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adrien lecerf lucia saudelli helmut seng (éds.)
lecerf · saudelli · seng (éds.) Oracles Chaldaïques : fragments et philosophie
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fragments et philosophie
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fragments et philosophie
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es Oracles chaldaïques posent nombre de problèmes à l’historien de la pensée antique, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond. Texte datant du iie siècle de notre ère, en vers principalement hexamétriques, dont nous ne possédons que des fragments et des témoignages, conservés par des auteurs postérieurs, en langue grecque et latine, les extraits à notre disposition recèlent une philosophie, d’inspiration platonicienne, dont les thèmes principaux sont la triade divine formée de Père, Puissance et Intellect, les êtres intermédiaires, l’âme et ses vicissitudes, les divers mondes. Les questions que nous souhaitons traiter, en publiant ces travaux de recherche, sont le rattachement des Oracles au mouvement philosophique du « médioplatonisme » et les rapports entre théologie chaldaïque et théologie chrétienne. Nous étudions également la fortune et l’infortune des vers chaldaïques dans l’Antiquité tardive et jusqu’au xviie siècle, en dégageant d’autre part les perspectives d’une nouvelle édition des Oracles.
lecerf saudelli seng
Oracles Chaldaïques :
Universitätsverlag
win t e r
isbn 978-3-8253-6432-8
Heidelberg
bibliot heca ch al da i ca Herausgegeben von Helmut Seng Band 4
Oracles Chaldaïques : fragments et philosophie Édité par
adrien lecerf lucia saudelli helmut seng
Universitätsverlag
w i n ter Heidelberg
Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.
Gedruckt mit freundlicher Unterstützung der Geschwister Boehringer Ingelheim Stiftung für Geisteswissenschaften in Ingelheim am Rhein Ouvrage publié avec le concours de l’École Pratique des Hautes Études
is b n 978-3-8253-6432-8 Dieses Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. © 2o14 Universitätsverlag Winter Heidelberg GmbH Imprimé en Allemagne · Printed in Germany Druck: Memminger MedienCentrum, 87700 Memmingen Gedruckt auf umweltfreundlichem, chlorfrei gebleichtem und alterungsbeständigem Papier Den Verlag erreichen Sie im Internet unter: www.winter-verlag.de
Remerciements Le présent volume réunit les exposés présentés lors de deux journées d’études consacrées aux Oracles chaldaïques et organisées par L. Saudelli et A. Lecerf à Paris, le 27 juin 2009 et le 2 octobre 2010. Nos remerciements vont à nos contributeurs, dont la science et la patience ont fait de ce volume ce qu’il est ; et aux institutions dont le soutien a permis la tenue de ces événements (CNRS, UMR 8546 Archéologies d’Orient et d’Occident et UMR 8584 Laboratoire d’Études sur les Monothéismes), ainsi que le financement du volume imprimé (Geschwister Boehringer Ingelheim Stiftung für Geisteswissenschaften ; LEM – École Pratique des Hautes Études). Paris – Francfort-sur-le-Main, septembre 2014, Adrien Lecerf Lucia Saudelli Helmut Seng
Table des matières : Adrien Lecerf - Lucia Saudelli - Helmut Seng : Introduction ............................................................................................... 9 Michel Tardieu : Le paradis chaldaïque (fr. 107 et 165) .................................................... 15 Helmut Seng : und ........................................................ 31 Lucia Saudelli : Monde, abîme, corps : le fragment 163 des Places (p. 62 Kroll) des Oracles chaldaïques ................................................................................ 47 Adrien Lecerf : L’empereur Julien entre culte d’Attis, Oracles et théologie solaire ....... 61 Philippe Hoffmann : et : le fragment 51 (v. 3) des Places (p. 28 Kroll) des Oracles Chaldaïques selon Proclus et Simplicius (Corollarium de loco) ........................................ 101 Fârès Gillon : Les apparitions divines dans les Oracles Chaldaïques et selon Proclus .................................................. 153 Chiara O. Tommasi Moreschini : Gli Oracoli Caldaici come supporto all’esegesi virgiliana tardoantica: Favonio Eulogio e altri neoplatonici latini ............................................ 169 Min-Jun Huh - Jordi Pià : Pour un index des références latines aux Oracles. Les exemples de Marius Victorinus et de Martianus Capella .......................................... 195 Claudio Moreschini : Per il Nachleben degli Oracula Chaldaica: Ermia Alessandrino, Michele Psello e Francesco Zorzi ....................... 231 Brigitte Tambrun-Krasker : Les Oracles chaldaïques entre idéologie et critique (XVe-XVIIe s.).... 253
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Table des matières
Index des fragments cités des Oracles chaldaïques : ........................... 279 Index des noms propres :....................................................................... 281 Bibliographie ......................................................................................... 289
Adrien Lecerf - Lucia Saudelli - Helmut Seng
Introduction Le sujet des dix contributions réunies dans ce volume est une collection d’oracles philosophiques (peut-être un poème continu), mais aussi une révélation que des « théurges »1 vivant au IIe siècle après J.-C. – Julien dit le Chaldéen ou son fils Julien surnommé le Théurge –2 auraient reçue de la bouche des dieux eux-mêmes : les Oracles chaldaïques.3 Ceux-ci posent nombre de problèmes à l’historien de la pensée antique, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond : il s’agit d’un texte, en vers principalement sinon exclusivement hexamétriques, dont nous ne possédons que des fragments, conservés par des auteurs postérieurs, païens et chrétiens, en langue grecque et latine ; les bribes dont nous disposons recèlent une philosophie, d’inspiration platonicienne, dont les thèmes principaux sont la triade divine (Père, Puissance et Intellect), les démons (et les anges), l’âme (par rapport au corps), le cosmos (et les autres mondes). Les textes conservés fournissent aussi des indications sur les rites d’initiation et les prescriptions éthiques de ces « théurges », à savoir sur les pratiques religieuses, ainsi que sur les formules et les objets magiques au moyen desquels ils se rendaient la divinité présente sur terre ou s’élevaient jusqu’à elle dans les régions d’en-haut. Les problèmes que nous souhaitons poser, en publiant ces travaux, sont au nombre de quatre. 1. Les OC se rattachent à ce courant de la philosophie antique qu’on appelle médio-platonisme, à savoir le platonisme postérieur à la disparition de l’Académie platonicienne (86 avant J.-C.) et antérieur au néoplatonisme inauguré par Plotin (dès 244 après J.-C. à Rome).4 Cette philosophie se caractérise par l’exégèse des textes de Platon souvent lus à la lumière du pythagorisme, par l’alliance avec l’aristotélisme et par le dépassement du stoïcisme mais, dans d’autres cas, par la critique de la 1
Proclus, In Crat. 72, 10 sq. Suidas, s. v. 433 sq. 3 Dorénavant : OC. 4 Voir notamment P. Hadot, « Bilan et perspectives » et Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 109-116, « Le commentaire ... » 332-338 ou « Plato’s Timaeus ... ». 2
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philosophie aristotélicienne et la récupération d’éléments stoïciens. Numénius est le philosophe qui a été le plus souvent rapproché des OC,5 pour des raisons historiques (il a vécu au IIe siècle) et géographiques (il était originaire d’Apamée, cité de la Syrie ancienne qu’on a également proposé de considérer comme origine des deux Juliens), mais aussi philosophiques. En effet, Numénius est le tenant de la doctrine des deux intellects divins, l’un paradigmatique : le Dieu absolument transcendant ou Père, Premier Principe de la réalité, l’autre agent : le dieu second ou démiurge, qui se consacre au façonnement du cosmos sensible. Or cette doctrine, qui n’est d’ailleurs pas partagée par tous les philosophes médioplatoniciens, acquiert des traits distinctifs dans les OC, où l’élément central, Hécate – la déesse zoogone ou « vivifiante » identifiée avec Rhéa, la divinité « Mère » des systèmes orphique et platonicien –, propre aux spéculations des OC, est un intermédiaire qui unit et sépare les deux dieux transcendants. Il nous semble donc opportun de réexaminer à nouveaux frais le dossier concernant la terminologie technique et les théories philosophiques présentes dans les OC, en revenant sur plusieurs aspects des rapports que les critiques modernes ont établis entre ceux-ci et Numénius, entre ceux-ci et le médioplatonisme. C’est tout particulièrement le cas dans la contribution de Lucia Saudelli, qui entend mettre en lumière l’environnement intellectuel des OC, à propos de la conception de la matière ; on trouvera également dans la riche étude de Chiara O. Tommasi Moreschini plusieurs mentions de Numénius, dont les doctrines passèrent dans le néoplatonisme latin à travers le relais de l’exégèse de Porphyre,6 dont le rôle crucial est également souligné par Helmut Seng. 2. Le dieu chaldaïque est un et trine, mais se distingue de voire s’oppose à celui du christianisme, car l’Intellect qui procède du Père ne s’incarne pas en devenant homme pour se sacrifier sur terre et sauver ainsi l’humanité : la tâche qui lui est remise est la création du monde. Les spécialistes ont toutefois avancé des hypothèses concernant la possible influence de la tradition juive (et chrétienne) sur les OC,7 et signalé 5
Cf. Lewy 318-321 ; Festugière, Révélation III 52-57 ; Waszink 43-44.65 ; des Places, « Les Oracles Chaldaïques » 2306-2308 et Numénius 17-21 ; Athanassiadi, « The Chaldaean Oracles ... » 151-154 et « Julian ... » 199 sq. 6 Chez Porphyre cohabitent en effet l’enseignement néoplatonicien de Plotin et un héritage encore très important du médio-platonisme : à ce sujet, voir Zambon, Porphyre et le moyen-platonisme. Selon Proclus, « il serait étonnant que Porphyre dise autre chose que ce que lui a transmis Numénius » (In Tim. I 77, 23 sq.). 7 Voir en particulier Kroll, De oraculis 61 et Seng, « Der Körper ... » 854-860.
Introduction
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des parallèles avec la tradition gnostique.8 Sur le premier point, nous devons à la science de Michel Tardieu une leçon magistrale sur les liens entretenus par les OC avec la littérature sapientielle juive d’époque hellénistique, qui confirme une hypothèse énoncée voici plus d’un siècle par celui qui le premier donna des OC une présentation scientifiquement rigoureuse, Wilhelm Kroll. Sur le second point, outre la ressemblance de certaines expressions, à la base du gnosticisme et des OC il y aurait le même dualisme, divin-humain, lumière-ténèbres, bien-mal (mais une enquête plus approfondie révèle aussi un fort courant moniste, car « toutes choses sont nées d’un seul Feu »,9 et ceci se vérifie également dans la Gnose), ainsi que le double mouvement de descente et de remontée qui constituent respectivement le déploiement de la réalité et le salut de l’homme. La différence la plus significative concerne les médiateurs entre le monde d’en-haut et l’ici-bas, car la figure du Sauveur est absente des OC, qui introduisent de nouveaux êtres, considérés par les commentateurs anciens comme autant d’intermédiaires : les « iynges » ou transmetteurs de messages, les « assembleurs », les « télétarques ». D’autre part, les OC font allusion à des pratiques religieuses ayant pour but de faire remonter l’âme, grâce à la purification de son véhicule astral, à son origine céleste et de sauver même le corps, cette enveloppe mortelle. Plus directement magiques sont les références aux « toupies » qu’on utilisait pour s’unir au divin, aux « symboles » semés dans le monde, à la pierre mnouziris qu’il faut sacrifier lorsqu’on approche un démon terrestre. De là vient notre exigence de mettre en lumière non seulement la spécificité des doctrines des OC, mais aussi celle des rituels dont ils témoignent. Fârès Gillon entreprend cette étude sur un point précis, à savoir la doctrine chaldaïque des apparitions divines, commentée par Proclus dans son Commentaire sur la République, en soulignant le rôle central joué par celles-ci dans la médiation nécessaire entre dieux et hommes. 3. La Fortune et l’infortune des OC dans l’Antiquité tardive sont bien connues : les citations et les exégèses des philosophes néoplatoniciens ont comme pendant l’aversion de la plupart des auteurs chrétiens. Mais ce n’est pas là leur infortune : celle-ci consiste en ce que les textes originaux sont souvent ajustés ou adaptés aux propos des auteurssources, si bien qu’il est très difficile de distinguer les uns des autres. C’est le cas de Porphyre, le premier témoin des OC mais aussi d’autres 8
On consultera à ce sujet Tardieu, « La Gnose ... » ; Turner, « The Figure ... » et « The Chaldean Oracles ... » ; Thomassen 295-307. 9 OC 10.
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oracles, et de Jamblique, qui ne fournit pas de citations littérales, mais aussi de l’empereur Julien, de Hiéroclès, Syrianus et surtout de Proclus, puis d’Hermias, Marinus, Damascius, Simplicius, Olympiodore et de Jean Lydus ; pour ce qui est du néoplatonisme latin, Macrobe, Servius et Martianus Capella peuvent être considérés comme des témoins des OC. Toutefois, chronologiquement, les auteurs chrétiens précèdent la plupart des Néoplatoniciens : ainsi Arnobe est le seul des apologistes latins du IIIe siècle à faire clairement allusion aux OC ; après lui, des traces des OC se retrouvent chez Eusèbe de Césarée ou chez Grégoire de Nazianze, mais surtout chez Marius Victorinus, chez Synésios, Augustin et peutêtre Boèce.10 Min-Jun Huh et Jordi Pià se proposent ainsi d’étudier deux auteurs, réunis par leur goût pour le chaldaïsme ainsi que par la langue latine dans laquelle ils écrivent, mais que tout le reste ou presque sépare : Marius Victorinus et Martianus Capella. Ces deux auteurs montrent en effet deux réceptions très différentes des OC, entre la théologie abstraite et spéculative de Victorinus, héritier de la conception néoplatonicienne des Oracles comme révélation des arcanes divins, et l’usage poétique et énigmatique qu’en fait Martianus Capella, conforme, lui aussi, à la nature du texte d’origine, fait de vers riches en métaphores audacieuses et toujours cités de façon fragmentaire. Quant à Chiara Tommasi, elle a choisi de consacrer aux réminiscences chaldaïques chez le rhéteur latin méconnu Favonius Eulogius, auteur d’un Commentaire au Songe de Scipion, leur première étude approfondie. Leurs contributions permettent ainsi de jeter de la lumière sur l’héritage latin des OC qui, après avoir été presqu’entièrement occulté (à l’exception de ce qui touche au De regressu animae de Porphyre et à la mention qu’en fait Augustin au livre X de la Cité de Dieu), a bénéficié des travaux pionniers de Pierre Hadot et connaît à présent un regain d’intérêt, étant considéré comme un champ à part entière de la recherche sur les Oracles. Les néoplatoniciens grecs sont, quant à eux, l’objet de nombreuses citations ; en particulier, l’article d’Adrien Lecerf étudie l’influence de la représentation chaldaïque du monde sur les discours théologiques de l’empereur Julien, avant d’esquisser quelques hypothèses sur le problème de la théologie solaire du néoplatonisme ; celui de Philippe Hoffmann montre comment le fr. 51 des OC est l’objet d’une lutte exégétique acharnée entre Proclus et Simplicius, en étant cité par chacun à l’appui de sa propre définition du « lieu » de la Physique d’Aristote. La lecture et l’exploitation des OC se poursuit au-delà de l’Antiquité : au Moyen Âge, notamment avec Psellos, puis à la Renaissance : 10
Pour plus de détails, voir Seng, 17-23.
Introduction
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Marsile Ficin avait commenté dans sa jeunesse les OC, il possédait d’ailleurs dans sa bibliothèque le commentaire du byzantin Georges Gémiste Pléthon qui les attribuait à Zoroastre ;11 et nous constatons que Zoroastre devient à un certain moment le premier des anciens théologiens énumerés par Ficin. Les OC s’inscrivent donc dans une très longue tradition, qu’il nous appartient d’élucider, en y ajoutant notamment un nouveau chapitre : celui de la réception moderne. C’est l’objet des deux contributions qui concluent ce volume, celle de Claudio Moreschini, à qui son expérience reconnue comme éditeur et traducteur de textes anciens (relevant tant du paganisme que du christianisme) permet de reconstituer et d’analyser quelques maillons de la transmission des OC, à des époques et chez des auteurs très divers, sur plus d’un millénaire ; et celle de Brigitte Tambrun-Krasker, qui, construisant sur la base que constituent ses recherches sur Gémiste Pléthon et sa recension des Oracles, ajoute plusieurs noms à la liste des lecteurs connus des poèmes chaldaïques, en soulignant – à l’image de ce volume entier – l’extrême diversité des approches portant sur ce texte. Cette capacité à recevoir les exégèses les plus variées et le fait, par la fascination qu’ils exercent, de les avoir effectivement suscitées sont peut-être la preuve la plus éclatante du caractère sacré prêté si longtemps aux OC. 4. Une nouvelle édition des OC s’impose. Le livre de W. Kroll, De oraculis Chaldaicis (1894), les éditions d’É. des Places, Oracles chaldaïques (1971, 1989, 1996) et de R. Majercik, The Chaldean Oracles (1989) présentent des défauts et des limites évidents : la sélection, le découpage et le classement des textes sont souvent discutables. En outre, quantité de références aux OC demeurent non identifiées car « gisant » dans la prose des néoplatoniciens, et la question vaste et complexe de la manière de publier l’influence, l’écho ou l’imitation des OC est loin d’être résolue. Nous pensons que les fragments (ou ipsissima verba) ne peuvent pas être séparés des témoignages (les comptes rendus indirects), autrement dit, que l’étude du texte cité doit être accompagnée de celle du contexte de citation. Et puisque l’établissement des vers grecs est lié de manière indissociable à leur commentaire philosophique, l’histoire des OC ne pourra se faire qu’avec celles de leur transmission et de leur réception. À cet égard, les études de L. Saudelli et surtout d’H. Seng, fondées sur une analyse minutieuse des contextes, sont des aperçus de ce que pourrait être une future édition. Ce volume collectif se veut ainsi un instrument, destiné aussi bien à des néophytes qu’aux spécialistes, ayant pour but de faire avancer la recherche sur les OC dans la 11
Cf. Tambrun-Krasker, Magika logia.
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Adrien Lecerf - Lucia Saudelli - Helmut Seng
perspective d’une nouvelle édition. Il vise à proposer la reconstruction de quelques vers oraculaires, en remontant au texte le plus proche de l’original, et l’explication de certains points de la pensée chaldaïque, en la distinguant de ses interprétations postérieures.
Michel Tardieu
Le paradis chaldaïque (fr. 107 et 165) Deux fragments des Oracles chaldaïques sont relatifs au paradis (parádeisos) : le fragment 165 des Places, lequel correspond à l’oracle 20 de l’Exégesis de Psellos (oracle 13 chez Pléthon) :1 il est composé de deux mots : « Cherche le paradis » (zéteson parádeison) ;
et le fragment 107 des Places, lequel correspond à l’oracle 4 de l’Exégesis de Psellos (non repris par Pléthon) :2 il s’agit d’un ensemble de onze vers hexamétriques sur la tromperie que constituent la fabrication d’un certain nombre d’objets astronomiques et l’utilisation de techniques divinatoires servant au calcul de la destinée, tromperie à laquelle l’auteur des oracles oppose l’idéal de sagesse selon l’éthique des philosophes.3
1
Fr. 20 Psellos, Exégesis (= des Places, Oracles 176 ; Opusc. phil. 38, p. 138, 1 O’M.) = fr. 13 Pléthon (= Tambrun-Krasker, Magika logia 2.10) ; Kroll, De oraculis 65 n. 1 ; fr. 165 des Places (Oracles 106) = fr. 165 Majercik (Chaldean Oracles 110 sq.). 2 Fr. 4 Psellos (des Places, Oracles 165 sq. ; Opusc. phil. p. 129, 18-28 O’M.) ; Kroll, De oraculis 64, 28 - 65, 2 = Lewy 255 n. 99 = fr. 107 des Places (Oracles 92 sq.) = fr. 107 Majercik (Chaldean Oracles 88-91). 3 Le P. des Places traduit ainsi ces vers (Oracles 92 sq.) : « Ne te mets pas en tête les énormes limites de la terre ; car la plante de la vérité n’existe pas sur notre sol. Ne mesure pas non plus les dimensions du soleil, à grand renfort de tables : il se meut en vertu d’un vouloir éternel du Père, non à cause de toi. Laisse le vrombissement de la lune : elle court toujours par l’œuvre de la nécessité. La procession des astres n’a pas été enfantée en ta faveur ; la large palmure des oiseaux du ciel jamais n’est véridique, non plus que les sections de victimes et d’entrailles ; ce ne sont là que des jouets, soutiens d’une fraude vénale. Fuis-les pour ton compte, si tu veux (t’) ouvrir le paradis sacré de la piété, où vertu, sagesse et bonnes lois se rencontrent ». Je rappelle que c’est par cette citation, malheureusement non commentée, que Claire Préaux conclut son beau livre sur La lune dans la pensée grecque (315).
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Michel Tardieu « /8/ Tout cela, est-il déclaré en conclusion de la diatribe contre les techniques,4 n’est que divertissements /9/ servant à étayer une escroquerie commerciale (tád’ athúrmata pánta, emporikês apátes sterígmata). Toi, fuis cela (pheûge sù taûta), /10/ puisque tu as à ouvrir le paradis sacré de la piété (méllon eusebíes hieròn parádeison anoígein), /11/ là où vertu, sagesse et bonne législation sont réunies (énth’ aretè sophía te kaì eunomía sunágontai) ».5
Le problème à débattre est simple : que vient faire dans les Oracles chaldaïques, poème philosophique grec païen, le terme de paradis, que l’on met généralement en relation plutôt avec la tradition judéochrétienne et biblique ? Histoire de l’exégèse Cette présence apparemment insolite du paradis a été diversement interprétée. L’éditeur des Oracles chaldaïques aux Belles Lettres, le Père des Places, a suivi Psellos en intégrant le fragment 165 (« Cherche le paradis », zéteson parádeison) dans la collection chaldaïque mais sans donner de raison. Ruth Majercik, qui réédite les Oracles en 1989 avec une traduction et une annotation anglaises, reproduit la numérotation des fragments de l’édition des Belles Lettres et, de ce fait, est contrainte à conserver le fragment 165 mais muni d’une étoile, ce qui signifie que le fragment est douteux. Curieusement, l’étoile disparaît lors du commentaire du fragment 165, qu’elle combine par commodité avec le 107, puisque tous les deux portent sur le paradis. Elle estime alors que l’exé4
Je cite les vers de l’oracle en reprenant la traduction que j’ai donnée dans Tardieu, « La gnose valentinienne ... » 223. 5 L’OC 107 est traduit par Van Liefferinge 146 : « Ne pense pas aux mesures énormes de la terre ; car la plante de la vérité n’existe pas sur terre. Ne prends pas non plus la mesure du soleil, en recueillant des tables ; il se meut par le vouloir éternel du père, non à cause de toi. Laisse le vrombissement de la lune : elle court toujours par l’œuvre de la nécessité. La procession des astres n’est pas engendrée pour toi. Les larges plumes des oiseaux ne sont jamais vérité, ni les parts des entrailles dans les sacrifices. Tout cela n’est que divertissement, soutien d’une tromperie commerciale. Toi, fuis cela, si tu cherches à ouvrir le paradis sacré de la piété, où vertu, sagesse et justice se rencontrent ». La traduction a le mérite de vouloir renouveler celle du P. des Places. En revanche, les techniques ne sont pas correctement identifiées et ne distinguent pas entre celles relevant de l’astronomie et celles propres à la divination. Pour Van Liefferinge, l’oracle ferait allusion à la « géomancie » (technique divinatoire mais non attestée), puis à « la course du soleil » et à « la conjuration de la lune » (qui ne sont pas des techniques).
Le paradis chaldaïque (fr. 107 et 165)
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gèse vraisemblable du paradis chaldaïque est celle de Psellos lui-même ou arrivée à Psellos. Le paradis serait le lieu de la béatitude finale et de la cour céleste des anges : « It is probable that the Chaldean “paradise” was understood in Psellus’ sense ; i. e., as “a choir of divine powers” which praise the Father with hymns ».6 Ruth Majercik trouve un confirmatur à cette hypothèse dans le témoignage du Poimandrès, selon lequel l’âme dans sa montée vers la divinisation et la vision de Dieu atteint l’ogdoade puis entre dans le chœur des puissances « qui siègent audessus de la nature ogdoadique, chantant d’une voix douce des hymnes à Dieu »,7 témoignage qu’elle mentionne en le rapprochant du parallèle fourni par le traité hermétique copte des Nag Hammadi Codices VI, où il est dit : « Je vois l’Ogdoade avec en elle les âmes et les anges qui chantent des hymnes à l’Ennéade et à ses puissances ».8 Or, dans ces deux témoignages, le terme paradis ne figure pas. Il y a donc de fortes chances que l’exégèse proposée ne soit pas fondée. Wilhelm Kroll et Hans Lewy ont refusé l’appartenance du fragment 165 à la collection des Oracles.9 La première raison avancée est que la notion de paradis dans le commentaire de Psellos au fragment 165 présente, sous un vernis d’angélologie païenne provenant de l’hermétisme, une structure de pensée spécifique de la culture judéo-chrétienne : Le paradis chaldaïque, c’est tout le chœur des puissances divines autour du Père, ce sont les beautés enflammées des sources créatrices. Son ouverture par la piété, c’est la participation aux biens ; le glaive flamboyant,10 c’est la puissance implacable pour ceux qui s’en approchent indignement. Il est fermé à ceux-ci en raison de leur inaptitude, mais ouvert aux pieux. C’est vers lui que tendent toutes les vertus théurgiques.11
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Majercik, Chaldean Oracles 203. Corp. herm. I 26 ; ces puissances trans-ogdoadiques ont pour caractéristique d’être musiciennes, thème commun à l’eschatologie grecque et juive (ensemble des témoignages rassemblés par Festugière, Révélation III 133-153). 8 [Ogdoade et Ennéade], NHC VI 59, 28-32. 9 C’est la position que j’ai suivie : « La gnose valentinienne ... » 232 ; « Pléthon lecteur des Oracles » 158. 10 Il s’agit de l’épée de feu qui garde, selon Genèse 3, 24, l’entrée du paradis après l’expulsion d’Adam et Ève. 11 Des Places, Oracles 176. On remarquera la divergence des interprétations entre Psellos et Pléthon, ce dernier commentant l’oracle 13 (= OC 165) seulement par ces mots : « (le paradis) le lieu de l’âme, qui est lumineux de tout côté », tòn amphiphaê tês psukhês khôron (Tardieu, « Pléthon lecteur des Oracles » 158 ; TambrunKrasker, Magika logia 30). L’expression lumineux-de-tout-côté est chaldaïque 7
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Michel Tardieu
La seconde raison pour Kroll et Lewy de ne pas reconnaître le caractère chaldaïque du fragment 165 est qu’il n’ajoute rien de nouveau au contenu du fragment 107. En effet, si comme il est dit dans le fr. 107 le parcours du sage consiste « à ouvrir le paradis sacré de la piété (méllon eusebíes hieròn parádeison anoígein) », cela implique qu’il faut passer sa vie à se frayer un chemin vers le paradis, s’efforcer d’ouvrir la voie ou la porte qui y mène, bref le chercher.12 Par conséquent, l’expression zéteson parádeison serait une sentence moralisante fabriquée par Psellos dans son souci de christianiser les Oracles, ainsi qu’il le fait déjà à propos du fragment 107 : Ne sois pas à l’affût de toutes ces choses, toi qui t’instruis à mon école, si tu veux (t’) ouvrir le paradis de la piété. Le paradis sacré de la piété, selon les Chaldéens, n’est pas celui dont parle le livre de Moïse ; c’est la prairie des contemplations sublimes, où (se trouvent) les arbres diaprés des vertus, le bois de la connaissance du bien et du mal, c’est-à-dire le sage discernement qui distingue le meilleur du pire, et le bois de vie, c’est-à-dire la plante de l’illumination divine qui donne à l’âme le fruit d’une vie plus sainte et meilleure. En tout cas, dans ce paradis, les quatre principes généraux des vertus coulent comme des fleuves ; dans ce paradis on voit pousser vertu, sagesse, bonnes lois. La vertu est à la fois une par son genre et multiple par sa division en espèces. La sagesse les comprend toutes, elles que l’intellect divin produit comme une monade indéfinie. Parmi ces exhortations chaldaïques, la plupart répondent à nos explications (chrétiennes) ; mais certaines ont été rejetées.13
Quant aux objets astronomiques et aux techniques de divination énumérés par l’OC 107, Psellos les comprend de la façon suivante. La sentence conseillant de se désintéresser des limites de la terre (vers 1 sq.) viserait les prétentions des géographes. L’invitation à ne pas mesurer le soleil à l’aide de kanónes (vers 3 sq.) s’adresserait aux astronomes et aux tables propres à leur science. Psellos n’établit pas d’équivalence concernant le vrombissement de la lune (vers 5). Le propóreuma astral (“précession” ?, “procession” ?) au vers 6 ferait allusion à la position des étoiles fixes ou des planètes. Le vers 7 sur la palmure des oiseaux porte sur l’oiônistique, c’est-à-dire l’art d’observer les oiseaux en vol, avec leurs cris, ainsi que leur façon de se poser, dit Psellos, « quand les doigts de leurs pattes s’étendent en tirant sur la membrane qui les relie ». Quant au (fr. 1, 4 des Places) ; Pléthon l’utilise souvent (Tambrun-Krasker, Magika logia 184 amphiphaés) ; terminologie étudiée par Seng, « ». 12 En ce cas, le verbe zeteîn seul serait-il chaldaïque, Psellos ayant ajouté le complément ? 13 Des Places, Oracles 167 sq.
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vers 8, Psellos le rattache naturellement à la science des sacrifices pour en tirer des présages. À ces techniques, l’homme d’État et écrivain byzantin oppose « le paradis sacré de la piété » compris comme « prairie des contemplations sublimes » de l’être divin et de la cour angélique. Il transforme ainsi en allégories théologiques chrétiennes les caractéristiques du paradis biblique : les deux arbres, les quatre fleuves, l’épée de feu. Dans l’exégèse historico-critique du poème chaldaïque, qui se fait jour avec le travail éditorial de Wilhelm Kroll à la fin du XIX e siècle, les choses sont perçues autrement. Le philologue allemand y commente l’oracle par la paraphrase suivante : Inutilis igitur est astronomia prae mundi intelligibilis cognitione, despectum omne divinationis genus prae deorum ipsorum evocatione. Sic is loquitur qui suam sapientiam hominibus commendare velit. Paradisum cum virtute et sapientia coniunctum desumpsit ex Philonis leg. all. I 14 cf. de opif. 54 : fortasse totum fragmentum ex carmine iudaico vel iudaizante illatum est ; abhorret enim aliquantum a ceteris.14
Kroll décèle de façon remarquable un emprunt au judaïsme hellénistique philonien dans le lien que met l’oracle entre paradis, vertu et sagesse.15 La pertinence du propos aurait pu constituer un point de départ vers un 14
Kroll, De oraculis 65. J’en propose la traduction suivante : « Inutile donc est l’astronomie au regard de la connaissance du monde intelligible, méprisable toute espèce de divination au regard de l’évocation des dieux eux-mêmes. Ainsi parle celui qui veut recommander sa sagesse aux hommes. Il a tiré de Philon, Legum allegoriae I 14 [lire 41], cf. De opificio [mundi] 54 [lire 154], le paradis associé à la vertu et à la sagesse : il se peut que tout le fragment soit inspiré d’un poème juif ou judaïsant car il a une assez grande répugnance pour tout le reste ». La haine de ce qui n’est pas soi est prise pour indice de judaïté. 15 La première référence de Kroll à Philon (Leg. All. I 41) avance les exégèses suivantes : le paradis est l’intellect (noûs), « l’élément rationnel qui dans l’âme est chef et roi » ; mais il est aussi (§ 45) la vertu (areté). La seconde référence de Kroll (Opif. 154) marque le même balancement de l’exégèse philonienne du paradis entre noétique et éthique : le paradis est la partie directrice (hegemonikón) de l’âme, « remplie en quelque sorte d’autant de milliers de plantes qu’il y a en elle d’opinions » ; l’arbre de vie du paradis est la piété envers Dieu (theosébeia), « la plus grande des vertus » ; l’arbre de la connaissance du bien et du mal est la vertu de prudence (phrónesis), « qui permet de juger entre des contraires ». À remarquer que l’exégèse philonienne du paradis comme intellect est absente de l’OC 107, de même que la notion d’eunomía n’apparaît pas chez Philon ; par conséquent, si l’exégèse chaldaïque du paradis se situe bien dans le sillage d’une herméneutique juive hellénistique, elle n’est cependant pas entièrement réductible à du Philon.
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renouvellement des interprétations par rapport à Psellos. Malheureusement, vingt-cinq ans plus tard, sans doute embarrassé d’avoir en pleine montée de l’antisémitisme nazi émis l’hypothèse qu’un oracle grec païen puisse dépendre d’une source juive, Kroll se rétracta.16 Cette autocritique aurait pu, pour des raisons inverses, être négligée par Hans Lewy qui, lui, avait fui le nazisme. Mais un jugement de Kroll avait valeur de dogme. Lewy prit acte de la rétractation de Kroll chez Geffcken. Le terme paradis, « exclusivement employé par les Juifs et les Chrétiens »,17 reconnaît Hans Lewy, désigne dans l’oracle chaldaïque [107] symboliquement des puissances astrales : la vertu (areté) est la lune, la sagesse (sophía) les planètes au-dessus de la lune, et la bonne législation (eunomía) la sphère des étoiles fixes.18 Dans son commentaire au fragment 107, Ruth Majercik fait siennes les spéculations cosmologiques de Lewy sans rien proposer d’autre.19 La question à poser aujourd’hui est de savoir si, dans la diversité des exégèses du paradis biblique aux I er-IIe siècles de notre ère, voire en amont vers des époques non explorées par Kroll, il existe des représentations susceptibles d’avoir pu intéresser l’auteur du poème des Oracles au point d’y faire un emprunt ? Revenons d’abord au sens le plus obvie du terme parádeisos. Prégnance du sens profane Ce terme grec, qui a son calque latin dans la Vulgate (paradisus), est un mot d’origine avestique. Il signifie concrètement “(espace) muré (pairi.daêza-)”, d’où les sens d’“enclos pour les bêtes”, “parc animalier”, qui conduiront par l’araméen pardaysa et l’hébreu pardes au grec parádeisos et à l’adoption de ce terme dans la Bible grecque par les traducteurs juifs d’Alexandrie (les Septante) pour rendre l’hébreu gan, “jardin”, du récit en tête de la Genèse.20 Dès lors que le jardin de la Genèse se transforme en parádeisos hellénistique, c’est-à-dire en parc 16
Rétractation restée sans doute uniquement orale et dont fait part Geffcken 277 n. 94 : « Die Oracula... S. 64 f., wo W. Kroll jüdische Eindichtung annahm, jetzt aber, nach persönlicher Mitteilung, diese nicht mehr aufrecht hält ». 17 Lewy 220, mais aussi 257 n. 108 : « The sole trace of Jewish influence in the Chaldaean Oracle is the use of the word parádeisos. It may be remarked that Kroll changed his opinion as regards the Judaizing tendency of the Chaldaean Oracle ». 18 Lewy 220 sq. 19 Majercik, Chaldean Oracles 182. 20 Gn 2-3. Le passage du terme paradis du monde iranien à la Septante est étudié par Bremmer, Greek Religion and Culture 35-55.
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animalier, il devient un lieu à part, un espace protégé, un endroit avec eaux courantes, arbres et bêtes sauvages, localisé (sinon localisable) en « Éden, à l’Orient »21 c’est-à-dire, selon une exégèse commune, vers la zone du monde qui reçoit les premiers rayons du soleil.22 Le cumul des exégèses juives et chrétiennes fit que ce lieu de perfection, où les maladies, le vieillissement et la mort sont inconnus, construit par Dieu sur le sol pour y mettre le couple originaire, s’est déplacé par la suite continuellement de la terre au ciel, de l’espace au temps, de la félicité initiale à la béatitude finale, d’un lieu de vie à un état de vie, en progressant vers toujours plus de perfection, toujours plus de spiritualité, toujours plus de sainteté, de façon à ce que ceux qui meurent justes et bienheureux aient par là une seconde chance et obtiennent l’immortalité parmi les créatures rationnelles angéliques, celles-là mêmes de l’exégèse du paradis chaldaïque chez Psellos.23 L’écrivain byzantin a donc transféré à l’OC 107 les représentations communes de la conception céleste du paradis, fondée sur l’interprétation courante du récit en tête de la Bible des Septante et accréditée par des siècles de commentaires et d’homilétique dans l’Église grecque. 21
Gn 2, 8 : « Dieu planta un jardin en Éden à Orient », hb. gan b-‘Eden mi-qeddem ; pour l’histoire de l’exégèse de ce verset, voir Tardieu, Trois mythes gnostiques 175214. 22 Sur l’exégèse du paradis en tant que récit sur la nécessité d’obéir à la loi divine, synthèse commode dans Mettinger. Le récit biblique du paradis s’est construit en réplique aux mythes de l’âge d’or, voir sur ce thème mon article « Les civilisations de l’Éden ... ». 23 Ce transfert dans la continuité des images du paradis terrestre au paradis angélique peut être illustré par la vision de Pachôme, le fondateur du cénobitisme. Les Vies coptes racontent qu’au cours d’une maladie Pachôme pensa qu’il était mort et que des anges étaient venus chercher son âme. Mais en arrivant à la porte d’entrée du paradis, Dieu donna l’ordre de le ramener dans son corps. Cela attrista Pachôme car il n’avait aucune envie de revenir. « Cette contrée, raconte son biographe, avait un climat fort tempéré, sa surface était sans limites. Les arbres fruitiers et les vignes y produisaient une nourriture spirituelle, et étaient incorruptibles ... Le pays se trouvait au-dessus de la terre et en dehors du firmament, de beaucoup au-dessus des montagnes ... Il n’y avait là ni jour ni nuit, mais une lumière abondante et indéfectible ... Un peu en dehors du paradis il y a des arbres fruitiers en grand nombre et des vignes tout à fait dans le genre de celles de ce monde-ci. Lorsque notre père Pachôme les vit, il pensa en lui-même : “Peut-être qu’après le déluge Noé en prit et replanta le monde” en réfléchissant à la parole écrite dans la Genèse : Après leur sortie de l’arche, Noé et ses fils commencèrent à devenir agriculteurs et plantèrent un vignoble (Gn 4, 20). Cette contrée était entourée de grandes et profondes ténèbres pleines de bestioles très fines, si bien que personne ne peut y pénétrer, à moins d’y être amené par un ange de Dieu » (Lefort 9 sq.).
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Le moyen de se défaire de ce type d’exégèse est de considérer le parádeisos de l’OC 107, non plus au sens religieux et théologique du terme, mais uniquement par rapport à son sens premier pour désigner une réalité matérielle vérifiable dans l’histoire et la géographie historique du Proche-Orient à l’époque hellénistique. Ce sens profane est attesté déjà clairement par la Bible hébraïque elle-même en deux passages. Dans Esdras et Néhémie, il est question d’une lettre d’Artaxerxès à un Juif dénommé Asaph, qui porte le titre de « surveillant du pardês (domaine boisé et territoire de chasse) du roi ».24 Dans l’Ecclésiaste, Qohélet, fils de David, faisant l’inventaire de son immense fortune, déclare avoir en sa possession des maisons, des vignes, des jardins (ganot), des parcs/domaines boisés (pardêsim), des arbres, des bassins, des esclaves et des servantes, du gros et petit bétail, de l’argent et de l’or en quantité, des chanteurs et des chanteuses, un échanson et des sommelières.25 Ce genre de paradis profanes, apanage des princes de l’époque hellénistique, furent des créations remarquables en tant que « formes particulières d’organisation du paysage dans l’Orient ancien »,26 en Perse, en Asie mineure, mais surtout en Syrie. Ils sont bien connus des historiens classiques. Xénophon mentionne en Syrie, aux sources du Dardas, le paradis du satrape Belesys, doté d’un « très grand et beau parc qui donnait tous les fruits des saisons ».27 Strabon signale un paradis royal dans le voisinage des sources de l’Oronte, paradis qui subsistait encore au Moyen Âge.28 Mais de tous les paradis, le mieux connu grâce à l’archéologie est le domaine de Tyros dans la vallée du Wâdî al-Sîr, à 24 km à l’Ouest d’Ammân (Jordanie), aujourd’hui village de ‘Irâq alAmîr (Qasr al-‘Abd), objet de multiples campagnes de fouilles depuis le XIXe siècle.29 Le domaine était la propriété d’un potentat juif, Hyrcan le 24
Esdras et Néhémie 2, 8. Ecclésiaste 2, 5. Tributaire également du sens concret ce passage du Cantique des cantiques (4, 12-13), dans lequel Salomon dit de l’intimité de sa fiancée que c’est un jardin clos (gan né‘ûl), une source close (gal né‘ûl), des eaux scellées (ma‘în hatûm, comparer avec le joli fons signatus de la Vulgate et des poètes médiévaux, la fontaine scellée qui préfigure Marie), dont les canaux sont un paradis de grenades (pardês rimmônim) avec des fruits exquis, du henné avec du nard. 26 Gentelle 78. 27 Xénophon, Anab. I 4, 10. Sur la localisation des sources du Dardas (au nord-est d’Alep) : Baslez 79-88 ; sur Bélésys (akkadien Belshunu), satrape de Syrie, mise au point de Stolper 217-238. 28 Strabon, Geogr. XVI 2, 19 ; autres paradis signalés dans Gentelle 80. 29 Mises au point actuelles : Borel ; Étienne - Salles. 25
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Tobiade, investi par le pouvoir lagide du titre prestigieux de « fermier général pour la Syrie et la Phénicie », personnage pittoresque signalé par les papyrus de Zénon et surtout par les Antiquités juives de Flavius Josèphe. Hyrcan avait fait de ce paradis sa résidence dans le désert judéen. Il y développa une activité agricole et pastorale intensive, avec dans l’enclos central du domaine des jardins et vergers en terrasses, dotés d’un système d’adduction de l’eau par canalisations en pierres calcaires. Après la mort de Joseph [fils de Tobiah, 260-200 env.], ses fils provoquèrent la discorde dans le peuple. Les aînés ayant déclaré la guerre à Hyrcan, qui était le plus jeune fils de Joseph, le peuple se divisa. Le plus grand nombre des citoyens prirent le parti des aînés, et le grand-prêtre Simon en fit autant en raison de sa parenté avec eux. Hyrcan renonça à revenir jamais à Jérusalem ; il s’établit donc au-delà du Jourdain et guerroya sans trêve contre les Arabes, dont il tua ou fit prisonniers un grand nombre. Il se bâtit une forteresse puissante, tout en marbre blanc jusqu’au toit, il l’orna de sculptures d’animaux d’une taille énorme et l’entoura d’un fossé large et profond. Dans la montagne située en face, il fit creuser les rochers qui faisaient saillie pour disposer de cavernes de plusieurs stades de longueur : dans ces cavernes, il aménagea des chambres, les unes pour les repas, les autres pour dormir et habiter, et il amena enfin des eaux courantes qui faisaient le charme et l’ornement de cette résidence. Il fit cependant l’entrée de ces cavernes assez petite pour ne livrer passage qu’à un homme seulement à la fois, sans plus ; il prit toutes ces précautions en vue de sa propre sécurité, pour n’être pas en danger d’être pris par ses frères s’ils l’assiégeaient. Il construisit aussi des fermes de grandes dimensions, qu’il orna de vastes parcs (paradeísois). Quand il eut achevé ces travaux, il l’appela l’endroit Tyros.30 Ce lieu se trouve entre l’Arabie et la Judée, audelà du Jourdain, non loin de l’Hesbonitide.31 Il resta le maître de cette région pendant sept ans, tout le temps que Séleucus régna en Syrie.32
En conclusion de son analyse du site, Pierre Gentelle faisait remarquer que « le paradis est un élément de paysage qui contient à la fois une somme de savoirs techniques concernant la mise en valeur intensive de l’espace et un ensemble de valeurs symboliques profondément enracinées dans un type de civilisation ».33 On peut, me semble-t-il, parler des paradis comme des sortes de prolongements fermiers de la souveraineté, à l’instar des jardins royaux de chez nous qui furent les prolongements 30
Calque grec de l’araméen tura, “la montagne”, hébreu sûr. Région d’Heshbôn (Jordanie), auj. Tell Hesbân (au nord de Madaba), site fouillé à partir de 1968 par l’Institut d’archéologie d’Andrews University (Berrien Springs, Michigan), voir Bullard ; Merling - Geraty. 32 Flavius Josèphe, Ant. jud. XII 228-234, traduction Julien Weill revue. 33 Gentelle 96. 31
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végétaux des palais ou châteaux. Ce serait donc, de mon point de vue, à ce genre de paradis matériels ainsi définis, modèles de prospérité horticole et vitrines du pouvoir à l’époque hellénistique, que se réfère, pour s’y opposer par un sens métaphorique, l’oracle chaldaïque sur le paradis, et non à la mythologie du paradis selon la tradition religieuse judéochrétienne. Mais alors, comment expliquer le passage du sens profane et concret de paradis, un parc animalier, au sens philosophique que présente le fragment 107, la vie morale ? Divertissements vs philosophie Kroll avait vu juste en faisant remonter à Philon d’Alexandrie l’utilisation métaphorique du terme grec parádeisos que présente l’OC 107, et en déduisant de ce fait littéraire que tous les vers de cet oracle particulier étaient probablement tributaires d’une source juive et/ou judaïsante. C’est ce point de vue qu’en dépit de la rétractation de Kroll, je souhaite argumenter en analysant la construction littéraire de l’oracle lui-même et en cherchant en amont de Philon des témoins de l’herméneutique du paradis dans la philosophie juive de l’époque hellénistique. Les vers de l’OC 107 opposent au sérieux éthico-politique – qui relève de la philosophie, ou paradis sacré de la piété fait de vertu, sagesse et bonne législation –,34 « les divertissements » (tà athúrmata), terme générique de mépris servant à désigner les deux catégories de puérilités ou jouets à l’usage des puissants, à savoir les instruments de calcul astronomiques et les techniques divinatoires d’observation. Ces méthodes de la science pratique sont qualifiées de trompeuses et de mercantiles, ce qui du coup les constitue en face inversée de l’exercice philosophique de la contemplation censé correspondre seul à la recherche gratuite de la vérité. Les paradis hellénistiques, avons-nous vu, correspondaient à la mise en valeur d’un territoire par un certain nombre de savoirs techniques : irrigation, viviers, plantations, cultures d’arbres fruitiers et d’herbes médicinales, art palatial, chasse. L’auteur du poème chaldaïque dissocie ces savoirs techniques de l’idée qu’il se fait du paradis, une philosophie morale, pour les accumuler sur ce qu’il rejette, une pratique scientifique et mantique liée à des objets de l’art artisanal. Ainsi, les 34
Selon le discours-programme de l’Epin. (989 e - 990 b), associant et concevant piété, vertu et sagesse comme science du nombre par la contemplation des astres, voir l’analyse de Festugière, Les trois « Protreptiques » de Platon 125-143.
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quatre premiers « divertissements » sont en rapport avec les instruments de calcul propres à l’astronomie. Pour Psellos, les vers 1 et 2 : « Ne t’encombre pas l’esprit des espaces prodigieux de la Terre car il n’est pas de plante de vérité dans le sol », sont relatifs à la géographie. Je ne vois pas de raison de s’écarter de cette interprétation. L’importance des projections astronomiques en géographie invite à regarder du côté de Cratès de Mallos (IIe s. av. J.-C.) et de l’invention des premiers globes représentant la Terre.35 Le vers 3 : « Ne mesure pas la mesure du soleil, en t’aidant de règles (kanónes) » a été compris, de façon erronée, en référence aux tables de calculs (kanónes) des astrologues et astronomes. Or, ce dont il est question explicitement est le problème de la mesure (métron) du soleil, autrement dit de la grandeur visible de son disque, son diamètre pour la connaissance duquel les techniciens de l’optique fabriquaient des tubes de visée appelés dioptres.36 La première de ces dioptres est attribuée au génie d’Archimède.37 Le vers 5 : « Laisse le sifflement de la Lune : elle court toujours par l’œuvre de la Nécessité », a pour objet de persifler l’usage d’instruments censés représenter dans le cadre des mouvements célestes et, par là, expliquer mathématiquement le mouvement de la lune, par nature impétueux et, de ce fait, assimilé dans la poésie et la magie à un sifflement (rhoîzos). Le type de machines visé est à mettre en rapport avec le planétaire d’Archimède, la sphéropée de Posidonius, ou avec des appareillages analogues montrant les rotations de planètes produites par système hydraulique.38 Le vers 6 sur les pronostics tirés de la situation du déplacement des astres en tête (propóreuma) se gausse des recueils de prédictions météorologiques et des horoscopes fabriqués par applications astrologiques des observations astronomiques : « il (le déplacement astral) n’a pas été enfanté en fonction de
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Le globe de Cratès est signalé, entre autres, par Strabon, Geogr. II 5, 10, qui souligne bien la taille énorme de la représentation de la terre dans ce type d’appareil ; sur le rapport du globe à l’astronomie : Boll 1429 sq. L’énormité des distances terrestres, que signalent à la fois Strabon et le vers de l’oracle, conduisait à donner aux globes fabriqués des dimensions qui les rendaient peu pratiques, voir là-dessus les analyses d’Aujac. 36 Sur la dioptre comme makròs kanón : Hultsch 1077 sq. 37 Archimède, Aren. I 12-17 ; reconstitution de l’instrument : Delsedime. 38 Planétaire d’Archimède : Cicéron, rep. 1, 14.21 sq. ; sphère de Posidonius : Cicéron, nat. deor. 2, 88 ; appareillage hydraulique : Manilius, 4, 267 sq. ; sphère non identifiée : Martianus Capella, 6, 583.
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toi ».39 Les deux dernières techniques énumérées par l’oracle chaldaïque (vers 7-8) concernent, non plus l’astronomie et les méthodes de calcul, mais l’art de la divination par les auspicia, c’est-à-dire les présages qui s’offrent à la vue. Psellos a parfaitement caractérisé l’oiônistique évoquée par le vers 7, c’est-à-dire les omens et présages tirés de l’observation du mouvement et de la direction du vol des oiseaux, forme de mantique si prestigieuse qu’elle valait à elle seule, dit-on, tous les oracles : « Nous (les oiseaux) sommes pour vous (les hommes) Ammon, Delphes, Dodone, Phoibos, Apollon ».40 La seconde espèce de mantique (vers 8) est l’art haruspicinal, ou extispicine, appliqué à l’examen du foie et des viscères des victimes sacrificielles. Les tomai examinées étaient conçues comme des sortes de sanctuaires (templa) organiques à l’image du monde céleste. Le poète chaldaïque se contente de mentionner laconiquement cette pratique connue de tous.41 Cette énumération des multiples objets de divertissements mécaniques sert au philosophe poète à construire dialectiquement son oracle en aboutissant à une parénèse finale sur le paradis conçu comme sagesse unique, et non plus multiplication de la fortune et des biens : « Toi, fuis cela (pheûge sù taûta, c’est-à-dire tout ce qui vient d’être inventorié) /9/ puisque tu as à ouvrir le paradis sacré de la piété (méllon eusebíes hieròn parádeison anoígein), /10/ là où vertu, sagesse et bonne législation sont réunies (énth’ aretè sophía te kaì eunomía sunágontai) ». Ce que l’oracle chaldaïque recommande à celui qui entre dans la voie philosophique, c’est précisément de ne pas faire ce que font les puissants pour leurs divertissements, leur paraître et leur sécurité. Les paradis profanes étaient au milieu du désert des établissements de luxe et de richesse économique. Que représentent-ils, en fin de compte, au regard de la vie de l’esprit et de l’ascèse qui la caractérise, sinon l’escroquerie et le mensonge (apaté) des techniques qui entraient dans leurs plans : globes donnant l’illusion de la contemplation du monde, observations mantiques. Il faut fuir cela, pour s’attacher seulement au « paradis sacré » (hieròn parádeison), le paradis “véritable”, celui de la piété, autrement dit la philosophie qui prône pour la vie en société et le gouvernement de 39
Vers 6, autrement dit les astres sont des signes, et non des causes (critique traditionnelle de l’astrologie) ; sur le vocabulaire astrologique de la nativité (genéthle, génesis, diáthema, théma, themátion) : Neugebauer - Van Hoesen 203. 40 Aristophane, Av. 716 ; le devin spécialiste de l’observation des oiseaux pour connaître présent, passé et avenir est l’oionopólos, tel ce Calchas dont parle Homère, Il. I 69. 41 Synthèses sur les techniques d’interprétation des signes : Nougayrol ; Bloch 201203.
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l’État vertu, sagesse et bonne législation ; en somme, mettre en place un paradis qui soit l’anti-paradis de celui à la mode chez les princes et les rois, qui soit à rebours des vitrines du pouvoir et de l’ostentation. L’antinomie athúrmata/philosophia, qui constitue la structure de l’oracle, est une donnée présente dans la pensée grecque ancienne.42 Cette opposition de fond a nourri le mépris platonicien de la banausourgía, travail manuel attaché à la fabrication de machines pour comprendre la mécanique céleste et l’hydraulique. L’artisanat d’art et celui de science appliquée sont traités comme de la poésie : à négliger. Ainsi ces mésographes, objets mécaniques fabriqués par Eudoxe de Cnide et Archytas de Tarente pour calculer deux moyennes proportionnelles à partir de lignes courbes et de sections coniques. Une tradition platonicienne, transmise par Plutarque, dit que Platon se serait indigné de la fabrication de ce genre d’instruments, les accusant de détruire et de gâter la perfection de la géométrie, en la faisant fuir honteusement loin des notions incorporelles et intelligibles vers les réalités sensibles, et en utilisant en outre des objets dont la fabrication nécessite un travail long et grossier. Aussi la mécanique fut-elle séparée de la géométrie et déchue de sa grandeur, pendant longtemps elle fut méprisée par la philosophie et devint un des arts militaires.43
Dégradée en mécanique avec les athúrmata, la géométrie se trouve en quelque sorte « ramenée dans le sensible et incapable de s’élever et d’atteindre les images éternelles et incorporelles ».44 Un tel mépris de la banausourgía, que l’on voit s’exprimer aussi à travers l’OC 107, est celui du platonisme de l’époque hellénistique, dont l’un des témoins préphiloniens est au IIe siècle avant J.-C. la Sagesse de Ben Sira.
Cette opposition est déjà chez Alcidamas d’Élée (deuxième moitié du Ve s. av. J.C.), fragment cité par Aristote, Rhet. III 3, 1406 B 11-13. 43 Plutarque, Vit. par., Marc. XIV 11, traduction Pailler dans Hartog 580 ; selon la tradition arrivée à Plutarque, Archimède faisait la distinction entre les vulgaires travaux d’ouvrier et les objets « dont la beauté et l’excellence n’avaient rien à voir avec la nécessité » (Marc. XVII 6). 44 Plutarque, Quaest. conv. VIII 2, 1, 718 e-f : reproches adressés par Platon à Eudoxe, Archytas et Ménechme « de chercher à ramener le problème de la duplication du cube à des opérations et constructions mécaniques, comme s’ils renonçaient au calcul rationnel pour tenter de déterminer les deux moyennes proportionnelles par n’importe quelle voie possible ; de cette manière, on voyait s’anéantir et disparaître les bienfaits de la géométrie » (traduction Frazier - Sirinelli 85). 42
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Le paradis de Ben Sira Les trois abstractions qui font pendant aux athúrmata pour caractériser le paradis chaldaïque : vertu (areté), sagesse (sophía), bonne législation ou législation équitable (eunomía), relèvent, à l’époque de la production de cette poésie philosophique oraculaire, du fond commun platonicien de toutes les doctrines sur l’éthique de la vie heureuse et le bon gouvernement de l’État.45 Or, ce qui caractérise la pensée de l’OC 107 consiste à opposer aux divertissements astronomiques et mantiques l’idée d’un « paradis sacré » compris métaphoriquement comme vertu, sagesse et bonne législation. Ces deux traits sont présents dans la Sagesse de Ben Sira, traité sapientiel juif, composé en hébreu vers 180 av. J.-C. par Ben Sira (grec Sirakh) et en partie perdu, mais traduit en grec par le petit-fils de l’auteur à Alexandrie « en la trente-huitième année du roi Évergète », autrement dit Ptolémée VII Évergète (170-117) et, de là, passé dans la Bible grecque.46 Ben Sira condamne toutes espèces de mantique en les désignant en termes généraux (sauf la deuxième, mentionnée aussi par l’OC 107) : « Divinations (manteîai), présages tirés de l’observation du vol des oiseaux (oionismoí) et interprétations des songes (enúpnia) sont choses vaines ».47 Puis, à trois reprises, il y a passage du sens obvie de paradis (parc arrosé et verdoyant) au sens métaphorique (sagesse, et vertus ayant Dieu pour objet) : « Comme un cours d’eau je suis sorti vers un paradis » (24, 30), c’est-à-dire la sagesse de la Loi, « la grâce (kháris) est comme un paradis en bénédictions » (40, 17), « la crainte (phóbos) du Seigneur est comme un paradis de bénédiction » (40, 27). C’est à ce cou45
La vertu est le fondement de la vie heureuse (Sénèque, de beata vita 13-16) ; mais pour être heureux, précise Plotin, Tr. 46 (Du bonheur), il faut et la vertu et la sagesse (Enn. I 4, 9, 10-17). À la question de savoir pourquoi les Sères (habitants de la Chine occidentale) étaient des gens heureux, Bardesane répondait : parce qu’ils ont de bonnes lois et que, grâce à ces lois, les calculs astrologiques sont sans influence sur eux (§ 26 = Nau 582 sq.) ; pour le grec : Eusèbe, PE VI 10, 13 (218 sq. des Places). Sur l’association areté – sophía – eunomía, par laquelle se définit la vie heureuse du citoyen dans l’État idéal : voir Lucien de Samosate, Herm. 22 ; du même, Anach. 18. 46 Sagesse de Ben Sira (livre dit aussi Siracide, ou Ecclésiastique), prologue de la version grecque ; sur ce texte, voir Léonas 46 sq. Cet important traité de sagesse juive, rejeté de la Bible hébraïque en raison de son philhellénisme, a été exclu aussi de la Bible luthérienne et, du coup, est resté en-dehors de la culture allemande (protestante), d’où l’ignorance de Kroll à son égard. 47 Ben Sira 34, 5 ; cf. également 34, 1 sq. La condamnation par Ben Sira des techniques par idéal de justice et de vertu est l’objet, comme en contexte païen par l’Oracle 107, d’une reprise hexamétrique en contexte juif par l’auteur des Oracles Sibyllins, III 218-236 (je dois cette référence à l’amitié d’H. Seng, 16.05.2012).
Le paradis chaldaïque (fr. 107 et 165)
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rant de philosophie juive alexandrine, représenté par Ben Sira et, entre ce dernier et son petit-fils, par Aristobule dit le Péripatéticien,48 courant imprégné de philosophie grecque hostile à la mécanique et multipliant les interprétations métaphoriques du Pentateuque, qu’il convient de rattacher la pensée de l’OC 107 et sa construction antithétique. Le paradis chaldaïque et celui de Ben Sira forment un seul et même paradis. Dans cette vue des choses, l’expression de l’oracle, « paradis sacré de la piété » (vers 10), semble bien être un rappel du paradis biblique en tête de la version grecque de la Genèse dans le but d’en présenter une relecture symbolique à l’imitation de Ben Sira et d’Aristobule, autrement dit selon la perspective propre à la philosophie morale grecque. Il est difficile de ne pas penser que l’OC 107 se trouve par rapport au poème entier des Oracles chaldaïques dans une situation analogue au “Testament d’Orphée” sur les marges mouvantes des littératures orphique, juive et chrétienne :49 ensemble de vers apatrides, à usage tournant, sortis de la philosophie hellénistique et du platonisme pour s’enrichir au contact de la littérature juive de sagesse puis revenus vers le platonisme comme au refuge ultime de la religion, eusebíes hieròn parádeison.
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Il est l’auteur d’un Commentaire de la Loi de Moïse dédié à Ptolémée VI Philométor (191-145), cité par Eusèbe dans la PE, voir en particulier VIII 9, 38 - 10, 19 : Dieu se révèle sans utiliser d’instruments (órgana). La méthode exégétique d’Aristobule est étudiée dans les travaux de Walter : « Die Anfänge ... » ; Der Thoraausleger Aristobulos ; « Fragmente jüdisch-hellenistischer Exegeten ... » 257-296. 49 Création littéraire bien mise en évidence par Riedweg ; sur Aristobule et le “Testament d’Orphée”, cf. 95-101.
Helmut Seng
und Zu den Spitzensätzen der Platonischen Philosophie gehört die Behauptung (Politeia VI 509 b 9), das Gute ( ) stehe noch jenseits des Seins.
Davon ausgehend sind Aussagen über die Jenseitigkeit des höchsten Prinzips bzw. anderer transzendenter Wesen in der platonischen Tradition geläufig.1 Aus den Fragmenten der OC lassen sich zwei Formulierungen anführen: (OC 5, 2) das erste Feuer jenseits
und (OC 35, 4): der mächtige Hauch, jenseits der feurigen Pole.
Während die zweite Formulierung in gewöhnlicher Weise als Präposition gebraucht wird, hat das Wort in der ersten Wendung den Charakter eines Attributs, welches das Feuer als geistige Größe, und insofern metaphorisches „Feuer“ im Gegensatz zur Materie näher bezeichnet. Bemerkenswert sind aber vor allem die eigentümlichen Gottesnamen und , die sich in der chaldaeischen
1
Cf. etwa Plotin I 2 [19] 3, 31f.; I 3 [20] 5, 7f.; I 6 [1] 9, 37-42; (Porph.), In Parm. XII 23-25.29-33; XIII 21f.; Synesios, h. I 164f.; IV 2; dazu Whittaker, „ “, Gruber - Strohm 151 und Narbonne.
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Tradition häufig finden.2 Die folgenden Überlegungen versuchen, Herkunft und ursprüngliche Bedeutung dieser Ausdrücke zu klären. Gegliedert sind sie in sieben kurze Abschnitte: 1 Die Herkunft der Ausdrücke und aus den OC 2 Das Verständnis von und als Wesensaussage 3 Der Bezug auf OC 8 4 Ḥad und Hadad 5 Porphyrios 6 Zwischenergebnis 7 Aufschluss aus OC 5 1 Die Herkunft der Ausdrücke und aus den OC Umstritten ist, ob die Ausdrücke und den OC selbst entstammen,3 Äußerungen des älteren oder jüngeren Iulianos in Prosa,4 oder aber erst der späteren Orakelexegese.5 Allerdings ist bei Proklos, In Crat. 59, 19-21 ausdrücklich für die Orakel selbst bezeugt: (scil. ) . 2
Gelegentlich findet sich auch (Dam., Princ. I 315, 22 R. = III 156, 5f. W. - C.) oder einfach und (Dam., In Parm. II 43, 23f.; 89, 29 R. = I 67, 23f.; II 37, 22f. W. - C. - S.). 3 Lewy 77f. Anm. 43, P. Hadot, Porphyre I 262. 4 Kroll, De oraculis 17, zustimmend (?) zitiert bei Theiler 5 = 258. 5 Cf. Johnston, Hekate Soteira 50 Anm. 5 und Majercik, „Chaldean triads ...“ 286291 (mit Literaturangaben 286 Anm. 90), die insbesondere auf Damaskios, In Parm. II 218, 2-7 R. = III 153, 4-11 W. - C. - S. verweist (288 Anm. 105). Auf Orakelexegese ist zumindest die Theorie der hebdomadischen Entfaltung des zurückzuführen, wie sie sich bei Dam., Princ. I 237, 11f.; 240, 25f. R. = III 30, 1315; 36, 12f. W. - C. findet, cf. dazu Proklos, Th. Pl. V 2 p. 11, 25 - 12, 12 S. - W.; 4 p. 19, 19 - 20, 17 S. - W. In denselben Zusammenhang gehört die analoge Vielzahl von bei Psellos, 1152 b = p. 147, 8f. O’M. oder von bei Michael Italikos, Epist. 17 p. 183, 19f.29 C. = 28 p. 191, 14f.; 192, 2 G.
und
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Die göttlich überlieferten Sprüche charakterisieren diese Gottheit (scil. Kronos) durch den Ausdruck ‚Einmal‘, indem sie sie ‚Einmal-Jenseits‘ nennen; das „einmal“ ist nämlich mit dem Einen verwandt.
Der Ausdruck gehört zu den Möglichkeiten der Neuplatoniker, die OC zu benennen.6 Mit Édouard des Places ist also ein eigenes Fragment bzw. ein Ausdruck aus den OC selbst anzusetzen (OC 169). Ihren Sinn hat die Formulierung nur in der Gegenüberstellung zu dem komplementären Ausdruck , dessen Existenz in derselben Quelle vorausgesetzt werden muss. Offen bleibt, ob der zweite Ausdruck in dieser Form ein wörtliches Orakelfragment darstellt. Metrisch wäre es nicht ganz unbedenklich, denn das Wort müsste im Hexameter als Länge gemessen werden.7 Es könnte sich freilich auch um ein nicht ganz wörtliches Zitat handeln; ein solches könnte dann z.B. ’ lauten. Die Herkunft der Ausdrücke aus den OC kann also als gesichert gelten. 2 Das Verständnis von und als Wesensaussage Problematisch ist die genaue Bedeutung von und . Am nächsten läge die Vermutung, dass eine gegenüber noch gesteigerte Transzendenz bedeute, nicht nur wie etwa als dreifach gesteigertes zu verstehen ist,8 sondern von der einfachen Wortbedeutung ausgehend pointiert und präzise als . Dem widersprechen jedoch einhellig die Zeugnisse, indem sie dem stets die hierarchisch erste Stelle zuweisen.9 Ein anderes mögliches Missverständnis weist Michael Italikos zurück, über dessen Quellen hier keine Spekula6
Cf. insbesondere Proklos, In Remp. I 111, 1 (zu OC 146): ; ferner Lewy 443-447 und Brisson, „La place des Oracles chaldaïques ...“ 119f. zu Proklos. 7 Cf. des Places, Oracles 147. 8 Cf. auch Gottesprädikationen mit Verdoppelungen wie oder mit auch ; dazu Versnel 238-241. Zu erwähnen bleibt der Gedanke bei Kroll, De oraculis 17 Anm. 2, und entsprechend dem Gebrauch von , und zur Unterscheidung verschiedener Träger desselben Namens zu verstehen; inhaltlich bedeutsam wären die multiplicativa dabei nicht. 9 Kroll, „Iulianus 9“ 16 vermutet vorsichtig, „es soll aber vielleicht nur die verschiedene Transzendenz zweier göttlicher Wesen ausdrücken“, ohne dies zu präzisieren.
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tionen anzustellen sind. Er erläutert die Wendungen und wie folgt (Epist. 17 p. 183, 3-8 C. = 28 p. 191, 1-5 G.): 10 ’ , , . Der ‚Einmal-Jenseits‘ ist nach der Art des Einen und von dem Einen bestimmt; nach der Art der Zweiheit ist der ‚Zweimal-Jenseits‘. Diese Hekate aber wird nur jenseitig genannt. Das ‚Einmal‘ und ‚Zweimal‘ bezeichnet bei ihnen nämlich keine Position, sondern das eine besitzt eingestaltige Wirkkraft, das andere eine pluralische. Der ‚Zweimal-Jenseits‘ ist ja der Position nach der dritte; die zweite ist hingegen Hekate.
Mit Hekate als zusätzlichem dritten, in ihrer Position aber mittleren Element einer Trias sind die Spekulationen chaldaeischer Trinitätsvorstellungen aufgegriffen, die der so nahe liegenden Deutung der Zahlwörter auf eine abgestufte Rangfolge entgegenstehen – jedenfalls dann, wenn man zwischen und eine hypostatische Größe und nicht etwa eine relationale Bestimmung ansetzt. Doch weist Michael Italikos diesen nahe liegenden Einwand zurück, indem er und gerade nicht im Sinne einer abgezählten Folge, sondern als Wesensbezeichnungen interpretiert, wie sie Pierre Hadot in seinen Übersetzungen aufgegriffen hat. So gibt er wieder als „celui qui est au-delà sous un mode un“ bzw. „transcendant sous un mode monadique“; seine Übertragung von lautet: „celui qui est au-delà sous un mode dyadique“ bzw. „transcendant sous un mode dyadique“.11 3 Der Bezug auf OC 8 Wie die Ausführungen des Michael Italikos und insbesondere die Ausdrücke und zu verstehen sind, wird deutlicher durch Psellos, p. 74, 17-20 K. = 149, 24-27 O’M. (auch hier soll die Quellenfrage nicht diskutiert werden): 10
Die Handschrift bietet ; ist Konjektur von Thillet und Gautier. P. Hadot, Porphyre I 262 bzw. „La métaphysique de Porphyre“ 133 Anm. 4 (= „Die Metaphysik ...“ 214 mit Anm. 31: „transzendent nach Weise der Monas“ und „den Transzendenten nach Weise der Dyas“ in der Übersetzung von R. Eisenhut).
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und
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, , , , . Er heißt ‚Zweimal-Jenseits‘, weil er von der Art der Zweiheit ist, indem er einerseits im Intellekt das Intelligible hält, andererseits zu den Welten Wahrnehmung bringt. Der ‚Einmal-Jenseits‘ hingegen heißt so, weil er von der Art des Einen ist. Hekate aber ist nur jenseitig.
Auch hier gehört der Ausschluss Hekates wesentlich zur Erläuterung der zahlenmäßigen Benennungen. Die Formulierungen bei Psellos greifen OC 8 auf, ein Fragment, das auch Proklos, In Crat. 51, 26 - 52, 9, das heißt in fast unmittelbarem Anschluss an die bereits zitierte Stelle, ausdrücklich auf den bezieht: (scil. ) , , ’ . ; , , ’ , , , , . Die hochmystische Überlieferung und die Sprüche von den Göttern her sagen: Bei ihm hat eine Dyas ihren Sitz, und sprechen: Denn er hat beides: einerseits im Intellekt das Intelligible zu halten, andererseits zu den Welten Wahrnehmung zu bringen. Und was soll man noch sagen? Von daher sprechen sie ihn als ‚Zweimal-Jenseits‘ und ‚Zweimal-Dort‘ an und verherrlichen ihn durch die Zweiheit; denn das gesamte zeugende und erschaffende Wesen der enkosmischen Götter hat der Schöpfer in eingestaltiger Weise vorweggenommen. Mit Recht ist also auch sein Name doppelt; der eine zeigt in der Form die Ursache auf, durch die etwas entsteht, das ist die väterliche Güte, der andere in der Form die Zeugung des Lebendigen.12 Von beidem die ersten Ursachen im All hat der Schöpfer in dem Einen gemäßer Weise vorweggenommen; und der eine Name 12
Cf. Platon, Kratylos 395 e 5 - 396 b 3. In der deutschen Übersetzung ist neben „Zeugung“ die Form , die der griechische Text bietet, als „Zeus“ übertragen, wodurch das etymologische Verfahren von Platon und Proklos anklingen soll.
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Helmut Seng ist Symbol der väterlichen Kette des Kronos, der andere der lebengebärenden und mütterlichen Rhea.
Dass OC 8, 1 und OC 8, 2f. ein zusammengehöriges Fragment bilden, darf bezweifelt werden. Die drei Verse bzw. Teilverse werden nie zusammenhängend zitiert, sondern stets mit einer unterbrechenden Zwischenbemerkung.13 Doch ist die Frage hier nicht von Bedeutung. Das Wesentliche steht in OC 8, 2f. Demnach bedeutet , dass die mit diesem Namen bezeichnete Gottheit in zweierlei Hinsicht – und insofern „zweimal“ – jenseitig oder transzendent ist, laut Proklos als Schöpfungsmittler und als Vermittler des Lebens. Der Kontext macht deutlich, dass Proklos die beiden in OC 8, 2f. genannten Funktionen primär Kronos und Rhea zuordnet, alternative Benennungen und Hekate, wobei die dem Leben zugeordnet wird. Der ist doppelt, insofern er die beiden Einzelfunktionen kombiniert. Allerdings macht Rhea-Hekate hier den Eindruck eines Fremdkörpers. Denn auch ihr wird genau eine der beiden Funktionen zugewiesen, die den auszeichnen. Damit aber ist sie in ihrem Wesen ebenso und wie Kronos, dem allein diese Bezeichnung zugehört. Insofern bleibt äußerst fraglich, ob die Exegese des Proklos hier den originären Sinn der OC trifft, zumal die geradezu hypertrophen Triadensysteme der späten Orakelexegese, in deren Zusammenhang Proklos hier die Erläuterung der Begriffe und gestellt hat, über alles hinausgehen, was sich für die OC selbst annehmen lässt. Doch auch ohne Rückbezug auf Triadenspekulationen lässt sich der Doppelcharakter des auf die beiden in OC 8, 2f. genannten Funktionen beziehen, wie neben der zitierten Aussage bei Psellos auch Proklos, In Tim. I 415, 27 - 416, 2 darlegt.14 , ’ , .15 , , , . Denn allererster Intellekt ist nicht derjenige, der denkt und erschafft, sondern derjenige, der nur denkt und darum reiner Intellekt ist, wie wir im Kratylos gelernt haben. Deswegen könnte auch nach Platon der eine ‚Einmal‘ genannt werden, da er als einzige Wirkkraft die auf ihn selbst gerichtete hat, der andere 13
Cf. die Belege bei des Places, Oracles 68. Cf. auch den ausführlichen Paralleltext Th. Pl. V 39 p. 145, 6 - 146, 16 S. - W. 15 Cf. Platon, Kratylos 396 b 3-7 und Proklos, In Crat. 59, 1-8. 14
und
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hingegen ‚Zweimal‘, da er zusammen mit dieser noch die das All erschaffende Wirkkraft hinzugenommen hat.
Dem entspricht schließlich auch die Aussage bei Johannes Lydos, Mens. 2, 4 p. 21, 15-18 W.: , , , . Wesensmäßiger Intellekt ist nämlich, sagt die mystische Lehre, der ‚EinmalJenseits‘; denn er verharrt im Wesen seiner selbst und auf sich selbst gewandt, stehend und verharrend.
Somit bedeutet „einfach transzendent“ und bezeichnet den in seinem Wesen einfachen und daher nur in einer Hinsicht jenseitigen, ganz sich selbst zugewandten . Hingegen benennt als „doppelt transzendent“ den jenseitigen demiurgischen , dessen Wesen zwei Aspekte besitzt, indem er einerseits auf das Intelligible, andererseits auf die Wahrnehmung bezogen ist. Dabei konkurrieren zwei Varianten: Der ist aufgefasst als Vermittler des Intelligiblen und des Lebens – so Proklos, In Crat. 51, 26 - 52, 9 – oder als , der die Ideen denkt und sie in die materielle Welt vermittelt und sie dadurch erst erschafft – so das nächstliegende Verständnis von OC 8, 2f., das durch die Zitierung bei Psellos, p. 74, 17-20 K. = 149, 24-27 O’M. und durch Proklos, In Tim. I 415, 27 - 416, 2 gestützt wird.16 Dabei liegt die Vermutung nahe, dass die an zweiter Stelle genannte Variante die ursprünglichere ist, da sie nur die beiden in Frage stehenden Größen aufeinander bezieht und insofern ohne die Mittelgröße Hekate auskommt. Trifft diese Interpretation zu, die auf OC 8, 2f. und der Exegese des Fragments bei Proklos und Psellos beruht, so bleibt freilich einzuräumen, dass die Wendungen und an sich nur schwer verständlich sind. Allerdings spricht gerade die Tatsache, dass diese Ausdrücke der Erklärung bedürfen, und zwar selbst dann, wenn die Erläuterungen sachlich unzutreffend sein sollten, wiederum für ihre Herkunft aus OC selbst und nicht aus kommentierenden 16
Cf. auch Johannes Italos, Quaest. 110, 34-37: , , , ( ’ ) ; hier scheint OC 8, 2f. (oder die Auslegung des Fragments) aufgenommen.
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Ausführungen der Theurgen oder der späteren Exegese, wie vielfach angenommen wird: so von Kroll, Saffrey, Westerink, Combès, Segonds und Majercik.17 4 Ḥad und Hadad Die Ansicht, und seien Ausdrücke der Orakelexegese, bezieht sich insbesondere auf zwei Texte des Macrobius und des Proklos, die eine bemerkenswerte Deutung des syrischen Gottesnamens Hadad enthalten.18 Macrobius schreibt Sat. 1, 23, 17: Accipe quid Assyrii de potentia solis opinentur. Deo enim, quem summum maximumque venerantur, Adad nomen dederunt. Eius nominis interpretatio significat unus unus. Vernimm, was die Assyrer über die Macht der Sonne denken. Dem Gott nämlich, den sie als höchsten und größten verehren, haben sie den Namen Adad gegeben. Die Übersetzung dieses Namens bedeutet: eins eins.
Ausführlicher sind die Angaben bei Proklos, In Parm. VII p. 58, 33 60, 9 K. - L. Der Text ist in der lateinischen Übersetzung des Wilhelm von Moerbeke erhalten:19 Dii quidem igitur que sui ipsorum scientes et ut sui ipsorum uno ad illud unum sursumtendunt; et theologice autem eadem eorum qui ut vere theologorum fame hanc nobis de primo tradiderunt intentionem, illud quidem sui ipsorum voce vocantes Ad, quod significat unum secundum ipsos, ut qui illorum linguam sciunt interpretantur, intellectum autem conditivum mundi duplantes hoc appellantes, et hunc dicentes esse valde ymnizabilem Adadon, neque hunc mox post unum esse dicentes, sed proportionaliter uni ponentes; quod enim est ille ad intelligibilia, hoc est iste ad visibilia; propter quod et hic quidem ipsis solum Ad vocatur, hic autem Adados, duplans le unum.
17
Cf. Kroll, De oraculis 17, Saffrey - Westerink V xxi-xxii, Westerink - Combès III 187; Westerink - Combès - Segonds III 209 und Majercik, Chaldean Oracles 286-291 (die 289 mit Recht feststellt, dass unsicher bleibt, ob Lydos als Beleg eines verlorenen Verses zu gelten hat, wie P. Hadot, Porphyre I 293 mit Anm. 2 annimmt). 18 Cf. zum folgenden Theiler 6 = 258, P. Hadot, Porphyre I 274, Saffrey, „Les néoplatoniciens et les Oracles chaldaïques“ 221-224, Saffrey - Westerink V xxi-xxii, Westerink - Combès III 182f. 19 Lateinischer Text und griechische Retroversion nach Steel, Procli 326f. Cf. auch Saffrey, „Les néoplatoniciens et les Oracles Chaldaïques“ 223 und Steel - Rumbach MacIsaac 248.
und
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20 , , , , , , , , , . Die Götter also, die sehr wohl wissen, was sie selbst angeht, streben durch das Eine in sich nach jenem Einen. In theologischer Weise aber haben wiederum auch die Orakelsprüche, die ja von wahrhaften Theologen stammen, uns diese Ansicht über das Erste überliefert. Dieses nennen sie in ihrer eigenen Sprache Ad, was nach ihnen „eins“ bedeutet, wie diejenigen übersetzen, die ihre Sprache kennen; den welterschaffenden Intellekt benennen sie, indem sie dies verdoppeln und sagen, er sei der höchst hymnisch zu besingende Adados. Und sie sagen nicht, dass er gleich nach dem Einen komme, sondern setzen ihn in Entsprechung zu dem Einen. Was Ad nämlich in Bezug auf das Intelligible ist, das ist Adados in Bezug auf das Sichtbare. Darum wird der eine auch von ihnen nur Ad genannt, der andere aber Adados, und dabei verdoppelt er das „eins“.
Dass ein sachlicher Zusammenhang vorliegt, dürfte außer Frage stehen. Zu klären bleibt dessen Natur. Zunächst ist leicht zu sehen, dass die Ausdrücke und nicht geeignet sind, ḥad und Hadad zu erläutern.21 Denn der Schlüsselbegriff ist ḥad bzw. . Eine Exegese, die durch ersetzte, ließe gerade das Entscheidende wegfallen. Zudem wäre der sachliche Grund einer solchen Ersetzung nicht ersichtlich. Schließlich spricht auch ein sprachliches (und zugleich formales) Element gegen eine solche Annahme: Die Formulierung qui illorum linguam sciunt macht deutlich, dass es sich nicht um Ausführungen im Orakeltext selbst handelt, der ja in griechischer Sprache allen zugänglich ist. Hingegen ist eine mit zwei Sprachen arbeitende Erklärung zu ḥad und Hadad im Rahmen des poetischen Textes schwer vorstellbar. Zwar ist es möglich, aus dem Ausdruck valde ymnizabilem Adadon bei Proklos einen Hexameterschluss zu rekonstruieren; der Vorschlag von Nock lautet: .22 Alternativ dazu bieten Steel - Rumbach - MacIsaac (bzw. Steel) in ihrer Retroversion des
20
Statt für et ut. So Saffrey - Westerink V xxi-xxii und Westerink - Combès III 183. 22 Nock 474. 21
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Proklostextes die unmetrische Variante .23 Ebenfalls denkbar und zudem metrisch passend wäre . Doch liegt die eigentliche Schwierigkeit in der Erläuterung, das heißt der expliziten Übersetzung von ḥad als . Umgekehrt ist das Charakteristische und zugleich Erklärungsbedürftige der Ausdrücke und ihre wechselseitige Verhältnisbestimmung durch die multiplicativa. Der Bezug auf ḥad und Hadad lässt sich insofern als ein Versuch verstehen, die in den OC gegebenen Ausdrücke zu interpretieren, auch wenn dies weder bei Macrobius noch bei Proklos explizit gesagt ist. Immerhin gibt Proklos die Deutung im Zusammenhang der Orakelexegese; und der intellectus conditivus mundi in seinem Parmenideskommentar lässt sich von der Charakterisierung des durch seine demiurgische Doppelfunktion nach OC 8, 2f., wie im Kratyloskommentar dargelegt, kaum trennen.24 Vorauszusetzen ist, dass als Bezeichnung des 25 gilt und dass eine Größe benennt, deren eigentümliches Wesen auf das bzw. den bezogen oder von ihm abgeleitet werden kann. Hierzu passt das Zeugnis des Johannes Lydos, Mens. 4, 53 p. 110, 18-22 über die Orakelexegese des Porphyrios (fr. 365F Smith): , , , . Porphyrios jedenfalls vertritt in der Schrift über die Orakel die Ansicht, der ‚Zweimal-Jenseits‘, das heißt der Schöpfer aller Dinge, sei der bei den Juden verehrte Gott, den der Chaldaeer an zweiter Stelle nach dem ‚Einmal-Jenseits‘, das heißt dem Guten, theologisch einordnet.
23
Cf. H. Hom. XXVI 7, Eurip., Ion 1074f., H. Orph. LV 1. Cf. neben In Crat. 51, 26 - 52, 9 und In Tim. I 415, 27 - 416, 2 (siehe oben S. 36) auch In Remp. I 98, 29 - 99, 2 und In Tim. I 408, 14f. 25 Cf. auch Proklos, In Crat. 59, 14-21 etc. (19-21 oben S. 32) und bei Michael Italikos, Epist. 17 p. 183, 3f. C. = 28 p. 191, 1f. G. (siehe auch oben S. 34). 24
und
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Statt ist hier gebraucht, wie es im Neuplatonismus nicht unüblich ist.26 Die Gleichsetzung des mit dem von den Juden verehrten Gott lässt sich ebenso wie die Angabe quem summum maximumque venerantur bei Macrobius auf OC 7 beziehen: , . Denn alles vollendete der Vater und übergab es dem zweiten Intellekt, den ihr, der Menschen ganzes Geschlecht, den ersten nennt.
Was der demiurgische bzw. vom Vater empfängt, können nur die sein, die OC 8, 2 erwähnt.27 Dies aber entspricht genau den Ausführungen bei Proklos, In Parm. VII p. 58, 33 - 60, 9 K. - L. Denn dort heißt es, „Adados“ verhalte sich zur sichtbaren Welt wie „Ad“ zur intelligiblen. Da „Adados“ als Weltschöpfer charakterisiert ist, bedeutet dies, dass „Ad“ die intelligible Welt hervorbringt.28 Es ist also deutlich, dass die Begrifflichkeit von () und () den Ausführungen bei Proklos, In Parm. VII p. 58, 33 - 60, 9 K. - L. zugrunde liegt. 5 Porphyrios Interessant ist bei Johannes Lydos insbesondere die Erwähnung des Porphyrios. Zum einen gibt es die Annahme, dass die zitierten Ausführungen bei Macrobius von ihm abhängen;29 zumal dieser häufig auf Porphyrios zurückgreift,30 dessen Bedeutung für die Vermittlung 26
So findet sich eine Darlegung der Identität von und etwa bei Proklos, In Parm. VII p. 56, 34 - 58, 7 K. - L., im unmittelbaren Kontext der S. 38f. angeführten Stelle aus diesem Werk. 27 Zur engen Zusammengehörigkeit beider Fragmente cf. neben Kroll, De oraculis 14 auch Lewy 112 Anm. 181 und Dillon, „The concept of two intellects“ 177 (zu dessen Interpretation von OC 7 cf. auch Seng, 159f.). 28 Hingewiesen sei auf die Entsprechung zu Numenios; cf. Baltes, „Numenios ...“ 259f. = 20-22. 29 Unerheblich ist dabei, ob das benutzte Werk eine Schrift über die Sonne ist (cf. P. Hadot, Porphyre I 83 mit Anm. 1f.; dazu Mastandrea 169-180, der Vermittlung durch Cornelius Labeo für möglich hält), deren Existenz wenig sicher ist. Jedenfalls fehlt die Passage in der Sammlung der Fragmente von Smith, der nur einen Titel „Sol“ = [P.71] unter den „Opera incerta aut spuria“ anführt (mit Bezug auf Serv. ecl. 5, 65f. = fr. 477F Smith und Macr. Sat. 1, 17, 70 = fr. 478F Smith). 30 Cf. insbesondere Mras.
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neuplatonischen Denkens in den lateinischen Bereich auch sonst grundlegend ist.31 Zum anderen dürfte die Angabe qui illorum linguam sciunt bei Proklos wenigstens annähernd auf Porphyrios zutreffen.32 Ob als Sprache der „Theologen“, wie die Verfasser der OC hier genannt sind, tatsächlich das Syrische zu gelten hat, wie bei Proklos unterstellt,33 oder ob es sich schlicht um eine Schlussfolgerung aus der Bezeichnung „Chaldaeische Orakel“ handelt, kann dabei offen bleiben. Schließlich könnte noch eine weitere Einzelheit auf Porphyrios weisen. Der zitierte Abschnitt aus Proklos (In Parm. VII p. 58, 33 - 60, 9 K. - L.) zeigt eine bemerkenswerte Übereinstimmung mit dem Turiner Parmenideskommentar, der von Pierre Hadot mit guten Gründen Porphyrios zugeschrieben wird.34 Gegen diese These ist zwar vielfach Widerspruch erhoben worden, doch bleibt Hadots Zuschreibung plausibel.35 Die fragliche Stelle im Turiner Palimpsest lautet (IX 8-12): , , ... Das ist zwar irgendwie recht und wahr gesagt, jedenfalls wenn Götter dies verkündet haben, wie diejenigen sagen, die es überliefert haben, doch kann alles menschliche Begreifen es nicht erfassen ...
Der zitierten Stelle aus dem Parmenideskommentar kommt die folgende Formulierung aus Proklos sachlich nahe:
31
Cf. Chase, „Porphyrios“ mit weiteren Literaturangaben; Courcelle, Les lettres grecques, insbesondere 394-399; P. Hadot, Porphyre; Szidat. 32 Cf. Porphyrios in Vita Plot. 17, 6-9: , , . Millar 248f. interpretiert die als die phoenikische Sprache und weist zugleich darauf, dass Belege ihres Gebrauchs für das 3. Jahrhundert nach Christus fehlen (Millar 249). Porphyrios habe von ihr wohl wenig mehr Kenntnis als das Wissen um ihre Existenz besessen haben. Näher liegt der Bezug auf das Syrische, jedenfalls im vorliegenden Zusammenhang die Feststellung bei Millar 250: „an educated person from Tyre might have been able to understand spoken Syriac, or to read works written in it.“ 33 Saffrey, „Les néoplatoniciens et les Oracles chaldaïques“ 224 bezieht secundum ipsos, ut qui illorum linguam sciunt auf die Theurgen selbst. 34 So zuerst in „Fragments ...“, nochmals bekräftigt in „‚Porphyre et Victorinus‘. Questions ...“. 35 Zur Diskussion der Verfasserfrage cf. Girgenti; Zambon, Porphyre et le moyenplatonisme 35-41; Chase, „Porphyre de Tyr ...“ 1358-1371.
und
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Dii quidem igitur que sui ipsorum scientes Die Götter also, die sehr wohl wissen, was sie selbst angeht ...
Dieser Verzicht auf Argumentation zugunsten der Berufung auf die Autorität der Götter, die zugleich mit Distanz formuliert ist, kann nicht als typisch für die Form der Orakelexegese gelten, wie sie etwa bei Proklos und Damaskios zu fassen ist; sehr viel besser passt sie zu Porphyrios, der auch in De regressu animae der chaldaeischen Theurgie nur den zweiten Rang gegenüber der Gottesannäherung durch Philosophieren zuspricht.36 Daher liegt die Vermutung nahe, dass zu dem, was Proklos im Parmenideskommentar referiert, auch die hermeneutische Bemerkung zum Wissen der Götter von sich selbst gehört – die zur Haltung des Porphyrios besonders gut passt, der den OC noch nicht die Bedeutung zumisst wie die späteren Neuplatoniker.37 6 Zwischenergebnis Die bisher angestellten Überlegungen lassen sich zusammenfassen wie folgt: und sind Ausdrücke, die den OC selbst entstammen. Porphyrios erläutert sie, indem er auf das neuplatonisch „etymologisierte“ Verhältnis von ḥad und Hadad Bezug nimmt. Die spätere Exegese folgt der dabei bereits vorausgesetzten oder aber im Zusammenhang erst entwickelten Gleichsetzung von und sowie und demiurgischem . Damit bleibt allerdings immer noch fraglich, ob der originäre Sinn der Ausdrücke getroffen ist. Methodisch ist es außerordentlich schwierig, über die Exegese, die allein die termini vermittelt, auf ihre Bedeutung in den OC selbst zu schließen. Insofern bleiben die folgenden Überlegungen ein Vorschlag zur Diskussion. 36
Cf. etwa p. 27*, 21-24 B. = fr. 288F Smith; p. 32*, 5-21 B. = fr. 287F Smith; p. 42*, 6 - 43, 10 B. = fr. 284F - 302bF Smith. Die Distanz vermerkt auch Baltes, Marius Victorinus 107f. Anm. 558 und 123f. Anm. 648, der allerdings die Zuschreibung an Porphyrios bestreitet. 37 Exegese des Porphyrios vermutet auch Theiler 6 = 258. Nock will Porphyrios mit der Begründung ausschließen, dieser gebrauche bei Eusebios, PE I 10, 31 die Namensform . Überzeugen kann ein solches Argument kaum; freilich ist bei Eusebios nicht Porphyrios zitiert, sondern Philon Byblios (790 F 2, p. 811, 24 J.).
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7 Aufschluss aus OC 5 Eingangs wurde bereits OC 5 erwähnt. Das Fragment lautet im vollen Wortlaut: 38 , . Denn in die Materie neigt das erste Feuer jenseits seine Kraft nicht hinab durch Werke, sondern durch den Intellekt; Intellekt des Intellekts nämlich ist der Schöpfer der feurigen Welt.
Zu den Kontexten, innerhalb derer Proklos das Fragment zitiert, gehört In Crat. 57, 11-20: , . ’ , . . Kronos aber, der größte, besitzt sein Wesen in absoluten Denkakten (= ohne Bezug auf die Materie), auf einer Ebene oberhalb des Alls: Denn in die Materie neigt das erste Feuer jenseits seine Kraft nicht hinab, sagt das Orakel. Von diesem aber hängt ab und aus diesem geht hervor der Demiurg; er ist ein Intellekt, der um den Intellekt, der ohne Bezug zur Materie ist, herum existiert und um ihn wie um eine intelligible Größe herum wirkt und das, was in ihm verborgenen ist, in den Bereich des Sichtbaren überführt. Denn Intellekt vom Intellekt ist der Schöpfer des Kosmos.
Hier setzt Proklos mit Kronos gleich; mit diesem identifiziert er, wie gesehen, den (Proklos, In Crat. 59, 19-21). Den Ausdruck wiederum versteht Proklos als den 38
Die Lesung ergibt sich aus dem Beleg Proklos, Th. Pl. V 39 p. 145, 12 S. - W., cf. Seng, „I frammenti“ 99 mit Anm. 4 (ferner zur Bedeutung von 101-103). Mit Proklos, In Tim. II 57, 31 und Dam., In Parm. II 136, 11; 218, 5 R. = III 11, 10; 153, 8 W. - C. - S. liest des Places .
und
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demiurgischen , der als eine abgeleitete Größe angesehen wird, als vom . Und das heißt: Proklos sieht im den . Die so verstandene Ableitung des vom weist sogar eine gewisse Ähnlichkeit zur Ableitung des Hadad vom ḥad auf – nicht zuletzt durch den phantasievollen Einsatz einer etymologischen Deutung. Allerdings dürfte die Deutung des Proklos nicht den ursprünglichen Sinn der OC treffen. Der wird in OC 5 als Schöpfer des bezeichnet. Damit ist aber nicht die materielle Welt gemeint, sondern das Empyreum, das geistige Reich der Ideen, entsprechend dem chaldaeischen Modell der drei Welten – (), , ;39 und es scheint kein Zufall, dass Proklos hier das Zitat nicht weiterführt, sondern zur Paraphrase übergeht und dabei das entscheidende Wort unterschlägt. In OC 5 selbst ist der somit eine Größe, die nicht etwa von einem ersten, übergeordneten abgeleitet ist, wie Proklos interpretiert; der ist vielmehr identisch mit diesem ersten , dem in v. 2 genannten , und steht als solcher selbst über dem demiurgischen , der sich im Sinne eines Schöpfungsmittlers auf die materielle Welt bezieht. Der ist der in OC 7 genannte .40 Als , der noch über dem steht, ist der als übersteigerter gegenüber dem einfachen aufzufassen. Der Ausdruck ist also nicht, wie Proklos interpretiert, als derivativ zu verstehehen, sondern als paronomastischer Intensitätsgenitiv, wie () (OC 30, 1) oder (OC 185). Für die Bedeutung der Ausdrücke und ergibt sich daraus eine überraschende Denkmöglichkeit. Proklos könnte die zwar nicht explizit formulierte, aber im Kontext offensichtliche Gleichsetzung von und selbst geleistet oder schlicht impliziert haben. Sie wäre die Folge seiner Fehlinterpretation des Ausdrucks und des seit Porphyrios geläufigen Verständnisses von und . Doch könnte Proklos diese Gleichsetzung auch aus einer bereits vorliegenden Tradition übernommen haben. Diese wiederum, oder auch eine zugrunde liegende, noch frühere Stufe der Orakelinterpretation, muss mit der Ansicht des Proklos über das Wesen des und die Bedeutung dieses Ausdrucks aber nicht unbedingt übereinstimmen. Es ist ebenso gut möglich, dass bereits eine frühe Tradition der Orakelexegese, und auch die 39 40
Cf. auch Seng, 75-79. Siehe oben S. 41.
