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French, Arabic, English Pages 306 [286] Year 2020
Enseignante-chercheure de littérature française à l’Université de Tunis El Manar, Halima Ouanada est l’auteure de deux ouvrages, Térence, un poète comique intemporel et La Femme chez Voltaire, ainsi que de plusieurs articles sur le XVIIIe siècle. Elle est également présidente de l’Association Tunisienne des Études sur les Lumières (ATEL).
Illustration de couverture : Max Ernst, Trente-trois petites filles prévues pour la chasse au papillon blanc (1938).
ISBN : 978-2-343-20002-6
31 €
Halima Ouanada
Halima Ouanada
(Re)penser le féminin
(Re)penser le féminin
C
onstamment d’actualité, le féminin peine encore aujourd’hui à se libérer du carcan de la féminité oppressante, malgré les progrès scientifiques et les percées réalisées par les femmes dans les différents domaines réservés depuis bien longtemps aux hommes. Certes, les divers travaux sur le genre ont pu ouvrir une brèche dans l’édifice du patriarcat ; toutefois, ils n’ont pas pu changer véritablement les mentalités. De surcroît, exploité à outrance, et considérablement éloigné de la sphère de la recherche par un militantisme nécessaire mais insuffisant, le concept de féminisme a perdu de sa valeur heuristique. D’où la nécessité et l’intérêt pour nous, aujourd’hui, de réunir des chercheurs de diverses disciplines et de différents pays pour réinterroger ce féminin, source d’équivoque, et de réexaminer les différentes approches et théories différenciées de ce féminin en vue de le repenser dans une perspective de dépassement et de renouvellement. Dépassement des binarités grâce à un regard neuf capable de dessiner les contours de nouvelles pistes de recherche et d’encourager les singularités novatrices qui feront du féminin, non pas une construction figée, mais un processus qui appellerait constamment une relecture subversive du système des représentations.
Textes réunis et publiés par
(Re)penser le féminin
Textes réunis et publiés par
Socio-anthropologie des mondes méditerranéens et africains
(Re)penser le féminin
Actes du Congrès international 14, 15 & 16 avril 2016
Illustration de couverture : Max Ernst, Trente-trois petites filles prévues pour la chasse au papillon blanc (1938)
Collection « Socio-anthropologie des mondes méditerranéens et africains » Le but de cette collection, fondée et dirigée par Pierre-Noël Denieuil, est de valoriser et de diffuser les travaux de chercheurs en sciences humaines et sociales, portant sur les territoires méditerranéens : Maghreb, Proche-Orient, rives nord et sud-est de la Méditerranée. La dimension socio-anthropologique est le garant d’une attention portée aux populations, à leurs usages, à leurs systèmes de valeurs et au lien social qui structurent un projet de société. Cette perspective peut judicieusement se superposer avec des approches historique, juridique, politologique et économique des mondes concernés. Sur les bases géographiques et disciplinaires ci-dessus décrites, la collection abrite des thématiques aussi variées et complémentaires que : monde rural et agricole ; dynamiques urbaines ; entrepreneuriat et accès à l’emploi ; développement social, sociabilités et solidarités ; politiques publiques et espaces privés ; réformes et réformisme ; socio-anthropologie du droit ; sociologies de la santé ; recompositions de la famille. Ces travaux peuvent être monographiques (axés sur un pays en particulier) ou plus précisément comparatifs (approches croisées sur les sociétés, analyse des interdépendances entre les deux rives).
© L’Harmattan, 2020 5-7, rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.fr ISBN : 978-2-343-20002-6 EAN : 9782343200026
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Textes réunis et publiés par Halima OUANADA
(Re)penser le féminin
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS.................................................................................................... 11 INTRODUCTION .................................................................................................... 13 HISTOIRE DU FEMININ. L’HISTOIRE ET LES FEMMES De la féminité à la vénusté ....................................................................................... 21 Nebil RADHOUANE Ecrire le féminin, sujet historique ou témoignage du silence ? Notes de lecture de deux romans de Sonia Chamkhi................................................ 25 Othman BEN TALEB ّ زﻋﺎﻣﺔ اﻟﻤﺮأة واﻟﻮﺻﻢ اﻟﺠﻨﺴﻮيّ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲ................................................................ 35 ﻧﺎﺟﯿﺔ اﻟﻮرﯾﻤّﻲ Le féminin et le maternel dans la culture arabo-islamique ....................................... 41 Monia KALLEL FEMME, ÉCRITURE ET REPRÉSENTATIONS. ENTRE IDENTITÉ ET ALTÉRITÉ Femme et révolte dans la littérature dystopique ....................................................... 51 Kawthar AYED Représentations féminines entre identité et transversalité dans l’œuvre de Meriem Bouderbela........................................................................ 57 Sarra BEN HASSINE Le moi que l’autre m’impose ou les nouvelles normes de la féminité...................... 67 Khadija BEN HASSINE Mécanismes psychiques et genre : la question de l’identité féminine ...................... 75 Fanny BAUER–MOTTI Figures de l’androgyne chez les écrivaines de la Renaissance ................................. 81 Khaoula Kefi CHARRADA
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Repenser le féminin à travers la figure de l’androgyne dans Gabriel de George Sand, Orlando de Virginia Woolf et Les Mille et une nuits .................... 91 Sidad ANWAR MOHAMMED et Thakaa MUTTIB HUSSEIN Gender & Speech Representations in Virginia Woolf’s Mrs. Dalloway ................ 105 Selma HELAL VOIX FÉMININES Qu’est-ce qu’une femme dans ce monde ou la typologie poétique du féminin dans La Femme Du Blanc de Muriel Diallo ........................................................... 135 Moussa COULIBALY Voix féminine, ethos féminin dans Les Lettres de Madame de Sévigné et Les Lettres Portugaises ...................................................................................... 145 Chahira BOUMAYA BELHASSEN Etude de la présence du corps féminin dans Tasharej d’Emna Belhaj Yahia ........ 153 Sabrine HERZI La femme dans Le bonheur dans le crime de Barbey d’Aurevilly ......................... 163 Mariem BELLAAJ دراﺳﺔ ﺣﺎﻟﺔ، ﺳﺆال اﻟﺘﻤﺎھﻲ واﻟﺎﻧﻔﺼﺎل: ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ.................. 171 ﺳﻠﻤﻰ اﻟﺠﻠﺎﺻﻲ LE FÉMINISME ENTRE PROJET DE SOCIÉTÉ ET CONCEPTUALISATION ONTOLOGIQUE Descartes féministe : anachronisme ou réalité ? ..................................................... 183 Youssef BEN OTHMAN Le féminin des Lumières, un héritage des Anciens ................................................ 197 Halima OUANADA Écriture du Moi et photographie entre identité et altérité chez A. Ernaux ............. 209 Hanen SALHI Le mythe de la mère dans Le Premier homme d’Albert Camus. ............................ 217 Anissa MANAI-ZAYAR FÉMININ ET CRÉATION Penser l’identité de la femme à travers le spectacle vivant contemporain : Medea in Spain de Silvia Barreiros ; réecriture et réinterprétation du mythe euripidien ....... 231 Charitini TSIKOURA
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De la femme « créature » à la femme créatrice : le « miracle » de l’invention féminine .................................................................... 239 Martine LACAS Le cinéma des premières cinéastes en Tunisie, en Égypte et au Liban : (re)figurer un peuple au féminin ............................................................................. 249 Mathilde ROUXEL La Poupée dans l’art, une désarticulation visuelle pour un féminin articulé .......... 265 Salwa MESTIRI PENSER LE FÉMININ « Avons-nous vraiment besoin d’un vrai sexe ? » .................................................. 277 Carine TREVISAN Parole d’homme(s), parole(s) de femme(s) : itinéraires croisés de discours, déconstruction des imaginaires linguistiques genrés ou continuum ? .................... 281 Raja CHENOUFI GHALLEB ( اﻟﺤﺞ ﺑﯿﻦ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ )اﻟﺨﻠﻖ اﻟﻄﺒﯿﻌﻲ( و اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ )اﻟﺄﺳﻄﻮري و اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ و اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ............................... 293 ﻓﺎطﻤﺔ ﻛﺸﻮري زرﻗﻮﻧﻲ
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AVANT-PROPOS
Ce volume voit enfin le jour grâce à l’aide précieuse de Mme la professeure, Soukaina BOURAOUI, Directrice exécutive du centre des femmes arabes de formation et de recherche (CAWTAR), qui a eu l’amabilité d’encourager et soutenir la publication de ce volume. Et qui mieux qu’un centre de formation et de recherche pour les femmes pour appuyer une oeuvre dont la problématique principale est de (Re)penser le féminin. Problématique qui cadre parfaitement avec la mission et les objectifs du centre. A savoir encourager la recherche en matière d’études sur le genre en créant une dynamique nouvelle capable de réduire, voire d’éliminer, la discrimination envers les femmes. En effet, par le biais d’un nombre important et varié de contributions, riches et profondes voire subversives, les contributions qui constituent ce volume posent, analysent, discutent et déconstruisent un substrat mythique, philosophique, religieux, linguistique, social… considéré jusque là comme immuable voire sacré dans une perspective ô combien ambitieuse, celle de dépasser les préjugés, ébranler les mentalités pour construire et réinventer de nouveaux types d’identitées, positives et efficientes… Que tous ceux qui ont contribués de près ou de loin à la tenue du Congrès soient ici vivement remerciés (les collègues-participants des différents pays, Algérie, Côte d’Ivoire, Egypte, France, Irak, Maroc et des universités tunisiennes ; appui de l’université de Tunis El Manar (UTM), l’Institut Supérieur des Sciences humaines de Tunis (ISSHT), l’Institut Supérieur de musique de Tunis (ISMT), l’Institut supérieur des Sciences biologiques appliquées (ISSBAT), le laboratoire de Recherche en Culture, Nouvelles Technologies et Développement (CUNTIC), l’Union des Ecrivains Tunisiens, l’UR. Imaginaire méditerranéen et interculturalité, approches comparées (IMIAC), l’UR. Brachylogia.) Nos vifs remerciements vont également à toutes les écrivaines, artistes et intellectuelles tunisiennes, magrébines et européennes qui ont honoré par leur présence et leurs témoignages la table ronde qui a clôturé les travaux du Congrès et aux étudiants-lauréats du concours d’écriture organisé à l’occasion. Un vrai grand moment de débat intellectuel qui a eu lieu en milieu académique dont l’objectif principal est de créer et nourrir une dynamique d’échanges et de communication dans le respect de la différence et la richesse de la diversité.
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ﻣﻠﺨﺺ ﯾﻀﻢّ ھﺬا اﻟﻤﺆﻟﻒ أﻋﻤﺎل اﻟﻤﺆﺗﻤﺮ اﻟﺪوﻟﻲ اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻟﻘﺴﻢ اﻟﻠﻐﮫ واﻟﺎداب و اﻟﺤﻀﺎرة اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﮫ واﻟﺬي اﻧﻌﻘﺪ أﯾﺎم 14و15و 16أﻓﺮﯾﻞ 2016ﺑﺎﻟﻤﻌﮭﺪ اﻟﻌﺎﻟﻲ ﻟﻠﻌﻠﻮم اﻟﺎﻧﺴﺎﻧﯿﮫ ﺑﺘﻮﻧﺲ ﺗﺤﺖ ﻋﻨﻮان "إﻋﺎدة اﻟﻨﻈﺮ ﻓﻲ اﻟﺎﻧﺜﻰ /اﻟﻤﺆﻧﺚ ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرھﺎ ﻣﺴﺄﻟﺔ ﺟﻮھﺮﯾﺔ ﺗﺤﻀﺮ ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار ﻟﺎرﺗﺒﺎطﮭﺎ أﺳﺎﺳﺎ ﺑﺒﻨﺎء ﻧﻤﺎذج ﻣﺠﺘﻤﻌﯿﺔ وﺑﺘﺠﻠﯿﺎﺗﮭﺎ اﻟﺤﻀﺎرﯾﺔ. .وﻗﺪ اﺷﺎر اﻟﻌﻨﻮان إﻟﻰ ﺛﻨﺎﺋﯿﺔ اﻟﻤﺴﺄﻟﮫ :ھﻞ اﻟﺄﻣﺮ إﻋﺎدة ﻧﻈﺮام ﻧﻈﺮﻓﻌﻠﻲ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﺄﻧﺜﻰ اﻟﺘﻲ ﻟﺎﺗﺰال ﻣﺤﻞ ﻣﺤﺎوره وﻣﺴﺎءﻟﮫ وﺗﻐﯿﯿﺐ وإﺧﻔﺎء و ﺣﺘﻰ ﺳﻮء ﻣﻌﺎﻣﻠﮫ و ﺗﺴﺘﻤﺮ ﻓﻲ ﺗﺼﺪّر اﻟﺄﺣﺪاث ،إذ ﻟﺎﺗﺰال إﻟﻰ اﻟﯿﻮم ﺗﺸﻘﻰ ﻣﻦ أﺟﻞ اﻟﺘﺤﺮر ﻣﻦ ﻣﺄزق اﻟﺄﻧﺜﻰ اﻟﻤﻀﻄﮭﺪه رﻏﻢ اﻟﺘﻘﺪم اﻟﻌﻠﻤﻲ ورﻏﻢ اﻗﺘﺤﺎﻣﮭﺎ ﻟﻌﺪة ﻣﺠﺎﻟﺎت ظﻠﺖ ﻟﻤﺪه طﻮﯾﻠﮫ ﺣﻜﺮاﻋﻠﻰ اﻟﺮﺟﺎل .وﻟﺎﯾﺸﻜﻚ أﺣﺪ ﻓﻲ أن ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺠﻨﺪرﯾﮫ ﺗﻤﻜﻨﺖ ﻣﻦ أﺣﺪاث ﺗﺼﺪّع ﻓﻲ اﻟﺼﺮح اﻟﺬﻛﻮري ﻟﻜﻦ دون اﺣﺪاث ﺗﻐﯿﯿﯿﺮا ﺟﺬرﯾﺎ ﻓﻲ اﻟﻌﻘﻠﯿﺎت .ﻛﻤﺎ أنّ ﻣﻔﮭﻮم اﻟﻨﺴﻮﯾّﮫ اﻟﺬي اُﺳﺘﻐﻞ اﺳﺘﻐﻠﺎﻟﺎ ﻣﻔﺮطﺎ واﺳﺘﺒﻌﺪ ﻋﻤﺪا ﻣﻦ داﺋﺮة اﻟﺒﺤﺚ إﺳﺘﺒﻌﺎدا ﻟﺎﻓﺘﺎ ﻟﻠﺄﻧﻈﺎر ﻧﺘﯿﺠﮫ اﻗﺘﺮاﻧﮫ ﺑﺎﻟﻨﻀﺎل اﻟﺬي ﻛﺎن ﺣﺘﻤﺎ ﺿﺮورﯾﺎ، وﻟﻜﻨﮫ ﻏﯿﺮ ﻛﺎف؛ ﺧﺎﺻﺔ و ﻗﺪ ﻓﻘﺪ ھﺬااﻟﻤﻔﮭﻮم ﻗﯿﻤﺘﮫ اﻟﺒﺤﺜﯿﮫ اﻟﺈﺳﺘﻜﺸﺎﻓﯿﮫ .وھﻮ ﻣﺎ ﯾﻔﺴﺮﺿﺮورة اﻟﻠﻘﺎء اﻟﯿﻮم ﺑﺒﺎﺣﺜﯿﻦ ﻣﻦ ﺷﺘﻰ اﻟﺎﺧﺘﺼﺎﺻﺎت و ﻣﻦ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﺒﻠﺪان ﻟﺎﻋﺎدة اﻟﺘﺴﺎؤل ﺣﻮل ھﺬه اﻟﺄﻧﺜﻰ اﻟﻤﺒﮭﻤﺔ؛ وﻟﻨﺘﻔﺤﺺ ﻣﻦ ﺟﺪﯾﺪ اﻟﻤﻘﺎرﺑﺎت اﻟﻤﺘﻌﺪدة واﻟﻨﻈﺮﯾﺎت اﻟﺘﻰ اﺧﺘﺼﺖ ﺑﺪراﺳﺔ اﻟﺄﻧﺜﻰ ﻣﻦ أﺟﻞ إﻋﺎدة اﻟﺘﻔﻜﯿﺮﻓﯿﮭﺎ ﺳﻌﯿﺎ ﻟﻠﺘﺠﺎوز واﻟﺘﺠﺪﯾﺪ. وﻧﻌﻨﻲ ﺑﺎﻟﺘﺠﺎوز ﺗﺠﺎوزاﻟﺜﻨﺎﺋﯿﺎت ﻋﺒﺮاﻟﺘﻔﻜﺮﻣﻌﺎ ﻓﻲ رؤﯾﮫ ﺟﺪﯾﺪه ﻗﺎدرة ﻋﻠﻰ رﺳﻢ ﻣﻠﺎﻣﺢ ﻣﺴﺎرات ﺑﺤﺚ ﺟﺪﯾﺪه وﺗﺤﻔﯿﺰاﻟﻤﺒﺘﻜﺮﯾﻦ /اﻟﻤﺴﺘﺤﺪﺛﯿﻦ ﻟﺘﺠﺎوزاﻟﺠﻤﻮد و اﻟﺪﻏﻤﺎﺋﯿﺔ ﻓﻲ ﻛﻞ ﻣﺎ ﯾﺘﻌﻠﻖ ﺑﺼﻮرة اﻟﺄﻧﺜﻰ إﻟﻰ اﻋﺘﺒﺎرھﺎ ﻣﺴﺄﻟﺔ ﺗﺘﻄﻠﺐ ﺑﺈﺳﺘﻤﺮار ﻗﺮاءة ﻣﺘﺠﺪده ﻟﻠﺘﻤﺜﻠﺎت اﻟﻘﺎﺋﻤﺔ .وﻗﺪ ﺗﻘﺎطﻌﺖ ﻋﻠﻰ ﻣﺪار ھﺬااﻟﻤﺆﺗﻤﺮ اﻟﺪوﻟﻲ ذي اﻟﺈﺧﺘﺼﺎﺻﺎت اﻟﻤﺘﺪاﺧﻠﮫ ﻣﺠﺎﻟﺎت ﺑﺤﺜﯿﮫ ﻋﺪة ﻛﻤﺎ ﻋﺮﺿﺖ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺘﺠﺎرب واﻟﻤﺴﺎرات ﻟﻐﺎﯾﮫ إﻋﺎده اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ ﻓﻲ ﻣﺴﺎﻟﺔ اﻟﻤﺆﻧﺚ.
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INTRODUCTION
Le présent volume réunit les travaux du 2ème Congrès international du département de français qui s’est tenu les 14, 15 et 16 avril 2016 à l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (ISSHT) autour de la thématique : (Re)penser le féminin…une question essentielle et constamment actuelle puisque foncièrement liée à l’édification des modèles de sociétés et à leurs configurations civilisationnelles. Par ses parenthèses, le titre renseigne déjà sur la dualité de la question : repenser ou penser véritablement ce féminin qui ne cesse d’être interpelé, interrogé, invisibilisé voire maltraité. Constamment d’actualité, le féminin peine encore aujourd’hui à se libérer du carcan de la féminité opresssante malgré le progrès scientifique et les percées réalisées par les femmes dans les différents domaines réservés depuis bien longtemps aux hommes. Certes, les divers travaux sur le genre ont pu ouvrir une brèche dans l’édifice du patriarcat, toutefois, elles n’ont pas pu changer véritablement les mentalités. De surcroit, exploitée à outrance, et considérablement éloignée de la sphère de la recherche par un militantisme, nécessaire mais insuffisant, le concept du féminise semble avoir perdu de sa valeur heuristique. D’où la nécessité et l’intérêt, pour nous, aujourd’hui de réunir des chercheurs de diverses disciplines et de différents pays pour réinterroger ce « féminin », source d’équivoque et de réexaminer les différentes approches et théories différenciées s’y afférant en vue de le repenser dans une perspective de dépassement et de renouvellement. Dépassement notamment des binarités grâce à un regard neuf capable de dessiner les contours de nouvelles pistes de recherche et d’encourager les singularités novatrices qui feront du féminin, non pas une construction figée mais, un véritable processus qui appellerait constamment une relecture consciente et subversive du système des représentations. Lors de ce congrès international et interdisciplinaire, plusieurs domaines de recherches ont été croisés et maintes expériences et parcours ont été confrontés. En plus de l’excellente table ronde où la parole a été donnée à une pléiade d’écrivaines, artistes et intellectuelles tunisiennes, maghrébines et européennes pour apporter leurs témoignages et leurs expériences à cette rencontre interdisciplinaire, académiciens et chercheurs appartenant à plusieurs pays et à différentes disciplines se sont donc penchés sur cette problématique du féminin qu’ils ont examinée selon six axes différents, certes, mais complémentaires : (I) l’histoire du feminin/l’histoire et les femmes, (II) femme, écriture et représentations entre identité et alterité ; (III) voix féminines ; (IV) féminisme entre projet de société et conceptualisation ontologique ; (V)feminin et création ; (VI)(re)penser le féminin ?
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Répondant à notre souhait d’avoir un avis sur la problématique du congrès, le professeur Nébil Radhouane, spécialiste de poésie française et excellent traducteur, qui vient de nous quitter et à qui nous rendons hommage ici, a proposé une merveilleuse approche stylistique avec toutefois une succulente pointe d’humour, comme à ses habitudes, à l’encontre de l’écriture inclusive, où il rappelle tout de même que la supériorité "conventionnelle" n’a pas toujours été masculine et que la généralisation des sociétés patriarcales est relativement récente. « Au commencement, écrit-il, le Ciel était féministe et la religion, féminine ». Néjia Ourimi s’est arrêtée, quant à elle, sur les dérives misogynes et les intentions d’exclusion et de marginalisation de l’apport de femmes leaders dans la construction discursive de l’histoire arabo-musulmane. En examinant les écrits de Sonia Chamkhi, dans l’axe (II) femme, écriture et représentations entre identité et altérité, Othmane Ben Taleb, tout en insistant sur l’existence d’une « écriture féminine », propose quelques pistes de lecture trahissant, précise-t-il, une véritable exigence, chez l’auteure, de repenser le féminin, de prendre en charge la question ontologique et sociologique du sujet féminin. Question qui a interpellé également Monia Kallel, qui en s’appuyant sur l’œuvre de Camille Lacoste-Dujardin, intitulé Des mères contre les femmes, Maternité et patriarcat au Maghreb, l’auteure propose d’examiner l’opposition entre femme et mère dans l’imaginaire arabo-musulman, opposition qui semble régir et structurer les relations dominants/dominés. D’une culture à l’autre, la paire femme-mère s’avère plus complexe et plus variée, d’où l’intérêt de l’auteure pour ses sources, son évolution, ses retombées et ses liens notamment avec les mouvements féministes, islamiques et islamistes. Kawthar Ayed explore, de son côté, la dimension symbolique de la figure féminine dans la littérature dystopique occidentale dont la présence constitue un catalyseur politique provoquant un tournant dans l’intrigue. Alors que dans les dystopies arabes, cette figure féminine semble constamment violentée. C’est par le biais de l’art, moyen palpable de la libération de la femme tunisienne orientale des codes sociaux et religieux, que la femme peut se libérer, nous explique Sarra Ben Hassine, qui précise que certaines figures féminines de l’histoire de la photographie en Tunisie, occupent des places singulières en raison de la passion première qu’elles vouent pour la création artistique. C’est le cas notamment de Meriem Bouderbela qui voulait se consacrer à la photographie artistique et qui a expérimenté dans sa pratique, l’approche de la matière, de l’espace et de la lumière. En se plaçant dans un contexte d’idéologie et de revendication, l’artiste tunisienne s’est imposée grâce à un mariage entre identité et authenticité et tout en s’ouvrant sur les pratiques artistiques dans le monde et la modernité. C’est à travers un témoignage personnel qu’elle a désigné par Le moi que l’autre m’impose les nouvelles normes de la féminité, que Khadija Ben Hassine interroge l’histoire immédiate de la Tunisie à partir de trois phénomènes : un repli obsessionnel pour une identité conçue comme faite, scellée, transmise qu’il faut endosser comme une ceinture de chasteté contre toute tentation de la modernité, une résurgence de l’utopie d’un hier absolu qui condenserait tout le futur et servirait de paradigme à un présent hors de l’histoire et enfin et à son propre niveau, un sentiment de malaise face à l’image que l’autre lui renvoie d’elle-même, une image qui s’inscrit en dehors de l’espace et du temps et qui annonce la mort de l’expérience
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historique en la condamnant d’avance comme écart par rapport à la norme et par conséquent, hérésie. D’ailleurs, en questionnant l’identité féminine à travers l’étude des mécanismes psychiques liés au genre, Fanny Bauer–Motti soutient que l’identité de la femme passe par ceux qu’elle côtoie, au cœur des cadres familiaux, sociétaux, professionnels. Être femme induit chez l’autre et en elle une place. Cette répartition des rôles n’est pas que sociétale, elle est aussi psychologique et identitaire. Car le sexisme n’est pas que masculin, il s’appuie aussi parfois sur l’acceptation inconsciente des femmes. La problématique de la femme n’est pas uniquement liée à une problématique masculine, elle est avant tout et essentiellement un questionnement à mener en le centrant sur la perception de la femme par la femme. Être femme intellectuelle par exemple, être femmes leader, être femme qui crée et invente est toujours à la lumière de l’autre. Justement, c’est la figure de l’Androgyne chez les écrivaines de la Renaissance qui a retenu l’attention de Khaoula Kefi Charrada. Un mythe dont la portée symbolique traverse les siècles et dont la prégnance est la complémentarité des contraires dans une harmonie absolue. A défaut d’atteindre le bonheur, les écrivaines de la Renaissance revisitent le mythe en lui conférant une autre forme, floue, qui leur permet de se libérer du carcan de la plume féminine et de se permettre des effusions et des réflexions philosophiques et mystiques, jusque-là apanage des hommes. Sidad Anwar Mohammed Et Thakaa, Muttib Hussein, se sont intéressés également au thème de l’androgyne, mais dans trois différentes œuvres, Gabriel de George Sand, Orlando de Virginia Woolf et Les Mille et une nuits, pour montrer que cette figure s’affirme et s’affiche, non seulement dans la métamorphose, mais aussi dans les attitudes et les comportements. La comparaison de ces trois œuvres montre qu’elles se rejoignent moins dans la figure précise de l’androgyne que dans ce qu’implique cette figure : l’entre-deux est un espace présent de l’effacement des frontières et des destins, un passage à l’autre, un passage à l’écriture et partant à l’affirmation de l’identité. Pour parler des voix féminines (axe III), Moussa Coulibaly, pose la question qu’est-ce qu’une femme dans ce monde ou la typologie poétique du féminin dans la Femme du blanc de Muriel Diallo. Un questionnement qui situe l’individu féminin dans une perspective sociale. En effet, les déplacements du personnage autant que l’espace physique qu’il occupe à des moments précis du récit servent justement, dans la trame narrative, de miroir de son évolution intérieure. De près ou de loin, ce personnage participe à un processus de création du féminin répondant à sa quête d’identité. Les chemins qu’emprunte l’interrogation sur le féminin deviennent, dans le récit, le miroir de l’évolution intérieure du personnage central. Dans le même ordre d’idées, et à travers l’examen de deux œuvres tournées entièrement vers l’autre, Lettres de Madame de Sévigné et Les Lettres Portugaises, Chahira Boumaya Belhassen interroge la voix féminine et l’ethos féminin et montre comment les épistolières parviennent à réaliser un portrait de soi audacieux, vivant et émouvant. Alors que Sabrine Herzi propose une lecture qui nous ramène au corps féminin en examinant Tasharej d’Emna Belhaj Yahia et où l’écriture de la femme semble en relation étroite avec « son rythme biologique » et ses sensations qui lui permettent d’être maîtresse de son texte. Pour l’auteur, la littérature féminine tunisienne semble être celle du corps, du temps, d’étapes intimes et de sensations de femmes dont les traces sont converties en lignes d’encre. 15
C’est dans l’ère dix-neuvièmiste que Mariem Bellaaj nous transporte en entreprenant une étude sur l’œuvre de Jules Barbey d’Aurevilly notamment la troisième nouvelle des diaboliques intitulée Le bonheur dans le crime (1874), qui relate des passions criminelles de femmes et représente le symbolique d’une sexualité infâme. Le Bonheur dans le crime exprime d’une manière cynique et provocante le sentiment général de la crise et du renversement des valeurs sociales et morales. D’Aurevilly, qui était en rupture avec son siècle, peint avec audace la décadence aristocratique déclenchée par une ravissante escrimeuse et présente l’incarnation du diable qui se voit dans une présence féminine laissant dire que toute la nouvelle est hantée par l’image du mal féminin. Salma Jlassi, nous ramène au 21ème siècle et tente, à travers sa contribution, d’examiner un phénomène qui ne cesse de faire parler de lui, à savoir le discours des prédicatrices islamiques sur les chaînes satellites arabes pour mettre en exergue un processus d’identification et de dédoublement. Selma Helal soutient, qu’à travers les caractéristiques esthétiques et les pratiques textuelles de son œuvre, Mrs. Dalloway, Virginia Woolf expose les effets destructifs des valeurs patriarcales et promeut un état d’esprit androgène qui déconstruit la vision divisionnaire des deux sexes, pour ainsi contourner le piège métaphysique entretenu par l’idéologie patriarcale qui justifie le rapport de force déséquilibré entre homme et femme, sous prétexte de leur différences naturelles. Dans Descartes féministe : anachronisme ou réalité ?, Youssef Ben Othman interroge, dans l’axe (IV) féminisme entre projet de société et conceptualisation ontologique, l’œuvre de Descartes sur ce qu’elle dit et pense au sujet de la femme, à la recherche d’un quelconque intérêt, chez l’auteur, pour la question féminine ou d’un statut particulier de Descartes dans la littérature féministe. L’objectif étant de voir si le philosophe de la modernité a été considéré, ou pas d’ailleurs, comme égalitariste et sa pensée interprétée comme inspiratrice du mouvement féministe et partant du rôle du devenir historique du cartésianisme dans le développement du mouvement. Avec Halima Ouanada, c’est le siècle des Lumières qui est interrogé notamment sur ses paradoxes quant aux conceptions rétrogrades de la femme, conceptions qui semblent s’inscrire dans la stricte lignée de la conception platonico-aritotélitienne. En remontant aux origines de cette « misogynie originelle », rapidement « théologisée », l’auteure dévoile les zones d’ombre chez certains philosophes, réputés pour leurs idées révolutionnaires, mais qui, fortement imprégnés voire aveuglés par la culture gréco-romaine, ont fermé l’œil sur l’injustice faite aux femmes et ont, paradoxalement, beaucoup contribué à cette redoutable prégnance du principe de la subordination originelle de la femme. A travers le texte L’usage de la photo d’Annie Ernaux, auteure qui refuse les clivages traditionnels, Hanen Salhi explique que l’auteure entreprend une nouvelle façon d’envisager et de réinventer l’identité féminine par la mise en exergue de ce qui la déborde. Explorant Le Premier homme D’albert Camus, Anissa Manai-Zayar, tente de dévoiler la place du mythe de la mère chez Albert Camus avec ses attributs et ses qualifications. Et ce en focalisant son attention sur trois éléments : une image christique, un silence expressif et enfin un héroïsme discret. Dans l’axe (V) Féminin et création, Charitini Tsikoura propose de penser l’identité de la femme à travers le spectacle vivant contemporain : medea in spain de silvia barreiros ; réécriture et réinterprétation du mythe euripidien. L’auteur étudie, en effet, les différentes interprétations de l’identité de
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Médée selon Barreiros tant sur le plan pratique – les éléments techniques et visuels, les personnages, la réécriture du mythe – que sur le plan théorique, politique et social, dans un but d’inciter à la réflexion et d’approfondir la question de l’identité multiple et complexe de Médée. Puis, c’est à la Renaissance que nous invite Martine Lacas, à une époque où se sont structurées et fixées les notions d’art et d’artiste ainsi que les fonctions et les buts qui leur sont assignés. Les traités écrits à l’époque n’eurent de cesse, assure l’auteure, d’accorder le primat et la précédence à l’exercice des facultés de l’esprit réputées supérieures : minimisation des procédures pratiques au profit de l’invention intellectuelle et du monde des idées, distinction d’avec les arts mécaniques et leur parenté infamante avec la matière corruptible. Ce processus d’intellectualisation et de théorisation sans précédent a configuré la réception autant que la pratique de l’art. C’est aussi, ajoute-elle, à la promotion et à la diffusion de la connaissance sous l’impulsion de l’humanisme que des femmes peintres sont apparues sur la scène artistique à la Renaissance. En s’intéressant aux premières cinéastes égyptiennes, tunisiennes et libanaises, dont l’analyse des œuvres demeure souvent encore en marge des études cinématographiques, Mathilde Rouxel tente de (re)penser la création féminine dans des régions en pleine mutation dans les années 1970. Elle revient sur les discours tenus par les réalisatrices sur la question de leur rôle dans la création filmique qui s’intéresse souvent aux marges, aux oubliés de la société. Dans l’objectif de relire leurs œuvres de la première heure, mais aussi de voir en quoi les portraits qu’elles dressent d’une marge (souvent féminine) généralement effacée des images permettent, aujourd’hui, de repenser la femme arabe des années 1970-1980. Dans La poupée dans l’art, une désarticulation visuelle pour un féminin articulé, Salwa Mestiri, propose une réflexion à partir du simulacre de la femme, cet objet frivole auquel la femme prête son corps, la poupée, objet fétiche dans l’art visuel contemporain. Artefact poétique, porteuse de virtualités anatomiques, la poupée semble témoigner, selon l’auteure, de l’imaginaire le plus secret. En empruntant une interrogation posée par Foucault, suscitée par sa réflexion sur le récit de l’hermaphrodite Herculine, dans son essai Herculine Barbin dite Alexina B.: « Avons-Nous Vraiment Besoin D’un Vrai Sexe ? », et tout en la confrontant aux textes de Freud, Carine Trevisan soutient que tout semble se passer dans un monde d’élans, de plaisirs, de chagrins, de l’identité sexuelle qui n’a plus d’importance. D’ailleurs, prenant appui sur des pratiques langagières recueillies in situ spécifiques à des femmes/ locutrices tunisiennes, appartenant à trois générations différentes, Raja Chenoufi Ghalleb interroge des discours et des pratiques discursives du genre et sur le genre, à travers une remise en question à la fois de la logique binaire et de l’idéologie sexiste du genre, et ce, en repensant les imaginaires linguistiques foisonnants nourris de symboles et les mécanismes discursifs générant des rapports de domination, de hiérarchisation entre hommes et femmes. Enfin Fatma Kachouri Zargouni, nous ramène encore une fois aux origines en confrontant la féminité en tant que création naturelle à la féminité légendaire, culturelle et législative dans l’objectif de mettre en exergue leur volonté commune de minimiser l’apport des femmes qu’on voudrait à jamais un éternel mineur. Ainsi toutes ces contributions, en conjuguant et confrontant un ensemble d’approches classiques et modernes, nous mettent certes devant un constat amer, qui revient constamment comme un leitmotiv très prenant, celui de la
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persistance d’un substrat commun de préjugés quant à la femme très difficile à déraciner, ou même à ébranler, toutefois, les exemples avancés de modèles de femmes réelles ou fictives, d’ailleurs, nous rassure quand à la persistance également de l’existence toujours d’une possibilité d’action sur ce processus, sur cette construction sociale, mythique, religieuse, philosophique, linguistique…, produit d’une pure « convention ». Présentés souvent comme immuables, car décrétés naturels, ces préjugés relèvent davantage d’une stratégie patriarcale d’invisibilisation que d’une essence inférieure. Toutes les contributions à ce volume, à des degrés différents, interrogent, en effet, d’une manière ou d’une autre cette redoutable prégnance du principe de la secondarité originelle de la femme. Il serait, peut-être temps, de (re)penser le féminin en dehors du féminin lui-même. Car c’est dans le féminin que réside, semble-t-il, le piège.
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HISTOIRE DU FEMININ. L’HISTOIRE ET LES FEMMES
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De la féminité à la vénusté Nebil RADHOUANE1
Dans son maître livre La poétique de la rêverie2, où il est aussi question de style, Gaston Bachelard relève un aspect pertinent de l’écriture que les stylisticiens ne semblent pas considérer ou se contentent de signaler parmi les remarques adventices : « Il nous semble que la stylistique aurait intérêt à adjoindre à ses différentes méthodes d’examen une enquête un peu systématique sur l’abondance relative des masculins et des féminins. » Cependant, conscient lui aussi que la pertinence ne vient pas que de la récurrence, il ajoute : « Mais, dans ce domaine, une statistique ne serait pas suffisante. Il faut déterminer des “poids”, mesurer la tonalité des préférences. » Tout comme pour les êtres humains, le sexe des mots est porteur de spécificités, de caractères mais aussi de mystères. Certains mots semblent d’ailleurs asexués, ou révèlent difficilement leur sexe, comme ceux-là que Bernard Pivot choisit d’habitude pour "coller" tous ceux qui osent s’essayer à sa célèbre dictée. Lui-même avait d’ailleurs avoué hésiter à chaque fois qu’il devait accorder "écritoire", "apogée" ou "tentacule". Mais l’on voit aussi que les meilleures plumes se trompent en mettant les marques du féminin pour "effluves", "tulles" ou "haltère" et les marques du masculin pour "oasis" ou "argile". Outre les mots au sexe ambigu, il existe les bisexués, que la grammaire appelle les "épicènes", mots dont l’hermaphroditie n’est pas toujours canonique mais laissée à la liberté perceptive du locuteur. La plupart des gens disent "un" après-midi. Mais pourquoi d’autres, certes plus rares, disent "une" après-midi ? Peut-être qu’en optant pour cette exceptionnelle alternative, auraient-ils rêvé à une sieste tranquille et, comme dirait le même Bachelard, auraient-ils préféré dormir dans la féminité ! C’est toujours lui, d’ailleurs, qui écrit : « Et ce mot chrysanthème avec un intérieur si chaud, de quel genre peut-il être ? Ce genre dépend pour moi de tels novembres d’autrefois. On disait dans mon vieux pays soit un, soit une. »3 En littérature, l’alternance masculin/féminin est loin d’être gratuite. Non pas seulement au niveau lexical mais aussi au niveau du travail syntaxique et rythmique.
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Professeur-chercheur à l’École Normale Supérieur de Tunis, traducteur notamment du Coran. 2 Puf, 1974, p. 34. 3 op. cit. p. 44.
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Le « ballon des féminines » Est-ce par hasard qu’on dit "rimes masculines" et "rimes féminines"? Est-il vraiment arbitraire que l’on prête la féminité aux voyelles et la masculinité aux consonnes ? (Encore que, pour les rimes, les terminaisons en voyelles autres que l’e muet soient considérées comme masculines). L’abondance de la voyelle, mouvement et âme de la syllabe, son pneuma et son cœur, gonfle le mot de cette respiration et de cette ventilation propres au souffle vital. Mais sans doute aussi s’agit-il là d’une anima prédominante, tout comme Yung (dont s’inspire Bachelard) le constate pour certaines complexions psychiques chez les humains. Cette féminité, qui adoucit le phrasé et amortit les chocs à la clausule, est due surtout a l’e muet que Claudel nomme si joliment "le ballon des féminines" et qui, selon lui, fait le charme du style et aurait échappé à Flaubert. Abusant des terminaisons masculines, ce dernier aurait, hélas, privé ses phrases de ces amorties et de ces rebonds pneumatiques que permet l’e muet. Et Claudel d’illustrer son idée par l’un des rares exemples où l’auteur de "Salammbô" aurait réussi à compenser la matité de la terminaison masculine par le recours à la "grande aile de l’incidente" : « Et moi, sur la dernière branche, j’éclairais avec ma figure les nuits d’étés. » Ce même "ballon des féminines" est celui qui a fait l’originalité du rythme chez SaintJohn Perse : « Cette chose errante par le monde, cette haute transe par le monde" (seuls l’e de "chose" ne compte pas étant placé devant voyelle et l’e de la rime, du reste féminine)4. Valéry s’était même permis, par archaïsme, de conserver l’articulation, dans l’un de ses vers, de l’e final du féminin "amie" : « Nulle des nymphes, nulle amie ne m’attire ». ("e" se prononce à la fin du mot "amie"). Le vocalisme s’apparentant à la respiration, toute syllabe vocalique est de nature aérienne. Elle est même parfois si vertigineuse qu’elle s’apparente au tournis ou au soubresaut. Comme "oui" (ce "oui" affirmatif de Nietzsche !), "œil" et "yeux" (où l’âme se mire), et "Dieu" (Nom Primordial de l’Insondable). Dans ces mots, les voyelles ne sont pas uniques et raides : elles se combinent et s’articulent pour s’apparenter à des diphtongues. Sontelles en conflit ou cherchent-elles l’union et l’harmonie ? C’est tout un (ou, plutôt, toute une !) A l’autre bout, le divorce de l’anima et de l’animus harmonise et équilibre la psyché. Il arrive que dans tel vers deux voyelles consécutives soient prononcées en une seule fois et c’est alors une synérèse (ou "crase"). Mais il se peut que, prononcées en deux fois, elles forment deux syllabes et introduisent une diérèse (le mot est prononcé lui-même en di-érèse). C’est une coupure, une cassure, un hiatus à l’intérieur même du mot, et combien il serait fautif et regrettable que le lecteur ne s’en rende pas compte : « Hélas Marietta, tu nous restais encore »5. Que se passerait-il si un lecteur à l’oreille "ensablée" ne lisait pas "Marietta" en quatre syllabes : Ma-ri-et-ta ? Le vers serait faux et boiteux. Seul le respect de la diérèse fait retrouver au vers l’équilibre d’un parfait alexandrin coupé à la césure en deux hémistiches. Grâce à cet attendrissement élégiaque de la diérèse, est retrouvée aussi l’évocation nostalgique du nom propre.
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Exil III, p. 126. Musset, Poésies Nouvelles, Charpentier, 1857.
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Et lisons ce vers de Baudelaire : « Ayant l’expansion des choses infinies ». L’étirement au cœur même du mot "expansi-on", la durée que la diérèse y introduit, sont en harmonie avec le sens de la dilatation de l’univers et de l’explosion cosmique. La lecture poétique a donc besoin de ce sens du rythme. Et le sens du rythme a besoin de cette finesse d’oreille. Ce prestige stylistique du féminin n’est pas sans rappeler cette qualité de l’écriture, cette élégance séductrice que la rhétorique appelle justement la "vénusté", dont l’étymologie est manifestement "Vénus", la déesse, et que feu Georges Molinié définissait dans son Dictionnaire de rhétorique6 en ces termes : « (C’est) le ton que l’on prend dans le discours galant qui, comme chacun sait, doit séduire les dames. »
De quel féminin s’agit-« elle » ? Une question m’est souvent posée qui rappelle les débats sur le sexe des anges : « Doit-on écrire "professeur" à propos d’une enseignante, ou encore "docteur", "auteur" et "écrivain", même quand il s’agit d’une femme ? » Par là même vont suivre, bien sûr, les propositions que l’on sait, d’ailleurs déjà adoptées et consacrées, d’une série de forgeries à la mode : "docteure", "professeure", "écrivaine" et "auteure", même si "autrice", forme féminine plus ancienne et plus légitime, n’a jamais cessé d’exister. Il m’arrive de répondre : "Oui, vous pouvez", mais juste pour couper court, je dois dire, au débat qui s’annonce rageur et m’éviter d’être traité de sexiste et misogyne. Car, tout favorable que je suis aux "forgeries" quand elles ne signifient pas "tromperies" et "falsifications" mais désignent les néologismes pertinents et les déformations utiles d’une structure lexicale, j’avoue ne point me reconnaître dans cette grammaire qui, un jour, finira par exiger que l’on dise : "elle pleut" et "elle faut"! Pour une fois aussi, en dépit de ma prédilection affichée à plusieurs reprises pour les terminaisons féminines et les -e- muets, je trouve disgracieuses ces "amorties" surtraitées, capillotractées et maquillées comme une voiture volée. Maintenant que c’est fait, je m’attends bien sûr, sagement et stoïquement, aux coups de pattes de la Sainte Inquisition féministe et je sais d’ailleurs à quoi m’en tenir pour avoir déjà essuyé, à ce propos, les leçons particulièrement cinglantes de quelques "amies" virtuelles. Un jour, j’ai même eu droit aux "gentillesses" d’une nouvelle promue de l’université qui n’avait pas aimé les "méchancetés" à l’égard de... je ne dirais pas mes "prochains" mais mes "prochaines", pour lui faire plaisir et tordre le cou au bon usage. Mal m’en aura donc pris de m’être laissé engluer dans ces complications aux enjeux sous-estimés, pour lesquels veut parier une grammaire puriste contre une grammaire bas-bleuiste. La jeune assistante s’en venait me dire, avec à ses côtés un jeune homme portant une barbe de conquistador et semblant l’approuver avec des airs obséquieux et penchés : « Je crois que tous nos maux viennent de cette inégalité conventionnelle qui généralise et universalise la supériorité du masculin ». Voilà d’ailleurs un avis très juste, que je partage tout à fait, sauf que j’aurais voulu faire observer à mon interlocutrice, pardon..."interlocuteure", que dans sa brillante formule, elle même reconnaît, sans s’en rendre compte, l’inutilité d’un tel 6
Usuels de Poche, 1992, p. 334.
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débat, du moment que, comme elle le dit si justement, il renvoie à du "conventionnel". La convention est coupable, objectera-t-on. Oui, elle n’a jamais été juste ou neutre. Oui, elle a toujours déséquilibré les rapports entre le masculin et le féminin. Mais, au risque de surprendre les féministes faisant leurs outragées et allant jusqu’à se plaindre de la misogynie des langues et, bien sûr, des religions, je rappellerais que la supériorité "conventionnelle" n’a pas toujours été masculine. La généralisation des sociétés patriarcales est relativement récente, je veux dire à l’échelle de toute l’histoire humaine. Elle remonterait à peu près au deuxième millénaire avant l’ère chrétienne. Mais avant ? Avant, apparue pour la première fois sous sa forme organisée et ritualisée pendant le passage au néolithique, vers le sixième millénaire (av. J.C.) et la sédentarisation massive de l’être humain (auparavant chasseur et nomade), la religion elle-même concevait la transcendance... au féminin. Un culte était alors voué à une Déesse Universelle, qui devait protéger la nature et assurer la fécondité de la terre. Eh oui, au commencement, le Ciel était féministe et la religion, féminine. Peut-être alors que, sous l’aile protectrice et vigilante de la Grande-Déesse7, les mâles de cette époque préhistorique, claquant des dents en hiver ou suffoquant de chaleur en été, auraient pu dire naturellement et sans pinailler : "elle fait froid", "elle fait chaud"!
Bibliographie Musset, Poésies Nouvelles, Charpentier, 1857. Usuels de Poche, 1992, p. 334. Lenoir Frédéric, Dieu, Entretiens avec Marie Drucker, Robert Laffont, Paris, 2011.
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Frédéric Lenoir, Dieu, Entretiens avec Marie Drucker, Robert Laffont, Paris, 2011, p. 21.
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Ecrire le féminin, sujet historique ou témoignage du silence ? Notes de lecture de deux romans de Sonia Chamkhi Othman BEN TALEB1
Littérature féminine / Ecriture féminine Je ne sais pas dans quelle mesure il serait légitime de parler de « littérature féminine »… La question n’est pas sans intérêt, ni sans arrièrepensées ! C‘est un sujet de débat…Mais, j’ai tendance à penser qu’il y a bien une écriture féminine, Cette hypothèse ne me parait pas complètement absurde… je sais qu’on peut y voir une sorte de sexisme … Mais, historiquement, c’est justement le sexisme des hommes qui a amené les femmes à l’écriture…L’écriture féminine (non féministe) procède d’une recherche d’identité que Danielle Moatti Cornet a bien résumé dans sa thèse Qu’est-ce que qu’une femme, en affirmant que, depuis Hava, Rebecca, et les labdacides des premiers mythes de la Genèse, la question ontologique de la femme a toujours été une affaire d’homme. Historiquement prisonnière d’un regard qui la fait objet de l’Autre, le sujet femme ne peut advenir que s’il se pose à lui-même la question de sa propre genèse. La femme qui écrit porte inévitablement dans sa conscience, ou son inconscient, le lourd fardeau de cette histoire de l’inexistence, du silence, et de la négation de son être, ou, du moins, de son refoulement. Si, de la psychanalyse à la sociologie, en passant par l’histoire, la philosophie et l’ethnologie, la femme, comme sujet historique, est devenue une question centrale et dialectisante de la modernité et de la citoyenneté, c’est parce qu’elle a osé franchir un seuil , conquérir un territoire que les hommes ont toujours gardé pour eux : le symbole, le langage, l’écriture. C’est là où réside le préjugé d’autorité par excellence. La réponse à la fameuse affirmation de Lacan « La femme n’existe pas » est dans le Sujet ontologique de l’être féminin, dans ce qui lui permet d’échapper au fantasme d’objet de désir de l’homme, en la projetant comme sujet de connaissance. L’écriture féminine, je la vois d’abord comme une réponse à Lacan. Un cogito existentiel : J’écris, donc j’existe ». Cette écriture ne peut être qu’une démarche de connaissance de ce réel ontologique refoulé, une vérité dévoilée en paroles, enfouie dans les mythes fondateurs depuis les récits bibliques. La femme, longtemps privée de parole, ne peut d’abord que s’écrire dans l’urgence, que se dire dans la nécessité, que se dévoiler dans l’exigence au nom de toutes les femmes. 1
Professeur à l’Université de Tunis El Manar, ISSHT.
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C’est l’histoire du « sujet féminin » qu’il faudrait réécrire, depuis le mythe fondateur de la création. On sait que le premier récit de la Création fait la part belle à Adam, et à son Dieu : deux sujets masculins. Le deuxième récit met en exergue « la chute » du couple après la faute, attribuée comme par hasard à Eve, incarnation de la tentation et du Mal. C’est Adam qui nommera « Hava » et on connait la suite de l’histoire…Dans cette mémoire lointaine, le détournement du mythe fondateur par les religions a profité au pouvoir masculin et légitimé son autorité, instituée en Clergé et en Pouvoir paternel et marital. La deuxième raison qui me fait dire qu’on peut parler d’écriture féminine, c’est une donnée linguistique qui semble quasi-universelle : La grande majorité des langues naturelles sont sexistes. Les normes linguistiques, grammaticales et lexicosémantiques, sont des normes masculines. Les femmes revendiquent alors, par l’écriture, une spécificité féminine dans le domaine culturel et dans le domaine de la langue en particulier. Marie Cardinal, Annie Leclerc ou Marina Yaguello, pour ne citer que quelques-unes qui ont posé le problème du sexe linguistique, ont bien démontré que les femmes peuvent dire, écrire autrement. Les femmes écrivaines ne vivent pas, ne ressentent pas le langage de la même façon que les hommes écrivains. Dans Autrement dit, Marie Cardinal exprime, me semble –t-il, ce que ressentent toutes les femmes qui écrivent : Ecrire pour nous, c’est une façon de nous mettre au ras de notre corps, d’exprimer l’inexprimé et d’employer le vocabulaire tel qu’il est, sans l’arranger. Il deviendra alors évident qu’il y a des choses que nous ne pourrions pas traduire en mots. Comment dire notre sexe, la gestation vécue, le temps, la durée des femmes ?2 … » « Prends un mot comme liberté, par exemple, la distance entre ce mot dit ou écrit par une femme et dit ou écrit par un homme est vertigineuse (…) quand un homme écrit liberté, il n’a pas besoin de préciser. Le ‘’je veux être libre’’ d’une femme n’a pas la grandeur et la beauté du ‘’je veux être libre’’ d’un homme. La femme, il faut qu’elle s’explique. Tous les principes et tous les préjugés nous en interdisent certains3.
En 1976, Simone de Beauvoir a dit la même chose : « Je sais que le langage courant est plein de pièges. Prétendant à l’universalité, il porte en fait la marque des mâles qui l’ont élaboré. Il reflète leurs préjugés »4 L’écriture féminine prend en charge la transgression de ce désir social qui coince les femmes dans la langue-femme. La culture dominante n’accepte pas chez une femme la verdeur d’expression qu’on trouve normale chez un homme. Françoise Colin a exprimé cette différence de l’écriture féminine ainsi : Le langage-femme n’est pas ventriloque, il est polyglotte. Ne pas s’éloigner du corps, c’est d’abord savoir que le langage verbal qu’on écrit n’est pas le seul langage possible. Il y a les gestes, le mouvement, la musique, le chant, la voix ; de tout cela, le langage mâle élimine la trace en s’érigeant. Il élimine le bruit de la parole. Il élimine la matière.
Il y a donc une différence assignable entre le masculin et le féminin dans l’écriture. Je le pense. L’écriture du sujet féminin est fondamentalement confrontée à sa singularité et à cette altérité ancrée dans l’imaginaire culturel. Acte solitaire et solidaire à la fois, il procède d’une éthique de la 2 3
p. 96. P.89. 4 Ophir.p. 13.
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différence, sans pour autant tomber dans la caricature des Précieuses ou la marginalité des féministes élitistes qui ont rêvé de ‘’ féminiser ’’ les dictionnaires. Marina Yaguello explique et revendique cette différence ainsi : « Les femmes sentent autrement, donc elles disent autrement, elles ont un autre rapport aux mots, aux idées qu’ils véhiculent. » 5 Revendiquer la différence, la spécificité en même temps que l’égalité des droits, c’est évidemment la bonne attitude à prendre. Encore faut – il que la différence soit nettement posée comme culturelle. (On ne nait pas femme, on le devient », S. De Beauvoir). La référence à la spécificité féminine, en écriture, ne doit pas donner raison à tous ceux qui, depuis des siècles, se servent de la différence pour justifier le statut d’infériorité des femmes. L’image de ‘’la culture féminine‘’ même dans les sociétés dites développées, est encore fragile. Le modèle culturel dominant établit encore l’équation entre l’universel et le masculin. Benoite Groult, en 1975, a écrit dans Ainsisoit-elle : « La littérature féminine est encore à la littérature, ce que la musique militaire est à la musique ». Il faut cependant cultiver cette marginalité jusqu’ à ce que la marge occupe la moitié de la page ! Au-delà des signes, l’écrit féminin s’inscrit dans une performativité exigeante et généreuse : Une exigence de liberté : le rapport à l’écriture est un rapport à un espace vital de liberté. La liberté vécue par le verbe créateur comme une légitimité ontologique intransigeante, une parole libérée des souffrances du corps et du silence de l’esprit. C’est aussi une exigence de vérité, celle du Corps. Le langage du corps prend possession du corps. Il ne s’agit pas d’un corps substantiel, matériel, mais le corps comme vision, comme transgression, comme affrontement symbolique de l’interdit et comme médiation entre l’Etre et l’existence dans le monde du Vivant. Cette réappropriation du corps fait face aux trois interdits du Pouvoir religieux, social (sexuel) et politique, qui sont des données historiques d’essence masculine. Ce pouvoir à trois têtes a toujours refoulé le corps féminin comme un tabou, un objet sans nom et sans raison d’exister que celle de la culpabilité, de l’infériorité et de la reproduction. Pour toutes ces femmes qui ont vécu la transgression du silence par l’écriture, et la création en général, le corps féminin fonctionne comme les topos d’une interrogation sociale fondée sur une éthique de la connaissance et de la reconnaissance, une stratégie de dévoilement et de défi qui nomme le refoulé de l’imaginaire collectif. Le corps est un langage comme le rêve, c’est un langage qui échappe aux normes de la structure, de la doxa, de la Mémoire. Ses connotations poétiques et sa matérialité symbolique transfigurent les modèles sociaux et font de l’écriture une expérience des limites, toujours à l’écoute de la vie et de ses pulsions secrètes. A la lumière de ces réflexions générales, j’aimerais partager avec vous quelques notes de lecture de deux romans de Sonia Chamkhi.
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in Les mots et les femmes.
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Sonia Chamkhi6 : de Leila ou la femme de l’aube à L’homme du crépuscule, l’écriture comme une quête douloureuse de bonheur7 Si la littérature est toujours une prise de risque contre l’oubli, l’écriture féminine de Sonia Chamkhi semble au cœur de cette expérience des signes. Ses deux récits publiés me paraissent composer un seul livre dans l’intersigne singulier de la prose féminine tunisienne, dédiée entièrement à l’urgence du devoir de mémoire, comme un « dur désir de durer » dans la demeure qui accueille l’histoire de celles que l’Histoire littéraire a longtemps oubliées. Ces textes me parlent de l’humain à la fois tunisien et universel, comme pour dire avant tout une dette envers toutes les femmes incarnées par Leila, narratrice du premier roman, envers tous les hommes incarnés par Iteb, personnage central du second roman. Une sorte de figure duelle qui écarte toute sorte de confrontation au nom du sexisme ou du féminisme militant. Si je peux donner un sens à ce qui m’a intéressé, et même fasciné, dans les écrits de Sonia Chamkhi, je dirais tout simplement qu’il s’agit d’une écriture jubilatoire dans sa quête du bonheur avec une polyphonie de voix féminines prototypiques auxquelles l’auteure donne la parole dans notre champ culturel tunisien. Dans ses récits où se mêle autofiction et discours mémoriel, Sonia Chamkhi ne raconte pas d’histoire au sens classique du terme. Elle met en scène, face à face, une femme et un homme reliés par leurs discours et leur amour perdu. Le fil narratif est simplement l’effort de donner au silence de l’être une parole, à l’absence une présence et un sens…Dans ce récit duel et dialogique, il s’agit de narrativiser le silence assourdissant d’une altérité fondatrice et persistante, enfouie dans la mémoire partagée d’une Tunisie traditionnelle en quête de modernité, un paysage humain contrasté et diffus dans un ensemble de faits, de souvenirs, de visages humains et de choix existentiels. L’acte décrire devient un acte de résistance et d’espérance. A la question posée par Farah Khadhar dans un entretien « Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce roman ? » Sonia Chamkhi répond : Probablement mon vécu de femme et celui de toutes les femmes qui m’entourent : celles qui tentent d’inventer une autre manière d’exister hors de l’enclos familial et du carcan des traditions. Lorsque le modèle ancestral nous brime et nous accule à vivre hors de notre temps et de notre être universel, comment trouver les ressources vitales et intellectuelles pour les remettre en question ? Comment oser, pour le meilleur et pour le pire, rejeter ces lois sociales de l’imitation et de l’identité ? L’infériorité des femmes, le racisme, l’acceptation 6
Titulaire d’une thèse à Paris Panthéon Sorbonne où elle a poursuivi des études de cinéma et d’audiovisuel, elle enseigne actuellement le design-image et la pratique audiovisuelle à l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Tunis. Son premier ouvrage l’ayant révélée au monde artistique était un essai intitulé ‘‘Cinéma tunisien nouveau, Parcours autres’’ qui lui a valu le Prix Zoubeida Béchir en 2003. Auparavant et depuis, elle a écrit et coréalisé divers courts métrages dont on peut citer ‘‘Douz, la porte du Sahara’’ produit par Palm Production, et ‘‘Nessmawa Rih’’ (brise et vent), une fiction produite par CTV Production. En 2008, elle écrit et réalise une fiction intitulée ‘‘Borderline’’ ou W’ra El Blayek et récidive avec un ‘‘Making of’’ de la pièce de théâtre de HacenMouadhen intitulée ‘‘La vie est un songe’’, une adaptation de la pièce du même intitulé de PédroCaldéron de la Barca S’attaquant au roman, elle rafle deux prix pour une même fiction intitulée ‘‘Leïla ou la femme de l’aube’’ qui lui a valu le Prix Zoubeida Béchir de la création féminine en 2008, et le Prix COMAR du premier roman en 2009. Ce succès est suivi d’un deuxième roman, L’homme du crépuscule, qui constitue une suite au premier. 7 Leïla ou la femme de l’aube, Tunis, Elyzed, 2008, 191 pages. L’homme du crépuscule, Tunis. Arabesques. 2013. 182 pages.
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des différences de classes, le renoncement aux désirs de l’individu pour le contentement du groupe : ce sont là "les valeurs" de la société traditionnelle. Les refuser c’est cela l’enjeu et c’est également cela le risque, d’où la souffrance de Leïla.8
Comment s’arracher du piège de l’individuel de la parole féminine pour embrasser le contexte de cette vie, pour être au plus près des mots et des gestes qui témoignent de la couleur du monde vécu et partagé, sans nostalgie pathétique, sans dérision revendicative et sans culpabilisation de l’autre ? Tout le secret de l’écriture de Sonia Chamkhi semble être dans cette dualité sereine mais exigeante : celle d’une femme à la fois devant son miroir et devant sa mémoire. Deux postures qui semblent se croiser et se confondre dans l’écriture. Le miroir de l’autofiction et de la subjectivité, et la mémoire de la féminité/féminitude inséparable du réel tunisien d’hier et d’aujourd’hui, une société fragile malgré ses acquis et toujours en quête de repères. La part d’autofiction ou d’autoportrait semble donc être une stratégie d’écriture consciente. L’écriture de femme est d’abord écriture du moi. A la question de savoir si son roman s’articule essentiellement autour du portrait et de l’itinéraire d’une femme dans le contexte social et culturel tunisien, Sonia Chamkhi répond dans un entretien : Vous pouvez le dire à condition de parler d’une génération de femmes tunisiennes, aujourd’hui âgées entre 30 et 40 ans, et non pas d’une seule femme. D’abord parce que le roman est structuré en deux grandes parties. La première partie relate effectivement le parcours de Leïla, métisse, divorcée et stérile qui interroge sa peau, sa religion, son métier, son rapport à l’amour et son horizon de liberté ; et la deuxième partie raconte celui de Nada, son amie d’adolescence qu’elle retrouve sur l’artère de l’Avenue Habib Bourguiba. Et Nada ne ressemble pas à Leïla. Leila se veut lucide. Elle cherche à comprendre les règles du jeu. Elle scrute les injustices sociales, l’humiliation des plus démunis, et cherche à arracher une dignité pour elle, mais également pour tous les gens comme elle qui ont connu la misère, le dénigrement voire même l’exclusion. Et si elle y parvient, c’est au prix de beaucoup de douleur, de renoncement -y compris le renoncement à l’amour- et le consentement à la solitude. Nada, elle, n’est pas tributaire de ce déterminisme de classes. Elle est cet être du désir capable de se perdre pour un frisson, pour la moindre pulsion de l’instant à vivre. Elle aime jusqu’à commettre le crime et invente une vérité qui se glisse dans les oreilles fines, mais que d’aucuns appellent mensonge ou déraison. Et puisque l’une renonce à l’amour, tandis que l’autre récidive, il est question d’hommes ! Alors Leila ou la femme de l’aube n’est pas uniquement le portrait de ces femmes tunisiennes d’aujourd’hui, mais également de l’homme tunisien, objet de leur désir, de leur sollicitude, de leur émoi, de leur déception et de leur quête ! C’est peut-être un portrait en creux, mais l’homme tunisien est là, persistant, omniprésent, ne seraitce que parce que c’est à Iteb, son amoureux, que Leïla écrit et se déchire et que c’est pour Rabii que Nada se consume et se perd...9
Le choix de la forme dialogique, impliqué fortement par l’écriture épistolaire (lettres), n’est donc pas un simple subterfuge dramaturgique ou méta narratif de la romancière. Pour se glisser dans la peau de sa narratrice, Chamkhi met en place un dispositif énonciatif qui encadre, oriente et semble même justifier ce besoin de raconter. Leila et Iteb se racontent en racontant ce besoin. Dans la distance de l’absence, se glissent aussi les nombreuses « sorties intertextuelles », la modalisation de l’effort cognitif 8 9
Entretien avec Sonia Chamkhi par Farah Khadhar (23/2/2006) Op. cit.
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du souvenir, et le métatexte qui essaie de comprendre le sens des mots échangés et partagés... La narratrice va occuper, entre le dehors et le dedans, cet espace ambivalent de l’écriture où les scènes se déroulent très simplement. Partagée entre deux temporalités (présent de l’écriture et passé de l’écrit), elle nous dit elle-même, comme pour s’approprier le miroir qui renvoie ce passé-présent, que le roman n’est pas une hypothèse romanesque, comme le sont les personnages de roman. Iteb est une partie de la chair vivante, irrémédiablement présent dans le cordon ombilical de la nomination. La femme de l’aube est celle qui sort de la nuit pour entrevoir la lumière dans cette quête de vérité, sa vérité dans la vérité de l’autre. Et Iteb porte par la nomination ce « reproche » muet et douloureux que la femme ne cesse d’adresser à l’homme. La narratrice ne renonce pas pour autant à la tentation esthétique du parti-pris de l’art, de la poésie, de la beauté. Elle savoure même les effets stylistiques d’une stratégie de l’émotion, de l’étonnement devant la musique, la poésie, les chansons populaires du terroir, les senteurs et les rumeurs de la vie quotidienne. Il faut donner des mots vivants à une mémoire humiliée, celle d’un être pour qui la vie est survie, et où tout semble tenir dans le langage.
Qui sont donc Leila et Iteb ? Les deux figures de ce langage salutaire, Leila et Iteb, sont deux bornes d’une identité altérielle, fêlure ontologique accentuée par l’absence. Deux référents dialogiques projetés dans le discours, unis par l’écriture contrastée et fragile comme l’existence elle-même. Le récit s’approprie cette béance, déchirure pronominale JE/IL pour tenter d’opérer une convergence impossible JE/TU, acte désespéré de chirurgie mentale, pour finir par implanter l’Autre derrière un miroir sans tain, perte essentielle et nécessaire. Même le « Nous » inclusif de la mémoire sociale, où les autres personnages se faufilent comme des adjuvants dérisoires, finit par perdre sa consistance autoréférentielle dans la pluralité sociale. Comme un journal intime, le récit prend des allures impressionnistes, saisit les instantanés des souvenirs, cicatrise la déchirure du temps et finit par se réfugier dans cette autre manière de nommer ce temps difficile, douloureux, le présent de l’écriture. Le premier récit de Leila embrasse la mémoire sociale de la Tunisie d’aujourd’hui. Récit de la solitude, de la difficulté d’aimer et de vivre, c’est aussi le récit de la volonté d’exister dans un monde arabe encore enfermé dans ses tabous et ses malentendus historiques. Leila veut inventer sa vie …Le roman s’écrit parce qu’elle est « engloutie dans l’abime de ses souvenirs ». Sa mémoire est comme « un tamis usé secoué par des mains fébriles ». A travers les quatorze lettres qu’elle défile, le tamis laisse passer les bribes de l’histoire sociale de la Tunisie, un paysage humain et urbain contrasté et parfois contradictoire. L’axe fort de cette narration est, à mes yeux, l’exigence d’altérité entre deux êtres séparés, par la culture et la misère…Entre deux voix croisées, deux fils narratifs, la voix épistolaire implique nécessairement une autre voix, muette, à l’autre bout du silence. A cette dualité s’ajoute un autre dédoublement polyphonique : la première personne écrivante et la 3éme personne écrite, deux faces identiques et différentes à la fois. Sa prise de parole est vécue comme un acte salutaire, une sorte de confession taillée dans ce qu’elle appelle la culture de son esprit ou « le jardin de ses douleurs ». Elle annonce ce projet ainsi : « T’écrire, 30
Iteb, c’est entamer un nouveau corps à corps. T’écrire, c’est redevenir terre, me gorger d’eau pour simuler la vie » (p. 18) Elle ouvre ainsi ses écritures comme un livre de chevet. Sa mémoire devient poésie, entre les syllabes, des mots, la blancheur de l’aube et la froideur de la nuit … Sereine, indulgente, mais pas triste, elle retrouve la force de vaincre la peur et la privation, la solitude et la différence … L’art (elle est cinéaste) l’a élevé, a éclairé sa vie et lui a donné consolation et plénitude … comme Shahrazade, c’est par le pouvoir performatif de la narration qu’elle décide de se sauver, de donner un sens à sa vie …Entre le récit encadrant et le récit encadré, c’est le même être féminin, fier de tous ses attributs arabes et tunisiens, qui « concrétise un rêve aussi fou que celui d’exprimer l’imaginaire sur une place publique qui daigne à peine concéder à la femme le droit d’exister » Par rapport au réel , la narratrice n’a aucune prétention idéologique. Le regard est lucide et critique, sans être moraliste et revendicatif. Leïla refuse la vie « conformiste et étriquée » (120) et tente d’« arracher cette dignité » (75) que refusent les pères autoritaires, les mères possessives, les maris dominateurs, les voisins curieux et les passants au regard rempli de « désir et de violence » (118). Les contraintes familiales et sociales qui la « serrent comme un étau » (80) alimentent les fureurs qu’elle tente d’apprivoiser même si la liberté conquise comme metteur en scène de théâtre la soustrait aux pressions d’une famille pauvre et peut-être au dédain vis-àvis des Noirs. Elle se sent un « matériau en souffrance » (91) dominé par la solitude et les frustrations. Elle erre dans Tunis, témoin des trajectoires malheureuses de ses amies et parentes, toutes enfermées dans des mariages contraints aux issues dramatiques, enfermement physique et mental. Cette cascade d’échecs conforte l’analyse personnelle que poursuit Leïla tout au long de ses missives qui interfèrent avec le récit à la troisième personne : « j’ai poignardé mes phantasmes » (140) fait écho à « elle a perdu sa foi dans les Hommes » (157). La narration semble être taillée dans cette douleur d’être, mais rendue dans un mélange de sobriété et de poésie. Selon Dominique Ranaivoson, Les deux volets du texte qui figurent le dedans et le dehors de ces situations complexes et douloureuses, offrent la même élégance d’un style sobre fait de phrases au rythme régulier, de discours rapportés, d’un lexique précis, d’images qui s’échappent comme les oiseaux que convoque l’imagination de Leïla. Cette francophonie ciselée est ponctuée de paroles de chansons transcrites en arabe avant d’être traduites qui constituent un intertexte plus efficace que tout décor pittoresque. Ce découpage textuel et temporel figure le heurt des bribes de la mémoire de Leïla, « tamis secoué par des mains fébriles » (13) donnant à cet « amalgame d’images » célébrant ses « errances à l’aube et au crépuscule » (12) la fonction de dire dans un apparent désordre le drame de toutes celles qui ont perdu les repères indispensables à la confiance en la vie. On ne quitte pas ce texte intense et savamment organisé selon une progression qui est celle de la compréhension des mécanismes sociaux et psychiques.10
Au portrait de Leila en quête d’identité, répond celui de Iteb, l’homme du crépuscule, un amour fantôme tantôt agonisant, tantôt ressuscité. Dans sa quatrième lettre, Leila évoque une scène vécue avec Iteb :
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Entretien avec Sonia Chamkhi par Kamel Ben Ouanès (in Le Temps, Mercredi, 04 Février 2009).
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Entre tes doigts, tu saisis une mèche de mes cheveux brillants parce que nouvellement enduits de gel colorant aux lueurs cuivrées. Tu dis, faussement tendre : « ils sont naturels tes cheveux ? » Aujourd’hui, je peux te répondre : « mais non, Iteb, ils sont colorés. Oui je cherche ma teinte. Je ne sais pas qui je suis. Sais-tu, toi, qui tu es ?11 »
Cette lourde interrogation va trouver un écho dans le récit de Iteb qui répond : Je suis petit-fils d’esclave. Je suis exilé et pauvre. J’ai laissé derrière moi un amour au goût de l’absolu et un pays entier où je n’avais pas ma place. Mais je suis également plus que cela. Mes racines, ce sont mes désirs indomptables de vivre et mes rêves obstinés. Je fais partie de cette minorité qui possède le privilège insensé d’être née pour les mener jusqu’au bout12. (p178)
Iteb « homme de l’exil et de la solitude » (p. 10), est ce jeune garçon, à qui la vie a oublié, par négligence peut être, de réserver une petite part de bonheur, pourtant méritée. Expulsé du foyer familial, du quartier de son enfance et de son pays natal, il se retrouve à l’âge de dix-sept ans « comme une branche détachée d’un arbre » (p. 23). Éjecté d’une famille explosée, il atterrit dans la Grande Ville (La Belgique), où commence sa nouvelle vie. Noir, arabe et étranger, Iteb réalise qu’il n’est pas le bienvenu, que sa présence dérange et qu’il est de trop parmi ceux qui portent en eux la rage de l’intolérance et des préjugés. Sonia Chamkhi rejette l’idée d’avoir écrit un roman « féministe ». Cette femme se bat, dans l’écriture, le cinéma, la société civile, la culture et l’université, toujours avec le sourire, la main tendue aux hommes et l’esprit attentif à ceux qui n’ont pas de voix. Son roman est un roman de femme à double titre. La poésie respire de toutes les syllabes du texte. Les mots semblent taillés dans le corps sensible de l’émotion et des vibrations sémantiques, sonores et rythmiques de la vie. Au-delà de l’intertexte polyphonique qui ouvre le trame narrative sur le réel social tunisien, sur le non-dit culturel et politique de la citoyenneté, de l’identité et du rapport homme / femme, mère / fille, mari / femme ou individu / communauté, il y a les mots et les images pour dire les zones obscures de la conscience humaine, de son errance et de ses doutes sur « le décalage amoureux ». La narratrice épingle les préjugés de « la vertu ou la chasteté », de la misère sociale ou la solitude de la différence, des douleurs du renoncement et de la résignation, « la parole est notre risque et notre chance » écrit à la fin Leila à Iteb, ultime leçon de vie, même si à la fin du roman, « elle s’est résolue au silence » (p. 190). Si l’hypothèse de l’écriture féminine peut être partagée comme un axiome de la spécificité des écrits de femme, cette spécificité serait également le lieu d’émergence d’une pensée, une pensée féminine qui prendrait en charge la question ontologique et sociologique du Sujet féminin. Je crois avoir saisi, dans les écrits de Sonia Chamkhi, quelques pistes de lecture qui témoigneraient de cette exigence de « Repenser le féminin ». Dans une œuvre littéraire, l’important n’est pas l’objet de pensée, mais ce qui nous force à penser.
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p. 56. P.178.
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Bibliographie Leïla ou la femme de l’aube, Tunis, Elyzed, 2008, 191 pages. L’homme du crépuscule, Tunis. Arabesques. 2013. 182 pages. Entretien avec Sonia Chamkhi par Kamel Ben Ouanès (in Le Temps, Mercredi, 04 Février 2009).
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زﻋﺎﻣﺔ اﻟﻤﺮأة واﻟﻮﺻﻢ اﻟﺠﻨﺴﻮيّ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲّ ﻧﺎﺟﯿﺔ اﻟﻮرﯾ ّﻤﻲ
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ﻟﺎ ﺗﺰال اﻟﻤﺮأة اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ ﺗﻌﺎﻧﻲ ﻣﻦ اﻟﺈﻗﺼﺎء وﻣﻦ ﻋﺪم اﻟﺎﻋﺘﺒﺎر ﻓﻲ اﻟﺄدوار اﻟﻘﯿﺎدﯾّﺔ ﻓﻲ اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ،وھﻮ إﻗﺼﺎء ﻋﺎﺋﺪ ﻓﻲ ﺟﺰء ھﺎمّ ﻣﻨﮫ إﻟﻰ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﺮﺳﻤﯿّﺔ اﻟﻤﻮروﺛﺔ اﻟﺘﻲ أﻧﺘﺠﮭﺎ ﻋﻘﻞ ﻓﻘﮭﻲّ ذﻛﻮريّ ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﯾﺮى ﻓﯿﮭﺎ ﻣﻦ ﻗﯿﻤﺔ إﻧﺴﺎﻧﯿّﺔ إﻟﺎّ ﻗﯿﻤﺔ اﻟﺄﻧﺜﻮﯾّﺔ وﻣﺘﻌﻠّﻘﺎﺗﮭﺎ .واﻟﻮﻋﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲّ ﺑﮭﺬا اﻟﻐﯿﺎب اﻟﺼﺎرخ ﻟﻠﻤﺮأة اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ ﻓﻲ ﻣﺮاﻛﺰ اﻟﻘﺮار ،ﺿﻌﯿﻒٌ وﻏﯿﺮ ﻣﻌﺘﺒﺮ ﺿﻤﻦ أوﻟﻮﯾّﺎت اﻟﺈﺻﻠﺎح وﺗﻮﻓﯿﺮ ﺷﺮوط اﻟﺘﻘﺪّم اﻟﻨﺎﺟﻊ واﻟﻌﺎدل ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻊ .ﺑﻞ ھﻮ ﻣﻌﺘﺒﺮ ﺿﻤﻦ اﻟﻤﺸﺎﻛﻞ اﻟﺜﺎﻧﻮﯾّﺔ واﻟﺒﺴﯿﻄﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻨﺪرج ﻣﻌﺎﻟﺠﺘﮭﺎ ﺿﻤﻦ ﻣﻮاﺿﯿﻊ اﻟﺘﺮف اﻟﻔﻜﺮيّ ،ﻏﯿﺮِ اﻟﻤﺮﻓﻮﺿﺔ ،ﻟﻜﻦ ﻏﯿﺮ اﻟﻮاﺟﺒﺔ وﻏﯿﺮ اﻟﻌﺎﺟﻠﺔ .إنّ ھﺬا اﻟﻮﻋﻲ ﻟﯿﺲ وﻟﯿﺪ اﻟﻌﺼﺮ اﻟﺮاھﻦ ﻓﻘﻂ ،ﺑﻞ ﻟﮫ ﺟﺬور ﺗﻤﺘﺪّ إﻟﻰ اﻟﻤﺎﺿﻲ ﻣﺴﺘﻌﯿﺮةً ﻣﻦ اﻟﻌﻘﻞ اﻟﻔﻘﮭﻲّ ﺗﺼﻮّره ﻟﻠﻤﺮأة .وﻟﺬﻟﻚ ﻓﺈنّ ﺑﺤﺜﻨﺎ ﻓﻲ ﺛﻮاﺑﺖ ھﺬا اﻟﻌﻘﻞ ﻟﯿﺴﺖ اﻟﻐﺎﯾﺔ ﻣﻨﮫ ﻣﺠﺮّد اﻟﻜﺸﻒ ﻋﻤّﺎ ﻛﺎن ،ﺑﻞ اﻟﻜﺸﻒ ﻋﻦ اﻟﻤﺆﺛّﺮات اﻟﻌﻤﯿﻘﺔ اﻟﺘﻲ ﺳﺎھﻤﺖ ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ اﻟﻮﻋﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ اﻟﯿﻮم .وﻟﺌﻦ ﻛﺎن اﻟﻔﻘﮭﺎء ﺻﺎﻏﻮا ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﻓﻘﮭﯿّﺔ ﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﺎﻧﺘﻈﺎم اﺟﺘﻤﺎﻋﻲّ اﻟﺴﺎﺋﺪ واﻟﺬي ﺗﺤﺘﻞّ ﻓﯿﮫ اﻟﻤﺮأة اﻟﺪرﺟﺎت اﻟﺴﻔﻠﻰ ،ﻓﺈﻧّﮭﻢ ظﻠّﻮا واﻋﯿﻦ ﺑﺎﻟﺎﺧﺘﻠﺎف اﻟﺠﺪّي اﻟﺬي ﯾﻤﻜﻦ أن ﺗﻤﺜّﻠﮫ أﺧﺒﺎر ﺣﻮل ﺗﺠﺎرب ﺗﺎرﯾﺨﯿّﺔ أﺛﺒﺘﺖ ﻓﺎﻋﻠﯿّﺔ اﻟﻤﺮأة ﻓﻲ اﻟﺸﺄن اﻟﻌﺎمّ وﻗﺪرﺗﮭﺎ ﻋﻠﻰ اﺣﺘﻠﺎل اﻟﻤﺮاﺗﺐ اﻟﺄوﻟﻰ .ﻟﺬﻟﻚ ﻋﻤﺪوا إﻟﻰ إﻋﺎدة ﺗﺸﻜﯿﻞ ھﺬه اﻟﺄﺧﺒﺎر ﻟﺘﻜﻮن ﻣﻨﺴﺠﻤﺔ ﻣﻊ "ﻧﻤﻮذﺟﮭﻢ"، وﻟﯿﺜﺒﺘﻮا ﻣﻦ ﺧﻠﺎﻟﮭﺎ أنّ زﻋﺎﻣﺔ اﻟﻤﺮأة ﺷﺎذّة وﻧﺎﺷﺰة ﻋﻦ اﻟﻮاﻗﻊ ،وﻣﻀﺮّة ﺑﺎﻟﻤﺠﻤﻮﻋﺔ. وﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪاﺧﻠﺔ ،ﺳﻨﺨﻀﻊ ﺧﻄﺎﺑﺎﺗﮭﻢ اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿّﺔ ﻟﻠﺘﺤﻠﯿﻞ ﺑﺤﺜﺎ ﻋﻦ آﺛﺎرإﻋﺎدة ﺗﺸﻜﯿﻞ اﻟﻤﻌﻄﯿﺎت، ﻣﺘﻮﺳّﻠﯿﻦ ﺑﺘﻔﻜﯿﻚ أﺑﻨﯿﺔ اﻟﻨﺼﻮص ،وﺑﺎﻟﻤﻘﺎرﻧﺔ ﺑﯿﻦ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﻤﺼﺎدر .واﻟﺰﻋﺎﻣﺎت اﻟﻨﺴﺎﺋﯿّﺔ 2اﻟﺘﻲ ﺳﻨﻘﻒ ﻋﻨﺪھﺎ ھﻲ زﻋﺎﻣﺎت ﻋﺴﻜﺮﯾّﺔ وﻣﻌﻨﻮﯾّﺔ ،ﺗﺘﻤﺜّﻞ ﻓﻲ ﺛﻠﺎث ﺣﺎﻟﺎت :ﺳﺠﺎح اﻟﻤﺘﻨﺒّﺌﺔ اﻟﺘﻲ ﻗﺎدت ﺗﻤﺮّدا ﻋﻠﻰ اﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﻘﺮﺷﯿّﺔ ،وﻋﺎﺋﺸﺔ زوج اﻟﺮﺳﻮل اﻟﺘﻲ ﻗﺎدت ﺗﻤﺮّدا ﻋﻠﻰ اﻟﺨﻠﯿﻔﺔ اﻟﺸﺮﻋﻲّ ﻋﻠﻲّ ،واﻟﻜﺎھﻨﺔ دھﯿﺎ اﻟﻔﺎرﺳﺔ اﻟﻌﻨﯿﺪة اﻟﺘﻲ ﻛﺴﺮت ﺷﻮﻛﺔ اﻟﻔﺎﺗﺤﯿﻦ. اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲ .1زﻋﺎﻣﺔ ﺳﺠﺎح ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب ّ ﺳﺠﺎح اﻟﺘﻐﻠﺒﯿّﺔ اﻟﺘﻤﯿﻤﯿّﺔ ،ھﻲ ﻗﺎﺋﺪة ﻋﺴﻜﺮﯾّﺔ ﺗﺰﻋّﻤﺖ ﺣﺮﻛﺔ ﻣﻦ ﺣﺮﻛﺎت اﻟﺮدّة اﻟﺘﻲ رﻓﻀﺖ اﺳﺘﯿﻠﺎء ﻗﺮﯾﺶ ﻋﻠﻰ "ﺣﻜﻢ اﻟﻌﺮب" ،وادّﻋﺖ أﻧّﮭﺎ ﻧﺒﯿّﺔ ﻣﺜﻞ ﻣﺤﻤّﺪ ،وﻟﺪﯾﮭﺎ رﺳﺎﻟﺔ ﻛﻠّﻔﺖ ﺑﺘﺒﻠﯿﻐﮭﺎ ،وھﻲ ﺗﺘﺤﺮّك ﻋﺴﻜﺮﯾّﺎ ﻟﺘﺒﻠﯿﻐﮭﺎ ﻟﻘﺮﯾﺶ وﻟﻐﯿﺮھﺎ .وأن ﺗﻜﻮن ﺳﺠﺎح ﺑﮭﺬه اﻟﺼﻔﺔ أﻣﺮ ﯾﺰﻋﺞ اﻟﻤﺆرّخ اﻟﻔﻘﯿﮫ ﻟﺄﻧّﮫ ﻣﺨﺎﻟﻔﺔ ﻣﺰدوﺟﺔ :اﻟﺄوﻟﻰ ھﻲ ﺑﺪﻋﺔ اﻟﻘﯿﺎدة اﻟﻌﺴﻜﺮﯾّﺔ اﻟﻨﺴﺎﺋﯿّﺔ ،واﻟﺜﺎﻧﯿﺔ ھﻲ إﺛﻢ ادّﻋﺎء اﻟﻨﺒﻮّة اﻟﺘﻲ ﻋُﺪّت ﺷﺄﻧﺎ رﺟﺎﻟﯿّﺎ .3ﻓﻠﻢ ﯾﺘﻌﺎﻣﻞ ﻣﻌﮭﺎ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲّ اﻟﺮﺳﻤﻲّ ﺑﺬات اﻟﺄﺳﻠﻮب اﻟﺬي ﺗﻌﺎﻣﻞ ﺑﮫ ﻣﻊ ﺣﺮﻛﺎت أﺧﺮى ﻗﺎم ﺑﮭﺎ ﻗﺎدة ﻋﺴﻜﺮﯾّﻮن ﻣﺘﻨﺒّﺌﻮن ﻣﻦ اﻟﺮﺟﺎل ،وﻧﻌﻨﻲ ﻣﺴﻠﯿﻤﺔ ،وطﻠﯿﺤﺔ ،واﻟﺄﺳﻮد اﻟﻌﻨﺴﻲّ .ﻓﻤﻊ ھﺆﻟﺎء ﻛﺎن اﻟﺄﺳﻠﻮب ھﻮ ﺑﯿﺎن ﺗﮭﺎﻓﺖ ﻧﺒﻮّاﺗﮭﻢ ﻋﻦ طﺮﯾﻖ ﺳﺨﻒ أﻗﻮاﻟﮭﻢ أو اﻟﺂﯾﺎت اﻟﺘﻲ ﻗﺪّﻣﺖ ﻋﻠﻰ أﻧّﮭﺎ وﺣﻲ، ﻣﻊ إﺛﺒﺎت ﻛﺬب اﻟﻤﻌﺠﺰات اﻟﺘﻲ ادّﻋﻮھﺎ .ﻟﻜﻦ ﻣﻊ ﺳﺠﺎح –ﻟﺄﻧّﮭﺎ إﻣﺮأة-ﺗﻐﯿّﺮت اﻟﻄﺮﯾﻘﺔ ﺗﻤﺎﻣﺎ :ﻓﻠﻢ ﯾﻜﻠّﻒ اﻟﻤﺆرّخ ﻧﻔﺴﮫ ﻋﻨﺎء اﻟﺮدّ ﻋﻠﻰ "وﺣﯿﮭﺎ" أو ﻣﻌﺠﺰاﺗﮭﺎ ،ﺑﻞ اﻛﺘﻔﻰ ﺑﺄﺳﻠﻮب اﻟﻮﺻﻢ اﻟﺠﻨﺴﻮيّ :ﯾﻜﻔﻲ أن ﯾﺒﺮز ﺑﻌﺪھﺎ اﻟﺄﻧﺜﻮيّ واﻗﺘﺮاﻧﮫ ﺑﺎﻟﺠﻨﺲ ،ﻟﺘﺴﮭﻞ إداﻧﺔ زﻋﺎﻣﺘﮭﺎ وﺑﯿﺎن ﺗﮭﺎﻓﺘﮭﺎ ﻓﻲ ﻧﻈﺮه .ھﺬا ﻣﺎ ﺳﻨﺒﯿّﻨﮫ ﻣﻦ
1اﻟﻤﻌﮭﺪ اﻟﻌﺎﻟﻲ ﻟﻠﻌﻠﻮم اﻟﺈﻧﺴﺎﻧﯿّﺔ ﺑﺘﻮﻧﺲ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻮﻧﺲ اﻟﻤﻨﺎر .2ﻧﺒّﮭﺖ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻤﺮﻧﯿﺴﻲ ﻓﻲ ﻛﺘﺎﺑﮭﺎ "اﻟﺴﻠﻄﺎﻧﺎت اﻟﻤﻨﺴﯿّﺎت :ﻧﺴﺎء رﺋﯿﺴﺎت دوﻟﺔ ﻓﻲ اﻟﺈﺳﻠﺎم" )ﺗﺮﺟﻤﺔ ﺟﻤﯿﻞ ﻣﻌﻠّﻰ وﻋﺒﺪ اﻟﮭﺎدي ﻋﺒّﺎس ،طﺒﻌﺔ دﻣﺸﻖ ،دار اﻟﺤﺼﺎد ﻟﻠﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ (1994 ،إﻟﻰ زﻋﺎﻣﺎت ﺳﯿﺎﺳﯿّﺔ ﻧﺴﺎﺋﯿّﺔ ﻋﺎﻣﻠَﮭﺎ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲّ ﺑﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺈھﻤﺎل. .3ﯾﻘﻮل اﺑﻦ ﺧﻠﺪون" :ﻋﻨﺪ أھﻞ اﻟﺴﻨّﺔ أنّ اﻟﻨﺒﻮّة ﻣﺨﺘﺼّﺔ ﺑﺎﻟﺮﺟﻞ" .ﺗﺎرﯾﺦ اﺑﻦ ﺧﻠﺪون ،دار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻤﺼﺮي /دار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻠﺒﻨﺎﻧﻲ ،1999 ،ﻣﺞ ،3ص .288
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ﺧﻠﺎل ﻧﻤﻮذج ﻣﻦ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿّﺔ اﻟﻌﺪﯾﺪة اﻟﺘﻲ اﻋﺘﻨﺖ ﺑﺤﺮﻛﺔ ﺳﺠﺎح ،وھﻮ ﻣﺄﺧﻮذ ﻣﻦ ﺗﺎرﯾﺦ اﻟﺄﻣﻢ واﻟﻤﻠﻮك ﻟﻠﻄﺒﺮي ،اﻟﻜﺘﺎب اﻟﺬي ﻧﻘﻠﺖ ﻋﻨﮫ ﻣﺼﺎدر ﺗﺎرﯾﺨﯿّﺔ ﻋﺪﯾﺪة.4 ﺑﻨﯿﺔ ﻧﺺّ اﻟﻄﺒﺮي ﻓﻲ ﺗﺎرﯾﺨﮫ:5 ﻧﻘﻞ اﻟﻄﺒﺮي ﻧﺼّﺎ ﻋﻦ ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ ،وھﻮ ﻣﺆرّخ ﺗﻮﻓّﻲ ﺳﻨﺔ 200ھـ ،وﯾﺘّﮭﻤﮫ ﻋﻠﻤﺎء اﻟﺴﻠﻄﺔ ﺑﺎﻟﺰﻧﺪﻗﺔ ﻟﺄﻧّﮫ ﻗﺪريّ .ﻟﻜﻨّﮫ ﻛﺎن ﺻﺎﺣﺐ اﻟﻜﺘﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲّ اﻟﻤﺘﻘﺪّم اﻟﺬي ﻟﺎ ﯾﻤﻜﻦ ﻟﻤﻦ ﺟﺎء ﺑﻌﺪه أن ﯾﺘﺠﺎھﻠﮫ .ﯾﺼﻒ ھﺬا اﻟﻨﺺّ زﻋﺎﻣﺔ ﻓﻌﻠﯿّﺔ وﻧﺎﺟﻌﺔ ﻟﺴﺠﺎح ،ﻣﻘﻮّﻣﺎﺗﮭﺎ ھﻲ :ﻧﺠﺎﺣﮭﺎ ﻓﻲ ﻗﯿﺎدة ﻗﻮﻣﮭﺎ واﻟﺄﻗﻮام اﻟﺤﻠﯿﻔﺔ ،ﺧﻮﺿﮭﺎ ﻣﻌﺎرك وﺣﺮوﺑﺎ اﻧﺘﺼﺮت ﻓﻲ ﻣﻌﻈﻤﮭﺎ ،وﻧﻈﺮا إﻟﻰ ﻗﻮّة ﺟﯿﺸﮭﺎ طﻠﺐ ﻣﻨﮭﺎ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ﻗﺎﺋﺪ ﺑﻨﻲ ﺗﻤﯿﻢ اﻟﺼﻠﺢ ،وﻋﻘﺪ اﻟﺼﻠﺢ وﻓﻖ ﺗﻘﺎﻟﯿﺪ اﻟﺘﻔﺎوض اﻟﺤﺮﺑﻲّ اﻟﻤﺘﻌﺎرﻓﺔ ،أي ﺑﺤﻀﻮر وﻓﺪﯾﻦ ﯾﻤﺜّﻠﺎن اﻟﺠﮭﺘﯿﻦ اﻟﻤﺘﺤﺎرﺑﺘﯿﻦ )أرﺑﻌﻮن ﻣﻊ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ وﻣﺜﻠﮭﻢ ﻣﻊ ﺳﺠﺎح( ،ﺛﻢّ ﻓﺮض ﺳﺠﺎح ﻟﺎﺗّﻔﺎق ﺑﺸﺮوط ﻣﺠﺤﻔﺔ :أﻋﻄﺎھﺎ ﻧﺼﻒ ﻏﻠﺎّت اﻟﯿﻤﺎﻣﺔ ﻣﻌﺠّﻠﺎ ،واﻟﻨﺼﻒ اﻟﺂﺧﺮ ﻣﺆﺟّﻠﺎ .واﻟﺪﻟﺎﻟﺔ اﻟﺤﺎﺻﻠﺔ ﻣﻦ ھﺬه اﻟﻤﻘﻮّﻣﺎت ھﻲ أنّ زﻋﺎﻣﺔ ھﺬه اﻟﻤﺮأة ﻣﻈﻔّﺮة ،ﺑﻞ ھﻲ ﻧﻤﻮذج ﻟﻠﻘﯿﺎدة اﻟﻨﺎﺟﺤﺔ. إزاء ھﺬه اﻟﻤﻌﻄﯿﺎت ،ﯾﻌﻤﺪ اﻟﻄﺒﺮي -اﻟﻤﺆرّخ اﻟﻔﻘﯿﮫ-إﻟﻰ اﻟﺘﺼﺮّف ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺎدّة اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿّﺔ ،ﻓﯿﻜﺴﺮ وﺣﺪة اﻟﻨﺺّ ووﺣﺪة اﻟﺮواﯾﺔ ،وﯾﺨﺘﺮﻗﮭﻤﺎ ﻓﻲ اﻟﻮﺳﻂ ﻋﻦ طﺮﯾﻖ ﺗﻀﻤﯿﻦ ﻣﻘﻄﻊ ﻧﺼّﻲّ آﺧﺮ ﻣﺨﺎﻟﻒ ﺗﻤﺎﻣﺎ ﻟﻠﻨﺺّ اﻟﺄﺻﻠﻲّ ،ﻧﺺّ ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ :ﻣﺪار ھﺬا اﻟﻤﻘﻄﻊ ﻣﻐﺎﻣﺮة ﺟﻨﺴﯿّﺔ ،اﻟﻔﺎﻋﻞ ﻓﯿﮭﺎ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ واﻟﻤﻔﻌﻮل ﺑﮫ ﺳﺠﺎح .وﻟﻠﻮﺻﻮل إﻟﻰ ھﺬا اﻟﺈذﻟﺎل اﻟﺠﻨﺴﻲّ ﻟﺎﻣﺮأة ﺟﺮﺣﺖ ﻛﺒﺮﯾﺎء "اﻟﺬﻛﺮ اﻟﺤﺮﯾﺺ ﻋﻠﻰ اﻟﺴﻠﻄﺔ"، ﺗُﺸَﻜَّﻞ ﻗﺼّﺔ ﻛﺎﻣﻠﺔ ﻓﻲ ﻏﻮاﯾﺔ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ﻟﺴﺠﺎح ،وھﻲ ﻣﮭﻤّﺔ ﻛﺎﻧﺖ ﺳﮭﻠﺔ ﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﯿﮫ ،ﻟﺄنّ اﻟﻌﻨﺎﺻﺮ اﻟﺜﻠﺎﺛﺔ: اﻟﻤﺮأة واﻟﻐﻮاﯾﺔ واﻟﺠﻨﺲ ،ﻋﻨﺎﺻﺮ ﻣﺘﻠﺎزﻣﺔ ﻓﻲ اﻟﻮﻋﻲ اﻟﻔﻘﮭﻲّ اﻟﺬﻛﻮريّ .وﺗﺘﻤﺜّﻞ ھﺬه اﻟﻘﺼّﺔ اﻟﻤﻀﻤّﻨﺔ ﻓﻲ ﻣﺎ ﯾﻠﻲ: اﺷﺘﺮط ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ﻋﻠﻰ ﺳﺠﺎح اﻟﺎﻧﻔﺮاد ﺑﮭﺎ ﻟﻠﺘﻔﺎوض .وأﻋﺪّ ﻣﺨﺪﻋﺎ ﻣﻐﺮﯾﺎ ﺑﺎﻟﺠﻤﺎع .ﻓﻀﻌﻔﺖ واﺳﺘﺴﻠﻤﺖ ﻟﮫ اﺳﺘﺴﻠﺎﻣﺎ .وﺗﻨﺘﮭﻲ اﻟﺮواﯾﺔ ﺑﺎﻟﺨﺎﺗﻤﺔ اﻟﺴﻌﯿﺪة اﻟﺘﻲ ﯾﺮﯾﺪھﺎ اﻟﻔﻘﯿﮫ ،وھﻲ ﺷﺮﻋﻨﺔ اﻟﻌﻠﺎﻗﺔ ﺑﺈﺧﻀﺎﻋﮭﺎ ﻟﺄﺣﻜﺎم اﻟﻨﻜﺎح .ﻓﻘﺪ ﻋﺎدت ﺳﺠﺎح إﻟﻰ ﺟﯿﺸﮭﺎ .ﻓﻘﺎﻟﻮا ﻟﮭﺎ ﻣﺎذا ﻓﻌﻠﺖ؟ ﻓﻘﺎﻟﺖ إﻧّﮭﺎ ﺗﺰوّﺟﺖ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ،ﻓﻘﺎﻟﻮا ﻟﮭﺎ ﻋﻮدي إﻟﯿﮫ واطﻠﺒﻲ ﻣﮭﺮا ،ﻓﻜﺎن ﻣﮭﺮھﺎ إﺳﻘﺎط ﺻﻠﺎﺗﻲْ اﻟﻌﺸﺎء واﻟﺼﺒﺢ )أوﻗﺎت اﻟﻌﺎﺷﻘﯿﻦ( .ھﻨﺎ أﺻﺒﺤﻨﺎ إزاء ﺑﻨﯿﺔ ﻧﺼّﯿّﺔ ﻋﻨﺪ اﻟﻄﺒﺮي ﻣﻜﻮّﻧﺔ ﻣﻦ ﻧﺼّﻲّ أﺻﻠﻲّ ھﻮ ﻟﺴﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ وﻓﯿﮫ ﻧﺼﺮٌ ﻣﻄﻠﻖ ﻟﻠﻤﺮأة اﻟﻘﺎﺋﺪة ،وﻣﻘﻄﻊ ﻣﻀﺎف ﻓﻲ اﻟﻮﺳﻂ وﻓﯿﮫ ﻧﺼﺮ ﺟﻨﺴﻲّ ﺳﺎﺣﻖ ﻟﻤﺴﯿﻠﻤﺔ .واﻟﺴﺆال اﻟﻤﻄﺮوح ھﻨﺎ :ﻟﻤﺎذا اﺧﺘﺮاق اﻟﺒﻨﯿﺔ اﻟﻨﺼّﯿّﺔ ﻓﻲ اﻟﻮﺳﻂ؟ أﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﺑﺎﻟﺈﻣﻜﺎن إﻧﮭﺎء اﻟﻨﺺّ اﻟﺄﺻﻠﻲّ ،ﺛﻢّ ﯾﺸﻔﻊ ﺑﺎﻟﻤﻘﻄﻊ اﻟﺬي ﯾﺘﻀﻤّﻦ ھﺬه اﻟﺮواﯾﺔ اﻟﺠﻨﺴﯿّﺔ؟ أﻟﻢ ﯾﻜﻦ اﺧﺘﯿﺎر اﻟﻄﺒﺮي ﻟﮭﺬه اﻟﺒﻨﯿﺔ اﺧﺘﯿﺎرا ﯾﺤﺮّﻛﮫ ﻟﺎوﻋﻲ دﻓﯿﻦ ﻓﻲ ﺗﺄﻛﯿﺪ اﻟﻔﻌﻞ اﻟﺠﻨﺴﻲّ اﻟﺬﻛﻮريّ؟ وﻋﻨﺪﻣﺎ ﻧﻌﻮد إﻟﻰ ﺗﻔﻜﯿﻚ اﻟﻤﻘﻄﻊ اﻟﻤﻀﻤّﻦ ،ﻧﺘﺒﯿّﻦ ﻣﺆﺷّﺮات اﻟﺎﻓﺘﻌﺎل واﻟﺘﺸﻜﯿﻞ اﻟﻮظﯿﻔﻲّ ﻟﻤﻌﻄﯿﺎت ﻣﻦ ﺷﺄﻧﮭﺎ أن ﺗﺘﺄﺳّﺲ ﻋﻠﻰ أﻧﻘﺎض اﻟﻤﻌﻄﯿﺎت اﻟﺄﺻﻠﯿّﺔ: ﻋﻮض اﻟﺘﻔﺎوض ﺑﯿﻦ اﻟﺰﻋﯿﻢ واﻟﺰﻋﯿﻤﺔ ﺑﺤﻀﻮر وﻓﺪ ﻣﺼﺎﺣﺐ ﻟﻜﻞّ ﻣﻨﮭﻤﺎ ،ﻧﺠﺪ اﻟﺎﻧﻔﺮاد ﺑﯿﻨﮭﻤﺎ.وھﻮ اﻧﻔﺮاد ﻣﺨﺎﻟﻒ ﻟﺄﻋﺮاف اﻟﺘﻔﺎوض اﻟﻌﺴﻜﺮي ﻓﻲ اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﻘﺒﻠﻲّ اﻟﺤﺮﺑﻲّ ،اﻟﺬي ﯾﺤﺘﺴﺐ ﻟﻠﻐﺪر وﯾﻮﺟﺐ اﻟﺘﻔﺎوض اﻟﻌﻠﻨﻲّ و"اﻟﺠﻤﺎﻋﻲ". وﻋﻮض ﻣﻜﺎن اﻟﻌﻠﻦ اﻟﺬي ﺟﺮى ﻓﯿﮫ اﻟﺘﻔﺎوض ،ﻧﺠﺪ اﻟﻤﺨﺪع اﻟﻤﻌﺪّ ﻟﻠﺠﻤﺎع. وﻋﻮض ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ اﻟﺬي ﺗُﺠﻤِﻊ اﻟﻤﺼﺎدر ﻋﻠﻰ أﻧّﮫ ﻛﺎن ﺷﯿﺨﺎ ﻛﺒﯿﺮ اﻟﺴﻦّ ﻋﻨﺪﻣﺎ اﻧﺪﻟﻌﺖ ﺣﺮوباﻟﺮدّة ،ﻧﺠﺪ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ اﻟﻔﺤﻞ اﻟﺬي ﯾﺘﻠﺎﻋﺐ ﺑﺴﺠﺎح ﺟﻨﺴﯿّﺎ.6 ﺛﻢّ ﻛﯿﻒ ﯾﻜﻮن ﻣﮭﺮ ﺳﺠﺎح إﺳﻘﺎط ﺻﻠﺎﺗﯿﻦ ﻣﻦ أﺻﻞ ﺧﻤﺲ ﺻﻠﻮات ﻓﻲ اﻟﺈﺳﻠﺎم ،وھﻲ وﻗﻮﻣﮭﺎﻧﺼﺎرى ،وﺣﺘّﻰ اﻟﻘﻠّﺔ اﻟﺬﯾﻦ أﺳﻠﻤﻮا ارﺗﺪّوا ﻋﻦ اﻟﺈﺳﻠﺎم؟ أﻟﯿﺲ ﺣﻀﻮر اﻟﺤﻜﻢ اﻟﻔﻘﮭﻲّ وھﻮ اﻟﻤﮭﺮ ،ﻋﻨﻮاﻧﺎ ﻟﺤﻀﻮر اﻟﻔﻘﯿﮫ ﻧﻔﺴﮫ؟ ﻣﻦ اﻟﻮاﺿﺢ إذن أنّ اﻟﺮواﯾﺔ اﻟﺠﻨﺴﯿّﺔ ﻣﺸﻜّﻠﺔ ﺗﺸﻜﯿﻠﺎ ﺛﺄر ﻣﻦ ﺧﻠﺎﻟﮫ اﻟﻤﺆرّخ اﻟﻔﻘﯿﮫ ﻟﺰﻋﯿﻢ اﻧﮭﺰم أﻣﺎم زﻋﯿﻤﺔ ،أي أنّ اﻟﻮﺻﻢ اﻟﺠﻨﺴﻮيّ ﻛﺎن وﺳﯿﻠﺘﮫ إﻟﻰ ھﺬا اﻟﺜﺄر .واﻟﺨﻄﯿﺮ أنّ اﻟﻨﺺّ اﻟﻤﻀﺎف واﻟﻤﻔﺘﻌﻞ ھﻮ اﻟﺬي ﺗﻤﺘّﻊ ﻟﺎﺣﻘﺎ ﺑﺈﻋﺎدة اﻟﺈﻧﺘﺎج ،وﻧُﺴِﻲ اﻟﻨﺺّ اﻟﺄﺻﻠﻲّ )ﻧﺺّ ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ( .أﻣّﺎ اﻟﻄﺮﯾﻒ ﻓﻲ اﻟﻤﺴﺄﻟﺔ ﻓﮭﻮ إﺟﻤﺎع ﻣﺆرّﺧﻲ اﻟﻤﺬاھﺐ –ﻣﻦ ﺳﻨّﺔ وﺷﯿﻌﺔ وﺧﻮراج-ﻋﻠﻰ ﻗﺒﻮل اﻟﻨﺺّ اﻟﻤﻀﺎف ،ﻓﻜﺮّروه ﺑﻄﺮق ﻣﺘﺸﺎﺑﮭﺔ ﻓﻲ ﺧﻄﺎﺑﺎﺗﮭﻢ .إﻧّﮭﻢ ﻣﺨﺘﻠﻔﻮن ﻛﺜﯿﺮا ﻓﻲ ﻣﺴﺎﺋﻞ ﻛﺜﯿﺮة ،ﺑﻞ ﻣﺘﻘﺎﺗﻠﻮن ﻣﻦ أﺟﻠﮭﺎ ،ﻟﻜﻨّﮭﻢ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻨﻘﻄﺔ ﺑﺎﻟﺬات –ﻣﻨﻊ اﻟﻤﺮأة ﻣﻦ اﻟﺰﻋﺎﻣﺔ-ﺗﻤﺎﻟﺄوا ﻋﻠﻰ ﺗﺸﻮﯾﮫ زﻋﺎﻣﺔ ﺳﺠﺎح :ﻣﻤّﺎ ﯾﺜﺒﺖ أنّ آﻟﯿّﺎت اﻟﻌﻘﻞ اﻟﻔﻘﮭﻲّ واﺣﺪة وإن اﺧﺘﻠﻔﺖ اﻟﻤﺮﺟﻌﯿّﺎت اﻟﻤﺬھﺒﯿّﺔ .ﺛﻢّ إﻧّﮭﻢ ﺟﻤﯿﻌﺎ ﯾﻨﺰﻋﺠﻮن ﻣﻦ ھﺬه اﻟﻤﺮأة اﻟﺘﻲ طﻤﺤﺖ إﻟﻰ اﻟﻨﺒﻮّة .واﻟﻨﺒﻮّة ﻓﻲ دﻟﺎﻟﺎﺗﮭﺎ اﻟﺄوﻟﻰ ﺗﺠﺮﺑﺔ ﺗﺴﺎمٍ ،ﺗﻌﻄﻲ أﺑﻌﺎدا روﺣﯿّﺔ ﻋﻤﯿﻘﺔ ﻟﻠﺬات .ﻟﻜﻦّ اﻟﻤﺆرّخ اﻟﻔﻘﯿﮫ ﯾﻨﺰﻋﺞ ﻣﻦ أن ﺗﺘﺴﺎﻣﻰ إﻣﺮأة ﻟﺎ ﯾﺮى ﻓﯿﮭﺎ إﻟﺎّ اﻟﺠﺴﺪ ،ﻓﯿﻌﯿﺪ اﻟﻤﺘﻨﺒّﺌﺔ ﺳﺠﺎﺣﺎ إﻟﻰ ﺑﻌﺪ اﻟﺠﺴﺪ ﺑﻜﻞّ ﻏﻮاﯾﺘﮫ ودﻧﺴﮫ :اﻟﻤﺮأة ﻋﻨﺪه ﻟﺎ ﺗﺼﻠﺢ إﻟﺎّ ﻟﻠﻔﺮاش .وﯾﻜﻔﻲ أن ﻧﺬﻛﺮ أنّ اﻟﻌﺴﻜﺮيّ ﻓﻲ ﻛﺘﺎﺑﮫ "اﻟﺄواﺋﻞ"، .4ھﺬا اﻟﻜﺘﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲّ ھﻮ ﻛﺘﺎب ﻣﺆﺳّﺲ ﻓﻲ ﻋﻠﻢ اﻟﺘﺎرﯾﺦ ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿّﺔ ﻓﻌﻨﮫ أﺧﺬت ﻣﻌﻈﻢ ﻛﺘﺐ اﻟﺘﺎرﯾﺦ اﻟﺘﻲ ﺟﺎءت ﺑﻌﺪه ،اﻧﻈﺮ :اﺑﻦ اﻟﺄﺛﯿﺮ ،اﻟﻜﺎﻣﻞ ﻓﻲ اﻟﺘﺎرﯾﺦ ،ج ،2ص .216-213اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،اﻟﺒﺪاﯾﺔ واﻟﻨﮭﺎﯾﺔ ،دﻣﺸﻖ-ﺑﯿﺮوت ،دار اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،2010 ،ج ،7ص .30-28اﺑﻦ ﺧﻠﺪون ،اﻟﻤﻘﺪّﻣﺔ ،ﻣﺞ ،2ص .875-872 .5اﻟﻘﺎھﺮة ،دار اﻟﻤﻌﺎرف /ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﻜﺘﺐ اﻟﻌﻠﻤﯿّﺔ1407 ،ھـ ،ج ،3ص .276-267 .6اﻧﻈﺮ اﻟﻜﻠﺎم اﻟﺬي ﺟﻌﻞ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ﯾﻮﺟّﮭﮫ إﻟﻰ ﺳﺠﺎح ﻗﺒﻞ ﻣﻮاﻗﻌﺘﮭﺎ .اﻟﻤﺼﺪر اﻟﺴﺎﺑﻖ ،ج ،3ص .274-273
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ﯾﺘﺤﺪّث ﻓﻲ ﻓﺼﻞ ﻋﻦ أوّل إﻣﺮأة ﺗﻨﺒّﺄت) ،ھﻜﺬا ﺟﺎء اﻟﻌﻨﻮان( ،ﻟﻜﻦّ ﻣﺤﺘﻮاه ﻣﺮﻛّﺰ ﻓﻲ ﻋﻠﺎﻗﺘﮭﺎ اﻟﺠﻨﺴﯿّﺔ ﻣﻊ ﻣﺴﯿﻠﻤﺔ ،ﻛﻤﺎ ﺻﺎﻏﮭﺎ اﻟﻄﺒﺮي. اﻟﻤﺘﻤﺮدة ﻋﻠﻰ ﺳﻠﻄﺔ اﻟﺨﻼﻓﺔ .2ﻋﺎﺋﺸﺔ :اﻟﻘﺎﺋﺪة ّ ﻟﺌﻦ ﻛﺎن ﻣﻦ اﻟﺴﮭﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺆرّﺧﯿﻦ أن ﯾﺮﻓﻌﻮا ﻓﻲ وﺟﮫ اﻟﺰﻋﯿﻤﺔ ﺳﺠﺎح اﻟﻮﺻﻢ اﻟﺠﻨﺴﻮيّ ،ﻓﻘﺪ ﻛﺎن ﻣﻦ اﻟﺼﻌﺐ ﻋﻠﯿﮭﻢ أن ﯾﺘﺼﺮّﻓﻮا ذات اﻟﺘﺼﺮّف ﻣﻊ إﻣﺮأة ﻟﮭﺎ ﻣﻜﺎﻧﺔ دﯾﻨﯿّﺔ رﻣﺰﯾّﺔ وھﻲ زوج اﻟﺮﺳﻮل ﻋﺎﺋﺸﺔ "اﻟﺤﻤﯿﺮاء اﻟﺘﻲ أﺧﺬ ﻋﻨﮭﺎ اﻟﻤﺴﻠﻤﻮن ﻧﺼﻒ دﯾﻨﮭﻢ" .ﻟﺬﻟﻚ ﺳﯿﺘّﺒﻌﻮن طﺮﻗﺎ أﺧﺮى ﻓﻲ إداﻧﺘﮭﺎ ،ﻟﻌﻞّ أھﻤّﮭﺎ طﺮﯾﻘﺔ اﻟﺮﻣﺰ :اﻟﺠﻤﻞ اﻟﺬي رﻛﺒﺘﮫ ﻋﺎﺋﺸﺔ ھﻮ اﻟﺬي ﺳﯿﻨﻮب ﻋﻨﮭﺎ رﻣﺰﯾّﺎ ﻓﻲ ﺗﻠﻘّﻲ ﺳﮭﺎم اﻟﻨﻘﺪ. ﻟﻘﺪ وﺟﺪﻧﺎ ﻓﻲ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿّﺔ اﻟﻤﺮﻛﻮبَ ﯾﻌﻮّض اﻟﺮاﻛﺐَ ﻓﻲ ﻛﻞّ اﻟﻤﺴﺘﻮﯾﺎت ﺗﻘﺮﯾﺒﺎ. ﻓﻔﻲ ﺗﺴﻤﯿﺔ اﻟﻮاﻗﻌﺔ ،ﯾﺤﻀﺮ اﺳﻢ اﻟﺠﻤﻞ وﯾﻐﯿﺐ اﺳﻢ ﻋﺎﺋﺸﺔ :ﻋﻮض أن ﺗﺴﻤّﻰ "ﺣﺮب ﻋﺎﺋﺸﺔ" ،ﺳُﻤّﯿﺖ "ﺣﺮب اﻟﺠﻤﻞ" ،7وﻋﻮض اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ راﯾﺔ ﻓﻲ ﺟﻤﺎﻋﺔ ﻋﺎﺋﺸﺔ ،وﺟﺪﻧﺎ اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ اﻟﺠﻤﻞ ﺑﻤﺎ ھﻮ ﺻﻨﻮ اﻟﺮاﯾﺔ" :ﻛﺎن ﻟﺎ ﯾﺄﺧﺬ أﺣﺪ اﻟﺰﻣﺎم إﻟﺎّ ﻛﺎن ﻛﻤﻦ ﯾﺤﻤﻞ اﻟﺮاﯾﺔ واﻟﻠﻮاء ﻟﺎ ﯾَﺤﺴُﻦ ﺗﺮﻛﮭﻤﺎ" ،8وﻋﻮض ﺗﺴﻤﯿﺔ اﻟﻮاﺣﺪ ﻣﻦ أﺗﺒﺎع ﻋﺎﺋﺸﺔ ﺑﺎﻟﻌﺎﺋﺸﻲّ )ﻣﺜﻞ ﻋﻠﻮيّ ﻧﺴﺒﺔ إﻟﻰ ﻋﻠﻲّ( ﺳُﻤّﻲ ﺑـ "اﻟﺠﻤﻠﻲّ" ،9وﻋﻮض اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ ﻋﺴﻜﺮ ﻋﺎﺋﺸﺔ ،ﻛﺎن اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ "ﻋﺴﻜﺮ اﻟﺠﻤﻞ" .10وﻓﻲ ﺑﻌﺾ اﻟﺴﯿﺎﻗﺎت ﯾُﻘﺮن ﺑﯿﻦ ﻋﺎﺋﺸﺔ وھﺬه "اﻟﺒﮭﯿﻤﺔ" ﺑﺼﻔﺘﮭﻤﺎ ﻗﺎﺋﺪﺗﯿﻦ :ﺟﺎء ﻓﻲ ﺧﻄﺒﺔ ﻟﻌﻠﻲّ ﻓﻲ اﻟﺒﺼﺮة ﺑﻌﺪ ھﺰﯾﻤﺔ أھﻠﮭﺎ أﺻﺤﺎب اﻟﺠﻤﻞ "ﯾﺎ أھﻞ اﻟﺒﺼﺮة ﺟﻨﺪ اﻟﻤﺮأة وأﺗﺒﺎع اﻟﺒﮭﯿﻤﺔ ،رﻏﺎ )أي اﻟﺠﻤﻞ( ﻓﻘﺎﺗﻠﺘﻢ وﻋُﻘﺮ ﻓﺎﻧﮭﺰﻣﺘﻢ ،أﺧﻠﺎﻗﻜﻢ دﻗﺎق وﻋﮭﺪﻛﻢ ﺷﻘﺎق".11 وﻣﻦ اﻟﻠﺎﻓﺖ ﻟﻠﺎﻧﺘﺒﺎه ﻋﻨﺪ اﻟﻨﻈﺮ ﻓﻲ اﻟﻤﻮادّ اﻟﻤﻌﺠﻤﯿّﺔ ﻟﻜﻠﻤﺘﻲ "ﺟﻤﻞ" و"ﻧﺎﻗﺔ" ،اﻟﺤﻀﻮر اﻟﺒﺎرز ﻟﺎﻗﺘﺮان اﻟﺠﻤﻞ ﺑﺪﻟﺎﻟﺎت اﻟﮭﻮَج واﻟﺮﻋُﻮﻧﺔ ،وﻋﺪم اﻟﺘﺬﻟّﻞ ،وﺗﻤﺜﯿﻞ "ﺷﺪّة اﻟﺬﻛﻮرة"؛ وﻟﺎﻗﺘﺮان اﻟﻨﺎﻗﺔ ﻓﻲ اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ﺑﺎﻟﺎﻧﺼﯿﺎع واﻟﺘﺬﻟّﻞ واﻟﺮﺷﺎد واﻟﺮﺻﺎﻧﺔ واﻟﻤﺴﺎﻟﻤﺔ .ﻓﺎﻟﻨﺎﻗﺔ ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ -ﻓﻲ اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺪﯾﻨﯿّﺔ –ﺑﺎﻟﮭﺪاﯾﺔ وﺑﺎﻟﺄﻧﺒﯿﺎء ،ﻣﻦ ﻗﺒﯿﻞ "ﻧﺎﻗﺔ ا " اﻟﺘﻲ ﻛﺎﻧﺖ آﯾﺔ ﻋﻠﻰ ﺻﺪق ﻧﺒﻮّة ﺻﺎﻟﺢ ،12واﻟﺘﻲ ﺣﺬّر ا ﺛﻤﻮدا ﻣﻦ اﻟﺎﻋﺘﺪاء ﻋﻠﯿﮭﺎ13؛ وﻧﺎﻗﺔ اﻟﺮﺳﻮل 14اﻟﺘﻲ ﺑﺮزت ﻓﻲ اﻟﺤﺪث اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲّ ﻟﻠﺪﻋﻮة ﻓﻲ اﻟﻤﺪﯾﻨﺔ ،واﻟﺘﻲ اﺧﺘﺎرت "ﻟﺄﻧّﮭﺎ ﻣﺄﻣﻮرة"-ﻣﻮﺿﻊَ أوّلِ ﻣﺴﺠﺪ ﻓﻲ اﻟﺈﺳﻠﺎم .15ﻓﻲ ﺣﯿﻦ ارﺗﺒﻂ اﻟﺠﻤﻞ ﺑﺎﻟﺎﻧﺪﻓﺎع وﻋﺪم اﻟﺎﻧﻘﯿﺎد.وﻟﻠﺘﻌﺒﯿﺮ ﻋﻦ اﻟﺘﺮوﯾﺾ اﻟﻨﺎﺟﺢ ﻣﻌﮫ ﺗُﺴﺘَﻌﻤَﻞ اﺷﺘﻘﺎﻗﺎتٌ ﻣﻦ ﺟﺬر ﻛﻠﻤﺔ "اﻟﻨﺎﻗﺔ"" :16ﻓﻲ اﻟﻤﺜﻞ اﺳﺘﻨْﻮَق اﻟﺠﻤﻞُ ،ﺻﺎر ﻛﺎﻟﻨﺎﻗﺔ ﻓﻲ ذﻟّﮭﺎ"" ،وأﻧﺸﺪ اﻟﻔﺮّاء: ھﺰزﺗُﻜﻢ ﻟﻮ أنَّ ﻓﯿﻜﻢ ﻣﮭﺰّةً **** وذﻛَّﺮْتُ ذا اﻟﺘﺄﻧﯿﺚِ ﻓﺎﺳﺘﻨْﻮقَ اﻟﺠﻤﻞُ". وﺗﻜﺘﻤﻞ أرﻛﺎن ھﺬا اﻟﺘﻮظﯿﻒ اﻟﺮﻣﺰيّ ﻟﻠﺠﻤﻞ ﺑﺠﻌﻞ ﻋﺎﺋﺸﺔ ﺗﻌﺰف ﻋﻦ رﻛﻮﺑﮫ ﻣﺮّة ﺛﺎﻧﯿﺔ ﺑﻌﺪ ھﺰﯾﻤﺘﮭﺎ أﻣﺎم ﻋﻠﻲّ :ﻗﺎل أﺣﺪ أﺗﺒﺎع ﻋﻠﻲّ" :أﻣﺮﻧﻲ اﻟﺄﺷﺘﺮ أن أﺷﺘﺮي ﻟﮫ أﺛﻤﻦ ﺑﻌﯿﺮ ﺑﺎﻟﺒﺼﺮة ﻓﻔﻌﻠﺖ: ﻓﻘﺎل :إﯾﺖِ ﺑﮫ ﻋﺎﺋﺸﺔ ،وأﻗﺮﺋﮭﺎ ﻣﻨّﻲ اﻟﺴﻠﺎم ،ﻓﻔﻌﻠﺖ ،ﻓﺪﻋﺖ ﻋﻠﯿﮫ وﻗﺎﻟﺖ :اردُده ﻋﻠﯿﮫ" .17أرﻛﺎن اﻟﺨﺒﺮ ﻛﺄﻧّﮭﺎ اﺧﺘﺒﺎر ﻟﻌﺎﺋﺸﺔ :إن ﻗﺒﻠﺖ رﻛﻮب اﻟﺠﻤﻞ ﻣﻦ ﺟﺪﯾﺪ ﻓﻤﻌﻨﺎه أﻧّﮭﺎ ﻣﺎﺿﯿﺔ ﻓﻲ "ﻋﺼﯿﺎﻧﮭﺎ" ،وإن رﻓﻀﺖ ﻣﻌﻨﺎه أﻧّﮭﺎ ﺗﺎﺑﺖ وﻋﺰﻣﺖ ﻋﻠﻰ اﻟﺎﺳﺘﻘﺎﻣﺔ "اﻟﺄﻧﺜﻮﯾّﺔ" وھﻲ ﻣﻠﺎزﻣﺔ اﻟﺒﯿﺖ ،وﻋﻠﻰ ﺗﺮك اﻟﺤﺮب "ﻟﺮﺟﺎﻟﮭﺎ" ﻛﻤﺎ ﺟﺎء ﻓﻲ أﻗﻮال اﻟﻌﺪﯾﺪ ﻣﻤّﻦ ﻟﺎﻣﮭﺎ ﻋﻠﻰ ھﺬا اﻟﺨﺮوج .وﺟﻌﻞ ﻣﻨﺘﺞ اﻟﺨﻄﺎب ﻋﺎﺋﺸﺔ ﺗﺮﻓﺾ رﻛﻮب اﻟﺠﻤﻞ ﻣﺮّة أﺧﺮى ،ﺑﻞ ﺗﻐﻀﺐ ﻋﻠﻰ ﻣﻦ اﻗﺘﺮح ﻋﻠﯿﮭﺎ رﻛﻮﺑﮫ ،وھﺬا دﻟﯿﻞ ﺗﻮﺑﺘﮭﺎ وﻋﺰﻣﮭﺎ ﻋﻠﻰ ﻋﺪم "رﻛﻮب اﻟﻤﻌﺼﯿﺔ" ﻟﺎﺣﻘﺎ .وﻣﻊ اﻟﻘﻄﯿﻌﺔ اﻟﺘﻲ ﺣﺪﺛﺖ ﺑﯿﻦ اﻟﺮاﻛﺐ واﻟﻤﺮﻛﻮب ،ﺗﻨﺘﮭﻲ اﻟﻔﺘﻨﺔ وﺗﻨﺘﮭﻲ اﻟﻤﺂﺳﻲ اﻟﻨﺎﺟﻤﺔ ﻋﻦ "رﻋﻮﻧﺔ اﻟﺠﻤﻞ". وﻓﻲ ذات ھﺬا اﻟﻤﺴﺎر اﻟﻘﺪﺣﻲّ ،ﯾﺘﻮاﺻﻞ ﺣﺪﯾﺚ اﻟﻤﺆرّخ ﻋﻦ اﻟﺠﻤﻞ وﯾﺨﺼّﺺ ﻟﮫ ﻓﻲ أطﻮار اﻟﺤﺮب ﻣﺴﺎﺣﺔ ﻧﺼّﯿّﺔ ھﺎﻣّﺔ ،ﺗﺘﻈﺎﻓﺮ ﻣﻘﺎطﻌﮭﺎ ﻟﺘﺼﻮﯾﺮ اﻟﻌﻮاﻗﺐ اﻟﻮﺧﯿﻤﺔ "ﻟﺮﻛﻮﺑﮫ" .وﻛﺎن أﺑﺮز ﻣﻮﻗﻒ أﻋﺮب ﻋﻨﮫ اﻟﻤﺆرّخ ھﻮ أنّ ھﺬا اﻟﺠﻤﻞ ﻧﺬﯾﺮ ﺷﺆم .ﻓﻜﻞّ ﻣﻦ اﺗّﺒﻌﮫ ﻗُﺘﻞ أو ﻛﺎد أن ﯾُﻘﺘَﻞ ،وھﻮ ﻣﺎ ﯾﻌﻨﻲ أنّ اﺗّﺒﺎعَ ﺻﺎﺣﺒﺘﮫ وﺧﯿﻤﺔٌ ﻋﻮاﻗﺒُﮫ .وﻛﺎﻧﺖ ﺻﻮر اﻟﮭﺰﯾﻤﺔ ﻣﺮﻛّﺰة ﻓﯿﮫ :18ﻛﻞّ ﻣﻦ ﯾﺄﺧﺬ ﺑﺰﻣﺎﻣﮫ ﯾُﻘﺘﻞ ،19ﺣﺘّﻰ .7اﻟﻤﺼﺪر اﻟﺴﺎﺑﻖ ،ج ،4ص .529 ،514 ،512 ،511 ،508 . 8ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺮدّة واﻟﻔﺘﻮح وﻛﺘﺎب اﻟﺠﻤﻞ وﻣﺴﯿﺮ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻠﻲّ ،اﻟﺮﯾﺎض ،دار أﻣﯿّﺔ ﻟﻠﻄﺒﺎﻋﺔ واﻟﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ، ،1997ص .338 .9اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر ،ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب ،ﻣﺎدّة "ﺟﻤﻞ". .10اﺑﻦ أﺑﻲ اﻟﺤﺪﯾﺪ ،ﺷﺮح ﻧﮭﺞ اﻟﺒﻠﺎﻏﺔ ،اﻟﻌﺮاق ،دار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻌﺮﺑﻲ ،2007 ،ﻣﺞ ،1ص .159 .11أﺣﻤﺪ ﺑﻦ داود اﻟﺪﯾﻨﻮري ،اﻟﺄﺧﺒﺎر اﻟﻄﻮال ،ﻣﺼﺮ ،ﻣﻄﺒﻌﺔ اﻟﺴﻌﺎدة1330 ،ھـ ،ص .153 .12أﺑﻮ ﺟﻌﻔﺮ ﺑﻦ ﺟﺮﯾﺮ اﻟﻄﺒﺮي ،ﺟﺎﻣﻊ اﻟﺒﯿﺎن ﻋﻦ ﺗﺄوﯾﻞ آي اﻟﻘﺮآن ،ﺑﯿﺮوت ،ﻣﺆﺳّﺴﺔ اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ،1994 ،ﻣﺞ ،3ص .459 .13اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ﻣﺞ ،7ص .530-528 . 14ﺧﺼّﺺ ﺟﺎﻣﻌﻮ اﻟﺄﺣﺎدﯾﺚ ،ﺑﺎﺑﺎ ﻟﻨﺎﻗﺔ اﻟﺮﺳﻮل .اﻧﻈﺮ ﺻﺤﯿﺢ اﻟﺒﺨﺎري ،ﻛﺘﺎب اﻟﺠﮭﺎد ،ﺑﺎب "ﻧﺎﻗﺔ اﻟﻨﺒﻲّ )ص(" ،ﺑﺎب ،59 دﻣﺸﻖ ،دار اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،ص .1054-1053 .15ﻋﺒﺪ اﻟﻤﻠﻚ ﺑﻦ ھﺸﺎم ،اﻟﺴﯿﺮة اﻟﻨﺒﻮﯾّﺔ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﻘﻠﻢ ،د.ت ،ج ،2ص .141-139 .16ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب ،ﻣﺎدّة "ﻧﻮق". .17ﺗﺎرﯾﺦ اﻟﻄﺒﺮي ،ج ،4ص .542-541 18ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺮدّة.342-329 ،
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أﺻﺒﺢ اﻟﻘﻀﺎء ﻋﻠﯿﮫ ﺷﺮطﺎ وﺣﯿﺪا ﻟﺈﻧﻘﺎذ اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﻣﻦ اﻟﮭﻠﺎك ،وﻓﻲ ﻣﻘﺪّﻣﺘﮭﻢ ﻋﺎﺋﺸﺔ" :ﻗﺎل اﻟﻘﻌﻘﺎع :ﯾﺎ ﺑﺠﯿﺮ ﺑﻦ دﻟﺠﺔ ،ﺻﺢ ﺑﻘﻮﻣﻚ ﻟﯿﻌﻘﺮوا اﻟﺠﻤﻞ ﻗﺒﻞ أن ﯾﺼﺎﺑﻮا وﺗﺼﺎب أمّ اﻟﻤﺆﻣﻨﯿﻦ" .20وﻓﻲ ﺧﺒﺮ آﺧﺮ "ﻟﺰم اﻟﺨﻄﺎمَ ﯾﻮم اﻟﺠﻤﻞ ﺳﺒﻌﻮن رﺟﻠﺎ ﻣﻦ ﻗﺮﯾﺶ ﻛﻠّﮭﻢ ﯾُﻘﺘَﻞ وھﻮ آﺧﺬ ﺑﺎﻟﺨﻄﺎم" .21وﺻﺎح ﻋﻠﻲّ ﻋﻨﺪﻣﺎ اﻧﺘﺒﮫ إﻟﻰ ﺗﻌﻘّﺪ اﻟﻮﺿﻊ واﺣﺘﺪاد اﻟﺼﺮاع وﺗﺰاﯾﺪ اﻟﻘﺘﻠﻰ" :اﻋﻘﺮوا اﻟﺠﻤﻞ ،ﻓﺈﻧّﮫ إن ﻋﻘﺮ ﺗﻔﺮّﻗﻮا" .وﯾﻌﻠّﻖ اﺑﻦ اﻟﺰﺑﯿﺮ "ﻓﻀﺮﺑﮫ رﺟﻞ ﻓﺴﻘﻂ ،ﻓﻤﺎ ﺳﻤﻌﺖ ﺻﻮﺗﺎ ﻗﻂّ أﺷﺪّ ﻣﻦ ﻋﺠﯿﺞ اﻟﺠﻤﻞ".22 وﻓﻲ اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ،ﺑﻤﺠﺮّد أن ﯾُﻘﺘﻞ اﻟﺠﻤﻞ وﺗﻨﺘﮭﻲ اﻟﺤﺮب ،ﯾﺤﻀﺮ اﻟﺨﺪر واﻟﺴﺘﺮ ﻟﻠﻤﺮأة ،وھﻤﺎ اﻟﻠﺬان ﻏﻔﻠﺖ ﻋﻨﮭﻤﺎ ﻋﺎﺋﺸﺔ ﻓﻲ اﻟﺒﺪاﯾﺔ رﻏﻢ أﻧّﮭﻤﺎ ﯾﻤﺜّﻠﺎن اﻟﻮﺿﻊ اﻟﻄﺒﯿﻌﻲّ واﻟﺴﻠﯿﻢ ﻓﻲ ﻧﻈﺮ ﻣﻨﺘﺞ اﻟﺨﻄﺎب. وﯾﺘﺪارك اﻟﺮﺟﻞ "اﻟﺤﻜﯿﻢ" ھﻔﻮات اﻟﻤﺮأة "اﻟﺮﻋﻨﺎء" :ﻓﻘﺪ أﻣﺮ ﻋﻠﻲّ ﺑﻀﺮب ﻗﺒّﺔ ﻋﻠﻰ ﻋﺎﺋﺸﺔ ،ﻣﺒﺎﺷﺮة ﺑﻌﺪ اﻟﻘﻀﺎء ﻋﻠﻰ اﻟﺠﻤﻞ .23وﻗﺪ أﻛّﺪ ﻣﻌﻨﻰ ﻣﺨﺎﻟﻔﺔ ﻋﺎﺋﺸﺔ ﻟﻠﺄﻣﺮ اﻟﺈﻟﮭﻲّ اﺑﻦ اﻟﻌﻤﺎد اﻟﺤﻨﺒﻠﻲ ،ﻓﻲ "ﺷﺬرات اﻟﺬھﺐ" :ﺧﻄﺐ ﻋﻤّﺎر ﺑﻦ ﯾﺎﺳﺮ ﻓﻲ أھﻞ اﻟﻤﺪﯾﻨﺔ وﻓﻲ أھﻞ اﻟﻜﻮﻓﺔ ﯾﺴﺘﻨﻔﺮھﻢ ﻟﻠﻘﺘﺎل ﻣﻊ ﻋﻠﻲّ" :إﻧّﻲ ﻟﺄﻋﻠﻢ أﻧّﮭﺎ زوﺟﺔ ﻧﺒﯿّﻜﻢ ﻓﻲ اﻟﺪﻧﯿﺎ وﻓﻲ اﻟﺂﺧﺮة ،وﻟﻜﻦّ ا اﺑﺘﻠﺎﻛﻢ ﻟﯿﻌﻠﻢ أﺗﻄﯿﻌﻮﻧﮫ ،أم ﺗﻄﯿﻌﻮﻧﮭﺎ" .24أﺻﺒﺤﻨﺎ إزاء ﻗﻄﺒﯿﻦ ﻣﺘﻌﺎرﺿﯿﻦ :ﻗﻄﺐ اﻟﺄﻣﺮ اﻟﺈﻟﮭﻲّ اﻟﺬي ﯾﻜﻔﺮ ﻛﻞّ ﻣﻦ ﯾﺨﺎﻟﻔﮫ ،وﻗﻄﺐ اﻟﻤﺮأة اﻟﻀﺎﻟّﺔ اﻟﺘﻲ ﯾﮭﺘﺪي ﻛﻞّ ﻣﻦ ﯾﺨﺎﻟﻔﮭﺎ .إﻧّﮭﺎ ﺻﯿﻐﺔ ﻓﻲ اﻟﺘﻘﺎﺑﻞ ﺗﻮظّﻒ ﻣﺎ اﺳﺘﻘﺮّ ﻓﻲ اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺪﯾﻨﯿّﺔ ﻣﻦ ﺗﺤﺪّي إﺑﻠﯿﺲ :ﻗﺎل اﻟﻄﺒﺮي" :اﻟﻘﻮل ﻓﻲ ﺗﺄوﯾﻞ ﻗﻮﻟﮫ ﺗﻌﺎﻟﻰ "ﻗﺎل اذھﺐ ﻓﻤﻦ ﺗﺒﻌﻚ ﻣﻨﮭﻢ ﻓﺈنّ ﺟﮭﻨّﻢ ﺟﺰاؤﻛﻢ ﺟﺰاء ﻣﻮﻓﻮرا"، ﯾﻘﻮل ﺗﻌﺎﻟﻰ ذﻛﺮه ...ﻓﻤﻦ ﺗﺒﻌﻚ ﻣﻨﮭﻢ ،ﯾﻌﻨﻲ ﻣﻦ ذرﯾّﺔ آدم ﻋﻠﯿﮫ اﻟﺴﻠﺎم ﻓﺄطﺎﻋﻚ ،ﻓﺈنّ ﺟﮭﻨّﻢ ﺟﺰاؤك وﺟﺰاؤھﻢ".25 وﻛﺎﻧﺖ ﺣﺮب اﻟﺠﻤﻞ ﻣﻨﻄﻠﻘﺎ ﻟﺈداﻧﺔ دﯾﻨﯿّﺔ ﻟﺰﻋﺎﻣﺔ اﻟﻤﺮأة .ﺟﺎء ﻓﻲ ﺻﺤﯿﺢ اﻟﺒﺨﺎري ،ﻓﻲ ﻛﺘﺎب اﻟﻔﺘﻦ: "ﻋﻦ أﺑﻲ ﺑﻜﺮة ﻗﺎل :ﻟﻘﺪ ﻧﻔﻌﻨﻲ ا ﺑﻜﻠﻤﺔ أﯾّﺎم اﻟﺠﻤﻞ ،ﻟﻤّﺎ ﺑﻠﻎ اﻟﻨﺒﻲَّ )ص( أنّ ﻓﺎرﺳﺎ ﻣﻠّﻜﻮا اﺑﻨﺔ ﻛﺴﺮى ﻗﺎل :ﻟﻦ ﯾﻔﻠﺢ ﻗﻮم وﻟّﻮا أﻣﺮھﻢ إﻣﺮأة" .26وﺳﯿﺘﺤﻮّل ھﺬا اﻟﺤﺪﯾﺚ ﺗﺤﺪﯾﺪا إﻟﻰ ﻣﺒﺮّر "ﻟﺈﻗﺼﺎء اﻟﻤﺮأة اﻟﻤﺴﻠﻤﺔ ﻋﻦ ﺗﻮﻟّﻲ اﻟﻤﻨﺎﺻﺐ اﻟﻌﻠﯿﺎ ﻓﻲ اﻟﺪوﻟﺔ واﻟﻘﻀﺎء واﻟﺤﯿﺎة اﻟﻌﺎﻣّﺔ".27 .3اﻟﻜﺎھﻨﺔ دھﯿﺎ وﻛﺴﺮ ﺷﻮﻛﺔ اﻟﻔﺎﺗﺤﯿﻦ ﻗُﺪِّﻣﺖ اﻟﻜﺎھﻨﺔ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿّﺔ ،ﻓﻲ ﺻﻮرة اﻟﻤﺮأة ذات اﻟﻤﻜﺎﻧﺔ اﻟﻌﺎﻟﯿﺔ واﻟﻨﻔﻮذ اﻟﻜﺒﯿﺮ ﻓﻲ اﻟﺒﺮﺑﺮ .ﻓﮭﻲ "ﻣﻠﻜﺔ اﻟﺒﺮﺑﺮ" ،28وھﻲ اﻟﺘﻲ ﻗﺎدﺗﮭﻢ ﺑﻌﺪ ﻣﻘﺘﻞ ﻛﺴﯿﻠﺔ .وﺳﻤّﯿﺖ ﺑﺎﻟﻜﺎھﻨﺔ ﻟﺄﻧّﮭﺎ "ﻛﺎﻧﺖ ﺗﺨﺒﺮ ﺑﺄﺷﯿﺎء ﻣﻦ اﻟﻐﯿﺐ" .29وﻛﺎﻧﺖ ﺻﺎدﻗﺔ ﻓﻲ ﻛﮭﺎﻧﺘﮭﺎ وﻋﻠﻤﮭﺎ ﺑﺎﻟﺄﺷﯿﺎء اﻟﺨﻔﯿّﺔ واﻟﺄﺣﺪاث اﻟﻘﺎﺑﻠﺔ .30و"ھﻲ اﻣﺮأة ﺑﺠﺒﻞ أوراس ...ﺟﻤﯿﻊ ﻣﻦ ﺑﺈﻓﺮﯾﻘﯿّﺔ ﻣﻦ اﻟﺮوم ﻣﻨﮭﺎ ﺧﺎﺋﻔﻮن ،وﺟﻤﯿﻊ اﻟﺒﺮﺑﺮ ﻟﮭﺎ ﻣﻄﯿﻌﻮن".31 وﻟﺬﻟﻚ ﻧﺼﺢ اﻟﻌﺎرﻓﻮن ﺑﮭﺎ اﻟﻘﺎﺋﺪ اﻟﻌﺮﺑﻲ ﺣﺴّﺎن ﺑﻦ اﻟﻨﻌﻤﺎن ﺑﺄن ﯾﻘﻀﻲ ﻋﻠﯿﮭﺎ ﻟﺄﻧّﮫ إن ﻓﻌﻞ "ﯾﺌﺲ اﻟﺒﺮﺑﺮ واﻟﺮوم ﺑﻌﺪھﺎ أن ﯾﻜﻮن ﻟﮭﻢ ﻣﻠﺠﺄ ﺣﺘّﻰ ﯾﻠﻘﻮا ﺑﺄﯾﺪﯾﮭﻢ ﻓﻲ ﯾﺪك ،ﻓﯿﺪﯾﻦ ﻟﻚ اﻟﻐﺮب ﻛﻠّﮫ" .32وأﻛّﺪ ﺑﻌﺾ اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت ھﺬه اﻟﺰﻋﺎﻣﺔَ "اﻟﺮﻋﻨﺎء" ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﻟﻤﺒﺎﻟﻐﺔ ﻓﻲ وﺻﻒ ﺟﺒﺮوت اﻟﻜﺎھﻨﺔ وﺟﻮرھﺎ" :وﻣﻠﻜﺖ اﻟﻜﺎھﻨﺔ إﻓﺮﯾﻘﯿّﺔ ﻛﻠّﮭﺎ وأﺳﺎءت اﻟﺴﯿﺮة ﻓﻲ أھﻠﮭﺎ وﻋﺴﻔﺘﮭﻢ وظﻠﻤﺘﮭﻢ" ،33ﻣﻤّﺎ دﻓﻌﮭﻢ إﻟﻰ اﻟﺎﺳﺘﻐﺎﺛﺔ ﺑﺎﻟﺰﻋﯿﻢ اﻟﻌﺮﺑﻲّ اﻟﻤﺴﻠﻢ ﺣﺴّﺎن ﺑﻦ اﻟﻨﻌﻤﺎن .وﻟﺎ ﯾﻌﺪو ھﺬا اﻟﺘﺄﻛﯿﺪ أن ﯾﻜﻮن ﺻﺪى ﻟﻤﺎ ﯾﺼﺪر ﻋﻨﮫ ﻣﻨﺘﺞ اﻟﺨﻄﺎب ﻣﻦ أﺣﻜﺎم ﻣﺴﺒﻘﺔ ﺣﻮل طﺒﯿﻌﺔ اﻟﺰﻋﺎﻣﺔ اﻟﻨﺴﺎﺋﯿّﺔ .ﻓﮭﻲ ﻋﻨﺪه ﻟﺎ ﯾﻤﻜﻦ أن ﺗﻜﻮن إﻟﺎّ "رﻋﻨﺎء"، و"ﺿﺤﺎﯾﺎھﺎ" ﯾﮭﺮﻋﻮن إﻟﻰ اﻟﺰﻋﺎﻣﺔ اﻟﺮﺟﺎﻟﯿّﺔ ﻟﻠﺎﺳﺘﻨﺠﺎد ﺑﮭﺎ .وﯾﺼﻞ اﺑﻦ ﺧﻠﺪون إﻟﻰ درﺟﺔ ﻛﺒﯿﺮة ﻣﻦ اﺳﺘﻨﻘﺎص ھﺬه اﻟﺰﻋﺎﻣﺔ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﻋﺮض أﺧﺒﺎر اﻟﻜﺎھﻨﺔ .ﻓﮭﻮ ﯾﻨﻔﻲ أن ﺗﻜﻮن ﺗﺰﻋّﻤﺖ ﻗﻮﻣﮭﺎ زﻧﺎﺗﺔ "أﻋﻈﻢ ﻗﺒﺎﺋﻞ اﻟﺒﺮﺑﺮ" ﻛﻤﺎ ﻗﺎل ،ﺑﺬاﺗﮭﺎ أو ﺑﺨﺼﺎل ﺗﺆھّﻠﮭﺎ .ﺑﻞ ھﻲ ﺗﺰﻋّﻤﺘﮭﻢ ﺑﻔﻀﻞ أﺑﻨﺎﺋﮭﺎ اﻟﺬﻛﻮر اﻟﺬﯾﻦ "ورﺛﻮا .19اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ341 ، .20اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ.342 ، .21اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ.346 ، .22ﺗﺎرﯾﺦ اﻟﻄﺒﺮي ،ج ،4ص .519 .23اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ج ،4ص .519 .24اﺑﻦ اﻟﻌﻤﺎد ،ﺷﺬرات اﻟﺬھﺐ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،1986 ،ج ،1ص .205 .25اﻟﻄﺒﺮي ،ﺟﺎﻣﻊ اﻟﺒﯿﺎن ،ﻣﺞ ،5ص .46-45 .26ﺻﺤﯿﺢ اﻟﺒﺨﺎري ،ﻛﺘﺎب اﻟﻔﺘﻦ ،ﺑﺎب "اﻟﻔﺎﺗﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻤﻮج ﻛﻤﻮج اﻟﺒﺤﺮ" رﻗﻢ ،17ﺣﺪﯾﺚ رﻗﻢ .6686اﻟﺠﺪﯾﺮ ﺑﺎﻟﻤﻠﺎﺣﻈﺔ أنّ اﻟﺒﺨﺎري ﯾﺸﻔﻊ ھﺬا اﻟﺤﺪﯾﺚ ﺑﺄﺧﺒﺎر ﺧﺮوج ﻋﺎﺋﺸﺔ ﻋﻠﻰ ﻋﻠﻲّ ﻣﻊ اﻟﺘﺮﻛﯿﺰ ﻋﻠﻰ ﻣﺨﺎﻟﻔﺘﮭﺎ ﻟﻠﺼﻮاب ﻓﯿﻤﺎ ﻓﻌﻠﺖ .وﻋﻠﺎوة ﻋﻠﻰ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺴﻨّﻲّ ﻧﺠﺪ اﻟﺸﯿﻌﺔ ﯾﻮاﻓﻘﻮن ﻋﻠﻰ ﺻﺤّﺔ اﻟﺨﺒﺮ وﯾﻨﻘﻠﻮﻧﮫ ﻋﻦ اﻟﺒﺨﺎري ﺑﺎﻟﺬات ،ﻣﻦ أﺟﻞ إداﻧﺔ ﺧﺮوج ﻋﺎﺋﺸﺔ ﻋﻠﻰ ﻋﻠﻲّ. اﻧﻈﺮ ﺑﺤﺎر اﻟﺄﻧﻮار ﻟﻠﻤﺠﻠﺴﻲ ،ج ،32ص .194 . 27ﻋﺒﺪ اﻟﻤﺠﯿﺪ اﻟﺸﺮﻓﻲ ،ﻟﺒﻨﺎت ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ واﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﻤﺪار اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،2013 ،ص .235 .28اﺑﻦ ﻋﺒﺪ اﻟﺤﻜﻢ ،ﻓﺘﻮح إﻓﺮﯾﻘﯿﺎ واﻟﺄﻧﺪﻟﺲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻣﻜﺘﺒﺔ اﻟﻤﺪرﺳﺔ ودار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻠﺒﻨﺎﻧﻲ ،1964 ،ص .63 .29اﺑﻦ اﻟﺄﺛﯿﺮ ،اﻟﻜﺎﻣﻞ ﻓﻲ اﻟﺘﺎرﯾﺦ ،ج ،4ص .135 .30اﺑﻦ ﻋﺬاري اﻟﻤﺮّاﻛﺸﻲ ،اﻟﺒﯿﺎن اﻟﻤﻐﺮب ﻓﻲ أﺧﺒﺎر اﻟﺄﻧﺪﻟﺲ واﻟﻤﻐﺮب ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ ،1983 ،ج ،1ص .38-37 .31اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ج ،1ص .35 .32اﻟﺮﻗﯿﻖ اﻟﻘﯿﺮواﻧﻲ ،ﺗﺎرﯾﺦ إﻓﺮﯾﻘﯿّﺔ واﻟﻤﻐﺮب ،اﻟﻘﺎھﺮة ،دار اﻟﻔﺮﺟﺎﻧﻲ ﻟﻠﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ ،1994 ،ص .46 .33ﺗﺎرﯾﺦ اﺑﻦ اﻟﺄﺛﯿﺮ ،ج ،4ص .136
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رﯾﺎﺳﺔ ﻗﻮﻣﮭﻢ ﻋﻦ ﺳﻠﻔﮭﻢ" ﻋﻤﻠﺎ ﺑﻤﺒﺪأ ﺗﻮارث اﻟﺴﻠﻄﺔ ﻓﻲ إطﺎر اﻟﻌﺼﺒﯿّﺔ اﻟﺬﻛﻮرﯾّﺔ اﻟﻮاﺣﺪة ﺣﺴﺐ ﺗﺼﻮّره .ﻟﻜﻦ ﻟﺄﻧّﮭﻢ "رﺑّﻮا ﻓﻲ ﺣﺠﺮھﺎ" "اﺳﺘﺒﺪّت ﻋﻠﯿﮭﻢ" وﺣﻜﻤﺖ ﻗﻮﻣﮭﺎ "ﺑﮭﻢ" :إنّ "ﺑﺎء اﻟﻮﺳﯿﻠﺔ" ھﻨﺎ ھﺎﻣّﺔ ﻟﺄﻧّﮭﺎ ﺗﻐﯿّﺮ دﻟﺎﻟﺔ زﻋﺎﻣﺔ ھﺬه اﻟﻤﺮأة ﺗﻐﯿﯿﺮا ﺟﻮھﺮﯾّﺎ :ﻟﻮﻟﺎ أﺑﻨﺎؤھﺎ اﻟﺬﻛﻮر ﻣﺎ ﻛﺎن ﻟﮭﺎ أن ﺗﺤﻜﻢ ،وﻟﺎ ﻛﺎﻧﺖ أھﻠﺎ ﻟﺄن ﺗﺤﻜﻢ .ﻓﺎﻟﺄﺑﻨﺎء اﻟﺬﻛﻮر إذن ھﻢ اﻟﻮﺳﯿﻠﺔ اﻟﺄوﻟﻰ اﻟﺘﻲ ﻣﻜّﻨﺘﮭﺎ ﻣﻦ اﻟﺤﻜﻢ .أﻣّﺎ اﻟﻮﺳﯿﻠﺔ اﻟﺜﺎﻧﯿﺔ –وھﻲ "اﻟﻜﮭﺎﻧﺔ واﻟﻤﻌﺮﻓﺔ ﺑﺎﻟﻐﯿﺐ"-ﻓﮭﻲ ﻗﺪرة ﻋﺠﯿﺒﺔ ﯾﺆﺗﺎھﺎ ﺑﻌﺾ اﻟﺒﺸﺮ ،وﺗﻤﻜّﻨﮭﻢ ﻣﻦ ﻣﻌﺮﻓﺔ اﻟﻐﯿﺐ، ﻟﻜﻨّﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺄﻏﻠﺐ ﻗﺪرة ذﻛﻮرﯾّﺔ .وﻣﺎ ﺗﻮﻓّﺮھﺎ ﻓﻲ اﻟﻜﺎھﻨﺔ إﻟﺎّ ﻣﻦ ﺑﺎب اﻟﺎﺳﺘﺜﻨﺎءات .ﻓﻀﻠﺎ ﻋﻦ ذﻟﻚ ﺳﺘﻜﻮن ﻛﮭﺎﻧﺘﮭﺎ ﺳﺒﺐ ﻧﺠﺎة اﻟﺄﺑﻨﺎء اﻟﺬﻛﻮر ،وﻟﻦ ﺗﻔﻠﺢ ﻣﻌﮭﺎ ھﻲ" :وﻛﺎن ﻟﻠﻜﺎھﻨﺔ اﺑﻨﺎن ﻗﺪ ﻟﺤﻘﺎ ﺑﺤﺴّﺎن ﻗﺒﻞ اﻟﻮاﻗﻌﺔ ،أﺷﺎرت ﻋﻠﯿﮭﻤﺎ ﺑﺬﻟﻚ أﻣّﮭﻤﺎ دھﯿﺎ ﻟﺈﺷﺎرة ﻋﻠﻢٍ ﻛﺎن ﻟﺪﯾﮭﺎ ﻓﻲ ذﻟﻚ ﻣﻦ ﺷﯿﻄﺎﻧﮭﺎ ﻓﺘﻘﺒّﻠﮭﻤﺎ ﺣﺴّﺎن، وﺣﺴﻦ إﺳﻠﺎﻣﮭﻤﺎ واﺳﺘﻘﺎﻣﺖ طﺎﻋﺘﮭﻤﺎ" ،ﺑﯿﻨﻤﺎ ﻗﺘﻠﺖ ھﻲ .34إﻧّﮭﺎ ﺣﻤﻘﺎء :ﺳﻠّﻤﺖ وﻟﺪﯾﮭﺎ ﻟﻠﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﻓﻨﺠﻮا، وھﻠﻜﺖ وﻗﻮﻣﮭﺎ. ﺧﺎﺗﻤــﺔ إنّ ھﺬه اﻟﺪﻟﺎﻟﺎت اﻟﻤﺸﻜّﻠﺔ واﻟﺘﻲ ﺗﺘﺒﻌﻨﺎھﺎ ﻓﻲ ﺧﻄﺎﺑﺎت اﻟﻤﺆرّﺧﯿﻦ اﻟﻔﻘﮭﺎء ،ھﻲ ﺛﻮاﺑﺖ ﯾﺼﺪر ﻋﻨﮭﺎ اﻟﻌﻘﻞ اﻟﺬﻛﻮريّ .إﻧّﮫ ﻋﻘﻞ ﺳﻠﻄﻮيّ ﻓﻘﮭﻲّ ﺑﺎﻟﺄﺳﺎس ،وﻟﺎ ﯾﺸﻤﻞ ﻛﻞّ اﻟﺤﻘﻮل اﻟﻤﻌﺮﻓﯿّﺔ .ﺑﻞ ﯾﺒﺮز ﺑﻌﯿﺪا ﻋﻨﮫ وﻣﻘﺎﺑﻠﺎ ﻟﮫ اﻟﺨﻄﺎبُ اﻟﻔﻠﺴﻔﻲُّ ﺑﻤﻘﺎرﺑﺘﮫ اﻟﻌﻘﻠﺎﻧﯿّﺔ ﻟﻤﺴﺄﻟﺔ اﻟﺰﻋﺎﻣﺔ ،وﻟﺰﻋﺎﻣﺔ اﻟﻤﺮأة ﺗﺤﺪﯾﺪا .ﻓﮭﻮ ﯾﺮﺑﻄﮭﺎ ﺑﻨﻤﻂ اﻟﺤﯿﺎة اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲّ وﺧﺎﺻّﺔ ﺑﻤﺴﺄﻟﺔ اﻟﺘﺮﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﯾﺘﻠﻘّﺎھﺎ ﻛﻞّ ﻣﻦ اﻟﻤﺮأة واﻟﺮﺟﻞ .ﯾﻘﻮل اﺑﻦ رﺷﺪ: "وأﻣّﺎ اﺷﺘﺮاﻛﮭﻦّ ﻓﻲ ﺻﻨﺎﻋﺔ اﻟﺤﺮب وﻏﯿﺮھﺎ ،ﻓﺬﻟﻚ ﺑﯿّﻦ ﻣﻦ ﺣﺎل ﺳﺎﻛﻨﻲ اﻟﺒﺮاري وأھﻞ اﻟﺜﻐﻮر".35 وھﺬا "اﻟﺒﯿّﻦ" اﻟﺬي ذﻛﺮه اﺑﻦ رﺷﺪ ھﻮ اﻟﻮاﻗﻊ اﻟﻤﻌﯿﺶ ﻓﻲ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻤﺠﺘﻤﻌﺎت واﻟﻤﺠﻤﻮﻋﺎت اﻟﺘﻲ ﻋﺮﻓﺖ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻤﺮأة ﻣﺸﺎرﻛﺔ ﻓﺎﻋﻠﺔ .وﯾﻘﻮل :اﻟﻨﺴﺎء "ﻣﺤﺎرﺑﺎت وﻓﯿﻠﺴﻮﻓﺎت وﺣﺎﻛﻤﺎت" ﻣﺜﻠﮭﻦّ ﻣﺜﻞ اﻟﺮﺟﺎل ،ﻟﺎ ﻓﺮقَ وﻟﺎ ﺗﻔﺎﺿﻞ .إذّاك "ﯾﺼﺢّ أن ﺗﻘﻮم اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻲ اﻟﻤﺪﯾﻨﺔ ﺑﺄﻋﻤﺎل ھﻲ ﻣﻦ ﺟﻨﺲ اﻟﺄﻋﻤﺎل اﻟﺘﻲ ﯾﻘﻮم ﺑﮭﺎ اﻟﺮﺟﺎل ،أو ﺑﻌﯿﻨﮭﺎ ،ﻓﯿﻜﻮن ﻣﻦ ﺑﯿﻨﮭﻦّ ﻣﺤﺎرﺑﺎت وﻓﯿﻠﺴﻮﻓﺎت وﺣﺎﻛﻤﺎت وﻏﯿﺮ ھﺬا" .36وﻓﻲ ﻣﻘﺎﺑﻞ ﺳﺠﻞّ اﻟﻨﻘﺺ اﻟﻌﻘﻠﻲّ اﻟﺬي ﺣﻀﺮ ﻓﻲ ﺧﻄﺎب اﻟﻔﻘﮭﺎء ﺣﻮل اﻟﻨﺴﺎء ﺑﻤﺎ ھﻦّ "ﻧﺎﻗﺼﺎت ﻋﻘﻞ ودﯾﻦ"، ﯾﺤﻀﺮ ﺳﺠﻞّ ﻛﻤﺎﻟﮭﻦّ اﻟﺬھﻨﻲّ ﻓﻲ ﺧﻄﺎب اﺑﻦ رﺷﺪ" :اﻟﺬﻛﺎء ،وﺣﺴﻦ اﻟﺎﺳﺘﻌﺪاد ،واﻟﺤﻜﻤﺔ ،واﻟﺮﺋﺎﺳﺔ".37 وﯾﺴﺘﻨﺘﺞ أنّ "اﻟﻨﺴﺎء ﻣﻦ ﺟﮭﺔ أﻧّﮭﻦّ واﻟﺮﺟﺎل ﻧﻮع واﺣﺪ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﯾﺔ اﻟﺈﻧﺴﺎﻧﯿّﺔ ،ﻓﺈﻧّﮭﻦّ ﯾﺸﺘﺮﻛﻦ وإﯾّﺎھﻢ ﻓﯿﮭﺎ )اﻟﺄﻓﻌﺎل اﻟﺈﻧﺴﺎﻧﯿّﺔ( وإن اﺧﺘﻠﻔﻦ ﻋﻨﮭﻢ ﺑﻌﺾ اﻟﺎﺧﺘﻠﺎف" .38وھﻮ اﺧﺘﻠﺎف ﻟﺎ ﯾﺘﺠﺎوز اﻟﺎﺳﺘﻌﺪاد اﻟﺒﺪﻧﻲ اﻟﻤﺘﻌﻠّﻖ ﺑﺈﻧﺠﺎز اﻟﺄﻋﻤﺎل اﻟﻌﻀﻠﯿّﺔ .وﯾﻌﻠّﻞ اﺑﻦ رﺷﺪ اﻟﻤﻨﺰﻟﺔ اﻟﻤﺘﺪﻧّﯿﺔ ﻟﻠﻤﺮأة ﻓﻲ ﻋﺼﺮه ،ﻣﻤﺜّﻠﺔً ﻓﻲ ﻋﺪم ﻗﯿﺎﻣﮭﺎ ﺑﺎﻟﺄدوار اﻟﻘﯿﺎدﯾّﺔ ﻣﺜﻞ اﻟﺮﺟﻞ ،ﺑﻜﻮﻧﮭﺎ ﻋﺎﺋﺪة إﻟﻰ اﻟﻨﻈﻢ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﯿّﺔ اﻟﺴﺎﺋﺪة ،وإﻟﻰ ﻋﺪم ﺗﻠﻘّﻲ اﻟﻤﺮأة ﺗﻨﺸﺌﺔ ﻣﺴﺎوﯾﺔ ﻟﻠﺮﺟﻞ .ﯾﻘﻮل" :وإﻧّﻤﺎ زاﻟﺖ ﻛﻔﺎﯾﺔ اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪن )ﻣﺪن اﻟﺄﻧﺪﻟﺲ( ﻟﺄﻧّﮭﻦّ اﺗُّﺨِﺬن ﻟﻠﻨﺴﻞ دون ﻏﯿﺮه وﻟﻠﻘﯿﺎم ﺑﺄزواﺟﮭﻦّ ،وﻛﺬا ﻟﻠﺈﻧﺠﺎب واﻟﺮﺿﺎﻋﺔ واﻟﺘﺮﺑﯿﺔ ،ﻓﻜﺎن ذﻟﻚ ﻣﺒﻄﻠﺎ ﻟﺄﻓﻌﺎﻟﮭﻦّ )اﻟﺄﺧﺮى(" .اﻟﻤﺴﺄﻟﺔ إذن ھﻲ أنّ اﻟﻨﺴﺎء "ﻟﻢ ﯾﻜﻦّ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪن ﻣﮭﯿّﺌﺎت ﻋﻠﻰ ﻧﺤﻮ ﻣﻦ اﻟﻔﻀﺎﺋﻞ اﻟﺈﻧﺴﺎﻧﯿّﺔ" .39وﺑﯿﻦ اﻟﻮاﻗﻊ واﻟﻤﺄﻣﻮل ،أو ﺑﯿﻦ اﻟﻜﺎﺋﻦ وﻣﺎ ﯾﺠﺐ أن ﯾﻜﻮن ،ﯾﻘﺪّم اﺑﻦ رﺷﺪ ﺗﺼﻮّره ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﺒﺪﯾﻞ :إﻧّﮫ ﻣﺠﺘﻤﻊ ﯾﺴﻮّي ﺑﯿﻦ رﺟﺎﻟﮫ وﻧﺴﺎﺋﮫ ﻋﻠﻰ أﺳﺎس اﻟﺎﺳﺘﻌﺪادات اﻟﻤﺘﻜﺎﻓﺌﺔ ،واﻟﺘﻨﺸﺌﺔ اﻟﻤﻮﺣّﺪة: "وإذ ﻗﺪ ﺗﺒﯿّﻦ أنّ اﻟﻨﺴﺎء ﯾﺠﺐ أن ﯾﺸﺎرﻛﻦ اﻟﺮﺟﺎل ﻓﻲ اﻟﺤﺮب وﻏﯿﺮھﺎ ،ﻓﻘﺪ ﯾﻨﺒﻐﻲ أن ﻧﻄﻠﺐ ﻓﻲ اﺧﺘﯿﺎرھﻦّ اﻟﻄﺒﻊ ﻧﻔﺴﮫ اﻟﺬي طﻠﺒﻨﺎه ﻓﻲ اﻟﺮﺟﺎل ،ﻓﯿُﺮﺑّﯿﻦ ﻣﻌﮭﻢ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﻮﺳﯿﻘﻰ واﻟﺮﯾﺎﺿﺔ" .40ﻟﻜﻦّ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﻔﻠﺴﻔﻲّ ،ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﺧﻄﺎب اﻟﺴﻠﻄﺔ ،ﻟﺬﻟﻚ ﻟﻢ ﯾﻨﺘﺸﺮ وﻟﻢ ﺗﻜﻦ ﻟﮫ أﺻﺪاء واﺿﺤﺔ ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﻤﺘﺪاوﻟﺔ. اﻟﻤﺼﺎدر: ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻤﺮﻧﯿﺴﻲ "اﻟﺴﻠﻄﺎﻧﺎت اﻟﻤﻨﺴﯿّﺎت :ﻧﺴﺎء رﺋﯿﺴﺎت دوﻟﺔ ﻓﻲ اﻟﺈﺳﻠﺎم" دﻣﺸﻖ ،دار اﻟﺤﺼﺎد ﻟﻠﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ(1994 ، اﺑﻦ اﻟﺄﺛﯿﺮ ،اﻟﻜﺎﻣﻞ ﻓﻲ اﻟﺘﺎرﯾﺦ ،ج .6 ،2 .34ﺗﺎرﯾﺦ اﺑﻦ ﺧﻠﺪون ،ﻣﺞ ،13ص .18-17ﻓﻲ اﻟﺄﺻﻞ "ﻟﺈﺛﺎرة ﻋﻠﻢ" ،وﻟﻌﻞّ اﻟﺼﻮاب ﻣﺎ أﺛﺒﺘﻨﺎ. . 35أﺑﻮ اﻟﻮﻟﯿﺪ ﺑﻦ رﺷﺪ ،اﻟﻀﺮوريّ ﻓﻲ اﻟﺴﯿﺎﺳﺔ :ﻣﺨﺘﺼﺮ ﻛﺘﺎب اﻟﺴﯿﺎﺳﺔ ﻟﺄﻓﻠﺎطﻮن ،ﺗﻘﺪﯾﻢ ﻣﺤﻤّﺪ ﻋﺎﺑﺪ اﻟﺠﺎﺑﺮي ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت اﻟﻮﺣﺪة اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ ،1998 ،ص .125-124واﻟﺜﻐﺮ ،ج ﺛﻐﻮر ،ﻣﺎ ﯾﻠﻲ دار اﻟﺤﺮب" .واﻟﺜﻐﺮ اﻟﻤﻮﺿﻊ اﻟﺬي ﯾﻜﻮن ﺣﺪّا ﻓﺎﺻﻠﺎ ﺑﯿﻦ ﺑﻠﺎد اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ واﻟﻜﻔّﺎر ،وھﻮ ﻣﻮﺿﻊ اﻟﻤﺨﺎﻓﺔ ﻣﻦ أطﺮاف اﻟﺒﻠﺎد" .ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب ،ﻣﺎدّة "ﺛﻐﺮ". .36اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ص .124 .37اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ص .124 .38اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ص .124 .39اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ص .125 .40اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ ،ص .126
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اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،اﻟﺒﺪاﯾﺔ واﻟﻨﮭﺎﯾﺔ ،دﻣﺸﻖ-ﺑﯿﺮوت ،دار اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ،2010 ، اﺑﻦ ﺧﻠﺪون ،اﻟﻤﻘﺪّﻣﺔ ،ﻣﺞ ،2ص .875-872 ﺳﯿﻒ ﺑﻦ ﻋﻤﺮ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺮدّة واﻟﻔﺘﻮح وﻛﺘﺎب اﻟﺠﻤﻞ وﻣﺴﯿﺮ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻠﻲّ ،اﻟﺮﯾﺎض ،دار أﻣﯿّﺔ ﻟﻠﻄﺒﺎﻋﺔ واﻟﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ،1997 ، اﺑﻦ أﺑﻲ اﻟﺤﺪﯾﺪ ،ﺷﺮح ﻧﮭﺞ اﻟﺒﻠﺎﻏﺔ ،اﻟﻌﺮاق ،دار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻌﺮﺑﻲ ،2007 ،ﻣﺞ ،1ص .159 أﺣﻤﺪ ﺑﻦ داود اﻟﺪﯾﻨﻮري ،اﻟﺄﺧﺒﺎر اﻟﻄﻮال ،ﻣﺼﺮ ،ﻣﻄﺒﻌﺔ اﻟﺴﻌﺎدة1330 ،ھـ ،ص .153 أﺑﻮ ﺟﻌﻔﺮ ﺑﻦ ﺟﺮﯾﺮ اﻟﻄﺒﺮي ،ﺟﺎﻣﻊ اﻟﺒﯿﺎن ﻋﻦ ﺗﺄوﯾﻞ آي اﻟﻘﺮآن ،ﺑﯿﺮوت ،ﻣﺆﺳّﺴﺔ اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ، .1994 ﻋﺒﺪ اﻟﻤﻠﻚ ﺑﻦ ھﺸﺎم ،اﻟﺴﯿﺮة اﻟﻨﺒﻮﯾّﺔ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﻘﻠﻢ ،د.ت ،ج 2 اﺑﻦ اﻟﻌﻤﺎد ،ﺷﺬرات اﻟﺬھﺐ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ ،1986 ،ج.1 ﻋﺒﺪ اﻟﻤﺠﯿﺪ اﻟﺸﺮﻓﻲ ،ﻟﺒﻨﺎت ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ واﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﻤﺪار اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ.2013 ، اﺑﻦ ﻋﺒﺪ اﻟﺤﻜﻢ ،ﻓﺘﻮح إﻓﺮﯾﻘﯿﺎ واﻟﺄﻧﺪﻟﺲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻣﻜﺘﺒﺔ اﻟﻤﺪرﺳﺔ ودار اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻠﺒﻨﺎﻧﻲ.1964 ، اﺑﻦ ﻋﺬاري اﻟﻤﺮّاﻛﺸﻲ ،اﻟﺒﯿﺎن اﻟﻤﻐﺮب ﻓﻲ أﺧﺒﺎر اﻟﺄﻧﺪﻟﺲ واﻟﻤﻐﺮب ،ﺑﯿﺮوت ،دار اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ،1983 ، ج .1 اﻟﺮﻗﯿﻖ اﻟﻘﯿﺮواﻧﻲ ،ﺗﺎرﯾﺦ إﻓﺮﯾﻘﯿّﺔ واﻟﻤﻐﺮب ،اﻟﻘﺎھﺮة ،دار اﻟﻔﺮﺟﺎﻧﻲ ﻟﻠﻨﺸﺮ واﻟﺘﻮزﯾﻊ.1994 ، .ﺗﺎرﯾﺦ اﺑﻦ اﻟﺄﺛﯿﺮ ،ج ،4ص .136
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Le féminin et le maternel dans la culture arabo-islamique Monia KALLEL1
Le champ conceptuel du féminin est défini en rapport avec deux catégories majeures : le masculin et le maternel. Mais la paire femme-mère est plus complexe, plus variée et variable d’une culture à l’autre. Le lexique l’atteste et les dictionnaires le montrent bien. Si le français désigne par le mot « mère » « la femme qui a mis au monde un enfant » par opposition à « fille » (le Littré en ligne) soulignant ainsi le primat de sa fonction sexuelle et procréatrice, la langue arabe dispose de signifiants plus nombreux qui convoquent des champs sémiques différents. Le lexème « om » recouvre l’idée de l’origine, l’engendrement, la matrice qu’on retrouve dans le mot « wélida », et renvoie également au domaine du sacré, (la oumma désigne la communauté religieuse) et aux notions de purification, de rectitude, et de discernement. Mais l’imaginaire arabo-musulman est régi par l’opposition entre la femme et la mère. Cette opposition structure et reflète les relations dominants/dominés, aussi bien à l’échelle familiale et privée que public et politique, comme le montre Camille Lacoste-Dujardin dans son livre, Des mères contre les femmes, Maternité et patriarcat au Maghreb. Je me propose de jeter la lumière sur ce « contre », ses sources, son évolution, ses retombées, et ses liens avec les mouvements féministes, islamiques et islamistes. Avant d’étudier la rentabilité politique de la paire maternel-féminin et d’en examiner les ressorts, je commence par poser quelques alternances d’ordre méthodologique permettant d’engager cette histoire du (et au) féminin. Comme tous les concepts, le féminin est le produit de l’histoire et relève d’un champ d’analyse vaste et hétérogène où interfèrent le social, le politique, le religieux et le linguistique. A cette difficulté s’ajoute une autre. En tant que catégorie historiographique, le féminin est extérieur aux sujets qu’il englobe (dans les deux sens du mot à savoir contenir et réprimer). Le féminin s’est façonné en l’absence totale de la femme qui n’avait ni les moyens, ni la possibilité (juridiques et politiques) de poser sa voix, et encore moins d’engager une quelconque négociation avec les instances officielles. Ce silence ou cette exclusion n’est pas propre à la culture islamique. Tous les chercheurs sur l’Histoire des femmes (occidentale et orientale, musulmane et/ou chrétienne) sont confrontés au même phénomène. Ils doivent suivre les rares traces, décrypté les blancs des textes. A. Dejebar l’a bien souligné dans la préface de son roman Loin de Médine. En partant des 1
Université de Tunis El Manar, ISSHT.
