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French Pages 147 [73] Year 1999
Albert Châtelet
Rogier van der Weyden (Rogier de le Pasture)
Maîtres de l'art GALLIMARD
Note de l'éditeur
À la mémoire de Dana GOODGAL-SALEM 1947-1 999 Compagnon de route dans l'étude de l'art du XV siècle, leal souvenir
Adaptation PAO : Atelier Nicole Valentin
© 1999, Electa, Milan Elemond Editori Associati © 1999, Édi tions Gallimard, Paris pour le texte d'Albert Châtelet ISBN: 2-07-01 1613-1 ISSN : 1275-1820 Dépôt légal : octobre 1999 Tous droits réservés Imprimé en Italie
Après un essai de caractère général qui vient en introduction, les œuvres les plus importantes de Rogier van der Weyden sont présentées sous forme de séquence et analysées depuis leur vision globale jusquâ leur dimension réelle par rapprochements successifs. L'ordre des images suit la chronologie la plus vraisemblable de l'œuvre du peintre. Chaque séquence présente d'abord l'œuvre dans son ensemble, accompagnée de renseignements techniques. Un commentaire explicatif restitue aussi, indirectement, les thèmes les plus significatifs de la fortune critique de la peinture de Rogier van der Weyden. Cette première vue générale est suivie d 'une présentation des diverses parties de l'œuvre, depuis les plans rapprochés allant de la, moitié de la, dimension réelle jusquâ des détails grandeur nature. Les vues entières et les plans rapprochés sont signalés par une bordure blanche, les détails grandeur nature apparaissent en pleine page. Cette lecture méthodique des différentes parties du tableau permet au lecteur de se placer dans le même rapport que celui que l'artiste eut à l'origine avec sa création. Dans une dialectique étroite avec la vision d 'ensemble, elle lui en fait saisir la poétique intérieure et percevoir directement les qualités chromatiques, les « morceaux de bravoure », les hardiesses formelles et techniques, la consistance de la matière et jusqu 'à la fragilité de la, surface picturale et de son support. Le caractère homogène des prises de vue et des reproductions permettra au lecteur de comparer les différents rendus et d'en déduire l'état de conservation, très variable, des œuvres.
Sommaire
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RüGIER VAN DER WEYDEN
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L'ŒUVRE DE VAN DER WEYDEN
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CATALOGUE DES ŒUVRES
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BIOGRAPHIE
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BIBLIOGRAPHIE
Rogier van der Weyden Albert Châtelet
Cette confusion a pesé pourtant sur toute la recherche historique jusqu'au début de ce siècle. En 1846, l'archiviste de Bruxelles Alphonse Wauters découvrait que Rogier van der Weyden avait bien vécu à Bruxelles mais qu'il y était mort en 1464 . Aussi , pour concilier de telles données avec celles de Carel van Mander, Alfred Michiels imagina de distinguer deux artistes du même prénom, père et fils. De deux Rogier on passe à trois. En 1867, Alexandre Pinchart précise les informations de Wauters et démontre, à son avis sans contestation possible, que le peintre de Bruxelles n'est autre qu'un Tournaisien, dénommé dans sa patrie Rogier de le Pasture, qui a néerlandisé son nom en s'installant en Brabant. Cela ne pouvait pas contenter tout le monde. Un Bruxellois originaire de Tournai , c'était impensable pour certains. Aussi , d'aucuns se refusant à identifier le Tournaisien et le Bruxellois, on imag ine qu 'il s'agit de deux artistes différents et de trois Rogier, on en vient à quatre ! À la fin du XIXe siècle on ne parle plus guère de Rogier de Bruges, ni de Rogier le Jeune. Il n'est plus question que de Rogier van der Weyden, de Bruxelles, et de Rogier de le Pasture, de Tournai . Une complication nouvelle surg it alors: deux historiens d'art allemands, Wilhelm Bode et Hugo von Tschudi, regroupent sous le nom provisoire de Maître de Flémalle, des peintures souvent attribuées au peintre de Bruxelles mais qui, pour être d 'un style voisin du sien, leur paraissent d'une main différente . Leur point de vue est aussitôt contesté, mais sans grand écho, par un autre érudit allemand , Firmenitz-Richartz, qui croit reconnaître dans ce groupe d' œuvres la production de jeunesse de notre peintre. En 191 3, le professeur belge Georges Hulin de Loo peut affirmer, avec de bons arguments, que les œuvres de ce Maître de Flémalle sont celles du peintre tournaisien Robert Campin, chez qui Rogier de le Pasture aurait fait son apprentissage. Malheureusement, il ne peut apporter, à l'appui de sa thèse, aucun document d'archives qui identifierait, sans aucun doute, un tableau de cet artiste. La contestation demeurait donc possible et la solution était peut-être trop simple pour convaincre immédiatement. Vers 1930, un collectionneur belge, Émile Renders , reprend avec beaucoup de virulence l'hypothèse de Firmenitz-Richartz, et s'efforce de démontrer que c'est bien la production de jeunesse de Rogier van der Weyden qu'il faut reconnaître dans le groupe réuni sous le nom du Maître de Flémalle. Au surplus, il ne veut admettre aucun lien du peintre de Bruxelles avec Tournai et ne voit dans Rogier de le Pasture qu'un artiste obscur. Le campanilisme ne s'avoue pas, mais il est bien présent . Il s'agit de
Le nom de Rogier van der Weyden, ou de Rogier de le Pasture, la forme wallonne de son nom - ou encore de Roger van der Weyden , si l'on préfère moderniser l'écriture du prénom - est aujourd 'hui universellement connu comme celui d 'un peintre « flamand » du x v• siècle. Historiquement cette désignation est incorrecte et la seule qui conviendrait serait celle d 'artiste des Pays-Bas du Sud. Il est né à Tournai, aujourd 'hui en Wallonie mais, à l'époque ville libre relevant directement de la couronne française ; il a œuvré en Brabant et n'est flamand que par la pratique du néerlandais à laquelle l'a conduit son installation à Bruxelles. Il a pourtant fallu de nombreuses décennies de recherches des historiens pour que sa personnalité se disting ue clairement. Aujourd'hui encore certains aspects de son activité et de ses créations font l'objet de controverses.