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OC selbst, und identifizieren (explizit oder implizit), letzteren aber, wie es für die OC selbst gezeigt wurde, als die übergeordnete Größe verstehen. Dann aber ist die Bezeichnung eines , der noch über dem einfachen steht; dieser ist schlicht transzendent und steht jenseits der materiellen Welt: bzw. . Der hingegen steht noch darüber, er ist doppelt transzendent, bzw. . In diesem Sinne wird der Ausdruck , aber auch der Komplementärbegriff unmittelbar verständlich. Hingegen beruht die Interpretation des als ,41 die vermutlich auf Porphyrios zurückgeführt werden müsste, wie die Zusammenstellung mit ḥad und Hadad zeigt, allein auf einer oberflächlichen Zusammenstellung des Zahlwertes „eins“ in beiden Ausdrücken, welche die semantische Valenz des Ausdrucks nicht beachtet. Als Zusammenfassung dieser Hypothese kann das folgende Schema dienen: 42
41
Zur Gleichsetzung von und in OC 5, 2 cf. Majercik, „Chaldean triads ...“ 288f.; zur möglichen Identifizierung von und mit in OC 6, 2 des Places, „Jamblich ...“ 180 (= 297) und Oracles 147. 42 Bzw. (OC 5, 2) bzw. , in Proklos, Th. Pl. V 39 p. 145, 6 - 146, 16 S. - W. (wo OC 5, 1f. zitiert ist: p. 145, 11f. S. - W.), auf dessen Bezeichnung als Kronos durch das Zitat aus Platon, Kratylos 396 b 6-7 angespielt ist (cf. auch Proklos, Th. Pl. V 34 p. 124, 15-22 S. - W.).
Lucia Saudelli
Monde, abîme, corps : le fragment 163 des Places (p. 62 Kroll) des Oracles chaldaïques Introduction Nous nous proposons d’examiner le fragment 163 des Places, p. 62 Kroll des Oracles chaldaïques. Il s’agit de quelques vers hexamétriques de ce poème à caractère cosmologique et sotériologique qui consiste en une révélation philosophique, d’inspiration platonicienne, livrée par des divinités gréco-orientales à des théurges qui vivaient en Syrie au II e siècle de notre ère.1 Notre étude sera précisément une analyse et un commentaire de l’oracle dont le double but est de restituer la lettre des témoignages sur le fragment et de cerner plus précisément la philosophie sous-jacente au texte. Aussi nous consacrerons-nous d’une part à l’étude diachronique des sources de cet oracle et d’autre part à l’étude synchronique des textes parallèles à celui-ci. Nous nous intéresserons d’abord au contexte de la citation, avant de rechercher la signification primitive du fragment, en nous appuyant à la fois sur la lecture d’autres fragments des Oracles ainsi que sur la spéculation philosophique et religieuse de la même époque et du même milieu. Après avoir examiné la lecture et l’interprétation des divers auteurs-citateurs, nous essayerons donc d’approcher de façon plus précise les concepts et les doctrines chaldaïques qui sont véhiculés par ces vers oraculaires. Le témoignage de Synésios Suivant l’ordre chronologique des sources, le premier témoignage à examiner est celui de Synésios (IVe-Ve s.), le philosophe néoplatonicien et évêque chrétien de Ptolémaïs qui est l’auteur, entre autres, d’un écrit
1
Les éditions des Oracles chaldaïques consultées et consultables sont : des Places, Oracles ; Kroll, De oraculis ; Majercik, Chaldean Oracles ; Tonelli.
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Sur les Songes.2 Le but de ce traité philosophique consacré à la divination en rêve est de montrer comment les hommes sages et vertueux obtiennent des prémonitions divines qui leur procurent la connaissance des choses futures. Afin d’expliquer la dynamique des visions oniriques, Synésios élabore sa doctrine de l’« imagination » (ou phantasia) autour du concept de « souffle » (ou pneuma) de l’âme. Le Néoplatonicien conçoit le « souffle imaginatif » ( ) (Insomn. 135) comme une enveloppe que revêt l’âme et comme un véhicule qui la conduit pendant sa descente sur la terre et sa remontée au ciel, sa patrie intelligible et divine. Selon Synésios, le souffle de l’âme a une double nature : il est à la fois incorporel et corporel, rationnel et irrationnel ; il se situe à mi-chemin entre l’esprit et la matière. Sa caractéristique propre est de se purifier ou de se contaminer en fonction de la conduite de l’âme : quand celle-ci fait le bien, le souffle s’affine et devient éthéré, mais si elle se comporte mal, il s’épaissit et devient terreux (Insomn. 137). Or, pour Synésios, ce corps pneumatique de l’âme, qui est différent du corps de chair, est la surface sur laquelle les images de la réalité se reflètent. C’est pourquoi le Néoplatonicien rapproche les visions reçues pendant le sommeil aux vicissitudes de l’âme après la mort, quand le « souffle psychique » ( ... ) de l’être humain – autrement dit : son « âme pneumatique » ( ) – devient un dieu, un démon de tout type ou bien un « fantôme » ( ), selon son degré de pureté (Insomn. 137). Synésios explique en effet que, par nature, le souffle chaud et sec s’élève dans les hauteurs de l’air, comme le disait Héraclite (22 B 118 DK), avant Platon,3 tandis que le souffle épais et humide s’insinue dans les cavités de la terre, comme avertissent les Oracles chaldaïques (Insomn. 138 c-d ; IV 281 sq. L. - A.) : 2
Pour le texte de Synésios, avec introductions et commentaires, voir Lamoureux Aujoulat, mais aussi et surtout Susanetti. 3 Cf. Platon, Phaedr. 246 a-c ; 251 a-c.
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Quant à l’âme qui s’est fixée une fois pour toutes dans celui-ci [i. e. dans le souffle], par nature, ou bien elle se trouve en accord avec lui ou bien l’entraîne ou est entraînée par lui ; en tout cas, certes, elle reste unie [à lui] jusqu’à la remontée au lieu d’où elle est venue. Par conséquent, [le souffle] qui s’est alourdi par le mal entraîne vers le bas, avec lui, l’âme qui l’a fait s’alourdir. C’est à propos de ce danger que les Oracles alertent la semence intellective qui est en nous : Ne te penche pas en bas vers le monde aux sombres rayons, sous lequel s’étend un abîme éternellement illusoire et informe, enveloppé de ténèbres, d’une misère sordide, se réjouissant de fantômes, dépourvu d’intellect. Comment en effet l’intellect pourrait-il aimer une vie insensée et inintelligente ? Mais au fantôme, en raison d’une certaine épaisseur du souffle à ce moment-là, convient la région d’en bas ; le semblable plaît en effet au semblable.
Ce témoignage nous restitue les premiers vers du fragment 163 des Places (p. 62 Kroll) des Oracles chaldaïques. Synésios cite quelques lignes de l’oracle afin de montrer comment les dieux mettent en garde la partie intellective de notre âme contre la descente dans le monde terrestre et dans l’abîme souterrain, qui est « dépourvu d’intellect » (). Synésios l’appelle le monde aux « sombres rayons » (), car c’est le domaine des corps matériels, qui sont obscurs par rapport à la lumière céleste du monde d’en haut. Comme cela a été soutenu,4 Synésios se fonderait ici sur Porphyre e (III s.), l’exégète et philosophe néoplatonicien, élève de Plotin, et/ou sur les sources de celui-ci. Porphyre est en effet le premier témoin historicolittéraire5 des Oracles chaldaïques qui présentent, entre autres textes parallèles,6 la doctrine du souffle de l’âme. Selon cette théorie platonisante attestée au IIe siècle au Proche-Orient par des auteurs et dans des ouvrages philosophiques, gnostiques et hermétiques, le souffle est le vêtement et le véhicule,7 constitué de substance astrale, que l’âme attire 4
Theiler 4 et passim. Cf. Athanassiadi, « The Chaldaean Oracles ... » 152 n. 15. 6 Zambon, « Il significato filosofico ... » (spéc. 315 et notes ad loc.) signale plusieurs attestations de la doctrine du véhicule pneumatique de l’âme au IIe s. de notre ère : OC 61.120 ; Basilide ap. Clément d’Alexandrie, Strom. II 20, 112, 3 ; Galien, De plac. Hipp. et Plat. 474, 22 ; Corp. Herm. X 13, 17 ; Poim. 25. 7 Cf. Lewy 184 n. 30. 5
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vers elle durant sa descente dans le monde terrestre et restitue aux sphères célestes en remontant à son lieu d’origine.8 C’est sans doute en suivant Porphyre et en puisant à son arrière-plan médio-platonicien que Synésios élabore donc sa doctrine du souffle fin, chaud et léger, qui est entraîné par l’âme lorsque celle-ci s’envole vers sa patrie céleste, et du souffle épais, humide et lourd, qui entraîne l’âme avec lui en sombrant dans le lieu souterrain. Ainsi, Synésios adopte et adapte à sa propre doctrine du souffle imaginatif de l’âme quelques vers des Oracles chaldaïques, pour montrer que les dieux mettent en garde notre intellect des dangers de tomber dans le monde des corps matériels, puis d’être entraînés encore plus bas dans l’abîme de la matière « illusoire » (), « se réjouissant de fantômes » (). Le but de Synésios est de montrer que le souffle pur de l’âme est le réceptacle des véritables empreintes des êtres, alors que le souffle impur et trouble est le fantôme des âmes dans l’audelà souterrain. C’est pourquoi, selon lui, les âmes des hommes de bien, celles qui gardent leur souffle pur, reçoivent des prémonitions divines en rêve. Synésios utilise donc les vers des Oracles chaldaïques pour étayer sa propre théorie des apparitions oniriques qui est postérieure à et différente de la doctrine chaldaïque du corps pneumatique de l’âme. En outre, l’on peut douter de la littéralité de sa citation : l’un des attributs de l’abîme, (« dépourvu d’intellect »), ne correspond pas à l’ (« dépourvu d’utilité ») qui figure dans les mêmes vers oraculaires cités par Damascius (In Parm. II 316 sq.), comme nous le verrons. Bien évidemment, (« dépourvu d’intellect ») est la leçon qui convient parfaitement à Synésios, car l’argument qu’il développe ici porte justement sur l’Intellect.9 Ainsi, d’une part notre auteur présente son interprétation néoplatonicienne de l’oracle et d’autre part il révèle la matrice médio-platonicienne de celui-ci. Afin de restituer le texte de notre oracle de manière plus fidèle à l’original et de mieux comprendre la doctrine à laquelle il fait référence, il faut tout d’abord en étudier la tradition, c’est-à-dire examiner les autres sources du fragment, qui en donnent des versions plus ou moins
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OC 29.35.61b.104.123.216. De même, l’attribut (« illusoire ») de Synésios ne correspond pas à la leçon donnée par Damascius : (« amorphe »). Du point de vue métrique, les termes sont équivalents, mais Synésios choisit le premier pour mieux l’adapter à son propos.
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différentes, pour passer ensuite à l’analyse de son contenu philosophique et religieux. Le témoignage de Proclus Un témoignage postérieur et secondaire sur le texte chaldaïque est celui de Proclus (Ve s.), philosophe platonicien, élève de Syrianus et Diadoque de l’École philosophique d’Athènes. Proclus est l’auteur de plusieurs commentaires, traités, hymnes, ainsi que de la Théologie platonicienne. Celle-ci est un ouvrage systématique qui constitue une initiation aux mystères théologiques de l’Un et des classes des dieux, à savoir de tous les ordres et de toutes les séries qui composent la hiérarchie divine. Dans le premier livre de la Théologie platonicienne, après avoir affirmé que le Parménide est le dialogue qui contient l’intégralité de la théologie de Platon, Proclus se consacre aux démonstrations fondamentales sur les attributs divins qui se trouvent dans un autre écrit platonicien : les Lois. Selon Proclus (Th. Pl. I 31 sq.), c’est ici que Platon démontre l’existence des dieux, ainsi que leur providence et leur puissance dans la production des êtres inférieurs. Le premier point abordé par Proclus est le fait que les dieux existent, ce qui le conduit à distinguer chaque réalité par rapport au mouvement : les êtres mus, ce qui meut et ce qui est immobile. Voici donc Proclus, Th. Pl. I 35 sq. (p. 65 sq. S. - W.) : Le corps donc et tout ce sensible-là fait partie des êtres qui sont mus par autre chose, alors que l’âme se meut par elle-même, puisqu’elle a lié à elle tous les mouvements des corps ; et avant elle vient l’intellect qui est immobile. Et ne pense pas que pour moi cet immobile-là soit comme ce que nous disons être sans activité, sans vie et sans souffle, mais qu’au contraire, il est la cause principielle de tout mouvement et la source, si tu veux, de toute vie, qui se
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Lucia Saudelli convertit vers elle-même et qui a son existence dans les autres. C’est pour ces raisons que le monde est défini par Timée « vivant animé et intelligent » : il est appelé « vivant » pour sa nature propre et pour la vie qui descend de l’âme en lui et qui se divise conformément à lui ; « animé » pour la présence en lui de l’âme divine ; et « intelligent » pour la supervision de l’intellect. En effet, la circulation de la vie, l’hégémonie de l’âme et la participation à l’intellect tiennent ensemble le ciel entier.
Le passage de Proclus ne présente pas de citation littérale, mais comporte les adjectifs substantivés « sans activité » () et « sans souffle » () qui se retrouvent dans la version la plus complète de notre oracle, celle qui est donnée par Damascius. Le premier attribut apparaît aussi dans un autre fragment oraculaire (94 des Places, p. 47 Kroll), cité ailleurs par Proclus (In Tim. I 318, 17 sq. et 408, 19 sq.), où il est dit que l’âme est plongée dans le « corps sans activité » ( ). D’ailleurs, Proclus (In Remp. II 337, 13-23) affirme aussi que les Oracles comparent le démon sans raison à un chien et, puisqu’il est privé d’intellect, ils le disent « mutilé » (), comme la profondeur mutilée qui apparaît dans la suite de notre oracle.10 Il faut toutefois remarquer que, dans le passage que nous examinons, Proclus ne mentionne pas les dieux ni ne fait référence aux paroles divines ; de plus, son contexte ne fournit pas d’éléments prouvant qu’il s’agit d’une allusion aux Oracles chaldaïques. Dans son argument, Proclus affirme que les corps matériels sont mus par une cause extérieure à eux-mêmes, que l’âme est mue par ellemême, et que l’intellect est immobile. Cependant, selon Proclus l’intellect n’est pas immobile de la même manière que le corps qui, lui, est complètement dépourvu du mouvement de la vie. Le Diadoque oppose ainsi deux types d’immobilité : celle de l’intellect, qui est immobile mais cause de tout mouvement, et celle du corps, qui est immobile car il est privé de tout mouvement.11 Il est évident que Proclus n’a pas ici l’intention de fournir une exégèse de notre oracle. Il ne fait que donner sa lecture néoplatonicienne de la théologie de Platon, et plus précisément de la conception platonicienne du corps du monde, en employant des termes qui appartiennent effectivement au vocabulaire chaldaïque. Proclus connaissait et vénérait 10
Cette référence de Proclus (In Remp. II 337, 13-23) aux Oracles apparaît dans l’éditon Kroll 45, non dans celle de des Places, Oracles 106. 11 Cf. Proclus, Th. Pl. 146. Une confirmation de cette interprétation se trouve chez Simplicius, In Epict. Ench. 6, 7-14 Dübner, où il est dit que les « cadavres » () sont « sans souffle » ().
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les Oracles, qu’il a cités et interprétés dans son Commentaire perdu.12 C’est à Proclus – comme on sait – que nous devons le plus grand nombre de témoignages sur les Oracles comportant des citations littérales ; autrement dit, il est notre source la plus précieuse aussi bien pour la quantité que pour la qualité des fragments oraculaires qu’il nous transmet. Mais pour pouvoir distinguer la conception néoplatonicienne de la conception chaldaïque du corps et de la matière, il est nécessaire de lire le texte de l’oracle au moyen d’une troisième et dernière source. Le témoignage de Damascius Le principal témoin du fragment chaldaïque que nous étudions est Damascius (Ve-VIe s.). Le philosophe païen originaire de Damas fut actif à Alexandrie et à Athènes, en tant que dernier Diadoque de l’École néoplatonicienne, puis, après la fermeture de l’Académie athénienne (529), en Mésopotamie et en Syrie. Dans son Commentaire du Parménide de Platon, Damascius critique Proclus en faisant du Parménide, le dialogue platonicien sur les premiers principes, le fondement d’une nouvelle métaphysique néoplatonicienne. Dans la dernière partie de son commentaire (In Parm. II 314 sqq. R.), Damascius se consacre à la huitième hypothèse du Parménide (164 b 5 - 165 e 1). Cet argument a pour objet la nature des « autres » () par rapport à l’Un, c’est-à-dire les êtres, phénoménaux et composés, qui se distinguent du Premier principe de la réalité par leur particularité et par leur multiplicité, et qui sont susceptibles de naissance et de mort. Damascius (In Parm. II 316) commente cette section du dialogue platonicien en se demandant, entre autres, quelle est l’« hypostase » () des choses du monde sensible, c’est-à-dire leur fondement substantiel. Selon Damascius, Platon nous enseigne que les réalités sublunaires se génèrent et se corrompent toujours, en changeant sans cesse de forme et de nom, comme des images fantomatiques à l’apparence trompeuse. Damascius ajoute que ce sujet a été traité non seulement par Platon, mais aussi par les dieux eux-mêmes, comme le montrent les vers des Oracles chaldaïques qu’il cite (In Parm. II 316 sq. ; p. 125 sq. W. - C.) :
12
Voir Psellus, Opusc. phil. II 126-148.
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Lucia Saudelli , , , ; ; , , ; ; ; , , , , , , , , , , , , . , , , , , . N’est-il pas vrai, en effet, que même Socrate dans le Théétète, dans le Phédon et dans tous les dialogues [platoniciens], et, outre Socrate, l’Étranger d’Élée et Timée lui-même nous indiquent une telle des réalités susceptibles du devenir ? Eh quoi ? Les théologiens ne nous présentent-ils pas les démiurges de ces choses comme des fantômes qui se composent et se dissolvent, et qui semblent Dionysos, mais ne le sont pas ? Eh quoi ? Les dieux ne disent-ils pas les mêmes choses en donnant des oracles sur ce monde-ci ? Ne regarde pas en bas vers le monde aux sombres rayons, sous lequel s’étend un abîme éternellement amorphe et informe, enveloppé de ténèbres, d’une misère sordide, se réjouissant de fantômes, dépourvu d’utilité, anfractueux et tortueux, profondeur mutilée tournoyant perpétuellement, épousant toujours une forme corporelle sans apparence, sans activité, sans souffle (de vie). Ces mêmes aspects sont en effet rassemblés par Parménide aussi : le fait que [le monde] est évanescent, fantomatique et semblable à un rêve, et encore le fait d’être invisible en vérité et apparent seulement de façon fugitive, orné de la parure d’autrui comme les fiancées qui ne sont pas dotées de leur propre beauté.
Le témoignage de Damascius nous fournit la version la plus étendue du fragment oraculaire. Le Néoplatonicien a recours aux vers chaldaïques pour expliquer la nature du fondement qui constitue les choses relevant du monde de la génération et de la corruption : elles sont dépourvues de véritable essence et leur apparence est mobile et multiple, fugace et éphémère. Damascius s’appuie précisément sur le texte du Parménide de Platon, où il trouve des références à la « vision en songe » ( ) (Parm. 164 d 2) et à l’« illusion optique » () (Parm. 165 c 7) des peintures en trompe-l’œil, pour affirmer que la substance
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des réalités sensibles est une « illusion optique » () (In Parm. 314, 14) ressemblant aux « images oniriques » () (In Parm. 314, 15). Le Néoplatonicien remarque que cela se trouve confirmé dans d’autres dialogues de Platon, tels que le Théétète et le Phédon, et que cette même vérité est voilée dans les mythes des théologies orphiques sur la naissance et la mort de Dionysos, et révélée par les dieux eux-mêmes dans les Oracles chaldaïques au sujet du monde d’icibas. Le passage montre que Damascius connaît et utilise sans doute les exemplaires des ouvrages de son prédécesseur Syrianus Sur la théologie d’Orphée et Accord d’Orphée, Pythagore, Platon avec les Oracles chaldaïques, que son disciple Proclus devait avoir remplis de notes en marge13 ou peut-être édités.14 Damascius aurait ainsi hérité de cette incorporation des Rhapsodies orphiques et des Oracles chaldaïques qui caractérise la théologie du néoplatonisme athénien au Ve siècle de notre ère. Son témoignage représente en effet la tentative du philosophe d’harmoniser l’enseignement de Platon avec les mythologies d’époque archaïque et surtout avec les révélations de divinités proche-orientales auxquelles il accordait une place privilégiée. Selon Damascius, aussi bien Platon que les théologiens anciens et les dieux eux-mêmes ont considéré le monde sensible comme le domaine des apparences changeantes, inconsistantes et fugitives. Cependant, le concept d’« hypostase » () – c’est-à-dire de substrat de la réalité matérielle – que Damascius ne trouve pas dans le texte de Platon mais introduit pour sa démonstration, révèle l’écart qui existe entre le passage du Parménide et les vers chaldaïques, et dévoile l’interprétation néoplatonicienne donnée par l’auteur. L’abîme de l’oracle n’est ni le monde sensible ni, à proprement parler, son hypostase : la conception chaldaïque de l’abîme souterrain se distingue aussi bien de celle de Platon que de celle de Damascius. Or, après avoir étudié les diverses significations que ce texte oraculaire assume dans les différents contextes néoplatoniciens, où il est cité ou évoqué, en tout cas exploité, nous allons maintenant en rechercher la signification originaire la plus probable.
13
Cf. Marinus, Vit. Procli 27. Voir à ce sujet Brisson, « Orphée et l’Orphisme ... » ; Saffrey, « Accorder entre elles ... ». 14 Cf. Suid. Lex. IV 210, 12 sq. ; 479, 1 sq. Adler.
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Le fr. 163 des Places (p. 62 Kroll) des Oracles chaldaïques Cet oracle représente un avertissement des dieux à l’âme humaine, pour qu’elle ne se tourne pas « vers le monde aux sombres rayons » ( ).15 Ce lieu ténébreux est la zone sublunaire, définie dans un autre oracle comme « le monde qui hait la lumière » ( ) (OC 181),16 par opposition aux rayons resplendissants du Père qui illuminent le domaine d’en haut, la sphère céleste et intelligible.17 Selon notre oracle, le cosmos terrestre coiffe un « abîme » () sans forme, qui est qualifié d’« anfractueux » () et de « tortueux » (). Comme d’autres fragments oraculaires le montrent, pour les auteurs chaldaïques l’« anfractuosité » est ce qui gît sous terre,18 et la matière se constitue de courants « tortueux » (OC 164 et 172). Cet abîme est en outre « enveloppé de ténèbres » () et « d’une misère sordide » (), c’est-à-dire obscur et trouble, et se meut d’un mouvement tumultueux et confus, car il est dit « tournoyant perpétuellement » ( ). L’abîme en question n’est donc pas un corps sensible, mais une réalité membraneuse et cartilagineuse dont on ne peut saisir les contours,19 une nature changeante et transitoire aux multiples aspects,20 comme l’indique le qualificatif « se réjouissant de fantômes » (), et comme le confirme l’expression : « épousant toujours une forme corporelle sans apparence, sans activité, sans souffle de vie » ( , , , ). Les caractéristiques de l’abîme de notre oracle rappellent tout d’abord les épithètes du « matériau » () dont parle Platon dans ce récit cosmogonique qu’est le Timée,21 le dialogue le plus lu et le plus commenté par les philosophes médio-platoniciens. La chôra platonicienne est une substance ainsi qu’un lieu primordiaux, c’est le réceptacle « invisible » () et « informe » () (Tim. 51 a), c’est-àdire sans corps et sans figure, qui reçoit toutes choses sans prendre jamais un aspect déterminé et définitif, car il apparaît tantôt sous un aspect, tantôt sous un autre. Selon Platon (Tim. 52 d sqq.), la chôra, à la fois matière et espace originaires, a une caractéristique fondamentale : 15
Voir également OC 164. Cf. OC 134. 17 Cf. OC 35.115.213. 18 Voir OC 158. 19 Cf. OC 68. 20 Cf. OC 34. 21 C’est la remarque de Tonelli 316. 16
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elle est constamment agitée par un mouvement mécanique, désordonné et irrégulier. Mais pour mieux comprendre le concept oraculaire d’abîme et la mise en garde des dieux chaldaïques contre la tombée des âmes dans celui-ci, il faut prendre en considération – outre Platon – au moins deux parallèles relevant du médio-platonisme syrien. Pour le néo-pythagoricien Numénius (IIe s.), l’auteur le plus proche des Oracles chaldaïques par l’époque historique et la position géographique, le monde est un mélange de bien et de mal, car sa forme provient de Dieu et sa substance est matérielle.22 « La matière est en effet un fleuve impétueux et instable : elle est indéfinie et illimitée en profondeur, en largeur, en longueur » ( , ).23 C’est pourquoi, pour le philosophe d’Apamée, les corps ne demeurent jamais dans le même état et dans le même lieu, et ils sont susceptibles de dissolution et de désintégration.24 À propos des âmes qui descendent du ciel dans le monde sensible, Numénius affirme aussi que certaines d’entre elles, à la fin de la vie terrestre, sont envoyées « au lieu souterrain et aux fleuves de là-bas » ( ), c’est-à-dire dans la région de l’Hadès ou Tartare.25 Dans un tout autre contexte, les gnostiques « Pérates » (IIe s. ?)26 – qui doivent leur nom au fait qu’ils se considèrent comme les seuls à pouvoir « traverser » () le monde corruptible et monter au ciel27 – sont accusés par les Chrétiens orthodoxes d’avoir outragé l’enseignement du Christ en empruntant leur doctrine aux astrologues chaldéens. L’hérésiologue de la Refutatio omnium haeresium, soit Hippolyte de Rome (Ref. omn. haer. V 14), cite un écrit des Pérates où il est question de Kronos, « la puissance qui vient du chaos » ( ), c’est-à-dire « du limon de l’abîme » ( ), la puissance « qui a la couleur de l’eau » () et « qui est toujours en mouvement » (), qui procure la mort à tout être engendré : autrement dit, qui détermine la corruption de toute génération. Mutatis mutandis, l’abîme de notre oracle chaldaïque, profondeur ténébreuse et tourbillonnante, ressemble à l’Hadès évoqué par le néo22
Voir Moreschini, Calcidio 766 n. 807. Numénius, fr. 3 des Places. 24 Cf. Numénius, fr. 4a.8 des Places. 25 Numénius, fr. 35 des Places. 26 La parenté entre les Oracles chaldaïques et les systèmes gnostiques (et hermétiques), déjà signalée par Kroll 70, a été étudiée en particulier par Tardieu, « La Gnose valentinienne ... ». 27 Cf. Ref. omn. haer. V 16. 23
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pythagoricien Numénius et au chaos dont parlent les gnostiques Pérates, et cette ressemblance s’explique en raison de la commune matrice philosophique. Les Médio-platoniciens ont en effet considéré la matière comme une essence préexistante au monde, douée d’un mouvement intrinsèque, continu et confus, mais aussi comme l’origine et la cause du mal28, et parfois comme le mal lui-même.29 Le but de ces penseurs est évidemment d’éviter l’imputation des maux de la vie terrestres au dieu, pour les reconduire à une source mauvaise antérieure au monde. 30 De plus, selon l’exégèse médio-platonicienne des textes anciens et sacrés, les fleuves infernaux – le Styx, l’Achéron, le Cocyte, le Phlégéthon et le Léthé –, qui dans l’ancienne cosmologie grecque et platonicienne s’enroulent en spirale,31 ne seraient qu’une allégorie des éléments matériels.32 Cette idée de matière, comme substance fluide à la nature mauvaise, résulte vraisemblablement d’une lecture exégétique des œuvres de Platon33 à la lumière de l’image du fleuve d’Héraclite,34 du concept du flux de la réalité de Protagoras,35 du vocabulaire de la dissolution 28
Sur la matière qui est malfaisante car elle est mue par une âme mauvaise, cf. des Places, « La matière dans le platonisme moyen ... ». Voir aussi Vimercati. 29 Par exemple, la relation que Numénius établit entre la matière et le mal n’est pas claire. Il semble identifier la matière avec le mal ou plutôt avec le principe voire la source de celui-ci (fr. 42.43.52 des Places), mais aussi avec la dyade, avec la nécessité (fr. 11.52 des Places). Il affirme que la matière est l’âme mauvaise du monde (fr. 52 des Places), mais il expose aussi un argument sur l’âme de la matière : elle se meut d’un mouvement intérieur qui lui est propre (fr. 52 des Places). Le locus classicus auquel se réfère Numénius est le passage des Lois (X 896 e 4-6) où Platon parle des deux âmes, diverses et contraires, qui sont à la base de toutes choses : une âme bienfaisante et celle qui est capable de faire le contraire. Cette âme malfaisante, pour Numénius, est associée à la matière (cf. Calcidius, comm. 300). 30 À l’origine de toute cette spéculation médioplatonicienne, tant païenne que chrétienne (et gnostique), il y a le postulat homérique (Od. I 33 sq.), mais aussi platonicien (Resp. 617 e 4), selon lequel dieu est bon et source de bien, alors que le mal dérive de la substance de l’univers et de la liberté de l’âme. 31 Cf. Platon, Phaed. 113 b. 32 Cf. Lewy 297 n. 147. 33 Platon lui-même, dans le Théétète (152 e), affirmait qu’« en effet, rien jamais n’est, mais tout vient à être à chaque fois. Et sont d’accord sur ce point tous les savants successivement, sauf Parménide : Protagoras et Héraclite, ainsi qu’Empédocle » ( ᾽, . , ). 34 Cf. les soi-disant fragments « du fleuve » d’Héraclite : 12, 49a et 91 Diels-Kranz. 35 Cf. 80 A 14 DK.
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d’Empédocle,36 mais aussi des spéculations cosmologiques, psychologiques et eschatologiques du début de l’ère chrétienne. La pensée médioplatonicienne se caractérise justement par l’harmonisation de la doctrine de Platon avec celle de ses “disciples” comme Aristote et de certains Stoïciens, mais surtout avec celle de ses “maîtres” comme Pythagore 37 et les autres sages pré-platoniciens, grecs et “barbares”. C’est pourquoi aux premiers siècles de notre ère, quand on s’interroge sur la question de l’âme, de son existence terrestre, de son rapport avec le divin et le mal, on assiste à la prolifération de pseudépigraphes orphiques38 et pythagoriciens,39 ainsi qu’à la citation massive des fragments présocratiques. Les doctrines des premiers poètes et penseurs grecs – c’est-à-dire des premiers « théologiens » – se trouvent comparées à celles du prophète Moïse, des prêtres égyptiens ou des mages orientaux, aussi bien par des philosophes païens40 que par des auteurs juifs et chrétiens.41 Si donc les Médio-platoniciens avaient recours aux Pré-platoniciens dans leurs interprétations de Platon, ce n’est pas par hasard qu’on retrouve des échos présocratiques dans les Oracles chaldaïques, qui sont un produit du médio-platonisme.42 Et c’est pour la même raison que les Néoplatoniciens postérieurs confondent parfois les vers présocratiques et chaldaïques. Un témoignage significatif est celui de Proclus (In Crat. CLXXIV 97, 21 sqq. Pasquali) qui prend Apollon pour modèle : selon lui, le dieu est présent dans toutes les sphères du monde – du ciel aux enfers –, mais à chaque fois de manière différente. Dans le monde sublunaire, il est avant tout le guérisseur. En considérant le domaine de la matière où règnent toutes les maladies, Proclus juxtapose alors les vers (2-3) du fragment d’Empédocle (31 B 121 Diels-Kranz) et les vers des Oracles chaldaïques (OC 134) qui nous sont restitués par le manuscrit 36
Cf. infra p. 59 sq. Chalcidius (comm. 297), par exemple, consacre la dernière section de son Commentaire au Timée de Platon au principe de la matière. Il affirme que les Stoïciens et Pythagore s’accordent sur le fait que la matière est dépourvue de forme et de qualité. Mais contrairement aux Stoïciens, Pythagore pense qu’elle est mauvaise. C’est à propos du problème de l’origine du mal que Chalcidius a recours à Numénius (fr. 52 des Places), selon qui la doctrine pythagoricienne des deux principes (Monade et Dyade) – par opposition aux deux causes de la réalité admises par les Stoïciens (Dieu et la matière) – s’accorde à celle de Platon. 38 Voir Brisson, Orphée, poèmes magiques et cosmologiques. 39 Pour les pseudo-Pythagorica, l’on peut consulter l’édition et l’étude de Thesleff. 40 Cf., par exemple, Numénius, fr. 30 des Places, ap. Porph., De antro 10. 41 Cf. Mansfeld 50 sq. 42 Cf. Brisson, « Le commentaire comme prière ... ». 37
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Parisinus graecus 1853 (fol. 68 r°).43 C’est en effet une habitude de Proclus d’associer les paroles d’un théologien ancien (ici le poète présocratique) à celles des dieux eux-mêmes (les révélations oraculaires),44 mais l’examen comparatif des textes démontre qu’il faut laisser à Empédocle le vers (2) sur le meurtre et les autres plaies, et lui retirer le vers (3) « maladies desséchantes, putréfactions et œuvres d’écoulements » ( , ) pour le rendre aux Oracles chaldaïques.45 Conclusions En guise de conclusion, nous dirons que, par-delà les diverses interprétations néoplatoniciennes de la fin de l’Antiquité, notre fragment des Oracles chaldaïques représente une soi-disant révélation divine, inspirée du platonisme syncrétiste du IIe siècle de notre ère, sur ce mal qu’est pour l’âme la chute dans le monde sublunaire des corps et de la matière. En dépit de la ressemblance avec la spéculation et la littérature parallèles, nos vers chaldaïques, rapprochés des autres oracles et considérés dans leur ensemble, révèlent toute la singularité d’une philosophie et d’une religion à part entière. Selon la doctrine philosophique et la croyance religieuse véhiculées par l’oracle, en dessous de ce monde d’ici-bas s’ouvre un abîme souterrain, sombre et sordide, agité par un mouvement frénétique, peuplé de spectres sinistres. Mais si l’âme descend sur terre pour entrer dans un corps de chair, il ne lui reste qu’à s’en détacher le plus possible pendant la vie humaine, en purifiant par des rites théurgiques son « souffle », le revêtement ou véhicule pneumatique qui lui permettra de remonter à tired’aile à son lieu d’origine, c’est-à-dire à la lumière du Père. Ainsi, l’âme ne sera pas entraînée dans l’abîme ténébreux, mais s’envolera vers le ciel lumineux d’où elle est venue et auquel elle appartient par nature.
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Saffrey, « Nouveaux Oracles chaldaïques ... » 64. Cf. Proclus, In Tim. III 325, 28 et In Remp. II 156, 17-18 ; 157, 24. 45 De même, West retirait à Héraclite un fragment – connu par une glose d’Aréthas dans le manuscrit d’Oxford Bodl. Misc. Gr. 251 (fol. 157 r°) des Entretiens d’Épictète et déjà considéré comme douteux (fr. 136 Diels-Kranz) – pour le rendre aux Oracles chaldaïques (fr. 159 des Places). 44
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L’empereur Julien entre culte d’Attis, Oracles et théologie solaire Introduction On doit à l’empereur Julien, dans son discours-hymne À la Mère des Dieux, l’exégèse ancienne la plus développée du mythe et des festivités rituelles liées au dieu phrygien Attis et à la Mère des Dieux, Cybèle. Malgré plusieurs études, ce texte n’a pas encore reçu toute l’attention qu’il mérite : il nous donne en effet un éclairage précieux sur l’histoire des techniques d’exégèse mythique et sur les évolutions de la théologie païenne aux premiers siècles de notre ère, car il est à la fois représentatif de façon générale du foisonnement d’idées qui caractérise cette période, et témoigne en particulier des théories des premiers néoplatoniciens, avant l’apparition de l’école d’Athènes. Il est, par bien des aspects, à la croisée des chemins : par les thèmes abordés (mythologie, cosmologie, théologie hiérarchique, théurgie et pratiques rituelles), les influences possibles (outre le néoplatonisme, les Oracles chaldaïques sont expressément cités ; le discours a également été rapproché de la gnose).1 Ceci 1
J’adresse pour commencer mes remerciements les plus vifs à M. C. De Vita qui a bien voulu relire cet article et m’a suggéré plusieurs corrections et ajouts bibliographiques. Cf. Turcan, « Attis Platonicus » ; Sfameni Gasparro, « Interpretazioni gnostiche ... » ; Lancellotti, Attis et The Naassenes ; Bouffartigue 375-379, qui rapprochent Julien (notamment lorsque celui-ci localise Attis au niveau du cinquième corps et de la Voie lactée : cf. À Hélios-roi, Or. XI (IV) 165b-c) de la notice sur les Naassènes donnée au Livre V de l’Elenchos (ou : Réfutation de toutes les hérésies). Nous pensons pour notre part que l’interprétation philosophique du mythe d’Attis donnée par Julien se comprend dans le cadre conceptuel des premiers néoplatoniciens (Porphyre et Jamblique), sans qu’il soit nécessaire de postuler une source gnostique. Les parallèles allégués, dont aucun n’est textuel, s’expliquent par l’accession d’Attis au rang de divinité cosmique dans l’Antiquité tardive et par la vogue des figures de médiateurs divins (laquelle dépasse largement le cycle d’Attis) : tant Julien que les Gnostiques sont influencés par ce contexte spirituel, mais leurs perspectives sont assez différentes : la version gnostique insiste sur la sotériologie et l’anthropologie (Attis
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n’est pas sans plonger le lecteur dans une certaine perplexité : Julien affirme son originalité, pourtant la philosophie néoplatonicienne est présente pour ainsi dire à chaque page du discours, et le travail d’identification des éléments en question n’en est qu’à ses débuts.2 La difficulté est représentative de toute l’œuvre de Julien, car il offre le paradoxe d’avoir conçu un système théologique complexe, reposant sur des intuitions indubitablement néoplatoniciennes et un culte du Soleil inspiré du VIe livre de la République ; un système pourtant complètement ignoré en tant que tel par les néoplatoniciens de l’école d’Athènes. Chez eux, on ne retrouve que des éléments épars, pourtant parfois tellement proches de ce qu’on trouve chez Julien que l’hypothèse d’une source commune s’impose à l’esprit. Nous entendons proposer au lecteur un passage en revue de quelques-unes de ces difficultés et esquisser de possibles solutions : ce sera également pour nous l’occasion d’offrir quelques réflexions sur un des plus épineux problèmes du premier néoplatonisme, à savoir l’origine et la nature de la « théologie solaire » rattachée tantôt au nom de Porphyre, tantôt à celui de Jamblique. 1 Le discours de Julien : éléments d’interprétation 1.1 Éléments généraux L’entreprise de Julien apparaît dans le contexte d’une époque qui voit la montée en puissance du culte de la Mère des Dieux, cible de nombreux polémistes chrétiens, et l’accession du dieu Attis au rang de divinité cosmique.3 Cette évolution est représentative d’une évolution plus générale de la religion païenne vers une théologie plus rigoureuse, chargée d’expliquer la formation du monde, la condition de l’homme et la possibilité de son salut : d’où l’importance que prennent à cette époque les cultes dits « à mystères ».
comme figure de l’Anthrôpos céleste, spéculation parfaitement étrangère à Julien), tandis que Julien met l’accent sur la cosmologie en faisant d’Attis un démiurge. 2 Nous voulons ainsi apporter des compléments à l’étude fouillée d’A. Penati, « L’influenza ... » ainsi qu’à Bouffartigue 306-309 ; Masullo ; R. Smith et De Vita, Giuliano imperatore, en part. 157-161. 3 Sur ce dernier point, cf. Lancellotti, Attis 115-118 ; sur la Mère des Dieux, Borgeaud.
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Ces transformations ont façonné l’esprit du jeune Julien et elles expliquent que le discours À la Mère des Dieux apparaisse comme ce que nous nommerons une fantaisie cosmique et élémentaire. 1.1.1 Une « fantaisie cosmique » Par ce terme, nous entendons désigner la mise en scène de l’œuvre de Julien. Dans l’interprétation qu’il donne du mythe d’Attis, celui-ci est en effet un principe cosmique, porteur des raisons célestes qu’il diffuse dans le monde sublunaire. Julien le place en dépendance du « cinquième corps », c’est-à-dire l’éther aristotélicien (165a-b ; 171a). Son existence aurait donc pour fin de rédimer la fracture, souvent vigoureusement dénoncée,4 entre le Ciel, lieu de perfection, et le monde sublunaire, lieu du hasard et du mal ; de la rédimer, tout en la justifiant en partie, car Julien a soin de décrire Attis comme « le dernier des dieux » (168a), en danger de se perdre dans le chaos matériel qu’il est chargé d’organiser. La Providence triomphe toutefois, et le retour d’Attis auprès de la Mère des Dieux marque le triomphe de la forme, porteuse de Limite, sur la matière, marquée par l’illimitation (171b-d).5 Cette dialectique trouve son répondant dans les cycles cosmiques d’alternance des saisons, ou plus précisément des solstices et équinoxes : l’équinoxe de printemps, où le jour prend définitivement le pas sur la nuit, est le symbole de la victoire du dieu (171c-172a ; 175a-b).6
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Par ex. Tatien, Or. ad Graec. 2, 2 ; Atticus, Fr. 3 ; [Hippolyte], Ref. omn. haer. VII 19, 2 ; Calcidius, comm. 250. Sur l’origine dans la tradition aristotélicienne (plus que chez Aristote lui-même) de la coupure entre monde supralunaire et sublunaire relativement à la Providence, cf. Thillet 26-30.42-43. 5 Nous ne donnons ici que quelques brèves indications qui n’épuisent pas la richesse de signification de l’œuvre de Julien, qui est simultanément 1) un récit de la « chute » d’un principe divin, dans le goût gnostique (motif du salvator salvandus) ; 2) un récit de salut, car ce principe remonte dans le monde divin et constitue un modèle pour la remontée des âmes (169c-d) ; 3) une description de la démiurgie, conçue fondamentalement comme une opération d’imposition d’une limite sur l’illimitation matérielle et reposant sur l’idée que la création des êtres périssables doit être assumée par une puissance démiurgique inférieure (Attis), subissant le contrecoup de sa sollicitude. C’est également une apologie philosophique d’un cycle mythique férocement attaqué par les polémistes chrétiens. 6 Des précédents se trouvent chez Numénius, cité par Porphyre dans le De antro 21 (identification des deux portes de l’antre d’Homère aux tropiques, « extrémités du ciel »), et chez Porphyre lui-même, tel que reflété dans la théologie solaire des Sa-
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1.1.2 Une « fantaisie élémentaire » Outre l’aspect cosmique, le mythe d’Attis dans la version qu’en donne Julien – et qui est déjà une interprétation – repose sur des notions, là encore très généralement partagées, sur les valeurs associées aux différents éléments. Pour notre auteur en effet, le principe porteur de forme, donc d’intelligibilité et de beauté, est associé au feu (167b) et à la lumière ; à l’inverse, l’eau – symbolisée par la Nymphe qui séduit Attis – est un principe maléfique, associé à la matière et donc au principe de l’Illimité, l’.7 La terre et la région matérielle ne sont guère mieux valorisées (170d ; 175b-176b). Julien dépend ici d’une hiérarchie des éléments dont la clé d’interprétation n’est plus uniquement physique, mais théologique. Le point de départ se situe bel et bien dans la physique de Platon et d’Aristote, qui – et de ce point de vue elles ne diffèrent nullement – considéraient l’eau et la terre comme les éléments les plus lourds, situés par conséquent en bas, et inversement l’air et surtout le feu comme les éléments les plus légers et subtils. Le temps passant, on en est venu à associer la vivacité du feu à celle de l’esprit et à considérer par conséquent le feu comme l’élément « intellectif » entre tous ( ),8 c’est-à-dire l’élément créateur en vertu de la conception grecque répandue (au moins dès le Timée) présentant le dieu créateur comme un certain « Intellect ». À l’inverse, l’eau et la terre se sont vues assimiler à la pesanteur, à l’inertie et à la stupidité de la matière brute. Cette échelle
turnales (I 17, 63). Pour la dépendance de Macrobe envers Porphyre, cf. infra p. 76 sqq. 7 Sur la Nymphe, cf. À la Mère des Dieux, Or. VIII (V) 165c-d. En 177b, la consommation des poissons est prohibée au prétexte qu’habitant l’abîme aquatique, ils sont « plus chthoniens » que les graines. On trouvera d’excellentes remarques sur ce thème dans Näsström 54-57. 8 C’est par excellence le cas dans le stoïcisme, qui fait de Dieu le « feu technique » qui informe la matière de l’intérieur, et s’atténue progressivement : cf. Lewy 120 (le feu comme élément créateur) ; Clément, Strom. V 100, 4 ; Aétius, I 7, 33 (p. 305 sq. Diels) ; Chrysippe apud Cicéron, nat. deor. 1, 39 (SVF Fr. 1077) et Augustin, civ. VIII 5 (SVF Fr. 423) ; [Hippolyte], Ref. omn. haer. I 3, 1 fait remonter ce dogme à Empédocle. Le feu peut inversement se troubler (Plutarque, De Facie 935b). Pour l’expression dans l’astrologie, cf. Cumont, La théologie solaire 15. La valorisation du feu et dépréciation de l’eau a un précédent notable chez Héraclite (Fr. B36 DK, donné par Julien lui-même en 165d : association de l’eau et de la mort de l’âme, et B118 DK : association de la sécheresse et de la sagesse).
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de valeurs est partagée par de nombreux auteurs9 et c’est elle qui explique d’autres parallèles entre Julien et la Gnose : ainsi, les gnostiques Pérates considéraient l’eau – probablement assimilée au chaos aqueux du début de la Genèse – comme un élément démoniaque, gouverné par le dieu Kronos, dont le vrai nom est : « Mer » ().10 On pense encore à l’Antre des Nymphes de Porphyre.11 Là encore, aucune originalité de Julien (sinon dans l’adaptation de ces données à son récit) : il dépend d’un esprit du temps, même si on doit préciser que ce dernier n’est pas monolithique.12 1.2 Éléments propres 1.2.1 Particularités de la valorisation respective des éléments chez Julien Un examen attentif révèle pourtant plusieurs particularités. Tout d’abord, on doit noter que les phénomènes décrits – valorisation extrême du feu et à l’inverse association de l’eau et de la terre à la matérialité – apparaissent avec insistance dans les Oracles chaldaïques, que Julien se reconnaît explicitement comme source dans le discours À la Mère des
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On pense à l’hermétisme : au début du Poimandrès (Corpus Hermeticum Traité I), on retrouve un intellect divin émanant un Verbe qui, sous la forme d’un feu vif, s’élance vers la Nature humide pour la créer (§ 5). Cf. également Paraphrase de Sem (NHC VII 1) 18, 5 : un vêtement de feu revêtu par le Sauveur pour descendre dans la Nature, et 37, 6 - 38, 28 (promotion de la Nature, liée à l’eau, au rang de principe maléfique) ; Ref. omn. haer. I 2, 13 : dualisme dieu céleste, participant à l’air et au feu, contre dieu terrestre, participant à l’eau et à la terre. 10 Cf. Ref. omn. haer. V 16, 2-3 (voir aussi 19, 5 et 20, 10) et la contribution de L. Saudelli dans ce volume. 11 De antro 5 (association de l’antre humide et obscur à la matière). L’opposition feu/eau est un des rares points pour lesquels on peut raisonnablement supposer une influence directe de Porphyre sur Julien (cf. Bouffartigue 374 sq.). Mais Jamblique, Réponse à Porphyre (De Mysteriis) 111.18-20 S. - S. décrit aussi plusieurs réalités « aquatiques » (le fleuve Amélès, l’eau du Léthé) comme espèces du mal. 12 Ainsi, toute une tradition valorise l’eau, élément vivifiant employé notamment lors du baptême. Dans les Homélies ps.-clémentines (recension grecque), le feu est un principe démoniaque, cf. particulièrement IX 9, 5 et 11, 3 ; XX 9, 4-5. À l’inverse l’eau est positive (XI 26, 4) : selon la note de l’édition Pléiade à ce passage [Le Boulluec et al.], ces valeurs étaient partagées par les osséens et les elkasaïtes (cf. en effet Épiphane, Panarion XIX 3, 6-7, qui parle de la « voix de l’eau », qui est comme le répondant de la « voix du feu » des OC, Fr. 148 v. 3).
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Dieux.13 Les parallèles sont étroits. L’association du feu et de l’intelligibilité se prévaut des Oracles, dans lesquels le Dieu suprême est décrit sous forme ignée ;14 la région basse, lieu des éléments aqueux et terrestre, y devient la « profondeur » matérielle, opposée à celle du Premier dieu qui désigne sa transcendance.15 Outre ces données, Julien emploie plusieurs vocables issus des Oracles.16 Bien sûr, les Oracles, écrit médioplatonicien au croisement de multiples traditions, dépendent euxmêmes de l’esprit du temps décrit plus haut :17 on a pu les décrire comme une forme de gnose païenne. Mais il n’est pas sans intérêt de pouvoir raffiner notre analyse et d’identifier dans ce texte un relais précis de cet esprit du temps dans l’œuvre de Julien. Plus intéressant encore, on note des similarités d’inspiration entre Julien et le néoplatonicien athénien Proclus, qui dans son Hymne I – dont nous aurons toute occasion de reparler – oppose en termes chaldaïques les « profondeurs » de la matière et le « feu intellectif » dont le Soleil est « roi ».18 Outre le À la Mère des Dieux, ces associations renvoient aux autres écrits théologiques de Julien, particulièrement À Hélios-Roi. Nous touchons ainsi du doigt pour la première fois un point qui fera fréquemment récurrence dans ces pages, à savoir la présence de parallèles doctrinaux entre Julien et les néoplatoniciens athéniens, qui pourtant ne 13
Cf. Or. VIII (V) 162d ( ) ; 172d ( ) ; 175c ( ). 14 OC 5. Ce Feu divin transcendant s’oppose au feu mobile et créateur auquel Julien assimile Attis. Sur le feu dans les Oracles, cf. Saffrey, « L’Hymne IV ... » 197 (et 202 à propos du « flot » aquatique) ; Fauth 127, qui renvoie à Kroll, De oraculis 5358. 15 Cf. l’article de L. Saudelli dans ce volume sur le Fr. 163, et en part. le témoignage de Damascius. Le Fr. 163 est décelé dans le discours de Julien par A. Penati, qui note l’emploi de dans ce fragment (v. 1) et sa récurrence chez Julien (166c5 et d3) : cf. Penati, « Le seduzioni ... » 331. La Terre chaldéenne ( , OC 113 v. 2, cf. Fr. 114.157 et Lewy 172 n. 402) est le lieu le plus matériel. Elle est le lieu des démons, conjointement avec l’air et l’eau (OC 91.92). Le motif de la vague a, chez Synésius (influencé par les Oracles ?) une connotation négative, par ex. Hymne I 582-583 / et VIII 66 . Pour le Premier dieu comme « profondeur paternelle », voir OC 18. 16 Ainsi (Fr. 207, cf. Or. VIII (V) 165d, référence absente chez des Places), (Fr. 158, cf. 170d.175c.179d). 17 Un des axes majeurs de l’étude de Lewy a ainsi été de replacer les Oracles dans leur contexte médio-platonicien, en confirmant le jugement de Kroll, De oraculis 69 sq. 18 Cf. respectivement v. 3.25 et 1.
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mentionnent jamais ses œuvres philosophiques et presque jamais sa personne.19 1.2.2 Le Soleil dans la théurgie : sa valeur anagogique Le discours de Julien se fonde sur la notion d’« élévation » (), dont H. Lewy a montré le caractère chaldaïque.20 Ainsi pour la mention des rayons solaires, que Julien qualifie d’« élévateurs » ( , 172a8).21 Le passage-clé à ce sujet est 172a8-d2 : ... le soleil fait tout sortir de la terre ( ), il rappelle tout à lui () et fait tout bourgeonner par sa merveilleuse chaleur qui tout embrase : il décompose les corps jusqu’à l’extrême ténuité, et il allège () ceux qui par leur nature se portent vers le bas ... Celui qui réalise ainsi un tel prodige dans les corps, grâce à sa chaleur corporéiforme, comment pourra-t-il se faire qu’il ne tire pas, n’élève pas ( ) aussi les âmes bienheureuses au moyen de la substance invisible, absolument incorporelle, divine et pure qui réside dans ses rayons ? Puisqu’aussi bien cette lumière-ci est naturellement parente des dieux et de ceux qui s’affairent 22 afin d’être élevés () ... il est démontré que la lumière des rayons de ce Dieu aussi est élévatrice (), en vertu de son activité visible et invisible, qui, remplissant la multitude des âmes, les a élevées () hors de la région des sens, parce qu’elles avaient suivi celui d’entre eux qui, entre tous, est le plus clair et le plus semblable au soleil [= la vue].
Le paragraphe se conclut sur la mention du « Chaldéen » (qui d’autre que Julien le Théurge, mentionné dans la Lettre 12 de l’Empereur ?) et du « Dieu aux sept rayons » qui aurait fait partie de sa spéculation23 et 19
Rares exceptions chez Marinus, Vit. Procli § 36 ; Ammonius, In Anal. Pr. 31.1722. 20 Lewy 177-226. Pour son emploi dans le discours À la Mère des Dieux, cf. De Vita, Giuliano imperatore 163-165. 21 est un terme chaldaïque, cf. OC 190. Cf. Lewy 186. Écho chaldaïque peut-être également avec le feu de 172b, qui rappelle le du Fr. 65, cf. Penati, « L’influenza ... » 553 n. 69. Sur les pratiques magiques et théurgiques (chaldaïques) impliquant le Soleil, cf. Eitrem 53-62 et Fauth 142 ; en lien avec Jamblique, cf. Shaw 216-228. 22 , cf. l’emploi du même verbe dans les Oracles aux Frs. 6 v. 2 ; 115 v. 1 ; 116 v. 2 ; 134 v. 1 avec l’idée d’une remontée vers le monde divin. 23 Il n’est pas absolument certain que ce dieu soit apparu dans les Oracles euxmêmes : il peut en effet n’avoir trouvé place que dans les ouvrages publiés en guise de commentaire par les deux Julien (sur ceux-ci, cf. par ex. la scholie signalée par Whittaker, « Proclus, Procopius ... » 312, qui mentionne
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qui avait pour fonction d’« élever les âmes » ( ). Julien ne précise pas davantage l’identité ou les attributions de ce dieu, mais le contexte (ainsi, bien sûr, que la mention des « rayons ») rend évident qu’il s’agit d’une divinité solaire.24 Attis lui-même se retrouve implicitement comparé à ce dieu solaire élévateur, dans la mesure où le cycle de ses mystères est mis en parallèle avec la succession des saisons, qui dépend de la proximité ou de l’éloignement du Soleil : ainsi, le moment de l’excision de l’arbre sacré, commémorant la mutilation d’Attis, coïncide très exactement avec l’équinoxe de printemps, autrement dit, l’instant de l’année où nuit et jour sont égaux et où s’ouvre la période de l’année où le Soleil s’approche de la Terre (168c7-d1 et d4-7), et où le dieu Attis est rappelé auprès de la Mère des dieux (169c1-2 : « Après la mutilation, donc, la trompette sonne derechef le rappel pour Attis [...] »).25 Attis est lui-même « dieu sauveur et élévateur » ( , 173c1-2), comparé aux « rayons héliaques » (165c5). À cette vertu élévatrice du Soleil relayée par Attis s’oppose la matière, comparée au « détritus » () des Oracles :26 la descente d’Attis le met en contact avec le charme maléfique de la matière
). Les autres références sur ce Dieu aux sept rayons (Proclus, In Tim. I 34.21 ; Psellus, = Opusc. phil. I 3, 141-142 ; Accusation de Michel Cérulaire = Orat. for. 1, 901, où Dodds, Les Grecs et l’irrationnel Appendice II n. 18 suggérait de lire au lieu du des manuscrits, ne nous permettent pas de trancher ce point, même si sa présence, que l’on devine derrière l’expression septem radiatos, dans une hiérarchie chaldaïque élaborée conservée par Martianus Capella (Nupt. II 204 ; cf. Seng, 171-174 et Tommasi, The Bee-Orchid 175 sq.), suggère son intégration aux Oracles (il reste alors à expliquer pourquoi l’expression est au pluriel) : par conséquent, le statut du Fr. 194 des Places doit être considéré comme douteux. Le dossier est repris par Albanese qui se prononce pour une identification à Mithra. 24 Cf. Lewy 199 sq. La chose devient virtuellement certaine si on suit le rapprochement par Proclus, In Tim. I 34.20-21 entre le Dieu aux sept rayons et l’, « Dieu élévateur », et qu’on considère que dans l’Hymne I, v. 34, le Soleil est proprement appelé . 25 Ce parallélisme refait surface en 171c1-6 : « lorsqu’il a arrêté la procession de l’illimitation et qu’il a ordonné l’inordonné mondain par la sympathie qui le porte vers le cercle équinoxial, où le grand Hélios dirige la plus parfaite mesure de son mouvement défini, la Déesse le rappelle avec joie auprès d’elle, et bien plus, elle le garde auprès d’elle » ainsi qu’en 175a6-b2. Il est sans doute excessif en revanche de voir dans la « sympathie » ici mentionnée une notion spécifiquement chaldéenne, en suivant l’interprétation de Penati, « L’influenza ... » 560. 26 OC 158.
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(),27 provoque en lui un accès de « démence » (, 167d1-2) suffisant pour provoquer sa mutilation. 1.2.3 Un détail révélateur : l’image d’Attis bondissant et l’idée du feu informateur Ces remarques rendent possible de donner un sens profond à la description physique que fait Julien d’Attis. J. Bouffartigue avait lui-même remarqué l’incongruité des termes de Julien, qui décrit Attis en train de « bondir » () et de « danser » (, 165c4). En l’absence de parallèles littéraires autres qu’une épigramme de l’Anthologie palatine, il faudrait, selon lui, chercher la source de cette description dans un document iconographique.28 En réalité, la métaphore s’éclaire dès lors que l’on remarque que le verbe est précisément celui employé par les Oracles pour décrire le feu « bondissant ». Un premier fragment, le Fr. 146, mentionne ce feu au v. 2 : « Après cette invocation, tu contempleras ou bien un feu qui, tel un enfant, / se dirige par bonds () vers le flot de l’air ». Un passage de Proclus (In Remp. I 110.21 - 111.16) est notre seule source sur ce passage et ne permet pas de comprendre quel est le rôle dévolu à ce feu. Notons toutefois que la comparaison à un « enfant » () pourrait trouver un écho dans la figure d’Attis, traditionnellement représenté sous les traits d’un enfant, et « dernière cause divine » (167d4-5), c’est-à-dire la plus jeune des causes, selon Julien : et c’est bien l’enfance qu’évoque, dès l’abord, le terme « bondissant ».29 De davantage d’intérêt est le Fr. 148, seule autre occurrence du terme dans les fragments conservés des Oracles. Le voici, dans l’édition et la traduction de des Places : , . « Quand tu auras vu le feu sacrosaint briller sans forme, en bondissant, dans les abîmes du monde entier, écoute la voix du feu ».30 27
Or. VIII (V) 166c7 ; le mot intervient au v. 3 du Fr. 135 des Oracles. Cf. Bouffartigue 364. 29 Cf. n. 1 au Fr. 146 dans l’édition des Places des Oracles. 30 Jamblique fait allusion à ce fragment dans la Réponse à Porphyre 58.20-23 (cf. Lewy 244 n. 63), ce qui est de poids pour notre hypothèse d’une éventuelle influence 28
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L’association au « feu » d’un caractère « bondissant » constitue à elle seule un point de rapprochement troublant avec le discours de Julien, dans la mesure où, comme nous l’avons vu, Attis ressortit au domaine du feu. Mais le lieu où évolue ce feu bondissant se retrouve également dans le discours de Julien : il est en effet aisé de lire dans ces les profondeurs obscures de la matière (l’antre, la Nymphe) dans lesquelles Attis est attiré, jusqu’à s’y perdre presque. Le contexte de la description physique d’Attis nous y autorise pleinement, semble-t-il : nous sommes dans un contexte cosmique, où Attis se voit paré du bonnet étoilé qui signifie le Ciel (165b6-7), où le cinquième corps aristotélicien est cité et où le nom du fleuve Gallos est interprété comme , « Cercle » ou « Voie lactée » ; l’image de la « danse » ne peut quant à elle tromper personne : elle renvoie à la « danse » des astres dans le ciel.31 Pour donner plus de poids à cette hypothèse, il convient de nous tourner vers l’Hymne I de Proclus au Soleil. Cet hymne emploie le terme , présent au v. 25. Le passage, comme on va le voir, mérite d’être cité (éd. Vogt, reprise par van den Berg) : · ’ , ’ . « Toi [Hélios], on te célèbre comme père de Dionysos et encore comme AttisÉvan dans les profondeurs dernières de la matière ; d’autres te louent en leurs chants comme Adonis charmant ».
Attis serait ainsi pour Proclus le Soleil, ou plutôt un aspect de celui-ci, pour autant que sa puissance se diffuse jusqu’au fin fond de la matière. sur Julien. Le contexte – comme chez Julien dans notre interprétation – est nettement cosmologique chez Jamblique et ne renvoie pas aux épiphanies d’Hécate, comme dans l’interprétation donnée par Kroll et Lewy. 31 Cf. par exemple Proclus, In Remp. II 17.21 - 18.1 : « Si en revanche il y a seulement un nombre toujours existant comme cause du temps qui fait son cercle selon un nombre, un nombre qui est lui-même intellectif et qui est temps en ce sens qu’il est un Intellect qui mène la danse, c’est lui qui est cause pour le Monde de sa danse : car on appelle « danse » le retour circulaire au même point » (trad. Festugière). Voir en particulier la monographie de Miller ainsi que le commentaire de van den Berg aux v. 8-9 de l’Hymne I de Proclus (Proclus’ Hymns 159 sq.), œuvre dont nous allons parler dans un instant. Julien connaît cette image de la danse céleste, il est vrai fort répandue : cf. Or. XI (IV) 135b1-2 : [scil. ] .
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Julien est très proche d’une telle conception, influencée par les Oracles chaldaïques,32 eux-mêmes relayés par Jamblique.33 Pour Julien aussi, Attis, divinité solaire, comparé aux « rayons héliaques », arrive au contact de la matière, jusqu’à sa limite, symbolisée par la Nymphe, « cause incorporelle ultime qui préside à la matière » (165d1-2). Une telle convergence semble difficile à expliquer autrement que par un recours de Julien et de Proclus à une même source, selon un principe formulé par J. Bouffartigue.34 Il est à noter que l’association d’Attis et du Soleil, si elle a des parallèles (dont le plus important est la doxographie sur le Soleil proposée par Macrobe dans les Saturnales),35 était concurrencée par un 32
Cf. en part. OC 34 (infra p. 73), qui oppose « foudre » (), « fleur du feu » ( ) et « rayons » () aux « cavités des mondes » ( ). Il y a dans les Oracles une opposition entre l’information portée par le feu et la lumière, et la matière conçue comme abîme obscur : cf. Lewy 300 : the penetration of the material world by the rational Ideas, springing from the “first transcendental Fire”, is conceived as analogous to an illumination proceeding from a primordinal supramundane light et 120 (rôle du feu dans la création). Cette lumière s’atténue quand elle approche de la matière (Lewy 300.376), comme chez Julien. Synésius, Hymne V 9-11 reflète fidèlement cette conception : / / , « l’éther, embarqué sur la fine fleur du feu, a recouvert le dos de la matière aux fortes vagues » ; cf. aussi Hymne I 131-133 / / et 563 (étincelle d’Intellect déposée « dans la profondeur de la matière »). Sur le rôle du Soleil dans les Oracles, cf. Lewy 149-156. Comparer également le Corp. Herm., Traité XVI 5 : le Soleil, alias le Démiurge, étend ses rayons « jusqu’au gouffre le plus profond ». 33 Rapprocher en effet d’OC Fr. 148 la Réponse à Porphyre 58.20-23 S. - S. : « le feu des dieux [...] emplit entièrement les profondeurs ( ) du monde d’une manière ignée et non pas encosmique » et, dans une moindre mesure, 138.19-21 : « c’est la même énergie du Feu divin qui resplendit d’elle-même sur toutes choses en commun » (trad. Saffrey-Segonds). Sur le rôle du « feu » chez Jamblique, cf. Cremer 7981.96 sq. ; sur l’OC 148 chez lui, Cremer 48.99-100 (mais le commentaire, qui repose sur l’identification entre Hécate et l’Âme du monde due à Lewy, est contestable). 34 Cf. Bouffartigue 355. Le fait que les soient confondus avec la limite inférieure du réel, soit la matière, est nettement suggéré par Synésius, Hymne V 48-54 : « tantôt, les regards fixés sur le tournoiement des sphères, gouverne les profondeurs de l’univers ( ), attirant l’univers transcendantal jusqu’aux confins extrêmes de la matière ( ), là où la nature affaissée enfante la horde aussi tumultueuse qu’artificieuse des démons » (trad. Lacombrade). Cette conception d’une matière-limite ou extrême nous renvoie à l’ de Julien, Or. VIII (V) 161c, probablement héritée de Jamblique (cf. Bouffartigue 355). 35 Cf. infra p. 82 n. 64.
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rapprochement avec l’astre lunaire ;36 quant au thème de la « matière », il semble n’être directement présent que dans les textes de Julien et de Proclus, à l’exclusion de Macrobe, qui pourrait ainsi dépendre d’une autre source (Porphyre ?). S’il existe bien une source commune à Julien et à Proclus, cette source, toujours en vertu du principe de Bouffartigue, ne peut guère être que Jamblique. La présence, dans les deux textes, d’échos du même fragment oraculaire semble donner une singulière force à cette assertion, dans la mesure où nous savons de source sûre que Julien a lu le commentaire de Jamblique sur les Oracles, mentionné dans la Lettre 12 (c’est d’ailleurs la seule œuvre de Jamblique identifiée pour laquelle une lecture de Julien soit garantie, puisque les sources jamblichéennes du discours À Hélios-Roi ne sont pas citées avec leur titre). Il convient de s’employer à préciser et étayer cette hypothèse. Malheureusement, la tâche n’est pas facile. Une première piste, se fondant sur la présence d’échos du même Fr. 148 chez Julien et Proclus, consiste à poser le commentaire des Oracles de Jamblique comme source commune à nos deux auteurs. Jamblique, commentant le Fr. 148, aurait ainsi identifié le « feu bondissant » qui y est mentionné à Attis, qui se meut « dans les abîmes du monde entier ». Julien aurait repris à Jamblique la nature solaire de cette divinité et inséré une référence discrète aux Oracles par le biais du terme ; et Proclus, en bon héritier de la théologie jamblichéenne, aurait retenu cette assimilation d’Attis au Soleil au moment de composer son hymne à Hélios. Que le Fr. 148 soit bel et bien derrière l’Hymne de Proclus pourrait être indiqué également par l’emploi de la formule d’injonction , aux v. 1 sq. (cf. également v. 5 et 35 : ), attestée pour les Oracles uniquement pour le Fr. 148, au v. 337 – même si la fréquence de cette formule, déjà homérique, doit sur ce point inviter à la circonspection. À ces échos oraculaires possibles, il faut en ajouter deux autres : le verbe , qui sert à qualifier Attis dans la « fleur » de sa jeunesse (165b3), et qui semble à première vue parfaitement innocent, pourrait renvoyer à la « fleur du feu » ( ), une expression récurrente des Oracles (Fr. 34.35.37.42), du fait de l’association d’Attis au feu, et participerait au même double-jeu entre un sens physique apparent 36
Cf. l’hymne naassène cité par [Hippolyte], Ref. omn. haer. V 9, 8 (Attis appelé ) et Lancellotti, Attis 116 sq. Chez Julien, cf. Or. VIII (V) 167d.171a. 37 Il est permis de négliger l’occurrence présente dans le Fr. 220, dans la mesure où celui-ci est douteux.
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et un sens cosmologique caché ;38 et le terme (161d3), qui sert à désigner chez Julien l’obscurité des réalités dernières et qui apparaît aussi dans le Fr. 34 des Oracles, un des fragments de la « fleur du feu » que nous citerons dans la traduction de des Places : « C’est de là que jaillit la genèse de la matière aux multiples aspects ; / de là que l’orage, s’élançant impétueux, atténue () peu à peu la fleur de son feu / en se jetant dans les cavités des mondes ».39
La similitude entre ce Fr. 34 et le Fr. 148 est très nette : dans les deux cas, un principe supérieur, de nature ignée, pénètre dans les tréfonds de la matière.40 On ne peut que constater que le Fr. 34 résume à merveille l’interprétation du mythe d’Attis par Julien : chez l’Empereur également, Attis s’élance avec une impétuosité (ou plutôt une insouciance enfantine) certaine jusqu’au sein de la matière, qui manque de remporter la partie et d’« atténuer » définitivement le feu divin. Il n’est pas impossible, dès lors, que Julien ait en tête une leçon sur la « fleur du feu » chaldaïque, interprétée comme le principe divin chargé de réaliser, jusqu’à exténuation, l’information totale de la matière. On peut conclure à une probable influence de la représentation chaldaïque d’un Feu bondissant sur Julien, feu qui se diffuse dans les replis et profondeurs du monde à partir du sein d’Hécate. Julien dissimule derrière un exposé apparemment « neutre » du mythe d’Attis des allusions à la cosmogénèse chaldaïque, transformation oraculaire du dogme stoïcien d’un feu divin s’étendant aux dimensions de l’Univers entier. La présence de ces représentations dans l’Hymne I de Proclus suggère que Julien réadapte ici une exégèse antérieure des Oracles (Jamblique). Il reste malaisé de comprendre le lien entretenu par Attis avec les Oracles : a-t-il été fait directement par Jamblique dans son Commen38
Cf. déjà Penati, « L’influenza ... » 554, qui note l’emploi technique (chaldéen) d’ dans l’Or. XI (IV) 134a. Interprétation divergente chez De Vita, Giuliano imperatore 157. Pour la métaphore chaldaïque de la germination et de la floraison, qui vise à exprimer l’idée d’une puissance maximale (la « fleur de l’Intellect » est sa pointe, son état de pure concentration) et est bien représentative du dynamisme remarquable des conceptions physiques et théologiques chaldaïques, cf. Lewy 343. 39 Sur , voir Lewy 126. Dans les Homélies ps.-clémentines VIII 13, 3, le feu des anges s’alourdit au contact avec l’humanité et par le poids du désir. Chez le ps.Denys, Hier. Cael. XIII 3, les rayons solaires s’affadissent en passant dans des matières de plus en plus inaptes à les recevoir. 40 Penati, « L’influenza ... » 554.
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taire ? Ce qui tendrait à le montrer est l’origine, chez Jamblique luimême, du syncrétisme entre Rhéa et Hécate, la déesse des Oracles, comme l’avait vu H. Lewy.41 L’ajout de Cybèle comme troisième terme de ce syncrétisme par Julien a chance de ne pas être original, puisqu’il se retrouve également dans l’école d’Athènes :42 si tel est le cas, il semble naturel que Julien l’hérite aussi de Jamblique, et que ce dernier ait cherché à donner à Attis, associé de Cybèle, une place dans ce syncrétisme, en l’identifiant au « feu bondissant » des Oracles.43 Mais on ne peut exclure que Julien et les représentants de l’école d’Athènes aient eu indépendamment l’idée de combiner vision du monde des Oracles d’une part, et théologie hiérarchique développée par Jamblique d’autre part.44 2 Le problème de la théologie solaire et la question des sources de Julien 2.1 Le dossier porphyrien : une convergence partielle L’œuvre de Julien s’est ainsi éclairée de plusieurs parallèles avec le néoplatonisme de l’école d’Athènes et l’interprétation philosophique des 41
Tandis que Kroll, De oraculis 30 sq., sceptique sur l’appartenance de Rhéa aux Oracles, voyait dans OC 56 une interpolation jamblichéenne, Lewy 84 n. 65 pense que le mot doit être interprété comme une forme de et qu’il a été mal interprété par les néoplatoniciens (et leurs exégètes modernes) comme le nom de la déesse Rhéa. Il ne nous appartient pas de trancher entre ces hypothèses : il nous suffira de relever que tant Kroll que Lewy voient en Jamblique le premier à avoir interprété l’OC 56 dans le sens de l’identité de Rhéa et d’Hécate, déesses « intellectives ». 42 Cf. supra p. 71 (Jamblique comme source commune des parallèles entre Julien et l’école d’Athènes) et les conclusions de De Vita, Giuliano imperatore 318 (point e). Ces divinités sont, chez les Athéniens, de rang « intellectif » et correspondent aux « sources » chaldaïques, ce qui est aussi la position de Julien, cf. Or. VIII (V) 166a2 : la Mère des dieux fait partie des et 166b3 (elle est ). 43 Jamblique a également traité des Corybantes dans sa Réponse à Porphyre (91.3-4), en leur attribuant une « puissance gardienne », qui réapparaît chez Julien en 168b sous la forme de l’escorte attribuée par Cybèle à Attis. Tout ceci suggère que Julien a démarqué une théologie hiérarchique déjà constituée, au moins dans ses grandes lignes, par Jamblique. 44 Dans ce sens (indépendance de la hiérarchie théologique et de son interpretatio chaldaica) irait le témoignage de Damascius, qui, décrivant Attis comme le « créateur du devenir » (In Parm. III 147.4 W. - C. - S.) – ce qui correspond absolument à ce qu’affirme Julien – n’ajoute cependant aucun élément chaldaïque. Sur ce texte, cf. Lecerf 189-191 ; un autre passage de Damascius très proche de Julien est cité p. 192.
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Oracles chaldaïques. Il nous reste à aborder de front un des problèmes les plus irritants des théologies philosophiques de l’Antiquité tardive, à savoir celui de la théologie solaire. Dans l’écrit À Hélios-Roi, l’exemple le plus achevé d’une telle théologie dans l’Antiquité, Julien prétend avoir emprunté l’essentiel de son propos à Jamblique.45 F. Cumont s’est fondé sur cette déclaration pour conclure à l’origine jamblichéenne de la théologie solaire de Julien, en y voyant bien sûr un héritage syrien par excellence (c’est-à-dire une « religion orientale »).46 C’était peut-être aller un peu vite en besogne. Le problème est que, à regarder de façon objective le dossier de la théologie solaire chez Jamblique, celui-ci est vide, c’est-à-dire qu’il n’y a rien ou presque rien dans les Fragments et témoignages du philosophe de Chalcis, ni dans sa Réponse à Porphyre, qui accrédite l’idée qu’il ait pu développer une théologie solaire équivalente à celle de Julien – hormis justement le témoignage de Julien lui-même. Or ici, l’argument e silentio (dont l’emploi est souvent malaisé) est fort, car il est raisonnable de dire que, si Jamblique avait mis sur pieds une théologie solaire achevée, les néoplatoniciens athéniens en auraient parlé. En effet les Athéniens sont très dépendants de Jamblique (un rapide décompte des fragments et témoignages donnés par les auteurs de l’école d’Athènes – Damascius, Hermias, Lydus, Marinus, Olympiodore, Priscien, Proclus, Simplicius – renvoie plus de 400 références) et il n’est pas probable qu’une théologie solaire développée soit passée inaperçue. Les Athéniens eux-mêmes sont plutôt discrets sur le dieu solaire, en dehors d’une dizaine de pages de la Théologie platonicienne (VI 12) et de l’hymne de Proclus au Soleil.47 Il n’y a là rien qui soit de même ampleur que le système hénothéiste proposé par Julien pour servir de religion à l’Empire païen régénéré. En d’autres termes, si la théologie de Jamblique avait été en substance celle de Julien (comme celui-ci le laisse penser), on ne s’expliquerait pas pourquoi les néoplatoniciens tardifs ne l’ont pas adoptée – ou à tout le moins connue et critiquée –, et ont suivi à la place le système développé par Proclus dans la Théologie platonicienne. 45
Or. XI (IV) 157c-d. Cumont, La théologie solaire, en part. 477. Cf. aussi Lewy 411 n. 39 et Liebeschuetz, « The Significance ... » 191. 47 Pour l’hymne de Proclus au Soleil, cf. supra p. 70. Il faut distinguer la place assignée au Soleil dans la hiérarchie néoplatonicienne et les éléments d’héliolâtrie ou de pyrolâtrie (cf. Lewy 202) qui se retrouvent à l’état diffus dans leurs pratiques cultuelles (cf. Saffrey, « La dévotion ... » 73-77), et par lesquels les néoplatoniciens ne se différencient pas nettement d’autres courants du paganisme tardif. 46
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En revanche, il est une version de la théologie solaire néoplatonicienne avant l’école d’Athènes que l’on connaît relativement bien, mais elle est rattachée au nom de... Porphyre, et attestée essentiellement dans la littérature en langue latine : en effet, dans les Saturnales de Macrobe (I 17-23) est utilisé un écrit de Porphyre Sur le Soleil (titre donné par Servius, membre du même cercle d’intellectuels romains), dans le cadre d’un développement qui veut voir dans la multiplicité des dieux du paganisme des aspects d’un dieu unique solaire.48 Ce dossier, très épineux (car il implique bon nombre d’auteurs souvent peu étudiés par les spécialistes du néoplatonisme : Arnobe, Firmicus Maternus, Macrobe, Servius), n’a pas reçu un degré d’attention satisfaisant. Dans les pages qui nous restent, nous souhaitons proposer quelques premiers éléments de solution. 2.1.1 Une allégorie physique Le témoignage de Macrobe appelle à voir dans cette théologie solaire porphyrienne un prolongement de l’effort allégorique entrepris dans l’écrit Sur les statues, où Porphyre donnait une interprétation physique de plusieurs représentations cultuelles de divinités païennes. Attis figure 48
En supposant le caractère substantiellement porphyrien de ces développements de Macrobe, nous nous plaçons dans la lignée de Courcelle, Lettres grecques 3-36, premier à avoir signalé le parallèle entre Macrobe, Sat. I 18, 8 et Servius, In Buc. V 66 citant Porphyre. Plus précisément, nous nous rattachons aux conclusions de Flamant 661-677 qui, précisant la thèse de Courcelle (tout en critiquant la valeur du parallèle découvert), suppose une utilisation conjointe par Macrobe du Traité du Soleil, du Sur les Statues et du traité Sur les noms divins de Porphyre. Il apparaît toutefois difficile de différencier entre Traité du Soleil et Sur les noms divins, dès lors que nous n’avons pas d’autres informations indubitables sur ces traités que celles que nous donnent Macrobe et Servius : ils pourraient être une seule et même œuvre (cf. déjà Courcelle, Lettres grecques 20), dès lors que la théologie solaire de Macrobe fait fréquemment emploi de la méthode étymologique (par ex. Sat. I 17, 30, « à partir des autres noms également attribués à ce dieu, établissons l’identité d’Apollon et du Soleil ») à laquelle renvoie le titre Sur les noms divins. Par ailleurs, les exégèses solaires développées se fondent souvent sur des statues : Muscolino remarque – 677 n. 102 – que le Fr. 478F (seul passage des Saturnales où Porphyre soit explicitement cité) pourrait être attribué au Sur les statues plutôt qu’au Traité du Soleil. Notons enfin que le seul témoignage qu’on ait sur le traité Sur les noms divins (Fr. 361T Smith) parle d’un seul livre et qu’il est douteux – pas impossible toutefois – qu’un monobiblos puisse être la source du long développement de Macrobe. Pour Macrobe et son porte-parole Prétextat, on pourra se reporter au status quaestionis chez Kahlos 195-197. Pour Servius, voir Jeunet-Mancy XLVI sq.
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dans ce panthéon, et l’interprétation qu’en donne Porphyre n’a rien à voir avec celle de Julien : Quant à Attis et Adonis, ils relèvent de l’analogie des fruits : mais pour Attis, c’est celle des fleurs qui percent à l’époque du printemps et passent avant d’arriver à maturité (d’où vient qu’on lui a attribué la castration de ses testicules, les fruits n’ayant pas le temps de parvenir à la maturité requise pour produire des graines) ; quant à Adonis, c’est le symbole de la cueillette des fruits mûrs.49
Attis et Adonis deviennent ainsi chez Porphyre des symboles de la vie et de la mort végétales. Ce type d’exégèse a trouvé un héritier moderne en la personne de J. Frazer dans Le Rameau d’or : Attis et Adonis, ainsi qu’Osiris, sont des dying gods, dont les vicissitudes sont les symboles du cycle incessant de vie et de mort exprimé dans l’alternance des saisons. L’allégorie physique, plus généralement, est toujours le principe recteur de la théologie solaire des Saturnales,50 qui ne contient aucun développement portant sur les grands niveaux du réel néoplatonicien, en particulier les trois hypostases. Il semble y avoir une continuité entre le traité Sur les Statues et le traité porphyrien de théologie solaire employé par Macrobe, tant en termes d’orientation générale (les dieux symboles de puissances naturelles) que parce que la religion astrale occupe déjà une grande place dans cette première œuvre.51 Nous sommes ici dans les 49
Eusèbe, PE III 11, 12 (= Porphyre, Sur les Statues Fr. 358F Smith ; cf. aussi 358aF). 50 Pour ne prendre qu’un exemple, Apollon est conçu comme une puissance du Soleil, celle consistant en la divination et la guérison (I 17, 5) ; à partir de vers d’Euripide, d’Archiloque et d’Homère, Porphyre établit que la puissance bienfaisante du Soleil, liée à l’équilibre des climats (17, 13), peut également être nuisible : c’est l’Apollon archer de l’Iliade (17, 10-12). Voilà pourquoi il donne « frappé par le Soleil » et « frappé par Apollon » comme des expressions équivalentes. « Ainsi adorons-nous Apollon, c’est-à-dire le Soleil » (17, 23). L’allégorie du mythe de Python est également entreprise sous l’autorité des « physiciens » (17, 52 sqq.). Le tout s’accompagne d’une érudition doxographique extraordinaire, balayant plusieurs champs (iconographie religieuse, poésie, mythes, oracles...) et tout à fait caractéristique de Porphyre, passé à la postérité comme au sein d’une école philosophique pourtant coutumière du fait (cf. l’oracle de la Pythie chez David, In Isag. 92.2-7). Julien, dans À Hélios-Roi, est sensible à cette érudition mais il lui fait servir un tout autre dessein. L’allégorie physique règne également dans l’In somnium Scipionis, cf. Flamant 652. 51 Sur les Statues Fr. 358F, l. 5.46-47 : Pluton est « le Soleil qui va sous terre », dans une relation de fécondation avec Coré, qui symbolise la puissance de germination ; Rhéa, Déméter, Dionysos sont également interprétés comme divinités de la végéta-
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deux cas aux débuts de la théologie scientifique néoplatonicienne, qui vise à inventorier et organiser la pluralité des dieux du paganisme pour lui faire servir un dessein philosophique. On cherche à définir des sphères d’influence et des affinités – état d’esprit qui conduit, chez Jamblique le disciple de Porphyre, au développement de la théurgie – mais ces associations sont encore exclusivement d’ordre physique.52 L’interprétation de Julien était violemment anti-porphyrienne : elle refuse le fondement même de l’allégorie physique pratiquée par Porphyre. Il me semble douteux qu’il n’en ait pas eu conscience, et c’est pourquoi je tendrais à interpréter la remarque incidente faite au début de son exposé du mythe d’Attis – à savoir qu’il n’a appris l’existence de l’exégèse de Porphyre53 qu’après avoir composé son œuvre, et qu’il ne sait pas si elle concorde avec ses propres dires – comme une manière polie de prendre ses distances avec ce type d’exégèse, menaçant de devenir chose du passé et laissant progressivement place à une exégèse strictement théologique – les mythes comme images des processus régissant le monde divin.54 Dans le contexte d’un paganisme très fragile que Julien tentait de remettre sur pieds, il aurait été pour le moins maladroit tion. Dans le Fr. 359F (l. 18-57), Apollon, Héraclès, Dionysos, Horus, Cerbère sont des aspects du dieu solaire et de son mouvement céleste ; Hermès représente la puissance rationnelle à l’œuvre dans le Soleil (l. 110 sq.) ; les cornes de Pan, symbole du « Tout », renvoient au Soleil et à la Lune (l. 118 sq.). D’autres exemples se trouvent dans le Fr. 360F (barque solaire des Égyptiens ; statue solaire et lunaire d’Éléphantine ; association du faucon au Soleil ; présence du Soleil et de la Lune dans les mystères d’Éleusis et la consécration des taureaux Mnévis et Apis). 52 Un bel exemple de la continuité entre Porphyre et Jamblique est donné par les dieux Kronos et Arès qui, associés déjà par Porphyre respectivement au froid et au feu (Sur les Statues, Fr. 359F l. 85 sq.95 sq.), se retrouvent dans la Réponse à Porphyre (41.25 - 42.3), mais avec cette différence que leur action est d’abord d’ordre métaphysique (force de cohésion ou de mouvement), et que ce n’est qu’ici-bas qu’elle est ressentie, sous un mode physique, comme « froide » ou « chaude ». L’idée de sphères d’influence exercées par des dieux sur les éléments ou les astres se retrouve aussi chez Saloustios, De diis et mundo VI 5. 53 Selon nous, donc, Julien, Or. VIII (V) 161c entend bien par là le Sur les statues (cf. déjà Bouffartigue 346). Smith classe le passage parmi les fragments Incertae sedis de Porphyre (Fr. 476F). Le découpage de Smith est trop ample : le fragment de Porphyre se limite en réalité à , « Porphyre a consacré des développements philosophiques à ce sujet » (à savoir le mythe et les rites de la Mère des Dieux). Il n’y a là rien qui ne puisse renvoyer au Sur les statues. 54 Ces deux types d’allégorie sont respectivement traités dans les deuxième et quatrième parties de l’étude classique de F. Buffière. Ils renvoient à une différence plus générale d’orientation entre les techniques d’exégèse de Jamblique et Porphyre, cf. Pépin, « Merikôteron ».
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de critiquer ouvertement Porphyre, qui avait eu, de son point de vue, la lucidité de s’opposer à la montée en puissance de la religion chrétienne.55 Julien a pu vouloir ménager Porphyre, mais l’opposition diamétrale de leurs interprétations ne fait pas de doute, et cette interprétation est renforcée par la critique virulente que fait Saloustios, l’ami de l’empereur Julien, du mode « matériel » de l’interprétation des mythes, entendons par là l’interprétation bassement physique.56 2.1.2 Les convergences dans la liste des dieux : le dossier latin On est néanmoins troublé par le fait qu’un nombre très important de figures associées par Julien à sa théologie solaire trouvent leur parallèle57 dans la théologie solaire de Porphyre, telle qu’on peut la reconstituer à partir de Macrobe et de Servius, mais aussi du Contre les nations d’Arnobe et de l’Erreur des religions païennes de Firmicus Maternus.58 55
C’est ainsi que Libanius, intime de l’empereur Julien, mentionne avec respect le « vieillard de Tyr », en relation avec son traité Contre les Chrétiens (Or. XVIII 178). Cela n’empêche pas Julien, Or. VIII (V) 174b de s’en prendre durement aux théories de Porphyre sur l’abstinence de viande, mais il ne le nomme pas. 56 De diis et mundo, IV 3. On doit toutefois reconnaître que Porphyre se défendrait de telles accusations, puisqu’il prétend parler des « puissances incorporelles » des dieux, cf. infra p. 90. 57 Notre démarche ici consiste à recenser les parallèles entre les dieux figurant dans les Discours théologiques de Julien et ceux associés au Soleil chez Porphyre ou les auteurs latins qu’on peut présumer influencés par lui. Nous pensons que cette voie, esquissée par Fauth 134 n. 91 et 155-159 et surtout Bouffartigue 334-337 doit être davantage exploitée. Altheim, pourtant particulièrement perspicace, ignore les œuvres d’Arnobe et de Firmicus. Nous laisserons de côté l’hymne au Soleil de Martianus Capella, Nupt. II 185-193 et nous contenterons de renvoyer aux excellentes pages de Lenaz 56-59 (voir aussi Tommasi, The Bee-Orchid 221-223). Comme le note Lenaz 47 sq., l’arrière-plan philosophique est trop discret chez Capella pour qu’il soit possible d’établir avec certitude un lien de dépendance. Restent les parallèles relevés par Lenaz entre la liste des dieux identifiés au Soleil et celles de Porphyre et Macrobe : Capella peut les hériter de Porphyre ou de Jamblique, si notre hypothèse (héritage par Jamblique de la liste de Porphyre, cf. schéma infra p. 99) est correcte. Est présent également le principe fondamental de l’exégèse de Porphyre, à savoir que le Soleil est la vera deum facies, invoquée vario nomine par tous les peuples (Nupt. II 192 sq.). D’autres échos, plus diffus, du culte solaire se trouvent enfin chez Nonnos de Panopolis (cf. Fauth 165 sqq.) et chez le poète latin Aviénus (cf. Marcotte). 58 Ces deux auteurs connaissent bien Porphyre, qui est, comme pour Macrobe, l’auteur le plus récent qu’ils citent (la date de Cornélius Labéo n’est pas fixée avec certitude). Firmicus le cite à deux reprises : De Errore 13, 4 sq. (= Porphyre,
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Les allusions d’Arnobe au syncrétisme solaire sont relativement nombreuses : elles occupent deux pages dans le recueil de G. Halsberghe consacré à Sol Invictus,59 pourtant assez bref et composé de plus en grande partie de sources historiques, étrangères au problème même du syncrétisme solaire. Nous sommes ici au cœur du phénomène. Arnobe identifie cinq dieux au Soleil : Janus, Jupiter, Apollon ainsi que Liber (Dionysos), qui sont traités ensemble, tous au Livre III, et enfin Attis au Livre V. Ces faits sont d’inégale importance pour notre propos : il semble impossible de déceler une origine néoplatonicienne derrière l’identité de Janus et du Soleil : il semble que, à l’instar de son identification avec le Monde, elle provienne plutôt de sources latines républicaines.60 Fr. 306F) et math. 7, 1, 1 (= Fr. 488F), cette dernière référence ne faisant pas mystère de l’intimité de Firmicus avec les écrits de celui qui est encore appelé Porphyrius noster. Quant à Arnobe, qui ne mentionne par son nom aucun contemporain, il est néanmoins patent qu’il critique des théories néoplatoniciennes que l’on s’accorde à associer à Porphyre (cf. Courcelle, « Les sages ... » ; Fortin ; plus récemment Simmons, chez qui la généralisation de cette thèse mène toutefois à des excès). Sa dépendance, reconnue depuis longtemps, envers Clément d’Alexandrie ne peut s’exercer pour ce qui est du dossier de la théologie solaire, situé Livre III, où Mora 28 ne voit rien de Clément. Je renvoie, pour plus de détails, à une étude personnelle qui doit paraître dans les actes de journées sur « L’interprétation » tenues en juin 2014 à la Fondazione San Carlo de Modène. 59 Halsberghe 168 considère Arnobe comme opposé au culte de Sol Invictus et cite nat. 1, 29 ; 3, 30 ; 5, 42 ; 6, 10.12 (la liste p. 10 sq. ajoute 1, 2 ; 2, 58 ; 3, 33.35 ; 4, 14.17.22, à chaque fois le mot Sol apparaît). Le silence de la plupart des autres sources est rapidement évacué par Halsberghe 169, il s’explique assez bien si Arnobe connaît en profondeur Porphyre et son traité solaire. 60 Nigidius Figulus relayé par Varron, selon Champeaux, « Arnobe lecteur ... » 334336. Turcan, « Janus ... » 400 semble aller trop loin lorsqu’il décèle un lien entre la tradition d’Arnobe et l’Hymne VI de Proclus, qui n’identifie pas Janus au Soleil ou au Monde. Il demeure troublant que Janus soit dit fils d’Hécate par Arnobe 3, 29, 3 et qu’il soit associé à Hécate dans l’Hymne VI. Le témoignage de Lydus, Mens. IV 1 (p. 64.1-8 Wünsch) sur le dieu Janus, retenu par I. Männlein-Robert (Fr. 37) et L. Brisson - M. Patillon (Fr. 64) dans leurs éditions de Longin, n’est probablement pas dû à ce dernier mais à Cornificius Longus (cf. Champeaux, Arnobe 122 ; on peut supposer une lectio facilior pour , faute qui a dû se produire suffisamment tôt dans la tradition pour pouvoir se diffuser à l’ensemble des textes parallèles recensés par Männlein-Robert, et qui peut être due à une inadvertance de Lydus lui-même) et ne peut donc servir à étayer l’hypothèse d’une influence de Porphyre, élève de Longin, sur le passage parallèle de Macrobe, Sat. I 9, 10. Les parallèles évidents entre ce texte, la notice de Lydus sur Janus et celle d’Arnobe (3, 29) doivent s’expliquer par une source commune (La-
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Le texte le plus intéressant donné par Arnobe concerne Zeus, puisqu’il s’agit d’un véritable morceau d’exégèse de Phèdre 246e :61 Car que dire de Jupiter en personne, dont les savants ont dit et répété que c’était le Soleil, « conduisant un char ailé », « suivi d’une foule de divinités », tandis que, pour certains, c’est l’éther qu’embrasent de puissantes flammes et qu’embrase un feu inextinguible ? (trad. Champeaux)
Ce texte possède un parallèle remarquable chez Macrobe, Sat. I 23, 5-6 : comme l’a compris J. Champeaux,62 les deux auteurs latins dépendent d’un même texte, grec (ainsi que le prouvent les différences de traduction), qui n’est pas lu directement mais à travers l’optique d’un commentateur qui identifie Zeus au Soleil et les autres dieux au reste des astres. La source ne peut donc guère être que Porphyre. L’identité entre Zeus et le Soleil a certainement été prouvée par lui également sur la base d’un vers orphique cité tant par Macrobe que par Julien, et qui identifie Hadès, Zeus, Hélios et Dionysos ou Sarapis.63
béo ? Varron ? se demande Champeaux, Arnobe 120), mais en tout état de cause une source néoplatonicienne semble ici exclue. 61 Nat. 3, 30, 1. L’origine porphyrienne de ce passage est appuyée par nat. 3, 32, 3, où Vesta est identifiée à la Terre, quod in mundo stet sola : c’est une allusion supplémentaire au même passage du Phèdre, où Hestia demeure seule à garder le foyer des dieux. Or Porphyre avait bien donné cette interprétation de ce passage (Lydus, Mens. IV 94, p. 138.18 - 139.5 Wünsch = Porphyre, Sur les Statues Fr. 357F). 62 Champeaux, Arnobe 127 et « Arnobe lecteur ... » 337 sq.341 sq. 63 Dionysos pour Macrobe, Sat. I 18, 18 (un autre vers de la même section concerne en particulier l’identité de Dionysos et du Soleil ; Sarapis figure quant à lui dans la section I 20, 13-18) ; Sarapis pour Julien, Or. XI (IV) 136a1 (sur l’identité Zeus = Hélios selon Julien, cf. Lecerf 183 sq.). L’identité Zeus-Hélios apparaît également dans un texte de Lydus annexé pour Labéo par Mastandrea 83 mais, comme celui-ci le reconnaît lui-même, cette identité est « una sincrasia tipica del tardo neoplatonismo » en général. Zeus fait partie des dieux associés au Soleil par Proclus, In Tim. III 131.31 ; dans son Hymne I (cf. supra p. 70), le Soleil est célébré comme « père de Dionysos », c’est-à-dire comme Zeus ; la « source héliaque » est contenue dans le Démiurge, c’est-à-dire en Zeus, selon Th. Pl. VI 12, p. 57.12-15 ; enfin Damascius, De Princ. III 37.8 sq. dénombre trois « sources particulières » de Zeus : un autre Zeus (par homonymie), Hélios, et Athéna. Un autel de marbre est dédié conjointement à Jupiter, à Sol Invictus et à Sarapis à la fin du IIIe s. : cf. Halsberghe 164 sq. qui fait le rapprochement avec Macrobe. L’effort interprétatif des néoplatoniciens cherche à donner une légitimité aux mutations religieuses de la fin de l’Antiquité.
