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French Pages 44 Year 2019
Ras Shamra 18.113A+B, Lettre d’un serviteur du roi d’ougarit se trouvant à chypre
Analecta Gorgiana
1000 Series Editor George Anton Kiraz
Analecta Gorgiana is a collection of long essays and short monographs which are consistently cited by modern scholars but previously difficult to find because of their original appearance in obscure publications. Carefully selected by a team of scholars based on their relevance to modern scholarship, these essays can now be fully utilized by scholars and proudly owned by libraries.
Ras Shamra 18.113A+B, Lettre d’un serviteur du roi d’ougarit se trouvant à chypre
Dennis Pardee
Y W 2014
Gorgias Press LLC, 954 River Road, Piscataway, NJ, 08854, USA www.gorgiaspress.com G&C Kiraz is an imprint of Gorgias Press LLC Copyright © 2014 by Gorgias Press LLC Originally published in 2012 All rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, scanning or otherwise without the prior written permission of Gorgias Press LLC. 2014
ܐ
ISBN 978-1-61719-831-1
Y W
ISSN 1935-6854
Extract from From Ugarit to Nabataea, edited by G. A. Kiraz, 167-206 (Gorgias Press, 2012).
Printed in the United States of America
RS 18.113A+B, LETTRE D’UN SERVITEUR DU ROI D’OUGARIT SE TROUVANT À
CHYPRE
DENNIS PARDEE UNIVERSITY OF CHICAGO This article examines a letter composed by an Ugaritian administrator stationed in Cyprus. A new edition and translation of the
text is offered, which allows for a more accurate linguistic and historical analysis of its content. Certain elements in the text,
such as a unique blessing formula (lines 6–9), indicate that the
letter’s addressee was not in fact the Pharaoh Amenophis III, but
rather the King of Ugarit. In addition, a new reading of the final
section of the text (line 39) suggests that the administrator intends to purchase ships on behalf of his Ugaritian overlord.
C’est un plaisir de présenter cette étude d’une lettre ougaritique à John Healey, qui a travaillé sur les textes d’Ougarit au début de sa carrière et qui a dirigé des thèses dans ce domaine.1 D’autant plus que nous nous sommes rencontrés la première fois au centre du royaume d’Ougarit, au colloque célébrant le cinquantenaire de la découverte en 1979, qui a eu lieu à Lattakié avec visites du site de Ras Shamra et de Ras Ibn Hani. 1
Nous remercions P. Bordreuil d’avoir accepté de lire un brouillon de ce
texte pour en améliorer l’expression française.
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DENNIS PARDEE
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Ce texte a été choisi parce que quelques spécialistes de l’histoire chypriote nous ont posé la question de savoir s’il s’agissait d’un texte en rapport avec l’Égypte, selon l’avis de l’éditeur, ou plutôt avec Chypre, dont le nom paraît à la ligne 8. Dans notre première étude de ce texte, nous avions accepté l’avis de l’éditeur,2 alors que dans une étude ultérieure où seule la traduction, accompagnée de quelques notes explicatives, était possible, nous avons proposé que l’auteur était plutôt un Ougaritain se trouvant à Chypre.3 Nous proposons ici une nouvelle édition du texte, où sera expliquée notre préférence pour cette dernière interprétation.
LES DETAILS MATERIELS Lignes 1–15', 22'–39' = RS 18.113A = DO 7509 = PRU V 8 = UT 2008 = KTU/CAT 2.42 Dimensions: hauteur 83 mm; largeur 65 mm; épaisseur 18 mm. Lignes 16'–21' = RS 18.113[B]4 = DO 7509 = KTU/CAT 2.43 Dimensions: hauteur 39 mm; largeur 28 mm; épaisseur 5 mm. État: partie supérieure gauche, constituée de plusieurs fragments, à laquelle appartient RS 18.113[B] d’après tous les critères sauf celui du joint matériel (la main du scribe, la grandeur des signes, la couleur de l’argile, vraisemblablement le lieu de trouvaille);5 le bas du recto a disparu aussi bien que le verso presque entièrement, et il ne reste donc que des bribes du corps de la lettre. Nous n’avons pas retrouvé le petit fragment qui, à l’époque de l’editio princeps, portait la fin des lignes 3 et 27'–34' (les lignes 2–9 du verso chez l’éditeur, l. 15–22 dans KTU/CAT)6 — puisque nous n’avons pas vu le fragment, nous indiquons ces signes copiés par l’éditeur entre crochets. 2 3 4
Pardee 1987: 205.
Pardee 2002: 104–5.
Dans Bordreuil et Pardee 1989: 163, les crochets indiquent que cette ma-
nière de désigner le petit fragment était nouvelle, nécessaire dans le système de
classement de ce recueil selon lequel chaque objet devait porter un numéro d’inventaire. 5 6
Pardee 1987: 204. Pardee, ibid.
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Caractéristiques épigraphiques: main de scribe typique des textes administratifs avec prolongation exagérée de certains clous, en particulier le clou de droite du { }; le {ʿ} est prolongé à droite et son côté inférieur est parallèle à l’axe de l’écriture; les clous latéraux du {š} sont des clous longs et en biais, non pas des Winkelhaken, mais le signe présente tout de même un aspect trapu; {ṯ} à six branches. Lieu de trouvaille: Palais Royal, pièce 77, point topographique incertain.7 Editio princeps: Virolleaud, PRU V (1965), p. 14–15, no 8 (sans photographie).8 Principales études: Ahl 1973: 446–49. Dietrich et Loretz 1976: 21–22. Knapp 1983: 38–45. Linder 1970: 41–43. Lipiński 1977: 213–17. Pardee 1987: 204–10. ——2002: 104–5. Sasson 1966: 134. Virolleaud 1965: 14–15.
7 8
Voir Pardee, ibid.
Dietrich et Loretz en ont publié des photographies en 1976 (pl. VII*, sous
les sigles ‘S 33’ et ‘S 34’). Virolleaud n’a édité RS 18.113[B] ni avec le grand fragment (voir Pardee 1987: 210, n. 44) ni séparément; ce petit fragment parut donc
pour la première fois dans Dietrich et Loretz 1976: 22 et pl. VII* (S 34), sous forme de translittération et de photographie, mais sans fac-similé.
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TEXTE Recto RS 18.113A 1) l . mlk . ˹b˺[ʿly …] 2) r
˹g˺[
3) t m . rb . mỉ[
m] . ʿbdk]
———————————— 4) l . pʿn . bʿly[ . mr qtm] 5) šbʿd . w . š˹bʿd˺[ . qlt] 6) ảnkn . rgmt . l . bʿlṣ˹p˺[n] 7) l . špš . ʿlm . l . ʿṯtrt[…] 8) l . ʿnt . l . kl . ỉl . ảlṯ˹y˺[…] 9) nmry . mlk . ʿlm ———————————— 10) mlkn . bʿly . w˹t˺[…] 11) yšỉḫr . w . ʿm . ˹bʿ˺[…] 12) ʿš˹r˺ỉd . lỉk˹-˺[…] 13) w [.] b˹ʿly˺ . ˹mn˺[…] ................................... Verso ................................... 14') ˹-˺[…] 15') ˹-˺[…] ...................................
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RS 18.113[B]9 16') […]˹--˺[…] 17') […]m˹-(-)˺[…] 18') […]˹-˺ . tbʿ[…] 19') [… ]lk . ʿ˹-˺[…] 20') [… ]˹y˺kn[…] 21') […
]˹--˺[…]
................................... RS 18.113A 22') [
]y
23') […] 24') […] 25') […] 26') w [.] ˹-˺[…] 27') ʿšr[m …] 28') yšt[ . tbʿ …] 29') qrt . m˹l˺[k˹-˺ …]10 30') w . ʿl . ả˹p˺[ . s …] 31') bhm . w[ . rgm . hw . ảl …]
9
L’emplacement du fragment RS 18.113[B] est incertain, et nous indiquons
donc la disparition d’un nombre inconnu de lignes avant et après celles-ci. Ces quelques signes pourraient évidemment appartenir à des lignes qui sont partielle-
ment conservées à gauche, soit au haut du verso (l. 14'-15'), soit au bas (l. 22's.); mais, cela étant impossible à déterminer, nous donnons à ces fragments de lignes leur propre numérotation. 10
Des demi-crochets entre crochets indiquent un signe qui était porté sur le
fac-similé de l’éditeur comme étant abîmé.
