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French Pages 104 Year 2021
Sophie Sacquin-Mora - Antoine Taly
Un voyage au centre de la cellule
Anmryn
3
I O U Q R U O P S MAI ? S E N I É T O R P PARLER DE Si aujourd’hui vous entrez le mot protéines dans un
Qui permet à la cellule de se nourrir, de respirer,
moteur de recherche, il y a fort à parier qu’il vous
de croître et de se multiplier ?
répondra en premier lieu diététique et muscula
Qui lui permet de communiquer avec ses petites
tion, alors même que ces drôles de molécules
camarades ?
(qui ne représentent pourtant pas moins de 50 %
Qui la défend contre les invasions micro-
du poids sec de nos cellules) savent faire bien
biennes ?
d’autres choses que gonfler nos biscotos.
En un mot comme en cent, qui c’est qui se tape
Mais voilà, dans les programmes de sciences
tout le boulot dans la cellule ?
de la vie, que ce soit au collège ou au lycée, il n’y en a que pour l’ADN, cette molécule reine
Dans ce livre, nous voulons rendre hommage
qui détermine le mode d’emploi de tout orga-
aux ouvrières invisibles, aux petites mains, aux
nisme vivant via le code génétique (et qui, soit
masses laborieuses du vivant sans lesquelles nos
dit en passant, ne représente, elle, qu’environ
cellules, et par là même notre organisme tout
3 % du poids sec de nos cellules).
entier, ne pourraient fonctionner correctement.
Certes, coder, c’est bien beau, mais qui c’est qui le lit, ce fameux code génétique ?
Dans ces pages, nous venons donc vous
Qui c’est qui copie, qui réplique, qui traduit, qui
raconter la passionnante histoire des protéines,
transcrit, qui répare et qui le met en application ?
ces fabuleuses molécules à tout faire du vivant !
COMMENT FON CTIONNE CE LIVRE ?
Dans le premier chapitre (Back to basics), on commence par vous présenter tout ce qu’il faut savoir sur les protéines pour comprendre leur structure et leur fonctionnement. Après quoi, les lecteurs les plus curieux pourront découvrir quand et comment les scientifiques ont commencé à s’intéresser aux protéines, et les méthodes qu’ils utilisent pour les étudier. Les chapitres suivants de l’ouvrage présentent toute une série de protéines regroupées autour de grands thèmes comme la vie quotidienne, la santé ou les biotechnologies. Chacun de ces courts chapitres peut être lu indépendamment des autres, dans l’ordre ou le désordre, c’est à vous de choisir ! À la toute fin de l’ouvrage, on trouve un glossaire qui vient rappeler un certain nombre de définitions et une bibliographie.
SOMMAIRE 1. BACK TO BASICS...................................................................................................7 Les virus attaquent !..........................................................................................................8 Les protéines, des molécules clés du vivant........................................................... 10 Les acides aminés, briques élémentaires des protéines......................................13 Une protéine, ça ressemble à quoi ?.......................................................................... 16 S’il te plaît, dessine-moi une protéine !..................................................................... 19 Au fait, à quoi ça sert une protéine ?......................................................................... 21 Comprendre le nom des protéines............................................................................ 23 2. ET COMMENT ON SAIT TOUT ÇA ?................................................................. 25 Une (pas si) brève histoire des protéines................................................................26 La cristallographie, des Nobel et des protéines...................................................... 28 E pur si muove ! La RMN, pour des protéines en mouvement...........................31 Winter is coming, l’âge de la cryo-EM.................................................................... 33 Du côté de la théorie......................................................................................................35 3. LES PROTÉINES DU QUOTIDIEN, CELLES QUI FONT TOURNER LA BARAQUE..................................................... 37 Dans la fabriquedes protéines.................................................................................... 39 Les chaperons, c’est l’histoire d’une grue, qui monte une grue, qui monte une grue…...................................................................................................... 41 Les globines, la grande famille qui voit la vie en rouge....................................... 44 On the road again ! Voyager à travers la cellule.................................................... 47 La télomérase, l’élixir de jeunesse des chromosomes........................................ 51 4. DES PROTÉINES POUR NOS CINQ SENS............................................................53 L’olfaction, des protéines plein le nez...................................................................... 55 La rhodopsine,une protéine rien que pour nos yeux..............................................57 Des goûts et des protéines..........................................................................................59 Des protéines jusqu’au bout des doigts................................................................... 61 Une protéine presto, prestissimo !............................................................................. 63 5. PROTÉINE ET BIOTECHNO-LOGIES : DU TUNING DANS LES ÉPROUVETTES...................................................................................65 La GFP, un Nobel en technicolor.................................................................................67 La soie des araignées, un textile pour demain ?.....................................................70 Les moules font de la résistance...............................................................................72 Les biopiles, quand les protéines se mettent au turbin......................................... 74 CRISPR-Cas9, la boîte à outils du génome............................................................76 6. DU CÔTÉ OBSCUR DES PROTÉINES....................................................................79 Les toxines, du curare au botox, comment dompter le vivant ?.......................81 L’agrégation amylo de, quand les protéines se la jouent Walking Dead................83 Poison/contre-poison, la course à l’armement protéique................................... 85 La ricine, permis de tuer pour une protéine...............................................................87 Un seul résidu vous manque et tout est déformé.................................................. 89 CONCLUSION...............................................................................................................92 BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................99 LES AUTEURS.............................................................................................................103
1
BACK TO BASICS
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LES VIRUS ATTA QUENT !
Chaque année, quand reviennent l’hiver et son
jusqu’au plafond. Mais ces livres, il faut bien
flot de microbes, les virus sont de retour pour
que de temps à autre quelqu’un les ouvre, les
nous jouer un mauvais tour semer la terreur et
lise, les recopie et parfois les répare. Ces livres,
la désolation dans nos foyers. Partout ce ne sont
ils ne serviraient pas à grand-chose si jamais
plus que nez qui coulent, gorges qui grattent et
personne ne venait diffuser les connaissances et
estomacs barbouillés, tandis qu’un cri s’élève :
savoir-faire qu’ils contiennent hors de la bibliothèque et dans le vaste monde cellulaire.
Mais pourquoi tant de glaires ? Toutes ces tâches, ce sont les protéines qui les Parfois, à l’approche des fêtes, entre deux
accomplissent. Une infatigable armée de biblio-
mouchoirs et une tasse de tisane, on se prend à
thécaires, d’archivistes, de traducteurs, d’ingé
rêver d’un monde en paix, un monde où, touchés
nieurs ou autres, qui permet à la cellule de
par l’esprit de Noël, les virus auraient soudaine-
respirer, de fabriquer de l’énergie, de croître et
ment décrété une trêve hivernale… en vain.
de se reproduire. Bref, tout simplement de vivre.
Mais si nous subissons constamment les assauts
Et les virus alors ?
de ces envahisseurs microscopiques, c’est qu’eux-mêmes n’ont pas d’autre choix pour
Et bien les virus possèdent également leur petite
croître et se multiplier que de nous infecter. Il
bibliothèque personnelle en ADN (ou ARN).
manque en effet aux virus un outil indispensable
Mais leur gros souci, c’est qu’ils sont complè-
pour se reproduire et qu’ils viennent donc nous
tement analphabètes, et qu’ils ne peuvent donc
emprunter sans vergogne à chaque fois qu’ils
rien en tirer !
squattent nos cellules : la machinerie protéique. Alors plutôt que de cocher la case patience
La quoi ?
et cours du soir, ils ont développé une stratégie de type piraterie. Sitôt après avoir
Vous avez probablement déjà entendu parler
pénétré dans une cellule, un virus va prendre
de l’ADN (de son vrai nom acide désoxyribo-
en otage les bibliothécaires, traducteurs et
nucléique), cette formidable molécule qui, grâce
ingénieurs de son hôte, et les forcer à reco-
au code génétique, stocke toutes les informations
pier en masse l’ADN (ou l’ARN) viral. Une
nécessaires à la fabrication et au bon fonction-
fois celui-ci soigneusement emballé (dans des
nement d’un être vivant. Logé au cœur de nos
enveloppes également formées de protéines et
cellules, l’ADN c’est un peu comme une grande
aussi fabriquées par nos pauvres otages), les
bibliothèque de la vie, avec ses rayonnages
multiples copies de la bibliothèque virale vont
pleins à craquer de livres et qui monteraient
finir par quitter la cellule infectée et démarrer
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à leur tour une vie de flibuste à l’image de
Dans ce livre, nous allons donc vous emmener
leur glorieux ancêtre. Souvenez-vous en lors
à la rencontre de ce petit peuple de la cellule,
de votre prochain rhume, le combat des virus
celui que tout le monde viral nous envie et sans
contre notre espèce n’a rien de personnel, ils
lequel la grande bibliothèque de l’ADN ne
en veulent simplement à nos protéines.
serait d’aucune utilité aux êtres vivants.
Bienvenue chez les protéines !
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LES PROTÉINES, DES MOLÉCULES CLÉS DU VIVANT Prenez place dans la machine à remonter le temps, à la recherche des origines de la vie ! Notre histoire commence sur la Terre primi-
par la vie, du fond des océans aux sommets
tive il y a plus de 4 milliards d’années, avant
des montagnes. Malheureusement, les traces
que celle-ci ne soit entièrement colonisée
fossiles des premiers organismes vivants ne
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sont pas aussi faciles à lire que les squelettes
Aujourd’hui ce sont les êtres vivants qui
de dinosaures, et les origines de la vie restent
fabriquent les molécules biologiques, mais
un sujet pour le moins mystérieux. Pour en
comment celles-ci ont-elles pu apparaître dans
savoir plus, il va donc nous falloir remonter
un monde sans vie (dit aussi abiotique) ? Le
le temps depuis l’époque contemporaine, et
biochimiste russe Alexandre Oparine a proposé
analyser les organismes vivants actuels, afin
que les molécules organiques pourraient être
d’en déduire des caractéristiques communes
apparues spontanément sur la Terre primitive.
qui seraient partagées par tous. L’ensemble
Cette possibilité a ensuite été démontrée par les
des êtres vivants est constitué d’une ou
expériences de Urey et Miller dans lesquelles
plusieurs cellules et l’on pense généralement
un milieu aqueux mimant ce que l’on appelle la
que l’organisme qui est à l’origine de tous
soupe primitive (méthane, ammoniaque, eau et
les êtres vivants actuels (largement connu par
hydrogène), associé à une décharge électrique
son acronyme anglais, LUCA, Last Universal
comme source d’énergie (reproduisant les
Common Ancestor) avait une organisation
éclairs), permet l’apparition spontanée d’une
similaire, avec une cellule.
partie des molécules biologiques, notamment des acides aminés.
Dans une cellule, les ingrédients moléculaires se répartissent entre quatre grandes familles de
Certains présentent l’hypothèse d’une appa-
composés à base de carbone (appelés égale-
rition extra-terrestre et d’une arrivée sur terre
ment molécules organiques). Les membres de
de biomolécules via des météorites. Cela ne
chacune de ces familles ont tous leur utilité
modifie pas le raisonnement mais ne fait que
propre pour les organismes vivants :
reporter à plus loin la synthèse abiotique des
• les sucres (connus aussi comme les glucides
biomolécules.
quand on parle de nutrition) sont une source d’énergie pour l’organisme ;
Mais il existe un autre paradoxe : les molécules
• les acides gras (ou lipides) permettent de
présentées plus haut dépendent les unes des
former la membrane cellulaire. C’est donc grâce
autres. Dans notre monde vivant actuel, aucune
aux lipides qu’il y a un intérieur et un extérieur
d’entre elles ne pourrait fonctionner seule. On
pour chaque organisme et chaque cellule !
se retrouve donc avec un problème d’œuf et de
• les nucléotides, dits aussi acides nucléiques,
poule ancestral : quelle molécule biologique a
sont les briques élémentaires de l’ADN (ainsi
bien pu apparaître la première ?
que de l’ARN), la molécule qui contient l’information génétique et va jouer le rôle de mode
L’hypothèse privilégiée actuellement est celle
d’emploi de la cellule ;
d’un monde ARN dans lequel l’ARN (le petit nom
• et enfin, les protéines sont composées
de l’acide ribonucléique, qui est donc un cousin
d’acides aminés (appelés aussi résidus), et vont
du célèbre ADN, ou acide désoxyribonucléique)
faire fonctionner tout ce petit monde, en suivant
était capable d’assurer plusieurs fonctions biolo-
le plan fourni par l’ADN.
giques, que ce soit le stockage de l’information ou la catalyse de réactions chimiques. Dans la
Si l’on cherche à remonter le temps avant
préhistoire des molécules du vivant, l’ARN aurait
LUCA, vers la transition du non-vivant vers le
donc tenu le rôle du chasseur-cueilleur non spécia-
vivant, on rencontre une série de paradoxes.
lisé. Le passage vers LUCA s’est ensuite effectué
Tout d’abord, comment toutes ces molécules
avec l’apparition, d’une part de l’ADN, dédié
sont-elles apparues ?
au seul stockage de l’information, et d’autre
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part des protéines, qui permettent de réaliser
Pourtant, si on y regarde bien, elles sont au cœur
des réactions chimiques variées et hautement
de la science contemporaine. Depuis le début du
spécialisées. Ce petit peuple moléculaire labo-
siècle, ce sont pas moins de 16 prix Nobel (en
rieux aurait alors donné un avantage compétitif
médecine ou en chimie) qui ont été attribués à des
aux cellules capables de les synthétiser.
travaux de recherche concernant des protéines. Ces molécules, qui présentent une variété quasi
Pourquoi se focaliser sur les protéines ?
infinie, permettent aux organismes vivants de remplir des fonctions extrêmement diverses, et
Et bien tout simplement parce qu’elles sont fasci-
représentent souvent un avantage évolutif pour
nantes dans leur diversité. Mais contrairement à
ceux-ci. Dans cet ouvrage, nous allons donc vous
l’ADN qui se retrouve souvent sous les projec-
présenter le grand bestiaire de ces extraordi-
teurs, les protéines sont encore trop méconnues
naires machines chimiques. Il est temps de faire
du grand public !
connaissance avec les fabuleuses protéines !
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, S É N I M A S E D LES ACI S E R I A T N E M É L BRIQUES É S E N I É T O R P S E D Les protéines sont des macromolécules. Elles
Si on attache un petit nombre d’acides aminés
sont formées par l’association de molécules plus
les uns à la suite des autres (de deux à quelques
petites, les acides aminés. Il existe 20 acides
dizaines), on parle de peptide. Dans le cas
aminés naturels que l’on retrouve dans les proté-
d’une chaîne plus longue, on a alors affaire à
ines de la totalité des êtres vivants connus, et
une protéine. La diversité des acides aminés et
qui présentent une grande variété de tailles, de
de leurs combinaisons est à l’origine de la diver-
formes et de propriétés chimiques.
sité structurale et fonctionnelle des protéines.
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Dans les acides aminés on trouve majori-
• les ponts disulfure sont les liaisons covalentes
tairement du carbone, de l’hydrogène, de
qui vont se former entre deux atomes de soufre
l’azote et de l’oxygène, et puis aussi parfois
portés par des cystéines ;
un peu de soufre. Tous les acides aminés
• les liaisons ioniques, dites aussi ponts salins,
comportent un atome de carbone central (dit
se forment entre des atomes portant des charges
souvent carbone α) relié à une fonction amine
opposées ;
d’une part et une fonction acide d’autre part.
• les liaisons hydrogène apparaissent lorsqu’un
Le carbone α est également relié à une série
atome d’hydrogène est pris en sandwich entre
d’atomes qui caractérise l’acide aminé consi-
deux atomes plus électronégatifs que lui
déré et que l’on appelle la chaîne latérale (notée
(oxygène ou azote). Une liaison hydrogène
R de manière générale).
sera d’autant plus forte que les trois atomes impliqués dans celle-ci sont bien alignés ;
Dans une protéine, les fonctions amine et acide
• les liaisons de van der Waals entraînent un
de deux acides aminés successifs ont réagi
regroupement des chaînes latérales non polaires
entre elles pour former une liaison peptidique
loin du solvant aqueux (qui est, lui, polaire).
et une molécule d’eau. L’enchaînement liaison peptidique/carbone α/liaison peptidique…
Ces trois derniers types de liaisons sont dits
constitue alors le squelette de la protéine.
non covalents, les atomes associés ne vont pas partager d’électrons. Les liaisons non cova-
Au sein d’un acide aminé et dans le cadre de
lentes sont beaucoup moins costaudes que les
la liaison peptidique, les atomes sont reliés
liaisons covalentes, mais elles sont néanmoins
entre eux par des liaisons covalentes. Ce type
essentielles pour donner à la protéine sa struc-
de liaison particulièrement robuste résulte
ture tridimensionnelle. Elles sont également à
de la mise en commun d’un ou deux élec-
l’origine des interactions qui peuvent se former
trons par chacun des atomes impliqués dans
entre plusieurs protéines.
celle-ci. Notez que cette garde partagée des électrons n’est pas toujours parfaitement équi-
Dans chaque type d’acide aminé, la chaîne
table, certains atomes (tels que l’oxygène et
latérale présente des propriétés chimiques
l’azote) sont plus électronégatifs que d’autres
particulières qui vont influer sur la structure et
(les atomes de carbone et d’hydrogène) et vont
la fonction de la protéine dont il fait partie.
avoir tendance à capter les électrons vers eux.
Les acides aminés non polaires, hydrophobes,
Dans ce cas, on dira que la liaison et du même
vont surtout se retrouver au cœur de la protéine,
coup la molécule qui la contient sont polaires.
tandis que les résidus hydrophiles (ou polaires)
Lorsque la chaîne d’acides aminés se replie sur
et parfois chargés se retrouvent préférentielle-
elle-même, il peut également se former d’autres
ment à la surface de la protéine, en contact
types de liaisons, covalentes ou non :
avec le solvant aqueux.
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La grande parade des acides aminés naturels
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UNE PROTÉINE , ÇA RESSEMBLE À Q UOI ? Les protéines présentent une très grande variété
va appeler la structure primaire, ou encore
de formes et de tailles. Celles-ci peuvent en effet
la séquence protéique. Les séquences protéiques
être constituées de 50 à plus de 30 000 acides
ont un sens de lecture (qui indique l’ordre dans
aminés (pour l’immense titine que l’on peut
lequel les résidus ont été associés les uns aux
trouver dans les muscles). Et si on s’intéresse
autres par le ribosome). On démarre toujours
aux très grands assemblages de plusieurs
par un atome d’azote (au niveau de l’extrémité
protéines, on peut même monter à plus de
que l’on appelle donc N-terminale, N étant le
300 000 acides aminés dans les enveloppes
symbole de l’azote), qui correspond à la fonc-
de virus. En biochimie, on décrira la structure
tion amine (NH2) portée par le premier acide
d’une chaîne protéique en distinguant quatre
aminé, et on conclut par un atome de carbone
niveaux d’organisation :
(au niveau de l’extrémité C-terminale) de la
• Tout commence en suivant le plan fourni
fonction acide (COOH) du dernier acide aminé
par l’ADN. Le ribosome (qui est lui-même
de la chaîne protéique.
un énorme assemblage de protéines avec
• La structure secondaire décrit les arrangements
lequel vous pourrez faire plus ample connais-
locaux de ces acides aminés qui sont générale-
sance un peu plus loin dans ce livre) va lire
ment stabilisés par des liaisons hydrogène (cf.
la séquence de nucléotides de l’ADN et la
le chapitre précédent). Boucles, hélices α ou
déchiffrer grâce au code génétique. Cela
feuillets β, plusieurs éléments de structure secon-
donne l’enchaînement des acides aminés
daire distincts peuvent coexister au sein d’une
(ou résidus) constitutifs de la protéine, que l’on
même chaîne protéique.
Les liaisons hydrogène (en magenta) maintiennent la forme des éléments de structure secondaires en se formant au sein des hélices α et entre les brins des feuillets β.
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• La structure tertiaire décrit comment plusieurs
plus là-dessus, il faut faire un tour au chapitre 6).
éléments de structure secondaire vont s’agencer les
Enfin, on appelle structure native la structure
uns par rapport aux autres au sein d’un domaine
d’une protéine qui lui permet de réaliser une
protéique. Pour décrire la forme d’ensemble
fonction biologique donnée (cf. le chapitre
d’une protéine, qui peut donc comporter plusieurs
suivant). Lorsque cette structure est modifiée
domaines et fluctuer au cours du temps, on parlera
(par exemple sous l’effet de la chaleur ou suite
de conformation ou de repliement protéique.
