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French Pages 237 [233] Year 1982
lue brisson
platon les mots et les mythes
Ouvrage publié avec le concours du Centre national des lettres et du Centre national de la recherche scientifique
FRANÇOIS MASPERO 1, place Paul-Painlevé PARIS V' 1982
Si vous désirez être tenu régulièrement au courant de nos parutions, il vous suffit d'envoyer vos nom et adresse aux Éditions François Maspero, 1, place Paul-Painlevé, 75005 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel Livres Partisans. © Librairie François Maspero, Paris, 1982 ISBN 2-7071-1326-3
- Eh bien, mon cher Albert ', dit Franz 2 , en se retournant vers son ami, que pensez-vous maintenant du citoyen Luigi Vampa 3? - Je dis que c'est un mythe, répondit Albert, et qu'il n'a jamais existé. - Qu'est-ce qu'un mythe? demanda Pastrini '. - Ce serait trop long à vous expliquer, mon cher hôte, répondit Franz. Alexandre DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, fin du chapitre 33.
1. Le vicomte Albert de Morcerf. 2. Le baron Franz d'Épinay. 3. Chef de brigands romains dont Pastrini (cf. note 4) vient de raconter les aventures. Au service du comte de Monte-Cristo, il séquestrera Danglars, qui cependant bénéficiera de l'indulgence du comte. 4. Propriétaire de l'hôtel de Londres, place d'Espagne, à Rome, où sont descendus Albert et Franz.
À l'origine, ce travail, qui a pour base une enquête lexicologique sur mûthos, ses dérivés et les composés dont il constitue le premier terme chez Platon, devait faire partie d'une publication commune avec Marcel Detienne. Pour des raisons diverses, cette entreprise ne put voir le jour et, en 1981, Marcel Detienne publiait un livre intitulé: L'invention de la mythologie (Gallimard, Paris), dont le chapitre V résume bon nombre de mes analyses, les conclusions générales de Marcel Detienne étant cependant radicalement différentes des miennes, comme on pourra le constater en lisant les pages qui suivent. Par ailleurs, je tiens à signaler que, durant l'année scolaire 1980-1981, ce travail a fait l'objet de communications dans le cadre du séminaire de Pierre Vidal-Naquet à !'École des hautes études en sciences sociales. Les discussions - notamment celles avec Pierre Vidal-Naquet - auxquelles ces communications ont donné lieu m'ont permis de modifier mes positions sur plus d'un point. Enfin, je veux remercier Marie-Odile Goulet, Denis O'Brien, Boris Oguibenine, Jean Pépin et Clémence Ramnoux qui ont bien voulu lire le manuscrit de ce livre, en m'indiquant des corrections à apporter et en me faisant des suggestions; et Georges Leroux qui m'a aidé à corriger les épreuves. 9
Introduction Au contraire (de la poésie}, la valeur du mythe comme mythe persiste, en dépit de la pire traduction. Quelle que soit notre ignorance de la langue et de la culture de la population où on l'a recueilli. un mythe est perçu comme mythe par tout lecteur, dans le monde entier. La substance du mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe. mais dans /'histoire qui y est racontée. Le mythe est un langage; mais un langage qui travaille à un niveau très élevé, et où le sens parvient, si l'on peut dire, à décoller du fondement linguistique sur lequel il a commencé par rouler. Claude LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, p. 232.
Qu'est-ce qu'un mythe? Cette question porte sur le sens de l'énoncé « x est un mythe». Mais le sens de cet énoncé n'est pas indépendant du fait de son énonciation 1• Quel acte est donc accompli par le fait de produire l'énoncé « x est un mythe»? Pour Claude Lévi-Strauss 2, cet énoncé sert à identifier un certain type de contenu discursif, dont il estime qu'il peut être perçu indépendamment de toutes les circonstances particulières qui en expliquent l'origine et la constitution. Or cette identification équivaut à l'attribution du prédicat« mythe» au type de contenu discursif en question. Et cela sans qu'aucune définition ne soit donnée de ce qu'est un mythe. En fait, cette absence de définition résulte d'une difficulté véritable relative au sens du terme «mythe». 1. Ce type de question relève de la • pragmatique", terme qui désigne un courant actuel de la philosophie du langage. Pour une bonne introduction en français sur le sujet, on peut lire F. RÉCANATI,La Transparence et l'énonciation. Pour introduire à la pragmatique, Seuil, Paris, 1979. 2. Le passage cité en exergue est tiré de• La structure des mythes,. [1955], Anthropologie structurale. Pion, Paris, 1958, chap. XI, p. 232.
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Le terme
«
mythe
»
résulte d'une transcription du grec ancien
µuOoc;;et cette situation prévaut non seulement en français, mais aussi dans la plupart des autres langues européennes modernes : par exemple, mythos (en allemand), myth (en anglais), mito (en espagnol), mito (en italien) et mif (en russe). Par suite, lorsqu'en français, par exemple, on utilise le prédicat « mythe» pour l'attribuer à un sujet autre que celui qui aurait pu être le sien en Grèce ancienne, on établit une comparaison entre deux faits de culture relevant de deux civilisations différentes, dont l'une est toujours celle de la Grèce ancienne. Ainsi, dire « x est un mythe», revient à dire « x est un mythe (tout comme z en Grèce ancienne)». L' « hellénocentrisme », dont rend conscient une analyse pragmatique de l'usage du terme « mythe », met donc en évidence la nécessité d'une enquête sur son origine. En Grèce ancienne, le sens de mûthos s'est modifié en fonction des transformations qui ont affecté le vocabulaire du« dire» et de la « parole » au cours d'une évolution historique dont le terme est Platon. Chez Platon, en effet, le sens de mûthos est fixé une fois pour toutes. Lorsqu'il fait un usage premier du vocable mûthos. Platon accomplit deux opérations : l'une descriptive, l'autre critique. À l'aide de ce vocable, il décrit une pratique discursive d'un certain type, tout en émettant un jugement sur son statut par rapport à celui d'une autre pratique discursive considérée comme dotée d'un statut supérieur. D'où la division de ce livre en deux parties. Une première partie décrit le témoignage de Platon sur ce qu'est le mythe comme instance de communication. Le mythe apparaît alors comme ce discours par lequel est communiqué tout ce qu'une collectivité donnée conserve en mémoire de son passé et transmet oralement d'une génération à l'autre, que ce discours ait été élaboré par un technicien de la communication comme le poète, ou non. Prenant la suite, une seconde partie analyse les critiques faites par Platon à ce type de discours qu'est le mythe, à partir du discours qui est le sien comme philosophe, et que, par voie de conséquence, il considère comme doté d'un statut supérieur. De ce point de vue, il est reproché au mythe de n'être ni un discours vérifiable ni un discours argumentatif. Cela n'empêche cependant pas Platon de reconnaître une utilité au mythe, qui devient souvent partie intégrante de son propre discours. 12
inlroduct ion
Ces conclusions ont été obtenues à la suite d'une enquête lexicologique, dont les résultats ont été consignés dans les annexes I et 2. Au cours de cette enquête, n'ont été prises en considération que les occurrences de mûthos et celles de ses dérivés et des composés dont il constitue le premier terme dans les œuvres de Platon généralement considérées comme authentiques; et cela, bien évidemment, en tenant toujours compte du contexte, où se manifestent un certain nombre de relations récurrentes entre ces vocables et plusieurs autres, eux aussi analysés en raison de leur pertinence. Le choix de cette méthode explique le nombre important de citations, quelquefois assez longues qui parsèment chacun des chapitres de ce livre. Tous ces passages ont été traduits sans chercher l'élégance. Pour mettre en évidence un certain nombre de rapports inédits et importants entre vocables pertinents, l'ordre des mots dans la phrase grecque a été préservé quand la chose était possible. Et, pour faire ressortir l'originalité du sens de certains de ces mêmes vocables, des termes français ont été choisis, dont la correspondance étymologique était plus évidente, de préférence à d'autres plus élégants; en outre, les composés ont été rendus par des paraphrases qui en explicitent chacun des termes. C'est enfin par souci de précision que certains termes grecs ont été non pas traduits mais translittérés, et que dans certaines citations des extraits du texte grec traduit ont été rappelés. Dans cette perspective, et pour éviter un certain nombre d'inconvénients liés à cette pratique, c'est le procédé de translittération adopté par É. Benveniste 3 qui a été retenu. Voici enfin une liste des abréviations que j'ai retenues pour désigner les titres des œuvres de Platon :Ale I: le premier Alcibiade; Ap: l'Apologie de Socrate; Charm: Charmide; Crat: Cratyle; Crit: Critias; Dem: Dèmodocos; Epin: Épinomis; Epist: lettres VI l, YI Il, XII; Euthd: Euthydème; Euthph: Euthyphron; Gorg: Gorgias; Hipp I : le petit Hippias; Hipp 11 : le grand Hippias; lach: lachès; lg: les lois; Men: Ménon; Min: Minos; Mnx:
3. Cf. Émile BENVENISTE, Vocabulaire des institutions indo-européennes, l et II, Éditions de Minuit, Paris, 1969. Ce procédé ne s'applique pas aux noms propres, dont la graphie traditionnelle a été respectée, pour éviter d'embrouiller le lecteur qui ne connaît par le grec ancien.
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Ménexène; Phdo: Phédon; Phdr: Phèdre; Phlb: Philèbe; Pol: le Politique; Prat: Protagoras; Resp: la République; Soph: le Sophiste; Symp: le Banquet; Tht: Théétète; Tim: Timée. Pour les autres auteurs cités, très peu nombreux, on se reportera à l'index locorum.
I
Le témoignage de Platon: la communication du mémorable
Mon unique élève a commencé de travailler avec moi, et je vais vous expliquer comment se passent mes cours. Le point le plus important, voyez-vous bien, c'est que le professeur soit revêtu d'un air de majesté et placé à une certaine distance de l'élève; l'élève, de son côté, doit être ravalé aussi bas que possible. Autrement, voyez-vous bien, l'élève n'a pas toute l'humilité requise. Je m'assieds donc dans le coin le plus reculé de la pièce; derrière la porte (laquelle est fermée) siège un appariteur; derrière une seconde porte (laquelle est également fermée) siège un sousappariteur; dans l'escalier, à mi-étage. siège un sous-sous-appariteur; et enfin, en bas, dans la cour, est assis /'élève. Nous nous crions de l'un à l'autre les questions, et les réponses me parviennent par les mêmes relais. [...] LE PROFESSEUR. - Combien font deux fois trois? Comment vont les foies L'APPARITEUR. d'oie? LE SOUS-APPARITEUR. Quand reviendront les rois?
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LE SOUS-SOUS-APPARITEUR. - Que prélève l'octroi? L'ÉLÈVE (timidement). - Une demi-guinée! LE SOUS-SOUS-APPARITEUR. - Voyez ma Dulcinée! LE SOUS-APPARITEUR. - Soyez moins mal luné! L'APPARITEUR. - Mouchez mieux votre nez! [...] (Lettre du 31 janvier 1855 adressée par Lewis Carroll à sa sœur et à son frère 1.) 1. Ce passage est tiré d'une lettre adressée par Lewis Carroll à Henrietta et à Edwin Dodgson, l'une de ses sœurs et l'un de ses frères. Cette lettre fut écrite le 31 janvier 1855 à Christ Church College (Oxford), où enseignait Lewis Carroll. La traduction que j'ai donnée du passage cité est celle qu'on trouve dans Lewis Carroll, Lettres à ses amies-enfants. Fantasmagorie et autres poèmes (Letters to his child-friends. Phantasmagoria and other poems), chronologie, introduction et bibliographie par Jean-Jacques Mayoux. (Traduction par Henri Parisot, en bilingue, Aubier-Flammarion, Paris, 1977, p. 135-137.) Mais comme cette traduction devient rapidement une adaptation, je tiens à donner ici le texte anglais intégral de cette lettre. My Dear Henrietta, My Dear Edwin, I am very much obliged by your nice little gift - it was much better than a cane would have been - 1 have got it on my watch-chain, but the Dean has not yet remarked it. My one pupil has begun his work with me, and I will give you a description how the lecture is conducted. It is the most important point, you know, that the tutor should be dignified and at a distance from the pupil, and that the pupil should be as muchas possible degraded. Otherwise, you know, they are not humble enough. So I sit at the further end of the room; outside the door (which is shut) sits the scout; outside the outer door (also shut) sits the sub-scout; half-way down-stairs sits the sub-sub-scout; and down in the yard sits the pupil. The questions are shouted from one to the other, and the answers corne back in the same way it is rather confusing till you are well used to it. The lecture goes on something like this: TuTOR. - What is twice three? SCOUT. - What's a rice-tree? Sus-scouT. - When is ice free? SuB-SUB-SCOUT.- What's a nice fee? PUPIL. - (Timidly). - Half a guinea! SUB-SUB-SCOUT. Can't forge any! SuB-SCOUT. - Ho for Jinny! SCOUT. Don't be a ninny!
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la communication du mémorable
Le vocable« communication » est pris ici dans un sens très large. Il désigne tous les procédés par lesquels un esprit peut exercer une influence sur un autre esprit; parmi ces procédés, il faut ranger non seulement le discours parlé ou écrit, mais aussi la musique, la danse, etc., c'est-à-dire en définitive tous les comportements humains 2 • Le modèle qui permet de représenter de la façon la plus simple le système de la communication est le suivant : source d'information
-~-~
message
□-
signal
l
,
recepteur -- destination
signal
message
source de bruits TUTOR (looks offended.
but 1ries another question). - Divide a hundred
twelve! SCOUT. - Provide wonderful bells! SUB-SCOUT.- Go ride under it yourself. SUB-SUB-SCOUT.- Deride the dunderheaded PUPIL (surprised). - Who do you mean? SUB-SUB-SCOUT.- Doings between! SuB-SCOUT. Blue is the screen! ScouT. - Soup-tureen! And so the lecture proceeds. Such is life. From
by
elf!
Your most affect. brother Charles L. Dodgson. Je tiens à l'honnêteté de dire que ce même passage est cité, dans une traduction différente, par Jacques Poulain en exergue de son article intitulé: « Le projet pragmatique: pragmatique de la parole et pragmatique de la vie», Dialogue. 18, 1978-1979, p. 175-207. 2. C'est en général au livre classique de Claude Elwood SHANNON et Warren WEAYER, The Mathematical Theory of Communication, Urbana, University of lllinois Press, 1949, qui s'inspirent sur certains points fondamentaux du livre de Charles Williams MORRIS, Signs. language and Behavior, Prentice-Hall, New York, 1946, qu'on renvoie, lorsqu'on parle de la théorie de la communication. Depuis, un nombre impressionnant de travaux ont été publiés sur le sujet. Pour s'y retrouver, le plus simple est de consulter des bibliographies relatives d'une part aux techniques de la communication, et d'autre part à la linguistique, à la psychologie et à la sociologie, où la communication constitue un secteur de recherche de plus en plus important.
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Dans le cas du discours parlé, la source d'information est le cerveau A qui choisit un message parmi un ensemble de messages possibles. L'émetteur, que constituent les organes de phonation, transforme ce message en signaux, des sons en l'occurrence, lesquels sont transmis par ce canal qu'est l'air. Le récepteur, qui correspond aux organes auditifs, fait en sens inverse le travail de l'émetteur; il transforme les signaux en messages qu'il transmet au destinataire, c'est-à-dire au cerveau B. Le code - l'ensemble organisé des signaux utilisés - s'oppose donc au message comme la langue à la parole. Le code est le système conventionnel de symboles et de règles grâce auxquels le message peut être produit et correctement interprété; alors que le message équivaut à toute instance de communication utilisant le code. Or comme du point de vue de la théorie de la communication deux messages doivent être mis sur le même plan, indépendamment du fait qu'ils sont porteurs d'un sens ou non et indépendamment du fait qu'ils ont un référent ou non, le vocable « information» renvoie plus à ce qui pourrait être dit qu'à ce qui est dit. D'où cette définition : l'information est la mesure du choix dont dispose celui qui sélectionne un message. Le concept d'information ne s'applique donc pas à un message en particulier, mais à une situation dans son ensemble. Ainsi, quelqu'un qui se trouve dans une situation où il a à choisir entre deux messages dispose-t-il, dans cette situation, d'une quantité d'informations équivalant, d'un point de vue statistique, à l'unité. Cela dit, au cours de la transmission d'un message, il peut arriver que certaines choses qui n'aient pas été voulues par la source d'information soient ajoutées aux signaux, par exemple, dans le cas du discours parlé, d'autres sons ou des obstacles engendrant une distorsion des sons émis. Toutes ces modifications affectant les signaux transmis sont appelés «bruits». Dans l'extrait de la lettre citée en exergue, Lewis Carroll illustre de façon burlesque quels dommages, limités par l'usage de l'écriture et/ou par l'intervention du poète, ces «bruits» peuvent causer au mythe considéré comme instance de communication. Une telle approche du mythe, qui est celle adoptée dans la première partie de ce livre, implique une interprétation spécifique du modèle décrit plus haut, lequel a été développé pour des systèmes mécaniques ( téléphone, radio, télévision, etc.). 20
la communication du mémorable
Le mythe apparaît comme un message (chapitre 1) par l'intermédiaire duquel une collectivité donnée transmet de génération en génération ce qu'elle garde en mémoire de son passé. L'identification de ce message comme mythe dépend en grande partie de la nature du signal (chapitre 2) qui en a été le moyen de transmission privilégié pendant une longue période de temps. Dans une civilisation orale, la fabrication d'un message est indissociable de son émission, alors que, dans une civilisation écrite, ces deux sphères sont bien distinguées. L'ambiguïté du vocabulaire platonicien à cet égard (cf. annexe 2) témoigne du passage graduel de la Grèce ancienne à l'écriture. Il n'en demeure pas moins que Platon distingue souvent et assez clairement la fabrication d'un mythe de son émission. Voilà pourquoi, dans le corpus platonicien, on trouve un certain nombre de renseignements de premier ordre sur la fabrication (chapitre 3) du mythe. Distinguée de sa fabrication, l'émission (chapitre 4) d'un mythe devient le fait soit de ces professionnels que sont les rhapsodes, les acteurs et les choreutes, soit de non-professionnels qui présentent deux caractéristiques essentielles : le grand âge et le sexe féminin. La réception (chapitre 5) du mythe qui, dans une civilisation orale, ne peut être séparée de son émission et donc de sa fabrication est fondamentalement affaire d'audition pour ceux, le plus grand nombre ou les enfants, à qui s'adressent professionnels ou nonprof essionnels. Globalement, la communication d'un mythe est affaire de mimétisme (chapitre 6). À la réalité évoquée par le moyen de la parole, de la musique et/ou de la danse par ceux qui fabriquent, racontent et/ou interprètent un mythe, même le destinataire de ce mythe tend à s'identifier par suite d'une fusion émotive (chapitre 7) qui efface pratiquement toutes les distinctions inhérentes au modèle sur lequel se fonde une analyse théorique. Cette fusion émotive est présentée par Platon comme l'effet d'un charme, d'une incantation, ou plus simplement d'une persuasion que suscite le plaisir procuré par la communication du mythe à la partie la plus basse de l'âme humaine. L'efficacité qu'il reconnaît ainsi au mythe, Platon en dénonce avec vigueur les effets nocifs, sans pour autant s'interdire d'y avoir recours comme alternative à la violence dans les domaines de l'éthique et de la politique. Tout au long de cette description qui s'inspire notamment du 21
programme tracé par Geneviève Calame-Griaule dans un article intitulé: « Pour une étude ethnolinguistique des littératures orales africaines 3 », référence sera faite au récit de la guerre que soutint !'Athènes ancienne contre l'Atlantide que Platon rapporte au début du Timée (17 a - 27 c) et dans le Critias. II s'agit là d'un pastiche 4, et plus précisément d'un récit pseudo-historique où Platon prend pour modèle Hérodote 5 • En présentant ironiquement - Pierre Vidal-Naquet dit: « avec une étonnante perversité» - comme vrai le récit de la guerre soutenue par l' Athènes ancienne contre l'Atlantide, qui relève de la fiction, Platon donne à ses lecteurs un exemple concret de ce qu'est la fiction dont la nature, dans le domaine littéraire, a été décrite dans la République. Mais beaucoup de lecteurs sont restés insensibles à l'ironie - à la perversité - de Platon, qui ont considéré comme une vérité historique le récit fait par Cristias le jeune, en qui il est difficile de ne pas voir, ne fût-ce que comme ombre portée, Critias le tyran, considéré comme un sophiste (sur le sujet, cf. p. 35-36). Le génie de Platon, dans cette affaire, aura été de montrer à quel point il est difficile, dans la pratique, de distinguer la fiction de la vérité et le sophiste de l'historien et du philosophe. Le fait que ce récit soit un pastiche ne le disqualifie cependant pas comme texte de référence. Son caractère artificiel entraîne la mise en évidence d'un certain nombre d'éléments fondamentaux qui interviennent effectivement dans tous les mythes, mais qui, dans les mythes traditionnels, ne sont pas d'emblée explicites comme ici. Et cela parce que la fabrication d'un pastiche implique une analyse préalable du type de discours dont l'imitation est visée. Or c'est précisément à ce genre d'analyse qui, dans l'une et l'autre parties de ce livre, portera en priorité sur des mythes traditionnels qu'introduit ce mythe philosophique. 3. Geneviève CALAME-GRIAULE,« Pour une étude ethnolinguistique des littératures orales africaines », Langages, 18, 1970, p. 22-45. Revue des 4. Sur le sujet, cf. Pierre VIDAL-NAQUET, « Athènes et l'Atlantide», études grecques, 77, 1964, p. 420-444, repris dans Le Chasseur noir, Maspero, Paris, 1981, p. 335-360; et Christopher GILL,« The Genre of the Atlantis Story », Classical Philology, 72, 1977, p. 287-304. 5. Pierre VIDAL-NAQUET,« Hérodote et l'Atlantide: entre les Grecs et les Juifs. Réflexions sur l'historiographie du siècle des Lumières », Quaderni di Storia 16, juillet-décembre 1982, p. 3-76.
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1
Information
Un mythe ne rapporte jamais une expérience actuelle ou récente; il évoque toujours un souvenir conservé en mémoire par une collectivité tout entière qui l'a transmis oralement de génération en génération pendant une longue période de temps. Aussi, pour définir ce qu'est un mythe, faut-il commencer par déterminer sur quels critères se fonde une collectivité pour conserver en mémoire le souvenir de tel ou tel événement. Tous les événements réels ou supposés tels ne sont pas susceptibles de devenir instance de communication au titre de mythe. Certains de ces événements ne sont connus que d'un groupe restreint d'individus. D'autres intéressent l'ensemble d'une collectivité. La plupart de ces événements tombent assez rapidement dans l'oubli. Il en est cependant dont cette collectivité s'efforce de conserver le souvenir. C'est le cas, par exemple, de la guerre menée par l' Athènes ancienne contre l'Atlantide, comme en témoignent et l'usage de ces verbes : sôizo «conserver» (Tim 22 e 4, 23 a 5; Crit 109 d 3), diasôizo « conserver fidèlement » ( Crit 110 a 7); et la richesse du vocabulaire relatif à la mémoire : mimni!iskomai « se souvenir» (Tim 21 c 3, 23 b 6, 26 a 2), anamimni!iskomai « se remémorer» ( Tim 26 b 1), epimimni is komai « se remettre en mémoire » ( Tim 21 23
a l ), apomnemoneuô « rappeler le souvenir» (Tim 20 e 4), diamnemoneuô « se rappeler avec précision» (Tim 22 b 3), ékho mnëmeîon « subsister comme souvenir, rester en mémoire» (Tim 26 b 3). La mémoire qui importe alors, c'est moins la mémoire individuelle (Tim 20 e 4, 21 al, 21 c 3, 22 b 3, 26 a 2, 26 b l, 26 b 3), que la mémoire collective (Tim 22 e 4, 23 a 5, 23 b 6, Crit 109 d 3, 110 a 7). Certes il ne peut y avoir de mémoire collective sans mémoire individuelle. Mais, pour être conservé pendant une longue période de temps, le souvenir d'un événement doit être partagé par un nombre important d'individus contemporains qui s'efforcent de le transmettre à des individus de la génération suivante 1• Ces deux conditions permettent de pallier la faible autonomie temporelle et le caractère contingent de la mémoire individuelle, dont Critias décrit le fonctionnement avec beaucoup de finesse : CRITIAS. - Ce qu'en vérité, Socrate, Critias l'ancien, d'après ce qu'il avait ouï dire de Solon, raconta, c'en est un résumé que tu viens d'entendre. Ainsi, quand hier tu parlais de la constitution politique et des hommes que tu disais, j'étais émerveillé, alors que je me rappelais ce que je viens de raconter, en observant par quel hasard divin et sans en avoir le dessein tu t'es rencontré sur beaucoup de points avec ce que Solon a raconté. Cependant, je ne souhaitais pas faire ce récit sur-le-champ. Car, à cause du temps [passé], je n'en avais pas un souvenir suffisant. Je réfléchis donc qu'il fallait que d'abord, moi-même, je reprenne tout d'une façon suffisante, pour le raconter comme j'ai fait. De là vient que j'ai vite consenti à tes prescriptions d'hier, en pensant que précisément toujours en pareilles circonstances la tâche la plus importante est de poser pour base un discours convenant aux souhaits (exprimés); en cela, nous sommes pourvus comme il faut. Ainsi donc, comme l'a dit Hermocrate, hier tout de suite en partant d'ici, je leur [à Hermocrate et à Timée] faisais part de ce dont je me souvenais, et, après les avoir quittés, je repris à peu près tout en y réfléchissant pendant la nuit. Tant il est vrai, dit-on, que les choses apprises par les enfants restent en mémoire d'une façon merveilleuse. Moi, en effet, les choses que j'ai entendues hier, je ne sais pas si je pourrais toutes me les remettre en mémoire. Mais celles que j'ai entendues il 1. Cf Maurice HALBWACHS, La Mémoire collective, PUF, Paris, 1950.
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information y a très longtemps,
je serais tout à fait étonné si l'une d'elles m'échappait. C'était au reste avec tant de plaisir et de jeu qu'alors j'avais entendu ces choses, et le vieillard me renseignait de si bon cœur, alors que souvent je le pressais de questions, que, comme les représentations d'une peinture à l'encaustique qu'on ne peut effacer, elles persévèrent en moi; et c'est ainsi qu'à eux, dès le point du jour, j'ai raconté ces mêmes choses, afin qu'ils soient pourvus de discours comme moi. (Tim 25 d 7 - 26 c 5.) L'effort consenti par Critias le jeune pour se souvenir de ce que lui a raconté son grand-père, il y a longtemps, constitue un acte individuel. Mais cet acte individuel est la manifestation ponctuelle d'un effort plus vaste fourni par une collectivité tout entière, la Grèce en l'occurrence (cf. Crit 109 d 3, 110 a 7). Un tel effort ne peut qu'être sélectif. Dans une civilisation de l'oralité, en effet, la mémoire est indissociable de l'oubli 2 • Alors que l'écriture permet un stockage de messages infini, en théorie du moins, le cumul de messages transmis oralement ne peut être qu'individuel et se voit donc limiter par les capacités de la mémoire individuelle. Mais sur quels critères se fonde une collectivité pour faire un tri parmi les événements dont le souvenir mérite d'être conservé? Le prêtre de Saïs est explicite à cet égard : « Aussi tout ce qui s'est passé, soit chez vous soit ici soit en tout autre lieu, dont nous avons pris connaissance par ouï-dire, si en quelque manière, c'est quelque chose de beau, de grand ou qui présente quelqu'autre différence, toutes ces choses sont mises par écrit ici dans les temples et conservées.» (Tim 23 a 1-5.)
