Romanesque. Art roman 3936761620, 9783936761627


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Néerlandais Pages 255 [237] Year 2003

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Table of contents :
Frontispice
Table de matières
Introduction
Charlemagne et la réforme de l’enseignement
L’Empire et la papauté, deux puissances rivales
La hiérarchie médiévale et le concept des trois ordres
Le monachisme à l’époque romane
La vie monacale
L’esthétique de la lumière cistercienne
L’art roman sacré
Les formes typiques et les particularités régionales
L’architecture et l’environnement
Les variations de la pierre
La polychromie intérieure
L’Allemagne
L’architecture ottonienne à Hildesheim et à Gernrode
Les cathédrales des empereurs saliens
Cologne et ses environs
L’école de Hirsau
L’archevêché de Magdebourg
L’archevêché de Hambourg
Le Haut-Rhin méridional et l’Alsace
L’Italie
L’Italie du Nord
La Toscane et Rome
Pise
L’Apulie
La Sicile
La France
La Bourgogne
Saint-Philibert de Tournus et le problème du voûtement au XIe siècle
Les prédécesseurs de Cluny III
Les églises inspirées de Cluny III
Vézelay
Le Nord
La Normandie
L’Angleterre
Les autres régions de France
L’Auvergne
Le Centre-Ouest
La Provence
Les pèlerinages au Moyen Âge
L’Espagne
La Catalogne
Frómista et Léon
Les coupoles
Les rotondes et l’architecture cistercienne
La Scandinavie
L’architecture romane profane
Les palais impériaux de Goslar et de Gelnhausen
De la motte au donjon
La chevalerie et la vie de cour
Les châteaux de plaine et les châteaux de mont
Les demeures citadines
Les paysans et les citadins au Moyen Âge
La sculpture romane
La France
Le Roussillon
Toulouse et Moissac
Gerlanus et le maître de Cabestany
Le Centre-Ouest
La Bourgogne
La sculpture romane tardive en Provence
L’Espagne
Santo Domingo de Silós
L’Italie
L’Italie du Nord
L’Italie centrale et méridionale
L’Allemagne
Les portails romans
L’Angleterre
La vénération des saints et le culte des reliques
Les sculptures en bois
Les sculptures en bronze
Les arts somptuaires
La peinture romane
La peinture murale
La France
L’Italie
Les mosaïques byzantines
L’Allemagne
L’Espagne
Les grands thèmes
L’enluminure
Les différents livres
L’Apocalypse
L’évangéliaire d’Henri le Lion
Les bibles géantes
Les reliures et les initiales
Les images du monde et les visions
Les bestiaires
Les Carmina burana
Annexes
Les différents types d’architecture sacrée aux XIe et XIIe siècles
Glossaire
Bibliographie
Index
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Romanesque. Art roman
 3936761620, 9783936761627

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Art roman Direction de l'ouvrage: Rolf Toman Textes: Ulrike Laule • Uwe Geese Photographies: Achim Bednorz

Feierabend

Table de matières Rolf Toman Introduction

Charlemagne et la réforme de l'enseignement L'Empire et la papauté, deux puissances rivales La hiérarchie médiévale et le concept des trois ordres

Ulrike Laule Le monachisme à l'époque romane Le plan de Saint-Gall La réforme clunisienne La vie monacale (Rolf Toman) Bernard de Clairvaux et les Cisterciens L'esthétique de la lumière cistercienne Les croisades et les ordres de chevalerie

6

Pise L' Apulie (Les Pouilles) La Sicile

68 70

La France

74 74

12 14

17 20 22 26 30 34 38

La Bourgogne Saint-Philibert de Tournus et le problème du voûtement au XI' siècle Les prédécesseurs de Cluny III Les églises inspirées de Cluny III Vézelay Le Nord La Normandie

76 78 80 83 84 85

L' Angleterre

90

Les autres régions de France

L'Auvergne Le Centre-Ouest La Provence Les pèlerinages au Moyen Âge Les églises de pèlerinages

Ulrike Laule L'art roman sacré Les formes typiques et les particularités régionales L'architecture et l'environnement Les variations de la pierre La polychromie intérieure

40

L'Espagne

40 41 42 44

La Catalogne Fr6mista et Léon Les coupoles Les rotondes et l'architecture cistercienne La Scandinavie