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172 Tranche supérieure
32') ttn . ks[p . lhm . ʿd] 33') ỉlảk[ . ʿm . mlk] 34') ht . lỉk[˹-(-)˺ mlk] Bord gauche 35') w . ml˹k˺ . yštảl . b . hn ˹.˺[…] 36') hmt . w . ảnyt . hm . tʿ˹-˺[…] 37') mkr . hảd . w . rgm ˹.˺ ảnk[…] 38') mlkn . ybqṯ . ảnyt . w . ảt˹-˺[…] 39') ˹t˺mkrn . w . mlk . ˹lả˺k . ʿm˹-˺[…]
REMARQUES TEXTUELLES11 6) Bien que l’on voie une tache claire dans le bord de la cassure à droite, il nous paraît maintenant invraisemblable qu’il s’agisse de la tête d’un {n} (avec CAT, contre Pardee).12 8) Une meilleure interprétation de nmry, l. 9, nous amène à abandonner la restitution d’un mot à la fin de cette ligne,13 restitution qui de toute manière manquait de vraisemblance en raison de la longueur importante de la ligne telle qu’elle est conservée.14 11
Dans notre étude préliminaire, nous avons déjà comparé nos lectures avec
celles de l’éditeur et des auteurs de KTU. Nous ne répétons pas ici toutes ces observations, mais indiquons surtout nos lectures qui sont nouvelles par rapport à notre
première étude aussi bien que les différences entre notre lecture et celle donnée dans CAT. 12
Dans la transcription de notre étude préliminaire (Pardee 1987: 205), nous
avons indiqué que trois signes auraient été partiellement conservés après {bʿl}; en
préparant le fac-similé qui accompagne cette étude-ci nous n’en avons trouvé que deux.
13
Ibid., p. 207, nous avons proposé de restituer šlm, ‘bien-être’, qui aurait
fonctionné comme complément d’objet direct du verbe rgmt, l. 6. 14
Au sujet de la restitution de la préposition l à la fin de cette ligne, épigra-
phiquement plus plausible que la restitution de trois signes, mais qui présente d’autres difficultés, voir plus bas, note 40.
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12) Il nous semble maintenant plus prudent de ne pas indiquer le dernier verbe comme {lỉk˹t˺}, car du dernier signe il ne reste qu’une petite trace, et le sens du passage n’est pas assez clair pour permettre de déterminer le sujet du verbe. 17') Après le {m}, lire soit {˹y˺}, soit {ḫ˹-˺}. 22') Le {y} se trouve sur la tranche droite au même niveau que le dernier signe de la ligne 9 et presque en contact avec lui. 30') L’éditeur a indiqué sur sa copie un {p} entier, mais on ne trouve sur la tablette dans son état actuel qu’une tête de clou horizontal aussi bien que ce qui semble être la tête d’un clou vertical dans la configuration de { , ṭ}.15 Contrairement aux auteurs de CAT, nous n’adoptons pourtant pas la lecture de { }, car on voit difficilement comment Virolleaud ait pu se tromper entre {p} et { } — nous concluons que ce tracé horizontal, à vrai dire assez vague, n’est en fait qu’un élément de la cassure. Ces mêmes auteurs n’indiquent pas, non plus, le clou séparateur et le {s} que Virolleaud portait sur son fac-similé à droite du {p}. 32') Il nous paraît nécessaire de respecter le désir du scribe de corriger le premier signe, apparemment {ả} dans un premier temps, pour en faire un {t} (contre KTU/CAT, où l’on trouve un {ả} certain et, en note dans CAT, la suggestion de corriger ce {ả} pour lire {t}16 — la correction était déjà effectuée par le scribe).17 35') Dans notre étude préliminaire,18 nous avons indiqué que la trace à la fin de cette ligne serait celle d’un clou séparateur, suivant en cela Dietrich, Loretz et Sanmartín.19 La trace est fine,20 trop fine et trop ac-
15 16
Cf. Pardee 1987: 208.
De nouveau en 1994: 45, 49, Dietrich et Loretz ont présenté la lecture de
{ttn} comme une correction à effectuer sur le texte que porte la tablette, que, ellemême, porterait {ảtn}. 17 18 19
Cf. Pardee 1987: 208; 2003–2004: 307.
Ibid., p. 206; cf. idem 2003–2004: 57.
Dietrich et Loretz 1976: 21; Dietrich, Loretz et Sammartín 1976: 156;
1995: 181. 20
Pour indiquer ce fait, nous avons placé le petit point par lequel le clou sé-
parateur est transcrit entre demi-crochets (sur la nécessité de ce procédé dans la
transcription de l’ougaritique, voir nos propos dans Pardee 1999: 193–94; 2001a:
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colée au {h}, nous semble-t-il, pour être le reste de l’angle inférieur gauche d’un clou horizontal ou la pointe d’un clou vertical plus important que le clou séparateur. 38') Comme nous l’avons indiqué dans notre étude préliminaire,21 la trace à la fin de la ligne n’est pas assez bien conservée pour permettre de déterminer s’il s’agit du séparateur ou du vestige d’un autre signe. 39') La lecture de {w .} au début de la ligne (Virolleaud, KTU/CAT) ne reflète pas ce qui se trouve sur la tablette. Le moins que l’on puisse dire est que ces deux signes ne sont certainement pas parfaitement conservés comme ces auteurs l’ont laissé croire. La description que nous en avons faite dans notre étude préliminaire s’est confirmée par la nouvelle étude entreprise en vue de préparer le fac-similé proposé ici. N’oublions pas que les copies de l’éditeur étaient ‘normalisées’, et ce qui ressort clairement de l’examen de la photographie et de notre fac-similé est que l’éditeur ne s’est pas efforcé de représenter la situation respective des signes sur la tablette. En effet, son {w} arrive jusqu’à la mi-largeur du {l} à la ligne précédente, alors que sur la tablette ce premier signe et le {m} suivant sont situés de part et d’autre de la pointe du {m}, premier signe de la ligne précédente. À notre avis, nous ne sommes pas ici devant un cas où la tablette a souffert depuis le travail de l’éditeur et le nôtre, mais d’une erreur de sa part, erreur suivie par les auteurs de KTU/CAT. Ce que l’on voit sur la tablette est un seul clou horizontal22 dont le bord gauche touche à la ligne verticale imaginaire qui marque la marge gauche de l’écriture des lignes 35'-37' (le premier signe de la ligne 38' était placé légèrement à droite de cette marge); la tête de ce clou est émoussée et nous avons pensé dans notre
309 n. 17). 21 22
Pardee 1987: 209.
En préparant le fac-similé de la tablette, nous n’avons pas retrouvé à
gauche du clou horizontal qui est bien conservé l’angle de clou mentionné dans
notre étude préliminaire (Pardee 1987: 209; cf. 2002: 104; 2003–2004: 163). Dans
notre cahier de travail daté des 25 et 28 juin 1987, nous retrouvons ‘il existe peutêtre la trace d’un clou’, formule plus prudente. Un nouvel examen en juin 2001
avec l’aide de la précieuse loupe binoculaire montre que ce qui se trouve à gauche du clou horizontal est une petite cassure ronde, sans angle de clou visible dans les bords de la cassure.
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étude préliminaire restituer {ả}, mais la lecture de {t} nous paraît maintenant plus vraisemblable. Il est nécessaire de souligner l’incertitude de la lecture des signes {lả} vers la fin de la ligne: le premier signe pourrait être {ṣ,s,b,l,ủ,d}, alors que la première des deux têtes de clous visibles à droite paraît très étroite pour appartenir à {ả}, car la tête du premier clou de ce signe est normalement assez large. La restitution de {lả} est pourtant vraisemblable, car on peut penser qu’ici, à la fin de la ligne où l’espace entre la ligne précédente et la marge gauche du texte au verso était étroit, le scribe a serré un peu les clous du {ả}. La dernière trace visible paraît trop importante pour qu’il s’agisse du séparateur.
TRADUCTION Recto 1) Au roi, [mon] m[aître,] 2) dis: 3) Message du chef de MʾI[--, ton serviteur]. ———————————————— 4) Aux pieds de mon maître[, de loin,] 5) sept fois et sept fois [je tombe.] 6) Moi-même je prononce auprès de Baʿlu- apu[nu,] 7) de Šapšu-ʿālami, de ʿAṯtartu[,] 8) de ʿAnatu, de tous les dieux d’Alashia, 9) (des vœux pour) la splendeur de (ta) royauté éternelle. ———————————————— 10) (Quant au) roi, mon maître, pays[…] 11) retardera. Et au MAÎT[RE …] 12) dix fois AVOIR envoyé[…] 13) Et mon maître, QUOI[…] ...................................
DENNIS PARDEE
176 Verso
................................... 14') ˹-˺[…] 15') ˹-˺[…] ................................... RS 18.113[B]23 16') […]˹--˺[…] 17') […]M˹-(-)˺[…] 18') […]˹-˺ÊTRE parti[…] 19') [… ]LK . ʿ˹-˺[…] 20') [… ]sera[…] 21') […
]˹--˺[…]
................................... RS 18.113A 22') [
]Y
23') […] 24') […] 25') […] 26') ET [-]˹-˺[…] 27') vin[gt …] 28') mettra [PARTIR …] 29') la ville du RO[I…] 30') Et est monté aussi[ S…]
23
9.
