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French Pages 360 [350] Year 2008
Optoélectronique térahertz Sous la direction de Jean-Louis COUTAZ Avec la collaboration de Robin BOQUET, Nicolas BREUIL, Laurent CHUSSEAU, Paul CROZAT, Jean DEMAISON, Lionel DUVILLARET, Guilhem GALLOT, Frédéric GARET, Jean-François LAMPIN, Didier LIPPENS, Juliette MANGENEY, Patrick MOUNAIX, Gaël MOURET, Jean-François ROUX
17, avenue du Hoggar Parc d’activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
Imprimé en France.
© 2008, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf, 91944 Les Ulis Cedex A Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35. ISBN EDP Sciences 978-2-86883-975-6
Liste des auteurs Sous la direction de : – Jean-Louis COUTAZ, professeur, Laboratoire IMEP-LAHC, université de Savoie, Le Bourget du Lac – Robin BOQUET, professeur, Laboratoire de physico-chimie de l’atmosphère, université du Littoral, Dunkerque – Nicolas BREUIL, ingénieur, Thalès Airborne Systems, Élancourt – Laurent CHUSSEAU, directeur de recherche au CNRS, Institut d’électronique du Sud, Montpellier – Paul CROZAT, professeur, Institut d’électronique fondamentale, Orsay – Jean DEMAISON, directeur de recherche au CNRS, Laboratoire PHLAM, université de Lille I – Lionel DUVILLARET, professeur, Laboratoire IMEP-LAHC, Institut national polytechnique de Grenoble – Guilhem GALLOT, chargé de recherche au CNRS, Laboratoire d’optique et biologie, École polytechnique, Palaiseau – Frédéric GARET, maître de conférences, Laboratoire IMEP-LAHC, université de Savoie, Le Bourget du Lac – Jean-François LAMPIN, chargé de recherche au CNRS, Institut de microélectronique et nanotechnologie du Nord, Villeneuve d’Ascq – Didier LIPPENS, professeur, Institut de microélectronique et nanotechnologie du Nord, Villeneuve d’Ascq – Juliette MANGENEY, maître de conférences, Institut d’électronique fondamentale, Orsay – Patrick MOUNAIX, chargé de recherche au CNRS, Laboratoire CPMOH, université de Bordeaux – Gaël MOURET, maître de conférences, Laboratoire de physico-chimie de l’atmosphère, université du Littoral, Dunkerque – Jean-François ROUX, maître de conférences, Laboratoire IMEP-LAHC, université de Savoie, Le Bourget du Lac.
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Avant-propos Les ondes électromagnétiques térahertz suscitent aujourd’hui un engouement sans précédent dû aux applications entrevues, dans des domaines aussi variés que l’environnement, la sécurité, l’imagerie, les télécommunications... Jusqu’aux années 1990, les études dans le domaine térahertz sont restées confinées dans des laboratoires spécialistes de l’infrarouge très lointain, à cause de l’absence de sources et de détecteurs faciles à utiliser. Une révolution technologique a eu lieu à cette époque avec l’apparition de lasers commerciaux délivrant des impulsions optiques de durée femtoseconde, qui ont facilité la génération et la détection des signaux térahertz. Depuis, des techniques complémentaires ont fait progresser les performances des systèmes térahertz, si bien que nous sommes actuellement à une époque charnière où la science térahertz est en train de migrer des laboratoires vers les entreprises et vers les applications grand public. Ce livre, destiné à un public de scientifiques (chercheurs ou étudiants de 3e cycle) et d’ingénieurs non spécialistes du domaine, a pour but de présenter l’ensemble des principes, des techniques et des applications des ondes térahertz. Devant l’ampleur des concepts mis en jeu, nous nous sommes limités à la description des technologies optoélectroniques qui sont aujourd’hui les plus abouties pour un transfert industriel. Le livre s’articule autour de cinq parties. La première donne une description globale du domaine. La seconde décrit les principes physiques de base rencontrés dans le domaine térahertz. La troisième partie s’intéresse aux composants, et la quatrième partie aux systèmes et techniques de mesure. Enfin, la dernière partie présente les applications des ondes térahertz dans le domaine de la sécurité, des communications, de la santé, de la défense... Ce livre a été rédigé par un ensemble de spécialistes français. Toutes les différentes contributions ont été harmonisées pour que le livre soit homogène et ainsi de lecture plus aisée. Cet ouvrage est le fruit d’une coopération enthousiaste depuis l’année 2000 entre ces spécialistes sous l’égide du Club Ecrin1 qui fédère les équipes de recherches universitaires et les industriels EADS et THALES afin de promouvoir les nouvelles technologies dans le domaine térahertz. 1
Fondée par le CNRS et le CEA, l’association Ecrin (Échange et coordination rechercheindustrie) a pour but de rapprocher les laboratoires de recherche et les entreprises pour accélérer les transferts de technologies et créer de l’innovation (www.ecrin.asso.fr).
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Optoélectronique térahertz
En réalité, cette aventure a commencé en 1988 et elle illustre la puissance et l’efficacité que peuvent engendrer des relations informelles. En effet, il fallait alors pallier au manque de sources térahertz au sein des laboratoires. Daniel Boucher, à l’époque enseignant-chercheur à l’université de Lille, et Jean-Pierre Gex, directeur commercial d’un GIE CEA-Aérospatiale, se rencontrèrent autour d’un café et, pour des intérêts évidents, décidèrent très vite de monter un projet d’une source à électrons libres qui aurait été implantée à Lille. Ils étaient alors encouragés par Pierre Glorieux, Jean Demaison, Didier Dangoisse, Robin Bocquet de l’université de Lille. Mais à cette époque, les lasers femtoseconde firent leur première apparition. Daniel Boucher se dépêcha d’en acheter un et de monter une expérience de spectroscopie térahertz dans le laboratoire qu’il venait de créer à l’université du Littoral à Dunkerque, abandonnant ainsi l’idée du laser à électrons libres. Déjà, suite aux travaux précurseurs du Laboratoire d’optique appliquée de l’ENSTA à Palaiseau, quelques laboratoires français (LAHC-Chambéry, IRCOM-Limoges, CESTACEA) s’étaient lancés dans l’aventure de l’optoélectronique térahertz. Aussi, Jean-Pierre Gex et Daniel Boucher sentirent la nécessité d’une première conférence térahertz qu’ils organisèrent à l’Observatoire de Paris en 1999. Une trentaine de personnes y participèrent dont des représentants de Thomson (Thalès) et Aérospatiale (EADS). Une grande partie de ces participants décidèrent de maintenir entre eux des contacts de travail, donnant ainsi naissance au groupe de travail térahertz dans le cadre du club Ecrin. Aujourd’hui, ce groupe de travail rassemble une grande partie des acteurs français de l’optoélectronique térahertz, il se réunit plusieurs fois par an et, dans une ambiance chaleureuse, monte des projets, recherche le financement de thèses, organise tous les deux ans les Journées Térahertz et, le térahertz devenant une technologie à haut potentiel, publie ce livre. L’ensemble du groupe térahertz dédie ce livre à la mémoire de Daniel Boucher, récemment disparu, qui a effectué durant plus de trente ans des travaux de recherche dans le domaine térahertz, motivant jeunes chercheurs et ingénieurs à s’intéresser à ce domaine spectral, dont il était convaincu du grand intérêt pour la recherche académique et du haut potentiel de développement et d’applications. Jean-Pierre Gex, Ecrin Gérard-Pascal Piau, EADS Jean-Louis Coutaz, université de Savoie
Table des matières Avant-propos
5
Table des matières
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I
Description générale
1 Introduction 1.1 Remarques préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Infrarouge lointain ou domaine térahertz . . . . . . . . . . . 1.3 Sources de rayonnement térahertz . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 « Fossé » du térahertz . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Sources « classiques » . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3 Lasers moléculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.4 Sources optoélectroniques . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.5 Lasers à cascade quantique . . . . . . . . . . . . . . 1.3.6 Bilan comparatif et perspectives . . . . . . . . . . . 1.4 Détecteurs de rayonnement térahertz . . . . . . . . . . . . . 1.4.1 Détecteurs « incohérents » : bolomètres... . . . . . . 1.4.2 Détecteurs optoélectroniques . . . . . . . . . . . . . 1.5 Interaction entre les ondes térahertz et la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6 Applications entrevues et état actuel de leur développement
II
Principes physiques de base
13 . . . . . . . . . . . . .
15 15 20 21 21 22 25 26 28 30 30 30 34 34 36
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2 Notions physiques de base 41 2.1 Électromagnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 2.1.1 Équations de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 2.1.2 Équations de propagation du champ électromagnétique 43 2.1.3 Énergie électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . 45 2.1.4 Électromagnétisme non linéaire . . . . . . . . . . . . . 48 2.2 Photonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
8
Optoélectronique térahertz
2.3
2.4
III
2.2.1 Énergie du photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Puissance lumineuse et statistique du flux de photons Interaction lumière-matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Modèle classique de l’interaction dipolaire . . . . . . . 2.3.3 Traitement quantique de l’interaction lumière-atome 2.3.4 Le corps noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.5 Interaction lumière-molécule . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.6 Interaction lumière-gaz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.7 Interaction lumière-liquide . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.8 Interaction lumière-solide . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.9 Photogénération dans les semi-conducteurs . . . . . . Lasers femtosecondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Lasers à modes bloqués . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Mise en phase des modes . . . . . . . . . . . . . . . .
Composants
3 Composants pour le régime impulsionnel 3.1 Lasers femtosecondes . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.2 Génération d’impulsions laser femtosecondes 3.1.3 Blocage de modes . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.4 Principaux lasers femtosecondes . . . . . . . 3.2 Matériaux semi-conducteurs pour l’impulsionnel . . 3.2.1 Recombinaison des paires électrons-trous . . 3.2.2 L’épitaxie à basse température des semi-conducteurs III-V . . . . . . . . . 3.2.3 Implantation et irradiation ionique . . . . . 3.3 Génération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Génération à base de semi-conducteurs . . . 3.3.2 Génération par redressement optique . . . . 3.3.3 Comparatif des sources . . . . . . . . . . . . 3.4 Détection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 Détection photoconductrice . . . . . . . . . 3.4.2 Détection par effet électro-optique . . . . . 4 Composants pour le régime continu 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Photomélange par battement de deux lasers 4.1.2 Composants de transposition de fréquence par battement de lasers : photodétecteurs . 4.1.3 Laser à cascade quantique (QCL) . . . . . .
54 55 56 56 57 59 62 64 67 73 73 84 88 88 89
91 . . . . . . .
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93 . 93 . 93 . 94 . 95 . 99 . 100 . 100
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102 107 110 110 125 132 134 134 138
155 . . . . . . 155 . . . . . . 156 . . . . . . 162 . . . . . . 167
Table des matières 4.2 4.3 4.4
Conclusion partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Technique de photomélange : principe et limitations Vers les grandes longueurs d’onde . . . . . . . . . . . 4.4.1 Banc expérimental . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.2 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . 4.4.3 Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9 . . . . . .
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5 Composants passifs 5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Éléments optiques pour la propagation en espace libre . 5.2.1 Rôle crucial de la dispersion chromatique . . . . 5.2.2 Miroirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.3 Lentilles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.4 Séparatrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.5 Prismes et réseaux de diffraction . . . . . . . . . 5.2.6 Traitements antireflets . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Traitement de la polarisation en espace libre . . . . . . . 5.3.1 Degré de polarisation des émetteurs et détecteurs 5.3.2 Polariseurs à grille . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.3 Polarisation par séparation temporelle . . . . . . 5.3.4 Lames biréfringentes . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4 Guides d’ondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.1 Quelques rappels sur le guidage des ondes électromagnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.2 Guides d’ondes diélectriques . . . . . . . . . . . . 5.4.3 Guides d’ondes métalliques . . . . . . . . . . . . 5.4.4 Dispersion et pertes des guides d’ondes . . . . . . 5.4.5 Comparatif des différents guides d’onde THz . . 5.4.6 Couplage dans les guides d’ondes . . . . . . . . . 5.5 Cristaux photoniques et métamatériaux . . . . . . . . . 5.5.1 Définition et caractéristiques . . . . . . . . . . . 5.5.2 Dispositifs et filtres THz basés sur des cristaux photoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.3 Ingénierie de la dispersion : cristaux photoniques et métamatériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . .
IV
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. . . . . .
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172 173 174 175 176 178
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . THz . . . . . . . . . . . .
179 179 180 180 182 184 186 187 188 189 189 190 191 191 193
. . . . . . . .
193 195 197 200 201 202 202 202
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. . . . . . . .
. . . 203 . . . 207
Techniques et systèmes
6 Techniques de mesure 6.1 Domaine temporel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.1.1 Échantillonnage en temps équivalent d’impulsions THz ultrabrèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.1.2 Échantillonnage d’un signal continu . . . . . . . . . . .
215 219 220 220 224
10
Optoélectronique térahertz
6.2
6.1.3 Passage temps–fréquence : la transformée de 6.1.4 Mesures pompe optique – sonde THz . . . . 6.1.5 Extraction du signal . . . . . . . . . . . . . Domaine fréquentiel . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fourier 225 . . . . . . 228 . . . . . . 233 . . . . . . 238
7 Spectroscopie 7.1 Spectroscopie THz dans le domaine temporel (THz-TDS) . . 7.1.1 Principe de la spectroscopie THz dans le domaine temporel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.2 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.3 Matériaux magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.4 Performances de la THz TDS . . . . . . . . . . . . . . 7.2 Sources optoélectroniques utilisées en spectroscopie THz . . . 7.3 Spectroscopie dans le domaine fréquentiel . . . . . . . . . . . 7.3.1 Quelques principes de base sur l’instrumentation . . . 7.3.2 Spectromètres à réseau ou à étalon . . . . . . . . . . . 7.3.3 Spectromètre infrarouge à transformée de Fourier . . . 7.3.4 Spectroscopie avec une source THz monochromatique de longueur d’onde ajustable . . . . . . . . . . . . . . 7.3.5 Comparaison des techniques . . . . . . . . . . . . . . .
241 241
8 Imagerie 8.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.2 Principes de l’imagerie THz . . . . . . . . . . . . . . 8.2.1 Extension des propriétés spectroscopiques . . 8.3 Résolution spatiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.1 Limite de la diffraction . . . . . . . . . . . . . 8.3.2 Imagerie en champ proche . . . . . . . . . . . 8.4 Principes d’un microscope THz . . . . . . . . . . . . 8.4.1 Différentes techniques en champ proche . . . 8.4.2 Champ proche et contraste de champ proche 8.4.3 Imagerie par balayage . . . . . . . . . . . . . 8.4.4 Imagerie par détecteurs bidimensionnels . . . 8.4.5 Tomographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.4.6 Imagerie in situ . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
267 267 268 268 268 269 269 269 270 271 271 273 273 273 273
V
Applications et perspectives
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241 245 246 250 252 253 253 254 255 262 265
275
9 Applications des ondes THz 277 9.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 9.2 Pourquoi choisir le THz ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 9.3 Choix d’un système THz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
Table des matières 9.3.1 9.3.2 9.3.3
11
Du système complexe aux composants dédiés . . . . . 278 Système CW ou impulsionnel . . . . . . . . . . . . . . 282 Classement des systèmes par degrés de complexité . . 284
10 Familles d’applications THz 10.1 Introduction . . . . . . . . 10.2 Contrôle qualité . . . . . . 10.2.1 Principe . . . . . . 10.2.2 Exemple . . . . . . 10.3 Maintenance préventive . 10.3.1 Principe . . . . . . 10.3.2 Exemples . . . . . 10.4 Sécurité et défense . . . . 10.4.1 Principe . . . . . . 10.4.2 Exemples . . . . . 10.5 Télécommunications . . . 10.5.1 Principe . . . . . . 10.5.2 Exemples . . . . . 10.6 Biologie et biomédical . . 10.6.1 Principe . . . . . . 10.6.2 Exemple . . . . . .
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11 Détection et quantification de gaz en THz 11.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Détermination des concentrations par spectroscopie 11.3 Exemple de la fumée de cigarette . . . . . . . . . . 11.4 Molécules ciblées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5 Applications en astrophysique . . . . . . . . . . . . 11.6 Bases de données et simulation de spectres . . . . . 11.6.1 Littérature scientifique . . . . . . . . . . . . 11.6.2 Compilations . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.6.3 Bases de données informatiques . . . . . . . 11.6.4 Simulation de spectres . . . . . . . . . . . . 11.6.5 Absorption de l’atmosphère . . . . . . . . .
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293 293 294 294 295 297 297 298 299 299 299 302 302 303 304 304 305
. . . . . . . . . . .
307 307 309 313 315 316 318 318 319 319 324 325
12 Le THz : phénomène de mode ou technologie du troisième millénaire ?
329
Bibliographie
333
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Chapitre 1
Introduction 1.1
Remarques préliminaires
L’utilisation des ondes électromagnétiques constitue l’outil le plus performant pour observer et comprendre le monde qui nous entoure. Depuis l’infiniment grand et lointain – galaxies des premiers temps de l’Univers – jusqu’à l’infiniment petit – physique sub-nucléaire – les ondes électromagnétiques nous permettent de « voir » les objets et de les analyser grâce à la spectroscopie. L’étendue formidable du spectre électromagnétique multiplie d’autant les champs d’observation et d’applications par la variété des phénomènes physiques impliqués. Toutes ces observations, études et applications mettant en jeu des ondes électromagnétiques reposent sur un principe général1 basé sur trois idées simples : – l’objet observé devra émettre ou réfléchir une onde électromagnétique. Il est souvent nécessaire de disposer d’une source de rayonnement ; – cette onde doit être détectée pour être analysée, il faut donc disposer d’un détecteur ; – enfin, pour que l’onde émise par l’objet atteigne le détecteur, il faut que le milieu entre objet et détecteur soit suffisamment transparent. Dans notre quotidien, ces trois conditions sont merveilleusement remplies dans le domaine visible du spectre électromagnétique. En effet, le soleil émet une grande partie de son rayonnement dans le visible, avec un pic de puissance au voisinage de 550 nm (couleur jaune-vert), notre œil s’est parfaitement adapté en sensibilité au spectre solaire, et l’air est suffisamment transparent 1 Ce principe a été proposé par le savant arabe Alhacen (al Haytham) dans son livre Kitab al Manazir (Livre d’Optique) publié autour de l’an 1030 [1]. En particulier, il reprit la notion de rayons lumineux d’Euclide mais en supposant que chaque point de l’objet « vu » émet un cône de rayons lumineux dont un seul atteint la rétine de l’œil, formant ainsi une image nette.
16
Optoélectronique térahertz
pour les ondes visibles. D’autres domaines du spectre électromagnétique sont aussi facilement explorés et utilisés par l’être humain, à condition d’employer les outils et techniques nécessaires. Il s’agit par exemple du proche infrarouge, que William Herschel [2] a découvert en 1800 en plaçant un thermomètre dans la zone de dispersion de la lumière derrière un prisme et en constatant que la température augmentait lorsque le thermomètre était situé dans une zone non éclairée « en-dessous » (infra) du rouge. C’est aussi le cas des ondes radio (grandes ondes, FM...), des microondes, des rayons X, etc. L’infrarouge lointain constitue un domaine spécifique au sein du spectre électromagnétique. Peu énergétiques, très faiblement absorbés par l’atmosphère pour certaines longueurs d’onde et beaucoup pour d’autres, ces rayonnements ont été relativement peu étudiés jusqu’à présent, et leurs applications « grand-public » sont pratiquement inexistantes. Cet état de fait est dû au manque criant de sources suffisamment puissantes et fiables, mais aussi de détecteurs simples à employer. Pourtant, l’infrarouge lointain présente des propriétés particulières qui en font un domaine spectral passionnant pour la recherche fondamentale et appliquée, dont les applications entrevues nombreuses et prometteuses contribueront indéniablement au progrès technique. Donnons quelques exemples de ces propriétés et des applications possibles. Les ondes électromagnétiques de l’infrarouge lointain excitent des résonances mécaniques des molécules (mouvements de vibration globaux de la molécule, mouvements de rotation dont certains plus complexes sont associés à des vibrations), dont les spectres d’absorption montrent des signatures souvent originales et complémentaires par rapport à celles observées dans le proche infrarouge, le visible, ou l’ultraviolet. Ainsi, la spectroscopie dans l’infrarouge lointain permet la détection de substances chimiques difficiles à identifier avec d’autres méthodes, comme le disulfure d’hydrogène (H 2 S), ouvrant de grandes perspectives en détection à distance pour l’environnement, mais aussi dans le domaine de la sécurité, puisque des substances dangereuses comme les explosifs et les gaz létaux, ou illégales comme les drogues, montrent une signature spectrale spécifique. D’autre part, de nombreux matériaux opaques à la plupart des ondes électromagnétiques sont transparents dans l’infrarouge lointain, comme les semi-conducteurs intrinsèques, les matériaux diélectriques (papier, béton...), alors que les matériaux humides sont très absorbants. D’où la possibilité d’imagerie dans l’infrarouge lointain, avec des applications pour le bio-médical (par exemple la détection de mélanomes), mais aussi dans le domaine sécuritaire (portails de détection d’armes ou produits illicites dans les aéroports) : il est probable que les premières caméras permettant de voir à travers les murs seront bientôt au point ! Les longueurs d’onde mises en jeu dans l’infrarouge lointain, typiquement sub-millimétriques, correspondent pratiquement à la résolution spatiale de la vision humaine : cette imagerie permettra de visualiser de manière différente des objets avec la précision visuelle à laquelle nous sommes habitués. Enfin,
1. Introduction
17
les fréquences de l’infrarouge lointain sont de l’ordre de 1012 Hz, que l’on appelle térahertz (le préfixe téra 2 est utilisé dans le système international pour multiplier par 1012 : 1 THz = 1012 Hz), fréquences vers lesquelles tendent celles des circuits électroniques récents et des systèmes de télécommunication évolués. Il est intéressant de signaler que l’infrarouge très lointain est actuellement proposé dans de nombreuses publicités3 comme moyen thérapeutique en médecine douce. Ces publicités vantent les vertus des rayonnements THz pour stimuler les tissus biologiques à l’échelle moléculaire, ce qui est « bénéfique pour la santé et le bien-être »... Il convient cependant de rester prudent sur ces questions, et d’attendre que le corps médical apporte la preuve indéniable des bienfaits thérapeutiques des ondes THz. Étudié depuis les travaux de pionnier de Jagadis Bose4 [3] à la fin du xixe siècle, puis par Nichols qui le produisit aussi bien par des méthodes optiques qu’électriques (faisant ainsi la réunion entre deux domaines de la physique)5 , l’infrarouge lointain a été l’objet d’études remarquables dans les années 1950-60. Les spectres de nombreuses molécules ont été enregistrés et interprétés avec la mécanique quantique, en particulier grâce au performant spectromètre à transformée de Fourier [5], proposé et développé en France par Jacquinot et les époux Connes. L’astronomie « millimétrique » a donné des résultats remarquables, dont la découverte du rayonnement fossile de l’univers à 4,08 GHz (λ = 7,35 mm) [6]. Cependant, ces études étaient bien souvent longues et fastidieuses. Ainsi, l’enregistrement de spectres, réalisé au moyen de sources de type corps noir et de détecteurs bolométriques maintenus à très basse température, pouvait durer plusieurs jours ! Un bouleversement technologique s’est produit au début des années 1990. À cette époque, des lasers délivrant des impulsions de lumière de durée sub-picoseconde (les lasers « femtosecondes ») ont commencé à être commercialisés [7]. Lasers fiables et performants, ces appareils « presse-bouton » 2 Il est amusant de savoir que téra trouve son origine dans teras qui en grec ancien signifie monstre : les fréquences THz seraient-elles monstrueuses, ne serait-ce que par leur périodicité élevée ? 3 www.a-sauna.com, www.firheals.com, www.firtechnology.com 4 Jagadis Bose était un chercheur indien qui a travaillé de nombreuses années à l’université de Cambridge en Angleterre, et qui a poursuivi et terminé sa carrière à Calcutta. Scientifique remarquable et inventeur de génie, on lui doit l’étude de la première diode à semi-conducteur qu’il employa comme redresseur électrique, et de nombreux travaux et inventions dans l’infrarouge lointain et les ondes radio. Citons la mesure d’indice de réfraction dans le domaine des ondes centimétriques, mais aussi l’invention des polariseurs à grille, d’atténuateurs formés de prismes à réflexion totale frustrée, etc. Il est aussi très connu pour ses travaux sur les plantes, dont l’un des ouvrages a été traduit en français (Physiologie de l’ascension de la sève, Gauthier-Villars, 1923). Notons enfin que Jagadis Bose ne doit pas être confondu avec son illustre homonyme Satyendra Bose, bien connu pour ses travaux en physique statistique (bosons, loi de Bose-Einstein). 5 Dans les années 1920, Nichols et Tear générèrent des ondes infrarouges de longueur d’onde 0,8 mm [4].
18
Optoélectronique térahertz
ont permis à nombre de laboratoires non spécialisés d’explorer les phénomènes ultra-rapides. Déjà, au cours des années 1980, des chercheurs américains (Mourou [8], Auston [9], Grischkowsky [10]) avaient compris l’intérêt de ces impulsions laser pour améliorer et faciliter les études dans l’infrarouge lointain. En effet, si l’on est capable de redresser l’impulsion optique subpicoseconde dans un matériau ou composant non linéaire, on obtiendra une « bouffée » électromagnétique correspondant pratiquement à l’enveloppe de l’impulsion optique. Cette impulsion électromagnétique, rayonnée dans l’espace libre ou guidée dans des dispositifs, possède un spectre fréquentiel dont l’étendue spectrale est inversement proportionnelle à sa durée. À une durée d’une picoseconde (10−12 s) correspond un spectre qui atteint le domaine des fréquences THz. Ainsi un banc expérimental typique construit autour d’un laser femtoseconde permet des études sur une bande spectrale très étendue (typiquement 0,1-5 THz) avec des niveaux de puissance THz suffisants, car les mesures sont réalisées au moyen de techniques d’échantillonnage, dont le fenêtrage temporel élimine le bruit thermique ambiant. Les mesures peuvent être conduites à température ambiante et des dynamiques impressionnantes sont atteintes. Cette révolution technologique a relancé l’intérêt des études dans l’infrarouge lointain. La combinaison des méthodes optiques et de l’infrarouge lointain a été très fructueuse, et le principe de base a été complété par de nombreuses techniques variées, formant ce que l’on appelle aujourd’hui l’optoélectronique THz. Ainsi, les techniques impulsionnelles permettent aussi des études de phénomènes ultrarapides. De manière complémentaire, le battement de faisceaux lasers de fréquences différentes conduit à la génération de faisceaux THz monochromatiques, très utiles pour la spectroscopie à haute résolution. Actuellement, des diodes lasers pour le domaine THz, nommées diodes QCL (diodes laser à effet de cascade quantique), suscitent un grand effort de développement, car elles constitueraient des sources de rayonnement THz très compactes, de bon rendement, et compatibles avec l’électronique. Le but de cet ouvrage est de présenter un état de l’art de l’optoélectronique THz à une époque charnière où les études sortent des laboratoires pour se répandre dans le monde industriel. Beaucoup de laboratoires et d’entreprises se demandent aujourd’hui s’il est intéressant de lancer des travaux et des projets relatifs aux « THz ». Ces interrogations sont stimulées par la publicité faite autour des ondes THz grâce à des articles dans des journaux de grande diffusion, mais aussi au nombre incroyable et toujours croissant de publications scientifiques sur le sujet. Les grands organismes internationaux ou nationaux financent nombre de projets sur le THz. En bref, le « THz » est à la mode, à tel point que beaucoup de travaux dans le proche infrarouge sont maintenant présentés comme étant des études THz (ce qui est vrai tout en étant anachronique, puisque les longueurs d’onde de 1 μm correspondent à des fréquences de 300 THz). Notre intention est d’aider à répondre à ces interrogations, en expliquant les principes de l’optoélectronique THz et en
1. Introduction
19
décrivant la plupart des applications entrevues. Cet ouvrage est dédié à des scientifiques, ingénieurs ou étudiants non spécialistes du domaine qui veulent se faire une idée générale de l’optoélectronique THz, mais qui trouveront aussi matière à approfondir une question particulière. Cet ouvrage n’est pas écrit pour des spécialistes du domaine, mais garde au contraire une vocation de synthèse et de revue, tout en s’appuyant sur une présentation aussi rigoureuse que possible des phénomènes et des techniques. Enfin, nous souhaitons que ce livre soit aussi un ouvrage de travail et de référence, c’est pourquoi nous avons regroupé ici de nombreuses données, souvent éparpillées dans les multiples journaux scientifiques. Bien entendu, le domaine THz n’est pas réservé aux techniques optoélectroniques. Par exemple, des travaux prometteurs sont menés actuellement pour fabriquer des sources électroniques THz efficaces, que cela soit par multiplication de fréquence de signaux issus de diodes hyperfréquences, par la conception de composants fonctionnant à très hautes fréquences, comme les transistors HEMT, et basés sur des principes nouveaux, comme les nanotransistors à résonance de plasma, ou sur des principes revisités, comme les microklystrons. Pour conserver à cet ouvrage une bonne cohérence thématique et une taille réaliste, nous sommes limités à la description de l’optoélectronique THz. Les différents chapitres et paragraphes du livre ont été rédigés par une équipe rédactionnelle formée de chercheurs représentant la plupart des équipes françaises spécialisées sur le sujet. Le livre donne donc aussi bien l’état de l’art de la science et de la technologie en 2008, qu’une photographie des activités françaises dans le domaine. La seconde partie donne un bilan comparé des sources et détecteurs d’ondes THz, qu’ils soient ou non optoélectroniques, et indique les principales applications entrevues aujourd’hui, basées sur les propriétés d’interaction entre la matière et les ondes THz. La partie suivante6 présente de manière synthétique les différents phénomènes physiques qu’il est nécessaire de connaître pour bien comprendre la suite de l’ouvrage consacrée à l’optoélectronique THz. Ensuite, nous décrivons les composants de l’optoélectronique THz, leurs principes, leurs performances, leurs applications. La quatrième partie est dédiée aux techniques expérimentales et aux systèmes basés sur l’optoélectronique THz. Enfin, le livre se termine par la présentation des principales applications entrevues aujourd’hui, dans des domaines aussi variés que la sécurité, l’environnement, la biologie, etc. L’approche industrielle du développement de systèmes THz est abordée.
6
Le lecteur connaissant bien la physique pourra passer directement à la lecture du chapitre 3 sur les composants (page 93).
20
Optoélectronique térahertz
1.2
Infrarouge lointain ou domaine térahertz
Les différentes familles du spectre électromagnétique sont représentées sur la figure (1.1). Les frontières de chaque famille ne sont généralement pas positionnées de manière exacte. C’est particulièrement vrai pour le domaine des ondes THz que nous définirons ici de manière arbitraire par : Le domaine THz est l’intervalle spectral situé entre 100 GHz et 10 THz, dont les longueurs d’onde sont comprises entre 30 μm et 3 mm.
Fig. 1.1 – Le spectre électromagnétique. Autrement dit, les photons du domaine THz possèdent des énergies comprises entre 0,42 et 41,5 meV, correspondant à une gamme de températures comprises entre 4,8 et 478 K. Le domaine THz est donc situé entre le domaine de l’infrarouge et celui des micro-ondes. En termes de radiofréquence, les ondes THz sont au-delà des EHF (extremely high frequencies) qui s’étendent entre 30 et 300 GHz, et au-delà de la bande W (100 GHz) du spectre microondes (figure (1.2)).
Micro-ondes Fréquence (GHz)
L 1
Radio-fréquence UHF
S 2
C 4
X 8
Ku 12
3
K 18
Ka 26
U 40
W 60 56
30 SHF
100 300
EHF
Fig. 1.2 – Conversion d’unités (fréquence-longueur d’onde-énergie) et bandes de fréquences micro-ondes et radio-fréquences.
1. Introduction
21
D’un point de vue pratique, les techniques des domaines voisins seront prolongées ou adaptées à l’étude des ondes THz. Ainsi, les méthodes de mise en forme des faisceaux optiques et infrarouge, basées sur l’utilisation de composants dioptriques (lentilles) ou catadioptriques (miroirs), sont employées dans le domaine THz. Dans ce cas, on dit généralement que les faisceaux THz sont mis en forme par des techniques quasi optiques. Mais on peut aussi bénéficier de la technologie des micro-ondes, et ainsi conduire les ondes THz par des lignes de propagation hyperfréquences (lignes coplanaires, à fentes...). Bien souvent, ces méthodes issues de l’optique ou des hyperfréquences ne se différencient que par le vocabulaire employé... et par la culture des chercheurs et ingénieurs, suivant qu’ils sont physiciens ou électroniciens ! L’énergie des photons THz est de l’ordre de quelques dixièmes de meV à une quarantaine de meV. C’est donc une énergie très faible par rapport aux transitions électroniques des atomes et molécules (∼ 1 eV), de l’ordre de l’énergie thermique à température ambiante (à T = 25 ◦ C, kB T = 25,4 meV). Le rayonnement thermique ambiant (rayonnement de corps noir du laboratoire ou de la zone de mesure) perturbera émission et détection THz. Il faudra donc prendre des mesures pour s’affranchir de ces perturbations, soit en refroidissant les composants, soit en les isolant du milieu ambiant, soit en réduisant au minimum la fenêtre temporelle d’émission et d’acquisition des signaux.
1.3 1.3.1
Sources de rayonnement térahertz « Fossé » du térahertz
Comme nous l’avons déjà signalé, le domaine THz profite des techniques des deux domaines infrarouge et micro-ondes voisins, et c’est particulièrement vrai pour les sources de rayonnement. Ainsi, les sources classiques de rayonnement THz sont extrapolées des sources hyperfréquences – souvent nommées sources électroniques – ou des sources optiques, auxquelles se rajoutent les sources de type corps noir. Ces sources, qu’elles soient optiques ou électroniques, voient leur efficacité chuter fortement quand les fréquences se rapprochent et atteignent le domaine THz, comme montré sur la figure (1.3). C’est le grand problème rencontré par les scientifiques et ingénieurs menant des études dans ce domaine spectral : aujourd’hui, il n’existe pas de source THz qui soit à la fois compacte, efficace et puissante. L’optoélectronique répond en partie à ce besoin, mais de manière imparfaite. D’autres solutions (lasers à cascade quantique, transistors à effet de plasma, microklystrons...) sont activement étudiées mais ne sont pas au point actuellement. Nous ne donnons ici qu’une courte présentation des sources de rayonnement THz disponibles.
22
Optoélectronique térahertz
Longueur d’onde (mm) 1 0,1 0,01
10 1
10
0,001
IMPATT
Puissance (W)
MMIC
−1
10
BWO
Gunn
QCL p-Ge lasers QCL THz
−3
10
lasers à sels de plomb
p-Ge lasers
−5
10
lasers III-V
multiplication de fréquence
RTD TUNETT
UTC
−7
10
0,01
0,1
1 10 Fréquence (THz)
100
1 000
Fig. 1.3 – Le « fossé » THz (d’après un document du THz Technology Trend Investigation Committee (Japon)).
1.3.2
Sources « classiques »
Corps noirs La loi de Planck, énoncée dans le chapitre suivant, nous indique que le rayonnement thermique possède un spectre continu d’étendue infinie. Malheureusement, si tout corps chaud rayonne dans le domaine THz, les puissances rayonnées sont très faibles. Ainsi, tout cm2 de corps chauffé à une température réaliste (typiquement moins que 3 000 K, température maximum du filament en tungstène des lampes à incandescence) rayonne de l’ordre du picowatt à 0,1 THz (λ = 3 mm) et du microwatt à 10 THz (λ = 30 μm) dans une largeur spectrale Δλ = 1 μm. Les sources THz à corps noirs sont donc peu puissantes et de plus les ondes rayonnées sont incohérentes. Parmi les appareils commerciaux7 , on trouve principalement des cavités métalliques chauffées par des résistances en céramique qui se rapprochent du corps noir idéal, mais aussi des films chauffés8 , des lampes à filament (halogène)9 et à décharge (vapeur de mercure sous haute pression).
7
www.boselec.com, www.ci-systems.com, www.mikroninfrared.com www.hawkeyetechnologies.com/ir40.htm 9 www.helioworks.com, www.eoc-inc.com 8
1. Introduction
23
Diodes électroniques Imaginés par Schokley dès 1954, tous ces composants à semi-conducteurs sont basés sur un effet de résistance différentielle négative (NDR) obtenu de différentes manières. Le phénomène de NDR est observé lorsque le courant traversant un composant diminue alors qu’on augmente la tension de polarisation. Cet effet accumule les porteurs sous la forme d’une impulsion et l’écrantage induit du champ électrique empêche la formation d’une seconde impulsion de courant tant que la première traverse le dispositif. La fréquence des signaux électriques générés est ainsi inversement proportionnelle au temps de transit de l’impulsion électrique dans la région NDR du composant. De façon générale, il est nécessaire de réduire l’épaisseur de cette région pour atteindre le domaine THz, mais ceci conduit à une augmentation de la capacité du composant, et donc à une réponse électrique moins rapide. Il faut alors diminuer la surface du composant, cette fois-ci au détriment de la puissance émise. Toutes ces considérations font que la puissance électromagnétique émise par composant électronique varie comme f −2 ∼ f −3 et donc chute fortement quand on atteint le domaine THz. Chronologiquement, l’effet Gunn fut le premier découvert en 1962 [11]. Il se produit dans les semi-conducteurs dopés dont la bande de conduction possède des vallées satellites, tels que GaAs ou InP. La vitesse des porteurs libres augmente avec le champ appliqué jusqu’à une valeur maximum, puis diminue pour atteindre un plateau. Cet effet est causé par le transfert des électrons depuis la vallée de forte mobilité (faibles valeurs du vecteur d’onde) jusqu’à la vallée voisine de faible mobilité. La courbe de la vitesse des électrons en fonction du champ appliqué présente donc une zone de pente négative, à laquelle correspond une NDR. Typiquement, une diode Gunn en GaAs de 5 μm d’épaisseur génère un signal à 25 GHz. Aujourd’hui, les composants les plus performants délivrent 100 mW en continu à 100 GHz et de l’ordre du mW à 1 THz [12]. Parmi la grande variété des autres composants à effet de transit-NDR (diodes TUNNETT, BARITT, DOVETT...), les diodes à effet tunnel (TUNNETT, RTD) sont les plus performantes pour la génération de hautes fréquences. Les diodes TUNNETT en technologie GaAs délivrent quelques dizaines de μW à 300∼400 GHz. L’emploi d’autres matériaux avec des valeurs de saturation des vitesses électroniques plus élevées comme GaN semble prometteur [13] mais reste à démontrer. Les diodes RTD (resonant tunneling diodes) atteignent aujourd’hui le THz, mais avec des puissances émises qui restent trop faibles (∼0,5 μW [14]). Les diodes IMPATT (Impact Avalanche And Transit Time diode) sont constituées d’une zone intrinsèque placée entre les régions dopées p et n d’une jonction pn. La jonction est fortement polarisée en inverse, le champ électrique appliqué étant très fort dans la zone de déplétion au voisinage de la zone p, un effet d’avalanche se produit qui alimente en porteurs la
24
Optoélectronique térahertz
zone intrinsèque. Lorsque la diode est alimentée en tension alternative, l’effet d’avalanche se produit de façon momentanée une fois par cycle, alimentant ainsi la zone intrinsèque par une impulsion de charge. Les meilleures performances de ces diodes sont de l’ordre de quelques dizaines de mW à 300 GHz. Autres sources électroniques Lorsqu’un électron se déplace dans un champ électrique spatialement périodique, il rayonne une onde électromagnétique de fréquence ν = β dc , où d est la période spatiale du champ et β = vc est la vitesse relative des électrons par rapport à celle de la lumière dans le vide. Ce phénomène est observé lorsqu’un faisceau électronique est en trajectoire rasante au-dessus d’un réseau de diffraction métallique, c’est l’effet Smith-Purcell [15]. Il est aussi mis à profit pour fabriquer des lasers à électrons libres, le faisceau électronique traversant un onduleur magnétique. Dans le cas de l’effet Smith-Purcell, la fréquence rayonnée, en tenant compte des effets relativistes, est égale à : f=
c n d ( β1 − cos φ)
(1.1)
d est la période du réseau, φ est l’angle d’émission par rapport au réseau et n est l’ordre de diffraction. La société Vermont Photonics 10 commercialise une source THz à effet Smith-Purcell, qui utilise un faisceau électronique accéléré sous quelques dizaines de kV. La fréquence générée est réglable entre 100 GHz et 10 THz en ajustant la tension d’accélération, la largeur spectrale étant de quelques centaines de GHz et la puissance atteignant quelques centaines de nW. Les carcinotrons encore appelés tubes à ondes contra-progressives ou BWO (backward wave oscillator ) sont des dispositifs compacts basés sur l’effet Smith-Purcell. Une électrode chauffée émet des électrons qui sont accélérés et focalisés à l’aide d’un champ magnétique vers l’anode au sein d’un tube à vide ayant la forme d’un guide d’ondes millimétriques. Une des faces du tube est corruguée périodiquement, afin de produire l’effet Smith-Purcell. L’onde millimétrique est générée dans la direction opposée au mouvement des électrons, d’où le nom du dispositif. Cette technique permet de diminuer la période de la corrugation (cosφ = −1 dans l’expression (1.1)) et donc de réduire l’encombrement de l’appareil. L’onde millimétrique s’échappe du guide d’onde par une déviation en forme de Y au voisinage de la cathode. Ces appareils produisent des faisceaux de la centaine de mW pour des fréquences inférieures à 200 GHz. Le domaine THz est atteint soit à l’aide de multiplicateurs de fréquences, la puissance diminuant alors fortement (typiquement la dizaine de μW autour du THz), soit en utilisant des électro-aimants externes 10
http://www.vermontphotonics.net/index2.html
1. Introduction
25
à l’appareil, la puissance délivrée étant de l’ordre du mW à 1 THz. Ces appareils sont assez stables du point de vue spectral (Δf /f ≈ 10−4 ∼ 10−5 ), avec un bruit électrique assez élevé (ΔP/P ≈ %). Des tubes BWO THz sont commercialisés par la société américaine Microtech Instruments11 . Les lasers à électrons libres (FEL en anglais) sont des appareils où le faisceau d’électrons provient d’un accélérateur de particules dédié. Ce faisceau traverse une zone où règne un champ magnétique périodique, qui couple les électrons au rayonnement électromagnétique, et conduit à une amplification du faisceau lumineux. Ce couplage électron-photon regroupe les électrons par paquet, donc le rayonnement lumineux est impulsionnel (pulses de durées ns-μs) et sous certaines conditions, il est cohérent. Le faisceau lumineux fait des aller-et-retour dans une cavité électromagnétique dont l’axe est celui du faisceau d’électrons. On ajuste la fréquence rayonnée en variant l’énergie des électrons. Il existe une dizaine de lasers à électrons libres dans le monde dédiés au rayonnement infrarouge et millimétrique. Les fréquences produites couvrent toute la gamme THz, et les puissances peuvent être considérables (100 W continus au Jet Laboratory ERL) [16]. Enfin, parmi les sources électroniques, signalons la technique prometteuse de compression d’échelon de tension le long d’une ligne de propagation hyperfréquence non linéaire [17]. Dans ces lignes de propagation, des diodes relient périodiquement le ruban central aux lignes de masse. Elles sont polarisées en inverse par le signal électrique véhiculé par la ligne. La capacité des diodes, proportionnelle à la largeur de la zone de déplétion de la jonction, augmente avec la tension appliquée, et donc les signaux de haute tension se propagent plus vite que ceux de bas niveau. Le front d’un échelon de tension qui alimente la ligne est ainsi rendu plus abrupt en fin de dispositif. Pour des échelons de tension de l’ordre de 4 V, des temps de montée aussi courts que 480 fs ont été rapportés, montrant des composantes spectrales au-dessus de 3 THz [18]. Ces dispositifs impulsionnels servent aussi bien en émission qu’en détection. L’avantage de ces systèmes réside dans leur technologie toute électronique, et dans leur compacité. La société américaine Tera-X12 , créée en 2004, s’est fixée pour but de mettre au point des systèmes d’imagerie THz à longue portée (∼ 100 m) utilisant comme antennes THz des lignes non linéaires délivrant 0,5 W de puissance moyenne à environ 200 GHz.
1.3.3
Lasers moléculaires
Ce sont en fait les premières sources de rayonnement cohérent basées sur l’inversion de population construites dès 1954 par l’équipe de Ch. Townes. Appelées masers (microwave amplification by stimulated emission of radiation), elles furent plus simples à mettre au point que les lasers puisque 11 12
www.mtinstruments.com www.tera-x.com
26
Optoélectronique térahertz Longueur d’onde μm 42,16 70,51 96,52 109,30 117,73 118,83 134,00 158,51 184,31 214,58 236,59 287,67 334 349,3
Fréquence THz 7,09 4,25 3,11 2,74 2,55 2,52 2,24 1,89 1,63 1,40 1,27 1,04 0,90 0,86
Gaz CH3 OH CH3 OH CH3 OH CH2 F2 CH2 F2 CH3 OH CH2 F2 CH2 F2 CH2 F2 CH2 F2 CH2 F2 CH2 F2 CH3 Cl CH3 Cl
Pression mTor 760 275 660 520 620 380 580 265 240 105 65 240 205 200
Puissance relative 0,01 0,11 0,21 0,30 0,51 0,59 0,47 0,33 1,00 0,32 0,02 0,16 0,03 0,05
Tab. 1.1 – Lignes spectrales de quelques lasers moléculaires continus.
dans l’infrarouge lointain, l’émission stimulée est plus probable que l’émission spontanée (voir chapitre suivant). Ces lasers mettent en jeu des transitions entre niveaux roto-vibrationnels de molécules sous forme gazeuse, qui sont dans les appareils modernes pompées par un laser à CO2 . Les milieux les plus employés (tableau (1.1)) sont le méthanol (CH3 OH)) et l’acide formique (CHOOH) pour les lasers continus, qui peuvent émettre plusieurs centaines de mW, leur largeur spectrale étant très étroite (généralement inférieure à 100 kHz). Il n’en reste pas moins que ces lasers sont encore des appareils de laboratoire au réglage délicat, bien que la société Coherent13 vienne de commercialiser un système, dérivé d’un équipement destiné à être embarqué sur satellite par la NASA, où le laser de pompe CO2 et le laser THz sont réunis dans un boîtier scellé. On lira avec intérêt l’article sur l’histoire des lasers moléculaires pour l’infrarouge lointain rédigé par Dodel [19].
1.3.4
Sources optoélectroniques
Il s’agit ici de donner une brève introduction sur ces sources qui seront traitées en détail dans les chapitres suivants. 13
www.coherent.com
1. Introduction
27
Sources optoélectroniques impulsionnelles Toute source impulsionnelle de rayonnement THz fait appel à la transformée de Fourier : une impulsion de durée très brève possède un spectre très large. Par exemple, une impulsion de forme gaussienne et de durée τ possède un spectre de largeur Δf (largeur totale à mi-hauteur) tel que : Δf =
1 4 ln 2 τ∼ π τ
(1.2)
Le spectre des impulsions de durée picoseconde atteint donc le domaine THz. Lorsqu’on utilise des impulsions optiques pour la génération d’ondes THz, il ne faut pas oublier que le champ électrique de l’impulsion est un paquet d’ondes, c’est-à-dire qu’il correspond à une fonction oscillante (la porteuse optique) limitée par une enveloppe temporelle. La transformée de Fourier d’une telle fonction est égale à la transformée de Fourier de l’enveloppe qui est spectralement centrée sur la fréquence de la porteuse optique, c’est-à-dire vers 1015 Hz. Toute source optoélectronique impulsionnelle de rayonnement THz est donc un composant non linéaire qui redresse l’impulsion optique, c’est-àdire qui fait disparaître sa porteuse optique, et dont le temps de réponse est sub-picoseconde. On distingue 3 familles de sources impulsionnelles : 1) celles utilisant des semi-conducteurs ultra-rapides dans lesquels on photo-génère un plasma électron-trou. Comme dans tout photo-détecteur, ce processus est non linéaire puisque proportionnel à l’intensité du faisceau lumineux ; 2) les sources à supra-conducteurs, dans lesquelles on brise l’état supra-conducteur avec la lumière ; les performances de ces dispositifs sont cependant limitées par l’absorption très forte du matériau dans le domaine THz (voir chapitre suivant) ; 3) les composants basés sur des cristaux optiques non linéaires, où le redressement optique est mis en jeu. La qualité principale des sources optoélectroniques impulsionnelles est l’étendue formidablement large du spectre généré, mais aussi la périodicité des impulsions lasers fs, et donc des impulsions THz, qui permet d’utiliser des techniques d’échantillonnage extrêmement sensibles. En revanche, elles présentent l’inconvénient de conduire à des résolutions fréquentielles médiocres, puisque fixées par la durée temporelle de l’enregistrement qui est forcément limitée dans le temps. Typiquement, des résolutions de quelques GHz sont obtenues pour la gamme 0,1-10 THz. Sources optoélectroniques continues Par sources optoélectroniques continues, nous abordons ici des dispositifs qui, éclairés par un faisceau laser optique ou proche infrarouge, émettent un rayonnement THz monochromatique. Nous excluons de cette catégorie les lasers moléculaires traités précédemment. Ces sources continues sont construites sur le principe physique du battement de fréquence. Imaginons un composant non linéaire éclairé par deux faisceaux lasers de pulsations
28
Optoélectronique térahertz
optiques ω1 et ω2 = ω1 + Ω, tel que Ω appartienne au domaine THz. Le battement optique correspond au processus de soustraction de ces 2 pulsations dans le composant non linéaire : ω2 − ω1 = Ω
(1.3)
Le résultat du battement est la génération d’une onde THz à pulsation Ω. Comme pour le cas continu, des composants non linéaires à semi-conducteurs ou à cristaux non linéaires sont utilisés. Si les principes physiques sont les mêmes que dans le cas impulsionnel, la puissance limitée des faisceaux de pompe dans le composant non linéaire, pour ne pas détruire ce dernier par effet thermique, et la faible efficacité des effets non linéaires rendent difficile la mise au point de ces sources THz continues. En contrepartie, le rayonnement ainsi généré est quasi monochromatique, toute la puissance THz étant concentrée sur une bande spectrale qui peut être aussi faible que quelques kHz. Cette grande pureté spectrale est indispensable dans les applications spectrales à haute résolution. On peut alors utiliser des antennes résonantes, extrapolées de la technologie micro-ondes, pour extraire du composant non linéaire le champ THz de façon optimale et mettre le faisceau THz rayonné en forme (faisceau collimaté ou focalisé). De plus, on peut employer en détection des techniques d’hétérodynage très sensibles. Dans le cas de composants à semi-conducteurs, le champ THz généré est proportionnel à la dérivée temporelle du courant traversant le composant, courant induit par la composante à pulsation Ω de la densité de porteurs photo-générés. Pour que ce champ soit intense, il faut que la durée de vie des porteurs soit plus faible que la période du signal THz, sinon le courant comporte une forte composante continue, abaissant énormément l’efficacité du processus de génération THz. Cette condition est drastique : en effet, toutes les charges libres photo-générées, aussi bien les électrons que les trous, doivent exhiber une durée de vie sub-picoseconde. C’est un challenge difficile à remplir. Dans les cristaux non linéaires, il faut que l’onde à Ω et les ondes optiques de pompe (ω1 , ω2 ) se propagent à même vitesse pour que l’effet non linéaire soit cumulatif et non pas auto-destructeur. Cette condition n’est jamais rigoureusement remplie naturellement, à cause de la grande différence de fréquences entre les domaines optique et THz. Il faut alors imaginer des structures artificielles, par exemple des composants multi-couches où la nonlinéarité varie de façon périodique, pour forcer l’onde optique à « attendre » l’onde THz.
1.3.5
Lasers à cascade quantique
Les lasers à cascade quantique (QCL) sont constitués d’un arrangement de multiples couches semi-conductrices d’épaisseurs nanométriques (multipuits quantique) déposées par épitaxie sur un substrat et polarisées par une
1. Introduction
29
source de tension. Ces couches sont alternativement « épaisses » (la dizaine de nanomètres) et étroites (1 ou 2 nanomètres). Les niveaux d’énergie de chacune des couches épaisses sont quantifiés (pour les charges libres, c’està-dire que l’on travaille dans le régime de conduction du semi-conducteur), l’épaisseur et le matériau de la couche étant choisis pour que la différence entre 2 niveaux corresponde à l’énergie d’un photon THz. Grâce à la tension appliquée, les niveaux de 2 couches épaisses voisines sont décalés en énergie. On s’arrange pour que l’énergie fondamentale d’une couche soit égale à celle du premier niveau excité de la couche voisine. Les électrons non excités de la première couche atteignent le niveau excité de la seconde par effet tunnel dans la couche étroite séparant les 2 couches épaisses. Dans la deuxième couche épaisse, ils retombent sur l’état fondamental en émettant un photon THz, puis passent par effet tunnel dans la couche épaisse suivante. D’où un effet de cascade, ici quantique, à la façon dont l’eau d’un ruisseau tombe d’un niveau d’énergie élevée (de haute altitude) à un niveau moins haut, qui constitue lui-même la partie haute de la cascade suivante. Les avantages des lasers QCL sont indéniables : ils sont compacts, la longueur d’onde émise dépend peu du matériau mais surtout de la géométrie de la structure. On peut espérer que le rendement électrique-optique du composant soit très bon, puisque l’effet cascade est cumulatif et que le processus d’amplification optique s’assimile à celui d’un laser à 3 niveaux d’énergie (le niveau fondamental est a priori dépeuplé) ou même à 4 niveaux lorsque le niveau bas se dépeuple par l’intermédiaire d’un phonon. En revanche, de nombreuses difficultés technologiques persistent pour fabriquer un laser QCL fonctionnant dans le domaine THz : – le dépôt de nombreuses couches d’épaisseurs nanométriques est très délicat à maîtriser ; – l’énergie des photons THz est plus faible que l’énergie thermique à température ambiante. Il faut donc travailler à basse température pour éviter de remplir les états d’énergie par voie thermique, ce qui anihilerait l’inversion de population. Aujourd’hui, les lasers QCL THz fonctionnent à très basse température (au mieux 70∼80 K). Il faut aussi évacuer la chaleur apportée par les porteurs libres grâce à des couches capables de transporter les phonons ; – pour obtenir un bon rendement, il faut confiner le champ THz dans la zone active du composant. Pour cela, on guide le champ THz le long de l’électrode qui polarise le composant grâce à l’excitation d’un plasmon. Actuellement, en 2008, les lasers QCL fonctionnant en régime continu délivrent au mieux des fréquences de l’ordre ou supérieures à 2 THz, à des températures d’une dizaine de degrés Kelvin (le record étant détenu par le groupe de Q. Hu au MIT avec 117 K [20]), et leur puissance est de quelques dizaines de mW [21]. En mode pulsé, Q. Hu a obtenu jusqu’à 250 mW mais à seulement 4,4 THz et à 10 K.
30
1.3.6
Optoélectronique térahertz
Bilan comparatif et perspectives
Le tableau (1.2) résume les propriétés des grandes familles de sources THz les plus communes. Le domaine THz manque aujourd’hui de sources qui soient à la fois compactes, efficaces, puissantes et simples à mettre en œuvre. Néanmoins, les technologies progressent, grâce à des nouveaux concepts (lasers QCL, nano-transistors [22]...) ou bien à des concepts revisités (microklystrons [23])14 . De même, les méthodes optoélectroniques évoluent aussi vers des systèmes plus simples et plus efficaces, en partie grâce aux progrès techniques des lasers femtosecondes, mais aussi des matériaux employés pour la conversion lumière-THz. Les deux ou trois ans à venir seront cruciaux : soit ces sources THz simples et efficaces voient le jour, et les applications des ondes THz se développeront de façon spectaculaire ; soit les progrès sont minimes, et les systèmes THz resteront confinées dans des niches applicatives.
1.4 1.4.1
Détecteurs de rayonnement térahertz Détecteurs « incohérents » : bolomètres...