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« trous » repérés chez les historiographes, elle a fait parler les premières musulmanes. Mais, l’analyste n’a pas la chance ni la liberté du romancier. Il doit problématiser le sujet soumis à l’étude en tenant compte d’éléments différents et en variant les approches. Le féminin, tout comme le féminisme, ont été longuement débattus, définis et redéfinis. Dans les années 70, en Occident, les idées se doublent d’actions militantes (plus ou moins violentes) qui ont contribué à l’instauration de l’égalité juridique. Dans le monde musulman, les premiers mouvements féministes (nés à la fin du 19eme siècle) se sont inspirés du même modèle et ont pris les mêmes formes de combat. A titre d’exemple, ce qui s’est passé au Caire 1923. Huda Sharawi et Saida Nabaraoui se sont dévoilées devant une foule compacte. Ce geste a été suivi dans les années 30-50 au Moyen-Orient, et au Maghreb. Après les révolutions arabes et l’arrivée des islamistes au pouvoir, le courant du « féminisme islamique », né dans les années 80, connaît une extension et une dynamique nouvelles. Des chercheuses (Omaima AbouBaker, Asma Lamrabet, Zahra Ali, Asma Barlas) se proposent de repenser le féminin en agissant sur trois fronts : revenir au texte source, montrer que l’inégalité homme-femme relève des mauvaises lectures du Coran, et s’écarter du féminisme occidental auquel elles adressent trois reproches : la réduction de la femme à son corps, la subversion des rôles sexuels, la déconsidération de la famille et de la maternité2. Interviewée par la revue « Contretemps », Zahra Ali, auteure du collectif Féminismes islamiques, présente son programme, ses références, et cite Rached Ganouchi, le penseur, qui a produit « un modèle de vie qui fait la promotion d’une militance islamique et islamiste ». A la journaliste qui remarque la rareté du mot « féministe » dans les textes, Zahra Ali répond : « nisa’iyya » en arabe ne signifie pas nécessairement « féminisme » ; il est plus proche du français « féminin » (…) et ajoute qu’elle préfère au mot féminisme, l’expression « réformisme au féminin »3. Cet imbroglio terminologique, « féminin », « réformisme au féminin », « féminisme » (tantôt au pluriel tantôt au singulier) met l’analyste devant un dilemme : soit il rejette la catégorie « féminisme islamique » et les concepts qu’elle mobilise comme « nature » ou « identité » (ne nous vient pas à l’esprit de parler d’identité/ou de nature masculine), soit, il tente de la comprendre en réinvestissant les textes sources, et en variant les approches, c’est ce que je me propose de faire. Je commence par deux remarques : en arabe le signifiant « imra’a », est un mot singulier (dans tous les sens du terme), il n’est pas le féminin de « rajul », homme, mâle, et son pluriel, nissa’a, ne dérive pas de sa racine, mais s’obtient à partir d’une autre racine, celle dont dérive « nasa » oublier et « insen » humain. Nisâ et nisa’iyya peuvent se lire « humaines » ou référer à l’humaine condition. « Imra’a » et Niss’à sont donc des mots rebelles, comme l’ont été les premières musulmanes. L’autre remarque porte sur la lecture de Zahra Ali. Dans son bref aperçu, la chercheuse a omis de préciser que le combat (qu’il soit collectif ou 2
On lit dans l’introduction de l’ouvrage collectif, Féminismes islamiques, « les féministes musulmanes proposent une libération qui pose un tout autre rapport au corps et à la sexualité, un rapport marqué par des normes et une sacralisation de l’intime et par une défense du cadre familial hétérosexuel » Zahra Ali, Féminismes islamiques, Paris, La Fabrique, 2012, p. 32. 3 Revue Contretemps, (en ligne). Entretien avec Zahra Ali, « Les femmes musulmanes sont une vraie chance pour le féminisme », propos recueillis par Solène Brun et Capucine Larzillière, le 24/11/2012. Consulté le 25/6/2016.
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solitaire) des premières femmes islamisées avait une portée fondamentalement politique et a été mené contre tout l’appareil du pouvoir. Elles ont tenu tête aux dignitaires et au prophète lui-même, négocié âprement leur liberté, et leur droit à la parole. On sait, d’après les récits des historiographes arabes (At-Tabari et as-Suyûti) que certains versets coraniques sont une réponse directe aux sollicitations des femmes 4. Le différend entre Fatima et Aicha n’est pas une simple histoire de jalousie entre deux femmes, soucieuses de leur bonheur domestique, mais une querelle d’ordre successoral (politique, idéologique et épistémologique) : la fille face à l’épouse, la rebelle, « celle qui a dit non à Médine » (E. Djebar) face à la porte-parole du pouvoir central. J’y reviendrai. Tirant profit des nouveaux outils d’analyse, et des pistes ouvertes par les théoriciens de la post-modernité, ces recherches sur le féminisme permettent de promouvoir la particularité de la culture islamique, mais restent en porte à faux avec l’idée rectrice des mouvements féministes (passé et présent, occidental ou oriental) qui est la déconstruction du système patriarcal. Elles (ces recherches) contribuent même à renforcer ce système en travaillant à rétrécir le féminin et à survaloriser le maternel que les occidentales ont négligé, selon-elles.5 De la maternité, les chercheurs islamiques, font leur cheval de bataille théorique, et la raison d’être première de la femme. Pourtant les textes sources révèlent d’autres aspects... Commençons par l’épisode de la Genèse. Dans la version biblique, c’est Eve qui, après avoir été tentée par le serpent, a agi sur Adam pour consommer le fruit défendu ; alors que dans le texte coranique, le diable pousse l’homme et la femme à transgresser l’ordre divin, leur culpabilité est donc partagée. Hawa, n’est ni tentatrice, ni séductrice, ni trompeuse. Elle ne subit pas le châtiment de l’Eve chrétienne condamnée à enfanter dans la douleur. Allah chasse le couple du paradis mais ne le maudit pas. La voie du pardon est donc ouverte, parce que Allah n’est pas affecté par l’acte, et parce que la faute relève surtout du ressort du diable, Ibliss. La femme est donc, tout comme l’homme, un sujet pensant et désirant. Bien qu’elle soit contredite par d’autres lois coraniques, cette égalité dans la constitution psychique (faite d’interdit et de sa transgression), fonde l’imaginaire des musulmans et régente leur vécu. L’Islam honore la mère et accorde peu de place au père s’accordent à dire les chercheurs. Le sociologue tunisien Abdelwaheb Bouhdiba parle du « royaume des mères » en montrant que la dette envers celle qui donne la vie structure et équilibre les relations dominants/ dominés. Le psychanalyste tunisien F. Ben Slama montre que tout le système spirituel musulman s’est pensé à partir de la « désobéissance au père » et de la rupture totale entre le Créateur absolu et le père procréateur qui est tantôt dénoncé pour sa déraison, ses erreurs, tantôt pardonné par Dieu, le clément. A la lumière des outils de la psychanalyse, il réinterroge l’image d’Abraham, 4
L’exemple le plus édifiant est celui du verset 35 du sourate al-ahzâb, « les coalisés ». Le verset est, selon Latifa Lakhdar, une réponse aux Umm Salama, l’épouse du prophète, qui a contesté l’injustice à l’égard des femmes. Voir Les femmes au miroir de l’orthodoxie islamique », Amal-Editions, 2007 5 Il est à noter que les textes cités par les féministes islamistes sont généralement ceux des premières militantes dont le combat a été focalisé sur la liberté de la femme (travail, avortement, contraception) plutôt que sur sa fonction sociale. Les mouvements anti-et postbeauvoiriens qui engagent le féminisme dans un autre champ de recherches et qui tentent d’harmoniser maternité et liberté (comme travaux d’Annie Leclerc, Luce Irigaray, Yvonne Knibiehler, J. Kristeva, H. Cixous), sont rarement discutés par les théoriciennes du féminisme islamique.
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le père qui a commis deux erreurs majeures : il devait sacrifier son fils suite à une mauvaise interprétation du rêve (où il a vu le bélier), et a renvoyé Ismaël et sa mère Agar dans le désert. C’est Dieu qui intervient pour les sauver6. La mère, en revanche, incarne l’amour, la protection et le don de soi. On connaît tous le hadith du prophète : « Le paradis se trouve sous les pieds des mères ». Mais quel paradis ? et quelle mère ? Est éclairante la différence que relève F. Benslama entre les deux épouses d’Abraham : Sarah, qui a mis au monde Isaac après l’intervention de Dieu, (puisqu’elle avait plus de 70 ans), elle est sur ce point comparable à Marie (pour l’engendrement de Jésus) ; et Agar, la servante égyptienne, qui a enfanté Ismaël suite à une « une fécondation naturelle » avec Abraham. La mère, tout comme la femme, est donc un corps porté à la douleur et au désir, à la jouissance. En fait, précise F. Besnslama, le corps en Islam est à la fois chair et esprit, force démoniaque et lieu de pureté comme l’atteste le lexique. La langue arabe dispose de 4 termes pour le désigner. Le « jism » qui signifie la masse, la substance située dans l’espace, (corps humain comme microcosme dans le macrocosme), le « badan », renvoie à « la cuirasse corporelle » et ses changements physiques et temporels (vieillir, grandir, agir….), « jassad » indique le corps dans sa dimension sensorielle, esthétique et affective (comme siège de la jouissance, dans l’amour, la danse, la musique), le 4eme mot est « jutha » qui désigne le corps sans vie, le cadavre » .7 Le corps est donc un objet pluriel et ouvert dans tous les sens du terme à commencer par le sens littéral, c’est-à-dire les orifices : bouche, nez, oreille, et sexe appelé « farj » littéralement trou, trou où Ibliss, être de feu, aime pénétrer8. De ce fait, il suscite à la fois le désir et la résistance au désir, la source de la jouissance et la crainte de l’excès de la jouissance. Cette représentation du corps détermine toute la philosophie et la littérature arabes avec ses trois courants : le soufisme qui a cherché dans le plus intime de l’être physique l’expérience du divin, le rationalisme (des motazites à Averrose), qui a tenté de séparer le subjectif de l’objectif, le fait religieux du fait politique, et enfin le savoir orthodoxe des Ulémas, la Usûliyya, qui s’attachent aux textes-sources et résistent à tout effort de relecture. La logique de l’alliance entre savoir et pouvoir (expliquée par M. Foucault), fait que ce dernier courant a toujours triomphé. Il est toujours arrivé à étouffer les voix réformistes et à sortir indemne des crises. La femme, en revanche, y laisse des plumes comme l’explique l’islamologue Latifa Lakdar. « L’histoire lointaine ou récente, écrit-elle, a démontré que les guerres et les crises ont toujours pesé dans le sens du conservatisme et de l’ingratitude envers les femmes »9. Dans son livre Les femmes au miroir de l’orthodoxie islamique, elle analyse la fabrique de la 6
« La figure du père, note Fathi Benslama, est donc marquée à l’intérieur de l’Islam par la question de l’abandon […] quand bien même le texte coranique met en scène une réconciliation entre Ismaël et son père lors de la reconstruction du temple de la Mecque ». « D’un renoncement au père », in La guerre des subjectivités en Islam, Cérès éditions, 2014. p. 134. 7 « Le corps mytho-théologique dans l’Islam », in La guerre des subjectivités en Islam, op., cit. P.152. 8 Fathi Benslama cite ce commentaire de Ibn Ayyas Al-Hanafî : « Lorsque Dieu créa l’homme d’argile en attendant qu’il lui insuffle une âme, Iblîs se moquait de lui en jouant à pénétrer par sa bouche, à sortir par son anus et l’inverse. Il empruntait de la même manière d’autres orifices : oreille, nez, tout en disant à Dieu : « Vous voyez ce que je fais de la créature que vous m’avez préférée devant laquelle vous me demander de prosterner », p. 155. 9 Latifa Lakhdar, Les femmes au miroir de l’orthodoxie islamique », op. cit. p. 128
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femme musulmane commencée au Veme siècle de l’Hégire, fabrique qui se base sur une « dialectique de minoration de l’identité sociale et de majoration de l’identité sexuelle des femmes »10 , et s’inspire de deux codes shara’iques basés sur l’extension de l’espace sexuel masculin (droit aux esclaves, concubines, celles qui sont possédées sans lien institutionnel) …) et la domination de la sexualité masculine dans le cadre du mariage par la répudiation et la polygamie. Cette représentation, note L. Lakhdar, est sous-tendue par l’« obsession du corps », rejoignant le diagnostic de Fathi Benslama qui évoque « l’obsession de la pureté ». La femme est perçue comme une menace, un danger potentiel à l’équilibre de la cité. L. Lakhdar cite Ibn al-Jawzi qui écrit : « La femme est ‘awra : guettée par le diable dès qu’elle sort. Celle-là seule est proche de Dieu qui reste chez elle ».11 Il faut donc la punir, la surveiller, la cacher, l’écarter du regard. En croisant le Coran, les chroniques et les exégèses, Latifa Lakhdar remonte aux origines du hijab. De la méticuleuse historisation de la sourate (Al-Ahzeb), elle dégage un fait crucial pour notre problématique : le lien entre la loi du voilement (voulue par ‘Umar et contestée par Zaynab, l’épouse du prophète), (verset, 59), le désir de préserver la vie du prophète (après son mariage très controversé avec la femme de son fils adoptif), (Verset 53), et l’interdiction d’épouser les femmes de l’Envoyé de Dieu parce qu’elles sont les « mères des croyants » (verset 6). L’expression englobe toutes les épouses et à commencer par Aicha qui, on le sait, n’a jamais enfanté. Née dans un contexte particulier et dans un but particulier, cette maternité symbolique va s’imprimer dans l’imaginaire islamique, et se transformer en un argument politique précieux pour la création de la « oumma » et, en temps la mère, l’« om », sa racine lexicale. Les mots bénédiction, matrice, interdit, gynécée, sérail, découlent du même étymon « hrm ». Ce sacre de la mère (et son corollaire, le sacrifice, le geste séparateur) inscrit dans la langue, les conservateurs vont l’exploiter et en faire un paradigme négateur de l’être femme. Rappelons d’abord le contexte. Cinq ans après la chute de l’Empire Ottoman (en 1923), l’égyptien Hassan el-Banna fonde le mouvement des Frères Musulmans (1928) qui repose sur un idéal : restaurer le califat islamique, échapper à la domination de l’Occident laïc. Depuis la guerre d’Irak et les révolutions arabes, la Oumma islamique n’est plus un idéal, mais un projet avec une méthode. Il s’agit de renouer avec l’Islam des origines, c’est-à-dire de remplacer le régime sociétal basé sur le contrat entre des individus, par la Oumma, basée sur l’affiliation, la solidarité, et l’obéissance à la tradition. Le « Minhadj as Salafî » stipule de suivre à la lettre le Coran, la vie et les dits du prophète, de ses compagnons et ceux qui les ont suivis à la perfection (2ème génération). Et pour neutraliser l’Occident, il faut lui emprunter ses moyens d’action et ses concepts fondateurs : médias, publicité, droit à la différence, liberté individuelle… Comme l’occidentale, la musulmane « moderne » fréquente l’espace public, intègre l’école, l’Université, travaille, et jouit d’une autonomie économique, mais son corps doit être soustrait au regard, absent du monde et de ses tentations. Les plaidoyers (théologico-politiques) en faveur du voilement qui sont, en même temps, des réquisitoires contre le dévoilement, 10 11
Les femmes au miroir de l’orthodoxie islamique », op. cit, p. 83. Cité par Latifa Lakhdar, p. 82.
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cause première de la déchéance de l’occidentale (et celle qui la mime), tirent leur force et leur légitimité de la topique féminin/maternel. Le Coran, le hadith, la Sira, et la jurisprudence, sont réutilisés en vue de minorer le premier et de magnifier le second. La femme qui est, rappelonsle, ‘Awra, littéralement faille, fente, ce qui signifie qu’elle est sexuellement totale, ou totalement sexuelle, est plus que jamais dangereuse : elle empêche la communauté de se former et de se fermer. D’où la promotion du voile intégral. Il sert à cacher tous les orifices corporels, lieux et supports du désir. Comme dans toutes les civilisations l’interdit premier est le corps de la mère. En arabe, cet interdit et sa sublimation, configurent la langue, « mouharam », le tabou étant de la même racine que « rahim » (matrice). D’où le lien consubstantiel entre l’image de la mère et la lutte contre le désir, les tentations de la chair. Dans cette large compagne d’épuration, Aischa, la mère symbolique, devient la figure emblématique de la Mère idéale, chaste et sage, et l’exemple du dévouement à l’Islam. Pourtant les textes-sources évoquent, avec plus ou moins de précision, les aspects problématiques de sa personnalité aussi bien du vivant du prophète qu’après sa mort. Le différend qui l’a opposé à Ali Ibn Abi Talib, et auquel s’est mêlé son épouse, Fatima, a affecté Aicha. Accusée et calomniée, elle finit par s’auto-accuser et altérer l’image qu’elle a d’elle-même. Latifa Lakhdar voit dans cette altération la preuve de sa solitude dans une société arc-boutée sur les valeurs patriarcales et ne pouvant tolérer qu’une femme s’immisce dans les affaires du pouvoir. « Le destin de Aischa est doublement tragique »12. Tout aussi tragique est le destin de la communauté musulmane qui se divise à la mort du prophète et même avant. Aujourd’hui « La Grande discorde » (pour reprendre le titre de H. Jaiet) se radicalise, s’approfondit et perturbe l’équilibre psychique du musulman comme le montre Fathi Benslama qui invente le concept du « surmusulman » 13 (devenir plus musulman que le musulman). Basé sur la surenchère, les reproches et les ordres, ce phénomène touche particulièrement la femme, cible principale des prédicateurs surmédiatisés. Elle est l’objet de la plupart des Fatwas qui sont diffusées à grande échelle. Avis individuels ayant un caractère institutionnel, la fatwa se propose de traiter le sentiment de culpabilité qu’elle a, elle-même, déclenché. L’exemple de la « tétée des grands » est l’un des plus édifiants. Cette fatwa stipule qu’il est permis à une femme de rester en tête à tête avec son collègue (dans un bureau) après l’avoir allaité cinq fois. L’allaitement crée un lien à la mère et arrête le désir. Le lait contre le liquide séminal. Contraire aux lois de la cité (d’où le scandale et le sacrasme qu’elles provoquent), cette transaction illusoire tire sa légitimité du premier Islam. En effet, la tétée des adultes serait une recommandation du prophète rapportée 12 Op. cit., p. 107. Fatima, sa rivale, subit le même destin. Pour A. Djebar, Fatima est « l’Antigone arabe » qui a dénoncé la fausse justice de l’Etat, a dit « non » à Médine, et revendiqué haut et fort le droit de la femme à l’héritage du Père. Actuellement le personnage de Aischa se forme et se déforme au gré des intérêts politicoreligieux. Elle n’est plus ce personnage ambivalent (qu’on trouve chez les chroniqueurs qu’ils soient chiites ou sunnites), mais une image figée et monolithique. Les sunnites l’exaltent et trouvent en elle le plus vieil ancrage de leur généalogie, les chiites la désignent comme coupable, perverse et manipulatrice de l’Histoire. 13 Il s’agit de « la position subjective dans laquelle un musulman est amené à surenchérir sur le Musulman qu’il est, par la représentation d’un musulman qui doit être encore plus musulman. C’est une conduite compulsive du sujet en proie aux reproches de défection généalogique qu’il se fait de lui-même », p. 27
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par Aischa et contestée par les commentateurs qui l’utilisent comme argument pour ternir l’image de la jeune épouse. Séquestré et épilé à la fois, le corps de la femme n’est donc qu’un objet fabriqué par les prédicateurs déchaînes et surmédiatisés (grâce aux chaînes financées par les pétrodollars) pour se purifier de leurs obsessions sous couvert de purifier l’Islam. Quant aux guerres qui déchirent le monde islamique, elles sont, selon F. Benslama, de nature politico-pulsionnelle. Le « surmusulman » confectionne une surmusulmane conforme à ses rêves. Ni femme, ni mère, ou l’une et l’autre à la fois, elle est « une entité anthropologique introuvable » (L. Lakdhar), un corps qui vit, donne la vie, et ne désire pas, qui investit l’espace public tout en étant interdit du regard, qui accroit le nombre de croyants, et le pouvoir de l’Etat et qui n’a pas la possibilité de contrôler sa propre création. La femme est l’absente de l’Histoire (occidentale et Orientale) et de toutes les histoires, politique, sociale, linguistique. « Eternelle mineure, éternelle esclave, éternelle sacrifiée, éternelle martyr, nous vous relevons », écrit V. Hugo en 1835). Cette définition résume la situation du sujet féminin et l’attitude protectrice de l’homme à son égard. La même attitude se voit dans l’intitulé du livre de Tahar Haddad : Notre femme dans la législation islamique et la société (1930). Chez les fondamentalistes radicaux, comme chez les réformateurs les plus audacieux, et chez les conservateurs modérés, on retrouve le même paternalisme même s’il relève d’une bonne intention et d’un programme clair. Aussi les premières voix féministes (pas nécessairement féminines), nées en Occident dans la continuité de la philosophie des Lumières, ont-elles un accent contestataire orienté contre le système patriarcal et les codes qui lui sont associés. La crise de la pensée universaliste et le développement des valeurs de la différence et de la pluralité ont généré un féminisme plus « ordinaire » plus pacifié qui s’est orienté vers d’autres champs de recherches (la famille, le corps, la procréation, l’accès au langage…), et ont favorisé l’émergence du féminisme islamique. Des théoriciennes militantes tentent d’harmoniser tradition et modernité, particularisme et humanisme, mais les a-priori idéologiques et méthodologiques, les écartent de la cause première qui est la lutte contre le patriarcat, comme être au monde, comme système philosophique et comme langage. Dans cette énergique quête identitaire, les conceptrices du « réformisme au féminin » (Zahra Ali) croisent les islamistes radicaux qui travaillent à (re)fonder la omma et le « om », en jouant sur cette sacrée alliance : lexicale, politique et historique. Le temps de la Révélation, on le sait, s’est accompagné d’un effort d’expansion obtenu grâce à une maternité maximale. Ce féminisme à base éthno-religieuse qui se positionne contre le féminisme occidental tout en se nourrissant de ses concepts-clés (liberté, égalité, droit à la différence), est, selon Fawzia Zouari, la version féminine et orientale du « choc des civilisations », une théorie fondée sur l’opposition Orient-Occident, et sur la négation de l’Autre jugé incapable de dépasser ses mythes et ses préjugés14.
14 Hakim Ben Hammouda montre que la théorie Occidentale du « choc des civilisations » et l’islamisme radical sont les deux faces d’un même projet. « Ce projet sert bien évidemment ces nouveaux croisés car pour les uns il contribue à renforcer la figure de l’ennemi qu’ils cherchent à construire et pour les autres légitiment leur combat pour sortir des ténèbres et revenir aux sources ! », Les nouveaux orientalistes, Arabesques éditions, 2016, p. 32
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Le féminisme islamique s’écarte non seulement du féminisme occidental mais aussi de la voie esquissée par les premières musulmanes et qu’on retrouve dans le mot niss’yya (humanistes). Aujourd’hui, les héritiers de Flora Tristan, S. de Beauvoir, et de J. Kristeva, hommes et femmes, occidentaux et orientaux, sont désarçonnés et divisés... Certains rejettent catégoriquement la catégorie : mais en contestant l’instrumentalisation du corps ou la confiscation du féminin par le maternel, ils se voient taxées soit d’islamophobie soit de dépendance à l’Occident. D’autres, au nom du droit à la différence, l’acceptent dans l’indifférence, le tolèrent, dans le premier sens du terme, supporter. Le féminisme est donc rongé par la valeur qui l’a porté, c’est que la liberté peut signifier la liberté de n’être pas libre, la liberté de s’enrober dans de longs voiles pour mieux se dérober au monde et à soi-même, la liberté d’être mère « de » avant d’être femme tout court.
Bibliographie Ali Zahra, Féminismes islamiques, Paris, La Fabrique, 2012, p. 32. Ali Zahra, « Les femmes musulmanes sont une vraie chance pour le féminisme », propos recueillis par Solène Brun et Capucine Larzillière, le 24/11/2012. Benslama Fathi, La guerre des subjectivités en Islam, Cérès éditions, 2014. Lakhdar Latifa, une réponse aux Umm Salama, l’épouse du prophète, qui a contesté l’injustice à l’égard des femmes. Voir Les femmes au miroir de l’orthodoxie islamique », Amal-Editions, 2007
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FEMME, ÉCRITURE ET REPRÉSENTATIONS. ENTRE IDENTITÉ ET ALTÉRITÉ
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Femme et révolte dans la littérature dystopique Kawthar AYED1
Nous proposons d’étudier la dimension symbolique de la figure féminine dans la littérature dystopique (anti-utopique). Sa présence constitue le déclic qui stimule la révolte du héros et son apparition au cours du récit constitue un tournant dans l’intrigue. Les femmes sont des figures catalyseurs de la lutte. Elles sont les muses des héros. Cependant, l’inspiration est loin d’être poétique, elle est politique. L’amour, dans ces romans, constitue un virage qui engage le récit dans une perspective de résistance. Par ailleurs, dans les dystopies arabes, apparait plutôt l’image de la femme violée et violentée. Dans Les Temps ténébreux de Taleb Umran, le Déluge bleu de Abdessalam Albakkali et Miroirs des heures mortes de Mustapha Kilani se dessinent les traits du monde futur, la violence du système politique ne semble pas avoir de limites en l’absence d’un sens éthique de la vie et des droits du citoyen, de la femme en l’occurrence. Ces textes, ancrent bien cette symbolique du corps féminin dans une dimension politique.
Les muses du dissident dans les dystopies anglo-saxonnes Kate (Globalia), Boule de chat (Zone du dehors), Lhassa (Wang), Sara (Jack Barron et l’éternité), Lilas (Bonheur Insoutenable) sont des figures catalyseurs de la lutte. L’amour, dans ces romans, constitue un virage qui engage le récit dans une perspective de résistance. Nous Autres de Zamiatine, nous montre bien que le sentiment de révolte n’est attisé chez D503 que grâce à la présence de I-330 qui le conduit à la Maison Antique, le pousse à renouer avec le passé, et surtout à franchir le Mur Vert. Elle provoque l’étincelle pour que s’enflamme en lui la révolte. Julia est la muse de Winston dans 1984, elle lui inspire la lutte. Ce n’est qu’après l’avoir connue qu’il commence à réaliser le potentiel révolutionnaire qui se développe en lui, et sa disposition à la lutte. L’amour lui confère une force d’élucidation, et le libère de l’emprise de l’Etat. En fait, en Océania, les membres du Parti extérieur vivent dans un état de refoulement sexuel, à l’encontre des prolétaires qu’on livre à la prostitution. La croisade contre la sexualité offre au Parti l’avantage de maintenir leurs satellites dans un état de tension croissante qui sera mise au service de la Haine. La relation qui s’est nouée entre Winston et Julia, membre pourtant de la ligue anti-sexe, est un acte de révolte contre les préceptes, à valeur idéologique, qui quadrillent la vie intime des employés du Parti. C’est justement lors de leur première 1
Université de Tunis.
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escapade hors de Londres, occasion première d’assouvir leurs pulsions, que les deux personnages passent de la simple opposition à la première phase de résistance : « leur embrassement avait été une bataille, leur jouissance une victoire. C’était un coup porté au Parti. C’était un acte politique2. » Leur relation desserre l’étau d’un conditionnement massif. Leur choix de l’endroit est symbolique, l’espace rural, où ils ont cru être à l’abri du contrôle, recueille leur premier acte révolutionnaire « là était la force qui mettrait le Parti en pièces3 ». Wang se démarque dès le début du roman des autres personnages justement par l’acte amoureux qui l’unit à Lhassa juste avant de franchir les murailles électromagnétiques qui entourent l’Occident. Cela fait valoir l’amour comme acte de démesure, comme dépassement de la normalité, il est lié à l’extravagance dans la mesure où il projette le héros et son double féminin vers le dehors. La femme est l’Eve qui participe à son exclusion définitive de la norme mais contribue dans un certain sens à sa déchéance. Dans La Zone du dehors le récit s’ouvre sur l’esquive de Capt et de Boule de Chat en fraude vers la zone du dehors. Un lieu qui accueille leur acte amoureux. La femme devient l’allégorie de l’espace, les courbes de ses seins se fondent voire se confondent avec les plaines. A travers ce corps de la femme, la fusion est totale avec l’univers et la possession physique du corps dit la possession symbolique du dehors pour féconder « le dehors vierge4 ». Le résultat de cette fécondation symbolique à travers le corps de la femme sera vers la fin du roman Anarkhia, une cité que Capt réussit à fonder dans la zone du dehors. Le terme fécondité est explicitement mis en avant dans Globalia de Rufin. Baïkal et Kate parviennent à s’évader vers le dehors et l’espace des non-zones accueille leur amour : Leur amour quand ils s’unirent, semblaient n’être que la manifestation humaine d’une universelle fécondation qui parviendrait à sceller des unions aussi improbables que celles du ciel avec les nuages, du végétal avec la terre, du bois avec la flamme claire qui le lèche, le mord et le dévore5.
La présence de la femme est incontournable dans la mesure où elle se trouve à l’origine du passage à l’acte. Le héros passe en effet du statut d’un homme ordinaire, ou presque à celui d’un homme révolté. C’est une naissance ou re-naissance du personnage. La femme est liée à une image de naissance d’où, à notre sens, la symbolique de sa présence en tant que catalyseur de la dissidence. Dans Jack Barron et l’éternité, Jack Barron sort justement de sa léthargie au moment où il reprend ses relations amoureuses avec Sara. Le suicide de cette dernière signe l’entrée définitive du protagoniste dans l’univers des héros. D’ailleurs, à un certain moment le lecteur se demande si ce n’est pas elle la véritable héroïne, l’Electre du roman. « Il faut que tu l’arrêtes, Jack ! Toi seul peux l’arrêter ! Nous ne pourrons plus vivre ensemble, vivre avec ces choses volées dans nos corps tant que tu ne l’auras pas arrêté ! Il faut que tu le fasses !6 » Elle veut promouvoir en lui une réaction. Elle le spécifie en tant l’unique personne à pouvoir dénoncer l’affaire et sauver les enfants noirs du sort que leur réserve Bennie Howards. Barron est, en revanche, tenté par l’inaction. Persuadé de l’échec de son entreprise, il n’entrevoit aucune issue. Sarra se suicide afin de donner un alibi suffisamment fort à Barron pour accomplir son devoir et 2 3 4 5
1984, p. 181. 1984, p. 180. p. 440. G, p. 47. 6 Norman Spinrad, Jack Barron et l’éternité, Robert Laffont, 1971, p. 332.
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dénoncer l’usurpateur des glandes d’enfants noirs. En cela le roman épouse les contours d’une tragédie. La démesure est du côté de Sara. Elle choisit la mort et sacrifie l’immortalité pour stopper les manigances de Howards à travers Barron qui devient le bras qui actionne. Sara… Je ne sais pas te pleurer, Sara il ne me reste plus de larmes. Mais… je peux tuer pour toi, tuer cette ordure de Howards. Oh, oui ! Je peux encore haïr ! Peut-être que tu n’étais pas si folle que ça, après tout, parce que tu vas avoir ce que tu voulais (…) Ils veulent un foutu héros, je vais leur en donner un sur un plateau d’argent7.
La folie est la manifestation d’une démesure que Barron ne frôle que vers la fin du roman. Sara réussit à le convaincre en se suicidant juste avant le début de l’émission qu’il présente. Un changement de cap se dessine alors et le roman prend une envergure différente. L’émission se transforme en tribunal pour juger l’assassin de Sara mais surtout des enfants noirs à qui il retirait les glandes pour les recherches sur l’immortalité. L’intervention de Sara est capitale. Mais la femme, même si elle n’entretient pas une relation amoureuse avec le héros, elle est celle qui lui lève les œillères et qui lui indique le chemin de la révolte. Clarisse McCellan, dans Fahrenheit, 451, apparaît par hasard dans la vie de Montag pour bouleverser son existence. « Chaque fois qu’il sortait de chez lui, Clarisse apparaissait quelque part dans le monde. (…) Chaque jour Clarisse l’accompagnait jusqu’au coin de la rue. » La discussion qui s’engage entre eux au fil du temps l’amène à réfléchir sur des sujets qu’il prenait pour naturels. Vous arrive-t-il de lire les livres que vous brûlez ? Il éclata de rire « C’est contre la loi ! » (…) « Vous riez quand je n’ai rien dit de drôle et vous répondez tout de suite. Vous ne prenez jamais le temps de réfléchir à la question que je vous ai posée8 ». Les questions de Clarisse le mettent souvent mal à l’aise et lui causent une gêne qui ne s’est jamais estompée par la suite. Cette rencontre transforme le regard qu’il porte sur le monde et petit à petit les détails qui lui échappaient deviennent béants, produisant une faille dans son existence. Ainsi, après lui avoir posé la question s’il était heureux il rentre chez lui, se confronte à sa propre condition et finit par comprendre qu’il ne l’était pas. Le passage de la jeune fille est le vent qui a dépoussiéré le monde autour de lui. C’est un nouveau personnage qui réapparaît derrière le profil du pompier, un dissident, un homme-livre. Pour promouvoir l’entreprise héroïque, la femme surgit et provoque la métamorphose du personnage. Elle est liée à la notion de démesure et souvent on la qualifie de « folle ». Elle incarne le dépassement de la mesure imposée et fixée par la norme. Le héros se définit par opposition à cette norme et donc du côté de la démesure, c’est ce qui expliquerait la raison pour laquelle la présence de la femme nourrit chez lui le sentiment de révolte. La place de l’amour dans les dystopies arabes n’est pas moins importante, mais la présence de la femme et son degré d’implication dans la révolte du héros diffèrent. A côté du prototype de la femme amante, on a souvent l’image de la femme violée.
De la femme aimée à la femme violée Amour et violence coexistent à travers l’image de l’amante et de la femme violée. Dans Les Temps ténébreux et Le Déluge bleu nous 7 8
JB, p. 339. Fahrenheit, 451, p. 4.
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retrouvons ces deux images. Tādj (DB), femme aimée par le protagoniste du roman, est victime d’un viol. Un bédouin la pourchasse et cherche à la violer. Dans la symbolique du roman, le statut de bédouin qu’occupe le violeur renvoie aux agressions sociales que subit la femme dans la société du protagoniste (Sud du Maroc). La vie sociale des bédouins est perçue par Nader comme étouffante et injuste avec des normes rigides qui condamnent la femme au rang d’un objet de plaisir. Le bédouin porte par dessus tout une certaine symbolique en rapport avec le milieu où il a grandi. Un milieu que Nāder juge conservateur et fermé. Tādj, qui est victime du viol, semble être, en arrière plan, agressée par la décadence sociale. Cela expliquerait peut-être la raison de sa réincarnation vers la fin du roman dans le corps d’une femme européenne9. Une réincarnation qui la libérerait des contraintes subies par la femme arabe. Dans Les Temps ténébreux, le cauchemar s’ouvre précisément sur le récit de viol d’une jeune fille par le roi que la Grande Puissance Mondiale a imposé au peuple Syrien. 92) ". ﻛﺄن ﻟﯿﺲ ﻓﻲ ﻋﯿﻨﯿﮭﺎ ﺣﯿﺎة, ھﺰﯾﻠﺎ, و وﺟﮭﮭﺎ ﺷﺎﺣﺒﺎ,"ﻓﺘﺎة ﻓﻲ ﻣﻘﺘﺒﻞ اﻟﻌﻤﺮ ﺑﺪا ﺟﺴﻤﮭﺎ ﻣﻜﻮرا « Une jeune fille recroquevillée sur elle-même, pâle et maigre de visage dans ses yeux il n’y avait pas, semble-t-il une lueur de vie » La scène du viol n’est pas décrite mais rapportée, l’acte d’agression sexuelle s’investit d’une dimension symbolique puisqu’il renvoie, en filigrane, à la prise du pouvoir par la force et au recours à la violence pour dompter le peuple. C’est la nation entière qui en est la victime10. Le roman de Mustapha Kīlanī (Miroirs des heures mortes) ancre bien cette symbolique du corps de la femme dans le contexte du pouvoir. Le corps prend une dimension politique. Le dictateur, le Grand Nessness, viole l’une de ses employées les plus fidèles et les plus proches : Khaddūdja Al-Na‘assī. [ ﺿﺤﻚ اﻟﻨﺴﻨﺎس اﻟﻌﻈﯿﻢ وھﻮ ﯾﻌﺘﻠﻲ...] ـ ﺗﺠﺮدي ﻣﻦ ﺛﯿﺎﺑﻚ: ﺛﻢ اﻧﺘﻔﺾ ﻟﯿﺼﺮخ ﻋﺎﻟﯿﺎ,"ﻓﻜﺮ ﻣﻠﯿﺎ ﻓﮭﻮ اﻟﺄﻗﻮى إذا.. ﺿﺤﻚ ﻟﺄﻧﮫ أدرك أن ﻋﺎﻣﺔ اﻟﻨﺎس ﻛﺎﻟﻤﺮأة ﺗﻤﺎﻣﺎ..ظﮭﺮھﺎ و ﯾﻨﺰل ﺑﮭﺎ أﻗﺴﻰ اﻟﻌﻘﺎب أﻣﺴﻚ ﺑﺸﻌﺮھﺎ ﻟﯿﻄﺮﺣﮭﺎ أرﺿﺎ و.. ﻗﺎدرا ﻋﻠﻰ أن ﯾﻠﻮح ﺑﻌﺼﺎه, ﻛﺎﻣﻞ اﻟﺼﺤﺔ,ﻛﺎن ﻋﻠﻲ ﻗﯿﺪ اﻟﺤﯿﺎة ". ﯾﻤﺮغ أﻧﻮﺛﺘﮭﺎ ﻓﻲ وﺣﻞ وھﻨﮭﺎ اﻟﻤﺆﻗﺖ11 Il réfléchit bien, ensuite il sursauta en criant fort : - Déshabille-toi ! […] Le Grand Nessness sourit en la prenant de derrière pour la soumettre à la plus cruelle punition… Il sourit parce qu’il comprit que la masse est exactement à l’image de la femme… C’est lui le plus fort s’il est en vie, s’il est en bonne santé, et s’il est capable de brandir sa matraque. Il la prit par les cheveux pour la mettre par terre et souiller sa féminité dans la boue de sa déchéance temporaire.
Il agresse le corps et à travers lui le peuple. Le grand Nessness éprouve même du plaisir (sourire). Le despote brutalise Khaddūdja Al-Na‘assī. Il la fouette avec sa matraque et l’ensanglante. Cette scène de viol est d’une extrême violence. L’auteur la compare d’ailleurs à un acte de mise à mort : " "اﺳﺘﺤﺎل ﻗﻄﺎ ﯾﮭﻢ ﺑﻐﺮس أﻧﯿﺎﺑﮫ ﻓﻲ اﻟﻀﺤﯿﺔ و اﻣﺘﺼﺎص دﻣﮭﺎ اﻟﺤﺎر اﻟﻨﺎزف ﻗﺒﻞ ﺗﻤﺰﯾﻖ ﺟﺜﺘﮭﺎ
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Dans la cité Al-Djūdī, Tādj subit le châtiment de la machine pour avoir refusé de lui livrer des informations importantes. Elle la fait vieillir en l’exposant à de fortes radiations. Le corps de Tādj se dissout et son âme se réincarne dans le corps d’une femme européenne qui travaille dans les laboratoires de la cité. 10 Cet aspect a été traité dans un article intitulé « La fiction d’anticipation arabe sous les auspices du cauchemar », Revue EIDOLON, Fictions d’anticipation politique, Presse Universitaires de Bordeaux, novembre 2006, n° 73. Mustapha Kīlanī, Miroirs des heures mortes ()ﻣﺮاﯾﺎ اﻟﺴﺎﻋﺎت اﻟﻤﯿﺘﺔ, Ed. Dār Al-Mizān, Sousse, 2004, p. 69.
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« Il devint un chat prêt à pointer ses canines dans la victime et ingurgiter son sang chaud déversé avant de lui déchiqueter le corps12. »
Mais, la femme dans le roman n’est pas uniquement victime, c’est une complice. Khaddūdja Al-Na‘assī ne prend pas positon, au contraire elle fait l’éloge du dictateur. Son hypocrisie ne la protège pourtant pas de sa violence ni de son sadisme. A travers l’exemple de Khaddūdja on peut cerner l’image du peuple qui est à la fois victime et complice et dont l’hypocrisie déshonorante ne fait que le maintenir en servitude. La femme dans ce texte, et dans Les Temps ténébreux, permet une lecture du rapport de force entre le pouvoir et le peuple. En cela, elle a un statut différent de celui de la femme dans les textes anglo-saxon. Par ailleurs, encore une fois c’est la nature du pouvoir décrit dans ces textes qui détermine le statut de la femme. Dans un contexte de totalitarisme, le pouvoir ne manifeste pas son autorité de manière palpable et la violence est plutôt soft. Il y a aussi le cas de Lhassa dans Wang de Pierre Bordage. Elle a été physiquement agressée à deux reprises. La première fois par des néo-triades dans la Provence de Hongrie et la seconde sur le seuil de l’Occident par un Bulgare. Mais à chaque fois c’est à l’extérieur de l’Occident que l’agression ait lieu. Un espace chaotique ravagé par différentes formes de tyrannies. Cela démontre bien que la violence physique se fait plus percevoir et ressentir dans les milieux où s’affirme la dictature que dans les milieux où s’épanouit le totalitarisme. Par ailleurs, la femme immigrée dans le contexte occidental a un tout autre statut, elle est exploitée et n’a aucun droit. Pire, elle se retrouve dans un monde dans son apparence démocratique et juste mais qui dévoile des pratiques cannibales et sauvages. Ainsi, dans Wang, la femme est fécondée artificiellement pour pouvoir ensuite utiliser le fœtus dans la préparation de produits cosmétiques Il existe dans chaque pays des embryonneries, des sortes d’usines où des femmes immigrées sont inséminées avec du sperme sélectionné et avortées entre six et huit mois. Les fœtus entent pour une bonne part dans la composition des élixirs de jouvence que fabriquent nos apprentis-sorciers13.
L’auteur utilise le terme d’apprentis-sorciers à juste titre pour renvoyer à un progrès qui se transforme en une sorte de magie noire. Magie, vu l’effet eugénique réalisé et qui est stupéfiant, noire en raison des pratiques auxquelles recourent les scientifiques dans le rituel de rajeunissement qu’ils lancent. La femme a un statut particulier dans les textes occidentaux d’anticipation dystopique. Elle pousse le protagoniste dans son entreprise de révolte, lequel se prend pour une pseudo figure divine qui prétend installer le paradis sur Terre. La femme est à l’origine de l’exclusion du "héros" de la cité utopique alors que dans les textes d’anticipations arabes que nous avons analysés, la femme est constamment violée, en témoignant d’une réalité décadente où le corps est porteur d’une seconde lecture. Le viol est plus qu’un acte d’abus sexuel, c’est une agression politique d’un peuple soumis et piétiné par des régimes despotiques. Néanmoins, une exception est à mettre en avant : une trilogie féministe de l’auteur Kueitienne Tiba Al-Ibrahim, qui nous propose une lecture originale d’un monde où la femme, grâce à la technologie du clonage sera capable de s’auto-dupliquer. L’homme n’ayant plus désormais d’utilité sera pourchassé et exterminé. Une trilogie qui 12 13
MHM., p. 75. W., Tome II, p. 213.
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restaure les sociétés matriarcales avec un souffle révolutionnaire époustouflant.
Bibliographie Al-Baķālī (‛Abd Assalām), اﻟﻄﻮﻓﺎن اﻟﺄزرق/Le Déluge Bleu, Maison Tunisienne d’Edition, 1986 Al-’Ibrāhīm (Ţība), اﻟﺈﻧﺴﺎن اﻟﻤﺘﻌﺪد/l’Homme multiple, Ed. AL-Mu’assassa Al‛Arabiyya lil-nashr, Egypte, 1990. Bordage (Pierre), Wang, Ed. J’ai lu, 1997. Damasio (Alain), La Zone du dehors, CyLibris, 2001. Kīlanī (Mustapha), ﻣﺮاﯾﺎ اﻟﺴﺎﻋﺎت اﻟﻤﯿﺘﺔ/Miroirs des heures mortes, Dār Al-Mīzān, Tunisie, 2004. Spinrad (Norman), Bug Jack Barron, [trad. Guy Abadia, Jack Barron et l’éternité], Robert Laffont, 1971 Umrān (Ţāleb), اﻟﺄزﻣﺎن اﻟﻤﻈﻠﻤﺔ/ Les Temps Ténébreux, Ed. Dār Al-Fikr, Syrie, 2003.
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Représentations féminines entre identité et transversalité dans l’œuvre de Meriem Bouderbela Sarra BEN HASSINE1
Certaines figures féminines de l’histoire de la photographie en Tunisie, occupent des places singulières, car, la création artistique fait leur première passion. D’ailleurs, c’est le cas, de certaines femmes photographes, qui voulaient se consacrer à la photographie artistique et qui ont expérimenté dans leurs pratiques, l’approche de la matière, de l’espace et de la lumière. En se plaçant dans un contexte d’idéologie et de revendication, la femme tunisienne a imposé sa présence dans la scène artistique, son souci majeur est de revendiquer l’identité et l’authenticité de son œuvre d’art, tout en s’ouvrant sur les pratiques artistiques dans le monde et la modernité. La question qui se pose en ce moment : Quelle est la classification de « la femme photographe » dans notre société ? Peut-on la classer comme une artiste photographe militante, authentique, moderne ou innovatrice ? La problématique que nous allons essayer d’aborder ultérieurement tourne autour des paramètres qui ont soutenu la femme artiste à exprimer et assurer son identité à savoir (une identité patrimoniale et artistique. Dans ce même contexte : comment l’art peut-il être un moyen palpable de la libération de la femme tunisienne orientale des codes sociaux et religieux ? Dans un premier temps notre propice majeur est de pouvoir identifier le rôle de « la femme photographe » et aussi de « la femme photographiée »2 dans la société, à partir de l’œuvre de Meriem Bouderbela. Dans un deuxième temps nous évoquons le statut de la femme photographe et l’instauration de son identité patrimoniale et artistique. Historiquement, c’est à partir du milieu des années quatre-vingts, les artistes femmes en Tunisie ont commencé à exposer et exister dans les expositions collectives et personnelles. Plus tard et avec le développement de l’enseignement de l’art, les artistes, les photographes et les enseignantes de l’art vont jouer un rôle majeur dans l’instauration et le développement de l’art contemporain en général et de la photographie artistique plus précisément. Les photographes professionnelles tunisiennes 3 ont déjà 1 2
Universitéde de Gabes Identifier le rôle de « la femme photographiée »2, à travers la Figure de la femme qui a été photographiée par les photographes « Lenehert et Landrock »2, où, nous pouvons déceler le différentiel de traitement photographique existant entre les femmes orientales et les hommes orientaux. 3 Certaines ouvrent des ateliers et des galeries d’arts, d’autres apprennent les différentes techniques photographiques numériques en conservant leur amour et leur dévouement à leurs œuvres artistiques.
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commencé à photographier en Tunisie depuis le 20ème siècle. En la comparant avec d’autres pays du monde arabe, la Tunisie est avant-gardiste dans ce domaine photographique. C’est l’artiste photographe qui est mise en valeur à travers son talent, sa créativité, dans le respect des valeurs culturelles et artistiques. De là, il s’avère important de dire que l’art, est un vecteur de bien-être et d’émancipation d’un peuple, d’un pays d’une société et d’une femme. Par ailleurs, la construction de l’image des femmes orientales dans la production des photographes commerciaux des années 1860-1880 qui se sont basés sur un corpus inédit : la collection (de 1568 photographies,) achetée par le voyageur genevois Alfred Bertrand4 (18561924) entre 1874 et 1883. Ces images présentent un modèle important du rôle joué par la femme photographiée5 dans l’instauration d’une identité féministe tunisienne. Jusqu’aux années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, rares sont les femmes artistes et les photographes qui ont osé un nouveau langage pictural, plastique et artistique qui s’inscrit sous l’égide de l’art contemporain, quelles ont été les raisons de leur retard ? Et qui sont les artistes photographes qui ont essayé de sortir de la monotonie de l’art vers une vocation identitaire et patrimoniale ? En effet, la photographie artistique telle qu’elle s’est élaborée en Tunisie peine à se forger un statut indépendant notamment face à l’hégémonie des arts plastiques. Il n’en demeure pas moins qu’en s’ouvrant sur les autres champs de l’art, la photographie artistique, ne s’est pas trouvée amoindrie. Au contraire elle s’est nourrie particulièrement des arts plastiques de manière créative, riche et évolutive6. C’est dans ce contexte de pluralité identitaire que s’inscrit l’image photographique artistique de Meriem Bouderbela, reconnue pour sa transversalité et caractérisée par un nouveau langage pictural. Comment peut-on lire et percevoir dans les créations de Meriem Bouderballa et en quoi celles-ci se démarquent-elles ? Si l’on considère l’œuvre de Meriem Bouderbela comme une reformulation poétique de différentes pratiques artistiques telles que la performance chorégraphique, le happening et la vidéo, au service d’une identité féminine plurielle, la question qui se pose : Quelles sont (la ou les) démarches artistiques qu’elle confectionne, les médias, les outils numériques auxquels elle fait appel pour aboutir à cette identité orientale ? Meriem Bouderbela7 est née en 1960, elle vit et travaille entre Paris et Tunis. En 1985, elle a eu un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, en Aix-en-Provence et un diplôme Gravure à Londres. Qu’elles soient résidentes ou itinérantes, ces photographes destinent leurs clichés à la vente : aux touristes et collectionneurs de la photographie. 4 Alfred BERTRAND (1856-1924) est voyageur genevois. 5 Nous essayons de proposer des pistes d’explication, comme les contraintes imposées aux photographes (normes des sociétés d’origine des photographes, lois des sociétés photographiées, conditions matérielles), et les imaginaires et les idéologies de ces photographes (fascination pour les femmes orientales, supposée infériorité des sociétés orientales). Enfin, il met en exergue le rôle des clients de ces photographes. 6 Expérience riche et évolutive grâce à L’accélération des innovations technologiques, ainsi que l’avènement du numérique ont permis aux artistes photographes de renouveler leurs approches, d’enrichir leurs pratiques et leurs visions. 7 En 2003, elle a été le Commissaire des Rencontres d’Art Contemporain de la Médina de Tunis. En 2006 elle était commissaire pour la partie tunisienne et exposante de « L’image révélée, entre orientalisme et art contemporain ». Elle a aussi réalisé plusieurs expositions personnelles tel que : « Universe » à Londres en 2008, « Etoffes cutanées » en 2003, « Hammam », en 2001 et « Zaouias » en 1999 à la Galerie Amar Farhat, Sidi Bou Said , en 1998, « L’étoffe des cauchemars », Lyon. « Visions d’une grande peste » à Paris. en 1991 « Epreuve » à Paris.
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Figure n° 1 : Sans Titre. Meriem Bouderbela. 2008. Installation photographique. Image prise d’une vidéo. Titre de l’exposition « L’image révélée entre orientalisme et art contemporain ».
L’œuvre de Meriem Bouderbela est à la fois représentative de la génération actuelle de l’art contemporain maghrébin et d’un “art féminin”, entendu comme une expression nouvelle de la condition féminine dans le monde arabe. Dès que nous commençons à regarder l’œuvre de Meriem Bouderbela, un tas de questions nous envahit : sa photographie artistique estelle de la danse, puisque c’est la première impression qui en émane ? Dans ce sens on ne peut parler d’un acte photographique (mouvement et gestualité expressive, un certain érotisme). Par la suite une deuxième idée nous parvient : C’est un autoportrait ou la photographe y figure bien. L’artiste recours à l’autoportrait est comme une expression du combat des femmes pour leur reconnaissance en tant qu’artistes. Mais s’il est vrai que le contexte social, a inévitablement joué sur la création, car avant la femme était légalement mineure et incapable contrairement au génie qui était considéré comme exclusivement masculin. Dans ce même contexte, Cécile JAUNEAU confirme que : L’autoportrait sera alors une manière d’aborder des thématiques beaucoup plus personnelles, les artistes pouvant dans ce cadre exprimer leurs angoisses, leurs doutes ou encore leurs désirs dans une approche plus intime et parfois même thérapeutique pour certaines d’entre elles8.
Mais, si nous regardons l’œuvre de Meriem de plus près, le visage de la photographe est clairement reconnaissable. Donc son œuvre peut-elle être du 8
JAUNEAU Cécile « L’autoportrait féminin en peinture à la fin du XIXe siècle en France » dans Marie Gispert, Catherine Méneux, Emmanuel Pernoud et Pierre Wat (ed.), Actes de la Journée d’études Actualité de la recherche en XIX siècle, Master 1, Années 2013 et 2014, Paris, site de l’HiCSA, mis en ligne en janvier 2015.
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cinéma 9 puisque le mouvement est un élément fondamental dans son œuvre ? Néanmoins, son œuvre peut tourner en boucle, sans qu’on puisse se rendre compte. Le fait que l’œuvre de Meriem se situe entre la photographie, le cinéma et la danse, elle incarne aussi la vidéo-diaporama-chorégraphie. La photographe est submergée par sa propre pratique, expérimente plusieurs médias, se donne la liberté de s’exprimer et se soucie peu du spectateur. Celui-ci est livré à lui-même, interpellé, libre d’interpréter ou de rester passif, d’y prendre goût ou pas. La lecture et la perception sont donc plurielles. En parlant de sa pratique, Meriem Bouderbela dit : Ma double origine et ma double culture française et tunisienne ont toujours influencé mon travail de plasticienne. L’une et l’autre ont suscité les gestes, les repentirs, les décisions qui ont entraîné mes œuvres vers un "devenir minoritaire". Ni du Nord ni du Sud, ni d’ici ni de là-bas, mais d’un ailleurs à la marge de l’édification de l’art mondialisé10.
Le travail de l’artiste tourne autour de la transfiguration de son propre corps en une œuvre photographique, c’est une expérience jugée singulière, où elle érige, son corps comme un lieu culturel ; sa danse et ses gestes11 deviennent un langage, ils verbalisent ses émotions, son vécu, ses sensations et son appartenance. Cette spontanéité de la pratique ne signifie pourtant pas que le travail est totalement improvisé. La mise en scène présente pour elle une phase réfléchie et indispensable. Meriem réalise sa mise en scène toute seule le choix ; des habits traditionnels et des bijoux ainsi, que le maquillage afin d’offrir aux spectateurs « les traces d’identités en images ». Avant d’avancer plus et ayant déjà qualifié l’œuvre de Meriem Bouderbela, comme transversale, il serait intéressant de définir qu’est-ce que le transversal dans l’art ? Pour faire court, la transversalité a pris une grande épaisseur conceptuelle à partir de la fin du 19eme siècle. Elle désigne l’hybridation des domaines de création voire la fusion des styles. La transversalité est globale, elle va audelà des délimitations disciplinaires pour abolir les frontières. La mondialisation et la diffusion de l’information au plus grand nombre grâce aux moyens de communication internet, audiovisuel, cinéma, etc.) a accéléré son opérabilité. C’est devenu un mode de pensée voire une façon d’être. Pour le cas de Meriem Bouderbela, son amour et son influence par la photographie, le cinéma et la danse ; la vidéo-diaporama-chorégraphie lui ont donné une souplesse de créativité et un pouvoir de s’auto-dépasser. Dans ses œuvres, la quasi-transparence de la couleur de chair est très présente, ce qui donne au spectateur l’impression de fusionner avec l’arrièreplan. Une de ses remarquables participations, dans l’exposition collective : « L’image révélée entre orientalisme et art contemporain » réalisée en 2006, où elle décrit sa pratique : « Mon travail décline depuis toujours une interrogation sans fin sur le corps comme trace de la présence.12 » Meriem déjoue les codes ; le voile, le regard « folklorisé », la soumission féminine, pour recréer des « images mouvement », ainsi, pour reprendre la fameuse 9 Le cinéma est plus qu’une succession d’images photographiques. Pour faire du cinématographique, il faut construire une histoire, inventer un scénario, du moins une trame, imaginer un début et une fin. 10 BOUDERBELA Meriem 2006, exposition « L’image révélé entre orientalisme et art contemporain. » 11 Ses mouvements tracent la temporalité de son happening ou de sa performance dans l’instantané, le fugitif, l’immédiat. 12 Ibid Meriem Bouderbala, « L’image révélé entre orientalisme et art contemporain. ». 2006, Palais Kheireddine.
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expression de Gilles Deleuze : « Souvent la pensée. Détournant les codes et les conventions visant à normer et "discipline" le corps, vous inventez des images fixes ou animées qui créent un monde et inventent un chemin de liberté, celui de l’artiste. »13 Pour Meriem, le corps devient voile et l’image devient une chorégraphie aux contours fluides, tout en portant un questionnement exigeant sur la condition de la femme dans le monde d’aujourd’hui. C’est ce dialogue permanent entre l’Orient mythologique et la performance contemporaine qui fait toute la force de son travail. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs grandes collections publiques, qui entrent en résonance avec sa recherche sur l’identité et l’image. Ainsi, sa conception exigeante de l’art porte une dimension performative et une puissance d’action, dans un dialogue permanent et réfléchi entre héritages et création, sources classiques de l’art arabe et propositions de l’art contemporain, « comme un tissu sans couture dont les plis éphémères ; le « Pli », encore une forme empruntée à la pensée de Gilles Deleuze sur l’esthétique qui dessinent chaque fois un corps singulier. » Meriem Bouderbala estime que le photographe et son sujet ne se rencontrent pas, ils restent l’un et l’autre dans leur solitude essentielle, c’est une quête perpétuelle qui les fait croiser. La soumission de son image corporelle à des techniques telles que la déformation, la démultiplication, ainsi qu’à des superpositions traduit très bien cette démarche volontairement incertaine, voire anarchisante. L’image est donc fragmentée, écorchée. L’image fixe se détourne en une performance personnalisée : L’artiste bouge, danse, ses mouvements, ainsi que sa gestualité reflète sa féminité, sa nudité et sa sexualité, elle s’auto-photographie avec un appareil numérique automatique, elle crée donc ses vidéos personnalisées puis elle se détache de ses images photographiques en y superposant d’autres. Cette sensation est troublante pour le spectateur, mais Meriem Bouderbala maitrise ces performances et son art intelligemment. Elle comble son désir de danser librement en même temps qu’elle en fait exposition photo. Meriem Bouderbela joue à la fois le rôle du photographe et du modèle, ce double rôle lui inspire des idées c’est ainsi, qu’elle a appris à maitriser cette attitude artistique pour développer son travail14. Cette polyvalence (photographe et metteur en scène) émane d’une maitrise de soi et d’un équilibre entre le désir artistique et les loisirs : un jeu ludique et artistique. Mariem Bouderbala a aussi recours à la technique du collage à travers le photomontage ainsi ; qu’à des assemblages à partir de toile, de papier, de verre et du textile, afin de créer une dimension dynamique inhérente à la plasticité corporelle organique et vivante. Elle répond en cela à ce que Brecht dit à propos de l’image : « l’image [qui] seule ne renseigne pas assez sur le monde ; seule l’introduction d’éléments extra-photographiques introduit à une logique du sens. »15 Donc, le travail de la photographe ne se limite pas, uniquement, au visuel, mais également à la pratique du geste et de l’action. Meriem Bouderbela met l’accent sur la manière dont le regard est 13 DELEUZE Giles « Qu’est-ce que l’acte de création ?».Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis, 17/05/1987. 14 Elle doit ainsi vérifier la vitesse d’obturation, l’ouverture du diaphragme, la sensibilité du support qui peut être un cliché positif ou négatif pour la photographie argentique ou capteur, dans le cas de la photographie numérique, ainsi l’éclairage doit être fixé. Donc l’intensité des sources, les réflecteurs et les diffuseurs ainsi que les angles de vues. 15 Notes de cours sur l’histoire de la photographie (II) :Qu’est-ce que la Photographie Plasticienne ? Une évocation des tendances de la photographie au XXème siècle permet de positionner plus finement ce qu’on entend aujourd’hui par "photographie plasticienne".
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prémédité, préconçu par elle-même, une certaine stratégie féminine qui vise non seulement à modifier notre manière de penser le monde physique et social féminin, mais aussi à porter ce monde vers « des dimensions artistiques extraordinaires ». Elle a ainsi, utilisé « l’installation photographique » pour présenter ses autoportraits, en transformant son propre corps en une œuvre de « femme orientale bédouine ». Évidemment, les photographes tunisiennes ont cherché à trouver des modalités d’expression ; qu’il s’agisse d’une tache, d’une texture et d’autres... Ces femmes ne cherchent pas, à montrer, un geste plus au moins intéressant, ce que Marcel Duchamp l’a nommée « un geste ready-made », leurs intérêts vont plus aux gestes féminins et plus qu’au corps « organique », matériau, comme support de liberté et de lutte contre les codes sociaux. Ce corps est le signe producteur d’élément plastique. Dans son traité le « Le sculpteur d’images », Roland Barthes dit : Qu’est-ce que mon corps sait de la photographie ? J’observai qu’une photo peut être l’objet de trois pratiques (ou de trois émotions, ou de trois intentions): faire, subir, regarder. L’opérateur, c’est le photographe. Le spectateur, c’est nous tous16.
Grâce à l’objectivité qu’on lui prête, la photographe orientale tunisienne a joué un rôle clé dans la production, la diffusion de notre identité. De leur côté, les modèles de femmes orientales, par la fascination qu’elles suscitent chez les Occidentaux, y occupent une place centrale. La catégorie de photographes tunisiennes concerne l’ensemble des photographies telles que soient des autoportraits, des photomontages ou des photographies numériques. Avec cette pratique artistique, les femmes de l’orient sont extraites du monde mythique pour entrer dans le « monde réel ». La photographie17 constitue donc, un tournant dans l’histoire de notre pays relatif à l’orient, ce dernier n’étant connu jusqu’alors qu’à travers la peinture, la littérature, les objets importés et les êtres vivants. Une des manifestations qui a eu un écho est l’exposition « Femmes du monde arabe et révolutions »18 née d’un concours photo lancé a pour objectif de mettre en avant le combat des femmes au sein des révolutions du monde arabe. Une autre exposition qui a contribué à mettre en exergue le rôle des femmes photographes dans la société culturelle et artistique, celle de « La part du corps »19 où des photographes tunisiennes ont contribué à y participer. 16 17
Barthes Roland « Le sculpteur d’images ». Cependant, comme il est connu, la photographie artistique dépend de normes et d’intentionnalités. Sans parler des retouches numériques inventées dans les dernières années : des pratiques ou le cadrage et le jeu de lumières peuvent changer complètement le sens d’une photographie. L’image photographique proposée par les photographes Tunisiens doit donc être abordée comme le résultat de leurs différentes perceptions. C’est le traitement photographique des sujets orientaux qui constitué l’objet de notre quête. 18 Expositions de "Femmes du monde arabe et révolutions" a été réalisée dans le cadre d’un concours qui a été lancé afin d’inviter les photographes du monde entier à montrer le rôle actif des femmes du monde arabe au sein des révolutions en cassant les stéréotypes véhiculés à leur sujet et d’éviter qu’elles ne tombent dans l’oubli. Dans ces images, ces femmes sont actrices de leur vie et participent à la construction d’une société plus égalitaire et plus juste. 19 Par dessin, peinture, vidéo, photo, performance ou installation et à partir de leur environnement culturel, les artistes croiseront leur imaginaire pour interroger, chacun à sa manière, les représentations du corps dans les enjeux de son intimité et de son dehors. Ils osent de nouvelles images de la corporéité qui libèrent des identifications convenues. Par le travail de l’art, les figures inédites du corps réinvestissent l’espace du désir et de la relation à soi et à l’autre. Artistes : Héla Ammar, Yann Toma, Farah Khalil, Richard Conte, Sonia Kallel, Nathalie Amand, Marianne Catzaras, Fatma Charfi, DelelTangour, Pascale Weber, Tahar Mgedmini,
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Généralement, la femme tunisienne est une femme dynamique qui apparait dans tous les domaines et particulièrement dans le domaine artistique, car celle-ci occupe les premières places dans le monde arabe. La photographe tunisienne a pris son élan suite à l’apparition du numérique et la nouvelle technologie. Toutefois, le nombre de femmes artistes photographes a augmenté et leurs objectifs ont changé : d’où, leur mission n’est plus de produire de l’art, mais de produire de nouvelles visions artistiques. L’idée majeure de cette réflexion se veut une proposition d’une nouvelle approche théorique et artistique, afin de repenser le discours artistique autour du féminin. Et cela en quête de signifiants capables de libérer l’imaginaire collectif féminin et mobiliser l’engagement féministe dans le monde de l’art et de la créativité. Cette vision témoigne d’une insistance tactique sur le « féminin » qui procède à la fois d’une stratégie de visibilisation et d’une position critique, seules les femmes artistes sont capables et de la faire exister à travers leurs œuvres d’arts dans l’espace de la culture artistique. En guise de conclusion, nous pouvons dire que l’expérience artistique de Meriem Bouderbela est multiple non seulement par sa transversalité, sa diversité, son dynamisme, mais surtout par sa complexité et son aspect interactif et performant. Il s’agit pour l’artiste d’un cheminement vers soi, ou le temps se décompose et s’imbrique, ou le spectateur est présent, mais presque nargué, tellement l’artiste est absorbée par sa propre identité et par la charge expressive de son corps. Mariem Bouderbala l’a compris, son corps lui a dicté ses démarches que sa formation et sa maitrise technique ont permis d’exploiter. Un corps pluriel, rebelle, narcissique a besoin de se nourrir et de transcender toutes les disciplines et les médias pour s’exprimer sa liberté. Voilà à quoi peut se résumer la pratique féminine de Meriem Bouderbala et en quoi elle est captivante : elle est à l’image de la femme tunisienne, ni tout à fait elle-même ni tout à fait une autre. Ni tout à fait orientale, ni tout à fait occidentale. Une identité du coupé-décalé, du juxtaposé, du fragmenté, du recollé, une identité en devenir tout simplement.
TeunHocks, Dora Dhouib, Sana Tamzini, Meriem Bouderbala, Michel Journiac, HazemBerrabah, Jean Lancri, ChahrazedRhaïem.Commissaire d’exposition : Rachida Triki. Organisation de deux tables rondes avec le concours du Cerap (Université Paris I Sorbonne), de l’équipe Art et transcréation du Philab (Université de Tunis) et de l’Atep. « La part du corps dans les arts contemporains », avec la participation des artistes exposants et de Mounira Ben Mustapha, André Rouillé, Patricia Dorfmann, Sondes Hbiri, Rachida Triki, Richard Conte…
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Les oeuvres de Meriem Bouderbela
Image n3 : Série Bédouine, Meriem Bouderbela. Photomontage tiré d’une vidéo de 3mn. Tirage numérique sous diasec, h : 80 x w : 48 cm Tunis 2008.
Image n° 4 : Titre : Série Bedouinas, Meriem Bouderbela. 2009. Tirage argentique sur diasec, dimensions 160x120 cm.
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Image n5 et6 : Titre : Dynamicafrica : Installation photographique prise d’une vidéo. Meriem Bouderbala, 2010.
Bibliographie AUGE Marc, « Non-lieux, Introduction à une anthropologie sur la modernité », 1992. Paris. Éd, Seuil. 149 pages. BAQUE, Dominique, « La Photographie plasticienne : L’extrême contemporain », 2004, édition du regard. 288 pages. BAQUE, Dominique, « La Photographie plasticienne : un art paradoxal », Paris, Éditions du Regard, 1998, 225 ill. NB. 328 pages. DE MONDENARD Anne, « Le Corps photographié » John Pulz, Flammarion. BAZIN André « Qu’est-ce que le cinéma ?» Editions du Cerf, (réédité en 1976 puis 1985 pour la pagination) 372 pages. Catalogue de l’exposition « L’image révélée entre l’orientalisme et l’art contemporain » 2008. musée de la ville de Tunis palais Kaireddine place du tribunal, la médina, Tunis, photogravure et impression. Simpact-Tunis. Article de la presse « Meriem Bouderbela : Une artiste tunisienne au Caire ». Publié 2009. SOURIAU, Etienne « Vocabulaire D’esthétique », Paris, 2ème Edition Quadrige 2004 Mai. 2ème Tirage juillet 2006. DURAND, Régis « Le regard pensif : lieux et objets de la photographie » ; Edition de la différence. Collection les Essais, Paris, France, 2002. DELEUZE Giles « Qu’est-ce que l’acte de création ? » Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis – 17/05/1987. JAUNEAU Cécile « L’autoportrait féminin en peinture à la fin du XIXe siècle en France. » dans Marie Gispert, Catherine Méneux, Emmanuel Pernoud et Pierre Wat (ed.), Actes de la Journée d’études Actualité de la recherche en XIX siècle, Master 1, Années 2013 et 2014, Paris, site de l’HiCSA, mis en ligne en janvier 2015.
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Le moi que l’autre m’impose ou les nouvelles normes de la féminité Khadija BEN HASSINE1
Je cède à la tentation et je vais procéder à partir de l’histoire immédiate et de parler de ce que je vis et ressens actuellement. Ce que je vais discuter dans ce que je désigne par « actuellement » se ramène à trois phénomènes : un repli obsessionnel pour une identité conçue comme faite, scellée, transmise qu’il faut endosser comme une ceinture de chasteté contre toute tentation de la modernité, une résurgence de l’utopie d’un hier absolu qui condenserait tout le futur et servirait de paradigme à un présent hors de l’histoire et enfin et à mon propre niveau, un sentiment de malaise face à l’image que l’autre me renvoie de moi-même, une image qui s’inscrit en dehors de l’espace et du temps et qui annonce la mort de l’expérience historique en la condamnant d’avance comme écart par rapport à la norme et par conséquent, hérésie. Je commence par une confession. J’avais vécu, jusqu’au 8 mars 2011, comme Françoise dans L’Invitée de Simone de Beauvoir, « sans vie intérieure », ma conscience de mon appartenance identitaire était singulièrement faible : elle relevait du simplement admis. Aussi violente qu’inattendue, l’attaque des salafistes des manifestants du 8 mars 2011, fut l’onde de choc qui fit pivoter mon regard vers moi-même, je compris que le projet de détournement du sens de l’histoire va passer par moi, par une action dévastatrice sur la conscience que j’aie de mon ipséité (le moi ici ne désigne pas le sujet isolé que je suis, mais ce que je représente et que je partage avec toutes les femmes, intellectuelles conformes aux valeurs de l’État moderne que Bourguiba avait voulu édifier). L’illusion révolutionnaire n’aura durée qu’une courte saison, le temps de réunir les conditions de possibilité de la réédition du lien pervers entre le mythe et la politique en faisant croire à une nouvelle renaissance d’un modèle identitaire utopique et à l’agonie du modèle national bourguibien. Le passage à l’attaque signifie que l’écart idéologique et la fissure se sont suffisamment élargis au sein de la société pour permettre à ceux que les valeurs de l’État laïc dérangent de s’afficher et de revendiquer, en plein jour, l’application de leur modèle de société et d’identité. En tout cas, ce 8 mars, chacun, selon sa position vis à vis de ce problème, s’est positionné et rangé dans le spectre d’un clan. Ne pouvant pas séparer ce qui participe du moi de ce qui participe de mon monde, je me suis déplacée, avec la totalité de mon “moi”, vers mon 1
Université de Tunis.
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clan et positionnée au point ponctuel où nous nous touchons : la société libre et démocratique. C’est à partir de ce qui se dit de mon clan que je vais parler du « moi » que l’autre m’impose. Un exercice de métaphysique expérimentale où, en me perdant dans le tout, je me retrouve et en me retrouvant dans mon tout, j’effectue ma distanciation par rapport à l’autre qui, lui-même, à chaque fois qu’il m’affronte, isole en moi des zones de sens qu’il décontextualise pour les recontextualiser selon sa propre perspective. Parce qu’il procède d’une perspective qui n’est pas la mienne, celle de l’absolu et du transcendant, les images qu’il me renvoie m’agressent. Elles me diluent dans un concept flou et vague qui fait passer mon ipséité au second plan, derrière une identité unifiante, qu’il puise en dehors de ma durée, en dehors de mon espace et de mon temps et qui m’intègre sous un concept synthétique et anhistorique. Je suis membre d’une espèce et non pas un individu. Il me sort de mon ipséité, de mon identité mobile pour me figer dans l’ « identité immuable de l’idem »2, de ce qui est « tenu pour le même dans la diversité de ses occurrences »3. Je suis convertie en fonction de ce que l’autre, conformément à sa perspective, considère comme les frontières du normal. Le problème se passe en moi. Sous l’effet de ces coups assénés à ce que je suis, je sens que je quitte mon statut de réalité pour passer au statut de symbole, dépendant ontologiquement de la fonction symbolisante de celui qui m’a accolé le sens. Je suis posée par sa pensée et engendrée selon les conditions de sa structure mentale, cela me déstabilise. Les assaillants me diabolisent, je suis classée ennemie de dieu parce que je réclame la démocratie, considérée comme soutenant le mariage homo parce que je revendique l’égalité des sexes et la protection des droits de la femme et de la famille, taxée d’anti-arabe et athée parce que je suis intellectuelle vivant librement mon rapport au divin … Je saisis l’ampleur du drame : ce que le 14 janvier a réuni, le 8 mars a désuni, et plus tard le 9 avril a fini par confirmer. Le peuple s’est éclaté en deux clans, entre ces deux clans s’est interposé un tissu de représentations qui tiendra désormais lieu de « substituts »4 de ce que chacun est réellement. En choisissant mon clan, je désigne mon autre et me barricade derrière les frontières floues et épaisses qui commencent à enserrer nos géographies réciproques, nous mettant dos à dos faisant en sorte que nous ne soyons jamais face à face dans la nudité de nos réalités réciproques. Les sit in bipolaires se traduisent dans la presse écrite et les réseaux sociaux en propos d’exclusion et de démarcation de « nous » et « eux » ou « vous ». Deux clans, deux peuples, deux autarcies irréductibles où chacun, selon ses propres paramètres d’épuration, procède à la démarcation entre ses fidèles et ses hérétiques. Le philosophe en moi réfléchit sur l’expérience, il la greffe sur une interrogation sur les fondements de ce « moi » que l’autre m’impose. Est-il possible de réconcilier ce que Ricœur appelle « l’identité numérique », « l’idem » avec « l’ipse » ou « identité qualitative »5. Je sors la pensée de l’autre de son carcan et je cherche à élucider, d’un point de vue philosophique, ce qu’il y a derrière les formes d’ordre exhibées par ses symboles, ce qui organise le champ de sa vision.
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Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, Gallimard, p. 166. Ibid, p. 166-7. Ibid., p. 59. 5 Ibid. p. 167. 3 4
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Kant l’avait déjà explicité et plus tard les néo-kantiens : l’homme est par essence un animal qui tisse la trame de son expérience par et dans des symboles. Le langage, le mythe, l’art, la religion sont des éléments de cet univers, les fils qui tissent la toile du symbolisme. Ramené à mon ipséité, au “moi”, cette logique veut dire que “moi”, comme réel à l’état pur je n’existe pas. Il n’y a pas de “moi” purifié de toute connotation symbolique, un “moi” qui se suffirait à lui-même et qui ne doit rien à la fonction formatrice de l’esprit qui le saisit et le désigne. Le symbole est à la fois la clef du monde humain et celle de mon isolement. En tant que sens, symbole, je dois ma naissance à une manière humaine d’organiser le monde de l’expérience, à une rencontre homme-monde, catégories de l’entendement et donné. Je suis, à ce niveau, pareille à un mot, à une création artistique ou une formule mathématique. Ma différence je la dois à la modalité de la rencontre hommemonde qui ne suit pas un même schème logique rigide, unique et prédéterminé mais suppose un cadre déterminé de vision. Je ramène donc le moi qu’on m’impose à ses limites : le mythe d’une pureté identitaire n’est rien d’autre que le dévoilement d’un sens né d’une modalité de rencontre ou de vision que M. Merleau-Ponty et Cassirer appellent prégnance symbolique. La différence entre ma représentation de moi même et celle que m’accole l’autre provient du fait que nous vivons chacun dans un sens qui s’extériorise dans ses symboles donc de quelque chose d’extérieur à moi autant qu’à lui, quelque chose qui ressemblerait à la catégorie de l’invisible chez M. Merleau-Ponty, un certain fond indéterminé par rapport à chacun de nous, d’étranger à nos consciences tout en étant inhérent à nos êtres psychiques et qui fait que nos concepts soient porteurs d’un sens qui nous échappe. L’autre me regarde et me détermine à partir de ce fond qui lui est propre. Il ne vient pas me voir à partir de mon fond de sens. Je ne peux pas lui communiquer mon sens car, pour communiquer nous devons cohabiter dans le sens c’est-à-dire intérioriser et apprivoiser le monde au sein des mêmes concepts et des mêmes représentations. Or, moi et l’autre qui m’impose ce que je suis, nous cohabitons dans le temps et dans l’espace mais nous ne cohabitons pas dans le sens. Nous vivons aujourd’hui, après la parfaite harmonie du 14 janvier, dans une dramatique rupture de dialogue. Nous nous battons à coup de symboles. Ce moi que l’autre m’impose, me renvoie à la perspective à partir de laquelle il me détermine. En tant que partie de son monde objectif, ce moi qu’il me lance me dévoile la solitude de son égo anthropophage qui synthétise et schématise seul. Campé derrière les grilles de ses représentations, mon véritable sens ne l’atteint pas, il n’en est pas déstabilisé. Je n’acquiers le statut de présence pour lui qu’une fois ramené à sa pensée, converti suivant le rapport dans lequel il m’enchâsse et suivant les catégories formelles à travers lesquelles il m’appréhende. Dans sa solitude de sujet face au monde, de despote absolu qui adresse ses questions à la nature et lui dicte les réponses, il me défait et recrée selon les dispositions de sa conscience “dans une intention théorique précise” et en fonction de la prégnance symbolique à partir de laquelle il appréhende le monde. Son rapport à moi est un moment particulier dans l’organisation de sa connaissance du réel. Je suis pour lui, comme il l’est pour moi, cette nature qu’on ne peut accepter comme telle et à laquelle on s’oppose en la formant activement. L’image qu’il forge de moi est plus instructive sur sa subjectivité que sur la mienne. C’est à partir de son regard qu’il me fait conformément à son concept : il me sort, il me projette en sortant de luimême et en se faisant objectivité. Moi, comme une chose extérieure, non-lui, 69
je lui permets de délimiter ses frontières, de consolider son autarcie. Il sort toujours de son rapport à moi plus sûr de ses contours que des miens, tel un hérisson que l’agression extérieure aide à se ramasser. Il traverse mon eau sans se mouiller les pieds. Ce moi que l’autre me donne constitue désormais le voile derrière lequel est prononcée la sentence de mon excommunication. Pour devenir autrui pour l’autre, je dois être soumise à une double épreuve, un double travail de synthèse : une reconnaissance dans le concept et une rencontre dans le concept. Je dois satisfaire à la double épreuve du schématisme et de la prégnance symbolique. Or, l’autre peut facilement me rapporter, comme élément de son monde extérieur, à l’ensemble selon un mode une direction d’objectivation donnée, je ne vois pas comment il procéderait pour m’amener à adhérer à cette construction conceptuelle, à en faire usage et à le rencontrer dans le concept. Le monde étant constitué de cercles fermés en fonction des désignations symboliques, pour pouvoir se rencontrer dans le concept, il faut appartenir au même univers symbolique, être prégnés pareillement. Je ne peux pas rencontrer l’autre dans le sens si nous sommes installés, chacun de son côté, dans un contexte relationnel qui fonctionne comme un système autarcique possédant « son principe de construction qui imprime en quelque sorte son sceau à tous ses produits particuliers »6. Comme deux monades, nous ne serons rien d’autre que deux visions particulières du monde, deux manières de glisser le regard et d’organiser le flux des choses selon leurs lois propres. La vision que l’autre a de moi a sa légitimité propre que je ne peux ni juger, ni rectifier à partir de mes propres paramètres. Poussée à l’extrême, cette logique peut constituer un obstacle à tout dialogue. Dans la mesure où je ne peux pas convertir l’égalité devant les choses du monde en un syllogisme d’égalité intersubjective, entre moi et l’autre s’interposeront toujours les frontières de nos prégnances réciproques. Comme les éléments et les relations mathématiques, les individus n’ont pas de signification autonome ou absolue, ils doivent leur signification « aux relations dans lesquelles ils entrent »7, « les axiomes auxquels ils satisfont déterminent leur essence et l’épuisent »8. Le soi serait ainsi synonyme d’un chez soi, d’un enfermement irréductible face au non-soi. Ce non-moi, produit d’un découpage irréductible, je ne peux le toucher que via une analytique qui mettrait en lumière les diverses puissances, les forces spirituelles fondamentales qui sont à l’œuvre dans son monde de sens. Je suis donc, malgré moi, partie prenante de cette guerre de symboles. Car, ce qui se passe en l’autre se passe également en moi. Entre nous s’interposent les représentations que chacun se fait de l’autre. Nous nous tenons, chacun de son côté, derrière les barrières des médiums idéels, dans « un monde de symboles, de plus en plus riche et de plus en plus articulé ». C’est un tel enfermement dans les représentations qui est au fondement de toutes les guerres de symboles, une logique de la relation prisonnière du paradigme cognitif. Il n’y a pas d’« empiètement de moi sur autrui et d’autrui sur moi »9, mon rapport à lui ne peut pas dépasser le rapport empirique à un objet dans lequel l’être est réduit à la connaissance que je peux en avoir et que l’on peut rendre par l’image éloquente de Sartre de 6
La Philosophie des formes symboliques 3, p. 156. Ibid., p. 136. Ibid., p. 136. 9 Maurice Merleau-Ponty, La prose du monde, p. 185. 7 8
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« l’Esprit-Araignée »10. L’ayant converti à ma propre langue, je ne peux affirmer, sans me contredire, que je communique avec l’autre, je serais plutôt en situation de discours solipsiste où ma conscience se crée son propre monde à partir de ce qu’elle a recueilli de l’extérieur. Quel dialogue peut instaurer celui qui ne fait que s’entendre parler ? « Un leurre » de dialogue, dira Gilles Deleuze, un rêve de maîtrise idéale où celui qui croit dialoguer « entend des voix qu’il reste seul à entendre et perçoit comme source étrangère ce qui procède de son propre dedans ». Le nazisme, le racisme, l’intégrisme et tous les fléaux en ‘isme’ sont des monstres idéologiques engendrés dans la fermeture culturelle d’une communauté, d’un peuple, d’une religion ou d’une civilisation. Purification culturelle, idéologique ou religieuse sont autant de manifestations de cette fécondation hermaphrodite où les discours se frôlent, s’affrontent et se détruisent mutuellement. Certains hermaphrodites culturels peuvent pousser leur intégrisme (dans le sens de désir de rester intact, d’assurer son autonomie vis-à-vis de l’autre) jusqu’à renier, comme signe d’altérité et d’aliénation, ce qu’ils ont en eux et qu’ils doivent à leur être-au-monde, à leur histoire : science, législation, valeurs morales et civiques11. Autant d’exclusions qui sont au centre de la crise de notre université et des tentatives de manipulations du système éducatif. En effet, le fond de sens intuitif qui détermine et oriente notre vision du monde, nous le devons à notre mémoire individuelle et collective. Dès lors, la guerre des symboles ne peut faire l’économie d’une manipulation de cette mémoire, d’une mutilation de l’histoire ou de la mémoire dans le but de déterminer l’horizon sémantique de la lecture du réel. Or, c’est à l’école que les nouvelles générations sont introduites à leur propre histoire et où se détermine, par voie de conséquence, la trajectoire spirituelle et politique de toute nation. Quand l’histoire dans sa totalité est ramenée à un moment de son processus, l’identité dans sa richesse se réduit, ipso facto, à un concept transcendant, absolu et vague. La transposition de la guerre à l’école constitue l’arme la plus meurtrière qu’un système de valeurs puisse utiliser pour abattre un autre, car, en généralisant la cécité symbolique, il risque d’entraver définitivement la perspective de construire, à partir de la catégorie du « moi » et de « toi », celle du « nous » au sens d’une pluralité qui se pense collectivement selon des projections communes. Pour le moment l’autre se limite à faire valoir sur moi, par une intimidation plus ou moins violente, la vision qu’il a de moi mais rien ne l’empêche demain de m’imposer sa vision et son système symbolique par les armes. Nous balancerons alors dans une guerre dont les représentations du « moi », du « toi » et du « nous » constitueront les principaux enjeux. L’attitude constitue en elle-même une contradiction car on ne peut pas chercher à imposer une représentation de son moi à quelqu’un par la conformité à un archétype, sans la conviction préalable que cette ipséité est une construction. Dans quelle mesure je peux communiquer avec « l’objet » de ma construction ? Cet objet, je peux l’avoir, le posséder, l’assimiler, l’écarter, mais je ne peux avoir avec lui une équivalence ontologique. C’est là, à mon 10
Je me permets ici d’adapter le texte de Sartre, « Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl », in Questions 1, p. 9. Je pense ici à toutes les voix qui se sont élevées en Tunisie, au nom d’une identité arabomusulmane, contre l’émancipation de la femme, le code du statut personnel et la place de la langue française dans l’enseignement (heureusement non écoutées). 11
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sens, le problème majeur que la Tunisie vit aujourd’hui. Convaincu d’être dépositaire de la vérité, l’autre, le fondamentaliste entretient, à l’intérieur de sa propre subjectivité, la flamme des croisades avec l’espoir de convertir ce monde récalcitrant à sa vérité. Les modernistes laïcs ne parlant qu’à partir de leur propre subjectivité, à l’image ou représentation qu’ils se sont fait de l’autre. Trois siècles d’État national et d’enracinement dans une culture particulière n’ont pas réussi à opérer « la déconnexion culturelle avec le paradigme d’origine » ni à contourner l’enfermement symbolique. Il est étonnant qu’aujourd’hui, le portrait de l’impie comme éternel ennemi continue à constituer un convertisseur des actes et des paroles de l’autre. Une tyrannie de la représentation trône de part et d’autre du mur de l’incompréhension où chacun tente de soumettre l’autre à ses catégories : dogmatisme de « l’identité culturelle » face au dogmatisme de la modernité. Un double exil symbolique. Il faudrait peut-être se rendre à l’évidence que l’homme ne s’appréhende pas dans les termes d’une connaissance, mais dans ceux de la reconnaissance. L’humain est intimement lié à une conscience métaphysique et morale qui, dit Maurice Merleau-Ponty, « meurt au contact de l’absolu parce qu’elle est elle-même, par delà le monde plat de la conscience habituée ou endormie, la connexion vivante de moi avec moi et de moi avec autrui » 12 . Comment faire pour que cette conscience métaphysique et morale soit possible ? Un travail laborieux, mais nécessaire : inverser l’ordre et mettre la rencontre avec autrui, non pas comme modalité de ma possession du monde des choses, mais comme dimension de mon retour vers moi, car « autrui n’est pas fait du monde, il est fait de moi … de ma substance » 13. La question n’est pas de passer d’un sacrifice vers un autre : sacrifier autrui ou sacrifier le monde. « En deçà des choses », autrui n’est nullement dans l’être, il n’est pas à localiser dans un « espace objectif » 14, je ne peux pas le construire au gré de mes réflexions. Par delà « la corporéité anonyme »15 que nous partageons et qui est la langue et qui doit beaucoup à « prégnance symbolique » ou « sédimentation de la culture qui donne à nos gestes et à nos paroles un fond commun qui va de soi »16, il y a lieu de laisser une place à « l’universalité du sentir »17. Une universalité qui fait que « les paroles d’autrui ou les miennes en lui ne se bornent pas, dans celui qui écoute, à faire vibrer, comme des cordes, l’appareil des significations acquises, ou à susciter quelques réminiscences (mais à) me lancer à mon tour vers une signification que ni lui ni moi ne possédions »18. C’est à cette condition qu’il me sera possible de « m’entendre en lui » et de l’écouter « parler en moi »19. Chercher dans l’autre ce que nous avons de semblable, c’est vouloir s’instaurer en norme ; monotonie du monde et stérilité des rencontres quand elles ne sont pas destructrices. Or, pour parvenir à ce dialogue, il faut veiller à maintenir l’école et par voie de conséquence, l’université zones neutres, en dehors de la guerre des symboles. Il faut accorder les institutions éducatives aux exigences d’une société démocratique à l’abri de toute idéologie visible et invisible. Nous 12
Ibid., p. 167 Maurice Merleau-Ponty, La Prose du monde, p. 187. 14 Ibid., p. 192. 15 Ibid., p. 195. 16 Ibid. 17 Ibid., p. 197. 18 Ibid. 19 Ibid. 13
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vivons un temps de parenthèse dont on ne connaît pas encore l’issue. Tâchons que cette issue soit la dégénérescence définitive du modèle transcendant et absolu et non une polarisation radicale antidémocratique.
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Mécanismes psychiques et genre : la question de l’identité féminine Fanny BAUER–MOTTI1
L’identité de la femme passe par ceux qu’elle côtoie, au cœur des cadres familiaux, sociétaux, professionnels. Être femme induit chez l’autre et en elle une place. Une répartition des rôles s’établit à l’intérieur de nos sociétés, de manière inconsciente. Cette répartition des rôles n’est pas que sociétale, elle est aussi psychologique et identitaire. Ainsi dans notre fonction identitaire c’est aux côtés des hommes que nous nous structurons, et aux côtés de femmes, comme un miroir que notre identité s’établit. Or, confrontées de manière souvent insidieuse au sexisme latent, les femmes ont à se positionner dans la société pour créer un mouvement qui n’a pas de genre. Car le sexisme n’est pas que masculin, il s’appuie aussi parfois sur l’acceptation inconsciente des femmes. En effet, l’identité féminine, au-delà du biologique, s’est construite dans le rapport à l’autre. Nous nous sentons tantôt similaires, tantôt différents. Nous sommes femmes par distinction aux hommes, ou nous sommes hommes par distinction aux femmes. Nous nous définissons dans un jeu de miroir et d’acceptation des places. La problématique de la femme n’est pas uniquement liée à une problématique masculine, elle est avant tout et essentiellement un questionnement à mener en le centrant sur la perception de la femme par la femme. Être femme pose la question de la féminité dans tout type de culture. Le rapport à autrui, le rapport au travail et aux fonctions sociétales passe par le genre auquel nous nous sentons appartenir. Être femme intellectuelle par exemple, êtres femmes leader, êtres femmes qui créent et inventent est toujours à la lumière de l’autre. Car le pouvoir et la prise du pouvoir lorsqu’elle est féminine est noté d’un point de vue même linguistique. Nous préciserons souvent qu’il s’agit d’une femme médecin ou femme leader par exemple. Des colloques s’organisent ici ou ailleurs autour de la pensée féminine. D’un « être femme ». Or, être homme n’est jamais questionné dans ce sens-là. Être homme est, ici ou là-bas comme la norme. Peut-être parce que souvent et dans tout type de société, le pouvoir est essentiellement masculin, et c’est face à cette altérité que le genre devient central. Ainsi être homme ou être femme, naître homme ou naître femme pose un cadre, une linguistique et un champ référentiel à nos actions, notre identité et notre psychisme.
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Docteur en psychologie clinique et psychopathologie, psychologue clinicienne, psychanalyste, Academic Visitor, Oxford University, Middle East Center.
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La place de l’Histoire et des représentations collectives dans notre histoire individuelle Parfois nous tendons à être notre propre prison, pris dans des mécanismes inconscients de répartition des places. Nous nous sommes structurés historiquement parlant dans une histoire écrite par les hommes, avec des règles souvent posées par les hommes. Ainsi les mondes professionnels que nous côtoyons, les espaces sociaux dans lesquels nous évoluons, nous renvoient à une certaine place historique, nous, homme ou femme, que nous poursuivons parfois de façon non consciente. « Nous ne sommes pas d’aujourd’hui ni d’hier ; nous sommes d’un âge immense », disait Jung. Par cette phrase, le psychanalyste pose le postulat que nous sommes faits de notre histoire individuelle prise dans une dimension beaucoup plus vaste. Bien qu’elle soit discutée, je souhaite conserver cette facette de la notion d’« inconscient collectif » exposée par Jung, qui diffère de la notion d’inconscient telle que Freud la théorise. Outre l’inconscient personnel, Jung postule un autre système psychique, complémentaire du conscient, se développant de façon autonome, un inconscient collectif, identique chez tous les sujets, dont la nature est « collective, universelle et impersonnelle »2. Il est le « siège d’images universelles primordiales »3, ou encore de formes de pensées préexistantes, les archétypes. Ceux-ci, souligne Jung, ne sont pas liés à des expériences individuelles, mais sont composés de toutes les expériences humaines depuis le début des temps. Cette conception nous aide à illustrer ces représentations intégrées qui nous dessinent le chemin d’un devenir homme ou femme. On peut dire que l’inconscient collectif en gendre des représentations. Ce que cela signifie d’être une femme ou un homme. Femme à côté d’un homme, homme à côté d’une femme. Partout où l’Homme est Homme, on retrouve ces perceptions, ces représentations de la place des femmes et des hommes même dans les sociétés sans fondements patriarcaux. L’inconscient collectif peut s’appréhender comme un ensemble de représentations et de croyances, pas forcément accessible au conscient. Lorsque, dans le cadre d’un emploi, un homme, par exemple, préfère prendre un homme moins expérimenté qu’une femme en âge d’être enceinte, sans peut-être réaliser que son choix porte sur sa représentation de cette femme, son âge et le cycle de la vie, il s’agit ici de représentations pas forcément conscientisées. Dans cet exemple, trois éléments sont ainsi présents de manière probablement non consciente. Ils sont repérables, mais pour celui qui embauche, ils peuvent être complètement non-sus. Il pourra justifier son choix sur d’autres caractéristiques sans forcément accéder au fait qu’il a intégré que, pour lui, être femme, c’est être mère. En dehors du monde professionnel, cette représentation ne serait pas nocive, mais dans le cadre des ressources humaines, elle pose de manière non consciente une certaine forme de discrimination. De la même façon, pour cette femme qui, bien que passionnée par la mécanique, n’aura jamais eu en elle de vouloir en faire un métier, mais répètera : « Si j’avais été un homme, j’aurais été dans la mécanique ». Son choix n’a pas été arrêté par la société, mais par elle-même et les représentations sociales intégrées comme normes. Lien entre homme et 2
Carl Gustav JUNG, Les racines de la conscience, 1971, p. 11-59 Henri F. ELLENBERGER Histoire de la découverte de l’inconscient, Paris, Fayard, ,2008 chap. : « L’inconscient collectif et les archétypes », p. 725. 3
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mécanique, espace intégré comme interdit « aux femmes ». Quelque part, poser comme un constat que ce qui est masculin exclut forcément le féminin, et réciproquement, est déjà du côté de la croyance et de la perception et non pas du côté des faits et de la liberté du choix. Ces représentations sociales sont le cadre de nos normes et de nos horizons. Si on ne les questionne pas, on se construit une vie avec les limites que l’on croit possibles. Les questionner, c’est avant tout remettre en question ce que l’on croit possible pour nous, femme et homme. C’est oser avancer dans une individualité acceptée, assumée, et non uniquement sous le joug d’une certaine représentation de notre identité sexuée. Par où passe cette répartition des places ? En premier lieu par la transmission. Transmission familiale, transmission au cœur de nos cultures. Nous nous structurons sur des modèles déjà établis d’être homme ou d’être femme. Le modèle parental impacte, que ce soit pour s’y opposer ou pour le rejoindre, les modèles rencontrés au cœur de nos étapes de vie : enfance, adolescence, intégrée comme routes à suivre. Le temps de la petite enfance est la première source de repères hommes/femmes. Les jeux vers lesquels nous nous dirigeons sont souvent orientés par des processus que nous répétons. La petite fille qui tend à jouer avec une Barbie, y jouera en s’identifiant à une femme. Cette Barbie porteuse de féminité - cheveux longs et corps gracile - porte déjà en elle l’identification sexuelle. L’enfant joue en s’identifiant. Tout jeu est porteur d’une identité et des premières représentations. Et c’est ainsi que l’identité des genres se construisent. Nous sommes conditionnés à nous vivre en homme ou femme, avant d’exister comme des individualités. Et cela ne va pas forcément de soi.
Le genre et les mécanismes psychiques L’inconscient est porteur de notre histoire. Nos choix, nos décisions sont toujours tissés dans nos histoires singulières. Qu’est-ce que, selon la théorie freudienne, l’inconscient4 ? Dit très simplement, c’est cette partie de nous, née du refoulement des pulsions, non accessible directement à la conscience, où restent enfouis des souvenirs, des traumatismes, des événements oubliés, d’autres remaniés, etc. – tout un ensemble qui n’est pas accessible par un simple travail de rappel, car il est refoulé ou plus banalement, car il n’est plus remémoré, n’est pas pensé – tout un ensemble qui existe quelque part, ailleurs, dans cet espace que Freud a appelé l’inconscient. Les rêves, les lapsus, les actes manqués proviennent directement de ce qui se passe dans notre inconscient. Mais pas que. Nos choix, nos décisions et nos perceptions du monde y prennent aussi source. Notre perception du monde est le contour de notre monde justement. Lorsqu’un homme attend de sa femme une certaine attitude qui passe par le déni de ses propres ambitions et envies profondes, il ne s’agit pas que d’un trait de caractère ou d’une donnée culturelle, il s’agit bel et bien d’un apprentissage. Cet homme a appris à être homme de cette manière-là, et son inconscient est tissé de petites scènes de vie, de souvenirs, d’émotions liées à cette idée « d’être homme auprès d’une femme » par ce canal-là. Un père qu’il a vu être mari de cette manière-là, un frère qui a pris le chemin opposé, une mère qui a élevé ses fils en donnant une ligne à suivre de ce que doit être 4
Sigmund Freud, L’inconscient, Métapsychologie, Gallimard, p. 65-123.
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une femme… Et encore plus loin, ses premières amours, ses premiers actes d’homme, le regard qu’il porte sur lui-même. L’homme est souvent à la recherche d’une femme qui le validera en tant qu’homme, c’est souvent la même chose pour la femme. Avec ces enjeux centraux, les relations hommes/femmes portent plus en elles que « la rencontre », elles sont littéralement porteuses de l’identité de l’autre sexe. Ainsi chaque individu, dans chaque culture est tissé de ces représentations de ce que c’est qu’être homme ou femme. Ces représentations sont nos premières limites ou nos premières ouvertures si elles sont questionnées.
Premières étapes et structuration… En premier lieu la transmission. La transmission passe par l’identification de l’enfant à ses parents et plus généralement à ceux qui sont vécus par lui comme modèles5. La première identification passe par l’Œdipe. Première étape pour l’enfant où il se visualise comme être sexué, identifié à un genre et se saisissant de la différence des sexes. L’Œdipe est cette phase où l’enfant s’identifie au sexe qui est le sien, dans la ressemblance qui implique sa différence d’avec l’autre sexe. C’est dans le même mouvement qu’en s’identifiant à son parent du même genre, l’enfant va prendre l’autre sexe parental comme repère, comme l’autre. Il s’est identifié comme fille ou garçon et visualise le père ou la mère comme cet « autre », objet d’amour et de différenciation. L’Œdipe est une donnée psychique universelle et nécessaire, l’enfant trouvera à s’identifier à son sexe dans sa différence d’avec l’autre sexe. La fille/le garçon va s’identifier au parent du même genre et l’enfant reproduira ce qu’il capte de sa relation au parent de l’autre genre. Admiration… amour… être admiré… être aimé, des enjeux fondamentaux. Par la suite, en grandissant, cette identification, donc ce repérage, est alimentée par les modalités de nos cadres et les repères qui sont sur notre chemin. Qui dit identification ne dit pas forcément répétition. Car c’est aussi au travers de nos modèles que nous avons voulu faire différemment, autrement. Ainsi, au cours de nos apprentissages scolaires, notre identité s’est arrimée. Les écoles que nous avons fréquentées, mixtes ou non, le type d’éducation que nous avons reçu nous ont façonnés. Nous avons appris à regarder le monde dans une certaine direction. Il est important de comprendre alors d’où nous regardons le monde, pour décider d’y rester ou de changer d’angle de vue. Acquérir l’habitude de ne rien prendre pour norme, tout est toujours questionnable. Questionner c’est le début de la liberté.
La linguistique et le champ référentiel Le champ lexical dans lequel nous grandissons nous structure. Nous ne grandissons pas pareil selon la porte qu’ouvrent nos mots. Grandir au Brésil et appelé la mer « O mare » (au masculin) n’ouvre pas sur le même champ référentiel qu’en français ou la mer est féminin et qui plus est homonyme du mot maman. Grandir avec des mots tantôt féminins tantôt masculins constitue le cadre de nos représentations. Représentations qui puisent sa source dans le rapport que le langage établit avec les genres. Ainsi, chaque 5
Sigmund Freud (1921), L’identification, Essais de psychanalyse, 1981, p. 167-174.
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langue n’ouvre par sur le même champ référentiel. Par exemple le créole mauricien ne différencie pas le masculin du féminin. « Elle vient » ou « il vient » se dit de la même façon « Li pou vini ». Li désigne les deux genres. Qu’est ce que cela change dans la structuration du sujet ? Un rapport à la langue neutre, non sexué. Il n’y a pas une segmentation précise entre homme et femme. Ainsi dans une société fortement patriarcale, la question de la place de la femme ne se pose pourtant pas dans le langage courant. En France, les enfants se questionnent sur le sens du masculin et du féminin et je le vois souvent dans ma pratique toutes cultures confondues. A l’âge ou l’identité des genres amène l’enfant à se structurer par identification, il se pose la question du sens des mots : « pourquoi le ciel est masculin, c’est un garçon » ? Insidieusement, la grammaire oriente. Une orientation prise dans la place symbolique du « il » et du « elle ». Le symbolique est langage disait Lacan. En effet, il y a dans le langage ce que le mot désigne et la symbolique à laquelle il nous renvoie. Une symbolique tissait de représentation collective et individuelle. C’est parce que nous posons dans la grammaire la question du genre que la féminisation des termes devient un enjeu. En questionnant la forme, ne créons-nous pas un enjeu symbolique ? Al’âge adulte, plutôt que de parler de la place de la femme, ne devonsnous pas rejoindre une idée plus neutre de l’individu en soi. Femme ou homme. Sans en chercher la différence par la grammaire, mais en se centrant sur la singularité de chaque sujet. Au contraire des théories féministes et du langage épicène qui souhaite une règle d’écriture visant à rendre neutre le langage du point de vue du genre. Posons le postulat que la marque des genres introduit une composante sexiste dans la langue. A vouloir neutraliser en différenciant, on rend symbolique ce qui aurait pu rester la simple trace d’une Histoire collective en mouvement.
Bibliographie ELLENBERGER Henri F. Histoire de la découverte de l’inconscient, Paris, Fayard, 2008 chap. : « L’inconscient collectif et les archétypes », p. 725. JUNG Carl Gustav, Les racines de la conscience, Paris, Buchet Chastel, 1971, p. 1159. FREUD Sigmund (1904) Psychopathologie de la vie quotidienne, Petite Bibliothèque Payot, 2004. FREUD Sigmund (1921), L’identification, Essais de psychanalyse, Petite bibliothèque Payot1981, pp. 167-174. FREUD Sigmund , Totem et tabou, Petite bibliothèque Payot , 2001. ROUDINESCO Élisabeth et PLON Michel, Dictionnaire de psychanalyse, Fayard, 2011.
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Figures de l’androgyne chez les écrivaines de la Renaissance Khaoula Kefi CHARRADA1
Le mythe de l’Androgyne est une figure emblématique de la Renaissance. Le renouveau de ce mythe s’inscrit dans l’intérêt qu’accordent les écrivains du XVIème siècle à l’héritage gréco-latin et leur tentative de se placer dans une continuité qui veut se démarquer du Moyen-Age. Or il est possible de détecter des points de divergence dans la portée symbolique greffée sur ce mythe selon que l’auteur est un homme ou une femme. Ces points de démarcation sont perceptibles à travers les figures que revêt l’androgyne chez les écrivaines de la Renaissance. L’une des premières traces du mythe de l’androgyne remonte à Platon : Jadis la nature humaine était bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. D’abord il y avait trois sortes d’hommes : les deux sexes qui subsistent encore, et un troisième composé de ces deux là ; il a été détruit, la seule chose qui en reste c’est le nom. Cet animal formait une espèce particulière et s’appelait androgyne, parce qu’il réunissait le sexe masculin et le sexe féminin ; mais il n’existe plus, et son nom tenu pour infamant. En second lieu, tous les hommes présentaient la forme ronde ; ils avaient le dos et les côtes rangés en cercle, quatre bras, quatre jambes, deux visages attachés à un cou rond, et parfaitement semblables ; une seule tête qui réunissait ces deux visages opposés l’un à l’autre ; quatre oreilles, deux sexes, et le reste dans la même proportion2.
Le contexte de la présentation de ce mythe qui figure dans Le Banquet permet de comprendre la prégnance symbolique que Platon a voulu lui donner, à savoir une réflexion sur le processus qui a permis à la nature humaine d’être ce qu’elle est aujourd’hui, mais également une réflexion sur Eros, sa nature et ses fonctions. De cette réflexion découle aussi l’idée de la perfection et de la complémentarité entre les hommes et les femmes que les écrivains de la Renaissance vont reprendre. À la Renaissance, notamment dans Gargantua, Rabelais fait porter à son héros un médaillon orné d’« une figure d’esmail compétent en laquelle estoit pourtraict un corps humain ayant deux testes, l’une virée vers l’autre, quatre bras, quatre piedz et deux culz3 ». L’auteur semble vouloir raviver la prégnance symbolique du mythe platonicien : la perfection originelle et la complémentarité des contraires dans une harmonie absolue. Nous retrouvons cette harmonie dans Thélème où les Thélémites : « Tant noblement estoient apprins qu’il n’estoit entre 1
Université Tunis El Manar, ISSHT Platon, Le Banquet, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1950, 190b – 193e, p. 716-717. 3 Rabelais, Œuvres complètes, Gargantua, Editions du Seuil, 1973, p. 203 2
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eulx celluy ne celle qui ne sceust lire, escripre, chanter, jouer d’instrumens harmonieux, parler de cinq et six langaiges »4. Les thélémites incarnent la perfection dans sa totalité. Ils sont d’origine noble, jouissant d’une éducation humaniste, dotés de qualités sociales réservées à l’élite de la société telles que le sens de l’honneur. L’évolution de ces êtres parfaits dans l’abbaye aboutit naturellement à un mariage parfait : Quand le temps venu estoit que aulcun d’icelle abbaye, ou à la requeste de ses parens ou por aultres causes, voulut issir hors, avceques soy il emmenoit une des dames, celle laquelle l’auroit prins pour son dévot, et estoient sensemble mariez, et, si bien avoient vescu à Thélème en dévotion et amitié, encore mieux la continuoient-ils en mariaige5.
Cette union qui amalgame valeurs courtoises et l’idéal d’un amour pérenne vient ainsi couronner le cheminement naturel de ces êtres qui peuplent un univers utopique : « Monde de la culture portant la triple empreinte de la Renaissance, de l’humanisme et du christianisme évangélique, Thélème, penserait-on volontiers, s’oppose par tous ses traits au monde de la nature brute6 ». Ainsi, il est possible d’induire le constat que l’abbaye de Thélème porte en elle les réminiscences du mythe platonicien et incarne tout autant que lui la perfection et l’harmonie des contraires. Or, chez les écrivaines de la Renaissance, l’Androgyne revêt d’autres formes et participe à instaurer une atmosphère énigmatique qui leur permet de libérer leur plume. L’androgynat, à la Renaissance, a même des emplois spécifiques. En effet, dans une grande variété des textes écrits par les écrivaines de la Renaissance, l’androgynat revêt la forme d’un flou énonciatif et d’une ambiguïté réclamée aussi bien au niveau de l’identité de l’énonciateur (homme ou femme) qu’au niveau du message véhiculé. Ce flou a touché les différents sujets qui ont séduit leurs muses tels que l’amour, la spiritualité et la vie politique. Les dames des Roches, Madeleine et Catherine, mère et fille, tenait un salon très célèbre à Poitiers : Quant au « salon » qu’elles tinrent pendant une vingtaine d’années dans leur maison de la paroisse Saint-Michel à Poitiers, il rivalisa avec les salons parisiens contemporains fréquentés par les humanistes, comme celui de Jean de Morel, ou par les gens de cour comme ceux des Villeroy ou de la Maréchale de Retz. La renommée des deux femmes de lettres, qui ne quittèrent jamais leur ville natale, déborda largement le cadre de leur province et atteignit la capitale. C’est surtout à leur salon, ouvert à une élite cultivée, où figuraient les personnages les plus considérables de l’époque, qu’elles doivent d’être mentionnées dans les histoires littéraires7.
Les dames des Roches furent également célèbres à travers leurs poèmes et notamment leur participation au recueil : La puce de Mme Des Roches. En retraçant l’histoire de Poitou, Jean Giraudeau évoque l’évènement qui a présidé la création de ce recueil : Une puce fut aperçue un jour sous le fichu de mademoiselle Desroches, celui qui fit cette importante découverte était le président de Harlay. Il proposa à ces 4
Ibid., p. 477. Ibid., p. 478. Philippe de Lajarte, « De l’enfance du héros à l’utopie thélémite : ruptures du discours et logique du récit dans le Gargantua » in Seizième Siècle, n°8, 2012, Les textes scientifiques à la Renaissance, sous la direction de Violaine Giacomotto-Charra et Jacqueline Vons, p. 275286, p. 385. 7 Madeleine Lazard, « Deux féministes poitevines au XVIe siècle : Les dames des Roches » in Albineana, Cahiers d’Aubigné, n°3,1990, p. 143-153, p. 143. 5 6
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dames d’écrire des vers sur cette heureuse puce ; ces dames acceptèrent. La puce de Mademoiselle Desroches mit en émoi tous les beaux esprits, et elle prévalut sur les événements de la Ligue8.
Quatorze poètes ont participé à ce recueil dont Etienne Pasquier, Brisson, Anthoine Loisel, Claude Binet. Catherine des Roches était la seule voix féminine. Son poème intitulé « La Puce » peint le sein féminin avec la même sensualité dont ont fait preuve les poètes de l’époque. On oublie presque que c’est le fruit d’une plume féminine : Petite puce frétillarde, Qui d’une bouchette mignarde Suçotez le sang incarnat Qui colore un sein délicat, Vous pourrait-on dire friande Pour désirer telle viande ?9
Les résonnances érotique de ce poème sont similaires au poème intitulé également « La puce », composé par Etienne Pasquier et qui figure dans le recueil : Puce qui te viens percher/Dessus cette tendre chair/Au milieu des deux mamelles/De la plus belle des belles/Qui la pique qui la point/Qui la mords à ses bons points/Qui t’énivrant sous sons voile,/Du sang, ainsi du Nectar d’elle,/Chancelle, et fait maint sauts/Du haut en bas, puis en haut :/Ô que je porte d’envie/A l’heur fatal de ta vie !10
Ainsi, les deux poèmes trouvent naturellement leur place dans la vocation érotique et du sujet et du recueil qui ont permis aux poètes de donner libre cours à leurs fantasmes. En témoigne l’une des gravures de Jean Emile Laboureur que Fernand Fleuret a inséré dans une édition du recueil datant de 1936.
Gravure de Jean Emile Laboureur, Paris, Les Bibliophiles du Palais, 1936.
Il est également possible de rattacher le poème de Catherine des Roches à la tradition des blasons accaparée par la plume masculine. Le poème « Le beau tétin » de Marot peint le sein féminin d’une sensualité assez proche des poèmes « La puce » : 8
Précis historique du Poitou: pour servir à l’histoire générale de cette province, Dussillion, 1843, p. 163. 9 La puce de Mme Des Roches, Paris, Les Bibliophiles du Palais, 1936. 10 Ibid.
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Tetin gauche, tetin mignon,/Tousjours loing de son compaignon,/Tetin qui porte temoignaige/Du demourant du personnage./Quand on te voit il vient à mainctz/Une envie dedans les mains/ De te taster, de te tenir11 ;
Dans d’autres poèmes célébrant l’amour, Catherine des Roches donne la parole à une voix masculine pour exalter ses sentiments à l’égard de sa maîtresse : Ne me regardez point, je vous supplie madame,/Destournez de vos yeux la trop vive splandeur :/Quand vous me regardez leur violence ardeur/S’écoulant par les miens me brule dedans l’ame12.
Dans l’un de ses poèmes, Marguerite de Navarre recourt au même brouillage de voix qui laisse résonner le chant d’un serviteur subissant les affres de l’amour : La myenne amour est joieuse en tristesse,/Estant trop bien traicté de sa maistresse ;/Et si demande avoir encore myeulx,/Qui est sa mort : car il y a ses yeulx/Qui sont couvers de doulceur par finesse13. Les deux poèmes s’articulent autour d’une image hypertrophiée de la femme adulée, axée sur le regard et son pouvoir séducteur. Les poétesses mettent en scène des amoureux transis qui se plient, non sans plaisir, à la suprématie de la femme. Cette interférence d’une voix masculine dans une poésie féminine est assez fréquente chez Marguerite de Navarre. « La complainte pour un détenu prisonnier », un poème composé entre 1533-1549, résiste au déchiffrage car elle y met en scène un personnage masculin dont le discours est teinté d’un lyrisme proche des accents qui émergent de ses autres poèmes. Certains critiques voient dans ce personnage Marot alors que pour d’autres, l’auteure recourt à un subterfuge pour libérer sa plume. Telle est l’interprétation de Michèle Clément : C’est justement parce qu’on dénie aux femmes la science exacte, surtout en ce qui concerne la science maîtresse qu’est la théologie, qu’elles diront leur spiritualité par d’autres moyens que par un discours doctrinal et que pourra se dessiner, au sein de ce discours, l’avènement du sujet lyrique et des formes propices à son énonciation, l’avènement du sujet spirituel aussi14.
En effet, la plume féminine de la Renaissance ne s’est pas cantonnée dans la sphère des sujets relatifs à l’amour. Les écrivaines de l’époque se sont octroyées le droit, à juste titre, de participer aux débats théologiques qui ont animé le XVIème siècle. Outre le fait qu’elles ont pris position dans ces débats qui ont opposé protestants et catholiques et qui ont évolué en guerres de religion, certaines d’entre elles comme Marguerite de Navarre ont propagé une nouvelle conception de la foi basée sur l’Evangélisme. Or, il est possible de détecter dans ces écrits une touche féminine, à savoir une dimension lyrique qui fait de la spiritualité un tremplin pour l’effusion lyrique et mystique. Gabrielle de Coignard va même jusqu’à faire interférer deux types de langage pour chanter son amour pour le Créateur : « Perce moi l’estomac d’une amoureuse flèche,/Brule tous mes désirs d’un feu 11
Marot, Œuvres complètes I, Paris, GF-Flammarion, 2007. Les œuvres de Mesdames Des Roches, de Poitiers, mère et fille, Paris, Abel L’Angelier, 1579, p. 191. Cette édition est numérisée par Gallica sous l’U.R.L. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k710479.r=.langFR (Date de mise en ligne le16/06/2010) 13 Marguerite de Navarre, Poésies du roi François 1er, de Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, de Marguerite, reine de Navarre, Imprimerie Royale, 1847, Rondeau 43, p. 132. 14 Les chansons spirituelles et la complainte pour un détenu prisonnier, Œuvres complètes, tome 9, Honoré Champion, 2001, p. 8, 12
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étincelant/Elève mon esprit d’un désir excellent,/Foudroie de ton bras l’obstacle qui l’empêche15. » Les critiques littéraires semblent s’accorder sur le fait que ce poème est d’une facture spirituelle et mystique. Régine Desforges y décèle les thèmes de « la chair mies au ban de l’esprit » et de « notre fragilité devant la puissance divine »16. Daniel Ménager commente ainsi les poèmes de Coignard : « L’ensemble appartient à la poésie de dévotion, en plein essor à cette époque, et aussi, parfois, aux exercices spirituels17 ». Néanmoins, il est possible de déceler dans ce poème un double langage qui se prête à l’équivoque. Le langage de la chair y est aussi présent que celui de la spiritualité. Il nous semble légitime d’émettre des doutes sur l’identité de l’interlocuteur. La poétesse s’adresse-t-elle réellement au Christ ? 18 Dans d’autres poèmes, Gabrielle de Coignard sème le doute sur l’identité du locuteur : Sonnet II Je n’ai nul art, grâce, ni éloquence, Pour ton saint nom entonner dignement, Mais ton clair feu de mon entendement Ecartera les ombres d’ignorance. Je ne veux point la Muse des païens, Qu’elle s’en voise aux esprits qui sont siens, Je suis chrétienne et brûlant de ta flamme19.
Sonnet XLV M’éveillant à minuit, dessillant la paupière Je vois tout assoupi au centre de repos L’on n’entend plus de bruit, le travail est enclos/Dans l’ombre de la terre, attendant la lumière. Le silence est partout, la lune est belle et claire/Le ciel calme et serein, la mer retient ses flots,/Et tout ce qui se voit dedans ce large clos/Est plein de majesté et grâce singulière20.
Les deux sonnets ont une résonance spirituelle incontestable. Or dans le premier sonnet, la poétesse parle en son nom, une « chrétienne » qui sacrifie son « corps », ses « écrits » et son « âme » et surtout sa Muse à Dieu alors que dans le sonnet XLV, le locuteur semble avoir une identité masculine : un homme « tout assoupi » profitant du silence et du calme de la nuit pour entrer en osmose avec Dieu et recevoir la grâce. Les différents poèmes cités montrent que certaines poétesses de la Renaissance ont mis en place un subterfuge énonciatif assez complexe à travers lequel elles sèment le doute sur l’identité du locuteur, celle de l’interlocuteur et même la portée du message. Cet androgynat « énonciatif » n’est pas propre à un thème mais touche une grille thématique assez variée : l’amour sous plusieurs formes allant d’une sensualité qui frise l’érotisme à une adulation mystique de la femme ainsi que la spiritualité empreinte d’une touche lyrique et féminine. Ces écrivaines se sont engagées dans une autre voie, celle de la vie politique. En 1562 et en 1569, la ville de Poitiers fut assiégée par les Protestants, Madeleine des Roches adresse un poème au roi pour lui demander de mettre en place un Parlement :
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Œuvres chrétiennes, Genève, Slatkine reprints, 1969, sonnet XV, p. 25. Poèmes de femmes, Editions Le Cherche midi, 2009, p23. Anthologie de la poésie française, Moyen Age, XVIème siècle, XVIIème siècle, Editions Gallimard, 2000, p. 1415. 18 Il est à noter que l’œuvre de cette poétesse est posthume, publiée par ses filles. 19 Œuvres chrétiennes, édition citée, p. 12. 20 Ibid., p 55.
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Sire, si mon obéissance Et mon loyal déportement, Mérite quelque récompense Je vous requiers un Parlement21.
La référence à des services rendus à la ville laisse entendre que la poétesse a contribué à la vie politique de la ville. Or, la poétesse était mariée à François Eboissard, avocat au présidial de Poitiers. C’est comme si elle parlait en son nom. Sauf qu’elle avait de véritables raisons pour être hostile à la religion des réformés : ses maisons ont été saccagées et brûlées durant le siège. Les différents exemples évoqués montrent que ce flou énonciatif est délibératif. Toutes ces écrivaines ont ressenti le besoin de camoufler leurs paroles sous une forme qui s’apparente à l’androgyne car elles peuvent être interprétées dans les deux sens. Ce subterfuge littéraire traduit l’ampleur de la pression masculine que devaient subir les écrivaines de la Renaissance. En effet, une vision prépondérante à l’époque tendait à limiter la place accordée aux femmes écrivaines. Ce phénomène a été exposé par Paul Gauthier. L’analyse d’un corpus assez diversifié qui comprend les textes liminaires élaborés par Anne de Marquets, Georgette de Montenay, Jeanne Flore et Marguerite de Navarre lui a permis de pointer toutes les difficultés que doivent confronter les écrivaines à cette époque : La norme sociale au XVIème siècle veut que les femmes n’appartenant pas à la noblesse soient tenues de façon systématique à l’écart du savoir ; elles sont confinées à la sphère privée de la vie économique. Ces deux aspects de la norme sociale doivent être pris en compte pour comprendre quel est le contexte dans lequel des femmes ont pu non seulement s’instruire, écrire, mais encore chercher à se faire publier : c’est que de telles aspirations de leur part venaient perturber le champ littéraire du XVIème siècle, aux mains des hommes22.
Pour revenir aux Dames des Roches qui ne figurent pas dans le corpus sur lequel a travaillé Paul Gauthier, elles aussi ont ressenti le poids de cette sous estimation du pouvoir féminin. La façon dont Madeleine revendique les droits de la femme est intéressante dans la mesure où elle nous invite à repenser le féminin en réécrivant le mythe d’Agnodice. Ce mythe porte en lui une réminiscence de l’androgyne puisque la première femme médecin dans la civilisation gréco-latine s’est trouvée contrainte de se déguiser en homme pour pouvoir exercer la médecine et plus spécialement la gynécologie. Dans son poème qui célèbre les exploits d’Agnodice, Madeleine des Roches procède à une description qui met en avant les motivations qui ont poussé ce médecin à exercer sous une apparence masculine : En ce temps il y eut une Dame gentille,/Que le ciel avait fait belle, sage, et subtile,/Qui piteuse de voir ces visages si beaux,/Promptement engloutis des avares tombeaux,/Les voulant secourir couvrit sa double pomme/Afin d’étudier en accoutrement d’homme :/Pour ce qu’il était lors aux femmes interdit/De pratiquer les arts, ou les voir par écrit23. 21
Madeleine des Roches, Les secondes œuvres de Mesdames Des Roches de Poitiers, mère et fille, Genève Droz, 1998, « La même ville au Roy ». 22 « Aspects de la norme : les liminaires féminins au XVIème siècle », in Early Modern Women Journal, publications of ACMRS, 2008, volume 3, p. 407-420, p. 408. 23 Les œuvres de Mesdames Des Roches, de Poitiers, mère et fille, Paris, Abel L’Angelier, 1579, p. 191. Cette édition est numérisée par Gallica sous l’U.R.L. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k710479.r=.langFR (Date de la mise en ligne le 16/06/2010)
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Dans ce poème, la détermination d’Agnodice est présentée comme étant un antidote à l’Envie. Le thème de l’envie, familier à la poésie de la Pléiade, est modifié par Catherine des Roches : l’envie devient exclusivement masculine, de même que le mythe d’Agnodice, emprunté aux Fabulae d’Hyginus (IIIe siècle av. J.-C). La vierge athénienne, une guérisseuse qui, déguisée en homme, étudie la médecine, devient l’héroïne qui délivre les femmes des maux du corps et de l’esprit. Elle triomphe de la jalousie des hommes. […]La signification du mythe est claire : c’est par le savoir et la poésie que les femmes découvriront la liberté24. Or, il est à noter que malgré le fait que Catherine des Roches se fasse volontairement le porte parole d’une cause féministe défendant le droit de la femme au savoir et à une participation active à la vie intellectuelle et politique, certains de ses poèmes révèlent en elle une autre face, qu’on pourrait qualifier de traditionnelle, où elle se peint sous des couleurs conformistes de la femme attelée aux tâches ménagères. Elle dédie même un poème à sa quenouille : Quenouille, mon souci, je vous promets et jure De vous aimer toujours, et jamais ne changer Votre honneur domestic pour un bien étranger25.
Marguerite de Navarre va aller plus loin dans la revendication des droits de la femme. Dans La Comédie des quatre femmes, elle met en scène une jeune fille qui revendique le célibat à une époque qui n’en connaissait que les formes dues à des contraintes sociales ou physiques. Le célibat exposé dans la Comédie est un célibat définitif, réclamé comme une décision mûrement réfléchie. Ainsi, l’auteure innove en traitant un sujet tabou. Même les humanistes qui se sont montrés ouverts d’esprit en accordant plus de liberté à la femme à travers la possibilité du célibat laïque n’ont cessé de défendre l’institution du mariage. La Reine de Navarre aurait pu s’inspirer du personnage de Marfisa d’Orlondo Furiosto de l’Arioste qu’offre la littérature de la Renaissance comme modèle de la jeune-fille qui rejette farouchement toute servitude à l’amour et au mariage. Or il existe une divergence de taille entre les deux personnages. La jeune-fille d’Arioste est peinte sous des traits masculins, revêtant une armure et affichant sa dextérité à manipuler les armes alors que le personnage navarrien revendique sa liberté en tant que femme26.
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Madeleine Lazard, article cité, p. 148. Les œuvres de Mesdames Des Roches, de Poitiers, mère et fille, édition citée, p. 190. La poupée d’Orlando élaborée par le théâtre de marionnettes de Venise. Compte professionnel Fllickr. U.R.L. de l’album : https://www.flickr.com/photos/cicciofarmaco/albums/72157672941256795. 25 26
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La poupée d’Orlando élaborée par le théâtre de marionnettes de Venise. Photo prise par Francesco Pappalardo à Sicile, publiée dans son album « Sicilian puppets ».
Ainsi la dramaturge a su se montrer avant-gardiste. Elle a donné le coup d’envoi au développement de toute une littérature qui s’intéresse au célibat volontaire des femmes. En témoigne le célèbre manifeste de Gabrielle Suchon qui date de 1700 : « Du célibat volontaire ou la vie sans engagement ». Ainsi, il est possible de rattacher le flou énonciatif qui caractérise les écrits des écrivaines de la Renaissance à une prise de conscience de la nécessité de s’octroyer des droits qui étaient l’apanage des hommes à cette époque. De ce fait, l’androgynat leur a permis de se tracer un petit chemin qui ouvrira la voie à toutes les plumes féministes. Il existe une autre facette de l’androgynat dans ces écrits. Dans l’univers ésotérique de l’alchimie, l’Androgyne représente la matière purifiée de la pierre, celle qui arrive à amalgamer le fixe et le volatil. Cet univers renvoie à l’énigmatique et à tout ce qui résiste au déchiffrage. Le flou que nous avons évoqué comme une des formes du mythe ne se limite pas à l’identité du locuteur mais englobe, chez certaines écrivaines, le message véhiculé au point d’entraver la réception. La chanson 40 des Chansons spirituelles de Marguerite de Navarre s’ouvre sur un discours énigmatique : Je ne l’ay, car je ne l’ay, Ce que bien avoir devoye, Si l’avoye, je l’auroye, Je l’auray quand je l’auray27.
Idem pour l’une des chansons de Marie de Romieu où elle se livre à un jeu de mots onomastique : D’où vient cela Marie, ainçois ma douce vie, Mon amour doux amer, que vous estes marrie, De m’appelez mari ? Ha que je suis marri De n’estre de Marie aux beaux yeux le mari !28 27 28
Les Chansons spirituelles, édition citée, vv1-4, p. 171. Les premières œuvres poétiques de Mademoiselle Marie de Romieu, Lucas Breyer, 1581, p. 83. Une version numérique est disponible sur Gallica sous
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Dans ce poème, elle donne la parole à une voix masculine qui joue avec les sonorités du nom de sa dulcinée qui n’est autre que l’auteure elle-même. Ce sonnet est de facture légère, appropriée à sa tonalité de badinage. Il est en totale contraste avec le ton sérieux et même polémique d’un discours célèbre de la même poétesse : « Brief discours que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme » où elle défend les droits de la femme aux études et aux honneurs accaparés par les hommes. Elle cite comme exemple de femmes qui brillent par leur savoir et leurs talents les dames des Roches. Ce discours a été entrepris en 1581 en réponse à une satire s’attaquant aux femmes élaborée par Jacques de Romieu, le frère de la poétesse. Nous retrouvons la même association entre énigmatique et ton ludique dans un poème d’Anne de Rohan- Soubise intitulé : « Sur le nom d’une belle Dame nommée Claire » : Claire, dont les clartés toutes claires esclairent Et dont les clairs esclairs esclairent l’univers De ses plus clairs esclairs esclairent la belle Claire. Tes yeux sont les esclairs des esclairs les plus clairs29.