Qu'en est-il dans le détail? Est susceptible de devenir objet de mémoire collective tout ce « qui présente une différence ('nva otarpop(iv tx_ov)» par rapport à l'ordre habituel des choses. C'est là, il faut le reconnaître, une classe qui englobe un nombre particulièrement important d'événements. Cependant, les adjectifs xa"A6c_,« beau » et µéyw; « grand » coordonnés à l'expression -nva otarpop(iv ëxov « qui présente une 2. Jack GooDY et Ian WATT, « The Consequences of Literacy », dans Literacy in Traditional Societies, édité par Jack Goody, Cambridge University Press, 1968, p. 28-34.
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différence » viennent restreindre singulièrement cette classe. Ces deux adjectifs évoquent un système de valeurs qui permettent de porter un jugement sur les événements en question. Tout ce qui sort de l'ordinaire ne peut devenir objet de mémoire collective. Il faut, en outre, que cet événement extraordinaire soit signifiant au regard des valeurs de la collectivité dont il s'agit. En d'autres termes, seules sont retenues les informations qui s'intègrent dans le système de valeurs propre à cette collectivité et qui peuvent servir à sa défense et à son illustration, soit positivement en commandant l'adhésion, soit négativement en agissant comme repoussoir. Enfin, l'expression ~ -rfl3s ~ xcd xcx-r' a.ÀÀov :i-6nov « soit ici soit en tout autre lieu» apporte une précision supplémentaire. Elle fait apparaître que les événements susceptibles de devenir objets de mémoire collective se rapportent non seulement à cette collectivité, mais aussi à d'autres. Autrement dit, une collectivité donnée se définit aussi bien en étant attentive aux événements qui la concernent qu'en tenant compte de ceux qui se produisent dans d'autres collectivités, pourvu, bien sûr, que ces événements soient signifiants pour elle. Voici d'ailleurs, pour illustrer ce qui vient d'être dit, un inventaire des différents types d'événements mentionnés dans les textes du Timée et du Critias qui servent de point de référence dans la première partie de ce travail. Il s'agit : 1. d'événements
concernant les dieux, considérés notamment comme agents de la génération, de la préservation et de la destruction de ces deux collectivités que forment !'Athènes ancienne et l'Atlantide; 2. d'événements concernant plus précisément ces deux collectivités, engagées notamment dans ces deux types d'activités : militaires et politiques; 3. d'événements relatifs à des individus humains, qui se sont trouvés dans des situations exceptionnelles (Phoronée et Niobé, le premier homme et la première femme; Deucalion et Pyrrha, le seul homme et la seule femme qui survécurent au déluge), ou qui ont accompli des hauts faits (Thésée); 4. de généalogies qui permettent d'établir des relations non seulement entre les hommes et entre les dieux, mais aussi entre les
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information
hommes et les dieux, et cela aussi bien au niveau des individus qu'à celui des collectivités. 5. de catastrophes naturelles causées notamment par l'eau et le feu qui, venant du ciel, se sont abattus sur terre. Cet inventaire, qui est loin d'être exhaustif, permet cependant de se faire une idée du type d'événements susceptibles de devenir objets de mémoire collective. On notera, par ailleurs, que plusieurs de ces événements donnent lieu à des jugements de valeur explicites appelant la louange ou le blâme. 1. L'insistance
qu'il met à rapporter que le partage de toute la terre par régions entre les dieux s'est fait sans dispute en vertu des lots de la justice (d[kë} (Crit 109 b-c) indique que le prêtre égyptien rejette d'autres versions connues par ailleurs et selon lesquelles les dieux entrèrent en conflit à cette occasion. D'où le rappel en négatif de cette règle : il ne peut y avoir de conflit entre les dieux. 2. De plus, il est dit d'Héphaïstos et d'Athéna que« l'amour du savoir (qnÀocroq:i(q:) et l'amour de la technique ((j)LÀO't'e:xv(~)les orientent dans le même sens» (Crit 109 c 7-8), et qu'ils reçurent en lot l' Attique « en tant que naturellement elle s'apparentait et correspondait à leur vertu et à leur sagesse (&pe:'t'yj xixl. q:ipov~cre:L)» (Crit 109 c 9 - d 1). 3. Il n'est donc pas étonnant que les anciens Athéniens, qui en sont les descendants, constituent « la plus belle et la meilleure des races parmi les hommes ('t'o xix.ÀÀLcr't'ov xtXl. &pLcr't'ov yÉvcç Èn' &v0pwnouç) » (Tim 23 b 7). 4. D'où il suit tout naturellement que leur cité « était la meilleure (&ptcr't''Y))pour la guerre et à tout égard celle qui avait les meilleures lois (eùvoµw't'ix.'t''YJ ), et cela au-delà de toute comparaison» (Tim 23 c 5-6). D'ailleurs, le prêtre égyptien précise : « Ses actions furent les plus belles (xix.ÀÀLCT't'tX ), dit-on, de même que ses institutions politiques qui surpassaient en beauté (xix.ÀÀLcr't'tXL) toutes celles, dont sous le ciel nous avons recueilli l'écho. » (Tim 23 c 6 - d 1.) 5. Enfin, voici comment est qualifiée la guerre que soutint l' Athènes ancienne contre l'Atlantide : « ...grandes et merveilleuses (µe:yixÀtX xtXl. 0tXUfLtXCT't'Ci.) étaient les actions accomplies par cette
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cité-ci dans le passé, et dont la trace avait disparu sous l'effet du temps et à cause de la destruction des hommes. Mais l'une d'elles était la plus grande de toutes (mxvTû)V DÈ Êv µÉytcrTov ). » (Tim 20 e 4-6.) Cet inventaire de jugements de valeur, où il faut faire la part belle à l'exagération, montre bien à quel point les informations rapportées à Solon par le prêtre égyptien sont indissociables d'un système de valeurs qui leur donne sens et qu'elles servent, dans les cas énumérés, à illustrer. Bref, ne devient objet de mémoire collective qu'un événement qui sort de l'ordinaire et qui par ailleurs présente une signification dans le cadre du système de valeurs reconnu par la collectivité en question, que cet événement se soit déroulé à l'intérieur de cette collectivité ou ailleurs. En d'autres termes, les critères qui permettent à la mémoire collective de faire un tri parmi l'ensemble des événements sont de deux ordres. Il s'agit d'un critère objectif : ,la singularité, ce qui présente une différence par rapport à l'ordre habituel des choses; et d'un critère éthique : l'exemplarité, ce qYi peut être intégré dans le système de valeurs reconnu par la collectivité en question. Le contexte temporel, où se situent ces événements, ne peut être que le passé. Car « se souvenir» µtµvficrxzcr0(Xt c'est « faire mention» 3 d'événements qui se sont déroulés « dans le passé» n&À(XL (Tim 23 d 3, Crit 110 a 2), de« choses du passé »1t(X/\(Xt& (Tim 20 e 5, 21 a 7, 22 a 1, 22 b 8, 22 e 5, 23 a 4, 23 b 3, Crit 110 a 4, 110 a 6) ou de « choses de l'antiquité» cx.px(Xt(X( Tim 21 a 6, 22 a 5, 22 b 7). Mais en quoi le passé qui ressortit au mythe diffère-t-il de celui dont parle l'histoire? Quelles en sont les limites? Dans un sens, le passé en question remonte à l'origine absolue, celle des dieux, comme on peut le constater en lisant la Théogonie d'Hésiode, par exemple. Mais jusqu'où peut-on aller dans l'autre sens? Les événements sur lesquels sont censés porter les mythes doivent s'être déroulés dans un passé assez éloigné pour que celui qui raconte ce mythe se trouve dans l'impossibilité d'en vérifier la validité, que ce soit directement, parce qu'il en a été le témoin, ou 3. Émile BENVENISTE, ~ Formes et sens de µvTY)V) en rien de ce dont nous parlons (en philosophie et en politique).,. Or l'entretien entre Socrate et Charmide se situe durant le siège de Potidée, qui a duré de 432 à 429 av. J.-C. Il serait donc presque contemporain de celui relaté dans le Timée et dans le Critias, lequel, comme on vient de le voir, se situerait entre 430 et 425 av. J.-C. Dans les deux cas, Critias le tyran, dont les écrits ont été classés parmi ceux des Sophistes (DK 88). Pour une étude d'ensemble sur ce Critias, cf. Dorothy STEPHANS,Critias: Life and Literary Remains. University Press, Cincinnati, 1939 Ue n'ai pu consulter cet ouvrage), aurait eu dans la trentaine, c'est-à-dire à peu près le même âge que Hermocrate qui, du côté syracusain, joue un rôle considérable durant la guerre du Péloponnèse. En outre, Critias et Hermocrate partagent une même hostilité à l'égard de la démocratie. À la chute d'Athènes en 404 av. J.-C., Critias prend la tête d'un coup d'État oligarchique, connu comme celui des trente Tyrans; moins d'un an après, les institutions démocratiques sont rétablies et Critias doit s'exiler. Cependant, Xénophon nous apprend que, durant son exil d'Athènes, Critias organisa en Thessalie la démocratie et arma les pénestes contre leurs maîtres (Hel!., Il, 3, 36).
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D'un point de vue dramatique, on gagne beaucoup à voir dans Critias le jeune, le tyran, Critias IV. En revanche, cette identification pose des problèmes chronologiques insolubles que seule permet de résoudre l'hypothèse d'un Critias III rendant plausible une véritable continuité dans la transmission orale du récit de la guerre que soutint !'Athènes ancienne contre l'Atlantide. Cette ambiguïté a été envisagée de plusieurs façons. On a tenté de la lever avec l'hypothèse d'un Critias III. On l'a considérée comme résultant de l'ignorance de Platon, qui écrit le Timée et le Critias près de quatre-vingts ans (entre 358 et 356 av. J.-C.) après l'entretien qu'il y met en scène (entre 430 et 425 av. J.-C.). Reste une dernière possibilité. Cette ambiguïté est intentionnelle. Elle aurait été voulue par Platon, d'une part pour faire remonter plus directement ce récit à l'ancêtre fameux, Solon, qui« était devenu au milieu du 1v•siècle le grand homme des modérés, des partisans de la patrios politeia 8 », et d'autre part pour donner à ce même récit une actualité que seul pouvait lui conférer Critias le tyran, qui prit part à la guerre du Péloponnèse et qui relança la guerre civile à Athènes; guerres dont celle entre !'Athènes ancienne et l'Atlantide est le paradigme 9 • Suivant l'hypothèse d'un Critias III, il faut interpréter ainsi Timée 21 a 8 - b 1 : « En effet, en ce temps-là, Critias, à ce qu'il disait, était déjà tout près de ses quatre-vingt-dix ans, alors que moi j'en avais environ dix.» Puisque la naissance de Critias II doit être placée aux alentours de 600 av. J.-C., alors que celle de Critias III date de 520 av. J.-C., l'événement se situe vers 510 av. J.-C. Bien plus, c'est le jour de Couréotis, pendant les Apatouries, que le vieillard fait ce récit à l'enfant (Tim 21 b 1-2). Les Apatouries, fêtes athéniennes et ioniennes, étaient célébrées durant le mois de Pyanepsion (octobre) et duraient trois jours. Le troisième jour, appelé Couréotis, les jeunes garçons (trois ou quatre ans), auxquels on coupait les cheveux pour la première fois, étaient admis dans les phratries (r.ppC1.-rp[et. est évoqué en Tim 21 b 7); à Athènes, les quatre 8. Pierre VIDAL-NAQUET, « Athènes et l'Atlantide•, Revue des éludes grecques, 77, I 964, p. 433; Le Chasseur noir, Maspero, I 98 I, p. 348. 9. Pierre VIDAL-NAQUET, « Athènes et l'Atlantide•, op. cil.
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tribus étaient divisées chacune en trois trittyes, aussi appelées phratries. C'est donc en octobre 510 av. J .-C., que Critias II aurait fait à Critias III le récit de la guerre que soutint l' Athènes ancienne contre l'Atlantide. Par suite, voici ce qu'on peut dire de la quatrième étape de la transmission orale de ce récit. En fait, la date de cet événement correspond à celle à laquelle doit s'être déroulé l'entretien entre Socrate, Timée, Hermocrate et Critias III ou IV, que rapportent le Timée et le Critias. Si on laisse de côté le problème posé par le rapport entre cet entretien et celui rapporté dans la République, il faut situer l'action durant les Panathénées (Tim 26 e 3, cf. 21 a 2). Les Panathénées, fêtes athéniennes en l'honneur d'Athéna, étaient célébrées le 28 Hécatombaeon (mois lunaire athénien qui commençait avec la nouvelle lune après le solstice d'été, le 20-21 juin), c'est-à-dire à la mi-juillet: on doit distinguer entre les grandes Panathénées, célébrées tous les quatre ans, et les petites, célébrées les autres années, sans qu'il soit possible de savoir desquelles il s'agit dans le cas présent. Reste maintenant à déterminer en quelle année est censé avoir eu lieu l'entretien relaté dans le Timée et le Critias. Selon toute probabilité, cette date se situe entre 430 et 425 av. J.-C. Critias III aurait alors été âgé de quatre-vingt-dix ou quatrevingt-quinze ans, Critias IV de trente ou trente-cinq ans et Socrate (470-399 av. J.-C.), de quarante à quarante-cinq ans. L'intérêt d'une telle datation réside dans le fait qu'elle rend plausible la présence à Athènes d'Hermocrate, le général syracusain de ce nom (mort en 407 av. J.-C.) que Thucydide (VI, 72) présente comme un homme d'une intelligence h(?rSdu commun, d'un courage remarquable et d'une grande expérience militaire. Lors du congrès de Géla en 424 av. J.-C., Hermocrate (Thcd IV, 58) intervient pour conseiller aux cités de Sicile de conclure une paix pour faire face au danger d'une agression athénienne. À cette date, il est déjà un homme politique important, ce qui correspond à ce que donne à entendre Socrate en Timée 20 a 7 - b l : « Et, pour Hermocrate, ses dons naturels et son éducation sont à la hauteur de toutes ces questions; beaucoup de témoins en font foi. » Les questions dont il s'agit touchent à la politique et à la philosophie. Enfin, il semble bien que le Timée et le Critias appartiennent 38
à la
moyens de transmission
dernière période de Platon 10, et qu'ils furent écrits dix ou douze ans avant sa mort, c'est-à-dire entre 358 et 356 av. J.-C. C'est donc sur une période de 270 ans, au cours de laquelle se succèdent 7 générations, que se serait étendue la transmission de ce récit recueilli de la bouche d'un prêtre égyptien, prétendant faire référence à des événements vieux de 9 000 ans, alors tombés dans un oubli presque total en Grèce ancienne. La valeur de ce témoignage, qui, il faut le rappeler, relève du pastiche, réside dans le fait qu'il donne une description plausible, parce que fondée sur une analyse préalable, complexe et minutieuse, du processus de transmission sur une longue période de temps, avec et sans intervention de l'écriture, d'un récit relatant des (pseudo-)événements mémorables. À partir de cet exemple, deux questions peuvent être posées. Qu'en est-il de la transmission orale proprement dite? Et quel rapport peut entretenir !'oralité avec l'écriture, dans ce cas précis et plus généralement chez Platon? La transmission orale peut se définir tout simplement comme une transmission de bouche à oreille. Cette définition simpliste trouve son répondant exact en ces deux termes: phime (Tim 27 b 4) et akoi ( Tim 21 a 6, 22 b 8, 23 a 2, 23 d 1, 25 e 1), qui respectivement dérivent des verbes phem{ « dire », dans le sens de « manifester par la parole» et akouo «entendre». La signification de ces deux vocables apparaît avec plus de précision, lorsqu'on prend en considération l'ensemble de leurs occurrences dans l'œuvre de Platon. Phime est un nom de la «parole», chargé de valeurs religieuses et politiques. Chez Platon, on peut effectivement distinguer deux usages de ce vocable : l'un qui manifeste une valeur ~eligieuse, et l'autre une valeur profane d'ordre collectif. Lorsqu'il manifeste une valeur 1eligieuse, phime signifie« révélation divine », comme on peut le constater en Lg I 624 b 2, Lg II 664 d 4, Lg V 738 c 6, Lg VII 792 d 3, Phdo 111 b 7, 10. Christopher GILL, « Plato and Politics. The Critias and the Politicus », Phronesis 24, 1979, p. 148-167, s'oppose à G. E. L. OWEN, «The Place of the Timaeus in Plato's Dialogues» [I 953], Studies in Plato's Metaphysics, édité par R. E. Allen, Londres (Routledge & Kegan Paul)/ p. 313-338.
New York (Humanities Press), 1965,
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Tim 72 b 3. Dans tous ces cas, il s'agit de la manifestation du divin par la parole, dans le cadre de la divination. Lorsqu'il présente une valeur profane, phimë désigne essentiellement une « parole» collective. En ce domaine, il faut cependant introduire une nouvelle distinction. Car cette «parole» collective peut être celle du long terme ou celle du court terme. Lorsqu'elle se rapporte au court terme, cette« parole» collective correspond à la« réputation» de quelqu'un ou tout simplement aux «bruits» qui courent sur son compte. C'est ce sens que man ifestent six occurrences de phimë chez Platon :Ap 18 c 1,Ap 20 c 7, Lg IX 878 a 5, Lg XI 932 a 6, Lg XI 935 a 1, Pol 309 e 8. Mais c'est lorsqu'elle se rapporte au long terme que cette « parole» collective présente le plus de pertinence. En effet, phimë désigne alors ce qu'aujourd'hui on appelle la « tradition», que cette tradition porte sur un domaine religieux : dieux, démons, héros et éventuellement monde de !'Hadès, ou sur un domaine profane : institutions, hauts faits militaires, etc. Dans cette perspective, phimë désigne la parole collective destinée à être conservée. C'est le sens que man ifestent d'ailleurs la plupart des occurrences de phimë dans l'œuvre de Platon: Crat 395 e 5, Lg II 672 b 3, Lg IV 704 b 1, Lg IV 713 c 2, Lg VI 771 c 7, Lg VII 822 c 4, LgVIII 838 c 8, LgVIII 838 d 6, Lg IX 870 a 7, Lg IX 871 b 4, Lg IX 878 a 5, Lg X 906 c 1, Lg X 908 a 7, Lg XI 916 d 7, Lg XI 927 a 5, Lg XII 952 b 7, Lg XII 966 c 5, Phlb 16 c 8, Resp III 415 d 6, Resp V 463 d 6, Tim 27 b 4. Ph~më reste un nom de la «parole», même lorsque cette parole est consignée par écrit comme l'indique cette expression du Timée: « la tradition des écrits sacrés(~ -rw\J Ee:pN\Jypœµµcx.-r(ù\J cp·f)µY)) » ( Tim 27 b 4), où il est fait mention du récit de la guerre menée par !'Athènes ancienne contre l'Atlantide, conservé par écrit pendant 8 000 ans dans un temple de Saïs en Égypte. En définitive, cette « parole », que désigne ph~më est une « parole» divine ou une parole «collective». Dans le premier cas ph~me équivaut à une «révélation» et dans le second à une « tradition»; cette « parole» collective pouvant se dégrader dans le court terme et équivaloir à une «réputation», c'est-à-dire aux «bruits» qui courent sur quelqu'un. Voilà donc quelle est la véritable teneur du message transmis dans ce type de récit que constitue le mythe; c'est une ph~me, qui 40
moyens de transmission
est aussi bien parole divine que parole collective. Mais, à la limite, toute parole divine devient partie intégrante de la parole collective qui, pour une bonne part, porte sur un domaine religieux. C'est le cas, par exemple, dans neuf ( Crat 395 e 5; Lg II 672 b 3, IV 704 b 1, VI 771 c 7, VII 822c 4, VIII 838 c 8,838 d 6, X 906 c 1, XI 927 a 5) des vingt et une occurrences énumérées plus haut. La chose n'a rien de surprenant, car, dans le passé, parole divine et parole humaine tendaient à se confondre, à cause de l'extrême proximité des dieux avec les hommes. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il faut comprendre et ce passage du Philèbe (16 c 7-8): « En outre, les anciens qui étaient meilleurs que nous et qui habitaient plus près des dieux nous ont transmis cette tradition (-rcxu-r"f)vtedes occurrences, où se manife~te ce sens: Gorg 523 a 3, Gorg 527 a 5, Phdr.1J l Ob J Lg Il I 633 d 2, Lg IV 712 a 4, Lg IV 719 c 2, Lg VII 790 c 3, Lg VIII
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840 c 1, lg VIII 841 c 6-7, lg IX 865 d 5-6, lg IX 872 e 2, Lg XI 913 c 2, Phdr 237 a 10, Pol 272 c 6-7, Prot 320 c 3, Prot 320 c 7, Prot 324 d 7, Prot 328 c 3-4, Resp I 330 d 7, Resp I 350 e 3, Resp II 377 a 4-6, Resp II 377 c 3, Resp II 377 d 4-5, Resp II 381 e 3, Resp III 386 b 9, Resp III 398 b 8, Resp VIII 565 d 6-7, Tim 22 c 7. Suivant cet usage, /égo man if este la valeur distributive de la racine * leg- « parcourir en ordre, selon un plan », tout en restant dans le domaine de la parole ordinaire, où il sert de présent au couple eipeîn-ereîn « dire, parler». Raconter, c'est parcourir en ordre, par la parole, une suited'actionsaccomplies par un ou plusieurs sujet(s). Par ailleurs, /égo se voit relayer par phthéggomai « faire entendre sa voix, un son», dont on ne trouve qu'une occurrence en relation avec mûthos (Lg II 664 a 5-7) et qui indique que raconter un mythe est, avant tout, une performance orale. Enfin, les verbes diëgéomai « exposer en détail » (Soph 242 c 8-9) et diérkhomai « parcourir jusqu'au bout» (Soph 242 d 6, Tim 23 b 4) comportent, grâce à leur second terme, respectivement hëgéomai « marcher devant, conduire» et érkhomai «aller», l'idée du mouvement manifestée par /égo, dans le sens de « raconter». Le préverbe dia indique par ailleurs l'intégralité du mouvement ainsi évoqué; on verra plus loin l'importance de la chose. Il est difficile de déterminer comment les non-professionnels racontaient un mythe. Mais tout porte à croire qu'ils cherchaient à imiter les professionnels. Or, voici ce qu'on sait sur la façon de procéder de ces derniers. Les mythes pouvaient être en prose. Mais la plupart étaient en vers, ce qui permettait de les raconter et plus généralement de les chanter avec accompagnement musical ou même avec ex~cution de pas de danse. Ces techniques d'ordre linguistique, musical et chorégraphique, que mettaient en œuvre, pour communiquer un mythe, des professionnels comme les poètes, les rhapsodes, les acteurs et les choreutes, sont évoquées par Platon, qui les distingue avec soin (cf. Resp III 398 c 11 -d 10,399 a 5 - c 4, lg VIII 814 d 7 - 815 d 3; ces passages seront commentés dans le chapitre 6). En effet, alors que, comme on l'a vu plus haut, le rhapsode se bornait à déclamer, du haut d'une estrade, couronné d'or et richement costumé, surtout des poèmes d'Homère, avec des mimiques, mais sans accompagnement musical, la performance des acteurs et des choreutes faisait intervenir le chant et la danse. 70
narration
Les acteurs, qui portaient des masques en tissu, en écorce ou en bois, des costumes qui attiraient le regard et des bottines souples à fines semelles, s'apparentent en fait à des chanteurs d'opéra. Le texte qu'ils avaient à communiquer pouvait être chanté, récité avec l'accompagnement d'un instrument de musique - en général flûte, quelquefois lyre - ou chanté. Les acteurs cultivaient donc leur voix avec beaucoup de soin pour lui assurer puissance, clarté, correction, expressivité et musicalité. D'ailleurs, il leur fallait avoir une formation musicale, puisqu'ils psalmodiaient les récitatifs sur divers rythmes, et que, aux moments de fortes émotions, ils devaient chanter dans un solo lyrique ou en réponse au chœur. Pour illustrer ce qu'ils disaient, les acteurs exécutaient un certain nombre de gestes et de mouvements; il leur arrivait même de danser. Pour sa part, le chœur des tragédies, et peut-être des drames satyriques et des comédies, était composé dans la seconde moitié du yc siècle, de quinze membres costumés et masqués, disposés en un rectangle ·comprenant trois rangs de cinq choreutes: ainsi se distinguait-il du chœur des dithyrambes qui comprenait cinquante membres non masqués, disposés en cercle. Après une tirade introductive, le chœur faisait son entrée précédé par son accompagnateur, un joueur de flûte; il sortait de la même façon. On sait très peu de choses sur ce qu'il faisait entre-temps. Il semble bien que, durant certains récitatifs d'un acteur, le chœur dansait au son de la flûte qui accompagnait l'acteur. Par ailleurs, c'est à l'unisson qu'il chantait le parados « chant d'entrée», ainsi que les stasima, c'est-à-dire les odes chorales exécutées après que le chœur eut atteint sa place (stasis) dans l'orkhistra, en exécutant des pas de danses 8 • Qu'il soit le fait de professionnels ou de non-professionnels, une règle gouverne le récit de tout mythe. Cette règle est évoquée par deux types d'expressions qui, par la suite, se retrouveront comme proverbes dans des recueils byzantins. La première de ces expressions consiste en une prescription, dont on trouve la formulation la plus explicite dans le Gorgias où Socrate, s'efforçant de persuader Calliclès de ne pas abandonner la discussion en cours, déclare :
8. A.
P1CKARD-CAMBRIDGE,
The Dramatic Festivals of Athens. p. 126-152.
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« Mais, dit-on, il n'est pas permis d'abandonner même des mythes au milieu, mais seulement après leur avoir donné une tête, afin qu'[ un mythe] n'erre pas sans tête. Continue donc encore à me répondre, pour que ce discours reçoive de nous une tête. » ( Gorg 505 c 10 - d 3.)
Par ailleurs, dans le Timée, et plus précisément dans l'introduction qu'il donne à la troisième et dernière partie de ce dialogue, Timée déclare: Maintenant donc que, tel le bois devant les charpentiers, devant nous se trouvent les genres de causes qui constituent le bois de construction dont il faut que soit confectionné ce qui reste de ce discours, retournons brièvement au début, et revenons rapidement à l'endroit même d'où nous étions partis; et à ce mythe tâchons, à partir de là, de donner une tête et une fin qui s'accorde avec ce qui précède.» (Tim 69 a 6 - b 2.) «
À ces deux passages, vient s'en ajouter un troisième qui se trouve au livre VI des Lois. Le mythe, dont l'étranger d'Athènes désire poursuivre le récit jusqu'à son terme, c'est la description qu'il est en train de faire de la cité que veulent fonder les Crétois : En tout cas, je suppose, puisque je raconte un mythe, je ne le laisserais pas de plein gré sans tête, car, à vagabonder dans cet état en tous lieux, il paraîtrait informe. » (Lg VI 7 52 a 2-4.) «
Ces trois passages sont donc unanimes sur un point. Lorsqu'on raconte un mythe, il faut en poursuivre le récit jusqu'à la fin; cette fin étant assimilée à une tête. L'expression où fü:µ~ç Ècr-d « il n'est pas permis», indique qu'il s'agit là d'une prescription de nature religieuse. Mais, si on fait abstraction de cet élément religieux, absolument essentiel dans le cas du mythe, une telle prescription s'applique à tout discours, comme on peut le constater en relisant ce passage du Phèdre: Voici pourtant une chose au moins que tu déclarerais, je crois; il faut que tout discours soit composé comme un être vivant doté d'un corps qui lui soit propre, de façon à n'être ni sans tête ni sans pied, mais à avoir un milieu et des extrémités, écrits pour convenir entre eux et au tout. (Phdr 264 c 2-5.) SOCRATE.