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D’autres identifications au Soleil concernent Attis lui-même ;64 Dionysos,65 et on doit surtout noter le fait capital que ces deux figures sont elles aussi associées à Hélios dans l’Hymne I de Proclus consacré à cette divinité.66 Arnobe identifie encore le Soleil à Apollon ;67 Macrobe ajoute Asclépios.68 L’auteur des Saturnales ajoute au dossier le dieu syrien Hadad,69 dont on a de bonnes raisons de penser qu’il est le dieu 64
Macrobe, Sat. I 21, 7-10 ; Arnobe 5, 39-42 (le fait qu’Arnobe identifie Attis au Soleil et non aux fleurs comme dans le Sur les statues ne peut être compté contre une influence porphyrienne comme le veut Lucarini 162 : l’auteur ne tient pas compte du dossier de la théologie solaire ; voir aussi les explications données par Mora 191). Nous pensons avoir montré ci-dessus la nature solaire d’Attis selon Julien et l’école d’Athènes (Festugière, « Arnobiana » 249 renvoie déjà à Julien et Saloustios pour expliquer Arnobe), et contestons donc la n. 62 p. 334 de Bouffartigue qui prétend qu’Attis solaire est absent chez Julien (idem pour Hadès prétendument absent chez Macrobe, cf. supra n. 63). Bouffartigue 375 signale un parallèle intéressant entre Julien et Macrobe à propos de la nature ignée des « Lions » de la Mère. La récurrence chez Damascius d’une formule sotériologique du culte d’Attis chez Firmicus (Pépin, « Réactions ... » 258) est difficile d’interprétation, et il vaut mieux en rester à une position sceptique : chez Firmicus, il pourrait s’agir d’Osiris (Pépin, « Réactions ... » 273 et Turcan, Firmicus 313-315). 65 Macrobe, Sat. I 18 et Arnobe 3, 33 (sous le nom de Liber). Dionysos figure parmi les dieux mentionnés dans le témoignage servien sur le Traité du Soleil de Porphyre (infra n. 99) ; il est aussi un des principaux lieutenants de l’Hélios de Julien et fait office de démiurge particulier : cf. Lecerf 185 sq. Proclus associe Dionysos au Soleil en In Tim. III 131.28 ; III 311.4-6, le Soleil « participe de la puissance dionysiaque », et Damascius, De Princ. III 29-30 l’intègre dans la chaîne de Zeus (identifié au Soleil par Julien). Dans le domaine latin, l’identité du Soleil avec Dionysos et Zeus apparaît également dans un Hymne au Soleil anonyme, et le poète précise : Sol ... insunt cui numina mille (Poetae latini minores IV, p. 434-437 Baehrens, v. 44 sq.). 66 Cf. texte cité supra p. 70. 67 Identifié au Soleil à la fois par Macrobe, Sat. I 17 ; Arnobe 3, 33 et Porphyre selon Servius (pour ces deux derniers textes, cf. infra n. 99), ainsi que dans les Quaest. Hom. ad Iliad. p. 224.16 Schrader. Outre Julien, Or. XI (IV) 144a-b, voir aussi l’Hymne I de Proclus, v. 19 (), le chap. VI 12 de la Th. Pl. ainsi que Damascius, De Princ. III 31.14-15 W. - C. qui l’intègre dans la « source héliaque ». L’identification d’Apollon et du Soleil n’a certes rien pour surprendre, cf. Champeaux, Arnobe 122 et, pour le monde grec, Plutarque, De E 386b ; De Pyth. orac. 400d ; De def. orac. 413c.433d-e.434 sq. 68 Macrobe, Sat. I 20, 1-5 ; parallèle avec Proclus (Asclépios apparaît comme le dieu Péan dans l’Hymne I 22) et Julien, qui fait naître Asclépios directement de ZeusHélios (Contra Gal. 200a, p. 197.10-15 Neumann = Fr. 46, l. 2-7 Masaracchia). Porphyre, partisan de la nature « lunaire » d’Asclépios, a-t-il pris en compte les critiques de Jamblique (cf. infra n. 91) ? 69 Macrobe, Sat. I 23.
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décrit par les Oracles chaldaïques sous le vocable de , assimilation apparemment due à Porphyre.70 Arès et Hermès, identiques au Soleil selon les Saturnales, deviennent pour Julien les équivalents des dieux d’Édesse, Monimos et Azizos, parèdres du Soleil.71 Osiris est identifié au Soleil par Macrobe et mentionné par Proclus en relation avec lui.72 L’association de Pan au Soleil ne se trouve pas semble-t-il chez Julien, en revanche elle est présente et chez Macrobe et chez Proclus.73 Héraclès est également concerné,74 ainsi qu’Athéna.75 Pour ce qui est 70
Voir Seng dans ce volume, supra p. 40-43. Macrobe, Sat. I 19 ; cf. Julien, Or. XI (IV) 150c-d et 154a-b (et sur ce témoignage, voir Drijvers et en dernier lieu van der Sluijs). Le cas est particulièrement intéressant, car il est l’un des rares où Julien identifie précisément sa dette à Jamblique : nous sommes ainsi certains que Jamblique avait parlé de ces dieux et les avait associés au Soleil. Mais l’origine de cette information pourrait bien être porphyrienne : Monimos et Azizos sont des dieux d’Édesse, donnée qui évoque une grande figure de la ville, Bardesane, dont Porphyre cite un long fragment concernant une statue androgyne de Śiva (De Styge, Fr. 376F Smith). Notons, d’un point de vue général, que l’emploi massif par Julien d’un matériel mythographique portant sur des traditions religieuses méditerranéennes (Phénicie, Égypte, Chypre...) renvoie sans doute possible à l’esprit du néoplatonisme religieux de Porphyre et de Jamblique, par opposition à celui de Plotin. 72 Macrobe, Sat. I 21, 11-5 ; Proclus, In Tim. III 131.31. Cette identification apparaît aussi dans trois vers cités par Lydus, Mens. II 5 (p. 22.2-4 Wünsch) et attribués par Heuten 256 sq. à la Philosophie tirée des oracles de Porphyre – hypothèse malheureusement difficilement vérifiable. 73 Macrobe, Sat. I 22, 1 ; cf. Proclus, In Tim. III 131.31. 74 Macrobe, Sat. I 20, 6-12, à comparer avec Porphyre, Sur les Statues Fr. 359F, l. 26-33 (= Eusèbe, PE III 11, 25). Des scholies aux v. 215 et 527 de la Théogonie d’Hésiode (éd. di Gregorio) identifient également Héraclès au Soleil, ainsi que Lydus, Mens. IV 67 (p. 120.8-10 Wünsch). 75 Macrobe, Sat. I 17, 70, dans une citation explicite de Porphyre, qui fait d’Athéna la puissance du Soleil liée à l’intelligence ; c’est pourquoi elle serait issue du crâne de Zeus, étant le sommet de l’éther (de façon générale, il est patent que l’association d’Athéna au Soleil se fait toujours par l’intermédiaire de Zeus : c’est parce qu’elle est rattachée à Zeus, et que celui-ci est identifié au Soleil, qu’Athéna est elle-même associée au Soleil). Cf. Kahlos 196 n. 67. Cette exégèse se retrouve chez Arnobe 3, 31, 1 sq. et, point très intéressant, Julien y fait allusion pour la rejeter, cf. Saudelli Lecerf sect. 1.2. Damascius suit la voie frayée par Julien, ce qui semble indiquer une commune dépendance envers un auteur qui ne peut être que Jamblique, qui aura été indigné par le rabaissement d’Athéna à une partie de l’éther. Athéna est également associée à la Lune par les deux auteurs. Chez Porphyre, Athéna est « A-thréna », occupant pour la Lune la place qu’Apollon occupe pour le Soleil (Sur les Statues, Fr. 359F l. 61 sq.) ; elle est associée à la Lune aussi dans le Fr. XXII In Tim. Sodano (= Proclus, In Tim. I 165.16-19). Chez Julien, Athéna est associée à 71
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d’Adonis,76 j’ai fait ailleurs l’hypothèse que Julien le connaissait et ne l’a passé sous silence que parce que ses attributions répétaient celles d’Attis : il l’aurait décrit toutefois comme « troisième Démiurge ».77 Il faut bien voir que, excepté Apollon et plus indirectement son fils Asclépios, ces divinités n’avaient a priori guère de raisons de se voir identifier au ou rapprocher du Soleil. Cette accumulation de parallèles entre la liste des divinités chères à Julien et à l’école d’Athènes et celle des divinités rapprochées du Soleil dans la tradition latine dépendant de Porphyre n’en est que plus troublante. Pour ce qui est de Firmicus Maternus, le texte essentiel – qui mérite d’être cité intégralement – est celui de la prosopopée du Soleil dans le De Errore profanarum religionum 8, 2 sq. :78 « Les uns, avec une opiniâtreté insensée, me noient dans les eaux du Nil égyptien et dans ses tourbillons impétueux [Osiris]. D’autres me pleurent après m’avoir émasculé [Attis]. D’autres m’assassinent d’une mort affreuse pour me faire cuire dans une marmite ou pour enfiler sur sept broches les membres déchiquetés de mon corps [le Dionysos orphique].79 S’il arrive qu’on me traite tant soit peu aimablement, c’est pour faire de moi le cocher d’un quadrige [Apollon ou Phaéthon] ! Rejetez une bonne fois des folies aussi désastreuses, laissez-vous gagner à une conviction salutaire et cherchez la vraie voie du salut. ... 3. Pleurez sur vos morts. Destinés que vous êtes à mourir d’une pareille mort, rendez comme bon vous semble les honneurs funèbres aux mânes de vos rois. ... Pleurez sur Liber, pleurez sur Proserpine, pleurez sur Attis, pleurez sur Osiris, mais sans faire injure à ma dignité ! » (trad. Turcan)
Le Soleil, selon Firmicus, a à se plaindre d’être assimilé aux dieux les plus infâmes ou victimes des pires sévices. L’apologète latin s’en prend ainsi au principe même de l’allégorie porphyrienne, comme Arnobe quelques décennies avant lui.80 Les dieux identifiés au Soleil s’ajoutent aux parallèles déjà recensés, et qui pourraient probablement être encore Hélios dans la mesure où elle est fille de Zeus, mais son empire porte sur la Lune, cf. 149c-150a. On a donc chez les deux auteurs la même ambiguïté sur la nature d’Athéna, qui se retrouve également chez Proclus : cf. In Tim. I 141.7-10. Sur la théologie d’Athéna à Athènes, cf. Segonds - Luna 35 n. 1-2 ; 57 n. 3 ; 93 n. 2. 76 Macrobe, Sat. I 21, 1-6. 77 Lecerf 186-193. 78 Sur ce texte, voir Heuten 254 sq. ; Turcan, Firmicus 242 sq. (qui adopte une position prudente). 79 Concernant Dionysos, cf. aussi De Errore 7, 7 sq. (c’est à partir de la même légende orphique qu’il faut comprendre l’équation Dionysos = : elle peut être due à Porphyre, même si Turcan, Firmicus 240 propose Jamblique). 80 Cf. Champeaux, Arnobe XXVIII.
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multipliés. Nous nous contenterons de citer deux derniers textes en guise de pistes de recherche, l’un latin, le poème généralement désigné sous le nom de Carmen contra paganos ;81 l’autre grec, mais dépendant toujours de la tradition de Porphyre : la Théosophie dite de Tübingen.82 2.1.3 Quelques mots sur Labéo Je ne dirai que quelques mots – le sujet mériterait davantage – sur un fameux « fantôme » des études sur le néoplatonisme latin, à savoir Cornélius Labéo. On est depuis longtemps83 revenu sur les excès des thèses du début XXe siècle qui voyaient dans cette figure la source directe de Macrobe et d’Arnobe notamment. Beaucoup de points prétendument « typiquement » labéoniens (la distinction entre dieux néfastes et dieux bons, la séquence anges / démons, la conception des grands hommes comme « demi-dieux ») se sont révélés passablement banals, et son influence sur le Livre II de l’œuvre d’Arnobe (la doctrine des viri novi) est aujourd’hui circonscrite au seul § 62.84
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Le v. 109 de ce texte, Attin castratum subito praedicere solem, est susceptible de diverses interprétations dont l’une renvoie à la proclamation d’Attis comme Soleil (cf. Boxus - Poucet). Cracco Ruggini 107 n. 320 renvoie à la théologie solaire et donne un parallèle intéressant avec le ps.-Paulin de Nole, v. 113sq. Le Carmen baigne dans l’atmosphère intellectuelle de la théologie solaire des païens romains autour de Prétextat et Nicomaque Flavien : une autre allusion très intéressante est contenue aux v. 46 sq., Sacratus vester urbi quid praestitit, oro, / qui hierum docuit sub terra quaerere Solem ?, « En quoi a été utile à la cité, je le demande, votre initié / qui a enseigné comment chercher sous la terre le saint Soleil ? ». Boxus - Poucet suggèrent d’expliquer cette allusion par référence au mithraïsme, mais on peut aussi penser au texte de Porphyre cité n. 99 où Apollon incarne le Soleil dans les Enfers, ainsi qu’au Sur les Statues Fr. 358F (= Eusèbe, PE III 11, 9) où c’est Pluton qui joue ce rôle. Prétextat et son épouse Paulina ont également « collectionné » les initiations de nombreuses divinités liées au syncrétisme solaire (cf. CIL VI 1779, reproduit dans Kahlos 216). 82 Ce texte, lié à l’écrit porphyrien perdu sur la Philosophie tirée des oracles (Beatrice XXV-XXX), identifie dans sa Préface (§ 3, p. 7 sq. Beatrice) Apollon, Osiris et Dionysos au Soleil. 83 Festugière, « La doctrine ... » 294-298. 84 Mastandrea 133 ; Champeaux, Arnobe XIX n. 24. Déjà Festugière, « La doctrine ... » 294 sq. avait remarqué la différence de point de vue entre Arnobe 2, 62 et le reste de la doctrine des viri novi ; il est rejoint indépendamment par Kroll (Festugière, « La doctrine ... » 311).
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Dans le cas particulier des sources d’Arnobe, on peut se rattacher aux conclusions de J. Champeaux, qui croit à l’utilisation par Arnobe de deux grands types de sources : source latine républicaine tardive d’une part (Varron), source grecque impériale d’autre part (qui serait Porphyre).85 Pour ce qui est de Macrobe, je me contenterai de faire remarquer qu’en tout état de cause, l’influence de Labéo ne peut expliquer le caractère majoritairement grec des informations reproduites dans les Saturnales.86 Le seul contact indubitable entre Labéo – dont le cœur d’activité est la littérature des Fastes – et le monde grec (ainsi qu’avec la théologie solaire) est la brève notice de Sat. I 18, 21 à propos d’un ouvrage sur l’oracle d’Apollon Claros dans lequel Labéo aurait identifié le dieu des Juifs, Liber et le Soleil : témoignage indubitable mais sur lequel on ne saurait bâtir un roman.87 L’influence de Labéo, si elle est avérée, a
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Champeaux, « Arnobe lecteur ... » 334-337 et Arnobe 137. La rencontre de ces deux types de sources est en soi intéressante : c’est comme si, à trois siècles d’intervalle, des préoccupations similaires étaient réapparues (cf. Tommasi, The Bee-Orchid 215). De fait, à la fin de la République, de nombreux auteurs : Varron donc, mais aussi des figures moins connues telles que Nigidius Figulus, Cornificius Longus, Granius Flaccus réunissent des traditions et des informations à propos des dieux en tentant d’en donner une interprétation allégorique et syncrétique, en se fondant notamment sur les allégories stoïciennes, celles tentées par exemple par Chrysippe et reprises dans le traité des Allégories d’Homère d’Héraclite le Grammairien. C’est ce même courant de pensée qui refait surface à la fin du IIIe s. dans les milieux néoplatoniciens : non pas chez Plotin lui-même, relativement indifférent à l’allégorie et surtout à la défense du paganisme, mais chez ses disciples, Amélius, dont Porphyre nous dit dans la Vie de Plotin qu’il avait une très grande curiosité pour les mythes païens ; Porphyre lui-même, auteur de plusieurs œuvres allégoriques dont il a déjà été question (Sur les Statues, Antre des Nymphes), d’une somme religieuse (Philosophie tirée des Oracles) et donc d’un traité Sur le Soleil ; enfin Jamblique. La différence avec l’époque républicaine tient à l’apparition du christianisme : les incohérences du culte païen ne troublent plus uniquement quelques cercles philosophiques, soucieux de concilier religion de la cité et théories physiques avant-gardistes, elles menacent maintenant de causer la mort même du paganisme. Il s’agit d’élever des traditions disparates voire contradictoires au rang d’une théologie systématique. 86 Cf. Altheim 4. 87 Il n’est même pas évident, comme l’écrit Mastandrea 169, qu’il se soit agi d’un commentaire à une « collection » d’oracles. P. Hadot, Porphyre I 82 sq. propose de voir dans cet ouvrage une traduction de Porphyre, ce qui démolirait l’hypothèse que Labéo soit source unique d’un développement quelconque de théologie solaire (il ne pourrait être tout au plus qu’un relais de Porphyre). Mais même l’hypothèse d’Hadot semble déjà accorder trop d’importance à ce témoignage.
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dû se limiter pour l’essentiel aux données romaines.88 Il reste possible qu’il ait servi de relais aux idées de Porphyre,89 dans une proportion qu’il faut probablement renoncer à préciser, mais il semble bien avoir eu un rôle secondaire, et ne peut en tout état de cause avoir influencé Julien ou l’école d’Athènes, même indirectement.90 Nous n’avons même aucune preuve concrète d’une activité proprement philosophique de sa part, ce qui le distingue des viri novi d’Arnobe. 2.2 Deux interprétations divergentes du même matériau 2.2.1 Le modèle théologique de Porphyre On peut donc adopter, au moins comme hypothèse provisoire, l’idée qu’il existe une forme de lien entre ces deux groupes de textes : la tradition néoplatonicienne dont relève Julien et qui est connue de l’école d’Athènes, et l’allégorie physique porphyrienne exploitée ou combattue dans la tradition latine. Toutefois le caractère irréconciliable des philosophies bâties respectivement par Porphyre et Julien à partir du même matériau amène à penser que Porphyre n’est pas la source directe de Julien ici.91 Quand Porphyre cherche à justifier une croyance de type 88
C’est la conclusion de Fortin, 173 n. 28 et Lucarini, « Questioni arnobiane » 146 n. 32. Même sur ce point, il s’est trouvé des voix autorisées (ainsi Waszink apud Le Bonniec 49) pour limiter fortement l’influence de Labéo. 89 On n’a peut-être pas assez remarqué que la quasi-totalité des auteurs montrant une connaissance de Labéo (Augustin, Arnobe, Macrobe, Servius, Lydus) sont également familiers de Porphyre, ce qui semble donner du poids à l’hypothèse de Mastandrea 133, selon laquelle Labéo aurait « gravité » autour du cercle des viri novi porphyriens mentionnés par Arnobe. 90 Contra Bouffartigue 336, il n’y a pas de nécessité d’inclure Labéo comme source de Macrobe et de Jamblique en raison d’un parallèle entre Macrobe citant Labéo et Julien : Labéo et Jamblique peuvent en effet dépendre communément de Porphyre (voir notre schéma infra p. 99). 91 L’hypothèse concurrente qui verrait dans Jamblique la source suivie par Macrobe, proposée jadis par Wissowa (cf. Mastandrea 173, qui cite d’autres interprètes suivant Wissowa), ne semble pas réaliste (cf. déjà les critiques de Courcelle, Lettres grecques 17 sqq.). Le seul argument vraiment solide avancé par Wissowa est l’identification par Porphyre d’Asclépios à un intellect séléniaque et non héliaque (cf. Proclus, In Tim. I 159.25-27 = Porphyre, Fr. XX In Tim. Sodano, qui se rattache de façon étroite au Fr. 359F, l. 60 sq. = Eusèbe, PE III 11, 31 en opposant Athéna lunaire à Apollon solaire), contrairement à Jamblique (Proclus, In Tim. I 159.27 160.5 = Jamblique, Fr. 19 In Tim. Dillon) et à Macrobe (qui identifie Asclépios au Soleil). On ne peut en tirer de conclusions fermes : Porphyre a pu changer d’avis,
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hénothéiste cosmique, au fond assez similaire au stoïcisme, 92 en assimilant la pluralité des dieux à l’astre solaire, au risque de rabaisser l’élément divin au niveau du monde et d’aboutir à une lecture incongrue des mythes,93 Julien fait de son Hélios une divinité d’ordre supérieur, la d’autant plus qu’Asclépios peut facilement être rattaché au Soleil en raison de son ascendance (Apollon). L’absence totale d’éléments indubitablement jamblichéens chez Macrobe (au contraire des éléments porphyriens) emporte la décision. Il reste possible que Macrobe ait compilé plusieurs sources : on sait que Symmaque, pilier du cercle païen romain où Macrobe est actif, avait contacté un autre Jamblique, rattaché à l’école d’Apamée fondée par son homonyme (cf. Saffrey - Westerink, vol. I, p. XLVI), et qui a pu agir comme relais d’une influence jamblichéenne à Rome. C’est peut-être à des enseignements jamblichéens occultes que Prétextat fait allusion quand il laisse entendre (Sat. I 7, 18) qu’il ne parlera que de ce qui est licite, à savoir ce qui en a été dit sous forme mythique ou dans les allégories des physiciens : les développements physiques inspirés de Porphyre seraient alors l’écran jeté devant une théologie spéculative plus exacte (noter également que, de l’aveu de Prétextat lui-même, son exposé ne concerne que les dieux « en-deçà du monde », cf. Liebeschuetz, « The Significance ... » 186 et Flamant 660). Tout cela reste très hypothétique. On notera au passage l’importance de ce débat sur la nature solaire ou lunaire d’Asclépios comme témoignage sur les évolutions du premier néoplatonisme : la question aurait paru vide de tout sens à Plotin, elle est au contraire considérée digne d’intérêt par Porphyre (pour lequel cf. également le Fr. 186F, identifiant le prophète du Livre X de la République à un « intellect séléniaque ») et Jamblique, et continue à l’être par Julien, Macrobe et l’école d’Athènes. 92 Cf. De Vita, Giuliano imperatore 139 et n. 8 ; 148. Il s’agit bien, fondamentalement, d’identifier les divinités du paganisme à des processus physiques, dans la lignée, par ex., de la notice de Diogène Laërce VII 147 et de Cicéron, nat. deor. 2, 24-27 (autres références dans Casevitz - Babut 270 n. 467) : dans la théologie des Saturnales, d’ailleurs, des autorités stoïciennes apparaissent, ainsi Antipater en I 17, 17, justement pour une exégèse physique ; Apollodore (Sat. I 17, 19 et 20, 4 ; cf. Flamant 656), ainsi que des auteurs latins républicains influencés par le stoïcisme (cf. Liebeschuetz, « The Significance ... » 194). Porphyre est un très bon connaisseur du stoïcisme et cite en particulier Apollodore dans son Sur le Styx (Fr. 373F, l. 1.34). L’association d’Apollon solaire aux forces contradictoires de la guérison et de la destruction se trouve déjà chez Cornutus (cf. Buffière 193). Cf. aussi I 18, 15 : l’interprétation de Dionysos comme , parce que le Soleil est l’Intellect du monde (cf. aussi I 19, 9 et Gersh, Middle Platonism 555-557.560) évoque le stoïcisme (Flamant 517 n. 78), dont les acquis sont repris par Porphyre comme il appert du parallèle avec Firmicus Maternus, Mathesis I 10, 14. Un exemple est encore l’allégorie d’Héra comme , où le néoplatonisme est héritier du stoïcisme (Armisen-Marchetti, I 97 n. 375). 93 Firmicus Maternus reproche assez à Porphyre de rapporter au Soleil des mythes qui, de toute évidence, n’ont aucun rapport possible avec lui : ainsi, comment seraitil possible que l’astre solaire soit démembré comme Dionysos ou Attis ? (cf. De
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divinité médiatrice par excellence – peut-être l’analogue de Mithra –, surplombé par un Grand Hélios qui tient la place de l’Un néoplatonicien et surplombant le disque solaire visible, qui n’est que l’hypostase de troisième rang. L’Attis de Julien, cause démiurgique occupant une place précise dans la hiérarchie céleste, n’est pas l’Attis de Porphyre, divinité de la végétation. Le Soleil de Julien – déité hénothéiste se déployant dans les niveaux d’une vision post-plotinienne du monde – n’est pas le Soleil de Porphyre, qui est bien l’astre céleste pris dans la multiplicité de ses aspects physiques (croissance et destruction).94 Porphyre n’avance que partiellement dans la direction suivie par Julien. On doit certainement noter un mouvement important vers une généralisation du vocabulaire des puissances, significative en termes Errore 7, 7) Quant à Arnobe, il se contente d’objecter que si un dieu est identifié à une partie du monde ou un phénomène physique, il n’est plus un dieu individuel pouvant être sujet de mythes ou légendes. Au-delà de la mauvaise foi qui doit avoir sa part dans cette polémique, il semble incontestable que Porphyre entendait par le Soleil l’astre lumineux sensible, et non une déité supérieure au monde telle que l’Hélios intellectif de Julien. Eusèbe se moque également des « secrets » bien décevants révélés par Porphyre ( , ironique, Fr. 358F, l. 59 sq. = PE III 11, 17 ; , Fr. 359F l. 2 = PE III 11, 21 ; Fr. 360F, l. 102 sq. = PE III 13, 3), et nomme sa doctrine une « physiologie » (Fr. 351F, l. 13 = PE III 6, 7 ; Fr. 354F, l. 2 = PE III 8, 2 ; Fr. 359F l. 3 = PE III 11, 21). Firmicus, De Errore 7, 8 nomme explicitement l’exégèse solaire de ses adversaires une physica ratio. C’est aussi que Porphyre, dans sa théologie solaire, entendait se cantonner aux dieux intra-cosmiques (cf. Sat. I 17, 2 : dumtaxat qui sub caelo sunt). 94 C’est bien parce que Porphyre est représentatif de pratiques allégoriques plus traditionnelles, à mi-chemin entre stoïcisme et néoplatonisme, que l’argument de Liebeschuetz, « The Significance ... » 198, qui veut conclure à l’originalité de Macrobe à partir de l’absence de doctrines spécifiquement néoplatoniciennes dans le discours de Prétextat, n’est pas valide : il n’y a pas davantage de traces de l’Un ou du monde intelligible dans les fragments du Sur les Statues ou de la Philosophie tirée des oracles, pourtant indubitablement de Porphyre. Liebeschuetz 197.198 donne luimême deux arguments dirimants contre une trop grande originalité de Macrobe : ses sources sont essentiellement grecques ; sa liste de dieux concorde fortement avec celle de Julien (cf. liste p. 204). Bien évidemment, toute originalité de Macrobe (ou du Prétextat historique, comme le suppose lui-même Liebeschuetz 199 sq., mais sans preuves) n’est pas exclue (il est impossible de la mesurer précisément), mais il paraît certain qu’il adapte pour l’essentiel l’œuvre d’un prédécesseur grec. Le même raisonnement doit amener à la plus grande prudence au moment de vouloir assigner les textes porphyriens impliqués à une prétendue période « pré-plotinienne » (ainsi que le voulait Bidez, rallié par Flamant 668). Tout laisse au contraire penser que Porphyre eut ces préoccupations sa vie entière.
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d’histoire de la philosophie en ce qu’elle montre un raffinement du vocabulaire théologique ;95 significative également est l’apparition d’un vocabulaire local appliqué à la théologie.96 Mais on donnera le dernier mot à Eusèbe qui, tout en étant prêt à reconnaître les avancées considérables en métaphysique dues aux néoplatoniciens,97 note de façon très perspicace la contradiction entre une exégèse qui prétend mettre en lu-
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Concevoir les dieux comme des puissances du Soleil (cf. Liebeschuetz, « The Significance ... » 187 n. 9) n’est pas la même chose que les identifier purement et simplement à lui : cette distinction mènera à la distinction nette, dans l’école d’Athènes, entre l’essence (), la puissance () et l’activité (), désormais hiérarchisés (la distinction était même probablement acquise dès Jamblique, dont Julien est là aussi l’héritier, cf. De Vita, Giuliano imperatore 145 et, sur le vocabulaire des puissances, p. 147). Cf. Sat. I 17, 4-6 « puissance(s) du Soleil » (trois fois) ; 22, 1 « revenons aux multiples aspects de la puissance du Soleil » et 23, 21 : « les théologiens enseignent que dans la puissance du soleil se retrouve toute forme de pouvoir ». Dans le Fr. 478F, Athéna est une « puissance du Soleil » (virtus Solis). Flamant 659, à la suite des importantes remarques d’Altheim, a pleinement raison de noter la proximité entre Julien-Jamblique et Porphyre sur ce point, et de conclure à une utilisation par Jamblique de Porphyre : cf. Sur les Statues Fr. 355F (Héra est la puissance de l’air et de l’éther). Voir aussi les pages importantes de Gersh, Middle Platonism 555-557.560-562 sur les dieux porphyriens actifs simultanément à un niveau physique et métaphysique. De Porphyre pourrait dépendre Arnobe 3, 3, 4, chez qui on a l’idée que les contradicteurs des Chrétiens devraient indiquer des dieux qui soient différents du Dieu unique natura ( ?) et vi ( ?). En 2, 65, les dieux païens sont caractérisés par différentes potestates. Cf. également Turcan, Firmicus 211 sq. (Athéna puissance du Soleil). Il faudrait faire sur le syncrétisme lunaire une enquête similaire, en prenant en compte des textes tels qu’Arnobe 3, 34 (syncrétisme Diane, Cérès, Lune) et Sat. VII 16, 27 et en les comparant aux textes néoplatoniciens. 96 Porphyre dit ainsi qu’Hermès est la raison « dans le Soleil », qu’Hécate l’est « dans la Lune » et Hermopan « dans le Tout » (Sur les Statues, Fr. 359F, l. 110-112) et que « ce qu’est Apollon dans le Soleil, Athéna l’est dans la Lune » (Fr. 359F, l. 60-62). Selon Proclus, Porphyre aurait posé Athéna « dans la Lune » ( ) : c’est le Fr. XXII In Tim. Sodano (= Proclus, In Tim. I 165.16). Cf. aussi JeunetMancy XLVIII sq. Ce vocabulaire doit être rapproché de notations présentes chez des auteurs néoplatoniciens ultérieurs (cf. Saudelli - Lecerf sect. 1.1). 97 Le néoplatonisme opère un dépassement décisif du pansomatisme stoïcien en insistant sur l’existence et la puissance réelles des incorporels (voir nott. Porphyre, Sentence 42 et Calcidius, comm. 294). Eusèbe, PE III 6, 7 (= Porphyre, Sur les Statues Fr. 351F) reconnaît l’exactitude de la doctrine de « l’école de Platon » sur les incorporels et l’Intellect démiurgique.
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mière des « puissances incorporelles », et des résultats qui ne portent que sur des êtres physiques.98 Porphyre se distingue également de Julien dans la mesure où ce que l’on peut en lire à partir d’Eusèbe et des sources latines révèle une méthode accumulative : typiquement, Porphyre identifie une série de dieux à des aspects légèrement différents du Soleil.99 Il n’y a là aucune tentative de hiérarchisation, comme cela est en revanche patent chez Julien chez qui les divinités principales (Hélios d’une part, la Mère des Dieux d’autre part) voient graviter autour d’elles, comme subordonnés, divers « lieutenants » privilégiés et aux attributions bien tranchées, et pour qui le monde sensible n’est qu’un reflet lointain du monde intelligible, où les processus métaphysiques essentiels se jouent.100 98
C’est le Fr 353F du Sur les Statues, où Eusèbe balaie la défense de Porphyre, qui se défend de diviniser le monde en prétendant que son allégorie porte sur des puissances incorporelles et non corporelles. Pour Eusèbe, l’interpretatio physica échoue à donner une idée correcte de Dieu (PE II 2, 1, critique de Plutarque ; cf. III 4 où la théologie physique et astrale aboutit à diviniser la matière, et III 10, 3 où elle divinise le monde). D’autres indices laissent penser que Porphyre n’était pas allé au-delà de l’allégorie physique dans sa tentative de justifier le polythéisme. La distinction entre dieux célestes et dieux terrestres est chez lui importante (Philosophie tirée des oracles, Fr. 315F ; De abst. IV 16, 6 sq. ; cf. Lettre à Anébon Fr. 22 S. - S.) : Porphyre demeure ici fondamentalement médio-platonicien alors que ses successeurs marginaliseront ce vocabulaire. Proclus accuse aussi Porphyre d’avoir identifié le Démiurge à l’Âme du monde (In Tim. I 306.31 - 307.4), indice supplémentaire du caractère immanentiste de la théologie de Porphyre, du moins en dessous du niveau de l’Intellect (mais la position de Porphyre sur ce point n’est pas claire, cf. Gersh, Middle Platonism 549551). 99 Ainsi dans le seul fragment identifié du Traité du Soleil de Porphyre (Fr. 477F = Servius, In Buc. V 65 sq.), où « la puissance d’Apollon est triple : il est Soleil chez les dieux supérieurs, Liber Pater sur terre, Apollon aux Enfers ». Il n’y a pas ici hiérarchisation mais simple répartition. Il semble bien qu’Arnobe 3, 33, 2 fasse allusion à ce texte : le point décisif est la récurrence des trois divinités ensemble (Champeaux, Arnobe 140 reste ici sceptique et voit en Varron la source suivie). 100 Cf. Liebeschuetz, « Julian’s Hymn ... » 214 sq. Ainsi le disque solaire est-il simple image de l’Hélios intellectif (Or. XI (IV) 133c) : Julien n’y consacre que quelques mots. L’idée se rattache au passage célèbre de la République sur l’analogie du Soleil et du Bien, à travers la médiation médio-platonicienne telle que reflétée notamment par Philon, Spec. Leg. I 279 et Virt. 164 (voir aussi Cher. 97 ; Deus 79 sq. ; Somn. I 72 sq.) ; Calcidius, comm. 247, et jusqu’à Plotin, Traité 27 (Enn. IV 3), chap. 11 (l’âme traduit dans le soleil sensible le soleil intelligible : Bréhier fait en note le rapprochement avec Julien, mais le « soleil intelligible » n’est pas ici une entité distincte comme l’Hélios de Julien : le terme désigne la lumière métaphysique de
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Nous avons donc un paradoxe qu’on peut énoncer simplement de la façon suivante : les meilleurs parallèles de détail (portant sur des noms de divinités) avec Julien se trouvent chez Porphyre et dans la tradition qu’il a fondée,101 mais les interprétations données de ces matériaux communs sont inconciliables. 2.2.2 L’influence de Jamblique sur Julien Il est alors tentant de voir en Jamblique celui qui aurait fait basculer la théologie de Porphyre vers une hiérarchie divine parfaitement constituée, où le domaine du monde, ayant perdu son autonomie, n’était plus que le prolongement de bas niveau de l’action de principes transcendants. Tentons de préciser cette position et de présenter les difficultés qu’elle pose. Nous avons déjà évoqué les deux principaux écueils liés au fait de faire de Jamblique la source de l’essentiel des discours théologiques de Julien : d’un côté, faire de la théologie de Jamblique une théologie de type solaire semble contredire le témoignage des auteurs de l’école d’Athènes, qui ne s’appesantissent guère sur le sujet et sont pourtant très dépendants de Jamblique ; de l’autre, l’originalité de Julien, revendiquée l’ensemble de l’Intellect). Sur cette analogie dans le néoplatonisme et particulièrement chez Julien, voir De Vita, « Il Bene/Sole ». 101 Le matériel rassemblé par Porphyre n’est pas nié par les exégètes qui le suivent. Ses recherches conservent leur importance, sa méthode (rassembler une masse d’informations mythographiques, poétiques et iconographiques ; Jamblique luimême s’en ressent comme le note Liebeschuetz, « The Significance ... » 199 n. 74) et ses centres d’intérêt sont, dans une large mesure, ceux des autres néoplatoniciens. Il n’est que de constater l’héritage par Julien d’éléments numéniens repris par Porphyre : tout comme Macrobe en somn. I 12, 1-3 (voir à ce propos Flamant 549-553), Julien mentionne dans son discours la Voie lactée, l’antre homérique dont Porphyre avait fait l’exégèse dans l’Antre des Nymphes, et le statut particulier des signes du Cancer et du Capricorne (les « portes du Soleil » de Numénius et Porphyre, qui deviennent pour Julien les signes à partir desquels le Soleil commence son approche ou sa retraite). Une allusion au lait, nourriture des âmes nouvellement incarnées, intervient de même chez Saloustios, De diis et mundo IV 10. Il y a encore une remarquable continuité avec Porphyre à propos d’Attis : on trouve dans les Saturnales une allégorie astrologique : Vénus pleure Adonis quand le soleil baisse, et revit quand le soleil monte (I 21, 2 sqq.), c’est exactement le thème du À la Mère des Dieux ; I 21, 7 établit le syncrétisme Adonis = Attis et enchaîne sur les Hilaries (I 21, 10) et sur le planctus d’Isis (I 21, 11 sq.), à comparer à Julien, Or. VIII (V) 168c169d (les thrènes pour Attis laissent place à la joie).
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au moins dans le discours À la Mère des Dieux,102 semble s’évanouir. C’est pourquoi nous pensons que l’influence de Jamblique sur Julien ne se situe pas tant au niveau du détail et des menues informations utilisées, que des grandes structures et des concepts généraux. Le geste jamblichéen fondamental que Julien semble avoir repris à son compte – par opposition à l’attitude de Porphyre – est d’envisager les divinités que nous avons énumérées : Attis, Dionysos, Asclépios, Apollon en particulier, moins comme identiques purement et simplement au Soleil ou à une de ses puissances que comme rattachées à lui, dans son orbite. Ils sont associés à lui plutôt qu’ils ne sont lui, comme l’avait déjà noté judicieusement J. Bouffartigue.103 Au sommet se trouvent Hélios « intellectuel » – l’Hélios-roi à qui est dédié le discours – et Zeus à qui, pour le coup, Hélios est étroitement identifié ; mais par la suite, les autres divinités sont en dépendance de et non équivalentes à cette déité principale. Or ce schéma correspond très exactement à une « chaîne » divine néoplatonicienne, telle que celles-ci sont décrites par les auteurs de l’école d’Athènes : le premier maillon produit une série divine à son image, qui hérite de sa propriété () et de son nom, même si celuici, en raison de la dégradation ontologique subie, n’est plus qu’homonyme et non synonyme. Dans une autre contribution, à paraître, je propose avec L. Saudelli de voir en Jamblique l’introducteur de ce vocabulaire, qui permettait une flexibilité beaucoup plus grande que de rigides identifications terme à terme. Nous nous fondons en particulier sur le témoignage de Damascius, qui – et cela est décisif – parle de la chaîne du Démiurge, qui pour lui comme pour toute l’école d’Athènes s’identifie à Zeus, et y rattache Apollon, Athéna, le Soleil, comme chez Julien.104 L’adoption d’un tel modèle permet d’introduire telle ou telle divinité dans un rapport de subordination avec une autre, tout en posant une forme de continuité de nature ou d’essence : par exemple Dionysos est subordonné à son père Zeus, mais, étant de la même chaîne que lui, il continue l’action de son père au plan suivant de réalité. Il me semble clair que l’orientation adoptée par Julien dans ses discours théologiques est fondamentalement celle-ci, et qu’elle est jamblichéenne. Le vocabulaire des « chaînes » s’harmonise à merveille avec l’idée d’étages de la réalité, héritière des hypostases de Plotin mais de manière bien plus systématique et complexe. Un de ces étages est le 102
Cf. Or. VIII (V) 161c. Fauth 148 et Bouffartigue 379 insistent à juste titre sur cette originalité. 103 Bouffartigue 334 ; voir aussi Fauth 136 et R. Smith 158 sq. 104 Saudelli - Lecerf, Introduction ; et cf. supra, textes cités n. 63.65.67.
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degré « intellectif », auquel Julien place son Hélios-Zeus et la Mère des Dieux.105 Attis, en revanche, est « le dernier des dieux » et il ne commande plus qu’aux « êtres supérieurs », terme jamblichéen technique qui désigne la population semi-divine venant après les êtres pleinement divins.106 Ce raffinement du vocabulaire théologique se place dans la continuité du vocabulaire des « puissances » employé par Porphyre,107 mais l’affine et en donne une interprétation nettement plus hiérarchique ou verticale, que Julien ne pouvait qu’approuver, dans son dessein de constituer une théologie impériale.108 Chez Julien, ces structures, donc, doivent être héritées directement de Jamblique et si la liste des dieux de Julien présente des analogies fortes avec celle des dieux de Porphyre, ce doit être – telle est du moins notre hypothèse – parce que Jamblique avait repris pour les critiquer les acquis de la théologie de Porphyre : Attis, Adonis, Apollon, Dionysos et consorts, inventoriés par Porphyre et rapprochés du Soleil, ne se rapportent pas à lui sur un plan horizontal (et s’identifient encore moins à lui), mais se rattachent plutôt à une « chaîne » héliaque, articulée, à laquelle Jamblique rattachait aussi Asclépios contre l’avis exprès de son maître.109 En d’autres termes, nous expliquons les convergences massives entre la liste des dieux de Julien et celle de Porphyre (dont témoignent surtout la tradition latine et les fragments du Sur les Statues transmis par Eusèbe) par une réélaboration opérée par Jamblique sur les écrits porphyriens, dont il était nécessairement familier.110 Une telle démarche, loin d’être isolée chez Jamblique, est bien plutôt la règle 105
Ici Julien est en pleine continuité avec Jamblique, qui fut le premier à poser l’existence d’un ordre distinct de dieux seulement « intellectifs » par opposition à des dieux « intelligibles ». Cette distinction se prévaut des OC (en part. Fr. 56), comme dans le discours À la Mère des Dieux de Julien, cf. De Vita, Giuliano imperatore 160 sq. Sur la tripartition intelligible / intellectif / sensible et son emploi par Julien, voir Fauth 152 sq. (mais le rapprochement des trois démiurgies et des trois Soleils est critiquable pour les raisons données dans Lecerf 180 n. 12) et De Vita, Giuliano imperatore 142 sqq. et « Il Sole/Bene » 282. On trouvera un bel exemple de « chaîne » de la lumière, de l’hénade héliaque jusqu’à l’astre solaire, chez Saffrey, « La dévotion ... » 76 sq. 106 Cf. Julien, Or. VIII (V) 168b (les Corybantes appelés , emprunt terminologique à Jamblique). Sur la démonologie de Julien et ses liens avec Jamblique, cf. De Vita, Giuliano imperatore 185-198. 107 Cf. supra p. 90. 108 Cf. Mastrocinque. 109 Cf. supra n. 91. 110 Altheim 17 conclut également à l’utilisation par Jamblique du traité porphyrien Sur le Soleil.
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adoptée vis-à-vis de Porphyre, avec qui il semble avoir entretenu toute sa vie un rapport de rivalité farouche : que l’on pense, entre bien d’autres exemples encore, à la Réponse (anciennement appelée De mysteriis) apportée par Jamblique, sous le masque de maître Abamon, à la Lettre à Anébon de Porphyre, ou bien à son commentaire sur le Timée, où Jamblique, au témoignage de Proclus, développait une exégèse physique et théologique en contraste assumé avec l’interprétation à dominante éthique du Tyrien.111 Des éléments de cette théologie solaire remaniée passent ensuite chez Julien d’une part, et dans l’école d’Athènes d’autre part. La tradition latine ne semble pas l’avoir connue, sauf peut-être sous la forme de bribes présentes chez Martianus Capella.112 Nous pensons donc que Julien a procédé à une fusion entre des éléments liés aux Oracles, notamment ceux portant sur le Soleil, avec la théologie solaire développée par Porphyre sur une base physicaliste et dont les éléments ont été réinterprétés par Jamblique en un sens métaphysique (car les dieux qui chez Porphyre et dans la tradition latine sont interprétés en un sens surtout physique apparaissent chez Julien et dans l’école d’Athènes dans un sens théologique).113 Il reste difficile, voire impossible, de préciser où s’arrête la dépendance de Julien vis-à-vis de son héritage jamblichéen et où commence son originalité.114 Celle-ci a dû être notable, non pas tant pour ce qui concerne le noyau de dieux impliqués (sujet sur lequel la continuité entre Porphyre, Jamblique, Julien et le néoplatonisme tardif semble avoir été très forte), mais pour la place prépondérante prise par le Soleil et par Attis à l’intérieur de cette liste.115 À Julien lui-même doit également revenir la restructuration du 111
Cf. Pépin, « Merikôteron ... ». Cf. Turcan, « Martianus Capella ... » et Lenaz ; Fauth 132 sq. dépend de Turcan. Courcelle, Lettres grecques 200 sq. suppose une influence du Traité du Soleil et du Sur les Statues sur Capella. 113 La remarque de Lewy 411 : « this solar theology went through, with the general change of religious consciousness, from pantheism to transcendentalism » vaut particulièrement pour la séquence Stoïciens – Porphyre – Jamblique – Julien. 114 Cf. les conclusions mesurées de De Vita, Giuliano imperatore p. 317-320. On ne peut vérifier avec certitude, en particulier, l’hypothèse d’écrits jamblichéens spécifiquement dédiés à la théologie solaire, faite par Bouffartigue 336 sq. 115 On pourrait ériger le cas de Zeus-Hélios en cas typique. Julien fait d’Hélios-Zeus le dieu créateur en se prévalant de l’identification du Démiurge à Zeus faite par Jamblique (cf. Lecerf 179 n. 9), suivi en cela par toute l’école d’Athènes. Le lien intime entre Zeus et le Soleil chez Proclus et Damascius (supra n. 63) autorise à conclure que Jamblique avait déjà associé les deux divinités en quelque façon : mais Julien est malgré tout original en ce qu’il renverse le rapport et promeut le Soleil, dieu secondaire (rien n’indique en effet que le Soleil ait tenu un rôle important chez 112
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système chaldaïque, originellement fondé autour de divinités astrales régissant trois mondes (empyréen, éthéré, matériel), autour de la tripartition jamblichéenne intelligible – intellectif – sensible, et les spéculations sur le caractère médian du Soleil, inspirées d’OC 58 mais transférées dans une sphère supérieure au monde.116 Quels sont les écrits jamblichéens dont Julien a pu tirer son inspiration ?117 Dans la contribution mentionnée plus haut, L. Saudelli et moimême avançons l’idée que la doctrine des chaînes a dû trouver une expression particulièrement nette dans l’exégèse des Oracles chaldaïques, car nous savons que Jamblique y distinguait des sources universelles et particulières (qui seraient, chez Julien, respectivement Zeus-Hélios et, par exemple, Apollon ou Dionysos). C’est une source d’autant plus probable pour Julien que celui-ci mentionne explicitement le commentaire de Jamblique aux écrits des Théurges dans sa Lettre 12 : on s’accorde généralement à identifier ce commentaire à la et aux de Jamblique mentionnés par Damascius.118 Il est tout à fait possible que Jamblique ait discuté dans ce cadre des relations entretenues par les différentes divinités qui réapparaissent chez Julien : c’est de là également que ce dernier a dû tirer une grande partie de ce qu’il sait des Oracles chaldaïques et qui reparaît sous forme de citations dans À la Mère des Dieux. Un autre candidat très sérieux est le traité de Jamblique Sur les dieux, lui aussi perdu mais où nous savons que Jamblique distinguait plusieurs classes de dieux, hypercosmiques et « péricosmiques »119 (les parallèles terminologiques entre ces deux classes et celles présentes dans la Théologie platonicienne de Proclus laissent à penser que Jamblique y avait également parlé des classes intelligibles et intellectives, ces dernières faisant particulièrement l’objet de l’attention de Julien). C’est ce Jamblique – par exemple, qu’il ait lui-même opéré une distinction entre plusieurs Soleils, comme l’avance Lewy 151, et sa marginalisation dans le système théologique de l’école d’Athènes indique plutôt le contraire), au rang de divinité principale. 116 Cf. Seng, 72 sq. 117 Les remarques qui suivent ne prétendent pas remettre fondamentalement en cause les hypothèses de Bouffartigue 333-337 et De Vita, Giuliano imperatore 139.147, mais simplement préciser celles-ci. 118 Damascius, respectivement De Princ. II 1.8 et 104.26 W. - C. En postulant une utilisation de la Théologie chaldaïque de Jamblique par Julien, nous rejoignons ainsi les conclusions de Bouffartigue 309.345-348 ; De Vita, Giuliano imperatore 103 et Goulet 41 sq. 119 Réponse à Porphyre 200.25-27. Ce vocabulaire est analysé par Seng, Untersuchungen 225-227.
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traité en effet qui a le plus de chances d’avoir abrité les mentions de type informatif sur les différents cultes solaires, que l’on retrouve chez Julien explicitement attribuées à Jamblique : ainsi celles traitant des dieux d’Édesse, Monimos et Azizos.120 L’hypothèse la plus probable est que Jamblique ait cherché à y critiquer et compléter les renseignements mythographiques et religieux rassemblés par Porphyre dans ses œuvres,121 sans pour autant proposer une théologie solaire à proprement parler (i. e. centrée sur le Soleil, considéré comme seul dieu ou du moins comme roi et premier des dieux). C’est Julien qui a dû choisir de revenir à une théologie davantage centrée sur le Soleil, tout en gardant une armature conceptuelle essentiellement jamblichéenne (niveaux de réalité, genres supérieurs, centralité du Démiurge, importance de la théurgie et des Oracles). Si cela est exact, alors Julien opère un retour partiel au projet hénothéiste de Porphyre, mais en se détachant catégoriquement de son socle conceptuel. Jamblique a dû également traiter, ici ou ailleurs, du culte de la Mère et d’Attis afin d’en proposer, même succinctement, une réinterprétation plus « noble » que la ratio physica porphyrienne : cette hypothèse nous paraît la seule apte à rendre compte du parallèle flagrant entre les interprétations julianienne et damascienne du culte phrygien.122 Mais il peut s’être contenté d’une distribution rapide des rôles : auquel cas, reviendrait à Julien le mérite d’avoir composé lui-même l’affabulation, en adaptant au mythe les éléments cosmiques et de physique des éléments qu’il trouvait dans les écrits médio-platoniciens contemporains,123 en reliant théologie solaire, mythe phrygien et interprétation des Oracles qui seraient restés chez Jamblique à l’état disparate, et aussi en tirant la belle leçon morale qu’il découvre dans le festival du Dieu : les Hilaria, symbole de notre renonciation à l’Illimité, et de notre retour dans le giron de la Limite. Ce n’est pas un mince mérite, et justifierait amplement que Julien revendique ici l’originalité. Les Oracles jouent un 120
La liste exhaustive des renvois à Jamblique est faite par Bouffartigue 277 : Or. XI (IV) 146a-b, 150d, 157b-c (ainsi que, hors contexte solaire, Or. IX (VI) 188b ; Or. VII 217b). 121 Particulièrement celles que Smith a rangées dans une catégorie Mystica et Mythica : Philosophie tirée des Oracles ; Sur les Statues ; Sur les Noms divins notamment (les fragments du Traité du Soleil sont étrangement classés parmi les Incertae sedis alors même que Servius nous donne le titre de cette œuvre : il faut probablement l’interpréter comme une réticence de Smith à prendre position dans le débat sur l’identité de cette œuvre avec le Sur les noms divins, cf. supra n. 48). 122 Cf. supra n. 44. 123 Voir supra p. 64-67.
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rôle considérable dans cette synthèse, comme relais de représentations médio-platoniciennes, pour l’accent théurgique donné au discours et le modèle théologique impliqué. Enfin, on pourrait également supposer un traité perdu explicitement consacré à la Mère des Dieux, qui aurait pu servir de base au traité du même type écrit par Proclus.124 Mais l’hypothèse n’est pas économique, car absolument aucune information objective n’atteste l’existence d’une telle monographie :125 du reste on s’attendrait à ce que Julien la cite au lieu de citer les travaux de Porphyre. Il a encore existé des Hymnes de Jamblique,126 dont on pourrait attendre qu’ils présentent des affinités avec ceux de Proclus – dont nous avons vu la richesse pour l’interprétation d’Attis – mais ici encore il s’agirait d’hypothèses gratuites, car nous ne savons pratiquement rien de ces hymnes ou de leur contenu.
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Marinus, Vit. Procli § 33. Cf. déjà les réserves de Bouffartigue 375. 126 Cf. Marinus, Vit. Procli § 32.24-30 et Damascius, In Phil. 19. 125
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On peut présenter synthétiquement ces hypothèses au moyen du diagramme suivant :
Arnobe – Firmicus Maternus Contra nationes III et V, De Errore profanarum religionum : critique des syncrétismes solaires porphyriens
Cercle de Prétextat, Macrobe, Servius Saturnales, Commentaires à Virgile : reprise de la version porphyrienne de la théologie solaire
C O R N É L I U S L A B É O ?
PORPHYRE Allégorie à dominante physique Les dieux païens se ramènent au Soleil : grandes enquêtes doxographiques, mythographiques, iconographiques Traité du Soleil (= Sur les noms divins ?), Sur les Statues (évt. Philosophie tirée des oracles)
De Nuptiis II, 185193 : hymne au Soleil
Essor de la théologie et des syncrétismes, du mithraïsme, du culte de Sol invictus Gnose et Oracles chaldaïques
JAMBLIQUE Allégorie à dominante théologique Reprise critique de la liste de Porphyre ; dieux classés par affinités et « chaînes » -> Sur les dieux. Le Soleil passe au second rang. Apport d’éléments chaldaïques -> Théologie chaldaïque
JULIEN Martianus Capella ?
CONTEXTE CULTUREL
Structure conceptuelle presque exclusivement due à Jamblique. Parallèles porphyriens dus à la médiation de Jamblique. Retour à la centralité du Soleil (cf. Porphyre). À Hélios-roi ; À la Mère des Dieux
ÉCOLE D’ATHÈNES (en part. Proclus, Damascius) Tradition de Jamblique, rejet de Porphyre, ignorance de Julien et des Latins. Éléments diffus mais caractéristiques de théologie solaire.
Philippe Hoffmann
et : le fragment 51 (v. 3) des Places (p. 28 Kroll) des Oracles Chaldaïques selon Proclus et Simplicius (Corollarium de loco) La longue digression introduite par Simplicius dans son Commentaire à la Physique d’Aristote, qui est consacrée à la notion de « lieu » () et qui prend la suite de l’explication continue du texte même d’Aristote (Phys. IV 1-5, 208 a 27 - 213 a 11), est traditionnellement désignée par le titre (sans support dans la tradition manuscrite) de Corollarium de loco.1 Avec le Corollarium de tempore, qui accompagne parallèlement l’explication du traité aristotélicien du temps (Phys. IV 10-14, 217 b 29 224 a 17),2 il constitue un diptyque qui est une pièce essentielle pour notre connaissance de la philosophie néoplatonicienne de la Nature, car il offre sur les doctrines néoplatoniciennes de l’espace et du temps des exposés d’importance majeure. Le Corollarium de loco présente, sur 45 pages des CAG, une histoire néoplatonicienne des doctrines du « lieu », d’Aristote à Damascius (et Simplicius lui-même), qui nous a conservé de précieux fragments de deux traités perdus de Proclus3 et de Damascius,4
1
Simplicius, In Phys. 601, 1 - 645, 19 Diels. – Pour une présentation d’ensemble du texte (avec étude de la tradition manuscrite, bibliographie complète, plan et analyse de l’argumentation, et extraits), lire Golitsis - Hoffmann. Le travail effectué en commun avec P. Golitsis (édition et traduction du Corollarium) est la base de la présente étude. En attendant la parution de la nouvelle édition (avec traduction et notes) dans la série « Commentaria in Aristotelem Graeca et Byzantina » (chez De Gruyter), une édition électronique est disponible en ligne sur le site web du projet Teuchos, de l’Université de Hambourg : http://www.teuchos.uni-hamburg.de/sites/teuchos.unihamburg.de/files/Hoffmann-Golitsis-Simplicii_Ciliciensis_Corollarium_de_loco -rev3b.pdf. 2 Simplicius, In Phys. 773, 8 - 800, 25 D. 3 Voir la notice de Luna - Segonds 1624, (36) [B. 25]. Traductions en anglais des fragments du traité de Proclus par Th. Taylor et J. O. Urmson (voir la bibliographie s.v. « Proclus » et « Simplicius »). 4 Voir les données philologiques et la bibliographie dans Hoffmann, « Damascius (D 3) » 575-577, et Golitsis - Hoffmann 162 sq. et n. 78-86.
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et qui suit un plan en deux parties très nettement distinguées. 5 Une section dialectique, tout d’abord, dans laquelle Simplicius mène un examen critique des contradictions du dossier aristotélicien (Physique et De caelo), en répondant au traitement par Alexandre d’Aphrodise de la « magna quaestio » ;6 il discute dans cette première partie les doctrines antérieures à celle de Damascius (d’Aristote à Syrianus), et s’attache à comprendre les raisons de leur échec.7 Vient ensuite une pars construens, ou plutôt un exposé systématique consacré à la doctrine véridique du « lieu », celle de Damascius, que Simplicius retouche et précise. Dans la première partie, dialectique, Simplicius consacre près de 13 pages (de l’édition Diels), soit près du tiers de l’ensemble de la digression, à l’examen critique des doctrines du « lieu » qui se sont intéressées à un type de définition rejeté (et négligé) par Aristote,8 celui qui fait du lieu un « espace » ou une « étendue » ().9 La discussion de ces doctrines (représentées sous des formes diverses par Démocrite, Straton de Lampsaque, Syrianus, Proclus) est particulièrement importante car, conformément à une méthode d’origine aristotélicienne, l’examen dialectique des opinions consiste non seulement en une critique et une réfutation, mais vise aussi à extraire la part de vérité contenue dans les opinions examinées. La lecture d’ensemble de la digression permet de comprendre que Simplicius a prêté un intérêt tout particulier aux définitions du « lieu » comme (corporel ou incorporel) parce qu’elles préfiguraient en quelque sorte – de façon certes maladroite et fautive – la doctrine de son maître Damascius. Du on passe à la considération de la néoplatonicienne. En effet, lorsqu’il en vient à l’exposé complet de la doctrine de Damascius, Simplicius met en lumière le fait qu’il y a une liaison fondamentale entre le « lieu » () et la « distension » () qui se réalise dans la 5
Golitsis - Hoffmann 144-160. Golitsis - Hoffmann 119 ; 122 n. 7 ; 133 ; 137 n. 55 et 144-146. 7 Sur les procédures dialectiques à l’œuvre dans cette première partie du Corollarium de loco, cf. Hoffmann, « Dialectical Strategies ... », à paraître. Le caractère défectueux de toutes les doctrines du lieu, d’Aristote à Syrianus, tient au fait de ne pas avoir conduit l’enquête à partir de la considération de l’« utilité » () offerte par le lieu aux corps dont il « mesure » la distension () : v. par exemple Simplicius, In Phys. 610, 23 - 611, 7 D. (11, 14 - 12, 2 éd. Golitsis-Hoffmann [désormais G. - H.]) ; 624, 17-20 D. (27, 1-4 G. - H.), ou encore à propos de la démarche novatrice de Damascius p. 625, 2 sq. D. (27, 24 sq. G. - H.), et Golitsis Hoffmann 142-143.150.154-156. 8 Aristote, Phys. IV 4, 211 b 14-29. 9 Simplicius, In Phys. 611, 8 - 624, 36 D. (= 12, 3 - 27, 20 G. - H.). 6
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Procession. Le lieu est une détermination « inétendue » (), qui « œuvre à la perfection des corps » (),10 et plus précisément il est la « mesure rassemblante » ( ) d’une modalité particulière de la , qui est désignée par le terme de : disposition des parties d’une totalité à l’intérieur de cette totalité (envisagée dans sa cohérence organique) ou encore position d’un corps à l’intérieur d’un autre corps envisagé comme totalité plus englobante. Le lieu confère l’.11 Cette perspective théorique confère rétroactivement aux discussions des définitions du lieu comme une valeur de prodromes. En particulier, la présentation et la réfutation d’une doctrine originale de Proclus, définissant le lieu comme une sphère corporelle lumineuse,12 est pour Simplicius un préalable dialectique indispensable à l’exposé de la 10
Simplicius, In Phys. 601, 16-19 D. (= 1, 16-19 G. - H.). Sur la doctrine de Damascius (exposée, complétée et rectifiée par Simplicius dans la seconde partie du Corollarium de loco), cf. [avec la bibliographie antérieure] Golitsis - Hoffmann 139-143.155-160.162-172. 12 Sur cette doctrine de Proclus, voir : Duhem ch. V 16 ; Hoffmann, « Simplicius ... » 149-153 ; Sambursky, « Place and Space ... » et Concept of Place 18-21 ; Sorabji chap. 7 (Neoplatonists and Christians: place and bodies in the same place), spéc. p. 109-118 ; Schrenk [qui étudie en particulier le texte parallèle du Commentaire sur la République], « Proclus on Space ... » et « Proclus on Corporeal Space » ; Finamore (sur Proclus, voir p. 63 n. 12) [offre un précieux panorama des doctrines néoplatoniciennes de la lumière, de Plotin à Proclus] ; Griffin, qui donne une bibliographie complète p. 162 n. 3 (l’article, qui s’attache à situer Proclus dans la continuité des doctrines néoplatoniciennes de l’, développées à partir de Porphyre et de Jamblique, est discuté infra p. 141 n. 113 : les textes n’autorisent pas à affirmer (après L. P. Schrenk) que Proclus a repris tout uniment la doctrine de Porphyre, et que pour lui la Lumière de Resp. X = le véhicule lumineux de l’Âme du Monde = le lieu ; cela doit conduire à rectifier certaines analyses de l’auteur (plus prudent toutefois à la p. 172), dont l’article est par ailleurs très intéressant, en ce qui concerne particulièrement la situation de la doctrine de Proclus dans l’histoire de la métaphysique néoplatonicienne de la lumière – avec notamment les doctrines de Plotin et de Jamblique (p. 169 sqq. sur la question de la corporalité de la lumière)). – La doctrine de Proclus se situe dans la continuité de celle (professée par des philosophes anonymes) qui est rapportée par Syrianus, In Metaph. 84, 31 - 86, 7 (85, 28) Kroll : Kroll (apparat ad 84, 31) a aussi remarqué la ressemblance entre cette conception d’un immatériel, immobile, sans changement, ne présentant aucune résistance, impassible (et différent d’une étendue purement mathématique), qui compénètre le Monde, et d’autre part la notice de Proclus sur Porphyre, In Remp. II 196, 22 - 197, 16 Kroll (voir infra p. 139-141 et n. 113, à propos de Simplicius, In Phys. 615, 32-35 D. = 17, 10-13 G. - H.). Voir Sorabji 110-114 (qui fait très justement remarquer, p. 110, qu’il n’est pas évident que la doctrine exposée par Syrianus « already treats place as a body », v. aussi p. 114), et Griffin 165 et n. 10 ; 172. 11
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doctrine véridique. Malgré l’autorité dont Proclus est revêtu aux yeux de tous les néoplatoniciens de la fin de l’Antiquité, malgré le respect profond que Simplicius éprouve pour lui, il lui importe ici de réfuter13 que le lieu soit un corps, fût-ce un corps immatériel, afin que le lieu puisse ultérieurement être défini comme une mesure inétendue et incorporelle de la des corps (Damascius). Dans le traité perdu dont des passages centraux sont conservés par Simplicius, Proclus démontre sa doctrine par la conjonction d’une démarche proprement philosophique et apodictique, et par un recours à deux confirmations offertes par des Autorités sacrées : la Raison rencontre la Révélation.14 La première démarche part de prémisses aristotéliciennes (Phys. IV 4, 212 a 2-6), elle promeut l’hypothèse selon laquelle le « lieu » serait un , et elle démontre que c’est un corporel, compris comme sphère de lumière pure coïncidant avec la sphère cosmique : un corps immobile, indivisible, immatériel.15 La seconde démarche, de confirmation (), consiste à poser la concordance de cette conclusion rationnelle avec les données du mythe d’Er dans la République, et avec le sens attribué à un vers chaldaïque (OC 51 des Places, v. 3) qui énonce de façon mystérieuse que l’Âme du Monde « anime de fond en comble lumière, feu, éther, mondes » ( ).16 Le lieu-lumière « démontré » par la procédure rationnelle est enseigné par le sens profond (et caché) que l’on décèle dans le mythe (c’est la colonne de lumière de Resp. X 616 b 4 - c 4, spéc. b 4-6) et dans la parole même des dieux (c’est la Lumière qui transcende les trois étages de la cosmologie chaldaïque et qui est la même réalité que la lumière du mythe d’Er). Le commentaire de Proclus sur la République identifie parallèlement la lumière de République X au lieu du Ciel, réaffirme son identité avec la Lumière chaldaïque, et fait référence à ce traité
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Sur l’attitude de respect et de liberté critique à l’égard des autorités dans le Corollarium de loco, v. Golitsis - Hoffmann 132-137. 14 La Raison est apodictique (dans le fragment de Proclus), dialectique (l’argumentation de Simplicius) mais aussi philosophique et théologique (chez Proclus comme chez Simplicius), et principalement exégétique. La Révélation est celle de Platon (le mythe d’Er) et, surtout, celle des Oracles Chaldaïques. 15 Simplicius, In Phys. 611, 14 - 612, 35 D. (= 12, 9 - 14, 2 G. - H.). Voir infra p. 122-126. 16 Simplicius, In Phys. 612, 35 - 614, 7 D. (= 14, 2 - 15, 16 G. - H.). Voir infra p. 127-135.
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– en offrant une doctrine tout à fait concordante.17 L’autorité des Oracles Chaldaïques est pour les néoplatoniciens de cette époque la source ultime de la Vérité, et Simplicius (dont l’œuvre atteste une bonne connaissance des OC) engage contre Proclus, pas à pas, une longue discussion exégétique18 sur le sens de cet Oracle qui constituait dans le traité de Proclus la confirmation décisive en faveur de sa définition du lieu comme corps lumineux. L’enjeu se comprend dans la perspective d’ensemble du Corollarium de loco : pour préparer l’exposé scientifique de la doctrine véridique du lieu comme « mesure rassemblante », Simplicius, à travers la réfutation de l’interprétation de Proclus, doit établir que l’Oracle enseigne une autre doctrine de la Lumière, qui fait de celle-ci, certes, une réalité transcendant le Monde (pour lui, ce sera une « monade » incorporelle), mais assurément pas un corps : de sorte que l’enseignement de l’Oracle ne sera pas incompatible avec la définition véridique du lieu comme « mesure » incorporelle et inétendue de la des corps (Damascius). Deux philosophes néoplatoniciens, on le voit, peuvent partager la même croyance et la même révérence à l’égard des Oracles, mais cela autorise tout à fait une recherche exégétique sur le sens caché de l’Oracle, dont l’obscurité même suscite une dynamique interprétative. La longue discussion, dans laquelle Simplicius conteste l’interprétation de Proclus, est donc un document exceptionnel sur l’intérêt porté aux Oracles Chaldaïques par Simplicius, au sein même d’un commentaire sur Aristote, et sur une question de physique. L’objet des pages qui suivent est de proposer une traduction commentée de l’ensemble du texte de Simplicius (In Phys. 611, 8 - 618, 7 D. = 12, 3 - 19, 31 G. - H.), de façon à montrer l’osmose entre la démarche proprement philosophique de Simplicius (et de Proclus), qui correspond à une recherche de Physique, et l’opération herméneutique appliquée à une parole oraculaire, laquelle est une , au double sens du terme : la confirmation d’un raisonnement, et l’occasion d’une expérience de Foi puisque cette parole divine porte sur un objet divin.19 17
Proclus, In Remp. II 199, 22 - 202, 2 K. = Festugière, trad. T. III 149-151.328-348 (où est traduite une partie du Corollarium de loco, principalement ce qui concerne la doctrine de Proclus). 18 Simplicius, In Phys. 614, 8 - 617, 32 D. (= 15, 17 - 19, 16 G. - H.). Voir infra p. 136-151. 19 Sur l’articulation entre procédure démonstrative et confirmation (), c’est-àdire aussi la liaison de la Raison et de la Foi, je me permets de renvoyer à « Science théologique et foi ... », spéc. 320 sq. et n. 151 (à propos de Simplicius, In De caelo, 370, 15-16 Heiberg : les mythes de Platon interviennent ).
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La traduction du texte de Simplicius sera précédée de quelques remarques préliminaires sur l’Oracle 51. Le texte grec de Simplicius est accessible à la fois dans l’édition de Diels et dans l’édition mise en ligne déjà mentionnée (éd. Golitsis-Hoffmann = G. - H.). 1 Remarques préliminaires 1.1 La citation de OC 51 dans son contexte (de 3 vers) Dans le Corollarium de loco, Simplicius mentionne à trois reprises le 3e vers de OC 51 ( , « Elle anime de fond en comble lumière, feu, éther, mondes ») sans jamais faire allusion aux deux autres vers, antécédents, qui dans l’état de la transmission constituent avec lui l’Oracle 51 des Places. Ce qui est nommé ici « âme fontanienne » ( ),20 c’est l’âme « primordiale » (ici : ) ou encore l’Âme du Monde, qui procède d’Hécate sans s’identifier à elle.21 20
Cf. Proclus, In Tim. III 249, 12-16 Diehl : , , , « cette cause vivifiante, les barbares la nomment ‘âme fontanienne’, qui est sortie, pourvue de la ‘vertu fontanienne’, des ‘flancs’ [OC 51] de la Déité vivifiante totale en laquelle sont contenues les sources de toute vie, divine, angélique, démonique, psychique, physique » (Festugière, trad. T. V 116). Cf. aussi In Tim. III 271, 22‐25 D. 21 W. Kroll, H. Lewy et de nombreux auteurs identifient Hécate à l’Âme du Monde, tout comme, par exemple, Johnston, Hekate Soteira (spéc. p. 153-163 : Appendix: Evidence For Hekate’s Equation With Soul), qui s’attache à rassembler tous les indices allant dans ce sens, et présente une doxographie complète sur la question, permettant de suivre la constitution d’une communis opinio. Ce livre, très intéressant par ailleurs, situe la figure d’Hécate par rapport à l’histoire des définitions philosophiques de l’Âme du Monde et par rapport au dossier – riche et complexe – d’Hécate dans l’histoire de la religion antique. S. I. Johnston a ultérieurement modifié son opinion dans un article récent : Finamore - Johnston 165 sq., où les auteurs posent l’hypothèse d’une deuxième Hécate entre le démiurge et l’Âme du Monde – hypothèse refusée par H. Seng, Un livre sacré III.7 n. 34. – Contre l’identification d’Hécate et de l’Âme du Monde, voir déjà la position de Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » [article essentiel qui donne un panorama complet du système chaldaïque tel que compris par Proclus] (sur Hécate voir les p. 113.122.139-142.145146.151 et tableau récapitulatif p. 161 sq. ; selon Brisson [p. 140], « Hécate est la source des âmes, car elle est assimilée au cratère dans lequel le démiurge, dans le Timée [...], réalise le mélange dont viennent les âmes ») ; et aussi Brisson, « Plato’s
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Comme on l’a remarqué, OC 51 constitue avec OC 52 et 54 un ensemble de vers décrivant la déesse Hécate : dans OC 52 (où elle est nommée)22 il est dit qu’elle conserve en son flanc gauche la source de la « Vertu », dans OC 51 il est dit qu’elle laisse échapper de son flanc droit l’Âme du Monde,23 et OC 54 nous dit qu’elle porte sur son dos la « Nature ». Nous examinerons infra (p. 110-114) cet ensemble, qui sert de contexte au vers cité par Proclus et Simplicius. H. Seng, dans un livre récent qui s’attache à restituer l’ensemble de la doctrine des Oracles Chaldaïques par-delà les interprétations néoplatoniciennes, explique de façon très claire et argumentée que la figure d’Hécate24 doit se comprendre dans un ensemble constitué par la triade primordiale, et « paternelle », constituée du premier Père, Intellect transcendant, de la Dynamis du Père (qui occupe une position médiane) et du second Intellect démiurgique,25 et par une autre triade – en relation étroite avec la première – que la déesse forme avec le et le .26 Hécate semble ne pas devoir se confondre avec la Timaeus ... » (voir p. 118 sq. sur Hécate). Lire également van den Berg, Proclus’ Hymns 252 et n. 2 ; 254.256.258.263 ; et « ‘Becoming like God’ ... » (aux p. 193195, avec un bref commentaire de OC 51 ; van den Berg affirme à partir de la lecture de l’In Tim. de Proclus qu’Hécate n’est ni le du Timée [contre Brisson] ni l’Âme du Monde [contre Johnston, Hekate Soteira]). 22 Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 140 et n. 71 propose de façon tout à fait convaincante de restituer l’ordre : OC 52 + 51 + 54 [présentation d’Hécate aux p. 139-142]. 23 Proclus fait même d’Hécate, de l’Âme et de la Vertu trois « monades » constituant une « triade », en Th. Pl. VI 11, p. 51, 25-28 S. - W., dans le contexte de l’étude de la triade « Corique » (celle des dieux « vivificateurs »), où il indique leur correspondance avec la triade , (la puissance « productrice de la vie ») et (l’intellect vivificateur) ; voir la n. 8 ad loc. (p. 152) dans l’éd. S. - W., et aussi Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 150-151.162 (tableau récapitulatif). 24 Sur le système des triades, et en particulier sur Hécate dans les Oracles Chaldaïques, on lira par exemple : Lewy 67 sqq. (spéc. 83-98) ; P. Hadot, Porphyre I 396 et n. 2 ; 402 et n. 12 ; 403 n. 2 ; Johnston, Hekate Soteira ; Seng, Un livre sacré II. Théologie et métaphysique, spéc. II.3 (Hécate) ; III.7 (l’âme du monde et Hécate). 25 On remarque souvent, et à juste titre, que cet aspect de la doctrine des OC – la distinction entre un Intellect transcendant et un second Intellect démiurgique – est fort proche de la pensée de Numénius (voir fr. 11-22 des Places) ou d’Alkinoos. Voir Dillon, « The concept of two intellects ». 26 L’identification de ces deux entités, et , est discutée par H. Seng dans le présent volume aux p. 31-46 : contrairement à l’interprétation néoplatonicienne, selon laquelle le correspondrait au Père (qui n’a qu’une seule activité, tournée vers lui-même) et le au deuxième Intellect (qui à la fois pense et produit l’Univers) [cf. Proclus, In Tim. I 415, 27 -
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Dynamis du Père, même si elle entretient avec elle une étroite relation, et si toutes deux sont extrêmement liées à la Vie.27 H. Seng résume en ces termes leur connexion : « La Dynamis semble correspondre aux énergies créatrices émanant du Père [...], Hécate et son sein semblent plutôt être une sorte de réservoir qui accueille la Dynamis et donne ainsi forme au monde intelligible » ;28 et « Hécate semble avant tout constituer une entité qui accueille la Dynamis et se constitue avec celle-ci en ‘monde igné’ des idées ».29 Elle donne naissance à l’Âme du Monde, et c’est le point qui importe à Proclus et à Simplicius dans le texte que nous allons étudier. Cet arrière-plan théologique – que je ne fais ici que résumer dans ses grandes lignes –30 n’est pas explicité ni commenté dans le Corolla416, 2 D.], H. Seng met en évidence des indices qui conduisent à penser – contre le consensus qui s’est établi – que l’ordre, à l’origine, était inverse. Voir aussi Un livre sacré II.3. 27 Cf. l’image du « sein producteur de vie d’Hécate » (OC 32, v. 2 ), et OC 35. 28 Seng, Un livre sacré II.3. 29 Seng, Un livre sacré II.4. 30 L’ensemble du dossier a été présenté naguère (le 30 janvier 2010), dans mon séminaire doctoral de l’EPHE, par A. Lecerf, à qui j’emprunte ces références, dont l’étude approfondie excéderait les limites du présent article. Outre le parallèle principal chez Proclus, In Remp. II 201, 10 - 202, 2 K., il faut mentionner des allusions dans l’In Tim., I 309, 14 - 310, 2 D. ( ) ; II 129, 22 - 130, 1 (Hécate, la déesse qui est cause de l’âme, , et qui a rang intermédiaire, , « projette hors de ses flancs la vie de l’âme », ); II 260, 20-28 (mention des « tempes », , des « mains », , ou des « flancs », [OC 51], termes utilisés par les « Théologiens » pour décrire les puissances génératives de l’âme, ) et III 256, 30 - 257, 5 (les dieux appellent l’âme « flot abondant de toute la production de la vie », ), mais aussi la mention des trois « mondes » chaldaïques en In Tim. II 57, 9-23 et dans l’In Crat. 76, 20 sqq. Pasquali (mis en rapport d’analogie avec les races d’or, d’argent et de bronze d’Hésiode), où l’on trouve aussi la description de Démètèr, In Crat. 92, 2-5 P. (Démètèr « déverse Héra de son côté droit, le diacosme total des âmes, et de son côté gauche projette Hestia, l’ensemble de la lumière de la vertu », , ᾽ ). De la « déesse créatrice de toute vie » (zoogonus thea) dépend la source (fons) de toute âme, empyrée, éthérée, matérielle (Proclus, De providentia et fato, § 42. 1-30). La deuxième triade, « vivificatrice », des dieux hypercosmiques, comporte trois monades, ‘Hécate’, ‘Âme’, ‘Vertu’, selon la Th. Pl. VI 11 p. 51, 19-28 S. - W. (cf. OC 51.52). Sur Hécate, divinité vivifiante et source de l’âme, voir aussi Damascius, In Parm. III 28, 6-16 ( ) et 181, 9 sq. W. - C. -S. Emploi probable du vocabulaire
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rium de loco, mais il semble évident que Proclus, dans son traité perdu sur le lieu, et Simplicius lui-même, ont à l’esprit l’ensemble de la doctrine, ou plutôt les interprétations néoplatoniciennes de la théologie chaldaïque et d’Hécate – telles que les œuvres de Proclus et de Damascius nous permettent de les appréhender. Ici, Proclus et Simplicius font, peut-on penser, une allusion implicite à Hécate comme à l’origine de l’Âme . Proclus, qui a personnellement vu Hécate en apparition31 et qui a écrit un « Hymne commun à la Mère des dieux, à Hécate et à Janus » (H VI),32 cite ultérieurement, dans son commentaire à la République33 les trois vers constituant l’Oracle, et le Corollarium de loco atteste que Simplicius avait, comme ses prédécesseurs Proclus et Damascius, la connaissance que tout philosophe néoplatonicien de l’Antiquité tardive avait des OC. La discussion du Corollarium de loco ne conduisait assurément pas à réexposer le « dossier » d’Hécate (supposé, donc, bien connu), mais à mentionner et à discuter les Oracles, ou vers oraculaires, intéressant directement la doctrine du « lieu » (outre OC 51, v. 3 : OC 57 et OC 144). Le Corollarium montre assurément que la révérence envers les Oracles, paroles révélées par les dieux, laissait ouvert le débat sur leur interprétation.
chaldaïque aussi chez Synésius, Hymne I 81.83 ( et ), cf. 446.714 ; II 172 (les flancs du ciel, ), et al. ; Psellos, Opusc. phil. I 3, 130-132 [à partir d’Hécate les Chaldéens « substantifient les vertus et font descendre les âmes », ], et Accusation de Michel Cérulaire = Oratoria minora 2, l. 618-626 (mention du côté gauche d’Hécate, , origine de l’âme, et de son flanc droit, , d’où coulent les vertus : cf. OC 51.52). 31 Voir Marinus, Vit. Procli § 28.15-19 S. - S. - L. (p. 33) : , , , « Auparavant, comme il convient, le philosophe s’était purifié au moyen des rites purificatoires Chaldaïques et il bénéficia d’apparitions lumineuses d’Hécate, face à face, comme il le relate lui-même quelque part dans un écrit particulier » (voir aussi n. 10-14 ad loc., p. 155 sq.). 32 Van den Berg, Proclus’ Hymns 42.58-59.252-273 (spéc. p. 252-256 sur Hécate dans la théologie de Proclus, et p. 258). Voir aussi une mention d’Hécate dans l’Hymne à Athéna, v. 17 (van den Berg 276-277.293-295). 33 Proclus, In Remp. II 201, 14-16.
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1.2 Une statue d’Hécate ? Selon une interprétation de H. Lewy,34 suivi par une communis opinio,35 il s’agit peut-être de la description d’une statue (cultuelle ou télestique ?) d’Hécate, sur laquelle aurait figuré une ouverture au niveau de chacun de ses flancs. Du flanc36 droit de la déesse l’âme universelle s’écoule et anime le Monde, et le v. 3 ne peut se comprendre, en fait, sans la men-
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Lewy 88 : « This Oracle contains the following description of two orifices with which the hips of the statue or two pitchers [cruches] attached to these were provided » ; lire aussi chap. VI 355-366, spéc. 361-364 sur l’interprétation allégorique de la statue de culte d’Hécate. – Cette interprétation est reprise par Majercik, Chaldean Oracles 163, et avec prudence par Seng, Un livre sacré III.7, qui n’exclut pas « qu’il s’agisse simplement d’une représentation imaginaire du corps divin, peutêtre dans un contexte visionnaire », et fait remarquer que d’autres parties du corps d’Hécate, ainsi que des éléments de parure, sont mentionnés par Proclus (In Tim. II 260, 26 sq. D. à propos de l’Âme et de ses puissances génératives [ = tempes, , ], voir Festugière, T. III 304 et n. 3), Damascius (De Princ. III 38, 3-6 W. - C. à propos de l’Hécate « archique » [ , , « l’Hécate ‘archique’ est dite, elle aussi, découler de la couronne (d’Hécate), comme l’Âme et la Vertu archiques découlent des sources particulières de la Ceinture (d’Hécate) »], et 39, 4-8 W. - C. à propos de la parure d’Hécate [ , , « la Ceinture correspond aux flancs ceints de la déesse, tandis que la Couronne correspond aux tempes et au front de la tête divine »]), mais aussi par Michel Psellos ( 1136 b 9s. = Opusc. phil. II 38 p. 135, 17 sq. O’M. [... ] ; p. 74, 12 K. = Opusc. phil. II 40 p. 149, 20 O’M. []). 35 Johnston, Hekate Soteira 62 (et n. 33) ; 131 (Chapitre VIII : The Epiphany of Hekate) : « Oracle frs. 51 and 52, which describe soul pouring forth from the right side of Hekate’s abdomen and virtue remaining within the left side, also refer to a statue of the goddess, although it is unclear whether the statue was telestic or simply a cult statue », avec la n. 58 (références à Lewy 88 sqq. et 247 sqq.) qui rappelle que : « The animating of Hekate’s statue apparently was a favorite pursuit of theurgists and magicians in late antiquity » ; voir aussi p. 157. Riche dossier chez Wolff 133 et n. 7, et surtout 206-213 (Additamentum III. De statuarum consecratione). Un exemple spectaculaire est l’animation de la statue d’Hécate (qui sourit, puis rit, puis dont les torches s’allument) par Maxime d’Éphèse, dans le célèbre texte d’Eunape, Vit. soph. VII 2, 6-10, p. 44, 6-24 Giangrande ; éd. Goulet, II, p. 45 sq. = VII, 21-24 [lire le commentaire très détaillé de Becker 368-372]. 36 : probablement l’espace du corps compris entre les côtes et la hanche.
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tion de son origine transcendante. Voici le texte complet de l’Oracle, tel qu’il est donné par Proclus dans son Commentaire à la République :37 . Car de son flanc droit, là où les cartilages délimitent une cavité (sous le sternum),38 37
Proclus, In Remp. II 201, 14-16 K. (contexte : identification entre la colonne de lumière de la République, le lieu du monde et la lumière chaldaïque de OC 51). Traduction Festugière, T. III 151 : « Près de la cavité du cartilage du flanc droit (d’Hécate) / jaillit en abondance l’ample liquide de l’Âme primordiale / qui totalement remplit d’âme la Lumière, le Feu, l’Éther, les Mondes (astres) ». Dans la note 2 ad loc., Festugière écrit : « Très mystérieux. Kroll renonce à comprendre », et renvoie simplement à OC 52. – Commentaire de OC 51.52 par Johnston, Hekate Soteira 62-64 (et n. 33.38 [qui insiste sur la liaison sémantique et symbolique entre et , et conclut : « Clearly, Proclus understood the process described by fr. 51 to have sexual or reproductive overtones »]), voir aussi p. 153 sq. (tentative pour établir l’équation Hécate = Âme) ; 156 (l’Âme universelle [qui n’est pas Hécate !] source des âmes individuelles, et de l’animation des hommes) ; 158 sq. (insiste encore sur la liaison thématique entre les de OC 51.52, et les seins, , d’Hécate, mentionnés dans plusieurs Oracles, par ex. OC 32.35 : cf. Seng, Un livre sacré II.3) et p. 162. 38 Il faut donner à un sens anatomique précis. Il s’agit du, ou des cartilages constituant l’apophyse dite « xiphoïde », prolongement inférieur du sternum, qui est mentionné par exemple chez Hippocrate, Épidémies VII, 3, 3, p. 51, 23 (restitution certaine, v. aussi n. 8 p. 186) [= éd. Littré T. V, p. 370, 21], et Prorrhétique II, ch. 7, sur la phtisie [éd. Littré T. IX, p. 24, 13]. Nicandre, Alexipharmaka, v. 122 sq., explique qu’il s’agit du cartilage du thorax situé au-dessus de la cavité du ventre : ᾽ / (« ... discomfort attacks men / where the cartilage of the chest rests over the hollow of the stomach », trad. A. S. F. Gow et A. F. Scholfield p. 102 sq.), et les scholies ad loc. commentent : · , . < , ᾽ . G2X > G1X, et de façon plus approximative : ] , ᾽ (voir Scholia in Nicandri Alexipharmaca p. 69 Geymonat, sch. 123 c et d). – Au niveau de cet appendice inférieur du sternum, cartilagineux, commencent les « fausses côtes », qui découvrent la cavité abdominale (= ici ?). Le sens pourrait être : « Du flanc gauche (d’Hécate), dans (la région de) la cavité délimitée par le cartilage xiphoïde (sous le sternum) ... », ce qui est satisfaisant du point de vue anatomique, et pourrait correspondre en fait à (on distingue entre hypocondre droit et hypocondre gauche). P. Thillet (apud des Places, Oracles 173 n. 1) récuse maladroitement la traduction de Festugière, mais s’est approché de cette interprétation.
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jaillit à gros bouillons le flot abondant de l’âme primordiale, qui anime radicalement lumière, feu, éther, mondes.
Cet Oracle fait couple39 avec OC 52 (connu par Psellos),40 qui explique que dans le flanc gauche de la Déesse, en revanche, demeure la source de la « vertu » :41 , . Au flanc gauche d’Hécate réside la source de la vertu, qui reste toute à l’intérieur, sans perdre sa virginité.
Ces deux fragments oraculaires, qui doivent être complétés par OC 54 (sur la Nature, portée sur le dos de la déesse) et 55 (sur sa chevelure scintillante de lumière), pourraient décrire une statue de la déesse du point de vue du spectateur, ce qui doit nous conduire à une inversion des indications spatiales : le « principe de dextéralité »42 valorisant le côté 39
En dépit d’une formulation un peu ramassée de Johnston, Hekate Soteira 59 sq. (et n. 30-32), qui pourrait faire hésiter le lecteur, les épithètes et , ou encore , appliquées à Hécate ne concernent pas le double aspect d’Hécate (avec ses deux ) décrit en OC 51.52, mais bien sa position médiane dans une structure triadique (entre les deux Pères), et elles font très probablement référence aux représentations d’Hécate à plusieurs visages (sur ces termes, v. aussi Johnston, Hekate Soteira 159). Voir (avec l’ensemble des références aux textes néoplatoniciens, par ex. Proclus, In Tim. II 130, 23-28 ; 246, 18-20 ; 293, 22 sqq. D., etc.) : Soares Santoprete (spéc. 163-168.172 sq.) ; Seng, « » 242 sq. ; et Un livre sacré II.3. 40 Michel Psellos, 1136 a 11 sq. (= Opusc. phil. II 38 p. 135, 9 sq. O’M. ; voir infra n. 43). 41 Lewy 88-90 traduit et commente OC 51.52, et interprète ainsi : « An orifice could also be seen on the left hip of Hecate’s statue, but no water flowed from it. We are unable to divine the original meaning of this symbol ; the Oracles, however, interpreted it as representing the source of Virtue, which is unwilling to imperil its purity by contact with the external world, and accordingly ‘remains within’. ‘Virtue’ cannot mean here an anthropological concept ; like the other attributes of the statue, it must signify a cosmic power » (p. 89). 42 On peut utiliser par analogie la formule de G. Méautis (dans les CRAI 75.2 (1931) 150), qui a proposé de reconnaître ce principe dans l’art grec : « les Grecs ont tendance à mettre à droite de la scène, à gauche donc du spectateur, le héros ou le dieu qui va sortir vainqueur d’une lutte ou d’un combat ». Mutatis mutandis, « demeurer » () est meilleur que s’écouler (« jaillir » : ), et il est plus vraisemblable que cet aspect d’Hécate soit localisé du côté droit, dans le corps même de la déesse. Si les oracles 51.52 décrivent une statue cultuelle (voir aussi la n. suivante), on ne
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droit de la déesse (ici : celui de la « vertu », qui « demeure ») sur le côté gauche (ici : l’écoulement de l’âme primordiale en direction de la nature), et un parallèle chez Psellos, qui explique que « Hécate est une déesse des Chaldéens, qui tient à main droite la source des vertus et à main gauche celle des âmes » (... , , ),43 iraient dans le sens de cette hypothèse. Mais s’agissait-il alors d’une statue cultuelle, ou d’une statue télestique offerte à des opérations théurgiques ? Dans l’état de la documentation archéologique, on ne connaît en tout cas aucune statue correspondant à une telle description, et on ne peut d’ailleurs exclure que les Oracles décrivent une apparition – ou vision autoptique – d’Hécate,44 ce qui pourrait tout peut que formuler des hypothèses sur une liaison éventuelle avec un rituel. La documentation est muette. 43 Michel Psellos, 1133 b 1-3 (= 133, 24 - 134, 2 O’M.). Voir aussi 1136 a 11 - b 10 (= 135, 9-18 O’M.) où Psellos commente les v. 1 et 2, et décrit une disposition identique à celle des fragments OC 51.52 : « Dans la définition des Chaldéens, Hécate est une déesse () qui occupe un ordre exactement intermédiaire ( ) et joue le rôle de centre par rapport à l’ensemble des puissances ( ). Et à sa droite ils mettent la source des âmes ( ), à gauche celle des vertus ( ), et ils disent que la source des âmes est prête à la procréation ( ... ) ; la source des vertus, elle, reste à l’intérieur des limites de sa propre substance, elle est comme vierge et intacte ; elle tient cette fixité immobile des puissances inflexibles et se pare d’une ceinture virginale ( , ) ». Même disposition dans le texte de Psellos, § 8, p. 199 des Places (= 74, 13 sq. K. ; 149, 21 sq. O’M.) [la source des âmes à droite, celle des vertus à gauche]. La remarque de P. Thillet, l’un des correcteurs de l’éd. des Places, est judicieuse : « ... on peut supprimer la contradiction avec 1133 b 2 sq. en supposant qu’alors Psellus se plaçait du point de vue du spectateur mis en face d’une statue d’Hécate » (p. 173 n. 1). 44 Lire à ce propos le Chapitre VIII (The Epiphany of Hekate) dans le livre de Johnston, Hekate Soteira 111-133 : mais ce n’est qu’une pure hypothèse, que ne soutient aucun indice caractéristique, les apparitions d’Hécate étudiées notamment à partir des fr. 146.147.148 n’étant pas anthropomorphiques (p. 126) ; v. aussi 131 et n. 58 (à propos de OC 51.52 : statue de culte ou statue télestique ?). – L’idée d’une description de vision autoptique me semble toutefois intéressante. Voir en effet infra p. 129 sq. n. 87, et p. 145 n. 124 sq., les réflexions de Proclus, In Remp. II 241, 19 243, 27 K., au sujet de la vision (analogue à celle des Théurges p. 242, 14 sq. K. etc.) que Er ( ) a eue des Parques, lorsque « ... en lieu et place de la vie divine et immatérielle, [il a vu corporellement] des tuniques blanches et les
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aussi bien expliquer l’inversion spatiale entre flanc gauche et flanc droit que l’on observe dans les témoignages. Il convient de demeurer prudent, car ces hypothèses – et ces hésitations – ne peuvent être tranchées. Elles ne concernent pas directement la présente recherche. 1.3 Analyse stylistique et métrique de OC 51, 3 Avant d’aller plus loin, deux observations d’ordre philologique. OC 51, v. 3, mérite d’être examiné attentivement du point de vue du style et de la métrique, afin de comprendre comment celle-ci, peut-être, module et ordonne les quatre termes non coordonnés qui sont les compléments d’objet direct du participe . D’un point de vue littéraire, nous sommes face à un exemple parfait d’une « formule brève », oraculaire (et obscure), frappante dans sa forme, résumant en peu de mots une doctrine essentielle dans un contexte que nous ne pouvons qu’imaginer : enseignement ou prédication ? profération rituelle ? méditation personnelle ? Dans toutes ces hypothèses, ce qui est visé est, de toute évidence, une forme d’efficacité. La première chose que l’on observe est l’énumération, sans aucune coordination, des quatre mots . L’emploi de la forme homérique et poétique (pour ) et du pluriel , parfois jugé mystérieux,45 permet à cette séquence de mots de s’adapter à l’hexamètre (avec un spondée final). La liste des réalités produites par l’Âme universelle pourrait correspondre à la figure de style dite « accumulation » de plusieurs termes (Quintilien dit : « plurium rerum ... congeries », ce qui correspond au grec ),46 soulignée ici Parques vêtues de blanc, en lieu et place de la stabilité immuable et fixe du divin, les Parques assises, en lieu et place de la propriété distinctive () des Parques par rapport aux autres dieux, des contours particularisés et sis en un lieu ( ). Car les traits visibles sont le symbole des puissances invisibles, ce qui est vu sous l’aspect de formes étendues, le symbole des entités sans forme ( , ) » (II 242, 20-26 K. = Festugière, T. III 199 et n. 2 [Proclus « a encore en tête ce qui se passe dans les opérations théurgiques », c’est-à-dire les ]). 45 Voir la n. 1 ad loc. de des Places, Oracles 80. 46 Quintilien, inst. VIII 4, 27 ; cf. Alexandre, , p. 17, 12 sqq. Spengel [mais le bel exemple de Démosthène, De corona 71, est une longue phrase avec une accumulation de participes, bien éloignée du cas qui nous occupe]. – Voir Lausberg 298-302 (§ 666-674, spéc. § 667 sq. et 671. 3). – Je remercie Catherine
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par l’asyndète,47 les réalités étant énumérées dans un ordre hiérarchique descendant : Âme ( dans , le mot est pris lui aussi dans l’énumération), Lumière, Feu, Éther, Mondes (c’est-à-dire monde matériel ou « hylique »). L’ordre des mots est porté par une structure métrique immédiatement perceptible pour Proclus et pour Simplicius, et qui pourrait isoler le mot , suggérant ainsi la transcendance de la Lumière par rapport aux trois autres réalités énumérées à la suite. La distinction entre les pieds, dactyles ou spondées, étant marquée par un unique trait vertical, les possibles césures par deux traits verticaux, on observe en effet le schéma suivant :
|| ||
Schneider (U. de Strasbourg), qui a eu la gentillesse d’examiner avec moi ce vers des OC lors d’une discussion à la Fondation Hardt, et de me donner ces pistes de commentaire. 47 Lausberg 315 sq. (§ 709-711 : l’effet de l’asyndète « ... is that of pathosreinforcing intensification »). Aristote, Rhet. III 12, 1413 b 19-22, recommande l’asyndète dans les débats contradictoires ( ) et il précise que « les orateurs en usent » ( ) et que ce sont des procédés utiles à l’action oratoire () ; en revanche il la déconseille dans les compositions écrites ( ), tout comme d’ailleurs les répétitions de mots ( ). La Rhétorique à Herennius, IV 41, souligne le caractère « animé » et la « force » de l’asyndète (dissolutum scil. genus : cf. Cicéron, De oratore III 207) et dit qu’elle est bien adaptée à la « brièveté » (Hoc genus et acrimoniam habet in se et uehementissimum est et ad breuitatem adcommodatum), tandis que Quintilien, inst. IX 3, 50, insiste sur l’efficacité psychologique de la figure : ... figuram, quae quia coniunctionibus caret dissolutio uocatur, apta cum quid instantius dicimus ; nam et singula inculcantur et quasi plura fiunt (« ... une figure, qui, dépourvue de particules de coordination, est dite asyndète ; elle convient lorsque nous parlons avec une insistance plutôt pressante, car elle grave les objets un à un dans l’esprit et les fait paraître, pour ainsi dire, plus nombreux », trad. J. Cousin, C.U.F.). Voir surtout Hermogène, , p. 316, 3-5 Rabe (l’asyndète comme une des figures de la « vivacité », , laquelle « consiste dans la succession rapide d’éléments contrastés » [M. Patillon], la recourant aux mots courts et au style « morcelé », ), et (La méthode de l’habileté), sur l’asyndète p. 426, 17 - 427, 10 R. (et la traduction de M. Patillon, p. 416.524).