L'Allemagne

46

L'architecture ottonienne à Hildesheim et à Gernrode Les cathédrales des empereurs saliens Cologne et ses environs L'école de Hirsau L'archevêché de Magdebourg L'archevêché de Hambourg Le Haut-Rhin méridional et l'Alsace

46 51 54 57 58 59 60

L'Italie

L'Italie du Nord La Toscane et Rome

72

10

62 62 66

Ulrike Laule L'architecture romane profane Les palais impériaux de Goslar et de Gelnhausen De la motte au donjon La chevalerie et la vie de cour Les châteaux de plaine et les châteaux de mont Les demeures citadines Les paysans et les citadins au Moyen Âge (Rolf Toman)

99 99 100 102 104 106 110 110 114 117 118 120

124 126 128 130 132 136 138

Uwe Geese La sculpture romane La France

Le Roussillon Toulouse et Moissac Gerlanus et le maître de Cabestany Le Centre-Ouest La Bourgogne Image et signifi.cation La mort et la peur de la mort Le Jugement dernier Sexe et péché La sculpture romane tardive en Provence L'Espagne

Santo Domingo de Si16s L'Italie

L'Italie du Nord L'Italie centrale et méridionale

140 142 142 144 148 150 153 156 157 158 162 164 168 170 172 172 176

Les portails romans

178 181

L'Angleterre

182

La vénération des saints et le culte des reliques Les sculptures en bois Les sculptures en bronze Les arts somptuaires L'artisanat d'art

184 186 190 192 196

L'Allemagne

Double page précédente: Maria Laach, atrium avec la fontaine des Lions

Uwe Geese La peinture romane La peinture murale

La France L'Italie Les mosaïques byzantines L'Allemagne L'Espagne Les grands thèmes

199 199 201 207 211 212 217 220

Les différents livres L' Apocalypse L'évangéliaire d'Henri le Lion Les bibles géantes Les reliures et les initiales Les images du monde et les visions Les bestiaires Les Carmina burana

222 224 225 228 231 232 236 238 239

Les vitraux

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Annexes Les différents types d'circhitecture sacrée aux XI· et XII· siècles Glossaire Bibliographie Index Crédits photographiques

241

L'enluminure

242 246 250 253 256

/

Introduction L'art roman et en particulier les nombreuses églises datant de l'an mille à 1250, exercent une étonnante fascination. Celle-ci résulte d'abord de la pureté et de la variété de la pierre, de la beauté des sites, des abbayes bien sûr, et des humbles églises de campagne, de même que du calme émanant de ces lieux chargés d'histoire. À Fontenay (Bourgogne), comme à Silvacane ou au Thoronet (Provence), l'esprit des Cisterciens souffle encore grâce à la limpidité et à la simplicité de leur architecture . C'est dans le froid et l'obscurité de l'hiver que la ferveur ascétique des moines est la plus perceptible. Après avoir contemplé le dormitorium vide et ces rangées de lits où les religieux passaient leurs rares moments de sommeil dans une totale absence d'intimité, le visiteur ne peut que se réjouir de retrouver une voiture bien chauffée en s'éloignant de ces vieux murs. Cette époque est bien révolue! Cela n'est pas seulement lié au temps écoulé depuis - trente générations -, mais aussi au fait que mode de vie et mentalités ont bien changé. Que savons-nous aujourd'hui des besoins des moines du Moyen Âge en matière de sommeil ? Le dortoir communautaire leur convenait peut-être parfaitement pour combattre la tentation de la paresse et le démon de la luxure. Que connaissons-nous de leur émerveillement devant la beauté du paysage qui les entourait? Rassemblés en commu-

nauté, ils sont parvenus à grandpeine à arracher à la nature hostile et sauvage un refuge rendant la vie supportable. Créer un espace culturel leur a demandé un travail acharné! Pourtant, notre rrianière d'appréhender les modes de vie et de pensée de nos ancêtres nous expose toujours au risque d'anachronismes. Nous sommes, en effet, loin de tout savoir! Ou alors, nous interprétons mal les témoignages de l'époque. L'état actuel de la plupart des églises romanes « aux pierres apparentes » nous fournit une bonne illustration de distorsion. Ces pierres nous impressionnent par leur sobriété, leur mélange de dignité et d'austérité alors qu'au Moyen Âge, elles étaient, pour la plupart, polychromes. Cet exemple montre, comme bien d 'autres, qu'une connaissance approfondie des circonstances sociologiques et historiques, de même que de l'évolution des mentalités, est indispensable et des plus instructive. C'est ce que cet ouvrage propose au lecteur de découvrir, en plus d'informations sur l'histoire de l'art grâce à de nombreuses et magnifiques illustrations. A propos du fonctionnement d'un chantier médiéval, thème rarement abordé dans les traités d'architecture, nous aimerions ajouter ce qui suit: le lecteur attentif de la Bible aura remarqué la fréquence des expressions et des métaphores empruntées au vocabulaire du bâtiment. Visiblement, dès les temps les plus