Identif ication de l'artiste C'est seulement dans les premières années du xvne siècle qu'un peintre hollandais, Carel van Mander, a tenté, pour la première fois, de faire l'histoire des peintres des Pays-Bas. Il n 'était pas question pour lui de recourir aux archives comme nous le faisons aujourd 'hui . Il se contentait de s'appuyer sur les assertions de ses contemporains et sur de trop rares écrits antérieurs souvent m al informés . Pour les Pays-Bas du Sud, l'actuelle Belg ique, il lui était encore plus difficile de trouver des informations. Ainsi connaissait-il l'existence d 'un peintre nommé Rogier van der Weyden, peintre de Bruxelles dont on lui avait cité deux créations , quatre tableaux à l'hôtel de ville et une Descente de Croix, autrefois à Louvain et envoyée au roi d'Espagne, Philippe II. Mais il croyait qu'il était mort en 1529 ! En même temps, parce qu'il avait lu son confrère italien Giorgio Vasari qui, dans ses Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori (15 50 et 1568), avait parlé d'un Rugiero da Brugia, disciple de Van Eyck, il avait cru qu'il y avait un peintre de cette ville flamande portant le même prénom. La seule chose qu'il croyait avoir apprise sur son compte, mais pas par l'intermédiaire de Vasari, c'était qu'il s'était spécialisé dans des peintures sur toile à la tempera de grandes dimensions. Il nous apparaît aujourd'hui évident que le peintre italien, qui avait entendu parler de Rog ier van der Weyden, l'avait situé à Bruges, soit par une mauvaise compréhension de Bursella, soit par une localisation arbitraire dans la ville où il savait que travaillait Jan van Eyck. Aussi bien, pour un Italien du xvi< siècle, il était difficile de distinguer les deux villes de Bruxelles et de Bruges, qu'il ne connaissait certainement pas plus l'une que l'autre. 9
en 1445. Jusqu'en 143 2, il est entouré d'un atelier important qui comprend plusieurs compag nons. Son identification avec le Maître de Flémalle n'est plus contestable qu'au mépris des analyses de style et des indications des documents d'archives. Elle révèle en lui un peintre de forte personnalité qui renouvelle la vision artistique . Abandonnant les grâces alanguies du gothique international, il crée des fi g ures robustes inspirées par des personnages humbles. Probablement employé par le comte de Hainaut Guillaume IV (comte de 1405 à 141 7), il jouit assez tôt d 'une grande réputation . C'est donc tout naturellement à lui que le coutelier Henry de le Pasture a confié son fils Rogier pour le former au métier de peintre. Il avait dû rejoindre - ou précéder - le petit-fils d'un menuisier tournaisien, Jacques Daret, son cadet de quelques années.
redonner ses lettres de noblesse à la capitale brabançonne et à elle seule. Et c'est alors une véritable bataille d'érudits qui s'engage, les uns tenant pour l'existence d 'un seul artiste, Rogier van der Weyden, les autres admettant l'existence du Tournaisien Robert Campin, aîné et maître de Rogier. Après la Seconde Guerre mondiale, la question semblait enfin tranchée. Un consensus semblait établi lorsque Erwin Panofsky écrit, en 195 3, son célèbre ouvrage consacré à la peinture des anciens Pays-Bas au xve siècle. Et pourtant périodiquement on voit resurgir de nouvelles contestations de faits qui semblaient bien établis. Laissons-les aux amateurs de conjectures sans fondements. Les œuvres et les textes ont parlé assez clairement pour qui veut écouter et voir. Il n'y a bien qu'un seul peintre du nom de Rogier van der Weyden au xve siècle et qui ne fait qu'un avec le Tournaisien Rogier de le Pasture. Son œuvre ne saurait comprendre les peintures groupées sous le nom de Maître de Flémalle, qui sont bien celles de son compatriote et maître, Robert Campin.
La formation D'un maître comme Robert Campin, Rogier van der Weyden pouvait apprendre les rudiments du métier. Il pouvait encore mieux se familiariser avec le style nouveau que ce peintre contribuait à élaborer. Rompant avec la tradition gothique, Campin avait introduit un art plus proche de la représentation du réel. La forte impression qu'avaient dû lui faire les créations du sculpteur Claus Sluter à Dijon l'avait porté à rechercher une traduction vigoureuse des volumes. Une propension personnelle le portait aussi à entourer les personnages de ses tableaux d'objets et de lieux familiers . C'était l'une des premières formes de ce que l'on qualifiera de réalisme flamand. Pourtant cette forte personnalité artistique n'a pas suffi à Rogier van der Weyden . Ou peut-être l'écrasait-elle de sa puissance. Bien que nous n'en ayons pas la preuve documentée, on peut présumer que le jeune artiste a quitté Tournai vers 142 3, ou peut-être un peu plus tôt, pour n'y revenir qu'à la fin de 1426. Ce qu'il fit durant ces quelques années est bien difficile à discerner. Il avait certainement déjà acquis le statut de compagnon et il a pu offrir ses services à quelque atelier de maître peintre. Il a pu ainsi entreprendre un de ces voyages de perfectionnement qui ne sont pas imposés par les règlements corporatifs mais que les artistes et les artisans les plus doués semblent s'être efforcés d 'accomplir lorsqu'ils en avaient la possibilité. Puisque Tournai était ville royale française, on l'imaginerait volontiers parti pour Paris. En 1423 la situation n'y est pourtant pas brillante. Charles VI était mort le 21 octobre 142 2 et le roi d 'Angleterre Henri V l'avait précédé de quelques semaines, le 31 août. En vertu du traité de Troyes, le roi de France était