à une réaction chimique), on parlera alors
• Finalement la structure quaternaire définit l’as-
de dénaturation de la protéine.
semblage au sein d’un complexe de plusieurs chaînes protéiques déjà repliées (que l’on appellera alors des sous-unités). Toutes les proté-
Vous pensez pouvoir déterminer la structure
ines ne comportent pas forcément plusieurs
native d’une protéine ?
sous-unités et donc de structure quaternaire. La prédiction d’une structure protéique (secondaire, tertiaire et éventuellement quaternaire si C’est quoi une protéine native ?
la molécule présente plusieurs chaînes) à partir de sa seule séquence d’acides aminés est un
On parle de protéine native, ou encore de
problème incroyablement complexe qui occupe
forme sauvage de la protéine, lorsque sa
les chercheur·se·s en biologie structurale depuis
séquence est celle produite majoritairement
plusieurs décennies.
par une population d’organismes vivants, et de variant (ou mutant), lorsque cette séquence
Les méthodes actuelles utilisent les outils déve-
native a été modifiée ponctuellement au niveau
loppés en chimie théorique et en bioinforma-
de l’ADN, et donc de la protéine.
tique, et sont régulièrement confrontées lors de l’expérience CASP (Critical Assessment of
Une mutation peut être :
protein Structure Prediction) qui a démarré en
• spontanée : la mutation d’un acide aminé vers
1994 et a lieu tous les deux ans. À cette occa-
un autre dans la séquence d’une protéine peut
sion, des chercheur·se·s du monde entier travail-
se produire spontanément : c’est le moteur de
lant sur le sujet entrent en compétition et doivent
l’évolution avec la sélection naturelle. En effet
proposer les meilleures prédictions de structure
la sélection naturelle se fait sur une population
possible pour des protéines.
dans laquelle il y a des différences et favorise les individus qui sont les plus adaptés à un environnement et à un moment donnés ;
Vous voulez tenter votre chance ?
• artificielle : les mutations peuvent également être provoquées lors d’expériences en labora-
C’est possible grâce à un projet de science
toire, il s’agit alors d’évolution dirigée.
citoyenne : le logiciel Foldit
Les modifications de la séquence d’une protéine
(https://fold.it/portal/info/about)
peuvent être sans conséquence sur celle-ci ; dans
vous apprend à replier les protéines dans le
ce cas, on parlera de variant d’une protéine
cadre d’un jeu vidéo !
quand il n’y a pas de pathologie associée à une mutation. Mais parfois, au contraire, les variations
Les meilleur·e·s joueur·se·s de Foldit ont ainsi
de séquence peuvent avoir un fort impact sur la
pu contribuer à la détermination de la structure
structure et l’activité protéiques (et pour en savoir
d’une protéine virale que les chercheur·se·s et
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leurs ordinateurs n’avaient pas réussi à résoudre.
ou qui ne vont se replier que dans le cadre d’une
À l’origine, les chercheur·se·s sont parti·e·s
interaction avec d’autres biomolécules (protéine,
du principe qu’une protéine devait forcément
ADN, membrane lipidique). Ces IDP (Intrinsically
adopter une structure secondaire, et/ou tertiaire,
Disordered Proteins) sont pourtant parfaitement
bien définie pour être fonctionnelle. On sait
fonctionnelles et mêmes indispensables à de
désormais qu’il existe aussi toute une catégorie
nombreux processus cellulaires. Bref, les cher-
de protéines dites intrinsèquement désordon
cheur·se·s ont encore du pain sur la planche avant
nées qui ne possèdent pas de structure native,
d’épuiser le sujet du (non)-repliement protéique !
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E N I S S E D , T Î S’IL TE PLA ! E N I É T O R P E MOI UN Il existe des dizaines de façons de représenter les protéines, chacune d’entre elles sert à mieux mettre en avant une caractéristique particulière de la molécule. voici quelques exemples de représentations possibles parmi les plus courantes : Si on s’intéresse avant tout aux liaisons chimiques entre atomes, on peut utiliser de simples lignes, ou encore une représentation en bâtons de réglisse. Si on veut voir un peu mieux la position relative des a.
atomes, on passera à un modèle de type boules- bâtonnets. Et si on souhaite visualiser le volume occupé dans
b.
l’espace par chacun des atomes, on utilise plutôt des sphères. c.
On peut aussi représenter la surface de la protéine telle qu’elle serait vue par une petite molécule (par exemple de l’eau). Ce type de représentation permet de mieux voir l’entrée des cavités que de petites molécules (des ligands) pourraient utiliser pour entrer en contact avec
d.
la protéine. Il arrive que l’on ne s’intéresse qu’à la forme prise par le squelette de la protéine (l’enchaînement des liaisons peptidiques), sans vouloir visualiser les chaînes latérales. Dans ce cas, un simple modèle en tube fera l’affaire. e.
Enfin, la représentation cartoon (mise au point par Jane Richardson au début des années quatre-vingt) permet de mettre en valeur les structures secondaires de la protéine telles que les hélices α et les feuillets β ; elle permet de bien souligner
la beauté et la régularité des structures moléculaires et sera donc principalement utilisée dans cet ouvrage. Dans cette représentation, les flèches utilisées f.
pour montrer les feuillets β indiquent également le sens de lecture de la chaîne protéique (du N- vers le C-terminal).
Six nuances de protéine : l’inhibiteur de la chymotrypsine vu à l’aide de six modes de représentation différents, bâtons de réglisse (a), boules-bâtonnets (b), sphères (c), surface (d), tube (e) et cartoon (f).
20
Les couleurs utilisées dans le dessin peuvent aussi
s cientifiquement, c’est tout un art. Et pour
nous apporter des informations sur la molécule.
admirer les plus beaux modèles de proté-
Sur la figure montrant la chymotrypsine, chaque
ines, on peut faire un tour sur la Protein Data
type d’atome a sa couleur propre (les atomes
Bank (PDB de son petit nom, www.rcsb.org/
de carbone sont en bleu cyan, ceux d’oxygène
pdb/home/home.do). Ce site web contient
en magenta, ceux d’azote en violet, etc.). Mais
plus de 150 000 structures expérimentales
la couleur peut également servir à indiquer les
de protéines et met régulièrement en avant
différents types d’acides aminés (polaires ou
ses spécimens les plus passionnants sous la
apolaires) ou encore la charge électrostatique
rubrique Molécule du mois. On y trouve notam-
d’un atome.
ment les magnifiques illustrations de David Goodsell, dont le travail à la frontière de la
Représenter une protéine d’une manière à
science et de l’art fait la joie et l’admiration
la fois élégante, compréhensible et exacte
des biochimistes depuis près de vingt ans.
21
T R E S A Ç I O U AU FAIT, À Q ? E N I É T O R P UNE
!) (Spoiler : à tout
Les protéines sont des molécules remarquable-
de petites molécules dont notre organisme a
ment polyvalentes qui peuvent avoir des fonc-
besoin. Elles peuvent par exemple copier l’ADN
tions très diverses. Celles-ci se distribuent géné-
via la DNA polymérase (cf. le chapitre 3). Cette
ralement en catégories :
propriété est centrale dans le vivant (pas de vie
• La liaison. Au sein d’un organisme vivant,
sans catalyse) et ouvre de nombreuses applica-
l’essentiel des protéines fonctionne dans le
tions du côté des biotechnologies.
cadre d’interactions avec d’autres molécules,
• Les commutateurs. Les interactions avec
qui peuvent être également des protéines, mais
d’autres molécules vont également servir à
aussi des molécules plus petites que l’on appel-
réguler l’activité d’une protéine en induisant
lera des ligands, substrats ou encore cofacteurs.
notamment de grands mouvements internes
Ces interactions se font le plus souvent via un
qui permettent d’alterner entre deux formes
site de fixation spécifique du partenaire molé-
de cette même protéine, une forme active et
culaire (c’est par exemple le cas des anticorps).
l’autre inactive. Via ce phénomène d’allos-
• La catalyse. Les protéines peuvent faciliter
térie, des petites molécules peuvent ainsi jouer
des réactions chimiques, telles que la rupture
un rôle d’interrupteur fonctionnel en se fixant
ou la formation de liaisons covalentes au sein
à une protéine.
22
• Structure. Les protéines structurales (par
filaments d’actine (entraînant ainsi la contrac-
exemple la tubuline du chapitre 3) vont former
tion des muscles).
de grands assemblages qui vont déterminer la
• Stockage. La ferritine stocke le fer et
forme d’une cellule. Elles sont aussi à l’origine
la myoglobine (chapitre 3) nous sert de réserve
des biomatériaux tels que la peau (via le colla-
d’oxygène.
gène), la soie (chapitre 5), les cheveux, la corne
• Transmission d’un signal. Parmi les hormones
ou les plumes (ces trois derniers exemples étant
protéiques, l’insuline régule le taux de glucose
formés de kératine).
dans le sang.
• Transport. Après avoir fixé un composé
• Réception d’un signal. La rhodopsine (chapitre 4)
chimique, une protéine va pouvoir l’acheminer
dans l’œil est sensible à la lumière, les récepteurs
jusqu’aux cellules qui en ont besoin dans notre
du bulbe olfactif (chapitre 4) nous donnent accès
organisme. L’exemple type est l’hémoglobine
au monde merveilleux des odeurs. On retrouvera
(chapitre 3), notre coursier en oxygène et
aussi des récepteurs à la surface des cellules et
dioxyde de carbone.
dans leur noyau.
• Moteur. Les changements de conformations
• Et plein d’autres choses encore que nous
de la kinésine (chapitre 3) et de la myosine leur
comptons vous présenter dans les pages à
permettent de déambuler au sein de la cellule,
venir…
l’une le long des microtubules, et l’autre sur les
23
M O N E L E R D COMPREN S E N I É T O R P S E D Dis-moi comment tu t’appelles et je te dirai ce
former les microtubules, la préfoldine aide les
que tu fais.
protéines à se replier (to fold en anglais), et l’hémagglutinine a ainsi été nommée car elle
Hydrogénase, hémagglutinine, HSP et GFP…
a la faculté d’agglomérer les globules rouges
Si en première lecture les noms des protéines
riches en hémoglobine.
peuvent sembler bien compliqués (voire même
• NomDuGène Chaque protéine étant encodée
un peu barbares), en creusant un peu on s’aper-
par un gène, il arrive que celui-ci soit décou-
çoit assez vite que les biochimistes manquent en
vert (et donc nommé) avant sa protéine asso-
fait cruellement d’imagination quand il s’agit de
ciée. Celle-ci prendra alors un nom dérivé
nommer leurs objets d’étude préférés. La plupart
de son gène. Ainsi la protéine PER vient du
des protéines portent en effet un nom qui vient
gène period, tandis que TIM, sa meilleure amie,
simplement nous raconter (le plus souvent en
est produite par le gène timeless.
anglais) leur fonction dans l’organisme.
• XYZ Là on touche le fond en matière d’imagination. Quand leur fonction s’avère être trop
Voici donc un bref passage en revue des noms
complexe pour se résumer en un mot, certaines
que vous serez amenés à rencontrer dans ce
protéines se retrouvent alors baptisées avec un
livre ou ailleurs :
acronyme. Les HSP ne sont rien d’autre que
• Machinase Comme le suffixe -ase l’indique,
les Heat Shock Proteins, des protéines expri-
machinase est une enzyme. C’est-à-dire
mées en cas de choc thermique. Et GFP est
qu’elle a pour mission de faciliter une réaction
la Green Fluorescent Protein, la protéine fluores-
chimique (durant laquelle des liaisons cova-
cente verte. Ah ça, on peut dire que certains ne
lentes seront formées ou rompues) associée à
se foulent pas des masses pour nommer leurs
l’élément machin. L’hydrogénase par exemple
découvertes !
est chargée de transformer les molécules de dihydrogène H2 en ions H+. La DNA poly-
Bon, on critique, on critique, mais il existe aussi
mérase dont vous allez croiser le chemin au
parmi les chercheurs en biochimie quelques petits
chapitre 3 a quant à elle pour job de poly-
rigolos qui aiment apporter un peu de fantaisie
mériser l’ADN (DNA pour nos amis anglo-
au sein de leur communauté scientifique. Et c’est
phones). Ce premier mode d’appellation a été
ainsi que certaines protéines se voient affublées
très officiellement proposé en 1898 par Émile
de noms qui sortent des sentiers battus. On peut
Duclaux (qui fut un disciple de Pasteur).
citer les protéines Sonic Hedgehog et la pika
• Trucmuchine Manifestement, le boulot de
churine, toutes deux nommées en référence à
trucmuchine est associé à l’élément trucmuche,
des personnages célèbres de jeux vidéo. Et si
mais il ne s’agit pas forcément d’une réaction
finalement les biochimistes étaient des geeks
chimique. La tubuline va ainsi s’assembler pour
comme les autres ?
2
ET COMMENT ON SAIT TOUT ÇA ?
26
UNE (PAS SI) B RÈVE HISTOIRE DES P ROTÉINES Quand on s’intéresse aux protéines, on fait de
acides aminés sera quant à elle progressive-
la biochimie, c’est-à-dire de la chimie, mais
ment établie entre 1820 et 1920).
centrée sur les molécules du vivant (soit donc les
• Les protéines sont des composés sensibles à
protéines, mais aussi les acides nucléiques, les
la température.
lipides, ou encore les sucres). On fait généralement remonter l’acte de naissance de la chimie
Au cours du xixe siècle, la science des protéines
dite moderne aux travaux de Lavoisier (dans les
sera surtout une science des enzymes, ces subs-
années 1770-1780), qui ont permis de mettre
tances actives qui rendent possible (ou accé-
en évidence que la matière était composée d’élé-
lèrent, on parle alors de catalyseurs) une réac-
ments simples (tels que l’oxygène ou l’hydrogène)
tion chimique. Comme la digestion de la viande
susceptibles de se combiner entre eux (pour
par les sucs gastriques, ou la fermentation qui
former de l’eau par exemple), menant ainsi au
va convertir les sucres en alcool. Les chimistes
célèbre Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
vont identifier tout un tas d’enzymes, chacune
transforme. Les techniques d’analyse élémentaire
associée à une réaction chimique bien spéci-
des composés mises au point à cette époque vont
fique, et se pencher sur leur fonctionnement.
permettre aux chimistes de s’en donner à cœur joie pendant tout le xixe siècle en dépiautant tout
Au départ, le rôle des réactions chimiques
ce qui leur passe à portée de main.
dans le vivant est encore peu clair, et traditionnellement chimie et biologie étaient deux
Vers 1838, un chimiste néerlandais du nom
disciplines bien séparées. Il faut attendre 1842
de Gerrit Mulder (sans Scully), ayant travaillé
et les travaux de Justus von Liebig (qui est
sur le blanc d’œuf, utilise pour la première fois
surtout passé à la postérité pour avoir inventé
le terme protéine (du grec protos, premier).
le bouillon cube) pour que le lien entre méta-
Celui-ci désigne un groupe de substances
bolisme et réactions chimiques soit fermement
omniprésentes dans le vivant, que l’on trouve
établi. Mais à cette époque on comprend encore
à la fois chez les animaux et les plantes, et qui
assez mal comment ces molécules peuvent bien
sont composées essentiellement de carbone,
fonctionner. Beaucoup de chercheurs (dont
d’azote, d’oxygène et d’hydrogène, avec
Pasteur, en opposition à Liebig) pensaient alors
parfois également un peu de soufre ou de
que l’activité d’une enzyme était toujours liée à
phosphore. Durant les décennies qui vont
une force vitale et que les cellules productrices
suivre, on n’en saura pas tellement plus au
d’enzyme devaient donc être vivantes pour que
niveau atomique sur les protéines sinon que :
les réactions chimiques aient lieu.
• Il s’agit de grosses molécules. • Elles n’ont pas toutes la même composition
Dès 1872, Maria Manasseina, médecin russe,
(la formule chimique de chacun des différents
avait pourtant publié des travaux expérimentaux
27
montrant que la fermentation alcoolique pouvait
aminés qui les composent sont associés via
se produire hors du milieu cellulaire. Mais la
des liaisons peptidiques. Puis, dans les années
controverse ne s’acheva finalement qu’en 1897,
1920-1930, de nouvelles méthodes expérimen-
quand Eduard Buchner eut des résultats simi-
tales permettent d’évaluer leur masse (venant
laires (en s’abstenant bien de mentionner ceux
ainsi confirmer qu’il s’agit bien de très gros
de sa prédécesseur, dont il avait pourtant eu
bestiaux moléculaires). Enfin, à partir des années
connaissance…) en obtenant de la fermentation
1940, on commence à s’attaquer à la détermina-
alcoolique avec un extrait de levure dépourvu de
tion de la séquence, l’enchaînement des acides
cellules (et donc absolument pas vivant). Lesdits
aminés le long de la chaîne protéique. En 1955,
résultats lui valurent d’ailleurs le prix Nobel de
Frederick Sanger réussissait à établir la séquence
chimie en 1907 (soit 4 ans après la mort de
primaire des 51 acides aminés de l’insuline (ce
Maria Manasseina) : Bouillon cube 1 – Vaccin
qui lui vaudra un prix Nobel trois ans plus tard).
anti-rabique 0.
Il ne restait alors plus qu’à savoir quelle forme ces énormes molécules pouvaient bien prendre
Au début du
siècle, les choses se mettent à
dans l’espace. Cet objectif fut atteint par la cris-
bouger un peu plus pour nos protéines. Déjà, les
tallographie, dont nous allons vous conter la
chimistes finissent par comprendre que les acides
grande aventure au chapitre suivant.
e
xx
28
LA CRISTALLOG RAPHIE, DES NOBEL ET DES PROTÉINES Comme on a pu le voir au chapitre précédent,
on parle de cristal, on imagine tout de suite des
le concept de protéine a été défini bien long-
matériaux précieux comme le diamant. Mais on
temps avant que l’on n’ait la moindre idée de
peut former des cristaux avec des choses beau-
ce à quoi ces drôles de molécules pouvaient
coup plus triviales, comme du sel de cuisine, du
bien ressembler. Et c’est la cristallographie qui
sucre, ou encore des protéines !
nous a fourni les premiers clichés de protéines. Obtenir de beaux cristaux (bien réguliers et On le devine aisément, la cristallographie c’est
d’une taille suffisante) reste d’ailleurs encore un
l’étude des cristaux. Et un cristal, c’est un état
défi pour les cristallographes qui s’intéressent
particulier de la matière solide où les atomes
aux structures protéiques. Toutes les protéines
sont positionnés de manière régulière dans les
ne sont pas faciles à cristalliser et chacune
trois dimensions de l’espace, faisant ainsi appa-
nécessite souvent des conditions (de composi-
raître la répétition d’un motif périodique. Quand
tion de la solution où le cristal se forme) qui lui
Soirée disco chez les protéines : même à -173 °C, il y a toujours de l’ambiance dans le diffractomètre.
29
sont propres. Mais de la qualité des cristaux
la molécule. Ce froid plus que polaire est indis-
produits dépendra la qualité de la structure
pensable pour obtenir un cliché bien net de notre
obtenue ensuite, alors les chercheur·se·s ont
protéine. En effet, les atomes d’une molécule
appris à être patient·e·s !
s’agitent d’autant plus que leur environnement est chaud. À température ambiante, les atomes
Une fois obtenu le cristal de protéine, on va le
dansent la samba et la photo serait toute floue. À
refroidir à –173 °C et le placer dans un diffracto-
–173 °C, chacun garde bien sagement sa place
mètre qui va nous donner accès à la structure de
en attendant que sorte le petit oiseau.
Brainstorming au labo de cristallo, circa 1930.
30
Dans le diffractomètre, on envoie des rayons X
ces diagrammes pouvaient bien correspondre. Il
sur le cristal. En traversant l’échantillon, ces
fallut encore une vingtaine d’années avant que
rayons vont être dispersés dans toutes les direc-
Linus Pauling n’élucide (en 1951) le mystère des
tions (diffractés donc) en mode boule à facette.
diagrammes de diffraction et montre que les
Mais loin d’être le fruit du hasard, ces direc-
types α et β correspondaient aux hélices α et
tions de diffraction dépendent de la position
feuillets β que nous connaissons bien désormais.
de chaque atome au sein du cristal, elles repré-
Trois ans plus tard, en 1954, Pauling recevait
sentent une signature unique de la protéine.
un prix Nobel de chimie pour l’ensemble de ses
Cette signature est néanmoins loin d’être
travaux (et de deux !).
simple à déchiffrer, et sa lecture nécessite des calculs d’autant plus longs et compliqués que la
Mais une protéine, ce sont plusieurs éléments
protéine étudiée est volumineuse et sa structure
de structure secondaire (les hélices et feuillets),
irrégulière. Mais au final, l’étude du diagramme
dont l’agencement est la plupart du temps assez
de diffraction produit lors de l’expérience va
irrégulier. Déterminer la structure d’une protéine
donc nous permettre de remonter à la structure
globulaire représentait donc encore un problème
atomique de la protéine.
complexe. Après de longs essais et tâtonnements, ce furent finalement Max Perutz et John Kendrew
La technique de la cristallographie a été mise
qui parvinrent les premiers à résoudre les struc-
au point par William Henry Bragg et William
tures tertiaire et quaternaire de l’hémoglobine et
Lawrence Bragg (qui étaient père et fils) au
de la myoglobine vers 1960. En 1962, nos deux
siècle. Leurs travaux fondateurs
compères recevaient le prix Nobel de chimie
pour l’étude des solides cristallins furent récom-
pour cette avancée majeure dans l’étude des
pensés par un prix Nobel de physique dès
protéines (et un, et deux, et trois !).
début du
xx
e
1915 (et de un !), mais il a fallu encore quelques décennies de recherches avant d ’obtenir des
Après ces premiers succès, les déterminations
structures protéiques.
de structure se sont enchaînées et la Protein Data Bank a été créée en 1971 afin d’archiver
Dans un premier temps, les scientifiques ont fait
et de rendre accessible aux chercheur·se·s
avec les diffractomètres ce qu’ils font sponta-
du monde entier l’ensemble des structures
nément avec toute nouvelle expérience, ils ont
protéiques obtenues (tout d’abord par cris-
collé dedans tout ce qui leur tombait sous la
tallographie, et ensuite aussi par d’autres
main, juste pour voir, et notamment des maté-
méthodes que nous aborderons brièvement
riaux fibreux : soie, laine, cellulose (certaines
dans les pages suivantes). Quand on demanda
recherches étaient financées par l’industrie
à William Lawrence Bragg à quoi pourraient
textile, ceci expliquant sans doute cela), et
bien servir tous ces travaux, il répondit Revenez
même un cheveu de Mozart !
dans cinquante ans et quelqu’un vous le dira.