À propos de l’emplacement du fragment RS 18.113[B], voir plus haut, note
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31') parmi eux. Et[ lui de dire: ‘Ne] Tranche supérieure 32') [leur] donne [pas] de l’arge[nt jusqu’à ce que] 33') j’envoie [au roi (un message)’.] 34') Voici qu’[il] envoie (ce message) [au? roi.] Bord gauche 35') Et que le roi, pour sa part, s’enquière au sujet de ces chose[s?…] 36') EUX. Et quant aux bateaux, si tu/ils ʿ˹-˺[…] 37') cet agent commercial, (et)24 moi, pour ma part, disant[…], 38') ‘Notre roi cherche des bateaux’. Et je d[onner?]ai [l’argent? …] 39') ils? (les) vendront. Et, Ô roi, envoie-m[oi …]. Texte vocalisé 1) lê malki b[aʿliya] 2) rugum 3) ta mu rabbi MʾI[-- ʿabdika] 4) lê paʿnê baʿliya [mar aqtama] 5) šabʿida wa šabʿida [qālātu] 6) ʾanākuna ragamtu lê baʿli ṣapuni 7) lê šapši ʿālami lê ʿaṯtarti 8) lê ʿanati lê kulli ʾilī ʾalaṯiya 9) namirrīya mulki ʿālami 24
Si cette phrase constitue l’apodose de la clause conditionnelle introduite
par hm à la ligne précédente, le w est w d’apodose et disparaît dans la traduction
française.
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10) malkuna baʿlîya uwwat-[…] 11) yašaʾḫir- wa ʿimma baʿ[li- …] 12) ʿašaraʾida laʾik-[…] 13) wa baʿlîya mannu[…] 14'-26') détruits 27') ʿašar[īma …] 28') yašītu[ TBʿ …] 29') qarît- mal[k- …] 30') wa ʿala ʾapa[ S …] 31') bihumu wa[ ragama huwa ʾal] 32') tattin kas[pa lêhumu ʿadê] 33') ʾilʾaku[ ʿimma malki] 34') hatti laʾik[a ʿimma? malki] 35') wa malku yištaʾʾal bi hini[…] 36') humuti wa ʾanayyātu himma Tʿ˹-˺[…] 37') makkāru hannadū wa rāgimu ʾanāku[…] 38') malkunū yabaqqiṯu ʾanayyāti wa ʾatt[inu? kaspa?] 39') tamkurūna wa malki laʾak ʿimmaya[…]
REMARQUES EPISTOLOGRAPHIQUES Rien dans ce texte ne permet d’identifier l’un ou l’autre des correspondants comme étant étranger au royaume d’Ougarit:25 l’adresse est ty-
25
Rien ne vient appuyer, non plus, l’affirmation suivante de Lipiński : ‘… the
introductory part of the letter does not leave any doubt as to its being a draft, a
copy, or an archive translation of a message addressed from Ugarit to the pharoah
by an Egyptian official …’ (1977: 213–14). L’adresse est typique des lettres ougari-
tiennes et la bénédiction, comme nous le verrons, est sui generis mais avec un lien
très précis, si l’on admet l’identification de nmry avec nmrt en RS 24.252:23', 25',
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pique des lettres adressées par un fonctionnaire qui écrit au roi, son maître, et, une fois l’identification de nmry avec Aménophis III écartée (voir commentaire des lignes 1–9), on ne trouve aucune identification explicite du roi qui était destinataire de la lettre. On a vu dans la mention des dieux d’Alashia une preuve de l’origine alashiote de l’auteur de la lettre,26 mais, puisqu’un serviteur du roi d’Alashia ne se serait vraisemblablement pas adressé au roi d’Ougarit en le qualifiant de son ‘maître’,27 il nous paraît nécessaire d’interpréter cette invocation de divinités alashiotes comme l’indice que l’auteur, qui était ougaritain et ‘serviteur’ du roi d’Ougarit, se trouvait à Chypre au moment d’envoyer la lettre.28 Si l’adresse et la formule de prosternation n’ont rien de remarquable,29 la bénédiction se trouvant aux lignes 6–9 ne trouve pas de avec la royauté ougaritienne (voir commentaire de la l. 9). 26 27
Knapp 1983: 38–45; cf. Portugali et Knapp 1985: 66.
Le roi d’Ougarit s’adressait au roi d’Alashia comme son ‘père’ (RS 20.168,
RS 20.238: Nougayrol 1968, textes 21 et 24; cf. Malbran-Labat dans Bordreuil et
Malbran-Labat 1995: 445; Freu 1998: 27). On sait que le ‘grand intendant’
({LÚ.MAŠGIM.GAL}) d’Alashia s’adressait au roi d’Ougarit en se nommant en premier lieu mais sans employer de titre marquant explicitement le rapport hiérarchique entre les correspondants (RS 20.018: Nougayrol 1968, texte 22). 28
Comme le dit très justement Singer, ‘It is only natural that in blessing his
lord he should invoke the gods of both countries’ (1999: 678). 29
Quelques remarques à propos d’aspects de ces formules que des décou-
vertes plus récentes permettent d’expliquer: (1) Le fait que mrḥqtm, selon la restitu-
tion vraisemblable de la fin de la ligne 4, se placerait après l pʿn X et avant šbʿd w
šbʿd n’est plus sans parallèle dans ces textes (comme c’était le cas il y a quelques
années : Kristensen 1977: 148): cet ordre des trois éléments de la formule se re-
trouve en RS 20.199:4–6 (texte dont l’édition complète fait toujours défaut; pour le
moment, voir KTU/CAT 2.68 et Pardee 1984: 213–15, 228). (2) La conservation partielle des trois clous inférieurs du second {d} à la ligne 5 permet d’écarter la restitution ici de {šbʿ[ỉd]} (Aartun 1974: 16), et, de toute manière, cette dernière
forme n’est attestée qu’une seule fois (RS 9.479A:9 = CTA 52 = KTU/CAT 2.12). (3) Notre collation confirme la lecture par l’éditeur de clous horizontaux au côté
gauche du troisième signe à la ligne 11 et son identification comme un {ỉ} (Virolleaud a copié trois clous et a transcrit par {h}; Dietrich et Loretz 1976: 21 lisent
{ỉ}, comme le font Dietrich, Loretz et Sanmartín 1976: 156; 1995: 181; cf. Pardee 1987: 205). Sur notre fac-similé, on verra que les quatre clous du {ỉ} sont partiellement visibles, et la proposition d’Ahl (1973: 118, 446) de lire {yš[lm]} et d’y voir le début d’une nouvelle série de salutations devient donc caduque.
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parallèle dans ces textes. Par sa longueur, elle ressemble aux vœux de bien-être adressés au roi d’Égypte (RS 16.078+:15–24; RIH 78/3+:6– 11),30 mais les formules sont différentes dans les deux cas. 31 En RS 16.078+, le verbe est ʾRŠ, au lieu de RGM, les divinités nommées sont différentes et la formule inclusive est ỉl mṣrm, ‘les dieux d’Égypte’, et la bénédiction ne fait pas partie de la praescriptio, comme ici, car elle figure au corps de la lettre. La formule de bénédiction proprement épistolaire qui se trouve en RIH 78/3+ ressemble de très près à celles que nous connaissons par les lettres d’el-Amarna. Pourtant, du point de vue de l’expression du vœu, cette bénédiction se place d’une perspective différente de celle des formules courantes en ougarique: au lieu de souhaiter que les dieux agissent d’une manière ou d’une autre (qu’ils ‘gardent’, qu’ils ‘donnent le bienêtre’, qu’ils ‘fortifient’ …), l’auteur de la lettre affirme qu’il ‘prononce aux’ divinités nommées ‘la splendeur de la royauté éternelle’ du destinataire. Par sa situation après les formules d’adresse et de prosternation, cette déclaration semble jouer le rôle de formule de bénédication plus précisément qu’en RS 16.078+, où la situation de la formule ‘ʾRŠ …’ semble constituer plutôt une déclaration de fidélité de l’auteur qu’une bénédiction. Nous concluons que rgmt … constitue en elle-même un vœu de bien-être éternel, mais la différence de perspective par rapport aux formules yšlm, etc., mérite d’être soulignée.
COMMENTAIRE Lignes 1–9. Dès la présentation préliminaire de ce texte par l’éditeur, celui-ci a identifié le mot nmry à la ligne 9 comme correspondant à ‘la forme accadienne ou syllabique du nom du célèbre Pharaon Aménophis III’ qui ‘a régné de 1405 à 1370’,32 et cette identification a été admise par la plupart des chercheurs au cours des années et jusqu’à présent.33 30
RS 16.078 + RS 16.109 + RS 16.117 = PRU II 18 = UT 1018 =
KTU/CAT 2.23; RIH 78/03 + RIH 78/30 = Bordreuil et Caquot 1980: 356–58 =
CAT 2.81. 31
Ceci constitue une raison de plus d’écarter ce texte du groupe de lettres
adressées au roi égyptien (voir commentaire des lignes 1–9). 32 33
Virolleaud 1955: 75; cf. idem 1965: 15, 85 n. 1.