Tournai La ville de Tournai où naît Rogier de le Pasture à l'aube du xve siècle, en 1399 ou 1400, a un statut très particulier. Elle jouit, en quelque sorte, d'une extra-territorialité. Insérée, avec son arrière-pays, le Tournaisis, entre le comté de Hainaut et le comté de Flandre, elle relève directement de la couronne française. Mais le roi est loin et lui laisse une grande indépendance de fait. Ce sont donc les consaux - les différents conseils municipaux - qui en assurent la gestion. Dans les premières années du xve siècle, ils sont aux mains des patriciens. La cité est riche et bénéficie de cette situation particulière. Une activité artistique importante s'est développée à Tournai, favorisée par les privilèges accordés aux corporations artisanales. On y connaît de nombreux orfèvres. Les sculpteurs exploitent les bancs de pierre bleue des environs et se sont fait une spécialité de tombes et d 'épitaphes. Les peintres ne sont pas moins rares. Ils semblent entretenir des relations assez étroites avec le Hainaut voisin. La cour comtale a certainement fait travailler certains d'entre eux, d'autres sont des Hennuyers venus s'installer dans la ville libre. Robert Campin Un peintre se détache parmi ses confrères par l'importance de son activité et de son atelier. Hennuyer d 'origine - il vient, semblet-il, de Valenciennes-, il est actif à Tournai de 1406 à sa mort 10
donc le jeune roi anglais, Henri VI, et la régence était assurée par le duc de Bedford. Toutefois, les Tournaisiens étaient demeurés plutôt fidèles au dauphin Charles, le futur Charles VII . On imagine mal, cependant, que Rogier ait pu être tenté de rejoindre sa cour, à Bourges : elle était trop pauvre pour entretenir d'importants ateliers de peintres susceptibles d'accueillir un compagnon de passage. Si les circonstances politiques du moment ne l'ont pas repoussé et qu'il a gagné la capitale française sous contrôle anglais, il y aura au moins trouvé des ateliers de miniaturistes. Et surtout celui du Maître de Bedford, probablement Haincelin de Haguenau, qui développe un style brillant , mais moins novateur que celui de Robert Campin. Il y avait aussi une autre ville plus proche de Tournai susceptible d 'attirer un jeune compagnon. À Gand, dans le comté de Flandre, à une cinquantaine de kilomètres seulement, un peintre venait de recevoir une commande prestigieuse qui devait lui demander de longs mois de travail et, pourquoi pas, le conduire à faire appel à la collaboration de compagnons : c'était Hubert van Eyck auquel Jodocus Vyd devait avoir déjà commandé un grand retable d'autel qui deviendra l'Agneau mystique. Comme l'ont remarqué plusieurs auteurs, le retour de Rogier à Tournai se situe en novembre 1426, alors que Hubert van Eyck est mort en septembre, quelques semaines plus tôt seulement. La coïncidence est singulière et porte à réfléchir. Il reste qu'il est bien difficile de savoir ce que Rogier aurait pu acquérir d'une telle fréquentation. La part de l'aîné des frères Van Eyck dans la réalisation de l'A gneau mystique n 'a jamais pu être définie de manière indiscutable et l'on ne connaît aucune autre œuvre certaine de lui. Du moins Hubert aurait-il pu apprendre à un tel compagnon sa manière de pratiquer la peinture à l'huile, qui ne devait pas être très différente de celle de son frère Jan. Rogier pourrait donc bien, au cours de ces quelques années, être passé de Paris à Gand . Il aurait alors rencontré dans les ateliers qu'il aura pu fréquenter un style moins novateur que celui de Robert Campin, un art plus m arqué par les traditions gothiques, surtout dans le dessin des personnages, traité de manière beaucoup plus linéaire. C'est du moins ce que l'on peut présumer s'il a vraiment pu approcher Hubert van Eyck et le Maître de Bedford .
profondément le jeune Tournaisien. Parmi les œuvres que l'on peut lui donner sans conteste, aucune ne semble pouvoir être datée avant son retour à Tournai, en 14 26, ou, s'il en est une, ce ne pourrait être que la petite Vierge à !'Enf ant de la Fundaci6n colecci6n Thyssen-Bornemisza. Son format et son exécution l'assimilent à une miniature, même si elle est peinte sur panneau et non sur parchemin. La dette du peintre envers Robert Campin y est très sensible, car le personnage de la Vierge rappelle le tableau de cet artiste conservé à Francfort et l'usage des ombres portées, à la fois pour situer le fond de la niche et pour en tirer un effet décoratif, atteste bien la même source. Et pourtant Rogier amorce ici une formule qu'il reprendra à plusieurs reprises : l'accompagnement du personnage central par des figurines imitant la sculpture comme éléments de l'architecture d'encadrement. On peut bien voir là une rationalisation d 'une pratique du Maître de Bedford qui accompag ne ses miniatures principales, encadrées dans des architectures, de scènes secondaires incluses dans cette même architecture ou disposées autour d'elle. Lorsqu'il revient à Tournai, en 1426, il rejoint l'atelier de Robert Campin auquel il était, semble-t-il, apparenté par son mariage. Alors qu'il a vingt-six ou vingt-sept ans, il est inscrit comme apprenti dans les registres de la confrérie de Saint-Luc. Cette singulière information a bien entendu nourri les querelles autour de la personnalité de l'artiste. Il apparaît pourtant clairement qu'il a, dans l'atelier, un rôle prédominant et que cette qualification n'est qu'un artifice juridique qui tire parti d 'un nouveau règlement de la profession. Un soulèvement des métiers leur a permis de s'emparer du pouvoir municipal. Robert Campin s'est engagé très activement dans les activités politiques et n'a probablement plus beaucoup de temps à consacrer à son métier de peintre. Rogier, opportunément de retour, est selon toute vraisemblance un second qui, sous son couvert, dirige l'atelier et dans le même temps crée des œuvres nouvelles qui se démarquent déjà de celles de son maître. C est ainsi qu'il faut situer vers 1428 le Retable de Miraflores, alors qu'il n'est officiellement qu'apprenti . Ce triptyque non fermant se présente avec une organisation symétrique très affirmée des volets par rapport au panneau central, qui contraste avec la pratique de son maître Campin. Les scènes secondaires sont devenues les voussures d'un porche formant ouverture sur les scènes principales. En même temps les figures s'inscrivent sur le panneau avec une recherche de lignes mélodieuses qui contribue à l'impression de sérénité de l'ensemble. La leçon du gothique
Élaboration d'un style Que ce soit de cette manière ou par d'autres contacts, la confrontation avec un art qui avait marqué très brillamment le centre parisien sous le règne de Charles VI a dû ainsi marquer 11
peut-être à l'exemple de quelque œuvre italienne. Ce faisant, il met l'accent sur l'idée de l'union divine de Marie plus encore que sur la conception elle-même.