Nombre de ces matériaux étaient composés
En 2010, soit cinquante ans après les
de protéines (comme la kératine de la laine et
premières structures de Perutz et Kendrew,
des cheveux) et dès les années trente, les cher-
la PDB hébergeait plus de 50 000 structures
cheur·se·s remarquèrent que dans ce cas le
protéiques. En 2020, on a passé la barre des
diffractomètre produisait essentiellement deux
150 000 structures et cet ensemble de données
types de diagrammes de diffraction, qui furent
a une valeur inestimable pour les biochimistes
nommés α et β, mais sans que l’on sache pour
tout autour du globe qui tentent de comprendre
autant à quelles structures à l’échelle atomique
comment fonctionne leur protéine favorite.
31
! E V O U M I S E PUR R U O P , N M R A L S E N I É T O R P S E D T N E M E V U O EN M Le développement de la cristallographie a
Dès le début des années soixante, les chercheurs
représenté une avancée cruciale pour la déter-
se sont penchés sur les potentialités de la réso-
mination de la structure tri-dimensionnelle des
nance magnétique nucléaire pour l’obtention de
protéines, et l’écrasante majorité (près de 90 %)
structures protéiques. La RMN (connue égale-
des structures disponibles dans la PDB en 2020
ment en imagerie médicale sous le nom d’IRM,
a été obtenue par cette méthode. Néanmoins
imagerie par résonance magnétique) exploite le
les protéines sont parfois des petits êtres retors
fait que certains atomes, que l’on peut justement
et certaines sont tout simplement impossibles à
trouver dans une protéine (l’hydrogène, mais
cristalliser. Il a donc fallu développer d’autres
aussi des isotopes du carbone, de l’azote ou
approches pour élucider la structure de ces
de l’oxygène), vont réagir lorsqu’ils sont placés
fortes têtes.
dans un champ magnétique (on dit qu’ils entrent
32
en résonance). Et cette réaction dépendra de ce
de toute la molécule, qu’elles sont susceptibles
qu’il y a tout autour de l’atome considéré. Le
de présenter quand elles sont actives. Or dans
spectre RMN d’une protéine nous apporte donc
le diffractomètre, toutes congelées qu’elles sont
tout un tas d’informations sur l’environnement
à –173 °C, nos petites protéines se tiennent
local de chacun des atomes d’hydrogène de
bien alignées au garde-à-vous. C’est certes
la molécule (et notamment quels types d’acides
fort pratique pour leur tirer le portrait avec une
aminés se trouvent à proximité de celui-ci). En
netteté sans pareille, mais en ce qui concerne
recoupant ces informations, on peut alors (non
l’observation des mouvements fonctionnels de
sans peine !) remonter à la structure globale de
ces machines miniatures, ça rend les choses un
la protéine.
peu plus compliquées.
Les premières structures pour des protéines
Dans le spectromètre RMN, l’ambiance est,
de taille moyenne furent obtenues par cette
disons, nettement moins rigide. Les protéines
méthode dans le courant des années quatre-
sont en solution à température ambiante (autour
vingt, et le premier dépôt d’une structure RMN
de 20 °C) et peuvent joyeusement remuer leur
dans la PDB eut lieu en 1989. En 2002, les
popotin. Bien sûr, cela ne facilite pas la tâche des
travaux associés au développement de cette
chercheurs qui tentent de déterminer leur struc-
méthode recevaient un prix Nobel de chimie, et
ture, mais cette agitation va permettre d’accéder
presque 20 ans plus tard, environ 7 % des struc-
à des ensembles conformationnels : soit des
tures déposées dans la PDB ont été produites
groupes de structures proches mais qui présentent
par spectrométrie RMN.
de légères variations, et qui nous informent ainsi sur des changements de forme qu’une protéine
« Tout ce que les objets vivants peuvent faire
peut subir dans l’exercice de ses fonctions.
peut être compris à partir des mouvements d’agitation et de vibration des atomes. »
La spectroscopie RMN représente donc une
R. Feynman (2000) Leçons sur la physique. Éditions Odile Jacob.
alternative de choix à la cristallographie,
S’il existe des molécules qui illustrent à la
Elle nécessite en effet d’avoir une plus grande
perfection cette citation du physicien Richard
quantité de protéines à disposition (ce qui n’est
Feynman, ce sont bien les protéines. En effet,
pas toujours aisé) et fut longtemps limitée à des
pour l’immense majorité d’entre elles, leur acti-
molécules de taille moyenne (en dessous de
vité biologique est non seulement déterminée
300 résidus). Récemment, les progrès méthodo-
par leur structure, mais aussi par leur dyna-
logiques ont permis de repousser cette limite et
mique interne. C’est-à-dire leur flexibilité, et
la structure de gros systèmes protéines compor-
tous les mouvements et déformations, que ce
tant plus de 1 000 résidus est enfin devenue
soit au niveau de quelques résidus ou à l’échelle
accessible à la RMN.
néanmoins elle a également ses limitations.
33
, G N I M O C S I WINTER M E O Y R C A L L’ÂGE DE Donc on résume, la cristallographie c’est top
les biochimistes ont commencé à explorer une
pour les protéines qui daignent cristalliser, la
troisième voie, celle de la microscopie électro-
RMN c’est super si votre protéine chouchoute
nique. Dans un microscope électronique, on
n’est pas trop grosse et que vous pouvez en
éclaire l’échantillon avec des électrons, et non de
produire une bonne plâtrée.
la lumière, et c’est ce qui va permettre de voir des objets beaucoup plus petits que ceux que l’on
Ah ben oui, mais moi je travaille sur une protéine
observe dans un microscope ordinaire. Le léger
membranaire maousse, qui coûte un bras à
souci avec cette méthode, c’est que le faisceau
fabriquer et qui ne supporte pas d’être extraite
d’électrons a tendance à beaucoup chauffer.
de sa membrane lipidique.
Quand il s’agit d’observer un échantillon minéral ça va bien, mais les protéines, elles, se retrou-
Toi, tu sors.
vaient toutes cuites. Second inconvénient de la
Non, je plaisante, en vrai, Impossible n’est
méthode, dans un microscope électronique les
pas chercheur, et dès les années soixante-dix,
échantillons sont placés dans le vide. Or les
Force est de reconnaître que pour une protéine, le cryo-microscope c’est nettement moins amusant qu’un spectro RMN.
34
protéines ne sont heureuses que lorsqu’elles
à l’exposition au faisceau d’électrons. On fait
sont plongées dans un solvant (le plus souvent
donc d’une pierre deux coups et c’est ainsi que
de l’eau) ou insérées dans une membrane lipi-
l’on est passé à la cryo-microscopie électro-
dique. Privées de leur environnement naturel,
nique (cryo-EM).
elles sont dénaturées et l’image alors produite par le microscope n’aura plus rien à voir avec
En 1991, la première structure protéique déter-
celle d’une protéine en état de marche.
minée par cryo-EM était déposée dans la PDB. Trente ans plus tard, la méthode n’est certes à
Les solutions à ces deux problèmes se sont
l’origine que d’à peine d’3 % des structures
progressivement mises en place au cours des
déposées, mais alors quelles structures ! C’est
dernières décennies, en passant notamment par
en effet à cette technique que l’on doit les plus
la vitrification des échantillons. Les protéines en
belles images d’immenses assemblages
solution vont être refroidies très rapidement
protéiques, tels que l’enveloppe du virus HIV,
dans de l’éthane liquide (à –160 °C). Si rapide-
qui contient plusieurs centaines de protéines
ment qu’elles vont garder leur structure native,
assemblées entre elles et totalise plus de
et les molécules d’eau qui les entourent restent
300 000 résidus (soit un système 2 000 fois
désordonnées et n’auront pas le temps de
plus gros que la petite myoglobine des débuts).
former des cristaux de glace qui viendraient
La cryo-EM a ouvert le temps des géants pour
perturber l’observation dans le microscope. Qui
la biologie structurale et les travaux qui ont
plus est, ce passage à basse température
permis son développement se sont vus récom-
permet à l’échantillon de résister plus longtemps
pensés d’un prix Nobel de Chimie en 2017.
Cinquante ans séparent la structure de la petite myoglobine (1 chaîne, 150 résidus) de celle de l’enveloppe du VIH (1 300 chaînes, 313 000 résidus).
35
E I R O É H T A L DU CÔTÉ DE
Pendant qu’on s’agitait dans les laboratoires
Pour ce faire, les chercheur·e·s théoricien·ne·s
expérimentaux, les théoriciens n’étaient pas
ont recours à la dynamique moléculaire (DM).
tranquilles à se la couler douce, loin s’en faut !
Cette technique de modélisation repose sur l’idée centrale que si l’on sait décrire correc-
Si après les débuts de la cristallographie et
tement un système (soit les positions et les
jusqu’au début des années soixante-dix on
vitesses de tous les atomes qui le constituent
voyait encore les protéines comme des systèmes
à un moment donné), et que l’on sait égale-
plutôt rigides, les informations fournies par les
ment comment tous ces atomes interagissent
structures RMN concernant la flexibilité de ces
entre eux, alors on est capable de calculer,
molécules ont tôt fait de briser cette image. Une
ou simuler, les mouvements de ces atomes au
protéine fonctionnelle, c’est un juste équilibre
cours du temps. Bien entendu, plus le système
entre rigidité et dynamique. Et on a vite voulu
que l’on souhaite simuler est gros (et comprend
en savoir plus sur la façon dont les atomes
donc un grand nombre d’atomes), ou plus on
pouvaient bien s’agiter en leur sein.
souhaite effectuer la simulation sur un temps long, plus les calculs seront longs à réaliser.
Attention, la consommation de vidéos de protéines sur Internet peut très vite devenir addictive…
36
Faire une simulation de dynamique molécu-
mais qu’il a fallu attendre 1976 pour voir
laire, c’est un peu comme tourner un petit film
la première simulation d’une petite protéine de
en stop-motion qui montrerait les mouvements
60 acides aminés (soit environ 500 atomes)
des atomes dans la protéine au cours du
pendant quelques picosecondes. Quarante ans
temps et nous aiderait à mieux comprendre
et plein d’améliorations plus tard, que ce soit du
son fonctionnement. C’est parfois rigolo à
côté des ordinateurs ou du côté des méthodes
regarder (on sait s’amuser dans les labo-
de calcul, on est désormais capable d’uti-
ratoires, et une simple recherche avec les
liser la dynamique moléculaire pour simuler
mots Protein molecular dynamics sur Youtube
l’enveloppe du virus du VIH (1 300 protéines
vous donnera plein de jolis résultats), mais
comprenant plus de 300 000 acides aminés,
c’est surtout sacrément utile. Car cela permet
soit 64 millions d’atomes en tenant compte de
d’observer des déplacements très rapides des
l’eau qui entoure le système) pendant un peu
atomes qui sont complètement inaccessibles
plus d’une microseconde (10–6 s), cela reste
aux expérimentateurs. Le souci, c’est que ces
encore très court, mais c’est néanmoins suffisant
mouvements se déroulent sur des intervalles
pour apprendre plein de choses sur le fonction-
de temps très courts, qui vont de la pico- à la
nement d’une protéine !
milliseconde (de 10
–12
à 10 s), si bien que –3
les 24 images/seconde d’un film classique ne
Plus généralement, le domaine de la modélisa-
nous permettraient pas d’y voir grand-chose.
tion moléculaire (qui comprend donc la dyna-
Heureusement pour les chercheur·se·s, dans
mique moléculaire, ses variantes, et encore des
une simulation on calcule l’état du système
tas d’autres techniques de simulation) a désor-
environ toutes les 2 femtosecondes (10
s),
mais atteint son âge adulte. Les calculs réalisés
ce qui nous fait donc pas moins de cinq cent
sur les protéines peuvent reproduire des résultats
mille milliards d’images par seconde !
expérimentaux mais peuvent également guider
–15
les chercheur·se·s quand il s’agit de concevoir Alors certes, comme ça on y voit nettement
de nouvelles expériences, en prédisant les résul-
plus clair, mais cela coûte également très cher
tats de celles-ci. Et en 2013, la discipline a donc
en temps de calcul. Les avancées dans cette
célébré dignement sa majorité, via l’attribution
technique ont donc longtemps été tributaires des
d’un prix Nobel de chimie à Martin Karplus (un
progrès réalisés pour augmenter la puissance
des papas de la première simulation de 1976, et
des ordinateurs qui effectuent lesdits calculs.
ancien étudiant de Linus Pauling que nous avons
C’est ainsi que les bases de cette méthode
rencontré au chapitre sur la cristallographie),
ont été posées dans les années cinquante,
Michael Levitt et Arieh Warshel.
3
LES PROTÉINES DU QUOTIDIEN, CELLES QUI FONT TOURNER LA BARAQUE
38
On l’a dit, la machinerie protéique est indispensable au bon fonctionnement de tout être vivant. Mais l’armée moléculaire chargée d’activer et d’entretenir notre corps est innombrable, et il serait illusoire de vouloir présenter toutes les ouvrières impliquées dans ce grand ballet collectif (à l’heure actuelle, on estime que les 20 000 gènes du génome humain pourraient produire jusqu’à un million de protéines distinctes !). Nous avons donc choisi de ne vous présenter qu’une infime fraction d’entre elles, parmi les plus célèbres, sur la base d’une sélection complètement arbi traire, forcément subjective, et un peu esthétique aussi (car qui pourrait résister au charme discret de la kinésine et de ses grands pieds ?)
39
E U Q I R B A F A L DANS S E N I É T O R P S E D Pour construire des protéines, on part du plan
une copie du plan initial et peuvent donc varier
qui se trouve dans l’ADN. Pour reprendre la
d’un individu à l’autre. Ils vont servir de support
métaphore de la bibliothèque de notre intro-
à l’étape de traduction.
duction, l’ADN est un document précieux
• La traduction. Ensuite les choses se compliquent
auquel il est interdit de sortir du noyau. Il va
un peu. Cette deuxième étape repose sur un très
donc d’abord falloir synthétiser un ARN, une
grand ensemble moléculaire, formé d’ARN et
sorte de copie fidèle des informations conte-
de protéines, qui va catalyser la synthèse des
nues dans l’ADN, et c’est à partir de cet ARN
protéines : le ribosome. La traduction repose sur
qui peut, lui, quitter le noyau, que les protéines
le code génétique qui fait correspondre chaque
sont synthétisées. Il s’agit donc d’un mécanisme
acide aminé à un codon, une séquence de
en plusieurs étapes :
3 bases de l’ARN. Le code génétique est universel,
• La transcription. Pour démarrer le processus,
tous les organismes vivants ont le même ! C’est
il faut copier le plan initial, contenu dans la
d’ailleurs un des arguments pour dire que tous
séquence d’ADN. Pour ce travail de reproduc-
les êtres vivants ont un ancêtre unique (LUCA,
tion, les cellules utilisent une enzyme (encore une
que nous avons évoqué au chapitre 1).
protéine donc) : l’ARN polymérase (littéralement Une observation qui laisse penser que les proté-
Les ARN ainsi synthétisés sont dits messagers
ines seraient apparues après l’ARN est le fait
(ARNm), car ils peuvent, eux, sortir du noyau
que le cœur du ribosome ne contient que de
et se déplacer dans le cytoplasme jusqu’aux
l’ARN. On peut donc imaginer un ribosome
appareils de production des protéines. Ils sont
primitif uniquement constitué d’ARN.
Image de David Goodsell pour la Molécule du mois, https://pdb101.rcsb.org/motm/40
l’enzyme qui synthétise un polymère d’ARN).
L’ARN polymérase en action : la protéine (en bleu et vert) se déplace le long de la double hélice d’ADN (en saumon) et produit un ARN (en rose).
40
Les experts à l’assaut de l’ADN ! Ou comment le système de copie de l’ADN est Par David Goodsell pour la Molécule du mois, https://pdb101.rcsb.org/motm/40
utilisé par la police scientifique… Copier l’ADN, les humains ont aussi appris à le faire ! En utilisant une ADN polymérase, on peut copier de l’ADN. Si on le fait plusieurs fois, on effectue une réaction en chaîne (PCR, Polymerase Chain Reaction, en anglais) un peu comme une photocopieuse à ADN. Cela multiplie les traces d’ADN d’un échantillon et permet Les deux sous-unités du ribosome avec les composants protéiques en bleu et l’ARN en saumon. L’étude de cet énorme complexe s’est vue récompensée par un Prix Nobel de chimie en 2009
donc de l’analyser.
Un détail d’importance qui a des conséquences
à leurs inventeurs en 1993 et elle est surtout
très concrètes dans notre vie quotidienne est que
connue du grand public comme outil de
les ribosomes des humains et ceux des bactéries
diagnostic pour les infections au coronavirus.
sont différents. C’est ce qui permet à certains
C’est une méthode de diagnostic direct, puisque
antibiotiques d’agir en bloquant les ribosomes
l’on va détecter la présence de matériel géné-
bactériens tout en laissant nos petites cellules
tique (ARN) du virus chez la personne testée. Il
humaines tranquilles. Les virus quant à eux
sert donc à identifier les personnes porteuses
sont des parasites : ils n’ont pas leurs propres
du virus au moment du test. Si le virus est bien
ribosomes mais viennent squatter ceux de leur
présent dans l’échantillon prélevé, on va récu-
hôte ! Et c’est pour cela qu’il est inutile de tenter
pérer son matériel génétique (qui est de l’ARN),
de lutter contre un virus à coups d’antibiotiques.
le convertir en ADN, et le multiplier via la PCR,
• Le repliement. Une fois la séquence primaire
qui se déroule en trois étapes :
obtenue, il faut encore que la protéine prenne
• dénaturation : on chauffe l’ADN à 95 °C
la bonne forme en trois dimensions, c’est le
pour séparer les deux brins ;
repliement, dont nous vous parlerons plus en
• reconnaissance : on emploie des amorces,
détail au chapitre suivant.
soit deux petits brins d’ADN (longs d’environ
Cette approche a valu le prix Nobel de chimie
20 bases) dont la séquence est complémentaire L’ensemble de ce processus dépend du plan
de celle de l’ADN que l’on cherche à détecter.
initial, une modification de la séquence d’ADN
Elles vont se fixer à l’ADN du virus et indiquer
peut donc induire une modification de la
à la polymérase quel ADN doit être répliqué.
protéine, ce qui peut avoir des conséquences
Cette étape se fait à environ 60 °C ;
sur son fonctionnement (on pourra trouver un
• multiplication : la polymérase fait son taf sur
exemple détaillé au chapitre 6).
l’ADN identifié par les amorces.
Au laboratoire, on peut introduire des modifica-
Après quoi on recommence ces trois étapes,
tions volontairement et l’on parlera alors d’évo-
et très rapidement on a une multiplication du
lution dirigée (et nous verrons une application
matériel génétique que l’on cherche à identifier.
de cette approche au chapitre 5).
41
T S E ’ C , S N O R LES CHAPE , E U R G E N U ’ D L’HISTOIRE , E U R G E N U QUI MONTE … E U R G E N U QUI MONTE En théorie, le repliement de la chaîne protéique
En effet, la plupart des protéines contiennent
à la sortie du ribosome peut se faire de manière
dans leur séquence des domaines composés de
autonome et spontanée, comme si notre molé-
résidus hydrophobes. Une fois la chaîne correc-
cule était un petit origami autopliant. Néan-
tement repliée, ces résidus vont se retrouver au
moins, dans certains cas, par exemple des
centre de la structure tertiaire, loin du solvant
protéines particulièrement volumineuses ou des
aqueux, formant ainsi ce que l’on appelle le
assemblages complexes comprenant plusieurs
cœur hydrophobe de la protéine. Mais avant
chaînes, la protéine nouvellement produite
que le repliement ne soit achevé, les domaines
va être assistée dans son repliement par un
hydrophobes d’une protéine sont susceptibles
chaperon.
d’interagir entre eux et de former des agrégats,
42
c’est-à-dire des amas de protéines à la structure
toxine ou au stress oxydant. Ces modifications
incorrecte et qui peuvent s’avérer être toxiques
du milieu cellulaire sont susceptibles de déna-
pour notre organisme (cf. le chapitre 6).
turer les protéines, ce qui leur fait ainsi perdre leur activité biologique et facilite leur agrégation.