Vogt 1956: 387; Rainey 1962: 39, n. 5; 1965: 108; Eissfeldt 1965: 15; Gor-
don 1965: 444 (§ 19.1652); Schaeffer 1965: xi; Linder 1970: 41, 43; Ahl 1973:
LETTRE D’UN SERVITEUR DU ROI D’OUGARIT
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À l’encontre de cette interprétation, Rainey34 a proposé d’y voir une forme apparentée à nmrt, mot qui désigne la splendeur du roi d’Ougarit en RS 24.252:23', 25',35 et, depuis cette date, plusieurs spécialistes ont adopté cette explication.36 Il nous paraît nécessaire soit d’adopter cette interprétation, soit de penser qu’il s’agit de la traduction d’un texte ancien, car (1) rien n’indique que l’usage de l’écriture alphabétique remonte au début du XIVe siècle37 et (2) ce serait le document le plus
446, 448; Gaál 1974: 97; Lipiński: 1977: 213–17; Heltzer 1978: 152–53; Caquot
1979: 1416; Astour 1981: 16; Cunchillos 1982–1983: 270; 1984: 233; 1985: 72, n.
20; Knapp 1983: 40; Milano 1983: 141, n. 2; Pardee 1987: 205, 207; 1988: 89–90, n. 48; Smith 1990: 123, n. 24; del Olmo Lete 1992: 226; 1999: 337; del Olmo Lete
et Sanmartín 2000: 325; Niehr 1997: 296–97; Freu 2000: 12; 2006: 32–33; Rahmouni 2008: 295. 34 35
Rainey 1974: 188
RS 24.252 = Virolleaud 1968: texte 2 = KTU/CAT 1.108. Comme plu-
sieurs chercheurs l’ont bien vu, le mot dans le texte de la vingt-quatrième cam-
pagne ne désigne pas la ‘bénédiction’, mais la ‘splendeur’ (voir nos arguments dans
ce sens et la bibliographie antérieure dans Pardee 1988: 115; aux éléments bibliographiques rassemblés dans la note 199, on peut ajouter Singer 1999: 678; Watson 2002: 119; Pardee 2003–2004: 164–65). Dijkstra (1999:158) a pourtant extrapolé
cette interprétation à nmry. Malgré l’absence de noms à n-préformante en ougari-
tique, Singer (1999: 678) continue à évoquer la racine MRR pour expliquer le nom nmrt.
36
Van Soldt 1983: 693; 1990: 345, n. 164; 1991: 88 n. 78; 2006: 684 n. 71;
Dijkstra: 1999: 158; Singer 1999: 677–788 (voir aussi p. 623, n. 67, et p. 631, n.
87); Pardee 2001b: 24 n. 69; 2002: 104 ; 2003–2004: 164–65; 2007: 187–88. Live-
rani, déjà en 1962 (28, n. 6) exprimait des réserves sur le bien-fondé de l’identification avec Aménophis III; mais, quelques années plus tard (1979a: 1298, 1303), il a admis l’identification comme probable. 37
Si l’on admet que la célèbre version ougaritique (RS 11.772+ = CTA 64 =
KTU/CAT 3.1) d’un traité conclu entre un Niqmaddu et un certain uppiluliuma est du temps de Niqmaddu ‘III’ et de Šuppiluliuma II, ou que ce texte soit la traduction
récente d’un traité entre Niqmaddu ‘II’ et de Šuppiluliuma I, les documents ougari-
tiques que la datation certaine permet d'identifier comme les plus anciens remontent à ʿAmmiṯtamru ‘II’, à savoir au milieu du treizième siècle. Sur la composition
tardive des Archives Est, où fut découvert RS 11.772+, voir Dalix 1998: 5–15; sur
l’identification de RS 11.772+ soit comme texte tardif, soit comme traduction tardive d’un document datant du XIVe s., voir Pardee: 2001b: 5–31; sur l’apport de RS
18.113A+B pour la question de la date de l’invention du système cunéiforme alphabétique, voir Pardee: 2004: 34–39; 2007: 187–88.
DENNIS PARDEE
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ancien des textes provenant des Archives Centrales et annexes.38 Admettant cette interprétation de nmry, il reste à expliquer la différence de forme entre nmrt et nmry. Nous voyons trois explications possibles: il s’agirait (1) de la terminaison nisbe,39 (2) du morphème féminin /-ay/, (3) de la particule enclitique. Les deux premières explications présentent, nous semble-t-il, des difficultés plus grandes que la troisième. On ne dirait pas ‘je prononce aux dieux le splendide’, et, pour rendre cette solution plus vraisemblable, il faudrait restituer šm, ‘nom’, à la fin de la ligne 8. En effet, ‘je prononce aux dieux le nom du splendide, du roi éternel’ ne présente pas la même difficulté. En revanche, il est plus difficile d’admettre que le scribe ait placé ce mot šm à la fin de la ligne 8, qui mordait déjà bien sur la tranche.40 La deuxième solution paraît invraisemblable, car le mot nmr-, s’il est apparenté à nmrt, est certainement un emprunt à l’accadien,41 et la désinence féminine /-ay/ — avec la consonne /y/ — est principalement ouest-sémitique. Parce que la possibilité d’attacher la particule enclitique à un mot à l’état construit est indiquée sans ambiguïté par la formule ỉly ủgrt en RS 15.008:4–5 (PRU II 15 = KTU/CAT 2.16), cette solution paraît se conformer très bien aux données épigraphiques de ce texte aussi bien qu’à la grammaire ougaritique. Dans les trois cas de figure, on est obligé d’admettre
38
C’est la raison pour laquelle Liverani doutait à un moment donné de
l’identification de {nmry} avec Aménophis III (référence ici plus haut, la n. 36).
Ces doutes ont été confirmés par l’étude détaillée des archives du palais royal à la-
quelle s’est livré Van Soldt (pour ce qui concerne ce texte-ci, voir 1991:88). 39
C’était l’explication de Rainey (1974: 188), mais il ne proposait pas de tra-
duction du texte. 40
Il est aussi difficile d’admettre que la préposition l ait été placée à la fin de
la ligne 8, restitution nécessaire pour que nmry puisse être ‘the last deity in the in-
vocation’ (Singer 1999: 678). En effet, le scribe a inscrit cette préposition au début des lignes 7 et 8, et il n’existe aucune raison de penser qu’il eût fait autrement aux lignes 8–9 — surtout lorsqu’on constate que la ligne 8 s’était vraisemblablement
étendue plus sur la tranche que l’une ou l’autre des lignes 6 et 7. (Nous ne considérons pas la possibilité que Singer ait identifié nmry avec kl ỉl ảlṯy, car il a traduit
cette formule comme étant au pluriel, analyse qui nous paraît évidente.) Knapp (1983: 39, 40, 42) était le premier à entrevoir cette interprétation, mais ne l’a pas adoptée avec la même assurance que Singer. 41
Il ne peut s’agir d’un nom nord-ouest sémitique dérivé de la racine MRR
pour la raison indiquée plus haut, note 35.
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183
que ce mot n’est pas identique à nmrt et, si les deux mots sont apparentés, qu’il s’agit d’un autre emprunt à l’accadien. Ce fait ne laisse pas d’étonner, car les emprunts à l’accadien sont tout de même relativement rares en ougaritique, mais il semble s’imposer. Dès lors, la comparaison avec l’accadien namrirrū, un plurale tantum signifiant ‘supernatural, awe-inspiring luminosity’42 ou ‘schrecklicher Glanz’,43 paraît tout indiquée pour le sens, bien qu’on ne puisse entrevoir que le mot ougaritique soit l’emprunt de cette forme précise, car elle s’écrirait {nmrr} en ougaritique. Si dans ce texte le mot est au pluriel (comme namrirrū en accadien), l’usage de la particule -y s’accorderait au fait qu’elle s’attache souvent, surtout en prose, à un nom qui se termine en /ī/, ce qui serait le cas d’un nom au pluriel et au cas oblique. Ligne 3 rb mỉ[…]. Puisque le fragment de droite a disparu, il n’est plus possible de contrôler la largeur de la lacune sur l’objet lui-même. Il est nécessaire de constater que, sur le fac-similé de l’éditeur, la largeur de la lacune conviendrait mieux à la restitution de {mỉ[t . ʿ]bdk},44 qu’à celle de {mī[ḫd . ʿ]bdk},45 pour ne citer que les principales propositions de restitution. Pourtant, l’éditeur lui-même a entrevu la possibilité de restituer {mỉ[ḫdym . ʿ]bdk}, ce qui nous amène à nous demander si à l’époque ce petit fragment était en fait attaché au grand.46 La situation épigraphique étant donc floue, on peut dire seulement qu’il serait logique que ce soit le chef du port d’Ougarit qui s’occupât d’une question
42 43 44
CAD N1: 237–38. AHw: 728–29.