reculés, l'architecture et la construction ont joué un rôle prépondérant. Les sources iconographiques et littéraires nous peignent un tableau coloré du quotidien des grands chantiers médiévaux. Une fois la fondation d'une église ou d'une abbaye décidée, il fallait se procurer les matériaux. On rapporte que Louis le Germanique a fait abattre les murs de Francfort et de Ratisbonne pour construire les églises de ces mêmes villes. De même, le marbre et le calcaire du forum de Trajan au pied de la colline de Fourvière ont servi

Serrabone, Notre-Dame, chapiteau de la tribune des chantres, postérieur au milieu du XII' siècle P. 6 : Chapelle Saint-Gabriel, près de Tarascon, vers 1200, façade occidentale

7

Ci-dessus: Saint-Savin-sur-Gartempe, détail de la fresque Construction de la tour de Babel

achevée en 1156

Ci-dessous : Construction de la tour de Babel, tiré de Hrabanus Maurus, De originibus, 1023, Monte Cassino

Ci-dessous: Chantier médiéval. Dessin d'après une Bible du XIII' siècle, Manchester

à l'édification de la cathédrale de Lyon en 1192. On avait, effectivement, coutume à cette époque d'utiliser les monuments de l' Antiquité comme carrière de pierre. Commençait alors le travail des tailleurs de pierre, des ma8

P. 9: Maria Laach, église abbatiale, façade occidentale,

çons et des sculpteurs, des mortelliers, des enduiseurs et des chauleurs, des charpentiers et des couvreurs, des journaliers, des manouvriers et des valets. D'innombrables illustrations nous montrent leurs activités et outils. Il semble que les échafau-

dages (ou chafauds) indépendants en bois, les prédécesseurs des assemblages métalliques encore couramment utilisés sur les chantiers du XX' siècle, n'aient fait leur apparition au nord des Alpes qu'à partir du milieu du XIV' siècle. Auparavant, on travaillait sur des échafauds adhérents (en porte-à-faux) qui procuraient un plancher pour travailler au faîte du mur. Au fur et à mesure de l'élévation de ces derniers, on enlevait les boulins pour les replacer plus haut. Les matériaux étaient vraisemblablement hissés en gravissant des rampes. Pour les transporter, on se servait de brancards, de paniers ou d'auges. À partir de la seconde moitié du XII' siècle, on assiste à l'apparition de grues encore rudimentaires. On imagine sans peine les efforts des ouvriers et les risques qu'ils prenaient sur les grands chantiers du Moyen Âge. Tout le monde participait! Car édifier la maison du Seigneur représentait la voie du salut. Celui qui apportait son aide en offrant des matériaux ou en travaillant de ses mains se voyait récompensé de la grâce divine. L'érection d'une église faisait, en quelque sorte, partie du culte. S'il existe donc un seul aspect de la vie artistique ou, plus généralement culturelle, de la période romane qui mérite d'être souligné, c'est à n'en pas douter la coloration religieuse - c'est-àdire fondamentalement chrétienne - de tous les actes et de toutes les créations.