tardif est ici bien sensible, peut-être pas seulement celle des miniaturistes, mais aussi l'exemple des rythmes imposés par les sculpteurs aux portails des cathédrales. Robert Campin s'était inspiré de Sluter, Rogier pourrait bien avoir connu des ensembles sculptés comme ceux des portails d'Auxerre, de Bourges ou même, plus sûrement encore, de Notre-Dame de Paris. Mais il ne les imite pas directement. Il s'inspire seulement de leur organisation formelle. Le triptyque illustre aussi une iconographie complexe qui, à travers le personnage de la Vierge, glorifie l'Église qu'elle personnifie. On retrouve ici une inspiration théologique voisine de celle que révèlent les œuvres de Robert Campin. L'un et l'autre devaient avoir le même conseiller, quelque prêtre tournaisien cultivé dont la personnalité demeure insaisissable. L'Annonciation du Louvre, centre d'un triptyque dont les volets sont demeurés à Turin, révèle encore plus clairement cette affirmation du disciple en face du maître. Les données principales sont bien les mêmes que celles du centre du Triptyque de Mérode (New York, The Cloisters) de Robert Campin. La scène est située dans un intérieur bourgeois, mais les objets qui rappellent la quotidienneté sont relégués sur les côtés : un flacon et des pommes sur le bord de la cheminée, une aiguière et un bassin sur une crédence en arrière-plan. Le duo de la Vierge et de Gabriel est ainsi beaucoup plus solennisé. L'archange prend aussi beaucoup plus de place. Revêtu d'une chape au-dessus de son aube, il apparaît vraiment comme un messager divin. Sa position même est singulière qui ne le situe ni debout, ni en vol, ni agenouillé, mais dans une position intermédiaire entre ces deux dernières, dans une attitude qui n'est pas humaine. C'est celle qu'un sculpteur tournaisien, Jean Delemer, lui donne aussi dans un groupe de l' Annonciation exécuté en 1428 et aujourd'hui à la cathédrale de Tournai. Un document nous apprend que sa polychromie a été payée à Robert Campin. L'extrême parenté des deux œuvres nous laisse présumer que le travail a dû être réalisé par l' « apprenti » Rogier, qui avait dû aussi donner un modèle pour la création de cette figure. L'écriture des formes, dans le tableau du Louvre, se distingue de celle de son modèle. À la lourdeur et aux heurts suggestifs des volumes se substitue une fluidité des silhouettes. Les larges épanchements d'étoffe au sol qui apportaient, chez Campin, une sorte d 'agitation, constituent ici un calme éploiement qui amplifie les deux personnages et leur donne une assise. Rogier a aussi légèrement modifié l'iconographie en désignant le lieu non plus comme la pièce principale d 'une résidence bourgeoise, mais comme la chambre de la Vierge,
Développement du paysage Campin avait commencé à introduire des paysages dans ses compositions religieuses, tantôt en arrière-plan, tantôt, comme dans la Nativité du musée de Dijon, pour constituer le cadre même de la scène. Il créait des paysages habités, animés de personnages rendus minuscules par leur éloignement. Il aimait aussi traiter le sol des premiers plans en prairies fleuries, en détaillant avec précision les plantes. Rogier développe les mêmes pratiques. Dans ses sols, toutefois, les fleurs semblent moins choisies pour leur langage symbolique que pour le plaisir de l'œil. Il aime les arrière-plans ouverts sur un paysage, comme ceux qui occupent le centre et le volet droit du Triptyque de Miraflores. Il ponctue alors l'espace de petites touffes d'arbres ou d'arbustes, traitées en vert sombre mais piquetées de points jaunes qui donnent une impression de feuillée. Dès ses premières œuvres, il témoigne aussi d'une plus grande maîtrise que son maître dans l'unification des espaces. La Sainte Catherine de Vienne et, surtout, la Visitation de Leipzig en sont des exemples remarquables. Du premier plan à l'horizon, les plans se lient sans heurt. Le ciel d'un bleu clair, pommelé de nuages, s'inscrit à l'horizon sans rupture. Dans ces premiers essais, Rogier van der Weyden révèle une sensibilité remarquable qui aurait pu faire de lui l'un des premiers paysagistes. Il ne retrouvera, pourtant, qu'une seule fois - du moins parmi les tableaux qui nous sont parvenus - l'occasion de composer toute une œuvre dans un paysage. Occasion surprenante aussi bien, puisqu'il s'agira d'inscrire un Christ en Croix dans le site du Golgotha et d'en prolonger les lignes dans les volets où sont figurées deux saintes qui ne participent pas à proprement parler à la scène principale. C'est le fait du Triptyque du Christ en Croix du Kunsthistorisches Museum de Vienne, peint certainement à Bruxelles, mais encore très proche des créations tournaisiennes. Rogier reprend même ici une iconographie rare probablement inventée pour Robert Campin, en présentant la Vierge embrassant les pieds de la Croix. Aujourd 'hui, l'œuvre frappe plus encore par la régularité des vallonnements qui mène la vue vers l'horizon où se profilent les silhouettes d'une Jérusalem d'imagination. Cet horizon tend d'ailleurs à s'abaisser légèrement par rapport aux traditions 12
1423 et 1426 et se serait-il fait apprécier dans la ville ? Toutes ces hypothèses sont plausibles et il n 'es t aucun argument qui permette de choisir entre elles. Ce n'est pas la municipalité louvanienne qui s'adresse au peintre, mais le « Grand serment des arbalétriers » , plus souvent dénommé De Z estingen, parce que cette confrérie limitait le nombre de ses membres à soixante. Des quatre confréries d'arbalétriers de la cité, c'était la plus ancienne et celle qui réunissait les notables les plus importants. Elle était fort riche puisqu'elle possédait sa propre chapelle, NotreDame-hors-les-murs, dans laquelle avait été solennellement installée, le 19 février 1365, une statue dite de Notre-Dame des douleurs, probablement ce que nous appelons aujourd'hui une pietà. L'œuvre s'impose, dès l'abord, comme un substitut de sculpture. Si les personnages sont peints au vif, ils s'insèrent dans une niche de faible profondeur au fond doré. Ce choix peut s'être imposé par la destination du tableau : le maîtreautel de la chapelle. Il est pourtant singulier de rencontrer tout au long de sa carrière un singulier rapport de Rogier avec la sculpture. En 1428, déjà, dans l'atelier de Robert Campin, c'est certainement lui, on l'a vu, qui se chargea de la polychromie du groupe de !'Annonciation dû à Jean Delemer et pour lequel il avait dû donner aussi un dessin au sculpteur. Trois documents concernent le paiement de polychromies de sculptures qui lui sont confiées, en 1440, 1441 et 1458. Certes, c'est une charge qui revient normalement, en ce temps, aux peintres, même célèbres. Pourtant cette répétition et l'importance des paiements qui lui sont faits conduisent à penser qu'il avait, pour ce genre de travail, à la fois un goût et une réputation confirmée. Peut-être faut-il également penser à une intervention de sa part - non attestée, mais plausible - dans la commande d'un des monuments funéraires les plus fastueux de Flandre, le tombeau de Louis de Male, autrefois à la collégiale Saint-Pierre de Lille, réalisé entre 1453 et 1455, sur commande de Philippe le Bon. Ses peintures elles-mêmes offrent d'autres exemples où la sculpture semble directement imitée. On l'a déjà vu avec l'utilisation des architectures-cadres pour placer des scènes dans les voussures en imitation de sculpture. On le voit naturellement dans quelques belles grisailles comme celles du Retable de Beaune. Sans doute faut-il voir là encore un héritage de Robert Campin qui pourrait bien avoir été le premier à peindre de semblables imitations de sculptures monochromes