Gordon 1965: 4*, 482 (§ 19.2297); Dietrich et Loretz 1976: 21; Dietrich,
Loretz et Sanmartín 1976: 156; Dahood 1977: 470; Knapp 1983: 39; Van Soldt
1991: 88; Cunchillos et Vita 1993: 276; Vita 1995: 145 (restitution possible; voir aussi la note suivante); 1999: 495 n. 247; 2005: 77; Cunchillos, Vita et Zamora 2003: 751. 45
Virolleaud: 1965: 15; Linder 1970: 41; Ahl 1973: 446; Heltzer 1976: 80–
81; Liverani 1979a: 1337; 1979b: 499; Amadasi Guzzo 1982: 32; Dietrich et Loretz
1994: 45, 50; Dietrich, Loretz et Sanmartín 1995: 181, n. 1; Dietrich et Loretz 2000: 197–200; Singer 1999: 678; Watson 1999: 6; Tropper et Vita 2001: 577 (prise de position ferme pour cette interprétation); Pardee 2002: 104. 46
Nous avons remarqué dans notre étude préliminaire (1987: 206) que, si les
signes {bdk} appartenaient au recto du fragment qui portait la fin des lignes 22'-
34', leur emplacement par l’éditeur dépendait de ce fait et ne pouvait être une erreur. Hypothèse invérifiable, hélas.
DENNIS PARDEE
184
de bateaux, même à l’étranger. Les équivalences {KAR : ka-a-ru : maḫa-[z]i : ma-aḫ-ḫa-[du]}47 et l’orthographe {URU.KAR} pour désigner la ville de Maʾḫadu48 indiquent que rb mỉḫd serait l’équivalent strict de rab kāri en accadien,49 celui qui s’occupait des affaires douanières aux frontières maritimes.50 Le bureau du ‘chef du port’ était vraisemblablement situé dans la ville de Maʾḫadu, ‘le port’ d’Ougarit par excellence, même si son autorité s’étendait sur tous les ports du royaume. D’ailleurs, l’usage de rb au lieu de skn laisse croire que mảḫd/mỉḫd était possession royale dans le sens étroit du terme,51 que son chef avait le même statut que le chef des corporations royales, et qu’il s’occupait du port de Maʾḫadu et des droit royaux qui s’y exerçaient plutôt que du village qui l’entourait.52 Lignes 6–8. Il y a lieu de penser que toutes les divinités nommées ici étaient alashiotes.53 Par là nous n’entendons pas nier l’importance de Baʿlu apuni, ʿAṯtartu et ʿAnatu à Ougarit mais souligner le fait que la
47
Nougayrol 1968, texte 137 ii 21' (qui a restitué {ma-aḫ-ḫa-[zu]}); cf.
Huehnergard 2008: 105–6. 48 49
Astour 1970: 115, 120; Van Soldt 1996: 675–76.
Singer 1999: 672 n. 220, 223; p. 678. Avaient déjà interprété la formule
comme ‘chef du port’ : Linder 1970: 41; Ahl 1973: 446; Liverani 1979: 499; 1979:
1303 (‘maire’), 1337 (‘surintendant’) ; Astour 1981: 15 (‘prefect’); Amadasi Guzzo 1982: 32. 50
Arnaud 1996: 61–62. Tout hypothétique qu’elle soit, la restitution de
{mỉ[ḫd]} est beaucoup plus plausible que celle de {mỉ[dḫ]}, qui était la première
proposé par l’éditeur (Virolleaud 1965: 15) et que d’autres ont répétée (Heltzer
1976: 80–81; Dietrich et Loretz 1994: 45, 50; Dietrich, Loretz et Sanmartín 1995:
181, n. 1), car cette maʾduḫu n’avait vraisemblablement rien à faire avec le port
principal d’Ougarit (voir Van Soldt 1996: 675; 1998: 731–32, 743). On laissera de
côté la resitution de {mỉ[šmn…]}, ‘the seal-bearer’ (Lipiński 1977: 214), car la formule n’est pas attestée et l’existence d’un fonctionnaire ayant ce titre appartient au domaine de la spéculation. 51
D’ailleurs, étymologiquement mảḫd/mỉḫd peut signifier ‘possession (ce dont
on s’est saisi)’, ‘l’endroit où l’on prend possession de’, ou ‘droit commercial’ (cf. Astour 1970: 118–19). 52
Selon Heltzer 1976: 81–82, rb ne serait attesté qu’ici pour désigner le chef
d’une ville, alors que skn s’emploie dans ce sens aussi bien pour la ville d’Ougarit
que pour d’autres villes du royaume; cf. Vita 1999: 473–74. 53
Cf. Yon 2007: 21. Pour l’éditeur, les quatre divinités nommées étaient des
‘divinités d’Ougarit’ (Virolleaud 1955: 74; cf. idem, 1965: 15).
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185
divinité Šapšu ʿālami n’est pas jusqu’ici connue sous cette appellation précise par un texte d’origine ougaritienne. Cela permet d’entrevoir la possibilité que l’auteur de la lettre ait voulu nommer des divinités alashiotes dont son maître saurait apprécier la valeur puisque leurs homologues faisaient partie de son panthéon à lui. En faveur de l’hypothèse d’un panthéon local, on peut citer la locution verbale RGM l, ‘prononcer auprès de’, que l’on ne peut prendre au pied de la lettre que s’il s’agit de divinités du lieu où se trouve l’auteur.54 On sait que l’influence de Baʿlu apuni, l’un des dieux les plus importants du culte ougaritien, s’étendait loin, jusqu’en Égypte à cette époque et jusqu’à l’autre extrémité de la Méditerrannée au millénaire suivant,55 et ce ne serait donc pas étonnant qu’il figure au panthéon alashiote, surtout en tant que patron des marins. C’est surtout la présence ici de Šapšu ʿālami qui nous fait penser que l’auteur de la lettre a évoqué des divinités locales, car, à part ce texte-ci, ce théonyme n’est connu que par le texte phénicien de Karatepe (KAI 26 iii 19) et par une lettre d’el-Amarna de provenance tyrienne (EA 155:6, 47).56 Il n’y aurait rien d’étonnant que la divinité soit connue à Ougarit aussi, mais son absence des textes rituels, où se trouvent plus de deux cents théonymes,57 nous invite à penser qu’il s’agit peut-être d’une hypostase de la divinité solaire plutôt ‘phénicienne’.58 La mention de cette hypostase, qu’elle soit ougaritienne ou non, ne peut
54
En faveur de la même analyse de la liste, Lipiński a cité la formule kl ỉl ảlṯy,
qu’il prend pour une ‘closing expression’ (1977: 214; cf. Knapp 1983: 40; Koch 1993: 82). Sans vouloir retirer toute valeur à l’argument, on pourrait tout de même
imaginer que les dieux nommés aient été ougaritiens alors que la formule finale
avait pour fonction d’y ajouter tous les dieux locaux. Avec l’analyse comme liste de
divinités alashiotes, l’identité de ‘tous les (autres) dieux’ reste à fixer: étaient-ils
principalement ‘phéniciens’ ou plus cosomopolites, et quelle partie était représentée par les dieux proprement chypriotes? 55 56 57 58
Niehr 1999: 152–54.
Texte d’el-Amarna selon la numérotation de Knudtzon 1915. Pardee 2000: 898–905.
Avigad et Greenfield 1982: 126. Pour les éléments bibliographiques, voir
Dietrich et Loretz 1996: 895; on y ajoutera Vattioni 1972: 560–63; 1981: 283;
Vorländer 1975: 150; Baumgarten 1981: 146–48; Bonnet 1989: 98–99; Smith 1990: 123, n. 24; Koch 1993: 82; Ribichini 1998: 107, 112; Rahmouni 2008: 305–
6.
DENNIS PARDEE
186
pas avoir été sans intérêt pour le roi d’Ougarit, membre d’une lignée qui considérait sa royauté comme étant éternelle (voir plus haut, commentaire des lignes 1–9). En revanche, si les quatre divinités nommées étaient installées à ʾAlaṯiya, cela ne laisse pas de doute quant au caractère sémitique59 et même ‘phénicien’ d’une partie importante de la population de la partie d’Alashia déjà à la fin du Bronze récent. Enfin, il est probable — toujours dans le cas de figure selon lequel il s’agit de divinités alashiotes — que l’ordre de mention des quatre divinités ouest-sémitiques est d’une importance plus significative pour leur place dans le panthéon ‘phénicien’/alashiote que dans le panthéon ougaritique.60 Ligne 8 ảlṯy. La bonne lecture des deux textes où on a cru trouver une variante de {ảlṯy} avec {ḏ} pour {ṯ}61 fait rentrer, au moins pour le moment, la représentation de ce toponyme dans une orthographe régulière.62 Si la preuve dirimante de l’identification chypriote d’Alashia
59 60
Lipiński 1977: 214–15.