Il est possible de détecter une ligne de démarcation entre les trois poétesses. Marie de Romieu et Anne de Rohan jouent avec les sonorités des mots en vue de proposer des poèmes qui aiguisent la curiosité du lecteur. Or, il semble que dans l’esprit de la Reine de Navarre, le discours énigmatique est apte à transmettre un message et une vérité qui impliquent une réflexion mystique et philosophique. C’est pourquoi dans deux de ces comédies, La Comédie de Mont de Marsan et Trop Prou Peu Moins, elle mettra en scène trois bergers dont le discours est tellement énigmatique qu’il va entraver l’évolution de l’intrigue vers le dénouement. Son refus obstiné de trancher dans les débats de L’Heptaméron montre à quel point elle renvoie la vérité à l’inaccessible et la fait entourer des bastions de l’énigmatique qui serait ainsi un message à double facette. Il traduirait la sérénité de ceux qui se sentent à l’abri du besoin de communiquer avec les autres mais, il transmettrait également une anxiété (palpable du côté de l’auteure) de ne pas pouvoir comprendre le monde et les autres et d’être incapable de déchiffrer leurs énigmes. Nous avons tenté de montrer que l’Androgyne masculin diffère de son emploi dans les écrits féminins de la Renaissance. La prégnance symbolique la plus courante du mythe est la complémentarité des contraires dans une harmonie absolue. « Les éléments contraires par la couleur ou par le sexe, sont ‘‘enchaînés’’ l’un à l’autre, ou encore chaque face sexuée de l’hermaphrodite est liée par une chaîne à son ‘‘principe astral’’, soleil pour le mâle, lune par la femme »30. Les écrivaines de l’époque ne semblent pas trouver dans ce mythe cet idéal de perfection et de bonheur. Elles lui donnent une autre forme où elles instaurent un flou qui leur permet de se libérer du carcan de la plume féminine et de se permettre des effusions et des réflexions philosophiques et mystiques qui étaient l’apanage des hommes.
lURL :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72784p. r (Date de mise en ligne : 15/10/2007). 29 Poésies d’Anne de Rohan Soubise, Auguste Aubry, 1862, p. 68. Une version numérique est disponible sur Gallica sous l’URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k719124.r=Anne%20de%20Rohan%20Soubise (Date de mise en ligne :15/10/2007). Il est à noter que dans son Anthologie de la poésie amoureuse française, Jean Paul Goujon classe ce poème ainsi que celui de Marie de Romieu sous le thème de « Charabia », Librairie Arthème Fayard, 2010, p. 327-328. 30 Structures anthropologiques de l’imaginaire, Bordas, Paris, 1984, p. 335.
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Bibliographie Anthologie de la poésie française, Moyen Age, XVIème siècle, XVIIème siècle, Editions Gallimard, 2000. (de) COIGNARD Gabrielle, Œuvres chrétiennes, Genève, Slatkine reprints, 1969. DESFORGES Régine, Poèmes de femmes, Editions Le Cherche midi, 2009. DURAND Gilbert, Structures anthropologiques de l’imaginaire, Bordas, Paris, 1984. GAUTHIER Paul « Aspects de la norme : les liminaires féminins au XVIème siècle », in Early Modern Women Journal, publications of ACMRS, 2008, v. 3. GIRAUDEAU Jean Précis historique du Poitou : pour servir à l’histoire générale de cette province, Dussillion, 1843. GOUJON Jean Paul, Anthologie de la poésie amoureuse française, Librairie Arthème Fayard, 2010. LAJARTE Philippe (de), « De l’enfance du héros à l’utopie thélémite : ruptures du discours et logique du récit dans le Gargantua » in Seizième Siècle, n°8, 2012. La puce de Mme Des Roches, Paris, Les Bibliophiles du Palais, 1936. LAZARD Madeleine, « Deux féministes poitevines au XVIe siècle : Les dames des Roches » in Albineana, Cahiers d’Aubigné, n°3,1990. MAROT Clément, Œuvres complètes I, Paris, GF-Flammarion, 2007. NAVARRE (de) Marguerite : Les chansons spirituelles et la complainte pour un détenu prisonnier, Œuvres complètes, tome 9, Honoré Champion, 2001. Poésies du roi François 1er, de Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, de Marguerite, reine de Navarre, Imprimerie Royale, 1847. PLATON, Le Banquet, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1950. RABELAIS François, Œuvres complètes, Gargantua, Editions du Seuil, 1973.
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Repenser le féminin à travers la figure de l’androgyne dans Gabriel de George Sand, Orlando de Virginia Woolf et Les Mille et une nuits Sidad ANWAR MOHAMMED et Thakaa MUTTIB HUSSEIN1
Qui est l’androgyne ? « Un ou une androgyne est un être humain dont l’apparence ne permet pas de savoir à quel sexe ou genre il/elle appartient. Le terme vient du grec ancien anèr (andros au génitif), homme, et gunè, femme. Le terme est aussi revendiqué par certaines personnes qui ont une identité de genre ni tout-à-fait masculine ni tout-à-fait féminine, quelle que soit leur apparence physique. Ce terme a servi à caractériser des êtres humains ambigus, mais peut aussi renvoyer à une figure religieuse »2. Dans la littérature, l’androgynie est un thème très ancien. Il remonte à l’Antiquité. Mais c’est au XIXe siècle qui voit son floraison quand « Balzac a centré son roman Séraphîta sur un personnage d’androgyne directement issu des théories de Swedenborg. Séraphîtüs-Séraphîta, aimé en tant qu’homme par Minna et en tant que femme par Wilfred, fait preuve d’une érudition et de capacités intellectuelles largement supérieures à la moyenne ; se réalisant dans l’amour humain, concret, il n’est cependant pas un ange descendu sur terre, mais un humain parfait, c’est-à-dire un être « total ». Par ailleurs, dans les romans et les nouvelles appartenant au mouvement décadent du XIXe siècle, la figure de l’androgyne est récurrente, mais sous la forme d’un hermaphrodite morbide, voire satanique, qui ne connaît d’existence que sensuelle »3. Mais la figure de l’androgyne se multiplie et présente des caractères qui brisent la frontière entre masculin/féminin. Ne serait-ce pas un apaisement d’un désir ? « En effet, devenir mâle et femelle, ou n’être ni mâle ni femelle sont des expressions plastiques par lesquelles le langage s’efforce de décrire la métanoia, la conversion, le renversement total des valeurs4 ». Notre corpus est composé de deux romans (Gabriel et Orlando) et un recueil de contes (Les Mille et Une Nuits). Gabriel de George Sand est un roman-théâtré5 qui appartient à la littérature française, publié entre 18391840. L’événement a lieu à Rome à la Renaissance. Le Prince de Bramante, ne voulant pas se résoudre à suivre la loi qui le contraignait à laisser son titre 1 2
Université de Bagdad Androgynie, http://www.wikipedia.org/wiki/Androgynie (consulté le 26/12/2013). 3 Ibid. 4 Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, 1982, p. 46. 5 Gabriel est un « roman dialogué » où Sand utilise un genre métis entre le roman et le théâtre.
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et sa fortune à un héritier mâle, c’est-à-dire à Astolphe, décide de faire passer sa petite fille pour un garçon. Le grand-père impose à Gabriel, depuis l’enfance, une éducation de type masculin. À son dix-septième anniversaire, il décide de lui révéler sa vraie nature et de la persuader, pour son intérêt, de garder ce secret. Mais Gabriel s’échappe pour chercher son cousin, Astolphe, l’héritier légitime, pour lui proposer de partager l’héritage. Un duel puis une amitié sincère des compagnons d’aventure a lieu entre les deux jeunes qui deviennent plus tard des amoureux. Pour jouer un bon tour à cette compagnie, Astolphe a l’idée de déguiser Gabriel en femme. « Gabriel » se travestit en « Gabrielle » sans oublier sa double nature (son travestissement en masculin), car pour la plupart des personnes elle est un homme : même pour son grand-père, qui connaît sa vraie nature, Gabriel n’est acceptée qu’en tant qu’homme. Or, ce jeu se transforme en une réalité et c’est Astolphe qui découvre le secret de Gabriel, obligée d’affronter le destin en face. Ils s’éloignent du monde pour vivre une vie de couple. Leur bonheur est total jusqu’à ce qu’Astolphe devienne jaloux des moments de liberté de Gabrielle. Un jour, ne pouvant plus supporter la jalousie d’Astolphe, Gabrielle s’enfuit, renonçant à son patrimoine en faveur d’Astolphe. Des surprises sont survenues en plus de l’infidélité réciproque font que le Prince décide d’assassiner Gabrielle pour que son secret ne soit pas découvert. Astolphe, qui passe son temps à rechercher la jeune femme dans Rome, ne réussit pas à empêcher la tragédie. Elle est donc attaquée et assassinée par un tueur recruté par son grand-père. Gabrielle est morte en masculin. Orlando de Virginia Woolf est un roman qui appartient à la littérature anglaise, publié en1928. Orlando est un jeune noble anglais ; lorsqu’il rencontre la reine Élisabeth Ire, elle décide de l’emmener à sa cour de Greenwich et, jusqu’à la mort de la reine, la vie d’Orlando est celle de son courtisan favori ; par la suite il reste à la cour de son successeur Jacques Ier. Pendant le Grand Gel de 1608, Orlando tombe amoureux de Sasha, fille de l’ambassadeur de Russie, qui l’abandonnera. Revenu dans sa demeure natale, Orlando fait l’étrange expérience de s’endormir pendant une semaine, à la suite de quoi il décide de partir comme ambassadeur en Orient. Là, il refait la même expérience d’un sommeil d’une semaine mais cette fois il se réveille femme. Dans son incarnation féminine, Orlando passe quelque temps en compagnie de Tziganes à partager leur vie nomade, en appréciant la condition des femmes dans ces tribus nomades, la jugeant plus libre qu’en Angleterre. Elle n’en retournera pas moins à Londres, poussée par son amour pour la poésie. Orlando trouvera par hasard l’amour auprès de l’aventurier Lord Marmaduke Bonthrop Shelmerdine. Le roman se termine en 1928, alors qu’Orlando est devenu une femme-écrivaine à succès grâce au poème Le Chêne qu’il a écrit pendant une grande partie de sa vie et qui lui a valu un prix littéraire. Les Mille et Une Nuits est un recueil de contes en arabe dont l’auteur et la date restent incertains. Le recueil est composé de récit-cadre qui enchâsse d’autres récits. Shéhérazade, l’héroïne du récit-cadre réussit à se maintenir en vie face au roi Shâhriyâr qui la menace de mort. Celui-ci, trompé par sa première femme avec un esclave noir durant son absence, s’est juré d’épouser une vierge chaque soir et de la tuer au matin. Shéhérazade demande alors à son père, le vizir, de la laisser épouser le roi. Elle prie ensuite sa sœur, Dunyâzâd, de lui demander de raconter une histoire en présence du roi. Shéhérazade, ne terminant jamais ses récits avant le lever du jour, réussit donc, par l’intelligence, à le faire renoncer à sa décision grâce à la curiosité du roi, désireux de connaître la fin des contes. 92
Les trois œuvres sont biographiques : Orlando est un portrait réel d’une amie personnelle de Virginia Woolf, Miss Vita Sackville West qui est ellemême écrivaine, poétesse et romancière. Cette femme est l’amie que Virginia admire car elle vit explicitement la dualité de sa nature. Mais loin d’assumer harmonieusement les deux sexes (comme Vita), Orlando est déchiré par leur affrontement. En ce qui concerne Gabriel, ce roman, ainsi que le précédent dans notre étude, porte des signes biographiques : George Sand parlait d’elle-même sous la forme masculine, elle portait des vêtements d’homme, elle fumait des cigares et avait de nombreux amants. Et Shéhérazade, dans le recueil des contes, représente l’archétype d’une femme orientale qui lutte pour défendre son genre. Les trois ouvrages semblent n’avoir que l’aspect biographique en commun. Si on examine la définition de l’androgyne (c’est l’individu qui présente certains des caractères sexuels du sexe opposé6) on constate que Gabriel de George Sand et Orlando, le héros de Virginia Woolf, constituent deux figures de l’androgyne, mais Shéhérazade, l’héroïne du récit-cadre des Mille et Une Nuits ne l’est pas. Bien que Shéhérazade soit une femme dans toutes les nuits et elle n’ait subi ni métamorphose, ni changement, ni travestissement ; on peut trouver des aspects implicites qui relèvent de cette catégorie et ce sont ceux que nous aborderons dans notre étude. Nous voudrions donc montrer autour du thème de l’androgynie que la frontière n’est pas intangible ; qu’elle est au contraire mouvante entre littérature et androgynie. Au-delà de l’opposition entre réel et imaginaire, l’essentiel ne réside-t-il pas dans la quête identitaire et l’affirmation de soi ? L’androgynie n’aurait-elle pas une fonction libératrice qui permet à l’auteur de s’affirmer en tant que tel ? En s’appuyant sur ces questions, la démarche suggérée par cette réflexion fait apparaître le plan suivant que nous suivrons. Dans un premier temps, nous essayerons de relever l’androgynie dans les trois œuvres et la mettre en comparaison. Comme l’androgynie touche de près l’identité du personnage, nous essayerons, dans un deuxième temps, d’étudier l’effet de la métamorphose androgynique sur l’identité : s’agit-il d’une affirmation de l’identité ou au contraire d’un anéantissement de celle-ci ? Une telle démarche nous aide à répondre à la question : pourquoi le recours à l’androgynie ? Notre étude s’ouvrira alors sur une interprétation de l’androgyne dans ses significations les plus larges et devrait en faire sortir l’utilité. Le procédé de l’androgynie constitue-t-il un moyen aidant l’auteur à écrire son œuvre et l’insérer dans la réalité en lui ajoutant quelques éléments biographiques ? Cela nous amène, dans un troisième temps, à nous interroger plutôt sur le rôle et l’effet de l’androgynie dans l’écriture de l’œuvre.
Les techniques de l’androgyne et sa spécificité dans les trois œuvres Comme l’androgynie concerne essentiellement une confusion du genre, les personnes androgynes peuvent l’être par effet de mode, de comportement ou par rapport à leur identité du genre. Or, les trois œuvres en question ne relèvent pas tout entières de l’androgyne. Pourtant, la catégorie de l’androgyne n’est pas absente. Nous dégagerons dans cette contribution certaines de ses manifestations. Bien que Gabriel soit née fille, le prince Jules, et pour des raisons d’héritage, a changé l’ordre naturel de la petite. 6
Le Petit Robert : Dictionnaire de la langue française, Paris, Robert, 2004, p. 92.
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Gabriel est un homme aux yeux de tout le monde à l’exception de quatre personnes : son grand-père, le précepteur, Marc (le serviteur) et sa nourrice. Toutes les apparences (traits physiques, élévation et éducation) semblent celles qu’on trouve chez les hommes. L’indétermination du sexe de Gabriel réside d’abord dans le choix du prénom, Gabriel. On ne distingue le féminin du masculin qu’en écriture : Gabrielle ou Gabriel est le référent du féminin et non pas ce que George Sand utilise à l’écrit « Gabriel ». L’auteur emploie la troisième personne du masculin (il) durant tout le roman sauf après le travestissement de Gabriel en femme où la troisième personne du féminin (elle) remplace celle du masculin. Or, la confusion du genre persiste dans toute l’histoire « Gabriel…la…elle…il … elle…celle qui vous a aimé…la…lui… elle »7 : on utilise au prologue et aux deux premières parties le prénom « Gabriel » tandis que les deux autres parties « Gabrielle » devient au féminin pour se finir au masculin à la dernière partie « Gabriel ». Par ailleurs, le rêve étrange que Gabriel a eu maintient de même l’ambiguïté du genre : « elle était une femme ou plutôt une jeune fille vêtue d’une longue robe flottante et couronnée de fleurs ou bien un habitant de deux ailes et non pas de cette terre mais d’un monde idéal. Elle s’élevait à travers les mondes, dans des nuages légers8. Cet être est « purement spirituel doué d’un corps éthéré ou aérien »9, celui qui est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes n’a pas de sexe précis : on ne sait pas si c’est un mâle ou femelle. Par essence, « un ange n’est qu’une abstraction, un esprit, il n’a aucune enveloppe physique et il ne vit pas ou plutôt n’existe pas10 ». Une autre opposition entre le haut et le bas fait de l’existence de cet être instable une créature singulière, c’est le cas de Gabriel : « Cet enfant dort du sommeil des anges11 », « une créature charmante !12 », « lui si sage, si pur !13 », cette idée est confirmée par le personnage lui-même : « je ne sens pas que mon âme ait un sexe14 ». L’androgyne dans Gabriel vient donc d’une sublimation du caractère divin de la beauté ambiguë. Mais aussi d’autres critères font du personnage principal une figure de l’androgyne : parler de lui, pour les proches, ne passe pas sans certaine ambigüité : l’incertitude de l’apparence du sexe de son petit fils pousse le prince Jules à demander à son précepteur de le rassurer : « c’est un homme sûr, n’est-ce pas ? Et jamais aucun doute ne s’est élevé dans l’esprit des personnes qui le voient journellement ? 15 ». En effet, l’appartenance de Gabriel au sexe masculin est due à la forte ressemblance de la belle figure et de l’énergie mâle du père défunt, de son goût au sérieux et de son amour pour « les violentes exercices » comme la chasse, les armes et la course ; s’y ajoute « les études fortes viriles (le latin, le grec, l’histoire, la philosophie et les lettres)16 ». Bien que les caractères virils de Gabriel soient nombreux, son genre reste toujours indéterminé. Ainsi, en parlant de lui, on utilise plusieurs appellations neutres sans en préciser le sexe : l’élève, l’étrange créature, l’enfant, la belle âme, un garçon 7
George Sand, Gabriel, http://www.inlibroveritas.net, p. 123. Ibid., pp. 59-60. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, op. cit., p. 50. 10 Quel est le sexe des anges ? http://reponses.wikia.com (consulté le 6 septembre 2014). 11 George Sand, Gabriel, http://www.inlibroveritas.net, p. 41. 12 Ibid., p. 52. 13 Ibid., p. 55. 14 Ibid., p. 57. 15 Ibid., p. 6. 16 Ibid., 8 9
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rangé, un enfant sans barbe, un jeune gars. Ces dénominations ne sont qu’une autre image de l’hésitation pour désigner la réalité de Gabriel. Il réunit les meilleures qualités du sexe masculin et féminin (courageux comme un jeune lion, un beau jeune homme, un aimable compagnon, un homme, un sage, plein d’indulgence et de dévouement, joue rosée). Lisons l’hésitation d’Astolphe devant Gabriel. Il utilise plusieurs appellations : Gabriel, pour lui, est tantôt « le cousin germain ou le brave cousin », tantôt « l’ami », un homme et une demoiselle ou une femme : C’est le sang du vieux Jules qui coule dans ces fines veines bleues, sous cette peau si blanche ! Un beau garçon, vraiment ! Élevé comme une demoiselle, au fond d’un vieux château, par un vieux pédant hérissé de grec et de latin ; du moins c’est ce qu’on m’a dit … Il paraît que cette éducation-là en vaut bien une autre (…) Pourtant je sens que je l’aime, ce garçon-là ; j’aime la bravoure dans une organisation délicate. (…) qu’ai-je donc à le regarder ainsi comme malgré moi ? Avec ses quinze ou seize ans, et son menton lisse comme celui d’une femme, il me fait illusion … Je voudrais avoir une maîtresse qui lui ressemblât. Mais une femme n’aura jamais ce genre de beauté, cette candeur mêlée à la force, ou du moins au sentiment de la force … Cette joue rosée est celle d’une femme, mais ce front large et pur est celui d’un homme17.
Après avoir éduqué Gabriel à haïr le sexe féminin, à ses dix-sept ans, le prince lui révèle d’abord sa vraie nature. Puis la disparition de Gabriel dans un carnaval et son déguisement en femme dure un peu plus longtemps qu’il suppose. Ce jeu se transforme en réalité et c’est Astolphe, le cousin rival, qui voit le corps de Gabriel, la femme : Maintenant, où ce vieux Marc a-t-il caché mon pourpoint ? Mon Dieu ! j’entends monter l’escalier, je crois ! (Il court fermer la porte au verrou). Il a emporté mon manteau et le voile ! … Vieux dormeur ! Il ne savait ce qu’il faisait … Et les clés de mes coffres sont restées dans sa poche, je gage … Rien ! pas un vêtement, et Astolphe qui va vouloir causer avec moi en rentrant… Si je ne lui ouvre pas, j’éveillerai ses soupçons ! Maudite folie ! Ah ! … avant qu’il entre ici, je trouverai un manteau dans sa chambre … (Il prend un flambeau, ouvre une petite porte de côté et entre dans la chambre voisine. Un instant de silence, puis un cri). ASTOLPHE, dans la chambre voisine. Gabriel, tu es une femme ! O mon Dieu !18
Même après avoir été découverte et ayant accepté de vivre femme, par amour d’Astolphe, le personnage de Gabriel demeure une figure de l’androgyne : étant femme, elle reste en même temps homme aux yeux des autres (la mère d’Astolphe et ses amis), car elle n’est pas très douée comme les femmes de son entourage, notamment aux yeux de sa belle-mère SETTIMIA : Et à quoi est-elle bonne ? à rien d’utile. Ah ! C’est un grand malheur pour moi qu’une bru semblable ! Mais mon fils ne m’a jamais causé que des chagrins. Si elle aimait son mari, comme il convient à une femme pieuse et sage, elle s’occuperait un peu plus de ses intérêts, au lieu d’encourager toutes ses fantaisies et de l’aider à faire de la dépense19.
Dans Orlando de Virginia Woolf, on est devant une autre technique de l’androgyne. Orlando se présente d’abord comme un jeune homme de seize ans. Avec ses boucles sombres, son nez d’une seule courbe, ses yeux 17
Ibid., p. 41. Ibid., p. 74. 19 Ibid., pp. 77-78. 18
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« comme des violettes détrempées, si grands qu’ils paraissaient inondés d’une eau qui les aurait dilatés »,20 avec ses jambes sveltes, il est d’une rare beauté. Suite à la disparition de son amante Sasha et à l’échec connu dans son expérience en poésie, Orlando se fait envoyer comme ambassadeur à Constantinople où, peu de temps après, il tombe dans l’atonie la plus complète. Il se réveille mystérieusement transformé en femme : « Et, là dessus, Orlando s’éveille. Il s’étire, il se lève. Il apparaît totalement nu à nos yeux et, tandis que les trompettes clament « la Vérité ! La Vérité ! », force nous est de l’avouer : il est devenu femme21. » La métamorphose que subit Orlando aboutit à une androgynie : « Orlando était toujours debout, dans une totale nudité. Depuis le commencement du monde, on n’avait jamais vu créature plus ravissante. Ses formes alliaient la force de l’homme et la grâce de la femme22. » Car dans la métamorphose, l’image reste la même : « son visage resta, comme l’attestent les portraits, pratiquement identique »23 et le nom aussi, mais le seul changement était dans le pronom personnel : « Il pouvait – mais nous devons respecter l’usage à l’avenir et dire « elle » au lieu de « il »» 24 . Même la nudité, qui paraît établir le véritable genre d’Orlando, ne détermine pas pour autant son identité : « le changement de sexe altérait certes son avenir mais, en aucun cas, son identité25 ». Rentrée à Londres, après un aventureux séjour parmi une tribu bohémienne, Orlando, dans les habits d’une jeune anglaise de qualité, trouve la capitale transformée : c’est maintenant le temps d’Addison, de Pope et de Swift. La conduite d’Orlando relève de l’androgynie : bien qu’elle soit femme, elle n’en a pas la coquetterie, et « ne (mît) jamais plus de dix minutes pour s’habiller 26 ». Avec l’audace et l’énergie d’un homme, « elle tremblait comme une faible femme à la vue du danger encouru par un autre. Elle éclatait en sanglots pour un rien. Elle était mauvaise en géographie27 ». Les vêtements constituent également un autre aspect de l’androgynie : ils créent la confusion du genre. Ainsi, après sa métamorphose, Orlando met un costume turc « L’un et l’autre sexe peuvent indifféremment porter28 ». Même les vêtements par lesquels on croit pouvoir déterminer le genre, laissent toujours poser la question de l’androgynie. Etant femme, elle demeure en même temps homme, ce qui n’est pas du tout le cas des Mille et Une Nuits où on n’assiste à aucune métamorphose conduisant à un être androgyne. Mais un effacement des frontières et des différences s’y fait sentir dans une attitude assez généralisée du broyage des frontières même s’il ne s’agit pas toujours de celles qui différencient masculin et féminin. Dans Les Mille et Une Nuits, Schéhérazade possède des caractères qui la font réunir masculin et féminin. Elle avait un courage au-dessus de son sexe, de l’esprit avec une pénétration admirable. Elle avait beaucoup de lecture et une mémoire si prodigieuse que rien ne lui était échappé de tout ce qu’elle avait lu. Elle s’était heureusement appliquée à la philosophie, à la médecine, à l’histoire et aux beaux-arts ; et elle faisait des vers mieux que les poètes les plus célèbres de son temps. En outre, 20
Virginia Woolf, Orlando, Paris, Librairie Générale Françoise, 1993, P. 15 . Ibid., p. 136 . 22 Ibid. 23 Ibid., p. 137. 24 Ibid. 25 Ibid. 26 Ibid. p. 185. 27 Ibid. pp. 185-186. 28 Ibid. p. 136. 21
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elle était pourvue d’une beauté excellente, et une vertu très solide couronnait toutes ces belles qualités29.
Nous pouvons donc voir dans le courage et l’intelligence de Schéhérazade d’un côté et dans sa beauté de l’autre une créature réunissant masculin et féminin. Bien que les aventures soient accordées généralement aux hommes (Aladin et la lampe merveilleuse, Ali Baba et les quarante voleurs ou Sindbad le Marin) et que les femmes ne soient que des esclaves, elles sont tout de même douées d’intelligence. Ainsi, dans le conte d’Ali Baba et les quarante voleurs, c’est Morgiane qui a découvert, la première, la mauvaise intention des voleurs : « que signifie cette marque ? Quelqu’un voudrait-il du mal à mon maître ? (…) Elle prend aussitôt de la craie, et, comme les deux ou trois portes au-dessus et au-dessous étaient semblables, elle les marques au même endroit30 ». C’est elle qui a sauvé son maître en jetant l’huile sur les voleurs. Ali Baba, en la décrivant, dit : « Cette Morgiane était une esclave adroite, entendue et féconde en inventions pour faire réussir les choses les plus difficiles31 ». En effet, l’androgyne dans Les Mille et Une Nuits persiste dans la lutte de féminin/ masculin. Etant femme, Shéhérazade, en racontant les histoires des voyages et des aventures, s’identifie chaque fois aux héros de ces histoires et pousse le roi à remettre sa punition au lendemain. Dans son introduction à la traduction des Mille et Une Nuits de Galland, Jean Gaulmier explique que : Schéhérazade inaugure admirablement en 1704 le siècle le plus féminin de l’histoire de France : le Prologue nous montre combien, par sa finesse intuitive, son intelligence, sa confiance en ses charmes, Schéhérazade est supérieur à Schahriar, et la plupart des contes insistent sur la puissance, la hardiesse, voire le cynisme des femmes32.
La question de l’identité dans les trois œuvres L’androgyne, que ce soit explicite dans Gabriel et Orlando ou implicite dans Les Mille et Une Nuits, pose la question de l’identité : Qui est Gabriel ? Qui est Orlando ? Qui est Shahrazade ? Les trois personnages sont à la recherche d’une identité problématique mais différente dans les trois œuvres. L’incertitude identitaire se manifeste par l’incapacité, chez le personnage, à accepter une représentation stable d’elle-même. Certaines formes existant dans les trois œuvres constituent une sorte d’ambigüité et d’instabilité qui renforcent l’opposition des deux contrastes aux personnages étudiés. Ceux-ci se sont trouvés entre deux : homme et femme, jour et nuit, haut et bas, réalité et imagination. Tous ces états se trouvent dans le rêve que les personnages vivent dans une étape de l’histoire et à travers lequel, l’androgynie se constitue clairement devant les yeux des lecteurs. Dans Gabriel, nous pouvons relever quatre étapes essentielles de ce vaet-vient entre masculin et féminin : La première étape commence dès l’éducation de Gabriel au masculin jusqu’à l’âge de 17ans, le jour de la transmission de l’héritage de mâle en mâle. Au lieu de la laisser grandir comme toutes les filles de son âge, le prince Jules camoufle le sexe de 29
Les Mille et Une Nuits, Traduction par Antoine Galland, Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 35. 30 Ibid., p. 257. 31 Ibid, p. 250. 32 Ibid., p. 14.
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Gabriel sous le prétexte qu’« Au-dessus des vulgaires devoirs et des puérils soucis de la paternité bourgeoise, il y a les devoirs courageux, les ambitions dévorantes de la paternité patricienne »33. Gabriel est condamné donc à vivre dans l’illusion de la virilité et la haine de la condition des femmes. Il a été pénétré de la grandeur du rôle masculin, et de l’abjection du rôle féminin dans la nature et dans la société. Les premiers tableaux qui ont frappé ses regards, les premiers traits de l’histoire qui ont éveillé ses idées, lui ont montré la faiblesse et l’asservissement d’un sexe, la liberté et la puissance de l’autre. Vous pouvez voir sur ces panneaux les fresques que j’ai fait exécuter par vos ordres : ici l’enlèvement des Sabines, sur cet autre la trahison de Tarpéia ; puis le crime et le châtiment des filles de Danaüs ; là une vente de femmes esclaves en Orient ; ailleurs, ce sont des reines répudiées, des amantes méprisées ou trahies, des veuves indoues immolées sur les bûchers de leurs époux ; partout la femme esclave, propriété, conquête, n’essayant de secouer ses fers que pour encourir une peine plus rude encore, et ne réussissant à les briser que par le mensonge, la trahison, les crimes lâches et inutiles34.
La deuxième étape commence dès le 17ème anniversaire de Gabriel jusqu’au jour du carnaval où la confession du prince Jules, le travestissement et l’âme romanesque l’aident à regagner son vrai genre féminin, dans un acte de révolte contre l’ordre paternel. La troisième étape commence avec la retraite de Gabriel à la campagne en compagnie d’Astolphe jusqu’au jour de sa fuite pour Rome. Devenir femme volontairement par amour pour Astolphe et fuir le monde en s’isolant à la maison de son bien-aimé, Gabrielle suit la loi du cœur. Toutefois, être femme semble une tâche difficile pour Gabrielle qui se sent étouffée par la jalousie de son amoureux, l’horreur de l’esclavage, la soif d’indépendance, d’agitation et de gloire : Vois-tu, Astolphe, tu m’as fait redevenir femme, mais je n’ai pas tout à fait renoncé à être homme. Si j’ai repris les vêtements et les occupations de mon sexe, je n’en ai pas moins conservé en moi cet instinct de la grandeur morale et ce calme de la force qu’une éducation mâle a développés et cultivés dans mon sein. Il me semble toujours que je suis quelque chose de plus qu’une femme, et aucune femme ne peut m’inspirer ni aversion, ni ressentiment, ni colère35.
La quatrième étape est la fin tragique de Gabriel-homme à Rome. La nouvelle situation de Gabrielle cause un problème pour plusieurs personnes y compris pour Gabriel elle-même qui vit un dilemme : rester femme ou reprendre sa liberté. Son bien-aimé l’oblige à céder à l’idéal dont elle a rêvé : « Vois, mon ami, tu ne trouves pas de plus grand éloge à me faire que de m’attribuer les qualités de ton sexe ; et pourtant tu voudrais souvent me rabaisser à la faiblesse du mien ! »36. Refusant son identité ambivalente et instable, une existence devient aussi problématique : « Tu aurais dû m’avertir, dès le premier jour où tu m’as aimée, qu’un temps viendrait où il serait nécessaire de me transformer pour conserver ton amour !»37 . Or découvrir son secret de femme déshonore son grand-père qui décide de la tuer. Cette impossibilité identitaire rend la vie impossible car, Gabrielle doit disparaître. Une situation qui conduit certainement à l’anéantissement de toute identité. 33
George Sand, Gabriel, http://www.inlibroveritas.net, p. 7 Ibid., p. 9. 35 Ibid., p. 93. 36 Ibid., p. 106. 37 Ibid., p. 105. 34
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Orlando, cet adolescent boudeur qui nous est présenté dans la première partie « Orlando sentit le cœur lui manquer et les deux autres durent l’allonger sur le sol lui donner du cognac pour le ramener à lui même »38, offre déjà beaucoup de traits proprement féminins. Devenu femme, il évoque, avec sa jupe étroite et ses cheveux courts, la silhouette de l’intellectuelle, de la fille-garçon à la mode du XXe siècle. Il est bien femme sans doute par l’étrangeté et la subtilité, mais demeure l’égal d’un homme par la tolérance et la liberté du langage. Il est donc une perpétuelle insatisfaction : quand elle paraît femme elle rêve d’être homme et quand il paraît homme il rêve d’être femme. Aussi le non-vieillissement illustre typiquement le dualisme foncier que Virginia Woolf aperçoit en toute personnalité humaine. Cette instabilité fait écho à une donnée majeure du récit, qui fait s’étendre la vie d’Orlando sur plusieurs siècles sans qu’il/elle ne vieillisse jamais. Il/elle échappe à la durée et à l’écoulement du temps mais est soumis(e) aux incessants changements de l’individu. De même pour Schéhérazade car son triomphe final sera sa consécration comme femme non plus mercenaire du plaisir, mais épouse et mère. En effet, d’abord double suspens assuré : celui de l’habile conteuse qui joue chaque nuit sa vie pour le prix d’une histoire passionnante et celui des récits merveilleux et poétiques, dont l’intérêt rebondit sans cesse. Les histoires s’enchaînent les unes aux autres, ou s’enchâssent les unes dans les autres jusqu’au bout de mille et une nuits blanches où Shéhérazade aura raison de son royal auditeur qui renonce enfin à sa barbarie et lui laisse la vie sauve. Tout le pouvoir qu’elle exerce sur le roi et sur elle-même vient de la parole, expression d’un savoir qu’elle est seule à détenir. Elle lui donne un plaisir qui va au-delà de la satisfaction des sens ; elle lui permet de dominer ses peurs en s’identifiant à des personnages qui, dans les contes, font la démonstration de leur sagesse et de leur élan vital. Et elle domine aussi par là même sa propre peur. Elle, qui a su sauver ses semblables par son intelligence, sa force morale et sa générosité, s’impose comme une personnalité mythique et idéale. En effet, la structure en récit-cadre, enchâssant les contes, fait l’œuvre. Dans le récit cadre, Shéhérazade est une femme ordinaire menacé par l’ordre abusif du roi. La nuit constitue le temps des histoires. Les récits seconds mettent en scène de multiples histoires du monde entier et de différentes périodes. Les contes enchâssés font voyager le roi dans un monde merveilleux et lui font oublier la nature de la conteuse. Ce procédé introduit une temporalité répétitive qui, à force de sa nature récurrente, presse le roi à renoncer à son ordre : « Mille et une nuits s’étaient écoulées dans ces innocents amusements ; ils avaient même beaucoup aidé à diminuer les préventions fâcheuse du sultan contre la fidélité des femmes 39 ». Cela conduit aussi à une restauration de l’identité du narrateur : le récit-cadre et les histoires enchâssées ont une double dimension cognitive : Les Mille et Une Nuits sont une quête d’identité, en même temps contiennent l’histoire de leur écriture. Cependant, l’incertitude identitaire que vivent les héros Gabriel, Orlando et Shéhérazade, n’est qu’un prétexte pour instaurer une figure implicite, celle de l’écrivain. George Sand fait de la fin de son roman un échec de l’identité féminine et de la condition sociale à travers la mort de la femme. Nous pouvons trouver des indices de l’auteure affrontant le fait d’être une femme aux yeux d’un homme dans un enchainement logique des 38 39
Virginia Woolf, op. cit., p. 51. Les Mille et Une Nuits, op. cit., p. 433.
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opposées. Pour Sand, l’androgyne sert d’outil pour affronter la société à l’époque et corriger son regard envers la femme. Pour Woolf l’androgynie n’est qu’un pas pour céder à une recréation de l’écrivain manifestée par le poème « Le chêne » auquel Orlando travaille durant trois cents ans. Quant à Shéhérazade, elle s’affirme comme femme autonome ayant acquise la liberté de son destin par la parole, qui va souvent jusqu’à l’extrême audace : Je vois bien, lui dit-il, aimable Shéhérazade, que vous êtes inépuisable dans vos petits contes : il y a assez longtemps que vous m’en divertissez ; vous avez apaisé ma colère, et je renonce volontiers, en votre faveur, à la loi cruelle que je m’étais imposée ; je vous remets entièrement dans mes bonnes grâces, et je veux que vous soyez regardée comme la libératrice de toutes les filles qui devaient être immolées à mon juste ressentiment.40
Fonction de l’androgyne dans les trois œuvres L’androgyne que nous venons d’étudier dans les trois œuvres semble avoir pour objectif de créer une confusion de genre et un suspens dans l’œuvre. En effet, l’identité instable du personnage constitue un prétexte pour le conduire à la quête. Dans cette partie nous aimerions répondre à la question : pourquoi l’écrivain recourt-il à cette technique ? Le relevé de l’androgynie dans les trois œuvres nous incite à examiner sa fonction. De l’étude précédente de l’androgynie dans les trois œuvres nous trouvons une quête de l’autre et de double. En effet, l’androgynie révèle une nature ambivalente : la figure de l’androgyne contient l’aventure de son écriture. La métamorphose androgynique sert à décrire l’aventure et à enregistre l’expérience de son auteur. Car l’histoire de l’androgynie n’offre pas seulement le développement d’un univers imaginaire mais elle constitue aussi la mise en forme d’une esthétique et d’un travail d’écriture. Dans Gabriel, l’écrivaine annonce dans le prologue qu’il s’agit d’une « fantaisie » : Gabriel appartient, lui, par sa forme et par sa donnée, à la fantaisie pure. Il est rare que la fantaisie des artistes ait un lien direct avec leur situation. Du moins, elle n’a pas de simultanéité avec les préoccupations de leur vie extérieure. L’artiste a précisément besoin de sortir, par une invention quelconque, du monde positif qui l’inquiète, l’oppresse, l’ennuie ou le navre. Quiconque ne sait pas cela, n’est guère artiste lui-même41.
Or, l’écriture de l’œuvre qui part de la « fantaisie » ne tarde pas à devenir une polémique de la situation féminine à l’époque tout en dévoilant le regard de la société sur la femme et surtout la femme libre et indépendante. En effet, le fait d’éduquer Gabriel à haïr le sexe féminin est une preuve contre la société et ses lois : dans une conversation entre les responsables de la formation de cet enfant, le lecteur se trouve devant un mur, qu’est la condition masculine : Vous pouvez voir sur ces panneaux les fresques que j’ai fait exécuter par vos ordres : ici l’enlèvement des Sabines, sur cet autre la trahison de Tarpéia ; puis le crime et le châtiment des filles de Danaüs ; là une vente de femmes esclaves en Orient ; ailleurs, ce sont des reines répudiées, des amantes méprisées ou trahies, des veuves indoues immolées sur les bûchers de leurs époux ; partout la femme esclave, propriété, conquête, n’essayant de secouer ses fers que pour encourir 40 41
op. cit., p. 433. George Sand, Gabriel, http://www.inlibroveritas.net, p. 2.
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une peine plus rude encore, et ne réussissant à les briser que par le mensonge, la trahison, les crimes lâches et inutiles42.
Renoncer à sa vraie nature, être obligée de faire ce qu’on exige d’elle dès l’enfance et affirmer qu’elle reste, tel est le discours tenu par Gabriel : « tu m’as fait redevenir femme, mais je n’ai pas tout à fait renoncé à être homme43 » qui ajoute aussitôt : « Il me semble toujours que je suis quelque chose de plus qu’une femme44 ». Pour finir en avouant : « À présent, j’avoue qu’il me sera pénible de renoncer à être homme quand je veux ; car je n’ai pas été longtemps heureuse sous cet autre aspect de ma vie 45 », ainsi l’éducation sociale semble plus forte que l’identité. Ce qui montre l’échec de la féminité que la société impose à ce temps là : Gabriel au féminin est celle dans la naissance et la mort seulement mais durant toute sa vie, c’est Gabriel, le prince héritier. Ainsi, à travers la figure de l’androgyne, le personnage se détache de luimême pour décrire et raconter ce qui lui est arrivé. En effet, la condition des femmes-écrivaines au XIXe siècle est bien désignée. C’est en respectant le code social et devenant un homme que l’écrivain trouve son existence et son respect. La mort de la féminité que George Sand veut souligner ici, n’est qu’un signe historique de la situation des femmes au XIXe siècle. La société exige l’infériorité du sexe féminin à travers la construction masculine du personnage de Gabriel : tous les gestes masculins faits par rapport à la manière féminine et sa gaucherie, tous approuvent la pratique des épreuves masculines de Gabriel. Gabriel témoigne ainsi de la difficulté d’être femme : femme intellectuelle et indépendante telle que George Sand voulait être. Dans Orlando, c’est le rêve et l’imagination qui sont au centre de l’œuvre. Ce n’est qu’en rêvant à devenir autre que le personnage se détache de la réalité et s’enfonce dans l’écriture. « Je » est un autre, c’est ce va et vient entre le féminin et le masculin qui provoque l’inspiration et aide à l’écriture. Désormais, Orlando n’a d’autre occupation que l’écriture de son poème. La métamorphose sexuelle sert de prétexte au plus spirituel vagabondage littéraire qui soit et, selon les termes de Virginia, à ce qui n’est « de bout en bout qu’une farce … une récréation d’écrivain46. Dans les contes des Mille et Une Nuits, la grande majorité des héros sont des hommes (Sindbad le marin, Ali Baba, Aladin...) et les thèmes des contes sont des aventures et des voyages qui témoignent de leurs héroïsmes et leurs aventures ; tandis que le rôle de la femme est secondaire : sa place "éloge" est dans la maison et dans la plupart du temps elle est servante chez les rois et les sultans. Les traits de personnalité de l’homme dans les contes des Mille et Une Nuits sont ceux d’un supérieur en raison de la nature de la société dans laquelle sont nés ces contes. Cette situation dominante pousse les femmes à acquérir ces attributs, qu’ils soient sexuels, sociaux ou psychologiques ce qui conduit à l’apparition ou la possession de certaines femmes à certaines qualités des hommes comme l’aventure et l’équitation. En effet, l’image qui prédomine dans la plupart des contes est celle du regard des hommes sur les femmes. La plupart des contes ont un homme, le héros principal, généralement prince ou marchand, est trahi par un proche, souvent 42
Ibid., p. 9. Ibid., p. 93. 44 Ibid. 45 Ibid., p. 161. 46 Journal du 18 mars 1928, cité par Pierre NORDON dans sa préface à Orlando. 43
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son épouse. Mais ce qui est étonnant c’est l’existence d’un certain nombre de caractéristiques de qualité supérieure (comme le courage et la sagesse) que possèdent les femmes dans certaines histoires et les emportaient sur les hommes de leur époque, ce qui en fait l’avant-garde de la société. Dans les trois œuvres, c’est l’affirmation de l’identité féminine qui est au centre de la quête. Mais l’androgynie constitue aussi une épreuve à franchir. Il invite au dépassement du vertige de l’être et du non être. Dans l’écriture, Je deviens un autre : il emmène l’écrivain, et avec lui le lecteur, vers ce point imaginaire d’une altérité radicale en laquelle l’identité s’accomplit. Le pastiche, la tentation du faux, les égarements dans lesquels nous plongent les artifices de la narration, les différences que font apparaître les structures répétitives constituent autant de moyens d’en approcher. C’est que le texte littéraire : met en jeu des stratégies de variations et de métamorphoses, toute une mise en scène de travestissement, toute une machinerie rythmique qui constitue comme le théâtre de l’être et qui, en même temps, tend à dépasser le stade de l’illusion, ou plutôt à faire comme si l’illusion était aussi la réalisation. Si l’identité, comme Proust ne cesse de le répéter tout au long de son œuvre, ne peut nous parvenir qu’à travers le prisme de la différence (par un signe, une métaphore, une métamorphose), il ne s’agit pas seulement de langage et de transcription, il ne s’agit pas seulement de connaissance.47
L’androgyne qui occupe une place importante dans les trois œuvres n’est pour autant leur sujet principal. Une fois que l’androgyne remplit son rôle de broyage des frontières et établit la confusion du genre, s’efface pour céder la place à une nouvelle quête, celle de la réalisation des ambitions. L’androgyne ne constitue donc pas un but mais un moyen sans lequel la quête n’aboutit pas à son terme. Les états de l’androgynie sont multiples dans la littérature. Les écrivains ont recours à l’androgyne car seul compte pour eux la fidélité à l’image, n’ont cessé de faire le tour de la sphère androgyne, quitte à en recoller les morceaux : la prédestination amoureuse, le coup de foudre, le double qui me fait un (Tristan, Roméo, Wangfu), les noces (y compris celle de l’homme et de la nature), la complainte des dislocations (Poe, Eureka ; Balzac, Séraphitus Seraphita ; Almquist, Les Joyaux de la reine), les jumeaux (Tournier), le frère et la sœur (Shelley), le vieil homme et la jeune fille (Rilke), le dandy spirituel (Baudelaire), le couple homosexuel (Verlaine-Rimbaud ; Cocteau-Radiguet), le travesti ou l’eunuque (Porporino), tous les degrés de l’androgynie, de la voie négative de renoncement à tout sexe jusqu’au rêve de la bisexualité réalisée sont pour eux respectable : c’est la distinction masculin-féminin qui est perverse48.
L’étude du thème de l’androgyne dans notre travail montre que cette figure s’affirme et s’affiche non seulement dans la métamorphose mais aussi dans les attitudes et les comportements. La comparaison des trois œuvres montrent qu’elles se rejoignent moins dans la figure précise de l’androgyne que dans ce qu’implique cette figure : l’entre-deux est un espace présent de l’effacement des frontières et des destins En effet, dans les trois œuvres le héros a un devoir à accomplir et un but à atteindre. Mais cette recherche ne peut s’accomplir qu’en passant par des métamorphoses. L’androgynie devient ainsi cette étape de passage à l’autre où le rêve en devient une étape 47 Pierre Jourde et Paola Tortonese, Visages du double : un thème littéraire, Paris, Nathan, 1996, p. 183. 48 Jacques Demougin (dir.), Dictionnaire des littératures : Androgyne, Paris, Larousse, 1987, p. 72.
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importante pour ce passage. Dans Gabriel, Orlando et Les Mille et Une Nuits c’est la situation sociale qui nécessite le passage à l’androgyne. Ce qui nous mène à constater que l’androgynie - que ce soit explicite ou implicite, menée d’une métamorphose ou pas, que ce soit dans l’attitude ou dans le caractère - est une aventure dont l’objectif est d’atteindre un but impossible à réaliser sans cette figure. Etape importante pour le passage à l’écriture et l’affirmation de l’identité, l’androgynie aide à démanteler la personnalité pour la reconstituer.
Bibliographie CHASTAING (Maxime), La Philosophie de Virginia Woolf, Paris, Presses Universitaires de France, 1951. JOURD (Pierre) et TORTONESE (Paola), Visages du double : un thème littéraire, Paris, Nathan, 1996. LE POULICHET (Sylvie), L’Art du danger : De la détresse à la création, Paris, Anthropos, 1996. WOOLF (Virginia), Orlando, Paris, Librairie Générale Françoise, 1993. Les Mille et Une Nuits, Traduction par Antoine Galland, Paris, Garnier-Flammarion, 1965. CHEVALIER (Jean) et GHEERBRANT (Alain), Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, 1982. DEMOUGIN (Jacques) (dir.), Dictionnaire des littératures, Paris, Larousse, 1987.
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Gender & Speech Representations in Virginia Woolf’s Mrs. Dalloway Selma HELAL1
…and I thought how unpleasant it is to be locked out; and I thought how it is worse perhaps to be locked in; and, thinking of the safety and prosperity of the one sex and of the poverty and insecurity of the other and of the effect of tradition and of the lack of tradition upon the mind of a writer…One seemed alone with an inscrutable society. Virginia Woolf (A Room of One’s Own, 17)
As Jane Goldman has observed in her “The Feminist Criticism of Virginia Woolf”, “Woolf is rightly considered the founder of modern feminist literary criticism.”2 Her two major feminist manifestos A Room of One’s Own (1929) and Three Guineas (1938) “have indeed assumed scriptural status”3 for feminist scholars, not to mention that the former “has come to be canonized as the first modern work of feminist literary criticism”4. Such wide acclaim, however, would not spare the named essays from receiving divided feminist responses. Despite her being viewed as “exemplary both in the sense of exceptional…and as an example”, Woolf has yet been rejected by quite a few Anglo-American feminists who claim that her work fits in “all too well with patriarchal norms, literary or social, to which authentic women’s writing should by definition be opposed”5. To have aroused such criticism and debate, Woolf’s feminist writings can only reflect the complexity of her feminism. It is hard to classify Woolf’s feminist thought or pin it down to one unified position. Is she a liberal feminist who seeks equal rights for her sex? Is she a radical, socialist feminist who celebrates her sex’s difference and seeks to reconstruct society according to “feminine” values? Is she a Marxist feminist who emphasizes the impact of the socio-economic dynamics of the English society on defining the conditions of her sex over history? Is she all three combined together or is she a “troubled femini[st]”, as Showalter claims her to be, who failed to confront with “her own painful femaleness”6 1
Université de Gabes Jane Goldman, “The Feminist Criticism of Virginia Woolf”, A History of Feminist Literary Criticism, eds. Gill Plain, and Susan Sellers, (New York: CUP, 2007) 66. 3 Jessica Bomarito, and Jeffrey W. Hunter, “Virginia Woolf (1882-1941)”, Feminism in Literature: A Gale Critical Companion, vol 6: 20th Century Authors (H-Z), eds. J. Bomarito, and J. W. Hunter (U.S.A: Thomson Gale, 2005) 536. 4 Id., Goldman 67. 5 Id., Bomarito and Hunter 536. 6 Qtd. in Toril Moi, Sexual/ Textual Politics, 2nd ed. (London: Routledge, 2002) 2. 2
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and whose notion of androgyny is nothing more than a desperate attempt to escape from her female gender identity? Nonetheless, her feminist ideas – however conflicting they are –“androgyny” and the “outsider” status of women, which come at the culmination of her arguments in respectively A Room and Three Guineas, remain, as pioneering concepts, of great importance and deserve further scrutiny. A close reading of the two essays seems to direct us into thinking that Woolf’s feminism is a deconstructive feminism that resists fixity or classification and deconstructs the essentialist nature of patriarchal ideology. Crucial to our postulate are the textual and thematic features of A Room and Three Guineas. Despite their alleged identity as essays, A Room and Three Guineas do not seem to have a clearcut narrative form. Their “androgynous”7 nature binds them to the genre of literary essays but also to the genre of fiction –the former being written in a stimulating fictional form, the latter in the epistolary form (despite its seriousness much emphasized in the use of a socio-economic and political terminology). For puzzling as it is, to Woolf “Fiction here is likely to contain more truth than fact”8. While theorizing for a female tradition of writing in her A Room (1929), Woolf refuses to adopt an exemplary, unified narrator, which, Moi 9 observes, calls into mind Derrida’s theory of language as a constant deferral of meaning where the signifier has no stable, transcendental signified. In fact, Woolf’s formal strategies reflect her deconstruction of “the metaphysical essentialism underlying patriarchal ideology, which hails God, the Father or the phallus as its transcendental signified”.10 The essay is markedly impersonal. It is woven into a multi-vocal narrative where the narrator’s “I”, although female-gendered, has no definite identity: “Here then was I (call me Mary Beton, Mary Seton, Mary Carmichael or by any name you please — it is not a matter of any importance)” Assuming multiple personae, the narrator’s true identity can hardly be pinned down to one single person: an essence-less “I” which is only “a convenient term for somebody who has no real being…”11, as if this obscure narrator were the voice of every Mary –every woman –who was denied expression in narrative and society alike: the “female” voice that was debarred from reality only to be represented under the shadows of patriarchy and come to be identified as the angel in the house –this pure, loving and nurturing woman whose existence and views depend solely on her catering for her husband and her children’s needs, leaving, therefore, no room for herself. Woolf’s antiessentialist feminism argues that women’s inferior position in society is not their natural lot, but rather the outcome of a culturally-constructed reality 7 Androgynous is used here in the Woolfian sense, or rather in our interpretation of Woolf’s notion of androgyny, to mean deconstructive of the metaphysical essentialism of patriarchy that seeks to label things and put them under fixed categories. Woolf’s notion of androgyny will be shortly further explored in our text. 8 Virginia Woolf, A Room of One’s Own, 5 January 2011 9. The reader can detect a glaring clue of Woolf’s modern novelistic aesthetics. An experimental innovator and Bloomsburrian 8 , she deliberately throws her readers into a state of bewilderment as she teasingly but not less seriously blurs the lines between the fictitious and the factual, only to draw attention to the narrativity of her text. 9 Moi’s observation comes in response to the purport of Elaine Showalter, the AngloAmerican feminist who accuses Woolf of being elusive in her choice of narrator for the polemic, which she further interprets as a denial of authentic feminist states of mind, namely, the “angry and alienated ones.” Qtd. in Moi, Textual/ Sexual Politics 3. 10 Moi, Textual/Sexual Politics 8-9. 11 Woolf, A Room 9.
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that is forced on them and perpetuated through androcentric culture. First, Woolf sets out to expose the economic and political dynamics that favor one sex over the other. In the first chapter of A Room, we accompany Woolf’s narrator in her visits to two colleges, one for male, the other for female, where she is to attend a luncheon in the former and dine in the latter. The visits allow for a subtle comparison between the Oxbridge and Fernham, two educational institutions that stand at sharp contrast with one another. The feeling of lavishness and comfort that is recognized in the first setting is completely lost in the second: it is substituted by a heavy atmosphere of gloominess and near destitution –an atmosphere where the least inspirational thought is killed12. It becomes obvious that Men’s long tradition in education and profession is opposed to women’s tradition of domesticity that is behind their poverty and lack of means. In Three Guineas (1938), Woolf deconstructs men’s tradition when, in the attempt to provide an answer for a member of a male society who is soliciting her help as a woman to prevent Second World War and protect cultural and intellectual liberty, she finds herself answering two honorary women treasurers. The answer to the man’s cause is cunningly to be found in the women’s causes which are: first, to promote women’s education, and second, to enhance women’s entrance to the professions. In fact, the backbone of the argument is that if women are to be influential in preventing war, “our only weapon [is] the weapon of independent opinion based upon independent income”13. However, as she expounds the reasons behind the incoming war, Woolf subtly links patriarchy to fascism, both being two cultural and political systems based on oppression and dictatorship, but whereas in the latter the human races are targeted, the human sexes are the former’s target, whereby, fascism is an extended version of patriarchy: And what right have we, Sir, to trumpet our ideals of freedom and justice to other countries when we can shake out from our most respectable newspapers any day of the week eggs like these?14…‘feminists’ were in fact the advance guard of your own movement. They were fighting the same enemy that you are fighting and for the same reasons. They were fighting the tyranny of the patriarchal state as you are fighting the tyranny of the Fascist state. Thus we are merely carrying on the same fight that our mothers and grandmothers fought…And abroad the monster has come more openly to the surface. There is no mistaking him there. He has widened his scope. He is interfering now with your liberty; he is dictating how you shall live; he is making distinctions not merely between the sexes, but between the races. You are feeling in your own persons what your mothers felt when they were shut out, when they were shut up, because they were women. Now you are being shut out, you are being shut up, because you are Jews, because you are democrats, because of race, because of religion. It is not a photograph that you look upon any longer; there you go, trapesing along in the procession yourselves.15
12
Woolf’s play on words renders the disparate image more powerful. The plain “gravy” soup in the plain plate she had for dinner at Fernham and that mirrored the emptiness of the female mind in its transparency evokes in its sonorities her plain state of mind after she was shoved to the “gravel”, her supposedly “natural” place away from Oxbridge’s precious turf “which has been rolled for 300 years in succession”, as though in commemoration of men’s tradition of education and profession. A Room 10, 14. 13 Virginia Woolf, Three Guineas, 5 January 2011 39. 14 Three Guineas 48. 15 Id., 93.
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Woolf cunningly elucidates the close connection between the Fascist war threatening humanity and the Sexist war that had been going on and is somehow still threatening the other half of the human race. The war, as a matter of fact, becomes a metaphor for the war between the sexes: All the other professions, according to the testimony of biography, seem to be as bloodthirsty as the profession of arms itself. It is true that the combatants did not inflict flesh wounds; chivalry forbade; but you will agree that a battle that wastes time is as deadly as a battle that wastes blood. You will agree that a battle that costs money is as deadly as a battle that costs a leg or an arm. You will agree that a battle that forces youth to spend its strength haggling in committee rooms, soliciting favors, assuming a mask of reverence to cloak its ridicule, inflicts wounds upon the human spirit which no surgery can heal.16 Despite its claimed values of liberty and chivalry, the male society’s fierce objection to and rejection of women’s entrance to what has long been conceived as solely a man’s privileged territory – i.e. the realms of education and profession – betrays the horrid face of patriarchy –a system fed on possessiveness and greed for power –but mostly, on the patriarch’s fear of losing ground to the other sex, whom they like to keep under their dominion so that they may keep their cherished sense of high self-esteem. Their celebrated values of freedom, tolerance and justice are in truth masks beneath which lie possession, vanity, jealousy, pugnacity, and greed –and these breed violence and bring destruction upon humanity. Thus, Woolf exposes the true nature of patriarchy and the defectiveness of men’s professional and educational systems. However, Woolf’s position toward her sex should not be identified as the position of an exponent of matriarchy. When she values the “second sex’s” roles as mothers, daughters and sisters, she does not praise the traditional views of women’s difference as much as she criticizes the stunting of women’s capable powers. The moment they were confined to the private sphere, women were denied wider opportunities and had no other choice but to follow in their mothers’ footsteps by directing their potential to the sole “profession open to them”: marriage. But even so, their talent still revealed much about their capacity to revolutionize the world: One has only to go into any room in any street for the whole of that extremely complex force of femininity to fly in one’s face. How should it be otherwise? For women have sat indoors all these millions of years, so that by this time the very walls are permeated by their creative force, which has, indeed, so overcharged the capacity of bricks and mortar that it must needs harness itself to pens and brushes and business and politics. But this creative power differs greatly from the creative power of men. And one must conclude that it would be a thousand pities if it were hindered or wasted, for it was won by centuries of the most drastic discipline17. Following Three Guineas’ logic, to encourage women to receive the same education as men so as to be appointed and enter the professions would, therefore, turn them into agents perpetuating the very system they are fighting, hence Woolf’s notion of the outsider status, vaguely hinted at above when she states abruptly that women’s “creative power differs greatly from the creative power of men”: We can best help you to prevent war not by repeating your words and following your methods but by finding new words 16 17
Id., 55. A Room 53.
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and creating new methods. We can best help you to prevent war not by joining your society but by remaining outside your society but in cooperation with its aim. That aim is the same for us both. It is to assert ‘the rights of all — all men and women — to the respect in their persons of the great principles of Justice and Equality and Liberty.’18 Woolf’s notion of the outsider emphasizes women’s difference of values, namely, “the four great teachers…— poverty, chastity, derision and freedom from unreal loyalties.” It is by embracing their difference and sticking to such values that they can be independent from erroneous loyalties and help men make the world a better place. These can be rightly summed up in “service to real loyalties”19 –i.e., doing the thing for the sake of the thing itself –which as opposed to “the old ideal of bodily chastity” 20 Woolf somewhere in the middle of her polemic beautifully terms as “mental chastity”. Based on Woolf’s feminist-humanist thought, namely her revolutionary concepts of androgyny and the outsider status, the aim of this paper is therefore to study one of Woolf’s masterworks, Mrs. Dalloway, and argue that the novel is an androgynous narrative that deconstructs patriarchal gender divisions and restores the unity of the mind. At the hub of this research paper is a two-fold postulate: the first premise posits that Woolf’s textual practices are subversive of the traditional gender politics operating within the narrative form. The second premise explores Woolf’s subversion of gender politics in terms of the characters’ relations to the text so as to put under scrutiny the power dynamics within their relationships.
1. Mrs. Dalloway: An Androgynous Narrative Subversive of Patriarchal Gender Divisions Perhaps to think, as I had been thinking these two days, of one sex as distinct from the other is an effort. It interferes with the unity of the mind. Now that effort had ceased and that unity had been restored by seeing two people come together and get into a taxicab21.
When she brings forth her notion of androgyny by the end of her canonized polemic A Room, Woolf writes of intellectual unity or the “unity of the mind”, as she terms it. The word “unity” would suggest the fusion of the two parts respective to each sex in the mind, of what differences and values there might be attached to them. However, it might be useful to reconsider the meaning of unity with Woolf. The term seems to suggest less the fusion of boundaries than the absence of them altogether. To stop at the first meaning would reduce that unity to an essentialist view of the sexes, that is, two naturally different elements that fuse to complete one another. To acknowledge the natural differences between the sexes, as Woolf demonstrates, should in no way serve as a legitimate basis for the artificial constructs that androcentric culture perpetrates by placing women in an inferior position so as to sustain the belief in men’s natural superiority and maintain their power. Her precision that “that unity had been restored” highly suggests that the principle of unity is not new, that it was existent 18
Three Guineas 122. Three Guineas, 67. Id.,69. 21 Woolf (A Room, 62) 19 20
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before. It was almost completely siphoned away by such “pitting of sex against sex, of quality against quality” and such “claiming of superiority and imputing of inferiority,” but being immutable, it is now, in the sense of understood, “restored” rather than achieved, and the simple scene, out of her window, of a man and a woman taking a cab together becomes an eyeopener to that understanding and a reminder of that intellectual unity in men and women’s humanity. Woolf’s notion of androgynous unity becomes synonymous with the deconstruction of imposed divisions (including the deconstruction of feminist monism21) that would impede that peace and freedom of mind, the “woman-manly” or “man-womanly” mind. Making the effort to see the two sexes as distinct only confirms that such difference is being enforced on the mind. It is quite relevant to be heedful of such precision before one could understand further her definition of androgyny as “some marriage of opposites”22 so that when she speaks of opposites, one should not take the two sexes as essentially opposites but only placed in diametrically opposed positions: one inferior, the other superior. Woolf clearly shifts that contention over the sexes from their being naturally opposed to their being positioned in opposition by cultural artifice, especially when she states that values in their applicability should not be taken as fixed or natural : I thought how much harder it is now than it must have been even a century ago to say which of these employments is the higher, the more necessary. Is it better to be a coal-heaver or a nursemaid; is the charwoman who has brought up eight children of less value to the world than, the barrister who has made a hundred thousand pounds? Not only do the comparative values of charwomen and lawyers rise and fall from decade to decade, but we have no rods with which to measure them even as they are at the moment…Even if one could state the value of any one gift at the moment, those values will change; in a century’s time very possibly they will have changed completely…All assumptions founded on the facts observed when women were the protected sex will have disappeared…Anything may happen when womanhood has ceased to be a protected occupation, I thought, opening the door.23 Woolf displays avant-garde awareness of the danger and limitations of systematized24 classification, which pierces through patriarchal dualism21, and conveys a deep understanding of the fact that no assessment based on contingencies is absolute nor is it in itself valid without consideration of the element of time –the very means and reason for its defectiveness. In fact, by examining the notion of womanhood, she does literally “open the door” for human thinking by delineating the idea that any one paradigm eventually wears off, and when it does, the assumptions based on that paradigm stop existing. That’s when a new one with all the assumptions that can be derived from it becomes possible. Failure to see through that condemns the entire system to false assimilations. Womanhood in the eighteenth century is 22
A Room 62. Id., 26. 24 See Guénon’s ideas (which were originally published in French in 1921) on the limited truth in the systematic form of thought as he defines true metaphysics and restores its universality of non-dualism and Consider his definition of the notion of dualism/ monism with regard to opposition while bearing the terms male and female in mind, and at another level, the terms patriarchy vs. matriarchy in, René Guénon, “Metaphysical Thought & Philosophical Thought”, Introduction to the Study of the Hindu Doctrines. 2001. Trans. Marco Pallis, 2nd ed. (Hillsdale NY: Sophia Perennis, 2004) 98-106. 23
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different from that in the nineteenth and obviously different from what it is in the twentieth century, and it is not because women have stopped to be women, but because there is no such thing as the essential nature of womanhood that condemns women to the low status of the “inferior sex”, the weaker sex who constantly needs protection from its male superior. Indeed, Woolf does not believe in a fixed form of feminine essence for she admits that womanhood is to be always in the making, hence her avowal that “now that she had rid herself of falsehood, that young woman had only to be herself. Ah, but what is ‘herself’? I mean, what is a woman? I assure you, I do not know. I do not believe that you know. I do not believe that anybody can know until she has expressed herself in all the arts and professions open to human skill [my emphasis]”. She recognizes that a woman’s identity is related to the expression and development of her skills in all domains, whether private or public, but she is careful to precise that women’s entrance to the professions and their admission to the public sphere signal in no way the end of the battle. Difficulties go on and the fight to achieve one’s aims and ends has to continue. Thus, She points out to the continual movement of self-expression and, therefore, the perpetual development of a woman’s identity for “those aims cannot be taken for granted; they must be perpetually questioned and examined”25. Before she closes her manifesto, Woolf encapsulates her notion of androgyny in the river metaphor which figures already at the book’s opening so that A Room might turn full circle: The river reflected whatever it chose of sky and bridge and burning tree, and when the undergraduate had oared his boat through the reflections they closed again, completely, as if he had never been… river, which flowed past, invisibly, round the corner, down the street, and took people and eddied them along, as the stream at Oxbridge had taken the undergraduate in his boat and the dead leaves. Now it was bringing from one side of the street to the other diagonally a girl in patent leather boots, and then a young man in a maroon overcoat; it was also bringing a taxi-cab; and it brought all three together at a point directly beneath my window; where the taxi stopped; and the girl and the young man stopped; and they got into the taxi; and then the cab glided off as if it were swept on by the current elsewhere.26
The streaming river is a metaphor for that sense of unity the androgynous mind enjoys. Somehow by reflecting both “sky” and “tree” it seems to bridge two hierarchical orders, the realm of ideals and the realm of materials that sky and tree respectively appear to represent. It acts as the very same “bridge” which, existent as both material and reflection, becomes literally as well as metaphorically something hovering. It, therefore, acts as a space of intersection and suspension where both orders are synthesized, thereby transcending division. One can read in the undergraduate and his boat the divisive impact which patriarchal ideology effects, but again, “the reflections . . . closed again” and unity is restored. The metaphor of the androgynous river is carried on so that while in the beginning Woolf is speaking literally of the river by Oxbridge, it now takes on an invisible quality. The streaming effect brings together the young man, the girl, and the taxi. Somehow, one can read in it a certain force that keeps things in motion and which can only be synonymous with life, a word that 25 Woolf, “Professions for Women”, The Death of the Moth and Other Essays, 16 March 2011 142-43. 26 A Room 59.
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stands for something tangible and intangible, visible and invisible: a force that while it goes on, it still cannot be taken for granted. In short, it is a movement that stands for uncertainty and undecidability. Did the romantics not make out of the river an image for the self –being both the same but not quite the same, and so being a place of tension? But Woolf takes the metaphor to extremes. For what is the self, if not a microscopic unit of life? And what is fiction, if one may put it simply, but life put into words? In Woolf’s words: If one shuts one’s eyes and thinks of the novel as a whole, it would seem to be a creation owning a certain lookingglass likeness to life, though of course with simplifications and distortions innumerable. At any rate, it is a structure leaving a shape on the mind’s eye…This shape…starts in one the kind of emotion that is appropriate to it. But that emotion at once blends itself with others, for the ‘shape’ is not made by the relation of stone to stone, but by the relation of human being to human being. Thus a novel starts in us all sorts of antagonistic and opposed emotions. Life conflicts with something that is not life…Then since life it is in part, we judge it as life.27
And is it not life that makes both sexes in the first place equal as living selves? What dark power makes it acceptable to discriminate one sex against the other when both are equally given the gift of life? One might ask. Mrs. Dalloway, “a book of characters”28 and their streaming thoughts, bears out Woolf’s anti-essentialist feminism which aims to deconstruct divisive relations on three levels: first, in the surging ambiguity that comes up at times and colors the narrative, thereby promoting an atmosphere of undecidability as to whether it is the figural or the authorial voice who is speaking; second, in Woolf’s use of the free indirect discourse as the main technique of narration which contributes greatly to the sense of ambiguity and therefore “unity”, i.e. disruption of systematic classification, that permeates the book; and third, in the transitory elements which serve as unitive, relational vehicles smoothing the fluidity of a narrative that emulates the streaming flow of Woolf’s androgynous river. 1.1. Ambiguous Brackets, Ambiguous Statements In the first part of her Transparent Minds: Narrative Modes for Presenting Consciousness in Fiction, entitled “Consciousness in ThirdPerson Context”, Dorrit Cohn mentions the “interrupting parentheses” or “the bracketed asides”29 as narratorial devices that serve to interrupt the continuity of mental sentences and explicitly underline an authorial presence. Mrs. Dalloway is strewn with these bracketed asides. They figure extensively in the narrative and are encountered nearly everywhere in the characters’ mental speeches. Not only do they infuse their thoughts, but even feature as independent paragraphs at times. It would be inconvenient to study them all, hence the few examples selected for examination. The following passage, for instance, occurs on the second page of the novel and is one of the lengthiest interruptive parentheses : 27
Id., 44. As qualified by Woolf in her diary. Qtd. in Kathy Mezei, “Who Is Speaking Here? Free Indirect Discourse, Gender, and Authority in Emma, Howards End, and Mrs. Dalloway”, Ambiguous Discourse: Feminist Narratology and British Women Writers, ed. Kathy Mezei (U.S.A: North Carolina U. P., 1996) 82. 29 Dorrit Cohn, Transparent Minds 40. 28
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(June had drawn out every leaf on the trees. The mothers of Pimlico gave suck to their young. Messages were passing from the Fleet to the Admiralty. Arlington Street and Piccadilly seemed to chafe the very air in the Park and lift its leaves hotly, brilliantly, on waves of that divine vitality which Clarissa loved. To dance, to ride, she had adored all that.)30
It interrupts the mental sequence of Clarissa’s memories of those days at Bourton (triggered at the sight of Hugh, a childhood friend she crosses in the street on her morning errand.) Although it has a purely descriptive function, the passage seems extremely puzzling. Is it Clarissa who suddenly stops for a moment to carry on an early reflection on England at this time of the year, before Hugh’s appearance would set her mind on a different train of thought, i.e. her old memories of Bourton then with both Peter and Hugh, or is it the narrator’s voice? This sense of ambiguity goes on in several other instances in the novel and hardly any farther from its opening. A bracketed aside features right at the fifth line of the third paragraph just as Clarissa unfolds an early memory of herself and Peter at Bourton: . . . How fresh, how calm, stiller than this of course, the air was in the early morning; like the flap of a wave; the kiss of a wave; chill and sharp and yet (for a girl of eighteen as she then was) solemn, feeling as she did, standing there at the open window, that something awful was about to happen . . .
Who is the supplier of the bracketed piece of information? Who is speaking there? Is the content of the parenthesis part of the character’s thought or is it an authorial aside? Not only do those usually authorial bracketed asides or glosses appear ambiguous but they are at other times truncated or shriveled into a sentence or two so that instead of disturbingly exerting their interruptive power on the sequence of the character’s inner thought, they are either subsumed by the character’s very inner realm, hence the air of ambiguity that colors them; or thrown in the midst of expansive figural thoughts, they are hindered from expanding, whereat the effect of interruption goes into reverse. Consider for instance the following example: How much she wanted it—that people should look pleased as she came in, Clarissa thought and turned and walked back towards Bond Street, annoyed, because it was silly to have other reasons for doing things. Much rather would she have been one of those people like Richard who did things for themselves, whereas, she thought, waiting to cross, half the time she did things not simply, not for themselves; but to make people think this or that; perfect idiocy she knew (and now the policeman held up his hand) for no one was ever for a second taken in. Oh if she could have had her life over again! she thought, stepping on to the pavement, could have looked even differently! (sic)31 [My emphasis]
The italicized statements are clearly narratorial reports of Clarissa’s outer movements while she is absorbed by her own thoughts. In the middle, however, is a bracketed aside that boggles the reader’s mind: who is speaking? Is it Clarissa who suddenly takes notice of the policeman’s upheld hand or is it the intrusive narrator reporting what is happening outside? The examples abound indeed and the following appears by the end of the novel: “She [Clarissa] must go up to Lady Bradshaw (in grey and silver, balancing like a sea-lion at the edge of its tank, barking for invitations, Duchesses, the typical successful man’s wife), she must go up to Lady Bradshaw and 30 31
Mrs. Dalloway 2. Id., 4.
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say…”32 The parenthetical voice is obviously puzzling. James Naremore notes in his The World Without a Self that it is quite hard to decide whether this depiction of Lady Bradshaw is provided by Clarissa as she goes up to her guest, whether it is the ironical voice of the narrator that depicts this character in an unflattering way, or whether it is a general comment by the characters sitting there.33 This puzzling effect continues outside the brackets. Consider the following instance where Miss Pym is speaking to Mrs. Dalloway: “‘Dear, those motor cars,’” said Miss Pym, going to the window to look, and coming back and smiling apologetically with her hands full of sweet peas, as if those motor cars, those tyres of motor cars, were all HER fault. [My emphasis]”34 It becomes hard to tell who speaks in the italicized statement. Is it Mrs. Dalloway, the intrusive narrator, or both at the same time? The text seems to be drawing attention to itself as a system of signs. Here is a word in full capitals, here are blocks of thoughts defused with brackets, which sometimes break the sequence, sometimes stretch it. This ambiguity, however, culminates in the text’s narration technique: the free indirect discourse. 1.2. The Free Indirect Discourse: a Site of Androgyny Trying to define the free indirect discourse technique (which she refers to in her own terminology as “the narrated monologue”), Cohn writes: In its meaning and function, as in its grammar, the narrated monologue holds a mid-position between quoted monologue [direct interior monologue or free direct discourse] and psycho-narration [narrating from the figural mind’s point of view in the narrator’s idiom], rendering the content of a figural mind more obliquely than the former, more directly than the latter. Imitating the language a character uses when he talks to himself, it casts that language into the grammar a narrator uses in talking about him, thus superimposing two voices that are kept distinct in the other two forms. And this equivocation in turn creates the characteristic indeterminateness of the narrated monologue’s relationship to the language of consciousness suspending it between the immediacy of quotation and the mediacy of narration… In sum, the narrated monologue is at once a more complex and a more flexible technique for rendering consciousness than the rival techniques. Both its dubious attribution of language to the figural mind, and its fusion of narratorial and figural language charge it with ambiguity, gives it a quality of now-you-see-it, now-you-don’t that exerts a special fascination.35 [My italics]
Cohn’s lengthy and well-developed definition can still be sustained by Ginsburg’s one-sentence add-on: “[FID] is a structure of undecidability, transgress[ing] and violat[ing] binary oppositions"36. The two quotations concur on one crucial characteristic of the free indirect discourse technique: it is a site of undecidability, indeterminateness, equivocation, suspension and ambiguity. It blurs the lines between the figural and the narratorial voices. In
32
Mrs. Dalloway, 78. James Naremore, The World Without a Self: Virginia Woolf and the Novel, 2nd ed. (New Haven and London: Yale U. P., 1973) 90. 34 Mrs. Dalloway 5. 35 Dorrit Cohn, Transparent Minds 106-07. 36 Qtd. in Kathy Mezei, “Who Is Speaking Here? Free Indirect Discourse, Gender, and Authority in Emma, Howards End, and Mrs. Dalloway” 82. 33
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other words, it undermines the gender-based narrative politics37 that would hail the egocentric, androcentric, intrusive narratorial voice as the supreme authority in the narrative by fusing it with its feminine counterpart, i.e. the character’s voice. Therefore, it produces an androgynous voice of narration that obeys to Woolf’s principle of unity. No voice dominates the other; instead, both are brought together in a new order where hierarchy is no longer operative38. In this vein, Woolf’s “marriage of opposites” can be understood as a “synthesis of antitheses” 39 that the fertilized voice narrated in the free indirect discourse epitomizes40. Woolf’s technique of narration, in fact, renders the characters’ inner thoughts with enough directness without as much being deficient in the mystery and complexity of the psychological realm, considering the varying layers of consciousness41. This synthesis underlies the novel as a whole on two levels. First, the novel as a whole is a mix of two seemingly unrelated narratives: Clarissa’s womanly story and Septimus’ manly story. Second, each of these two narratives, taken separately, is in itself a mix of humming voices. On a microscopic level, the gender-based dialectics within the narrative are challenged by virtue of the specificity of the free indirect discourse –being a stream-of-consciousness technique that brings into play two supposedly opposed voices. On a macroscopic level, the dialectics are likewise subverted by virtue of the characters’ evolving into character-narrators undermining the intrusive narrator’s authority in the narrative. Indeed, modeling her novel on variable focalization42, Woolf does not entrust any of her characters with absolute authority of narration. She keeps 37 Based on Woolf’s description of the traditional, obtrusive narrator’s I/eye (A Room, 60) and Cohn’s account of its prerogatives (Transparent Minds, 25), the “inverse proportion” that characterizes the traditional narrator-character relationship strongly evokes Woolf’s image of women as “looking-glasses possessing the magic and delicious power of reflecting the figure of man at twice its natural size.” The character’s “limited being”, in fact, magnifies the audible presence of the traditional, authorial narrator, which readily implies that the narrative dialectics are gender-based: the text as a whole, in turn, is reduced to “a passive feminine reflection of an unproblematically given masculine world or self” (in Toril Moi, Textual/ Sexual Politics, 8). 38 Speaking further of “the very special two-in-one effect” of the FID, or to use her terminology, of the narrated monologue, Cohn is careful not to overstress the technique’s “dualism or monism”: “To speak only of a dual presence (perspective, voice, etc.) seems to me misleading: for the effect of the narrated monologue is precisely to reduce the hiatus between the narrator and the figure [character/ protagonist] existing in all third-person narration. But to speak simply of a single presence [Cohn’s emphasis] (perspective, voice, etc.) is even more misleading: for one risks losing sight of the difference between third– and first-person narration … In narrated monologues … the continued employment of thirdperson references indicates, no matter how unobtrusively, the continued presence of the a narrator. And it is his identification, not his identity, with the character’s mentality that is supremely enhanced by this technique.” Cohn, Transparent Minds 112. 39 Cohn, Transparent Minds 98. 40 Paraphrasing Henry James’ description of the technique, Cohn calls it “this espousal of a character by its narrator”. Cohn, Transparent Minds 115. 41 Id., 26-33. 42 Speaking of internal focalization in modern psychological narratives, G. Genette distinguishes between three different modes: first, “fixed focalization”, where the events are reflected through a single mind, the primary focalizer’s like in Joyce’s Portrait of the Artist as a Young, where the whole book, a Bildungsroman, traces the development of its central character, a budding poet Stephen Dedalus, through whose eyes and from whose viewpoint the narrative is entirely weaved; second, “variable focalization”: where the narrative has variable character-reflectors, which is the case of Mrs. Dalloway; third, multiple focalization which is a variety of the second mode and in which the same events are each time told from
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varying the source of narration and with every source more is revealed about the characters’ lives. At times, different memories of past things are narrated, or some other focal point; at other times, it happens to be quite the same memory or focal point taken from different angles. In the meantime, her characters switch positions: sometimes focalizers; other times, focalized. It all produces a rhythm of some sort, as though a replica in miniature of the movement of alternation that the ebb and flow of both narratives creates in the book; which overall, seems to epitomize the narrative’s fertilization. Even though the novel as a whole is narrated almost entirely in the free indirect discourse, the following passage makes a special case in Mrs. Dalloway : And Elizabeth waited in Victoria Street for an omnibus. It was so nice to be out of doors. She thought perhaps she need not go home just yet…Buses swooped, settled, were off—garish caravans, glistening with red and yellow varnish. But which should she get on to? She had no preferences. Of course, she would not push her way. She inclined to be passive. It was expression she needed, but her eyes were fine, Chinese, oriental, and, as her mother said, with such nice shoulders and holding herself so straight, she was always charming to look at; and lately, in the evening especially, when she was interested, for she never seemed excited, she looked almost beautiful, very stately, very serene. What could she be thinking? Every man fell in love with her, and she was really awfully bored. For it was beginning. Her mother could see that—the compliments were beginning. That she did not care more about it—for instance for her clothes—sometimes worried Clarissa, but perhaps it was as well with all those puppies and guinea pigs about having distemper, and it gave her a charm. And now there was this odd friendship with Miss Kilman. Well, thought Clarissa about three o’clock in the morning, reading Baron Marbot for she could not sleep, it proves she has a heart.43
Here is an interesting moment in the narrative where two free indirect discourses merge into one another making it hard for the reader to find out where the transition took place. It begins with Elizabeth’s streaming thoughts and closes with Clarissa’s, especially with the last sentence placing us in a completely different point in time and space: “three o’clock in the morning” at Clarissa’s bedroom. The effect of confusion culminates in the italicized question which seems to signal as well as hide that moment of merging. It remains unclear who is asking it. Thus, the reader remains undecided about the identity of the voice that utters it: is it Elizabeth’s or Clarissa’s? The two character-voices merging into one another is a powerful moment in the novel. Woolf takes her concept of androgyny to the full. Not only does she fuse the authorial narrator’s voice with its feminine counterpart, the character’s (by choosing the narrated monologue as her main technique of narration) but she also fuses the already androgynous combination with another feminine voice, thereby creating a far more fascinating vocal hybrid wherein the “womanly” part seems to overbalance the “manly” part, while some parts of the passage can nonetheless be perfectly read in the voice of the authorial narrator. Woolf’s choice of characters makes the thrilling effect of such a three-tiered vocal combination even more palpable. It is intriguing how of all the characters in the novel Woolf chooses Clarissa and her different reflectors or focalizers. Manfred Jahn, “Focalization”, The Cambridge Companion to Narrative, ed. David Herman (Cambridge: C. U. P., 2007) 98. 43 Mrs. Dalloway 57-58.
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daughter to feature at this moment: a mother-daughter connection. First, she starts with Elizabeth’s thoughts; then, she moves to the mother’s. Women think back through their mothers, she states in A Room.44 An interesting triangle of mixed voices starts therefore to operate in this passage whose defining dynamics the following diagram translates:
In this sense, Woolf makes of the free indirect discourse a site of intense interplay where the elements caught at play float in a harmonious confusion that, at a certain point in the passage, makes it hardly any possible to sort through them at all. The circular shape stands in fact for that harmony, but more importantly, it represents the movement of fusion and intermingling which signals the absence of falsely-hierarchical divisions. 1.3. Unity through Relational Fictional Vehicles 1.3.1. Unity through Scenes & Images A Woolfian “unity” can be felt in the characters’ streaming thoughts. They sometimes use the same images, repeat identical phrases, find themselves in similar situations, or even share some physical features which all together seem to reproduce some rippling effect affecting all characters alike. On careful reading, the reader starts to spot reiterated metaphors in different parts of the book. Consider for instance the repetitive use of the image of the spider’s thread which is used first by Lady Bruton while she is lying down on her couch after her company has left. The image is soon picked by Richard Dalloway as we catch his streaming mind while he is on his way back to Clarissa. A couple of phrases are picked by the characters, male and female, at different moments in the book as well. On her errand to the florist Miss Pym, Clarissa absorbed by her thoughts, reflecting on her life over the past twenty years, describes the effect that the Big Ben chimes have on her, precisely that moment of “suspension” that precedes the Clock’s striking sound: “[F]irst, a warning; musical,” she thinks, “then the hour, irrevocable.”45 Later, the very same phrase is picked up by Richard. While on his way back home, after he has lunched with Lady Bruton, “Big Ben was beginning to strike”, so he thought, “first, a warning; musical, then the hour irrevocable.”46 Another instance is when both Clarissa and Septimus utter the same phrase at different times in the narrative. Again, while on her errand, Clarissa reflects on life and death and begins to think that people somehow 44
A Room 45, 59. Mrs. Dalloway 1. 46 Id., 50. 45
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do not die when they pass away but pieces of them become attached to the other living and then she remembers a quote she read “in a book spread open”: “Fear no more the heat o’ the sun”47, it says. Later while she is knitting in her room, she thinks to herself, “fear no more, says the heart”48 Septimus, lying down on the sofa in the sitting-room, utters to himself the very same words, “fear no more, says the heart in the body, fear no more.”49 Moreover, at regular intervals in the narrative Clarissa, Rezia, and Peter make ejaculations of horror and terror, all related to their experiences of love. Clarissa ejaculates at the thought of Peter’s interruption of that moment of happiness she was having with Sally when they kissed: “Oh this horror!’ She said to herself.”50 Septimus’ Italian wife, Rezia, on the other hand, feeling damned because she ignored the warnings of her people and left home and country to unite herself with a foreigner, exclaims: “horror! Horror! She wanted to cry”51. As for Peter, his ejaculation comes at the very end of the narrative when he senses the thrill of Clarissa approaching: “what is the terror? …” he says but then he recognizes that “it is Clarissa”52. This effect of intertwinement is also maintained as when the characters find themselves facing similar situations that lead them to experience visionary moments where, in solitude, they face their own selves in a looking-glass. The moment is reproduced with Clarissa in her attic, with Peter in his hotel room, but also with Miss Kilman in the Army and Navy stores after Elizabeth has left. It is interesting to note that both Clarissa and Septimus, for instance, are stared at in their moments of vision. Right before he commits suicide, and as he waits for the perfect moment to let go of life, a man stops by and stares at him. This act of being the object of some external gaze is reproduced with Clarissa, but while Septimus does not stare back at the man and is stared at by a stranger, Clarissa is stared at by her neighbor whom she has perfectly known “for ever so many years”53. Standing near the window, Clarissa reflects on Septimus’ suicidal act, and reaches peace with the idea of death. The very moment she comes to find in his death an act of communication, that woman she would watch from her window, stares at her, and both women, Clarissa and her neighbor, communicate at last. Clarissa’s neighbor somehow becomes a reflection of Clarissa herself. Everything Clarissa describes about her movements (“going from chest of drawers to dressing-table”54) in that quiet dwelling –her room –sometimes visible, sometimes disappearing, evokes to the reader the image of Clarissa in her attic room; now “(crossing to the dressing-table) (sic)” to look at herself in the looking-glass; now going to her cupboard to draw one of her evening dresses. The reflection is stronger when the reader learns that they “[have] been neighbors ever so many years”55. This neighbor she keeps gazing at in the afternoon, and perhaps every afternoon, but never seems to notice her, is now staring back at her, as if Clarissa is at last united with herself, now that she has overcome her fears of death. 47
Id., 3. Id., 16. 49 Id., 59. 50 Mrs. Dalloway 15. 51 Id., 11. 52 Id., 83. 53 Id., 15. 54 Id., 54. 55 Id., 15. 48
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1.3.2. The Characters as Unity Carriers Interesting enough, on a couple of instances, it is sometimes the characters themselves who ensure this streaming effect as Woolf carefully constructs minor characters whose main function is to provide for a smooth transition from one consciousness to another. Although in no way do Rezia and Peter actually meet or exchange words, since they both belong to separate narratives within the very narrative of Mrs. Dalloway –Peter to Clarissa’s, Rezia to Septimus’ –on several occasions they are unknowingly united: first, through the female vagrant, second, through becoming focal points for one another’s consciousness as they both settle at Regent Park for a while, and third, through the minor character of Little Elise Mitchell. Before we consider the following passage, it is worth-noting that while Woolf in her preface for Mrs. Dalloway has noted that Septimus is Clarissa’s alter ego, as readers, we might read in Peter Rezia’s alter ego, the two being foreigners: she Italian, he anglo-Indian, and while Peter used to encourage Clarissa to read, bringing her books and engaging her in diverse matters, back to the old times in Italy, Rezia was the one being encouraged by Septimus to read Shakespeare, but as mentioned above, in the following passage, more is to be revealed about the connection that relates these two characters: “Tell me the truth,” he repeated. He felt that he was grinding against something physically hard; she was unyielding. She was like iron, like flint, rigid up the backbone. And when she said, “It’s no use. It’s no use. This is the end”— after he had spoken for hours, it seemed, with the tears running down his cheeks—it was as if she had hit him in the face. She turned, she left him, went away. “Clarissa!” he cried. “Clarissa!” But she never came back. It was over. He went away that night. He never saw her again. It was awful, he cried, awful, awful! Still, the sun was hot. Still, one got over things. Still, life had a way of adding day to day. Still, he thought, yawning and beginning to take notice—Regent’s Park had changed very little since he was a boy, except for the squirrels—still, presumably there were compensations—when little Elise Mitchell, who had been picking up pebbles to add to the pebble collection which she and her brother were making on the nursery mantelpiece, plumped her handful down on the nurse’s knee and scudded off again full tilt into a lady’s legs. Peter Walsh laughed out. But Lucrezia Warren Smith was saying to herself, It’s wicked; why should I suffer? she was asking, as she walked down the broad path. No; I can’t stand it any longer, she was saying, having left Septimus, who wasn’t Septimus any longer, to say hard, cruel, wicked things, to talk to himself, to talk to a dead man, on the seat over there; when the child ran full tilt into her, fell flat, and burst out crying. That was comforting rather. She stood her upright, dusted her frock, kissed her. But for herself she had done nothing wrong; she had loved Septimus; she had been happy; she had had a beautiful home, and there her sisters lived still, making hats. Why should SHE suffer? The child ran straight back to its nurse, and Rezia saw her scolded, comforted, taken up by the nurse who put down her knitting, and the kindlooking man gave her his watch to blow open to comfort her—but why should SHE be exposed? Why not left in Milan? Why tortured? Why?
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Slightly waved by tears the broad path, the nurse, the man in grey, the perambulator, rose and fell before her eyes. To be rocked by this malignant torturer was her lot. But why?56 Little Elsie Mitchell serves as a bridge between Peter and Rezia. This minor character provides a smooth transition from Peter’s mind to Rezia’s once again making us feel as if the world in Mrs. Dalloway were “made of a single thread”57, all one stream, like the characters’ streaming thoughts. Although in no way does she become the uniting focal point of their thoughts, she seems to be the outer concretion of their infantile souls, whining and complaining as they are, and while she is “picking up pebbles” they, on the other hand, are picking up those remote memories in the back recesses of their minds. As Elise falls and begins to cry, she seems to incarnate that sense of sadness and brokenness in both of them, but while Peter’s tears have long dried in the past and he only keeps a memory of them, Rezia’s are still fresh to the moment. Both are suffering from love and as the child (in them) bridges them, she seems to bridge the past to the present incarnating in a wider scope not only Peter and Rezia’s feelings but also the workings of memory itself. Hence, that sense of unity becomes impressively palpable. But whereas Clarissa had the nerve to refuse Peter and free herself from “that monster”58 she calls love, Rezia seems still under its thrall. Though she recognizes the mangling effects of “this malignant torturer” and for many times in the narrative she seems to despise the stranger her beloved husband has become to her, this “piece of bone”59 who “wasn’t Septimus any longer”, she still cannot leave him, still hopes for him to come back to her, to be the Septimus she knew in Italy, and even in such moments of intense sufferings, wishes she could be happy again. She does not think of love as a terrible mistake: “she had done nothing wrong. She had loved Septimus.” Despite his being rejected, Peter too is under the thrall of Clarissa’s love. He is to the right moment haunted by those past memories of his love, and although he seemingly vents his anger against her and blames her for ruining his chances of happiness, deep down, his misery is only a proof of his being still in love with her. Ironically, however, Rezia’s sufferings seem to be laughed at. At the very moment she lets herself indulge in those sad musings, her spirits drooping at the thought of what has become of her in this foreign city and the turn her life has taken, Peter Walsh’s laughter at Elsie seems to echo in the background, as though he were laughing at the little girl in her, but also at the miserable child he himself has long become. Otherwise, both Peter and Rezia seem to find comfort in that child. A reflection of their own childlike selves, while Elsie is being scolded and then comforted by her nurse, Peter and Rezia too, preys to the scolding effects of their memories, are granted a simultaneous short pause, one of laughter for Peter, one of relief for Rezia, which snatches them from their battering musings: “when little Elise Mitchell . . . scudded off again full tilt into a lady’s legs. Peter Walsh laughed out . . . That was comforting rather. She stood her upright, dusted her frock, kissed her”. Curiously, Woolf succeeds in evoking two reversed images in the reader’s mind: while the little child is 56
Mrs. Dalloway 27-28. James Naremore, The World Without a Self 87. Mrs. Dalloway 19. 59 Id., 6. 57 58
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being soothed by the adult nurse, she herself becomes the soothing object of two childlike adults, but with Elise being the incarnation of their inner selves, the effect of intertwinement in the image as a whole becomes more impressive: it is as though the inner child-self is soothing the adult-child. On another instance, when Peter and Rezia are leaving the park, the vagrant woman fulfills that role of transition between their minds. “Realizing what she might have spared him, what she had reduced him to—a whimpering, snivelling old ass,” Peter Walsh was venting his rage against Clarissa’s coldness, ascribing it to women’s ignorance or incapability of passion: “don’t know what passion is. They don’t know the meaning of it to men. Clarissa was as cold as an icicle”, he was thinking, when suddenly, he heard the old female beggar singing of love, a timely answer to Peter Walsh’s incriminations of women, “The voice of no age or sex”60, it is said, an insinuation of the limitlessness of passion as a human feeling. However, the text grows cunningly ambiguous that it becomes so hard to tell whether it is said in Peter’s voice or the narrator’s; but whether Peter actually caught the message or not, it is ironical both ways. Stepping into his taxi, he gives the “poor old creature” a coin, and “oh poor old wretch!”61 Rezia was thinking. Interesting enough, on his way home after lunching at Lady Bruton’s, Richard Dalloway notices the “poor creature”62. He was nourishing hopes to finally overcome his timidity and tell Clarissa that he loves her, clutching at his “weapon”, the bundle of flowers that he buys after much hesitation for not trusting his taste with rings. While he summons courage up, ominously, the female vagrant laughs at him, as if in that “time of a spark between them”, she saw it: “But he could not bring himself to say he loved her; not in so many words.”63 That sense of fluidity is carried on with Elizabeth Dalloway’s sudden appearance in the party to become the focal point of Peter’s and Sally’s consciousness. As she moves to find her father, she transposes the reader’s attention from the old friends’ chatter to Richard’s mind, so that the reader can listen to him proudly admiring his “lovely [daughter] in her pink frock!” By the time she approaches her father, the man eventually overcomes the impeding reticence of his shy, inarticulate self: whereas he could not voice his feelings of love and gratitude to Clarissa, he finds the words to tell “his Elizabeth” how lovely she is. Just then, Sally Seton who has always thought little of him (“was not even in the Cabinet” she would say and did not approve of Clarissa’s choosing him over Peter), recognizes his achievement and admits that “Richard has improved.”64 Overall, such recurrence of situations and reiteration of images and phrases as well as movements of connecting characters through characters weave a thrilling effect in the book and makes of it a seamless whole. Indeed, this “unity” translates literally in the absence of any stopping place in the book. There are no chapters but sometimes occasional spaces left between the paragraphs, so that the book seems to emulate the movement of one streaming river of prose.
60
Mrs. Dalloway 34. Id., 34. 62 Id., 49. 63 Id., 50. 64 Id., 83. 61
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2. The Dynamics of the Protagonists’ Relations to the Narrative: Free Values, Free Voices; Androcentric Values, Stifled Voices I find myself saying briefly and prosaically that it is much more important to be oneself than anything else. Do not dream of influencing other people, I would say, if I knew how to make it sound exalted. Think of things in themselves65.
It has been previously elaborated that the subversive formal characteristics of Mrs. Dalloway as an androgynous, prosaic river of streaming consciousnesses undermine the vociferous authorial/ narratorial voice and undermine the absolute authority of its supposedly omniscient presence in the narrative. However, it is equally important to note that Woolf’s purpose is not to stifle that omniscience utterly as much as to reduce its dominion over the narrative. The idea is to topple that air of superiority in the omniscient narratorial voice and to reestablish it as one voice among others–one that is no more privileged or important than the other voices permeating the novel –and whose audibility is stripped of the “essential” superiority ascribed to it. At the level of the representation of the main characters’ consciousnesses in Mrs. Dalloway and with regard to the characters’ values, my postulate now is that those who share the outsider’s values of independence from erroneous loyalties have free voices whereas those whose voices are the object of the omniscient narrator’s sarcasm and tend therefore to be stifled by an audible intrusive omniscience at some point in the narrative are, in fact, dominated by the patriarchal values by which they wish to influence others. The focus of my study is primarily66 centered on the novel’s trio, Clarissa and her twin friends, Peter and Sally. In keeping with Three Guineas argument that through its erroneous values, patriarchy leads to human destruction, Woolf topples that patriarchal system by representing conforming characters that are undermined by their own selves while she promotes in the meantime her independent characters. In this vein, it becomes interesting to scrutiny the workings of the narrative as it overshadows respectively the successes and shortcomings of each of these characters. 2.1. Clarissa: an Outstanding Example of the Outsider 2.1.1. An Almost-primary Focalizer The voice of the eponymous heroine enjoys an unequaled degree of freedom in the narrative. We may venture into claiming that Clarissa Dalloway stops short from being a primary focalizer: she is the first character we meet at the book’s inception, but even before we go that far, we 65
(A Room, 64) See my extended dissertation, Gender & Speech Representations in Virginia Woolf’s Mrs. Dalloway (Tunis University, 2011): The scope of my study originally included the Dalloway family as a whole, as opposed to the eponymous heroine’s alter ego, Septimus, Sir William, his attendant and her daughter’s tutor, Miss Kilman. At the first end of the opposition, the Dalloways appear to embody Woolf’s notion of the “outsider”: those who lead a life much dependable on their own values and somehow resist the values of the androcentric system. Their outsider status translates in the amount of freedom their voices seem to enjoy in the narrative. The characters at the other end, however, are representatives of patriarchal values/ agencies who seek to convert/ dominate those around them, and emerge therefore as dominated beings themselves.
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find her at the book’s cover, which does not seem surprising to see why Woolf would replace the book’s working title “The Hours” by her name. As her thoughts run on and on, most of the characters are first introduced through the filter of her mind. Her musings and self-meditations reveal to us a great deal of their past and provide a great deal more of their personalities. In Peter Walsh’s and Lady Bruton’s words, Clarissa Dalloway has, in fact, the gift of “knowing people almost by instinct”67 and the sense of “cutting them up and sticking them together again”68? (A curious case would be how true her seeing through Miss Kilman is. Much of her depiction of her is confirmed later in the middle of the book by Miss Kilman’s own voice, but also by the omniscient narrator’s.). Even when she becomes the focal point of Purvis’ consciousness, seemingly escaping the reader’s focal attention, a double effect of focalization is, in fact, effected: not only is she at the center of Purvis’ consciousness but also at the reader’s who is reading about her through Purvis’ mind. Such freedom of voice is accountable, however. For throughout the narrative we learn about her values and personal views. She emerges to the reader as an independent woman who cherishes privacy and refuses to influence people in any way: “Had she ever tried to convert any one herself? Did she not wish everybody merely to be themselves?”69 And “…she would not say of Peter, she would not say of herself, I am this, I am that.”70 Her interrogation brings to mind Woolf’s advice to women by the end of A Room when she insists that “it is much more important to be oneself than anything else [and warns them] not [to] dream of influencing other people”71. Such independence cost her much sacrifice though: she had to give up her love for Peter and Sally, which is only a further proof of her freedom from that patriarchal sickness that goes by the name of “possessiveness”. She would rather enjoy that freedom of mind which only an independent character can guarantee, away from the stunting effect of the patriarchal version of passion that makes it all right for a woman to have her will subdued by her future husband’s by virtue of romantic love: For in marriage a little licence, a little independence there must be between people living together day in day out in the same house; which Richard gave her, and she him. (Where was he this morning for instance? Some committee, she never asked what.) But with Peter everything had to be shared; everything gone into. And it was intolerable, and when it came to that scene in the little garden by the fountain, she had to break with him or they would have been destroyed, both of them ruined …(sic)72
A perfect outsider, Clarissa chooses, then, to be herself by embracing and developing her social gift. She chooses to be a hostess for a career and decides to be united with Richard whom she loves in a different fashion away from that ruinous passion she senses in Peter’s romantic love. Her hosting of parties becomes the expression of her personal freedom and can be viewed as an act of resistance to any subduing forces, whose monstrous side she recognizes in the tyrannical and converting drives of Peter’s passionate love but also in Miss Kilman’s institutionalized religiosity. 67
Mrs. Dalloway 3. Id., 44. 69 Id., 54. 70 Id., 3. 71 A Room 64. 72 Mrs. Dalloway 3. 68
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Indeed, throughout the narrative she identifies “love and Religion” as ruinous monsters and where she sees in the latter the enslaving and exploitative doings of “dominators and tyrants”73, the former is still no better for her: “it destroyed too. Everything that was fine, everything that was true…”74 So instead, she chooses her own way of love: the love of life and independence, which is concretized in her choice of marrying Richard. A talented woman, who can see through people, as she is identified on several occasions by the book’s characters, Clarissa sees in Richard a disinterested man who does things for themselves. This portrait of Richard is confirmed by his voice that goes unrestrained in the novel and remains free from the narratorial omniscience for as long as the narrative goes on. Even Peter and Sally come to acknowledge it by the end of the novel when after years of distance and separation they find themselves reunited in Clarissa’s Party. Clarissa and Richard’s shared values of disinterestedness and independence are translated in the personal freedom they allow each other. 2.1.2. Fusion of the Outside & The Inside The power of Clarissa’s voice in the narrative, however, is not limited to portraying characters; it goes further as to absorb the outside, toppling thus any delimitative, divisional demarcations of outside/public versus inside/private. Clarissa’s streams of thought are not as much triggered by outer elements as they seem to color the outside themselves. As readers, we do not see what is really outside but what Clarissa thinks of the outside. Her memories seem to absorb the now and then, that outer direct reality, to the point that the outside stops to be the active element that launches her thoughts; it, inversely, turns out to be a passive element that is remodeled through her memories and inner views. Consider the following passages where the inside/ private absorbs the outside/ public so much that it no longer exists except through the character’s inner vision, which is not a passive reporting of the outside, stimulated by a direct contact with reality on a fine morning of June, but instead, a personal image that is stored of a past perception of the outside and is now retrieved from memory and actively replayed in Clarissa’s voice: The King and Queen were at the Palace. And everywhere, though it was still so early, there was a beating, a stirring of galloping ponies, tapping of cricket bats; Lords, Ascot, Ranelagh and all the rest of it; wrapped in the soft mesh of the grey-blue morning air, which, as the day wore on, would unwind them, and set down on their lawns and pitches the bouncing ponies, whose forefeet just struck the ground and up they sprung, the whirling young men, and laughing girls in their transparent muslins who, even now, after dancing all night, were taking their absurd woolly dogs for a run; and even now, at this hour, discreet old dowagers were shooting out in their motor cars on errands of mystery; and the shopkeepers were fidgeting in their windows with their paste and diamonds, their lovely old sea-green brooches…75
On her way to Miss Pym the florist, Clarissa walks the street of London in the early silent morning. It is still very early and the city is still half-asleep but Mrs. Dalloway can feel the “galloping ponies” beating, the “cricket bats” tapping, young men “whirling”, girls “laughing” and shopkeepers attending 73
Id., 4. Mrs. Dalloway 54. 75 Id., 1-2. 74
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to their business: in short, she can sense life everywhere in London even when it is quite still. The reader gets to see that life too as she walks in this London Street, and that through what her mind’s eye rather than what she her eyes can see. In fact, James Naremore observes that “this vision of London is contained wholly in Clarissa Dalloway’s fancy, stimulated only by some vague quality in the air and in the street sounds. It is a sentimentalized picture that owes everything to Mrs. Dalloway’s fashionable female sensibility”. He goes on to suggest that “Clarissa Dalloway, like Virginia Woolf, senses an emblematic pattern in the landscape, and the pattern has very little to do with what she actually sees”76. A perfect hostess as she is, her ability to blur demarcations becomes more distinct in her social art. Clarissa brings the public into her private drawing room, without as much losing her sense of privacy. She entertains people, brings them closer, and in her home “create[s]” a space for them to experience a sense of unity and an obliteration of distances without as much seeking anything in return: “it is an offering for the sake of offering”, she confesses. Contrary to Peter’s derisive criticism of her as a worldly socialite and his rejection of her presumably mundane marital life, Clarissa defies his deprecating labels and emerges as a disinterested social artist. Unyielding to his tart critical views about her social sensibility, which along with Sally, he terms as a degrading worldliness, Clarissa proves that she does not keep on giving her parties for egotistic motives as Peter would judge her: "…[he], at any rate thought, that she enjoyed imposing herself; liked to have famous people about her; great names; was simply a snob in short.” Instead, it is her love of life and independence that is the driving force behind her life choices, and while Peter fails to perceive the depth of her values in life and ascribes her rejection of his to her coldness and ignorance, Clarissa on the other hand shows an awareness of the difference of values between men and women without as much claiming the inferiority of the capacities of one sex to the other : What’s your love? she might say to him. And she knew his answer; how it is the most important thing in the world and no woman possibly understood it. Very well. But could any man understand what she meant either? about life? (sic)77. But whereas she respects the difference there is between Peter’s perception of life and hers and does not aspire to impose her own values on others, her old friends Peter and sally on the other hand are rather willing to influence those around them, namely her, for what they believe to be the right way of things. 2.2. The Twin Peter and Sally Clarissa has had sexual feelings for both Peter and Sally. By rejecting Peter, she has indirectly rejected Sally’s guardianship over her. Like a twin, the two of them have been investing so much effort and time into converting her according to their own wishes and what they thought to be best for her. Sally was pushing Clarissa into reading poetry, thinking she would become one day a great poet. Peter himself used to bring her books to read, but their attention to Clarissa’s intellectual sensibility is not disinterested. In a way, they were imposing their own values on her. Sally would beg Peter to save her from Richard and from the life that he could offer her and which they 76 77
James Naremore, The World Without a Self 81. Mrs. Dalloway 52.
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both judged as awfully conventional and shallow. “The perfect hostess,”78 Peter would call her, not to praise her as much as to “hurt her”79 and intimate her worldliness, for, not approving of Clarissa’s social gift, he was trying to remodel her according to his notion of womanhood. Although his is considerably revolutionary in that it acknowledges women as intellectually able and establishes them on equal footing with men, it still betrays a touch of patriarchal tyranny. Underneath Peter’s wish to seemingly liberate Clarissa from conforming to patriarchy’s model for middle-class women as talented hostesses80: “for there’s nothing in the world so bad for some women as marriage, he thought . . . and having a Conservative husband, like the admirable Richard”81(if we were to give his judgments some credit), is the desire to shape Clarissa’s future according to the model of the free woman he entertains and adorns in his mind. What difference, therefore, does it make when both types are ascribed to her by masculinity: would she not cast off one type of womanhood only to be recast in another that is not of her choosing? Still, not only does Clarissa succeed in averting their attempts of converting her and in resisting their tart criticism, but she also turns out, however inadvertently, to be the one who has influenced them. After she rejects his proposal, Peter has his life ruined. He is turned down from Oxford. He makes a drastic decision to join colonial service in India. Is it the call of “duty” –like Septimus’ joining the army to fight for an England of Shakespeare and Miss Pole –or is it perhaps the need to flee an England where he had to go through the insufferable pain of being turned down by the love of his life? (But where Septimus’ decision is driven by a naïve fantasy of love, Peter’s is driven by the loss of one). By way of compensation, he marries an Indian woman that he merely meets on the boat to India, and now, an old man of fifty two, he realizes that he has not managed to lead the life he really wants: already with a failed marriage, he is a childless aged man who defiantly engages in an unstable love affair with a twenty-year-old Indian married woman. He is not the writer he was expected to become, and he still cannot marry the woman he once loved and still loves. Alone in Regent Park, he comes to admit it –Clarissa’s powerful influence over his life the moment she rejected him –as he summons up the scene by the fountain with such exact accuracy: it “happened at three o’clock in the afternoon of a very hot day … the fountain…in the middle of a shrubbery…the fountain between them…the spout (it was broken) dribbling water”, and “the green moss”82, “realising what she might have spared him, what she [has] reduced him to—a whimpering, snivelling old ass”83. Even 78
Id., 26. Id., 26. In the chapter on marriage in her Sex and Suffrage in Britain: 1860-1914, Susan Kingsley Kent, quoting Banks and banks, observes that “the middle-class wife theoretically no longer ‘engaged in the practical side of housekeeping . . .. Instead she demonstrated, by her talents as hostess, her arrangement of little dinners and ‘at homes,’ and her success at conspicuous consumption, the ability of her husband to maintain his wife and family in luxurious idleness.” One contemporary gave exquisite expression to the position of the perfect wife when he remarked in a letter to a friend, “of course at a certain age, when you have a house and so on, you get a wife as part of its furniture.” The pressures of gentility required that the “perfect wife” become also the “perfect lady”—“leisured, elegant, and above all expensive.” Susan Kingsley Kent, Sex and Suffrage in Britain: 1860-1914, (London: Routledge, 1990) 9091. 81 Mrs. Dalloway 17. 82 Mrs. Dalloway 27. 83 Id., 34. 79 80
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when in the hotel, trying again to think positively of his new relationship with Daisy and the great emotions of love it stirs in him, he once again admits that “Clarissa had sapped something in him permanently”84. That recognition reverts the reader back to the vision he has of the true nature of his feelings towards this Indian girl in the park and which comes in the aftermath of meeting Clarissa: All this pother of coming to England and seeing lawyers wasn’t to marry her [Daisy], but to prevent her from marrying anybody else. That was what tortured him, that was what came over him when he saw Clarissa so calm, so cold, so intent on her dress or whatever it was...85 It is worth noting that Clarissa is exerting a twofold influence on Peter. At the surface level, it is the sight of Clarissa that afternoon that made him come to such realization. However, on a deeper level, Peter’s jealousy can offer itself to further interpretation. For it seems that by trying so hard “to prevent Daisy from marrying anybody else”, Peter is actually trying to compensate for his inability to prevent Clarissa from marrying Richard. Peter’s failure is translates textually when his voice is being occasionally stifled in the narrative texture. It first happens when he meets with the woman beggar and as the narratorial voice emerges from the narrative and colors his voice, we do not seem to know whether he got the message behind the woman’s voice that was singing of love. The second instance takes place in the park. Right after he leaves Clarissa’s house, Peter plays the focal character. He takes us with him away from Clarissa and her world and we follow him to Regent Park, where he dozes off. While asleep on a bench near an elderly nurse busied with her knitting, he dreams of a “solitary traveler” whose identity remains vague to us, but the voice that recounts the dream is even vaguer. In Naremore words, “the style [there] suggests a ghostly presence that is not Peter though it may be speaking for him in some way.”86 Sally on the other hand enters Clarissa’s present world by the end of the narrative when she ironically attends her party without being invited. The irony is doubled considering that her voice never emerges as independent in the narrative as independent. On her first direct appearance in the novel, she is introduced by her husband’s name: WHAT name? Lady Rosseter? But who on earth was Lady Rosseter? “Clarissa!” That voice! It was Sally Seton! Sally Seton! after all these years! She loomed through a mist. For she hadn’t looked like THAT, Sally Seton, when Clarissa grasped the hot water can, to think of her under this roof, under this roof! Not like that! All on top of each other, embarrassed, laughing, words tumbled out— passing through London; heard from Clara Haydon; what a chance of seeing you! So I thrust myself in—without an invitation. . . . One might put down the hot water can quite composedly. The lustre had gone out of her. Yet it was extraordinary to see her again, older, happier, less lovely.87 [My emphasis]
84
Id., 68. Id., 34. Naremore, The World Without a Self 99. 87 Mrs. Dalloway 73. 85 86
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She is soon rescued by Clarissa who manages to recognize her friend’s “voice” despite the great change in her looks. The only word she utters is Clarissa’s name, and soon after her presence is mediated again through Clarissa’s voice. The italicized statements indicate that it is through Clarissa’s consciousness that Sally’s speech is filtered. In fact, the bold statement succinctly but quite familiarly expressed sets a reporting tone usually associated with the intrusive narratorial presence. It is further initiated at the level of the next paragraph with the impersonal pronoun “one”. The pronoun usually marks some distance currently taking place in the narrative. The last three lines lend themselves to a rather more cold judgmental presence, albeit it could be that Clarissa is now thinking of the change that has marked the friend of her youth as she lapses into another level of consciousness with the outside noise turned down. Thus, apart from her direct entrance into the narrative, Sally Seton is either viewed through the filter of Clarissa’s memories; or when conversing with Peter, through his thoughts of her in the past or at the party. Later when the reader is granted access to her consciousness, her thoughts are still introduced with a narratorial, omniscient statement. Consider the following passage: What Sally felt was simply this. She had owed Clarissa an enormous amount. They had been friends, not acquaintances, friends, and she still saw Clarissa all in white going about the house with her hands full of flowers—to this day tobacco plants made her think of Bourton. But—did Peter understand?—she lacked something. Lacked what was it? She had charm; she had extraordinary charm. But to be frank (and she felt that Peter was an old friend, a real friend— did absence matter? did distance matter? She had often wanted to write to him, but torn it up, yet felt he understood, for people understand without things being said, as one realises growing old, and old she was, had been that afternoon to see her sons at Eton, where they had the mumps), to be quite frank then, how could Clarissa have done it?—married Richard Dalloway? a sportsman, a man who cared only for dogs. Literally, when he came into the room he smelt of the stables. And then all this? She waved her hand (sic).88 [My emphasis] Enclosed between two narratorial statements, her voice is being mildly stifled, and more so as we sense the narrator’s ironical stand toward her selfimage in the bold statements. Notice how the first and last italicized statements in the passage seem to mimic the enclosing effect of the brackets in the middle. Notice also how the same pattern is duplicated within the brackets. The first and last statements in bold are narratorial subordinations (“felt that”) and (“as one . . .”) that inform us of her sons’ condition: they contracted the mumps, a contagious disease that may cause sterility for man. The irony is more palpable when Sally’s pride in her “five sons” is undermined by potential sterility: “she had done things too! ‘I have five sons!’” (The number seems to have no importance when they all have mumps). In a sense, their condition echoes hers, whether physically or intellectually: she is now 55, with five children whose impotence she seems to compensate for in gardening. Besides, her views on Clarissa’s choice of marrying Richard seem sharply incongruous when compared to her own marriage. Has she not herself chosen a rich man who earns “. . . ‘a ten thousand a year’ –whether before the tax was paid or after, she couldn’t remember”. A great merchant 88
Id., 81.
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or manufacturer, “this Rosseter” provides a luxurious life for her, “myriads of servants, miles of conservatories . . . did all that for her”89. Her husband is clearly no man of wits or pen. He is a wealthy man of minor origins who loves her so much, perhaps in the same way Richard cherishes Clarissa. In a way, her voice seems to be subordinated to Peter’s, textually but also intellectually. As we have already noted, it was through her talk with Peter at the party that she finally gets a chance to speak in the narrative. The subordination is made further explicit when Peter, “after all these years . . . really could not call her ‘Lady Rosseter’” and when they both confess to themselves how intimate they were: They had been very, very intimate, she and Peter Walsh when he was in love with Clarissa.90 . . . He had not found life simple, Peter said. His relations with Clarissa had not been simple. It had spoilt his life, he said. (They had been so intimate—he and Sally Seton, it was absurd not to say it.) One could not be in love twice, he said.91 It is interesting to note the ambiguity in Peter’s italicized statement, especially considering how close it comes after his reflection on the quality of intimacy that characterizes his relationship with Sally. The reader cannot hide his or her puzzlement as to the nature of connection between them and whether or not it could be that Sally, unknowingly, was Peter’s second love. As if by saying so, Peter was unconsciously answering a silent question in his head or the reader’s. Did they not write all summer, and hers were exceptionally long, enough to make him remember them as such; did she not praise him to Clarissa; did they not have talks in the garden while Clarissa was ill in bed? But mostly, did they not intellectually meet up: both in love with books, disliking conventional marriage and sharing a revolutionary notion of womanhood: Sally fighting for women’s rights; Peter, despising the conventional life that a married woman falls into when she concedes her personal will to please her husband, etc. By the same token, it is intriguing how Woolf seems to never grant her readers a moment of reunion or perhaps confrontation between all three consciousnesses, but rather groups them in twos: Clarissa and Sally, Clarissa and Peter or Peter and Sally. However, it remains equally interesting to see how she subverts gender relations through the set of relationships in this triangle: Clarissa, Peter and Sally. On the one hand, Clarissa seems at the core of Peter and Sally’s growing intimacy which goes beyond the borderlines of the usual sort of mediacy that a woman’s closest friend can play between her and her suitors. This palpable intimacy of the past which would supply the opportunity for Peter and Sally to meet and talk and even exchange letters is no less obvious at present as they reunite in her party. On the other hand, Sally had a very personal relationship with Clarissa that verges on the erotic: “. . . picked a flower, kissed her [Clarissa] on the lips” and “the whole world might have turned upside down!”92 The act of picking the flower evokes the image of Sally’s deflowering kiss which Clarissa’s intense feelings somehow confirm. After all these years, at the party, Sally “still saw Clarissa all in white going about the house with her hands full of flowers”. In other words, she still keeps this vision of Clarissa, where she associates her with flowers and think of her all in white, a color 89 90 91 92
Id., 80. Mrs. Dalloway 80. Id., 82. Id., 15.
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that suggests vulnerability and docility. In a sense, she is still dominated by the bodily connection the kiss provided and is unable to recover from Clarissa’s rejection of Peter, her twin and Clarissa’s only savior from Richard’s dullness. The irony is heightened when she comes to realize that contrary to her old views of him as a shallow man, Richard “has improved” (a late realization that evokes Peter’s of his own absurdity: “For himself, he was absurd. His demands upon Clarissa (he could see it now) were absurd. He asked impossible things. He made terrible scenes. She would have accepted him still, perhaps, if he had been less absurd”93). Just as Peter senses the thrill of Clarissa’s coming, however, Sally goes looking for Richard, and the reader’s chance to witness the trio reunited together is lost. It should be noted that the reader only comes to learn about the change in Sally’s life through her conversation with Peter. Her subordination seems to shift from Peter to Rosseter, and the shift is textually marked when, as she leaves Peter to go speak to Richard; the narrator, by the end of the novel, refers to her in the same way as when she first directly enters the narrative, as “(said) Lady Rosseter”94; not as Peter and Clarissa’s old friend, but as a wife and a mother of “five sons”). The young and bohemian Sally who was once a fighter “for women’s rights”95 and an avid reader for books and poetry is now an old, conventional woman, secluded from people in her little garden where she would like to think that she “got from her flowers a peace which men and women never gave her”. She shuns people for being difficult, and life for the sake of cabbages, but still cannot hide “an insatiable curiosity to know who people were”96, and when in Town, the urge to embrace life again – even when not invited –brings her to Clarissa’s party. The irony is that she is somehow saved by the very life from which she was striving to save Clarissa. Mrs. Dalloway is a deconstructive work subversive of the traditionalist gender politics that characterize patriarchy on two main levels: first, through its aesthetic qualities; and second, through the cunning dynamics of the main characters’ relations to the narrative. The novel emerges as an androgynous prosaic river of streaming consciousnesses where the androcentric voice of the omniscient narrator is undermined. Built on the model of variable focalization and written almost entirely in the style of the free indirect discourse, it achieves that intellectual unity exemplified in the hybrid, synthesizing voice that the free indirect discourse narrates, and which remains vital to the growth of fictional discourse. The view of the book as Woolf’s prosaic androgynous river becomes evident when Clarissa’s narrative, the womanly narrative of the book, is paralleled with Septimus’, the manly narrative. The novel keeps alternating between two unconventional stories that are connected through craftily-made fictional elements. These either take the form of reiterated similar images and situations or the form of binding characters that together help create a rippling movement in the novel, until both narratives finally connect shortly after the death of Septimus in a more obvious manner, as Clarissa hears of this young old veteran who took his own life and found in death an act of liberation. The connection is achieved mentally when she herself figures out the meaning of his suicidal act and reaches freedom from her death fears. Then, she goes back to her guests, and the party resumes –and Clarissa’s narrative 93
Id., 27. Id., 83. Id., 31. 96 Mrs. Dalloway 81. 94 95
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resumes, albeit it is not long before the novel reaches its final lines. The open ending that modernist Woolf chooses for her book is quite suggestive of the ever streaming river that unites the womanly part of the narrative with its manly part. Woolf’s subversion of the traditionalist gender politics is furthered through the dynamics of the characters’ relations to the narrative. In view of her notion of the outsider status, Mrs. Dalloway reads as a narrative whose workings grant full freedom to the voices of its independent, disinterested characters while they stifle the voices of those who as agent-victims of traditionalist patriarchy emerge as dominated by unreal loyalties. In a nutshell, through her narrative aesthetics and textual practices, Woolf exposes the destructive effects of patriarchal values and provides for an androgynous state of mind –one that deconstructs the divisive viewing of the sexes and counters dualist thinking which separates between the sexes and allows for the dominion of one over the other, whether male or female, under the belief in the natural superiority of one and natural inferiority of the other. For, to put it in Woolf’s own words, there is no doubt that “if such opinions prevail in the future we shall remain in a condition of half civilized barbarism. At least that is how I define an eternity of dominion on the one hand and of servility on the other. For the degradation of being a slave is only equaled by the degradation of being a master.”97
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VOIX FÉMININES
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Qu’est-ce qu’une femme dans ce monde ou la typologie poétique du féminin1 dans La Femme Du Blanc de Muriel Diallo Moussa COULIBALY2
Qu’est-ce qu’une femme ou comment (re)définir le féminin en ce nouveau siècle à relent fortement numérique ? Telle est la problématique qui fonde cette réflexion sur La femme du Blanc3 de l’Ivoirienne Muriel Diallo. Ce roman qui s’assigne l’objectif de dévoiler le monde féminin procède par l’établissement d’une typologie du féminin. A vrai dire, il s’agit d’une typologie poétique du féminin qui semble consacrer le glas du féminin dans un monde, de plus en plus en perdition, donc sans repère identitaire où se mesure le coût humain de la mondialisation4. D’où la nécessité de re-penser ce féminin à l’aune des réalités de la globalisation qui se conjugue au virtuel et qui autorise que l’on pense désormais en terme de post. Dans cette optique, la femme ou du moins le féminin, n’est-ce pas l’« Être numérique » ? Autrement dit, le Tout post humain ? Que sous-entend, aujourd’hui, le motif « féminin » ? En ce motif, l’éthique a-t-elle une chance dans ce monde de consommateurs ?5 Le déploiement narratif du personnage principal Astaï, en l’occurrence un personnage féminin, permet d’établir une grille de lecture du texte favorisant une saisie d’images féminines diverses. Ces différentes représentations féminines, constituent incontestablement des images plus significatives du féminin qui riment avec les nouvelles exigences sociales et qui contrastent avec les images féminines d’antan. Le féminin est, pour ainsi dire, mis à rude épreuve et le définir n’est plus chose aisée. La présente réflexion vise à faire cerner un pan de cet « Eternel féminin » qui tend vers (ou s’inscrit dans) un chaos identitaire au travers duquel se dévoile une typologie du féminin, reflet de sa métamorphose qui, inéluctablement, laisse comprendre que ce qui se dit féminin n’est autre que l’homo-postmodernus.
1 Cette expression « typologie poétique du féminin » du titre de l’article a été empruntée à Daniel S. Larangé, « Vers la reconquête des identités féminines. Portraits de femmes chez Muriel Diallo » in Le roman féminin ivoirien, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 92 2 Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire. 3 Muriel Diallo, La femme du Blanc, Paris, Vents d’ailleurs, 2011 4 Zykmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, Paris, Hachette, 1999 5 Zykmunt Bauman, L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?, Paris, Climats ; Flammarion, 2009
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La dimension énigmatique du féminin : vers un chaos identitaire La saisie de l’identité féminine (ou du féminin) rime avec maintes questions liées à ses modalités, à la fois, représentatives et langagières. Ces identités constituent des zones d’ombre du féminin qui restent à dévoiler. La lecture faite de La femme du Blanc est une sorte de réponse à cette énigme du féminin. En effet, la narratrice homodiégétique Astaï, en nous invitant à parcourir (revivre) avec elle les différentes étapes de la construction de son identité, permet de constater le chaos de « l’androgynie des origines du premier homme « terrestre », Adam »6. Ce personnage itinérant, en tant qu’ « objet diégétique incarnant des situations existentielles » 7 et autour duquel se bâtit la trame du récit apparaît pour le lecteur comme un instrument de focalisation favorisant la perception de « l’histoire selon un prisme, une vision, une conscience »8 en peignant des identités féminines illustrées par les différentes sociétés vécues « où fleurissent de nouveaux discours prônant une identité féminine toute autre »9. De fait, on assiste à une déconstruction/reconstruction du féminin ouvrant le champ à une question en perpétuel déploiement : qu’est-ce que le féminin ? Cette interrogation amène, avant tout, à penser ce féminin en termes de construction psychique s’opérant dans une certaine logique définie par l’époque actuelle. Comme le suggère Michel Zeraffa, « le personnage est un être symbolique, il signifie la pensée de l’écrivain »10. Nul doute alors que « derrière une narration fortement poétique, se dégage une réalité platement prosaïque »11 de l’auteure qui renseigne sur la typologie du féminin tel qu’observé par Astaï. Comme typologie du féminin établie par ce personnage, on peut noter « Femme-sable, Femme-esprit, Femme-citron, Femme-kleenex, Femme-ventre, Femme-plume, Femme-médecine, Femmegarçon, Femme-pierre » ; chacune de ces identités illustrant une réalité donnée. Femme-sable, Femme-esprit sont deux identités féminines qui renvoient aux origines de la narratrice, petite fille de Beautiful, femme peule mais aussi femme-sable, femme-esprit qui sait lire l’avenir de l’être humain dans le sable, qui parle aux esprits. Elle constitue le repère identitaire d’Astaï sujet mythique qui, par définition, semble échapper au champ représentatif de la narratrice. Cette dernière ne pourra qu’en inventer une construction singulière, mythique. C’est dans la quête de l’histoire de sa grand-mère Beautiful qu’Astaï va recourir à une série de représentations, d’images qui lui permettront de donner un sens à une pure perception du féminin. En réalité, pour elle, le féminin se conçoit comme une « complétude imaginaire »12 qu’elle croit pouvoir réaliser, mobile de son long périple sur les traces de ses grands parents René le colon et Beautiful, la femme peule. Ainsi, procède-t-elle, avant tout, par une identification imaginaire à l’objet 6
Daniel S. Larangé, loc. cit. , p. 106 Michel Erman, Poétique du personnage de roman, Pris, Ellipses Édition Marketing S.A. , 2006, P.10 8 Yves Reuter, L’analyse du récit, Paris, Armand Colin, 2007, p. 47 9 Alexandra Olivero-Alvarez, « Les formes contemporaines de l’identité féminine, entre déboires et utopies » in Sciences Croisées Numéro 2-3 : L’identité, p. 1, http://www.sciences-croisées.com/articles-2/numro-3-lidentit, consulté le 11/03/2016 10 Michel Zeraffa, Personne et personnage : le romanesque des années 1920 aux années 1950, Paris, Les Éditions Klincksieck, 1967, p. 30 11 Daniel S. Larangé, « Vers la reconquête des identités féminines. Portraits de femmes chez Muriel Diallo » in Le roman féminin ivoirien, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 117 12 Alexandra Olivero-Alvarez, op. cit. , p. 2 7
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de son désir Beautiful, l’être inconnu. On peut noter, d’ores et déjà le poids de l’imaginaire empreint des codes culturels d’une société donnée qui tend à définir l’identité féminine par la négative, par ce qu’elle n’est pas. Au bout de plusieurs jours de marche solitaire, j’oublie les convenances et échange pour plus de commodité mon apparence d’humaine contre celle d’une femme-sale, mystérieusement sortie des entrailles de la terre, quand les lueurs m’interpellent. Je me rapproche d’un campement, je reviens à l’humain. Femme-sable, humaine. Femme-esprit ou humaine ? Surgie de nulle part, j’apparais tel un être fabuleux, mi-femme mi-esprit, dotée de cette beauté trop parfaite qui fait peur aux gens d’ici.13 Recourir au passé de Beautiful devient une impulsion motrice de la quête identitaire du féminin pour la narratrice et passe nécessairement par « là où, jadis, un inconnu a gravé au couteau les signes du clan. Trois minuscules traits, à peine visibles, comme trois chemins parallèles, trois vies ? »14 : le chemin ou la vie de René le colon, celle de Beautiful et celle du père d’Astaï. Astaï incarne ce premier type de féminin, hybride, somme d’identités opposées, représentant la réalité dont elle est issue et qui l’entoure mais qui, par définition n’est aucunement appréhension objective de cette réalité extérieure. C’est pourquoi, avant chaque entreprise, elle interpelle cet aïeul inconnu : Dieu de René, écris pour moi, écris ! », parole devenue presqu’une invocation inscrite et reprise à chaque étape du récit. A vrai dire, dès l’entame du récit, le personnage féminin Astaï apparaît comme l’indéfinissable du féminin auquel le lecteur s’affronte dans l’analyse de l’identité féminine. Il se présente comme un personnage en manque d’identité et c’est justement ce manque qui s’avère structurant pour lui en lui évitant de demeurer dans le mythe d’une complétude imaginaire qu’il souhaiterait réaliser en vain. Il n’est donc pas étonnant ou surprenant de voir Astaï se référer à son père puisque « la constitution de l’image de soi puis de l’identité sexuée dépend d’une identification aux traits qui vont être prélevés dans le regard du père, traits constitutifs de l’Idéal du moi.15
C’est ce regard paternel synonyme d’un manque du désir et de la mère et de la grand-mère qui offre au sujet Astaï ses assises identitaires mais en conservant à la quête du féminin toute sa part de mystère. A cet effet, elle passe en revue les propos de sa grand-mère Beautiful consignés sur une feuille soigneusement conservée dans une boîte à lettre, son vade-mecum qu’elle porte toujours avec elle. Je fixe mon père, pour lire en lui comme dans un miroir, mais la tristesse trop intense dans sa tête me force à baisser les yeux. Pauvre nomade brimé, amputé de la liberté qui l’a maintenu jadis en vie. Je n’ai jamais baissé les yeux devant un homme auparavant. Le sacrifice en vaut-il la peine ? Le sacrifice forcé dans lequel il se refugie devient pesant à la longue. Je me détourne de lui pour découvrir le cagibi sombre qui m’abritera désormais. Alors c’est ici que je vivrai ? Dans ce cagibi sombre et malodorant qui sert de demeure à mon père ? Une bombe. Une bombe. (…)
13
La femme du Blanc, p. 3 La femme du Blanc, p. 15 15 Lacan, cité par Alexandra Olivero-Alvarez, Loc. cit. , p. 4 14
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Mon père m’enferme déjà à double tour en ce lieu insipide. Deux fois, la clef a tourné dans la serrure par deux fois…Deux fois ! (…) Le Blanc se nourrit de jeunes filles comme de jus de citron. Une fois pressé, le citron ne lui sert plus à rien. Il ne faut pas que le regard du Blanc de la grande maison, mon patron, tombe sur toi, fille, il ne faut pas. Mon père ne peut se résoudre à me libérer. Deux mois qu’il m’enferme à double tour ici tous les matins avant de prendre son poste de cuisinier dans la grande maison. (…) On invente des histoires, des légendes, je deviens un mythe fabuleux et craint à la fois. Je ne suis plus humaine16.
Refusant que sa fille serve d’objet de désir pour le Blanc, la protection systématique pratiquée par le père vient apposer un voile sur le mystère de l’identité du féminin. Dès lors, la zone d’ombre entourant le féminin prend une tournure bien spécifique. Comme son aïeule Beautiful, Astaï comprend que trop souvent la femme est traitée comme le citron. D’où les termes tels que « femme-citron/femme-kleenex », toute chose que le vieux boy-cuisinier voudrait éviter aux femmes, à commencer par Beautiful, sa fille. L’acte du père, avec ce qu’il implique, ouvre le champ à une autre conception de l’être féminin dont le secret de l’identité reste à chercher auprès d’autres femmes. C’est à ce niveau que prend sens le déplacement d’Astaï : connaître l’histoire de ses aïeux d’une part, et apprendre à connaître la femme d’autre part. Mais, son insatisfaction sera toujours de mise dans la relation à l’Autre. La mise en échec de l’Autre (son semblable) à la satisfaire assure en effet pour Astaï en quête de savoir sa foi en une figure idéale de la femme qui lui révélerait le secret de la féminité. D’où les différentes relations amicales entretenues durant son parcours occidental. Ce séjour occidental lui offre les prémisses d’une identité féminine qui lui est propre, qu’elle poétise et en laquelle elle pense se reconnaître qui augure une autre humanité.
Post humanité et typologie du féminin Sous couvert de revendiquer une identité féminine qui serait enfin reconnue par tous dans sa valeur, et sa singularité, les personnages féminins de La femme du Blanc se sentent obligés de mener un combat sur tous les fronts sociaux, qu’ils soient professionnels, amicaux, conjugaux, etc. Le discours tenu par ces personnages soutient avant tout le désir d’être considérés dans leur ipséité c’est-à-dire des êtres à part entière, en abandonnant toute part de mystère quant à leur identité. Le féminin ainsi revendiqué semble bien plus aléatoire, plus utopique, plus virtuel que féminin, marque d’un idéal que la femme ne saurait véritablement atteindre à cause de sa propre corporéité, mais également l’image de la dissolution de son être dans un environnement minéral où la société tout entière finira forcément par s’ensabler »17 ; ce qui pousse à parler d’une sorte d’hystérisation du discours féminin contemporain autorisant à re-penser le féminin dans la perspective de la post humanité
16
La femme du Blanc, p. 16 Stephan Kraitsowits, « Esthétique du chaos : Running Wild de J.G. Ballard », in La Chouette N°32, Londres, Birkbeck college, 2001, p. 60 17
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puisqu’il « apparaît ici comme une construction imaginaire qui ne reflète en rien le réel18.
Dans cette optique, le féminin se repense en termes de ventre, de plume, de médecine. C’est bien en Occident que la narratrice Astaï découvre, à son corps défendant, que l’identité féminine a longtemps évolué pour devenir « la femme-ventre, la femme-plume, la femme-médecine ». Que recouvre cette nouvelle typologie du féminin ? Le sens de cette typologie est lié au préfixe post qui, associé au mot humanité renvoie à une humanité à venir, autre que celle à laquelle nous appartenons qui semble remettre en cause tout ordre établi « et révoquant en doute les certitudes de la modernité, (…) s’ingénie (…) aussi à établir le règne d’une cohérence holistique…mais dans l’hétérogène. « Cohérence » et « hétérogène » : cette alliance (…) définirait (…) bien le chaos »19. Car en consommant toujours plus sa rupture avec sa vraie nature, « en s’entourant d’objets de métal et de plastique, [la femme] moderne s’est acclimatée définitivement et radicalement à un monde inhumain, acculé aujourd’hui à l’angoisse de l’éternité ».20 Il s’agit, de fait, d’une actualité de l’identité féminine. Autrement dit, une invite vers une nouvelle version du féminin. Il s’agit pour ces femmes rencontrées par Astaï, d’une aspiration, avant tout, à l’idéal de leur sexe, d’une réduction de leur identité de femmes dans cette image pensée comme pour dire « tel habit ferait le moine ». Ainsi, on peut considérer, à partir des portraits dressés, le nouveau féminin comme « une esthétique de l’excès répondant au réalisme et au naturalisme qui prétendaient faire un portrait exact, voire objectif »21 de la nouvelle réalité féminine. Ce que propose Muriel Diallo avec son roman La femme du Blanc, c’est un « nouveau féminin » (nouvelle perception du féminin). Le roman suggère au lecteur une plongée dans un monde féminin « où il est appelé à participer à la construction de l’univers proposé. Cet univers n’est plus référentiel, il est l’essence même du langage qui n’acquiert pleinement sa logique et sa cohérence qu’à partir du moment où, justement, le lecteur accepte de se l’approprier et d’en dégager un sens »22. Un tel récit ne se justifie que dans la mesure où il s’ouvre (débouche) sur la question primordiale : qu’est-ce qu’une femme ? Ou pour être plus concret que devient le féminin aujourd’hui ? C’est d’ailleurs en cela que la typologie du féminin établie par la narratrice constitue une espèce de transition entre la féminité réelle et celle qui préfigure la post humanité. C’est par elle (typologie) que s’articule clairement le passage de la féminité première à l’excès (déconstruction causée par l’exploration/imitation de modèles). Et c’est encore à travers elle que l’interrogation sur la création du féminin dans l’optique de la préfiguration de la post humanité trouve sa manifestation la plus sensible par le jeu de déconstruction-reconstruction identitaire (de l’identité féminine) de la sorte qu’avec la post humanité qui s’amorce, le post féminin se donne une allure sérieuse. La post humanité marque, en quelque sorte, la réconciliation entre le refus d’être soi (même) et l’illusion référentielle d’une identité platement poétisée. De ce fait, le texte met en scène « écriture et création du 18
Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Armand Colin, 2007, p. 36 Bertrand Westphal, La géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, Les Editions de Minuit, 2007, p. 11 20 Stephan Kraitsowits, op. cit., p. 60 21 Lucie-Marie Magnan et Christian Morin, Lectures du postmodernisme dans le roman québécois, Québec, Nuit blanche éditeur, 1997, p. 18 22 Lucie-Marie Magnan et Christian Morin, op. cit. p. 19 19
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féminin » à l’intérieur de « son » illusion référentielle. Dans le récit, la représentation du féminin par la narratrice-personnage, en signalant le fonctionnement du texte et en mettant en relief les articulations principales du récit, devient le reflet exact du féminin vécu et le miroir déformant de ce qu’aurait dû être le féminin. Telles sont les images présentées par les amies d’Astaï et qui l’amènent à s’interroger : « Mes mères, qu’est-ce qu’une femme ici et là ? (…) Cela suffit, faut-il que je renie mon identité pour ne plus regarder en arrière ? Que je renie mes rêves ? Mon histoire était la porte du paradis »23. Ces personnages introduisent la problématique du féminin au cœur même du texte, en faisant ressortir la « littérarité » de la notion qui se perçoit dans les infractions au code du féminin. Dans ce monde à venir, ces personnages féminins constituent « les figures idéales » d’une forme d’autoreprésentation, une aventure incroyable permettant à la femme de se (re)présenter sur papier, sur pierre ou imaginairement. A ce niveau du récit, le féminin devient « la femme-plume, la femme-pierre ». Ce processus d’autoreprésentation devient d’ailleurs un moyen efficace d’inscrire au cœur du récit une vision du féminin qui, en mettant l’accent sur des visions proposées ou en suggérant un point de vue neuf, va au-delà de toutes les visions déjà connues.
En définitive, le féminin, l’homo postmodernus24 Si nous convenons aujourd’hui que la société elle-même est devenue transparente, nous comprenons que nous allons vers une nouvelle société, une société à risque, par opposition à la société industrielle, une société qui conçoit l’homme aux seins des médias par des pratiques diverses. « Toutes ces opérations consistent à reconfigurer les êtres humains en bits informatiques »25. La communauté humaine cesse d’être réelle pour devenir une communauté virtuelle où les identités peuvent elles-mêmes être mobiles, « les individus entrer et sortir à leur guise de telle ou telle identité fixe, devenant ainsi des « nomades numériques » »26. C’est cette réalité qui s’offre à Astaï en Occident, où les femmes fréquentées adoptent des identités de rechange inscrites dans le virtuel « devenu un laboratoire social important pour expérimenter les constructions et reconstructions de soi qui caractérisent la vie postmoderne »27. Le féminin n’est plus ce que l’on aurait souhaité qu’il soit, mais plutôt ce que la femme voudrait qu’il devienne. Si l’homme peut être efféminé, la femme peut également devenir homme. Tao, par exemple, « souhaite ardemment renaître en homme. Revenir en arrière et transformer [son] clitoris en pénis »28, devenir « femme-garçon ». Quant à Andréas, il a un mauvais corps à l’intérieur duquel vit une femme. « Une femme dans ce corps d’homme qui observe en secret avec ses yeux clairs ce monde qui ne lui accorde pas de place au soleil. Si par bonheur [il] réalise [son] rêve d’humain, cette nouvelle femme (…) ressemblera trait pour trait
23
La femme du Blanc, p. 143 Expression empruntée à Daniel S. Larangé in loc. cit. , p. 110 25 John Urry, Sociologie des mobilités. Une nouvelle frontière pour la sociologie ?, Paris, Armand Colin, 2005, p. 85 26 John Urry, op. cit., p. 84 27 Sherry Turkle, Life on the Screen, London, Weidenfeld et Nicolson, 1996, p. 180 cité par John Urry in op. cit., p. 84 28 La femme du Blanc, p. 76 24
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[à Astaï] »29. Jessie-Jane, elle, est présentée comme une « femme-plume (…). Sombrant dans la déchéance à l’âge où l’avenir prometteur nous tend en principe la main, plus rien ne la raccroche à la vie » 30 . Ainsi, la technologie qui favorise la mobilité virtuelle apparaît comme un rituel social facilitant la construction d’identités féminines hybrides, lesquelles font émerger des « femmes-machines ». Le féminin vu comme l’homo postmodernus se conçoit désormais comme « la reconfiguration de celui-ci comme entité techno-sociale » 31 . En d’autres termes la redéfinition du féminin prend source et trouve sens dans le brouillage des limites entre le corps humain et la machine qui interagissent intimement. On pourrait penser à la chirurgie esthétique, plasticienne. Dans cette perceptive, il est à noter que le féminin peut « voyager-dans-le-demeurer et (…) demeurer-dans-levoyager »32 comme pour signifier qu’il « ne doit pas être perçu comme préformé, donné et figé dans une signification unique »33. Dans le nouveau monde, la femme voyage physiquement et virtuellement et « voyager alimente l’esprit [et] promeut la fraternité universelle » 34 . Comme par définition l’espace est un lieu performé, c’est dans l’espace occidental qu’Astaï comprend que sa promenade dans cet espace est en lui-même presqu’un acte de subversion. C’est en cherchant l’essence de cet espace qu’elle le consomme en même temps. Consommation et subversion coexistent donc dans ce milieu pour laisser « émerger des constructions identitaires qui débordent le cadre national »35. Dans ces conditions, observe Appadurai, « il est clair que nous sommes désormais entrés dans l’ère du postnational »36, disons de la post humanité. Pour elle le voyage (ou le déplacement) a été l’occasion de voir que « la vie sociale et l’identité sociale se forment et se reforment de manière récursive »37 montrant ainsi que l’environnement global féminin n’est plus un monde de vie, mais un monde coupé de la vie, un monde pensé et reconstruit dans le virtuel. En clair, le récit de Muriel Diallo offre une double construction du personnage principal. En effet, de même que ce personnage cherche le vrai sens du féminin, de même il se cherche, se construit, évolue tout au long de sa quête identitaire ; « construction double, donc, mise en évidence par la quête, puisque l’action, d’un certain point de vue, est le reflet du personnage en construction »38. Toutes les amies occidentales d’Astaï deviennent des adjuvants dans la résolution des problèmes rencontrés et des épreuves vécues. Je pense à ces femmes-garçons (…) Leur caractère trop fort les a perdues en les mettent au ban de la société. Simplement parce qu’on a raconté qu’elles se prenaient pour des hommes… Je ne suis pas différente d’elles, peut-être suis-je la prochaine sur la liste des cœurs brisés. Elles ont rêvé avant moi et, devant la sécheresse des cœurs humains, elles ont vu leur cœur se transformer en pierre. 29
La femme du Blanc, p. 87 La femme du Blanc, p. 144 31 John Urry, op. cit., p. 81 32 Lury, cité par John Urry, in op. cit., p. 76 33 John Urry, in op. cit., p. 76 34 Brendon P. cité par John Urry, in op. cit., p. 68 35 Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Editions Payot et Rivages, 2005, p. 19 36 Ibidem, p19 37 John Urry, op. cit., p. 61 38 Lucie-Marie Magnan et Christian Morin, op. cit. p. 58 30
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Que je vive différemment, épanouie, ce sera leur revanche sur la vie ! 39
Dans l’esprit du personnage central, l’Occident se transforme en espace « d’incubation » où s’opèrera la métamorphose voulue du féminin. L’enfermement (de l’Occident) se révèle propice à la création. Le positif sort encore une fois du négatif. Toutes les typologies féminines décelées deviennent des symboles d’autoréférence féminine dans l’espace mental de la narratrice Astaï. On l’aura compris, c’est beaucoup plus dans l’espace intérieur que dans le monde physique qu’évolue ce personnage. Mais dans son attitude, il passe d’un « je » personnel à un « je » se définissant en fonction de l’Autre. C’est par le biais de ce phénomène de distanciation qu’il ouvre son questionnement au féminin. Sa quête passe de ce fait de l’infiniment petit (son individualité) à l’infiniment grand (la femme) et révèle, pour tout dire, l’identité du sujet féminin (l’homo postmodernus), une identité extrêmement fragile, renvoyant à un fantasme collectif qu’on pense exempt de tout manque, de toute validation symbolique. Ce nouveau féminin augure, en fait, un « troisième sexe » qui ne se laissera jamais totalement dévoiler. L’homo postmodernus, est une identité qui est chaque jour à inventer au fil des positions nouvelles émergentes en matière d’identité sexuée. On peut donc admettre, sans ambages, que toutes « ces rencontres [d’Astaï] ne sont pas fortuites. D’un pas à un autre, [dit-elle], j’épouse une cause, celle de lever le voile sur ces femmes incomprises »40. Là réside justement l’énigme du féminin. Car aucun processus de constitution identitaire du féminin ne peut aboutir à un idéal identitaire universalisant, mais à chaque femme la possibilité de se forger une version singulière de son identité féminine, à partir de ce manque déjà assumé. Voilà peut-être pourquoi, la narratrice, mais au-delà l’auteure Muriel Diallo, situe l’éthique du côté de la création poétique confirmant les propos de Lacan : « il n’y a que la poésie, vous ai-je dit, qui permette l’interprétation »41. La femme du Blanc propose au lecteur le récit d’une quête personnelle d’identité. La protagoniste Astaï aurait eu de la peine à définir le féminin et à le circonscrire si elle n’évoluait pas dans un univers où la présence de l’Autre (autre culturel, autre idéologique, autre géographique) et des autres (autres perceptions, autres visions, autres définitions) l’amenait à se situer dans le monde qui l’entoure. Par conséquent, le récit a débouché sur un questionnement qui situe l’individu féminin dans une perspective sociale. En effet, les déplacements du personnage autant que l’espace physique qu’il occupe à des moments précis du récit servent justement, dans la trame narrative, de miroir de son évolution intérieure. De près ou de loin, ce personnage participe à un processus de création du féminin répondant à sa quête d’identité. Les chemins qu’emprunte l’interrogation sur le féminin deviennent, dans le récit, le miroir de l’évolution intérieure du personnage central. Ainsi, si Astaï, la narratrice-personnage est en quête d’identité, de repère, le lecteur, lui, doit être en quête du véritable sens du féminin. Il y a donc lieu d’être attentif au moindre détail que nous fournit le texte. Les traits de définition du féminin ne sont pas donnés d’emblée au lecteur, mais ils lui sont plutôt proposés par le biais d’une mise en scène qu’il faudra décoder à travers les attitudes, les réactions, les façons de s’exprimer et les réflexions des personnages féminins. 39
La femme du Blanc, p. 174 La femme du Blanc, p. 184 J. Lacan, La typologie et le temps. Le séminaire, livre XXVI, Paris, Seuil, 1978, p. 79 cité par Alexandra Olivero-Alvarez, p. 10 40 41
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Bibliographie AMOSSY (R) et HERSCHBERG (A. P), Stéréotypes et clichés, Paris, Armand Colin, 2007 APPADURAI (A), Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Editions Payot et Rivages, 2005 BAUMAN (Z), Le Coût humain de la mondialisation, Paris, Hachette, 1999 BAUMAN (Z), L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?, Paris, Climats ; Flammarion, 2009 DIALLO (M), La femme du Blanc, Paris, Vents d’ailleurs, 2011 ERMAN (M), Poétique du personnage de roman, Paris, Ellipses Édition Marketing S.A., 2006 KRAITSOWITS (S), « Esthétique du chaos : Running Wild de J.G. Ballard », in La Chouette N°32, Londres, Birkbeck college, 2001, p. 57-68 LARANGE (D. S), « Vers la reconquête des identités féminines. Portraits de femmes chez Muriel Diallo » in Le roman féminin ivoirien, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 91-119 MAGNAN (L-M) et MORIN (C), Lectures du postmodernisme dans le roman québécois, Québec, Nuit blanche éditeur, 1997 OLIVERO-ALVAREZ (A), « Les formes contemporaines de l’identité féminine, entre déboires et utopies » in Sciences Croisées Numéro 2-3 : L’identité, http://www.sciences-croisées.com/articles-2/numro-3-lidentit, p. 1-11 REUTER (Y), L’analyse du récit, Paris, Armand Colin, 2007 URRY (J), Sociologie des mobilités. Une nouvelle frontière pour la sociologie ?, Paris, Armand Colin, 2005 WESTPHAL (B), La géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, Les Editions de Minuit, 2007 ZERAFFA (M), Personne et personnage : le romanesque des années 1920 aux années 1950, Paris, Les Éditions Klincksieck, 1967
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Voix féminine, ethos féminin dans Les Lettres de Madame de Sévigné et Les Lettres Portugaises Chahira BOUMAYA BELHASSEN1
Nous envisageons d’aborder la question de la voix féminine et de l’ethos féminin dans Les Lettres de Madame de Sévigné et Les lettres portugaises de Guilleragues. Nous avons relevé plusieurs similitudes entre la Correspondance sévignéenne qui est une correspondance authentique et Les Lettres Portugaises, ce roman épistolaire écrit par une religieuse portugaise à son amant un chevalier français reparti vers son pays. Ce n’est qu’en 1962 que deux universitaires prouvent qu’il s’agit bien d’une fiction, parue en 1669, œuvre du Comte Gabriel-Joseph de Guilleragues. Les Lettres portugaises pourraient donc être envisagées comme l’écriture du féminin par un homme. En effet, elles ne peuvent être que féminine, même sous la plume d’un homme. Notre objectif est d’établir un bref rapprochement entre ces deux œuvres ayant pour dénominateur commun, les ravages causés par la passion sur la voix féminine. Il s’agit d’étudier l’ethos de la femme épistolière soit dans le cadre du roman épistolaire à une seule voix comme les Lettres Portugaises qui sont un simple monologue se réduisant à un cri pathétique et où le récepteur reste passif, soit dans Les lettres de Madame de Sévigné où les réponses du destinataire existent mais ne sont pas fournies au lecteur, le destinataire a un impact sur le discours épistolaire, dans la mesure où ses réponses sont souvent citées. Dans les deux cas, la femme épistolière qui écrit est guidée dans son écriture par un sentiment de souffrance dû à l’éloignement et qui n’a qu’un seul désir : revoir l’être absent aussi vite que possible. En outre, ce qui a orienté notre choix, aussi, c’est que Mme de Sévigné a lu les Lettres Portugaises parues en 1669 sans nom d’auteur : « Enfin Brancas m’a écrit une lettre si tendre qu’elle récompense tout son oubli passé. Il me parle de son cœur à toutes les lignes ; si je lui faisais réponse sur le même ton, ce serait une portugaise »2. Mme de Sévigné, en ayant recours à l’hypothèse, se met dans la posture, ou plus dans l’ethos de la portugaise. Elle semble avancer elle-même l’idée d’une possible convergence entre leurs deux profils d’épistolière. L’une des questions que nous nous posons est la suivante : pourquoi Guilleragues adopte-il la forme épistolaire pour dévoiler l’âme de son héroïne Mariane. Pour répondre à cette question nous tenterons dans la première partie de voir si le genre épistolaire est féminin. 1
Université de Tunis El Manar, ISSHT. Madame de Sévigné, Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972, Lettre du 19 juillet 1671, t.I, p. 129.