du Moyen Âge ou même à la pratique d'un Robert Campin dans la Nativité de Dijon. Un ciel pur, parsemé de légères traînées de nuages , éclaire la scène d 'une lumière douce qui contraste avec la gravité de la scène. Toutes les œuvres de jeunesse de Rogier van der Weyden sont encore couramment situées seulement après 1432, parce que, lorsqu'il revient à Tournai, en 1426, Rogier est employé officiellement comme apprenti. Pourtant, cette qualité ne l'empêchait nullement de produire des œuvres personnelles, pourvu qu'elles soient tenues et présentées comme production de l'atelier de son maître. Il convient donc de vieillir ces créations et d'en situer la naissance entre 1426 et 1432 . C'est dire qu'elles sont contemporaines des premières œuvres de Jan van Eyck qui, à partir de 1425, est au service de Philippe le Bon, en résidence au moins de 1425 à 142 8 à Lille, et qui achève en 1432 !'Agneau mystique, commencé par son frère Hubert. Il est certain que les deux artistes se sont connus à cette époque, sinon plus tôt. Lille est très proche de Tournai que le peintre de Philippe le Bon a visité au moins deux fois, le 18 octobre 1427, jour de la fête de saint Luc, patron des peintres, et le 23 mars 1428. On ne peut exclure que le jeune peintre tournaisien ait fait, de son côté, le voyage inverse en se rendant à Lille, ce qui n'exigeait aucuns frais importants, pour rendre visite à un maître déjà célèbre, ne fût-ce que par la charge de peintre et valet de chambre du duc de Bourgogne. Dans ses premières œuvres, cependant, on ne relève pas de traces vraiment sensibles d'une influence que l'aîné aurait pu exercer sur le cadet, sauf peutêtre dans la pratique d 'une peinture à l'huile savante, mais moins sophistiquée. C'est dire que le contact n'a probablement pas été très étroit et que Rogier van der Weyden n'a pas été le disciple direct de Jan van Eyck, contrairement à ce que Vasari avait pu croire.
L'affirmation : la Déposition de Croix Est-ce justement parce qu'il travaillait comme une sorte de chef d'atelier d'un peintre réputé, Robert Campin, ou plutôt parce que lors de son activité en dehors de Tournai il s'était fait remarquer particulièrement par ses dons ? On ne saurait le dire, mais voilà qu'une commande importante lui parvient, émanant de l'une des deux principales villes du Brabant, de Louvain qui n'entretenait pas pourtant de rapports étroits avec Tournai. Le sculpteur Henri van der Weyden, qui travaille dans cette ville en 1424 et qui était peut-être de sa parenté, aurait-il servi d'intermédiaire ? Ou Rogier serait-il passé dans son atelier entre 13
au revers des volets d'un retable. Et pourtant ici également Rogier prend ses distances par rapport à son maître. Si les volumes sculptés sont suggérés, ils s'inscrivent avec moins de force que chez son maître et tendent à éviter de briser le plan pictural. Au centre de la Déposition le bleu intense de la robe de Marie attire fortement l'œil et s'allie, en un parallèle surprenant, avec les chairs blanchâtres du corps du Christ. De part et d 'autre trois personnages équilibrent la composition. Erwin Panofsky a trouvé une formule suggestive pour souligner ce refermement sur le centre, en écrivant que saint Jean et la Madeleine, placés aux extrémités, mettaient la composition entre parenthèses. C'est aussi avec cette œuvre que la maîtrise de la ligne, qui est une caractéristique fondamentale du style de Rogier van der Weyden, s'affirme pleinement. Les silhouettes des personnages s'emboîtent, en quelque sorte, dans un rythme fluide qui donne à l'ensemble de la composition une impression d'équilibre, mais aussi de pureté par la netteté de la définition des formes. C'est aussi en cela que Rogier van der Weyden se détache de son maître Robert Campin, qui avait traité le même sujet dans un grand triptyque disparu mais connu par deux copies. Le dessin du musée de Cambridge, qui doit être le meilleur des deux, fait bien apparaître la différence d'esprit des deux artistes . Si Rogier reprend pratiquement tous les éléments de la composition, il les organise sur la surface picturale en un groupement très uni et, surtout, très harmonieux. Au contraire, son modèle se complaît à distinguer les groupes, à les opposer par des heurts de formes et à créer une impression de drame par cette scansion rude de la composition elle-même. Le métier pictural est ici entièrement au service de la pensée. Dans une église qui abrite un culte encore relativement nouveau, celui des douleurs de la Vierge, le tableau entend exprimer non seulement la compassion, au sens primitif du mot, de la co-passio - de la participation à la passion - de la Vierge, mais aussi son association au rôle rédempteur de la mort du Christ. L'étonnant parallèle des deux mains au centre traduit directement cette idée. C'est aussi que, à ses débuts, Rogier van der Weyden est étroitement associé au milieu spirituel qui guide Robert Campin et reçoit probablement des suggestions d'un même théologien dont la personnalité nous est malheureusement inconnue. La Déposition de Croix du Prado relève de la même inspiration que le Retable de Mira/fores : elle exalte le rôle de la
Vierge qui n'est pas limité à sa seule intercession, mais participe directement à la Rédemption. Il convient, enfin, de souligner combien ce tableau marque de manière éclatante l'expression de la douleur. Certes, la femme en pleurs, à l'extrémité gauche , l'une des sœurs de la Vierge, offre une solution en apparence assez facile, qui rappelle encore les pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne. Elle a cependant beaucoup frappé et a été souvent copiée. Plus original et plus nouveau est le visage blafard de la Vierge. Mais il y a aussi la gravité solennelle de Joseph d'Arimathie qui n'a pas moins impressionné. On a souvent qualifié l'art de Rogier de pathétique. Le terme n'est pourtant pas tellement heureux parce qu'il suggère, même si ce n'est pas son sens primitif, une sorte d'agitation dans le drame. Pathétiques sont ces sujets : il n'en est pas responsable, ce sont ceux de la religion. C'est par la retenue qu'il les aborde, suggérant le drame plus qu'il ne le décrit, laissant seulement percer dans les expressions de ses personnages une douleur contenue.