Les protéines chaperons, connues depuis maintenant une quarantaine d’années, permettent
Un grand nombre de chaperons (mais pas tous)
de faciliter le repliement correct, c’est-à-dire
appartiennent ainsi à la famille des HSP (Heat
dans leur forme fonctionnelle, des protéines,
Shock Proteins), les protéines de choc ther-
notamment en les isolant des partenaires
mique, découvertes, comme leur nom le laisse
potentiellement indésirables qui peuvent être
supposer, après une expérience où des cellules
nombreux, car le milieu cellulaire est extrê-
étaient soumises à de fortes variations de tempé-
mement encombré. Les protéines chaperons
rature. Cette brigade d’élite débarque pour
peuvent également veiller au bon assemblage
remettre de l’ordre et protéger la cellule en cas
des protéines au sein d’un complexe macro-
de grosse chaleur, mais aussi de coup de froid,
moléculaire, mais sans prendre part à la struc-
ou encore d’exposition à des r adiations UV. La
ture finale du complexe. Donc pour résumer la
plupart des chaperons permettent un repliement
situation, la mission des protéines chaperons
correct des chaînes dépliées dans des condi-
est de prévenir les interactions incorrectes entre
tions dégradées, mais certaines peuvent égale-
protéines, que ce soit en tant que duègnes ou
ment réparer les dégâts dus au stress. HSP100
comme marieuses. Avouez que leur nom a été
est ainsi capable de déplier une protéine qui
plutôt bien trouvé non ?
aurait adopté une structure incorrecte, avant de la replier dans sa forme native. HSP104, pour
En temps normal, seules 10 à 20 % des protéines
sa part, peut resolubiliser les protéines impli-
nécessitent l’assistance d’un chaperon pour leur
quées dans des agrégats, les ramenant ainsi
repliement. Mais les chaperons peuvent égale-
dans le droit chemin de leur état natif.
ment être appelés à la rescousse (et par conséquent produits en grande quantité par la cellule)
Il existe une grande variété, en forme et en taille,
en cas de perturbation environnementale :
de protéines chaperons. Côté petits formats,
changement de température, exposition à une
on peut mentionner la préfoldine avec sa jolie
a) L a préfoldine est composée de trois chaînes d’une centaine d’acides aminés chacune, formant deux hélices α, et reliées à leur extrémité par des feuillets β. b) L e complexe GroEl-GroEs résulte de l’assemblage de 21 sous-unités et comprend plus de 6 000 résidus (à droite, on peut voir l’entrée de la cavité qui va abriter les protéines pendant leur repliement).
43
forme de pieuvre, qui va protéger les chaînes
Mais qui va replier les chaperons ?
protéiques des contacts indésirables juste à leur sortie du ribosome. À l’autre bout de l’échelle, on
Si les chaperons sont les grues qui assistent
trouve l’énorme complexe GroEl/GroES, qui est
le montage des structures et assemblages
composé de 21 sous-unités, et forme une cavité
protéiques, la question que l’on se pose sponta-
suffisamment spacieuse pour qu’une protéine
nément est celle de leur propre repliement. Les
puisse s’y replier confortablement. GroEl/GroEs
chaperons de petite taille sont capables de se
va ainsi avaler les chaînes protéiques dépliées,
replier tous seuls comme des grands (!). Quant
et puis les recracher une fois que celles-ci ont
aux gros systèmes, ils peuvent effectivement
adopté leur conformation native en son sein. Si
s’auto-chaperonner. Le complexe GroEL-GroEs
certains chaperons veillent spécifiquement aux
peut ainsi procéder au repliement des chaînes
bonnes fréquentations d’une protéine donnée,
constitutives de ses sous-unités, chaînes qui,
d’autres sont moins regardants quant aux
une fois relâchées dans le cytoplasme, vont
protéines qu’ils vont assister. GroEl/GroEs par
s’assembler, toujours avec l’aide de GroEl-
exemple contribue au bon repliement de plus de
GroEs, pour former un nouvel exemplaire de
80 protéines différentes.
ce complexe.
La voracité de GroEl/GroEs lui joue parfois des tours.
44
LES GLOBINES, LA GRANDE FA MILLE QUI VOIT LA VIE EN ROUGE Les globines sont une grande famille d’hémo-
C’est aussi la myoglobine qui donne sa couleur
protéines, c’est-à-dire qu’en leur cœur, on
rouge à la viande, couleur qui passe au brun en
trouve un groupement chimique de type hème,
cas de cuisson car l’atome de fer voit alors son
comprenant une molécule de porphyrine au
état d’oxydation changer (on passe d’un cation
centre de laquelle trône un atome de fer qui va
Fe2+ à Fe3+). Si l’on modifie la molécule (on
permettre à la protéine de fixer une molécule
parle souvent de ligand) associée à la protéine,
de dioxygène. Si les globines sont si appréciées
on peut également modifier sa couleur, c’est
des biochimistes, c’est que, outre leurs multiples
ainsi le cas dans les jambons traités au nitrite,
et passionnantes propriétés, elles occupent une
qui arborent une belle couleur rose parce que
place toute particulière dans l’histoire des proté-
le dioxygène lié à l’atome de fer a été remplacé
ines. Ce sont en effet deux membres éminents de
par du monoxyde d’azote (NO).
cette famille, la myoglobine et l’hémoglobine, qui sont à l’origine des toutes premières struc-
L’autre star de la famille, dont la structure a
tures de protéines obtenues par cristallographie
été déterminée en 1960, c’est l’hémoglobine.
aux rayons X (cf. le chapitre 2), et que nous
Il s’agit cette fois d’un tétramère, la protéine
allons découvrir plus en détail.
est formée de quatre sous-unités présentant chacune un repliement de type globine. L’hémo-
Première par ordre de détermination structu-
globine a pour fonction de transporter le dioxy-
rale (en 1958), la myoglobine est une protéine
gène de nos poumons vers le reste de l’orga-
monomérique (qui ne comprend qu’une seule
nisme, permettant ainsi aux cellules de respirer,
chaîne) et que l’on trouve essentiellement dans
et de ramener ensuite le dioxyde de carbone
les muscles. Sa fonction principale est de stocker
produit par cette respiration vers les poumons.
le dioxygène (pour lequel elle présente une très
Cette protéine se trouve donc essentiellement
forte affinité), qui va servir à produire l’énergie
dans le sang des vertébrés, et elle constitue la
des cellules en cas d’effort. C’est ainsi que les
plus grande part des globules rouges.
muscles des grands mammifères marins (comme la baleine) sont enrichis en myoglobine (qui y
Là encore, la couleur de la protéine dépendra
est dix fois plus concentrée que chez l’homme),
de l’état de son groupe hème. Si celui-ci porte
ce qui va leur permettre de rester longtemps en
une molécule de dioxygène, on retrouve le
apnée. C’est donc grâce à elle que la baleine
rouge vif qui égaye tant de films d’horreur. En
peut plonger jusqu’à 50 minutes, alors que le
l’absence d’oxygène, la protéine devient rouge
record humain est de l’ordre d’une dizaine de
sombre, et si l’atome de fer passe de Fe2+ à
minutes (et ce, sans même utiliser son oxygène
Fe3+, on a alors affaire à de la méthémoglo-
pour se mouvoir sous l’eau !).
bine, de couleur brun-bleutée.
45
L’histoire du mammouth laineux, de l’ornitho-
rigide, permettant de contre-balancer l’effet de
rynque et du poulet
la température (qui entraîne un ramollissement
Ou, comment l’hémoglobine s’est adaptée à la
de la protéine) et d’avoir in fine un fonctionne-
température de fonctionnement des organismes
ment similaire.
De manière générale, les protéines sont des petites choses douillettes qui détestent les variations de température. Leur fonctionnement est optimisé pour une température donnée, et en cas de mauvais réglage du thermostat, on voit vite leur activité se dégrader. Le froid va figer les mouvements internes de la molécule (comme les rouages d’une horloge qui se gripperaient), tandis qu’une chaleur excessive verra sa structure tertiaire se carapater (jusqu’à atteindre un état dénaturé). Les organismes extrémophiles (qui vivent dans des conditions de température très basse ou très élevée) réussissent à survivre car ils ont pu développer des protéines spécifiquement adaptées à leur environnement. Mais on peut également observer de subtiles différences entre des protéines appartenant à la même famille, et issues d’organismes fonctionnant à des températures pourtant proches. C’est ainsi que, dans le cas de l’hémoglobine, des chercheur·se·s ont comparé l’élasticité de la protéine chez l’homme, le poulet et l’ornithorynque. Pour mieux comprendre l’intérêt de cette équipe improbable, il faut savoir qu’il s’agit là de trois organismes endothermes (qui produisent leur chaleur corporelle via leur métabolisme). Chez l’homme le thermostat est réglé
Parler de ses recherches tout en étant pris au sérieux, c’est pas forcément toujours évident…
à 37 °C, chez le poulet on monte à 42 °C, alors que chez l’ornithorynque on descend à 34 °C (ce qui en fait une des plus basses températures
D’autres chercheur·se·s se sont amusé·e·s
corporelles observées pour un animal à sang
à reconstituer l’hémoglobine du mammouth
chaud). Les expériences et les calculs effectués
laineux (à défaut de reconstituer un mammouth
sur ces trois variétés d’hémoglobines ont alors
tout entier). L’antique pachyderme, qui vivait
montré que plus la température corporelle d’un
en Sibérie il y a quelques dizaines de milliers
organisme est élevée, plus son hémoglobine est
d’années, présente quant à lui une h émoglobine
46
dont la séquence a légèrement varié, lui
l’hémolymphe possède une autre propriété
permettant d’être plus adaptée au froid. Ces
remarquable. Lorsque celle-ci entre en contact
mutations, que l’on ne retrouve pas dans
avec des toxines d’origine bactérienne, même
l’hémoglobine des éléphants actuels, permet-
présentes en quantité infime, l’hémolymphe va
taient à la protéine de mieux fixer l’oxygène à
se gélifier, via l’action d’une série d’enzymes
basse température, facilitant ainsi la survie du
coagulantes, bloquant ainsi l’infection en
mammouth en hiver.
cours. Du fait de cette propriété, l’hémolymphe
Si Jurassic Parc n’est pas encore d’actualité,
de limule est notamment utilisée pour s’assurer
le sang des dinosaures est lui peut-être à notre
de l’absence de toutes toxines dans le milieu
portée et qui sait ce que leurs protéines nous
médical. Les limules sont ainsi pêchées sur
apprendront à ce sujet !
la côte est des États-Unis, où elles se voient prélever jusqu’à 30 % de leur hémolymphe avant d’être rejetées à la mer. Néanmoins
Les organismes qui préfèrent le bleu
cette pratique entraîne une forte mortalité (de l’ordre 20 %) chez les limules ainsi traitées, et
Si l’hémoglobine et ses cousines ont la charge
les populations ont considérablement décliné
d’assurer le transport de l’oxygène chez la
au cours des trente dernières années, mena-
totalité des vertébrés ainsi qu’un grand nombre
çant ainsi cette espèce dont des ancêtres
d’autres espèces (bactéries, champignons ou
étaient déjà présents à la Préhistoire.
plantes), néanmoins elles n’ont pas le monopole de cette fonction dans le vivant. Chez certains mollusques et arthropodes, c’est une autre protéine, l’hémocyanine, qui s’occupe d’acheminer l’oxygène jusqu’aux cellules. Tandis que l’hémoglobine reste confinée à l’intérieur des globules rouges, l’hémocyanine va flotter librement dans l’hémolymphe, le liquide circulatoire qui tient lieu de sang aux arthropodes (arachnides et crustacés). Mais la différence la plus marquante entre ces deux molécules vient des atomes métalliques qu’elles hébergent en leur sein. Alors que l’atome de fer des globines leur confère une couleur rouge-brune caractéristique, l’hémocyanine comporte quant à elle deux atomes de cuivre qui vont donner à la protéine quand elle porte une molécule de dioxygène une superbe couleur bleue. On retrouve cette belle couleur notamment chez la limule, ou crabe fer à cheval, dont
Fun fact : si le sang menstruel est bleu dans les antiques réclames pour des protections périodiques, c’est que celles-ci étaient initialement destinées à des limules.
47
! N I A G A D A ON THE RO S R E V A R T À R E VOYAG LA CELLULE Tubuline et microtubules, le réseau autoroutier
Elles ont la particularité de s’assembler pour
de la cellule
former des microtubules, c’est-à-dire de longs filaments creux et cylindriques, le plus souvent
Les tubulines appartiennent à la famille des proté-
recouverts d’une armée de protéines associées
ines du cytosquelette (avec leurs cousines l’actine
(les MAPs, dans leur acronyme en anglais) qui
et les filaments intermédiaires), qui confèrent à
vont servir à réguler l’organisation et la dyna-
la cellule sa forme et ses propriétés mécaniques.
mique de l’ensemble.
Dans cette représentation du cytoplasme par David Goodsell (doi: 10.2210/rcsb_pdb/goodsell-gallery-006), on peut observer un microtubule (le gros tube vertical bleu clair) dont l’extrémité est en cours de dépolymérisation.
48
Car loin d’être un élément statique de la cellule,
cellule. Chaque copie de chromosome va alors
le réseau de microtubules est en constante réor-
migrer vers un côté distinct de la cellule en
ganisation. À chaque instant, les microtubules
se déplaçant le long du fuseau mitotique qui
vont croître par l’une de leurs extrémités, via la
leur tient lieu de rails. Une fois l’ensemble des
polymérisation de tubulines en solution dans la
chromosomes répartis de part et d’autre de la
cellule, et décroître de l’autre côté. Cette étape
cellule, celle-ci peut alors se scinder et chacune
de dépolymérisation va quant à elle rejeter des
des deux cellules filles résultantes partira faire
tubulines dans la cellule, qui sont donc alors
sa vie de son côté.
disponibles pour aller polymériser à l’autre extrémité d’un autre microtubule, et la boucle
Prévenir la formation du fuseau mitotique dans
est bouclée !
une cellule, c’est donc entraver sa prolifération et c’est justement ce que font deux composés
Ce cycle de polymérisation/dépolymérisation,
d’origine naturelle que l’on utilise pour lutter
que l’on appelle aussi l’instabilité dynamique,
contre le cancer :
est un aspect essentiel de la fonction des micro-
• la vinblastine est une toxine produite par
tubules au sein de la cellule. Ceux-ci vont
la pervenche de Madagascar. Elle se fixe sur
notamment tenir lieu de voies de circulation,
la tubuline et empêche la polymérisation de
le long desquelles se déplacent les protéines
celle-ci pour former des microtubules ;
motrices (avec lesquelles nous ferons plus ample
• le paclitaxel quant à lui est extrait de certaines
connaissance dans les pages suivantes) char-
espèces d’if (contribuant ainsi à la forte toxicité
gées d’acheminer différents éléments à travers
de ces arbres). Contrairement à la vinblastine,
le cytoplasme. On peut donc voir l’ensemble des
le paclitaxel va se fixer sur les microtubules déjà
microtubules comme un réseau routier capable
formés et empêcher leur dépolymérisation. Or
de se réorganiser à chaque instant en créant
cette étape est indispensable pour libérer des tubu-
de nouvelles jonctions pour servir les besoins
lines dans la cellule, qui seront ensuite disponibles
de la cellule. Et si les métaphores magiques
pour s’associer et former le fuseau mitotique.
vous parlent plus, imaginez un peu le réseau mobile d’escaliers dans le château de Poudlard
Chacune à sa manière (en bloquant la polyméri-
sur lesquels galopent en permanence quelques
sation ou la dépolymérisation des microtubules),
petits sorciers en retard pour leur cours. Et ben
ces molécules jouent donc un rôle essentiel dans
les microtubules, c’est un peu ça…
les traitements des cancers par chimiothérapie, si bien qu’elles figurent toutes deux sur la liste
Si la tubuline et les microtubules intéressent
des médicaments essentiels établie par l’Orga-
tant de chercheur·se·s, et tout particulièrement
nisation mondiale de la santé.
en médecine, c’est qu’elles jouent un rôle crucial au moment de la mitose, le phénomène de division cellulaire où une cellule mère se
Lève-toi et marche ! Kinésine et dynéine, les
transforme en deux cellules filles. Lors de cet
sprinteurs cellulaires
événement, le matériel génétique de la cellule a été dupliqué et celle-ci se retrouve donc avec
Si les microtubules tiennent lieu de réseau routier
deux exemplaires de chacun de ses chromo
dans la cellule, alors la kinésine et la dynéine
somes. De leur côté, les tubulines se sont
sont ses poids lourds. Ces deux protéines
assemblées pour former le fuseau mitotique,
motrices carburent à l’ATP (une petite molécule
une structure reliant les pôles opposés de la
qui sert de source d’énergie principale à la
49
cellule) et ont pour mission de transporter des
Kinésine et dynéine se distinguent tout d’abord
gros objets (appelés aussi cargos) à travers le
par leur sens de déplacement. Les microtubules
cytoplasme. En effet, il ne faut pas oublier que
sont en effet des fibres polarisées, avec une
l’intérieur d’une cellule est blindé comme une
extrémité portant une charge positive et l’autre
rame de métro aux heures de pointe. Autant les
portant une charge négative. La kinésine va
petites molécules parviennent à s’y déplacer
migrer du pôle – vers le +, soit le plus souvent
d’un bout à l’autre sans trop de difficultés,
du centre de la cellule vers sa membrane, tandis
autant les objets plus volumineux, tels que les
que la dynéine parcourt le chemin inverse en
vésicules ou les mitochondries, auront absolu-
direction du cœur de la cellule. Une fois à
ment besoin d’aide pour s’y frayer un chemin.
destination, nos joyeux coursiers se détachent
Les protéines motrices vont donc jouer les
du microtubule qu’ils viennent de parcourir
coursiers cellulaires et trottiner joyeusement le
et nagent dans la cellule jusqu’à trouver une
long des microtubules en y traînant leur grosse
nouvelle mission de transport sur un autre micro-
cargaison. Et si celle-ci s’avère trop lourde,
tubule. Il va donc arriver que nos compères se
elles peuvent même se mettre à plusieurs pour
croisent en chemin, mais on ignore encore ce
la déplacer.
qu’ils peuvent bien se raconter…
50
De plus nos coursiers ont beau avoir des fonc-
• De son côté, la dynéine n’a pas été non plus
tions similaires dans la cellule, ils arborent
très gâtée par Mère Nature. Sous une grosse
chacun un look qui lui est propre :
tête où va se fixer la cargaison, on trouve deux
• La kinésine est constituée de deux longues
immenses guiboles avec certes au bout des
chaînes entrelacées, terminées d’un côté par
pieds de taille raisonnable, mais aussi deux
un domaine qui va se fixer à la cargaison et
énormes genoux du plus bel effet.
à l’autre bout par deux énormes pieds qui vont se déplacer le long du microtubule. Pour
Mais leur physique ingrat n’empêche pas nos
vous faire une idée plus précise de la taille des
protéines d’être des sprinteuses de premier
pieds, disons que si la kinésine était un petit
ordre. La kinésine parcourt en moyenne 1 μm
bonhomme de 1,80 m, il chausserait du 56,
(soit 10–6 m) par seconde, ce qui lui permet de
de quoi se faire appeler Bozo la protéine dans
traverser la cellule en une dizaine de secondes.
la cour de récré !
Cela peut vous sembler ridicule, mais pour
On trouve en ligne plein de belles vidéos
atteindre cette vitesse avec ses gros pieds
montrant des simulations de l’intérieur d’une
de 10 nm (soit un centième de μm) de long,
cellule. Notre préférée (et une des plus connues),
la kinésine effectue une centaine de pas à
c’est The Inner Life of the Cell (https://www.
chaque seconde. À ce rythme, un humain avec
youtube.com/ watch?v=wJyUtbn0O5Y), où
une foulée de 1 m de long pourrait courir à
vous pourrez admirer, entre autres merveilles, la
366 km/h !
balade de la kinésine le long d’un microtubule (à partir de 3 min 35 s).
La kinésine et la dynéine ne sont pas moches. C’est juste qu’elles n’ont pas un physique facile.
51
R I X I L É ’ L , E S A LA TÉLOMÉR DE JEUNESSE S E M O S O M O R H DES C À l’extrémité des chaînes d’ADN qui forment nos
la cellule, comme la séquence de fabrication
chromosomes, on trouve une région comportant
d’une protéine indispensable à son bon fonc-
une même séquence d’ADN de quelques bases
tionnement.
(TTAGGG pour les vertébrés) répétée plusieurs milliers de fois. Cette région, que l’on appelle
Mais cette érosion des extrémités division après
un télomère, ne code pas pour une protéine,
division finit néanmoins par ronger la totalité
mais elle permet de protéger le chromosome.
du télomère (au bout de 50 à 70 divisions).
En effet, lors de chaque division cellulaire, le
Lorsque celui-ci se trouve complètement rati-
nouveau brin d’ADN produit par l’ADN poly-
boisé, la cellule sait alors sa dernière heure
mérase (dont nous avons parlé au chapitre 3)
venue et entre en sénescence, ce qui sonne la
est légèrement plus court que son modèle
fin de la prolifération cellulaire. La longueur
original. La présence des télomères qui vont se
des télomères au bout de nos chromosomes
faire grignoter en bout de séquence ADN évite
décroît donc au cours du temps, et détermine-
donc la perte d’informations importantes pour
rait l’espérance de vie de nos cellules.
52
Cette fonction protectrice des télomères a été
qui propose au héros (Jules donc) de créer un
mise en évidence au début des années quatre-
clone immortel, car dopé à la télomérase, de
vingt par les chercheurs Elizabeth Blackburn
Bidule, son cochon d’Inde mourant. Mais ce que
et Jack Szostak. Quelques années plus tard,
Virginia Wilkins oublie de préciser, et qui nous
Carol Greider (qui travaillait dans l’équipe de
sera rappelé avec vigueur par un extra-terrestre
recherche d’Elizabeth Blackburn) découvrait
énervé (et manifestement biologiste) quelques
la télomérase, une enzyme dont le rôle est
pages plus loin, c’est qu’il y a une bonne raison
justement de réparer les télomères rabougris.