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Le genre épistolaire, un genre littéraire typiquement féminin ? Pourquoi la lettre amoureuse semble-t-elle incarner une spécificité féminine ? Pour répondre à cette question, F. Nies explique « que le type de la femme-correspondante coïncide assez bien avec un concept traditionnel du rôle féminin »3. F. Nies parle ici « du stéréotype selon lequel c’est le propre de l’homme de partir à l’aventure, de quitter sa compagne tandis que celle-ci, sédentaire, a la vocation d’attendre le retour du partenaire en s’appliquant à maintenir le contact affectif »4. La situation de la femme restée seule, plongée dans une attente le plus souvent douloureuse ou délaissée par l’homme, reflète parfaitement la situation que vit Mariane, l’héroïne des Lettres Portugaises. C’est le cas, aussi, de Mme de Sévigné qui ne vit que pour revoir sa fille revenir auprès d’elle et qui souffre du même sentiment que Mariane : celui d’être délaissée. Ces femmes empêchées de dire « je » dans leur société trouvent dans leurs textes un moyen pour s’exprimer librement. La lettre est donc le moyen par excellence qui leur permet d’étaler leur subjectivité. Sans cesse, elles expriment le manque, l’absence, l’amour (…) ce qui engendre une profonde introspection et toute l’écriture se concentre sur le drame intérieur. Il convient de retenir, si nous pouvons dire, que ce type de lettres n’est qu’un monologue qui recrée le correspondant et qui ne connaît qu’une seule voix, une seule vision celle de la femme. Un autre point qui peut déterminer la valeur de la lettre féminine au XVIIème siècle, c’est l’opinion des théoriciens de l’époque. En 1635, l’éditeur d’un nouveau recueil appelé les « Lettres des dames de ce temps » tente de « faire voir à toute la terre que les lettres ne sont pas seulement l’héritage de [son] sexe »5. En 1663, l’abbé Cotin6 s’applique aussi à montrer la supériorité féminine dans le domaine épistolaire. Pierre Richelet7 adopte, un peu plus tard, ce même point de vue. La Bruyère n’est donc ni le premier ni le seul, parmi ses contemporains, à penser que « ce sexe va plus loin que le [sien] dans ce genre d’écrire » et que les femmes ont la capacité de « faire lire dans un seul mot tout un sentiment »8. En effet, et comme l’a déduit Cotin, les femmes écrivent plus naturellement et ont le don de peindre tous les sentiments. Le dernier point, qui représente l’un des charmes de cette écriture épistolaire, c’est l’expression de l’intime, du malheur et de la contrariété. En effet, l’écriture, censée exprimer de manière directe la passion, est le moyen pour décrire les contradictions de ce sentiment. Le personnage féminin perd le contrôle, se montre anxieux, soumis et cède à ses émotions. En quête d’efficacité, la voix féminine tente de se fabriquer et de donner d’elle une image conforme aux attentes de son destinataire. De ce fait, le monde intérieur commenté et non raconté, mode d’expression essentiellement transitif puisqu’il s’adresse à tous ceux qui ont le droit de découvrir les pensées et les sentiments les plus secrets de celle qui les écrit, tel serait donc le domaine de prédilection des femmes en littérature.
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F. Nies, « Un genre féminin ? », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 6, NovembreDécembre, 1978, p. 994-1003. 4 Ibid. 5 Les Lettres et poésies de Mme la Comtesse de Brégy, Leyde, 1666, Au lecteur, p. 3. 6 Charles Cotin, dit l’abbé Cotin, né vers 1604 à Paris où il est mort en 1682, est un homme d’Église, poète et essayiste français. 7 César-Pierre Richelet (1626-1698) est un grammairien et lexicographe français, rédacteur d’un des premiers dictionnaires de la langue française. 8 Jean de La Bruyère, Les Caractères, Paris, Gallimard, 1965, p. 32.
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Il est à noter que la lettre intime, au XVIIème siècle, constitue un horizon difficile à atteindre parce qu’elle devait réunir trois critères qui semblent la définir. Elle doit émaner d’un cadre privé, évoquer des événements précis et personnels et entrer dans les détails les plus insignifiants et les plus intimes de la vie quotidienne, accordant autant d’importance aux questions de santé par exemple qu’à des nouvelles plus générales. C’est aussi l’expression de la subjectivité d’une personne sincère qui s’épanche et en fait un exutoire des passions. Enfin, elle doit susciter un dialogue et une conversation en absence mais elle doit surtout assurer la nécessité de parler de soi. D’où l’importance de la correspondance de Mme de Sévigné qui a inventé une forme nouvelle en réunissant enfin toutes les composantes de la lettre intime. C’est le départ de Mme de Grignan en Provence qui a contribué à la formation d’un nouveau concept de la lettre. En effet, la vie publique passe alors au second plan, la correspondance se centre sur la vie familiale et marque le bouleversement intérieur et le désespoir de la marquise. Ceci lui prouvait qu’elle était capable de garantir la fonction de la lettre loin de tout commerce mondain. Ainsi, la vie privée définit un nouvel espace d’échange, un espace de solitude, d’isolement et de retrait. Enfin, nous ne pouvons pas aborder la question de la lettre intime sans mentionner que le substantif intimité n’est pas attesté dans les grands dictionnaires du XVIIème siècle ; en effet, sa première apparition est relevée sous la plume de Mme de Sévigné dans la lettre du 15 novembre 1684 : « Je n’ai pu m’empêcher de vous dire tout ce détail dans l’intimité et l’amertume de mon cœur, que l’on soulage en causant avec une bonne dont la tendresse est sans exemple9 ». De là nous tenterons, dans la deuxième partie, de revenir sur quelques caractéristiques qui nous semblent spécifiques à l’écriture épistolaire féminine et intimiste dans les Lettres de Mme de Sévigné et les Lettres Portugaises.
Vers une poétique du discours féminin Selon Ruth Amossy, « toute prise de parole implique la construction d’une image de soi10 ». Il suffit ainsi, pour voir quel éthos occupe nos épistolières dans leurs lettres, de chercher dans leurs paroles et dans leurs façons de dire une série de marques discursives permettant de (re)construire des traits caractéristiques de leurs profils identitaires car : L’écriture est vue comme une parole, comme une praxis semblable à celle de l’oralité, comme une activité qui laisse dans le texte des traces qui réfèrent à l’énonciation, à une situation de communication donnée qu’on cherche à reconstruire afin de mieux dégager l’intention du texte.11
Cette étude de l’énoncé épistolaire nous permettra d’esquisser une image plus au moins claire de ces femmes parce qu’elle s’appuie essentiellement sur leur façon d’écrire et par conséquent sur leur façon de dire. C’est dans ce sens exactement que Ruth Amossy affirme, à propos du locuteur, que son « style, ses compétences langagières et encyclopédiques ses croyances 9 Madame 10
de Sévigné, Correspondance, op. cit.t. III, p. 156. Ruth Amossy. « La Notion d’ethos, de la rhétorique à l’analyse du discours », Amossy, R. (dir.). Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1999, p .9. 10 Pierre Van Den Heuvel, Parole, Mot Silence, Pour une poétique de l’énonciation, José Corti, 1985, p. 33.
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implicites suffisent à donner une représentation de sa personne 12 ». En prenant la parole, le sujet parlant effectue alors deux activités. Premièrement, il nous met devant une multitude d’informations sur soi et sur l’autre d’une manière discontinue et fragmentaire. Deuxièmement, il signe un simulacre d’identité en disant implicitement à son lecteur : « je suis ceci, je ne suis pas cela » 13 . Nous insisterons donc dans cette partie sur le « je » féminin polymorphe qui s’exprime dans la Correspondance sévignéenne et les Lettres portugaises. En effet, la voix féminine dans ces deux œuvres s’exprime à travers presque un même dispositif énonciatif. Nous nous arrêterons sur quelques traits : Un ethos pré-discursif : En examinant le discours du « je » dans ces deux correspondances, nous pouvons remarquer qu’elles renvoient sans cesse à des éléments extratextuels appartenant au passé. Mme de Sévigné doit souvent affronter les séquelles des malentendus passés : « Vous me dites, ma bonne, que j’ai été injuste sur le sujet de votre amitié. Ah ! Ma bonne, je l’ai été encore bien plus que vous ne pensez14 ». Souvent, elle fait allusion aux brouilles en utilisant les termes vagues : Vous pourrez juger par là de ce que m’ont fait les choses qui m’ont donné autrefois des sentiments contraires. […] Mais je ne veux pas que vous disiez que j’étais un rideau qui vous cachait. Tant pis si je vous cachais ; vous êtes encore plus aimable quand on a tiré le rideau. Il faut que vous soyez à découvert pour être dans votre perfection ; nous l’avons dit mille fois15 ».
Nous pouvons aussi noter l’importance accordée à la distribution des temporalités. En effet, le traitement des temps verbaux suggère le caractère inéluctable de la souffrance : tandis que le passé composé place le présent dans la subséquence logique et chronologique des souvenirs partagés (« ce siège de mousse où je vous ai vue quelque fois assise »16), et que le futur sera tout entier marqué par la pensée de l’absente (« ma pauvre bonne, ce que je ferai beaucoup mieux que tout cela, c’est de penser à vous »17), le présent de caractérisation condamne à une douloureuse sensibilité (« je ne sais point être forte »18). De même, nous trouvons dans les lettres portugaises des temps qui s’entremêlent et qui cherchent à rendre compte d’un passé heureux, d’un présent douloureux et d’un futur angoissant. Les désordres de la religieuse portugaise sont toujours vus dans un passé onirique, pourtant altérés par les ombres de la culpabilité et de la suspicion. Ce passé heureux, fou, revécu, embelli, ressurgit plusieurs fois dans les lettres associé aux temps du passé simple pour montrer que ce rêve d’amour est devenu un mauvais rêve. Le passé simple marque la victoire de la lucidité et le triomphe du désespoir : « Il me sembla que vous vouliez me plaire, Vous me parûtes aimable, Vous me témoignâtes une grande passion »19. Le passé composé atteste la continuité de l’amour, la permanence de l’engagement et
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Ruth Amossy, op. cit., p. 9. Roland Barthes, « L’ancienne rhétorique », In : Communications, no 16. p. 212. Lettre du 15 avril 1671, t. I. p. 219. Lettre du 11 février 1671, t. I. p. 155. Lettre du 24 mars 1671, t.I, p. 199. 17 Ibid. 18 Ibid. 19 Guilleragues, Lettres Portugaises, Collection Folio, Édition Gallimard, Paris, 1990, Lettre IV, p. 90. 13 14 15 16
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de l’espoir : « je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu »20. L’imparfait, temps de la durée par excellence, permet à Mariane de revivre ces instants heureux en les faisant ainsi dilater dans une durée délicieuse : « je me donnais toute à vous, je voyais tant d’amour, qui me comblait de joie »21. Ainsi, nous pouvons dire que le recours au récit rétrospectif dévoile le chaos intérieur de Mariane qui s’accroche désespérément à un passé heureux. Mme de Sévigné, par contre, n’insiste pas dans sa correspondance sur les brouilles du passé, elle est plutôt à la recherche de l’entente parfaite avec sa destinatrice. Cette correspondance qui dure presque vingt-cinq ans traduit l’histoire d’une conquête. L’écriture est en effet le moyen qui va permettre à la marquise d’assurer le maintien de l’amitié et d’améliorer le rapport mère-fille. Un ethos discursif : Si l’éthos pré-discursif prend appui sur une représentation sincère et claire, l’ethos discursif se définit comme l’image de soi que donnent nos épistolières à travers leurs discours. Une autre manière, sans doute, de se présenter qui s’articulera autour de la manière de se dire. Il ne s’agit pas de dire comment sont nos épistolières mais de voir simplement quelles images d’elles reflètent leurs discours. Dans son livre, Mme de Sévigné et la lettre d’amour, Roger Duchêne a souligné tout ce que les premières lettres de Mme de sévigné devaient à l’esthétique de la lettre amoureuse. Il y opère de nombreux rapprochements entre la première Correspondance et les Lettres Portugaises. Un ethos élégiaque : Emportées par leur passion, nos épistolières cherchent souvent à dévoiler un ethos élégiaque visant à susciter la compassion et l’attendrissement chez leur destinataire. C’est pourquoi, nous retrouvons chez elles la même envie de s’isoler et de se retrancher dans leur monde. Mariane refuse obstinément de sortir de sa cellule : « Dona Britès me persécuta ces jours passés pour me faire sortir de ma chambre »22. L’activité épistolaire apparaît aussi chez Mme de Sévigné comme une activité d’intérieur, destinée à s’épanouir dans l’intimité de la chambre : « Je demandai la liberté d’être seule23. Enfin, je reçois cette lettre, et me voilà dans ma chambre, toute seule pour vous faire réponse24. Chez l’amante abandonnée comme chez la mère privée de son enfant, on retrouve le même emploi du champ lexical de la vue et du regard pour exprimer le manque : « Mes yeux qui vous ont tant rencontrée depuis quatorze mois ne vous trouvent plus25 ». Chez Mariane également : « je voyais tant d’amour, je vous ai vu souvent passer, l’espérance de vous voir, les miens sont privés de la seule lumière qui les animait26 ». Les deux épistolières se rejoignent encore à travers l’évocation des souffrances physiques entraînées par le supplice de l’éloignement. Toutes deux « n’en peuvent plus » et croient « mourir ». Leurs lettres émouvantes font souvent appel aux figures de rhétorique traditionnelles comme l’anaphore et l’hyperbole, qui ne laissent aucun doute sur la sincérité de la douleur exprimée : « Ma douleur serait bien médiocre si je pouvais vous la dépeindre ; je ne l’entreprendrai pas 20
Lettres Portugaises, I, p. 75. Ibid. 22 Op. cit, IV, p. 93. 23 Lettre du 6 février 1671, t. I, p. 149. 24 Lettre du 23 mars 1671, t.I, p. 197. 25 Lettre du 5 octobre 1673, t. I. p. 593. 26 Op. cit, I, p. 75-78. 21
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aussi. […] Je m’en allai donc à Sainte-Marie, toujours pleurant et toujours mourant. Il me semblait qu’on m’arrachait le cœur et l’âme, et en effet, quelle rude séparation ! 27 » De son côté Marianne avoue « l’excès de [son] amour 28 » et ses « extrêmes douleurs29 » « Souffrir tout ce que je souffre30 », « comment pourrais-je supporter la douleur ?31 » La charge insoutenable de la passion s’exprime aussi par l’attribution d’une charge négative à l’image de la passion insoutenable que Mariane condamne avec des termes renvoyant à l’espace juridique et moral tels que : « malheur 32 , maux 33 , crimes 34 , vengeance35… », ou encore avec l’emploi de substantifs abstraits tels que : « sentiments36, faiblesses37 », que nous retrouvons aussi sous la plume de Mme de Sévigné. L’emploi des substantifs abstraits et imprécis marque la régulation de cette relation fragile entre mère et fille atténuant le ton pathétique et renvoyant, quoique d’une façon implicite, aux sentiments étouffés de la marquise, à ses angoisses et aux différentes crises de larmes, qui se manifestent par les divers troubles corporels : Aimez mes tendresses, aimez mes faiblesses… 38 Il faut cacher ses faiblesses devant les forts. 39 Je demande pardon à votre philosophie de vous faire voir tant de faiblesse… 40
La variation au niveau des déclarations amoureuses se fait aussi au moyen des interjections, des hyperboles et des appellatifs qui interpellent le destinataire et marquent sa présence et son implication dans le discours : Les interjections et les hyperboles raisonnent comme des appels à la pitié : « Ayez pitié de moi !41 », « Hélas !42 », « Mandez-moi que vous voulez que je meurs d’amour pour vous !43 », « Voici un terrible jour […] j’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous, tout me manque, parce que vous me manquez44 », « je suis dévorée de curiosité45 », « je ne vis que pour vous46 », « toujours pleurant, toujours mourant 47 ». Les appellatifs quant à eux rappellent le lien affectif, ils sont souvent accompagnés par le déterminent possessif mon / ma : « ma bonne 48 », « ma divine bonne 49 », « mon enfant50 », « ma fille51 ». 27
Ibid. p. 149. Op. cit, II, p 79. Op. cit, III, p. 84. 30 Op. cit., II, p. 81. 31 Op. cit, III, p. 86. 32 Op. cit, II, p. 80. 33 Ibid., II, p. 81. 34 Op. cit, V, p. 105. 35 Op. cit, I, p. 78. 36 Op. cit, II, p. 79. 37 Op. cit, V, p. 98. 38 Lettre du 18 mars 1671, t. I, p. 191. 39 Lettre du 27 mai 1675, t. I, p. 716-717. 40 Lettre du 3 juillet 1675, t. I, p. 746. 41 Op. cit., II, p. 83. 42 Op. cit., V, p. 103. 43 Op. cit., III, p. 87. 44 Lettre du 5 octobre 1673, t. I, p. 593. 45 Ibid. p. 594. 46 Ibid. 47 Lettre du 6 février 1671, t. I, p. 149. 48 Lettre du 7 juin 1671, t. I, p. 263. 49 Lettre du 15 janvier 1672, t. I, P. 418. 50 Lettre du 16 mars 1671, t. I, p. 458. 28 29
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Un ethos lucide : L’ethos lucide, par contre, dévoile une certaine distance par rapport aux sentiments et une capacité à se maîtriser et à s’autoanalyser. Nous pouvons remarquer que les lettres sévignéennes et les Lettres Portugaises oscillent, selon l’expression de Geneviève Haroche-Bouzinac, entre « l’ouverture vers autrui » et « la fermeture sur soi52 ». La disparition des lettres de Mme de Grignan accentuent le caractère pathétique des déclarations d’amour transformées en une lancinante monodie. Ainsi, ce discours épistolaire féminin représente d’une part un mode de communication, un dialogue qui a la vertu d’intensifier la relation avec le destinataire (« Il me semble que je vous parle quand je vous écris, et que vous m’êtes un peu plus présent53 »), et d’autre part un monologue qui se rapproche du journal intime. En effet, l’acte d’écrire est un acte solitaire. Mme de Sévigné et Mariane écrivent pour s’auto-analyser pour se libérer. La lettre intime devient ainsi un mode d’accès au « moi » de ces épistolières, leurs ethos se construisent et se dévoilent entre le lyrisme élégiaque et la lucidité. En effet, la lettre attend un signe de l’autre mais elle est essentiellement soulagement de soi (« j’écris plus pour moi que pour vous54 »). Dès les premières lignes de Marianne dévoile ses états de conscience et l’état d’aliénation dont elle est victime : « Quel désordre ! Quel égarement !, un état si déplorable, je suis encore assez folle55 », écrit-elle. D’ailleurs, la première lettre est une sorte de dialogue de Mariane avec elle-même : « Considère, mon amour, jusqu’à quel point tu as manqué de prévoyance. Ah ! Malheureux ! Tu as été trahi, et tu m’as trahie par des espérances trompeuses56 ». La passion apparait ici comme un corps étranger, un second « moi » avec lequel Mariane peut dialoguer. Plus la lettre s’allonge, plus elle s’égare, accusant l’amant. L’écriture se poursuit, non plus sous la forme d’un dialogue mais se transforme en un monologue conscient qui s’achèvera sur la déduction suivante : « j’ai éprouvé que vous m’étiez moins cher que ma passion57 ». Petit à petit le « vous » du destinataire est méprisé, il est qualifié de « cruel58 », d’injuste, il est accusé d’infidélité et de trahison. Le « vous » se trouve en position de responsabilité et de culpabilité, par rapport au « je » de l’épistolière qui se trouve en situation d’objet : « des crimes que vous m’avez fait commettre59 », « vous faisiez tout ce qu’il fallait60 ». Le « je » par contre n’est sujet qu’avec les verbes d’états : « j’étais jeune, j’étais crédule61 », ou dans des tournures négatives ou restrictives : « je n’ai vu que, je n’avais jamais62 ». De là, se dévoile une voix féminine, un éthos d’une Mariane innocente face à son interlocuteur. Mais ce discours constatif se transforme par la suite en un discours performatif (« il me semblait
51
Lettre du 11 novembre 1671, t. I, p. 377. G. Haroche-Bouzinac, L’Épistolaire, Paris, Hachette, 1995, p. 95. 53 Op. cit., IV, p. 87. 54 Ibid. p. 97. 55 Op. cit., III, p. 79. 56 Lettres Portugaises, I, p. 75. 57 Op. cit., V, p. 99. 58 Op. cit., I. 72, IV. 88. 59 Op. cit., V, p. 105. 60 Ibid. 61 Ibid. 62 Ibid. 52
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que…63 »), ce qui implique que l’épistolière reconstruit son ethos précisant ainsi le rôle qu’elle joue dans cette histoire de passion. Le « je veux vous écrire une autre lettre64 », se transforme en « Je vous écris pour la dernière fois, je crois même que je ne vous écrirai plus65 ». L’ethos lucide de Mme de Sévigné se déclare au moyen de verbes modalisateurs : « je trouve que66, je ne dois pas67, il me semble que68… ». Souvent, elle contrebalance son ethos élégiaque et montre une allure lucide. Elle surveille son discours, se reprend, donne des coups d’arrêt, étouffe ses pensées et va même jusqu’à afficher un mépris pour les élans incontrôlés du cœur (« il faut glisser sur tout cela, et se bien garder de s’abandonner à ses pensées et aux mouvements de son cœur »69). L’épistolière se fait ici le porte-parole de toute une éthique des bienséances. Le travail de la plume parvient ainsi à exprimer un sentiment irréductible aux définitions du discours amoureux. L’objectif n’est point de décrire une relation idéale, ou encore de composer, lettre après lettre, une sorte d’hymne à l’amour maternel, ou à l’amour en général, les lettres tentent de combler un vide, un manque si essentiel que l’enjeu devient vital. Dans ces deux œuvres tournées entièrement vers l’autre, nos épistolières parviennent à réaliser un portrait de soi parmi les plus audacieux, les plus vivants et les plus émouvants que la littérature ait connu jusque-là. Sans elles, Mme de Lafayette n’aurait peut-être pas pu concevoir La Princesse de Clèves. En effet, c’est un roman à un seul personnage féminin, en dépit de la focalisation qui se concentre sur d’autres personnages. Ce personnage est déterminé par une passion et une morale. Le dire d’amour, dans la conversation finale, explicite la conscience de l’amour de soi, dans la complaisance de la parole. Au moment même de faire son aveu, Madame de Clèves reconnaît : « je ne sais même si je ne vous le dis point, plus pour l’amour de moi que pour l’amour de vous »70.
Bibliographie F. Nies, « Un genre féminin ? », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 6, Novembre-Décembre, 1978. G. Haroche-Bouzinac, L’Épistolaire, Paris, Hachette, 1995. Guilleragues, Lettres Portugaises, Collection Folio, Édition Gallimard, Paris, 1990. Jean de La Bruyère, Les Caractères, Paris, Gallimard, 1965. Madame De La Fayette, La Princesse De Clèves, Grands Textes Classiques, Paris, 1995. Madame de Sévigné, Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972. Pierre, Van Den Heuvel, Parole, Mot Silence, Pour une poétique de l’énonciation, José Corti, 1985. Roland Barthes, L’ancienne rhétorique, In : Communications, no 16. Ruth Amossy, Images de soi dans le discours. La construction de l’éthos, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1999.
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Ibid. Ibid. p. 105. 65 Ibid.p. 106. 66 Lettre du 19 juillet 1671, t. I, p. 298. 67 Lettre du 5 octobre 1673, t. I, p. 593. 68 Lettre du 11 mars 1672, t. I, p. 457. 69 Lettre du 3 mars 1671, t. I, p. 175. 70 Madame De La Fayette, La Princesse De Clèves, Grands Textes Classiques, Paris, 1995, Quatrième partie, p. 283. 64
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Etude de la présence du corps féminin dans Tasharej d’Emna Belhaj Yahia Sabrine HERZI1
La littérature maghrébine de langue française écrite par les femmes et dite « féminine » paraît être un champ de production et de création d’une importance majeure. Bien que les romancières françaises soient les premières à prendre l’initiative d’écrire sur le Maghreb et de focaliser leurs textes sur les sociétés et les femmes maghrébines, leurs écrits n’ont pas été satisfaisants aux yeux des lecteurs et des critiques. Jean Déjeux écrit à ce propos : « Ces auteurs ne pouvaient pas rendre compte des situations réelles des Algériennes, Marocaines et Tunisiennes […] Ces romancières ne prétendaient d’ailleurs pas parler au nom des femmes du territoire2 ». C’est ainsi qu’une multiplicité de voix de femmes maghrébines surgit, et que, par conséquent, plusieurs romans de femmes tunisiennes, algériennes et marocaines jalonnent la littérature maghrébine, après l’indépendance des pays du Maghreb, comme le précise Jean Déjeux. Des romancières algériennes, marocaines et tunisiennes ont donc pris leur place à un moment donné de l’histoire de ces productions en français, à des dates diverses chacune selon son pays. Elles seules sont à même de rendre compte de ce qu’elles vivent3.
Ainsi, malgré tant d’obstacles et, en dépit de l’inhibition, la femme maghrébine a su triompher et a pu passer du statut de protagoniste à celui d’écrivaine qui revendique une certaine « spécificité » de son écriture dans le but de déconstruire, de démystifier le langage masculin et d’inventer son propre langage de femme. « Il existe en tous cas, une condition féminine commune qui, note à juste titre J. Dejeux, entraîne une parenté dans les revendications et les expressions4 ». Il ajoute : « Les points communs sont modulés selon chacun des auteurs, mais, il est tout de même possible de mettre en lumière quelques grandes constantes »5. De fait, les écrivaines femmes lancent un grand défi ; leurs voix foisonnent pour se faire entendre, pour envahir l’univers de la littérature et dire leur féminité. Telle est la situation de la littérature féminine tunisienne qui a émergé triomphalement et pris racine dans le courant des années 80 et au-delà : 1
Université de Tunis I, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. Jean DEJEUX, La littérature féminine de langue française au Maghreb, Paris, Edition Khartala, 1994, p. 14. 3 Ibid, pp. 14-15. 4 Ibid, pp. 15-16. 5 Ibid, p. 60. 2
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La création féminine des Tunisiennes mériterait, à plus d’un titre, plus d’attention, tant elle paraît liée à l’histoire de l’émancipation des femmes ellesmêmes dans ce pays qui reste, dans ce domaine –et cela sans exagération- un pays d’avant-garde dans tout le monde arabo-islamique », constate Tahar Bekri6.
Nous signalons, de prime abord, que Hélé Béji a été l’une des premières romancières « digne de ce nom7 », à côté de Azza Filali, devancées toutes les deux par Souad Guellouz. De même, Emna BelhajYahia a fait son entrée dans le champ de la littérature féminine tunisienne avec une écriture riche et poétique en décrivant les illusions et désillusions des femmes tunisiennes et en se concentrant sur leur révolte et leur colère, tout comme leur quête de bonheur et leur soif démesurée de liberté et d’indépendance : « Cette quête du bonheur est une course d’obstacles que l’auteure réussit par une écriture sobre et poétique », affirme Tahar Bekri8. Force est de constater que la femme, en écrivant, meurt en tant que personne de chair pour renaître en tant que texte avec lequel elle va fusionner, d’où ce rapport de feed-back entre l’écriture et le féminin qui est synonyme de multiplicité dans les productions des femmes ; multiplicité de figures, multiplicité de destins des personnages essentiellement féminins et multiplicité d’idéologies et de visions du monde. Il s’agit pour nous de réfléchir sur l’écriture dans son rapport au féminin. Or, comme la notion de « femme » est tout aussi mouvante que sa personnalité, son statut et le réseau des relations qu’elle établit avec son entourage et son milieu, le féminin semble être repensé et renouvelé dans les écrits des femmes tunisiennes comme Emna Belhaj Yahia qui s’approprie un langage qui lui est propre, comme le note Hafid Gafaiiti : « Si la révolution était du domaine de l’Histoire, elle est maintenant de la littérature aussi »9. La prolifération de la thématique du féminin dans l’œuvre romanesque d’Emna Belhaj Yahia est renforcée par le biais de la parole féminine comme mode d’énonciation favorisée par une écriture au féminin. D’ailleurs, « le sexe de l’auteur n’est pas une donnée sans importance ; on perçoit le monde différemment selon que l’on est homme ou femme, on ne fait pas abstraction de son sexe et de son corps dans le processus d’écriture10 ». Simone De Beauvoir a expliqué en ces termes la capacité de l’écrivaine femme dans le traitement de la problématique de la femme et du féminin : « Nous connaissons plus intimement que les hommes, écrit-elle, le monde féminin parce que nous y avons nos racines ; nous saisissons plus immédiatement ce que signifie pour un être humain le fait d’être féminin ; et nous nous soucions davantage de le savoir »11. Le rapport entre le féminin et l’écriture paraît ainsi évident. La revendication d’une certaine spécificité féminine est légitime et le mystère féminin s’implique avec force dans l’écriture. La femme écrivaine cherche à rendre l’espace scripturaire un champ pour construire et surtout pour affirmer une identité féminine reconnaissable : Ce qui frappe, plus encore que la quantité, c’est un certain accent, la marque d’une différence qui rend habituellement reconnaissable un texte écrit par une 6
Tahar BEKRI, Littérature de Tunisie et de Maghreb, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 41. La littérature féminine de langue française au Maghreb, op. cit, p. 53. Littérature de Tunisie et de Maghreb, op. cit, p. 46. 9 Hafid GAFAITI, Les femmes dans le roman algérien, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 236. 10 Colette SARREY STRACK, Fictions contemporaines au féminin, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 10. 11 Simone DE BEAUVOIR, Le deuxième sexe I, Paris, Gallimard, 1976, p. 32. 7 8
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femme. L’abondance même des écrits féminins autorise à chercher et à trouver des constantes, aussi bien dans les formes que dans les thèmes », écrit Béatrice Didier12.
La volonté de rompre avec le langage masculin qui est « une langue qu’elle ressent comme étrangère13 » et la liberté du langage féminin sont remarquables dans l’œuvre romanesque d’Emna Belhaj Yahia qui donne à ses lecteurs l’impression qu’elle tient les clés d’un langage autre, un langage qui se distingue de celui de l’homme et, dont nous tenterons de chercher et d’étaler les spécificités et les constantes à savoir la particularité de la présence du corps féminin dans son œuvre romanesque. Une première partie portera sur la présence emblématique du corps féminin dans l’œuvre romanesque d’Emna Belhaj Yahia. Nous nous attacherons, ensuite, à montrer que ce corps qui semble avoir du mal à s’épanouir, dans ses textes, est compensé par une écriture du « Dedans » et par le biais de plusieurs constantes que nous allons étaler dans la mesure où elles sont en rapport étroit avec le « rythme biologique » de la femme.
Un corps emblématique : corps et sensations La modernité et l’aspect révolutionnaire de l’écriture féminine sont perceptibles à travers la présence particulière du corps féminin et surtout des sensations. Béatrice Didier affirme dans ce sens : « La présence de la personne et du sujet impose immanquablement la présence du corps dans le texte […] Si l’écriture féminine apparaît comme neuve et révolutionnaire, c’est dans la mesure où elle est écriture du corps féminin, par la femme ellemême14 ». Néanmoins, la réserve dans la majorité des textes de la littérature féminine maghrébine à parler de ce corps féminin est frappante. La littérature féminine tunisienne en est un exemple pertinent : « d’une manière globale, il faut le dire, le corps est absent de la littérature féminine Tunisienne », écrit Jean Fontaine15. De ce fait, les descriptions du corps féminin sont non seulement très rares, mais aussi très limitées : « […] Il n’en reste pas moins vrai que les descriptions précises sont pratiquement inexistantes », ajoute-t-il 16 . Il en résulte, ainsi, un corps morcelé et fragmenté : « le corps féminin –beaucoup plus que le corps masculin- était, dans la littérature, un corps morcelé […] le personnage masculin y conserve cependant l’unité d’un sujet, tandis que le personnage féminin y subit le morcellement de l’objet », constate Béatrice Didier17. Ainsi, dans Tasharej18, Chronique frontalière19, L’Étage Invisible20 et Jeux de rubans21, le corps féminin ne constitue pas l’objet d’un discours séparé : […] Je compte les rigoles transparentes qui suivent leur cours sur sa nuque, s’éloignant doucement de la ligne des cheveux coupés très courts et venant 12
Béatrice DIDIER, L’écriture femme, Paris, PUF, 1999, p. 17. Laura CREMONESE, Dialectique du masculin et du féminin à travers l’œuvre d’Hélène CIXOUS, Paris, Didier Erudition, (pour l’éd Fr), 1997, p. 25. 14 L’Écriture femme, op. cit, p. 35. 15 Jean FONTAINE, Écrivaines tunisiennes, Tunis, Le Gai Savoir, 1994, p. 48. 16 Ibidem. 17 L’Écriture femme, op. cit, p. 36. 18 EmnaBelhaj Yahia, Tasharej, Paris, Balland, 2000. 19 EmnaBelhaj Yahia, Chronique frontalière, Paris, Noël Blandin, 1991. 20 EmnaBelhaj Yahia, L’Etage invisible, Paris JoelleLosfeld, 1997. 21 EmnaBelhaj Yahia, Jeux de rubans, Tunis, Edition Elyzad, 2011. 13
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rejoindre le tissu mouillé de la chemise […]. Je devine les gouttelettes qui perlent sur son front et la buée qui couvre ses lunettes […] sur la nuque dégagée de ma mère, les rigoles se font plus nombreuses, plus fournies […] J’imagine ses paupières fermées à chaque atchum22.
Remarquons, dans ce propos, que la narratrice s’est concentrée sur peu de choses dans la description du corps de sa mère ; yeux, front, cheveux… Il en est de même pour la description faite d’Aïda par son frère Yacine dans L’Étage invisible : Aïda a les plus belles fossettes du monde, creusant des joues légèrement rebondies vers le haut, un petit menton pointu dessinant le sommet d’un triangle isocèle presque parfait dont les deux autres sommets sont couverts par de grosses boucles de cheveux noirs qui cachent deux petits anneaux en or délicatement accrochés aux oreilles, depuis toujours23.
« Les stéréotypes romanesques, note B. Didier, limitaient le corps féminin à peu de choses ; yeux, cheveux, front, bras, cheville, etc., et le roman féminin acceptait ces limites, les renforçait peut-être encore, par souci de bienséances24 ». Ce que nous constatons dans toutes les descriptions du corps féminin dans Tasharej. La narratrice, en décrivant la Tante Khalate, s’est contentée des mêmes traits : C’était la première fois qu’elle débarquait le soir, sans prévenir et qu’elle était accompagnée d’une femme très âgée, peut-être centenaire, pliée en deux, silhouette en équerre, la bouche édentée, l’œil étincelant et deux petites touffes de cheveux orangés autour des oreilles auxquelles étaient accrochés deux longs pendants dorés. Ses yeux et ses pendants étincelaient de vie. Le reste de sa personne ressemblaient à une peinture rupestre25.
Sa description de La Couturière n’est pas différente : La Couturière est une veuve de cinquante-sept ans, sans enfants, grande, vigoureuse et bien bâtie, avec une épaisse crinière oxygénée et souvent retenue dans un filet à cheveux en velours noir, style Fachia Lochdi, qui la fait passer aux yeux de ses clientes pour une baronne à la tête brodée, d’autant que le sourire bienveillant qu’elle affiche parfois s’ouvre sur deux canines en or dont le reflet avive le blond de la chevelure26.
En se contentant « toujours de généralités27 », on ressent une grande réserve chez les narratrices quant au corps féminin, alors qu’elle pénètre et décortique scrupuleusement l’intérieur de ce corps pour en faire ressortir ce que les descriptions extérieures n’arrivent pas à faire. Nous admirons dans l’œuvre d’Emna Belhaj Yahia l’intensité des sensations permettant aux lecteurs de partager avec les personnages leurs différentes émotions. « Si elle a créé un style spécifique de la femme, c’est tout simplement parce qu’elle s’est mise à écrire ce qu’elle sentait »28. Note, à juste titre, Béatrice Didier. Au moment où la romancière prend l’initiative de laisser parler son corps comme elle le sent et non plus comme les autres le voient, l’écriture féminine devient une écriture du « Dedans », de l’intérieur, de l’intime. Pour 22
Tasharej, op. cit, pp. 8-9. L’Étage invisible, op. cit, p. 75. L’Écriture femme, op. cit, p. 36. 25 Tasharej, op. cit, p. 37. 26 Ibid, p. 17. 27 Écrivaines Tunisiennes, op. cit, p. 48 28 L’Écriture-Femme, op. cit, p. 35. 23 24
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Didier, l’importance et le poids de l’écriture féminine résident dans la présence du corps, mais surtout des sensations féminines. On assiste alors à un renversement : non plus décrire, […] mais exprimer son corps, senti, si l’on peut dire de l’intérieur : toute une foule de sensations jusquelà un peu indistinctes interviennent dans le texte et se répondent. Au vague de rêveries indéterminées se substitue la richesse foisonnante de sensations multiples29.
Cette importance accordée aux sensations permet à la femme de se libérer des mythes masculins pour se forger des « mythes » plus réels et plus intérieurs, aux dires de Laura Cremonese affirme : J’estime utile de dégager les traits communs, les grandes lignes de force de l’écriture féminine contemporaine, autour desquels s’articulent les différences : la revendication de la spécificité de la « parole » ou de « l’écriture » féminine ; la valorisation du corps et de l’inconscient, le refus des mythes féminins élaborés par la littérature masculine et la recherche d’une image littéraire nouvelle de la femme, plus véritable30.
D’autres estiment que l’expression des désirs peut donner au roman une grande particularité, même si ces désirs « sont parfois entrevus à travers la privation ou une jouissance momentanée épidermique31 ». Les sensations de Tasharej sont un exemple du désir illustré par la privation ; une privation de la tendresse de son mari et de son amour. C’est ainsi qu’elle désire revivre les moments de leur vie conjugale, leur vie d’un couple amoureux : Une odeur exquise éveille ses sens. […] En sortant de la boutique elle ouvre la boîte, prend le flacon dont l’arrondi épouse si bien la forme de la main, l’ouvre, respire l’odeur comme pour y puiser un pouvoir magique puis continue de marcher le flacon au creux de la main, comme un talisman qui abolit la distance entre elle et son mari décédé depuis bientôt six ans. Il n’y a rien de tel que l’odeur pour rendre présent un être disparu. Tasharej s’accroche à sa silhouette, à son regard, à son bras. […] Elle lui dit qu’il lui manque, qu’elle ne veut plus vivre sans lui, qu’elle désire de nouveau vivre avec lui, […] Elle lui redresse le col de sa veste, secoue la mèche de cheveux qu’il a sur le front, ferme le dernier bouton de sa chemise32.
De même, la narratrice jouit de la chaleur du sable et oublie la sensation de froideur qui l’a accompagnée tout le temps ; « le sable est chaud. J’en emplis mes mains et le regarde couler entre mes doigts33 ». Elle ajoute : « À mes pieds, le sable chaud est sans cassure et sans fin34 ». Nous relevons encore un constat pertinent dans l’ouvrage de Béatrice Didier : « Saisi de l’intérieur, le corps pourra plus facilement apparaître comme une unité. […] Alors que le regard descriptif morcelait, la sensation interne unifie, et le corps féminin vit, comme il ne pouvait guère vivre dans les textes écrits par des hommes 35 ». Ce qui explique par le fait que l’écriture n’est pas considérée comme une activité purement mentale, mais elle naît du corps et passe par tous ses pores pour qu’il y ait fusion entre la femme et les mots, les phrases, l’écriture. Ainsi, l’introspection permet à la femme de puiser dans 29
Ibidem. Dialectique du masculin et du féminin dans l’œuvre d’Hélène Cixous, op. cit, p. 17. Écrivaines Tunisiennes, op. cit, p. 49. 32 Tasharej, op. cit, pp. 124-125. 33 Ibid, p. 130. 34 Ibid, p. 137. 35 L’Écriture-Femme, op. cit, p. 36. 30 31
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ses profondeurs pour s’analyser, pour se connaître, s’exprimer et pour assumer enfin son corps.
Un corps « textualisé » Nous notons chez Emna Belhaj Yahia une utilisation libre du langage. Une liberté constante qui s’apparente à une réaction face au langage masculin, considéré comme insuffisant. L’écrivaine réagit à travers plusieurs phénomènes de ruptures qui caractérisent son texte, « ruptures qui avaient été jusque-là camouflées, tant que l’horizon d’attente du lecteur l’aurait amené à n’y avoir qu’un signe d’inachèvement et de folie », écrit Béatrice Didier36. Ces ruptures entre les chapitres sont visibles dans Tasharej où la narratrice passe brusquement du premier au deuxième chapitre pour parler de Yeddé et de sa nouvelle formule du travail. De même, elle quitte Yeddé et sa famille pour parler, dans le troisième chapitre, de son projet d’officine et de la rencontre avec Nosrit. Puis, dans ce même troisième chapitre, elle évoque Tasharej et son retour aux traditions d’une façon surprenante. Et ainsi de suite pour les autres chapitres. Nous nous référons, dans ce cadre, à Béatrice Didier pour ajouter que « maintenant que l’écriture […] est plus libre, ces phénomènes de rupture remettent en cause l’organisation traditionnelle du paragraphe, l’orthographe, la répartition des blancs du texte, la majuscule, et jusqu’à la coupe des mots, tantôt agglomérés, tantôt, hachés37 ». A cela s’ajoute, dans Tasharej, l’utilisation fréquente, chez Emna Belhaj Yahia, de « blancs, lacunes, marges, espaces, silences, trous dans le discours ». Le produit romanesque devient « une écriture éclatée, morcelée, fragmentaire, lapidaire, hostile aux effets d’unité ou d’unicité stigmatisée dans l’écriture masculine, insistant au total, sur l’idée d’une multiplicité spécifiquement féminine38 ». Une multiplicité toute femme contrairement au style coformiste du masculin. Ainsi, « la parole de la femme (et donc son écriture) est plus libre, moins codifiée, plus révolutionnaire que celle de l’homme. Elle parle dans une « langue à mille langues, qui ne connait ni le mur ni la mort39 ». Nous constatons, par ailleurs, un usage abusif de la ponctuation, obligeant le lecteur à marquer de nombreux arrêts. L’auteur, loin de produire un tissu phrastique fluide, multiplie les points de suspension, produisant ainsi un effet de discontinuité propre à rendre presque visibles les signes physiques de la menstruation, des ruptures de cycle, mais aussi les silences et les hésitations. Le flux du sang menstruel est symbolisé par un style qui privilégie la parataxe et est matérialisé par les juxtapositions et les énumérations. Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons déduire que l’écriture féminine, particulièrement celle d’Emna Belhaj Yahia, n’est pas conventionnelle. Les variations d’espace et de temps dans Tasharej confirment ce constat que Béatrice Didier explique ainsi : Il est possible aussi que la femme ressente le temps autrement que ne le fait l’homme, puisque son rythme biologique est spécifique. Temps cyclique, toujours recommencé, mais avec des ruptures, sa monotonie et ses discontinuités.
36
Ibid, p. 33. Ibid, p. 34. Dialectique du masculin et du féminin dans l’œuvre d’Hélène Cixous, op. cit, p. 328. 39 Ibid, p. 56. 37 38
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[…] Peut-être pour la femme, plus que pour l’homme, le temps est-il perceptible en dehors de l’évènement, parce qu’elle porte en elle ses propres évènements40.
Ces « ruptures » et ces « discontinuités » sont provoquées par les marges, les blancs, les espaces et les silences qui ne pourraient être que des allusions à ses « propres évènements » ; au cycle menstruel dont l’aspect cyclique avec les ruptures inspire la femme écrivaine compte tenu de son influence dans le traitement, chez elle, du temps. Ces ruptures et ces fractions « expliquerait que le rythme de sa phrase […] puisse apparaître, paradoxalement, comme plus lent et plus heurté », affirme Didier41. Le lecteur peut, par conséquent, se perdre à cause des retours en arrière et des ruptures qui engendrent une vision fractionnée du temps. Nous notons ainsi, les retours de la narratrice de Tasharej à sa première histoire d’amour et à sa passion inavouée pour son voisin, les retours à la maladie et à la mort de son père,… Cette vision décloisonnée du temps, cette perception cyclique et ce rythme fractionné sont renforcés, dans Tasharej, par les recommencements, les redites et les répétitions. Telle par exemple, la description du pain faite par la narratrice, au début du roman : « Elkamha est l’un des derniers boulangers à fabriquer ce gros pain haut et rond, parsemé de graines d’anis et de nigelle et précoupé en cinq morceaux égaux en forme de triangles à base légèrement arrondie42 ». Description reprise vers la fin : « Elle sort avec son pain parsemé de grains d’anis et de nigelle et précoupé en cinq morceaux égaux en forme de triangles à base légèrement arrondie43 ». La reprise des descriptions devient presque comme une constante : Dans mes dernières nuits d’insomnie, ce n’est pas vous que j’ai vu accompagnant Nosrit, mais une jeune femme aux angles vernis, à la coiffure laquée et à la silhouette en abat-jour tournoyant sur le pied d’une lampe »44. Cette description de la femme qui accompagne Nosrit est reprise un peu plus loin : « Il était avec une jeune femme à la coiffure laquée et à la silhouette en abat-jour tournicotant sur le pied d’une lampe45 ».
De nombreuses propositions ou phrases sont reprises également tout le long du roman, telles que : « cette idée me glace », cette phrase est répétée telle qu’elle est par la narratrice dans une première occasion (p. 86), en écoutant la confidence de la mère de Nosrit qui exprime son regret du fait que Nosrit reste en vie alors que sa sœur est morte, puis dans une deuxième fois (p. 108) en pensant que Tasharej est coupable de la mort de son mari. Nous pouvons relever d’autres répétitions dans les aveux de la narratrice : « […] Me voici transplantée par un homme que je ne connais pas dans un lieu inconnu46 » et : « Mais voilà, transplantée dans ce lieu inconnu, sur cette plage, par ce jeune homme47 », ou encore : « J’en veux à tous les vivants48 » et encore : « J’en veux aux vivants 49 ». En outre, les reprises sont nombreuses dans le roman ; nous assistons à plusieurs ruptures entre la 40
L’Ecriture-Femme, op. cit, pp. 32-33. Ibidem. 42 Tasharej, op. cit, pp. 14-15. 43 Ibid, p. 117. 44 Ibid, p. 88. 45 Ibid, p. 111. 46 Ibid, p. 135. 47 Ibid, p. 137. 48 Ibid, p. 100. 49 Ibid, p. 109. 41
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narratrice et Nosrit pour que tout soit recommencé rapidement. Ainsi, la jeune femme raconte : « Mais, je m’aperçois au bout de trois heures de silence qu’avec le Nosrit de ce soir comme sujet proposé, je n’ai pas eu de chance. Même si je revoyais ma copie, je ne m’en sortirais pas mieux50 ». Quelque temps après, elle annule sa décision de rompre avec lui : « J’étais décidée à revoir Nosrit51 ». Nous assistons également aux reprises du projet de l’officine de la narratrice. Au début, elle va voir Nosrit et, elle dépose sa demande de prêt : « Un ancien camarade d’études m’avait conseillé un jour d’aller voir Nosrit R. et de déposer auprès de la banque où il travaille une demande de prêt pour l’ouverture d’une officine52 ». À un certain moment, son projet n’a plus d’importance pour elle, elle n’a pas réussi à avancer, elle se trouve bloquée et elle renonce : « Je restai deux semaines sans le revoir et sans réussir à avancer dans mes démarches pour la pharmacie 53 ». Le désespoir et le pessimisme l’envahissent : « Ma pharmacie ressemblait de plus en plus à une chimère54 ». En revanche, l’espoir renaît et le projet pourrait recommencer : « […] Si vous acceptiez de surseoir à votre mort à Soukrino, me donneriez-vous un coup de main pour ouvrir cette pharmacie ?55 », demande-t-elle à Yarfell. Par ailleurs, dans Tasharej, il n’y a pas d’espace propre à la femme. Emna Belhaj Yahia se plaît à ne jamais donner de lieux ou de références géographiques précises. Elle change les noms des lieux en jouant avec la langue. Cependant, nous pouvons trouver pour notre romancière ainsi que pour les autres femmes écrivaines un espace propre ; l’esprit de l’auteur, le monde du rêve et les sensations dont nous avons déjà parlé ; ce monde intime, secret, qui fait partie du « Dedans » de la femme. Ce « Dedans » renferme à la fois « l’intérieur du corps, l’intérieur de la maison56 ». Pour conclure, nous pouvons dire que les réserves quant à parler du corps féminins constatées dans l’œuvre romanesque d’Emna Belhaj Yahia, sont compensées par l’écriture, par les textes qui retracent les étapes intimes de la femme en imitant son « rythme biologique » dans son aspect cyclique avec ses ruptures et ses répétitions. Le corps féminin, présent dans la littérature féminine, est alors converti en mots et traduit en constantes. Le corps (matériel) de la femme disparaît des écrits féminins pour réapparaitre en lignes d’encre, en constantes et en textes qui permettent à ses « propres évènements » de s’y imposer d’une manière comparable à son cycle de menstruation. La libération progressive des mœurs après l’indépendance des pays du Maghreb et le combat de la femme pour ses droits et sa liberté expliquent son investissement du champ littéraire, l’irruption et la productivité importante qui marque le paysage littéraire. Or cette prise de parole n’est ni fortuite ni arbitraire. Nous assistons à la naissance d’une nouvelle écriture spécifique de femmes reconnaissable à des constantes et à un nouveau style dans une entreprise de démystification de l’écriture et du langage masculins afin d’inventer un langage qui lui est propre. Néanmoins, il n’est pas question d’une écriture à part. Il s’agit plutôt d’un renouvellement radical, d’une empreinte et d’une touche de femme, apportées à l’écriture contemporaine, à savoir cette intrusion de plus en plus 50
Ibid, p. 42. Ibid, p. 53. Ibid, p. 23. 53 Ibid, p. 42. 54 Ibid, p. 90. 55 Ibid, p. 134. 56 L’Écriture-Femme, op. cit, p. 37. 51 52
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affirmée du corps féminin dans les textes littéraires des femmes. Cette constante, nous avons essayé de la cerner à travers Tasharej, le roman d’Emna Belhaj Yahia.
Bibliographie BELHAJ YAHIA Emna, Tasharej, Paris, Edition Balland, 2000. ----, Chronique frontalière, Paris, Noël Blandin, 1991. ----, L’Etage invisible, Paris, Joëlle Losfeld, 1997. BEKRI Tahar, La littérature de Tunisie et du Maghreb, Paris, Edition L’Harmattan, 1994. CREMONESE Laura, Dialectique du masculin et du féminin à travers l’œuvre d’Hélène Cixous, Paris, Didier Érudition (pour l’Ed fr), 1997. DEJEUX Jean, La littérature féminine de langue française au Maghreb, Paris, éditions Karthala, 1994. DE BEAUVOIR Simone, Le deuxième sexe I, Paris, Gallimard, 1976. Didier Béatrice, L’écriture-femme, Paris, PUF, 1999. FONTAINE Jean, Écrivaines Tunisiennes, Tunis, Edition Le Gai Savoir, 1994. GAFAITI Hafid, Les femmes dans le roman Algérien, Paris, L’Harmattan, 1996. SARREY STRACK Colette, Fictions contemporaines au féminin, Paris, L’Harmattan, 2002. TRUDY Agar-Mendousse, Violence et créativité de l’écriture algérienne féminine, Paris, L’Harmattan, 2006. BEN CHARRADA Hayet, « La Représentation de la femme ou les jeux d’écriture dans Jeux de Rubans de Emna Belhaj Yahia », Interculturel Francophonies, Littérature Tunisienne de langue française : une autre voix(e) de la tunisianité, 21(juin-juillet 2012). DEJEUX Jean, «La littérature féminine tunisienne de langue française», Cahier d’études maghrébines, n°2, mai, 1990.
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La femme dans Le bonheur dans le crime de Barbey d’Aurevilly Mariem BELLAAJ1
La Révolution française de 1789 a constitué un moment fondamental de l’histoire de France et a formé un maillon important dans le passage de l’ancien Régime vers une monarchie constitutionnelle, et par la suite vers une Première République. À cette époque, la question de la femme française était soulevée, surtout avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui proclama l’égalité des citoyens devant la loi, ainsi que les libertés fondamentales. De ce fait, l’effervescence des idées féministes, comme le cas pour Condorcet, était à son apogée, ce qui lui avait donné l’occasion de s’exprimer dans son essai Sur l’admission des femmes au droit de cité paru en 1790, et à partir duquel il défend activement la cause des femmes et notamment le droit de vote. On trouve aussi des femmes comme Olympe de Gouges qui annonce en 1791 une Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, qui rejettera toute discrimination féminine proclamée par les hommes politiques et philosophes qui réaffirment l’infériorité naturelle de la femme, mineure à vie et dont la place est naturellement au sein de la famille dominée par le mari. Par conséquent, le divorce est ainsi supprimé en 1816, et comme l’affirme Balzac « la femme est une propriété que l’on acquiert par contrat ; elle est mobilière car la possession vaut titre; enfin la femme n’est à proprement parler qu’une annexe de l’homme ; or, tranchez, coupez, rognez, elle vous appartient à tous les titres2 ». Même un socialiste comme Proudhon affirme qu’entre « ménagère ou courtisane, il n’y a point pour la femme de milieu3 ». Ces détracteurs du féminin n’ont pour objectif que de maintenir la femme dans son foyer, ce qui minimisera sa chance d’avoir sa place au sein de la société travailleuse. Proudhon qui est l’un des rivaux de la pensée féministe réclame aussi que : « L’humanité ne doit aux femmes aucune idée morale, politique, philosophique […]. L’homme invente, perfectionne, travaille, produit et nourrit la femme : […] elle n’a pas même inventé son fuseau et sa quenouille4 ». 1
Université de Tunis I, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax, Laboratoire d’Études et de Recherches Interdisciplinaires et Comparées (LERIC). Honoré De Balzac, « Physiologie du mariage » in Etudes Analytiques, Paris, Michel Lévy Frères Libraires Editeurs, 1829, p. 132. 3 Eugène de Mirecourt, Proudhon, Paris, Gustave Havard, 1855, p. 42. 4 Pierre Joseph Proudhon, Essais d’une philosophie populaire, De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise, Œuvres Complètes, Volume 24, Tome Quatrième, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, Bruxelles, 1869, pp. 151-152. 2
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Après toutes les revendications qu’ont faites les féministes à cette époque, comme Olympe de Gouges et la journaliste Maria Deraismes qui avait fondé en 1866, l’Association pour le Droit des Femmes, vient l’année 1874 où émerge la loi de l’interdiction du travail des enfants ainsi que la réglementation du travail de la femme. Vers 1880, et grâce au ministre de l’instruction publique Jules Ferry, la femme, qui n’était qu’une simple ménagère privée de tout droit social et civil, trouve enfin sa place et récolte les fruits de ses récriminations. Ainsi, la femme avait accès à l’éducation afin de se sentir indépendante et de se libérer de toute forme de soumission masculine. En réaction, l’identité masculine est bousculée et se réfugie dans la littérature. Durant ce siècle où l’Histoire était mouvementée, la modernité littéraire avait marqué tous les arts, comme le romantisme, le réalisme, le naturalisme ou le symbolisme. C’est dans cet air dix-neuvièmiste qu’on va entreprendre notre travail qui portera sur l’œuvre de Jules Barbey d’Aurevilly intitulée Les diaboliques (1874), qui relate des passions criminelles de femmes et représente la symbolique d’une sexualité infâme, qui déplaisait aux intellectuels de cette époque. Plus précisément, ce travail portera sur la troisième nouvelle des diaboliques et qui s’intitule Le bonheur dans le crime. Toute l’histoire du Bonheur dans le crime se déroule à Valognes où la jeune Hauteclaire Stassin apprend dès son jeune âge le maniement de l’épée grâce à son père, maître d’armes des fils d’aristocrates. Fière et provocante, elle représentait l’image de la femme indépendante et audacieuse à une époque foisonnée par les revendications féministes. Sa présence constituerait un danger permanent tout au long de la nouvelle, ce qui laisse dire qu’elle était l’incarnation même du mal et c’est ce qui fait d’elle une diabolique. Lors de ses cours d’apprentissage, elle bénéficiera d’une position de force qui lui permettra de prendre le dessus sur les charmeurs gentilshommes de Valognes. Le Bonheur dans le crime exprime d’une manière cynique et provocante le sentiment général de la crise et du renversement des valeurs sociales et morales. D’Aurevilly, qui était en rupture avec son siècle, peint avec audace la décadence aristocratique déclenchée par une ravissante escrimeuse et présente l’incarnation du diable qui se voit dans une présence féminine laissant dire que toute la nouvelle est hantée par l’image du mal féminin. D’ailleurs, dans une lettre à Terbutien qui date du 4 mai 1850, Barbey d’Aurevilly affirme que : « Tous les personnages de ces Nouvelles sont réels à Paris, on les nomme quand je lis dans les salons5 ». On retrouve cette revendication dans un projet de préface daté de 1870 : « Les Histoires sont vraies. Rien d’inventé. Tout vu. Tout touché du coude et du doigt6 ». Dans un cadre cynique et sombre, l’histoire de l’adultère entre Hauteclaire Stassin et le comte Charles de Savigny va être marquée par un amour fou et une amoralité incessante. Ceci amènera à une délectable réflexion sur les notions d’identité, du scandale social et du sadisme. Ainsi, l’œuvre aurevelienne trouve son lieu dans un espace tout à fait contradictoire, entre le désir et l’émerveillement de la destruction et aussi entre la crainte et la fascination de la catastrophe, d’où le choix du titre de la nouvelle qui porte en lui seul plusieurs contradictions : Le Bonheur dans le crime. 5 6
Barbey d’Aurevilly, Correspondance générale, op. cit., t. II, p. 156. Jean Petit, Œuvres romanesques complètes, t. II, Gallimard, Paris, 1966, p. 1292.
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Puisque la femme du XIXe siècle était considérée comme un bien domestique qui n’a pas les mêmes droits que les hommes, Hauteclaire Stassin faisait figure de marge, puisque, non seulement elle travaillait, mais en plus, elle pratiquait un métier masculin par excellence, celui de maîtresse d’armes. Cette présence féminine, dans un siècle aux valeurs mouvementées, explique l’audace ardente de Barbey d’Aurevilly, du fait qu’il ne représente pas la femme au foyer mais plutôt une escrimeuse indépendante. D’ailleurs, les habitants de Valognes estiment cet art et ne le considèrent pas seulement comme un passe-temps mais surtout comme une image de soi-même qui reflète la personnalité, l’élégance et surtout la virilité. Une dimension axiomatique est exprimée par la portée symbolique des armes en général et de l’épée ou du fleuret comme attribut historiquement conféré à la haute Noblesse. Ainsi, la perte du privilège de porter ou de manier ces armes, et le fait que celles-ci soient portées par une femme venant de la petite bourgeoisie, opère un double renversement des valeurs, à savoir : la décadence de la Noblesse au profit de la petite bourgeoisie et surtout la position de force qu’acquiert la femme sur l’homme. Jouissant d’une incomparable réputation, le père Stassin en profitera pour la transmettre à sa fille Hauteclaire en lui apprenant dès son jeune âge le maniement de l’épée. Sachant que l’art de l’escrime avait une place primordiale, ce qui fait que « sous l’ancienne monarchie, les rois anoblissaient les hommes qui leur apprenaient à la tenir7 », Barbey d’Aurevilly exprime nettement le rôle symbolique de l’épée dans l’histoire de France où « Rien n’égalise comme l’épée8 ». Cette phrase courte, qui sonne comme une sentence, a une valeur proverbiale qui rejaillit sur les fonctions polysémiques multiples de l’objet épée, en tant qu’arme de défense et d’attaque, en tant qu’attribut nobiliaire, mais aussi et surtout en tant qu’objet phallique qui préfigure les relations érotiques entre le comte et Hauteclaire, et permet, in fine, de les égaliser aussi bien au niveau du genre (homme-femme) qu’à celui de l’appartenance sociale. L’apprentissage de Hauteclaire n’était pas une tâche rude puisqu’elle était douée de nature et avait un physique robuste et un brillant esprit, ce qui fait d’elle une fille hors norme. Après la mort de son père, Hauteclaire décide de reprendre son école et devient la maîtresse d’armes des gentilshommes de la région. Ceci reflète la forte personnalité de cette femme qui se distingue parfaitement du statut de la femme domestique du XIXe siècle. Fascinés par sa beauté et par sa présence, ces nobles ne peuvent cependant la toucher par leur courtoisie. Sa position de force vis-à-vis de ces aristocrates se rattache au prénom que lui avait donné son parrain, le comte d’Avice « Haute-claire9 », dont l’origine du nom est à chercher dans l’épée d’Olivier dans La chanson de Roland. Ainsi, de par son nom, Hauteclaire se revendique un substrat chevaleresque qui la place dans un paradoxe de l’appartenance sociale réelle et de l’appartenance axiomatique rêvée. Le choix du nom semble annoncer toute une destinée pour cette mystérieuse femme. Cette robustesse qu’elle maintient de l’origine de son nom lui avait permis de s’imposer lors de ses cours d’apprentissage puisqu’ « elle était devenue beaucoup plus forte que son père. Comme démonstratrice, à la leçon, elle était incomparable, et comme beauté de jeu, splendide10. » Cette fermeté et cette froideur faisaient d’elle une femme 7
B.C. p. 190. Ibid. B.C. p. 193. 10 B.C. p. 199. 8 9
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désirée par tous les aristocrates de Valognes. « Hauteclaire Stassin était sérieuse comme une Clorinde11 », une Clorinde qui se livre dès l’enfance à des activités viriles telles que la lutte, la course, l’équitation et la chasse. Cette comparaison avec la guerrière Clorinde accentue davantage, et la beauté physique de cette femme, et la robustesse surprenante qui la démarque. Dans Le Bonheur dans le crime, Hauteclaire Stassin se présente comme une femme spéciale qui ne se contente non seulement d’intervenir dans un monde absolument masculin, mais elle se permet aussi de renverser les rôles habituels des classes sociales du XIXe siècle. Ce bouleversement de l’ordre habituel de la hiérarchisation permettra à cette femme d’imposer son autorité et de jouir de cette situation de supériorité physique et morale face à ces hommes. Dans la salle d’armes, tout privilège était exclu et seulement la dignité et la force peuvent vaincre. Elle incarnait à la fois la force et la grâce et était la fierté de son père qui voyait en elle un mélange magique de traits masculins dans un corps parfaitement féminin. Elle avait des coups irrésistibles – de ces coups qui ne s’apprennent pas plus que le coup d’archet ou le démarché du violon, et qu’on ne peut mettre, par enseignement, dans la main de personne [...] Ce n’était plus là une épée qui vous frappait, c’était une balle ! L’homme le plus rapide de la parade ne fouettait que le vent, même quand elle l’avait prévenu qu’elle allait dégager, et la botte lui arrivait, inévitable, au défaut de l’épaule et de la poitrine. On n’avait pas rencontré de fer !12
Ce qui appuie et justifie le choix symbolique du masque, c’est évidemment cette présence féminine qui incarne le mystère de l’art de l’épée dans un monde masculin. À partir de là, on remarque que la thématique du masque anticipe déjà la découverte d’un fait démasqué et une énigme résolue. Cette femme était présentée à travers son habit étrange qui camoufle sa personnalité et qui suscite la curiosité des habitants de Valognes. D’ailleurs, elle se montrait peu souvent dans la rue, « et les femmes comme il faut ne pouvaient la voir que là, ou encore le dimanche à la messe, comme dans la rue, elle était presque aussi masquée que dans la salle de son père, la dentelle de son voile noir étant encore plus sombre et plus serrée que les mailles de son masque de fer13. » Cette élégance la démarque des autres femmes et faisait d’elle une femme à la fois désirée et estimée par les jeunes gens de la ville. D’autre part, lorsqu’elle se trouve dans la salle d’armes, elle se métamorphose complètement pour ainsi reprendre son statut masculin, tout en préservant sa féminité et son charme. Son habit correct de l’escrime l’avait permis de s’imposer au sein de ce monde masculin, ainsi que de se montrer stricte et déterminée lors de ces leçons d’apprentissage. Le caractère de Hauteclaire, dur comme le roc, est également manifesté dans ses propos avec les hommes apprentis. D’ailleurs, cette escrimeuse n’appartenait en aucun cas à la femme du XIXe siècle mais, elle représentait l’image de la femme unique et distinguée puisque, « même à part ce talent phénoménal si peu fait pour une femme, et dont elle vivait noblement, c’était vraiment un être très intéressant14. » Le choix du nouvelliste pour des costumes avec un motif décoratif sous forme de cœur est très symbolique. Il faut aussi souligner que dans cet art de 11
B.C. p. 197. B.C. p. 199. B.C. p. 195. 14 B.C. p. 199 12 13
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l’épée, cette femme devient intouchable et d’autant plus désirable, ce qui la maintient toujours dans une position de force. Son charme, qui s’ajoute à sa technique incomparable de porter l’épée, fait de ces jeunes gens de simples agents passifs envoutés par un sort captivant. Séduits par sa beauté, ces aristocrates sombrent comme dans un labyrinthe et spécifiquement le comte de Savigny. D’ailleurs, Barbey d’Aurevilly avait l’obligation d’attribuer une nouvelle appellation à cette femme double qu’est « Hauteclaire-Eulalie15 » afin de concrétiser sa nouvelle identité dans le château des Savigny. Cette intensité se manifeste au fur et à mesure de la progression de la nouvelle et surtout lors de l’empoisonnement de la comtesse Delphine de Savigny par les deux concubins ; mais, ce qui aggrave véritablement ce crime c’est leur mariage qui se voyait comme un acte déshonorant et humiliant de la société aristocratique. Le comte de Savigny avait aussi subi une métamorphose qui était à la fois voulue et exigée à cause de son amour aveugle pour sa maîtresse. Un amour qui l’engouffre dans un fléau et qui l’oblige en quelque sorte à négliger les étiquettes de la classe aristocratique à laquelle il appartenait. D’ailleurs et malgré ses origines nobles, le comte semble être guidé et manipulé par cette petite bourgeoise qui constituait l’élément déclencheur de la subversion de la hiérarchie sociale. Savigny avait beaucoup moins qu’elle, lui qui aurait dû l’avoir davantage, la liberté, l’aisance, le naturel dans le mensonge ; mais elle ! ah ! elle s’y mouvait et elle y vivait comme le plus flexible des poissons vit et se meut dans l’eau. Il fallait, certes, qu’elle l’aimât, et l’aimât étrangement, pour faire ce qu’elle faisait, pour avoir tout planté là d’une existence exceptionnelle, qui pouvait flatter sa vanité en fixant sur elle les regards d’une petite ville – pour elle l’univers –, où plus tard elle pouvait trouver, parmi les jeunes gens, ses admirateurs et ses adorateurs, quelqu’un qui l’épouserait par amour et la ferait entrer dans cette société plus élevée, dont elle ne connaissait que les hommes. Lui, l’aimant, jouait certainement gros jeu qu’elle. Il avait en dévouement la position d’inférieure. Sa fierté d’homme devait souffrir de ne pouvoir épargner à sa maîtresse l’indignité d’une situation humiliante16.
Hauteclaire n’avait plus besoin de masquer son visage comme elle le faisait auparavant puisque juste après avoir épousé le comte et devenue la comtesse de Savigny, elle prenait une attitude arrogante et une allure hautaine, « maintenant, elle lève son voile, et leur montre hardiment le visage de servante qui a su se faire épouser et elles rentrent indignées, mais rêveuses…17 » Quant à la comtesse, Delphine de Savigny, elle essayait de toutes ses forces de préserver son image sociale et se sacrifiait pour le salut des valeurs aristocratiques. Au début de la nouvelle, le narrateur entreprend d’évoquer à la première personne une scène dont il a été témoin au jardin des Plantes, alors qu’il se promenait avec son ami, le docteur Torty. Un spectacle parfaitement dangereux où une femme et une panthère se font face et, contrairement à toute attente des deux belles créatures, c’est la plus humaine qui a le dessus sur l’autre. La description de cet animal sauvage laisse supposer, inévitablement, sa victoire lors de son affrontement avec cette audacieuse femme mais, contrairement à toute attente de ces deux belles créatures, c’était Hauteclaire qui avait remporté la victoire. En outre, le narrateur met en évidence les capacités invincibles de Hauteclaire, et jusqu’où son audace va la servir. 15
B.C. p. 206. B.C. p. 214. 17 B.C. p. 238. 16
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Cette panthère est dotée d’une grande animalité et d’une féminité incontestable, ce qui installe un parallèle entre elle et cette femme. On remarque d’abord que le nom de cet animal, quel que soit son sexe, est féminin, ce qui les rend d’emblée semblables, notamment dans les pronoms qui leur correspondent. D’ailleurs, la beauté et l’élégance de cette panthère renvoient, parfaitement, à l’image féminine, puisque le narrateur parle de velours qui est un tissu féminin, de fourrure et de robe. C’est certainement à travers les sentiments qu’il prête à la femme que l’auteur humanise la panthère. À travers sa description de la scène, le narrateur avait humanisé la panthère, d’un côté, et animalisé Hauteclaire de l’autre. Ce comportement capricieux de cette femme dont les « yeux fascinaient des tigres18 » entrevoit son caractère diabolique qui, non seulement elle profite de sa victoire, mais elle jouit surtout de l’humiliation de sa concurrente. Noire, souple, d’articulation aussi puissante, aussi royale d’attitude – dans son espèce, d’une beauté égale, et d’un charme encore plus inquiétant –, la femme, l’inconnue, était comme une panthère humaine, dressées devant la panthère animale qu’elle éclipsait ; et la bête venait de le sentir, sans doute, quand elle avait fermé les yeux. Mais la femme – si c’en était un – ne se contenta pas de ce triomphe. Elle manqua de générosité. Elle voulut que sa rivale la vît qui l’humiliait, et rouvrît les yeux pour la voir19.
Ainsi, la reproduction qu’avait fourni le narrateur du personnage de Hauteclaire, avait donné un air distinct de l’image féminine qui, paraît être déformé dans Les Diaboliques, et qui, à travers ses nouvelles, la présence féminine a été marquée par un aspect satanique. Par ailleurs, chez Barbey d’Aurevilly, la force était le trait caractéristique de la race féminine, qui prend à tout prix le dessus sur la race masculine, comme c’est le cas dans cette nouvelle. Encore, et mis à part le caractère insolite qu’acquiert la femme de Barbey d’Aurevilly, on note aussi qu’il l’avait distinguée par une beauté légendaire et un caractère étrange, d’où la comparaison de Hauteclaire Stassin avec une déesse égyptienne. Et, comme elle était aussi tout en noir, elle faisait penser à la grande Isis noire du Musée Egyptien, par l’ampleur de ses formes, la force et la fierté mystérieuse. Chose étrange ! dans le rapprochement de ce beau couple, c’était la femme qui avait les muscles, et l’homme qui avait les nerfs… « Je ne la voyais alors que de profil ; mais le profil, c’est l’écueil de la beauté ou son attestation la plus éclatante. Jamais, je crois, je n’en avais de plus pur et de plus altier20. » Cette inversion des rôles redouble en quelque sorte la complexité de la situation de ces deux amoureux. Par ailleurs, ce renversement des rôles humains contribue davantage à l’intensification de l’amour du comte qui « avait, en dévouement, la position inférieure21 » et accepte de se laisser guider par sa maîtresse qui, à son tour, se contente d’exercer son autorité abusive et d’avoir le dessus sur son amant. Dans cette nouvelle, toute forme de logique semble être bouleversée puisque, dans la nature humaine, c’est bien l’homme qui doit montrer sa force physique et morale, afin de mériter l’amour et l’estime de sa bien-aimée. Par ailleurs, on note que dans Le Bonheur dans le crime, l’image du diable se manifeste comme un principe de division : « toutes choses sont doubles !22 », écrit Barbey dans la préface, et attirant par là l’attention du 18
B.C. p. 185. B.C. p. 184. 20 B.C. p. 183. 21 B.C. p. 214. 22 B.C. p. 25. 19
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lecteur sur l’un des facteurs d’unité majeurs des Diaboliques : « L’art a deux lobes, comme le cerveau. La nature ressemble à ces femmes qui ont un œil bleu et un œil noir23. » Il est tout de même nécessaire de mentionner que la comtesse Delphine de Savigny n’était que la proie de son époux et de sa maîtresse. Elle était marquée par une attitude passive et glaciale qui laisse supposer qu’elle était « mise au monde et créée pour être victime… pour être broyée sous les pieds de cette fière Hauteclaire, qui s’était courbée devant elle jusqu’au rôle de servante24. » De plus, cette grande dame qui « avait une réserve un peu hautaine avec tout le monde, excepté avec son mari25 », exclut l’idée de se confronter à sa rivale et de faire de cet adultère un scandale social qui salira la lignée des Savigny. Même si elle a du caractère, la comtesse était prisonnière de son éducation, de sa foi et de son appartenance sociale. Elle essayait de préserver son image sociale jusqu’au bout et elle se sacrifiait pour le salut des valeurs aristocratiques. Le masochisme de Delphine de Savigny s’annonce à travers son amour pour la souffrance ainsi que son mutisme total envers cette relation extraconjugale de son époux avec sa femme de chambre. En ce sens, comme le note Georges Bataille, dans La littérature et le mal : « le Mal, […] traduit l’attirance vers la mort, où il est un défi, comme il l’est dans toutes les formes de l’érotisme, n’est d’ailleurs jamais l’objet que d’une condamnation ambiguë. C’est le Mal assumé glorieusement26 […] » On note que Hauteclaire avait pris une fiole pour une autre et avait fait avaler à Delphine une bouteille d’encre double. Cette servante-maîtresse lui a intentionnellement fait prendre ce breuvage pour l’empoisonner et pouvoir épouser son amant Charles de Savigny. D’ailleurs, la comtesse avait bu le breuvage, pour leur laisser le champ libre. Elle voit qu’elle ne pouvait plus lutter contre cet amour et trouve dans sa mort une solution nobiliaire. De plus, la comtesse avait demandé au docteur de ne pas révéler la vérité à quiconque pour ne pas ternir le nom de Savigny qu’elle a porté, et aussi pour éviter que la noblesse de Valognes compte un empoisonneur dans ses rangs. Le crime commis par Hauteclaire et Charles était réalisé avec une froideur marquante et surtout avec le délaissement de la victime en personne. « Je ne veux pas, quand je serais morte, que le comte de Savigny passe pour l’assassin de sa femme. Je ne veux pas qu’on le traîne en cour d’assises, qu’on l’accuse de complicité avec une servante adultère et empoisonneuse ! je ne veux pas que cette tache reste sur ce nom de Savigny, que j’ai porté27. Pour conclure, on peut dire que Le Bonheur dans le crime a constitué un laboratoire où les contradictions s’associent. L’oxymore apparaît déjà à partir du titre et ceci provient du fait que Les Diaboliques relatent les passions criminelles des femmes, et c’est pourquoi les intellectuels de l’époque s’offusquèrent autant devant cette œuvre. À travers Les Diaboliques, Barbey d’Aurevilly nous expose l’image de la femme incarnant une férocité impressionnante. D’ailleurs, Hauteclaire Stassin avait envisagé un plan diabolique pour se débarrasser de sa rivale, la comtesse de Savigny. Étant devenue la femme de chambre de la comtesse alors qu’elle était portée disparue, Hauteclaire représentait l’image de la femme dominatrice où la maîtresse prend le dessus sur l’épouse, c’est-à-dire l’image de la femme diabolique sur l’angélique. 23
Ibid. B.C. p. 211. 25 Ibid 26 Georges Bataille, La littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957, p. 25. 27 B.C. p. 228. 24
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En ce sens, ce qui est remarquable c’est essentiellement l’opposition entre le caractère sadique de Hauteclaire Stassin et le caractère masochiste de Delphine de Savigny qui, au courant de l’adultère de son mari, accepte de se laisser empoisonner et refuse les soins de son médecin. Il faut rappeler aussi que l’épée est le symbole de l’état militaire et de sa vertu, la bravoure, ainsi que de sa fonction, la puissance. La puissance possède un double aspect : destructeur mais la destruction peut s’appliquer à l’injustice, à la malfaisance, à l’ignorance et, de ce fait, devenir positive ; constructeur, elle établit et maintient la paix et la justice28.
D’ailleurs cet art de l’escrime requiert des tactiques subtiles, du maintien, de la vitesse et de l’équilibre. Profession étrange pour une femme de l’époque. C’est donc une femme dix-neuvièmiste hors norme, tant par sa beauté que par sa façon de vivre. De plus, la présence d’une seule femme dans la salle d’armes face à plusieurs hommes renvoie à cette idée de dualité entre homme et femme. Ceci se manifeste clairement mais d’une façon qui ne relève pas de l’ordinaire puisque la situation de force se voit dans le sexe féminin alors que la cible constitue tous les jeunes escrimeurs de Valognes. Ainsi, la dépendance de la femme vis-à-vis de l’homme se transgresse dans Le Bonheur dans le crime puisque c’est bien l’homme qui dépendait de la femme. Sans la présence de Hauteclaire Stassin à Valognes, ces aristocrates ne pourraient apprendre l’art de l’épée. C’est bien cette femme qui domptait les apprentis et exerçait son autorité féminine dans une salle à clientèle absolument masculine.
Bibliographie Bataille Georges, La littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957. D’Aurevilly Barbey, Correspondance générale, op. cit., t. II,. Petit Jean, Œuvres romanesques complètes, t. II, Gallimard, Paris, 1966. De Balzac Honoré, « Physiologie du mariage » in Etudes Analytiques, Paris, Michel Lévy Frères Libraires Editeurs, 1829. De Mirecourt Eugène, Proudhon, Paris, Gustave Havard, 1855. Proudhon Pierre Joseph, Essais d’une philosophie populaire, De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise, Œuvres Complètes, v. 24, t. 4, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, Bruxelles, 1869.
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Jean Chevalier / Alain Gheerbrant, op. cit., p. 407.
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ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ :ﺳﺆال اﻟﺘﻤﺎھﻲ واﻟﺎﻧﻔﺼﺎل، دراﺳﺔ ﺣﺎﻟﺔ ﺳﻠﻤﻰ اﻟﺠﻼﺻﻲ
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ﻋﺮف اﻟﺈﻋﻠﺎم اﻟﻔﻀﺎﺋﻲ ﻓﻲ اﻟﻌﻘﻮد اﻟﺄﺧﯿﺮة ازدﺣﺎﻣﺎ وﺗﺸﺎﺑﻜﺎ اﺧﺘﻠﻄﺖ ﻓﯿﮫ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﻮﻧﯿﺔ ﺑﺎﻟﺈذاﻋﯿﺔ وﺗﻘﺎطﻌﺖ ﻣﻊ اﻟﺈﻋﻠﺎم اﻟﺠﺪﯾﺪ ﻋﻠﻰ ﺷﺒﻜﺎت اﻟﺘﻮاﺻﻞ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲ ،ھﺬه اﻟﺸﺒﻜﺎت اﻟﺘﻲ أﺿﺤﺖ ﺑﺪﯾﻠﺎ ﻋﻦ أﺻﻨﺎف اﻟﺼﺤﺎﻓﺔ اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ اﻟﻮرﻗﯿﺔ ﺧﺎﺻﺔ )دورﯾﺎت وأﺳﺒﻮﻋﯿﺎت وﻣﺠﻠﺎّت ﻣﺨﺘﺼّﺔ .(...وﻗﺪ ﺗﺼﺪّرت اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت ھﺬا اﻟﻤﺸﮭﺪ ﺑﻨﺸﻮء ﺷﺒﻜﺎت ﺗﻠﻔﺰﯾﻮﻧﯿﺔ ﺗﺠﺘﻤﻊ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻘﻨﻮات اﻟﺘﺮﻓﯿﮭﯿﺔ ﻣﻊ اﻟﻘﻨﻮات اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻣﻊ اﻟﻘﻨﻮات اﻟﻤﺨﺘﺼّﺔ ﻓﻲ اﻟﺪراﻣﺎ أو ﻓﻲ ﺑﺮاﻣﺞ اﻟﺄطﻔﺎل ...ﻟﯿﺠﺪ ﻛﻞ ﻣﺘﺎﺑﻊ ﺿﺎﻟﺘﮫ ﺣﺴﺐ ﺣﺎﺟﺎﺗﮫ واﻧﺘﻈﺎرا ﺗﮫ ،وﻓﻲ زﺧﻢ ھﺬا اﻟﺘﻨﻮع ظﮭﺮت اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻣﻨﺬ ﺑﺪاﯾﺔ اﻟﺘﺴﻌﯿﻨﺎت ﻣﻦ اﻟﻘﺮن اﻟﻤﺎﺿﻲ ﻣﺪﻋﻮﻣﺔ ﺑﺎﺳﺘﺮاﺗﯿﺠﯿﺎت اﺗﺼﺎﻟﯿﺔ ﺗﻨﮭﻞ ﻣﻦ زھﻮ اﻟﺜﻮرة اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻓﻲ إﯾﺮان واﻧﺘﺼﺎرھﺎ ،وﻣﻦ ﺧﻠﻔﯿﺎت اﻟﻤﺠﺎھﺪﯾﻦ اﻟﻌﺮب اﻟﺄﻓﻐﺎن اﻟﻌﺎﺋﺪﯾﻦ إﻟﻰ دﯾﺎرھﻢ ،وﺗﺘﺄﺛﺮ ﺑﺴﻠﻮك اﻟﻌﻤﺎﻟﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ أﻗﺎﻣﺖ طﻮﯾﻠﺎ ﻓﻲ ﺑﻠﺪان اﻟﺨﻠﯿﺞ ﺛﻢ رﺟﻌﺖ إﻟﻰ ﻣﻮاطﻨﮭﺎ ﻣﺜﻘﻠﺔ ﺑﺮؤى أﻛﺜﺮ ﻣﺤﺎﻓﻈﺔ واﻧﻐﻠﺎﻗﺎ .2ﻓﺘَﺪَﻋَّﻢَ ﺗَﻨَﺎﺳُﻞ اﻟﺪﻋﺎة اﻟﺪﯾﻨﯿﯿﻦ اﻟﺬﯾﻦ اﻧﺘﻘﻠﻮا ﻣﻦ اﻟﺤﻠﻘﺎت اﻟﻤﺴﺠﺪﯾّﺔ واﻟﺸﺮﯾﻂ اﻟﻤﺴﺠّﻞ )اﻟﻜﺎﺳﯿﺖ( واﻟﻜُﺘﯿﺒﺎت اﻟﺘﻲ ﺗُﻮزّع ﻓﻲ اﻟﺴﺎﺣﺎت واﻟﻤﺴﺎﺟﺪ إﻟﻰ اﻟﺎﺳﺘﻔﺎدة ﻣﻦ اﻟﺄﻗﻤﺎر اﻟﺼﻨﺎﻋﯿﺔ ﺑﺎﺳﺘﻐﻠﺎل اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت ﻟﺘﻘﺪﯾﻢ ﺑﺮاﻣﺞ دﯾﻨﯿّﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﻨﻮات اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﺔ اﻟﺘﻲ ﯾﺸﺎھﺪھﺎ اﻟﻤﻠﺎﯾﯿﻦ ﻋﺒﺮ اﻟﻠﻮاﻗﻂ واﻟﺼﺤﻮن اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ ،ﻓﺒﺮز ﻓﯿﮭﺎ ﻧﺠﻮم طﺒّﻘﺖ ﺷﮭﺮﺗﮭﻢ اﻟﺄﻓﺎق ﻛـ"ﻋﻤﺮو ﺧﺎﻟﺪ" أو "ﻣﺤﻤﺪ ﺣﺴّﺎن" 3وﻏﯿﺮھﻢ ﻛﺜﯿﺮون ﻣﻤّﻦ ﺑﺎﺗﺖ اﻟﻘﻨﻮات ﺗﺘﻨﺎﻓﺲ ﻟﻠﻔﻮز ﺑﺨﺪﻣﺎﺗﮭﻢ ﻣﻊ ارﺗﻔﺎع أﺟﻮرھﻢ اﺳﺘﻨﺎدا إﻟﻰ ﺗﻀﺨّﻢ ﻧِﺴَﺐ اﻟﻤﺸﺎھﺪة وﺗﺰاﯾﺪ أﻋﺪاد اﻟﻤﺘﺎﺑﻌﯿﻦ ﻓﻲ ﻛﻞ اﻟﺄﻗﻄﺎر ،ﻓﺘﺤﻮّﻟﺖ وﺳﻂ ھﺬا اﻟﺰﺧﻢ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ إﻟﻰ ﺳﻮق ﺗَﺤﺘﺪُّ ﻓﯿﮫ اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ وﯾﺤﺘﺎج اﻟﺘﻨﻮﯾﻊ واﻟﺘﺠﺪﯾﺪ اﻟﺬي ﻓﻲ إطﺎره ظﮭﺮت ﺑﺮاﻣﺞ ﺗﻘﺪّﻣﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت ،ﺑﺮاﻣﺞ أﺛﺎرت ﻋﻨﺪ اﻧﻄﻠﺎﻗﮭﺎ ﺟﺪﻟﺎ ﺑﯿﻦ ﻣﺘﻘﺒﻞ ﻟﮭﺎ وراﻓﺾ وذﻟﻚ ﺗﺤﺖ ﻋﻨﺎوﯾﻦ ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ ﻣﻨﮭﺎ ﻋﺪم ﻗﺒﻮل وﻟﺎﯾﺔ اﻟﻤﺮأة ﻓﻲ اﻟﺪﯾﻦ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ وﻣﻨﮭﺎ رﻓﺾ ظﮭﻮر وﺟﻮه اﻟﻨﺴﺎء ودﺧﻮﻟﮭﻦ اﻟﻰ ﺑﯿﻮت اﻟﻨﺎس ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﻟﺸﺎﺷﺔ دون اﺳﺘﺌﺬان وﻣﻨﮭﺎ ﻋﻮرة اﻟﺼﻮت اﻟﻤﺆﻧﺚ ...وﻟﻜﻦ ﻟﻢ ﯾﻤﻨﻊ ھﺬا اﻟﺠﺪل اﺳﺘﻘﺮار ﺑﻌﺾ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻛﺮاﺋﺪات ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻤﺠﺎل ﻣﻦ أﻣﺜﺎل اﻟﻤﺼﺮﯾﺎت "ﻋﺒﻠﺔ اﻟﻜﺤﻠﺎوي وآﻣﻨﺔ ﻧﺼﯿﺮ وﻣَﻠَﻜَﺔ زَرار وﺳﻌﺎد ﺻﺎﻟﺢ" 4وأﺧﺮﯾﺎت 6 ﻓﺘﺤﻦ اﻟﺒﺎب ﻟﺠﯿﻞ ﻟﺎﺣﻖ ھﻮ اﻟﺠﯿﻞ اﻟﺄوﺳﻂ ﻣﻦ أﻣﺜﺎل اﻟﺴﻮرﯾﺔ "رُﻓﯿﺪة اﻟﺤﺒﺶ" 5أو إﯾﻨﺎس ﻣﺼﻄﻔﻰ" وﺻﻮﻟﺎ إﻟﻰ ﺟﯿﻞ ﺟﺪﯾﺪ ﻣﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻧﺒﺜﻖ ﻣﻦ رﺣﻢ اﻟﺘﻤﺎﯾﺰ اﻟﻤﺬھﺒﻲ ،ﻓﻈﮭﺮت داﻋﯿﺎت ﺻﻠﺐ اﻟﻤﺬھﺐ اﻟﺴﻨّﻲ وأﺧﺮﯾﺎت ﺻﻠﺐ اﻟﻤﺬھﺐ اﻟﺸﯿﻌﻲ ،وﻋﺮﻓﺖ اﻟﺴﺎﺣﺔ ﻓﻲ اﻟﻌﻘﺪ اﻟﺄﺧﯿﺮ داﻋﯿﺎت ﺷﺎﺑّﺎت ﻗﺎدﻣﺎت ﻣﻦ ﺣﻘﻮل دراﺳﯿﺔ ﺗﺠﻤﻊ إﻟﻰ اﻟﻤﻌﺎرف اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻣﻌﺎرف ﻓﻲ اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ اﻟﺒﺸﺮﯾﺔ وﻋﻠﻮم اﻟﺘﺮﺑﯿﺔ واﻟﮭﻨﺪﺳﺔ واﻟﻤﺴﺮح ،...ﻛﻤﺎ ﻟﻢ ﺗﻌﺪ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﺣﻜﺮا ﻋﻠﻰ ﺧﺮّﯾﺠﺎت ﻛﻠﯿﺎت اﻟﺸﺮﯾﻌﺔ واﻟﻔﻘﮫ ﺑﻞ اﺗﺴﻌﺖ إﻟﻰ ﻓﻨﺎﻧﺎت ﺗﺎﺋﺒﺎت وﺳﯿﺪات أﻋﻤﺎل ﻣﻦ ﻗﻄﺎﻋﻲ اﻟﺘﺠﺎرة واﻟﺴﯿﺎﺣﺔ ،...إﺿﺎﻓﺔ إﻟﻰ داﻋﯿﺎت إﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻧﺎطﻘﺎت ﺑﻠﺴﺎن ﻏﯿﺮ ﻋﺮﺑﻲ ﯾﺘﻮﺟّﮭﻦ إﻟﻰ اﻟﺠﺎﻟﯿﺎت اﻟﻤﺴﻠﻤﺔ ﺧﺎرج اﻟﺒﻠﺎد اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ .ﻓﻜﺎن اﻟﻤﺘﺎﺑﻊ وﺳﻂ ﻣَﺮَجٍ ھﺎﺋﻞ 1ﺻﺤﻔﯿﺔ وﺑﺎﺣﺜﺔ ﻛﻠﯿﺔ اﻟﺂداب واﻟﻔﻨﻮن واﻟﺈﻧﺴﺎﻧﯿﺎت -ﻣﻨﻮﺑﺔ دراﺳﺔ ﺑﻌﻨﻮان" ﻛﯿﻒ ﺣﻮّﻟﺖ ﻋﻘﻮد اﻟﻌﻤﻞ اﻟﺴﻌﻮدﯾﺔ ﻣﺼﺮ إﻟﻰ دوﻟﺔ أﻛﺜﺮ ﻣﺤﺎﻓﻈﺔ" ﻧﺸﺮﺗﮭﺎ ﺑﺘﺎرﯾﺦ 2015-8-11ﻣﺠﻠﺔ " www.theglobalist.com1وﻧﻘﻠﺘﮭﺎ إﻟﻰ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﺟﺮﯾﺪة اﻟﺨﻠﯿﺞ اﻟﺠﺪﯾﺪ "2.اﻟﻘﻠﻮﺑﺎﻟﯿﺴﺖ" اﻟﺒﺮﯾﻄﺎﻧﯿﺔ 3اﺛﻨﯿﻦ ﻣﻦ أﺷﮭﺮ اﻟﺪﻋﺎة ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ :ﻋﻤﺮ ﺧﺎﻟﺪ ﻣﺼﺮ ﻣﻦ ﻣﻮاﻟﯿﺪ 1967وﻣﺤﻤﺪ ﺣﺴﺎن ﻣﻦ ﻣﻮاﻟﯿﺪ ﻣﺼﺮ1962 اﻟﺄول ﻗﺎدم ﻟﻠﺪﻋﻮة ﻣﻦ اﺧﺘﺼﺎص اﻟﻤﺤﺎﺳﺒﺔ واﻟﺜﺎﻧﻲ ﺧﺮﯾﺞ اﻟﺠﺎﻣﻌﺔ اﻟﺄﻣﺮﯾﻜﯿﺔ ﻓﻲ اﺧﺘﺼﺎص اﻟﺸﺮﯾﻌﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ .ﺗﺮﺣّﻠﻮا ﺑﯿﻦ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﻜﺜﯿﺮة ﻟﺘﻘﺪﯾﻢ دروس ﻓﻲ اﻟﺪﯾﻦ وﺣﺼﺺ اﻟﻔﺘﺎوى اﻟﻤﺒﺎﺷﺮة ﻟﻠﻤﺸﺎھﺪﯾﻦ 4ﻣﺼﺮﯾﺎت ﻣﻦ ذوات اﻟﺘﻌﻠﯿﻢ اﻟﺪﯾﻨﻲ واﻟﻌﺼﺮي وﻣﻦ أول اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻲ ﻣﺠﺎل اﻟﺪﻋﻮة اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت. داﻋﯿﺔ إﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻣﻦ ﻣﻮاﻟﯿﺪ 1957ﺑﺪﻣﺸﻖ ﻟﮭﺎ ﺑﺮاﻣﺞ دﻋﻮﯾﺔ ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻗﺮأ اﻧﻄﻠﻘﺖ ﻣﺴﺎرھﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﺪارس اﻟﻘﺮآﻧﯿﺔ ﻓﻲ ﻣﺪﯾﻨﺔ ﺣﻤﺎه 5اﻟﺴﻮرﯾﺔ داﻋﯿﺔ ﻣﺼﺮﯾﺔ ﺣﺎﺻﻠﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﺎﺟﺴﺘﯿﺮ دراﺳﺎت إﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻣﻦ اﻟﺠﺎﻣﻌﺔ اﻟﺄﻣﺮﯾﻜﯿﺔ ﺑﺎﻟﻘﺎھﺮة ﺗﻘﺪم دروﺳﺎ ﻓﻲ اﻟﻘﺮان داﺧﻞ اﻟﻤﺴﺎﺟﺪ 6وﺗﻘﺪم ﺑﺮاﻣﺞ ﺗﻠﻔﺰﯾﺔ ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻟﺒﻠﺪ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ.
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ﻣﻦ اﻟﺄطﺒﺎق اﻟﺪﻋﻮﯾﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻘﺪم ﻟﮫ ﺧﻄﺎﺑﺎت ﻣﺘﻨﻮﻋﺔ ﺗﺘﻠﺒّﺲ ﻛﻠﮭﺎ ﺑﺮﻏﺒﺔ ﺗﻘﻮﯾﻢ اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ واﻟﮭﺪاﯾﺔ إﻟﻰ ﺳﻮاء اﻟﺴﺒﯿﻞ .ﻓﺒﺮز وﺳﻂ ھﺬا اﻟﺎزدﺣﺎم اﻟﺪﻋﻮي اﻟﻤﺘﺸﺎﺑﻚ ﺳﺆال ﻣﺸﺮوع ﻋﻦ ﻣﺪى اﻧﺴﺠﺎم ھﺬه اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت ﻣﻊ ﻟﺤﻈﺘﮭﺎ اﻟﺘﺎرﯾﺨﯿﺔ وﻣﻊ اﻟﻮاﻗﻊ اﻟﺬي اﻓﺮزھﺎ ،ﯾﻀﺎف إﻟﻰ ﺳﺆال آﺧﺮ ﻋﻦ ﻣﺪى ﺗﻤﺎھﻲ اﻟﻤﺮأة اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻣﻊ ﻣَﻨﻄﻮﻗﮭﺎ اﻟﻔﻀﺎﺋﻲ اﻟﻤُﻌﻮﻟﻢ وﻣﺪى اﻧﻔﺼﺎﻟﮭﺎ ﻋﻨﮫ ،وﺣﺪود وﻋﯿﮭﺎ ﺑﺎﻣﺘﻠﺎﻛﮭﺎ ﻟﺼﻮت ﯾﺘﺄﺳّﺲ وﻓﻖ ﻣﻨﻈﻮر اﻟﻤﺆَﻧﺚ اﻟﺨﻄﺎﺑﻲ ﻓﻲ ﻣﻮاﺟﮭﺔ ﺗﺤﺪﯾﺎت اﻟﺒﺮادﯾﻐﻤﺎت اﻟﻘﺪﯾﻤﺔ واﻟﺜﻨﺎﺋﯿﺎت اﻟﻜﻠﺎﺳﯿﻜﯿﺔ اﻟﺘﻲ طﺎﻟﻤﺎ اﺣﺘﻜﺮھﺎ اﻟﻤﺬﻛّﺮُ ﻣﻨﺬ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺄﺳﻄﻮرﯾﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﻣﺮورا ﺑﺎﻟﺪﯾﻦ ووﺻﻮﻟﺎ إﻟﻰ اﻟﺄدب اﻟﻌﺮﺑﻲ اﻟﺬي ﯾﺮزح ﺗﺤﺖ ﻧﯿﺮ ﻟﻐﺔ ﻣُﺬﻛّﺮَة ﻓﻲ إﻋﺮاﺑﮭﺎ وﺻﺮﻓﮭﺎ؟ وإذا ﻛﺎن اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﯾﻦ ﻗﺪ أﺷَﻊّ اﻟﻤﺆﻧﺚ ﺑﯿﻦ ﻋﻘﻮده ﻛﺘﺎﺑﺔ وﻧﻀﺎﻟﺎ ووﻋﯿﺎ ﻓﺄﯾﻦ ﯾﺘﻨﺰل ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻘﺮن اﻟﻮاﺣﺪ واﻟﻌﺸﺮﯾﻦ ﻣﻦ ھﺬا اﻟﻮﻋﻲ ﺧﺼﻮﺻﺎ واﻟﻌﺎﻟﻢ ﯾﺴﯿﺮ ﺣﺜﯿﺜﺎ ﻟﺘﺠﺎوز اﻟﺘﻘﺎﺑﻠﺎت اﻟﻘﺪﯾﻤﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﻤﺬﻛّﺮ واﻟﻤﺆﻧﺚ ﻧﺤﻮ ﺑﻨﺎء اﻟﺈﻧﺴﺎن ﻓﻲ ﻣﻄﻠﻘﮫ اﻟﺤﺮّ وﻓﻲ ﻣﻮاطﻨﺘﮫ اﻟﻌﺎﻟﻤﯿﺔ اﻟﻤﺘﺠﺎوزة ﻟﻜﻞ اﻟﺘﻘﺴﯿﻤﺎت؟ ﺳﻨﺤﺎول ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻌﻤﻞ اﻟﺈﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ ھﺬه اﻟﺄﺳﺌﻠﺔ اﻧﻄﻠﺎﻗﺎ ﻣﻦ دراﺳﺔِ ﻋَﯿّﻨَﺔٍ ﻣﻦ ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ،وھﻲ ﻋﯿّﻨﺔ ﺣﺎوﻟﻨﺎ ﻓﯿﮭﺎ ﻣﺘﺎﺑﻌﺔ ﻧﻤﺎذج ﺗﺸﻤﻞ داﻋﯿﺎت ﻣﻦ اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ )اﻟﻤﻐﺮب اﻟﺄﻗﺼﻰ( واﻟﻤﺸﺮق اﻟﻌﺮب ) ﺳﻮرﯾﺎ واﻟﺄردن(اﺟﺘﻤﻌﺖ ﻓﻲ ﻗﻨﺎة ذات ﺗﻤﻮﯾﻞ ﺧﻠﯿﺠﻲ ) ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ( ،ﻋَﯿّﻨﺔ ﺳﻨﺤﺎول أﺛﻨﺎء ﻗﺮاءة ﺧﻄﺎب ﻓﻮاﻋﻠﮭﺎ أن ﻧﺮﺻﺪ ﺣﺪود وﻋﻲ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﺑﮭﻮﯾﺎﺗﮭﻦ اﻟﻤﺆﻧﺜﺔ وﺣﺠﻢ اﻧﺴﺠﺎم ﻣﻠﻔﻮظﮭﻦ اﻟﺪﯾﻨﻲ ﻓﻲ ﻗﺪاﻣﺘﮫ وﺣﺮﻓﯿﺘﮫ ﻣﻊ واﻗﻌﮭﻦ اﻟﻤﻌﯿﺶ؟ وﻗﺪ ﻗﺴﻤﻨﺎ ھﺬا اﻟﻌﻤﻞ ﻗﺴﻤﯿﻦ ﻛﺒﯿﺮﯾﻦ ھﻤﺎ :أوﻟﺎ ﺗﺤﻠﯿﻞ ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻌﯿّﻨﺔ اﻟﻤﺪروﺳﺔ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﻣَﺪاﺧِﻠِﮫ وﺳِﯿﺎﻗﺎﺗﮫ ،وﺛﺎﻧﯿﺎ اﻟﺘﻔﺼﯿﻞ ﻓﻲ ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻧﻤﻮذﺟﺎ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺛﻠﺎث ﻟﺤﻈﺎت زﻣﻨﯿﺔ اﻧﺘﮭﺖ ﺑﺤﺎﻟﺔ دراﻣﯿّﺔ ﻛﺸﻔﺖ ﻣﺄزق اﻟﺘﻤﺎھﻲ ﻣﻊ اﻟﻤﺎﺿﻲ ﻣﻘﺎﺑﻞ اﻟﺎﻧﻔﺼﺎل ﻋﻦ اﻟﺤﺎﺿﺮ. ﺑﺮاﻣﺞ ﻣﺘﻌﺪّدة وﻣﻠﻔﻮظ واﺣﺪ ،ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" أﻧﻤﻮذﺟﺎ ﺗﺨﺘﻠﻒ اﻟﻘﻨﻮات اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ وﺗﺘﻮزّع ﻋﻠﻰ أﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻗﻤﺮ ﺻﻨﺎﻋﻲ وﺗﺨﺘﻠﻒ أﺳﻤﺎء اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻓﯿﮭﺎ ﻛﻤﺎ ﺗﺨﺘﻠﻒ ﻣﻮاﻗﯿﺘﮭﺎ وإﺷﻜﺎل ﺗﻘﺪﯾﻤﮭﺎ ودﯾﻜﻮراﺗﮭﺎ وﻣﻨﺸّﻄﯿﮭﺎ ودﻋﺎﺗﮭﺎ وﻟﻜﻨﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﺗﺘّﺤﺪ ﻓﻲ اﻟﻤﻀﻤﻮن اﻟﻤﻌﺘﻤﺪ ﻋﻠﻰ اﻟﻨﺺ اﻟﺪﯾﻨﻲ ﻓﻲ ﺣﺮﻓﯿﺘﮫ وﻋﻠﻰ ﻛﺘﺐ اﻟﺘﻔﺴﯿﺮ اﻟﻨﻘﻠﯿﺔ وﻛﺘﺐ اﻟﺴﯿﺮة واﻟﻘﺼﺺ، ﻛﻤﺎ ﺗﺘﺤﺪ ﻓﻲ اﺳﺘﺤﻀﺎر ﻧﻤﺎذج اﻟﺴﻠﻒ اﻟﺮاﻓﺾ ﻟﻠﺘﺄوﯾﻞ ﺣﺴﺐ اﻟﻤﺬاھﺐ ،ﻓﺘﻜﺮّس ﻓﻲ اﻟﻌﻤﻮم ﻣﻨﮭﺞ اﻟﻘَﺪاﻣﺔ واﻟﻘُﺪاﻣﻰ اﻟﻤﻨﻔﺼﻞ ﺿﺮورة ﻋﻦ اﻟﻌﺼﺮ اﻟﺤﺎﺿﺮ ،وﻟﺎ ﺗﺨﺘﻠﻒ ﻓﻲ ھﺬا ﺑﺮاﻣﺞ اﻟﺪﻋﺎة اﻟﺮﺟﺎل ﻋﻦ ﺑﺮاﻣﺞ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ،وﻟﻌﻠﻨﺎ وﻧﺤﻦ ﻧﻤﺤّﺺ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" ﻧﻘﺪم أﻧﻤﻮذﺟﺎ ﯾﺴﺎھﻢ ﻓﻲ إﺿﺎءة ﻧﻤﺎذج أﺧﺮى. ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" اﻟﺬي ﺑُﺚّ ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ 7ﺧﻠﺎل ﺷﮭﺮ رﻣﻀﺎن ﻣﻦ ﺳﻨﺔ 2012وﻗﺪّﻣﺘﮫ ﺛﻠﺎث داﻋﯿﺎت إﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ھﻦّ" :ﻧﻤﺎء اﻟﺒﻨّﺎ" 8و"ﻟﯿﻨﺎ اﻟﺤﻤﺼﻲ" 9و"ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر"،10 ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ دﯾﻨﻲّ ﺑُﺚّ ﻣُﺴَﺠّﻠﺎ وﻟﯿﺲ ﻣُﺒﺎﺷﺮا وﻟﻢ ﺗﺘﻜﺮّر ﺑﺮﻣﺠﺘﮫ ﻓﻲ اﻟﺴﻨﻮات اﻟﻠﺎﺣﻘﺔ ﻓﻜﺎن ﺑﺮﻧﺎﻣﺠﺎ ﻟﻤﻮﺳﻢ واﺣﺪ ،وھﻮ واﺣﺪ ﻣﻦ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿّﺔ اﻟﻜﺜﯿﺮة اﻟﻨﻲ ﺗﺰﺧﺮ ﺑﮭﺎ ھﺬه اﻟﻘﻨﺎة وﺗﺒﺚُّ ﻋﻠﻰ ﻣﺪار اﻟﺴﺎﻋﺔ، ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﻧﺠﺪ ﻟﮫ ﺷﺒﯿﮭﺎ ﻓﻲ ﻋﺸﺮات اﻟﻘﻨﻮات اﻟﺄﺧﺮى اﻟﻤﺘﺨﺼّﺼﺔ ﻓﻲ اﻟﺸﺄن اﻟﺪﯾﻨﻲ ﻛـ )ﻗﻨﻮات اﻟﺮﺣﻤﺔ واﻟﺈﻧﺴﺎن واﻟﺈﺣﺴﺎن واﻗﺮأ واﻟﻤﺠﺪ واﻟﻮطﻦ واﻟﺒﻠﺪ ،(..وھﻲ اﻟﺒﺮاﻣﺞ ﺗُﻤﺮّر ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار وﯾﻌﺎد ﺑﺜﮭﺎ أﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺮة ﻓﻲ اﻟﯿﻮم اﻟﻮاﺣﺪ ،وﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" ھﻮ ﻋﯿّﻨﺔ ﯾﻤﻜﻦ ﺳﺤﺒﮭﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻘﺪﻣﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت وﺗﺘﺸﺎﺑﮫ ﻓﻲ ﻣﺤﺘﻮاھﺎ وﺗﻔﺎﺻﯿﻠﮭﺎ ﺑﻔﻌﻞ اﻟﻌﺪوى واﻟﺘﻘﻠﯿﺪ ﺑﯿﻦ اﻟﻘﻨﻮات واﻟﺒ ﺎﻗﺎت أو ﺑﻔﻌﻞ ﻣﺎ ﻋﺒّﺮ ﻋﻨﮫ اﻟﻤﻔﻜﺮ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ "ﺑﯿﯿﺮ ﺑﻮردﯾﻮ" ﺑﺎﻟﺎﻧﺴﯿﺎب اﻟﺪاﺋﺮي ﻟﻠﺨﺒﺮ وﺷﻜﻞ اﻟﺨﺒﺮ .11وﺳﻨﺪرس ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻌﻤﻞ اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﺨﺎﻣﺴﺔ واﻟﻌﺸﺮﯾﻦ وﺗﺤﻤﻞ ﻋﻨﻮان "ﺣﺎدث اﻟﺎﻓﻚ" 12وھﻲ ﻣﻦ ﺣﻠﻘﺎت اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ اﻟﺬي اﻣﺘﺪّ إﻟﻰ ﺛﻠﺎﺛﯿﻦ ﺣﻠﻘﺔ وﻗﺪ ﻗُﺴﻤﺖ إﻟﻰ ﺟﺰﺋﯿﯿﻦ ﻛﺎن اﻟﺠﺰء اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻣﺤﻮر اﻟﺤﻠﻘﺔ 7ﻗﻨﺎة "اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ" ھﻲ ﻗﻨﺎة إﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﺗﺘﺒﻊ ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ ﺷﺮﻛﺔ روﺗﺎﻧﺎ وﺑﺎﻗﺔ ﻗﻨﻮاﺗﮭﺎ اﻟﻤﺘﻨﻮﻋﺔ ،وھﻲ ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ ﯾﻤﻠﻜﮭﺎ اﻟﺄﻣﯿﺮ اﻟﺴﻌﻮدي اﻟﻮﻟﯿﺪ ﺑﻦ طﻠﺎل اﻧﻄﻠﻘﺖ ﻓﻲ اﻟﺒﺚ ﺳﻨﺔ 2003ﻣﻊ ﻗﻨﺎة "روﺗﺎﻧﺎ" ،اﻧﻄﻠﻖ ﺑﺚ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﺳﻨﺔ 2006وھﻲ ذات اﺗﺠﺎه إﺳﻠﺎﻣﻲ وﺳﻄﻲ ﻛﻤﺎ ﯾﺼﻔﮭﺎ ﻣﺪﯾﺮھﺎ اﻟﺴﺎﺑﻖ اﻟﺪاﻋﯿﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ طﺎرق ﺳﻮﯾﺪان اﻟﺬي ﻗﺎل أﯾﻀﺎ ﻓﻲ ﺣﻔﻞ اﻓﺘﺘﺎﺣﮭﺎ إن "ھﺬه اﻟﻘﻨﺎة ﻗﺪ ﺗﻜﻮن اﻟﺤﺴﻨﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺬھﺐ ﺳﯿﺌﺔ "روﺗﺎﻧﺎ" وطﺎرق ﺳﻮﯾﺪان ھﻮ داﻋﯿﺔ ﻛﻮﯾﺘﻲ أدار اﻟﻘﻨﺎة ﻣﻨﺬ اﻓﺘﺘﺎﺣﮭﺎ وﺣﺘﻰ ﺳﻨﺔ 2013اﯾﻦ أطﺮد ﺑﻌﺪ اﺗﮭﺎﻣﮫ ﺑﻤﺴﺎﻧﺪة اﻟﺈﺧﻮان اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﻓﻲ ﻣﺼﺮwww .arrisalah.net.، أﺳﺘﺎذة ﻓﻲ ﻛﻠﯿﺔ اﻟﺸﺮﯾﻌﺔ ﺑﺎﻟﺄردن ﺣﺎﺻﻠﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺪﻛﺘﻮراه ﻓﻲ ﻋﻠﻮم اﻟﺤﺪﯾﺚ اﻟﻨﺒﻮي ﺳﻨﺔ 2006ﻟﮭﺎ اﻟﻌﺪﯾﺪ ﻣﻦ اﻟﺄﺑﺤﺎث اﻟﻌﻠﻤﯿﺔ8وھﻲ ﻣﻌﺪّة وﻣﻘﺪﻣﺔ ﺑﺮاﻣﺞ ﺗﻠﻔﺰﯾﺔ) ﻗﻨﺎة ﺑﻐﺪاد اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺔ – ﻗﻨﺎة اﻟﻘﺪس –ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ( أﺳﺘﺎذة اﻟﺄدﯾﺎن اﻟﻤﻘﺎرﻧﺔ ﻓﻲ ﻛﻠﺘﻲ اﻟﺪﻋﻮة اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ واﻟﺸﺮﯾﻌﺔ اﻟﺄزھﺮﯾﺔ ﺑﺴﻮرﯾﺎ ،ﺣﺎﺻﻠﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺪﻛﺘﻮراه ﻓﻲ اﻟﻔﻘﮫ اﻟﻤﻘﺎرن،9ﻣﺎرﺳﺖ اﻟﺪﻋﻮة ﻣﻨﺬ ﺳﻦ اﻟﻤﺮاھﻘﺔ ﻣﻊ اﻟﻄﺎﻟﺒﺎت...ﻟﮭﺎ ﻣﺆﻟﻔﺎت ﻋﺪﯾﺪة. ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﯾﺴﯿﺮا اﻟﺤﺼﻮل ﻋﻠﻰ ﺳﯿﺮة ذاﺗﯿﺔ ﻟﮭﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ ،وﺑﻌﺪ ﺗﺘﺒﻊ ﻣﻀﻦ ﻟﻤﻮاﻗﻊ ﻛﺜﯿﺮة اﺳﺘﻄﻌﻨﺎ ﺟﻤﻊ ﺷﺘﺎت ﺳﯿﺮة أھﻢﻣﻠﺎﻣﺤﮭﺎ ان ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ھﻲ أم ﻟﺴﺘﺔ أطﻔﺎل ﻣﺨﺘﺼﺔ ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺑﯿﺔ وﺣﺎﺻﻠﺔ ﻋﻠﻰ دﯾﺒﻠﻮم اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺠﺎﻣﻌﯿﺔ اﺧﺘﺼﺎص اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ اﻧﺘﺨﺒﺖ ﺳﻨﺔ 2014اﻟﻨﺎﺋﺐ اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻟﺮﺋﯿﺲ ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح ﺑﺎﻟﻤﻐﺮب اﻟﺄﻗﺼﻰ وھﻲ ﻋﻀﻮ ﻣﺆﺳﺲ 10ﻟﻤﻨﻈﻤﺔ ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻮﻋﻲ اﻟﻨﺴﺎﺋﻲ 11ﺑﻮردﯾﻮ ﺑﯿﯿﺮ :اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﻮن وآﻟﯿﺎت اﻟﺘﻠﺎﻋﺐ ﺑﺎﻟﻌﻘﻮل ،ﺗﺮﺟﻤﺔ وﺗﻘﺪﯾﻢ دروﯾﺶ اﻟﺤﻠﻮﺟﻲ ،دار ﻛﻨﻌﺎن ﻟﻠﻨﺸﺮ ،دﻣﺸﻖ .2004 12
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اﻟﺴﺎدﺳﺔ واﻟﻌﺸﺮﯾﻦ وﺑﻨﻔﺲ اﻟﻌﻨﻮان .وﻟﻜﻨﻨﺎ ﺳﻨﻌﻮد أﯾﻀﺎ إﻟﻰ ﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﻟﻨﺘﺘﺒّﻊ ﻣﺒﺮّرات اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ اﺧﺘﯿﺎر ﻋﻨﻮان اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ وﻟﻨﺘﺘﺒّﻊ ﻣﺮاﺟﻌﮭﻦ ﻓﻲ اﻟﺸﺮح واﻟﺘﻔﺴﯿﺮ ،ﺗﻨﺎوﻟﺖ ﻛﻞ ﺣﻠﻘﺔ أو ﺣﻠﻘﺘﯿﻦ ﻣﻦ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﻣﻮﺿﻮﻋﺎ ﻣﻌﯿّﻨﺎ ﻣﻦ ﻣﺜﻞ " :اﻟﺰواج ﻧﻮاة اﻟﺄﺳﺮة"" ،اﻟﺤﺠﺎب"" ،اﻟﻌﻔﺔ"" ،اﻟﺨﯿﺎﻧﺔ اﻟﺰوﺟﯿﺔ"، "ﻣﻔﮭﻮم اﻟﻤﮭﺮ"" ،أﺳﺒﺎب اﻟﻌﻨﻮﺳﺔ"" ،آداب اﻟﺎﺳﺘﺌﺬان"" ،زﯾﻨﺔ اﻟﻤﺮأة"" ،ﻓﻮﺿﻰ اﻟﺎﺧﺘﻠﺎط" ، ...وﻗﺪ ﺣُﻤِّﻞَ ﻓﯿﺪﯾﻮ اﻟﺤﻠﻘﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﻮﻗﻊ "اﻟﯿﻮﺗﻮب" ﺑﺘﺎرﯾﺦ 11اﻓﺮﯾﻞ "2013وﻣﺪّﺗﮫ ﺛﻤﺎن وﻋﺸﺮون دﻗﯿﻘﺔ و ﺷُﻮھِﺪ ﺳﺖّ ﻣﺎﺋﺔ وأرﺑﻌﯿﻦ ﻣﺮة ﻣﻊ ﺗﺴﺠﯿﻞ اﻋﺠﺎﺑﯿﻦ وﻏﯿﺎب اﻟﺘﻌﻠﯿﻘﺎت اﻟﺘﻔﺎﻋﻠﯿﺔ. 1ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ :ﻣﺪاﺧﻠﮫ وﺳﯿﺎﻗﺎﺗﮫ ﯾﻘﻮل اﻟﻤﻔﻜﺮ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ ﻓﻲ ﻛﺘﺎﺑﮫ "ﻧﻈﺎم اﻟﺨﻄﺎب" :إنّ"ﻣﺎ ﯾﺠﻌﻞ ﺑﻌﺾ اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت ﺗﺒﺪو اﻟﯿﻮم ﺣﻘﯿﻘﯿﺔ ھﻮ ﻛﻮﻧﮭﺎ ﻣﺪﻋﻮﻣﺔ ﺑﻤﻨﻈﻮﻣﺔ ﻛﺎﻣﻠﺔ ﻣﻦ اﻟﻤﺆﺳﺴﺎت ﺗﻘﻮدھﺎ وﺗﻔﺮﺿﮭﺎ ،وھﺬا ﻣﺎ ﯾﺠﻌﻞ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺼﺎﺋﺐ ھﻮ ﻓﻲ اﻟﺄﺻﻞ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺴﺎﺋﺪ اﻟﻤﺮﺗﺒﻂ ﺑﻤﻤﺎرﺳﺔ اﻟﺴﻠﻄﺔ"...ﻓﺎﻟﺨﻄﺎب ھﻮ ﻣﻤﺎرﺳﺔ اﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ ﺗﺴﻤﺢ ﺑﺘﻤﺮﯾﺮ اﻟﺄﻓﻜﺎر واﻟﻤﻌﺮﻓﺔ داﺧﻞ اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ" .13ﺗُﻠﺨّﺺ وﺟﮭﺔ ﻧﻈﺮ ﻓﻮﻛﻮ ھﺬه ﺑﻌﻀﺎ ﻣﻦ واﻗﻊ اﻟﺨﻄﺎﺑﺎت ﺣﻮل اﻟﺪﯾﻦ اﻟﯿﻮم ﻓﻲ ﻣﻤﺎرﺳﺔ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ وﺗﺼﺪّﯾﮭﻦ ﻟﻔﻌﻞ اﻟﺪﻋﻮة، ﻓﮭﻲ ﺧﻄﺎﺑﺎت ﺗﮭﻔﻮ إﻟﻰ ﺗﻤﺮﯾﺮ وﺗﻜﺮﯾﺲ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﻣﺨﺼﻮﺻﺔ ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ﻣﻦ داﺧﻞ رؤﯾﺔ ﻟﺎ ﺗﺼﻨﻌﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت أﻧﻔﺴﮭﻦ ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ﯾُﺸَﻜِّﻠْﻦَ ﺑَﺮاﻏﻲ ﻓﻲ آﻟﺔ ﻋﻤﻠﺎﻗﺔ ﺗﻘﻮم ﻋﻠﻰ ﺻﻨﺎﻋﺔ اﻟﺨﻄﺎب ﻓﻲ ﺷﻤﻮﻟﯿﺘﮫ وﺗﺴﺘﻌﻤﻞ اﻟﺪاﻋﯿﺎت واﻟﺪﻋﺎة ﻟﺄھﺪاف ﻛﺒﺮى ﻣﻨﮭﺎ ﺿﺒﻂ اﻟﻤﺠﺘﻤﻌﺎت واﻟﺴﯿﻄﺮة ﻋﻠﯿﮭﺎ ﺿﻤﺎﻧﺎ ﻟﺴﻠﺎﻣﺔ اﻟﺴُّﻠَﻂِ اﻟﻘﺎﺋﻤﺔ ،وھﻲ ﺳﻠﻂ ﻣﺘﺤﺎﻟﻔﺔ ﯾﺴﻨﺪ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻤﺎل اﻟﺪﯾﻦ وﯾﺴﻨﺪ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﺪﯾﻦ اﻟﺴﯿﺎﺳﺔ وﯾﺴﺘﻌﻤﻞ ﻟﺘﺜﺒﯿﺘﮭﺎ اﻟﻨﺴﺎء واﻟﺮﺟﺎل اﻟﻠﻮاﺗﻲ واﻟﺬﯾﻦ ﯾﻜﻮﻧﻮن ﻓﻲ ﺧﺪﻣﺔ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﺪث ﻋﻨﮭﺎ ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ وﺗﺤﺖ طﻠﺐ ﻣﺆﺳﺴﺎﺗﮭﺎ ،وﯾﺘﻢ ھﺬا اﻟﺄﻣﺮ ﻓﻲ ﺣﻠﻘﺎﺗﮫ اﻟﻮﺳﻄﻰ أو ﻟﺪى اﻟﺄدوات دون وﻋﻲ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ إﻟﺎ وﻋﻲ اﻟﺎﻧﻀﺒﺎط ﻟﻠﻤﺮﺟﻌﯿﺎت وﺗﻮظﯿﻒ اﻟﺴﯿﺎﻗﺎت ) ﺑﺮاﻣﺞ أو دروس أو ﺧﻄﺐ( ﺑﮭﺪف إﻗﻨﺎع اﻟﻤﺘﻠﻘﯿﯿﻦ ﻣﻦ اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻮاﺳﻊ اﻧﺴﺠﺎﻣﺎ ﻣﻊ ﻓﻜﺮة اﻟﺪﻋﻮة ﺑﺎﻟﻤﻌﻨﻰ اﻟﻮظﯿﻔﻲ واﺳﺘﺠﺎﺑﺔ ﻟﺼﻨﺎﻋﺔ اﻟﻤﺘﺎﺑﻌﺔ واﻟﺘﻠﻘّﻲ وﻓﻖ رؤﯾﺔ ﻣﺨﺼﻮﺻﺔ رﺳﻤﺘﮭﺎ اﻟﻘﻨﺎة وﻣُﻤَﻮّﻟﻮھﺎ ﺣﻔﺎظﺎ ﻋﻠﻰ ﺑُﻨﻰ اﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﻘﺎﺋﻤﺔ. أ-ﻋﻨﻮان اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ: "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" ھﻮ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﺣﻮاري ﺑﯿﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺜﻠﺎث اﻟﻠﻮاﺗﻲ ﺗﺘﺼﺪى اﺛﻨﯿﻦ ﻣﻨﮭﻦ ﻟﻠﺘﻘﺪﯾﻢ ﺑﺎﻟﺘﻨﺎوب ﻓﻲ ﻛﻞ ﺣﻠﻘﺔ وھﻤﺎ "ﻟﯿﻨﺎ اﻟﺤِﻤﺼﻲ" و"ﻧَﻤﺎ اﻟﺒﻨّﺎ" ﻓﻲ ﺣﯿﻦ ﺗﻜﺘﻔﻲ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﺑﺎﻟﻤﺸﺎرﻛﺔ ﻓﻲ اﻟﺤﻮار دون اﻟﺘﻘﺪﯾﻢ أو اﻟﺘﻨﺸﯿﻂ ،ﻓﺘﺸﺎرك ﻓﻲ اﻟﺈﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ اﻟﺄﺳﺌﻠﺔ اﻟﻤﻄﺮوﺣﺔ واﻟﺘﻲ ھﻲ أﺳﺌﻠﺔ ﻣُﻌﺪّة ﺳﻠﻔﺎ ﺑﻤﺎ ﯾﻨﺴﺠﻢ وﻣﻮﺿﻮع اﻟﺤﻠﻘﺔ ،وھﻲ ﻣﻮاﺿﯿﻊ ﻛﻠﮭﺎ ﻣﺴﺘﻘﺎة ﻣﻦ أﺣﻜﺎم ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر)ﺳﻮرة ﻣﺪﻧﯿﺔ ﺗﺮﺗﯿﺒﮭﺎ 24وﻋﺪد آﯾﺎﺗﮭﺎ .(64وﻗﺪ ﺷﺮﺣﺖ ﻣُﻌﺪّات اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﻓﻲ ﺣﻠﻘﺘﮫ اﻟﺄوﻟﻰ ﻣُﺴﻮّﻏﺎت اﺧﺘﯿﺎر ھﺬه اﻟﺂﯾﺔ ﻟﻠﺘﺤﺎور ﻓﯿﮭﺎ ﻣﺘﻌﻠﻠﺎت ﺑﺄﻧﮭﺎ ﺳﻮرة "ﺗﺘﻨﺎول اﻟﻔﺮد واﻟﺄﺳﺮة واﻟﻤﺠﺘﻤﻊ" وﻣﺸﯿﺮات إﻟﻰ "أن اﻟﺨﻠﯿﻔﺔ اﻟﺮاﺷﺪ ﻋﻤﺮ ﺑﻦ اﻟﺨﻄﺎب ﺣَﺚَّ ﻋﻠﻰ وﺟﻮب ﺗﻌﻠﯿﻤﮭﺎ ﻟﻠﻨﺴﺎء" :ﺗﻌﻠﻤﻮا ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر وﻋﻠﻤﻮھﺎ ﻧﺴﺎءﻛﻢ" ﻛﻤﺎ ﺣﺚّ اﻟﺮﺟﺎل ﻋﻠﻰ ﺗﻌﻠّﻢ ﺳﻮرة اﻟﻤﺎﺋﺪة ﻟﻤﺎ ﺗﺰﺧﺮ ﺑﮫ ﻣﻦ أﺣﻜﺎم ﺗﺴﯿﯿﺮ اﻟﺪوﻟﺔ.14 وﻗﺪ أﺷﺎرت ﻣُﻘﺪﻣﺔ اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﺄوﻟﻰ "ﻧﻤﺎ اﻟﺒﻨﺎ" أن ﻣﻮاﺿﯿﻊ اﻟﺤﻠﻘﺎت "ﻟﯿﺴﺖ ﺗﻔﺴﯿﺮﯾّﺔ ﺑﻞ ھﻲ إﺿﺎءات واﺳﺘﺪﻟﺎﻟﺎت ﻣﻦ ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر ﻧﺪﺧﻞ ﺑﮭﺎ إﻟﻰ ﻣﻮاﺿﯿﻊ اﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ" ﻟﺄن ﻣﺤﻮر اﻟﺴﻮرة اﻟﺄﺳﺎﺳﻲ ھﻮ اﻟﺘﺮﺑﯿﺔ داﺧﻞ "اﻟﺪوﻟﺔ اﻟﺼﻐﯿﺮة اﻟﺘﻲ ھﻲ اﻟﺄﺳﺮة" 15ﻣﺜﻠﻤﺎ ﻛﺮّرت -ﻣﺴﺘﻨﺪة إﻟﻰ ﺻﺎﺣﺐ اﻟﻈﻠﺎل -وھﻮ ﻟﯿﺲ اﻟﺈﻣﺎم اﻟﻐﺰاﻟﻲ ﺻﺎﺣﺐ "اﻟﻤﻨﻘﺬ ﻣﻦ اﻟﻀﻠﺎل" ﻛﻤﺎ ﻗﺪ ﯾﺬھﺐ ﻓﻲ ظﻦ اﻟﻤﺘﻠﻘﻲ ﺑﻞ ھﻮ "اﻟﺴﯿﺪ ﻗﻄﺐ" )-1906 ( 1966ﺻﺎﺣﺐ ﻛﺘﺎب اﻟﺘﻔﺴﯿﺮ اﻟﻤﻌﻨﻮن ﺑـ " ﻓﻲ ظﻠﺎل اﻟﻘﺮآن" وھﻮ ﻣﻦ ﻗﯿﺎدات ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺈﺧﻮان اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﻓﻲ ﻣﺼﺮ ﺧﻠﺎل ﻓﺘﺮة ﺑﺪاﯾﺔ اﻟﺨﻤﺴﯿﻨﺎت ﻣﻦ اﻟﻘﺮن اﻟﻤﺎﺿﻲ ﻗﺒﻞ أن ﯾُﺴﺠﻦ وﯾُﻌﺪم .وﻧﻤﺎ اﻟﺒﻨﺎ ﺳ ﺘﺴﺘﺸﮭﺪ ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار ﺑﮭﺬا اﻟﺘﻔﺴﯿﺮ وﻓﻲ ﻛﻞ اﻟﻤﻮاﺿﯿﻊ واﻟﺤﻠﻘﺎت ،وﻟﻌﻞّ ﻟﻘﺐ ﻋﺎﺋﻠﺔ اﻟﻤﻘﺪﻣﺔ " ﻧﻤﺎ اﻟﺒﻨﺎ" ﺑﻤﺎ ﯾﺤﯿﻞ إﻟﯿﮫ ﻣﻦ اﺗﺼﺎل ﻋﺎﺋﻠﻲ ﺑﻤﺆﺳﺲ ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺈﺧﻮان اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﻓﻲ ﻣﺼﺮ " ﺣﺴﻦ اﻟﺒﻨﺎء") -1906 (1949ﻟﮫ دور وﺛﯿﻖ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺎﻧﺘﻤﺎء اﻟﻤﻌﺮﻓﻲ واﻟﺈﯾﺪﯾﻮﻟﻮﺟﻲ وﺳﯿﻠﻘﻲ ﺑﻈﻠﺎﻟﮫ ھﻮ أﯾﻀﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﺴﯿﺎق اﻟﻌﺎم ﻟﻠﺨﻄﺎب ﻓﻲ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر". أﻣﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻓﻘﺪ ﻗﺎﻟﺖ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﺄوﻟﻰ إن "ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر ﺳﻮرة ﻗﻮﯾّﺔ ،ﺑﺪاﯾﺘﮭﺎ ﺷﺪﯾﺪة وھﻲ ﺳﻮرة ﺑﮭﺎ ﺳﯿﺎج ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻊ" وﻓﻲ ﻗﻮﻟﮭﺎ ھﺬا وﻗﻮل زﻣﯿﻠﺘﮭﺎ اﻟﺴﺎﺑﻖ ﻣﺎ ﯾﻜﺸﻒ طﺒﯿﻌﺔ ﺣﻠﻘﺎت اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ وﺗﻮﺟﮭﺎﺗﮭﺎ اﻟﻌﺎﻣﺔ اﻟﺮاﻣﯿﺔ إﻟﻰ ﺗﺴﯿﯿﺞ اﻟﺮؤﯾﺔ اﻟﻤﺠﺘﻤﻌﯿﺔ واﻟﺤﻔﺎظ ﻋﻠﻰ اﺳﺘﻘﺮارھﺎ اﻟﻘﺪﯾﻢ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺗﻘﯿﯿﺪ ﺣﺮﻛﺔ اﻟﻨﺴﺎء :اﻟﺄﻣﮭﺎت /اﻟﺄﺧﻮات /اﻟﺒﻨﺎت /اﻟﺰوﺟﺎت/اﻟﺠﺪّات /اﻟﻌﻤّﺎت /اﻟﺨﺎﻟﺎت ...وﺿﺒﻄﮭﺎ -13ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ :ﻧﻈﺎم اﻟﺨﻄﺎب ،ﺗﺮﺟﻤﺔ ﻣﺤﻤﺪ ﺳﺒﯿﻠﺎ ،دار اﻟﺘﻨﻮﯾﺮ ﺑﯿﺮوت 2007 14اﻟﺪﻗﯿﻘﺔ اﻟﺮاﺑﻌﺔ ﻣﻦ ﻓﯿﺪﯾﻮ اﻟﺤﻠﻘﺔ 15اﻟﺪﻗﯿﻘﺔ اﻟﺘﺎﺳﻌﺔ ﻣﻦ ﻓﯿﺪﯾﻮ اﻟﺤﻠﻘﺔ
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داﺧﻞ أﺳﻮار أو ﺗﻌﺎﻟﯿﻢ ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر اﻟﺘﻲ ﺑﺎﺗﺖ ﻓﻲ ﻓﻠﺴﻔﺔ اﻟﺈﺧﻮان ورؤﯾﺔ اﻟﻘﻨﺎة وﻣﻨﺎخ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ إﺣﺪى آﻟﯿﺎت وأدوات اﻟﻀﺒﻂ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲ ﺑﺎﻟﻤﻌﻨﻰ اﻟﻔُﻮﻛَﻮِي ،16ﻓﺎﻟﻨﻮر ھﻮ ﻧﻮر اﻟﺒﺪاﯾﺎت وﻧﻮر اﻟﻮﺣﻲ وﻧﻮر أھﻞ ﺑﯿﺖ رﺳﻮل اﻟﺈﺳﻠﺎم وﺻﺤﺎﺑﺘﮫ ﺣﺴﺐ ﺳﯿﺎق اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ وﻟﺎ ﻧﻮر ﺧﻠﺎﻓﮫ. و ﻋﻨﻮان "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" إﺿﺎﻓﺔ إﻟﻰ ﻣﺎ ﺗﻘﺪّم ﻣﻦ ﻋﻠﺎﻗﺘﮫ ﺑﺴﻮرة اﻟﻨﻮر ھﻮ ﻋﻨﻮان دالّ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﻨﻄﻘﺔ اﻟﺘﻲ ﺳﺘﺤﺪﺛﻨﺎ ﻣﻦ ﺧﻠﺎﻟﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت وھﻲ ﻣﻨﻄﻘﺔ ﻧﻮر ھﻮ ﻧﻮر ا وﻣﻦ أﺳﻤﺎﺋﮫ "اﻟﻨﻮر" وﻣﻦ ﻣﻨﻄﻘﺔ ﻣﻀﯿﺌﺔ ﻣﺴﺘﻨﯿﺮة ﺑﻨﻮر اﻟﻘﺮآن اﻟﺴﺎطﻊ ،اﻟﺬي ﻋُﺮّف أﯾﻀﺎ ﺑﺄﻧﮫ "ﻧﻮر ا " وﻋُﺮّف اﻟﻘﺮآن ﺑـ "أﻧﮫ ﻧﻮر اﻟﺎﺳﻠﺎم" .17ﻓﻲ ھﺬه اﻟﺪاﺋﺮة اﻟﻤﻨﯿﺮة ﺑﻨﻮر ا وﻧﻮر اﻟﻘﺮان ﺗﺤﺪﯾﺪا ﻛﻤﺎ ﻗﺎﻟﺖ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﺳﯿﻜﻮن ﺣﻮارھﻦ ،ﺣﻮار ﻣﺴﺘﻈﻞ ﺑﻨﻮر ھﺬه اﻟﺴّﻮرة ) ذﻛﺮت ﻛﻠﻤﺔ اﻟﻨﻮر ﻓﻲ ھﺬه اﻟﺴﻮرة ﺳﺒﻊ ﻣﺮّات( ﻟﯿﻜﻮن ﻗﺮﯾﺒﺎ ﻣﻦ ﻧﻮر اﻟﻨﺒﻮّة ﺑﻌﯿﺪا ﻋﻦ ظﻠﺎم اﻟﺤﺎﺿﺮ ﻣﺴﺘﻤﺴﻜﺎ ﺑﺴﯿﺎج اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﻮارد ﻓﯿﮭﺎ وھﻮ ﺳﯿﺎج ﺗﺄدﯾﺐ اﻟﻨﺴﺎء واﻟﺄﺳﺮة "ﺑﻐﺎﯾﺔ ﺣﻔﻆ اﻟﻤﺴﻠﻢ وﻣﺠﺘﻤﻌﮫ وﺻﻮن ﺣﺮﻣﺎﺗﮫ وإﻧﻘﺎذه ﻣﻦ ﻋﻠﺎﻣﺎت اﻟﺘﻔﻜﻚ"18ﺣﺴﺐ ﻣﺎ ورد ﻓﻲ اﻟﺘﻌﺮﯾﻔﺎت واﻟﻤﻘﺪﻣﺎت اﻟﻤﺼﺎﺣﺒﺔ ﻟﺴﻮرة اﻟﻨﻮر ﻓﻲ ﻛﺘﺐ اﻟﺘﻔﺴﯿﺮ وﻣﻨﮭﺎ ﻛﺘﺎب ﺳﯿﺪ ﻗﻄﺐ اﻟﻤﺬﻛﻮر آﻧﻔﺎ. وﻟﺎن اﻟﺤﻮار ﻣﻘﺎم ﯾﻘﺘﻀﻲ اﻟﺘﺸﺎرك واﻟﻤﺸﺎرﻛﺔ ﻛﺎن اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﺛﻠﺎﺛﻲ اﻟﺄﻗﻄﺎب ﺑﮫ ﺛﻠﺎث ﻧﺴﺎء "ﻟﺘﺬﻛّﺮ اﻟﻮاﺣﺪة اﻟﺄﺧﺮى إن ﺿﻠّﺖ ..."19وﻟﻜﻨﮭﺎ ﻗﻄﺒﯿﺔ ﺛﻠﺎﺛﯿﺔ ﻣﻨﺨﺮﻣﺔ ﺑﻤﺎ أن اﻟﺘﻘﺪﯾﻢ ﺳﺘﺘﻮﻟﺎه اﻣﺮأﺗﺎن داﻋﯿﺘﺎن دوﻧﺎ ﻋﻦ اﻟﺜﺎﻟﺜﺔ ) ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر( اﻟﺘﻲ ﺳﺘﺸﺎرك ﻓﻘﻂ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﺗُﺴﺄل وﻟﻦ ﺗﺘﻜﻠﻢ وﯾﺨﺮج ﺻﻮﺗﮭﺎ إﻟﺎ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﯾﺴﻤﺢ ﻟﮭﺎ ﺑﺬﻟﻚ ،ﻓﻘﺪ اﺟﺘﻤﻌﺖ اﻟﺪاﻋﯿﺘﺎن اﻟﺄردﻧﯿﺔ ﻧﻤﺎ اﻟﺒﻨﺎ واﻟﺴﻮرﯾﺔ ﻟﯿﻨﺎ اﻟﺤﻤﺼﻲ ﻟﺘﻜﻮﻧﺎ اﻟﺸﺎھﺪﺗﯿﻦ وﯾﻜﺘﻤﻞ ﺑﻨﺼﻔﯿﮭﻤﺎ اﻟﻤﺠﺘﻤﻌﯿﻦ ﻧﺼﯿﺐ اﻟﺮﺟﻞ ﻓﺘﺘﻤﺜﻠﺎن دوره اﻟﻤﻜﺘﻤﻞ ﻟﯿﻜﻮن اﻟﻘﺎﺋﺪ اﻟﻤﺘﻤﻜّﻦُ ﺑﻤﺎ ﯾﻌﻨﯿﮫ ﻣﻦ ﺳﻄﻮة وﻗﯿﺎدة ،وﻓﻲ ھﺬا اﺳﺘﺒﻄﺎن ﻟﻠﺬﻛﻮرة اﻟﻄﺎﻏﯿﺔ اﻟﻐﺎﻟﺒﺔ اﻟﺘﻲ ﺳﺘﻨﺴﺎب ﻣﻨﮭﺎ ﻟﺤﻈﺔ ﺳﯿﻄﺮة أﺧﺮى ﻣﺘﺨﻔﯿﺔ ھﻲ ﻟﺤﻈﺔ ﺳﯿﺎدة اﻟﻤﺸﺮق اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ أرض اﻟﻨﺒﻮءات ﻋﻠﻰ اﻟﻤﻐﺮب اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ أرض اﻟﻔﺘﻮﺣﺎت ) ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻣﻐﺮﺑﯿﺔ( .وھﻲ ﺳﯿﻄﺮة ﻣﺴﺘﻨﺪة ﻓﻲ اﻟﻈﺎھﺮ ﻋﻠﻰ اﻟﺄﺳﺒﻘﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﺪﻋﻮة ﻋﺒﺮ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت ﻟﻜﻞّ ﻣﻦ اﻟﺒﻨّﺎ واﻟﺤِﻤﺼﻲ وﻋﻠﻰ ﺗﻔﻮّﻗﮭﻤﺎ اﻟﻌﻠﻤﻲ اﻟﺒﺎدي ﻓﻲ ﺳﯿﺮﺗﮭﻤﺎ اﻟﺄﻛﺎدﯾﻤﯿﺔ واﻧﺘﻤﺎﺋﮭﻤﺎ إﻟﻰ ﻋﺎﺋﻠﺎت دﻋﻮﯾﺔ ،وﻓﻲ اﻟﺒﺎطﻦ ﺗﺘﻮﺳّﻞ ﺑﺎﺳﺘﺒﻄﺎن ﺟﺎﻣﺢ ﻟﻠﺤﻈﺔ ﻓﺤﻮﻟﺔ اﻟﻤﻌﺮﻓﺔ ﺑﺎﻟﺪﯾﻦ وﻓﻖ اﻟﺴﯿﺎق اﻟﻔﻘﮭﻲ اﻟﺬي ﻟﺎ ﯾﻌﺘﺮف ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﺑﺎﻟﻤﺮأة اﻟﻌﺎﻟﻤﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺨﻮض ﻓﻲ ﺷﺄن اﻟﻌﻘﺎﺋﺪ واﻟﺤﺪود .وﻗﺪ ﺟﻌﻞ ھﺬا اﻟﺄﻣﺮ ﻣﻦ ﻣﻨﺎخ اﻟﺤﻠﻘﺎت ﻣﻨﺎﺧﺎ ﺗَﺮاﺗﺒﯿّﺎ ھَﺮَﻣﯿّﺎ وإن ﺑﺸﻜﻞ ﻣﺒﻄّﻦ ﯾّﻌﺞّ ﺑﺄﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺴﺘﻮى ﻟﻠﮭﯿﻤﻨﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺎت أﻧﻔﺴﮭﻦ، وﺑﺪا واﺿﺤﺎ اﻟﻔﺮق ﻓﻲ اﻟﻤﺴﺘﻮى اﻟﻤﻌﺮﻓﻲ ﺑﯿﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر وﺑﯿﻦ زﻣﯿﻠﺘﯿﮭﺎ ﻓﻲ إﻋﺪاد وﺗﻘﺪﯾﻢ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ،ﻓﻠﻢ ﺗﻜﻦ أﺳﺒﻘﯿﺘﮭﻤﺎ ﻓﻲ اﻟﺘﻘﺪﯾﻢ اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﻮﻧﻲ أو ﻓﻲ اﻟﺪﻋﻮة اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﻮﻧﯿﺔ وﺣﺪھﺎ ھﻲ ﺳﺒﺐ اﺳﺘﺤﻮاذھﻤﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﻜﻠﺎم وﻟﻢ ﯾﻜﻦ ادّﻋﺎء ﻏﻤﻮض اﻟﻠﮭﺠﺔ اﻟﻤﻐﺎرﺑﯿّﺔ وﺣﺪه ھﻮ اﻟﺴﺒﺐ ﻓﻲ اﻧﻤﺤﺎء اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ،ﻓﻘﺪ ﺑﺪا اﻟﺘﻔﺎوت اﻟﻤﻌﺮﻓﻲ واﻟﺘﺤﺼﯿﻞ اﻟﻔﻘﮭﻲ وﻣُﺮاﻛﻤﺔ اﻟﺒﺤﻮث اﻟﺄﻛﺎدﯾﻤﯿﺔ ﺻﺎرﺧﺎ وﻛﺎن ﻟﮫ اﺛﺮ وﻣﯿﺰان ،ﻛﻤﺎ ﻛﺎن ﻟﻔﻜﺮة ﻣﺨﺎطﺒﺔ رﺟﻞ ﻣﻜﺘﻤﻞ ﻓﻲ ھﯿﺌﺔ داﻋﯿﺘﯿﻦ ﻟﺎﻣﺮأة ﻧﺎﻗﺼﺔ ھﻲ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻨﺘﻈﺮ إﻧﺎرة ﻓﻲ اﻟﺪﯾﻦ ﻣﻦ اﻟﻤﺸﺮق اﻟﺬي ھﻮ ﻓﻲ ﺣﺴﺒﺎن اﻟﺒﻌﺾ أﺻﻞ ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺗﯿﺐ واﻟﻤﻐﺮب ھﻮ اﻟﻔﺮع ،ﻛﻤﺎ اﻟﺮﺟﻞ أﺻﻞ واﻟﻤﺮأة ﻓﺮع. ﻛﻤﺎ ﻛﺸﻒ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﻟﻰ ﻣُﺠﻤﻞ ﺑﺮاﻣﺞ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﻋﻦ ﻣﺴﺘﻮى آﺧﺮ ﻣﻦ اﻟﮭﯿﻤﻨﺔ اﻟﺬﻛﻮرﯾﺔ اﻟﻤﺴﺘﺘﺮة اﻟﺘﻲ ﺗﻈﮭﺮ ﻓﻲ ﻋﺪم ﺗﻨﺎزل اﻟﺪﻋﺎة اﻟﺮﺟﺎل اﻟﺬﯾﻦ ﺗﺰﺧﺮ ﺑﮭﻢ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﻣﻦ أﻣﺜﺎل )راﺷﺪ اﻟﺰھﺮاﻧﻲ وﻋﻤﺮ ﻋﺒﺪ اﻟﻜﺎﻓﻲ وﻋﺒﺪ اﻟﺮﺣﻤﺎن اﻟﻌﻤﺮي و وﻋﺎﺋﺾ اﻟﻘﺮﻧﻲ وﺻﺎﻟﺢ اﻟﻔﮭﺪي وآﺧﺮون( 20ﻟﻤﺸﺎرﻛﺔ اﻟﻨﺴﺎء ھﺬا اﻟﺤﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر .وھﻲ ﺗﺮاﺗﺒﯿّﺔ ﺳﺘُﺒﻘﻲ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ) ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر( ﻓﻲ اﻟﺪرﺟﺎت اﻟﺴﻔﻠﻰ ﻟﺴﻠﻢ ﺑﺮاﻣﺞ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﻟﺄﻧﮫ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﺧﺎرج ﻓﺤﻮﻟﺔ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﻤُﺬﻛّﺮة اﻟﺘﻲ ﻟﺎ ﯾﺘﻨﺎزل أﺻﺤﺎﺑﮭﺎ ﻟﻤﺸﺎرﻛﺔ اﻟﻨﺴﺎء ﺑﺮاﻣﺠﮭﻦ ،ﻟﺄﻧﮭﺎ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﻣُﺪرﺟﺔ ﻓﻲ ﺧﺎﻧﺔ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺨﺎﺻّﺔ ﺑﺎﻟﻨﺴﺎء وذات اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻤﺆﻧﺚ ،وﺣﻮاراﺗﮭﺎ ﺿﻤﻦ اھﺘﻤﺎﻣﺎت اﻟﺤﺮﯾﻢ ﻓﺎﻟﺴﻮرة اﻟﻘﺮآﻧﯿﺔ اﻟﻤﺆطﺮة ﻟﻠﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ھﻲ ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر اﻟﻨﺴﺎﺋﯿﺔ...21 وھﺬه اﻟﺄﻣﻮر وﻗﺪ اﺟﺘﻤﻌﺖ ﺣﺸﺮت اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﻓﻲ داﺋﺮة اﻟﺄدوار اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ واﻟﺜﺎﻧﻮﯾﺔ اﻟﻤﻮﻛﻠﺔ إﻟﻰ اﻟﻨﺴﺎء اﻟﺘﻲ ﺗﺪور ﻏﺎﻟﺒﺎ ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎءات اﻟﺨﺎﺻﺔ اﻟﻤﻐﻠﻘﺔ واﻟﻤﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺘﺮﺑﯿﺔ اﻟﺄﺑﻨﺎء ورﻋﺎﯾﺔ اﻟﺄﺳﺮة اﻟﻤﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑـ "وﻗَﺮْن ﻓﻲ ﺑﯿﻮﺗﻜﻦ" 22ﺑﻤﺎ ھﻲ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﺗﺴﻮﯾﺮ وﺗﺴﯿﯿﺞ ﻛﺎﻣﻠﺔ ﻣﻨﺴﺠﻤﺔ ﻣﻊ ﺑﺎﻗﻲ اﻟﻤﺆﺳﺴﺎت اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ ﻟﻀﺒﻂ اﻟﻨﺴﺎء ﻛﻤﺆﺳﺴﺔ اﻟﻘﻮاﻣﺔ واﻟﺤﺠﺎب واﻟﻮﻟﺎﯾﺔ ،وھﻲ ﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ ﻋﺎﺟﺰة وﻣﺴﺘﻨﻜﻔﺔ ﻋﻦ اﻟﺨﻮض ﻓﻲ ﻣﺎ ﯾﺨﻮض ﻓﯿﮫ اﻟﺮﺟﺎل ﻣﻦ ﻣﺴﺎﺋﻞ ﺗﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﻟﻔﻀﺎءات اﻟﻤﻔﺘﻮﺣﺔ اﻟﺨﺎرﺟﯿّﺔ ﻣﻘﺎﺑﻞ اﻟﻔﻀﺎءات اﻟﻨﺴﺎﺋﯿﺔ اﻟﻤﻐﻠﻘﺔ 16ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ:اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ واﻟﻤﻌﺎﻗﺒﺔ وﻟﺎدة اﻟﺴﺠﻦ ،ﺗﺮﺟﻤﺔ وﺗﺤﻘﯿﻖ ﻣﻄﺎع اﻟﺼﻔﺪي وﻋﻠﻲ ﻣﻘﻠﺪ ،ﻣﺮﻛﺰ اﻟﺈﻧﻤﺎء اﻟﻘﻮﻣﻲ1990 ﺳﻮرة اﻟﺰﻣﺮ اﻟﺎﯾﺔ :"22أﻓﻤﻦ ﺷﺮح ا ﺻﺪره ﻟﻠﺈﺳﻠﺎم ﻓﮭﻮ ﻋﻠﻰ ﻧﻮر ﻣﻦ رﺑّﮫ ﻓﻮﯾﻞ ﻟﻠﻘﺎﺻﯿﺔ ﻗﻠﻮﺑﮭﻢ ﻣﻦ ذﻛﺮ ا أوﻟﺌﻚ ﻓﻲ ظﻠﺎل ﻣﺒﯿﻦ" 18اﻟﺪﻗﯿﻘﺔ 14ﻣﻦ ﻓﯿﺪﯾﻮ اﻟﺤﻠﻘﺔ ﺳﻮرة اﻟﺒﻘﺮة اﻟﺎﯾﺔ" :282واﺳﺘﺸﮭﺪوا ﺷﮭﯿﺪﯾﻦ ﻣﻦ رﺟﺎﻟﻜﻢ ﻓﺎن ﻟﻢ ﯾﻜﻮﻧﺎ رﺟﻠﯿﻦ ﻓﺮﺟﻞ واﻣﺮأﺗﺎن ﻣﻤﻦ ﺗﺮﺿﻮن ﻣﻦ اﻟﺸﮭﺪاءأن 19ﺗﻀﻞ اﺣﺪھﻤﺎ ﻓﺘﺬﻛّﺮ اﺣﺪاھﻤﺎ اﻟﺎﺧﺮى" 20ﻣﻦ ﻣﺸﺎھﯿﺮ اﻟﺪﻋﺎة ﻓﻲ اﻟﻌﺎﻟﻢ اﻟﻌﺮﺑﻲ وﻣﻦ ﻧﺠﻮم ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ اﻟﺬﯾﻦ ﯾﺘﺎﺑﻌﮭﻢ ﻣﻠﺎﯾﯿﻦ اﻟﻤﺸﺎھﺪﯾﻦ ﻓﻲ اﻟﻌﺎﻟﻢ اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ. 21ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻘﺮطﺒﻲ :ﺷﺮح اﻟﺂﯾﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﻣﻦ ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر 22ﺳﻮرة اﻟﺄﺣﺰاب اﻟﺂﯾﺔ 33
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واﻟﻤﻀﺎءة ﺑﻨﻮر اﻟﺨﺎرج ﻣﻘﺎﺑﻞ ﻋﺘﻤﺔ اﻟﺪاﺧﻞ ،ﻣﻤﺎ ﯾُﺜﺒّﺖُ اﻟﺜﻨﺎﺋﯿﺎت اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ ﺟﺪا :اﻟﺪاﺧﻞ/اﻟﺨﺎرج. اﻟﺨﺎص /اﻟﻌﺎم... ﻓﮭﻞ ﻛﺎن اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﺣﻮارا ﻓﻌﻠﯿﺎ ﻓﻲ اﻟﻨﻮر ﺑﻤﺎ ھﻮ ﻧﻮر اﻟﻌﻘﻞ أﯾﻀﺎ وھﻞ ﺧﺮج ھﺬا اﻟﺤﻮار ﺑﺎﻟﻨﺴﺎء ﻣﻦ ﺻﯿﻐﺔ اﻟﺤﻠﻘﺎت اﻟﺘﻲ ﺗﺠﺘﻤﻊ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻲ اﻟﻌﺼﺎرى ﻟﺸﺮب اﻟﺸﺎي؟ وھﻞ ﻛﺎن ﺣﺪﯾﺜﮭﻦ ﺣﻮارا ﺑﮫ اﻟﺂراء ﻣﺘﻀﺎدة واﻟﺄﻓﻜﺎر ﺗﺘﺤﺎور ﻟﻠﺘﺠﺎور أم ﻛﺎن اﺟﺘﺮارا ﻟﺄﻗﻮال اﻟﻘﺪاﻣﻰ واﻟﻤﻔﺴّﺮﯾﻦ وﺗﻜﺮارا ﻟﻤﺎ ﻗﯿﻞ ﻣﻨﺬ ﻗﺮون ﻗﺒﻞ ﻏﻠﻖ ﺑﺎب اﻟﺎﺟﺘﮭﺎد ؟ وھﻞ اﻣﺘﻠﻜﺖ اﻟﻨﺴﺎء اﻟﻠﻮاﺗﻲ اﺳﺘﻄﻌﻦ وﻟﻮج ﻋﺎﻟﻢ اﻟﺈﻋﻠﺎم اﻟﻤﺮﺋﻲ ﻓﻲ اﻟﻤﺠﺎل اﻟﺪﯾﻨﻲ ﺻﻮﺗﺎ ﺣﻘﯿﻘﯿﺎ ﯾﺒﻨﻲ وﺳﻂ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ ﺳﺆال اﻟﻤﺆﻧﺚ ﻓﻲ ﻣﻔﮭﻮﻣﮫ اﻟﻮاﺳﻊ؟ ب-أﻏﻨﯿﺔ اﻟﺠﯿﻨﯿﺮﯾﻚ اﻟﺤﺼّﺔ ﺗﻨﻄﻠﻖ ﺑﺄﻏﻨﯿﺔ ﻣﻦ إﻧﺘﺎج ﺷﺮﻛﺔ اﻟﺼﻮت اﻟﺠﺪﯾﺪ ﻟﻠﺈﻧﺘﺎج اﻟﻔﻨّﻲ وھﻲ ﻣﻦ ﻛﻠﻤﺎت "اﻟﻨﺎﺻﺮ ﺷﺒﺎﻧﺔ" وأﻟﺤﺎن " أﯾﻤﻦ رﻣﻀﺎن" وأداء "ﻋﺒﺪ اﻟﻔﺘﺎح ﻋﻮﯾﻨﺎت" ﻣﺜﻠﻤﺎ ورد ﻓﻲ ﺷﺎرة ﺧﺘﺎم اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ، وھﻲ أﻏﻨﯿﺔ ذات ﻟﺤﻦ رﻗﯿﻖ وﺑﻜﺎﺋﻲ وﻛﻠﻤﺎت دﻗﯿﻘﺔ ﺗﺘﺤﺪث ﻋﻦ ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر وﻣﺤﺎﺳﻨﮭﺎ وﺗﺤﺚُّ اﻟﺒﻨﺎت واﻟﻨﺴﺎء ﻋﻠﻰ ﺣﻔﻈﮭﺎ وﺗﺘﺒﻊ ﻣﻌﺎﻧﯿﮭﺎ طﻠﺒﺎ ﻟﻠﺄﺟﺮ واﻟﺜﻮاب ،وﻣﻦ اﻟﻮاﺿﺢ أن اﻟﺄﻏﻨﯿﺔ أﻋﺪّت ﺧﺼﯿﺼﺎ ﻟﮭﺬا اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ،وھﻲ أﻏﻨﯿﺔ ﺗُﺤﻘﻖ ﻟﺪى اﻟﻤﺘﺎﺑﻊ /اﻟﺴﺎﻣﻊ ﺣﺎﻟﺔ ﻣﻦ اﻟﺈﺷﺒﺎع اﻟﻔﻨّﻲ ﺗُﺮدف ﻣﺴﺄﻟﺔ اﻟﺴﻌﻲ إﻟﻰ اﻟﺘﺄﺛﯿﺮ ﻓﻲ اﻟﻤُﺘﻠﻘﻲ ﺑﻜﻞّ اﻟﻄﺮق ) اﻟﻔﺨﺎﻣﺔ ﻓﻲ اﻟﺪﯾﻜﻮر واﻟﻨﺒﺮة اﻟﮭﺎدﺋﺔ وﺣﺮﻛﺔ اﻟﻜﺎﻣﯿﺮا اﻟﺴﮭﻠﺔ وﺟﻮدة اﻟﺼﻮرة اﻟﻤﻨﺒﻌﺜﺔ ﻣﻦ ﻛﺎﻣﯿﺮات ﻋﺎﻟﯿﺔ اﻟﺠﻮدة واﻟﻮﺿﻮح وذات ﺳﻌﺎت ﻋﺎﻟﯿﺔ( ،ﻓﺘﺄﺛﯿﺮ اﻟﻤﻮﺳﯿﻘﻰ ﻣﻘﺼﻮد ﻣﻦ ھﺬه اﻟﺄﻏﻨﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺼﺎﺣﺐ ﺷﺎرة اﻧﻄﻠﺎق اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ وﺗﺨﺘﻤﮫ ،وﻟﻜﻨﮭﺎ أﯾﻀﺎ ﺗُﺒَﺚُ أرﺑﻊ ﻣﺮات إﺿﺎﻓﯿﺔ أﺛﻨﺎء ﻛﻞّ ﺣﻠﻘﺔ وذﻟﻚ ﻋﻨﺪ ﻛﻞ ﻗﻄﻊ ﻟﻠﺤﻮار ﻣﻦ أﺟﻞ ﺗﻤﺮﯾﺮ ﻣﺸﺎرﻛﺔ ﺟﻤﮭﻮر اﻟﺸﺎرع ﺑﻮاﺳﻄﺔ اﻟﻤﯿﻜﺮوﻓﻮن اﻟﻤﺘﺠﻮّل اﻟﺬي ﯾﺴﺄل اﻟﻤﺎرة ﻋﻦ آراﺋﮭﻢ ﻓﻲ ﻣﻮاﺿﯿﻊ اﻟﺤﻠﻘﺎت ﺑﻐﺎﯾﺔ ﻣﺰﯾﺪ ﺗﻮرﯾﻄﮭﻢ ﻓﻲ اﻟﺘﻠﻘّﻲ وﺷﺪّھﻢ إﻟﻰ اﻟﺒﺚّ اﻟﻤﺴﺠﻞ ﻟﻠﺒﺮﻧﺎﻣﺞ .ﻓﻜﻠﻤﺎت أﻏﻨﯿﺔ اﻟﺠﯿﻨﯿﺮﯾﻚ ﺗﺘﻮﺟّﮫ إﻟﻰ اﻟﻨﺴﺎء ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺻﯿﻐﺔ ﺗَﺨﺎطُﺐ ﻣُﺤﺒﺒﺔ ھﻲ ﻟﻔﻆ "أﺧﺘﺎه" ﻣﻦ أﺟﻞ ﻋﻘﺪ ﻣﯿﺜﺎق ﻗﺮﺑﻰ واﺳﻊ ھﻮ ﺑﻤﺜﺎﺑﺔ اﻟﻌُﺮوة اﻟﺘﻲ ﺗﺘﺠﺎوز اﻟﺄﺧﻮّة ﻓﻲ اﻟﺄﺳﺮة أو ﻓﻲ اﻟﻌﺎﺋﻠﺔ اﻟﻤُﻮﺳّﻌﺔ ﻧﺤﻮ راﺑﻄﺔ أﺷﻤﻞ وأﺑﻘﻰ ﺗﺮﺑﻂ اﻟﻤﺆﻣﻨﯿﻦ وﺗﺠﻌﻠﮭﻢ إﺧﻮة وأﺧﻮات ﻓﻲ اﻟﺪﯾﻦ ،وھﻲ أﻏﻨﯿﺔ ﺗﺼﯿﺐ اﻟﻤﺮﻣﻰ ﻟﺪى ﺟﻤﮭﻮر ﻣﺘﻨﻮع وﻣﺘﻔﺎوت اﻟﻤﻌﺎرف ﻟﺄﻧﮭﺎ ﺗﺆﺛّﺮ ﻓﯿﮫ ﺑﻤﻮﺳﯿﻘﺎھﺎ وﺻﻔﺎء ﺻﻮت ﻣﻨﺸﺪھﺎ ،ﻓﺎﻟﺄﻏﻨﯿﺔ ﻣﺪروﺳﺔ وﻣﻘﺼﻮد ﺗﺄﺛﯿﺮھﺎ ﻓﻲ اﻟﺴﺎﻣﻊ ﻟﺈدﺧﺎﻟﮫ ﻓﻲ ھﺎﻟﺔ ﻣﻦ اﻟﺮوﺣﺎﻧﯿﺎت اﻟﺘﻲ ﺗﻘﻮده ﺑﺸﻜﻞ ﺧﻔﻲّ إﻟﻰ ﺣﻠﻘﺎت اﻟﺈﻧﺸﺎد اﻟﺼﻮﻓﻲ اﻟﺘﻲ ﺗﺮفّ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻘﻠﻮب وﺗﺮقّ ﺷﺄﻧﮭﺎ ﺷﺎن ﻣﻮﺳﯿﻘﻰ اﻟﺄﻧﺎﺷﯿﺪ ﻓﻲ اﻟﻜﻨﺎﺋﺲ اﻟﻤﺴﯿﺤﯿﺔ .23ﻓﻤﺘﺎﺑﻊ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﺑﺎﺣﺚ ﻋﻦ إﺟﺎﺑﺎت ﺳﮭﻠﺔ ﺳﺮﯾﻌﺔ وﺑﺎﺣﺚ ﻋﻦ ﺣﻜﻤﺔ ﺳﺘﺄﺗﯿﮫ ﻣﻦ أﻓﻮاه اﻟﻌﺎرﻓﺎت واﻟﻌﺎرﻓﯿﻦ ﺑﺎﻟﺪﯾﻦ ﻓﻲ إطﺎر وﺟﺒﺎت اﻟﺘﻨﻮﯾﻢ اﻟﺪﯾﻨﻲ أو اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ ﺑﺎﻟﻨﯿﺎﺑﺔ ﻋﻦ اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻮاﺳﻊ واﻟﺎﺳﺘﺤﻮاذ ﻋﻠﻰ ﺑﻌﺪه اﻟﻤﻨﺎزع ،وﺟﺒﺎت ﯾﺘﺼﺪى ﻟﺘﺄﻣﯿﻨﮭﺎ ﻧﺠﻮم دﻋﺎة أو داﻋﯿﺎت ﯾﺘﻢّ ﺗﺸﻜﯿﻠﮭﻢ أو ﺻﻨﺎﻋﺘﮭﻢ ﻟﻠﻐﺮض ﻟﯿﺤﻠّﻮ ﺑﺪﯾﻠﺎ ﻋﻦ ﻣﻨﺎھﺞ ﺗﻨﻤﯿﺔ اﻟﻌﻘﻞ اﻟﺠﻤﺎھﯿﺮي أو ﻋﻦ اﻟﻤﺜﻘﻒ ﺑﻤﻌﻨﺎه اﻟﺸﺎﻣﻞ أو اﻟﻌﻀﻮي 24ﺑﻐﺎﯾﺔ ﻗﺘﻞ اﻟﻔﻜﺮ واﻟﺜﻘﺎﻓﺔ. ﺗﻘﻮل اﻟﺄﻏﻨﯿﺔ: أﺧﺘﺎه أﻧﯿﺒﻲ أﺧﺘﺎه ﻓﻘﺪ طﺎب ھﺪاه إنّ اﻟﻘﺮآن ھﻮ اﻟﮭﺎدي ﻟﻠﻨﻮر ﻓﻌﻮدي ﻟﺴﻨﺎه أﺧﺘﺎه أﺧﺘﺎه ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر ﯾَﺪﻋﻮ ﻟﺜﻮاب وأﺟﻮر ﯾَﺪﻋﻮ ﻟﺤﯿﺎء وﻋﻔﺎف ﻓﮭُﻤﺎ ﻛﺎﻟﺪرّ اﻟﻤﻨﺜﻮرِ أﺧﺘﺎه ﯾﺎ ﺣَﻆّ ﻓﺘﺎة ﺗَﺘْﻠﻮھﺎ ﺗﺤﻔَﻈُﮭﺎ وﺗَﻌﻲ ﻣﺎ ﻓﯿﮭﺎ ھﻲ ﻧﻮر اﻟﺄﺳﺮة ﻓﻲ اﻟﺪﻧﯿﺎ وطﺮﯾﻖ اﻟﺤَﻖّ ﻟﺒﺎرﯾﮭﺎ ﻓﮭﻲ أﻏﻨﯿﺔ ﻣﻦ ﺣﻘﻞ اﻟﮭﺪاﯾﺔ ﻟﻠﻌﻔﺎف واﻟﺤﯿﺎء وﺗﺤﺼﯿﻞ اﻟﺄﺟﺮ واﻟﺜﻮاب ورﻋﺎﯾﺔ اﻟﺄﺳﺮة ﻛﻤﺎ ھﻲ ﻏﺎﯾﺔ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﺗﻤﺎﻣﺎ وﻏﺎﯾﺔ اﻟﻘﻨﺎة واﻟﺠﻤﺎﻋﺔ وھﺪف اﻟﺴﻮرة ﺣﺴﺐ ﺟﻤﮭﻮر اﻟﻤﻔﺴّﺮﯾﻦ اﻟﺴﻮرة اﻟﺘﻲ زﺧﺮت ﺑﺄﺣﻜﺎم ﻗﺎطﻌﺔ ﻓﻲ اﻟﺰﻧﻰ واﻟﻘﺬف واﻟﻠﻌﺎن ﺗﻔﺎﺻﯿﻞ أﺧﺮى ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺑﯿﺔ وﻣﻜﺎرم اﻟﺄﺧﻠﺎق اﻟﻤﻠﺎﺣﻆ ھﻨﺎ ان اﻟﻐﻨﺎء ﻟﻢ ﯾﻌﺪ ﻣﺤﺮّﻣﺎ ﺑﻞ ھﻮ وﺳﯿﻠﺔ ﻟﺄﺳﺮ اﻟﻤﺘﻠﻘﻲ وﺗﺠﻨّﺐ ﻣﻠﻠﮫ ،وھﻮ اﻧﻔﺘﺎح ﻋﻠﻰ ﻟُﻮﺛﺮﯾّﺔ دﯾﻨﯿﺔ وﻋﻠﻰ ﺻﻮﻓﯿﺔ ﻟﻢ 23ﺗﻌﺪ ﻣﺮﻓﻮﺿﺔ ﺗﻤﺎﻣﺎ وذﻟﻚ ﻓﻲ إطﺎر ﺗﻄﻮﯾﺮ اﺳﺘﺮاﺗﯿﺠﯿﺎت اﻟﺘﻮاﺻﻞ ﻋﻨﺪ اﻟﺠﻤﺎﻋﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﺑﻐﺎﯾﺔ اﻟﺎﺳﺘﻘﻄﺎب واﻟﺘﺄﺛﯿﺮ. ﻛﻠﻤﺔ ﺗﻮﺟﮫ ﺑﮭﺎ ﺑﻮردﯾﻮ ﻟﺎﺟﺘﻤﺎع ﺿﻢ اﻟﻤﺸﺮﻓﯿﻦ ﻋﻠﻰ وﺳﺎﺋﻞ اﻟﺈﻋﻠﺎم ﻓﻲ ﻓﺮﻧﺴﺎ ﺳﻨﺔ 1999وﻧﺸﺮﺗﮭﺎ ﺟﺮﯾﺪة "ﻟﻮﻣﻨﺪ "اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ 24ﻋﻠﻰ ﺻﻔﺤﺘﮭﺎ اﻟﺄوﻟﻰ وﺿﻤّﺖ ﻣﻘﻮﻟﺘﮫ اﻟﺸﮭﯿﺮة" :إﻧﻜﻢ ﺗﻘﺘﻠﻮن اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ"
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ﻣﻘﺪﻣﺔ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﺤﻠﻘﺔ ﻧﻤﺎء اﻟﺒﻨّﺎ ﻗﺴّﻤﺖ دﻗﺎﺋﻖ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ إﻟﻰ ﺧﻤﺴﺔ أﺳﺌﻠﺔ ﺗﻮﺟﮭﮭﺎ ﺑﺎﻟﺘﻨﺎوب ﻛﻞ ﻣﺮة إﻟﻰ إﺣﺪى زﻣﯿﻠﺎﺗﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﺘﺴﺄل ﻋﻦ ﻋﻘﻮﺑﺔ ﻗﺬف اﻟﻤﺤﺼﻨﺎت وﻋﻦ ﻣﻌﻨﻰ اﻟﻤﺤﺼﻨﺔ وﺗﺴﺘﺰﯾﺪ ﺣﻮل اﻟﺘﺬﻛﯿﺮ ﺑﺤﺎدﺛﺔ اﻟﺎﻓﻚ اﻟﺘﻲ "ﺗﻘﻮّل ﺧﻠﺎﻟﮭﺎ اﻟﻤﻨﺎﻓﻘﻮن وﻋﻠﻰ رأﺳﮭﻢ" ﻋﺒﺪ ا ﺑﻦ أﺑﻲ ﺳﻠﻮل" ﻋﻠﻰ ﻋﺎﺋﺸﺔ أم اﻟﻤﺆﻣﻨﯿﻦ ورﻣﻮھﺎ ﺑﺎطﻠﺎ ﺑﻘﻀﺎء وﻗﺖ ﻣﻊ اﻟﺼﺤﺎﺑﻲ "ﺻﻔﻮان ﺑﻦ اﻟﻤﻌﻄﻞ اﻟﺴﻠﻤﻲ" أﺛﻨﺎء ﻋﻮدة اﻟﺠﯿﻮش ﻣﻦ ﻏﺰوة ﺑﻨﻲ اﻟﻤﻄﻠﻖ" .25وﻓﻲ اﺳﺘﺤﻀﺎر ﺳﯿﺮة ﻋﺎﺋﺸﺔ اﺳﺘﺤﻀﺎر ﻟﻨﻤﻮذج ﯾُﺮاد ﺗﻌﻤﯿﻤﮫ ھﻮ ﻧﻤﻮذج اﻟﻤﺮأة اﻟﻤﺴﻠﻤﺔ اﻟﺬﻛﯿﺔ ﻟﻜﻦ اﻟﻤﺴﺘﻜﯿﻨﺔ اﻟﺘﻲ ﻛﺮّﺳﺖ ﺣﯿﺎﺗﮭﺎ ﺑﻌﺪ وﻓﺎة اﻟﺮﺳﻮل ﻣﺤﻤﺪ زوﺟﮭﺎ ﻟﺮواﯾﺔ اﻟﺄﺣﺎدﯾﺚ واﻟﺴﯿﺮة اﻟﻨﺒﻮﯾﺔ ،وﻟﻜﻦ ﺳﯿﺮة ﻋﺎﺋﺸﺔ ﻧﻔﺴﮭﺎ ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ اﺟﺘﺰأت ﻟﺪى اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻠﺎ ﺗﺬﻛﺮ ﻣﻨﮭﺎ ﻣﺜﻠﺎ ﻣﺮﺣﻠﺔ ﻗﯿﺎدﺗﮭﺎ ﻟﺠﯿﺶ ﺧﺮج ﻋﻦ إﺟﻤﺎع اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ وﻛﺎﻧﺖ ﺧﻠﺎﻟﮭﺎ ﺻﺎﺣﺒﺔ رأي ﻣﻨﺸﻖ ﻋﻦ اﻟﺠﻤﺎﻋﺔ وﻋﻦ أھﻞ اﻟﺤﻞ واﻟﻌﻘﺪ. اﻟﺴﯿﺎق اﻟﺰﻣﺎﻧﻲ واﻟﻤﻜﺎﻧﻲ ﻟﺨﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر "ھﻮ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﻣُﺴﺠّﻞ ﻓﻲ اﺳﺘﻮدﯾﻮھﺎت ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﻓﻲ اﻟﻤﻤﻠﻜﺔ اﻟﺄردﻧﯿﺔ وھﻮ واﺣﺪ ﻣﻦ اﻟﺎﺳﺘﻮدﯾﻮھﺎت اﻟﻌﺪﯾﺪة اﻟﺘﻲ ﺗﻤﺘﻠﻜﮭﺎ اﻟﻘﻨﺎة ﻓﻲ ﻛﻞ ﻣﻦ ﻣﺼﺮ واﻟﻜﻮﯾﺖ واﻟﺄردن ،وﻗﺪ ﺳﺠﻠﺖ ﺣﻠﻘﺎﺗﮫ ﺗﺒﺎﻋﺎ ﻗﺒﻞ اﻧﻄﻠﺎق ﺷﮭﺮ رﻣﻀﺎن اﻟﺬي ﺗﺰاﻣﻦ ﻣﻊ ﺷﮭﺮي ﺟﻮﯾﻠﯿﺔ وأوت 2012م وھﻲ ﻣﻦ ﺳﻨﻮات اﻟﺰھﻮ ﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﻰ ﻟﺪﻋﻮة اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻛﻤﺎ أﻧﮭﺎ ﺳﻨﻮات ﻣﺪّ ﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ ﺣﺮﻛﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎم اﻟﺴﯿﺎﺳﻲ ﻓﻲ اﻟﻤﻨﻄﻘﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﺑﻌﺪ اﻟﺎﻧﺘﻔﺎﺿﺎت اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﻋﺮﻓﺘﮭﺎ ﻛﻞ ﻣﻦ ﺗﻮﻧﺲ وﻣﺼﺮ واﻟﯿﻤﻦ وﻟﯿﺒﯿﺎ وﺳﻮرﯾﺎ واﻟﺘﻲ ﺗُﻮّﺟﺖ ﺑﻔﻮز ھﺬه اﻟﺤﺮﻛﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﺑﺎﻟﺎﻧﺘﺨﺎﺑﺎت اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ ﻓﻲ ﻛﻞ ﻣﻦ ﺗﻮﻧﺲ ) اﻧﺘﺨﺎﺑﺎت أﻛﺘﻮﺑﺮ (2011واﻟﻤﻐﺮب اﻟﺎﻧﺘﺨﺎﺑﺎت اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ 2011وﻣﺼﺮ اﻟﺎﻧﺘﺨﺎﺑﺎت اﻟﺒﺮﻟﻤﺎﻧﯿﺔ 2011 إﺿ ﺎﻓﺔ إﻟﻰ اﻧﺘﻌﺎش ھﺬه اﻟﺘﯿﺎرات ﻓﻲ أﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﺑﻠﺪ ﻋﺮﺑﻲ ﻣﺄﺧﻮذة ﺑﺎﻟﻌﺰة ﺑﺎﻟﻨﺼﺮ .وھﻮ ﻣﺎ ﻣﻨﺢ اﻟﻤﺰﯾﺪ ﻣﻦ اﻟﺄرﯾﺤﯿﺔ ﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﻋﻮة اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ اﻟﻤﺘﻠﻔﺰة ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت ﻓﺎزدھﺮ اﻟﺨﻄﺎب ﺣﻮل اﻟﺪﯾﻦ إﻟﻰ ﺟﺎﻧﺐ اﻧﺘﺸﺎر اﻟﺪﻋﻮة ﻋﻠﻰ اﻟﺄرض ،ﺣﯿﺚ ﻓُﻚّ أﺳﺮ اﺳﺘﺮاﺗﯿﺠﯿﺎت اﻟﺘﻤﻜﯿﻦ ﻟﺘﯿﺎرات اﻟﺈﺳﻠﺎم اﻟﺴﯿﺎﺳﻲ ﺑﺄن أطﻠﻘﺖ أذرﻋﺘﮭﺎ اﻟﺪﻋﻮﯾﺔ ﺗﺠﻮب اﻟﺂﻓﺎق واﻟﻔﯿﺎﻓﻲ واﻟﺄﻣﺼﺎر ﻣﺒﺸﺮة ﺑﺎﻟﻔﺘﺢ اﻟﻤﺒﯿﻦ ﻟﺎﺳﺘﻌﺎدة اﻟﻤﺎرﻗﯿﻦ ﻋﻦ اﻟﺪﯾﻦ واﻟﻔﺎﻟﺘﯿﻦ ﻣﻦ اﻟﺪﻋﻮة واﻟﻤﺮﺗﺪﯾﻦ ﻋﻦ اﻟﺈﺳﻠﺎم ﻟﺎﺳﺘﺘﺎﺑﺘﮭﻢ ورﺑﺢ اﻟﺄﺟﺮ واﻟﺜﻮاب ﻟﻘﺎء ھﺬا ،ﻓﺘﻌﺰّزت اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﻋﻮﯾﺔ وﻧﺸﻄﺖ ﺳﻮق اﻟﺪﻋﺎة ﻣﻦ اﻟﻨﺴﺎء واﻟﺮﺟﺎل وﺗﺪاﺧﻠﺖ ﻣﻘﺘﻀﯿﺎت اﻟﺘﺮوﯾﺞ ﺑﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺜﻮاب ﻟﻤُﺮاﻛﻤﺔ اﻟﺮﺑﺢ واﻟﺄﺟﺮ ﻣﻌﺎ وﻛﺴﺐ اﻟﻤﺸﺎھﺪﯾﻦ واﻟﻤﺘﺎﺑﻌﯿﻦ ﻓﻲ ﺳﯿﺎق ﺗﻨﺎﻓﺴﻲ ﺷﺮس .ﻓﻘﺪ ﺻﺎر اﻟﺪﻋﺎة ﻧﺠﻮﻣﺎ ﺗﺘﻨﺎﻓﺲ اﻟﻘﻨﻮات ﻓﻲ اﻟﻔﻮز ﺑﺨﺪﻣﺎﺗﮭﻢ واﻟﺎﺳﺘﻔﺎدة ﻣﻦ ﻋﻠﻤﮭﻢ اﻟﺬي ﯾﻠﺒﻲ ﺣﺎﺟﯿﺎت ﺟﻤﮭﻮر اﻟﻤﺘﻄﻠﻌﯿﻦ واﻟﻤﺘﻄﻠﻌﺎت إﻟﻰ وﺟﺒﺎت إﯾﻤﺎﻧﯿﺔ ﺗﺤﻘﻖ إﺷﺒﺎﻋﮭﻢ وﺗﻄﻤﺌﻦ اﻟﻘﻠﻮب اﻟﺤﺎﺋﺮة ﻟﺠﻤﮭﻮر أوھﻤﺘﮫ اﻟﺤﺮﻛﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ اﻧﮫ اﻟﺂن وﻣﻌﮭﺎ ﻓﻘﻂ ﻗﺪ أﻋﺎد اﻛﺘﺸﺎف إﺳﻠﺎﻣﮫ ،ﻓﺘﻢّ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺴﯿﺎق اﺳﺘﺠﻠﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺔ "ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر" اﻟﺘﻲ ﻋﺮﻓﺖ ﻧﺠﺎﺣﺎ ﻛﺒﯿﺮا ﻓﻲ ﻣﺨﺎطﺒﺔ اﻟﺸﺒﺎب ﻓﻲ ﺑﻠﺪھﺎ اﻟﻤﻐﺮب وذاع ﺻﯿﺘﮭﺎ ﺧﺼﻮﺻﺎ ﺑﻌﺪ ﻓﻮز ﺣﺰﺑﮭﺎ "ﺣﺰب اﻟﻌﺪاﻟﺔ واﻟﺘﻨﻤﯿﺔ" وﺗﺼﺪره ﻟﻠﻤﺸﮭﺪ اﻟﺴﯿﺎﺳﻲ اﻟﻤﻐﺮﺑﻲ وﺗﺸﻜﯿﻞ ﺣﻜﻮﻣﺔ "ﻋﺒﺪ اﻟﺈﻟﮫ ﺑﻦ ﻛﯿﺮان" اﻟﺄوﻟﻰ اﻟﺘﻲ داﻧﺖ ﺑﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻮﻟﺎء ﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح اﻟﺬراع اﻟﺪﻋﻮي ﻟﻠﺤﺰب ،وھﻲ ذات اﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻨﺘﻤﻲ إﻟﯿﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرھﺎ ﻣﺴﺆوﻟﺔ اﻟﺸﺒﺎب واﻟﺄﺳﺮة ﻓﯿﮭﺎ .ﻓﻮراء ھﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﺟﻤﮭﻮر ﻛﺒﯿﺮ ﻓﻲ ﺑﻠﺪھﺎ اﻟﻤﻐﺮب وﺟﻤﮭﻮر أوﺳﻊ ﻣﻦ اﻟﻤﺘﺎﺑﻌﯿﻦ اﻟﻤﺄﻣﻮﻟﯿﻦ اﻟﺬﯾﻦ ﻗﺪ ﺗﻜﺴﺒﮭﻢ "ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ" ﻣﻦ اﻟﻤﺘﺎﺑﻌﯿﻦ ﻓﻲ اﻟﻤﻨﻄﻘﺔ اﻟﻤﻐﺎرﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻌﺘﺒﺮ أرﺿﺎ ﺑﻜﺮا ﻟﻠﻤﺠﺎل اﻟﺪﻋﻮي ﻟﻢ ﯾﺼﺐ ﺟﻤﮭﻮرھﺎ ﺑﺘﺨﻤﺔ ھﺬا اﻟﺒﺰﻧﺲ اﻟﺪﻋﻮي اﻟﺮاﺋﺞ ﻛﺠﻤﮭﻮر اﻟﺨﻠﯿﺞ اﻟﻌﺮﺑﻲ أو اﻟﻤﺸﺮق اﻟﻌﺮﺑﻲ ،وذﻟﻚ ﻧﺘﯿﺠﺔ ﻣﺎ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻔﺮﺿﮫ اﻟﺄﻧﻈﻤﺔ اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﺔ اﻟﺤﺎﻛﻤﺔ ﻓﯿﮭﺎ ﻣﻦ ﻗﯿﻮد ﺗﺼﻞ ﺣﺪ اﻟﻤﻨﻊ وﻣﺤﺎﺻﺮة اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ وﺑﺮاﻣﺞ اﻟﺈﻓﺘﺎء اﻟﻤﺒﺎﺷﺮ ،وإن ﻛﺎﻧﺖ ﻗﺪ ﺗﻤﺖ ﻣﺮاوﻏﺔ ھﺬا اﻟﻤﻨﻊ ﻧﺴﺒﯿﺎ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﺳﺘﻐﻠﺎل اﻟﻤﻤﻜﻨﺎت اﻟﺘﻜﻨﻮﻟﻮﺟﯿﺔ ووﺳﺎﺋﻞ اﻟﺘﻮاﺻﻞ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲ. وﻗﺪ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﺴﻨﻮات اﻟﺘﻲ ﺗﻠﺖ اﻟﺎﻧﺘﻔﺎﺿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﺳﻨﻮات رﻣﺎل ﻣﺘﺤﺮﻛﺔ ﺗﺤﺖ ﺳﯿﻘﺎن اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﯿﻦ وأﺻﺤﺎب اﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﻤﺎﻟﯿﺔ واﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻟﻢ ﯾﺴﺘﻄﯿﻌﻮا ﺧﻠﺎﻟﮭﺎ اﻟﺈﻣﺴﺎك اﻟﻤﻌﮭﻮد ﺑﻤِﻘﻮد اﻟﺠُﻤﻮع ،26ﺗﻠﻚ اﻟﺠﻤﻮع اﻟﺘﻲ زﻋﺰﻋﺖ اﺳﺘﻘﺮار ﺳﻠﻄﺎﻧﮭﻢ وأرﺑﻜﺖ ﺟﺰﺋﯿﺎ ﺳﯿﻄﺮﺗﮭﻢ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻘﻮل ،ﻓﻜﺎن ﻟﺰاﻣﺎ أن ﺗﺘﺤﺮك ﻛﻞ ﺗﺮﺳﺎﻧﺎت اﻟﻤﻮاﺟﮭﺔ ﻟﻠﺘﺼﺪّي ﻟﻨﻔﺤﺎت اﻟﺘﻐﯿﯿﺮ اﻟﺘﻲ ﻗﺪ ﺗﺄﺗﻲ ﺑﻤﺎ ﻟﺎ ﺗﺸﺘﮭﯿﮫ ﺳﻔﻦ أﻣﺮاء اﻟﺤﻜﻢ واﻟﻤﺎل واﻟﺪﯾﻦ ،ﻓﺘﻢ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺴﯿﺎق ﺗﺪﻋﯿﻢ طﺮق اﻟﺘﺼﺪي ﻟﻨﻮاﻓﺬ اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ اﻟﻤﺨﺘﻠﻒ واﻟﺤﺮّ اﻟﺘﻲ ﺑﺪأت ﺗﻔﺘﺢ -أو ﻗﺪ ﺗﻔﺘﺢ -ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﻟﻌﺪوى اﻟﺠﻤﺎھﯿﺮﯾﺔ اﻟﺜﻮرﯾﺔ ،ﻓﻜﺎﻧﺖ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ اﻟﻤﺒﺬول ﻣﻦ أﺟﻠﮭﺎ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻤﺎل إﺣﺪى آﻟﯿﺎت ﺗﺴﯿﯿﺞ اﻟﻤﺠﺘﻤﻌﺎت واﻟﺴﯿﻄﺮة ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻘﻮل ﻋﺒﺮ ﺗﻜﺜﯿﻒ ﺣﻀﻮر اﻟﺪﻋﺎة ﻧﺴﺎء ورﺟﺎﻟﺎ واﻟﻨﻔﺦ ﻓﻲ ﺻﻮرھﻢ ﻣﻦ اﺟﻞ أن ﯾﻔﻜﺮوا ﺑﺪﻟﺎ ﻋﻦ اﻟﺠﻤﮭﻮر وﻣﻦ أﺟﻞ أن ﯾﻘﺮؤوا ﺑﺪﻟﺎ ﻋﻨﮫ وﻣﻦ اﺟﻞ أن ﯾﺨﺘﺎروا ﻟﮫ ...وﻛﻞ ذﻟﻚ ﺿﻤﻦ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ طﺎﻋﺔ أوﻟﻲ اﻟﺄﻣﺮ وواﺟﺐ وأد اﻟﺄﻓﻜﺎر اﻟﺠﺪﯾﺪة ﻛﻔﻜﺮة اﻟﻤﻮاطﻨﺔ واﻟﺘﺼﺪي ﻟﻤﺎ ﻗﺪ ﯾﺘﻜﺮّس ﻣﻦ ﻣﻔﺎھﯿﻢ اﻟﺘﻨﻮﯾﺮ ﻛﺎﻟﻔﺮداﻧﯿﺔ أو اﻟﺤﺮﯾﺎت اﻟﻌﺎﻣﺔ واﻟﺨﺎﺻﺔ أو ﺗﻔﺎﺻﯿﻞ ﺣﻘﻮق اﻟﺈﻧﺴﺎن وﺣﺮﯾﺔ اﻟﻀﻤﯿﺮ ...وﻛﻞ ﻣﺎ ﻣﻦ ﺷﺄﻧﮫ أن ﯾﻔﺴﺢ اﻟﻤﺠﺎل ﻟﺨﺮوج اﻟﻔﺮد اﻟﻌﺮﺑﻲ ﻣﻦ وﺿﻌﯿﺔ 25اﻟﺪﻗﯿﻘﺔ اﻟﻮاﺣﺪة واﻟﻌﺸﺮون ﻣﻦ اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﻤﺬﻛﻮرة 26ﻣﻌﺘﺰ اﻟﺨﻄﯿﺐ ،اﻟﻔﻘﯿﮫ واﻟﺪوﻟﺔ ﻓﻲ اﻟﺜﻮرات اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ،ﻣﻨﺼﺔ اﻟﻤﻨﮭﻞ.