Charlemagne et la réforme de I' enseignemertt Le retour aux formes romaines situe l'art roman dans la pure tradition médiévale. L'art carolingien, c'est-à-dire celui de l'Empire franc de 780 à 900 environ, s'est inspiré de I' Antiquité romaine et du vocabulaire du christianisme primitif, comme en témoigne la chapelle palatine d'Aix-laChapelle (ill. ci-dessous). Pour cette dernière, Charlemagne a fait venir tout spécialement de Rome et de Ravenne des vestiges antiques. D'autiifS décisions de ce monarque ont également engendré des

conséquences artistiques ou culturelles. Mentionnons tout d'abord les principales étapes de l'ascension de celui qui est devenu le souverain le plus important de son temps: le 2 avril 742 naît Charles, fils du roi des Francs, Pépin Ill, et de Bertrade, fille du comte de Laon. À la mort de Pépin, en 768, ses deux fils, Charles et Carloman se partagent sa succession. Trois ans plus tard, après la disparition de son frère, Charles prend possession de tout le royaume franc au mépris des droits de ses neveux. En 772, il entame

une guerre de trente-trois ans contre les Saxons et, en 773-774, poursuit la lutte, commencée par son père contre les Lombards. Il s'empare de leur capitale, Pavie, et se proclame roi des Lombards. À Rome, il 9evient le protecteur des Etats de l'Eglise. En 788, il destitue le duc Tassilon Ill de Bavière en prétextant une conspiration avec les Avars, et annexe le duché de Bavière au royaume franc. La guerre contre les Avars, entamée en 792, s'achève trois ans plus tard et permet d'étendre l'influence franque jusqu'au lac Balaton. En l'an 800, Charlemagne est couronné empereur à Saint-Pierre de Rome par le pape Léon XIII. Il meurt en 814 à Aix-laChapelle et son fils Louis le Pieux hérite de l'Empire. Les guerres de Charlemagne contre les Saxons et les Avars ont également permis d'étendre la chrétienté. Collaborant étroitement avec le pape, il a réussi à hisser son empire au niveau des grandes puissances de l'époque: Byzance et l'Islam. Il a consolidé l'ordre intérieur de ses territoires grâce à l'amélioration de leur administration et à l'instauration de réglementations différenciées. Il déplaçait souvent sa cour afin d'être présent en maints lieux pour y exercer Aix-la-Chapelle, chapelle palatine, vue intérieure de l'octogone, achevée en 798, décoration wilhelminienne

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Statue-reliquaire de Charlemagne, vers 1215, Aix-la-Chapelle, trésor de la cathédrale

Aix-la-Chapelle, chapelle palatine, trône de Charlemagne

personnellement le pouvoir; cela correspondait d'ailleurs à la notion médiévale de « royauté itinérante». Mais à partir de 794, Aix-la-Chapelle devient sa résidence de fait, où se succédèrent assemblées impériales et synodes. Charlemagne a été un grand réformateur, en particulier par les effets de sa « politique culturelle». La réforme de l'Église franque, déjà engagée par Pépin, visait surtout l'amélioration de la formation du clergé. L'empereur a poursuivi ces efforts, avec la mise en place d'un vaste programme éducatif dans tous les territoires francs. Dès 777, il s'est efforcé d'attirer à sa cour des savants lombards, wisigoths, irlandais ou anglo-saxons comme Alcuin, le plus grand érudit de son temps qui devait devenir l'épicentre de ce cénacle à partir de 782. Charlemagne leur a confié des tâches importantes comme la construction de la bibliothèque palatine et l'enseignement à l'école du palais, laquelle devint le centre éducatif de tout l'Empire, drainant les élèves les plus doués. Alcuin, rédigea lui-même des manuels scolaires destinés à faire autorité. Ce foyer culturel fut à l'origine de la fondation de nouvelles écoles et bibliothèques. Capitulaires, édits et ordonnances d'origine législative et religieuse confièrent aux grandes églises et abbayes de l'Empire le soin et l'obligation d'enseigner.

Lorsch, porte trkainphalé de l'ancienne abbaye carolmglenne, 774

La collection et la rorrection critique des têXtes latins de l'époque comprenant les œuvres des pères de l'Éghse et des auteurs antiques, se referent essentiellement à ces érudits carolingiens. (.es moines avaient la charge de copier les modèles approuvés afin que d'autres bibliothèques puissent les recevoir et les diffuser à leur tour: héritage considérable dont la vie spirituelle européenne des siècles suivants devaient bénéficier. Pour conclure, il nous faut encore citer les ouvrages de ces grands érudits, notamment les poèmes de Théodulf, d'Angilbert, de Modoin ou la Vita Caroli Magn, d'Eginhard. On leur doit la « Renaissance carolingienne».