72
-
narration
La comparaison entre le discours et un être vivant permet donc d'établir une série d'autres rapports générateurs de métaphores. Le début d'un discours correspond à ses pieds, et sa fin à sa tête; le même discours a un milieu qui pourrait bien être son tronc. Toutes ces parties doivent, comme chez un vivant, être organisées de façon à entretenir entre elles des rapports harmonieux. C'est d'ailleurs à cette prescription que doit penser l'étranger d'Élée, lorsqu'il déclare, à la fin du mythe qu'il raconte dans le Politique, d'abord : « Et mettons donc ainsi fin à ce mythe» (Pol 274 e 1); puis, critiquant ce qu'il vient de faire: « Nous n'avons absolument pas attribué une fin à ce mythe.» (Po/ 277 b 7.) Il en va de même, au livre VII des Lois, où cependant l'étranger d'Athènes fait un usage dérivé de mûthos: « Que, pour moi, se termine ici et ainsi ce mythe, qui traite à la fois des professeurs de lettres et des études littéraires. » (Lg VII 812 a 1-3.) Dans ces trois passages, le substantif té/os «fin» (Po/ 274 e 1, 277 b 7) et le verbe teleutaô « avoir une fin, prendre fin» (Lg VII 812 a 2) expriment la même idée que l'expression « avoir une tête». Par ailleurs, comme l'a fait remarquer E. R. Dodds dans son commentaire 9 à Gorgias 505 c 10, il faut mettre en relation l'expression prescrivant de ne pas laisser un mythe sans tête (&.xécpo:Àoc; µ.u0oc;)avec cette autre qui clôt le récit d'un mythe: 6 µ.u0oc; cr~Çe-ro:~. Cette relation n'est possible que dans la mesure où on comprend que Platon joue sur le double sens du passif cr~Çe-rm (pour un exemple de la chose, cf. Gorgias 515 c - e) qui signifie non seulement « être sauvé», c'est-à-dire « n'avoir pas per1 » (oùx &.noÀÀu-ro:~), mais aussi« être arrivé sain et sauf» (cf. Hdt IV, 97; V, 98; IX, 104: Eschyle, Perses 737; Euripide, Phéniciennes 725; Sophocle, Trachiniennes 611; Xénophon, Anabase VI, 5, 20). En d'autres termes, le récit d'un mythe est assimilé à un voyage qui constitue un danger dont on est sauvé, lorsqu'on est arrivé sain et sauf à bon port. Dans le corpus platonicien, on trouve quatre passages où apparaît cette expression. À la fin du mythe d'Er, Socrate déclare : « Et c'est ainsi, Glaucon, que le mythe a été sauvé et qu'il n'a pas péri; et nous, il pourra nous sauver, si nous sommes persuadés par lui.» (Resp X 9. Gorgias. introduction, texte et commentaire par E. R. Oxford, 1959.
DODDS,
Clarendon Press,
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621 b 8 - c 1.) Cette expression, on la retrouve en Théétète 164 d 8-10: « Et c'est donc ainsi qu'a péri le mythe, celui de Protagoras et le tien par la même occasion, selon lequel connaissance et perception, c'est la même chose»; en Philèbe 14 a 3-5 : « Après quoi, notre discours serait perdu, ainsi que périt un mythe, tandis que nous, nous trouverions notre salut dans une absurdité»; et en lois I 645 b 1-2: « Et c'est donc ainsi qu'aurait été sauvé le mythe de la vertu, qui nous représente comme des marionnettes. » Les similitudes qu'on peut relever entre ces quatre passages indiquent qu'il doit s'agir là d'une expression familière que Platon reprend, telle quelle, en la modifiant au minimum. Dans tous les cas, en effet, on trouve le syntagme xcd oU'îû.) suivi des verbes cr0(E'îcü et/ou cxTTÔÀÀU'îG(~. En Resp X 621 b 8 - c 1 et en Phlb 14 a 3-5, les deux verbes apparaissent conjointement; alors qu'en Tht 164 d 8-10 seul cxTTÔÀÀU'îG(~ figure et en lg I 645 b 1-2, seul cr0(E'îG(~. Cette hypothèse se voit d'ailleurs confirmée par le fait que l'expression en question est consignée dans les recueils byzantins de proverbes, où, apparaissant sous la forme 6 µü0oç &1twÀE:o10 « le mythe a péri», elle est ainsi glosée: « [proverbe] relatif à ceux qui ne mènent pas leur exposé (~~~y'Y)cr~v) jusqu'à son terme». Une note à ce proverbe ( CG L II 91) indique que 6 µü0oç È:crw0'Y)exprime l'idée contraire, et cela en dépit d'une scholie qui donne de Resp X 621 b 8 une autre interprétation. C'est d'ailleurs dans le même sens qu'est glosée l'expression à:xÉ:osition: discours narratif (ou plus simplement récit)/ discours argumentatif. Alors que la première opposition se fonde sur un critère externe : le rapport du discours avec le référent sur lequel il est censé porter, la seconde dépend d'un critère interne : l'organisation de son développement. Il est à noter que cette dernière opposition n'a de sens que dans un contexte philosophique, l'histoire tout comme le mythe ressortissant au récit. Un récit rapporte des événements comme ils sont censés s'être produits sans apporter aucune explication : aussi l'enchaînement entre ses parties est-il contingent, du moins d'un point de vue superficiel, car, depuis V. Propp notamment, plusieurs tentatives ont été faites pour dégager une logique du récit. Et son seul but est de réaliser une fusion émotive entre le héros du récit et celui à qui ce récit est destiné par l'intermédiaire de celui qui fabrique et/ou raconte ce récit. En revanche, le discours argumentatif suit un ordre rationnel (quelle que soit la définition de la raison retenue). L'enchaînement 139
de ses parties se fait selon les règles qui ont pour but de re~dre nécessaire sa conclusion. Et c'est un accord rationnel sur cette conclusion qui est recherché par celui qui tient ce discours. L'opposition mythe/discours argumentatif est admirablement illustrée par la construction de ce dialogue qu'est le Politique. Le Politique, dont le personnage principal est un étranger d'Élée qui représente un courant philosophique dont Platon s'inspire beaucoup 1, a pour but la mise en œuvre d'une définition de l'homme royal et politique. Pour y arriver, l'étranger d'Élée fait usage d'un discours argumentatif qui recourt à l'une des méthodes propres à la dialectique : la méthode de division qui consiste à scinder, selon certaines règles définies en Politique 262 a - 264 b, chaque forme intelligible en deux parties, dont l'une est à son tour soumise au même procédé de division, et ainsi de suite de façon à obtenir tous les éléments constitutifs de la définition recherchée. Or, à un moment donné, une définition de l'homme royal et politique comme pasteur des peuples est proposée, que l'étranger d'Élée va rejeter en ayant recours à un mythe qui montre que cette définition s'applique à un passé très éloigné, et non pas au présent. C'est d'ailleurs ce qu'il explique après avoir raconté le mythe en question (Pol 274 e 1-4). La même idée est reprise et développée plus loin, à l'aide d'une comparaison tout à fait éclairante avec la peinture (Pol 277 a 3 - c 6). Voici ce que déclare l'étranger d'Élée avant de raconter son mythe: ÉTR. o'ÉLÉE. - Eh bien! Nous devons reprendre notre marche, en nous donnant un autre point de départ et en suivant une autre route.
J. SOCRATE. - Laquelle donc? ÉTR. o'ÉLÉE. - En mêlant un peu de jeu [à notre marche]. Car il nous faut utiliser une longue partie d'un grand mythe, et ensuite, pour le reste, en procédant, précisément comme dans ce qui précède, à l'extraction continuelle d'une partie d'une partie pour amener ce que nous cherchons à son point ultime. N'est-ce pas ce qu'il faut faire? 1. Sur les rapports entre Platon et les Éléates, on peut lire, G. der logische Eleatismus, De Gruyter, Berlin, 1966, 226 p.
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PRAUSS,
Platon und
l'opposition: mythe/discours argumentatif
J. SOCRATE. - Eh oui, absolument. ÉTR. o'ÉLÉE. - Mais alors, tourne sans restriction ton esprit vers mon mythe, précisément comrrie font les enfants. Après tout, il n'y a pas beaucoup d'anné.es que tu as quitté l'enfance. (Pol 268 d 5 - e 6.) Il existe une similitude étonnante entre cette introduction du mythe du Politique et celle du mythe de Protagoras. En effet, avant de raconter son mythe, Protagoras répond ainsi à Socrate: SOCRATE. - [... ] Si donc tu es en mesure de nous démontrer plus clairement que la vertu est une chose qui peut s'enseigner, ne te dérobe pas, mais donne-nous cette démonstration (bcŒet;ov ). PROTAGORAS.- Mais, Socrate, répondit Protagoras, je ne me déroberai pas. Mais cette démonstration, vous la ferai-je, comme quelqu'un de plus âgé à des plus jeunes, en racontant un mythe ou bien en l'exposant dans un discours raisonné?
(Beaucoup de ceux qui étaient assis auprès de lui lui répondirent de faire son exposé de celle des deux façons qui lui plairait.) SOCRATE. - Eh bien, dit Protagoras, il me semble qu'il sera plus agréable de vous raconter un mythe. (Prat 320 b 8 - c 7.) Le contexte philosophique est ici tout à fait différent. En effet, chez Protagoras, on ne trouve aucune référence au monde des formes intelligibles. Et tout cela tout simplement parce que Protagoras est l'un des sophistes à qui, dans le passage de Timée cité plus haut, il est aussi fait allusion en ces termes : « comme il paraît à certains, l'opinion vraie ne diffère de l'intellection en rien» (Tim 51 d 5-6). C'est d'ailleurs cette thèse, explicitement attribuée à Protagoras, qui est soumise à une critique détaillée dans le Théétète. Dans le dialogue qui porte son nom, Protagoras, le sophiste que Platon respecte le plus, raconte un mythe (Prat 320 c - 324 d), puis développe un discours argumentatif (Prat 324 d - 328 d) pour exposer la même thèse par des moyens différents : la vertu peut s'enseigner, et c'est le sophiste qui est le mieux en mesure de dispenser cet enseignement. Or, aux trois moments décisifs de ce double développement, au début (Prat 320 c 2-4) et à la fin (Prat 141
324 d 6-7) de ce mythe, et à la fin du discours argumentatif (Prat 328 c 3-4) qui lui fait suite, Protagoras reprend l'opposition mythe/ discours argumentatif. Le mythe que raconte Protagoras fait référence à un passé très lointain, qui a vu l'apparition des êtres mortels, bêtes et hommes, dotés par les dieux de qualités diverses 2 • En revanche, le discours argumentatif qui lui succède décrit certaines pratiques sociales et politiques de la Grèce des v• et 1v•siècles avant J.-C., et cherche à les justifier en se limitant aux comportements humains observés. Ni dans l'un ni dans l'autre cas donc, on ne quitte le monde des choses sensibles, même si, dans le premier cas, les événements en question ne sont qu'objets de tradition, alors que, dans le second, les faits invoqués sont vérifiables par l'intermédiaire des sens. C'est à la même opposition : mythe/ discours argumentatif, que fait référence Socrate, lorsque, au début du Phédon, il déclare : SOCRATE.- [...] Puis, après le dieu, faisant réflexion que le poète devait, si toutefois poète il veut être, fabriquer des mythes et non des discours argumentés (È:vvo~mxçéh·L·-rov 1tOL'lJ'î~V ~ÉoL, s'C1tsp µ.É:ÀÀoL 1tOL'lJ'î~Ç dvcxL, 1toLSÎ:v µ.u0ouç &_)..)..' où Myouç), et que moi, je n'appartenais pas à la classe de ceux qui racontent des mythes (xcxt cxù-roç oùx ~ µ.u0oÀoyrn6ç ), pour ces raisons, dis-je, les mythes (µu0ouç) que j'avais sous la main et que je savais par cœur, ceux d'Ésope, ce sont les premiers sur lesquels je tombai et dont je fabriquai des poèmes. (Phdo 61 b 3-7.) Cette opposition, formulée de façon elliptique demande à être élucidée. Le mythe et le discours argumentatif apparaissent comme les produits d'une fabrication dans le domaine ·du discours. Or le" mythe est fabriqué par le poète. C'est donc par le philosophe que doit être fabriqué le discours argumentatif. Cette déduction présente un caractère hypothétique, dans la mesure où elle se fonde sur une négation. En effet, dans le passage qui vient d'être cité, Socrate déclare qu'il n'appartient pas à la classe de ceux qui racontent des mythes, c'est-à-dire qu'il n'est pas un poète comme Ésope. Mais, puisque plus haut Socrate s'est. 2. Sur le mythe de Protagoras, cf. L. BRISSON, « Le Mythe de Protagoras. Essai d'analyse structurale,., Quaderni Urbinati di Cuttura classica, n° 20, 1975, p. 7-37.
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l'opposition: mythe/discours argumentatif
lui-même présenté comme un philosophe, il y a beaucoup de chances pour que ce personnage, qui fabrique des discours argumentatifs et qui n'est pas un poète, soit un philosophe comme Socrate. Par la suite, Socrate, qui a donné un exemple du genre de récit qu'aurait pu fabriquer Ésope sur le thème de l'indissociabilité de l'agréable et du pénible en l'homme, développe trois preuves de l'immortalité de l'âme (Phdo 70 c - 77 d; 78 d - 84 b; 102 a - 107 b) avant de terminer sur un mythe décrivant la destinée de l'âme après la mort (Phdo 107 d-114 c), mythe dont l'utilité·sera rappelée. Car, pour Platon, l'intérêt que présente le mythe ne réside ni dans sa valeur de·vérité ni dans la force de son argumentation, mais dans son utilité sur le plan de l'éthique et de la politique. Encore faut-il savoir en quoi consiste cette utilité.
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11 L'utilité du mythe
Pour un philosophe comme Platon, le mythe présente deux défauts. C'est un discours invérifiable souvent assimilable à un discours faux. Et c'est un récit dont les éléments s'enchaînent de façon contingente, contrairement au discours argumentatif dont l'organisation interne présente un caractère de nécessité. Mais ces deux inconvénients sont compensés par deux avantages qui investissent le mythe d'une utilité certaine, que manifestent les adjectifs ophélimos. /usitelis. khrisimos et ka/6s utilisés par Platon pour qualifier mûthos. Mais quels sont ces avantages? Même s'il est un discours invérifiable, le mythe constitue le moyen par lequel est communiqué ce savoir de base partagé par tous les membres d'une collectivité qui en assure la transmission de génération en génération. Et, même s'il ne partage pas le caractère de nécessité du discours argumentatif, ce récit qu'est le mythe n'en constitue pas moins un instrument privilégié pour modifier le comportement de la partie inférieure de l'âme humaine, cette action pouvant être présentée comme extraordinaire, à la façon de celle que produisent incantation et charme, ou ordinaire, à la façon de celle que met en œuvre la persuasion en général. Dans le domaine de l'éthique, pour l'individu, et dans le domaine de la politique, pour la collectivité, la contrainte indispensable pour 144
l'utilité du mythe
assurer la conformité de la conduite aux règles et aux lois, quelles que soient d'ailleurs ces règles et ces lois, peut être de deux sortes : une contrainte physique, qui s'exerce sur le corps par la violence, ou une contrainte morale, qui s'exerce sur l'âme par la persuasion. Platon ne disqualifie pas la contrainte physique. Mais il lui préfère la contrainte morale. Aussi cherche-t-il, chaque fois que la chose est possible, à faire intervenir la pei:suasion plutôt que la violence. Or, le mythe constitue un instrument de persuasion qui présente une efficacité d'autant plus grande que son audience est universelle dans le cadre d'une communauté donnée. La chose permet au mythe de jouer, pour le grand nombre, un rôle similaire à celui de la forme intelligible pour le philosophe, en tant que modèle auquel on se réfère pour déterminer quelle conduite on doit adopter dans tel ou tel cas particulier. Il· suit de là qu'en éthique et en politique le mythe peut servir de relais au discours philosophique. C'est le cas, par exemple, sur le plan de l'éthique, dans le Phédon: SOCRATE.- Sans doute, soutenir de toutes ses forces qu'il en est de cela ainsi que je l'ai exposé ne convient pas à un homme doué de raison (vouv ). Que cependant ce soit cela ou quelque chose de tel au sujet de nos âmes et de leurs demeures, c'est ce qui, puisque précisément l'âme paraît bien être quelque chose d'immortel, me semble et convenable et digne d'être risqué par celui qui estime qu'il en est ainsi. Car ce risque est avantageux (Kix.Ààç yi:x.p 6 x(vouvoç ). Et il faut [qu'on se raconte] de telles choses, comme si on se faisait à soi-même des incantations (&crm:p Èït43e:,v ÉIX.u-r0 ). C'est justement pourquoi, quant à moi, je prolonge ce mythe depuis longtemps. (Phdo 114 d 1-7.) Comme l'indique Socrate, le mythe qu'il vient de raconter (Phdo 107 d - 114 c) ne s'adresse pas à la raison (noûs) qui aborde le problème de l'immortalité de l'âme par un tout autre biais, et notamment par celui de la preuve rationnelle (Phdo 102 a - 107 b). En outre, ce que ce récit rapporte sur la nature et la destinée de l'âme suscite quelque doute, tout simplement parce qu'il s'agit là d'un discours invérifiable. Malgré tout, Socrate tient à raconter ce mythe, en le considérant comme une incantation particulièrement utile. Par la persuasion qu'elle met en œuvre, elle délivre de la 145
crainte de la mort (cf. Phdo 77 d - 78 a), tout en rappelant la prééminence de la partie rationnelle de l'âme, qui seule est véritablement immortelle, sur la partie appétitive (Phdo 114 d 115 a). De ce fait, l'interprétation que donne J. Salviat I de l'expression xrt..Àoçyàp 6 x(v8uvoç paraît recevable. L'adjectif xaMç doit être pris non dans un sens esthétique « beau », mais dans un sens appréciatif «avantageux». Du plan éthique on passe facilement au plan politique, dans la mesure où le comportement collectif est conditionné, en dernière analyse, par le comportement individuel. Ainsi les croyances relatives à la destinée de l'âme .après la mort ont-elles une répercussion directe sur la valeur des guerriers : SOCRATE. - Il Jaut donc, à ce qu'il semble, que nous surveillions aussi ceux qui entreprennent de traiter de ces mythes, et que nous leur demandions de ne pas être, aussi sottement qu'ils le sont, injurieux à l'éga~d des choses de l'Hadès, mais plutôt d'en faire l'éloge, attendu qu'ils racontent des choses qui ne sont ni vraies ni utiles (oü-re:txÀ'Y)8Y) ou-re: û)cpÉÀtµi:x)pour ceux qui doivent être des combattants. (Resp III 386 b 8 - c 1.) Le même mythe peut donc présenter une utilité aussi bien sur le plan éthique que sur le plan politique. Il est à noter par ailleurs que, sur le plan politique aussi, l'utilité du mythe est indépendante de sa valeur de vérité ou de fausseté: SOCRATE. - Et, dans le récit de ces mythes (Èv [ .•. ] 'îrt..Lçµu8oÀoy(i:xtç), dont nous parlions tout à l'heure, quand, parce que nous ne savons pas ce qu'il en est de la vérité des choses de l'antiquité, nous rendons le plus possible le faux semblable au vrai, ne le rendons-nous pas ainsi utilisable (xp~cnµov )? (Resp II 382 c 10 - d 3.) Et, au livre III de la République, on trouve cette justification de l'utilisation de la fausseté, c'est-à-dire du mensonge, tant en politique extérieure qu'en politique intérieure: « S'il convient à 1. J. SALVIAT, ~ KcxÀoc;yixp 6 x[vôuvoc;, risque et mythe dans le Phédon», Revue des études grecques, 78, 1965, 23-39.
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l'utilité du mythe
quefqu'un de mentir, c'est donc à ceux qui dirigent la cité, qu'ils le fassent à l'égard d'ennemis ou de citoyens, pour être utiles (Èn' wcpe:Àt~)à la cité. » (Resp III 389 b 7-9.) Voici comment Socrate explique l'usage qu'il conviendrait de faire du mensonge noble en quoi consistent le mythe de l'autochthonie (Resp III 414 d-e) et celui des classes (Resp III 415 a-d) pour rendre compte à la fois de l'unité et de la diversité des citoyens au sein de la cité idéale décrite dans la République: SOCRATE.- Mais quel moyen, repris-je, y aurait-il pour nous, parmi les faussetés dont il est besoin, et dont nous parlions tout à l'heure (cf. Resp II 382 c-d; III 389 b), de persuader, en tenant un discours faux, quelque chose de noble (ye:vvix.~6v TL) aux dirigeants euxmêmes de préférence ou, sinon, au reste de la cité? GLAUCON. - Quelle fausseté? demanda-t-il. SOCRATE.- Rien qui soit nouveau, répondis-je, mais quelque chose de relatif à un Phénicien, quelque chose qui est déjà arrivé antérieurement en maints endroits, comme le racontent et l'ont persuadé les poètes, mais qui n'est pas arrivé de notre temps et dont je ne sais même pas s'il est possible que cela arrive; quelque chose qu'on persuade par une persuasion continue. (Resp III 414 b 8 - C 7.) Or le mythe de l'autochthonie, auquel il est ici fait allusion, reparaît au livre II des Lois, dans le même contexte, et pour y jouer le même rôle: ÉTR. D'ATHÈNES. - Mais un législateur qui serait de quelque utilité (~cpe:Àoc;),si petite fût-elle, et quand bien même la chose n'eût pas été telle que [notre] discours vient de dire qu'elle est, n'aurait-il pas osé, autant que jamais, raconter, en vue du bien (Èn' &yix.04> ), une fausseté aux jeunes? N'est-il pas possible de raconter alors une fausseté plus profitable (Àucrt,e:ÀÉcrTe:pov) que celle-là et qui puisse mieux faire que tous, non pas d-e force mais de leur plein gré (µ~ ~(~ ixÀÀ' h6nixc; ), aient en toutes choses une conduite juste. CLINIAS. - C'est une belle chose que la vérité, étranger, et une chose stable. 11 n'est pas facile cependant, semble-t-il, de la persuader.
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ÉTR. D'ATHÈNES. - Allons donc! Ne fut-il pas facile de persuader ce qu'on raconte dans un mythe (µu0oÀÔy)'Jµcx.)sur l'homme de Sidon, qui est tout à fait difficile à persuader, et des milliers d'autres choses? (Lg II 663 d 6 - e 6.) Dans l'un et l'autre cas donc, le mythe de l'autochthonie est évoqué en relation avec le mythe de la fondation de Thèbes par Cadmos, auquel font allusion ces deux expressions : « un Phénicien (mvLxLxÔv ·n) et « l'homme de Sidon (,ou LLÔù.lv(ou)». En effet, selon certaines versions de ce mythe, Cadmos était le fils de Phénix ou d'Agénor, rois de Tyr et de Sidon. Cadmos, à qui l'oracle de Delphes avait conseillé d'abandonner la poursuite d'Europe, sa sœur, et de fonder une ville, fut conduit par une vache sur l'emplacement de la future Thèbes. Ayant décidé d'offrir un sacrifice à Athéna, il envoya ses hommes chercher de l'eau à la source voisine. Mais le serpent qui gardait la source les tua presque tous. Cadmos se porta à leur secours et tua le serpent. Athéna lui apparut alors et lui conseilla de semer les dents du serpent. Ce qu'il fit. Aussitôt, surgirent de terre des hommes armés, les Spartes. Comme ils étaient menaçants, Cadmos résolut de s'en débarrasser. Il imagina donc de lancer des pierres au milieu d'eux. Ne sachant qui les frappait, les Spartes s'accusèrent mutuellement. Rapidement, la querelle dégénéra en un massacre, dont il n'y eut que cinq survivants: Échion, Hyperénor, Chthonios, Péloros et Oudaeos. Ce furent là les premiers ancêtres des Thébains. Utiliser ce mythe, c'est assurément tenir un discours faux, car l'autochthonie va à l'encontre de ce que l'on sait relativement à la reproduction des êtres humains, du moins dans l'état actuel des choses; car, à une époque antérieure, il en allait autrement. Dans le Politique, c'est sous le règne de Cronos notamment que l'étranger d'Élée situe cette« race des fils de la terre», dont il refuse de mettre en doute l'existence (Pol 271 a 5 - b 3). Mais, même s'il s'apparente maintenant à un discours faux, cc mythe présente une utilité évidente. Il peut servir à persuader (Resp III 4 I 4 c 1, 5-6, 7 [bis]; Lg II 663 e 4, 6 [bis]) les citoyens qu'ils sont tous frères et que leur premier devoir est de protéger leur mère, c'est-à-dire la terre dont ils ont surgi et où ils vivent. Ainsi, Platon n'hésite-t-il pas à reprendre un récit, dont il dénonce par ailleurs la fausseté dans l'état actuel des choses, mais qui 148
l'utilité du mythe
présente l'avantage d'être connu de tous; et cela, pour que la conduite des citoyens de la cité, qu'il s'agisse de celle décrite dans la République ou de celle décrite dans les lois, s'accorde avec les nécessités fondamentales de la vie en commun, et notamment celle-ci : la défense du territoire. En outre, prenant le relais de cette pratique générale, on note un usage tout à fait particulier du mythe à partir du livre IV des lois, comme préambule aux lois qui vont être édictées. Dans le livre IV des lois (719 c - 724 a), Platon s'interroge sur la pratique du législateur. À cet effet, il compare le législateur au poète et au médecin. Contrairement à celui du poète, le discours du législateur doit être non contradictoire; en d'autres termes, le législateur ne peut, sur un seul et même sujet, tenir qu'un seul discours, alors que, pour sa part, le poète n'hésite pas à mettre en œuvre sur ce même sujet deux discours qui se contredisent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, comme le rappelle Platon (lg IV 719 b-c), le législateur ne doit pas laisser au poète le droit de composer ce qu'il lui plaira. Cependant, même si, sur un seul et même sujet, le législateur ne tient qu'un seul discours, ce discours n'est pas forcément simple. À cet égard, Platon évoque deux médecins dont les comportements diffèrent radicalement 2 • L'un, ne donnant à ses malades aucune explication sur le mal qui les touche, leur prescrit brutalement une ordonnance, avant de passer à un autre malade. L'autre, au contraire, s'étant informé auprès du malade et de son entourage, prend le temps de donner à son patient les explications qui rendent compte des prescriptions de son ordonnance. De la même façon, le discours du législateur peut être simple ou double. S'il est simple, il est court, puisqu'il ne se compose que de deux éléments : la prescription de la loi et les peines encourues par celui qui ne se soumettra pas à cette loi. S'il est double, il est au moins deux fois plus long, parce qu'il fait précéder la prescription de 2. Sur la distinction entre ces deux types de médecin, une polémique s'est engagée, qui se poursuit. Sur le sujet, cf. F. KUDLIEN, Die Sklaven in der griechischen Medizin der klassischen und hellenistischen Zeit, F. Steiner, Wiesbaden, 1968, ch. 3; R. JOLY, • Esclaves et médecins dans la Grèce antique», SudhoffsArchiv für Geschichte der Medizin und der Naturwissenschaften, 53, 1969 1-14; J. JOUANNA, • Le Médecin, modèle du législateur dans les Lois de Platon», Ktema. 3, 1978, p. 77-92.