Installation à Bruxelles En 1435, au plus tard dans la seconde moitié de l'année, Rogier de le Pasture quitte Tournai et, en s'installant à Bruxelles, devient Rogier van der Weyden. Les raisons de ce choix qui le fait abandonner un pays wallon pour une ville brabançonne sont assez claires . Les avantages que proposait la situation de Tournai ont pratiquement disparu. Le Hainaut et la Flandre qui enserrent la ville sont désormais dans les mains d 'un seul maître, le duc de Bourgogne, comte de Flandre, qui est également devenu duc de Brabant. Si la liberté tournaisienne subsiste théoriquement, elle est menacée par cette évolution politique et la récession de l'activité de la ville commence à se faire sentir. Dès lors, mieux valait rejoindre les pays ducaux. Ce départ est certainement volontaire, mais il semble bien aussi qu'il ait été sollicité. Dès son arrivée, il est peintre de la ville de Bruxelles. Maurice Houtart a supposé, non sans raison, que la visite à Tournai, le 22 avril 1434, du bourgmestre et des membres du conseil de la ville brabançonne pouvait avoir été l'occasion de débaucher le peintre dont la célébrité commençait certainement à poindre . Cette sollicitation probable peut s'être inscrite aussi dans la rivalité des deux plus grandes villes du Brabant. Louvain, par l'intermédiaire de ses arbalétriers, venait de faire travailler le peintre, son conseil municipal aurait pu être tenté de se l'attacher. Il fallait d'autant plus prendre les 14
devants que Bruxelles s'efforçait alors, non sans succès, d 'être choisie par le prince comme résidence, au détriment de sa rivale. Les conditions de cette embauche ne sont pas connues et peuvent seulement se présumer. Le seul texte parvenu à nous qui la concerne, nous apprend que le peintre recevait annuellement une pièce de drap pour participer aux cérémonies offi cielles. Il ne semble pas - mais on ne peut l'assurer tout à fait - avoir perçu de salaire régulier. Par contre, il est bien possible qu'il ait reçu, à titre gracieux, le droit de bourgeoisie - dont il s'enorgueillit en 1439 en faisant suivre sa signature du qualificatif civis. Et, dès l'embauche, il avait dû recevoir la commande de grands tableaux pour la salle principale de l'hôtel de ville : il s'agissait d 'œuvres si importantes que leur paiement, à lui seul, équivalait à un salaire considérable. En acceptant, Rogier van der Weyden se doutait bien aussi qu'il s'assurait un accès plus aisé à l'entourage du prince et des possibilités de commandes de la part du duc. Il ne sera jamais officiellement attaché à sa cour. Il n'en avait guère besoin. Comme peintre de la ville qui était en passe de devenir sa résidence favorite, il bénéficiait presque des mêmes avantages, tout en gardant plus de disponibilité pour une activité personnelle.
épouse cette année-là le comte de Charolais, le futur Charles le Téméraire. L'histoire est encore plus horrible. Alors qu'il était près d'expirer, Archambaud (Herkinblad) exécuta de sa main son neveu accusé d'adultère. L'évêque venu à son chevet voulait lui refuser l'extrême-onction, mais l'hostie vint se poser miraculeusement sur la langue du mourant, témoignant ainsi de l'équité de son dernier acte . Une tapisserie, exécutée à plusieurs exemplaires, a été tissée peu après l'achèvement de l'ensemble. La seule qui nous soit parvenue (Berne, Historisches Museum) appartenait à Georges de Saluces, évêque de Lausanne, mort en 1461. Cartonniers et liciers semblent bien avoir pris beaucoup de liberté vis-à-vis de l'original. Des copies dessinées plus fidèles sont conservées pour l'épisode du pape Grégoire et, par un artiste plus tardif, pour les histoires d'Archambaud. Elles ne font que regretter plus amèrement la disparition de tableaux qui ont dû fasciner les contemporains. Alors que l'œuvre la plus ancienne connue de Rogier est l'équivalent d'une miniature, c'est une peinture monumentale qui lui était commandée, mesurant environ deux mètres de haut. La copie dessinée de l'épisode du pape Grégoire montre que loin de tasser les figures les unes sur les autres comme dans la tapisserie, il les avait disposées de manière très claire. Il est très regrettable qu'il ne soit parvenu de meilleure copie que celle de la tapisserie pour l'épisode du jugement de Trajan. Le licier a si tué les deux scènes dans un paysage sommairement évoqué, en utilisant des formes de feuillages et de constructions couramment employées dans son métier. Les descriptions anciennes nous apprennent que le peintre avait situé les deux épisodes dans les rues de Rome. Les figures devaient donc s'inscrire dans un espace défini par des éléments perspectifs accusés qui font complètement défaut dans la tapisserie. Le dessin de la Bibliothèque nationale nous permet d'imaginer combien un équilibre pouvait ainsi s'établir entre les scènes de saint Grégoire et celles de Trajan par la création de rappels entre les espaces comme Rogier van der Weyden avait su le faire, à petite échelle, pour le Triptyque de Mira/fores. Il nous apprend aussi que le peintre n'avait certainement pas accumulé les sol dats autour de l'empereur mais laissé au contraire les groupes se distinguer clairement. La présentation du crâne de Trajan au pape est composée selon un procédé assez remarquable, directement adapté à de grands panneaux. Au premier plan trois personnages sont agenouillés, alors que le pape et son entourage sont un peu en retrait dans l'espace. Ils scandent ainsi la
Les tableaux de l'hôtel de ville Le bombardement, en 1695, de Bruxelles par les troupes de Louis XIV, en mettant le feu à l'hôtel de ville, a fait disparaître l' œuvre magistrale de Rogier van der Weyden, celle pour laquelle il avait dû être recruté. Il s'agissait d'exemples de justice, c'est-àdire d'histoires légendaires propres à rappeler aux magistrats la nécessité d 'un jugement juste. Les tableaux semblent bien avoir été réalisés en deux fois. Deux d 'entre eux, qui portaient une signature et la date de 1439, illustraient un épisode de l'histoire de Trajan. Alors qu'il allait partir en guerre, l'empereur romain avait été arrêté par une veuve qui se plaignait de la mort injuste de son fils. Suspendant son départ, il donna l'ordre de faire exécuter, devant lui , le soldat coupable. Quelques siècles plus tard, le pape Grégoire, admirant la colonne Trajane et connaissant cet acte de justice, pria Dieu d'accorder à l'empereur la rédemption. C'est alors qu'on apporta au pontife la tête de Trajan dont le sarcophage avait été ouvert et qu'il découvrit la langue toujours intacte, cette langue qui avait rendu cet équitable jugement. La seconde série de deux tableaux ne fut probablement pas peinte avant 1454. Elle évoque Archambaud, sire de Bourbon, un mythique ancêtre d'Isabelle de Bourbon qui 15
Les exemples de justice que Dirk Bouts composera pour l'hôtel de ville de Louvain (Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts) en sont une imitation directe . Ils peuvent, eux aussi, nous aider à restituer en esprit les compositions originales de Rogier van der Weyden.