Évangéliaire de Lorsch (disparu), dos de la reliure, vers 810, Londres, Victoria and Albert Museum

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L'Empire et la papauté, deux puissances rivales Lorsqu'il vint pour la première fois à Rome, en 794, Charlemagne fut accueilli en grande pompe. Il était alors le sauveur du pape et des Romains, face à la menace lombarde. Le pape Léon 111, en le couronnant empereur en 800, voulait s'assurer la protection illimitée de ce puissant souverain des Francs. Cet événement marqua, en réalité, le début d'une période d'affaiblissement de la puissance temporelle du souverain pontife. L'empereur exerça son pouvoir sans partage au point de faire de Léon Ill son subordonné. Les représentations sacrées et théocratiques de ce haut Moyen Âge de plus en plus chrétien, ont abouti chez les Francs à l'idée de monarchie de droit divin. S'est ainsi instaurée la position divine du souverain face à ses sujets, impliquant également sa supériorité par rapport à l'Église. La manifestation symbolique de la grâce divine est apparue pour la première fois à l'époque franque avec l'onction royale. La théocratie carolingienne, avec son mélange de politique et de mission évangélique, a été relayée pendant le règne des empereurs ottoniens et saliens par le système d'église impériale. À partir de 937, les souverains germaniques étaient en mesure d'imposer leurs

12

vues dans le choix des évêques et des abbés pour les diocèses et les monastères impériaux. Leur voix était prépondérante. L'investiture et la remise de la crosse constituaient l'expression cérémonielle de ce droit souverain. Le système d'église impériale a marqué la prééminence du pouvoir spirituel dont les intérêts concordent avec ceux de la Couronne - avec la stabilité de son pouvoir. On peut considérer le règne d'Henri Ill (1039-1056) comme l'apogée du Saint Empire romain germanique. Ce monarque était parvenu dans les faits, bien que non formellement, à devenir le jugearbitre de la papauté: il avait réussi à déposer trois papes, à faire

nommer un évêque allemand au Saint-Siège et à imposer une réforme ecclésiastique, celle-ci occasionnant des conséquences inattendues après son décès prématuré, en 1056.

Le Christ tend la clé au pape et l'épée à l'empereur, miniature, XII' siècle Vingt ans plus tard, Henri IV dut se rendre en Italie pour y implorer humblement la levée de l'excommunication lancée contre lui par Grégoire VII (1073-1085); Canossa devint alors le symbole de la primauté du pouvoir pontifical sur la royauté. Que s'était-il donc passé? Une vacuité du pouvoir Henri IV était âgé de cinq ans à la mort de son père - avait affaibli la monarchie germanique. La réforme de l'Église en Italie était entre-temps devenue l'affaire exclusive de Rome, culminant avec les opinions radicales du Legs de Constantin, fresque, XII' siècle, Rome, Quattro Santi Coronati

souverain pontife: interdiction au roi d'élire les évêques et les abbés, condamnation de la possession d'une charge ecclésiastique par un laïc, suppression de la grâce divine pour le souverain temporel. En résumé, le pouvoir absolu revenait aux mains de la papauté. Grégoire VII en vint même à penser que seul le pape avait le droit de porter les insignes de la souveraineté impériale. « li n'y a pas de doute à avoir au sujet de la provenance de cette prétention. Ce privilège démesuré est l'héritage de Constantin le Grand (mort en 337); en quittant Rome pour faire de Byzance sa résidenGe, il aurait transmis au pape Sylvestre Ier (314-335) certains droits cérémoniels, territoriaux et régaliens» (H. Fuhrmann). Ce legs est, en réalité, la

falsification la plus fameuse du Moyen Âge, perpétrée entre le milieu du VIII' et le milieu du IX' siècle - un faux aux conséquences politiques considérables, puisqu'il fut

l'empereur et le pape débuta avec la nomination d'un chapelain du roi au poste d'archevêque de Milan. Devant les remontrances du pape, l'empereur réagit par la