à ce que la télomérase joue d’ordinaire profil
Dans notre organisme, la télomérase est
bas dans nos cellules. Parce qu’une cellule avec
très active au sein des cellules qui doivent
une durée de vie illimitée, c’est également une
se diviser un grand nombre de fois : cellules
cellule qui peut se mettre à proliférer anarchi-
souches, cellules germinales (qui vont former les
quement, soit une cellule cancéreuse.
gamètes), ou encore le follicule pileux (la cavité où les poils prennent naissance). Dans les autres
On a en effet découvert que dans 80 à 90 %
cellules de base, la télomérase est absente ou
des cas, les cellules cancéreuses humaines
tourne au ralenti, et la dégradation progressive
présentent une activité anormalement haute de
des télomères les condamne ainsi à terme.
la télomérase, ce qui leur permet de se multiplier beaucoup plus que leurs voisines saines. Le
En théorie, une cellule où la télomérase est
rétrécissement des télomères lors de la division
exprimée à foison serait donc immortelle,
cellulaire serait alors un mécanisme protecteur
puisqu’elle pourrait se diviser indéfiniment sans
contre des cellules qui pourraient sinon pulluler
jamais voir les télomères de ses chromosomes
de manière incontrôlée. Plutôt que de chercher à
être complètement rongés !
stimuler la télomérase dans nos cellules saines, les recherches médicales actuelles s’orientent
Cette capacité de la télomérase à affranchir
donc vers les moyens d’inhiber son activité au
nos cellules de leur horloge biologique en fait
sein des tumeurs.
une porte vers l’immortalité qui inspire autant les chercheurs que le grand public. Ainsi, dans
Au final, l’immortalité n’est sans doute pas pour
son excellent album de bande dessinée, Une
demain, mais les travaux de Blackburn, Greider
épatante aventure de Jules, T.4 Un départ préci
et Szostak nous ont apporté des informations
pité (sorti en 2006), l’auteur Émile Bravo met en
fondamentales sur le vieillissement cellulaire, et
scène le personnage de Virginia Wilkins, géné-
cela leur a valu l’attribution du prix Nobel de
ticienne de génie et prix Nobel de médecine,
médecine en 2009 (pour de vrai celui-là).
4
DES PROTÉINES POUR NOS CINQ SENS
54
Odorat, vue, goût, toucher ou ouie, de la tête aux pieds, les protéines nous accompagnent dans la perception de notre environnement. Si beaucoup de protéines impliquées dans nos cinq sens sont des récepteurs (soit de grosses molécules insérées dans la membrane de la cellule et qui seront activées par une stimulation externe), l’évolution s’est néanmoins avérée pleine de ressources et d’inventivité pour nous permettre d’appréhender le monde qui nous entoure.
55
, N O I T C A F L O ’ L S E N I É T O R P S E D PLEIN LE NEZ La perception des odeurs fait intervenir son lot
un rôle de filtre, en transportant chaque molé-
de protéines. À l’origine du phénomène, il y a
cule odorante vers le récepteur le mieux adapté,
l’interaction entre les molécules odorantes, des
afin d’éviter une saturation des récepteurs.
composés chimiques volatils véhiculés dans l’air inhalé, et les neurones olfactifs situés au fond
Quant aux récepteurs olfactifs, cette grande
des narines (dans la partie supérieure de la
famille protéique a été découverte en 1991
cavité nasale), dans ce qu’on appelle le bulbe
par Linda Buck et Richard Axel et leur a valu
olfactif. Cette zone est recouverte d’un mucus
un prix Nobel de médecine en 2004. Chez
riche en protéines de transport des molécules
l’être humain, on dénombre près de 400 récep-
odorantes (Odorant Binding Proteins, dites
teurs olfactifs distincts. Ces protéines présentent
aussi OBP). Ancrés dans la surface de chacun
toutes une structure similaire, soit un ensemble
de ces neurones olfactifs, on va retrouver des
de sept hélices α reliées par des boucles et insé-
récepteurs, qui seront cette fois spécifiques pour
rées dans la membrane lipidique à la surface
les molécules odorantes : les récepteurs olfactifs
des neurones olfactifs. Elles vont néanmoins
(RO pour les intimes).
présenter des affinités différentes, et plus ou moins importantes, pour les diverses molécules
Les OBP permettent aux molécules odorantes
odorantes susceptibles de se fixer sur elles. Un
de parvenir jusqu’à la surface des neurones
récepteur donné peut donc interagir, mais de
et ainsi d’interagir avec un RO. Ces petites
manière plus ou moins forte, avec plusieurs
molécules sont en effet très peu solubles dans
molécules odorantes, et, inversement, une
le mucus et les OBP leur serviront donc de petit
même molécule odorante peut activer, plus ou
taxi personnel afin de les mener à bon port. Il
moins intensément, tout un panel de récepteurs
est également possible que ces protéines jouent
olfactifs distincts.
Les protéines de transport des odorants peuvent présenter des structures variées, par exemple l’OBP de porc (code pdb 1E00) à gauche, dont les feuillets en tonneau β entourent la molécule odorante (en magenta), ou encore l’OBP20 du moustique (code pdb 3V2L), à droite, qui est elle formée d’hélices α.
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Au final, quand nous percevons l’odeur d’une
La nature regorge de composés présentant
molécule, il s’agit de la combinaison unique des
des structures proches et des odeurs voisines
RO (sur les 400 que nous possédons) qui seront
(jusqu’ici tout va bien), de composés présentant
activés par ladite molécule dans le bulbe olfactif.
des structures proches et des odeurs différentes
Le nombre très élevé de combinaisons possibles
(là, ça se corse un peu), ou encore de composés
explique la très grande variété d’odeurs que
avec des structures très différentes mais des
nous sommes capables de percevoir et qui est
odeurs néanmoins proches (non mais on peut
estimée à plus de 10 000 pour un nez entraîné.
savoir ce que c’est que ce dawa !).
Néanmoins, les performances humaines resteront toujours très en deçà de celles des cham-
Un des exemples les plus frappants concerne les
pions de l’odorat que sont les rats et les chiens,
paires d’énantiomères dans le cas des molécules
que la nature a respectivement dotés de près
chirales. Ces composés sont l’image l’un de
de 900 et 1 200 récepteurs olfactifs distincts.
l’autre dans un miroir et néanmoins non superposables l’un sur l’autre, à la manière de nos mains gauche et droite (le mot chiral vient d’ailleurs du mot grec cheir pour la main). Deux énantiomères auront donc des formules chimiques rigoureusement identiques et des formes très proches. Et pourtant, il arrive fréquemment que les membres d’un couple d’énantiomères aient
Contrairement aux OBP, les récepteurs olfactifs présentent tous une structure similaire composée de sept hélices α insérées dans la membrane lipidique du neurone olfactif, et reliées entre elles par des boucles flexibles.
des odeurs très différentes, comme si nos récep-
Notre compréhension du lien entre la taille, la
l’infortunée molécule de la figure suivante, dont
forme d’une molécule odorante et les fonctions
la version droite présente une odeur fraîche
chimiques qu’elle peut porter d’une part, et
et plaisante de pamplemousse, tandis que sa
la façon dont elle va interagir avec les diffé-
version gauche est perçue comme ayant une
rents RO d’autre part, reste encore balbutiante.
odeur soufrée particulièrement nauséabonde !
teurs olfactifs étaient tapissés de petits gants gauches ou droits. C’est par exemple le cas de
Le verdict du miroir à odeur protéique est souvent impitoyable.
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, E N I S P O D O H LA R N E I R E N I É T O R UNE P X U E Y S O N R U QUE PO Bien sûr, l’odorat n’est pas le seul de nos sens
qu’un rayon lumineux transmet de l’énergie
qui s’appuie sur des protéines pour fonctionner,
au rétinal, celui-ci change de forme (on parle
nos yeux sont également une petite merveille de
d’isomérisation de l’état cis vers l’état trans).
biotechnologie riche en protéines.
Il va alors partir en vadrouille dans la cellule et déclencher toute une cascade de réactions
Au cœur des cellules rétiniennes, on trouve tout
(impliquant également des protéines), qui abou-
d’abord la rhodopsine. Ce récepteur photo
tiront à la transmission d’un signal nerveux,
sensible, c’est-à-dire qu’il va réagir à la lumière,
via le nerf optique, jusqu’au cerveau. Un fois
est en fait un complexe constitué de deux entités
sa promenade achevée, le rétinal retrouve sa
moléculaires : une matrice protéique, l’opsine,
forme cis et s’en va bien sagement regagner
et en son sein un petit ligand, le rétinal. Lors-
ses pénates au cœur de l’opsine.
Il arrive parfois que le petit cis-rétinal se perde sur le chemin du retour, causant ainsi beaucoup de souci à son opsine.
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Le rétinal est fabriqué par notre organisme à
les cônes, qui sont eux des cellules dédiées à
partir de vitamine A, une molécule elle-même
la vision de jour et en couleur. Pour ce faire
dérivée de la pro-vitamine A, aussi connue sous
ils existent en trois types, chacun d’entre eux
le nom de β-carotène, et que l’on trouve dans
contenant une variante de la rhodopsine, une
les aliments oranges tels que les abricots ou les
iodopsine, qui absorbera préférentiellement la
carottes. C’est pourquoi on dit souvent de ces
lumière pour une longueur d’onde donnée (vers
dernières qu’elles sont bonnes pour la vue (en
le bleu, le vert ou le rouge). C’est la combi-
plus de nous donner les fesses roses).
naison des signaux transmis par ces trois types de cônes qui nous permet de voir le monde en
L’opsine quant à elle appartient à la grande
technicolor.
famille des GPCR (G Protein Coupled Recep tors), un groupe de protéines membranaires
Avec nos trois iodopsines, nous sommes donc
comportant sept hélices α. Elle a donc pour
plutôt bien servi·e·s par rapport aux mammifères
cousins les récepteurs olfactifs que nous avons
non primates, qui n’ont que deux pigments,
rencontrés plus tôt. Mais alors que ceux-ci
et pas trop mal loti·e·s par rapport aux pois-
réagissent lorsqu’une molécule odorante vient
sons, reptiles et oiseaux, qui eux en possèdent
se fixer à leur surface, la rhodopsine est, elle,
quatre. Mais tout cela reste néanmoins ridicule
activée par un signal lumineux.
par rapport à l’éblouissante crevette-mantepaon, un petit (mais costaud) crustacé à la
Notre rétine humaine comprend deux grandes
robe chamarrée, qui sème la terreur au fond
catégories de cellules. Tout d’abord il y a les
des océans, et dont les yeux comprennent non
bâtonnets, où l’on trouve la rhodopsine. Ceux-ci
pas 2, 3 ou 4, mais pas moins de 12 pigments,
sont dédiés à la vision à basse luminosité et
qui leur permettent notamment de percevoir
n’apportent pas d’information concernant les
les ultraviolets !
couleurs à notre cerveau. Et puis on trouve
Si ça se trouve, 12 pigments, c’est juste le minimum syndical pour contempler une crevette-mante-paon dans sa tenue bigarrée sans avoir la rétine qui saigne.
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T E S T Û O G S E D S E N I É T O R P S E D Tout comme leurs cousins olfactifs et l’opsine de
Certaines protéines possèdent également la
nos yeux, les récepteurs gustatifs logés au sein
capacité d’activer de manière remarquablement
de nos papilles (mais également, quoiqu’en
efficace les récepteurs associés au goût sucré.
plus faible quantité, sur nos gencives, le palais,
À l’heure actuelle, cinq d’entre elles (monelline,
ou à l’intérieur de nos joues) appartiennent
thaumatine, brazzéine, pentadine et mabin-
à la grande famille des GPCR (soit les récep-
line) sont capables d’induire une sensation
teurs couplés aux protéines G, le plus grand
durable et intense de sucré, et ceci en utilisant
groupe de récepteurs membranaires rencontré
des quantités très faibles de protéines. Si l’on
chez les mammifères). C’est l’activation d’un ou
ignore encore leur fonctionnement exact au
plusieurs (car certains fonctionnent en binôme)
niveau moléculaire, les scientifiques les soup-
types de récepteurs par une petite molécule
çonnent de bloquer les récepteurs gustatifs dans
(comme un sucre) qui va entraîner la sensation
une forme active, ce qui viendrait expliquer leur
de goût perçue par notre cerveau.
action prolongée en bouche. On estime que leur
De gauche à droite : monelline, thaumatine, brazzéine et mabinline ne se ressemblent pas, mais elles apportent toutes de la joie dans nos papilles.
60
pouvoir sucrant est 100 à 2 000 fois supérieur
D’autres protéines sont également capables de
(à poids égal) à celui du sucre ordinaire, ce qui
surprendre nos papilles. La gurmarine supprime
en fait un peu la #TeamBonheur des protéines.
toute sensation de sucré pendant plusieurs heures chez les rats. Mais heureusement pour
Ces cinq protéines présentent des structures
les amateurs de bonbons, elle est sans effet sur
variées, mais elles sont toutes issues des fruits
les humain·e·s !
d’arbustes poussant en Afrique ou en Chine. Parmi elles, la pentadine et la brazzéine sont
Néoculine (ou curculine) et miraculine quant
extraites du fruit de Pentadiplandra brazzeana,
à elles possèdent l’étonnante propriété de
un arbuste grimpant d’Afrique centrale, dont
produire une forte sensation sucrée… si elles se
les baies extrêmement sucrées sont connues
trouvent en milieu acide !
et consommées de longue date par certains singes (mais pas les malheureux gorilles,
La miraculine, qui n’a pas de goût propre (alors
dont les récepteurs gustatifs présentent une
que la néoculine possède un goût sucré à la
mutation qui les empêche d’être activés par
base), est extraite d’un petit fruit, la baie miracle,
la brazzéine !) ainsi que par les populations
produite par un arbuste d’Afrique de l’Ouest.
humaines locales. Au Gabon, cette plante est
Associée à une rondelle de citron, des corni-
même nommée oubli dans la langue vernacu-
chons ou d’autres aliments acides, elle produit
laire locale, car l’enfant qui en mange le fruit
une explosion de saveurs sucrées en bouche.
en oublie de revenir au village vers sa mère. Si la sorcière d’Hansel et Gretel avait vécu dans
Les baies fraîches se détériorant rapidement,
les parages, on sait déjà comment elle aurait
plusieurs végétaux ont été génétiquement
décoré sa cabane en pain d’épice !
modifiés afin de produire cette protéine, telles que des tomates ou de la laitue. Mais cette
Ces protéines représentent des alternatives aux
laitue tagada n’est pas juste une blague de
édulcorants classiques (tels que l’aspartame ou
chercheur·se·s, ou une stratégie fourbe pour
la stévia) et ont donc suscité l’intérêt des indus-
aider les parents désespérés à faire manger
triels. Mais leur production reste encore coûteuse
des crudités à leur progéniture.
et difficile, de plus la monelline se dégrade sous l’effet de la chaleur, ce qui la rend inutilisable
La miraculine pourrait également changer la vie
dans votre thé ou café matinal. De leur côté,
des personnes atteintes de cancer et qui suivent
la brazzéine et la pentadine tiennent mieux le
une chimiothérapie. Le traitement induit en effet
choc des hautes températures, et peuvent être
un goût métallique désagréable et qui réduit forte-
produites via des organismes transgéniques
ment l’appétit des malades, alors même qu’ils ont
(la bactérie E. coli, ou des plants de pomme
besoin de reprendre des forces. L’ajout de mira-
de terre), mais les travaux sur le sujet, et les
culine à leur régime alimentaire, en masquant ce
demandes d’autorisation sur les marchés améri-
goût désagréable, leur permettrait de recouvrer
cain et européen, sont encore en cours.
l’appétit et d’améliorer leur qualité de vie !
61
U A ’ U Q S U J S E DES PROTÉIN S T G I O D S E D T BOU Nous avons déjà vu que l’odorat, la vue ou
lipidique. Cette hélice va être sensible aux défor-
le goût reposent sur le fonctionnement de proté-
mations de la membrane cellulaire (qui peuvent
ines du type récepteur membranaire. C’est égale-
par exemple être induites par des variations de
ment le cas du toucher, où les deux protéines,
la pression sanguine), ce qui va entraîner l’ou-
piezo1 et piezo2 (de la racine grecque piézein,
verture du canal et le passage d’ions calcium
qui signifie presser ou appuyer), qui vont jouer
(Ca2+) vers l’intérieur de la cellule. On va alors
un rôle clé, ont une forme tout à fait particulière.
parler de récepteurs mécanosensibles, qui
Ces deux récepteurs sont chacun constitués d’un
permettent à la cellule de percevoir les varia-
canal central, associé à une hélice formée de
tions de pression de son environnement et de
trois longues pales insérées dans la membrane
répondre à celles-ci.
Deux vues (du dessus et de côté) des récepteurs piezo1 (à gauche, pdb 6bpz) et piezo2 (à droite, pdb 6kg7), les flèches bleues indiquent le sens de passage des ions calcium qui entrent dans la cellule lorsque le récepteur est ouvert.
62
Piezo1 et piezo2 sont essentiels à de nombreuses
Au cours du
xxe siècle,
les propriétés piézoé-
fonctions physiologiques (comme la régulation
lectriques de plusieurs protéines telles que
de la tension artérielle ou la proprioception),
le collagène (de nos os), le lysozyme (que l’on
mais il existe également un mutant de piezo1
trouve dans le blanc d’œuf ou nos larmes) ou
qui entraîne une déshydratation de la cellule.
la fibroïne de soie ont également été mises
Cette mutation est particulièrement présente chez
en évidence et intéressent particulièrement
les personnes vivant dans les zones à risque de
les scientifiques. C’est ainsi qu’un groupe de
paludisme, car les cellules déshydratées ont alors
recherche australien s’est notamment penché
une résistance accrue à ce parasite.
sur les capacités de production et de stockage de l’énergie par des fibres de soie. L’objectif
D’autres récepteurs mécanosensibles existent
à terme de ces travaux est la mise en place
dans le vivant avec des formes variées, NOMPC
de matériaux biocompatibles permettant de
par exemple ressemble à un gros ressort qui
générer de l’énergie dans des dispositifs minia-
s’enfonce à l’intérieur de la cellule et va se fixer
turisés et implantables dans l’organisme. Car,
à son cytosquelette (cf. le chapitre 3) Ce sont
même si l’effet piézoélectrique observé dans
donc les déformations de celui-ci qui entraîneront
les protéines est 10 à 100 fois plus faible que
l’ouverture ou la fermeture du canal ionique.
celui obtenu dans des matériaux modernes (tels que les céramiques), il reste néanmoins suffisant
D’autres protéines sont sensibles à la pression
pour activer de petits appareils médicaux tels
via la piézoélectricité. Un matériau piézoé-
qu’un pacemaker par exemple.
lectrique possède la faculté de produire un champ électrique lorsqu’il subit une pression,
Pour en savoir plus :
et inversement, de se déformer lorsqu’on lui
• Peut-on produire de l’électricité avec nos
impose un champ électrique. Cette propriété
larmes ? Un article sur l’effet piézoélectrique dans
a été initialement mise en évidence par Pierre
le lysozyme (en anglais) : https://www.smithso-
Curie à la fin du xix siècle dans certains cristaux.
nianmag.com/innovation/your-tears-can-gene-
Elle est notamment exploitée dans le quartz de
rate-electricity-180965135/
e
nos montres, qui se met à osciller régulièrement lorsqu’on lui applique une tension électrique.
Une vue latérale du récepteur mécanosensible NOMPC de la drosophile (pdb 5vkq). Les extensions en hélice qui s’enfoncent dans la cellule vont se fixer aux microtubules. La flèche bleue indique le sens de passage des ions lorsque le récepteur est ouvert.
63
, O T S E R P E N I UNE PROTÉ ! O M I S S I T S E R P La cochlée est un petit os en forme de coquille
mouvements sont dus à l’énergie fournie par
d’escargot logé au cœur de l’oreille interne
une réaction chimique (l’hydrolyse de l’ATP), le
des mammifères. Au sein de celle-ci, on trouve
mouvement de la prestine provient de la fixation
des cellules ciliées externes, dont la fonction
d’un ion, ce qui en fait un capteur du potentiel
est d’amplifier le signal sonore entrant en se
électrique de la cellule.
déformant. Et dans ces cellules ciliées externes, on trouve la prestine, une protéine motrice
Découverte il y a une vingtaine d’années par
qui va être impliquée dans la réponse cellu-
une équipe de recherche américaine, la pres-
laire aux ondes sonores. Elle contient deux
tine doit son nom au terme musical Presto,
domaines, un canal échangeur d’ions ancré
qui permet de souligner sa rapidité d’action.
dans la membrane cellulaire, qui va permettre
Celle-ci est en effet de quelques micro-secondes
à des ions chlorures (Cl-) d’entrer dans la cellule
(soit 10–6 s), alors que ses collègues protéines
tandis que des carbonates (CO32–) vont quitter
motrices nécessitent plutôt quelques millise-
celle-ci, et un domaine cytoplasmique, où un
condes (10–3 s) pour fonctionner. L’absence de
chlorure pourra se fixer. Cette fixation du chlo-
cette protéine ou des mutations de celle-ci chez
rure entraîne une déformation de la protéine,
un individu seront associées à une perte de ses
qui à son tour va induire un changement de
capacités auditives. Les ions salicylates (qui sont
forme de la cellule ciliée. Contrairement aux
des dérivés de l’acide acétylsalicylique, soit l’as-
autres protéines motrices, comme la kiné-
pirine) sont également susceptibles de se fixer
sine ou la dynéine (cf. le chapitre 3), dont les
à la prestine, ce qui peut notamment expliquer
Une structure du transporteur d’anions Slc26a9 (PDB 6rtc), un proche cousin de la prestine. Le domaine transmembranaire est indiqué en bleu et le domaine cytoplasmique qui fixe les anions est en rouge.