profondeur. Le souvenir d'une composition semblable apparaît encore, mais complètement défiguré, dans la tapisserie. Deux groupes de premier plan marquaient les deux scènes : à gauche la mère du soldat implorant l'empereur, à droite le coupable, attendant son exécution. À l'extrémité droite de la scène de la présentation du crâne, un jeune homme debout, placé également au premier plan, fermait la composition par sa haute silhouette. Dans l'épisode de l'exécution, le personnage de l'empereur, également debout, devait avoir le même rôle à l'extrémité gauche de la scène. Il faut donc imaginer que tous les cavaliers dont le cartonnier a encombré l'espace de la tapisserie étaient, dans la peinture, des figures de second plan, d'échelle réduite et laissaient plus d 'air autour des groupes principaux. De cette manière, les panneaux qui étaient surmontés de gables sculptés et ornés, devaient faire apparaître d 'abord de grandes figures solennelles comme celle du pape Grégoire dans le dessin de Paris. Lorsque Rogier van der Weyden sera amené à compléter cet ensemble par deux nouvelles scènes -de l'histoire d'Archambaud-, il reprendra la même disposition. Ce sont dans les dessins attribués à Ortkens que l'on peut le mieux percevoir l'impression dramatique que les formes devaient suggérer. Rogier avait visiblement repris le même schéma formel que dans les premières scènes, en rejetant le personnage principal au second plan et en amenant le regard vers lui par un intervenant secondaire agenouillé au premier plan. Dans la scène de gauche - l'exécution du coupable par le mourant - , deux personnages sont agenouillés au premier plan et laissent ouvertes des vues perspectives sur l'arrière. Dans celle de droite - le miracle de l'hostie-, une femme est assise au sol à côté d'un personnage de la suite de l'évêque, vu de dos, dont la longue cape dessine une silhouette puissante qui ferme la composition, redoublant, en quelque sorte, le schéma de la présentation du crâne. Ces dessins permettent de mieux comprendre les libertés prises par le cartonnier: au lieu d'affirmer la profondeur et d'inscrire les figures dans un espace clairement défini, il laisse libre cours à son horreur du vide et ne s'attache qu'aux seules figures qu'il tasse les unes au-dessus des autres. Pour restituer l'idée de la composition rogérienne, il faudrait donner aux personnages des dessins d'Ortkens les costumes de ceux de la tapisserie et l'on aurait ainsi une idée probablement très voisine de l'original. Ces grandes compositions avec des figures qu'il faut imaginer de taille humaine ont dû profondément marquer les artistes.
Les architectures habitées de Rogier Cette expérience a-t-elle été la source de variations autour d 'intérieurs ecclésiaux ou était-elle, au contraire, le reflet d'une tendance personnelle du peintre ? On ne saurait le dire. Mais peu après il peint pour Jean Chevrot, évêque de Tournai, et son ami Philippe Courault le Triptyque des sept sacrements qui situe les scènes à l'intérieur d'une grande église en les répartissant entre la nef et les chapelles latérales. L'architecture gothique de l'édifice est saisie dans une perspective axiale impressionnante, que module la lumière . Le point de fuite, commun à la nef et aux collatéraux, s'inscrit sensiblement sur le corps du Christ en Croix au centre de la scène. Au même moment, ou presque, un tableau exécuté dans son atelier, peut-être même partiellement sous sa direction, décrit l'exhumation de saint Hubert dans un chœur gothique saisi également dans une vue frontale. Très longtemps conservé dans l'une des chapelles de la collégiale Sainte-Gudule à Bruxelles, il y était l'objet d'admiration pour la force de suggestion de l'espace qu'il présente. Il faisait pendant à un panneau illustrant un autre épisode de la vie de saint Hubert, sa désignation comme évêque par le pape. Tout en étant très proches de l'art de Rogier van der Weyden, l'un et l'autre trahissent une exécution par une main différente . Les personnages de L'Exhumation de saint Htj,bert, surtout, sont certainement l'œuvre d'un compagnon qui a probablement aussi exécuté quelques visages des personnages du Triptyque des sept sacrements. Ce doit donc être un compagnon auquel Rogier van der Weyden pouvait laisser une certaine liberté d 'exécution. On retrouve curieusement sa main dans un dessin conservé dans la collection Lehmann au Metropolitan Museum de New York qui aurait dû être exécuté par Rogier. Il s'agit, en effet, d'un modèle pour l'exécution d 'un chapiteau de la nouvelle aile de l'hôtel de ville de Bruxelles. C'est donc un travail qui revenait au peintre officiel de la ville. Le sujet sans doute ne l'inspirait pas et il a donc laissé son assistant se charger de ce programme. C'est un thème, il est vrai, bien curieux. Pour rappeler le souvenir d 'une maison qui se trouvait à l'emplacement où e refio. Tbem1d1.uedere calle 1'etant. !l!!_àm) tua de partû pi,zgen1o extr~":'~ 1'olu~tM Perpetua eft in~pum quo~ medzcm~fem,. - Jlla-rffiqu/fti-ter.ru 1ampr.oxJ!JY{mJJ!J1:... --.-: ..,,.,,_ }I.ec :nvnumenta polo non montttr,! 1mc,1nt. RO.G ERO.