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اﻟﺎﻧﺘﻤﺎء إﻟﻰ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺮﻋﯿّﺔ ﻧﺤﻮ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﻤﻮاطﻦ ﺑﺒﻌﺪي اﻟﺤﻖ واﻟﻮاﺟﺐ ﻓﯿﮭﺎ .ﻓﻮُﺟﺪت ﺑﺮاﻣﺞ ﺗﻠﻔﺰﯾﺔ ﻛﺜﯿﺮة وﻓﻲ ﻛﻞ اﻟﺸﺎﺷﺎت وﻓﻲ أوﻗﺎت ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ اﻟﻠﯿﻞ واﻟﻨﮭﺎر وﻋﻠﻰ ﻛﻞ اﻟﺄﻗﻤﺎر اﻟﺼﻨﺎﻋﯿﺔ وﻓﻲ ﻛﻞ اﻟﺒﺎﻗﺎت وﺑﻜﻞ اﻟﻠﮭﺠﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ وﺑﻠﻐﺎت ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ وﺑﺮؤى إﺧﺮاﺟﯿﺔ ﻣﺘﺠﺪدة ،ﻓﻀﻠﺎ ﻋﻦ اﻟﻤﺆرﺷﻒ ﻣﻨﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺎﻧﺘﺮﻧﯿﺖ واﻟﺬي ﯾﻤﻜﻦ اﻟﻌﻮدة إﻟﻰ ﻣﺸﺎھﺪﺗﮫ ﺑﯿﺴﺮ ﻓﻲ ﻛﻞ اﻟﺄوﻗﺎت واﻟﺄﻣﺎﻛﻦ ،وﻛﻞ ھﺬا ﺑﻐﺎﯾﺔ ﻗﺼﻒ اﻟ ﻌﻘﻮل ﻟﺜﻨﯿﮭﺎ ﻋﻦ اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ اﻟﻤﺨﺘﻠﻒ أو اﻟﻤﻨﺸﻖ ﻋﻦ طﺎﻋﺔ أوﻟﻲ اﻟﺄﻣﺮ ،وإﻋﺎدﺗﮭﺎ إﻟﻰ ﺣﻈﯿﺮة اﻟﺮﻋﯿّﺔ، وﺿﻤﻦ ھﺬا اﻟﺴّﯿﺎق ﯾﺘﻨﺰل ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" اﻟﺬي طﺮح ﻋﻠﻰ ﻧﻔﺴﮫ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل رؤﯾﺔ اﻟﻘﻨﺎة وﺳﯿﺎﺳﺘﮭﺎ اﻟﺘﺨﺼﺺ ﻓﻲ ﻣﺨﺎطﺒﺔ ﺟﻤﮭﻮر اﻟﻨﺴﺎء ﻟﺘﺜﺒﯿﺘﮫ ﻓﻲ أرض اﻟﻘﺪاﻣﺔ واﻟﻘﺘﺎﻣﺔ ﻓﻠﺎ ﯾﺮﻧﻮ ﻟﻨﻮر ﺧﺎرج ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر اﻟﺘﻲ ﺗﺪﯾﻢ أﺣﻜﺎﻣﮭﺎ طﺎﻋﺔ اﻟﺠﻤﯿﻊ ﻟﺘﻌﺎﻟﯿﻢ اﻟﻜﺘﺎب وطﺎﻋﺔ اﻟﺮﺟﻞ واﻟﻤﺮأة ﻟﻠﺴﻠﻄﺎن وان ﻛﺎن ﺟﺎﺋﺮا وطﺎﻋﺔ اﻟﻤﺮأة ﻟﻠﺮﺟﻞ ﺑﻤﺎ ﻓﻀﻠﮫ ا . ج -ﻓﻲ ﺳﯿﻤﺎﺋﯿّﺔ اﻟﻨﺺّ اﻟﻤﺮﺋﻲ وھﻦ ﺗَﺨﻀﻦ ﻓﻲ ﺣﻮار ھﺬه اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﻤﺘﻌﻠﻘﺔ ﺑﻤﺎ ﻋﺮف ﺑﺤﺎدﺛﺔ اﻟﺎﻓﻚ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﻤﻘﺪﻣﺎت أو اﻟﻤﻨﺸﻄﺎت ﻣﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﯾﺮﺗﺪﯾﻦ أزﯾﺎء داﻛﻨﺔ ھﻲ اﻟﺄﺳﻮد واﻟﺄزرق اﻟﻨﯿﻠﻲ واﻟﺒﻨﻲ اﻟﺪاﻛﻦ ﻣﻊ ﺧُﻤُﺮٍ ﻓﺎﺗﺤﺔ )ﺑﯿﺞ وأﺑﯿﺾ( ﻟﻠﺤﻤﺼﻲ واﻟﺒﻨّﺎ ﻛﻤﺎ ھﻲ ﻋﺎدة اﻟﻤﺸﺎرﻗﺔ ﻓﻲ اﻟﻤﻠﺒﺲ ﺧﺼﻮﺻﺎ واﻟﺄﺑﯿﺾ دﻟﯿﻞ اﻟﻨﻘﺎء واﻟﺮوﺣﺎﻧﯿﺔ واﻟﺒﺮاءة ﻛﻤﺎ ﺗﺘﺤﺪث ﻋﻨﮫ ﻛﺘﺐ دﻟﺎﻟﺎت اﻟﺄﻟﻮان ،وﺧﻤﺎر ﺑﻨﻲ ﻓﺎﺗﺢ وﻗﻔﻄﺎن ﻣﻐﺮﺑﻲ ﺧﺎل ﻣﻦ اﻟﺰرﻛﺸﺔ ﻟﻔﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ،وﻛﻠﮭﺎ أﻟﻮان ﺻﺎرﻣﺔ ﻏﯿﺮ ﻣﺮﺣّﺒﺔ ﺗﺨﻠﻮ ﻣﻦ ﻋﻨﺼﺮ اﻟﺰھﻮ اﻟﺬي ﯾﻘﺮب ﺑﯿﻦ اﻟﺒﺎث واﻟﻤﺘﻠﻘﻲ ،ﻓﻀﻠﺎ ﻋﻦ أن ھﺬه اﻟﻘﺘﺎﻣﺔ واﻟﺄﺣﺎدﯾﺔ ﺗُﻨﺒﺊ ﻋﻦ ﯾﻘﯿﻨﯿﺎت ﻣﻀﺒﻮطﺔ ﻟﺎ ﯾﺪاﺧﻠﮭﺎ اﻟﺸﻚ وﻟﺎ ﯾﻄﺎﻟﮭﺎ اﻟﺒﺎطﻞ ،27ﻓﮭﻲ أﻟﺒﺴﺔ ﺗﻌﻠﻦ ﻋﻦ اﻧﺘﻤﺎءات ﺳﯿﺎﺳﯿﺔ ﺣﯿﻨﺎ )اﻟﺨﻤﺮ اﻟﺒﯿﻀﺎء ﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺈﺧﻮان اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ( وﻋﻦ اﻧﺘﻤﺎءات دﯾﻨﯿﺔ ﺗﺠﻌﻞ ﻣﻦ اﻟﺠﻠﺎﺑﯿﺐ وأﻏﻄﯿﺔ اﻟﺮأس ﻋﻨﺎوﯾﻦ ﻟﺎﻧﺘﻤﺎء ﺟﺪﯾﺪ ھﻮ ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ اﻟﻤﺆﻣﻨﺎت ﻓﻲ ﻛﻞ ﻣﻜﺎن ﻣﻦ اﻟﺄرض ،اﻧﺘﻤﺎء ﯾﺘﺴﺎﻣﻰ ﻓﻲ اﻟﻈﺎھﺮ ﻋﻦ اﻟﺠﻐﺮاﻓﯿﺎ واﻟﻠﻮن ﻟﻔﺎﺋﺪة اﻟﺎﻧﺘﻤﺎء اﻟﺈﯾﻤﺎﻧﻲ إﻟﻰ اﻟﺈﺳﻠﺎم ،وأﻟﺒﺴﺔ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ ھﻲ أﻟﺒﺴﺔ ﺗﻌﻠﻦ أﯾﻀﺎ ﻋﻦ اﻟﺮﻏﺒﺔ ﻓﻲ اﻟﻈﮭﻮر ﺑﻤﻈﮭﺮ ﯾﺘﺪاﺧﻞ ﻓﯿﮫ ﺗﻮاﺿﻊ اﻟﻌﺎﻟﻤﺎت ﻣﻊ زھﺪ اﻟﺸﯿﺨﺎت ووَﻗﺎر اﻟﻤُﻔﻜّﺮات اﻟﻤﻤﺘﻠﻜﺎت ﻟﻠﺤﻘﯿﻘﺔ .وﻗﺪ وردت ھﺬه اﻟﻤﻠﺎﺑﺲ اﻟﻤﺘﻮاﺿﻌﺔ ﻟﻠﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺜﻠﺎث وﺧُﻠﻮِّ وُﺟﻮھﮭﻦ ﻣﻦ اﻟﻤﺴﺎﺣﯿﻖ وأﻧﺎﻣﻠﮭﻦ وﻣﻌﺎﺻﻤﮭﻦ ورﻗﺎﺑﮭﻦ ﻣﻦ ﻣﺘﻌﻠﻘﺎت اﻟﺰﯾﻨﺔ ﻣﻦ ﺣﻠﻲّ وإﻛﺴﺴﻮارات ﻣﺘﻨﺎﻗﻀﺔ ﻣﻊ دﯾﻜﻮر اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ اﻟﺬي ﺟﺎء ﻓﺨﻤﺎ ﺗَﺼﺪّت ﻟﺎﻧﺠﺎزه وﺗﻨﻔﯿﺬه ﺷﺮﻛﺔ ﻣﻌﺮوﻓﺔ )اﻟﻜﻠﻤﺔ ﻟﻠﺈﻧﺘﺎج اﻟﻔﻨﻲ( وﺻﻤّﻤﺘﮫ دﻛﺘﻮرة ﻣﺘﺨﺼّﺼﺔ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻔﻦ ھﻲ "ﻏﯿﺪاء ﺑﻮ ﻗﺮﯾﺺ" وﻛﺎن دﯾﻜﻮرا ﻋﺼﺮﯾﺎ أﻟﻮاﻧﮫ زاھﯿﺔ ،ﯾُﺰَاوجُ ﺑﯿﻦ اﻟﺄﺻﺎﻟﺔ واﻟﻤﻌﺎﺻﺮة ﻣﻜﻮﻧﺎﺗﮫ ﻋﻠﻰ ﺑﺴﺎطﺘﮭﺎ ﻣﺨﺘﺎرة ﺑﻌﻨﺎﯾﺔ ) ﻓﻮاﻧﯿﺲ وﻣﺸﺎﻋﻞ ( ،ﻓﻲ ﺣﯿﻦ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﺈﺿﺎءة ﺳﺎطﻌﺔ وﻣﻨﺴﺠﻤﺔ ﻣﻊ ﻋﻨﻮان اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ إذ ﺗﺠﻠﺲ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻋﻠﻰ ﺛﻠﺎث أراﺋﻚ زرﻗﺎء ﺗﺤﯿﻂ ﺑﺪاﺋﺮة ﺑﯿﻀﺎء ﺗﺘﻮﺳﻄﮭﺎ طﺎوﻟﺔ ﻣﺪوّرة وﻣﺘﻨﺎﺳﻘﺔ اﻟﺤﺠﻢ ﻣﻊ ﺑﺎﻗﻲ ﻣﻜﻮﻧﺎت اﻟﺪﯾﻜﻮر ،وھﻮ اﺧﺘﯿﺎر ﻟﻮﻧﻲٌّ ﻣﺪروس ﺑﻌﻨﺎﯾﺔ ﻟﺄن اﻟﻠﻮن اﻟﺄزرق "ﻟﻮن اﻟﻄﻤﺄﻧﯿﻨﺔ واﻟﺘﻮاﺻﻞ واﻟﺤﻜﻤﺔ واﻟﮭﺪوء واﻟﻤﻨﻄﻖ" ،واﻟﺄﺑﯿﺾ ھﻮ "ﻟﻮن ﯾﻮﺣﻲ ﺑﺎﻟﻨﻘﺎء واﻟﺒﺴﺎطﺔ واﻟﻮﺿﻮح" . 28ﺗﺠﻠﺲ اﻟﺪاﻋﯿﺎت أﺛﻨﺎء اﻟﺘﻘﺪﯾﻢ ﻓﻲ وﺿﻊ ﻧﺼﻒ اﻟﺪاﺋﺮة ﻛﻞ واﺣﺪة ﻋﻠﻰ أرﯾﻜﺔ ﺗﻘﺎﺑﻞ ﻛﻞ ﻣﻨﮭﻦ ﻛﺎﻣﯿﺮا ﯾﻮﺟّﮭﮭﺎ اﻟﻤﺨﺮج " ﺳﯿﻒ درﺑﺎس" ﻛﻠﻤﺎ ﺗﻜﻠﻤﺖ إﺣﺪى اﻟﺪاﻋﯿﺎت وﯾﺴﻠﻂ ﻋﻠﯿﮭﺎ ﺻﻮرة ﻛﺒﯿﺮة ﺗﻈﮭﺮ اﻟﻮﺟﮫ اﻟﺨﺎﻟﻲ ﻣﻦ اﻟﺘﺒﺮج اﻟﺬي ﯾُﺮاد ﻟﻠﻤﺘﺎﺑﻊ أن ﯾﺮاه ﻣﺘﺰﯾّﻨﺎ وﻣُﻀﺎء ﺑﻨﻮر رﺑّﺎﻧﻲ ھﻮ ﻧﻮر اﻟﻘﺮان وﻧﻮر ﺳﻮرة اﻟﻨﻮر ﻓﻘﻂ .ﻛﻤﺎ أنّ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻟﺎ ﯾﺘﻮﺳّﻠﻦ ﺑﺄﯾﺔ وﺳﺎﺋﻂ ﻓﻲ اﻟﺘﻘﺪﯾﻢ ﻣﻦ ﻗﺒﯿﻞ اﻟﺄوراق أو اﻟﺤﻮاﺳﯿﺐ ﻟﯿﻘﺮأن ﻣﻨﮭﺎ أو ﯾﺘﺬﻛﺮن ﻓﻘﺮات أو أﻗﺴﺎم اﻟﺤﻠﻘﺔ وﻟﻜﻦ ﻣﻦ اﻟﻮاﺿﺢ أن ﻣﻦ ﺗﺘﻮﻟﻰ ﺗﻘﺪﯾﻢ اﻟﺤﻠﻘﺔ ﻣﻦ ﺑﯿﻨﮭﻦ ﺗﻘﺮأ ﻣﻦ ﺷﺎﺷﺔ ﻣﺴﺘﺮﺳﻠﺔ أو ﻣُﻨﻈّﻤﺔ ﺗﺴﻤّﻰ ) ﺗﯿﻠﻲ ﺑﺮﻣﺒﺘﻮر( وھﻲ ﺷﺎﺷﺔ ﻣﺘﺤﺮّﻛﺔ ﻋﻠﻰ ﻋﺠﻠﺎت ﺗﻮﺟّﮫ ﺣﯿﺚ ﯾﻨﻈﺮ اﻟﻘﺎرئ .ﻛﻤﺎ أﻧﮭﻦ ﺗﺴﺘﻌﻤﻠﻦ ﻧﺒﺮة ھﺎدﺋﺔ وﯾﻘﻠﻠﻦ ﻣﻦ ﺣﺮﻛﺎت اﻟﯿﺪﯾﻦ ﻓﻲ ﻣﻮاﺟﮭﺔ اﻟﻜﺎﻣﯿﺮا ﺣﺮﺻﺎ ﻣﻨﮭﻦ ﻋﻠﻰ ﺧﻠﻖ ﺟﻮّ ﻣﻦ اﻟﺄﻟﻔﺔ واﻟﻘﺮب ﻣﻊ اﻟﻤﺘﺎﺑﻊ ،إذ ﺗﻨﻄﻠﻖ اﻟﺪاﻋﯿﺔ /اﻟﻤﻘﺪّﻣﺔ ﺑﻌﺪ اﻟﺘﺮﺣﯿﺐ ﻓﻲ ﻛﻠﺎم ﻣﺮﺗﺐ وﻣﻜﺘﻮب ﺳﻠﻔﺎ ﻣﻊ ﺗﻘﺪﯾﻤﺎت ﻓﻘﮭﯿﺔ وأﺷﻌﺎر طﻮﯾﻠﺔ وأﺣﯿﺎﻧﺎ ﻗﺼﺎﺋﺪ ﻛﺎﻣﻠﺔ ﻣﺜﻠﻤﺎ ﺣﺪث ﻓﻲ ﺧﺎﺗﻤﺔ ھﺬه اﻟﺤﻠﻘﺔ ﻣﻤﺎ ﯾﺪﻋﻢ ﻓﺮﺿﯿﺔ اﻟﻘﺮاءة ﻣﻦ اﻟﺸﺎﺷﺔ اﻟﻤﻨﻈﻤﺔ. اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر:ﻣﺄزق اﻟﺨﻄﺎب اﻟﻤﻨﻔﺼﻞ ﻋﻦ اﻟﻌﺼﺮ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﺻﺎﺣﺒﺔ اﻟﺴﯿﺮة اﻟﺈﺷﻜﺎﻟﯿﺔ واﻟﺪاﻋﯿﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻮّﺟﺖ ﻣﺴﺎرھﺎ اﻟﺪﻋﻮي ﺑﺎﻟﻮﻗﻮع ﻓﻲ ﻣﺎ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻨﮭﻰ ﻋﻨﮫ طﯿﻠﺔ ﺳﻨﻮات ﻣﺒﺎﺷﺮﺗﮭﺎ ﻟﻠﺪﻋﻮة ھﺬه اﻟﺪﻋﻮة اﻟﺘﻲ أﻗﺎﻣﺘﮭﺎ ﻋﻠﻰ ﻓﻜﺮة ﻣﺤﻮرﯾﺔ ھﻲ إﻧﻘﺎذ اﻟﺸﺒﺎب -واﻟﺸﺎﺑﺎت ﺧﺼﻮﺻﺎ -ﻣﻦ اﻟﺰﯾﻎ واﻟﻔﺴﻖ ،وﻛﺎن ھﺪﻓﮭﺎ اﻟﺄﺳﺎﺳﻲ ھﻮ ﺗﺮﺑﯿﺔ اﻟﻨﺶء ﻋﻠﻰ ﺳﻠﻮك اﻟﺴﻠﻒ وأﺧﻠﺎق اﻟﺼﺎﻟﺤﯿﻦ ﺿﻤﻦ ﻣﻨﮭﺞ اﻟﺸﺪّة وﺑﻮاﺳﻄﺔ اﻟﻨﮭﻲ واﻟﺰﺟﺮ واﻟﺘﺮھﯿﺐ واﻟﺘﺨﻮﯾﻒ دون ﻣﺮاﻋﺎة ﺳﯿﺎﻗﺎت اﻟﺤﯿﺎة اﻟﻤﻌﺎﺻﺮة ودون ﺗﻨﺴﯿﺐ ﻟﺨﻄﺎﺑﺎت اﻟﻘُﺪاﻣﻰ أو إﻋﻤﺎل اﻟﻨﻈﺮ 27اﻟﺪﻟﺎﻟﺎت اﻟﻨﻔﺴﯿﺔ ﻟﻠﺄﻟﻮان .أﻛﺎدﯾﻤﯿﺔ ﻧﯿﺮوﻧﺖ ﻟﻠﺘﻄﻮﯾﺮ واﻟﺈﺑﺪاع واﻟﺘﻨﻤﯿﺔ اﻟﺒﺸﺮﯾﺔ ،ﺗﺮﺟﻤﺔ آﻟﺎء أﺑﻮ ﻋﻠﻲ 28ﻧﻔﺲ اﻟﻤﺮﺟﻊ
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ﻓﯿﮭﺎ ،داﻋﯿﺔ ﺳﺘﻌﺮف ﺣﯿﺎﺗﮭﺎ اﻧﻘﻠﺎﺑﺎ ﺻﺎرﺧﺎ وﻗﻌﺖ ﻓﯿﮫ ﺑﯿﻦ ﺳﻨﺪان ﺧﻄﺎﺑﮭﺎ اﻟﻤﻮﻏﻞ ﻓﻲ اﻟﻤﺎﺿﻮﯾّﺔ وﻣﻄﺮﻗﺔ ﺗﻔﺎﺻﯿﻞ ﻣﻌﯿﺸﮭﺎ اﻟﻤﺘﻠﺒّﺲ ﺑﺎﻟﻤﻌﺎﺻﺮة. وﺳﻨﺘﻨﺎول ھﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺛﻠﺎث ﻟﺤﻈﺎت زﻣﻨﯿﺔ ھﻲ: ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎﻧﺒﻠﺎج )ﻣﻦ اﻟﺴﺮّ إﻟﻰ اﻟﻌﻠﻦ( ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎزدھﺎر ) اﻟﻔﻀﺎﺋﻲ اﻟﻤﻌﻮﻟﻢ( ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎﻧﺤﺴﺎر ) اﻟﺘﻮاري ﺑﻌﺪ ﻓﻀﯿﺤﺔ ﺟﻨﺴﯿﺔ(اﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﻋﺮﻓﺖ ﻓﯿﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻛﻐﯿﺮھﺎ ﻣﻦ اﻟﺪﻋﺎة ﺑﺪاﯾﺔ ﻣﺘﺪرّﺟﺔ ﺗﺮاﻋﻲ ﺷﺮوط ﺑﯿﺌﺘﮭﺎ ،إذ ﺑﺪأت ﻣﺸﻮارھﺎ اﻟﺪﻋﻮي ﻓﻲ ﻣﺤﯿﻄﮭﺎ اﻟﺘﻠﻤﺬي اﻟﺼﻐﯿﺮ ﺛﻢ ﻓﻲ ﺑﻌﺾ اﻟﺒﯿﻮت اﻟﻤﺴﺘﺘﺮة ﻣﺮورا ﺑﺒﻌﺾ اﻟﻤﺴﺎﺟﺪ اﻟﺼﻐﯿﺮة ،وازدادت ﺷﺠﺎﻋﺘﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺪﻋﻮة ﻣﻊ ﻛﻞ ﺧﻄﻮة ﯾﺨﻄﻮھﺎ ﺣﺰب اﻟﻌﺪاﻟﺔ واﻟﺘﻨﻤﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﺤﯿﺎة اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ وھﻮ اﻟﺤﺰب اﻟﺬي اﻧﺘﻤﺖ ﻟﻔﺼﯿﻠﮫ اﻟﺪﻋﻮي "اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح" ،ﻓﺼﺎرت ﺗﻘﺪم اﻟﺪروس إﻟﻰ اﻟﺸﺎﺑﺎت اﻟﻤﺮاھﻘﺎت ﻓﻲ ﻣﻘﺮّاﺗﮫ اﻟﻤﻨﺘﺸﺮة ﻓﻲ أرﺟﺎء اﻟﻤﻐﺮب اﻟﺄﻗﺼﻰ وذاع ﺻﯿﺘﮭﺎ ﺷﯿﺌﺎ ﻓﺸﯿﺌﺎ وﺳﺎﻧﺪھﺎ اﻟﺪﻋﺎة اﻟﺮﺟﺎل ﻣﻦ اﺟﻞ ﺗﻮﺳﯿﻊ ﻗﺎﻋﺪة اﻟﺤﺮﻛﺔ ﺟﻤﺎھﯿﺮﯾﺎ وﻣﻦ أﺟﻞ اﻟﺎﻧﺘﺸﺎر ﻓﻲ اﻟﺄرض واﻟﺘﻮﺟﮫ ﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻨﺴﺎء ﺑﻮاﺳﻄﺔ اﻟﻨﺴﺎء ﻟﺮﻓﻊ اﻟﺤﺮج وﺗﺠﻨﺐ اﻟﻮﻗﻮع ﻓﻲ اﻟﺈﺛﻢ ،ﻓﮭﺬا اﻟﺨﻄﺎب اﻟﻤﻮﺟّﮫ إﻟﻰ ﻟﻨﺴﺎء ﺧﻄﺎب ﻣﺪﻋﻮم ﺑﺎﻟﻘﺮان واﻟﺴﻨﺔ وﺳﯿﺮة اﻟﺄﺳﻠﺎف اﻟﺄﺧﯿﺎر وﺑﺂراء ﻋﻠﻤﺎء اﻟﺈﺳﻠﺎم اﻟﺬﯾﻦ ﻣﻨﮭﻢ اﻟﺸﯿﺦ اﻟﻤﻐﺮﺑﻲ"ﻣﺤﻤﺪ اﻟﺮاﻓﻌﻲ" 29اﻟﺬي ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﯾﺆﻣﻦ ﻟﺎ ﺑﺎﻟﺘﺄوﯾﻞ وﻟﺎ ﺑﺎﻟﺘﻌﻄﯿﻞ ﺑﻞ ﺑﺎﻟﻨﺺ ﻓﻲ ﺣﺮﻓﯿﺘﮫ دون ﻣﻘﺎﺻﺪه ،و ﻛﺎﻧﺖ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ ﺗﻘﺮأ ﻣﻦ ﺧﻄﺒﮫ ودروﺳﮫ ،30ﻓﻜﺎﻧﺖ دروﺳﮭﺎ ﺗﻠﻘﻰ اﻟﻘﺒﻮل اﻟﻨﺴﺒﻲ ﺧﺎﺻﺔ ﻟﺪى أﺗﺒﺎع اﻟﺤﺰب ،ﺛﻢ ﺗﻮﺳﻌﺖ دروﺳﮭﺎ ﺷﯿﺌﺎ ﻓﺸﯿﺌﺎ وﺑﺎﺗﺖ ﺗﺴﺠﻞ ﻟﺘﺒﺚ ﻋﻠﻰ وﺳﺎﺋﻞ اﻟﺘﻮاﺻﻞ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲ ﺛﻢ ﺗُﺤﻤّﻞ ﻟﺎﺣﻘﺎ ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻟﺤﺰب اﻟﺘﻲ أﻧﺸﺄھﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﯿﻮﺗﻮب ،وﻗﺪ ﻋﺮﻓﺖ ﻣﺜﻠﺎ ﺣﻠﻘﺔ ﻣﻦ ﺣﻠﻘﺎت دروﺳﮭﺎ ﺑﻌﻨﻮان " ﻟﺎ ﺗﻘﺘﺮﺑﻲ" أﻛﺜﺮ ﻣﻦ رﺑﻊ ﻣﻠﯿﻮن ﻣﺸﺎھﺪة ،وھﻲ ﻓﻲ اﻟﺄﺻﻞ درس أﺑﺎﻧﺖ ﻓﯿﮫ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻋﻦ ﻛﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺸﺪّة واﻟﺒﺄس وھﻲ ﺗﺨﺎطﺐ اﻟﻔﺘﯿﺎت دون اﻟﻔﺘﯿﺎن وﺗﺮﺳﻢ ﻟﮭﻦّ ﺣﺪود اﻟﻨﻈﺮ واﻟﺤﺮﻛﺔ واﻟﻤﻠﺒﺲ وﺗﻀﻊ ﻟﮭﻦ ﻗﻮاﻧﯿﻦ ﺻﺎرﻣﺔ ﻟﻠﺤﯿﺎة وﺗُﻌﺴّﺮ وﻟﺎ ﺗﯿﺴّﺮ ﻓﺘﻘﻮل" :إن اﻟﻮاﻗﻊ اﻟﺬي ﻧﻌﯿﺶ ﻓﯿﮫ ﺑﺮّر اﻟﺰﻧﻰ ﺗﺒﺮﯾﺮا ﺧﻄﯿﺮا ،ﻓﺴﻤّﻰ اﻟﻐﻮاﯾﺔ ﺗﺤﺮّرا وﺳﻤّﻰ اﻟﺸﺬوذ ﺗﻘﺪّﻣﺎ وﺣﺮﯾﺔ ﻓﺮدﯾﺔ وأطﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﻟﺴﻌﺎر اﻟﺠﻨﺴﻲ ﺣﺎﺟﺔ إﻧﺴﺎﻧﯿﺔ وھﺬا ھﻮ اﻧﻘﻠﺎب اﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ ..إﻧﮭﻢ ﻟﺎ ﯾﺮﯾﺪوﻧﻨﺎ أن ﻧﺘﺠﻨﺐ اﻟﺰﻧﻰ ﺑﻞ أن ﻧﺰﻧﻰ ﺑﻮﻗﺎﯾﺔ" ،31ﻓﺘﺼﺐّ ﺟﺎمّ ﻏﻀﺒﮭﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺨﺘﻠﻔﯿﻦ ﻣﻌﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺮأي وﻋﻠﻰ دﻋﺎة اﻟﺤﺪاﺛﺔ وﻋﻠﻰ اﻟﻨﺴﻮﯾﺎت دون أن ﺗﺴﻤﯿﮭﻢ ،ﺑﻞ إﻧﮭﺎ ﺗﻮاﺻﻞ ﻧﮭﺮ اﻟﻔﺘﯿﺎت وﺗﺄﻣﺮھﻦ ﺑﻌﺪم اﻟﺎﻗﺘﺮاب وﺗﻀﻊ ﻟﻠﻨﻈﺮ ﻗﯿﻮدا ﻟﺎن "اﻟﻌﯿﻦ ﺟﺎرﺣﺔ ﻣﻦ اﻟﺠﻮارح اﻟﺘﻲ ﺗﺮﺗﻜﺐ اﻟﻐﻮاﯾﺔ وﺗﺰﻧﻰ وزﻧﺎھﺎ اﻟﻨﻈﺮ" ،32واﻟﻌﯿﻦ ﻛﻤﺎ ﺗﻘﻮل ھﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ "رﺳﺎﻟﺔ ﻣﺼﺎﺋﺐ "ﻓﺎﻟﻌﯿﻨﺎن ﺳﻠﺎح" وھﻤﺎ ﺗﺘﺤﺮﺷﺎن وﺗﺮﺳﻠﺎن اﻟﺮﻏﺒﺔ واﻟﻌﯿﻦ ﻣﻘﺪﻣﺔ اﻟﺒﻠﺎوي "...وﺗﺼﻞ ﺑﺘﻮﻟﯿﺪ اﻟﺄﺧﻄﺎر ﻣﻦ ﻧﻈﺮات اﻟﻌﯿﻦ ﺣﺪ ﻗﺘﻞ اﻟﺄﺟﯾﺎل اﻟﻘﺎدﻣﺔ وﻗﺘﻞ "اﻟﺬراري" اﻟﻤﻔﺘﺮﺿﯿﻦ واﻟﻤُﻌﺪّﯾﻦ ﻟﻠﺎﺳﺘﺨﻠﺎف ﻓﻲ اﻟﺄرض .ﻓﺘﺪﺧﻞ اﻟﻔﺘﯿﺎت اﻟﻤﺴﺘﻤﻌﺎت ﻓﻲ داﺋﺮة اﻟﺸﻌﻮر ﺑﺎﻟﺈﺛﻢ واﻟﺬﻧﺐ إذ ﻛﺎن ﺗﺤﺬﯾﺮھﺎ ﺷﺪﯾﺪ اﻟﻠﮭﺠﺔ و ﻛﺎن اﻟﻮﻋﯿﺪ ﺑﺎﻟﺜﺒﻮر اﻟﺴﻤﺎت اﻟﻐﺎﻟﺒﺔ ﻋﻠﻰ ﺧﻄﺎب ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر .وﻗﺪ أﺛﺎر ھﺬا اﻟﻔﯿﺪﯾﻮ اﻟﺸﮭﯿﺮ ﻓﻲ اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ﺣﻔﯿﻈﺔ اﻟﺼﺤﺎﻓﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ واﺳﺘﻔﺰ اﻟﺤﻘﻮﻗﯿﯿﻦ واﻟﺤﻘﻮﻗﯿﺎت واﻟﻨﺎﺷﻄﺎت اﻟﻨﺴﻮﯾﺎت وطﯿﻒ واﺳﻊ ﻣﻦ اﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺘﻘﺪﻣﯿﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ اﻋﺘﺒﺮﺗﮫ ﺿﺮﺑﺎ ﻟﻠﺤﺮﯾﺎت اﻟﻔﺮدﯾﺔ وﻋﻨﻮاﻧﺎ ﻟﺘﺸﺪد ﺣﺰب اﻟﻌﺪاﻟﺔ واﻟﺘﻨﻤﯿﺔ ﺑﻞ إﻧﮭﻢ أداﻧﻮا ﻣﺎ ﺗﻘﻮم ﺑﮫ ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح ﻣﻦ وﺻﺎﯾﺔ ﻋﻠﻰ أﺧﻠﺎق اﻟﻤﻐﺎرﺑﺔ وأذواﻗﮭﻢ وﺣﺮﯾﺎﺗﮭﻢ ورأوا أﻧﮭﺎ ﻧﺼﺒﺖ اﻟﻤﺸﺎﻧﻖ اﻟﺮﻣﺰﯾﺔ ﻟﻠﻤﻔﻜﺮﯾﻦ واﻟﻔﻨﺎﻧﯿﻦ .33وﻟﻜﻦ ﺑﻘﺪر اﻟﺎﻧﺘﻘﺎدات اﻟﺘﻲ ﻟﻘﯿﮭﺎ ھﺬا اﻟﻔﯿﺪﯾﻮ ﺑﻘﺪر ﻣﺎ زاد اﻧﺘﺸﺎره ﺑﯿﻦ اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻮاﺳﻊ ،وﺑﻘﺪر ﻣﺎ اﻧﺘﺸﺮ ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ذاع اﺳﻢ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻛﺪاﻋﯿﺔ ﺗﺨﺪم اﺳﺘﺮاﺗﯿﺠﯿﺎت اﻟﺮؤى اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ اﻟﻤﺘﺸﺪدة اﻟﻤُﺼِﺮَّة ﻋﻠﻰ اﺳﺘﺒﻌﺎد اﻟﻤﺮأة ﻣﻦ اﻟﻔﻀﺎء اﻟﻌﺎم واﻟﺴﺎﻋﯿﺔ إﻟﻰ ﺗﻌﻤﯿﻢ اﻟﻨﻤﺎذج اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ ﻟﻠﻤﺮأة اﻟﺨﺎﻧﻌﺔ اﻟﺘﺎﺑﻌﺔ ،وھﻲ وﺿﻌﯿﺎت ﺗﺨﺪم ﺳﯿﻄﺮة اﻟﺬﻛﻮرة ﻋﻠﻰ اﻟﺸﺄن اﻟﻌﺎم ﺑﻜﻞ أﺑﻌﺎدة اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﺔ واﻟﺎﻗﺘﺼﺎد ﯾﺔ واﻟﺜﻘﺎﻓﯿﺔ وﺗﺨﺘﺰل اﻟﻤﺮأة ﻓﻲ ﺑﻌﺪ واﺣﺪ ھﻮ ﺑﻌﺪ اﻟﺈﻧﺠﺎب واﻟﻘﯿﺎم ﻋﻠﻰ راﺣﺔ اﻟﺮﺟﺎل وطﺎﻋﺘﮭﻢ. اﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﺜﺎﻧﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﻋﺎﺷﺘﮭﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ھﻲ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎﻧﺘﺸﺎر اﻟﻮاﺳﻊ وﺗﺴﺠﯿﻞ أﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﺗﻠﻔﺰي ﻓﻲ ﺑﻠﺪھﺎ اﻟﻤﻐﺮب ﯾﻤﻜﻦ ان ﻧﺬﻛﺮ ﻣﻨﮭﺎ) :رﻣﻀﺎن ﻟﻤﺎ ﺑﻌﺪه ،ﻧﻌﻤﺔ اﻟﺤﯿﺎة ،ﺑِﻐﯿﺖ ﻧﺘﻮب، رﻣﻀﺎن واﻟﺤﯿﺎة (..وﺻﻮﻟﺎ إﻟﻰ ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ "ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ذات اﻟﺈﻣﻜﺎﻧﯿﺎت اﻟﺈﻧﺘﺎﺟﯿﺔ اﻟﻜﺒﯿﺮة واﻟﻘﻨﺎة اﻟﻤﺘﺨﺼﺼﺔ ﻓﻲ اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ وﻣﻮطﻦ وﻣَﺤﺞّ ﻛﺒﺎر ﺷﯿﻮخ اﻟﻔﺘﻮى اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﯿﻦ وﻛﺒﺎر ﻣﺤﻤﺪ اﻟﺮاﻓﻌﻲ ﻗﺎض ورﺋﯿﺲ ﻛﺮﺳﻲ اﻟﺒﻠﺎﻏﺔ ﺑﻤﺴﺠﺪ اﻟﺤﺴﻦ اﻟﺜﺎﻧﻲ ﺑﺎﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء ،ﻣﺨﺘﺺ ﻓﻲ اﻟﻤﺬھﺐ اﻟﻤﺎﻟﻜﻲ وﻗﻮاﻋﺪه وأﺻﻮﻟﮫ ﯾﻘﻮل ﻋﻨﮫ ﺗﻠﺎﻣﯿﺬه وﻣﺮﯾﺪوه اﻧﮫ " ﻛﺎن ﻋﻠﻰ ﻣﻨﮭﺞ اﻟﺴﻠﻒ ﻓﻲ اﻟﺎﻋﺘﻘﺎد ﯾﺮﻓﺾ اﻟﺘﺄوﯾﻞ واﻟﺘﻌﻄﯿﻞ واﻟﺨﺮاﻓﺎت" ﺗﻮﻓﻲ 29ﺑﺎﻟﻤﻐﺮب ﯾﻮم 21ﺟﻮﯾﻠﯿﺔ 2018 30دروس ﻛﺎن ﯾﻘﯿﻤﮭﺎ ﻗﺒﻞ ﺳﻔﺮه ﻟﺘﻮﻟﻲ اﻟﻘﻀﺎء ﻓﻲ إﻣﺎرة ﻗﻄﺮ ﻓﻲ ﻣﺴﺠﺪ اﻟﺄﻧﺪﻟﺲ ﺑﺎﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء درس ﻟﻔﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻣﺴﺠﻞ ﻓﻲ ﻓﻀﺎء ﺧﺎصّ وﻣﻐﻠﻖ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ درس ﻟﻠﻔﺘﯿﺎت ﺣﻤّﻞ ﻋﻠﻰ ﻗﻨﺎة اﻟﯿﻮﺗﻮب اﻟﺘﺎﺑﻌﺔ ﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ 31واﻟﺈﺻﻠﺎح ﺑﺘﺎرﯾﺦ 28أﻛﺘﻮﺑﺮ 2011ﺗﺤﺖ ﻋﻨﻮان "ﻣﻌﺎ ﻣﻦ اﺟﻞ أﺑﻨﺎءﻧﺎ" 32ﻧﻔﺴﮫ ﻣﻘﺎﻟﺎت ﻓﻲ اﻟﺼﺤﺎﻓﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ وﺑﯿﺎﻧﺎت اﺳﺘﻨﻜﺎر ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻤﺎت اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﻤﺪﻧﻲ ﺑﻌﺪ ھﺬا اﻟﻔﯿﺪﯾﻮ اﻟﺬي اﻧﺘﺸﺮ ﻟﺪى اﻟﻤﻐﺎرﺑﺔ ﺑﺸﻜﻞ 33ﻛﺒﯿﺮ وﺣﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﻣﻮاﻗﻊ اﻟﺘﻮاﺻﻞ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﻲ ﻛﺜﯿﺮا
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اﻟﺪﻋﺎة ﻣﻦ اﻟﻨﺴﺎء واﻟﺮﺟﺎل ،وھﻮ اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ اﻟﺬي ﺗﺒﯿّﻨﺎ أﻧﮫ ﯾﺸﻜّﻞ ﻟﺤﻈﺔ ﺗﻠﺎﻗﻲ اﻟﻤﺼﺎﻟﺢ ﺑﯿﻦ اﻟﻘﻨﺎة اﻟﺘﻲ رﻏﺒﺖ ﻓﻲ اﺳﺘﻐﻠﺎل اﻟﺪاﻋﯿﺔ واﻟﺪاﻋﯿﺔ اﻟﺘﻲ رﻏﺒﺖ ﻓﻲ اﺳﺘﻐﻠﺎل اﻟﻘﻨﺎة ،وھﻮ ﻣﺎ أرﺿﻰ طﺮﻓﻲ اﻟﺘﻌﺎﻗﺪ ،ﻓﻘﺪ ﺗﻤﻜﻨﺖ اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻣﻊ ﺗﺘﻮﯾﺞ ﻣﺴﺎرھﺎ اﻟﺪﻋﻮي ﺑﻤﺸﺎرﻛﺘﮭﺎ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺒﺮﻧﺎﻣﺞ وطﯿﻠﺔ ﺛﻠﺎﺛﯿﻦ ﺣﻠﻘﺔ ﻣﻦ اﻟﻔﻮز ﺑﺄﻏﻠﺒﯿﺔ ﺳﺎﺣﻘﺔ ﻓﻲ اﻧﺘﺨﺎﺑﺎت ﻗﯿﺎدة ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح ﺳﻨﺔ 2014ﻛﺄوّل اﻣﺮأة ﺗﺼﻞ إﻟﻰ رﺗﺒﺔ اﻟﻨﺎﺋﺐ اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻟﺮﺋﯿﺲ اﻟﺤﺮﻛﺔ ﻣﻨﺬ ﺗﺄﺳﯿﺴﮭﺎ ،وﺣﻘﻘﺖ اﻟﻘﻨﺎة ﻣﺎ رﺳﻤﺘﮫ ﻟﻨﻔﺴﮭﺎ ﻣﻦ ﺿﻤﺎن ﻣﺘﺎﺑﻌﺔ اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻤﻐﺎرﺑﻲ واﻟﺎﺳﺘﻔﺎدة ﻣﻦ ﺑﺄس وﺷﺪّة ھﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ ﻓﻲ ﺿﺒﻂ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ اﻟﺴﺎﺋﻠﺔ واﻟﺮﻏﺒﺎت اﻟﺄﻧﺜﻮﯾﺔ اﻟﺴﺎﺋﺒﺔ ﻋﺒﺮ وﺳﺎﺋﻂ ﻣﻦ داﺧﻞ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺄﺻﺎﻟﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻜﺮس رؤﯾﺔ اﻟﻘﻨﺎة ،ﻓﻠﺎ أﺣﺎدﯾﺚ ﻋﻦ ﺗﻐﯿﯿﺮ ﻓﻲ اﻟﺒُﻨﻰ اﻟﺎﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ أو اﻟﺜﻘﺎﻓﯿﺔ وﻟﺎ اﺳﺘﺤﻀﺎر ﻟﻠﻌﻘﻞ ﻣﻘﺎﺑﻞ اﻟﻨﻘﻞ وﻟﺎ اﺳﺘﻨﺒﺎط وﻟﺎ اﺟﺘﮭﺎد وﻟﺎ ﺗﺄوﯾﻞ ﻓﻘﻂ أﺻﺎﻟﺔ وﺿﻤﺎﻧﺔ ،ﺿﻤﺎﻧﺔ ﻟﺴﺆدد اﻟﺪﯾﻦ ﻣﻦ وﺟﮭﺔ ﻧﻈﺮ اﻟﺄﺳﻠﺎف اﻟﻨﻘﻠﯿﯿﻦ. اﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﺜﺎﻟﺜﺔ ﻟﮭﺬه اﻟﺪاﻋﯿﺔ ھﻲ اﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﺘﻲ ﺿﺒﻄﺖ ﻓﯿﮭﺎ ﺧﻠﺎل ﺷﮭﺮ أوت ﻣﻦ ﺳﻨﺔ 2016ﻣﻊ اﻟﻨﺎﺋﺐ اﻟﺄول ﻟﺮﺋﯿﺲ ﺣﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح )ﻋﻤﺮ ﺑﻦ ﺣﻤّﺎد( 34ﻓﺠﺮا ﻋﻠﻰ اﺣﺪ ﺷﻮاطﺊ اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء ﻓﻲ وﺿﻊ ﺣﻤﯿﻤﻲ واﻗﺘﯿﺎدھﻤﺎ ﻣﻦ ﻗﺒﻞ اﻟﺸﺮطﺔ ﻟﻠﺘﺤﻘﯿﻖ ﻓﻲ اﻟﺄﻣﺮ وھﻤﺎ اﻟﺜﻨﺎﺋﻲ اﻟﺪﻋﻮي اﻟﺬي ﻟﺎ ﺗﺮﺑﻄﮭﻤﺎ ﺑﺒﻌﻀﮭﻤﺎ راﺑﻄﺔ زوﺟﯿﺔ .35وﻗﺪ اﻧﺘﺸﺮ ھﺬا اﻟﺨﺒﺮ ﺳﺮﯾﻌﺎ ﻓﻲ ﻛﻞ وﺳﺎﺋﻞ اﻟﺈﻋﻠﺎم اﻟﺘﻲ ﺗﻠﻘﻔﺘﮫ ﺑﻨﻮع ﻣﻦ اﻟﻠﮭﻔﺔ اﻟﺈﻋﻠﺎﻣﯿﺔ اﻟﻤﺼﺎﺣﺒﺔ ﻟﻠﺼﺤﺎﻓﺔ اﻟﺼﻔﺮاء ﻋﺎدة وﻟﻜﻨﮭﺎ ﻓﻲ ﺣﺎﻟﺔ ھﺬا اﻟﺜﻨﺎﺋﻲ ﺗﻌﻤّﻤﺖ ﻟﺪى ﺟﻞّ وﺳﺎﺋﻞ اﻟﺈﻋﻠﺎم ،ﻟﺄن اﻟﻮاﻗﻌﺔ ﺷﻜّﻠﺖ ﺻﺪﻣﺔ ﻟﺪى اﻟﺠﻤﮭﻮر اﻟﻤﻐﺮﺑﻲ اﻟﻮاﺳﻊ ﻟﻤﺎ ﻋُﺮف ﻋﻦ ھﺬا اﻟﺜﻨﺎﺋﻲ ﻣﻦ ﺻﺮاﻣﺔ وﺷﺪّة ﻓﻲ دﻋﻮة اﻟﺠﻤﻮع ﻟﻠﺎﺳﺘﻘﺎﻣﺔ ،وﻟﺄﻧﮭﻤﺎ طﺎﻟﻤﺎ أﻏﻠﻘﺎ ﻛﻞ ﻣﻨﺎﻓﺬ اﻟﺘﺴﺎﻣﺢ ﻣﻦ ﺑﺎب ﺳﺪّ اﻟﺬراﺋﻊ ودرء اﻟﺄﺧﻄﺎر. ﻓﻠﻢ ﯾﺠﺪا ﺑﻌﺪ ھﺬه اﻟﻮاﻗﻌﺔ ﻣﻦ ﯾﺠﺪ ﻟﮭﻤﺎ اﻟﺄﻋﺬار ﻓﻲ ﻣﺎ ﻛﺎﻧﻮا ﻓﯿﮫ ﻣﻦ ﺧﻠﻮة أو ﻏﺮام ،إذ ﺳﺎرﻋﺖ اﻟﺤﺮﻛﺔ ﺑﻌﺪ ﯾﻮم واﺣﺪ ﻣﻦ اﻧﺘﺸﺎر اﻟﺨﺒﺮ ﻟﻔﺼﻠﮭﻤﺎ ﻓﻲ ﺑﻠﺎغ ﻋﻠﻨﻲ 36وﺑﺎﺗﺖ ﺣﻜﺎﯾﺘﮭﻤﺎ ﻣﻮﺿﻮﻋﺎ ﻟﻜﻞ اﻟﻤﻮاﺋﺪ اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﺔ وﺧﺎﺻﺔ اﻟﺄﺣﺰاب اﻟﺘﻲ ﺗﻘﻒ ﻋﻠﻰ ﻧﻘﯿﺾ ﺣﺰب اﻟﻌﺪاﻟﺔ واﻟﺘﻨﻤﯿﺔ وﺟﻨﺎﺣﮫ اﻟﺪﻋﻮي اﻟﺬي ﻛﺎﻧﺖ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر أﺣﺪى زﻋﯿﻤﺎﺗﮫ ،وھﻲ اﻟﺰﻋﯿﻤﺔ اﻟﺘﻲ ﻓﻌﻠﺖ ﺑﻨﻔﺴﮭﺎ ﻣﺎ ﻛﺎﻧﺖ ھﻲ ﻧﻔﺴﮭﺎ ﺗﻨﮭﻰ ﻋﻨﮫ ﺑﺎﺳﺘﻤﺮار و ﺑﻜﻞ ﺷﺪة وﺑﺄس ،ﻓﺎﺳﺘﻠّﺖ ﻟﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ اﻟﺴﯿﻮف ﻣﻦ ﻛﻞ ﺻﻮب وﻟﻢ ﺗﺠﺪ ﻣﻦ ﯾﺪاﻓﻊ ﻋﻨﮭﺎ ﺣﺘﻰ ﻣﻦ أﺧﻮاﺗﮭﺎ وإﺧﻮاﻧﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺤﺮﻛﺔ ،ﻓﻔﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻟﻢ ﺗُﻨَﺴِّﺐْ أﺑﺪا ﻗﻨﺎﻋﺎﺗﮭﺎ ﻓﻲ اﺗﺠﺎه اﻟﻘﺒﻮل ﺑﺎﻟﻤﺨﺘﻠﻒ أو اﻟﺘﺨﻔﯿﻒ ﻣﻦ اﻟﺎطﻠﺎﻗﯿّﺔ ﺿﻤﺎﻧﺎ ﻟﻠﺈﺑﻘﺎء ﻋﻠﻰ اﻟﺤﺪ اﻟﺄدﻧﻰ اﻟﻤﺸﺘﺮك ﻣﻦ ﺻﻨﻮف اﻟﺘﻌﺎﯾﺶ .إذ ﻟﻢ ﯾﺴﻤﻊ ﻟﮭﺎ طﯿﻠﺔ ﻣﺴﯿﺮﺗﮭﺎ اﻟﺪﻋﻮﯾﺔ دﻓﺎﻋﺎ ﻋﻦ ﺣﺮﯾﺎت اﻟﺂﺧﺮﯾﻦ واﻟﺄﺧﺮﯾﺎت وﻟﻢ ﺗﻨﻄﻖ ﯾﻮﻣﺎ ﺑﻤﺎ ﯾﻘﺮّﺑﮭﺎ ﻣﻦ اﻟﻤﺨﺘﻠﻔﺎت :اﻟﻔﻘﯿﺮات واﻟﻤﻔﻘﺮات أو اﻟﻤﻌﻨﻔﺎت أو اﻟﻤﻌﻄﻠﺎت أو اﻟﻤﻀﻄﮭﺪات او اﻟﻤﻐﺘﺼﺒﺎت أو اﻟﻤﺘﺎﺟﺮ ﺑﻘﻮﺗﮭﻦ وﺣﻘﻮﻗﮭﻦ .وﻟﻢ ﺗﺘﻌﺎطﻒ ﯾﻮﻣﺎ ﻣﻊ ﻗﻀﺎﯾﺎ اﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ ﻣﺆﻧﺜﺔ ﻛﻤﺸﺎﻛﻞ اﻟﺄﻣﮭﺎت اﻟﻌﺎزﺑﺎت أو ﻗﻀﺎﯾﺎ اﻟﺎﺳﺘﺮﻗﺎق اﻟﺠﺪﯾﺪ اﻟﺬي ﺗﺘﻌﺮض ﻟﮫ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺎت ﺑﻨﺎت ﺑﻠﺪھﺎ ﻓﻲ ﺑﻌﺾ ﻣﻨﺎطﻖ اﻟﺨﻠﯿﺞ ...وﻟﻢ ﺗﺘﻄﺮق ﻟﻠﺘﻤﻜﯿﻦ اﻟﺎﻗﺘﺼﺎدي ﻟﻠﻨﺴﺎء وﻟﺎ داﻓﻌﺖ ﻋﻦ ﺣﻘﮭﻦ ﻓﻲ اﻟﻤﯿﺮاث وﻟﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﺴﺎواة أﻣﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮن وﻟﻢ ﺗﺪن ﻗﻂ زواج اﻟﻘﺎﺻﺮات او ﺗﻌﻨﯿﻒ اﻟﻨﺴﺎء او اﻏﺘﺼﺎب اﻟﺰوﺟﺎت او ﺧﺘﺎن اﻟﺈﻧﺎث وﻏﯿﺮ ھﺬا ﻣﻦ ﻣﺸﺎﻏﻞ اﻟﻤﺮأة اﻟﻤﻌﺎﺻﺮة اﻟﺘﻲ ﺗﻨﺴﺠﻢ ﻣﻊ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﻘﯿﻢ اﻟﻜﻮﻧﯿﺔ ﺑﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻜﺲ ھﻲ ﺣﻘﻮق ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ أداﻧﺘﮭﺎ ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻨﺠﺎر ﻓﻲ دروﺳﮭﺎ ،ﻛﻤﺎ أﻧﮭﺎ ﻟﻢ ﺗَﺪْعُ ﯾﻮﻣﺎ إﻟﻰ اﻟﺘﻌﻔّﻒ ﻋﻦ اﻟﺨﻮض ﻓﻲ ﺳﯿﺮة اﻟﻨﺎس أو اﻋﺘﺒﺮت ﺳﻠﻮك اﻟﺄﻓﺮاد ﻣﻦ اﻟﺤﺮﯾﺎت اﻟﻔﺮدﯾﺔ ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ﺳﻌﺖ إﻟﻰ اﻟﺘﻘﯿّﺪ اﻟﺤَﺮْﻓﻲ ﺑﻤﻨﮭﺞ اﻟﺘﺸﺪّد ووأد اﻟﺤﺮﯾﺎت اﻟﻤﺘﺒﺎﯾﻨﺔ ﻋﻦ داﺋﺮة اﻟﺘﻘﻮى ﺑﻤﻌﻨﺎھﺎ اﻟﻀﯿّﻖ وﻟﻢ ﺗﻌﺘﺒﺮ ﻣﻦ ﺣﺎدﺛﺔ اﻟﺎﻓﻚ ﺣﺘﻰ ﻋﺎﺷﺖ ﺷﺒﯿﮭﮫ .ﻓﻠﻢ ﺗﺠﺪ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﻣﺎرﺳﺖ ﺑﻌﻀﺎ ﻣﻦ ﺣﺮﯾﺘﮭﺎ اﻟﺨﺎﺻﺔ واﻟﻔﺮدﯾﺔ إﻟﺎ ﻣﻦ ﯾﺪﯾﻨﮭﺎ وﯾﺨﻨﻘﮭﺎ ﺑﺤﺒﻞ ھﻲ ﻣﻦ ﻓﺘﻠﺘﮫ ...ﻓﺘﻮارت ﻓﻲ اﻟﺒﯿﺖ واﻋﺘﻜﻔﺖ ﻣﺘﺨﻔﯿﺔ ﺧﺸﯿﺔ اﻟﺎﻋﺘﺪاء اﻟﺠﺴﺪي اﻟﺬي ھﺪدت ﺑﮫ وﻟﻢ ﺗﻌﺪ ﻟﻠﻈﮭﻮر إﻟﺎ ﻓﻲ ﺷﮭﺮ أوت 2018ﺑﻌﺪ أن رﻓﻌﺖ ﻋﻨﮭﺎ ﺣﺮﻛﺘﮭﺎ اﻟﺘﺠﻤﯿﺪ. وھﻨﺎ ﺗﺠﻠّﻰ وﻣﻦ ﺧﻠﺎل ھﺬا اﻟﻤﺜﺎل ﻣﺄزق اﻟﺎﻧﻔﺼﺎل ﻋﻦ اﻟﻌﺼﺮ واﻟﺎﻧﻐﻤﺎس ﻓﻲ اﻟﻤﺎﺿﻲ ﻟﺎﺳﺘﺠﻠﺎب أﻧﻤﺎط ﻋﯿﺶ ﻟﺎﯾﻤﻜﻦ ﺑﺎﻟﻀﺮورة ان ﺗﻜﻮن ﺻﺎﻟﺤﺔ ﻓﻲ ﻣﺠﻤﻠﮭﺎ وﻟﺎ أن ﯾﺆﺧﺬ ﺑﮭﺎ ﻛﻤﻨﮭﺎج ﻣﺘﻜﺎﻣﻞ ﺻﺎﻟﺢ ﻟﻜﻞ ﻋﺼﺮ وﻣﻨﮫ ھﺬا اﻟﻌﺼﺮ اﻟﺬي ﺗﻌﯿﺶ ﻓﯿﮫ اﻟﺪاﻋﯿﺎت وﺗﺴﺘﻔﺪن ﻣﻦ ﻣﻨﺠﺰاﺗﮫ اﻟﺘﻜﻨﻮﻟﻮﺟﯿﺔ وﻟﻜﻨﮭﻦ ﯾﺘﻤﺴّﻜﻦ ﺑﺘﻜﺮار ﺧﻄﺎب ﻣﺬﻛّﺮ ،ﺧﻄﺎب ﯾﺮﯾﺪ إﺑﻘﺎء اﻟﻤﺮأة ﺧﺎرج اﻟﻌﺼﺮ وﺧﺎرج اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ ﺑﻐﺎﯾﺔ ﺗﺄﺑﯿﺪ اﻟﺄﺑﻨﯿﺔ واﻟﺘﺮاﺗﺒﯿﺎت اﻟﻘﺪﯾﻤﺔ ﻟﻠﺬﻛﻮرة واﻟﺎﻧﻮﺛﺔ ،ﻓﻠﻢ ﺗﺴﺘﻄﻊ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ھﺬا اﻟﻤﺜﺎل اﻟﻤﻘﺪم أن ﯾﻤﺘﻠﻜﻦ ﺻﻮﺗﮭﻦ اﻟﻤﺆﻧﺚ وﻟﺎ أن ﯾﺨﻀﻦ ﺣﻮارا ﻓﻜﺮﯾﺎ وﻟﺎ أن ﯾﺴﺎءﻟﻦ اﻟﻨﺺ اﻟﺪﯾﻨﻲ وﻟﺎ أن ﯾﺘﺠﺮأن ﻋﻠﻰ ﺗﺜﻮﯾﺮ اﻟﺒُﻨﻰ اﻟﺜﻘﺎﻓﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺴﺘﻌﺒﺪھﻦ. رﻏﻢ اﺧﺘﺮاﻗﮭﻦ ﻣﺠﺎل اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻟﻢ ﺗﺴﺘﻄﻊ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت اﻧﺘﺰاع اﻟﺎﻋﺘﺮاف اﻟﻜﺎﻣﻞ ﺑﺄھﻠﯿﺘﮭﻦ ،ﻓﻘﺪ ﺧﻀﻦ ﻓﻲ اﻟﻤﺠﺎل ﺿﻤﻦ ﺷﺮوط اﻟﻤﺘﺎح -ﻋﻠﻰ اﻟﺄﻗﻞ ﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﻰ ﻟﺠﯿﻞ اﻟﺄول ﻣﻦ اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت -وﻟﻢ ﺗﺘﺒﻠﻮر ﻟﺪى اﻏﻠﺒﮭﻦ إﺳﺘﺮاﺗﯿﺠﯿﺔ واﺿﺤﺔ ﻟﻠﺘﻤﺎﯾﺰ واﻟﺎﻧﻔﺼﺎل ﻋﻦ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ ،ﺗﻤﺎﯾﺰ ﯾﻤﻜﻨﮭﻦ ﻣﻦ اﻣﺘﻠﺎك أﺻﻮاﺗﮭﻦ ﺑﺸﻜﻞ ﻓﻌﺎل ﯾﺴﻤﺢ ﺑﻨﻘﺎش اﻟﺄﻓﻜﺎر وﻣﻘﺎرﻋﺔ ﻣﺎ ﯾﺴﺘﺠﺪّ ﻣﻦ ﻋﻤﺮ ﺑﻦ ﺣﻤﺎد أﺳﺘﺎذ اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﺑﺎﻟﺠﺎﻣﻌﺔ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ وإﻣﺎم ﺧﻄﯿﺐ وﻋﻀﻮ اﻟﺎﺗﺤﺎد اﻟﻌﺎﻟﻤﻲ ﻟﻌﻠﻤﺎء اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ واﻟﻨﺎﺋﺐ 34اﻟﺄول ﻟﺤﺮﻛﺔ اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ واﻟﺈﺻﻠﺎح اﻧﻈﺮ أرﺷﯿﻔﺎت اﻟﺼﺤﻒ اﻟﻤﻐﺮﺑﯿﺔ ﻋﻠﻰ أﻟﻨﺖ وﺑﯿﺎن ﻓﺼﻞ اﻟﺪاﻋﯿﺘﺎن ﻣﻦ اﻟﺤﺮﻛﺔ ﺑﺘﺎرﯾﺦ أوت 2016ﯾﻮم واﺣﺪ ﺑﻌﺪ اﻧﺘﺸﺎر 35اﻟﺨﺒﺮ www.alislah.ma36ﻗﺴﻢ ﺑﻠﺎﻏﺎت وﺑﯿﺎﻧﺎت ﻣﻮﻗﻊ اﻟﺤﺮﻛﺔ:
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ﻗﻀﺎﯾﺎ ﺗَﮭﻢّ اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻲ اﻟﻌﺎﻟﻢ اﻟﻌﺮﺑﻲ ﺑﻤﺎ ﯾﻨﺰّل اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻌﺼﺮ ﺑﻜﺜﺎﻓﺔ واﻧﺴﺠﺎم ،ﻓﺎﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﯿﻮم ﻣﺎزﻟﻦ وﺿﻤﻦ ﺗﻮﺟﯿﮭﺎت اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ ﯾﺘﻮﺳّﻠﻦ ﺑﺎﻟﻤﺎﺿﻲ ﻟﺤﻞ إﺷﻜﺎﻟﯿﺎت اﻟﺤﺎﺿﺮ اﻟﻤﻌﻘﺪ وﻣﺎزﻟﻦ ﺑﻌﯿﺪات ﻋﻦ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎﺳﺘﻄﺎﻋﺔ اﻟﺘﻲ ﺗُﻤَﻜﻨُﮭُﻦّ ﻣﻦ اﻟﺨﻮض ﻓﻲ اﻟﻘﻀﺎﯾﺎ اﻟﺤﺎرﻗﺔ ﻟﻠﻨﺴﺎء اﻟﯿﻮم ﻛﻘﻀﺎﯾﺎ اﻟﻤﻮاطﻨﺔ واﻟﺤﺮﯾﺔ واﻟﻤﺴﺎواة واﻟﺘﻤﻜﯿﻦ ...وﻟﻢ ﯾﻔﻜﺮن أو ﻟﻢ ﯾﺴﻤﺢ ﻟﮭﻦ ﺑﺎﻟﺘﻄﺮق إﻟﻰ ﻗﻀﺎﯾﺎ ﺟﺪﻟﯿﺔ ﻣﻦ ﻣﺜﻞ ﺣﺮﯾّﺔ اﻟﻀﻤﯿﺮ أو وﺿﻌﯿﺔ اﻟﻤﺨﺘﻠﻔﯿﻦ ﺟﻨﺴﯿﺎ وﻣﺸﺎﻛﻞ اﺿﻄﺮاﺑﺎت اﻟﮭﻮﯾﺎت اﻟﺠﻨﺪرﯾّﺔ ...وذﻟﻚ ﻋﺒﺮ ﻓﺘﺢ ﻧﻮاﻓﺬ اﻟﺘﻔﻜّﺮ واﻟﺘﺄوﯾﻞ واﻟﻨﻈﺮ ﻓﻲ اﻟﻤﻘﺎﺻﺪ ﺑﺪﯾﻠﺎ ﻋﻦ اﻟﻨﻘﻞ اﻟﺤﺮﻓﻲ واﻟﺴﻄﺤﻲ واﻟﻨﻜﻮص ﻋﻦ اﻟﺤﺎﺿﺮ ﻧﺤﻮ اﻟﻤﺎﺿﻲ ،ﻓﻤﺜﻞ ھﺬه اﻟﻤﻮاﺿﯿﻊ ﻟﺎ ﺗﺜﯿﺮھﺎ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻟﺎ طﻮاﻋﯿﺔ وﻟﺎ ﺑﻄﻠﺐ وﻗﺪ ﻟﺎ ﺗﺨﻄﺮ ﺑﺒﺎﻟﮭﻦ ،وﻣﻦ ﺗﺠﺮأت ﻋﻠﻰ طﺮح ﻣﺜﻞ ھﺬه اﻟﺄﻣﻮر ﻣﻦ ﻣﻘﺪﻣﺎت اﻟﺒﺮاﻣﺞ اﻟﺘﻠﻔﺰﯾﺔ ﻛﺎن ﻓﻲ ﺷﺪة اﻟﻌﻘﺎب اﻟﻤﺴﻠﻂ ﻋﻠﯿﮭﺎ ﻋﺒﺮة ﻟﻠﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺒﺎﻗﯿﺎت .وﺑﺎﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ﻧﺠﺪھﻦ ﯾﺘﺴﺎﺑﻘﻦ -ﺑﻮھﻢ اﻟﻘﺪرة -ﻋﻠﻰ اﻗﺘﻨﺎص ﻓﺮﺻﺔ أو اﺣﺘﻠﺎل ﻣﻮﻗﻊ اﻟﺪﻋﻮة ،ﻣﻦ أﺟﻞ ﺗﺜﺒﯿﺖ وﺗﺄﺑﯿﺪ اﻟﺘﻤﺜّﻠﺎت اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ ﻟﻠﺬﻛﻮرة واﻟﺄﻧﻮﺛﺔ ﺑﻞ إﻧﻨﺎ ﻧَﺮاھﻦ ﺳﺎﻋﯿﺎت وﻣُﺘﺴﺎﺑﻘﺎت دون إدراك ﻣُﺘﻔﻜّﺮ إﻟﻰ ﺗﻜﺮﯾﺲ اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ اﻟﺄﺧﻠﺎﻗﻮﯾﺔ ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻊ ،ھﺬه اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ اﻟﺘﻲ ﻛﺎﻧﺖ ﺳﺘﻠﻘﻰ ﻣﻘﺎوﻣﺔ أﺷﺪ ﻣﻦ ﻗﺒﻞ اﻟﻨﺴﺎء اﻟﻤﻨﺨﺮطﺎت ﻓﻲ ﻣﻘﺘﻀﯿﺎت اﻟﺮاھﻦ وﻣﻮاﺟﮭﺔ أﺷﺮس ﻓﻲ ﺣﺎل ﻟﻮ ﺻﺪرت ﻋﻦ اﻟﺮﺟﺎل ،ﻓﺎﻟﻨﺴﺎء ھﻨﺎ ﻟﺴﻦ أﻛﺜﺮ ﻣﻦ اﻟﺄداة أو اﻟﯿﺪ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﻤﻞ اﻟﺠﻤﺮ ﺑﺪﻟﺎ ﻋﻦ اﻟﺮﺟﺎل اﻟﻤﺘﻠﺎﻋﺒﯿﻦ ﺑﺘﻘﻨﯿﺎت اﻟﺨﻄﺎب .ﻓﺎﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻧﺴﺎء ﯾﺘﻜﻠﻤﻦ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﺑﺄﺻﻮات اﻟﺮﺟﺎل وﯾﺘﻄﻮّﻋﻦ ﺑﺤﻤﺎﺳﺔ ﻟﺨﺪﻣﺔ اﻟﺎﯾﺪوﻟﻮﺟﯿﺎ اﻟﺬﻛﻮرﯾّﺔ وأﺟﻨﺪاﺗﮭﺎ اﻟﻀﺎﻏﻄﺔ ﻣﺜﻠﻤﺎ ھﻮ ﺣﺎل ﺑﺮﻧﺎﻣﺞ ﺣﻮار ﻓﻲ اﻟﻨﻮر" اﻟﺬي ﻣﺎزال ﻓﻲ ﺧﺪﻣﺔ ﻣﺸﺮوع "ﻋُﻤﺮ ﺑﻦ اﻟﺨﻄﺎب" وﺷﺪّﺗﮫ ،37وﻣﺎزاﻟﺖ اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻓﯿﮫ ﯾﻮاﺻﻠﻦ اﻟﺪﻋﻮة ﻣﻦ اﺟﻞ ﺗﺜﺒﯿﺖ وﺗﺄﺑﯿﺪ اﻟﺪور اﻟﺘﻘﻠﯿﺪي ﻟﻠﻨﺴﺎء واﺧﺘﺰال اﻟﻤﺮأة ﻓﻲ ﺑﻌﺪ واﺣﺪ ھﻮ اﻟﺒﻌﺪ اﻟﺘﺮﺑﻮي اﻟﺮِﻋﺎﺋﻲ اﻟﺬي ﻟﺎ ﯾﺘﺠﺎوز أﺳﻮار اﻟﺒﯿﺖ ﺑﻤﺎ ﺗﻌﻨﯿﮫ ﻣﻦ اﺑﺘﻌﺎد ﻋﻦ اﻟﺴَﯿﺮورات اﻟﻤﺘﺤﺮﻛﺔ واﻟﺎﺣﺘﻔﺎظ ﺑﺎﻟﻜﯿﻨﻮﻧﺎت اﻟﺜﺎﺑﺘﺔ اﻟﺘﻲ ﻟﺎ ﯾﻤﺮّ ﻣﻦ ﺳﻄﺤﮭﺎ أو ﻧﻮاﻓﺬھﺎ ﺷﺮوق أو ﻏﺮوب ﻓﻠﺎ ﺗﺒﻠﻰ أو ﺗﺘﻠﺒّﺲ ﺑﻠﺒﻮس اﻟﻤﻌﺎﺻﺮة ،ﻟﺬﻟﻚ ھﻲ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﺧﻄﺎﺑﺎت ﻣُﺘَﺠَﺎوَزَةٌ ﺑﻠﺤﻈﺘﯿﻦ ﻓﺎرﻗﺘﯿﻦ ﻋﻠﻰ اﻟﺄﻗﻞ :ﻟﺤﻈﺔ اﻟﻤﺬﻛّﺮ وﺑﻨﺎﺋﮫ اﻟﻌﻤﻮدي اﻟﺜﺎﺑﺖ ﻓﻲ زﻣﻦ ﺑﺘﻨﺎ ﻧﺘﺤﺪث ﻓﯿﮫ ﻋﻦ ﺗﺸﻈّﻲ اﻟﺜﻨﺎﺋﯿﺎت واﻧﺪﺣﺎر اﻟﺠﻨﺴﺎﻧﯿﺔ اﻟﺜّﺎﺑﺘﺔ أو اﻟﻨﮭﺎﺋﯿﺔ ،وﻟﺤﻈﺔ اﻟﻤﺆﻧﺚ ﻧﻔﺴﮫ اﻟﺘﻲ ﺑﺸّﺮ ﺑﮭﺎ وﺧﺎﺿﮭﺎ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﯾﻦ ،ﻓﻀﻠﺎ ﻋﻦ أن ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺎت ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻀﺎﺋﯿﺎت اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ھﻮ ﺧﻄﺎب ﺗﻢّ ﺗﺠﺎوزه أﯾﻀﺎ ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﻟﻰ اﻟﺘﻨﻮع اﻟﺈﻧﺴﺎﻧﻲ واﻟﻨﺴﺎﺋﻲ ،ﻓﻠﺎ اﻣﺮأة واﺣﺪة اﻟﯿﻮم ﺑﻞ ﻧﺴﺎء ﻣﺨﺘﻠﻔﺎت وﻣﺘﻌﺪّدات وﻣﺘﻨﻮّﻋﺎت وﻟﻜﻦ ﻓﻲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻣﻨﺴﺠﻤﺎت ﺣﻮل أﻓﻖ اﻟﻘﯿﻢ اﻟﻜﻮﻧﯿﺔ وﺣﻮل اﻟﺈﻧﺴﺎن ﻓﻲ ﻣﻄﻠﻘﮫ، ﻧﺴﺎء ﻟﺎ ﯾﻘﺒﻠﻦ ﺧﻄﺎﺑﺎ ﯾﺨﺘﺰﻟﮭﻦ ﻓﻲ اﻣﺮأة واﺣﺪة ﻣﻦ ذات اﻟﻠﻮن واﻟﻌﺮق واﻟﻄﺒﻘﺔ واﻟﺘﺎرﯾﺦ واﻟﺠﻐﺮاﻓﯿﺎ واﻟﺜﻘﺎﻓﺔ واﻟﺬﻛﺎء ...اﻣﺮأة ﺗﺼﻠﺢ ﻟﻠﻄﺎﻋﺔ وﺗﺄﺑﯿﺪ اﻟﻨﻤﻮذج اﻟﺨﺎﻧﻊ اﻟﻌﺎﻣﻞ دوﻣﺎ ﻟﺨﺪﻣﺔ اﻟﺒﻄﺮﯾﺮك اﻟﻤﺘﺮﻧّﺢ، ﻟﺬﻟﻚ ﻛﺎن ﺧﻄﺎب اﻟﺪاﻋﯿﺎت ﻣﺘﻤﺎھﯿّﺎ ﺑﮭﺬا اﻟﻤﻌﻨﻰ وھﺬا اﻟﺘﻤﺸّﻲ ﻣﻊ ذﻛﻮرﺗﮫ اﻟﻜﺎﻣﻨﺔ ﺑﯿﻦ طﯿﺎت اﻟﻜﻠﺎم وﻣﻨﻔﺼﻠﺎ ﻋﻦ اﻟﻤﺆﻧﺚ ﻓﯿﮫ وﻋﻦ ﻣﺸﺎﻏﻞ ﻟﺤﻈﺘﮫ اﻟﺮاھﻨﺔ. اﻟﻤﺼﺎدر ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ :ﻧﻈﺎم اﻟﺨﻄﺎب ،ﺗﺮﺟﻤﺔ ﻣﺤﻤﺪ ﺳﺒﯿﻠﺎ ،دار اﻟﺘﻨﻮﯾﺮ ﺑﯿﺮوت 2007 ﻣﯿﺸﯿﻞ ﻓﻮﻛﻮ:اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ واﻟﻤﻌﺎﻗﺒﺔ وﻟﺎدة اﻟﺴﺠﻦ ،ﺗﺮﺟﻤﺔ وﺗﺤﻘﯿﻖ ﻣﻄﺎع اﻟﺼﻔﺪي وﻋﻠﻲ ﻣﻘﻠﺪ ،ﻣﺮﻛﺰ اﻟﺈﻧﻤﺎء اﻟﻘﻮﻣﻲ1990 ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻤﺮﻧﯿﺴﻲ اﻟﺤﺮﯾﻢ اﻟﺴﯿﺎﺳﻲ :اﻟﻨﺒﻲّ واﻟﻨﺴﺎء اﻟﻤﻐﺮب 1993
ﻓﺎطﻤﺔ اﻟﻤﺮﻧﯿﺴﻲ اﻟﺤﺮﯾﻢ اﻟﺴﯿﺎﺳﻲ :اﻟﻨﺒﻲّ واﻟﻨﺴﺎء اﻟﻤﻐﺮب ، 1993ﻋﺮف ﻋﻦ ﻋﻤﺮ ﺑﻦ اﻟﺨﻄﺎب ﺷﺪﺗﮫ ﻣﻊ اﻟﻨﺴﺎء وﻣﻌﺎرﺿﺘﮫ 37ﻟﻜﻞ ﻣﺎ ﯾﻄﺎﻟﺒﻦ ﺑﮫ ﻣﻦ ﺣﻘﻮق أﺛﻨﺎء ﺣﯿﺎة اﻟﺮﺳﻮل وﺑﻌﺪ وﻓﺎﺗﮫ
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LE FÉMINISME ENTRE PROJET DE SOCIÉTÉ ET CONCEPTUALISATION ONTOLOGIQUE
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Descartes féministe : anachronisme ou réalité ? Youssef BEN OTHMAN1
Chercher une quelconque filiation entre Descartes et le mouvement féministe risque de nous faire dire à l’auteur du Discours ce qu’il n’avait jamais dit, voire pensé ou jamais pensé, au sujet de la femme et à la thématique du « féminin ». Le risque consiste à intégrer Descartes, par le biais d’une approche anachronique, dans une problématique qui n’était pas la sienne. Or une telle approche serait affectée par ce que les historiens des idées (philosophes et historiens des sciences notamment) appellent le « virus des précurseurs 2 ». Notre propos s’inscrit, bien au contraire, dans la perspective de nos recherches sur la philosophie de Descartes en particulier et sur l’histoire de la réception et des métamorphoses du cartésianisme en général. En effet, les études que nous avons menées sur l’histoire de la pensée de Descartes nous ont amené à poser des questions portant non seulement sur son influence sur la philosophie moderne et contemporaine (ses disciples immédiats, les réactions de ses contemporains et successeurs, la réception de sa pensée par les philosophes du vingtième siècle, etc.), mais aussi sur ce qu’est, en définitive, l’esprit cartésien : Qu’est-ce que, in fine, « être cartésien » ? Et en l’occurrence, un cartésien peut-il être « féministe » ? Autrement dit, le féminisme pourrait-il avoir eu une influence de la part de Descartes ou du cartésianisme ? Or, la réponse à cette question nous paraît, à première vue, totalement aporétique en ce sens que la pensée cartésienne, interrogée en elle-même, ou bien interprétée soit à la lumière du devenir du cartésianisme soit à travers les théories féministes actuelles, a engendré les interprétations les plus diverses, et même parfois les plus contradictoires, faisant de Descartes tantôt un philosophe sexiste plus proche des penseurs de la Renaissance ou même de ceux du siècle des Lumières (tels que Voltaire, Rousseau et Diderot), tantôt un philosophe égalitariste plutôt proche des théoriciens du mouvement féministe contemporain. Formulé en mode à la fois interrogatif et alternatif, l’intitulé de cette contribution « Descartes féministe : anachronisme ou réalité ?» nous invite donc à penser, et repenser, l’influence qu’aurait exercée Descartes sur la naissance du mouvement féministe et le rôle du cartésianisme sur le développement historique de ce mouvement. Or, quelque soit cette influence ou ce rôle, il n’en demeure pas mois que l’expression « Descartes féministe », déjà difficilement acceptable en ce qu’elle évoque toujours 1
Université de Tunis El Manar Voir sur ce sujet par exemple Georges Canguilhem, Etudes d’histoire et de philosophie des sciences, Vrin, Paris, 1983, p. 20 sq.
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l’idée du « féminisme au masculin », demeure fortement contestable par motif d’anachronisme. « Anachronisme », en quel sens ? S’il est vrai que le féminisme, quel que soient ses formes historiques et sociales, ses modes de dépoilement nationales et internationales, ses champs théoriques et pratiques, se définit comme un mouvement social et politique par excellence, un mouvement caractéristique de l’ère moderne, l’ère démocratique de la deuxième moitié du XXème siècle, il s’avère que l’idée de rattacher son émergence, voire même son développement, à la pensée de Descartes au XVIIème siècle est loin d’être incontestée. En effet, le « féminisme » se donne à lire au XXème siècle comme une « représentation collective » et une « idéologie de la révolte3 » dont le discours, de part ses différentes formes et stratégies, vise à remettre en question le préjugé culturel et religieux de la différence entre les deux sexes duquel on déduit la fausse supériorité des hommes sur les femmes. Or Descartes n’a pas donné à sa philosophie une implication sociale et politique explicite et affichée. Son objectif fondamental dans tous ses écrits était la « recherche de la vérité » selon la « lumière naturelle ». La visée fondamentale de sa philosophie était d’ordre théorique (métaphysique et scientifique) plutôt que pratique (social et politique). « Anachronisme » également en ce sens que le néologisme « féminisme », avec cet « isme » qui transforme le mot en notion et le charge d’un nouveau sens marquant le mouvement et la tendance doctrinale, n’est apparu qu’en 18724 alors que Descartes, le philosophe du XVIIème siècle, lui n’a jamais pensé paraît-il, ni même songé à la question du genre, du sexe, de l’égalité politique, juridique, sociale, etc. entre les femmes et les hommes, et encore moins à la question de l’émancipation de la femme dans sa symbolique contemporaine. Or, quel est, au juste, le « statut de la femme » et du « féminin » dans la pensée de Descartes ? Quel est le rôle de sa philosophie dans la naissance et le développement du mouvement féministe ? Etre cartésien, est-ce être - in fine - pour ou contre les femmes ? Nous allons aborder ces questions à partir de quatre entrées problématiques. Dans un premier temps, nous allons interroger l’œuvre de Descartes sur ce qu’elle dit et ce que son auteur pense au sujet de la femme. 3 Cf. Geneviève Fraisse, « Les formes du féminisme historique », in Le Cahier (Collège international de philosophie), N°. 1, octobre 1985, pp. 91-93. 4 Ibid. p. 92. Sur l’origine de ce néologisme, Geneviève Fraisse écrit : « Le mot « féminisme » est abusivement attribué depuis la fin du XIXe siècle à Fourier et le dictionnaire Robert de la langue française perpétue encore cette erreur. On comprend bien pourquoi : outre que Fourier est un auteur enclin aux néologismes, il assiste en 1830 à l’apparition du premier mouvement féministe et joue bien évidemment un rôle d’éclaireur dans l’histoire de l’égalité des sexes et de la liberté des femmes. Le curieux de la chose est que la création de ce néologisme est datée de l’année de sa mort. Or ce mot n’est pas dans ses textes, même si la chose s’y trouve. En revanche, l’apparition de l’adjectif « féministe » est remarquée chez un auteur connu pour son attitude passionnelle à l’égard des revendications des femmes de son temps, Alexandre Dumas-fils. Il publie en 1872 L’homme-femme, pamphlet à propos d’une affaire de mœurs, débat sur l’adultère et l’interdiction du divorce. Derrière Fourier le socialiste et féministe, se trouve donc Dumas-fils, républicain et antiféministe. Il n’est pas anodin que le mot vienne de ce côté-ci de la vie politique du XIXe siècle. Mais plus surprenant encore : le mot « féminisme » préexiste à l’adjectif politique, il appartient au vocabulaire médical, ce qu’attestent d’ailleurs encore certains dictionnaires médicaux du XXe siècle. En effet, en 1871 parait une thèse de médecine intitulée Du féminisme et de l’infantilisme chez les tuberculeux dont l’auteur est l’étudiant Ferdinand-Valère Faneau de la Cour, élève du professeur Jean Lorain, en fait le véritable auteur du mot nouveau ». Fraisse Geneviève, « Féminisme : appellation d’origine », Vacarme, 4/1997, (n° 4-5), p. 52.
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Dans un second temps, nous aborderons la littérature cartésienne d’une façon générale en vue de chercher si les commentateurs de Descartes ont déjà cherché – et trouvé !- dans ses écrits un intérêt pour la question féminine. Dans le troisième volet de notre communication, nous allons enquêter sur le statut de Descartes dans la littérature féministe pour voir si le philosophe de la modernité a été considéré comme égalitariste et sa pensée interprétée comme inspiratrice du mouvement féministe ou bien, au contraire, il demeure l’ennemi de ce mouvement. Enfin, nous essayerons d’identifier le vrai « cartésien »/ou « cartésienne » en vue d’explorer le rôle du devenir historique du cartésianisme dans le développement du mouvement féministe.
La question féministe dans l’œuvre de Descartes La problématique se pose, tout d’abord, dans le cadre de l’interprétation de l’œuvre de Descartes en fonction de son destinataire, privilégié ou potentiel. La tension se laisse décrire à ce niveau entre l’affirmation de l’égalité entre les hommes, compte tenu de leurs capacités intellectuelles d’une part, et le fait d’élargir le spectre du public concerné par le Discours en prenant la plume française pour s’adresser à tout le monde y compris les femmes d’autre part. Autrement dit, l’égalitarisme annoncé à l’ouverture du Discours se trouve aussitôt biaisé par un certain sexisme quand il s’agit du lecteur ciblé. En effet, la célèbre phrase qui ouvre le Discours de la méthode stipule, dans un ton solennellement déclaratif, que : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée …. ». Et Descartes d’ajouter que cela témoigne que la puissance de bien juger, et de distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tout homme ; et qu’ainsi la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien5 ».
Or, le public auquel s’adresse l’auteur de l’ouvrage de 1637, écrit en langue française, est un public large et hétérogène et dont l’hétérogénéité ne cache pas une certaine distinction entre les sexes. En effet, s’expliquant sur le fait d’avoir minimisé le moment du doute dans la Première partie du Discours, ce qui aurait rendu difficiles et mal aisées à comprendre les preuves de l’existence de Dieu, Descartes disait que c’était pour lui un choix délibéré parce que : « j’ai voulu, dit-il à l’un des pères jésuites au lendemain de la publication du Discours, que les femmes mêmes pussent entendre quelques choses 6 ». Cela nous laisse comprendre, bien entendu, que Descartes, qui semble défendre l’égalité épistémique entre les femmes et les hommes, pensait encore dans un cadre intellectuel et culturel qui consacrait la supériorité des hommes sur les femmes et, pis encore, admettait cette supériorité comme allant de soi. Certes, Descartes n’a consacré ni un ouvrage ni même un chapitre d’ouvrage à des questions féministes tels que les droits des femmes ou l’égalité des deux sexes (éducation, travail, participation politique, et tout ce qui pourrait être répertorié sous la bannière des droits politiques, 5 6
Descartes, Discours de la méthode, AT, VI, p. 14 (nous soulignons). Lettre à un P. Jésuite, 4 janvier 1638.
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économiques ou sociaux de la femme7. Ce « silence » à l’égard des questions de ce genre (égalité ou différence entre les sexes) s’explique, bien évidemment, par le fait que le féminisme n’était pas encore, comme nous le savons tous, une thématique de philosophie politique ou sociale à l’ordre du jour à l’ère moderne (XVIIème siècle). Encore moins aurait-elle pu être la thématique d’une philosophie dont le principal objectif était, comme nous le savons tous également, de fonder métaphysiquement la science et de « vaquer uniquement à la rechercher la vérité8 ». Le projet philosophique cartésien se prête à lire en effet dans une perspective qui est essentiellement théorique : celle du fondement du savoir. La visée technique et techniciste de la science cartésienne, d’ailleurs souvent controversée dans son œuvre, et qui lui donne une dimension pratique selon quelques interprètes, voire pragmatique et instrumentaliste, trouve son aboutissement éthique et humaniste dans la morale (« la conduite de la vie ») et la médecine (« la conservation de la santé »). Tout le monde en convient en effet, les philosophes postérieurs à Descartes comme les historiens de la philosophie cartésienne, l’auteur du Discours et des Méditations n’a pas appliqué directement sa réflexion à des questions d’ordre social ou politique. Les questions de la femme, du féminin, de l’égalité des deux sexes, de l’émancipation de la femme n’étant pas à l’ordre du jour à son époque, ne sauraient figurer explicitement dans son œuvre. Une œuvre centrée sur la thématique de la méthode (Regulae 1628 et Discours 1637), les fondements métaphysiques de la science (Méditations 1641 et Principia I 1644), la physique (Le Monde 1633 et les Principia II-III-IV, 1644) aboutissant à une morale (Les passions de l’âme 1649), escortée et développée dans et à travers des échanges épistolaires avec les plus éminents philosophes, théologiens et savants de son époque et qui ne laisse pas apparaître la thématique du féminin ni substantiellement ni accidentellement.
Le féminisme dans la littérature cartésienne La problématique se laisse repérer, ensuite, dans le cadre de la littérature cartésienne en général. Il s’agit de dégager le statut du féminisme et de la présence de la thématique du féminin dans la littérature cartésienne quelques soient par ailleurs les réserves avancées contre une lecture qui serait taxée d’anachroniste. Comment lire cette littérature ? Faut-il adopter le point de vue d’une certaine déficience, voire absence du corpus cartésien de la thématique féministe ou bien, au contraire, le point de vue d’une influence cartésienne sur le courant féministe, voir d’une certaine réception féministe du cartésianisme ? En effet, d’une part les lectures canoniques du cartésianisme sont marquées, et d’une manière obvie, par l’absence de la « question féminine » dans le corpus alors que, d’autre part, et en marge de ces lectures canoniques, les interprétations féministe du cartésianisme étaient presque constamment engagées et développées du XVIIème à nos jours. Les lectures canoniques se sont les plus souvent focalisées sur des problèmes d’originalité, de source, de filiation et d’influence ; sur le choix de la méthode et de l’approche dans la lecture du corpus : historique et critique d’une part ou logique et systématique de l’autre ; sur la problématique du 7 Voir Paul Hoffmann, La femme dans la pensée des lumières, Stakline Reprints, 1995, Genève, 1995, p. 45 sq. 8 Discours de la méthode, AT, IV, p. 33.
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rapport entre la science et la métaphysique dans la pensée et dans l’architectonique du système, etc. Parallèlement à ces lectures, l’interprétation de la pensée de Descartes et du cartésianisme comme source inspiratrice du féminisme a été engagée depuis la deuxième moitié du XVIIème siècle9. Dans ces écrits et pour ces figures de pensée, Descartes est considéré comme le père du courant féministe ; sa pensée a été reçue et interprétée à partir de ses implications foncièrement sociales et du coup, son influence historique sur l’émergence et le développement du courant féministe s’avère incontestable. Ceci dit, les historiens de la philosophie cartésienne d’une part et ceux du mouvement féministe de l’autre ont déjà frayé des chemins interprétatifs dans lesquels ils ont cherché l’influence de la pensée de Descartes sur les femmes et le rôle du cartésianisme en général dans la naissance et le développement du mouvement féministe. Telle était, du moins, la tentative de J.P. Zimmermann depuis le début du XXème siècle dans un billet publié sous la rubrique « Variété » de la Magazine allemande « Le mouvement féministe : organe officiel des publications de l’Alliance nationale des sociétés féminines suisses ». Le billet est intitulé : « Descartes et le mouvement féministe au XVIIème siècle 10 ». L’auteur était pleinement convaincu du rôle que Descartes avait exercé dans l’histoire du mouvement féministe. Pour lui, « la Renaissance n’a pas été aussi favorable qu’on pourrait supposer à l’émancipation de la femme ». Pis encore, « le XVIème siècle a hérité du moyen-âge un certain mépris de la femme qui se traduit en épigrammes et en gaillardises irrévérencieuses… ». C’est « Descartes [qui] a été le principal initiateur du mouvement féministe au XVIIème siècle11 ». Descartes a « laïcisé la philosophie » parce qu’il s’est adressé, dans le Discours comme dans les Passions de l’âme, au grand public. Etant l’un des plus grands stratèges de la destination, il a voulu éduquer la raison en s’adressant au bon sens que possède tout un chacun. Avec lui, la philosophie n’est plus réservée aux doctes, c’est-à-dire aux gens de l’Ecole, tout le monde est appelé à apprendre à philosopher. C’est ainsi que les femmes auxquelles l’auteur du Discours avait songé en prenant la plume française vont, à partir de 1670, puiser dans Descartes et dans Malebranche les principes de la philosophie et de la morale12. C’est en cartésien jugeant les femmes tout à fait capables d’être initiées à l’astronomie que Fontenelle avait entrepris, en 1686, d’exposer toute une cosmographie dans ses Entretiens sur la Pluralité des Mondes. J’ai mis dans ces Entretiens, écrit-il, une femme que l’on instruit, et qui n’a jamais ouï parler de ces choses-là. J’ai cru que cette fiction me servirait et à rendre l’ouvrage plus susceptible d’agrément, et à encourager les dames par 9 Pour ne citer que quelques titres, voir Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes (1673). De l’éducation des dames (1674). De l’excellence des hommes (1675) ; Foucher de Careil, Descartes et la Princesse Elisabeth ou de l’influence du cartésianisme sur les femmes au XVIIème siècle (1862) ; Ernest Cassirer, « Descartes et la Reine Christine du Suède » in Descartes : Doctrine-Personnalité-Influence (1939) ; Michel Delon, « Cartésianisme et féminisme », Europe (1978) ; Astrid Wikens, Reason’s Feminist Disciples. Cartesianism and seventeenth-century English women (2008). 10 J.P. Zimmermann, « Descartes et le mouvement féministe au XVIIème siècle », in Le mouvement féministe : organe officiel des publications de l’Alliance nationale des sociétés féminines suisses, vol. 5, 1917, p. 92-93. (réf. en ligne : http://dx.doi.org/10.5169/seals252742.) 11 Ibid., p. 92. 12 Ibid., p. 92.
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l’exemple d’une femme qui, ne sortant jamais des bornes d’une personne qui n’a nulle teinture de science, ne laisse pas d’entendre ce qu’on lui dit, et de ranger dans sa tête sans confusion les tourbillons et les mondes13.
C’est aussi en cartésien résolu, plutôt en cartésien socialement engagé, que Poulain de la Barre soutint, dans trois écrits « révolutionnaires », la thèse de l’égalité entre les femmes et les hommes de part leur facultés intellectuelles et clame la nécessité d’accorder les mêmes droits aux uns et aux autres sans égard aux différences entre les deux sexes qui se résument à un ordre simplement physiologique. Nous avons affaire ici à des « manifestes féministes » qui sont d’inspiration toute cartésienne selon Zimmermann14. Poulain de la Barre est considéré, et à juste titre, comme l’auteur du « premier exemple d’une philosophie sociale cartésienne consciente d’elle-même15 ». Dans trois écrits successifs organisés autour d’un « programme féministe » d’inspiration fondamentalement cartésienne, De l’Egalité des deux sexes. Discours Physique et Moral, où l’on voit l’importance de se défaire des Préjugés (Paris, 1673), De l’Education des Dames pour la conduite de l’Esprit dans les sciences et dans les Mœurs. Entretiens (Paris, 1674), et De l’Excellence des Hommes contre l’Egalité des Sexes (Paris, 1675), Poulain s’attaque à la suprématie masculine et défend résolument l’égalité entre les sexes dans tous les domaines de la vie sociale, à commencer par les « activités intellectuelles » jusqu’aux « compétences militaires16 ». La « suprématie masculine » est pour Poulain le préjugé qu’il faut préalablement combattre pour que, dans la sphère sociale et culturelle, l’égalité entre les femmes et les hommes devienne possible au même titre que Descartes avait déclaré la guerre contre les « préjugés de l’enfance » pour que, dans la sphère du fondement du savoir, la connaissance certaine devienne possible. Or, l’interprétation des écrits de Poulain dans la perspective de ce que Stuurman appelle « social Cartesianism17 » ne date pas d’hier. Depuis le début du XXème siècle, Henri Piéron avait pris Poulain de la Barre pour référent et tenté cette voie interprétative où se laissent imbriqués cartésianisme et féminisme dans une étude intitulée : « De l’influence sociale des principes cartésiens. Un précurseur inconnu du féminisme et de la Révolution : Poulain de la Barre18 ». Quelques années plus tard, Henri Grappin, dans un article intitulé « Notes sur un féministe oublié : le cartésien Poulain de la Barre19 », nous présente les travaux de Poulain sous le signe d’une « avantageuse contribution à l’histoire encore confuse du cartésianisme dans le domaine moral et social 20 ». Grappin s’est efforcé de dégager l’ « esprit cartésien » qui anime la pensée De la Barre dans ses trois écrits féministes et de montrer qu’il était le « précurseur de la Révolution », que son féminisme constitue le « prolongement logique d’une grande doctrine » que fut celle de Descartes21. 13
Fontenelle, Entretiens sur la Pluralité des Mondes, éd. 1742, Paris, Librairie Nizet, 1984, Préface, p. 5-6. 14 J.P. Zimmermann, op. cit., p. 93. 15 Siep Stuurman, “Social Cartésianism : François Poulain de la Barre and the Origins of the Enlightenment”, in Journal of the History of Ideas, vol. 58, N° 4, 1997, pp. 617-640, voir p. 618. 16 Ibid. 17 Ibid. p. 619. 18 In Revue de synthèse historique, 5, 1902, p. 133-185 ; 270-282. 19 In Revue d’histoire littéraire de la France, 20, 1913, pp. 852-867, voir p. 852. 20 Ibid., p. 852. 21 Ibid.
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Les trois textes de Poulain de la Barre, textes fondateurs du mouvement féministe moderne d’origine foncièrement cartésienne, sont récemment édités, présentés et annotés par Marie-Frédérique Pellegrin dans la collection Bibliothèque des textes philosophiques (Vrin) et sous une rubrique qui marque nettement leur référent théorique et doctrinal : Textes cartésiens22. Or, toute introduction à cet auteur cartésien, à son « féminisme philosophique », ne saurait esquiver l’analyse du rapport entre cartésianisme et féminisme. En effet, sous le titre formulé à l’interrogative « Poulain cartésien ? » et à la question « Poulain fut-il d’abord cartésien ou d’abord féministe ? », Pellegrin de répondre : « chronologiquement, il fut sans doute d’abord cartésien, mais logiquement, son cartésianisme se présente d’emblée comme le support philosophique de son féminisme23 ». Depuis 1931, Maxime Leroy avait, lui aussi, frayé cette piste interprétative dans son Descartes social en faisant de Descartes non seulement le « précurseur du féminisme » mais aussi « un féministe convaincu24 ». En faveur de cette thèse, l’auteur invoque des faits réels et indubitables : le fait que Descartes ait choisi la plume française et non latine dans le premier écrit par lequel il a voulu prendre une place dans la scène philosophique, le Discours de la méthode de 1637, « pour que les femmes mêmes–s’explique-t-il–pussent entendre quelques chose 25 », sa correspondance longue et originale avec la Princesse Elisabeth, à qui il a dédié les Principes de la Philosophie (1644) et de laquelle est née le Traité des passions (1649), sa passion pour initier les femmes à la philosophie parce qu’il les trouves « plus vides de préjugés et de fausses doctrines que beaucoup d’hommes26 » etc. Or, ces faits réels et certains nous autorisent-ils, à eux seuls, de parler avant la lettre d’un « Descartes féministe » ? « La pensée féministe » est-elle aussi « évidente » chez Descartes qu’on le pense ? Y avait-il vraiment, même à titre inchoatif, les premiers germes d’une pensée du féminin dans les textes philosophiques de Descartes ? Ou bien faudrait-il être plutôt plus prudent et dire avec Philippe-Jean Quillien que « néanmoins, on doit considérer la qualification de « féministe » attribuée à Descartes comme une exagération et un anachronisme27 ».
Descartes dans la littérature féministe Si nous cherchons à creuser davantage le champ de l’analyse, un troisième aspect du problème se dégage relativement au statut même de Descartes et du cartésianisme dans la littérature féministe. Quel était le rôle exact de Descartes dans cette littérature et comment il a été interprété ? Doiton adopter le point de vue des théories féministes qui considèrent le philosophe rationaliste comme sexiste et, dès lors, critiquent sévèrement sa 22 François Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes. De l’éducation des dames. De l’excellence des hommes, édition, présentation et notes par Marie-Frédérique Pellegrin, Vrin, Paris, 2011, 426p. 23 Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes. De l’éducation des femmes. De l’excellence des hommes, édition, présentations et notes par Marie-Frédérique Pellegrin, Vrin, Paris, 2011, introduction p. 28. 24 Cf. Philippe-Jean Quillien, Dictionnaire politique de René Descartes, Presses universitaires de Lille, 1994, p. 57-58. 25 Lettre à un P. Jésuite, 4 janvier 1638. 26 Baillet, II, p. 500. 27 Ibid., p. 58.
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pensée qui, sur la base du dualisme et de la supériorité de la raison et ses pensées sur le corps et ses passions, a institué la supériorité du masculin, voire une philosophie masculine28 ? Ou bien faudrait-il plutôt adopter le point de vue des féministes cartésiens qui se sont appropriées la pensée de Descartes et l’on développé en insistant sur les idées de l’égalité des capacités rationnelles entre les hommes et les femmes, sur les implications sociales et culturelles, voire politiques de la méthode du doute universel, pour en induire la supériorité même des femmes sur les hommes dans l’apprentissage de (sa) philosophie29. Des critiques féministes ont ouvertement, et parfois assez sévèrement, attaqué Descartes en focalisant sur les implications sociales de sa pensée métaphysique, notamment la théorie fondamentale du système qui est la dualité de l’âme et du corps. En effet, le dualisme qui repose sur la distinction entre la substance pensante et la substance corporelle et institue le primat de l’esprit sur le corps dans l’acte même de connaître (c’est l’esprit qui se connaît soi-même d’abord puis s’amorce la connaissance du corps comme objet du sujet connaissant) a été interprété comme désignant aussi et parallèlement le privilège et le primat de l’homme sur la femme dans la sphère du social puisque l’homme est considéré comme l’être représentant la raison et l’esprit alors que la femme les émotions et le corps30. En somme, les théories féministes qui se sont attaquées à la métaphysique cartésienne pour avoir engendré, dit-on, une hiérarchie dans le domaine du social favorisant les hommes au détriment des femmes, n’étaient pas focalisées sur ce qu’auraient représenté Descartes et le cartésianisme comme source inspiratrice pour la naissance et le développement du mouvement féministe mais plutôt sur ce que les sexistes auraient cherché et trouvé dans Descartes en faveur de la différence entre les sexes et de la supériorité des hommes sur les femmes. En effet, en partant de la dualité de l’esprit et du corps et du primat de la connaissance du premier sur le second, on en déduit la réduction 28 Voir par exemple: Londa Schiebinger, The Mind has no sex? Women in the Origins of Modern Science, (1989); Genevieve Llyod, The Man of Reason: ‘Male’ and ‘Female’ in Western Philosophy (1993); Susan Bordo, “The Masculinization of Thought” Signs (1985), The Flight to Objectivity: Essays on Cartesianism and Culture (1987); Susan Bordo (edit), Feminist interpretations of René Descartes (1999). 29 Madame De Gentis, Le club des Dames ou le retour de Descartes (Comédie en acte et en prose) (1784) ; Moira Ferguson, First Feminists : British Women Writers, 1578–1799, (1985); Erica Harth, Cartesian Women, 1992 ; Margaret Atherton, « Cartesian Reason and Gendered Reason” in L. Antony & Ch. Witt (eds.) A Mind of One’s Own : Feminist Essays on Reason and Objectivity (1990); Ruth Perry, “Radical doubt and the Liberation of Women” in Eighteenth-Century Studies (1999). 30 Voir sur ce point : Kenneth J: “The Myth of Descartes’ Sexism: Feminism and Cartesianism”, in : http://www.kennethjphilosophy.com/2014/04/DescartesSexism.html. Voir aussi pour plus de détails sur cette interprétation sexiste de la pensée métaphysique de Descartes focalisée sur ses implications sociales : Lennon, Kathleen. 2010. “Feminist Perspectives on the Body.” The Stanford Encyclopedia of Philosophy, edited by Edward N. Zalta, in http://plato.stanford.edu/archives/fall2010/entries/Feminist-body/; Plumwood, Val. “Descartes and the Dream of Power.” In Feminism and the Mastery of Nature, 104-119. New York: Routledge 1993; Bordo, Susan. “Introduction” and Selections from “The Flight to Objectivity.” In Feminist Interpretations of René Descartes, edited by Susan Bordo, 1-28 and 48-69. Pennsylvania: The Pennsylvania State University Press, 1999; Clarke, Stanley, “Descartes’ “Gender”.” In Feminist Interpretations of René Descartes, edited by Susan Bordo, 82-104. Pennsylvania: The Pennsylvania State University Press, 1999: “Descartes’ philosophy has a special place in the history of gender. Although he himself did not explicitly address the issue of gender in his own writings, he has been criticized for formulating metaphysical and epistemological views that have both expressed and consolidated a construction of gender that privileges males.” (p. 82).
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du corps à une simple idée de l’esprit et la possibilité de son existence sans le corps, deux choses que Descartes n’a, en fait, jamais dites ni même pensées. Or, cette manière de voir provient d’une certaine mésinterprétation de la pensée métaphysique de Descartes. Elle trouve ses appuis et ses origines non dans les textes du philosophe mais dans le cartésianisme en général qui reflète moins ce que Descartes a écrit que ce que l’on a compris de lui et, le plus souvent, mal compris de lui. Bien au contraire, cette pensée métaphysique pourrait être interprétée comme dotant les femmes de cette opportunité de s’engager dans l’étude de la philosophie pour la première fois (puisque toute personne peut utiliser sa raison pour parvenir à la connaissance certaine des choses) d’une manière plus aisée que les hommes mêmes. Contre cette interprétation et en faveur d’un Descartes égalitariste, on évoque les textes, l’esprit et la vie personnelle même du philosophe.
« Cartésien » / « Cartésienne » et devenir du cartésianisme Le quatrième aspect problématique du rapport entre cartésianisme et féminisme se laisse décrire dans l’identification du « cartésien », ou en l’occurrence de la « cartésienne » dans le devenir historique du cartésianisme. Qui est, en fait et authentiquement, digne d’être appelé « cartésien » ? Est-ce les premiers disciples de Descartes tels que Rohault, La Forge, Clerselier, Port Royal, etc. ? Ou bien faudrait-il plutôt attribuer cet adjectif aux postcartésiens tels que Pascal, Leibniz, Spinoza, Malebranche, etc. ? Ou bien encore sont également et forcément cartésiens les philosophes modernes tels que Kant, Hegel, Maine de Biran, Cousin, etc. ? Ou encore, et dans un sens moins fort et strict que celui de disciple, sont considérés « cartésiens » tous les commentateurs de Descartes tels que Gouhier, Guéroult, Alquié, Géneviève Rodis Lewis, Marion, etc. ? Ou enfin les vrais et authentiques cartésiens étaient, d’abord et avant tout, « deux cartésiennes » : Elisabeth de Bohême et Christine du Suède qui étaient les deux premières élèves du philosophe. Et de ce point de vue, être cartésien ce n’est plus seulement être moderne, rationaliste, méthodique, mécaniste (avec tous ses prolongements et développements historiques en matérialisme, athéisme, etc.), mais aussi et surtout être égalitariste et féministe. Descartes a invité l’homme à mettre tout en doute (préjugés, opinions, tradition, interprétation de la religion, etc.) et par cela même il l’a doté des moyens et des outils pour se libérer, pour dénoncer toute forme de supériorité des hommes sur les femmes. En fait, si nous passons en revue la littérature cartésienne aussi bien que la littérature féministe comme nous venons de le faire, nous constatons que le statut de la question féministe dans la philosophie de Descartes n’a trait ni aux fondements métaphysiques, ni aux règles méthodologiques, ni à la place de la pensée du féminin dans l’architectonique de la doctrine, mais essentiellement aux implications sociales et politiques de la philosophie de Descartes qui se laissent décrire justement dans le devenir du cartésianisme. Il s’agit de focaliser notre réflexion sur les enjeux sociaux et politiques du cartésianisme et sur les différentes formes de son devenir historique. Qu’estce qu’en fait que le cartésianisme ? Qu’est-ce qu’être cartésien ? Et plus précisément : est-il possible pour un cartésien d’être sexiste ou antiféministe ? Sous le titre « cartésien », tout le monde en convient à mettre – et à entendre par cet adjectif - rationaliste, méthodique, métaphysicien, moderne, 191
rigoureux, etc., mais aussi démocrate et féministe, voire défenseur non seulement du droit de l’éducation des femmes en égalité avec les hommes, mais aussi de leur supériorité sur les hommes en matière de philosophie. En effet, contre l’accusation de ceux qui ont voulu voir en Descartes un « philogyne », son biographe, André Baillet, l’avait déjà soigneusement acquitté en rappelant le fait que Descartes se plaisait à s’entretenir avec les femmes parce qu’il est convaincu que celles-ci, étant « plus vides de préjugés et de fausses doctrines », sont plus capables que les hommes pour adhérer à sa nouvelle philosophie. En effet, à l’égard de l’opinion que quelques-uns ont voulu donner de l’affection prétendue que M. Descartes avait pour les personnes de l’autre sexe, il semble qu’elle n’ait point d’autre source qu’une calomnie des Ministres de Hollande, dont nous avons parlé en son lieu, et une méchante explication d’un endroit du Sieur Borel, qui témoigne que nôtre Philosophe ne se déplaisait point à la conversation des femmes. M. Descartes avait dit à quelqu’un de ses amis qu’en matière de Philosophie il trouvait les Dames qu’il avait entretenues sur ce sujet plus douces, plus patientes, plus dociles, en un mot, plus vides de préjugez et de fausses doctrines, que beaucoup d’hommes. Mais pour donner lieu de conclure de là qu’il aimait la compagnie des femmes, il faudrait l’avoir vu dans une plus grande fréquentation du sexe, qu’il n’était31.
Et du coup, si être cartésien veut dire être capable d’apprendre la philosophie de Descartes, d’adhérer à sa nouvelle philosophie, les premiers disciples du philosophe sont donc, historiquement parlant, des cartésiennes : les femmes des salons qui s’amusaient à l’étude de sa philosophie et de ses thématiques totalement nouvelles (méthode, dualisme, mécanisme, passions, etc.) d’abord, mais aussi et avant tout, les deux premières cartésiennes que furent Elisabeth de Bohême et Christine de Suède. Et Baillet d’ajouter : Repoussée par l’école, sa philosophie fut bien accueillie par les salons. Les femmes qui y exerçaient alors un empire souverain furent des premières à l’adopter, et Malebranche, qui n’est qu’un Descartes plus chrétien et plus tendre, avait coutume de dire que les femmes plus dégagées de préjugés que les savants, comprenaient mieux ses leçons32.
Pour la Princesse Elisabeth, le témoignage de Foucher de Careil, bien qu’assez long et risque d’ennuyer le lecteur bienveillant, mérite en effet d’être repris : Par ses talents, par son application aux sciences, par sa connaissance approfondie de la philosophie de Descartes, elle [Elisabeth] mérite une place à part dans l’histoire du Cartésianisme. Elle fut l’élève préférée de Descartes. Elle lui a proposé de bouche et par écrit ses doutes et ses objections qui lui ont fait corriger ou expliquer ses doctrines. C’est elle enfin qui a porté le Cartésianisme en Allemagne, d’abord à Berlin, à Heidelberg et à Cassel où était sa famille, ainsi qu’à Herford où elle passa les dernières années de sa vie33 ». « C’est le récit de ces études cartésiennes de la princesse que nous a tracé Sorbière ; c’est le véritable programme du cours de philosophie qu’elle suivait. « On racontait, ditil, des merveilles de cette rare personne : qu’à la connaissance des langues elle ajoutait celle des sciences, qu’elle ne s’amusait point aux vétilles de l’école, mais voulait connaître les choses clairement ; que pour cela elle avait un esprit net et 31
Adrien Baillet, La vie de Monsieur Descartes, chez Daniel Horthemels, Paris, 1691, t. II, p. 500. (Nous avons révisé l’orthographe selon l’usage moderne). 32 Foucher de Careil, Descartes et la Princesse Palatine ou de l’influence du cartésianisme sur les femmes au XVIIème siècle, Paris, auguste Durand Librairie, 1962, p. 5. 33 Ibid., p. 8 (nous soulignons).