Dans le domaine THz, on trouve deux types de détecteurs incohérents, c’est-à-dire qui mesurent l’énergie du rayonnement et ne donnent pas directement accès à sa phase. Le premier type, pour lequel les photons incidents génèrent un changement du nombre de porteurs du semi-conducteur : ce sont les photo-conducteurs extrinsèques et intrinsèques. En absorbant l’énergie des photons THz, les porteurs passent respectivement de la bande de valence ou de la bande d’impuretés vers la bande de conduction. Le deuxième type de détecteurs est constitué par les bolomètres pour lesquels la résistivité du matériau dépend de la température, et par les cellules de Golay, dans lesquelles l’élévation de température d’un gaz dilate une cellule, dilatation généralement mesurée par voie optique. La largeur de bande interdite de la majorité des semi-conducteurs s’étend de la centaine de meV à quelques eV. Cela correspond à des longueurs d’ondes de 0,1 μm à 10 μm et réserve donc l’utilisation de semi-conducteurs intrinsèques aux domaines visible et infrarouge. Dans les semi-conducteurs extrinsèques, on introduit des impuretés dans la maille cristalline. Elles ont pour effet de créer une bande entre la bande de valence et la bande de conduction. L’écart d’énergie entre cette bande d’impuretés et la bande de conduction est alors assez faible pour permettre un effet photo-conducteur dans le domaine infrarouge lointain. Le germanium dopé gallium est un détecteur de ce type [24]. 14
Nous n’avons pas décrit dans cet ouvrage ces nouveaux types de composants, comme les nano-transistors ou les micro-klystrons, qui sont encore dans des phases de démonstration dans les laboratoires de recherche. Le lecteur intéressé pourra consulter les 2 références précédentes.
1. Introduction
Source
Corps noir Gunn Impatt Tunett RTD Smith-Purcell FEL BWO Lasers moléculaires Lasers QCL
31
Gamme Puissance Avantages Inconvénients spectrale (THz) Toute la pW à 0,1 THz Simplicité Peu puissant, gamme μW à 10 THz large bande incohérent 0,1 → 1 100 mW CW Compact Fréquence limitée 1 mW CW → 0,3 10 mW Compact Fréquence limitée → 0,4 10 μW Compact Peu puissant, fréquence limitée Toute la 100 nW Accordable Gros appareil gamme Toute la Très puissants Puissance Grands gamme → 100 W CW spectre instruments → 0,2 10 μW Compact Bruyant, accordable fréquence limitée Lignes ex : CH3 OH 100 Pureté Stabilité, spectrales mW à 2,52 THz spectrale volumineux 1,9 ← 10 mW Compact, Cryogénie, rendement puissance
Optoélectronique Impulsionnel 0,1 → 60
CW battement optique
→3
μW
μW
Spectre cohérent, aspect temporel Compact, pureté spectrale
Puissance limitée, résolution spectrale Puissance faible
Tab. 1.2 – Comparaison des performances des différentes sources d’ondes THz les plus communes.
32
Optoélectronique térahertz
Un bolomètre15 (du grec bole, trait, radiation, et metron, mesure) mesure la quantité d’énergie électromagnétique qu’il reçoit en convertissant l’énergie de ce rayonnement en un signal électrique. Le bolomètre est constitué de 3 éléments : – un élément sensible, généralement formé d’un cristal semi-conducteur, qui s’échauffe en absorbant le rayonnement incident ; – un thermomètre, généralement une thermorésistance ou un circuit supraconducteur, pour mesurer l’élévation de température du cristal ; – un pont thermique reliant le cristal à un radiateur permettant le refroidissement du cristal. Le NEP (puissance équivalente du bruit√– noise equivalent power ) d’un bolomètre est de l’ordre de 10−11 W/ Hz. Le temps de réponse du bolomètre est égal au rapport de la capacité calorifique du radiateur par la conductivité thermique du pont. La cellule de Golay, inventée par M. Golay en 1947, est constituée d’une enceinte remplie d’un gaz dont la paroi d’entrée absorbe le rayonnement THz. L’échauffement de cette paroi est communiquée au gaz qui se dilate, déformant ainsi la paroi arrière de la cellule. La face extérieure de cette paroi étant métallisée, un faisceau optique de sonde se réfléchit sur cette paroi en direction d’un détecteur. Suivant la déformation de la paroi, qui est proportionnelle à la puissance THz reçue, le faisceau optique est plus ou moins réfléchi complètement sur le détecteur. Dans d’autres versions, le miroir sur la face arrière est dessiné en forme de grille, et une autre grille indépendante est placée exactement en recouvrement de la première en l’absence de déformation. La déformation induite décale la grille de la face arrière par rapport à celle de référence, diminuant ainsi le pouvoir réflecteur de l’ensemble. La réponse et la sensibilité d’une cellule de Golay sont de l’ordre de√10−4 ∼ 10−5 V/W √ et 10−10 W/ Hz, son NEP étant inférieur à 100 pW/ Hz. Son principal avantage est de travailler à température ambiante, et son principal défaut est un temps de réponse limité par les effets thermiques à quelques dixièmes de seconde. Les cellules de Golay sont fabriquées par la société russe Tydex 16 , et commercialisées par QMC Instruments Ltd17 et Microtech Instruments18 . L’astronomie millimétrique a depuis longtemps développé des détecteurs à supraconducteurs qui permettent d’obtenir un bruit très proche du bruit quantique. Les bolomètres supraconducteurs à électrons chauds (HEB) se composent d’un micropont supraconducteur. L’échauffement des électrons dû à l’absorption du rayonnement THz modifie la résistance électrique du pont. √ On atteint ainsi des puissances de bruit aussi faibles que 10−20 W/ Hz. La société Insight Product19 commercialise des bolomètres HEB pour la 15
Le bolomètre fût inventé en 1880 par le physicien américain Samuel Langley qui étudia le rayonnement infrarouge du soleil et les propriétés d’absorption de l’atmosphère terrestre. 16 www.tydex.ru 17 www.terahertz.co.uk 18 www.mtinstruments.com 19 www.insight-product.com
1. Introduction
33
√ gamme THz présentant des NEP de l’ordre de 10−12 ∼ 10−14 W/ Hz. L’autre particularité de la détection en astronomie millimétrique est l’usage intensif de l’hétérodynage. Le signal THz à détecter est mélangé dans un composant non linéaire avec un signal légèrement décalé en fréquence délivré par une source THz locale connue. On mesure ensuite le signal de battement avec les méthodes classiques des hyperfréquences. Les composants non linéaires les plus performants sont des diodes (Schottky, SIS20 ), et aussi les bolomètres HEB, la taille très réduite du pont supraconducteur permettant à sa température de suivre la fréquence de battement. On lira avec profit l’article de P. Siegel sur ces détecteurs pour la radioastronomie millimétrique [25] (tableau (1.3)). Type
Domaine spectral (μm)
Temps de Réponse réponse (V/W)
NEP √ (W/ Hz)
extrinsèques [26] GeGa
30-160
100 ns
107
6 × 10−14
SiAs
100-500
1 ns
2 × 103
10−11
GaAs
100-350
10 ns
107
4 × 10−14
Ge 4,2 K
30-1000
10 ms
2 × 104
2 × 10−11
Ge 1,5 K
30-1000
1 ms
2 × 104
5 × 10−13
Si 4,2 K
2-2000
1 ms
1,5 × 104
2 × 10−12
InSb 4,2 K
200-2000
10 μs
103
10−12
InSb 1,5 K
200-2000
10 μs
2 × 103
5 × 10−13
InSb 4,2 K
100-2000
1 μs
5 × 103
2 × 10−12
Nb, NbN
large bande
ns
cellule de Golay
large bande
ms-s
10−4
×10−10
photocommutateur
large bande → 30 THz
sub-ps
0,5-1×103
∼ 3 × 10−10
cristal EO
très large bande
sub-ps
bolomètres [27]
champ magnét. bolomètres HEB 10−12 ∼ 10−14
optoélectronique
→ 60 THz Tab. 1.3 – Caractéristiques des détecteurs d’ondes THz. 20
SIS = supraconducteur-isolant-supraconducteur.
34
1.4.2
Optoélectronique térahertz
Détecteurs optoélectroniques
Les détecteurs optoélectroniques se divisent en deux familles : – ceux dans lesquels un faisceau optique génère des porteurs électriques qui sont accélérés par le champ électrique du signal THz, donnant naissance à un courant électrique ; – les détecteurs électro-optiques constitués d’un cristal dont l’ellipsoïde des indices est modifié par le champ THz ambiant, cette perturbation conduisant à une modification de l’état de polarisation d’un faisceau lumineux de lecture traversant le cristal, modification mesurée à l’aide d’éléments optiques polarisants. Pour les deux familles de détecteurs, la valeur du courant ou de la modification de l’état de polarisation induits est directement proportionnelle à l’amplitude du champ électrique de l’onde THz, et non pas à son intensité. Ces détecteurs sont donc sensibles au champ électrique et permettent donc de mesurer facilement la phase du signal. Pour cela, la détection est réalisée de façon synchrone avec l’émission : généralement, la même source optique déclenche à la fois l’émetteur d’onde THz et le détecteur. Le faisceau optique de lecture est une partie prélevée sur le faisceau optique d’émission, partie qui est retardée à l’aide d’une ligne à retard optique.
1.5
Interaction entre les ondes térahertz et la matière
Comme toute onde électromagnétique, les faisceaux THz permettent de sonder la matière à distance, pourvu que la matière sondée interagisse avec le faisceau THz et que le milieu entre source, objet et détecteur soit transparent aux ondes THz. Comme expliqué dans le chapitre suivant, les photons THz sont de très faible énergie, et ne sont donc capables d’exciter dans la matière que des résonances elles-mêmes faiblement énergétiques. Ce sont principalement les rotations de molécules sous forme gazeuse, les vibrations de l’ensemble d’une molécule, l’alignement des dipôles dans les liquides formés de molécules polaires (comme l’eau), les excitations collectives (phonons optiques) dans les cristaux, l’excitation des porteurs libres dans les métaux et les semi-conducteurs dopés. Les matériaux qui absorbent fortement le rayonnement THz seront donc les matériaux humides et les conducteurs électriques. Au contraire, les milieux diélectriques et secs seront généralement transparents. L’air est très transparent pour les ondes THz, mais cette transparence est largement perturbée par la vapeur d’eau, qui montre des raies d’absorption très intenses dont la plupart, entre 0,4 et 2,5 THz, sont données dans le tableau (1.4). L’indice de réfraction des matériaux transparents peut prendre, dans le domaine THz, des valeurs extrêmes depuis n = 1 pour l’air à n = 6 ∼ 8
1. Introduction
35
pour les cristaux ferro-électriques. Comme dans d’autres domaines du spectre électromagnétique, les matériaux de faible indice de réfraction sont de densité faible et formés de molécules de faible polarisabilité. On retrouve les plastiques (polyéthylène, plexiglas) et surtout les mousses organiques, dont la structure hétérogène (structure organique renfermant un grand nombre de bulles d’air) apparaît homogène pour des faisceaux de longueur d’onde submillimétrique. À l’autre extrémité de la gamme, les matériaux ferroélectriques présentent des indices élevés (n = 6,7 ∼ 6,8 pour LiNbO3 ) à cause des résonances phononiques voisines. La figure (1.4) donne l’ordre de grandeur de l’indice de réfraction et du coefficient d’absorption des principales familles de matériaux utilisées dans le domaine THz. 0,424 ; 0,621 ; 0,916 ; 1,253 ; 1,602 ; 2,016 ;
0,437 ; 0,646 ; 0,934 ; 1,308 ; 1,661 ; 2,040 ;
0,448 ; 0,670 ; 0,946 ; 1,322 ; 1,717 ; 2,074 ; 2,347 ;
0,475 ; 0,688 ; 0,970 ; 1,345 ; 1,762 ; 2,095 ; 2,366 ;
0,488 ; 0,713 ; 0,988 ; 1,376 ; 1,797 ; 2,164 ; 2,392 ;
0,504 ; 0,737 ; 1,097 ; 1,411 ; 1,868 ; 2,196 ; 2,447 ;
0,530 ; 0,752 ; 1,113 ; 1,432 ; 1,919 ; 2,222 ; 2,463 ;
0,557 ; 0,799 ; 1,163 ; 1,518 ; 1,941 ; 2,264 ; 2,488
0,572 ; 0,841 ; 1,208 ; 1,530 ; 1,954 ; 2,298 ;
0,596 0,891 1,229 1,542 1,997 2,318
Tab. 1.4 – Principales raies d’absorption de la vapeur d’eau dans le domaine THz (fréquences données en THz).
Coefficient d'absorption
liquide polaire
10
matériau humide
SC dopé
diélectrique
1
ferro électrique
SC intrinsèque
mousse
1
métal
2
5
10
Indice de réfraction Fig. 1.4 – Indice de réfraction et absorption (en cm−1 ) typiques des grandes familles de matériaux dans le domaine THz. Pour les métaux, les indices de réfraction sont de l’ordre de plusieurs centaines, et les coefficients d’absorption atteignent plusieurs 104 cm−1 . Leur position sur ce diagramme n’est donc donnée qu’à titre indicatif.
36
1.6
Optoélectronique térahertz
Applications entrevues et état actuel de leur développement
Les applications des ondes THz s’appuient directement sur l’interaction entre la matière et les ondes THz, et sur le degré de transparence du milieu ambiant. Former et enregistrer l’image THz d’un objet est en théorie l’application la plus simple à laquelle on puisse penser. L’image peut être formée en transmission si l’objet est suffisamment transparent, ou en réflexion dans le cas contraire. Le degré de transparence de la zone traversée renseignera sur son degré d’humidité, sur la présence de métaux dans l’objet, sur sa densité... L’avantage indéniable des ondes THz est leur facilité à traverser des matériaux opaques dans d’autres domaines spectraux, comme le visible. Ainsi, le bois, les vêtements, les plastiques, le carton et le papier, le plâtre sont plus ou moins transparents. L’application directe de ces propriétés est la mise au point de systèmes d’inspection des individus, comme des portiques d’aéroports, pour voir si ces individus cachent des objets prohibés sous leurs vêtements. Dans le domaine médical, la visualisation THz de tumeurs de la peau a été démontrée, ces zones malades n’ayant pas le même degré d’humidité que les zones saines. Lorsqu’on peut analyser spectralement les signaux THz, toutes les applications spectroscopiques peuvent être abordées. On cherchera bien entendu à détecter ou à analyser des substances dont les signatures dans les domaines visible ou infrarouge sont médiocres. Actuellement, ces recherches sont surtout dirigées vers la détection de substances « à risque », telles les drogues, les explosifs, les gaz létaux. Des applications dans les domaines agroalimentaires (produits chimiques dans les aliments) et environnementaux (détection de polluants) sont aussi très étudiées. Comme nous l’avons déjà indiqué, le développement de ces applications est dépendant de celui des sources et des détecteurs performants. L’optoélectronique est certainement une des voies les plus prometteuses pour atteindre ce but, et la description des techniques et méthodologies optoélectroniques mises en jeu pour étudier le domaine THz est l’objet de ce livre. Des premiers appareils et systèmes commerciaux, basés sur l’optoélectronique THz, sont déjà disponibles. Parmi les composants de base, citons les antennes THz à photocommutation vendues par Thorlabs21 et Ekspla22 , cette dernière entreprise commercialisant aussi un kit de spectroscopie THz. Picometrix 23 a été la première société à mettre sur le marché un système de spectroscopie THz dès 1999 qui a la particularité d’avoir des antennes THz fibrées. Teraview24 propose une gamme étendue de spectromètres THz travaillant aussi bien en 21
antennes FRU, www.thorlabs.com www.ekspla.com/en/main/products/84 ?PID=525 23 www.picometrix.com/t-ray/index.html 24 www.teraview.co.uk, appareils commercialisés par Bruker (www.brukeroptics.com) 22
1. Introduction
37
transmission qu’en réflexion, et délivrant aussi des images à 3 dimensions, appareils dédiés à l’inspection de matériaux, mais aussi à des applications pharmaceutiques et médicales. Citons aussi l’appareil de spectroscopie THz pour cartographier le dopage des wafers de semi-conducteurs disponibles chez Nikon Tochigi25 . GigaOptics26 est le dernier venu sur le marché de la spectroscopie THz. En France, la société Kwele vient de s’installer à Bordeaux et proposera très bientôt des spectromètres dédiés à des applications industrielles particulières. Une liste très exhaustive des entreprises liées au domaine THz est disponible sur le site (www.thznetwork.org) du réseau informel THz Science and Technology Network, créé et animé par Dan Mittleman, de Rice University.
25 26
www.tochigi-nikon.co.jp www.gigaoptics.com
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Chapitre 2
Notions physiques de base Le rayonnement THz est une partie du spectre des ondes électromagnétiques, dont la génération et la propagation sont parfaitement décrites par les équations de Maxwell. Mais la dualité onde-corpuscule de la lumière permet de représenter aussi le rayonnement THz par un flux de photons. Le but de ce chapitre est de rappeler les principes de base de l’électromagnétisme et de la photonique, qui serviront dans les chapitres suivants. Le lecteur intéressé par des traités plus approfondis sur l’électromagnétisme pourra lire avec profit les excellents ouvrages de référence de Born et Wolf [28] ou Jackson [29]. Un traité introductif très complet sur la photonique a été écrit par Saleh et Teich [30] et l’ouvrage de référence sur l’optoélectronique est celui de Rosencher et Vinter [31]. La deuxième partie du chapitre est consacrée à l’interaction (absorption, excitation de résonances, propagation et dispersion, émission) entre les ondes électromagnétiques et les différentes formes de la matière, c’est-à-dire les gaz, les liquides et les solides (métaux, diélectriques, semi-conducteurs, supraconducteurs). Des rappels de mécanique quantique sont donnés, dont sont déduites les propriétés spectroscopiques de la matière. Nous présentons aussi la plupart des modèles simples qui décrivent la réponse électromagnétique de la matière, modèles basés sur la physique classique qui sont largement usités, comme les modèles de Drude pour les métaux, de Lorentz pour les diélectriques, etc.
2.1 2.1.1
Électromagnétisme Équations de Maxwell
Les équations de Maxwell décrivent la propagation des ondes électromagnétiques dans la matière – et dans le vide –, en présence de sources de rayonnement, à l’aide de 4 champs : – loi de Maxwell-Faraday : ×E = −∂B ∇ ∂t
(2.1)
42
Optoélectronique térahertz – loi de Maxwell-Ampère : ×H = ∂ D + J ∇ ∂t
(2.2)
·D =ρ ∇
(2.3)
·B =0 ∇
(2.4)
– loi de Gauss (électricité) :
– loi de Gauss (magnétisme) :
et B sont les champs électrique et magnétique, D (encore nommé déplaoù E cement électrique) et H sont les inductions électrique et magnétique. ρ et J sont respectivement les densités de charge et de courant présentes dans le milieu matériel. Il faut noter que l’absence de monopoles magnétiques fait que la loi de Gauss (2.4) se déduit directement de la loi de Maxwell-Ampère (2.2). permettent de modéliser la propagation du champ électromagné et H D et B. En effet, sous l’influence des tique dans un milieu matériel excité par E champs E et B, les atomes de la matière sont perturbés (déformation des nuages électroniques, apparition ou alignement de moments magnétiques), conduisant à une polarisation P (moment dipolaire induit par unité de vo (moment magnétique induit par unité de lume) et à une aimantation M sont des fonctions comvolume) du milieu matériel. Généralement, P et M pliquées des champs excitateurs E et B. Cependant, lorsque ceux-ci restent faibles devant les champs intra-atomiques, on peut développer ces fonctions en série des puissances des champs excitateurs, et ne conserver que le premier terme linéaire du développement : P = εo χ E
= μ o χm H et M
(2.5)
où χ et χm sont les susceptibilités électrique et magnétique du milieu. La linéarité de la réponse à l’excitation électromagnétique se traduit par les relations constitutives : = εE = εo εr E (2.6) D = μH = μo μr H B
(2.7)
où ε et μ sont la permittivité et la perméabilité du milieu matériel. On définit généralement ces grandeurs relativement (εr = 1 + χ, μr = 1 + χm ) −1 = 0, 884 × 10−11 F/m, μo = 4 π 10−7 = à celles du vide (εo ≈ 36 π 109 −6 2 1,257 × 10 H/m et εo μo c = 1 où c ≈ 3 × 108 m/s est la célérité de la lumière dans le vide1 ). Dans les milieux anisotropes, ε et μ sont des tenseurs, et D (ainsi que B et H) ne sont pas colinéaires. c’est-à-dire que les vecteurs E 1
La valeur de c choisie par la communauté internationale est exactement c = 299 792 458 m/s. Utiliser c ≈ 3 × 108 m/s conduit à une imprécision sur les résultats de 0,07 %.
2. Notions physiques de base
43
La relation de Maxwell-Ampère (2.2) implique que la dérivée temporelle de D possède la dimension d’une densité de courant, appelé courant de déplacement et induit par la polarisation dipolaire des molécules du matériau. Lorsque des charges libres sont présentes dans le milieu matériel (métaux, semi-conducteurs), on observe que ces charges libres se transportent sur des distances importantes sous l’action du champ électrique par l’intermédiaire de la force de Coulomb : c’est le courant qui s’écoule dans les circuits électriques, encore dénommé courant de conduction. Pour de faibles intensités du courant, la densité de courant J varie linéairement avec le champ électrique E qui accélère les charges. C’est la loi d’Ohm : J = σ E
(2.8)
σ est la conductivité électrique du milieu. Si les champs sont périodiques dans le temps sous la forme ej ω t , où ω est la pulsation, la relation de MaxwellAmpère (2.2) permet d’écrire : ∂E ∂D = j ω εo εr − j σ E + J = εo εr +σE ∂t ∂t ω
(2.9)
Il est d’usage de tenir compte de la contribution du courant des charges libres à la constante diélectrique par une partie imaginaire proportionnelle à la conductivité du matériau : σ (2.10) εr ≡ εr − j εo ω La partie réelle de εr a pour origine les électrons liés aux atomes ou molécules qui se déplacent autour de leur position d’équilibre sous l’action du champ (on parle alors de courant de déplacement) et la partie imaginaire provient du flux des électrons dans le milieu matériel (courant de conduction). Nous verrons plus loin que les phénomènes dissipatifs d’énergie au sein du milieu rajoutent un terme imaginaire à εr .
2.1.2
Équations de propagation du champ électromagnétique
En prenant le rotationnel de l’équation de Maxwell-Faraday et en écrivant en fonction de E à l’aide de l’équation de Maxwell-Ampère, on obtient H l’équation de propagation du champ électrique qui, dans un milieu uniforme et isotrope, s’écrit : − εμ ΔE
∂2E ρ +μdJ = ∇ ∂ t2 ε dt
(2.11)
De même, on obtient pour le champ magnétique : − εμ ΔH
∂2H × J = −∇ ∂ t2
(2.12)
44
Optoélectronique térahertz
Le premier terme de gauche de ces équations correspond à la variation spatiale du champ, le second terme à sa variation temporelle : la partie gauche des équations traduit donc la propagation du champ. Les termes de droite des équations sont à l’origine du champ électromagnétique : ce sont les termes sources. Pour le champ électrique (2.11), le premier de ces termes indique que les champs statiques sont induits par la présence de charges (on retrouve l’équation de Poisson dans le cas statique ( ∂∂t = 0) et celle de Laplace en l’absence de charge (ρ = 0)). Les champs variables sont générés par le courant électrique. Comme pour toute équation différentielle, la solution la plus générale de ces équations de propagation est égale à la somme de la solution générale des équations sans second membre – c’est la solution propagative – et d’une solution particulière de l’équation générale (cette solution inclut les champs statiques). La solution propagative est donc solution des équations d’Helmholtz : 2 2 − εμ ∂ H = 0 − εμ ∂ E = 0, Δ H (2.13) ΔE ∂ t2 ∂ t2 Ces équations décrivent la propagation des champs dans un milieu vide de sources électromagnétiques. Il existe une infinité de solutions des équations d’Helmholtz. La solution la plus souvent employée est l’onde plane 2 , pour laquelle on choisit une variation périodique du champ en fonction du temps et de l’espace : =H o cos ω t − k · r =E o cos ω t − k · r , H (2.14) E ω est la pulsation de l’onde, encore appelée fréquence angulaire, Eo = E o et r est le vecteur position du point Ho = H o sont les amplitudes des champs. où est observée l’onde. k est le vecteur d’onde, qui indique dans un milieu isotrope la direction de propagation de l’onde (direction dans laquelle est transportée l’énergie de l’onde). Dans la plupart des problèmes d’électromagnétisme, les calculs sont grandement simplifiés en employant une notation complexe pour écrire les fonctions trigonométriques : 1 E o o E E cos ωt − k · r = (ej (ωt−k·r) + e−j (ωt−k·r) ) = 2 Ho Ho H (2.15) Très souvent, on remplace abusivement dans la littérature Eo cos ω t − k · r o exp j (ω t − k · r) . Cela conduit cependant à la solution exacte tant par E 2 Outre qu’elles correspondent au champ rayonné par une source lointaine, les ondes planes peuvent servir de base sur laquelle on peut décomposer tout autre forme d’onde. Parmi les autres formes d’ondes rencontrées très souvent en électromagnétisme, citons les ondes sphériques issues d’une source ponctuelle, ou les ondes gaussiennes délivrées par les lasers.
2. Notions physiques de base
45
que les problèmes rencontrés sont linéaires, car le facteur 1/2 manquant disparaît dans les équations et on peut résoudre de façon séparée les parties réelles et imaginaires des équations. En revanche, cette simplification n’est plus valable lorsqu’on traite de problèmes non linéaires, tels la détection des signaux électromagnétiques (transformation de l’énergie lumineuse en énergie électrique ou chimique) et la propagation des ondes dans des milieux non linéaires. En substituant les champs de l’onde plane (relation (2.10)) dans les équa B et k sont perpendiculaires : tions de Maxwell, on montre que les vecteurs E, k × E = ω B, k × B = −εμω E
(2.16)
La substitution de la solution « onde plane » dans les équations d’Helmholtz conduit à la relation de dispersion de l’onde plane : ω√ ω (2.17) εr μr = n k = k = c c k est le module du vecteur d’onde et n est l’indice de réfraction de la matière. Cet indice est égal à la racine carrée du produit εr μr , c’est aussi le rapport de la célérité c de la lumière dans la vide par sa vitesse v dans la matière : n=
c √ = εr μr v
(2.18)
La figure (2.1) présente l’ordre de grandeur de l’indice de réfraction de matériaux diélectriques communément utilisés dans le domaine THz. Ces courbes ne sont tracées que dans le domaine de transparence du matériau qui présente de ce fait une dispersion négligeable à l’échelle de la figure tracée ici.
2.1.3
Énergie électromagnétique
Le vecteur de Poynting P décrit le flux énergétique transporté par l’onde électromagnétique. Il est défini par : ×H P = E
(2.19)
La valeur moyennée dans le temps3 du module du vecteur de Poynting est la densité de puissance électromagnétique D apportée par le rayonnement, 3
Dans les domaines visible ou infrarouge, les fréquences des ondes électromagnétiques sont très élevées (1014 -1015 Hz) et aucun détecteur n’est capable de réagir aussi rapidement. Le signal détecté est alors proportionnel à la valeur moyenne, intégrée par le détecteur, de l’intensité comme définie par (2.21). Dans le domaine hyperfréquence, certains détecteurs ont une bande passante suffisante pour que le signal mesuré soit proportionnel à la valeur instantanée de l’intensité.
46
Optoélectronique térahertz 12
SrTiO
Indice de réfraction
3
10 8 LiNbO (e) 3
6
LiNbO (o)
InP
3
silice fondue
quartz GaAs
4 verre BK7
2 0
0.5
ZnSe
1
1.5
ZnTe
2
Si HR
2.5
téflon
picarine
3 3.5 mousse Rodacell
4 PE-HD
Fréquence (THz)
Fig. 2.1 – Indice de réfraction en fonction de la fréquence THz pour plusieurs matériaux diélectriques. Les courbes ne sont tracées que dans les zones de transparence des matériaux et de ce fait présentent une dispersion négligeable. La longueur de chaque segment de droite représente donc la largeur de la bande spectrale de transparence et d’utilisation du matériau.
c’est-à-dire l’énergie qui traverse une surface unitaire perpendiculaire au vecteur d’onde par unité de temps. D=
P dt =
p´ eriode
∗ E × H dt = E × H 2
(2.20)
p´ eriode
Pour une onde plane, cette expression ∗ est le complexe conjugué de H. où H devient :
D=
1 ε Eo Eo∗ = Eo Eo∗ μ 2 2Z
(2.21)
Généralement, D est appelée intensité I de l’onde électromagnétique (son unité est le W/m2 ) – c’est le choix que nous ferons ici – mais certains auteurs font le distinguo entre densité de puissance et intensité en définissant ∗ cette dernière par I = Eo Eo . Le paramètre Z = με , caractéristique de la réponse électromagnétique du milieu, possède la grandeur d’une impédance. L’impédance Zo du vide vaut Zo = μεoo ≈ 377 Ω.
2. Notions physiques de base
47
Lorsque le milieu présente des pertes, la constante diélectrique et l’indice de réfraction prennent des valeurs complexes4 : (2.22) n = ε − jε ≡ n − j κ En présence de pertes dans le matériau, l’onde plane est exponentiellement amortie suivant la loi de Beer et Lambert : o ej(ω t− ωc n x) e− ωc κ x =E o ej(ω t−k·r) = E E
(2.23)
⇒ I = Io e−2 c κ x = Io e−α x
(2.24)
ω
où α = 2 ωc κ est le coefficient d’absorption (en énergie) du matériau et nous avons supposé que l’onde se propage dans la direction x. On retrouve la même loi lorsque le matériau montre un comportement métallique (e ou μ négatifs), la partie imaginaire de l’indice de réfraction étant très grande. Le principe de causalité, associé à la théorie des fonctions complexes linéaires [32], permet d’obtenir la relation entre parties réelle et imaginaire de la constante diélectrique (et de l’indice de réfraction) sous la forme d’une intégrale. Ce sont les relations de Kramers-Kronig : εr (ω)
2 = 1 + PP π
n(ω) = 1 +
∞ 0
2 PP π
ω εr (ω ) dω , ω 2 − ω 2
∞ 0
ω κ(ω ) dω , ω 2 − ω 2
εr (ω)
2ω = − PP π
κ(ω) = −
2ω PP π
∞ 0
∞ 0
εr (ω ) − 1 dω ω 2 − ω 2 (2.25)
n(ω ) − 1 dω ω 2 − ω 2
(2.26) La mesure de l’inoù P P signifie partie principale prise au sens de dice de réfraction sur un spectre étendu permet de connaître la dispersion du coefficient d’absorption, et vice versa. La difficulté pratique de la mise en œuvre des relations de Kramers-Kronig réside dans l’intégration qui s’étend depuis la fréquence nulle jusqu’à l’infini, ce qui n’est pas réalisable d’un point de vue expérimental. Si l’une des valeurs (indice ou absorption) a été mesurée sur une bande spectrale qui contient toutes les raies d’absorption ou toutes les fréquences pour lesquelles l’indice de réfraction varie fortement, la détermination des paramètres est possible en extrapolant ou en faisant des hypothèses sur les valeurs mesurées en dehors de la fenêtre spectrale. Cauchy5 .
4
Le signe des parties imaginaires de ε et n dépend de la convention choisie pour décrire l’onde plane. En effet, cos ω t − k · r = cos k · r − ω t , mais ej (ω t−k·r) = ej (k·r−ω t) . Lorsqu’on écrit une onde plane propagative dans la direction k sous la forme ej (ω t−k·r) , il faut choisir n = n − j κ. Prendre une partie imaginaire positive conduirait en effet à du gain dans le matériau. 5 D’un point de vue pratique, la partie principale de l’intégrale est obtenue en réalisant l’intégration sur tout le spectre fréquentiel, sauf en ω = ω.
48
Optoélectronique térahertz
La détermination de l’indice de réfraction dans l’infrarouge lointain est souvent réalisée par transformation de Kramers-Kronig des courbes de dispersion d’absorption, qu’il est plus facile de mesurer que celles relatives à l’indice de réfraction.
2.1.4
Électromagnétisme non linéaire
Polarisation non linéaire Lorsque les champs électromagnétiques qui éclairent la matière ne sont plus négligeables devant les champs atomiques6 , la réponse électromagnétique de la matière n’est plus une fonction linéaire de l’excitation. Suivant le formalisme introduit par N. Bloembergen [33], cette réponse est développée en puissance du champ électromagnétique. Pour les phénomènes induits par le champ électrique de l’onde excitatrice, on récrit la relation (2.5) : (2) (3) ↔(1) + εo ↔ :E + εo ↔ :E :E + ... χ :E χ :E P (t) = εo χ : E
↔(n) n χ :E = εo
(2.27)
n ↔(n)
= E o ( r) cos(ω t), χ est le tenseur de susceptibilité non linéaire où E d’ordre n, et : représente le produit tensoriel. Le premier terme correspond à la réponse linéaire du milieu décrit par (2.5). Cette expression (2.27) peut s’écrire sous une forme plus synthétique : n
↔(n)
↔(n) n ( r) cosn (ω t) = εo o ( r) ej ω t + C.C. εo χ : E χ : E P = o n
n
(2.28) La non-linéarité de la réponse génère des pulsations n ω multiples de la pulsation excitatrice ω. Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, il ne faut pas oublier en notation complexe les termes conjugués (C.C.). Ils seront entre autres à l’origine du redressement optique qui est l’un des principes utilisés pour la génération d’ondes THz. Lorsque l’onde excitatrice est formée de plusieurs ondes harmoniques différentes, l’effet non linéaire combine l’ensemble des fréquences. La multiplication des exponentielles complexes et de leurs complexes conjugués (2.28) se traduit en sommes ou différences de fréquences, que l’on peut comprendre comme la conservation de l’énergie électromagnétique dans le processus non linéaire :
n i=1 6
h ωi = ¯
n i =1
¯h ωi
(2.29)
En prenant le modèle de l’atome de Bohr pour l’hydrogène, le champ électrique interne 2 5 15 e à l’atome créé par le couple noyau-électron vaut π4 m V/cm. Alors que le 4 ≈ 5 × 10 ε3 oh champ électrique des faisceaux lumineux de sources classiques est de l’ordre de 1 V/cm, il peut facilement atteindre 106 -1010 V/cm avec un laser.
2. Notions physiques de base
49
Phénomènes d’ordre 2 Doublement de fréquence Effet électro-optique (Pockels) Somme de fréquence Redressement optique Différence de fréquence Effet paramétrique Effets Brillouin et Raman Phénomènes d’ordre 3 Triplement de fréquence Effet Kerr statique Effet Kerr optique
ω+ω =2ω ω+0=ω ω1 + ω2 = ω3 ω−ω =0 ω1 − ω2 = ω3 ω1 + ω2 = ω3 + ω4 ω ± Ω = ωS, AS ω+ω+ω = 3 ω ω+0+0 =ω ω+ω−ω =ω
Tab. 2.1 – Principaux effets non linéaires d’ordre 2 et 3. où ωi et ωi sont respectivement les pulsations incidentes et générées. On décrit alors les phénomènes d’optique non linéaire par l’ordre (n) de la nonlinéarité et par les photons (¯ h ω) mis en jeu, comme résumé dans le tableau (2.1) (dans chaque équation, les termes de gauche correspondent aux photons incidents et ceux de droite aux photons générés7 ). Il convient de noter que les polarisations non linéaires décrites ici ont pour origine physique la perturbation du nuage électronique des atomes et des molécules, dont l’établissement prend quelques femtosecondes [34]. On peut donc considérer que ces effets non linéaires sont instantanés et que leur bande passante dépasse largement les fréquences THz. Les coefficients du tenseur non linéaire, ici d’ordre 2, obéissent à des relations de symétrie (2) dites ABDP [35] : χijk (ω3 = ω1 + ω2 ) est invariant pour toute permutation des paires (ω3 , i), (ω1 , j) et (ω2 , k). De plus, si le milieu est transparent aux 3 fréquences ω1 , ω2 , et ω3 , Kleinmann a montré que le tenseur n’est pas dispersif et que les coefficients i, j, k peuvent être librement échangés. On écrira de manière simplifiée : ↔(2)
χ
↔(2)
(ω3 = ω1 + ω2 ) = χ
↔(2)
(ω1 = ω3 − ω2 ) = χ
(ω2 = ω3 − ω1 )
Dans le cas du redressement optique où ω3 = ω, ω2 ≈ ω et donc ω1 ≈ 0, ↔(2) ↔(2) on obtient donc χ (0 = ω − ω) = χ (ω = ω + 0). Les tenseurs redressement optique et électro-optique sont donc identiques dans l’approximation de Kleinmann. 7
Les effets Brillouin et Raman cités dans ce tableau (2.1) ne sont pas à rigoureusement parler des effets d’optique non linéaire d’ordre 2, puisque ces phénomènes mettent en jeu un photon incident et son interaction avec un quantum de vibration (Ω) de la matière (moléculaire dans le cas de l’effet Raman, phonon dans le cas de l’effet Brillouin). Cependant le formalisme de l’optique non linéaire conduit à une très bonne description de ces phénomènes. Dans le tableau (2.1), ωS = ω + Ω est la pulsation Stokes, tandis que ωAS = ω − Ω est la pulsation anti-Stokes.
50
Optoélectronique térahertz
Différence de fréquence et redressement optique Pour les technologies THz, seuls le battement de fréquences (ou différence de fréquences) et l’effet électro-optique présentent un intérêt pratique en vue d’applications. En effet, la différence de fréquences (ω1 − ω2 = ω3 ) permet de générer une onde THz (ω3 ) à partir de deux faisceaux optiques ou infrarouges (ω1 et ω2 ), domaines dans lesquels on dispose de sources cohérentes puissantes. Les fréquences THz étant beaucoup plus faibles que les fréquences optiques, la différence de fréquences est souvent confondue avec le redressement optique (ω1 ≈ ω2 ⇒ ω3 ≈ 0). L’effet électro-optique est quant à lui largement employé pour la détection d’ondes THz. Nous traitons ici des phénomènes du type ω1 − ω2 = ω3 . La polarisation non linéaire, en notation complexe, s’écrit : ↔ 1) E ∗ (ω2 ) P N L (ω3 ) = εo χ(ω3 = ω1 − ω2 ) E(ω
(2.30)
Reprenons l’équation de propagation (2.11) pour le champ à pulsation ω3 dans un milieu diélectrique homogène et isotrope en faisant apparaître les polarisations linéaire et non linéaire : 3) − Δ E(ω
3) 1 ∂ 2 E(ω ∂2 L NL = μ (ω ) + P (ω ) P o 3 3 c2 ∂ t2 ∂ t2
(2.31)
i( r) ej ωi t ), on obtient : i) = E Pour des champs harmoniques (E(ω 3 ( r) + ΔE
ω32 2 ω32 ↔(2) 1 ( r) · E 2 ( r) n ( r ) = − χ (ω3 = ω1 − ω2 ) : E E 3 c2 3 c2
(2.32)
où ni est l’indice de réfraction du milieu à la pulsation ωi . Cette équation différentielle a pour solution la somme de la solution générale de l’équation sans second membre (solution libre en l’absence de source) et d’une solution particulière de l’équation avec second membre (solution forcée). Dans le cas 2 e−j ki ·r ), en supposant que le champ généré soit i ( r) = E d’ondes planes (E nul à l’entrée du cristal en r = 0, la solution s’écrit : ↔(2) 1 · E ∗ 1 − ej (k3 −(k1 −k2 ))·r 2 χ (ω = ω − ω ) : E 3 1 2 2 3 ( r) = − ω3 e−j k3 ·r E 2 2 2 c k3 − (k1 − k2 ) (2.33) et son intensité est : 2 (2) 1 · E ∗ ω 4 ↔ χ (ω3 = ω1 − ω2 ) : E 2 3 I3 ( r ) = 4 2 c k2 − ( k1 − k2 )2 3 ⎤ ⎡ k3 − ( k1 − k2 ) · r ⎦ (2.34) × sin2 ⎣ 2
2. Notions physiques de base
51
1 a = 0,005 a = 0,01 a = 0,022 a = 0,066
0,8 0,6
3
1
2
Intensité à ω =ω -ω (U. A.)
L’intensité générée à pulsation ω3 est maximum pour k3 = k1 − k2 , condition d’accord de phase (figure (2.2)). Pour la génération THz (ω1 ≈ ω2 ⇒ n1 ≈ n2 ), cette condition se résume en première approximation à n3 = n1 ≈ n2 pour les phénomènes à une dimension8 . Les ondes optiques de pompe et l’onde THz se propagent avec la même vitesse de phase. Cela signifie que le signal THz généré à un endroit donné dans le milieu non linéaire interfère de manière constructive avec celui généré dans les régions précédentes. Nous verrons qu’en pratique cette condition n’est pas rigoureusement vérifiée et qu’il est nécessaire de fabriquer des structures artificielles (guides d’onde, milieux périodiques) pour bénéficier de l’accord de phase.
0,4 0,2 0 0
40
80 120 Distance x (U. A.)
160
Fig. 2.2 – Intensité générée à ω3 = ω1 − ω2 en fonction de l’épaisseur x du cristal pour différentes valeurs du désaccord de phase (a = 12 (nΩ − nω ) ωc3 ), dont l’unité est telle que le produit a x est sans dimension).
Effet électro-optique Généralités L’effet électro-optique traduit l’influence d’un champ électrique de faible fréquence sur les propriétés diélectriques d’un cristal. C’est un effet non linéaire du second ordre qui décrit la réponse optique linéaire du matériau au champ électrique excitateur. En toute rigueur, les interactions sont du type ω3 = ω1 ± ω2 . Dans la plupart des cas, on peut considérer que la pulsation du champ électrique appliqué est très faible ω2 ≈ 0 devant celle de l’onde optique ω1 ≡ ω, d’où la relation approchée : ω =ω+0 8
(2.35)
On verra dans le paragraphe (3.4) que, en toute rigueur, n3 = nG , où nG est la vitesse de groupe de l’impulsion optique.
52
Optoélectronique térahertz
Les modélisations liées à la validité de cette approximation donnent une bonne description des phénomènes observés même dans le domaine THz, sauf si l’on s’intéresse au signal généré légèrement décalé en fréquence. Considérons l’expression de la polarisation non linéaire dans le cas de l’effet électrooptique : ↔ o ·E (2.36) P N L (ω) = εo χ(ω = ω + 0) : E(ω) o est le champ électrique appliqué. La relation entre D (ω) et E (ω) peroù E met de déterminer la constante diélectrique du cristal sous champ appliqué. L’effet se traduit par une biréfringence induite. Il est donc nécessaire de donner les principes de base de l’optique anisotrope pour ensuite décrire avec précision la biréfringence électro-optique. et E ne Optique anisotrope Dans un cristal anisotrope, les vecteurs D sont pas parallèles. La constante diélectrique du cristal est donc un tenseur, et on peut montrer qu’il existe un système de coordonnées, dont les axes x − y − z sont appelés principaux9 , et dans lequel le tenseur est diagonal : ⎛
⎞ ⎛ 2 ⎞ nx 0 0 εxx 0 0 ↔ ε = ⎝ 0 εyy 0 ⎠ ≡ εo ⎝ 0 n2y 0 ⎠ 0 0 εzz 0 0 n2z
(2.37)
L’énergie électrique U stockée dans un volume unitaire du matériau éclairé par l’onde se déduit de (2.19) : 1 1 ·D = U= E 2 2 εo
⇔ 2
Dy2 Dz2 Dx2 + + 2 n2x n2y nz
y2 z2 x2 + + =1 n2x n2y n2z D2
(2.38)
(2.39)
2
Dz y 2 2 10 est celle x en posant x2 = 2 D εo U , y = 2 εo U et z = 2 εo U . Cette équation d’un ellipsoïde, appelé ellipsoïde des indices. L’indice de réfraction qui détermine la célérité d’une onde électromagnétique dans le milieu est donné par de l’onde. l’intersection de l’ellipsoïde avec la direction du vecteur D 9
Pour les cristaux uniaxes, les axes principaux x − y − z correspondent aux axes cristallographiques X − Y − Z. Cette règle n’est cependant pas vérifiée pour les cristaux biaxes (monocliniques, orthorhombiques et tricliniques) [36]. 10 Notons que nous aurions pu obtenir cette équation de la même manière que nous avions déterminé la relation k(n) (équation (2.17)), c’est-à-dire en choisissant une solution de type onde plane à l’équation d’Helmholtz. Ici, le caractère tensoriel de la relation entre et E rend le calcul plus fastidieux. D
2. Notions physiques de base
53
Tenseur électro-optique Appliquons le même formalisme pour déterminer la réponse électro-optique du cristal. Nous avons : ↔L ↔(2) o (ω) = εo E(ω) + χ (ω = ω + 0) : E(ω) ·E + χ (ω) : E(ω) D ⎛ Di (ω) = εo ⎝Ei (ω) + χL ii (ω) Ei (ω) +
⎞ (2)
χijk Ej (ω) Eo,k ⎠
(2.40)
j,k
d’où, en calculant l’énergie U comme précédemment (relation (2.38)), nous obtenons : ⎧ ⎫ ⎬
i=3 ⎨ x2 (2) xi xj i + χ E (2.41) ijk 2 2 o,k ⎭ = 1 i=1 ⎩ n2 ni nj i i,j,k
où x1 = x, x2 = y et x3 = z. D’où : ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ (2) (2) (2) 2 2 2
χ χ χ y z x ⎝ xxj yyj zzj Eo,j⎠ + 2 ⎝1 + Eo,j⎠ + 2 ⎝1 + Eo,j⎠ 1+ 2 2 2 nx nx ny ny nz n2z j j j xy xz
(2) (2) (2) (2) + χxzj + χzxj χyxj + χxyj + 2 2 nx ny n2x n2z j yz (2) (2) + χzyj + χyzj Eo,j = 1 n2y n2z On écrit alors cette relation sous une forme simplifiée en regroupant les termes en x2 , y 2 , z 2 , xy, xz, et yz. C’est l’équation de l’ellipsoïde en présence d’un champ appliqué : 1 +Δ n2x
!
! " # ! " # 1 1 1 1 2 x + 2 +Δ y + 2 +Δ z2 2 2 n n n n y z 1 3 ! " ! 2" ! " 1 1 1 + 2Δ yz + 2 Δ xz + 2 Δ xy = 1 (2.42) n2 4 n2 5 n2 6
1 n2
" #
2
o : Les variations de ( n12 ) sont proportionnelles au champ statique E ! Δ
1 n2
" ≡ i
3
rij Eo,j
(2.43)
j=1
Nous avons employé ici une notation contractée ((x,y,z ) → (1,2,3), (xx, ↔ yy, zz, yz, xz, xy) → (1, 2, 3, 4, 5, 6)). Le tenseur r de composantes rij est le tenseur électro-optique11 . La relation (2.42) montre que l’ellipsoïde des 11
Piézo-électricité et effet électro-optique obéissent aux mêmes règles de symétrie. Leurs tenseurs traduisent ces symétries semblables en exhibant les mêmes éléments nuls et les mêmes égalités entre différents éléments.
54
Optoélectronique térahertz
indices est perturbée par l’application du champ électrique. L’effet le plus prononcé pour les cristaux anisotropes est la variation de la longueur des axes de l’ellipsoïde des indices, la rotation de ces axes étant négligeable. Ce n’est plus vrai pour les cristaux isotropes, les axes de l’ellipsoïde induit par effet électro-optique étant orientés par le champ appliqué. Le tableau (2.2) donne le coefficient électro-optique le plus fort de quelques cristaux communs. Il faut noter que l’ordre de grandeur de ces coefficients est le picomètre par volt (pm/V), donc très faible. Le développement limité de la relation (2.43) permet alors de déterminer la variation d’indice induite 3 par champ électrique appliqué (Δn ∝ n2 ri j Ei j ). Il faut donc appliquer un champ de l’ordre du mégavolt par mètre (106 V/m = 1 V/μm) pour obtenir des effets facilement mesurables. Cristal LiNbO3 GaAs ZnSe
Symétrie 3m ¯ 43m ¯ 43m
ri j (pm/V) r3 3 = 33 r4 1 = 1,1 r4 1 = 2
λ (μm) 0,63 1,06 0,55
Tab. 2.2 – Coefficients électro-optiques de quelques cristaux.
2.2
Photonique
Grâce aux travaux de Planck puis d’Einstein, l’aspect corpusculaire de la lumière a été définitivement validé. Un faisceau lumineux est donc décrit, suivant les conditions d’observation, en termes d’onde, comme nous l’avons vu précédemment, ou de flux de corpuscules d’énergie, les photons. La physique du début du xxe siècle a montré que ces deux aspects du même phénomène, même s’ils vont à l’encontre du bon sens quotidien, sont parfaitement compatibles.
2.2.1
Énergie du photon
L’énergie E d’un photon est donnée par : E=hν=
hc λ
(2.44)
où h = 6,64 × 10−34 J·s est la constante de Planck, ν est la fréquence de la lumière et λ est la longueur d’onde. Cette énergie, dont l’unité est le joule, est très faible, et on a l’habitude d’employer comme unité l’électron-volt (1 eV = 1,6 × 10−19 J) pour manipuler des valeurs numériques de l’ordre de l’unité12 . Pour les ondes THz, l’électron-volt est encore trop grand, et il est 12
L’électron-volt présente aussi l’avantage d’être l’ordre de grandeur des transitions électroniques des atomes et de l’énergie de la bande interdite de beaucoup de semi-conducteurs, comme le silicium.
2. Notions physiques de base
55
plus commode d’utiliser le milli-électron-volt (meV) : E (meV) = 103
hν = 4,15 ν (THz) ce
(2.45)
Les spectroscopistes utilisent communément l’inverse de longueur comme unité d’énergie, c’est-à-dire que le produit h c est défini comme étant égal à 1 dans la relation (2.44). On choisit généralement le cm−1 comme unité, la fréquence de 3 THz correspondant à λ = 100 μm et à une énergie de 100 cm−1 . Pour des études thermiques, on a l’habitude de se référer par rapport à l’énergie thermique kB T où kB = 1,38× 10−23 J/K est la constante de Bolztmann et T est la température en degré Kelvin. La température associée au rayonnement électromagnétique est donc : T (K) =
2.2.2
hν = 47,83 ν (THz) kB
(2.46)
Puissance lumineuse et statistique du flux de photons
L’intensité I – densité de puissance apportée par le faisceau électromagnétique –, qui est une valeur moyennée sur un intervalle de temps supérieur à la période de l’onde, peut être déterminée à partir du vecteur de Poynting (relations (2.20) et (2.21)), mais aussi à partir du nombre moyen de pho¯ traversant une surface unitaire pendant l’intervalle de temps Δ t : tons N I=
¯ N 1 Eo Eo∗ = hν 2Z Δt
(2.47)
Les photons traversant la surface unitaire arrivent de façon aléatoire suivant une loi statistique relative à la source lumineuse [37]. Pour une source de lumière incohérente (corps chauffé incluant le cas idéal du corps noir, lampes à incandescence...) et polarisée, la probabilité que N photons traversent la surface unitaire pendant un temps Δ t (très court devant le temps de cohérence du rayonnement thermique) suit la loi de Bose-Einstein : 1 p(N ) = ¯ 1+N ¯ ∝ et N
1
hν e kB T
!
¯ "N N ¯ 1+N
(2.48)
. L’écart-type σ et le rapport signal-sur-bruit13 S pour la −1
lumière incohérente sont : σ= 13
¯ +N ¯ 2, N
¯ N S= ¯ N +1
(2.49)
Le rapport signal-sur-bruit est le rapport entre la puissance du signal et celle du bruit. Pour un faisceau lumineux, ces puissances sont proportionnelles au flux de photons N (voir relation (2.47)).
56
Optoélectronique térahertz
Dans le cas d’une source cohérente de lumière (lasers), l’extraction de chaque photon de la cavité laser se produit indépendamment de celle des autres photons, donc la loi statistique est celle de Poisson : p(N ) =
¯N N N ! eN¯
(2.50)
(N−N¯ )2
¯. Cette loi tend vers une gaussienne e− 2 N¯ pour les grandes valeurs de N Ses écarts types et rapport signal-sur-bruit sont : ¯ ¯ S=N (2.51) σ = N, La lumière cohérente est beaucoup moins bruyante que la lumière incohérente, puisque le rapport signal-sur-bruit de la lumière cohérente varie comme ¯ et peut être très grand, alors que celui de la lumière incohérente est touN jours inférieur à 1. La nature corpusculaire des photons et leur arrivée aléatoire sur un détecteur est à l’origine du bruit de détection appelé bruit de grenaille (shot noise en anglais) (figure (2.3)).
0,06 Poisson Bose-Einstein
0,05 p(N)
0,04 0,03 0,02 0,01 0 0
20
40
60
80
100
N Fig. 2.3 – Distribution statistique des photons pour la lumière thermique (Bose-Einstein) et cohérente (Poisson). Ces courbes sont tracées pour ¯ = 50. N
2.3 2.3.1
Interaction lumière-matière Généralités
La matière est formée d’atomes, souvent regroupés par molécules. L’interaction entre la matière et une onde électromagnétique incidente met en jeu
2. Notions physiques de base
57
l’excitation des nuages électroniques des atomes. Dans le cas des molécules, se rajoute l’excitation de modes de vibration et/ou de rotation. L’interaction entre les atomes ou molécules voisins au sein de la matière perturbe sa réponse électromagnétique. Dans les gaz, les molécules sont relativement distantes et on observera une réponse proche de celle de l’atome ou de la molécule isolés, réponse cependant perturbée par les collisions entre particules (effet de la pression) et par le déplacement des particules (effet Doppler). Dans les solides, le mouvement mécanique de chaque atome ou molécule est restreint par la proximité des voisins, en revanche les phénomènes collectifs sont nombreux. Une description rigoureuse de l’interaction entre le champ électromagnétique et les atomes ou molécules nécessite le formalisme de la mécanique quantique [38]. Cependant, des modèles classiques simplistes conduisent souvent à une assez bonne description qualitative d’un certain nombre de phénomènes, aussi bien pour un atome ou une molécule isolés que pour la matière solide. Ce paragraphe présentera d’abord ces méthodes simples, puis décrira les bases de l’optique quantique.
2.3.2
Modèle classique de l’interaction dipolaire
On considère ici les atomes ou les molécules comme étant formés d’un noyau équivalent à une charge positive ponctuelle et d’un nuage électronique qui sera représenté par une charge négative ponctuelle située au barycentre électrique du nuage. Dans ce qui suit, les positions de ces 2 charges positive et négative sont confondues en l’absence de champ électromagnétique. La généralisation des calculs au cas des molécules polaires, dont les barycentres des charges positives et négatives sont séparés, est facile. En présence d’un champ électromagnétique excitateur, les charges ponctuelles positive et négative se déplacent en sens contraire dans la direction du champ14 . Un dipôle électrique est ainsi créé par l’application du champ électromagnétique. On définit son moment dipolaire par : p = e a
(2.52)
a est la distance entre les 2 charges. Champ du dipôle Le dipôle électrique engendre un champ électromagnétique dans l’espace environnant. Le calcul de ce champ est décrit dans tous les ouvrages d’électromagnétisme [28, 29]. L’expression du champ électrique rayonné par un 14
Cette approximation est valable tant que la fréquence du champ électromagnétique est inférieure à la fréquence de rotation des électrons autour du noyau, en adoptant le modèle de Bohr des atomes. Pour l’hydrogène, cette fréquence vaut environ 4 × 1016 Hz.
