s’est très peu occupé de sa fille avant l’âge de trois ans et qu’il n’a que très peu participé aux soins physiques (Bauchet, et coll., s.d.). On reconnaît dans l’inceste père-fille une relation qui s’inscrit progressivement dans le temps comme étant une séduction, ou au contraire une relation de viol brutal qui s’exprime dans la douleur et qui la plupart du temps s’accompagne d’une intoxication à l’alcool (Bauchet, et coll., s.d.). Le deuxième type, l’inceste maternel se rencontre dans une moindre mesure et il s’exprime souvent comme des actes génitaux de la part de la mère sur l’enfant et ceux-ci peuvent prendre des formes subtiles (Bauchet, et coll., s.d.). L’enfant devient un objet sexuel indirect ou un objet autoérotique masqué par la nature de l’action que la mère porte sur l’enfant, tel que l’allaitement addictif ou encore des soins physiques intrusifs ; dans pareil cas on parlera de conduite para-incestueuse (Bauchet, et coll., s.d.). On reconnaît dans l’inceste de type mère-fils que la mère, prise dans une relation fusionnelle avec son fils, pourrait chercher à entretenir une relation qui n’est pas sans rappeler l’absence du père ou même une forme d’amour paternel non reçu et projeté sur le fils (Bauchet, et coll., s.d.). Certaines règles peuvent contribuer à favoriser un système incestueux au sein du clan familial. C’est essentiellement la rigidité de certaines règles intrafamiliale qui feront en sorte de faire de la violence de l’inceste une violence qui anéantit et attaque la dignité de la victime, faisant fi de la dimension filiale et de la loi (Delage et Boris, 󰀂󰀀󰀁󰀀). À ce stade, de quelle façon peut-on expliquer un comportement incestueux ? Une des explications possibles serait que le parent incestueux tend à satisfaire un besoin, un manque ou un traumatisme vécu dans l’enfance (Bauchet, et coll., s.d.). Une autre explication résiderait plutôt dans un mécanisme relationnel compensatoire et déficient qui s’exprimerait lors de conflits vécus au sein du système familial (Bauchet, et coll., s.d.). L’inceste et ses impacts traumatiques sur le plan psychologique Il est reconnu que peu importe la nature d’un événement traumatique, celui-ci aura des répercussions notables sur les victimes et que le viol est considéré comme étant l’une des expériences traumatogènes les plus

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difficiles à vivre, et ce indifféremment des sexes (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄a). La victime d’inceste souffre assurément des conséquences négatives qui sont liées à l’acte incestueux, mais elle n’est pourtant pas la seule à souffrir; toute sa famille et son entourage souffrent de l’impact du traumatisme (Delage et Boris, 󰀂󰀀󰀁󰀀). Il y a souffrance de la part de la victime et du clan lorsque l’acte est dévoilé au grand jour et on y découvre assurément des sentiments de culpabilité et de coresponsabilités associés à l’événement. Malheureusement on trouve dans certains cas de l’incompréhension de la part des autres membres du clan face à la victime ; cette dernière s’inscrivant au sein de cette même famille elle souffre doublement de son sort (Delage et Boris, 󰀂󰀀󰀁󰀀). Comme le rapporte une victime d’inceste, « [c]e sont des choses honteuses et puis je ne pouvais pas le prouver. Des caresses, ça ne se voit pas, mais ça laisse des traces à celles qui les ont vécus » (Delage et Boris, 󰀂󰀀󰀁󰀀, p. 󰀁󰀀󰀂), des traces qui sont pour le moins invisibles physiquement, mais qui laissent derrière elles la honte et l’humiliation chez la victime. On retrouve en fait un processus implicite d’échange entre la victime et son agresseur, la honte de l’agresseur échangée contre le pouvoir de la victime (Delage et Boris, 󰀂󰀀󰀁󰀀 ; Tannous, 󰀂󰀀󰀁󰀉b). Les conséquences de l’inceste sont nombreuses et tout à la fois uniques selon les circonstances. Par celles-ci on peut reconnaître chez la victime d’inceste les signes d’un traumatisme lié à l’acte incestueux (cauchemars, perte de mémoire), un état décrivant des signes et des symptômes de dépression (latent, aigu, perte d’estime, tentative de suicide, conduite à risque, dermatose, boulimie, anorexie, asthme) et diverses somations en lien avec le trauma, de l’agressivité (sadisme, masochisme, identification à l’agresseur, colère, rage, attitude négative), des dysfonctions sexuelles (trouble d’identité, frigidité, dyspareunie) et un impact sur la parentalité (doute lié au futur partenaire, la peur du toucher comme élément de soin quotidien chez l’enfant, résurgence du trauma en présence du bébé) (Nadeau, Rochon et Golding, 󰀂󰀀󰀁󰀂 ; Rouyer, 󰀁󰀉󰀉󰀅). Également, on reconnaît chez l’enfant victime d’inceste une atteinte sinon une destruction de sa confiance, son incapacité à partager toutes formes d’intimité et une culpabilité contribuant chez la victime à penser que ce qui lui arrive est entièrement de sa faute sous prétexte qu’aucune forme de violence ou de menace, dans certains cas, n’a dû être utilisée pour satisfaire les besoins de l’agresseur (Barlow, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀆). Parmi les conséquences de l’inceste, les femmes sont deux fois plus à risque que leurs homologues masculins de souffrir d’un état de stress posttraumatique lié à l’agression de l’abus sexuel (Josse, 󰀂󰀀󰀁󰀄b ; Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂) favorisant une intégration du souvenir traumatique difficile, voire