64
les troubles auditifs qui ont été observés chez
cheur·se·s ont comparé la séquence de la pres-
des patients en cas d’intoxication à l’aspirine.
tine chez plus d’une cinquantaine d’espèces de
La prestine joue donc un rôle central pour
mammifères (capables ou non d’écholocation)
l’audition des mammifères, mais il semble qu’elle
et ont montré que les mutations observées entre
soit également impliquée dans les capacités
les séquences sont directement liées à la capa-
d’écholocation de certaines espèces animales.
cité de percevoir les hautes fréquences chez les espèces considérées. Qui plus est, on observe
L’écholocation, c’est cette stratégie qui consiste
des modifications identiques de la séquence
à envoyer des sons, le plus souvent des ultra-
protéique au cours de l’évolution pour les
sons avec des fréquences supérieures à 20 kHz,
chauves-souris et les baleines. On a donc un
et à analyser la façon dont ceux-ci reviennent
beau cas d’évolution convergente, où des
vers l’émetteur pour percevoir son environne-
familles animales distinctes possèdent une
ment. C’est la technique à l’origine du sonar
protéine qui a évolué de manière similaire pour
des sous-marins, et cette faculté est particulière-
exercer la même fonction (soit ici la perception
ment développée chez les chauves-souris et les
des hautes fréquences sonores qui permet
cétacés. Il y a une dizaine d’années, des cher-
l’écholocation).
Inutile de venir discuter avec mamie Prestine un jour de migraine, elle est sourde comme un pot !
5
PROTÉINE ET BIOTECHNOLOGIES : DU TUNING DANS LES ÉPROUVETTES
66
L’ingénierie protéique consiste à modifier la structure ou/et la fonction d’une protéine en modifiant sa séquence d’acides-aminés, afin par exemple d’améliorer une caractéristique précise de ladite protéine. Une des grandes difficultés de l’exercice consiste à être capable de prévoir l’impact que pourra avoir une mutation ponctuelle sur la protéine étudiée et ce domaine de recherche nécessite donc une connaissance approfondie de la relation entre la séquence, la structure et la fonction protéique.
67
L E B O N N U , P LA GF R O L O C I N H C E T EN Sa belle forme de bigoudi (les connaisseurs
En 1994, Martin Chalfie montre qu’il est
appellent ça un tonneau β) suffirait déjà pour
possible d’exprimer la GFP dans les cellules
émerveiller les biochimistes structuraux, mais si
d’autres organismes que sa méduse originelle,
les chercheurs s’intéressent à la GFP depuis
et surtout qu’elle peut être accrochée à une autre
maintenant plus de cinquante ans, ça n’est pas
protéine d’intérêt, telle une petite remorque
que pour son physique.GFP en effet, c’est le
lumineuse qui lui collerait aux basques. Un bril-
petit nom de la Green Fluorescent Protein, dite
lant avenir s’ouvre alors à notre bigoudi dans
aussi le surligneur du vivant, qui va émettre une
le domaine des biotechnologies, où la GFP va
jolie couleur verte lorsqu’elle est éclairée par de
servir de marqueur non invasif, permettant par
la lumière avec une longueur d’onde de 400 nm
exemple de suivre une mutation génétique.
(soit de la lumière violette). Cette protéine
Dans le domaine de l’imagerie, la GFP permet
produite par la méduse Aequoria victoria a été
également de suivre la mobilité des cellules ou
découverte par Osamu Shimomura au début
encore les interactions entre protéines.
des années soixante, mais il faudra près de vingt ans de recherches pour percer le secret de sa fluorescence : au centre de son bigoudi, GFP possède un chromophore, soit trois acides aminés consécutifs (Ser65, Tyr66 et Gly67) qui ont réagi ensemble et se sont recombinés pour former un nouveau groupe chimique capable d’absorber et d’émettre de la lumière dans le spectre visible, donnant ainsi à la GFP sa couleur caractéristique.
Le vert c’est bien joli, mais au bout d’un moment ça devient monotone. Heureusement pour les Deux vues de la GFP (dite aussi, le bigoudi) avec son chromophore central en magenta.
adeptes de polychromie, la longueur d’onde de la lumière émise par le chromophore est
68
Dans cette course vers le rouge, Roger Tsien va particulièrement se distinguer en mettant au point avec son équipe de recherche des variants de la GFP via des changements de la séquence originelle. Ces méthodes de mutagenèse permettent également d’améliorer la stabilité et la luminosité des protéines fluorescentes, et vont aboutir à la série des mFruits, soit un arc-en-ciel protéique dont les éléments portent les noms évocateurs de banane, orange, Tout petit déjà, le jeune Roger Tsien faisait le désespoir de ses parents, nonobstant des dons artistiques certains.
tomate, mandarine, fraise et cerise.
extrêmement sensible à son environnement
En 2008, le prix Nobel de chimie vient récom-
chimique, et il suffit de quelques mutations bien
penser les travaux de nos trois compères,
placées dans la séquence de la protéine pour
Shimomura, Chalfie et Tsien, pour la découverte
modifier sa couleur. Les années 2000 ont ainsi
et le développement de la protéine fluorescente
permis de découvrir tout un tas de cousines de la
verte. La GFP et ses variants permettent d’ob-
GFP chez d’autres organismes marins et présen-
server les processus biologiques et chimiques en
tant de la fluorescence dans le jaune, le bleu ou le
cours dans la cellule et jouent désormais un rôle
rouge. Les techniques d’imagerie cellulaires sont
central dans l’imagerie médicale, par exemple
particulièrement friandes de protéines émettant
pour suivre la croissance de tumeurs cancé-
dans le rouge, au-delà de 600 nm, car ce sont
reuses. Mais surtout, la GFP nous a permis de
les longueurs d’onde qui pénètrent le mieux les
produire d’authentiques souris vertes, donnant
tissus biologiques, permettant ainsi de suivre le
ainsi vie à nos comptines d’enfance, et ça, ça
déplacement de molécules en profondeur dans
valait bien un Nobel.
ces tissus.
Très vite, la coloration à base de protéines fluorescentes devint le dernier cri chez toutes les protéines à la mode.
69
FLUORESCENCE OU BIOLUMINESCENCE ? Comme son nom l’indique, la GFP est fluorescente, c’est-à-dire qu’elle va absorber la lumière à une longueur d’onde donnée (essentiellement vers 400 nm), et ensuite émettre de la lumière à une autre longueur d’onde (510 nm dans le cas du modèle vert le plus classique). Ce processus d’absorption/émission se fait sur des temps très courts (quelques ns), si bien que la fluorescence semble cesser dès que l’éclairage de la protéine est interrompu. Certains organismes vivants peuvent quant à eux produire des protéines bioluminescentes, telles que l’aequorine (issue elle aussi de notre méduse fétiche A. victoria), ou encore la luciférase, qui permet aux lucioles d’éclairer nos nuits d’été. Ces protéines émettent de la lumière non pas suite à l’absorption d’un rayonnement, mais dans le cadre d’une réaction chimique qu’elles vont catalyser. La luciférase par exemple catalyse la réaction d’oxydation de la luciférine, qui va donner lieu à l’émission de lumière dans la gamme jaune-vert.
ET LA PHOSPHORESCENCE ALORS ? La phosphorescence fait appel aux mêmes mécanismes d’absorption/émission que la fluorescence, mais dans ce cas le processus d’émission lumineuse s’avère être nettement plus lent (de quelques minutes à quelques heures), si bien que l’objet illuminé va pouvoir continuer à émettre de la lumière bien après l’interruption de l’éclairage.
70
LA SOIE DES AR AIGNÉES, UN TEXTILE PO UR DEMAIN ? Quand on entend le mot soie, on pense tout de
Si le monde de la recherche s’intéresse à la
suite glamour, robes de bal et cheveux qui le
soie, c’est notamment parce qu’il s’agit d’un
valent bien, mais cette fibre formée de protéines
matériau à la fois résistant et biocompatible,
possède bien d’autres vertus qui font rêver les
ce qui permet des applications biomédicales,
scientifiques !
comme l’utilisation de fils de soie pour les sutures, des pansements pouvant accélérer la
La soie la plus connue du grand public est produite
cicatrisation, ou encore des implants.
par la chenille d’un insecte, le bombyx du mûrier, lorsque celle-ci forme son cocon. Cette fibre est
Les chenilles ne sont pas les seules représentantes
essentiellement composée de deux protéines :
du monde animal capables de produire de la
• la fibroïne d’une part, qui est ainsi nommée en
soie. Cette faculté est partagée par d’autres
référence à la nature fibreuse du matériau. Cette
insectes (abeilles, guêpes ou fourmis) ainsi que
protéine comprend une succession de domaines
par les araignées. Mais là où notre bombyx
structurés en feuillets β ;
ne peut produire qu’un seul type de fil pour
• et la séricine d’autre part, qui va servir de glu
son cocon, les araignées ont elles la faculté de
et enrober la fibre. Cette protéine qui tient son
fabriquer plusieurs sortes de fils de soie, dont
nom du mot latin pour soie, sericum, est très
la finesse et la résistance varient en fonction de
riche en sérine, un acide aminé qui comporte
l’usage qui en est fait. Le fil de soie des araignées
une fonction alcool (-OH) qui va lui permettre de
peut ainsi servir à la capture et l’immobilisation
former de nombreuses liaisons hydrogène entre
des proies (via les toiles que nous connaissons
les différentes chaînes protéiques et ainsi assurer
bien), mais aussi de fil d’Ariane, qui permettra
la robustesse du matériau (notez que la sérine fut
à une araignée de retrouver son chemin si elle
ainsi nommée car, à l’origine, cet acide aminé
venait à trop s’éloigner de son abri, ou encore
était justement isolé à partir de protéines de soie).
de corde de rappel. Les araignées ont en effet la capacité de produire un fil auquel elles vont se suspendre, ce qui peut notamment leur permettre d’échapper à un prédateur lorsqu’elles se trouvent en hauteur. La soie comprend alors une autre variété de protéines, la spidroïne (de l’anglais spider), qui présente cette fois une structure en hélices α. Ce fil de rappel est à
Deux protéines présentes dans les fibres de soie : la fibroïne du bombyx (à haut) et la spidroïne des araignées (en bas)
la fois remarquablement fin (avec un diamètre de l’ordre de 5 micromètres, soit la moitié de
71
celui du fil de soie du bombyx) et l’un des maté-
implantés dans des végétaux (comme le tabac),
riaux les plus solides du monde, avec une résis-
et mêmes des chèvres transgéniques dont le
tance supérieure à celle de l’acier mais pour
lait contient les précieuses protéines de soie.
un poids six fois moindre. On comprend donc
Après purification du lait, il ne resterait donc
aisément que les groupes de recherche mili-
plus qu’à filer les protéines récupérées. Hélas,
taires se soient penchés plus particulièrement
à l’heure actuelle, les fibres ainsi produites ne
sur ce matériau, qui permettrait notamment la
sont pas à la hauteur de leur modèle naturel en
fabrication de gilets pare-balles ultralégers.
termes de finesse et de résistance.
Malheureusement, l’élevage d’araignées n’a rien
Manifestement, il faudra encore un peu patienter
de trivial. Contrairement aux paisibles chenilles
avant que les Fabuleuses aventures de l’éton
de bombyx, les araignées sont des prédateurs
nante Spiderchèvre ne sortent sur nos écrans !
et des animaux territoriaux qui ont une fâcheuse tendance à s’entre-dévorer. Il est donc impossible
Pour en savoir plus :
dans ces conditions de produire de grandes
En 2012, le Victoria & Albert Museum de
quantités de soie d’araignée et il a fallu ruser. La
Londres a exposé une cape entièrement tissée
stratégie principalement employée est le recours
en soie dorée prélevée sur plus d’un million de
aux organismes génétiquement modifiés. Les
néphiles de Madagascar (https://www.vam.
gènes responsables de la production de soie
ac.uk/articles/golden-spider-silk). Il s’agit de la
chez les araignées ayant été identifiés, il existe
plus grande pièce textile réalisée en soie d’arai-
déjà des bombyx mutants qui produisent une
gnée au monde et la réalisation de ce projet a
soie améliorée. Ces gènes ont également été
nécessité trois ans de travail.
Parce que parfois, même Hollywood n’est pas prêt pour ce qu’on trouve dans les laboratoires de recherche…
72
LES MOULES FO NT DE LA RÉSISTAN CE Si l’expression Faire la moule sur son rocher ne
c’est qu’il est composé de protéines, réparties
vous inspire que mépris pour nos amies
dans une vingtaine de variétés, et dont l’action
bivalves, sachez que leur capacité à adhérer en
concertée va permettre à la moule de vivre
toute saison à des surfaces humides, incrustées
une grande histoire d’amour avec son rocher
de sel, corrodées et gluantes relève pourtant
d’élection. En première ligne, on trouve la
de l’exploit technologique à faire baver tous
famille des Mfp (pour Mussel Foot Proteins, les
les ingénieurs, et ce, qu’ils soient mollusques
protéines du pied de la moule), dont le boulot
ou humains.
est d’adhérer à la surface cible. Pour ce faire, les tyrosines de leur séquence ont été modi-
En effet, la production d’une colle tout terrain
fiées et portent un groupe chimique, la DOPA
pourrait avoir des implications dans l’industrie
(dihydroxyphénylalanine), particulièrement
navale, pour réparer les coques des bateaux
collant. Néanmoins ce groupe est très sensible
avec un matériau résistant à l’eau de mer. Et
à l’oxygène environnant, qui peut le trans-
dans le domaine médical, un adhésif sans
former en dopaquinone nettement moins adhé-
solvant toxique servirait à fermer des plaies sans
sive. Dans le mélange protéique, on va donc
suture et à fabriquer des pansements capables
également rencontrer la Mfp-6. Son rôle est de
d’adhérer même en milieu humide.
servir de protection contre l’oxydation grâce à ses nombreuses cystéines, qui comportent des
À l’origine de cette performance adhésive, il y
groupes chimiques thiols (-SH) qui réagiront
a le byssus, plus couramment appelé barbe, un
avec l’oxygène avant les groupes dopa. Une
ensemble de filaments qui permet au coquillage
troisième catégorie de protéines (les pvfp, car
de s’accrocher à son rocher et que l’on retrouve
elles ont d’abord été identifiées dans la variété
chez plusieurs espèces de bivalves, la moule
de moules vertes Perna viridis) a pour mission
donc, mais aussi par exemple les coquilles
de nettoyer au préalable la zone où le byssus
Saint-Jacques. Ainsi en Méditerranée, le byssus
va se fixer et éloignant les molécules d’eau sur
des grandes nacres (un coquillage géant ancré
sa surface, ce qui facilitera la fixation des Mfp.
dans les fonds marins) était-il connu dès l’Antiquité sous le nom de soie marine. Et cette
Au final, l’adhésion des moules est donc le
matière brune aux reflets dorés aurait même
résultat d’un remarquable travail d’équipe et
servi à la confection de la toison d’or !
représente une performance technologique de pointe, pensez-y la prochaine fois que vous
Mais revenons à nos moules ordinaires. Si leur
dégusterez une grande marmite de celles-ci
byssus a gagné le droit de figurer dans ce livre,
avec des frites !
73
Aux Jeux Protéiques d’hiver, la Team Moules s’est encore une fois distinguée par son sens du collectif.
74
LES BIOPILES, Q UAND LES PROTÉINES SE METTENT AU TURBIN La production d’énergie propre et s’appuyant
Par exemple :
sur des ressources renouvelables est l’un des
H2 ⇒ 2H+ + 2e–
grands enjeux de notre siècle. Et là aussi, les
• à la cathode, le pôle + de la pile, a lieu une
protéines auront un rôle à jouer !
réaction de réduction, qui va consommer les électrons produits à l’anode. Comme celle-ci :
Un grand nombre de recherches autour de
O2 + 4e– ⇒ 2O2–
la production d’énergie concerne les piles à combustibles. Dans ces dispositifs, dont le prin-
Au final, le déplacement des électrons de
cipe a été découvert dans la première moitié du
l’anode vers la cathode produit le courant élec-
siècle, l’énergie chimique est convertie en
trique, et dans notre exemple, le bilan global de
xix
e
énergie électrique. En pratique, on va coupler deux réactions chimiques, une à chacune des
la réaction est le suivant : 2H2 + O2 ⇒ 2H2O
électrodes de la pile : • à l’anode, le pôle – de la pile, on réalise
La pile va donc consommer du dihydrogène et
une réaction d’oxydation, qui va produire des
du dioxygène (deux ressources renouvelables)
électrons.
et ne produire que de l’eau !
Schéma de principe d’une biopile à combustible.
75
Néanmoins, pour être efficaces, les électrodes où se produisent ces réactions nécessitent l’utilisation de catalyseurs, souvent élaborés à base de métaux précieux, comme le platine ou le manganèse. Mais ces matériaux sont rares, coûteux, et leur production est source de pollution. Certains groupes de recherche ont donc décidé de s’inspirer du vivant pour développer de nouvelles biopiles où ce sont des enzymes qui tiennent le rôle de catalyseur. Bien entendu, il convient de choisir celles-ci avec soin : • À l’anode, on a sélectionné une hydrogé nase (dont le nom vous indique qu’elle attaque
Un modèle d’hydrogénase d’A. aeolicus : la réaction de réduction du dihydrogène a lieu au cœur de la protéine, au niveau des atomes de nickel (en bleu) et de fer (en vert). Après quoi les électrons produits vont passer par les trois centres fer-soufre (en vert et jaune) pour sortir de la protéine.
justement l’hydrogène), mais pas n’importe
• À la cathode on utilise une oxydase (on vous
laquelle ! Celle-ci provient d’Aquifex aeolicus,
laisse deviner avec quelle molécule elle va
une bactérie hyperthermophile qui se déve-
réagir…) qui peut être issue de Bacillus pumilus
loppe à proximité des sources chaudes ou près
(une bactérie) ou Myrothecium verrucaria (une
des volcans marins, à des températures allant
sorte de moisissure) et qui sera également
de 85 °C à 95 °C. Par conséquent, les protéines
thermostable.
produites par cette bactérie sont particulièrement adaptées pour résister aux fortes tempéra-
La question cruciale dans ce dispositif concerne
tures. Une caractéristique qui s’avère particuliè-
la durée de vie des enzymes une fois que
rement utile au sein de la pile à combustible (où
celles-ci ont été greffées sur les électrodes. Il faut
les réactions chimiques peuvent aussi entraîner
également s’assurer de leur bonne orientation à
un échauffement du milieu).
la surface des électrodes, pour que les électrons, qui sont produits au niveau du site actif situé au cœur de la protéine, puissent rejoindre le plus vite possible l’électrode. Enfin, la fixation sur les électrodes des enzymes ne doit détériorer ni leur structure ni leur flexibilité, afin que celles-ci restent fonctionnelles au sein de la biopile. Au final, les premiers prototypes permettent de produire des petits courants (de l’ordre d’un ampère par mg d’enzyme utilisé), et une de ces biopiles a pu alimenter un petit dispositif électrique durant plusieurs heures. Bien sûr on est encore loin de pouvoir rouler avec
L’oxygénase de M. verrucaria (code pdb 2xll) : la réduction du dioxygène se produit au niveau des trois atomes de cuivre centraux (en orange).
des voitures motorisées par des biopiles, mais qui sait ? Peut-être qu’un jour, à défaut de tigre, nous mettrons des protéines dans notre moteur !