58
Optoélectronique térahertz
dipôle à une distance r du dipôle est : " ! r r2 1 1 2 3 p + 3 p˙ + 2 p¨ · r · r − r p + E( r) = 4 π εo r 5 c c
# r r2 p˙ + 2 p¨ c c (2.53) p˙ et p¨ sont respectivement les dérivées temporelles première et seconde du moment dipolaire. Dans le cas d’un atome, la variation temporelle de p provient du déplacement a des charges, alors qu’elle est induite par une variation des charges pour des composants comme les antennes THz. Le cas particulier du champ lointain est très intéressant pour la modélisation du rayonnement. On ne conserve que les termes en r −1 dans (2.53), les autres étant négligeables : ¨ · r r − r 2 p ¨ p r) = 1 1 (2.54) E( 4 π εo c2 r3 Le champ lointain varie donc comme la dérivée seconde du moment dipolaire. Dans le cas où les charges du dipôle varient, mais restent à distance fixe (antenne THz), la dérivée temporelle de p est proportionnelle au courant i traversant le dipôle : dq d (q a) = a = i a (2.55) p ˙ = dt dt Le champ lointain varie alors comme la dérivée du courant traversant le dipôle : 2 r ) = 1 1 ( a · r) r − r a d i (2.56) E( 4 π εo c2 r3 dt Polarisabilité des atomes Le dipôle atomique induit par le champ électromagnétique (relation (2.52)) se traduit à une échelle macroscopique par la polarisation P du milieu matériel (voir la définition de la polarisation (2.5)) qui correspond à la réponse du milieu à l’excitation électromagnétique. Pour connaître la valeur du moment il est nécessaire d’employer le dipolaire p en fonction du champ électrique E, formalisme de la mécanique quantique, ce qui est décrit dans le paragraphe suivant. Une méthode classique, due à Lorentz, fait l’hypothèse que l’électron est retenu à l’atome par un ressort de constante de rappel kres . Ce modèle suppose donc que l’électron périphérique sensible au champ électromagnétique baigne, au voisinage de sa position d’équilibre, dans un potentiel atomique de type parabolique. On écrit : m
d2 r o ej ω t − kres r = −e E dt2
(2.57)
où r est le déplacement de l’électron par rapport à sa position d’équilibre. Seule la dépendance temporelle du champ est considérée, c’est-à-dire que l’on se place dans l’hypothèse où le déplacement de l’électron est faible devant
2. Notions physiques de base
59
la longueur d’onde, ce qui est équivalent à écrire que la vitesse de l’électron est faible devant c. En prenant une solution temporelle oscillante pour r, on obtient l’amplitude ro du déplacement : ro = avec ωo2 =
kres m .
o E e 2 m (ω − ωo2 )
(2.58)
On en déduit l’expression du moment dipolaire : p = e a = e ro ej ω t =
o ej ω t e E ≡αE m (ω 2 − ωo2 )
(2.59)
La polarisabilité α de l’atome est définie par : α=
1 e 2 m (ω − ωo2 )
(2.60)
Le calcul quantique de la polarisabilité donne un résultat très proche de l’expression (2.60) : Fi e (2.61) α= 2 2 m ω − ωoi i Chaque pulsation ωoi correspond à une transition entre deux états énergétiques de l’atome ou de la molécule. La probabilité d’occurrence des transitions est proportionnelle à Fi , force d’oscillateur de la transition. Moment dipolaire Certaines molécules possèdent un moment dipolaire électrique permanent défini par :
qi ri (2.62) μ= i
i est la somme sur tous les atomes, qi la charge électrique de l’atome i, et ri la distance de l’atome i au centre de gravité. L’ordre de grandeur typique du moment dipolaire varie de 0 à quelques Debye (1 D = 3,33564 10−30 C·m). Exceptionnellement, une molécule très polaire (sel ionique) peut avoir un moment dipolaire d’une dizaine de Debye.
2.3.3
Traitement quantique de l’interaction lumière-atome
L’équation de Schrödinger pour la fonction d’onde ψ d’un électron de masse m excité par le champ électromagnétique s’écrit : −
¯2 h Δψ + V ψ = E ψ 2m
(2.63)
60
Optoélectronique térahertz
E est l’énergie de l’électron, V est l’énergie potentielle totale de l’électron qui est la somme de l’énergie potentielle Vo en l’absence de champ électromagnétique et de l’énergie potentielle d’interaction Vint entre le champ électromagnétique et l’électron. La solution de (2.63) s’écrit en séparant les dépendances spatiale et temporelle de la fonction d’onde : ψ( r, t) =
an (t) ϕn ( r) e−j En t/¯h
(2.64)
n
Les fonctions ϕn ( r) sont les fonctions propres de l’hamiltonien. Elles correspondent à des états stationnaires d’énergie En . |an |2 est la probabilité de trouver l’électron dans un état d’énergie En à l’instant t. Si, à l’instant t = 0, l’électron est dans l’état d’énergie El , c’est-à-dire que an = δn,l , la probabilité de trouver l’électron dans l’état d’énergie Em à un instant t > 0 est égale à am (t)a∗m (t). La probabilité de transition par unité de temps entre les niveaux ∗ d’énergie El et Em est donc al (t)at m (t) . Le potentiel d’interaction Vint entre électron et champ électromagnétique est égal à : Vint = −
e2 e e B A · p + A·A+ (L + 2 S) m 2m m
(2.65)
est le potentiel vecteur tel que B =∇ × A, p est le moment dipolaire de A l’atome ou de la molécule, L et S sont respectivement les moments cinétiques orbital et intrinsèque (spin) de l’électron. Le terme d’interaction magnétique B) est très faible. Dans le cas réaliste où le champ électromagnétique ((L+2 S) est beaucoup plus faible que celui intra-atomique, on peut aussi négliger le second terme de (2.65). Le potentiel d’interaction est alors de type dipolaire e A· p). En décrivant classiquement le champ électromagnétique, on (Vint = − m montre que la probabilité de transition, sous l’effet de champ de pulsation ω, d’un état d’énergie Ea , qui est celui du système à l’instant to , vers un état d’énergie Eb à l’instant t, s’écrit : Ω21 sin2 Pa→b (to , t) = 2 Ω1 + (ω − ωo )2 où ωo =
!
Ω (t − to ) 2
" (2.66)
Eb −Ea h ¯
est la pulsation correspondant à la différence d’énergie entre ˆE |a − b|D ˆ est l’opérateur est la pulsation de Rabi. D les 2 états, et Ω1 = h ¯ 2 moment dipolaire électrique. Ω2 = Ω21 + (ω − ωo ) . Lorsque le système éclairé ne possède que deux états d’énergie |a et |b , la probabilité Pa→b (to , t) permet de déterminer à l’état stationnaire la densité volumique d’atomes ou de molécules dans l’état |b : Nb =
Ω21 N 2 (ω − ωo )2 + Ω21 + Γ2b
(2.67)
2. Notions physiques de base
61
où N = Na + Nb est la densité volumique totale d’atomes ou molécules. Γb est la durée de vie de l’état excité |b , qui est liée à la désexcitation spontanée depuis |b vers |a . Ce phénomène ne peut se comprendre que si l’on adopte une description quantique du champ électromagnétique. L’absorption du rayonnement incident par l’effet des transitions entre |a et |b , puis l’émission de rayonnement par les transitions spontanée et stimulée de |b vers |a , permettent à l’équilibre de déterminer la valeur du coefficient d’absorption, et donc de l’indice de réfraction du système. Il est cependant préférable de donner l’expression, qui est plus simple, de la susceptibilité χ : $ % ˆ a D b (ω − ωo ) + jΓb (2.68) χ=N h εo ¯ (ω − ωo )2 + Ω21 + Γ2b Pour de faibles intensités lumineuses, c’est-à-dire en l’absence de saturation des transitions, on peut négliger Ω21 dans (2.68) et la susceptibilité correspond à une lorentzienne (figure (2.4)) : $ % ˆ a D b (ω − ωo ) + jΓb (2.69) χ=N h εo ¯ (ω − ωo )2 + Γ2b
Fig. 2.4 – Courbes de dispersion caractéristiques de la susceptibilité électrique d’un atome au voisinage de la pulsation de transition ωo . La différence d’énergie ¯ h ωo entre niveaux peu excités de l’atome, incluant le niveau fondamental, est de l’ordre de l’électron-volt, conduisant à des raies d’absorption ou d’émission dans le proche UV, le visible et le proche infrarouge. Pour que ces différences d’énergie correspondent à des fréquences THz, il faut considérer les états très excités des atomes, appelés états de Rydberg.
62
Optoélectronique térahertz
L’analyse plus détaillée des densités d’atomes dans les états |a et |b , et de la variation de ces valeurs à cause des phénomènes d’absorption et d’émissions spontanée et stimulée, conduit à l’écriture des équations de taux de population (rate equations en anglais) proposées sous une forme simplifiée par Einstein bien avant l’avènement de la mécanique quantique, grâce à des considérations thermodynamiques sur le rayonnement du corps noir. Pour un système à 2 niveaux d’énergie, les équations d’Einstein15 sont : &
d Nb dt d Na dt
= β I (Na − Nb ) − Γb Nb = β I (Nb − Na ) + Γb Nb
(2.70)
Le rapport η entre taux d’émission stimulée et taux d’émission spontanée s’écrit : 1 η = hν (2.71) e kB T − 1 η vaut 1 pour ν = 4,35 THz, soit λ = 69 μm. Dans le domaine THz, l’émission stimulée est donc la voie prioritaire de désexcitation, alors que c’est l’émission spontanée dans le visible et l’infrarouge.
2.3.4
Le corps noir
Le corps noir représente un système idéal dans lequel il y a égalité entre l’énergie électromagnétique absorbée par la matière et celle rayonnée par cette même matière portée à température T. Le corps noir absorbe donc toute la lumière qu’il reçoit. On peut le représenter sous la forme d’une enceinte vide et close dont les parois sont à température T. Chaque élément de surface émet par rayonnement électromagnétique une puissance égale à celle qu’il reçoit du reste de la surface des parois. Généralement, un trou minuscule dans la paroi, qui ne perturbe pas l’équilibre thermodynamique, permet d’observer le rayonnement du corps noir à l’extérieur de l’enceinte. Ce rayonnement est très large bande car, d’un point de vue microscopique, il trouve son origine dans le mouvement thermique désordonné des molécules et charges libres de la matière. En quantifiant les modes du rayonnement électromagnétique de l’enceinte close, Max Planck a défini l’énergie des photons (E = h ¯ ν, où ¯h = h/2 π) et a pu en déduire la loi de rayonnement du corps noir :
e 15
ν3 3 −1 c
8πh
Lo (ν) =
hν kB T
(2.72)
Les équations d’Einstein sont généralement écrites en fonction de la densité spectrale d’énergie de l’onde lumineuse, et non pas de l’intensité I comme ici. Les coefficients A et B d’Einstein, qui décrivent respectivement l’émission spontanée et l’absorption (et l’émission stimulée), sont donc proportionnels à Γ et β dans (2.70).
10
4
10
2
10
0
63
Température 300 K 373 K 473 K 1 273 K 5 800 K
visible
2
Luminance en W/cm /μm
2. Notions physiques de base
−2
10
domaine THz
−4
10
−6
10
−8
10
−10
10
−12
10
−1
10
0
1
2
10 10 10 Longueur d’onde en μm
3
10
Fig. 2.5 – Luminance du corps noir pour différentes températures. où kB = 1,3810−23 J/K est la constante de Boltzmann. Lo (ν) est la luminance du corps noir16 . La loi de Planck (2.72) est représentée sur la figure (2.5) pour différentes températures. Un assez bon exemple de corps noir est celui d’une fenêtre de maison ou d’immeuble observée de loin en été. La lumière de jour qui pénètre dans la pièce se réfléchit de multiples fois contre les objets de la pièce et est graduellement absorbée. La probabilité qu’elle ressorte de la pièce par la fenêtre est très faible. En première approximation, la fenêtre absorbe donc toute la lumière qu’elle reçoit et elle apparaît noire vue de loin. De nombreuses sources lumineuses suivent de manière plus ou moins approchée la loi de rayonnement du corps noir, comme les bougies (T = 1 900 K), lampes à incandescence (T = 2 800-3 000 K), ou certaines lampes à décharge (xénon). La puissance lumineuse rayonnée par le soleil et de façon générale par les étoiles obéit bien à la loi de rayonnement du corps noir. En effet, à l’intérieur de ces astres, la fusion nucléaire produit une énergie lumineuse qui est complètement absorbée par la matière et rayonnée par celle-ci. À la surface de l’étoile, la perte d’énergie par rayonnement abaisse la température, mais suffisamment peu pour que la loi de corps noir reste vérifiée. Ainsi le spectre du soleil obéit à une loi de corps noir porté à 5 800 K, tandis que ceux des étoiles Antarès et Spica correspondent respectivement à 3 400 K et 23 000 K. L’avantage du rayonnement d’un corps noir par rapport à d’autres sources est la continuité de ce rayonnement depuis les courtes (rayons X et UV) jusqu’aux très grandes (THz, micro-ondes, radio) longueurs d’onde. Donc tout corps noir est source de rayonnement THz. Cependant, les puissances émises sont très faibles. Pour un corps noir émettant au maximum dans le visible, 16
La luminance d’une source lumineuse est la puissance rayonnée par un élément de surface unitaire de la source qui émet perpendiculairement à la surface de la source dans un angle solide d’un stéradian.
64
Optoélectronique térahertz
la luminance dans le domaine THz est un milliard de fois plus faible que dans le visible. Par ailleurs, la température d’un corps noir dont le maximum d’émission se situe dans le domaine THz est de l’ordre de la dizaine de Kelvin. Ce rayonnement est beaucoup moins puissant que le rayonnement THz du laboratoire à température ambiante, rendant difficile la réalisation d’expériences.
2.3.5
Interaction lumière-molécule
L’étude quantique de la réponse électromagnétique d’une molécule est très proche de celle décrite précédemment pour un atome. La différence de traitement réside dans les degrés de liberté de mouvement supplémentaires que possède la molécule par rapport à l’atome. En effet les différents atomes de la molécule peuvent vibrer les uns par rapport aux autres, ou tourner autour d’axes de rotation privilégiés. Le lecteur intéressé par des descriptions détaillées et complètes de l’interaction entre la lumière et les molécules pourra consulter les ouvrages de référence de Kroto [39], Townes et Schawlow [40], et Tennyson [41]. Énergie de rotation Une molécule polaire17 peut être considérée comme un dipôle électrique. Ce dipôle, en tournant, peut interagir avec un rayonnement électromagnétique de fréquence bien déterminée. Ainsi, toute molécule polaire en rotation absorbe (ou émet) des photons de fréquence bien déterminée et est excitée dans un état de rotation supérieur (ou inférieur). L’énergie de rotation est en effet quantifiée, c’est-à-dire qu’elle ne peut prendre que des valeurs discrètes. Les fréquences de rotation d’une molécule dépendent de ses trois moments d’inertie. Le moment d’inertie I d’une molécule par rapport à un axe quelconque passant par son centre de gravité est :
mi ri2 (2.73) I= i
où mi est la masse de l’atome i et ri sa distance à l’axe. Pour un de ces axes (appelé par convention c), le moment d’inertie, dénoté Ic , a sa valeur maximale. Il y a un autre axe, appelé a, pour lequel le moment d’inertie, Ia , a sa valeur minimale. On peut montrer que a et c sont perpendiculaires. Ces deux axes, a et c, avec un troisième axe, b, perpendiculaire aux deux autres, sont appelés axes principaux d’inertie. On a alors : Ic ≥ Ib ≥ Ia
(2.74)
Dans le cas particulier d’une molécule linéaire, on a : Ic = Ib ≥ Ia = 0 17
(2.75)
Lorsqu’une molécule a un centre de symétrie, le moment dipolaire est nul, il n’y a alors pas de spectre de rotation.
2. Notions physiques de base
65
où les axes b et c sont dans des directions quelconques mais perpendiculaires à l’axe internucléaire a. Cas particulier d’une molécule diatomique Le moment d’inertie I s’écrit simplement : m1 m2 2 r (2.76) I= m1 + m2 où m1 et m2 sont les masses des atomes et r la distance interatomique. L’énergie de rotation est donnée par : ER =
h2 J (J + 1) ≡ B J (J + 1) 8π 2 I
(2.77)
B, proportionnel à l’inverse du moment d’inertie I, est appelé constante de rotation. J = 0, 1, 2 . . . est un nombre entier positif appelé nombre quantique de rotation. Une molécule qui est dans un état de rotation J peut passer dans un état J + 1 par absorption d’un photon d’énergie18 : hν = B J (J + 1)
(2.78)
ou dans un état J − 1 par émission d’un photon d’énergie : hν = 2B J
(2.79)
Δ J = ±1
(2.80)
On voit que l’on a :
C’est la règle de sélection de rotation. Cette discussion a supposé la molécule rigide (c’est-à-dire r = constante). En fait, il est plus correct de représenter la molécule par un ressort reliant les deux atomes. Quand la vitesse de rotation augmente (c’est-à-dire quand J croît), le ressort s’allonge (donc r croît et B décroît) sous l’effet de la force centrifuge. C’est ce qu’on appelle la distorsion centrifuge. L’équation de l’énergie de rotation est alors légèrement modifiée : ER = B J (J + 1) − D J 2 (J + 1)2
(2.81)
D, appelée constante de distorsion centrifuge, est typiquement trois ordres de grandeur plus petite que B. La règle de sélection ΔJ = ±1 n’est pas modifiée. 18 Pour calculer les moments d’inertie, on exprime les distances en angström (1 Å= 10−10 m) et les masses en unité de masse atomique (ou Dalton) : 1 mu = 1 Da = 1 uma = m(12 C) = 1,660 538 86 (28) × 10−27 kg. Pour convertir les moments d’inertie en constantes 12 379 . de rotation, on utilise la relation B (MHz) = I505 (uA2 )
66
Optoélectronique térahertz
Molécule polyatomique On peut généraliser ce raisonnement à une molécule polyatomique, la différence étant qu’on a alors trois constantes de rotation, A, B, et C, et cinq constantes de distorsion centrifuge. Le domaine de variation des constantes de rotation est assez large, les valeurs expérimentales allant de 616,4 GHz (pour HF) à quelques dizaines de MHz (pour HC17 N) : ces molécules présentent donc une signature THz. Lorsque la molécule n’est pas linéaire, mais que deux constantes de rotation sont identiques, l’énergie de rotation s’écrit : ER = B J (J + 1) + (A − B) K 2 si B = C ER = B J (J + 1) + (C − B) K 2 si A = B
(2.82)
K est un deuxième nombre quantique entier variant entre −J et +J. En spectroscopie de rotation, la règle de sélection pour K est Δ K = 0. Lorsque les trois moments d’inertie ont des valeurs différentes, l’énergie de rotation se calcule à l’aide de la formule suivante : ER =
A−C A+C J (J + 1) + Eτ 2 2
(2.83)
A, B, et C sont les trois constantes de rotation, τ est un indice entier variant entre −J et +J, et Eτ est une valeur propre d’une matrice (2J +1)×(2J +1) qui dépend de A, B, C et du nombre quantique J. Énergie de vibration Une molécule n’est pas rigide, ses atomes vibrent autour de leur position d’équilibre, ce qui provoque des oscillations des charges électriques de la molécule. Si le moment dipolaire p oscille à la même fréquence que le rayonnement électromagnétique, il y a interaction résonnante. L’énergie de vibration, tout comme l’énergie de rotation, est quantifiée c’està-dire qu’elle ne peut pas varier de manière continue : on peut passer d’un état de vibration (caractérisé par un nombre quantique de vibration nν ) à un autre état de vibration par absorption (ou émission) d’un photon d’énergie bien déterminée. Dans un premier temps, considérons le cas simple d’une molécule diatomique. Pour introduire les mouvements de vibration dans l’hamiltonien de la molécule, on modélise une molécule diatomique par deux masses ponctuelles (m1 et m2 ) reliées par un ressort de force de rappel k et de longueur à l’équilibre re . L’énergie potentielle d’un tel système, appelé oscillateur harmonique, est : U=
1 k (r − re )2 2
En mécanique classique, cet oscillateur vibre à la fréquence :
k 1 ν= 2π M
(2.84)
(2.85)
2. Notions physiques de base
67
m2 est la masse réduite de la molécule. En mécanique quantique, où M = mm11+m 2 l’énergie de vibration, qui est quantifiée, est donnée par : " ! 1 Ev = nν + hν (2.86) 2
où nν est le nombre quantique de vibration qui peut prendre les valeurs entières : 0, 1, 2... Lorsque la rotation est également présente, l’énergie de vibration-rotation s’écrit : " ! 1 hν + B J (J + 1) (2.87) Ev = nν + 2 La règle de sélection de rotation devient ΔJ = 0, ±1 pour la vibration, les transitions les plus intenses correspondent à Δnν = ±1. Si l’on tient compte du fait que la vibration n’est pas purement harmonique (c’est-à-dire que le potentiel ne peut pas être représenté exactement par une parabole), il faut ajouter à l’équation précédente un terme correctif d’anharmonicité, l’équation complète s’écrit alors (en tenant compte de la distorsion centrifuge) : " ! " ! 1 1 2 hν − nν + hν + B J (J + 1) − D J 2 (J + 1)2 (2.88) Ev = nν + 2 2 En pratique, les molécules sont bien plus complexes que la simple molécule diatomique. Une molécule formée de n atomes possède 3 n degrés de liberté : 3 de translation, 3 de rotation et 3n−6 de vibration. Chaque degré de liberté de vibration a un mode pour lequel tous les atomes se déplacent en phase et à la même fréquence. C’est ce qu’on appelle le mode normal de vibration. Il y en a deux types principaux. Dans le premier, les longueurs des liaisons changent, mais pas les angles. C’est un mode d’élongation. Dans le deuxième, ce sont les angles qui se déforment, c’est un mode de déformation. Les différents modes normaux sont indépendants les uns des autres, on peut alors les représenter par des oscillateurs (harmoniques en première approximation), tout comme pour la molécule diatomique.
2.3.6
Interaction lumière-gaz
Dans un gaz sous faible pression, les molécules sont assez éloignées les unes des autres et interagissent peu entre elles. Leurs états d’énergie sont bien décrits par les modèles de molécules isolées expliqués précédemment. Leurs pics d’absorption (figure (2.6)) sont dus à un changement d’énergie de rotation ou/et de vibration des molécules du gaz. Chaque pic d’absorption est caractérisé par sa forme, c’est-à-dire une équation qui dépend de trois paramètres : – sa fréquence centrale νo qui correspond au maximum d’absorption ; – son intensité Io au maximum ; – sa demi-largeur à demi-hauteur Δ ν.
68
Optoélectronique térahertz
Fig. 2.6 – Spectre de rotation de l’acide formique, HCOOH, dans le domaine THz. Forme de raie De manière générale, la forme de raie dépend de : – la pression du gaz p ; – la masse de la molécule absorbante Mmol ; – la température du gaz T ; – la fréquence d’absorption νo . Quand la pression p est faible, l’effet Doppler domine et la raie a une forme en cloche (gaussienne). Les molécules ont des vitesses différentes et elles absorbent donc à des fréquences différentes à cause de l’effet Doppler. La largeur étant déterminée par Mmol , T , et ν, elle croît avec T et ν, et décroît avec M . La forme de raie obéit à l’équation : ' SD (ν,νo ) = So exp
Mmol c2 − kB T
!
ν − νo νo
"2 ( (2.89)
La largeur Doppler (Δν)D , qui est la demi-largeur à demi-hauteur, est donnée par :
T 7 νo (2.90) (Δ ν)D = 3,58 × 10 Mmol Quand la pression est élevée, les collisions entre les molécules dominent et chaque collision interrompt le processus d’absorption. La raie a alors une forme lorentzienne, sa largeur étant proportionnelle à p et dépendant de la
2. Notions physiques de base
69
nature des interactions (électriques) entre les molécules de gaz : # Δν 1 νo S(ν, νo ) = π ν (ν − νo )2 + (Δ ν)2
(2.91)
Aux pressions très élevées, le signal devient asymétrique et il faut alors utiliser le profil de Van Vleck-Weisskopf : # 1 νo Δν Δν + (2.92) S(ν, νo ) = π ν (ν − νo )2 + (Δ ν)2 (ν + νo )2 + (Δ ν)2 Un ordre de grandeur typique de l’élargissement collisionnel est de quelques MHz/Torr (soit quelques dizaines de kHz/Pa)19 . Dans la région intermédiaire des pressions moyennes où les deux effets (Doppler et collisions) sont du même ordre de grandeur, la forme de raie est une convolution entre les formes lorentzienne et gaussienne. Elle est appelée forme de Voigt. Il n’existe pas d’équation analytique de la forme de raie, elle doit être calculée numériquement.
de CO).
Fig. 2.7 – Une transition de rotation de l’ozone, O3 , pour différentes pressions totales, la pression partielle d’ozone étant constante. On voit que l’intensité du signal décroît et que la largeur croît avec la pression totale.
Intensité des transitions L’intensité d’une transition de rotation est proportionnelle au carré du moment dipolaire p . Plus précisément, le phénomène d’absorption obéit à la loi de Beer-Lambert (2.24). On peut montrer que le coefficient d’absorption α de la transition est proportionnel à : α∝ 19
1 Torr = 133,322 Pa.
ν 3 N 2 − kERT p e B T 2 Δν
(2.93)
70
Optoélectronique térahertz
N est le nombre de molécules absorbantes. Quelques remarques : – Δν est proportionnel à la pression, donc à N . De ce fait, N intervient au numérateur et au dénominateur, et le coefficient d’absorption (c’est-àdire l’intensité) ne dépend pas du nombre de molécules. C’est la surface du pic d’absorption qui en dépend ; – α croît comme le cube de la fréquence ν, donc les signaux les plus intenses se trouvent généralement en haute fréquence (THz). Toutefois cet accroissement est limité par le terme exponentiel de Boltzmann −
ER
(e kB T ) qui est négligeable aux basses fréquences (J faible) mais qui devient prépondérant aux très hautes fréquences. En résumé, l’intensité croît d’abord rapidement avec la fréquence, passe par un maximum à √ νopt (GHz) ≈ 11 B T + 2B (avec B constante de rotation exprimée en GHz) puis décroît exponentiellement (figure (2.8)).
Fig. 2.8 – Intensité des transitions de rotation du propyne en fonction de la fréquence.
Limitations Un spectre de rotation ne s’observe que si les molécules sont en phase gazeuse, sous faible pression. C’est une limitation importante de la spectroscopie de rotation. Toutefois, il est possible d’obtenir la plupart des molécules en phase gazeuse, soit en chauffant l’échantillon, soit par ablation laser. Le spectre de rotation de nombreuses substances, normalement solides, a pu être mesuré, par exemple les sels, les oxydes métalliques, les acides aminés... (figure (2.9)). Une deuxième limitation vient de la taille de la molécule. Si elle est très lourde, son spectre devient trop peu intense, l’intensité totale étant
71
Intensité [a.u.]
2. Notions physiques de base
Fréquence [MHz]
Fig. 2.9 – Spectre de NaCl au voisinage de 0,480 THz : transition entre les états de rotation J = 36 et J = 37 (nν = 0). répartie sur un nombre gigantesque de transitions. De plus, au-dessus de la fréquence νopt , l’intensité des transitions décroît exponentiellement. Pour ces raisons, l’observation des spectres de rotation est limitée à des molécules de masse inférieure à environ 300 uma. De plus, la partie submillimétrique du spectre de rotation est surtout utile pour des molécules légères. Avantages du THz Spectroscopie de rotation Lorsqu’on analyse un spectre de rotation, la précision de la plupart des paramètres moléculaires augmente avec la fréquence maximale observée νM . Par exemple, la précision de la constante de rotation B est une fonction linéaire de νM . De même, la précision de 3 . Il est donc la constante de distorsion centrifuge D est une fonction de νM important de mesurer des fréquences aussi élevées que possible lorsque l’on veut obtenir des paramètres précis, soit en vue d’une prévision du spectre, soit pour tester la théorie (la précision des calculs ab initio par exemple). Par ailleurs, certains effets ne deviennent visibles que pour des fréquences élevées : c’est le cas notamment du dédoublement K des transitions des molécules sy5 . Certaines molécules très légères, les métriques qui est proportionnel à νM hydrures en particulier, ont un spectre de rotation uniquement dans le domaine submillimétrique. En effet, la transition de plus basse fréquence (νm ) correspond à J = 0, soit νm = 2 B. En outre, le maximum d’absorption des spectres de rotation de molécules pas trop lourdes√se trouve dans le domaine submillimétrique (à la fréquence νopt (GHz) ≈ 11 B T + 2B).
72
Optoélectronique térahertz
Spectroscopie de vibration La fréquence d’un mode d’élongation est en général caractéristique de la liaison et est, de ce fait, utilisée pour identifier cette liaison dans une molécule, voire pour identifier la molécule elle-même. La plupart des fréquences de vibration se trouvent dans le domaine infrarouge mais certaines vibrations sont dans le domaine THz. C’est le cas en particulier des vibrations faisant intervenir des liaisons faibles (liaison hydrogène) ou un mouvement de torsion (déplacement d’ensemble d’une partie de la molécule par rapport au reste). Ces vibrations « THz » se rencontrent en particulier dans les molécules biologiques, les molécules polycycliques et, plus généralement, les grosses molécules. Elles sont particulièrement intéressantes car elle permettent d’étudier les liaisons faibles (notamment de déterminer leur « solidité »). De plus, elles sont beaucoup plus caractéristiques d’une molécule donnée que les vibrations qui se trouvent dans l’infrarouge, elles permettent donc de l’identifier avec plus de sûreté. L’intensité d’une transition de vibration est proportionnelle au nombre de molécules absorbantes et au carré de la variation du moment dipolaire induite par la vibration. Les transitions correspondant à une vibration de torsion sont en général peu intenses, donc difficiles à observer. De plus, en phase solide, le spectre est compliqué par les vibrations du réseau. Les intervalles entre les niveaux d’énergie de rotation et de vibration sont très différents. En première approximation, les deux types de mouvement peuvent être considérés comme indépendants. L’énergie de vibration-rotation d’une molécule est simplement la somme des énergies et chaque spectre de vibration présente une structure fine de rotation en phase gazeuse (figure (2.10)).
Fig. 2.10 – Spectre de vibration de l’éthylène, H2 C = CH2 , dans le domaine THz (transitions entre les niveaux ν7 = 1 et ν8 = 1).
2. Notions physiques de base
2.3.7
73
Interaction lumière-liquide
Dans un liquide, l’interaction avec un faisceau lumineux aux photons de faible énergie comme dans l’infrarouge lointain met en jeu les dipôles moléculaires (si les molécules du liquide en possèdent un), les mouvements d’orientation des chromophores des molécules et les collisions entre molécules. Dans le cas des liquides polaires, l’interaction dipolaire entre chaque molécule et le faisceau électromagnétique est prépondérante. Ce champ tend à aligner mécaniquement les dipôles moléculaires, la relaxation trouvant son origine dans les collisions entre molécules du liquide (modèle de Debye). Ce processus de relaxation prend quelques picosecondes (environ 6 ps dans CHCl4 [42]). Dans les cas réels, plusieurs processus contribuent à la relaxation de Debye, comme la diffusion des excitations rotationelles, mais aussi des mouvements collectifs de plusieurs molécules [42]. L’absorption des ondes THz par les liquides polaires est donc très forte, en particulier celle de l’eau (300∼600 cm−1 dans la gamme 0,5-2,5 THz [43]). Chaque raie d’absorption individuelle des molécules est fortement élargie spectralement par les collisions pour prendre la forme d’une lorentzienne. Dans le cas des liquides non polaires, les molécules ne portent pas de moment électrique permanent. L’absorption de rayonnement THz, qui est très faible (quelques cm−1 ), est alors due aux dipôles transitoires induits lors des collisions entre molécules. Les temps de relaxation sont sub-picosecondes, typiquement de l’ordre de 0,5 ps pour le cyclohexane et de 0,2 ps pour le benzène [44].
2.3.8
Interaction lumière-solide
Dans le solide, en plus des excitations individuelles de chaque atome ou molécule, se produisent des excitations de phénomènes collectifs dont la nature dépend du solide éclairé [45]. La description exacte du comportement électromagnétique du solide demande une étude quantique, comme celle de la théorie des bandes. Cependant, dans beaucoup de cas, une simple étude classique permet de retrouver approximativement les résultats de la mécanique quantique. Métaux et plasmas Dans un métal, les électrons périphériques sont en grande partie ionisés quelle que soit la température, et ils se déplacent facilement dans la structure immobile formée par les atomes ionisés. La théorie des bandes nous indique que c’est le cas lorsque les électrons les plus énergétiques remplissent incomplètement les bandes d’énergie (nombre impair d’électrons périphériques par maille du cristal). Le comportement électromagnétique de ces électrons, situés dans la bande de conduction du cristal, est assez bien décrit par des modèles simples, comme celui de Drude.
74
Optoélectronique térahertz
Modèle de Drude Le modèle de Drude est celui d’un gaz d’électrons libres emprisonné dans le matériau et dont l’interaction avec le métal est décrite sous forme de chocs aléatoires entre ces électrons et des défauts ou des phonons dans le métal. L’interaction entre les électrons libres et la structure cristalline immobile, chargée positivement car ionisée, est nulle. Le mouvement des électrons est déterminé à l’aide du principe fondamental de la dynamique, les électrons étant soumis à la force de Coulomb induite par le champ électrique de l’onde électromagnétique, les chocs aléatoires se traduisant par une force de frottement visqueux : m
d2 r o ejωt − m d r = −e E 2 dt τ dt
(2.94)
où r est le déplacement de l’électron par rapport à sa position d’équilibre et τ est le temps entre 2 collisions. Seule la dépendance temporelle du champ est considérée, c’est-à-dire que l’on se place dans l’hypothèse où le déplacement de l’électron est faible devant la longueur d’onde, ce qui est équivalent à écrire que la vitesse de l’électron est faible devant c. En prenant une solution temporelle oscillante pour r, on obtient l’amplitude r o du déplacement : ro =
E e o mω ω− j
(2.95)
τ
On en déduit la polarisation P du matériau, et donc sa constante diélectrique ε, en supposant que le déplacement de chaque électron induit un dipôle dans le métal, puisque l’endroit qu’il laisse vaquant en se déplaçant est chargé positivement par la contribution de la structure cristalline : ej ω t Ne e2 E o ej ω t o = εo χ E P = −Ne e ro ej ω t = − m ω ω− j τ ⇒
εr = 1 + χ = 1 −
1 Ne e2 εo m ω ω − j
(2.96)
(2.97)
τ
Ne est la densité volumique d’électrons libres. On tient compte de la contribution des ions et des électrons liés en écrivant que εr = ε∞ pour les pulsations e2 . L’expresélevées. De plus, on définit la pulsation plasma par ωp2 = Nεoem sion de la constante diélectrique du métal prend alors une forme très simple (figure (2.11)) : ωp2 (2.98) εr = ε∞ − ω ω − τj Pour les métaux nobles, Ne est de l’ordre de 1022 électrons/cm3 , leurs fréquences plasma se situent dans le proche ultraviolet (pour l’argent,
Constante diélectrique
2. Notions physiques de base
10
6
10
5
10
4
10
3
10
2
10
1
10
75
- partie réelle partie imaginaire
0
1
2
10 10 fréquence en THz
3
10
Fig. 2.11 – Dispersion de la constante diélectrique de l’aluminium, d’après [46]. sont de l’ordre λp ≈ 0,33 μm). Les temps de collision à température ambiante ) de quelques dizaines de femtosecondes. Pour ω > ωp √εo , la partie réelle de εr est positive (dans l’approximation des faibles pertes 1/τ ≈ 0), l’indice de réfraction du métal est parfaitement défini : le métal présente alors un) comportement diélectrique et il est transparent. En revanche pour ω < ωp √ε∞ , la partie réelle de εr est négative, l’indice de réfraction est complexe, avec une très forte partie imaginaire. Dans le visible, le modèle de Drude ne rend compte qu’approximativement de la réponse des métaux, car les transitions intrabandes contribuent fortement à cette réponse ; de plus, au voisinage de la fréquence plasma, il est nécessaire de tenir compte de la non-localité de la réponse électronique. C’est aussi vrai pour les semi-conducteurs dopés, dont la contribution des électrons libres dans le visible et le proche infrarouge est souvent cachée par la transition entre bandes de valence et de conduction. En revanche, dans le domaine THz, le modèle de Drude donne une très bonne description de la constante diélectrique des métaux et des semi-conducteurs dopés, sauf au voisinage des fréquences des phonons. Les métaux se comportent alors comme des conducteurs pratiquement parfaits. En effet, reprenons l’exemple de l’argent, pour lequel λp = 0,14 μm (νp = 0,9 × 1015 Hz). À la fréquence de 1 THz, r ≈ −4,5 × 106 et donc l’indice de réfraction est imaginaire (n + j κ ≈ j 2 × 103 ). L’onde THz ne pénètre presque pas dans le métal qui joue le rôle d’un miroir. Cet effet est dû à la réponse des électrons libres qui oscillent sans difficulté à la fréquence du champ excitateur. D’un point de vue pratique, les ondes THz ne seront pas ou seront peu transmises au travers de matériaux possédant des charges libres.
76
Optoélectronique térahertz Métal Al Co Cu Au Fe Pb Mo Ni Pd Pt Ag Ti V W
λp en μm 0,08 0,31 0,17 0,14 0,30 0,17 0,17 0,25 0,23 0,24 0,14 0,49 0,24 0,19
τ en ps 0,80 1,80 7,25 2,47 3,61 0,33 1,29 1,51 4,28 0,95 3,66 1,39 1,08 1,09
Tab. 2.3 – Longueur d’onde plasma et temps de collision de quelques métaux d’après [46]. Plasmons Dans le cas simple où l’on oublie les collisions (τ → ∞) et la contribution des ions et des électrons liés (ε∞ = 1), la constante diélectrique du métal ou du plasma s’annule pour ω = ωp . On peut montrer que l’excitation correspondante du gaz d’électrons est une oscillation longitudinale. On peut décrire ce phénomène de la façon suivante : prenons une plaque métallique d’épaisseur limitée et d’extension latérale très grande, formée d’un arrangement homogène d’ions chargés positivement, qui sont baignés par un gaz électronique homogène. Les densités de charges négatives et positives sont égales, si bien que le milieu est électriquement neutre. Si l’on déplace en bloc les électrons perpendiculairement à la plaque, on verra apparaître une densité surfacique négative d’un côté de la plaque, et donc positive de l’autre côté, puisque les atomes positifs sont immobiles. Le champ induit s’oppose au déplacement des charges et conduit à l’oscillation du parallélépipède négatif par rapport à celui positif, à la fréquence ωp . Il n’y a dans ce cas plus d’onde de déplacement des électrons, puisque le déplacement des charges est global. Cela explique que la vitesse de l’onde pour la fréquence plasma soit infinie (εr = 0 dans (2.97)). Le plasmon est le quantum d’énergie associée à l’onde longitudinale de plasma. Si la fréquence plasma des métaux est située dans l’ultraviolet, celle des semi-conducteurs dopés est dans l’infrarouge lointain. ω Ainsi, un dopage de 1014 cm−3 correspond à fp = 2πp ≈ 1 THz. Plasmons de surface Lorsque le déplacement de l’électron par rapport à sa position moyenne reste confiné au voisinage de la surface d’un métal, le plasmon est appelé plasmon de surface. Il correspond à la propagation
2. Notions physiques de base
77
d’une onde de densité de charge le long de la surface du matériau, à l’image de la propagation d’une vague à la surface de l’eau. Le déplacement des électrons est principalement perpendiculaire à la surface et à la direction de propagation de l’onde. Le champ électrique associé à ce déplacement est donc perpendiculaire à la surface et, en conséquence, le champ magnétique est dans le plan de la surface : le plasmon de surface est polarisé transverse magnétique (TM)20 . Ses propriétés de propagation peuvent être décrites à l’aide des équations de Maxwell, en résolvant le problème homogène d’ondes électromagnétiques interagissant avec un dioptre. On montre que le plasmon de surface correspond à une onde TM, comme nous l’avions intuité, qui se propage uniquement le long d’un dioptre séparant 2 milieux 1 et 2 dont le produit des constantes diélectriques est négatif (ε1 ε2 < 0). La composante de son vecteur d’onde le long de la surface est :
ω ε1ε2 (2.99) kSP = c ε1 + ε2 Dans le cas de métaux parfaits (modèle de Drude) placés dans l’air, la relation de dispersion du plasmon s’écrit : * ω 2 − ωp2 ω (2.100) kSP = c 2ω 2 − ωp2 ω
La courbe de dispersion du plasmon présente une bande interdite entre √p2 et ωp , dont l’origine est le croisement entre la courbe de dispersion de la lumière et la fréquence plasma du métal (figure (2.12)). Le quantum d’énergie correspondant au fort couplage entre photon et plasmon de volume est dénommé polariton. Pour la branche inférieure (plasmon de surface), kSP est plus grand que le vecteur d’onde d’une onde plane se propageant dans le milieu 1 ou le milieu 2. Par conséquent, la composante, normale à la surface, du vecteur d’onde du plasmon est imaginaire. Le champ électromagnétique du plasmon est évanescent dans les deux milieux voisins. Pour les métaux nobles, la pulsation plasma est dans le proche UV, donc kSP est pratiquement égal à 1 dans l’infrarouge lointain : ! " 2ω 2 ω 1+ 2 (2.101) kSP ≈ c ωp Le plasmon pénètre peu dans le métal, mais s’étend sur plusieurs centimètres dans l’air. La profondeur de décroissance dans l’air vaut : * ωp2 c 2− 2 (2.102) dSP = ω ω 20
Dans les ouvrages anglo-saxons, on note la polarisation TM avec « p » (p-polarization, de l’allemand parralel ) et la polarisation TE avec un « s » (s-polarization, de l’allemand senkrecht qui veut dire perpendiculaire).
78
Optoélectronique térahertz
fréquence en THz
2 1,5 1 0,5 0 0
50 100 150 −1 vecteur d’onde k (cm )
200
SP
Fig. 2.12 – Courbe de dispersion des plasmons de surface (modèle du métal parfait) pour un semi-conducteur dopé à 10−14 cm−1 (fp = 1 THz). Le plasmon de surface est donc une onde guidée. Son excitation à l’aide d’un faisceau électromagnétique peut se faire par l’extrémité de l’échantillon, ou en utilisant des coupleurs (réseau de diffraction ou prismes en configuration de réflexion totale atténuée), ou bien en profitant de la diffraction par une rugosité répartie ou par une protubérance localisée.
Diélectriques Dans les diélectriques, les électrons périphériques restent liés aux atomes, il n’existe donc pas de charges libres. L’excitation électromagnétique induit une déformation du nuage électronique des atomes ou molécules qui conduit à l’apparition d’un dipôle électrique sur chaque atome ou molécule.
Modèle de Lorentz Une méthode classique, due à Lorentz, considère que l’électron est maintenant retenu à l’atome par un ressort de constante de rappel k. Nous retrouvons un modèle très semblable à celui que nous avons utilisé pour calculer la polarisabilité des molécules (équation (2.60)). Ce modèle suppose donc que l’électron périphérique sensible au champ électromagnétique baigne dans un potentiel atomique de type parabolique, comme celui de Lennard-Jones. On écrit : m
d2 r o ej ω t − k r = −e E dt2
(2.103)
2. Notions physiques de base
79
La suite du calcul est identique à celui de la méthode de Drude. On obtient : εr = ε∞ −
1 Ne e2 A = ε∞ − 2 2 2 εo m ω − ωo ω − ωo2
(2.104)
k où la pulsation de résonance est définie par ωo2 = m . Le calcul exact du dipôle atomique induit requiert la mécanique quantique, qui donne un résultat très proche de l’expression (2.104) :
εr = ε∞ −
Ne e2 Fi 2 − ω2 εo m ω oi i
(2.105)
Chaque pulsation ωoi correspond à une transition entre deux états énergétiques de l’atome ou de la molécule. La probabilité d’occurrence des transitions est proportionnelle à Fi , force d’oscillateur de la transition. Dans un solide diélectrique, les seules excitations individuelles d’atomes ou molécules sont les transitions entre 2 états électroniques, dont les énergies sont de l’ordre de l’électron-volt. Dans l’infrarouge lointain, la contribution de ces transitions est complètement négligeable, donc la constante diélectrique est constante sur toute la bande fréquentielle. De plus, les relations de KramersKronig conduisent à une absence d’absorption. Le modèle de Lorentz ne tient pas compte des excitations collectives dans le solide. Ces excitations sont des phonons ou des magnons, les autres résonances du matériau, par exemple de type piézoélectrique, se produisant à plus basse fréquence (kHz-MHz). Phonons Les phonons sont les quanta d’énergie de vibration collective des atomes et molécules dans les solides. L’énergie d’un mode de vibration élastique de pulsation ω est : 1 ¯ω En (ω) = (n + ) h 2
(2.106)
où n est le nombre de phonons occupant le mode. Un modèle classique simple permet de déterminer leur courbe de dispersion ω(k) (figure (2.13)). On décrit les atomes par des corpuscules de masse m et leur énergie potentielle d’interaction varie en r −2 , où r est le déplacement de l’atome par rapport à sa position d’équilibre. En d’autres termes, la somme du potentiel de répulsion (par exemple potentiel de Lennard-Jones) des nuages électroniques lorsque les atomes se rapprochent et de celui d’attraction en cas d’éloignement des atomes (de type van der Waals, ionique, covalent...) se développe au premier ordre en r −2 . On a l’habitude d’assimiler ce potentiel à celui d’un ressort obéissant à la loi de Hooke de constante de raideur C. Pour un cristal constitué d’un seul type d’atome, on obtient pour un modèle à une dimension en se limitant à l’interaction entre plus proches voisins : ! " C 2 2 ka (2.107) ω = 4 sin m 2
80
Optoélectronique térahertz
fréquence en THz
6 5 4 3 2 1 0 0
0,7 1,4 2,1 7 −1 vecteur d’onde k (x 10 cm )
2,8
Fig. 2.13 – Courbe théorique de dispersion des phonons pour NaCl. où a est la distance interatomique et k est le module du vecteur d’onde. Les phonons peuvent correspondre à des vibrations des atomes qui sont perpendiculaires à la direction de propagation (phonons transversaux T) ou qui sont dans le sens de propagation (phonons longitudinaux L). Dans le cas d’un cristal bi-atomique formé d’atomes de masse m1 et m2 (de masse réduite M ), la relation de dispersion se dédouble : ⎡ 1 ± ω2 = C ⎣ M
*
⎤ sin2 (ka) ⎦ 1 −4 M2 m1 m2
(2.108)
Les phonons aux plus hautes fréquences (signe + dans (2.108)) sont appelés phonons optiques (LO ou TO suivant qu’ils sont longitudinaux ou transverses). Pour les faibles valeurs du vecteur d’onde(infrarouge lointain), la
pulsation des phonons optiques tend21 vers ω T = 2μC et le mouvement de 2 atomes voisins est en opposition de phase, comme celui d’un cristal biatomique ionique (par exemple Na+ Cl− ) éclairé par une onde optique. Le champ électrique de cette onde, de longueur d’onde beaucoup plus grande que la maille cristalline, accélère les cations et anions dans des directions opposées. Les phonons à plus basses fréquences (signe − dans (2.108)) sont les phonons acoustiques, le mouvement d’un plan réticulaire d’atomes à basse fréquence ressemblant à celui d’une surface vibrante. 21
Cela explique que, bien que les phonons optiques présentent une courbe de dispersion continue à travers la première zone de Brillouin, on observe dans l’infrarouge un seul pic d’absorption par type de phonon à la pulsation ω T (voir figure (2.14)).
81
2,22
12
2,2
10
2,18
8
2,16
6
2,14
4
2,12
2 0 0
1
2
3 4 5 Fréquence (THz)
6
−1
2,1
Coefficient d'absorption (cm )
Indice de réfraction
2. Notions physiques de base
7
Fig. 2.14 – Dispersion de l’indice de réfraction et du coefficient d’absorption (ordinaires) du quartz cristallin à température ambiante (d’après [47]). Au premier ordre, seuls les phonons optiques seront excités par une onde électromagnétique, et ce phénomène ne se produit que dans les cristaux ioniques (tableau (2.4)). L’excitation de phonons acoustiques par voie optique nécessite l’excitation simultanée de plusieurs phonons : on observe cette absorption multi-phononique dans tout type de cristaux. Notons enfin que la présence de défauts permet l’excitation de phonons acoustiques ou optiques dans tout matériau. Dans le cas des phonons optiques excités dans les cristaux ioniques, on détermine le mouvement des atomes induit par l’onde électroma ej ω t dans l’équation gnétique en introduisant la force de Coulomb F = −e E de la dynamique décrite plus haut. Puis on obtient la constante diélectrique du milieu par l’intermédiaire du calcul de la polarisation, de manière semblable à celle décrite pour le modèle de Drude (relation (2.96)). On obtient : εr = ε∞ +
N e2 M εo (ωT2 − ω 2 )
(2.109)
Phénomènes magnétiques Les phénomènes magnétiques que nous traiterons ici sont de deux ordres : soit ils résultent de la réponse du milieu à une excitation magnétique, soit ils apparaissent dans des milieux magnétiques. est appliqué à un Fréquence cyclotron Lorsqu’un champ magnétique B milieu dans lequel sont présentes des charges libres (électrons et/ou trous), ces dernières sont soumises à la force de Lorentz : F = q v × B
(2.110)
82
Optoélectronique térahertz Cristal AgCl CdTe NaCl InSb ZnTe ZnSe GaAs InP ZnO
fT = 2πωT en THz 3,09 4,50 4,92 5,21 5,70 6,45 8,00 9,12 12,40
λT en μm 97,10 66,60 61,00 57,60 52,60 46,50 37,50 32,90 24,20
Tab. 2.4 – Fréquence des phonons optiques de quelques cristaux. En résolvant l’équation fondamentale de la dynamique dans le cas du régime stationnaire, on montre que les charges décrivent un mouvement circulaire à la pulsation cyclotron ωc , dont l’axe de rotation est la direction du champ magnétique : ωc = q
B B =⇒ fc = 28,3 GHz/Tesla mef f mef f
(2.111)
mef f est la masse effective des charges. Le tableau (2.5) donne les valeurs des masses effectives des électrons de plusieurs cristaux, et leurs fréquences cyclotron par unité de champ magnétique appliqué. Semi-conducteur GaAs GaSb InAs InSb
meff /mo 0,070 0,047 0,026 0,015
fc (THz) pour 1 Tesla 0,404 0,602 1,088 1,887
Tab. 2.5 – Masse effective des électrons et leur fréquence cyclotron pour quelques semi-conducteurs.
Magnons Dans un matériau ferromagnétique, l’aimantation résulte de l’orientation ordonnée des moments magnétiques des atomes et des électrons. Ces spins peuvent être excités de telle façon que l’extrémité du vecteur spin tourne autour de sa direction à l’état fondamental (phénomène de précession). Dans un matériau ferromagnétique, cette excitation peut se propager d’atome en atome. Ces oscillations propagatives de l’orientation des spins du matériau sont appelées onde de spin, et leur quantum d’énergie est le magnon. La courbe de dispersion + des magnons est calculée à partir de l’éner p+1 , J étant l’intégrale d’échange) entre p · S S gie d’interaction (U = −2J p
2. Notions physiques de base
83
p+1 des atomes voisins p et p + 1 du milieu aimanté : p et S les 2 spins S ' hω = 2J S Z − ¯
( cos( k · rn )
(2.112)
n
où Z est le nombre d’atomes voisins proches en interaction, et rn est le vecteur qui relie chacun de ces voisins à l’atome central. Pour les faibles valeurs de k, cette relation prend l’expression approchée ¯h ω = 2 J S a2 k2 = D k2 , où D vaut respectivement 281, 364 et 500 meV·A2 pour le fer, le nickel et le cobalt. La courbe de dispersion ω( k) des magnons est généralement déterminée par diffusion de neutrons dans les gammes de 0 à quelques THz [48]. Effets magnétiques photo-induits Un faisceau lumineux permet de modifier les propriétés magnétiques d’un matériau grâce à l’excitation optique de porteurs. Dans les métaux, l’excitation de niveaux excités des atomes portant un moment magnétique, tels que Fe3+ , résulte dans des phénomènes de variation de l’aimantation qui est très rapide (de l’ordre de la ps, par exemple dans le nickel [49]). L’excitation optique de semi-conducteurs nonmagnétiques ou magnétiques, tels InMnAs, conduit à des non-linéarités optiques dont l’origine est l’excitation du plasma électron-trou, plasma mettant en jeu le ferromagnétisme, la structure de bande, les vibrations du réseau, des excitons... Les dynamiques de la population des spins des charges libres ainsi que la population des porteurs elle-même contribuent à ces non-linéarités optiques. Dans les matériaux semi-conducteurs magnétiques, tels InMnAs, le magnétisme du matériau ordonne l’orientation des spins des électrons libres photo-excités. Cet ordre est maintenu pendant plusieurs ps, puis disparaît sous l’effet des collisions ou du piégeage des charges [50]. Des résultats semblables sont observés dans des semi-conducteurs non magnétiques, où les spins électroniques sont orientés par l’application d’un champ magnétique extérieur [51]. Ces observations stimulent actuellement beaucoup de recherches pour mettre au point de l’électronique basée sur le spin (spintronics) à très haute fréquence (THz). La mesure de telles non-linéarités magnéto-optiques est généralement effectuée avec des techniques MOKE (magneto-optical Kerr effect ) [49, 52], c’est-à-dire en enregistrant la rotation de polarisation d’un faisceau lumineux réfléchi par l’échantillon, la résolution temporelle picoseconde étant atteinte grâce à des méthodes pompe-sonde. Supraconducteurs La supraconductivité trouve son origine dans la déformation du réseau cristallin induite par le champ électrique d’une charge libre par l’intermédiaire des phonons. Cette déformation crée une zone chargée positivement
84
Optoélectronique térahertz
autour de la charge, qui piège une seconde charge libre. Cette paire d’électrons, appelée paire de Cooper, se comporte alors comme un boson qui n’interagit pratiquement pas avec le réseau cristallin. L’application d’un champ électrique déplace sans difficulté les paires de Cooper, résultant dans une conductivité infinie pour le matériau supraconducteur. L’énergie de couplage des paires de Cooper est très faible, la théorie BCS donnant exactement : ECooper = 3,5 kBTc ⇒ fCooper (T Hz) = 0,073 Tc
(2.113)
Tc est la température critique du matériau, au-dessus de laquelle la supraconductivité disparaît. Les supraconducteurs à basse température critique se comportent donc comme des conducteurs idéaux lorsqu’ils sont soumis à des champs de fréquences inférieures à quelques centaines de GHz. À plus hautes fréquences, les paires de Cooper sont brisées et le matériau devient résistif. La durée pendant laquelle les électrons sont séparés avant de réformer une paire de Cooper peut être aussi brève que quelques ps dans les supra-conducteurs à haute Tc [53]. Il est donc possible d’utiliser les supra-conducteurs pour fabriquer des photocommutateurs dédiés à la génération et à la détection de rayonnement THz.
2.3.9
Photogénération dans les semi-conducteurs
La génération de porteurs dans des semi-conducteurs est un phénomène complexe aux applications technologiques multiples au premier plan desquelles la détection de la lumière, et, dans le domaine THz, les émetteurs et détecteurs à photocommutation. Pour les applications THz, comme nous l’avons déjà vu, des événements de durée picoseconde sont mis en jeu, et il faudra donc synthétiser et utiliser des semi-conducteurs dont les porteurs photogénérés ont une durée de vie aussi courte. Principes de base Dans un semi-conducteur intrinsèque (non dopé) à température nulle, les états d’énergie de la bande de valence sont complètement remplis alors que ceux de la bande de conduction sont vides. À température non nulle, une faible partie des électrons peuvent atteindre la bande de conduction grâce à l’énergie thermique, en suivant la statistique de Fermi-Dirac. Lorsque le semiconducteur est dopé n, la densité d’électrons de conduction est augmentée grâce aux atomes dopants qui peuvent être ionisés par effet thermique. Les électrons de la bande de conduction peuvent se déplacer librement dans le semi-conducteur : ce sont eux qui forment le courant électrique qui traverse le semi-conducteur soumis à une différence de potentiel. Les électrons de valence, liés à leurs atomes, ne contribuent qu’au courant de déplacement, qui traduit la polarisation du nuage atomique sous l’action d’un champ électrique variable.
2. Notions physiques de base
85
Lorsque le semi-conducteur est éclairé, les photons du faisceau lumineux interagissent avec les électrons des bandes de valence et de conduction (ce dernier cas, que nous n’étudierons pas ici, correspond au phénomène d’absorption par les porteurs libres (free carrier absorption) qui porte ces porteurs à une haute énergie dans la bande de conduction (hot carriers)). On peut traiter l’interaction photon-électron de valence comme un choc entre particules pendant lequel l’énergie et sa quantité de mouvement sont conservées. Dans le cas à une dimension, ces lois de conservation s’écrivent : & Ephoton + Ek = Ek (2.114) h kphoton + h ¯ ¯k = h ¯ k où k et k , et Ek et Ek , sont les vecteurs d’onde et les énergies de l’électron avant et après l’absorption du photon. La quantité de mouvement du photon ¯h kphoton (≈ 10−8 eV·m/s pour des photons visibles) est négligeable par rapport à celle de l’électron. L’absorption de la lumière se fait donc à vecteur d’onde constant (ce qui n’est plus vrai quand des phonons interviennent dans le processus, qui est alors moins probable que celui d’absorption directe) : & hν + Ek = Ek (2.115) k = k La figure (2.15) montre les diagrammes énergétiques des processus les plus communs de photo-excitation d’électrons libres. Le processus le plus rencontré est l’absorption bande à bande qui est très efficace. Lorsque les faisceaux lumineux sont très intenses, l’absorption multiphotonique est observée, principalement à 2 photons (TPA). Pour que l’absorption bande à bande se produise, la conservation de l’énergie (2.115) impose que l’énergie des photons incidents soit supérieure à celle Egap de la bande interdite. Les semi-conducteurs sont donc transparents pour les longueurs d’onde supérieures à celle λgap de la bande interdite dont les valeurs pour quelques semi-conducteurs communs sont données dans le tableau (2.6). Semi-conducteur λgap Énergie du « gap » Mobilité Hall (e− ) μm eV cm2 /V/s GaAs 0,87 1,42 8 500 InP 0,92 1,35 4 600 Si 1,10 1,12 1 450 InAs 3,43 0,36 33 000 InSb 7,28 0,17 80 000 Tab. 2.6 – Bande interdite et mobilité Hall des électrons de quelques semiconducteurs.