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même impossible (Darves-Bornoz, 󰀁󰀉󰀉󰀆), contribuant à son tour à un état de stress post-traumatique lié à des symptômes persistants une fois la victime rendue à l’âge adulte (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). On retrouve parmi les symptômes liés à l’agression de la peur mêlée à de l’anxiété, un fort sentiment de culpabilité, de la honte liée à une impression de malpropreté, une faible estime de soi, des comportements d’automutilations, une dissociation liée au corps, un sentiment de solitude qui favorise l’isolement de la victime pour ne nommer que ceux-ci (Nadeau et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Souffrance liée à l’inceste, une approche psychospirituelle Cette section consiste à aborder la problématique de l’inceste sous une approche psychospirituelle pour tenter d’en dégager un sens qui permettra peut-être à la victime de dépasser sa propre condition et de cheminer vers une résilience réparatrice. En seconde partie, il sera question des conséquences et des impacts de l’inceste sur le plan spirituel de la victime. L’identification à Jésus-Christ Débutons avec le volet spirituel et abordons la question du sens de la souffrance donnée en Jésus Christ. Comment le fait de souffrir de violence liée à l’inceste peut-il conduire à repenser le sens de la souffrance ? Chaque être humain vit assurément son lot d’épreuves lors de son passage sur la Terre. Néanmoins, il y a des supplices liés à la violence qui sont si forts et si difficilement encaissables qu’il devient naturel de se demander si l’on ne pourrait pas, pour un instant, la partager et déposer notre fardeau pour diminuer la souffrance qui nous habite. La partager oui mais avec qui ? Et pourquoi pas avec Jésus ? N’a-t-il pas, lui aussi, fait l’expérience de la souffrance, physique et psychologique, et cela à plusieurs reprises ? N’est-il pas parmi les mieux placés pour comprendre nos sentiments liés à la violence ainsi qu’à la souffrance ? Pour quelqu’un qui a la foi, ces paroles prennent tout leur sens, car c’est bien par la grâce du Père qu’il nous envoya son fils unique pour racheter le monde au prix de douleurs et de souffrances incommensurables (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃). La souffrance vécue par les créatures de Dieu rappelle, en partie, celle qu’a subie le Christ sur la croix et il est dit « que si le Christ a racheté le monde en acceptant amoureusement la douleur, tout chrétien qui s’associe à cette douleur par sa propre souffrance participe au caractère rédempteur de la douleur du Christ; il rachète le monde avec le Christ » (Larrañaga,

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󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀂󰀅). Ces paroles n’indiquent pas qu’il soit heureux de passer par la souffrance pour être ainsi considéré digne d’être sauvé, aucunement. Elles témoignent plutôt du sens que l’on apporte à la souffrance et qui rend compte de notre condition de créature et qui dans un élan de courage décide d’élever cette souffrance à un niveau supérieur pour ainsi nous permettre de faire sens et ultimement vivre la résilience. Il est démontré, à la suite d’une étude portant sur la résilience des adultes ayant vécu l’abus sexuel durant l’enfance, que 󰀅󰀄% des survivants ont reconnu en la personne de Jésus-Christ une figure d’importance liée à leur mieux-être sinon à leur guérison (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Poussons la réflexion un peu plus loin. Bien qu’il soit indéniable que la souffrance fasse partie de notre vie, nous serions en droit de nous interroger sur l’existence de cette souffrance et même de conclure que si Christ est mort sur la croix par amour pour son peuple, dans le but d’expier les péchés du monde, pourquoi Dieu permet-il encore et toujours la souffrance ? Une partie de la réponse nous parvient du pape Jean-Paul II lorsqu’il signale que le Seigneur a complètement réalisé le Salut, mais qu’il ne l’a pas clos, « le fait qu’il doive être achevé sans cesse forme une partie de l’essence même de la souffrance rédemptrice du Christ » (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀂󰀆). De même, en aucun temps Dieu nous n’aura laissé entendre qu’il protégerait son peuple de la souffrance et qu’il interviendrait pour chacun d’entre nous en toutes circonstances ; il ne l’a d’ailleurs pas fait pour son fils agonisant sur la croix (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Il serait d’ailleurs bien illusoire de croire que la souffrance liée à nos vies sur la Terre est commandée par Dieu dans le but de nous faire grandir ou encore de nous châtier, pas plus que l’assiduité à la prière nous protégera des tourments (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Une telle pastorale travestit le message de Jésus-Christ et sert les intérêts humains en stipulant que [L]a souffrance humaine est la volonté de Dieu et que la seule option est de l’endurer. On encourage la souffrance et les situations de souffrances quand on ne fournit pas aux victimes les moyens d’échapper à la violence, quand on leur dit de retourner à la maison et de continuer à prier (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀅󰀇).