76
CRISPR-CAS9, LA BOÎTE À OUTILS DU G ÉNOME Avec son joli nom de biscotte suédoise, diffi-
Cas9 (CRISPR associated protein 9), c’est une
cile de passer à côté de cette biotechnologie
protéine (What else?). Plus précisément, c’est
qui fait la une de la science depuis maintenant
une endonucléase, une enzyme qui a la faculté
quelques années. Mais au fait, ça veut dire quoi
de découper l’ADN à un endroit bien précis
CRISPR-Cas9 ?
qui va lui être indiqué par le fragment d’ARN auquel elle est associée. À l’origine, le système
Commençons par le commencement, CRISPR
CRISPR-Cas9 était exploité dans le système
(on prononce krisper), c’est un acronyme
immunitaire des bactéries. Munie de son ARN
pour Clustered Regular Interspaced Short Palin
de type CRISPR, Cas9 part faire des confettis
dromic Repeats, soit des courtes répétitions
de l’ADN viral, et celui-ci se retrouve ventilé
palindromiques regroupées et espacées régu-
façon puzzle avant que le virus ait pu attaquer
lièrement (à vos souhaits). En gros, il s’agit de
la cellule infectée. En 2012, les chercheuses
petites séquences d’ADN lisibles dans les deux
Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier
sens (comme un palindrome) et qui sont carac-
ont compris comment hacker ce système. Pour
téristiques de l’ADN viral.
envoyer Cas9 découper l’ADN à l’endroit exact
77
que l’on souhaite dans le génome, il suffit de lui
On comprend donc aisément pourquoi la
fournir le fragment d’ARN complémentaire et
technologie s’est diffusée à la vitesse grand V
hop ! Notre binôme se met en route !
dans les laboratoires de recherche. Les applications de CRISPR-Cas9 se sont rapidement
À l’époque de cette découverte, des technolo-
multipliées (seulement cinq ans après sa publi-
gies d’édition du génome existaient déjà, qui
cation, l’article d’origine de Doudna et Char-
mettaient elles aussi en jeu d’autres variétés
pentier avait déjà été cité 2 500 fois) et, en
de nucléases. Mais CRISPR-Cas9 s’est vite
2015, CRISPR-Cas9 était nommée Avancée
avérée être nettement plus précise que ses
scientifique de l’année par le très prestigieux
concurrentes, tout en étant plus simple et moins
magazine Science. Il faut dire que cette
coûteuse à mettre en œuvre. En effet, jusque-là
année-là les chercheur·se·s avaient frappé
il fallait produire une protéine spécifique pour
fort en termes d’application, avec trois articles
chacune des séquences d’ADN que l’on souhai-
simultanés (publiés dans Science justement)
tait découper. Un processus qui pouvait prendre
montrant comment CRISPR-Cas9 pouvait être
plusieurs mois et coûter quelques dizaines de
utilisée pour soigner des souris atteintes de
milliers d’euros. Désormais, il suffit de changer
myopathie de Duchenne. Dans cette maladie, le
le brin d’ARN associé à Cas9 pour la repro-
gène codant pour la dystrophine (une protéine
grammer vers une nouvelle cible, ce qui peut se
essentielle pour la contraction musculaire) est
faire en quelques semaines et pour des sommes
endommagé, ce qui entraîne un affaiblissement
dix fois inférieures. Finalement CRISPR-Cas9 est
musculaire éventuellement fatal aux malades.
aux autres technologies d’édition du génome ce
CRISPR-Cas9 a donc été programmée pour
que l’imprimerie à caractères mobiles fut en son
retirer le fragment endommagé du gène du
temps aux matrices de bois à usage unique…
brin d’ADN. Ce traitement a alors permis de
78
restaurer la fabrication de la dystrophine par
découper sa séquence cible, et elle seule, ou si
une fraction des cellules musculaires chez les
l’enzyme est également susceptible d’attaquer
souris traitées, ce qui a abouti à une améliora-
l’ADN à d’autres emplacements (comportant
tion visible de leur état. Enfin, épilogue de cette
des séquences proches de celles de la cible
success story foudroyante, en octobre 2020,
d’origine), ce qui pourrait avoir des consé-
soit moins de dix ans après la publication de
quences imprévisibles (et potentiellement désa-
leur article fondateur, le prix Nobel de chimie
gréables) pour les organismes traités.
était décerné à Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, pour le développement d’une
Mais comme dit le sage, Un grand pouvoir
méthode d’édition du génome.
implique de grandes responsabilités. En l’occurrence, parce qu’elle ouvre la porte à de
Cette technologie ouvre donc des perspectives
possibles modifications du génome humain,
inédites en termes de thérapie génique dans
CRISPR-Cas9 apporte avec elle son lot de
le cadre de la lutte contre les maladies asso-
questions éthiques sur lesquelles il faudra bien
ciées à un gène particulier. Néanmoins, on ne
entendu se pencher avant une éventuelle géné-
sait pas encore si Cas9 se contente toujours de
ralisation de son utilisation.
6
DU CÔTÉ OBSCUR DES PROTÉINES
80
On l’a vu, les protéines sont les garantes de notre bonne santé. Mais il peut aussi arriver qu’elles nous cherchent des noises. Soit parce qu’elles sont exploitées par des organismes étrangers tels que virus et bactéries lorsqu’ils nous attaquent, soit lorsqu’un défaut de fabrication, de structure ou de fonctionnement va les faire se retourner contre l’organisme même qui les a produites.
81
E R A R U C U D , LES TOXINES T N E M M O C , X AU BOTO ? T N A V I V E L R DOMPTE Les toxines sont des poisons biologiques qui
dans la membrane de la cellule (que l’on appelle
permettent aux organismes qui les produisent
un récepteur nicotinique, car c’est également sur
de survivre à des situations environnementales
cette protéine que la nicotine va se fixer), ce
difficiles où ils représentent un avantage. Les
qui va induire une paralysie des muscles. Après
toxines végétales (par exemple, la nicotine)
avoir été testé sur l’homme en 1932, il a été
fonctionnent souvent comme une protection
utilisé dès les années quarante comme relaxant
contre certains prédateurs. Chez les animaux,
musculaire pour faciliter la chirurgie.
les toxines ont un potentiel de défense similaire
• La toxine botulique (botox pour le marketing)
et sont également utilisées pour capturer les
produite par une bactérie (Clostridium botu
proies. Il se trouve que de nombreuses toxines
linum) est quant à elle une grosse protéine qui
sont soit des protéines, soit des molécules qui
comprend plus d’un millier d’acides aminés.
vont interagir avec des protéines, et certaines
Elle aussi provoque la paralysie des muscles
d’entre elles sont actuellement exploitées dans
et est utilisée en injection locale pour relâcher
un cadre médical.
certains muscles du visage et faire ainsi disparaître des rides.
Mais comment passer d’un poison à un médi-
• Un autre bel exemple est la conotoxine,
cament ? On reprendra la fameuse citation de
un petit peptide extrait du cône (un escargot
Paracelse (Philippus Theophrastus Aureolus
marin capable de paralyser ses proies grâce
Bombast von Hohenheim) : La dose fait le
à son venin). Celle-ci bloque un canal ionique
poison ou, dans sa version plus complète,
(soit une grosse protéine dont la fonction est
Toutes choses sont du poison et rien n’est sans
de contrôler le passage d’ions à travers la
poison. Seule la dose détermine qu’une chose
membrane cellulaire) jouant un rôle dans la
n’est pas un poison. On peut tout de même
transmission des signaux nerveux, notamment
noter que, nos connaissances ayant évolué
sur des neurones impliqués dans des voies de la
siècle, ce concept est maintenant
douleur. Ce peptide a donné un médicament, le
débattu… Néanmoins, de nombreuses molé-
ziconotide, qui a des propriétés analgésiques.
cules, issues d’organismes variés, ont été testées
Enfin, un dernier exemple est un peptide que
dans un contexte pharmacologique et certaines
l’on retrouve dans le venin du monstre de Gila
le sont toujours :
(un gros lézard venimeux d’Amérique du Nord),
• Le curare, qui est extrait de certaines lianes
Exendin-4. Ce peptide a, grâce à sa similitude
d’Amazonie, et est utilisé pour la chasse, est une
avec le glucagon, un effet sur la glycémie et est
molécule qui va se fixer à une protéine insérée
ainsi utilisé dans le cadre du diabète de type 2.
depuis le
e
xvi
82
Mais qui protège les empoisonneurs de leurs
Les dendrobates ne sont pas pour autant
propres poisons ?
condamnées à une vie de solitude, empoisonnant leurs congénères qui auraient le malheur
Les dendrobates, ces petites grenouilles aux
de les approcher de trop près. Elles sont en effet
couleurs vives que l’on peut rencontrer en
immunisées contre leur propre poison, et ce,
Amérique du Sud sécrètent sur leur peau
par la grâce d’une toute petite mutation de rien
plusieurs molécules empoisonnées. Parmi elles,
du tout dans leur version personnelle des récep-
la batrachotoxine va se fixer à des récep-
teurs canaux. Le remplacement d’une aspara-
teurs canaux des cellules nerveuses et muscu-
gine par une thréonine suffit pour empêcher la
laires, bloquant ainsi leur fonctionnement, ce
toxine de se fixer sur sa protéine cible et évite
qui entraîne à terme la paralysie et la mort.
ainsi aux grenouilles de s’auto-empoisonner.
83
, E D Ï O L Y M A N L’AGRÉGATIO E S S E N I É T O R P QUAND LES D A E D G N I K L A LA JOUENT W On l’a vu au tout début de cet ouvrage
changer de structure pour rejoindre les agrégats
(chapitre 3), la grande majorité des protéines
en cours de formation. C’est ainsi que même la
possède une structure bien déterminée (par
sympathique myoglobine de nos muscles peut
sa séquence en acides aminés) et nécessaire
changer de camp et rejoindre la team β si l’on
à leur bon fonctionnement au sein de notre
perturbe un peu son environnement naturel.
organisme. Mais certaines protéines présentent également un côté obscur, à savoir qu’elles
La protéine prion a été identifiée en 1982 par
peuvent adopter une autre conformation que
Stanley Prusiner, qui cherchait alors à isoler l’agent
leur structure native, et qui sera cette fois asso-
infectieux à l’origine de la maladie de Creutzfeld-
ciée à une pathologie grave.
Jacob chez l’homme (et de l’encéphalopathie bovine spongiforme, la maladie de la vache folle).
La plus tristement célèbre de ces protéines à
Elle doit son nom à la contraction du terme Protei
double personnalité est le prion. Dans sa forme
naceous Infectious Particle (particule infectieuse
native, le prion est une petite protéine inoffen-
protéique), qui résume sa caractéristique princi-
sive, exprimée dans le système nerveux, et qui
pale. Alors que les chercheur·se·s de l’époque s’at-
se replie en trois hélices α. Mais il peut égale-
tendaient à trouver un virus, une bactérie ou un
ment adopter une structure alternative, compor-
parasite derrière ces maladies, c’était en fait une
tant cette fois des feuillets β, et les protéines ainsi
petite protéine de rien du tout qui tirait les ficelles
repliées vont alors s’agréger en plaques ou en
grâce à son changement conformationnel !
longues fibres, dites amyloïdes, qui vont s’avérer toxiques pour la cellule. Ces agrégats sont d’au-
Cette découverte a initialement rencontré pas mal
tant plus dangereux qu’ils sont remarquablement
de scepticisme dans la communauté scientifique,
stables. Ils résistent aux hautes températures, aux
avant de valoir à son auteur un prix Nobel de
protéases (les protéines en charge de dégrader
médecine en 1997. Près de 40 ans plus tard, on
les molécules indésirables dans la cellule) et
a réussi à identifier plusieurs dizaines d’autres
ne sont même pas reconnus par notre système
protéines susceptibles de s’agréger en fibres
immunitaire (puisqu’ils sont formés de proté-
amyloïdes, et qui sont à l’origine de diverses
ines exprimées par notre organisme et non de
pathologies neurodégénératives, telles que la
corps étrangers). Les fibres sont particulièrement
maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.
robustes, et leur résistance est comparable à
Néanmoins, on comprend encore mal les facteurs
celle de l’acier ou des fils de soie. Pire encore, les
qui vont amener une protéine à passer du côté
structures amyloïdes sont contagieuses, et telle
obscur et initier la formation des fibres amyloïdes.
une armée de zombies en marche, elles peuvent
Et aujourd’hui, la recherche bat toujours son plein
se propager à d’autres protéines qui étaient au
pour trouver des remèdes à ce qui s’avère être un
départ correctement repliées et vont à leur tour
des grands enjeux médicaux du xxie siècle.
84
Plusieurs générations de petites protéines ont été terrorisées par les épouvantables fibres amyloïdes.
85
E R T N O C / N O POIS À E S R U O C A L POISON, E U Q I É T O R P T N L’ARMEME Nous avons vu précédemment que la nature
et plusieurs espèces de serpents sont également
est richement dotée en termes de poisons natu-
immunisées contre leurs propres morsures.
rels, et parallèlement à l’apparition de ces toxines, un certain nombre d’espèces animales
Mais cette immunité contre les venins peut
ont évolué pour résister à celles-ci. Ce phéno-
également apparaître chez d’autres espèces,
mène est observé chez les espèces venimeuses
qui seront souvent des prédateurs ou des proies
elles-mêmes, dont les protéines récepteurs, qui
potentielles de l’espèce venimeuse. L’intérêt
sont ciblées par le venin, ont été légèrement
des proies à développer cette immunité est
modifiées afin qu’un animal ne s’auto-empoi-
assez évident, puisqu’elle leur permet d’amé-
sonne pas (ça peut arriver à tout le monde de
liorer leurs chances de survie face au préda-
se mordre la langue par erreur, mais si vous
teur, et c’est ainsi que certains petits rongeurs
êtes un cobra c’est un peu plus gênant). C’est
d’Amérique du Nord sont immunisés contre les
notamment le cas chez les dendrobates, ces
morsures de serpents.
petites grenouilles toxiques d’Amérique du Sud,
Moralité : si Scar avait fait alliance avec des ratels dans Le Roi Lion, il serait encore sur le trône à l’heure qu’il est (ou alors les ratels auraient pris le pouvoir…)
86
Inversement, on peut voir des prédateurs déve-
Une autre stratégie rencontrée dans le monde
lopper une immunité contre le poison de leurs
animal pour résister aux empoisonnements
proies. Cette stratégie de niche assure au préda-
consiste à développer des molécules qui vont
teur des ressources qu’il n’aura pas à partager
neutraliser les toxines présentes dans le venin.
avec d’autres espèces de son écosystème qui
C’est ainsi que l’opossum de Virginie parvient
auraient un régime alimentaire proche du sien.
à résister à la morsure de certains serpents.
Un cas assez impressionnant est celui du ratel,
Récemment, des équipes de recherche améri-
dit aussi zorille du Cap, ou blaireau à miel (en
caines ont réussi à isoler un petit peptide dérivé
anglais, honey badger), que l’on peut également
des protéines produites par ce marsupial, et ont
qualifier de mammifère le plus teigneux que la
montré que ce composé était lui aussi capable
création ait jamais connu. Ce mustélidé que l’on
de mettre KO les toxines issues de plusieurs
peut rencontrer en Afrique subsaharienne, en
venins différents. Ces recherches ouvrent donc
Inde et dans la péninsule arabique, est en effet
de nouvelles perspectives pour la conception
réputé pour être particulièrement agressif. Il n’hé-
d’un anti-venin générique contre les morsures
sitera pas à attaquer des prédateurs plus gros
de serpents, qui concernent chaque année
que lui, tels que des lions ou des hyènes, pour
plusieurs milliers de personnes sur le seul terri-
défendre ses propres proies. Si bien qu’il y a
toire américain.
quelques années, cette petite boule de haine pure est passée à la postérité via une vidéo Youtube
Dans un cas comme dans l’autre, l’apparition
virale (www.youtube.com/4r7wHMg5Yjg)
d’une résistance au venin est un bel exemple de
montrant l’animal attaquant tout ce qui bouge,
co-évolution entre deux espèces, et surtout au
qui a popularisé l’expression Honey Badger
sein du couple de protéines de ces deux espèces
don’t care, que l’on pourrait traduire librement
qui vont interagir. À savoir que l’évolution d’une
par Le ratel s’en bat les steaks.
des protéines est susceptible d’induire à terme l’évolution de l’autre. Chez le ratel, les récep-
Mais si les ratels passionnent les biochimistes,
teurs ont évolué pour ne plus êtres sensibles
c’est surtout du fait de leur immunité au venin
aux toxines produites par les proies dont il se
des serpents et des scorpions, qui repré-
régale. Mais il n’est pas impossible qu’un jour
sentent près du quart de leur alimentation. Les
un serpent se mette à produire une toxine effi-
recherches scientifiques ont montré que, comme
cace sur le ratel, ce qui lui évitera de se faire
pour les dendrobates, cette immunité résulte de
dévorer… jusqu’à ce qu’un ratel produise à son
petites mutations dans le récepteur nicotinique
tour un récepteur mutant et insensible à cette
de l’acétylcholine, la protéine sur laquelle se
nouvelle toxine…
fixent d’ordinaire les toxines présentes dans les venins. On retrouve également les mêmes muta-
Entre proies et prédateurs, c’est donc bien à
tions chez le récepteur du cochon domestique,
une véritable course à l’armement protéique
ce qui représente un exemple amusant d’évolu-
que l’on assiste, mais, évolution oblige, on
tion convergente chez deux espèces éloignées.
avance à un train de sénateur !
87
S I M R E P , E N I LA RIC E N U R U O P R E DE TU PROTÉINE Le ricin (Ricinus communis) est un arbrisseau
Le ricin produit également une protéine, la
originaire d’Afrique tropicale, mais qui est
ricine, qui s’avère être un poison extrêmement
désormais cultivé tout autour du monde comme
violent. La ricine est une lectine, c’est-à-dire
plante ornementale. L’huile qui est extraite par
une protéine capable de se fixer à des sucres,
pression de ses graines a été utilisée dès l’An-
composée de deux domaines, la chaîne A et
tiquité comme combustible dans les lampes et
la chaîne B, qui sont reliées entre elles par un
pour la fabrication des savons. Mais il s’agit
pont disulfure. Sa toxicité provient de l’action
surtout d’un purgatif violent, qui a traumatisé
concertée des deux entités, une stratégie que
des générations d’enfants, auxquels une cuillère
l’on retrouve chez plusieurs toxines, comme
(ou plus) d’huile de ricin était administrée en
celles produites par le choléra. La chaîne B va se
guise de punition. De nos jours, cette huile reste
lier aux sucres présents sur la membrane cellu-
produite pour de nombreux usages industriels,
laire et permettre à la protéine de rentrer dans
comme la préparation de lubrifiants, de pein-
la cellule. Une fois arrivée dans le cytoplasme,
tures ou de produits cosmétiques, mais il n’est
le pont disulfure se rompt, libérant alors la
plus question de l’avaler, ouf !
chaîne A, qui va elle attaquer les ribosomes
88
(cf. le chapitre 3). Ce domaine catalyse en
enduit de ricine, causant sa mort par empoi-
effet la rupture d’une liaison chimique qui va
sonnement trois jours plus tard… De nos jours,
entraîner la perte d’une adénine, ce qui suffit
la ricine reste une arme potentielle pour les
à mettre hors service la molécule de ribosome
attaques terroristes, du fait de sa toxicité et
touchée. Une seule chaîne A de ricine peut
de sa facilité de production à partir du ricin.
ainsi inactiver 1 500 ribosomes par minute,
Des lettres empoisonnées à la ricine ont ainsi
entraînant alors la mort de la cellule, qui est
été envoyées au maire de New York, Michael
désormais incapable de produire de nouvelles
Bloomberg, et au président Obama en 2013.
molécules. D’autres plantes, comme l’orge, produisent également des protéines similaires
Cette protéine a également fait parler d’elle sur
à la chaîne A, mais celles-ci étant dépourvues
le petit écran, puisqu’elle joue un rôle important
du domaine leur permettant de pénétrer dans la
dans la série Breaking Bad, où Walter White, le
cellule, elles sont dénuées de toxicité.
personnage principal, va la produire et l’utiliser pour éliminer certains de ses adversaires. Déci-
Fort heureusement pour les chenapans d’antan,
dément, la ricine est un peu le super méchant
une huile de ricin correctement chauffée (lors
des protéines !
de l’extraction) et purifiée ne contient plus de ricine. Celle-ci est particulièrement toxique par
Mais une histoire de super méchant ne saurait
inhalation, injection, un peu moins par inges-
être complète sans rédemption finale, et notre
tion, où elle sera en partie détruite par les
protéine ne fait pas exception à la règle.
enzymes digestives. Les premiers symptômes
Aujourd’hui les chercheur·se·s se penchent
apparaissent quelques heures après l’expo-
sur des usages thérapeutiques potentiels de
sition et aboutissent au décès de la personne
notre tueuse de choc. Une possibilité serait de
empoisonnée en trois à cinq jours.
greffer sa chaîne A sur un anticorps capable de cibler spécifiquement les cellules cancé-
Ce poison est particulièrement connu pour
reuses, en fabriquant ainsi une immunotoxine,
avoir été utilisé en 1978 par les services secrets
ce qui pourrait servir à attaquer des tumeurs de
bulgares (aidés du KGB) pour l’assassinat de
manière ciblée. L’autre option serait d’exploiter
l’écrivain et dissident politique Georgi Markov.
les chaînes B pour faire pénétrer des substances
Alors que celui-ci s’était installé à Londres, un
actives dans la cellule. Quoi qu’il en soit, seul
agent bulgare se servit d’un parapluie trafiqué
l’avenir nous dira si la ricine va réussir à se
pour lui injecter dans le mollet un petit projectile
refaire une réputation…
89
U D I S É R L U E S UN T E E U Q N A M S VOU É M R O F É D T S E TOUT paires de base. Sauf que le génome humain
Nous sommes tous des mutants !
contient lui-même environ 3 milliards de paires Des changements peuvent se produire régu-
de base, ce qui nous fait donc près d’une
lièrement dans la séquence des protéines
chance sur trois qu’une erreur se soit glissée
fabriquées par notre organisme, et ce, pour
dans le code génétique d’une cellule lors de sa
diverses raisons :
division. Et des cellules, notre corps en contient
• Lors d’une erreur de réplication de l’ADN au
un sacré paquet, autour de cent mille milliards
moment de la multiplication cellulaire (c’est-à-
(1014), donc au final ça nous fait une grosse
dire que votre corps s’est gouré en recopiant
quantité d’erreurs en circulation.
son mode d’emploi). Les cellules étant dotées
• Lors d’une erreur de traduction, cette fois c’est
d’un système de contrôle qualité (relecture et
la machinerie en charge de fabriquer des proté-
réparation des erreurs repérées le cas échéant)
ines à partir du code génétique qui a égaré ses
remarquablement performant, de telles modi-
lunettes. Là encore, il existe un contrôle qualité
fications du code génétique sont très rares,
au taquet, mais des erreurs peuvent malgré tout
de l’ordre d’une pour 10 milliards (10 ) de
persister en cours de processus.