86
Optoélectronique térahertz
BC e-
BC e-
BC e-
t+ BV
t+ BV
t+ BV
hn
absorption bande à bande
absorption depuis un défaut
absorption à 2 photons
Fig. 2.15 – Principaux processus de photogénération d’électrons libres dans un semi-conducteur. Les porteurs excités restent statistiquement libres pendant une durée appelée temps de vie. La désexcitation de ces porteurs libres, c’est-à-dire le gel de leur position dans le cristal par perte d’énergie cinétique, se fait par recombinaison électron-trou, ou bien par piégeage par des impuretés ou défauts. Dans le cas de la recombinaison électron-trou, il faut trouver dans le matériau un électron libre et un trou capable d’accueillir l’électron. La probabilité de recombinaison est proportionnelle au produit des densités n d’électrons et p de trous. L’équation de la dynamique des porteurs, écrite ici pour les électrons, prend la forme : dn = g(t) − σ n(t) p(t) (2.116) dt où g(t) est le taux de génération des électrons libres. Généralement, le nombre de trous est élevé et peut être considéré comme ne variant pas dans les interactions optoélectroniques (ce n’est pas vrai dans le cas de l’illumination sous très faible intensité de nano-structures). On écrit alors l’équation de dynamique des porteurs sous la forme simple : n(t) dn = g(t) − (2.117) dt τ où τ est le temps de vie des électrons libres. Un traitement plus rigoureux de la dynamique des porteurs doit aussi tenir compte des phénomènes de diffusion (les porteurs de même espèce se repoussent par répulsion coulombienne) et de conduction si un champ électrique est appliqué. Dans le cas à 3 dimensions, l’expression (2.117) devient : n(t, r) dn(t, r) r) (2.118) = g(t, r) − + ∇ D ∇n(t, r) + ∇ μ n(t, r) E(t, dt τ où r est le vecteur position, D est le coefficient de diffusion, μ est la mobilité des porteurs.
2. Notions physiques de base
87
Quelques propriétés photoélectriques Les semi-conducteurs utilisés pour la photocommutation doivent présenter les propriétés suivantes : – temps de vie des porteurs libres très court pour atteindre le domaine des fréquences THz. Cette propriété est obtenue grâce à de nombreux pièges à électrons apportés par des défauts introduits lors de la synthèse du matériau. Ces pièges sont soit des défauts stœchiométriques (par exemple excès d’arsenic ionisé dans GaAs épitaxié à basse température (LT-GaAs)), soit structuraux (dans le cas de GaAs bombardé par des protons, ou bien de silicium déposé sur saphir (SOS)). Le modèle de recombinaison par les pièges de Schockley-Read-Hall indique que le temps de vie des porteurs libres est proportionnel au temps moyen mis par une charge pour parcourir la distance moyenne entre 2 pièges : τ=
1 σ Ntrap vth
(2.119)
où σ est la section efficace de piégeage, Ntrap est la densité de pièges, et vth est la vitesse thermique des charges. Pour LT-GaAs, Ntrap peut être ajusté dans la fourchette 1016 ∼ 1019 cm−3 , conduisant à des temps de vie s’étendant de la dizaine de ps à moins que 100 fs ; – grande mobilité des porteurs libres pour produire des courants intenses. La mobilité des charges libres, déterminée statistiquement par l’occurrence des chocs entre charges et défauts ou phonons, est donc inversement proportionnelle premièrement à la racine carrée de la masse effective des charges –à cause de l’excitation des phonons optiques–, ce qui favorise l’emploi de semi-conducteurs III-V ou II-VI dans ces applications, deuxièmement à la densité d’impuretés, et donc requiert des cristaux très purs ; – haute résistivité hors éclairement. Dans un modèle de bandes paraboliques, cette résistivité est définie par l’expression :
" ! EF − EG 1 3 2πmkB T (2.120) ≈ ndark = 2 exp ρdark h2 kB T La présence de porteurs libres dans la bande de conduction est à éviter pour atteindre une haute résistivité, ce qui exclu les matériaux dopés, et rend difficile l’obtention de bonnes performances avec des semi-conducteurs à petit « gap » ((EF − EG ) faible). Il faut aussi tenir compte de la conductivité par saut (hopping) par effet tunnel des charges piégées d’un piège à l’autre dans le cas des matériaux ultrarapides, qui est, dans le modèle de Mott, proportionnelle à la densité de pièges ; – tension de claquage élevée. Le claquage est souvent lié à un phénomène d’avalanche dans le semi-conducteur résultant de l’ionisation des
88
Optoélectronique térahertz atomes sous l’impact des électrons libres fortement accélérés. Pour GaAs, le claquage se produit pour des champs de l’ordre de la centaine de kV/cm.
2.4
Lasers femtosecondes
Le rôle crucial, dans le renouveau des études de l’infrarouge lointain, qu’ont joué les lasers délivrant des impulsions lumineuses de durée femtoseconde justifie pleinement que la fin de ce chapitre sur les principes physiques de base soit consacrée à la description de ces lasers.
2.4.1
Lasers à modes bloqués
Le fonctionnement de la grande majorité des lasers s’appuie sur l’obtention d’une inversion de population dans un milieu actif, ce milieu étant alors capable d’amplifier la puissance d’un faisceau lumineux le traversant. En plaçant ce milieu dans un résonateur optique, par exemple de type cavité de Fabry-Pérot, on forme un oscillateur optique grâce à la contre-réaction apportée par la cavité. La cavité Fabry-Pérot possède des modes électromagnétiques propres, qui correspondent à une répartition quantifiée du champ électromagnétique au sein de la cavité qui trouve son origine dans les conditions aux limites de la cavité. En considérant ici le cas simplifié d’une cavité à une dimension (on suppose donc que la cavité est monomode transverse), la fréquence de chaque mode longitudinal de la cavité s’écrit : fn = n
c 2L
(2.121)
où n est le numéro du mode et L est la longueur optique de la cavité22 . Seules les ondes de fréquence fn peuvent se propager dans la cavité. La largeur spectrale Δf d’un mode est proportionnelle aux pertes de la cavité (absorption et fuite à travers les miroirs). Le spectre lumineux d’un rayonnement laser est donc constitué par le peigne des fréquences propres de la cavité multiplié par la réponse spectrale G(f ) du gain du milieu actif. Son champ électrique Elaser du faisceau laser s’écrit : Elaser =
n
j(2 π fn t+φn )
G(fn ) e
+∞ = G(f ) ej(2 π f t+φ(f )) δ(fn ) df
(2.122)
0
où φn est la phase de chaque mode n, et δ(f ) est la fonction de Dirac. L’intégrale peut être prolongée jusqu’à −∞ puisque G(f ) = 0 en dehors de la bande spectrale du gain du milieu actif. Cette intégrale est donc la 22
La longueur optique est l’intégrale du produit indice de réfraction par longueur géométrique.
2. Notions physiques de base
89
transformée de Fourier inverse de G(f ) ej φ(f ) δ(fn ). Si la phase φn varie de façon aléatoire d’un mode à l’autre, l’intensité du faisceau laser est bruyante. En revanche, cette expression (2.122) prend une forme simple si les phases de tous les modes sont identiques (φn = φ, ∀ n) : Elaser = ej φ
+∞ G(f )δ(fn ) ej 2 π f t df ∝ T F −1 [G(f )δ(fn )] 0
˜ ⊗ δ(tn ) = T F −1 G(f ) ⊗ T F −1 δ(fn ) = G(t)
(2.123)
˜ est la transformée de Fourier où ⊗ représente le produit de convolution, G(t) inverse de la courbe spectrale de gain, et tn = n 2cL . Le faisceau laser est donc constitué d’une répétition d’impulsions lumineuses de période de récurrence 2L c , égal à 2 fois le temps d’aller-retour de la lumière dans la cavité, et dont la forme temporelle est donnée par la transformée de Fourier inverse de la courbe de gain. Le laser fonctionne alors en régime de modes bloqués (modelocked en anglais). En première approximation, la durée des impulsions est égale à l’inverse de la largeur spectrale de la courbe de gain. Pour un laser Ti:Sa, la largeur spectrale du gain est d’environ 100 THz, qui laisse espérer des impulsions de durée aussi courtes que 10 fs.
2.4.2
Mise en phase des modes
Actuellement, une technique de mise en phase des modes a pris le dessus sur d’autres méthodes, comme la modulation intracavité ou l’autotransparence induite dans des absorbants saturables liquides. Cette technique, appelée KLM (pour Kerr lens modelocking) ou quelque fois « magic mode locking » car découverte par hasard et initialement inexpliquée, est basée sur l’effet Kerr optique dans le milieu actif, par exemple un barreau de saphir dopé avec du titane. Dans un tel milieu, l’indice de réfraction augmente légèrement sous forte illumination optique. Le barreau se comporte alors comme une lentille convergente pour les hautes puissances optiques. Il suffit alors de placer un diaphragme au point focal de cette lentille auto-induite. Le diaphragme stoppera en partie les rayons non focalisés qui sont majoritaires à basse puissance optique. Le régime impulsionnel, produisant de fortes puissances crêtes, sera donc favorisé au détriment d’un fonctionnement en continu. Notons que le fonctionnement impulsionnel est auto-entretenu lorsqu’il a démarré (soit sur le bruit de fond, soit aidé par un élément perturbateur) : il s’agit ici d’une mise en phase passive des modes. D’autres méthodes de mise en phase des modes sont aussi proposées, comme l’autotransparence d’une couche semi-conductrice par génération de porteurs dans des miroirs de type Bragg (système SESAM), ou bien la rotation de polarisation autoinduite dans les lasers à fibre.
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Chapitre 3
Composants pour le régime impulsionnel 3.1 3.1.1
Lasers femtosecondes Introduction
On sait produire artificiellement des rayonnements électromagnétiques impulsionnels depuis les travaux de Heinrich Hertz en 1888. Il utilisait pour cela une source de haute tension qui chargeait un « résonateur » constitué d’un fil ayant une petite coupure en son centre. Lorsque la différence de potentiel était suffisante, une étincelle s’amorçait dans la coupure ce qui provoquait une brutale augmentation du courant dans le fil suivie de quelques oscillations amorties. Le spectre émis par cette source s’étendait jusqu’à quelques dizaines de MHz. Cette célèbre expérience permit de confirmer l’exactitude de la théorie électromagnétique de Maxwell, en particulier son résultat principal qui est la propagation dans le vide des ondes électromagnétiques à la vitesse de 300 000 km/s. La première classe des procédés utilisés pour produire des impulsions THz est directement issue de l’expérience de Hertz. Si l’on arrive par un moyen quelconque à produire dans un matériau une variation de courant sur une échelle de temps voisine ou inférieure à la picoseconde, un rayonnement électromagnétique ayant un spectre de quelques centaines de GHz à quelques THz pourra être émis. Nous nous limiterons ici aux méthodes optoélectroniques utilisées pour produire cette variation de courant. Elles mettent en jeu des matériaux semi-conducteurs particuliers, au temps de réponse ultrabrefs, ainsi que des lasers impulsionnels dont la durée des flashs est extrêmement courte, typiquement de 50 à 500 fs. La deuxième classe de procédés s’appuie sur les effets d’optique nonlinéaire découverts dans les années 1960. Ici, on utilise également des lasers femtosecondes mais ceux-ci ne servent pas à générer des porteurs de charges
94
Optoélectronique térahertz
libres comme on en trouve dans les semi-conducteurs et les conducteurs. Les impulsions de lumière perturbent les nuages électroniques des atomes de cristaux transparents. Cette perturbation donne lieu à une polarisation moyenne du cristal qui dure le temps de l’impulsion. Comme nous allons le montrer, cette rapide variation de polarisation permet également de rayonner un champ électromagnétique ayant un spectre s’étendant sur plusieurs THz. Avant d’étudier les composants utilisés pour la génération proprement dite, nous allons tout d’abord présenter le principe des sources optiques femtosecondes ainsi que les matériaux semi-conducteurs utilisés et leur fabrication. Nous aborderons ensuite les deux techniques de génération et enfin nous terminerons par les techniques de détection, qui, elles aussi, se répartissent en deux familles.
3.1.2
Génération d’impulsions laser femtosecondes
Le développement des sources optiques « femtoseconde » a été initialement motivé par le besoin d’améliorer notre perception de la dynamique de la nature, celle-ci étant ultimement limitée par la résolution temporelle des instruments de mesure dont nous disposons. Avec les obturateurs mécaniques, la résolution typique est milliseconde, alors que les illuminations stroboscopiques permettent d’abaisser cette résolution à la gamme des microsecondes. Les oscilloscopes électroniques à échantillonnage modernes repoussent cette limite jusqu’à des gammes aussi courtes que la picoseconde. Cependant, dans la nature, de nombreux phénomènes sont régis par des dynamiques dont les échelles de temps sont encore bien plus courtes1 , et c’est pourquoi le développement d’outils encore plus rapides a fait l’objet de nombreux travaux scientifiques depuis quarante ans. Ce sont les lasers impulsionnels qui ont fait reculer la résolution temporelle des systèmes de mesure de trois ordres de grandeurs supplémentaires jusqu’à des gammes de temps inférieures à la dizaine de femtosecondes. Grâce à ces avancées, il est aujourd’hui possible de suivre les dynamiques des molécules vibrationelles [54], le mouvement d’un électron sur un état atomique excité [55] ou encore d’émettre des impulsions dans la gamme de fréquence térahertz [56, 57]. Nous avons également significativement amélioré notre connaissance sur la photosynthèse et la vision. De plus, des développements technologiques nouveaux ont pu émerger tels que les systèmes d’échantillonnage électro-optique [58] qui permettent d’évaluer les performances temporelles ultimes des composants électroniques. Enfin, l’extrême concentration en énergie de ces impulsions lasers a fait naître un domaine entier de l’optique, l’optique non linéaire. En 1960, six ans après l’invention du premier laser, De Maria et ses collaborateurs [59] ont produit les premières impulsions lasers ultracourtes de 1
Typiquement, le temps de réalisation d’une réaction chimique simple (par exemple oxygène + hydrogène = eau) est de l’ordre de la picoseconde, tandis que le temps d’excitation du cortège électronique d’un atome est de quelques femtosecondes.
3. Composants pour le régime impulsionnel
95
durée typique de quelques picosecondes. Depuis, les progrès spectaculaires de la technologie ont permis de générer des impulsions de plus en plus courtes, diminuant d’environ un facteur deux tous les trois ans [60]. Les impulsions les plus brèves émises actuellement par les lasers incorporant les derniers perfectionnements sont de durée proche de 5 fs pour une longueur d’onde d’émission λ = 780 nm [61], et après compression, atteignent des durées aussi courtes que 3,4 fs [62]. On atteint là une limite fondamentale, car la période d’oscillation de ce rayonnement est T = λ/c = 2,6 fs, ce qui signifie que les champs électrique et magnétique n’effectuent que deux oscillations dans l’enveloppe de l’impulsion. Pour franchir « la barrière » femtoseconde, il est nécessaire d’utiliser un rayonnement de longueur d’onde beaucoup plus courte, c’est-àdire appartenant au domaine de l’ultraviolet extrême. Il n’existe pas encore de laser dans cette gamme spectrale. Ce sont de nouvelles sources basées sur la génération d’harmoniques élevées qui ont récemment permis de franchir la barrière de la femtoseconde, ouvrant ainsi le domaine de l’attoseconde (1 attoseconde = 10−18 s) au monde de la recherche [63].
3.1.3
Blocage de modes
Rappelons que le laser (light amplification by stimulated emission of radiation) est un générateur de rayonnement cohérent par émission stimulée constitué principalement d’un milieu amplificateur placé dans une cavité optique. Une fraction de la lumière circulant dans la cavité est couplée vers l’extérieur par un miroir de sortie partiellement transparent. Le laser opère si le gain du milieu amplificateur est supérieur aux pertes introduites par la cavité optique et par le couplage (c’est la condition de seuil pour l’établissement de l’oscillation laser). Le gain du milieu amplificateur dépend de la fréquence optique et son étendue spectrale varie suivant le milieu considéré. Dans un laser, les fréquences d’oscillation permises se situent dans la bande spectrale où la condition d’oscillation laser est vérifiée, et sont déterminées par la géométrie de la cavité optique qui impose l’existence d’un certain nombre des fréquences discrètes (modes). Ces fréquences sont déterminées par le fait que, dans la cavité optique, le champ électrique doit se répéter à l’identique après un tour dans la cavité optique. Pour de nombreux lasers, la largeur spectrale du milieu amplificateur recouvre un très grand nombre de modes imposés par la géométrie, la lumière délivrée étant alors multimode. Lorsque les modes permis oscillent de manière indépendante, c’est-à-dire qu’ils présentent une phase aléatoire entre eux, l’émission de lumière est continue et fluctue en intensité à cause des interférences entre les différents modes. Il est cependant possible de manipuler les phases des différents modes pour obtenir une émission particulièrement intéressante : une impulsion de lumière [64]. Pour créer une impulsion laser femtoseconde, il faut alors réussir à combiner les modes autorisés de fréquences voisines, de manière à ce qu’ils
96
Optoélectronique térahertz
s’ajoutent de façon constructive à un instant donné et de façon destructive aux autres instants. Il faut asservir rigoureusement les phases des différents modes individuels, c’est-à-dire les « bloquer en phase » de telle sorte qu’ils présentent une relation de phase fixe entre eux et bien définie. Le temps, pendant lequel les interférences restent constructives, définit la durée de l’impulsion et dépend de l’écart entre les composantes de plus grande et de plus petite fréquence : plus la différence maximum de fréquences est grande, plus vite vont se manifester les interférences destructives entre les composantes spectrales, faisant tendre vers zéro l’amplitude du champ en dehors du maximum de l’impulsion. On retrouve ainsi une loi générale de l’analyse de Fourier, liant la durée minimale à l’inverse de la largeur spectrale. Le spectre d’une impulsion ultracourte couvre ainsi une gamme de fréquences très large. Il faut combiner jusqu’à plusieurs centaines de milliers de modes pour créer des impulsions de quelques femtosecondes. Le blocage en phase des modes du laser peut s’obtenir en imposant que les pertes optiques soient plus importantes lorsque les modes ne présentent pas la bonne relation de phase : il s’agit de favoriser le fonctionnement impulsionnel [65]. Deux méthodes sont principalement employées pour effectuer ce type de blocage de modes. La première consiste à placer dans la cavité optique un élément actif comme un modulateur optique, on parle alors de « blocage de mode actif », la seconde consiste à placer un élément non linéaire passif comme un absorbant saturable, on parle alors de « blocage de mode passif » [66]. Blocage de mode actif Supposons qu’un modulateur d’amplitude soit placé à l’intérieur de la cavité optique et que la période de modulation soit précisément ajustée au temps d’un aller-retour de la lumière dans la cavité optique. Une impulsion optique peut alors traverser le modulateur lorsque que les pertes introduites par celui-ci sont minimales alors qu’il y a une atténuation de toutes radiations qui n’arrivent pas au moment du pic de transmission de la modulation. Le laser oscille donc sous forme d’une impulsion courte qui circule dans la cavité optique et qui passe à travers le modulateur à chaque tour, précisément à l’instant où les pertes introduites par le modulateur sont minimales comme illustré sur la figure (3.1). Il existe un large choix de modulateurs électro-optiques ou acousto-optiques performants pour effectuer la modulation d’amplitude intracavité. Cette forme de modulation intracavité représente la forme la plus commune du blocage de mode actif, dans lequel le processus de formation d’impulsion est contrôlé et synchronisé par la fréquence de modulation appliquée. Plus la durée de l’impulsion qui circule dans la cavité est réduite, moins les pertes qu’elle voit en passant à travers le modulateur sont importantes, et ce jusqu’à ce que la durée de l’impulsion devienne plus courte que la période de
3. Composants pour le régime impulsionnel
97 ~
a)
Gain M1
f=c/2L
Modulateur
M2
L
b) Pertes Gain saturé
I(t) Intensité des impulsions 0
T=1/f 2T
3T
Temps
Fig. 3.1 – a) Schéma d’un résonateur laser qui fonctionne en régime de blocage de mode actif. L est la longueur optique de la cavité. Le miroir M1 couple la lumière avec l’extérieur et le miroir M2 possède une très haute réflectivité. Un signal électronique externe est appliqué au modulateur d’amplitude. b) Description dans le domaine temporel du blocage de mode actif. Le taux de répétition des impulsions est donné par le temps mis par l’impulsion pour parcourir un tour de la cavité optique. la modulation. Il en découle que le spectre de l’impulsion s’élargit et comprend donc plus de modes. La largeur spectrale de l’impulsion s’approche alors de la largeur spectrale du gain du milieu amplificateur. La durée d’impulsion limite pour un laser à blocage de mode actif résulte donc en général d’un compromis entre les effets d’affinement de la durée d’impulsion du modulateur intracavité et les effets d’affinement spectral du milieu à gain du laser. Blocage de mode passif La deuxième méthode très utilisée pour effectuer le blocage de mode et ainsi générer des impulsions courtes est de placer un élément ou une cellule à absorption saturable dans la cavité optique du laser. Un absorbant saturable peut être tout type de matériau –solide, solution liquide ou gaz– pour lequel l’absorption optique est constante à faible intensité mais diminue et sature lorsque l’intensité du laser augmente. Ainsi l’absorbant saturable joue le rôle d’un interrupteur de lumière commandé par la puissance lumineuse dans la cavité. L’absorbant saturable reçoit en permanence la lumière, constituée de très nombreux modes (fréquences). Parmi tous ces modes, seuls ceux qui vibrent en phase (c’est-à-dire ceux dont l’intensité est maximale au même
98
Optoélectronique térahertz
instant) ont ensemble une intensité suffisante pour saturer les pertes optiques de l’absorbant et le traverser (car leurs amplitudes s’ajoutent). Ainsi le gain du milieu amplificateur est supérieur aux pertes (figure (3.2)). Les autres modes s’opposent partiellement entre eux et peuvent même parfois se détruire. La somme algébrique de leurs intensités est alors trop faible pour saturer l’absorbant et ces modes sont absorbés. a)
Gain
A.S. L
M1
M2
b) Pertes
Gain saturé
I(t) Intensité des impulsions 0
T=1/f
2T
3T
Temps
Fig. 3.2 – a) Schéma d’un résonateur laser qui fonctionne en régime de blocage de mode passif. Le miroir M1 couple la lumière avec l’extérieur et le miroir M2 possède une très haute réflectivité. Un absorbant saturable (AS) est utilisé pour obtenir une automodulation d’amplitude de la lumière à l’intérieur de la cavité optique. b) Description dans le domaine temporel du blocage de mode passif. Le taux de répétition des impulsions est donné par le temps mis par l’impulsion pour parcourir un aller-retour dans la cavité optique. Des approches alternatives qui reposent sur l’utilisation d’absorbants saturables dit « artificiels » sont également mises en œuvre. Par exemple, des lasers à blocage de modes passifs reposent sur la conjonction d’une nonlinéarité de type Kerr [7] dans le milieu amplificateur associée à une fente de sélection spatiale qui joue le rôle d’absorbant saturable artificiel. L’effet Kerr est une variation de l’indice de réfraction avec l’intensité dans la cavité. Lorsque l’intensité dans la cavité et donc dans le milieu à gain est importante, c’est-à-dire lorsque les modes vibrent en phase, la non-linéarité de l’indice de réfraction se traduit par un effet de lentille convergente qui « autofocalise » les rayons lumineux et ainsi réduit l’étendue spatiale du faisceau. Le diamètre du faisceau est donc plus petit en régime impulsionnel qu’en régime continu. Si l’on place une fente dans la cavité dont l’ouverture est plus petite que le diamètre du faisceau en régime continu, mais supérieure à celui du faisceau en régime impulsionnel, elle introduit davantage de pertes en régime continu
3. Composants pour le régime impulsionnel
99
et peu en régime impulsionnel. Le fonctionnement en régime impulsionnel est alors favorisé. Dans les lasers à blocage de modes passifs, l’effet de modulation est produit par l’impulsion laser elle-même ce qui veut dire que la modulation reste toujours parfaitement synchronisée avec l’impulsion qui circule dans la cavité optique et que l’effet de modulation peut devenir plus fort et plus rapide au fur et à mesure que l’impulsion devient plus courte. Il en résulte que généralement le blocage de mode passif conduit à des impulsions significativement plus courtes que celles obtenues avec le blocage de mode actif.
3.1.4
Principaux lasers femtosecondes
Nous présentons dans cette section les principaux lasers femtosecondes utilisés dans les applications optoélectroniques THz. Le laser à saphir dopé titane (Ti:Sa) Le laser femtoseconde le plus couramment utilisé est le laser solide à saphir dopé au titane (Ti:Sa). Le cristal de saphir dopé avec l’ion titane présente entre autres propriétés une très large bande d’émission entre 700 nm et 1 100 nm. L’absorption du matériau étant « dans le vert », ce type de laser Ti:Sa doit être pompé par un laser argon refroidi par eau ou un laser à solide doublé en fréquence (532 nm) de quelques watts (minimum 2 W). Le mécanisme de blocage de mode de ce laser femtoseconde repose sur l’autofocalisation par effet Kerr. Ce type de laser détient le record des impulsions les plus courtes, de durée 3,4 fs [62]. Le laser standard Ti:Sa à blocage de mode passif est largement disponible dans le commerce (Coherent, Spectra Physics...) et délivre des impulsions de durée typiques allant de valeurs inférieures à 10 fs (Femtolasers2 ) jusqu’à plusieurs ps, l’énergie des impulsions, qui dépend de leur durée, s’étendant typiquement de la dizaine de pJ à quelques nJ. Le laser Ti:Sa peut être mis en série avec un amplificateur régénératif pour augmenter significativement l’énergie des impulsions et atteindre ainsi des énergies de l’ordre du mJ. Le laser à gain dopé à l’ytterbium Une nouvelle génération de lasers femtosecondes pompés par diodes se développe depuis quelques années. Il s’agit de lasers solides qui s’appuient sur de nouveaux milieux à gain dopés à l’ytterbium [67]. La structure spectroscopique des matériaux dopés à l’ytterbium est adaptée au pompage par diodes, ce qui permet de s’affranchir des lasers de pompe dans le vert utilisés pour les lasers Ti:Sa. Il en résulte un encombrement moindre et un coût significativement réduit. De plus, ces lasers solides délivrent des énergies de sortie jusqu’à 20 fois plus importantes que celles délivrées par les lasers Ti:Sa conventionnels [68]. Les modèles commerciaux les plus récents (par exemple de la société Amplitude Systèmes) 2
www.femtolasers.com
100
Optoélectronique térahertz
présentent des durées de 200 fs à 500 fs pour une énergie par impulsion de 20 nJ jusqu’à 500 nJ respectivement. La longueur d’onde d’émission se situe autour de 1 060 nm. Le laser à fibre Le développement de la technologie dite fibrée a favorisé l’émergence de lasers à fibre femtosecondes [69]. Ce sont des références en termes de compacité et de facilité d’emploi. Ils présentent également un faible coût comparé à l’ensemble des lasers solides. Les lasers qui sont conçus autour d’une technologie de fibres monomodes dopées Erbium (Calmar Optcom, IMRA) présentent une bande spectrale d’émission accordable autour de 1 535 nm à 1 560 nm, la longueur d’onde centrale des systèmes de télécommunication longue distance. Un absorbant saturable à semi-conducteur est présent dans la cavité optique pour réaliser le blocage de mode passif et des impulsions de durées typiques de 100 fs [70] sont ainsi délivrées. Les énergies des impulsions étant intrinsèquement faibles (autour de la dizaine de pJ), des amplificateurs à fibre sont ajoutés en sortie du laser afin d’atteindre des énergies par impulsion de l’ordre du nanojoule. De nombreux domaines de recherche et d’application bénéficient du développement des sources optiques femtosecondes. Ces lasers sont notamment au cœur des systèmes optoélectroniques qui mettent en jeu des impulsions THz.
3.2
3.2.1
Matériaux semi-conducteurs pour l’impulsionnel Recombinaison des paires électrons-trous
Le principe d’un photocommutateur est relativement simple : il suffit de disposer d’un semi-conducteur de bande interdite adaptée à la longueur d’onde du laser impulsionnel utilisé et de réaliser sur celui-ci deux électrodes pour appliquer une polarisation. En éclairant l’espace inter-électrodes, on rend le matériau conducteur et on ferme ainsi le circuit électrique. Cependant, une fois les paires électrons-trous créées en grand nombre dans le semiconducteur par une impulsion optique, le matériau doit revenir dans son état initial (isolant) avant la prochaine impulsion. Sinon, on assiste à une augmentation considérable du nombre de porteurs moyens et à une diminution de la photomodulation du courant, et donc à une diminution de la puissance THz émise. D’autre part, le photocourant deviendrait tellement intense que le semi-conducteur supporterait difficilement la dissipation thermique associée. Il est donc nécessaire que ces porteurs de charge se recombinent en un temps inférieur à la période de répétition des impulsions laser. Par ailleurs, comme nous le verrons, le temps de vie des porteurs joue un rôle crucial dans la détection photoconductrice des impulsions THz. Ainsi, un matériau
3. Composants pour le régime impulsionnel
101
semi-conducteur optimisé pour la photocommutation picoseconde doit présenter une haute résistivité hors éclairement (pour obtenir des signaux contrastés), des porteurs au temps de vie très court (pour obtenir des impulsions de courant très brèves) et à très grande mobilité (pour obtenir des signaux intenses), et enfin une grande tension de claquage (afin de pouvoir appliquer de grandes tensions de polarisation en vue d’augmenter l’amplitude des signaux électriques). La recombinaison d’une paire électron-trou nécessite la libération d’une énergie correspondant à la bande interdite. Dans les semi-conducteurs classiques cette libération d’énergie peut se faire essentiellement suivant deux processus : les recombinaisons radiatives (émission d’un photon) et non radiatives (l’énergie est cédée au réseau cristallin ou à un autre porteur de charge). La recombinaison radiative ne peut s’effectuer qu’à vecteur d’onde constant [31]. On classe les semi-conducteurs en deux catégories : les semiconducteurs à bande interdite directe (GaAs, InP, InAs...) et les semiconducteurs à bande interdite indirecte (Si, Ge, AlAs...). Dans le premier cas, une transition entre le minimum de la bande de conduction et le maximum de la bande de valence est possible à vecteur d’onde constant (transition directe). Les recombinaisons radiatives sont donc relativement efficaces dans ces matériaux, les constantes de temps de recombinaison sont typiquement de quelques nanosecondes. Dans le second cas, la transition directe n’est pas possible et l’absorption d’un phonon est nécessaire, les recombinaisons radiatives sont très peu efficaces, la constante de temps est de l’ordre de la microseconde à la milliseconde suivant la température du cristal. On constate donc que les recombinaisons radiatives ne sont pas assez rapides dans les matériaux usuels pour permettre l’utilisation de lasers femtosecondes ayant des fréquences de répétition de 10 à 100 MHz (période 10 à 100 ns). La solution la plus employée consiste donc à augmenter l’efficacité des recombinaisons non radiatives. On sait depuis les années 1960 que ces recombinaisons sont importantes en présence de défauts dans le cristal semiconducteur. En général, ces défauts ne sont pas désirés dans les composants électroniques ou optoélectroniques. Par exemple, ils réduisent fortement le rendement des lasers à semi-conducteurs. Mais dans le cas des photoconducteurs, ils sont tout à fait nécessaires pour diminuer la durée de vie des porteurs libres. Il faut cependant les introduire dans le cristal semi-conducteur de manière contrôlée et reproductible. Par ailleurs, la mobilité des porteurs doit rester la plus élevée possible afin d’avoir une modulation du courant la plus élevée possible. Il convient donc d’introduire des défauts tout en conservant une grande mobilité, ce qui est problématique puisque les défauts ont tendance à diffuser les porteurs et donc à diminuer leur libre parcours moyen. Deux techniques se sont développées pour parvenir à ce compromis : la croissance à basse température et l’implantation/irradiation ionique.
102
3.2.2
Optoélectronique térahertz
L’épitaxie à basse température des semi-conducteurs III-V
Épitaxie par jets moléculaires L’épitaxie par jets moléculaires (EJM ou MBE en anglais pour molecular beam epitaxy) est une technique utilisée dans le domaine des semiconducteurs pour faire croître des couches cristallines de haute qualité et de quelques μm d’épaisseur sur des substrats monocristallins. Elle consiste à placer le substrat dans une enceinte sous ultra-vide ( 800 nm, l’accord de phase est obtenu à de plus basses fréquences THz. En effet, l’expression de vitesse de groupe au voisinage de λ est : c (3.37) vG = n(λ) − λ ∂∂ nλ Une augmentation de la longueur d’onde a pour conséquence une diminution de la vitesse de groupe, ce qui se traduit par une augmentation de la fréquence THz d’obtention de l’accord de phase. L’évolution de E(z, t) et de E(z, Ω) est présentée sur la figure (3.15). On constate qu’au cours de la propagation dans le cristal, le spectre I(z, Ω) s’affine autour d’une fréquence particulière pour laquelle l’amplitude est maximale. Cette fréquence est celle pour laquelle l’accord de phase est réalisé, ici autour de 1,9 THz à cause de la longueur d’onde qui est de 810 nm. L’amplitude est maximale à cette fréquence parce que le terme sinc (Δ k z/2) est centré autour de cette fréquence. Il a été montré que des impulsions optiques de 10 à 15 fs à 800 nm permettent de générer des impulsions THz pouvant s’étendre jusqu’à 70 THz [133]. Toutefois peu de cristaux offrent réellement des accords de phase dans le gap THz. Génération THz quasi continue utilisant l’optique paramétrique Des ondes THz quasi continues, aux fréquences ajustables, peuvent être générées par diffusion paramétrique de lumière dans des cristaux non linéaires. L’onde pompe, à la fréquence optique ω, génère deux ondes, l’onde
3. Composants pour le régime impulsionnel
131
« signal » et l’onde « idler », de fréquences respectives Ω et ωi . Ce phénomène implique la conservation de l’énergie et du vecteur d’onde des photons impliqués : ω = ωi + Ω, kω = ki + kΩ (3.38) Ainsi, la fréquence THz générée peut être réglée en changeant l’angle d’incidence du faisceau de pompe sur le cristal. Notons que le faisceau « idler » a pratiquement la même fréquence que le faisceau optique de pompe, car la fréquence THz est beaucoup plus faible. L’efficacité de conversion paramétrique est renforcée en plaçant le cristal non linéaire dans une cavité optique, résonante aux fréquences optiques ω et ωi . On emploie généralement des cristaux non linéaires ferro-électriques comme LiNbO3 ou MgO dopé LiNbO3 , dans lesquels le signal THz est exalté par couplage avec les polaritons [134]. Ces cristaux sont pompés par un laser infrarouge (λ = 1,064 μm), délivrant des impulsions « nanoseconde » au taux de répétition de plusieurs Hz et d’énergie 20∼50 mJ. L’enveloppe du signal THz généré a une durée de 3 à 4 ns. Le signal THz oscille à l’échelle de la picoseconde, très courte par rapport à la durée nanoseconde de l’enveloppe, et donc correspond pratiquement à une source continue largement réglable (0,7-3 THz) avec une puissance crête maximum qui pourrait aller jusqu’à 100 mW. Le centre de recherche RIKEN et l’université de Tohoku au Japon sont spécialisés dans ce type de génération THz [135]. prisme Si miroir
ETHz miroir
EI pompe
EP
LiNbO3
Fig. 3.16 – Génération THz par optique paramétrique.
onde THz miroir Q-switched Nd:YAG 35 mJ/pulse 50 pps
miroir
pompe
idler LiNbO3
platine de rotation
Fig. 3.17 – Découplage de l’onde THz avec un réseau de prismes.
132
3.3.3
Optoélectronique térahertz
Comparatif des sources
Comme nous l’avons vu, les sources impulsionnelles THz sont intimement liées aux caractéristiques des lasers utilisés, que ce soit pour la génération par photoconduction, par effet de surface ou par effet non linéaire. Actuellement, les sources lumineuses femtosecondes les plus répandues sont les lasers solides (Ti:Sa) et les lasers à fibre dopée aux terres rares (erbium, néodyme). Si les premiers sont volumineux et coûteux, ils sont néanmoins les plus employés en laboratoire car leurs performances et leur facilité d’utilisation sont remarquables. L’offre commerciale est large avec des durées d’impulsions disponibles allant de 10 à 100 fs et des énergies par impulsion variant de quelques nJ à quelques μJ. Par ailleurs, la longueur d’onde d’émission des oscillateurs Ti:Sa (800 nm) s’accorde bien avec l’utilisation des photocommutateurs performants, réalisés à partir de semi-conducteurs III-V, et des cristaux non linéaires transparents dans le proche infrarouge (ZnTe, GaP). On distinguera deux types de sources THz utilisant des lasers Ti:Sa : les sources à hautes fréquences de répétition (75-100 MHz) et à faible énergie optique par impulsion (nJ), et celles faisant appel aux systèmes optiques amplifiés fonctionnant à des fréquences de répétition voisines de 1 kHz et délivrant 100 à 500 μJ d’énergie optique par impulsion. Les lasers fibrés sont plus compacts et leur puissance moyenne peut atteindre plusieurs watts en faisant appel à des amplificateurs fibrés. Néanmoins, les durées d’impulsions restent de l’ordre de 100 à 150 fs. Mais les longueurs d’onde d’émission (1 à 1,55 μm) excluent l’emploi de photocommutateurs à base de matériaux III-V, c’est pourquoi l’utilisation des effets non linéaires est une voie actuellement très explorée en laboratoire. On trouve également des lasers commerciaux à fibre dopée erbium doublés en fréquence (λ = 750 nm) qui sont compatibles avec les photocommutateurs par exemple en GaAs. Compacts mais encore coûteux et de faible puissance (quelques nJ par impulsion), ils offrent une bonne alternative aux oscillateurs Ti:Sa. À cause de leur encombrement et de leur coût, l’usage de systèmes lasers amplifiés délivrant jusqu’à 500 μJ par impulsion est réservé aux expériences de laboratoires. L’énergie optique disponible permet la mise en jeu de différents procédés de génération THz : effet non linéaire, photoconduction, plasma [136]. Ces différentes méthodes, dont les caractéristiques sont résumées dans le tableau (3.1), ont permis la génération de signaux THz intenses avec des champs électriques crêtes valant jusqu’à 400 kV/cm ou encore des énergies de 1 à 30 nJ par impulsion THz, un objectif important étant de réaliser des systèmes d’imagerie THz monocoup. Ces forts signaux sont pénalisés par leur faible taux de répétition (1 kHz) qui limite la dynamique de mesure à 30 dB. Les sources laser à plus haut taux de répétition (75 à 100 MHz) et à faible puissance moyenne (200 mW à 1 W) permettent d’obtenir des dynamiques de mesure de 60 dB et des rapports signal sur bruit de 35 dB lorsqu’ils
3. Composants pour le régime impulsionnel Méthode de génération
PT Hz
POpt
Effet photoconductif
1 μW
0,4 W
Bande passante utile 3 THz
Effet χ(2)
1 μW
0,2 W
4 THz
Effet plasma
30 μW
0,5 W
7 THz
133 Remarques
Antenne GaAs 3 cm, Vbias = 3 kV [136] Cristal de ZnTe [137] Plasma dans l’air avec Δtopt = 25 fs [138]
Tab. 3.1 – Comparaison des méthodes de génération optoélectronique au taux de répétition de 1 kHz.
sont associés à une émission par effet photoconductif. Malgré des puissances moyennes THz générées de l’ordre du μW, ces dispositifs sont très utilisés pour les expériences de spectroscopie par exemple, d’autant que désormais des antennes émettrices et détectrices sont disponibles commercialement. La faible taille des antennes photoconductrices et donc du point source THz nécessite en général une mise en forme du faisceau THz à l’aide d’une lentille. L’utilisation d’un faisceau optique étendu de quelques mm de diamètre permet une collimation du faisceau THz dès la source ; cette pratique est très simple à mettre en œuvre avec la génération THz par effet de surface. Du point de vue de la bande passante THz, des impulsions optiques de 100 fs donneront des signaux utiles jusqu’à 3 à 5 THz.
La génération très large bande, au-delà de 20 THz, nécessite le recours aux lasers très brefs, dont les durées d’impulsions peuvent être inférieures à 10 fs. Cependant, plusieurs phénomènes limitent les bandes passantes obtenues : dans le cas de la génération par effet non linéaire, c’est l’accord de phase entre l’impulsion optique excitatrice et l’impulsion THz générée qu’il est difficile de maintenir sur une large bande ; dans le cas des antennes photoconductrices, c’est la constante RC des antennes et la durée de vie des porteurs qui imposent une décroissance de 40 dB par décade. Dans tous les cas, les spectres THz obtenus sont chahutés par les raies d’absorption des phonons optiques des matériaux utilisés (par exemple : vers 5,3 THz pour ZnTe, 8,8 THz pour GaAs...). Le tableau (3.2) compare les performances des différentes méthodes utilisées avec des lasers non amplifiés.
134
Optoélectronique térahertz
Méthode de génération
Effet photoconductif
PT Hz
POpt
Bande passante utile 0.1 à 5 à 3 à 100 μW 500 mW 6 THz
Effet de surface
0.01 à 5 μW
200 mW 2 THz
Effet χ(2)
30 nW
30 mW
Effet photoconductif
qq nW
300 mW 20 THz
35 THz
Remarques
Antenne GaAs:Si ou GaAs–BT. Ebias = 1 kV/cm [139] [95] Wafer de GaAs [125], InAs [140] GaAs
Δtopt = 15 f s [133] Antenne GaAs–BT Δtopt = 10 f s [93]
Tab. 3.2 – Comparaison des méthodes de génération optoélectronique à haute fréquence de répétition (∼100 MHz). Les deux dernières lignes font référence à des systèmes très large bande.
3.4 3.4.1
Détection Détection photoconductrice
Dans les systèmes THz optoélectroniques pilotés par un laser impulsionnel, la détection des champs THz par photocommutation est apparue dès le milieu des années 1980. Présentant des performances en sensibilité, bande passante et rapport signal sur bruit remarquables, elle reste une des méthodes de détection les plus répandues. Les mécanismes physiques mis en jeu sont similaires à ceux de l’émission THz par photocommutation à tel point que dans nombre d’expériences, on pourrait intervertir émetteur et détecteur THz. Nous allons voir cependant que l’optimisation de la mesure de champ THz entraîne quelques contraintes pour obtenir un bon rapport signal à bruit, et ces contraintes imposent d’utiliser des matériaux à temps de vie sub-picoseconde tels que ceux décrits dans le paragraphe « Semi-conducteurs ultrarapides ». De telles antennes à base de RD-SOS ou de LTG-GaAs sont désormais disponibles commercialement. Elles permettent de détecter des champs de quelques mV/cm jusqu’à des fréquences de quelques THz. Comme pour l’émission THz, une antenne de détection photoconductrice est composée d’un substrat semi-conducteur isolant sur lequel sont déposées des électrodes métalliques. Pour la plupart des détecteurs, comme représenté sur la figure (3.18), ces électrodes sont simplement deux lignes de transmission parallèles séparées d’une distance L de quelques dizaines de μm et qui présentent localement un resserrement7 de quelques μm. 7
gap en anglais.
3. Composants pour le régime impulsionnel
135
Fig. 3.18 – Géométrie d’une antenne THz de détection. La figure (3.18) présente une géométrie classique de détecteur. Le champ THz incident sur le détecteur est couplé aux lignes qui jouent le rôle d’antennes. En l’absence d’éclairement, l’espace inter-électrodes présente une résistance élevée ROF F de plusieurs MΩ et aucun courant ne parcourt les lignes de transmission : le champ n’est pas détecté. L’illumination de l’espace interélectrodes par une impulsion optique brève va faire chuter la résistance du circuit jusqu’à une valeur minimale RON de quelques dizaines d’ohms et les porteurs photogénérés vont être accélérés par le champ THz. Une impulsion de courant, dont l’amplitude dépend de la valeur du champ THz au moment de l’éclairement, se propage le long des lignes : le champ est échantillonné. Selon la durée de vie des porteurs libres photogénérés au sein de l’espace inter-électrodes, la porte d’échantillonnage va être assimilée à un échelon (durée de vie des porteurs longue) ou à un pic de Dirac (durée de vie très brève). La résolution temporelle de l’échantillonnage (ou bande passante) sera directement dépendante de la brièveté du front montant de la porte qui est déterminée principalement par la durée de l’impulsion laser ; la sensibilité du détecteur dépendra des caractéristiques géométriques de l’antenne et de la mobilité des porteurs libres alors que le rapport signal sur bruit est dépendant de la résistance d’obscurité du dispositif, de la puissance optique utilisée pour déclencher l’échantillonnage et de la durée de la porte d’échantillonnage. Le traitement théorique du fonctionnement des photocommutateurs détecteurs étant proche des émetteurs décrits précédemment, on peut se référer aux mêmes travaux pour une analyse approfondie de leur fonctionnement. Du point de vue de la détection, l’efficacité spectrale d’un photocommutateur tel que celui représenté sur la figure (3.18) est proche de celle d’une antenne dipolaire de longueur L. Si L est de l’ordre de 30 μm, on obtient, en tenant compte de la permittivité élevée du substrat de semi-conducteur, une efficacité maximale pour une résonance en λ/2 autour de f = λc = 2 Lc n ≈ 2 THz. Si l’on souhaite favoriser les fréquences les plus basses (200∼300 GHz), on peut avoir recours à d’autres géométries telles que la configuration en T [141]. La réponse spectrale de l’antenne est à convoluer avec celle liée à la dynamique de photogénération des porteurs, qui dépend de la largeur de l’impulsion optique et de la durée de vie des porteurs. En effet, en reprenant
136
Optoélectronique térahertz
une approche théorique simplifiée issue de [103], la densité de photocourant créée conjointement par le champ THz à détecter et par l’impulsion optique retardée de δt s’écrit : j (t, δt) = Popt (t) ⊗ [n (t) qv (t, δt)]
(3.39)
La vitesse v(t) des porteurs est régie par l’équation de Drude-Lorentz (voir page 74) dans laquelle le champ électrique excitateur est le champ THz. Si celui-ci varie lentement devant le temps de collision des électrons (typiquement tcoll = 20 fs dans GaAs épitaxié à basse température), cette vitesse va tendre exponentiellement vers sa valeur limite v = μ E atteinte approximativement au bout de 3 × tcoll (on pourra, pour simplifier, considérer que cette vitesse est atteinte instantanément). Par ailleurs, dans le cas d’un système THz utilisant un laser à taux de répétition élevé (au moins 1 kHz), l’impulsion de courant qui est synchrone avec l’impulsion THz à mesurer est intégrée par un système électronique lent, telle une détection synchrone. Le courant mesuré en fonction du retard δ t s’écrit alors : ∞ ET HZ (t − δt) n t − t Iopt t dt dt (3.40) j (δt) = −∞
où n(t) représente la réponse impulsionnelle du semi-conducteur (réponse à une excitation optique de type pic de Dirac) et Iopt (t) l’intensité optique. Afin d’illustrer simplement l’influence des paramètres comme la durée de vie des porteurs ou la durée de l’impulsion laser sur la réponse de l’antenne à un champ THz, on traite le cas réaliste où les impulsions optiques présentent une forme gaussienne et le déclin des porteurs est exponentiel, ce qui reste vrai en régime de faible injection optique. La figure (3.19) montre l’intérêt d’avoir recours à des impulsions laser extrêmement brèves pour pouvoir détecter les hautes fréquences : dans la limite habituelle d’une dynamique de mesure de 60 dB, seul le recourt à des impulsions laser inférieures à 100 fs de durée permet de détecter efficacement des fréquences supérieures à 4 THz. Expérimentalement, l’utilisation d’impulsions de 10 fs de durée à permis, avec une antenne de détection en GaAs-BT, de mesurer des signaux jusqu’à 60 THz [93]. Pour les basses fréquences, l’insert de la figure (3.19) montre que le signal est renforcé si l’on utilise un semi-conducteur d’une durée de vie de quelques ps. Cependant cette solution diminue le rapport signal sur bruit comme nous allons le voir. Lors de la détection d’une impulsion THz, le bruit de mesure dépend à la fois du bruit lié à l’émission, du bruit thermique ambiant (rayonnement de corps noir dans le domaine THz) et du bruit lié au détecteur. Ce dernier est essentiellement du bruit blanc thermique (ou bruit Johnson) lié à la résistance équivalente du photocommutateur de détection. En général, les courants débités sont suffisamment faibles pour que le bruit de grenaille (shot noise) reste négligeable [103, 142]. La résistance moyenne équivalente RM oyen
3. Composants pour le régime impulsionnel
137
Δt = 33 fs Δt = 100 fs Δt = 200 fs
Fig. 3.19 – Influence de la largeur de l’impulsion optique sur le spectre détecté pour τ = 500 fs. La courbe en insert montre le spectre obtenu pour τ = 500 fs (trait plein) et τ = 2 ps (pointillés) pour une largeur d’impulsion de 100 fs. du photocommutateur est une moyenne pondérée de la résistance d’obscurité et de la résistance sous éclairement, le facteur de pondération dépendant de la largeur temporelle de la porte d’échantillonnage. Si celle-ci est assimilable à τ , la durée de vie des porteurs, et si l’intervalle temporel entre deux impulsions laser est τrep , la résistance moyenne du photocommutateur est donnée par : # 1 τrep − τ τ 1 = + (3.41) RM oyen τrep ROF F RON Comme le courant proportionnel au champ THz détecté est d’autant plus élevé que RON est faible et que le bruit thermique est inversement proportion1/2 nel à RM oyen , on a intérêt, dans le but d’accroître le rapport signal sur bruit, non pas à réduire RON mais à raccourcir la fenêtre temporelle d’échantillonnage de durée τ et donc à utiliser un semi-conducteur très rapide. L’utilisation d’une porte d’échantillonnage de courte durée réduit également le temps d’intégration du bruit lié au rayonnement du corps noir de l’environnement de mesure qui dépend également de l’impédance de l’antenne. L’importance de ce bruit de fond est d’autant plus grande que l’on souhaite travailler à haute fréquence, la densité spectrale de modes associée au corps noir variant comme le carré de la fréquence. Les autres principaux facteurs de bruit liés à la détection sont dus à la chaîne de détection (bruit de l’amplification du courant mesuré) ou d’acquisition (détection synchrone).
138
Optoélectronique térahertz
En conclusion, dans un système à échantillonnage en temps équivalent fonctionnant avec une fréquence de répétition de l’ordre de 100 MHz, le bruit intégré dans une bande passante de 1 Hz correspond à un courant de l’ordre de 0,1 pA alors que le maximum du champ THz conduit à un courant crête de quelques nA. On obtient ainsi communément un très bon rapport signal sur bruit (en amplitude) supérieur à 103 . C’est cette bonne performance, associée à une mise en œuvre simple, qui fait la popularité des antennes de détection photoconductrices. Leur principal inconvénient reste le recours à un matériau semi-conducteur rapide (GaAs-BT, RD-SOS...) et donc à une technologie peu répandue. Par ailleurs, le diamètre de la zone de focalisation du champ THz dans le plan de détection est en général plus grand d’un ordre de grandeur que la zone active du gap photoconducteur et dépend également de la fréquence, ce qui peut entraîner une dégradation de la réponse spectrale de l’antenne.
3.4.2
Détection par effet électro-optique
Détection par effet Pockels Par rapport à la détection de signaux THz par échantillonnage photoconductif, l’échantillonnage électro-optique (EO) présente a priori l’avantage d’une réponse pratiquement instantanée du matériau. Le principe de la mesure est basé sur une biréfringence additionnelle induite dans un cristal EO par le champ électrique du signal THz. On choisit alors une configuration géométrique telle que cette biréfringence additionnelle induise une rotation de la polarisation d’un faisceau optique qui traverse le cristal. La mesure de cette rotation permet de connaître la valeur du champ THz. Cas simple Supposons que le signal THz et le faisceau optique se propagent tous deux dans le cristal suivant la direction x. Les indices de réfraction associés aux composantes du champ électrique de l’onde optique suivant les axes diélectriques propres y et z sont respectivement ny et nz . En sortie du cristal de longueur L, et pour l’instant en l’absence de champ THz, le champ optique, en notation complexe, s’écrit : & Ey = Eoy cos ωt − ωc ny L (3.42) Ez = Eoz cos ωt − ωc nz L où Eoy et Eoz sont les composantes du champ optique à l’entrée du cristal. On pose alors φ = ωc ny L et Δ = ωc (nz − ny )L. On obtient : & Ey = Eoy cos (ωt − φ) (3.43) Ez = Eoz cos(ωt − φ − Δ)
3. Composants pour le régime impulsionnel
139
En utilisant un simple calcul trigonométrique8 , on élimine (ωt − φ) et on obtient l’équation d’une ellipse : ! " " ! Ey Ez Ey 2 Ez 2 + −2 cos(Δ) = sin2 (Δ) (3.47) Eoy Eoz Eoy Eoz E
y z Posons alors y = Eoy sin(Δ) et z = Eoz Esin(Δ) . L’équation de l’ellipse prend une forme très simple, surtout si l’on emploie une notation matricielle : ! " y 2 2 =1 (3.48) y + z − 2yz cos Δ = y z M z
!
" 1 − cos Δ avec M = . Les axes a et b de l’ellipse sont égaux à − cos Δ 1 l’inverse de 2 fois la racine carrée des valeurs propres de la matrice, et leurs directions sont celles des vecteurs propres : a=
1 2 cos
Δ 2
,
b=
1 Δ ⇒ ξ = tan Δ 2 2 sin 2
(3.49)
π (3.50) 4 où θ est l’angle entre l’axe a de l’ellipse et la direction y, et ξ est l’ellipticité de la polarisation. Notons que, grâce au changement de variables (Ey , Ez → y, z), l’angle θ = π4 est constant quel que soit le déphasage généré par la propagation dans le cristal. En repassant dans l’espace (Ey , Ez ), la dilatation des coordonnées déforme et incline l’ellipse, l’angle d’inclinaison étant alors fonction du déphasage. Bien entendu, si en entrée du cristal Eoy = Eoz , alors θ = π4 est directement l’angle d’inclinaison de la polarisation elliptique tan θ = 1 ⇒ θ =
8
On peut effectuer ce calcul à l’aide du formalisme des matrices de Jones [143]. Pour cela, écrivons le champ optique en notation complexe : ω Ey = Eoy ej(ωt− c ny L) ω (3.44) Ez = Eoz ej(ωt− c nz L) où Eoy et Eoz sont les composantes du champ optique à l’entrée du cristal. On pose alors n +n φ = ωt − ωc y 2 z L et Δ = ωc (ny − nz )L. En sortie du cristal, on obtient : & Δ Ey = Eoy ej(φ− 2 ) (3.45) Δ Ez = Eoz ej(φ+ 2 ) En utilisant le formalisme de Jones [143], où les termes de phase globaux ne sont pas pris en compte car ils n’affectent pas l’état de polarisation, cette dernière expression se récrit plus simplement : " ! " ! Eoy Ey =M (3.46) Ez Eoz Δ e−j 2 0 avec M = étant la matrice de Jones associée au cristal électro-optique. Δ 0 e+j 2
140
Optoélectronique térahertz
par rapport à l’axe y. Sinon, l’angle d’inclinaison θ est tel que tan θ = Eoz /Eoy . En présence du champ THz, l’ellipsoïde des indices du cristal est modifié. Supposons que l’effet électro-optique induise un déphasage supplémentaire δ, très faible devant Δ. Il suffit de reprendre les calculs précédents en remplaçant Δ par Δ + δ. On montre que la direction θ reste inchangée (puisque θ ne dépend pas du déphasage), mais que les axes a et b de l’ellipse varient respectivement de δ a et δ b tels que : δ sin Δ δ δ cos Δ 2 2 (3.51) , δb = ⇒ Δξ = δa = − Δ Δ 2 2 4 sin 2 4 cos 2 2 cos2 ( Δ 2) Mesure de la biréfringence induite Si l’on veut mesurer cette modification d’ellipticité, la méthode la plus simple, et qui conduit aux meilleures sensibilité et linéarité de mesure, consiste à convertir cet état de polarisation elliptique en un état de polarisation rectiligne en plaçant en sortie de cristal une lame quart d’onde dont une ligne neutre est orientée de l’angle θ par rapport à l’axe y. En effet, on rappelle qu’une lame quart d’onde transforme tout état de polarisation elliptique, d’ellipticité ξ et dont les axes sont alignés avec ses lignes neutres, en un état de polarisation rectiligne formant un angle α = arctan ξ = Δ 2 avec ses lignes neutres. Ainsi toute variation d’ellipticité est automatiquement convertie en rotation d’état de polarisation. Pour mesurer à son tour cette rotation d’état de polarisation, on utilise une lame demi-onde pour orienter l’état de polarisation rectiligne ainsi obtenu à 45 degrés des axes d’un prisme de Wollaston, en l’absence de champ THz. Le prisme de Wollaston séparant le faisceau incident en deux faisceaux aux polarisations rectilignes orthogonales, les intensités optiques mesurées sur ces deux voies sont donc identiques et le signal différence détecté est nul en l’absence de tout champ THz. En revanche, lorsqu’un champ THz est appliqué au cristal, une variation d’ellipticité du faisceau optique est induite en sortie de cristal, laquelle va à son tour induire δ une variation d’un angle δα = d( Δ 2 ) = 2 de l’orientation de la polarisation rectiligne en sortie de lame quart d’onde et va déséquilibrer, in fine, les puissances optiques reçues sur les deux voies de détection en sortie du prisme de Wollaston. On utilise deux détecteurs séparés associés à une électronique qui donne la somme et la différence de ces deux signaux, le signal somme permettant de s’affranchir des fluctuations d’intensité du laser. Si S1 et S2 sont les deux signaux délivrés par les détecteurs, on obtient : cos2 ( π4 + δα) − sin2 ( π4 + δα) sin δ δ η(E1 )2 − η(E2 )2 S1 − S2 = ≈ = = π π 2 2 2 2 S1 + S2 η(E1 ) + η(E2 ) 2 2 cos ( 4 + δα) + sin ( 4 + δα) (3.52) où η est le rendement de chaque détecteur. Le signal mesuré est donc proportionnel à la différence de phase induite par l’effet électro-optique en présence de champ THz.