Si Dieu a choisi de déposer le fardeau du monde sur le dos du Serviteur en guise de rachat de l’humanité, qu’il fût blessé et tué pour nous, cela indique qu’il souffre pour et à la place de chacun de nous en assumant la souffrance qui devait dès le début choir sur nous (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃). Conséquemment, dans une vision théologique, chacune des victimes devient à son tour un « Serviteur de Yahvé qui souffre à la place des autres

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et qui collabore avec le Christ à la rédemption du monde » (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀂󰀈). Mais attention, jamais dans un but d’asservissement des victimes. De même, saint Paul peut être d’un grand réconfort couplé d’un enseignement important sur les notions chrétiennes de force et de faiblesses liées à la résilience, une fois de plus, jamais au détriment des victimes. [C]’est dans la faiblesse humaine qu’est greffée la force de Dieu et qu’elle agit. Celui qui veut vivre doit mourir. Pour se transformer en épi doré, le grain doit pourrir et être enfoui dans la terre. La force naît donc de la faiblesse, la vie de la mort, la consolation de la désolation, la maturité des épreuves (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀃󰀁).

Conséquences de l’inceste sur le plan spirituel Cependant, il faut bien reconnaître que pour les victimes d’abus sexuel, et particulièrement d’inceste, l’irréparable se produit souvent au sein de familles pratiquantes ou l’image du père de famille représente, à toute fin pratique, l’image du Père Céleste, images véhiculées par une éducation religieuse catholique qui joue abondamment sur l’imaginaire et la capacité de représentation de l’enfant (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Fidèle à l’enseignement et aux traditions bibliques, l’enfant comprend que Dieu est un être infiniment bon, tout-puissant et qu’il représente le Père que l’on retrouve dans la Bible, qui récompense les bonnes personnes et réprimande les mauvaises (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). L’enfant conçoit alors que pour conserver l’amour de son père et celui du Père Céleste, il doit adopter une position de soumission et témoigner d’obéissance telle que le stipule l’évangile (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Plus l’enfant est victime d’abus à bas âge, plus ce dernier croit que Dieu sera présent pour lui venir en aide, alors que dans les faits l’acte incestueux produit une image destructrice et monstrueuse de ce père charnel. Il devient alors impossible pour l’enfant d’associer une image positive du père à celle du Père Céleste (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Ce dernier fait alors la douloureuse expérience de voir non seulement sa confiance trahie, pour ne pas dire annihilée par cette dynamique d’abus sexuel, mais il constate qu’il a été abandonné et laissé pour compte par les deux figures du père (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). « Le parent ne donne plus à l’enfant, il le prend, il se l’approprie (…) [l]’enfant s’en trouve alors confus aussi bien en rapport à l’autre qu’à sa propre valeur » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀃󰀈).

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Il est alors tout naturel pour l’enfant abusé de comprendre que, si Dieu aime, protège et prend soin de ceux qui souffrent, ce dernier est vraisemblablement une mauvaise personne qui ne mérite pas sa protection et son amour, car Dieu n’intervient pas pour lui venir en aide comme on lui a pourtant si souvent répété (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Ce regrettable constat de la part de l’enfant favorise un repli pathologique sur soi et engendre une distorsion cognitive lui laissant croire qu’il est responsable des actions de son agresseur (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Le professeur Nadeau et ses collègues (󰀂󰀀󰀁󰀂) rapportent qu’une interprétation déficiente de l’Écriture engendre souffrance et mal du fait que le message de Dieu est travesti pour les besoins égoïstes d’une personne au détriment d’une autre. Une telle interprétation de la Parole véhicule le message que la souffrance humaine est d’abord la volonté de Dieu et que la seule alternative qui se présente aux victimes est de l’endurer (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Aussi, il ne faudrait pas croire que si le Fils de Dieu a bien voulu porter les souffrances du monde jusqu’à y trouver la mort, il y a cependant une grande différence « entre prendre le risque ou accepter de souffrir pour une cause, et se voir imposer une souffrance pour le plaisir d’un autre » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀅󰀆). Le professeur Nadeau affirme que « Dieu n’est pas une machine distributrice dans laquelle il faudrait déposer les bonnes pièces de monnaie » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀅󰀇) pour être aimé et entendu de Dieu. Il nous rappelle à juste titre que le message de Dieu en est un de vie et de justice et qu’il demeure à l’opposé du mal et de l’oppression de ses créatures (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Il ajoute que certains textes de l’Évangile ont été détournés de leur sens premier, soit la défense des plus vulnérables de nos sociétés, conférant ainsi plus de pouvoir aux plus puissants de nos sociétés dans l’unique but de satisfaire leurs propres besoins (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Dans les faits, lorsqu’il y a inceste il y a inévitablement un abus de pouvoir et de confiance de la part d’une personne ayant un statut dominant sur une autre, dite vulnérable, et qui s’inscrit dans tout son être à une période décisive de son développement humain (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). De plus, lorsque l’abus est répété à plusieurs occasions, comme c’est souvent le cas pour les abus sexuels incestueux, cela engendre bien souvent une blessure spirituelle sans précédent qui implique de graves atteintes à de multiples niveaux, incluant celle liée au pouvoir de choisir, « la victime d’abus sexuel fait l’expérience d’une privation de pouvoir radicale sur son corps et sur sa parole. Privée à répétition de pouvoir sur ce qui lui arrive, l’enfant abusée (…) peut se sentir privée de sa capacité même de vivre » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀄󰀂).