10
Lors de la session annuelle de recrutement des X-Men, il y avait toujours beaucoup d’appelés mais peu d’élus…
90
• Et puis parfois notre organisme fait parfai-
Coon, ou encore des hommes bleus dans le
tement son boulot, mais c’est l’exposition de
Kentucky, car porteurs d’une forme défectueuse
notre précieux patrimoine génétique à des
d’hémoglobine (la méthémoglobine vue dans
radiations ou des produits chimiques muta-
le chapitre 3 sur les globines) qui transporte
gènes qui vient mettre le bazar dans ses nucléo-
moins bien l’oxygène et donne à leur peau une
tides et par conséquent dans la séquence des
coloration azur du plus bel effet.
protéines fabriquées à partir de celui-ci. C’est également à des protéines mutées que l’on Donc au final, nous sommes tous porteurs de
doit l’hypertrichose des oreilles (dite aussi pour
protéines mutées, mais dans l’immense majo-
quoi grand-papy avait les oreilles poilues mais
rité des cas, ces mutations n’ont absolument
pas sa fille ?), ou encore le terrible syndrome des
aucun impact sur la structure et la fonction de
cheveux incoiffables qui a dû faire le désespoir
nos protéines, qui vont poursuivre leur activité
de quelques parents (notons que dans ce cas
comme si de rien n’était.
particulier, la triade de protéines responsables a récemment été identifiée par une équipe de
Parfois les mutations ponctuelles dans le code
recherche allemande).
génétique peuvent avoir des conséquences insolites. C’est ainsi qu’on peut rencontrer
Bref, il ne suffit hélas pas d’être un mutant pour
des chats polydactyles (dotés de doigts surnu-
qu’une glorieuse carrière de super-héros s’ouvre
méraires), notamment dans la race Maine
à vous !
91
Malheureusement, il existe aussi des mutations
hydrophobe), nos molécules vont alors avoir
qui seront à l’origine de graves dysfonction-
tendance à s’agréger et à former les globules
nements protéiques, et donc de pathologies.
en faucille caractéristiques de la maladie.
C’est par exemple le cas de la drépanocytose, dite aussi anémie à cellules falciformes. Cette
Suivant l’adage comme quoi à quelque chose
maladie héréditaire est caractérisée par une
malheur est bon, on a néanmoins remarqué que
forme altérée de l’hémoglobine β (cf. toujours
cette mutation de l’hémoglobine était sur-repré-
le chapitre 3 sur les globines), appelée HbS, qui
sentée dans les populations exposées au palu-
va entraîner une déformation (en faucille donc)
disme. La drépanocytose procure en effet une
des globules rouges. Ceux-ci s’en trouvent fragi-
résistance au paludisme à ses porteurs. La
lisés, ce qui peut alors entraîner (entre autres
présence d’HbS induit l’expression d’une autre
joyeusetés) de l’anémie chez les malades.
protéine, l’hème oxygénase-1, qui va jouer
Pourtant, à l’origine de ces problèmes, il y a
un rôle protecteur contre la maladie transmise
une toute petite mutation de rien du tout, le
par le parasite Plasmodium.
remplacement dans la séquence protéique du glutamate numéro 6 par une valine !
Notons que dans certains cas, les mutations aléatoires peuvent également être bénéfiques pour
En apparence, la protéine native et son mutant
l’organisme qui les porte, car elles aboutissent à
ont donc quasiment la même structure. Mais
une amélioration de la fonction protéique. C’est
voilà, ce petit glutamate 6 est placé à la
ce qui motive certains chercheur·se·s, qui vont
surface de la protéine, et ce résidu chargé
alors faire de l’ingénierie protéique, c’est-à-dire
(et donc polaire et hydrophile) contribue à la
générer des mutants expressément conçus pour
solubilité de l’hémoglobine dans l’eau. Lors-
présenter des propriétés particulières.
qu’il est remplacé par une valine (apolaire et
Le jeu des deux erreurs : une différence s’est glissée sur la chaîne β (en magenta) du tétramère d’hémoglobine humaine de droite, porteur de la mutation Glu6Val. Sauras-tu la retrouver gentil lecteur ?
92
CONCLUSION
Et après ? Il se passe quoi ?
un univers où la structure était reine. Après avoir longtemps échappé à l’observation des
Si l’origine des protéines remonte à la nuit des
expérimentateurs, cette matière noire du monde
temps, notre compréhension de ces merveil-
protéique s’avère être d’une richesse insoup-
leuses nanomachines reste balbutiante. Le mot
çonnée en termes de fonctions cellulaires. Elle
protéine lui-même n’a pas encore deux siècles,
vient illustrer à l’échelle moléculaire l’étonnante
les premières structures obtenues par cristal-
plasticité du vivant, via ces protéines polymor-
lographie viennent tout juste de fêter leurs
phes, capables de se transformer et de changer
soixante ans, et il nous reste encore énormé-
de partenaire au fil du temps et des besoins de
ment à découvrir en ce qui concerne leur fonc-
la cellule.
tionnement. Un autre aspect encore mal connu des protéines concerne leurs interactions, que ce soit entre elles ou avec d’autres molécules biologiques (comme les acides nucléiques ou la membrane lipidique). Loin d’être des cavaliers solitaires, les protéines sont des objets éminemment sociables, qui agissent le plus souvent dans le cadre d’assemblages que l’on appelle des complexes protéiques. Ces complexes sont des systèmes dynamiques (comme on a pu le voir pour les microtubules au chapitre 3) et leur évolution au cours du temps dans le milieu cellulaire reste encore très difficile à comprendre. L’étude systématique des interactions entre protéines permet d’établir des cartes d’interactome, mais il nous manque encore beaucoup d’informations pour Au tout début de cet ouvrage, nous avons très
comprendre le fonctionnement exact de ces
brièvement évoqué les IDP, ces protéines qui
interactions. Que ce soit dans le temps (les
sont toutes ou en partie désordonnées. Elles
interactions entre plusieurs protéines sont-elles
représentent à l’heure actuelle un continent
simultanées ou successives ?) ou dans l’espace
encore largement inexploré (car inaccessible
(certains complexes ne se forment que dans un
par les méthodes structurales ordinaires) par
environnement cellulaire spécifique), l’interac-
les biochimistes. Initialement, ces protéines
tome d’un organisme vivant demeure toujours
étaient vues comme une erreur de casting dans
très mystérieux.
93
Image Hauser et al., doi:10.1371/journal.pone.0002292
Bref, les protéines et leur formidable inventivité n’ont pas fini de nous surprendre et de nous inspirer !
La navigation dans l’interactome d’un organisme reste encore un périple compliqué et incertain !
94
GLOSSAIRE Ce terme caractérise l’absence de vivant (du grec bios). Il peut par exemple qualifier un milieu dépourvu d’organismes vivants, ou encore un processus ne faisant intervenir aucun être vivant.
• Abiotique
aminé Un acide aminé est une molécule comprenant une fonction acide carboxylique (un groupe CO2H), et une fonction amine (un groupe NH2). Il existe plusieurs centaines d’acides aminés mais seule une vingtaine servent à fabriquer des protéines.
• Acide
L’acide désoxyribonucléique (ADN) et l’acide ribonucléique (ARN) appartiennent tous deux à la famille des acides nucléiques. L’ADN reste confiné dans le noyau cellulaire et sa fonction principale est de stocker l’information génétique. L’ARN quant à lui peut jouer plusieurs rôles. Il sert notamment de messager entre le noyau, où il copie l’information génétique de l’ADN, et le ribosome qui va fabriquer les protéines à partir de cette information.
• ADN/ARN
En biochimie, l’affinité va décrire la force d’une interaction non covalente entre deux macromolécules biologiques (protéine ou acide nucléique), ou entre une macromolécule biologique et une molécule plus petite (le ligand) qui va se fixer sur un site à sa surface ou au sein d’une cavité interne.
• Affinité
L’allostérie caractérise le comportement d’une protéine quand la fixation d’une molécule en un point de celle-ci modifie la façon dont une seconde molécule pourra se fixer sur un autre site distant de la même protéine. Ce phénomène est souvent associé à des changements conformationnels de la protéine induits ou stabilisés par la fixation de la première molécule.
• Allostérie
Se dit d’un composé chimique qui possède à la fois des fragments polaires et non polaires. En conséquence, ces composés ont tendance à se placer à l’interface entre les molécules hydrophiles et hydrophobes.
• Amphipathique/Amphiphile
Un antigène est une macromolécule (le plus souvent une protéine, mais pas toujours) qui va générer chez un organisme une réponse de son système immunitaire, comme la production de protéines anticorps. Ces anticorps vont alors reconnaître les antigènes et se lier à eux, ce qui permettra de les neutraliser.
• Antigène/Anticorps
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L’adénosine tri-phosphate (ATP) est une petite molécule rencontrée chez tous les êtres vivants et qui sert de réserve d’énergie (permettant ainsi des réactions chimiques dans l’organisme). Lors de la libération d’énergie, l’ATP va libérer un groupement phosphate (H3PO4) et ainsi former de l’ADP (adénosine di-phosphate). Les cellules vont ensuite régénérer l’ATP en utilisant l’énergie fournie par notre alimentation ou la photosynthèse.
• ATP/ADP
ionique Les canaux ioniques sont des protéines insérées dans la membrane cellulaire, et qui, en alternant entre des formes ouverte ou fermée (dites aussi active ou inactive), vont pouvoir contrôler le passage d’ions à travers celle-ci.
• Canal
C’est une substance qui va augmenter la vitesse (cinétique) d’une réaction chimique, mais n’apparaît pas dans le bilan global de la réaction (car elle est consommée puis régénérée) et ne nécessite d’être utilisée qu’en très petites quantités. Suivant cette définition, la température n’est pas un catalyseur (même si elle impacte effectivement la vitesse des réactions chimiques).
• Catalyseur
latérale Dans un polymère, la chaîne latérale correspond au groupement chimique qui dépasse du squelette répété. Dans le cas des protéines, ce fragment est lié au carbone α du squelette et caractérise chacun des 20 acides aminés.
• Chaîne
Un composé chimique est dit chiral s’il n’est pas superposable à son image dans un miroir (tout comme la main). On appelle alors énantiomères la paire formée par le composé en question et le composé image dans un miroir.
• Chiralité
Les chloroplastes sont des organites spécifiques des cellules végétales et où se déroule la photosynthèse.
• Chloroplaste
En biologie, la coévolution décrit les transformations qui se produisent au cours de l’évolution entre deux espèces (ou plus) à la suite de leurs influences réciproques. Cette définition peut également s’appliquer à deux protéines qui interagissent ensemble, les transformations de l’une induisant des transformations dans l’autre.
• Coévolution
Petite molécule (non protéique) qui est liée à une protéine et est indispensable à l’activité biologique de cette dernière.
• Cofacteur
Le cytoplasme désigne le contenu d’une cellule vivante, à l’exception du noyau s’il s’agit d’une cellule eucaryote.
• Cytoplasme
L’électronégativité d’un élément est une grandeur qui caractérise sa capacité à attirer les électrons lors de la formation d’une liaison chimique avec un autre élément.
• Électronégativité
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Une enzyme est une protéine dotée de propriétés catalytiques. Elle va rendre possible ou accélérer fortement la vitesse d’une réaction chimique. Le terme enzyme (qui vient du grec zyme, levain) a été introduit en 1878.
• Enzyme
natif/Structure native L’état natif d’une protéine caractérise sa forme fonctionnelle, qui peut être repliée (dans la plupart des cas), mais parfois aussi désordonnée.
• État
Les eucaryotes sont l’ensemble des organismes caractérisés par la présence d’un noyau dans leurs cellules (les animaux et les plantes font partie de ce groupe). Ils sont définis en opposition aux organismes procaryotes (par exemple les bactéries), qui eux ne comportent pas de noyau dans leur cellule.
• Eucaryotes/Procaryotes
convergente L’évolution convergente est un processus où des espèces distinctes, mais soumises à des contraintes environnementales similaires, adoptent indépendamment l’une de l’autre une réponse semblable (en termes de morphologie ou de comportement) à ces contraintes. Ce phénomène s’observe aussi dans le cadre de l’évolution des protéines, par exemple avec l’apparition des protéines responsables de l’écholocation chez les chauves-souris et les cétacés (cf. le chapitre 4).
• Évolution
Une glycoprotéine est une protéine dont les chaînes latérales de certains de ses acides aminés ont été modifiées et portent désormais des groupements oligosides (des chaînes de sucre quoi).
• Glycoprotéine
Deux protéines sont dites homologues si elles dérivent d’un ancêtre commun et qu’elles ont divergé depuis ce dernier. L’homologie va alors caractériser la similarité entre ces protéines. On peut s’intéresser à leur homologie de séquences, qui s’exprime comme un pourcentage de résidus identiques entre les deux protéines, ou à leur homologie de structure, où l’on va cette fois comparer leur repliement.
• Homologue
L’hydrolyse est une réaction chimique, et enzymatique, où une liaison covalente est rompue par action d’une molécule d’eau. Dans le vivant, un exemple courant est la réaction d’hydrolyse de l’ATP en ADP qui va libérer de l’énergie.
• Hydrolyse
Un composé est dit hydrophile s’il a une affinité pour l’eau et tendance à s’y dissoudre. Inversement, un composé hydrophobe aura peu d’affinité pour l’eau et y sera difficilement soluble.
• Hydrophile/Hydrophobe
L’hypoxie désigne un apport insuffisant en oxygène dans un tissu (en opposition à la normoxie, lorsque le taux d’oxygène est normal).
• Hypoxie
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• Isotope Deux
isotopes sont des atomes dont les noyaux possèdent le même nombre de protons (caractérisant un élément chimique donné), mais des nombres de neutrons différents. Ainsi, le noyau du carbone 14 (souvent utilisé pour dater des objets anciens) comporte 6 protons et 8 neutrons, alors que le carbone 12 (qui est l’isotope majoritaire de cet élément) comporte lui 6 protons et 6 neutrons.
chimique On appelle liaison chimique une interaction attractive entre deux atomes qui va permettre de maintenir une très courte distance entre ceux-ci (moins de 1 nm). Dans les protéines on rencontrera surtout des liaisons covalentes, qui résultent de la mise en commun des électrons entre deux atomes et des liaisons hydrogène, formées entre un atome d’hydrogène et un atome électronégatif (oxygène ou azote).
• Liaison
Un ligand est une petite molécule qui se lie de manière réversible à une macromolécule spécifique, protéine ou acide nucléique. Le ligand joue en général un rôle fonctionnel : stabilisation structurale, catalyse, modulation d’une activité enzymatique, transmission d’un signal, etc.
• Ligand
La mitochondrie est un élément (organite) de la cellule dont la fonction principale est de lui fournir de l’énergie via la production d’ATP.
• Mitochondrie
Les nucléotides sont les molécules de base formant les acides nucléiques (ADN et ARN). L’ADN est formé des quatre nucléotides, adénine, cytosine, guanine et thymine, tandis que dans l’ARN l’uracile remplace la thymine.
• Nucléotide
Un organite est une structure spécialisée de la cellule et délimitée par une membrane lipidique, comme les mitochondries, ou les chloroplastes chez les végétaux.
• Organite
Un peptide est une molécule formée d’un petit nombre d’acides aminés (de deux à quelques dizaines), c’est donc une petite protéine.
• Peptide
Un composé polaire présente en son sein une répartition de charges positives et négatives due à la présence d’éléments chimiques ayant des électronégativités différentes.
• Polaire/Apolaire
Un polymère est une molécule formée par la répétition de nombreuses sous-unités (qui peuvent être identiques ou non).
• Polymère
Dans un polymère, le squelette est la partie répétée de façon régulière. Le long de la chaîne protéique, celui-ci comporte le groupement amide (-N-H), le carbone α et le groupe carbonyle (-C=O) de chaque acide aminé.
• Squelette
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oxydant Le stress oxydant est une forme d’agression des composants de la cellule due à la présence dans celle-ci d’espèces réactives oxygénées ou azotées en excès.
• Stress
Un substrat est une petite molécule qui va subir une réaction chimique au sein d’une enzyme et qui est spécifique à cette enzyme.
• Substrat
Un composé tensioactif modifie la tension de surface entre deux phases. Il s’agit le plus souvent d’une molécule amphiphile, qui va stabiliser le mélange de deux phases non miscibles en interagissant avec l’une par sa partie polaire (ou hydrophile) et avec l’autre via sa partie apolaire (ou hydrophobe).
• Surfactant/Tensioactif
Les synapses correspondent à des zones de contact entre deux neurones ou entre un neurone et un autre type de cellule (muscle, glande…). Il s’agit d’une zone de transmission d’un signal, qui peut être soit électrique, soit chimique (via la diffusion de petites molécules, les neurotransmetteurs).
• Synapse
Les toxines sont des substances toxiques produites par des organismes vivants, y compris des bactéries, des microalgues, des plantes ou des champignons.
• Toxine
C’est le mécanisme de copie de l’information contenue dans l’ADN en molécules d’ARN messagers qui serviront ensuite à la fabrication de protéines au niveau du ribosome.
• Transcription
C’est l’étape de synthèse des protéines au sein du ribosome à partir de l’information génétique contenue dans les ARN messagers.
• Traduction
Une vésicule est un petit compartiment formé d’une double couche de lipides (semblable à la membrane cellulaire) et qui peut servir à stocker ou transporter des molécules dans le cytoplasme.
• Vésicule
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LES AUTEURS Sophie Sacquin-Mora. Après l’agrégation de chimie et une thèse en thermodynamique statistique, j’ai rejoint le Laboratoire de Biochimie Théorique, où je suis chercheuse CNRS depuis 2006. Mes travaux de recherche portent sur le développement de modèles théoriques pour mieux comprendre comment fonctionnent les protéines à l’échelle atomique. Je m’intéresse notamment à leurs propriétés mécaniques et à la façon dont elles interagissent entre elles (je dis parfois que je fais de la sociologie des protéines). Mes grandes passions sont la science, le féminisme et la littérature jeunesse et je parle aussi de tout ça sur Twitter (@sacquin_mo). Antoine Taly. Mon parcours est marqué par les interfaces. J’ai débuté par une thèse en biophysique, entre France et Allemagne, entre expériences et modélisation moléculaire. J’ai ensuite poursuivi mon parcours via l’institut Pasteur et l’université de Strasbourg, où j’ai rejoint le CNRS. Depuis 2011 je suis également au Laboratoire de Biochimie Théorique, ou je poursuis mes travaux sur la dynamique des protéines et leurs interactions avec les petites molécules. Je m’intéresse aussi beaucoup à la pédagogie, notamment à l’utilisation des jeux, dont je parle aussi sur Twitter (@AntTaly) et Youtube. Anmryn. J’ai fait des sciences molles avec 3 mastères dedans, ce qui m’a permis de bien rebondir puisque j’ai travaillé pour des sites web et l’édition de livres en tous genres et à tous les niveaux. J’ai été enseignante (de français et même de latin) en France et en Corée du Sud et aussi en Pologne, également rédactrice ou traductrice pour plein de supports variés et encore plus de thèmes différents. La vraie vie de hippie, quoi. Et comme toute bonne hippie, entre un projet de yarn bombing pour dénoncer le grand Capital et des tests capillaires impliquant beaucoup trop de henné, je dessine des trucs et des machins souvent carrés pour entrer dans le format Instagram (@anmryn). Comme quoi, on finit toujours par trouver sa case.
Remerciements • Ce livre est dédié à Richard Lavery, qui a accompagné mes premiers pas dans l’univers des protéines et m’a permis de voir toute la beauté de ces fabuleuses machines moléculaires. • Mes remerciements vont également à Marion Montaigne. En 2008 son blog Tu Mourras Moins Bête (http://tumourrasmoinsbete.blogspot.com/) changeait radicalement ma vision de la vulgarisation en montrant qu’il était possible de parler autrement de sciences. SSM • Ce livre est dédié à mon grand-père maternel qui a su me montrer que la science est non seulement passionnante mais peut aussi être pratique et/ou rigolote. Comment oublier son explication du cycle de l’azote pour m’autoriser à faire pipi au fond du jardin, mais pas toujours sur la même plante ! • Mes remerciements vont également à ma mère et à mon fils aîné qui ont relu une version préliminaire du texte introductif, me donnant un retour et soulignant le rôle de chacun dans la transmission du savoir ! AT Merci à Sophie de m’avoir emmenée dans cette aventure ! Et à Antoine de m’avoir acceptée. Bisous à Alan, Rosalie et Maïna. Anmryn
Un ouvrage de la collection Carnet de labo, dirigée par Pierre-Étienne Bertrand Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Imprimé en France par SEPEC, 01960 Péronnas ISBN (papier) : 978-2-7598-2548-6 ISBN (ebook) : 978-2-7598-2677-3 Dépôt légal : octobre 2021 © EDP Sciences, 2021 17, avenue du Hoggar 91944 Les Ulis