3. Composants pour le régime impulsionnel
141
Calcul de la biréfringente induite par le champ THz L’ellipsoïde des indices en présence du champ THz s’écrit : y2 z2 yz xz xy x2 + + +2 2 +2 2 +2 2 =1 2 2 2 n1 n2 n3 n4 n5 n6
(3.53)
La variation des indices est proportionnelle au champ THz appliqué et s’exprime sous forme tensorielle : 1 1 = 2 +Δ 2 ni noi
!
1 n2i
"
3
1 rij EjT Hz = 2 + noi j=1
(3.54)
où les rij sont les éléments du tenseur électro-optique et les noi sont les indices du cristal en l’absence de champ électrique suivant les 3 axes diélectriques propres du cristal x, y, z (donc no4 = no5 = no6 = 0). Pour calculer le déphasage δ induit par l’effet électro-optique, il faut récrire l’équation (3.53) sous forme matricielle et déterminer la déformation et la réorientation de l’ellipse des indices (intersection de l’ellipsoïde des indices avec le plan d’onde optique) sous l’effet du champ THz appliqué. Une méthode élégante a été proposée par Duvillaret et ses collaborateurs [144] pour résoudre le cas général d’une orientation quelconque du champ THz et du faisceau optique, en introduisant la notion de vecteur sensibilité électro-optique. Considérons ici le cas simple où ondes optique et THz se propagent suivant la direction x dans le cristal. Soit Eoy et Eoz les composantes du champ optique incident, et EyT Hz et EzT Hz les composantes du champ THz. L’équation (3.53), pour laquelle on a x = 0, se récrit : z2 y2 + + EyT Hz r22 y 2 + 2yzr42 + r32 z 2 2 2 no2 no3 + EzT Hz r23 y 2 + 2yzr43 + r33 z 2 = 1 (3.55) Dans le cas d’un cristal cubique (i.e. isotrope) comme ZnTe de symétrie ¯43m, cette configuration expérimentale ne peut donner aucun signal électrooptique car seuls les coefficients r41 = r52 = r63 sont non nuls, or aucun de ces coefficients n’apparaît dans la formule précédente. En effet, pour les cristaux isotropes (pour lesquels la modification de l’ellipsoïde des indices est paradoxalement la plus difficile à calculer), il ne peut y avoir d’effet électrooptique mesurable qu’à la condition que les champs des ondes optique et THz présentent des composantes à la fois selon x, y et z ! Intéressons-nous à des cristaux rhomboédriques de symétrie 3m comme les cristaux ferroélectriques LiNbO3 ou encore LiTaO3 . Compte tenu des seuls éléments non nuls du tenseur électro-optique, l’équation précédente se récrit sous forme
142
Optoélectronique térahertz
matricielle :
y z
1 n2oy
+ r22 EyT Hz + r23 EzT Hz r42 EyT Hz
r42 EyT Hz 1 n2oz
+ r33 EzT Hz
!
y z
" =1
(3.56) Sachant que le coefficient r33 est prépondérant devant les autres éléments du tenseur électro-optique, on a donc tout intérêt à appliquer le champ de l’onde THz selon z. Dans ce cas de figure, la matrice associée à l’ellipsoïde des indices est diagonale : on en déduit par conséquent que les directions des axes diélectriques propres restent inchangées (cela reste vrai en première approximation pour les cristaux anisotropes dans le cas général). Seuls les indices de réfraction ny et nz sont modifiés. Étant donné que la modification des indices propres induite par le champ THz reste faible, on en déduit leur expression sous champ THz : & ny = noy − 12 n3oy r23 EzT Hz (3.57) nz = noz − 12 n3oz r33 EzT Hz Le déphasage δ induit par le signal THz entre les deux composantes du champ optique est donc : 2πEzT Hz L n3oz r33 − n3oy r23 2π (δny − δnz ) L = (3.58) δ= λ λ 2 La détermination expérimentale de δ conduit donc directement à la connaissance de l’amplitude du champ THz. Cas pratique L’échantillonnage électro-optique d’impulsions THz est donc basé sur la mesure d’une biréfringence induite, comme décrit précédemment. D’un point de vue pratique, on superpose les impulsions optique et THz dans le cristal. Il faut alors tenir compte de la différence de vitesse des deux impulsions, comme expliqué dans le paragraphe sur la génération par redressement optique. Ainsi les cristaux présentant les coefficients électro-optiques les plus forts ne seront pas spécialement les plus performants pour l’échantillonnage d’impulsions THz, puisqu’il faut aussi tenir compte de la condition d’accord de phase (vitesse de phase THz = vitesse de groupe optique). Q. Wu et X.-C. Xhang [145] ont ainsi défini un coefficient de mérite η pour chaque cristal électro-optique : 2 n3 rij (3.59) η= √ 1+ où n est l’indice de réfraction pour le faisceau optique, rij est l’élément du tenseur électro-optique mis en jeu, et est la permittivité du cristal dans le
3. Composants pour le régime impulsionnel Cristal ZnTe CdTe GaAs ZnTe DAST
LiTaO3
LiNbO3
Coefficient EO (pm/V) r41 = 4,04 @ 0,633 μm r41 = 4,5 @ 1,0 μm r41 = 1,43 @ 1,150 μm r41 = 4,04 @ 0,633 μm r11 = 160 @ 0,820 μm r33 = 30,5 r13 = 8,4 @ 0,633 μm r33 = 30,9 r51 = 32,6 @ 0,633 μm
n
2,853 @ 0,800 μm 2,84 @ 0,800 μm 3,61 @ 0,886 μm 2,853 @ 0,800 μm no = 2,46 ne = 1,70 @ 0,820 μm no = 2,176 ne = 2,180 @ 0,633 μm no = 2,286 ne = 2,200 @ 0,633 μm
143
10,1
η (pm/V) 51,7
DVG (ps/mm) 1,1
9,4
50,9
0,75
13
24,9
0,015
10,1
51,7
1,1
8 2,9
max 633
1,22
1,2 = 41 3 = 43
max 87,2
14,1
1,2 = 43 3 = 28
max 110
14,2
Tab. 3.3 – Caractéristiques des principaux cristaux électro-optiques pour l’échantillonnage d’impulsions THz (d’après [145]). domaine THz, qui, sauf au voisinage des résonances phononiques, est pratiquement égale à sa valeur statique. Le tableau (3.3) donne les paramètres des principaux cristaux utilisés en échantillonnage électro-optique d’impulsions THz. Typiquement, pour atteindre les très hautes fréquences supérieures à la dizaine de THz, la dispersion entre les propriétés optique et THz du cristal limitent son épaisseur à des valeurs très faibles (la dizaine de μm pour ZnTe). Pour caractériser des spectres classiques (35 THz), on peut choisir des cristaux plus épais (2-3 mm pour ZnTe), augmentant dans la même proportion la valeur du signal détecté. Une comparaison détaillée de la détection d’impulsions THz par antennes photoconductrices et par effet électro-optique a été réalisée par Y. Cai et ses collaborateurs [115]. Pour les fréquences inférieures à 3 THz, le détecteur à antenne est le plus sensible et le moins bruyant pour de faibles fréquences de répétition. À hautes fréquences de répétition (supérieures à 1 MHz), les deux techniques montrent des performances équivalentes. Un facteur limitatif important dans le domaine THz est l’excitation de phonons optiques, qui se traduit par une forte absorption du rayonnement THz aux fréquences correspondantes. Ces fréquences sont données dans le tableau (2.4) (page 82). Pour les signaux THz ultracourts dont le spectre dépasse 4 THz et s’étend jusqu’à quelques dizaines de THz, la détection électro-optique ne permettra pas une mesure globale de l’ensemble
144
Optoélectronique térahertz
des composantes spectrales. Ainsi, un cristal de GaAs montre une forte absorption à 8 THz, et ZnTe à 5,31 THz. L’effet le plus spectaculaire est sans doute dans le DAST [146], qui possède des coefficients électro-optiques gigantesques, mais dont les phonons apparaissent à « basse » fréquence (1,13, 1,50 et 2,28 THz suivant les 3 directions principales du cristal), limitant énormément l’emploi de ce matériau pour la détection électro-optique dans le domaine THz. Détection par effet Franz-Keldysh Intérêt pour la détection des THz Les semi-conducteurs possèdent une propriété optique très particulière : celle d’être très opaques lorsque les photons ont une énergie supérieure à la valeur de la bande interdite (création de paires électrons-trous). Leur spectre d’absorption présente donc un flanc très abrupt autour de l’énergie de bande interdite. La présence d’un champ électrique modifie ce flanc d’absorption. Cet effet appelé effet Franz-Keldysh (EFK) peut être utilisé comme l’effet Pockels pour échantillonner un champ électrique variant très rapidement jusqu’à des échelles de temps sub-picosecondes. Son principal intérêt est d’être présent dans les semi-conducteurs classiquement utilisés en micro-électronique III-V (GaAs et InP) et ceci, pour des longueurs d’ondes compatibles avec le laser Ti:Sa. On peut donc utiliser toutes les possibilités technologiques mises au point pour ces matériaux pour la fabrication des sondes d’échantillonnage. Un autre intérêt est que, comme nous allons le voir, le faisceau optique est directement modulé en intensité. Quelques éléments théoriques Cas d’un cristal parfait L’EFK ne peut être expliqué que par la mécanique quantique. Dans la suite de ce paragraphe, nous allons exposer les principaux résultats obtenus par la théorie ainsi que leur interprétation physique. Les lecteurs intéressés par les développements théoriques complets pourront se reporter aux références [147] et [31]. Dans un cristal semi-conducteur parfait, la symétrie de translation provenant de la périodicité du réseau cristallin fait apparaître une discontinuité dans les énergies accessibles aux électrons. Le maximum de la bande de valence est séparé du minimum de la bande de conduction par une énergie appelée bande interdite. La transition d’un électron de la bande de valence vers la bande de conduction est possible par l’absorption d’un photon d’énergie supérieure à l’énergie de bande interdite du matériau. Avec un modèle simplifié, on montre que le coefficient d’absorption optique d’un semi-conducteur à bande interdite directe est de la forme [31] : α(E, 0) = A E − Eg
(3.60)
3. Composants pour le régime impulsionnel
145
où A est une constante du matériau, E l’énergie des photons et Eg l’énergie de bande interdite. Lorsque E < Eg , le coefficient d’absorption est rigoureusement nul dans un cristal parfait. L’application d’un champ électrique brise la symétrie de translation du cristal suivant la direction du champ. On montre alors que les fonctions d’onde des électrons et des trous ne sont pas nulles dans la bande interdite [31]. Des transitions interbandes pour des énergies photoniques inférieures à la bande interdite sont alors possibles. En 1958, Franz [148] et Keldysh [149] ont développé de manière indépendante la théorie des transitions optiques interbandes dans les semi-conducteurs en présence d’un champ électrique F quasi statique. La solution générale s’exprime sous forme de fonctions d’Airy [150]. Si l’on se restreint au cas où E Eg , le coefficient d’absorption vaut : ' ! " ( 3/2 4 Eg − E 3/2 Eeo exp − (3.61) α(E, F ) A 8(E − Eg ) 3 Eeo où Eeo est l’énergie électro-optique : ! Eeo =
e2 ¯ h2 F 2 2mr
"1/3 (3.62)
mr est la masse effective réduite (1/mr = 1/me + 1/mh ). L’absorption décroît donc exponentiellement pour des énergies inférieures à la bande interdite. Pour comprendre physiquement l’origine de ce phénomène, il faut garder à l’esprit que le champ électrique incline les bandes spatialement (figure (3.20)). Un électron peut alors passer de la bande de valence à la bande de conduction par effet tunnel (qualifié d’interbande) à travers une barrière triangulaire dont la largeur dépend de F (effet Zener). De même, il devient possible de faire transiter un électron de la bande de valence à la bande de conduction par l’absorption d’un photon d’énergie E même lorsque celle-ci est inférieure à Eg : ce processus d’absorption optique peut être compris comme un effet tunnel interbande assisté par photon. On remarque que l’EFK est indépendant de la direction et du signe du champ (pour un semi-conducteur à bandes isotropes). La figure (3.21) représente le coefficient d’absorption théorique obtenu grâce au modèle complet de la référence [151]. On voit clairement apparaître une queue d’absorption exponentielle pour E < Eg (λ > 870 nm). Dans le cas où E > Eg , le comportement de α(E, F ) est moins intuitif : il est tantôt supérieur, tantôt inférieur à α(E, 0). Le champ électrique peut induire soit une augmentation soit une diminution du coefficient d’absorption du semi-conducteur suivant l’énergie du photon. Cette variation du coefficient d’absorption du semi-conducteur (électro-absorption) est accompagnée d’une très faible variation de la partie réelle de l’indice de réfraction (électro-réfraction).
146
Optoélectronique térahertz
Bande de conduction
F
Bande de valence
h
Énergie
Position
Fig. 3.20 – Représentation du profil des bandes d’un semi-conducteur soumis à un champ électrique illustrant l’absorption d’un photon d’énergie inférieure à la bande interdite.
20 000
2000
-1
Absorption (cm )
-1
Δα (cm )
1000
16 000
0
-1000
12 000
-2000 750
800
850
λ (nm)
900
950
8 000
4 000
F = 0 kV/cm F = 50 kV/cm F = 100 kV/cm
0 700 725 750 775 800 825 850 875 900 925 950
λ (nm)
Fig. 3.21 – Spectres d’absorption théoriques de GaAs pour différents champs électriques. Les courbes en encart représentent la variation du coefficient d’absorption induite par le champ.
3. Composants pour le régime impulsionnel
147
Cas d’un cristal réel Dans la pratique, pour des énergies photoniques proches ou inférieures à Eg , la variation du coefficient d’absorption d’un semi-conducteur à bande interdite directe s’éloigne de la loi (3.60). Elle peut en général être décrite par une décroissance exponentielle du type : α(E, 0) = α0 exp[s(E − E0 )]
(3.63)
Le coefficient s exprime la raideur du flanc d’absorption. Cette décroissance exponentielle que l’on retrouve dans de nombreux semi-conducteurs porte le nom de queue d’Urbach. Pour les monocristaux, il semble que cette queue d’absorption soit due à des impuretés ou à des défauts chargés qui provoquent de l’absorption par l’intermédiaire de l’EFK. Dans ce cas, Franz [148] a montré que le coefficient d’absorption à champ électrique non nul vaut : # 3 s3 Eeo + s(E − E0 ) (3.64) α(E, F ) α0 exp 12 Le flanc d’absorption est donc décalé vers les basses énergies de la quantité 3 /12 lorsque le champ électrique augmente. Dans le cas de GaAs semis2 Eeo isolant, la masse réduite vaut 0,059 m0 , s est de l’ordre de 100 eV−1 . Pour un champ de 50 kV/cm, l’énergie électro-optique vaut 25,3 meV et le décalage 13,5 meV, ce qui est tout à fait mesurable. Le coefficient d’absorption peut se mettre sous la forme : ! "2 F (3.65) α(E, F ) α1 (E) exp F0
où :
24mr s3 e2 ¯ h2 et α1 (E) est le coefficient d’absorption à champ nul : F0 =
α1 (E) = α0 exp [s(E − E0 )]
(3.66)
(3.67)
Considérons une lame de semi-conducteur d’épaisseur d éclairée par un faisceau monochromatique d’énergie photonique E. L’intensité incidente est I0 , l’intensité transmise est I. En négligeant les réflexions sur les faces du cristal, nous avons : ' ! "2 ( F I = exp(−αd) = exp −α1 d exp (3.68) I0 F0 La figure (3.22) représente le coefficient de transmission I/I0 en fonction du champ pour plusieurs valeurs de α1 d. Imaginons que l’on applique un champ alternatif au cristal. Pour des champs crêtes F 300 kV/cm) et le temps de vie des porteurs est court (0,1 ps à 10 ps). La raideur du flanc d’absorption qui est initialement très mauvaise à cause de la très grande concentration en défauts est améliorée par l’intermédiaire du recuit. Le temps de vie peut être supérieur à la picoseconde, mais celui-ci n’influe pas sur la résolution temporelle de l’échantillonnage. Ces matériaux présentent donc un bon compromis si l’on reprend les critères de la partie précédente. La figure (3.23) représente la variation relative d’intensité mesurée et calculée [151] transmise par une couche de 1 μm d’épaisseur de GaAs-BT. Les deux faces de la membrane ont été métallisées à l’aide d’une couche d’or semi-transparente (10 nm). Les spectres de transmission ont été mesurés pour une tension appliquée de 10 V (F = 100 kV/cm) et de 0 V, la variation relative a ensuite été calculée [153]. Configurations expérimentales On peut utiliser l’échantillonnage par EA pour mesurer localement les variations rapides de champ dans le semiconducteur constituant la sonde. Ce semi-conducteur sera en général incorporé dans une structure de propagation, adaptée aux fréquences THz, le cas échéant connectée à une antenne si l’on veut mesurer un faisceau THz se propageant dans l’espace libre. Diverses configurations expérimentales peuvent être utilisées : le semi-conducteur peut être une partie de la structure de propagation (ligne coplanaire ou ligne microruban en semi-conducteur) ou être rapporté sur la structure. Le premier cas porte le nom d’échantillonnage interne et le deuxième d’échantillonnage externe. Du point de vue optique, l’intensité du faisceau de sonde qui sert à échantillonner le champ est mesurée par une photodiode après un simple passage à travers la couche
3. Composants pour le régime impulsionnel
151
filtre bleu laser fs Ti:Saphir
BBO
lame séparatrice
pompe
sonde GaAs BT
ligne à retard
GaAs SI lame séparatrice
U
photodiode
Fig. 3.24 – Schéma du dispositif expérimental (échantillonnage interne). semi-conductrice (configuration en transmission) ou après un double passage grâce à un réflecteur placé derrière la couche (configuration en réflexion). Généralement, l’impulsion THz est générée par photoconduction, cela nécessite donc une énergie photonique supérieure à la bande interdite alors que l’échantillonnage par EA nécessite une énergie inférieure. Ce problème peut être résolu de deux façons : soit en générant effectivement deux longueurs d’ondes différentes (par génération de second harmonique dans un cristal non linéaire), soit en utilisant pour la génération et l’échantillonnage deux semiconducteurs de bandes interdites légèrement différentes. La figure (3.24) représente le schéma de l’expérience utilisée dans le premier cas [154]. L’échantillon typique prend la forme d’une ligne coplanaire réalisée sur un substrat de GaAs semi-isolant comportant une couche de GaAs épitaxié à basse température. La figure (3.25) représente un exemple de mesure typique obtenu sur une ligne coplanaire constituée de deux rubans d’or larges de 10 μm et séparés de 25 μm polarisée par une tension de 60 V. La deuxième méthode utilise deux semi-conducteurs de bandes interdites légèrement différentes. Si le décalage est judicieusement choisi, on pourra générer l’impulsion par photoconduction dans le premier semi-conducteur (énergie photonique supérieure à la bande interdite) et détecter par EFK dans le second (énergie photonique inférieure à la bande interdite). Le report de couches semi-conductrices, comme illustré la figure (3.26), permet de répondre aux nombreuses contraintes technologiques imposées par cette méthode [155]. La figure (3.27) représente le schéma expérimental qui reste très simple et peut être utilisé dans les deux configurations décrites ci-dessus. La figure (3.28) montre un résultat typique obtenu sur une ligne coplanaire sur quartz constituée de deux rubans d’or larges de 5 μm et séparés de 12,5 μm polarisée par une tension de 60 V. Le temps de montée mesuré est de 490 fs. Le spectre s’étend jusqu’à 2,5 THz et présente une dynamique de 60 dB.
152
Optoélectronique térahertz
1
6 Amplitude ( U.A.)
Signal détecté (U.A.)
8
4
2
0,1
0,01
1E-3
1E-4 0
250
500
750
1000
1250
1500
Fréquence (GHz)
0 -20
-10
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Temps (ps) Fig. 3.25 – Exemple typique de mesure par échantillonnage EA interne.
100 μm Fig. 3.26 – Photographie au microscope optique d’une couche épitaxiée de GaAs-BT reportée sur une ligne coplanaire Ti/Au de 500 nm d’épaisseur.
lame séparatrice laser fs Ti:Saphir photodiode ligne à retard lame séparatrice sonde U
AlGaAs BT
pompe
GaAs BT substrat
Fig. 3.27 – Schéma du dispositif expérimental (échantillonnage externe).
3. Composants pour le régime impulsionnel
153
1,0 1
Amplitude
0,8
Δ I/I0 (U.A.)
0.1
0,6
0.01
FWHM =760 fs
0,4
1E-3 0.0
0.5
1.0
0,2
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
Fréquence (THz)
0,0 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Temps (ps)
Fig. 3.28 – Exemple typique de mesure par échantillonnage EA externe. Résolution temporelle La résolution temporelle de cette technique est le résultat de la convolution de trois éléments : la durée des impulsions du faisceau de sonde (τL ), le temps de transit de l’impulsion optique à travers l’épitaxie (τto ) et le temps de transit du signal électrique à travers le spot du faisceau de sonde (τte ) : 2 + τ2 (3.69) τ = τL2 + τto te avec τto = 2 et
dns c
(3.70)
ωne (3.71) c où d est l’épaisseur de l’épitaxie, ω le diamètre du spot, ns l’indice de réfraction du semi-conducteur à la longueur d’onde de sonde, ne l’indice effectif du mode THz se propageant. Pour une ligne coplanaire telle que la précédente (sur quartz), on trouve τto 50 fs et τte 100 fs. Pour une durée d’impulsion laser de 150 fs, on trouve une résolution temporelle τ 200 fs. L’échantillonnage EA pour la détection de THz n’est étudié que depuis 2001, il est donc très récent comparé à l’échantillonnage PC ou EO. Il a été utilisé pour mesurer les caractéristiques de propagation aux fréquences THz de lignes coplanaires, de lignes microrubans [153, 156] et de lignes de Goubau [157]. Il a également été utilisé pour la mesure de filtres et de lignes rétro-propagatives ainsi que pour la caractérisation de transistors et de photodiodes [158, 159]. Il a permis récemment la détection d’un rayonnement THz en espace libre [160]. τte =
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Chapitre 4
Composants pour le régime continu 4.1
Introduction
Ce chapitre est principalement consacré aux sources et détecteurs en régime continu. Nous verrons tout au long de cet ouvrage que les méthodes de spectroscopie font de plus en plus appel à la détection cohérente. Ainsi, les techniques de détection homodyne ou hétérodyne sont actuellement développées en tirant parti de la possibilité d’utiliser les composants en émission comme en réception. Par ailleurs, nous nous restreindrons aux composants à l’état solide en distinguant deux types d’approches principalement (figure (4.1)).
Fig. 4.1 – Les 2 familles de composants THz pour le continu. La première approche est basée sur le battement de deux lasers. Celui-ci permet une transposition en plus basses fréquences (différence de fréquences entre les lasers) d’une partie de la puissance des signaux optiques. L’avantage
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Optoélectronique térahertz
principal de ce type de source est l’accordabilité en fréquence de la source et la possibilité de fonctionner à température ambiante. En outre, ils peuvent être utilisés en émission et détection conformément à la remarque précédente et permettent des conserver l’information de phase en techniques de spectroscopie ou d’imagerie THz. Nous présenterons dans un premiers temps un exemple de photomélangeur en technologie planaire réalisé sur substrat semiconducteur basses températures. Compte tenu que de nombreux points sont communs aux techniques impulsionnelles ayant fait l’objet du chapitre précédent, nous insisterons plus spécialement sur les spécificités de la fonction de photomélange comparativement à celle de photogénération d’une impulsion THz. Nous verrons comment améliorer la puissance délivrée d’une part grâce à une architecture verticale et d’autre part grâce à l’utilisation de composants unipolaires connus sous l’acronyme anglo-saxon Unipolar Travelling Carrier (UTC) diode. Ceux-ci mettent en jeu l’ingénierie de bande interdite permettant en particulier un fonctionnement aux grandes longueurs d’ondes (1,3 et 1,5 μm). Les fenêtres optiques au voisinage de ces deux longueurs d’onde caractéristiques se révèlent particulièrement importantes compte tenu de la compatibilité des systèmes THz utilisant ces sources primaires avec ceux des télécommunications optiques. Cette partie nous donnera en particulier l’occasion de voir comment réaliser des composants rapides à base de matériau InGaAs irradié dont le gap est adapté aux transitions optiques mises en jeu à ces longueurs d’ondes. La seconde approche est celle des lasers à multiples puits quantiques ou super-réseaux de semi-conducteurs. Les processus de pompage électronique et d’émission radiative se font en cascade pour des hétérostructures de semiconducteurs permettant de quantifier les états d’énergie justifiant l’appellation de laser à cascade quantique. Ces lasers ont été démontrés tout d’abord en infrarouge moyen et proche. Nous verrons que le passage à l’infrarouge lointain n’est pas qu’une simple règle d’échelle et qu’il convient d’introduire des nouvelles règles tant dans la conception de l’hétérostructure permettant l’inversion de population que dans la définition de la cavité photonique réalisée à l’aide de guides plasmons.
4.1.1
Photomélange par battement de deux lasers
En règle générale, toute conversion de fréquence, que ce soit par la génération d’harmonique multiplication de fréquences, par le mélange de fréquence ou par l’amplification paramétrique nécessite un phénomène non linéaire (voir chapitres introductifs). Il faut tout d’abord bien noter que l’effet non linéaire dans le mélange de fréquence par battement de deux lasers résulte de la caractéristique non linéaire (courant détecté – puissance optique) d’un photodétecteur ultrarapide. On obtient donc un schéma très semblable à celui mis en œuvre pour les sources pulsées avec comme enjeu majeur la réalisation d’un photodétecteur ultrarapide. Nous travaillons en effet dans
4. Composants pour le régime continu
157
le cas présent en régime continu des lasers de pompe et non impulsionnel. Dans cette condition, il est impératif que le composant de photodétection puisse détecter des variations temporelles à l’échelle des temps mis en jeu aux fréquences THz. Différentes voies de recherches sont actuellement étudiées en vue de réaliser des détecteurs ultrarapides. La première est celle des matériaux GaAs épitaxiés à basse température qui permettent de combiner faible temps de réponse et haute résistivité. Compte tenu de la bande interdite du semi-conducteur GaAs, on utilise pour les photomélangeurs à base de GaAs basse température des lasers émettant vers 0,8 μm. On peut montrer que le matériau basse température peut éventuellement détecter à plus grande longueur d’onde (vers 1 μm) notamment grâce à la queue d’absorption des matériaux basses températures non recuits mais avec un rendement de conversion trop faible pour la plupart des applications considérées en imagerie et en spectroscopie. Pour la détection aux grandes longueurs d’ondes (1,3 et 1,5 μm), on peut penser épitaxier à basse température des couches semi-conductrices InGaAs. En pratique, on se heurte cependant à une dégradation notable de leur résistivité qui ne permet pas de maintenir à un niveau suffisamment faible le courant d’obscurité. Le battement laser en régime continu que nous allons à présent considérer permet la caractérisation en régime monochromatique (monofréquence). La précision de cette mesure fréquentielle et non temporelle pourra être très élevée comparativement à celle des techniques impulsionnelles. En outre, par un balayage en fréquences (en changeant la fréquence d’oscillation d’un des lasers de pompe), il sera possible de faire l’analyse spectrale d’un dispositif ou d’une matière quelconque. Dans ce but, le photomélangeur ainsi que les éléments environnants notamment les éléments rayonnant ou de guidage des ondes électromagnétiques THz seront également large bande. Comme pour les techniques impulsionnelles, les composants fonctionnent à température ambiante. Ils bénéficient également d’une large plage d’accordabilité avec cependant des niveaux de puissance qu’il convient encore d’améliorer dans la partie haute du spectre. La figure (4.2) donne le schéma de principe du battement de deux lasers permettant de générer la fréquence différence. L’idée de base est de superposer spatialement les faisceaux optiques issus de deux lasers grâce à une lame séparatrice située à l’intersection des deux faisceaux. Le faisceau résultant de cette superposition éclaire un photodétecteur ultrarapide qui a ici la forme d’un peigne interdigité. Les doigts du peigne sont polarisés alternativement par une tension positive et négative en régime dynamique. Le photodétecteur est connecté à une antenne qui fonctionne aux fréquences THz avec généralement la bande de fréquence la plus large possible. Cette antenne est déposée sur une lentille généralement de silicium afin de contrôler le rayonnement THz. Nous allons tour à tour commenter ces différents points en essayant de faire ressortir les aspects liés à la physique et ceux relatifs à l’ingénierie. Le premier point qu’il est important de comprendre est que le
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Fig. 4.2 – Illustration du principe du photomélange de fréquences. mélange des fréquences trouve son origine dans la réponse du photodétecteur généralement quadratique. On se retrouve par conséquent dans la situation de l’électronique non linéaire avec un élément dont la caractéristique peut s’écrire sous la forme générale : I =kV2
(4.1)
où V désigne un signal aux bornes du composant résultant du recouvrement des deux faisceaux lasers. Les signaux somme et différence seront générés dans ce processus de détection en puissance. Le photodétecteur étant rapide, il sera capable de détecter le signal optique à la fréquence différence ω2 − ω1 . En revanche, le détecteur ne sera pas suffisamment rapide pour enregistrer le signal somme converti en très hautes fréquences (plus de 600 THz) pour une excitation vers 1 μm. Les technologies de fabrication sont illustrées sur la figure (4.3). Celle-ci montre une vue au microscope électronique à balayage d’un photodétecteur à peigne interdigité. La largeur des doigts est pour cet exemple de 0,2 μm pour un espacement de l’ordre de 1,8 μm. Cette différence entre largeur de doigt et espacement permet de limiter les effets d’ombre dans la mesure où les dépôts métalliques ne laissent pas passer la lumière. Les électrodes du photodétecteur ont été déposées sur une couche semi-conductrice épitaxiée à basses températures. Il faut en effet rappeler que la croissance des matériaux III-V par épitaxie par jets moléculaires se fait à des températures de plusieurs centaines de degrés Celsius. À titre d’exemple, la croissance du matériau GaAs est effectuée typiquement aux alentours de 600 ◦ C, facilitant la mobilité des composés III et V en surface. En abaissant la température de croissance, on crée des défauts au sein du semi-conducteur résultant d’un excès d’arsenic. Ces défauts piègent très rapidement les électrons. Le lecteur trouvera de plus amples détails sur ces aspects dans le chapitre consacré aux techniques impulsionnelles. En conclusion, ce n’est donc pas le temps de transit des électrons au sein de la zone active, mais le temps de vie (lifetime) des électrons dans la bande de conduction qui fixe les caractéristiques fréquentielles intrinsèques du composant. En pratique pour les systèmes accordables, le photodétecteur est chargé par une antenne large bande. Il s’agit généralement d’une antenne spirale (figure (4.4)), le détecteur étant placé au centre. Cette antenne a pour rôle
4. Composants pour le régime continu
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Fig. 4.3 – Vue au microscope à balayage électronique d’un photodétecteur ultrarapide.
Fig. 4.4 – Vue d’une antenne spirale large bande.
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de rayonner l’onde THz dans l’espace libre. Il est également possible de fabriquer des antennes dipôles avec cependant dans ce cas une largeur de bande plus étroite dans la mesure où le rayonnement se fait avec l’efficacité maximale lorsque la demi-longueur d’onde s’adapte à la dimension de l’antenne. En définitif, pour cette antenne résonnante, on obtient plus de puissance à la fréquence centrale avec néanmoins une largeur de bande moindre. Le développement des micro- et nano-technologies peut nous aider à améliorer les performances en termes de bilan thermique mais également d’efficacité dans le processus de photodétection. Ce dernier point est illustré à présent avec l’introduction d’une architecture verticale. En effet, si nous calculions les valeurs de champ électrique pour la structure visualisée (figure (4.5)), on constaterait que les valeurs de champ décroissent très rapidement en s’éloignant de la surface. Mathématiquement, nous dirions que nous sommes confrontés à des effets bidimensionnels. Pour retrouver des valeurs de champ plus uniformes sur l’espace, en d’autres termes avec une variation unidimensionnelle du champ, l’idée de réaliser une structure verticale peut s’avérer prometteuse. La figure (4.5) donne ainsi le principe d’intégration qu’il est possible de mettre en œuvre dans ce cas. La couche active, en l’occurrence une fine couche de GaAs épitaxiée à basses températures est insérée entre deux couches métalliques (titane/or). Un film diélectrique à base de nitrure de silicium sert de couche antireflet. Le photodétecteur vertical ainsi défini a une technologie très proche de celle des lasers à cascade quantique. Il n’est donc pas étonnant que les technologies mises en jeu pour réaliser ce photo détecteur soient très similaires à celles que nous décrirons dans le paragraphe suivant. Des techniques de lift-off épitaxial sont employées pour transférer la couche active sur un substrat hôte. La figure montre une photo au microscope du photodétecteur vertical chargé par une antenne spirale réalisée à l’IEMN.
Fig. 4.5 – Section droite d’un photomélangeur en technologie verticale. La figure (4.6) montre une vue au microscope de l’antenne spirale. Le bras supérieur réalisé sur la face supérieure de la couche de GaAs basses températures apparaît au premier plan. Le bras inférieur se voit également par un effet de relief. L’insert montre la couche active où se fait la photodétection correspondant à la zone grisée.
4. Composants pour le régime continu
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Fig. 4.6 – Photo d’un photomélangeur vertical. Photodétecteur en insert.
Fig. 4.7 – Comparaison des performances fréquentielles des photomélangeurs verticaux et planaires réalisée à l’université du Littoral.
162
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La figure (4.7) permet de se faire une idée des performances fréquentielles des composants de photomélange en comparant la réponse des photodétecteurs planaires et verticaux. Les mesures ont été effectuées au Laboratoire de Physique des Composés de l’Atmosphère (LPCA) de l’université du LittoralCôte d’Opale, située à Dunkerque. Comme attendu, les performances des détecteurs verticaux sont supérieures pratiquement d’un ordre de grandeur par rapport à celles des mélangeurs planaires. Pour les deux cas, on observe une réponse relativement plate en fonction de la fréquence jusqu’à environ 0,8 THz. Au-delà, la puissance délivrée par le photomélangeur décroît de façon relativement abrupte. On peut montrer que deux constantes de temps caractéristiques sont impliquées dans cette décroissance. La première est le temps de durée de vie des porteurs photocréés qui sont piégés dans les défauts profonds du GaAs basse température. La seconde constante de temps est de type RC où C est la capacité du photodétecteur et R la résistance de rayonnement de l’antenne. Le principe du photomélange peut être également retenu en détection en conservant la cohérence de phase entre émetteur et détecteur (détection homodyne). Les sources optiques sont généralement des lasers Ti:Sa pour démontrer la faisabilité de l’expérimentation, mais on peut très bien envisager d’utiliser des lasers à semi-conducteurs. Dans les deux cas, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques de contrôle de la divergence des faisceaux en recherchant une situation de focalisation ou de collimation (faisceaux parallèles). Aux fréquences THz, on utilise généralement des miroirs paraboliques, mais d’autres technologies sont en cours d’étude, notamment les méta-matériaux qui permettent de synthétiser des valeurs négatives ou nulles de l’indice de réfraction effectif. Les chapitres consacrés aux techniques développeront ces points en détail.
4.1.2
Composants de transposition de fréquence par battement de lasers : photodétecteurs
Photodiode pin et ses dérivés Des résultats intéressants ont été obtenus par battements de lasers dans des photodiodes ultrarapides. À la différence des photoconducteurs, les photodiodes sont réalisées par la jonction de semi-conducteurs dopés différemment. Les exemples les plus classiques sont les jonctions pn et pin. Dans ce cas, la rapidité du détecteur n’est pas basée sur un faible temps de vie des porteurs, mais sur une collection très rapide de ceux-ci. Il est donc nécessaire que les porteurs parcourent une petite longueur dans le semi-conducteur avant d’être collectés (longueur de zone déplétée). Classiquement, le transport se fait perpendiculairement aux couches de semi-conducteurs. Celles-ci étant réalisées par épitaxie, de fines couches d’épaisseur et de dopage bien contrôlées sont possibles, le temps de transit des porteurs est alors très faible (la vitesse de saturation des électrons dans les semi-conducteurs est de l’ordre de 107 cm/s = 100 nm/ps).
4. Composants pour le régime continu
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Le problème que l’on peut alors rencontrer pour la réalisation de photodiodes rapides est la capacité C de la jonction. En effet celle-ci vient dégrader la réponse temporelle de la photodiode via la constante de temps τ = RC (R étant la résistance de charge de la photodiode). Cette capacité étant inversement proportionnelle à l’épaisseur de zone déplétée, on comprend aisément qu’un compromis est nécessaire entre le temps de transit et la constante de temps RC. L’adjonction d’une zone intrinsèque ou très faiblement dopée (zone i) entre la zone n et la zone p permet d’augmenter l’épaisseur de la zone déplétée et ainsi d’augmenter l’efficacité de la photodiode (puisque le matériau absorbant est plus épais) tout en diminuant la capacité de la jonction (voir [31]). L’autre voie consiste à réduire la section de la photodiode, toutefois il n’est pas souhaitable de diminuer sa taille en dessous d’une dimension de l’ordre de la longueur d’onde puisque la focalisation est limitée par la diffraction dans le cas d’un faisceau se propageant dans l’espace libre. Si le faisceau provient d’une fibre optique, le diamètre de la photodiode (10 à 60 μm) doit rester comparable à la taille du mode (pour une longueur d’onde de 1,55 μm). Les photodiodes pin sont très utilisées en télécommunications optiques dans la gamme de longueur d’onde allant de 1,3 à 1,6 μm. Ainsi, des photodiodes pin ayant des efficacités de conversion 0,3 à 0,6 A/W et des fréquences de coupure à −3 dB de 30 à 70 GHz sont couramment réalisées avec le système de matériaux Ga0,47 In0,53 As/InP [31]. Une expérience de battement de lasers a été faite avec ce type de photodiode : des puissances de 10 μW à 150 GHz et de 100 nW à 625 GHz ont été obtenues [161]. Pour essayer de ne plus être soumis au compromis temps de transit – constante RC, des structures à éclairage latéral ont été imaginées [162]. Le faisceau lumineux se propage alors perpendiculairement aux porteurs de charge. Des réponses de 0,7 à 0,8 A/W associées à des bandes passantes de 40 à plus de 50 GHz ont été réalisées. À notre connaissance, aucune expérience de battement aux fréquences THz n’a été réalisée avec ce type de dispositif. Une autre voie pour améliorer les performances consiste à s’affranchir de la constante RC en distribuant la photodiode. Sa longueur devient alors non négligeable par rapport à la longueur d’onde du battement. Cette structure porte le nom de photodiode distribuée ou à onde progressive (Traveling Wave PhotoDiode ou TWPD). Le schéma équivalent de celle-ci n’est plus alors une capacité localisée, mais un tronçon de ligne de transmission, la fréquence de coupure peut en théorie devenir très grande [163]. D’autre part, cette structure peut supporter des puissances optiques plus importantes. Toutefois les difficultés technologiques de réalisation sont importantes, l’impédance caractéristique et les pertes de la ligne de propagation sont souvent un handicap. Des expériences de battement ont été effectuées avec ces détecteurs, une puissance de 160 μW a été obtenue à 110 GHz, la réponse du photodétecteur était de 0,08 A/W [164]. En gamme THz, des puissances de l’ordre de 10 nW ont été obtenues à 1 THz [164].
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Même si des fréquences de coupures importantes peuvent être obtenues, le principal problème de la structure pin est le phénomène de saturation. Lorsque la puissance optique devient importante, le champ créé par les paires électrons-trous photogénérées en grand nombre écrante de plus en plus le champ de la zone intrinsèque. En particulier, les porteurs les plus lents, les trous, ont tendance à s’accumuler (leur vitesse de saturation est de l’ordre de 50 nm/ps dans Ga0,47 In0,53 As), ce qui accentue cet effet via le phénomène de charge d’espace. Cette diminution de champ diminue la vitesse des porteurs et on arrive à une situation où le photocourant n’augmente plus avec la puissance optique : la photodiode sature. Photodiode à transport unipolaire Une autre approche a été développée depuis 1997 par les laboratoires NTT au Japon. Cette structure est la photodiode à transport unipolaire (Uni-Travelling-Carrier PhotoDiode ou UTC-PD). Nous allons la détailler plus particulièrement car elle a donné à ce jour les meilleurs résultats par battement de lasers. L’idée de base de cette structure est que le comportement dynamique de la photodiode ne soit plus limité par les porteurs les plus lents (les trous), mais par les électrons. Cette situation est souvent présente dans les composants électroniques (exemple : les transistors à effet de champ à canal n). Pour une photodiode, le problème est plus complexe car l’absorption des photons dans un semi-conducteur génère forcément des paires électrons-trous. L’idée de Ishibashi et de ses collaborateurs [165] a été de doper de type p assez fortement la zone absorbante (au lieu d’une zone absorbante intrinsèque ou faiblement dopée n dans la photodiode pin). Dans ce cas le champ électrique est très faible dans la zone absorbante, et elle reste quasi neutre. D’autre part, les paires électrons-trous sont photocréés dans une population déjà importante de trous, typiquement : p0 = NA 1018 cm−3 . On montre que, dans ce cas, le courant de trous répond au courant d’électrons avec une constante de temps typique égale au temps de relaxation diélectrique du matériau (τr = ε/σ = ε/qμh p0 ). Pour Ga0,47 In0,53 As dopé p à p0 = 1018 cm−3 , on obtient un temps de relaxation de l’ordre de 30 fs. Ce temps est très court devant le temps de transit associé aux électrons. Dans le cas de l’UTCPD, ce sont donc les électrons qui fixent le temps de réponse du composant (contrairement au cas des photodiodes pin). Les électrons photocréés sont des porteurs minoritaires dans la couche absorbante. L’inconvénient du dopage important de la couche est que le champ électrique est alors très faible (contrairement au champ présent dans une zone i). Pour extraire les électrons de la zone absorbante, le seul mécanisme efficace de déplacement des charges est alors le processus de diffusion. Pour éviter la diffusion du côté non désiré, on place une barrière de potentiel contre la zone absorbante. De l’autre côté pour collecter les électrons, on place une zone intrinsèque ou faiblement dopée
4. Composants pour le régime continu
165
Barrière de diffusion e- e- e- e-
e-
h
Couche de contact n
Contact p t+
t+ t+ t+ t+
Bande de conduction
Couche absorbante (GaInAs) Bande de valence
Collecteur (InP)
Fig. 4.8 – Structure de bande d’une photodiode à transport unipolaire. dans laquelle règne un champ important (zone déplétée appelée collecteur, voir figure (4.8)). On s’arrange pour que le collecteur ait une bande interdite suffisamment grande pour ne pas être absorbant à la longueur d’onde considérée (typiquement de l’InP pour une longueur d’onde de 1,55 μm), sinon la structure serait très proche d’une structure pin. La photodiode à transport unipolaire est donc essentiellement basée sur une double hétérojonction de semiconducteurs. Un exemple typique d’empilement est : Ga1−x Inx As1−y Py (barrière de diffusion), Ga0,47 In0,53 As (zone absorbante), InP (collecteur). Le transport des électrons se fait d’abord par diffusion dans la zone absorbante puis par dérive dans le collecteur, on peut alors estimer le temps de transit de ceux-ci : τt τA + τC = WA2 /3De + WA /vth + WC /ve
(4.2)
où WA et WC sont les épaisseurs de la zone absorbante et du collecteur, De = kT μe /q est le coefficient de diffusion des électrons, vth = 2kT /πm∗ est la vitesse d’émission thermo-ionique et ve est la vitesse des électrons dans le collecteur. Dans le collecteur, les électrons subissent un phénomène de transport non stationnaire appelé overshoot qui leur permet de dépasser la vitesse de saturation. Ce phénomène est connu dans les transistors bipolaires à hétérojonction où les électrons peuvent atteindre 400 nm/ps dans les collecteurs en InP. Ces transistors (Heterojunction Bipolar Transistor ou HBT) ont une structure proche de l’UTC-PD. Pour WA = 200 nm (Ga0,47 In0,53 As) et WC = 200 nm (InP), on obtient τt 2,6 ps. Un avantage de la structure UTC-PD est que l’épaisseur de la zone absorbante peut être ajustée indépendamment de l’épaisseur du collecteur. Cela permet de réduire l’épaisseur de zone absorbante (pour réduire le temps de
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Fig. 4.9 – Image prise au microscope électronique à balayage d’une UTCPD InGaAs/InP de 2 μm de diamètre fabriquée à l’Institut d’Électronique de Microélectronique et de Nanotechnologie. diffusion des électrons) sans sacrifier le temps RC. On peut donc obtenir des fréquences de coupures très élevées avec la structure UTC-PD (quelques centaines de GHz). Une autre différence importante avec la photodiode pin se situe au niveau du phénomène de saturation. Il est clair que le transport d’un nombre importants d’électrons dans le collecteur crée une diminution du champ par effet de charge d’espace (phénomène connu sous le nom d’effet kirk dans les HBT). Toutefois, le phénomène intervient pour des densités de courant plus importantes grâce à la vitesse élevée des électrons. On obtient alors un courant de saturation supérieur d’un ordre de grandeur pour l’UTC-PD par rapport à la photodiode pin. La figure (4.9) représente une image prise au microscope électronique à balayage d’une UTC-PD InGaAs/InP. Celle-ci ne comporte pas de fenêtre optique, l’éclairage de la photodiode se fait par le substrat en InP (qui est transparent à 1,55 μm). L’anode étant constituée d’un contact métallique, elle joue le rôle de miroir, ce qui permet à la lumière de passer deux fois dans la couche absorbante et augmente la réponse de la photodiode. La ligne coplanaire est connectée à la cathode et à l’anode de la photodiode grâce à des ponts à air. Cette photodiode unipolaire a été développée à l’origine pour des applications en télécommunications par fibres optiques, toutefois la combinaison d’une fréquence de coupure importante et d’un seuil de saturation élevé est très favorable pour l’obtention de puissances importantes en gamme THz. Les laboratoires NTT ont ainsi démontré des fréquences de coupures à −3 dB de 220 GHz (0,126 A/W) à 310 GHz (0,07 A/W) [166, 167]. Ces bandes passantes ont été obtenues en effectuant la transformée de Fourier des réponses impulsionnelles mesurées par une méthode d’échantillonnage électro-optique.
4. Composants pour le régime continu
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Des expériences de battements de lasers ont été faites : des puissances de plus de 20 mW ont été obtenues à 100 GHz [168]. À 300 GHz, une puissance de 300 μW a été obtenue en intégrant l’UTC-PD avec une antenne large bande log-périodique, la même structure a généré 2,6 μW à 1 THz. L’intégration d’une UTC-PD avec des dipôles résonnants (antenne à bande étroite) a permis de générer 10,9 μW à 1 THz ce qui constitue actuellement le record de puissance générée à 1 THz par battement de lasers. La structure de l’UTC-PD présente de nombreux degrés de liberté (matériaux, épaisseurs des couches, ...). Il est probable qu’une conception optimisée pour diminuer les pertes, augmenter la dissipation thermique et le rendement de l’antenne permettra d’augmenter encore les performances et d’atteindre des puissances de l’ordre de 100 μW à 1 THz et à température ambiante.
4.1.3
Laser à cascade quantique (QCL)
En optique visible et infrarouge, notamment pour les grandes longueurs d’ondes des télécommunications, le LASER (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) est le composant le plus utilisé. Comme l’indique son acronyme, pour obtenir l’effet laser, il est nécessaire d’obtenir l’émission stimulée des transitions optiques. Pour un laser semi-conducteur, elles se font entre les bandes de conduction et de valence. Par conséquent, les électrons et les trous sont impliqués dans ces transitions. Elles peuvent avoir lieu dans un matériau semi-conducteur en volume ou dans des puits quantiques. Si, à présent, on désire étendre ce principe de fonctionnement pour des longueurs d’onde correspondant à l’infrarouge moyen (10 μm) ou lointain (100 μm), on se heurte à la difficulté suivante : les matériaux semi-conducteurs n’ont pas un gap suffisamment étroit pour correspondre à l’énergie de la transition optique. Face à ce problème, le chercheur a introduit le concept de transition inter-sous-bande et non plus inter-bande comme dans le cas précédent. L’idée est simple dans son principe. La structuration des matériaux en puits quantiques permet de quantifier l’énergie des électrons. Pour des barrières suffisamment élevées, plusieurs niveaux peuvent exister dans une même bande soit de valence, soit de conduction. Une structure également très intéressante consiste à coupler les puits entre eux. En pratique, cela signifie qu’ils sont séparés d’une barrière de potentiel que les électrons peuvent traverser par effet tunnel. Lorsque les deux puits sont parfaitement identiques, ils présentent les mêmes valeurs de niveaux d’énergie qui leur sont propres. En revanche, le couplage par effet tunnel fait que le système quantique, constitué des deux puits, présente deux niveaux de résonance distincts. En physique des semiconducteurs, on parle de levée de dégénérescence des niveaux quantiques. L’écart entre les niveaux est d’autant plus important que le couplage est fort. Cette idée est très souvent utilisée pour la réalisation de laser unipolaire à hétéro-structures de semi-conducteurs. À présent lorsqu’on fabrique un grand nombre d’hétéro-jonctions en multipliant les matériaux, on crée
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ce que l’on appelle un super-réseau de semi-conducteur. Ce qualificatif s’explique par la périodicité artificielle du potentiel auquel est soumis l’électron en référence au potentiel cristallin du semi-conducteur massif. Ainsi en alternant les matériaux semi-conducteurs, qui diffèrent par leur gap, on introduit une super-structure qui vient se superposer sur celle correspondant au réseau cristallin. Par cette ingénierie de la structure de bande (alternance de bandes interdites larges et étroites), il est possible de créer des mini-bandes d’énergies. À ce stade, nous disposons de l’ensemble des notions utiles dans la conception des lasers unipolaires à puits quantiques illustrées sur la figure (4.10). La zone active est située au centre de la figure avec deux puits larges couplés par une barrière de potentiel fine. La transition optique radiative (avec émission d’un rayonnement électromagnétique) se fait entre les niveaux quantiques notés 2 et 3. De part et d’autre de la zone active, ont été réalisés deux super-réseaux. Leur diagramme d’énergie en bande d’énergie permise et interdite est illustré à droite de la figure. On constate que le niveau 3 est aligné avec la bande interdite du super-réseau de droite. Les électrons ne peuvent pas par conséquent se propager dans cette zone, favorisant les transitions radiatives. L’inversion de population, qui décrit le fait qu’un niveau excité est plus peuplé en électron qu’un niveau situé à plus basses énergies, se fait grâce à la zone d’injection située en amont de la zone active. Ces processus d’injection et d’émission radiative ont lieu sur plusieurs cellules élémentaires qui sont cascadées au sens de la mise en série des circuits. Ce terme fait également référence aux analogies hydrauliques où le flux d’électrons dévale le potentiel. Sur cette même figure (4.10), ont été tracées les probabilités de présence électronique. À titre d’exemple, la probabilité de présence est maximale pour les deux niveaux dégénérés 1 et 2 au centre du puits alors qu’elle est minimum mais non nulle au centre de la barrière de couplage. La plus grande difficulté à laquelle se heurte le chercheur dans la perspective d’étendre le principe des lasers cascade à l’infrarouge lointain concerne l’énergie mise en jeu dans la transition optique et donc l’écart entre les niveaux quantiques. À titre d’exemple, pour un laser fonctionnant à 4 THz, l’énergie correspondante hν où h est la constante de Planck et ν la fréquence de fonctionnement, est de l’ordre de 17 meV. Cette valeur d’énergie est à comparer à celle de l’agitation thermique d’un gaz électronique qui est de 25 meV à température ambiante. En conséquence, on conçoit la nécessité de faire fonctionner les composants à température cryogénique afin d’abaisser l’énergie d’agitation thermique qui est proportionnelle à la température. Une autre valeur d’énergie de référence est l’énergie du phonon optique. Sans entrer dans les détails des mécanismes d’interactions entre les électrons et le réseau cristallin, rappelons que les vibrations du réseau cristallin sont quantifiées avec des valeurs d’énergie de référence qui seraient de l’ordre de 35 meV pour le GaAs. Ce matériau est utilisé pour la fabrication des puits quantiques
4. Composants pour le régime continu
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Fig. 4.10 – Structure de bande et probabilité de présence pour un laser à cascade quantique.
pour les lasers cascade en infrarouge lointain. En pratique, on se sert de l’interaction avec les phonons, non radiative, pour dépeupler le niveau de plus basse énergie impliquée dans les transitions radiatives. La fabrication d’un laser à cascade quantique passe également par la réalisation d’une cavité optique généralement longitudinale. Pour créer cette cavité, il est nécessaire de réaliser un milieu de propagation, borné par des miroirs semi-transparents. À cette condition, l’onde électromagnétique effectue des allers et retours dans ce milieu, à l’origine des effets de cavité. Si, en optique, la cavité est faite à partir d’un guide diélectrique, il n’en est pas de même en infrarouge proche et lointain. En effet, les dimensions pertinentes dans les directions transverses à la propagation de ce guide diélectriques sont de l’ordre de grandeur de la longueur d’onde. Pour un laser à cascade quantique, le guide diélectrique est constitué par la couche active fabriquée par épitaxie. Même si des progrès indéniables ont été réalisés dans l’épitaxie de couches épaisses (on atteint quelquefois la superposition de plus de 100 couches de semi-conducteurs), il s’avère impossible de confiner les champs électromagnétiques par cette voie. La solution passe par l’utilisation de guides plasmon. Concrètement, cela signifie que la couche active est insérée entre deux couches métalliques ou quasi métalliques, l’onde électromagnétique se propageant le long des interfaces métal/semi-conducteur. Par le terme quasi métallique, nous désignons un matériau semi-conducteur très fortement dopé. On peut montrer que grâce à cette couche enterrée, il est possible de confiner une bonne partie du champ électromagnétique dans le milieu où il y a du gain. Ici encore, l’utilisation des
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micro- et nano-technologies a donné la possibilité de rendre plus efficace l’interaction onde-matière avec la réalisation d’un guide doublement métallique. Cela signifie que la couche active est encadrée par deux films de métal. Il faut cependant savoir que pour préserver la qualité cristalline durant la croissance, celle-ci s’effectue à partir d’un substrat semi-conducteur. Pour qu’une couche métallique enterrée se substitue à la couche semi-conductrice, on utilise les techniques de report épitaxial. La couche active est enlevée du substrat de croissance puis reportée sur un substrat hôte préalablement recouvert d’une pellicule d’or. Ce procédé de report épitaxial s’apparente à un épluchage de la couche comme pour un procédé de peeling avec fixation du film actif soit par forces de Van de Waals ou par tout autre procédé de collage. On utilise généralement le terme de lift-off épitaxial. Le report peut être fait avant la fabrication ou après celle-ci. La spécificité des lasers à cascade quantique fonctionnant en infrarouge lointain est avant tout les valeurs d’énergie mise en jeu. Celles-ci sont très souvent inférieures à celles des phonons optiques et l’agitation thermique. Même si, a priori, les principes sont les mêmes entre un fonctionnement en infrarouge moyen et lointain, plusieurs aspects se doivent d’être optimisés. Tout d’abord l’inversion de population. Pour ce faire, on a de plus en plus recours aux techniques de simulation du transport des charges au sein de la zone active par des techniques de type Monte-Carlo, notamment pour décrire le pompage électrique. Il faut rappeler que le transport électronique se fait de manière aléatoire avec des contraintes liées à la quantification des niveaux d’énergie. La description ne peut être que statistique. Parmi les modèles de transport, figurent les techniques de description par méthode de Monte-Carlo. L’histoire de milliers d’électrons est simulée dans l’espace réel et l’espace réciproque. Ce dernier permet de rendre compte des interactions en conservant en particulier l’énergie et la quantité de mouvement. On peut également déterminer par ces techniques les probabilités de présence sur les différents niveaux et leurs populations respectives. La figure (4.11) montre ainsi le résultat d’un calcul pour une structure fonctionnant en infrarouge lointain. Au lieu d’une vraie mini-bande, les niveaux discrets forment ici une série de niveaux très resserrés. Ces différents niveaux sont peuplés conformément au tracé de la densité électronique portée sur la droite. On constate l’existence d’un creux dans les états propres de basse énergie attestant de la possibilité d’inverser la population. La figure (4.12) précise les performances d’un des premiers lasers cascade ayant fonctionné en infrarouge lointain. La caractéristique courant-tension résultant du pompage électrique est donnée sur l’axe des ordonnées de gauche. Elle est mesurée à 5 K, par conséquent à une température très proche de celle de l’hélium liquide. Les valeurs de courant sont très élevées pour un composant optoélectronique. Ceci résulte de la surface équivalente du composant très importante qui correspond en pratique à celle du contact supérieur. Il en résulte des problèmes thermiques résolus souvent en polarisant le composant
4. Composants pour le régime continu
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1 000
171
2 000
Fig. 4.11 – Niveaux quantiques dans un laser à cascade quantique (QCL).