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Pour la grande majorité des gens, la notion de pouvoir n’est que très rarement associée à une saine spiritualité, car l’enseignement biblique et spirituel favorisant plutôt la soumission et l’obéissance au détriment du pouvoir décisionnel de la personne. Pourtant ce dernier invite à l’action en mobilisant les ressources internes de la personne (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). La rupture du pouvoir personnelle constitue donc une blessure spirituelle majeure, car la victime qui se retrouve en situation d’impuissance n’a plus la capacité de modifier la situation traumatique et ainsi changer le cours des évènements, tout en produisant une rupture du lien de confiance à l’autre, à soi et même à Dieu (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂). Comme le suggèrent Nadeau et son équipe, « [l]e pouvoir s’avère une qualité fondamentale du sujet, un élément fondateur de l’identité et de la capacité éthique du sujet » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀄󰀁); de ce fait, la violence de l’inceste produit une rupture associée à la dimension de foi produisant une absence de confiance de la part de la victime, pour elle et autrui, et voit par le fait même son propre pouvoir s’éteindre, perdant ainsi sa capacité de « structurer l’échange négocié de comportement en sa faveur » (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀄󰀁). Comme le rapporte si bien les auteurs du livre Autrement que victime, Dieu, enfer et résistance chez les victimes d’abus sexuel (󰀂󰀀󰀁󰀂) au sujet de la spiritualité, celle-ci [C]oncerne donc l’estime et l’intégration de soi, la quête et l’affirmation d’un sens à la vie et particulièrement à sa propre vie, la relation à l’absolu, l’appartenance à une communauté, l’éthique et l’espoir. C’est parce que l’abus sexuel a un impact sur ces dimensions fondamentales de l’existence que l’on parlera de ses conséquences spirituelles (…). Si l’abus sexuel a un impact sur la vie spirituelle, c’est que la spiritualité (…) est enracinée dans le corps, l’histoire, la rencontre de l’autre (Nadeau, et coll., 󰀂󰀀󰀁󰀂, p. 󰀃󰀄).

Conclusion Rassemblons déjà ce qui a été affirmé à propos de la violence de l’inceste dans le but de rassembler notre pensée. Dès les premiers instants, il fut question d’aborder la dimension du mal et de la souffrance chez l’être humain en faisant intervenir la voie spirituelle comme l’une des sources possibles de réponse. La délicate question de l’absurdité du mal, associée à sa définition, fut adressée suivi des trois éléments qui la caractérisent : le mal lui-même, la connaissance et la réalité de ce mal et finalement les réactions affectives qui lui sont associées. Les concepts d’inceste,

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de pédophilie et de viol furent définis déjouant ainsi toute ambigüité sémantique pouvant parfois prêter à confusion, apportant à sa suite une meilleure interprétation des impacts traumatiques liés à ces types de violences. L’inceste est au cœur d’une problématique qui semble pourtant beaucoup plus vaste et qui demande à être pleinement comprise et démystifiée aux yeux de la communauté scientifique et des instances professionnelles. Cette violence n’étant pas exclusive à la femme, il n’est cependant pas surprenant de constater que c’est souvent elle qui en est victime. La problématique de l’inceste n’est pas sans rappeler la dimension d’intersectionnalité stipulant que la victime est non seulement victime d’un acte de violence, mais qu’elle devient doublement victime due à sa condition genrée. Cette double condition de victimisation, trop souvent portée par la femme, n’est pas sans conséquence sur le problème de l’inceste et il serait intéressant d’ouvrir les voies de la recherche pour ainsi augmenter nos connaissances sur les conséquences et les relations qui pourraient exister entre l’inceste et l’intersectionnalité. Une voie prometteuse serait peut-être de tenter d’aborder la problématique par la recherche génétique et tenter d’y découvrir des correspondances originales qui pourraient apporter de nouveaux éléments associés aux comportements sexuels en y juxtaposant le domaine des neurosciences. Mais que pouvons-nous faire au niveau pragmatique pour venir en aide aux gens qui auront choisi de poser des gestes de violences à caractère sexuel ? Car il s’agit d’un comportement appris, et par la suite choisi, dans un but de contrôle et de domination qui conduit à l’acte de violence (Tannous, 󰀂󰀀󰀁󰀉a). Une piste de réponse pourrait trouver son chemin dans l’application d’une justice réparatrice où les valeurs d’estime de soi, de confiance et de réconciliation permettraient le cheminement vers une guérison autogérée et un retour à une vie pleine et engagée contribuant à l’apaisement des symptômes liés aux actes de violence (« Justice réparatrice », 󰀂󰀀󰀁󰀈 ; « Justice Réparatrice de Québec », s.d.). Bien que les agressions à caractère sexuel laissent des traces physiques et surtout psychologiques, il demeure important d’entrevoir l’avenir et l’après-agression chez la victime. L’être humain a toujours été et continue sans cesse d’être en quête de sens, il donne et interprète inlassablement les événements auxquels il est confronté, que ces évènements soient positifs ou négatifs. Il est cependant difficile d’apporter un sens à quelque chose qui brise et fracture la vie, voire celle de notre âme. De ce fait, quelles expériences correctrices pourraient ramener à l’avant-plan ce Dieu père, bienveillant ? Qu’est-ce qui doit être guéri pour que l’image de