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la loi d'un préambule (proo(mion) qui introduit, à côté de la violence qui s'attache à la peine qu'encourt celui qui ne se conforme pas à la loi, la persuasion destinée à assurer, d'entrée de jeu, l'obéissance à cette loi. Bref, pour que la loi qu'il prescrit soit respectée, le législateur dispose de deux moyens : la persuasion, que cherche à mettre en œuvre le préambule, et la violence, qui s'attache à la peine encourue par celui qui ne se soumet pas à la loi. Mais Platon tient à s'appuyer sur la persuasion plutôt que sur la répression, qui est toujours le constat d'un échec, celui qu'implique le non-respect de la loi. Pour Platon, un préambule est, avant tout, un~ exhortation (paramuthfa, Lg IV 720 a 1; paramuthion, Lg VI 773 e 5, IX 880 a 7, X 885 b 3, XI 923 c 2). Or, par un jeu de mots, Platon assimile l'exhortation (paramuth(a ou paramuthion) au« mythe qui précède la loi» (6 7tpo't'OU v6µou µu0oi:;)(Lg XI 927 c 7-8). C'est là une assimilation 3 qui se voit vérifiée, au niveau des faits, par un examen des quatorze dernières occurrences du vocable mûthos dans les Lois (cf. annexe 4). Dans neuf cas, ce vocable fait référence à des mythes traditionnels en Grèce ancienne; et dans les cinq autres cas à des discours qui ne sont peut-être pas des mythes en tant que tels, mais qui ne sont pas sans entretenir des liens explicites avec certains d'entre eux. En définitive, l'usage particulier fait par Platon du mythe dans ces quatorze cas n'est qu'une spécialisation de la pratique générale décrite plus haut. Pour persuader aux citoyens de respecter telle ou telle loi, le législateur commence par évoquer un mythe qui illustre le comportement requis par la loi. Ainsi, comme la loi stipule que les jeunes filles doivent prendre part aux mêmes exercices physiques que les jeunes hommes, l'étranger d'Athènes invoque-t-il, à l'appui de cette prescription, d'anciens mythes (µu0oui:;7t(I..À(l..rnui:;) (Lg VII 804 e 4), probablement ceux relatifs aux Amazones. Le recours à cet exemple bien connu de tous lui permet de faire accepter plus facilement par le grand nombre cette loi qui va à l'encontre de la pratique générale en Grèce ancienne (cf. Lg VII 804 e, Resp V 451 C sq.). 3. Sur le sujet, cf. Herwig GôRGEMANNS, Beitrlige zur Interpretation von Platons Nomoi ". Zetemata (Heft 25), Beck, Munich, 1960, p. 30-71 et surtout p. 59, n. 3. «
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/'utilité du mythe
Même s'il est un discours invérifiable qui ne présente pas un caractère argumentatif, le mythe est investi d'une efficacité d'autant plus grande qu'il véhicule un savoir de base partagé par tous les membres d'une collectivité donnée, où, de ce fait, il peut jouer le rôle d'instrument de persuasion à portée universelle. Seule alternative à la violence, il permet, dans l'âme humaine, la prééminence de la raison sur la partie mortelle, et il assure, dans la cité, la soumission du grand nombre aux prescriptions du fondateur de cité ou du législateur, qui sont des philosophes. Dans les deux cas, le mythe joue le rôle de paradigme, auquel, par le moyen non de l'enseignement mais de la persuasion, sont amenés à se référer, pour y conformer leur comportement, tous ceux qui ne sont pas philosophes, c'est-à-dire le grand nombre des humains.
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Refus de toute interprétation allégorique
L'utilité que Platon reconnaît au mythe ne peut résulter d'une interprétation allégorique, dont, au livre II de la République, le refus est ainsi justifié : Mais Héra enchaînée par son fils et Héphaïstos lancé au loin par son père pour s'être porté au secours de sa mère rompue de coups, et toutes ces batailles de dieux qu'a fabriquées Homère, cela il ne faut pas l'admettre dans la cité, que cela ait été fabriqué à titre d'allégories ou non ( oih' Èv u1tovoL1XLÇ othe: ixve:u u1tov0Lwv). Celui qui est jeune, en effet, n'est pas en mesure de distinguer ce qui est allégorie et ce qui ne l'est pas ( o-rL-re:u1t6vOL~x~t 8 µ~); en revanche, les choses qu'à cet âge on a reçues à titre d'opinions tendent à devenir ineffaçables et stables (cf. Tim 26 b 2 - c 3). C'est donc là, sans nul doute, eu égard à ces considérations, qu'il ·faut faire tout son possible pour que les choses entendues les premières soient celles qui, racontées dans un mythe, sont les plus avantageuses à entendre en vue de la vertu ( o-rL xixÀÀLcr-r~ µe:µu0oÀO"'('YJµzv~ 1tpàç &pe:-r't)V&xoue:LV ). (Resp II 378 d 3 - e 3.)
SOCRATE. -
Les trois occurrences du vocable hup6noia qui apparaissent dans ce 152
refus de toute interprétation allégorique
passage sont les seules qu'on trouve dans tout le corpus platomc1en. Malgré l'usage restreint qu'en fait Platon, ce vocable présente beaucoup d'intérêt. Comme l'explique J. Pépin 1, hup6noia manifeste un sens qui, par la suite, sera exprimé par allëgor(a: d'ailleurs, Plutarque fera explicitement le lien entre ces deux vocables (De audiendis poetis 4, 19 e, p. 38.20-22 Patton.) Conformément à l'étymologie, hup6noia est un substantif qui correspond au verbe huponoeîn. Or, huponoeîn, littéralement« voir, penser sous», c'est tout simplement distinguer un sens caché (profond) sous le sens manifeste (superficiel) d'un discours. Les deux seules occurrences de huponoeîn dans le corpus platonicien viennent confirmer cette définition. La première se trouve dans le Gorgias. SOCRATE. - Je soupçonnais (u1tw1t-rwov) bien, quant à moi, que c'était de cette persuasion-là que tu voulais parler, et qu'elle concernait ces choses-là, Gorgias. Mais il ne faut pas que tu t'étonnes si, un peu plus tard, je te questionne encore sur ce qui semble être évident, mais qui suscite une nouvelle question de ma part. Car, ce que précisément je dis, c'est que ma question vise la poursuite, pas à pas, du discours et non ta personne. Mais il ne faut pas que nous prenions l'habitude, par soupçon (Ô1tovoouv-rEç ), de nous enlever d'avance l'un à l'autre la parole, mais [il faut] que toi, à ton gré, tu mènes à son terme ce que tu as à dire, conformément à ton hypothèse. (Gorg 454 b 8 - c 5.) Il est à noter que Socrate désigne ici le soupçon non seulement par huponoeîn, mais aussi par hup6pteuein « voir sous ». L'autre occurrence de huponoeîn se trouve au livre III des Lois. Parlant des hommes qui, ayant survécu aux catastrophes du passé, ne connaissent pas encore la vie en cité, l'étranger d'Athènes conclut: ÉTR. D'ATHÈNES. - C'est donc à cause de cela qu'ils étaient bons et, en outre, à cause de ce qui s'appelle la simplicité de caractère (a~a-r~v ÀEyoµtv"f)v EÙ~0Euxv ). En effet, les choses, dont ils l. J. PÉPIN, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judé~chrétiennes [1958), Études augus\iniennes, Paris, 1976, 588 p. (nouvelle édition revue et augmentée). Cf. plus spécialement, p. 85-92.
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entendaient dire qu'elles étaient bonnes et mauvaises, étant donné la simplicité de leur caractère (Eù~fü:tç ovTEç), ils pensaient qu'elles étaient on ne peut plus vraies et ils étaient persuadés par elles. De la fausseté, en effet, nul n'était, en faisant usage du savoir, capable d'en soupçonner. (unovodv ), comme maintenant, mais tenant pour vrai ce qu'on disait au sujet des dieux et des hommes, ils vivaient en s'y conformant. Voilà précisément pourquoi ils étaient en tout point tels que tout à l'heure nous les avons représentés. (Lg III 679 c 2-8.)· Ce texte présente une double ambiguïté. La première est introduite par l'adjectif euÙhëG et par le substantif euÙheia 2 qui expriment à la fois la bonté du caractère et la stupidité. Voilà pourquoi j'ai employé l'expression« simplicité de caractère» pour les traduire. En utilisant ces deux vocables, Platon veut indiquer que c'est en grande partie de leur stupidité que dépend la bonté de ces hommes, parmi lesquels il faut ranger les montagnards, dont il est parlé dans le Timée (22 b 6 - 23 b 3). Ces montagnards qui ont survécu au déluge restent illettrés et ignorants des Muses, car ils ne vivent pas en cité, là seulement où on trouve des gens ayant assez de loisir pour s'adonner à l'écriture et à la musique (au sens large). Dans ces conditions, il est bien évident que ces hommes ne peuvent soupçonner que, sous ce qu'on leur raconte concernant les dieux et. les hommes, il y ait du faux. Car soupçonner (huponoeîn) implique un savoir (soph(a) et une science (episdmë} qui leur font défaut. Or c'est ce verbe qui engendre la seconde ambiguïté de ce passage. Certes, ici, huponoeîn fait probablement référence à l'interprétation allégorique des mythes que pratiquent notamment les sophistes à cette époque; les termes soph(a et epistimë venant étayer cette hypothèse. Cependant, Platon va plus loin dans sa critique: à l'égard des mythes, les hommes d'alors se montrent incapables non seulement de toute interprétation allégorique, mais même de ce discernement du vrai et du faux considéré comme indispensable dans la République et dans les Lois. En définitive, vi~-à-vis du mythe, Platon adopte une position intermédiaire entre une position naïve, celle des survivants des 2. Claude GAUDIN, « EîH0EIA. La théorie platonicienne de l'innocence,., Revue philosophique de la France et de l'étranger, 1981, p. 145-168.
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grandes catastrophes naturelles qui se gardent non seulement de toute interprétation allégorique, mais même de tout discernement du vrai et du faux, et une position savante qui veut transformer le faux en vrai en pratiquant une interprétation allégorique. Car, comme on peut le constater en relisant le passage de la République (Resp II 378 d 3 - e 3) cité plus haut, Platon rejette tout recours à une interprétation allégorique, sans toutefois s'interdire de discerner entre le vrai et le faux. On atteint là un aspect fondamental de l'attitude du savoir et de la science 3 à l'égard du mythe, en Grèce ancienne, à partir du VI" siècle, où on commence à s'interroger sur la phusis « nature » en dehors du cadre de la religion traditionnelle. Dans un premier temps, le savoir et la science détectent de la fausseté dans le mythe. Alors, deux voies s'ouvrent. Ou bien le savoir et la science rejettent purement et simplement ce qui est faux, pour ne conserver que ce qui, dans le mythe, peut être considéré comme vrai, en général très peu de choses. C'est la position de Platon, qui dérive très certainement de celle de Xénophane, dont trois fragments ont été cités plus haut (p. 129-130 ); une position très ferme dans la République, et un peu plus souple dans les Lois. Ou bien le savoir et la science tentent de transformer le faux en vrai au terme d'un processus d'interprétation allégorique. Cette dernière prise de position remonte loin dans le passé de la Grèce ancienne. Voici comment Jean Pépin décrit la naissance de l'allégorie ◄•
C'est Pythagore (fi. 532/1 av. J.-C.) et Héraclite (fi. 504-501 av. J.-C.) qui préparent la voie à l'interprétation allégorique. Le premier qui s'y engagea vraiment fut Théagène de Rhégium, le plus ancien des historiens de la littérature homérique. Alors que Théagène de Rhégium pratiquait une allégorie physique, Anaxagore (circa 500-428 av. J.-C.) s'adonnait à l'allégorie éthique. Métrodore de Lampsaque, son disciple, préféra l'allégorie physique. Un autre disciple d'Anaxagore, Diogène d'Apollonie, utilisa la même méthode. Par ailleurs, à la fin du v• siècle, l'atomiste 3. M. Detienne a bien montré que l'attitude moderne de la science à l'égard des mythes ressemble étrangement à celle des contemporains de Platon et de Parménide (dans le chapitre I, « Frontières équivoques,., de L'invention de la mythologie, Gallimard, Paris, 1981, p._15-49). 4. Cf. note 1.
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Démocrite (fi. 440-435 av. J.-C.) pratiqua aussi bien l'allégorie physique que l'allégorie psychologique. L'allégorie naissante fut enfin adoptée par la sophistique et notamment par Prodicus de Céos. Bref, dès le vr siècle avant J.-C., l'attaque lancée contre les mythes par des « philosophes », comme Xénophane, provoqua une réaction. Pour défendre les mythes contre les accusations de fausseté, dans le domaine de l'éthique ou de la physique, certains tentèrent de les interpréter en distinguant, sous leur sens superficiel qui pouvait effectivement donner prise à des accusations de fausseté, un sens profond; et cela en assimilant les dieux et les héros soit à des éléments physiques, soit à des dispositions de l'âme, soit à des vertus ou à des vices. Pour leur part, des contemporains de Platon, Antisthène et Diogène, dont l'un des procédés favoris était l'étymologie, pratiquaient une allégorie moralisante faisant d'Héraclès et d'Ulysse, de Médée et de Circé, des héros cyniques. Ainsi annexaient-ils certains mythes à leur propre philosophie. C'est contre ces excès des Cyniques en matière d'allégorie et contre ceux des Sophistes que Platon, qui dans le passage du livre II de la République (378 d 3 - e 3) cité plus haut visait peut-être les Pythagoriciens 5, réagit au début du Phèdre. PHÈDRE.- Dis-moi, Socrate, n'est-ce pas d'ici assurément que, de l'Illisos, raconte-t-on, Borée enleva Orithye? [Ou bien est-ce de la colline d'Arès? En effet, cette version {thyoç) raconte, au contraire, que c'est de là et non point d'ici qu'elle a été enlevée.] SOCRATE.- C'est ce qu'elle raconte en effet. PHÈDRE. - Est-ce donc d'ici? Du m~ins ces filets d'eau paraissent charmants et purs et transparents, et leurs bords se prêtent bien aux jeux des jeunes filles. SOCRATE.- Non, c'est plutôt en contrebas, à deux ou trois stades environ, à l'endroit où nous traversons la rivière en direction d' Agra. Et justement il y a là un autel de Borée. 5. P. BOYANCÉ, Le Culte des Muses chez les philosophes grecs. Études d'histoire et de psychologie religieuses, de Boccard, Paris, 1936 (réimpression 1972), p. 121-131.
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refus de toute interprétation allégorique
PHÈDRE. - Voilà à quoi je n'ai pas du tout pensé. Mais, par Zeus, Socrate, dis : est-ce que tu es persuadé que ce qu'on raconte dans ce mythe est vrai? SOCRATE.- Mais, si je n'y croyais pas, comme les savants (crocpol), je ne serais pas un extravagant. Ensµite, parlant en savant ( crocp~~6µEVoç ), je déclarerais qu'un souffle de Borée [le vent du Nord] la poussa, alors qu'elle jouait avec Pharmacée, en bas des rochers voisins, et que c'est précisément la façon dont elle a péri qui a donné naissance au récit de son enlèvement par Borée. Mais moi, Phèdre, j'estime d'ailleurs que des interprétations de ce genre sont agréables, mais que ce sont celles. d'un homme trop extraordinairement doué qui se fatigue trop et n'est pas du tout heureux pour cette simple raison que, après cela, il lui faut remettre d'aplomb la forme des Hippocentaures, et encore celle de la Chimère; submergé qu'il est par la foule des Gorgones et des Pégases qui sont de même nature et les masses des autres êtres inexplicables et les extravagances des créatures dont parlent les discours sur les monstres. Si quelqu'un, parce qu'il ne croit pas en eux, ramène chacun de ces êtres à la vraisemblance, en usant d'un quelconque savoir rustique (&ypolxep ·nvt crocpl~xpwµE:voç), il lui faudra beaucoup de loisir. Or moi je n'ai, en aucune façon, de loisir pour ces occupations. Et en voici, mon cher, la cause. Je ne suis pas capable encore, selon l'inscription delphique, de me connaître moi-même. Dès lors, il me paraît ridicule, alors que je suis encore dépourvu de cette connaissance, d'examiner les choses qui y sont étrangères. Par suite, donc, pùisque j'ai donné leur congé à ces choses, et que je suis persuadé par ce qui fait loi à leur sujet, je le disais tout à l'heure, ce n'est pas ces choses que j'examine, mais moi;.peut-être suis-je une bête plus compliquée et plus enfumée d'orgueil que Typhon? P~ut-être suis-je un animal plus paisible et moins compliqué, dont la nature participe à une destinée divine et non enfumée d'orgueil? (Phdr 229 b 4 - 230 a 6.) Socrate évoque là plusieurs procédés d'interprétation allégorique. On peut d'abord discerner un usage fantaisiste de l'étymologie comme fondement d'une allégorie de type physique : Orithye est .la « coureuse de montagnes» (6p"YJ 0ûv ), et Borée, le vent boréal; et de type moral: Typhon représente notamment l'âme enfumée (en grec, 157
't"ui:poc;exprime
une idée de souffle, de fumée). De là, à penser que Platon critique Antisthène que, par ailleurs, il aurait figuré sous les traits de Cratyle dans le dialogue de ce nom 6,il n'y a qu'un pas qu'il est permis de franchir 7 • Quel que soit le procédé utilisé, Platon refuse donc toute pratique de l'allégorie. Quelles raisons invoque-t-il pour justifier ce refus? Dans la République, il fait valoir que les enfants, à qui sont, en priorité, destinés les mythes, n'ont pas les moyens de faire le départ entre ce qui est allégorie et ce qui ne l'est pas. Ici, il insiste sur la tâche énorme que représente une interprétation globale, de type allégorique, s'appliquant à tout ce qui, dans les mythes racontés en Grèce ancienne, l'exigerait. Mais est-ce là une réponse définitive? Non. La première des raisons invoquées est recevable. Le mythe est avant tout destiné aux enfants, et ces derniers ne sont pas en mesure de discerner ce qui relève du domaine de l'allégorie et ce qui n'en relève pas. La seconde ne convainc qu'à moitié. Il est impossible d'interpréter allégoriquement un seul élément mythologique, sans appliquer le même procédé à tous les autres éléments, très nombreux, qui font problème. Mais pourquoi reculer devant une telle tâche, même gigantesque, si on accepte ce postulat : ce sont les mythes qui, en dernière analyse, recèlent la vérité? Or c'est précisément ce postulat que rejette Platon, pour qui la vérité ne se manifeste réellement que dans le discours philosophique, en vertu de ces considérations. La valeur de vérité ou de fausseté d'un mythe en est une de second ordre, dans la mesure où un mythe est vrai ou faux, selon qu'il s'accorde ou non avec le discours que tient le philosophe sur le même sujet. Pourquoi alors entreprendre de transformer la fausseté d'un mythe en vérité? Il faut plutôt chercher la vérité là où elle se trouve, c'est-à-dire dans le discours philosophique, et surtout ne pas utiliser ce savoir ou cette science qui fait son apparition en Grèce
6. Sur les adversaires que viserait Platon à travers le personnage de Cratyle, cf. K. Name und Sache in Platons « Kraty/os ». Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, Jahrgang 1974 - 3. Abhandlung, Heidelberg (Carl Winter- Universitlitsverlag), 1974, p. 11-12. 7. J. PÉPIN, op. cit., p. 113-114. GAISER,
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refus de toute interprétation allégorique
ancienne au v1•siècle avant J. C. et qui, chez Platon, prend le nom de« philosophie» 8, pour transformer la fausseté du mythe en vérité. Une telle pratique renverserait l'ordre des statuts, en faisant de la philosophie un instrument d'interprétation des mythes, véritables détenteurs de la vérité.
8. W. BuRKERT, « Platon oder Pythagoras? Zum Ursprung des Wortes sophie ", Hermes. 88, 1960, 159-177.
«
Philo-
159
13 Usage dérivé fait par Platon du vocable « mûthos »
Dans le corpus platonicien, on trouve dix-huit occurrences (cf. annexe 1), où mûthos désigne non pas ce type de discours décrit comme fait de communication collective dans la première partie de ce livre, et que Platon soumet, en tant que tel, à une critique décisive examinée par le détail dans les chapitres qui précèdent, mais différents autres types de discours, que je voudrais maintenant passer en revue. Cet usage dérivé peut être ainsi caractérisé. Platon se sert du vocable mûthos pour désigner différents types de discours que désignent habituellement d'autres vocàbl~s, et cela en raison d'une similarité partielle entre la définition du mythe et celle de ces autres types de discours. Il s'agit donc là, on l'aura compris, d'expliquer l'usage métaphorique 1 fait par Platon du vocablè mûthos. Les types de discours que désign~ le vocable mûthos, lorsque Platon en fait un usage dérivé, relèvent de deux domaines : celui de la rhétorique et celui de la philosophie. D'une part, en effet, deux occurrences de ce vocable renvoient à 1. Sur le sujet, cf. L. 1976, p. 256-281.
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BRISSON,
«
Sémantique de la métaphore•, Dialogue. XV,
usage dérivé fait par platon du vocable
«
mûthos
»
un exercice rhétorique: le premier discours où Socrate imite Lysias dans le Phèdre (237 a 9, 241 e 8). En tant qu'exercice, un discours de ce type peut être assimilé à un jeu, à une fiction, c'est-à-dire à une performance langagière qui ne porte sur aucune réalité extralinguistique ou, plutôt, qui est à elle-même sa propre référence. D'où, sur ce point, une similarité évidente avec le mythe. Mais c'est dans un cadre philosophique que Platon fait usage des seize autres occurrences de mûthos. Cinq de ces occurrences renvoient à des doctrines philosophiques que combat Platon. Dans le Théétète, Platon qualifie de mûthos la doctrine de Protagoras (Tht 164 d 9, e 3). Un peu avant, c'est une autre doctrine matérialiste, peut-être celle développée dans l'école d' Aristippe, qui se voit assimilée à un mûthos (Tht 156 c 4 ). Enfin, dans le Sophiste, chacune des doctrines relatives au nombre de l'être est, d'entrée de jeu, considérée comme un mûthos (Soph 242 c 8, 242 d 6). En utilisant le vocable mûthos pour désigner toutes ces doctrines philosophiques, Platon émet à leur égard une critique précise. Ces doctrines sont fausses. En tant que discours faux, elles portent sur une réalité autre que celle qu'elles décrivent. De ce fait, elles doivent être considérées comme des simulacres, c'est-à-dire comme des images qui ne sont pas conformes à la réalité qu'elles sont censées représenter ( cf. Soph 266 d 8 - e 1, pour une définition du simulacre). Or les mythes peuvent aussi être considérés comme des simulacres. D'où l'assimilation de ces doctrines philosophiques fausses à des mythes. Il ne s'agit là que d'une assimilation, car la fausseté d'un mythe, qui n'est pas un discours vérifiable ( cf. chapitre 9, section C), ne peut être du même ordre que celle d'une doctrine philosophique susceptible, selon Platon, d'une vérification effective. Mais Platon ne réserve pas le vocable mûthos, dont il fait alors un usage dérivé, pour désigner les doctrines qu'il combat. Dans onze autres cas, en effet, il utilise ce même vocable pour qualifier son propre discours. D'une part, quatre de ces occurrences renvoient aux hypothèses cosmologiques sur la constitution du monde sensible, que Platon expose dans le Timée (Tim 29 d 2, 59 c 6, 68 d 2, 69 b 1). Mais, dans trois cas, on trouve l'expression dxwç µu0oç (Tim 29 d 2, 59 c 6, 68 d 2). La chose mérite examen. Car, comme le fait très justement 161
remarquer G. Vlastos 2, l'élément fondamental de cette expression, c'est l'épithète eik6s. Pour s'en convaincre, il n'est que de remarquer ceci. En sept endroits dans le Timée, Platon présente le discours de Timée sur la constitution du monde sensible comme un dx.wç Myoç (Tim 30 b 7, 48 d 2, 53 d 5-6, 55 d 5, 56 a 1, 57 d 6, 90 e 8). En outre, eiki5s, eik6tos. etc., se retrouvent en six autres endroits du Timée avec un sens similaire (Tim 34 c 3, 44 d 1, 48 c 1, 49 b 6, 56 d 1, 72 d 7). Tout cela s'explique par le fait que, dans le Timée, c'est un discours sur la constitution du monde sensible qui est développé. Le sens de cette dernière remarque se voit explicité par ce passage du Timée, où Platon distingue deux types de discours en fonction de la nature de leurs objets : TI MÉE. - Donc, au sujet de la copie (m:p l 'TE dx.6voç) et de son ), il faut faire la distinction modèle (x.iXt 1tEpt -roü 1tiXpiXadyµiX-roç suivante. De toute évidence, les discours qui en sont les interprètes ont avec ces objets mêmes aussi une parenté. Par suite, d'un côté, ce qui demeure, ce qui est stable et translucide pour l'intellect, les discours qui en sont les interprètes sont stables et invincibles; pour autant qu'il se peut et qu'il convient à des discours d'être irréfutables et inébranlables, ils n'y doivent en rien manquer. D'un autre côté, ceux [des discours qui sont les interprètes] de ce qui est la copie de ce [monde intelligible] (-rooç 8È -roü npàç µÈv Èx.e:'i:vo &.1tE~x.1Xcr0Év-roç ), parce qu'il s'agit d'une copie ( èSv-roç8È dx.6voç ), se trouvent dans un rapport de ressemblance avec les preMyov 'TEÈx.dvwv èSv-riXç ). Ce qu'est miers [discours] (dx.6-riXç&.vi:x. précisément au devenir l'être (éhmEp 1tpoç yÉvEcr~voùcrlcx), à la croyance l'est la vérité (-roü-ro npoç nlcr-r~v &.À~0E~iX). (Tim 29 b 3 - c 3.) Dans cette perspective, dx.wç Myoç doit être compris ainsi : « discours qui porte sur les copies des formes intelligibles », c'est-à-dire sur les choses sensibles. Et, par voie de conséquence, dx.wç µü0oç doit signifier : « mythe qui porte sur les copies des formes intelligibles», c'est-à-dire sur les choses sensibles. 2. G. VLASTOS, « The Disorderly Motion in the Timaeus ,. (1939], Studies in Plato's Metaphysics, Londres (Routledge & Kegan Paul)/New York (Humanities Press), 1965, p. 382.