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Fig. 4.12 – Caractéristique courant tension du premier laser THz à cascade quantique.
172
Optoélectronique térahertz
en impulsions avec un taux de répétition très faible. Sur l’axe des ordonnées de gauche a été reportée la puissance pic délivrée à différentes températures. On constate que le laser est capable de délivrer une impulsion de l’ordre de quelques mW à très basses températures. L’émission laser peut être mesurée jusqu’à la température de 40 K dans l’exemple pris ici. Depuis la première démonstration du laser en infrarouge lointain, les progrès technologiques ont été fulgurants et les chercheurs n’ont eu de cesse d’améliorer les performances des lasers en termes d’efficacité, de température et de fréquence de fonctionnement, de puissance délivrée de pureté spectrale. On peut raisonnablement penser que, dans un proche avenir, il soit possible de faire fonctionner un laser cascade à 300 μm (1 THz) sachant que les meilleurs résultats actuels se situent aux alentours de 2 THz. Il semble cependant difficile d’espérer les faire fonctionner à température ambiante même si les récentes démonstrations à la température de l’azote liquide sont encourageantes. Par ailleurs, ils sont difficilement accordables.
4.2
Conclusion partielle
Au terme de cette introduction du chapitre consacré aux sources et détecteurs en régime continu, deux voies de recherche, respectivement celle relative aux photomélangeurs et celle basée sur l’émission laser, apparaissant complémentaires par rapport à la bande de fréquences de fonctionnement. Les photomélangeurs fonctionnent avec des niveaux de puissance compatibles avec les applications grand public dans la partie basse du spectre THz alors que le laser cascade semble plus adapté à la partie haute de celui-ci. Les photomélangeurs fonctionnent à température ambiante et permettent une grande couverture spectrale (de l’ordre du THz) alors que le laser à cascade quantique ne fonctionne qu’à basses températures (typiquement l’azote liquide pour le moment) et présente une faible plage d’accord fréquentiel. Les niveaux de puissance délivrée sont cependant plusieurs ordres de grandeur (typiquement 1 mW) au-dessus de ceux produits par les dispositifs de photomélange (typiquement 1 μW) bien qu’aux longueurs d’onde millimétriques, les diodes UTC présentent des performances tout à fait étonnantes. Le progrès fait depuis la première démonstration du laser cascade sont impressionnants en termes d’intégration, minimisant les éléments parasites et optimisant les bilans thermiques, en termes de stabilité par réseau de Bragg ou plus généralement en termes de performances. Les calculs Monte-Carlo de l’inversion de population montrent qu’il devrait être possible de fabriquer un laser à cascade quantique fonctionnant vers 1 THz comblant ainsi le fossé entre sources par photomélange et sources par effet laser.
4. Composants pour le régime continu
4.3
173
Technique de photomélange : principe et limitations
Le principe de base du photomélange consiste à convertir un battement aux fréquences optiques vers le THz en exploitant la non-linéarité de photodétection d’un photodétecteur ultrarapide. Lorsque deux faisceaux lasers de puissance P1 et P2 de même polarisation sont superposés spatialement, un terme à la différence de fréquence apparaît dans l’expression de la puissance instantanée : (4.3) Popt (Δν, t) = P1 + P2 + 2 P1 P2 cos(2πΔνt) avec Δν la différence de fréquence entre chaque laser. Cette puissance optique module la conductivité d’un semi-conducteur et par conséquent induit au sein du photomélangeur un photocourant. Le nombre de porteurs de charge suit un processus de génération-recombinaison, et limite de fait l’efficacité de conversion lorsque Δν augmente, et l’expression du photocourant I prend la forme : ⎛ ⎞ cos(2πΔνt) ⎠ (4.4) I(Δν, t) = Idc ⎝1 + 2 1 + (2πΔντ ) Idc est un courant statique (à fréquence nulle) produit par les deux lasers et accessible avec un simple multimètre. Dans le cadre de nos hypothèses, améliorer Idc revient également à maximiser le photocourant à la fréquence Δν, c’est-à-dire au final la puissance THz. τ est le temps de vie des porteurs de charges. On note un premier terme qui limite la bande pas1 . sante du photodétecteur et une première fréquence de coupure fc = 2πτ Seuls des matériaux ultrarapides (à temps de vie court) sont compatibles avec les fréquences visées et soulignent encore le rôle clé de GaAs-BT. Une fois généré, ce courant est couplé à une antenne correctement dimensionnée pour assurer l’émission de l’onde THz. Cette source de courant est donc chargée par une impédance Z formée par une capacité C en parallèle avec une impédance de rayonnement Ra . La puissance THz rayonnée est de la forme : 2 3 (4.5) PT Hz = Re {Z} i2 2 23 Dans cette expression, i est la moyenne temporelle du carré de la partie variable du courant : 5 4 2 2 23 Idc 2 cos (2πΔνt) (4.6) i = 1 + (2πΔντ )2 et Re {Z} =
Ra 1 + (2πΔν Ra C)2
(4.7)
174
Optoélectronique térahertz
Fig. 4.13 – Photographie d’un mélangeur à peigne interdigité, chargé par une antenne spirale large bande, déposé sur une couche de GaAs-BT. La zone active forme une surface de 8×8 μm2 . Les doigts du peigne, larges de 200 nm, sont séparés de 1,8 μm. Ces dispositifs ont été réalisés à l’Institut d’Électronique de Microélectronique et de Nanotechnologies de l’université de Lille 1. Au final, la puissance THz rayonnée s’exprime par : 2 R Idc 1 a PT Hz = . 2 (1 + (2πΔν Ra C)2 ) (1 + (2πΔντ )2 )
(4.8)
Dans cette expression, on remarque une seconde fréquence de coupure caractéristique des éléments de l’antenne, c’est-à-dire de sa constante de temps Ra C. Plusieurs dispositifs émetteurs ont été proposés afin de réduire cette constante de temps tout en privilégiant la réponse statique du photomélangeur. La solution la plus répandue consiste en un peigne interdigité aux dimensions submicroniques, couplé à une antenne spirale, déposé sur GaAsBT. Sa fabrication demande d’importantes installations et notamment une étape de lithographie électronique. La figure (4.13) est un exemple de réalisation de tels dispositifs.
4.4
Vers les grandes longueurs d’onde
La raison principale pour laquelle l’essentiel des recherches sur les photomélangeurs a porté sur le matériau GaAs BT est qu’il associe un temps de vie des porteurs picoseconde et de bonnes propriétés électriques. La position spectrale de la bande interdite du GaAs impose d’utiliser des lasers de commande dont les longueurs d’onde se situent autour de 800 nm. En conséquence, les expériences de photomélange sont principalement effectuées en espace libre car il existe très peu de composants optiques fibrés à ces longueurs d’onde, et notamment d’amplificateurs optiques. Ces expériences sont néanmoins difficiles à mettre en œuvre en espace libre car le couplage des deux faisceaux optiques de commande aux éléments du photomélangeur est
4. Composants pour le régime continu
175
extrêmement critique. L’utilisation d’une fibre optique pour effectuer ce couplage facilite significativement les réglages et assure une meilleure stabilité de fonctionnement du système. C’est pourquoi de nombreuses recherches sont menées pour réaliser des photomélangeurs sensibles aux longueurs d’onde des systèmes de télécommunications, notamment à 1 550 nm, où il existe un large panel de composants fibrés. En effet, des lasers de commande de très grande pureté spectrale, tels que les diodes lasers à cavité externe ainsi que des amplificateurs optiques à fibre dopé Erbium sont disponibles à ces longueurs d’onde. La technologie fibrée ouvre de plus la voie à des systèmes portables de métrologie et également à une mise en réseaux à deux dimensions des photomélangeurs [169]. L’architecture des réseaux peut être similaire à celle utilisée dans les réseaux de phases d’antennes micro-onde, les antennes résonantes planaires sont séparées de leurs proches voisines par approximativement λ/2, où λ est la longueur d’onde THz dans l’espace libre. Certes, le GaAs BT présente une absorption significative en dessous de la bande interdite, mais son coefficient d’absorption autour de 1 550 nm est trop faible pour envisager son insertion dans un photomélangeur efficace. Dans ce contexte, des approches technologiques nouvelles [170] sont mises en œuvre pour réaliser des photomélangeurs commandés à 1 550 nm, la longueur d’onde des systèmes de télécommunications. Les recherches se sont orientées naturellement vers le matériau référence utilisé dans les composants télécoms, l’In0,53 Ga0,47 As épitaxié sur substrat d’InP, un matériau photoconducteur dont la bande interdite à la température ambiante, est située à 1 600 nm. L’enjeu étant alors de réduire le temps de vie des porteurs dans ce matériau semi-conducteur tout en préservant une mobilité des porteurs relativement élevée et une forte résistivité. Une solution originale, proposée par l’équipe de E. R. Brown de l’université de Californie [170], consiste à insérer des nanoparticules d’ErAs dans une matrice d’In0,53 Ga0,47 As en accord de maille sur InP. Une autre approche proposée est l’implantation ou l’irradiation ionique de l’In0,53 Ga0,47 As [171]. Ces deux approches permettent de réduire le temps de vie des porteurs libres à des sub-picosecondes sans dégrader significativement les propriétés électriques de l’In0,53 Ga0,47 As. Les couches semi-conductrices d’ErAs: In0,53 Ga0,47 As ainsi que d’In0,53 Ga0,47 As irradié par des ions, épitaxiées en accord de maille sur InP, ont permis la réalisation des premiers photomélangeurs à 1 550 nm. Des bancs de spectroscopie adaptés à ces grandes longueurs d’onde ont donc été développés.
4.4.1
Banc expérimental
Le banc de spectroscopie utilise deux diodes lasers à cavité externe qui délivrent dans une fibre monomode un signal continu de quelques mW autour de 1 550 nm. Les polarisations des faisceaux lasers sont ajustées de manière à ce que les champs électriques des deux faisceaux soient colinéaires. Ainsi
176
Optoélectronique térahertz
le battement entre les deux faisceaux optiques est maximisé. Puis, les deux faisceaux sont couplés dans une même fibre optique monomode à l’aide d’un coupleur fibré 50/50 et amplifiés jusqu’à plusieurs dizaines de mW avec un amplificateur Erbium à fibre dopée. Des boucles de Lefèvre sont utilisées pour contrôler la polarisation du faisceau incident sur le photomélangeur. Le battement optique est focalisé sur le photomélangeur grâce à une fibre lentillée de distance de travail typique de 25 μm et de diamètre de focalisation de 5 μm. Une lentille hyper-hémisphérique de silicium haute résistivité est plaquée en face arrière contre le substrat. Elle permet notamment de collimater le rayonnement pour qu’il atteigne le détecteur. Un miroir parabolique est éventuellement placé pour focaliser le rayonnement dans le détecteur. Un filtre est placé sur le trajet pour empêcher le rayonnement résiduel à 1 550 nm d’atteindre le détecteur. Le détecteur est soit un bolomètre refroidi à l’hélium liquide (4,2 K), soit une cellule de Golay (voir la description de ces détecteurs en page 30). Le photomélangeur est polarisé à l’aide d’une tension carrée modulée à 210 Hz et le détecteur est connecté à un amplificateur à détection synchrone. En faisant varier la longueur d’onde optique d’une des deux sources, on fait varier la différence de fréquence de quelques dizaines de GHz à plusieurs THz.
-
Fig. 4.14 – Schéma d’une expérience de photomélange.
4.4.2
Résultats expérimentaux
Nous présentons le rayonnement THz obtenu par des photomélangeurs commandés par des faisceaux optiques dont les longueurs d’onde se situent autour de 1550 nm. Photomélangeur en ErAs:In0,53 Ga0,47 As Le photomélangeur possède une couche active en ErAs:In0,53 Ga0,47 As de 1,2 μm d’épaisseur épitaxiée sur un substrat semi-isolant d’InP dopé fer. La sensibilité du photomélangeur est de 8 mA/W pour une tension de polarisation de 9 V.
4. Composants pour le régime continu
177
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, 1 000
Fig. 4.15 – Puissance de sortie du photomélangeur en ErAs:In0,53 Ga0,47 As en fonction de la différence de fréquence entre les deux lasers. Le photomélangeur est constitué d’électrodes interdigitées, de 0,25 μm de largeur et espacées de 1 μm, déposées à la surface de la couche active par lithographie électronique. Ces électrodes sont situées au centre d’une antenne dipolaire de largeur 9 μm et de longueur physique 94 μm. La figure (4.15) présente la puissance de sortie du photomélangeur en ErAs:In0,53 Ga0,47 As en fonction de la différence de fréquence entre les deux lasers [172]. Le photomélangeur est polarisé à 8 V et illuminé avec une puissance optique totale de 40 mW. Entre 0 et 22 GHz, la puissance de sortie mesurée à l’aide d’un analyseur de spectre est pratiquement constante et atteint un niveau de 0,2 μW. Au-dessus de 60 GHz et jusqu’à 100 GHz, la puissance de sortie, mesurée à l’aide d’une cellule de Golay est essentiellement constante et égale à 0,13 μW. Au-delà de 100 GHz, la puissance décroît rapidement. La fréquence de coupure à −3 dB se situe à 200 GHz. Cette fréquence de coupure conduit à un temps caractéristique de 0,8 ps égale au temps de vie des porteurs libres dans la couche d’ErAs:In0,53 Ga0,47 As. Photomélangeur en In0,53 Ga0,47 As irradié par des ions Le photomélangeur est constitué d’une couche de 1 μm d’In0,53 Ga0,47 As irradié par des ions (brome), épitaxiée sur une couche tampon d’InAlAs de 200 nm d’épaisseur, elle-même épitaxiée sur un substrat semi-isolant d’InP dopé fer. Une couche de nitrure de silicium est déposée sur la surface de l’In0,53 Ga0,47 As et agit comme couche antireflet et de passivation. La sensibilité du photomélangeur est de 0,025 A/W à 1,8 volt.
178
Optoélectronique térahertz
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Fig. 4.16 – Tension détectée par un bolomètre refroidi en fonction de la différence de fréquence entre les deux lasers. Le photomélangeur est constitué d’électrodes interdigitées de largeur 0,2 μm et espacées de 1,8 μm, situées au centre d’une antenne spirale équi-angulaire d’impédance 73 Ω déposées à la surface de la couche active par lithographie électronique. La figure (4.16) présente la tension détectée par un bolomètre refroidi ainsi que la puissance estimée en fonction de la différence de fréquence entre les deux lasers. Une tension de polarisation de 1,5 V est appliquée au dispositif et la puissance optique incidente totale est de 40 mW. On observe que la puissance rayonnée par le photomélangeur est essentiellement constante de 150 GHz à 570 GHz et atteint une valeur de 45 nW [173]. À 1 THz, la puissance estimée est de 10 nW. La ligne continue représente la puissance calculée à partir de l’équation (4.8) pour une constante de temps Ra C de 0,124 ps, évaluée à partir de la géométrie de l’antenne, et une durée de vie des porteurs de 0,86 ps, mesurée par une technique de transmission optique résolue temporellement. Un bon accord est obtenu entre les points expérimentaux et le tracé théorique.
4.4.3
Perspectives
Les photomélangeurs sensibles à 1 550 nm pourront à l’avenir être optimisés afin d’augmenter leur efficacité d’émission. De manière similaire aux photomélangeurs commandés par des faisceaux optiques dont les longueurs d’onde se situent autour de 800 nm [174], le dépôt d’un miroir de haute réflectivité sur la face inférieure de la couche active ou encore l’utilisation d’une antenne spirale carrée [175] devraient permettre d’améliorer les performances de ces dispositifs THz.
Chapitre 5
Composants passifs 5.1
Introduction
Une fois émises par des sources impulsionnelles ou continues, les ondes THz doivent être mises en forme, c’est-à-dire collimatées, guidées, filtrées. . . pour pouvoir être utilisées dans les diverses applications listées au chapitre 9 (page 275) avant d’être reçues par des détecteurs appropriés. Les sections de ce chapitre traitent de l’ensemble des composants passifs qui peuvent être utilisés pour la mise en forme de ces ondes THz, tant en espace libre qu’en propagation guidée. Nombre de ces composants passifs sont analogues à ceux que l’on trouve en optique visible ou infrarouge ; ils n’en diffèrent souvent que par la taille et les matériaux utilisés. Outre ces différences relativement mineures, s’ajoute une particularité propre au domaine THz, à savoir la bande des fréquences couvertes par les sources THz impulsionnelles cohérentes, laquelle est sans commune mesure avec les bandes de fréquences couvertes par les sources cohérentes du domaine optique. En effet, si l’on considère les sources lasers impulsionnelles Ti:Sa délivrant les impulsions les plus brèves (∼ 10 fs) à des longueurs d’ondes centrées sur 800 nm, leurs spectres associés s’étendent typiquement sur quelques 300 nm, soit un rapport entre les longueurs d’ondes extrêmes atteignant un facteur de 1,5 seulement. En comparaison, les sources THz impulsionnelles délivrent des impulsions monocycles aux spectres associés extrêmement étendus (de 50 GHz à plus de 5 THz typiquement), conduisant à une valeur supérieure à 100 pour ce même rapport entre longueurs d’ondes extrêmes émises par la source. Bien que l’utilisation d’amplificateurs optiques paramétriques permette également aujourd’hui de couvrir dans le domaine optique une gamme de longueurs d’ondes aussi étendue (de ∼ 200 nm dans l’UV lointain à ∼ 20 μm dans l’infrarouge moyen avec les amplificateurs optiques paramétriques de la société lituanienne Light Conversion), la couverture d’un tel spectre n’est pas assurée au moyen d’une unique bande de fréquences mais requiert l’utilisation de plus de 10 bandes de fréquences. Ainsi, la spécificité des composants passifs du domaine THz est de devoir traiter simultanément des longueurs d’ondes variant dans un rapport de 1 à 100 !
180
5.2
Optoélectronique térahertz
Éléments optiques pour la propagation en espace libre
Comme nous l’avons mentionné dans la partie introductive de ce chapitre, nous allons retrouver pour la propagation en espace libre des composants similaires à ceux utilisés dans le domaine optique avec la nécessité de prendre en compte le rôle crucial joué par la dispersion chromatique pour des composants devant fonctionner sur des plages spectrales extrêmement étendues.
5.2.1
Rôle crucial de la dispersion chromatique
Outre la dispersion propre des matériaux utilisés pour la réalisation de composants optiques THz, d’autres phénomènes sont à prendre en considération telle la diffraction qui n’aura pas la même répercution sur les caractéristiques du composant optique considéré lorsque l’on va s’intéresser à des longueurs d’ondes séparées par deux ordres de grandeur. En ce qui concerne la dispersion dans le domaine THz, et contrairement au domaine optique, les milieux solides diélectriques non polaires présentent l’avantage de ne présenter pratiquement aucune raie ni bande d’absorption, excepté aux fréquences les plus élevées où apparaissent les bandes d’absorption liées aux phonons optiques (cf. section (2.3.8) page 78). Ainsi, leur indice de réfraction, qui est lié au coefficient d’absorption par les relations de Kramers-Krönig [32], est en général indépendant de la fréquence. Paradoxalement, les problèmes de dispersion sont donc beaucoup moins critiques dans le domaine THz où l’on dispose de matériaux présentant un indice de réfraction constant sur des plages de longueurs d’onde couvrant deux ordres de grandeur que dans le domaine optique où la dispersion pose déjà de sérieux problèmes dans le spectre visible (385-720 nm). Cette absence ou quasi absence de dispersion dans le domaine THz se retrouve dans bon nombre de matériaux communément utilisés pour la réalisation de lentilles ou fenêtres optiques comme le silicium de haute résistivité (ρ > 1 kΩ·cm), le téflon, le quartz, le saphir, le polyéthylène de haute densité (HDPE) ou encore dans un verre organique appelé picarin. C’est en fait davantage les phénomènes de diffraction que la dispersion proprement dite des matériaux utilisés qui vont être à l’origine de la dispersion chromatique effective des composants optiques THz. En effet, rappelons qu’au voisinage de l’axe optique, la diffraction d’une onde plane par une ouverture de forme quelconque, de plus grande dimension D, est très bien décrite en utilisant une simple théorie ondulatoire scalaire et plus précisément en appliquant le principe d’Huygens-Fresnel [143], lequel fait clairement apparaître l’existence de trois zones de diffraction selon la distance L séparant la source de l’ouverture diffractante. À courte distance de l’ouverture diffractante, on a la zone de Fresnel bien décrite par l’approximation du même nom. Suit la zone de Kirchhoff, zone intermédiaire séparant la zone de Fresnel
5. Composants passifs
181
de celle de Fraunhofer située à grande distance de l’ouverture diffractante 2 (L D 8λ ), cette dernière étant très bien décrite dans le cadre de l’approximation de Fraunhofer [143]. La référence [176] présente une illustration de ces phénomènes dans le cas de la diffraction par une ouverture circulaire. La zone de transition entre le champ proche pour lequel le champ électrique de l’onde diffractée reflète la transmittance de l’ouverture diffractante et le champ lointain pour lequel il reflète la transformée de Fourier de cette même 2 transmittance se situe à une distance caractéristique de l’ordre de D 4λ . Afin de mieux comprendre en quoi les considérations précédentes revêtent une importance toute particulière dans le domaine des ondes THz, prenons l’exemple d’un diaphragme circulaire de rayon R = 5 mm de diamètre éclairé par une onde plane. Pour une onde visible, la distance caractéristique de la transition « champ proche – champ lointain » est de l’ordre de 50 m d’où l’absence de diffraction significative observée en pratique. À l’inverse, pour une onde hyperfréquence (1-10 GHz), cette même distance caractéristique est nettement inférieure au millimètre d’où l’observation d’un faisceau divergent λ . Rappelons que présentant une dispersion angulaire typique de l’ordre de R cela résulte du fait que la distribution d’intensité I en champ lointain d’une onde plane de longueur d’onde λ diffractée par le diaphragme est donnée par la relation : 2 J1 2πRλsin θ (5.1) I∝ 2π sin θ θ représente ici l’angle formé entre la normale au diaphragme et la direction dans laquelle on mesure l’intensité diffractée. Le lobe central de diffraction, encadré par le premier zéro de la fonction de Bessel (J1 (3,83) = 0) a ainsi pour largeur angulaire totale 1,22 Rλ . En revanche, la distance caractéristique de la transition « champ proche – champ lointain » passe d’environ 4 mm à 40 cm. Ainsi, un « observateur » situé à une distance L de 4 cm derrière un tel diaphragme « verra » les basses fréquences diffractées en champ lointain et les hautes fréquences non diffractées, car en champ proche. La figure (5.1) illustrant ce cas de figure a été calculée à partir du principe d’Huygens-Fresnel, l’intensité I de l’onde diffractée à une distance r de l’axe optique étant alors donnée par l’expression : ! " 2 2 +ρ2 −2 rρ cos θ r 2π R exp j k L 1 + 2 L ρ dρ dθ I∝ 2 2 rρ cos θ 0 0 L 1 + r +ρ −2 L2
(5.2)
182
Optoélectronique térahertz 10 mm
5 THz 3,2 THz 2 THz 1,25 THz 0,8 THz 0,5 THz 0,32 THz 0,2 THz 0,125 THz 0,08 THz 0,05 THz -40 -30 -20 -10
0
10
20
30
40 mm
Fig. 5.1 – Profil radial en intensité d’une onde plane THz diffractée par un diaphragme circulaire de 10 mm de diamètre dans un plan distant de 40 mm du diaphragme pour des fréquences couvrant la gamme spectrale s’étendant de 50 GHz à 5 THz et pour une même puissance de l’onde incidente. où k = 2π λ est le vecteur d’onde. Aux basses fréquences, le profil radial en intensité de l’onde diffractée au niveau du détecteur présente un lobe central prépondérant de forme approximativement gaussienne et de largeur variant en proportion inverse de la fréquence (cf. courbes de la figure (5.1) pour les fréquences allant de 50 à 200 GHz). Dans la limite des très hautes fréquences, ce même profil radial en intensité prend une forme de plus en plus carrée de largeur égale à celle du diaphragme (cf. évolution des courbes de la figure (5.1) pour les fréquences allant de 1,25 à 5 THz). Enfin, pour les où c représente la célérité de la fréquences intermédiaires voisines de 4Lc D2 lumière dans le vide et où L est la distance entre diaphragme et plan d’observation, on a un profil radial en intensité de largeur minimale (cf. courbe de la figure (5.1) pour la fréquence de 500 GHz : on retrouve le principe du sténopé utilisé en photographie). En conclusion, pour que la diffraction ne constitue pas un problème rédhibitoire sur le plan pratique, le diamètre des composants optiques THz doit être typiquement d’au moins deux ordres de grandeur supérieur à la plus grande longueur d’onde à traiter.
5.2.2
Miroirs
En optique visible et proche infra-rouge, un miroir métallique réfléchit au mieux 97 % de la puissance incidente (miroir en argent dans le visible) car ses pertes ohmiques sont élevées à cause du trop faible écart entre la fréquence plasma du métal et les fréquences optiques. Ce n’est plus le cas
5. Composants passifs
183
dans le domaine THz où la fréquence plasma des métaux est de plusieurs ordres de grandeur supérieure aux fréquences THz d’où un comportement de miroirs quasi parfaits. Par ailleurs, la faible dureté des miroirs métalliques constitue un inconvénient important dans le domaine optique où les rayures apparaissant au fil du temps conduisent rapidement à des pertes importantes par diffusion. Cela n’a aucune incidence dans le domaine THz car une rugosité moyenne de surface de l’ordre du μm constitue alors un excellent état de surface puisqu’une telle rugosité est de l’ordre de λ/100 à λ/1 000. Ainsi, des miroirs de très bonne qualité sont très faciles à fabriquer pour le domaine THz vu les longueurs d’onde en jeu. C’est pour ces raisons que les miroirs métalliques sont privilégiés pour la mise en forme des faisceaux THz. De surcroît, plusieurs formes de miroirs (plans, paraboloïdes, ellipsoïdes et hyperboloïdes) permettent de garantir un stigmatisme rigoureux entre deux points conjugués [143], autrement dit ils permettent de former une image ponctuelle à partir d’un point source particulier. Deux types de miroirs sont particulièrement utilisés : – les miroirs paraboloïdaux permettant de former un faisceau collimaté à partir de l’onde sphérique émise par une source ponctuelle. Le couple de points conjugués est formé par le foyer du paraboloïde et un point situé à l’infini sur l’axe de révolution du paraboloïde ; – les miroirs ellipsoïdaux permettant de focaliser une onde sphérique émise par une source ponctuelle en un point image conjugué. Ce sont les foyers d’un ellipsoïde de révolution qui forment le couple de points conjugués utilisés. Néanmoins, il est important de noter que la distance focale effective de ces miroirs concaves présente une dispersion chromatique dès lors que l’on tient compte de la section du faisceau THz incident, c’est-à-dire que l’on sort de l’approximation « onde plane » de l’optique géométrique. Dans l’hypothèse de faisceaux gaussiens [143], si l’on considère un miroir de focale théorique f et la configuration classique la plus compacte « point source – distance 2f – lentille – distance 2f – point image » alors, pour une même divergence de faisceau, le point de focalisation du faisceau obtenu après sa réflexion sur le miroir ne se trouve pas exactement à la distance 2f et cet écart par rapport au résultat de l’optique géométrique est d’autant plus grand que la longueur d’onde considérée est également grande. C’est ce qu’illustre la figure (5.2) où nous avons considéré des faisceaux THz de fréquence 50, 100, 200 et 500 GHz présentant tous la même divergence angulaire de ∼ 17,5◦ . Pour cette simulation, la lentille mince modélisant le miroir a une distance focale de 50 mm. Il apparaît clairement sur la simulation un décalage du point de focalisation aux basses fréquences. Dans cette configuration classique, il est facile de démontrer à partir du formalisme des faisceaux gaussiens [143] que la distance dOI entre points conjugués objet et image est donné par
184
Optoélectronique térahertz 40 30
50 GHz
100 GHz
20 10 0 - 10 - 20 -
200 GHz
- 30 -
0
50
100
150
200
Fig. 5.2 – Propagation de faisceaux gaussiens à différentes longueurs d’ondes présentant une même divergence angulaire de ∼ 17,5◦ . Les dimensions en abscisse et en ordonnée sont exprimées en mm. La lentille est située dans le plan en x = 100 mm. la relation :
⎛
⎞
⎜ dOI = ⎝3 + 1+
1 ⎟ 2 ⎠ f
(5.3)
πλ f
Dans la limite des hautes fréquences, on retrouve le résultat de l’optique géométrique, à savoir une distance dOI = 4f alors que dans la limite des basses fréquences, la distance dOI tend vers 3f . Cette dispersion chromatique du point de focalisation induite par la diffraction est à prendre en considération lors de la conception d’un système THz très large bande.
5.2.3
Lentilles
Contrairement à l’optique, les miroirs sont plus souvent utilisés que les lentilles pour mettre en forme les faisceaux THz. Cela tient au fait que, pour s’affranchir des problèmes de diffraction, les lentilles doivent être forcément de très grandes dimensions. Ces grandes dimensions conduisent à des épaisseurs conséquentes de matériau traversé, induisant à leur tour des pertes significatives dues à l’absorption résiduelle de ces matériaux, par exemple l’absorption induite par des porteurs intrinsèques résiduels dans le silicium haute résistivité. De surcroît, les meilleurs matériaux que constituent le quartz ou les semi-conducteurs à haute résistivité présentent des indices de réfraction élevés (> 2) aux fréquences THz, engendrant des pertes importantes par réflexion de Fresnel aux interfaces air-matériau (le coefficient de réflexion en intensité est de 30 % à l’interface air-silicium sous incidence normale). De plus, il est extrêmement difficile de réaliser des traitements antireflets efficaces en raison de l’étendue spectrale colossale à couvrir dans le domaine THz. Dans le domaine THz, les lentilles sont principalement utilisées de façon couplée avec les antennes photoconductrices d’émission et de réception
5. Composants passifs
185 (a)
Sr Sv
(b) Sv
Sr
R (n-1/n)
C
R/n
Fig. 5.3 – Formes de lentilles plano-convexes de rayon de courbure R assurant un stigmatisme rigoureux pour le point source réel Sr dans le cas de lentilles en silicium d’indice 3,4 (a). Lentille demi-boule avec points sources réel Sr et virtuel Sv confondus (b). Lentille hyper-hémisphérique de centre C et d’extension R/n disposant de points sources réel Sr et virtuel Sv séparés de R n − n1 .
(se référer aux chapitres 3 (page 93) et 4 (page 155)) afin d’éliminer les réflexions à l’interface entre l’air et le substrat des antennes et de réduire angulairement le lobe principal d’émission/réception des antennes. Les antennes photoconductrices étant majoritairement réalisées sur des substrats de GaAs, les lentilles utilisées sont en silicium haute résistivité afin d’assurer le meilleur accord d’indice de réfraction possible entre substrat et lentille. Selon la taille et la forme des lentilles utilisées, celles-ci peuvent servir à assurer une meilleure adaptation d’impédance de l’antenne avec le vide, et/ou jouer le rôle d’élément de collimation et de mise en forme du faisceau THz émis ou reçu par l’antenne. Dans l’approximation de l’optique géométrique, deux formes de lentilles plano-convexes s’avèrent particulièrement intéressantes car elles satisfont la condition de stigmatisme rigoureux [143] : – la lentille hémisphérique ou demi-boule (cf. figure (5.3.a)), n (cf. figure (5.3.b)). – la lentille hyperhémisphérique [177] d’extension R Lorsqu’elle est intégrée à une antenne photoconductrice, la lentille demiboule est conçue de sorte que, substrat de l’antenne photoconductrice inclus, elle forme effectivement une demi-sphère. L’ajout d’une telle lentille permet de collecter beaucoup plus efficacement les ondes émises dans le substrat par l’antenne photoconductrice mais sans changer la dispersion angulaire du lobe principal d’émission. La seconde configuration représentée sur la figure (5.3.b) joue un rôle analogue avec l’avantage de conduire à une forte réduction de la dispersion angulaire du lobe principal d’émission. En contrepartie, les ondes formant un angle marqué par rapport à l’axe optique de la lentille arrivent
186
Optoélectronique térahertz
sous une forte incidence au niveau de l’interface lentille-air pour laquelle le coefficient de réflexion est grandement augmenté. Cette seconde configuration collecte moins efficacement les ondes émises mais conduit à un fort resserrement angulaire du lobe principal d’émission. Les lentilles représentées sur la figure (5.3) présentent des ouvertures numériques augmentées respectivement d’un facteur n et d’un facteur n2 pour une même dispersion angulaire de faisceau en sortie de lentille. Dans le cas de lentilles en silicium, l’augmentation d’ouverture numérique est respectivement de 3,4 et de 11,6 d’où leur intérêt pour la réalisation d’un système de microscopie THz en réflexion [178].
5.2.4
Séparatrices
Les séparatrices peuvent être utilisées dans différents schémas expérimentaux, par exemple pour construire des interféromètres de Mach Zehnder, ou pour prélever une portion d’un faisceau THz qui servira de signal de référence dans une expérience de spectroscopie THz dans le domaine temporel. Les séparatrices permettent également de construire des systèmes de mesure interférentiels pour mesurer la durée d’impulsions THz ultrabrèves [179], pour caractériser des films minces [180] ou encore pour détecter des gaz à l’état de traces [181]. Les séparatrices peuvent être constituées : – soit de diélectriques transparents –Si par exemple– pour lesquels c’est la partie réelle n de l’indice de réfraction complexe n 8 qui est mise en œuvre via les coefficients de réflexion et transmission de Fresnel ; – soit de films minces conducteurs déposés sur un substrat diélectrique pour lesquels c’est la partie imaginaire κ de l’indice de réfraction complexe n 8, elle-même reliée à la fréquence plasma des porteurs de charge du conducteur, qui intervient dans la division du faisceau THz ; – soit de polariseurs large bande constitués de réseaux de fils métalliques parallèles (cf. section 5.3). Ces différentes séparatrices présentent toutes la caractéristique plus ou moins marquée d’être sensibles à la polarisation (TE ou TM) de l’onde incidente, cette caractéristique étant fortement liée à l’angle d’incidence de l’onde THz dans les deux premiers cas. Toujours pour ces deux cas de figure, il est important de noter que l’état de polarisation de l’onde THz incidente n’est conservé au niveau des ondes réfléchie et transmise qu’à condition de travailler au voisinage de l’incidence normale ou avec des ondes polarisées rectilignement TE ou TM. Pour ces deux premiers cas de figure, se pose également le problème de la présence de deux interfaces qui conduisent à des interférences à ondes multiples. Ce problème peut être éliminé soit par l’utilisation d’une séparatrice, d’épaisseur d, optiquement mince (i.e. d’épaisseur optique nd très inférieure à la longueur d’onde du faisceau THz à subdiviser), soit par le dépôt d’un traitement antireflet sur l’une des deux faces de la séparatrice. Les films diélectriques très minces, appelés pelicles en anglais, sont les plus
5. Composants passifs
187
utilisés, comme du Mylar1 de quelques μm d’épaisseur. Certains utilisent aussi des wafers de silicium haute résistivité de quelques centaines de μm d’épaisseur.
5.2.5
Prismes et réseaux de diffraction
Les prismes ont peu d’intérêt dans le domaine THz où l’existence de matériaux transparents ne présentant pratiquement aucune dispersion chromatique fait que l’on peut mettre en forme et propager des impulsions THz très facilement sans avoir à compenser la dispersion de vitesse de groupe. De plus, les propriétés de dispersion chromatique des prismes, utiles en spectroscopie, ne peuvent être employées dans le domaine THz car les matériaux à haut indice nécessaires à la fabrication des prismes présentent le plus souvent une absorption rédhibitoire. Aussi, les réseaux de diffraction ont supplanté les prismes dans l’infrarouge lointain. D’une part les réseaux métalliques présentent des pertes ohmiques négligeables grâce au comportement pratiquement idéal des métaux dans le domaine THz. D’autre part, la réalisation de réseaux de diffraction THz de type classique ou échelette, fonctionnant en réflexion ou en transmission, est réalisable par simple usinage mécanique car le pas du réseau, de l’ordre de la longueur d’onde, se situe dans le domaine sub-millimétrique. L’inconvénient des réseaux de diffraction réside dans leur incapacité intrinsèque à traiter des faisceaux polychromatiques dont l’étendue spectrale excède une octave. En effet, un recouvrement des ordres 1 et 2 de diffraction (pour lesquels le problème est le moins aigu) est observé dès que le spectre du faisceau à analyser excède une octave. Ce problème de recouvrement de spectres semble même rédhibitoire dans le cas d’impulsions THz monocycles, lesquelles présentent un spectre associé couvrant typiquement 2 ordres de grandeur, soit près de 7 octaves ! Il serait ainsi nécessaire d’effectuer un préfiltrage et d’analyser le signal sur au moins 6 bandes de fréquences distinctes. Remarquons que ces considérations ne concernent cependant que l’analyse de signaux THz dont on ne maîtrise pas l’émission. En effet, dans le cas contraire, l’information spectrale est obtenue : – soit par transformée de Fourier du profil temporel des impulsions THz échantillonnées dans le cas de mesures dans le domaine temporel effectuées en temps équivalent et mettant en jeu des émissions et réceptions synchronisées desdites impulsions THz (cf. chapitre 3 page 93) ; – soit par connaissance de la fréquence de battement entre les deux sources lasers utilisées pour la génération THz continue (cf. chapitre 4, page 155). Les réseaux de diffraction s’avèrent en revanche très intéressants pour le couplage d’ondes THz dans des guides d’ondes planaires [182, 183] où ils 1
Indice de réfraction n =1,8 à 0,3 THz.
188
Optoélectronique térahertz
permettent d’obtenir d’excellentes efficacités de couplage (> 90 % [184]). Des prismes peuvent bien évidemment servir également de dispositifs de couplage pour des guides planaires ou pour des plasmons de surface, en montage de réflexion totale atténuée (ATR) [185].
5.2.6
Traitements antireflets
Dans le domaine optique, les traitements antireflets classiquement utilisés concernent des bandes spectrales étroites (d’extension souvent inférieure à une octave) et sont généralement constitués par le dépôt d’une simple monocouche d’épaisseur optique λ4 dont l’indice a une valeur aussi proche que possible de la moyenne géométrique des indices des deux milieux constituant l’interface sur laquelle le traitement antireflet doit être déposé. Dans le domaine THz, l’étendue spectrale à couvrir est d’un tout autre ordre de grandeur et il est nécessaire de déposer d’autant plus de couches ayant des indices de réfraction suivant une progression géométrique et une même épaisseur optique λ4 pour obtenir un traitement antireflet efficace. λ = fcm représente ici la longueur d’onde associée à la fréquence médiane du domaine spectral que doit permettre de couvrir le traitement antireflet. Sur la figure (5.4) sont donnés les résultats d’une simulation de coefficients de réflexion en intensité obtenus sur la bande de fréquence 50 GHz-5 THz pour une interface nue silicium-air et pour des traitements antireflets optimaux comprenant de 1 à 3 couches. Coefficient de réflexion en intensité (%)
30
Si nu
25
1 couche AR 20
2 couches AR
15
10
3 couches AR 5
0 0
1
2
3
4
5
Fréquence (THz)
Fig. 5.4 – Dépendance avec la fréquence du coefficient de réflexion (en intensité) d’une onde THz à l’interface silicium-air en fonction du nombre de couches du traitement antireflet réalisé pour la bande de fréquence 505000 GHz.
5. Composants passifs
189
Avec le dépôt de 3 couches, il est déjà possible de maintenir un coefficient de réflexion en intensité au-dessous de la barre des 5 % sur un peu plus de deux octaves (d’un peu moins de 1 THz à un peu plus de 4 THz). Techniquement, on emploie généralement comme couche antireflet, ou en tout cas comme couche réduisant l’intensité réfléchie, des films organiques de quelques dizaines de microns déposés sur le composant [186].
5.3
Traitement de la polarisation en espace libre
Outre sa fréquence, la polarisation d’une onde THz est une autre caractéristique importante car elle intervient chaque fois que l’onde interagit avec des matériaux ou dispositifs anisotropes mais aussi lorsqu’elle éclaire des matériaux isotropes avec une incidence éloignée de la normale. De surcroît, les guides d’onde ne présentant pas de symétrie axiale (guides rectangulaires, guides planaires) ont des caractéristiques qui dépendent fortement de l’état de polarisation de l’onde incidente, selon que cette dernière est de type TE ou TM. Il est donc primordial de disposer de moyens de contrôle de l’état de polarisation d’une onde THz.
5.3.1
Degré de polarisation des émetteurs et détecteurs THz
Le premier élément qui influe sur l’état de polarisation d’une onde THz est bien sûr la source qui l’a générée. Selon le type de source THz, l’onde générée sera polarisée ou non. Parmi les sources THz (section 1.3 page 21), les corps noirs et les lasers moléculaires ne disposant pas d’élément discriminant en polarisation dans leur cavité optique génèrent des ondes à la polarisation aléatoire alors que les lasers moléculaires incluant par exemple une lame sous incidence de Brewster dans leur cavité ainsi que les sources optoélectroniques (antennes photoconductrices et dispositifs de redressement optique utilisant un cristal non linéaire) émettent des ondes présentant un état de polarisation parfaitement défini. La polarisation de l’onde THz émise est généralement rectiligne lorsqu’elle est générée par redressement optique. Dans le cas de l’utilisation d’antennes photoconductrices, la polarisation de l’onde émise pourra être de différents types (rectiligne, circulaire) selon la nature de l’antenne utilisée pour la rayonner (dipolaire, log-spirale...). De façon analogue, les récepteurs peuvent ou non présenter une sensibilité dépendante de la polarisation. Dans le cas des antennes photoconductrices, en vertu du théorème de réciprocité de Rayleigh-Carson [187], la sensibilité des antennes photoconductrices à un état de polarisation donné est directement reliée à leur efficacité de génération d’une onde de même fréquence présentant ce même état de polarisation. Dans la cas de mesures électrooptiques (se reporter page 93), la réponse dépend de l’effet physique mis en jeu et également du matériau :
190
Optoélectronique térahertz
– seule une composante du champ électrique de l’onde est mesurée en utilisant l’effet Pockels avec un cristal électro-optique anisotrope [144] ; – l’état de polarisation de l’onde peut être complètement caractérisé en utilisant l’effet Pockels avec un cristal électro-optique isotrope [188] ; – seule l’amplitude du champ électrique, indépendamment de sa direction, est déterminée en utilisant l’effet Franz-Keldysh. Enfin, les bolomètres classiques sont insensibles à l’état de polarisation de l’onde incidente. Néanmoins, il peut exister un écart entre l’état de polarisation théorique et celui réellement observé comme cela a été mis en évidence avec une antenne photoconductrice dipolaire [189] : chaque composante spectrale présente une polarisation rectiligne (à l’incertitude de mesure près) mais la direction du champ électrique peut dépendre de la fréquence en fonction de l’alignement « faisceau laser de déclenchement – photocommutateur – lentille ».
5.3.2
Polariseurs à grille
Parmi l’ensemble des composants passifs, c’est probablement au niveau des polariseurs que les solutions choisies dans le domaine THz diffèrent le plus de celles utilisées en optique. En effet on recourt généralement à un réseau de fils métalliques parallèles pour faire office de polariseur pour les ondes THz. Une onde présentant une polarisation rectiligne alignée avec la direction des fils est réfléchie par le polariseur alors que l’onde de polarisation croisée est transmise. Encore une fois, cela vient du fait que les métaux présentent une fréquence plasma très supérieure aux fréquences du domaine THz et qu’ils peuvent ainsi être considérés comme quasiparfaits. Ainsi, un polariseur à grille agit finalement comme un séparateur de polarisation. Le principe physique sur lequel repose le polariseur à grille est le suivant : – lorsque le champ électrique de l’onde est parallèle aux fils, il va pouvoir être absorbé par les électrons qui sont libres de se mouvoir dans la direction du champ électrique, les électrons émettant à leur tour ce champ dans une direction symétrique de celle d’incidence par rapport à la normale au plan du polariseur (le polariseur à grille se comporte comme un miroir plan effectif) ; – lorsque le champ électrique de l’onde est perpendiculaire aux fils, il ne peut mettre efficacement en mouvement les électrons libres du fil car ceux-ci sont fortement confinés dans la direction transverse du fil. Pour qu’un tel polariseur à grille fonctionne, il est nécessaire que le diamètre des fils métalliques soit très inférieur à la plus petite longueur d’onde du faisceau THz traité. La distance entre fils doit, quant à elle, être de l’ordre de grandeur du diamètre des fils. Ces polariseurs THz sont généralement fabriqués en tendant des fils de tungstène de la dizaine à quelques dizaines de microns de diamètre sur un cadre rigide mais peuvent être également réalisés par lithographie en gravant une couche mince métallique déposée sur
5. Composants passifs
191
un film diélectrique optiquement fin et transparent dans le domaine THz. Ils présentent l’avantage de présenter de grandes dimensions et de fonctionner sur de très larges bandes, qui peuvent être supérieures à 1 THz 2 .
5.3.3
Polarisation par séparation temporelle
Lorsque l’on utilise des impulsions THz, on peut tirer profit des matériaux anisotropes pour réaliser un polariseur. En effet, si une impulsion THz est envoyée sur un matériau fortement anisotrope, elle peut engendrer à sa sortie deux impulsions aux polarisations rectilignes croisées. Cela se produit si l’onde THz incidente est polarisée soit circulairement soit rectilignement selon une direction différente de celles des axes diélectriques propres du matériau anisotrope. Pour une différence entre les épaisseurs optiques ordinaire et extraordinaire du matériau qui est supérieure à la durée de l’impulsion THz incidente, il y a séparation temporelle des deux impulsions en sortie. Il est alors possible de fenêtrer temporellement l’une d’elles pour ne conserver qu’un état de polarisation. L’avantage potentiel de cette méthode est d’obtenir des impulsions transmises aux polarisations parfaitement rectilignes et croisées, ce que ne garantit pas un polariseur à grille. Cette méthode de polarisation par séparation temporelle est intrinsèquement très large bande : son principe a été validé en utilisant un cristal de niobate de lithium [189]. Bien que présentant une très forte anisotropie, ce matériau n’est pas idéal en raison d’une trop forte absorption. Ce concept pourrait s’avérer très intéressant s’il était employé avec un matériau fortement anisotrope et à faibles pertes : des solutions pourraient émerger dans le domaine des matériaux microstructurés par exemple. Récemment, R. Shimano et ses collaborateurs [190] ont produit un faisceau THz de polarisation circulaire en additionnant deux impulsions THz de polarisation perpendiculaires générées dans un cristal de ZnTe, et en contrôlant le sens de rotation de la polarisation (gauche-droite) en jouant sur le retard temporel entre ces deux impulsions.
5.3.4
Lames biréfringentes
Les lames biréfringentes sont des composants indispensables pour contrôler la polarisation d’une onde. Un état de polarisation quelconque est représenté sur la figure (5.5) : il est défini par son ellipticité ξ = ab (rapport grand axe sur petit axe) et son orientation par rapport à l’axe x du référentiel du laboratoire Oxy. Il peut être également représenté de manière formelle par son vecteur de Jones associé [143], lequel s’écrit : – Ax , Ay e−j Δψ dans le référentiel du laboratoire Oxy où Δψ représente le déphasage entre les composantes du champ électrique de l’onde selon les axes x et y ; 2
Voir par exemple le site de la société Microtech : www.mtinstruments.com
192
Optoélectronique térahertz
y Ay
X
Y a b
−A x
Ax
x
−Ay Fig. 5.5 – État de polarisation générique défini par son ellipticité ξ = son orientation θ dans le référentiel du laboratoire Oxy.
b a
et
– (a, −jb) dans le référentiel propre OXY pour une hélicité négative (cas représenté sur la figure (5.5)). Formée d’une lame à faces parallèles d’épaisseur L taillée dans un matériau anisotrope présentant des indices ordinaire no et extraordinaire ne , une lame biréfringente induit un déphasage Δϕ entre les deux états de polarisation propres du faisceau de longueur d’onde λ qui la traverse, donné par : Δϕ = ϕo − ϕe =
2π (no − ne ) L 2π δn L = λ λ
(5.4)
Deux valeurs particulières du déphasage Δϕ s’avèrent particulièrement utiles : il s’agit de π pour la lame demi-onde et de π2 pour la lame quart d’onde. La lame demi-onde permet de faire tourner d’un angle quelconque un état de polarisation elliptique quelconque sans changer son ellipticité alors qu’une lame quart d’onde permet de créer, à partir d’un état rectiligne, un état de polarisation d’ellipticité quelconque mais sans contrôle de son orientation. Ainsi, avec un jeu de deux lames, une demi-onde et un quart d’onde, il est possible de créer, à partir d’une onde polarisée rectilignement, une onde à l’état de polarisation le plus général possible (ellipticité et orientation quelconques) et réciproquement. Cependant, ces composants présentent l’inconvénient d’être « bande étroite ». En effet, l’équation (5.4) montre que le déphasage ne peut être indépendant de la longueur d’onde que si la différence entre les indices ordinaire et extraordinaire du matériau anisotrope varie proportionnellement à λ. Une autre solution pour obtenir des lames biréfringentes achromatiques consiste à superposer plusieurs lames d’épaisseurs et d’orientations différentes. Avec un ensemble comportant seulement six lames de quartz, une lame quart d’onde achromatique couvrant la bande
5. Composants passifs
193
de fréquences 0,25-1,75 THz a été réalisée [191], le défaut relatif de déphasage étant maintenu inférieur à 3 % sur l’ensemble de la bande de fréquences.
5.4
Guides d’ondes
D’un point de vue pratique, guider les ondes THz présente de nombreux avantages : manipulation aisée des faisceaux, élimination des perturbations liées à la propagation dans l’air (absorption par la vapeur d’eau et par les poussières), possibilité de télécommunications aux fréquences THz, guidage des ondes à l’intérieur d’objets de topologie complexe (applications médicales), etc. La radioastronomie sub-millimétrique, pour ses systèmes de détection hétérodyne, utilise depuis plus de 30 ans les guides métalliques comme éléments de liaison entre d’une part l’antenne de réception et les diodes du mélangeur hétérodyne et d’autre part l’oscillateur local et ces mêmes diodes [192]. Pour des raisons de compacité et de pertes, ces liaisons sont les plus courtes possible, de l’ordre de quelques centimètres [193]. Cependant, la question de guider les ondes THz sur des longueurs plus importantes, de plusieurs dizaines de centimètres, n’a été abordée que depuis le début des années 2000 par l’équipe de D. Grischkowsky à l’université d’Oklahoma [194–197]. Depuis, cette thématique a été l’objet de nombreux travaux. En particulier D. Mittleman [198] a présenté de spectaculaires résultats sur le guidage des ondes THz par un fil métallique. La mise au point de systèmes THz à 2 dimensions, analogues aux dispositifs de l’optique intégrée, est proche. Déjà, des dispositifs dédiés aux applications biologiques ont été validés [199], et de nouveaux types de guides diélectriques compacts ont été proposés.
5.4.1
Quelques rappels sur le guidage des ondes électromagnétiques
Pour guider une onde électromagnétique, il faut disposer au moins d’une interface entre deux milieux optiques différents. Cette interface va imposer des contraintes aux valeurs des champs électromagnétiques, ce qui va sélectionner des solutions particulières dont certaines traduisent le guidage de l’onde électromagnétique. Une onde électromagnétique est guidée dans une direction x lorsque son amplitude décroît exponentiellement quand on s’éloigne de la région de guidage dans les directions normales à x, suivant z – cas à 2 dimensions– ou y et z –cas à 3 dimensions. Autrement dit, le champ de l’onde guidée est évanescent en dehors du guide d’onde. Dans la direction x, l’onde est généralement très peu atténuée et se propage sur des distances très supérieures à la longueur d’onde. Soit k le vecteur d’onde du champ électromagnétique. Les règles de l’électromagnétisme imposent la conservation de la composante kx du vecteur d’onde.
194
Optoélectronique térahertz
Considérons le cas à 2 dimensions d’un guide d’extension latérale limitée selon la direction z. Nous avons : k2 =
ω2 2 n = kx2 + kz2 c2
(5.5)
On définit l’indice effectif nef f de l’onde guidée par : kx =
ω nef f c
(5.6)
Cet indice effectif détermine la vitesse de propagation de l’onde (vitesse de phase) le long du guide. En introduisant nef f dans l’expression précédente, on obtient : ω 2 kz = n − n2ef f (5.7) c Dans les milieux extérieurs, le champ est évanescent, donc kz est imaginaire : nef f est supérieur à l’indice de réfraction n de ces milieux extérieurs. Mais, à l’intérieur du guide, la condition contraire est réalisée : nef f < ng où ng est l’indice du milieu guidant. kz est alors réel, la lumière se propage aussi dans la direction z et elle se réfléchit sur les parois latérales du guide. Si l’on considère deux rayons lumineux se propageant dans la même direction et formant un angle quelconque avec l’axe x, l’un subissant deux réflexions totales internes pendant que l’autre n’en subit aucune, alors les déphasages subis par ces deux rayons pour une même distance de propagation selon x doivent être égaux à un multiple de 2π près : Δϕ = 2 m π où m est un entier naturel. Cette condition conduit à une quantification des valeurs de kz et donc de l’indice effectif. Ce dernier prend des valeurs nef f,m paramétrées par l’entier m ≥ 0. On appelle mode guidé le champ associé à chaque entier m. Ce raisonnement très général s’applique aussi bien pour les guides diélectriques que pour les guides métalliques. Il ne s’applique pas lorsque ce sont les courants hautes fréquences qui sont guidés (cas de certains guides planaires). Dans le cas à 3 dimensions, il existera deux indices indépendants m et n pour les différents modes guidés. Pour un guide diélectrique planaire constitué de 3 milieux d’indices de réfraction n1 , ng et n2 l’indice effectif du mode m est solution de l’équation : ! " k1 z + k2 z + 2mπ (5.8) kg z d = atan kg z 2 kg z − k1 z k2 z où les composantes, normales aux interfaces, des vecteurs d’onde sont : ω 2 ω 2 ω 2 ng − n2ef f ; k1 z = nef f − n21 ; k2 z = nef f − n22 (5.9) kg z = c c c La résolution des équations (5.8) et (5.9), c’est-à-dire le calcul des indices effectifs nef f,m , est réalisée soit numériquement, soit par une méthode graphique.