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Dieu père puisse refaire surface avec toute sa richesse ? Comment restaurer la confiance perdue ? À quelles conditions la souffrance peut-elle prendre sens ? Comment la victime peut-elle en arriver à communier à la souffrance du Christ et par quel passage ? Voilà autant de questions restées sans réponses et qui pourtant demandent que l’on y prête attention dans l’espoir d’y trouver un mieuxêtre pour les victimes d’inceste auquel est accolée la dimension spirituelle. C’est pourquoi il est plus important que jamais de sortir de l’ombre et d’adresser la problématique pour que les professionnels participent à une démarche de guérison en association avec les victimes d’actes de nature sexuelle. En guise d’espoir et de résilience associés à des jours meilleurs pour toutes les victimes d’actes de violence à caractère sexuel, réside dans les paroles de Ignace Larrañaga, un hymne à la joie que voici… Là où il y a la profondeur, il y a la vie. Là où il y a la vie, là est l’[humain]󰀁. Et là où est [l’humain], là sont conjointement la joie et la douleur. De la profondeur jaillissent les grandes eaux; et plus elles fusent haut, plus profond est le sous-sol d’où elles sourdent. La douleur et la joie proviennent d’un même fond. La profondeur qu’atteint la joie, la douleur l’atteint aussi. (…) De cette source jaillissent les paroles et les attitudes de Jésus, et l’état d’âme dans lequel nous le contemplons toujours, nimbé de confiance et de sérénité (Larrañaga, 󰀁󰀉󰀉󰀃, p. 󰀂󰀀󰀈-󰀂󰀀󰀉). Bibliographie Barlow, D. H., Durand, M. V., Gottschalk, M. & Granger, B. (󰀂󰀀󰀁󰀆). Psychopathologie: une approche intégrative, Louvain-La-Neuve, De Boeck supérieur. Bauchet, P., Dieu, E. & Sorel, O. (s.d.). Le système familial incestueux, 󰀁󰀈. Cliche, M.-A. (󰀁󰀉󰀉󰀆). Un secret bien gardé : l’inceste dans la société traditionnelle québécoise, 󰀁󰀈󰀅󰀈-󰀁󰀉󰀃󰀈. Revue d’histoire de l’Amérique française, 󰀅󰀀 (󰀂), 󰀂󰀀󰀁–󰀂󰀂󰀆. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀃󰀀󰀅󰀅󰀀󰀈ar Crocq, M.-A., Guelfi, J. D., Boyer, P., Pull, C.-B. & Pull-Erpelding, M.-C. (dir.). (󰀂󰀀󰀁󰀆). Mini DSM-󰀅®: critères diagnostiques, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson SAS. Darves-Bornoz, J.-M. (󰀁󰀉󰀉󰀆). Rapport de psychiatrie, 󰀂󰀇󰀂. Delage, M. & Boris, C. (󰀂󰀀󰀁󰀀). Famille et résilience, Paris, Jacob. Geiger, L.-B. (󰀁󰀉󰀆󰀉). L’expérience humaine du mal, Paris, Éditions du Cerf. Georgin, R. (󰀁󰀉󰀉󰀃). L’inceste et ses tabous: essai sur le mythe de la déesse. Paris, Cistre. Josse, É. (󰀂󰀀󰀁󰀄a). Le traumatisme psychique: chez l’adulte. 󰀁  Dans un but d’inclusion associé à une dimension de respect pour le genre féminin, l’auteur a délibérément remplacé le terme homme de la citation originale par humain, témoignant, selon lui, d’une violence linguistique et d’un patriarcat passif.

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Pour ne pas conclure Marie-Rose Tannous Université Saint-Paul, Ottawa