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On peut identifier dans ce vers une césure dite 3e trochaïque (fréquente chez Homère, ici après le trochée du 3e pied - , ce pied étant un dactyle coupé || , soit - || - : césure de type B2 selon la terminologie de H. Fränkel).48 Mais on pourrait aussi avoir une césure hephthémimère, après le 7e demi-pied ( - || soit une césure C1 selon la terminologie de H. Fränkel) ; le 4e pied, lui, est un spondée dont la deuxième syllabe longue (après la césure hephthémimère selon cette analyse) correspond au monosyllabe . On peut envisager que Proclus, rompu à la pratique de l’hexamètre dactylique,49 ait été sensible à une mise en valeur métrique de , par rapport aux trois mots suivants – au moyen de l’une ou l’autre de ces césures, ou de leur combinaison, qui isolerait ? Cela pouvait être considéré par lui comme un indice significatif en faveur d’une exégèse qui consiste à donner à la Lumière un statut transcendant au-dessus de la triade des mondes chaldaïques. On remarque enfin que les deux derniers mots semblent former un ensemble métrique : occupe tout le dactyle 5e, tandis que correspond au spondée final, et on reconnaît là une diérèse bucolique ( || soit C2 selon Fränkel), dont on sait qu’elle est fréquemment associée dans l’hexamètre homérique avec la césure 3e trochaïque.50 Ce ne sont là que des suggestions, ou des hypothèses, qui demanderaient à être vérifiées par de véritables spécialistes de métrique, mais demanderaient sans doute aussi, pour être évaluées, une connaissance de la métrique des OC. On observe simplement, dans le cas de OC 51 que dans les v. 1 et 2, respectivement, les mots-clés de l’Oracle, (le flanc de la déesse, d’où s’écoule l’Âme du Monde) et (l’Âme génératrice) suivent une césure penthémimère (qui dans 48
Fränkel 100-156 (Der homerische und der kallimachische Hexameter, spéc. p. 111), suivi par Korzeniewski 37 sqq. (p. 39 sq.). Voir aussi Snell 6 sq. ; Maas 60 (§ 85) ; Dain 53 (§ 64). 49 Schneider 594-598 ; Bonadies Nani, spéc. p. 406 sqq. (comme le dit Vogt, « nihil affert novi ») ; et surtout Vogt 42-44, qui signale (p. 42) la prépondérance, dans les Hymnes de Proclus, de la césure 3e trochaïque (134 occurrences, contre 52 occurrences pour la césure penthémimère et une seule occurrence pour l’hephthémimère). Le livre important de van den Berg, Proclus’ Hymns ne comporte aucune remarque de métrique, car l’auteur estime que l’enquête a été menée de façon parfaite par Vogt (p. 12 et n. 11). 50 Voir par ex. Hardie 13 (exemple de Iliade, I 214) ; et surtout Koster 69 sq. (le vers 1 de l’Odyssée, , , , , illustre cette combinaison de la césure 3e trochaïque et de la diérèse bucolique). Sur la métrique des vers homériques (césures et diérèses), v. aussi Meister 3-10 (spéc. 5 sq.).
et selon Proclus et Simplicius
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la poésie homérique est à peu près aussi fréquente que la césure 3 e trochaïque). 1.4 Une question nodale. Comment interpréter la séquence ? Le « feu » est-il un corps animé, ou bien le monde Intelligible ? L’objet de ces pages est de comprendre le sens que Proclus, puis Simplicius, ont donné du vers chaldaïque, respectivement, dans le traité perdu de Proclus et dans le Corollarium de loco. Il s’agit donc d’une recherche sur un point d’exégèse néoplatonicienne. Les spécialistes des OC, depuis H. Lewy, ont essayé de situer ce vers dans le cadre de notre documentation sur la cosmologie chaldaïque, dans la perspective d’une reconstruction de la pensée des OC eux-mêmes. Certes, une telle tentative de reconstruction ne peut être menée qu’en tenant le plus grand compte des interprétations qui entourent les citations des OC dans les textes – principalement les textes néoplatoniciens – qui transmettent les fragments chaldaïques. Mais il importe de toujours avoir à l’esprit la distinction entre les deux niveaux, qui s’articulent l’un à l’autre sans se confondre. La question nodale, ici, est celle du « feu » (). La recherche sur les OC semble s’accorder désormais pour reconnaître dans le Feu, ou Empyrée, des OC, le Monde Intelligible, puis à distinguer ensuite, du point de vue de la cosmologie, entre le Monde Éthéré (, ), qui correspond aux astres (étoiles fixes et planètes), et le Monde « hylique » () qui correspond au monde matériel terrestre (la région sublunaire, avec la Terre).51 La lecture que Proclus donne du vers chaldaïque consiste à dire que la Lumière () est un corps déjà animé par l’Âme fontanienne : de ce fait, les trois autres termes désignent des réalités corporelles, hiérarchiquement classées et elles aussi animées, et le niveau le plus élevé, celui du Feu, ne peut plus correspondre au Monde Intelligible. Le contexte général de la doctrine de Proclus sur le « lieu », par ailleurs, fait du « lieu » une sphère corporelle lumineuse (le / de OC 51) qui transcende ontologiquement par sa perfection (unité, immatérialité, indivisibilité, immobilité) le , tout en étant en coïncidence avec lui (ce qui pose la question de la possibilité d’une 51
Lewy 137 sq. et n. 270 (voir aussi 423) ; P. Hadot, Porphyre I 180 sq. (n. 1) ; Majercik, Chaldean Oracles 16-19 (cosmology) ; Hoffmann, « Erôs, Alètheia, Pistis ... » 258 (et n. 6) ; Seng, 75-79 (Exkurs : , , ) et Un livre sacré III.8.
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compénétration réciproque des deux sphères corporelles) : l’on est obligé, dans ce contexte, de comprendre que les trois niveaux décrits par OC 51.3 (, , ), et que Simplicius fait correspondre ensuite aux sept (un firmament igné, trois firmaments éthérés, trois firmaments hyliques),52 sont des régions constitutives du Monde lui-même (qui est corporel). Il est donc impossible, dans un tel schéma, que le Feu corresponde encore au Monde Intelligible,53 et 52
Cf. aussi Psellos, Opusc. phil. I 3, 128-130, à propos des Chaldéens : , , , « ils disent aussi qu’il y a sept mondes [ce sont les sept ‘firmaments’] dont, selon eux, le dernier est le monde hylique [matériel], terrestre, ‘ennemi de la lumière’ [OC 181, Proclus, In Tim. III 325, 32 D.], tandis que le premier est le monde igné, qui est le plus élevé ». Simplicius est une source importante pour la compréhension de cette doctrine. Voir aussi la n. suivante et infra p. 146 sq. et n. 126-128). – Originellement, les sept devaient correspondre aux sphères des sept planètes, avant d’être réinterprétés comme les « firmaments », décrits avec précision, par Simplicius, comme des sphères solides se compénétrant les unes les autres (v. infra p. 146 sq. n. 127) et organisés selon la succession suivante : un igné, trois éthérés, trois hyliques. Sur cette évolution, v. Kroll, De oraculis 31 sq. ; Saffrey - Westerink, vol. IV 190 (n. 2), et vol. V 195 (n. 4 ad p. 91) ; et Seng, Un livre sacré III.8. – Le mot semble emprunté au grec de la LXX (par ex. Gn I 6 sq.), et l’on note que Simplicius, In De caelo, 90, 16 sq. H., connaît le verset 2 du Psaume 18 (19) [... ... ]. 53 La distinction entre les dieux de l’empyrée, de l’éther et du « ciel » est attribuée à Hermès par Jamblique, Réponse à Porphyre (De mysteriis) 195, 1-5 S. - S. - L. (= VIII 2, p. 262, 9-11 P.), et déjà Porphyre (si l’on en croit Augustin, civ. X 27, 8-25 [I 443, 31 - 444, 18] = fr. 287F Smith, p. 324 sq., avec dossier de textes) connaissait ces doctrines. – L’empyrée doit-il être identifié à l’Intelligible, ou est-il la région la plus élevée du Monde, et le premier des sept « firmaments » ? Proclus, In Tim. II 57, 9 - 58, 11 D. (Festugière, T. III 89 sq.) montre qu’il y a une forte hésitation, et reconnaît la difficulté : discutant des questions soulevées par « l’un de ces gens qui, ayant pris leur point de départ dans la Théosophie étrangère [i. e. les OC], divisent l’Univers en région empyrée, région éthérée, région matérielle » (p. 57, 10-12), et s’interrogent sur leur articulation avec les firmaments (), il semble penser d’une part que l’empyrée est d’ordre physique (cosmique), puisqu’« il n’y a aucun feu en dehors de l’Univers » (p. 57, 14-23), mais un peu plus loin (p. 58, 3-9) il suppose que Platon a voulu faire correspondre l’Âme aux régions éthérées et l’Intellect à l’empyrée, avant d’affirmer que « la région empyrée est une et essentiellement intellective, comme nous l’avons reçu en tradition » ( , ). Parallèlement, il attribue aux « Théologiens » (i. e. aux commentateurs des OC : les Julien ? Jamblique ?) l’identification de l’empyrée avec le niveau intelligible (In Crat. 129, p. 76, 22 sq. P. : ... ...). – On retrouve en
et selon Proclus et Simplicius
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Simplicius adresse à Proclus une objection inspirée, manifestement, par une excellente connaissance des doctrines chaldéennes,54 lorsqu’il raptout cas, multipliée de façon analogique, la tripartition du Monde, par exemple, dans la distinction des trois dieux Mainteneurs ( ou : , , ), dans celle – corrélative – des trois Télétarques et même, sous le contrôle du troisième Télétarque, dans celle des trois types de matière (et corrélativement des trois mouvements, circulaire, hélicoïdal, rectiligne, qui caractérisent, respectivement, la sphère des fixes, le domaine des planètes et la région sublunaire) : ces distinctions complexes, empruntées aux interprètes des OC (les « Théologiens »), sont exposées par Proclus en Th. Pl. IV 39, p. 111, 12 - 112, 7 S. - W. (voir les n. 3 et 5 p. 189, et la n. 1 p. 190 de la C.U.F., et Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 159). Ce texte de Th. Pl. IV 39, p. 112, 6 sq. S. - W. (voir la n. 2 ad loc., p. 190), précise que la triade des Télétarques « nous a révélé les sept mondes ( ), c’est-à-dire la monade accompagnée des deux triades » (= la monade de l’empyrée + la triade de l’éthéré + la triade du hylique), ce qui correspond aux sept « firmaments » ( OC 57) évoqués à la note précédente. Proclus mentionne aussi ailleurs, Th. Pl. V 24, p. 91, 16-18 S. - W., la supériorité du « sommet le plus élevé de Zeus [ordonnateur de l’Univers] par rapport à toute la mise en ordre des firmaments » (... ... scil. ) [v. la n. 4 ad loc., p. 195, et Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 145 et n. 85]. Damascius fait allusion à la doctrine des trois mondes dans le De Princ. II 48, 12-16 W. - C. (et n. 2 ad loc. p. 238), et aux firmaments en III 10, 14-16 W. - C. (« dans les firmaments corporels, , l’enveloppant surpasse l’enveloppé », cf. n. 2 p. 178) ; il expose la doctrine des sept firmaments dans l’In Parm. II 33, 11-18 W. - C. - S. : « il y a une dégression () hebdomadique des Télétarques, qui s’avance à travers les sept firmaments ; le Télétarque empyrée projette à partir de lui-même une triade empyrée [qui correspond à un monde unique], le Télétarque éthéré triades éthérées et le Télétarque matériel, pareillement, trois triades matérielles » [lire l’excellente n. 6 ad loc. p. 120 sq., qui explique que ce raffinement est une solution au problème exégétique posé par la conciliation de la doctrine des trois mondes – empyré, éthéré, hylique –, avec celle des sept firmaments, OC 57] ; cf. In Parm. IV 67, 8 ( ), et 17 sq. W. - C. - S. - L. 54 Il faut rappeler, par exemple, que Simplicius (In De caelo, 375, 19-21 H.) cite le fr. 6 des Places : voir Bidez ; Festugière, « Un vers méconnu ... » (qui ignorait l’article de Bidez) ; le commentaire de Majercik, Chaldean Oracles 143 sq., qui expose clairement le dossier philologique ; Johnston, Hekate Soteira 53 et n. 15 ; Seng, Un livre sacré III.4 (sur l’ ) ; cf. aussi Proclus, In Remp. II 225, 3 K. (= Festugière, T. III 178 et n. 6) et Damascius, In Parm. III 4, 16 W. - C. - S. (et la très riche n. 6 ad loc., p. 202 sq.). Et Simplicius cite, sans doute à partir du commentaire de Jamblique aux Catégories, le fr. 130 des Places [p. 54 Kroll] (v. 2 : [ Proclus] , « ils restent fixés en Dieu, tirant à eux des torches florissantes ») pour montrer, dans le contexte de l’explication de la catégorie aristotélicienne du , l’applicabilité
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pelle que « les Chaldéens disent que l’empyrée lui-même ne possède pas d’âme, puisqu’ils lui donnent l’appellation d’intellectif (), et ils affirment au contraire que les âmes commencent à partir de l’éther [...] ».55 À cet égard, le texte de Simplicius est un document très important pour la connaissance du système chaldaïque, mais aussi pour la mise en lumière des redoutables difficultés auxquelles se heurte le travail de l’historien ! Nous pouvons à présent en venir à la traduction commentée du texte de Simplicius.56 2 Traduction annotée de Simplicius : In Phys., Corollarium de loco, p. 611, 8 - 618, 7 D. (= 13, 3 - 19, 31 G. - H.) [La doctrine de Proclus : le lieu comme corps de lumière] [Démonstration sur la base des prémisses d’Aristote, avec des citations du traité perdu de Proclus sur le lieu] 57
[611, 8] On montrera plus tard comment le divin ()
Aristote, même s’il n’a pas embrassé toutes les significations du lieu, parce qu’il 58
de cette catégorie aux incorporels (voir In Cat. 337, 18 Kalbfleisch) : l’autorité des OC peut donc être mobilisée même lorsque l’on étudie l’Organon ! Voir aussi Simpl. In Phys., Corollarium de tempore, 785, 8-10 D., la distinction entre le Temps comme dieu (honoré par les Chaldéens et par l’art hiératique) et le temps envisagé dans la participation (et qui est le temps étudié par les physiciens) : , ᾽ , . Ces observations confortent le point de vue développé, notamment contre des affirmations imprudentes de H. J. Blumenthal, par I. Hadot, Simplicius, Commentaire sur le Manuel d’Épictète 63.68, qui affirme l’intérêt de Simplicius pour les OC. Mme Hadot a par ailleurs montré parallèlement que Simplicius a des intérêts théurgiques (« Die Stellung ... ») ; et je propose moi-même quelques remarques qui vont dans le même sens, à partir d’une interprétation du commentaire au De caelo, dans « Science théologique et foi ... » (par ex. aux p. 281 et n. 13 ; 307.310.315 sq. et n. 134 ; 333 ; 342 et n. 222). 55 Simplicius, In Phys., Corollarium de loco, 617, 11 sq. D. (= 18, 28 sq. G. - H.). Voir infra, p. 148. 56 Traduction établie en collaboration avec P. Golitsis : voir supra n. 1. 57 Aristote est qualifié ici de « divin », sans doute parce que Simplicius est soucieux d’atténuer la hardiesse de la critique qu’il lui adresse (cf. Golitsis - Hoffmann 133137.144-150.159). 58 Le lieu est et Simplicius s’attache à montrer que les diverses doctrines ont eu le mérite d’en révéler un aspect : voir Simplicius, In Phys. 601, 1-24 D. = 1, 1-
et selon Proclus et Simplicius
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a été le premier à mener une enquête à son sujet,59 a cependant découvert de belle manière (), assurément, la signification [611, 10] à laquelle il s’est appliqué.60 Après avoir parlé de l’hypothèse d’Aristote,61 proposons-nous d’étudier cette fameuse hypothèse exposée par Proclus, le philosophe de Lycie, qui a été le maître de nos maîtres ;62 hypothèse originale ( ... ),63 puisque Proclus est le seul 24 G. - H. (spéc. p. 601, 13 D. = 1, 13 G. - H.) ; p. 640, 16 sq. D. = 44, 27 sqq. G. - H. ; p. 644, 7-9 D. = 48, 29-31 G.-H. ; et Golitsis - Hoffmann 137 sq. 59 Simplicius parle très peu de Platon et de Démocrite dans le Corollarium. 60 Simplicius, In Phys. 610, 30 - 611, 1 D. = 11, 21-29 G. - H. ; 642, 31 - 643, 5 D. = 47, 15-23 G. - H. – La définition aristotélicienne du lieu : (Phys. IV 4, 212 a 20). 61 Discutée dans près du quart du Corollarium de loco, In Phys. 601, 25 - 611, 7 D. = 1, 25 - 12, 2 G. - H. Voir l’analyse donnée dans Golitsis - Hoffmann 144-150. 62 Simplicius a été élève d’Ammonius, fils d’Hermias (élève de Proclus) [In Phys. 59, 23 ; 183, 18 ; 192, 14 ; 198, 17 ; 1363, 8 sq. D.] et de Damascius, qui n’a pas été directement élève de Proclus, mais qui a étudié à Athènes avec Marinus et Zénodote, et dont la doctrine est issue de celle de Proclus (cf. Hoffmann, « Damascius (D 3) » 543-545). Dans le contexte du Corollarium de loco, dominé par les deux exposés des doctrines de Proclus et de Damascius, le pluriel ici utilisé désigne sans doute Damascius seul (je suis l’interprétation de Saffrey - Segonds - Luna 143 n. 10), et Simplicius, qui s’apprête à réfuter la doctrine de Proclus, cherche à souligner la filiation spirituelle qui le relie, par l’intermédiaire de Damascius, à Proclus, et qui en dépit de la controverse philosophique scelle la cohésion de la famille néoplatonicienne. Cf. Simplicius, In Cat. 13, 17 sq. K. ( ) ; In Phys. 642, 17 D. = 47, 1 G. - H. ( ) ; 774, 28 D. ( ) ; 795, 4 sq. D. ( ). 63 Cf. Golitsis - Hoffmann 134 (et n. 40 sq.) ; 151.155.158.163 sq. L’hypothèse de Damascius sera elle aussi qualifiée de (625, 2 sq. D. = 27, 24 sq. G. - H., cf. 630, 19 sq. D. = 33, 24 sq. G. - H. ... ), mais il s’agira en fait d’une bonne originalité (à cause du privilège accordé à la question de la ), et l’on verra d’ailleurs que la doctrine de Damascius et de Simplicius n’est pas en elle-même absolument nouvelle, puisqu’elle a été précédée par celles de Théophraste et de Jamblique (639, 12 sq. D. = 43, 19 sq. G. - H.). – Marinus, Vit. Procli 23, p. 27, 1-3 S. - S. - L., souligne que Proclus a introduit des nouveautés dans la philosophie néoplatonicienne : « Quant à lui, il fut le père de beaucoup de doctrines qui n’avaient pas été reconnues auparavant ( ... ... ), relatives à l’âme ( corr., pour ), à l’intellect () et à des réalités plus divines encore ( ) » (voir Saffrey - Segonds - Luna 143 n. 10, qui justifie la correction du texte, mais rappelle très justement que la doctrine du lieu-lumière est un exemple d’innovation proclienne dans le domaine des ).
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philosophe de tous ceux que nous connaissons à avoir choisi de dire que le lieu est un corps. Proclus donc a admis à la fois les axiomes d’Aristote sur le lieu 64 [611, 15] et la division en quatre termes faite par Aristote pour mener son enquête sur le lieu.65 Voici ce qu’il dit : « Il faut, nécessairement, que le lieu soit ou bien la matière ou bien la forme ou bien la limite du corps enveloppant ou bien une étendue égale à ce qui est dans le lieu, c’est-àdire l’étendue comprise entre les limites de l’enveloppant. Car si le lieu n’est ni l’une des déterminations qui sont dans le corps lui-même ni l’une de celles qui embrassent le corps, le corps ne saurait pas même se déplacer localement, puisque aucune des déterminations qui sont en lui, comme de celles qui l’embrassent, ne demeurerait [611, 20] sous le changement. Or les déterminations qui sont dans le corps, ce sont la forme et la matière, et les déterminations qui embrassent le corps, ce sont la limite de l’enveloppant et l’étendue comprise entre ses limites ». Après avoir donc montré que le lieu n’est ni la matière ni la forme au moyen des mêmes arguments qu’Aristote,66 et après avoir réfuté aussi que le lieu soit la limite de l’enveloppant à partir des absurdités que l’on produit contre cette définition, Proclus a conclu que le lieu est l’étendue entre les limites de l’enveloppant ; [611, 25] et c’est ainsi qu’il articule à cette argumentation la démonstration de sa propre doctrine. Mais puisqu’il a exposé cette démonstration d’une manière aussi claire que concise ( ... ), il vaut peut-être mieux écouter les propres paroles de Proclus ; les voici : « Si donc le lieu n’est ni la forme de ce qui est dans le lieu, ni la matière, ni la limite de l’enveloppant, il reste que cette étendue que l’on conçoit entre les limites de l’enveloppant est le [611, 30] premier lieu de chaque corps, et que pour le monde en son entier, c’est l’étendue cosmique ( 64
Aristote, Phys. IV 4, 210 b 32 - 211 a 6 (+ l’immobilité du lieu, 212 a 7-21) ; Simpl. In Phys. 604, 12 - 607, 24 D. = 4, 15 - 8, 5 G. - H. Cf. Golitsis - Hoffmann 146 sq. 65 Aristote, Phys. IV 4, 211 b 5-10. Cf. Griffin 163 sq. (analyse de la démonstration physique de Proclus) et n. 7, qui résume : « While retaining Aristotle’s fourfold framework for considering topos (either shape, matter, extension, or limit [...]), Proclus selects diastêma in place of peras ». – Simplicius objectera à cette forme de démonstration que la liste des quatre possibilités de définition posée par Aristote, et reprise par Proclus, n’est pas une division () qui serait exhaustive et autoriserait le mode d’argumentation (si de 4 hypothèses, trois sont exclues, alors la 4 e doit être retenue : cf. Aristote, Phys. IV 4, 212 a 2-7), mais qu’il ne s’agit que d’une énumération () ‘ouverte’, qui ne permet pas ce mode de raisonnement. 66 Aristote, Phys. IV 2, 209 a 31 - 210 a 13 ; 4, 211 b 10-14 et 211 b 29 - 212 a 2.
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) en son entier, qui est différente de l’étendue elle-même ; celle-ci assurément ou bien n’est rien ou bien est quelque chose. Si elle n’est rien, le mouvement local s’accomplira de rien vers rien, alors que tout mouvement s’accomplit selon quelque chose qui est,67 et les lieux naturels ne seront rien. Mais il est nécessaire que tout ce qui est conforme à la nature soit quelque chose qui existe. Si donc [611, 35] l’étendue est quelque chose, elle est nécessairement soit incorporelle soit corporelle ; mais si elle est incorporelle, c’est absurde : car il faut que le lieu soit égal à ce qui est dans le lieu. Or comment un corps et un incorporel pourraient-ils être égaux ? L’égal se rencontre en effet dans des quantités, et précisément dans des quantités de même genre :68 par exemple, des lignes sont égales à des lignes, des surfaces à des surfaces, et [612, 1] des corps à des corps. Le lieu est donc un corps, puisqu’il est une étendue. Et si c’est un corps, ou bien il est immobile, ou bien il est en mouvement. Mais s’il se meut de quelque manière que ce soit, il est nécessaire qu’il se meuve aussi selon le lieu ; il a été montré en effet que tout ce qui se meut de quelque manière que ce soit doit aussi se mouvoir selon le lieu ;69 et ainsi le lieu aura à son tour besoin d’un lieu. [612, 5] Or cela est impossible selon l’avis de Théophraste70 mais aussi d’Aristote. Car Aristote affirme que le vase () est un lieu mobile, et que le lieu est un vase immobile :71 c’est donc qu’il pense que le lieu est, par nature, immobile,72 Mais si le lieu est immobile, ou bien il ne peut être divisé par les corps qui viennent en lui – et, en ce cas, il y a compénétration de deux corps –, ou bien il est divisible, comme le sont l’air et l’eau lorsque des corps entrent en eux. [612, 10] Mais s’il est divisible, le lieu total étant alors coupé, ses parties se mouvront de chaque côté du corps qui le coupe. Et, tout d’abord, le lieu lui aussi sera mobile, 67
C’est-à-dire selon l’une des quatre catégories suivantes : substance, quantité, qualité et lieu. 68 Aristote, Cat. ch. 6, 6 a 26-35. 69 Aristote, Phys. IV 1, 208 a 31 sq. : le mouvement selon le lieu (le transport, ) est le mouvement « au plus haut point commun », et mouvement « au sens le plus propre » ( ) ; et surtout Phys. VIII 7, 260 a 26 - 261 a 26 ; et Metaph. 7, 1072 b 8 sq. et 1073 a 12. – On ne peut exclure que Proclus fasse allusion à un passage antérieur de son propre écrit, mais la formulation adoptée ( 612, 3 sq. D. = 13, 3 sq. G. - H.) n’implique pas cette interprétation, et il peut s’agir simplement du renvoi à Aristote. 70 Fragment 148 FHSG [= In Phys. 612, 1-7 D.], et Sharples 53 sq. 71 Aristote, Phys. IV 4, 212 a 13-18 ; cf. 2, 209 b 28-30. 72 Aristote, Phys. IV 4, 212 a 18-20.
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puisque alors ses parties seront en mouvement ; or il a été montré73 que le lieu est immobile. Ensuite, si les parties du lieu sont à leur tour coupées, nous rechercherons où a pris place le corps coupant ; on découvrira en effet à nouveau une autre étendue comprise entre les parties du lieu coupé, l’étendue qui aura reçu [612, 15] le corps coupant : c’est parce qu’il a pris place dans cette étendue que le corps coupant sera dit être en un lieu – et cette opération peut se répéter à l’infini. Le lieu est donc un corps indivisible. Mais s’il est un corps indivisible, ou bien il sera un corps immatériel ou bien il sera un corps matériel. S’il est un corps matériel, il n’est pas indivisible ; car tous les corps matériels, lorsque d’autres corps matériels pénètrent en eux, subissent de leur fait une division – c’est ce qui se passe lorsque notre corps entre dans l’eau. Seuls [612, 20] les corps immatériels ne sont, par nature, divisés par rien. Et cela, de toute nécessité : car tout corps immatériel est impassible, tandis qu’aucun corps divisé n’est impassible. En effet, la division est une affection subie par les corps, dont elle détruit l’état d’unité, puisque du continu en tant que continu on ne saurait découvrir une autre affection que la division, qui fait disparaître la continuité. [Conclusion de la démonstration. Le lieu est un corps immobile, indivisible, immatériel] Donc, pour tirer la conclusion de tout ce qui vient d’être démontré, [612, 25] nous dirons que le lieu est un corps immobile, indivisible, immatériel ( ). Et en ce cas, le lieu est de toute évidence aussi plus immatériel () que tous les corps : plus immatériel que les corps en mouvement et aussi que les déterminations immatérielles qui sont dans les corps en mouvement. Si bien que, puisque de tous les corps le plus simple () est la lumière74 73
Cf. Aristote, cité à la n. précédente. Simplicius, supra, 606, 32-35 D. = 7, 9-12 G. H., précise qu’à la suite d’Aristote, cet « axiome » a été adopté aussi par Théophraste (fr. 147 FHSG ; Sharples 53) et par Eudème (fr. 79c Wehrli). – Peut-être Proclus faitil allusion à un passage antérieur de son propre écrit, mais la formulation ( 612, 12 = 13, 12 G. - H.) n’implique pas cette interprétation. 74 Souvenir de Platon, Tim. 58 c 5-8 : , , , , , « Après cela il faut bien concevoir que sont nées plusieurs espèces de feu : par exemple, la flamme, ou ce qui sort de la flamme sans brûler et en fournissant aux yeux la lumière, ou encore ce qui, une fois la flamme éteinte, subsiste du feu dans les corps en ignition ». Proclus, In Tim. II 8, 22-25 D. décrit en ces termes la hiérarchie des espèces du feu :
et selon Proclus et Simplicius
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(car le feu est plus incorporel [] que les autres éléments, et la lumière plus incorporelle que le feu lui-même), il est manifeste que le lieu sera la lumière tout à fait pure [], qui est dans les corps. [La sphère de Lumière et la sphère cosmique sont homocentriques et en coïncidence stricte l’une avec l’autre]75 [612, 30] Concevons donc, poursuit Proclus, deux sphères : l’une faite
d’une lumière unique, l’autre constituée de la pluralité des corps, mais
, ᾽ < > , , « Car la lumière n’est pas même chose que la flamme, ni la flamme que la braise, mais il se fait, depuis le haut jusqu’à la terre, une dégradation du feu, lequel procède du plus immatériel, plus pur et plus incorporel jusqu’aux corps les plus immergés dans la matière et les plus épais » (suit une citation d’Empédocle, 31 B 52 DK, sur les feux souterrains, cf. 31 A 68 DK) [cf. Finamore 58.61 et Griffin 176 sq.]. Simplicius atteste également (par ex. In De caelo, 85, 7-15 H.) le même classement hiérarchique (dans l’ordre ascendant : , , ), qui fait aussi de la lumière l’espèce la plus pure du feu, dans le cadre d’une théorie physique du corps céleste comme mélange lumineux des des quatre éléments (avec prédominance de la lumière). Cette doctrine semble une réélaboration de celle de Proclus (In Tim. II 42, 9 - 50, 32 D. = Festugière, T. III 7081), qui explique que le Ciel embrasse tous les éléments sous un mode igné ( p. 43, 27 ; 49, 15 ; 50, 3 D.) et que les autres éléments sont compris en lui « à titre causal » (᾽ 43, 28 D.), sans toutefois accorder à la lumière, comme espèce du feu (... , 47, 10 D. ; cf. 50, 10 D.), la même accentuation que Simplicius – même si Proclus, après Platon, insiste bien sur le fait que la visibilité, , est le propre de tout feu (47, 16 sq. D.). Plus loin, In Tim. II 80, 5-11 D. (Festugière, T. III 115), Proclus dit que « l’Univers étant tout entier luminoforme () en vertu de sa surface extérieure, il est le plus lumineux possible () et rempli de l’éclat divin ( ) », et il ajoute : « C’est pour cela que les Poètes aussi placent l’Olympe au sommet du Monde ( ᾽ ), cet Olympe qui est tout lumière et la lumière elle-même ( ) » [suit la citation de l’Odyssée, VI 44 sq.] ; cf. Simplicius, In De caelo 85, 14 sq. H., le CielOlympe est et . – Voir le dossier (avec références aux textes) rassemblé à propos de la substance céleste dans Hoffmann, « Sur quelques aspects ... » 213 sq. ; et « Science théologique et foi ... » 303 (et n. 83 sq.) ; 314.336 sq. (et n. 193) ; 353 n. 257. 75 Griffin 166 rapproche ces lignes d’une image « strikingly similar » utilisée par Plotin, Traité 22 (VI 4), 7, 22-35, pour décrire l’omniprésence de l’Être.
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égales l’une à l’autre en volume ; et que l’on établisse ()76 la première comme homocentrique à la seconde, et après avoir introduit ()77 la seconde en celle-là on verra que la totalité du monde est en un lieu, et qu’elle est en mouvement au sein de la lumière immobile : et l’on verra que le monde, si on l’envisage en sa totalité, est immobile, afin d’imiter par là le lieu, mais que partie par partie il se meut, afin que sous cet aspect [612, 35] il soit inférieur au lieu ».78 76
Verbe de couleur platonicienne. Cf. Platon, Tim. 52 b 1 : la offre une « assise » () à toutes les réalités en devenir ; et les remarques de Griffin 164 sq. 77 Mot platonicien. Cf. Platon, Tim. 41 e 1 sq. : le démiurge attribue à chaque astre une âme qu’il place en lui « comme en un véhicule » ( [scil. ] ). Cf. Griffin 165 sq. 78 Proclus propose un système à trois termes : (1) La sphère de Lumière pure () immobile (un corps immatériel, indivisible, immobile) = le lieu du Monde, en coïncidence stricte avec la sphère cosmique corporelle (ce sont deux sphères homocentriques et coextensives l’une à l’autre) ; (2) le Monde lui-même () en sa totalité (), dont le mouvement circulaire uniforme est une sorte de repos, le Monde imitant par cette immobilité globale () l’immobilité absolue de la Lumière ; et (3) le Monde envisagé du point de vue de ses parties multiples – les corps en mouvement –, et inférieur sous cet aspect à la Lumière absolument immobile. La coïncidence géométrique des deux sphères (sphère de Lumière, sphère cosmique) recèle deux types de rapports « métaphysiques ». On a d’une part, comme on le voit ici, une dégression qui fait se succéder : (1) l’immobilité absolue de la Lumière, (2) l’immobilité moins parfaite du Monde (qui n’est que ᾽ ), et (3) le mouvement des corps particuliers encosmiques, et qui attribue à la sphère cosmique prise en sa totalité le statut d’un intermédiaire, d’une image reproduisant la perfection immobile du Lieu. Et l’on observe, plus profondément peut-être, que la sphère de Lumière est un principe d’unité ( ) qui surplombe ontologiquement, et qui maîtrise, la pluralité mobile des corps du monde (cf. scil. ) : cet aspect de la doctrine de Proclus (évoquée par Griffin 179) ne pouvait qu’intéresser Simplicius, car c’est probablement une sorte d’anticipation, ou de préfiguration, de la définition damascienne du lieu, réélaborée par Simplicius dans le cadre d’une doctrine générale des quatre « mesures rassemblantes » ( ), qui fait du lieu la « mesure de la (dis)position » ( ), dispensatrice de la « bonne disposition » (). L’intuition selon laquelle le lieu est une puissance intrinsèque aux corps, qui leur confère unité et mesure, était, sur le fond, déjà celle de Jamblique, qui dans son Commentaire aux Catégories explique que le lieu a par lui-même une réalité ( ᾽ ), et que « lui-même [...] détermine les corps et leur confère en lui-même leur parfait achèvement [ou leur parfaite délimitation] » ( ) [Simpl. In Cat. 361, 14 sq. K.]. La doctrine de Jamblique sur le lieu (même si alors il le considère comme incorporel) introduit une idée qui est à l’origine de variations multiples chez les auteurs néoplatoniciens postérieurs :
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[Confirmation par l’autorité de Platon et des Oracles chaldaïques] Après avoir ainsi parlé, Proclus confirme sa thèse en s’appuyant à la fois sur Platon, qui affirme dans la République que cette fameuse lumière, semblable à l’arc-en-ciel,79 est le [613, 1] lieu, mais aussi sur les oracles publiés par les Chaldéens.80
, · , ᾽ , ᾽ , « Car si le lieu était dépourvu d’efficace, et que son être, dénué de toute réalité, résidât en un vide et en un espace illimités, c’est du dehors qu’il recevrait aussi sa détermination (scil. sa détermination serait purement extrinsèque). Mais puisqu’il a une puissance efficace et une essence incorporelle déterminée, et qu’il empêche la distension des corps de s’avancer plus ou moins à l’infini, mais qu’au contraire il la détermine en lui-même, il est logique que ce soit aussi à partir de lui-même qu’il confère aux corps leur limite » (Simpl. In Cat. 361, 15-20 K. ; cf. au sujet de la définition du lieu par Jamblique, 364, 34 sq. K. : « les réalités qui enveloppent ont toujours une puissance efficace, qui englobe et détermine les choses qui sont en elles »). De même, Syrianus, d’après le témoignage de Simplicius, In Phys., Corollarium de loco, 618, 25 - 619, 2 D. (= 20, 17-29 G. - H.) attribue au lieu (selon lui : une étendue incorporelle, ) une « forme » () et une « puissance supérieure aux corps » ( ) [passage commenté par Griffin 180]. C’est sous cet angle que l’on doit appréhender, sur la question du lieu, la continuité doctrinale qui s’établit de Jamblique à Proclus, Damascius et Simplicius : le lieu est un principe puissant d’unité qui transmet aux réalités corporelles, à partir des Principes transcendants et ultimement à partir de l’Un-Bien, l’ordre et la cohésion qui sont pour elles des biens, et la Physique est, comme le dit Proclus lui-même, « une sorte de théologie ». Sur l’ensemble de la question (qui ne peut malheureusement être développée ici), voir par exemple Golitsis - Hoffmann 139-143.171 sq. 79 Cf. Platon, Resp. X 616 b 4-6 (... , , , ) ; voir aussi le commentaire sur la République de Proclus (II 193, 21 [196, 22]-202, 2 K. = Festugière, T. III 141-151), qui fait référence au traité de Proclus et lui est postérieur (voir 199, 22 sq. K. : , et la scholie ad p. 199, 6 K., qui précise ). Les deux textes de Proclus sont concordants. Les limites imposées à cet article ne permettent pas de proposer une comparaison détaillée, que je donnerai dans un autre cadre. 80 Sur les diverses façons de désigner les Oracles Chaldaïques, voir Lewy 443-447 et Seng, Un livre sacré, Introduction.
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[Selon OC 51, l’âme « fontanienne » s’écoule du flanc droit d’Hécate et anime la Lumière, qui est le lieu] Il cite ce que l’oracle dit de l’âme fontanienne :81 « Elle anime de fond en comble lumière, feu, éther, mondes ».82 Car c’est, selon lui, la lumière qui est au-dessus de l’empyrée : elle est la monade83 antérieure à la triade [613, 5] de l’empyrée, de l’éthéré et du hylique. [Exégèse théurgique : la lumière, réceptacle premier des ‘apanages’ éternels des dieux, et support de leurs apparitions] C’est elle, dit-il, qui à la fois est le réceptacle premier des apanages ( )84 éternels des dieux, et ce qui manifeste en soi-même, à ceux qui en 81
L’Âme du Monde qui procède du flanc droit d’Hécate. Voir supra p. 107 et n. 23 ; p. 110 sq. et n. 36‐38. 82 OC 51, v. 3. 83 Cf. Simpl. In Phys. 616, 4-6 D. = 17, 18-20 G. - H. (infra p. 141‐144 et n. 116‐118). C’est un point d’accord entre Proclus et Simplicius. 84 « Apanages » (utilisé par des Places dans sa traduction de Jamblique, De Mysteriis) renvoie certes à une notion politique et médiévale devenue peu familière (portion du domaine royal qu’un souverain attribuait à un de ses frères ou à un de ses fils cadets, sous l’Ancien Régime, d’après le Dictionnaire de l’Académie Française [1986]), mais il contient un élément sémantique éminemment spatial et un caractère d’éminence, qui me semblent en faire une traduction intéressante, du moins dans un contexte où l’idée d’une distribution spatiale est présente. Saffrey et Segonds, dans la nouvelle édition de la C.U.F., ont choisi « lot », après Festugière (réf. ci-après) qui correspond bien en effet à / . – Sur cette notion très importante de (p. 23, 12 S. - S. - L.), voir Jamblique, Réponse à Porphyre 22, 4 - 25, 17 S. - S. - L. [= I 8-9, p. 29, 4 - 33, 10 P.] et n. 2.4 p. 245 sq. ad 23, 12 et 17-19, où est soulignée la continuité entre la doctrine de Jamblique (qui toutefois ne se présente pas comme une théorie de l’espace !) et celle de Proclus : les des dieux sont répartis dans la lumière divine, une et indivisible ( ), et les dieux, qui sont partout, ne sont pas enfermés dans des circonscriptions corporelles, (cf. 24, 21-23 S. - S. - L.), ou dans des parties déterminées du Monde (cf. aussi sur ce point 20, 7 - 21, 9 S. - S. - L.). « La lumière des dieux, dit Jamblique (23, 24 sq. S. - S. - L.), non seulement brille en restant à part, mais, fermement établie en elle-même, procède à travers l’ensemble des êtres » ( , ) : la doctrine développée par Jamblique a directement inspiré Proclus (lire aussi 24, 2-18 où la ressemblance est frappante). La question de la répartition des « lots » divins () est aussi longuement traitée par Proclus, In Tim. I 136, 9 - 142, 10 D. (= Festugière, T. I 184-191). – La doctrine du lieu-lumière répond ainsi à une exigence majeure de la théologie et de la théurgie.
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sont dignes ( ),85 les apparitions par lesquelles les dieux se donnent eux-mêmes à voir ( ).86 Car c’est dans cette lumière, poursuit Proclus, que « les choses sans forme prennent forme », comme dit l’oracle.87 Et peut-être Proclus pourrait-il dire ( 85
Les théurges, ou les philosophes qui, comme Proclus, possèdent les vertus théurgiques. 86 Simplicius emploie plus loin (616, 18 D. = 17, 32 G. - H.), avec un jeu sur , le mot qui appartient au vocabulaire chaldaïque (voir infra p. 145 et n. 123), et qui se substitue alors à . Mais est aussi employé, par exemple, chez Marinus, Vit. Procli § 22.7-12 S. - S. - L. [C.U.F. p. 26] pour décrire la pure intuition, non discursive, que Proclus avait des Paradigmes contenus dans l’Intellect divin ( , « il éprouvait une extase dionysiaque pour les premiers principes et contemplait face à face les visions réellement bienheureuses de Là-bas », cf. Platon, Phèdre, 247 a 4 , ou 250 b 6 sq. ) [voir n. ad loc. : n. 2 p. 26 avec références à Jamblique qui a « popularisé » ce vocabulaire, et n. 3 aux p. 138 sq.]. Le vocabulaire de la contemplation intellective et celui de la théurgie s’entrecroisent, même si bien sûr la seconde est supérieure à la première. Proclus lui-même, nous apprend Marinus, « bénéficia d’apparitions lumineuses d’Hécate, face à face » ( ) [Marinus, Vit. Procli, § 28, 17 sq. S. - S. - L., C.U.F. p. 33 ; cf. supra p. 113 sq. n. 44]. Sur l’, voir les références rassemblées dans l’édition de Marinus (n. 13 ad § 28, 18, p. 156). 87 OC 144 (Kroll, De oraculis 57). Un texte remarquable de Proclus, In Remp. II 241, 19 - 243, 27 K. (commentaire du mythe d’Er) explique comment les dieux se donnent ainsi à voir dans l’imagination spatialisante de l’âme. En voici le début : « ... voir l’incorporel sous un aspect corporel ( ... ), ce qui est hors de tout lieu comme étant en un lieu et un espace ( ... ), se saisir de ce qui échappe au mouvement au moyen d’un mouvement, rien d’étonnant à cela. Voilà beau temps en effet que les Théurges nous ont enseigné que nécessairement les dieux sans forme se présentent en leurs autophanies doués de forme, les dieux sans figure, doués de figure ( ), car, ces apparitions () immobiles et simples des dieux, l’âme, en vertu de sa nature, les reçoit de façon fragmentaire ( ... ), et, avec le concours de l’imagination ( ), elle introduit dans les spectacles () figure et forme ( ). [...] [Puis] donc que les participés [sont] divins, les visions () qu’ils offrent aux regards [comportent] le lumineux ( ), l’impollué, l’intemporalité de la présence, la vitalité, toute autre qualité pareille ; d’autre part, en provenance des participants, elles comportent le fait d’être étendu, doué de forme, doué de figure ( ). [suit la citation de OC 142] C’est en effet à cause des participants que les incorporels se montrent [à l’imagination] sous forme corporelle, en se faisant voir spatialement dans l’éther (
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) que la lumière a été appelée topos (lieu), parce qu’elle est une sorte de tupos (moule) de la totalité du corps cosmique, c’est-à-dire qu’elle fait prendre l’étendue aux réalités inétendues ( ).88 [Deux apories de Proclus sur la compénétration des corps et sur l’animation du lieu] [613, 10] À la suite de cela, Proclus se demande comment un corps pourra
compénétrer un autre corps, et si le lieu est inanimé ou s’il participe de l’âme. Mais, dit-il, il est impossible que le lieu soit inanimé, à la fois parce qu’il est supérieur aux réalités animées qui sont en lui, et parce que les oracles affirment que le lieu lui-même est animé, et qu’il est la première réalité à être animée. Mais si le lieu est animé, comment peut-il être immobile ? [Solution de la première aporie, sur la compénétration des corps. Argument philosophique de l’impassibilité des corps immatériels] Proclus résout la première aporie à partir de la considération [613, 15] de l’impassibilité des corps immatériels : « Le corps immatériel, explique-til, ne peut ni exercer une pression sur quelque chose ni subir une pression de quelque chose ; car ce qui subit une pression possède une nature qui peut être affectée par les corps qui exercent la pression. Mais puisqu’il est impassible, le corps immatériel ne peut ni diviser un autre corps ni être divisé par lui, de sorte qu’il n’est pas non plus possible de tirer cette fameuse conclusion absurde, selon laquelle le tout pénétrera la partie la plus petite :89 en effet, si le corps immatériel ne peut par ) » (II 241, 19 - 242, 14 K. = Festugière, T. III 198 sq.). Le sujet des apparitions est traité directement par F. Gillon dans ce volume (voir part. infra p. 160). – Cf. Cremer 43.73 et n. 293 (sur l’emploi de mots de la famille de ). 88 Commentaire de Simplicius, qui propose in fine une traduction philosophique (le lieu est spatialisant, facteur de ) du jeu de mots / (inspiré par l’Oracle 144), dans l’esprit de la doctrine à venir (le lieu comme puissance d’organisation de la ). 89 L’hypothèse de Proclus (le corps lumineux immatériel et indivisible traverse, , le corps cosmique) déjoue, en raison de l’indivisibilité de la lumière (voir la n. suivante), l’argument des partisans du vide contre l’hypothèse que deux corps puissent être « ensemble » (), tel qu’il apparaît chez Aristote, Phys. IV 6, 213 b 6-12. Voir l’explication imagée de Ross, Aristotle’s Physics 583 (« If the same space will hold two bodies, it will on the same principle hold any number, and if you will
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nature être divisé, il ne sera pas non plus découpé en sections égales à la plus petite partie du corps pénétré ; [613, 20] et, en ce cas, le tout du corps immatériel ne pénétrera pas non plus cette plus petite partie-là ».90 [Solution philosophique de la seconde aporie : sous quel mode le lieu est animé]91 Quant à la seconde aporie, il la résout en disant que le lieu est animé par l’âme fontanienne elle-même, et que de ce fait il possède une vie divine, et qu’il demeure en repos, car il n’est automoteur que du point de vue de sa substance ( ), et non pas selon l’activité (᾽ ) : « Car si nous posons que dans l’âme elle-même l’automotricité s’entend en deux sens, soit selon la substance (᾽ ), précise Proclus, soit selon l’activité (᾽ ), et si nous disons que le premier type d’automotricité correspond à l’immobile, [613, 25] et le second à ce qui est en mouvement, qu’est-ce qui empêche de dire que le lieu participe de l’âme ainsi décrite, et qu’il vit en étant immuable du point de vue de sa substance, tandis que le monde vit en étant automoteur du point de vue de son activité ?92 Et si l’on veut only divide up a body however large and introduce the parts one by one, you will get them into a space however small ; so that if a pint pot could hold three pints, it would follow that it could hold both a pint and a quart. And on the same principle it will hold any amounts ») ; et les commentaires anciens de Thémistius, In Phys. 123, 23 124, 3 Schenkl ; Simplicius, In Phys. 649, 16-34 D. ; Philopon, In Phys. 614, 14 615, 2 Vitelli [références signalées par P. Golitsis, que je remercie vivement]. 90 Il est donc impossible que, le corps immatériel (A = la lumière) étant découpé en très petites parties (A1...n) égales chacune à la plus petite partie (Bx) du corps pénétré (B = le corps cosmique), ces très petites parties de A pénètrent une à une (A1...n) la plus petite partie de B (= Bx), jusqu’à ce que la totalité du corps A soit contenue dans Bx. Cela est impossible en raison même de l’indivisibilité de A. 91 On remarque dans ce développement de psychologie que Proclus étudie l’animation de la lumière sans faire de celle-ci le « véhicule » () de l’Âme du Monde. De même, plus haut, les arguments théurgiques relèvent d’autres thématiques ( des dieux, autophanies lumineuses). Ces données textuelles ne vont pas dans le sens de la thèse de Griffin, qui semble admettre une reprise pure et simple de la doctrine porphyrienne (voir supra p. 103 n. 12). D’ailleurs Simplicius, qui connaît bien le dossier, ne lie aucunement les deux doctrines de Porphyre et de Proclus (615, 33-35 D. = 17, 11-13 G. - H.). 92 Première solution : le lieu participe de l’âme en tant que celle-ci est automotrice ᾽ (c’est-à-dire immobile), et pour cette raison il est immobile (= « il vit en étant immuable du point de vue de sa substance / essentiellement », ᾽ , où je pense que se rapporte à ) ; le monde participe de l’âme en tant que celle-ci est automotrice ᾽ , et son automotricité se
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aussi considérer le mouvement du lieu selon l’activité ( ᾽ ),93 poursuit Proclus, on verra que le lieu est moteur pour les corps qui se meuvent : ces corps déploient sous le mode de l’étendue les parties du lieu,94 parce que ni ces corps ne peuvent être dans la totalité du [613, 30] lieu ni le lieu ne peut être présent à tous les corps en chaque partie de lui-même. Et par là le lieu est une médiation entre les corps en mouvement et l’âme qui les meut sous un mode inétendu.95 Il semble en effet que la vie en tant que vie donne le mouvement ; quant au lieu, qui est la première réalité à participer de la vie, il confère le mouvement selon les parties de lui-même, et il semble par là manifester spécifiquement le mouvement local,96 puisque par son action chacune des parties du corps en mouvement désire [613, 35] être dans la totalité du lieu ( ), mais comme elle en est incapable en raison de la particularité naturelle de l’étendue, elle n’advient dans la totalité du lieu que sous le mode de la succession ( ). Car tout ce qui désire être quelque chose a déchu de l’être, et en raison de la déficience de sa nature il désire devenir cela que précisément, en raison traduit par le mouvement circulaire uniforme. Ainsi dans la séquence Âme/Lieu/Monde, le lieu a une position médiane. 93 C’est-à-dire si l’on envisage une participation du lieu à l’Âme en tant que celle-ci est automotrice ᾽ : alors le lieu est moteur (), comme cause du mouvement des corps mobiles. 94 Texte grec (613, 28 sq. D. = 14, 31 sq. G. - H.) : (scil. ) . Schème de pensée et vocabulaire typiquement néoplatoniciens décrivant le cheminement des corps en mouvement à travers les parties du lieu comme un déploiement de celles-ci sous le mode diastèmatique. – Le fragment de Syrianus cité par Simplicius, infra 618, 29 - 619, 2 D. = 20, 21-29 G. - H., explique que l’étendue (), qui a une forme () et une « puissance supérieure aux corps » ( ), détermine le mouvement des corps en direction de leurs lieux naturels. 95 Deuxième solution. (1) L’Âme meut les corps (en tant qu’elle les anime) sous un mode inétendu (), (2) le lieu (en tant qu’envisagé selon l’automotricité ᾽ ) meut les corps , et (3) les corps sont mus en déployant les parties du lieu. Selon ce schéma aussi (cf. supra n. 92) le lieu occupe une position médiane. – Voir Griffin 167 (trad. des lignes 28-32) et la n. 16 (voir aussi 168 n. 22) où le renvoi à OC 49 (Kroll, De oraculis 27) = Proclus, In Tim. III 14, 3-10 D. (Festugière, T. IV 31), est hors de propos, car cet Oracle n’est pas « a description of this motion which light imparts to the heavenly spheres » (v. Seng, Un livre sacré III.1). 96 Ainsi se trouve vérifié (et fondé sur une raison théologique et psychologique) le primat aristotélicien du mouvement local (voir supra p. 123 n. 69). Proclus se veut fidèle à Aristote.
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de sa faiblesse, il ne peut même pas être. Il fallait en effet, poursuit Proclus, qu’entre la vie incorporelle et immuable, telle la vie de l’âme fontanienne, et la vie mobile et [614, 1] corporelle [i. e. du Monde] il y eût une vie médiane : la vie immuable, mais corporelle [i. e. de la lumière].97 [Hypothèses supplémentaires tirées des Oracles Chaldaïques, en référence à la doctrine des du Monde. La Lumière première est une image de l’« Abîme paternel » et comme Lui elle est hypercosmique] Mais il me semble, poursuit encore Proclus,98 que les centres également du Monde entier pris dans son unité sont fixés dans cette lumière. Puisque, en effet, les oracles affirment que les centres ()99 du 97
Troisième schéma purement néoplatonicien décrivant la place médiane du lieu, à partir des trois types de vie : (1) la vie incorporelle et immuable (= l’Âme), (2) la vie corporelle et immuable (= le lieu immobile, selon Aristote !), et (3) la vie corporelle et mobile (= le Monde et les corps en mouvement à l’intérieur du Monde). 98 Proclus abandonne les différents schémas à trois termes (deux et un ) proposés pour la résolution de la deuxième aporie (philosophique), pour revenir au texte de l’Oracle et rendre compte de l’accrochage de chacun des trois niveaux cosmiques dans le niveau supérieur, jusqu’à la Lumière. 99 Le mot « centres » (), au pluriel, appartient au vocabulaire de l’astrologie, et se trouve ici transposé en un nouveau contexte philosophico-théologique. Deux autres sources peuvent être envisagées : un usage d’origine plotinienne (le Principe est un « centre » dont procèdent rayons et circonférence) et un emploi (assez peu clair) du mot dans les OC (Seng, Un livre sacré III.9). – Bouché-Leclercq explique en détail la théorie astrologique, notamment aux p. 257-259 (voir aussi Barton, Ancient Astrology 92-96 ; et Power and Knowledge 75-76.83.86). Il s’agit des quatre points cardinaux (« centres » : , cardines) du cercle de la géniture, qui sont, énumérés dans le sens du mouvement diurne : 1° l’Horoscope ou Levant (, ) ; 2° la culmination supérieure () ; 3° le Couchant (, , ) et 4° la culmination inférieure (, , ). Et « ils sont déterminés par la rencontre du plan du Zodiaque avec le plan de l’horizon et celui du méridien » (Bouché-Leclercq 258 sq. ; v. aussi 269 n. 1 ; 270-274, et les schémas donnés aux p. 276-285). Un développement clair et important se lit chez Sextus Empiricus, Adv. Math. V 12-42 (exposé de la doctrine des astrologues « Chaldéens ») qui explique le rôle des dans la production des influences exercées par les planètes () selon le présupposé de la « sympathie » entre réalités célestes et réalités terrestres (§ 4 : ... , cf. § 43). Selon les Chaldéens, « les sept planètes ont [avec les réalités inférieures] une relation de causes efficaces pour la production de tout ce qui arrive dans la vie, et les parties du zodiaque collaborent avec elles » (...
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monde hylique sont fixés dans l’éther qui est au-dessus de lui,100 en remontant de façon analogique nous dirons que les centres du plus élevé
, ). Lire en particulier le § 12 de Sextus, qui explique que les sont « les [quatre] signes qui sont dominants à chaque géniture pour la production des influences » ; et aussi les §§ 14.20.33.40, où réapparaît le mot . Explications dans l’édition commentée de Spinelli 58 sq. (texte) ; 115-117 (notes très précises) et 227 (fig. 1 ; cf. aussi le diagramme reproduit, d’après Fabricius, dans l’édition Bury de Sextus [vol. IV, p. 329]). Un texte essentiel : Ptolémée, Tetrabiblos III 11 (p. 129 sqq. Boll-Boer ; à présent 2e éd. par W. Hübner, voir p. 202-205 sqq. et fig. p. 204 ; cf. Feraboli 217 sqq. et commentaire p. 432-434 sqq.). Cf. aussi Almageste VIII 4 (H186) [sur les configurations des étoiles fixes], et la traduction annotée de G. J. Toomer, p. 408 et n. 190.191. Et aussi : Vettius Valens, Anthologiarum liber I 50, 18 et 27 Kroll (voir aussi Index II. Vocabulorum astrologicorum, p. 380) ; Porphyre, Introd. in tetr. Ptolemaei, c. 43 et 45, éd. Boer-Weinstock p. 215 sq. et 225 sq. – Proclus, In Remp. II 44, 1 sq. K., explique, dans le cadre d’un développement sur le rôle structurant du nombre 5 ( ) dans l’Univers (43, 20 sqq.), que le 5 « a équipé de façon complète le Monde en sa totalité » ( ... ), au moyen des cinq figures élémentaires (c’est-à-dire les cinq polyèdres réguliers du Timée et de l’Épinomis, 981 b 2 - c 7) et des « cinq centres » (au lieu des quatre « centres » de l’astrologie), qui sont ainsi mis en rapport, et Festugière (T. II 150 n. 4 sq.) commente brièvement : « Il s’agit des quatre points cardinaux et du centre de la terre ». Ici, dans sa présentation de la doctrine chaldaïque, Proclus semble vouloir dire que les « centres », qui du point de vue de l’astrologie déterminent des « influences » () sur le monde hylique (c’est-à-dire sublunaire), se trouvent dans l’éther, c’est-à-dire dans le Ciel supérieur, celui des astres constitués d’éther, et cette théorie concorde avec la cosmologie chaldaïque. (Sur l’adhésion des néoplatoniciens à l’astrologie, nous avons un document exceptionnel qui est l’horoscope de Proclus donné par Marinus, Vit. Procli § 35 (Saffrey - Segonds - Luna, n. ad loc. aux p. 172174, et Appendice : L’horoscope de Proclus, p. 185-201). Par ailleurs, le mot est utilisé par lui, peut-être sous l’influence du vocabulaire chaldaïque, et en même temps que ou , pour désigner par exemple les hénades (remarque de Beutler col. 222, 32-35). Voir Th. Pl. III 4, p. 14, 13-15 S. - W. (les hénades sont participées et sont pour chaque classe d’êtres « comme sa fleur, son sommet et son centre », ... ) et n. 3 ad loc. (p. 111 sq.). Par extension, (mot également utilisé par Plotin pour désigner l’Un) peut désigner toute cause principielle dans son rapport au « cercle » des réalités qui en procèdent, et ce schème néoplatonicien se trouve appliqué à l’interprétation de la cosmologie : les réalités du monde hylique procèdent de « centres » qui sont dans l’éther, tout comme les éléments sublunaires, dans la physique de Proclus, procèdent des dont le mélange constitue la substance céleste (l’Éther). 100 L’« éther » correspond ici au Ciel supra-lunaire néoplatonicien, lieu des astres fixes et des planètes.
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des mondes [614, 5] sont installés dans cette lumière.101 Mais peut-être, ajoute-t-il, cette lumière première est-elle une image de l’Abîme Paternel,102 et cette image est hypercosmique ()103 parce que l’Abîme Paternel lui aussi est hypercosmique ». 101
Chaque « monde » dérive de « centres » transcendants qui sont fixés dans l’ordre (le monde) immédiatement supérieur. Cela vient d’être expliqué à propos du rapport entre monde hylique et « centres » éthérés, et une analogie simple permet de conclure que, à quelque niveau que l’on se situe, le monde considéré dépend de « centres » installés dans le monde immédiatement supérieur : au bout de la remontée, « le plus élevé des mondes » (celui qui, dans l’ordre descendant de OC 51, vient tout de suite après la Lumière) aura des « centres » fixés dans la Lumière. Le mode de raisonnement n’est pas sans rappeler le principe de continuité dans la procession qui s’exprime dans les Elem. Theol., Prop. 112 ( , cf. Prop. 110, et surtout Th. Pl. III 21, p. 75, 11 sq. ; IV 2, p. 12, 22-25 S. - W.) et Prop. 147 ( , avec notamment, dans la démonstration, la formule suivante : ; cf. enfin Th. Pl. II 7, p. 45, 9-13 S. - W. : le soleil, « sommet » () des êtres encosmiques, procède lui-même des « abîmes éthérés », c’est-à-dire de l’ordre hypercosmique (lire la n. 1 ad loc., p. 105 sq.). 102 Après avoir proposé de situer dans la Lumière première les « centres du plus élevé des mondes » (c’est-à-dire le monde igné), par une remontée analogique qui met le monde hylique en dépendance des niveaux antérieurs et établit ainsi la continuité de la procession, Proclus avance avec prudence () que la Lumière elle-même est une image du premier Principe des OC, ce qui exhausse la continuité jusqu’à une dépendance radicale à partir du Principe. – L’Abîme Paternel ( ) est mentionné par OC 18 : , « Vous, qui connaissez, en le pensant, l’Abîme Paternel hypercosmique » = Proclus, In Crat. 107, p. 57, 25 P., et Damascius, In Parm. I 20, 1 et 104, 5 sq. W. - C. - S. (dans le deuxième cas avec la variante pour ) ; cf. II 32, 20 W. - C. - S. ; cf. aussi De Princ. III 56, 7 ( : lire la n. 1 ad loc. p. 194) ; 90, 22 ; 91, 10 ; 96, 20 sq. ; 107, 20-22 et 119, 5 W. - C. ; et enfin les références et parallèles donnés dans la note de Majercik, Chaldean Oracles 149, ad OC 18). Voir Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 113.123 sq. et n. 29, et à présent Seng, Un livre sacré II.4 : « ... l’expression – abîme paternel – semble désigner à la fois le Père et sa capacité à un déploiement trinitaire ». L’Abîme Paternel (i. e. l’Intellect transcendant qui vient en tête de la triade primordiale des OC) est, en termes chaldaïques et néoplatoniciens, « hypercosmique », c’est-à-dire qu’il est au-dessus du Cosmos produit par le second Intellect et animé par l’Âme du Monde issue d’Hécate. En termes platoniciens, Proclus suggère donc () que la « Lumière première » de OC 51 est une image du premier Père et que, comme lui, quoique au degré moindre qu’implique la dégradation de l’image par rapport au Modèle, elle est « hypercosmique », en fonction d’une relation d’analogie qui implique que le prédicat « hypercosmique » s’entend en deux sens selon qu’il s’applique à l’Abîme Paternel ou à son image ; ce qui donne l’égalité de
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[Réfutation de la démonstration de Proclus par Simplicius]104 [Objections sur la division, et sur la signification de l’étendue incorporelle] Voilà quels types d’arguments Proclus développe sur le lieu. Quant à nous, examinons pendant un moment la démonstration même qui lui a permis de [614, 10] conclure que le lieu est un tel corps. Tout d’abord, il rapports suivante : / Lumière première = 1 / 2. La citation de Proclus s’arrête malheureusement avec cette phrase, et le texte n’explique pas comment la Lumière première est à la fois un corps et « hypercosmique ». Le fragment cité plus haut par Simplicius (p. 125 sq.) nous a appris que la sphère de Lumière (= le lieu), qui est une, pure, immobile, est hiérarchiquement supérieure à la totalité du Monde (plurielle mais, dans sa globalité, elle aussi immobile), et plus encore aux corps particuliers et mobiles qui sont dans le Monde : cette structure à trois termes (1 – – 2), dans laquelle la Lumière occupe la place du terme extrême supérieur (1), permet d’admettre que la Lumière, en ce sens, soit hypercosmique. Il n’est pas impossible que Proclus pense ici au « lieu supracéleste » ( ) du Phèdre (247 c 3), que Simplicius lui-même invoque plus loin dans le Corollarium de loco pour affirmer que le « lieu » s’entend au niveau des réalités non seulement corporelles, mais aussi incorporelles (la des nombres). Mais Proclus ne considère pas le Ciel du Phèdre comme étant d’ordre cosmologique, car il le rapporte à l’ordre des intelligibles et intellectifs (Th. Pl. IV 4-16, p. 17, 16 - 50, 28 S. - W.). Hermias déjà avait expliqué que le Ciel du Phèdre ne peut pas être ce ciel sensible car les dieux bienheureux (non plus que le sage) ne peuvent « posséder la félicité de leur contemplation au moyen de contemplations situées à l’intérieur de ce ciel-ci (i. e. le ciel sensible) » ; le Ciel est « le plus élevé des dieux intellectifs », et de lui procèdent plusieurs de dieux intellectifs (149, 7-11 et 20-26 sqq. Lucarini-Moreschini = p. 142, 28 - 143, 5 et 13-19 sqq. Couvreur ; cf. p. 151, 29 - 152, 6 L. - M. = p. 145, 18-25 C.). 103 La leçon (forme secondaire pour ) est donnée de façon unanime par les manuscrits E F Mo, contre l’édition aldine (a) suivie par Diels (614. 6), et concorde avec d’autres citations de OC 18 (voir les éditions des Places et Majercik, et infra n. 118.132 ; et surtout Westerink - Combès, vol. III 194 (n. 1 ad p. 56, 4). 104 Ce passage illustre l’habileté dialectique de Simplicius et est un témoignage très important sur la connaissance qu’il avait des Oracles Chaldaïques. C’est un exemple rare d’un débat exégétique, à propos du sens d’un Oracle, entre philosophes néoplatoniciens qui partagent le même respect à l’égard de l’autorité des OC. Contre Proclus qui invoque OC 51 pour confirmer que le lieu est un corps de lumière, l’objectif de Simplicius est de montrer que telle n’est pas la doctrine enseignée par l’Oracle. L’établissement du véritable sens de OC 51 est une étape importante dans le cheminement dialectique qui doit conduire, après la critique de la définition aristotélicienne, puis la réfutation de l’hypothèse du lieu comme (corporel ou incorporel), à l’exposé de la doctrine véridique de Damascius.
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faut faire une objection à la division en quatre termes qui a été proposée, et rappeler ce qui a été dit tout à l’heure, lorsque j’ai montré, comme je le pensais, qu’il ne s’agit pas d’une véritable division (), mais d’une simple énumération ()105 des opinions relatives au lieu, puisqu’il y a encore d’autres manières de rendre compte du lieu. Si donc il ne s’agit pas d’une division exhaustive, il n’est évidemment pas vrai de dire : « Si le lieu n’est ni la matière ni la forme [614, 15] ni la limite de l’enveloppant, il reste qu’il est l’étendue égale à ce qui est dans le lieu ». Je passe sur le fait que l’étendue est également comprise selon une autre notion que celle d’Aristote. Celui-ci, en effet, a supposé de manière déterminée que l’étendue est incorporelle, comme il le montre en disant : « mais aussi l’étendue entre les limites, considérée comme vide »,106 tandis que l’argument de Proclus prend l’étendue de manière indéterminée, de sorte qu’il puisse aussi en opérer la subdivision [614, 20] en corps et incorporel. Mais même si l’on néglige ces considérations, comment ce qui suit peut-il être vrai, à savoir que cette étendue locale qui est entre les limites (scil. de l’enveloppant) ne saurait être incorporelle ? Car, dit Proclus, si le lieu est égal au corps qui est dans le lieu, et si un corps et un incorporel ne sauraient être égaux, parce que l’égal ne se rencontre que dans les quantités, et précisément dans des quantités de même genre, l’étendue locale ne saurait être incorporelle. Mais si [614, 25] nous appelons égal ce qui est mesuré par la même mesure, et que les mesures sont envisagées selon les dimensions (), et non selon la plénitude concrète des corps ( ), pourquoi n’est-il pas vrai de dire que ce qui a trois dimensions peut être égal à ce qui a trois dimensions ? Car, de fait, sous ce rapport les deux réalités sont de même genre. Assurément, une surface ne saurait être ni de même genre qu’un corps ni égale à lui, parce qu’il lui manque une dimension [614, 30] spécifiquement différente, mais ce qui possède longueur, largeur et profondeur, comment cela ne serait-il pas de même genre, sous ce rapport précis du moins, que ce qui a les mêmes dimensions ? Mais si Proclus avait voulu dire, comme Aristote, qu’une telle étendue n’existe absolument pas par elle-même, il aurait dû montrer précisément cela ou l’assumer comme déjà démontré. Si au contraire, tout en admettant que cette étendue existe, il dit que ce n’est pas le lieu, parce qu’elle n’est pas égale au [614, 35] corps qui est dans le lieu, je me demande comment il peut avoir raison de dire cela, à moins qu’il n’ait conçu [615, 1] cette étendue comme ceux qui posent qu’elle est le vide ; mais le vide ne pos105 106
Voir supra p. 122 n. 65. Aristote, Phys. IV 4, 212 a 14.
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sède même pas la tridimensionnalité, ni même la dimension à titre de nature et de forme, mais il est seulement absence et privation.107 Or Proclus, dans sa dichotomie, l’interprète comme une nature incorporelle. Sinon, il lui aurait été facile de renvoyer aux arguments qui réfutent l’hypothèse du vide.108 [Sur la notion de corps immatériel. Immatérialité ou matérialité des « firmaments » chaldaïques () ?]109 Mais comment [615, 5] Proclus montre-t-il aussi que le lieu est un corps immatériel ? Car s’il est matériel (), dit-il, il est divisible et peut subir des affections. Mais quoi ? Le ciel n’est-il pas matériel selon l’opinion concordante de Proclus lui-même et de Platon ? Et la tradition des Oracles ne nous dit-elle pas qu’il est matériel ? Pourtant le ciel luimême est impassible et indivisible. Qu’est-ce qui empêche donc, pour autant que l’on considère cet argument, que le lieu lui aussi soit un corps matériel, mais indivisible et impassible, et qu’il possède une qualité [615, 10] supérieure aux autres corps, ce qui est l’avis de Proclus lui-même au sujet du lieu ? À moins que Proclus ne restreigne l’appellation de ‘matériel’ à la réalité sublunaire, qui est aussi réellement passible, et que ce ne soit cette signification de ‘matériel’ qu’il nie du lieu. Mais rien n’aurait empêché le lieu, comme je l’ai dit, d’être matériel à la façon dont le ciel est matériel. Mais en ce cas, comment le lieu serait-il supérieur aux firmaments immatériels eux-mêmes, dont il est aussi le lieu ? [615, 15] Assurément, Proclus lui-même dit, dans sa lettre à Aristoclès,110 que d’une certaine manière les firmaments eux-mêmes sont matériels : non pas à la façon des éléments sublunaires, qui changent relativement à une matière commune, ni à la façon des corps célestes, qui sont composés des quatre éléments, lesquels sont différents et pour cette raison ont besoin d’un substrat commun, mais parce que les firmaments euxmêmes, étant mobiles selon le lieu, possèdent l’en puissance, du fait de 107
Voir infra In Phys. 618, 10-13 D. = 20, 2-5 G. - H. C’est-à-dire les arguments d’Aristote, Phys. IV ch. 6-9. 109 La réfutation de la doctrine de Proclus, sur ce point, est d’un enjeu capital pour Simplicius, dans la perspective de la doctrine véridique dont il doit préparer la démonstration. La tentative de définition du lieu comme est dialectiquement féconde, et prépare l’usage du concept de . Mais que le lieu soit un corps est inacceptable, et il importe d’établir que telle n’est pas la pensée des dieux, exprimée en OC 51. 110 Lettre perdue, inconnue par ailleurs. Voir Luna - Segonds 1624 sq., et Festugière, Proclus. Commentaire sur la République III 335 sq. n. 4 (analyse de l’argument). 108
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ne pas être partout en totalité.111 Mais, en ce cas, tout d’abord il serait téméraire [615, 20] de contredire les oracles qui affirment que seul ce monde-ci est hylique, et ensuite il pourrait y avoir aussi dans le cas du lieu une autre signification de matière, non pas en tant que le lieu serait en mouvement, mais en tant qu’il est étendu, ses parties qui diffèrent les unes des autres ayant chacune une position différente. Mais pourquoi estce que je dis cela, quand Proclus lui-même a prédiqué du lieu l’immatérialité qui transcende la matérialité passible ? Telle pourrait être aussi, comme je l’ai dit, [615, 25] l’immatérialité du ciel. Enfin, conclut Proclus, s’il faut poser que le lieu est le plus immatériel de tous les corps, si « le feu est plus incorporel que les autres éléments, et si la lumière est plus incorporelle que le feu lui-même », il est évident que le lieu sera la lumière. Mais si la lumière est une espèce du feu, comme nous l’avons appris dans le Timée, et que l’espèce ne peut être supérieure au genre, alors, du moins selon cet argument, la lumière ne saurait être [615, 30] supérieure au feu. [Contre les confirmations tirées de la République de Platon et des Oracles chaldaïques, et contre les considérations théurgiques de Proclus] [Sur la lumière du mythe d’Er dans la République] Voilà donc, en peu de mots, ce que je dirai contre l’argument démonstratif ( ) de Proclus. Et pour répondre aux confirmations que Proclus ajoute par ailleurs, je dirai à propos de celle qui s’appuie sur la lumière dont la République dit qu’elle ressemble à l’arcen-ciel, que tout ce passage de Platon est écrit sous le mode énigmatique ().112 Il pourrait indiquer le véhicule lumineux de l’âme de 111
Allusion possible à Aristote, Metaph. 8, 1050 b 20-22 : , (scil. )· ᾽ , ᾽ ( ᾽ ), « De même encore, le mouvement éternel, s’il y a un mouvement éternel, n’existe pas en puissance. Et s’il existe quelque mobile éternel, il n’est pas mû selon une puissance, sinon en ce qu’il peut passer d’un lieu dans un autre, et rien n’empêche de lui attribuer en ce sens une matière » (trad. Tricot). Tricot commente (p. 50 n. 1) : « les Corps célestes se déplacent sans relâche et sont en puissance à l’égard des positions qu’ils n’ont pas encore atteintes ». 112 Pour Simplicius, Platon est, avec les Pythagoriciens, l’un de ceux – prédécesseurs d’Aristote – qui ont « eu recours [...] aux mythes [ou] aux énigmes symboliques » [In Cat. 6, 30 K.] comme de « voiles » destinés à protéger la vérité précieuse (cf. 7, 4-6 K., où Simplicius parle de « mythes » et de « symboles », en faisant allusion alors aux Pythagoriciens, et ajoute : « comme dans les temples ce qui est le plus secret est
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l’univers ( ), selon [615, 35] l’exégèse de Porphyre,113 mais il peut aussi indiquer quelque chose caché par des voiles ») ; cf. aussi In De caelo, 370, 15 sq. H. Lire I. Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories 113-122 (spéc. 114.120). Le mode « symbolique » et « mythique » est l’un des quatre modes d’expression de Platon (cf. Th. Pl. I 4, p. 17, 21 sq. ; p. 18, 25 - 19, 5 ; p. 20, 1-3.6 sq. ; p. 21, 3 - 23, 11 S. - W. – où toutefois n’apparaît pas le mot « énigme »). 113 Simpl., In Phys. 615, 32-35 D. = fr. 185aF Smith (p. 215). Cf. Proclus, In Remp. II 94, 8-11 K. [trad. Festugière, T. III 35 et n. 4], et surtout II 196, 22 - 197, 16 K. [trad. Festugière, T. III 145] (= fr. 185F Smith, p. 213 sq., avec citations de deux textes reflétant très probablement la doctrine de Porphyre : Syrianus, In Metaph. 84, 31 - 85, 28 K., et Macrobe, somn. II 2, 14) ; et Porphyre, De abst. II 37, 2 (p. 103 Bouffartigue-Patillon, avec la n. 6 ad loc.). Lire aussi Verbeke 363 sqq. ; Deuse 218230 (spéc. 222 et n. 343) [sur Porphyre], et Elferink 23 sq. et surtout 50 sq. n. 68 [bonne présentation de l’ensemble du dossier, sauf le témoignage de Simplicius, mais avec références aux « images célèbres de Plotin dans lesquelles celui-ci compare l’union de l’âme au corps à la pénétration de l’air par la lumière »]. – Simplicius ne dit pas que Proclus a repris à son compte l’interprétation de Porphyre, qu’il mentionne lui-même sans conviction : rien ne permet de penser que le Lycien ait assumé dans son traité l’interprétation porphyrienne de la lumière de la République. Le commentaire, postérieur, à la République (II 196, 22 - 202, 2 K.), affirme (de façon, certes, approbative) que Porphyre, à travers l’identification de la lumière au premier véhicule de l’Âme du Monde, a eu le soupçon de ce qu’écrit Proclus, parce qu’il a conçu la nécessité d’un corps simple intermédiaire entre l’Âme et le Corps composé du Monde : « Eh bien donc, je sais déjà que le très philosophe Porphyre a eu quelque soupçon de la doctrine que nous exprimons présentement quand il fait de cette lumière le premier véhicule de l’Âme du Monde ( ), analogue au véhicule lumineux de notre âme, et qu’il s’était arrêté à une telle conception dans la pensée que cette lumière est un corps antérieur au Corps du Ciel, un corps immédiatement attaché à l’Âme du Tout, plus simple, je présume, qu’il n’en va pour le Corps du Ciel [suit une allusion à Phédon 109 e, qui pourrait avoir été rapproché de Resp. 616 b par Porphyre]. Quoi qu’il en soit, comme j’ai dit, c’est, semble-t-il, pour avoir fait de telles réflexions que Porphyre a défini cette lumière comme le véhicule de l’Âme Universelle, un véhicule attaché tout en premier à cette Âme. Car il faut bien, selon Porphyre (proposition infinitive avec , remarque Festugière 145 n. 7), qu’avant le Corps composé existe le corps simple qui participe à la vie incorporelle qu’il y a dans l’Âme ». Mais Proclus distingue ensuite soigneusement son explication de celle de Porphyre : , « Il faut pourtant que nous disions plus clairement encore notre pensée » (197, 16 K.), l’exposé de la doctrine propre de Proclus (qui, 199, 22 sq. K., renvoie à son traité sur le lieu) ne comportant aucune reprise du thème de l’ de l’Âme du Monde dans les pages suivantes (197, 16 - 202, 2 K.). Pour Proclus (qui cite aussi l’opinion de Porphyre en In Remp. II 94, 8-11 K.) l’interprétation porphyrienne est une simple préfiguration de la bonne doctrine, car Porphyre a bien compris que la lumière de République X est un corps intermédiaire
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d’autre. Et puisque les Oracles affirment que l’âme fontanienne [616, 1] « anime de fond en comble lumière, feu, éther et mondes », Proclus a confirmé de manière excellente par la contradistinction que la lumière est différente de l’empyrée, de l’éthéré et du hylique, et qu’elle est supérieure à tous ces ordres de réalités. C’est ce que montre aussi, en effet, l’ordre de l’énumération ( ).114 [Sur la transcendance de la Lumière par rapport aux trois autres ordres de réalités. Opinion de Simplicius : la Lumière est la « monade », et non le lieu, de la triade des mondes]115 Mais peut-être () la lumière est-elle la monade [616, 5] de la triade des mondes ( ... ),116 que Proentre l’Âme et le Corps du Monde, mais rien dans le Commentaire à la République, ni dans le traité sur le lieu, n’autorise à penser que Proclus ait repris à son compte l’idée que la lumière, ou le lieu, soit l’ de l’Âme du Monde. L’évidence des textes conduit à distinguer soigneusement entre la notice sur l’exégèse de Porphyre (196, 22 - 197, 16 K.), et l’exposé de la doctrine propre de Proclus (comme le fait très bien Festugière, T. III 145 – lequel à aucun moment ne propose d’identifier le lieu-lumière proclien avec le véhicule de l’Âme du Monde). Il faut donc nuancer et même corriger très sensiblement sur ce point les analyses de Schrenk 87-94 (qui place Proclus dans la continuité de l’interprétation de Porphyre), et surtout (après Schrenk) de Griffin, qui identifie purement et simplement la position de Proclus et celle de Porphyre, et aborde la question du lieu dans la perspective de la médiation entre l’âme et le corps, médiation assurée par le lieu-lumière identifié à l’ – dont la doctrine doit beaucoup à Jamblique –, qui est à la fois corporel et perpétuel (v. en particulier les p. 164.168.169 [le corps de lumière proclien est « the light that emanates from Soul into the sensible world »], 172.180-182). En particulier, l’analyse résumée du texte de Proclus, In Remp. II 196, 22 sqq. K., donnée par Griffin 164, qui sert de point de départ à son article, ne me semble pas fondée sur le texte lui-même : Proclus ne dit pas que « Porphyry was right to liken the ‘first vehicle of the cosmic soul’ to our luminous vehicle (196, 21-30), since the cosmic vehicle is in reality a ‘vehicle of light’ (197, 12-14) ». Le texte grec est plus subtil, et Proclus voit dans l’interprétation de Porphyre un simple soupçon anticipateur. De même, on ne trouve nulle part en 197, 25 - 198, 8 K. une expression permettant de conclure que pour Proclus, il y a identité entre les termes, et que « The place (topos) of the whole cosmos is its vehicle ». – Il est remarquable (et il faut redire) que Simplicius n’établit aucune liaison entre la doctrine proclienne du lieu et l’interprétation porphyrienne de la colonne de lumière du mythe d’Er. 114 C’est-à-dire l’ordre des mots dans le vers, manifestement compris comme [1] + [3], en fonction de la césure. Voir supra p. 114-116. 115 Par là Simplicius réfute que le lieu puisse être un corps : l’autorité des Oracles ne peut plus être invoquée en faveur d’une doctrine physique vouée à être dépassée (et remplacée) par la ‘bonne’ doctrine, celle de Damascius.
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clus lui aussi admet.117 Elle est monade non pas en tant que lieu des trois mondes ( ), mais en tant qu’elle est un monde unique antérieur aux trois ( ).118 Il est nécessaire en 116
Il ne s’agit évidemment pas de la Monade toute première des Chaldéens (le Père transcendant), ni de la première Triade – constituée du Père, de la Dynamis et de l’Intellect paternel –, qui sont bien antérieures à Hécate elle-même et à l’Âme universelle (v. Seng, Un livre sacré II.1-2) même si la formule de OC 27 à propos de la première Triade ( , ) [voir par exemple Lewy 106 et n. 164 ; P. Hadot, Porphyre I 96 et n. 2 ; 97 ; 261 et n. 1 ; et Johnston, Hekate Soteira 55 sq. et surtout n. 22] se prête à une généralisation (elle peut s’appliquer, structurellement, à d’autres plans de la réalité) et sert d’autorité à l’explication proposée avec prudence () par Simplicius (voir la n. 118). Proclus déjà traduisait par (Th. Pl. V 14, p. 45, 3-5 S. - W. : , « mais il faut que, dans chaque monde de dieux, la monade préexiste aussi bien à la triade qu’à toute multiplicité », v. aussi n. 1 ad loc., p. 172). 117 Cf. supra, 613, 4 sq. D. (= 14, 7 sq. G. - H.) [p. 128] : . La proposition infinitive semble garantir que Simplicius rapporte les expressions de Proclus, et ici (616, 5 D. = 17, 19 G. - H.) Simplicius précise encore que Proclus est d’accord avec lui pour admettre () la « triade des mondes ». – Sur un autre point il y a une convergence entre Proclus et Simplicius : l’Abîme Paternel dont la Lumière est l’image () se situe au plan de l’Intelligible, pour Proclus (par ex. Th. Pl. VI 15, p. 75, 25 sq. S. - W. Ouranos , « referme l’abîme paternel des dieux intelligibles » ; cf. Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 123 sq. : « une monade [qui] embrasse les trois triades [intelligibles] sous un mode unitaire », et 161 (tableau récapitulatif), et « Plato’s Timaeus ... » 115) comme pour Damascius, que Simplicius semble suivre (cf. la n. suivante). Sur cette question, voir la discussion infra 617, 2025 D. (= 19, 4-9 G. - H.). 118 La procédure interprétative est claire. Par un réflexe intellectuel typiquement néoplatonicien, qui s’autorise aussi des OC (voir OC 27, cité à la note 116), Simplicius propose de poser une monade avant la triade des mondes (igné, éthéré, hylique) – la monade anticipant et produisant la triade –, et d’identifier la lumière (), mise en valeur par la scansion du vers, avec cette monade. On peut formuler l’hypothèse que, la lumière étant possiblement « image » () de l’Abîme Paternel, elle tient en quelque sorte de Celui-là d’être à son tour principe de mondes ultérieurs. Le raisonnement serait donc ici : l’Abîme Paternel (hypercosmique), c’est-à-dire l’Intelligible (l’Unifié) a la propriété de précontenir les mondes qu’il produit, et lui-même est un monde unifié et une monade ; la Lumière des Oracles est « image » () de l’Abîme ; donc la Lumière elle aussi est un « monde » antérieur aux trois mondes igné, éthéré et hylique – et supérieur à eux, donc hypercosmique –, et elle est la « monade » de la triade de ces mondes. Simplicius pourrait se souvenir ici d’analyses de Damascius qui, dans le De Princ., explique que l’Abîme hypercosmique, identifié
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effet qu’il y ait précisément un monde unique avant les trois, de même à l’Intelligible ( ), et à l’Unifié ( ), est un « monde » qui, sous un mode indifférencié et transcendant, est cause de tous les mondes et antérieur à eux ; son « image », pour Simplicius, pourrait donc reproduire l’anticipation unifiée de tous les mondes dans l’Abîme transcendant, qui est ainsi décrite par Damascius, en III 90, 21 - 91, 8 W. - C : « Ensuite, en voyant procéder tous les mondes à partir de l’abîme véritablement hypercosmique ( ), nous avons appelé aussi cet abîme le monde caché ( ), qui coagrège en lui tous les mondes, en tant qu’il est le monde de tous les mondes sans exception, ou plutôt en tant qu’il est leur gestation indifférenciée, laquelle ne supporte pas encore la forme cosmique, mais néanmoins la préconçoit réellement en elle. Il y a, en effet, s’il est permis de dire, au sein de la cause de tous les mondes et antérieurement à tous, une unique gestation universelle et indifférenciée, qui se situe avant la totalité et toute la suite des fruits intelligibles qui en procèdent ; il s’agit de cette cause que nous appelons aussi l’unifié intermédiaire entre les mondes aussi nombreux soient-ils, les plérômes enveloppés en eux et, en partant d’en-haut, l’unique simplicité transcendante ». Autres textes : III 96, 17-21 W. - C. ( , , , , « Car l’intelligible qui est aussi l’unifié en une seule nature, est non seulement monade, s’il convient d’appeler monade l’union incirconscrite de l’intelligible, mais il est encore monde, si l’on doit appeler monde l’unifié qui est aussi l’abîme réellement hypercosmique »), et III 107, 17-22 W. - C. à propos du « genre intelligible des dieux », l’Unifié, qui transcende toute ordonnance cosmique (... , [cf. Platon, Tim. 37 d 6] , , ..., « ... il s’agit du genre intelligible des dieux qui demeure dans l’unité de l’un et qui, pour cette raison, est unifié par rapport à lui-même et à l’un ; il nous offre le diacosme caché, que, pour son caractère indifférencié et son rang au-dessus de toute perfection cosmique, les dieux [des Oracles] ont célébré comme hypercosmique ... ») ; III 119, 3-6 W. - C. (sur « l’abîme hypercosmique » des premières triades intelligibles transmis par les dieux des Oracles et connu des dieux intellectifs : paraphrase de OC 18) et l. 9-11 W. - C. (Damascius, suivant les traces de la pensée de Jamblique, est « d’avis que le monde intelligible est cet abîme unifié » [ ... ] qui enveloppe la substance au sens absolu, ...) ; III 144, 1-3 W. - C. (« nous avons l’audace [...] de distribuer [...] en diacosmes l’abîme réellement hypercosmique », [...] – c’est-à-dire l’Intelligible). Nous verrons plus loin que Simplicius se rallie en fait à une nuance très précise de la doctrine de Damascius, In Parm. II 32, 6 - 33, 18 W. - C. - S., où est introduite une distinction entre l’« abîme hypercosmique » et sa « terminaison » () qui est la véritable « monade des mondes », principe de la et des processions).
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qu’avant l’hebdomade119 il y a la triade. Et peut-être () les Oracles ont-ils appelé ‘lumière’ ce monde unique, parce qu’il est la fleur du firmament igné ( ),120 et qu’il est le caractère commun de tout ce qui apparaît ( ), c’est-à-dire du sensible, c’est-à-dire de tout le corporel. [616, 10] Car tous les corps sont sensibles, même s’ils sont, les uns et les autres, adaptés à des sensations différentes. [Autre explication possible : la Lumière serait la incorporelle dans son ensemble] Mais peut-être les Oracles, après avoir dit que le premier monde corporel est igné, ont-ils donné l’appellation de ‘lumière’ à l’ordonnance incorporelle dans son ensemble, cette ordonnance qui est véhiculée par les mondes corporels,121 et qui est illuminée par l’âme fontanienne. [Contre les interprétations théurgiques de Proclus. Sur le lieu comme réceptacle des des dieux, et sur les apparitions divines] Assurément, que le lieu soit le premier réceptacle des apanages éternels des dieux, on a raison de le dire ; [616, 15] mais je ne crois pas que cela 119
Simplicius pense ici aux sept , qui constituent une hebdomade. On aurait : le Monde unique ( ) c’est-à-dire la Lumière, qui régit la triade des Mondes (empyré, éthéré, hylique), laquelle se multiplie en une hebdomade (un firmament empyré, trois éthérés, trois hyliques). Le niveau empyré a un plus grand caractère d’unité que les suivants, et sa « fleur », plus unitaire encore, constitue le . Par l’application d’un schème néoplatonicien caractéristique, et puissant, Simplicius « néoplatonise » le vers chaldaïque de façon plus radicale encore que Proclus. 120 Le mot , « fleur », typique du vocabulaire des OC, a reçu un sens très spécialisé chez les néoplatoniciens (c’est l’état le plus pur et le plus élevé d’une réalité, le plus proche de l’un – ou même son « hénade »). Voir Lewy 167-169 et n. 384 ; et la longue note de Westerink - Combès, vol. II 261 sq. n. 1 (ad p. 105, 3 OC 1). L’interprétation hiérarchisante que les néoplatoniciens donnent du passage de Platon, Tim. 58 c 5-8 (cf. supra p. 124 sq. n. 74), permet aisément de comprendre que la lumière puisse être dite, par Simplicius, « fleur » du firmament igné, puisque la lumière est l’espèce la plus pure du feu. Par ailleurs, on rencontre (mais avec des significations différentes de celle dont il est question ici) l’expression « fleur du feu » ( ) dans plusieurs OC (34, v. 2 ; 35, v. 3 ; 37, v. 14 ; 42, v. 3 des Places), et l’on ne peut exclure que Simplicius s’en souvienne (en lui donnant un sens renouvelé). 121 Cette proposition de Simplicius sur le caractère incorporel de la lumière a retenu l’attention de Finamore 61 (n. 1).