5. Composants passifs
5.4.2
195
Guides d’ondes diélectriques
Typiquement, les longueurs d’onde du domaine THz sont de 100 à 1 000 fois plus grandes que celles des ondes optiques. En comparaison, l’indice de réfraction de la matière varie peu entre les domaines optique et THz (voir tableau (5.1)). Les guides d’onde diélectriques pour le THz sont donc semblables aux guides d’ondes optiques, au facteur d’échelle près qui n’affecte que les dimensions. Ainsi, alors que la taille du cœur d’un guide optique est micronique, celle d’un guide THz est sub-millimétrique ou millimétrique. Ce qui a deux implications : – le cœur du guide est suffisamment solide pour ne pas nécessiter de gaine ou de substrat ; – lorsqu’une gaine ou un substrat sont employés pour que l’onde THz guidée ne s’étende pas dans le milieu ambiant, le guide d’onde THz présente des dimensions latérales de l’ordre du centimètre, ce qui ne facilite pas sa flexibilité et pose dans certains cas des problèmes d’encombrement. Les matériaux diélectriques destinés à la réalisation des guides THz doivent présenter une absorption très faible et peu de dispersion. Les ondes THz sont fortement absorbées par les porteurs libres (métaux et semi-conducteurs dopés) et les molécules polaires comme l’eau. Dans les matériaux diélectriques, l’absorption des ondes THz est principalement due à l’excitation de phonons. Si l’excitation des phonons optiques se produit généralement vers 10-20 THz (15-30 μm), la mise en jeu de processus multi-phononiques associant phonons optiques et acoustiques, transverses et longitudinaux, conduit à des pertes qui restent significatives dans le domaine THz. En comparaison, les pertes dans la fenêtre des télécommunications (1,3-1,5 μm) sont plus faibles de plusieurs ordres de grandeur (figure (5.6)). Dans le domaine THz, qui est relativement éloigné des fréquences d’excitation maximale des phonons optiques, l’absorption varie de façon monotone avec la fréquence. Les relations de Kramers-Kronig conduisent à une très faible dispersion dans le domaine THz pour ces matériaux transparents. Le tableau (5.1), établi avec les données publiées dans [200], donne l’indice de réfraction et le coefficient d’absorption des principaux matériaux « transparents » dans l’infrarouge très lointain. La relativement forte absorption intrinsèque des matériaux, à laquelle s’ajoutent les pertes dues aux défauts géométriques des guides (rugosité, inclusions...), limite leur emploi à des distances relativement courtes (< 1 m). Les guides d’ondes diélectriques rectangulaires, destinés à guider les ondes THz sur des courtes distances dans des circuits de type électronique, ont été modélisés initialement par Engel et Katehi [201], en s’appuyant sur les travaux réalisés dans les années 1970-80 sur les guides d’ondes millimétriques. L’étude montre les potentialités des guides diélectriques par rapport aux lignes hyperfréquences de type microruban. Les performances de tels guides diélectriques ont été vérifiées par
196
Optoélectronique térahertz
’ Fig. 5.6 – Absorption typique d’un matériau diélectrique depuis l’ultraviolet jusqu’aux ondes centimétriques. Mendis et Grischkowsky [196] dans le cas de structures planaires par mesure en spectroscopie THz. Matériau
Fréquence Longueur Indice Absorption (GHz) d’onde (μm) (dB/cm) Silice fondue Spectrosil 300 1 000 1,962 0,054 Polyéthylène 1 000 300 1,506 0,178 PTFE (Teflon) 1 000 300 1,410 0,257 Silicium HR (11 000 Ω·cm) 400 750 3,414 0,373 Mousse de styrodur 320 937,5 0,130 Quartz 1 200 250 2,144 (E) 0,047
Tab. 5.1 – Indice de réfraction et absorption de matériaux à faibles pertes dans l’infrarouge lointain. Pour le quartz, c’est l’indice extraordinaire (E) qui est donné. Le cas des guides d’onde cylindriques de type « fibre optique » a été abordé récemment par Jamison [197] qui a fabriqué et testé de tels guides constitués d’un cylindre de saphir cristallin. Les pertes mesurées sont d’environ 1 cm−1 à 1 THz et de 6 cm−1 à 2,5 THz, du même ordre de grandeur que des fibres cylindriques en polyéthylène haute densité (PEHD) testées au LAHC à Chambéry [202]. De façon générale, les pertes dans ces fibres restent élevées : une façon de les réduire est d’employer des matériaux contenant de nombreuses bulles d’air à l’instar des mousses qui présentent une très bonne transparence. Ainsi Weinzierl [203] et ses collègues rapportent des valeurs de 0,04 dB/cm à 135 GHz. Les fibres à cristal photonique s’inscrivent dans le prolongement de ces études et présentent des caractéristiques
5. Composants passifs
197
de propagation très intéressantes. H. Han et ses collègues [204] ont fabriqué une fibre photonique en assemblant des tubes creux de polyéthylène. L’onde THz est confinée dans le cœur de la fibre, constituée d’un tube de polyéthylène plein, car la propagation dans la partie formée des tubes creux est interdite. Dans la gamme 0,6-3 THz, la dispersion d’une telle fibre est très faible (< 0,3 ps/THz/cm) ainsi que ses pertes (< 2 dB/cm).
5.4.3
Guides d’ondes métalliques
Guides creux Étant donné qu’une partie importante des pertes de guidage dans les guides diélectriques provient de l’absorption intrinsèque du matériau, et puisque les dimensions latérales des guides sont de quelques centaines de μm, il est technologiquement possible de fabriquer des guides creux à faibles pertes. L’onde THz est alors guidée dans l’air ou le diélectrique qui constitue le cœur du guide, à l’intérieur d’une enveloppe solide généralement en métal ou avec une surface intérieure entièrement métallisée [205]. Ces guides présentent aussi l’avantage d’être très peu dispersifs. Il s’agit d’adapter au domaine THz les guides d’ondes, en forme de tuyau, des hyperfréquences. Par rapport aux lignes de propagation hyperfréquences, par exemple coplanaires, l’énergie est ici guidée principalement dans l’air, et les pertes mesurées sont environ 10 fois plus faibles. En effet, dans l’infrarouge lointain et les micro-ondes, les propriétés électromagnétiques des métaux sont parfaitement décrites par le modèle de Drude car l’énergie des photons THz ne leur permet d’exciter que les porteurs libres. Toutes les excitations entre niveaux inter- et intrabandes leur sont inaccessibles. La constante d’atténuation dans l’or ainsi que le pourcentage d’énergie absorbée par de l’or éclairé sous incidence normale sont représentés sur la figure (5.7). Par rapport au domaine visible, les pertes sont 10 fois plus faibles. Pour garder un fonctionnement monomode, la dimension interne du guide doit rester de l’ordre de la demi-longueur d’onde. Un tel fonctionnement n’est garanti que sur une bande de fréquence réduite (environ une octave). Cela correspond rapidement à des dimensions inférieures au millimètre. La réalisation par usinage devient très délicate, la métallisation intérieure plus difficile, et surtout l’alignement de deux sections de guide extrêmement délicat. Guides planaires Dans ce mode de guidage, ce sont les courants haute-fréquence qui sont guidés par des conducteurs métalliques. Il est nécessaire de disposer au moins d’un conducteur qui assure le retour du courant. Le comportement de ces guides est similaire à celui du câble coaxial où le conducteur central assure le transport du signal et le conducteur externe le retour de celui-ci.
Optoélectronique térahertz
10
6
10
5
10
4
1
0,1
10 100 1000 Longueur d’onde (μm)
−1
1
Coefficient d'atténuation (cm )
Énergie absorbée (%)
198
Fig. 5.7 – Énergie absorbée en incidence normale par de l’or et constante d’atténuation de l’or (valeurs calculées). Le premier mode guidé est un mode proche du mode TEM où les deux composantes du champ électromagnétique sont perpendiculaires à la direction de propagation. Pour éviter la propagation des modes guidés ou le rayonnement de la structure, il faut réduire toutes les dimensions latérales lorsque la fréquence augmente. Cette réduction s’accompagne d’une forte augmentation des pertes. Les principaux guides planaires utilisables sont les guides micro-rubans (a) et les guides coplanaires à deux (b) et trois rubans (c). Guides utilisant des plasmons de surface Nous avons vu dans la partie consacrée aux principes physiques de base que les plasmons de surface correspondent à la propagation d’une excitation collective des électrons au voisinage de la surface d’un métal, le mouvement perpendiculaire à la surface des électrons donnant un caractère transverse magnétique à l’onde. Le champ électromagnétique du plasmon pénètre très peu dans le métal et est peu sensible aux pertes du métal : on s’attend donc à ce que le plasmon se propage sur de longues distances à la surface du métal. Quantifions ces grandeurs. Le vecteur d’onde du plasmon de surface s’écrit, pour une interface air (vide)-métal :
ω ε (5.10) kSP = c 1+ε où ε est la permittivité relative du métal. Dans l’hypothèse où la permittivité est grande, ce qui est vrai dans le domaine THz, les valeurs réelle et imaginaire de kSP prennent les expressions approchées suivantes : εi εr {k} ≈ − 2 (5.11) {k} ≈ 1 + 2 2 2(εr + εi ) 2(εr + ε2i )
5. Composants passifs
199
Pour les métaux nobles, |εr | ≈ |εi | ≈ 105 − 106 dans le domaine THz. On constate alors que la partie réelle de kSP est très proche de 1, confirmant que le champ du plasmon se propage principalement dans l’air. La distance c , est de propagation L du champ à la surface du métal, égale à L = ω {k} supérieure en théorie au mètre. On comprend alors l’intérêt que suscitent les plasmons de surface dans le domaine THz. Seront-ils un vecteur du signal THz dans des dispositifs métalliques à deux dimensions ? Les profondeurs de pénétration du champ dans l’air dSP et dans le métal dSP −m se déduisent de kSP : 1 1 (5.12) = dSP = kSP z ω2 2 c2 − kSP dSP −m =
1 kSP z
1 = ω2 2 ε c2 − kSP
(5.13)
En remplaçant kSP par son expression (5.10) dans les équations précédentes, et en supposant qu’il n’y a pas de pertes dans le métal, on montre facilement que : (5.14) dSP = ε dSP −m Pour un métal noble, dSP sera de l’ordre de plusieurs cm, alors que dSP −m sera inférieur au μm. Les propriétés de propagation des plasmons présentent les défauts de leurs qualités ! Les grandes distances de propagation se traduisent par une extension importante du champ dans l’air, typiquement sur plusieurs cm, rendant difficile la réalisation de dispositifs plasmoniques THz compacts et pratiques ! Plusieurs travaux expérimentaux ont été rapportés au sujet des plasmons de surface dans le domaine THz. Tout d’abord, il est constaté que la longueur de propagation mesurée est beaucoup plus faible que celle attendue théoriquement. Ainsi, T.-I. Jeon et D. Grischkowsky [206] ont mesuré L = 43,5 cm à 0,4 THz pour un plasmon se propageant sur une surface plane d’aluminium. De même, Nazarov et ses collaborateurs [207] ont déterminé par une technique différente L = 11,1 cm à 0,5 THz. Les premiers auteurs attribuent cette faible valeur observée à la mauvaise excitation du plasmon de surface, tandis que les seconds penchent plutôt pour des pertes supplémentaires dues à des molécules adsorbées en surface ou à une couche surfacique d’oxydes. Les plasmons de surface peuvent aussi se propager le long d’un cylindre métallique. Dans ce cas, on les nomme ondes de Sommerfeld [208]. Wang et Mittleman [198] ont excité ces ondes le long d’un fil métallique à l’aide de la diffraction d’une lame de rasoir placée au voisinage du fil. Les longueurs de propagation mesurées atteignent 50 cm, Jeon et ses collaborateurs [208] ayant même mesuré plusieurs mètres de propagation. Wang et Mittleman [198] ont pu détecter l’onde de Sommerfeld réfléchie au bout du fil et se propageant
200
Optoélectronique térahertz
ainsi en sens inverse le long du fil, et montrer que le coefficient de réflexion dépend du milieu dans lequel baigne le fil. Lorsque le métal est recouvert d’un film diélectrique, un mode hybride, nommé onde de Goubau, se propage dans la structure. Bien que les pertes soient relativement élevées (∼ 5 cm−1 à 0,5 THz [209, 210]), ces structures présentent un fort intérêt pratique pour réaliser des dispositifs de mesure, en particulier dans le domaine biologique [211].
5.4.4
Dispersion et pertes des guides d’ondes
Dispersion modale À la différence de la propagation en espace libre où seule la dispersion du milieu dans lequel s’effectue la propagation intervient, la propagation guidée fait intervenir la dispersion modale qui existe même en l’absence de dispersion des matériaux constitutifs du guide d’onde. En effet, chaque mode possède pour chaque fréquence une vitesse de propagation spécifique. La dispersion d’un mode (dispersion intramodale) donné est faible, sauf pour les fréquences très proches de la fréquence d’apparition de ce mode. Cependant, si plusieurs modes peuvent se propager, le champ électromagnétique de l’onde guidé est alors réparti sur les différents modes propres autorisés de la structure guidante ; cette répartition sur les différents modes propres dépend des conditions d’excitation et est très difficilement contrôlable. Cette situation est à proscrire dans tous les cas où la phase du signal intervient car, outre la grande difficulté de la maîtrise des conditions d’excitation, des transferts d’énergie entre modes peuvent survenir dans le guide d’onde en présence de défauts et d’autre part la dispersion intermodale est généralement de plusieurs ordres de grandeur supérieure à la dispersion intramodale. Pertes Pour les pertes, il faut distinguer les guides d’onde diélectriques des guides d’onde métalliques. Dans le cas des guides d’ondes diélectriques, les pertes de propagation sont liées aux coefficients d’absorption des matériaux constitutifs du guide d’onde, auxquelles il faut potentiellement ajouter les pertes relatives aux imperfections du guide (non-constance des dimensions géométriques, rugosité aux interfaces...). Dans le cas des guides d’ondes planaires métalliques, il faut considérer également les pertes métalliques, la circulation des courants haute fréquence se fait uniquement sur la surface des conducteurs métalliques : c’est l’effet de peau. La profondeur de pénétration du champ et donc l’épaisseur de circulation des courants décroissent comme la racine carrée de la fréquence. Cela se traduit par une augmentation des pertes métalliques aux fréquences THz et l’inutilité d’utiliser des métallisations épaisses. Une épaisseur de l’ordre du micromètre, avec une bonne conductivité est généralement suffisante. Comme les dimensions latérales doivent aussi être réduites, les
5. Composants passifs
201
pertes métalliques constituent la principale contribution au-delà de 100 GHz pour tous les guides planaires.
5.4.5
Comparatif des différents guides d’onde THz
J. Digby et ses collaborateurs [212] ont mesuré des pertes aussi faibles que 0,05 cm−1 à 100 GHz dans des guides fabriqués par micro-usinage. D. Grischkowsky et son équipe [194, 195] se sont intéressés à des guides pour de la propagation sur de plus longues distances (jusqu’à 25 cm). En particulier, ils ont obtenu des résultats remarquables (figure 5.4) avec un guide souple formé de 2 lames en cuivre maintenues l’une sur l’autre par deux rubans adhésifs double-face parallèles [194]. Le cœur du guide est formé par l’espace compris entre les lames métalliques et les deux rubans. Très récemment, Nagel et ses collaborateurs [213] ont proposé une structure guidante diélectrique formée par une fente de largeur très faible (15 μm) située entre deux blocs parallélépipédiques de silicium, la section de chacun des blocs étant 30 × 50 μm2 . Le champ, en polarisation TE, est confiné dans la fente à cause de la grande différence d’indice entre l’air (n = 1) et le silicium (n = 3,42). Une atténuation inférieure au centième de dB/cm est rapportée pour des fréquences inférieures à 0,5 THz. Le tableau (5.2) résume les principaux résultats publiés sur les guides d’ondes THz. Les pertes sont assez élevées, au mieux de l’ordre de 10−2 cm−1 , c’est-à-dire 0,05 dB/cm, bien loin des performances des fibres optiques, mais plus faibles cependant que celles observées dans les guides utilisés en optique intégrée. La propagation sur de très longues distances d’ondes THz dans des fibres semble donc illusoire. Les guides diélectriques ainsi que les lignes de propagation microrubans ou coplanaires du type de celles utilisées en hyperfréquence présentent des performances moindres que les guides métalliques, aussi bien en atténuation qu’en dispersion. Cependant, ils peuvent être employés dans d’autres buts que le guidage des ondes sur de longues distances. Par exemple, ils peuvent servir à sélectionner des fréquences dans un signal THz large bande [182] ou bien ils peuvent être utilisés pour réaliser des capteurs chimiques ou biologiques dans le domaine THz [214]. Type
Matériau
Fréquence (THz) planaire HDPE 1 fibre saphir 1 circulaire creux acier/air 2 rectangulaire creux cuivre/air/scotch 1 rectangulaire creux or/air 0,1 fente (air) Si/air/Si 2) –ce qui est le cas ici avec l’air d’indice 1 et le silicum d’indice 3,4– il peut alors présenter une bande interdite complète (existence d’une bande interdite quel que soit l’angle d’incidence) : le cristal photonique se comporte alors comme un miroir quasi parfait et omnidirectionnel sur une bande de fréquences donnée. Dans le cas de cristaux photoniques métalliques dont les motifs conducteurs élémentaires sont interconnectés, la première bande obtenue dans la limite des basses fréquences est une bande d’énergie interdite au lieu d’être une bande d’énergie permise : en effet, dans la limite des basses fréquences, le cristal photonique peut être vu comme un milieu effectif (métal « dilué ») présentant une fréquence plasma effective et se comportant ainsi comme un miroir pour les fréquences inférieures à sa fréquence plasma effective. Dans l’exemple donné précédemment, le cristal photonique se comporte comme un filtre passe-haut ou passe-bas selon que l’on s’intéresse au signal réfléchi ou transmis. Dans de nombreuses applications, il est beaucoup plus intéressant de disposer d’un filtre passe-bande, et si possible accordable. À l’instar du contrôle des niveaux de défauts dans la bande interdite de semiconducteurs réalisé par dopage, un niveau de défaut peut être créé dans la bande interdite d’un cristal photonique en introduisant un défaut lacunaire, intersticiel ou encore substitutif pour rompre la périodicité du cristal : le but est de modifier l’indice de réfraction d’un des éléments d’une maille du cristal photonique. À une dimension et dans le cas de cristaux photoniques présentant un plan de symétrie, des formules quasi analytiques donnant notamment la position fréquentielle du ou des niveaux de défaut dans les différentes bandes interdites du cristal photonique sont obtenues [219] : une telle structure présente une très forte analogie avec un interféromètre de FabryPérot. La position fréquentielle fd des niveaux de défaut, à l’intérieur d’une bande interdite photonique centrée sur la fréquence fc , est donnée par : fd ∼ = (m + δm) c 2 nd Ld fc nadj d ρ π nd d f f
où ISL = δm =
ISL 1 + δm fc ISL
(5.15)
est l’intervalle spectral libre de l’interféromètre et où . nd et Ld représentent respectivement l’indice de réc
fraction et l’épaisseur du défaut physique introduit entre les deux miroirs de Bragg ; c est la célérité de la lumière et nadj est l’indice de réfraction du matériau adjacent au défaut. Enfin, ρ(f ) est le déphasage introduit par la réflexion sur les miroirs de Bragg et m, qui est entier, est l’ordre du niveau de défaut. Ainsi par simple mesure ou calcul de ce déphasage au voisinage de la fréquence centrale de la bande interdite, il est aisé de déterminer la position en fréquence des niveaux de défauts. Dans le cas où ρ(f ∼ fc ) = C te , on a δm = 0 et on retrouve alors l’équation classique donnant les fréquences de résonance d’un interféromètre de Fabry-Pérot. Ce cas
206
Optoélectronique térahertz
« académique » présente l’avantage de conduire à des formules analytiques : il permet ainsi d’identifier les paramètres qui interviennent dans l’accordabilité des niveaux de défauts. La formule (5.15) montre que l’accordabilité peut être obtenue : – soit par modification de l’intervalle spectral libre ISL en agissant directement sur les caractéristiques du défaut (dimensions et indice de réfraction) ; – soit par modification de δm, laquelle modification peut être obtenue par modification de l’indice de réfraction du défaut ou du milieu adjacent qui l’enserre, ou encore par modification de la réponse fréquentielle de la structure photonique de part et d’autre du défaut. Étant donné que c’est la première bande interdite qui présente la largeur relative la plus grande et que l’on a intérêt à ce qu’un unique niveau de défaut soit présent au sein de cette bande interdite, l’intervalle spectral libre doit donc être au moins égal à la largeur de la première bande interdite, ce qui conduit à une épaisseur optique nd Ld du défaut physique de l’ordre de λ2c = 2 cfc où λc est la longueur d’onde correspondant à la fréquence centrale de la première bande interdite. L’accordabilité des niveaux de défaut la plus simple à réaliser consiste à modifier l’intervalle spectral libre ISL, soit par modification des dimensions du défaut physique [220], soit par modification de son indice de réfraction. Dans le domaine THz, la modification de l’indice de réfraction d’un matériau ferroélectrique peut être réalisée thermiquement [221]. En utilisant du SrTiO3 , une accordabilité record de 60 % (entre 100 et 185 GHz) d’un niveau de défaut présentant un facteur de qualité Q > 45 a été obtenue pour une température variant de l’ambiante à 100 K [222]. Il est aussi possible de modifier non pas la position fréquencielle du défaut, mais la transmission du dispositif à la fréquence du défaut, en modifiant l’absorption THz du défaut, ce qui peut être réalisé en éclairant le défaut si celui-ci est fabriqué dans un matériau semi-conducteur [223]. Très recemment, L. Fekete et ses collaborateurs [224] ont fabriqué et caractérisé un cristal photonique à 1D, dont le défaut était constitué d’un wafer de GaAs. L’excitation de porteurs libres en éclairant le défaut à l’aide d’un laser femtosconde intense permet de le rendre commandable. Les cristaux photoniques peuvent également être utilisés à des fins de guidage. Récemment, un groupe coréen a réalisé un guide d’onde THz à base de cristal photonique sous la forme d’une fibre composée de tubes en polyéthylène haute densité. La fibre THz réalisée présente d’excellentes caractéristiques puisqu’elle présente un coefficient d’atténuation inférieur à 0,5 cm−1 [204].
5. Composants passifs
5.5.3
207
Ingénierie de la dispersion : cristaux photoniques et métamatériaux
Cristaux photoniques à indice de réfraction négatif Dans la section précédente, ce sont les propriétés de bande interdite qui ont été principalement utilisées. Ainsi un miroir de Bragg comme un dispositif de type guide d’ondes tire parti de l’effet de bande d’énergie interdite pour lequel il n’y a pas propagation des ondes électromagnétiques. Rappelons que celui-ci se crée grâce aux interférences constructives du processus de réflexions multiples des ondes électromagnétiques. On dit que celles-ci sont évanescentes dans le matériau en ayant bien présent à l’esprit que l’atténuation progressive des ondes dans le matériau n’est pas due à un effet d’absorption mais de réflexion. L’ouverture d’une bande d’énergie interdite pour une structure périodique vient fondamentalement de l’introduction des effets de dispersion. Rappelons que cela signifie que la relation entre la fréquence angulaire et le vecteur d’onde n’est plus linéaire. En d’autres termes, l’indice de réfraction est fonction de la fréquence. De manière générale pour les structures conventionnelles, le diagramme de dispersion ω(k) présente un effet de saturation pour les grandes valeurs du vecteur k (dispersion normale). L’indice effectif n (= c/v) augmente par conséquent avec la fréquence. La structuration périodique a une autre conséquence importante que l’on appelle le repliement des bandes. Comme pour toute fonction périodique sur le temps ou l’espace, il suffit de représenter la fonction considérée sur une période spatiale ou temporelle. Pour les cristaux photoniques et les métamatériaux, dont les propriétés de dispersion sont représentées dans l’espace des phases (espace réciproque de l’espace réel), on appelle cette zone restreinte la zone de Brillouin réduite. L’ensemble des bandes fondamentales mais également celles situées à plus haute énergie sont représentées dans la zone de Brillouin réduite. La figure (5.10) montre le résultat du calcul du diagramme de dispersion pour un réseau carré de trous dans une matrice semi-conductrice pour les deux polarisations TE et TM de l’onde électromagnétique et pour les trois principales directions cristallines. La bande interdite, de largeur importante pour le mode TM, est ici hachurée. Nous avons ici choisi un réseau hexagonal de trous d’air de forme circulaire (n = 1) dans un matériau semiconducteur III-V (n ∼ 3,3). Le terme a désigne le pas du réseau et λ la longueur d’onde. Le facteur de remplissage (rapport entre les trous d’air et les zones semi-conductrices) est de l’ordre de 50 %. Le vecteur d’onde correspondant aux abscisses comme la fréquence reportée en ordonnée sont normalisés. Le résultat de ce calcul ne dépend donc pas de la fréquence de travail mais de la maille élémentaire et des paramètres géométriques. On constate que la seconde bande de dispersion a une courbure
208
Optoélectronique térahertz
Fig. 5.10 – Calcul de structure de bande pour un cristal photonique. tournée vers le bas. Dans ce cas, les vitesses de groupe vg = ∂ω ∂k et de phase ω vπ = k sont de signes opposés. Concrètement cela signifie que les ondes sont rétro-propagées au sein de la structure. En d’autres termes, les fronts d’onde se déplacent dans une direction opposée à celle de l’énergie. Cette condition de rétro-propagation est synonyme de l’obtention d’un indice de réfraction négatif. Un autre terme couramment employé pour désigner cet effet de dispersion anormal est celui de matériaux main gauche ou gauchers dans la H et k forment un trièdre indirect. mesure où les vecteurs E, Les cristaux photoniques peuvent donc présenter un indice de réfraction négatif qui peut être mis à profit par exemple par une simple règle de sélection angulaire pour un dispositif de type prisme. En effet, il ne présente un indice de réfraction négatif que dans une certaine bande de fréquences. En dehors de cette bande, l’indice est positif. La réfraction dans le prisme sera donc négative ou positive en fonction de la fréquence choisie. La figure (5.11) illustre l’effet de réfraction négatif pour un dispositif microstructuré ayant la forme d’un prisme. L’onde incidente sur la gauche de la figure est réfractée négativement sur la deuxième interface du prisme. La réfraction négative permet également de focaliser les ondes non pas à l’aide d’une lentille convexe mais grâce à une lentille plane. La figure (5.12) montre ainsi le résultat de simulations dans le domaine temporel pour une lentille microstructurée. La réfraction négative aux deux interfaces entre l’air et le matériau à indice négatif permet de focaliser l’onde une première fois dans le matériau puis une seconde fois à l’extérieur de celui-ci. Cet effet de focalisation est invariant par translation de la source. Ce n’est pas son seul avantage car on peut montrer qu’il est possible avec les matériaux à indice de réfraction négatif d’amplifier les ondes évanescentes et ainsi d’avoir une image sous la limite de diffraction [225]. La lentille est alors considérée comme parfaite alors que les lentilles conventionnelles ne peuvent faire l’image d’un
5. Composants passifs
209
Fig. 5.11 – Simulation de la réfraction négative dans un prisme avec tracé de la normale à l’interface inclinée. objet source en reproduisant les détails plus petits que la demi-longueur d’onde. On conçoit tout l’intérêt de ces techniques d’imagerie aux fréquences THz où cette limite dite de diffraction est souvent pénalisante. Aux fréquences THz, la technologie des métamatériaux tend à s’imposer dans la mesure où la structuration se fait à des dimensions bien plus petites que la longueur d’onde, comme il a été dit en introduction de cette partie. Il est également assez naturel de penser que le détail le plus fin reproduit dans un processus d’imagerie sera directement relié à celui des motifs microou nano-structurés. Par ailleurs, les différences d’indice pour les matériaux diélectriques sont souvent trop faibles pour envisager d’obtenir un régime dit de grande longueur avec des composés diélectriques. Ainsi aux fréquences THz préfère-t-on la technologie des métamatériaux métalliques.
Fig. 5.12 – Instantanés de la transmission d’une onde électromagnétique focalisée par une lentille plane constituée de trous percés de façon périodique dans un semi-conducteur. Métamatériaux métalliques Les idées pour l’obtention d’un indice de réfraction négatif dans ce cas sont tout autres. On cherche principalement à réaliser un matériau dit doublement négatif. Cela signifie que les valeurs de permittivité et de perméabilité effective sont négatives simultanément dans une même bande de fréquences.
210
Optoélectronique térahertz
C’est donc une ingénierie de la dispersion des valeurs de permittivité et de perméabilité effectives. Le terme effectif correspond à une description phénoménologique de l’interaction des ondes électromagnétiques avec les matériaux micro- et nano-structurés. Ces derniers sont généralement non magnétiques et la première des tâches sera de réaliser un moment magnétique artificiel. En micro-ondes et de plus en plus à présent en infrarouge, notamment lointain (fréquences THz), on utilise pour ce faire des micro-résonateurs ayant la forme d’anneaux métalliques fendus d’où le terme anglo-saxon de Split Ring Resonators (SRR). L’obtention de valeurs négatives de la perméabilité effective est due à l’effet de résonance de l’anneau. Les fréquences caractéristiques qui bornent la bande où μref f est négatif sont la fréquence de résonance de l’anneau, qui ne dépend en première approximation que de la géométrie de l’anneau (cf. techniques de l’ingénieur) et de la fréquence plasma magnétique. Une structure métallique conventionnelle, par exemple un film d’argent ou d’or, présente aux fréquences THz une valeur négative de permittivité relative. En effet la dispersion de la permittivité des métaux est bien décrite par le modèle de Drude avec une fréquence caractéristique (la fréquence plasma du métal fp ) très élevée, supérieure à 1015 Hz. Au-dessous de fp , la partie réelle de la permittivité est négative. Par ailleurs, plus celle-ci est négative, plus la partie imaginaire représentant les pertes est importante. Ceci a motivé le développement de matériaux métalliques microstructurés dont la version la plus simple est un réseau périodique de fils métalliques très fins. On montre qu’à cette condition on dilue très fortement la densité électronique intervenant dans la fréquence plasma électrique mais on augmente aussi considérablement la masse apparente des électrons abaissant par ces deux effets la fréquence plasma. Nous allons dans ce qui suit illustrer la fabrication d’un métamatériau doublement négatif fonctionnant à 0,1 THz fabriqué à l’université de Bilkent (Turquie) et dont l’analyse vectorielle a été faite à l’IEMN et à l’observatoire de Paris. La figure (5.13) montre une photographie des motifs utilisés pour réaliser le métamatériau doublement négatif. Celle-ci met en jeu deux microrésonateurs fendus qui sont ici imbriqués avec des fentes diamétralement opposées. On peut montrer que cet arrangement fait que la réponse de la boucle est essentiellement magnétique. Dans ce but également, le champ magnétique incident est polarisé perpendiculairement au plan des boucles. En pratique, cela veut dire qu’il est nécessaire de fabriquer une version tridimensionnelle du matériau en empilant plusieurs substrats (dans le cas présent du verre) sur lesquels sont imprimés les motifs, l’éclairement par l’onde THz se faisant par la tranche. En empilant plusieurs substrats, il est possible également de réaliser un matériau à permittivité négative grâce à l’ingénierie de la fréquence plasma électrique vue précédemment. Celle-ci justifie un pas plus petit pour les réseaux de fils que celui correspondant à celui de SRR.
5. Composants passifs
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Fig. 5.13 – Vue au microscope optique d’un métamatériau constitué de réseaux imbriqués de SRR et de fils. La mesure du coefficient de transmission et de réflexion en fonction de la fréquence montre que la structure redevient transparente (sa caractéristique de transmission est de type passe-bande) avec cependant des pertes d’insertion élevées dans une bande de fréquence étroite aux alentours de 100 GHz. Pour déterminer si cette bande correspond à une branche de dispersion main gauche ou main droite, il est nécessaire d’en déduire les valeurs de permittivité et de perméabilité effectives par la résolution d’un problème inverse. Ces études ont montré que ces valeurs sont effectivement doublement négatives dans la bande d’intérêt et correspondent à un indice de réfraction n √ (− r μr ) de l’ordre de −4. Si la faisabilité de ces structures a été démontrée, les pertes sont importantes et la bande de fréquence pour laquelle n est négatif est étroite. Ces limitations en termes de pertes d’insertion et de bande ont motivé un certain nombre d’études sur les supports de transmission à avance de phase. L’idée est simple dans son principe. En chargeant une ligne de transmission ou plus généralement un support de propagation à deux voire trois dimensions par des capacités localisées mises en série et des inductances placées en parallèle, la rétropropagation des ondes est observée. La figure (5.14) montre une ligne de transmission fabriquée pour fonctionner vers 0,3 THz. La ligne de type coplanaire est chargée périodiquement par des condensateurs plans (visibles par les sur-épaississements sur la ligne) et des inductances en méandre. La figure (5.14) montre également le diagramme de dispersion de cette structure de propagation. Contrairement aux cristaux photoniques, la bande fondamentale est main gauche. Elle s’étend dans une bande de fréquences qui correspond à la transition entre les ondes millimétriques et submillimétriques. Pour la caractériser et démontrer expérimentalement la rétropropagation des ondes sur la ligne, nous avons utilisé les techniques de caractérisation impulsionnelles décrites dans le chapitre 3. Pour cette démonstration d’un effet
212
Optoélectronique térahertz
Fig. 5.14 – Ligne de transmission main gauche chargée par des capacités en série et des inductances en parallèles. de phase (celle-ci remonte vers la source au cours du temps), il a été nécessaire d’effectuer une mesure de la phase du coefficient de transmission entre deux lignes de même topologie mais de longueurs différentes. La mesure des signaux transmis temporellement et leur analyse en transformée de Fourier confirme le diagramme de dispersion avec une fenêtre de transmission centrée vers 0,30 THz ainsi qu’une différence de phase positive attestant du caractère main gauche de cette dispersion. Les métamatériaux composés de réseaux de SRR et de fils comme ceux mettant en jeu les supports de propagation à avance de phase devraient permettre à court terme la réalisation de dispositifs de sélection angulaire (de type prisme par exemple) ou de focalisation sous la limite de diffraction (lentille parfaite ou, de façon plus réaliste, effet de superlentille). Très récemment, il a été démontré une autre application tout à fait étonnante des métamatériaux ayant trait à l’invisibilité. L’idée sous-jacente est d’entourer un objet quelconque tant en forme qu’en taille d’un revêtement constitué de métamatériaux métalliques fonctionnant en régime d’ultraréfraction. La figure (5.15) représente le premier prototype qui vient d’être fabriqué en micro-ondes. Pour les fréquences THz, ce prototype correspondrait à un modèle à l’échelle à deux dimensions en nous permettant de mieux comprendre l’effet d’invisibilité par ultraréfraction. La zone centrale correspond à la région de l’espace que l’on veut occulter.
5. Composants passifs
213
Fig. 5.15 – Prototype de revêtement furtif basé sur l’ultraréfraction. Cartographie expérimentale de champ montrant la courbure des ondes électromagnétiques.
Elle est entourée d’un réseau de substrats de formes cylindriques concentriques sur lesquels sont imprimés des motifs de type SRR. Par un choix judicieux des dimensions de ces microrésonateurs, il est possible d’induire des effets de dispersion notamment sur la composante radiale μr tracée dans l’insert de cette figure dans l’espace géométrique correspondant au revêtement furtif. Les valeurs de μr sont ici multipliées par 10. La valeur la plus importante de μr , à la limite externe du revêtement est donc de 0,25. L’application de la loi de la réfraction de Snell-Descartes montre que pour des valeurs d’indice inférieures à 1, la réfraction des ondes (cassure du trajet initial de l’onde incidente sur un dioptre) se fait d’autant plus près de la normale que l’indice tend vers 0. Ce phénomène de réfractions successives sur les différentes couches se fait de façon quasi continue à l’échelle de la longueur d’onde. Les ondes sont donc courbées et longent la zone à occulter pour ressortir à une position diamétralement opposée à celle d’incidence. La figure (5.15) montre la cartographie de la composante du champ électrique. Celle-ci a été mesurée à l’aide d’une petite antenne balayant la surface du dispositif par microdéplacement.
214
Optoélectronique térahertz
Conclusion Au terme de cette présentation sur le contrôle de la dispersion (ouverture d’une bande d’énergie interdite, réfraction négative par repliement des bandes et métamatériaux doublement négatifs, furtivité par métamatériaux ultraréfractifs), on constate que la synthèse de microstructures électromagnétiques artificielles permet à présent de couvrir l’ensemble du diagramme perméabilité-permittivité qui caractérise la réponse des ondes électromagnétiques en interaction avec la matière. Si les concepts sont invariants en fonction de la fréquence, l’accès aux fréquences THz reste encore un défi pour la plupart de ces applications potentielles tirant parti de la réfraction anormale pour les indices négatifs notamment. Cette conclusion est vraie pour les trois volets : conception, fabrication et caractérisation. Pour la conception, la description des mécanismes d’interaction devient de plus en plus complexe compte tenu en particulier du caractère multi-échelle des systèmes THz. La fabrication devient également de plus en plus difficile en ayant recours aux micro- et nanotechnologies même si les difficultés sont sans commune mesure avec celles rencontrées en optique. Enfin, pour la caractérisation, il s’agit très souvent d’effets de phase qui demandent des méthodes de type analyse vectorielle. Nul doute cependant que les progrès actuels pour les trois thématiques précitées permettent le développement aux fréquences THz des applications des cristaux photoniques et des métamatériaux. Certaines sont probablement encore à inventer.
Chapitre 6
Techniques de mesure Les années 1980 ont vu l’apparition de nouveaux systèmes de génération et de mesure de signaux électromagnétiques ultrabrefs visant à sonder un domaine des fréquences THz jusqu’ici difficile d’accès [226–229]. Bon nombre de ces nouvelles techniques de génération et de mesure font appel aux lasers impulsionnels femtosecondes ainsi qu’à des dispositifs de conversion des impulsions optiques ultrabrèves (quelques dizaines de fs) en impulsions électromagnétiques rayonnées dont la durée est de l’ordre de la picoseconde. Afin d’utiliser les signaux THz générés, il faut pouvoir les mesurer puis les analyser dans les domaines temporel ou fréquentiel. Nous décrirons dans ce chapitre comment il est possible de mesurer, avec des systèmes d’acquisition lents, les traces temporelles des signaux THz, qu’ils soient de type impulsionnel ou monochromatique, ces signaux présentant des temps caractéristiques d’évolution de leur amplitude de l’ordre de la picoseconde. La mesure étant réalisée dans le domaine temporel, nous aborderons ensuite l’analyse de ces signaux qui est généralement effectuée dans le domaine fréquentiel et qui nécessite donc le recours à la transformée de Fourier. Nous montrerons également des possibilités de mesures nouvelles utilisant le caractère temporel des expériences. Cependant, il ne faut pas oublier que des ondes THz peuvent être générées par des sources continues. Ce sont des ondes cohérentes et monochromatiques dans le cas des lasers moléculaires ou QCL, dans le cas de génération par battement optique ou par multiplication de fréquence. En revanche, les oscillateurs électroniques (carcinotron, BWO) délivrent des signaux moins cohérents, très souvent sous la forme de longues impulsions assez bruyantes. Cependant, lorsque les carcinotrons sont vérouillés en phase, on peut obtenir des puretés spectrales tout à fait étonnantes, inférieures à 50 kHz. Enfin, le rayonnement des corps noirs est parfaitement continu, mais incohérent. L’amplitude et la phase des faisceaux THz continus sont assez facilement mesurables par des techniques d’interférométrie se rapprochant des techniques impulsionnelles. En particulier, la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier est conceptuellement très proche de la technique de spectroscopie dans le domaine temporel.
218
6.1 6.1.1
Optoélectronique térahertz
Domaine temporel Échantillonnage en temps équivalent d’impulsions THz ultrabrèves
Les spectres associés aux impulsions électromagnétiques dites THz sont très larges et s’étendent de plusieurs dizaines de GHz à quelques dizaines de THz ; il en découle que, dans le domaine temporel, la durée de ces impulsions est de l’ordre de la picoseconde (10−12 s), voire moins. Afin de mesurer de tels signaux, il faut pouvoir les échantillonner tout en respectant le théorème de Shannon qui garantit la conservation de l’information contenue dans le signal. Ce théorème précise que si l’on veut échantillonner, sans perte d’information, un signal dont le spectre présente pour fréquence maximale fmax , alors la fréquence d’échantillonnage fe doit être au moins égale à 2 fois fmax , soit : fe ≥ 2fmax
(6.1)
On en déduit facilement que, pour pouvoir échantillonner en temps réel une impulsion THz, il faut pouvoir disposer d’un appareil électronique présentant une bande passante de plusieurs THz ou, autrement dit, capable de prendre un nombre conséquent d’échantillons en moins d’une picoseconde. Or, à ce jour, il n’existe pas d’appareil électronique de mesure présentant des bandes passantes aussi grandes : quelques dizaines à une centaine de GHz tout au plus. Par ailleurs, dans la plupart des cas, les signaux à mesurer sont très faibles, et cet appareil devrait donc simultanément présenter une très grande sensibilité. À titre d’exemple, les photocourants générés par des photocommutateurs en LT-GaAs éclairés au moyen d’impulsions optiques femtosecondes présentent des valeurs typiques comprises entre picoampère et nanoampères. En supposant qu’un tel appareil existe, il faudrait en outre pouvoir véhiculer ces signaux très rapides sans perte ni dispersion ou atténuation sur plusieurs cm au moins, du dispositif détecteur jusqu’à l’appareil de mesure. Pour ces multiples raisons, il est actuellement utopique de vouloir échantillonner de manière classique, c’est-à-dire en temps réel, des signaux THz ; il faut donc employer une technique d’échantillonnage différente, mieux adaptée aux signaux à mesurer. Dans le cas où le signal que l’on cherche à mesurer est périodique (répétitif) on peut utiliser une technique dite d’échantillonnage en temps équivalent : cette technique rend possible l’utilisation de systèmes d’acquisition lents pour la mesure de signaux rapides, la contrepartie étant la quasi-impossibilité de mesurer des signaux monocoups et plus généralement non répétitifs. Il est entendu par systèmes d’acquisition lents des systèmes d’acquisition possédant une bande passante bien inférieure à celle des signaux mesurés. Le principe de la méthode est le suivant : le signal à mesurer (impulsion THz par exemple) étant périodique, les différents échantillons qui vont servir à le reconstituer ne seront pas pris sur une seule et même période du signal mais sur des périodes différentes et successives (figure (6.1)).
6. Techniques de mesure
219 Motif périodique à échantillonner
Impulsion échantillonnée
Fig. 6.1 – Reconstitution d’un signal impulsionnel périodique par échantillonnage en temps équivalent. On en déduit facilement que l’utilisation d’une telle technique nécessite les conditions suivantes : – signaux à échantillonner périodiques uniquement ; – système de mesure et signaux à mesurer synchrones ; – possibilité de retarder précisément la prise de la mesure du signal à échantillonner ; – détecteur rapide présentant une bande passante supérieure à celle du signal à mesurer (le détecteur ne faisant pas partie du système d’acquisition lent). Ainsi, la mesure d’un signal THz peut être réalisée sur une durée suffisamment longue (sur plusieurs milliers de périodes du signal par exemple) ce qui permet l’utilisation d’un système plus lent que le signal pour effectuer l’acquisition. Dans ce cas, l’échelle réelle des temps est directement déduite de la méthode utilisée pour séparer temporellement deux échantillons pris successivement. En outre, et pour les signaux très faibles, cette technique permet de moyenner la mesure sur un grand nombre de périodes afin d’augmenter le rapport signal sur bruit. Cette technique est communément utilisée dans les expériences optoélectroniques mettant en jeu des impulsions laser femtosecondes. C’est le cas de la spectroscopie THz dans le domaine temporel, dont le schéma de principe est donné en figure (6.2), pour laquelle il faut mesurer la forme temporelle d’impulsions électromagnétiques picosecondes rayonnées en espace libre. Dans cette expérience, le synchronisme de détection et d’émission des impulsions THz est obtenu en déclenchant les deux systèmes émetteur et récepteur à l’aide de la même impulsion optique : la lame semi-réfléchissante BS sépare le faisceau laser initial en deux faisceaux qui vont respectivement déclencher l’émission de l’impulsion THz au niveau du dispositif émetteur et la prise de la mesure au niveau du dispositif détecteur. Par ailleurs, la longueur des chemins optiques de ces deux faisceaux, prise au niveau du dispositif récepteur, peut être modifiée à l’aide d’une ligne à retard optique, permettant
220
Optoélectronique térahertz
BS
Ligne à retard
Impulsion optique
Miroirs paraboliques
Émetteur
Détecteur
Impulsion THz
Fig. 6.2 – Schéma de principe d’une expérience de spectroscopie dans le domaine temporel – THz TDS.
ainsi de prendre plusieurs échantillons différents de l’impulsion THz à mesurer afin de la reconstruire comme décrit précédemment. L’incrément temporel Δt est alors obtenu facilement à partir de l’incrément spatial Δx de la ligne à retard optique :
Δt = 2 Δx/c
(6.2)
c correspondant à la célérité de la lumière dans l’air (c = 3 × 108 m/s). La présence du facteur 2 dans l’équation (6.2) résulte de l’aller-retour du faisceau laser au niveau de la ligne à retard. La figure (6.3) présente le résultat de la mesure d’une impulsion THz rayonnée en espace libre [230], par échantillonnage en temps équivalent, l’émetteur et le récepteur étant dans ce cas constitués de photocommutateurs en LT-GaAs (voir section sur le génération impulsionnelle, page 110). Le temps d’acquisition d’une telle mesure est de l’ordre de quelques minutes ; il est fixé par le temps nécessaire au déplacement de la ligne à retard sur une longueur correspondant à la durée de la fenêtre temporelle désirée ainsi que par la constante de temps de moyennage du signal nécessaire pour obtenir un rapport signal sur bruit donné.
221
(U.A.)
6. Techniques de mesure
− − −
Fig. 6.3 – Impulsion THz typique mesurée par une expérience du type de la figure (6.2). À l’instar de toute technique d’échantillonnage en temps réel, lors d’un échantillonnage en temps équivalent, le signal mesuré n’est pas directement le signal réel mais le résultat d’une convolution entre le signal réel et la réponse du détecteur. Dans le cas d’une expérience de spectroscopie THz utilisant des dispositifs émetteurs et récepteurs de type photocommutateurs, la réponse du détecteur est elle-même le résultat de la convolution entre la réponse impulsionnelle du photocommutateur utilisé en réception et de l’impulsion laser utilisée pour le déclencher : δ (t) Rdetecteur (t) = Plaser (t) ⊗ Rdetecteur
(6.3)
où Plaser (t) représente l’évolution temporelle de la puissance de l’impulsion δ (t) la réponse impulsionnelle du déteclaser de déclenchement, et Rdetecteur teur [103]. Ainsi, pour une position donnée de la ligne à retard Δt, correspondant à un retard donné entre impulsions optique et THz, le signal délivré par le détecteur s’exprime alors comme la convolution du champ THz réel par la réponse du détecteur : ST Hz detecteur (t, Δt) = ET Hz (t, Δt) ⊗ Rdetecteur (t)
(6.4)
Le système d’acquisition à la suite du détecteur étant un système lent au regard des temps mis en jeu au niveau des impulsions optiques et THz, il en découle que le signal THz enregistré est l’intégrale temporelle du signal fourni par le détecteur et il dépend uniquement de Δt. Il s’exprime de la façon suivante : +∞ ST Hz detecteur (t, Δt) dt ST Hz mesure (Δt) = −∞
(6.5)
222
Optoélectronique térahertz
Fig. 6.4 – Échantillonnage en temps équivalent d’un signal THz monochromatique. Pour plus de détails concernant la modélisation des signaux THz mesurés dans les dispositifs de type photocommutateurs, le lecteur pourra se reporter au chapitre 3 (page 93). Finalement, l’expérimentateur dispose du signal suivant : ST Hz mesure (Δ t) = +∞ +∞ +∞ δ ET Hz (t, Δ t) Plaser (t − t ) Rdetecteur (t − t − t ) dt dt dt (6.6) −∞ −∞ −∞
Si l’impulsion optique de lecture et le temps de réponse du détecteur sont très courts (assimilables à des fonctions de Dirac), le signal mesuré est directement proportionnel au champ THz. En pratique, l’impulsion laser peut être bien plus courte que l’impulsion THz, mais ce n’est pas le cas du temps de réponse du détecteur. Le signal mesuré prend alors la forme compliquée donnée par la relation (6.6).
6.1.2
Échantillonnage d’un signal continu
Bien entendu, cette technique peut être utilisée pour la mesure temporelle de signaux non plus impulsionnels mais monochromatiques, ces derniers étant par définition périodiques puisque sinusoïdaux dans l’espace des temps (figure (6.4)). La période réelle du signal sinusoïdal mesuré est alors obtenue, comme précédemment, à partir de la relation (6.2) exprimant la correspondance entre l’incrément temporel réel et l’incrément spatial de la ligne à retard.
6. Techniques de mesure
6.1.3
223
Passage temps – fréquence : la transformée de Fourier
À partir d’un signal temporel, il est aisé de passer dans l’espace des fréquences au moyen de la transformée de Fourier. Néanmoins, quelques précautions doivent être prises pour réaliser cette transformation de façon numérique. En préambule, il est important de rappeler qu’il est impossible, à partir de données, de réaliser stricto sensu une transformée de Fourier de manière numérique. En effet, seules les décompositions en séries de Fourier sont calculables numériquement, lesquelles sont appelées abusivement transformées de Fourier rapides ou plus simplement FFT (acronyme anglais signifiant Fast Fourier Transform et désignant l’ensemble des algorithmes de calcul rapide de décompositions en série de Fourier). Dès lors, la FFT ne s’applique qu’aux signaux périodiques. Dans le cas d’impulsions THz générées au moyen de transducteurs optoélectroniques déclenchés par des impulsions optiques femtosecondes, la durée des impulsions THz obtenues est de l’ordre de la picoseconde alors que leur période de récurrence est de l’ordre de 10 ns, soit supérieure de près de 4 ordres de grandeur. C’est la raison pour laquelle l’expérimentateur n’a souvent accès qu’à une fraction (généralement extrêmement réduite) de la période du signal réel. Idéalement, une période ou un nombre entier de périodes devraient être enregistrés avant de procéder à la décomposition du signal en série de Fourier via le calcul de la FFT du signal. Comme cela n’est pas réaliste sur le plan pratique, on se contente donc de l’enregistrement d’une faible fraction de ladite période. Lorsque l’expérimentateur a l’intime conviction (étayée par de solides arguments physiques) qu’aucune information utile n’est présente sur la portion non enregistrée du signal, il peut alors étendre par continuité le signal enregistré pour lui faire recouvrer sa période réelle avant de procéder au calcul de sa FFT. Pour cela, on s’assure que la fin du signal enregistré ne comporte plus aucune information utile et se présente sous la forme d’un signal constant au bruit près, et on ajoute jusqu’à la fin de sa période des points fictifs de même valeur, laquelle est donnée par la valeur moyenne du signal observé à la fin de l’enregistrement du signal réel. Avant de procéder au calcul de la FFT proprement dit, il reste encore à vérifier que les valeurs moyennes de début et de fin du signal enregistré sont identiques ou diffèrent d’une valeur inférieure à l’écart-type du bruit affectant ces mêmes valeurs. Si ce n’est pas le cas, cela signifie : – soit qu’il existe une dérive du zéro au cours du balayage temporel du signal résultant par exemple d’un défaut d’alignement de la ligne à retard optique ; – soit que les valeurs moyennes de début et de fin de signal sont réellement différentes. Ce dernier cas de figure peut survenir lorsque des phénomènes physiques présentant des temps caractéristiques très longs par rapport à la durée des impulsions THz sont mis en jeu dans la mesure. Dans les deux situations
224
Optoélectronique térahertz
précédentes, cela signifie qu’une composante très basse fréquence du signal est hors de portée expérimentale. Il est cependant indispensable de la soustraire numériquement avant de procéder au calcul de la FFT sans quoi le spectre calculé serait erroné. En effet, le résultat du calcul de la FFT donne les amplitudes complexes des coefficients de la série de Fourier du signal périodique qui est obtenu par recopie et juxtaposition à l’infini du signal enregistré. Ainsi le dernier point du signal enregistré précède de fait le premier point de ce même signal et si ces deux points n’ont pas même valeur, le signal présente alors une discontinuité artificielle de type marche de Heaviside. En fait cette marche correspond à la suppression pure et simple de la partie non enregistrée de la période du signal, pendant laquelle le signal retourne progressivement à sa valeur initiale. Or, comme la marche de Heaviside représente l’intégrale d’une distribution de Dirac, sa transformée de Fourier présente des composantes fréquentielles de fréquence f , dont l’amplitude varie en f1 . Cet artefact lié à la suppression de la partie non enregistrée de la période du signal réel modifie profondément son spectre, particulièrement aux plus basses fréquences comme cela est illustré sur la figure (6.5). 0,6
0,06 0,04 0,02
0,5
Amplitude (U. A.)
0
- 0,02
0,4
- 0,04 - 0,06 0
200
0,3
400
600
800
1 000
Temps (U. A.)
0,2
0,1
0,1
0,2
0,3
0,4
Fréquence (U. A.)
Fig. 6.5 – Spectres théoriques correspondant au signal temporel représenté en insert en considérant la dérive du zéro soit physique (en traits pointillés) soit liée à un artefact (en traits pleins) et spectre calculé par FFT représenté sous forme de points. Pour cette simulation, nous avons considéré un profil temporel de signal correspondant à la dérivée d’une gaussienne auquel nous avons ajouté une dérive en forme de fonction d’erreur. Des expressions analytiques des transformées de Fourier, nous avons pu représenter les spectres exacts correspondant soit à l’ensemble du signal (en traits pointillés), soit au signal sans la dérive (en traits pleins). Le spectre calculé par FFT est incorrect : il présente des oscillations autour du spectre théorique. La période fréquentielle
6. Techniques de mesure
225
de ces oscillations est liée à l’inverse de la largeur de la fenêtre temporelle d’enregistrement. On remarque par ailleurs que l’amplitude de ces oscillations décroît comme prévu avec la fréquence. Cependant, l’erreur engendrée par le non-enregistrement d’une période complète du signal reste toujours importante, même aux fréquences les plus élevées. La question posée maintenant est : existe-t-il une méthode qui permette d’éliminer cette discontinuité non physique sans pour autant introduire d’artefact au niveau du spectre calculé ? La réponse est positive à condition de garder à l’esprit que la perte d’information liée au non-enregistrement de la période complète du signal est définitive et par conséquent que le spectre qui sera obtenu après correction ad hoc du signal enregistré ne constituera qu’une approximation (par ailleurs souvent excellente dans la très grande majorité des cas) du spectre réel. Plusieurs méthodes ont été proposées pour répondre à ce problème et le lecteur pourra se reporter à la référence [231] pour plus de détails sur une méthode de correction performante intégrant de plus l’ajout de points de mesure fictifs comme cela a été décrit précédemment. Cette méthode, illustrée sur la figure (6.6), dans le cas simplifié de l’absence d’ajout de points de mesure fictifs, consiste à soustraire une rampe de sorte que le signal périodique obtenu par recopie et juxtaposition à l’infini du signal enregistré ne présente plus de discontinuité (cf. signal temporel dans l’insert). On remarque cette fois-ci que les valeurs du spectre calculé par FFT coïncident parfaitement avec celles du spectre théorique tenant compte de la dérive, excepté pour la fréquence nulle uniquement.
0,6
0,06 0,04 0,02
0,5
Amplitude (U. A.)
0
- 0,02
0,4
- 0,04 - 0,06 0
200
0,3
400
600
800
1 000
Temps (U. A.)
0,2
0,1
0,1
0,2
0,3
0,4
Fréquence (U. A.)
Fig. 6.6 – Spectres théoriques correspondant au signal temporel représenté dans l’insert de la figure (6.5) en considérant la dérive du zéro soit physique (en traits pointillés) soit liée à un artefact (en traits pleins) et spectre calculé par FFT à partir du signal temporel corrigé (cf. insert de la présente figure) représenté sous forme de points.