La conclusion de ce collectif ne se veut pas une reprise de ce qui a été déjà évoqué et mentionné à travers les douze chapitres. Elle souhaite être une ouverture vers une meilleure reconnaissance de la place de la femme dans nos sociétés, ainsi qu’une prise de conscience de l’importance de la collaboration entre les deux sexes pour faire du monde un atelier où homme et femme sculptent chacun sa propre vie tout en tenant compte de la place de l’autre, de ses compétences et de ses spécificités. Ainsi, il ne s’agit pas de conclure, il est plutôt question de poursuivre cette mission « pour ne pas conclure ». La violence à travers ses multiples formes est vécue par les femmes comme un phénomène dynamique qui ne connaît pas de limites, ni de contextes culturels précis, ni de statuts sociaux particuliers. En dépit des études, des recherches et des efforts pour la contrer, elle demeure fort présente dans nos sociétés à cause de plusieurs variations et facteurs qui la nourrissent et la maintiennent. La violence qui accable la femme défigure son identité ainsi que sa mission dans le monde. Est-elle née pour être violentée et abusée ? Estelle un être dépourvu de compétences et de capacités ? Sera-t-elle dépendante de l’homme et de son pouvoir ? Bien que nous n’ayons pas à le prouver, plusieurs femmes aux quatre coins de la terre, ont participé, et en dépit des défis qui les entourent et qui les limitent, à changer le visage du monde par leurs compétences, leur compassion et leur personnalité. Sera-t-elle alors un être redoutable qui donne la vie et la change et qui devient menaçante avec ses multiples talents et capacités diversifiées ? Quels sont les enjeux qui nourrissent les relations et les rapports entre l’homme et la femme ? Sont-ils nés comme adversaires et compétiteurs ? Est-ce qu’il s’agit de l’insécurité de l’homme vis-à-vis de la femme qui fait accroître ce sentiment de rivalité ? S’agit-il d’une hiérarchisation qui s’est installée à la suite de la sous-valorisation que les sociétés, à travers les siècles et les cultures, ont infligée à la femme et à sa place ? Pourquoi être femme et être un être à part complète deviennentils une formule difficile à appliquer ?

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MARIE-ROSE TANNOUS

Plusieurs théologiens et théologiennes, autorités religieuses, chercheurs et chercheuses dans multiples domaines ont dénoncé la violence faite aux femmes. « Toute violence faite à la femme est une profanation de Dieu, né d’une femme », déclare le pape François (󰀁er janvier 󰀂󰀀󰀂󰀀) lors de la messe de la fête de Marie Mère de Dieu et la Journée mondiale de la paix. Le pape François (󰀁er janvier 󰀂󰀀󰀂󰀀) affirme que par Marie, « une femme, le salut est venu et donc il n’y a pas de salut sans la femme ». Le pape qui est l’évêque de Rome et successeur de l’apôtre Pierre veille particulièrement au prolongement de la mission du Christ Rédempteur, confiée à son Église. Ce prolongement doit être conforme à la volonté du Christ. Dans le cadre de la violence faite aux femmes, toute transgression de l’être sacré de la femme constitue une transgression de la volonté et de l’être sacré de Dieu qui a choisi de naître d’une femme. D’autre part, le pape François parle de femme et de paix comme d’un couple qui ne peut et ne doit pas être séparé. Ainsi, peut-on envisager la paix si la violence vécue par la femme se perpétue ? Peut-on parler de paix sans établir une relation de confiance et de collaboration entre les sexes ? Tous les efforts concertés pour contrer et prévenir la violence faite aux femmes restent vains sans la collaboration des deux moitiés de la société dans ce projet. D’autre part, selon Brodeur (󰀂󰀀󰀀󰀃) : « l’homme est aussi accusé d’être dévoré par la soif du pouvoir, de ne pas avoir de respect pour la femme et de dégrader la nature constamment. On lui attribue de plus l’entière responsabilité des guerres, des massacres, du totalitarisme et de tous les autres maux qui affligent l’humanité » (p. 󰀁󰀅󰀀). Ainsi la question qui se pose : voulons-nous tomber dans cet extrémisme qui dessine l’homme comme le destructeur du monde ? Voulons-nous déformer la réalité en dissimulant la contribution positive de l’homme au monde ? Comment pouvons-nous prétendre que la vie de l’homme a toujours été privilégiée ? Il faut bien éviter les dérapages. L’objectif n’est pas de pointer l’homme ni de le culpabiliser. Il ne s’agit pas non plus d’inverser les situations : libérer la femme et emprisonner l’homme dans son image de bourreau. Une telle approche met l’homme dans une situation de victime, mais ne libère pas la femme. En conséquence, personne n’est gagnant, ni homme ni femme. Il ne s’agit pas non plus de diviser le monde selon une pensée manichéenne, entre bons et méchants, où l’homme est présenté comme le « Grand Satan » (Côté, 󰀁󰀉󰀉󰀀, p. 󰀃󰀆). Il n’est pas question de nier la violence faite aux femmes, ni de la banaliser ; l’objectif n’est pas non plus de toucher à la dignité masculine. En aucun état de figure, la violence ne peut être légitimée ; ni la violence exercée principalement par les hommes contre les femmes