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usage dérivé fait par platon du vocable
«
mûthos
»
Cette paraphrase demande à être explicitée. Seul l'état actuel des choses sensibles, qui sont les copies des formes intelligibles, est susceptible d'être perçu par les sens et d'être décrit par un discours vérifiable, désigné par l'expression eikôs logos. L'état des choses sensibles avant et pendant leur constitution échappe à toute perception directe ou même indirecte. Aucun discours vérifiable n'est susceptible d'en rendre compte. Par suite, on ne peut en parler que par l'intermédiaire d'un discours qui présente un modèle d'explication, dont il est impossible de vérifier la validité. Voilà pourquoi, chez Platon, ce type de discours est désigné par l'expression eikôs mûthos. Car il s'agit bien là d'un discours invérifiable relatif aux choses sensibles, ou, plus précisément, à ce qu'il en était avant et pendant la constitution de ces copies des formes intelligibles que sont les choses sensibles. Et les sept occurrences de mûthos qui restent à exammer apparaissent dans des contextes relatifs à la politique. Deux de ces occurrences (Tim 26 c 8, Lg VI 752 a 2) font référence à la cité décrite respectivement par Socrate dans la République et par l'étranger d'Athènes dans les Lois. Voici, en effet, ce qu'affirme Critias au début du Timée, en opposant la cité décrite la veille par Socrate - et qui s'apparente à celle décrite dans la République- à l' Athènes ancienne, dont un des hauts faits, consigné par écrit en Égypte, fut raconté à Solon par un prêtre de Saïs : CRITIAS. - Les citoyens et la cité qu'hier tu nous décrivais comme en un mythe, maintenant, en les transférant dans la vérité, nous supposerons qu'il s'agit de la cité que voici; et ces citoyens que tu avais dans l'esprit (-roue; 7tOÀL't'IXÇ 0\)Ç a~e:voou), nous dirons que ce sont nos vrais ancêtres, ceux dont parlait le prêtre (cp~croµe:v hdvouç 't'OUÇIXÀ'YJfüvouç dvix~ 1tpoy6vouç ~µwv, Qt)Ç~Àe:ye:v 6 te:pe:uç). (Tim 26 c 7 - d 3.) Le discours de Socrate sur la cité idéale est assimilé à un mythe parce que la tradition relative à }'Athènes ancienne qui a correspondu à ce modèle dans la réalité (Tim 25 d 7 - e 5) s'est évanouie, en Grèce ancienne du moins, et que, de ce fait, cette cité idéale n'a plus d'existence que dans la tête de celui qui en décrit la constitution : on ne peut donc qu'en souhaiter la réalisation dans le futur. L'intérêt d'un tel usage dérivé du vocable mûthos réside dans 163
l'introduction de cette dimension du futur dans le domaine du mythe qui jusqu'ici s'en tenait à un passé très éloigné. C'est d'ailleurs dans le même sens qu'il faut interpréter ce passage des Lois : ÉTR. D'ATHÈNES.- C'est pourtant la vérité que, comme on dit, la lutte n'admet pas du tout d'excuses. Il est normal qu'il nous faille maintenant, à toi et à moi, accomplir cette tâche. Puisque toi justement tu t'es engagé envers le peuple de Crète à mettre tout ton zèle à fonder maintenant une cité avec neuf autres dis-tu (cf. Lg III 702 c), et que moi, de mon côté, je me suis engagé envers toi à collaborer au récit du mythe (µ.u0oÀoyîixv) qui nous occupe maintenant. En tout cas, je suppose, puisque je raconte un mythe, je ne le laisserais pas de plein gré sans tête; car, à vagabonder dans cet état en tous lieux, il paraîtra informe. CLINIAS. - Tu dis vrai, étranger. (Lg VI 751 d 7 - 752 a 5.) Ce mythe, dont parle l'étranger d'Athènes, c'est le discours qu'il tient sur la colonie que les Crétois l'ont chargé de fonder. À cet égard, la démarche de l'étranger d'Athènes dans les Lois est similaire à celle de Socrate évoquée par Critias au début du Timée (26 c 7 - d 3). Il s'agit, dans les deux cas, d'élaborer un modèle politique destiné à régler la fondation d'une cité réelle dans un futur plus ou moins proche. Or, même si d'un point de vue temporel cette démarche inverse celle qui consiste à élaborer un modèle cosmologique destiné à rendre compte de l'état dans lequel se trouvaient les choses sensibles avant et pendant leur constitution, d'un point de vue référentiel il y a équivalence entre l'une et l'autre. Car les référents respectifs de ces deux types de discours, tout en ne relevant pas du monde des formes intelligibles, ne sont pas susceptibles d'être appréhendés par les sens, dans la mesure où ils se situent ou bien dans un passé éloigné ou bien dans le futur. Bref, l'assimilation à un mythe du modèle cosmologique décrit dans le Timée et des modèles politiques exposés dans la République et dans les Lois repose sur une similarité au niveau du rapport qu'entretiennent ces discours de types différents avec un référent qui, dans tous les cas, n'est susceptible d'aucune appréhension effective. 164
usage dérivé fait par platon du vocable
«
mûthos
»
Reste un dernier cas auquel ressortissent ces cinq occurrences de mûthos qui se trouvent toutes dans les Lois (Lg VI 771 c 7, 773 b 4, Lg VII 790 c 3, 812 a 2, VIII 841 c 6), et qui ne s'expliquent qu'en fonction du rôle que, dans ce dialogue, Platon fait jouer au mythe comme préambule aux lois, en réactualisant ainsi l'ancien sens de mûthos (sur le sujet, cf. annexe 4). Dans cette perspective, comme la chose a d'ailleurs été notée (cf. le chapitre 11), c'est sur le caractère persuasif du mythe qu'insiste l'étranger d'Athènes en l'assimilant à l'exhortation que constitue le préambule à la loi. Or, dans les cas qui viennent d'être énumérés, l'étranger d'Athènes fait usage du vocable mûthos pour qualifier un discours qui joue le rôle de préambule à une loi, alors même que ce vocable ne renvoie plus au domaine des mythes traditionnels en Grèce ancienne. De ce fait, mûthos devient purement et simplement synonyme de préambule, d'exhortation, c'est-à-dire de discours destiné à persuader le citoyen d'obéir à telle ou telle loi. Le cas le plus éclairant est sûrement Lg VIII 841 c 6-7, où un préambule est explicitement comparé à un mûthos : « Sans doute, ce que jusqu'à présent je raconte, comme s'il s'agissait d'un mythe fowç èv µo0ep)... » Dans les quatre autres cas, en revan(x.cx.0cx.1te:p che, il y a désignation métaphorique : ce qui occulte jusqu'à un certain point l'opération sémantique mise en œuvre. Cela dit, il faut signaler que le contexte où apparaissent ces dix-huit occurrences où Platon fait un usage dérivé de mûthos est toujours marqué par une référence explicite au domaine des mythes proprement dits. Lç discours de Socrate dans le Phèdre (237 a 9,241 e 8) porte sur Éros. L'exposition des doctrines de Protagoras (Tht 164 d 9, e 3) et de la doctrine matérialiste mentionnée un peu avant (Tht 156 c 4) se fait dans une atmosphère que Platon décrit avec des termes empruntés au vocabulaire des mystères; pour s'en convaincre, il n'est que de relire Tht 155 e - 156 a. Par ailleurs, dans le Sophiste, les doctrines sur le nombre de l'être, que Platon renvoie dos à dos (Soph 242 c 8, d 6), sont présentées comme inspirées par les Muses et comme hantées par des personnages mythiques, Aphrodite par exemple. 165
Dans le Timée (26 c 8), la cité décrite la veille par Socrate est comparée à l' Athènes ancienne qui résista à l'offensive généralisée de l'Atlantide. Et, en Lg VI 751 d 7 - 752 a 5, dans la description qu'il fait de la colonie qu'il doit fonder, l'étranger d'Athènes évoque explicitement (cf. Lg VI 751 e 1-2 et III 702 c 5) l'aventure de Thésée accompagnant les sept ou dix Athéniens et Athéniennes qui, chaque année, devaient être livrés au Minotaure. La mythologie traditionnelle n'est pas non plus absente du contexte, où, dans les Lois, apparaît chacune des cinq occurrences de mûthos pris dans le sens de para-muthfa, -muthion. En Lg VI 771 c 7, mûthos apparaît dans un développement concernant la division territoriale et sociale de la cité en douze sections attribuées à l'un des douze grands dieux. En Lg VI 77 3 b 4, il ne serait pas surprenant que mûthos fasse référence au mariage d'Héra avec Zeus. En ce qui concerne l'occurrence de ce même vocable en Lg VII 790 c 3, il convient de remarquer que l'étranger d'Athènes parle tout de suite après des Corybantes (Lg VII 790 c 5 - e 4); or cette évocation s'applique tout aussi bien à ce qui précède. Certes, l'occurrence de mûthos en Lg VII 812 a 2 ne semble évoquer aucun élément mythique en particulier : cependant, il convient de remarquer que ce mûthos fait référence aux études littéraires dont l'essentiel du programme porte sur les mythes. Enfin, en Lg VIII 841 c 6, c'est à un mûthos, c'est-à-dire à un mythe traditionnel, qu'est comparé ce que vient de dire l'étranger d'Athènes. Et, dans le Timée, mûthos (29 d 2, 59 c 6, 68 d 2, 69 b 1) qualifie un discours qui développe une cosmogonie comprenant une théogonie parodique (Tim 40 d - 41 a). Par conséquent, ces dix-huit occurrences où Platon fait un usage dérivé du vocable mûthos se situent dans des contextes qui, eux-mêmes, renvoient en général explicitement au domaine des mythes qu'on racontait en Grèce ancienne ou que raconte Platon en les prenant ou non à son compte; c'est-à-dire à ce type de discours désigné par le vocable mûthos, lorsqu'il en est fait un usage premier. La différence entre l'usage premier et l'usage dérivé du vocable mûthos se voit donc par là très atténuée. C'est, en grande partie, sur le refus de tenir compte de cette distinction entre usage premier et usage dérivé du vocable mûthos 166
usage dérivé fait par platon du vocable
«
mûthos
»
que Marcel Detienne 3 fonde l'argumentation qui lui permet d'aboutir à cette conclusion : le« mythe» fait référence à des objets si hétérogènes que, à la limite, il perd toute existence propre. Ce refus résulte-t-il d'un présupposé théorique, ou non?
3. Marcel DETIENNE, L'invention de la mythologie, Gallimard, Paris, 1981.
167
Conclusion
Le mythe n'existe pas, voilà ce que proclame Marcel Detienne 1 qui s'insère dans un courant culturel à la mode, que d'aucuns ont plaisamment qualifié d' « inexistentialisme » 2 • La dissolution du mythe dans la mythologie, qui dès lors ne peut plus prétendre au statut de « science des mythes», s'opère ainsi. Le mythe n'est pas un genre littéraire, toute tentative pour distinguer le mythe du conte, de la fable, de la légende, etc., se soldant toujours par un échec. Le mythe n'est pas non plus un type de récit, qu'on l'aborde par sa face signifiante ou par sa face signifiée. D'une part en effet, aucune marque linguistique ne permet d'identifier à coup sûr un mythe. Bien plus, personne ne s'entend sur le genre d' «histoire» que doit raconter un mythe, si tant est que le mythe raconte une « histoire »; ce que refuse Marcel Detienne en arguant du fait que sont qualifiés de mythe proverbe et généalogie notamment, qui n'ont rien à voir avec le récit. 1. Marcel DETIENNE,L'invention de la mythologie, cf. notamment le chapitre vu intitulé : « Le mythe introuvable ,., p. 225-242. 2. Marcel GAUCHET, « De l'inexistentialisme ,., Le Débat, mai 1980, p. 23-24; Pierre VIDAL-NAQUET,« Un Eichmann de papier,., Esprit, septembre 1980, p. 8; repris dans Les Juifs, la mémoire et le présent, Paris, Maspero, 1981, p. 197-198.
168
conclusion
Mais comment définir une mythologie sans mythes? Ce ne peut être ni un savoir, ni un mode particulier de l'activité symbolique, mais l'inoubliable anonyme venu d'une mémoire étrangère à l'écriture où chaque membre d'une collectivité se reconnaît dès lors que ce mémorable est répété, sa répétition impliquant sa transformation. Ce que la mythologie, dont le territoire commence à être délimité à partir du vr siècle avant J.-C. en Grèce mais que Platon est le premier à nommer, perd en compréhension par rapport au mythe, elle le gagne en extension au point d'inclure tout ce que conserve en mémoire telle ou telle civilisation orale. L'argumentation de Marcel Detienne se fonde, en dernière analyse, sur cette négation : le mythe n'est pas un récit. N'étant pas un récit, le mythe perd l'ordre qui lui assure sa spécificité comme souvenir transmis de génération en génération et sur lequel peut faire fond l'analyse; cet ordre, qui n'est pas un ordre rationnel, est celui qui structure le récit comme ensemble de phrases ayant une signification propre qui ne peut se réduire à la somme des significations de chacune de ces phrases. C'est d'ailleurs cet ordre qui permet de parler de l' «histoire» racontée dans un mythe. Marcel Detienne invoque avant tout Platon 3 à l'appui de sa thèse. Mais Platon assimile le mythe à un récit chaque fois qu'il fait un usage premier du vocable mûthos. À cet égard, trois mises au point s'imposent. Les généalogies constituent les armatures d'un récit qui, même s'il n'est pas effectivement raconté, peut à tout moment être évoqué pour justifier telle ou telle relation (cf. chapitre 9, section A, p. 123-124). En outre, aucun proverbe n'est qualifié de «mythe» par Platon (cf. chapitre 9, section A, p. 124-125), même s'il y a de bonnes raisons de croire que proverbe et mythe ne sont pas sans entretenir des relations étroites. Et enfin, quoi qu'en dise Marcel Detienne, rien ne laisse supposer que les vieillards des Lois « mythologisent » sans faire de récits; au contraire, tout porte à croire qu'ils «racontent» bien des mythes (cf. annexe 2, 3. Il n'y a qu'une exception en ce domaine: un fragment d'Anacréon (Poetae me/ici graeci, n• 353, éd. D. L. PAGE, 1963, fr. 21 B, éd. B. Gentili, 1958), où apparaît le vocable muthiÙës. Mais ce fragment, dépourvu de contexte, se laisse difficilement interpréter (pour un commentaire, cf. G. PERROTIAet B. GENTIL!, Polinnia. Poesia greca arcaica, G. d'Anna, Messine-Florence, 1965, p. 230-231) et ne peut donc en aucun cas constituer un témoignage décisif à l'appui de la thèse de Marcel Detienne.
169
p. 186-187). En tout état de cause, la distinction entre usage premier et usage dérivé d'un vocable doit être prise en considération; elle seule permet d'interpréter de façon satisfaisante un certain nombre d'occurrences de mûthos dans le corpus platonicien (cf. chapitre 13). C'est en grande partie pour avoir refusé d'en tenir compte que Marcel Detienne en arrive à voir dans le mythe tout autre chose qu'un récit. Maintenir que le mythe est un récit permet de le rétablir comme unité élémentaire de signification pour la mythologie, mais ne règle en rien le problème posé par sa définition. Encore faut-il savoir à quelles conditions une définition du mythe est possible. Admettre que le mythe ne puisse être défini ni comme un genre littéraire se caractérisant par un ensemble de thèmes à développer, par un type d'intérêt à susciter ou par un effet à produire, ni même comme un type de récit aux frontières immuables et universellement reconnues, c'est tout simplement reconnaître l'impossibilité d'appliquer à un domaine qui est celui de }'oralité des distinctions propres à un domaine où l'écriture assure un cumul des productions littéraires constituant un ensemble sur lequel s'exerce l'activité classificatoire d'érudits. L'échec de toute tentative de définition du mythe comme objet littéraire déterminé dénonce le point de vue de l'observateur. La mythologie travaille non pas sur un objet qui lui est donné d'entrée de jeu, mais sur un objet qu'elle se donne par un double mouvement de négation, comme l'indique déjà Platon dans le Timée (23 a 5 - b 3). Entreprendre des recherches sur le mémorable, c'est porter un regard étranger et critique sur ce qui constitue l'identité d'une collectivité donnée et lui assure une véritable unanimité. Et, surtout, c'est mettre par écrit ce qui est exclusivement destiné à être entendu. Mais reconnaître que la mythologie construit en grande partie l'objet sur lequel elle porte ne la disqualifie pas comme « science », puisque la plupart des sciences procèdent ainsi : qu'est-ce qu'un atome par exemple? La reconnaissance de cet état de choses indique tout simplement qu'il ne peut y avoir du mythe qu'une définition opératoire, c'est-à-dire une définition par les procédés qui permettent de l'identifier et de le décrire. C'est d'ailleurs à cette double tâche que s'emploient l'une et l'autre des parties de ce livre qui s'en tient à l'usage fait par Platon du vocable mûthos, de ses dérivés et des composés où mûthos apparaît au 170
conclusion
premier terme; usage auquel cependant renvoie forcément le vocable « mythe» en français ou l'un de ses équivalents dans une langue européenne moderne, lorsqu'il est utilisé comme prédicat pour qualifier un certain type de discours. Chez Platon, mûthos, qui auparavant était essentiellement un nom de la« parole », n'en vient à désigner un discours invérifiable et non argumentatif que par suite de l'émergence d'un logos qui se prétend un discours vérifiable et/ou argumentatif. Le mûthos n'est pas un discours vérifiable, parce que ses référents habituels : dieux, démons, héro~, habitants de l'Hadès et hommes du passé restent inaccessibles aussi bien aux sens qu'à l'intelligence; et il n'est pas un discours argumentatif, parce que ces référents sont décrits et mis en scène comme s'il s'agissait d'êtres sensibles par un recours systématique à l'imitation. Malgré l'infériorité du statut dont il le dote, Platon reconnaît au mûthos une utilité certaine dans les domaines de l'éthique et de la politique, où il constitue, pour le philosophe et le législateur, un remarquable instrument de persuasion, et cela indépendamment de toute interprétation allégorique. L'analyse théorique développée dans la seconde partie de ce livre porte en fait sur une pratique sociale dont Platon donne par ailleurs une description (ethnologique en quelque sorte) systématisée dans la première partie de ce livre par référence à la théorie de la communication. Le mythe apparaît alors comme ce discours par lequel est communiqué tout ce qu'une collectivité donnée conserve en mémoire et transmet oralement de génération en génération, par l'intermédiaire de professionnels ou non, que ce discours ait été élaboré ou non par ce technicien de la communication orale qu'est le poète. Résultant d'une imitation redoublée, puisqu'il représente une réalité inaccessible aussi bien à l'intelligence qu'aux sens, le mythe est destiné à modeler ou à modifier de façon plus ou moins spectaculaire le comportement de l'âme de ceux qui lui prêtent l'oreille. Une définition opératoire ne traite jamais un objet comme une substance, mais comme un nœud de relations. Elle insiste donc sur le rôle actif du sujet qui définit cet objet. Or ce rôle est encore plus déterminant dans les sciences humaines que dans les sciences exactes. Dans les sciences humaines en effet, le sujet se prend lui-même comme objet, d'où une interaction constante entre les 171
deux pôles en fonction d'intérêts plus ou moins conscients. Mais l'occultation relative de l'objet au profit du sujet dont l'activité est alors mise en évidence n'équivaut pas à sa dissolution. Elle indique tout simplement que l'objet en question n'apparaîtra jamais dans son identité absolue assurant une univocité parfaite au vocable qui le désigne : mais quel objet peut répondre à des exigences aussi exorbitantes? C'est d'abord pour avoir exigé de la définition du mûthos une telle épiphanie que Marcel Detienne a dû se résigner à proclamer la dissolution du mythe dans les eaux de la mythologie. Mais il y a plus. Non seulement la signification du vocable «mythe» n'est pas univoque, mais sa portée n'est pas immédiatement universelle 4. Car dire « x est un mythe » dans un contexte autre que celui de la civilisation de la Grèce ancienne revient à dire « x est un mythe tout comme z en Grèce ancienne ». Cette remarque, qui relève plus de la pragmatique que de la sémantique, met en évidence ce fait. Le vocable mûthos fait référence non à un objet naturel (eau, feu, arbre, pierre, etc.) qui se retrouve pratiquement partout et auquel par conséquent correspond un vocable dans chaque langue, mais à un objet culturel spécifique à la Grèce ancienne. Or c'est en fonction de ce référent particulier que sont reconnus et nommés tous les autres objets culturels auxquels renvoie le vocable «mythe», lorsqu'il est utilisé dans un contexte autre que celui qui est le sien en Grèce ancienne. Cette façon de faire se fonde sur un certain nombre de ressemblances effectives entre ce qu'on appelle « mythe » en Grèce ancienne et ce qu'on considère comme tel ailleurs; mais, d'entrée de jeu, des différences irréductibles apparaissent entre les deux domaines. Une fois de plus, le point de vue de l'observateur héritier (et donc prisonnier) d'un courant culturel particulier est dénoncé. Ce point de vue présente des limites certaines qui cependant peuvent être compensées par une série de rétablissements que tout observateur (anthropologue, ethnologue, etc.), conscient de la chose et soucieux de préserver l'identité de !'observé, s'efforce de mettre en œuvre, tout en sachant que la perfection en ce domaine, comme en bien d'autres, ne peut être atteinte. L'usage du vocable« mythe » hors du 4. Cf. sur le sujet, Pierre 1, 1980, p. 61-81.
172
SMITH,
«
Positions du mythe
»,
Le Temps de la réflexion,
conclusion
contexte qui est originellement le sien exige donc un travail constant d'adaptation. Mais la nécessité d'une médiation en ce domaine n'équivaut en rien à une impossibilité. Même si le vocable qui le désigne ne présente ni une signification univoque ni une portée immédiatement universelle, le mythe n'est donc pas forcément condamné à la dissolution. En revanche, l'appel fait par Lévi-Strauss à la perception du mythe comme mythe par tout lecteur dans le monde entier demande à être dépassé. Toute confiance spontanée faite à l'évidence, à l'intuition et au langage est grosse d'exigences qui mènent tout droit au soupçon généralisé. Une telle confiance peut servir à obtenir un consensus provisoire sur tel ou tel point; elle ne remplace jamais une définition, même provisoire, même imparfaite.
Annexes
Annexe 1. Données statistiques sur les occurrences de « mûthos dans le corpus platonicien
»
En se reportant à l'index de L. Brandwood 1, qui donne un inventaire intégral des occurrences de tous les vocables apparaissant dans les œuvres de Platon, à l'exception de l'article défini ho et de la conjonction kai. on dénombre 101 occurrences du vocable mûthos. Sur ces 101 occurrences, 8 se trouvent dans des citations, 87 dans des œuvres qui sont, sans aucun doute, de Platon, et 6 dans des œuvres attribuées à Platon, mais dont l'authenticité est actuellement ou bien mise en doute ou bien rejetée par une majorité de spécialistes. L'intérêt de cet inventaire réside dans le fait qu'il permet, jusqu'à un certain point, de se faire une idée de l'évolution de la signification de ce lexème. VÔici, tout d'abord, la liste des 8 occurrences de mûthos qui se trouvent dans des citations faites par Platon et classées d'après leur source respective 2 • Dans ces 8 occurrences, mûthos désigne la « pensée qui s'exprime», l' «avis», ce qui correspond à ce que dit H. Fournier 3 sur l'évolution du sens de mûthos. 1. L. BRANDWOOD, A Word Index to Plata, Maney & Son, Leeds, 1976, XXXIl-1003 p. 2. Cf. id., p. 991-1003. 3. H. FOURNlER, Les Verbes «dire» en grec ancien, Klincksieck, Paris, 1946, p. 215-216.
177
AUTEUR CITÉ
Adespota elegiaca Euripide Homère
Théognis
ŒUVRE CITÉE
fr. 1 (West IEG Il) Mélanippe (fr. 484 Nauck) Iliade IV 412 IX 309 Odyssée XX 17
fr. 437 (West IEG 1)
LOCALISATIONCHEZ PLATON
Dem 383 c 1 Symp 177 a 4 Resp Hipp Phdo Resp Resp Men
III 389 e 6 II 365 a 2 94 d 8 III 390 d 4 IV 441 b 6 96 a 1
Avec Platon, ce sens se modifie, mûthos désignant alors un type tout à fait particulier de discours. Voici, dans cette perspective, la liste des 87 occurrences de mûthos qui se trouvent dans des œuvres dont l'attribution à Platon ne fait aucun doute.
Crat 408 c 8, Gorg 505 c 10, Gorg 523 a 2, Gorg 527 a 5, Lg I 636 c 7, Lg I 636 d 3, Lg I 636 d 5, Lg I 645 b 1, Lg II 664 a 6, Lg III 682 a 8, Lg III 683 d 3, Lg Ill 699 d 8, Lg IV 712 a 4, Lg IV 713 a 6, Lg IV 713 c 1, Lg IV 719 c 1, LgVI 752 a 2, LgVI 771 c 7, LgVII 773 b 4, Lg VII 790 c 3, Lg VII 804 e 4, Lg VII 812 a 2, Lg VIII 840 c 1, LgVIII 841 c 6, Lg IX 865 d 5, Lg IX 872 e 1, Lg X 887 d 2, Lg X 903 b 1, Lg XI 913 c 2, Lg XI 927 c 8, Lg XII 944 a 2, Phdo 60 c 2, Phdo 61 b 4, Phdo 61 b 6, Phdo 110 b 1, Phdo 110 b 4, Phdo 114 d 7, Phdr 237 a 9, Phdr 241 e 8, Phdr 253 c 7, Phlb 14 a 4, Pol 268 d 9, Po/ 268 e 4, Po/ 272 c 7, Pol 272 d 5, Po/ 274 e 1, Po/ 275 b 1, Pol 277 b 5, Pol 277 b 7, Prot 320 c 3, Prot 320 c 7, Prot 324 d 6, Prot 328 c 3, Prot 361 d 2, Resp I 330 d 7, Resp I 350 e 3, Resp II 376 d 9, Resp II 377 a 4, Resp Il 377 a 6, Resp Il 377 b 6, Resp Il 377 cl, Resp Il 377 c 4, Resp Il 377 c 7, Resp II 377 d 5, Resp II 378 e 5;Resp II 379 a 4, Resp II 381 e 3, Resp III 386 b 8, Resp III 391 e 12, Resp III 398 b 7, Resp III 415 a 2, Resp III 415 c 7, Resp VIII 565 d 6, Resp X 621 b 8, Soph 242 c 8, Soph 242 d 6, Tht 156 c 4, Tht 164 d 9, Tht 164 e 3, Tim 22 c 7, Tim 23 b 5, Tim 26 c 8, Tim 26 e 4, Tim 29 d 2, Tim 59 c 6, Tim 68 d 2, Tim 69 b 1. Cette liste demande à être analysée selon des points de vue diff érents. Si on classe ces occurrences d'après l'ordre de leur fréquence dans un dialogue donné, on obtient ce résultat.
178
annexe J RANG
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
DIALOGUE
Lg Resp Pol Tim Phdo Prot Gorg Phdr Tht Soph Crat Phlb
FRÉQUENCE
27 20 8 8 6 5 3 3 3 2
On ne trouve donc des occurrences de mûthos que dans 12 dialogues sur les 26 considérés comme authentiques. De plus, 54 % de ces mêmes occurrences se rencontrent dans les Lois (31 %) et dans la République (23 %); dans ce dernier dialogue, 16 des 20 occurrences de mûthos sont concentrées dans les livres II et III, qui portent sur la place de la musique dans l'éducation des futurs gardiens. Mais, avant de restreindre l'analyse à ces 87 occurrences, il faut, à titre indicatif, donner une liste des 6 occurrences de mûthos qui se trouvent dans des œuvres de Platon dont l'authenticité donne lieu à des doutes persistants ou à un rejet généralisé :Ale I 123 a 1, Epin 975 a 6, Epin 980 a 5, Epist VII 344 d 3, Epist XII 359 d 5, Min 318 d 11. On ne tiendra pas compte de ces occurrences par la suite. Revenons-en donc aux 87 occurrences de mûthos qui se trouvent dans les œuvres de Platon généralement considérées comme authentiques. Cet ensemble peut être divisé en un certain nombre de sous-ensembles selon les critères qu'on veut bien retenir. Le premier de ces critères correspond à la question suivante. À quel genre de discours renvoie le vocable mûthos dans chacune des 87 occurrences de cet ensemble? Sur ces 87 occurrences, 69 renvoient à ce type de discours que qualifie de «mythe» même quelqu'un qui n'a qu'une connaissance très élémentaire de la civilisation grecque ancienne. Appel est ici fait à un usage spontané, c'est-à-dire à une espèce de réflexe linguistique déclenché par l'utilisation du mot français « mythe » dans un contexte précis : celui de la Grèce ancienne. Il ne s'agit pas là de s'en tenir à cet usage spontané pour faire l'économie d'une définition d'un tel type de discours, mais d'obtenir l'accord le plus large possible sur la classification des matériaux sur
179
lesquels portera mon analyse. Dans cette perspective donc, 69 de ces 8.7 occurrences de mûthos renvoient à ce qu'on appelle spontanément « mythe », lorsqu'on parle de la Grèce ancienne. Est qualifié de« premier» l'usage que fait Platon de mûthos dans ces 69 occurrences. Sur ces 69 occurrences, alors que 27 renvoient à des mythes que raconte Platon soit en les prenant à son compte soit en les attribuant à quelqu'un d'autre, 42 renvoient à des mythes racontés en Grèce ancienne, et dont on peut trouver mention dans un dictionnaire de mythologie grecque, par exemple. Tout comme en faisant appel à l'usage spontané du mot français «mythe», il s'agit simplement, en ayant recours à un dictionnaire de mythologie grecque, d'obtenir un accord préalable, le plus large possible, sur la classification des matériaux sur lesquels portera mon analyse. Vingt de ces 42 occurrences ne renvoient que de façon générale aux mythes racontés en Grèce ancienne: Crat 408 c 8, Gorg 505 c 10, Lg III 699 d 8, Lg VIII 840 cl, Lg X 887 d 2, Phlb 14 a 4, Pol 272 c 7, Resp I 350 e 3, Resp Il 376 d 9, Resp II 377 a 4, Resp II 377 a 6, Resp Il 377 b 6, Resp II 377 cl, Resp Il 377 c 4, Resp II 377 c 7, Resp II 378 e 5, Resp Il 379 a 4, Resp III 391 e 12, Resp III 398 b 7, Tim 23 b 5. En revanche, les 22 autres occurrences renvoient à des mythes particuliers, dont voici une liste : -
l'activité de l'âme des trépassés, Lg XI 927 c 8; les Amazones, Lg VII 804 e 4; les ~LiXLo0&.vi:x-roL (victimes de mort violente), Lg IX 865 d 5; la fondation de Troie, Lg III 682 a 8; et celles de Lacédémone, d' Argos et de Messène, Lg III 683 d 3; les dieux qui se promènent la nuit, se présentant sous une grande variété de formes étranges, Resp Il 381 e 3; Ganymède, Lg I 636 c 7, d 3, d 5; !'Hadès, Resp I 330 d 7, Resp III 386 b 8; Nestor, Lg IV 712 a 4; le destin du parricide, Lg IX 872 e l; Patrocle et les armes d'Achille, Lg XII 944 a 2; Phaéton, Tim 22 c 7; le poète inspiré par les Muses, Lg IV 719 c 1; la découverte d'un trésor, Lg XI 913 c 2; Zeus Lykaios, Resp VIII 565 d 6.