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un jugement solide ; qu’elle se plaisait à faire des dissections et des expériences...34 ». Ainsi, dès 1642, elle était cartésienne. Je n’en veux pour preuve que ces traits empruntés à Sorbière : d’abord cette vue nette et ferme qui voulait connaître les choses clairement ; en second lieu, ce mépris de la scolastique qui l’empêchait de s’amuser aux vétilles de l’école, et enfin ce plaisir qu’elle avait à entendre Descartes et à suivre ses leçons. Connaître les choses clairement et distinctement, c’est toute sa méthode. (…) Enfin l’étude des langues et des sciences était recommandée par lui. Il était donc impossible de marquer par des traits plus vifs qu’elle était cartésienne et que non seulement elle avait pris plaisir à écouter Descartes, mais qu’elle suivait déjà fidèlement ses méthodes35 ».
Elisabeth cartésienne, oui bien évidemment, elle était la première cartésienne à n’en pas douter, non seulement au sens de simple disciple fidèle à son maître, mais aussi au sens d’interlocuteur éveillé et intelligent. Elle présente même cette particularité intéressante que la princesse demande déjà des explications et adresse des objections à Descartes. Elle a lu le Discours de la Méthode et les Méditations ; elle en a été satisfaite, sauf sur un point où Descartes lui paraît incomplet, à savoir « ce qu’il faut penser de l’union de l’âme avec le corps. » Lisez le volume entier d’objections que les théologiens et les savants ont adressées à Descartes, et vous n’en trouverez pas une seule qui porte aussi juste et aussi loin que cette simple remarque de la princesse. Tout Descartes est dans le dualisme de la matière et de la pensée : il a mis d’un côté l’esprit, et de l’autre l’étendue, ici l’âme, plus loin le corps dans un isolement et une indépendance absolus l’un de l’autre. Il a par ce fait supprimé tout rapport de l’âme au corps et du corps à l’âme, aboli toute influence naturelle de l’esprit sur la matière, ou de la matière sur l’esprit. Comment expliquera-t-il maintenant leur union36? »
C’est la Princesse qui évoque cette question et embarrasse Descartes en posant la problématique de l’union de l’âme et du corps, dans sa philosophie en général (l’architectonique du système) mais aussi et surtout dans l’homme en particulier (l’ordre d’une nouvelle anthropologie). Il lui faut prendre encore la plume pour s’engager dans une nouvelle voie méditative et contemplative qui le conduit à la morale et à l’anthropologie. Nous avons montré Elisabeth soustraite aux influences de la scolastique par une philosophie nouvelle qui n’est autre que le cartésianisme, se consacrer à son étude et proposer à Descartes ses doutes et ses objections. Descartes, frappé de son mérite lui offre la dédicace des Principes. Mais cet ouvrage qui contient son système du monde est muet sur la morale. Elisabeth, minée par le chagrin et déjà malade, va lui demander sa morale et son hygiène de l’âme. Descartes, pris au dépourvu se contentera d’abord de lui envoyer quelques lettres sur la vie heureuse dont il avait emprunté la première idée aux stoïques, mais en les corrigeant par Aristote et Épicure, et en y joignant ses vues propres. Toutefois il ne s’en tint pas là, et il sentit bientôt le besoin de réfléchir pour son propre compte sur ces grands objets de l’âme, le bonheur, la vertu et les passions. C’est de ces réflexions plus originales, mais encore très imparfaites qu’est né le traité des Passions. Les lettres sur le bonheur adressées à la princesse, en furent l’occasion : mais la princesse elle-même, à qui il communiqua le livre avant de le publier, en est encore l’objet. On remarquera cette unité nouvelle, qui se découvre dans l’œuvre de Descartes, depuis le moment où il a connu Élisabeth. A partir de ses Principes de philosophie, il lui a dédié tous ses ouvrages ou les a 34
Ibid., p. 17. Ibid., p. 17 (nous soulignons). 36 Ibid., p. 23. 35
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composés à son intention. C’est par ce qu’elle est malheureuse qu’il lui écrit des lettres sur le bonheur, et c’est en lui écrivant sur ce sujet qu’il fut amené à réfléchir sur les passions : il nous le dit lui-même. Descartes va donc faire l’essai de sa morale et de son hygiène de l’âme sur une femme qui s’est vouée à l’étude de sa philosophie. Il est mis par son élève en demeure de s’expliquer sur ce que cette philosophie peut pour préserver une âme du chagrin et la prémunir contre les coups du sort37 ».
Dans des études récentes réunies sous le titre « Qu’est-ce qu’être cartésien ?38 » et couvrant trois siècles de réceptions et de transformations du cartésianisme, les auteurs ont pu montrer que s’il y a mille et une manières d’être cartésien selon le moment, le lieu, le contexte, l’enjeu, le champ disciplinaire, etc., toutes les images construites de Descartes et toutes les figures du cartésianisme se donnent à lire sous le signe de la richesse d’une pensée en perpétuel développement et non sous le signe de l’exclusivité mutuelle. C’est dire que la constitution de l’histoire du cartésianisme peut être effectuée aujourd’hui aussi bien à l’aide des outils d’une histoire de la philosophie au sens classique (corpus et interprétations) qu’à l’aide des images construites des « Descartes ad hoc » qui, sans continuité directe avec celles de l’œuvre de départ, nous autorisent à penser des « cartésianismes sans Descartes ». En effet, avant de désigner un disciple immédiat de Descartes, « être cartésien » au XVIIe siècle était d’abord une image intellectuelle et sociale d’un type d’« écrivain » fabriquée par une série de figures relevant des choix éditoriaux du philosophe, de ses stratégies communicationnelles, de son style d’écriture, de son choix de la langue, etc. Une autre image du cartésien construite à partir de l’analyse de l’œuvre de Poulain de la Barre nous montre également à quel point le cartésianisme est une philosophie destinée aux femmes et en quel sens « être cartésien » au temps de Descartes veut dire, en premier lieu, « être cartésienne » dans la mesure où les premiers cartésiens authentiques et légitimes qui ont connu le maître et reçu son enseignement étaient deux femmes : Elisabeth de Bohème et Christine de Suède. Toutes les études originales qui composent ce recueil nous montrent que l’adjectif « cartésien » et son antonyme « anticartésien » balayent un large spectre d’entités sémantiques et couvrent une constellation d’images en prolifération et en modification continues. Pour conclure, nous pouvons dire que se dire « cartésien » du XVIIe siècle à nos jours, c’est plus qu’adopter une des thèses exposées dans les écrits de Descartes et développées ou totalement rejetées par ses successeurs (dualité, animal-machine, tourbillons, matière subtile, etc.). Il s’agit aussi d’avoir une certaine tendance et un certain état d’esprit. Cartésien veut dire bien évidemment rationaliste, matérialiste, athée, libre penseur, baroque, français, démocrate, mais aussi et, peut être avant tout, cartésien veut dire être féministe.
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Ibid., p. 39 (nous soulignons). Cet ouvrage réunit des études qui constituent le résultat d’une réflexion engagée lors d’un colloque organisé à l’ENS-LSH les 22 et 23 novembre 2007 autour de cette même question. Ce recueil d’études inédites, publié sous la direction de Delphine Kolesnik-Antoine et préfacé par Denis Kambouchner, expose, sous un jour nouveau, un bilan de la réception de Descartes du XVIIe au XIX siècles et marque d’autant plus nettement la spécificité du cartésianisme dans l’histoire des idées. Voir notre compte rendu publié en ligne dans le site des Revues des sciences humaines et sociales : https://lectures.revues.org/11365. 38
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Le féminin des Lumières, un héritage des Anciens Halima OUANADA1
« Impénétrables dans la dissimulation, cruelles dans la vengeance, constantes dans leurs projets, sans scrupules sur les moyens de réussir, animées d’une haine profonde et secrète contre le despotisme de l’homme, il semble qu’il y ait entre elles un complot facile de domination, une sorte de ligue, telle que celle qui subsiste entre les prêtres de toutes les nations. » Sur les femmes, Denis Diderot, 1772.
Il nous plait d’entamer notre propos par une formule célèbre de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient » (1949), formule qui fait écho déjà à une autre formule du grand Erasme « On ne naît pas homme »2(1529), qui fut le point de départ de la Renaissance. Formule, ellemême empruntée à un carthaginois, père de l’église, Tertullien3 : « On ne naît pas chrétien [juif, musulman…]4, on le devient. » (IIIè s. (197) et la liste pourrait encore s’allonger. Pourquoi commencer par ces formules ? D’abord pour souligner l’importance de la migration des idées, positives ou négatives d’ailleurs, mais aussi, et c’est à notre sens le point le plus important, parce que ces formules reflètent à souhait l’enjeu du débat contemporain sur l’identité du sujet humain qui continue d’occuper les esprits encore aujourd’hui. Ces formules interrogent plus qu’elles n’affirment ; elles révèlent le caractère socialement construit des identités sexuelles et religieuses et ébranlent toutes conceptions essentialistes et tout déterminisme biologique ou religieux. Elles touchent à la nature, à l’essence même des débats et conflits toujours d’actualité quant à la question du « genre » notamment dans son rapport au social, au sacré, bref au mythe. Le choix donc de ces formules n’est pas du tout fortuit, bien au contraire. Car parler du féminin dans son rapport au masculin est une affaire de pouvoir et d’occupation d’un espace de pouvoir. C’est une manière nouvelle de reconsidérer les identités historiques, communautaires et de comprendre le processus social, sur lequel il est toujours possible d’agir.
1
Université de Tunis El Manar, ISSHT. Dans son traité d’éducation « De pueris instituendis », « Comment éduquer les enfants » paru en 1529 (et traduit en français en 1537). 3 Né à Carthage entre 150~160-220, d’une famille berbère, romanisée et païenne, il se convertit à la fin du IIème siècle. Il écrit alors une « Apologétique » « Apologeticum », ou « art de défendre et d’expliquer sa position », où on peut lire ceci : « il fut un temps où nous riions, comme vous, de ces vérités. Car nous sortons de vos rangs ». 4 C’est nous qui ajoutons. 2
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Être homme ou femme, ce n’est donc pas naître avec le sexe masculin ou féminin, c’est être placé ou classé d’une certaine façon dans un espace donné, en l’occurrence l’espace public. Or, cet espace public ou social n’a jamais été pensé, dès les origines, comme un espace humain, mais, bien au contraire, comme un espace réservé aux hommes et donc interdit aux femmes. Ce qui explique la persistance, encore aujourd’hui, de voix protestant contre « l’intrusion » de la femme dans l’espace public, ou les réserves spontanément formulées quant aux capacités intellectuelles réelles des filles qui réussissent dans différentes disciplines. Et quand cette capacité est reconnue, c’est leur féminité qui est alors mise en doute. D’autres voix appellent carrément les femmes à regagner le foyer, « espace naturel » en imputant à leur accès au monde du travail, le taux élevé du chômage des hommes, et de laisser la Res Publica « la chose publique » à son propriétaire « originel ». Force est de constater que changer les mentalités s’avère une tâche ardue même au 21ème siècle. Loin de proposer des solutions « miracles » à ce problème, vieux comme le monde mais constamment d’actualité, nous tenterons dans un premier lieu de remonter aux origines de cette « misogynie originelle » qu’on a théologisée5 pour porter notre intérêt, par la suite, sur le siècle des Lumières, réputé siècle de la raison. Un siècle où les philosophes qui, fortement imprégnés par la culture gréco-romaine ont, nous semble-il, fermé l’œil sur un certain nombre de préjugés quant à la femme alors qu’ils ont bouleversé le monde par leurs idées « révolutionnaires ». Aveuglés par la vénération des Anciens, les Philosophes des Lumières ont, paradoxalement, beaucoup contribué à cette redoutable prégnance du principe de la subordination originelle de la femme. Nul ne peut contester la grande influence qu’ont exercée les écrivains et les écrits helléniques sur les auteurs du XVIIIème siècle. Il suffit de parcourir leurs œuvres et leurs correspondances pour en avoir la preuve. En dépit de tout ce que la Grèce à offert comme savoir et concepts qui ont marqué et marque encore le monde aujourd’hui, il est intéressant pour notre propos de voir la persistance du modèle grec notamment chez les philosophes des Lumières quant à la conception du féminin, conception, somme toute, misogyne et dégradante pour la gent féminine. Nous parlions de la migration des idées positives qui ont participé fortement au processus de l’émancipation de l’humanité, comme celles de la raison, de la liberté, de la beauté, du bonheur…, toutefois, nous n’avons presque jamais évoqué l’influence négative des auteurs de l’Antiquité sur ceux du dix-huitième siècle, notamment en ce qui concerne la question de la femme. Il suffit de parcourir les textes de la majorité des représentants du siècle des Lumières, de les comparer avec ceux de Platon ou d’Aristote pour se rendre compte de la similitude des propos quant à l’image qu’ils se font et qu’ils donnent de la femme. Or c’est, justement, à la conception platonico-aristotélicienne qu’on doit cette idée de l’éternel mineur. Depuis, toutes les sociétés humaines ont justifié le patriarcat comme ordre naturel immuable décidé, par les dieux. Ils ont décrété la soumission et la dépendance éternelle de la femme à un maître mâle (kurios), le père, l’époux, le fils ou par le tuteur désigné par celui-ci. Certes cette condition imposée à la femme varie selon les lieux, mais cela 5 R. Howard Bloch, Voir Medieval Misogyny and the Invention of Western Romantic Love, Chicago, 1991, p. 71. Une synthèse de l’ouvrage a été donnée par l’auteur dans « La misogynie médiévale et l’invention de l’amour en occident », Les Cahiers du GRIF, 47, 1993, p. 9-23.
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n’altère en rien sa condition d’être inférieur, mineur et incapable de prendre part aux affaires de la res publica. Un ensemble de stéréotypes a été donc adopté, véhiculé et n’a nullement été contesté par les successeurs, même pas par les philosophes des Lumières, ceux-là même qui ont ébranlé le monde par leurs idées révolutionnaires en matière de droits de l’homme. Tout porte à croire, malgré l’évolution de la société, que la femme n’a jamais été pensée, par les philosophes des Lumières, comme relevant de l’humain, suivant en cela les Anciens qu’ils citent constamment comme autorité absolue en adoptant comme telles, non seulement leurs idées, mais en les théorisant et en les diffusant. Ils ont donc contribué inconsciemment ou à dessein, par leurs écrits, à perpétuer le mythe de la domination masculine en s’efforçant de convaincre la femme de sa subordination éternelle et des aspects positifs de la peur, de l’abnégation et donc de la soumission. Ils suivent en cela parfaitement, les deux maîtres incontestables de l’Antiquité, Platon et Aristote. En effet, une formule synthétique de Marie-Hélène Congourdeau, résume à souhait comment les deux grands philosophes de l’ancienne Hellènie, Platon et Aristote, qui ont marqué l’histoire occidentale de la philosophie, ont pensé la femme : « avec Platon elle est intermédiaire entre l’homme et l’animal, avec Aristote elle est intermédiaire entre l’homme et le monstre. »6. Avant eux, Hésiode (VIIIè s. av. J.C.), maître absolu de la misogynie, dans la mythologie grecque est à l’origine de cette réputation qui perdure encore aujourd’hui de la femme qui, derrière ses charmes vénéneux, n’existerait que pour nuire au genre humain. De surcroit, mère de la « pernicieuse race », elle est considérée comme un piège, un « cruel fléau », cadeau empoisonné offert aux hommes par un dieu vengeur. Tout commence par une querelle entre Zeus et Prométhée, un Titan qui a osé dérober le feu aux dieux pour l’offrir à la race humaine, exclusivement masculine « exempte de[s] maux » : Avant ce jour, les générations des hommes vivaient sur la terre exempte de maux, et du rude travail, et des maladies cruelles que la vieillesse apporte aux hommes. […] Et cette femme, levant le couvercle d’un grand vase qu’elle tenait dans ses mains, répandit les misères affreuses sur les hommes » 7 « car c’est d’elle que sort la race des femmes femelles, la plus pernicieuse race des femmes, le plus cruel fléau qui soit parmi les hommes mortels8.
Il ajoute : Et de même que les abeilles, dans leurs ruches couvertes de toits, nourrissent les frelons qui ne font que le mal, et que, pendant le jour, jusqu’au déclin de Hélios [le soleil], matinales, elles travaillent et font leurs cellules blanches, tandis que les frelons, pénétrant dans les ruches couvertes de toits, s’emplissent le ventre du fruit d’un travail étranger ; ainsi il donna ces femmes funestes aux hommes mortels, Zeus qui tonne dans les hauteurs, ces femmes qui ne font que le mal9. 6 L’embryon et son âme dans les sources grecques (VIe siècle av. J.-C.–Ve siècle apr. J.-C.), Paris, 2006, p. 47, 56., cité par Alain Galonnier. Stercoris saccus : la représentation de la femme comme corps adjuvant et transgressif dans la pensée chrétienne à la basse Antiquité et au Moyen Âge. 2018, p. 5. 7 Hésiode, Les Travaux et les jours, traduction Leconte de Lisle, 1869. On rapporte même qu’autrefois, en Inde et dans les tribus nord-américaines, les vagins des femmes avaient des dents, mythe appelé par l’anthropologue américain Frans Boas dans son Etude comparative de la mythologie des Indiens Tsimshian, Vagina dentata. 8 Hésiode, Théogonie, traduction Leconte de Lisle, 1869. 9 Ibid.
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Et comme il n’était pas suffisant de comparer la femme au frelon oisif et maléfique, il la présente de surcroit comme un mal nécessaire, une « calamité » dont l’homme a besoin pour faire face notamment à la « vieillesse lourde », car, en l’absence d’une épouse, il sera « privé [des] soins donnés au vieillard ». Peu importe s’il est marié à une femme chaste ou « d’un mauvais naturel », dans les deux cas, il « aura dans sa poitrine une douleur sans fin, et son âme et son cœur seront la proie d’un mal irrémédiable10 » Cette mythologie grecque, peu favorable voire misogyne a visiblement laissé une trace indélébile sur les philosophes grecs, notamment Platon, pour qui, la nature féminine est inférieure de beaucoup de la nature masculine11. Moins disposée que l’homme à la vertu, la femme est plus habituée à la vie retirée 12 et se livre rapidement aux lamentations 13 . D’ailleurs, pour lui, l’unique devoir dont elle dispose est de veiller sur sa demeure et de se soumettre aux instructions de son époux qui est aussi son maître14(kurios). La raison en est qu’il existe une différence indéniable de nature et de capacité à « partager tous les travaux du sexe mâle »15 entre l’homme et la femme16 et donc le mâle l’emporte aisément sur la femelle17. L’opinion que se fait Aristote de la femme n’est que plus brutale, sans doute « parce qu’elle relève du regard froid d’un pur biologiste, voire d’un zoologiste18 ». Dans son Histoires des animaux, note à juste titre François Gauvin19, Aristote « dresse une liste de « clichés » sur le genre, qui n’a rien à envier au best-seller de John Gray, Les hommes viennent de Mars et les Femmes de Vénus (1992) ». Voilà comment il décrit la femme : Ainsi, la femme est bien plus que l’homme disposée à la pitié ; elle pleure plus aisément ; […] la femme est en outre plus facile à se décourager, et plus rebelle que l’homme à l’espérance ; elle est plus effrontée et plus fausse. Elle se laisse trompée plus aisément ; et elle a plus de rancune. On peut ajouter encore que, dans les animaux, la femelle est plus éveillée que le mâle et plus paresseuse, et en général, qu’elle a plus de peine à se mettre en mouvement. […] le mâle a plus de ressources pour secourir les autres ; il est plus brave ; et l’on peut voir, jusque dans les mollusques, que, si une seiche est atteinte d’un coup de trident, le mâle vient au secours de la femelle, tandis que la femelle s’enfuit dès que le mâle est frappé. »20
De surcroit, pour Aristote, les femmes sont la résultante d’une impuissance du père. Un rapport réussi est celui où la semence impose le masculin. La femme est "moins", l’homme est "plus". Esclave de son maître, elle lui doit obéissance, comme il le précise clairement :
10
Ibid. Lois, 781b Ibid., 781c 13 République, 605c-e, Phédon, 60a 14 Ménon, 71e 15 Platon, La République Gonthier, p. 148). Le Point Références, Dossier « les lois du genre », n° 46, juillet-août, 2013. 16 République, 453b 17 Ibid., 455d 18 Stercoris saccus : la représentation de la femme comme corps adjuvant et transgressif dans la pensée chrétienne à la basse Antiquité et au Moyen Âge. 2018, p. 6. 19 Le Point Références, Dossier « les lois du genre », n° 46, juillet-août, 2013. 20 Aristote, L’Histoire des animaux, livre IX, traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1883. 11 12
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Ainsi, l’homme libre commande à l’esclave tout autrement que l’époux à la femme, et le père, à l’enfant ; et pourtant les éléments essentiels de l’âme existent dans tous ces êtres ; mais ils y sont à des degrés bien divers. L’esclave est absolument privé de volonté ; la femme en a une, mais en sous-ordre ; l’enfant n’en a qu’une incomplète. Il en est nécessairement de même des vertus morales […] Reconnaissons donc que tous les individus dont nous venons de parler ont leur part de vertu morale, mais que la sagesse de l’homme n’est pas celle de la femme, que son courage, son équité, ne sont pas les mêmes, comme le pensait Socrate, et que la force de l’un est toute de commandement ; celle de l’autre, toute de soumission21.
Aussi, dès l’origine de l’humanité, la misogynie s’est-elle imposée comme une évidence et avec elle la hiérarchisation patriarcale homme/femme ainsi que la délimitation de l’espace réservé à chacun : la femme est le principe spirituel, l’âme du foyer, l’homme en est le principe juridique. C’est sur ce substrat culturel que toutes les religions, en tout cas les religions monothéistes vont imposer leurs regards et leurs normes. A la conception platonico- aristotélicienne va se substituer « la conception vétérotestamentaire » qui va entériner ce que R. Howard Bloch appelle la « misogynie théologisée »22. N’est-ce pas, Eve qui, dans la genèse judéochrétienne, aurait incité Adam à manger le fruit interdit ? N’est-ce pas elle également qui aurait été à l’origine du « péché originel » ? Par ailleurs, bien plus qu’une créature accessoire, perverse et néfaste, la femme devient, explique Stercoris saccus : une pécheresse, souillée et souillante, qui, en tant que telle, doit vivre, dans le rappel incessant des conséquences de sa faute, assujettie à l’homme – « Et lui dominera sur toi » (Gen. 3, 16) », il relève du constat d’évidence que la sentence divine – « Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras tes fils » (Ibid.) – a définitivement oblitéré la situation de la femme, dans la mesure où cette créature d’essence moindre – parce que voulue comme une « aide » de l’homme et modelée à partir de l’un de ses flancs (Gen. 2, 18 et 2122) – ne peut exister qu’en dépendance et dans l’opprobre. Inscrite doublement dans sa « dé-nature » – à savoir par une création accessoire et par une faute irrémissible –, cette condition deux fois dégradée ne cessera, des siècles durant, de ressurgir dans la réflexion chrétienne, prétexte à jouer sur tous les registres de la dépréciation, jusqu’à atteindre un paroxysme dans le scatologique23.
Sur cette position peu philogyne, nous arrêterons notre rapide tour d’horizon de la femme dans l’Antiquité, à laquelle celle des Lumières a peu à envier puisque, paradoxalement, tous ces mythes traitant de la femme ont trouvé oreille attentive au XVIIIème siècle, notamment celui de la femme créée, non en même temps que l’homme, mais à partir de l’homme, celui de l’infériorité naturelle de la femme.... D’ailleurs, sur ce mythe particulièrement repose l’essentiel du comportement des hommes à l’égard des femmes : la femme doit tout à l’homme, elle lui est soumise et elle est aussi la cause de sa déchéance et 21 22
Aristote, La Politique, traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1874. Voir Medieval Misogyny and the Invention of Western Romantic Love, Chicago, 1991, p. 71. Une synthèse de l’ouvrage a été donnée par l’auteur dans « La misogynie médiévale et l’invention de l’amour en occident », Les Cahiers du GRIF, 47, 1993, p. 9-23. Le Coran affirme sans ambiguïté la domination de l’homme sur la femme en vertu de la préférence que Dieu lui a accordé et parce qu’il subvient à ses besoins (Coran IV, 38/34), la femme vaut la moitié de l’homme en matière d’héritage (II, 228). Toutefois, le Coran insite sur les devoirs du mari envers sa femme (II, 228). 23 Stercoris saccus : la représentation de la femme comme corps adjuvant et transgressif dans la pensée chrétienne à la basse Antiquité et au Moyen Âge. 2018, p. 2.
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donc du malheur du genre humain. Au siècle des Lumières, nous retrouvons donc, à des degrés divers, tous ces lieux communs sur la nature des femmes dans la littérature, la philosophie, la médecine, l’art… où les différentes approches se croisent et se complètent pour entériner à jamais la secondarité radicale de la condition ancestrale de la femme et « naturaliser » à l’extrême la féminité en tant que « constitution délicate », « tendresse excessive », « raison limitée », « nerfs fragiles », prétextes pour légitimer son exclusion de la sphère publique… On pourrait croire que le XVIIIème siècle aurait fortement aidé à libérer la femme du joug de ces clichés et l’a émancipée puisque tous les savoirs et préjugés connus jusque-là ont été revisités, revus et corrigés. Toutefois, et à consulter les textes de certains auteurs célèbres du siècle des Lumières, nous sommes frappée de désillusion qui ne manque pas de ternir l’image que nous avions du philosophe éclairé des Lumières. Ainsi, au XVIIIème siècle, quand le discours masculin évoque la femme, il va « capitaliser » sur tous ces stéréotypes de l’Antiquité sans les remettre en cause. Il va, en parlant de cette « créature », tenir un discours, paradoxalement, peu sensé pour un siècle qui prêche la raison. La tyrannie exercée sur les femmes n’est pas franchement contestée, à de très rares exceptions près (Diderot, Condorcet notamment, Voltaire). Pour certains philosophes des Lumières, qui sont des antiféministes sans complexes, la nature immuable a créé les femmes pour le bonheur des hommes. Ils sont très nombreux à le penser, mais nous allons nous arrêter sur un seul exemple, sans doute le plus parlant et le plus franc, celui de J.-J. Rousseau, dont les écrits constituent, nous semble-t-il, un condensé et un prolongement des conceptions mythiques et religieuses quant à la femme. Il suffit de parcourir l’ensemble de son œuvre pour constater l’influence, dans sa philosophie, de deux références culturelles indéniables qui sont l’antiquité et le christianisme. D’ailleurs, selon Touchefeu, le montage entre culture antique et culture théologique était bien établi dans la Genève du jeune Rousseau, en raison de l’essor de l’édition genevoise et de sa diffusion dans la rhétorique politique de son temps24.
Dans la panoplie des auteurs antiques, Platon, précise Richebourg, occupe une place de choix. Cité cinquante-huit fois25, il se place en troisième position, après la Bible (86 fois) et Plutarque (70 fois) ; suivent Buffon (50 fois), Montaigne (33 fois), Aristote (26 fois) et Montesquieu (25 fois). Certes, le régime de lecture que Rousseau pratique sur Platon est spécifique, aux dires Francesco Gregorio et Il entraîne, ajoute-il, une redéfinition des codes de lecture culturellement admis, aussi bien du christianisme que de l’antiquité. En ce sens le Platon de Rousseau
24 Pour une vision panoramique, voir Touchefeu 1999, p. 35-36, TOUCHEFEU, Y. 1999 : L’Antiquité et le christianisme dans la pensée de Jean-Jacques Rousseau, Oxford, 1999 (Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 372). 25 RICHEBOURG, M. 1934 : Essai sur les lectures de Rousseau, Genève, 1934. « Montesquieu, précise Derathé, est « l’homme auquel il (scil. Rousseau) doit plus qu’à tout autre penseur, à l’exception toutefois de Platon » DERATHE, R. 1955 : « Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau », Revue internationale de philosophie, 9 (1955), p. 366-386. Dans une note à son édition de la première version de l’Émile (ms. Favre), Spink écrit : « Rousseau avait copié de nombreux passages de la République. » (OC IV, p. 1299, n. 2 de la p. 250.)
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est le produit singulier du régime de lecture de Rousseau26, toutefois, il s’avère évident que l’influence du philosophe antique sur le philosophe des Lumières est indéniable au point de parler de « platonisme de Rousseau27 ».
Ainsi, considérant l’histoire ancienne comme une magistra vitae et Platon comme maître absolu, J.-J. Rousseau, quand il traite de la place de la femme dans la vie publique, soutient, dans ses innombrables écrits, l’idée de l’infériorité de la femme dont la mission est : plaire aux hommes, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre depuis l’enfance28.
S’appuyant sur la nature et donc la différence biologique, Rousseau soutient une conception sur la femme franchement rétrograde qui déteint énormément sur son idéal féminin. D’ailleurs, cette différence originelle implique d’autres différences notamment sociale et morale. L’auteur du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, qui a, sa vie durant, combattu les préjugés, considère la femme comme un être faible, passif et caractérisé par la peur et la honte. L’homme au contraire incarne le principe actif, il est fort et a indéniablement un pouvoir sur la femme. … Ce principe établi, il s’ensuit que la femme est faite spécialement pour plaire à l’homme ; si l’homme doit lui plaire à son tour, c’est d’une nécessité moins directe, son mérite est dans sa puissance, il plaît par cela seul qu’il est fort. Ce n’est pas ici la loi de l’amour, j’en conviens ; mais c’est celle de la nature, antérieure à l’amour-même...29.
La faiblesse de la femme semble, d’ailleurs, tenue pour une évidence à l’époque. Dans son article « femme » du Dictionnaire philosophie, Voltaire se contente d’une description purement physique de la femme qui rappelle celle d’Aristote et qui la consacre comme être inférieur par nature : En général, elle est bien moins forte que l’homme, moins grande, moins capable de longs travaux ; son sang est aqueux, sa chair moins compacte, ses cheveux plus longs, ses membres plus arrondis, les bras moins musculeux, la bouche plus petite, les fesses plus relevées, les hanches plus écartées, le ventre plus large. Ces caractères distinguent les femmes dans toute la terre, chez toutes les espèces, depuis la Laponie jusqu’à la côte de Guinée, en Amérique comme à la Chine30.
Rien de plus. L’argument de la faiblesse physique nous le retrouvons également chez le philosophe anglais, Locke, chez qui Voltaire a puisé notamment le concept de la tolérance. En effet, le considérant « plus capable » et « plus fort », Locke soutient, la naturalité du pouvoir du mari sur son épouse dans la société contractualiste. Partant et en tant qu’être faible, elle doit servir, plaire et se soumettre. Dès son jeune âge, elle doit recevoir une éducation adéquate pour l’aider à remplir cette mission que la 26
Francesco Gregorio, « La question du platonisme de Rousseau », Philosophie antique [En ligne], 11 | 2011, mis en ligne le 01 novembre 2018, consulté le 18 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/philosant/993 ; DOI : 27 Ibid. 28 Jean-Jacques Rousseau, Emile livre V, cité par Georges Duby et Michelle Perrot, op. cit., p. 13.) 29 Voir Rousseau Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, in Œuvres complètes, Édition Gallimard, Paris 1969, p. 692. 30 Voltaire, Dictionnaire philosophique, t.19, Garnier,
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nature lui aurait réservée. En matière d’éducation, et ayant constamment à l’esprit le mythe de Pandore, Rousseau prêche pour une éducation très stricte de la femme voire sévère pour contrer tout égarement. Ainsi, elle doit apprendre les travaux domestiques pour seuls enseignements, comme il nous l’explique dans ses œuvres qui ont impressionné des milliers de lectrices, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) ou l’Émile (1762), notamment le livre V. La petite fille doit apprendre très tôt le respect des devoirs futurs d’épouse et de mère. Pour cela, elle ne doit savoir que ce qui est bon pour remplir sa mission « originelle » ; elle doit, selon son rang dans la société, apprendre à se maquiller, à se coiffer, à cuisiner et à coudre. Tout autre enseignement, non seulement est à exclure, mais pourrait constituer, dans le cas contraire, un danger pour elle et pour sa famille. Elle n’a de surcroit nul besoin d’avoir une culture générale, car c’est quelque chose qu’elle abjurerait par nature : … Et en effet presque toutes les petites filles apprennent avec répugnance à lire et à écrire ; mais quant à tenir l’aiguille c’est ce qu’elles apprennent toujours volontiers. Elles s’imaginent d’avance d’être grandes, et songent avec plaisir que ces talents pourront un jour leur servir à se parer31.
Destinée par essence à la reproduction, il importe peu, selon Rousseau, qu’elle sache bien dessiner ou bien peindre, car tout talent qui n’est pas indispensable à l’état d’épouse et de mère est superflu et risque même d’être dangereux en la détournant de ses devoirs : « la vie [des femmes…] ne leur permet pas de se livrer par choix à aucun talent au préjudice de leurs devoirs32. » Faite pour se soumettre à un tuteur, c’est le mariage qui assurera le contrôle indispensable à son comportement. Par ailleurs, l’infidélité de l’époux est d’une gravité moindre que celle de l’épouse : ... Sans doute il n’est permis à personne de violer sa foi, et tout mari infidèle qui prive sa femme du seul prix des austères devoirs de son sexe est un homme injuste et barbare : mais la femme infidèle fait plus, elle dissout la famille, et brise tous les liens de la nature ; en donnant à l’homme des enfants qui ne sont pas à lui elle trahit les uns et les autres, elle joint la perfidie à l’infidélité...
Elle n’a pas besoin de se préoccuper des idées de son temps ; d’ailleurs, cela n’intéresse personne : La femme a plus d’esprit, et l’homme plus de génie, la femme observe et l’homme raisonne ; de ce concours résultent la lumière la plus claire et la science la plus complète qui puisse acquérir de lui-même l’esprit humain, la plus sure connaissance, en un mot, de soi et des autres qui soit à la portée de notre espèce ; et voilà comment l’art peut tendre incessamment à perfectionner l’instrument donné par la nature.33
Ce déni du génie féminin trouve sa justification chez le philosophe dans la différence biologique entre les sexes, différence qu’il pense préserver et entériner pour l’équilibre social. Son « état » est de faire des enfants, et non des vers, des romans, ou des tableaux. Les fins de la nature n’étant pas discutables : « La femme vaut mieux comme femme et moins comme
31
Rousseau Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, in Œuvres complètes, Édition Gallimard, Paris 1969, p. 706. OC IV, p. 707-708. 33 Voir Rousseau Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, in Œuvres complètes, Édition Gallimard, Paris 1969, p. 737. 32
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homme ; partout où elle fait valoir ses droits elle a l’avantage ; partout où elle veut usurper les nôtres, elle reste au-dessous de nous34. » Une note de la Lettre à d’Alembert ne laisse aucun doute sur cette détestation notable de la femme qui, selon l’auteur, est très en deçà du sublime et du génie masculin : (…) les femmes, en général, n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun, et n’ont aucun génie. Elles peuvent réussir dans de petits ouvrages qui ne demandent que de la légèreté d’esprit, du goût, de la grâce […]. Elles peuvent acquérir de la science, de l’érudition, des talents et tout ce qui s’acquiert à force de travail. Mais ce feu céleste qui échauffe et embrase l’âme, ce génie qui consume et dévore, cette brillante éloquence, ces transports sublimes qui portent le ravissement jusqu’au fond des cœurs, manqueront toujours aux écrits des femmes35.
La considérant comme « un transfuge sexuel monstrueux », la femme peintre, comme la romancière, note à juste titre Bernadette Fort, dans son article « Peinture et féminité Chez Jean-Jacques Rousseau », est soit courtisane soit imposteur, selon Rousseau. Alliant si étroitement la pratique de l’art à une sexualité déviante ou illicite, Rousseau, ajoute l’auteur, assure le maintien de la femme dans la médiocrité. Tout consentement qui n’est pas obtenu par la crainte de l’opprobre l’est par la soumission au devoir. Quand il serait démontré, poursuit-il, qu’une femme aurait de véritables talents, son devoir serait de les étouffer : « Sa prétention les aviliroit36 ». Dévalués et « avilis » par le fait même d’être avoués, ces talents ne sauraient briller que dans le silence. L’honnêteté féminine dépend ainsi étroitement de l’étouffement du talent qui doit être comprimé dès ses premières manifestations. En compensation de cette autocensure du talent féminin et de sa suppression totale dans le domaine privé et public, Rousseau promet à la femme la gloire dans le cercle étroit de la famille, « Sa dignité est d’être ignorée, sa gloire est dans l’estime de son mari, ses plaisirs sont dans le bonheur de sa famille »37,— promesse que son grand roman illustre38. Ainsi, en vouant sa vie toute entière à sa famille, la femme n’a pas à interférer dans l’espace public, présence qui, avec la mixité des sexes, risquerait de porter préjudice à sa « pudeur précieuse », ce « sentiment naturel à son sexe », son « principal ornement »39. Rousseau prêche donc pour la séparation des sexes et des espaces et il propose comme exemple contemporain à suivre la société anglaise où « [l]es deux sexes aiment à vivre à part », comme un idéal à suivre. « Les Perses, [les] Grecs, [les] 34
OC IV, p. 701. Voir Bernadette Fort, Peinture et féminité Chez Jean-Jacques Rousseau, Presses Universitaires de France | « Revue d’histoire littéraire de la France » 2004/2 Vol. 104 | pages 363 à 394. https://www.cairn.info/ -d-histoire-litteraire-de-la-france-2004-2-page363.htm 35 LA, p. 201. 36 ibid. 37 OC IV, p. 768. 38 Bernadette Fort, op. cit. 39 D’après Rousseau, la pudeur, qui empêche le désir féminin de s’exprimer librement, répond d’abord à une nécessité d’ordre physiologique, qui est de laisser à l’homme l’initiative du congrès sexuel : « Que deviendrait l’espèce humaine, si l’ordre de l’attaque et de la défense était changé ? L’assaillant choisirait au hasard des temps où la victoire serait impossible ; l’assailli serait laissé en paix quand il aurait besoin de se rendre, et poursuivi sans relâche, quand il serait trop faible pour succomber » (LA, p. 170). La pudeur de la femme a aussi pour but d’assurer la performance sexuelle de l’homme en lui opposant des obstacles : « les désirs voilés par la honte n’en deviennent que plus séduisants ; en les gênant la pudeur les enflamme… » (ibid.).
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Romains, et même [les] Égyptiens » sont pour lui des sociétés parfaites, chez qui les femmes « vivaient très renfermées ; elles se montraient rarement en public ; jamais avec des hommes, elles ne se promenaient point avec eux… »40. Une femme qui frôle l’espace public « se déshonore »41. Par ailleurs, la mixité pourrait avoir deux conséquences négatives : la masculinisation des femmes ou l’efféminement des hommes, car ce sexe, écrit-il, plus faible, hors d’état de prendre notre manière de vivre trop pénible pour lui, nous force de prendre la sienne trop molle pour nous, et ne voulant plus souffrir de séparation, faute de pouvoir se rendre hommes, les femmes nous rendent femmes42.
Sa manière à lui de lancer des critiques acerbes à l’encontre des salons parisiens dont la mixité le dérange voire le perturbe. Arrivé à Paris, Rousseau est mal à l’aise dans les salons, explique Pujol. Il éprouve très tôt une forme de détestation de la conversation mondaine (mais comme il l’avoue lui-même, cette détestation vient d’abord du sentiment de sa propre incapacité à briller). De là, sans doute, sa sévère critique de la conversation comme empire de la vanité et règne de la superficialité43.
Force est de constater que la formule du Contrat social44 « tous les hommes sont nés égaux et libres », n’est pas faite pour s’appliquer aux femmes, elle ne les concerne même pas. Les hommes sont égaux dans la mesure où ils appartiennent à la même espèce (sub specie naturae) ; de cette espèce, la femme semble exclue ou du moins considérée comme une sousespèce. Nous retrouvons ainsi la conception aristotélicienne de la femme. Pourtant, selon Kant « l’homme accède aux Lumières quand il quitte une minorité où pendant une longue histoire l’ont maintenu des puissances qu’il ne comprenait pas45 ». En usant de son entendement consacré par la célèbre formule Sapere aude, l’homme deviendrait apte à savoir et capable de vouloir. Les réflexions des philosophes des Lumières sur l’Homme, être doué de raison et d’entendement, majeur et autonome, pouvant volontairement acquiescer ou refuser ne semblent guère considérer la femme comme un individu à part entière. Alors que ces mêmes réflexions ont imposé la notion d’individu. D’ailleurs, dans « Qu’est-ce que les Lumières », Kant se trahit lui-même en précisant : Et si la plus grande partie, et de loin des hommes (et parmi eux le beau sexe tout entier) 46 tient ce pas qui affranchit de la tutelle pour très dangereux et de surcroit très pénible, c’est que s’y emploient ces tuteurs qui, dans leur extrême bienveillance, se chargent de les surveiller47.
40
LA, p. 177. LA, p. 168. 42 LA, p. 195-196. 43 Stéphane (D) Pujol « Rousseau et la parole publique », Rue Descartes, 2015/1 (N° 84), p. 110-127. DOI : 10.3917/rdes.084.0110. URL : https://www.cairn.info/revue-rue-descartes2015-1-page-110.htm 44 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, Le livre de Poche, 2013. 45 Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784. 46 C’est nous qui soulignons 47 Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784. 41
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C’est que « la métaphysique, note à juste titre Kofman, a toujours pensé les femmes du côté du marginal, de l’errance, de l’absence de système, etc.48 ». Par delà leurs différences singulières, souligne Sarrah Kaufmann, une complicité profonde relit les deux hommes (Kant et Rousseau): « celle d’hommes dont la moralité est l’envers glorieux de leur misogynie49 ». Même Diderot, considéré comme le plus féministe des philosophes des Lumières, semble considérer la femme non pas comme un individu, mais davantage comme une « créature », tout comme Aristote, qui fascine par sa nature et ses contradictions. Une créature insaisissable et difficile à maîtriser, être multiple, difficile à fixer dans une identité constante. Dans son essai Sur les femmes 50 , il est impressionné par cette diversité et ce mouvement perpétuel qui réfléchit le mouvement même de la nature : la diversité d’un être extrême dans sa force et dans sa faiblesse, que la vue d’une souris ou d’une araignée fait tomber en syncope, et qui sait quelques fois braver les plus grandes terreurs de la vie51.
Moins agressif que Rousseau, Diderot, grand amoureux de tous les paradoxes, tient pourtant des propos machistes à l’encontre de la femme qu’il réduit à un « cas » d’étude en raison de son étrangeté, mi-ange, midémon comme il la décrit lui-même : « belles comme les séraphins de Klopstock, terribles comme les diables de Milton », ou encore, un peu plus loin : « plus civilisées que nous en dehors, elles sont restées de vraies sauvages en dedans »52. Une manière sans doute de la chasser de la sphère de l’humain, apanage de l’homme ! Face à des textes de cette ambiguïté voire de cette violence émanant de philosophes, considérés depuis, à la fois comme autorité et référence absolues, il s’avère difficile aux femmes du 18ème siècle ou des siècles suivants de se frayer un chemin dans une société patriarcale qui consacre à jamais la soumission du prétendu plus faible à la loi du plus fort. La tenue à distance de la femme par le philosophe et le politique découle de cette construction qui devient l’alibi pour une discrimination des sexes. Preuve en est le triste destin des femmes de la Révolution française. Destin décrit si bien par l’une de ses figures phares, condamnée à la guillotine pour avoir aspiré à la liberté, Manon Philippon (1754/1793), tant chantée par Rousseau, dans son Contrat social où il déclare que « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité et même à ses devoirs. » En vérité, déclare-t-elle, je suis bien ennuyée d’être une femme : il me fallait une autre âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je devais naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français. [...] Mon esprit et mon cœur trouvent de toute part les entraves de l’opinion, les fers des préjugés, et toute ma force s’épuise à secouer vainement mes chaînes. Ô liberté, idole des âmes fortes, aliment des vertus, tu n’es pour moi qu’un nom!53
48 Entretien réalisé par Joke Hermsem, de l’Université d’Amsterdam, le 12 septembre 1991, à Paris. 49 Sarah Kofman, Le respect des femmes ; Kant et Rousseau, Galilee, 1982. 50 Diderot, D., Sur les femmes, in Œuvres, T. I, Philosophie, (943- 961) 51 Ibid. 949. 52 Ibid, 958. 53 Mémoires de Madame Roland - Jeanne-Marie ou Manon Philippon (1754-1793).
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Bibliographie ARISTOTE, L’Histoire des animaux, livre IX, traduction de Jules Barthélemy-SaintHilaire, 1883. ----, La Politique, traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1874. BLOCH R. Howard, Voir Medieval Misogyny and the Invention of Western Romantic Love, Chicago, 1991. in « La misogynie médiévale et l’invention de l’amour en occident », Les Cahiers du GRIF, 47, 1993. « De pueris instituendis », « Comment éduquer les enfants » paru en 1529 (et traduit en français en 1537). DERATHE, est « l’homme auquel il (scil. Rousseau DERATHE, R. 1955 : « Montesquieu et Jacques Rousseau », Revue internationale de philosophie, 9 (1955) DIDEROT, Sur les femmes, in Œuvres, T. I, Philosophie, (943- 961) FORT Bernadette, Peinture et féminité Chez Jean-Jacques Rousseau, Presses Universitaires de France | « Revue d’histoire littéraire de la France » 2004/2 Vol. 104 | pages 363 à 394. https://www.cairn.info/ -d-histoire-litteraire-de-la-france2004-2-page-363.htm GREGORIO Francesco, « La question du platonisme de Rousseau », Philosophie antique [En ligne], 11 | 2011, mis en ligne le 01 novembre 2018, consulté le 18 octobre 2019. HERMSEM Joke, de l’Université d’Amsterdam, Entretien le 12 septembre 1991, à Paris. HESIODE, Les Travaux et les jours, traduction Leconte de Lisle, 1869. ----, Théogonie, traduction Leconte de Lisle, 1869. KANT, Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784. KOFMAN Sarah, Le respect des femmes ; Kant et Rousseau, Galilee, 1982. Le Point Références, Dossier « les lois du genre », n° 46, juillet-août, 2013. PLATON, La République Gonthier, p. 148). Le Point Références, Dossier « les lois du genre », n° 46, juillet-août, 2013. PUJOL Stéphane (D) « Rousseau et la parole publique », Rue Descartes, 2015/1 (N° 84), p. 110-127. DOI : 10.3917/rdes.084.0110. URL : https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2015-1-page-110.htm RICHEBOURG, M. 1934 : Essai sur les lectures de Rousseau, Genève, 1934SACCUS Stercoris: la représentation de la femme comme corps adjuvant et transgressif dans la pensée chrétienne à la basse Antiquité et au Moyen Âge. 2018. ROUSSEAU Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, in Œuvres complètes, Édition Gallimard, Paris 1969. ----, Du contrat social, Paris, Le livre de Poche, 2013. TOUCHEFEU, Y. 1999 : L’Antiquité et le christianisme dans la pensée de JeanJacques Rousseau, Oxford, 1999.
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Écriture du Moi et photographie entre identité et altérité chez A. Ernaux Hanen SALHI1
Dans l’écriture féminine « Il faut bien reconnaitre qu’il existe une spécificité féminine, non pas tant dans l’écriture que dans les thèmes et la manière de les aborder2. » Notre travail traite un texte d’Annie Ernaux, L’usage de la photo3 où l’auteur qui refuse les clivages traditionnels, recourt à une nouvelle façon d’envisager et de réinventer l’identité féminine tout en prenant en considération ce qui la déborde ; l’autre, l’espace et le temps, une forme d’altérité qui renforce la rhétorique du soi. Elle déploie aux lecteurs un moment marqué par deux éléments : le cancer du sein, pour lequel elle est traitée, sur le fond d’un paysage d’amour charnel. Ce projet est une articulation à deux voix, celles d’Annie Ernaux et de Marc Marie, son amant. C’est aussi un livre à deux modes de représentation ; texte et photographies. C’est un espace où Ernaux, en tant que femme, pourrait vivre et exprimer librement sa subjectivité féminine, et repenser le sens du féminin en présentant sa réalité au plus haut degré possible. Comment se présente donc la féminité dans L’usage de la photo ? Cette présentation révèle-t-elle une stratégie d’écriture ? Comment se traduit le summum du plaisir dans ce livre ? Et comment s’y présentent le mal et la douleur ? Dans cette contribution, nous réfléchirons sur l’intervention matérielle de la photographie, comme représentation identitaire et corporelle de l’être et de l’autre et aussi comme un objet diégétique et symbolique. En premier lieu, nous examinerons les modes par lesquels, le ‘je féminin’, se met en scène et en quête de soi. En second lieu, nous nous intéresserons à la question de l’altérité, en tant que forme de réflexivité entre dualité et unité. Enfin, nous examinerons la photographie comme une copie quasi inauthentique de la réalité.
La mise en scène du corps féminin Le moi est une notion insaisissable de part sa complexité et son instabilité. Pour mieux fixer ce moi mobile et dispersé et mieux cerner sa consistance, il faut peut-être se distancier. Dans L’usage de la photo, Annie Ernaux a tenté de représenter la réalité de ce moi dans les photos et leurs 1
Université de Tunis El Manar, ISSHT. Pascale Frey, « Y a-t-il une écriture féminine ? », Lire, publié le 1er avril 1995. 3 Annie Ernaux, Marc Marie, L’Usage de la photo, Paris, Gallimard, 2005. 2
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commentaires. Ces deux formes texte/ image avec leur caractère stable sur papier lui permettent une vision et une analyse claire de son état et de sa situation. Les deux auteurs amants, Annie Ernaux et Marc Marie, ont décidé de photographier les vêtements pêle-mêle abandonnés par terre, tels qu’ils les ont jetés au moment de l’acte charnel. Cette représentation est une sorte de métonymie qui sert à évoquer les scènes d’amour. Nos auteurs ont choisi par la suite, quatorze ‘natures mortes’ parmi une quarantaine de photos qui vont être un facteur pour lancer l’écriture érotique. Dans L’usage de la photo, la photographie est un acte, un acte de liberté et de réalité. C’est une nouvelle conscience du sujet et de son corps, un corps qui s’avère être camouflé ou décrit d’une manière implicite. Le corps féminin ne se limite pas, dans L’usage de la photo, aux représentations physiques, la beauté y occupe aussi une place importante. Au début de chaque chapitre, Annie Ernaux insère une photo de son amour pour rendre hommage au cœur, au corps, à la beauté et à la vie. Les vêtements ‘forme vide du corps4’, selon les termes d’Annie Ernaux, sont présentés et décrits minutieusement. La beauté du corps est évoquée principalement à travers les sous-vêtements ; de délicats ‘Soutien-gorge en dentelle’, de ‘buste en décolleté’, ‘un slip à fleuri’, ‘des bas avec une large bordure de borderie en dentelle’, et d’autres éléments tels que la ‘sandale noir, fine, à bout ferme, pointu’ et ‘des escarpins à brides’. Cet usage suggère une féminité fulgurante, un corps lisse et pur, source et incarnation de la séduction. L’image est présentée dans une totale perfection. Le corps, absent/présent, devient trace de vie, une vie en couleurs vivantes et parlantes. Dans un projet érotique qui est en quête de soi, la photographie intervient en présentant des vêtements enflammés de désir et de dynamisme. Ces deux aspects sont mis en lumière par des couleurs qui renvoient au bonheur, à la sérénité et à la paix. Le ‘Soutien-gorge en dentelle’ présent dans sa diversité chromatique traduit plusieurs significations, la couleur : - Rouge, symbole de la chaleur, l’excitation et la volonté. - Blanc, symbole de la pureté et l’élégance. - Violet, connotation de la force, de la royauté qui évoque sur le plan émotionnel ; la passion, le romantisme et la sensibilité pour un style féminin. Tous ces détails servent à l’opération de la mémorisation, car en se disant à travers la photographie, Annie Ernaux prouve le besoin de bien saisir l’instant, le fixer, le mémoriser et surtout le figer. « La photographie est le moyen de capter le moment, mais pas n’importe quel moment, le moment important, ce moment révélé, ce moment de perfection qui vient une fois et n’est pas répété. »5 L’instant que présente Ernaux est une mémorisation d’indice de vie, de témoin biographique. C’est l’écho de l’âme. Ce même instant l’introduit et l’implique dans une sphère de réciprocité.
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Annie Ernaux, Marc Marie, op. cit., p. 108 Edward Weston, La Forme du nu, Amy Conger, Phaidon, 2005
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L’expérience de l’altérité : dualité ou unité Dans ce projet érotique vers la représentation de soi, une communication intime s’établit avec l’autre, photographié lui aussi et présent à travers ses vêtements. Cette mise en image photographique de l’autre corps (vide) suppose un certain attachement à la notion de l’unité. Unité, harmonie et équilibre, tels sont la volonté d’un moi qui se perd en se cherchant. Dans les photos, l’interaction des vêtements (des corps) se fait naturellement et spontanément. La photo figurant au chapitre ‘Cuisine du 17 avril’, (Voir photo 1), nous indique sur le lieu de la scène d’amour. La cuisine est un lieu spécifique et transgressif, c’est la connotation de la soif, de la liberté et d’une jouissance intense, « On les a jetés dans l’urgence du désir 6 ». C’est le lieu fantasmatique par excellence. Les vêtements métonymie des deux corps, présentent un discours d’enthousiasme très visible. Les vêtements s’éparpillent dans des mouvements fous, seul le désir les guide. La sexualité est présente ici comme étant un acte urgent, elle a une puissance irrésistible à laquelle les deux corps n’ont qu’à obéir. Dans la photo, les vêtements se mêlent, deux corps se confondent, se fondent et se perdent l’un dans l’autre. Au premier plan, on trouve une jupe, une veste, une chemise, une chaussure, des bonnets du soutien-gorge, un slip…, des éléments désordonnés différents, mais unis. Les corps sont nécessairement présents et en contact. Un seul mouvement les unit. Ils ne s’identifient pas dans les photos séparément. Un corps qui danse suivant les pas de l’autre. Ils sont tout deux en action. Même si les gestes diffèrent (positions des vêtements), les corps agissent. Le corps féminin s’accomplit à la mesure que le corps masculin l’intègre, le module et l’accepte et vice-versa. Cette union corporelle traduit le besoin et la complémentarité. Le but est de passer un beau moment ensemble, créer une atmosphère érotique qui satisfait les deux corps parlants. Par ailleurs, cette satisfaction et cet état d’extase devient, du passé le moment même de photographier la scène. Roland Barthes précise, dans son ouvrage La chambre claire, Note sur la photographie : « la photographie ne dit pas ce qui n’est plus, mais seulement à coup sûr, ce qui a été »7. Dans L’usage de la photo, les scènes érotiques sont poussées à l’extrême. Sur la photo, on ne voit de M., debout, que la partie du corps comprise entre le bas de son pull gris, à larges côtes torsadées, tombant au ras de la toison rousse, et le milieu des cuisses sur lesquelles est baissé son slip, un boxer noir avec la marque Dim en grosses lettres blanches. Le sexe de profil est en érection. La lumière du flash éclaire les veines et fait briller une goutte de sperme au bout du gland, comme une perle8.
Dans ce passage, Annie Ernaux décrit minutieusement la photo qu’elle prend du sexe nu de son amant, une photo qu’elle juge osée « je peux la décrire mais je ne pourrais pas l’exposer.9 » Mais une telle description 6
Ibid, p. 111 Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie. Paris : Gallimard / Seuil, 1980. 8 Ibid, p. 19 9 Ibid, p. 19 7
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délicate, détaillée et poussée jusqu’à la théâtralisation, permet une visualisation extrêmement claire, comme si l’image existait ici et maintenant devant nos yeux, est-ce donc de la pudeur ? La sexualité et l’érotisme comme on les voit représentés ici, n’est pas cette vision manichéenne décrite par certains. Annie Ernaux décrit avec admiration et satisfaction. Le sexe présenté accède même à un stade de sacralisation. Elle se permet, à travers le texte ainsi qu’à travers l’image de visualiser des scènes érotiques détaillées, ce qui n’est ni admis, ni conventionnel avec la société. Annie Ernaux ose, à travers L’usage de la photo, d’en parler librement. L’art d’écrire et l’art de photographier permettent au féminin de franchir les limites, de repenser sa présence et sa représentation. Dans la description des mêmes scènes d’amour, l’écriture d’Annie Ernaux s’affirme différente à celle de Marc Marie. Les deux lectures sont déclenchées d’une même photo et le mot est modulé, orienté par une même image, mais l’enjeu diffère. Avec Annie Ernaux, on passe de la virtualité à la sensation, aux émotions, à l’empreinte féminine et subjective. En s’écrivant, se révèle une mise en scène du propre corps, de ses postures et de ses impostures. Alors que les mots paraissent avec Marc Marie plus ‘réalistes’. L’écriture devient pour lui un acte viril, et violent. Malgré l’apparence unitaire, (partage d’une même espèce de nouvelle pratique érotique, vie de la même scène d’amour, sensation intense de jouissance), l’acte d’écriture se pratique à deux. « Un acte à la fois uni et disjoint, d’écriture 10 ». Les deux écritures se plient aux critères de la précision mais divergent en même temps dans la concision. Une scène de vêtements abandonnés, éparpillés par terre dans le couloir, après l’acte amoureux est décrite plus profondément avec Annie Ernaux. Marc Marie la réalise brièvement, la réalité toute courte. (Voir photo 2) La jambe retournée d’un pantalon, une culotte entortillée sur elle-même, des lacets à moitié défaits : tout me disait la force de l’acte et de l’instant. Il y avait là les traces d’une lutte et, rassemblés sur quelques mètres carrés, le sexe et la violence, l’est et l’ouest du spectre passionnel11.
L’image visuelle considérée comme un mode de représentation du réel et comme un jeu de voilement/dévoilement, semble représenter un reflet du réel, une partie et non pas toute la réalité
La photographie, simulacre de la réalité La vérité de l’image reste fuyante, double, prête à s’inscrire même dans son antipode à tout moment. La représentation visuelle se relie avec le verbal pour pouvoir réaliser le vrai sens. Le lisible accompagne le visible non pas dans une perspective de dispersion mais de complicité. Le croisement du vu et du lu nous permet l’accès à la vérité d’un moi vivant un brouillage identitaire et qui ne cesse d’être flou, ambigu et mystérieux. Dans L’usage de la photo, l’icône s’incline vers le monde de l’invisible, l’absent et le celé. C’est typiquement l’image omniprésente des vêtements (formes vides du corps). L’absence du corps crée un certain écart entre l’image et ce qu’on en peut dire. « Ces photos d’où les corps sont absents, où l’absence est 10
Lucie Ledoux, « Formes vides de corps. La fonction des vêtements dans L’Usage de la photo d’Annie Ernaux et Marc Marie », Lignes de la fuite 11 Ibid, p. 65
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seulement représenté par les vêtements abandonnés renvoyait à une possibilité absence définitive12. » Dans ce livre, la photographie évoque la réalité de l’amour, de l’orgasme et de la sensation, mais elle cache autant qu’elle montre, elle dissimule la réalité du cancer. Un cancer du sein qui atteint Annie Ernaux dans sa féminité, dans l’image qu’elle a de son corps. Devant chaque photo, nous n’avons pas maintes possibilités de lecture ou d’interprétation. Ce qu’elle pose nettement c’est la question de l’envie farouche ; envie de vivre le bonheur et l’immortaliser, envie de saisir une réalité fuyante, envie de preuve matérielle et de témoin biographique de la vie immédiate. Mais Ernaux assure qu’il existe, sur la photo, une autre réalité, une qu’on ne peut pas voir. « La scène invisible. La douleur de la scène invisible. La douleur de la photo. Elle vient de vouloir dire autre chose que ce que ce qui est là13 ». A travers cette déclaration, elle fait allusion à la douleur absente au niveau de la photo, à l’image d’un corps qui s’affaiblit, à un corps malade. Avant de décrypter le texte, comment pouvons-nous deviner que derrière le corps lisse, fin, délicat, pur et dynamique, que laisse paraitre les vêtements (la photo), s’ellipse un corps gangréné de l’intérieur par le cancer ? Comment pouvons-nous imaginer que ce soutien-gorge en dentelle rouge, cache un sein ‘bruni, brulé par le cobalt’ ? Et que ce string enveloppe un sexe sujet à une sécheresse vaginale, à la douleur ? Mettre en scène, en avant plan, l’érotisme au lieu de la maladie, de la mort qui pane, déclenche une réaction de défense et un choix d’arrêter la douleur, oublier le cancer quelques instants avant qu’il n’empire. En effet l’image n’est pas l’envers de la réalité, le texte remplit la marge et les points de suspension dans la photo. La forme vide des vêtements séduisants dans la photo enveloppe le corps malade affirmé dans le texte. Ainsi que l’éparpillement et l’abondance qu’incarne l’image des vêtements font écho à la perte du corps qui se décompose et s’éparpille lui aussi. La fragmentation dans l’image renvoie à un morcellement du corps. Un corps affaibli et vidé de son pouvoir de séduction. La chimiothérapie permet de détruire les cellules cancéreuses de la tumeur, mais détruit aussi des parties et des éléments du corps ; les cheveux, les cils, les sourcils, le sein etc. « J’avais perdu mes cheveux en deux semaines14 » ; « Je n’avais pas non plus de cils ni de sourcils15 » ; « J’ai le sein droit et le sillon mammaire brunis, brûlés par le cobalt, avec des croix bleues et des traits rouges dessinés sur la peau pour déterminer précisément la zone et les points à irradier16 » ; « Je ressemble à une créature extraterrestre17 ». Ce n’est pas uniquement le corps qui se perd et se divise, Annie Ernaux se dédouble et se sent étrangère d’elle-même, elle nous théâtralise deux scènes, et le dramatique se prononce plutôt dans le texte. Deux scènes et deux réalités différentes mais non pas contradictoires. Les deux modes d’expression, texte/image, fonctionnent comme étant un laboratoire d’étude du moi, un moi éclaté et mis à l’épreuve. Pour rendre le projet unitaire, un tout, il faut associer l’image au texte, le dehors et le dedans, le moi extasié et le moi prolongé terriblement dans la 12
Ibidp. 127 Ibid, p. 144 14 Ibid, p. 48 15 Ibid, p. 23 16 Ibid, p. 110 17 Ibid, p. 110 13
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souffrance. C’est ce que nous voulons dire par ; se dire, s’écrire, s’autoprésenter, s’éclater et se perdre pour mieux se retrouver. La quête prolongée de soi, place l’auteur dans une inquiétude immense, qui se traduit dans ses paroles. En écrivant, très vite s’est imposée à moi la nécessité d’évoquer « l’autre scène », celle où se jouait dans mon corps, absent des clichés, le cambât flou, stupéfait « est-ce moi, bien moi, à qui cela arrive ? » Entre la vie et la mort18.
En effet, si l’image dans L’usage de la photo ne constitue pas le paysage transparent des réalités qu’elle représente, c’est parce qu’elle ne s’identifie pas comme un support objectif puisqu’elle est l’issue d’une production individuelle. « Quand c’est moi qui prends la photo, la manipulation, le réglage du zoom est une excitation particulière19. » La photo porte donc l’empreinte du photographe, sa signature subjective. Nous savons qu’Annie Ernaux avait tout un travail de sélection qui précède l’exposition. Nous savons aussi qu’elle cadre, recadre, décadre, zoome, choisit l’angle, décide l’avant plan, l’ombre, le visible, et la séquence qu’elle désire mettre en lumière. C’est autrement ce qu’Alexandre Astruc appelle la « camérastylo20 », par laquelle le photographe dicte uniquement ce qu’il faut voir. Annie Ernaux déclare, « La photo ment21 », dans le chapitre « un secret » se présente en gros plan une botte d’homme dont la pointe de la chaussure piétine un soutien-gorge en dentelle, (Voir photo 3). Le spectateur reçoit une image de forte charge symbolique. Elle met en relief la relation entre deux gentes. D’une part, on voit une botte ‘en cuir noir’, géante, solide, debout, qui couvre l’espace, et d’autre part, on observe, un soutien-gorge fin en dentelle, allongé au-dessous, d’une petite partie, de la botte. Cela donne à voir une domination masculine et une obéissance féminine. Celle-ci n’est qu’une lecture d’un spectateur qui ne connait pas le texte dans lequel Annie Ernaux éclaircit : La lumière du flash confère à la botte un caractère dévorant. Envie de la découper la sortir de la photo pour la coller n’importe où, comme illustration de la domination masculine alors que la réalité de ma relation à M. ne correspond aucunement à cette mise en scène des objets par eux même22.
Malgré l’opposition d’Ernaux à l’idée de la domination masculine, la disposition des objets jetés par terre dans son œuvre d’art traduit un consensus social stéréotypé d’une société ravagée par la mégalomanie masculine.
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Ibid, p. 16 Ibid, p. 123 La caméra-stylo est un concept développé par le réalisateur et théoricien du cinéma Alexandre Astuc, exposé pour la première fois dans l’article Naissance d’une nouvelle avantgarde paru dans le magazine « L’Écran français » le 30 mars 1948. 21 Ibid, p. 182 22 Ibid, p. 60 19 20
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Ce dessin suffirait à lui seul pour conclure. Il présente une créature mihumaine ‘extraterrestre’ représentée assise devant un chevalet. Elle possède une seule main tenant une plume plantée dans son nombril. Telle est l’image que présente Annie Ernaux en tant que femme écrivaine. L’acte d’écrire vient d’elle ‘comme le champagne vient du champagne’23, c’est le moi qui se fonde à travers ce qu’il a vu, vécu, senti et imaginé. L’écriture nait de l’intérieur du corps même. Cette créature bizarre prend la plume et évolue malgré le regard méprisant qu’elle provoque. Pareillement, Annie Ernaux évolue, repense le féminin, le corps et lutte contre l’acte violent des interdits qui pèsent, tout comme le cancer, sur le corps féminin. Dans L’usage de la photo, Annie Ernaux achève son projet par une scène érotique, non photographiée pour des contraintes sociales, mais décrite quand même. Elle décrit un corps et un sexe féminin vivants et fertile capable de donner naissance et vie : Le soir est descendu, mauve. J’étais accroupie sur M., sa tête entre mes cuisses, comme il sortait de mon ventre. J’ai pensé à ce moment-là qu’il aurait fallu une photo. J’avais le titre, Naissance24.
25
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Marie-Claire Kerbrat, Leçon littéraire sur l’écriture de soi, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, avant-propos. Ibid, p. 197 25 A. Ernaux, M. Marie, L’Usage de la photo, op. cit., p. 106 24
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Bibliographie ERNAUX, Annie (A), L’usage de la photo, Paris, Gallimard, 2005 BARTHES, Roland (R), La chambre claire. Note sur la photographie. Paris : Gallimard / Seuil, 1980. COTTILLE-FOLEY, Nora (N) : L’Usage de la photographie chez Annie Ernaux, French Studies: A Quarterly Review (FS) 2008. BOUTAUD, Jean-Jacques (J.J), Sémiotique et communication. Du signe au sens, Paris, L’Harmattan, 1998. CARRON, Jean-Pierre (J.P), Ecriture et identité : pour une poétique de l’autobiographie, Paris, Ousia, 2006. COURTES, Joseph (J), Du lisible au visible : initiation à la sémiotique du texte et de l’image, Bruxelles, De Boeck Université, 1995. ELHEH, Salehi (E), « Photo-fragments : L’Usage de la photo d’Annie Ernaux », paru dans Loxias, Loxias 42, mis en ligne le 15 septembre 2013, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=7509. FREY, Pascale (P), « Y a-t-il une écriture féminine ? », Lire, publié le 1er avril 1995 GUSTORF, Georges (G), Les écritures du moi, Lignes de vie 1, Paris, Odile Jacob, 1990. HUGO, Victor(V), Préface aux Odes et Ballades, 1826 LEDOUX, Lucie (L), « Formes vides de corps. La fonction des vêtements dans L’Usage de la photo d’Annie Ernaux et Marc Marie », Lignes de la fuite,http://www.lignes-de-fuite.net/IMG/_article_PDF/article_156.pdf MARTIN, Joly (J), L’Image et les signes : Approche sémiologique de l’image fixe, Paris, Nathan, 2004. RICOEUR, Paul (P), Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. RIZI, Elaheh SALEHI (E), « La mise en scène du corps féminin chez Zoyâ Pirzâd et Annie Ernaux », paru dans Loxias-Colloques, 5. L’expérience féminine dans l’écriture littéraire, III., La mise en scène du corps féminin chez ZoyâPirzâd et Annie Ernaux, mis en ligne le 30 mai 2014, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=596
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Le mythe de la mère dans Le Premier homme d’Albert Camus. Anissa MANAI-ZAYAR1
Le sujet proposé – « (Re)penser le féminin »- incite à prendre en considération une figure féminine dans sa perspective de renaissance. C’est dans la recherche de ce renouveau que nous constatons que cette notion a souvent été assimilée à la division et à la séparation des sexes et ce, à travers les siècles. La notion d’infériorité de la femme est un préjugé hérité des Anciens, qui aura été maintenu par l’Eglise et l’Etat, et qui au fil des siècles n’aura cessé de veiller à la soumission féminine. Cette querelle des sexes proliférait durant la Renaissance et se prolongeait jusqu’au XVII et XVIII ème siècle. Ce caractère diabolique de la femme revient à Saint Paul ou encore à un philosophe et théologien chrétien comme Saint Augustin pour qui la femme n’est que perversion : Chez l’homme le corps reflète l’âme, ce qui n’est pas chez la femme ; l’homme seul est donc l’image de Dieu ; la femme ne l’est pas que par son âme, son corps constituant un obstacle permanent à l’exercice de la raison2.
Ma contribution ne prétend pas être exhaustive. Il me sera donc impossible, pour en venir au vif de mon sujet, de prendre en considération la totalité de l’œuvre d’Albert Camus ; la seule présentation d’une vue panoramique occuperait des dizaines de pages. Ma communication sera dès lors axée sur l’œuvre posthume, Le Premier Homme, seul ouvrage autobiographique non remanié par l’écrivain. En effet, le manuscrit du « Premier homme » a été retrouvé dans la sacoche de l’écrivain lorsqu’il est mort, le 4 janvier 1960, dans un grave accident de voiture. Ce texte sera finalement publié par sa propre fille en 1994. Le choix d’une œuvre camusienne pour qui veut traiter du « féminin » peut surprendre, tant la plupart des protagonistes mis en scène par Camus sont des hommes, alors que ses personnages féminins sont presque dépourvus d’identité, ou de spécificité. C’est ainsi qu’Ayse KIRAN a pu intituler un de ses articles, au sujet de Camus, en ces termes : « Les femmes présentes par leur absence3 ». Néanmoins, une figure féminine émerge et détrône bon nombres de personnages, celle de la mère. Dès lors, ma communication sera axée exclusivement sur la figure féminine de la mère. Symbole de la maternité, la mère camusienne se dresse, forte d’une sagesse purement féminine – ce qui 1
Université de Tunis El Manar, ISSHT. C. Dulong, La vie quotidienne des femmes au Grand Siècle, Paris 1984, p. 15. Albert Camus et la Femme ; 6ème Colloque International de Poitiers sur Albert CAMUS 26, 27 et 28 mai 2005.
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tend à lui supposer ses caractéristiques mythiques. On peut ainsi discerner son image sociale, familiale, intime et personnelle. Ce personnage de la mère hante la littérature autobiographique et autofictionnelle du XXème siècle et conduit à spécifier le but recherché par l’écriture. Evoquer la mère, c’est faire ressurgir l’enfance. Or, les auteurs face à eux-mêmes découvrent souvent leur génitrice dans le reflet du miroir. La mère évoque le nœud du souvenir qui rattache l’auteur à son enfance. Il est incontestable que l’œuvre en question réponde au « cycle de l’amour » et c’est sous ce jour que nous voyons aussi distinctement qu’elle correspond au « roman de la mère ». Les pages consacrées à la mère suscitent très fréquemment l’émotion. Albert Camus rend hommage à cette femme, son texte fait revivre l’amour admiratif qu’il lui porte. Nous tenterons de dévoiler la place du mythe de la mère chez Albert Camus en essayant de montrer quels sont les attributs et les qualifications qui caractérisent ce personnage maternel. L’image idéalisée de la mère se retrouve dans toute l’œuvre. Elle comporte trois éléments tous d’égale importance. D’abord elle se dévoile sous une image christique, puis par un silence expressif et enfin par son héroïsme discret.
« La mère des douleurs »4, une image christique Quand les écrivains évoquent leur mère, c’est aussi de leur écriture et de sa source qu’ils nous parlent. Albert Camus fait partie des écrivains dont l’imagination est hantée par cet être mystique et incompréhensible qu’est la mère. L’auteur du Premier Homme tente de comprendre et d’élucider l’énigme qu’était pour lui sa génitrice. Ainsi de l’image christique découlent la douleur, l’amour et la beauté. A. Sa douleur C’est à partir de la description « classique » du Christ, tirée des Evangiles que je me propose de comparer cette mère au Christ. En effet, elle suit un véritable chemin de croix, en devenant l’archétype même de la douleur. L’écrivain relie sa mère au Christ par le thème de la Passion qui la caractérise. On y voit l’image de la Souffrance physique et psychologique. Elle est dressée en image exemplaire, suivant son propre chemin de souffrance et Camus ne cesse de décrire son calvaire. Ainsi, cette mère subit dignement sa fatalité, à l’image de Jésus qui lui aussi, était dans l’incapacité de se détourner de son destin. Elle porte un lourd fardeau sans jamais renoncer à stopper sa tâche, tel un Sisyphe, elle continue. Sisyphe est l’emblème d’une douleur accablante certes, mais héroïquement assumée et acceptée contrairement aux hommes insuffisamment courageux. La mère devient ce héros mythique, placée en victime de la fatalité. Elle représente la figure de la soumission à travers sa sérénité et son calme divin. En revanche, la dimension rédemptrice n’est pas soulignée dans cette comparaison. Ainsi, l’injustice, l’humiliation et la souffrance de cette mère deviennent un mal nécessaire à l’acquisition du Salut, non des hommes, mais de ses enfants orphelins de père. Généreuse et désintéressée, elle devient un héros tragique. Lorsque le narrateur évoque sa mère, il la compare à « l’humanité », il reprend d’ailleurs la citation d’Alexandre Jacob : « Une mère vois-tu c’est 4
Une expression empruntée à Anaïs Bonnier « L’homme des douleurs » ou la valeur archétypale du motif christique dans le théâtre contemporain. Paris III, Sorbonne Nouvelle.
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l’humanité ». 5 Or l’humanité est ici synonyme d’altruisme. Il apparaît évident que la représentation de la mère dans l’œuvre doit beaucoup à la propre mère de l’écrivain. Une mère que Camus divinise lorsqu’il la compare au Christ dans Le Premier Homme. André Comte-Sponville explique que « Jésus, c’est la souffrance (…) mais c’est aussi l’amour6 ». La mère de l’écrivain devient à elle seule une figure emblématique de souffrance et d’amour, une figure christique à laquelle l’écrivain voue un culte personnel et passionnel. Cette qualité transparaît, dans Le Premier Homme, dans la description de la mère de Jacques : « Quant à Catherine Cormery, elle était la seule dont la douceur pût faire penser à la foi, mais justement la douceur était toute sa foi7 ». Cette femme s’ouvre et se livre à autrui à travers le sentiment d’affection et d’attachement. Camus assimile la mère de Jacques au sentiment de la foi qui est une émotion personnelle et subjective comme une expérience « intérieure » prise en dehors de toute religion. Pour Camus, il existe une différence entre la croyance et la foi. La croyance est aveugle puisqu’elle accorde sa confiance à un système religieux, idéologique ou imaginaire, sans que l’homme n’ait expérimenté sa validité par lui-même. Alors que la foi, est au contraire, liée à la « puissance » de vie, elle propose d’avoir confiance en elle. Sans la foi, l’homme serait désespéré et se détruirait faute d’espérance. La foi dont parle Camus est une "force" qui permet à Catherine Cormery de se surpasser puisque la foi dépasse le raisonnement humain et transcende l’égo. La foi de cette mère est donc une révélation faite en elle-même et pour elle-même en vue de dépasser sa simple condition humaine. Camus dépeint sa mère dans Le Premier Homme à travers une juxtaposition d’adjectifs mélioratifs : Douce, polie, conciliante, passive même et cependant jamais conquise par rien ni personne, (…) Il ne l’avait jamais entendue se plaindre, sinon pour dire qu’elle était fatiguée ou qu’elle avait mal aux reins après une longue lessive. Il ne l’avait jamais entendue dire du mal de personne (…)8.
Cette mère est secrète et reste impénétrable pour ce fils qui tente de percer son mystère. Comme l’écrit à juste titre Roselyne Rey, la douleur, quand elle est intense, durable ou simplement chronique, implique toujours l’être tout entier : elle ne se limite pas à la partie dolente, mais c’est alors l’individu dans son unité qui est atteint, son caractère qui est assombri, sa lucidité intellectuelle qui est émoussée9.
Ainsi, cette douleur se lie à la poésie de l’écriture, thème éminemment romantique. En effet, cette transfiguration de la douleur en création littéraire est soulignée par Lawrence Durrell : « il n’y a que trois choses que l’on puisse faire avec une femme : on peut l’aimer, souffrir pour elle, ou en faire de la littérature10 ». Par ailleurs, la misère de sa mère est doublée par son veuvage et son infirmité bien qu’elle soit présentée dans son exemplarité. Camus brosse le portrait d’un personnage altruiste qui a pour moteur l’amour, la générosité et le respect. Elle respecte par exemple la liberté de 5
Albert Camus, Carnets II, Janvier 1942- Mars 1951, Paris, Gallimard, 1964, p. 340. André Comte-Sponville, Laurent Bove, Patrick Renou, Albert Camus de l’absurde à l’amour, La renaissance du livre, 2001, p. 69. 7 Albert Camus, Le Premier homme, Paris, éditions Gallimard, 1994, p. 183. 8 Ibid. p. 71 et 72. 9 Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, Éd. La Découverte, 1993, p. 7. 10 Saadi, N. 2005. La nuit des origines. Alger, Barzakh, p. 7. 6
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l’autre qui est un devoir d’altruisme, car altruisme et liberté, loin de s’opposer, se complètent. L’amour inconditionnel qui existe entre Camus et sa mère est réciproque. Ce concept est comparable à l’amour véritable. Il correspond à l’amour qui unit les membres de leur famille. B. Son amour « Christique », également par son amour ; un amour sincère et réciproque voué à sa famille. D’après le critique Goldstain11 : « Le premier thème à relever qui vient à l’esprit du lecteur de Camus, c’est celui de l’amour…12 ». À partir du moment où Camus et ses personnages sont confrontés à l’absurdité de la vie, le monde démuni dans lequel ils vivent leur devient inacceptable. De fait, le combat de l’homme n’a d’autre finalité que son propre bonheur. Animé par une détermination farouche, le personnage camusien subsume l’absurde de sa condition par le biais de la révolte qui mène à l’amour. Du reste, il est permis de penser que Le Premier Homme est un livre « d’amour », « une sorte de mythe organisé. Ce sera une ‘éducation’, ou l’équivalent13 ». Cet amour a une finalité que Camus exprime de manière explicite dans son œuvre. En effet, le pouvoir de l’amour « contribue à rendre le monde supportable ». Ce monde pauvre dans lequel vit la mère semble être métamorphosé grâce au sentiment d’amour qu’elle offre et éprouve à l’égard de son fils. Camus éprouve un amour et une reconnaissance incommensurable pour sa mère qui dans Le Premier Homme, apparaît comme un être plein de douceur et de tendresse. Pour parler d’elle, il utilise la périphrase suivante : « (…) la plus grande cause qu’-’il- connaisse au monde14 ». C’est à travers l’évocation de sa mère que l’écrivain dévoile le fond de ses sentiments. A cet égard, le dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant considère la mère comme un symbole d’amour. L’amour d’une mère est une bénédiction et reste le fondement de l’existence pour Camus. A telle enseigne que le lecteur camusien semble confronté à ses propres souvenirs d’enfance. Le récit autobiographique raconte souvent des scènes d’enfance et restitue des sensations, des émotions ainsi que des sentiments disparus. Dans ce récit de soi, la mère de l’auteur occupe donc une place essentielle dans l’œuvre. Quand il arriva devant la porte, sa mère l’ouvrait et se jetait dans ses bras. Et là, comme chaque fois qu’ils se retrouvaient, elle l’embrassait deux ou trois fois, le serrant contre elle de toutes ses forces…, tandis qu’il respirait la douce odeur de sa peau…15
Dans l’œuvre camusienne, de nombreux passages louent le personnage de la mère et la relation fusionnelle mère-enfant. Dans cet extrait, toute l’attention est focalisée sur le fils qui est le seul point d’optique, le seul objet de l’amour dévorant qu’éprouve la mère. Lorsque le narrateur évoque 11 12
Dans son article qui s’intitule Camus et la Bible. Abbou, Clayton, Dunwoodie, Fitch, Frese Witt, Gay-Crosier, Goldstain, Hoy, Miller, Roberts, Albert Camus : Sources et Influences, Paris, Revue des lettres modernes, 1971, p. 115. 13 Albert Camus, Jean Grenier, Correspondances, 1932-1960, Avertissements et notes par Marguerite Dobrenn, Gallimard, 1981, p. 201. 14 Albert Camus, Carnets III, Mars 1951-Décembre 1959, éditions Gallimard, 1989.p. 238. 15 Albert Camus, Le Premier homme, Paris, éditions Gallimard, 1994, p. 68.
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l’amour maternel, il utilise le temps de l’imparfait de l’indicatif qui rend plus évident l’allongement interminable de ce moment passé avec sa mère et le placant, lui-même, au cœur de l’évènement. Ainsi, nous revivons la scène de ce récit qui se présente dans son aspect itératif. En effet, l’écrivain accumule dans son discours des indices sur la nostalgie de l’enfance qu’il ne cesse d’honorer. Il appert ainsi que cette période est le catalyseur de l’écriture camusienne. En vérité, le fils/narrateur n’a de cesse d’extérioriser dans ses écrits son amour débordant pour sa mère. Et « la mesure » dont fait preuve Camus dans toute son œuvre ne s’applique pas au sentiment de l’amour qu’il laisse s’épanouir : Elle l’embrassait et puis, après l’avoir lâché, le regardait et le prenait pour l’embrasser encore une fois, comme si, ayant mesuré en elle-même tout l’amour qu’elle pouvait lui porter ou lui exprimer, elle avait décidé qu’une mesure manquait encore16.
L’amour que Camus éprouve pour sa mère est peu explicite dans ses Carnets mais, il l’est d’autant plus dans ses récits, ses nouvelles et son théâtre. C’est aussi un thème de prédilection pour l’écrivain : « Un livre pour les miens pour ma mère17 ». Et justement l’auteur du Premier Homme ne cesse de revendiquer cette thématique de la filiation dans son œuvre : « Quand je vois ma mère, je me sens d’une race noble, des gens qui n’envient rien18. » C. Sa beauté La beauté est un don de la nature, par conséquent le personnage de la mère qui le reçoit, appartient à une espèce d’exception. Quoi qu’il en soit, Camus innove, car les dames âgées n’ont jamais droit aux observations sur leur beauté. Nous retrouvons une triple définition du « beau » chez Camus : une définition objective, qui s’appuie sur des normes esthétiques ; une définition subjective qui renvoie aux effets produits sur autrui ; une définition « générique » qui implique que la description de la beauté dans le texte est une pause qui engage une relance dans la narration. En effet, le personnage principal du Premier Homme, Jacques présente le regard de sa mère comme un élément se substituant à la communication qui lui fait défaut. Le regard a toute une symbolique chez Camus, puisque c’est à travers lui que l’amour s’épanouit. C’est à travers le regard de son enfant que cette mère puise son reflet. L’écrivain, dans ce passage, qualifie le regard d’intensif, car l’amour se cristallise dans cette tension entre regardant et regardé, mais aussi dans ce qui, dès lors, ne peut apparaître que comme de la beauté : « …son grand front plein de noblesse… ».19 Cette mère est scrutée et décrite dans le détail dans Le Premier Homme : « Elle avait un visage doux et régulier, les cheveux de l’Espagnole, bien ondés et noirs…un beau et chaud regard marron20 ». Cette description de l’opulente beauté maternelle, présente le regard comme un élément susceptible de servir de véhicule au sentiment amoureux. Ainsi, le regard laisse transparaître des traits 16
Ibid. p. 68. Film sur Albert Camus, Sa vie, sur France 2, mercredi 6 janvier 2009, 20h30. 18 Ibid. 19 Albert Camus, Carnets III, Mars 1951-Décembre 1959, éditions Gallimard, 1989. p. 262. 20 Albert Camus, Le Premier homme, Paris, éditions Gallimard, 1994, p. 15. 17
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caractéristiques de la mère de l’auteur, comme par exemple sa générosité : « A la bonté si frappante du regard…21 ». Par un jeu métonymique les yeux sont comme un livre ouvert dans lequel se transcrit la personne, elle-même. Jacques présente le regard de sa mère comme un élément se substituant à la communication qui lui fait défaut : « (…) sa mère, encore jeune, les cheveux abondants et bruns, le regardait de son beau visage doux22 ». En effet, le personnage vit au sein d’un monde démuni où règnent la pauvreté, la maladie, l’illettrisme, l’incommunication et toutes ces composantes semblent être dépassées grâce au sentiment d’amour et plus précisément ici grâce à son vecteur, le regard maternel. Ce dernier semble remplacer toute forme de parole mais n’en est pas moins émouvant aux yeux de l’auteur qui écrit : « Quand ma mère avait les yeux détournés de moi ; je n’ai jamais pu la regarder sans avoir les larmes aux yeux 23 ». Cette émotion pudique et discrète atteint son paroxysme lorsque l’écrivain découvre les sentiments qu’éprouve réellement sa mère à son égard : Le regard de sa mère, tremblant, doux, fiévreux, était posé sur lui avec une telle expression que l’enfant recula, hésita et s’enfuit. ‘Elle m’aime, elle m’aime donc’ se disait-il dans l’escalier, et il comprenait en même temps que lui l’aimait éperdument24.
Un silence expressif A. L’écriture comme une parole restituée Le silence fait partie des plans de rédaction de Camus pour Le Premier Homme. Il le note dans ses Carnets : « Roman-fin. Maman. Que disait son silence. Que criait cette bouche muette et souriante25 ». L’écrivain se donne pour projet d’écriture d’élucider le mystère lié au silence de sa mère. Il tente de le faire dans ce roman « de la mère » qu’est Le Premier Homme, autant que dans ses autres œuvres. Roger Grenier souligne l’importance de la thématique du silence26 de la mère chez Camus. L’idéalisation du portrait maternel est fréquemment associée au thème de la mère absente plongée dans une solitude extrême. C’est ce que Sylvie Lannegrand (« Écrire la mère disparue : Albert Cohen et Charles Juliet ») souligne en analysant les romans le Livre de ma mère d’Albert Cohen et Lambeaux de Charles Juliet. L’écriture compenserait-elle un vide, un manque ou peut-être un silence ? En effet, les éléments autobiographiques et fictionnels ne font que prouver une réalité indéniable : le récit camusien se fonde sur le personnage archétypal de la mère silencieuse. Femme à moitié sourde et muette s’exprimant par son silence autant que l’on peut le faire par la parole. Le personnage de Jacques questionne souvent sa mère sur ce qu’elle faisait et elle lui répond le plus souvent par un mot, un seul mot qui œuvre à
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Ibid. p. 15. Ibid. p. 65. 23 Albert Camus, Carnets III, op. cit., p. 68. 24 Albert Camus, Le Premier homme, op. cit., p. 106. 25 Albert Camus, Carnets III, op. cit., p. 191. 26 « Mais, ce qui est capital dans l’Envers et l’Endroit, c’est que l’on met le doigt sur le thème qui ; tantôt ouvertement, tantôt secrètement, tantôt consciemment, tantôt inconsciemment, est la racine de l’imaginaire et de l’inspiration de Camus : celui de la mère silencieuse ». Grenier Roger, Albert Camus, soleil et ombre, une biographie intellectuelle, Gallimard, 1987, p. 59. 22
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exprimer son silence : « Rien ». Newmark Kévin27 explique que ce « rien » contre toute attente est un tout. Au fil des textes, l’écrivain reprend l’alliance de l’amour et du silence en la conjuguant à la dialectique du rien et du tout, de l’absence et de la présence. Rappelons, à cet égard, que dans la préface Théâtre, Récits, Nouvelles, Jean Grenier explique et note l’intérêt de l’écrivain pour cette thématique : « (…) L’admirable silence d’une mère et l’effort d’un homme pour retrouver une justice ou un amour qui équilibre ce silence28 ». L’importance de cette remarque réside dans l’utilisation du verbe « équilibrer » qui renvoie au travail de l’écrivain. En effet, toute l’œuvre de Camus tend à établir cet équilibre qui fait cruellement défaut au monde démuni. B. Un silence loquace « (…) Le silence n’a cessé de me parler pendant la moitié d’une vie29 », écrit Camus dans ses carnets. Dans l’univers camusiens, tout parait être fondé pour l’essentiel sur cet amour silencieux dont l’auteur reconnait les vertus : « La paix, dit-il, serait d’aimer en silence. Mais il y a la conscience et la personne ; il faut parler. Aimer devient l’enfer30 ». Camus a vécu toute sa vie au sein de cet amour silencieux pour lequel il éprouve de la nostalgie. Or tout comme l’amour, le silence est une valeur que l’écrivain et sa mère ont en partage. Camus n’a jamais pu avouer son amour à sa mère, ce dont il souffre : « Il allait dire : ‘tu es belle’ et s’arrêta. Il avait toujours pensé cela de sa mère et n’avait jamais osé le lui dire31 ». Cet amour inavoué, il le reconnait et l’assume à travers son œuvre. En conséquence, nous pouvons affirmer que l’art de l’écriture permet d’exprimer les sentiments inavoués et Camus met en exergue la place du silence dans son œuvre, notion d’ailleurs qu’il associe étroitement au bonheur. A l’instar de l’amour, le bonheur n’est pas étranger au silence. Car c’est par la pratique quasi ascétique de la solitude et du silence que l’être peut atteindre le bonheur. Très tôt, l’écrivain est confronté à ce silence qui semble être pour lui un silence désiré et non subi. C’est autour de ce silence même, que gravite la vie d’Albert Camus. Il constitue un leitmotiv que nous retrouvons à travers cet acte antinomique qu’est le silence expressif de sa mère. Le bonheur par définition est un état durable de plénitude et de bien-être où le corps et l’esprit sont en équilibre ; cet état n’est-il pas après tout celui que nous impose l’acte du silence ? Ainsi, le bonheur requiert un équilibre qui semble faire écho à la notion de « mesure » dont ne cesse de se réclamer Albert Camus. Vue sous cet angle, la vision camusienne du bonheur n’est pas sans faire écho à celle de Voltaire car le bonheur pour ce dernier comme pour Camus se compose d’« instants » de bonheur. « C’est pour donner une voix à son silence que le jeune Camus chercha à écrire32 », cette remarque d’Hiroshi Mino explique les raisons de la présence du silence dans l’œuvre camusienne. « Les noces avec le monde » se font dans « le silence », dans une absence de son qui en réalité parle au 27
Newmark Kevin, Colloque Albert Camus : Littérature, Morale, Philosophie, intitulé : Albert Camus, l’endroit la littérature, la philosophie à l’envers, 29 et 30 Mars 2007, à 14heures, Paris 28 Albert Camus, édition établie et annoté par Quilliot Roger : Théâtre, Récits, Nouvelles, Préface par Jean Grenier, Paris, édition Gallimard, 1962. p. 16. 29 Albert Camus, Carnets III, op. cit., p. 263. 30 Albert Camus, Carnets II, op. cit., p. 239. 31 Albert Camus, Le Premier homme, op. cit., p 71. 32 Hiroshi Mino, Le silence dans l’œuvre d’Albert Camus, librairie José Corti, 1987, p. 17.
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cœur. L’œuvre de Camus est un silence33 qui en dit plus qu’elle ne suggère. Et il ajoute que ce silence «(…) s’accomplit en écriture 34 », qui est nécessaire. L’écriture sur la mère n’entraine-t-elle pas, chez l’écrivain, une sorte de découverte de soi menant à une vérité intérieure autant qu’une découverte de la mère elle-même ? en effet, le repliement de cette mère sur elle-même, l’absence de toute relation, de toute communication verbale, une sorte d’immobilité témoignent de la terrible épreuve de la maladie, sa surdité. Face au lent processus d’accablement qui subsiste dans sa vie infortunée, elle reste figée dans sa monotonie. La fonction de la mère dans le texte reste purement féminine, et pourtant essentielle. C’est à partir de cette image maternelle que l’écrivain se remémore une époque révolue. L’écriture ici, permet de rendre la parole à sa mère.
Son héroïsme discret. A. Une femme meurtrie Le personnage féminin qui nous est donnée à lire dans Le Premier Homme, n’est pas une femme émancipée et encore moins une femme révolutionnaire. Toutefois notons que cette figure tutélaire et protectrice de la mère, aimée et aimante y est totalement présente. Le monde démuni reflète des âmes courageuses. Le courage est représentatif dans Le Premier Homme lorsque la mère de Jacques est sur le point d’accoucher : « ça fait encore mal ? –lui demande son mari- Elle lui sourit avec une étrange distraction et sans paraître cependant souffrir35 ». Ce personnage fait preuve de retenue et de courage qui reflètent sa force de caractère. Plusieurs critiques ont fait le rapprochement entre la mère de Jacques et le Christ. La proximité de ces deux personnages relève du courage qu’ils expriment face à une souffrance qu’ils dissimulent. De l’avis de l’auteur, cette femme est une créature qui détient une force transcendante puisque même dans la douleur et la souffrance « Un merveilleux sourire vient transfigurer le beau visage fatigué36 ». L’utilisation du verbe « transfigurer37 » permet de soutenir la comparaison faite plus haut, entre la mère de Jacques et le Christ. Quant à la dimension misérable, elle se donne à lire à travers ce passage qui brosse la description des mains de la mère de Jacques : « Près de lui, la main déjà usée, presque ligneuse de sa femme lui parlait aussi de ce travail38 ». Le personnage qu’il dépeint à travers ce thème du dur labeur est celui dont il se sent le plus proche c’est sa mère. Cette dernière a des traces et des blessures que le travail manuel lui a laissées : (…) comme elle endurait pour elle-même la dure journée de travail au service des autres, les parquets lavés à genoux, (…), à force d’être privée d’espoir, devenait aussi une vie sans ressentiment d’aucune sorte39. 33
« (...) l’œuvre de Camus baigne dans un certain silence qu’elle postule et dont elle se joue ». Ibid. p. 7. Ibid. p. 17. 35 Albert Camus, Le Premier homme, op. cit., p. 17 36 Ibid. p. 26. 37 Petit dictionnaire Français, Librairie Larousse, Paris, 1978, p. 659. Définition du substantif « la transfiguration » Le Larousse le définit ainsi : « Changement d’une figure en une autre. État glorieux dans lequel Jésus-Christ se montra à ses disciples sur le mont Thabor ».37 38 Albert Camus, Le Premier homme, op. cit., p. 28. 39 Ibid. p. 71. 34
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Ainsi l’espoir ôté, la vie se décompose. L’absurde d’un travail qui n’en finit pas de finir marque la conscience que l’homme peut avoir de sa fonction, du sens de sa vie, pour ne pas dire de son bonheur. Et il ajoute : « Il ne l’avait jamais entendu se plaindre, sinon pour dire qu’elle était fatiguée ou qu’elle avait mal aux reins après une grosse lessive40 ». B. Une œuvre dédiée à sa mère Camus dédicace Le Premier homme à sa mère, il écrit : « A toi qui ne pourras jamais lire ce livre41 ». D’emblée, l’œuvre s’inscrit dans le domaine autobiographique. Cet hommage précise que Camus est issu d’une famille illettrée. Ce monde démuni dans lequel vit Camus est un monde qui baigne dans l’analphabétisme42. Ce phénomène est un frein social autant pour cet enfant, pour les autres enfants du quartier de Belcourt et pour le reste de la population43. Jacques apprend que son père44 est également atteint par cette infirmité : l’individu illettré est dépendant d’autrui et la conséquence à cela est l’isolement. La mère de Jacques semble déconnectée du monde45. Cette personne déficiente se trouve en situation de handicap puisqu’elle rencontre des situations la plaçant en incapacité d’agir. Ces situations peuvent être vécues dans sa vie quotidienne comme un désavantage qu’elle subit. Ces passages traduisent l’incompréhension de Camus et de ses personnages face à ce que la guerre engendre et qui n’aboutit finalement qu’à une souffrance commune. Devenu adulte, l’écrivain reprend la description d’un moment poignant pour sa famille et sa mère qui apprennent la mort du père. Mais l’auteur va encore plus loin dans ses suggestions lorsqu’il informe le lecteur que la mère de Jacques est anéantie par la perte de son mari : « (…) elle était restée muette et sans larmes pendant de longues heures à serrer dans sa poche le pli qu’elle ne pouvait lire et à regarder dans le noir le malheur qu’elle ne comprenait pas46 ». La mémoire est faite d’effacement et Camus tient à la raviver pour que l’homme n’oublie pas ses erreurs et qu’il tente d’y remédier. L’écriture sur la mère symbolise et suggère différentes valeurs à la fois historiques, socioculturelles voire même politiques. « Et plus rien ne restait, ni en elle ni dans cette maison, de cet homme dévoré par un feu universel47 ». C’est ainsi que son héroïsme se manifeste devant les difficultés de la vie, elle tente de survivre dans ce monde de pauvreté et de démesure. L’écrivain admire la force de cette femme qui devient une haute incarnation du renoncement, de l’endurance, de la dévotion et du don de soi. L’auteur du Premier Homme lui octroie ainsi toutes les qualifications de la femme active, vecteur de la construction sociale. 40
Ibid. p. 72. Albert Camus, Le Premier Homme, op. cit., p. 13. « Ni l’image, ni la chose écrite, ni l’information parlée, ni la culture superficielle qui naît de la banale conversation ne les avaient atteints. Dans cette maison où il n’y avait pas de journaux, ni, jusqu’à ce que Jacques en apportât, de livres, pas de radio non plus, (…) ». Ibid. p. 220. 43 « (…) l’installation sur le littoral algérien d’une nichée d’analphabètes qui se reproduisent loin des écoles, attelés seulement à un travail exténuant sous un soleil féroce ».Ibid. p. 97. 44 « Il savait pas lire, tu comprends. À l’orphelinat, on apprenait rien ». Ibid. p. 75. 45 « Et dans tous les cas elle n’avait jamais entendu parler de l’Autriche-Hongrie ni de la Serbie, la Russie était comme l’Angleterre un nom difficile, elle ignorait ce qu’était un archiduc et elle n’aurait jamais pu prononcer les quatre syllabes de Sarajevo ». Ibid. p. 80. 46 Ibid. p. 84. 47 Ibid. p. 85. 41 42
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De tout ce qui précède, il apparaît que la figure féminine de la mère dans l’œuvre de Camus est emblématique. Elle est peinte comme étant autonome, forte et belle. Contrairement à la figure masculine, avec sa détermination à vaincre l’absurdité de la vie, elle paraît plus accomplie. Dans ma communication j’ai tenté de présenter l’image de la mère, aux consonances mythiques, telle qu’elle se dessine dans l’œuvre camusienne et plus précisément, dans Le Premier homme, œuvre dédiée à sa mère48, « à ma mère », mais surtout une œuvre où l’écrivain ne cesse de la glorifier et de la diviniser. On comprend mieux dès lors l’extrême tempérance figurative de Camus dans la représentation littéraire de la femme. Pour l’écrivain, cet être est mystérieux et se doit de le rester. Ainsi, il privilégie la signification intérieure à son apparence extérieure. On découvre alors toute la profondeur de ce personnage maternel à qui il voue un véritable culte. D’après Sylvie Lannegrand, l’idéalisation de la figure maternelle est souvent associée au thème de la mère absente ou décédée. C’est ce qu’elle constate dans l’analyse des romans Le Livre de ma mère d’Albert Cohen et Lambeaux de Charles Juliet. Les deux romanciers modifient l’écriture en démarche évocatrice et compensatoire, censée pallier le vide d’amour qui a été provoqué par la mort prématurée de la mère. Il me semble indéniable qu’Albert Camus suit lui aussi cette démarche, qui tente de pallier non pas le vide d’amour en ce qui le concerne, mais celui de parole. Mais j’ai également démontré que ce silence peut avoir un pouvoir suggestif et beaucoup plus éloquent que celui de la parole. Cette femme-mère d’apparence faible semble pourtant détenir une force et un courage exemplaire. Son héroïsme lui permet de faire face au monde démuni dans lequel elle vit. Toutefois, l’amour de Camus pour sa mère n’en fait pas un féministe accompli ; reconnaissons-lui cependant le mérite d’avoir interrogé de manière très intime ce statut ambigu de la femme. Certes, comme le déplore Simone de Beauvoir, la condition de la femme aura peu évolué : il y a toujours eu des femmes ; elles sont femmes par leur structure physiologique ; aussi loin que l’histoire remonte, elles ont été subordonnées à l’homme ; leur dépendance n’est pas la conséquence d’un événement ou d’un devenir, elle n’est pas arrivée49.
Mais soumises ou rebelles, ces femmes comptent et ont toujours compté et continueront à le faire, semeuses de vie, dispensatrices d’éducation et donc de valeurs, et ce faisant, gardiennes d’un futur toujours à réinventer.
Bibliographie Camus Albert, Carnets II, Janvier 1942- Mars 1951, Paris, Gallimard, 1964. ----, Carnets III, Mars 1951-Décembre 1959, éditions Gallimard, 1989. ----, Jean Grenier, Correspondances, 1932-1960, Avertissements et notes par Marguerite Dobrenn, Gallimard, 1981. ----, Le Premier homme, Paris, éditions Gallimard, 1994.
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« A toi qui ne pourras jamais lire ce livre ». Albert Camus, Le Premier Homme, op. cit., p. 13. Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, t.I, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », [1949] 1976, p. 18
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----, Camus Albert et la Femme ; 6ème Colloque International de Poitiers sur Albert CAMUS 26, 27 et 28 mai 2005. ----, édition établie et annoté par Quilliot Roger : Théâtre, Récits, Nouvelles, Préface par Jean Grenier, Paris, édition Gallimard, 1962. BONNIER Anaïs « L’homme des douleurs » ou la valeur archétypale du motif christique dans le théâtre contemporain. Paris III, Sorbonne Nouvelle, septembre 2007 au 21 septembre 2007. BROSSARD Nicole, « Femme et Langage », La barre du jour, n. 50, hiver, 1975. COMTE-SPONVILLE André, Laurent Bove, Patrick Renou, Albert Camus de l’absurde à l’amour, La renaissance du livre, 2001. DE BEAUVOIR Simone, Le Deuxième Sexe, t. I, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », [1949] 1976. DULONG C., La vie quotidienne des femmes au Grand Siècle, Paris 1984. Film sur Albert Camus, Sa vie, sur France 2, mercredi 6 janvier 2009, 20h30. GRENIER Roger, Albert Camus, soleil et ombre, une biographie intellectuelle, Gallimard, 1987. HERITIER Françoise, La différence des sexes, (anthropologue, professeur au Collège de France), Editions Bayard, collection « les petites conférences », 2010. MINO Hiroshi, Le silence dans l’œuvre d’Albert Camus, librairie José Corti, 1987. NEWMARK Kevin, Colloque Albert Camus : Littérature, Morale, Philosophie, intitulé : Albert Camus, l’endroit la littérature, la philosophie à l’envers, 29 et 30 Mars 2007, à 14heures, Paris. REY Roselyne, Histoire de la douleur, Paris, Éd. La Découverte, 1993. ROBERTS, Albert Camus : Sources et Influences, Paris, Revue des lettres modernes, 1971. SAADI, N. 2005. La nuit des origines. Alger, Barzakh.
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FÉMININ ET CRÉATION
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Penser l’identité de la femme à travers le spectacle vivant contemporain : Medea in Spain de Silvia Barreiros ; réecriture et réinterprétation du mythe euripidien Charitini TSIKOURA1
Le mythe de Médée, bien qu’il soit un des plus anciens, demeure pour autant un des plus contemporains. Le spectacle de Silvia Barreiros Medea in Spain présenté en 2008 est la preuve vivante qu’un mythe vieux de presque 3000 ans peut être ré-écrit et re-présenté sous un nouvel angle pour repenser l’identité de la femme. Médée est une femme indépendante et autonome et de ce fait très contemporaine ; emportée par son amour pour Jason elle le suit en délaissant son pays et sa famille se perdant elle-même ainsi que son identité pour finir trahie et abandonnée. Cette communication va étudier les différentes interprétations de l’identité de Médée selon Barreiros tant sur le plan pratique – les éléments techniques et visuels, les personnages, la réécriture du mythe – que sur le plan théorique, politique et social, dans un but d’inciter à la réflexion et d’approfondir la question de l’identité multiple et complexe de Médée.
Eléments techniques et visuels Le titre original de la pièce est Medea in Spain : Re-writing of the Medea myth (Médée en Espagne : Réécriture du mythe de Médée). Elle a été présentée par la Compagnie Apsara au Théâtre Pitoëff de Genève en novembre 2005. Le concept ainsi que le texte 2 sont conçus par Silvia Barreiros et la mise en scène est signée par Sandra Amodio. Silvia Barreiros a déclaré qu’elle aime raconter des histoires de/et sur les femmes, inscrites dans un contexte social précis. Elle utilise le théâtre, la danse et la musiquelive pour trouver l’inspiration créative dans la diversité interculturelle. Sa deuxième création transfère le mythe antique au présent tout en se référant aux traditions et en focalisant principalement sur Médée en tant que femme, sa conception du mariage et sa place en société. La production se limite à deux actrices, pour Médée et la nourrice ; Barreiros tient le rôle principal ; une danseuse Kathak joue le rôle de la jeune Médée et un danseur de flamenco joue le rôle de Jason. Deux musiciens de flamenco et un chanteur de flamenco entourent les acteurs et les danseurs. L’action a lieu à Corto, une ville imaginaire de l’Andalousie. 1
Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense.
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Sur le plan scénographique, Barreiros suit la tradition Gitane-Flamenco et place les musiciens et le chanteur côté jardin (à gauche de la scène). La scène circulaire reste autrement vide rappelant tant la forme circulaire de l’orchestre du théâtre grec antique que l’arène de la corrida. L’espace central forme un ovale qui dépasse la scène et efface la délimitation entre scène et auditorium, afin de rapprocher le public à l’action, l’incitant ainsi à faire partie de la réflexion. Un sol en bois est utilisé pour permettre la résonance des claquements des pieds des danseurs flamenco. Tout l’espace est blanc et épuré afin d’obtenir la netteté des couleurs, de la lumière et des projections vidéo, tandis que deux longs rideaux en lin transparent donnent une impression onirique tout en maintenant l’effet minimaliste de la scénographie. Ces derniers sont placés au fond de la scène en hauteur pour donner de la profondeur et suggérer les portes du décor du théâtre grec ancien et en même temps ils fonctionnent comme de grands écrans pour permettre la projection vidéo. Les projections vidéo sur les portes-écrans sont principalement les souvenirs de la ville natale et de la culture de Médée. La Médée de Barreiros est une princesse Brahmane qui vivait à Kalikat, une ville imaginaire de l’Inde du Nord et les images projetées de son passé sont un moyen pour elle de respirer et survivre dans un pays étranger. Pourtant ces images représentent également ses peurs, sa douleur et le mari (Jason) qu’elle ne peut plus atteindre. En même temps, elles permettent au spectateur de se repérer dans le va et vient interminable entre passé et présent et identifier les personnages.
Politique, pouvoir, société En suivant l’exemple d’Euripide, l’ouverture de la pièce nous présente le lieu et le temps de l’action, le résumé des faits, ainsi que les peurs de la nourrice aveugle de Médée. Aya, qui – comme les personnages aveugles dans l’antiquité – a le don de voir l’avenir raconte à la « jeune Médée » sa vision morbide de la tragédie à venir, dans un des nombreux retours en arrière. Prenant l’identité au premier degré, en tant que nom, appellation, Médée ainsi que Jason gardent leur identité dans cette réécriture. Ils sont pourtant les seuls, car les autres caractères sont ou bien éliminés, ou changent de nom. Plus particulièrement, Barreiros emploie des noms qu’on pourrait qualifier comme orientalisants pour les personnages de la rivale qui prend le nom de Sahra au lieu de Glauce, et pour la nourrice de Médée qui chez Euripide n’a pas de nom mais en obtient un chez Barreiros et s’appelle maintenant Aya, devenant encore un personnage féminin considérable et obtenant sa propre identité. En revanche le personnage de Créon est éliminé de la version de Barreiros tandis que celui de Jason est réduit au silence. Si on interprète l’identité comme voix, on remarque que les caractères masculins perdent la leurs, leurs rôles étant ou bien réduits à une partition de danse comme dans le cas de Jason, ou complètement éliminés comme dans le cas de Créon, alors que les femmes – Médée plus que la nourrice – maintiennent leur voix et surtout leurs monologues. Cette perte de voix a comme conséquence la perte de communication et par extension l’inversion du pouvoir si l’on pense la voix dans un registre politico-social et dans le sens de l’expression d’une opinion, ou d’arguments pour plaider une cause. Inversion donc du pouvoir dans la version de Barreiros ; la femme a le « droit » de s’exprimer devenant ainsi plus forte, plus importante, tandis que l’homme régresse au statut de figurant contrairement à la tradition indienne 232
et gitane où la femme est subordonnée. Il faut noter au passage qu’il existe en Inde le principe de la force féminine active, la shakti, qui s’oppose à la force masculine passive et qui peut parfois conduire à un renversement des rôles. Les caractères de la pièce sont identifiés aussi par leurs origines : Médée est Indienne, tandis que Jason est Gitan. Barreiros utilise ces deux cultures ancestrales pour les caractères principaux afin d’établir leur statut politique et social en tant qu’exilés et étrangers dans la ville de Corto. D’ailleurs, Aya la nourrice, mentionne dans le prologue que, elle et Médée, sont des apatrides, des exilées. Dans un premier registre, (la) Médée de Barreiros est Indienne, elle part de son pays et abandonne tout, y compris son identité. Elle arrive donc, étrangère, dans un nouveau pays et le perturbe autant qu’elle est perturbée. Elle a du mal à s’intégrer dans ce pays, où elle se confronte à un monde hostile et étranger avec des mœurs et des coutumes complètement différents. Son confinement aux seins du foyer et son exclusion affective par l’infidélité de Jason renforcent son besoin de se libérer de lui provoquant progressivement sa révolte. D’autre part, étant émigrée elle n’a aucun pouvoir politique ni droit civil, tandis qu’elle était fille de roi et princesse dans sa ville natale. Si Jason épouse Sahra la fille du roi de Corto, le statut de Médée sera réduit à celui de la nourrice des enfants de Jason, donc presque celui d’une esclave2. La puissante princesse, déchue, deviendra femme au foyer et après l’arrivée de la nouvelle épouse qui prendra sa place, elle ne sera même plus la maîtresse de sa maison ni de sa famille, ce qui serait inconcevable pour elle. Par conséquent, sur le plan politique et social, l’identité (identité féminine en général et de Médée plus particulièrement) peut être définie d’abord comme nationalité et par extension comme droits politiques et civils. Les deux cultures – gitane et indienne – dont Barreiros se sert pour la nationalité de ses personnages principaux, sont pourtant plus similaires qu’elles ne paraissent à première vue. Dans Medea in Spain, Barreiros opte pour représenter la jeune Médée par une danseuse de Kathak. La danse Kathak est originaire de l’Inde du Nord et elle est ancestrale, aussi vieille que le mythe de Médée lui-même3. Les études de Rehana Ghadially sur les danses Indiennes traditionnelles ont démontré qu’en Inde, le statut subordonné de la femme a ses origines dans les portraits mythiques des femmes vues à travers la danse4. Ce qui plus est, la religion explique et justifie souvent l’inégalité des rapports sociaux de genre, principalement parce que ce sont les hommes de haute caste qui ont créé les anciens Vedas (textes et écritures sacrés), ainsi que les principales légendes et œuvres épiques que le Kathak met en scène ; les dieux mâles dans la tradition Indienne, tout comme dans l’antiquité grecque de l’époque d’Euripide, sont lascifs, toujours en train de séduire les femmes des mortels, 2 Dans la société grecque antique, ainsi que dans les cultures et traditions tsiganes et indiennes, la place de la femme est à la maison, où elle règne en maîtresse absolue. Elle est d’autant plus la gérante de ce microcosme exclu, car c’est elle qui est chargée de la distribution des tâches parmi les domestiques ou qui s’en charge elle-même le cas échéant, elle organise les repas, elle est chargée des enfants, des « courses », en bref de tout le rituel relatif au bon fonctionnement d’un foyer. La perte de sa place dominante dans la maison se traduit en effet, pour Médée, en sa régression au statut d’esclave ou de servante. 3 Kathaka est le mot Sanscrit (ancienne langue Hindou sacrée) pour le narrateur, celui qui raconte des histoires, ainsi le Kathak est dans un sens la danse du récit. Voir, Reginald Massey, India’s Kathak Dance : Past, Present, Future, New Delhi, Abhinav Publications, 1999. 4 Rehana Ghadially, (sous la dir. de), Women in Indian Society :A Reader, New Delhi/Newbury Park, Sage Publications, 1988.
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les plaçant ainsi dans une position de destinataires passifs et impuissants. Selon la tradition indienne, l’épouse appartient à son mari et ne vit que par lui et leurs enfants5; ainsi un personnage féminin exemplaire souffrirait pour son mari et sa famille, très souvent par la faute de l’homme, ce qui est aussi le cas de Médée. Le mari a tout pouvoir sur son épouse, et cela lui permet d’en faire ce qu’il veut, jusqu’à la renvoyer à sa famille s’il n’est plus satisfait d’elle. La femme dans la culture Indienne était – et reste encore dans certaines régions – réduite au statut de l’objet sexuel ; elle était considérée tout simplement comme un moyen de reproduction ou une possession parmi d’autres et par conséquent un être inférieur, « sa parole est rarement prise en compte et ses droits étaient limités6 » 5, tandis qu’elle devait travailler pour aider sa famille. La société Indienne étant purement mâle et chauviniste, la femme n’y avait pas sa place et si après être mariée elle ne pouvait pas avoir des enfants elle était renvoyée. On retrouve ici le statut de la femme mariée de la Grèce antique ; surtout à Athènes la femme restait confinée à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants et ne sortait que pour certaines fêtes religieuses7. Tout comme en Inde, son mari avait le droit de la renvoyer à ses parents si elle n’était pas obéissante8. Médée mentionne que Jason va la « renvoyer » et s’inquiète qu’après avoir trahi sa famille pour lui elle sera rejetée par ses proches et sa cité, n’ayant nulle part où aller. Elle se doit alors d’agir et finit par devenir chez Barreiros le symbole de la révolte et du changement. Le résultat du croisement entre une Médée indienne et une Médée occidentale dans la version de Barreiros, se traduit chez l’héroïne en la prise en charge de sa propre vie (elle se libère via le meurtre de ses enfants, de Jason et de soi-même) rendant ainsi plus intenses le changement dans son caractère et l’évolution de son statut de femme. D’autre part, dans la tradition gitane, l’idée du voyage et de l’exil est fondamentale, puisque les gitans ont quitté l’Inde du Nord de leurs origines pour voyager et certains se sont installés en Andalousie (d’où le titre de la pièce). Dès le XIXe siècle, tous leurs sentiments sont exprimés à travers le chant flamenco et la danse. Pourtant beaucoup de communautés gitanes ont conservé leurs traditions indiennes et surtout le modèle des castes. Les principes de ce modèle évoquent l’importance de la pureté de race, de l’isolation et de la hiérarchie. De ce fait, ils ont été les victimes de leur propre culture qui contredit les valeurs démocratiques modernes et abolit pratiquement l’égalité des genres. Dans les sociétés gitanes aussi, la place de la femme est à la maison s’occupant du foyer et des enfants. Les sociétés gitanes sont connues pour leur machisme et deviennent très souvent l’objet d’études de genre (surtout 5 C’est dans ce contexte qu’auparavant en Inde les femmes étaient immolées avec leur mari défunt. 6 L’association Humanium, aide les femmes et défend leurs droits. A propos de la situation de la femme dans la société indienne contemporaine voir http://www.humanium.org/fr/situation-femmes-inde/ [en ligne]. Consulté le 11/04/2016 7 Platon dans la République, (livre V, 457d-462d), en développant le concept de la « cité idéale » va jusqu’à réduire les femmes au statut de moyen de reproduction et les limite aux strictes fonctions biologiques d’accouchement et d’allaitement et à la fonction purement symbolique de mères. Aristote dans la Génération des animaux se livre à un long examen des corps féminins et les définit comme matière : « […] le mâle [possède] le principe moteur et générateur ; la femelle le principe matériel » (livre I, 2, 716a). De son côté, Xenophon dans l’Economique (livre VII, 20-21), parle aussi de l’épouse idéale – par la bouche d’Ischomaque, un riche propriétaire de l’époque – celle qui reste à la maison à procréer et qui est toujours obéissante et docile. 8 Sur le mariage en Grèce classique voir Nadine Bernard, Femme et société dans la Grèce classique, Paris, Armand Colin 2003, pp. 49-74.
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dans la discipline de l’anthropologie). Les hommes gitans sont plutôt jaloux et dans certains cas ne permettent pas à leurs femmes de quitter la maison (certains vont jusqu’à les y enfermer). Les femmes dans la majorité des communautés gitanes (par exemple en Californie)9 sont considérées comme inférieures, stupides et polluantes. Les rapports de pouvoir entre les deux sexes sont basés sur une conception dichotomique du corps qui leur revient des temps anciens : au dessus du nombril le corps est pur et donc mâle et au dessous il est impur et donc femelle. Cette conception est aussi liée à la position des « entrailles » (l’essence d’une personne) ; chez la femme cette essence se trouverait dans la partie inférieure du corps, à leur utérus, qui est également considéré comme impur en raison de leurs menstruations, tandis que chez les hommes, elle serait située juste au dessous du diaphragme, où se trouve la source de leur voix de chanteur ainsi que leur « semence » (!). Il y a ici un rapport au corps considérable ; la chair et le sang. Le corps de Médée désire la vengeance et la destruction. Quand elle perd la raison, elle tue sa propre chair, elle verse son propre sang et quand Jason perd sa propre chair (ses enfants), il n’a que son corps pour faire appel à ses souvenirs et pour exprimer sa douleur. Ce qui plus est, dans la tradition gitane les femmes n’ont pas le droit de danser et chanter à l’exception des fiestas familiales, les juergas (pour les mariages, les fêtes sacrées et le baptême)10, dans lesquelles les chansons sont des louanges ou des vœux de fertilité pour la jeune mariée, la qualité la plus apprécié chez la femme gitane. C’est pour cette raison que dans la version de Barreiros Médée empoisonne sa jeune rivale Sahra pour la rendre stérile au lieu de la tuer s’éloignant ainsi de la version euripidienne : elle sera ainsi en marge de la société, sans identité puisque la mère en a une mais pas la femme et conséquemment inutile et dégoûtante aux yeux d’un mâle gitan aussi traditionnel que Jason. C’est son cadeau de mariage en même temps que sa vengeance autant contre Jason que contre le père de Sahra qui seront privés de descendants.
Société et psychanalyse Ce monde hostile qui n’accepte pas Médée, la démonise par peur de l’inconnu et de l’étranger. Dans un monde dominé par les hommes, il est très commun que le masculin aie peur du féminin, et Médée devient dans quelques versions du mythe la sorcière ; d’ailleurs son nom l’indique, car le verbe « médomai » dont il provient signifie (parmi autres) une personne qui connaît les rites mystiques11. En même temps, dans la légende Médée est la nièce de Circé12 et elle a le pouvoir d’endormir les monstres, rajeunir les vieux et rendre les hommes invincibles ; elle est donc le symbole de la femme-mère toute puissante. Même si Barreiros ne met pas le point sur le côté sorcière de Médée ni sur celui de la mère, on retrouve dans sa version la dualité du personnage, victime et criminel, le « moi » et « l’autre ». Barreiros 9 Voir, 10
Cozannet, Françoise, Mythes et coutumes religieuses des tsiganes, Paris, Payot, 1973. On se rend compte très rapidement des similitudes de cette tradition avec la tradition grecque antique ; la femme en Grèce antique n’avait le droit de sortir que pour les grands fêtes religieuses, les funérailles et les visites au sanctuaire de la déesse des accouchements. 11 En Grec ancien, le verbe médomai se traduit par « réfléchir », « se débrouiller », ou « être astucieux ». 12 Selon la légende Circé était une redoutable sorcière ou enchanteresse (Homère, Odyssée, chant X). Son pouvoir consiste dans son expertise à la fabrication de drogues propres à opérer des métamorphoses.
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choisit de voir Médée comme « l’autre », l’icône de révolte et d’indépendance, transcendante et parfois narcissique qui prend la loi entre ses mains et essaye de retrouver son « pouvoir » perdu et sa place, par des moyens qu’on qualifierait de « féminins » à savoir par la séduction et l’appel aux sentiments de Jason. Quand cette stratégie échoue, elle change complètement de personnalité et devient vengeresse ce qui la conduit inexorablement au meurtre de ses enfants. Or, chez Barreiros l’impact de l’infanticide est réduit voire minimisé puisque la pièce focalise sur Médée en tant que femme plus qu’en tant que mère. De surcroît, le flamenco et le kathak peuvent être perçus comme les danses représentatives de Jason et de Médée respectivement. Ce mariage de deux danses et de deux cultures pour lequel opte Barreiros peut-être aussi un commentaire sur les liens ou les barrières que peuvent créer la culture et l’ethnicité. Elles sont leur moyen d’expression ; les souvenirs du passé, la douleur de Jason, la tentative de séduction de Médée ou sa folie. Mais le fait que Jason n’a pas de texte dans la pièce et qu’il s’exprime uniquement à travers sa danse (toujours accompagné des musiciens), rend la communication entre lui et Médée pratiquement impossible accentuant leur différences. Ce n’est que pour un court moment que les souvenirs dansés de Médée – faisant appel à leur subconscient – leur permettront de revivre leur première rencontre et leur amour.
Féminité La pièce se clôt sur un portrait psychologique des Médées modernes et se différencie encore une fois de la version euripidienne ; Médée dans son monologue final explique ce qui pousse certaines femmes à agir ainsi dans un effort de réévaluer le sujet, lui donner une autre dimension. Pourtant, Silvia Barreiros ne s’arrête pas là : elle oppose au mythe traditionnel son propre point de vue en proposant d’autres interprétations de l’identité de Médée. Or, l’interprétation de l’identité comme féminité est éventuellement l’élément le plus important dans la version de Barreiros. Dans les mythes des héros, les femmes sont d’habitude les assistantes, celles qui les aident à arriver à leur but ; et il est vrai que dans le mythe de Médée aussi, c’est cette dernière, une femme, qui aide et guide Jason dans sa quête de la Toison d’Or. Elle est en même temps son trophée, sa récompense pour avoir réussi sa mission. Le choix de Jason de se marier à une autre femme (plus jeune qu’elle) dépouille Médée de sa féminité car elle ne se croit plus désirable. Son exclusion affective par Jason est interprétée comme un rejet symbolique de sa féminité, l’objectifiant de nouveau sexuellement et la réduisant en un simple « vaisseau », un « récipient » qui a tout simplement contenu (et transporté) ses héritiers ; il déclenche ainsi sa folie temporaire et sa violente réaction de tuer ses enfants. Cependant, Barreiros ne cherche pas à critiquer ou à désigner des coupables dans sa pièce mais seulement à commenter, à donner une interprétation plus contemporaine au mythe et à l’image de la femme Médée. On a vu que son identité féminine est centrale pour faire de Médée une figure mythologique importante tant par une analyse structuraliste qui définit les femmes comme « l’autre » que par sa liaison aux traditions, au processus de reproduction et à son statut de mère. Tout au long de son histoire, Médée est vue à travers sa relation avec les hommes. Pourtant, dans la pièce d’Euripide ainsi que dans celle de Barreiros, la manière dont Médée élimine 236
sa rivale fait allusion à ce qui peut être vu comme une faiblesse féminine à savoir une tunique (robe) empoisonnée13. Mais sa force est toujours révélée dans ses interactions avec le mâle duquel elle triomphe. L’ouverture de Barreiros vers un happy end où Médée se libère de sa culpabilité, reprend la parole, retrouve son identité en tant que femme et part vers une nouvelle vie revisite et re-pense l’identité de l’héroïne et par extension son identité féminine. Pour Barreiros Médée ne réincarne plus ces femmes qui, suite à une grave dépression psychotique tuent leurs enfants pour les épargner, mais y voit une femme forte qui s’assume et qui se libère de son « autre » afin de continuer de vivre. Sans compter que Barreiros est aussi une femme, qui reprend une des figures féminines mythiques les plus considérables et les plus intemporelles d’autant plus qu’elle revisite une œuvre d’homme, écrite dans une des périodes les plus machistes et les plus discriminatives au regard des femmes telle Athènes de l’époque classique, pour les (re)penser.
Bibliographie ARISTOTE, De la génération des animaux, (trad. Pierre Louis), Paris, Les Belles Lettres, 1961. COZANNET, Françoise, Mythes et coutumes religieuses des tsiganes, Paris, Payot, 1973. Ghadially, Rehana, Women in Indian Society : a Reader, New Delhi, Sage Publications Inc., 1988. HANNA, Judith-Lynne, Dance, Sex and Gender, Chicago, University of Chicago Press,1988. LERAY, Nadège, Place de la danse dans la culture tsigane, mémoire pour le Diplôme d’Université en Danse (ancien cursus), Université de Paris-Sorbonne (Paris-IV), 1979. LORAUX, Nicole, La Grèce au féminin, Paris, Les Belles Lettres, 2014. MASSEY, Reginald, India’s Kathak Dance: Past, Present, Future, New Delhi, Abhinav Publications, 1999. PASQUALINO, Caterina, Dire le chant : les gitans flamencos d’Andalousie, Paris, CNRS – Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 1998. PLANA, Muriel, Théâtre et féminin : identité, sexualité, politique, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2012. 11 PLATON, République, (trad. Georges Leroux), Paris, Flammarion, 2002. ----, Les Lois (trad. Luc Brisson et Jean-François Pradeau), Paris, Flammarion, 2006. SANDOVAL, Gabriel et Bernardo, Le Flamenco entre révolte et passion, Toulouse, Les essentiels Milan, 1998. XENOPHON, Economique, (trad. Claude Mossé), Paris, Les Belles Lettres, 2008.
13 Cet objet est doublement féminin : d’une part le poison est considéré comme l’arme féminine par excellence (notamment au XVIe siècle et la Cour de Catherine de Médicis) et d’autre part le cadeau est une robe, un habit purement féminin.
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De la femme « créature » à la femme créatrice : le « miracle » de l’invention féminine Martine LACAS1
Quel langage pour parler des femmes artistes ? Que l’histoire de l’art occidental fût « inconsciemment » misogyne, relevant, pour reprendre encore les mots de Linda Nochlin, du « point de vue du mâle blanc occidental2 », que l’image artistique du passé se résume à une mémoire quasiment exclusive de l’accomplissement masculin, là ne se trouve pas en effet le problème intellectuel crucial de la question posée. Pour celle-ci comme pour l’entreprise qui prend pour objet de repenser le féminin relativement à la création artistique, il est nécessaire d’en revenir au langage même de l’histoire et de la théorie de l’art. Si j’invoque une telle nécessité, c’est parce qu’il a été l’obstacle le moins manifeste mais le plus efficient à la possibilité qu’il y ait eu davantage de « grandes femmes artistes ». À l’instar de tout langage, le langage de l’histoire et de la théorie de l’art ne peut être réduit à un moyen de dire ou de représenter une réalité qui lui préexiste. Au contraire, en forgeant les outils de son discours, il configure la réalité qu’il prend pour objet. Pour preuve de l’efficace du langage, de sa puissance à conformer le réel et la perception que nous en avons, il suffit de remarquer dans la question même de Linda Nochlin l’association de la grandeur au statut d’artiste mais aussi la nécessité de recourir en anglais comme en français au syntagme « Women Artists », « femmes artistes » : si la précision est requise quand il s’agit d’une femme, n’est-ce pas que le vocable « artiste » renvoie d’abord, on serait tenté de dire ontologiquement, dans l’esprit du locuteur à un individu mâle. L’attention portée à la puissance performative du discours est particulièrement pertinente à la Renaissance. À cette époque, se structurent et se fixent les notions d’art et d’artiste ainsi que les fonctions et les buts qui leur sont assignés. L’émancipation légitimante de l’art par rapport à la sphère artisanale qui caractérise cette période fut pour une large part une entreprise littéraire. Les traités écrits dès lors n’eurent de cesse d’accorder le primat et la précédence à l’exercice des facultés de l’esprit réputées supérieures : minimisation des procédures pratiques au profit de l’invention intellectuelle et du monde des idées, distinction d’avec les arts mécaniques et leur parenté infamante avec la matière corruptible. Ce processus d’intellectualisation et de théorisation sans précédent a configuré la réception autant que la pratique de l’art. J’ajoute que c’est aussi à la promotion et à la 1 2
Ecrivaine. Id.
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diffusion de la connaissance sous l’impulsion de l’humanisme que des femmes peintres sont apparues sur la scène artistique à la Renaissance.
Le miracle de l’invention féminine Pour observer la conjonction de ces deux phénomènes, je m’attacherai à une œuvre de Sofonisba Anguissola datant de la fin des années 1550 : Portrait de Bernardino Campi peignant Sofonisba Anguissola que l’on pourrait nommer aussi Autoportrait de Sofonisba Anguissola avec Bernardino Campi en train de la peindre, conservé à la Pinacothèque nationale de Sienne. Célébrée par Giorgio Vasari, Tommaso Cavalieri, Gian Paolo Lomazzo, plus tard par Filippo Baldinucci, Rafaello Sopriani, Gian Battista Zaist, pour sa capacité d’invention, l’invenzione, Sofonisba Anguissola se fit un nom que nombre de ces auteurs placèrent à côté de celui de l’illustre Titien comme peintre de portrait. Vasari qui dans ses Vies, ouvrage fondateur de l’histoire de l’art, rendit le premier hommage aux femmes artistes, différencie Sofonisba Anguissola de ses comparses : Mais Sofonisba de Crémone, fille de messire Amilcare Anguissola, avec plus d’application et de meilleure grâce que les autres femmes de notre époque, s’est acharnée à travailler les choses du dessin, c’est pourquoi elle a non seulement su dessiner, colorer et imiter la nature et copier excellemment les œuvres d’autrui mais elle a aussi par elle-même fait des œuvres de peinture très rares et très belles3.
Il écrit encore : j’ai vu cette année [1566] à Crémone dans la maison de son père, une peinture exécutée de sa main avec beaucoup de soin (molto diligenza) où ses trois sœurs en train de jouer aux échecs et une vieille servante avec elles sont portraiturées avec tant d’application et d’aise (tanta diligenza et prontezza) qu’elles semblent vraiment vivantes et qu’il ne leur manque que la parole. Dans un autre tableau, on peut voir peint par la même Sofonisba, le sieur Amilcare son père, avec d’un côté une de ses filles Minerva […] et de l’autre Asdrubale son fils […] ; ils sont si bien exécutés qu’il semble qu’ils respirent et sont vraiment vivants4.
La figure qui semble vivante et dotée d’une âme —le souffle a cette double valeur physiologique et spirituelle— ou celle à laquelle ne manque que la parole sont au XVIe un topos de la critique d’art. En dépit de sa fréquence dans les Vies de Vasari, ce leitmotiv n’apparaît jamais dans ses descriptions d’œuvres de femmes peintres. Aucune d’entre elles n’est créditée de la capacité à insuffler vie et âme aux figures peintes ni de la qualité de « prontezza ». Aucune sauf une : Sofonisba Anguissola. Ce statut exceptionnel, en témoigne également une lettre qu’Annibale Caro5 adressa à Amilcare Anguissola le 23 décembre 1558, où il sollicite un autoportrait de Sofonisba : « il n’y a rien que je désire davantage que le 3
Dans la seconde édition des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1568), Vasari conclue la Viede Properzia de’Rossi à Sofonisba Anguissola et d’autres femmes artistes. (C’est moi qui souligne). 4 Vasari rend hommage à Sofonisba Anguissola dans le chapitre des Vies de Benvenuto Garofalo et Girolamo da Carpi, peintres de Ferrare, et d’autres Lombards 5 Cité par Ilya Sandra Perlingieri, Sofonisba Anguissola, Femme peintre de la Renaissance, Paris, Liana Levi, 1992 (titre original : Sofonisba Anguissola, New York, Rizzoli International Publications, Inc., 1992), p. 105.
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portrait d’elle-même, pour avoir la possibilité de montrer à la fois deux merveilles, une l’œuvre, l’autre l’artiste ». Si la grande renommée de Sofonisba justifie le caractère précieux de l’autoportrait —« c’est à peine si les princes peuvent en avoir », précise ailleurs Caro—, il ressortit donc aussi au fait que, au delà du topos de la belle femme synecdoque de la beauté de l’art, Sofonisba relève de la merveille, du miracle par sa capacité d’invention.
Matière et forme, féminin et masculin Pour le comprendre, il faut en revenir aux fondements conceptuels, philosophiques et rhétoriques, du discours sur l’art : ils ont déterminé des voies souterraines marquées par le genre, conformées par un réseau de métaphores appartenant au domaine de la différenciation et de la caractérisation sexuelles. Le discours sur l’art a emprunté au corpus des textes qui faisaient autorité pour l’humanisme et constituaient l’armature conceptuelle des studia humanitatis. Pas plus que les autres domaines de la connaissance et de la pensée, la littérature d’art n’échappa à l’influence profonde d’Aristote. La pensée de la forme, colonne vertébrale de l’histoire de l’art, s’est d’abord élaborée en se fondant sur la double autorité d’Aristote et de Platon, soit de manière directe, soit par le biais d’autres sources, les traités de rhétorique notamment. Pour se relier aux autres disciplines historiques et justifier sa tâche interprétative —voir et déchiffrer— il a fallu à l’histoire de l’art postuler une expressivité de la forme. Et voir dans et par la forme, la possibilité d’atteindre l’intelligibilité d’une idée, d’un immatériel au sens où l’entendait la conception philosophique classique, d’une formation de l’esprit, au sens où l’ont entendu la philosophie kantienne et sa postérité6. Or, c’est précisément parce que, selon Aristote, les choses existantes procèdent de l’union de la forme et de la matière que le langage de l’histoire de l’art et les cadres de la pensée qu’ils configurent dénotent une idéologie du genre. Dans cette union de la forme et de la matière, il revient à la matière, ou hyle7 d’être façonnée par la forme qui gouverne la configuration des choses engendrées. La forme ou eidos, est reliée à l’âme qui est reliée au pneuma, souffle ou esprit, lui-même relié aux corps célestes, à leur lumière et à leur mouvement parfait. Du fait même de sa nature, revient de droit à la forme le privilège de l’action et de la puissance sur la matière inerte et passive. En toute logique, la génération humaine reçoit une explication fondée elle aussi sur la polarité matière/forme. Dans la mesure où c’est par le sperme du père que sont transmis la forme et le pneumatique éclat de vie, ne reste à la mère qu’à fournir la matière. En vertu des qualités performatives de son sperme, et parce qu’il est associé aux éléments les plus élevés – l’air et le feu en tant qu’ils tendent justement vers le ciel— l’homme est le point de contact immédiat entre le ciel et la terre. De la femme sont rapprochés l’eau et la terre, éléments inférieurs et plus froids que ceux attribués à l’homme. Cette froideur, selon Aristote, expliquerait d’ailleurs l’impossible conversion 6
Sur cette question voir David Summers, « Form and Gender » inNew Literary History, vol. 24, n°2, 1993, pp. 243-271 Au sens premier le bois de la forêt, qui sert à la construction, hyle fut traduit en latin par Cicéron par materia qui renvoie à mater, mère. 7
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du sang en sperme et l’échec mensuel de cette conversion dont les menstruations sont le symptôme. Jusqu’à la découverte de l’ovule au XVIIe, ces fonctions respectives des deux sexes dans le processus de reproduction furent considérées comme relevant d’un ordre naturel et ressortissant aux lois de la physique qu’Aristote dans sa Physique (192a) condensait en cette formule éloquente : « La vérité est que ce qui désire la forme est la matière, comme la femelle désire le mâle et le laid le beau ». Indéfinie, divisible, multiple, déficiente, la matière doit être assujettie à la forme. La déviation, la déformation, attribuables à la résistance que la matière et le sensible opposent à la forme et à l’intellect sont de ce fait toujours identifiées à une involution du masculin au féminin. Si j’évoque l’explication aristotélicienne de la procréation et de la détermination des contributions respectives, active et passive, de l’homme et de la femme dans ce processus, c’est non seulement parce qu’en a découlé la conviction que les femmes étaient par nature créées inférieures physiquement et intellectuellement, mais aussi parce qu’elle a, avec la théorie aristotélicienne de la causalité8, servi d’armature intellectuelle à l’élaboration théorique de la notion d’art et d’artiste. Les traités d’art du XVIe nous apprennent que l’invention, invenzione, est le critère distinctif du stade supérieur de la création artistique. Vincenzo Danti, dans son Trattato delle perfette proporzioni (1567) ne formulait-il pas une opposition destinée à une longue fortune dans le discours de la critique et de la théorie de l’art ? Il distinguait le ritrarre, le fait de rendre simplement l’apparence d’un objet, de l’imitare qui résulte d’une opération intellectuelle et consiste en la représentation d’une idée. Par l’imitare, la simple copie est sublimée, augmentée, par l’ajout d’un élément supplémentaire : âme, esprit, souffle, idea, concetto9. Quant au disegno, père fertile dont les trois arts sont nés d’ « un même accouchement » (inun sol parto)10, il est selon Vasari, la « connaissance d’un certain concept et d’un jugement qui forme dans l’esprit cette chose qui reste ensuite exprimée par les mains11 ». Limitée par nature au stade inférieur de la copie, du ritrarre, la femme ne peut se voir créditée de la notion d’invenzione, capacité de composer et d’organiser des figures peintes de manière à visualiser une narration ou une idée. Ainsi, pour une longue période, ont été fondés « en raison » la place et le rôle qui furent réservés aux femmes. C’est pourquoi il semblait « innaturel » qu’une femme eût une pratique artistique comparable à celle d’un homme. C’est pourquoi, également, on prêtait un caractère singulier et exceptionnel à la femme peintre quand ses œuvres, à l’instar des portraits de Sofonisba Anguissola, révélaient une capacité « masculine » à donner vie aux figures.
8 Aristote distingue quatre types de cause : matérielle, formelle, motrice et finale. Principe de potentialité (la matière seule est inenvisageable sans la forme qui vient s’y imposer), la cause matérielle ressortit au domaine du sensible, de l’inintelligible, de l’irrationnel, de la substance, du substrat primaire. Principe d’activité, la cause formelle est ce qui rend possibles la définition et la connaissance parce qu’elle ressortit au domaine des idées, de l’esprit, de l’ « en soi ». Par la cause motrice, le changement (génération, croissance autant que corruption) est rendu possible. La cause finale est ce pour quoi la chose existante existe, la fin vers laquelle elle tend. 9 Du verbe concepire, concevoir au sens intellectuel et biologique. 10 Vasari, op. cit, inProemio 11 Vasari, op. cit., in chapitre XV, vol. 1 De la peinture
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Les stratégies paradoxales de la femme peintre Dans un tel cadre conceptuel, la femme artiste est un véritable oxymoron : comment en effet imaginer que la femme –matière passive— puisse faire plus que recevoir ou reproduire une forme ou une idée engendrée par l’homme, actif et performatif ? Paolo Pino, dans son Dialogo di pittura (1548) fait dire à un des interlocuteurs : il ne me plaît pas d’entendre que les femmes égalent l’excellence des hommes en [peinture] ; et il me semble que cet art est rabaissé par cela et l’espèce féminine tirée hors de ce qui lui sied, pour la raison que rien ne convient aux femmes si ce ne sont la quenouille et le fuseau ;
et l’autre de lui répondre : celles-ci étaient des femmes qui ont pris au masculin et mérité d’être appréciées comme des femmes, qui, voyant leur propre imperfection, ont d’essayé d’imiter l’être le plus noble, l’homme.
Elève de, fille de, la femme, quand elle est peintre, demeure encore inexorablement matière passive que l’homme-Pygmalion a façonnée à son idée, créature engendrée par le maître qui l’a formée. En 1554, Francesco Salviati écrivit une lettre à Bernardino Campi, le maître de Sofonisba Anguissola ; il y faisait les louanges de quelques œuvres de cette dernière qu’il désignait comme « la belle peintre de Crémone, votre créature » (la bella pittrice cremonese, vostra fattura). La lettre de Caro au père de Sofonisba Anguissola citée précédemment témoigne de l’engouement des amateurs d’art et de curiosités pour ce phénomène « innaturel » de la femme artiste, et particulièrement pour les autoportraits de femmes peintres. Image de la beauté, merveille de la nature, il apparaît cependant que, dans l’attrait des collectionneurs pour ces autoportraits, la distinction entre la représentation de la Beauté et la belle femme représentée y est souvent éludée. L’affirmation de l’identité du peintre, quand elle est femme, et la promotion de sa position de sujet, dont c’est la fonction et la visée premières de l’autoportrait de réaliser l’une et l’autre, doivent donc traverser plusieurs strates qui les occultent pour s’affirmer. Sofonisba Anguissola elle–même a mis en scène ces attitudes courantes envers la femme artiste et son autoportrait dans un portrait peint de Giulio Clovio12. Elle y dépeint le miniaturiste croate tenant un portrait en miniature identifié comme étant un autoportrait de la miniaturiste flamande Levina Teerlinc qui fut peintre à la cour de la reine d’Angleterre Elisabeth 1re de 1546 jusqu’à sa mort en 1576 et qui fut aussi renommée que talentueuse puisqu’elle obtint le droit de représenter la reine sur le vif. Dans le tableau de Sofonisba Anguissola, l’identification du portrait miniature de la femme, petite et retenue dans les mains de l’artiste mâle, provient d’une lettre écrite par Annibale Caro au nom de Giulio Clovio « miniatore » et adressée à une « jeune femme du même art en Allemagne13 » « si belle et si jeune » et dont les louanges et la renommée sont déjà parvenues jusqu’à lui. Dans cette lettre, Clovio admire son habilité
12 ca 1556-57, collection Federico Zeri, Rome. Sur ce portrait, voir Annemie Leemans, « Tra storia e leggenda. Indagini sul network artistico tra Sofonisba Anguissola, Giulio Clovio e LevinaTeerlinc », inIntrecci d’arte, n°3, 2014, pp. 35-55 13 Caro emploie le terme général« Germania » qui pouvait, à l’époque, désigner aussi les Flandres
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d’artiste et la remercie de lui avoir envoyé son autoportrait qu’il considère comme un objet très précieux : ensemble, l’amour et la merveille ont fait que je garde votre portrait auprès de moi et le transporte à toute heure comme la chose la plus chère que je détienne et pour la plus merveilleuse qui puisse se voir.
L’histoire de l’art a identifié Levina Teerlinc comme étant la destinataire de la lettre autant que la jeune femme du portrait miniature dans le tableau de Sofonisba Anguissola. Un inventaire après décès de la chambre privée de Clovio indiquait qu’il possédait « une petite boîte ronde avec le portrait de Levina miniaturiste de la reine d’Angleterre ». S’il est probable que la destinataire de la lettre est Levina Teerlinc et l’autoportrait mentionné dans cette même lettre celui que Clovio conserva précieusement jusqu’à sa mort, il se peut en revanche que la miniature représentée dans le tableau de Sofonisba Anguissola ne soit pas l’objet tant aimé. En effet, la petite boîte posée sur l’écritoire contient des pigments et Clovio tient dans la main droite un pinceau, tandis que de la main gauche il tient le portrait miniature encore inachevé puisqu’un espace sous le col y est encore non peint. Sofonisba Anguissola et Giulio Clovio ont pu se rencontrer à Parme où ils étaient tous les deux présents en 1556. Sofonisba qui avait déjà peint un autoportrait en 1554, en réalisa une autre miniature14 entre 1556 et 1557, peut-être suite à sa rencontre avec Clovio qui l’aurait initiée à cet art. Il se pourrait donc que le miniaturiste ait été représenté par Sofonisba peignant un portrait d’elle, une double merveille. Cependant bien que réduite à une miniature précieuse entre les mains du maître qui en train de former son image, c’est elle qui fait son portrait en grand format. Un tel renversement interprétatif s’avère recevable dans la mesure où une autre œuvre de Sofonisba Anguissola met en scène avec la même subtilité la relation maître/élève, artiste mâle/artiste femme : l’Autoportrait avec Bernadino Campi 15 , peintre qui, à la demande d’Amilcare Anguissola, leur père, enseigna la peinture à Sofonisba et à sa sœur Elena de 1545 à 1549. Ici comme dans l’œuvre précédente, sous l’apparence d’un portrait tout à l’honneur du maître qui fit d’elle une femme peintre, se constitue une image où elle s’affirme pleinement comme artiste. Elle s’y émancipe de l’image de la belle femme comme visée et thème pour l’artiste mâle tout en semblant y souscrire. Elle y transcende à son avantage bien qu’en toute discrétion le rapport maître-élève, la hiérarchie entre cause matérielle (elle) et cause formelle (Campi) et elle le fait grâce à un dispositif qui constitue véritablement une invention. Une invenzione, c’est-à-dire le type même de procédé intellectuel qui selon les théoriciens de l’art du Cinquecento distinguait l’artiste véritable. À première vue, si l’on prend la scène « au pied de l’image », il semble qu’effectivement Sofonisba se rende à l’avis de Salviati qui évoquait dans la lettre à Campi de 1554 « la bella pittrice cremonese, vostra fattura » et qu’elle intériorise un des lieux communs de l’idéologie dominante du discours artistique de son temps : le créateur mâle-Pygmalion forge à partir de la matière picturale un portrait d’elle comme il donna forme et identité d’ « artiste à succès » à la jeune fille qu’elle était. C’est lui qui appelle 14 15
Aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Boston. Sur ce tableau, je renvoie aux analyses produites par : Mary Garrard, “Here’s Looking at Me” inRenaissance Quarterly, 47, n° 3, 1994 ; Fredrika H. Jacobs, “Women’s Capacity to Create: The Unusual Case of Sofonisba Anguissola”inRenaissance Quarterly 47, n°1, 1994 ; Whitney Chadwick, Women, Art and Society, Londres, 1990
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l’attention sur elle, c’est lui qui commémore son identité en la peignant. Il peint, il est actif ; elle est peinte, elle est passive. De même, dans la fiction de l’espace du tableau, en passant de l’image plane posée sur le chevalet à la figure du peintre au travail, il semble que l’effet de présence le plus puissant s’attache à la personne de Bernardino Campi. Toutefois, la composition du tableau, par un effet de chiasme, retourne implicitement comme un doigt de gant, le signifié explicite et leur rapport de causalité. Dans l’espace fictif de la représentation est mis en scène, mimé et incarné le lieu commun de la femme peintre « créature » du maître. Mais si, délaissant l’évidence première —le dit du représenté— on se prend à analyser la composition, à penser les relations virtuelles entre le champ et le hors-champ qu’induisent le jeu des regards et la posture, si on considère les différents degrés de réalité des figures portraiturés, c’est alors le non-dit qui se laisse percevoir. C’est l’idea, le concetto, l’invenzione de Sofonisba Anguissola qui métamorphose la simple copie, le ritrarre, du portrait (ritratto) en un imitare. Et cette idea n’est autre que l’affirmation d’un pouvoir créateur comparable à celui de l’artiste mâle, le désir de reconnaissance, l’affirmation de sa réussite, toutes choses que l’impératif de modestie, de silence et de discrétion oblige la femme à taire. Campi est-il en train d’achever le portrait de Sofonisba qui poserait hors champ, à la place du spectateur, ainsi que semble l’indiquer le regard par-dessus son épaule ? Jamais un modèle ne pose dans le dos du peintre mais toujours audelà de la toile. Pour la même raison, il ne s’agit pas d’un portrait réciproque, d’ailleurs difficilement réalisable. Outre le fait qu’aucun portrait de Sofonisba par Campi ne soit connu, le tableau sur le chevalet de façon générique ressemble à beaucoup d’autoportraits d’elle. Feignant de peindre une œuvre déjà peinte par celle qui s’y trouve représentée, Campi devient ainsi un pseudo-Pygmalion. Il apparaît à première vue comme créateur (de la représentation) d’une personne artistique qui est en réalité la création de cette personne elle–même. De modèle passif dans l’espace de la fiction, Sofonisba devient hors-champ le sujet actif, créateur et du portrait de Campi et du sien propre. En outre, l’agencement des deux figures leur confère une importance inverse à leur degré de réalité. Contrairement à l’usage, le tableau dans le tableau auquel le peintre travaille est en grand format et présenté de façon presque frontale : parce stratagème, Sofonisba peinte occupe l’axe central du tableau, domine en taille et en hauteur et donc en présence la figure latérale de Campi peintre. Mais, plus importante que la Sofonisba peinte, c’est la Sofonisba peintre, invisible vers laquelle sont tournés les regards. La passivité de la belle pittrice, « fattura » de Bernardino Campi, jouée à première vue dans cet autoportrait doit donc être comprise davantage comme une stratégie que comme un consentement à l’idée de l’infériorité féminine. Sans exclure l’hommage rendu au maître, il semble que Sofonisba qui allait grâce à sa renommée être appelée à la cour de Philippe II d’Espagne en 1559, ait choisi délibérément un parti pris bien plus efficace pour se promouvoir que si elle s’était représentée elle même peignant son autoportrait. En en appelant à la validation d’un artiste mâle, elle cache son ambition et la rend recevable. Elle utilise sciemment la figure « autorisante » de Campi pour affirmer son moi artistique, comme rampe de lancement. Il importe de rappeler que Campi, parti de Crémone en 1549 pour rejoindre les cours du Nord et de Milan, n’y reviendra qu’en 1562 ; Sofonisba ne l’a donc pas peint d’après le vif mais en utilisant un portrait ou un autoportrait perdu. Que cela fût une stratégie mûrement pensée, une idea, une invenzione, telles qu’en conçoivent les artistes mâles et dont l’absence présumées chez les femmes « dénuées d’esprit » explique leur infériorité artistique, c’est ce que confirme le 245
repentir découvert lors des restaurations effectuées en 2002. Initialement, Sofonisba avait peint son avant bras gauche levé de telle sorte qu’elle semblait ainsi guider la main de Campi. Audace à laquelle elle renonça à dessein, préférant plus stratégiquement respecter en apparence le rapport maître/élève, et donner en quelque sorte raison aux propos de Salviati. Même si le succès de la jeune femme et de l’élève dépasse à la fin des années 1550 celui de l’homme et du maître : à partir de 1559 elle peint pour le plus puissant monarque d’Europe tandis que Campi ne peint que des princesses d’Italie du Nord.