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Hieronymus Cock Portrait de Rogier van der Weyden Gravure extraite du recueil de Dominique Lampsonius, Pictorum aliquot celebrium germaniae inferioris effigies, 1512
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Roger de le Pasrure est né à Tournai en 1399 ou 1400. Il était fils d'Henry de le Pasture, coutelier, décédé avant 1426. Peur-être éraie-il parent du peintre tournaisien Coppin de le Pasture, connu seulement pour avoir été condamné en 1408 pour voies de fait sur un confrère. Sa famille était peutêtre originaire du Hainaut : les Le Pasture tenant des fiefs de la seigneurie d'Enghien, mentionnés dans la seconde moitié du xve siècle, pourraient lui être apparentés. On ne sait rien de certain de ses premières années. On peut présumer cependant qu'il a fait son premier apprentissage dans l'atelier du peintre Robert Campin. Peut-être est-il l'un des deux compagnons qui se marient en 1423. C'est à cette date, ou un peu plus tard, en effet, qu'il contracte un mariage avec Isabelle Goffaert, fille d'un cordonnier bruxellois, Jan Goffaert, et de Cachelyne van Stockem qui doit être une parente de la femme de Robert Campin, connue sous le nom francisé d'Isabelle de Stoquain. C'était donc une union organisée par la famille qui atteste les liens étroits qui devaient associer le maître et le disciple. Seules des conjectures peuvent être faites sur l'activité de l'artiste entre ce premièr apprentissage quasi certain, et son retour à Tournai en novembre 1426. Il a pu chercher à compléter sa formation ou travailler comme compagnon dans des ateliers œuvrant dans d'autres villes : à Bruxelles, ville natale de son épouse, à Louvain où un sculpteur du nom d'Henri van der Weyden, qui pourrait lui être apparenté, est employé en 1424 à l'hôtel du duc de Brabant, à Gand aux côtés d'Hubert van Eyck ou encore à Paris dans l'un des ateliers de peintres ou de miniaturistes. Lors de son retour, à la fin de 1426, il prend une place importante dans l'atelier de Robert Campin, bien que, pour des raisons de commodité juridique et probablement financière, il y ait été inscrit comme apprenti du 5 mars 1427 au 1er août 1432. Il doit être une sorte de chef d'atelier et réaliser au moins une partie des commandes passées à son maître, alors très engagé dans la politique municipale. Déclaré officiellement maître, en 1432, il demeure à Tournai jusqu'en 1435. C'est alors qu'il obtint, selon toute probabilité, la commande de l'œuvre qui devait assurer sa réputation: la Descente de Croix (Madrid, Prado) pour la chapelle d'une confrérie d'arbalétriers de Louvain. C'est probablement à l'invitation du bourgmestre et des échevins de Bruxelles qu'il s'y installe au cours de l'année 1435 et qu'il obtient la charge,
surtout honorifique, de peintre de la ville. Il sera désormais appelé Rogier van der Weyden, forme flamande de son nom. Pour l'hôtel de ville il aura la charge de peindre quatre tableaux sur des thèmes d'exemples de justice, destinés à décorer la salle d 'audience principale. Deux au moins d'encre eux éraient terminés en 1439. Ils ont malheureusement été détruits, probablement lors du siège par Louis XIV en 1695. Pour l'autel de Saint-Luc de la confrérie des peintres, il fera un tableau d'autel (Boston, Museum of Fine Arcs). La réputation de Rogier van der Weyden s'accroît rapidement. Sans jamais avoir été attaché à la cour du duc de Bourgogne, il travaille assez fréquemment pour son compte, notamment en 1446 et 14581459 pour la polychromie de statues. C'est pour les collaborateurs les plus proches du prince, le chancelier Rolin (Retable de Beaune) et l'évêque de Tournai, Jean Chevrot, chef de son conseil (Retable des sept sacrements) qu'il crée deux de ses chefs-d'œuvre. Depuis 1444, il habite dans une maison importante, précédemment occupée par l'une des grandes familles patriciennes de la ville. En 1450, il accomplie un pèlerinage à Rome à l'occasion de l'année jubilaire. Déjà auparavant il avait reçu une commande du duc de Ferrare, Lionello d'Es ce, et l'avait achevée en 1449. Au cours de son voyage ou à son retour, il peint deux tableaux destinés à l'un des membres de la famille des Médicis (Florence, galerie des Offices et Francfort, Staedel Institut). Il est possible qu'il soit passé par Cologne, où il a pu voir les œuvres de Stefan Lochner. Après son retour à Bruxelles, il assurera d'importantes commandes privées, mais aussi, en 1455, l'exécution d'un retable de deux volets pour l'abbaye Saint-Aubert de Cambrai. À la fin de sa vie, il offre un tableau important à la nouvelle chartreuse élevée aux portes de Bruxelles, à Scheut, à laquelle s'intéresse très activement la cour. Il a également fait des dons à une autre chartreuse, celle de Hérinnes dans laquelle l'un de ses fils, Corneille, avait prononcé ses vœux en 1449. Son atelier apparaît très prospère. Depuis 145 5 environ, son fils Pierre doit le seconder et lui succédera. Le tableau le plus important de cette époque qui nous soit parvenu, le Triptyque de !'Adoration des mages (Munich, Alte Pinakothek), devait être acquis par un bourgeois colonais pour l'église Sainte-Colombe de Cologne, à laquelle il n'était pourtant pas destiné à l'origine. Nombre de peintres allemands s'en sont inspirés.
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Le peintre meurt en juin 1464; il est enterré dans l'église Sainte-Gudule, devant l'autel de Saint-Luc de la confrérie des peintres. Sa réputation s'est largement étendue en Europe, notamment en Italie et en Espagne. Les humanistes italiens le connaissaient et le citaient comme un disciple de Jan van Eyck.
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