POUR NE PAS CONCLURE

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ni la violence employée par certaines femmes dans un cadre de légitime défense (Brodeur, 󰀂󰀀󰀀󰀃). Il s’agit plutôt de miser sur la complicité des rôles et des places. Il existe une égalité morale entre l’homme et la femme. Cependant, l’égalité ne doit pas être confondue avec la similitude. Homme et femme ont des caractéristiques en commun, mais aussi des différences essentielles inhérentes à chaque sexe (Cliche, 󰀁󰀉󰀈󰀉). Ces différences ne sont pas censées dégrader ni relever l’un au détriment de l’autre. Ces différences sont les richesses de chacun et de chacune et marquent l’unicité de chacun des genres. Homme et femme sont des compagnons de route. Il est principalement question de tourner les cœurs et de changer les mentalités pour que le sexisme et les suppositions fondées sur le sexe et le genre influencent moins la perception du public. Homme et femme sont supposés se battre contre de nombreux préjugés qui freinent leur lutte afin d’obtenir justice. La violence ne peut pas être banalisée, qu’elle touche homme ou femme. Puissions-nous travailler ensemble vers une vision d’ensemble des droits des humains : homme et femme ! Pour mener ensemble ce combat et dénoncer injustice et discrimination, il serait important de comprendre que le narcissisme, qui ne connaît pas de sexe, même s’il « est cultivé comme un art de vivre » (Côté, 󰀁󰀉󰀉󰀀, p. 󰀇󰀀), ne nourrit pas la tendance à vouloir collaborer, ni à mettre l’autre devant nous. L’être humain ne peut pas être seulement la version de ses peurs et de ses blessures ; le produit final lui appartient, car il demeure le sculpteur de sa vie. Et s’il est capable d’investir son énergie, son intelligence et son potentiel dans des actes violents, il est certainement capable de canaliser ses talents afin de devenir le meilleur de lui-même. Bibliographie Brodeur, N. (󰀂󰀀󰀀󰀃). Le discours des défenseurs des droits des hommes sur la violence conjugale : une analyse critique. Service social, 󰀅󰀀 (󰀁), 󰀁󰀄󰀅–󰀁󰀇󰀃. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/ 󰀀󰀀󰀆󰀉󰀂󰀅ar Cliche, M.-A. (󰀁󰀉󰀈󰀉). Droits égaux ou influence accrue? Nature et rôle de la femme d’après les féministes chrétiennes et les antiféministes au Québec 󰀁󰀈󰀉󰀆-󰀁󰀉󰀃󰀀. Recherches féministes, 󰀂 (󰀂), 󰀁󰀀󰀁–󰀁󰀁󰀉. doi: 󰀁󰀀.󰀇󰀂󰀀󰀂/󰀀󰀅󰀇󰀅󰀆󰀁ar Côté, R. (󰀁󰀉󰀉󰀀). Manifeste d’un salaud, Terrebonne, Éditions du Portique. François (󰀁er janvier 󰀂󰀀󰀂󰀀). Messe de la fête de « Marie, Mère de Dieu ». https:// fr.zenit.org/articles/toute-violence-faite-a-la-femme-est-une-profanationde-dieu-ne-dune-femme-texte-complet/

Biographies des auteur(e)s Isabelle BEAUDRY Travaillant au sein du Service correctionnel du Canada, Isabelle Beaudry désire venir en aide à des personnes ayant des démêlés avec la justice pénale en tentant de prévenir la récidive ainsi qu’en améliorant la qualité de vie de cette clientèle à travers la relation d’aide. Curieuse et passionnée à l’égard de la psychologie et du comportement humain, elle poursuivit ses études universitaires et est nouvellement bachelière en Relations humaines et spiritualité de l’Université Saint-Paul avec mention d’honneur Summa Cum Laude. Caroline BOULANGER Caroline est bachelière en Relations humaines et spiritualité de l’Université Saint-Paul. Elle est passionnée par la vie et les voyages. Ces derniers lui permettent d’élargir sa vision du monde. Elle se sent particulièrement sensible à l’injustice, ce qui nourrit sa motivation pour la lutte vers un monde plus équitable et égal. Au niveau pratique, Caroline reconnaît l’importance d’offrir une aide continuelle, même si c’est sur une petite échelle, à ceux qui sont dans le besoin. Sa principale valeur humaine est l’amour inconditionnel qui à son dire permet de grandir et de contrer les difficultés de la vie. Geneviève BROUILLARD Geneviève est une jeune femme persévérante, passionnée par les sciences sociales. Elle est technicienne en travail social et éducatrice à la petite enfance. Elle est diplômée de La Cité collégiale, EPEI, membre de l’Ordre des éducateurs de l’Ontario et finissante au Baccalauréat ès arts en Relations humaines et spiritualité de l’Université Saint-Paul. Elle est admise à la maîtrise de counseling et spiritualité de l’Université Saint-Paul. Geneviève est connue par sa curiosité intellectuelle, elle est toujours en questionnement et en quête de réponses. Mélodie DENIS Mélodie est une étudiante de troisième année au baccalauréat en Relations humaines et spiritualité à l’Université Saint-Paul. En fin de semaine,