L’ordre de mention ici ne correspond à l’ordre de présentation de ces
quatre divinités ni sur la première des grandes listes nominatives divines ougaritiennes (RS 1.017 [et par.]: bʿl ṣpn, ʿnt, špš, ʿṯtrt — l. 5, [21], [22], 25) ni sur la se-
conde (RS 24.643 [et par.]: bʿl ṣpn, špš, ʿṯtrt — l. 27, 32, 38 [le théonyme ʿnt n’est
conservé sur aucun des exemplaires de cette liste qui étaient disponibles à l’époque
où nous préparions notre édition des textes rituels: voir Pardee 2000: 796–97]). De toute manière, ces noms ne sont que des éléments figurant sur des listes plus
longues et dont tous les principes d’organisation ne sont pas connus. Nous signalons pourtant aussi que cet ordre de mention ne se retrouve pas, non plus, dans les
autres listes nominatives divines, plus courtes, que l’on peut extraire des textes rituels (voir Pardee 2000: 1091–1100). Nous prenons cette position par rapport aux
propos suivants: ‘Vgl. aus Ugarit die in einem Brief an den König von Ugarit erwähnte “Sonnengöttin der Ewigkeit”, špš ʿlm …, die hier unmittelbar neben Baal, dem Staatgott von Ugarit, genannt und diesem zugeordnet ist’ (Stähli 1985: 27). 61
Sur RS 24.312:1 {ảlṯyy} au lieu de {ảlḏyy}, voir Pardee 2000: 767 (la
bonne lecture remonte à Xella 1981: 185); à propos de la lecture de {˹k˺lḏy} en RS 19.016:21, au lieu de {ảlḏy}, voir Pardee 1999: 31, 32, 35. 62
L’orthographe avec {ḏ} dans un texte hourrite n’est pas étonnante: RS
24.274:6 {ả˹lḏ˺yǵ}, où le toponyme porte ‘le suffixe d’ethnique’ (Laroche 1968:
504). Bien que les signes {lḏ} soit mutilés, la lecture paraît, selon l’éditeur, ‘prati-
quement sûre’ (ibid., p. 505), et elle est admise par les auteurs de KTU/CAT (texte
125). Nous avons collationné la tablette en 1981 (sans la copier), et la lecture de l’éditeur nous paraissait probable.
LETTRE D’UN SERVITEUR DU ROI D’OUGARIT
187
n’est pas encore trouvée, elle est généralement admise,63 et l’on n’a rien annoncé dans les nouveaux textes de la Maison d’Ourtenou qui s’y opposerait.64 Le fait que cette entité politique s’écrit en syllabique soit {KUR.a-la-ši-a}, ‘le pays d’Alashia’, soit {KUR.URU.a-la-ši-a}, ‘le pays/ville d’Alashia’ (avec variantes orthographiques),65 cas identique à celui d’Ougarit,66 ne laisse pas de doute qu’il constituait, comme Ougarit, une cité et un état éponyme — mais on ne connaît pas encore l’étendue de la région que gouvernait la ville d’Alashia. Le texte hourrite évoqué plus haut (note 62) associe les dieux d’Alashia, ceux d’Amourrou et ceux d’Ougarit (et) ʿAmmiṯtamru comme participants divins à un festin en l’honneur des dieux-pères.67 Les rapports entre Ougarit et Amourrou sont connus pour être étroits et resserrés par des mariages entre rois d’Ougarit et princesses du royaume d’Amourrou.68 Bien que les rois d’Alashia se qualifient de ‘père’69 en écrivant à un roi
63
Dans Pardee 2000: 117–18, nous avons indiqué les références bibliogra-
phiques pertinentes à l’étude de {ảlṯy} en RS 1.002. Voici, d’une perspective plus
large, d’autres références importantes: Dussaud 1952; Nougayrol 1963: 120, n. 60; 1968: 79; Astour 1975: 259; Knapp 1983: 38–45; 1996: 3–11; Charpin 1990: 125–
26 (au dix-huitième siècle il s’agirait d’une ville de Chypre, peut-être Enkomi); Li-
piński 1992: 63 n. 3, 65 (avec la n. 12); Caubet et Matoïan 1995: 101; Vita 1995: 173–75; Na’aman 1997: 611; Freu 1998: 27; Durand 1999: 163; Singer 1999: 675– 78; Yon 2007: 15–16. 64
Malbran-Labat admet comme donnée cette identification: dans Bordreuil et
Malbran-Labat 1995: 445; Malbran-Labat 1995: 104. 65
Voir, par example, le dossier Alashia rassemblé par Nougayrol (1968: 79–
66
Les données ont été rassemblées par Bordreuil 1995: 11–12.
89). 67
Voir Dietrich et Mayer 1997. Il reste à prouver que la mention du roi
ʿAmmiṯtamru à la l. 7 est suffisante pour assurer l’interprétation par ces auteurs selon laquelle ‘Der Text wurde anläßlich des Todes von ʿAmmištamru III. ca. 1215 abgefaßt’ (p. 88). D’une part, selon certains auteurs, ce roi aurait disparu bien
avant 1215 (selon Singer 1999: dépliant après p. 732, ce roi aurait régné entre
1260 et 1235; Freu 2006: 260 indique 1260–1230), d’autre part, ce nom royal aurait pu être cité comme célèbre par le passé, à l’instar de ʿAmmiṯtamru et Niqmaddu
en RS 34.126 (RSO VII 90 = KTU/CAT 1.161). L’ensemble des textes de la vingtquatrième campagne se ressemblant de plusieurs manières, il faudrait reprendre leur étude en cherchant des éléments permettant de les dater. 68 69
Singer 1999: 666–67; Freu 2006: 181–84.
RS 20.168 (Nougayrol 1968: texte 21) et RS 20.238 (Nougayrol 1968: texte
DENNIS PARDEE
188
d’Ougarit, l’origine historique de ce rapport — purement social ou au moins en partie familial? — reste à déterminer. Quoi qu’il en soit de cette incertitude, le texte hourrite exprime clairement les rapports privilégiés qui existaient entre le royaume d’Ougarit et les deux autres qui sont nommés: les dieux des trois royaumes participaient aux obsèques lorsqu’un roi d’Ougarit disparaissait. Ligne 9 nmry mlk ʿlm. Dans notre commentaire global des lignes 1–9, nous avons repoussé l’identification de nmry avec le pharaon Aménophis III, admettant qu’il s’agit d’un terme signifiant ‘splendeur’, apparenté à nmrt en RS 24.252:23', 25' (références plus haut, note 35). Il nous est nécessaire maintenant de proposer une explication de l’emploi de ce terme par l’auteur de la lettre. RS 24.252 est le seul autre texte attestant l’emploi d’un mot à base de nmr-, et toute tentative d’explication doit donc comparer les deux textes. D’ailleurs, on constate un deuxième lien entre les deux textes: ce que nous prenons pour une variante de la formule mlk ʿlm est accolée à la figure divine auquel le texte de RS 24.252 est adressé, à savoir rpủ, que nous avons expliqué70 comme titre de Milku, qui serait mlk ʿlm, roi de l’au-delà. C’est celui-ci qui est fêté le premier selon le texte de RS 24.252, dont la fonction est de permettre au roi (vivant) d’Ougarit de participer aux qualités royales et divines dont l’une est désignée nmrt. Il nous paraît plausible que l’emploi ici de la formule apparentée ait eu pour fonction d’affirmer que le roi a été effectivement investi de ces qualités. Il est aussi plausible, nous semble-t-il, de penser que la formule évoquait la ‘royauté éternelle’ (mulku ʿālami) à laquelle le roi participait71 plutôt que d’y voir précisément le même titre que portait Rāpiʾu/Milku, à savoir ‘roi d’éternité’ (malku ʿālami).72 En effet, RS 24.252, RS 24.257 (Virolleaud
24); de nouveaux exemples se trouvent parmi les tablettes inédites de la Maison d’Ourtenou (voir Malbran-Labat dans Bordreuil et Malbran-Labat 1995: 445). 70 71 72
Pardee 1988: 83–97
Dijkstra 1999: 158.
C’est l’interprétation traditionnelle qui remonte à l’éditeur (Virolleaud
1965: 15), adoptée à la quasi unanimité en raison du lien avec l’interprétation de
nmry comme nom royal (voir, dans le même volume où Dijkstra traduit par ‘ever-
lasting kingship’, Singer 1999: 678, ‘king of the world/eternity’). Le premier, à
notre connaissance, à intégrer la suggestion de Rainey dans une interprétation globale du passage était Dijkstra.