À ces 18 occurrences, il faut en ajouter 4 autres; 3 qui renvoient à un (ou plusieurs) mythe(s) raconté(s) par Ésope : Phdo 60 c 2, Phdo 61 b 4, Phdo 61 b 6; et I qui renvoie aux mythes racontés par Homère et par Hésiode : Resp II 377 d 5.
180
annexe 1 Restent 27 occurrences de mûthos qui renvoient à des mythes que raconte Platon en les prenant à son compte ou en les attribuant à quelqu'un d'autre. Voici une liste de ces mythes:
mythe de l'Atlantide, Tim 26 e 4; mythe d'autochthonie, Resp III 415 a 2, Lg II 664 a 6; mythe des classes, Resp III 415 c 7; mythe d'Er, Resp X 621 b 8; mythe du Gorgias, Gorg 523 a 2, 527 a 5; mythe des marionnettes, Lg I 645 b 1; mythe du Phédon, Phdo 110 b 1, 110 b 4, 114 d 7; mythe du Phèdre sur la nature et la destinée de l'âme, Phdr 253 C 7; - mythe du Politique, Pol 268 d 9,268 e 4,272 d 5,274 e 1,275 b 1,277 b 5, 277 b 7; repris dans les Lois, Lg IV 713 a 6, 713 c l; - mythe de Protagoras, Prot 320 c 3, 320 c 7, 324 d 6, 328 c 3, 361 d 2; - mythe sur la providence, Lg X 903 b 1.
-
Ces mythes sont indissociables d'un certain nombre de mythes traditionnels en Grèce ancienne qu'ils reprennent, tels quels ou en les transposant en fonction d'exigences précises relatives au contexte où ils apparaissent. Cela dit, il est à noter que Platon utilise 18 fois le vocable mûthos pour faire référence à d'autres types de discours que celui qui caractérise les mythes qu'on racontait en Grèce ancienne ou ceux qu'il développe lui-même dans ses œuvres en les prenant à son compte ou en les attribuant à d'autres. Est qualifié de «dérivé», l'usage fait par Platon de mûthos dans ces 18 occurrences. Platon assimile ainsi à un mûthos l'exercice rhétorique auquel se livre Socrate dans le Phèdre: Phdr 237 a 9, 241 e 8. En outre, Platon considère comme un mûthos non seulement les doctrines des autres philosophes: Tht 156 c 4, 164 d 9, 164 e 3, Soph 242 c 8, 242 d 6, mais aussi la sienne. En effet, Platon appelle mûthos le discours qu'il développe dans le Timée: Tim 29 d 2, 59 c 6, 68 d 2, 69 b 1. Il appelle aussi mûthos le discours que Socrate (Tim 26 c 8) et l'étranger d'Athènes (Lg VI 752 a 2) tiennent sur la constitution politique de la cité idéale. Enfin, Platon, en jouant sur les mots, utilise le vocable mûthos pour désigner les préambules qui doivent servir d'exhortations aux lois dans les Lois: Lg VI 771 c 7, 773 b 4, VII 790 c 3, 812 a 2, VIII 841 c 6. Après avoir classé les occurrences de mûthos selon le genre de discours
181
qu'il désigne, je voudrais maintenant donner des informations sur les interlocuteurs qui, dans les dialogues de Platon, utilisent ce même vocable. En voici la liste, par ordre de fréquence mûthos:
de l'usage
qu'ils font de
Socrate, 34 + [2] imputées à Calliclès ( Crat 408 c 8, Gorg 505 c 10, [Gorg 523 a 2], [Gorg 527 a 5], Phdo 60 c 2, Phdo 61 b 4, Phdo 61 b 6, Phdo 110 b 1, Phdo 114 d 7, Phdr 237 a 9, Phdr 241 e 8, Phdr 253 c 7, Phlb 14 a 4, Prot 361 d 2, Resp II 376 d 9, Resp II 377 a 4, Resp II 377 a 6, Resp II 377 b 6, Resp II 377 c 1, Resp II 377 c 4, Resp II 377 c 7, Resp II 377 d 5, Resp II 378 e 5, Resp II 379 a 4, Resp II 381 e 3, Resp III 386 b 8, Resp III 391 e 12, Resp III 398 b 7, Resp III 415 a 2, Resp III 415 c 7, Resp VIII 565 d 6, Resp X 621 b 8, Tht 156 c 4, Tht 164 d 9, Tht 164 e 3, Tim 26 e 4). Étranger d'Athènes, 27 (Lg I 636 c 7, Lg I 636 d 3, Lg I 636 d 5, Lg I 645 b 1, Lg I 664 a 6, Lg III 682 a 8, Lg III 683 d 3, Lg III 699 d 8, Lg IV 712 a 4, Lg IV 713 a 6, Lg IV 713 c 1, Lg IV 719 c 1, Lg VI 7 52 a 2, Lg VI 771 c 7, Lg VI 773 b 4, Lg VII 790 c 3, Lg VII 804 e 4, Lg VII 812 a 2, Lg VIII 840 c 1, Lg VIII 841 c 6, Lg IX 865 d 5, Lg IX 872 e l, Lg X 887 d 2, Lg X 903 b 1, Lg XI 913 c 2, Lg XI 927 c 8, Lg XII 944 a 2). Étranger d'Élée, 10 (Pol 268 d 9, Pol 268 e 4, Pol 272 c 7, Pol 272 d 5, Pol 274 e 1, Pol 275 b 1, Pol 277 b 5, Pol 277 b 7, Soph 242 c 8, Soph 242 d 6).
C
Protagoras, 4 (Prot 320 c 3, Prot 320 c 7, Prot 324 d 6, Prot 328 3). Timée, 4 (Tim 29 d 2, Tim 59 c 6, Tim 68 d 2, Tim 69 b 1).
Critias, 1 + [2] attribuées à un prêtre égyptien ([Tim 22 c 7], [Tim 23 b 5], Tim 26 c 8). Céphale, 1 (Resp I 330 d 7). Simmias, 1 (Phdo 110 b 4). Thrasymaque,
1 (Resp I 350 e 3).
On remarquera que 79 + [2], soit 93 % des 87 occurrences du vocable mûthos, sont le fait d'interlocuteurs principaux dans les dialogues mentionnés, alors que 4 + [2], soit 7 % seulement, sont attribuées à des
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annexe J interlocuteurs secondaires (Critias, Céphale, Simmias et Thrasymaque), proportion qui correspond à celle qui prévaut, dans l'ensemble des dialogues de Platon, entre l'étendue du discours des interlocuteurs principaux et celle du discours des interlocuteurs secondaires 4.
4. À titre d'exemple, je voudrais signaler que, dans la seconde partie du Parménide, le discours de Parménide comprend 10 538 mots, et celui du jeune Aristote qui lui donne la réplique 985, soit une proportion de 91,6 % à 8,4 %; cf. L. BRISSON, « La Répartition des négations dans la seconde partie du Parménide de Platon», Revue de l'Organisation internationale pour l'étude des langues anciennes par ordinateur, n° 1, 1978, p. 45-49.
183
Annexe 2. Les dérivés de « mûthos et les cornposés dont « mûthos » constitue le premier terme 1 2 dans le corpus platonicien
»
On ne trouve chez Platon que deux dérivés de mûthos: muthik6s et muthôdës, qui d'ailleurs ne sont représentés que par une seule occurrence chacun. Le suffixe -ik6s, particulièrement productif dans le vocabulaire philosophique, indique l'appartenance à la classe que désigne le nom auquel il s'applique: ainsi l'adjectif muthik6s (Phdr 265 c 1) peut-il être traduit « qui appartient à la classe des mythes», « qui relève du mythe». Par ailleurs, le suffixe -ôdës, dont on n'arrive pas à rendre compte d'un point de vue phonétique, exprime une ressemblance avec ce que désigne le nom auquel il est appliqué : aussi l'adjectif muthôdës (Resp VII 522 a 7) peut-il être traduit« qui ressemble à un mythe»,~« qui présente le caractère d'un mythe». En raison de leur unicité et à cause de l'évidence du sens qu'elles manifestent, les occurrences de ces dérivés de mûthos seront traitées en même temps que celles de mûthos. De tous les composés qui vont être examinés dans cette annexe, mûthos constitue le premier terme; et cela, tout simplement parce que, dans le 1. Dans cette annexe, je prends pour ouvrage de référence : Pierre CHANTRAINE,La Formation des noms en grec ancien, Champion, Paris, 1933. 2. Pour la liste des occurrences de ces vocables dans le corpus platonicien, on se reportera à L. BRANDWOOD,A Word Index to Plata, Maney & Son, Leeds, 1976.
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annexe 2 corpus platonicien, seul diamuthologéo façon.
3
n'est pas construit de cette
Il est à noter que tous les composés, dont mûthos constitue le premier terme, se distribuent en deux groupes qui se rattachent d'une part à muthopoi6s et d'autre part à muthol6gos. En fait, la situation est encore plus simple, car on ne trouve qu'une seule occurrence de muthopoi6s (Resp II 377 b 11), dont le second terme est -poi6s, un dérivé thémathique de poiéo «fabriquer». Ce terme n'a pas d'existence propre; il apparaît toujours au second terme de composés. On ne trouve chez Platon aucune occurrence du composé verbal muthopoiéo, auquel doit correspondre, d'un point de vue nominal, muthopoi6s. Mais le contexte, où apparaît la seule occurrence de muthopoi6s, qui, comme il fallait s'y attendre, désigne le« fabricant de mythe», indique explicitement cette correspondance, car il comporte le syntagme [µu0ov J 1toLÉw : D'abord, il nous faut donc, semble-t-il, contrôler les fabricants de mythes (µu001toLOL°ç).Et, s'ils fabriquent un [mythe] avantageux (xrùov [µu0ov J 1toL~crwcnv ), il faut l'accepter; mais, s'ils en font un qui ne l'est pas, il faut le rejeter. (Resp II 377 b 11 - c 2.)
SOCRATE. -
Or, si on tient compte de la mention que, quelques lignes plus bas, Platon fait d'Homère, d'Hésiode et des autres poètes (cf. Resp II 377 d 4-5), il faut comprendre que le « fabricant de mythe » par excellence est le poète. L'intérêt du composé est donc limité d'une part, parce que, chez Platon, c'est un hapax; et, d'autre part, parce que son sens est unique. Il n'en va pas de même pour muthol6gos et ses dérivés. Mais, avant de passer à cet autre composé nominal, il faut évoquer logopoiéo, qui est issu de logopoi6s, lequel par ailleurs a pour dérivé logopoiik6s. 3. Ce composé verbal a été fabriqué à partir de muthologéo à l'aide du préverbe dia- qui indique à la fois un rapport entre au moins deux personnes et le fait qu'une action est soutenue. Il va donc de soi que, dans ses trois occurrences chez Platon, diamuthologéo désigne un entretien élaboré entre plusieurs personnes. Dans )'Apologie (39 e 5) et dans le Phédon (70 b 6), cet entretien porte sur la destinée de l'âme après la mort. Et, au premier livre des Lois (I 632 e 4), diamuthologéo apparaît dans un passage qui expose le plan de ce qui va suivre et qui doit se développer sur le modèle de ce qui a déjà été dit. Or les premières pages des Lois portent sur les législations établies par Minos et par Lycurge sous l'inspiration de Zeus et d'Apollon. Par ailleurs, au début du troisième livre (680 d 3), la description de la cité des Magnètes est assimilée à une mutholog(a. Dans ces trois cas, diamuthologéo conserve donc le sens de muthologéo que modifie à sa façon le préverbe dia-. Cela dit, il faut noter la présence de paramuth(a (Phdo 70 b 2) et de paramuthion (Lg I 632 e 5) à proximité de diamuthologéo dans deux cas sur trois.
185
En Euthydème 289 d-e, on trouve 2 des 3 occurrences de logopoiéo, 3 des 4 occurrences de logopoios et la seule occurrence de logopoiikos, que comporte l'ensemble des œuvres de Platon. Et, par la suite, l'art du logopoios, le « fabricant de discours», est ainsi défini: [l'art du fabricant de discours], c'est l'art de charmer les juges, les membres de l'assemblée du peuple et ceux des autres foules, et il se trouve constituer [pour eux] une exhortation. (Euthd 290 a 3-4.) SOCRATE.
- ...
Les discours dont il s'agit sont de divers types; mais tous relèvent de la communication collective et non de la communication individuelle. Et c'est précisément dans ce domaine que se situe ce type de discours qu'est le mythe. Aussi peut-on assimiler à un mythe le discours que désigne logos qui apparaît au premier terme du composé verbal logopoiéo en République II 378 d 3 et en Lois I 636 d 1, et du composé nominal logopoios en République III 392 a 13. En République II 378 d 3, ce sont des poètes qui « fabriquent des discours », et les exemples qui illustrent ce que Platon veut dire ne laissent aucun doute sur le fait que ces discours sont des mythes: Et il faut nécessairement que les poètes fabriquent des discours (Àoyo1rme:i:v) en accord avec ces principes. Mais Héra enchaînée par son fils et Héphaïstos lancé au loin par son père pour s'être porté au secours de sa mère rompue de coups, et toutes ces batailles de dieux qu'a fabriquées (m:1rol1Jxe:v)Homère, [... ]. (Resp Il 378 d 2-5.) SOCRATE. -
Les choses sont encore plus explicites en Lois I 636 c 7 - d 1, où l'étranger d'Athènes déclare:« Or, tous nous accusons donc les Crétois du mythe de Ganymède, parce que ce sont eux qui ont fabriqué ce discours (wçÀoyo1tm1Jcrcxv-rwv ,ou-rwv). » Enfin, en République III 392 a 13 - b 1, poètes et fabricants de discours sont évoqués côte à côte : « Parce que nous dirons en fin de compte;,je pense, que c'est d'une manière qui n'est pas avantageuse que les poètes et les fabricants de mythe (xcd 1tm1J-rcxtxd Àoyo1rotot) parlent des hommes sur les points les plus importants.» Dans ce cas, on pourrait substituer muthopoios à logopoios, tout de même que, dans les deux cas précédents, on aurait pu substituer à logopoiéo, muthopoiéo, même si ce composé verbal n'apparaît pas comme tel chez Platon. Mais laissons là muthopoios, pour passer à muthologos, qui se compose de mûthos, au premier terme, et de logos, au second. C'est de la racine * leg- que dérive logos. Dans les racines, où tous les degrés vocaliques sont admis, le dérivé thématique comporte la voyelle ode la racine. Et, comme c'est sur la racine que porte l'accent, logos doit être considéré, en tant que terme simple, comme un nom d'action. Toutefois, aux noms d'action au
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annexe 2 simple, répondent des noms d'agent au composé. D'où le sens du composé muthol6gos: « celui qui raconte un (ou des) mythe(s) », ou plus simplement le « conteur de mythe(s) ». Qu'en est-il alors de muthol6gos dont on trouve 4 occurrences chez Platon? Dans 3 cas sur 4, c'est-à-dire en République III 392 d 2, République III 398 a 8 - b 1 et en Lois XII 941 b 5, muthol6gos est relié grammaticalement à poiëâs. Par là, se manifeste l'affinité qui unit le poète au « conteur de mythe(s) »; ces 3 cas ne sont pas sans rappeler République III 392 a 13, où poètes et « fabricants de discours», c'est-à-dire de mythes, sont cités côte à côte. Ce lien s'avère nécessaire, surtout si on se place dans le cadre d'une civilisation orale, où la fabrication d'un récit ne peut être indépendante de sa narration. Mais, dans la dernière occurrence de muthol6gos chez Platon, en Lois II 664 d 3, seul l'aspect narratif subsiste. En effet, les vieillards de plus de soixante ans, qui n'appartiennent à aucun des trois chœurs mentionnés, se voient affectés à une seule tâche, celle de raconter des mythes, dont rien ne laisse supposer qu'ils les fabriquent eux-mêmes 4 • Cependant, il ne faut pas, en se fondant sur les 3 àutres occurrences de muthol6gos, croire qu'entre muthol6gos et poiët-Ù il y a identité. En effet, poieâs. tout comme poiéo dont il dérive - lorsqu'il est utilisé dans l'ordre du discours-, fait référence à une fabrication qui s'exerce non seulement au niveau du contenu, mais aussi au niveau de la forme. Or, c'est à une fabrication qui s'exerce au seul niveau du contenu du discours que renvoie muthol6gos. Aussi peut-on relier poiët-Ù à muthol6gos, sans redondance. Car un muthol6gos, c'est quelqu'un qui raconte un (ou des) mythe(s), qu'il fabrique ou non : cette fabrication éventuelle portant exclusivement sur le conte~u et non sur la forme du discours en question, comme dans le cas du poiëtës. C'est d'ailleurs, très exactement à cette signification de muthol6gos que renvoie le dérivé muthologik6s qui ne se rencontre qu'une seule fois dans l'ensemble des œuvres de Platon, en Phédon 61 b 5. Le suffixe -ik6s signifiant l'appartenance, muthologik6s doit ainsi être compris comme un adjectif indiquant l'appartenance à la classe des muthol6goi, c'est-à-dire à la classe de« ceux qui racontent des mythes». Or Socrate considère qu'il ne fait pas partie de cette classe, dans laquelle il range Ésope. Il faut donc 4. L'analyse sémantique des 4 occurrences de mutho/6gos dans le corpus platonicien, qui corrobore d'ailleurs ce qui a été dit dans les chapitres 3 et 4, fait apparaître le caractère tendancieux de l'interprétation que propose Marcel Detienne (L'invention de la mythologie, p. 184-189 et p. 240-241) de Lg Il 664 d 1-4. Rien n'indique en effet que les vieillards « mythologues » des Lois soient les dépositaires d'une« mythologie sans mythes,. qui« occupe le champ entier du politique»; un tel commentaire soumet aux impératifs d'une thèse générale un passage qui s'intègre dans un ensemble ne justifiant en rien une telle conclusion.
187
supposer que mutho/6gos, ici sous-entendu, signifie non seulement « celui qui raconte un (ou des) mythe(s) », mais aussi« celui qui f~brique un (ou des) mythe(s) ». Par ailleurs, comme Socrate veut mettre en vers les mythes fabriqués en prose par Ésope, il est évident que la fabrication, dont il est alors question, porte sur le contenu et non sur la forme de ce type de discours que constitue le mythe. Bref, si Socrate ne se considère pas comme mutho/ogik6s, c'est non parce qu'il ne raconte pas, mais plutôt parce qu'il ne fabrique pas des mythes, que par ailleurs il voudrait mettre en vers. À ce premier dérivé de mutho/6gos, il faut en ajouter un autre, qui présente une grande importance. Il s'agit de mutho/og(a. En grec ancien, le suffixe -{a sert à constituer des noms abstraits, substantifs féminins. C'est le cas de mutho/og(a, dont on trouve 8 occurrences dans l'ensemble des œuvres de Platon: Resp II 382 d 1, Resp III 394 b 9, Phdr 243 a 4, Pol 304 d l, Crit 110 a 3, Lg III 680 d 3, Lg VI 752 a l, Hipp I 298 a 4. Sur ce composé nominal, qu'on pourrait traduire par cette périphrase : « le fait de raconter un (ou des) mythe(s) », il y a beaucoup à dire.
Tout comme mutho/6gos est relié à poieâs, on trouve chez Platon un passage où mutho/og(a est relié à po{êsis (Resp III 394 b 9 - c 1). Or, en grec ancien, le suffixe -sis sert aussi à former des abstraits, substantifs féminins. En fait, -si en attique, auquel répond -ti dans le grec occidental, remonte au suffixe indo-européen -ti, qui fournit essentiellement des abstraits verbaux désignant des agents ou des instruments. On retrouve, en grec ancien, des noms suffixés en -sis qui désignent des agents ou des instruments; mais la plupart des racines ainsi suffixées correspondent à des noms d'action. Et c'est à ce groupe qu'appartient poîesis, dont le sens a été décrit plus haut. De quelle façon faut-il, dans ce contexte, interpréter le syntagme 1ro(1JcrLçxcd fLU0oÀoy(ix? Comme on l'a déjà vu,poîesis désigne ce genre de fabrication auquel correspond en français le terme « poésie», et qui porte non seulement sur le contenu du discours, mais aussi sur sa forme. Or, en me fondant sur le parallèle TTOL'YJ,"YJÇ xixt fLu0oMyoç, je présume que mutho/og(a aurait plutôt tendance à indiquer l'action de celui qui raconte un (ou des) mythe(s), qu'il le(s) fabrique ou non. Dans le cas présent, il est évident qu'il s'agit non seulement de raconter des mythes, mais aussi et surtout de les fabriquer. Cette idée de fabrication se retrouve dans ce passage du Phèdre. En effet, faisant alors allusion à la palinodie de Stésichore concernant Hélène, Socrate déclare: « Mais il y a, pour ceux qui se trompent en racontant un mythe (m:pt p.uOoÀoy(ixv), une ancienne purification, qu'Homère ne connaissait pas, mais que connaissait Stésichore. » (Phdr 243 a 3-5.) Stésichore, poète du vcsiècle av. J.-C., avait durement parlé d'Hélène dans un de ses poèmes. Puni de cécité pour cette raison comme Homère, il recouvra
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annexe 2 pourtant la vue après s'être rétracté en expliquant qu'il ne s'agissait pas d'Hélène, mais de son fantôme. Dans ce contexte, raconter un mythe c'est aussi et avant tout le fabriquer. On retrouve la même idée de fabrication en République II 382 d 1 et Lois III 680 d 3, VI 752 a 1. En ce qui concerne Hippias I 298 a 4, les choses sont moins claires. Et il semble bien qu'en Politique 304 d 1, où le fait de raconter un (ou des) mythe(s) (mutholog(a) est opposé à l'enseignement (didakhi), seul l'aspect narratif soit pris en considération : ÉTR. D'ÉLÉE. - Allons! À quelle science rapporterons-nous donc le fait de persuader la masse et la foule en racontant des mythes (aLix µu0o).oylocç)et non par le moyen de l'enseignement (aLix aLaocz'Yjç)? J. SOCRATE.- Manifestement, je pense que cela aussi c'est à la rhétorique ({rlJ,OPLX?i) qu'il faut l'attribuer. (Pol 304 c 10 - d 3.)
En définitive, le syntagme rrol'Y)crLçxocl µu0oÀoylocest bien parallèle au xcd µu0oMyoç. En effet, il faut discerner dans la syntagme TTOLî],"1JÇ périphrase « le fait de raconter un (ou des) mythe(s) », dont je fais usage pour traduire mutho/og(a, non seulement un aspect narratif, mais aussi et surtout, dans la plupart des cas, l'idée de fabrication : cette fabrication portant sur le contenu qui caractérise un certain type de discours et non sur sa forme, cet autre aspect étant évoqué par le terme pozêsis. On remarquera que, dans deux des cas mentionnés: République II 382 d 1 et Hippias I 298 a 4, mutho/og(a est au pluriel. La chose s'explique aisément si on comprend par mutho/og(a le « récit de mythe(s) » et non l'ensemble des mythes propres à une civilisation, à quoi fait référence « mythologie » en français. Cependant, il est un passage, dans le Critias, où le double sens de «mythologie» en français: 1) l'ensemble des mythes propres à une civilisation; et 2) la science qui étudie l'origine, le développement et la signification des mythes, semble pouvoir s'appliquer au terme muther /og(a: CRITIAS.- De ces autochtones, les noms ont été conservés, mais les actions, en raison de la destruction de ceux qui en avaient entendu parler et en raison de la longueur du temps [écoulé], ont disparu. Car ce qui toujours survivait du genre humain, comme cela a été dit auparavant, restait montagnard et illettré : ces gens avaient ouï dire les noms de ceux qui avaient régné en ce pays, mais bien peu des actions qu'ils avaient accomplies. Or, ces noms, ils les donnaient à leurs rejetons avec plaisir, mais les vertus et les lois de ceux d'avant ils ne les connaissaient pas, si ce n'est par quelque obscur ouï-dire les concernant. Parce qu'ils manquaient des
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choses nécessaires à la vie pendant plusieurs générations, eux et leurs enfants, qu'ils avaient l'esprit tourné vers ce dont ils manquaient et qu'ils fabriquaient des discours qui portaient sur ce sujet, ils ne se souciaient pas de ce qui était arrivé avant et dans le passé. Car le fait de raconter des mythes et la recherche des choses du passé (µu0oÀoy[cc yixp &:vcc~~-nicr[ç; ,e ,wv rmÀccLwv)firent simultanément avec le loisir leur entrée dans les cités, quand des gens virent que désormais, pour eux, les choses nécessaires à la vie étaient assurées, mais pas avant. (Crit 109 d 2 - 110 a 6.) Ici, comme ailleurs en général, mutho/og(a peut être traduit par« le fait de raconter un (ou des) mythe(s) », cette paraphrase impliquant non seulement un aspect narratif, mais aussi l'idée de fabrication dans l'ordre du discours au niveau du contenu. Critias oppose cette pratique, qui a cours dans le cadre de la cité et qui consiste à raconter des mythes, à la situation qui prévalait avant chez les montagnards, qui ne fabriquaient que des discours portant exclusivement sur les choses nécessaires à la vie. Cependant le fait que µu0oÀoy[cc se voit relié par la conjonction xccl à &:vcc~~T"l'JcrLÇ ,wv rr:ccÀmwvla « recherche des choses du passé», provoque, par choc en retour, une modification du sens de mutho/og(a. En effet, ces mythes, qu'on fabrique et qu'on raconte, portent sur le passé, comme c'est aussi le cas en République III 392 d 2-3. Mais ce passé, étant mal connu, il faut, pour en parler d'une façon satisfaisante, mettre en œuvre, au préalable, une recherche sur ce qu'il fut vraiment. Dans cette perspective, mutho/og(a signifie non seulement fabrication et récit de mythes particuliers, mais aussi recherche sur ce que racontent ces mythes dans leur ensemble. Par là, on approche du double sens de «mythologie» en français. On remarquera par ailleurs que cette « recherche des choses du passé» associée à l' « action de raconter des mythes», fait son apparition dans la cité, non seulement avec le loisir, mais aussi avec la musique et l'écriture (Tim 23 a 5 - b 3). Par l'intermédiaire de la musique, mutho/og(a se voit une fois de plus associée à poîesis. Cependant, coordonnée avec une« recherche des choses du passé», et apparaissant dans un contexte où se développe l'écriture, mutho/og(a en vient à désigner une action plus complexe, impliquant un tri entre diverses versions d'un même mythe, en vue de _constituer une version de référence susceptible d'être mise par écrit. La chose n'est pas exprimée de façon explicite; il n'en demeure pas moins qu'elle est fortement suggérée par le contexte. Cela dit, il faut reconnaître que le dérivé le plus important de mutho/6gos est le dénominatif muthologéo, dont on trouve 15 occurrences dans les œuvres de Platon considérées comme authentiques :
190
annexe 2 RÉFÉRENCE
SUJET
VOIX
RECTION
SENS
Gorg 493 a 5
a
(Timocréon)
ace.
f/n
Gorg 493 d 3
a
Socrate
ace.
n
Lg III 682 e 5
a
(Lacédomoniens)
ace.
f/n
Phdo 61 e 2
a
indéfini
per(+ gén.
f/n
Phdr 276 e 3
a
(sophiste)
perf+ gén.
f/n
Resp II 359 d 6
a
indéfini
ace.
f/n
indéfini
en+ muthoi
f/n
Resp II 376 d 9
a
Resp II 378 e 3
p
Resp II 379 a 2
a
poètes
f/n
Resp II 380 c 2
a
indéfini
f/n
Resp II 392 b 6
a
poètes+ logopoio(
Resp III 415 a 3
a
fondateurs de cité
Resp VI 501 e 4
a
(Socrate)
Resp IX 588 c 2
p
Tim 22 b 1
a
Abréviations : a n = narration.