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ait pour conséquence que le lieu soit un corps. En effet, même si le lieu est une étendue, qu’est-ce qui empêche que cette étendue ait aussi été distribuée conjointement avec les dominations divines ( ), et elle surtout, parce qu’elle est plus apparentée que toute autre réalité à l’incorporel. Mais que les empreintes des caractères ( )122 et des autres apparitions divines ( )123 se manifestent dans le lieu, cela ne s’accorde absolument pas avec les Oracles, [616, 20] qui disent que ces apparitions se manifestent dans l’éther, et non dans la lumière.124 Ensuite, ces apparitions peuvent elles aussi prendre forme () dans l’étendue. Car elles n’ont pas besoin d’un corps qui leur serve de substrat ( ) pour devenir sensibles, mais si elles ont besoin de quelque chose, c’est simplement d’une distension () et d’un procès d’impression ().125 122
Terme de la théurgie. Mot chaldaïque (OC 142). Voir Cremer 42 sq. (et n. 39 avec référence à Simplicius) ; 52.57-59 ; et Saffrey - Segonds - Luna 155 sq. n. 12 sq. Et Jamblique, Réponse à Porphyre 53, 9 sq. S. - S. - L. (= II 3, p. 70 P.) : les apparitions des dieux sont « uniformes » (), celles des démons sont « variées » () etc. ; les visions des dieux « brillent d’une lumière agréable à voir » ( 53, 20), « elles sont totalement sans changement en grandeur, forme et figure et en tout ce qui les concerne » ( 54, 4-6), et en outre « elles font rayonner une beauté extraordinaire s’il en est, qui saisit d’admiration les spectateurs, qui communique un bonheur prodigieux, qui se montre dans une proportion inexprimable et qui transcende les autres espèces de beauté » ( , , ᾽ , , ᾽ ) [55, 3-7]. Voir aussi supra n. 86. 124 Preuve de la connaissance très précise que Simplicius avait des OC. C’est d’ailleurs exactement ce que dit Proclus lui-même, In Remp. II 242, 13 sq. K. (... ) : cf. supra p. 129 sq. n. 87 ; Proclus précise ensuite que Er voyait ainsi « corporellement, sous l’aspect d’un corps éthéré, les formes d’existence des incorporels ( ) » [II 242, 18 sq. K.]. 125 Le texte déjà mentionné de Proclus, In Remp. II 241, 19 - 243, 27 K. fait intervenir la structure de la participation (c’est à cause des participants que les autophanies divines se donnent à voir sous un mode corporel et spatial) et il précise que la vision se fait au moyen de l’imagination (l’âme partielle est , 242, 17). C’est l’âme qui, selon sa nature (de « participant » : c’est-à-dire conformément à sa capacité de réception), et avec le concours de l’imagination, reçoit sous un mode morcelé ( 241, 26), corporel et spatial, les visions simples des dieux : en cela consiste la dont parle Simplicius (à la suite du jeu de 123
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[La compénétration mutuelle des sept firmaments solides, sphères pleines étendues jusqu’au centre du Monde, est physiquement possible, et l’hebdomade des firmaments développe la triade de l’empyré, de l’éthéré et du hylique : harmonisation de OC 51 et de OC 57] Et, d’une part, il n’y a rien d’absurde à ce qu’un corps s’étende à travers un autre corps, à ce que le corps immatériel s’étende à travers le corps matériel, ou même à travers le corps immatériel : on pourra s’en convaincre sans doute à partir de ce que montre Proclus lui-même, [616, 25] mais surtout à partir de la tradition qui nous vient des dieux, puisqu’elle affirme que l’empyrée s’étend à travers l’éther, et l’éther à travers le monde matériel, et puisque toutes les triades et hebdomades intellectives126 – qui occupent toutes un rang fontanien, et qui, de ce fait, exercent une domination sur l’empyrée – procèdent pourtant conjointement avec les mondes, parce que l’empyrée lui-même s’étend à travers toutes choses.127 mots proposé supra, 613, 8-10 D. = 14, 11-13 G. - H., sur OC 144). Point n’est besoin, donc, d’un corps lumineux qui serait substrat () des autophanies divines. Simplicius semble ici réfuter Proclus à partir des propres enseignements de celui-ci dans l’In Remp. 126 Alors que les structures triadiques, avant de se manifester sous un mode intellectif, organisent déjà l’intelligible, la procession du diacosme intellectif lui-même est hebdomadique. Les triades et hebdomades procèdent avec les mondes : Simplicius semble vouloir dire que, par là, on rend compte de l’organisation même de l’Univers en trois « mondes » (triade de l’igné, de l’éthéré, du hylique) puis sept , selon un système physique de sphères compénétrées dont l’ordonnance illustre le déploiement hebdomadique à partir de la triade – sous la direction de la triade des Télétarques. Comme souvent, Simplicius n’entre pas ici dans des détails complexes, habituels dans les ouvrages de Proclus et de Damascius. Cf. par ex. Proclus, Th. Pl. V 2, p. 9, 10 - 14, 17 S. - W. ; surtout Damascius, In Parm. II 33, 10-18 W. - C. (dégression hebdomadique des Télétarques qui pénètre à travers les sept firmaments [ ], chacun des trois Télétarques projetant, respectivement, une triade empyrée, trois triades éthérées, trois triades matérielles) ; ou encore In Parm. III 3, 1 - 4, 22 W. - C. - S. et n. ad loc. (sur la procession hebdomadique du diacosme intellectif). Voir aussi le tableau récapitulatif de Brisson, « La place des Oracles chaldaïques ... » 161. 127 Cette opinion de Simplicius, qui admet la compénétration intégrale des sphères pleines, a été analysée et discutée par Sorabji 108.118 sq. – Passages parallèles : Simplicius, In Phys. 531, 3-9 et 966, 6-12 D. Ce point de doctrine remarquable, inspiré par la cosmologie chaldaïque, est repris à nouveau dans le Corollarium de loco dans deux passages très explicites qu’il faut citer : 623, 33-38 D. = 26, 12-17 G. - H. (« ... si le lieu [conçu comme corps ou comme ] s’étend jusqu’au centre du monde, non seulement ce que les Barbares appellent firmaments immaté-
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[Les firmaments, , sont des sphères pleines, et non des « voûtes », ] D’autre part, moi, je suis troublé par la crainte que [616, 30] les sphères ne soient imparfaites – car elles ne seraient alors que des voûtes (), et non plus de véritables sphères () –, si elles ne s’étendent pas jusqu’au centre.128 Car en ce cas il n’y aura pas d’affinité entre le centre et la périphérie de chaque sphère, puisque alors le centre n’est pas lié à la périphérie par quelque chose d’homogène, et par ailleurs les mondes ne seront plus des firmaments (), mais ne seront que des coupoles (). Pourquoi donc les oracles disent-ils : [616, 35] « Car le père souffla les sept firmaments des mondes » ? Si l’on n’est pas suffisamment convaincu par ces arguments que les corps immatériels se pénètrent les uns les autres, [617, 1] comme riels ( ), mais aussi tous les corps des cieux seront dans la même partie de l’étendue locale, puisque le corps supérieur s’étendra à chaque fois à travers le corps inférieur. Il y aura donc dans la même étendue à la fois le corps igné ( ) et le corps éthéré (), et le corps de chacun des cieux, et celui de tel ou tel des éléments qui produisent le devenir [...] »), et 643, 16-24 D. = 48, 1-9 G. - H. (« Rien d’étonnant non plus à ce qu’un corps soit le lieu d’un corps, c’est-à-dire qu’un corps plus immatériel () et supérieur par nature soit le lieu d’un corps plus matériel () et inférieur [cf. 966, 8 sq. D.], comme le philosophe Proclus en a eu l’intuition. Car de célèbres philosophes s’accordent à dire que les sphères célestes sont compactes () et pleines jusqu’au centre ( ). Et il est évident que les sphères plus intérieures sont dans les sphères plus extérieures, par exemple que la sphère de la Lune est dans la sphère d’Hermès, et que cette dernière est dans la sphère d’Aphrodite, et ainsi de suite ; et les éléments sublunaires, les animaux et les plantes du monde sublunaire sont aussi dans toutes les sphères, même s’ils sont de manière plus immédiate dans la sphère de la lune, parce qu’ils lui sont plus apparentés ») ; le point de doctrine est déjà exprimé par Proclus, par ex. In Remp. II 162, 24-28 K. = Festugière, T. III 107 (les corps immatériels, c’est-à-dire exempts de matière première, peuvent se compénétrer, et pénétrer les corps matériels). 128 Deux formulations très claires chez Simplicius, In Phys. 531, 3-5 D. : , ᾽ , « si chacun des cieux est une sphère parfaite qui s’étend jusqu’au centre [du monde], il est évident que les cieux se compénètrent les uns les autres, et qu’ils compénètrent les astres et toute la région sublunaire » ; et In Phys. 966, 11 sq. D. : , , ᾽ , « les cieux, étant des sphères parfaites, et pas seulement des ‘voûtes’, puisqu’ils s’étendent continûment jusqu’au centre [du monde], compénètrent totalement [les sphères] qui viennent ensuite ».
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ils pénètrent aussi les corps matériels, que l’on demande à celui qui affirme que le lieu est un corps [= Proclus] de rendre compte aussi de ce fait-là. [Contre Proclus. Première aporie sur l’animation de la Lumière] Mais pourquoi, alors que les Oracles disent de manière ramassée () que tout à la fois la lumière, le feu, l’éther et les mondes matériels sont animés par l’âme fontanienne [617, 5] (« Elle anime de fond en comble lumière, feu, éther, mondes ») – pourquoi Proclus affirme-t-il que la lumière est immédiatement () animée par l’âme fontanienne elle-même, mais que ce n’est plus le cas des autres mondes ? Mais en quel sens, aussi, affirme-t-il que la lumière est animée par elle ? Est-ce parce que cette âme devient l’âme de la lumière ? Mais il ne saurait dire cela (comment, en effet, se pourrait-il que la source des âmes soit l’âme d’une réalité singulière ?), mais ce qu’il pourrait dire c’est que les réalités [617, 10] autres que la lumière ont, elles, des âmes particulières, tandis que la lumière n’a que l’illumination qui lui vient de l’âme fontanienne. [Contre Proclus. Deuxième aporie sur l’animation de la Lumière : selon les Chaldéens l’empyrée est intellectif, et donc supérieur à l’Âme] Pourtant, les Chaldéens disent que l’empyrée lui-même ne possède pas d’âme, puisqu’ils lui donnent l’appellation d’intellectif,129 et ils affirment au contraire que les âmes commencent à partir de l’éther, à moins qu’une âme ne prenne soin de tout corps, et qu’il n’y ait dans les mondes 130 une sorte d’analogie entre l’intellectif, le psychique et le physique. [Contre Proclus. La théorie des « centres » n’implique nullement que la lumière soit le lieu des « centres » du firmament igné]. Et même si Proclus dit que les centres [617, 15] du firmament igné sont fixés dans la lumière (car, certes, il ne peut s’agir des centres de tous les mondes, ainsi que le montre l’analogie qu’il a énoncée), la lumière 129
Si l’empyrée est intellectif et ne possède pas d’âme, il doit être supérieur à l’Âme du Monde, et l’interprétation cosmologique proposée de OC 51 se heurte à de graves difficultés. Voir supra, p. 117-120. 130 À savoir l’empyrée, l’éther et les mondes hyliques : l’empyrée correspond alors, de façon analogique (et l’aporie est ainsi réduite), au niveau intellectif, l’éther au niveau psychique, le monde hylique au niveau physique.
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n’aura-t-elle pas avec l’empyrée le même rapport que celui-ci avec l’éthéré, et que l’éthéré avec le hylique ? Donc, puisque ces mondes, bien que les centres inférieurs soient fixés en eux, ne sont pas les lieux de ces centres, la lumière elle non plus, pour cette raison, ne sera pas un lieu. [Contre Proclus. Sur la relation de la Lumière à l’Abîme Paternel] [617, 20] Et d’où vient que
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la lumière est l’image de l’Abîme Paternel en son entier (), et non [seulement] de la base de l’Intelligible ( ), ce qui est plutôt la pensée de Proclus luimême ?132 Car c’est tout en étant transcendant à la division triadique des
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Passage très difficile. Festugière traduit (p. 340) : « Où prend-il en outre que la lumière soit la copie de tout l’Abîme paternel, et non pas du dernier degré de l’Intelligible, ce qui est tout juste ce qu’il veut signifier plutôt lui-même ? ». Texte grec : , , ᾽ , ; · , ᾽ · , ; – La lumière est l’image () de la « base » de l’Intelligible, c’est-à-dire de l’Intellect paternel, qui est une « monade » antérieure aux triades intelligibles : de ce fait, la lumière est la « monade de la triade des mondes », et non leur lieu. Preuve théologique (fondée sur Damascius) de l’inanité de la doctrine proclienne sur ce point : voir la n. suivante. 132 Proclus dit seulement (614, 6 D. = 15, 15 G. - H.) que la Lumière première est « une image de l’Abîme Paternel », , sans ajouter . Simplicius précise la suggestion de Proclus, en lui prêtant une intention ( ) qui va dans le bon sens : il ne s’agit pas ici de réfuter Proclus, mais de le commenter en explicitant une doctrine sans doute suggérée à Simplicius par la pensée de Damascius (v. infra). Le pronom (617, 21 D. = 19, 5 G. - H.) doit s’interpréter ad sensum : il désigne dans cette phrase non pas l’Abîme, qui est absolument transcendant et acosmique, mais, au troisième niveau de la triade, « l’Intellect du Père » ( ) qui divise en trois toutes choses selon OC 22, et l’on peut alors comprendre le texte de cette façon : « Mais d’où vient que [selon la formulation de Proclus plus haut citée] la lumière est l’image de l’Abîme Paternel en son entier, et non pas seulement de la base de l’Intelligible, comme cela semble être plutôt la pensée de Proclus [scil. dans ce passage] ? ». C’est que () l’Intellect paternel ( = = la « base de l’Intelligible ») est – tout en étant transcendant – cause de la division triadique des mondes, comme le disent les Oracles (cf. OC 22), cette division s’opérant alors au sein des intelligibles. De Lui ( = l’Intellect paternel) comme d’un modèle dépend une image () : la Lumière, qui à son tour est une monade, « la monade de la triade des mondes » [igné, éthéré et hylique, lesquels constituent l’Univers]. Le raisonnement est analogique,
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mondes que Celui-là [ : i. e. l’Intellect Paternel], dit-on, divise en trois toutes les choses.133 C’est de lui en effet [ : i. e. l’Intellect Paternel] que dépend précisément la monade de la triade des mondes, comme monde unique ( ), et non comme lieu des mondes ( ). Car s’il n’y a pas un monde unique [617, 25] car on obtient une égalité de rapports : [Intellect du Père / division triadique de l’Intelligible] // [monade-Lumière / trois mondes chaldaïques]. Cette interprétation (qui rejoint celle de Festugière, T. III 340 n. 2) est confirmée par un texte où Damascius, In Parm. II 32, 6 - 33, 2 et 33, 6-9 W. - C. - S. distingue dans l’Intelligible entre l’Abîme hypercosmique ( 32, 20) lui-même, c’est-à-dire l’ de l’Intelligible (33, 7), qui « est un monde qui est tous les mondes en même temps, et tous comme n’en formant qu’un, ou plutôt [qui] n’est même pas tous les mondes selon sa propre totalité » (... ᾽ ...) [32, 14-16], qui est « une acosmie supérieure à tout monde » ( ) [32, 21 sq.], et – au terme d’une sorte de procession interne [33, 6-8] – sa « terminaison » ( = chez Simplicius) qui est « la pluralité illimitée » ( ) [32, 16 sq. et 33, 8] : « il [l’Intelligible] manifeste déjà dans sa propre terminaison la pluralité illimitée, comme monade des mondes et, selon l’enseignement des dieux, comme ‘source des sources’ » (... ᾽ , , , ‘ ’) [32, 16-18, cf. OC 30]. Damascius précise ensuite que l’Abîme est « tout entier unifié en lui-même, et comme il est un plutôt qu’unifié, il est indifférencié, non processif et non numérique » ( , , ) [32, 23-25]. Ce n’est donc pas de lui que peut provenir la , mais du Principe qui vient après lui (= la « base de l’Intelligible » selon Simplicius) : « Quant à l’ordre [= l’ intelligible] qui vient après lui [= l’Abîme], après avoir été engendré de lui, en tant qu’il vient après l’union, c’est ce qui commande la distinction et toutes sortes de processions. C’est pourquoi justement les dieux [des Oracles] disent qu’à partir de là commencent les séries » ( ᾽ , ᾽ , · ) [32, 25 - 33, 2]. C’est donc précisément cette « monade des mondes » qui est le modèle de la Lumière (monade des trois mondes « chaldaïques ») selon l’interprétation de Simplicius, qui suit sur ce point la pensée de Damascius. L’une comme l’autre de ces monades, à des niveaux différents, vérifient la formule de OC 27, cité in fine (p. 33, 17) par Damascius : « Car en tout monde brille une triade qu’une monade commande » ( ). 133 Allusion à OC 22 v. 1 : , « Car c’est en trois que l’Intellect du Père a dit que toutes choses fussent divisées », ce qui ne concerne, à ce niveau, que les divisions triadiques du monde intelligible, introduites par le Second Père, ou Intellect démiurgique (Majercik, Chaldean Oracles 150).
et selon Proclus et Simplicius
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avant qu’il y en ait trois, comment le lieu peut-il être immédiatement voisin des trois mondes et premier par rapport à eux ? [Remarque finale sur la section démonstrative du traité de Proclus] Voilà ce que l’on peut objecter aux analogies de cette sorte. Quant à tout ce que Proclus affirme pour montrer l’accord d’une hypothèse telle que la sienne avec les axiomes relatifs au lieu, ces arguments ne conviendront pas plus à ceux qui posent que le lieu est un corps qu’à ceux qui affirment que c’est une étendue incorporelle, comme Proclus l’atteste lui-même [617, 30] lorsqu’il conduit son raisonnement en considérant le lieu comme étendue. Et pareillement, toutes les questions et solutions relatives au lieu, soulevées par Proclus ou apportées par lui, comme lui étant propres, sont en réalité communes à presque toutes les hypothèses qui ont été formulées sur le lieu. C’est pourquoi je vais essayer de rassembler de telles questions à la fin de cette discussion sur le lieu.134 [Autres objections contre la doctrine du lieu comme corps immatériel] [1 Le lieu ainsi défini aura à son tour besoin d’un lieu] Mais à présent, la pensée me vient d’interroger ceux qui ont posé que le lieu est un corps immatériel, et de leur demander s’il est le lieu des corps parce qu’il est un corps, ou parce qu’il est immatériel. [617, 35] Ils ne répondront pas que c’est parce que c’est un corps, mais ils diront que c’est parce que c’est un corps immatériel. Toutefois, bien qu’ils disent que les firmaments situés au-dessus du monde hylique sont immatériels, ils ne disent pas pourtant qu’il s’agit d’un lieu, mais qu’ils ont besoin d’un lieu. Si donc ce n’est ni en tant que corps ni en tant que corps immatériel que le lieu lui-même n’a pas besoin d’un lieu, tout en devenant lieu pour les autres réalités, qu’ils nous disent pour quelle autre raison il en va ainsi. [2 Peut-on dire que seule la matière, ou seules les réalités , sont en un lieu ?] Deuxièmement : si c’est parce qu’il est immatériel que le lieu n’a pas besoin de lieu, il semble que la matière soit, au sens propre, [617, 40] ce 134
Allusion à la fin de la partie dialectique du Corollarium, 623, 32 - 624, 36 D. = 26, 11 - 27, 20 G. - H.
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qui a besoin du lieu. Mais qui dirait que la matière est en un lieu conformément à sa propre [618, 1] définition ? Si l’on dit que ce qui est en un lieu c’est ce qui est engagé dans la matière ( ), comment les réalités immatérielles135 seront-elles, elles aussi, en un lieu ? [3 La doctrine de Proclus souffre du même défaut que les autres : elle ne part pas de la considération de l’« utilité » du lieu ()]136 Troisième difficulté, et la plus importante. On peut à juste titre adresser aux tenants de cette thèse également les mêmes reproches qu’aux précédents : ils ont négligé de rechercher ce que peut bien être la particularité propre du lieu, et aussi quelle utilité le lieu procure aux réalités qui sont en lui – car, selon moi, si l’on ne découvre pas quelle est cette utilité, [618, 5] on ne peut apprendre si le lieu est un corps, ni s’il est incorporel. Voyons ! Si c’est en tant que corps que chaque chose a besoin d’un lieu, est-il possible que le lieu soit un corps, et lui-même n’aurait-il pas aussi besoin d’un lieu ?
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Simplicius vise ici les firmaments immatériels. Sur cette question centrale dans le Corollarium de loco, v. Golitsis - Hoffmann 142-143.150.153-155.163-164.171.
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Les apparitions divines dans les Oracles Chaldaïques et selon Proclus Les apparitions divines sont une donnée affirmée par les Oracles Chaldaïques et qu’il faut rapprocher de certains rites initiatiques au cours desquels le myste voyait des dieux. Loin d’y voir une simple métaphore, Proclus a admis cette donnée et a cherché à lui donner une fondation philosophique. C’est pourquoi la question des apparitions divines sera abordée ici moins dans une perspective philologique ou historique que philosophique. Ces deux perspectives ne sont certes pas inconciliables puisque la recherche doit, en quelque sorte, nourrir la réflexion philosophique, tout comme cette dernière peut guider la recherche et empêcher qu’elle ne tâtonne. L’exigence de philosophie peut sembler superflue s’il s’agit, par exemple, d’archéologie ou d’histoire des religions. De fait, les philosophes, qui ne constituent qu’une minorité, ne sont pas les sources les plus autorisées pour évoquer la religion grecque et la manière dont elle était vécue par le quidam. Mais lorsqu’il s’agit des Oracles Chaldaïques, et sachant que leurs adeptes, les néoplatoniciens, mêlaient révélations divines et discours philosophiques, il paraît nécessaire d’éclairer les unes par les autres. D’ailleurs, on sait que les Oracles contiennent des notions empruntées à la philosophie. Toutefois les éléments présentés ici ne prétendent pas au rang d’une recherche achevée, loin s’en faut. Il s’agit plutôt d’introduire la question des épiphanies chaldaïques et d’esquisser quelques pistes de compréhension des fragments chaldaïques sur les apparitions grâce à ce qu’en dit Proclus. À cet égard, c’est son Commentaire sur la République1 qui constitue le document le plus précieux, puisque c’est là qu’apparaissent trois des fragments sur les « autophanies ». Les fragments sur les apparitions ont été regroupés par Kroll aux pages 56 à 58 de son édition des Oracles,2 tandis que des Places3 leur attribue les numéros 142 à 148. 1
J’emploie l’édition et la pagination de Kroll, et la traduction de Festugière. Kroll, De oraculis. 3 Des Places, Oracles. 2
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Nous étudierons en premier lieu les fragments que l’on trouve dans l’In rem publicam, c’est-à-dire les fragments 142, 143 et 146 dans l’édition des Places, en rappelant leur contexte de citation et en cherchant l’arrière-plan théorique qui sous-tend la possibilité des épiphanies. Quelle doctrine développe Proclus pour rendre philosophiquement possible l’apparition d’un dieu ? Cela permettra dans un second temps de donner quelques éléments d’interprétation de l’ensemble des fragments sur les apparitions, tant ceux qui sont cités dans l’In rem publicam que ceux qui ne le sont pas. 1 L’apparition divine comme postulat Comment une apparition, réalité attestée par les Oracles, donc par les dieux eux-mêmes, qui ne peuvent dire que le vrai, est-elle possible pour Proclus ? Notons bien le préalable sous-entendu dans cette question : on ne recherche pas si l’apparition est possible, mais comment elle l’est. Les apparitions divines sont en effet une donnée empirique : de même que le physicien élabore des hypothèses pour rendre compte de phénomènes qu’il a préalablement observés, de même, le théologien qu’est Proclus élabore une pensée permettant d’expliquer la possibilité des apparitions divines qu’il a expérimentées. Il ne semble pas exagéré d’appliquer ici à Proclus l’expression d’« empirisme spirituel » que Henry Corbin employait pour désigner la pensée d’un Sohravardî, pensée bâtie sur une expérience des mondes spirituels. Dans la IVe dissertation de l’In remp. (I 37), Proclus expose « les moules d’après lesquels Platon veut qu’on dispose les mythes relatifs aux dieux ». Chacun de ces « moules », au nombre de trois, pose une difficulté philosophique : si le Divin est bon, d’où vient le mal ? S’il est véridique, comment expliquer les oracles mensongers ? S’il est inchangeant, « comment se produisent les visions où les dieux se montrent en personne dès là que se présentent des apparitions lumineuses, tantôt sans forme, tantôt douées de forme ( , , ) ? » Chacune de ces trois questions oppose un contre-exemple aux règles énoncées par Platon, et chacun de ces contre-exemples est un fait indéniable. Selon Proclus, les apparitions des dieux, leurs autophanies sont tout aussi réelles que le problème du mal et ses manifestations : « Si nous n’admettons pas ces phénomènes, nous renversons tout l’art hiératique et les œuvres des théurges, et indépendamment de cela, les visions où les dieux apparaissent d’eux-mêmes, se présentant tantôt sous telle forme, tantôt sous telle autre ». Pour qu’il y
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ait vraiment paradoxe ou aporie, il faut que les deux possibilités semblent aussi véridiques l’une que l’autre. Or c’est le cas ici : il est absolument vrai que les dieux apparaissent sous bien des formes. Comment alors concilier la certitude de l’expérience avec cette autre certitude, celle que l’on obtient par le raisonnement sur les dieux ? Nous trouvons ailleurs d’autres expressions de la réalité des phénomènes épiphaniques : dans un passage dont il sera à nouveau question plus loin, Proclus évoque « des épiphanies que de toute antiquité la tradition du genre humain a admises comme se produisant et en songe et dans l’état de veille » (In remp. I 110). Encore ailleurs (In remp. II 107), dans un passage qui, selon Festugière, est une citation de Porphyre, une analogie est établie entre « la Nature qui se plaît à se tenir cachée », selon la fameuse expression d’Héraclite (22 B 123 DK), et les mythes, ainsi que les « apparences fictives » que nous font voir les démons qui président à la nature, encore une fois « en songe ou à l’état de veille » ; dans tous ces cas, un ésotérique est masqué par un exotérique et doué de forme ce qui est sans forme ( ). Ce procédé, la représentation du sans-forme par une forme, est typique de ce qui se produit dans « les cérémonies sacrées et les drames mystiques dans les lieux d’initiation ( ) ». Plusieurs fragments des Oracles Chaldaïques décrivent ces cérémonies rituelles ou y font allusion. Elles sont un des moyens de purification de l’âme humaine, de cet embrasement évoqué dans le fr. 122.4 Les fragments sur les apparitions divines dont nous disposons indiquent que ces dernières sont censées se produire lors de telles cérémonies, après des invocations ou des prières.5 Les autophanies des dieux apparaissent donc comme un postulat, appuyé par l’expérience d’une part (et par la « tradition du genre humain »), par les paroles mêmes des dieux d’autre part. 2 Les fragments 142, 143 et 146 dans le Commentaire sur la République Ceci étant posé, nous pouvons passer en revue les passages de l’In remp. dans lesquels Proclus cite les oracles consacrés aux apparitions divines. Les fragments cités sont donc les fr. 142, 143 et 146, le fr. 142 étant cité en deux endroits différents. 4 5
OC 122 : « En embrasant de feu l’âme... » ( ). OC 146 : « Après cette invocation... » ; 147 : « Si tu me le dis souvent... ».
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a. Le fragment 146 (cité dans In remp. I 111) est le fragment le plus long sur les apparitions : ... ᾽ ’ · , , ’ . Après cette invocation, tu contempleras ou bien un feu qui, tel un enfant, se dirige par bonds vers le flot de l’air ; ou bien un feu sans forme6 d’où s’élance une voix ; ou une lumière abondante qui s’enroule en vrombissant autour de la terre ; ou un cheval plus resplendissant à voir que la lumière, ou encore un enfant monté sur l’échine rapide d’un cheval, embrasé, ou couvert d’or, ou au contraire nu, ou encore, l’arc en main, dressé debout sur l’échine.7
La citation de ce texte intervient alors que Proclus tente de défendre Homère contre une objection que lui adresse Platon dans la République. Les vers homériques mis en cause sont les suivants : « Les dieux aussi, prenant la ressemblance d’étrangers venus de loin, revêtant des apparences diverses, vont parcourant les cités ».8 De fait, ce vers semble contredire l’immuabilité des dieux affirmée dans la République. Il est intéressant de noter que Proclus prend prétexte de la défense d’Homère, le poète divinement inspiré, pour justifier, non plus seulement ce vers particulier, mais « toutes les opérations de l’art hiératique ». La citation de l’oracle n’intervient que pour illustrer la possibilité pour les dieux de revêtir plusieurs formes. Il n’est pas commenté en détail par Proclus, qui aurait pu nous en livrer l’exégèse symbolique. Il permet simplement d’appuyer d’une manière toute formelle les vers d’Homère. Reste à expliquer la possibilité des « apparences diverses » revêtues par les dieux, et surtout la modalité de leur coexistence avec la nature immuable de ces derniers : comment ceux-ci peuvent-ils ne pas être soumis au changement, demeurer impassibles, et cependant apparaître sous tant 6
Notons que l’expression « sans forme » traduit le grec que nous avons déjà rencontré plus haut alors même qu’il n’était pas question des Oracles... ce qui montre que le vocabulaire de Proclus est imprégné des Oracles. Voir aussi OC 144 : . 7 Selon des Places lui-même, sa traduction est inspirée de Festugière. 8 Homère, Od. XVII 485 sqq.
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de formes ? La réponse de Proclus consiste en fait à expliquer le processus de l’apparition : que se passe-t-il lorsqu’il y a apparition d’un dieu ? Avant d’en venir à l’explication la plus intéressante, celle qui fait de l’homme la cause des apparitions, la première que donne Proclus, il faut évoquer les explications suivantes qui se ramènent à l’idée que les formes d’apparition correspondent à quelque chose des dieux, et qu’elles sont donc véridiques pour une part. En effet, le dieu « est doué de puissances multiples et rempli de formes de toutes sortes » ( , In remp. 112, 15-6). Ce que le spectateur de l’apparition voit de manière « discursive », selon ses facultés, est en réalité contenu dans le dieu lui-même, mais sous un mode qui ne nuit en rien à l’unité et à la simplicité du dieu. De même que l’Un contient tout ce qui est sous le mode de l’unité, de même les dieux contiennent les formes de leurs apparitions ; ces dernières sont en adéquation, autant que cela est possible, avec la nature même du dieu. Elles sont pour une part dues à l’être même du dieu, qui, tout en étant un, contient de manière indivise la multiplicité des êtres qui dépendent de lui. Mais d’autre part, la multiplicité des formes est aussi à imputer à « notre nature même [qui] détermine les propriétés des dieux selon les mesures des participants » ( ). L’apparition est ainsi le produit de la rencontre du dieu et de l’homme, puisque les formes apparues symbolisent adéquatement le dieu, et qu’elles n’apparaissent que parce que nous ne sommes pas en mesure de saisir le dieu dans sa simplicité. « Ainsi l’objet participé est uniforme quant à son être même, multiforme quant à la participation ». Le spectateur de l’apparition joue le rôle de déclencheur des puissances latentes du dieu : lorsque ces puissances sont éveillées par des rituels ésotériques, d’une part, et qu’elles rencontrent nos facultés multiples d’autre part, elles s’actualisent et prennent forme. C’est donc aussi en l’homme qu’il faut rechercher la cause de la multiplicité des formes d’apparition, contenues de toute éternité dans le dieu, mais déployées selon les facultés de notre âme. b. Cette responsabilité de l’homme dans le processus d’autophanie du dieu est, selon Proclus, affirmée par les Oracles eux-mêmes, comme il le montre dans un autre passage (In remp. I 39) qui contient les citations des deux autres fragments, 142 et 143 : Fragment 142 : ... ... Des corps, à cause de vous, ont été attachés à nos autophanies.
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Fragment 143 : ... ( ) ... La nature corporelle sur laquelle vous avez été entés.
Il s’agit ici de répondre à l’une des trois apories soulevées par les axiomes platoniciens concernant les dieux. Nous retrouvons le partage de la responsabilité entre le dieu et l’homme : « Bien que les dieux euxmêmes soient incorporels, comme les spectateurs ont des corps, les visions qui, issues des dieux, se présentent au regard de ceux qui en sont dignes, ont tout à la fois quelque chose venu de ceux qui les présentent [i. e. les dieux] et quelque chose de congénère aux spectateurs ». Nous avons ici une nouvelle condition de l’apparition : la dignité du spectateur, ce qui suppose la purification symbolique qui a lieu pour les rituels d’initiation ou les cérémonies sacrées. L’aspect divin de l’apparition est ici moins accentué que dans le passage précédent : les apparitions ont pour cause notre nature, principalement. La question de la responsabilité des dieux n’est cependant pas absente, Proclus en donnant même plusieurs signes : ainsi, l’authenticité des apparitions est garantie par leur luminosité d’une part, leur efficacité d’autre part, et enfin par l’adéquation des symboles contemplés à la nature du dieu qu’ils représentent. Mais c’est le rôle de l’homme qui justifie la citation des fragments 142 et 143 : , , , , . C’est ce que montrent aussi les Oracles, qui disent clairement au théurge, d’une part que tous les êtres divins sont incorporels, d’autres part qu’« il leur a été attaché des corps à cause de vous », puisque vous ne pouvez voir incorporellement les incorporels, à cause de « la nature corporelle dans laquelle vous avez été greffés ».
Nous voyons ici que Proclus, lorsqu’il rend l’homme responsable de la diversité des formes épiphaniques, est en fait fidèle à la doctrine même des Oracles Chaldaïques, énoncée dans ce court fr. 142. On pourrait penser, à la lecture de ce seul fragment, qu’il s’agit d’un reproche adressé à l’homme pour avoir attribué aux dieux des choses qui ne conviennent pas à leur nature. Mais ce n’est pas ainsi que Proclus l’entend ; pour lui, il s’agit simplement d’expliquer le paradoxe de dieux sans
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forme apparaissant avec des formes. Et il y a de fortes chances qu’il en soit ainsi aussi pour l’auteur ou les auteurs des Oracles Chaldaïques, sinon comment comprendre la description d’apparitions dans les fr. 146 et 148 ? Ce n’est donc pas un mal si nous voyons corporellement les dieux ; nous ne pouvons faire autrement : « Le spectateur de l’apparition, dit Proclus, ne peut voir le dieu sans forme, mais le voit, en vertu de sa propre nature, avec une forme ». Notons que le fr. 143, que nous connaissons par cette seule occurrence, est rattaché au 142 par Proclus, à titre d’explicitation de l’expression « à cause de vous » dans le fr. 142 : « “Il leur a été attaché des corps à cause de vous”, puisque vous ne pouvez voir incorporellement les incorporels, à cause de “la nature corporelle dans laquelle vous avez été greffés” ». Or, il nous est impossible de trancher objectivement la question de savoir si, dans le texte original, les mots du fr. 143 se situaient réellement dans le contexte d’un discours expliquant les apparitions, ou si Proclus ne fait que tirer cette phrase d’un autre passage des Oracles, qui serait consacré par exemple à une description de la condition humaine ou de sa genèse. Mais le « à cause de vous » est assez explicite ; c’est bien la nature de l’homme qui l’empêche de voir les dieux tels qu’ils sont, qui est cause de ce que des corps sont attachés aux dieux lors de leurs apparitions. C’est ainsi seulement qu’il y a apparition et que l’apparition est appréhendable comme telle. Que le fr. 143 soit lié au 142 par Proclus seulement ou déjà dans le texte original des Oracles, cela pose une autre question, celle de savoir dans quelle mesure la doctrine selon laquelle les dieux apparaissent avec une ou un en raison des « mesures des participants », est empruntée aux Oracles. Proclus peut s’être inspiré des Oracles et avoir ensuite développé l’idée. c. La seconde occurrence du fr. 142 pose la même question.9 Elle intervient dans la XVIe dissertation du Commentaire sur la République, consacrée à l’exégèse du mythe d’Er. Il s’agit alors de savoir comment Er peut voir corporellement des réalités incorporelles lors de son voyage dans l’au-delà. Rien de plus simple, dit Proclus, cela est dû à notre nature. « Cela, les Dieux aussi l’ont dit aux Théurges : “bien que nous soyons incorporels, disent-ils, il a été attaché, à cause de vous, des corps à nos autophanies” » (II 242).
9
Traduction en est donnée par Ph. Hoffmann (supra p. 129 n. 87) dans ce volume (voir aussi p. 113 n. 44 et 145 sq. n. 125).
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Notons que la deuxième citation du fr. 142, comme la première, est précédée d’une remarque sur l’incorporéité des dieux, ce qui peut laisser penser que le terme (II 242) ou (I 39) figure effectivement dans les Oracles Chaldaïques juste avant : « des corps, à cause de vous, ont été attachés à nos autophanies ». Mais la formulation de cette remarque varie dans les deux cas, si bien qu’on ne peut reconstituer le texte original. Nous ne pouvons à partir de cela répondre à la question de savoir si la doctrine des apparitions « selon les mesures des participants » est due à Proclus lui-même ou s’il l’a empruntée. Les lignes qui précèdent (II 241) la seconde citation du fr. 142 nous la posent avec plus d’acuité, puisqu’elles semblent indiquer que les auteurs de cette doctrine sont « les Théurges » : , Voilà beau temps en effet que les Théurges nous ont enseigné que nécessairement les dieux sans forme se présentent en leurs autophanies doués de forme, les dieux sans figure, doués de figure.
Jusque là, rien que nous ne sachions déjà : que les dieux soient sans forme, nous le trouvons dans l’œuvre de Platon, et qu’ils revêtent de multiples formes lors de leurs apparitions, nous le savons par le fr. 146. Mais l’explication qui est donnée ensuite de cet état de fait est originale, quoiqu’elle soit esquissée dans le fr. 142 avec les mots « à cause de vous », et je n’ai pu déterminer s’il s’agissait là d’une doctrine enseignée par les Théurges (et dans ce cas, dans quel texte ? les Oracles Chaldaïques ou un traité attribué à l’un des deux Julien ?), ou d’une innovation ingénieuse de Proclus. À quel moment du texte Proclus cesse-t-il de rapporter la doctrine des Théurges ? Je laisse ouverte cette question. Voici les lignes qui suivent immédiatement : . Car, ces apparitions immobiles et simples des dieux, l’âme, en vertu de sa nature, les reçoit de façon fragmentaire, et, avec le concours de l’imaginative, elle introduit dans les spectacles figure et forme.
Nous avons là enfin exprimée la doctrine qui fait de l’imagination le point de contact entre ce qui relève du divin, de l’intelligible dépourvu de figure, et ce qui relève du sensible. « Car toute participation garde à la
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fois le caractère du participé et celui du participant, étant en quelque sorte médiane () entre ces deux » (II 241 sq.). Les caractères divins de l’apparition sont « le lumineux, l’impollué, l’intemporalité de la présence, la vitalité », tandis que ce qui, dans cette apparition, relève en propre de nos facultés humaines, l’imaginative en particulier, c’est « le fait d’être étendu, doué de forme, doué de figure ». La est ce terme médian qui permet la vision corporelle des incorporels, qui donne une forme à ce qui n’a pas de forme et qui attache des corps, des figures (), des formes ( ou ) aux dieux. L’imagination, telle que la conçoit Proclus, est la faculté idéale pour représenter ce caractère médian, puisque les images qu’elle produit sont figuratives, donc liées au monde sensible pour une part, mais, d’autre part, elles n’ont pas de substrat matériel, ce qui les rapproche du monde immatériel des dieux – à cela près que ces derniers n’ont pas de figure. La « mesure des participants » évoquée plus haut – et pour le cas précis des apparitions divines – c’est donc bien l’imagination, qui acquiert dès lors un rang tout à fait différent de celui que lui réserve Aristote dans le De anima, où il la définit comme « un mouvement engendré par la sensation en acte » (429 a). Jean Trouillard10 l’a bien montré, en s’appuyant notamment sur le Commentaire sur les Éléments d’Euclide de Proclus, et je n’approfondirai pas davantage ce point, sinon en rappelant un autre passage du Commentaire sur la République, dans lequel nous voyons l’imagination élevée au rang d’un intellect. Dans l’introduction à la XVIe dissertation (II 107 sq.), Proclus, pour démontrer l’efficacité du mythe sur l’âme, établit une analogie entre deux versants de l’âme et deux versants du mythe. Ce qu’il dit ici du mythe peut parfaitement s’appliquer aux apparitions qui fonctionnent sur le même mode. Les mythes ont un double aspect, l’un ésotérique, comportant « la lumière intellective de la vérité », l’autre exotérique, constitué par « le revêtement fictif du mythe ». En l’âme, deux aspects correspondent à ceux du mythe, l’intellect pur d’une part, et l’intellect imaginatif ( ) que revêt l’âme lors de sa descente d’autre part. Ce second intellect permet de donner forme et figure (le revêtement fictif du mythe) à ce qui n’a ni forme ni figure (la vérité d’ordre intellectif qu’il contient). Nous retrouvons là ce qui a été dit au sujet des dieux qui se font voir corporellement alors qu’ils sont incorporels. Cela n’est évidemment pas sans danger, puisque l’imagination comporte des éléments sensibles si elle n’est pas purifiée – d’où, sans doute, la nécessité des rituels cathartiques – et que l’on court alors le 10
Trouillard, « Le merveilleux ... ».
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risque d’attribuer aux dieux dont il est question dans les mythes des éléments qui contreviennent à leur nature. Pourtant, l’usage de l’imagination n’est pas illégitime dans la mesure où elle représente selon son mode propre une réalité intellective. C’est en ce sens que Proclus parle d’intellect pour évoquer la faculté imaginative : en tant que l’imagination est éclairée par l’intellect, en tant qu’elle y participe, elle peut elle aussi être nommée intellect. En tant qu’elle donne une figure à la lumière de l’intellect, elle est imagination, et donc, pour une part, trahison de cette lumière. Ainsi, lors des apparitions divines, les dieux sans forme prennent forme, par une transfiguration analogue à celle qui est décrite dans la proposition 195 des Éléments de théologie de Proclus : l’âme « contient sous le mode d’image () » les intelligibles « et elle recueille leurs formes, celles des principes indivisibles en les divisant »,11 etc. 3 Ressemblance et dissemblance des apparitions vis-à-vis des dieux Deux thématiques sont à l’oeuvre quand Proclus traite la question des épiphanies, celle de la dissemblance entre le dieu et son autophanie, et celle de la ressemblance qui les lie l’un à l’autre. L’aspect de dissemblance est exprimé de façon lapidaire par le fr. 144 : ... . Que ce qui était sans forme prend forme.
De fait, on pourrait ne retenir que cet aspect, et certains n’ont pas manqué de le faire dans l’Antiquité, en s’arrêtant aux considérations sur la nature des dieux. Ces derniers étant incorporels et dépourvus de figure, comme l’a établi philosophiquement Platon, il est quasiment blasphématoire de prétendre leur attribuer des formes que, selon la doctrine aristotélicienne de l’imagination, nous tirons de l’expérience sensible. Mais on peut aussi remarquer, ainsi que le fait Proclus pour les mythes,12 11
J’emploie ici la traduction de Trouillard. Proclus, Th. Pl. I 17 : « Il est ancien ce mode d’expression de la mythologie, qui consiste à révéler les principes divins par le moyen d’allusions obscures, à tirer devant la vérité une quantité de voiles, et à imiter la nature qui offre des produits sensibles à la place des êtres intelligibles, des produits matériels et divisibles au lieu des êtres immatériels et indivisibles, et des êtres véritables fabrique des images et des faux ».
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que le passage du sans-forme à la forme est une caractéristique essentielle de l’être lui-même. La procession n’est rien d’autre que cela : une multiplicité émanant d’une unité, l’être émanant de l’au-delà de l’être, la figure émanant de ce qui est sans figure, bref une chose émanant de son contraire : « Dans les êtres engendrés après lui [scil. l’Un], dit Proclus, à tous les degrés, la cause est totalement différente de ses effets ».13 Les apparitions, qui fonctionnent selon ce principe, sont donc une espèce particulière de la procession. Ceci se trouve confirmé par la seconde thématique, celle de la ressemblance. S’il n’y avait que dissemblance, rien ne garantirait l’authenticité des apparitions. Quant à la procession, elle ne pourrait s’accomplir véritablement, si elle n’était qu’une série de ruptures ontologiques. Il faut qu’il y ait un lien entre les différentes réalités, comme il faut que les apparitions aient quelque chose du dieu, puisque le fait d’être le contraire de ce que sont les dieux ne peut constituer à lui seul leur validité. Le fr. 145 et le commentaire qu’en donne Proclus14 établissent ce lien entre les réalités supérieures et la forme () qu’elles revêtent ici-bas : « Les Dieux nous recommandent de connaître la forme de la lumière après qu’elle s’est déployée », dit Proclus, qui cite cet oracle dans un contexte où il s’agit de la procession. Il poursuit en précisant que la lumière qui « en haut » était sans forme, acquiert une forme par la procession. Ce fragment ne concerne pas directement les apparitions, mais on peut leur appliquer le principe qu’il énonce, c’est-à-dire l’idée que la lumière sans forme acquiert une forme, tout comme le dieu sans forme acquiert un corps dans l’épiphanie. Le fr. 142, étudié plus haut, montre lui aussi qu’il n’y a pas de rupture absolue entre ce qu’est le dieu et ce que voit l’homme. Certes, ce dernier attribue des corps aux incorporels, mais il les attribue aux autophanies, c’est-à-dire à une manifestation effective du dieu. Il ne s’agit pas d’une attribution due à la seule fantaisie (au sens sensible et infrarationnel de ce terme) de l’homme. Ce dernier assiste bien à quelque chose de réel, même s’il doit pour cela adapter l’autophanie à sa capacité d’appréhension. Si ces deux aspects sont évoqués, au moins partiellement, par Proclus, dans les textes que nous avons abordés, nous les trouvons aussi dans les fragments sur les apparitions, plus ou moins explicitement. Le principe de la dissemblance se trouve dans le fragment 144, mais aussi dans les 13 14
Proclus, Th. Pl. II 62. Proclus, In Crat. 31, 12. Voir aussi P. Hadot, Porphyre I 379.407.
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fragments 142 et 143 qui soulignent l’abîme qui sépare les dieux et les hommes, ces derniers étant obligés d’attacher des corps aux dieux pour les voir. Quant à l’idée de la ressemblance, de l’adéquation de l’apparition à ce qui en est la source, nous la trouvons dans les fr. 146 et 148. Dans un passage du Commentaire de la République abordé plus haut (II 242), Proclus affirme la relation de ressemblance entre les dieux et leur prise de forme corporelle : la « vie divine et immatérielle » est symbolisée dans la vision d’Er par des tuniques blanches, la « stabilité immuable et fixe du divin » par le fait que les Parques sont assises, etc. La vision tient du participé et du participant ; si elle tient du participant l’étendue et la figure, « en tant que les participés sont divins, les visions qu’ils offrent aux regards [comportent] le lumineux, l’impollué, l’intemporalité de la présence, la vitalité, toute autre qualité pareille ». Cette adéquation symbolique entre l’apparition et le dieu est affirmée peu avant la citation des fr. 142 et 143 (In remp. I 39). Au sujet des visions issues des dieux, Proclus écrit : « En tant qu’elles projettent une lumière divine, qu’elles sont douées d’efficacité et que, par la représentation visible des symboles des dieux, elles reproduisent l’image de leurs puissances, elles dépendent des dieux mêmes qui les présentent ». Il faut donc rechercher dans les fragments qui détaillent le contenu des apparitions les symboles qui attestent leur origine divine. Hans Lewy l’a fait pour une part dans son célèbre ouvrage.15 Il affirme ainsi que les aspects lumineux et ignés des apparitions sont des signes précurseurs de l’apparition de la divinité, plutôt que l’apparition elle-même, tout en admettant quelques pages plus loin16 que cette apparition n’avait pas nécessairement une forme humaine, ce qui laisse au moins ouverte la possibilité d’interpréter le fr. 146 comme Proclus, c’est-à-dire comme une énumération des formes possibles sous lesquelles apparaissent les dieux eux-mêmes, et non seulement leurs précurseurs. Quant aux symboles plus figuratifs (le garçon, l’archer, le cheval), Lewy y voit des symboles typiques d’Hécate. Johnston a recherché pour sa part les connotations religieuses des symboles décrits dans le fragment 146.17 Mais ce sont les expressions « feu sans forme » (fr. 146), « feu sacrosaint brillant sans forme » (fr. 148) et le symbolisme lumineux qui doivent ici retenir notre attention, parce qu’ils posent la question du statut 15
Lewy 241 sq. Lewy 247. 17 Pour plus de détails sur le fr. 146, voir Johnston, « Riders in the Sky ... ». 16
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ontologique des apparitions ; dans la mesure où l’apparition se produit dans un lieu intermédiaire entre celui des hommes et celui des dieux, elle doit avoir elle aussi une nature intermédiaire. Le fr. 147 est assez obscur au premier abord : , . , , , . Si tu me le dis souvent, tu verras tout en forme de lion ; alors la masse voûtée du ciel n’apparaît pas, les astres ne brillent pas, la lumière de la lune reste cachée, la terre ne tient pas sur ses bases, et tout est éclairé par la foudre.
Ces mots présentent de nombreuses similitudes avec un passage du De Mysteriis de Jamblique qui les éclaire quelque peu. C’est Hans Lewy qui le premier a rapproché ces deux textes et les a comparés :18 La grandeur des apparitions se manifeste chez les dieux assez fort pour cacher quelquefois jusqu’à la totalité de l’univers, en même temps que le soleil et la lune, et la terre ne peut plus rester en repos quand ils y descendent.19
Il semble, d’après cette piste d’interprétation offerte par Jamblique, que l’apparition occulte notre monde physique aux yeux du spectateur. Cela signifie qu’il est, pour ainsi dire, transporté dans un autre monde, qui est proprement le lieu de l’apparition. Il est évident que cet autre monde ne peut être celui des dieux, puisque, d’une part, l’homme n’y a pas accès, et que, d’autre part, l’apparition se caractérise par des formes et des figures qui n’ont pas leur place dans le monde des dieux. La « foudre » du fr. 147 me semble symboliser le lien entre le monde des dieux et celui des hommes, tout comme l’apparition dont elle est ici le signe. Cette apparition doit se situer à mi-chemin entre les formes de notre monde, qu’elle occulte, et l’absence de forme des dieux. Or, c’est ce que semble indiquer l’expression « feu sans forme », qui renvoie directement à la nature sans forme du dieu, ainsi qu’à sa lumière, le feu étant une espèce plus « matérielle », ou disons moins subtile, de la lumière depuis Tim. 58c. Il faut remarquer par ailleurs qu’aucune apparition n’est une pure lumière, sans doute parce que ceci est l’apanage du dieu avant qu’il ne prenne forme par la rencontre avec notre imagination, ainsi que le suggère le fr. 145 étudié précédemment. Il 18 19
Lewy 243 n. 57. Voir aussi Van Liefferinge 140 sq. n. 114.115. Jamblique, De Myst. II 4 (p. 75, 10-13 Parthey ; 56.23-27 S. - S.), trad. des Places.
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est question d’un cheval plus resplendissant que la lumière, d’une lumière abondante pourvue de mouvement. Le fait qu’il n’y ait pas de lumière pure dans les apparitions est dû à la « descente » du dieu lors de l’apparition, comme lors de la procession, qui entraîne une dégradation de la pureté divine. C’est ainsi que le feu remplace et symbolise la lumière dans l’apparition. Le fragment 3420 nous permet de confirmer cette idée d’une dégradation de la luminosité : De là jaillit en abondance la source de la Matière très variée. De là, violemment entraînée, la foudre s’élance dans les creux des mondes, où elle émousse peu à peu la force de son feu ; car c’est de là que toutes choses commencent de tendre vers le bas leurs merveilleux rayons.
L’atténuation de la lumière lors de la descente dans « les creux des mondes » s’explique par le contact avec la matière, de même que la pure luminosité des dieux, antérieure au déploiement de la lumière (cf. fr. 145), s’atténue à notre contact, et se mue en figures du fait de notre imagination. Mais ces figures conservent quelque chose de leur origine : leur luminosité, ou leur caractère igné, qui est une dégradation de la lumière, ou encore, l’or dont est revêtu l’enfant sur l’échine du cheval. Toutes ces descriptions d’apparitions sont mêlées d’aspects figuratifs, renvoyant à la perception que nous en avons, et d’aspects plus éthérés (la lumière, le feu sans forme, la voix du feu), renvoyant à leur origine divine. Notons que nous retrouvons la foudre, dont il a été question dans le fragment 147, et qu’ici encore elle fait le lien entre un monde divin et le « creux des mondes », ces mondes qui disparaissent lorsque le dieu nous apparaît. Ajoutons un dernier élément, inspiré du travail d’Adrien Lecerf21 sur le mythe d’Attis dans lequel il montre que le terme (« bondissant ») est appliqué par Julien à Attis après sa chute dans la matière. Or, ce terme est présent dans les fr. 146 et 148 où il est question d’un « feu bondissant », si bien que nous rejoignons l’idée exprimée par le fr. 34 et confirmons une nouvelle fois, si besoin était, que les formes d’apparitions sont le résultat d’une chute en direction de notre monde, bien que le terme « chute » soit ici impropre puisque les dieux apparus ne chutent pas et demeurent en eux-mêmes. 20
J’emploie ici la traduction qu’en donne Festugière dans le Commentaire sur le Timée de Proclus, en I 451 (éd. Diehl). 21 Voir supra p. 69-74.
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Les apparitions divines sont traitées par Proclus comme une donnée incontestable, un fait premier qui n’est abordé par la philosophie que dans un second temps. Ce n’est pas la doctrine philosophique qui amène Proclus à reconnaître la possibilité des apparitions divines. Il y a là un postulat que l’on pourrait qualifier de religieux, assez semblable à celui que l’on trouve chez les théologiens juifs, chrétiens, musulmans et autres, qui pose d’abord la vérité d’une révélation, qu’il s’agit ensuite de comprendre, avec des outils philosophiques ou non. La doctrine qui sous-tend la possibilité des apparitions consiste à faire intervenir l’imagination humaine, une imagination purifiée autant que possible des avatars de la sensibilité, une imagination dont la source est l’exact opposé de celle que définit Aristote dans son De anima, et plus généralement, la pensée grecque classique qui fait habituellement de la une source d’illusions plutôt qu’un organe de connaissance du divin. Nous trouvons dans les Oracles eux-mêmes les prémisses d’une telle doctrine, dans le fr. 142. Reste à savoir si les développements sont de Proclus lui-même ou s’il les a empruntés aux Théurges, comme peut le laisser penser le passage de l’In remp. (II 241) traité plus haut. Enfin, le jeu de ressemblance et de dissemblance que met en œuvre la notion d’imagination permet d’une part de lier le processus d’apparition et de constitution du mythe à la procession. L’apparition divine est une image de la procession ontologique, et elle est une image d’autant plus forte qu’elle met en jeu l’imagination, qui est à l’âme particulière ce qu’est l’Âme universelle à l’Être : le lien, la médiation qui lie les extrêmes ontologiques, qui assure la continuité de l’Être et conserve son unité dans la procession. D’autre part, ce jeu thématique permet de rendre compte de la nature symbolique de certaines apparitions, notamment celles qui mêlent un aspect figuratif à un aspect lumineux.
Chiara O. Tommasi Moreschini
Gli Oracoli Caldaici come supporto all’esegesi virgiliana tardoantica: Favonio Eulogio e altri neoplatonici latini Non diremo una cosa nuova affermando che la conoscenza degli OC nel mondo latino tardoantico sia un dato ormai acquisito presso la comunità scientifica, anche se, rispetto al mondo greco, molto resta ancora da approfondire.1 È comunque verisimile pensare che la conoscenza di tali testi sia da considerarsi filtrata attraverso l’esegesi neoplatonica, in particolar modo di Porfirio, che fu, secondo la ben nota definizione di Courcelle, maestro degli spiriti per l’Occidente.2 Il presente intervento vuole attirare l’attenzione su un autore assai poco conosciuto, che, tuttavia, si presenta abbastanza interessante per documentare ulteriormente la fortuna degli OC a cavallo tra quarto e quinto secolo in Africa3 e mostrare come essa si fosse talora saldata alle interpretazioni filosofiche di Virgilio. Intendiamo riferirci a Favonio Eulogio, scrittore della cui vita nulla si conosce e che, fin dai tempi di Fabricius, si suole identificare con un discepolo e sodale di Agostino, da questi menzionato nel de cura pro mortuis gerenda.4 Rhetor almae 1
Si vedano i riferimenti bibliografici che offriamo in Tommasi, “Aspekte des Nachlebens ...”; The Bee-Orchid cap. 4. 2 Courcelle, Les lettres grecques 394. Lo studio resta a tutt’oggi di primaria importanza per la valutazione data al ruolo di Porfirio e l’esame degli autori latini che ne furono influenzati. 3 Su cui cfr. il pionieristico lavoro di des Places, “Les Oracles Chaldaïques dans la tradition patristique africaine”, che individua una linea di continuità che parte da Arnobio, snodandosi attraverso Mario Vittorino e Agostino, per arrivare a Marziano Capella. 4 Si leggano appunto le parole del vescovo di Ippona al cap. 11: nobis apud Mediolanum constitutis, Carthaginis rhetor Eulogius, qui meus in eadem arte discipulus fuit, sicut mihi ipse, posteaquam in Africam remeavimus, retulit, cum rhetoricos Ciceronis libros discipulis suis traderet, recensens lectionem quam postridie fuerat traditurus, quendam locum offendit obscurum: quo non intellecto, vix potuit dormire sollicitus; qua nocte somnianti ego illi quod non intellegebat exposui; imo non ego, sed imago mea, nesciente me, et tam longe trans mare aliquid aliud sive agente, sive somniante, et nihil de illius curis omnino curante. quomodo fiant
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Karthaginis, secondo la titolatura dell’unico codice che ci tramanda la sua unica opera, Favonio scrisse, nella voga del tempo, un commento al Somnium Scipionis di Cicerone, che molto si discosta nella lunghezza e nei contenuti da quello, piuttosto vicino cronologicamente, di Macrobio (e che, sia detto per inciso, probabilmente ne ‘cannibalizzò’ la fortuna durante il Medioevo).5 L’opera di Favonio è infatti un breve opuscolo, che, nella sua concisione, ha tutti i tratti del compendio. Rispetto al commento di Macrobio, essa si concentra pressoché esclusivamente su questioni di aritmologia e di musicologia. Non sembra peraltro casuale l’interesse per le ‘vicende dell’anima’ dopo la morte in ambiente pagano – significativamente le due opere presentano richiami al mito di Er per spiegare il Somnium6 – se si considera la particolare temperie religioso-culturale della fine del quarto e degli inizi del quinto secolo.7 Bisognerà tenere allo stesso tempo conto del sincretismo filosofico, che offre a livello esegetico una mescolanza di dottrine platonico-pitagoriche fortemente intessute di elementi stoici: questa intersezione, unita a motivi propri della misteriosofia orfica, risulta del resto evidente già nel sesto libro dell’Eneide, la cui esegesi giocherà nella cultura latina tardoantica un ruolo di primo piano.8 ista nescio; sed quomodolibet fiant, cur non eodem modo fieri credimus, ut in somnis quisque uideat mortuum, quomodo fit, ut uideat et uiuum? 5 Sulla fortuna del testo ciceroniano, importante l’ampia disamina di Caldini Montanari. Per il testo macrobiano cfr. ora Armisen-Marchetti. 6 Dato l’evidente parallelismo tra la Repubblica di Platone e l’opera ciceroniana dal medesimo titolo, è pensabile che il richiamo a Er fosse già presente nello stesso testo ciceroniano in un passo oggi perduto. Interessante osservare che Favonio e Macrobio presentano anche un’allusione alle dottrine epicuree (soprattutto di Colote) che irridono la credenza della vita oltremondana. Ad esse fa riferimento anche Procl., In Remp. II 105, 23 sgg., in un passo che verisimilmente rimonta già a Porfirio. 7 Cfr. le ulteriori considerazioni da noi presentate in Tommasi, “Ascension”, con bibliografia. Il presente lavoro non può, per brevità, soffermarsi sul motivo delle visioni dell’aldilà nel mondo tardoantico, su cui, dopo il classico Dieterich, cfr. almeno Bremmer, The Rise and Fall. 8 Ancora fondamentale l’amplissimo commento di Norden, la cui importanza non viene scalfita dalle puntualizzazioni che ad esso vanno apportate, soprattutto alla luce di mutate posizioni critiche o nuove scoperte di testi, quali ad es. il cosiddetto ‘papiro di Bologna’ (P.Bon. 4 = Pack2 1801), testo orfico che si presta a confronti precisi con Virgilio, malgrado la datazione tarda (III-IV sec. d.C.): un riesame dei motivi storico-religiosi nel sesto libro dell’Eneide è offerto dal dettagliato articolo di Bremmer, “The Golden Bough ...”: tra la bibliografia precedente cfr. almeno Kerényi; sul papiro in part., dopo le notizie offerte da A. Vogliano e G.B. Pighi (riferimenti in Merkelbach), si veda l’editio princeps di Merkelbach, seguita da quella di LloydJones - Parsons; e Maltomini per precisazioni ecdotiche; sul contenuto Treu; Turcan,
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Per tornare a Favonio, la data di composizione dell’opera è incerta e dipende da come si interpretano tanto il proemio di Macrobio quanto il passo agostiniano, anche perché nulla parimenti si può precisare circa il destinatario dell’opera, vale a dire un certo Superio, designato come consularis della Bizacena. In tutta probabilità posteriore rispetto a Calcidio, per il testo di Favonio appare verosimile indicare una forcella cronologica tra il 388 e il 426. Quanto al rapporto con Macrobio, che non abbiamo tempo di riconsiderare qui, ci limiteremo ad accennare, ricordando la difficoltà di datare lo stesso autore dei Saturnali,9 come gli studiosi abbiano spesso pensato a una priorità di Favonio rispetto a Macrobio, non senza tralasciare, in ogni caso, l’idea di una fonte comune a entrambi.10 Opera, come si è detto, essenzialmente tecnica e manualistica e occupata per la massima parte da spiegazioni di tipo aritmetico e astronomico, in almeno due punti, e forse in un terzo, la Disputatio, accanto alla presenza preponderante di elementi della vulgata neoplatonica e neopitagorica, sembra recare traccia degli OC. Va preliminarmente detto che Favonio utilizza pressoché esclusivamente fonti latine, e quindi anche il suo richiamo (non è dato sapere quanto consapevole) agli OC deriva da tali fonti, che, a loro volta, quasi certamente, riprendevano la perduta esegesi porfiriana. Per quanto riguarda il primo passo, esso è stato già lungamente oggetto di discussione tra gli studiosi, in quanto sembra attingere, secondo l’ipotesi formulata agli inizi del secolo scorso da Eduard Norden, ad un commento tardoantico a Virgilio, attualmente perduto, il cui autore potrebbe essere stato Mario Vittorino, come osserveremo meglio nel prosieguo del discorso. Nel discutere del nove, numero dalla forte valen“La catabase orphique ...”; Setaioli, “Nuove osservazioni ...”; Schilling, il quale giustamente sottolinea come le fonti tardoantiche tendano a confondere tra loro Orfici e Pitagorici. Per l’interpretazione tardoantica del sesto libro dell’Eneide cfr. l’importante studio di Setaioli, La vicenda dell’anima. Superfluo è notare che Virgilio, al pari di Omero in Grecia, assumerà tutti i tratti del poeta-vate, come dimostrano tanto l’iconografia quanto l’immensa fortuna letteraria e ideologica (documentata fin dal noto saggio di Comparetti). 9 Cfr. Armisen-Marchetti I xii sgg., con bibliografia. 10 Per le osservazioni sulla biografia di Favonio e la sua datazione ci basiamo sulle considerazioni formulate dal nostro allievo G. Marcellino, che ha pubblicato recentemente una nuova edizione critica commentata della Disputatio (Napoli 2012). Nel citare i passi dell’opera faremo riferimento al suo testo e alla sua traduzione. Tra gli studiosi che in precedenza si sono occupati di Favonio, cfr. almeno le due edizioni (dopo la teubneriana di Holder, del 1901) di van Weddingen e Scarpa; tra gli studi Sicherl; Gersh, Middle Platonism 737 sgg.
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za simbolica fin dai tempi di Pitagora, muovendo da un passo contenuto al § 17 del testo ciceroniano, Favonio scrive (cap. 19): [1] Adiungamus huic loco illud quoque de nouenario, quod Tullius ait: «Nouem tibi orbibus connexa sunt omnia», ut hoc demonstrato totius primi uersus plena sit disputatio. [2] Est igitur quadratus numerus nouenarius, quia ex tribus in se triplicatis exoritur, sicut haec figura composita est:
Quoquo uerteris quadraturam, uidebis cuncta eius latera congruentia, [3] totusque habetur ex totis: quia et initium habet in tribus et medium obtinent tres itemque finiunt, partesque ipsius totae sunt: quod in aliis nequaquam numeris inuenitur. Tres enim, ut supra diximus, totus est numerus, sed non ex totis ipse compositus. At uero nouem et ipsi tribus partibus toti sunt, et ipsae partes totae de tribus. [4] Ex quo mihi uidetur Maro doctissimus Romanorum dixisse illud: «Nouies Styx interfusa coercet». Terra enim nona est, ad quam Styx illa protenditur: mystice ac Platonica dictum esse sapientia non ignores. [5] Nam poetica libertate inserit fontanae animae a caelo usque in terras esse decursum; hinc dicitur . [6] Nam sub pedibus summi patris qui dissaepit, Styx posita per omnes circulos fluit, imponens singulis uelut in curru aurigam, id est uitae substantiam, ex qua cuncta uiuentia originem sortiuntur, et eidem soluta redduntur: manatque illa[s] per cunctos uolentes commisceri, quod ex natura sunt hiulca; interiectu sui uigoris separat, et, quod ipse mire Virgilius loquitur, coercet, ut sui generis momenta conseruent. [7] Inter caelum et terram nouem interualla ipse consideres licet. Sic, quoniam primi uersus absolutio nouenario numero continetur, neque ipsa decimum circulum natura requirebat.11
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“Aggiungiamo a questo argomento anche una parte sul numero nove, giacché Tullio dice: ‘tutto l’universo è concatenato in nove orbite’. E così facendo, dopo aver parlato del numero nove, il discorso su tutta la prima serie sarà completo. Il numero nove è un numero quadrato, poiché deriva da tre volte tre, come è costituita questa figura:
In qualsiasi direzione tu giri questo quadrato, vedrai che tutti i suoi lati sono congruenti, ed è considerato numero pieno, perché proviene da numeri pieni, perché ha inizio nel tre, il tre costituisce la metà e allo stesso modo finisce, e le sue parti sono complete: ciò non avviene affatto negli altri numeri. Il tre infatti, come abbiamo detto sopra, è un numero pieno, ma non è a sua volta costituito da numeri pieni. Ma il nove invece è pieno per tre parti, e le stesse parti sono a loro volta complete. Di qui
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Significativo è il ricorso per commentare il luogo ciceroniano ai versi assai oscuri e pervasi di elementi del lessico magico, di Aen. 6, 438 sg. (utilizzati da Virgilio parzialmente anche in georg. 4, 480), tristisque palus inamabilis undae / alligat, et novies Styx interfusa coercet:12 per spiegare tale uso – comunque non infrequente in età tardoantica, visto il significato più profondamente allegorico di cui, come si è detto, la poesia virgiliana era connotata ed il ruolo quasi oracolare ricoperto da particolari autori – Favonio impiega del pari le nozioni di ‘tono mistico’ e ‘sapienza platonica’, il che fa pensare ad una qualche auctoritas di tipo misteriosofico, quale appunto gli OC.13 Ad ulteriore riprova che Favonio e Servio si basassero su una fonte di tipo filosofeggiante si può osservare che anche Servio utilizza un’espressione che richiama quella di Favonio, mystice ac Platonica ... sapientia, ossia qui altius de mundi ratione quaesiuerunt e che rafforza l’idea di una auctoritas su cui puntellare la propria esegesi.14 mi sembra che il più saggio dei Romani, Marone, abbia detto: “nove volte lo Stige serra scorrendo in mezzo”. La Terra infatti è il nono corpo celeste, verso il quale si dirige lo Stige; che questo sia stato detto in maniera mistica e in conformità alla dottrina platonica non lo dovresti ignorare. Infatti egli, con la libertà di cui fanno uso i poeti, introduce la discesa dell’anima sorgiva dal cielo alla Terra – e per questo l’anima viene detta (di sorgente). Infatti lo Stige trovandosi sotto i piedi del sommo padre, il quale separa, scorre per tutti i cerchi e ad ognuno, come se fosse un carro, mette a capo un auriga, vale a dire l’essenza del vivere dalla quale tutti gli esseri viventi traggono origine, e a cui fanno ritorno una volta liberati dalla materia. Esso scorre per tutti i cerchi celesti, i quali desiderano mescolarsi, giacché sono di struttura aperta. Con la sua forza vitale lo Stige li separa e – come dice in maniera straordinaria Virgilio – li serra, perché ognuno conservi il proprio movimento. Tra il cielo e la Terra puoi osservare nove intervalli. Sicché neanche la natura richiedeva un decimo cerchio, giacché il completamento della prima serie avviene col numero nove”. 12 Non sorprendente, comunque, se si pensa ai motivi escatologici da cui entrambi i testi sono permeati: cfr. Lamacchia. Nell’incertezza di stabilire precisamente un rapporto tra le doublettes presenti nelle Georgiche e nel poema maggiore, la critica si è divisa a proposito di questo verso: Setaioli, “Noviens Styx interfusa” ritiene che quello dell’Eneide sia anteriore; differenti opinioni riporta invece Briggs. 13 Anticipiamo qui che nell’altro passo ispirato dagli OC (cfr. infra), Favonio usa il termine theologi per riferirsi ad essi. 14 Setaioli, La vicenda dell’anima 239 cita Aug., civ. 13, 19, 1 in cui si fa pure riferimento all’esegesi filosofica di versi del sesto libro dell’Eneide. Norden 26 fa invece riferimento a cons. euang. 1, 22, 31: Istae, inquiunt, fabulae sunt aut interpretandae a sapientibus aut ridendae; nos autem Iovem colimus, de quo ait Maro: Iovis omnia plena, id est omnia vivificantem spiritum. Merito ergo et Varro Iovem opinatus est coli a Iudaeis, quia dicit per prophetam: Caelum et terram ego impleo.
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Che in questa fonte si ritrovassero riferimenti agli OC pare certo, visto che il testo e l’esegesi di Favonio presentano singolari affinità sia con Mario Vittorino che con Marziano Capella (autori ambedue influenzati dalla letteratura caldaica e della teurgia): per Marziano, in particolare, anche altri punti della Disputatio offrono dei paralleli di lingua e contenuti, senza tuttavia che questo permetta di offrire una soluzione all’annoso problema della datazione di Marziano, giacché entrambi presentano dottrine a quel tempo correnti e di conseguenza impiegano la Fachsprache usuale per esporle. Nel passo in questione, che muove dalla descrizione delle nove sfere celesti e che per la prima volta, almeno in latino, sembra presentare esplicitamente il tema dello Stige che corre attraverso di esse (interfusa), si deve tuttavia segnalare la lunghezza insolita della spiegazione. Ciò ha fatto ipotizzare che Favonio stesse utilizzando materiale già esistente, in particolare un commento a Virgilio marcatamente connotato in senso filosofico. Tale supposizione, come abbiamo accennato, venne formulata da alcuni studiosi tedeschi all’inizio del ventesimo secolo, e sembra corroborata dalla consonanza tra Favonio e Servio nell’interpretazione dello Stige. Per entrambi si tratta della corrente che fluisce attraverso le nove sfere che circondano l’Ade, il quale, a sua volta, secondo Quid illud quod idem poeta dicit aethera? Quomodo accipiunt? Sic enim ait: Tum pater omnipotens fecundis imbribus aether, / coniugis in gremium laetae descendit. Aetherem quippe non spiritum, sed corpus esse dicunt sublime, quo caelum super aerem distenditur. An poetae conceditur nunc secundum platonicos, ut non corpus, sed spiritus, nunc secundum stoicos loqui, ut corpus sit Deus? Quid ergo in Capitolio colunt? Si spiritum, si denique ipsum caelum corporeum, quid illic facit scutum illud Iovis, quod appellant Aegida? Nempe origo nominis huius ita redditur, quia Iovem a matre occultatum capra nutrivit. An et hoc poetae mentiuntur? Numquid et Capitolia Romanorum opera sunt poetarum? Quid sibi autem vult ista non poetica, sed plane mimica varietas, deos secundum philosophos in libris quaerere, secundum poetas in templis adorare? Va aggiunto che nel capitolo immediatamente precedente Agostino discuteva sul modo di interpretare le figure di Saturno e di Giove, quasi che nel primo si potesse ravvisare anche una interpretatio Romana del Dio degli Ebrei, a sostegno della quale viene citato un frammento varroniano. Per questo tipo di esegesi cfr. le nostre considerazioni in Tommasi, “L’incerto dio degli Ebrei ...”. Per il nesso Iovis omnia plena, che fa riferimento al noto passo di Verg., ecl. 3, 60, si veda anche la proposta di P. Hadot, Marius Victorinus 230 di collegare a questo verso l’espressione impiegata da Mario Vittorino, Adv. Ar. 1, 39, 33, omnia erunt deo plena, un nesso che viene ad esprimere in forma ricapitolativa la discussione delle righe precedenti, discussione che, a sua volta, si basava su 1Cor 15, 24-28. Si potrebbe, infine, osservare come tuttavia il nesso plenus deo era corrente nella letteratura poetica latina per indicare l’invasamento, dunque con una sfumatura leggermente differente: cfr. Norden 145 sgg.
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l’interpretazione filosofica tradizionale, era collocato nella sfera sublunare, ossia tra la Terra e la Luna. Nella conclusione Servio, ricollegandosi forse alla tristis palus del verso precedente, sembra inoltre interpretare lo Stige come la tristitia, secondo la correlazione paretimologica corrente, per cui Styx era spiegato sulla base di ovvero .15 Simili interpretazioni, da intendersi come un viraggio in senso pitagorico dello Stige, elemento connesso fin dalla Teogonia esiodea alle acque primordiali e apportatore di morte qualora si violi il giuramento fatto in suo nome,16 non devono sorprendere agli inizi del quinto secolo: il dispensatore di morte diviene infatti, secondo il ragionamento pitagorico che svalutava la corporeità, flusso generatore di vita. Va detto, peraltro, che già nell’ad Gaurum porfiriano (2, 2) lo Stige si identificava con lo sperma fecondatore dell’anima.17 Un passo importante, già segnalato da Eduard Norden e ripreso da Cristiano Castelletti, che sembra preludere a tale interpretazione si legge già nel de genio Socratis di Plutarco (591 ac), in cui lo Stige è detto esplicitamente “via verso l’Ade”.18 Analogamente, Minucio Felice, al capitolo 35, 1 osserva come già i sapienti e poeti pagani usavano per ammonimento contro gli empi il fiume infuocato che, scaturendo dalla palude stigia, circonda gl’inferi. In tale interpretazione si dovranno scorgere una contaminazione tra vari motivi: lo Stige 15
Sullo Stige e i suoi attributi cfr. Henrichs, che mette in relazione (13 sgg.) il nesso tristis palus e inamabilis unda con Aisch., frg. 273A, l. 2.11: e . Alle p. 22 sgg. lo studioso offre inoltre una serie di esempi poetici in cui compaiono attributi analoghi. Differente interpretazione del passo in Pelliccia (che riteniamo, tuttavia, meno convincente). Nella letteratura latina si segnalino anche le riprese di Stat., Theb. 4, 524, et Styx discretis interflua manibus obstat, e Claud., rapt. Pros. 1, 22, quos Styx liventibus ambit / interfusa vadis, che documentano chiaramente la variazione sul modello virgiliano. 16 Cfr. i v. 775 sgg. Per lo Stige come fiume infero cfr. già Il. 8, 369; Od. 10, 514. Il motivo del giuramento risale a Il. 2, 755. 17 Importanti considerazioni al riguardo svolge Castelletti 30 sgg. Tale studio presenta una nuova traduzione con ampio commento dei frammenti porfiriani . Nei frammenti in nostro possesso l’interpretazione dello Stige presente in questi scrittori latini non compare: solo congetturalmente, dunque, si potrà supporre che essa risalga a tale opera porfiriana e non ad altre. Per una disamina storicoreligiosa dello Stige, cfr. Albrile, segnatamente 42 sgg. Più in generale, sul ruolo vitalistico giocato dalle correnti acquatiche e la loro assimilazione ai fluidi vitali (ossia lo Stige spermatico) cfr. Onians 280, che cita Pherek. B7 DK e il fiume Ameles di Plat., Resp. 621 a. 18 Norden 27: lo studioso tedesco si serve di questo passo per rinforzare la sua nota tesi secondo cui il modello di oltretomba descritto da Virgilio e Cicerone dipendeva da Posidonio. Solo in parte il passo può essere accostato alle speculazioni più tarde di Favonio e altri: cfr. Shanzer 193.
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sembra infatti essere assimilato al Flegetonte (per via del riferimento al fuoco), che è descritto da Platone come attorcigliantesi su se stesso.19 Scrive dunque Servio, Aen. 6, 439: NOVIES STYX INTERFVSA quia qui altius de mundi ratione quaesiuerunt, dicunt intra nouem hos mundi circulos inclusas esse uirtutes, in quibus et iracundiae sunt et cupiditates, de quibus tristitia nascitur, id est Styx, unde dicit nouem esse circulos Stygis, quae inferos cingit, id est terram, ut diximus supra : nam dicunt alias esse purgatiores extra hos circulos potestates.
Il lemma ad esso correlato che spiega 6, 127 suona invece: ergo hanc terram in qua uiuimus inferos esse uoluerunt, quia est omnium circulorum infima, planetarum scilicet septem Saturni, Iouis, Martis, Solis, Veneris, Mercurii, Lunae et duorum magnorum. Hinc est quod habemus : et nouies Styx interfusa coercet: nam nouem circulis cingitur terra.
In un terzo passo Servio fa ulteriore riferimento allo Stige (georg. 1, 243) e al modo in cui esso è stato interpretato, concludendo significativamente che bisogna esser consapevoli del fatto che il Mantovano abbia mescolato licenze poetiche e dottrine filosofiche. Se in Virgilio lo Stige circonda dunque i nove cerchi della regione oltremondana con le nove categorie di anime dannate o beate, è facile supporre come le speculazioni tardoantiche avessero inteso allegorizzare tale dettaglio, identificando i nove meandri con le orbite celesti.20 Muovendo dall’idea che l’aldilà sia da collocarsi nel cielo (come già osservato in somn. 13 sg.),21 avremo quindi il seguente schema: l’orbita 19
Phaed. 118. Oltre all’immagine platonica a tale contaminazione sembra soggiacere anche un motivo analogo presente negli Oracoli Sibillini 2, 294 sgg.: cfr. Dieterich 160 e Setaioli, “Noviens Styx interfusa”. Per Minucio Felice cfr. già Courcelle, “Interprétations néoplatonisantes ...” 102. Sembra interessante notare qui anche il passo di Firm., math. 8, 12, 2, in cui lo Stige sembra essere identificato con la terra: tuttavia si tratta di un luogo testualmente corrotto, che impedisce di formulare ulteriori ipotesi. 20 Cfr. Kerényi 437; Setaioli, “Noviens Styx interfusa”. 21 Simili interpretazioni, talvolta oscillanti, della struttura dell’aldilà si ritrovano anche in Macrobio e nella farrago dei vari scolii a Lucano: in particolare, il primo in somn. 1, 11 discute delle tre differenti dottrine che erano in auge tra i Platonici a proposito della differenziazione delle varie anime nell’aldilà, e in particolare nella sfera eterea tra terra e luna, ovvero nelle zone successive. Gli scolii, più banalmente, commentano i versi iniziali del libro nono, ossia la cosiddetta ‘apoteosi’ di Pompeo: interessante notare solo qualche osservazione tra quelle raccolte nel Supplementum
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più esterna è il cielo delle stelle fisse, dove abitano dio e i beati, seguito poi da Saturno, Giove, Marte, Sole, Venere, Mercurio, Luna, e infine dalla sfera della morte che si estende fino alla terra, che è dunque la nona e la più bassa.22 Tra Favonio e Servio vi è comunque una differenza significativa: nei “due grandi pianeti” del lemma serviano a 6, 127 si dovrà riconoscere il cielo delle stelle fisse e una decima sfera, il Primo Mobile o Cristallino, la cui introduzione si deve a Tolomeo e che, di conseguenza, era ignoto alle speculazioni di Cicerone o Virgilio. Favonio, invece, segue da vicino il modello dell’Arpinate, per il quale “l’universo è compaginato di nove sfere (otto, oltre la terra)”:23 questo dato, esplicitamente ribadito nella conclusione del passo citato, emerge comunque già nel capitolo precedente, in cui, tra gli esempi citati a motivare la perfezione del numero otto, si menziona anche il numero delle sfere celesti. Per Favonio il numero nove degli intervalli lungo cui fluisce lo Stige si ottiene computandovi esplicitamente anche la terra.24 Come si è detto, secondo Eduard Norden, la cui tesi fu ripresa con ulteriori argomentazioni da Friedrich Bitsch, l’autore di questo commento, simile nella struttura agli Homerika Zetemata porfiriani, poteva essere Mario Vittorino, che univa abilità di grammatico e retore a conoscenza adnotationum super Lucanum: 6. QVODQ. PATET etc. spatium (DRV). Sapientes ita volunt, ut spatium quod inter coelum et terram est possideant animae nobilium defunctorum (aADR); de qua re diffuse Marcianus disputat (si allude chiaramente a Marziano Capella); per la clausola del v. 8 (aetheris imi) la nota glossa: aerem dicit imi aetheris. Sugli scolii lucanei si veda già Courcelle, “Interprétations néoplatonisantes ...” 112. 22 Si tratta, com’è noto, dell’ordine ‘caldaico’ dei pianeti, attribuito a Pitagora (cf. Plin., nat. 2, 84), ad Archimede e ad altri, che è il più diffuso tra gli scrittori romani, sembra, grazie alla mediazione di Posidonio. Esso ricorre, del resto, già nel Somnium ciceroniano, in Claudiano (paneg. dictus Honorio cos. III 163 sgg.), Calcidio (comm. 72.96) e Macrobio (somn. 1, 12, 14) e ha la particolarità di collocare il Sole nel mezzo (come è detto anche negli stessi OC 58.59). Da questo si differenzia l’ordine ‘egiziano’, più antico, che collocava il Sole dopo la Luna, seguito, tra gli altri, dall’astronomo Eudosso, da Platone stesso (Tim. 38 c-d), da Aristotele (Metaph. 8, 1073 b 32) e, in altri punti, da Macrobio (somn. 1, 19, 2). 23 Ronconi 94. 24 Non mi trova dunque consenziente quanto scrive Setaioli, La vicenda dell’anima 73, ossia che Favonio in questo passo designa la Terra circondata da nove sfere, dal momento che presuppone nove avvolgimenti. Lo studioso attribuisce inoltre a Norden (e a quanti lo hanno seguito nell’interpretazione “avvolgimenti dello Stige” – sfere celesti, quali Festugière e Wallace) un fraintendimento, giacché essi intenderebbero nove sfere oltre la terra, considerando quindi anche il Primo Mobile o . È vero, invece, che questa dottrina è presupposta da Servio, sia pure in maniera non sempre coerente o consequenziale (Setaioli, La vicenda dell’anima 76).
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dettagliata del Neoplatonismo.25 La proposta di Norden ha raccolto in linea di massima il consenso degli studiosi successivi, in particolare di Pierre Courcelle e di uno tra i massimi esperti di Mario Vittorino, ossia Pierre Hadot.26 Un ultimo passo può essere preso in considerazione per la nostra trattazione, vale a dire Mart. Cap., 1, 14 sg., per le cui fini analisi molto dobbiamo a Danuta Shanzer:27 il contesto di Marziano è, comunque, assai differente, e, conformemente al dettato stilistico che gli è abituale, presenta un lessico molto più ‘fiorito’. Ivi si parla dei fiumi inferi assimilati ai pianeti e dal corso tortuoso, diverso a seconda delle varie orbite: questa sarà l’interpretazione prevalente anche nei commentatori medievali a Marziano. Riportiamo il passo nella sua interezza, giacché esso sembra essere sfuggito alla maggior parte dei commentatori: demonstrabat praeterea Virtuti Cyllenius amnes quosdam caelitus defluentes, quos transeundos esse perhibebat, ut ad deum ipsum, quem reperire cura est, peruenirent. uerum eosdem amnes diuersicolor fluentorum discrepantium unda raptabat; quippe primus diffusioris ac prolixi ambitus gurges liuentis aquae uolumine nebuloso atque algidis admodum pigrisque cursibus haesitabat. interius alius lactis instar candidaeque lucis mitis omnia quietusque motu undas uoluebat argenteas. tertius uero nimio rubroque igne rutilantes festinataque rapiditate praecipites fragososque cursus anhela sulphureus celeritate torquebat. qui hunc sequebatur auratus ac fulgidus et flammis coruscantibus rutilans; sed diuersitati fluminum, utrimque coniunctus quibusdam riuulis intermixtis, quantum pensabat moderatio, temperabat. uerum interior ilio electro purior resplendebat amnis, quem praeter ceteros Fortunarum ille consistens populus appetebat, quarum alias eius odor et halatus illexerat, alias lenis undae canori permulsere modulatus; gustum autem haustumque quamplures ex eodem dulcissimo gurgite sitiebant. nec deerant, qui eadem foueri abluique lympha ac se in illam iacere cupiebant. praeterea duo restrictiores, ac sinu ambituque paruo raptabantur interius, quorum uterque pro aliorum uicinia et confinio coloratus exiguum proprii saporis haustum multa mutabilis admixtione traxerat. nam alter nimia celeritate festinus ac plerumque consistens relabensque ferebatur; alius uero quandam undarum originem gestans flexuosisque anfractibus errabundus spumabat cunctis seminibus fluentorum. hi igitur cursus discoloris amnes praedictas rerum nationumque Fortunas immensis primo sinibus ambiebant. 25
Norden 26; Bitsch. Non ha invece avuto seguito la proposta del Baehrens, che propendeva per Cornelio Labeone: cfr. Mastandrea 199 sgg. 26 Courcelle, “Interprétations néoplatonisantes ...”; “Les Pères ...”; P. Hadot, Marius Victorinus 215 sgg., il quale discute inoltre un passo ben noto di Servio (georg. 4, 373) in cui si critica l’interpretazione offerta da un certo Vittorino (forse il nostro scrittore?) a proposito del nesso mare purpureum. 27 Shanzer 187 sgg.
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Preliminarmente andrà detto che le osservazioni di Shanzer secondo cui il passo marzianeo non mostra nessuna interferenza con le coeve discussioni cristiane a proposito delle acque sopra e sotto il firmamento, valgono anche per Favonio.28 La fonte è dunque da rintracciarsi nell’ambito neopitagorico/neoplatonico, e per la studiosa americana essa risale a quella che era una esegesi di Numenio. Secondo una testimonianza di Proclo, infatti, Numenio asserisce che il centro di tutto il cosmo e della terra si situa a metà tra cielo e terra.29 In esso vi sono i giudici che inviano parte delle anime al cielo, parte alla terra, parte ai fiumi sotterranei. Egli ricorda i due baratri (), che corrispondono alle porte dei poemi omerici, del Capricorno e del Cancro, e che sono posti l’uno in basso verso la nascita, l’altro in alto.30 Numenio inoltre identifica i fiumi sotterranei (ossia, credo, quelli che nelle descrizioni poetiche apparivano come tali) con i pianeti. La via lattea (), denotata come luminosa, corrisponde all’Ade e al luogo ove dimorano le anime. Proclo, non senza spunti polemici (resi espliciti dall’uso di termini derogatori quali e ), osserva che Numenio “cuce insieme” parole platoniche e termini magico-astrologici,31 al fine di offrire in tal modo una interpretazione dell’immagine già omerica delle due porte infernali e della geografia dell’aldilà. In ogni caso, l’idea presente a Numenio di un rivolgersi tortuoso del destino pare muovere da un passo assai noto del Timeo (43 a), in cui si fa riferimento ad un corpo sbattuto qua e là, con il contrasto tra materia mutevole e immutabilità, e l’impiego della metafora dell’acqua, che successivamente fonderà gran parte delle interpretazioni neoplatoniche dell’Odissea. Si può quindi verisimilmente supporre che Numenio abbia sviluppato in maniera assai complessa anche sul piano della topografia 28
Non è possibile stabilire con certezza se Favonio fosse pagano o cristiano: certo è che nella sua esegesi non vi è traccia di riferimenti alla cultura cristiana (come del resto tali riferimenti sono del tutto assenti anche in Macrobio): per esempio a proposito della discussione del numero tre si deve notare la totale assenza anche solo di allusioni alla Trinità, che invece appaiono in un’opera come il Griphus ternarii numeri di un pagano o cristiano tiepido quale fu Ausonio. 29 Cfr. fr. 35 des Places (Procl., In Remp. II 128, 26 sgg.). 30 Per questa idea cfr. anche il fr. 34 (Macr., somn. 1, 12, 1-4). Sui due passi si vedano già le considerazioni di Cumont “Les enfers selon l’Axiochos”; Lux Perpetua 190 sgg. 31 Nei termini di e si devono intendere forse immagini tratte dalla lingua astrologica e misterica (caldaica, secondo Shanzer). In quest’ultimo caso la studiosa è tuttavia ben consapevole di quanto sia difficile, data la stretta vicinanza cronologica, poter stabilire una priorità tra Numenio e OC, su cui cfr. ancora Dodds, “Numenius and Ammonius”; Mazza 139.
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uno spunto che fosse presente anche negli OC. Più precisamente, l’identificazione dello Stige con le sette sfere permetterebbe di chiarire alcuni frammenti degli OC, quelli in cui compare la nozione del , ossia 171 e 172.32 Shanzer, basandosi soprattutto su Macr., somn. 1, 12 sgg. che presenta notevoli affinità col passo di Proclo (e che infatti nella raccolta dei frammenti di Numenio di des Places è collocato immediatamente prima del testo del Diadoco), suggerisce che questo tipo di esegesi sia da ricercare in un commento perduto, forse porfiriano, alla Repubblica di Platone, che incorporasse anche l’esegesi di Numenio, e che, pertanto, non appare necessario postulare l’anello intermedio di un commento a Virgilio. Se questo tipo di obiezione è senz’altro valida per Marziano Capella, si deve tuttavia osservare che l’idea di un commento in latino, lungi dall’essere un elemento di complicazione, appare a mio avviso la soluzione più economica per spiegare il ricorrere di interpretazioni molto vicine tra loro in autori dell’Occidente romano, senza contare che Favonio molto probabilmente non attingeva a fonti greche. Certo, l’attribuzione di un commento ad un autore preciso come Vittorino è altamente ipotetica e allo stato attuale non vi sono elementi dirimenti o probanti per suffragarla:33 resta però il fatto che questo scrittore può essere un candidato ideale per via della sua attività di retore, coniugata alla non comune conoscenza di dottrine platoniche. Nel passo di Favonio, inoltre, è un’ulteriore immagine ad indirizzare verso la teologia di stampo numeniano-caldaico. Ci riferiamo all’idea dell’anima fontana e sarà dunque da considerare un fraintendimento, come già molti hanno notato, l’espunzione dell’incidentale hinc dicitur da parte di Luigi Scarpa, che pure aveva causato problemi interpretativi per via di una sintassi non immediatamente perspicua (per es. Caspar Barthius l’aveva trasposta dopo decursum e tale testo è seguito anche da van Weddingen e Marcellino). Benché l’anima univer32
Cfr. rispettivamente ’ e (,) . La n. 1 al frg. 102 di des Places segnala anche l’espressione che si ritrova in Psello, . 33 Cfr. Gersh, Middle Platonism 510.515; Setaioli, La vicenda dell’anima 239 sgg. Lo studioso propende per l’esistenza di vari commenti o porzioni di commento, non necessariamente riconducibili ad un unico autore, mentre considera fantasmatica l’idea del commento di Vittorino. Si segnali qui, benché non abbia avuto seguito per l’enorme grado di ipoteticità ad essa sotteso, la tesi citata da Courcelle, Les lettres grecques 20 sgg. secondo cui Vittorino avrebbe commentato il Somnium ciceroniano e che a tale opera si fossero ispirati Favonio e Macrobio.
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sale si prestasse ad essere designata come ‘fonte’ o ‘sorgente’ delle anime individuali già presso i Medioplatonici,34 tale concezione, nel mondo latino, è fatta propria soprattutto da Mario Vittorino. Secondo Vittorino, esiste dunque una anima universale, modellata sulla Trinità e sul Logos in particolare, creata da Dio, ma in certo qual modo dotata di capacità autogenerativa e, sulla scorta del noto passo del Fedro, sempre in movimento (Adv. Ar. 4, 5, 10-11).35 Da essa, chiamata anche anima fontana, discendono poi le anime individuali, o mundanae, dotate di una scintilla o soffio divini, come viene detto nel § 11 del libro IV dell’Adversus Arium, il cui “tono mitico” per Hadot sembra derivato dagli Oracoli Caldaici, sempre tramite la mediazione di Porfirio.36 Le singole anime constano dunque di una parte spirituale e di un’altra carnale o materiale e da esse, in una catena, che parte appunto dalla divinità (cfr. Adv. Ar. 1, 25), per snodarsi lungo le gerarchie angeliche, ed esplicare la sua mutua interconnessione grazie al Logos. Come è evidente anche solo ad una prima lettura, questa dottrina sembra più una forma di emanazionismo che di creazione, in cui gli elementi cristiani sono ridotti al minimo. In Adv. Ar. 4, 10, 45 si riproduce la stessa nozione, pur senza nominare lo Stige. Vittorino inizia presentando la trasformazione che il movimento vitale opera nei corpi, che, oscillando, riescono a determinarsi grazie al limite. Questa vita si spande tra gli esseri come ‘colando’ attraverso il logos (4, 11, 7 sgg.) e di volta in volta la corrente è sempre più impetuosa, poiché questa anima generativa desidera vieppiù comunicare la vita ai vari esseri: Etenim, cum, rerum vi et natura ipsa duce, nihil sint omnia si non vivant, et motu vitali vacua, nec molem hylicam, aut exsistentiae vel imaginem vel speciem habere credantur — fluendi enim ac refluendi naturam incondite, subsistendi non recipit vis lubrica inconstans nec formam recipit ut aliquid esse dicatur; unde, carens eo quod est aliquid esse, etiam esse suum non tenet ut recte nullo modo esse dicatur; at nunc, comprehensa et tota atque in partibus circumsistens et formata et hoc corporata et ad aliquid esse, specie aliqua, capta, et esse creditur, quia, motu vitali et ab infinito certis lineamentis septa, in sensus certissimos promovetur — ergo hylica quae sunt, ut esse videantur, 34
Cfr. Apul., Plat. 1, 9; Tert., anim. 20, 6 e 27, 9. Si veda anche Arnob., nat. 2, 15.22. 35 Si tratta del noto passo di Phaedr. 245 c (non entriamo nel merito del problema della variante ovvero ); per Vittorino sono importanti le sezioni di Adv. Ar. 1, 63 e soprattutto 4, 13. 36 Cfr. P. Hadot, Porphyre I 395 sgg. Per le concezioni platoniche sull’anima, cfr. Festugière, Révélation III, con in appendice l’edizione dello scritto porfiriano ad Gaurum (su come l’anima si congiunge all’embrione) e del de anima giamblicheo.