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BIOGRAPHIES DES AUTEUR(E)S

elle travaille auprès d’enfants et d’adolescents atteints de trouble du spectre de l’autisme. Pendant ses vacances d’été, elle se met au service des enfants neurotypiques (Le terme neurotypique est utilisé pour désigner les personnes qui ne se situent pas dans le spectre de l’autisme qui inclut l’autisme et le syndrome d’Asperger). Elle est passionnée de voyage et est à la recherche de nouvelles aventures. Dodine FATAKI Dodine, canadienne d’origine congolaise, est diplômée en Relations humaines et spiritualité de l’université Saint-Paul. Elle est passionnée par la nature et la spiritualité. Elle est particulièrement sensible aux conditions de la femme autour du monde ; c’est ainsi qu’elle dénonce toute violence et toute pratique qui touchent à la justice envers la femme. Elle exhorte les autorités compétentes à la protection de la femme et à la valorisation de ses droits. Isabelle LAGRANGE Isabelle est actuellement étudiante à la Maîtrise en Counselling et spiritualité à l’Université Saint-Paul. Récemment bachelière en Relations humaines et spiritualité, du même établissement, elle obtient son diplôme avec la mention Summa Cum Laude et récolte la médaille d’argent du gouverneur. Intervenante en milieu communautaire auprès d’une clientèle judiciarisée, elle est passionnée par la psychologie et la réadaptation sociale. Motivée à mieux comprendre les comportements humains, elle opte pour une vision holistique et humaniste dans son approche client. Anik LARIVIÈRE Anik, native d’Ottawa, a toujours eu un côté militant. Elle s’est longtemps impliquée au sein d’organismes jeunesse afin de parler d’enjeux importants pour les jeunes francophones en milieux minoritaires. Elle fut recrutée par un collège francophone où elle travaille étroitement avec les jeunes pour les aider à cheminer dans leur parcours d’études. Elle poursuit ses études en Relations humaines et spiritualité à l’Université Saint-Paul. Son objectif est de s’outiller et de trouver des moyens pour créer des ponts afin de faire de ce monde un monde plus accueillant et plus ouvert au changement. Byanka LEROUX Byanka, née à Ottawa, est titulaire d’un baccalauréat en Relations humaines et spiritualité de l’Université Saint-Paul. Elle a débuté ses études

BIOGRAPHIES DES AUTEUR(E)S

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postsecondaires à la Cité collégiale à Ottawa où elle a obtenu un diplôme d’étude collégiale avec distinction en techniques de réadaptation et justice pénale. Étant maintenant conjointe militaire, elle débute sa carrière en ressources humaines pour la défense nationale sur la base militaire de Petawawa. Son cheminement scolaire lui aurait permis de développer une passion pour les diverses déviances présentées dans une société donnée. Modeste HALA MESSOU Modeste vient de la Côte d’Ivoire. Elle a récemment obtenu un Baccalauréat en Relations humaines et spiritualité de l’Université Saint-Paul. Ses rencontres avec des femmes de différentes origines et conditions, en Afrique et en Occident, lui ont permis de voir et de ressentir l’ampleur des violences faites aux femmes. Elle s’est fixée comme objectif de contribuer à l’amélioration de la condition de la femme à partir de ses écrits. François MIREAULT François détient un baccalauréat en Relations humaines et spiritualité de l’université Saint-Paul d’Ottawa. Il évolue sur le plan professionnel au sein des Ressources éducatives de la Commission scolaire au Cœurdes-Vallées, située dans la région administrative de l’Outaouais. Il occupe un emploi d’animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire (A.V.S.E.C.) pour la clientèle étudiante aux niveaux primaires et secondaires, du régime de l’Éducation et Enseignement supérieur du Québec. Karine ROY Karine, née à Ottawa, était à l’âge de seize ans une investigatrice d’une compagnie artistique « Express-Arts ». Elle offrait des cours de théâtre et des camps d’été aux enfants et aux adolescents de sa région. De plus, elle travaillait dans des écoles élémentaires environnantes. Karine est présentement mère de 󰀄 enfants et étudiante au Baccalauréat spécialisé en Relations humaines et spiritualité à l’Université Saint-Paul. Karine est une survivante de violence conjugale. Maude SAULNIER Bachelière de l’Université Saint-Paul, Maude entame présentement sa Maîtrise en Counseling et spiritualité. Elle est intervenante sociale en violence conjugale auprès de la Maison Libère-Elles (Chelsea, QC)

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BIOGRAPHIES DES AUTEUR(E)S

depuis 󰀂 ans. La Maison Libère-Elles est un organisme à but non lucratif qui offre des services d’aide spécialisés et d’hébergement aux femmes victimes de violence ou ayant des difficultés temporaires ainsi qu’à leurs enfants. Elle s’intéresse à l’impact de l’approche constructiviste dans l’accompagnement des hommes qui ont posé des gestes d’abus sexuel. Elle souhaite continuer ses recherches sur la violence conjugale. Plus précisément, elle désire trouver des outils thérapeutiques spécifiques pour aider les victimes (homme ou femme) de violence conjugale à dépasser leurs traumatismes. Marie-Rose TANNOUS Marie-Rose est titulaire de deux maîtrises, une ès arts en Théologie, concentration Spiritualité, puis une deuxième ès arts Counseling et Spiritualité. Elle est aussi titulaire d’un Doctorat en Théologie, concentration Éthique chrétienne. Marie-Rose est professeure à temps partiel à l’Université Saint-Paul. Elle travaille aussi comme psychothérapeute, autorisée par l’ordre des psychothérapeutes de l’Ontario, avec des individus, des couples et des familles. Marie-Rose s’est particulièrement intéressée dans ses publications et ses recherches à la femme, à la vie du couple, à la famille et à la sexualité.

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