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1968: texte 5 = KTU/CAT 1.113) et RS 34.126 (RSO VII 90 = KTU/CAT 1.161) peuvent s’interpréter comme signifiant que tous les rois d’Ougarit participaient à la ‘royauté éternelle’, mais que seul Rāpiʾu/Milku était ‘le roi de l’éternité, à savoir de l’au-delà’.73 Nous signalons une autre attache littéraire entre cette formule épistolaire et RS 24.252: au moins selon notre interprétation de ce dernier texte, c’est le grand dieu Baʿlu qui était responsable du maintien des liens entre les rois défunts et le roi vivant de la lignée; or, dans le cycle de Baʿlu, la royauté de Baʿlu est reconnue pour être éternelle (CTA 2 iv 10 mlk ʿlmk /mulku ʿālamika/, ‘ta royauté éternelle [lit. la royauté de ton éternité]’). Lignes 10–11. L’état du texte nous empêche de déterminer le rapport entre ḥwt, ‘le pays’,74 et le verbe yšỉḥr, qui signifie litéralement ‘causer un retard’.75 Il en va de même de l’interprétation du {-n} de mlkn comme pronom suffixe (‘notre roi’)76 ou comme particule enclitique77 — la seconde analyse nous paraît pourtant plus vraisemblable vu le cas similaire de {špšn} en RS 18.038:21 (PRU V 60 = KTU/CAT 73
Il est indiscutable, nous semble-t-il, que la formule mlk ʿlm ait eu une réso-
nance égyptienne (voir Gaál: 1974: 97–99), mais ce fait ne constitue pas une preuve dirimante de l’origine ou de la destination égyptienne de ce texte, car RS
24.252 montre que le concept était devenu ougaritien. Il est non moins erroné,
nous semble-t-il aussi, de penser que la souveraineté du roi terrestre dont il est
question dans ce document épistolaire soit exercée uniquement ou même principalement sur l’au-delà, comme on l’a proposé en alignant mécaniquement la formule de ce texte avec celle de RS 24.252 (Niehr 1997: 296–97; cf. Watson 2001: 285). 74
Dès 1974, Caquot, Herdner et Sznycer avaient proposé que ḥwt représente
ici le nom commun signifiant ‘pays’ (1974: 197, n. t); cf. Herdner 1978a: 52–53;
Lipiński 1977: 214; Pardee 1987: 205, 207–8). Il ne s’agit donc pas d’une forme
verbale de la racine
20).
75
WY (Dahood 1965: 20; 1979: 448; De Moor 1979: 643, n.
Pardee 1987: 208; Tropper 1990a: 23; 2000: 587 (§ 74.662.1), 588
(§ 74.622.3), 616 (§ 75.218). Dijkstra ne fournit pas de preuve de la traduction par ‘to withhold, keep back (things)’ (1999: 154) — ‘refuser’ n’est pas la même chose
que ‘retarder’. 76 77
Virolleaud 1965: 15; Dahood 1965: 20; 1979: 448.
Aartun 1974: 61; Hoftijzer 1982: 123; Pardee 1987: 204, 207 (première in-
terprétation); 2002: 104; Tropper 1990a: 23; 2000: 823 (§ 89.11b). Linder (1970: 41) et Ahl (1973: 446) avaient déjà traduit par ‘May the king, my lord’ et ‘Oh king,
my lord’, mais sans indiquer leur analyse de mlkn.
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2.39), où le sens du passage infirme l’analyse du {-n} comme pronom (en revanche, s’il s’agit à la ligne 38' d’une citation par l’auteur de cette lettre de ses propres paroles adressées aux gens d’Alashia, {mlkn} pourrait bien signifier ‘notre roi’). Ligne 12. La restitution du petit angle de clou comme un {t} pour lire {lỉk˹t˺}, ‘j’ai envoyé’,78 est plausible; mais, vu l’état de la tablette, rien n’est certain.79 Ligne 30'. Puisqu’un adverbe ne suit pas normalement une préposition, l’interprétation des signes {ʿl . ả˹p˺} comme le verbe ʿLY suivi de l’adverbe80 paraît indiquée. Lignes 31'-32'. Comme on peut le voir en mesurant l’espace que devaient occuper les signes portés par Virolleaud sur sa copie mais qui aujourd’hui ont disparu,81 le mot {ảl} était vraisemblablement le dernier mot de la ligne 31', et ce mot portait donc sur le verb ttn au début de la ligne 32'.82
78
Dietrich et Loretz 1973: 77, n. 32 (la lecture est présentée comme le résul-
tat de la ‘Kollation des Originals … in Paris’); Lipiński 1977: 214; Tropper 2000: 379 (§ 65.147d), 470 (§ 73.353), 617 (§ 75.224). 79 80
Pardee 1987: 205; 2002: 104; 2003–2004: 208.
Lipiński (1977: 215) a pris ảp pour le nom commun signifiant ‘nez, visage’,
traduisant ‘face downwards’, interprétation fondée sur les formules NPL ou
HŠT WH + ʿl ʾPYM en hébreu biblique (2 Sam. 14:4, 33; 1 Rois 1:23). Nous re-
marquons pourtant que, dans les trois attestations de ces formules, le mot ʾP est chaque fois au duel et qu’il porte chaque fois un pronom suffix. 81
L’éditeur a indiqué sur sa copie un petit espace avec quelques hachures
après {ảl} mais, sur sa transcription, il a accolé le crochet au {l} de ce mot (Virol-
leaud 1965: 14, 15); il n’a pas commenté ces lignes. Dietrich et Loretz (1976: 21)
et Dietrich, Loretz et Sanmartín (1976: 156) ont indiqué un grand espace mutilé après {ảl}; dans CAT (1995: 181), ces mêmes auteurs indiquent que la ligne 32' devait se terminer par {ảl}. 82
Pardee 1987: 206, 208; 2002: 104. Sur la lecture de {ttn}, voir plus haut,
la remarque textuelle. Parker (1967: 89) et Lipiński (1977: 215) ont bien compris que la ligne 32' devait se terminer par ảl, mais ils n’avaient pas à leur disposition la bonne lecture du premier mot à la ligne 33' et ils ont par conséquent essayé de
faire porter la négation volitive sur ảtn. Tropper ne propose pas d’interprétation du passage, mais il indique la lecture de {ttn} une fois comme certaine (2000: 635
[§ 75.512]) une fois comme incertaine (2000: 722 [§ 77.322b] — citant CAT
comme autorité).
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Ligne 34'. Après {lỉk}, l’éditeur a porté sur son fac-similé une lacune de la largeur d’un signe, avec à droite ce qui semble être la tête d’un clou vertical partiellement conservée (Virolleaud 1965: 14). L’espace est nettement insuffisant pour la restitution de {. ʿm} proposée par Lipiński (1977: 215), et celle de {. l} semble mieux correspondre à ce que l’éditeur a dessiné. Quant au verbe lỉk, l’orthographe est celle de la forme active.83 On n’admettra donc ni l’analyse comme passif ni le besoin de chercher un autre sujet dans les lignes précédentes 84 — sans indice du contraire, ce verbe signifiera ici ‘envoyer (un message)’.85 Aussi, sans autre indice, l’auteur du message sera le même qui parlait à la ligne 31' et il s’agira d’un ‘parfait épistolaire’, soit que le message que l’auteur de cette lettre adresse au roi reprend les paroles de l’autre personne, soit que le messager portait deux messages et que celui-ci fait ici allusion à l’autre. Ligne 35'. Le verbe yštảl, quelle qu’en soit l’analyse précise,86 est employé deux fois dans ces textes en mauvaise part pour exprimer la répétition lassante de questions qui semblent constituer en fait des demandes (RS 29.093:1287 et RS 29.095:1088 — peut-être aussi en RS
83 84 85 86
Tropper 2000: 470 (§ 73.353), 617 (§ 75.224). Sasson: 1966: 134; Linder 1970: 42.
Ahl 1973: 446; Lipiński 1977: 215; Pardee 1987: 206; 2002: 104.
On a posé la question de savoir si les orthographes {yštỉl} et {yštảl} sont
des variantes du schème-Gt ou si {yštảl} ne serait le tD avec métathèse du /š/ et
du /t/, la première de ces consonnes étant une sifflante. Huehnergard (1986) a proposé cette seconde analyse (cf. Pardee 1987: 208). Pardee (1984: 252, n. 7) et
Verreet (1984: 319–21) avaient déjà pensé à l’analyse de la forme comme dérivée
du schème-D, mais sans le raffinement de la métathèse proposée par Huehnergard.
Sivan (1990) repousse cette interprétation, refusant d’admettre l’existence de la
forme {yštỉl}. Tropper (1990b: 371–73; 1990c: 395; 2000: 183 [§ 33.243.11c], 519 [§ 74.232.1], 524–25 [§ 74.232.21]) cite des preuves que le Gt devait être
/yiqtatal/ et voit en {yštảl} et {yštỉl} le schème-Gt avec et sans syncope de la troi-
sième voyelle. 87
RS 29.093 = Herdner 1978b = KTU/CAT 2.70, nouvelle édition dans
Bordreuil et Pardee 2004 et 2009, texte 28. 88
RS 29.095 n’a été publié jusqu’ici que sous forme de transcription:
KTU/CAT 2.71. Voir aussi la traduction anglaise avec quelques notes explicatives
chez Pardee (2002: 111), davantage de remarques dans Pardee 2003–2004: 51, 55, 73, 135, 137, 168–69, 265, 278, 290, 379).