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facit vis potentiaque vitalis quae defluens a illo qui vita est, quem dicimus filium, per archangelos, angelos, thronos, glorias ceteraque quae supra mundum sunt, primo in incorpora atque , naturali sua substantia munda atque puriora, cum currit ac labitur, lucem suam maiore sui communione partitur. Mox in animam fontemque animae gradatim veniens, quia anima imago est, quasi quadam cognatione maiorem defluendi accipit cursum; et quia in animanda anima properat, fit ei in animanda, eius petulantior adpetitus. Hinc in hylen mersa et mundanis elementis et postremo carnalibus vinculis inplicata, corruptioni atque ipsi morti sese miscens, vivendi idolum materiae faecibus praestat. Vivunt ergo cuncta, terrena, humida, aeria, ignea, aetheria, caelestia, non illo priore nec vitae integro lumine sed propter copulationem hylicam saucia luce vitali. Vivunt supracaelestia et magis vivunt quae ab hyle et a corporeis nexibus recesserunt, ut puriores animae et throni et gloriae, item angeli atque ipsi spiritus, alii ut in alio, id est in sua substantia vitam habentes, alii ipsa vita sunt. Iesus autem Christus et spiritus sanctus — nam et de hoc mox docebimus — simul cum deo, sed a deo tamen, vita sunt, sed universalis vita.
I passi presentano tra loro notevoli analogie (le più importanti delle quali sono da riscontrarsi in anima fontana e vitae substantiae), ma anche delle differenze, giacché Vittorino riferisce al Padre l’azione di dispensare la vita, mentre in Favonio ciò è attribuito alla sola anima (senza contare che lo Stige non viene citato). Per tale motivo Shanzer è incline a minimizzare la relazione tra i due passi, che invece Hadot sottolineava lungamente. È possibile tuttavia ipotizzare che nello sviluppare la sua opera cristiana Vittorino abbia eliminato le tracce più scottanti di paganesimo, le quali dovevano essere invece presenti nella sua fonte greca o nel suo stesso commento virgiliano, redatto anteriormente alla conversione. A fianco del tema del descensus e della progressiva contaminazione con la materia e la morte37 ovvero della caduta dell’anima (espressa da termini come crassitudo corporis o densitas corporis; oblivio e interpretazione del Lete), Favonio presenta qui l’idea, più rara, della concatenazione delle anime tra loro. Si può pertanto supporre con buona verisimiglianza che Favonio interpreti con lo Stige l’anima del mondo e i suoi avvolgimenti. Essi, tuttavia, “non s’identificano, come in Servio, con le sfere celesti, bensì indicano la funzione vivificatrice che riempie di sé gli intervalli che separano le sfere, come è reso chiaro più volte”.38 37
Che sarebbe stata largamente ripresa anche da altre esegesi virgiliane tardoantiche, a proposito dei ben noti versi di Aen. 6, 730 sgg., igneus est ollis vigor et caelestis origo / seminibus quantum non noxia corpora tardant / terrenique hebetant artus moribundaque membra. 38 Setaioli, La vicenda dell’anima 74.
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Si tratta precisamente delle dottrine presenti, con maggior ampiezza, in Vittorino e Marziano. Ad indirizzare verso la ripresa di un’esegesi degli OC, infatti, è determinante il fatto che Marziano Capella, in un passo fortemente permeato di immagini caldaiche, presenti da parte di Filologia l’invocazione ad “una certa fontana virgo”, unita agli altri due membri della triade, l’ e il , ossia il Padre e l’Intelletto.39 Già da lungo tempo in questa sezione del De Nuptiis si sono riconosciute le tracce della dottrina caldaica, in particolare per via della identificazione di Ecate/anima del mondo come sorgente e fonte delle virtù.40 Nel passo di Favonio sembra essere presupposta un’ulteriore identificazione, quella tra lo Stige-anima ed Ecate. Entrambe divinità correlate al mondo infero, esse vengono probabilmente assimilate, in quanto terribili e in quanto i serpenti di Ecate si attorcigliano come i meandri dello Stige. L’immagine dell’anima-fonte ricorre anche altrove in Marziano Capella, precisamente in 9, 922, l’unico passo dell’opera in cui si farebbe esplicito riferimento al descensus delle anime: cum illa monas intellectualisque lucis prima formatio animas fontibus emanantes in terrarum habitacula rigaret.
Ancora, il background degli OC sembra emergere dall’immagine dell’auriga, che corrisponde a quella dell’, il veicolo dell’anima, anch’esso concetto chiave della teologia caldaica.41 Interessante, inoltre, 39
Su questa nozione si veda Seng in questo volume. Per il passo in Marziano rimandiamo alle nostre considerazioni in Tommasi, “Aspekte des Nachlebens ...”. 40 Cfr. OC 51: / / ; e 52 , / . Importante vedere come anche Rea sia connotata come fonte (OC 56), un brano nel quale non mi sembrano assenti neppure giochi paretimologici tra e . È possibile supporre come a tali passi fossero presenti richiami alla lingua tragica, e segnatamente ad Aisch., Pers. 613, . Sul ruolo di Ecate importanti considerazioni svolge Fauth 105 sgg., con bibliografia anteriore, tra cui almeno Johnston, Hekate Soteira. L’interpretazione di Ecate come fonte delle anime è esplicitata anche da Dam., In Parm. p. 235.8-10 Ruelle (= III 181, 9-10 W. - C. - S.), che si richiama del pari al krater platonico. Si veda anche Hoffmann in questo volume, segnatamente p. 106 n. 21. 41 Per questo motivo cfr. Di Pasquale Barbanti. La nozione di un “cavaliere” appare in un frammento dubbio, il n. 216, che forse andrà ascritto all’Orfismo, ma che nondimeno presenta una serie di elementi collocati in forma quasi di “aurea catena”. Per l’idea dell’autocreazione e del superabbondare, sì che la creazione sia una sorta
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soffermarsi sul summus Pater (nesso, peraltro, assai comune in latino) e sul suo “separare”, che richiama da vicino la nozione del “taglio” di OC 179, , e 22 / . Nel testo latino dissaepit è la brillante congettura di Winterfeld per il tradito dissepet, privo di senso, e il verbo andrebbe riferito al summus Pater: la certezza della correzione appare suffragata da due paralleli in Boezio, cons. 4, m. 6, 43, dissaepta suo fonte, ripreso poi nella sezione conclusiva di 5, 3.42 Ivi si menziona la fonte della vita, con un linguaggio che riecheggia Mario Vittorino: gli elementi che da questa fonte si staccano possono farvi ritorno solo grazie al rector sommo, che ne guida e indirizza i moti, secondo la dottrina dell’, impedendo la loro dissoluzione. Infine, può essere interessante segnalare come l’aggettivo hiulcus, utilizzato per indicare qui i circoli celesti “divisi tra loro”, sia spiegato talora dai glossari con , ossia con il termine impiegato da Numenio (sia pure in un contesto non immediatamente assimilabile).43 Va detto comunque che il motivo dell’anima-fonte compare già in Arnobio, nat. 2, 25, un passo della polemica contro i viri novi che è stato considerato come ispirato dagli OC o da Numenio, anche per via dell’immagine delle geminae mentes, ossia l’intelletto dalla duplice funzione che viene dopo il dio sommo:44 di incessante continuum cfr. anche i riferimenti offerti, a proposito di Macrobio, da Gersh, Middle Platonism 533 sgg. Importante è la dottrina, ad essa legata, del corpo astrale, che avrà notevole fortuna nel Rinascimento, come ben dimostrato da Culianu, che riprende e sviluppa Walker. Lo sviluppo di queste dottrine in Servio, ben più ampio che non nel breve accenno di Favonio, è trattato diffusamente in Setaioli, La vicenda dell’anima 73 sgg. 42 Oltre ad una eventuale fonte filosofica soggiacente a Boezio si deve però notare il referente poetico immediato, ossia Sen., Med. 335, bene dissaepti foedera mundi. 43 Cfr. anche il summus Pater che da una hiulca nube approva in Claud., paneg. dictus Olybrio et Probino coss. 206. Una giuntura affine (nimbis hiulcis) è impiegata dallo stesso poeta in rapt. Pros. 2, 230. Probabilmente si tratta di un’estensione del significato attivo che in Stat., Theb. 1, 26 assume il fulmine (“che fa dividere”). 44 Cfr. Num. frg. 16 (Eus., PE XI 22, 3-5), secondo cui il secondo dio, l’intelletto, da una parte è rivolto verso l’esterno, in quanto crea il mondo, dall’altra si rivolge all’interno di sé, in quanto contempla il primo dio, una distinzione che ricorrerebbe parimenti negli OC (e, oltre, in Mario Vittorino). Tale immagine sembra impiegata anche da Claudiano, paneg. dictus Manlio Theodoro cos. 104: cfr. Moreschini, “Paganus pervicacissimus” e Seng, 158 sgg. (che intende nel passo di Claudiano mens = anima). L’immagine dei crateres, che in ultima analisi derivano
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Haecine est anima docta illa quam dicitis, immortalis perfecta divina, post deum principem rerum et post mentes geminas locum optinens quartum et afluens ex crateribus vivis?45
In Mario Vittorino la metafora della fontana da cui sciaborda l’acqua è impiegata anche a proposito della generazione divina, accompagnata da ulteriori formulazioni che denotano la soprabbondanza in Candid., Epist. § 7: Dicunt autem quidam, quod iuxta superplenum generatio a deo. superplenum autem dicunt, sicuti fons superebulliens habet, quod superabundet, effundens et semper plenus, sic et a deo, quemadmodum et a fonte, quod superest, effunditur, et haec est generatio a deo. in eadem rursus incurrit ratio.
Infine, anche nella lunga sezione di Macrobio sul descensus dell’anima, di cui abbiamo già accennato in precedenza, il motivo è ripreso con una certa ampiezza. Il passo di Macrobio, analizzato in extenso da Elferink, De Ley e più recentemente da Gersh,46 sembra ispirarsi per larga misura a Numenio, per quanto non si possano tralasciare suggestioni porfiriane (e forse tramite esse derivava la conoscenza del filosofo di Apamea). Esso presenta, però, anche lo sviluppo di un modello metafisico geometrizzante, in cui ci si richiama al Timeo per descrivere la progressione delle anime: 5. Illinc ergo, id est a confinio quo se zodiacus lacteusque contingunt, anima descendens a tereti, quae sola forma diuina est, in conum defluendo producitur, sicut a puncto nascitur linea et in longum ex indiuiduo procedit, ibique a puncto suo, quod est monas, uenit in dyadem, quae est prima protractio. 6. Et haec est essentia quam indiuiduam eandemque diuiduam Plato in Timaeo, cum de mundanae animae fabrica loqueretur, expressit. [...] 11. Haec est autem hyle, quae omne corpus mundi quod ubicumque cernimus, ideis impressa, formauit. Sed altissima et purissima pars eius, qua uel sustentantur diuina uel constant, nectar uocatur et creditur esse potus deorum, inferior uero atque turbidior potus animarum, et hoc est quod ueteres Lethaeum fluuium uocauerunt. [...] 13. Hoc ergo primo pondere de zodiaco et, lacteo ad subiectas usque sphaeras anima delapsa, dum et per illas labitur, in singulis non solum, ut iam diximus, luminosi corporis amicitur accessu, sed et singulos motus, quos in exercitio est habitura, producit: 14. in Saturni, ratiociapertamente dal Timeo, compare nel fr. 42 degli OC. Krämer 236 per l’interpretazione dei due intelletti. Per tutto il passo arnobiano si veda l’ancora fondamentale indagine di Mazza 129 sgg. 45 Majercik, “A reminiscence ...” per altri riferimenti nella letteratura greca. 46 Elferink; De Ley; Gersh, Middle Platonism 564.572 sgg.; Armisen-Marchetti I 164 sgg.
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nationem et intellegentiam, quod et uocant; in Iouis, uim agendi, quod dicitur; in Martis, animositatis ardorem, quod nuncupatur; in Solis, sentiendi opinandique naturam, quod et appellauit; desiderii uero motum, quod uocatur, in Veneris; pronuntiandi et interpretandi quae sentiat, quod dicitur, in orbe Mercurii; uero, id est naturam plantandi et augendi corpora, in ingressu globi lunaris exercet. 15. Et est haec, sicut a diuinis ultima, ita in nostris terrenisque omnibus prima. Corpus enim hoc, sicut faex rerum diuinarum est, ita animalis est prima substantia. [...] 17. Nec te moueat quod de anima, quam esse immortalem dicimus, mortem totiens nominamus. Et enim sua morte anima non extinguitur, sed ad tempus obruitur, nec temporali demersione beneficium perpetuitatis eximitur, cum rursus e corpore, ubi meruerit contagione uitiorum penitus elimata purgari, ad perennis uitae lucem restituta in integrum reuertatur.
Riteniamo particolarmente interessante accostare il testo di Favonio e quello di Macrobio, per varie ragioni. La prima è il fatto che Macrobio introduce (in una sezione che abbiamo omesso di citare) l’esegesi allegorica del Cancro e del Capricorno, come già faceva Numenio; il richiamo a queste due costellazioni, sebbene in un senso differente rispetto a Numenio-Macrobio, si ravvisa anche nel cap. 18 di Favonio, ove compare parimenti la nozione della sfera . Secondariamente, vediamo come l’idea del descensus dell’anima sia accompagnata dalla menzione di un fluire continuo attraverso le sfere (otto), che produce differenti caratteristiche: questo sembra essere molto vicino a quanto osservava Servio, per il quale le passioni umane sono il prodotto del fluire dello Stige. I differenti moti, invece, possono accostarsi al brano di Marziano. Infine, il modello geometrico e l’idea della diade come estensione della monade richiama il secondo passo in cui verisimilmente Favonio si riferisce agli OC, vale a dire l’inizio del capitolo 6, che parimenti contiene un richiamo a Virgilio, nel riferimento a Giunone, “sposa del gran Giove e suora” (Aen. 1, 46-48: ast ego, quae diuom incedo regina, Iouisque / et soror et coniunx, una cum gente tot annos / bella gero). [1] Dyas uero, ut theologi asserunt, secundus est motus. Primus enim motus in monade stabilis et consistens, in dyadem uelut foras egreditur: [2] primumque conubium poetae fabulose dixerunt sororis et coniugis, quod uidelicet unius generis numero coeunte copuletur: et Iunonem uocant, uni scilicet Ioui accessio alterius inhaerentem.47 47
“Il due in realtà, come dicono gli esperti del divino, è il secondo movimento, giacché il primo, stabile e permanente nella Monade, si riversa nel due come se
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Ora, l’interpretazione ‘fisica’ di Giunone, sulla scorta del gioco anagrammatico tra ed , non è certo nuova, attestata com’è in latino fin dai tempi del de Natura deorum ciceroniano (2, 66), e in greco già da Parmenide ed Empedocle;48 inoltre, come ha mostrato Alfonso Traina in una raffinata indagine lessicale, il nesso solenne et soror et coniunx attraversa tutto il corso della letteratura latina, classica e cristiana.49 Il testo ciceroniano già presenta, peraltro, anche l’interpretazione affine e correlata (benché meno attestata), tra Iuppiter e aither. Tra le fonti tardoantiche che offrono questo tipo di esegesi tradizionale possiamo ricordare inoltre Servio e Macrobio.50 Più originale sembra invece l’etimologia ‘aritmologica’ qui offerta da Favonio con riferimento al connubio con Iuppiter, ossia il numero uno. Anche in questo caso, il passo presenta un richiamo ad una autorità, che Favonio mostra di seguire. Si tratta di quei theologi, identificati con gli OC da Pierre Hadot, al quale si deve anche chiaramente l’accostamento con passi di Mario Vittorino in cui ricorre la stessa immagine del secondo moto che fuoriesce dal primo, il quale propriamente non è moto, ma stasi: “le premier mouvement est immobile et en repos ; il reste à l’intérieur ; mais il peut aussi sortir au-dehors ; il y a uscisse fuori. E i poeti nei loro miti lo hanno indicato come il primo matrimonio della sorella e sposa, perché naturalmente si costituisce per l’aggregazione di un numero di un solo tipo. E lo chiamano Giunone perché si unisce all’uno, cioè a Giove, con l’aggiunta di un altro numero”. 48 Cfr. la ricca messe di materiali offerta in Pease 716 sg. Secondo Gersh, Middle Platonism 521 si tratta di esegesi che, in latino, rimontavano a Varrone: cfr. infatti il frg. 28 Cardauns. 49 Cfr. Traina, da cui derivo l’informazione per cui il nesso soror et coniunx di ascendenza ciceroniana viene di gran lunga preferito rispetto a coniunx et germana, attestato però in due autori africani, dalla prosa particolarmente elaborata quali Apuleio e Marziano Capella. 50 Serv., Aen. 1, 47: physici Iouem aetherem, id est, ignem, uolunt intellegi, Iunonem uero aerem et quoniam tenuitate haec elementa paria sunt, dixerunt esse germana. Sed quoniam Iuno, hoc est aer subiectus est igni, id est Ioui, iure superposito elemento mariti traditum nomen est; Macr., somn. 1, 17, 15: hinc et Iuno soror eius et coniunx vocatur. Est autem Iuno aer; et dicitur soror, quia isdem seminibus quibus caelum etiam aer procreatus; coniunx, quia aer subiectus est caelo. Cfr. anche Mart. Cap. 2, 149, con richiamo alla potestà sull’aere. Differente la spiegazione di Aug., civ. 4, 10: Cur illi etiam Iuno uxor adiungitur, quae dicatur Soror et coniux? Quia Iovem, inquiunt, in aethere accipimus, in aere Iunonem, et haec duo elementa coniuncta sunt, alterum superius, alterum inferius. Non est ergo ille, de quo dictum est Iovis omnia plena, si aliquam partem implet et Iuno. An uterque utrumque implet, et ambo isti coniuges et in duobus istis elementis et in singulis simul sunt? Cur ergo aether datur Iovi, aer Iunoni?
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donc continuité entre le mouvement tourné vers l’intérieur et le mouvement tourné vers l’extérieur ; mais le mouvement tourné vers l’intérieur représente un état transcendant d’unité et de simplicité parfaites”.51 Si confrontino Adv. Ar. 4, 8, 26-29 e 3, 2, 27-35 rispettivamente: esse enim primus motus est qui cessans dicitur motus, idem intus motus; cum enim se ut exsistat operatur, recte et intus motus et cessans motus est nominatus; idemque motus, cum intus in se est, idem est quod substantia, qui cum inde spectat et ut foras emineat, id est ut operetur atque agat, hic partus est, hic natalis et, quia motus unus est, unigenitus filius. Motus autem unus siue illa uita siue intelligentia. Etenim uitam motum esse necesse est. Viuefacit enim omnis uita. Unde motus est uita, qui, siue in se exsistens atque in se conuersus, substantia ipse sibi est, siue foras spectat, unde magis dicitur motus.
Analogamente, il motivo della diade che si sviluppa quasi fuoriuscendo dalla monade compare anche in Marziano 7, 732: denique cum unum facta in quodcumque defluxerit, licet eius linea insecabilis ac sine latitudinis significatione fundatur, dyadem tamen facit.
Questa stessa metafora ricorre già in 728 a proposito della progressiva estensione, punto, linea, superficie che si svilupperebbe dal volto di Aritmetica, ma è attestata anche in Macr., somn. 1, 6, 18 (sempre a proposito della diade) e soprattutto in 1, 12, 5, un passo che, come già osservato in precedenza, è ispirato prevalentemente dalle dottrine di Numenio.52 Significativamente, essa è impiegata anche da Mario Vitto51
P. Hadot, Porphyre I 287. L’opposizione tra immobilità e movimento, in cui il primo principio si configura come motus stabilis, se in ultima analisi risale alla dottrina aristotelica del motore immobile, diviene però di centrale importanza nelle speculazioni medioplatoniche per spiegare il passaggio dall’unità al molteplice. Esso è fatto proprio anche dagli Gnostici (si veda l’importante studio di Williams) e, in ambito latino, è largamente utilizzato da Mario Vittorino per spiegare i rapporti tra le prime due Persone della Trinità. Per il Neoplatonismo più tardo cfr. Gersh, . Sul ruolo della diade e la sua derivazione dalla monade cfr. Krämer 322; Dillon, “Female principles ...” e le considerazioni da noi svolte in Tommasi, “L’androginia divina ...”, con riferimento anche all’imagerie sessuale dei primi tre numeri. 52 Philo, Opif. 40, p. 16, 1; Iambl., in Nicom. arithm. p. 57, 7; Procl., in Eucl. Elem. p. 97, 13 sgg.: , , , .
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rino, Adv. Ar. 1, 60, 22 sgg. Per la matrice caldaica dell’immagine, va inoltre sottolineato come l’uso di termini di ascendenza comunque platonico-pitagorica quali monas e dyas richiamino, secondo Hadot, le immagini dell’ e del , cui si è già accennato. Per quanto concerne la citazione virgiliana, a favore dell’ipotesi (che resta in ogni caso indimostrata) del commento virgiliano e della paternità di Vittorino si può forse aggiungere – cosa, a quanto mi sembra, sinora sfuggita alla critica – che il passo, già posto in luce da Norden e Hadot, del commento vittoriniano all’epistola agli Efesini,53 nel quale Vittorino cita esplicitamente e allegorizza un verso dell’Eneide (1, 58) può essere strettamente correlato a quello cui fa riferimento Favonio. Essi, infatti, muovono da versi virgiliani assai vicini tra loro, ossia l’ordine che la sdegnata Giunone impartisce ad Eolo, dio dei venti, di scatenare la tempesta e di far naufragare i Troiani. Doveva trattarsi quindi di una sezione di commento assai compatta: Spiritus satanas et eius diabolus hic substantiam de aere habet, id est de hyle atque materia, et potestatem in ipsa materia vel in eos qui materialiter sentiunt. Est ergo ille princeps eius potestatis quae in aere est, id est in materia, qui princeps spiritus est, sed, ut dixi, materiae atque in materiis nunc operatur, in filiis diffidentiae, id est eorum animos tenet et ibi dominatur. Ergo qui vivit secundum saeculum huius mundi, vivit secundum principem potestatis aeris, spiritus qui nunc operatur in filiis diffidentiae. Est autem lectio duplex: spiritus nunc operantis, et spiritus qui nunc operatur. Aeris autem vel principem vel spiritum materiae nos quidem diximus, ratio tamen vehemens illa est quod ipse est inter elementa princeps, aer scilicet. Nam et ignis aer agitatus est et aqua aer humectus est, terra aer siccus et solidus, qui si omnia se cum habeat, ipse est chaos, id est tenebrae et materia tenebrarum. Ignis autem purior aether et caelum est, qui est aer agitatione succensus. Nam cum poeta ventorum describeret potestatem, qua possent omnia confundere nisi regerentur, in aerem dixit cuncta converti, si venti habeant liberam potestatem: ni faciat, maria ac terras caelumque profundum / quippe ferant rapidi se cum verrantque per auras. Horum separatio singulorum mundi dispositio, sicut Moyses docuit, qui separavit aquas in principio per dei verbum, separavit et terram, separavit et spiritum. Ergo merito materiae spiritus aeris spiritus dicitur.
, , , . 53 A proposito della pericope di Ef 2, 1. Et vos cum essetis mortui delictis et peccatis vestris, in quibus aliquando ambulastis secundum saeculum huius mundi, secundum principem potestatis aeris, spiritus qui operatur in filiis diffidentiae.
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Vittorino identifica dunque il principe della potenza aerea con il principe della materia, e dunque l’aria con la materia stessa, in quanto essa è il primo dei quattro elementi; tali elementi, peraltro, sono ancora confusi e permangono nello stato di caos, giungendosi a separare solo con la creazione del mondo, in una ripresa della teoria ascritta ad Anassimene sulla progressiva rarefazione e solidificazione dell’aria.54 Il debito con Porfirio e, per suo tramite, con l’esegesi degli OC, appare palese. Infatti, stando alla testimonianza di Agostino, Porfirio attribuiva ai demoni natura pneumatica e asseriva che essi vivevano nella sfera sublunare; egli conosce inoltre l’idea di un capo-demone che si chiama Planos (ossia “Ingannatore”), che facilmente si prestava ad essere identificato da parte dei Cristiani con Satana.55 Ma Porfirio conosce parimenti l’esegesi allegorica di Hera come potenza dell’aria e dell’etere (un’aria più sottile, ripresa da Vittorino nell’espressione aether purior), e soprattutto come potenza perversa.56 L’esegesi porfiriana si innesta su una dottrina largamente presente negli OC, che vede i demoni come prodotto della materia malvagia. Il parallelo poc’anzi citato con Marziano ci porta, infine, a considerare un’ultima esegesi numerologica offerta da Favonio, quella a
54
Cfr. P. Hadot, Marius Victorinus 219, con richiamo allo studio di Boyancé, “Note sur l’éther ...”. Alle pagine di Hadot siamo inoltre debitori per gran parte delle osservazioni che seguono a proposito di Porfirio e dei demoni. 55 Porph., Ep. Aneb. p. 31, 2 Sodano, con la parafrasi di Aug., civ. 10, 11 (= fr. 65y S. - S.). 56 La testimonianza porfiriana è riferita da Enea di Gaza, Theophr. PG 85, 940; ma si tratta di un’esegesi corrente, come dimostra ad es. Orig., contra Celsum 6, 42. Se ne vedano anche le riprese di Aug., civ. 10, 21: i martiri sono eroi (paretimologia con Era), perché hanno sconfitto i demoni, potenze dell’aria (il passo termina con una esplicita citazione di Porfirio: Hos multo elegantius, si ecclesiastica loquendi consuetudo pateretur, nostros heroas vocaremus. Hoc enim nomen a Iunone dicitur tractum, quod Graece Iuno appellatur, et ideo nescio quis filius eius secundum Graecorum fabulas Heros fuerit nuncupatus, hoc videlicet veluti mysticum significante fabula, quod aer Iunoni deputetur, ubi volunt cum daemonibus heroas habitare, quo nomine appellant alicuius meriti animas defunctorum. Sed a contrario martyres nostri heroes nuncuparentur, si, ut dixi, usus ecclesiastici sermonis admitteret, non quo eis esset cum daemonibus in aere societas, sed quod eosdem daemones, id est aerias vincerent potestates et in eis ipsam, quidquid putatur significare, Iunonem, quae non usquequaque inconvenienter a poetis inducitur inimica virtutibus et caelum petentibus viris fortibus invida.
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proposito del numero sette, che pure presenta numerosi elementi tradizionali, essendo identificato con Minerva fin da Varrone:57 Septimus igitur solus nec creatur ex binis unius generis numeris nec ipse alium geminatus effundit: unde merito Minerua sine matre, uirgo sine procreatione perhibetur.58
Il sette viene denotato come “vergine senza prole”, poiché non produce alcun numero all’interno della prima serie. Si tratta, anche in questo caso, di esegesi vulgate, come dimostrano: Chalc., comm. 36: Deinde alia quoque septenarii numeri proprietas consideratur, quam ceteri numeri non habent, siquidem, cum alii numeri, qui finibus decimani numeri continentur, partim ipsi alios pariant, partim ab aliis pariantur, partim et pariant alios et pariantur ab aliis, solus septenarius numerus neque gignat ex se alium numerum infra decimanum limitem neque a quoquam ipse nascatur ... solus septenarius numerus neque ex duplicatione alterius nascitur nec infra decimanum limitem parit quemquam. proptereaque Minerua est a ueteribus cognominatus, item ut illa sine matre perpetuoque uirgo; Macr., somn. 1, 6, 11: huic autem numero, id est septenario, adeo opinio uirginitatis inoleuit, ut Pallas quoque uocitetur. Nam uirgo creditur quia nullum ex se parit numerum duplicatus qui intra denarium coartetur, quem primum limitem constat esse numerorum; Pallas ideo, quia ex solius monadis fetu et multiplicatione processit, sicut Minerua sola ex uno parente nata perhibetur; Mart. Cap., 7, 738: at heptas, quod nihil gignit, eo uirgo perhibetur, sed quod nullo nascitur, hinc Minerua est.
Minerva, peraltro, viene celebrata da Marziano in apertura del sesto libro, a marcare il passaggio al quadrivio, in termini fortemente caldaizzanti, come potenza demiurgica e intellettuale, che richiama molto da vicino il ruolo di pensiero demiurgico immateriale (ovvero le ‘forme’) ricoperto nel sitema di Proclo, come dimostrano i versi che seguono: Virgo armata decens, rerum sapientia, Pallas, aetherius fomes, mens et sollertia fati, 57
Varro ap. Gell., 3, 10, 1. Cfr. anche Plut., Is. 354 sg.; Theon., 103 Hiller. Di ciò discute anche Krämer 29. 58 “Quindi solo il numero sette allo stesso tempo non è creato da due numeri dello stesso genere né, se raddoppiato, crea un altro numero: per questi motivi a buon diritto è detto Minerva senza madre e vergine senza prole”.
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ingenium mundi, prudentia sacra Tonantis, ardor doctificus nostraeque industria sortis, quae facis arbitrium sapientis praevia curae ac rationis apex divumque hominumque sacer nus, ultra terga means rapidi ac splendentis Olympi, celsior una Iove, flammantis circulus aethrae, in numeris, prior igni, tertia Luna, quam docto assimulant habitu qui agalmata firmant hinc nam tergeminae rutilant de vertice cristae, quod dux sanguineo praesulque corusca duello, vel tibi quod fulget rapiturque triangulus ignis.
Essi presentano alcuni attributi tradizionali dell’intelletto caldaico (aetherius fomes; ardor doctificus; ignis flos; rationis apex; sacer nus), oltre all’idea dell’etere quale principio dell’intelligenza.59 Si deve inoltre osservare il richiamo alla teurgia e all’operazione telestica che coinvolge le statue nell’espressione qui agalmata firmant, subito seguita da due versi intessuti di preziosi richiami virgiliani. Di un certo interesse, il richiamo alla Luna, che anche altrove è connessa al numero sette,60 ovvero con Atena-Minerva,61 mentre nell’attributo tertia si può forse leggere un’allusione ai tre aspetti di Ecate, già peraltro affiancati a quelli ‘lunari’ di Atena da Porfirio (ap. Eus., PE III 11, 31).62 Benché in Favonio non si ritrovino questi elementi, è tuttavia possibile ipotizzare che le due esegesi (il numero sette come Minerva e Minerva come intelletto demiurgico ovvero come moto o diade) fossero 59
Iul., In Hel. 139 c. In prudentia sacra Tonantis si deve forse scorgere un’allusione al : va osservato come Macr., Sat. 1, 17, 70 utilizzi lo stesso nesso riferendolo a Minerva e rifacendosi all’autorità di Porfirio: per questo passo Gersh, Middle Platonism ... 560, che scorge reminiscenze dall’esegesi degli OC. 60 Anche se per motivi differenti: perché settima tra i pianeti (Macr., somn. 1, 6, 48), oppure perché sette sono le sue fasi (Fav. Eul. 12, 4). 61 Fin da Varrone: cfr. frg. 205 e 277 Cardauns; Arnob., nat. 3, 31; Aug., civ. 7, 16; Procl., In Tim. I 159, 26. L’idea che Minerva sia più alta rispetto a Giove, in quanto nata dal suo capo, è di origine stoica e vi si dovrà scorgere una reminiscenza della tripartizione dell’aria tra Minerva (la parte più alta), Giove (la mediana) e Giunone (la più bassa), di cui Macr., Sat. 3, 4, 8: cfr. al riguardo la nota di Champeaux 132. 62 Cfr. Verg., Aen. 4, 511. Per tutto il passo si veda J. Préaux, “Pallas, tertia lunae”, che riassume anche i problemi della tradizione manoscritta. In particolare lo studioso mette in evidenza (348) il sincretismo porfiriano tra Ecate ed Atena, osservando, nella sezione conclusiva, come i tre inni posti da Marziano nei punti chiave dell’opera (inno ad Eros in apertura; inno ad Atena come ‘proemio al mezzo’; l’egersimon ineffabile di 9, 911 che celebra Iuppiter) richiamino aspetti cari al Neoplatonismo. Del valore sacrale di egersimon discute recentemente Schievenin 19 sgg.
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talora congiunte tra loro. Questo appare, per esempio, in Macrobio. Del pari, l’idea del descensus o del regressus dell’anima e l’idea di un’anima universale datrice di molteplicità è largamente attestata in epoca tardoantica. Quello che ci sembra interessante sottolineare è la commistione dell’elemento aritmologico e l’esegesi platonizzante, non disgiunta da richiami alla misteriosofia caldaica.63 Pur nella brevità (e di conseguenza nella minor importanza) della sua opera, Favonio Eulogio, pertanto, costituisce tuttavia un ulteriore capitolo nella storia del platonismo latino (spesso legato ad interpretazioni più arcaiche rispetto ai coevi sviluppi greci, come si è visto nel caso delle riprese da Numenio) e delle correnti ‘esoteriche’ che a pieno diritto rientrano nella sua vicenda storica.
63
Interessanti al riguardo le considerazioni svolte da Krämer 63 sgg. a proposito dei rapporti tra Senocrate, Numenio e gli OC. Ricordiamo infatti che il nome di Senocrate appare anche nella Disputatio, al cap. 5, per la concezione del numero come dio (Krämer 40 sgg.). Per la monade in Favonio cfr. Krafft.
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Pour un index des références latines aux Oracles. Les exemples de Marius Victorinus et de Martianus Capella Si depuis le début des années 1970, les savants ont relevé chez les auteurs latins des références chaldaïques, la réception latine des Oracles chaldaïques n’a pas encore fait l’objet d’une étude systématique approfondie.1 De plus, l’index de l’édition des Belles Lettres s’avère être extrêmement insuffisant : saint Augustin, qui dans le livre X rapporte un certain nombre d’opinions de Porphyre sur la théurgie chaldaïque, n’a pas été pris en compte.2 De même, alors que Martianus Capella, comme des Places lui-même l’affirme, est le seul auteur païen (à l’exception de Claudien ou de Macrobe) à reprendre des expressions des Oracles chaldaïques, il ne fait l’objet que de deux renvois. Il serait ainsi intéressant à long terme de dresser une liste exhaustive des Oracles à partir de l’index d’É. des Places et d’H. Lewy,3 mais aussi en reprenant les articles et ouvrages consacrés séparément aux divers auteurs, en nous aidant également des outils informatiques. Plus modestement dans cet article, nous nous proposerons en guise d’introduction au recensement, d’analyser deux cas différents de la réception latine des Oracles. En effet, alors que le langage symbolique des Oracles chaldaïques semblerait a priori résister à toute rigueur conceptuelle, sur le plan dogmatique, les néoplatoniciens ont au contraire cherché à montrer la cohérence de la théologie chaldaïque. À cet égard, Marius Victorinus et Martianus Capella nous paraissent témoigner d’une profonde ambivalence. Le premier, rhéteur de Rome et néoplatonicien 1
Nous tenons à remercier infiniment pour commencer Lucia Saudelli et Adrien Lecerf pour leur soutien constant dans ce projet ; leurs remarques et corrections nous ont été précieuses. Nous remercions aussi chaleureusement Chiara Tommasi et JeanBaptiste Guillaumin qui ont eu l’extrême gentillesse de relire la partie sur Martianus Capella et de nous faire part de leurs conseils lumineux. Nous rappellerons l’article d’É. des Places, « Les Oracles chaldaïques dans la tradition patristique africaine ». 2 Ce n’est en revanche pas le cas pour l’article cité n. précédente dans lequel des Places commente de longs passages du Livre X de la Cité de Dieu, p. 31-36. 3 Lewy ; des Places, Oracles.
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converti au christianisme, né entre 281 et 291, exploite uniquement le système théologique ; à rebours, le second, auteur païen du Ve siècle, aborde non seulement la doctrine chaldaïque mais aussi ses pratiques théurgiques dans la perspective de la défense du paganisme ; bien plus, il exploite l’expressivité poétique des images chaldaïques. 1 Les passages ‘chaldaïques’ dans les traités théologiques de Marius Victorinus : note sur le contexte exégétique Cette première partie, conçue comme un complément modeste aux deux ouvrages de P. Hadot, son édition Traités théologiques sur la Trinité et Porphyre et Victorinus, vise à examiner la liste des passages à caractère chaldaïque dans les traités théologiques de Marius Victorinus en précisant le contexte exégétique dans lequel ils apparaissent. Il s’agit pour nous, non pas de mener une analyse exhaustive sur chacun de ces textes, mais simplement de donner un ensemble de repères qui seront à même de circonscrire les thèmes philosophiques ou théologiques marqués de manière significative par l’influence des Oracles chaldaïques (OC). Afin d’expliciter le sens de notre démarche, il paraît utile, dans un premier temps, de passer en revue les principales études et contributions concernant les OC chez notre rhéteur de Rome.4 Dans l’édition des ‘Sources chrétiennes’ des Traités théologiques sur la Trinité de Marius Victorinus,5 P. Hadot avait relevé dans l’index des auteurs (vol. II 1140), une trentaine de passages qui, selon lui, paraissaient témoigner de l’influence des OC, du point de vue à la fois de la terminologie et de l’exposé doctrinal. Ces rapprochements étaient établis à l’aide du recueil des fragments des OC, De Oraculis chaldaicis, réunis par W. Kroll (1895). Par la suite, dans son article de 1962 consacré à la Trinité chrétienne, P. Hadot attirait à nouveau l’attention, mais de manière épisodique, sur l’emploi du vocabulaire des OC dans la description de l’âme hypostase chez le rhéteur de Rome,6 mais c’est avec 4
Nous nous appuyons ici sur la liste des études recensées par Tardieu (dans la troisième édition de Lewy, Chaldaean Oracles), dans le chapitre intitulé : « compléments par M. Tardieu, E. R. Dodds, P. Hadot, 13. Les Oracles Chaldaïques 1891-2011, réception et fragments », p. 744, « Marius Victorinus ». 5 P. Hadot, Traités théologiques. 6 Cf. P. Hadot, « L’image de la Trinité » 436 où il donne à comparer, sans s’engager dans un développement exhaustif, les termes bipotens et gemini luminis, désigant la double puissance de la vie et de la pensée contenue dans l’âme, avec des OC, cf. infra n. 55.
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l’article de 1966, « La métaphysique de Porphyre », que l’importance des OC est pleinement mise en lumière et annonce, sur bien des points, l’ouvrage de référence sur ce même thème, Porphyre et Victorinus : bénéficiant de l’apport des Chaldaean Oracles de Hans Lewy, ces études mettent à jour l’influence décisive qu’ont exercée les OC dans la formation de la métaphysique de Porphyre. En effet, ce serait dans un souci de concilier la révélation des OC (fortement influencée par le moyen platonisme qui dénote une certaine proximité avec Numénius)7 avec la philosophie de Plotin que Porphyre aurait élaboré un système métaphysique qui supporte à la fois la transcendance de l’Un (identifié à l’Un hypostase de Plotin et au Père de la triade chaldaïque) et sa coordination avec les réalités qu’il engendre (l’Intellect hypostase plotinien d’une part, et Puissance et Intellect des OC de l’autre).8 C’est effectivement la trace de cette doctrine qui est relevée dans le commentaire anonyme sur le Parménide de Platon que P. Hadot attribue à Porphyre,9 et c’est cette même doctrine qui est reprise, dans l’ensemble, par Marius Victorinus dans ses traités théologiques.10 Or, la monographie qu’il consacre à Marius Victorinus en 1971 n’apporte pas de nouveaux éléments sur cette question.11 À la suite de ces travaux, Édouard des Places, l’éditeur et traducteur des OC dans la collection des Belles Lettres, publie deux articles,12 mais il s’en tient à commenter quelques-uns des passages des traités théologiques de Victorinus les plus notables à l’égard des OC en s’appuyant essentiellement sur les travaux de P. Hadot. À côté de ces approches qui intéressent proprement les études néoplatoniciennes, ces mêmes traités théologiques ont également suscité un grand intérêt auprès des spécialistes de la gnose depuis la découverte de parallèles entre l’Adversus Arium livre I B13 de Marius Victorinus et
7
Sur cette question, cf. P. Hadot, « Bilan et perspectives » 707-709. Cf. P. Hadot, Porphyre I 95-98. 9 P. Hadot, Porphyre I 102-112. 10 Toutefois, il n’est pas sûr que Victorinus ait lu le commentaire de Porphyre au Parménide. Cf. P. Hadot, Porphyre I 143. 11 P. Hadot, Marius Victorinus, cf. 220.222.226 sq. 12 Des Places, « Les Oracles chaldaïques dans la tradition patristique africaine » ; « Les Oracles Chaldaïques ». Ce dernier est une reprise quasi littérale du précédent. 13 Adversus Arium I B, I 49, 9-17 ; 49, 17-40 ; 50, 1-4 ; 50, 4, 21. Ces passages ont été identifiés par P. Hadot, Porphyre II 27-29 comme des textes d’origine porphyrienne et classés sous les n° de paragraphes suivants, respectivement, § 36 ; § 36b ; § 37 ; § 41. Ces correspondances textuelles nous ont été fournies par Tardieu, Re8
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l’Apocalypse de Zostrien connue par la version copte des Nag Hammadi codices VIII 1. C’est un dossier qui comporte plusieurs articles, dont ceux de Majercik et d’Abramowski14 dont nous ne traiterons pas ici faute de compétence en ce domaine, mais il importe néanmoins de citer l’étude capitale de Michel Tardieu15 qui a donné une orientation radicalement nouvelle à l’étude des traités théologiques de M. Victorinus depuis les travaux de P. Hadot : à partir d’un ensemble d’indices doctrinaux et terminologiques, il émet l’hypothèse que la source des parallèles trouvés dans ces deux versions, c’est-à-dire latine et copte, ne serait ni d’origine néoplatonicienne, ni gnostique, mais de nature médio-platonicienne, et il cite comme auteur probable Numénius.16 La provenance médioplatonicienne des passages en question qui remet partiellement en cause la thèse de P. Hadot, a été globalement admise par ce dernier.17 Enfin, dans un ultime article intitulé « Bilan et perspectives sur les Oracles chaldaïques » et publié en fin de la deuxième édition des Chaldaean Oracles de H. Lewy par M. Tardieu, P. Hadot faisait le point sur l’état des recherches, en examinant notamment le rapport entre les OC et plusieurs philosophes platoniciens : Numénius, Plotin, Porphyre, Jamblique principalement. Ce bref parcours suffit à montrer que les études fondamentales concernant le rapport entre les OC et Marius Victorinus restent celles de P. Hadot et celle de M. Tardieu. Mais ces études critiques n’avaient pas encore posé explicitement la question de savoir si la présence des passages chaldaïques chez Marius Victorinus était imputable à une consultation directe ou indirecte des OC, c’est-à-dire, dans ce dernier cas de figure, effectuée par l’intermédiaire de commentaires grecs qui eussent déjà intégré, en amont, ces éléments dans leurs discours exégétiques. Or, à cet égard, il s’avère que P. Hadot avait déjà fourni une cherches 28. À propos de ces textes, réunis sous l’appellation de « groupe II » par P. Hadot, voir Porphyre I 69-71.73.455-460. 14 P. Hadot, « ‘Porphyre et Victorinus’... » 121 : « De nombreux spécialistes du gnosticisme, et tout spécialement L. Abramowski (‘Marius Victorinus, Porphyrius und die römischen Gnostiker’) et R. Majercik (‘The Existence-Life-Intellect Triad in Gnosticism and Neoplatonism’) avaient noté la présence de la triade être-vie-pensée dans plusieurs écrits de la bibliothèque de Nag Hammadi et posé clairement le problème des rapports entre Victorinus, Porphyre et certains écrits gnostiques ». 15 Tardieu, Recherches, en particulier ch. III 27-45 qui compare le texte latin de Marius Victorinus et les fragments de l’Apocalypse de Zostrien. 16 Cf. Tardieu, Recherches 112. 17 Mais non sans quelque nuance. Cf. P. Hadot, « ‘Porphyre et Victorinus’... » 117125, voir en particulier 124 sq.
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réponse implicite, si l’on examine de près deux de ses études les plus importantes sur Marius Victorinus : l’édition Traités théologiques sur la Trinité et Porphyre et Victorinus. Le premier des ces deux ouvrages proposait donc, à l’index des auteurs cités (vol. II 1140) une liste d’une trentaine de passages à caractère chaldaïque. Cette liste que nous avons reproduite plus bas montre que les passages en question étaient répartis de manière assez homogène sur l’ensemble des traités théologiques, c’est-à-dire dans Ad Candidum ; Adversus Arium livre I A (pars prima), I B (pars altera), III, IV, exception faite de la lettre de Candidus à Victorinus (Candidi epistola). À cela, s’ajoutent deux autres passages tirés des Hymnes I et II, traduits et commentés en fin des mêmes volumes des Sources Chrétiennes. Or, dans la seconde publication, P. Hadot se proposait d’identifier, dans les traités théologiques de Marius Victorinus, un très grand nombre de « morceaux purement néoplatoniciens » – 89 au total –, c’est-à-dire des morceaux de textes qui, selon lui, sont vraisemblablement des traductions littérales ou des adaptations fidèles du document grec utilisé par notre auteur latin. L’analyse menée par P. Hadot avait montré, à l’époque, que ces morceaux étaient de sources grecques différentes mais dépendant néanmoins d’une seule et même doctrine philosophique parce qu’ils développent trois thèmes porphyriens : « Dieu non-étant au-dessus de l’étant » ; « La triade intelligible : être vie et pensée » ; et « L’Un et la triade intelligible ». Les textes choisis étaient donc répartis en trois groupes et reproduits dans le second volume de Porphyre et Victorinus.18 Il nous est alors apparu que la comparaison de ces deux listes mettrait en évidence les passages chaldaïques qui ont été incorporés dans les « morceaux purement néoplatoniciens », et montrerait dans quel topos porphyrien ils se trouvent répartis, car c’est un point que P. Hadot n’avait pas, semble-t-il, mis en évidence. Par ailleurs, en même temps que ce recoupement, il nous paraît tout aussi nécessaire de signaler, le cas échant, les parallèles relevés dans les traités théologiques de Victorinus et l’Apocalypse de Zostrien, afin de voir si certains textes chaldaïques se trouvent intégrés dans les écrits gnostiques. Donc, en vue d’évaluer l’origine néoplatonicienne des passages chaldaïques et le contexte de leur citation, nous avons reproduit ci-dessous deux tableaux : 1) le premier reproduit la liste des passages chaldaïques relevés dans Marius Victorinus, Traités théologiques sur la Trinité, vol. II 1140 ; 2) le second donne la liste des morceaux purement néoplatoniciens relevés 18
Cf. p. 13-55.
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dans les Traités théologiques de Marius Victorinus et répartis en trois groupes par P. Hadot dans Porphyre et Victorinus, vol. II 13-55. Tableau 1 : Les numéros entre crochets [ ] ont été ajoutés par nous pour faciliter les renvois et la citation. Les numéros entre parenthèse ( ) indiquent leur correspondance par rapport aux morceaux néoplatoniciens, reproduits dans le tableau II. Les traités concernés sont Ad Cand.= Epistola ad Candidum ; Adv. Ar.= Adversus Arium, ainsi que les Hymnes = hymn. Les passages relevés par P. Hadot sont au nombre d’une trentaine, mais si l’on supprime les renvois doubles ([19] ; [22] ; [20]), ce nombre se réduit à 25. La colonne de gauche donne la référence des fragments des OC recensés par Kroll, dans le De oraculis chaldaicis. À la suite de ce premier tableau, nous avons reproduit le texte latin de P. Hadot des fragments en question (éd. Sources chrétiennes), et ajouté notre propre traduction, souvent inspirée de celle d’Hadot. p. 11 Adv. Ar. I 57, 14 Kroll
= [1] = (53)
p. 29 Adv. Ar. I 32, 29 = [17] = (25)
p. 13
Adv. Ar. I 56, 21
= [2] = (51)
p. 14
Ad Cand. 9, 5-11
= [3] = (14)
p. 16
Ad Cand. 14, 11 = [4] = (20) ibid. 21, 4 = [5] = (38) Adv. Ar. III 3, 18-26 = [6] = (52) hymn. I 68-73 = [7] Ad Cand. 22, 3-7 = [8] = (18) Adv. Ar. I 50, 20 = [9] = (41) ibid. I 52, 34-36 = [10] = (49) Adv. Ar. I 56, 19 et 20 = [11] = (51) Adv. Ar. IV 5, 31 et 34 = [12] = (65) Adv. Ar. IV 31, 40-45 = [13]
p. 34 Adv. Ar. I 61, 24 = [18] = (57) p. 35 Adv. Ar. IV 11, 20-23 = [19] = (66) ibid. IV 25, 32 = [20] = (83) p. 50 Ad Cand. 1, 6 = [21] = (1) hymn. II 43-46 = [22] p. 52 hymn. II 43-46 = [22]
p. 18 p. 19 p. 20 p. 23 p. 23 -24 p. 24 p. 28
Adv. Ar. I 13, 12 = (39a) Adv. Ar. I 61, 13 Adv. Ar. IV 5, 10
= [14]
p. 55 Adv. Ar. IV 25, 32
= [20]
p. 57 Adv. Ar. IV 15, 23-26 = [23] = (69) p. 60 Adv. Ar. IV 13, 5 = [24] = (68) p. 61 Adv. Ar. I 61, 26 = [25] = (57) (suite immédiate du [18]) p. 62 Adv. Ar. IV 11, 20 = [19]
= [15] = (57) = [16] = (64)
[1] Adv. Ar. I 57, 7-17 : Sanctus ergo spiritus, omnis beatitudo, in prima ingenita generatione, quae sola generatio est et dicitur, ipse pater, ipse filius fuit. Spiritu enim moto a semet ipso, hoc est vitae perfectae in motione exsistentis, volentis videre semet ipsam, hoc est potentiam suam, patrem scilicet, facta est ipsa manifestatio sui, quae generatio est et dicitur, et iuxta hoc foris exsistens. Omnis enim cognoscentia, secundum quod cognoscentia est, foris est ab illo quod cupit cognoscere. Foris
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autem dico, sicut in inspectione, secundum quod est videre semet ipsam, quod est scire vel videre potentiam illam praeexsistentem et patricam. « Donc, le Saint-Esprit, qui est toujours béatitude, fut lui-même Père et Fils dans la première génération inengendrée, qui seule est et est dite génération. En effet, c’est par l’Esprit qui est mu par lui-même, c’est-à-dire c’est dans le mouvement de la Vie parfaite qui s’extériorise pour se voir elle-même (c’est-à-dire sa propre puissance, à savoir le Père) que l’auto-manifestation de l’Esprit, qui est et est dite génération, s’est réalisée et que l’Esprit s’est extériorisé. Car toute connaissance, en tant que connaissance, est au-dehors de ce qu’elle désire connaître [cf. OC 1 v. 10]. Je dis au-dehors, comme dans un regard selon qu’il s’agit de se voir soi-même, c’està-dire de connaître ou de voir cette puissance préexistente et paternelle ». [2] Adv. Ar. I 56, 21-24 : Ut enim dixit Paulus beatus: evangelium est virtus dei et sapientia, virtutem filium adsignificans, quod omnia per ipsum. Verbo enim virtutis fiunt omnia et sapientia sancti spiritus perfecta fiunt omnia. « Car, comme l’a dit le bienheureux Paul : ‘l’Évangile est puissance (uirtus) et sagesse de Dieu’. Par ‘puissance’, il désigne le Fils parce que tout est par lui. En effet, c’est par la parole de la puissance [cf. OC 175 et Lewy, Chaldean Oracles 112 n. 181] que tout est fait et c’est par la sagesse du Saint-Esprit que tout atteint la perfection [cf. OC 4 ?] ». [3] Ad Cand. 9, 5-11 : Sed intellegentia dupliciter operatur: sua propria potentia intellectuali et iuxta imitationem intellegendi etiam sensu. Rursus autem sensus simulacrum cum sit intellecti et imitamentum intellegendi, si perfecte percipit operationem intellegentiae, quae illam fortificat in operari atque agere, efficitur sensus propinquus atque vicinus purae intellegentiae. « Mais l’intelligence opère de deux manières : par sa propre puissance intellectuelle et également, selon une imitation de l’acte de penser, par la sensation [cf. OC 8]. Or, la sensation, à son tour, puisqu’elle est image de ce qui est pensé et imitation de l’acte de penser, devient, si elle capte parfaitement l’acte de l’intelligence (qui la fortifie [alors] dans son acte et son agir), sensation proche et voisine de l’intelligence pure ». [4] Ad Cand. 14, 11-12 : Quod enim supra est, absconditum est. Absconditi vero manifestatio generatio est, siquidem et potentia operatione generat. Nihil enim sine causa in generatione. « Car ce qui est au-dessus de l’Étant est l’Étant caché [cf. OC 198]. Or, la manifestation de ce qui est caché, c’est la génération, si tant est que l’Étant en puissance engendre l’Étant en acte. Car rien n’est engendré sans cause ». [5] Ad Cand. 21, 4 : primum igitur ipsum esse in semet ipsum conversum et moveri et intellegere intus in requie positam beatitudinem omnimodis perfectam custodit. « Donc, premièrement, l’Être en soi, tourné vers soi-même, et qui est se mouvoir et acte d’intelliger intérieurement, garde en repos la béatitude absolument parfaite [cf. Lydus, De Mens. 21, 15-18 W.] ». [6] Adv. Ar. III 3, 18-26 : Vita autem et nec coepit, quia a se sibi semper est, unde numquam desinit, et infinita semper est et per omnia et in omnibus usque a divinis et a supracaelestibus adusque caelestia caelosque omnes, aetheria, aeria, humida atque terrena, omniaque quae oriuntur e terra, omniaque cetera. Ergo et corpus caroque nostra habet aliquid vitale omnisque materia animata est ut mundus exsisteret, unde eruperunt iussu dei animalia.
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« Or la vie non seulement n’a pas eu de commencement, parce qu’elle est toujours par elle-même et pour elle-même – d’où vient qu’elle ne cesse jamais [d’être] –, mais elle est même toujours infinie : elle s’étend à travers toutes choses, en toutes choses, depuis les réalités divines et supracélestes jusqu’aux réalités célestes et à tous les cieux ; aux réalités éthérées, aériennes, humides, terrestres, à toutes réalités qui naissent de la terre et à toutes les autres. Aussi, notre corps et notre chair gardentils une trace de cette vitalité qui a animé la matière tout entière et donné ainsi existence au monde, et dont les êtres vivants ont jailli, sur ordre de Dieu [cf. OC 29 ?] ». [7] hymn. I 68-73 : Ergo Christus omnia, hinc Christus mysterium,/Per ipsum cuncta et in ipso cuncta atque in ipsum omnia./Cuius altitudo pater est, ipse vero totus /Progressu suo longitudo et latitudo patris est./Hinc Christus apparens saeculis ad profundum doctum idque arcanum /Et intimum intus docendo, Christus occultus sanctus spiritus. « Donc, le Christ est toutes choses, ainsi le Christ est le mystère. Par lui, toutes choses, en lui toutes choses, pour lui toutes choses. Sa profondeur est le Père [OC 18], tandis que lui, en sa totalité et par sa procession, il est la longueur et la largeur du Père. Ainsi le Christ apparaît aux siècles en vue de révéler la profondeur [du Père] ; tandis que, lorsque le Christ se cache pour révéler en lui-même cette profondeur cachée et secrète, il est alors l’Esprit-Saint ». [8] Ad Cand. 22, 3-7 : Deus igitur omnimodis perfectus et supra omnimodis perfectus, is qui omnia creavit et qui omnium causa est, non ipsum illud solum quod unum fuit et solum, sed et multa et omnia quae potentia est esse, fuit et voluit esse omnia. « Donc, Dieu, absolument parfait et parfait au-dessus de tous les modes, lui qui créa toutes choses et qui est cause de toutes choses, n’a pas été et n’a pas voulu être seulement ce qui est un et seul, mais il a également été et voulu être ce multiple et cette totalité que l’Être est en puissance [cf. OC 21 ?] ». [9] Adv. Ar. I 50, 15-21 : ipsa per semet ipsam et idea et sui ipsius, et vivere et agere habens secundum ipsam suimet ipsius inexsistentem exsistentiam, indiscernibilis spiritus counitio, divinitas, substantialitas, beatitudo, intellegentialitas, vitalitas, optimitas et universaliter omnimodis omnia, pure ingenitum, , unalitas counitionis nulla counitione. « [La puissance] est elle-même et par elle-même à la fois idée et logos de soimême, possédant le vivre et l’agir selon sa propre existence qui n’est pas une existence, union sans distinction avec l’Esprit, divinité, substantialité, béatitude, puissance d’intelligence, de vie et de bonté, absolument toutes choses sous un mode universel [cf. OC 21], purement inengendré, pré-étant, unité de toute union qui ne provient d’aucune union ». [10] Adv. Ar. I 52, 32-36 : Sed quoniam motio aliunde ad aliud fertur, veluti ab eo quod est intus foras quod vitae et potentia est et natura et voluntas et maxime istud exsistentia ipsius, ideo effulgentia dicitur esse vel progressio aut elevati spiritus manifestatio, operatrix in vivefaciendum id quod omne totum est essentitatis. « Mais puisque le mouvement va d’un lieu à un autre, c’est, pour ainsi dire, de l’intérieur vers l’extérieur que se meut ce qui est à la fois puissance, nature et volonté de vie, et c’est cela qui constitue son être par excellence. C’est pourquoi on dit qu’elle est le rayonnement, la procession ou la manifestation de l’Esprit TrèsHaut, qu’elle est ouvrière de vivification [OC 32 v. 1] pour la totalité de ce qui participe à l’existence ».
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[11] Adv. Ar. I 56, 15-20 : Verbum igitur et vox filius est, ipse vita, ipse ipse motus, ipse ipse sapientia, ipse exsistentia et substantia prima, ipse actio potentialis, ipse primum, vere ex quo omnia et per quem et in quo, qui est medius in angulo trinitatis, patrem declarat praeexsistentem et conplet sanctum spiritum in perfectionem. « Donc, le Fils est parole et voix, il est la vie, le Logos, le mouvement, l’Intellect, la sagesse, l’existence, la substance première, l’acte qui garde en lui toute la puissance, l’Étant premier, l’Étant véritable à partir duquel, par lequel et dans lequel sont tous les étants ; lui qui est le milieu [cf. OC 50] dans l’angle de la Trinité, il révèle le Père qui lui préexiste et remplit l’Esprit-Saint afin de réaliser la perfection ». [12] Adv. Ar. IV 5, 31-35 : Has Plato ideas vocat, cunctarum in exsistentibus specierum species principales; quod genus in exemplo est: , , et item , , atque hoc genus cetera. « Ces choses, Platon les appelle Idées [cf. OC 37 v. 15], les formes primordiales de toutes les formes qui sont dans les existants ; c’est par exemple ; , , et encore , , et d’autres de ce genre ». [13] Adv. Ar. IV 31, 32-45 : item ut flumen motu apertiore per diversa discurrens, terrarum quas sulcat qualitatibus et adficitur et quodammodo patitur, sic et filius aqua sua suaque substantia, quae patris est, semper purus, inmaculatus, inpassibilis, regionibus per quas discurrit locisque vel supracaelestibus vel caelestibus vel intracaelestibus, nunc spumat ut occurrentibus saxis quae sunt ex generibus animarum, campis quietus excurrit... « Et pareillement, de même que le fleuve, porté par un élan plus apparent [que celui de la source], traversant des régions variées, se trouve modifié et, d’une certaine manière, affecté par la nature des terrains qu’il sillonne, de même, le Fils aussi, tout en demeurant toujours pur, sans souillures et impassible, en son eau originelle et en sa substance, qui est en même temps celle du Père, par suite de la nature des régions et des lieux qu’il traverse, c’est-à-dire ceux qui sont au-dessus des cieux, dans les cieux, sous les cieux, tantôt écume en se brisant sur les rochers [cf. OC 37 v. 10] que dressent certaines sortes d’âmes, tantôt d’un flot paisible, s’écoule dans les plaines ». [14] Adv. Ar. I 13, 12-14 : Adhuc autem maior, quod actio inactuosa; beatior enim, quod sine molestia et inpassibilis et fons omnium quae sunt, requiescens, a se perfecta et nullius egens. « Or, [le Père] est aussi plus grand parce qu’il est l’acte qui n’agit pas. En effet, cet acte est plus heureux parce qu’il est sans embarras, impassible, source de tout ce qui existe, demeure en repos, est parfait par lui-même [cf. OC 37 v. 16] et n’a besoin de rien ». [15] Adv. Ar. I 61,7-14 : Anima autem cum suo ab eo qui est, potentia vitae intellectualis est, non est, ad quidem respiciens quasi est. Visio enim ibi unitio est. Vergens autem deorsum et aversa a et se et suum trahit deorsum, intellegens tantum effecta, non iam ut intellegens et intellegibile. Sed si sic perseveraverit, eorum quae super caelum sunt mater est, lumen, non verum lumen et quidem cum suo proprio lumen. « Or l’âme, avec son propre noûs qui provient de celui qui est le Noûs, est puissance de vie intellectuelle. Elle n’est pas le Noûs, mais, lorsqu’elle regarde vers le Noûs, elle est, pour ainsi dire, le Noûs. Car, là-bas, toute vision est union. Or,
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lorsqu’elle s’incline vers le bas et se détourne du Noûs, elle entraîne elle-même et son propre noûs vers le bas : devenant ainsi seulement intellective, elle n’est plus intellective et intelligible comme auparavant. Mais, si elle persiste dans son état (initial), elle est la mère [cf. Proclus, In Crat. 105, 5 Pasquali] de tout ce qui existe au-dessus du ciel, et elle est lumière, non pas la lumière véritable mais néanmoins lumière car elle possède son propre noûs ». [16] Adv. Ar. IV 5, 9-12 : non inquam, illud vivere in deo est, hoc deus est, quod est vivere animae, aut uniuscuiusque, aut illius universalis atque fontanae. « Non, dis-je, ce n’est pas là le vivre qui est en Dieu, ce n’est pas Dieu que le vivre de l’âme, que ce soit de l’âme individuelle ou de l’âme universelle, c’est-à-dire de l’âme-source [cf. OC 51 v. 2 ; 52 v. 1] ». [17] Adv. Ar. I 32, 27-32 : Isto modo et anima, substantia incorporalis quae sit, definitionem et imaginem habet, vitalem potentiam et intellegentialem. Bipotens enim et gemini luminis. Etenim et vivificat, vitam dans animalibus et habet quoque innatum et ; et idcirco omnia. « De la même manière, l’âme aussi, toute substance incorporelle qu’elle soit, possède une définition et une image, à savoir une puissance de vie et d’intelligence. Car elle possède double puissance et double lumière [cf. OC 1 v. 4 ; 189] : d’une part, elle vivifie, donnant vie aux êtres animés, et, d’autre part, elle possède également le noûs de manière innée et consubstantielle. C’est pourquoi toutes [puissances] sont en elle consubstantielles ». [18] Adv. Ar. I 61, 24-26 : Etenim summitates puriores, animandi vim habentes, causa sunt lumini, uel ut in sua descenderet. « En effet, les parties supérieures de la matière qui sont les plus pures [cf. OC 62 ; 76 v. 2], possédant puissance d’animation, donnent prise à la lumière [de l’âme] pour qu’elle descende, pour ainsi dire, vers ce qui lui est apparenté ». [19] Adv. Ar. IV 11, 20-23 : Vivunt ergo cuncta, terrena, humida, aeria, ignea, aetheria, caelestia, non illo priore nec vitae integro lumine sed propter copulationem hylicam saucia luce vitali. « Donc, toutes choses vivent, qu’elles soient terrestres, humides, aériennes, ignées, éthérées, célestes. Non par le logos premier, ni même de la lumière de vie absolument pure, mais d’une lumière vitale [cf. OC 65 v. 2] troublée par son union avec la matière ». [20] Adv. Ar. IV 25, 31 sq. : imagines dico potentias per omnia lineis animae defluentes. « Par ‘images’ j’entends les puissances qui descendent à travers toutes choses par les lignes de l’âme [cf. OC 65 v. 2 ; 66] ». [21] Ad Cand. 1, 6-11 : Sed quoniamsi inditus est animae nostrae et spiritus desuper missus figurationes intellegentiarum inscriptas ex aeterno in nostra anima mouet, ineffabiles res et inuestigabilia mysteria dei uoluntatum aut operationum quasi quaedam mentis elatio animae nostrae uult quidem uidere... « Mais s’il est vrai que le Noûs paternel [cf. OC 108 v. 1] a été déposé dans notre âme, et que, envoyé d’en haut, l’esprit met en mouvement ces symboles, inscrits de toute éternité dans notre âme, que sont les notions intellectuelles, celle-ci, dans une sorte d’élan intellectuel, désire assurément voir les réalités ineffables [cf. OC 191] et les mystères insondables des volontés ou des actes de Dieu ».
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[22] hymn. II 43-46 : Miserere domine ! Misesere Christe !/Cognosco, domine mandatum tuum,/Cognosco reditum in anima scriptum mea/Propero, si iubes redire, nostri salvatore, deus. « Aie pitié de moi, Seigneur ! Aie pitié de moi Christ ! Seigneur, je connais ton commandement, je sais que le retour est inscrit dans mon âme. Je me hâte [cf. OC 115 v. 1], si tu m’ordonnes de revenir à toi, ô notre Sauveur, ô notre dieu ». [23] Adv. Ar. IV 15, 26-29 : at formatio apparentia est, apparentia vero ab occultis ortus est et ab occultis ortus et natalis est, et eius natalis qui, et antequam sic oriretur, extiterit. « Mais la formation est manifestation, tandis que la manifestation est la sortie hors d’un état latent [cf. Proclus, In Crat. 31, 13 sq.]. Et cette sortie est naissance mais une naissance de ce qui, avant même de naître de cette manière, existait déjà ». [24] Adv. Ar. IV 13, 4-5 : Item et anima et angeli ex animis et supra animas. « Il en va de même pour l’âme et pour les anges qui sont issus de la classe des âmes et supérieurs aux âmes [cf. OC 137 ?] ». [25] Adv. Ar. I 61, 26 : Quare enim dictum est: et ista discernis. « C’est pourquoi il a été dit : ‘Tu sépares aussi ces choses’ ». Tableau 2 : Nous reproduisons dans le tableau ci-dessous les trois groupes de textes porphyriens et les titres et sous-titres d’après lesquels P. Hadot avait organisé les 89 morceaux de textes purement néoplatoniciens. Sont signalés entre crochets [ ] les passages chaldaïques que P. Hadot avait repérés dans la précédente liste (tableau I). Enfin, sont signalés entre crochets obliques < > les passages qui ont des parallèles dans l’Apocalypse de Zostrien. Les traités mentionnés sont Ad Cand. = Ad Candidum ; Adv. Ar. = Adversus Arium ; A Cand. ad Vict. = Candidi Arriani ad Marium Victorinum rhetorem de generatione divina ; De hom. rec. = De homoousio recipiendo. Groupe I : Dieu non- Groupe II : l’Un et la triade Groupe III : L’agir et la étant au-dessus de intelligible de l’être, de la vie forme l’étant et de la pensée I. LA
PLACE DE DIEU PARMI LES ETANTS ET LES NON-ETANTS
I. LES GENRES SUPREMES
I. LE VIVRE ET LA VIE
A. L’être et sa définition (vie et A. Identité ou altérité pensée). La substance et les entre le vivre et la vie A. Difficulté de con- genres 1. Exposé initial naître Dieu 1. Existence et substance (61) = Adv. Ar. IV 1, 4(1) = Ad Cand. I 4-12 (23) = Adv. Ar. I 30, 18 21 = [21] A Cand. ad Vict. I 2, 14-23 2. L’identité totale du B. Dieu cause des 2. La substance et les genres vivre et de la vie étants et des non- au plan de l’âme (62) = Adv. Ar. IV 2, 1étants a) L’unité-multiple du corps 24 (2) = Ad Cand. 3, 1-9 (24) = Adv. Ar. I 32, 16-27 3. L’altérité entre le vivre C. Les non-étants : b) L’unité-multiple de l’âme et la vie
206 leurs quatre modes 1. Définition générale (3) = Ad Cand. 4, 1-5 2. Premier mode : le non-étant au-dessus de l’étant (4) = Ad Cand. 4, 616 Ad Cand. 5, 1-4 3. Second mode : l’absolument nonétant (5) = Ad Cand. 5, 411 4. Troisième et quatrième modes : le nonétant selon l’altérité et le non-étant selon la puissance (6) = Ad Cand. 5, 1116 D. Les étants : leurs quatre modes 1. Dieu cause des non-étants et des étants (7) = Ad Cand. 6, 1-5 2. Définition générale des étants (8) = Ad Cand. 6, 5-7 3. Sont exclus : les véritablement nonétants (9) = Ad Cand. 6, 713 4. Premier mode : les véritablement étants,
Min-Jun Huh - Jordi Pià (L’identité de l’âme et de sa (63) = Adv. Ar. IV 3, 1définition) 38 (25) = Adv. Ar. I 32, 27-39 B. Dieu, vivre premier, = [17] est cause de la vie, forme (La définition en acte : vie et première pensée en mouvement) 1. Dieu comme vivre (26) = Adv. Ar. I 32, 40-57 premier (Les passions de la vie et de la (64) = Adv. Ar. IV 5, 4pensée dans leur mouvement) 22 = [16] (27) = Adv. Ar. I 32, 57-78 2. Dieu, comme agir B. La substance et son mou- créateur des formes vement, la vie et la pensée (65) = Adv. Ar. IV 5, 23 (28) = Adv. Ar. III 2, 12-40 6, 17 = [12] (29) = Adv. Ar. IV 8, 26-29 (29a) = Adv. Ar. IV 16, 29 - 3. La vie, forme première, principe du vivre de tous 17, 2 les étants (66) = Adv. Ar. IV 10, 45 C. ÊTRE, VIVRE, PENSER - 11, 33 = [19] 1. L’être est être de la vie et de 4. Le Vivre premier, comla pensée me agir pur (30) = Adv. Ar. III 4, 6-22 (L’agir pur) 2. Vivre et penser sont donc (67) = Adv. Ar. IV 11, 33 identiques - 12, 17 (31) = Adv. Ar. III 4, 22-32 (La hiérarchie des actes) 3. Les trois sont un et chacun (68) = Adv. Ar. IV 12, 17 est trois - 13, 41 = [24] (31a) = Adv. Ar. III 4, 32-39 (68a) = Adv. Ar. IV 8, 29-37 4. Vivre et penser ont leur être dans l’être 5. Une comparaison : la (32) = Adv. Ar. III 4, 39-46 genèse de l’éternité à 5. Être, vivre et penser ont partir du présent éternel entre eux le même rapport que (69) = Adv. Ar. IV 15, 129 = [23] les trois moments de la vision : être vision, voir, juger qu’on II. L’ETRE ET L’ETANT voit (33) = Adv. Ar. III 5, 1-31 (L’être comme indétermi(34) = Adv. Ar. I 40, 5-19 nation ; l’étant, comme détermination intelligi-
Pour un index des références latines aux Oracles les intelligibles II L’UN ET LA TRIADE (10) = Ad Cand. 7, 1- INTELLIGIBLE 7 A. Les modes possibles d’alté5. Second mode, rité et d’identité19 étant, les intellectuels (35) = Adv. Ar. I 48, 4 - 49, 8 (11) = Ad Cand. 7, 7B. L’Un seulement Un est le 22 Père de la triade intelligible et Ad Cand. 8, 1-7 il est donc identique à l’être 6. Troisième et quatrième modes des 1. La théologie négative étants : les non- (36) = Adv. Ar. I 49, 9-17 étants (36a) = A Cand. ad. Vict. I 1, (12) = Ad Cand. 8, 8- 11-17 19 (36b) = Adv. Ar. I 49, 17-40 les quatre modes (13) = Ad Cand. 8, 2. Théologie affirmative : l’Un 19-21 est le Père et l’Être qui contient en soi vie et pensée 8. Reprise du développement (6.) : le troi- (37) = Adv. Ar. I 50, 1-4 sième mode, les non- véritablement non- (38) = Ad Cand. 21, 2-8 = [5] (39) = Adv. Ar. I 3, 27-30 étants, le monde sensible et les âmes (39a) = Adv. Ar. I 13, 11-13 = [14] incarnées (14) = Ad Cand. 9, 1- (40) = Adv. Ar. III 7, 9-17 (41) = Adv. Ar. I 50, 4-21 = [9] 27 = [3] 9. Comment nous connaissons le quatrième mode : les non-étants et la matière (15) = Ad Cand. 10, 1-37 10. Tous les autres modes possibles se ramènent aux précédents 19
207
ble) (70/72) = Adv. Ar. IV 18, 60 - 19, 27 (70) = Adv. Ar. IV 19, 420 (71) = Adv. Ar. I 33, 4-14 (72) = Adv. Ar. IV 19, 20-37 (Les deux états de la forme de l’être) (73) = Adv. Ar. IV 20, 133 III. L’AGIR
DIVIN ET SA
PENSEE
A. La forme (ou la pensée) intérieure 1. Théorème initial : la génération en Dieu s’effectue dans l’immobilité (74) = Adv. Ar. IV 21, 19-25 (75) = De Hom. Rec. 3, 11-20 (76) = Adv. Ar. IV 21, 26 - 22, 7
2. Dieu, omniexistant, omnivivant, omniprésent, principe de l’existence, C. L’« Un qui est » comme de la vie et de la pensée mouvement de vie et de pensée universelle (77) = Adv. Ar. IV 22, 6 1. L’« Un qui est » comme acte 23, 11 de la puissance paternelle 3. Dieu, préexistant, (42) = Adv. Ar. I 50, 22-32 prévivant, préconnaissant 2. L’« Un qui est », comme vie a pour forme intérieure, (La vie est engendrée, parce la préexistence, la prévie, qu’elle est mouvement qui se la préconnaissance (78) = Adv. Ar. IV 23, meut lui-même)
Les chapitres 35-60 du Livre I B de l’Adv. Ar. contiennent la plupart des parallèles attestés dans l’Apocalypse de Zostrien, dont quelques-uns sont intégrés dans ce groupe II.
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(16) = Ad Cand. 11,1- (43) = Adv. Ar. I 51, 127 12 = gnostique. Tardieu, Recherches 10 E. Place de Dieu parmi les étants et les (Reprise du développement concernant l’être, puissance de non-étants la vie et de la pensée) 1. Dieu n’est aucun (44) = Adv. Ar. I 52, 1-17 des étants (17) = Ad Cand. 12, (La vie est donc à la fois mouvement de l’être et mouvement 1-7 (18) = Ad Cand. 22, automoteur) (45) = Adv. Ar. I 52, 17-25 3-7 = [8] (46) = Adv. Ar. I 32, 5-13 2. Dieu est le non- (47) = Adv. Ar. I 52, 25-31 étant au-dessus de (48) = Adv. Ar. I 42, 5-16 l’étant (49) = Adv. Ar. I 52, 32-51 (19) = Ad Cand. 13, 1 = [10] - 14, 5 (L’altérité qui résulte de la II. LA GENERATION DE manifestation de la vie ne L’ETANT MANIFESTE rompt pas l’identité originelle L’ETANT CACHE EN de l’être) (50) = Adv. Ar. I 54, 13-19 DIEU (20) = Ad Cand. 14, 3. L’« Un qui est » comme pensée et retour à l’identité 5-27 = [4]
12-31
(21) = Ad Cand. 15, 1-12 (22) = Ad Cand. 2, 21-29
(Le salut de la vie par la connaissance de soi) (51) = Adv. Ar. I 56, 15-38 = [2] [11] (52) = Adv. Ar. III 3, 18-26 = [6]
1. Repos et mouvement en dieu (L’opposition entre mouvement et repos) (82) = Adv. Ar. IV 24, 40 - 25, 1
(L’autogénération de l’intelligence liée au mouvement d’autoconnaissance de la vie) (53) = Adv. Ar. I 57, 7-17 = [1] (54) = Adv. Ar. III 2, 44-50 (55) = Adv. Ar. I 57, 17 - 58, 13
(La permanence du substrat dans la génération des contraires) (83) = Adv. Ar. IV 25, 139 = [20]
4. La forme intérieure comme connaissance absolue (Si dieu est intelligible en puissance, il est aussi intelligence en puisance) (79) = Adv. Ar. IV 23, 31-45 (Il y a donc en dieu une connaissance cachée, en repos et confondue avec l’être) (80) = Adv. Ar. IV 24, 120 (Dieu, l’omnivoyant, est immobile au centre des étants) (81) = Adv. Ar. IV 24, 21-40 B. L’extériorisation de la forme
(La génération en dieu n’est que manifestation) 4. L’« Un qui est », comme (84) = Adv. Ar. IV 25, sphère émanée du point origi- 39-43 (85) = Adv. Ar. II 2, 7-11 nel (86) = Adv. Ar. III 7, 22(56) = Adv. Ar. I 60, 1-31 28 D. L’âme (86a) = Adv. Ar. III 1, 30-35 1. La chute de l’âme
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(57) = Adv. Ar. I 61, 1-27 2. La sortie de la forme : = [15] ; [18] ; [25] la pensée s’extériorise en se pensant comme pensée Commentaire de Gen. 1, 26 (57 suite) = Adv. Ar. I 62, 1-31 (La pensée intérieure se posant comme forme inté2. Le salut des éléments de rieure) l’homme : , âme et corps (87) = Adv. Ar. IV 27, 1(58) = Adv. Ar. I 62, 31-39 17 (59) = Adv. Ar. III 1, 4-10 (88) = Adv. Ar. IV 28, 1Suite du commentaire de Gen. 22 1, 26 (Les deux pensées) (59bis) = Adv. Ar. I 63, 1-16 (89) = Adv. Ar. IV 29, 13. L’âme, triade inférieure, 11 image de la triade supérieure (60) = Adv. Ar. I 63, 16 - 64, 8
En comparant ces deux tableaux, on constate que la quasi-totalité des passages à caractère chaldaïque relevés dans l’index des traités théologiques (tableau 1) se trouvent intégrés dans les morceaux néoplatoniciens (tableau 2), c’est-à-dire 4 dans le Groupe I : [21], [3], [8], [4] ; 12 dans le Groupe II : [17], [5], [14], [9], [10], [2], [11], [6], [1], [15], [18], [25] ; 6 dans le Groupe III : [16], [12], [19], [24], [23], [20], soit un total de 22 sur 25. Les textes [7] et [22] n’en font pas partie parce qu’ils proviennent des Hymnes, de sorte que, parmi les passages tirés des traités théologiques, seul le texte [13] n’a pas été pris en compte dans les morceaux purement néoplatoniciens. Au vu de ces données, on peut donc conclure que, aux yeux de P. Hadot, les éléments chaldaïques relevés dans les traités théologiques proviennent tous de documents grecs : autrement dit, Marius Victorinus n’a pas eu un accès direct aux OC mais vraisemblablement par l’intermédiaire de commentaire(s) porphyrien(s). Il doit en aller de même pour les réminiscences chaldaïques dans les Hymnes. Quant aux textes qui présentent des parallèles avec la version copte, ils se situent surtout dans le groupe II, sous « les modes possibles d’altérité et d’identité » et « Théologie affirmative ». A priori, il n’y a qu’un seul passage chaldaïque qui appartiendrait à ce classement, à savoir le texte [9], mais nous n’avons pas pris en compte les études des spécialistes coptes qui traitent de cette question. Il en résulte que la présence d’éléments chaldaïques chez Marius Victorinus demande à être évaluée avec précaution. En effet, s’il est vrai, selon P. Hadot, que « les morceaux purement néoplatoniciens » intégrant les textes chaldaïques dépendent fortement de la philosophie de Porphyre
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(sauf pour l’Adv. Ar. I B)20 et, si l’on sait, par ailleurs, que les écrivains latins de l’Antiquité tardive composaient leur traité en traduisant littéralement des pans entiers de leurs sources grecques,21 se pose le problème de savoir à quel niveau il faut situer l’analyse des textes latins de nature chaldaïque puisque la possibilité d’attribuer à Marius Victorinus une exégèse qui en réalité serait de Porphyre n’est pas exclue. À cet égard, le choix de P. Hadot a précisément été d’examiner la quasi totalité de ces textes chaldaïques en vue de reconstituer la doctrine philosophique de Porphyre.22 Malgré cette difficulté, il est tout de même possible de déterminer ce qu’il y a de spécifique à Victorinus si l’analyse est abordée sous l’angle du skopos qui répond, chez l’un et l’autre, à deux situations exégétiques différentes : si la visée propre à Porphyre a été de concilier le système des hypostases de Plotin avec la doctrine des OC, notamment en conférant une certaine détermination (Intellect) déjà au niveau de l’Un,23 la problématique propre à Victorinus a été de penser, à l’aide des mêmes outils doctrinaux élaborés à partir des OC, la consubstantialité du Père et du Fils et leur distinction hypostatique. Les OC se trouvent donc transposés, de facto, dans le domaine de la Trinité chrétienne. Les passages chaldaïques dans les traités théologiques de Victorinus peuvent, semble-t-il, être répartis en deux catégories : soit ils font partie intégrante de la démonstration de la théologie chrétienne, et c’est précisément le cadre de réflexion auquel prend part une bonne moitié des textes de la liste du tableau I ; soit leur présence s’explique par le fait que Victorinus a reproduit des éléments qui ne sont pas nécessairement utiles au débat sur la trinité, c’est-à-dire des thèmes qui font plutôt partie d’une 20
Cf. P. Hadot, « ‘Porphyre et Victorinus’... » 122, à propos de son livre de 1968 : « [J’avais distingué] trois groupes de textes [groupe I, II et III] correspondant à des sources grecques différentes, mais étroitement apparentées entre elles, qui provenaient toutes, me semblait-il, du même auteur, Porphyre. Grâce aux découvertes de Michel Tardieu, nous pouvons nous faire une idée très précise de la source d’une partie importante de l’un de ces groupes (II), celui qui oppose le premier Un au second Un et qui affirme la préexistence de l’être, de la vie et de la béatitude au sein du premier Un (I 48-50) ». 21 P. Hadot, Porphyre I 33 « Ils [i. e. les écrivains latins] n’utilisent pas, pour composer leurs œuvres philosophiques ou théologiques, un matériel purement ‘conceptuel’, mais des matériaux littéraires, la plupart du temps, empruntés aux Grecs. Autrement dit, pour eux les idées ne sont jamais séparées de leur substrat littéraire, de la phrase où elles sont exprimées, du développement dans lequel cette phrase s’insère, de l’ouvrage qui contient ce développement ». 22 P. Hadot, Porphyre II 154-6. 23 P. Hadot, Porphyre I 133.
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problématique proprement philosophique,24 tels que la nature de la matière [18] [19] ou la chute de l’âme [15] [25]. Aussi, il nous paraît intéressant de montrer que, dans le premier cas, l’usage des termes chaldaïques s’intègre parfaitement dans l’exposé sur la trinité et contribue à structurer deux dogmes théologiques : d’une part, la consubstantialité entre le Père et le Fils articulée sur le modèle du Père des OC qui est à la fois transcendant et coordonné par rapport aux réalités qu’il engendre ; d’autre part, le double statut du Fils comme Vie et Pensée, identifiables conceptuellement à la Puissance (Hécate), ou à l’Intellect (le second intellect) selon le contexte. 1.1 Le statut ambivalent de Dieu Chez Victorinus, le vocabulaire chaldaïque qui sert à rendre compte du caractère à la fois incoordonné et coordonné du Père avec le Fils est marqué du sceau de la métaphysique de Porphyre, dans laquelle les OC ont joué un rôle déterminant.25 En effet, il affirme que, en tant que réalité transcendante, Dieu est antérieur à tous les étants qu’il produit : [8] « [Dieu est] parfait au-dessus de tous les modes ». Par tous les modes, Victorinus fait allusion aux quatre niveaux d’étants distingués par Porphyre, à savoir les véritablement étants ; les seulement étants ; les nonvéritablement non-étants et le non-étant, qui correspondent respectivement au plan des intelligibles, des âmes, des sensibles, et de la matière. Étant au-delà de ces quatre modes d’existants, Dieu a donc un caractère absolument transcendant par rapport à la totalité du réel. De ce point de vue, il est qualifié de non-étant transcendant ou, plus métaphoriquement et positivement, d’« existant [ou étant] caché (absconditum ) »26 [4], expression qui rend indirectement, semble-t-il, le verbe du fr. 327 des OC : « Le Père s’est soustrait lui-même ( ), sans même inclure dans sa Puissance intel24
P. Hadot, Porphyre I 63. P. Hadot, Porphyre I 97-98.279-296. 26 Commentaire de P. Hadot, Traités théologiques 716, à propos du texte [4] : « Tournant décisif : le non-existant au-dessus de l’existant est existant caché. La génération est manifestation. [...] L’idée semble s’être développée dans le néoplatonisme sous l’influence des Oracles Chaldaïques, cf. W. Kroll, de oraculis chaldaicis, p. 16, surtout Damascius, dubit. et solut. 96 ; Ruelle, t. I, p. 244, 15 : ... , ’ ... ». Cf. également P. Hadot, Porphyre I 308. 27 Nous citerons les fragments dans l’édition et la traduction de des Places. 25
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lective le feu qui lui est propre ». Dans cet état d’introversion où le Père est « tourné vers soi-même » et établi dans le repos [5],28 il ne peut être décrit qu’à travers un discours qui s’apparente à la théologie négative puisqu’il est, du fait de son repli, inaccessible à la connaissance : « le premier Dieu est purement Père, caché en lui-même, et de ce fait inconnaissable ».29 Toutefois, si ce Dieu demeure dans sa transcendance, il ne peut être la cause efficiente des réalités ni avoir une communauté, quelle qu’elle soit, avec elles. Pour résoudre cette difficulté, Victorinus le définit également comme « un acte qui n’agit pas » [14], un mouvement qui ne s’est pas encore mis en mouvement.30 L’identification de l’Être et l’activité est une doctrine de Porphyre – élaborée, rappelons-le, dans le cadre de l’exégèse du Parménide de Platon – qui, transposant la notion d’ stoïcienne sur le plan de la métaphysique, a voulu articuler à la fois l’incoordination et la coordination de l’Être avec l’Étant : en tant qu’activité qui n’agit pas, l’Un est simplement Être, alors que, en tant qu’activité qui agit, il est l’Étant, qui est, en puissance, à la fois pensée et vie.31 De même chez Victorinus, en tant qu’activité qui n’agit pas encore, Dieu est dépourvu de toute détermination32 et, de ce fait, inconnaissable, mais en tant qu’activité pouvant agir Il contient également la première détermination qu’est le Fils. C’est pourquoi, si Dieu précontient le Fils en puissance, il peut être considéré comme un Étant véritable et défini positivement. Selon ce nouveau point de vue, il est coordonné aux réalités qu’il engendre mais sous un mode noétique [8] : « il a été et voulu être aussi le Tout »,33 cf. OC fr. 21 : « (le Père) est toutes choses, mais intelligemment. ... ’ , ». Ce même qualificatif se rencontre également 28
Cf. Kroll, De oraculis 16 ; P. Hadot, Traités théologiques 716 et des Places, « Les Oracles chaldaïques dans la tradition patristique africaine » 31 qui cite à propos de in semet ipsum conversum, Ioannes Lydus (Mens. 21, 15-18 W.) : « le Transcendant sous un mode monadique est intellect substantiel demeurant en sa substance et tourné vers soi, dans le repos et la permanence » (trad. P. Hadot, « La métaphysique de Porphyre » 133 n. 4) ; Festugière, Révélation IV 272 n. 7 : « il s’est ravi en luimême, sans rien communiquer de ses propriétés de Père même au Dieu second ». 29 Festugière, Révélation III 54 et P. Hadot, Porphyre I 278-283. 30 Ce que Victorinus appelle un état de « mouvement immobile ». Cf. Adv. Ar. IV 8, 28. Et cf. P. Hadot, Porphyre I 285. 31 P. Hadot, Porphyre I 229-231. 32 À propos de cet état de puissance qu’est l’Être, cf. Porphyre, Ad Gaurum 52, 6 sq., texte traduit et commenté par P. Hadot, Porphyre I 229-231. 33 P. Hadot, Porphyre I 286.
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dans le texte [9] « universaliter omnimodis omnia » à propos non pas de l’Un mais de la Puissance qui est confondue dans l’Un (ou Père), de sorte qu’elle s’attribue des prédicats qui normalement s’appliquent au Père. Ce dernier est « toutes choses », d’une part, parce qu’il possède la vie et la béatitude (i. e. intelligence) [9] à l’image de la triade chaldaïque34 (cf. OC 26 : « monade triadique » et 4 : « Car la Puissance est avec Lui (le Père), et l’Intellect procède de Lui »), d’autre part, parce qu’il précontient les Idées, ou les formes intelligibles des réalités qu’il produit par l’intermédiaire de la Vie [12], et fr. 37, 15 : « Ces idées primordiales, c’est la source originelle du Père, parfaite en elle-même ( ), qui les a fait jaillir », expression que l’on retrouve également dans le texte [14] fons... a se perfecta à propos du Père.35 Cette description à la fois négative et positive de Dieu, selon qu’il est considéré dans sa transcendance ou dans sa coordination avec les réalités inférieures, est donc tout à fait conforme à la doctrine des OC : le Père est séparé de réalités qu’il engendre, cf. OC 3 « Le Père s’est soustrait lui-même » tout en les contenant en puissance, OC 26 : le père est « monade triadique ».36 1.2 Le double statut du Fils, à la fois Vie et Pensée La génération de l’étant [4]37 est donc la manifestation de ce qui préexistait déjà au sein de Dieu [23]38 et cette première réalité qui sort du principe, Marius Victorinus l’appelle Fils, qui est aussi « la vie, le Logos, le mouvement, l’Intellect, la sagesse, l’existence et substance première » [11]. Et, si cet étant ou existant premier (ipse primum) s’approprie cette pluralité d’attributs, c’est parce qu’il est à son tour, à l’image du Père, [11] « l’acte qui garde en lui toute la puissance », en d’autres termes, il est à la fois acte et puissance : il est acte, dans la mesure où il est le premier mouvement sorti de l’Être, mais également puissance en
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P. Hadot, Porphyre I 293 sq. P. Hadot, Traités théologiques 753. 36 Cf. (Porphyre), col. IV 1-8, du commentaire sur le Parménide, cf. P. Hadot, Porphyre II 90-93 ; et commentaire dans le vol. I 128. 37 Cf. P. Hadot, Traités théologiques 716 : « La génération est manifestation. [...] L’idée semble s’être développée dans le néoplatonisme sous l’influence des Oracles Chaldaïques ». 38 P. Hadot, Porphyre I 297-299. 35
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tant qu’il précontient en lui la Vie et Intellect.39 En effet, en tant que première actuation des déterminations contenues sous une forme latente au sein du Père, le Fils est consubstantiel au Père par son être40 mais possède une hypostase par le mouvement qui lui est propre. À son tour, le Fils, par un second mouvement qui actualise les puissances contenues en lui, va être dédoublé en deux hypostases, il est vie par le mouvement automoteur par lequel l’étant sort de l’Un, mais intellect par le mouvement de conversion qui le fait revenir à son origine [1].41 En effet, en tant que Vie, le Fils occupe une position médiane entre le Père et l’Esprit Saint, [11] : « il est le milieu dans l’angle de la Trinité... ». Marius Victorinus a peut-être associé la Puissance des OC avec le Fils, et l’Intellect avec l’Esprit Saint à la suite de saint Paul comme le suggère P. Hadot [2]42 ou à partir d’un texte porphyrien analogue à celui que l’on trouve chez Proclus, Th. Pl. VI 8, 365, 1 (éd. et trad. Saffrey & Westerink p. 42) : « (En effet), le caractère paternel a rang de commencement à tous les degrés, la puissance relève du degré intermédiaire, tandis que l’intellect termine la triade : [OC 4] ‘car la puissance est avec lui, et l’intellect procède de lui’ ».43 Le Fils correspon-
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Marius Victorinus, Adv. Ar. I 63, 24 (trad. P. Hadot) : « De même que le Père est être, tandis que le Fils est double, mais double en son mouvement et en son acte, de même l’âme en tant qu’âme est comme la puissance paternelle, tandis que vivification et pensée sont toutes deux en un mouvement » (Et sicuti pater esse est, filius autem duo, sed in motu et in actu, sic anima in eo quod anima ut potentia patrica, uiuificatio autem et intellegentia in motu). 40 P. Hadot, « L’image de la Trinité ... » 412 : « Pour [Victorinus], le Père, auquel il réserve le nom de Dieu, est la substance, le Fils est l’image de cette substance, son Logos, sa définition, sa révélation. En vertu de l’implication mutuelle de la substance et de l’image on peut dire que le Père est déjà image, c’est-à-dire que la substance est déjà déterminée et définie en puissance. Père et Fils sont donc une seule image, une seule image qui est en puissance dans le Père, en acte dans le Fils ». 41 P. Hadot, « L’image de la Trinité ... » 414 : « Pour Victorinus en effet le Père est la substance divine : il est Dieu et il est l’être. Le Fils est la définition dynamique de la substance divine, c’est-à-dire son mouvement, son actuation et sa révélation. Dans l’âme, cette définition de la substance, ce Logos de l’âme, c’est sa puissance vivante et pensante. Autrement dit, dans l’âme comme dans la Trinité, le Logos est double en un unique mouvement, il est vie et intelligence ». 42 Cf. commentaire de P. Hadot, Traités théologiques 868 sq., à propos de Adv. Ar. I 56, 21 (texte [2]). 43 , , . , ’ ’ ...