Canossa, ruines du château, milieu du X' siècle

destitution de ce dernier, lequel contre-attaqua en excommuniant son adversaire. L'effet ne se fit pas attendre: les princes allemands se distancièrent du roi. Henri en fut réduit à adopter une position

constamment utilisé pour tenter d'établir la primauté du pape. Pour en revenir à Henri IV et à Grégoire VII, le conflit opposant

défensive. Sa pénitence à Canossa lui permit de faire lever l'excommunication, mais le caractère sacré de sa charge avait subi d'irrémédiables préjudices. Le conflit portant sur la nomination des hauts dignitaires de l'Église finit par trouver un terme en 11 22 avec le Concordat de Worms. Appelée « querelle des Investitures», elle avait cependant une portée bien plus vaste. li s'agissait, en fait, de redéfinir les rapports entre le regnum (pouvoir temporel) et le sacerdotium (pouvoir spirituel). Leur réunion dans les mains de la royauté théocratique du haut Moyen Âge se mua, sous Grégoire Vil, en une dualité des pouvoirs qui prévalut jusqu'à la fin de l'époque médiévale. La plupart des querelles sont nées du fait de revendications papales.

L'empereur Henri IV prie la comtesse Mathilde de Toscane et l'abbé Hugues de Cluny d'intercéder en sa faveur auprès du pape Grégoire VII, miniature, vers 1114-1115, Rome, Bibl. Vaticana, Cod. Vat. Lat. 4922, folio 49r L'empereur Frédéric Barberousse en compagnie de ses fils, extrait de la chronique des Welfes de Weingarten, vers 1100

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La hiérarchie médiévale et le concept des trois ordres L'illustration ci-contre présente Otton Ill (9801002) portant couronne, sceptre et globe impérial en compagnie de quatre dignitaires, deux ecclésiastiques à gauche et deux laïcs à droite. Il est rare de trouver une représentation insistant davantage sur la dignité et la primauté de la majesté impériale. La fameuse représentation pyramidale de la société médiévale est ici explicite. L'empereur trônait, donc, au sommet de la hiérarchie temporelle, suivi des rois. Ces derniers quittaient le rang de princes par la

cérémonie de l'onction qui, du fait de la grâce divine, leur conférait la souveraineté sur leurs sujets. Les princes constituaient, à leur tour, la couche supérieure de l'aristocratie ... Le pape, les cardinaux et les abbés, les doyens et les curés représentaient le pendant clérical de cette hiérarchie. Les tentatives de classification sociales se sont également traduites par l'attribution d'un rang aux chrétiens, correspondant à leur mode de vie, selon qu'ils étaient mariés, vivaient dans la tempérance Otton Ill tenant le bâton et le globe impérial, évangéliaire d'Otton Ill, fin du X' siècle

ou avaient fait voeu de chasteté. Le Moyen Âge était-il vraiment aussi figé qu'on l'a affirmé? En matière de rang ecclésiastique, il faut savoir qu'un évêque, par

Couronne des empereurs germaniques, dernier tiers du X' siècle, Vienne, trésor impérial

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Clerc, paysan et chevalier, relief en pierre provenant de l'ancienne abbaye cistercienne de Jerpoint, Irlande

exemple, ne naissait pas prince de l'Église, mais était nommé à ce poste et qu'existait donc réellement la notion de« carrière». Les succès militaires, l'enrichissement ou la performance intellectuelle offraient quant à eux des possibilités d'ascension sociale laïque. On ne peut, cependant, nier un certain immobilisme: les

Le rive du roi Henri I",

omque d J hn de o ter, ers 1130-1140 15

Le monachisme à l'époque romane Les mesures adoptées par Charlemagne dans le domaine de l'enseignement, de l'éducation et des réglementations de la vie religieuse, furent poursuivies dans leur application par son fils Louis le Pieux (814-840), qui entreprit notamment, la réorganisation en profondeur de la vie monastique. Aidé et soutenu par Benoît d'Aniane (vers 750-821), supérieur d'une grande abbaye proche de Montpellier, il

Saint-Michel-de-Cuxa, église abbatiale, achevée vers 1040

mit au point une réforme ayant pour objectif de codifier l'organisation monastique et cléricale selon la règle rédigée par saint Benoît de Nursie (vers 480-vers 560), père du monachisme occidental. Une ordonnance impériale et la concession de privilèges contribuèrent de manière décisive à la réussite de cette uniformisation. À partir de 816 et durant presque tout le haut Moyen Âge, les abbayes étaient

contraintes pour subsister de se plier à la règle bénédictine. Le monachisme était donc exclusivement bénédictin. Mais parallèlement aux communautés de moines, avaient émergé des congrégations de chanoines, membres du chapitre d'une cathédrale, d'une collégiale ou d'une autre église, dont la vie obéissait à des règles différentes et moins strictes. En prononçant les vœux bénédictins, le moine s'engageait