=
f/n
f/n f/n
ace.
f/n
inf.
f/n
hos + ind.
Solon
voix active; p
ace.
=
voix passive; f
=
n fabrication;
191
Deux autres occurrences du même terme se retrouvent dans des œuvres de Platon dont l'authenticité est contestée: Hipp (I 286 a 2), Epist (VIII 352 e 1). Sur les 15 occurrences du premier groupe, 9 se trouvent dans la République, dont près de 50 % dans les livres II et III. Dans 13 cas sur 15, muthologéo est à l'actif. En général, son complément d'objet est à l'accusatif. Dans 2 cas (Phdo 61 e 2, Phdr 276 e 3) cependant, c'est per{ et le génitif qui l'introduit. Il est aussi intéressant de remarquer le caractère pléonastique de la construction è:v µu0ep µu0oÀoyoüv,e:ç; (Resp II 376 d 9). Enfin, muthologéo peut commander une proposition introduite soit par l'infinitif (Resp IX 588 c 2), soit par hos et l'indicatif (Tim 22 b 1). Dans presque tous les cas, muthologéo signifie« raconter (ou parler de) dans (ou sous la forme d') un mythe»: périphrase qui fait référence non seulement à la narration, mais aussi à la fabrication du mythe en question. Cette ambiguïté est plus ou moins marquée, sauf dans deux cas ( Gorg 493 d 3, Tim 22 b 1), où muthologéo semble bien ne comporter qu'un aspect narratif. La nécessité de prendre en considération l'idée de fabrication dans la plupart des occurrences de muthologéo chez Platon s'impose dès lors qu'on examine les sujets de ce verbe. Il s'agit, en Gorgias 493 a 5, de Timocréon, un poète du yc siècle av. J.-C.; en République II 379 a 2, de poètes; en République II 392 b 6, de poètes et de fabricants de discours. Ce dernier témoignage présente beaucoup d'intérêt. Car au couple de sujets : poètes et fabricants de discours correspond le couple de verbes : chanter et raconter dans un mythe; une fois de plus, le mythe correspond au contenu du discours fabriqué par le poète, alors que la forme de ce même discours, mise en relation avec le chant, relève de la poésie. Dans le même ordre d'idées, on notera que le discours qui constitue l'objet de cette action peut être en vers ou en prose (Resp II 380 c 1-2). En outre, c'est suivant certaines règles, qui sont des lois, que les poètes doivent exercer leur activité (Resp II 379 a 1-4) : dans ce même passage /ki: µu0oÀoye:ï:v est repris par TTOL"YJTÉov µu0ouç;, ce qui ne laisse aucun doute sur l'idée de fabrication indiquée par ce composé verbal. Enfin, en Lois III 682 e 5, on trouve le syntagme µu0oÀoye:ï:,é:,e: xcd. ~Lcme:pcûve:,e:,comme si Platon voulait faire ressortir l'idée de fabrication attachée à muthologéo, en lui coordonnant un verbe indiquant exclusivement un aspect narratif, c'està-dire diapera{no « raconter jusqu'au bout». En muthologéo se manifeste la même ambiguïté sémantique que celle décelée en mutho/6gos et en muthologfa. En effet,« raconter (ou parler de) quelque chose dans ( ou sous la forme d') un mythe », c'est aussi, dans la plupart des cas, fabriquer un mythe sur quelque chose, étant bien entendu que cette fabrication porte sur le contenu de ce discours.
192
annexe 2 Il convient, en outre, de signaler une occurrence de muthologetéon (Resp II 378 c 4), adjectif verbal indiquant l'obligation et formé à partir de muthologéo; et trois occurrences de diamuthologéo Ç4.p39 e 5, Phdo 70 b 6, Lg I 632 e 4), composé verbal dont muthologéo constitue le second terme. Reste à examiner le cas d'un dernier composé nominal, mutho/6gëma. Le grec a largement développé le vieux suffixe indo-européen m + nasale dans la catégorie des neutres: -ma répond au latin -men, au sanskrit -man et à l'indo-européen -mn. Ce suffixe s'ajoute à un thème verbal, pour constituer des dérivés verbaux exprimant le résultat de l'action. Il en va ainsi, comme le fait remarquer P. Chantraine, pour les dénominatifs en -éo, qui ont des dérivés en -ëma. Or, mutho/6gëma permet de vérifier ce qui vient d'être dit aussi bien sur le plan de la morphologie que sur celui de la sémantique. En effet, il semble que, dans ses deux occurrences (Phdr 229 c 5, Lg II 663 e 5), muth6/ogëma, qui dérive de muthologéo, désigne « le résultat de l'action de raconter quelque chose dans un mythe», c'est-à-dire « ce qui est raconté dans un mythe». Voyons ce qu'il en est dans chacun de ces deux cas. Au début du Phèdre, mutho/6gëma fait référence au mythe de l'enlèvement d'Orithye par Borée : PHÈDRE. - Dis-moi, Socrate, n'est-ce pas d'ici assurément que, de l'Illissos, raconte-t-on, Borée enleva Orithye? [Ou bien est-ce de la colline d'Arès? En effet, cette version raconte, au contraire, que c'est de là et non point d'ici qu'elle a été enlevée.] SOCRATE. - C'est ce qu'elle raconte, en effet. PHÈDRE. - Est-ce donc d'ici? Du moins, ces filets d'eau paraissent charmants et purs et transparents, et leurs bords se prêtent bien aux jeux des jeunes filles. SOCRATE.- Non, c'est plutôt en contrebas, à deux ou trois stades environ, à l'endroit où nous traversons la rivière en direction d' Agra. Et justement, il y a là un autel de Borée. PHÈDRE. - Voilà à quoi je n'ai pas du tout pensé. Mais, par Zeus, Socrate, dis: est-ce que tu es persuadé que ce qu'on raconte dans ce mythe (-roiho · -rà µ.u0oÀ6yYJµ.ix)est vrai? (Phdr 229 b 4 - c 5.) De ce mythe de l'enlèvement d'Orithye par Borée, il y a donc au moins deux versions; en outre, la suite nous apprend que ce même mythe a fait l'objet d'une interprétation allégorique. En d'autres termes, mutho/6gëma désigne un mythe déjà soumis à un certain travail d'élaboration et/ou d'interprétation. Et il en va de même dans les Lois, où mutho/6gëma fait référence au
193
mythe des Spartes qui naissent des dents de serpent semées par Cadmos; mythe déjà évoqué dans la République (III 414 d-e): ÉTR. D'ATHÈNES. -Allons donc! Ne fut-il pas facile de persuader ce qui est raconté dans le mythe sur l'homme de Sidon (-ro µè:v -roü Lt3wv[ou µuOoMy'T]µix),qui est tout à fait difficile à persuader, et des milliers d'autres choses? CLINIAS. - Lesquelles? ÉTR. D'ATHÈNES. - Le fait que, un jour, des dents ayant été semées, en naquirent des hoplites. Voici en vérité, pour le législateur, un grand exemple du fait qu'on peut persuader tout ce qu'on pourrait entreprendre de persuader aux âmes des jeunes. Par conséquent, il ne doit chercher à découvrir rien d'autre que ce qui, une fois persuadé, réaliserait, pour la cité, le plus grand bien; mais, sur ce point, il doit chercher, par tous les moyens, à découvrir de quelle manière alors une telle communauté dans sa totalité ferait toujours sur ces choses entendre le plus possible une seule et même voix à tous les âges de la vie dans des chants, des mythes et des discours. (Lg II 663 e 5 - 664 a 7.) Comme dans le Phèdre, mutho/6gëma renvoie ici à un mythe précis, qui par ailleurs a fait l'objet d'une certaine élaboration, en vue d'une utilisation pour persuader les citoyens de leur origine commune et pour ainsi justifier le devoir qu'ils ont de défendre la terre dont ils sont nés. Bref, par mutho/6gëma, il faut comprendre plus que le résultat de l'action désignée par le verbe mutho/ogéo. Chez Platon, en effet, ce vocable indique en outre que le mythe auquel il fait référence a été soumis à un travail d'élaboration et/ou d'interprétation. Mais, en tant qu'il indique le résultat de l'action désignée par le verbe mutho/ogéo, mutho/6gëma s'apparente à p01êma, même si la chose n'est pas exprimée explicitement par Platon. Dans cette perspective, on pourrait obtenir cette série de concordances :
mutho/6gos mutho/ogik6s mutho/og[a mutho/ogéo mutho/6gëma
poiëtës' poiëtik6s p01êsis poiéo poœma.
Alors que les vocables de la colonne de droite désignent une fabrication qui porte non seulement sur le contenu, mais aussi sur la forme du discours, les vocables de la colonne de gauche reprennent cette idée de fabrication dans l'ordre du discours, mais sur le plan du contenu seulement, tout en exprimant une idée nouvelle, celle de la narration. Et cela tout simplement,
194
annexe 2 parce que, dans une civilisation de !'oralité, fabriquer un discours, et notamment un mythe, c'est forcément le raconter. Il convient de mentionner, avant de terminer, les composés fabriqués à partir de muthéomai « dire, raconter». Ce verbe, qui dérive de mûthos, n'apparaît que chez les poètes; aussi, dans le corpus platonicien, sa seule occurrence se trouve-t-elle dans une citation de l'Iliade ( Crat 428 c 4-5 = Il. IX, 644-645). En revanche, on trouve dans les œuvres de Platon, dont l'authenticité ne fait aucun doute, un nombre d'occurrences assez considérable de ces composés, dont muthéomai constitue soit directement soit indirectement le second terme. Il s'agit de paramuthéomai « exhorter, encourager, etc. » : Crit 108 c 7, Euthd 277 d 4, Euthd 288 c 4, Ion 540 c 5, Lg I 625 b 6, Lg II 666 a 2, Lg IX 854 a 6, Lg XI 928 al, Lg XII 944 b 3, Mnx 237 al, Mnx 247 c 5, Phdo 83 a 3, Phdo 115 d 5, Pol 268 b 3, Prot 346 b 4, Resp IV 442 a 2, Resp V 451 b 1, Resp V 476 e 1, Resp VI 499 e 2, Soph 230 a 2; de paramuthëtéon (adjectif verbal du précédent, Lg X 899 d 6); de paramuth{a « exhortation, encouragement, etc. » : Euthd 290 a 4, Lg IV 720 a 1, Phdo 70 b 2, Resp V 450 d 9, Soph 224 a 4; de paramuthion « exhortation, encouragement, etc.» : Crit 115 b 4, Euthd 272 b 8, Lg I 632 e 5, Lg IV 704 d 8, Lg IV 705 a 8, Lg VI 773 e 5, Lg IX 880 a 7, Lg X 885 b 3, Lg XI 923 c 2, Phdr 240 d 4, Resp I 329 e 5; et de aparamuthitos « sans qu'on puisse l'exhorter» (Lg V 731 d 3). Mais, comme tous ces composés conservent le sens primitif de mûthos « pensée qui s'exprime, avis», il n'en est pas tenu compte dans ce livre, à deux exceptions près: paramuthfa et paramuthion (cf. chapitres 11 et 13).
195
Annexe 3. Noms propres de personnages ou d'êtres intervenant dans des mythes traditionnels en Grèce ancienne, cités par Platon
On recense, dans les œuvres de Platon, dont l'authenticité est généralement admise, 260 noms propres relatifs à des personnages ou à des êtres qui jouent un rôle dans un certain nombre de mythes en Grèce ancienne. En voici une liste; pour les occurrences de ces noms, on se reportera à L. Brandwood (A Word Index to Plato). Abaris Achéloos Achéron Achérousias Achille Admète Adrastée Agamemnon Aidos Ajax Alceste Alcinoos Amazones Amélès Ammon = Thamous = Zeus
196
Amphérès Amphion Amphitryon Amycos Amyntor Anankè Andromaque Antée Anténor Antiloque Aphrodite - Ouranienne - Pandémienne Apollon Ardiée Arès Aristodème
Artémis Asclépios Astres (divinisés) Astyanax Atalante Atè Athéna Atlas - Titan - Roi de l'Atlantide Atrée Atropos Autochthonos Autolycos Azaès Borée Briarée
annexe 3 Cadmos Calliope Cénée Cécrops Centaures Cerbère Cercyon Chaos Charites Charybde Chimère Chiron Chrysès Chrysippe Clitô Clôtho Cocyte Codros Courètes Créon Cresphontès Cronos Cyclopes Dardanos Dédale Démèter Deucalion Diaprépès Dikè Diomède Dionè Dionysos Dioscures Dorieus Éaque Égine Égisthe Élasippos Endymion Énée Épéios
Éphialte Épiméthée Er Érato Érechthée Érichthonios Ériphyle Éros Érinyes Érysichton Eumèlos = Gadiros Eumolpe Eurypyle Eurysthénès Évémon Événor Gadiros = Eumèlos Gaia (Gè) Ganymède Géants Géryon Glaucos Gorgones Gygès Hadès Harmonie Hécamède Hector Hécube Hélène Hélios = Soleil Héphaïstos Héra Héraclès Hermès Hestia Hippocentaures Hippodamie Hippolyte Hydre
Ilithye Inachos lolaos Ion lphiclès Iris Isis Japet Lachésis Laïos Léthè Léto Leucippè Ligures = Muses Lotophages Macarée Machaon Marsyas Médée Mélanippe Ménélas Ménoetos Mestor Métion Mètis Minos Mnémosyne Mnèsée Mormolycée · Musée Muses Myrina Myrtile Neith = Athéna Némésis Néoptolème Néréides Nestor Ninos (Assyrie) Niobé
197
Océan Œagre Œdipe Olympos Oreste Orithye Orphée Otos Ouranos Palamède Pallas = Athéna Pan Pandoros Panopée Parques Patrocle Pélias Péan = Apollon Pégase Pélée Pélops Pénélope Pénia Perséphone Phaéton Pharmacée Phémios Phénix Pherréphatte = Perséphone Phix = Sphinx Phorcys
Phoronée Pirithoos Pluton Polhymnie Poros Poseidon Priam Proclès Prométhée Protée Pyriphlégéthon Pyrrha Rhadamante Rhéa Sarpédon Satyres Scamandre Scamandrios = Astyanax Scylla Sélènè = Lune Silènes Simoïs Sirènes Sisyphe Sperchios Sphinx Styx Tantale Tartare
Télamon Télèphe Téménos Terpsichore Téthys Thalie Thamous = Ammon Thamyris Thaumas Thémis Théoclymène Théodore (de Samos) Thersite Thésée Thétis Theuth Thyeste Tirésias Titans Tityos Triptolème Tychè Typhon Ulysse Uranie Xanthe Zalmoxis Zéthos Zeus
On en trouve 17 dans des œuvres considérées par la plupart des spécialistes comme douteuses ou inauthentiques. Achéménès Europe Ormazès Talos Agamède Eurysacès Tityos Persée Amphiaraos Trophonios Phthie Athamas Pléiades Laomédon Polyidos Lyncée
198
annexe 3
À cette liste, il faudrait ajouter beaucoup d'autres noms des différents peuples qui descendent des héros fondateurs de cité, et qui jouent un rôle dans les mythes. En outre, Platon fait mention de divers thèmes importants dans la mythologie traditionnelle de la Grèce ancienne: les races (d'or, d'argent, de bronze et de fer), l'île des Bienheureux, le jugement après la mort, la laie de Crommyon, les jardins d'Adonis, etc. Enfin, il faut signaler qu'il n'a pas été tenu compte des nombreuses allusions à des personnages ou à des êtres mythologiques dont le nom n'est pas explicitement cité par Platon.
199
Annexe 4. Mythe et préambule dans les « Lois »
N•
LIEU
LOI
PRÉAMBULE
MYTHE(S) Référence contextuelle aux mythes relatifs aux 12 grands dieux
1 VI 771 C 7
Organisation Division des des fêtes reli- 5 040 foyers en gieuses (771 c 12 parties corres7 - d 5) pondant aux 12 grands dieux (771 a 5 - C 7)
2 VI 773 b 4
Mariage (772 d Justifications Référence proba5 - e 6, cf. aussi (772 e 7 - 773 e 4, ble au mariage IV 721 b 1-3) cf. aussi IV 721 b « paradigmati6 --d 6) que» de Zeus et d'Héra
3 VII 790 C 3
Éducation du corps : pas de véritable loi (790 a 8 - b 6)
4 VII 804 e 4
Éducation des Justification par Référence difemmes (804 d des exemples recte aux Amazo6 - e 1) (804 e 1 - 806 d nes 2)
200
Description de ces soins pour la première enfance (788 a 1 - 790 C 3)
Référence contextuelle aux pratiques des Coryhantes (790 c 5 e 4)
annexe 4 N•
LIEU
LOI
PRÉAMBULE
MYTHE(S)
5 VII 812 a 2
Études littéraires (809 e 2 810 C 4)
Condamnation de l'enseignement littéraire traditionnel (810 c 5 812 a 3)
6 VIII 840 C 1
Usage licite de la sexualité (841 C 8 e 4)
Problèmes relaMythes véhiculés tifs à la sexualité par la tradition en (835 C 1 - 841 C Grèce ancienne 8)
7
VIII 841 C 6
Usage licite de la sexualité (841 C 8 e 4)
Une partie du 841 b 2 - c 2 est préambule sur le comparé à un mycontrôle en ma- the tière de sexualité (839 e 5 - 841 C 8)
IX 865
Meurtre (865 d Récit d'un mythe 3-5, 865 e 6 pour justifier la sq.) loi (865 d 5 - e 6)
Mythe relatif au retour sur la terre de ceux qui ont subi une mort violente
Parricide (873 b 1 - c 1)
Récit d'un mythe pour justifier la loi (872 c 7 - 873 b 1)
Mythes venant de prêtres de l'Antiquité (872 e 1 873 a 3)
10 X 887 d 2
Existence des Préambule relatif dieux (907 d 4 à l'existence des - 909 d 2) dieux (887 c 5 899 d 3)
Mythes véhiculés par la tradition en Grèce ancienne
11 X 903 b 1
Providence di- Préambule relatif vine (907 d 4 - à la providence divine (899 d 4 909 d 2) 905 d 1)
L'âge d'or sous le règne de Cronos et le démiurge du
8
d 5
9
IX 872 e 1
12 XI 913 C 2
Découverte d'un trésor (913 C 3 d 8)
Référence contextuelle aux mythes qui constil'essentiel tuent des études littéraires
Timée
Préambule sur les Mythes véhiculés conséquences par la tradition en pour la postérité Grèce ancienne de ceux qui s'ap- (913 C 1-3) proprient un trésor qu'ils ont découvert (913 a 1 C 3)
201
LOI
PRÉAMBULE
MYTHE(S)
13 XI 927 C 8
Orphelins (927 C 7 928 d 4)
Préambule pour mettre en garde contre l'injustice à l'égard des orphelins (926 e 9 927 C 7)
Mythe sur la vie après la mort (927 a 1 - C 3)
14 XII 944 a 2
Abandon des Préambule sur les armes (944 b 4 causes de l'ahan- 945 b 1) don de ses armes (943 d 4 - 944 b 4)
Patrocle et les armes d'Achille (944 a 2-8, cf. l'allusion à Cénée en 944 d 5-7)
N•
LIEU
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Les travaux cités dans cette bibliographie ne portent que sur le mythe chez Platon, en général. Ils sont classés par ordre chronologique.
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206
bi b/iographie « How credible are Plato's Myths? » dansArktouros. Hellenic studies presented to B. M. Knox on the occasion of his 65. th birthday, éd. par G. W. Bowersock, W. Burkert & M. Putnam, De Gruyter Berlin/New York, 1979, 364-371. DETIENNE M., L'invention de la mythologie, Paris, Gallimard, 1981, chapitre V intitulé:« La cité défendue par ses mythologues», 155-189. Ce chapitre reprend un article intitulé : « Les Mythologues de la cité », Revue Française de Psychanalyse 43, 1979, 355-374, lequel article avait été intégré dans un autre article intitulé : « Une Mythologie sans illusion», Le Temps de la réflexion, 1, 1980, 27-60.