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drait alors, dans sa fonction et dans son rang, à la Déesse Hécate,44 puisque c’est en tant que puissance associée à la Vie45 que l’âme s’attribue les épithètes propres à Hécate, , l’âme-source, à laquelle fait écho l’« âme universelle » dans le texte [16].46 Cette âme qui correspond à l’Âme du monde47 est mère des choses supracélestes (eorum quae super caelum sunt mater) [15], cause de la génération du premier corps, probablement, la sphère des fixes,48 et également operatrix in vivefaciendum [10] qui rappelle le fr. 32 : « ouvrière, distributrice de feu porteur de vie » (, ) ».49 En tant que pensée, le Fils est, en revanche, l’Esprit Saint. En effet, de même que le Fils, par son mouvement automoteur, est la première détermination en acte de la forme qui se trouvait cachée au sein du Père, de même, la pensée (l’Esprit Saint) se définit par un mouvement propre de la Vie qui veut se connaître elle-même [1] : « En effet, c’est par l’Esprit qui est mu par lui-même, c’est-à-dire c’est dans le mouvement de la Vie parfaite qui s’extériorise pour se voir elle-même (c’est-à-dire sa propre puissance, à savoir le Père) que l’auto-manifestation de l’Esprit, qui est et est dite génération, s’est réalisée et que l’Esprit s’est extériorisé ». Or, Victorinus paraît accorder à l’Intelligence, c’est-à-dire l’Esprit Saint une puissance également double de la vie et de la pensée [3] : « Mais l’intelligence opère de deux manières : par sa propre puissance intellectuelle et également, selon une imitation de l’acte de penser, par la sensation », laquelle, par ces fonctions, s’identifie au Second Noûs des OC car, comme le précise P. Hadot : « d’une part, il contient les intelligibles par son intelligence et, d’autre part, il suscite la sensation dans le 44
Cf. P. Hadot, Traités théologiques 868 : « Medius : La notion même d’hypostase médiane semble issue de commentaires des Oracles chaldaïques, comme l’a bien montré W. Theiler, Die chaldäischen Orakel, p. 13, n. 7 ; 14, n. 5, [...] dans les OC (cf. Kroll, p. 20), c’est la Vie qui tient ce rôle médian : Hécate (= la Vie) est d’après Proclus, theol. Plat. Portus, p. 265, 45 : , le centre médian de la triade intellectuelle paternelle. Quant à l’angle, il est lui-même symbole d’unité, cf. Proclus, in Euclid. Elem. def. IX ; Friedlein, p. 128, 16 : l’angle est le symbole de la liaison dans les générations des Dieux ». 45 P. Hadot, Porphyre I 275 sq. 46 P. Hadot, Traités théologiques 987 (à propos de universalis atque fontanae) : « L’idée d’âme-source remonte aux OC. Kroll, p. 28, c’est la (sic) , source des vies particulières ; cf. Proclus, in Tim., Diehl, to. III, p. 249, 13 : . ». 47 Lewy 84. 48 Cf. P. Hadot, Porphyre I 180 n. 1 ; cf. également 181 n. 1 et 182 n. 1. 49 Cf. P. Hadot, Traités théologiques 862, à propos de Adv. Ar. I 52, 34-36.
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monde »,50 cf. OC fr. 8 : « Auprès de lui (i. e. dans l’Intellect démiurgique) siège la Dyade ; car elle détient ces deux fonctions, de contenir par l’intellect les intelligibles et d’introduire la sensation dans les mondes ».51 On peut alors se demander pourquoi Victorinus attribue à l’Intelligence (Esprit Saint/Second Noûs) la puissance de la sensation qui pourtant relève de l’Âme-Source (Fils/Hécate). De fait, ce qui paraît être une interversion d’attributs entre l’Intellect et l’Âme était déjà observable dans les Oracles Chaldaïques, comme l’a bien expliqué P. Hadot52 à partir de l’exemple de l’aspect féminin qui touche à la fois la Vie et l’Intellect. « Il y a une certaine ambiguïté au sujet de la puissance féminine. C’est d’abord la vie qui paraît sous un état féminin (Adv. Ar. I 51, 21, p. 298) et qui devient mâle ensuite, en se retournant vers le Père, dans le mouvement d’intelligence (Adv. Ar. I 51, 26 : uita recurrens in patrem uir effecta est). Mais dans la description de ce retour, notre exposé présente cette fois le — appelé béatitude ou vie parfaite (Adv. Ar. I 57, 7 : Omnis beatitudo ; I 57, 10 : vitae perfectae in motione exsistentis) — comme une réalité d’abord féminine qui engendre le Logos-Vie, c’est-à-dire le Démiurge : cette réalité est la Mère du Logos (Adv. Ar. I 58, 11). On peut expliquer cette ambiguïté en disant que Vie et Pensée constituent une unité dyadique, qui passe par une phase féminine, dans laquelle Vie et Pensée sont à l’état de désir, de volonté, de mouvement infini, puis aboutit à une phase masculine, dans laquelle Vie et Pensée sont achevées, pleinement constituées et définis par la conversion vers leur origine, le Père : Cette unité dyadique se retrouve dans l’exégèse néoplatonicienne des Oracles : Hécate et le , Hécate et le tendent à se compénétrer ».
En effet, au premier moment de l’actuation de cette première détermination qu’est le Fils, la vie et l’intellect sont confondus, de sorte que la fonction de la vie (âme) et de l’intellect peut être décrite de manière analogue. Aussi, bien que représentant un aspect féminin du Logos Fils,53 la vie n’en possède pas moins une puissance intellective. C’est en vertu de ce mouvement unique qui contient une puissance double que le Fils peut être identifié tantôt à la déesse Hécate (ou Vie), tantôt à l’Intellect second (ou pensée),54 comme le montrent deux qualificatifs d’origine chaldaïque : bipotens ... et gemini luminis [17] qui rend sans 50
P. Hadot, Traités théologiques 709. Cf. P. Hadot, Porphyre I 201 n. 1 ; 261 n. 2 ; Lewy 114 sq. et n. 187. 52 P. Hadot, Porphyre I 276. Nous soulignons. 53 Cf. P. Hadot, Porphyre I 298 et n. 5. 54 Cf. P. Hadot, « L’image de la Trinité ... » 413 sq. 51
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doute du fr. 1, 4 ou fr. 189 ;55 de même que la Vie (ou l’âme) et la Pensée (Intellect), de par leur implication mutuelle, peuvent se voir attribuer, parfois indifféremment, les puissances qui leur sont propres. Aussi, le Fils, terme générique qui embrasse à la fois la Vie et la Pensée, peut à son tour revêtir les attributs d’Hécate ou du Second Noûs. Notre brève analyse montre que la démarche de Victorinus n’a pas consisté à greffer artificiellement des termes chaldaïques sur une théologie chrétienne autonome, mais à importer l’ensemble des éléments doctrinaux des OC susceptibles de justifier la consubstantialité de la Trinité ainsi que la distinction des hypostases. Parmi ceux-ci, figure avant tout l’armature métaphysique dont s’inspire Victorinus, à savoir un système trinitaire qui revêt fondamentalement un caractère dynamique où deux mouvements engendrent trois hypostases : le Père est l’être pur, sans détermination, sans forme et, tout en transcendant les réalités qu’il engendre, contient néanmoins le Fils, la somme de toutes les déterminations, de manière latente et en puissance. Or, s’il peut être qualifié de Père de manière positive, c’est par rapport au mouvement propre du Fils qui, en s’hypostasiant lui-même, lui confère en retour une hypostase distincte. De même le Fils, à son tour, contient en son sein la vie et la pensée, mais celles-ci se trouvent déterminées mutuellement à travers un mouvement unique qui constitue à la fois la procession (la vie) et la conversion (l’Intellect). Ainsi, le premier mouvement établit une première dyade du Père et du Fils, le second mouvement, une seconde dyade de la Vie et de l’Esprit. Or, bien que le système théologique de Victorinus soit calqué – par la médiation de l’exégèse de Porphyre – sur le modèle de la théologie chaldaïque, la trinité Père-Puissance-Intellect et la trinité Père, Fils et Intellect connaît cependant un décalage en ce que le rhéteur de Rome pose le Fils comme l’hypostase générique qui embrasse à la fois la 55
Rapprochement signalé par P. Hadot, « L’image de la Trinité ... » 436. Cf. également Traités théologiques 802 sq., à propos de 32, 29, texte [17]. Cette double face fait référence « à la double orientation de l’âme cosmique : vers le monde intelligible, dont elle est illuminée par l’Intellect, et vers le monde sensible auquel elle transmet sa lumière », Lewy 355. On pourra comparer le texte [17] avec Adv. Ar. I 32, 57 : « Ces deux (c’est-à-dire vie et pensée) sont un en un seul mouvement. Ils sont le Fils unique de l’âme, qui, en tant qu’elle est âme, ne subit aucune passion. C’est l’âme qui est mère, ou père (nous soulignons), si l’on veut, du Fils unique, tandis que le mouvement procède en une double puissance qui est seule à subir les passions » (Unum haec duo et unum iuxta motum, filius est unigenitus animae, nihil passionis patientis iuxta quod anima est. Hoc autem est uel mater uel pater unigeniti filii, motione in duplicem potentiam procedente quae sola patitur).
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Vie et l’Intellect. C’est pourquoi il se produit cette impression de confusion, que le Fils est tantôt assimilé à Hécate, tantôt au Second Intellect, mais cette ambiguïté trouve très probablement sa source dans l’exégèse de Porphyre. Les termes et les expressions chaldaïques s’intègrent donc dans l’architecture générale reposant sur le rapport entre le Père, Fils et Esprit Saint, et l’Intellect, et demandent à être interprétés constamment à la lumière du langage théologique issu des OC. 2 Les oracles chaldaïques et la réhabilitation « poétique » de la tradition théologique païenne et néoplatonicienne Comme l’a montré récemment Ch. Tommasi en s’appuyant en particulier sur les travaux de L. Lenaz,56 Martianus manifeste un intérêt profond pour les Oracles Chaldaïques, ce qui est surtout visible dans les deux premiers livres qui, à la différence des livres suivants, se présentent comme des récits allégoriques des préparatifs des noces de Mercure et de Philologie.57 Selon la savante italienne, l’hymne d’ouverture qui célèbre la puissance de l’amour semble fortement inspiré de la doctrine de l’Éros chaldaïque et le livre II racontant l’apothéose de Philologie associe les éléments philosophiques néoplatoniciens aux motifs théurgiques de la religion chaldaïque, comme en témoignent l’ascension céleste de Philologie, décrite, tout le long du livre II, selon les rites initiatiques mystériques,58 l’hymne au Soleil (II 185-193), l’exposition de la doctrine démonologique (II 150-168) ou la prière finale (II 200-206), véritable abrégé de la métaphysique chaldaïque.59 J.-B. Guillaumin, se fondant sur une analyse minutieuse des allusions à la théologie néoplatonicienne et aux Oracles chaldaïques, montre que Martianus Capella, loin d’être un simple compilateur sans originalité, qui serait sans le savoir influencé par un substrat philosophique diffus, manifeste, au contraire, une connaissance aiguë de la philosophie et constitue un témoin majeur du néoplatonisme latin au Ve siècle de notre ère.60
56
Cf. Lenaz. Tommasi, « Aspekte des Nachlebens ... ». Tommasi considère que Martianus non seulement reprend et transforme la terminologie de ses modèles néoplatoniciens mais en offre une exposition non dogmatique et adaptée au nouveau contexte. 58 Pour une étude de ces pratiques mystériques : Lenaz 6-26 ; I. Hadot, Arts libéraux 142-146. 59 Tommasi, « Aspekte des Nachlebens ... » 325 sq. 60 Guillaumin, « Néoplatonisme et encyclopédisme ». 57
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À notre avis, un relevé précis des références chaldaïques est nécessaire car il montre le rôle à la fois essentiel et complexe des Oracles dans la réhabilitation du paganisme : les nombreuses allusions aux Oracles attestent sans aucun doute l’attachement de Martianus à la théologie et à la théurgie néoplatoniciennes ; on peut, pourtant, se demander si le recours aux images chaldaïques à la fois si expressives et énigmatiques n’est pas également au service de l’esthétique ondoyante de Martianus.61 Autrement dit, comment la reprise de la terminologie chaldaïque nous éclaire-t-elle sur l’articulation entre les inquiétudes philosophiques et religieuses de l’auteur et sa créativité poétique ? Nous nous en tiendrons aux deux premiers livres de l’œuvre, où se trouvent la plupart des références aux Oracles. On peut également mentionner le livre IX : le § 895, « le triple attelage des sœurs toujours suppliantes » (Demum trigarium supplicantis semper germanitatis) fait probablement allusion à la triade chaldaïque.62 Le § 910 est émaillé de références chaldaïques dont on citera quelques exemples dans la suite. 2.1 Une exposition poétique et non dogmatique des Oracles chaldaïques Tout d’abord, dès qu’on veut identifier les références aux Oracles chaldaïques et déterminer leur signification réelle, on se heurte à de véritables obstacles ; cela tient, nous semble-t-il à la nature de l’ouvrage, satura mêlant des sources très diverses. 2.1.1 Le syncrétisme religieux et culturel Le genre de la satura conduit l’auteur à fondre des sources diverses si bien qu’il est parfois difficile d’identifier avec précision l’expression chaldaïque. Par exemple, l’hymne que Philologie adresse au Soleil, au cours de son ascension céleste (II 185-193) apparaît comme une mosaïque d’horizons philosophiques et religieux divers : Ignoti uis celsa patris uel prima propago, Fomes sensificus, mentis fons, lucis origo...
61
Sur la réception des Oracles chez Martianus Capella : Turcan, « Martianus Capella ... » ; des Places, « Les Oracles Chaldaïques » 2318 sq. ; Lenaz 33-43. 62 Guillaumin, Martianus Capella 93-95.
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Puissance céleste ou premier-né du Père inconnu Étincelle du sensible, source de l’intellect, origine de la lumière...63
Dans cet hymne, Martianus tente de montrer que les dieux cosmiques, apparentés aux planètes, ne sont que des aspects du dieu suprême, le Soleil.64 L’expression « uis patris » est le calque de , second terme de la triade oraculaire Père - - , à travers lequel l’Un transcendant agit sur le monde.65 L’adjectif « ignotus » est avec raison appliqué au « Père », l’Un transcendant, « inconnaissable », comme le rappelle, par exemple, le fragment 3 des Oracles : Le Père s’est ravi lui-même, n’ayant même pas inclus dans sa Puissance Intellective le feu qui lui est propre. , ’ .
L’image « fons mentis » évoque très clairement la « Source paternelle » du fragment 37, source d’où jaillissent les Idées primordiales et d’où dérivent les âmes humaines.66 Pourtant, Martianus offre un exposé à la fois simplifié et libre de la théologie oraculaire et néoplatonicienne. R. Turcan soutient que la source est Jamblique en essayant de montrer les similitudes entre ce passage et le discours de Julien sur le soleil.67 Mais, comme le rappelle L. Lenaz, alors que Julien, peut-être à la suite de Jamblique, développe une métaphysique dans laquelle le soleil visible est le reflet du soleil intellectuel, lui-même image du soleil intelligible, Martianus lui, confond les divers plans ontologiques : le soleil auquel Philologie adresse un hymne est à la fois le soleil intelligible, fils de l’Un, et le soleil sensible 63
Sauf indication contraire les traductions sont personnelles. Sur ce passage : Courcelle, Lettres grecques ; Turcan, « Martianus Capella... » ; Lenaz 46-61; Guillaumin, « Néoplatonisme et encyclopédisme » 172 sq. ; Tommasi, « Aspekte des Nachlebens ... » 341 sq. 65 OC 96 : « L’âme, existant comme un feu lumineux par la puissance du Père, demeure immortelle... » (« , , »). Voir Lewy 79 et Festugière, Révélation III 55 : comme l’indique le fragment 3 des Oracles, le premier Dieu ne crée pas le monde sensible mais laisse ce soin au deuxième Noûs. 66 Sur l’image de la « source » présente chez les Médioplatoniciens latins : Apulée, Plat. 1, 9 ; Tommasi, The Bee-Orchid 168. 67 Turcan, « Martianus Capella... » 249 sq. Le savant cite l’expression « Syrus quidam » (Nupt. 2, 142.172) comme une allusion possible à Jamblique. Voir aussi Cristante et al. 331 sq. 64
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– « quarto currit circo » – médiateur entre les sept planètes.68 P. Courcelle estime que l’hymne est inspiré du traité perdu de Porphyre Sur le Soleil.69 Or Porphyre avait rédigé un commentaire aujourd’hui perdu sur les Oracles70 et on ne doit pas non plus oublier que les autres néoplatoniciens latins étaient fortement influencés par Porphyre alors que leurs œuvres ne témoignent pas d’une connaissance réelle de Jamblique.71 Il est par conséquent très difficile d’identifier les sources de Martianus Capella, S. Gersh préférant voir une inspiration chaldaïsante et platonicienne.72 Enfin, si l’image « fons mentis » est clairement chaldaïque, faut-il penser, comme le fait L. Lenaz, qu’il en va de même pour l’expression « fomes sensificus » ? Psellos, dans son Exposition sommaire et concise des croyances chaldaïques parle d’une « source de sensation » et on pourrait rapprocher notre passage du fragment 8 : Auprès de lui siège la Dyade : car elle détient ces deux fonctions, de contenir par l’intellect les intelligibles et d’introduire la sensation dans les mondes. ... , , ’ .
Le fragment rappelle la fonction à la fois noétique et sensible de l’Intelligence créatrice. Mais dans les Oracles le mot qui signifie « étincelle », , désigne une toute autre réalité : la faculté intellective de l’Âme (fr. 44) et sa connaturalité avec le Feu premier. À travers le terme « fomes », Martianus propose une reformulation originale de la philosophie néoplatonicienne. Bien plus, il refuse toute traduction rigoureuse et systématique des termes philosophiques grecs : on trouve un passage parallèle chez le chrétien Origène sans qu’il ne soit aucunement question des Oracles.73 Le genre de la satura, fécond en inventions poétiques et jouant avec l’ambiguïté des mots, brouille les pistes et favorise le syncrétisme religieux de cet hymne : comme le remarque J.-B. Guillaumin, Martianus, à
68
Lenaz 47 sq. Courcelle, Lettres grecques 200. 70 Marinus, Vit. Procli § 26. 71 Sur cet aspect : Courcelle, Lettres grecques 203.394. 72 Gersh, Middle Platonism 618 sq. 73 Origène ap. Rufin, De princ. I 1, 6. Par exemple, l’expression lucis origo désigne Dieu dans les textes chrétiens (Min. Fel., 32, 6). 69
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l’instar d’un autre néoplatonicien latin, Macrobe, s’adresse au Soleil en recourant aux appellations des diverses religions.74 2.1.2 Les expressions hermétiques À cela s’ajoute aussi le goût chez Martianus pour les expressions énigmatiques, ce qui rend notre repérage plus difficile. En effet, après l’annonce du mariage, au livre II, Thalie clôture la série d’hymnes que les Muses adressent à Philologie : Per uos vigil decensque, nus mentis ima complet, per uos probata lingua fert glorias per aeuum. Vos Disciplinas omnes Ac nos sacrate Musas
Grâce à vous, vigilant et noble, L’Intellect remplit les profondeurs de l’esprit. Grâce à vous, la parole applaudie Apporte la gloire à travers les siècles. Vous consacrez toutes les sciences Et nous, les Muses, aussi.75
Dans notre passage, la muse célèbre les bienfaits de Mercure et de Philologie : c’est grâce à eux, nous dit-elle, que les arts libéraux pourront éclairer l’âme humaine et l’élever au ciel (ut dent meare caelo). Mais quelle est la signification de la formule obscure : « mentis ima » ? En effet, Martianus associe de manière surprenante deux réalités en apparence opposées : l’esprit, d’origine céleste et partie supérieure de l’homme, et le terme « imum » qui nous situe dans la réalité la plus basse et humble. Il semble ainsi manifester son goût pour ce que le Satiriste Perse appelait les iuncturae acres, associations hardies et inespérées de termes appartenant à des réalités différentes ou opposées.76 Pour L. Lenaz et L. Cristante « mentis ima » évoque « les profonds abîmes de l’âme » dans la théologie des Oracles (fr. 112) :77 Que s’ouvre la profondeur immortelle de l’âme ; et dilate bien haut tous tes yeux. .
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Nous pensons à l’exposition de la théologie solaire dans Sat. I 17-23 : voir sur ce point Flamant 655 sq. 75 Nupt. II 126 sq. (trad. légèrement modifiée d’I. Hadot, Arts libéraux). 76 Sur cette alliance surprenante et hardie de mots, voir Perse, Sat. 5, 14-18 et l’interprétation de Bardon 3-6. 77 Cristante et al. 290 sq.
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L’image de l’œil de l’Âme est platonicienne et évoque ici la faculté de l’âme humaine à percevoir les vérités intelligibles.78 L’ouverture de la « profondeur immortelle de l’âme » signifie ainsi dans les Oracles l’accès de l’âme – celle de l’initié – aux vérités divines, ce qui s’accorde bien avec le contexte de notre passage faisant de l’union de Mercure et de Philologie le symbole de l’acquisition par l’homme du savoir divin. De plus, l’adjectif « decens » nous conduirait à penser que le « » est une entité divine – ailleurs il désigne Athéna –79 et qu’il est dès lors question de l’Intellect divin agissant sur les profondeurs de l’âme humaine. Au § 910 du Livre IX, l’expression « intimum paternumque carmen » rappelle le motif de la profondeur du Père, combinant l’image de l’abîme et l’image de l’esprit du Père.80 En même temps, on peut aussi supposer que « mens » est utilisé pour ne pas répéter le mot « » ; il se réfèrerait alors à l’esprit humain, par opposition au Nus compris comme la Raison divine. C’est de cette manière que l’interprète I. Ramelli qui traduit par : « Grâce à vous, vigilant et splendide le Nous remplit l’abîme de l’esprit ».81 Il est ainsi difficile de donner un sens exact à l’expression. Enfin, on peut aussi mentionner l’interprétation de W. H. Stahl, E. L. Burge et R. Johnson pour qui « mentis » se rattacherait à « » : il s’agirait alors de « l’intelligence de l’esprit » qui « remplit les abîmes », c’est-à-dire qui dissipe l’ignorance du monde.82 À l’image de Varron dans ses Satires Ménippées, Martianus s’amuse à déployer un réseau vertigineux de sens.83 2.2 Les Oracles dans les Noces : leur valeur poétique et religieuse On peut, dès lors, s’interroger sur la signification réelle d’un réemploi hybride de la théologie chaldaïque dans le genre satirique. Les références aux Oracles doivent-elles simplement être lues comme la marque d’une adhésion totale au néoplatonisme ou ne sont-elles pas aussi mises au service d’une poétique hermétique et baroque ? Martianus, en outre, ne qualifie-t-il pas le récit de l’apothéose de Philologie à la fin du livre II de « muthos » qu’il oppose aux exposés techniques des artes dans les 7 78
Lewy 169. Nupt. 6, 567, 1, où Athéna est appelée « Virgo armata decens ». 80 Guillaumin, Martianus Capella 110 sq. 81 Ramelli 79. 82 Stahl - Burge - Johnson 45. 83 Sur le goût pour les jeux de mots voir, par exemple : Varron, Sat. Maen. fr. 304. 79
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livres suivants et ne conclut-il pas son ouvrage en qualifiant ses propos de « balivernes » selon la tradition satirique ? Construisant son œuvre selon le modèle varronien de la satire Ménippée, l’auteur n’hésite pas à faire preuve d’autodérision et à mêler au sérieux le rire. Pourtant, on ne doit pas oublier que dans l’Antiquité tardive, le prosimètre, comme en témoigne la Consolation de Philosophie, est le discours privilégié pour transmettre de manière à la fois sérieuse et variée des vérités philosophiques.84 De plus, si la distance ironique des Noces parcourt tout le livre, les développements théologiques et théurgiques d’inspiration néoplatonicienne et chaldaïque ne font pas l’objet d’une parodie. C’est ce que rappelle G. Capdeville qui oppose à la présentation sérieuse et pédagogique par Junon de la théologie néoplatonicienne (II 150-168) l’exposé en partie parodique et désinvolte de la doctrine étrusque.85 Bien plus, c’est le personnage de la Satura qui reproche à Martianus Capella de dépasser les limites du decorum lorsqu’à l’exposé sérieux sur l’Arithmétique du Livre VIII l’auteur fait succéder un passage bouffon dans lequel Silène ivre dérange par un ronflement un membre du Sénat divin.86 2.2.1 Terminologie chaldaïque et ferveur religieuse D’autre part, les formulations chaldaïques, au-delà de leur valeur poétique indéniable, confèrent, nous semble-t-il, une plus grande expressivité à la ferveur religieuse des néoplatoniciens. En effet, les Oracles chaldaïques, appelés par les savants la « Bible des Néoplatoniciens », revêtent aux yeux de ces derniers une valeur sacrée et font de leur doctrine une forme de religion.87 Quand on sait que Martianus se présente, au tout début de l’œuvre, comme le dernier érudit païen, on peut vraisemblablement supposer que le recours à la terminologie chaldaïque s’inscrit dans la défense de la culture et de la religion antiques. Le contexte culturel de l’œuvre peut corroborer une telle interprétation. Tout en admettant que « les tentatives de datation reposent [...] généralement sur l’analyse d’éléments internes à l’œuvre, qui ne fournissent 84
Sur ce point, voir Shanzer 31 sq. ; Tommasi, « Il De Nuptiis... » 208 sq. Capdeville. Voir Pabst 122, pour qui le genre satirique se libèrerait progressivement de sa visée parodique traditionnelle pour devenir un genre sérieux au service d’un savoir encyclopédique. 86 Nupt. 8, 806. 87 L’expression est de Cumont, Les religions orientales 196 ; voir Tommasi, The Bee-Orchid 149. 85
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que des hypothèses, et non des certitudes », J.-B. Guillaumin juge plus probable de situer les Noces au début du Ve siècle, c’est-à-dire après la prise de Rome par Alaric et avant la prise de Carthage par les Vandales : selon lui, le savoir solide de Martianus permet de rattacher l’auteur aux milieux intellectuels de la « réaction païenne » qui se caractérisent par une très bonne connaissance du néoplatonisme mêlé de références aux Oracles.88 Or, jouant de l’immense liberté de la satire Ménippée qui l’autorise à introduire dans de la prose des passages en vers, Martianus recourt à la terminologie chaldaïque le plus souvent dans l’un des genres religieux par excellence : les hymnes, comme en témoignaient les expressions « ima mentis », célébrant les vertus de Philologie et de Mercure (en II 126), ou « fons mentis » (en II 185), célébrant le Soleil. De même, Martianus Capella au début du Livre VI adresse un hymne à Athéna dans lequel il lui demande de l’aider à chanter les quatre sciences du futur quadriuium, typiquement grecques et données aux hommes par la déesse de la sagesse :89 Vierge armée, à la beauté austère, sagesse, Pallas, Étincelle de l’éther, esprit et clairvoyance du destin, Intelligence du monde, conseillère sacrée du Tonnant [...] Sommet de la raison, sacré des dieux et des hommes [...] Tu es la fleur illustre du feu. Virgo armata decens, rerum sapientia, Pallas, Aetherius fomes, mens et sollertia fati Ingenium mundi, prudentia sacra Tonantis [...] ac rationis apex divumque hominumque sacer nus [...] Tuque ignis flos es.
L’auteur recourt aux expressions chaldaïques pour célébrer la déesse : « ignis flos » est le calque latin de l’expression chaldaïque qui désigne dans les fragments 34 et 35 des Oracles la divinité transcendante : l’image « fleur » signifie la partie la plus pure du feu, non mélangée avec la matière. L’identification d’Athéna à l’Intellect et à la sagesse 88
Guillaumin, « Néoplatonisme et encyclopédisme » 168-170. Sur ce problème voir Shanzer 5-17. 89 Nupt. 6, 567. Pour un commentaire de l’hymne à Pallas : Filip. Comme Filip 405 le remarque, le concept de n’est pas univoque mais renvoie à des références philosophiques et à des représentations symboliques diverses. Ainsi en I 92, 7 nus sacer sert d’épiclèse à Mercure tandis que qu’en II 126, 37 uigil decensque nus est l’Intellect distinct de Mercure et de Philologie.
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(sacer nus), est habituelle chez les scholiastes d’Homère et elle est reprise par les néoplatoniciens.90 De plus, soucieux d’acclimater le néoplatonisme grec à l’univers culturel du lecteur romain, Martianus Capella multiplie dans cet hymne les références à la poésie latine. Ainsi, l’expression « insomnes ... curas » rappelle le vers 239 du Livre II de la Pharsale, « inuenit insomni uolentem publica cura / fata uirum », qui se rapporte à Caton, parangon de la uirtus romaine selon Sénèque et Lucain.91 De même, la mention du casque orné d’aigrettes, « uertice cristae » (§ 568) est très courante dans l’Énéide et apparaît par exemple au chant VI dans la description de Romulus, « ut genimae stant uertice cristae », le héros national par excellence.92 Le lecteur est ainsi invité à apprécier la densité intertextuelle de l’hymne ; mais au-delà de cette visée esthétique, les images chaldaïques, associées au patrimoine latin concourent à célébrer avec émotion l’union des hommes avec l’Un. Reprises en outre dans d’autres hymnes, elles constituent, par leur caractère énigmatique et expressif, des marqueurs de la religiosité néoplatonicienne. 2.2.2 Les Noces comme savoir révélé Le recours aux images hermétiques des Oracles présente enfin un autre avantage : exprimer de manière voilée la vérité sur les dieux. Comme l’auteur le rappelle à la fin de son ouvrage, la satire « farcit ce qu’il faut taire avec ce qu’il convient de dire » : ce qu’il faut taire, c’est tout ce qui touche à l’âme et au divin, théologie et rites mystériques, exprimés sous forme allégorique dans les deux premiers livres ; ce qu’il faut dire : les 7 arts libéraux = le savoir humain.93 90
Porphyre, Peri agalmatôn, Fragmenta 359F, p. 421 Smith [ap. Euseb. PE 3, 11, 31]. 91 Sur Sénèque voir par exemple : ad Lucilium 14, 12 sq. 92 Virgile, Æn. 6, 779. 93 Nupt. 9, 997, v. 6 sq. : « Fandis tacenda farcinat ». Le verbe « farcinat » fait allusion à l’étymologie varronienne du genre satirique rapportée par Diomède (Diom. Gramm. I 485, 32 - 486, 7 sq. : l’image culinaire de la farce permet à Varron de définir le caractère composite de la satire. Voir sur ce point Bovey 17-22. Shanzer 43 considère que le ton badin de Satura (« garrire agresti cruda finxit plasmate ») n’a pas pour but de tourner en dérision le savoir religieux, mais plutôt de le crypter de manière à échapper à toute censure ou condamnation. Sur le caractère néoplatonicien (Porphyre) du cycle des sept arts libéraux sur lequel s’appuie Martianus Capella, voir I. Hadot, Arts libéraux.
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On comprend dès lors pourquoi Martianus Capella privilégie dans les passages narratifs et allégoriques les images chaldaïques : par leur caractère énigmatique, elles lui permettent, en réalité, de préserver le mystère divin. C’est ce que suggère au début du livre I la description détaillée des dons que les dieux font à Psychè, véritable allégorie de la nature divine et immortelle de l’âme humaine :94 [...] uoluit saltem Endelechiae ac Solis filiam postulare, quod speciosa quam maxime magnaque deorum sit educata cura ; nam ipsi natali die dii ad conuiuium corrogati multa contulerant. Iuppiter quippe diadema, quod Aeternitati, filiae honoratiori, detraxerat, capiti eius apposuit [...] Uranie autem praenitens speculum, quod inter donaria eius adytis Sophia defixerat, quo se renoscens etiam originem uellet exquirere, clementi benignitate largita. Lemnius quoque faber illi insopibilis perennitatis igniculos, ne caligantibus tenebris nocteque caeca opprimeretur, incendit. [...] il voulut ensuite demander Psychè, la fille d’Entéléchie et du Soleil, car elle était extrêmement belle et les dieux avaient pris grand soin de son éducation. Le jour de sa naissance, les dieux, ayant été invités à sa célébration, lui avaient apporté beaucoup de cadeaux. Le fait est que Jupiter la couronna d’un diadème, qu’il avait retiré à sa fille préférée Éternité [...] Uranie lui donna un miroir éclatant que parmi les divers présents Sagesse avait fixé dans sa chambre, miroir dans lequel Psychè pourrait se reconnaître et voudrait rechercher ses origines. L’artisan de Lemnos, lui aussi, avait allumé pour elle ses petites flammes qui sont éternelles et ne s’éteignent jamais ; ainsi elle ne serait pas opprimée par les ombres tristes et la nuit obscure.
Ce passage n’est pas sans rappeler le fragment 96 des OC : L’âme, existant comme un feu lumineux par la puissance du Père, demeure immortelle, elle est maîtresse de vie et comprend les plénitudes de beaucoup de replis (du monde). , , .
Qu’il s’agisse dans ce second fragment de l’âme du monde, comme le pense H. Lewy,95 ou de l’âme humaine, selon l’interprétation d’A.-J. Festugière,96 l’extrait affirme que l’âme dérive en dernière analyse du Dieu suprême en ce qu’elle contient une portion du Feu primordial. Les « igniculi » désignent les semences divines, l’étincelle de l’âme qui dans 94
Nupt. 1, 7. Lewy 84-86. 96 Festugière, Révélation III 58. 95
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les Oracles s’identifie à Éros, avec l’ qui empêche l’âme de succomber à la matière et à l’ignorance et de renier sa nature divine : cette dernière exigence est d’ailleurs clairement exprimée par Martianus Capella lorsqu’il nous dit qu’Uranie97 offre un miroir à Psychè pour l’inciter à rechercher sa véritable origine. Au lecteur avisé d’identifier derrière ce récit fabuleux l’allusion philosophique et religieuse aux Oracles. De plus, l’hapax « insopibilis », « qui ne sommeille pas » ou « inextinguible »,98 joint au substantif « perennitas », peut rappeler l’adjectif « » (impérissable) qui au fragment 66 des Oracles qualifie le feu primordial ; il renforce la signification énigmatique de ce passage. Mais c’est surtout à la fin du second livre, au moment où Philologie, arrivée dans la sphère céleste, contemple la structure complexe du monde, que Martianus recourt à un lexique à la fois technique et obscur. Les savants ont montré que ce passage constitue un véritable résumé de la doctrine des trois hypostases selon les Oracles chaldaïques : Quandam etiam fontanam uirginem deprecatur, secundum Platonis quoque mysteria potestates. Elle adresse encore une prière à la fameuse vierge source et aussi, selon les mystères platoniciens, aux puissances .
Nous nous contenterons ici de quelques brèves remarques, le passage ayant été massivement commenté.99 Martianus use d’abord d’une terminologie grecque hermétique : le mot désigne le premier transcendant, identifié par Porphyre à l’Un ; le est le Second transcendant assimilé à l’Intellect.100 La « vierge source » est Hécate, à la fois intermédiaire entre l’Un et l’Intellect et source de l’âme. 101 D’autre part, il recourt à un hapax : extramundanus (II 202 : « extramundanas beatitudines ») qui exprime la transcendance de l’Un et traduit le terme qui au fragment 209 des OC se rapporte au Père. Enfin, 97
Il s’agit de Vénus ouranienne et non de la Muse (Platon, Symp. 180d sq.), par opposition à Vénus pandémienne qui apparaît quelques lignes plus tard. 98 On retrouve cet adjectif au § 910 du Livre IX : « in honorem cuiusdam ignis arcani ac flammae insopibilis » : la métaphore du feu (secret et inextinguible) rappelle le Père transcendant et inconnaissable des OC 3.34.35, comme le rappelle Guillaumin, Martianus Capella 110. 99 Bidez 79 ; Courcelle, Lettres grecques 202 sq. ; Lenaz 29 sq. ; Guillaumin, « Néoplatonisme et encyclopédisme ... » ; Tommasi, « Aspekte ... » 325-346. 100 Voir le témoignage de Jean Lydus, Mens. 110, 18-25. 101 Sur l’identification de la source à Hécate chez les Néoplatoniciens : Damascius, In Parm. III 181, 9 sq. Sur Hécate comme intermédiaire entre les deux premières hypostases : OC 50.
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l’usage très rare de l’adjectif empyrius (empyro mundus) est en réalité le calque latin de l’ du fragment 5, renvoyant au monde igné, œuvre du second Dieu, différant des Idées que pense le premier Dieu.102 Or tout ce passage présente une valeur hautement religieuse : la doctrine platonicienne, « Platonis mysteria », est présentée comme une religion à mystères, d’après la conception même des Néoplatoniciens et son exposition est précédée du rite de la prière. De même le terme « quandam » est un clin d’œil aux initiés qui sauront comprendre les allusions philosophiques du texte. Il nous semble dès lors que le goût pour les expressions insolites et obscures accentue la dimension sacrée de ce passage au lieu de l’atténuer. Les allusions subtiles aux œuvres poétiques latines participent de cette entreprise : l’évocation de la Voie Lactée comme courant s’inspire de la description qu’en donne Ovide dans le premier livre des Métamorphoses, comme si l’univers céleste ne pouvait être dit qu’à travers le langage symbolique de la poésie.103 En mêlant les images mystérieuses des Oracles aux références littéraires romaines Martianus Capella présente la littérature et la philosophie païennes comme une vérité révélée, inaccessible au simple profane et qui ne peut exprimer l’Un transcendant qu’à travers le langage imagé de la poésie. Les Noces sont ainsi à leur tour des oracles : l’œuvre de Martianus n’est pas simplement une somme d’exégèses ou de théories philosophiques, mais un texte qui exprime le savoir divin de manière symbolique et dont le sens demandera à être élucidé par la raison du philosophe. Que l’on situe la composition de l’ouvrage au début ou à la fin du Ve siècle, Martianus nous offre une version néoplatonicienne originale des Oracles : alors que Porphyre ou Proclus en proposeront une interprétation systématique, l’auteur des Noces, lui, fait une exposition plus poétique et enjouée de celle-ci. Au milieu de cette nébuleuse, une chose est pourtant sûre : avec Martianus Capella les oracles chaldaïques sont, pour un moment, entrés dans le patrimoine culturel latin. Nous avons vu que nos auteurs latins intègrent les éléments chaldaïques toujours indirectement à travers les commentaires de Porphyre. Ce qui est remarquable est que, même si les néoplatoniciens latins ont pris con102
Des Places, Oracles 124. « Quippe quidam candores lactei fluminis tractim stellis efflammantibus defluebant » (Nupt. 2, 207) ; « Est via sublimis, caelo manifesta sereno; / lactea nomen habet, candore notabilis ipso » (Ovide, Met. 1, 167).
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naissance des Oracles Chaldaïques à travers le prisme exégétique du philosophe de Tyr, l’usage qu’ils en font est très varié : si chez Marius Victorinus les Oracles chaldaïques viennent au secours de l’orthodoxie de la trinité chrétienne, dans le cas de Martianus Capella, ils font la promotion d’une piété païenne reposant sur le syncrétisme religieux et intimement liée à la défense des arts libéraux. Aussi, l’usage des Oracles s’avère conditionné par deux situations idéologiques et programmatiques différentes. Le premier, chrétien convaincu de la véracité de la foi trinitaire, considère les Oracles comme un moyen de résoudre les difficultés liées aux mystères de la consubstantialité et des distinctions hypostatiques ; il retient principalement l’articulation de la trinité Père, Puissance, Intellect qui lui permet de concevoir, sur ce même modèle, la trinité chrétienne. Le second, en revanche, s’intéresse non seulement à la doctrine théologique mais aussi aux pratiques théurgiques et à l’expressivité symbolique des Oracles. L’aspect rituel des Oracles trouve une résonnance surtout dans l’élaboration du programme des arts libéraux, conçu selon un mouvement anagogique qui accompagne l’âme vers les réalités intelligibles. En outre, Martianus Capella exploite la densité poétique des Oracles : les expressions chaldaïques donnent lieu à une multiplicité vertigineuse de sens, suivant en cela le modèle varronien des Satires Ménippées, et elles participent de l’esthétique baroque des Noces. Nous espérons que cet article constitue le point de départ d’une étude plus générale sur la réception latine des Oracles dont à notre sens, on n’a pas encore suffisamment mesuré la richesse et la complexité.
Claudio Moreschini
Per il Nachleben degli Oracula Chaldaica: Ermia Alessandrino, Michele Psello e Francesco Zorzi È noto che la filosofia neoplatonica nutrì un forte interesse per le teosofie antiche: basti pensare alla presenza dei poemi orfici e degli OC negli scritti di Proclo e di Damascio. 1 Ermia Alessandrino Tra i neoplatonici interessati alla filosofia oracolare si colloca anche un personaggio certo non della intelligenza e della importanza dei più grandi, che abbiamo adesso nominato, ma uno di minor rilievo: Ermia di Alessandria, che fu scolaro di Siriano.1 L’interesse di Ermia per le misteriosofie è attestato anche da brevi riferimenti ad Ermete Trismegisto (p. 99, 6 e 176, 14 Lucarini Moreschini) e alle Sibille, dedite all’arte della mantica (p. 99, 3 sgg. L. - M.). Poesia religiosa per eccellenza sono gli OC, che Ermia cita con il termine usuale di e che erano stati valorizzati in modo particolare dal neoplatonismo a partire da Giamblico. A p. 115, 9 L. - M. 1
Ermia è stato a lungo considerato come un semplice portaparola di Siriano, a causa della modestia (non poi eccessiva, a nostro parere) della sua esegesi del Fedro platonico, e, soprattutto, come conseguenza dei giudizi negativi che espresse su di lui Damascio nella Vita Isidori. Già in un precedente studio mettemmo in dubbio la validità di questo metodo, ritenendo che sarebbe stata opportuna un poco di cautela di fronte a questo giudizio che sa molto di polemica di scuola e di invidie accademiche; anche se Ermia riprende l’insegnamento di Siriano, ciò non esclude che egli vi abbia aggiunto anche altre considerazioni personali. Se è noto l’interesse che tutti i neoplatonici nutrivano proprio per quei testi, come aveva già sottolineato anche P. Hadot, Ermia è interessato alle teosofie in maniera molto maggiore di Siriano, almeno per quanto si ricava dal commento alla Metafisica di quest’ultimo. Anche il Saffrey, del resto, aveva notato che le citazioni dei poeti orfici, che sono ‘decorative’ in Siriano, hanno un ben altro peso in Ermia. In conclusione, non bisogna attribuire a Siriano come cosa ovvia, tutto quello che si legge in Ermia. Maggiori informazioni in C. Moreschini, Alla scuola di Siriano.
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troviamo il fr. 174 des Places, che serve a fornire una testimonianza alla concezione platonica dell’anima automoventesi (“essa agli altri procura la vita, e a più forte ragione la procura a sé”); a p. 164, 16 L. - M. il fr. 23 (che il Couvreur non aveva identificato, ma aveva ritenuto parte di un verso orfico non conosciuto), per dimostrare la triadicità di tutto quello che è perfetto; a p. 193, 4 L. - M. parte del fr. 53, conosciuto per intero grazie ad una citazione di Proclo, per spiegare la natura del calore che pervade l’anima sotto l’effetto dell’amore, secondo quanto si legge in Phaedr. 251 e: il calore, dicono i , viene diffuso nell’universo ad opera dell’anima cosmica, perché l’universo abbia la vita. L’interesse di Ermia per gli OC, comunque, appare sporadico e intermittente; pochi decenni prima, nella medesima Alessandria ove insegnava Ermia o nella vicina Cirene, Sinesio se ne era servito in modo ben più profondo e radicale. L’auge della ricezione neoplatonica è rappresentato dalle opere del contemporaneo Proclo e di Damascio, circa due generazioni più tardi. 2 Uno studioso bizantino degli OC: Michele Psello Possiamo dire con una certa cautela, dovuta alla difficoltà di ricercare nella letteratura bizantina, che, dopo Ermia, per circa sette secoli, non abbiamo notizie degli OC nel mondo greco. Dopo il sesto secolo, i riferimenti agli OC sono pochissimi.2 Appare quindi di notevole interesse l’improvvisa apparizione, nell’undicesimo secolo, di un intellettuale multiforme, quale fu Michele Psello, il quale scrisse alcuni trattati dedicati agli OC.3 Essi sono stati pubblicati da des Places (ma già segnalati da Lewy),4 che compì, in tal modo, un lavoro innovativo: la , la , la e la , oltre ad alcuni altri frammenti. Questi quattro trattati sono stati ripubblicati da O’Meara, Philosophica minora II, con la successione ora indicata (nn. 38, 39, 40 e 41).5 Questa serie di scritti dedicati agli OC mostra che l’interesse di Psello per essi fu 2
Cf. i brevi cenni in Seng, 24 sg. Dopo un lungo periodo di disinteresse, negli ultimi decenni hanno visto la luce – nel contesto di un revival della letteratura bizantina – vari saggi critici dedicati a Psello. Sulla sua personalità cf. soprattutto Duffy; Athanassiadi, “Byzantine Commentators ...”; Kaldellis, Hellenism in Byzantium. 4 Lewy 473-479. 5 La è stata oggetto di un sintetico, ma utile riesame da O’Meara, “Psellos’ Commentary” 46-48. 3
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maggiore di quello che egli ebbe per altre forme di religioni rivelate (anche se pagane), come l’ermetismo. Ma è opportuno ampliare la ricerca, e domandarsi se Psello si è dedicato anche in altre occasioni a interpretare gli OC.6 La risposta è affermativa, e sono rintracciabili varie citazioni o allusioni, che des Places già conosceva solo in parte, e attingendo da altra fonte (Proclo, Damascio etc.), e non da Psello. E comunque, se Psello conosce gli OC, dobbiamo tener conto pur sempre del fatto che lo scrittore era cristiano e viveva nell’ambiente, così particolarmente caratterizzato in senso ‘ortodosso’, di Costantinopoli: il suo atteggiamento oscilla tra quello dell’interesse scientifico per quel testo – pagano, si badi bene – in quanto tale, e la condanna della curiosità o .7 Le sue dichiarazioni di conoscere la teologia caldaica si accompagnano sempre (o quasi) ad ammonizioni a non credere che egli sia veramente interessato a quella dottrina, che è pur sempre lontana da quella cristiana, oppure ad aperte condanne della teologia pagana.8 Inoltre, Psello è interessato anche al lessico e allo stile di quei poemi, per cui, anche se non ne approfondisce il contenuto, si serve all’occasione, ed in modo rapsodico, di questo o di quel termine poetico che gli appariva utile per inserirlo nella sua prosa a mo’ di flosculo retorico. Da quello che Psello conosceva degli OC e dai giudizi che formula su di essi si possono ricavare alcune conclusioni.9
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Uno studio su di un tema presente negli OC e riesaminato da Psello, quello del corpo astrale dell’anima, è dato da Delli, “Entre compilation et originalité ...”. 7 Così, giustamente Magdalino - Mavroudi 29. 8 Un esempio analogo si può trovare alla fine della ᾿ [= Opusc. phil. II 7], vale a dire una spiegazione del passo famoso di Phaedr. 246 e - 247 a, effettuata da Psello. Dopo avere esposto fedelmente la spiegazione di Ermia (p. 126, 10 - 128, 30 e 136, 10-15 L. - M.), Psello conclude, aderendo in modo tradizionale alla fede cristiana: “Abbiamo spiegato in modo platonico le dottrine platoniche, il che equivale a dire che abbiamo spiegato in modo ridicolo dottrine ridicole” (14, 19 sg.). Cf. Moreschini, “Ermia Alessandrino nel Medioevo ...” 286. Sull’interesse di Psello per la filosofia pagana cf. Duffy 148.152; Athanassiadi, “Byzantine Commentators ...” 246; Kaldellis, passim; Ierodiakonou; Magdalino - Mavroudi 15-21.27-35 (molto più che una semplice introduzione ad una raccolta di saggi). 9 Le conoscenze degli OC da parte di Psello erano state ricondotte esclusivamente a Proclo da Lewy 477 e Athanassiadi, “The Chaldaean Oracles” 150, ma O’Meara, “Psellos’ Commentary” 51-57 ha mostrato che le fonti di Psello sono state almeno due (Proclo e la fonte degli Excerpta Vaticana).
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2.1 La maggiore antichità degli OC È, questo, un punto essenziale per la mentalità tardoantica: l’antichità è garanzia di veridicità. a) I Caldei sono più antichi dell’eretico Valentino, come è spiegato in Opusc. theol. I 4. Psello commenta un passo dell’omelia 33 di Gregorio Nazianzeno (cap. 15), ove si dice che “essi – cioè i fedeli dei quali Gregorio è il vescovo, i seguaci della fede nicena – conoscono bene il loro pastore e sono da me ben conosciuti”. La spiegazione di Psello, che riprende quanto già detto da Gregorio, è la seguente. I fedeli non daranno ascolto ai pastori ad essi estranei e fuggiranno tutti gli eretici. Tra costoro si trova Valentino, la cui dottrina consiste in un dualismo (p. 15, 38 - 16, 61 ed. Gautier): da una parte il demiurgo, dall’altra il dio buono; il dio buono sta al di sopra del demiurgo per nobiltà e per bellezza e per la superiorità della sua conoscenza, mentre il demiurgo è inferiore per tutti questi motivi, ma possiede una potenza demiurgica e per questo motivo, dice, (termine caldaico: “fece gonfiare”: fr. 57 des Places) “i sette firmamenti”. Psello osserva che questa dottrina si trova dibattuta in molti libri platonici e orfici e soprattutto in quelli chiamati ‘Caldaici’, che egli ha avuto occasione di leggere; agli scritti di Valentino non si è, finora, accostato con uno studio impegnativo e secondo quanto richiede la ragione,10 ma solamente basandosi su quanto hanno scritto su di lui gli eresiologhi,11 per cui egli ignora se Valentino abbia organizzato la propria dottrina seguendo le precedenti dottrine di Platone e dei Caldei. Ecco, dunque, una conflazione assolutamente arbitraria di dottrine valentiniane e caldaiche. b) Sono più antichi degli Egiziani: Opusc. theol. I 23, 33 sg. Questa affermazione, anche se presentata di sfuggita, ha un certo peso, perché Psello si era interessato anche dell’ermetismo, di cui aveva riconosciuto l’antichità.12 È interessante, quindi, osservare, che per lo scrittore bizantino la teologia caldaica è più antica anche di quella ermetica: si sta configurando la convinzione della straordinaria antichità, superiore ad
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Così intendo il difficile termine del testo. E in effetti, ai tempi di Psello, Valentino era conosciuto solamente attraverso Ireneo o Epifanio. 12 Alcuni esempi di questo interesse di Psello per l’ermetismo sono stati rintracciati da noi (cf. Moreschini, Hermes Christianus 128-131). 11
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ogni altra, della rivelazione caldaica. Questa convinzione emergerà anche alcuni secoli più tardi nel pensiero di Giorgio Gemisto Pletone. c) sono più antichi anche degli Ebrei: Opusc. phil. I 3, 156. 2.2 L’origine della teologia caldaica Psello conosce anche, con qualche approssimazione e qualche errore, la storia degli OC. I nomi e le dottrine caldaiche – egli afferma nel già ricordato Opusc. theol. I 23, 46-51 – furono introdotti da un certo Giuliano, che visse sotto Marco e li espose in versi; questi versi sono celebrati con il titolo di ‘oracoli’ () da quelli che vissero dopo di loro. Anche i Greci dei nostri tempi,13 leggendo questi , a tal punto li ammirarono e li amarono che, abbandonando immediatamente le dottrine greche, accorsero verso di queste, e questo fecero soprattutto Giamblico, e Proclo, uomo veramente divino; infatti concordarono con questi (oracoli) e definirono (‘tempeste’)14 i metodi dei Greci relativi al sillogismo. Come si debba intendere questa definizione non è chiaro; anche qui si noti il modo rapsodico di unire parole caldaiche a dottrine neoplatoniche. Questa origine della dottrina caldaica è presentata anche dalla prima delle orazioni pubbliche (Orat. for. 1), che è rivolta al sinodo di
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Questa determinazione cronologica è tutt’altro che chiara. Con questo termine Psello ora intende i Greci dell’età ‘classica’, ora, secondo la tradizione cristiana, i pagani, ora entrambi. Duffy 139 osserva: “antica filosofia”, vale a dire, nella terminologia bizantina, “ellenica”; “Hellenic material, specifically ancient philosophy” (147). Kaldellis 196: “Platone, Aristotele e Proclo erano elleni in almeno due sensi: erano pagani ed appartenevano all’antica nazione greca”; 198: “I Greci sono stranieri, per Psello, tanto quanto gli Egiziani, tranne che per quello che egli accetta”. Sul problema in generale cf. Kaldellis 219-223. Ma, per tornare al problema dell’interpretazione di questo passo, i neoplatonici, i quali, ammirando gli OC, si comportano da pagani sono anteriori di cinque secoli, e non sono, quindi, “i Greci dei nostri tempi”. Sono allora esistiti degli altri ‘neoplatonici’ contemporanei a Psello? Come mi suggerisce H. Seng, sembra trattarsi dei contemporanei di Procopio, al quale Psello si riferisce in un passo molto simile al nostro; cf. Westerink, “Proclus, Procopius, Psellus” 275-280 = 1-6. 14 Questa è la traduzione di des Places (223 n. 1). Questo passo di Psello, infatti, fu pubblicato in parte già da des Places 223 sg. Gautier rimanda a des Places.
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Costantinopoli per polemizzare con Michele Cerulario.15 Così racconta Psello (l. 287-302): Un certo Giuliano ai tempi dell’imperatore Traiano espose in versi epici le loro dottrine, che chiamano ‘oracoli’ quelli che celebrano le loro dottrine. Il filosofo Proclo, uomo dotato di una natura superiore al comune ed esperto in tutta la filosofa, ma assolutamente greco,16 li lesse, e, caldaizzando, venerò tutta insieme la loro dottrina e definì ‘tempesta di parole’ le dimostrazioni dei Greci, come racconta Procopio di Gaza,17 e a gonfie vele si volse a quell’arte ieratica. Proclo, perfezionando in tutto la capacità di interpretare, sciolse l’intreccio () dei loro versi ed espose in prosa le loro dottrine. Ora io ne presenterò alcune poche [...] , affinché sappiate che il grande luminare della Chiesa e il nuovo dottore (cioè Michele Cerulario) congiunse ai Vangeli una empietà antica e messa a tacere per molti secoli.
Psello cita poi le parole di Proclo, che sono state edite anche da des Places. In un altro passo (A coloro che domandano quanti siano i generi dei discorsi filosofici, Opusc. phil. I 3, 142-147) la spiegazione dei fatti e la loro cronologia sono più accurate: Costui (scil. il teurgo) era Giuliano, il quale si unì alla spedizione militare dell’imperatore Marco che muoveva contro i Daci, e attuò molti altri prodigi in favore dell’imperatore e respinse i Daci dai confini dei Romani. Avendo costruito con del fango, infatti, un viso d’uomo, lo collocò rivolto contro i barbari, e quelli, poiché gli si avvicinarono, furono respinti ad opera di lampi insopportabili che promanavano da quel viso.
L’Opusc. theol. II 37 (Ai suoi discepoli, a proposito del ) contrappone le dottrine egiziane (cioè ermetiche) a quelle caldaiche. “Alcune dottrine sono quelle che sono state perfezionate e messe per iscritto da Giuliano, colui che un tempo partecipò alla spedizione di Traiano contro i Daci18 e che dette al suo libro il titolo di ‘arte ieratica’ (II 37, 21-25)”. Nell’Opusc. theol. I 9 Psello afferma decisamente:
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Dettagli di questa polemica in Criscuolo 9-17. Cioè ‘pagano’ (così traduce des Places)? Vedi n. 13. 17 Procopio aveva scritto una confutazione della di Proclo, relativa alle dottrine caldaiche. Si è supposto che Psello ricavasse da Procopio le sue conoscenze degli OC, ma è evidente che egli si riferisce con ben maggiore interesse alla autorità di Proclo. 18 Un evidente errore, in contraddizione con quanto si è visto prima. 16
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Mi vergogno di Giamblico e di Proclo, i quali, pur distinguendosi dagli altri per la filosofia, si sono abbandonati alle stupidaggini dei Caldei (l. 6-8).19
2.3 La religione cristiana è superiore al paganesimo degli OC 2.3.1 Gregorio Nazianzeno e gli OC Questa convinzione è esposta mediante una frequente contrapposizione tra la dottrina di Gregorio, ‘il teologo’ per eccellenza in età bizantina, al quale Psello non poteva non dedicare la propria attenzione di poligrafo, e gli OC.20 Tra gli Opera theologica dell’edizione Gautier l’opusculum 4 è dedicato a commentare una frase dell’orazione 33 di Gregorio Nazianzeno, ove Psello aveva parlato di Valentino, come sopra si è visto. Lo scrittore continua poi esponendo le dottrine più antiche (di quelle di Valentino), cioè quelle di Platone: la bontà del demiurgo (cf. Tim. 29a) e la dottrina delle idee; il demiurgo sta immobile in modo esente da generazione, prima dell’esistenza dell’universo, mentre le idee si sono manifestate fuori da lui per via di generazione, ma senza intermediario;21 le idee sono i pensieri di Dio di tutto quello che è stato costruito, e il demiurgo è terzo a partire da colui che è buono, ma primo nel suo contatto con la creazione. Infatti colui che è propriamente e in prima istanza dio, Platone pensa che sia insozzato, se viene abbassato a creare le cose sensibili, per cui lo colloca su di una inesprimibile acropoli, mentre quelli che hanno avuto origine da lui li congiunge chi l’uno chi l’altro a questa o quella creatura, poiché il primo demiurgo fa ogni cosa, mentre gli altri, che sono creatori parziali, completano gli uni una cosa gli altri un’altra: Ecate, che sta ferma in mezzo a tutti come il centro di tutti i demiurghi, dà inizio alla generazione delle anime e svela le realtà intelligibili e fa gonfiare quelle sensibili (l. 50-61). Come si vede, in modo confuso Psello unisce all’improvviso la dottrina caldaica e la figura di Ecate alla dottrina di Platone: questo metodo corrisponde a quello di Proclo e di Damascio nella lettura degli OC. Nell’Opusc. theol. I 23 (pure questo già incontrato) Psello commenta ancora Gregorio Nazianzeno, il quale in Orat. 29, 2 aveva detto che tre sono le opinioni definitive relative a Dio: la mancanza di un comando, la molteplicità del comando e la unicità del comando. L’affer19
Gli OC sono esoterici e pericolosi (Kaldellis 197). Così anche Duffy 146, che si basa soprattutto sulle omelie 28 e 29 di Gregorio. 21 Forse le idee come pensieri di dio? 20
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mazione di Gregorio è giustificata in quanto ha di mira le varie teosofie pagane (l. 34): sia gli Egiziani sia i Caldei asseriscono l’esistenza di una molteplicità di principi, e quindi collocano potenze diverse per i nomi e per le cose. Questo significa che la dottrina dei Caldei è assolutamente errata. Psello lo dimostra accumulando disordinatamente varie dottrine caldaiche:22 quegli oracoli affermano che una sola è la prima causa, che definiscono anche ‘assolutamente impronunciabile’. Dopo di essa i Caldei si inventano un certo ‘abisso del padre’, che sarebbe costituito di tre triadi. Quindi introducono certe , ‘quello che è ’ e la potenza di Ecate e ‘quello che è ’. E tutte le prerogative che essi attribuiscono ad Ecate e tutto quello che dicono su di lei, lo conoscerete se leggerete i loro scritti. Dopo queste potenze essi parlano di dieci , e quindi di e di ; e tra i ne chiamano uno ‘spietato’ (: fr. 35, 1) ed un altro lo chiamano ‘cinto in basso’ (: fr. 6, 1 e 35, 3). Dopo queste entità essi si inventano la stirpe dei demoni. Eppure queste non sono delle loro invenzioni fatte sul momento, ma esse sono dimostrate in tutto e per tutto.
Nell’Opusc. theol. I 51 Psello interpreta un passo dell’Orat. 28 di Gregorio Nazianzeno, e precisamente del cap. 8 (“come è possibile che una cosa – cioè Dio – non sia in un luogo, se si muove”). Nel corso della sua trattazione cita l’Orat. 38 del medesimo Gregorio, nella quale il capitolo 9 contiene una sintesi della storia della creazione, come è narrata dalla Genesi. Psello contrappone questa cosmogonia (l. 84-95, p. 198 Gautier) alla cosmologia dei Greci, e precisamente a quella caldaica. I Greci, egli afferma, ignorano le varie denominazioni degli ordini () angelici, ma parlano soltanto di ‘angeli’, i quali sovrintendono ai corpi terreni, stando congiunti ad essi, e di ‘veicoli terreni’ ( ). Questa esposizione corrisponde, secondo Gautier, a quello che si legge nella (p. 194 des Places = 151, 18 - 152, 3 O’M.) e nella (p. 198-200 des Places = 148, 21 - 150, 14 O’M.). In conclusione, “queste sono le stupidaggini dei Greci”, e Psello continua asserendo (p. 198, 95) che
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Cf. p. 88, 36-43. Esse corrispondono alla sintesi che si può trovare nella e nella . Il codice Matr. 4681 contiene invece di l. 35-45 un testo quasi identico alla (Opusc. theol. I 23A), osserva Seng.
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questo grand’uomo (cioè Gregorio) dice che, se noi non ammettessimo l’esistenza di un corpo angelico, essi (i Greci) sicuramente ci daranno23 che esiste il corpo degli esseri ‘implacabili’ (il termine si trova in fr. 35, 1 e 36, 2) o dei e sprofonderanno, in tal modo, la nostra opinione in un abisso infinito.
Anche l’Opusc. theol. I 54 è dedicato all’esame di un passo di Gregorio Nazianzeno (Orat. 29, 9). Psello vuole spiegare la seguente frase: “a proposito della formula ‘ora io mentisco’, concedimi questa conseguenza o quella opposta” (cioè, se io mentisco, non posso dire la verità, e se non mentisco, debbo dire, appunto, la verità). Dopo una lunga disquisizione su dei problemi di logica, a l. 113 si ha una rapida citazione: “... allunga (‘getta’ traduce des Places) il piede al di sopra del suolo”. La locuzione è comune, ma potrebbe trattarsi di un accenno al fr. 176: “... getta il piede al di sopra del suolo”. Nell’Opusc. theol. I 86 Psello esamina l’affermazione di Gregorio (Orat. 38, 7): “anche se uno pensa che Dio sia totalmente incomprensibile o totalmente comprensibile, perché è di natura semplice”. Il discorso vaga un po’ nel generico; Psello ricorda Porfirio e le sue Sententiae e le capacità dell’anima di comprendere, e aggiunge (l. 23-26): così tu potresti ricercare anche ‘l’intelletto’ e ‘la potenza’ di cui si parla negli Oracoli, e il ‘padre’ che è al di sopra di questa potenza, e dell’uno assolutamente inesprimibile, ammesso che queste cose siano credibili per qualcuno; ora, infatti, non è il momento di perdere tempo a parlare della esistenza di queste realtà.
Critiche aperte si leggono nel terzo degli Opusc. phil. (I 3, 125-141), che ha il titolo di: A coloro che domandano quanti siano i generi dei discorsi filosofici (anche questo lo abbiamo già considerato).24 Ivi si legge: La sapienza dei Caldei – questi sono convinti di praticare la pietà, genere di uomini strano e adoratore di molti dèi; sono esperti nell’astrologia più di ogni altro. Esiste presso di loro anche una teologia raccolta in opere segrete, messa insieme mediante versi epici, che possiede un significato inaccessibile ai più. Dicono che ci sono sette mondi, l’ultimo dei quali è quello della materia e terreno e odiatore della luce, mentre il primo è quello del fuoco e sommo. Ed insegnano molte altre dottrine teologiche strane e incredibili :25 a partire da questa essi danno sostanza alle virtù e fanno scendere sulla terra le anime e collocano Ecate come mediana tra tutte le dee: Ecate è riempita dalle prime e riempie le seconde. [...] I Caldei insegnano anche l’uno che viene prima di tutte le cose ed introducono la materia come operatrice del male. E hanno messo insieme l’arte ieratica e introdotto il sacrificio degli animali e adorarono gli dèi sotterranei e sentenziarono che si deve sacrificare in questo modo o in quello. E mediante incantesimi suadenti attirano in basso gli dèi che esistono presso di loro e li legano e li liberano, come Apuleio costrinse con giuramenti ‘quello dai sette raggi’ (: Mithra, secondo Festugière e des Places, fr. 194 e commento al fr. 190) a non avvicinarsi al teurgo.26 Costoro “tirano l’anima lontano giù per la scala delle sette strade” (fr. 164, 2, già in des Places)27 (mi servirò, infatti, dei loro oracoli) e prescrivono a quelli che si elevano di “non abbandonare al precipizio della terra il residuo della materia” (fr. 158, 1, già in des Places). Mettendo insieme cose che sono divise tra di loro e costruendo con varie materie delle immagini di uomo, costruiscono degli amuleti che allontanano le malattie: io però non saprei dirvi quale sia il modo di fabbricarli
– aggiunge, ad ogni buon conto, prudentemente Psello, il quale così continua sul medesimo tono: Forse, infatti, non farete come me, ma, avendo appreso da me, vi servirete di quest’arte – e poi sembrerà che sia stato io il colpevole di quello che fate! Ecco perché ho tralasciato la maggior parte dei loro misteri, pensando che anche questi che ho esposto fossero sufficienti (l. 153-155).28
2.4 Gli OC contengono anche delle dottrine accettabili29 2.4.1 Angelologia Come è noto,30 la angelologia è di importanza fondamentale anche per gli OC. Nell’Opusc. theol. I 32 Psello esamina un passo di Giobbe (1, 625
Integrazione di Lewy 478. Scl. Giuliano, di cui si è già detto prima, a proposito dell’origine degli OC. Il nome di Apuleio è certamente strano, in questo contesto. Ma forse si può spiegare in qualche modo, tenendo conto del fatto che Apuleio era considerato un mago nella tarda antichità e che attestazioni di questa fama si trovano anche nella lettura grecabizantina del sesto secolo. 27 Des Places intende giustamente che si tratta delle sette sfere planetarie, anche se la sua traduzione (“tire (l’âme) loin du seuil aux sept voies”) ci sembra meno soddisfacente. 28 “Hypocritical compliance out of fear”, osserva in modo troppo tranchant Athanassiadi, “Byzantine Commentators ...” 246. 29 Così anche Duffy 147. 26
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8), “e il diavolo stette in piedi davanti al Signore insieme con gli angeli”. Secondo la Sacra Scrittura (in realtà, secondo l’interpretazione di Dionigi l’Areopagita), afferma Psello, nove sono le gerarchie angeliche, ed ultima è, appunto, quella degli angeli, la prima per quelli che ascendono. Essa è detta “fonte dei canali che sono attorno ai mondi” ( ) (l. 86 sg.). Gautier rimanda alla ῾ del medesimo Psello 22 (p. 200 des Places = 150, 23-26 O’M.) e 28 (p. 201 = 151, 12-15 O’M.). Interessante sapere che Psello sgrida i suoi discepoli negligenti (Orat. Min. 24).31 Avvicinandosi alla fine del suo discorso, fa una serie di esortazioni e di ammonimenti, tra i quali quello di non rifiutare totalmente le opere dei Greci, là dove questi uomini hanno preferito fare discorsi teologici; bisogna invece annoverare tra i miti (cioè tra le invenzioni assurde) l’abisso del padre e le tre triadi e i dieci e (fr. 35, 3) e di Ecate (fr. 51, 1 e 52, 1)32 e i suoi capelli (fr. 55) e altre parti (l. 81-85).
Tra questi miti vi è quello che Ecate possiede la funzione demiurgica ( ), la quale è manifestata con una espressione simile a quella scritturistica (cf. Col 1, 16). Inoltre, l’anima del mondo è il principio primo, “ciò che è ‘esistente’”, : questa affermazione congiunge Tim. 27 d e Es 3, 14 ( ).33 Ai discepoli Psello si rivolge anche nell’Opusc. 25 Littlewood, ove discute della filosofia e della retorica, così dicendo: E io credevo che voi foste stati trascinati tutti insieme da me, come se io vi fossi stato dato così come più o meno si dice che l’anima è stata data al corpo; voi invece “siete stati trattenuti dall’abisso dai neri riflessi” ( ), come dicono gli oracoli Greci (l. 46-48).
Si tratta di una conflazione dei primi due versi del fr. 163. Nell’Opusc. phil. II 18, dedicato a spiegare che “la natura, anche se nobile, non è sufficiente ad accogliere le discipline, senza un’educazione”, Psello impiega una citazione poetica degli Oracoli per puri motivi letterari: 30
Cfr. Lewy 259 sg. Su questa orazione cf. Tardieu, “Un texte négligé ...”. 32 Il fr. 52, 1 anche nella , PG 1136 a 10 sg. (= p. 135, 9 sg. O’M.). 33 Così Tardieu, “Un texte négligé ...”. Questo opuscolo è stato più dettagliatamente esaminato da Magdalino - Mavroudi 30 sg. 31
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Io proprio a questo proposito34 non credo a quella che è stata ritenuta dai Greci essere una dottrina, ma che in realtà è invenzione mitica. Sono convinto, infatti, che le anime siano di una natura più divina e che posseggano al loro interno molti generi intelligenti e che abbiano avuto dal primo Padre dei bellissimi simboli () (fr. 109, 3) e che non posseggano le pienezze di molti seni del mondo (cf. fr. 96, 3) e che non siano esistite prima dei corpi; non potrei ammettere che cadano qui in terra perché non hanno più la forza di contemplare quello che esiste (p. 87, 16-22).
2.5 Un atteggiamento cauto di Psello: interessato e insieme critico Alla fine di un passo che già abbiamo osservato sopra (Opusc. theol. I 23), Psello conclude: Questa, dunque, è la molteplicità di principi dei Caldei, che ‘per vantarmi un poco anch’io’ (cf. 2Cor 11, 16), sono stato l’unico dei miei tempi ad avere studiato.35 Certo ‘non secondo il Signore’ (cf. 2Cor 11, 17), ma comunque l’ho detto, e chi non mi crede, mi corregga (l. 52-55).
Da queste parole notevolmente vanitose si ricavano alcune considerazioni. Psello si vanta di essere, tra i suoi contemporanei, quello che meglio di tutti ha studiato quei testi, anche se non è stato cosa opportuna farlo (“non secondo il Signore”, egli ripete con falsa modestia la parola di Paolo, 2Cor). La Orat. for. 1, che già abbiamo considerato, contiene un’accusa nei confronti del patriarca Michele Cerulario e dei suoi collaboratori, Niceta, Giovanni, ed una donna, Dositea, che viene presentata come una (pseudo)profetessa. Il contesto è polemico nei confronti degli Oracula: i seguaci del patriarca si sono comportati come le profetesse di Delfi (questo vale, evidentemente, per Dositea) e hanno seguito i logoi dei Caldei (l. 189-193); l’opinione della profetessa è stata un puro e semplice atteggiamento di paganesimo e di ‘caldaismo’ ( ) (l. 222). Psello presenta in sintesi ‘l’arte ieratica dei Caldei’ e l’origine degli oracoli, basandosi su quanto ha letto in Proclo (come si ricava da l. 342), perché, afferma, si accorge che la maggior parte dei suoi ascoltatori non ne hanno mai sentito parlare:
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Cioè a proposito della conoscenza innata dell’anima. Psello, infatti, aveva affermato, con una frase frequentemente citata dai critici, di “essere stato filosofo in un’epoca non filosofica” (Oratoria Minora 6, 52 sg. Littlewood). Sul problema, Duffy 148-153.
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Vedo che la maggior parte di voi non ha mai sentito parlare dell’arte ieratica dei Caldei. Questa è una filosofia antica e più ragguardevole e ignota ai più: infatti il rispetto reverenziale di questi oracoli è misteriosa e inesprimibile (l. 283-287).
Più avanti, Psello cita alcune dottrine caldaiche, che sembra criticare (l. 598-604, p. 23-24). È vero, egli osserva, che queste dottrine, alla pari di quelle di Platone o di Aristotele, non sono mai state oggetto di una condanna ufficiale della Chiesa, ma non per questo potranno essere accolte dai Cristiani senza essere sottoposte ad esame (604-611). L’Opusc. theol. I 113 intende spiegare le preposizioni (cioè le formule, di origine medio- e neoplatonica, , ᾽ , ᾽ , , ᾽ ) che, le une in un modo, le altre in un altro, sono inerenti alla Santa Trinità. A questo scopo Psello inizia presentando le varie dottrine della filosofia dei Greci, confuse e indistinte (l. 5), per vedere se, eventualmente, andassero d’accordo tra di loro: segno, questo, di veridicità. La conclusione è abbastanza banale e consona ai topoi della critica cristiana del paganesimo: la varietà e la contraddittorietà delle varie filosofie dimostra che nessuna di esse è vera: Così, dunque, i più eccellenti e i più filosofi tra i Greci si sono schierati, a quanto sembra, a proposito di questi problemi: presso di loro, uno è ‘l’uno inesprimibile’, un altro è ‘l’abisso del padre’, e un altro ancora il demiurgo, e il paradigma intelligibile, che è tanto oscuro che non si trova da nessuna parte (l. 34-37).
L’Opusc. theol. II 37 contiene una lezione di Psello ai propri scolari, a proposito della Pitonessa di Endor. Poiché l’arte magica della strega era interpretata fin dai tempi più antichi come un fenomeno di ispirazione demoniaca, è logico che Psello si riferisca anche agli Oracoli. Su di essi lo scrittore osserva: Questo testo non è in prosa né è facile ad intendersi, ma è stato composto in metro eroico, e il suo stile è oscuro; la concezione ivi contenuta è stata oggetto di congetture dalla maggior parte degli interpreti, mentre solo Proclo se ne è occupato, accostandosi ad esso insieme con il famoso Siriano e con Plutarco (questo Plutarco non è quello che scrisse le Vite parallele, ma quello che commentò il Gorgia di Platone). Ebbene, Proclo spiegò alcune cose dei testi orfici, ma tutta intera l’arte ieratica dei Caldei, e dice che una certa parte dei demoni ha a che fare con i nostri corpi ed è evidente che si inseriscono in essi, ed egli spiega la causa di tale (l. 25-35).
Proclo, prosegue Psello, aveva spiegato in che modo ciascun demone penetri nel corpo umano e vi si insedii (l. 36-54), per cui Psello infine
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passa a interpretare il passo di Gb 40,16, in cui si dice che si colloca nell’ombelico del vate, per soffermarsi poi sull’episodio più famoso, quello di Saul e della profetessa di Endor (1Re 9). 2.6 Conclusione Psello, pur interessato agli OC in modo che si distingue tra i suoi contemporanei, non giunge ad attribuirli a Zoroastro, pur sottolineando più di una volta la loro grandissima antichità (considerarli più antichi anche degli Egiziani significava sostanzialmente considerarli più antichi di tutti i popoli). L’attribuzione degli OC a Zoroastro sembra, quindi, essere stata la proposta del Pletone, e la ricerca sui testi pselliani ha dato ragione a Michel Tardieu. Comunque sia, Psello considera errata la dottrina caldaica,36 a differenza di quanto farà quattro secoli dopo Pletone. A tal proposito rimandiamo a quanto abbiamo già osservato in altra occasione.37 3 Brevi osservazioni su Ficino, Pletone e gli OC La storia degli OC nel Rinascimento inizia da Marsilio Ficino, il quale, istituendo l’‘aurea catena’ della pia philosophia, pose al primo posto tra gli antichissimi precursori della teologia cristiana in un primo momento Ermete Trismegisto, e successivamente, a partire dal Commento al Filebo, scritto intorno al 1469, Zoroastro, a cui attribuì un’antichità maggiore che non a Ermete.38 Ciò è confermato dallo stesso Ficino verso la fine della sua vita (nel 1490), in un passo famoso del proemio al suo Commento a Plotino (ed. Basileensis, p. 1537): non fu senza il volere della divina provvidenza che una certa pia philosophia, fiorita un tempo in Persia con Zoroastro, in Egitto con Mercurio Trismegisto, si diffondesse poi in Tracia con Orfeo e Aglaofemo, quindi con Pitagora in Grecia e in Italia ed infine raggiungesse il suo culmine ad Atene con Platone. Su questa prospettiva storica, per cui Zoroastro apparve al Ficino il teologo più antico, influì probabilmente il Pletone, che aveva insegnato a Firenze durante il concilio del 1439. Platone, sosteneva il dotto 36
Cosa che non esclude approvazioni parziali, come osserva Seng (cf. p. 130, 26 - 131, 11; 137, 12-17; 139, 19-26; 141, 4-11 O’M. (con differenziazioni)). 37 Cf. Moreschini, “Gli Oracula Chaldaica ...” 143 sg. 38 Una rapida e precisa sintesi in Seng, “Der Kommentar ...” 59 sg.
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bizantino, aveva insegnato soprattutto la filosofia che gli era giunta da Zoroastro attraverso Pitagora, il quale aveva frequentato in Asia i Magi. Vari altri scrittori, tra cui Plutarco, avevano affermato che Zoroastro era vissuto cinquemila anni prima della distruzione di Troia, o, comunque, era più antico dei sapienti e dei legislatori conosciuti. I sacerdoti egiziani avevano raccolto gli insegnamenti di Zoroastro, e Platone, quando si recò in Egitto, li riprese, come attestano i loghia, che concordano con le sue dottrine (Contra Scholarii pro Aristotele obiectiones 3 ed. Maltese). Ma per quale motivo quei frammenti di una teosofia che adesso siamo soliti chiamare OC furono attribuiti a Zoroastro da Pletone e, quindi, comunemente nel corso del XV e XVI secolo? Tardieu in uno studio innovativo, partendo dall’accusa rivolta a Pletone da Gennadio Scholarios, di avere ricavato la rivalutazione degli OC dall’insegnamento del dotto ebraico Elisha, ritiene che le parole di Gennadio contengano un nucleo di verità. Elisha, infatti, non sarebbe stato né un rabbino né un cabalista, ma un seguace della dottrina di al-Suhrawardi (morto nel 1191), il quale, ispirandosi probabilmente a Proclo, avrebbe recuperato le ‘teologie’ considerate preplatoniche, come quella di Ermete e quella di Zoroastro, da lui identificata con quella degli OC. L’interpretazione di Tardieu è stata successivamente ripresa da Brigitte Tambrun, la quale ha estratto dagli scritti del Ficino, ed in particolare dalla Theologia Platonica, le citazioni degli OC, confrontandole con quelle raccolte dal Pletone, e ha rintracciato nel Ficino stesso l’influsso di quest’ultimo. Ma soprattutto è importante il fatto, sottolineato da Tardieu e da Tambrun, che al-Suhrawardi (e quindi i suoi discepoli Elisha e Pletone) avrebbero ripreso l’antica dottrina zoroastriana del principio della luce e del fuoco, origine dell’universo. 4 Francesco Zorzi Sul De harmonia mundi di Francesco Zorzi (o, latinamente, Franciscus Georgius Venetus) molto è stato scritto recentemente, ma i contributi scientifici hanno avuto soprattutto lo scopo di precisare alcune caratteristiche di questo insolito scrittore, teologo cristiano, e, insieme, neoplatonico ed esperto della Cabala, vissuto a Venezia tra il 1460 e il 1540: gli studi moderni sono stati indirizzati, quindi, a interpretare soprattutto le sue conoscenze della letteratura ebraica, e di conseguenza le interpretazioni della Scrittura che lo Zorzi proponeva per mezzo di essa. Circa trenta anni fa, tuttavia, Cesare Vasoli (forse per primo) scrisse un ampio articolo con il quale mise in evidenza anche molti aspetti della filosofia dello Zorzi, del suo neoplatonismo e del suo interesse per le teosofie
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antiche (soprattutto per l’ermetismo).39 Recentemente anche noi, infine, in una sede diversa da questa, abbiamo cercato di individuare alcuni aspetti del cristianesimo dello scrittore.40 Non poteva mancare, tra le fonti antichissime, contenenti una sapienza vicina a quella ebraica, il nome di Zoroastro, il quale, già noto al Ficino come uno degli esponenti più antichi della pia philosophia, era divenuto famoso nei primi decenni del sedicesimo secolo grazie al De perenni philosophia di Agostino Steuco, il quale lo cita frequentemente. In che modo lo Zorzi abbia conosciuto Zoroastro (cioè, gli OC) non è del tutto chiaro. L’edizione più antica del De perenni philosophia dello Steuco è del 1540, e quindi posteriore al De harmonia mundi, che fu pubblicato nel 1525. Sarebbe stimolante una ricerca al riguardo: lo Zorzi sembra avere consultato direttamente Psello, fonte unica del fr. 150, citando 2, 6, 8, c. 294r, e Pletone, citandolo in 1, 6, 12, c. 106v (Gemistus) e 3, 4, 9, c. 48v (Gemistus Plethon).41 A Zoroastro, come si sa, erano attribuiti i frammenti degli OC, che tra il XV e il XVI secolo si venivano faticosamente scoprendo e raccogliendo.42 Un’ampia citazione si legge in Harmonia mundi 1, 6, 12, c. 106v.43 Cristo chiama ‘lupi’ (cf. Mt 7, 15) coloro che sono voraci e assetati di sangue. Pitagora concorda in parte con questa dottrina, benché l’abbia intesa come un esempio della trasmigrazione delle anime, basandosi sull’insegnamento di Mosè, anche se Apuleio afferma che Pitagora sarebbe stato scolaro anche di Zoroastro (cf. apol. 31). Zorzi cita pertanto un oraculum di Zoroastro, cioè il fr. 157 des Places (“il tuo vaso sarà abitato dalle bestie della terra”) e l’interpretazione che ne dette Pletone.44 39
Cf. Vasoli, Profezia e ragione. Cf. Moreschini, “Cristo centro dell’universo ...”. 41 Per i numerosi manoscritti degli opuscoli caldaici di Psello cf. O’Meara, Opuscula philosophica XX sg.; per quelli dei magika loghia di Pletone, Tambrun-Krasker, Magika logia XXXI sg. La traduzione latina di Psello nel cod. Vat. lat. 3122, menzionato da O’Meara, Opuscula philosophica XXII, è stata edita da Maltese; per le prime traduzioni di Pletone cf. Dannenfeldt 157-159 e Klutstein 326-329 (devo questa osservazione a H. Seng). 42 Cf. Moreschini, “Gli Oracula Chaldaica ...”. 43 Ci serviamo dalla recente edizione di Saverio Campanini (Francesco Zorzi, L’armonia del mondo), di cui seguiamo anche il criterio delle citazioni. 44 Anche l’origine di questa informazione non è facile da precisare, se lo Zorzi non aveva ancora a sua disposizione l’opera dello Steuco. Stausberg 406 sg. non esclude che lo Zorzi conoscesse Pletone; comunque, non ritiene di dover indagare più oltre sulla ‘Rezeption’ degli OC da parte dello Zorzi (che peraltro non cita nel testo originale latino, ma nella traduzione francese eseguita da Guy Lefèvre de La 40
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In Harmonia mundi 2, 6, 6 lo Zorzi sottolinea che a Cristo spettano tutti i nomi divini, che erano di origine ebraica: Platone, infatti, nel Cratilo (409 e) afferma che i nomi divini sono stati desunti dai barbari. Quelli che per Platone erano i barbari, per lo Zorzi (che ragiona alla maniera dei Greci) sono gli Ebrei, i quali ebbero direttamente da Dio quei nomi. Il discorso è ripreso in Harmonia mundi 2, 6, 8, c. 294r, ove si cita Zoroastro, peritissimus in operando (cioè nell’arte della teurgia, quale si desume dagli Oracula Chaldaica), e la sua esortazione a non cambiare i nomina barbari, id est Hebraica, nelle cerimonie sacre (cf. fr. 150 des Places) (in Harmonia mundi 3, 3, 10, c. 36v, invece, per errore la stessa esortazione è attribuita a Orfeo). In Harmonia mundi 2, 1, 11, c. 198v, lo Zorzi osserva che, come Mercurio chiama ‘Verbo di Dio’ e ‘Mente’ colui che è proceduto dal Padre (cf. Corp. Herm. I 6), così Zoroastro lo chiama ‘Mente’. La citazione è molto generica, dovuta al fatto che gli OC effettivamente definiscono nous il secondo dio (cf. fr. 1.4.5 etc. des Places). Ancora, in 1, 6, 5, c. 103r. leggiamo: sed hanc Mercurius vocat ‘harmoniam superiorem’, ad eam scilicet quam corporis aut corporei mundi est. Illam Zoroastres (forsitan in solitudine, quam bisdenis annis incoluit)45 rite persensit, ut diceret: Exultat homo ob harmoniam in qua mortale corpus existit, simul scilicet cum anima temperatum (fr. 97.3 = Psell., 1137A des Places = p. 136, 26 O’M.). Un riferimento a questo passo si trova anche in 3, 8, 11, 3, c. 116r (vedi p. 248). In 3, 1, 8, c. 8r. lo Zorzi parla delle vitae connexiones, che sono chiamate da Zoroastro divinae illices e da Sinesio symbolicae illecebrae. Cosa sono queste illices? Forse lo Zorzi si riferisce a del fr. 79, che Psello ( 1132C = p. 133, 7 O’M.) interpreta come delle divine (“supports intellectuels”, traduce des Places, “supports” Majercik). Il passo dello Zorzi fa pensare a un brano del De vita coelitus comparanda del Ficino che menziona illices, riferendosi a Zoroastro, e magicas illecebras, rimandando a Sinesio (III 1, 29-31); infatti, nella sua traduzione del De insomniis di Sinesio, Ficino traduce (Insomn. 2 p. 147, 3 T.) con illices vel motacillae magorum (p. 44).46
Boderie). Sulla conoscenza di Pletone da parte di Zorzi torniamo alla fine del presente lavoro. 45 Una notizia desunta da Plinio, nat. 11, 242, come osserva Campanini, ad locum. 46 Proposta di H. Seng per litteras. Sulla conoscenza di Sinesio e questa terminologia caldaica da parte di Ficino, cfr. Moreschini, “La dottrina del pneuma ...”.
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Un’altra citazione si trova in 3, 4, 9, c. 47r fine: humanum genus audacissimae (ut Zoroastres inquit) naturae opus. Trattasi della traduzione latina del fr. 103, spiegato da Psello nella 1145C. In quello stesso contesto (c. 48v.) si trova un’altra citazione di Zoroastro, inventore dell’arte magica, come attestano le lettere pagane: “In suis oraculis inquit: Ne augeas fatum, id est non magis te extendas quam datum sit desuper, aut series rerum exigat, ut interpres eius Gemistus Plethon exarat” (= fr. 2, 4 Tambrun). Anche in 3, 1, 9, c. 10r.: come dice Zoroastro, fatum non est augendum, minus immutandum. In 3, 7, 14, c. 79r si legge: Omnia ex igne facta esse attestatur Zoroastres, dum ait: Omnia sub igne uno genita sunt (fr. 10, cf. Psello, 1145A = p. 142, 20 O’M.). Esiste un rapporto tra fuoco e luce: nam sine illa luce in qua habitat Deus, et sine igne ipso qui Deus est, omnia sunt obtenebrata, ut Synesius ex monumentis Chaldaeorum de inferna regione decantat, dicens ... (Synes., Insomn. 7 = fr. 163). Altrettanto si legge in 3, 8, 1, 5, c. 90r. In 3, 8, 11, 3, c. 116r. lo Zorzi cita un frammento degli OC: Exultat homo ob harmoniam, quam in se sentit (fr. 97, 3, cf. Psello, 1137A = p. 136, 26 O’M.). Se l’Harmonia mundi si serve (non in modo approfondito, per la verità, e certamente molto meno che dell’ermetismo) degli OC, l’ultima opera dello Zorzi, scritta nell’estrema vecchiaia dell’autore (intorno al 1540), gli In Scripturam Sacram Problemata, ci porta in un contesto culturale molto diverso. Nei Problemata lo Zorzi è meno filosofo, ma più ‘cattolico’ nel senso tradizionale, nonostante che continui a servirsi in abbondanza della Cabala e sia convinto di poter interpretare la Sacra Scrittura per mezzo di essa e per mezzo di esegesi sempre più lontane dal significato letterale e più ‘spirituali’. È probabile che questo mutamento in senso caldamente cattolico delle intenzioni dello Zorzi sia stato determinato anche dal differente clima culturale e religioso dell’Italia del suo tempo. La Riforma, che inizialmente sembrava che potesse essere facilmente soffocata e alla quale lo Zorzi si era riferito con tono di superiorità nella Harmonia mundi, chiamando con disdegno Aquilonares theologi (o in modo simile) i teologi luterani, era stata tutt’altro che sconfitta, anzi, infuriava più che mai. Gli ambienti più aperti e intelligenti dello stesso mondo cattolico si stavano rendendo conto che non era possibile limitarsi a polemizzare con gli ‘eretici’, ma era necessaria anche una riforma da parte della Chiesa di Roma. Di tale esigenza si era fatto carico il pontefice Paolo III, che stava preparando, tra mille difficoltà e resistenze, il prossimo Concilio di Trento. A lui lo Zorzi dedica i
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Problemata47: nella prefazione lo scrittore si rivolge a lui con parole di elogio che contengono, sotto la superficie dell’encomio, la speranza che le virtù di Paolo III siano in grado di portare alla Chiesa di Roma quella forza novella che la possa sollevare dal declino apparentemente inarrestabile. La straordinaria prudenza del Pontefice dovrà unire gli animi discordi dei principi cristiani; la sua dottrina dovrà soffocare le infinite sette degli eretici; la sua grandezza d’animo possa schiacciare i superbi nemici della Chiesa, ed infine (ma, direi, soprattutto), summa denique probitas tua Christianorum cultum augeat ... ita enim video, Pater Beatissime, omnibus esse persuasum aut te Pontifice aut nullo alio Christianam rem, Romanam sedem iam diu nutantes et paene collapsas in veterem posse restitui dignitatem. L’opera, come indica il titolo, propone una serie di problemata suscitati dal testo della Scrittura, ai quali lo scrittore dà immediatamente la sua risposta o soluzione secondo l’esegesi spirituale ed allegorica, a cui sopra si è accennato. Il metodo dei problemata corrisponde a quello della antica letteratura delle quaestiones et responsiones, particolarmente praticato nel mondo cristiano a partire dal quarto secolo. Il quinto libro (tra i sei) dei Problemata è strutturato in un modo diverso dagli altri, ed è indicativo del pensiero dell’autore. Esso ha il titolo di De septem sapientium doctrina: ebbene, questi sette sapienti non sono quelli della tradizione greca, ma quelli della pia philosophia di origine ficiniana. Infatti il libro è diviso in cinque sectiones, le quali contengono le dottrine di Salomone, di Giobbe, di Mercurio Trismegisto, degli Accademici (de placitis Academicorum, ove il termine ‘Accademia’ comprende tutto il platonismo antico, da Platone a Plotino e a Proclo, secondo la concezione di Ficino), ed infine de abstrusis Orphei, Pythagorae et Zoroastris. Le dottrine di questi sette sapienti, infatti, hanno, secondo lo Zorzi, un’origine comune (ab eadem officina prodeunt), come è detto nella dedica al lettore. Esse non sono esposte, però, in modo enunciativo, ma sempre secondo il metodo dell’opera, cioè della ‘domanda e risposta’. All’interno di questo quinto libro, la quinta sezione riserva i problemata 401-468 a Orfeo e Pitagora, i nn. 469-495 a Zoroastro. Non sono stato in grado di individuare l’origine delle dottrine degli OC che costituiscono il contenuto delle prime questioni (nn. 469-473): “Quae sunt apud Zoroastrum virtutes mysteriales?”; “Quid innuit Zoroastres per terrae huius radices?”; “Quid est (Quidem, l’edizione a stampa) apud Zoroastrem trinum indumentum: laneum videlicet, lineum et pelliceum?”; “Quid per Sirenam et puerum Zoroastres intelligit?”; “Quid per 47
Che noi citiamo dall’edizione di Parigi, 1575.
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capras Zoroastres intelligere voluit?”. I successivi problemata, però (nn. 474-495), riprendono fedelmente, nel testo e nella successione, i nn. 1-21 della Exeghesis del Pletone (che Zorzi chiama ‘Gemnistius’); il n. 496 corrisponde al n. 22 della stessa raccolta del Pletone (ma lo Zorzi non fa il nome né di Zoroastro né di Gemisto). Infine, il n. 498 (“Cur Zoroastres prohibet teneri simulachra naturae vel invocari?”) sembra prendere inizio dal n. 24 della raccolta del Pletone, ma la spiegazione sembra differente48. Il testo e le spiegazioni dello Zorzi richiedono, naturalmente, ulteriori approfondimenti, che qui però non possiamo eseguire per motivi di brevità. Possiamo, però, prendere in considerazione anche alcuni altri passi dei Problemata nei quali lo Zorzi è interessato a dare una spiegazione cristiana e spirituale dei frammenti di Zoroastro49. La prima citazione degli OC si riscontra in Problemata II, II n. 85, p. 75, ed appare in un modo la cui logica facciamo fatica a scoprire. Il problema era stato quello di scoprire cur prohibita fuit textura ex lana et lino mixta, di cui parla la Scrittura in Deut. 22. Il fine di quella prescrizione sembra essere stato quello di non mescolare cose diverse per natura, e di questo Zorzi adduce alcune testimonianze. L’ultima, non molto decisiva per la verità, è introdotta in forma di domanda: forse che questa proibizione ha lo scopo ut doceamur, quod non debemus augere vel immutare fatum (ut Zoroastres in oraculis docet), sed sequi debemus naturam ducem? Sembrerebbe di capire che dedicarsi alla vita materiale, e con ciò accrescere il dominio del fato su di noi, significhi fare qualcosa che è contrario alla nostra intima natura di uomini. Successivamente, nell’ambito del quinto libro, di cui abbiamo parlato, alla sezione quarta (che è dedicata alla dottrina platonica), problema n. 409, Zorzi si domanda cur Orpheus praecipit, quo si quis operetur per verba, non mutet hebraica nomina: è lo stesso errore che si è già visto nel passo di Harmonia mundi, citato sopra (p. 247), per cui i nomina barbara degli OC sono intesi come i nomi ebrei; inoltre lo Zorzi commette un secondo errore, attribuendo a Orfeo l’ammonimento di Zoroastro, come sopra si è detto. 48
Abbiamo letto questi frammenti nell’edizione di Tambrun-Krasker, Magika logia. Zoroastro è annoverato tra gli antichissimi legislatori, che ricevettero il testo della loro legge da un’autorità ad essi superiore: Mosè (la Legge) e Cristo (il Vangelo) dal Dio vero (non so quanto sia da considerarsi ‘ortodossa’ questa idea dello Zorzi ...), Osiride da Mercurio, Zoroastro, legislatore dei Battriani e dei Persiani, da Oromazo: qui non sembra che lo Zorzi attinga ad OC, ma a Platone, Alcib. I 121e (citato anche da Apuleio, apol. 25).