à obéir à ses supérieurs, à vivre dans un monastère et à renoncer

définitivement au «Monde ». La réforme de Louis le Pieux conféra un rôle capital au monachisme au sein de la chrétienté occidentale; rôle qui n'a d'ailleurs jamais été autant valorisé qu'entre le IX' siècle et la fin du XI· siècle. Il est essentiellement fait allusion ici à la participation des moines à la vie religieuse et non au nombre de leurs membres ou à l'importance de leur population, laquelle atteignit son apogée entre 1150 et 1300. Mais à cette époque plus tardive, d'autres groupes gagnèrent en influence, tandis que celles des m oines se mit à décliner considérablement à la fin du XII' et pendant le XIII' siècle. L'histoire du monachisme a éYolué au fil des réformes monastiques. La règle bénédictine ne fu t jamais appliquée de manière uniforme, ni partout avec la même rigueur. Des règles complémentaires, les Consuetudi11es ou coutumes conventuelles ont été édictées, ayant pour 1

objectif de régir les aspects de la vie religieuse que saint Benoît n'avait pas ou peu précisément abordés. Elles pouvaient différer sur certains points ou bien être fortement contestées. Une communauté bien structurée, dirigée par un abbé puissant et convaincant, pouvait servir de modèle à d'autres monastères et ses Consuetudines étaient alors susceptibles de provoquer une réforme de grande ampleur. La fameuse abbaye bourguignonne de Cluny (voir p. 22-25) est la meilleure illustration de ce phénomène. Sa réforme a contribué de manière déterminante au développement du monachisme des X' et XI' siècles. Brogne, Gorze et Einsiedeln comptaient alors parmi les autres centres de grande renommée. Leurs règles de vie étaient si célèbres qu'elles servirent de modèle à d'anciens monastères et permirent d'en fonder de nouveaux. La population des moines comptait de nombreux aristocrates ou bien des gens aisés, qui auraient pu pleinement jouir des biens de ce monde, mais qui avaient pourtant fait le choix du renoncement. Les communautés monacales comprenaient également moult personnes qui n'avaient pas choisi elles-mêmes ce type d'existence. Rappelons ici la coutume pluriséculaire des parents qui « consacraient » à l'Église un de leurs enfants que l'on enfermait dans un couvent dès son plus jeune âge. Hormis les préoccupations spirituelles, les parents, en agissant de cette manière, étaient motivés par le souci d'empêcher une trop grande dispersion du

patrimoine familial. Ces pensionnaires ignorant tout des autres modes de vie, prononçaient leurs vœux vers l'âge de quinze ans. D'autres, en revanche, embrassaient la vie monastique à un âge avancé dans le but de se repentir de leurs péchés, et le renoncement aux biens matériels personnels étant de rigueur, leur entrée au couvent s'accompagnait souvent de riches donations. Vers la fin du XI' et pendant le XII' siècle, on assista à une nouvelle vague de réformes, en réaction à la richesse et au laxisme de certaines communautés religieuses. Le retour à l'ancien idéal d'érémitisme d'une part, et à celui de pauvreté, d'autre part, aboutit à la fondation d'ordres nouveaux, notamment celui des Camaldules, des Chartreux, des Prémontrés etc. Mais celui des Cisterciens fut incontestablement le plus marquant. Ces colonisateurs des régions inexplorées de l'est et du nord de l'Europe fondèrent une multitude de monastères en Angleterre, Italie, ainsi que dans la péninsule ibérique. Saint Bernard de Clairvaux, moine ascétique et homme d'Église influent (10901153), fut la figure emblématique de cet ordre; ce personnage ambigu se nommait lui-même « Chimère de son siècle ». Ci-dessus : San Juan de la Peiia, XI' et XII' siècles. Un garçon est délivré à un évêque et à un moine pour rester au monastère. La dame qui accompagne l'enfant donne un sac d'argent à l'évêque, comme son « dot ». P. 19: Saint-Martin-du-Canigou, monastère pyrénéen

Abbaye de Saint-Gall, rnaquett"'llil!l depnnt.tr1ucq, nnîw ro:1i,orma1 u4a1û ,·d11UJU4t1;Mulq,-qu,p pc emf fettmm,c ctma aU,gt>tU!-" ronccpacn