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94.2383+:1089). Ici, puisque l’auteur suggère au roi d’entreprendre l’acte à propos duquel yštảl est employé, on en conclura qu’il emploie le terme en bonne part. Il propose donc au roi qu’il s’informe90 au sujet de l’affaire abordée dans la lettre mentionnée à la l. 34.91 Comme nous l’avons vu dans la remarque textuelle, le signe après {hn} semble être le séparateur, et il paraît donc nécessaire de d’admettre la séquence de signes {b . hn};92 mais trancher entre l’explication de {hn} comme le pronom indépendant et celle qui y voit un pronom démonstratif complexe n’est pas facile.93 Ligne 36'. On peut prendre le trait de séparation comme indice permettant de préférer l’analyse de hm comme conjonction conditionnelle.94 On a souvent restitué {tʿ˹-˺[…]} par {tʿ˹r˺[b …]},95 et les traces du troisième signe peuvent en effet se compléter pour lire {r}; mais il ne
89
RS 94.2383 + 94.2619 sera publié comme le texte 69 dans Bordreuil, Ha-
wley et Pardee à paraître. 90 91
Sasson 1966: 134; Pardee 1987: 206; 2002: 104.
Il ne s’agit donc pas d’une manière discrète de la part de l’auteur de pré-
senter une pétition (Rainey 1971: 167; Lipiński 1977: 216; Mallon 1982: 91). Par-
ker (1967: 49–50) avait déjà traduit par ‘be consulted’, mais sans traduire le passage ni proposer d’interprétation plus précise. 92
Pardee 2003–2004: 57. Avant la réédition du texte par Dietrich et Loretz
(1976), où la lecture du trait de séparation fut indiquée pour la première fois (voir
la remarque textuelle), Sasson (1966: 134) a proposé la restitution de {hn[d]} et Ahl (1973: 447) celle de {hn[k]}. 93
Traitant uniquement le texte de KTU/CAT, Tropper présente les deux pos-
sibilités morpho-syntaxiques: en 2000: 68 (§ 21.412c) et 226 (§ 41.222.5a), il ne cite que {b . hn} et traduit par ‘bei ihnen’ ou par ‘über sie / darüber’; en 2000: 210
(§ 41.112.7), 211 (§ 41.12) et 231 (§ 42.4), il est question de la restitution de {b .
hn . [hmt]} qu’il traduit ‘über die be[treffenden (Leute) …]’ (la formule complète n’est indiquée et traduite qu’à la p. 231). Jusqu’ici, hnhmt n’est pas attesté par un
texte épistolaire, mais un exemple se rencontre en RS 15.128:8 (PRU II 161 = KTU/CAT 3.3), un texte administratif, où il est écrit sans séparateur (sur cette forme, voir Tropper 2000: 230–31 [§ 42.4]). 94
Pardee 1987: 206; 2002: 104; 2003–2004: 57. Pour Tropper (2000: 70
[§ 21.412m], 196 [§ 33.322.3b]), il s’agirait du pronom suffixe, 3e p. du pl. 95
Virolleaud 1965: 15; Sasson 1966: 134; Linder 1970: 42, 43, 159; Ahl
1973: 447, 449; Lipiński 1977: 216; Tropper 2000: 444 (§ 73.233.41) (voir notre critique, Pardee 2003–2004: 223, de la restitution avec {-n} final que propose ici
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s’agit pas moins d’une restitution hypothétique (il pourrait s’agir du verbe ʿRK, au lieu de ʿRB, ou bien le troisième signe pourrait aussi se lire {k} ce qui présente d’autres possibilités de restitutions). L’absence d’expression parallèle dans ces textes constitue un obstacle à tout essai de restitution. En outre, parce que le bas de la tablette a disparu, nous ne sommes pas en mesure d’estimer la longueur originale de cette ligne et des autres qui sont inscrites sur la tranche gauche, ce qui entraîne l’impossibilité d’apprécier le rapport entre ce verbe et les mots mkr hnd, ‘ce marchand’, au début de la ligne suivante. Enfin, le t-préformante pourrait exprimer soit la 2e p. du masc. sing., ‘tu (le roi) …’, soit la 3e p. probablement du fém. pl., avec pour antécédent ảnyt.96 Ligne 37'. Certains ont pris rgm ici pour un infinitif à usage absolu et fonctionnant comme un accompli.97 Le passage se prête pourtant mieux à l’interprétation qui y trouve la suite de la formule conditionnelle commencée à la ligne précédente — l’état du texte nous empêche de déterminer si la suite est syntaxique ou seulement logique, à savoir si l’apodose de la phrase conditionnelle se trouve ici ou dans les mots précédents.98 Cela étant, rgm sera soit l’infinitif ayant la force d’un inaccompli, soit le participe. Ligne 38'. Les premiers mots semblent constituer la citation de paroles de l’auteur de cette lettre adressées aux alashiotes, et dans ce cas {mlkn} peut signifier ‘notre roi’ ici (sur {mlkn}, ‘le roi’, à la ligne 10, voir commentaire plus haut).99
le savant allemand). 96
Dans ce contexte d’achat de bateaux, on préférera l’analyse de {ảnyt}
comme au pluriel: Tropper 2000: 196 (§ 33.322.3b). 97
Lipiński 1977: 216 ‘I have said’; Mallon 1982: 118 ‘and I said’; Dijkstra
1999: 154 (sans traduction); Tropper 2000: 211 (§ 41.131a) ‘und ich sagte’, 484 (§ 73.513.6) et 492 (§ 73.531.2) ‘und da sagte ich’. D’autres ont traduit de cette manière sans indiquer leur analyse de la forme: Sasson 1966: 134; Linder 1970: 42; Ahl 1973: 447; Knapp 1983: 41. 98
Voir plus haut, la note 24, Pardee 1987: 206, où nous avons traduit comme
s’il s’agissait d’une nouvelle phrase: ‘And I say’, et Pardee 2002: 104, où nous avons traduit comme le début de l’apodose: ‘I, for my part, will say’. 99
Pour Tropper (2000: 823 [§ 89.11b]), il s’agirait du n-enclitique dans les
deux cas.
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Ligne 39'. Si le sens du verbe MKR est ‘vendre’, comme l’indique RS 19.066:16 (PRU V 116 = KTU/CAT 3.8),100 la lecture de { ˹t˺mkrn} est à préférer à celle de {˹ả˺mkrn} (voir la remarque textuelle),101 car l’auteur de la lettre, si nous avons bien compris les lignes précédentes, ne cherche pas à vendre des bateaux mais à en acheter. Dans ce texte épistolaire, l’analyse de {lảk} comme impératif102 paraît préférable à l’analyse comme infinitif.103
CONCLUSIONS Un serviteur du roi d’Ougarit, vraisemblablement le responsable des ports du royaume d’Ougarit, en particulier de celui de la métropole, écrit à son maître depuis l’île de Chypre. Il commence par assurer le roi qu’il le bénit devant les dieux du lieu, mais la plus grande partie du corps de la lettre est perdue. Les dernières lignes, mieux conservées, parlent d’une affaire de bateaux, apparemment de bateaux que l’auteur de la lettre propose au roi d’acheter en son nom. Les circonstances de cet achat restent inconnues en raison de l’état du texte, mais, vu la situation économique des dernières décennies du Bronze récent, époque où le royaume d’Ougarit servait d’intermédiaire entre l’Égypte et le Hatti, en particulier pour le transport de céréales,104 on imagine facile100
w hm ảlp l tśʿn mṣrm tmkrn, ‘et s’ils ne paient pas les mille (sicles d’argent),
ils seront vendus en Égypte’. Cf. del Olmo Lete et Sanmartín 2000: 272. 101
Tropper (2000: 450 [§ 73.243.22]) a admis la lecture de {˹ả˺} que nous
avons proposée dans notre étude préliminaire; il traduit ‘ich werde/will verkaufen’
(en revanche, p. 263 [§ 51.44e], il indique la présence ici du nom commun mkr,
‘Kaufmann’). Avant nous, Lipiński (1977: 216; cf. 1982: 176) avait proposé la lecture de {tmkrn}, mais en admettant l’existence des cinq clous indiqués par
l’éditeur, car il lit {k. tmkrn}; il prend le verbe pour un passif: ‘they will be sold’, interprétation possible (il faudrait le texte sans les lacunes actuelles pour être en mesure de déterminer la voix du verbe). 102
Pardee 1987: 206; 2002: 104; 2003–2004: 226–27, 296; Tropper 2000:
448 (§ 73.243.1). 103 104
Tropper 2000: 618 (§ 75.227a) — avec point d’interrogation.
Pour ne citer que les ouvrages de référence: Singer 1999: 672–73, 716;
Freu 2006: 191, 149–50, 223–28. En ce qui concerne les documents en langue ou-
garitique, on sait par RIH 78/03+ (Bordreuil et Caquot 1980: 356–58 = CAT 2.81)
que le commerce de céréales entre l’Égypte et Ougarit remontait à l’époque du roi ʿAmmiṯtamru qui régnait autour de l’an 1250; mais les textes clés, tels que RS
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ment que le roi d’Ougarit ait éprouvé le besoin d’acquérir des bateaux supplémentaires.
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de céréales qui ont fait naufrage au large de Tyr, et RS 18.038 (PRU V 60 = KTU/CAT 2.39), où l’empereur hittite se déclare périssant, sont vraisemblablement à dater plus près de la chute du royaume au début du 12e s.
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