Femme ou peintre ? Le cas de Sofonisba Anguissola, de manière exemplaire permet de comprendre dans quelle mesure l’artiste femme, à partir du moment où elle acquiert une visibilité dans le monde de l’art, a dû adopter une stratégie paradoxale pour affronter les postulats théoriques qui la privaient traditionnellement d’une subjectivité artistique : échapper d’une part aux lieux communs qui dominaient la réception de son autoportrait et en minimisait la portée, référer d’autre part à ces mêmes lieux communs qui en rendaient possible la réception. À l’instar des nombreuses femmes peintres reconnues, elle fut contrainte de se positionner entre deux voies également périlleuses : (se) viriliser pour quitter le champ étroit d’un art « de femmes », recourir à des marqueurs « féminins » pour démontrer que l’œuvre « qui pourrait avoir été peinte par un homme » était bien celle d’une femme. La capacité d’invention qui fut reconnue à Sofonisba Anguissola, dans la mesure où elle la distinguait de la « femme ordinaire », et de l’opinion commune « masculiniste » quant à ce dont une femme est capable, confirme le paradoxe autant qu’elle justifie « le miracle de la nature » que les critiques ont reconnu en elle. Caractère miraculeux ou merveilleux qui n’est pas lui aussi sans confirmer le paradoxe : en effet, comment la femme artiste peut-elle être à la fois un phénomène innaturel en tant qu’artiste et un représentant du genre féminin en tant que sujet incarné et donc sexué ? Vasari avec un enthousiasme sincère, a rendu compte de la réalité nouvelle et remarquable que constitue la présence des femmes sur la scène artistique de son époque. Son attitude est délibérément philogyne quand il affirme pouvoir dire « avec le divin Arioste et en vérité que ”les femmes ont atteint l’excellence dans chaque art où elles ont mis toute leur application”16 ». Pourtant, bien qu’il ait été l’un des premiers à reconnaître en une femme la qualité par excellence de l’artiste (mâle), il propose une explication qui démontre la puissance des modèles conceptuels hérités du système aristotélicien. Dans ce qui semble l’intention louable de banaliser « l’anormal », Vasari rabat la création féminine sur le biologique, sur l’anatomique—le corps en tant que principe matériel opposé à l’esprit— et sur un processus « mécanique » de reproduction : « mais, conclut-il, si les femmes savent si bien faire les hommes vivants, quelle merveille y-a-t-il à ce que celles qui le veulent sachent les faire si bien peints ?17 ». L’élaboration disciplinaire de l’histoire et de la théorie de l’art à partir de la Renaissance, on l’a vu, porte dans ses objets et ses catégories les marques d’une division sexuelle de la société. La créativité la plus estimée y est celle d’une masculinité choisie et l’art y est défini comme transformation de la matière par l’esprit viril. L’entrée des femmes dans le champ de la création artistique et les débats qu’elle a engendrés à partir du XVIe siècle, ont réactivé de manière symptomatique la question du sexe de 16 17
Vasari, Vie de Properzia de’Rossi, op. cit. Ibid.
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l’art ; elle a opéré un bouleversement ontologique, en troublant les distinctions « naturelles » entre masculin et féminin. Quand le « beau sexe » dispute l’art au « sexe fort », la solution est-elle, comme on a continué cependant à l’affirmer jusqu’à une période récente, de faire échoir à l’un un art féminin et à l’autre un art masculin ?
Bibliographie CHADWICK, Whitney, Women, Art end Society, Londres, 1990 GARRARD, Mary, “Here’s Looking at Me” in Renaissance Quarterly, 47, n° 3, 1994 JACOBS, Fredrika, « Women’s Capacity to Create : The Unusual Case of Sofonisba Anguissola » in Renaissance Quaterly, 47, 1994, pp. 74-101 LACAS, Martine, Des femmes peintres, du XVe à l’aube du XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 2015 LEEMANS, Annemie, « Tra storia e leggenda. Indagini sul network artistico tra Sofonisba Anguissola, Giulio Clovio e Levina Teerlinc », in Intrecci d’arte, n°3, 2014, pp. 35-55 NOCHLIN, Linda, « Why Have There Been No Great Women Artists ? » in Women in Sexist Society : Studies in Power and Powerless, Vivian Gormick et Barbara K. Moran, ed., New York, Basic Books, 1971
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PERLINGIERI, Ilya Sandra, Sofonisba Anguissola : The First Great Woman Artist of the Renaissance, New York, Rizzoli International Publications, Inc., 1992 (Sofonisba Anguissola, Femme peintre de la Renaissance, Paris, Liana Levi, 1992) SUMMERS, David, « Form and Gender » in New Literary History, vol. 24, n°2, 1993, pp. 243-271 WOODS-MARSDEN, Joanna, Renaissance Self-Portraiture : The Visual Construction of Identity and The Social Status of the Artist, Yale University Press, 1998
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Le cinéma des premières cinéastes en Tunisie, en Égypte et au Liban : (re)figurer un peuple au féminin Mathilde ROUXEL1
Rebecca Hillauer ouvre son emblématique Encyclopedia of Women Arab Filmmakers par une série de questions : « femmes arabes réalisatrices – estce qu’elles existent ? (…) Qui sont ces femmes ? Qu’est-ce qui les pousse à faire du cinéma ? Quelles sont leurs expériences, dans une profession encore fortement dominée par les hommes–et de surcroît dans des sociétés profondément patriarcales ?2 ». Des questions qui pourraient sembler naïves, s’il n’apparaissait pas que l’ouvrage de Hillauer, publié pour la première fois en 20013, est un ouvrage pionnier pour une histoire – au féminin – du cinéma arabe. Pratiquement absentes des grands dictionnaires des cinémas d’Afrique ou du Moyen-Orient4, les femmes sont pourtant aux avant-gardes de la création filmique tant au Maghreb qu’au Moyen-Orient depuis les années 1970. Les années 1970 marquent aussi, en Occident, les débuts d’une analyse critique féministe de la création5 ; les historiennes, en particulier, se 1 2
Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle. « Arab women filmmakers – do they exist ? (…) Who are these women ? What drives them ? What are their experiences, in a profession still heavily dominated by men – and in strongly patriarchal societies ? », in. Rebecca Hillauer, Encyclopedia of Arab Women Filmmakers, American University Press of Cairo, Cairo, 2006, p. 3. 3 La première version de ce texte fut publiée en allemand en 2001 : Freiräume – Lebenstraüme. Arabische Filmemacherinnen, Arte Edition, Unkel am Rhein, 2001. 4 Les ouvrages de Roy Armes font références sur cette question : Dictionary of African Filmmakers, Indiana University Press, 2008 ; Dictionnaire des cinéastes du Maghreb, éditions de L’Association des Trois Mondes, Paris, 1996 ; Les Cinémas du Maghreb, images postcoloniales, L’Harmattan, Paris, 2006 ; Dictionnaire des cinéastes du Moyen-Orient, L’Harmattan, Paris, 2012 ; African Filmmaking, North and South of the Sahara, Indiana University Press, 2006. D’autres ouvrages encyclopédiques moins exhaustifs rencontrent encore davantage ce problème : Blandine Stefanson, World Cinema : Africa, The University of Chicago Press, Chicago, 2014 ; Férid Boughedir, Le Cinéma africain de A à Z, éditions OCIC, Bruxelles, 1987. Même lorsqu’il s’agit d’historiennes du cinéma, la difficulté d’un accès aux sources limite les références : Denise Brahimi, 50 ans de cinéma maghrébin, Paris, Minerve, 2009 ; Cinémas d’Afrique francophone et duMaghreb, Nathan université, Pars 1997. 5 Dans les années 1970-1980 se développent en Europe ou aux États-Unis de très nombreuses réflexions sur la question d’une essentialité féminine (ou non) dans le travail de création, notamment cinématographique : Des femmes de Musidora, Paroles…elles tournent, éditions des femmes, Paris, 1976 ; Molly Haskell, La Femme à l’écran : de Garbo à Jane Fonda (From Reverence to Rape: The Treatment of Women in the Movies), éditions Seghers, Paris, 1974 ; Claire Johnston, « Women’s cinema as counter-cinema », Notes on Women’s Cinema, Londres, 1974 ; Laura Mulvay, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen n°16, Londres, automne 1975, p. 6-18 ; Les Femmes et le cinéma, La Revue du cinéma Image et
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sont intéressées aux figures de femmes effacées ou écartées de la grande histoire, trop souvent écrite par des hommes. Il s’agissait pour elles de rendre aux femmes leurs justes lauriers, et de réécrire une histoire au féminin, une HER-story, destinée à équilibrer l’HIS-story traditionnelle6. Dans cette optique, l’universitaire américaine Ella Shohat a tenté en 1996 d’analyser dans un article intitulé « Post-Third-Worldist culture. Gender, nation and the cinema » les premiers films de femmes arabes au prisme du genre et du féminisme7. Ainsi, si pour elle, « les œuvres des féministes tiersmondistes ont refusé l’universalisation eurocentrée d’une essentielle ‘féminité’, et même du ‘féminisme’8 » en soi tel qu’il fut entendu de manière générale en Occident, elle prétend malgré tout retrouver dans les cinémas des femmes nés après l’indépendance des pays arabes un « travail féministe9 ». Cette lecture occidentalisée d’une production féminine arabe se veut néanmoins prudente, puisqu’Ella Shohat précise rapidement son souhait d’inscrire ce « travail féministe » localement, voire nationalement, dans la mesure où selon elle « toute discussion sérieuse d’un cinéma féministe doit engager la question du ‘national’ 10 ». Cet article est en définitive particulièrement important, en ce qu’il discute des films inconnus de la plupart des travaux universitaires s’intéressant au cinéma arabe. Il nous semble cependant nécessaire aujourd’hui de prendre du recul sur ces recherches, certes pionnières, mais d’un militantisme qu’il s’agirait dorénavant de dépasser. En s’intéressant aux premières cinéastes égyptiennes, tunisiennes et libanaises, dont l’analyse des œuvres demeure souvent encore en marge des études cinématographiques, nous chercherons ici à (re)penser la création féminine dans ces régions en pleine mutation dans les années 197011. Revenir sur les discours tenus par les réalisatrices ellesmêmes sur la question de leur rôle dans la création filmique nous permettra rapidement de constater que la plupart d’entre elles rejette catégoriquement l’idée de se faire porte-parole d’une cause qui ne résonnerait qu’au féminin ; loin d’une perspective féministe, leur travail, que nous analyserons, s’intéresse souvent aux marges, aux oubliés de la société. On y trouve des femmes, beaucoup de femmes – mais c’est pour embrasser une cause Son n°283, Editions de la Ligue Française de l’Enseignement et de l’Education Permanente, Paris, avril 1974 ; Le cinéma au féminisme, CinémAction n° 9, dirigé par Monique Martineau, Paris, 1979 ; Jacqueline Aubenas, « Les femmes et le cinéma », Les Cahiers du GRIF, n°7, 1975. Dé-pro-récréer. p. 45-47 ; E. Ann Kaplan, Women and film. Both sides of the camera, éditions Methuen, Inc., New York, 1983 ; Teresa de Laurentis, “Aesthetic and feminist theory rethinking woman’s cinema”, New German Critique, No. 34 Duke University Press, hiver 1985, p. 154-175 ; Emile Breton, Femmes d’images, éditions Messidor, Paris, 1984 ; Paule Lejeune, Le Cinéma des femmes, éditions Atlas-Lherminier, Paris, 1987. 6 Swift & Miller, Words and Women : A New Language in New Times, 1976. 7 Ella Shohat, « Post-Third-Worldist culture. Gender, nation and the cinema », in. Feminist Genealogies, Colonial Legacies, Democratic Features, Alexader and Mohanty, eds., 1996, repris dans Anthony R. Guneratne, Wimal Dissanayake, Rethinking Thrid Cinema, Routledge editions, 2004, pp. 51-77. 8 « Post-Third-Worldist feminist works have refused a Eurocentric universalizing of ‘womanhood’, and even of ‘feminism’ », Ella Shohat, op. cit., p. 52 9 « Feminist work », ibid., p. 53. 10 « Any serious discussion of feminist cinema must therefore engage the complex question of the ‘national’ », ibid. p. 54 11 Si certains films de notre corpus datent des années 1980, nous nous sommes attachée à n’évoquer que des cinéastes ayant commencé leur carrière cinématographique dans les années 1970. Il s’agit bien dans tous les cas de la première génération de cinéastes. Nous limitons notre corpus aux années 1980 en raison de la transformation des perspectives des cinémas des femmes à cette époque-là, engagée par l’arrivée sur le marché d’une nouvelle génération d’artistes et cinéastes femmes, généralement issue des grandes écoles de cinéma européennes.
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souvent bien plus large que les cinéastes s’adressent à elles, celle du trivial quotidien des paysans du delta du Nil ou celle de la résistance palestinienne, celle de l’éducation des jeunes filles dans les campagnes tunisiennes ou celle des déportations des Libanais du Sud pendant la guerre civile. Notre objectif ici sera donc de relire les œuvres de ces femmes cinéastes de la première heure, mais aussi de voir en quoi les portraits qu’elles dressent d’une marge (souvent féminine) généralement effacée des images nous permettent, aujourd’hui, de repenser la femme arabe des années 1970-1980.
(Re)voir la création arabe féminine des années 1970-1980 Parce que la plupart des histoires du cinéma – hormis le fait qu’elles soient écrites par des hommes – propose souvent une perspective très occidentalisée des lectures des œuvres du Sud12, il nous semble important de s’attarder sur la parole des réalisatrices elles-mêmes, afin de justifier une nouvelle interprétation de ces films fondamentaux. Bien qu’elles se soient emparées de leurs caméras dans les années 1970, comme l’ont fait aux ÉtatsUnis, en France ou en Allemagne des femmes pour qui s’est rapidement posée la question du féminisme et du militantisme par l’image, les femmes arabes n’ont que rarement considéré leur travail comme défendant spécifiquement la cause des femmes. Bien que Penda Mbow note dans son article « Femmes et images : la production culturelle chez les Africaines » que « comme les Européennes, [les Africaines] ont pu bénéficier des luttes féministes des années 1960 et surtout des différentes conférences dédiées aux femmes sur le plan international »13, il est dangereux de généraliser cette perspective militante à toutes les femmes actives de la société. Si la forte figure de Hoda Shaarawi, considérée dans tout le monde arabe comme la mère du féminisme arabe, a en effet libéré de nombreuses femmes14, il est rare que celles qui se sont emparées de l’image par la suite aient fait du droit des femmes un combat. En tout cas, dans le cas de l’Égypte, immense pays dont toutes les régions ne profitent pas à égal bénéfice du processus de modernisation de la société promu par Nasser, ou dans le cas du Liban, en proie à partir de 1975 à une désastreuse guerre civile, la question des conditions de vie des femmes n’est qu’un aspect parmi d’autre d’une réalité sociale et populaire que le rôle de l’artiste est de mettre en lumière. Comme le dit Heiny Srour à Rebecca Hillauer qui l’interroge sur ce sujet, « la libération des femmes [au Moyen-Orient] est un luxe pour ceux qui sont toujours en vie »15. Dans la Tunisie de Bourguiba, en paix et en plein développement économique, la question du féminisme apparaît ainsi plus légitime que dans des sociétés en guerre. Le choix de ces trois pays permet de questionner la création cinématographique dans trois contextes politiques et sociaux très variés : la Tunisie progressiste des années 1960-70 n’est pas abattue comme le furent 12 Certains parlent encore en 2004 de « Tiers-Monde » cf. Anthony R. Guneratne, Wimal Dissanayake, Rethinking Thrid Cinema, Routledge editions, 2004. 13 Penda Mbow, « Femmes et images : la production culturelle chez les Africaines », CLIO. Femmes, Genre, Histoire, n°19, 2004, p. 118. 14 Hoda Shaarawi (1879-1947) est une figure forte du féminisme égyptien et arabe. Une anecdote marquante pour l’histoire du féminisme arabe relate qu’à sa descente de train au Caire alors qu’elle venait d’assister en 1923 à Rome à une conférence féministe internationale, elle arracha son voile devant une foule de femmes médusée. 15 « Women’s liberation is a luxury for those who are still alive », propos d’Heiny Srour retranscris par Rebecca HIllauer in. Rebecca Hillauer, op. cit. p. 7.
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les idéologies égyptiennes ou libanaises par la défaite arabe de 1967 contre Israël. En Égypte, la mort de Nasser sonne le glas d’un panarabisme auquel on ne croyait plus. L’arrivée de Sadate au pouvoir en 1970 marque le début d’une nouvelle ère. Dans un pays qui s’ouvre de plus en plus au monde occidental, et qui fait de sa capitale une véritable vitrine au détriment des marges laissées dans l’ombre, un cinéma qui se veut engagé ne questionne pas les mêmes problématiques que sous un régime qui se considère proche du peuple comme c’est le cas en Tunisie. Les Libanais, quant à eux, subissent le contrecoup du conflit israélo-palestinien, et s’engagent dès 1975 dans une guerre civile sanglante, née des dissensions entre les communautés chrétiennes et la présence palestinienne sur le territoire libanais. Trois mondes différents qui, du Maghreb au Machrek, ont pourtant au même moment donné naissance à un cinéma au féminin. Il existait à l’époque une fabuleuse tradition du grand reportage avec des équipes de tournage présentes dans les zones de conflit, qui n’hésitaient pas à prendre des risques pour témoigner d’une situation rapportant des images. Le recours au cinéma, notamment au documentaire, en vue de provoquer ou d’accompagner les changements sociaux, de dénoncer ou de fournir des bases pour l’action, tout cela était très présent quand j’ai commencé. L’effervescence des années 60 continuait d’agiter une grande partie de la jeunesse dans le monde16. Jocelyne Saab, qui confesse ici son admiration pour les grands reporters des années 1960, n’a pas eu de formation à l’image. Libanaise, elle a achevé à Paris les études d’économie qu’elle avait engagées à Beyrouth. Comme le note également Rebecca Hillauer17, la plupart des réalisatrices pionnières dans le monde arabe était autodidacte ; les seules écoles de cinéma se trouvaient de toute façon au Caire ou en Europe. Bien qu’elle soit partie au Canada à la fin de son adolescence, c’est également par expériences que Tahani Rached, cinéaste égyptienne, se forma au cinéma. Après quelques courts-métrages, d’autres réalisatrices comme la tunisienne Selma Baccar ou l’Égyptienne Atteyat El-Abnoudi finirent par suivre une formation, à Paris pour la première, au Caire puis à Londres pour la seconde. La Libanaise Nabeeha Lotfy, pour sa part, fit partie de la première promotion de l’École Supérieure de Cinéma du Caire. Le cinéma des années 1970 se faisait par ailleurs mondialement plus concret, plus en rapport avec la société ; les productions indépendantes de plus en plus nombreuses. C’est de toute évidence exclusivement dans cette catégorie que se rangent les premiers films réalisés dans ces années-là par les femmes. C’est sans doute pour cette raison qu’à la différence des cinéastes européennes, qui se lancent sur le marché à la même époque, les femmes de ces trois pays n’évoquent jamais une impression de discrimination, au contraire : Je ne pratique plus maintenant, mais même les dernières années où j’ai travaillé, j’étais à l’aise, je n’ai jamais senti que j’avais plus de difficultés que les hommes à faire ce que je voulais faire. Au contraire : peut-être même que parfois j’ai même joui de certains petits privilèges par le fait que j’étais femme parce que j’avais une autre manière de demander les choses, de faire mon travail, par le fait
16 Propos de Jocelyne Saab recueillis par Olivier Hadouchi in. « Conversation avec la cinéaste Jocelyne Saab », CriticalSecret, mars 2013, disponible en ligne : http://www.criticalsecret.net/olivierhadouchi-conversations-avec-la-cineaste-jocelyne-saabseveral-conversations-with-filmmaker,106.html. Consulté le 15 mars 2016. 17 Rebecca Hillauer, op. cit. p. 16.
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que je suis très exigeante avec moi-même. Tout ça me facilitait la tâche, je pense. Je suis toujours allée jusqu’au bout des choses18.
La question agace aussi Jocelyne Saab, qui rétorque à un journaliste qui l’interrogeait sur sa pratique (féminine) du reportage pendant la guerre du Liban que « quand on est sur les lignes de feu, qu’on est dans une ville qui est en train de se faire bombarder, je ne crois pas qu’il y ait de distinction entre homme ou femme »19. Le fait d’être une femme, dans son cas, lui a même ouvert quelques portes : intrigués par le personnage, de grands hommes politiques comme Kadhafi ou Arafat ont accepté de s’entretenir avec elle, parfois de manière exclusive20 : elle est la seule journaliste à être montée à bord du bateau qui transportait Arafat du Liban à la Grèce en 198221. Par-delà les inégalités auxquelles elles font face dans le travail, les premières femmes cinéastes de ces trois pays arabes sont également promptes à se défendre de proposer un cinéma féministe, ou du moins féminin. À l’exception de Selma Baccar, qui avec Fatma 75 s’engage catégoriquement dans les rangs du combat pour les droits des femmes, la plupart des réalisatrices de cette époque s’agace de cette étiquette ; Atteyat El-Abnoudi annonce ainsi d’emblée : Je ne veux pas être labélisée comme une réalisatrice de films de femmes, parce que je fais des films sur la vie, et les femmes ne sont qu’une partie de cette vie. Je fais des films sur les gens que je connais, avec lesquels je suis liée – des gens modestes, pauvres. Je filme leurs luttes pour la vie, leur joie, leurs rêves. J’apprends toujours d’eux, de ce qu’ils font et de leur sagesse vis-à-vis de la vie. Je donne une voix à ce peuple. C’est pour ça qu’ils m’appellent « la cinéaste des pauvres gens »22.
Pour elle qui a grandi parmi les travailleurs, et bien que la plupart de ses films ait pour sujet principal une ou plusieurs femmes, définir son cinéma au prisme de sa proximité avec les mères, les épouses, les filles et les femmes libres et indépendantes impose une violente réduction qu’elle refuse d’accepter. Tahani Rached, de la même façon, s’irrite de constater sans cesse qu’on ne lit son travail qu’à partir de l’angle de la présence de femmes dans l’image ; c’est un hasard, nous confie-t-elle23, qui l’amène à ne trouver que des femmes comme personnages forts de ses films. Le contact est manifestement plus aisé, et la confession plus facile ; de même, l’empathie des réalisatrices pour la condition de certains individus (souvent femmes et 18 19
Entretien de l’auteure avec la réalisatrice, Tunis, 2 janvier 2016. Plateau « Raconter la guerre », « Les mercredis de l’information », TF1, 28/10/1981, présenté par Jean-Marie Cavada, émission préparée par Roger Pic, retranscrit par Mathilde Rouxel in. Mathilde Rouxel, Jocelyne Saab, la mémoire indomptée, éditions Dar An-Nahar, Beyrouth, 2015, p. 266. 20 Rebecca Hillauer cite Jocelyne Saab: « They wanted to know who I was, where I came from, what I looked like. Suddenly they had a woman before them who could think, and was an intellectual, who was different from the image they had of women. So I was reveived in fact like a man », in. Rebecca Hillauer, op. cit., p. 5. 21 Ses images ont été montées dans un document intitulé Le Bateau de l’exil et disponible en consultation à l’INA (France). 22 « I don’t want to be labeled as a women’s filmmaker because I make films about life, and women are only a part of this life. I make films about people who I know, who I relate to (class-wise speaking) – humble and poor people. About their struggle to life about their joy, and about their dreams. I still learn from them, from what they are doing and of their wisdom about life. I give the floor to my people to speak out. That is why they call me ‘the poor people’s filmmaker’ », in Rebecca Hillauer, op. cit., p. 11. 23 Entretien de l’auteure avec Tahani Rached, le 20 janvier 2016.
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enfants) est aussi peut-être davantage exacerbée que chez les cinéastes hommes, qui s’identifient manifestement moins à ce type de douleur et de difficultés qui consistent à tenir un foyer en période de misère, voire en temps de guerre. C’est pourtant avant tout pour éclairer les injustices et donner la parole à ceux que l’on oublie que ces premières cinéastes font du cinéma. La volonté, aussi, sans doute, d’entendre une autre voix ; la réalisatrice tunisienne Néjia Ben Mabrouk, par exemple, estimait au début des années 1980 que les hommes « utilisaient [les femmes], utilisaient notre image pour faire des films à leur goût » ; du côté des femmes, « il y avait un silence terrible ». En prenant le point de vue d’une jeune fille du Sud dont le rêve et la lutte sont de partir faire ses études à l’étranger, elle estime avoir fait un film « politique » : « c’est l’analyse de toute une société »24, dit-elle. Une analyse qui, souvent, pose problème : une autre caractéristique commune à ces femmes cinéastes est leur expérience de la censure. Elle a pu être politique : Fatma 75, de Selma Baccar, posait problème au régime en ce qu’il abîmait le mythe construit par Bourguiba autour de sa spectaculaire adoption du Code du Statut Personnel en 1956. Visant l’égalité entre les hommes et les femmes, ce texte abolit la polygamie, impose le consentement des deux époux pour le mariage et crée notamment une procédure judiciaire pour le divorce. Néanmoins, en retraçant depuis le XIXe siècle le combat féministe mené en Tunisie par d’autres grands hommes, hués en leurs temps, Selma Baccar écornait l’image de l’homme providentiel et visionnaire du ra’is. Le film fut censuré jusqu’en 2006 ; c’est par chance et en cachette qu’il put sortir du territoire et tourner le monde grâce à une copie envoyée à un festival néerlandais en 197625. Le Liban dans la tourmente, tourné en 1975 par Jocelyne Saab et interrogeant les origines d’un conflit qui allait se muer en guerre civile, fut lui aussi censuré dans les salles et à la télévision libanaise ; le film, encore criant d’actualité, est toujours inédit au Liban. La cinéaste avait déjà essuyé une censure en 1973 pour un documentaire intitulé Les Femmes palestiniennes, qui risquait visiblement d’accentuer les tensions qui entouraient la visite de Sadate en Israël, prévue peu de temps après26. Le premier long-métrage d’Heiny Srour, L’Heure de la Libération a sonné (1974), pour lequel elle a parcouru, à pieds, plus de 400 kilomètres pour couvrir le soulèvement des Omanais et la place des femmes dans la lutte, fut lui aussi banni dans la plupart des pays arabes ; ce fut pourtant le premier film réalisé par une femme arabe à être sélectionné au Festival de Cannes en 1974, et il reçut un large succès d’estime dans le monde entier. Une autre censure, plus insidieuse, s’abat par ailleurs souvent sur la création indépendante : la censure économique. Tourné en 1982, La Trace de Néjia 24 Françoise Wera, « Entretien avec Néjia Ben Mabrouk », Ciné-Bulles, vol. 8, n°3, 1989, p. 22. 25 Entretien de l’auteure avec Selma Baccar, le 2 janvier 2016. 26 Jocelyne Saab raconte cette anecdote à Nicole Brenez sur le blog hébergé par le musée du Jeu de Paume et animé par Nicole Brenez, « Each Down a Censor Die » : « En 1973, je réalise Les Femmes palestiniennes pour Antenne 2. Je voulais proposer des images de ces femmes, les combattantes palestiniennes en Syrie, qui en avaient si peu alors. Nous sommes alors juste avant la visite de Sadate en Israël, la situation est très tendue. Tandis que je monte le film dans les locaux d’Antenne 2, Paul Nahon, alors chef du service étranger de la rédaction, m’attrape par le col et me sort de la salle de montage. Les Femmes palestiniennes reste au marbre et n’est jamais passé à la télévision. J’en ai déposé une copie aux Archives Françaises du Film à Bois d’Arcy ». Entretien réalisé le 20 décembre 2015, relu par Jocelyne Saab. Disponible en ligne : http://lemagazine.jeudepaume.org/blogs/each-dawn-a-censor-diesby-nicole-brenez/2016/03/15/jocelyne-saab-les-voies-multiples-de-la-censure/, consulté le 17 mars 2016.
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Ben Mabrouk ne sort qu’en 1988 : l’arrêt brutal et inexpliqué du financement de son film par la production belge27 empêche la cinéaste de le terminer. Un long procès finalement gagné lui permet d’obtenir une copie du film, de le mener à son terme et de le projeter. Selon elle, le problème s’est doublé parce que je suis une femme (…) On accepte qu’un homme puisse refuser certaines conditions, il est sur un plan d’égalité, on se dispute puis on finit par se mettre d’accord28.
Le message porté par ces films dépasse la seule dénonciation du sort des femmes : c’est la société toute entière qui est attaquée et critiquée par ces créations d’un nouveau type. Concernant ses films, Atteyat El-Abnoudi parle elle aussi de censure : Bien sûr, j’ai été censurée. Mes films n’ont jamais été diffusés à la télévision, et comme ils sont en 16mm, ils peuvent être projetés uniquement en ciné-clubs. Il n’y a pas de marché du film documentaire en Égypte. J’ai aussi été estampillée communiste parce que mes films s’intéressent au peuple pauvre. Si vous pensez différemment, vous êtes considéré communiste !29
Un cinéma qui (re)conçoit la communauté : une lumière sur les peuples en marge Ces cinéastes commencent à filmer dans les années 1970, et proposent par leurs images la constitution d’une archive autre. Engagées politiquement, nous avançons que ces premières cinéastes avaient cette caractéristique commune de penser l’histoire collective – donc de penser, dans le même mouvement, la possibilité d’un avenir plus juste. En sauvant la mémoire des opprimés, des marginalisés ou des oubliés, ces femmes assurent aux peuples effacés un refuge, par l’image, par l’esthétique cinématographique. Nous analyserons dans cette partie des figures récurrentes du peuple en lutte ou en résistance, souvent mis à l’honneur dans les années 1970 et 1980, particulièrement par les Libanaises et les Égyptiennes – bien qu’à leur manière, des films comme La Trace ou Fatma 75 participent eux aussi à l’écriture d’une chronique des résistances face au système établi. Néanmoins, les images des peuples libanais et égyptiens, plongés dans des situations sociales ou politiques en crise, nous intéressent davantage ici ; la volonté des cinéastes d’arracher à l’oubli à la fois l’image de corps individuels dont la vie a été mutilée et l’œuvre qui naît de leurs rencontres posent à l’analyste un certain nombre de questions qui pourront permettre de dégager les grandes spécificités que nous avançons sur le concept d’une altérité significative proposé par un cinéma au féminin. Car même si elles refusent l’étiquette dangereuse du « film de femmes », il est difficile de ne pas constater que les sujets ou les individualités abordés par les femmes au 27
La Trace est une coproduction belge, allemande et tunisienne. Françoise Wera, « Entretien avec Néjia Ben Mabrouk », op. cit., p. 21. « Yes, of course, I have been censored. My films have never been shown on TV, and since they are on 16 millimeter, they can be shown only in cine clubs. There is no documentary market in Egypt. I have also been labeled a communist because my films are concerned with poor people. If you think differently, you are always called a communist! », entretien avec Kévin Thomas, « Filmmaker Puts a Face on Poverty in Egypt: Movies: Atteyat El Abnoudi uses ‘poetic realism’ in her films, which gracefully challenge the status quo. ‘The camera is always on the same level as the people. I love their faces, I love them.’ What can I do?’ », Los Angeles Times, 21/08/1993. Disponible en ligne : http://articles.latimes.com/1993-0821/entertainment/ca-26001_1_el-abnoudi, consulté le 17/03/2016. 28 29
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cinéma ne sont pas tout à fait ceux auxquels on a l’habitude de se confronter. En tenant à la fois compte du caractère politique – éclairer ce qui restait dans l’ombre relève nécessairement de l’opposition, si ce n’est de la résistance -, éthique – quelle image donner de cette souffrance ? – et esthétique, nous essaierons de déterminer par quels moyens ces femmes s’attachent à réhabiliter des peuples jusqu’ici écartés, méprisés des images officielles. Dans le film de la cinéaste libanaise Nabeeha Lotfy, Because roots do not die (1976), l’horreur et la misère apparaissent en arrière-plan de la vie. Nous sommes au Liban, dans le camp de réfugiés palestiniens de Tell el-Zaatar, après le massacre perpétré par les milices des Phalanges chrétiennes en 1976. Le film s’ouvre sur une rue du camp, où femmes et enfants s’affairent, travaillent le pain, transportent l’eau. Des images d’archives nous laissent imaginer l’horreur du massacre. Parmi toutes les protagonistes possibles, la caméra s’arrête en contre-plongée sur une femme qui raconte l’attaque dont ils, Palestiniens, ont été victimes au camp. Sa voix, pleine de vigueur et de vie, rythme les images de bourreaux masqués de blancs, anonymes, lâches, qui défilent sur l’écran. La femme parle longtemps ; Nabeeha Lotfy ne coupe pas son témoignage. Elle parle de la mort de son fils, de sa vie de malheur ; son attitude, ferme et droite, affiche les stigmates d’une violence interne née du refus – refus d’accepter, refus de baisser les bras, d’abandonner la lutte. Par son choix de faire de cette femme la première porte-parole des Palestiniens du camp de Tell el-Zaatar, la cinéaste rend aux femmes – premières massacrées avec leurs enfants par les milices offensives – un droit de réponse. La parole coule à flots, libératrice, comme pour combler les manques d’une vie mutilée. Sur une chanson de Cheikh Imam défilent des photographies – on y voit des résistants, des résistantes, beaucoup de résistantes, des enfants. Les hommes, dans ce film, ne sont montrés qu’au combat, s’ils ne sont pas déjà morts. Suite à ce retour dans l’histoire et ce tour du territoire, Nabeeha Lotfy rend à celles qui ont survécu leur droit à l’expression. Elle prend part à un groupe d’amies, six ou sept femmes, de tous âges, qui semblent avoir cent ans tant les plis qui creusent leur visages expriment l’horreur vécue. La cinéaste effleure avec beaucoup de respect ces corps à vif, qu’une seule étincelle ferait éclater en sanglots. Les visages n’apparaissent en gros plan que lorsqu’ils s’expriment, s’épanchent sur leur lutte et leur misère, leurs combats passés et leurs espoirs, toujours pérenne, en l’avenir. Là encore, le soutien de la résistance à ces femmes apparaît dans le film via la longueur accordée à ces histoires de femmes – de chefs de foyer, de famille et souvent de village ; on comprend tant par l’insistance de ces femmes à dire les choses que par celle de la cinéaste à vouloir tout montrer (les larmes, les moues de colère, les soupirs de désespoir, les rires et la force qui les anime) la douleur d’être entre deux pays, entre vie et mort, résistance et abandon. De ces quelques expressions individuelles naît la figure du peuple palestinien, perdu dans un monde précaire et transitoire qui leur est hostile, mais qui porte et nourrit la mémoire qui y grandit. Les enfants abondent dans ces rues détruites ; ils s’épanchent eux-aussi, et leur regard profond exprime tristement une enfance perdue, celle à laquelle ils n’ont jamais eu droit. Proche de ses personnages, pleinement acquise à la cause, la caméra tente d’enregistrer les dernières traces, les gestes qu’on lui offre, les mots et l’énergie d’un peuple à réinventer. Entre ces témoignages, des images de la vie au camp, le quotidien et la résistance ; le film s’arrête sur le visage d’une jeune fille en plein entraînement sportif, en arrêt sur image sur son visage lumineux, le regard projeté vers l’avenir et les traits animés par un espoir teinté de courage. Ce procédé d’arrêt sur image 256
survient à plusieurs moments du film – bien que cette image finale soit la plus forte et la plus symbolique d’entre toutes : stoppant dans leur élan la marche des instants les plus fulgurants, elle annonce par-là même les limites du cinéma, dépassé par la vie dont elle témoigne mais sur laquelle il ne peut agir qu’au passé. Mémoire des luttes, le cadre de l’image n’enferme jamais la révolte qui s’y déploie. Libanaise elle aussi, Jocelyne Saab est restée à Beyrouth en 1982, lorsque les troupes israéliennes tenaient le siège de Beyrouth-Ouest. Elle est descendue dans les rues, tenant à rendre compte du désastre d’une guerre civile qui n’en finit plus. Dans Beyrouth, ma ville (1982), elle apparaît même à l’image, pour faire avec nous, spectateurs, le constat de la disparition d’une tranche d’histoire libanaise, partie en fumée avec sa maison, resplendissante demeure bâtie cent cinquante ans plus tôt. Parce qu’elle atteint de plein fouet la cinéaste elle-même, cette guerre ne semble pouvoir être dite que par une caméra interne à ce désastre. Jocelyne Saab généralise sa douleur à l’échelle de celle de tous ses compatriotes : « [cette maison], c’est mon identité aussi. C’est l’identité de tous les Libanais, qui perdent leur maison ; on ne sait plus qui on est30 ». Suite à cette remarque, Jocelyne Saab quitte l’image, et se remet à parler des autres. Et c’est précisément parce que la cinéaste est elle-même exposée qu’elle peut filmer la violence que subissent les corps : les premières images qui suivent son intervention sont celles de corps souffrants, mutilés, des femmes, des enfants, peut-être orphelins désormais, le visage défiguré par la douleur et la peur. En parlant à la première personne (« la guerre a pris son temps – ou plutôt, elle a pris notre temps »31), Jocelyne Saab peut enregistrer l’exposition des corps face à un conflit qui les dépasse. Elle filme les quelques téméraires qui se risquent à sortir dans la rue pour trouver dans les poubelles de quoi se nourrir ; des femmes, souvent, puisque les hommes se battent. En filmant ces âmes solitaires, elle filme une absence, cette absence de la place vidée après les combats. Comme le traduit le titre du film qu’elle réalisa trois ans plus tard, Une vie suspendue (1985), le temps, chez Jocelyne Saab, se ralentit. La voix off donnant souvent seule la parole aux images, des images se déployant prudemment, sans précipitation, on sent que l’Histoire, en cette période de siège, se fige comme à l’approche du danger. Ce n’est plus tant un droit de parole qui est donné par Jocelyne Saab aux personnages qui traversent son film ; en ces moments de doute et d’avenir incertain, c’est un silence de recueillement qui domine. Silencieuses sont les images des blessés comme silencieuses sont celles des corps nus et décharnés des orphelins ayant survécu au bombardement de l’hôpital où ils étaient pris en charge. Une chanson à l’honneur de la ville couvre et accompagne les images des femmes qui travaillent au ménage, à la cuisine, qui partent au marché, entourées d’enfants ; comme si les mots pour décrire l’horreur n’existaient plus que sous forme poétique – comme ceux du texte de Roger Assaf, lu en voix-off. Les visages, pourtant, sont souvent bienveillants ; la caméra suit un enfant pédalant sur sa bicyclette, comme poursuivant sa liberté. Les hommes et les femmes croisés au souk sont souriants, fraternels ; ils ne se prononcent plus dans l’espace du film comme chez Nabeeha Lotfy, mais ils sont animés par une flamme vitale que Jocelyne Saab s’emploie à saisir et à figurer, même au cœur des situations les plus dures. À sa façon, la caméra de Jocelyne Saab est une arme de lutte ; elle filme la vie derrière la violence comme elle combat l’absurde d’une guerre civile que personne ne comprend. Après une séquence d’explosion nocturne spectaculaire, Jocelyne Saab filme les visages 30 31
Jocelyne Saab, à l’ouverture de son film Beyrouth, ma ville (1982). Ibid.
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des Libanais qui sont encore là, qui résistent ; elle filme la solidarité, elle filme Beyrouth-Ouest réunie pour célébrer les forces palestiniennes, forcées de quitter le pays, et soutenir, malgré la douleur, la cause des réfugiés qui leur semble juste. À Sabra, à Chatila, les femmes pleurent toujours les disparus, et les enfants ont perdu leur jeunesse. Mais les images sont là pour leur donner refuge et offrir à ces peuples martyrisés une mémoire et un espace de recueillement poétique, nécessaire à l’expiation de la colère et à cette lutte pour la survie dans laquelle ils sont tous manifestement engagés. C’est un autre procédé auquel s’est livrée Tahani Rached en 1983 avec Beyrouth ! À défaut d’être mort. La réalisatrice égyptienne, qui travaille alors depuis quelques années à l’Office National du Film à Montréal, est venue à Beyrouth filmer les conséquences d’une guerre qui, comme le racontait déjà Jocelyne Saab, a dépossédé des centaines de familles. Un chant plaintif a capella ouvre le film ; c’est d’une vieille femme qu’il émane, résistante, combattante, dévastée par le malheur qui s’est abattu sur sa ville mais toujours là, en révolte. Tahani Rached choisit de donner exclusivement la parole à ceux qui n’ont plus rien. Pas de voix off, sauf pour expliquer, en préambule, comment tout cela a commencé ; ce sont les concernés qui prennent en main le discours et qui font le constat d’une injustice insoutenable. La poétesse est ici cette vieille femme, qui domine les images et structure le film de Tahani Rached. Ses chants et ses invectives viennent rythmer les témoignages de ces musulmans abandonnés, qui ont fui Beyrouth-Est à majorité chrétienne pour se réfugier sur les plages de Beyrouth-Ouest. Beyrouth ! À défaut d’être mort nous plonge dans un quotidien temporellement marqué, celui-là même que voulait surplomber Jocelyne Saab, qui préférait montrer de son peuple sa puissance de vie, de résistance ; chez Tahani Rached, la résistance est bien là, mais on la saisit par des mots, des révoltes singulières. Comme chez Nabeeha Lotfy, les femmes se réunissent pour trouver des solutions, et peuvent dévoiler la souffrance du quotidien de leurs familles, de leur entourage. Dans ce film, Tahani Rached est partie à la recherche des figurants qui hantent l’histoire, ceux à qui on ne donne plus de nom et que l’on oublie. S’ils demeurent anonymes, la réalisatrice leur donne toutefois un visage, une voix – en somme, ce que Didi-Huberman conçoit comme un « pouvoir de faire face32 ». Les différentes séquences de témoignages proposés par la cinéaste sont ponctuées par des portraits : il s’agit chaque fois d’un ou plusieurs visages sur une image de type photographique, qui aurait été comme déchirée par endroit et redessinée au crayon noir. Entre l’actualité de la couleur et ce renvoi à l’archive que figure le noir et blanc, entre le réalisme de la photographie et l’artifice du dessin, Tahani Rached nous renvoie avec ces portraits au principe de la conception de l’histoire, de la mémoire. Redessiner des portraits individuels pour offrir une image de la collectivité, offrir le croquis archivé par l’image cinématographique d’un espace où le peuple persiste, par ses mots, par sa révolte. Face à cette femme, qui explique calmement qu’elle est devenue folle depuis que sa famille n’a plus rien, résonne l’appel à l’aide de tout un peuple. « Je suis Libanaise, et face à une telle situation, je me sens moi-même étrangère dans mon propre pays », concède une autre femme. Pourtant, derrière la violence de ces mots affleure la vie que captait déjà Jocelyne Saab : la fraternité est partout présente, et la vie continue – les lessives, la cuisine, et toujours, la même triste récolte de ce qui est récupérable parmi les déchets de la ville. Une lutte pour la survie, ou une résistance au quotidien pour se prouver que l’on existe encore. « Ils sont partis à l’étranger avec leur enfants ; ils ont 32
Voir Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants. L’œil de l’histoire, t.4, Les éditions de Minuit, Paris, 2012.
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laissé les pauvres se faire tuer ici », scande la vieille femme ; mais la jeune lessiveuse porte toujours une boucle d’oreille dorée et les enfants continuent à trouver des terrains de jeu où la joie semble demeurer. En refusant toute vision totalisante et en s’approchant ainsi des individus qui composent la foule des anonymes, Tahani Rached a su mettre en place une vue immanente qui permet de mieux appréhender et de se souvenir de cette communauté en souffrance. Elle prend par-là sa responsabilité d’artiste et rend à chaque visage du peuple « pauvre » son pouvoir d’exister et d’être digne. Parce qu’elle aussi filme la vie, elle parvient avec quelques histoires individuelles à figurer l’idée du commun et à comprendre, comme le faisaient Jocelyne Saab et Nabeeha Lotfy, les aspirations des peuples jetés dans l’ombre.
Portraits de femmes : (re)penser l’être féminin dans le monde arabe Qu’il s’agisse du peuple libanais ou du peuple palestinien, les films que nous avons évoqués semblent bien nés pour combattre une uniformisation des voix et des images, et lutter contre la disparition des visages des marges étouffées. Durant les décennies 1970-1980, les films des premières cinéastes offrent ainsi aux exclus une visibilité qui les propulse dans un espace de représentation tant politique qu’esthétique et les font ainsi rentrer dans l’histoire – l’histoire des peuples et celle des images. Elles bâtissent ainsi dans le film cet « espace de visibilité partagé33 » qui est une condition de possibilité d’une existence collective et d’apparition des peuples dans leur diversité. Ces films – ces femmes – choisissent souvent de montrer ce que l’on ne voyait pas nécessairement habituellement – ou que l’on ne voyait pas de la même façon34. Même si certaines cinéastes s’en défendent, il apparaît ainsi manifeste que les femmes (et les enfants, qui font souvent partie du quotidien des femmes et de leur vie) sont bien plus présents dans ces filmographies que dans des films réalisés à la même époque par des hommes. Les films que nous analysons accueillent souvent comme élément central l’expérience d’une femme et discutent, de fait, des problèmes autres. Cette création féminine, que nous avons choisi de repenser dans une perspective plus universaliste, permet donc malgré tout de repenser aussi le féminin ; la parole, le corps et le combat des femmes sont au cœur du corpus qui nous intéresse. La figuration poétique des peuples dont nous avons fait état ne survient pas seulement lorsque les corps sont engagés dans un conflit physique dont ils doivent se défendre ; elle apparaît aussi dans les combats singuliers, des luttes plus spécifiques. La problématique liée aux conditions 33 34
Georges Didi-Huberman, op. cit. p. 56. C’est une idée qui parcourt toutes les analyses féministes du cinéma des femmes et que nous partageons. Citons sur ce sujet et à titre d’exemple un passage de l’article de Brigitte Rollet, « Femmes cinéastes en France : l’après-mai 68 », CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 10, 1999, disponible en ligne : http://clio.revues.org/266, consulté le 15 mars 2016 : « Les ‘pionnières du cinéma’ étaient à leur façon des rebelles (…) Un autre aspect majeur, dès lors que l’on s’intéresse aux ‘films de femmes’, est le choix des sujets. Qui dit cinéma au féminin ne devrait pas nécessairement dire histoires de femmes. L’on ne peut nier cependant que les réalisatrices des films documentaires (surtout) mais aussi de fiction choisissent le plus souvent une perspective féminine (à défaut de féministe) et créent des personnages féminins loin des stéréotypes de la féminité acceptés et parfois revendiqués par une grande majorité des cinéastes masculins. (…) L’on peut ajouter à cela qu’une tendance se dessine dans les films de fiction qui choisissent souvent de montrer ce que l’on ne voyait pas nécessairement, ou pas de la même façon (l’on revient alors à l’idée de ‘filmer autre chose’). »
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de vie des femmes questionne un drame humain avant d’être une cause féministe. Dans cette dynamique, il apparaît que le premier cinéma des femmes, en montrant les peuples autres, propose aussi des images de femmes qui donnent de la vie une vision contrastée de celle traditionnellement véhiculée. Sans le faire au nom du féminisme, les différentes cinéastes de cette période offrent des portraits qui convergent vers une recomposition du tableau historique. Elles offrent ainsi des visages féminins qui se font acteurs de l’événement, et non plus simplement renvoyés à l’arrière-plan du drame en cours. Par l’éclairage de détails jusque-là invisibles, les films proposent des éléments à la constitution d’une contre-histoire, ou en tout cas apportent une aide précieuse à qui veut mesurer l’écart des représentations entre une certaine réalité dépeinte dans ces films et l’histoire officielle. Les témoignages de femmes, comme ceux que proposent des films comme Because roots do not die ou Beyrouth ! À défaut d’être mort sont donc des clés pour comprendre une certaine réalité de la vie des femmes arabes dans le présent du film. Certaines cinéastes, personnellement concernées par cette question, s’attacheront à historiciser cette situation particulière de la femme dans leurs sociétés. Heiny Srour, qui en 1974 filmait la lutte de libération des femmes omanaises dans L’Heure de la Libération a sonné, propose une vraie réflexion sur l’écriture de l’histoire – et sur ceux qui l’écrivent – dans Leila et les loups (1984). Le film se présente rapidement comme une critique implicite de toutes les factions politiques du Moyen-Orient dans leur rapport entretenu avec les femmes. En reprenant la structure narrative des 1001 nuits, Heiny Srour plonge le spectateur dans un retour à l’histoire du rôle joué par les femmes dans les luttes de libération nationales en Palestine et au Liban, et du refus de la position de soumission qu’on leur a imposée. Leila, le personnage éponyme du film, est une jeune Libanaise. Elle est alors à Londres, où elle travaille à une exposition de photographies sur la Palestine. Sur les clichés qui ont été choisis, pas de femmes ; il paraîtrait que les femmes là-bas n’ont rien à voir avec la politique. C’est du moins la réponse qu’on apporte à sa surprise et qui constitue le point de départ de son enquête. Elle se lance ainsi dans un voyage à travers le temps qui débute dans les années 1920. Au cours de la révolte palestinienne contre les troupes britanniques de 1936-1939 reconstituée par Heiny Srour, on les voit récupérer les munitions perdues, apporter eau et nourriture aux hommes sur le front, et prendre à cœur cette lutte qu’elles font leur bien qu’elles soient méprisées, battues et dénigrées par les hommes qui les entourent alors. Au Liban aussi, au fil des luttes et des conflits, les femmes sont présentes et prennent la parole dans les débats, agissent sur le front et font leur un combat généralement pensé au masculin. Les figures de femmes se multiplient, éclairant dans un même mouvement l’oppression qui les étouffe et la résistance qui les anime. On y voit tant des combattantes que des femmes qui soignent, nourrissent et protègent ; la meilleure réponse trouvée par Heiny Srour à la propagande de guerre propagée par le patriarcat est de proposer un tableau nuancé et contrasté, destiné à éviter les clichés qui ponctuent trop souvent de héros l’histoire écrite au masculin. Avec ce systèmed’histoire dans l’histoire, de mise en abymeperpétrée par la légendaire Shéhérazade, Heiny Srour offre un film original aux images fortes qui composent tant avec l’histoire et les archives documentaires qu’avec le mythe et la fiction cinématographique. Ces choix formels lui permettent d’incarner le courage des femmes dans une nouvelle conception de l’Histoire exaltée par la forme narrative éclatée et captivante du film. Féministes et indignées, les 260
Tunisiennes aussi se sont posé la question de la conception d’une histoire des femmes, au passé comme au présent. Le Code du statut personnel (CSP) entré en vigueur sous l’impulsion de Bourguiba en 1956 offrait aux féministes un droit à la parole sans précédent dans les sociétés arabes. Engagé près de dix ans avant la sortie du film d’Heiny Srour, le projet de Selma Baccar de dresser un historique du féminisme tunisien dans Fatma 75 (1975) relève ainsi d’une dynamique générale impulsée par la politique nationale. Selma Baccar est considérée comme la première tunisienne réalisatrice de films ; Fatma 75 se distingue pourtant par sa forme elle aussi documentaire et fictionnelle, très originale pour l’époque. À partir d’un artifice narratif – la jeune Fatma doit réaliser un exposé sur l’histoire du féminisme en Tunisie -, Selma Baccar replonge dans les archives des premier-ère-s militant-e-s pour la cause des femmes. Entre textes ou images d’archives et reconstitutions historiques, la cinéaste redonne aux femmes oubliées de l’histoire un visage et un rôle. Elle propose et figure également l’idée centrale d’une récupération par les femmes de leur corps ; dès le début du film, l’abandon du voile est présenté comme instrument féministe et objet de conflit entre tradition et libération. Les époques sont traversées jusqu’aux grandes avancées permises par le CSP, et l’espoir d’une poursuite de la lutte. Dans le cas d’Heiny Srour comme de Selma Baccar, le film semble un moyen d’offrir un important recul sur le passé. La linéarité du temps est éclatée par les renvois persistants au temps présent de la narration ; cela permet de faire remonter la mémoire enfouie des mots et des images du passé, enrichie d’une analyse contemporaine qui lui donne un poids intéressant dans l’idée d’une conception renouvelée du féminin. Ces films œuvrent ainsi à l’écriture d’une histoire plus juste, plus égalitaire et aux voix multiples. Au-delà de l’idée d’un peuple figuré dans une multitude de portraits et d’une histoire qui s’écrirait au féminin grâce à un retour panoramique sur le passé, d’autres cinéastes ayant débuté leur carrière dans les années 1970 ont su proposer une lecture de l’histoire des femmes et des peuples par le biais d’un unique portrait. Sans accepter pour autant que le singulier puisse figurer à lui seul le collectif, nous pouvons cependant lire dans le brillant portrait documentaire d’Atteyat el-Abnoudi Permissible Dreams (1984) ou dans le parcours suivi de Sabra dans La Trace de Néjia Ben Mabrouk (1988) un autre aspect, plus approfondi, de ces séries de tranches de vie que nous parcourons depuis le début de cette article. Atteyat El-Abnoudi plonge son cinéma dans un présent immédiat. Elle n’a, du moins dans ses premiers films, jamais recours à l’archive, comme si le monde actuel ne lui laissait pas le temps de regarder en arrière ; en filmant une femme qui a vu sa vie filer, hors de contrôle, entre ses doigts, on comprend que documenter le présent apparaisse comme une urgence. Atteyat El-Abnoudi filme le monde d’où elle vient, celui de la campagne égyptienne et de ses paysans, mais elle le montre tel qu’elle le voit. Loin des clichés, ses films d’une sensibilité qu’elle qualifie elle-même de « réalisme poétique » 35 , donnent à voir des personnages allant à contre-courant des images traditionnelles. Permissible Dreams fait le portrait d’Um Said, une femme qui brille à l’écran par son intelligence maligne, faisant d’elle, en dépit de son analphabétisme, la gérante de la famille. Grâce à sa pleine conscience des manquements de sa vie et grâce à son caractère forgé aux plus rudes expériences, elle tente de 35
Voir par exemple dans l’entretien réalisé par Rebecca Hillauer avec la réalisatrice, in Rebecca Hillauer, op. cit. p. 45.
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conduire les siens vers un avenir meilleur. Um Said apparaît seule à l’écran, racontant avec humour et recul la vie qu’elle a passivement subie, ou travaillant avec ses enfants, voire se disputant avec son mari sur des questions de logistique de la ferme. On prend ainsi conscience du surmenage des femmes en milieu rural, du mépris qu’elles essuient de la part des hommes et de la force qui les tient et les aide à toujours se battre. Le discours semble d’une liberté rare, car la cinéaste est aux côtés de celle qu’elle filme : la confiance est là, manifestement. La critique palpable dans le film trouve sa source dans le discours même de cette femme, qui relate avec une conscience cynique la tragédie de son existence, la tête haute et le regard planté dans l’objectif. Um Said est consciente de ses limites, ou plutôt de la limite de ses rêves. Mais si elle n’a eu droit à aucune prise sur sa vie, son combat quotidien est d’œuvrer doucement à la transformation de ce statu quo qu’elle a toujours subi ; elle a profité de la mort du beau-père pour inscrire sa dernière fille à l’école, et continue à lutter contre son mari pour qu’elle y reste. Tout est encore à faire, et il s’agit de ne pas arrêter de rêver – dans la limite de ce qui semble permis. La Trace apparaît un peu comme une réponse au discours d’Um Said : les rêves de Sabra sont bien plus ambitieux que ceux qu’avait pu se permettre le personnage d’Atteyat El-Abnoudi. Sabra, qui déjà enfant jouait à la toupie et suivait les garçons à bicyclette, souhaite étudier – de surcroît à l’étranger. Le film critique cette opinion générale qui fait de Bourguiba le grand libérateur des femmes : son libéralisme n’a semble-t-ilpas encore atteint les campagnes à l’écart de la capitale lorsqu’elle commence son film en 1982. Dans une région où les traditions sont encore très fortes, c’est une véritable lutte que doit mener la protagoniste pour réaliser ses rêves. Plongé dans une atmosphère qui traduit la claustrophobie du personnage, le film use de symboles clairs pour dénoncer le caractère liberticide de certaines coutumes. Elle s’oppose ainsi aux croyances angoissées de ses parents, à sa mère, qui enferme dans une boîte-talisman la virginité de sa fille, à son père, qui voudrait faire d’elle une Um Said tunisienne. Sabra est une jeune femme révoltée, parfois dure : Néjia Ben Mabrouk a véritablement incarné la révolte de celles qui ont été écartées des bénéfices du CSP dans le personnage de son film. S’il nous semblait important de rappeler que les premiers films de femmes arabes n’ont pas été conçus dans une perspective féministe, et qu’ils offrent un nouvel éclairage – lequel mérite encore d’être mieux considéré – sur l’ensemble de l’expérience arabe, il apparaît toutefois opportun d’étudier les différentes images de femmes qui ne manquent toutefois pas de peupler leurs films. Qu’il s’agisse de l’Égypte, du Liban ou de la Tunisie, les premiers films réalisés par des femmes s’attachent à une actualité socialement ou politiquement problématique et tentent d’éclairer les parts d’ombre, délibérément mises à l’écart des discours principaux ; ils épousent le devenir des événements qu’ils accompagnent et rappellent que les protagonistes de l’Histoire ne se déclinent pas tous au masculin. Quelques images fondamentales cependant circulent de manière récurrente à travers ces films – des portraits de femmes fortes, des moments de prises de décision, une responsabilité incontestable assumée avec poigne par celles qui sont à l’écran. Cette filmographique transnationale forme un chapelet de séquences de vies, autonomes par elles-mêmes mais qui dressent, ensemble, une certaine image des femmes arabes ouvrant la possibilité d’écrire une histoire complexe, nuancée. Saisir l’énergie qui anime ces corps de femmes, partout présents et toujours actifs dans les films que nous avons évoqués, permet surtout de représenter la collectivité dans laquelle elles s’inscrivent 262
activement : c’est bien là d’ailleurs le projet général de ces femmes cinéastes, qui prennent fait et cause pour ce que le cinéma traditionnel a voué à l’invisibilité – les marges sociales et les inégalités auxquelles elles se confrontent. En filmant les révoltes ou les aspirations qui donnent vie à ces corps et à ces esprits, le cinéma permet la jonction entre la forme singulière du témoignage et du portrait et l’énergie collective d’un peuple en survie ou en lutte. Le premier cinéma des femmes apparaît en ce sens comme une véritable résistance, qui prend toute son ampleur lorsqu’on se souvient des mots de Wassyla Tamzali, avocate et féministe algérienne, alors responsable du programme des droits des femmes à l’UNESCO : Faire un film est une course d’obstacles. Faire un film dans un pays arabe est encore plus difficile. Faire un film dans un pays arabe, lorsqu’on est une femme arabe, est presque impossible. Et faire un film dans un pays arabe, pour une femme arabe qui choisit de parler de sa condition de femme dans une société arabe, c’est un authentique exploit36.
Bibliographie BENSALAH Mohamed, Cinéma en Méditerranée, une passerelle entre les cultures, Edisud, Paris, 2005. GABOUS Abdelkrim, Silence, elles tournent ! Les femmes et le cinéma en Tunisie, Cérès éditions, Tunis, 1998. HENNEBELLE Guy (coord.), Tricontinental Le Tiers-Monde en Film, CinémAction , numéro spécial, janvier 1982. HILLAUER Rebecca, Encyclopedia of Arab Women Filmmakers, American University Press of Cairo, Cairo, 2006. MAFDOUH Amel, DELPHY Christine (coord.), Féminismes au Maghreb, Nouvelles questions féministes, Revue internationale francophone, éditions antipodes, vol 33, n°2, 2014. SHOHAT Ella, « Post-Third-Worldist culture. Gender, nation and the cinema », in. Feminist Genealogies, Colonial Legacies, Democratic Features, Alexader and Mohanty, eds., 1996, repris dans Guneratne Anthony R., Dissanayake Wimal, Rethinking Thrid Cinema, Routledge editions, 2003, pp. 51-77. THORAVAL Yves, Les Écrans du croissant fertile, Irak, Liban, Palestine, Syrie, Séguier, Paris, 2003. ZACCAK Hady, Le Cinéma libanais, Itinéraire d’un cinéma vers l’inconnu (19291996), Dar el-Machrek, Beyrouth, 1997.
36 Wassyla Tamzali, citée par Anaïs Mit, « Cinéma et question des femmes au MoyenOrient », Les Clés du Moyen-Orient, 13/03/2014 : http://lesclesdumoyenorient.fr/2014-1303/cinema-et-question-des-femmes-au-moyen-orient/ consulté le 15 mars 2016.
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La Poupée dans l’art, une désarticulation visuelle pour un féminin articulé Salwa MESTIRI1
Pour aborder le sujet qui nous réunit aujourd’hui, à savoir "re-penser féminin" quoi de mieux que de le réfléchir à partir de son simulacre, cet objet frivole auquel la femme prête son corps, la poupée, objet fétiche dans l’art visuel contemporain. Artefact poétique, porteuse de virtualités anatomiques, la poupée témoigne comme nous allons le voir à travers cette lecture, de l’imaginaire le plus secret. En bonne place dans le cadre complexe des pensées mythiques, elle a toujours accompagné l’apprentissage des conduites féminines, permettant toutes les mises en scène d’un monde en spectacle, d’une théâtralisation de la vie et formule à travers sa reconstruction dans l’art, les expériences complexes des différentes projections qu’on en fait. Souvent transgressive, elle est au cœur de l’art contemporain dans des expressions ou s’exercent et se résorbent les débats plastiques, faisant voler en éclats, les catégories et les genres, suscitant une réflexion sur l’intégrité corporelle et l’identité sexuelle. La représentation du féminin plutot que le masculin a souvent intriguée les historiens. La forme féminine ayant souvent été privilégiée par nos ancêtres. Les traces laissées, très nombreuses, en témoignent telle la Vénus de Willendorf du Paléolithique supérieur ou elle représente le symbole de la fécondité par ses nombreuses protubérances marquant ses parties génitales.
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Université de Carthage, ISBANabeul
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Il en est de même pour la Vénus de Lespugue découverte en 1922 dans la grotte des Rideaux, en Haute-Garonne. Une statuaire qui nous rappelle, par son étrangeté souvent de nature irrévérencieuse, les poupées contemporaines. Arman, Dali, Picasso, et Annette Messager, pour ne citer que ceux-là, en fond leur objet de recherche. Sujettes à des actions de déboitements et d’altérations : les poupées sont tour à tour, démembrées, profanées, souillées, démasquant à la hauteur de leurs multiples transgressions, l’artiste qui les soumet. Monstrueuses par la démesure, géantes de tissus, miroir aux multiples facettes ou l’artiste, soignant leurs blessures et les recousant rappelle aussi que, poupée, puppa porte parmi ses nombreuses déclinaisons sémantiques le sens de pansement entourant un doigt malade. Blessure donc et catharsis pour l’artiste. Sensuelles et licencieuses, il y est bien souvent question avec elles de fantasmes, d’utopie et d’anarchie. En interrogeant la poupée ici et plus particulièrement celle de Hans Bellmer, dont c’est l’œuvre majeure, je propose de partir de ce simulacre du féminin, devenu objet esthétique, pour « re-penser le féminin ». Annonçant l’ambigüité qui l’habite à partir de son énonciation par le masculin puisqu’on dit « le » féminin, je propose, en plus, l’œuvre d’un homme pour en dévoiler le sens. Pour aborder le sujet, c’est dans la complexité même que j’installe le débat. Hans Bellmer est un artiste qui a marqué le début du siècle dernier par son œuvre subversive, car bien avant les psychiatres des années cinquante et les féministes des années soixante-dix, il a proposé par son regard dissident, un débat autour du « féminin » comme espace visuel et paradoxal. Pour une création qui relève d’une articulation plastique du féminin, une approche analytique s’impose pour penser la « désarticulation » ou la « des-articulation » comme pratique esthétique pour une construction /déconstruction des stéréotypes. Le choix porté sur cet artiste se justifie par son action sur la poupée pour l’exhibition complexe du corps féminin comme multiplicité potentielle et non pour sa représentation telle que largement opérée par la pratique occidentale qui a précédé. Signalons encore, que son œuvre est né à un moment de l’Histoire ou le débat autour du genre n’était pas encore né. Prémonitoire sans doute, dans l’espace visuel et réalisé par un artiste homme qui prenant en charge un objet fétiche relatif le plus souvent à l’univers féminin « féminise » en quelque sorte des catégories artistiques traditionnellement réservées aux hommes telle que la sculpture... mais ceci, même si cela accompagne notre étude, relève d’une problématique différente. C’est donc dans cet entre-deux paradoxal, dans cet écartèlement, modelage sans fin, que va s’articuler comme nous allons le montrer la pratique dissidente et fondatrice d’un féminin inédit pour l’époque car encore aux normes doctement établies par l’institution. L’artiste ici, proposant à travers une pratique transgressive un poétiquement subversif à la place d’un politiquement correct.
Hans Bellmer
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D’origine allemande, né en 1902, Hans Bellmer, est l’auteur d’une œuvre magistrale qui interpelle encore. En 1934, contre l’autorité politique et celle du père qui dès 1933 adhère au parti nazi, décide de fabriquer une poupée, comme acte de rébellion. Le culte du corps parfait est un idéal nazi. Le choix du néoclassicisme comme mouvement artistique officiel, sera à l’origine de sa forme d’expression inédite pour l’époque et qui servira par son refus, de donner forme à sa révolte. Se servant de ses outils d’ingénieur et de sa rigueur, il va proposer une œuvre audacieuse qui sera à l’origine de poursuites policières sous l’inculpation : « Tendant à miner les piliers moraux de l’Etat ». Retenons donc que le moment historique de la création de sa Poupée, fut la montée du nazisme qui en donna l’image d’un contestataire radical. Acte de révolte donc, La Poupée est créée à un moment où l’artiste affirme : « À titre de refus contre le fascisme allemand et la perspective de la guerre : cessation de toute activité socialement ″utile″2 ». Et c’est avec ces prises de position qu’il va proposer ses « filles artificielles3 » avec un nom générique « Poupée ». Une construction qui va s’étendre sur près de quarante ans à travers une création qui va mêler simultanément sculpture, photographie, peinture dessin, écriture poétique et production de livre.
La Poupée
La Poupée, sculpture d’une jeune fille multiforme, d’un mètre quarante de hauteur, presque de taille réelle, cheveux foncé avec une frange coupée, fait penser à une très jeune fille. Agrémentée d’un nœud droit plutôt grand, elle est toujours vêtue de chaussettes blanches contrastant avec des escarpins de vernis noir. La littérature traitant de l’œuvre de Bellmer nous apprend que la jeune fille serait peut être une jeune cousine aimée. Sa singularité est que ses nombreux membres sont articulés par des boules pouvant reprendre à l’infini la reconstruction de son corps. Ainsi pour exemple, au ventre, exprimé par une grosse boule, vient s’articuler deux bas-ventres, quatre 2
HAN, Ji-Yoon, « La Poupée de Bellmer : variations éditoriales sur le montage d’une série photographique » http://phlit.org/ 3 cité dans DOURTHE, Pierre (1999). Bellmer, le principe de perversion, Paris : Jean-Pierre Faur éditeur, p. 30.
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cuisses, un buste, plusieurs seins, une tête et cou amovible. Son frère l’aide à fabriquer des yeux mobiles et un « panorama » dont le rôle est de permettre au regard de circuler à l’intérieur du ventre ouvert. Divers objets, provenant du coffre à jouets de leur enfance commune habitent ce ventre, éclairé par six lampes aux couleurs vives. Le but étant de « surprendre les spirales de l’intimité des jeunes filles ». Rêve amoral ? pervers ? désir refoulé ? Rien n’est moins sûr, car H Bellmer nous surprend en nous obligeant à rentrer dans l’intimité corporelle d’une femme, présentée ici comme un simple objet. Sa représentation esthétique, publiée via des photographies dans la revue Le Minotaure, fondée sur des inversions, démembrements, multiplications, soudures, collages... suscite par son étrangeté un questionnement sur l’identité féminine qui ne cesse dans son travail, de se déployer. En 1935, Hans achève un deuxième modèle de la Poupée, plus malléable que le premier. Les billes de bois permettant, selon le principe de l’articulation à boules, de monter et de démonter le corps dans une combinatoire illimitée. L’objet, encore plus soigné rappelle par sa peinture rose la peau lisse d’une jeune fille. Les images circulant au sein du groupe surréaliste provoquent les commentaires enthousiastes de Breton et d’Éluard « Les Jeux de la Poupée » seront d’ailleurs illustrés de poèmes par Paul Éluard4, très brefs, reproduits à la lisière des images, comme des légendes.
Fragmentation et reconstruction sans fin Bellmer effectue, entre 1934 et 1939, plus d’une centaine de clichés à partir de sa Poupée, un montage et un démontage durant toute l’année 1934 sont enregistrés grâce à des clichés photographiques qui en gardent les traces. Pourtant sa pratique au départ est intimiste et sécrète si ce n’est la revue Le Minotaure, qui dans son n°5 étale l’œuvre de Dali en faisant écho avec la Poupée, qui l’enflamme. « Le grand mannequin cherche et trouve sa peau…» écrit Dali « les nouvelles couleurs du sexapil spectral sera la femme démontable5… ». La pratique de la photographie lui permet de documenter une construction qu’il reprend à chaque fois autrement et de créer des mises en scène différentes, tels les suspensions à un arbre, les chutes au pied d’un mur ou au bas d’un escalier, des balancements ou contorsions dans un buffet ou sur une nappe à carreaux. Ses assemblages installations et ses démontages anatomiques, accordent à la Poupée une existence étrange éparpillée dans un ensemble d’ouvrages, de revues et de maquettes. Le regard circulant d’une image à l’autre, d’une « variation » à l’autre, façonne son propre « montage » qui s’avère à chaque fois successif, le défaisant et le recommençant. En manipulant le corps du modèle archaïque, Bellmer dévoile les infinies reconfigurations possibles du corps de la Poupée, en écho avec des chefs-d’œuvre troublants tels ceux de Lautréamont ou de Sade. La Poupée, par ses multiples reconversions, invite à s’immerger dans les détours de l’inconscient où la pensée s’efface au profit d’une expérience esthétique fantasmatique et onirique. Une figure ou l’ajout de fragment de chair sur le buste les jambes ou encore ce qui fait office de visage, lui donne 4
Ce sont finalement les Éditions Premières qui les publieront en novembre 1949. Rouquette Sylvie, « Hans Bellmer, la femme et la poupée », Cahiers jungiens de psychanalyse 1/2006 (n°117), p. 17-24. Propos recueillis par A.Crevel URL : www.cairn.info/revue-cahiers-jungiens-de-psychanalyse-2006-1-page-17.htm. DOI : 10.3917/cjung.117.0017. 5
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l’air d’une aguicheuse, attirant à coups de dentelle ou de rose artificiel le regard. Sans but ni fin, sans utilité ni raison, le travail de la poupée, les « jeux », dira Bellmer– s’adonnent entièrement aux impulsions du désir. Déstructurées et pour le moins érotisées, l’objectif est de « surprendre les spirales de l’intimité des jeunes filles ». Les questions se succèdent... À quel type de poupée avons-nous affaire ? jouet d’enfant ou double inquiétant ? La Poupée serait-elle un archétype féminin ? Une fillette hors d’échelle ayant trop grandi ? Un jeu destiné aux adultes ? Une marionnette ? Ces Poupées intriguent et questionnent par leur nouvelle échelle. Leurs déformations hantent, troublent la vision. La multiplication égare et fait perdre toute construction objective. Le malaise s’installe. Privé de l’unité d’un corps, elles intriguent, ces Poupées qu’on observe autant qu’elles observent.
La féminité comme corps articulé/ désarticulé La découverte de l’assemblage à boules va susciter l’imagination de Hans par la transgression des modes de productions et des catégories. Le dépassement et la transgression du corps lisse et hermétique de la femme va s’exulter par la boule de ventre faisant tourner deux trois paires de jambes, inverser le buste et multiplier les seins.
Tout en situant le féminin dans le corps, cette action soumet aussi à l’incertitude de l’identité même de la Poupée ; est-ce une sculpture ? une photographies ? le photogramme d’un film ? un montage ? une articulation inédite ? De quelle construction s’agit-il ? et surtout qu’est-ce qu’une « mineure articulée » qui revient souvent dans ses phrases ? L’usage de la sculpture et de la couture /broderie intrigue dans l’œuvre de Bellemer, la sculpture étant la plupart du temps une pratique masculine et la couture / broderie, féminine. L’artiste, jouant des catégories, bouscule les acquis culturels de l’époque donnant naissance à une forme de relation ambigüe entre le masculin et le féminin. Or la connexion la plus significative entre un artiste et son travail est une relation physique, intime, façonnant et créant son oeuvre avec son propre corps. L’œuvre obtenue étant souvent la conséquence d’une rencontre physique. Et ici, la sculpture, art qui exige la force par sa relation avec la matière (bois, pierre métal) se féminise en quelque sorte par le choix de son objet, à savoir la Poupée qui devient en quelque sorte l’autoportrait même de l’artiste. Ce point de vue signifie 269
encore une fois le débordement des genres. La sculpture et la couture quitteraient ainsi l’univers masculin pour l’un et l’univers féminin pour l’autre visuellement et symboliquement pour rejoindre un espace asexué ou pour bouleverser et dévier inévitablement de la notion de genre. Rappelons par ailleurs, qu’articuler s’apparente à articulus, lui-même diminutif de artus comme jointure, terme qui possède nombre de variations sémantiques. Il signifie unir, l’un à l’autre, des éléments d’un ensemble de manière à permettre un certain jeu mais aussi et conjointement prononcer distinctement les syllabes et les mots. C’est aussi par « donner des articulations » le sens de « séparer » de « partager », de « distinguer » ou de « prononcer distinctement » comme émettre et former des sons par les mouvements des lèvres, de la langue, de la mâchoire et du voile du palais. Désarticuler le corps de la femme par le biais d’une poupée serait comparable à la désarticulation d’une phrase. Ici et là, la quête de nouveaux sens est à guetter dans l’opération esthétique. Bellmer écrit d’ailleurs, « Le corps est comparable à une phrase qui nous inviterait à la désarticuler pour que se recomposent à travers une série d’anagrammes sans fin ses contenus véritables6 ». La Poupée proposerait de la sorte, une nouvelle géographie du corps qui comme un langage se décompose en éléments qui diversement traités, formeront d’autres figures. La Poupée par l’articulation physique ou les jointures à boules, permet de nouveaux corps se transformant continuellement dans des combinaisons sans fin. La pratique de la « permutation » du langage articulé de la phrase dans l’anagramme est alors la même que celle qu’il va faire subir au corps de « La poupée ». En anagrammant, on renverse entièrement une phrase pour percevoir dans son envers un sens nouveau composé des mêmes éléments du départ, pour accéder à une phrase androgyne et prélever le secret dans « son être bisexué ». En anagrammant le corps, on passerait du masculin au féminin, jusqu’à les confondre parler à l’envers veut dire : sodomiser le verbe jusqu’à ce qu’apparaisse, parfaite comme l’androgyne, la phrase rare qui – lue en aval ou en amont – traitée d’homme ou de femme – conserve indéfectiblement son sens7.
Bellmer évoque ainsi mais sans le citer, l’article de Freud sur le « sens opposé des mots primitifs », n’ayant au début qu’un mot pour les deux points opposés d’une série de qualités ou d’actions (fort/faible, proche/lointain, lié/séparé) commentant ce que nous appelons aujourd’hui le verlan dans une opération d’inversion de mots, de phrases, en miroir, comme pour les palindromes. (la marié ira mal)
6 Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image. Première édition en 1957, Paris, Éditions Alia. 7 Petite anatomie p. 37 op cit.
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L’Homme et la Femme seraient ainsi sous de multiples propositions comme l’envers et l’endroit d’une même phrase ou de la même figure. Transgressif et subversif est la posture de Hans Bellmer vis à vis de l’ordre et de l’acquis politique et culturel. Sa passion pour les inversions multiplication, opération anagrammatique, n’est pas liée à l’envie de changer le sexe mais plutôt de le décupler car « L’homme épris d’une femme et de soi-même ne désespère qu’assez tard de polir l’aveugle miroir de plomb que la femme représente, pour s’y exalter, pour la voir exaltant »8, écrit-il encore.
Corps boule-versés dans des boules versés Les corps « boule-versés », métamorphosés, inversés, multipliés sont des corps dans des boules versés où le regard stimulé par l’étrangeté, défait et recompose de nouveaux cristaux de sens, vibrant de feux intimes pour le plaisir d’exister esthétiquement, poétiquement. Rappelons que le poème en anagramme est apparu dans l’entourage de Hans Bellmer. Il semblerait même que c’est lui qui inspira le premier poème écrit par Nora Mitrani9 « Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables10 ». Ajustant l’opération de la transposition du langage articulé dans l’anagramme avec celle de la transmutation, qu’il fait subir au corps de la Poupée, H Bellmer montre aussi que tout autant que le corps, le langage n’est en équilibre que part l’écart qu’il impose avec les relations non conventionnelles, non établies telles les possibilités syntaxiques qui ne produisant pas du sens communs proposent des lectures et un miroitement de sens imprévisibles. Une dislocation, un emboitement, un remboitement pour une anagramme corporelle toujours reprise et débordante le seul domaine des énoncés pour devenir le principe des choses et des corps, le principe d’un monde soumis à de multiples renversements et permutations par 8
Petite anatomie, op. cit., p. 29.. Rouquette Sylvie, « Hans Bellmer, la femme et la poupée. », Cahiers jungiens de psychanalyse 1/2006 (n° 117) , p. 17-24 10 H. Bellmer, « Postscriptum à Oracles et spectacles d’Unica Zürn », Obliques, numéro spécial sur Hans Bellmer, Nyons, Éd. Borderie, 1975, p. 109. 9
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lesquels ce qui est devient autre. Comme les lettres d’un mot peuvent être inversées ou permutées pour former de nouveaux énoncés, ce sont les corps et les êtres, les noms et les choses qui se trouvent ici soumis au principe de l’anagramme, c’est-à-dire au mouvement du devenir, à un processus de dédoublement et de transformation" 11 note Véronique Bergen.
Cette désarticulation de la poupée accompagnant celle de la phrase montre que la Poupée de Bellmer est une profusion d’anagrammes charnelles ou le langage se déploie comme un ensemble d’énigmes à partir duquel l’esprit s’active loin de toute approche formelle. Le texte bellmérien ôte les malentendus d’un commentaire que pourrait donner le critique pressé, n’ayant que ses yeux pour voir. Ainsi va-t-il tomber dans le piège de la femme fétichisée, manipulée, femme-objet12.
La Poupée comme pupilla, prunelle, est ainsi, l’endroit ou se reflètent et se façonnent les constructions de soi et de l’autre. La Poupée accompagnant le regard, dévoile tout autant le regardant que le regardé. Elle appelle à s’identifier à elle, à lire en miroir, à parler au miroir, à faire l’expérience de placer sur une image un miroir qui va décomposer et recomposer le corps : c’est ce que Bellmer va réaliser à travers ses constructions, à savoir un masculin et un féminin en continuel reconstruction, mouvant et ouvert. Un féminin comme une femme fantasmée, adorée, idéalisée autant qu’outragée. Tout ce que d’habitude on refoule, Hans Bellmer l’expose. Tout ce qui semble intolérable, il le montre. D’où la jouissance de l’oeil que procure son oeuvre13.
L’objet de notre recherche, la Poupée, traversant le temps, assimilée à l’univers féminin, a montré la complexité de cette notion qui nous interroge encore. Le travail de H. Bellmer a développé l’idée que le féminin comme corps tout autant que les mots et les phrases sont simulacres et nécessitent, pour déployer leur sens, des opérations esthétiques telle l’anagramme plastique pour une forme en continuelle reformulation. Thierry Dufrêne, dans La Poupée Sublimée, nous interroge : Avons-nous d’ailleurs une identité qui ne soit un jeu de dupes ? Nous non plus, nous n’avons pas choisi notre rôle : on nous a imposé ce corps normé, ces occupations forcées. Nous aussi sommes factices, en plastique, comme les simulacres que nous voyons composés.
La compagne de H. Bellmer, Unica Zurn, ajoute : En vérité l’être humain connaît encore moins son langage qu’il ne connaît son corps : la phrase est comparable à un corps qui nous inviterait à le désarticuler pour que se recomposent à travers une série d’anagrammes sans fin ses contenus véritables14
La poupée a été le dissolvant nécessaire. Avec elle et grâce à elle, Bellmer montrera que dans l’objet aimé, le Moi et le Toi, le masculin et le féminin, sont indiscernablement mêlés, remettant d’emblée en cause, les stéréotypes du genre qui vont pourtant être doctement théorisés 11
Véronique Bergen, Le cri de la poupée, éditions Al Dante, septembre 2015, 242 pages cité par Jean-Philippe Cazier 16 décembre 2015 « Véronique Bergen : Des anagrammes des corps », Revue électronique Diacritik. 12 H. Bellmer ou l’artisan criminel Monique Broc-Lapeyre, Chemins de traverse de la philosophie http://cheminstraverse-philo.fr/hans-bellmer-ou-lartisan-criminel 13 H. Bellmer. Anatomie du désir Collectif sous la direction d’Agnès de la Beaumelle Éditions du Centre Pompidou/Gallimard 260 pages 14 Post-scriptum à Oracles et spectacles, Unica Zürn, op. cit.
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ultérieurement. S’il a fallu attendre les travaux de Claude Lévi-Strauss pour renvoyer le sexe au biologique et le genre au culturel, H. Bellmer a montré par son oeuvre subversive, dont le sens n’est pas encore épuisé, que le féminin loge dans cet écartement, dans cette béance qu’il expose et multiplie et ou s’anéantit bien avant son émergence en Europe, la notion de genre. Lui qui interroge sans fin les limites du corps féminin et disloque au fur et à mesure nos cadres de pensée, a proposé dès le début des années trente un féminin dissident, inclassable, ouvert et surtout multiple, un féminin comme une anagramme sans fin. Je termine avec une citation du grand poète dont le patronyme, Rainer Maria Rilke, pourtant né René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke, montre toute l’étendue de l’ambiguïté de l’être : En un temps où tout le monde s’efforçait encore de nous donner au plus vite une réponse rassurante, les poupées ont été les premières à nous asséner cet épouvantable et incommensurable silence qui devait plus tard fondre sur nous, chaque fois que nous approchions quelque peu les frontières de notre existence. C’est face à cette poupée qui nous dévisageait que nous avons ressenti pour la première fois ce manque de sentiment, cet arrêt du cœur qui nous serait fatal si la Nature ne mobilisait toute son aimable obstination pour nous soulever comme une chose sans vie au-dessus de l’abîme15
Bibliographie BELLMER Hans, « Postscriptum à Oracles et spectacles d’Unica Zürn », Obliques, numéro spécial sur, Nyons, Éd. Borderie, 1975, p. 109. BERGEN Véronique, Le cri de la poupée, éditions Al Dante, septembre 2015, 242 pages cité par Jean-Philippe Cazier 16 décembre 2015 « Véronique Bergen : Des anagrammes des corps », Revue électronique Diacritik. H. Bellmer ou l’artisan criminel Monique Broc-Lapeyre, Chemins de traverse de la philosophie http://cheminstraverse-philo.fr/hans-bellmer-ou-lartisan-criminel ----.Anatomie du désir Collectif sous la direction d’Agnès de la Beaumelle Éditions du Centre Pompidou/Gallimard 260 pages DOURTHE, Pierre (1999). Bellmer, le principe de perversion, Paris : Jean-Pierre Faur éditeur. HAN, Ji-Yoon, « La Poupée de Bellmer : variations éditoriales sur le montage d’une série photographique » http://phlit.org/ ROUQUETTE Sylvie, « Hans Bellmer, la femme et la poupée », Cahiers jungiens de psychanalyse 1/2006(n°117), p. 17-24 Propos recueillis par A.Crevel URL: www.cairn.info/revue-cahiers-jungiens-de-psychanalyse-2006-1-page17.htm. DOI : 10.3917/cjung.117.0017. ---- « Hans Bellmer, la femme et la poupée. », Cahiers jungiens de psychanalyse 1/2006 (n° 117). Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image. Première édition en 1957, Paris, Éditions Alia.
15
R.M. Rilke, Fragments en prose, trad. de Maurice Betz, op. cit.
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PENSER LE FÉMININ
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« Avons-nous vraiment besoin d’un vrai sexe ? » Carine TREVISAN1
« Si nous pouvions renoncer à notre condition corporelle et nous, êtres pensants, venant par exemple d’une autre planète, saisir des choses de cette terre d’un regard neuf, rien ne frapperait peut-être plus notre attention que l’existence de deux sexes parmi les êtres humains qui, par ailleurs si semblables, accentuent pourtant leurs différences par les signes les plus extérieurs ». S. Freud, La vie sexuelle
« Avons-nous vraiment besoin d’un vrai sexe ? » : cette étrange interrogation est posée par Foucault, suscitée par sa réflexion sur le récit de l’hermaphrodite Herculine, dans son essai Herculine Barbin dite Alexina B2. Déclarée femme à sa naissance, Herculine est élevée dans un environnement féminin, devient institutrice, fait l’apprentissage du plaisir avec une femme, puis on découvre que son sexe est indécis. Herculine est déclarée homme, change d’état civil, et se suicide. Le corps d’Herculine fait l’objet de deux observations médicales : la première, dans le contexte d’un soupçon d’exploitation scandaleuse de la part d’Herculine de ses bizarreries anatomiques, visant à déchiffrer son vrai sexe, la seconde, lors de l’autopsie, qui donne lieu à une description fascinée de l’appareil génital d’Herculine. Foucault note que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, se pratique avec intensité la recherche de l’identité dans l’ordre sexuel. La première observation sur le cas Barbin est publiée par Ambroise Tardieu sous le titre Question médico-légale de l’identité dans ses rapports avec les vices de conformation des organes sexuels3. Nous savons l’importance de la notion d’identité sexuelle, qui fait partie de l’identité civile, à la naissance. Comment Freud aborde-t-il cette question de la différence des sexes ? Une question médicalement mais aussi socialement cruciale, comme en témoignent les souvenirs de Stefan Zweig sur les comportements vestimentaires de la Vienne fin de siècle : Aujourd’hui, ce qui nous frappe tout simplement dans cet accoutrement, qui cherchait désespérément à recouvrir la moindre trace de peau nue [...], ce n’est vraiment pas leur décence, mais au contraire la façon provocante […] dont cette mode faisait ressortir la polarité des sexes. Tandis que le jeune homme et la jeune femme actuels, tous deux grands et minces, tous deux imberbes et les cheveux courts, affichent une camaraderie d’apparence, les deux sexes s’éloignaient à l’époque l’un de l’autre autant qu’ils le pouvaient. Les hommes arboraient une barbe longue ou frisaient […] une épaisse moustache, dont ils 1 2 3
Professeure de Littérature à l’Université Paris Diderot – Paris 7. Michel FOUCAULT, Gallimard, 1978. Ambroise TARDIEU, Baillière et fils, 1874.
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faisaient l’attribut ostentatoire de leur virilité, tandis que chez la femme, le corset faisait valoir la poitrine, caractère essentiel de leur féminité. Le sexe dit fort accusait aussi sa différence au regard du sexe faible dans l’attitude qu’on exigeait de lui, rude, chevaleresque et agressif pour l’homme, pudique, craintive, et défensive pour la femme […]. A l’époque, il eût été jugé criminel qu’une femme se mît en pantalon pour faire du sport ou jouer [...]. Peut-on encore concevoir aujourd’hui qu’au tournant du siècle, quand pour la première fois des femmes eurent l’audace de monter à bicyclette […], les paysans jetèrent des pierres sur ces effrontées ?4
Dans ce contexte, les textes de Freud exposent un certain nombre d’incertitudes quant à l’évidence de la différence des sexes. Freud émet l’hypothèse d’une part d’amphibologie, de mélange des sexes, et affirme l’existence, chez tout individu, d’une bisexualité. La différence sexuelle devient trouble : soit elle n’existe pas encore (sexualité pré-différencielle chez le tout jeune enfant), soit elle est transgressée (par le biais d’une combinatoire d’identifications à des imagos différemment sexuées). Freud mène conjointement deux interrogations. - Comment l’identité sexuelle (plus exactement psycho-sexuelle) se constitue-t-elle ? - Comment définir le masculin et le féminin ? Cette réflexion s’inscrit dans une société où sont reconnues deux catégories de sexe : homme et femme. Remarque qui peut paraître incongrue, mais Freud va s’attaquer à des cas où se pose la question d’une troisième catégorie (ce que l’on a pu appeler le “troisième sexe” : ni homme ni femme). Elle s’inscrit également dans un certain mode de la pensée de l’identité sexuelle, où prédominent : - Une problématique de l’identité personnelle dans son rapport au corps sexué - Une interrogation sur le rapport entre le sexe biologique et la psychosexualité. Même s’il les minore, Freud reconnaît l’importance des stéréotypes culturels et l’imposition de comportements sociaux à des personnes sur la base de leur sexe anatomique. L’adéquation entre le sexe et ce qu’on nomme le « genre5 » n’est pas pensée comme naturelle. L’identité sexuelle ne va pas de soi : il s’agit de la « renforcer », l’ « assurer » ou l’ « accepter ». Freud est très circonspect sur cette question et ne cesse de dire la difficulté à définir la différence entre le masculin et le féminin. L’existence d’une différence des sexes lui apparaît comme énigmatique. Dans Trois essais sur la théorie sexuelle, il écrit : Il est indispensable de se rendre compte que les concepts de “masculin” et de “féminin”, dont le contenu paraît si peu équivoque à l’opinion commune, font partie des notions les plus confuses du domaine scientifique »6.
4
Stefan ZWEIG, Le Monde d’hier [1942], Gallimard 2013 p. 924-926. Voir Judith BUTLER, Troubles dans le genre, Le féminisme et la subversion de l’identité, La Découverte, 2006. 6 Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio, 1991, p. 161. 5
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De même, dans son texte « La féminité », il note : Nous disons [...] qu’un être humain, mâle ou femelle, se comporte sur tel point d’une façon masculine, sur tel autre, d’une façon féminine. Mais […] ce n’est là que se conformer à l’anatomie et à la convention. Vous ne pouvez donner aucun contenu aux notions de masculin et de féminin. Cette distinction n’est pas psychologique ; quand vous dites masculin, vous pensez en général “actif”, et quand vous dites féminin, vous pensez “passif”7.
Mais, « chez des espèces très évoluées », rajoute-t-il, cela ne se passe pas comme cela. Cette difficulté s’accroit du fait de la prégnance de deux discours sur la différence des sexes : le discours anatomique et le discours social. La psychanalyse s’appuie sur les données de l’anatomie et de la sociologie tout en réfutant leurs propositions sur le masculin et le féminin. Freud remet en question l’idée d’un déterminisme biologique ou d’une pensée essentialiste de la différence des sexes. Ainsi, « ce qui fait la masculinité ou la féminité est un caractère inconnu, que l’anatomie ne peut saisir8 ». Notons que la difficulté à saisir le masculin et le féminin est souvent rattachée à l’énigme de la sexualité féminine : « il appartient à la nature même de la psychanalyse de ne pas vouloir décrire ce qu’est la femme – ce serait pour elle une tâche difficilement réalisable mais d’examiner comment elle le devient 9 ». Ce caractère énigmatique tiendrait, entre autre, à la raison suivante : la vie amoureuse [de l’homme] a seule pu faire l’objet de recherches, alors que celle de la femme – du fait, d’une part, de l’étiolement que lui impose la civilisation, d’autre part en raison de la discrétion et de l’insincérité conventionnelle des femmes – est voilée d’une obscurité encore impénétrable10.
D’où l’hypothèse d’une bisexualité11, qui est un nœud dans la pensée de Freud. La bisexualité est définie comme la « présence en chacun de dispositions sexuelles à la fois féminines et masculines qui se retrouvent dans les conflits que le sujet connaît pour assumer son propre sexe »12. La bisexualité serait une disposition « originaire et universelle », une disposition infantile dont le destin serait d’être peu à peu réduite, car considérée comme facteur de morbidité, dont on souhaite la dissolution. Ainsi, dans certaines formes d’hystérie, où la femme mimerait dans ses symptômes à la fois la victime féminine et l’agresseur masculin. L’hystérique, telle Dora, dont Freud a étudié le cas, aurait un corps labile, convertible, qui ne peut adopter une position sexuelle, féminine ou masculine, stable, signe d’une pathologie. Cependant (on sait que sa pensée est toujours en mouvement), Freud note que c’est la civilisation qui impose à chaque être un amour hétérosexuel et en conclut que la vie de l’être civilisé est gravement lésée. Car, selon lui, tout être est fait d’un amalgame d’activité et de passivité, quel que soit son sexe. Il ouvre ainsi la voie à un jeu sur l’identité sexuelle, offrant un mixte de masculinité et de féminité. Il note que la plupart des hommes demeurent bien en deçà de l’idéal masculin et que tous les êtres humains, par suite de leur constitution bisexuelle, possèdent à la fois des traits masculins et des 7
Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, « La féminité », Gallimard, 1989, p. 153-154. 8 Ibid., p. 153. 9 Ibid., p. 156. 10 Trois essais sur la théorie sexuelle, op. cit., p. 59. 11 Notion empruntée à Fliess, voir Christian David, La bisexualité psychique, essais psychanalytiques, Payot, 1992. 12 Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1998.
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traits féminins, si bien que le contenu des constructions théoriques de la masculinité mûre et de la féminité pure reste incertain. Freud aurait pu, à ce titre, citer certains auteurs comme Diderot, qui, dans son essai Sur les femmes, écrit : « Il y a des femmes qui sont hommes, et des hommes qui sont femmes13 ». Ou Rousseau, qui aime les travaux d’aiguilles, les rubans, les lacets, lacets qu’à Môtiers il tresse ostensiblement, « au plaisir […] de devenir femme »14. Ce dernier est habituellement farouchement pour la différenciation poussée des hommes et des femmes, mais il tend à faire une exception en sa faveur…L’accueil et la reconnaissance du féminin en soi est frappante chez le narrateur proustien, qui, sous le couvert d’une théorie de la transmigration des âmes d’une génération à l’autre, dit porter en lui sa tante Léonie : « ce qui me faisait si souvent rester couché, c’était un être… mais un être plus puissant sur moi qu’un être aimé, c’était, transmigrée en moi, […] ma tante Léonie »15. Freud écrit à son ami Fliess qu’il s’habitue à « considérer chaque acte sexuel comme un événement impliquant quatre personnes »16. Certes, il y a pour lui un « destin anatomique » différenciant le masculin du féminin mais il dépasse l’anatomie et dit le jeu perpétuel et inventif, parfois vital, d’identifications multiples, de la mixité, pour chaque être de masculinité et de féminité. Nous pouvons ultimement citer Foucault dans son étude du cas Herculine, où il affirme qu’il semble que tout se passe dans un monde d’élans, de plaisirs, de chagrins, où l’identité sexuelle n’a pas d’importance.
Bibliographie BUTLER Judith, Troubles dans le genre, Le féminisme et la subversion de l’identité, La Découverte, 2006. DAVID Christian, La bisexualité psychique, essais psychanalytiques, Payot, 1992. DIDEROT Denis, « Sur les femmes » [1772], Œuvres complètes, II, Garnier, 2013. FOUCAULT Michel, Herculine Barbin dite Alexina B., Gallimard, 1978. FREUD Sigmund, La naissance de la psychanalyse, PUF, 1991. FREUD Sigmund, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, « La féminité », Gallimard, 1989. FREUD Sigmund, Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio, 1991. LAPLANCHE Jean et PONTALIS J.-B., Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1998. PROUST Marcel, A la recherche du temps perdu, III, Gallimard, 1988. SEITE Yannick, « Rousseau, de l’énoncé détaché à l’énoncé détachable », paru en langue japonaise dans Fumio Nagami, Nobutaka Miura et Yoshie Kawade (dir.), Rousseau le moderne ? Retour de Rousseau, retour à Rousseau, Tokyo, (Fukosha), 2014. TARDIEU Ambroise, Question médico-légale de l’identité dans ses rapports avec les vices de conformation des organes sexuels, Baillière et fils, 1874. ZWEIG Stefan, Le Monde d’hier [1942], Gallimard, 2013.
13 14
« Sur les femmes » [1772], Œuvres complètes, II, Garnier, 2013, p. 260. Voir Yannick Séité, « Rousseau, de l’énoncé détaché à l’énoncé détachable, Continu et discontinu dans la pensée et l’écriture de Jean-Jacques Rousseau », article 15 A la recherche du temps perdu, III, Gallimard, 1988, p. 586. 16 La naissance de la psychanalyse, Lettre du 1er août 1899 (n° 113), PUF, 1991, p. 257.
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Parole d’homme(s), parole(s) de femme(s) : itinéraires croisés de discours, déconstruction des imaginaires linguistiques genrés ou continuum ? Raja CHENOUFI GHALLEB1
« Nous ne sommes qu’au commencement d’une révolution dans le monde de la science des genres » Rothblatt
Introduction et problématique La langue, bien que ressentie et vécue comme naturelle par les locuteurs, reste une construction sociale susceptible d’être reconsidérée et re-pensée. Dans l’entreprise d’aborder un travail scientifique sur l’articulation entre genre et langage, en tant que femme, portant un regard interne à notre propre objet de recherche et en tant que membre de la communauté observée, nous étions confrontées à deux choix. Le premier, étant celui de faire abstraction du rapport entre les rôles sexuels et la langue, nos discours seraient inévitablement sexués et notre langue culturellement sexiste. Ainsi, refuser de regarder certains phénomènes langagiers par le prisme du genre, nous conduit souvent à nous interdire de les voir autrement et parfois à nous empêcher de les expliquer. Le second choix qui s’offrait à nous était celui de nous inscrire dans une démarche féministe militante et du croisement des oppressions. Nous avons donc opté pour une démarche d’observation et d’analyse militante (dans le sens du militantisme scientifique de P. Bourdieu (2002), armée d’outils théoriques et techniques élaborés dans diverses disciplines, mais qui s’inscrit essentiellement dans la sociolinguistique variationniste (W. Labov 1976) et interactionnelle de Kerbratt-Orecchioni (2005). Dans cette contribution, nous nous proposons de prendre appui sur des pratiques langagières recueillies in situ spécifiques à des femmes/ locutrices tunisiennes, appartenant à trois générations différentes. Notre travail vise à interroger des discours et des pratiques discursives du genre et sur le genre, à travers une remise en question à la fois de la logique binaire et de l’idéologie sexiste du genre, et ce, en repensant les imaginaires linguistiques foisonnants, nourris de symboles et les mécanismes discursifs générant des rapports de domination, de hiérarchisation entre hommes et femmes. Le parler féminin en Tunisie, objet de notre étude, longtemps stigmatisé et considéré comme un espace de domination, de différenciation et de distinctions fondées sur le sexe, 1
Université de Tunis El Manar, ISSHT.
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recouvre un univers de significations, d’interprétations, de stéréotypes et d’imaginaires culturels structurés autour d’une bi-catégorisation sexuelle et d’une identité langagière prescrite et construite sur le modèle arabo-musulman et patriarcal. Compte tenu de la mobilité socioculturelle et des mutations que connaît la société tunisienne actuelle sous l’effet de la mondialisation, de l’ouverture sur les nouvelles technologies, de la démocratisation scolaire/universitaire et de l’avènement récent de la révolution, les énoncés identificateurs du clivage et des comportements stéréotypés s’estompent de part et d’autre. Les concepts de masculinité ou de féminité liés à la langue s’accomplissent en interaction et connaissent une dynamique. Une transgression des normes socio-langagières s’effectue dans les pratiques intergénérationnelles (celles des jeunes locutrices par rapport à celles des aînées) et la question de la domination et du pouvoir symbolique Bourdieu (1997) mériterait d’être repensée. On assiste ainsi, dans le paysage sociolinguistique tunisien, à une reconfiguration du pouvoir de la langue, des normes identitaires et des relations interpersonnelles. Nous chercherons dans cette contribution à analyser l’hétérogénéité des usages langagiers à travers l’articulation entre culture, identité, genre et langage telle qu’elle émerge dans les faits et les contours linguistiques genrés ainsi que les processus interactifs qui les sous-tendent. Nous essayerons également de voir comment à travers les instances régulatrices de la parole le temps façonne les pratiques et fragilise les représentations sociolinguistiques. Glissement vers un parler masculin, mis en mot, ‘’trouble du genre’’ (Butler, 1990), (le genre linguistique en ce qui nous concerne), infractions aux ‘’normes’’ socio-langagières et au ‘’socialement correcte’’, comme en témoignent, des expressions qui émergent dans le nouveau paysage et dans la bouche, notamment des jeunes locutrices/femmes, telles que ‘’be’rjoulliya’’ (parole/attitude d’homme) (et sur lesquelles nous reviendrons). Ces pratiques langagières qui ‘’dérangent’’, les aînés en l’occurrence, constitueraient-elles des positionnements vis-à-vis des rôles sociaux et langagiers ? Seraient-elles le signe d’un processus de construction d’identités langagières transgenrées, androgynes ? L’expression d’une bi-sexualité langagière refoulée ? Témoigneraient-elles de cheminements interactionnels et identitaires ? De construction/déconstruction des rapports de pouvoir et des imaginaires linguistiques genrés ? Voire tout simplement la marque d’un continuum discursif, d’une nouvelle langue en circulation dans le paysage sociolinguistique tunisien actuel ? Face aux questionnements multiples que suscite notre problématique, nous verrons jusqu’où notre recherche nous permettra d’y répondre.
Méthodologie de la recherche D’un point de vue méthodologique, notre travail s’inscrit dans une approche interdisciplinaire. Il est constitué d’une enquête de terrain ethnolinguistique, de type qualitatif, basée essentiellement sur l’observation participante du public concerné. Notre corpus est constitué d’un ensemble d’entretiens formels et non formels de trois générations de femmes de milieux socioculturels différents, de femmes d’origine urbaine, (ou originaires de certaines régions de la Tunisie), scolarisées et non scolarisées, actives et non actives. Notre échantillon est constitué de 30 locutrices de trois générations (âgées de 18 à 75ans). La première est la génération des jeunes locutrices (18 à 35 ans). La seconde est la génération intermédiaire de locutrices (de 35 à 55 ans). La troisième génération, est celle des aînées (de 282
55 à 75 ans). Le milieu urbain, notamment le Grand-Tunis représente notre aire d’investigation. Le corpus est constitué de recueils de récits de vie de ces différentes locutrices. La collecte des données est basée sur la technique de l’entretien semi-directif et l’immersion dans le milieu en question. Elle s’est effectuée à la fois en temps réel (c’est-à dire en synchronie) et en temps apparent (en synchronie dynamique) en retenant des pratiques sociolinguistiques appartenant à des tranches d’âge différentes.
Cadre théorique Le genre ou construction historique et culturelle des identités sexuées et des hiérarchies entre les sexes, structure à chaque époque, des codes sociaux qu’il est nécessaire de décrypter et comprendre. Habituellement associé à la bi-catégorisation sexuelle, il est défini dans les travaux qui ont marqué les années 70, (les gender studies apparus aux Etats-Unis puis en Europe) comme un rapport de pouvoir assignant le masculin et le féminin 2 et opposant « les groupes sociaux autour d’un enjeu3 ». Les queer studies se définissent entre autres par leur rejet de cette conception binaire et antinomique des catégories hommes/femmes, masculin/féminin. Les travaux de J. Butler (1990, 1993), considèrent le genre comme l’effet et non pas la cause d’actes genrés ‘’gender acts’’. Ils ont incité un grand nombre de linguistes à concevoir les identités de genre comme construites dans et par le langage et les pratiques qui lui sont associées. Les travaux relatifs à l’analyse de la différence sexuelle dans le langage et la communication de M. Yaguello (1978, 1992) ainsi que la théorie de la différence/dominance de Tannen relative aux ‘’genderlects’’(1990) analyse les hommes et les femmes comme membres de deux subcultures différentes ayant chacune ses propres conventions interactionnelles. Or, force est de constater que le genre ne cesse d’être re-pensé, de se décolorer, de s’hétérogénéiser et de faire éclater les frontières sur lesquelles il repose en réinterrogeant les normes de genre et de discours. Les premiers travaux qui étudient en détail les relations entre femmes et hommes au Maghreb datent seulement des années 90, notamment ceux de Pierre Bourdieu : La Domination masculine (1998) où sont décrites les structures patriarcales rigides de la société kabyle qui constitue selon lui : « un véritable conservatoire de l’inconscient méditerranéen ». Les études consacrées aux parlers féminins au Maghreb n’ont pas manqué de signaler la prégnance du patriarcat et les manifestations linguistiques de la variation découlant de la différence de sexe. Dans un article consacré à ce sujet, Dalila Morsly (1997), évoque le même phénomène dans le contexte algérien : Pour ce qui est de l’arabe tunisien algérien, on a pu noter des variations se situant au niveau phonétique/phonologique, au niveau morphosyntaxique et au niveau lexical. Des remarques partielles portent sur les comportements différents entre hommes et femmes en ce qui concerne le choix des langues ou des variétés de langue dans l’interaction langagière4.
Au Maroc, souligne Ouefa Mouhssine5 2 3 4 5
Scott, 1988. Kergoat, 2009. Dalila Morsly, 1997, 21. 1997 :29.
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Le parler féminin est aussi stigmatisé que peut l’être le parler d’une minorité ou d’un groupe social. Il est sujet à des stéréotypes. Les femmes constituent un groupe social dominé, stigmatisé, par conséquent, socialement subordonné.
La recherche en Tunisie dans ce domaine est encore parcellaire et la tradition de l’enquête de terrain est encore peu explorée. Toutefois, le désintérêt scientifique à cette question ne doit pas nous conduire à conclure qu’il n’y a pas domination et différenciation émanant d’un déterminisme social qui, associé au statut de la femme à l’échelle du pourtour méditerranéen6 s’accentue et connait une spécificité résultant de la culture arabo-musulmane.
Femmes, voix, langues et statuts à travers l’histoire Considérée comme relativement privilégiée dans le monde arabomusulman et sur le plan social, la femme tunisienne oscille aujourd’hui entre traditions et modernité. C’est au XVI ème siècle et avec l’institution du contrat de mariage kairouanais qui a marqué un tournant dans l’histoire de la femme en Tunisie que cette distinction s’est concrétisée et qu’une mutation signant les prémices de la modernité s’est engagée. Dans le droit musulman, les femmes sont soumises au régime juridique de la dhimma (protection tutélaire). Ce système comprend des obligations rituelles, morales et légales mises sur le même plan et toutes soumises à l’autorité du même impératif religieux de la chariaa (loi divine). Dans cette conception juridique émanant de la loi islamique de soumission et de minoration de la femme, un fait d’exception datant du XVI ème siècle a marqué une évolution au sein de la société tunisienne ; celui du contrat kairouanais. Ce contrat stipule que la femme a le droit d’exprimer sa voix, d’exposer son acceptation ou son refus de la seconde épouse dans le cadre de la polygamie. Ce qui représente une spécificité tunisienne permettant ainsi à l’épouse de demander le divorce et delà, d’acquérir le pouvoir de se prononcer sur son sort matrimonial. La femme tunisienne a connu depuis Kairouan une évolution/ changement par rapport au reste des femmes du monde musulman ; évolution relative à la vie du couple. En outre, la consécration du Code du Statut Personnel en 19567 représente, à son tour, un dispositif avant-gardiste car, il abolit la polygamie, instaure le divorce judiciaire avec la suppression de la notion de répudiation et du devoir d’obéissance. Cependant, en ce qui concerne la prise en considération de son témoignage dans un fait juridique, la femme tunisienne, à l’instar de l’ensemble des femmes arabo-musulmanes est minorée. En effet, dans tous les pays musulmans qui appliquent la chariâa, le témoignage et la voix de la femme sont amoindris par rapport à celui et celle de l’homme. La voix de la femme compte pour la moitié dans le domaine juridique. Cette loi en vigueur aujourd’hui dans le monde musulman, stipule la présence/la voix et donc la signature de deux femmes pour témoigner à la place d’un homme devant un juge ou un notaire. Cette même conception rejoint celle de la loi relative à l’héritage dans le Coran qui préconise que la part d’héritage de la femme équivaut la moitié de celle impartie à un homme, 6
G. Tillon 2000. Tillon Germaine est ethnologue qui a beaucoup travaillé sur les femmes du pourtour méditerranéen, notamment les femmes des tribus berbères. Dans ce contexte, ses travaux ont précédé ceux de Bourdieu. 7 Le Code du Statut Personnel tunisien 1956, instauré par Habib Bourguiba, consiste en une série de lois progressistes visant l’égalité entre l’homme et la femme dans de nombreux domaines en Tunisie.
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qui lui, touche le double. Ainsi, les normes religieuses, culturelles et masculines renforcées par certaines idéologies totalitaires et des traditions séculaires ancrées dans les mentalités, ayant confisqué la parole aux femmes, ont implicitement favorisé le conditionnement sociolinguistique, la domination et la minoration linguistique que subissent les pratiques féminines8. 1. D’une voix réduite au silence à l’expression de la parole Dans la conception religieuse et d’un point de vue anthropologique, notamment dans la culture arabo-musulmane, la voix de la femme ne doit pas porter loin, ni dépasser la porte de la maison. L’expression la plus connue dans ce sens est : - [Sawt el ma’raâ âaoura] : la voix de la femme est impie, elle est considérée comme un péché, un outrage, un tabou, voire un sacrilège ou une tentation, parce que la voix émane du corps et révèle le corps féminin, à juste titre. Cette conception est à l’origine de l’interdiction aux femmes de réciter le Coran (tartil ou tajwid) en public ou d’appeler à la prière dans les mosquées. Dans la tradition discursive, les femmes sont conservatrices du patrimoine linguistique et garantes de sa transmission générationnelle. Chez les générations précédentes, les conversations entre femmes étaient corrélativement moins situées dans des espaces extérieurs. Généralement confinées à des espaces clos, domestiques en l’occurrence, le rapport des femmes au monde extérieur se limitait à de rares occasions. Leur vie sociale et les échanges se faisaient presque exclusivement entre femmes. Celles-ci partageaient des connivences de codes et leurs pratiques langagières étaient considérées en tant qu’héritage et un ensemble de conventions transmis. Marqués davantage par une éducation canonisée pour chaque sexe : les garçons quant à eux sont programmés à occuper l’espace différemment, à vivre à l’extérieur, sortir dans la rue, se défendre, se bagarrer, aller au stade, dans les cafés, lieux autrefois exclusivement réservés aux hommes. Leurs pratiques langagières seraient ainsi marquées par ces espaces, et delà, altérées. Les filles, en revanche, se devaient de garder la maison, de garder le silence, d’adopter une posture de soumission ; de baisser les yeux, et à fortiori, en présence du père, du grand frère, de l’oncle, du mari et de la gente masculine d’une manière générale. L’expression véhiculée dans le monde arabe : [assoukut âlémet arridha] : le silence est synonyme d’acceptation/ d’accord, cette expression de la non-verbalisation imposée tire son origine et sa légitimité du silence prescrit et imposé aux femmes et supposé témoigner d’un consentement. Pour les hommes en revanche, le silence est interprété autrement. Il serait signe de colère, de rejet ou de mécontentement. Dans ce système social où les femmes ne parlent pas et dans lequel les hommes limitent la parole des femmes, en la réduisant au silence, la domination de celles-ci est ainsi assurée. 2. Culture genrée, représentations et parler féminin. Tributaire d’une véritable culture de l’identité genrée rendant d’autant plus aisée la méprise et la minoration, les pratiques spécifiques aux locutrices aînées produites dans certains contextes particulièrement masculins sont la cible de connotations péjoratives, taxées des pires 8
R. Chennoufi 2016.
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qualificatifs. Ces segments de discours recueillis dans notre corpus le corroborent : - [klem n’ssé] : (le parler des femmes), associé aux bavardages et aux commérages - [yetkellim kima elmrâ] : (il parle comme une femme). Cette expression serait dans son usage stigmatisante. - [tkachkich lehnek] : (gymnastique faciale), parler pour ne rien dire, paroles futiles sans intérêt. - [taktiâ w taryiich] : (sens propre : déchirer, déplumer) métaphore associée généralement à la médisance chez les femmes. - [klem esskifa] : les histoires, discussions de palier ou de vestibule associées aux bavardages des femmes ou des commères. Dans les représentations, cette expression est révélatrice du langage sexiste et de la domination masculine qui se matérialise à l’intérieur des interactions. Elle renvoie à des paroles sans intérêt, elle est très souvent produite par des hommes (pressés de rentrer quand leur femme tardent à les rejoindre pour bavarder). D’ailleurs l’expression phare de notre recherche : - [Parole d’hommes] [kilmet rjel] qui s’oppose à paroles de femmes [klem n’ssé] mériterait que l’on s’y intéresse : - [Kilmet rajel] s’oppose à [klem n’ssé] : ici le singulier s’oppose au pluriel. Dans cette expression, nous relevons l’unicité face à la pluralité ou la diversité, le pouvoir face à la domination. L’unicité est synonyme de vérité de la parole ou de la parole vraie par opposition à la parole plurielle, aux paroles sans intérêt. Ainsi, ce constat traduit un rapport de pouvoir sousjacent par excellence, un rapport au niveau des pratiques sociolinguistiques genrées que corroborent les propos de P. Bourdieu (1997) « la langue est pouvoir et celui qui possède la langue possède le pouvoir ». Les études effectuées dans le paradigme de la différence ont soutenu que les hommes et les femmes parlent de manières différentes parce qu’ils entretiennent des relations différentes par rapport à leurs langages. Les pratiques spécifiques aux locutrices aînées corroborent cet état de fait. Elles se caractérisent d’une manière générale par la présence de certaines interjections, onomatopées, perçues comme spécifiquement féminines, les femmes de cette génération usent de diminutifs : - [rouijel] : un petit homme, - [douira] : une maisonnette - [krihba] : voiturette Leurs pratiques sont chargées de mots reflétant leur état émotionnel de surprise ou d’étonnement : - [woh!], [ya ghalba!], [ya choumi!]: (pardi). Ces interjections marquent l’étonnement, la bonne ou mauvaise surprise. Elles sont généralement produites avec une intonation féminine ou une emphase expressive, accompagnées par une gestuelle spécifique, comme celle de l’indexe sur le menton. Elles sont rejetées et stigmatisées dans leur conception efféminées. Cependant, les jeunes générations se les sont appropriées et les ont adoptées à leurs besoins. Elles sont usitées dans des situations de communication où la moquerie et la dérision sont de mise. Ces actes de langage relevant de l’onomatopée ou de l’interjection sont pratiqués exclusivement entre interlocutrices jeunes. Dans leurs discours, les locutrices aînées font appel également à beaucoup d’euphémismes et de non-dits, à de vieux dictons, à des expressions rimées et rythmées, à des proverbes, serments, jurons,
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adjurations sans oublier les références récurrentes à la religion, à Dieu et au Prophète. Les formules de politesse et les formules religieuses caractérisent le discours des femmes d’une manière générale : - [y’âichek] : que Dieu te garde, [y’khallik] : que Dieu te donne vie, [y’fadhelek] : que Dieu te préserve. Ces expressions sont maintenues par la jeune génération dans son ensemble (filles et garçons). Elles peuvent être considérées comme une marque de tunisiannité (y’âichek) et comme faisant partie du patrimoine linguistique tunisien. En revanche, les formules à fonction de conjuration, les injures et les prières, constitutives du parler féminin et notamment celui spécifique aux plus âgées sont des pratiques en voie de disparition. Elles sont souvent considérées comme archaïques et démodées. Nous notons à titre d’exemple : - [y’zein saâdek ou y’kawi saâdek] : que ta destinée soit belle et radieuse (une prière) Ces caractéristiques sont indexées comme typiquement féminines, (et à fortiori chez les plus âgées), elles sont fortement stigmatisées par les hommes témoignant de la différentiation et la distanciation susceptibles d’exister entre les pratiques féminines et masculines. Une différentiation qui s’opère par le biais de l’habitus sexué9. Ainsi, le parler féminin en Tunisie, a longtemps été perçu dans les représentations véhiculées comme un code restreint10, comme un handicap linguistique, voire comme une ’’déficience’’ par rapport à une norme linguistique, ’’une norme masculine’’ où la domination est vécue par les femmes comme légitime11, presque comme une fatalité.
Changements, mutations et nouvelle configuration sociolinguistique : pouvoir et contre-pouvoir La sociolinguistique a considéré l’espace comme un des facteurs de la variation, voire comme une des contraintes du terrain et comme vecteur des dynamiques diverses dont celles relatives aux urbanités langagières12. Avec l’école obligatoire, la massification scolaire, la libération de la femme, la mixité et la proximité, la cohabitation avec leurs camarades garçons, les filles investissent l’espace différemment, notamment dans le milieu urbain, les transports publics, les restaurants et les cafés. Les femmes sont ainsi passées de l’espace domestique à l’espace public et leurs pratiques langagières vont assurément connaître une transgression. Les prémices de cette libération pointent cependant une stratification. Celle définie dans la sortie/service et la libération liée à l’école. Ensuite, celle liée à la scolarisation, à l’université et enfin, celle liée à leur intégration du marché du travail. Occupant majoritairement (en ce qui concerne la femme de la génération intermédiaire, scolarisée après l’indépendance qui est concernée par notre recherche) des postes ordinaires comme secrétaire, enseignante ou institutrice, la femme de cette génération est ainsi amenée à faire de sa voix l’emblème de son émancipation. Cette génération de femmes scolarisées évoluera vers un statut de femme « libérée » aspirant à l’épanouissement par 9 Bourdieu, 1998. 10 Bernstein 1975. 11 Bailly, 2009. 12
Bulot 2014.
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le biais de l’école, de l’instruction et surtout par la libération de la voix. Leur conscience linguistique, ajouté au souci des représentations et du ‘’bien parler’’ pour les plus éduquées d’entre elles, les conduit souvent à user de l’hypercorrection. Chez cette génération en question, il s’agit de l’usage d’une langue policée transmise en milieu restreint, d’un parler neutre, usité dans les contextes formels et informels où les femmes ne haussaient pas la voix. Ayant intériorisé le silence de leur mère et des femmes des générations précédentes pour lesquelles une femme qui hausse la voix dans un contexte formel ou informel est qualifiée de vulgaire, de rustre parce qu’elle a transgressé le ‘’socialement correcte’’ et les normes sociolangagières établies. Ces femmes appartenant à la génération intermédiaire réservent leurs voix uniquement à leur contexte professionnel et familial. Cependant, elles traversent l’espace public en silence. 1. Transgression, croisements des identités langagières de genre Les facteurs socio-économiques et culturels ayant permis la transgression ont instauré des rapports qui ont démystifié les relations hommes/femmes, ils ont permis un nivellement et une atténuation des différences langagières. Ces rapports ont fait émerger une langue qui se veut ludique et séductrice à travers laquelle les jeunes locutrices veulent se faire accepter comme elles sont contrairement aux locutrices intermédiaires qui, elles, étaient effacées et réservées d’un point de vue linguistique. Ainsi, le phénomène d’imitation du ’’parler homme’’, du ‘’parler légitime’’13 a permis aux jeunes locutrices d’acquérir et de partager le pouvoir avec les hommes et de là, de démystifier les pratiques langagières qui leur sont propres. En outre, la démystification se traduit également dans la posture, la gestuelle ainsi que le code vestimentaire ; notamment par le port du jean, du pantalon, de la casquette, du blouson, des baskets ou encore par le fait de fumer la cigarette ou le narguilé dans l’espace public. Si la langue des jeunes filles a connu un glissement vers la masculinité, force est de constater que la langue des jeunes garçons, à son tour, s’est elle aussi policée en devenant une langue moins virile, plus consensuelle et plus mixte où la part (ou la proportion) langagière de féminité et de masculinité fusionnent. Cette mutation que nous considérons unilatérale, c’est-à-dire dans un seul sens ; filles/garçons dans les attitudes et les comportements sociolinguistiques et ce processus de glissement vers une langue androgyne et transgenrée connait cependant ses limites avec les marqueurs spécifiques aux pratiques féminines telles que les onomatopées citées précédemment : [woh], [ ya choumi], [ya ghalba]. Celles-ci seraient toujours présentes dans les pratiques des jeunes locutrices, mais jamais relevées dans le discours des garçons sous peine d’être taxés d’efféminés. Ainsi, les jeunes locutrices investissent l’espace et le répertoire verbal des hommes, cependant le contraire reste difficilement réalisable. Par ces pratiques, on assiste chez la jeune génération à l’émergence d’une langue en circulation, à des pratiques langagières de type androgyne, trans-genré, asexué.
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Bourdieu 1998.
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2. Le parler féminin des jeunes : langue androgyne, déconstruction des imaginaires linguistiques genrés ou continuum ? Notre démarche d’analyse se base sur le rapport entre la variation linguistique et la différenciation sociale. Elle s’inscrit dans une polarisation inter-genre axée sur l’analyse des interactions et la confrontation des codes linguistiques. On focalisera l’attention sur les stratégies discursives qui permettent aux locutrices de construire leur identité comme être de parole où seront plus particulièrement prises en considération les marques linguistiques des types de la prise en charge du discours, telles qu’elles renvoient à des postures énonciatives de co-, sur- et sous-énonciation14. On croisera, ensuite, les modes de rapport/représentation des dires, plus globalement, on cherchera à cerner le pouvoir des mots dans le contexte sociolinguistique tunisien d’un point de vue linguistique et plus largement sociolinguistique. Il est évident que les jeunes locutrices tunisiennes aujourd’hui sont immergées dans un environnement plus mixte que celui de leurs aînées. Leurs réseaux, contrairement aux réseaux souvent fermés et restreints des femmes des générations précédentes, sont devenus plus diversifiés. De fait, le répertoire verbal de ces jeunes locutrices est devenu plus perméable aux influences extérieures et, à fortiori, masculines. L’usage du langage « masculin » constitue un espace de liberté à la fois linguistique, l’aspect ludique et humoristique est très présent, et comportemental vis-à-vis des normes socio-langagières. Les expressions qui constituent des innovations adoptées et qui trouvent un écho grandissant chez les jeunes locutrices relevées dans notre corpus sont : - [berjouliya] : (parole ou attitude d’homme/parole d’honneur). Cette formule qui ’’dérange’’ quand elle est produite par des jeunes filles, selon les jugements des aînés (hommes et femmes) connait aujourd’hui une mutation dans leurs discours en évoluant vers : - [b’rojla] : qui marque une tonalité plus virile, plus masculine. Dans cette expression il s’agit d’un véritable décalage entre le (signifiant/signifié) où l’énoncé a évolué d’un point de vue sémantique. Il a connu un glissement et s’est neutralisé. Dans les discours en circulation, les locutrices qui ont recours à ce type de pratiques sont caractérisées particulièrement par les aînés de : - [âicha rajel] : (garçon manqué). Cette expression qui a un double sens, se dit d’une femme qui parle et adopte un comportement masculin et se dit également d’une femme qui : ‘’vit comme un homme’’. La nouvelle configuration sociolinguistique chez les nouvelles générations est révélatrice d’un rapport qui dépasse l’asymétrie du système social patriarcal ainsi que la configuration préexistante où les locuteurs hommes et femmes sont ; ‘’ parlant dominé’’/ ‘’parlant dominant’’15. Le partage de l’espace conduit incontestablement à l’emprunt et au partage des mots et par conséquent au partage du pouvoir. Nous avons relevé également l’expression : - [mraâ w noss] : une femme et plus, qui s’est surtout employée depuis la révolution tunisienne par les femmes les plus déterminées dans la catégorisation genrée. Celles-ci vont jusqu’à faire de l’expression : [kilmet mraâ] un emblème d’engagement, de sérieux, de responsabilité et de liberté. Une graduation montée en force dans l’usage des ces expressions est effective ; d’abord, en empruntant au parler masculin l’expression : [kelmet 14 15
Rabatel 2004 ; Rosier 2004. D. Spender, 1980.
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rjel] : parole d’hommes où le complément d’objet est remplacé par : femme, ensuite en réactualisant l’expression du patrimoine linguistique tunisien : [mraâ w noss] : (une femme et plus)16. Enfin pour s’arrêter sur l’expression : [kelmet mraâ] : (parole de femme). Celle-ci serait la plus employée sur le marché linguistique actuel. Cette graduation traduit les postures énonciatives (évoquées ci-dessus) de co-, sur- et sous-énonciation. En effet, dans la prise en charge du discours et de la parole, les jeunes locutrices usent de subversions discursives témoignant d’un déséquilibre, d’une asymétrie, caractéristiques d’une dynamique communicationnelle singulière. Un autre fait témoigne du dynamisme et de la transgression sociolangagière des jeunes locutrices, il est défini dans l’adoption des pseudonymes masculins. En effet, des prénoms d’hommes sont attribués entre jeunes filles particulièrement dans l’espace public, à travers la toile et les réseaux sociaux ou au sein de l’université. Les amies sont désignées entre elles de manière ludique et humoristique de : « sahbi », de « shouba » : (mon ami au masculin), de prénoms masculins, tel que « Hammadi », « hobbi » (mon amour au masculin), etc… L’appropriation de ces actes de langage performatifs de la part des jeunes locutrices qui exhibent et affichent des indices linguistiques transgenrés, des comportements sociolinguistiques masculins, d’un langage à connotation virile, des marqueurs de pouvoir et de masculinité témoignent d’une discordance dans les pratiques féminines générationnelles. Cette réappropriation des mots par la contestation du sens dominant par la transgression au niveau de l’anthroponymie traduirait l’expression d’une bisexualité refoulée et le fantasme du masculin dans un corps de femme. Ce répertoire lexical qui autrefois était réservé à la communauté masculine, symbolisant le pouvoir se retrouve aujourd’hui investi, il s’est démocratisé unifiant ainsi une communauté d’âge. Par cet usage commun où la distinction genrée a perdu de sa substance, on assiste à un langage neutre surtout dans des situations informelles. L’affirmation d’une parole féminine face au pouvoir d’assujettissement du dire masculin et du parler homme passe par une mise à distance par rapport à la contestation d’une tradition séculaire. Contrairement aux intermédiaires, les jeunes locutrices ne sont pas dans les représentations, elles n’ont pas de conscience linguistique, par conséquent, elles ne sont pas dans l’hypercorrection 17 . Les stratégies discursives adoptées et la subversion des actes de parole permettent à ces locutrices de construire leur identité en tant qu’êtres de paroles produites en tant qu’acte de résistance. L’acte énonciatif dans ce contexte et chez cette nouvelle génération de femmes, n’est-il pas un acte de résistance inconsciente ? Les changements et les mutations sociales impliquent indéniablement d’autres rapports à la langue chez les nouvelles générations de locutrices qui s’expriment pour séduire, pour montrer qu’elles sont branchées, qu’elles sont dans l’air du temps. Pour ce groupe d’âge en question, le rapport à l’homme a changé, il s’agit d’un rapport amical, le garçon est le camarade d’école du primaire, en passant par le lycée, jusqu’à l’université. La cohabitation et le 16
‘’Nissaou bilédi nissaon wa nisf’’ : (les femmes de mon pays sont beaucoup plus que des femmes). Cette expression phare du feu poète Sghair Ouled Hmid a été réactualisée, reprise et relatée par les instances de la communication ; la radio, la télévision et les médias d’une manière générale. 17 Hypercorrection : fait de reconstruire d’une manière erronée une forme qu’on croyait altérée
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partage du même espace ont permis une transgression des normes sociolangagières ainsi qu’un dépassement de la victimisation et de la vulnérabilité subies. Ces facteurs ont permis à la femme d’acquérir un pouvoir et un statut d’égale à égal, du moins dans le quotidien, dans l’informel et dans l’espace urbain et public. Un pouvoir partagé par des groupes liés au temps et à l’espace qui les unifie. Cette libération définie par et dans le langage et dans l’appropriation du registre typiquement masculin, chargé de pouvoir s’est neutralisée face à un parler féminin autrefois minoré. Ce qui traduit un désir conscient ou inconscient de destruction des genres, des modèles masculins, des rapports de domination où la langue serait à la fois mémoire d’une idéologie discriminante portant les refoulements, les stigmates du passé, elle serait également miroir de l’autre, du masculin, du fantasmé. Nos hypothèses de départ stipulaient qu’à des époques données, correspondent des traits linguistiques donnés. Elles postulaient que les pratiques langagières spécifiques aux jeunes locutrices obéissaient non seulement à une dynamique sociale fondée sur l’interagir communicationnel et l’accommodation nécessaire à la régulation socio-langagière, mais aussi à une régularité systémique dans la mesure où ces formes androgynes morphologiques ou lexicales finissent par se fondre dans le moule d’une langue en circulation que nous appellerons l’arabe tunisien urbain ; une langue partagée, androgyne, asexuée et transgenrée. Notre observation et analyse des pratiques langagières de trois générations de locutrices tunisiennes nous invite à re-penser les catégorisations sociolangagières (parler féminin/parler masculin) ainsi que les faits, les frontières et les contours linguistiques genrés qui se révèlent aujourd’hui brouillés. Elle nous permet également de confirmer l’hypothèse selon laquelle les instances sont régulatrices de la parole et que le temps façonne les pratiques et fragilise les représentations sociolinguistiques. Le comportement sociolinguistique et la mobilisation des ressources langagières et symboliques qui distinguent les jeunes locutrices, fruit de la modernité commune et partagée avec les locuteurs masculins, nous permettent de confirmer l’émergence et la construction d’une nouvelle langue, une autre langue de celle des hommes, certes intégrée, mais qui témoignerait incontestablement d’un processus de construction d’identités langagières émergentes, d’un acte de résistance, d’un continuum qui alimente et dynamise la langue des femmes pour l’amener du domestique au social. Tout porte à croire que les femmes tunisiennes auraient une revanche à prendre à l’égard d’un passé où les normes sociales, sociolangagières et masculines les ont longtemps exclues et marginalisées. Il s’avère que les jeunes locutrices semblent passer outre le principe de la domination symbolique pour conjuguer traditions et modernité déconstruisant les imaginaires linguistiques genrés et assumant un langage qui leur est propre.
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اﻟﺤﺞ ﺑﯿﻦ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ )اﻟﺨﻠﻖ اﻟﻄﺒﯿﻌﻲ( و اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ )اﻟﺄﺳﻄﻮري و اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ و اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ( ﻓﺎطﻤﺔ ﻛﺸﻮري زرﻗﻮﻧﻲ
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إنّ ﻟﻠﺄﻧﺜﻰ ﻋﻠﺎﻗﺎت ﺑﻤﻘﺎﻟﺎت اﻟﺒﺪاﯾﺎت و اﻟﺪﻧﯿﻮﯾﺎت و اﻟﺄﺧﺮوﯾﺎت ،ﻋﻠﺎﻗﺔ ﺗﺘﺠﻠّﻰ ﻓﻲ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﻨّﺼﻮص ،ﺑﺪءا ﺑﺎﻟﻨّﺺّ اﻟﻤﺮﻛﺰ. ﻓﺎﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ و ﻋﻠﯿﮫ ﺑﻨﯿﺖ ﺣﻀﺎرة اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ﺑﻤﻨﻈﻮﻣﺎﺗﮭﺎ اﻟﻤﺨﺘﻠﻔﺔ،ﻧﺺّ ﻣﻠﻔﻮظ ﺗﻌﻠّﻖ ﺑﺎﻟﻤﺆﻧﺚ ﻓﻲ ﻣﺴﺘﻮﯾﺎت ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ. 2ﻓﺎﻟﺒﺎث ربّ ﻟﺎ ﺻﺎﺣﺒﺔ ﻟﮫ )3و ﻗﺪ ﯾﻜﻮن ﻟﻨﺎ ﻓﻲ ﻣﺪاﺧﻠﺔ اﻟﺪﻛﺘﻮرة زﯾﻨﺐ ﺗﻮﺟﺎﻧﻲ ﻣﺎ ﻗﺪ ﯾﻔﺘﺢ آﻓﺎﻗﺎ ﺟﺪﯾﺪة ﻓﻲ ﺟﻨﺲ اﻟﺈﻟﮫ اﻟﺨﺎﻟﻖ و ھﻲ اﻟﺘﻲ ﺳﺘﺒﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﺄﻟﻮھﺔ اﻟﻤﺆﻧﺜﺔ( و اﻟﻤُﺘﻘﺒﻞ اﻟﺄوّل ﻣَﻠَﻚ ،ﻧﻔﻰ ﻋﻨﮫ اﻟﻨّﺺّ ﺻﻔﺔ اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ 4و اﻟﻤُﺘﻘﺒّﻞ اﻟﺜﺎﻧﻲ رﺳﻮل ﺑﺪأه اﻟﻮﺣﻲ ﻣُﺘﺪﺛﺮا ﺑﯿﻦ ﯾﺪي أﻧﺜﻰ 5و اﻧﺘﮭﻰ ﺑﮫ ﻣُﻔﺎرﻗﺎ ﻟﻠﺪﻧﯿﺎ ﺑﯿﻦ ﺳﺤﺮ أﻧﺜﻰ و ﻧﺤﺮھﺎ.6 8 أﻣّﺎ اﻟﻨّﺼﻮص اﻟﺤﻮافّ 7و اﻟﺜﻮاﻧﻲ و اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ ﻣﻨﮭﺎ ﺑﺎﻟﺨﺼﻮص ،ﻋﻨﺪ ﺳﺎﺋﺮ اﻟﻤﺬاھﺐ و اﻟﻔﺮق ﻓﻘﺪ ﺧﺼّﺖ اﻟﺄﻧﺜﻰ ﺑﻜﻢّ ھﺎﺋﻞ ﻣﻦ اﻟﺄﺣﻜﺎم ﺟﺎءت ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ ﻣﺬھﺐ إﻟﻰ آﺧﺮ و ﻣﻦ ﻓﺮﻗﺔ إﻟﻰ 9 أﺧﺮى ﺣﺪّ اﻟﺘﻌﺎرض أﺣﯿﺎﻧﺎ. و ﻟﻘﺪ اﺧﺘﺮﻧﺎ اﻟﺒﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﻤﺤﻮر اﻟﺜﺎﻟﺚ ﻣﻦ ﻣﺤﺎور ھﺬا اﻟﯿﻮم اﻟﺪراﺳﻲ أﻟﺎ و ھﻮ ﻣﺤﻮر اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ و اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ ﻓﻲ اﻟﺄﺳﺎطﯿﺮ ﺑﻤﺪاﺧﻠﺔ ﻋﻨﻮاﻧﮭﺎ :اﻟﺤﺞ ﺑﯿﻦ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔ )و ﻧﻘﺼﺪ ﺑﺬﻟﻚ اﻟﺨﻠﻖ اﻟﻄﺒﯿﻌﻲ و اﻟﺒﯿﻮﻟﻮﺟﻲ( و اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ )و ﻧﻘﺼﺪ ﺑﮫ اﻟﺄﺳﻄﻮري و اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ و اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ(. إنّ اﻟﺒﺤﺚ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻌﻠﺎﻗﺎت ھﻮ ﺑﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ و ﻣﺎ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﻣﺎﻣﻲ ،ﻣﺠﺎل ﺑﺤﺜﻨﺎ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪاﺧﻠﺔ إﻟﺎّ ﺟﺰء ﻣﻨﮫ. و ﻟﻦ ﻧﺒﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﺂﻟﯿﺎت اﻟﺘﻲ أﻧﺘﺠﺖ ھﺬا اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ،10ﺑﻞ ﺳﻨﺒﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﺼﻮر اﻟﺘﻲ أﻧﺘﺠﺘﮭﺎ ﻋﺒﺮ ﻧﺺّ طﺮﯾﻒ ﻟﻠﻜﻠﯿﻨﻲ ﻓﻲ ﻛﺎﻓﯿﮫ ﻣﻌﺘﻤﺪﯾﻦ ﻓﻲ ذﻟﻚ ﻣﻘﺎرﺑﺔ ﺗﻔﻜﯿﻜﯿّﺔ ﺗﺄوﯾﻠﯿّﺔ. و ﺳﯿﻜﻮن اﻟﻌﻤﻞ ﻣﻨﻘﺴﻤﺎ إﻟﻰ ﻣﺤﻮرﯾﻦ ﻛﺒﯿﺮﯾﻦ اﻟﺄول ھﻮ ﻗﺼّﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ 11و اﻟﺈھﺒﺎط و ﺑﺎﺣﺜﯿﻦ ﻓﯿﮫ ﻋﻦ اﻟﺼﻮر اﻟﺘﻲ اﻧﺘﺠﮭﺎ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﻣﺎﻣﻲ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﺳﺘﻘﺮاء ﻧﺺّ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ و ﻣﻘﺎرﻧﺘﮭﺎ ﺑﺎﻟﻨﺺ اﻟﺘﻮراﺗﻲ و اﻟﻘﺮآﻧﻲ و ﻛﺬﻟﻚ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺤﻮاف. أﻣﺎ اﻟﻘﺴﻢ اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻓﺴﯿﻜﻮن ﺧﺎﺻﺎ ﺑﺘﺄﺛﯿﺮات ﺗﻠﻜﻤﺎ اﻟﻘﺼﺘﯿﻦ ﻓﻲ اﻟﻔﻜﺮ اﻟﺈﻣﺎﻣﻲ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺑﻌﺾ أﺣﻜﺎم اﻟﺤﺞ و أﯾﻀﺎ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺗﺸﻜﻞ ﺑﻌﺾ اﻟﻌﻘﺎﺋﺪ ﻣﺜﻞ ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ. 1ﺑﺎﺣﺜﺔ 2إنّ اﻟﻨﺺ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﻓﻲ ذاﺗﮫ ﯾﻌﺞّ ﺑﺎﻟﻨﺴﺎء و ﻗﺼﺼﮭﻦّ ﺣﺘﻰ أنّ إﺣﺪى ﺳﻮره وُﺳﻤﺖ ﺑﺴﻮرة اﻟﻨﺴﺎء و أﺧﺮى ﺑﺴﻮرة ﻣﺮﯾﻢ. 3إنّ اﻟﺨﺼﯿﺼﺔ اﻟﺄﻟﺼﻖ ﺑﺎﻟﺬّات اﻟﺈﻟﮭﯿﺔ ھﻲ اﻟﻮﺣﺪاﻧﯿﺔ .وھﻲ ﻣﻦ أﺻﻮل اﻟﻌﻘﯿﺪة اﻟﺘّﻲ ﻟﺎ ﯾﺨﺘﻠﻒ ﻋﻠﯿﮭﺎ أي أﺣﺪ ﻣﻦ اﻟﻤﺬاھﺐ أو اﻟﻔﺮق .واﻟﻮﺣﺪاﻧﯿﺔ ﺗﻌﻨﻲ أﻣﺮﯾﻦ ﻣﺘّﺼﻞ ﺛﺎﻧﯿﮭﻤﺎ ﺑﺎﻟﺄول .ﻓﺎ واﺣﺪٌ أﺣﺪٌ ﻟﺎ ﺻﺎﺣﺒﺔَ ﻟﮫ وﻟﺎ وﻟﺪ وﻟﺎ أمّ .ﻓﺎﻟﻮﺣﺪاﻧﯿﺔ ﺗﺘﻄﻠّﺐ اﻧﺘﻔﺎء اﻟﺄﻧﺜﻰ .اﻧﻈﺮ ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻄﺒﺮي واﻟﻘﺮطﺒﻲ واﺑﻦ ﻛﺜﯿﺮ وﻏﯿﺮھﻢ ﻟﺴﻮرة اﻟﺈﺧﻠﺎص واﻟﺂﯾﺔ 101ﻣﻦ ﺳﻮرة اﻟﺈﻧﻌﺎم واﻧﻈﺮ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ اﻟﻜﺎﻓﻲ ص 28ﺑﺎب ﺗﺎوﯾﻞ اﻟﺼﻤﺪ 4ﺳﻮرة اﻟﻨﺠﻢ )(53اﻟﺂﯾﺔ 27 5ﺧﺪﯾﺠﺔ 6ﻋﺎﺋﺸﺔ 7اﻟﻤﺴﻌﻮدي،ﺣﻤﺎدي،ﻓﻲ اﻟﺒﺪء ﻛﺎن اﻟﺠﺴﺪ ،ﻗﺼّﺔ آدم و ﺣﻮّاء ﻓﻲ اﻟﻨّﺼﻮص اﻟﻤﻘﺪّﺳﺔ ،ﻣﻨﺸﻮر ﺿﻤﻦ ﻗﺴﻢ اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻟﻤﺆﺳﺴﺔ ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود 8اﻟﻤﺪوﻧﺎت اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ و ﻛﺘﺐ أﺳﺒﺎب اﻟﻨﺰول و ﻏﯿﺮھﺎ ﻣﻦ اﻟﻌﻠﻮم اﻟﺘﻲ اﻧﺒﻨﺖ ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﺺ اﻟﻤﺆﺳﺲ. 9ﻓﻔﻲ ﺣﯿﻦ ﺗﻌﺪّ اﻟﻤﺪوّﻧﺔ اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ اﻟﺸﯿﻌﯿّﺔ و ﺧﺎﺻّﺔ ﻣﻨﮭﺎ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ ﻣﻨﮭﺎ ،اﻟﻤﺘﻌﺔ ﺣﻠﺎﻟﺎ ﻓﺈنّ ﺷﺘﻰ اﻟﻤﺬاھﺐ اﻟﺴﻨﯿّﺔ اﺗﻔﻘﺖ ﻋﻠﻰ ﺣﺮﻣﺘﮭﺎ. 10اﻧﻈﺮ ﻓﻲ ذﻟﻚ ﻣﻨﺼﻮري ،ھﺎﺟﺮ ،ﻣﻘﺎل اﻟﻤﺮأة ﺑﯿﻦ اﻟﺄﺳﻄﻮرة و ﻣﺘﺨﯿّﻞ ﺑﺪء اﻟﺨﻠﻖ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺪﯾﻨﻲ اﻟﺈﻣﺎﻣﻲ.ﻓﻘﺪ ﻗﺎﻣﺖ ﺑﺎﻟﺤﻔﺮ ﺑﻌﻤﻖ ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ ھﺬه اﻟﺂﻟﯿﺎت و اﻟﺘﻲ ﺑﻮاﺳﻄﺘﮭﺎ اﻧﺘﺠﺖ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ ﺧﻄﺎﺑﮭﺎ ﻋﻦ اﻟﻤﺮأة. 11اﻧﻈﺮ Claude beltman, Les récits des commenements ،
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و ﺳﻨﻨﻄﻠﻖ ﻣﻦ ﺗﺤﺪﯾﺪ اﻟﻜﻠﻤﺎت اﻟﻤﻔﺎﺗﯿﺢ . -1اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ : إنّ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ھﻮ ﺻﯿﻐﺔ اﺳﻢ ﻣﻔﻌﻮل ﻣﻦ ﺟﺬر) خ،ي،ل( ﻋﻠﻰ ﻣﻌﻨﻰ اﻟﺘﺨﯿﯿﻞ و اﻟﻮھﻢ .و ﻟﻌﻞّ ھﺬا اﻟﻤﻌﻨﻰ ھﻮ اﻟﺬي "أﺳﮭﻢ ﻓﻲ إﻗﺼﺎء ھﺬا اﻟﺒﻌﺪ اﻟﺮّﻣﺰي ﻓﻲ اﻟﺈﻧﺴﺎن".13إﻟﺎّ أنّ اﻟﺎﻧﺘﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺎ ﺗﻤﻜّﻨﺖ ﻣﻦ إﻋﺎدة اﻟﺎﻋﺘﺒﺎر ﻟﻠﻤﺘﺨﯿّﻞ "و ﻣﻦ ﺛﻢّ أﺿﺤﻰ...ﻣﻜﻮّﻧﺎ ﻣﻦ ﻣﻜﻮّﻧﺎت اﻟﺈﻧﺴﺎن ﻣُﻄﻠﻘﺎ و ﺟﺰءا ﻣﻦ ذاﺗﮫ 14 اﻟﻤﻨﻐﺮﺳﺔ ﻓﻲ اﻟﺘﺎرﯾﺦ ﯾﺴﻜﻨﮫ و ﯾﻨﮭﻞ ﻣﻦ ﻧﺒﻌﮫ ﻧﮭﻠﺎ". و ﻟﻘﺪ ﺗﻌﺪدت اﻟﺘﺤﺪﯾﺪات اﻟﻨّﻈﺮﯾّﺔ ﻟﮭﺬا اﻟﻤﻔﮭﻮم .و ﻧﺮى أنّ اﻋﺘﺒﺎر اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ﻣﺮﺗﺒﻄﺎ ﺑﺎﻟﺼﻮر اﻟﺘﻲ ﺗﻤﻜّﻦ ﻣﻦ اﻟﻮﻋﻲ ﺑﺎﻟﻌﺎﻟﻢ اﻟﺄﻗﺮبَ إﻟﻰ ﻣﺎ ﺳﻨﻌﺘﻤﺪه ﻓﻲ ﻣﺪاﺧﻠﺘﻨﺎ.15 إنّ "اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ھﻮ ﻋﻨﺼﺮ ﺗﺤﺮر ﻣﻦ اﻟﺠﮭﻞ ﺑﻤﺎ ﻛﺎن ﻓﻲ اﻟﺒﺪء و رﻏﺒﺔ ﻓﻲ إدراك ﻟﺤﻈﺔ ﺗﺸﻜّﻞ 16 اﻟﺈﻧﺴﺎن". و ﻏﺎﯾﺘﻨﺎ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪاﺧﻠﺔ ﺑﯿﺎن أنّ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ھﻮ ﻣﺮآة اﻟﻤﻌﺘﻘﺪات اﻟﻤﻨﺘﺠﺔ ﻟﮫ.ﻓﮭﻮ "ﻟﯿﺲ إﻧﺘﺎﺟﺎ اﻋﺘﺒﺎطﯿﺎ ،إﻧﮫ ﻣﻨﻐﻤﺲ و ﻣﻨﻐﺮس ﻓﻲ ﺻﺮاﻋﺎت اﻟﺠﻤﺎﻋﺔ اﻟﺎﻋﺘﻘﺎدﯾّﺔ ﺑﮫ ﺗﻤﺮر ﻣﻘﺎﻟﺘﮭﺎ و ﺗﺜﺒﺘﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﻀﻤﯿﺮ اﻟﺠﻤﻌﻲ ﻋﺒﺮ اﻟﻘﺺّ".17 ﻓﻌﻤﻠﻨﺎ ھﻮ ﻧﻈﺮ ﻓﻲ ﻗﺼّﺔ إھﺒﺎط آدم و ﺣﻮّاء ،دون أن ﻧﺤﺎول إﺛﺒﺎت ﺻﺤﺔ ھﺬه اﻟﺄﺧﺒﺎر،ﻟﺘﻤﺜﻞ اﻟﺪﻟﺎﻟﺎت و اﻟﻮظﺎﺋﻒ اﻟﺘﻲ ﻗﺎﻣﺖ ﺑﮭﺎ. 12
-2اﻷﺳﻄﻮرة: إنّ اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ اﻟﻤﺴﺘﻘﺎة ﻣﻦ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﻤﻌﺎﺟﻢ و اﻟﻘﻮاﻣﯿﺲ ﻟﺎ ﺗﺨﺮج ﺑﺎﻟﻜﻠﻤﺔ ﻋﻦ ﻣﻌﻨﻰ اﻟﺎﺣﺪوﺛﺔ و اﻟﺎﺣﺎدﯾﺚ و اﻟﺄﺑﺎطﯿﻞ. 18و ھﻲ ﺑﺬﻟﻚ ﺗﺒﻨﻲ اﻟﺄسّ اﻟﺄول ﻟﮭﺎ.و ﻗﺪ اﺷﺘﻐﻞ ﻣﺎرﺳﯿﺎ اﻟﯿﺎد Mircea Eliadeﻋﻠﻰ اﻟﺄﺳﻄﻮرة ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﻋﻤﻠﮫ اﻟﺤﻔﺮي ﻓﻲ اﻟﺤﻀﺎرات اﻟﺴﺎﻣﯿﺔ و اﻟﺒﺎﺑﻠﯿّﺔ .و ﯾﺮى اﻧﮭﺎ ﺗﻌﺮّﻓﻨﺎ ﻋﻠﻰ أﺻﻞ اﻟﺄﺷﯿﺎء .19و ھﺬا ﻣﺎ ﯾﮭﻤﻨﺎ ﻓﻲ ھﺬه اﻟﻤﺪاﺧﻠﺔ.ﻓﻤﺒﺤﺜﻨﺎ ﺳﺎﻛﻦ ﻓﻲ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ .وﻋﻤﻠﻨﺎ ﺑﺤﺚ ﻓﻲ زﻣﻦ اﻟﻤﻘﺪس و"ﯾﺒﻘﻰ اﻟﻤﻘﺪس داﺧﻞ داﺋﺮة اﻟﻤﻤﻨﻮﻋﺎت أي اﻟﻤﺤﺮﻣﺎت" و " ﻟﺎ ﯾﺴﺘﻘﯿﻢ اﻟﺪﯾﻦ إﻟﺎّ ﻓﻲ ظﻞّ ﺗﺮﺳﯿﺦ ھﺬا اﻟﺰﻣﻦ اﻟﻤﻘﺪّس" . -3اﻹﻣﺎﻣﯿﺔ اﻻﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ : إنّ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿّﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ ﻓﺮﻗﺔ ﻣﻦ ﻓﺮق اﻟﺸﯿﻌﺔ.و ﻟﮭﺎ ﻣﺼﻨﻔﺎت ﻋﺪﯾﺪة ﯾﺮى اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻋﺒﺪ ا ﺟﻨﻮف 20أﻧﮭﺎ ﻓﺎﻗﺖ ارﺑﻌﻤﺎﺋﺔ ﻛﺘﺎب ﻟﻢ ﯾﺼﻠﻨﺎ ﻣﻨﮭﺎ ﺳﻮى ﺳﺘﺔ ﻋﺸﺮ ﻛﺘﺎب .و ﻟﻌﻞّ اھﻤﮭﺎ ،و ﻋﻠﯿﮭﺎ اﻋﺘﻤﺎد اﻟﺠﻤﺎﻋﺔ،اﻟﻜﺘﺐ اﻟﺄرﺑﻌﺔ 21و ﻣﻨﮭﺎ اﻟﻜﺎﻓﻲ ﻟﻠﻜﻠﯿﻨﻲ.
-Iﻗﺼّﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ و اﻹھﺒﺎطإنّ ﻣﺪاﺧﻠﺘﻨﺎ ھﻲ ﺣﻔﺮ ﻓﻲ أﺳﻄﻮرة اﻟﺨﻠﻖ و اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ و ﻣﺪى ﺗﺄﺛﯿﺮھﺎ ﻓﻲ ﺗﺸﻜّﻞ أﺣﻜﺎم اﻟﺤﺞ و ﺷﻌﺎﺋﺮه 22ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻮر إﻣﺎﻣﻲ ﺣﺘﻰ ﻧﺘﺒﯿّﻦ اﻟﺪور اﻟﻤﺮﺟﻌﻲ ﻟﻠﺄﺳﻄﻮرة 23ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ ﺛﻨﺎﺋﯿﺔ اﻟﺄﻧﻮﺛﺔو اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ.24ﻋﻤﻠﻨﺎ ﺑﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﺠﺴﺪ 25و اﻟﺠﻨﺲ و ﻣﺎ ﺗﺮﺗّﺐ ﻣﻦ ﺧﻄﯿﺌﺔ. "12ﺧﯿﻞ:ﺧﺎل اﻟﺸﻲء ﯾﺨﺎل ﺧﯿﻠﺎ و ﺧﯿﻠﺔ و ﺧﺎﻟﺎ و ﺧﯿﻠﺎ و ﺧﯿﻠﺎﻧﺎ و ﻣﺨﺎﻟﺔ و ﻣﺨﯿﻠﺔ و ﺧﯿﻠﻮﻟﺔ :ظﻨّﮫ...و ﺧﯿّﻞ ﻋﻠﯿﮫ:ﺷﺒّﮫ.و أﺧﺎل اﻟﺸﻲء:اﺷﺘﺒﮫ ...و ﺗﺨﯿّﻞ اﻟﺸﻲء ﻟﮫ ﺗﺸﺒّﮫ...و اﻟﺨﯾﺎل و اﻟﺨﯿﺎﻟﺔ :ﻣﺎ ﺗﺸﺒّﮫ ﻟﻚ ﻓﻲ اﻟﯿﻘﻈﺔ و اﻟﺤﻠﻢ ﻣﻦ ﺻﻮرة...ﻣﻦ اﻟﺘﺨﯿﯿﻞ و اﻟﻮھﻢ"اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر ،ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺐ،ﻣﺞ،6ﻣﺎدة ﺧﯿﻞ،دار ﺻﺎدر ﻟﻠﻄﺒﺎﻋﺔ و اﻟﻨﺸﺮ،ط1،1997ﺑﯿﺮوت 13اﻟﻤﻜﻲ،ﺑﺎﺳﻢ،اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت و أﺑﺤﺎث،اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء،اﻟﻤﻐﺮب،ط1،2013 14اﻟﺠﻤﻞ،ﺑﺴﺎم،ﻟﯿﻠﺔ اﻟﻘﺪر ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،دﻣﺸﻖ ،ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﻘﺪﻣﻮس اﻟﺜﻘﺎﻓﯿﺔ،ط،1،2007ص5 15ﻟﻤﺰﯾﺪ اﻟﺘﻌﻤّﻖ ﯾﻤﻜﻦ اﻟﻌﻮدة إﻟﻰ دوران Durand, Les structures anthropologigues de l’imaginaire, Paris ; P U F, 1960 16اﻟﻤﻜﻲ،ﺑﺎﺳﻢ ،اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت و أﺑﺤﺎث،اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ، ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء،اﻟﻤﻐﺮب،ط1،2013 17ﻧﻔﺴﮫ 18اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر ،ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب ،ﻣﺎدة ﺳﻄﺮ 19اﻟﯿﺎد)ﻣﺮﺳﯿﺎ(،ﻣﻈﺎھﺮ اﻟﺄﺳﻄﻮرة ،ﺗﺮﺟﻤﺔ ﺧﯿﺎط )ﻧﮭﺎد( ،دﻣﺸﻖ ،دار ﻛﻨﻌﺎن ﻟﻠﺪراﺳﺎت و اﻟﻨﺸﺮ ،1991 ،ص 21 20ﺟﻨﻮف)ﻋﺒﺪ ا (،ﻋﻘﺎﺋﺪ اﻟﺸﯿﻌﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ و أﺛﺮ اﻟﺠﺪل ﻓﻲ ﻧﺸﺄﺗﮭﺎ و ﺗﻄﻮرھﺎ ،دار اﻟﻄﻠﯿﻌﺔ ﺑﯿﺮوت،ط1،2013 21اﻟﻜﺎﻓﻲ ﻓﻲ اﻟﺄﺻﻮل و اﻟﻔﺮوع و اﻟﺄﺧﻠﺎق و أﺣﻮال اﻟﺎﻧﺒﯿﺎء و اﻟﺄﺋﻤﺔ و اﻟﺴّﻤﺎء ﻟﻠﻜﻠﯿﻨﻲ)ت 328ه( ،ﻣﻦ ﻟﺎ ﯾﺤﻀﺮه اﻟﻔﻘﯿﮫ ﻟﺼﺎﺣﺒﮫ اﻟﻘﻤّﻲ )ت 381ه( ،ﺗﮭﺬﯾﺐ اﻟﺄﺣﻜﺎم "" ،اﻟﺎﺳﺘﺒﺼﺎر ﻓﯿﻤﺎ اﺧﺘﻠﻒ ﻣﻦ اﻟﺄﺧﺒﺎر "ﻟﻠﻄّﻮﺳﻲ )ت460ه(
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ﻓﻠﻠﺠﺴﺪ ﻟُﻐﺔ ﺗُﻔﮭﻢ ﻓﻲ ﻋُﺮﯾﮫ و ﺳﺘﺮه .26و ﻣﺎ ﺗﺘﺒﻊ اﻟﻌﯿﻦ ،ﻓﻲ ﻗﺼّﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ و ﻗﺼﺔ اﻟﺈھﺒﺎط ،ﺗُﺮﺳﻞ ﻧﻈﺮھﺎ ﺣﯿﻨﺎ و ﺗﺴﺘﺮﻗﮫ أﺣﯿﺎﻧﺎ إﻟﺎّ اﺳﺘﻨﻄﺎق ﻟﺮؤﯾﺔ ﻣﺨﺼﻮﺻﺔ ﻟﻠﺠﺴﺪ و ﻟﻠﻌﻮرة و ﻟﻠﺠﻨﺲ ﻋﻤﻮﻣﺎ. و ﻟﻠﺠﻨﺲ ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻣﻨﺰﻟﺔ ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﯾﻜﺎد ﯾﻜﻮن ﺟﺬرﯾﺎ ﻋﻦ ﻣﺜﯿﻠﺎﺗﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﯿﮭﻮ-ﻣﺴﯿﺤﯿﺔ" .ﻓﺎﻟﻘﺮآن اﻋﺘﺒﺮ اﻟﺠﻨﺲ ﻧﺸﺎطﺎ ﻓﻄﺮﯾﺎ و ﻣﺮﻏﻮﺑﺎ ﻓﯿﮫ ﻟﺎ ﻓﻲ اﻟﺤﯿﺎة اﻟﺪﻧﯿﺎ ﻓﺤﺴﺐ ،و ھﺬا ﻣﻮطﻦ اﻟﺨﻠﺎف ،ﺑﻞ ﻧﻌﻤﺔ ﻣﻦ ﻧِﻌَﻢ اﻟﺂﺧﺮة ﺗﻜﺎد ﺗﻀﺎھﻲ اﻟﺴﻌﺎدة اﻟﺤﻘﯿﻘﯿّﺔ ﻓﻲ ﻣﻠﻜﻮت ا ". 27ﻓﻜﯿﻒ ھﻲ اﻟﺤﺎل ﻓﻲ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺤﻮافّ؟ وﺗﻌﺪّ اﻟﺄﺳﻄﻮرة اﻟﺘﻮراﺗﯿّﺔ ﻣﻦ أﺑﺮز اﻟﺄﺳﺎطﯿﺮ اﻟﺤﻮاﺋﯿّﺔ28اﻟﺘﻲ ﺗﺠﻌﻞ ﻣﻦ ﺗﻔﺎﺻﯿﻞ ﺧﻠﻖ ﺣﻮاء ﻟﺎ زوﺟﺎ ﺑﻤﻌﻨﻰ اﻟﻨّﺪﯾﺔ ﻟﺂدم و إﻧّﻤﺎ ﺗﺎﺑﻌﺎ ﻧﺎﻗﺼﺎ.29ﻓﮭﻲ ﻋﻠﻰ ﺣﺪّ ﻋﺒﺎرة ھﺎﺟﺮ ﻣﻨﺼﻮري"اﻣﺮأة ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ﺗﺠﺬب اﻟﺮّﺟﻞ إﻟﯿﮭﺎ ﺑﻘﻮّة اﺣﺘﻮاﺋﮭﺎ و أﻧﺜﻰ ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ﯾﺸﺘﮭﯿﮭﺎ اﻟﺮّﺟﻞ و ﯾﻠﮭﺚ وراءھﺎ".30 ﻓﮭﻞ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ ،ﻛﺎﻧﺖ ﺑﻔﻌﻞ ﺣﻮّاء ﻓﻌﻠﺎ ﯾﺤﺘﺎج إﻟﻰ ﻋﻘﻮﺑﺔ و ﺗﻜﻔﯿﺮ و ﻏﻔﺮان ،أم ﻛﺎن ﻣﺸﯿﺎ ﻓﻲ طﺮﯾﻖ ﻋﺒّﺪھﺎ اﻟﺮّبّ اﻟﺎﻟﮫ و ﺣﻠﺎّھﺎ ﺑﺎﻟﻨﮭﻲ و ﺑﻜﻞ ﻣﺎ ﺧﺺّ ﺑﮫ ﺣﻮاء ﻣﻦ ﻣﻔﺎﺗﻦ و ﻣﺤﺎﺳﻦ .و ﻛﯿﻒ ﻛﺎن ھﺬا اﻟﺘﻜﻔﯿﺮ و اﻟﻐﻔﺮان ؟ إنّ اﻟﺤﺞ ﻣﺪار ﻧﺼﻨﺎ ھﻮ اﻟﺈﺟﺎﺑﺔ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ ﻟﮭﺬا اﻟﺴﺆال . ﺳﻨﻘﺪم ﻟﻜﻢ ﻟﻤﺤﺔ ﻋﻦ اﻟﻨّﺺّ اﻟﺬي اﺧﺘﺮﻧﺎه ﻣﻦ ﻛﺎﻓﻲ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ 31و ﺳﺘﻜﻮن ﺑﯿﻦ أﯾﺪﯾﻜﻢ ﻧﺴﺨﺔ ﻣﻨﮫ. إنّ ﻧﺼﻨﺎ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻣﺸﺎھﺪ ﻣﺴﺮﺣﯿﺔ أﺑﻄﺎﻟﮭﺎ ﯾﻘﻮﻣﻮن ﺑﻤﺎ ﻛُﺘﺐ ﻟﮭﻢ ﻣﻦ أدوار .ﻏﯿﺮ أﻧﮫ ﻟﺎ ﯾﻤﻜﻦ وﻟﻮﺟﮫ دون ان ﻧﺴﺮد ﻋﻠﯿﻜﻢ ﻣﺎ ﺳﺒﻘﮫ ﻣﻦ أﺣﺪاث ھﻲ ﺣﻠﻘﺔ ﻓﻲ ﺻﯿﺮورة اﻟﻘﺼﺔ ﺗﺤﻤﻞ ﺑﻮادر اﻟﻌﻘﺪة و ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺘﺄزّم. -1ﻣﺎﻗﺒﻞ اﻟﻨّﺺ :ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺒﺪء إن ﻛﻨّﺎ أﺷﺮﻧﺎ ﻓﻲ ﻣﻘﺪّﻣﺔ اﻟﻤﺪاﺧﻠﺔ إﻟﻰ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺒﺪء و ﻗﺼﺔ اﻟﺨﻠﻖ ﻓﺎﻧﮫ ﻋﻠﯿﻨﺎ ان ﻧﻠﻤﻊ اﻟﻰ اﺗﻔﺎق أﻏﻠﺐ اﻟﺮواﯾﺎت )اﻟﺴﻨﯿﺔ و اﻟﺸﯿﻌﯿﺔ و اﻟﺘﻮراﺗﯿﺔ(.ﻓﺎﻟﺮّب اﻟﺎﻟﮫ ﻓﻲ ﺗﻮراة اﻟﯿﮭﻮد أو ﻗﺮآن اﻟﻤﺴﻠﻤﯿﻦ ھﻮ 34 اﻟﺨﺎﻟﻖ ﻟﻠﻜﻮن و ھﻮ اﻟﺒﺎدئ ﻟﻜﻞ ﺷﻲء و ھﻮ اﻟﺬي ﺷﻜّﻞ ﻣﻦ اﻟﻄﯿﻦ 33ھﺬه اﻟﻤﺎدّة اﻟﻠﺰﺟﺔ اﻟﻄّﯿﻌﺔ اﻟﺨﻠﯿﻂَ آدمَ.35 32
"22اﻟﺸﻌﺎﺋﺮ ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻋﺮﺑﻲ ...ﺣﻤﻞ ﻓﻲ ﻣﻌﺎﻧﯿﮫ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻤّﺎ دلّ ﻋﻠﯿﮫ ﻟﻔﻆ اﻟﻄﻘﻮس ،ﻓﮭﻲ ﻓﻲ ﻣﻌﻨﺎھﺎ اﻟﺄول ﻛﻞّ ﻣﺎ ﺟﻌﻞ "ﻋﻠﺎﻣﺔ"ﻋﻠﻰ اﻟﺪﯾﻦ و "ﺷﻌﺎرا" ﻟﮫ.و ﯾﻤﻜﻦ ﻟﻠﻌﻠﺎﻣﺔ ان ﺗﻜﻮن "ﺷﻌﯿﺮة"و "ﻧﺴﻜﺎ" و ﻋﻤﻠﺎ ظﺎھﺮا و أﺛﺮا ﺻﺎﻟﺤﺎ ﯾﺒﺘﻐﻰ ﺑﮫ طﺎﻋﺔ ا و ﻣﻨﮫ "ﺷﻌﺎﺋﺮ اﻟﺤﺞ" أي ﻣﻨﺎﺳﻜﮫ ﻣﻦ وﻗﻮف و طﻮاف و ﺳﻌﻲ...و ﻣﺎ ھﺬه اﻟﺸﻌﺎﺋﺮ و اﻟﻌﻠﺎﻣﺎت و اﻟﻤﻨﺎﺳﻚ إﻟﺎّ ﺑﻤﻨﺰﻟﺔ اﻟﺮﺗﺐ اﻟﻄﻘﺴﯿﺔ اﻟﺪﻧﯿﺎ اﻟﺘﻲ ﺗﺆﺛﺚ اﻟﻄﻘﺲ اﻟﺄﻛﺒﺮ اﻟﺤﺞ ﻓﺘﻜﻮن اﻟﻌﻠﺎﻣﺔ اﻟﺸﺎھﺪة أﻣﺎم ا و اﻟﻤﻠﺈ ﻋﻠﻰ ﻗﯿﺎم اﻟﺤﺎج ﺑﻄﻘﺴﮫ ﻛﺎﻣﻠﺎ"ﺣﻤﺰة)ﺳﻤﺎح(،ﺷﻌﺎﺋﺮ ﻧﺼﺎرى اﻟﺈﺳﻠﺎم ﺑﯿﻦ اﻟﺄﺣﻜﺎم و اﻟﺄﯾﺎم ،أطﺮوﺣﺔ دﻛﺘﻮرا ﺑﺠﺎﻣﻌﺔ ﻣﻨﻮﺑﺔ،ص 7 " 23إنّ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ ﯾﺴﺘﺤﯿﻞ ﻗﻮة إﺑﺪاﻋﯿّﺔ ﯾﻮظﻔﮭﺎ اﻟﺈﻧﺴﺎن ﻟﺘﻤﺜﻞ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺒﺪء اﻟﺘﻲ ﻟﺎ ﯾﻤﻜﻦ اﺳﺘﺤﻀﺎرھﺎ ﺑﺎي ﺷﻜﻞ ﻣﻦ اﻟﺄﺷﻜﺎل ﻣﺎداﻣﺖ ﻟﺤﻈﺔ اﻧﻘﻀﺖ ﻓﻲ اﻟﺰﻣﻦ و ﻟﺎ ﺷﺎھﺪ ﻋﻠﯿﮭﺎ" اﻟﻤﻜﻲ)ﺑﺎﺳﻢ(اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت و أﺑﺤﺎث،اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء،اﻟﻤﻐﺮب،ط1،2013 24ﻟﻦ اﺗﻌﺮض ﻟﻠﻤﺆﻧﺚ و اﻟﺘﺄﻧﯿﺚ ﺑﻤﻌﻨﻰ femininet féminitéو اﻟﺘﻲ اﺷﺘﻐﻞ ﻋﻠﯿﮭﺎ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ ﻋﻠﻤﺎء اﻟﺎﺟﺘﻤﺎع و ﻋﻠﻤﺎء اﻟﻨﻔﺲ ،اﻧﻈﺮ ﻓﻲ ذﻟﻚ Féminin et fémininté de Monique Cournut –Janin /, Comment la féminité vient au femmes ,Jacqueline Godfrind ,Epitres,Paris ,1998,2001 25إنّ ﺻﻮﻓﯿﺔ اﻟﺴﺤﯿﺮي ﺑﻦ ﺣﺘﯿﺮة ﻛﺎﻧﺖ ﻣﻦ اﻟﺒﺎﺣﺜﺎت اﻟﻠﻮاﺗﻲ ﺧﻀﻦ ﻏﻤﺎر اﻟﺠﺴﺪ .و إن ﻛﺎﻧﺖ ﻣﻘﺎرﺑﺘﮭﺎ ﺑﺤﺜﺎ ﻓﻲ ﻋﻠﺎﻗﺘﮫ ﺑﺎﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ﻣﻦ ﺧﻠﺎل دراﺳﺔ اﻧﺘﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺔ ﻓﺈﻧﮭﺎ ﺣﻔﺮت ﻓﻲ اﻟﺠﺴﺪ اﻟﺄﻧﺜﻮي ﺑﺎﻋﺘﺒﺎره "ﻣﺼﺪر ﻓﻮﺿﻰ و ﺑﺎب اﻟﺸﯿﻄﺎن" ،اﻧﻈﺮ، اﻟﺴﺤﯿﺮي )ﺻﻮﻓﯿﺔ( ،اﻟﺠﺴﺪ و اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ،دراﺳﺔ اﻧﺘﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺔ ﻟﺒﻌﺾ اﻟﺎﻋﺘﻘﺎدات و اﻟﺘﺼﻮرات ﺣﻮل اﻟﺤﺴﺪ ،دار ﻣﺤﻤﺪ ﻋﻠﻰ اﻟﺤﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﺎﻧﺘﺸﺎر اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ط1،2008 26و ﻟﻘﺪ أﺳﮭﺒﺖ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺎت اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ ﻋﻠﻰ اﺧﺘﻠﺎف ﻣﺸﺎرﺑﮭﺎ ﻓﻲ ﺑﯿﺎن اﻟﺄﺣﻜﺎم اﻟﺨﺎﺻﺔ ﺑﺎﻟﺠﺴﺪ ﻋﻤﻮﻣﺎ و ﺑﺠﺴﺪ اﻟﻤﺮأة ﺑﺎﻟﺄﺧﺺ .و ﻟﻌﻞّ أﻟﺼﻖ ﻣﻔﮭﻮم ﺑﺎﻟﺠﺴﺪ ﻛﺎن اﻟﻌﻮرة. 27ﻗﻮﯾﻌﺔ)ﺣﺎﻓﻆ(،ﻣﺪاﺧﻠﺔ :اﻟﺠﻨﺴﺎﻧﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﻘﺮآن ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻮر اﺳﺘﺸﺮاﻗﻲ ،ﻧﺪوة اﻟﺈﺳﻠﺎم ﻓﻲ ﻣﺮآة اﻟﺂﺧﺮ :اﻟﺼﻮر و اﻟﺘﻤﺜﻠﺎت ،ﺑﺘﺎرﯾﺦ 30/29ﺟﺎﻧﻔﻲ 2016ﺑﺘﻮﻧﺲ 28اﻟﺨﻠﯿﻞ)أﺣﻤﺪ ﻣﺤﻤﻮد(،ﻣﻮﺳﻮﻋﺔ اﻟﻤﯿﺜﻮﻟﻮﺟﯿﺎ و اﻟﺄدﯾﺎن اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﻗﺒﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎم ،ص59 29ﺑﺎﻋﺘﺒﺎر ﺧﻠﻘﮭﺎ ﻣﻦ ﺿﻠﻊ أﻋﻮج ﻟﺂدم 30ﻣﻨﺼﻮري )ھﺎﺟﺮ( ،اﻟﻤﺮأة ﻓﻲ ﺟﻮاﻣﻊ اﻟﺴﻨﺔ و ﻋﻤﺪ ﻣﺮاﺟﻊ اﻟﺸﯿﻌﺔ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ ،أطﺮوﺣﺔ دﻛﺘﻮرا،ج،1ص527 31اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ ،ﺑﺎب ﺣﺞ آدم ج1 32و ﻟﻦ ﻧﻄﯿﻞ اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ ھﺬه اﻟﻘﺼﺔ ﻓﻘﺪ ﺳﺎل ﻓﯿﮭﺎ ﺣﺒﺮ ﻛﺜﯿﺮ .ﻓﺎﻟﺪراﺳﺎت ﻋﺪﯾﺪة ﺗﻌﺪد اﻟﻤﺪاﺧﻞ اﻟﺘﻲ ارﺗﻀﺎھﺎ أﺻﺤﺎﺑﮭﺎ و ﺗﻌﺪد اﻟﻤﻨﺎھﺞ اﻟﻤﻌﺘﻤﺪة 33إن اﻟﺮواﯾﺎت ﺳﻨﯿﮭﺎ و ﺷﯿﻌﯿّﮭﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﺎﺧﺘﻠﺎﻓﺎت ﺑﯿﻨﮭﺎ ﺗﺠﺘﻤﻊ ﻋﻠﻰ ﻣﻌﺎن ﺗﻜﺎد ﺗﻜﻮن واﺣﺪة ﻛﻮّﻧﺖ اﻟﻀﻤﯿﺮ اﻟﺠﻤﻌﻲ .و ﻟﻘﺪ اﺷﺘﻐﻞ ﺑﺎﺳﻢ اﻟﻤﻜﻲ ﻓﻲ ﻛﺘﺎﺑﮫ اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ﻋﻠﻰ ھﺬه اﻟﺮواﯾﺎت و ﻗﺎرن ﺑﯿﻨﮭﺎ .و ﻗﺪ اﺳﺘﻮﻗﻔﻨﺎ أنّ ﻣﻠﻚ اﻟﻤﻮت ھﻮ اﻟﺬي اﺳﺘﻄﺎع ان ﯾﺎﺗﻲَ ﺑﻘﺒﻀﺔ ﻣﻦ اﻟﺄرض ﺑﻌﺪ ﻓﺸﻞ ﺟﺒﺮﯾﻞ و ﻣﯿﻜﺎﺋﯿﻞ و ﻛﺄنّ ﺻﺎﻧﻊ اﻟﺨﺒﺮ ﺣﯿﺚ ﺑﺪات اﻟﻘﺼّﺔ. 34اﻟﻄﯿﻦ ھﻮ ﺗﺮاب ﻣﻊ ﻣﺎء .و ﻟﯿﺲ ﻛﻞ ﺧﻠﻖ اﻟﺮّب ﻣﻤﺎﺛﻠﺎ .ﻓﺎﻟﻤﻠﺎﺋﻜﺔ ﻛﺎﺋﻨﺎت ﻧﻮراﻧﯿﺔ ﺻﺮﻓﺔ و ﻛﺬا اﻟﺠﻦ ﻛﺎﺋﻨﺎت ﻣﻦ ﻣﺎرج ﻣﻦ ﻧﺎر ﺧﺎﻟﺺ. 35ﯾﻮرد ﻣﺎرﺳﯿﻞ ﻛﻮھﯿﻦ ﻓﻲ ﻛﺘﺎﺑﮫ Essais Comparatifsﻣﺠﻤﻮﻋﺔ ﻣﻦ اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ اﻟﺘّﻲ ﺗﺤﻤﻠﮭﺎ ھﺬه اﻟﻜﻠﻤﺔ ﻓﻲ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﻠّﻐﺎت.ﻓﻔﻲ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ" ،آدم"ﺗﻌﻨﻲ "ﺟﻠﺪ" وﻓﻲ اﻟﻤﺼﺮﯾﺔ اﻟﻘﺪﯾﻤﺔ YMMﺗﻌﻨﻲ ﺟﻠﺪ وﻓﻲ اﻟﻠّﮭﺠﺔ اﻟﺼﻮﻣﺎﻟﯿﺔ واﻟﻜﻮﺷﯿﺔIDMﺗﻌﻨﻲ ﺟﻠﺪ اﻟﻤﻌﺰ اﻟﻤﺪﺑﻮغ .ﺛﻢّ ﯾﻀﯿﻒ ﻗﺎﺋﻠﺎ آدم ﻓﯿﺎﻟﻌﺮﺑﯿﺔواﻟﻌﺒﺮﯾﺔﺗﻌﻨﻲ أﺣﻤﺮَ اﻟﻠّﻮن.
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و ﻟﯿﺲ ﯾﮭﻤﻨﺎ ﻣﻦ ﻗﺼﺔ اﻟﺨﻠﻖ ﺳﻮى أﻧﻨﺎ "ﻟﺎ ﻧﺠﺪ...ﻓﻲ اﻟﻘﺮآن...ذﻛﺮا ﻟﺎﺳﻢ ﺣﻮاء 36إذا اﺳﺘﺜﻨﯿﻨﺎ اﻟﺈﺷﺎرة إﻟﯿﮭﺎ ﺑﺎﻟﺰوج 37أو ﺑﺎﻟﺄﻧﺜﻰ ".38 إنّ ھﺬا اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺬي اﺻﻄﻠﺤﻨﺎ ﻋﻠﯿﮫ ﺑﺎﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ و اﻟﺬي ﯾﺴﻤﯿﮫ ﺑﻮل رﯾﻜﻮر Paul Ricoeur اﻟﺘﺎرﯾﺦ اﻟﺒﺪﺋﻲ l’histoire primordialeاﻧﻤﺎ ھﻮ زﻣﻦ ﻣﺸﺤﻮن ﺑﺤﻀﻮر اﻟﻤﺆﻧﺚ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ طﻐﻰ ﺣﻀﻮر آدم اﻟﻤﺬﻛﺮ. و ﻣﺎ ﯾﻌﻨﯿﻨﺎ ﻣﻦ ﻗﺼﺔ اﻟﺨﻠﻖ ھﻲ اﻟﺈﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ اﻟﺴﺆال اﻟﺘﺎﻟﻲ :ھﻞ أن ﻋﻠﺎﻗﺔ آدم ﺑﺎﻟﺄﻧﺜﻰ ھﻲ ﻋﻠﺎﻗﺔ أﺻﻞ ﺑﻔﺮع 39؟أم ھﻮ إﻧﺸﺎء ﻟﻜﺎﺋﻦ ﻣﺴﺘﻘﻞ ﻣﻦ طﯿﻨﺔ ﻛﺎﺋﻦ آﺧﺮ؟ ھﻞ ﻗﺼّﺔ اﻟﺨﻠﻖ ﺗُﺨﻔﻲ اﻧﺘﺼﺎرا ﻣﺒﺪﺋﯿﺎ ﻟﻠﻤﺆﻧﺚ ؟ھﻞ ﺧﻠﻖ ﺣﻮاء ﻣﻦ ﻣﺎدة ﺣﯿﺔ ﺣﺘﻰ ﺳﻤﯿﺖ ﻟﺬﻟﻚ ﻛﺬﻟﻚ ،ﯾﺠﻌﻞ ﻣﻦ أﺻﻠﮭﺎ ﻣﺎدة أَﻧﻔﺲ ﻣﻦ ﺗﻠﻚ اﻟﺘﻲ ﺧُﻠِﻖَ ﻣﻨﮭﺎ اﻟﺬّﻛﺮ40؟ ﺑﻞ أﺑﻌﺪ ﻣﻦ ذﻟﻚ .ﻓﺈنّ طﺮﺣﺎ أﻛﺜﺮ إﻏﺮاﻗﺎ ﻓﻲ اﻟﺘﺴﺎؤل ﺗﺪﻋﻤﮫ ﺑﻌﺾ اﻟﺪراﺳﺎت ،ﯾﺬھﺐ إﻟﻰ اﻋﺘﺒﺎر آدم ﻛﺎﺋﻨﺎ ﺧﻨﺜﻰ .androgyneﻣﻤّﺎ ﯾﻨﻘﻠﻨﺎ ﻣﻦ ﻣﺠﺎل اﻟﻤﺬﻛﺮ أﺻﻠﺎ ﻟﻠﻤﺆﻧﺚ إﻟﻰ اﻟﺨﻨﺜﻰ أﺻﻠﺎ ﻟﮭﺎ أو ﺟﺰءا ﻣﻨﮭﺎ ﯾﺘﻮق إﻟﯿﮭﺎ ﻟﻠﺎﻛﺘﻤﺎل .إنّ اﻟﺎﺳﻄﻮرة ﺟﻌﻠﺖ ﻣﻦ ﺧﻠﻘﮭﺎ اﻟﺤﻠﻘﺔ اﻟﺄﺧﯿﺮة ﻟﺎﻛﺘﻤﺎل اﻟﺨﻠﻖ . إنّ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﻤﻘﺪﺳﺔ ،و ﺗﻠﻚ اﻟﺘﻲ ﺗﻘﻒ ﻋﻠﻰ ﺗﺨﻮﻣﮭﺎ ﻣُﻔﺴﺮة 41أو ﻣﺒﯿﻨﺔ ﻟﺄﺳﺒﺎب اﻟﻨﺰول ﺗﺠﻌﻞ ﻣﻦ ھﺬا اﻟﺤﺪث اﻟﻤﺎدّ ﺑﺠﺬوره ﻓﻲ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ ﺣﺪﺛﺎ ﻓﺎرﻗﺎ ﻛﺸﻒ ﻋﻦ اﻟﻤﺆﻧﺚ ﻓﻲ اﻟﺨﻠﻖ اﻟﺄول و ﻧﺸﺄة اﻟﺄﻧﺜﻰ ﻣﻦ ﺛَﻢَّ42و اﻟﻨﻈﺮة إﻟﯿﮭﺎ. -2ﻣﺎ ﻗﺒﻞ اﻟﻨّﺺ :اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ: وﻣﻦ اﻟﺸّﮭﻮة ﻛﺎن اﻟﺰﻟّﻞ ،ﻓﺤﻮاء اﺷﺘﮭﺖ اﻟﺄﻛﻞ ﻣﻦ اﻟﺸّﺠﺮة اﻟﻤﺤﺮّﻣﺔ وأﻏﻮت آدم ﻟﯿﺄﻛﻞ ﻣﻌﮭﺎ .وﻟﺎ ﯾﻘﺪّم اﻟﻨّﺺّ اﻟﺘّﻮراﺗﻲ ﺳﺒﺒًﺎ واﺿﺤﺎ دﻋﺎ ﺣﻮّاء ﻟﺈﺷﺮاك آدم ﻓﻲ ﻓﻌﻞ اﻟﺄﻛﻞ .ﻓﺎﻟﺸّﮭﻮة ﻛﺎﻧﺖ ﺧﺎﺻّﺔ ﺑﮭﺎ. أﺗُﺮاھﺎ ،وھﻲ اﻟﺘّﻲ ﻣﻨﮫ ﺧُﻠﻘﺖ ﺗﺤﺘﺎﺟﮫ ﻓﻲ ﻛﻞّ أﻣﺮ؟ أَﺗُﺮَاھﺎ أرادت ﻣُﻘَﺎﺳَﻤَﺘَﮫ اﻟﺸّﮭﻮة واﻟﻤُﺘﻌﺔ؟ ﻛﻞّ ﻣﺎ ﺗُﺴﻌﻒ ﺑﮫ اﻟﺘّﻮراة ھﻮ اﻟﻨّﺘﯿﺠﺔ اﻟﺤﺎﺻﻠﺔ ﻣﻦ ﻓﻌﻞ اﻟﺄﻛﻞ" :ﻓﺎﻧﻔﺘﺤﺖ ﻓﻲ اﻟﺤﺎل أﻋﯿﻨﮭﻤﺎ وأدرﻛﺎ أﻧّﮭﻤﺎ ﻋﺮﯾﺎﻧﺎن، "...واﻟﺘﺬﻛﯿﺮ ﺑﺪور ﺣﻮّاء ﻓﻲ ﺣﺼﻮل اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ" :ﻓﺄﺟﺎب آدم :إﻧﮭّﺎ اﻟﻤﺮأة اﻟﺘّﻲ ﺟَﻌَﻠْﺘَﮭَﺎ رَﻓَﯿِﻘَﺔَ ﻟِﻲ" .ﺑﻞ إنّ ﻣﻠﻔﻮظ اﻟﻨّﺺّ ﯾُﺤَﻤِّﻞ ﺧَﺎﻟِﻖَ ﺣَﻮَّاءَ ﺟُﺰْءًا ﻣﻦ ﺗﻠﻚ اﻟﻤﺴﺆوﻟﯿﺔ. .ﻓﮭﻞ ﻏَﻀِﺐَ اﻟَﺮَّبُّ ﻟﺄﻧّﮭﻤﺎ أﻛﻠﺎ ﻣﻦ اﻟﺸّﺠﺮة وﺧﺎﻟﻔﺎ أﻣﺮه أم أَنّ اﻟﺴّﺒﺐ ھﻮ ﻣﺎ ﻣﻦ أﺟﻠﮫ أﻣﺮھﻤﺎ ﺑﻌﺪم اﻟﺄﻛﻞ؟ ھﻞ ھﻲ رﻏﺒﺔ اﻟﺮّبّ ﻓﻲ ﺣﺮﻣﺎﻧﮭﻤﺎ ﻣﻦ اﻟﻮﻋﻲ ﺑﺠﺴﺪﯾﮭﻤﺎ وﻣﺎ ﯾﻌﺘﻤﻞ ﻓﯿﮭﻤﺎ ﻣﻦ ﺷﮭﻮات ورﻏﺒﺔ ﻓﻲ اﻟﺠﻨﺲ؟ إنْ ﻛﺎن ذﻟﻚ ﻛﺬﻟﻚ ﻓﻠﻤﺎ ﺧﻠﻖ ﻟﮫ ﺣﻮّاء؟ ﻟﻤﺎ ﻟﻢ ﯾُﺒﻘﮫ وﺣﺪه؟ ھﻞ أن ﺣﻮّاء ھﻲ ﺿﺮورة ﻟِﻤُﺨﺎﻟﻔﺔ آدَمَ ھﯿﺌﺔ اﻟﺮبّ اﻟﺨَﺎﻟِﻖِ ﻓﮭﻮ وﺣﺪه اﻟﺬّي ﯾﺒﻘﻰ وﺣﺪه دون ﺣﺎﺟﺔ ﻟﺄﻧﺜﻰ.؟ إنّ ﺛﻐﻮر اﻟﺠﺴﺪ اﻧﻔﺘﺤﺖ ﻛﻠّﮭﺎ .أﻓﻠﯿﺲ ﺑﺎﻟﻔﻢ ﺗﺬوﻗﺖ ﺣﻮاء و أذاﻗﺖ آدم اﻟﺸﮭﻮة اﻟﻤﺤﺮّﻣﺔ؟ أوﻟﯿﺴﺖ ﺑﺎﻟﻌﯿﻦ ﻧﻈﺮت إﻟﻰ اﻟﺘﻔﺎﺣﺔ ﻓﺎﺷﺘﮭﺘﮭﺎ ،أوﻟﯿﺲ ﻓﻲ ﻛﻠﺎم ﻗﺎﻟﺘﮫ ﻟﺂدم ﻣﺎ أﻏﻮاه و دﻓﻌﮫ ﻟﺈﻏﻀﺎب اﻟﺮب اﻟﺎﻟﮫ؟ ﺟﺴﺪ ،ﺣُﻜﻢ ﻋﻠﯿﮫ ﺑﺎﻟﻤﻮت ،ﻋﻨﺪﻣﺎ اﻧﻔﺘﺢ ﻋﻠﻰ اﻟﺸّﮭﻮة واﻟﻤﺘﻌﺔ ﺑﺎﻧﻔﺘﺎح أﻋﯿﻨﮭﻤﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻮرات ،ﺟَﺴَﺪٌ أُرﯾﺪ ﻟﮫ أُنْ ﯾﻜﻮن "ھﻤﺰة وﺻﻞ ﺑﯿﻦ آدم وﺣﻮاء وأنّ ﺟَﺴَﺪَھُﻤْﺎ وَاﺣِﺪٌ ﻟﺄﻧﮭّﺎ ﻛﺎﻧﺖ ﻣﻨﮫ" ﻓﺤُﻜِﻢَ ﺑﺎﻟﻤﻮت ﻋﻨﺪﻣﺎ اﻧْﻜَﺸَﻔَﺎ ﺟَﺴَﺪَﯾْﻦ اﺛﻨﯿﻦ ﻟﻜﻞّ ﻣﻨﮭﻤﺎ ﺳﻮأة" . .43
وﻓﻲ ﻣﻌﺠﻢ ﻏﻮردن ﻋﻦ ﻧﻘﻮش رأس اﻟﺴّﻤﺮة اﻟﻜﻨﻌﺎﻧﯿّﺔ رﻗﻢ واﺣﺪ وﺳﺘﻮن ""Adamﺗﻌﻨﻲ اﻟﻨّﺎس.أﻣّﺎ اﻟﻨﻘﺶ رﻗﻢ ﺳﺘّﻮن"Dmﯾﻌﻨﻲ ﯾﺤﻤﺮّ .وﻓﻲ ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب ﻓﺈنّ اﻟﺄدﯾﻢ ھﻮ"اﻟﺠﻠﺪ ﻣﺎ ﻛﺎن وﻗﯿﻞ اﻟﺤﻤﺮ وﻗﯿﻞ اﻟﻤﺪﺑﻮغ" وﯾﻀﯿﻒ اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر "واﺧﺘﻠﻒ ﻓﻲ اﺷﺘﻘﺎق اﺳﻢ آدم ﻓﻘﺎل ﺑﻌﻀﮭﻢ ﺳﻤﻲ آدم ﻟﺄﻧّﮫ ﺧﻠﻖ ﻣﻦ أدﻣﺔ اﻟﺄرض " إنّ ﻛﻞ اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ اﻟﺘّﻲ ﯾﺆدﯾﮭﺎ ﺟﺬر ADM ﻣﺘﻘﺎرﺑﺔ ﻓﻲ ﺟﻤﯿﻊ اﻟﻠّﻐﺎت :اﻟﺠﻠﺪ ،اﻟﻨّﺎس ،وﺟﮫ اﻟﺄرض ،أﺳﻤﺮ ،أﺣﻤﺮ. 36ﻛﻤﺎ أنّ ﻛﻠﻤﺔ ﺣﻮاء ﻓﻲ اﻟﻠﻐﺔ ﺗﺤﻤﻞ ﻣﻌﻨﻰ اﻟﺴﻤﺮة وﻛﺬﻟﻚ اﻟﺤﻤﺮة اﻟﺘﻲ ﺗﻤﯿﻞ إﻟﻰ ﺳﻮاد ﻓﺎﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر ﯾﻘﻮل ﻓﻲ ﺗﻌﺮﯾﻔﮫ ﻟﺤﻮاء" ﺷﻔّﺔ ﺣﻮاء ﺣﻤﺮاء ﺗﻀﺮب إﻟﻰ اﻟﺴﻮاد " وﯾﻘﻮل اﻟﺰﻣﺨﺸﺮي "اﻟﺄﺣﻮى :ﻟﻮن ﯾﻀﺮب إﻟﻰ ﺳﻮاد ﻗﻠﯿﻞ وﺳﻤﯿﺖ أﻣﻨﺎ ﺣﻮاء ﻟﺄدﻣﺔ ﻛﺎﻧﺖ ﻓﯿﮭﺎ" و ﻟﻌﻞّ اﻟﻨﺴﺎء ﯾﺤﺮُمُ اﻟﺤﻤﺮة ﻓﻲ وﺟﻮھﮭﻦ ﻓﻲ اﻟﺈﺣﺪاد ﺣﺘﻰ ﻟﺎ ﯾﺸﺒﮭﻦ ﺣﻮّاء اﻟﻤُﻐﻮِﯾﺔ ﻟﺂدم ﺑﻤﺎ ﺗﺤﻮﯾﮫ ﻣﻦ ﻣﻔﺎﺗﻦ وﻣﺤﺎﺳﻦ 37ﺳﻮرة اﻟﻨﺠﻢ)،(53اﻟﺂـﯿﺔ 45 38اﻟﻤﺴﻌﻮدي )ﺣﻤﺎدي( ،ﻓﻲ اﻟﺒﺪء ﻛﺎن اﻟﺠﺴﺪ ،ص 4 39إن اﻟﺴﺆال ﻣﮭﻢ و ﺟﻮھﺮي ﻓﻲ ﻓﮭﻢ أﻏﻠﺐ ﻣﻤﺎ ﺗﺤﻮﯾﮫ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺎت اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ ﻣﻦ أﺣﻜﺎم ﺗﺨﺺ اﻟﻤﺮأة .ذﻟﻚ أنّ ﻋﻤﻠﯿﺔ اﻟﺨﻠﻖ ﻓﻲ اﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﺟﺎءت ﻋﺎﻣّﺔ ﻟﺎ ﺗﺨﺼﯿﺺ ﻓﯿﮭﺎ ﻟﻠﺬﻛﺮ أو اﻟﺄﻧﺜﻰ . 40اﻟﻤﺴﻌﻮدي )ﺣﻤﺎدي( ،ﻓﻲ اﻟﺒﺪء ﻛﺎن اﻟﺠﺴﺪ ،ص5 41ﻟﻘﺪ اﻋﺘﻤﺪت ﻛﺘﺐ ﺗﻔﺴﯿﺮ ﺷﯿﻌﯿﺔ ﻣﺜﻞ اﻟﻤﯿﺰان ﻟﻠﻄﺒﺎطﺒﺎﺋﻲ و ﺗﻔﺴﯿﺮ ﺻﺪر اﻟﻤﺘﺎﻟﮭﯿﻦ 42و ﻧﺤﻦ ﻟﺎ ﻧﻮاﻓﻖ اﻟﺄﺳﺘﺎذ ﺣﻤﺎدي اﻟﻤﺴﻌﻮدي اﻟﺬي ذھﺐ إﻟﻰ أنّ ﻣﺤﺮري اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺤﻮاف ﺑﺎﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﻣﻦ ﻣﻔﺴﺮﯾﻦ "ﻟﻢ ﯾﺘﻔﻄﻨﻮا إﻟﻰ أنّ اﻟﺼﻮرة اﻟﺘﻲ رﺳﻤﻮھﺎ ﻟﺤﻮاء /اﻟﻤﺮأة ﺗﺒﺪو ﻓﻲ ﻧﺸﺎز ﻣﻊ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺒﺪﺋﻲ اﻟﺬي ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻌﯿﺸﮫ ،إذ ﻧﺮى أنّ ذﻟﻚ ﻓﻌﻞ ﻣﻘﺼﻮد ﻏﯿﺮ اﻋﺘﺒﺎطﻲ و ﻟﺎ ﺑﺮيء ﺑﻞ ھﻮ ﻟﺐّ اﻟﻐﺎﯾﺔ ﻣﻦ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ . 43وﻛﺄنّ اﻟﺒﺼﺮ ھﻮ ﻣﻜﻤﻦ اﻟﻌﻮرة وﻟﯿﺲ اﻟﺠَﺴَﺪُ ،ﺑَﺼَﺮٌ ھﻮ اﻟﻄّﺮﯾﻖ اﻟﺄوﻟﻰ ﻟﻠﺸّﮭﻮات ،ﺛَﻐْﺮٌ ﻣﻔﺘﻮح ﺗﺪﺧﻞ ﻣﻨﮫ اﻟﻤﻌﺎﺻﻲ ،ﻋَﯿْﻦٌ ﺗُﺒﺼﺮ وَﯾَﺪٌ ﺗﻤﺘﺪّ ﻟﺘﻤﺴﻚ ﺑﻤﺎ ھﻮ ﻣﺤﻞّ ﻧﻈﺮ وﺷﮭﻮة .ﻓﻤﺎ اﻟﯿﺪ إﻟﺎّ أداة "ﻋﺒﻮر ﻣﻦ اﻟﺠﺴﺪ إﻟﻰ اﻟﺠﺴﺪ وھﻲ إذ ﺗﺘﺠﻮّل ھﻨﺎ وھﻨﺎك وﺗﻌﺒﺮ ﺷﺘّﻰ ﺗﻀﺎرﯾﺲ اﻟﺠﺴﺪ ﺗﺴْﺘﺜِﯿﺮُ اﻟﺮّﻏﺒﺎت ...وﺗُﻌﯿﺪُ ﻟﮭﺎ أَﻟَﻘﮭﺎ ...ﻟِﺘُﺜْﺒِﺖَ أنّ اﻟﺠﺴﺪَ ﻓﻲ ﻛﻠّﯿﺘﮫ ﻣﺴﺮح اﻟّﻠﺬة" ،ﻟَﺬّةٌ ﺟﺒﻠﮫُ اﻟﺨﺎﻟﻖ ﻋﻠﯿﮭﺎ وھﻮ اﻟﺬّي ﻧﻔﺦ ﻓﯿﮫ ﻣﻦ ﻧَﻔْﺴﮫ وﻋﺎﻗﺒﮫ ﻋﻨﺪﻣﺎ أﻛﻞ ﻣﺎ اﺷﺘﮭﺎه .ﻓﮭﻞ ﻓﺘﺢُ اﻟﺄﻋﯿﻦِ ﻧﺘﯿﺠﺔٌ ﻟﻤﺨﺎﻟﻔﺔ اﻟﺮّبِّ أَمْ ھﻲ أَوَّﻟُﻌِﻘَﺎبٍ ﻟﮭﻤﺎ
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إنّ اﻟﻨّﺺّ اﻟﺘّﻮراﺗﻲ ﯾﻘﺪّم ﺣﻮاء ﻓﺎﻋﻠﺎ أﺳﺎﺳّﯿﺎ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ إﻏﻮاءً وﺑﺪءًا ﻓﻲ اﻟﺄﻛﻞ ،وﻟﻜﻨّﮫ ﯾﻮازي ﺑﯿﻨﮭﻤﺎ ﻓﻲ ﻟﺤﻈﺔ اﻧﻜﺸﺎف اﻟﻌﻮرة "ﻓﺎﻧﻔﺘﺤﺖ ﻟﻠﺤﺎل أﻋﯿﻨﮭﻤﺎ" ﻓﻲ ﺗﺰاﻣﻦ ﺟﻌﻞ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﻠﺎّﺣﻖ ﻟﻔﺘﺢ اﻟﺄﻋﯿﻦ ﻓﻲ ﺻﯿﻐﺔ اﻟﻤﺜّﻨﻰ "أﻋﯿﻨﮭﻤﺎ" "أدرﻛﺎ" "ﻋﺮﯾﺎﻧﺎن" "ﺧﺎطﺎ" "أﻧﻔﺴﮭﻤﺎ" إنّ ﺻﯿﻐﺔ اﻟﻤﺜّﻨﻰ اﻟﺘّﻲ وﺻﻞ إﻟﯿﮭﺎ اﻟﻨّﺺّ اﻟﺘﻮراﺗﻲ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﻤﻨﻄﻠﻖ ﻟﻠﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ" .وَﻗُﻠﻨَﺎ ﯾﺎ آدَمُ اﺳْﻜُﻦْ أَﻧْﺖَ وَزَوْﺟُﻚَ اﻟﺠَﻨَّﺔَ وﻛُﻠﺎَ ﻣِﻨْﮭَﺎ رَﻏَﺪًا ﺣَﯿْﺚُ ﺷِﺌﺘُﻤَﺎ وَﻟﺎَ ﺗَﻘْﺮَﺑَﺎ ھَﺬِهِ اﻟﺸّﺠَﺮَةَ ﻓَﺘَﻜُﻮﻧَﺎ ﻣِﻦَ اﻟﻈّﺎﻟﻤﯿﻦ، ﻓَﺄزﻟَّﮭُﻤﺎ اﻟﺸَّﯿْﻄﺎنُ ﻋَﻨْﮭَﺎ ﻓَﺄَﺧْﺮَﺟَﮭُﻤَﺎ ﻣِﻤَّﺎ ﻛَﺎﻧَﺎ ﻓِﯿﮫ وَﻗُﻠْﻨَﺎ اھْﺒِﻄُﻮا ﺑَﻌْﻀُﻜُﻢْ ﻟِﺒَﻌْﺾٍ ﻋَﺪُوٌّ ﻟَﻜُﻢْ ﻓِﻲ اﻟﺄَرْضِ ﻣُﺴْﺘَﻘَﺮٌّ وَﻣَﺘَﺎعٌ إِﻟَﻰ ﺣِﯿﻦٍ" . إنّ ھﺎﺗﯿﻦ اﻟﺂﯾﺘﯿﻦ ﺗًﻠﺨّﺼﺎن وﺟﮭﺔ اﻟﻨّﻈﺮ اﻟﻘﺮآﻧﯿّﺔ وﻟﯿﺲ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣّﯿﺔ ،ﺣﻮل ﻣﻮﺿﻮع اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ. ﻓﮭﻤﺎ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ ﺗُﻘﺮّان ﺑﻮﺟﻮد ﺷﺠﺮة ﺣﺮّﻣﮭﺎ ا ﻋﻠﻰ آدم وﺣﻮاء ﻋﻠﻰ ﺣﺪّ اﻟﺴﻮاء ﻓﺈﻧّﮭﻤﺎ ﻟَﺎ ﺗَﺮْﺷَﺤﺎن ﺑِﻔَﺎﻋِﻞ أَﺻْﻠَﻲّ وآﺧﺮ ﺛﺎﻧﻮّي ﺗَﺎِﺑﻊَ ﻣﺜﻠﻤﺎ ھﻮ اﻟﺤﺎل ﻓﻲ اﻟﻨﺺّ اﻟﺘﻮراﺗﻲ اﻟﺬي ﺣﻮّل ﻣﺮﺗﺒﺔ اﻟﻔﻮاﻋﻞ ﻣﻦ أوّﻟﯿّﺔ ﺧﻠﻖ آدم وﺛﺎﻧﻮﯾﺔ ﺧﻠﻖ ﺣﻮّاء إﻟﻰ أوّﻟﯿّﺔ ﺧﻄﯿﺌﺔ ﺣﻮاء وإﻏﻮاﺋﮭﺎ آدم اﻟﺘّﺎﺑﻊ ﻟﮭﺎ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ أراد ﻟﮭﺎ اﻟﺮبّ أن ﺗﻜﻮن ﺗﺎﺑﻌﺔ ﻟﮫ .أﻓﺘﺮاھﺎ ﺑﺬﻟﻚ ﻛﺎﻧﺖ أوّل ﺧﻄﻮة ﺗَﺨْﻄُﻮھﺎ ﻓﻲ ﻛﺴﺮ أواﻣﺮ اﻟﺮّبّ؟ إنّ اﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﯾﺤﻤّﻞ ﻛُﻠﺎًّ ﻣﻦ آدم وﺣﻮاء ذﻧﺐ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ وﺟَﺮﯾﺮﺗﮭﺎ وﻣﺎ ﺗﺮﺗّﺐ ﻋﻨﮭﺎ ﻣﻦ ھﺒﻮط إﻟﻰ اﻟﺄرض ﺻﺤﺒﺔ اﻟﺸّﯿﻄﺎن اﻟﺬّي "أزﻟّﮭﻤﺎ" .إنّ اﻟﺤﻜﺎﯾﺘﯿﻦ ،اﻟﺘّﻮراﺗﯿﺔ واﻟﻘﺮآﻧﯿﺔ ﺗﺤﻮﯾﺎن ﻓﻮاﻋﻞ ﺛﻠﺎث .أﻣﺎ اﻟﺘّﻮراﺗﯿﺔ ﻓﺤﻮّاُء ﻣُﻐﺮﯾﺔً ﻟﺂدم ﺑﻤﺎ أﻏﻮﺗﮭﺎ اﻟﺤﯿّﺔ .وأﻣّﺎ اﻟﻘﺮآﻧﯿﺔ ﻓﺸﯿﻄﺎن أﻏﻮى آدم وﺣﻮاء ﻣﻌﺎ .إنّ ﺷﯿﻄﺎن اﻟﻨّﺺّ اﻟﺘﻮراﺗﻲ ھﻮ ﺣﻮّاء أﻧﺜﻰ ﻣﻦ ﺟﻤﻠﺔ اﺛﻨﺘﯿﻦ ﻓﺎﻋﻠﺘﯿﻦ أزﻟّﺘﺎ آدم اﻟﺬَّﻛَﺮ .وأَﻣّﺎ ﺷﯿﻄﺎن اﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﻓﺬﻛﺮٌ أَزَلَّ ذَﻛَﺮًا وأﻧﺜﻰ .وﻟﻄﺎﻟﻤﺎ ﺣﻔﻞ اﻟﻨّﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﺑﺎﻟﺘﻨﺒﯿﮫ ﻣﻦ ﺧﻄﺮ ھﺬا اﻟﺸّﯿﻄﺎن ،ﺗﻨﺒﯿﮫٌ ﻛﺎن ﻣُﻮَﺟّﮭﺎ ﻟﺂدم ﺑﻤﻔﺮده وﻛﺎن اﻟﻮﻋﯿﺪ ﺑﺈﺧﺮاﺟﮫ ﻣﻦ اﻟﺠﻨّﺔ ھﻮ وزوﺟﮫ ،وﻟﻜﻦّ اﻟﺸﻘﺎء ﻛﺎن ﻟﮫ وﺣﺪه وﻛﺎن اﻟﺘّﺮﻏﯿﺐ ﺑﺎﻟﻌﯿﺶ ﻓﻲ اﻟﺠﻨّﺔ ﺑﻠﺎ ﺟﻮع وﻟﺎ ﻋُﺮْي وﻟﺎ ﺿﻤﺄ ﻟﮫ وﺣﺪه .ﻓﺎﻟﺴﺘﺮ ﻋﻦ اﻟﻌﺮى ﻛﺎن ﻣﻦ اﻟﺄﺷﯿﺎء اﻟﺘﻲ وﻋﺪ ا ﺑﮭﺎ آدم إن ھﻮ اﺗﺒﻌﮫ وﻟﻢ ﯾﺘﺮك ﻣﺠﺎﻟﺎ ﻟﻠﺸﯿﻄﺎن ﯾﺠﺪُ ﺛﻐﺮًا ﯾﺪﺧﻞ ﻣﻨﮫ ﻓﯿﺰﻟّﮫ. وﻛﺎن اﻟﻮﻋﺪ ﺑﺎﻟﺨﻠﺪ واﻟﻤﻠﻚ اﻟﺬي ﻟﺎ ﯾﺒﻠﻰ ھﻮ اﻟﺜّﻐﺮ اﻟﺬي دﺧﻞ ﻣﻨﮫ اﻟﺸﯿﻄﺎن ﻣُﻮﺳْﻮِﺳًﺎ ﻟﺂدم ﻓﺤﺴﺐ "ﻓﻮﺳﻮس ﻟﺂدم" إﻟﺎّ أن اﻟﻨّﺘﯿﺠﺔ ﺟﺎءت ﺛﻨﺎﺋﯿﺔ ،ﻓﻔﺎء اﻟﻨﺘﯿﺠﺔ "،ﻓﺄﻛَﻠﺎَ""-ﻓﺒﺪت" ،ﺗﺆﻛﺪ أنّ اﻟﺄﻓﻌﺎل اﻟﻤﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﮭﺎ ھﻲ ﻧﺘﯿﺠﺔ ﺣﺘﻤﯿّﺔ ﻟﻤﺎ ﺳﺒﻘﮭﺎ. أﻓﻠﯿﺲ اﻟﻨﺺّ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﯾﻘﻠﺐ اﻟﻘﺼﺔ اﻟﺘﻮراﺗﯿﺔ وﯾﺠﻌﻞ ﻣﻦ آدم اﻟﻤﺆﺛﺮ ﻓﻲ ﺣﻮاء أو ﻋﻠﻰ اﻟﺄﻗﻞ اﻟﺪاﻋﻲ ﻟﮭﺎ ﺑﻔﻌﻞ ﻣﺎ ﯾﻔﻌﻞ أو ﻓﻲ أﻗﺼﻰ درﺟﺎت اﻟﺘّﺨﻔﯿﻒ ﻣﻦ ﻣﺴﺆوﻟﯿﺘﮫ اﻟﻤﺒﯿّﻦ ﻟﮭﺎطﺮﯾﻘﺎ ﺗَﺴْﻠُﻜُﮫ وھﻲ اﻟﺘﻲ ﻣﻨﮫ ﺧُﻠﻘﺖ. "ﻓﺒﺪت ﻟﮭﻤﺎ ﺳَﻮْآﺗُﮭُﻤﺎ" ھﻜﺬا ﻋﺒﺮّ اﻟﻨﺺ اﻟﻘﺮآﻧﻲ ﻋﻦ ﻓﻌﻞ اﻟﻌُﺮْي ﻓﻲ ﺣﯿﻦ اﻛﺘﻔﻰ اﻟﻨّﺺّ اﻟﺘّﻮراﺗﻲ ﺑﺎﻟﻘﻮل أﻧّﮭﻤﺎ "ﻋُﺮْﯾﺎﻧﺎن" .ﻓﮭﻞ اﻟﻌُﺮْي ھﻮ اﻧﻜﺸﺎف اﻟﺴﻮأة؟ ھﻞ ﻛﺎن ﺟﺴﺪ آدم وﺣﻮاء ﻋﺎرﯾﺎ ﻋﻦ أي ﻟﺒﺎس ﻓﻲ ﺟﻤﻠﺘﮫ أم أن اﻟﺴﻮأﺗﯿﻦ ﻓﺤﺴﺐ ﻛﺎﻧﺘﺎ ﻋﺮﯾﺎﻧﺘﺎن ﻣﻤّﺎ دﻋﺎھﻤﺎ إﻟﻰ ﺧﺼﻒ ورق اﻟﺠﻨّﺔ ﻋﻠﯿﮭﻤﺎ ﻛﻤﺎ ھﻮ ﻓﻲ اﻟﻘﺮآن أو ﺧﯿﺎطﺔ ﻣﺂزر ﻣﻦ أوراق اﻟﺘﯿﻦ .أﻣﺎ رب اﻟﺘﻮراة ﻓﻜﺴﺎھﻤﺎ رداءﯾﻦ ﻣﻦ ﺟﻠﺪ ﺻﻨﻌﮭﻤﺎ ﻟﮭﻤﺎ .44و ﻛﺄﻧﻤﺎ ﻛﻔّﺮا ﻋﻦ ﺧﻄﯿﺘﮭﻤﺎ ﺑﮭﺬا اﻟﻠﺒﺎس و ﺑﺪم اﻟﺤﯿﻮان اﻟﺬي ﺳﻔﻚ ﻗﺮﺑﺎﻧﺎ ﻋﻨﮭﻤﺎ .ﻓﺎﻟﻜﻠﻤﺔ اﻟﻌﺒﺮﯾﺔ "ﻛﻔّﺮ" ﺗﻌﻨﻲ "ﻏﻄّﻰ" .ﻓﺎﻟﻌﺮي ﺑﮭﺬا اﻟﻤﻌﻨﻰ ردﯾﻒ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ. و ﻟﻘﺪ ﻧﺤﺖ اﻟﻨّﺼﻮص اﻟﺘﻔﺴﯿﺮﯾّﺔ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿّﺔ 45ﻟﺂﯾﺎت اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﺑﺤﻮّاء إﻟﻰ ﺗﺤﻤﯿﻠﮭﺎ اﻟﺬﻧﺐ .ﻓﻠﻢ ﺗﺨﺮج ﺑﮭﺎ ﻋﻦ اﻟﺘﺼﻮرات اﻟﺴّﻨﯿﺔ .إﻟﺎّ أنّ ﺻﺎﺣﺐ اﻟﻤﯿﺰان ﺗﻔﻄّﻦ إﻟﻰ أنّ ﻗﺼﺔ اﻟﺤﯿّﺔ أو اﻟﻄﺎوس دﺧﯿﻠﺘﺎن. 46ﻓﮭﻮ ﺑﺬﻟﻚ ﯾﺠﻌﻞ ﻣﻦ ﺣﻮّاء وﺣﺪھﺎ اﻟﻤﺴﺆوﻟﺔ ﻋﻦ اﻟﺈﻏﻮاء .و ﻟﻜﻦ أﻟﯿﺴﺖ ﺣﻮّاء ھﻲ اﻟﻤُﺴﺘﺄﻣﻨﺔ اﻟﺤﻘﯿﻘﯿّﺔ و اﻟﻔﻌﻠﯿّﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﺸﯿﺌﺔ اﻟﺮّب اﻟﺄوﻟﻰ و ھﻲ إﻋﻤﺎر اﻟﺄرض ،ﻟﯿﺲ ﺑﻤﺎ ﺗﺤﻤﻞ ﻓﻲ رﺣﻤﮭﺎ و إﻧّﻤﺎ ﺑﻤﺎ دﻓﻌﺖ إﻟﯿﮫ آدم ﻣﻦ اﺧﺘﺮاق اﻟﺤﻈﺮ ﻟﺘﻘﺬف ﺑﮫ إﻟﻰ اﻟﻔﻀﺎء اﻟﺬي ﺧُﻠﻖ ﻣﻦ أﺟﻠﮫ.47و ﻛﻤﺎ ﻧﻔﺦ اﻟﺮّب ﻓﯿﮫ ﻣﻦ روﺣﮫ ﻓﺤﻮّﻟﮫ ﻣﻦ طﯿﻦ إﻟﻰ ﻛﺎﺋﻦ ﺣﻲّ ،ﻧﻔﺜﺖ ﻓﯿﮫ ﻣﻦ ﻧﻔﺴﮭﺎ ﺷﮭﻮة ﻓﺤﻮّﻟﺘﮫ ﻣﻦ ﻛﺎﺋﻦ ﺻﺎﻣﺖ إﻟﻰ ﻛﺎﺋﻦ ﻧﺎطﻖ ﻣﺘﺤﺮّك 48و ﻣﺴﺆول .ﺑﻞ و ﻛﺄﻧﮭﺎ ﻣﺮّت ﺑﺂدم ﻣﻦ ﻣﺮﺣﻠﺔ اﻟﻄﻔﻮﻟﺔ إﻟﻰ ﻣﺮﺣﻠﺔ اﻟﺤُﻠُﻢ. إنّ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ إن ﻗُﺮﺋﺖ ﺣﺴﺐ أﺳﻄﻮرة اﻟﺮّﺟﻮﻟﺔ Le mythe de la virilitéاﻟﺘﻲ ﺗﻘﻮم ،ﻣﻦ ﺧﻠﺎل اﻟﻤﻘﺎرﺑﺔ اﻟﻨّﻔﺴﯿﺔ ،ﺑﯿﻦ اﻟﺠﻨﺴﯿﻦ ﻋﻠﻰ ﺗﻤﻈﮭﺮ اﻟﺸﻌﻮر ﺑﺎﻟﮭﯿﻤﻨﺔ 49ﺗﺠﻌﻞ ﻣﻦ اﻟﺄﻧﺜﻰ ھﻲ اﻟﻤُﮭﯿﻤﻦ. إنّ اﻟﺒﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﻔﻮاﻋﻞ ﺑﺎﺧﺘﻠﺎف رواﯾﺎت أﺳﻄﻮرة اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ ،ﺑﺤﺚ ﻓﻲ اﻟﻤﺆﻧﺚ .ﻓﻨﺤﻦ إﻣّﺎ أﻣﺎم ﻓﻮاﻋﻞ ﻣﺆﻧﺜﺔ ﻓﺎﻋﻠﺔ )ﺣﻮاء،ا ﻟﺤﯿّﺔ،اﻟﺸﺠﺮة،اﻟﺜﻤﺮة( أو ﻓﻮاﻋﻞ ﻣﺬﻛّﺮة ﻛﺎن ﻟﻠﺄﻧﺜﻰ ﻛﺒﯿﺮ اﻟﺄﺛﺮ ﻓﯿﮭﺎ و ﻓﻲ ﻣﺼﯿﺮھﺎ. ﻟﻠﻤﺨﺎﻟﻔِﺔ ﻗﺒﻞ اﻟﺤُﻜﻢ ﻋﻠﯿﮭﺎ ﺑﺎﻟﮭﺒﻮط إﻟﻰ اﻟﺄرض؟ "أﻟﯿﺴﺖ اﻟّﻠﺬةُ ھِﻲ اﻟﺨﯿﻂ اﻟﺬّي رَﺗَﻖَ اﻟﻔَﺘْﻖَ ﺑﯿﻦ اﻟﺪﻧّﯿﻮي اﻟﻤﺪّﻧﺲ واﻟﻤﻘﺪّس اﻟﻄّﺎھﺮ؟ 44اﻟﺘﻮراة ،ﺳﻔﺮ اﻟﺘﻜﻮﯾﻦ ،ص 4 45اﻧﻈﺮ ،ﺻﺪر اﻟﻤﺘﺎﻟﮭﯿﻦ ،ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻘﺮآن اﻟﻜﺮﯾﻢ ،ج ،3و اﻧﻈﺮ اﻟﻤﯿﺰان ﻟﻠﻄﺒﺎطﺒﺎﺋﻲ /ﻣﻨﺸﻮرات ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﺄﻋﻠﻤﻲ ﻟﻠﻤﻄﺒﻮﻋﺎت ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،ط1997 ،1 46اﻟﻄﺒﺎطﺒﺎﺋﻲ ،اﻟﻤﯿﺰان ،ﺗﻔﺴﯿﺮ ﺳﻮرة اﻟﺒﻘﺮة ،1،ص 141 47ﺳﻮرة اﻟﺒﻘﺮة ،اﻟﺂﯾﺔ 30 48اﻟﻤﺴﻌﻮدي)ﺣﻤﺎدي( ،ﻓﻲ اﻟﺒﺪء ﻛﺎن اﻟﺠﺴﺪ ،ص12 49ﺑﻦ اﻟﮭﺬﯾﻠﻲ)ﯾﺴﺮى( ،اﻟﻤﺮأة اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ و ﻧﻤﻄﯿﺔ اﻟﺼﻮرة ،ﻣﺆﺳﺴﺔ ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ص3
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إنّ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ ھﻲ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﻌﻘﺪة ﻓﻲ ﺣﺒﻜﺔ اﻟﻘﺼﺺ .و ﻗﺪ ﺳﻌﻰ راوِ اﻟﻘﺼّﺔ إﻟﻰ اﻟﺨﺮوج ﻣﻨﮭﺎ ﺑﺤﺼﻮل اﻟﻌﻘﺎب ﺗﻮﻗﺎ ﻟﻠﻐﻔﺮان. و ﻗﺪ ﻛﺎن اﻟﻌﻘﺎب 50درﺟﺎت .51و ﻣﺎ ﯾﻌﻨﯿﻨﺎ ﻣﻨﮫ ﻓﻲ ﻣﺪاﺧﻠﺘﻨﺎ أﻣﺮان ،اﻟﺄوّل ھﻮ ﻓﻌﻞ اﻟﺈھﺒﺎط و ھﻮ اﻟﻤﺬﻛﻮر ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ اﻟﻘﺮآﻧﻲ و اﻟﺜﺎﻧﻲ ھﻮ ﻋﻘﺎب ﺣﻮاء ﺑﺘﻜﺜﯿﺮ آﻟﺎم ﻣﺨﺎﺿﮭﺎ و ﻛﻞ ﻣﺎ ﯾﺴﺘﻮﺟﺒﮫ اﻟﺤﻤﻞ و ﻣﺎ ﯾﺴﺘﺘﺒﻌﮫ ﻣﻦ دم و ﻗﺪ ذﻛﺮ ﻓﻲ اﻟﻨﺺ اﻟﺘﻮراﺗﻲ و ﻛﻞ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺘﻲ ﻧﺤﺖ ﻧﺤﻮه.و ﻛﻞّ ﺧﻄﯿﺌﺔ ﺗﺘﻄﻠﺐ ﺗﻮﺑﺔ ﻣﻦ ﺟﮭﺔ و اﺳﺘﺠﺎﺑﺔ ھﻲ اﻟﻐﻔﺮان أو ﻋﺪﻣﮭﺎ . -3اﻟﻨّﺺّ :ﺗﻮﺑﺔ و ﻏﻔﺮان إنّ دراﺳﺔ اﻟﻀﻤﺎﺋﺮ ﻓﻲ اﻟﻨّﺺّ ﯾﻔﺘﺢ اﻟﻄﺮﯾﻖ أﻣﺎم اﻟﺒﺎﺣﺚ ﻟﯿﻜﺸﻒ ﺣﻀﻮر اﻟﻤﺆﻧﺚ و ﻣﺪى ﺗﺄﺛﯿﺮ اﻟﻌﻘﺪي ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ اﻟﺄدوار اﻟﻤﻨﺎطﺔ. ﻓﻤﻦ اﻟﻤﺨﺎطَﺐ ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ ؟و ھﻞ ﻛﺎن اﻟﺨﻄﺎب ﻣﺒﺎﺷﺮا أو ﻏﯿﺮ ﻣﺒﺎﺷﺮ؟ إنّ اﻟﻔﺎﻋﻞ اﻟﺄوّل و ھﻮ اﻟﻤﻨﻔﺬ ﻟﻠﻌﻘﺎب ﺟﺎء ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ ﻣﺘﺮاوﺣﺎ ﺑﯿﻦ اﻟﻔﺎﻋﻠﯿﺔ اﻟﻈﺎھﺮة )أﺧﺮﺟﮭﻤﺎ(و ﺑﯿﻦ ﻧﺎﺋﺐ اﻟﻔﺎﻋﻞ )أُھﺒﻂ/أُھﺒﻄﺖ(.و ﻗﺪ ﯾﻜﻮن ذﻟﻚ ﺗﺎﺑﻌﺎ ﻟﺘﻐﯿﺮ اﻟﻔﻀﺎء .ﻓﺎﻟﺮّب ﻓﻲ ﺟﻨّﺘﮫ ظﺎھﺮ و ﻓﻲ ﺧﺮوج آدم و ﺣﻮاء ﻣﻨﮭﺎ ﻛﺎن اﻟﻌﻘﺎب اﻟﺄول ﺑﺤﺠﺒﮫ ﻋﻨﮭﻤﺎ ﻣﻤﺎ ﯾﺤﺘﺎج ﻣﻌﮫ إﻟﻰ ﻣُﻌﯿﻦ. إنّ ﺟﺒﺮﯾﻞ ﻛﺎن اﻟﻘﺎﺋﻢ ﺑﺪور اﻟﻤﻌﯿﻦ ﻟﺂدم ﻓﻲ ﻓﺮدوﺳﮫ و ﻓﻲ ﻓﻀﺎء اﻟﻨّﺺّ.ﻓﻜﯿﻒ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﻌﻠﺎﻗﺔ ﺑﯿﻦ ﺣﻮّاء و آدم؟ إن ﺣﺪث ﺑﻨﯿﺎن اﻟﻜﻌﺒﺔ ،ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﻠﺤﻈﺔ اﻟﺎھﺒﺎط ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺸﯿﻌﻲ اﻟﺎﻣﺎﻣﻲ.،وﻟﯿﺲ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲ ﺑﻮاﺣﺪ ﻓﻲ ﺣﻜﺎﯾﺔ اﻟﻜﻌﺒﺔ ،ﻓﻠﮭﺎ ﻓﻮاﻋﻞ ﻋﻠﻰ أدوار :دور آدم وﻣﻦ ﺑﻌﺪه دور إﺑﺮاھﯿﻢ ﻟﻠﺒﻨﺎء و اﻟﺪور اﻟﺄﺧﯿﺮ ھﻮ دور ﻣﺤﻤّﺪ . و ﻟﻘﺪ ﻗﺪّم اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﻣﺮﺟﻌﯿﺎﺗﮫ اﻟﻌﻘﺪﯾّﺔ و اﻟﻔﺮﻗﯿّﺔ ﺗﻨﺎوﻟﺎ ﻣﺨﺼﻮﺻﺎ ﻟﻠﺤﺠﺮ اﻟﺄﺳﻮد.52ﻓﻘﺪ ﺣُﻤِّﻞ اﻟﻤﯿﺜﺎق و ﻛﺎن ﺳﺒﺐ ﺧﺮوﺟﮫ ﻣﻦ اﻟﺠﻨّﺔ و إﻧﺰاﻟﮫ إﻟﻰ اﻟﺄرض ﻣﺮﺗﺒﻄﺎ ﺑﺎﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ و ﺗﻮﺑﺔ ا ﻋﻠﻰ آدم. إنّ ھﺬا اﻟﻨّﺺ ﯾﺤﻜﻲ ﺗﻤﺜﻠﺎ ﻏﺎرﻗﺎ ﻓﻲ اﻟﺘﺨﯿﯿﻞ .ﻓﺒﻨﺎء اﻟﺒﯿﺖ 53ﻣﺤﻔﻮف ﺑﻈﻮاھﺮ ﺧﺎرﻗﺔ ﺗﺆﺳﺲ ﻟﻘﺪﺳﯿﺘﮫ ﻣﻦ ﻏﻤﺎﻣﺔ ﺗﺤﺪد ﻣﻜﺎن اﻟﺒﯿﺖ وﻣﻦ ﻧﺰول ﻟﻠﺤﺠﺮ اﻟﺄﺳﻮد اﻟﻤﺘﺤﻮّل ﻟﻮﻧﺎ .ﻟﻘﺪ ﺑﻨﻰ آدم اﻟﺒﯿﺖ ﻋﻠﻰ ﻣﺜﺎل ﻓﮭﻮ "ﺻﻮرة ﻟﻨﻤﻮذج ﺳﻤﺎويّ" وﺑﻄﻠﺐ ﻣﻦ ﺳﺒﻌﻤﺎﺋﺔ أﻟﻒ ﻣﻠﻚ أو ﻣﻦ ا ﻟﻠﺎﺳﺘﻐﻔﺎر ،وﺑﺠﻮار اﻟﻌﺮش .ﻓﺎﻟﺤﺞّ ھﻮ ﺷﻌﯿﺮة اﻟﺎﺳﺘﻐﻔﺎر واﻟﻐﻔﺮان .وﻟﮭﺬا ﻓﻲ رأﯾﻨﺎ ھﻮ ﺷﻌﯿﺮة ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻟﺄﻧﺜﻰ .ﻓﻨﺰول آدم ﺗﻘﻒ وراءه ﺣﻮاء .واﻟﻐﺎﯾﺔ ھﻮ طﻠﺐ اﻟﻐﻔﺮان ﻣﻦ ذﻧﺐ اﺗﺒﺎع ﺣﻮّاء.. ﻓﻤﺎ ﻋﻠّﻤﮫ ﺟﺒﺮﯾﻞ ﻟﺂدم ھﻮ طﻠﺐ اﻟﺎﺳﺘﻐﻔﺎر ﻣﻦ ذﻧﺒﮫ ﻋﻨﺪ ﻛﻞّ ﻣﺸﻌﺮ وأنّ ﯾﺄﺧﺬ ﺣﺼﯿﺎت اﻟﺠﻤﺎر ﻣﻦ اﻟﻤﺰدﻟﻔﺔ اﻧﺼﯿﺎﻋﺎ ﻟﺄﻣﺮ ا .وإذا ﻣﺎ اﻋﺘﺮﺿﮫ إﺑﻠﯿﺲ أُﻣِﺮ ﺑﺮﻣﯿﮫ ﺑﺴﺒﻊ ﺣﺼﯿﺎت واﻟﺘﻜﺒﯿﺮ ﺣﺘّﻰ ﻟﺎ ﯾﻮﻗﻌﮫ ﻓﻲ اﻟﺰﻟﻞ ﻣﺮّة أﺧﺮى .واﻟﻨّﺺ ،إذ ﯾﺒﯿّﻦ اﻧﺼﯿﺎع آدم ﻟﺄﻣﺮ رﺑّﮫ ،ﻟﺎ ﯾﺬﻛﺮ إن ﻛﺎن ﻣﺮﻓﻮﻗﺎ ﺑﺤﻮاء أم أﻧّﮫ ﻛﺎن ﺑﻤﻔﺮده .ﻣﻤّﺎ ﻗﺪ ﯾﻔﺴّﺮ ﺳﺒﺐ اﻟﻄﺎﻋﺔ وﻣﻤّﺎ ﻗﺪ ﯾﺤﯿﻞ ﻋﻠﻰ ﺗﺮﺳﯿﺦ اﻟﺎﻋﺘﻘﺎد ﺑﺘﻠﺒّﺲ ﺣﻮاء ﺑﺎﻟﺨﻄﯿﺌﺔ واﻟﺈﻏﻮاء .ﺛﻢّ أﻣﺮه ﺑﺎﻟﻘﺮﺑﺎن وھﻮ اﻟﮭﺪي وﺑﺤﻠﻖ رأﺳﮫ ﺗﻮاﺿﻌﺎ وھﻨﺎ أﯾﻀﺎ ﯾﺴﻜﺖ اﻟﻨّﺺّ ﻋﻦ ﺷﻌﺮ ﺣﻮاء .أﻟﮭﺬا ﺗﺆﻣﺮ اﻟﻤﺮأة ﺑﺎﻟﺘﻘﺼﯿﺮ دون اﻟﺤﻠﻖ ؟ وﻣﻦ ﺛَﻢَّ أﻣﺮه ﺑﺰﯾﺎرة اﻟﺒﯿﺖ واﻟﻄّﻮاف ﺑﮫ ﺳﺒﻊ ﻣﺮات واﻟﺴّﻌﻲ ﺑﯿﻦ اﻟﺼﻔﺎ واﻟﻤﺮوة أﺳﺒﻮﻋﺎ ﯾﺒﺪأ ﺑﺎﻟﺼّﻔﺎ وﯾﻨﺘﮭﻲ ﺑﺎﻟﻤﺮوة ،و ﻗﺒﻞ أن ﻧﻮاﺻﻞ ﻣﻊ آدم ﺣﺠّﮫ و ﻧﻘﺘﻔﻲ ﺧﻄﺎه ﻋﻠﻰ طﺮﯾﻖ اﻟﻐﻔﺮان ،ﻧﻘﻒ ﻋﻨﺪ ھﺬﯾﻦ اﻟﺠَﺒَﻠَﯿْﻦ ﻟﺮﻣﺰﯾﺘﮭّﻤﺎ وأھﻤﯿّﺘﮭﻤﺎ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻨّﺺ وﻣﺸﺎﻋﺮ اﻟﺤﺞّ ﻋﺎﻣﺔ. . "إذ ﻟﺎ ﯾﻜﻮن اﻟﻤﻜﺎن ﻣﻘﺪّﺳﺎ إﻟﺎّ إذا ﻛﺎن ﺗﺄﺳﯿﺴﮫ ﻣﺤﻔﻮﻓﺎ ﺑﺠﻤﻠﺔ ﻣﻦ اﻟﺨﻮارق" وﻟﻘﺪ أﺣﺎط اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ھﺬﯾﻦ اﻟﺠﯿﻠﯿﻦ ﺑﺠﻤﻠﺔ ﻣﻦ ھﺎﻟﺎت اﻟﺨﻮارق . ﻓﮭﻤﺎ ﻣﮭﺒﻂ آدم وﺣﻮاء ﻣﻦ اﻟﺠﻨّﺔ وﻣﻦ اﺳﻤﯿﮭﻤﺎ ﺷﻖّ اﺳﻤﯿﮭﻤﺎ .ﻓﺎﻟﺼّﻔﺎ ،ﺷﻖّ ﻣﻦ اﺳﻢ آدم اﻟﻤﺼﻄﻔﻰ واﻟﻤﺮوة ﻣﻦ اﺳﻢ اﻟﻤﺮأة ﺷُﻖَّ .ﻓﻨﺰل آدم ﻋﻠﻰ اﻟﺼّﻔﺎ وﻧﺰﻟﺖ ﺣﻮاء ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺮوة .وﻟﻘﺪ ﺑﺤﺚ ﯾﻮﺳﻒ اﻟﺼّﺪﯾﻖ ﻋﻦ أﺻﻮل اﻟﻜﻠﻤﺘﯿﻦ .ﻓﻘﺎرن ﻛﻠﻤﺔ "ﺻﻔﺎ" اﻟﻌﺮﺑﯿّﺔ ﺑﻤﺜﯿﻠﺘﮭﺎ اﻟﯿﻮﻧﺎﻧﯿّﺔ ﻓﺎﻟﻠﻔﻈﺎن ﯾّﻔﯿﺪان اﻟﺠﻠﺎء واﻟﻮﺿﻮح واﻟﻨّﻘﺎء ﻓﻲ ﻣﺎ ﻛﺎن ظﺎھﺮا .وﻟﻘﺪ ﻛﺎن واﺿﺤﺎ ظﺎھﺮا ﺟﻠﯿّﺎ ﻟﺂدم أنّ اﻟﺴﺒﺐ وراء إﻧﺰاﻟﮭﻤﺎ 50إنّ ﻓﻀﺎء اﻟﻔﺮدوس اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ ﻟﺎ ﺗﻌﺐ ﻓﯿﮫ ﻟﺬا ﻛﺎن ﻟﺰاﻣﺎ اﻟﺨﺮوج ﻣﻨﮫ ﻟﺘﺤﻘﻖ اﻟﻌﻘﺎب. 51اﻧﻈﺮ اﻟﻤﺴﻌﻮدي)ﺣﻤﺎدي( ،ﻓﻲ اﻟﺒﺪء ﻛﺎن اﻟﺠﺴﺪ ،ص .22ﻓﻘﺪ أﻗﺎم ﺟﺪوﻟﺎ ﻣﻔﺼّﻠﺎ ﻗﺎرن ﻓﯿﮫ ﺑﯿﻦ اﻟﻌﻘﺎب ﻟﻜﻞ ﻣﺘﺪﺧﻞ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ اﻟﺘﻮراﺗﻲ واﻟﻘﺮآﻧﻲ و اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺤﻮاف اﻟﺘﻔﺴﯿﺮﯾﺔ. 52ﻓﮭﻮ ﯾﺮى أنّ اﻟﻘُﺒﻠﺔ و اﻟﺎﺳﺘﻠﺎم ﻟﻠﺤﺠﺮ اﻟﺎﺳﻮد إﻧّﻤﺎ ھﻮ ﺗﺠﺪﯾﺪ ﻋﮭﺪ و ﺑﯿﻌﺔ ﻟﻠﺈﻣﺎم ،ﻓﻠﻠﻜﻌﺒﺔ ﻋﻨﺪ اﻟﺸﯿﻌﺔ أھﻤﯿّﺔ ﺗﺘﺠﺎوز اﻟﺤﺞّ إﻟﯿﮭﺎ.و ﻟﺬا ﺑﺪأ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞّ ﺑﺒﺎب وﺳﻤﮫ"ﺑﺪء اﻟﺤﺠﺮ و اﻟﻌﻠّﺔ ﻓﻲ اﺳﺘﻠﺎﻣﮫ"ﻟﺄﻧﮫ "ﻣﻦ ذﻟﻚ اﻟﻤﻜﺎن ﯾﮭﺒﻂ اﻟﻄﯿﺮ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﺎﺋﻢ ...و إﻟﻰ ذﻟﻚ اﻟﻤﻘﺎم ﯾُﺴﻨﺪ اﻟﻘﺎﺋﻢ ظﮭﺮه و ھﻮ اﻟﺤﺠﺔ و اﻟﺪﻟﯿﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﺎﺋﻢ و ھﻮ اﻟﺸﺎھﺪ ،...اﻧﺮ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ،ﺑﺎب ﺑﺪء اﻟﺤﺠﺮ و اﻟﻌﻠﺔ ﻓﻲ اﺳﺘﻠﺎﻣﮫ،ج،1ص554 "53إنّ ﻟﻠﻤﺮﻛﺰ ) (centreرﻣﺰﯾّﺘﮫ وﻟﻠْﻌَﻮْد اﻟﺄﺑﺪيّ ﻟﺰﻣﻦ اﻟﺒﺪاﯾﺎت رﻣﺰﯾﺘﮫ" ﻓﺎﻟﻜﻌﺒﺔ ﺗﻤﺜّﻞ اﻟﺄﯾﻘﻮﻧﺔ ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرھﺎ ﻣُﻤَﺜِّﻠَﺔ اﻟﺮّﻣﺰ اﻟﻤﺮﻛﺰي symbolecentral
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ﻣُﻔْﺘَﺮِﻗَﯿْﻦ ﯾﻌﻮد ﻟﻘﺮار إﻟﮭﻲ ﺑﻌﺪم ﺣﻠّﯿﺘﮭﺎ ﻟﮫ .ﻟﺬا ﻛﺎن ﯾﺴﻌﻰ ﺑﯿﻦ ﺟﺒﻠﮫ وﺟﺒﻠﮭﺎ ﻧﮭﺎرا وﯾﻌﻮد أدراﺟﮫ ﻟﯿﻠﺎ ﺣﺘّﻰ ﻟﺎ ﺗﻐﻠﺒﮫ ﻧﻔﺴﮫ ﻓﯿﻘﻊ ﻋﻠﯿﮭﺎ و ﻟﻘﺪ اﻋﺘﺒﺮ آدم ،و ھﻮ اﻟﻤﺘﺤﺪث ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ ،أﻧﻄﻘﮫ ﺻﺎﺣﺒﮫ و أﺧﺮس ﺣﻮّاء ،أنّ اﻟﺘﻔﺮﯾﻖ ﺑﯿﻨﮫ و ﺑﯿﻨﮭﺎ ﻓﻲ ﻣﻜﺎن اﻟﺈھﺒﺎط دﻟﺎﻟﺔ ﻋﻠﻰ ﺣﺮﻣﺘﮭﺎ .و ﻛﺄﻧﮫ ﻟﻢ ﯾﻊ ﻣﻦ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺈھﺒﺎط ﻏﯿﺮ ذﻟﻚ.ﻓﻨﺮاه ﯾﺴﺘﺤﻀﺮ ﻓﻲ ﻧﻔﺴﮫ ﯾﺤﺪّﺛﮭﺎ ﺑﻌﺪ ﻏﯿﺎب اﻟﺄﻧﯿﺲ ،ﺳﺒﺐ ﺑﻌﺪھﺎ ﻋﻨﮫ. ﻓﮭﻞ ﻛﺎن ﺧﻮف آدم ﻣﻦ اﻟﺒﻘﺎء ﻣﻊ ﺣﻮّاء ھﻮ ﺧﻮف ﻣﻦ ذاﺗﮫ أم ﻣﻦ ﺗﺄﺛﯿﺮھﺎ. إنّ آدم ﺑﻘﻲ ﻣُﻌﺘﺰﻟﺎ طﺎﺋﻌﺎ ﻟﻤﺎ ﺗﺼﻮّره أﻣﺮا ﻣﻦ رﺑّﮫ ،و ھﻮ اﻟﺬي ﻧﺴﻲ ﻗﺒﻠﺎ ،ﻏﯿﺮ أنّ اﻟﺎﻋﺘﺰال ﺟﺎء ﻣﻦ طﺮف واﺣﺪ.. ﻓﺎﻟﻨّﺺّ ﻟﺎ ﯾُﻨﯿﻂ ﺑﺤﻮّاء أيّ دور .ﻓﮭﻲ ﺛﺎﺑﺘﺔ أﻣﺎم ﺣﺮﻛﺔ آدم .و ھﻲ ﻣُﻜﺘﻔﯿﺔ ﺑﺬاﺗﮭﺎ ،أو ﻋﻠﻰ اﻟﺄﻗﻞّ ھﺬا ﻣﺎ ﺷﻒّ ﻋﻨﮫ اﻟﻨّﺺ .ﻓﻠﻢ "ﯾﻜﻦ ﻟﺂدم أﻧﺲ" و ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ا ﯾﻜﻠّﻤﮫ و ﻟﺎ ﯾﺮﺳﻞ ﻟﮫ رﺳﻮﻟﺎ .و إن ﻛﺎن آدم ﻧﺎطﻘﺎ ﻓﻲ اﻟﻨّﺺّ و ھﻲ ﻟﺎ ﺻﻮت ﻟﮭﺎ .ﺑﻞ إنّ اﻟﻘﺼّﺔ ﺗﻤﻨﺢ آدم ﻣﻦ اﻟﻠﻐﺔ ﺧﯿﻄﺎ ﯾﺼﻠﮫ ﺑﺎﻟﺴﻤﺎء ﻣﺠﺪدا.ﻓﻠﻘﺪ ﺗﺎب ا ﻋﻠﯿﮫ ﺑﻜﻠﻤﺎت ﻣﺮة أﺧﺮى. . إنّ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،وﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﻣﺮﺟﻌﯿّﺎﺗﮫ اﻟﻌَﻘَﺪِﯾَّﺔ واﻟﻔِﺮَﻗِﯿَﺔ ﯾﻘﺪّم ﺗﻨﺎوﻟﺎ ﻣﺨﺼﻮﺻﺎ ﻟﻠﺤﺠﺮ اﻟﺄﺳﻮد .ﻓﮭﻮ ﯾﺮى أنّ اﻟﻘُﺒْﻠﺔ واﻟﺎﺳﺘﻠﺎم ﻟﮫ إﻧّﻤﺎ ھﻮ ﺗﺠﺪﯾﺪ ﻋﮭﺪ وﺑﯿﻌﺔ ﻟﻠﺈﻣﺎم .وﻛﺄنّ ﻗﺪر ﺗﻠﻚ اﻟﺒﻘﻌﺔ ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ .ﻓﺈﺑﺮاھﯿﻢ و ھﻮ اﻟﺬّي أﻋﻠﻰ ﺟﻨﺒﺎت اﻟﺒﯿﺖ ﺧﺘﻦ ﻧﻔﺴﮫ وﺟﻌﻞ ﺧﺘﺎن ﻛﻞّ ذَﻛَﺮ ﺗﺠﺪﯾﺪَ ﻋﮭﺪ ﺑﯿﻨﮫ وﺑﯿﻦ اﻟﺮبّ ﺣﺘّﻰ أنّ أﻏﻠﺐ اﻟﻤﺬاھﺐ ﻟﺎ ﺗﻘﺒﻞ ﺑﺤﺞّ اﻟﺄﻏﻠﻒ. . ﻓﻤﺎھﻲ ﻧﻘﺎط اﻟﺎﻟﺘﻘﺎء ﺑﯿﻦ ﻗﺼّﺘﻲ اﻟﺒﻨﺎء؟ إنّ ﻗﺼﺔ اﻟﺒﻨﺎء اﻟﺄوﻟﻰ واﻟﺜﺎﻧﯿﺔ ﻣﺤﻔﻮﻓﺘﺎن ﺑﺎﻟﻮﺟﻮد اﻟﺄﻧﺜﻮي ،ﺣﻮّاء ﻓﻲ اﻟﺄوﻟﻰ وھﺎﺟﺮ ﻓﻲ اﻟﺜﺎﻧﯿﺔ . ودور إﺑﺮاھﯿﻢ ﻛﻤﺎ ﺑﯿّﻨﺖ ﯾﺮﺷﺢ ﺑﺤﻀﻮر اﻟﻤﺮأة .ﻓﻨﺪﻣﺎ ﺗﺮك إﺑﺮاھﯿﻢ ھﺎﺟﺮ واﺑﻨﮫ إﺳﻤﺎﻋﯿﻞ ،ﻓﻲ واد ﻏﯿﺮ ذي زرع ﺑﻤﻜّﺔ ،أﺧﺬت ﺗﺴﻌﻰ ﺑﯿﻦ اﻟﺼﻔﺎ واﻟﻤﺮوّة طﻠﺒﺎ ﻟﻠﻌﻮن . ﻓﻲ اﻟﻘﺼّﺔ اﻟﺄوﻟﻰ ﻏﺎﺑﺖ ﺣﻮّاء ﻓﺎﻋﻠﺔ وھﺎھﻲ ھﺎﺟﺮ ﺗﺮﺳﻢ أﺣﺪ اﻟﻤﺸﺎﻋﺮ ،اﻟﺴﻌﻲ ﺑﯿﻦ اﻟﺼﻔﺎء واﻟﻤﺮوة ،وﺗﺤﺪّد ﻋﺪده ﺑﺴﺒﻌﺔ أﺷﻮاط .وﻓﻲ ھﺬه اﻟﻘﺼّﺔ أﯾﻀﺎ ،ﻋﻨﺪ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،ﻛﺎن ﺟﺒﺮﯾﻞ ھﻮ اﻟﻤﻌﻠّﻢ ﻟﺘﻔﺎﺻﯿﻞ اﻟﺸّﻌﺎﺋﺮ ﻣﻦ ﻏﺴﻞ ﻗﺒﻞ دﺧﻮل اﻟﺤﺮم وﻛﯿﻔﯿﺔ اﻟﺈﺣﺮام واﻟﺈھﻠﺎل ﻟﻠﺤﺞّ ﺛﻢّ أﻣﺮھﻤﺎ ﺑﺎﻟﺘﻠﺒﯿﺎت واﺳﺘﻘﺒﺎل اﻟﺒﯿﺖ واﻟﺘﻜﺒﯿﺮ واﻟﺘﮭﻠﯿﻞ وﻣِﻦْ ﺛَﻢَّ اﺳﺘﻠﻢ ﺟﺒﺮﯾﻞ اﻟﺤﺠﺮ وأﻣﺮھﻤﺎ ﺑﺎﺳﺘﻠﺎﻣﮫ وطﺎف ﺑﮭﻤﺎ أﺳﺒﻮﻋﺎ. وﺑﻌﺪ ﻋﺎم ﻋﺎد إﺑﺮاھﯿﻢ ﻟﺒﻨﺎء اﻟﻜﻌﺒﺔ . واﻟﻨّﺺّ اﻟﺸﯿﻌﻲ ﻟﺎ ﯾﺘﺨﻠّﻰ ﻋﻦ ﻧَﻔَﺴِﮫ اﻟﺨﺎرق واﻟﺄﺳﻄﻮري ،ﻓﻔﻲ أوّﻟﮫ ﻛﺎن إﺳﻤﺎﻋﯿﻞ وﻟﯿﺪا وﺑَﻌْﺪَ ﻋﺎم ﺻﺎر ﻗﺎدرا ﻋﻠﻰ ﺟﻤﻊ اﻟﺤﺠﺎرة وﺑﻨﺎء اﻟﻜﻌﺒﺔ ﺑﻤﻌﯿّﺔ إﺑﺮاھﯿﻢ وأرﺑﻌﺔ ﻣﻦ اﻟﻤﻠﺎﺋﻜﺔ. وإذا ﻛﺎن اﻟﻨّﺺّ ﻗﺪ ﻏﯿّﺐ اﻟﻤﺮأة ﻣﻦ اﻟﻔﻌﻞ اﻟﺘّﻌﺒﺪي واﻟﻔﻌﻞ اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲّ اﻟﻘﺎﺋﻢ ﻋﻠﻰ ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ واﻟﻤﯿﺜﺎق ﻓﺈﻧّﮫ ﻣﻨﺤﮭﺎ ﺳﺘﺮ اﻟﻜﻌﺒﺔ .واﻟﻄّﺮﯾﻒ أﻧّﮫ ﯾﺮﺑﻂ ﺑﯿﻦ ﺳﺘﺮ اﻟﻜﻌﺒﺔ وﺳﺆال إﺳﻤﺎﻋﯿﻞ زوﺟﺘﮫ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﻗﺎﺑﻠﺖ إﺑﺮاھﯿﻢ ،وﻟﻢ ﺗﻜﻦ ﺗﻌﺮﻓﮫ ،ﻓﻘﺎﻟﺖ إذ ﺧﺒّﺮھﺎ زوﺟﮭﺎ " :واﺳﻮأﺗﺎه" ھﻞ ﻧﻈﺮ إﻟﻰ ﺷﻲء ﻣﻦ ﻣﺤﺎﺳﻨﻚ ؟ وإن ﻛﺎﻧﺖ اﻟﺈﺟﺎﺑﺔ ﺑـ"ﻟﺎ" ،إﻟﺎّ أنّ ھﺬا اﻟﺮّﺑﻂ ،ﻓﻲ اﻋﺘﻘﺎدي ﻟﯿﺲ اﻋﺘﺒﺎطﯿّﺎ .ﻓﺎﻟﻜﻌﺒﺔ ﺗﺴﺘّﺮت ﺑﻤﺎ ﻏﺰﻟﺘﮫ أَﯾْﺪ ﻧﺴﺎﺋﯿّﺔ . إنّ اﻟﻨّﺼﯿﻦ ﻟﺪور آدم وإﺑﺮاھﯿﻢ ﯾﺸﺘﺮﻛﺎن ﻓﻲ ﻋـﺪد ﻣﻦ اﻟﻨّﻘﺎط .ﻓﻜﻠﺎھﻤﺎ ﯾﺠﻌﻞ ﻣﻦ ﺟﺒﺮﯾﻞ اﻟﻤﻌﻠِّﻢ ﻓﯿﻐﺮس اﻟﺤﺪث ﻓﻲ اﻟﻤُﻔَﺎرِق واﻟﻤﺎَوراﺋﻲ .ﻛﻤﺎ أﻧّﮭﻤﺎ ﻗﺎﺋﻤﺎن ﻋﻠﻰ اﻟﺎﻣﺘﺤﺎن وﻋﻠﻰ اﻟﻤﻐﻔﺮة اﻟﻤﺘﺄﺗﯿﺔ ﻣﻦ اﻟﻨﺠﺎح ﻓﻲ اﻟﺎﻣﺘﺤﺎن .واﻟﻨّﺼﺎن ﻛﺎن ﻟﻠﻤﺮأة ﻓﯿﮭﻤﺎ دور اﻟﺒﺪاﯾﺎت وﻏُﯿِّﺒَﺘﺎ ﻓﻲ أداء اﻟﻤﺸﺎﻋﺮ اﻟﻤﺆدﯾّﺔ ﻟﻠﺘّﻮﺑﺔ وﺑﺎﻟﺘّﺎﻟﻲ ﻟﻠﻐﻔﺮان .ﻛﻤﺎ أنّ ﻟﻠﺮّﻗﻢ ﺳﺒﻌﺔ ﺑﻜﻞّ ﻣﺎ ﯾﺤﻤﻠﮫ ﻣﻦ رﻣﺰﯾﺔ ﺣﻀﻮر ﺑﺎرز ﻓﻲ ﻛﻠﯿﮭﻤﺎ. وإن ﻛﺎن اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ﻟﻢ ﯾﻔﺼّﻞ اﻟﻘﻮل ﻛﺜﯿﺮا ﻓﻲ اﻟﺪّور اﻟﺜﺎﻟﺚ دور ﻣﺤﻤّﺪ إﻟﺎّ أن ﻋﻨﺼﺮا ﯾﺒﺪو ﻣﺸﺘﺮﻛﺎ ﻓﻲ اﻟﺄدوار اﻟﺜﻠﺎﺛﺔ وﺳﻨﻌﺮّج ﻋﻠﯿﮫ ﻟﻌﻠﺎﻗﺘﮫ ﺑﺎﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ . "ﯾﻌﺪّ اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ اﻟﺤﯿّﺔ وھﻲ ﺗﺘﺸﺮّق ﻋﻠﻰ ﺟﺪران اﻟﻜﻌﺒﺔ ﻣﻦ أﺑﺮز ھﺬه اﻟﺼّﻮر اﻟﺘﻲ وﻟّﺪھﺎ اﻟﻤﺨﯾﺎل اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ﻓﻲ ﺗﻌﺎﻣﻠﮫ ﻣﻊ ھﺬا اﻟﺤﺪث" . وھﺬه اﻟﺤﯿّﺔ اﻟﺘﻲ ﺟُﻌِﻠﺖ ﻟﺘﺤﺮس اﻟﻜﻌﺒﺔ ﺗﺤﯿﻞ ﻋﻠﻰ ﺗﻠﻚ اﻟﺘّﻲ ﻛﻨﺴﺖ ﺣﻮل اﻟﻜﻌﺒﺔ ﻋﻨﺪ ﺑﻨﺎﺋﮭﺎ زﻣﻦ إﺑﺮاھﯿﻢ وإﺳﻤﺎﻋﯿﻞ . .54ﺣﯿّﺘﺎن ﺗﻨﻀﺎف ﻟﮭﻤﺎ ﺛﺎﻟﺜﺔ ﻓﻲ ﻗﺼﺔ اﻟﺨﻠﻖ اﻟﺄوﻟﻰ ﻣُﺨﺎﻟِﻔﺔ ﻟﮭﻤﺎ ﻓﻲ طﺒﯿﻌﺔ ﺗﻌﺎﻣﻠﮭﺎ ﻣﻊ آدم وﺑﻨﯿﮫ .ﻓﮭﻲ اﻟﺤﯿّﺔ اﻟﺘّﻲ أﻏﻮت ﺣﻮّاء وﺗﺴﺒّﺒﺖ ﻓﻲ إﻧﺰاﻟﮭﻤﺎ ﻣﻦ اﻟﺠﻨّﺔ إﻟﻰ اﻟﺄرض .ﻓﮭﻞ أنّ ھﺎﺗﯿﻦ اﻟﺤﯿّﺘﯿﻦ ﺗﻜﻔّﺮان ﻋﻦ ذﻧﺐ اﻟﺤﯿّﺔ اﻟﺄمّ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ اﻟﻨّﻘﯿﺾ :واﺣﺪة أﻏﻮت وأﺧﺮى ﺗﺤﻤﻲ .وﻟﻜﻦ ﯾﺮﺑﻂ ﺑﯿﻦ اﻟﺤﯿّﺎت اﻟﺜﻠﺎث اﻟﺪراﯾﺔ واﻟﻌﻠﻢ ﺑﻤﺎ ھﻮ ﻣَﺨْﻔِﻲّ .ﻓﺤﯿّﺔ اﻟﻜﻌﺒﺔ ﺗﺤﻤﻲ ﻣﺎ ﻓﻲ اﻟﺒﺌﺮ ﺗَﻌْﺮِفُ ﺧﻔﺎﯾﺎه وﺣﯿّﺔ اﻟﺪور اﻟﺈﺑﺮاھﯿﻤﻲ ﺗﻌﺮف ﻣﺎ ﺧﻔﻲ ﻋﻠﻰ إﺑﺮاھﯿﻢ و إﺳﻤﺎﻋﯿﻞ ﻣﻦ ﻣﻜﺎن اﻟﺄﺳﺎس و اﻟﻘﻮاﻋﺪ و ﺣﯿّﺔ ﺣﻮّاء ﺗﻌﺮف ﻣﺎ ﺧﻔﻲ ﻋﻠﻰ آدم وﺣﻮّاء ﻣﻦ اﻟﺸّﺠﺮة اﻟﻤﺤﻈﻮرة .و"ﯾﻨﺴﺠﻢ ھﺬا اﻟﻤﺪﻟﻮل ﻣﻊ ھﯿﺌﺔ اﻟﺜﻌﺎﺑﯿﻦ ﻋﺎﻣّﺔ ﻓﮭﻲ 54إذ"ﻟﻤّﺎ أﻣﺮ ا إﺑﺮاھﯿﻢ وإﺳﻤﺎﻋﯿﻞ أنّ ﯾﺒﻨﯿﺎ اﻟﺒﯿﺖ ﻟﻢ ﯾﺪرﯾﺎ أﯾﻦ ﻣﻜﺎﻧﺔ ﺣﺘﻰ ﺑﻌﺚ ا رﯾﺤﺎ ...ﻓﻲ ﺻﻮرة ﺣﯿّﺔ ﻓﻜﻨﺴﺖ ﻟﮭﻤﺎ ﻣﺎ ﺣﻮل اﻟﻜﻌﺒﺔ ﻣﻦ أﺳﺎس اﻟﺒﯿﺖ اﻟﺄوّل"
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رﻣﺰ اﻟﺘﯿﻘّﻆ وﺗﻤﺜﻞ ﺣﺮّاس ﻛﻞ طﺮق اﻟﺨﻠﻮد أي ﻛﻞّ وﻋﺎء ﯾﻮﺟﺪ ﻓﯿﮫ اﻟﻤﻘﺪس ﻣﺮﻛﺰا" .ﻓﮭﻞ ﻛﺎﻧﺖ ﺣﯿّﺔ ﺣﻮّاء ﺣﺎرﺳﺎ ﻟﻠﺸﮭﻮة اﻟﻤﻘﺪّﺳﺔ؟ إنّ ھﺬه اﻟﻨﺼﻮص اﻟﻤﻠﯿﺌﺔ ﺑﺎﻟﻨّﻔﺲ اﻟﻤُﻌْﺠِﺰ واﻟﺄﺳﻄﻮري رﺷﺢ ﻣﻦ ﺗﺘﺎﻟﯿﮭﺎ ﻧﻈﺮة ﺗﻘﻮم ﻋﻠﻰ ﻋﺪم ﺧﻠﺎص اﻟﻤﺮأة .ﻓﮭﻲ ﻟﻢ ﺗﺸﺎرك ﻓﻲ اﻟﺄﻋﻤﺎل اﻟﺘﻌﺒﺪﯾّﺔ ،وﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ ﻟﻢ ﯾﺸﻤﻠﮭﺎ اﻟﺼﻔﺢ واﻟﻐﻔﺮان ،ﻛﻤﺎ ﺑﺮزت اﻟﺄﻧﺜﻰ اﻣﺮأةً ،ﺣﯿّﺔً ،ﻏﻤﺎﻣﺔً ،ﻋﻨﺼﺮا ﻣﺆﺛﺮا ﻓﻲ زﻣﻦ اﻟﺘّﺄﺳﯿﺲ واﻟﺒﺪاﯾﺎت ﻟﮭﺬا اﻟﻔﻀﺎء اﻟﻤﺆﻧّﺚ ﺣﺪّ إﻟﺤﺎﻗﮫ ﺑﺎﻟﺴّﺘﺮ اﻟﻤﻔﺮوض ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﺴﺎء . –Iiﺗﺄﺛﯿﺮات اﻟﻘﺼﺘﯿﻦ ﻓﻲ اﻟﻔﻜﺮ اﻹﻣﺎﻣﻲ: إنّ وظﯿﻔﺔ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ ،ﻛﻤﺎ أﺷﺮﻧﺎ ،ھﻲ ﺗﻤﺮﯾﺮ أﺻﺤﺎب ﻓﺮﻗﺔ ﻟﻤﻘﺎﻟﺎﺗﮭﻢ و ﻋﻘﺎﺋﺪھﻢ. -1ﻣﻦ ﺧﻠﺎل ﺑﻌﺾ أﺣﻜﺎم اﻟﺤﺞ ﺳﻨﺘﺤﺪث ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻌﻨﺼﺮ ﻋﻦ أﻣﺮﯾﻦ .ﯾﺘﻌﻠﻖ اﻟﺄول ﺑﺎﻟﻤﺮأة ﻣﻦ ﺣﯿﺚ ﻋﻠﺎﻗﺘﮭﺎ ﺑﺎﻟﺮﺟﻞ و اﻟﺜﺎﻧﻲ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ ﺟﺴﺪھﺎ و إﻓﺮازاﺗﮫ. – طﻮاف اﻟﻨﺴﺎء:ﻋﻠﺎﻗﺔ آدم ﺑﺤﻮاء ﻓﻲ اﻟﺤﺞ إنّ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ و ھﻮ ﯾﻨﻘﻞ رواﯾﺔ اﻟﺼﺪوق ﻋﻦ ﺣﺞ آدم ﺟﻌﻞ ﻣﻦ ﻛﻞ ﺷﻌﯿﺮة و ﻣﻨﺴﻚ ﺧﻄﻮة ﻓﻲ طﺮﯾﻖ اﻟﻌﻮدة إﻟﻰ ﻟﺤﻈﺔ اﻟﺎﻛﺘﻤﺎل ﺑﻌﻮدﺗﮫ إﻟﻰ أﺣﻀﺎن ﺣﻮّاء. ﻓﻜﺎن اﻟﺤﺞ ﻟﺎ طﺮﯾﻘﺎ اﻟﻰ ا و اﻧﻤﺎ اﻟﻰ ﺣﻮاء اﻟﺄﻧﯿﺲ .و ﻟﻘﺪ ﺳﻤﻲ اﻟﻄﻮاف اﻟﺄﺧﯿﺮ اﻟﺬي ﻗﺎم ﺑﮫ آدم ، وورﺛﮫ ﻧﺴﻠﮫ ﻣﻦ ﺑﻌﺪه ،ﺑﻄﻮاف اﻟﻨﺴﺎء.و ﻗﺪ ﺗﻮﺣﻲ اﻟﺘﺴﻤﯿﺔ ﻟﻤﻦ ﻟﺎ ﯾﻌﺮف ﻗﺼﺔ آدم ﺑﺨﻠﺎف اﻟﻮاﻗﻊ.ﻓﻤﺎ ﺳﻤﻲ ﻛﺬﻟﻚ ﻟﺘﻌﻠﻘﮫ ﺑﻔﺎﻋﻞ ﻣﻦ ﺟﻨﺲ اﻟﻨﺴﺎء و ﻟﻜﻦ ﻟﻠﻐﺎﯾﺔ اﻟﻤﺮﺟﻮّة ﻣﻨﮫ و ھﻲ إﺣﻠﺎل ﺣﻮاء ،و ﻣﻦ وراﺋﮭﺎ ،اﻟﻨﺴﺎء ،ﻟﺄزواﺟﮭﻦ ﺑﻌﺪھﺎ ﻓﻲ اﻟﺤﺞّ . ﻓﺎﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ﺑﺪأ ﻧﺼّﮫ ﺑﺎﺳﺘﺪﻟﺎل ادم ﻋﻠﻰ ﺣﺮﻣﺔ ﺣﻮاء ﺑﻨﺰوﻟﮭﻤﺎ ﻣﺘﻔﺮﻗﯿﻦ ﻋﻠﻰ ﺟﺒﯿﻠﻦ و أﻧﮭﺎه ﺑﺎﺟﺘﻤﺎﻋﮭﻤﺎ ﻣﻌﺎ ﺑﻌﺪ اﻧﮭﺎء آدم ﻣﻨﺎﺳﻚ اﻟﺤﺞ اﻟﺘﻲ ﻋﻠّﻤﮫ إﯾﺎھﺎ ﺟﺒﺮﯾﻞ اﻟﻤﻌﯿﻦ. – ﺗﻘﺼﯿﺮ اﻟﺸﻌﺮ و اﻟﺤﯿﺾ :ﻋﻠﺎﻗﺔ ﺣﻮاء ﺑﺠﺴﺪھﺎ إنّ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﻓﻲ اﻟﻤﯿﺜﻮﻟﻮﺟﯿﺎ ﺣﻜﺎﯾﺎت طﻮﯾﻠﺔ ﺗﺨﺺ اﻟﺎﻧﺜﻰ ﻓﻲ ﺟﻠّﮭﺎ. 55و ان ﻛﺎن آدم ﻗﺪ دُﻋﻲ إﻟﻰ ﺣﻠﻖ ﺷﻌﺮه ﻓﺈن اﻟﻨّﺺ ﺳﻜﺖ ﻋﻦ ﺣﻮّاء ،ﺳﻜﻮﺗﮭﺎ و ﺳﻜﻮﺗﮫ ﻋﻦ ﻛﻞ ﻣﺎ ﯾﺘﻌﻠّﻖ ﺑﮭﺎ .و ﻛﺄﻧﻤﺎ اﻟﺤﺞ ،و ھﻮ طﺮﯾﻖ اﻟﻐﻔﺮان ،ﻟﺎ دﺧﻞ ﻟﮭﺎ ﺑﮫ .و ﻛﺄنّ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ اﻟﺎﻣﺎﻣﻲ ﯾﻌﺎﻗﺐ ھﺬا اﻟﺠﺴﺪ اﻟﺬي ﺗﺴﺒﺐ ﺑﻤﺎ ﺟُﺒﻞ ﻋﻠﯿﮫ ﻣﻦ ﻣﻔﺎﺗﻦ ﺑﺎﺧﺮاج آدم ﻣﻦ اﻟﺠﻨﺔ.و ﻣﺎ ﺣﻠﻖ اﻟﺸﻌﺮ إﻟﺎّ ﺧﻨﻮع و ﺧﻀﻮع و ﻗﺮﺑﺎن. و ﻟﻢ ﺗﺴﺘﻄﻊ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ اﻟﺸﯿﻌﯿﺔ أن ﺗﺘﺠﺎوز ﻣﺜﯿﻠﺎﺗﮭﺎ اﻟﺴﻨﯿﺔ ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ ﻣﻨﺎﺳﻚ اﻟﺤﺞ ﺑﻞ إنّ ﻣﺮﻛﺰﯾﺔ ﻓﺎطﻤﺔ ،أﻧﺜﻰ ،ﻟﻢ ﺗﺸﻔﻊ ﻟﻠﺒﻨﺎت ﺟﻨﺴﮭﺎ أن ﺗﺤﻈﯿﻦ ﺑﻤﻜﺎﻧﺔ ﻣﺘﻤﯿﺰة .ﻓﻜﺎن ﺗﻤﯿﺰ ﻓﺮد ﻟﺎ ﺟﻨﺲ. أﻣّﺎ دم اﻟﺤﯿﺾ و ھﻮ دم ﻧﺠﺲ ﻓﺈﻧﮫ ﯾﺠﻌﻞ ﺻﺎﺣﺒﺘﮫ ﻓﻲ ﺣﺎﻟﺔ اﻧﻘﻄﺎع طﮭﺮ .56و ﻗﺪ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ وﻓﯿﺔ ﻟﮭﺬا اﻟﺘﺼﻮّر اﻟﻤﺘﺮﺳﺦ ﻣﻦ ﻣﺘﺨﯿﻞ ﻗﺼﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ وﻓﺎء ﻣﺜﯿﻠﺘﮭﺎ اﻟﺴﻨﯿﺔ. إنّ دم اﻟﺤﯿﺾ ،و ھﻮ ﯾﺬﻛﺮ ﺑﻌﻘﺎب ﺣﻮاء اﻟﺬي ارﺗﻀﺘﮫ ﻟﮭﺎ اﻟﺎﺳﻄﻮرة اﻟﺘﻮراﺗﯿﺔ و ﺗﺒﻨﺘﮫ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺤﻮاف اﻟﺎﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ،ھﻮ اﻧﻔﺘﺎح ﺛﻐﺮ ﯾﻐﻠﻖ اﻟﻤﻨﻔﺬ إﻟﻰ اﻟﺮب .و إن اﺧﺘﻠﻔﺖ اﻟﺄﺣﻜﺎم اﻟﺎﺳﻠﺎﻣﯿﺔ ﻋﻦ ﻣﺜﯿﻠﺎﺗﮭﺎ اﻟﺘﻮراﺗﯿﺔ. إنّ ﻋﺪم إﺟﺎزة اﻟﻔﻘﯿﮫ اﻟﺈﻣﺎﻣﻲ 57ﻟﻠﺄﻧﺜﻰ اﻟﻄﻮاف و اﻟﺴﻌﻲ ﺑﯿﻦ اﻟﺼﻔﺎ و اﻟﻤﺮوة و ﻟﺎ ﻗﺮب اﻟﻤﺴﺠﺪ ﻓﻲ ﺣﺎل ﺣﯿﻀﮭﺎ 58إﻟﺎّ إذا طﮭﺮت ﻗﺒﻞ اﻟﺘﺮوﯾﺔ ﯾﻜﺸﻒ ﻗَﺮن اﻟﺘّﻌﺒﺪ ﺑﺎﻟﻄﮭﺮ ﻣﻦ ﻧﺠﺎﺳﺔ اﻟﺪّم .ﻓﻠﻠﺄﻧﺜﻰ أن ﺗﺸﮭﺪ اﻟﻤﻨﺎﺳﻚ ﻛﻠّﮭﺎ ﻣﻊ اﻟﻨّﺎ س .و ھﻮ ﻣﺎ ﯾﺬﻛّﺮ ﺑﺤﺎل ﺣﻮاء ﺗﺸﮭﺪ ﻣﺎ ﯾﻔﻌﻠﮫ آدم و ھﻲ ﻧﺠﺴﺔ ﺑﺨﻄﯿﺌﺘﮭﺎ ،إذ ﻟﻢ ﯾﻤﻦّ اﻟﺮب ﻋﻠﯿﮭﺎ ﺑﻜﻠﻤﺎت ﻣﺜﻠﻤﺎ ھﻮ ﺣﺎل آدم. و اﻟﻠﺎﻓﺖ ﻓﻲ ﻧﺼﻮص اﻟﻔﻘﮫ و ﺗﻠﻚ اﻟﺘﻲ ﺗﻌﺎﻣﻠﻨﺎ ﻣﻌﮭﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﺪوّﻧﺔ اﻟﺤﺪﯾﺜﯿﺔ اﻟﺸﯿﻌﯿّﺔ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿّﺔ أﻧﮭﺎ ﻟﺎ ﺗﺴﺘﺮﺳﻞ ﻛﺜﯿﺮا ﻓﻲ أﻣﺮ طﮭﺎرة اﻟﻤﺮأة ﻣﻦ ﺣﯿﻀﮭﺎ .ﻓﺠﻞ أﺣﻜﺎم اﻟﺤﺞ ،ﻋﺪا ﻣﻠﺎﺑﺲ اﻟﺈﺣﺮام و ﻣﺴﺄﻟﺔ ﺗﻨﻘﯿﺐ اﻟﻮﺟﮫ ﻣﻦ ﻋﺪﻣﮭﺎ ،ﻧﺠﺪھﺎ ﺧﺎﺻّﺔ ﺑﺎﻟﻤﺮأة ﻓﻲ ﻋﻠﺎﻗﺘﮭﺎ ﺑﺰوﺟﮭﺎ إن ﻗﺒّﻠﮭﺎ و إن ﺟﺎﻣﻌﮭﺎ ،أﻧﺰل او ﻟﻢ ﯾﻨﺰل ،إن ﻛﺎن ﻗﺪ اﺳﺘﻜﺮھﮭﺎ أو ﻟﻢ ﯾﺴﺘﻜﺮھﺎ.و ﻣﺎھﺬا ﻏﯿﺮ رﺟﻊ ﺻﺪى واﺿﺢ ﻟﻠﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲ. 55ﻟﻤﺰﯾﺪ اﻟﺘﻌﻤﻖ ،اﻧﻈﺮ اﻟﻰ ﻗﺼﺺ اﻟﺂﻟﮭﺔ اﻟﺎﻏﺮﯾﻘﯿﺔ و ﻋﻠﺎﻗﺘﮭﺎ ﺑﺎﻟﺸﻌﺮ ﻣﺜﻞ اﻓﺮودﯾﺖ Aphroditeو ﻓﯿﻨﻮس ،Vénusارﯾﺎن Ariane "56ﻟﺎ ﻏﺮاﺑﺔ أن ﺗﻜﻮن اﻟﻄﮭﺎرة و اﻧﺘﻔﺎء اﻟﺘﺪﻧﯿﺲ ﺧﺎﺻﺔ ﻣﺮﻛﺰﯾﺔ ﻣﻦ ﺧﺎﺻﯿﺎت اﻟﺴﻠﻮك اﻟﺪﯾﻨﻲ...و أﺻﺒﺢ ﺑﺎﻟﺈﻣﻜﺎن ﺗﺤﺪﯾﺪ اﻟﻈﺎھﺮة اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ ﻋﻠﻰ ﻧﺤﻮ ﻣﺎ ذھﺐ إﻟﯿﮫ دﯾﺮﻛﺎﯾﻢ ﺣﯿﻦ اﻋﺘﺒﺮ اﻟﻤﻘﺪس ﻣﺎھﯿﺔ ﻟﻠﻈﺎھﺮة اﻟﺪﯾﻨﯿﺔ" اﻟﺠﻮة)ﻣﺤﻤﺪ( ،اﻟﺤﻘﯿﻘﺔ اﻟﻤﻘﺪﺳﺔ ، ﻣﺆﻟﻒ ﺟﻤﺎﻋﻲ ،اﻟﺈﻧﺴﺎن و اﻟﻤﻘﺪس ،دار ﻣﺤﻤﺪ ﻋﻠﻲ اﻟﺤﺎﻣﻲ ،ط،1،1994ص6-5 57و ھﻮ ﻓﻲ ذﻟﻚ ﻟﺎ ﯾﺨﺎﻟﻒ اﻟﺮؤﯾﺔ اﻟﺴﻨﯿﺔ 58
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ﻓﺠﺎءت اﻟﺄﺣﻜﺎم إﺟﺎﺑﺔ ﻟﺨﻮف آدم ﻣﻦ إﺗﯿﺎن ﺣﻮّاء .ﺑﻞ إنّ اﻟﻠﻐﺔ ﻋﺮّت ﻓﻲ ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ 59ﻣﺎ ﯾﻌﺘﻤﻞ ﻓﻲ ذھﻦ ﻗﺎﺋﻠﮭﺎ. ﻓﺎﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ﻋﻨﺪﻣﺎ ﯾﺘﺤﺪث ﻋﻦ اﻟﻤﺮأة أﻧﺜﻰ ﯾﺴﺘﻌﻤﻞ ﻟﻔﻆ "ﺟﮭﻠﺖ" ﻓﻲ ﺣﯿﻦ ﯾُﻠﺤﻖ ﺑﺎﻟﺮﺟﻞ ذﻛﺮا ﻟﻔﻆ "ﻧﺴﻲ" إنّ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ ﯾﺮﻣﻲ ﺑﻈﻠﺎﻟﮫ ﻋﻠﻰ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲّ ﺑﺪءا ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻤُﺴﺘﻌﻤﻠﺔ .ﻓﺂدم ﻧﺴﻲ و ﻛﺎن ﻋﺰﻣﮫ واھﻨﺎ 60ﺛﻢ ﺗﺎب ﻋﻠﯿﮫ رﺑّﮫ ﺑﻜﻠﻤﺎت. ﻓﻠﻤﺲ ﺟﺴﺪ اﻣﺮأة ﻓﻲ اﻟﺤﺞ إﺗﯿﺎﻧﺎ ،و ھﻨﺎ ﻧﺘﺬﻛّﺮ ﻣﺎ ﺟﺎء ﻓﻲ اﻟﻨّﺺ ﻣﻦ ﻟﻔﻆ اﻟﺈﺗﯿﺎن،ﻟﮭﺎ ﯾﻔﺴﺪ اﻟﺤﺞ و ﯾﺘﻄﻠﺐ ھﺪﯾﺎ. ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ: إنّ اﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺸﯿﻌﯿّﺔ ﺗُﺴْﻜِﻦُ ﻣﺸﺎﻋﺮ اﻟﺤﺞّ ﻓﻲ اﻟﺰّﻣﻦ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ وﺗﺴﺤﺐ ﻋﻠﯿﮭﺎ اﻟﻘﺪﺳﯿّﺔ .وھﺬا اﻟﻔﻌﻞ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ ﺑَﯿِّﻦٌ ﻓﻲ ﻣﻌﺘﻘﺪ اﻟﺸﯿﻌﺔ .ﻓﮭﻢ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ ﯾﺮون أنّ اﻟﺤﺞّ ھﻮ اﺳﺘﻌﺎدة ﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﻐﻔﺮان اﻟﺄوﻟﻰ ﻋﻠﻰ اﻟﺄرض وﺳﻌﻲٌ ﻟﺘﺠﺪﯾﺪ اﻟﻤﯿﺜﺎق ﻟﻠﺈﻣﺎم واﻟﻮﺻﻲّ ،ﯾﺸﺮّﻋﻮن ﻟﻤﻤﺎرﺳﺘﮭﻢ اﻟﺒﻌﺪﯾﺔ طﻠﺒﺎ ﻟﻠﻐﻔﺮان ﻣﻦ دم اﻟﺤﺴﯿﻦ .ﻓﺸﺮف ﻛﺮﺑﻠﺎء وﻋﺎﺷﻮراء ﻣﺘﺄتّ ﻣﻦ ﻗﺪاﺳﺔ اﺳﺘﻌﺎدة اﻟﺰّﻣﻦ اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ واﻟﺮﻏﺒﺔ ﻓﻲ طﻠﺐ اﻟﻨﺠﺎة وﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ .إنّ اﻟﺘّﻮﺑﺔ ﻋﺼﯿّﺔ دون اﻋﺘﺮاف ﺑﺎﻟﺬﻧﺐ ،ﺗﻠﻚ ھﻲ اﻟﺤﻘﯿﻘﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻌﻠّﻤﮭﺎ آدم وﻓﺮﺿﺖ ﻣﻦ ﺑﻌﺪه ﻋﻠﻰ وﻟﺪه. إنّ اﻟﻄﻮاف ﺳﺒﺒﮫ طﻠﺐ اﻟﻤﻐﻔﺮة و ﺟُﻌﻞ ﻋﻠﻰ ﺷﺎﻛﻠﺔ طﻠﺐ اﻟﻤﻠﺎﺋﻜﺔ اﻟﻤﻐﻔﺮة ﻣﻦ ذﻧﺐ اﻟﺴﺆال و طﻠﺐ اﻟﻌﻠﻢ ﺑﻤﺎ ﻟﺎ ﯾﻌﻠﻤﻮن .ﻓﻜﺎن اﻟﺒﯿﺖ ﻋﻠﻰ ﺷﺎﻛﻠﺔ اﻟﻀّﺮاح ﻓﻲ اﻟﺴﻤﺎء اﻟﺪﻧﯿﺎ ،ﻛﺎن ﻟﺬات اﻟﺴﺒﺐ" . 61ﺑﻞ إنّ 62 اﻟﻨﺼﻮص ﺗﺮﺑﻂ ﺑﯿﻦ ﻗﺘﻞ اﺑﻨﺎ آدم أﺣﺪھﻤﺎ اﻟﺂﺧﺮ و ﺑﯿﻦ ﻣﻜﺎن اﻟﻜﻌﺒﺔ ﻓﺎﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ اﻟﺸﯿﻌﯿّﺔ ﺗﺴﺤﺐ ﻋﻠﻰ اﻟﺤﺞّ "ﻣﻜﺎﻧﺎ ﻣﻘﺪّﺳﺎ" ﺑُﻌﺪا ﻋَﻘَﺪِﯾّﺎ .ﻓﺎﻟﺤﺠﺮ اﻟﺄﺳﻮد ﺣُﻤِّﻞ اﻟﻤﯿﺜﺎقَ.وﻗﺪ ﻛﺎن ﺳﺒﺐ ﺧﺮوﺟﮫ ﻣﻦ اﻟﺠﻨّﺔ وإﻧﺰاﻟﮫ إﻟﻰ اﻟﺄرض ﻣﺮﺗﺒﻄﺎ ﺑﺎﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺄوﻟﻰ وﺑﺘﻮﺑﺔ ا ﻋﻠﻰ آدم ﺑﻌﺪ إھﺒﺎطﮫ إﻟﻰ اﻟﺄرض ﻓﻲ ﺗﻠﻚ اﻟﺒﻘﻌﺔ اﻟﻤﺨﺼﻮﺻﺔ .وﻣﺎ اﻟﻤﯿﺜﺎق اﻟﺬي أﺧﺬه ا ﻋﻠﻰ آدم وﻋﻠﻰ وﻟﺪه إﻟﻰ ﻣﺤﻤﺪ إﻟﺎّ وﺻﯿّﺔ. إنّ ﻛﻞّ اﻟﺘﻔﺼﯿﻠﺎت اﻟﺘّﻲ ﯾﻌﺞّ ﺑﮭﺎ اﻟﻨﺺّ اﻟﺸّﯿﻌﻲ ﺗﻠﺎﻣﺲ اﻟﺄﺳﻄﺮة وﺗﻨﻐﺮس ﻓﻲ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲّ ﺻَﺒْﻐﺎ ﺑﺎﻟﻘﺪاﺳﺔِ ﻛﻞَّ ﻣﺸﺎﻋﺮاﻟﺤﺞّ وﻣﻨﺎﺳﻜﮫ. إنّ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺜﺎوي ﻓﻲ ﻧﺼّﻨﺎ ﯾﻄﺮح ﻓﻜﺮة اﻟﻤﯿﺜﺎق و ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ .63ﻓﻤﺎ اﻟﺤﺞ و اﺳﺘﻠﺎم اﻟﺤﺠﺮ إﻟﺎ ﺗﺠﺪﯾﺪ ﻣﯿﺜﺎق و اﺳﺘﻌﺎدة ﻟﻠﺤﻈﺔ اﻟﺨﻄﯿﺌﺔ اﻟﺤﻘﯿﻘﯿﺔ و ھﻲ ﺧﻄﯿﺌﺔ ذﻛﻮرﯾﺔ ﺑﺎﻣﺘﯿﺎز. 64ﻓﺎﻟﻌﮭﺪ ھﻮ ﺑﻤﻌﻨﻰ "اﻟﻤﯿﺜﺎق اﻟﻜﻠﻲّ".65ﻓﮭﻞ ﻛﺎن اﻟﺤﺞ ﻓﻲ ﻧﺼﻨﺎ طﻠﺒﺎ ﻟﻠﻐﻔﺮان ﻣﺴﺘﺘﺒﻌﺎ ﻗﺒﻮﻟﺎ ﻣﻦ ﺟﺎﻧﺐ اﻟﻤﻮﻟﻰ و ﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ أﺻﺒﺢ اﻟﺬﻧﺐ ﻛﻠﺎ ذﻧﺐ.66 واﻟﻄﺮﯾﻒ ﻋﻨﺪ اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ﺗﻤﯿّﺰه ﺑﺤﺪﯾﺜﮫ ﻋﻦ ﺗﺴﺒﯿﺢ ﻓﺎطﻤﺔ ﻗﻮﻟﺎ ﻟﺄﻧﺜﻰ ﯾﺆدّي إﻟﻰ اﻟﺤﺼﻮل ﻋﻠﻰ اﻟﻐﻔﺮان واﻟﻨﺠﺎة ﻓﻲ ﻣﺤﺎوﻟﺔ ﻟﺘﺪارك ﻋﺪم ﻣﺸﺎرﻛﺔ ﺣﻮاء ﻓﻲ ﻣﻨﺎﺳﻚ اﻟﺤﺞ اﻟﺄوّل. اﻟﺨﺎﺗﻤﺔ: "إنّ ﻣﺎ ﯾﺒﺸّﺮ ﺑﮫ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺄﺳﻄﻮري ﻓﻲ اﻟﻨﮭﺎﯾﺔ...ھﻮ ﻣﻦ طﻘﻮس اﻟﺘﻨﺼﯿﺐ ﺗﺤﻘﻘﮫ ﻋﻠﻰ ﻧﺤﻮ ﻣﺎﻛﺮ و ﺑﺎﻟﺘﺎﻛﯿﺪ أﻛﺜﺮ ﻓﺎﻋﻠﯿّﺔ رﻣﺰﯾﺎ" ﻋﻠﻰ ﺣﺪّ ﺗﻌﺒﯿﺮ ﺑﯿﺎر ﺑﻮردﯾﻮ .67وﻟﻢ ﯾﻜﻦ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ"إﻟﺎ ﺗُﺮﺟﻤﺎن ﻟﺘﺮﻛﯿﺒﺔ ذھﻨﯿّﺔ ﻣﺠﺘﻤﻌﯿّﺔ ﻟﺜﻘﺎﻓﺔ ذﻛﺮان".68 إنّ ﻛﻞّ اﻟﺎﺣﻜﺎم اﻟﺘﻲ اﺻﻄﺒﻐﺖ ﺑﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺄﺳﯿﺴﻲ و اﻟﺘﺄﺻﯿﻠﻲ إﻧﻤﺎ ھﻲ ﻟﺨﺪﻣﺔ اﻟﺬﻛﺮ و ﻣﺴﺎﻋﺪﺗﮫ ﻋﻠﻰ ﺗﺠﺪﯾﺪ اﻟﻌﮭﺪ و اﻟﻤﯿﺜﺎق و اﻟﻄﻤﻊ ﻓﻲ اﻟﻐﻔﺮان ﺑﻌﺪ اﻟﺘﻮﺑﺔ إن اﻟﺎﺷﺘﻐﺎل ﻋﻠﻰ اﻟﺤﺞ ﻋﻨﺪ اﻟﺈﻣﺎﻣﯿﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ ،ﻣﻜﺎﻧﺎ و ﺷﻌﺎﺋﺮ و ﻓﻮاﻋﻞ ،ھﻮ اﺷﺘﻐﺎل ﻓﻲ اﻟﻌﻘﺪي ﺑﺎﻣﺘﯿﺎز. و ﻟﺌﻦ ﻛﺎﻧﺖ ﻓﺮدوس اﻟﺒﺪاﯾﺎت ﻣﺤﺘﻔﯿﺔ ﺑﺎﻟﺬﻛﻮرة رﺑﺎ و آدم ﻓﺈن ﺟﻐﺮاﻓﯿﺎ اﻟﻔﺮدوس اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﯿﺔ 69ﺗﻀﺞ ﺑﺎﻟﻤﺆﻧﺚ ﻧﺴﺎء ﺣﻮرا ﻋﯿﻨﺎ و دررا اﻛﻌﺎﺑﺎ أﺗﺮاﺑﺎ و ھﺬا ﻣﺎ ﺳﺘﻌﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﺑﯿﺎﻧﮫ ﺑﻘﯿﺔ اﻟﻤﺪاﺧﻠﺎت. 59اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ ،اﻟﺠﺰء1 60ﻧﻠﺎﺣﻆ اﻟﺠﻨﺎس اﻟﺘﺎم ﺑﯿﻦ ﻟﻔﻆ اﻟﺬَّﻛﺮ و اﻟﺬِّﻛﺮ 61اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ ،ﺑﺎب ﺑﺪء اﻟﺒﯿﺖ و اﻟﻄﻮاف ،ج،1ص 554 62ﻧﻔﺴﮫ 63إن اﻟﻜﻌﺒﺔ ﺗﻀﺞ ﺑﺎﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺎﻣﺎﻣﻲ اﻟﻘﺎﺋﻢ ﻋﻠﻰ اﺳﺘﻌﺎدة ﻟﺤﻈﺎت ﺗﺎﺻﯿﻠﯿﺔ ﻓﺈن ﺳﻔﯿﻨﺔ ﻧﻮح و ﻛﺎﻧﺖ "ﻣﺄﻣﻮرة طﺎﻓﺖ ﺑﺎﻟﺒﯿﺖ طﻮاف اﻟﻨﺴﺎء"اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﺑﺎب ﺣﺞ اﻟﺎﻧﺒﯿﺎء،ج، 1ص .560ﻓﻜﺎن اﻟﻤﺆﻧﺚ اﻟﻮﺣﯿﺪ اﻟﺬي ذﻛﺮﺗﮫ اﻟﻨﺼﻮص ﻓﻲ اﻟﺰﻣﻦ اﻟﺘﺎﺻﯿﻠﻲ ﻗﺎﻣﺖ ﺑﺎﻟﻄﻮاف ﺟﻤﺎد . 64اﻟﻄﺎﺑﻄﺒﺎﺋﻲ ،اﻟﻤﯿﺰان ،ﺳﻮرة اﻟﺒﻘﺮة ،ج ،1ص"131و إن اﻟﺸﻘﺎء اﻟﺪﻧﯿﻮي ﻣﻦ ﻓﺮوع ﻧﺴﯿﺎن اﻟﻤﯿﺜﺎق" 65اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ،ص ،129اﻧﻈﺮ اﯾﻀﺎ ﺻﺪر اﻟﻤﺘﺎﻟﮭﯿﻦ ،ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻘﺮآن اﻟﻜﺮﯾﻢ ،ج،3ص" 80ﻓﺄوّل ﻣﻘﺎﻣﺎﺗﮫ )اﻟﺎﻧﺴﺎن(ﻓﻲ اﻟﺒﺪاﯾﺔ ﻛﻮﻧﮫ ﻣﻘﺪرا ﻓﻲ ﻋﻠﻢ ا و ﻓﯿﻀﮫ اﻟﺄﻗﺪس أن ﯾﻜﻮن ﺧﻠﯿﻔﺔ ﻓﻲ اﻟﺄرض...و ھﻮ ﻣﻘﺎم أﺧﺬ اﻟﻤﯿﺜﺎق" 66اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ،ص 137 67ﺑﻦ اﻟﮭﺬﯾﻠﻲ )ﯾﺴﺮى( ،اﻟﻤﺮأة اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ،ص48 68ﻛﺮﻋﺎوي)ﻟﻄﯿﻔﺔ(،ﺟﻐﺮاﻓﯿﺎ اﻟﻔﺮدوس ،ص 8 69ﻛﺮﻋﺎوي)ﻟﻄﯿﻔﺔ( ،ﺟﻐﺮاﻓﯿﺎ اﻟﻔﺮدوس ،ﻣﺆﺳﺴﺔ ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود
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اﻟﻤﺼﺎدر 1اﻟﻤﻜﻲ،ﺑﺎﺳﻢ،اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت و أﺑﺤﺎث،اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء،اﻟﻤﻐﺮب،ط2013 1اﻟﺠﻤﻞ،ﺑﺴﺎم،ﻟﯿﻠﺔ اﻟﻘﺪر ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿّﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،دﻣﺸﻖ ،ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﻘﺪﻣﻮس اﻟﺜﻘﺎﻓﯿﺔ،ط1،2007 1ﻟﻤﺰﯾﺪ اﻟﺘﻌﻤّﻖ ﯾﻤﻜﻦ اﻟﻌﻮدة إﻟﻰ دوران Durand, Les structures anthropologigues de l’imaginaire, Paris ; P U F, 1960 1اﻟﻤﻜﻲ،ﺑﺎﺳﻢ ،اﻟﻤﻌﺠﺰة ﻓﻲ اﻟﻤﺘﺨﯿﻞ اﻟﺈﺳﻠﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﻣﻨﻮن ﺑﻠﺎ ﺣﺪود ،ﻣﺮﻛﺰ دراﺳﺎت و أﺑﺤﺎث،اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء،اﻟﻤﻐﺮب،ط1،2013 1ﻧﻔﺴﮫ 1اﺑﻦ ﻣﻨﻈﻮر ،ﻟﺴﺎن اﻟﻌﺮب 1اﻟﯿﺎد)ﻣﺮﺳﯿﺎ(،ﻣﻈﺎھﺮ اﻟﺄﺳﻄﻮرة ،ﺗﺮﺟﻤﺔ ﺧﯿﺎط )ﻧﮭﺎد( ،دﻣﺸﻖ ،دار ﻛﻨﻌﺎن ﻟﻠﺪراﺳﺎت و اﻟﻨﺸﺮ ، .1991 1ﺟﻨﻮف)ﻋﺒﺪ ا (،ﻋﻘﺎﺋﺪ اﻟﺸﯿﻌﺔ اﻟﺎﺛﻨﻲ ﻋﺸﺮﯾﺔ و أﺛﺮ اﻟﺠﺪل ﻓﻲ ﻧﺸﺄﺗﮭﺎ و ﺗﻄﻮرھﺎ ،دار اﻟﻄﻠﯿﻌﺔ ﺑﯿﺮوت،ط1،2013 1 femininet féminitéو اﻟﺘﻲ اﺷﺘﻐﻞ ﻋﻠﯿﮭﺎ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ ﻋﻠﻤﺎء اﻟﺎﺟﺘﻤﺎع و ﻋﻠﻤﺎء اﻟﻨﻔﺲ ،اﻧﻈﺮ ﻓﻲ ذﻟﻚ Féminin et fémininté de Monique Cournut –Janin /, Comment la féminité vient au femmes , Jacqueline Godfrind , Epitres, Paris ,1998,2001 اﻟﺴﺤﯿﺮي )ﺻﻮﻓﯿﺔ( ،اﻟﺠﺴﺪ و اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ ،دراﺳﺔ اﻧﺘﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺔ ﻟﺒﻌﺾ اﻟﺎﻋﺘﻘﺎدات و اﻟﺘﺼﻮرات ﺣﻮل اﻟﺤﺴﺪ ،دار ﻣﺤﻤﺪ ﻋﻠﻰ اﻟﺤﺎﻣﻲ ،ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﺎﻧﺘﺸﺎر اﻟﻌﺮﺑﻲ ،ط1،2008 ﻗﻮﯾﻌﺔ)ﺣﺎﻓﻆ(،ﻣﺪاﺧﻠﺔ :اﻟﺠﻨﺴﺎﻧﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﻘﺮآن ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻮر اﺳﺘﺸﺮاﻗﻲ ،ﻧﺪوة اﻟﺈﺳﻠﺎم ﻓﻲ ﻣﺮآة اﻟﺂﺧﺮ :اﻟﺼﻮر و اﻟﺘﻤﺜﻠﺎت ،ﺑﺘﺎرﯾﺦ 30/29ﺟﺎﻧﻔﻲ 2016ﺑﺘﻮﻧﺲ ﺻﺪر اﻟﻤﺘﺎﻟﮭﯿﻦ ،ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻘﺮآن اﻟﻜﺮﯾﻢ ،ج ،3و اﻧﻈﺮ اﻟﻤﯿﺰان ﻟﻠﻄﺒﺎطﺒﺎﺋﻲ /ﻣﻨﺸﻮرات ﻣﺆﺳﺴﺔ اﻟﺄﻋﻠﻤﻲ ﻟﻠﻤﻄﺒﻮﻋﺎت ،ﺑﯿﺮوت ،ﻟﺒﻨﺎن ،ط1997 ،1 اﻟﻜﻠﯿﻨﻲ ،اﻟﻜﺎﻓﻲ ،ﻛﺘﺎب اﻟﺤﺞ ،ﺑﺎب ﺑﺪء اﻟﺒﯿﺖ و اﻟﻄﻮاف ،ج،1ص 554 اﻟﻄﺎﺑﻄﺒﺎﺋﻲ ،اﻟﻤﯿﺰان ،ﺳﻮرة اﻟﺒﻘﺮة ،ج ،1ص"131و إن اﻟﺸﻘﺎء اﻟﺪﻧﯿﻮي ﻣﻦ ﻓﺮوع ﻧﺴﯿﺎن اﻟﻤﯿﺜﺎق" اﻟﻤﺼﺪر ﻧﻔﺴﮫ،ص ،129اﻧﻈﺮ اﯾﻀﺎ ﺻﺪر اﻟﻤﺘﺎﻟﮭﯿﻦ ،ﺗﻔﺴﯿﺮ اﻟﻘﺮآن اﻟﻜﺮﯾﻢ ،ج،3ص" 80ﻓﺄوّل ﻣﻘﺎﻣﺎﺗﮫ )اﻟﺎﻧﺴﺎن(ﻓﻲ اﻟﺒﺪاﯾﺔ ﻛﻮﻧﮫ ﻣﻘﺪرا ﻓﻲ ﻋﻠﻢ ا و ﻓﯿﻀﮫ اﻟﺄﻗﺪس أن ﯾﻜﻮن ﺧﻠﯿﻔﺔ ﻓﻲ اﻟﺄرض...و ھﻮ ﻣﻘﺎم أﺧﺬ اﻟﻤﯿﺜﺎق"
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Dans la collection Socio-anthropologie des mondes méditerranéens et africains fondée par Pierre-Noël Denieuil en 2009 Mohamed Jouili, Maryam Ben Salem (dir.), Engagement citoyen et jeunesse plurielle en Tunisie, L’Harmattan, Paris, 2020. Soumaya Abdellatif, De l’adoption en Tunisie. Controverses filiales, L’Harmattan, Paris, 2020. Sihem Najar, Lilia Othman Challougui (dir.), Écrire sur les jeunes. Des réalités juvéniles questionnées par la jeune recherche en Tunisie, L’Harmattan, Paris, 2019. Abdelfettah Benchenna, Hélène Bourdeloie et Zineb Majdouli (dir.), Cultures et jeunes adultes en région Méditerranée. Circulations, pratiques et soft power, L’Harmattan, Paris, 2019. Salma Derouiche-El Kamel, Narcissisme, corps et création. L’artiste à l’épreuve de la projection, L’Harmattan, Paris, 2019. Régine Tchicaya-Oboa, Femmes créatrices d’entreprises au CongoBrazzaville. 10 portraits, L’Harmattan, Paris, 2018. Imed Melliti, Hayet Moussa (dir.), Quand les jeunes parlent d’injustice. Expériences, registres et mots en Tunisie, L’Harmattan, Paris, 2018. Yassine Akhiate, L’audiovisuel au Maroc en 10 questions, L’Harmattan, Paris, 2018. Youssef Sadik, Les paradoxes de l’employabilité dans les pays du Sud. Le travail et l’entreprise à l’épreuve de la mondialisation, L’Harmattan, Paris, 2018. Houda Laroussi, Femmes et développement local en Tunisie. Acteurs et enjeux. L’Harmattan, Paris, 2018. Houda Laroussi (dir.), Pratiques du travail social en France et au Maghreb. Compétences, formation et professionnalisation. L’Harmattan, Paris, 2017. Aïssa Merah, Michèle Gellereau et Nabila Aldjia Bouchaala (dir.), Reconfiguration des expressions et des pratiques culturelles à l’ère du numérique en Méditerranée. L’Harmattan, Paris, 2017.
Pierre-Noël Denieuil et Houda Laroussi, Tunisie 2011-2014. Radioscopie d’une entrée en révolution. L’Harmattan, Paris, 2017. Nadia Kerdoud, Recompositions urbaines et nouveaux espaces de consommation en Algérie. Les dynamiques commerciales aux périphéries des villes de l’Est algérien. L’Harmattan, Paris, 2017. Pierre-Noël Denieuil, Le chercheur, le diplomate et la révolution tunisienne. Mémoires d’un directeur d’Institut français en Tunisie (2008-2013). L’Harmattan, Paris, 2016. Abdelfettah Benchenna et Luc Pinhas (dir.), Industries culturelles et entrepreneuriat au Maghreb. L’Harmattan, Paris, 2016. Racha Meziou et Zeineb Cherni (dir.), Usages des technologies numériques de l’information et de la communication : constructions identitaires et interculturalités. GDRI CNRS et L’Harmattan, Paris, 2015. Sihem Najar et Lilia Othman Challougui (dir.), Ecrire sur les femmes. Retour réflexif sur une expérience de recherche. CAWTAR et L’Harmattan, Tunis/Paris, 2014. Sihem Najar (dir.), Nouvelles technologies et lien social en Méditerranée. GDRI CNRS et L’Harmattan, Tunis, Paris, 2014. Nadhem YOUSFI, Des Tunisiens dans les Alpes-Maritimes : une histoire locale et nationale de la migration transméditerranéenne. IRMCL’Harmattan, Paris, 2013. Ridha BEN AMOR, Les formes élémentaires du lien social en Tunisie. De l’entraide à la reconnaissance. IRMC-L’Harmattan, Paris, 2011. Odile MOREAU (dir.), Réforme de l’Etat et réformismes au Maghreb (XIXeXXe siècles). IRMC-L’Harmattan, Paris, 2009.
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Enseignante-chercheure de littérature française à l’Université de Tunis El Manar, Halima Ouanada est l’auteure de deux ouvrages, Térence, un poète comique intemporel et La Femme chez Voltaire, ainsi que de plusieurs articles sur le XVIIIe siècle. Elle est également présidente de l’Association Tunisienne des Études sur les Lumières (ATEL).
Illustration de couverture : Max Ernst, Trente-trois petites filles prévues pour la chasse au papillon blanc (1938).
ISBN : 978-2-343-20002-6
31 €
Halima Ouanada
Halima Ouanada
(Re)penser le féminin
(Re)penser le féminin
C
onstamment d’actualité, le féminin peine encore aujourd’hui à se libérer du carcan de la féminité oppressante, malgré les progrès scientifiques et les percées réalisées par les femmes dans les différents domaines réservés depuis bien longtemps aux hommes. Certes, les divers travaux sur le genre ont pu ouvrir une brèche dans l’édifice du patriarcat ; toutefois, ils n’ont pas pu changer véritablement les mentalités. De surcroît, exploité à outrance, et considérablement éloigné de la sphère de la recherche par un militantisme nécessaire mais insuffisant, le concept de féminisme a perdu de sa valeur heuristique. D’où la nécessité et l’intérêt pour nous, aujourd’hui, de réunir des chercheurs de diverses disciplines et de différents pays pour réinterroger ce féminin, source d’équivoque, et de réexaminer les différentes approches et théories différenciées de ce féminin en vue de le repenser dans une perspective de dépassement et de renouvellement. Dépassement des binarités grâce à un regard neuf capable de dessiner les contours de nouvelles pistes de recherche et d’encourager les singularités novatrices qui feront du féminin, non pas une construction figée, mais un processus qui appellerait constamment une relecture subversive du système des représentations.
Textes réunis et publiés par
(Re)penser le féminin
Textes réunis et publiés par
Socio-anthropologie des mondes méditerranéens et africains