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Ugualmente nella sezione quarta del quinto libro, n. 359 (p. 331), Zorzi, partendo dal passo del Fedro platonico (246e) in cui si parla dei dodici dèi o demoni divisi in quattro schiere, che seguono Zeus durante il percorso circolare nel cielo, osserva che anche gli angeli e i demoni sono divisi in ignei, aquei, aerei et terrei da Proclo, Porfirio e, da ultimo, Psello, famoso filosofo platonico. Altrettanto è ripetuto nel tomus V, sectio VI, n. 188 (p. 375v). L’accento è posto soprattutto su Psello, mentre Proclo e Porfirio sono citati in modo molto generico. Zorzi si riferisce a Psello, ma in modo molto libero, perché il filosofo bizantino nella sua (PG CXXII 1137A), commentando quello che è il framm. 81 des Places, afferma che, quando si evoca la natura, prima che essa appaia scorre verso di noi una fitta schiera di demoni e numerose forme demoniache di vario aspetto, destatesi da tutti gli elementi ( ): è possibile che lo Zorzi abbia interpretato queste parole di Psello precisando che esistono demoni che hanno avuto origine da tutte le specie materiali. In conclusione, Zorzi mostra per Zoroastro un interesse che è molto più profondo che non quello, sostanzialmente dossografico e basato sull’unico motivo della philosophia perennis. Egli si colloca in una posizione di rilievo nella ‘Faszination Zarathustras’, di cui parla Stausberg, prima della grande rivalutazione di Francesco Patrizi, che ebbe luogo alla fine del secolo XVI.
Brigitte Tambrun-Krasker
Les Oracles chaldaïques entre idéologie et critique (XVe-XVIIe s.) La longévité des Oracles chaldaïques est impressionnante : texte de référence religieux produit au deuxième siècle de notre ère, dans des milieux platoniciens sans doute en contact avec des gnostiques,1 il est transmis et commenté pendant toute l’Antiquité tardive, puis périodiquement redécouvert et réemployé au Moyen Âge dans l’Empire romain (byzantin). Au XVe siècle, dans le contexte du concile de Florence, Pléthon le transmet aux Latins. Il est ensuite véhiculé à travers toute l’Europe, porté par le courant humaniste – qu’il permet d’ailleurs de fonder –, et les savants le citent et l’utilisent comme un texte théologique oriental jusqu’à la fin du XVIIe siècle. C’est à cette époque que, comme tous les autres textes religieux – notamment comme la Bible –, ces Oracles commencent à être abordés dans une perspective historique et critique. Or à partir du XVe siècle, le retour des Oracles chaldaïques est souvent au service d’une idéologie : ces textes sont appelés à soutenir les thèses d’un groupe contestataire contre les idées ou les stratégies religieuses dominantes. Mais curieusement, les Oracles ont été appelés à étayer des thèses théologiques variées, parfois même opposées. Si les Oracles chaldaïques ont pu se prêter à des rôles si contrastés, c’est en raison de leur extrême plasticité et celle-ci tient à plusieurs facteurs : – Tout d’abord au caractère fragmentaire du texte, qui permet l’organisation de collections ; celles-ci peuvent être démontées à souhait, remontées, réorganisées en fonction de nouveaux intérêts et d’autres besoins ; – Ensuite à l’appel à la recherche d’un texte originel derrière le texte transmis, ce qui autorise des interventions, des modifications : on cherche alors à combler les lacunes, on corrige les vers, ou bien on élimine certains oracles considérés comme des ajouts postérieurs à l’état premier du texte : c’est ainsi que procède Pléthon ; à l’instar de Patrizi, 1
Voir Tardieu, « La gnose valentinienne ... ».
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Brigitte Tambrun-Krasker
on complète des collections existantes par d’autres fragments que l’on trouve dans les œuvres des néoplatoniciens. – Cela tient aussi au caractère brisé, diffracté des Oracles : on est alors amené à s’interroger sur la raison de cette diffraction : est-elle accidentelle (le déluge de l’époque de Noé en serait-il la cause ?), ou s’agit-il d’une dégradation, d’une dégénérescence progressive, appelant une régénération – ce que suppose Pléthon ? – L’ambiguïté des Oracles est aussi à prendre en compte. Nous sommes ici à la frontière entre poésie et philosophie, ou théologie philosophique ; les logia sont considérés comme « obscurs » déjà par Pléthon,2 et donc comme susceptibles d’interprétation. – En outre, leur caractère d’« oracles » confère à ces fragments une double origine qui est à la fois divine et humaine : même si les Oracles ont été reçus et rédigés par des hommes, dans le temps, ils sont d’origine divine et donc toujours hors du temps ; l’origine peut aussi être de tout temps. Les Oracles peuvent alors être attribués et réattribués : aux deux Juliens théurges ; à des sages anciens prestigieux : aux mages chaldéens plutôt qu’à ces chaldéens magiciens que sont les théurges ; au sage le plus éminent des Chaldéens : à un Zoroastre chaldéen ; enfin, au chef des sages les plus éminents de tous les peuples anciens : au Zoroastre perse. – Enfin, les Oracles chaldaïques ne seraient pas délivrés dans leur langue originale : on peut supposer qu’ils ont été rédigés en langue chaldéenne ; Jean Pic de la Mirandole est d’ailleurs persuadé de posséder ces Oracles en langue chaldéenne. La traduction elle-même introduit un espace de liberté : les Oracles chaldaïques sont exprimés à plusieurs reprises en latin, très tôt en français (François Habert, Anne Parent, puis Jean Le Clerc),3 et en anglais (Thomas Stanley). Par ailleurs, les Oracles chaldaïques sont toujours utilisés, dans le cadre d’une approche contestataire dans le domaine de la théologie, notamment à propos de deux questions phares : la structure du divin et la cosmogonie, le rapport du divin au monde. Là, toutes les combinaisons sont possibles : on insistera tantôt sur l’unité du divin, voire sur son unicité, sur la dyade, sur la triade, sur la hiérarchie, sur la subordination, ou au contraire sur l’égalité ou la quasi-égalité entre les dieux. Derrière 2
Le commentaire court de Pléthon sur les Oracles s’intitule : « Brève explication de ce qui est dit de plus obscur dans ces Oracles » (Tambrun-Krasker, Magika logia 21.36). 3 Cf. Habert ; Parent ; Le Clerc, Bibliothèque universelle et historique [= BUH] VII 46 sq.
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chacune de ces approches se cachent bien sûr des intérêts spéculatifs, mais souvent aussi de politique religieuse voire de politique tout court, et ceci même lorsque les Oracles relèvent d’une approche historique et critique. Nous nous proposons donc ici d’examiner la transmission des Oracles chaldaïques. Dans cette étude nous nous attacherons à quelques étapes significatives, et pour chacune d’elles nous essaierons de montrer les coulisses, l’aspect idéologique de l’utilisation des Oracles. Il n’est pas question de tout explorer, car le champ est immense. On pourra se rendre compte de son étendue en consultant le livre de Michael Stausberg, Faszination Zarathustra, un ouvrage de 1085 pages consacré à la réception de Zoroastre à la Renaissance et à l’époque moderne. En effet, ce qui est caractéristique de cette période, c’est la liaison constante entre nos Oracles et Zoroastre. Mais quel Zoroastre ? Pourquoi les Oracles chaldaïques deviennent-ils des Oracles magiques ? Notre première étape sera la réception et la transmission des Oracles au début du XVe siècle en Grèce et à Florence, par le platonicien Pléthon. C’est à ce moment-là que les Oracles appelés « chaldaïques »4 par Michel Psellos, deviennent les Oracles magiques des mages disciples de Zoroastre :5 les enjeux profonds sont politiques. Il s’agit ni plus ni moins de refonder le politique au moyen d’une théologie adéquate.6 Nous sommes au début du XVe siècle. L’Empire des Romains, que nous appelons byzantin, est toujours l’empire universel, mais il n’a quasiment plus de territoire. Son espace terrestre est occupé par diverses principautés latines, et par les Turcs qui font régulièrement des incursions punitives dans le Péloponnèse, détruisant au passage la muraille d’Hexamilion située sur l’isthme de Corinthe, et censée les empêcher de passer ; parfois ce sont des archontes grecs, de riches propriétaires terriens, qui se chargent eux-mêmes de la besogne et démolissent les fortifications de l’isthme, pour ne plus avoir à payer les impôts levés par l’empereur Manuel II pour l’entretien de la muraille.7 La hiérarchie politique est ainsi bafouée. 4
Des Places, Oracles 162-186 ; O’Meara, Opuscula philosophica II 126-146. Tambrun-Krasker, Magika logia. 6 Sur l’ensemble de cette question, et pour les références, voir Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon. 7 Voir Zakythinos. 5
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Mais comment inspirer le respect pour l’« ordre sacré » ? Ce n’est pas dans le christianisme trinitaire que l’on peut le trouver ; ce n’est pas non plus dans le monothéisme des Juifs qui n’ont plus de royaume à montrer sur terre, explique Pléthon, ni dans celui de l’islam, sans doute propice à la conquête rapide des territoires, mais pas à leur conservation. Pléthon qui est un éminent conseiller du fils de l’empereur Manuel II, Théodore II, despotês de Mistra dans le Péloponnèse, cherche à opérer une régénération de l’Empire des Romains en coordonnant plusieurs approches : 1. la reconquête militaire progressive du Péloponnèse, qui s’effectue place forte après place forte ; 2. pour rendre cette reconquête plus efficace, Pléthon propose une réforme de l’armée, une réforme des impôts, une nouvelle partition sociale, et enfin un changement de théologie. Seul un polythéisme hiérarchique peut servir de modèle à la hiérarchie politique et sociale. Pléthon préconise un retour à la doctrine des modèles archétypaux – au platonisme –, et à l’idée de la double immortalité et du retour périodique de l’âme effectuant son service sur terre : il entend ainsi refonder la nécessaire vertu militaire du courage. Mais changer de théologie ne va pas de soi : cela nécessite une véritable stratégie. L’autorité ultime à laquelle se réfère le christianisme, est le sage-législateur Moïse, supposé avoir été en contact avec la divinité et dont on a conservé, dit-on, les Oracles.8 C’est à cette référence que Pléthon va s’attaquer en produisant un ou plutôt des sages législateurs alternatifs. Mais la preuve doit se faire par l’ancienneté : plus un sage législateur est ancien, plus il est authentique. Un législateur récent risque de présenter une doctrine altérée, qui a dégénéré dans le temps. Il faut donc trouver un sage-législateur qui disqualifie Moïse par son ancienneté et qui propose un polythéisme hiérarchique dont la doctrine de Moïse ne serait qu’une corruption. Mais il vaut encore mieux produire une multiplicité de législateurs aux doctrines convergentes, pour isoler Moïse qui deviendra alors l’exception et dont la doctrine pourra même être passée sous silence : voilà la stratégie que Pléthon met en place. Or Pléthon, qui est à la recherche de ces législateurs anciens, dispose du De Iside (369 d) de Plutarque dans lequel il lit que Zoroastre aurait vécu environ 5.000 ans avant la guerre de Troie. Ce Zoroastre est un excellent candidat en raison de son ancienneté qui dépasse largement celle de la création du monde par le dieu de la Bible !9 8
C’est-à-dire le Pentateuque : voir par exemple le prologue du Dialogue avec Tryphon de Justin ; cf. Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon 91 sq. 9 Les Byzantins la situent 5.509/5.508 ans avant Jésus-Christ (l’année commençant le 1er septembre). Sur ce calcul, voir Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon 82-85.
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Pléthon dispose également des ouvrages de Lucien de Samosate dont il copie des extraits.10 Or Lucien dit sur le ton de la plaisanterie que Ménippe,11 accablé par les contradictions des philosophes sur les sujets les plus importants, décide de descendre dans les enfers pour recueillir l’avis du devin Tirésias, et qu’il se rend à Babylone pour consulter un guide ; or ce guide n’est autre qu’un mage disciple de Zoroastre :12 bien sûr pour Lucien, ce mage est un chaldéen, autrement dit un magicien qui pratique la goétie. Mais, plaisanterie mise à part, le fond de ce que dit Lucien est certainement vrai : il ne reste plus qu’à retrouver les Oracles des mages disciples de Zoroastre qui feront concurrence aux Oracles de Moïse : ce sont les Oracles dits « chaldaïques ».13 Il faudrait aussi rappeler le rôle d’Elissaios/Elisha, un savant juif chez qui Pléthon a séjourné à Andrinople et qui, comme l’a montré Michel Tardieu, connaissait les doctrines de l’Ishrâq – de l’école de Sohrawardî – et donc des traditions orientales sur Zoroastre, « mage primitif » et non dualiste,14 dont les philosophes grecs seraient les héritiers. Pléthon possède une collection de ces Oracles, celle qui a été transmise avec un Commentaire par Michel Psellos (au XIe siècle). Mais il considère que les fragments que l’on appelle des Oracles « chaldaïques », remontent à Zoroastre, au Zoroastre dont parle Plutarque – qui est le sage législateur des Mèdes et des Perses –, et non pas à un Zoroastre tardif, chef des chaldéens astrologues. Le chaldaïsme ne serait qu’une altération tardive de la pure doctrine ancienne, doctrine commune à tous les législateurs qui guidaient les peuples dans les temps les plus reculés.15 Il faut alors rendre à Zoroastre ce qui lui appartient : désormais les Oracles ne seront plus des Oracles chaldaïques mais uniquement des Oracles magiques des mages disciples de Zoroastre. Ils sont dits « magiques » au sens où ce sont des « mages » qui les ont transmis. Ils ne sont pas attribués à Zoroastre personnellement, parce qu’ils sont d’origine divine, et transmis au sein d’une tradition qui va des mages disciples de Zoroastre à Pythagore, puis à Platon, aux platoniciens et à Pléthon. (Lorsque Pléthon parle d’un Résumé des doctrines16 de Zo10
Dans les actuels Marciani graeci 517 et 406. Men. 6, 5-8. 12 Voir les références dans Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon 63. 13 Voir Tardieu, « Pléthon lecteur des Oracles ». Je renvoie aussi à l’introduction de mon édition des Magika logia 41-46, et à Pléthon. Le retour de Platon 92.93. 14 Tambrun-Krasker, Magika logia 41-43. 15 Voir Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon 106-110. 16 Le terme de « doctrines » traduit le grec dogmata. 11
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roastre et Platon,17 il faut comprendre que la doctrine de Zoroastre est tirée des Oracles, qui eux sont d’origine divine). En même temps, la doctrine des Oracles est si naturelle qu’elle peut être retrouvée par chacun d’entre nous : il nous suffit d’étudier les notions communes et les symboles divins dont les dieux ont ensemencé notre âme humaine : les prêtres égyptiens l’auraient d’ailleurs retrouvée de cette manière. 18 C’est donc une doctrine universelle qui ne doit pas être attribuée à un rédacteur particulier et contingent (le Pentateuque par contre est l’œuvre d’un auteur particulier : Moïse). Mais comme les Oracles chaldaïques deviennent une corruption des Oracles magiques des mages disciples de Zoroastre, il faut purger la collection de toute trace de chaldaïsme, en éliminant certains oracles – notamment tous ceux qui concernent la théurgie –, et en corriger d’autres : Hécate, maîtresse des démons mauvais, disparaît avec sa toupie ;19 l’oracle sur la pierre Mnouziris passe à la trappe, de même que l’oracle sur les noms barbares ; disparaissent aussi quelques oracles incompatibles avec la doctrine pléthonienne.20 L’idée est celle d’une restauration, d’une régénération21 de la doctrine authentique. La collection de fragments doit aussi être réorganisée ; elle suivra un plan différent de celle de Psellos : de la psychologie à la cosmologie, à la religion, et à la théologie. Il faut enfin donner un commentaire, Exêgêsis, complètement déchristianisé, mettant en place en pointillé le panthéon, la hiérarchie des dieux, dont Pléthon a besoin pour donner un modèle adéquat au politique : ce modèle est clairement subordinatianiste :22 l’oracle 30, « En effet, le Père a accompli toutes choses, et il les a livrées au deuxième Intellect que les peuples des hommes appellent premier »,23 permet de montrer que le dieu suprême est méconnu des hommes – autrement dit des chrétiens – parce que ceux-ci le confondent avec le deuxième dieu, l’Intellect ; la connaissance du dieu suprême est 17
Publié à la fin du Traité des Lois, éd. Alexandre, 262-269. Voir Tambrun, Pléthon. Le retour de Platon 89-91. 19 Des Places, Oracles 170. 20 Voir « Oracles de Psellos éliminés par Pléthon » dans Tambrun-Krasker, Magika logia 155 sq. 21 D’ailleurs Pléthon procède de même avec son édition de Platon, comme l’a montré Pagani : il élimine soigneusement tout ce qui ne s’accorde pas avec sa propre théologie politique. 22 Les thèses de Pléthon sont au fond assez proches de celle d’Eunome de Cyzique. 23 « ». Le texte de Psellos est légèrement différent : voir OC 7, des Places, Oracles 68.178. 18
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néanmoins parfaitement possible et ne nécessite pas d’approche négative.24 Le deuxième dieu, appelé « deuxième intellect », est franchement subordonné au premier et, par ailleurs, une multiplicité bien organisée de divinités, elle-mêmes subordonnées au deuxième intellect, est produite par celui-ci : il s’agit des réalités idéales, formes immobiles, penséespensantes, appelées les iynges (ou les charmes) ;25 les « supports intellectifs du monde » sont les formes intelligibles prééminentes, celles qui produisent les immortels qui sont dans notre ciel. Pléthon ne cherche pas du tout à compléter cette collection d’Oracles : elle lui suffit. Il évite ainsi les fameuses « triades » qui se trouvent dans certains logia disséminés dans les œuvres des néoplatoniciens, et qui pourraient faire penser à la Trinité chrétienne. Les Oracles chaldaïques possèdent aussi un intérêt pour la politique étrangère. Pléthon est invité à participer, comme conseiller laïc, au concile de Ferrare-Florence sur l’union des Églises en 1438-1439. Il sait que si les Grecs sont prêts à des concessions doctrinales sur la question du filioque,26 c’est parce que leur basileus a besoin des Latins pour organiser une croisade et les délivrer du péril turc. Mais l’accord sur une doctrine chrétienne commune est compliqué et ne peut être que fragile. Dès le retour en Grèce des délégués, on criera à la trahison. L’accord se fait au détriment de l’orthodoxie grecque et de ses traditions anciennes qui devraient pourtant faire autorité. Elles ne font pas le poids devant les intérêts du pape, Eugène IV, qui doit s’affirmer face au concile réuni à Bâle ; le pape sera d’ailleurs déposé avant la fin du concile de Florence. Donc Pléthon, en marge de ce concile, s’entretient avec les uns et les autres, et enseigne les « mystères platoniciens » :27 cette expression désigne un enseignement philosophique culminant dans l’étude des 24
Pléthon interprète l’oracle de la manière suivante : « En effet, le Père a accompli toutes choses, c’est-à-dire les formes intelligibles, car ce sont elles qui sont accomplies et parfaites, et il les a livrées au deuxième dieu qui vient après lui, pour qu’il les gouverne et les dirige ; de telle sorte que si quelque chose est produite par ce dieu en prenant pour modèle lui-même et le reste de l’essence intelligible, cela aussi, c’est du Père suprême qu’il tient son origine. Ce deuxième dieu, l’oracle dit que les peuples des hommes le considèrent pour eux-mêmes comme le premier, c’est-à-dire tous ceux qui pensent, d’une part, qu’il est un démiurge immédiat de ce monde, et d’autre part, qu’il n’y a rien de supérieur à lui » (Magika logia 17.34). 25 Voir l’interprétation de ce terme dans le commentaire court de Pléthon : Magika logia 21.36. 26 Pour les orthodoxes, le Saint-Esprit procède du Père, tandis que pour les catholiques, il procède du Père et du Fils (filioque). 27 Selon Ficin : cf. Marsilius Ficinus, Opera omnia 1537.
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Oracles,28 non plus chaldaïques comme chez Psellos, mais désormais magiques ; n’est-ce pas sur cette doctrine fondamentale que pourraient s’accorder tous les peuples de la terre ? Cosme de Médicis, qui aide à financer le concile de Florence, est lui-même un grand admirateur des mages ; il connaît tout le parti qu’il peut tirer des mages pour redorer son image de banquier international, adepte d’une certaine magie bancaire, celle qui fait de l’or avec de l’or.29 Bref, les Oracles magiques des mages disciples de Zoroastre et les Commentaires de Pléthon intéressent. Ils entrent rapidement dans les collections de manuscrits acquis et copiés par les Latins, et sont transmis avec les Oracles chaldaïques, c’est-à-dire avec la collection et le Commentaire de Psellos, car on trouve souvent les deux collections avec leurs commentaires respectifs dans les mêmes recueils. Ils se trouvent sur la table de travail de Marsile Ficin et sur celle de Pic de la Mirandole. Mais dans la République de Florence qui a bien peu de chose à voir avec le système politique de l’Empire des Romains (byzantins), on cherche plutôt à redonner une assise au christianisme, en l’étayant sur des théologies anciennes qui se fondent dans le creuset platonicien et préparent la venue du Christ : ces prisci theologi sont finalement Zoroastre, Hermès Trismégiste, Orphée, Teuth, Aglaophème, etc. ; or Zoroastre et Platon confirment le mieux le christianisme trinitaire :30 Trinitatem hanc principiorum maxime Platonicam et Zoroastricam confirmat Trinitas Christianorum.31 C’en est déjà fini du subordinatianisme pléthonien. Les Oracles sont maintenant attribués à Zoroastre, aux mages, mais aussi aux Chaldéens, car il ne faut pas oublier qu’Abraham, d’après la Bible, était un Chaldéen. Ils sont aussi attribués aux magiciens, la magie ficinienne n’ayant en principe rien à voir avec la goétie !32 Ces Oracles sont alors appelés des « Oracles chaldaïques de Zoroastre » ; ils seront désormais toujours mis sous l’autorité de Zoroastre, mais ce sage va devoir perdre son extrême ancienneté pour s’accorder avec la chronologie biblique.
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Voir Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques ... ». Voir Tambrun, « Pourquoi Cosme de Médicis a fait traduire Platon ». 30 Voir Stausberg 142-149, notamment n. 333. 31 Marsilius Ficinus, Opera omnia 1758. 32 Voir Tambrun, « Marsile Ficin et le Commentaire de Pléthon ... ». 29
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Agostino Steuco (1497/98-1548) et les Oracles des Chaldéens Nous ne nous arrêterons pas sur la question de la prisca theologia chez Ficin et Pic de la Mirandole, car elle est maintenant bien connue. Notre prochaine étape concerne un auteur qui s’inquiète des premières Réformes – celles de Luther et d’Érasme –, qui vit à Venise où Érasme imprime ses oeuvres, et qui accompagne le pape Paul III dans la préparation du concile de Trente. À Venise, le chanoine régulier, et bibliothécaire, Agostino Steuco, s’occupe des livres qui ont appartenu à Jean Pic de la Mirandole ; plus tard, en 1538, Steuco deviendra bibliothécaire de la Vaticane et évoluera dans le milieu de la cour du pape Paul III. D’un point de vue intellectuel, Steuco se situe dans la mouvance des humanistes florentins.33 Or l’attitude de Steuco vis à vis des Oracles chaldaïques va changer : dans ses premiers écrits (Veteris Testamenti ad Hebraicam Veritatem recognitio),34 on sent une certaine réticence et une méfiance vis à vis de Zoroastre : tous ces anciens sages, Zoroastre chez les Perses, Orphée chez les Grecs, apparaissent comme des idolâtres et des adorateurs des démons (idolatrae et daemonum cultores fuerunt).35 Mais lorsque Steuco comprend que les diverses Réformes présentent un danger pour la stabilité de la République de Venise, et pour l’unité de l’Église, il intègre Zoroastre et les Oracles chaldaïques dans une stratégie générale destinée à contrer tous les schismatiques. La priorité est désormais celle de l’unité de l’Église, et il faut effectuer un montage théorique pour se donner les moyens de combattre au même niveau que les réformateurs. Steuco va alors chercher à montrer que la doctrine de l’Église catholique n’est que la réitération de la doctrine des temps les plus reculés, de celle qui remonte à Adam. Alors que l’historiographie protestante est centrée sur la figure de Moïse, Steuco construit l’idée de la philosophia perennis (cette expression est d’ailleurs promise à un brillant avenir), et d’une histoire de la transmission de cette sagesse pérenne, qui est celle d’Adam, à travers les âges. 1. En raison du contact des premiers pères, d’Adam, avec Dieu, la philosophie est une sagesse pieuse, et non une simple philosophie naturelle (philosophia naturalis). Il n’y a donc pas de distinction entre une 33
Sur la réception des Oracles chaldaïques par Steuco, voir la synthèse de Stausberg 262-290. 34 Dans Opera omnia I. Venise 1591. 83r-180r. 35 Opera omnia I 159v.
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philosophie (naturelle) et une théologie autonome. Sagesse et piété sortent de la même source (ex eisdem fontibus nascentes) et se tournent ensemble vers la foi ; d’ailleurs, Platon et Aristote conduisent à la connaissance et à la vénération de Dieu.36 2. Cette doctrine des premiers pères n’est autre que la doctrine chrétienne catholique, et elle s’est transmise en connaissant des accidents et des renaissances successives.37 On peut distinguer trois périodes : 1. celle qui va d’Adam à Noé où le savoir absolu est conservé ; 2. celle qui va de Noé à Abraham avec la perte irrémédiable de certains écrits lors du Déluge38 puis de la dispersion des nations ; 3. enfin celle qui commence avec Abraham et qui est marquée par la renaissance de la doctrine, ensuite portée par Jésus-Christ. Dans une telle perspective, l’annonce évangélique n’apporte rien de nouveau, il s’agit d’une restauration de la doctrine reçue par Adam, déjà chrétienne, catholique, bien sûr, identifiée à la philosophia perennis. Dès lors toute tentative schismatique est à la fois ruineuse et illusoire car elle appellera une renaissance et une réunification. 3. La preuve de l’existence de la philosophia perennis se fait par les doctrines des peuples anciens. La transmission de la sagesse connaît en effet un certain nombre d’accidents ; à la suite du Déluge, certains écrits sont irrémédiablement perdus, mais la meilleure part de cette sagesse ancienne est conservée par les sages éminents de chaque peuple, même si c’est d’une manière fragmentaire. Il convient alors de collationner les morceaux. Et de même que les langues se sont multipliées à partir de la langue adamique, les sagesses se sont multipliées à partir de la sagesse originaire. Il faut bien noter que les théologies des peuples anciens ne sont pas étudiées pour elles-mêmes, mais seulement dans la mesure où elles confirment le dogme catholique. Dans une telle approche, la théologie des Chaldéens est particulièrement intéressante. En effet, c’est le peuple, estime Steuco, qui a occupé les régions les plus proches du paradis (Primi igitur omnium sunt Chaldaei, proxime quos et Paradisus fuit).39 Les Chaldéens auraient occupé des régions proches de celles qu’ont repeuplées les descendants de Noé après le Déluge. La sagesse des Chaldéens serait passée aux Hébreux (Sapientia [...] a Chaldaeis pervenit ad Hebraeos), puis des Hébreux aux
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Steuco, De perenni philosophia *2. De perenni philosophia I 1B-2D. 38 De perenni philosophia I 2D. 39 De perenni philosophia I 7B. 37
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Égyptiens, des Égyptiens aux Grecs, et des Grecs aux Romains. 40 Abraham n’était-il pas un chaldéen ? Abraham chaldaeus fuit.41 Il suffit alors de montrer que la théologie des Chaldéens reconnaît un principe unique, et la Trinité, puis que la cosmogonie et la démonologie des Chaldéens est la même que celle des chrétiens. La preuve se fait alors par les Oracles des Chaldéens et par les Oracles sibyllins qui seront d’ailleurs imprimés un peu plus tard dans un même volume par Opsopoeus (Paris 1589) :42 la sibylle d’Érythrée serait chaldéenne, et même sœur du mage Bérose.43 Pour se documenter sur la théologie des Chaldéens, Steuco utilise les Oracles chaldaïques44 (il les découvre après avoir composé sa Cosmopoeia).45 On sait par exemple que le Vaticanus graecus 1002, qui contient la collection pléthonienne des Oracles et la version courte du Commentaire de Pléthon, est entré à la Bibliothèque vaticane sous le pontificat de Paul III : il est mentionné dans le catalogue de cette bibliothèque à l’époque où Steuco était bibliothécaire.46 La confirmation du caractère à la fois monothéiste et trinitaire de la philosophia perennis – et donc de la pérennité du dogme catholique – fait l’objet notamment des chapitres 3 et 4 du livre I et du chapitre 16 du livre II de la Philosophia perennis. Elle repose surtout sur l’interprétation de l’oracle 30 de la collection de Pléthon : « En effet, le Père a accompli toutes choses, et il les a livrées au deuxième Intellect que les peuples des hommes appellent premier ».47 Pour Pléthon, les hommes – les chrétiens surtout – ont tendance à considérer le démiurge, le dieu qui crée le monde (le dieu de la Bible), comme le premier dieu. Or, ce dieu n’est que le deuxième Intellect, le Noûs, forme intelligible à partir de laquelle sont générées toutes les Idées. Ce dieu correspond à Poséidon dans le panthéon hiérarchisé du Traité des Lois. Mais il existe un dieu suprême, père et créateur de ce démiurge : il est nommé Père dans les Oracles et Zeus dans le panthéon du Traité des lois. Le rapport du premier au deuxième dieu est un rapport de subordination. 40
De perenni philosophia I 4C. De perenni philosophia I 4C. 42 L’editio princeps est celle de Tiletanus. Paris 1538. 43 Steuco, De perenni philosophia I 8C. Sur le glissement de la « Sibylla magna » à la « Sibylla maga », voir Brocca. 44 Voir la bibliographie dans mon édition des Magika logia lxxv sq. 45 Freudenberger 224. 46 Voir Magika logia lxxvi. 47 Cf supra n. 23. 41
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Mais pour Steuco, les paroles des mages contiennent toute la théologie chrétienne, et même la Trinité : Steuco (II 16) s’appuie même sur Bessarion et Pléthon pour prouver ce deuxième point ! En effet, explique-t-il, les mages parlent du Fils de Dieu, comme d’un Intellect (Mens) engendré de toute éternité (de Filio Dei, et ab aeterno genita Mente).48 Steuco cite le texte grec de l’oracle 30 de la collection de Pléthon49 qu’il traduit ainsi : Hoc est : Omnia perfecit Pater, ac Menti tradidit secundae, quam vocat primam omne hominum genus. Sic ait Theologia Magorum.50 Mais Steuco interprète le fragment d’une manière assez différente de Pléthon : les hommes connaissent tous l’Intellect, Mens (ou Noûs), car c’est lui qui se manifeste dans les théophanies de l’Ancien Testament. Or, les hommes le prennent pour le premier principe – y compris les Hébreux. Mais en même temps, ils adorent le Père à travers lui, quoique d’une manière obscure et confuse : erat ille ipse, quem olim obscure cuncti venerabantur.51 Le Père ne se laisse en effet connaître qu’à travers le Fils. Évidemment l’unité divine est exprimée dans l’oracle 29 de la collection de Pléthon :52 « Toutes choses sont nées d’un seul feu », que Steuco traduit Sunt ab igne uno omnia nata. Cet oracle concorderait avec le philosophe Démocrite53 et avec le christianisme : Ignem invisibilem, nostrae quoque literae Deum vocant.54 Steuco donne bien d’autres exemples de cette similitude entre Zoroastre et les mages, Hermès Trismégiste, les Oracles sibyllins, et le christianisme. Le polythéisme des mages, par exemple, devient une an48
Steuco, De perenni philosophia I 3, 8C. De perenni philosophia I 3, 8D. 50 De perenni philosophia I 3, 8D. Cet oracle est cité à nouveau en I 11, 25A dans la traduction suivante : Omnia perfecit Pater, et Menti, [sive Intelligentiae] tradidit secundae, quam vocat primam, omne humanum genus. Steuco se réfère alors à l’interprétation de Psellos, affirmant que les Oracles confirment « notre doctrine ». (Le commentaire de Psellos est le suivant : « Après avoir ouvré toute la création, le premier Père de la Triade l’a livrée à l’Intellect, à celui que toute la race des hommes, ignorant l’excellence du Père, appelle le premier Dieu. Mais notre croyance tient, au contraire, que le premier Intellect, le Fils du Père souverain, a ouvré toute la création. Car dans le livre de Moïse le Père indique au Fils l’idée de la production des créatures ; et le Fils devient l’artisan de la création » (trad. des Places, Oracles 178)). 51 De perenni philosophia I 3, 9A. 52 « » (Magika logia 3.26). 53 Stausberg 279 sq. : Mentem ipsum Deum, igneam mundi animam. 54 Steuco, De perenni philosophia I 12, 27B. 49
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gélologie.55 Les « supports intellectifs » de l’oracle 32 de Pléthon56 (Ut mundus habet intelligibiles sustenatores, inflexibiles),57 manifestent la force des anges soulignée par l’Écriture : ce sont des noms, explique Steuco, qui désignent dans notre Écriture, les puissances angéliques, c’est-à-dire les Autoritates, les Virtutes et les Dominatores.58 Steuco traite de la même façon la question des démons bien présente chez les mages.59 Bref, comme il le précise à la fin du chapitre 24 du livre I,60 la théologie du Christ a de toute éternité répandu son éclat dans toutes les directions. Évidemment la thèse de Steuco a pour contre-partie quelques entorses à la doctrine chrétienne. Par exemple, le rôle du Fils dans la création du monde devient instrumental,61 et les hypostases de la Trinité sont plutôt conçues comme des émanations, dans la lignée du néoplatonisme.62 Mais le but de toute cette opération est de montrer en amont, contre les luthériens, et autres réformés, la vanité et le caractère illusoire de toute tentative d’autonomie religieuse. Stanley (1625-1678) et les « Oracles chaldaïques de Zoroastre et de ses disciples » Ainsi les Oracles chaldaïques, grâce à leur « obscurité », ou plutôt à leur ambiguïté, peuvent être appelés à servir des causes religieuses, théologiques voire théologico-politiques, variées et parfois opposées. Mais une approche historique et critique de ces textes émerge dans la deuxième moitié du XVIIe siècle ; elle va de pair avec des approches historiques et critiques de la Bible. Comme il existe plusieurs états du texte biblique : le texte hébreu, la Septante et la Vulgate, dont les chronologies sont différentes, la critique biblique doit s’attacher à l’établissement de la véritable chronologie de l’histoire du monde. Isaac La Peyrère (1596-1676) a publié en 1655 sa dissertation sur les préadamites,63 en reculant d’ail55
Voir Stausberg 282. Magika logia 4.18.26.35 ; cf. des Places, Oracles 170. 57 Steuco, De perenni philosophia 428C. 58 De perenni philosophia 428C. 59 Je renvoie à Stausberg 284. 60 Steuco, De perenni philosophia 52D-55B. 61 Stausberg 279. 62 Stausberg 288. 63 Voir Popkin, ch. I.IV. 56
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leurs beaucoup l’âge du peuple chaldéen, et l’on se doit de combattre ses thèses. On essaie aussi de rendre cohérentes les chronologies des Égyptiens, des Chaldéens, et désormais des Chinois, avec celle du Pentateuque. On s’intéresse donc à des questions de chronologie comparée.64 En Angleterre, John Marsham s’est attelé à la chronologie des Égyptiens et s’est appliqué à montrer que les premières dynasties sont synchroniques (dans des espaces différents) et non successives. Par ailleurs, comme les protestants s’attachent à l’Écriture seule, une question importante se pose : le texte sacré est-il incorruptible et protégé de toute falsification par la providence divine, ou bien peut-il être corrompu, du moins quant à sa lettre ? Certains soutiennent la thèse de l’incorruptibilité du texte biblique, comme Buxtorf, ou Pierre Jurieu ; d’autres, comme Louis Cappel (1585-1658) et le catholique Richard Simon, considèrent le texte de la Bible comme un écrit dont la lettre peut avoir été altérée, même si le sens global est véritablement inspiré et préservé : la lettre du texte biblique est alors susceptible d’une critique historique,65 et celle-ci passe par l’étude des mœurs des Hébreux :66 les Critici sacri en neuf volumes in folio sont publiés à Londres en 1660, puis à Amsterdam en 1698.67 Il se passe exactement la même chose avec les Oracles chaldaïques : on se documente sur les mœurs des Chaldéens, puisqu’Abraham était lui-même un Chaldéen. On se réfère alors à Bérose.68 Flavius Josèphe parle bien de cet auteur dans ses Antiquités judaïques et dans le Contre Apion (I, XIX et XX) mais il dit peu de choses sur lui. On utilise alors, pour enrichir cette mince documentation, un ouvrage beaucoup plus complet sur les Chaldéens, les Antiquités d’Annius de Viterbe (Giovanni Nanni), Antiquitatum variorum, paru en 1498. Malheureusement, il s’agit d’un faux, dénoncé par Joseph Scaliger ; mais son intérêt documentaire, et idéologique, est tel qu’il continue à faire autorité. Entre 1655 et 1662 Thomas Stanley publie à Londres en trois volumes une Histoire de la philosophie intitulée The History of 64
Par exemple, en 1687 le cistercien Paul Pezron publie à Paris, Chez la veuve d’Edme Martin, Jean Boudot & Estienne Martin, un ouvrage intitulé L’Antiquité des Tems, rétablie et défendue contre les Juifs et les Nouveaux chronologistes, dans lequel il recule la date de la création du monde à l’année 6.000 avant J.-C. Paul Pezron s’appuie sur la Septante, contre le texte hébreu. Son ouvrage suscite une polémique. 65 Laplanche 50-55. 66 Laplanche 50.66. 67 Laplanche 50. 68 Sur Bérose, voir Verbrugghe - Wickersham.
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Philosophy.69 Thomas Stanley, qui est le neveu de l’illustre John Marsham, cherche pour sa part à répondre à la question de l’origine de la philosophie grecque. Il veut montrer que la philosophie sort d’un état doctrinal dans lequel sagesse et piété sont confondues (c’est déjà la thèse de Steuco) ; la philosophie naturelle et scientifique ne se dégagerait que progressivement de cette sagesse mêlée de religiosité. Stanley présente alors comme dernière partie de son Histoire de la philosophie, l’histoire de la philosophie chaldaïque, source présumée de la philosophie grecque : The History of Chaldaïck Philosophy. La philosophie pieuse des Chaldéens serait d’ailleurs la source de courants latéraux, dérivés, et donc corrompus : de la doctrine des Perses et de celle des Sabéens, habitants de l’Arabie.70 Pour composer son Histoire de la philosophie chaldaïque, Stanley utilise alors Bérose « qui aurait le premier introduit la science chaldaïque en Grèce » (ch. VI), en plus de la notice de Patrizi sur les Chaldéens. Mais Stanley considère que les sources les plus fiables, pour connaître cette théologie des Chaldéens et de Zoroastre, sont les Oracles chaldaïques, transmis par Pléthon et par Psellos. Il fournit donc au public trois textes, trois sources documentaires fondamentales : la collection d’Oracles de Patrizi, celle de Pléthon et celle de Psellos (avec les commentaires de Pléthon et de Psellos) ; il en donne une traduction anglaise : - Phr. Patrikiou ta tou Zoroastrou logia (texte grec) / Francisci Patricii Zoroastri Oracula (traduction latine en regard) ;71 - The Oracles of Zoroaster Collected by Franciscus Patricius (traduction anglaise de Stanley) ;72 - Pletho His Exposition of the more obscure Passages in these oracles (traduction anglaise seule) ;73 - Psellus His Exposition of the Oracles (traduction anglaise seule).74
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Les volumes I et II sont réédités en 1656 ; la deuxième édition de 1687 est suivie d’une troisième en 1701 (réimprimée en fac-similé, Hildesheim – New York 1975), et d’une quatrième en 1743. Sur cette Histoire de la philosophie, voir Malusa, « Le prime storie generali ... ». 70 Le premier livre est consacré aux Chaldéens, le deuxième aux Perses, le troisième aux Sabéens. 71 Stanley, The History of Philosophy XIX 41-47. 72 The History of Philosophy XIX 48-51. 73 The History of Philosophy XIX 52-55. On notera que le titre de la traduction anglaise reprend celui du Commentaire court de Pléthon sur les Oracles : voir mon édition des Magika logia 21.36.
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Ces textes sont suivis par des conjectures sur le texte grec des Oracles : Conjectures Upon the Greek Text of the Oracles.75 Notons ici que la collection de Patrizi inclut des fragments qui proviennent des œuvres des néoplatoniciens, en plus de ceux qui ont été transmis par Psellos et Pléthon. Jean Le Clerc lecteur des Oracles chaldaïques Lorsque Jean Le Clerc en 1687 lit la deuxième édition de The History of Philosophy de Thomas Stanley, il mesure tout de suite l’intérêt considérable de l’« Histoire de la Philosophie chaldaïque ». Jean Le Clerc est arminien ; il est né dans une famille calviniste de Genève et après avoir pris ses distances avec le calvinisme, il s’est établi à Amsterdam dans la petite communauté tolérante des Remonstrans.76 Il enseigne la philosophie, l’hébreu et les humanités, au Collège des Remonstrans ;77 en même temps il dirige un journal savant, tout en s’adonnant à des travaux d’exégèse biblique. Il est en relation avec des dissidents unitariens et néo-ariens, et ami de John Locke qui s’est réfugié à Amsterdam. Jean Le Clerc qui a étudié la théologie à Genève et à Saumur, et la philosophie sous la direction du cartésien Robert Chouet,78 s’oriente progressivement vers une approche non théologique, mais morale du christianisme.79 Toute théologie doit être considérée comme un ajout à l’Écriture, ajout qui relève de la philosophie et qui dépasse la doctrine simple et claire de l’Évangile. Les métaphysiciens, selon Le Clerc, corrompent la religion chrétienne.80 L’Écriture est d’ailleurs claire dans les articles qui sont de foi ; quant aux passages obscurs, ils n’ont aucun intérêt pour le salut. Or la Bible affirme l’existence d’un Dieu unique et d’un Fils de Dieu, mais on ne sait pas en quel sens il faut entendre cette expression. Quant au mystère de la génération de Dieu, il est obscur et n’a donc absolument aucun intérêt pour la religion. L’approche de Le Clerc se veut donc historique et critique, et non théologique ou philosophique – il est d’ailleurs l’auteur d’un ouvrage 74
The History of Philosophy XIX 56-62. The History of Philosophy XIX 62. 76 Barnes 92. 77 Barnes 89-90.100. 78 Barnes 39. 79 Je renvoie à ma communication : Tambrun, « Jean Le Clerc ... ». 80 « Car je condamne la métaphysique, à tel point que rien ne me semble plus inutile et incertain » (Lettre à Lenfant du 9 novembre 1684) : voir Barnes 105 sq. 75
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intitulé l’Ars critica (Amsterdam 1697).81 Or la critique passe par l’étude de l’histoire des doctrines. La documentation sur les peuples anciens peut permettre de comprendre, d’un point de vue historique, comment la doctrine primitive – nécessairement pure – a pu dériver au cours du temps. Flavius Josèphe explique dans ses Antiquités judaïques, d’ailleurs traduites en français par Arnauld d’Andilly,82 pourquoi Abraham a été séparé des Chaldéens : Abraham « donne aux hommes une connaissance de la grandeur de Dieu beaucoup plus parfaite qu’ils ne l’avoient auparavant. Il fut le premier qui osa dire qu’il n’y a qu’un Dieu, que l’univers est l’ouvrage de ses mains, & que c’est à sa seule bonté & non pas à nos propres forces que nous devons attribuer tout notre bonheur ».83 Or les Chaldéens et les autres peuples de la Mésopotamie ne souffrent pas ce discours et s’élèvent contre lui ; par le secours de Dieu et selon son commandement, Abraham sort de ce pays, pour aller habiter en terre de Chanaan. Par ailleurs, Abraham en tant que Chaldéen est un savant et un astronome. Plus tard en Égypte, explique Le Clerc, il enseignera aux Égyptiens l’arithmétique et l’astronomie : cela signifie que les connaissances scientifiques sont passées des Chaldéens aux Égyptiens, et des Égyptiens aux Grecs. Pour Jean Le Clerc, la documentation fournie par Stanley, et donc les collections d’Oracles des chaldéens ou d’Oracles de Zoroastre, sont d’une importance extrême. Grâce à eux on va enfin pouvoir comprendre en quoi consistait cette fameuse idolâtrie des Chaldéens dont Dieu a voulu protéger Abraham et les siens, en les séparant d’eux : « [...] ce qu’on a dit de la Théologie des Caldéens est presque entierement fondé sur les Oracles qui nous restent [...] ».84 Le Clerc dégage par ailleurs des lois de la corruption de la pure doctrine. Dans son Abrégé de l’histoire universelle85 il fournit le scénario de l’altération de la pure doctrine du Dieu unique. Celle-ci se transforme en un subordinatianisme qui devient de plus en plus idolâtre : au départ les hommes n’adorent qu’un seul Dieu, puis ils pensent qu’il y a d’autres esprits (des anges) que Dieu envoie aux hommes comme ses lieutenants, ses ministres, ou comme de petits dieux qui ont soin des empires, des villes et des familles ; ils commencent à oublier le grand dieu et à rendre aux petites divinités un culte qui n’est dû qu’au dieu suprême ; enfin ils 81
Voir Pitassi. Cf. d’Andilly. 83 D’Andilly 23. 84 BUH VII (cf. supra n. 3) 42 sq. 85 Le Clerc, Compendium historiae universalis. 82
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mettent les âmes des héros au rang des petits dieux (ils adorent par exemple les rois comme des personnes déifiées).86 Or précisément les collections de Pléthon, de Psellos et de Patrizi illustrent bien cette histoire : leur doctrine est subordinatianiste et idolâtre : « On peut réduire la Religion des Caldéens à trois especes. La premiere est un culte du vrai Dieu, mais à la maniere des Idolatres. La seconde est le culte des Démons & des Esprits. La troisiéme est celui des Corps Célestes, & des Elemens ».87 Donc selon Le Clerc, premièrement, « Les Caldéens assuroient qu’il n’y a qu’un seul principe de toutes choses, plein de bonté, & de sagesse. Pour representer ses perfections, ils lui donnoient le nom de feu & de lumière ».88 Ou encore, « Les Caldéens reconnoissant, comme on l’a dit, un seul Principe de toutes choses tout puissant & tout bon, il s’ensuit qu’ils reconnoissoient le vrai Dieu ; & c’est pour cette raison qu’un Oracle que Porphyre cite, les joint aux Juifs, & dit qu’il n’y a que les Caldéens et les Juifs qui adorent le Dieu & le Roi qui subsiste par lui-même. Mais les Caldéens l’adoroient sous le nom d’une idole, qu’ils appeloient Bel, qui est la même chose que le Baal des Phéniciens. Les Juifs l’adorerent aussi sous le même nom, du temps des Rois ».89 Deuxièmement, « Les Caldéens adoroient en second lieu les Démons & les Esprits, & c’est à ces Divinitez subalternes, ausquelles ils s’adressoient, par le moyen de la Théürgie dont on a parlé ».90 Mais la théologie chaldéenne manifeste aussi des tendances trinitaires et même 86
« Il semble qu’on doit rapporter au même tems la naissance de l’Idolâtrie ; puisqu’auparavant, les Hommes n’adoroient qu’un seul Dieu. Et voici quelle est son origine. Les Hommes d’alors croyoient, qu’outre le Dieu souverain, il y avoit d’autres Esprits, tels que les Anges, que le Dieu suprême envoyoit aux Hommes comme des Lieutenans, & même, comme de petits Dieux, s’il est permis de s’exprimer ainsi. D’abord ils ne les honorerent que comme les Ministres du Dieu souverain ; & c’est en cette qualité que les Hébreux les honoroient. Mais dés que les Hommes se furent imaginez que le Dieu suprême avoit commis ces petites Divinitez pour avoir le soin des Empires, des Villes & des Familles, oubliant peu à peu le grand Dieu, ils rendirent aux petits le Culte souverain qui n’est dû qu’à lui. Ils crurent dans la suite, que les Âmes des Heros étoient mises, après leur mort, au rang des petits Dieux. De là vient que les Rois furent adorez après leur mort, comme des personnes que l’on croyoit déifiées. Toutefois, cela n’empêcha pas que la plupart des Nations ne conservassent l’ancienne & la vraye créance d’un seul Dieu Suprême, dont tous les autres dépendent » (Abrégé de l’histoire universelle 12 sq.). 87 BUH VII 29. 88 BUH 13. 89 BUH 29. 90 BUH 31.
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une tendance à la multiplication des triades : « Outre l’Unité du premier feu, ils reconnoissoient une espece de Trinité ; & avoient accoûtumé de dire qu’il y avoit une triple Trinité, dont chacune avoit un Pere, un Pouvoir & un Esprit ».91 Ainsi, la collection de Patrizi montre comment se forme l’idolâtrie trinitaire déjà chez les Chaldéens. Troisièmement, les Chaldéens adoraient des divinités astrales (et là on atteint le comble de l’idolâtrie, évidemment). On remarque que ces doctrines sont très théologiques et donc très philosophiques. Déjà chez les Chaldéens c’est la théologie philosophique qui corrompt la pure doctrine. Or on sait par ailleurs, par des témoignages issus de la littérature grecque,92 que Pythagore et Platon seraient allés étudier auprès de savants chaldéens. Le Clerc en déduit que la doctrine « trinitaire » de la Lettre II de Platon est issue du chaldaïsme théologique idolâtre : « pour le fond de la Doctrine on pourroit prouver assez aisément que des Philosophes Grecs qui avoient voiagé dans l’Orient, en avoient apporté une toute semblable de Caldée. C’est ce qu’on pourroit montrer sans peine, à l’égard de Pythagore et de Platon ».93 Donc si cette doctrine chaldéenne passée dans la Lettre II anticipe la Trinité chrétienne, celle-ci est bien idolâtre également. Mais on peut aller encore plus loin : les Oracles chaldaïques pourraient même permettre d’expliquer certaines traces d’idolâtrie présentes dans le texte du Pentateuque, notamment certains pluriels que d’aucuns aimeraient bien faire passer pour une pré-connaissance des personnes de la Trinité ; elohim « les dieux » : cette expression ne pourrait-elle pas s’expliquer grâce aux Oracles chaldaïques ? On pourrait même, grâce à ces Oracles, expliquer l’expression shamaïm « les cieux », écrite au pluriel dans la Genèse, ou encore la notion de « firmament », se prononcer aussi sur la fameuse question du « commencement » temporel ou de l’éternité du monde. Pléthon lui-même est convoqué pour savoir si dans la Genèse, la malédiction divine porte sur le serpent seul ou sur toutes les « bêtes de la terre ».94 Mais comment une telle interprétation est-elle possible ? Selon Le Clerc, comme la langue chaldéenne, celle que parlait Abraham et les siens, est entachée d’idolâtrie, puisque c’est la langue d’un peuple idolâtre, certaines traces de chaldaïsme seraient restées attachées au texte 91
BUH 13 sq. Voir les références dans Tambrun, Magika logia 38-40. 93 BUH 23 sq. 94 Pour les références précises, je renvoie à ma communication « Jean Le Clerc ... ». 92
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biblique. L’hébreu est ici considéré comme une langue dérivée du chaldéen, non pas comme la langue primitive de l’humanité. Jean Le Clerc reviendra maintes et maintes fois sur la question des Oracles chaldaïques ; il traduira l’Histoire de la philosophie chaldaïque de Stanley en latin pour la faire connaître à travers toute l’Europe continentale. Entre temps, en 1689, les Oracles avec les commentaires de Pléthon et de Psellos dans l’édition d’Opsopoeus (1589) sont encore réimprimés, et cette fois à Amsterdam (la coïncidence n’est sans doute pas fortuite) par Servatius Gallaeus. Jean Le Clerc discute même des Oracles chaldaïques avec John Locke dans une lettre du 26 août 1692.95 Il regrette « que nous n’ayons pas bien des vers comme ceux là » mais considère que le peu que nous avons est d’une importance fondamentale. Il estime comme Stanley que ces Oracles sont authentiques, du moins pour une partie d’entre eux, et rapporte comme un fait crédible l’histoire de la possession par Jean Pic de la Mirandole des Oracles chaldaïques dans leur langue originale, c’est-à-dire en langue chaldéenne. Pic expliquait dans une lettre à Ficin que c’était justement pour pouvoir lire les Oracles en chaldéen qu’il s’était mis à l’étude de cette langue !96 Il faudrait néanmoins appliquer les règles de la critique pour déterminer quels sont les Oracles véritablement authentiques et quels sont ceux qui peuvent avoir été contaminés soit par le christianisme soit par le platonisme. Jean Le Clerc trouve un critère pour faire le tri et publie une traduction française des Oracles qu’il considère comme véritablement authentiques.97 Pierre-Daniel Huet (1630-1721) et le problème de l’authenticité des Oracles Pourtant, bien avant que Le Clerc diffuse en latin dans toute l’Europe98 – et à titre de propagande discrètement pro-unitarienne –, sa traduction latine de la théologie chaldaïque reconstituée par Stanley, Pierre-Daniel Huet voit clair et perçoit parfaitement la supercherie : le jugement tombe comme un couperet : les Oracles chaldaïques sont des faux. L’argument n’est pas vraiment nouveau : déjà en 1655, Georg Horn dans son
95
Bonno 56-58 (Lettre 18). Pour les références, Tambrun, « Jean Le Clerc ... ». 97 Voir Tambrun, « Jean Le Clerc ... ». 98 Voir Tambrun, « Jean Le Clerc ... ». 96
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Histoire de la philosophie se réfère à Théodore de Bèze99 qui attribue les Oracles chaldaïques à un petit grec à demi-chrétien,100 et les orientalistes Barthélemi d’Herbelot et Thomas Hyde101 tiennent les « Oracles de Zoroastre » pour des pseudépigraphes. Mais Huet, le second précepteur du Dauphin, responsable avec Bossuet – son confrère dans cette tâche d’éducation du prince –, d’un enseignement conforme à la plus pure tradition catholique post-tridentine, élabore une argumentation bien moins historique que théologique et idéologique, pour prouver que les Oracles chaldaïques sont des faux. Il s’agit en effet de recentrer toute la théologie sur Moïse et ses livres. Les soi-disant théologies des anciens peuples (Chaldéens, Égyptiens, Phéniciens, Grecs, Latins) sont des fables forgées à partir des livres de Moïse. Moïse est donc le modèle sur lequel la plupart des dieux fabuleux de l’Antiquité ont été forgés : premièrement, Huet s’applique à montrer l’ancienneté de Moïse, de la Bible, et de la langue hébraïque ; deuxièmement, selon lui, ce que les plus anciens peuples du monde ont de plus antique et vénérable, à savoir leurs dieux et leurs héros, n’est rien d’autre que Moïse. Zoroastre est donc le même que Moïse. Huet le prouve par les arguments suivants : les noms de leurs pères se ressemblent ; ils ont tous deux ri après leur naissance ; ils ont écrit chacun cinq livres sur l’origine du monde ; ils ont combattu l’idolâtrie ; leurs rois ont voulu les faire mourir ; Dieu les a conservés en utilisant des moucherons empoisonnés contre ceux qui les persécutaient, etc. La doctrine de Huet présente néanmoins un inconvénient de taille – que ses adversaires n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner :102 si tous les dieux des anciens peuples sont Moïse lui-même, les vices et l’éventuelle obscénité de ces divinités rejaillissent sur Moïse au premier chef. Quoi qu’il en soit, dans une telle perspective les Oracles chaldaïques, censés avoir été transmis par les mages disciples de Zoroastre, ne peuvent plus être que des faux. Dans son Dictionnaire historique et 99
Voir Horn 78 : Unde non probabile & verissimum est, quod Beza in cap. 2. Matth. suscipicatur, falso Zoroastris nomine editos illos versiculos. Sunt enim recens Graeculi ejusdam Semi-Christiani commentum, cui nationi receptum quasi fuit, imponere caeteris ; cf. Stausberg 85 et n. 298. 100 L’information est d’ailleurs prise en considération par Stanley, The History of Philosophy XV 31. 101 Voir Stausberg 671-679.685. 102 Voir la recension de la troisième édition de la Démonstration évangélique de Huet, dans le Journal des Sçavans, Du Lundi 10. avril 1690, XIV 160.
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critique, à l’article « Zoroastre » (à partir de l’édition de 1702), Pierre Bayle, qui collecte des informations sur Zoroastre sans prendre parti, enregistre (dans la note H) l’avis bien tranché de Pierre-Daniel Huet. La lecture trinitaire des « Oracles appelez Chaldaïques, attribués à Zoroastre », par Pierre Jurieu Curieusement, on doit à Pierre Jurieu une réhabilitation de l’authenticité des Oracles chaldaïques. Jurieu veille sur l’orthodoxie des réformés du Refuge à partir de Rotterdam. Jean Le Clerc aurait quelques raisons de lui en vouloir parce que c’est Jurieu qui l’a dénoncé aux autorités religieuses de Genève : le jeune homme s’était imprudemment ouvert au pasteur de ses doutes sur la doctrine calviniste – notamment sur la question de la grâce – et avait manifesté quelques tendances arminiennes, c’est-à-dire un certain penchant pour la tolérance.103 Le Clerc doit même à la dénonciation de Jurieu d’avoir été privé de toute possibilité de devenir ministre (de la religion réformée), et d’avoir été mis au ban de sa famille genevoise. Pour venir au secours de la théologie trinitaire, mise à mal par l’aile bien peu orthodoxe des réformés arminiens et unitaires (ou unitariens), Jurieu se fait le défenseur habile des Oracles chaldaïques. Dans l’Histoire critique des dogmes et des cultes (Amsterdam 1704), il se demande si les premiers patriarches ont connu le mystère de la Trinité ;104 il renonce à le prouver en faisant appel aux « Paraphrases qu’on appelle Chaldaïques », et qui sont « composées par des Juifs » (c’est-àdire aux Targums), et il critique Johan Stephan Rittangel qui veut prouver par ce biais que les Juifs ont connu le mystère de la pluralité des personnes en Dieu. Quant au Quatrième Esdras, explique-t-il, c’« est une pièce, comme le Pimandre du Trismegiste, faite par un Chrêtien ».105 Faut-il alors se référer aux écrits des philosophes platoniciens « qui sont fort exprés pour prouver qu’en Dieu il y a une pluralité de personnes, & que sa sagesse & sa parole sont en lui une personne distincte ? Porphyre reconnoissait un fils en Dieu, & il appelloit ce fils patrikos noûs, c’est-à-dire, comme l’explique St-Augustin, ‘paternam mentem, sive intellectum, qui paternae voluntatis est conscius’ ».
103
Voir Barnes 81. Jurieu 18. 105 Jurieu 18. 104
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Malgré tous les témoignages que l’on peut collecter chez les platoniciens recommandés par Augustin, Jurieu reste dubitatif : « tout cela ne me persuade pas que les Payens, qui ont precedé nôtre Seigneur Jésus-Christ, ayent eu connoissance du mystere de la Trinité : car tout ce que nous venons d’entendre, tiré des Platoniciens, avoit été par ces Philosophes emprunté des Chrêtiens ».106 C’est le retour de la vieille thèse du larcin, par les philosophes grecs, de la doctrine chrétienne. Que reste-t-il alors pour prouver que le mystère de la Trinité n’était pas inconnu des anciens Patriarches ? Peut-être Platon qui a vécu bien avant le Christ et dont « on prétend qu’il a dit bien des choses par lesquelles il paroît qu’il avoit ouï parler de ce mystère de la Trinité ».107 Mais surtout, les « Oracles de Zoroastre » que Pierre Jurieu cite dans la collection d’Opsopoeus : « On trouve même ce mystere de la Trinité dans les oracles de Zoroastre ; ‘Le Père a engendré toutes choses, & les a données à la seconde intelligence, que les hommes estiment la premiere’ ». On aura reconnu le fameux oracle 30 de la collection de Pléthon, interprétée à la manière de Steuco et de Patrizi. Il n’y a plus qu’à rappeler le chemin emprunté par la sagesse lors de sa diffusion : « On prétend donc que la connoissance de la Trinité s’étant conservée entre les Juifs, elle a passé de là aux Égyptiens & aux Orientaux, avec qui Platon avoit eu commerce. A la verité je ne say rien qui puisse détruire cette pensée ». Mais il reste que les hérétiques demeurent des hérétiques et, en matière de Trinité, les Chaldéens en font tout de même un peu trop ! Tout d’abord on va pouvoir expliquer les hérésies des (néo)platoniciens dans la mesure où leur « Theologie » est tirée des « Chaldéens & des oracles appelez Chaldaïques, qu’on attribuoit à Zoroastre ».108 Comme preuve à charge, Jurieu cite en traduction française un long extrait de « Psellus in oracula Chaldaïca » ; en réalité il s’agit de L’exposition sommaire et concise des croyances chaldaïques (1149 c 5 - 1152 c 1 = O’Meara p. 146, 12 - 148, 19) :109 « Les Chaldéens posoient un seul & unique Principe de toutes choses, qui est bon, puis ils adoroient une certaine profondeur paternelle, composée de trois Trinitez, & chaque Trinité ayant le pere, la puissance et l’entendement. Après cela vient l’iunx comprehensible à l’entendement, à celle-là immediatement sont joints les Recteurs du monde, l’ignée, l’étherien, & le materiel : puis viennent les 106
Jurieu 19. Jurieu 19. 108 Jurieu 420. 109 Des Places, Oracles 189 sq. 107
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Recteurs ou Princes des Ceremonies, [c’est-à-dire ceux qui président sur les Ceremonies Magiques, & qui peuvent être évoquez par la Theurgie].110 A ceux-là succedoient les Peres des fontaines éternelles, qu’on appelle conducteurs du monde, desquels le premier a été une fois nommé.111 Après lui vient Hecaté, puis celui que nous avons nommé deux fois. Après viennent trois implacables, & le dernier appelé hupezôgos, succintor. Ils adorent aussi une Trinité de sources, la foi, la verité & l’amour. Ils posent aussi le Soleil pour l’Empereur Archangelique sorti de la source de la matiere, & qui est lui-mème la source du sentiment, du jugement, des foudres, des miroirs, & des caracteres, toûjours occupée sur des symboles inconnus &. [Ils ont aussi des Dieux qu’ils appellent azônoi, qui n’ont point de Zones, ou de ceintures, &c. les Dieux azônoi sont Serapis, Dionysius, & la chaîne d’Osiris & d’Apollon. Ils sont appellez Dieux sans Zones, parce qu’ils usent librement de leur pouvoir dans les Zones, & sont placez au dessus des Dieux visibles, comme sont le Soleil, & la Lune] ; au contraire il y a des Dieux zônaîoi, qui sont attachez aux Zones du Ciel, roulant librement autour de ces Zones, ils ont la charge de gouverner le monde. Car les Chaldéens ont une espece de Dieux appelés zônaioi, qui habitent dans les parties du monde sensible, & qui sont attachez aux parties de la matiere qui leur sont échuës en partage ». Jurieu glose la fin du texte dans la marge : « Ce sont les Démons marchant à la suite de chaque Dieu. Cela s’appelle Catena, seirà, la Chaîne d’un tel Dieu. Voi Jamblique ».112 Mieux encore, les hérésies des Chaldéens et de Zoroastre permettraient d’expliquer non seulement celles des platoniciens (Jamblique, Proclus), mais aussi celles des gnostiques et des manichéens ! Tout d’abord, « L’on voit dans ces énigmes les Dieux des Platoniciens ; mais on y voit aussi la Theologie des premiers heretiques, Valentiniens, Gnostiques, & même des Manichéens. On voit là-dedans des traces bien sensibles des Aeones des Valentiniens, dont ils composoient une Theologie impenetrable & absurde ». De plus, les Oracles chaldaïques sont attribués à Zoroastre ; or Zoroastre n’est-il pas lui-même la source du manichéisme ? « Manés étoit Perse, & les anciens nous disent, qu’il avoit puisé sa Theologie dans les livres attribuez à Zoroastre ». Jurieu se doit alors de rappeler le dualisme imputé à Zoroastre, en se référant au De Iside de Plutarque (369 e - 370 a) : « En effet ce que disoit cet hére110
Il s’agit d’une glose. Jurieu interprète ainsi le difficile hapax epekeina, puis dans la phrase suivante, le dis epekeina. 112 Jurieu 420. 111
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tique de ces deux principes, l’un du bien, & l’autre du mal, a un trés grand rapport avec l’Oromases, & l’Arimanius de Zoroastre, dont le premier étoit le principe du bien, & le second le principe du mal. Et cette Theologie n’étoit pas seulement celle des Chaldéens, c’étoit celle des Grecs, d’Empedocle, d’Heraclite, de Pythagore & de Platon, comme on peut le voir prouvé dans Plutarque ».113 Il faut tout de même signaler que Pléthon, qui citait lui aussi ce texte du De Iside de Plutarque à la fin de son Commentaire sur les Oracles114 pour montrer qu’il coïncidait avec les trois principes hiérarchisés de la Lettre II de Platon, se gardait bien de faire de Zoroastre un mage dualiste. Loin d’avoir voulu présenter une histoire complète de la transmission des Oracles chaldaïques à la Renaissance et au début de l’époque moderne, parce qu’elle dépasserait le cadre d’un article, nous nous sommes attachés à quelques auteurs qui tout en commentant les mêmes Oracles dits « chaldaïques » (notamment l’oracle 30 de la collection de Pléthon), ont pu, pour des raisons idéologiques, soutenir des thèses parfaitement opposées les unes aux autres : helléniques contre orthodoxes et catholiques, catholiques contre réformées schismatiques, unitariennes contre trinitaires, trinitaires contre unitariennes. Heureusement, nos études sur les Oracles chaldaïques sont maintenant purement scientifiques, historiques et critiques. Mais au fond, sans être véritablement des néo-païens, ne pensons-nous pas parfois, que la pluralité en Dieu offre un espace de liberté à la pensée qui dirige l’action, liberté bridée lorsque domine tel ou tel unitarisme universaliste, ou telle ou telle pensée unique ?
113
Jurieu 420 sq. qui note la référence dans la marge : « Plutarq. Traité d’Isis & d’Osiris ». 114 Tambrun, Magika logia 35 sq.
Index des fragments cités des Oracles chaldaïques : Fragments donnés dans la numérotation de l’édition des Places. OC 1 : 144 n. 120, 247 ; v. 4 : 17 sq. n. 11, 196 n. 6, 204.217 ; v. 10 : 201 OC 3 : 211.213.220 et n. 65, 228 n. 98 OC 4 : 201.213 sq.247 OC 5 : 44 sq.46 n. 42, 229.247 ; v. 2 : 31.46 n. 41, 66 n. 14 OC 6 : 119 n. 54 ; v. 2 : 46 n. 41 OC 7 : 41.45.258 n. 23, 263 sq.275. 277 OC 8 : 34-37 et n. 16, 201.216.221 ; v. 2 : 41 OC 10 : 248.264 et n. 50 OC 18 : 66 n. 15, 135 n. 102, 136 n. 103, 143 n. 118, 202 OC 21 : 202.212 OC 22 : 149 n. 132, 184 ; v. 1 : 150 n. 133 OC 23 : 232 OC 26 : 213 OC 27 : 142 n. 116.118, 150 n. 132 OC 29 : 202 OC 30 : 150 n. 132, 258 ; v. 1 : 45 OC 32 : v. 1 : 202 ; v. 2 : 108 n. 27, 111 n. 37, 215 OC 34 : 56 n. 20, 71 n. 32, 72 sq.166. 179 n. 30, 225.228 n. 98 ; v. 2 : 144 n. 120 OC 35 : 72.108 n. 27, 111 n. 37, 179 n. 29, 215 n. 44, 225.228 n. 98 ; v. 1 : 239 ; v. 3 : 144 n. 120, 241 ; v. 4 : 31.56 n. 17 OC 36 : v. 2 : 239 OC 37 : 72.220 ; v. 10 : 203 ; v. 14 : 144 n. 120 ; v. 15 : 203.213 ; v. 16 : 203 OC 42 : 72.185 n. 44 ; v. 3 : 144 n. 120 OC 44 : 221 OC 49 : 132 n. 95 OC 50 : 203.228 n. 101
OC 51 : 106-120 passim, 135 n. 101102, 136 n. 104, 138 n. 109, 148. 183 n. 40, 215 n. 46 ; v. 1-2 : 113 n. 43, 116 ; v. 1 : 241 ; v. 2 : 204 ; v. 3 : 104-106.114.118.128.133 n. 98, 141 OC 52 : 107 et n. 22, 109 n. 30, 110 n. 35, 111 n. 37, 112 et n. 39.41.42, 113 n. 43-44, 183 n. 40 ; v. 1 : 204.241 et n. 32 OC 53 : 232 OC 54 : 107 et n. 22, 112 OC 55 : 112.241 OC 56 : 74 n. 41, 94 n. 105, 183 n. 40 OC 57 : 109.119 n. 53, 234 OC 58 : 96.177 n. 22 OC 59 : 177 n. 22 OC 62 : 204 OC 65 : v. 2 : 204 OC 66 : 204.228 OC 68 : 56 n. 19 OC 76 : v. 2 : 204 OC 79 : 247.265 OC 81 : 251 OC 91 : 66 n. 15 OC 92 : 66 n. 15 OC 96 : 220 n. 65, 227 ; v. 3 : 242 OC 97 : v. 3 : 247 sq. OC 102 : 180 n. 32 OC 103 : 248 OC 107 : 15 et n. 2, 16.18 sq. et n. 15, 20-22.24-26.28 sq. OC 108 : v. 1 : 204 OC 109 : v. 3 : 242 OC 112 : 222 OC 113 : v. 2 : 66 n. 15 OC 114 : 66 n. 15 OC 115 : 56 n. 17 ; v. 1 : 205 OC 122 : 155 et n. 4
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Index des fragments cités des Oracles chaldaïques
OC 130 : 119 n. 54 OC 134 : 56 n. 16 OC 137 : 204 OC 142-148 : 153 OC 142 : 129 n. 87, 145 n. 123, 154 sq.157-160.163 sq.167 OC 143 : 154 sq.157-159.164 OC 144 : 109.129 n. 87, 130 n. 88, 146 n. 125, 156 n. 6, 162 sq. OC 145 : 163.166 OC 146 : 69.113 n. 44, 154 sq. et n. 5, 156.159 sq.164 et n. 17, 166 OC 147 : 113 n. 44, 165 sq. OC 148 : 69.71 n. 33, 72 sq.113 n. 44, 159.164.166 ; v. 3 : 65 n. 12 OC 150 : 246 sq. OC 157 : 66 n. 15, 246 OC 158 : 56 n. 18, 66 n. 16, 68 n. 26 ; v. 1 : 240 OC 159 : 60 n. 45 OC 163 : 47-60 passim, 66 n. 15 ; v. 12 : 241 OC 164 : 56 et n. 15 ; v. 2 : 240 OC 165 : 15 et n. 1, 16.17 et n. 11, 18 OC 169 : 33 OC 171 : 180 et n. 32 OC 172 : 56.180 et n. 32 OC 174 : 232 OC 175 : 201 OC 176 : 239 OC 179 : 184 OC 181 : 56.118 n. 52 OC 185 : 45 OC 189 : 204.217 OC 190 : 240 OC 191 : 204 OC 194 : 68 n. 23, 240 OC 198 : 201 OC 207 : 66 n. 16 OC 209 : 228 OC 213 : 56 n. 17 OC 216 : 183 n. 41 OC 220 : 72 n. 37
Index des noms propres : Abamon 95 Abraham 260.262 sq.266.269.271 Académiciens 249 Ad Ḥad Adad Hadad Adam 17 n. 10, 261 sq. Adonis 70.77.84.92 n. 101, 94 Aglaophamos 244.260 Ahriman 277 Alaric 225 Alcidamas d’Élée 27 n. 42 Alexandre d’Aphrodise 102 Alkinoos 107 n. 25 Amélius 86 n. 85 Ammon 26 Ammonius 121 n. 62 Anagôgeus (déité) 68 n. 24 Anaximène 190 d’Andilly, Arnauld 269 Annius de Viterbe (Giovanni Nanni) 266 Aphrodite (Vénus) 92 n. 101, 228 n. 97 Apis 78 n. 51 Apollodore 88 n. 92 Apollon (Phoibos) 26.59.76 n. 48, 77 sq. n. 50-51, 80.82 et n. 67, 83 n. 75, 84.85 n. 81-82, 86.87 sq. n. 91, 88 n. 92, 90 n. 96, 91 n. 99, 93 sq.96.276 Apulée 187 n. 49, 240 et n. 26, 246 Archiloque 77 n. 50 Archimède 25 et n. 38, 27 n. 43, 177 n. 22 Archytas de Tarente 27 et n. 44 Arès 78 n. 52, 83 Aréthas 60 n. 45 Aristobule 29 et n. 48-49 Aristoclès 138 Aristote 12.59.63 et n. 4, 64.101 sq. et n. 7, 104 sq.120 et n. 57, 121 sq. et n. 65, 123 et n. 69, 124 n. 73, 132
n. 96, 133 n. 97, 137.139 n. 112, 161.167.177 n. 22, 235 n. 13, 243. 262 Arnobe 12.76.79 sq. et n. 57-60, 81 sq. 84-87 et n. 89, 89 n. 93, 99.169 n. 3, 184 Artaxerxès 22 Asaph 22 Asclépios 82 et n. 68, 84.87 sq. n. 91, 93 sq. Assyriens (peuple) 38 Athéna (Minerve, Pallas) 81 n. 63, 83 et n. 75, 84 n. 75, 87 n. 91, 90 n. 95-96, 93.109 n. 32, 191 et n. 58, 192 et n. 59.61.62, 223 et n. 79, 225 Attis 61-74 passim, 76-78.80.82 et n. 64, 84.85 n. 81, 88 n. 93, 89.92 n. 101, 93-95.97 sq.166 Augustin d’Hippone 12.87 n. 89, 169 et n. 3-4, 171.174 n. 14, 190.195. 274 sq. Ausone 179 n. 28 Aviénus 79 n. 57 Azizos (déité) 83 et n. 71, 97 Azones (déités chaldaïques) 276 Baal (Bel) 270 Barbares (auteurs des OC) 106 n. 20, 118 n. 53, 146 n. 127 Bardesane d’Édesse 28 n. 45, 83 n. 71 Basileus Porphyre Bayle, Pierre 274 Belesys (satrape) 22 et n. 27 Ben Sira (Sirakh) 27-29 et n. 47 Bérose 263.266 et n. 68, 267 Bessarion, Jean 264 de Bèze, Théodore 273 et n. 99 Boèce 12.184 et n. 42 Bossuet, Jacques Bénigne 273 Buxtorf, Johannes 266 Calchas 26 n. 40
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Index des noms propres
Calcidius 59 n. 37, 171.177 n. 22 Cappel, Louis 266 Caton d’Utique 226 Cerbère 78 n. 51 Cérès Déméter Cérulaire, Michel 236.242 Chaldéens (auteurs des OC) 40.67.118 n. 52, 120 n. 54, 127.148.237-240. 242 sq.275-277 Chaldéens (astrologues) 133 n. 99 Chaldéens (peuple) 18.234.254.260. 262 sq.266 sq. et n. 70, 269-271. 273 Chinois (peuple) 266 Chouet, Robert 268 Chrétiens 20.90 n. 95, 190.243.263. 275 Christ Jésus-Christ Chrysippe 86 n. 85 Cicéron 169 n. 4, 170 et n. 5, 172 sq. 175 n. 18, 177 et n. 22, 187 Claudien 177 n. 22, 195 Clément d’Alexandrie 80 n. 58 Colotès 170 n. 6 Corbin, Henry 154 Coré (Proserpine) 77 n. 51, 84.107 n. 23 Cornélius Labéo 41 n. 29, 79 n. 58, 80 n. 60, 81 n. 63, 85 sq. et n. 87, 87 n. 88-90, 99 Cornificius Longus 80 n. 60, 86 n. 85 Corybantes 74 n. 43, 94 n. 106 Cratès de Mallos 25 et n. 35 Cybèle Mère des Dieux Cyllénien Hermès Daces (peuple) 236 Damascius 12.43.50 n. 9, 52-56.74 n. 44, 75.82 n. 64, 83 n. 75, 93.95 n. 115, 96 sq.99.101 sq.103 n. 11, 104 sq.109.121 n. 62-63, 127 n. 78, 136 n. 104, 141 n. 115, 142 sq. n. 117.118, 146 n. 126, 149 sq. n. 131-132, 231 et n. 1, 232 sq.237 David (père de Qohélet) 22 Déméter (Cérès) 77 n. 51, 90 n. 95, 108 n. 30
Démocrite 102.121 n. 59, 264 Denys l’Aréopagite 241 Diane 90 n. 95 Diaphragme (déité chaldaïque) 238. 241.276 Dieu aux sept rayons Heptaktis Dionysos (Liber) 54 sq.70.77 sq. n. 51, 80 sq. et n. 63, 82 et n. 65, 84 et n. 79, 85 n. 82, 86.88 n. 92-93, 91 n. 99, 93 sq.96.276 Dis epekeina 31-46 passim, 83.107 et n. 26, 183.189.216.228.238.276 et n. 111 Dosithéa 242 Égyptiens 78 n. 51, 234.235 n. 13, 238.244.263.266.269.273.275 Elisha 245.257 Empédocle 58 n. 33, 59 sq.64 n. 8, 125 n. 74, 187.277 Entéléchie (déité) 227 Éole 189 Éons (déités) 276 Épictète 60 n. 45 Épiphane de Salamine 234 n. 11 Er (personnage de Platon) 104 n. 14, 113 n. 44, 129 n. 87, 139.141 n. 113, 145 n. 124, 164.170 et n. 6 Érasme 261 Éros 192 n. 62, 218.228 Éternité (déité) 227 l’Étranger d’Élée (personnage de Platon) 54 Eudème de Rhodes 124 n. 73 Eudoxe de Cnide 27 et n. 44, 177 n. 22 Eugène IV (pape) 259 Eunome de Cyzique 258 n. 22 Euripide 77 n. 50 Eusèbe de Césarée 12.89 n. 93, 90 sq. et n. 98 Ève 17 n. 10 Favonius Eulogius 12.169-173 et n. 6.10.13, 175 n. 18, 177 et n. 24, 179 et n. 28, 180 et n. 33, 182 sq. 184 n. 41, 186 sq.189 sq.192 sq. et n. 63
Index des noms propres Ficin, Marsile 13.244-247 et n. 46, 249.259 n. 27, 260 sq.272 Firmicus Maternus 76.79 et n. 57-58, 82 n. 64, 84.88 n. 93, 99 Flavius Josèphe 23.266.269 Frazer, James 77 Geffcken, Johannes 20 Gentelle, Pierre 23 Gnostiques 58 n. 30, 61 n. 1, 65 sq.99. 188 n. 51, 197 sq. et n. 14, 199.253. 276 (voir aussi : Naassènes, Pérates, Valentin) Granius Flaccus 86 n. 85 Grecs 112 n. 42, 210 n. 21, 235 sq. et n. 13, 238.241-243.247.259.261.263. 269.273.277 Grégoire de Nazianze 12.234.237-239 Habert, François 254 Ḥad (Ad) 38-41.43.45 sq. Hadad (Adad) 38-41.43 et n. 37, 45 sq.82 Hadès 81 (voir aussi : Pluton) Hapax epekeina 31-46 passim, 107 et n. 26, 183.189.212 n. 28, 228.238. 276 et n. 111 Hébreux Juifs Hécate 10.32 n. 5, 34-37.70 n. 30, 73 sq. et n. 41, 80 n. 60, 90 n. 96, 106-114 passim, 128 n. 81, 129 n. 86, 135 n. 102, 142 n. 116, 164. 183 et n. 40, 192 et n. 62, 211.215 et n. 44, 216-218.228 et n. 101, 237 sq.240 sq.258.276 Hélios Soleil Heptaktis (Dieu aux sept rayons) 67 sq. et n. 23-24, 240 Héra (Junon) 88 n. 92, 90 n. 95, 108 n. 30, 186 sq. et n. 47.50, 189 sq. et n. 56, 192 n. 61, 224 Héraclès 78 n. 51, 83 et n. 74 Héraclite (philosophe) 48.58 et n. 3334, 60 n. 45, 64 n. 8, 155.277 Héraclite le Grammairien 86 n. 85 d’Herbelot, Barthélemi 273
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Hermès (Mercure, le Cyllénien) 78 n. 51, 83.90 n. 96, 178.218.222 sq. 225 et n. 89, 247 Hermès Trismégiste 118 n. 53, 231. 234 et n. 12, 236.244-246.248 sq. 260.264.274 Hermias 12.75.121 n. 62, 136 n. 102, 231 sq. et n. 1, 233 n. 9 Hermopan 90 n. 96 Hésiode 108 n. 30, 175 Hestia (Vesta) 81 n. 61, 108 n. 30 Hiéroclès 12 Hilaria 97 Hippolyte de Rome 57 Homère 26 n. 40, 58 n. 30, 63 n. 6, 72. 77 n. 50, 92 n. 101, 116.125 n. 74, 156. 171 n. 8, 226 Horn, Georg 272 Horus 78 n. 51 Huet, Pierre-Daniel 272-274 Hyde, Thomas 273 Hyrcan le Tobiade 22 sq. Implacables (déités chaldaïques) 238 sq. et n. 23, 276 Irénée de Lyon 234 n. 11 Isis 92 n. 101 Italicus, Michel 33 sq. Iynges (déités chaldaïques) 238.247. 259.275 Jamblique 12.61 n. 1, 62.69 sq. n. 30, 71 et n. 33-34, 72-74 et n. 41-43, 75.78 et n. 52.54, 79 n. 57, 83 n. 71.75, 84 n. 79, 86 n. 85, 87 sq. n. 90-91, 90 n. 95, 92-99 passim, 103 n. 12, 118 n. 53, 119 n. 54, 121 n. 63, 126 n. 78, 128 n. 84, 129 n. 86, 141 n. 113, 143 n. 118, 165. 181 et n. 36, 198.220 et n. 67, 221. 231.235.237.276 Jamblique (correspondant de Symmaque) 88 n. 91 Janus 80 et n. 60, 109 Jésus-Christ 57.202.205.246 sq.250 n. 49, 260.262.265.275 Job 249
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Index des noms propres
Joseph fils de Tobiah 23 Juifs (Hébreux) 20.40 sq.86.173 sq. n. 14, 235.247.250.256.262.264.266. 270 et n. 86, 274 sq. Julien (empereur) 12.61-75 passim, 77-79 et n. 55.57, 81 et n. 63, 82 n. 64, 83 n. 75, 84.87 sq. et n. 91, 89 et n. 94, 90 n. 95, 91 et n. 100, 92-99 passim, 166.220 Julien (dit le Chaldéen) 9 sq.32.118 n. 53, 160.254 Julien (dit le Théurge) 9 sq.32.67.118 n. 53, 160.235 sq.240 n. 28, 254 (voir aussi : Barbares, Chaldéens, Théologiens, Théurges) Junon Héra Jupiter Zeus Jurieu, Pierre 266.274-277 Kronos (Saturne) 33.36.40 n. 25, 44. 46 n. 42, 57.65.78 n. 52, 174 n. 14 La Peyrère, Isaac 265 Le Clerc, Jean 254.268-272 passim Lefèvre de La Boderie, Guy 246 n. 44 Libanius 79 n. 55 Liber Dionysos Locke, John 268.272 Longin 80 n. 60 Lucain 226 Lucien de Samosate 257 Lune 18.20.25.72.78 n. 51, 82 n. 69, 83 sq. n. 75, 87 sq. n. 91, 90 n. 9596, 147 n. 127, 165.175-177 et n. 2122, 192.276 Luther, Martin 248.261.265 Lydus, Jean 12.41.75.80 n. 60, 87 n. 89 Macrobe 12.40 sq.64 n. 6, 71 sq.76-86 passim, 87 n. 89.91, 88 n. 91, 89 n. 94, 99.170 et n. 5-6, 171.176 n. 21, 177 n. 22, 179 n. 28, 180 n. 33, 184 n. 41, 185-187.193.195. 222 Mainteneurs (déités chaldaïques) 119 n. 53, 238.259
Malkhos Porphyre Mani 276 Manuel II (empereur) 255 sq. Marc-Aurèle 235 sq. Marie 22 n. 25 Marinus 12.75.121 n. 62 Marius Victorinus 12.169 n. 3, 171. 174 et n. 14, 177 sq.180 et n. 33, 181 et n. 35, 182-184 et n. 44, 185.187 sq. et n. 51, 189 sq.195-218 passim, 230 (voir aussi : Victorinus) Marsham, John 266 sq. Martianus Capella 12.68 n. 23, 79 n. 57, 95 et n. 112, 99.169 n. 3, 174.177 n. 21, 178.180.183.186.187 n. 49, 188.190 sq.192 n. 62, 195. 218-230 passim Maxime d’Éphèse 110 n. 35 Mèdes (peuple) 257 Médicis, Cosme de 260 Médio-platoniciens 58 et n. 30, 59.66. 91 n. 98.100, 97 sq.181.198.220 n. 66, 243 Ménechme 27 n. 44 Meneurs de mondes (déités chaldaïques) 238.241.275 sq. Ménippe 257 Mercure Hermès Mère des Dieux (Cybèle) 61-74 passim, 82 n. 64, 91.94.97 sq.109 Minerve Athéna Minucius Felix 175.176 n. 19 Mithra 89.99.240 Mnévis 78 n. 51 Moïse 18.59.189.246.250 n. 49, 256258.261.264 n. 50, 273 Monimos (déité) 83 et n. 71, 97 Muses 222.227 sq. et n. 97 Naassènes (gnostiques) 61 n. 1, 72 n. 36 Nanni, Giovanni Annius de Viterbe Nicomaque Flavien 85 n. 81 Nigidius Figulus 80 n. 60, 86 n. 85 Noé 21 n. 23, 254.262 Nonnos de Panopolis 79 n. 57
Index des noms propres Numénius 10.57 sq. et n. 29, 59 n. 37, 63 n. 6, 92 n. 101, 107 n. 25, 179 et n. 31, 180.184 et n. 44, 185 sq.188.193 et n. 63, 197 sq. Nymphe (Julien) 64 et n. 7, 70 sq. Olympiodore 12.75 Ormuzd 277 Orphée (ps.-) 29 et n. 49, 55.59.170 sq. n. 8, 231 n. 1, 244.247.249 sq. 260 sq. Osiris 77.82 n. 64, 83 sq.85 n. 82 Ouranos 142 n. 117 Ovide 229 Pachôme 21 n. 23 Pallas Athéna Pan 78 n. 51, 83 Parent, Anne 254 Parménide 58 n. 33, 187 Parménide (personnage de Platon) 54 Parques 113 sq. n. 44, 164 Patrizi, Francesco 251.253.267 sq.270 sq.275 Paul III (pape) 248 sq.261.263 Paul de Tarse 201.214 Paulina (épouse de Prétextat) 85 n. 81 Péan (déité) 82 n. 68 Pérates (gnostiques) 57 sq.65 Père (déité chaldaïque) 17.41.45 sq.60.107 et n. 26, 108.112 n. 39, 135 et n. 102, 142 n. 116-118, 149 sq. et n. 131-133, 183 sq.197.201204.207.210-218 passim, 220 et n. 65, 223.227.228 n. 98, 230.238 sq.241.243.247.258.259 n. 24, 263. 264 n. 50, 271.275 Perse (poète) 222 Perses (peuple) 257.267 et n. 70 Pezron, Paul 266 n. 64 Phaéthon 84 Phéniciens 270.273 Philologie 218.220.222 sq.225 et n. 89, 183.228 Philon d’Alexandrie 19 et n. 14-15, 24 Philon de Byblos 43 n. 37 Phoibos Apollon
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Pic de la Mirandole, Jean 254.260 sq.272 des Places, Édouard 13.16.33 Planos (démon) 190 Platon 9.27 et n. 44, 31.35 n. 12, 36.48.51-53.55.57 sq. et n. 29-30. 33, 59 et n. 37, 64.104 n. 14, 105 n. 19, 118 n. 53, 121 n. 59, 125 n. 74, 126 n. 76-77, 127.138.139 sq. n. 112, 154.156.160.162.170 n. 6, 176.177 n. 22, 180.185.203.212.223. 229.234.235 n. 13, 237.243-245. 247.249.251.257 sq. et n. 21, 260. 262.271.275.277 Pléthon, Georges Gémiste 13.15.17 sq. n. 11, 235.244-246 et n. 41.44, 250. 253 sq. et n. 2, 255-260 passim, 263 sq.267 sq.270-272.277 Plotin 9.10 n. 6, 49.83 n. 71, 86 n. 85, 88 n. 91, 103 n. 12, 140 n. 113, 197 sq.210.249 Plutarque d’Athènes 243 Plutarque de Chéronée 27 et n. 43, 91 n. 98, 175.245.256 sq.276 sq. Pluton 77 n. 51, 85 n. 81 (voir aussi : Hadès) Pompée 176 n. 21 Porphyre 10 et n. 6, 11.40-42 et n. 32, 43 et n. 37, 45 sq.49 sq.61 n. 1, 62.63 n. 6, 65 et n. 11, 72, 76-92 passim, 93 sq. et n. 110, 95 et n. 112, 97.99.103 n. 12, 118 n. 53, 140 sq. et n. 113, 155.169 et n. 2.6, 171.175.177.180 sq. et n. 36, 190 et n. 54.56, 192 et n. 59.62, 195.197 et n. 10.13, 198 et n. 14, 199.205.209 sq. et n. 20, 211 sq.217 sq.221.226 n. 93, 228-230.239.251.270.274 Poséidon 263 Posidonius 25 n. 38, 175 n. 18, 177 n. 22 Préaux, Claire 15 n. 3 Prétextat 76 n. 48, 85 n. 81, 88 n. 91, 89 n. 94, 99 Priscien de Lydie 75 Proclus 12.35 n. 12, 36.40.42 sq.45. 51-53.55.59 sq.66.70 et n. 31, 71-
286
Index des noms propres
73.75.80 n. 60, 82 sq.95 n. 115, 96.98 sq.101 et n. 3, 103 et n. 12, 104 et n. 14, 105 et n. 17, 107 et n. 23, 108 sq.111 et n. 37, 114 n. 44, 115 sq.119.121-152 passim, 153-164 passim, 167.179 sq.191. 229.231-233 et n. 9, 235 et n. 13, 236 et n. 17, 237.242 sq.245.249. 251.276 Procope de Gaza 235 n. 13, 236 et n. 17 Proserpine Coré Protagoras 58 et n. 33 Psellus, Michel 12.15-17 et n. 11, 18 et n. 12, 19-21.25 sq.112 sq. et n. 43, 221.232-244 passim, 246 et n. 41, 251.255.257 sq.260.264 n. 50, 267 sq.270.272 Psyché (déité) 227 sq. Ptolémée (astronome) 177 Ptolémée VI Philométor 29 n. 48 Ptolémée VII Évergète 28 Pythagore 55.59 et n. 37, 172.177 n. 22, 244-246.249.257.271.277 Pythagoriciens 139 n. 112, 171 n. 8, 175 Pythie 77 n. 50 Python 77 n. 50 Pythonisse d’Endor 243 sq. Qohélet 22 Quintilien 114 Rhéa 10.36.74 et n. 41, 77 n. 51, 183 n. 40 Rittangel, Johan Stephan 274 Romains 173 n. 11, 174 n. 14, 226. 236.255 sq.260.263.273 Sabéens (peuple) 267 et n. 70 Sagesse (déité) 227 Salomon 22 n. 25, 249 Saloustios 79.82 n. 64 Sarapis 81 et n. 63 Satan 190 Saturne Kronos Saul 244
Scaliger, Joseph 266 Scholarios, Gennade 245 Séleucus 23 Sénèque 226 Sérapis 276 Sères (peuple) 28 n. 45 Servius 12.76 et n. 48, 79.87 n. 89, 99.172.174-177 et n. 24, 182.184 n. 41, 186 sq. Sibylles 231.263 et n. 43, 264 Silène 224 Simon (grand-prêtre) 23 Simon, Richard 266 Simplicius 12.75.101-120 passim, 121 n. 62, 125 n. 74, 126 sq. n. 78, 128 n. 83, 129 n. 86, 130 n. 88, 131 n. 91, 136 n. 102.104, 138 n. 109, 139 n. 112, 140 n. 113, 141 n. 115, 142 sq. n. 116-118, 144 n. 119-121, 145 sq. n. 124-127, 149 sq. n. 132, 152 n. 135 Sirakh Ben Sira Śiva 83 n. 71 Socrate (personnage de Platon) 54 Sohravardî 154.245.257 Soleil (Hélios) 38.41 n. 29, 62.66-68 et n. 24-25, 70 et n. 31, 71 et n. 32, 72, 75-91 passim, 93-99 passim, 218-220.222.225.227 Stanley, Thomas 254.265-268.272 Steuco, Agostino 246 et n. 44, 261265.267.275 Stoïciens 59 et n. 37, 64 n. 8, 88 et n. 92, 89 n. 94, 90 n. 97, 95 et n. 112, 192 n. 61 Strabon 22.25 n. 35 Straton de Lampsaque 102 Superius 171 Symmaque 88 n. 91 Synésios de Cyrène 12.47-50 et n. 9, 232.247 et n. 46, 248 Syrianus 12.51.55.102 et n. 7, 103 n. 12, 127 n. 78, 132 n. 94, 231 et n. 1, 243 Télétarques (déités chaldaïques) 119 n. 53, 146 n. 126, 238.276 Temps (déité chaldaïque) 120 n. 54
Index des noms propres Teuth 260 Thalie Muses Théodore II (despote) 256 Théologiens (auteurs des OC) 108 n. 30, 118 sq. n. 53, 186 sq. Théophraste 121 n. 63, 123.124 n. 73 Théurges 96.113 n. 44, 129 n. 85-87, 158-160.167 Timée de Locres (personnage de Platon) 52.54 Tirésias 257 Trajan 236 Uranie Muses Valentin 234 et n. 11, 237.276 Vandales 225 Varron 80 sq. n. 60, 86 et n. 85, 91 n. 99, 173 n. 14, 187 n. 49, 223 sq.226 n. 93, 191.192 n. 61, 230 Venetus, Franciscus Georgius Zorzi, Francesco Vénus Aphrodite Vesta Hestia Victorinus (= Marius Victorinus ?) 178 n. 26 Virgile 99.169-177 passim, 180.186. 189 Xénocrate 193 n. 63 Xénophon 22 Zénodote 121 n. 62 Zénon 23 Zeus (Jupiter) 35 et n. 12, 80 sq. et n. 63, 82 n. 65.68, 83 sq. n. 75, 93 sq.95 n. 115, 96.173 sq. n. 14, 186 sq. et n. 47.50, 192 et n. 61-62, 225. 227.251.263 Zonés (déités chaldaïques) 276 Zoroastre 13.244-250 et n. 49, 251. 254-258.260 sq.267.273 sq.275-277 Zorzi, Francesco (Franciscus Georgius Venetus) 245-251 passim
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