WRIGHT R.,
207
INDEX DES PASSAGES D'AUTEURS CITÉS ET /OU MENTIONNÉS
ANCIENS
Les passages de Platon sont cités d'après la division en lignes qu'on trouve dans l'édition complète réalisée par John Burnet [Oxford Classical Texts, 5 vol., 1900-1907]. Les chiffres imprimés en gras indiquent que le passage est cité, les autres chiffres ne signalant que des renvois. Les chiffres en exposant renvoient aux notes, les autres aux pages de ce livre. Et les lettres b et t suivant immédiatement un chiffre indiquent que la référence signalée à droite se retrouve respectivement deux ou trois fois dans la même page. Adespota elegiaca fr. l (West IEG Il) : 178 ANACRÉON PMG n° 353 Page 1963 : 169 3 ARISTOPHANE Guêpes 1258 : 1224 1399 : 1224 Oiseaux 651 : 1224 ARISTOTE Problèmes 882 b 2 : 89 6
DIOGÈNE LAËRCE I 57 : 63 ESCHYLE Myrmidons fr. 231 Mette : 1224 Perses 737 : 73 Prométhée enchaîné scholie à 128 : 36 6 EURIPIDE Mélanippe fr. 484 Nauck : 178 Phéniciennes 725 : 73
211
HÉRODOTE 4
I IV
141 : 122 97 : 73 98 : 73 IX 104 : 73
V HÉSIODE
Théogonie 1-2 : 57 22-23 : 57 36-55 : 57 38 : 84 HOMÈRE
Iliade II 484-493 : 57 IV 412: 178 IX 309 : 178 644-645 : 195
XXIII 507 : 67 685 : 67 710 : 67 799 : 67
Odyssée I 1-10:57 XX 17: 178b XXIV 80-89 : 67 PLATON
Alcibiade I 123 a 1 : 179
Apologie 18 C i : 40 20 C 7 : 40 39 e 5: 185 3 , 193
Banquet 177a4:178 187 b : 89 6 196 e 5 : 53 197 e 7 : 94 205 b 8 - c 10 : 53
Charmide 153 154 155 156 157
212
7 : 35 3 a-b : 35 3 a 2-3 : 35 3 d 3 - 157 c 6 : 98-99 e 4-5 : 35 3 C
162 e 1-2 : 36 7 163 b 9 : 53 163 C 4 : 53 163 d 3 : 53 163 e 1 : 53 167d4:41 167d5:4lb 168 d 3 : 41 168 d 4 : 41 168 e 9 : 41 169 b 5 : 35 3
Cratyle 383 C: 134 14 384 C : 134 14 395 e 5 : 40, 41 407 C : J 34 14 408 b 6 - d 4 : 133-134 408 C 8: 178, 180, 182 428 C 4-5: 195 431 a 2 : 41
Critias 107 108 108 108 108 108 108 109 109 109 109 109 109 109 109 109 109 109 109 110 1 10
a 4 - e 3 : 81-82 b 3-7 : 57, 63 c 2 - d 7 : 57 C 7 : 195 d 3-6 : 63 d 5 : 34 e 1-2 : 33 b-c : 27 C 7-8 : 27 c 9 - d 1 : 27 d 2 - 110 a 6 : 189-190 d 3-4 : 43 d 3 : 23, 24, 25, 43b d 4 : 43b d 6 : 45 d 7 : 43 d 8 - e 1 : 43 d 8 : 43 e 2 : 42 a 2 : 28 a 3-4 : 44, 45
index des passages d'auteurs anciens
110a3:188 110 a 4 : 28 110 a 6 : 28, 43 110 a 7 : 23, 24, 25, 43 110 b 3 : 34 113 a 5 : 34 1 15 b 4 : 195 Dèmodocos 383 C 1 : 178 Épinomis 975 a 6 : 179 980 a 5 : 179 Euthydème 272 b 8 : 195 277 d 4 : 195 277 d 9 : 95 288c4:195 289 d-e : 186 289 e 1 - 290 a 4 : 100 290 a 3-4 : 186 290 a 4 : 195 Euthyphron 3 b 2 : 52 Gorgias 449 d 4 : 53 454 b 8 - c 5 : 153 493 a 5: 191, 192 493 d 3 : 191, 192 502 C 5-7 : 54 505 c-e : 73 505 c 10 - d 3 : 72 505 C 10: 73, 178, 180, 182 523 a 1-3 : 135 523 a 1 : 78 523 a 2: 178, 181, 182 523 a 3 : 69 527 a 5-8 : 135 527 a 5-6 : 69 527 a 5: 69, 178, 181, 182 Hippias I 286 a 2 : 192 298 a 4 : 188, 189b
Hippias Il 365 a 2: 178 Ion 530 b 6-8 : 63 530 d 7 : 63 531 a 1-3: 63 532 a-b : 62 532 d 6 : 63 533 b 5-7 : 63 533 c - 534 b : 58, 61 533 C 1 : 63 535 d 2-3 : 63 535 e 2 : 63 536 a 1 : 63 540 C 5 : 195 Lachès 188 d 4 : 94 190 a 7 : 41 190 b 1 : 41 Lettres VII 344 d 3 : 179 VIII 352 e 1 : 192 XII 359 d 5 : 179 Lois I 624 b 2 : 39 625 b 6 : 195 632e4: 1853, 193 632 e 5: 1853 , 195 636 c 7 - d 1 : 186 636 C 7 : 178, 180, 182 636 d 1 : 186 636 d 3 : 178, 180, 182 636 d 4-5 : 75 636 d 5 : 178, 180, 182 645 b 1-2 : 74 645 b 1 : 178, 181, 182 647 d 6 : 94 Il 653 b-c : 96 656 C 2 : 103 656 C 3 : 94 656 C 4 : 53 657 C 4 : 94 657 d 3 : 94
213
659 d 7 : 96 1 659 e 1-5 : 96 659 e 4 : 94 663 d 6 - e 6 : 147-148 66:-:Se 4 : 148 663 e 5 - 664 a 7 : 194 663 e 5 : 193 663 e 6 : 148 664 a 6: 178, 181, 182 664 d 1-4 : 1874 664 d 3 : 187 664 d 4 : 39 665 a : 896 666 a 2 : 195 666 b 5 : 95 672 b 3 : 40, 41 673 d 4 : 94 III 679 c 2-8 : 153-154 680 d 3 : 29, 1853, 188, 189 682 a 8: 29, 178, 180, 182 682 e 5: 29, 191, 192 683 d 2 : 69 683 d 3: 29, 178, 180 683 e 10 - 684 a 1 : 29 684 e 1 : 124 699 d 8 : 178, 180, 182 700 C - 701 a : 79 702 C : 165 702 C 5 : 166 IV 704 b 1 : 40, 41 704 d 8 : 195 705 a 8 : 195 712 a 4: 69, 178, 180, 182 713 a 6: 178, 181, 182 713 C 1 : 178, 181, 182 713 C 2 : 40 719 b-c : 149 719 C - 724 a : 149 719 C 1 : 178, 180, 182 719c2:69 720 a 1 : 150, 195 721 b 6 - d 6 : 200
214
V
VI
731d3:195 732 d 6 : 94 738 C 6 : 39 751 d 7 - 752 a 5 : 164, 166 751 e 1-2 : 166 752 a 1 : 188, 189 752 a 2-4 : 72 752 a 2: 163, 178, 181, 182 764 e 4 : 94 771 a 5 - C 7 : 200 771 c 7 - d 5 : 200 771 C 7 : 40, 41, 165, 166, 178, 181,182,200 771 e 6 : 94 772 e 7 - 773 e 4 : 200 773 b 4: 165, 166, 178, 181, 182, 200 773 e 5: 150, 195 771 e 6 : 94
VII 788 a 1 - 790 c 3 : 200 790 a 8 - b 6 : 200 790 C 3 : 69, 165, 166, 178, 181, 182, 200 790 C 5 - e 4 : 166, 200 792 d 3 : 39 795 d 2 : 94 796 b-c : 94 796 c-d : 95 796 d 4 : 94 796 e - 798 b : 103 798 b 2 : 42 798 b 6 : 94 803 C 7 : 94 803 d 3 : 94 803 d 5 : 94, 103 803 e 1 : 94 804 d 6 - e 1 : 200 804 e 1 - 806 d 2 : 200 804 e : 150 804 e 4 : 78, 150, 178, 180, 182, 200 805 e 5 : 102
index des passages d'auteurs anciens 808 C 7 - 809 a 6 : 103 809 e 2 - 810 C 4 : 201 810 C 5 - 812 a 3 : 201 812al-3:73 812 a 2: 73, 165, 166, 178, 181, 182, 201 814 d 7 - 815 d 3 : 70 814 d 7 - 815 b 3 : 89-90 822 C 4 : 40, 41 VIII 829 b 7 : 95 832 d 5 : 103 834 e 2 - 835 a 1 : 68 835 C 1 - 841 C 8 : 201 838 C 8 : 40, 41 838 d 6 : 40, 41 839 e 5 - 841 e 8 : 201 839 e 5 : 42 840 b 5 - c 3 : 102b 840 C 1 : 70, 77, 178, 180, 182, 201 841 b 2 - d 2 : 200 841 C 6-7 : 70, 165 841 C 6 : 165, 166, 178, 181, 182, 201 841 C 8 - e 4 : 201 IX 854 a 6 : 195 865 d 3 - 866 a 1 : 124 865 d 3-5 : 201 865 d 5 - e 6 : 201 865 d 5-6 : 70 865 d 5: 178,180,182,201 865 e 6 : 201 870 a 7 : 40 871 b 4 : 40 872 c 7 - 873 b 1 : 201 872 C 7 - e 4 : 124 872 e 1 - 873 a 3 : 201 872 e 1 : 178, 180, 182, 200 872 e 2 : 70 87 3 b 1 -- c 1 : 201 878 a 5 : 40b 880 a 7: 150, 195
X
XI
885 887 887 887 887 887 887 890 899 899 900 903 903 903 906 907 908 913 91 3 913 913 913
913 916 923 926 927 927 927 927 927 202 928 932 935 XII 941 942 943 944 944
b 3 : 150, 195 c 5 - 899 d 3 : 201 c 7 - d 5 : 95, 102 d 2-3 : 69, 77b d 2: 102, 178, 180, 182, 201 d 3 : 79 d 4 : 94 a 4 : 59 d 4 - 905 d 1 : 201 d 6 : 195 a 2 : 42 a 7 - b 3 : 96, 102 b 1: 178,181,182,201 c - 905 b : 96 C 1 : 40, 41 d 4 - 909 d 2 : 201 b a 7 : 40 a 1 - c 3 : 201 b 8 - c 3 : 124 C 1-2 : 102 C 1-3 : 201 C 2 : 70, 178, 180, 182, 201 c 3 - d 8 : 201 d 7 : 40 C 2 : 150, 195 e 9 - 927 C 7 : 202 a 1 - C 3 : 202 a 5 : 40, 41 c 7 - 928 d 4 : 202 C 7-8 : 102, 150 C 8 : 178, 180, 182, a a a b a d a a
1: 6 : 1: 5 : 8 : 4 2-8 2 :
195 40 40 187 94 944 b 4 : 202 : 202 178, 180, 182, 202
215
237a 1: 195 239 C 6 : 53 247 C 5 : 195
108 d - 1 14 c : 97 1 10 b 1-4 : 104 110 b 1: 69, 78,178,181,182 110 b 4 : 78, 178, 181, 182 !llb3:41 11 1 b 7 : 39 1 14 d - 1 15 a : 146 114 d 1-7 : 97, 102, 145 114 d 7: 178, 181b, 182 !15d5:195
Ménon
Phèdre
96 a 1 : 178
227 C 3 : 41 228 b 7 : 41 229 b 4 - 230 a 6 : 156-157 229b4-c5:193 229 C 5 : 193 235 d 1 : 41 23 7 a 9 : 161, 165, 178, 181, 182 237 a 10 : 70 240 d 4 : 195 241 e 8: 161,165,178,181,182 243 a 3-5 : 188 243 a 4 : 188 243 d 5 : 41 252 b 4 : 63 253 C 7 : 178, J 81, J 82 258d7-ll:59 258 d 10 : 58 259 b 6 : 30 264 C 2-5 : 72 265~b 6-8: 135 265 b 8 : 102 265 C J : 135, 184 267 a 5 : 58 267 C 2 : 53 268 d 1 : 53 274 c 1 - 275 b 2 : 47-48 274 C J-3 : 41 274 C J : 42 276 e 1-3 : 95 276 e 3 : 191, 192 277 e 7 : 58
944 b 3 : 944 b 4 944 d 5-7 952 b 7 : 96ld8:41 966 C 5 :
195 945 b 1 : 202 : 202 40 40
Ménexène
Minos 318 d 11 : 179
Phédon 60 b - 61 c : 50 60 b 1 - 6 1 b 7 : 54-56 60 C J : 50 60 C 2 : 5 J, 178, J 80, J 82 60 d 1 : 58 b, 122 4 6lb3-7:142 61 b 3 : 50 61 b 4: 50, 51, 178, 180, 182 61 b 5 : 58, 187 61 b 6 : 50, 1224, 178, 180, 182 61 d 9 : 42 61 e 2: 191, 192 65 b 2 : 41 65 C 6 : 41 70b2:195 70 b 6 : 1853, 193 70 c - 77 d : 143 7 7 d - 7 8 a : 146 77 d 5 - 7 8 a 2 : 97 77 e 7 : 78 78 d - 84 b : 143 83 a 3 : 195 94 d 8 : 178 98 d 7 : 41 102 a - 107 b : 143, 145 107 d - 114 c : 143, 145
216
index des passages d'auteurs anciens Philèbe 14 14 16 16 17 30
a 3-5 : 74b a 4: 178, 180, 182 C 7-8 : 41, 78 C 8 : 40 d : 89 6 e 7 : 94
Politique 257 C 7-8 : 114 26 2 a - 264 b : 140 268 b 3 : 195 26 8 d 5 - e 6 : 140-141 268 d 8 : 95 268 d 9: 178, 181, 182 268 e 4-5 : 102 268 e 4: 178, 181, 182 268 e 5 : 77, 95b, 182 269 b 5-8 : 43-44 269b9sq.:137 269 b 5 - c 3: 137 271 a 5 - b 3 : 44, 128, 148 272 c 5 - d 1 : 78 272 C 6-7 : 70 272 C 7 : 178, 180, 182 272 d 5 : 75, 178, 181, 182 274 e 1-4 : 140 274 e 1 : 73b, 178, 181, 182 275 b 1: 178, 181, 182 2 7 7 a 3 - C 6 : 140 277 b 5: 178, 181, 182 177 b 7: 73, 178, 181, 182 282 a 7 : 53 304 c 10 - d 3 : 189 304 d 1 : 188, 189 309 e 8 : 40
Protagoras 316 a 5 : 35 3 320 b 8 - c 7 : 104, 141 3 20 c - 3 24 d : 141 320 C 2-4 : 68, 141 320 C 3: 70, 76, 178, 181, 182 320 C 7 : 70, 178, 181, 182
320 3 24 324 324 324 328 328 346 361
8 : 30 - 3 28 d : 141 6-7 : 142 6: 178, 181, 182 7 : 70 C 3-4 : 70, 142 C 3 : 178, 181, 182 b 4 : 195 d 2: 178, 181, 182
C
d d d d
République I 329 e 5 : 195 330 d 7: 70, 178, 180, 182 342 a 3 : 41 350 e 1-4 : 79 350 e 2-4 : 69 350 e 3: 70, 178, 180, 182 II 359 d 1 : 30 359d6:191 365 a 1 : 95 373 b 6-8 : 60 374 a-d : 91 376 d 9 : 178, 180, 182, 191, 192 376 e - 403 c : 121 (plan) 3 7 6 e 6 - 3 7 7 a 8 : 111-112,
132 377 377 377 377 377 377 377 377 377 3 77 377 377 377 377 377
a a a a b b b b
4-6 : 70, 135 4: 77, 178, 180, 182 6-7 : 77 6 : 77, 178, 180, 182 6-7 : 102 6 : 51, 178, 180, 182 11 - c 2 : 185 11 : 185 C 1 : 51, 178, 180, 182 C 2-4 : 69t, 103 C 3 : 70, 77 C 4: 178, 180, 182 C 7 : 178, 180, 182 d 2 - e 3 : 132-133 d 4-6 : 60
217
377 377 377 377 378 378 378
d d d d
4-5 : 70, 185 4 : 50b 5: 178, 180, 182, 185 6 : 51 C 4 : 193 d 2-5 : 186 d 3 - e 3 152, 155, 156
378 d 3 : 186 378 d 7 - e 1 : 77 378 e 3 : 191 378 e 5 : 178, 180, 182 378 e 7 - 379 a 4 : 50, 136 379 a 1-4: 192 379 a 2: 191, 192 379 a 3-4 : 51 379 a 3 : 50 379 a 4 : 178, 180, 182 379b 1: 136 380 C 1-2: 192 380 C 1 : 58 380 C 2 : 191 380 C 7 : 136 381 b4: 137 381 e 1-6 : 69, 78 381 e 3 : 70, 178, 180, 182 382 c-d : 47 382 c 10 - d 3 : 31, 146 382 d 1 : 188, 189b III 386 b 8 - c 1 : 133, 146 386 b 8: 178, 180, 182 386 b 9 : 70 387 C 7 : 136 389 b 7-9 : 146-147 389 e 6 : 178 390 d 4 : 178 391 e 12 : 178, 180, 182 392 a 1 : 76 392 a 3-9 : 121-122 392 a 13 - b 1 : 186 392 a 13 : 186, 187 392 b 6: 191, 192
218
392 C 6 - 393 C 7: 84-85 392 d 2-3 : 190 392 d 2 : 187 394 b 8 - c 5 : 86, 92 394b9-c 1: 188 394 b 9 : 188 395 a 8 - b 1 : 187 395 b - 397 e : 86 395 b 8 - d 3 : 91-92 396 e 2 : 94 398 b 7 : 178, 180, 182 398 b 8 : 70 398 c 11 - d 10 : 70, 87 399 a 5 - C 4 : 70 400 d 1-4 : 87 401 C 8 : 42 414 b 8 - c 7 : 147 414 C 1 : 148 414 C 5-6 : 148 414 C 7 : 148 414 d-e: 147, 194 415 a-d : 147 415al:78 415 a 2: 178, 181, 182 415a3:191 415 C 7 : 102, 178, 181, 182 415 d 6 : 40 IV 441 b 6 : 178 442 a 2 : 195 V 450 d 9 : 195 451 b 1 : 195 451 C SQ. : 150 463 d 6 : 40 476 e 1 : 195 477 C 3 : 41 VI 499e2:195 501 e 4 : 191 507 C 3 : 41 507 C 10 : 41 VII 492 b-c : 79 522 a 7-8 : 133 522 a 7 : 184
index des passages d'auteurs anciens
VIII 565 d 6-7 : 70 565 d 6 : 178, 180, 182 IX 588 c 2 : 191, 192 X 596 d 4 : 52 597 d 2 : 52 597 d 11 : 52 599 e 6 : 63 601 b 9 : 52 601 d 9 : 52 601 e 7 : 52 602 b 7-8 : 93-94 602 b 8 : 94 603 b 6-8 : 42, 83 603 b 7 : 42, 53 614 b 4 : 30 621 b 8 - c 1 : 73-74b 621 b 8: 74, 178, 181, 182 621 C 1 : 102 Sophiste 216a-218b:115 218 b - 268d: 115-116 (plan) 224 a 4 : 195 230 a 2 : 195 234 a 1 : 53 235 a 6 : 95 237 b 10 : 94 242 C 8-9 : 70 242 C 8: 77, 161, 165, 178, 181, 182 242 d 6: 70, 161, 165, 178, 181, 182 259 d - 264 b : 114, 116, 118, 120 261 a 1-4 : 115 261 e - 262 d: 120 262 a 3-4 : 116 262 a 6-7 : 116 262 c 9 - d 7 : 117 262 e 5-6 : 117 263a 1: 116 263 a 2 : 117
263 263 263 265 266 266 266 268 268
a 8 : 117 b 2-8 : 117-118 e 3-5 : 118 b 1 : 53 C 5 : 53 d 8 - e 1 : 161 d 9 - e 1 : 120 c-d : 119 d 1 : 53
Théétète 142 d 1 : 41 147 d 1 : 114 155 e - 156 a: 165 156 b 4 : 41 156 C 1 : 41 156 C 4 : 161, 165, 178, 181, 182 164 d 8-10 : 74b 164 d 9: 161,165,178, 181, 182 164 e 2 : 50 164 e 3: 161,165,178, 181, 182 181 b 1 : 124 185a2:4lb 185 b 8 : 41 185c2:41 194 b 5 : 136 201 C 1 : 41 206 a 6 : 41 206 d 1-2 : 111 210 d 3-4 : 114 Timée 17 a - 27 C : 22 20 a 6-7 : 36 7 20 a 7 - b 1 : 38 20 d 1 : 42 20 d 8 - e 1 : 34 20 e 1-4 : 35 3 20 e 1-2 : 33 20 e 2-4 : 33 20 e 3-4 : 34
219
20 20 20 20 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 21 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 22 23 23 23 23
220
e e e e a a a a a a a
4-6 : 27-28 4 : 24b 5 : 28, 43b 6 : 43
1 : 24b 2 : 38 4-6 : 34 4 : 43 6 : 28, 39, 42 7 : 28 8 - b 1 : 37, 68 b 1-7 : 61 b 1-2 : 37 b 5-6 : 35b 3
b 7 : C 3 : c 4 c 5 C 6-7 d 5 : d 6 : d 7-8
37 23, 24 d 3 : 56-57 d 1 : 34 : 34 43 43t : 34, 46 a 1 : 28 a 4 - b 3 : 29, 123 6 , 124 a 5 : 28 b 1 : 191, 192b b 3-4 : 46 b 3 : 24 b b 4 : 68 b 6 - 23 b 3 : 154 b 7 : 28 b 8 : 28, 39, 42 c-d : 137 c 3 - d 3 : 138 C 7: 70, 178, 180, 182 e 4 : 23, 24 e 5 : 28 a 1-5 : 25, 33 a 2 : 39, 42 a 4 : 28 a 5 - b 3 : 190
23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 23 24 25 25 25 26 26 26 26 26 26 26 26 26 26 26 26 26
a 5 :
23, 24b, 170
a 8 : 45
b 1 : 45 b 3-5 : 29, 1236, 123124 b 3 : 28 b 4 : 70 b 5: 77, 178, 180, 182 b 6 : 23, 24 b 7 : 27 C 2 : 43 C 5-6 : 27 c 6 - d 1 : 27 d-e : 29 d 1-4 : 46 d 1 : 39, 42 d 3 : 28 d 4-5 : 46 d 7 - e 1 : 33 e 1-2 : 33, 61 e 2-4 : 33 e 4-6 : 33 e 6 - 24 a 2 : 33 a 1 : 46 d 7 - 26 c 5 : 24-25 d 7 - e 2 : 34 e 1 : 39, 42 a 1 : 43 a 2 : 23, 24 b 1 : 23, 24 b 2-7 : 77 b 3 : 24b b 5-6 : 35 3 b 7 - c 3 : 79, 103 c 7 - d 3 : 129, 163, 164 C 7 - e 5 : 128 C 8 : 163, 166, 178, 181 e 3 : 38 e 4-5 : 129 e 4 : 51, 178
index des passages d'auteurs anciens 27 b 4 : 39, 40b 28 C 3-4 : 50 29 b 3 - c 3 : 119, 162 29 d 2: 129, 161b, 166, 178, 181, 182 30 b 7 : 162 3lb2:5lb 3lb8:51 3J C 3 : 5J 33 C 3 : 41 33d2:51 34 b 3 : 51 34 C 3 : 162 35bl:51 36 C 4 : 5 J 37 C - 38 C : J J4 37d6:51 38c7:51 40 d - 41 a : 166 42 d 6 : 51 43 a 6 - 44 d 2 : 103 44 d 1 : 162 45 b 7 : 51 47 C 4 : 42 47 d 1 : 42 48 C J : 162 48 d 2 : 162 49 b 6 : 162 5ld3-e6:119 51 d 5-6 : 141 51 e 5-6 : 119, 134 53 d 5-6 : 162 55 d 5 : 162 56 a 1 : 162 56 d 1 : 162 59 C 6: J2J, 161,166,178, 181, 182 64 C 6 : 41 67 b 1 : 41 67 b 5 : 41 68d2: 129, 161b, 166,178, 181, 182
69 a 6 - b 2 : 72 69 b 1: 129,161,166,178, 181, 182 69 d 6 : 51 70 d 7 - 72 b 5 : 100 70 d 7 - e 5 : 101 7ld7:51 72 b 3 : 40 72 d 7 : 162 72e5:51 73c8:51 74a2:51 76c6:51 78 C 3 : 5 J 86 b 2-4 : 101 90 e 8 : 162 9la4:51 PLUTARQUE
De audiendis poetis 4, 19 e (p. 38.20-22 Patton) : 153 PROCLUS
ln Tim. I 70.20 sq. (Diehl) 35 SOPHOCLE
Trachiniennes 61 1 : 73 THÉOGNIS
fr. 437 (West IEG 1) : 178 THUCYDIDE
IV 58 : 38 VI 72 : 38 XÉNOPHANE
B 1.22 11 : 14 : 15 : 16 :
: 51 129-130 129 129 129
XÉNOPHON
Anabase VI, 5, 20 : 73
Helléniques II, 3, 36 : 36 6
221
INDEX DES AUTEURS MODERNES
INDEX DES AUTEURS MODERNES
GAUDIN, C., 154 2 GILL, C., 224, 39 10 , 75 12 GôRGEMANNS, H., 150 3 GOLDSCHMIDT, V., 136 16 GOODY, J., 252, 42 11 , 49 14• GUAZZONI FOÀ, V., 130 11
PÉPIN, J., 153, 155, 158 7 PERRY, B.E., 1224 PICKARD-CAMBRIDGE, A., 602, 634,
5, 125
1
HALBWACHS, M., 24 1 HARTOG, F., 99 3 HAVELOCK, E.A., 48 13, 57 6 HEGEL, G.W.F., 49 HIRSCH, W., 127 10
9
718, 761, 79 3 POOL (van der), E., 36 6 POULAIN, J., 19 1 PRAUSS, G., 140 1 PROPP, V., 122, 139 RÉCANATI, F., 11 1 ROSE, H.J., 74 10 ROSENMEYER, T.G.,
36
Roux, G., 136 15 JAUSS, H.R., 80 4 JOLY, R., 1492 JOUANNA, J., 1492 KEULS, E.C., 83 2 KEYT, D., 1162 KUDLIEN, F., 149 2 LÉVI-STRAUSS, C., 11, 42 11, 173 LINFORTH, LM., 35 3 LINSKY, L., 1183 MARROU, H.I., 77 2 MEYERSON, 1., 30 4 MOERENHOUT, J.A., 1258 MONDOLFO, R., 130 11 MORAVCSICK, J.M.F., 116 2 MORRIS, C.M., 192
SABBATUCCI, D., 56 SALVIAT, J., 146 SCHUHL, P.M., 137 17 SCHULTZ, J.C., 131 13 SEALEY, R., 60 1 SHANNON, C., 192 SMITH, P., 1724 SNELL, B., 52 3 SONTAG, F., 115 1 STEINMETZ, P., 130 11 STEPHANS, D., 36 7 SVENBRO, J., 43 12 , 5?7, 60 1 TAYLOR, A.E.,
35
VERNANT, J.-P., 677, 81 1, 130 12 VICAIRE, P., 51 2 VIDAL-NAQUET, P., 22 4•5, 37 8• 9, 589,
676, 168 2 NESTLE, W., 66 NETTLESHIP, R.L., ÜWEN, G.E.L.,
87 5
39 10
PANAGIOTOU, S., 115 1 PARRY, M., 60 1 PECK, A.L., 1162
226
VLASTOS, G., 162 VOWLES, G.R., 84 3 WATT, 1., 252, 49 15 WEAVER, W., 192 WELLIVER, W., 331, 35, 36 6 WITTGENSTEIN, L., 109, 110 WYLLER, E.A., 115 1
INDEX DES PRINCIPAUX TERMES GRECS
Les chiffres en exposant renvoient aux notes, les autres aux pages de ce livre.
agôn 67-68 agora 68 aképhalos 72-74 akoi 39, 41-42 akouo 39, 78-79 allëgorfa 153 anamimniiskomai 23 aparamuthitos 195 aphanfzo 43 ap61lutai 73-74 apomnëmoneuo 24 apotupoma 136 arkhaîon 28 diamnëmoneuo 24 diamuthologéo 185 diaphora 25 diarkô (ou) 43 dias6izo 23
didakhi 189 diëgéomai 70 diérkhomai 70 dfkë 27 drao 51
egefro 75 eik6s 161-163 eipeîn 70 ekklësfa 66, 67, 68 entefno 58 epimimniiskomai 23 epistimë 154 epoidi 95-101 ereîn 70 érgon 43 érkhomai 70 euithës, euitheia 153- 154
229
graphein 48 graûs 69 harmonfa 87-88 hëdoni 103-105 hëgéomai 70 huponoeîn, huponofa 152-154 idiôtës 58-59 kal6s 25, 144-146 kélësis 102 khairéto 75 khrisimos 144, 146 kÔmos 63 lanthano 43 Iégo 69-70 léxis 84-86 logopoiéo 185-186 logopoiik6s 18 5-186 Iogopoi6s 185-186 logos passim lusiteiés 144, 147 mégas 25 mélos 54, 87 mitër 69 métron 58 mfmësis 81 sq. mimniiskomai 23, 28 mnëmeîon (ékho) 24 muthik6s 184 muthôdës 184 mu thol6gëma 193-194 muthologéo 190-193, 194 muthologëtéon 193 muthologfa 188-190, 194 muthologik6s 187-188, 194 muthol6gos 186-187, 194 muthopoéio 185, 186 muthopoi6s 185, 186 mûthos passim
230
n6mos 136-137, 150 oikeîos 33 oikistés 50 6noma 43, 116-118 ophélimos 144, 146-147 orkhistra 71 paidefa, paideuo 103 paidia 94-95 paîs, paidfon 77 palai, palai6s 28 parallaxis 138 paramuthéomai, paramuthëtéon 195 paramuthfa, paramuthion 150, 166, 195 parados 71 patÙ 50 peftho 102 pharmakon 100 phimë 39-41 phëmf 39 phil6sophos 50 phthéggomai 70 platto 51 pofëma 194 poiéo 51-52, 58, 194 pofësis 53-54, 194 poiëtis 50, 52-53, 58, 59, 194 poiëtik6s 194 pratto 51 prâxis 43 proagon 65 prooimion 150 rhêma 116-118 rhuthm6s 88-90 s6izo 23, 73-74 sophfa 154-157 sophrosunë 100 spoudi 94-95
index des principaux auteurs grecs stasis, stasima 71 suntf thëmi 51 télos, teleutao 73 thémis (ou ... estf) 72
tragik6s, tragoeidis, tragos 134 14 trakhu 134 14 troph6s 69 tupos 136-137
tragoidfa,
231
INDEX GÉNÉRAL ANALYTIQUE
Les chiffres en exposant renvoient aux notes, les autres aux pages de ce livre.
acteurs 64-65, 71 anthropomorphisme 122, 129-130 Atlantide, un pastiche 22, 39 autoréf érence du mythe 31 censure préventive 25-28 philosophique 132-137 chant 71, 87, 88 charme 102 choreutes 64-65, 71 comédie 66 concours 67-68 Critias III ou IV (le tyran) 34-38 danse 88-90 datation (mythe/histoire) 29-31 définition du mythe 11-12, 168173
dictons 124-125 Dionysies 63-67 écriture/oralité 32-33, 42-49 ÉSOPE, fabricant de mythes 122 4
58,
femmes, narratrices de mythes 69 fêtes religieuses et interprétation de mythes 61-67 généalogies 123-124, 169 hellénocentrisme 12, 172-173 Hermocrate 38 HÉSIODE, fabricant de mythes 50, 57
235
histoire/mythe, cf. datation et passé référent 126-12 7 récit 139 HOMÈRE, fabricant de mythes 50, 57 incantation 95-100 jeunesse réception des mythes 76-79 jeu 94-97 part sauvage de la vie 103 mémoire individuelle/ collective 23-28 orale/écrite 48-49 oubli 42-44 poètes et devins 56-58 jeunesse 77-78 mensonge noble 146-149 Muses 57-58 musique 87-88 noms ce qui subsiste d'un mythe en dernière instance 43-44 classes des noms qui désignent les sujets habituels des mythes 120123
oubli, cf. censure et mémoire Panathénées 61-6 3 passé (mythe/histoire) 28-29 persuasion 102 plaisir 103-105 poètes fabricants de mythes 50-59 interprètes des mythes 64 préambules aux lois 149-150, 165 proverbes 124, 169 rationnel/irrationnel, en l'âme humaine 100-102 récit, le mythe est un récit 120-125, 139-143, 168-173 rhapsodes 62-63, 70 sauvagerie 100-103 Solon 33-35 théologie 127, 136-137 totalité, un mythe doit être raconté dans sa totalité 71-75 tragédie 66-67 vieillesse, et narration de mythes 68-69 vivant, le mythe comme être vivant 71-75
TABLE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
I. Le témoignage de Platon : la communication du mémorable...............................................
15
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
Information . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Moyens de transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Narration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Réception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Imitation....................................... Persuasion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il. La critique de Platon: le discours de et pour l'autre.. 8. Le mythe comme discours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9. L'opposition: mythe/discours vérifiable . . . . . . . . . . A. Composition (noms et verbes) . . . . . . . . . . . . . . . . B. Référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C. Vérification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10. L'opposition: mythe/discours argumentatif....... 11. L'utilité du mythe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12. Refus de toute interprétation allégorique . . . . . . . . . 13. Usage dérivé fait par Platon du vocable mûthos . .
23 32 50 60 76 81 93 107 111 114 120 125 130 139 144 152 160 237
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
168
Annexes 1. Données statistiques sur les occurrences de mûthos dans le corpus platonicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Les dérivés de mûthos et les composés dont mûthos constitue le premier terme dans le corpus platonicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Noms propres de personnages ou d'êtres intervenant dans des mythes traditionnels en Grèce ancienne, cités par Platon.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Mythe et préambule dans les Lois . . . . . . . . . . . . . . .
177
184
196 200
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
203
Index des passages d'auteurs anciens cités et/ou mentionnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
209
Index des auteurs modernes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index des principaux termes grecs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index général analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
223 227 233
ACHEVÉ D'IMPRIMER EN OCTOBRE 1982 SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE FIRMIN-DIDOT S.A. DÉPÔT LÉGAL OCTOBRE 1982 NUMÉRO D'IMPRIMEUR : 9935 PREMIER TIRAGE : 2500 EXEMPLAIRES ISBN 2-7071-1326-3