226
Optoélectronique térahertz
(U.A)
Un autre point important concerne la résolution fréquentielle liée à la mesure. Il est fondamental de bien comprendre que l’ajout de points de mesure fictifs va permettre d’augmenter la largeur de la fenêtre temporelle et par voie de conséquence de diminuer dans les mêmes proportions le pas fréquentiel du spectre calculé. Pour autant, l’ajout de points de mesure fictifs n’apportant aucune nouvelle information, la véritable résolution fréquentielle reste inchangée et a pour ordre de grandeur l’inverse de la durée de la fenêtre temporelle d’enregistrement. Ainsi, à une fenêtre d’enregistrement de 100 ps correspond une résolution fréquentielle de ∼ 10 GHz. La figure (6.7) représente le spectre d’une impulsion THz typique obtenue par FFT et dont la trace temporelle est donnée en figure (6.3).
,
,
,
Fig. 6.7 – Spectre (module) d’une impulsion THz (celle de la figure (6.3)) obtenu par FFT.
6.1.4
Mesures pompe optique – sonde THz
L’émergence des techniques de spectroscopie THz dans le domaine temporel et l’analyse des signaux à la fois dans les domaines temporel et fréquentiel ouvrent la voie à une variante intéressante de cette expérience permettant non plus seulement de caractériser un matériau dans son état d’équilibre, mais aussi de sonder des états transitoires. Cette technique de mesure étant par ailleurs sans contact, elle reste très peu perturbatrice. Il n’est donc pas surprenant que cette technique de mesure pompe-sonde, rendue possible grâce à l’utilisation d’impulsions picosecondes, voire sub-picosecondes, et dont le spectre s’étend jusqu’aux fréquences THz, soit de plus en plus employée, par exemple pour étudier le retour à l’équilibre des porteurs dans des matériaux semi-conducteurs [232, 233], la thermalisation intrabande des porteurs par
6. Techniques de mesure
227
émission de phonons optiques [234], la relaxation d’excitons générés optiquement dans des multi-puits quantiques de GaAs-GaAlAs [235], l’interaction dipolaire entre molécules polaires dans les liquides [236], ou encore la dynamique des paires de Cooper dans des matériaux supra-conducteurs [237, 238]. Principe de la technique pompe-sonde Cette technique est basée sur l’utilisation de deux impulsions électromagnétiques dont la première, dite de pompe, a pour but de faire passer le matériau d’un état d’équilibre à un état excité ; la seconde, dite de sonde et de plus faible puissance en général, vient sonder l’évolution dans le temps de cet état hors équilibre. Dans la méthode qui nous intéresse, la première impulsion est une impulsion optique délivrée par un laser impulsionnel, l’impulsion de sonde étant une impulsion THz. La configuration de principe de l’expérience est donnée dans la figure (6.8). Ligne à retard 2 BS 2 Ligne à retard 1
BS 1 Faisceau pompe
Émetteur
Détecteur
Faisceau sonde Échantillon
Fig. 6.8 – Schéma de principe d’une expérience pompe optique – sonde THz. Dans cette expérience (voir figure (6.9)), la partie du banc de mesure permettant de sonder l’échantillon est identique à l’expérience de spectroscopie THz présentée précédemment (cf. figure (6.2)). L’échantillon est excité par les impulsions optiques de pompe prélevées sur le faisceau qui déclenche l’émetteur THz, et retardées (ligne à retard 2) afin de faire varier le délai séparant impulsions de pompe optique et de sonde THz. Nous pouvons différentier deux variantes de cette technique de mesures pompe-sonde :
228
Optoélectronique térahertz
– dans la première variante, pour chaque valeur du retard entre impulsions de pompe optique et de sonde THz, un seul point de l’impulsion THz est mesuré, ou bien la puissance totale de l’impulsion THz est intégrée grâce à l’emploi d’un bolomètre par exemple. On obtient alors la réponse moyenne du matériau en fonction de ce retard. À titre d’exemple, la figure (6.9) montre la variation de l’amplitude crête de l’impulsion THz transmise par un échantillon de GaAs en fonction du retard par rapport à l’excitation du matériau par une impulsion laser femtoseconde (λ = 800 nm), l’impulsion optique excitant le matériau à l’instant t = 25 ps. Le signal résulte de l’augmentation de l’absorption du signal THz par les porteurs libres photogénérés. La décroissance exponentielle du signal, avec une durée caractéristique de 800 ps, est dans cet exemple directement liée à la population d’électrons dans la bande de conduction, dont le temps de vie est donc 800 ps ; – dans la seconde variante, la variation de la forme temporelle de l’impulsion THz est entièrement mesurée pour chaque valeur de ce retard, ce qui permet de suivre l’évolution de cette impulsion en fonction du retard, rendant ainsi possible une étude en fréquence. La figure (6.10) montre de nouveau l’exemple du GaAs. On voit que le signal se construit progressivement, sans accident temporel, ce qui est attendu, car la réponse du gaz d’électrons libres photoinduits, pour un échantillon à température ambiante, est uniforme dans la gamme spectrale étudiée. On remarque un très léger décalage temporel du sommet de l’impulsion en fonction du retard. Cet effet s’explique par la variation de l’indice de réfraction du GaAs induit par la population de porteurs libres, ce qui diminue ici le chemin optique de traversée de l’échantillon pour des grandes densités de porteurs libres. Bien que la première solution soit la plus largement utilisée [233, 239–242] du fait de sa simplicité de mise en œuvre et de sa rapidité, la seconde solution, plus lourde en termes de temps de mesure et de traitement des données, permet toutefois d’obtenir beaucoup plus d’informations puisqu’il est alors possible d’effectuer une étude fréquentielle des phénomènes étudiés [243, 244]. Exemple de résultats En mesurant un point de la courbe temporelle de l’impulsion THz (maximum de l’impulsion par exemple), ou encore sa puissance totale avec un bolomètre, il est possible de mesurer facilement la dynamique moyenne de retour à l’équilibre de phénomènes physiques perturbés par l’impulsion optique ultracourte, lorsque ces phénomènes sont peu dispersifs dans le domaine THz. Une large gamme de matériaux a été ainsi caractérisée comme des semi-conducteurs, des supra-conducteurs, ou bien encore des liquides : GaAs et InP intrinsèques [232, 239, 245, 246], GaN [247], InP implanté par des protons [233], Ge [248], silicium sur saphir irradié (RD-SOS) [249], silicium amorphe [250] ou micro-cristallin [251], LT-GaAs [78, 242], liquides [252]...
6. Techniques de mesure
229
(U.A)
,
,
,
,
(U.A.)
Fig. 6.9 – Mesure de la variation du maximum de l’impulsion THz transmise par un échantillon de GaAs, pour plusieurs valeurs du retard entre impulsion optique de pompe (λ = 800 nm) et THz de sonde.
Fig. 6.10 – Mesure de la variation de transmission d’un échantillon de GaAs, pour plusieurs valeurs du retard entre impulsion optique de pompe (λ = 800 nm) et THz de sonde.
230
Optoélectronique térahertz
La figure (6.11), mesurée par Dykaar et collaborateurs [232, 245], montre l’évolution moyenne de la transmission THz du GaAs intrinsèque soumis à une excitation impulsionnelle optique (λpompe = 660 nm pour des densités de porteurs photogénérés en surface valant 0,4, 0,9 et 2 × 1018 cm−3 ). Ces observations de l’évolution de la conductivité du GaAs ont permis à Dykaar et collaborateurs de conclure que l’absorption du rayonnement THz s’établissait en moins de 1 ps après l’excitation (chute rapide de la transmission). En faisant varier la longueur d’onde d’excitation (580 nm, 660 nm et 700 nm) de l’impulsion optique de pompe –figure (6.12)–, donc l’énergie des photons servant à exciter les électrons dans le GaAs, ils ont aussi mis en évidence des phénomènes de diffusion inter-vallée (de la vallée L de faible mobilité vers la vallée Γ de plus grande mobilité). ,
,
, ,
, ,
,
,
Fig. 6.11 – Mesure de la variation de transmission THz d’un échantillon de GaAs pompé par des impulsions laser de pompe (λ = 660 nm) pour différentes densités de photoélectrons (0, 4−0, 9−2×1018 cm−3 ) (©(1991)IEEE).
Mesures résolues dans le temps Comme nous l’avons vu précédemment, il est possible d’obtenir des informations supplémentaires si l’on mesure, pour un retard donné entre impulsions de pompe et de sonde, toute l’impulsion THz. Cette méthode a été utilisée, dans un premier temps, pour l’étude de matériaux semi-conducteurs et supra-conducteurs pour lesquels la conductivité complexe peut présenter une forte dépendance en fréquence. En généralisant cette méthode, il devient possible de réaliser une étude bi-paramétrée en mesurant l’impulsion THz pour une large gamme de retard entre impulsions de pompe et de sonde. Dès 1996, Zielbauer et ses collaborateurs [253] ont mesuré l’évolution temporelle du coefficient de transmission complexe d’un échantillon de silicium. Depuis, de nombreuses études ont été menées par cette technique sur des matériaux semi-conducteurs comme GaAs [254, 255] et LT-GaAs [256], ou encore sur des matériaux supraconducteurs comme YBa2 Cu3 O7 [53] et
6. Techniques de mesure
231
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Fig. 6.12 – Mesure de la variation de transmission THz d’un échantillon de GaAs pompé par des impulsions laser de pompe de différentes longueurs d’onde (λ = 580, 660 et 700 nm) (©(1991)IEEE).
La0,7 M0,3 MnO3 [257]. Schmuttenmaer et ses collaborateurs ont ainsi pu montrer que, pour une longueur d’onde de pompe de 400 nm, la mobilité dans LT-GaAs passe de 350 cm2 /V/s immédiatement après la photo-excitation, à 1 100 cm2 /V/s après 2 ps alors que cette mobilité reste constante et égale à 3 000 cm2 /V/s lorsque la longueur d’onde de pompe est de 800 nm, prouvant ainsi le phénomène de diffusion inter-vallée des porteurs, de la vallée Γ de forte mobilité aux vallées X et L de plus faible mobilité déjà mis en évidence par Dykaar et ses collaborateurs dans GaAs.
6.1.5
Extraction du signal
L’emploi des techniques de mesure présentées précédemment n’est souvent pas suffisant pour obtenir des signaux de qualité. Pour cela, il faut tout d’abord identifier les sources de bruit concourant aux deux principales limitations suivantes : – le seuil de mesure expérimental interdisant toute caractérisation d’échantillons présentant une trop forte absorption ; – la dynamique de mesure limitant la sensibilité, c’est-à-dire la précision avec laquelle des caractéristiques physiques peuvent être extraites des mesures. Ensuite, compte tenu de la connaissance des sources de bruit, des configurations expérimentales et des traitements de signaux adaptés peuvent permettre d’améliorer significativement bande passante et précision sur et avec lesquelles les paramètres des échantillons peuvent être extraits.
232
Optoélectronique térahertz
Les sources de bruit Plusieurs travaux [258, 259] ont permis de préciser quelles sont les principales sources de bruit rencontrées dans les expériences classiques de spectroscopie THz dans le domaine temporel exploitant des photocommutateurs comme émetteur et récepteur THz. Ces sources de bruit peuvent être regroupées en trois catégories selon leur origine : – le bruit d’émission du rayonnement THz caractérisé par son écart-type σe (ν) ; – le bruit σd (ν) de détection du rayonnement THz ; – et le bruit σg (ν)) de grenaille du détecteur THz ; où ν représente la fréquence du rayonnement THz. Si l’on note ρ(ν) le module du coefficient de transmission du rayonnement THz par un échantillon quelconque (quantité qui devra être mesurée pour extraire les paramètres du matériau, cf. paragraphe (7.1.1)), il est possible de montrer que sa variance (laquelle est directement reliée à la précision de mesure des paramètres du matériau) est donnée par [259] : σρ2 (ν) = A(ν)ρ2 (ν) + B(ν)ρ(ν) + C(ν)
(6.7)
où les trois paramètres de bruit A(ν), B(ν) et C(ν) ont pour expression : A(ν) =
2 σe (ν)2 + σd (ν)2 + σg (ν)2 |R(ν)2 |
(6.8)
B(ν) =
σg (ν)2 |R(ν)2 |
(6.9)
C(ν) =
σd (ν)2 |R(ν)2 |
(6.10)
|R(ν)| représente le module du photocourant mesuré par le détecteur en l’absence d’échantillon (obtenu lors de la mesure dite de référence). En choisissant un échantillon faiblement absorbant, optiquement épais (pour que les différents échos de l’impulsion THz générés au sein de l’échantillon soient temporellement séparés) et présentant de relativement forts coefficients de réflexion de Fresnel au niveau de ses interfaces avec le milieu extérieur (afin de donner lieu à un grand nombre N d’échos sur la trace temporelle du signal mesuré avec échantillon), on peut alors utiliser l’équation (6.7) pour traiter séparément chacun des échos apparaissant sur le signal enregistré (figure (6.13)). Sachant que les trois paramètres de bruit A(ν), B(ν) et C(ν) sont les mêmes quel que soit l’écho de l’impulsion THz considéré, cela signifie qu’une analyse statistique sur un nombre conséquent de mesures permet d’obtenir N courbes donnant la dépendance de σρ avec la fréquence ν. De ce faisceau de N courbes paramétrées par A(ν), B(ν) et C(ν), il est alors possible
6. Techniques de mesure
233
photocourant moyen (nA)
2,0 référence
1,6 1,2 0,8 0,4
x 40
0,0 −0,4
écho 1
−0,8
écho 2
écho 3
écho 4
écho 0
−1,2 0
10
20
30 temps (ps)
40
50
60
Fig. 6.13 – Échos d’une impulsion THz induits par les réflexions internes de l’impulsion au sein d’un substrat de Si intrinsèque de 480 μm d’épaisseur. d’extraire les trois paramètres de bruit A(ν), B(ν) et C(ν) par une simple procédure d’ajustement au moyen de la formule (6.7), ceci n’est bien sûr possible que si le nombre d’échos exploitables est au moins égal à 3. Une fois cette procédure effectuée, en utilisant les équations (6.9) et (6.10) et en σe (ν)2 remarquant que 12 (A(ν) − (B(ν) + C(ν))) = |R(ν) 2 | , on peut en déduire les dépendances fréquentielles des bruits d’émission σe (ν), de détection σd (ν) et de grenaille σg (ν) du détecteur THz. Ces mêmes sources de bruit peuvent ensuite être corrélées au bruit du laser en intensité (ou RIN de l’acronyme anglais signifiant Relative Intensity Noise) et aux valeurs « théoriques » des bruits de grenaille et Johnson du détecteur THz afin de rechercher la présence d’une éventuelle source de bruit en excès. Ce type d’analyse est très utile car il permet ensuite d’optimiser le banc de mesure, par exemple en utilisant une source laser impulsionnelle présentant un RIN plus faible. À titre d’exemple, la figure (6.14), extraite de la référence [259], représente les trois paramètres de bruit A(ν), B(ν) et C(ν) obtenus sur le premier banc de spectroscopie THz dans le domaine temporel qui avait été développé au milieu des années 1990 au LAHC à l’université de Savoie. Optimisation d’un banc THz dans le domaine temporel Une fois les sources de bruit identifiées, il devient possible d’optimiser le banc expérimental. Le paramètre de bruit A(ν) limite seulement la dynamique de mesure puisqu’il conduit à borner inférieurement l’incertitude relative de mesure sur le module du coefficient de transmission ρ(ν) d’un échantillon, et ce indépendamment de la valeur de ρ(ν). Ainsi, quelle que
Optoélectronique térahertz
paramètres de bruit
234
10
-3
10
-4
10
-5
10
-6
10
-7
100
A
B
C
200
300
400
500
fréquence (GHz) Fig. 6.14 – Dépendances des paramètres de bruit avec la fréquence : valeurs expérimentales extraites selon la procédure décrite dans le présent paragraphe (points) et valeur théorique (courbe en traits pleins) calculée à partir de l’expression du bruit de grenaille. La courbe en traits pointillés, propor1 tionnelle à |R(ν) 2 | , montre (cf. équation (6.10)) que le bruit de détection est indépendant de la fréquence. soit l’absorption de l’échantillon, l’incertitude relative avec laquelle on détermine son coefficient de réflexion reste inchangée, et par conséquent il en sera de même pour les paramètres du matériau constitutif de l’échantillon que l’on pourra extraire des mesures. Le paramètre de bruit A(ν) limite donc uniquement la précision de mesure, indépendamment du type d’échantillon. Étant donné l’expression de A(ν) donnée par (6.8), il apparaît que l’amélioration de la précision de mesure nécessite de travailler simultanément sur la réduction de l’ensemble des sources de bruit ! Le paramètre de bruit C(ν) définit quant à lui le niveau seuil de mesure et son incidence sur la précision de mesure ne se fera sentir que dans le cas d’échantillons fortement absorbants : il conduit donc à borner supérieurement le coefficient d’absorption des échantillons qu’il est possible de caractériser. C’est sur le bruit du détecteur et lui seul qu’il est nécessaire d’agir pour abaisser ce niveau seuil de mesure : il en résulte par conséquent que la définition des rôles respectifs d’émetteur ou de récepteur pour deux antennes photoconductrices aux performances différentes n’est pas anodin en termes de performances globales d’un banc de mesure de spectroscopie THz. Ceci est également vrai en ce qui concerne la bande passante globale du banc de spectroscopie [103]. Antennes émettrice et réceptrice ne jouent pas du tout le même rôle, tant en ce qui concerne la bande de fréquence couverte qu’en termes de bruit du système global de mesure : leur conception doit donc naturellement différer
6. Techniques de mesure
235
et le choix de mettre des antennes identiques en émission et réception n’est par conséquent pas judicieux. Enfin, le paramètre B(ν), uniquement lié au bruit de grenaille et donné par la relation (6.9), définit la limite quantique du e Δf bruit d’un banc de spectroscopie THz. Il peut encore se récrire B(ν) = 2|R(ν)| où Δf est la bande passante du système de détection définie par 21τ , τ représentant la constante de temps du système de détection dans le cas d’une coupure à 6 dB par octave ; e est la charge de l’électron. Il en résulte alors que la dynamique D(ν, Δf ) de mesure d’un banc de spectroscopie THz est bornée supérieurement : D(ν, Δf ) < 10 log10 (
|R(ν)| ) 2 e Δf
(6.11)
Afin de déterminer l’ordre de grandeur de cette dynamique maximale de mesure, on peut considérer, au premier ordre, que les impulsions THz générées dans les expériences de spectroscopie THz dans le domaine temporel ont approximativement une forme de dérivée gaussienne. Si A est l’amplitude du photocourant moyen induit par les impulsions THz dans l’antenne réceptrice et ΔT leur durée, définie comme étant l’intervalle de temps entre les deux extrema des impulsions THz, alors la valeur maximale de |R(ν)| est simpleet la largeur à mi-hauteur du spectre en puissance ment donnée par A ΔT 2 de ces impulsions THz est égale à 0,368 ΔT . Ainsi la dynamique maximale de mesure, calculée pour la fréquence correspondant au maximum de densité spectrale de signal, a pour ordre de grandeur : max(D(Δf )) ∼ D(ν =
0, 092 A 1 , Δf ) ∼ 10 log10 ( ) πΔT e Δf
(6.12)
Pour des valeurs typiques (photocourant de l’ordre de 1 nA et constante de temps du système d’acquisition de 300 ms), la dynamique maximale de mesure est égale à 85 dB, soit de l’ordre de 20 à 25 dB supérieure aux dynamiques de mesure communément obtenues. Cette différence réside dans le paramètre de bruit A(ν) qui limite la dynamique à 65 dB dans le meilleur des cas, cette limitation étant elle-même essentiellement liée au bruit du laser. Vu l’état de l’art actuel en termes de dynamique de mesure (≈ 65 dB), il ressort de la formule (6.12) que le bruit de grenaille ne peut plus être négligé dès lors que l’amplitude du photocourant dans l’antenne réceptrice devient inférieure ou égale à ∼ 10 pA. Cette valeur de 10 pA constitue donc un seuil pratique au-dessous duquel un banc de spectroscopie THz dans le domaine temporel basé sur l’utilisation d’antennes photoconductrices ne peut donner de résultats satisfaisants. Pour augmenter autant que possible le rapport signal sur bruit, un amplificateur à détection synchrone est généralement utilisé conjointement à un hacheur optique, lequel peut être utilisé soit pour hacher le faisceau laser de déclenchement de l’antenne émettrice, soit pour hacher le faisceau THz
236
Optoélectronique térahertz
lui-même. Le hachage du faisceau laser présente l’intérêt de pouvoir doubler la puissance optique incidente sur l’antenne émettrice en produisant le même échauffement moyen de cette dernière. Le hachage du faisceau THz peut présenter un intérêt si l’on utilise une roue dentée du hacheur qui soit réfléchissante pour alternativement réfléchir le faisceau THz sur une antenne afin de réaliser une mesure de référence et transmettre le faisceau THz sur l’échantillon à caractériser. Cette méthode permet de réaliser une normalisation de l’amplitude des impulsions THz envoyées sur l’échantillon et d’éliminer les sources de bruit présentant une forte remontée de leur amplitude à basse fréquence (ce qui est le cas généralement du laser avec une remontée du bruit en f1 à basse fréquence). Cependant, le hachage du faisceau THz est difficile à mettre en pratique car le diamètre du faisceau THz est généralement élevé (plusieurs cm). Le fait que plusieurs des sources de bruit ne soient pas des sources de bruit blanc a une conséquence importante sur la précision des mesures. En effet, la caractérisation d’un échantillon nécessite généralement de réaliser une mesure de référence suivie d’une mesure avec l’échantillon, or entre ces deux mesures peut s’écouler un intervalle de temps important durant lequel le système de mesure peut présenter d’importantes dérives entachant d’autant la précision de mesure. Aussi, cette considération doit conduire à privilégier le fait de prendre la moyenne d’un grand nombre de mesures rapides effectuées avec une faible constante de temps du système de détection plutôt que de réaliser une seule mesure lente avec une grande constante de temps. Si les sources de bruit étaient des sources de bruit blanc, ces deux méthodes donneraient bien évidemment le même résultat pour une même durée globale de mesure.
6.2
Domaine fréquentiel
L’avantage prépondérant des techniques fréquentielles par rapport à celles temporelles est la très grande résolution spectrale. Celle-ci est pratiquement limitée à quelques GHz dans le domaine temporel comme nous l’avons vu précédemment, alors que des appareils commerciaux comme les spectromètres à transformée de Fourier atteignent communément des résolutions de quelques dizaines de MHz. Les techniques employées dépendent des sources de rayonnement mises en jeu et des mesures à effectuer. Si on utilise une source quasimonochromatique, comme un laser moléculaire, on a accès à une plage spectrale très limitée et le balayage en fréquence sera difficile sinon impossible. Ainsi, dans le cas des lasers moléculaires, de gros efforts expérimentaux doivent être mise en œuvre pour obtenir un balayage de quelques centaines de MHz autour de la fréquence d’émission du laser. Avec une source THz quasimonochromatique, les techniques classiques de l’optique sont alors extrapolées dans le domaine THz. Les signaux détectés étant généralement faibles, on augmentera le rapport signal sur bruit
6. Techniques de mesure
237
en employant des amplificateurs à détection synchrone qui demandent de moduler le faisceau THz sur le banc expérimental. Le passage à d’autres fréquences THz oblige à modifier la source (changement de milieu amplificateur dans les lasers, ajout d’un élément multiplicateur de fréquence dans les chaînes de type sources électroniques...). Les détecteurs sont le plus souvent des détecteurs d’énergie (ou de puissance) comme les bolomètres, qui sont par essence relativement lents, et qui intègrent donc le signal incident. La difficulté dans les expériences « continues » est d’éliminer la contribution du rayonnement thermique ambiant, puisqu’à température ambiante (20 ◦ C), un m2 reçoit environ 400 W de rayonnement thermique. Ainsi, un élément parfaitement absorbant (corps noir) de 1 cm2 absorbe environ 15 μW intégré dans la bande spectrale 1-2 THz. La plupart des détecteurs sont refroidis, et le rayonnement qui les éclaire est filtré pour éliminer les fréquences non désirées du large spectre thermique. Le plus souvent, une simple feuille de polyéthylène « noir » suffit à éliminer les rayonnements parasites. On peut employer des matériaux plus performants (wafer de silicium ou germanium haute résistivité), ou bien des filtres commerciaux basés par exemple sur la diffusion des ondes visibles et infrarouges par des matériaux poreux, qui en revanche laissent passer le rayonnement THz avec une bonne transmission (40-50 %)1 . L’emploi de sources à large spectre, souvent incohérentes comme les corps noirs, demande en plus, par rapport aux sources monochromatiques, de sélectionner et/ou mesurer la fréquence du rayonnement qui sera utilisée dans l’expérience. Soit on installe un monochromateur entre source et détecteur, soit on utilise la technique de la spectroscopie à transformée de Fourier, qui est certainement la plus communément usitée dans le domaine de l’infrarouge lointain, et dont le principe interférentiel est finalement très proche de celui des techniques temporelles décrites précédemment. Enfin, surtout quand la source de rayonnement THz n’est pas contrôlable comme en astronomie millimétrique, on emploie des techniques hétérodynes. Le rayonnement incident est alors mélangé dans un composant non linéaire avec celui d’un oscillateur local de fréquence connue. Le signal fourni, résultant de la différence de fréquence entre le signal incident et le signal local, est à bien plus basse fréquence et peut être traité avec des appareils et techniques hyperfréquences.
1
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Chapitre 7
Spectroscopie 7.1 7.1.1
Spectroscopie THz dans le domaine temporel (THz-TDS) Principe de la spectroscopie THz dans le domaine temporel
Nous n’exposerons ci-après que la spectroscopie en transmission, la spectroscopie en réflexion différant peu dans le principe. La spectroscopie THz dans le domaine temporel est basée sur la technique décrite dans la section 6.1, laquelle permet de mesurer le profil temporel d’une impulsion électromagnétique ultrabrève. La détermination des paramètres optiques d’un matériau se fait alors via la détermination de la fonction de transfert complexe T (ω) d’un échantillon constitué de ce matériau ; cette fonction de transfert étant quant à elle déduite de la perturbation subie par l’impulsion THz lors de la traversée de l’échantillon. Pour cela, une première mesure Sref (t) de l’impulsion THz incidente est effectuée en l’absence d’échantillon entre les dispositifs émetteur et récepteur : c’est la mesure de référence. Une seconde mesure Sech (t) de cette impulsion est ensuite réalisée après sa traversée de l’échantillon à caractériser (figure (7.1)). On obtient donc une mesure temporelle de référence constituée d’une seule impulsion, ainsi qu’une mesure de l’impulsion transmise par l’échantillon qui peut présenter plusieurs impulsions comme le montre la figure (7.2) (impulsions repérées par des flèches). La première impulsion correspond à l’impulsion directement transmise par l’échantillon, les autres échos de cette impulsion dans l’échantillon sont dus aux réflexions au niveau des interfaces air-matériau (effet Fabry-Pérot). Il est à noter que dans le cas de la figure (7.2), on peut choisir d’effectuer un fenêtrage du signal temporel afin de ne conserver que l’impulsion directement transmise ou bien de conserver le signal global avec tous les échos pouvant être mesurés. Dans le cas de la figure (7.2), seuls deux échos « sortent » du bruit et peuvent donc être mesurés.
240
Optoélectronique térahertz
air I(t)
I(t+ )
E THz
Émetteur
Récepteur
1
air
air
I(t)
I(t+ )
....
E THz
Émetteur
Récepteur
Fig. 7.1 – Schéma de principe d’une mesure de spectroscopie THz dans le domaine temporel – THz TDS.
2 000
référence
Signal mesuré (pA)
1 500
échantillon
1 000
500
0
−500
−1 000
0
10
20
30
40
50
60
70
Temps (ps)
Fig. 7.2 – Impulsion THz de référence et transmise par un échantillon de verre BK7 de 1,065 mm d’épaisseur.
7. Spectroscopie
241
Détermination de la fonction de transfert complexe de l’échantillon La fonction de transfert complexe de l’échantillon disposé entre les antennes émettrice et réceptrice est facilement obtenue en effectuant le rapport des spectres des deux mesures temporelles de référence et transmise par l’échantillon, spectres obtenus par FFT (cf. paragraphe 6.1.3). On obtient donc la relation suivante : Texp (ω) =
Sech (ω) Sref (ω)
(7.1)
Il est fondamental de noter ici qu’il s’agit bien d’une fonction complexe présentant une amplitude et une phase, ce qui différencie cette fonction de transfert de celle communément obtenue en optique où seule l’amplitude est généralement accessible. Il ne sera donc pas nécessaire de faire appel aux relations de Kramers-Kronig pour obtenir l’information habituellement manquante. En revanche, il faudra absolument enregistrer les 2 signaux temporels en conservant la même origine des temps (c’est-à-dire la même position zéro de la ligne à retard), afin que les spectres fréquentiels, obtenus par transformée de Fourier des signaux temporels, ne soient pas déphasés arbitrairement. Expression analytique de la fonction de transfert complexe La fonction de transfert complexe d’un échantillon peut, moyennant certaines hypothèses qui seront détaillées par la suite, s’exprimer en fonction des paramètres matériau de l’échantillon, et notamment de son indice de réfraction complexe : n ˜ = n − jκ (7.2) Pour écrire cette fonction de transfert complexe, nous ferons donc les hypothèses suivantes sur les caractéristiques du faisceau THz et sur les propriétés de l’échantillon mesuré : – l’échantillon sera supposé : • homogène, plan et à faces parallèles ; • magnétiquement isotrope, et sans charges de surface ; • avoir une réponse électromagnétique linéaire ; – le faisceau THz sera supposé collimaté et par conséquent posséder un front d’onde plan au niveau de l’échantillon. De plus, on considère le faisceau THz arrivant sur l’échantillon sous incidence normale et, dans le cas d’un échantillon anisotrope, que le faisceau THz est polarisé rectilignement selon l’un des axes diélectriques propres de l’échantillon. Le champ THz transmis par l’échantillon de matériau à caractériser (milieu 1) d’épaisseur d peut s’exprimer en fonction des coefficients de transmission aux interfaces, du terme de propagation dans le milieu considéré, et du
242
Optoélectronique térahertz
champ électrique incident ETinc Hz (ω) : Sech(ω) = Tair−1 (ω) P1 (ω, d) T1−air (ω) ETinc Hz (ω) F P (ω)
(7.3)
où F P (ω) est la contribution due aux réflexions multiples (effet Fabry-Pérot) de l’impulsion THz aux interfaces air-matériau : F P (ω) =
∞
2 (R1−air (ω) P12 (ω, d))
k
(7.4)
k=0
où l’entier k représente le nombre d’allers-retours effectués par l’onde dans l’échantillon, et les autres grandeurs sont définies par les relations suivantes : – coefficient de réflexion à l’interface a − b Ra−b (ω) =
˜b n ˜a − n n ˜a + n ˜b
(7.5)
– coefficient de transmission à l’interface a − b Ta−b (ω) =
2n ˜a n ˜a + n ˜b
(7.6)
– coefficient de propagation dans le milieu a, d’épaisseur d Pa (ω, d) = e−j
ωd n ˜a c
(7.7)
En l’absence du matériau 1 à caractériser, le signal transmis s’exprime simplement sous la forme : Sref (ω) = Pair (ω, d) ETinc Hz (ω)
(7.8)
La fonction de transfert complexe du milieu 1 est alors obtenue en faisant le rapport des expressions (7.3) et (7.8) : Tth (ω) =
Tair−1 (ω) P1 (ω, d) T1−air (ω) Sech(ω) = F P (ω) Sref (ω) Pair (ω, d)
(7.9)
Cette relation peut encore s’exprimer en fonction de l’indice complexe du milieu 1 : # 4n ˜n ˜ air ωd F P (ω) (7.10) exp −j(˜ n−n ˜ air ) Tth (ω) = (˜ nair + n ˜ )2 c avec : F P (ω) = 1−
n ˜ −˜ nair n ˜ +˜ nair
2
1
, exp −2 j n ˜ ωcd
où n ˜ est l’indice de réfraction complexe du matériau à caractériser.
(7.11)
7. Spectroscopie
243
Extraction des constantes optiques Connaissant l’expression analytique de la fonction de transfert ainsi qu’une valeur expérimentale de cette dernière, il est possible de remonter aux paramètres matériau de l’échantillon mesuré. Toutefois, les parties réelle n et imaginaire κ de l’indice de réfraction complexe ne peuvent s’exprimer analytiquement à partir de l’expression de la fonction de transfert complexe. Il convient donc de traiter ce problème électromagnétique inverse à l’aide d’une procédure d’optimisation du type Newton-Raphson pour pouvoir extraire n et κ à partir de la valeur expérimentale de la fonction de transfert complexe Texp (ω). La difficulté de la résolution du problème réside entre autres dans le fait que le problème n’admet pas une solution unique mais une infinité de solutions. Cela se comprend aisément dans la mesure où la phase de la fonction de transfert est définie modulo 2 π. Cette fonction de transfert dépend également de l’épaisseur d de l’échantillon, qui doit donc être connue et utilisée dans la procédure d’extraction. Pour plus de détails sur une procédure efficace et générale d’extraction des paramètres optiques d’un matériau, il est conseillé de se reporter à la référence [260]. Un exemple d’extraction de l’indice de réfraction et du coefficient d’absorption (obtenu à partir de la partie imaginaire de l’indice de réfraction complexe, α = 4πf c κ) sur un substrat d’alumine d’épaisseur 1 mm est donné sur la figure (7.3). Cette extraction a été réalisée à l’aide de la procédure décrite dans [260]. On remarquera la précision avec laquelle l’indice de réfraction du matériau est obtenu.
7.1.2
Cas particuliers
Il est intéressant de détailler un peu plus les deux principaux cas rencontrés en pratique lors de la caractérisation d’un échantillon. En effet, si l’on se réfère à la figure 7.2, celle-ci montre des impulsions transmises séparées temporellement les unes des autres et autorisant ainsi un fenêtrage temporel : il s’agit du cas où l’échantillon est dit « optiquement épais », c’est-à-dire que son épaisseur optique (produit de l’indice de réfraction par l’épaisseur physique de l’échantillon) est supérieure à la durée de l’impulsion THz. Dans ce cas, un fenêtrage temporel peut être appliqué à la mesure afin de ne conserver que l’impulsion directement transmise. De surcroît, une telle procédure s’avère extrêmement utile sur le plan pratique puisqu’il devient inutile de mesurer tous les échos présents sur le signal transmis d’où une forte réduction du temps de mesure. L’expression de la fonction de transfert est grandement simplifiée, puisque ne comprenant plus le terme F P (ω) : # 4n ˜n ˜ air ωd (7.12) exp −j(˜ n−n ˜ air ) Tth (ω) = (˜ n+n ˜ air )2 c Pour les échantillons « optiquement fins », pour lesquels l’épaisseur optique est de l’ordre ou inférieure à la durée de l’impulsion THz, il n’est plus
244
Optoélectronique térahertz ,
,
,
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,
,
Fig. 7.3 – Indice de réfraction et coefficient d’absorption de l’alumine mesurés par THz TDS. possible d’extraire un écho particulier du signal THz transmis par l’échantillon au moyen d’un fenêtrage temporel car les différents échos se superposent : la totalité du signal transmis doit être mesuré. Le terme F P (ω), qui prend en compte des échos multiples de l’impulsion THz au sein de l’échantillon, ne peut plus être supprimé. On doit utiliser la relation (7.10). Néanmoins, dans le cas d’échantillons optiquement fins et fortement absorbants, le terme F P (ω) tend vers 1 et l’on peut à nouveau utiliser l’expression simplifiée (7.12). Un des critères qui peut être utilisé a posteriori pour vérifier la validité de cette simplification consiste à extraire les constantes optiques du matériau avec la relation simplifiée (7.12), puis à calculer le second terme de la série (7.4) donnant F P (ω), à savoir : !
n ˜−n ˜ air n ˜+n ˜ air
"2
e−2 j
ωd n ˜ c
(7.13)
Si ce terme est inférieur au rapport bruit sur signal, alors la simplification qui a été opérée est valide.
7.1.3
Matériaux magnétiques
Même si l’immense majorité des matériaux ne présentent aucune propriété magnétique dans le domaine THz (i.e. leur perméabilité relative satisfait la relation μr = 1 car les moments magnétiques n’arrivent pas à s’orienter
7. Spectroscopie
245
à la fréquence THz), la possibilité de mesurer simultanément la permitti˜r d’un mavité relative complexe ˜r et la perméabilité relative complexe μ tériau s’avère fondamentale lorsque l’on s’intéresse aux métamatériaux (voir page 202). Dans ce cas de figure, on va chercher à déterminer les quatre quantités r , r , μr , μr qui représentent respectivement les parties réelles et imaginaires des permittivité et perméabilité du matériau. Il est dès lors nécessaire de disposer de quatre paramètres extraits des mesures, or une fonction de transfert ne donne accès qu’à deux paramètres au travers de son module et de sa phase. Il est donc nécessaire de mesurer au moins deux fonctions de transfert différentes à partir du même matériau. Il existe pour cela plusieurs possibilités : – mesure des fonctions de transfert en transmission et en réflexion pour le même échantillon ; – mesure des fonctions de transfert en transmission pour deux échantillons du même matériau présentant des épaisseurs différentes ; – mesure des fonctions de transfert en transmission pour l’impulsion THz directement transmise et son premier écho pour un même échantillon optiquement épais. Les permittivité et perméabilité du matériau sont extraites de l’indice de réfraction complexe n ˜ et de l’impédance d’onde relative complexe z˜r du matériau via les relations suivantes : n ˜=
μ˜r ˜r
z˜r =
(7.14)
μ˜r ˜r
(7.15)
À leur tour, n ˜ et z˜r sont respectivement extraits du terme de propagation et des coefficients de réflexion/transmission définis précédemment dans le cas particulier des matériaux non magnétiques et qui, sous incidence normale, se récrivent ici [261] : – coefficient de réflexion à l’interface a − b Ra−b (ω) =
z˜r,b − z˜r,a z˜r,b + z˜r,a
(7.16)
– coefficient de transmission à l’interface a − b Ta−b (ω) =
2 z˜r,b z˜r,b + z˜r,a
(7.17)
– coefficient de propagation dans le milieu a, d’épaisseur d Pa (ω, d) = e−j
ωd n ˜a c
(7.18)
246
Optoélectronique térahertz
Le même type d’analyse que celui présenté précédemment dans le cas de matériaux non magnétiques peut être fait ici en utilisant les nouvelles définitions des termes de propagation, réflexion et transmission. Le lecteur pourra se reporter à la référence [261] pour plus de détails et également afin de disposer ˜r d’une analyse comparative entre les trois possibilités de mesure de ˜r et μ évoquées plus haut. Exemple de spectres d’absorption de gaz mesurés par THz-TDS Nous savons que la résolution fréquentielle de la technique de spectroscopie THz dans le domaine THz est de quelques GHz. Il est donc illusoire de vouloir employer cette technique pour réaliser de la spectroscopie moléculaire à haute résolution, très utile en physique atomique et en astrophysique pour l’étude de niveaux énergétiques de molécules sous forme gazeuse. En revanche, on peut ainsi obtenir des spectres très larges avec un temps d’enregistrement très court, typiquement de quelques minutes. La figure (7.4) donne un exemple de signal temporel enregistré en atmosphère ambiante. La présence de raies d’absorption de la vapeur d’eau présente dans l’air ambiant, et spectralement fines, conduit dans le domaine temporel à des oscillations sur un temps très long, comme observé sur la figure. Ces raies sont bien visibles sur le spectre du signal temporel (figure (7.5)).
Fig. 7.4 – Signal temporel obtenu par une expérience impulsionnelle en présence de vapeur d’eau. La figure (7.6) donne un exemple de résultats sur la molécule de OCS, le gaz à analyser étant enfermé dans une cellule en verre (généralement avec des fenêtres en quartz) placé entre l’émetteur et le récepteur THz. On observe, dans le spectre, des raies d’absorption espacées régulièrement, comme attendu pour des niveaux rotationnels (voir le chapitre sur les principes physiques de base). Ce spectre périodique transposé dans le domaine temporel
7. Spectroscopie
247
(U.A)
,
1 000
1 250
1 500
Fig. 7.5 – Transformée de Fourier du signal temporel (figure (7.4)), les raies d’absorption repérées correspondent à la vapeur d’eau présente sur le trajet optique.
Fig. 7.6 – Exemple du sulfure de carbonyle OCS : réponse temporelle.
248
Optoélectronique térahertz
correspond à une série d’échos arrivant à intervalle de temps constant (figure (7.7)). Le lecteur peut se demander comment il est possible de détecter des signaux bien après le passage de l’impulsion THz. En fait, dans le cas particulier d’OCS, il faut se souvenir que cette molécule est linéaire, et donc présente un spectre formé d’un ensemble de raies régulièrement espacées. C’est cette particularité qui lui donne la possibilité de réémettre des signaux transitoires qui sont les signaux de précession libre de la molécule.
1 000
Fig. 7.7 – Exemple du sulfure de carbonyle OCS : spectre.
7.1.4
Performances de la THz TDS
La spectroscopie THz dans le domaine temporel est devenue une technique de mesure mature qui en est au stade du transfert industriel. Comme nous l’avons déjà souligné dans le paragraphe 6.1.5 dédié aux sources de bruit, cette technique de mesure présente actuellement une dynamique de mesure de 65 dB (i.e. une capacité à mesurer des puissances THz dans un rapport de un à plus d’un million !). Cependant, la précision de détermination des constantes optiques n’est pas uniquement déterminée par la dynamique de mesure. En effet, outre les sources de bruit déjà mentionnées, il faut considérer de nombreuses autres sources d’incertitude : – les possibles réflexions parasites de l’impulsion THz émise dans les différents éléments optiques du banc de mesure ; – les possibles défauts d’orientation de la polarisation de l’impulsion THz dans le cas de la caractérisation de matériaux anisotropes ou encore de matériaux isotropes sous incidence oblique ; – l’angle d’incidence du faisceau THz sur l’échantillon ; – le parallélisme des faces de l’échantillon ; – la qualité optique des faces de l’échantillon ;
7. Spectroscopie
249
– l’incertitude sur l’épaisseur de l’échantillon ; – et enfin la divergence du faisceau THz au niveau de l’échantillon. Parmi ces différentes sources d’erreur non liées au bruit, il est assez facile de s’affranchir de certaines. Par exemple, l’ajout d’un polariseur à grille permet aisément d’éliminer en grande partie la deuxième source d’erreur. Il est également facile de connaître l’ordre de grandeur de l’incertitude liée à certaines sources d’incertitude en procédant à une étude statistique. Par exemple, l’incertitude liée à l’angle d’incidence du faisceau THz sur l’échantillon peut être facilement étudiée en ayant recours à plusieurs mesures effectuées avec un repositionnement systématique de l’échantillon. Lorsque le banc de mesure est optimisé et que les échantillons sont convenablement préparés, on s’aperçoit que seules les deux dernières sources d’incertitude listées précédemment continuent à poser problème dans le sens où ce sont elles qui sont à l’origine de la quasi-intégralité de l’incertitude obtenue sur les constantes optiques extraites [262]. En effet, l’incertitude sur l’épaisseur de l’échantillon conduit à une incertitude sur la partie réelle de l’indice de réfraction du matériau d’environ un ordre de grandeur supérieure à celle engendrée par toutes les autres sources d’incertitude, sources de bruit comprises lorsqu’il s’agit de matériaux présentant une bonne transparence. La meilleure solution pour s’affranchir de l’incertitude sur l’épaisseur de l’échantillon est en fait de la déterminer également par spectroscopie THz TDS. Pour cela, il est nécessaire de disposer d’un paramètre supplémentaire extrait des mesures, comme par exemple la fonction de transfert en transmission d’un écho de l’impulsion THz directement transmise. Le lecteur pourra se reporter à la référence [262] pour un traitement détaillé de plusieurs méthodes d’extraction simultanée des constantes optiques et de l’épaisseur de l’échantillon. Au moyen de ce type de méthode, il est possible de déterminer l’épaisseur moyenne de l’échantillon vue par le faisceau THz avec une précision de l’ordre de 2 μm seulement, soit environ λ/100 ! Il en résulte une incertitude sur l’indice qui peut, selon l’échantillon, être légèrement inférieure à 10−2 ! L’incidence des sources de bruit au niveau de l’incertitude sur n est typiquement de 5 × 10−3 . Mais, dans le cas d’échantillons optiquement épais, il est possible de réduire cette incidence des sources de bruit en n’extrayant pas l’indice de réfraction à partir de l’impulsion THz directement transmise mais à partir de l’écho d’ordre 2 : la contribution des sources de bruit à l’incertitude sur n peut alors être réduite à seulement 2×10−3 [259] ! En résumé, une approche métrologique de la mesure de n avec identification des différentes sources d’incertitude et recherche de méthodes visant à réduire leur contribution permet d’obtenir un gain très notable de précision. Lorsque les différentes méthodes précitées sont utilisées, on peut estimer que l’incertitude minimale sur n, pour les matériaux présentant une bonne transparence, est donnée par la relation : D(fmax ) 10− 20 c n Δd + (7.19) Δn ∼ d 2π fmax ρ(fmax )
250
Optoélectronique térahertz
où d et Δd représentent respectivement l’épaisseur et l’incertitude sur l’épaisseur de l’échantillon. fmax , ρ(fmax ) et D(fmax ) sont respectivement la fréquence correspondant au maximum de la densité spectrale de signal THz généré, le module de la fonction de transfert de l’échantillon en transmission ainsi que la dynamique de mesure (exprimée en dB) pour cette même fréquence. Enfin, c représente la célérité de la lumière dans le vide. En ce qui concerne l’incertitude sur le coefficient d’absorption, le problème est plus complexe. En effet, en traversant l’échantillon dont l’indice de réfraction est différent de celui de l’air, les paramètres du faisceau THz sont modifiés comme la position de son « waist ». Ainsi la focalisation du faisceau THz se trouve légèrement modifiée au niveau de l’antenne réceptrice et cet effet est d’autant plus marqué que le produit (n−1)d est élevé. C’est ainsi que le coefficient d’absorption de matériaux faiblement absorbants, extrait par résolution du problème électromagnétique inverse, peut être négatif ! Cela se comprend aisément car, dans le cas de matériaux faiblement absorbants, il est nécessaire d’avoir des échantillons de forte épaisseur pour pouvoir mesurer une réduction significative de l’amplitude de l’impulsion THz résultant de l’absorption intrinsèque du matériau. On se retrouve alors précisément dans le cas où le produit (n − 1)d est élevé, ce qui engendre un fort biais expérimental pouvant conduire à des résultats aberrants. Ainsi, paradoxalement, l’incertitude absolue de mesure de l’absorption est plus faible pour les matériaux modérément absorbants que pour les matériaux transparents, ces derniers continuant à poser de véritables difficultés au niveau métrologique : il faut alors se tourner vers des techniques de mesure mettant en jeu le guidage des ondes THz dans le matériau à étudier, lorsque cela est possible. Comme pour l’indice, l’incertitude liée aux sources de bruit peut être réduite en considérant l’écho d’ordre 2 plutôt que l’impulsion THz directement transmise [263]. Bien que l’on ne puisse fournir de formule analytique donnant l’ordre de grandeur de l’incertitude sur le coefficient d’absorption, on peut néanmoins estimer que cette dernière est au mieux de l’ordre d’une fraction de cm−1 .
7.2
Sources optoélectroniques utilisées en spectroscopie THz
Les sources optoélectroniques utilisées en spectroscopie à l’heure actuelle dans les laboratoires se composent de 2 grands types que nous décrirons succinctement à la suite : – les sources impulsionnelles ; – les sources continues. Notons encore une fois que d’autres sources optoélectroniques existent (les lasers à cascade quantique par exemple), mais nous ne présenterons dans ce paragraphe que les sources qui sont actuellement utilisées dans des applications
7. Spectroscopie
251
de laboratoire (le passage du laboratoire vers l’industrie pourrait se faire dans un avenir proche pour ce type de sources).
7.3
Spectroscopie dans le domaine fréquentiel
Les spectromètres THz pour le domaine fréquentiel sont dérivés des appareils fonctionnant dans le domaine optique : spectromètres à réseau, interféromètres de Michelson, étalons de Pérot-Fabry, etc. Cependant, un appareil spécifique a pris une place dominante en spectroscopie dans l’infrarouge, et en particulier dans l’infrarouge lointain. Il s’agit du spectromètre à transformée de Fourier, que nous décrirons en détail. Son avantage principal est de fonctionner avec une source spectrale étendue (avantage dit de Jacquinot ), et d’éclairer le détecteur avec l’ensemble des composantes spectrales de la source, donc de faire fonctionner le détecteur en (relativement) forts signaux dans le but d’un meilleur rapport signal sur bruit (avantage de Fellgett ). Par ailleurs, les nouvelles techniques optoélectroniques, comme la génération THz le battement de fréquences optiques, permettent de concevoir des sources THz monochromatiques, dont la fréquence THz est ajustable sur une grande plage. Dans ce cas, les études spectroscopiques deviennent relativement simples, puisqu’on ne doit plus discriminer les différentes fréquences lors de la mesure comme avec les autres techniques.
7.3.1
Quelques principes de base sur l’instrumentation
Il existe plusieurs méthodes pour enregistrer le spectre d’émission d’une source ou le spectre d’absorption d’une substance. Les spectromètres ont en commun les éléments suivants : – une source de rayonnement adaptée au domaine spectral souhaité ; – le dispositif de sélection de longueur d’onde ; – le dispositif de positionnement de l’échantillon au sein du faisceau ; – le détecteur et l’enregistreur. C’est l’optimisation de tous ces éléments, compte tenu du domaine de longueur d’onde étudié et de la nature de l’échantillon (solide, liquide ou gaz), qui permet d’obtenir un spectre de qualité. Classiquement, obtenir un spectre de transmission consiste à illuminer l’échantillon avec une source monochromatique accordable et à enregistrer le rapport entre l’intensité du faisceau ayant traversé l’échantillon et l’intensité du signal l’illuminant en fonction de la longueur d’onde de la source, longueur d’onde que l’on fait varier pour couvrir l’ensemble du spectre souhaité. Il est également possible d’illuminer l’échantillon au moyen d’une source large bande couvrant la totalité du spectre souhaité et de détecter l’ensemble des radiations transmises au travers d’un signal complexe nommé interférogramme, à partir duquel on calcule le spectre par transformation de Fourier (cf. paragraphe 6.1.3). Cette méthode fait partie de la famille des méthodes multiplex.
252
Optoélectronique térahertz
La qualité des mesures est intrinsèquement liée aux imperfections des détecteurs utilisés, lesquels font apparaître : – un bruit de détection (variations aléatoires autour de la valeur moyenne affectant la précision de mesure) ; – un signal d’obscurité détecté en l’absence de source (définissant le seuil de mesure) à caractère systématique. Un détecteur performant doit présenter un faible signal d’obscurité et un très faible bruit de détection afin de garantir un rapport signal sur bruit élevé. Dans le domaine THz, on utilise principalement des détecteurs thermiques (de type bolométrique) qui sont sensibles à la chaleur dégagée par l’absorption des photons THz de la source par un élément absorbant.
7.3.2
Spectromètres à réseau ou à étalon
On peut transposer les techniques optiques dans le domaine de l’infrarouge lointain. Aussi, on trouvera pour l’infrarouge lointain des spectromètres à prisme, à réseau de diffraction ou à étalon de Fabry-Pérot. Néanmoins, les spectromètres à prisme [264] ne sont plus utilisés de nos jours car les matériaux diélectriques ne sont ni assez dispersifs et ni assez transparents dans le domaine THz. Les spectromètres à réseau ou à étalon sont employés pour leur simplicité. Dans les spectromètres à réseau, les différentes fréquences du signal THz sont diffractées dans des directions différentes. La formule de diffraction du réseau impose : sin θ + m
c = sin θm fd
(7.20)
où f est la fréquence, d est la période du réseau, θ et θm sont les angles d’incidence et de diffraction du faisceau, et m est un entier. L’effet diffractif est fort lorsque la longueur d’onde du faisceau est de l’ordre de grandeur de la période du réseau. Il faut donc fabriquer des réseaux de diffraction de période submillimétriques, ce qui est assez facile mécaniquement ou bien par des techniques de lithographie. En revanche, la résolution spectrale du réseau étant égale au nombre de traits éclairés, il faut un réseau de plusieurs dizaines de cm de diamètre pour obtenir une résolution inférieure au GHz dans le domaine THz. Cette contrainte limite l’emploi de ces appareils à des applications pour l’astronomie. Les étalons de Fabry-Pérot constituent des spectromètres à condition qu’un des miroirs puisse être déplacé [265]. Dans l’infrarouge lointain, les miroirs sont le plus souvent des grilles métalliques [266]. On trouve aussi des systèmes mettant en jeu plusieurs lames à faces parallèles de matériau à haut indice, comme du silicium. Dans tous les cas, la haute résolution ne peut être obtenue qu’avec un faisceau incident le plus parallèle possible, ce qui impose généralement un diamètre du dispositif de plusieurs cm. Il faut bien noter que ces équipements (réseaux, étalons) ne sont plus utilisés que dans des cas particuliers, comme en astronomie
7. Spectroscopie
253
millimétrique. Dans les laboratoires, ils ont été supplantés par les spectromètres à transformée de Fourier qui font l’objet du paragraphe suivant. Le tableau (7.1) donne les ordres de grandeur de résolution fréquentielle des différents types de spectromètres, ainsi que leur bande passante normalisée. Type
Résolution
δf f
Bande passante
À réseau
1 500
100
À Fabry-Pérot
2 000
10
À transformée de Fourier
5 000
3
300 000
500
À détection hétérodyne
Δf f
Tab. 7.1 – Caractéristiques comparées des spectromètres employés pour analyser les signaux THz continus.
7.3.3
Spectromètre infrarouge à transformée de Fourier
Nous allons dans ce paragraphe décrire les différents éléments constituant un spectromètre à transformée de Fourier ainsi que son fonctionnement. La plupart des réalisations commerciales sont basées sur l’utilisation d’un interféromètre de Michelson. Principe de fonctionnement [267] La spectroscopie à transformée de Fourier a été initialement proposée indépendamment en 1954 par P. Jacquinot et P. Fellgett [268] qui s’étaient rendu compte qu’un interféromètre de Michelson pouvait fournir la transformée de Fourier de la distribution spectrale de la source lumineuse employée dans l’appareil. L’enregistrement du signal, puis une transformée de Fourier inverse avec un ordinateur conduisent ainsi au spectre de la source. Reprenons ici les formules de base permettant de retrouver ce résultat. Un interféromètre de Michelson est un interféromètre à 2 ondes qui sera décrit plus loin. Les deux ondes, créées à partir du faisceau lumineux incident par une lame semi-réfléchissante, arrivent sur le détecteur avec une différence de phase φ induite par la différence de chemin optique x entre les deux bras de l’interféromètre. Supposons dans un premier temps que la source soit monochromatique, de pulsation optique ω. Soit E1 (t) = Eo ej ω t et E2 (t) = η Eo ej (ω t+φ) les deux champs optiques au niveau du détecteur (η est le rapport entre les deux amplitudes sur le détecteur). L’intensité détectée1 sera égale à : I(φ) = 1
Io 1 + η 2 + 2η cos φ 8
(7.21)
On prend la valeur moyennée dans le temps du module carré de la somme des 2 champs.
254
Optoélectronique térahertz
Amplitude (U.A.)
1,5 1 0,5 0 −0,5 −1 0
1
2 3 Position (mm)
4
5
Fig. 7.8 – Interférogramme enregistré avec un spectromètre à transformée de Fourier dans l’infrarouge lointain (Données aimablement fournies par les collègues de la ligne AILES du synchrotron Soleil à Orsay). où, dans le cas d’une lame semi-réfléchissante parfaite (η = 1), Io est l’intensité du faisceau lumineux incident. La différence de phase est égale à φ = ωc x. Il est donc possible d’écrire l’intensité détectée non pas en fonction de la différence de phase, mais plutôt en fonction de la différence de chemin optique x qui peut être facilement mesurée et que l’on peut faire varier en déplaçant un des miroirs de l’interféromètre : x Io 1 + η 2 + 2η cos ω (7.22) I(x) = 8 c On remarque déjà que le signal mesuré en faisant varier le chemin x, signal appelé interférogramme, est la somme d’un terme constant et d’un terme sinusoïdal (figures (7.8) et (7.9)). Ce terme variable est proportionnel à la transformée de Fourier de la source monochromatique, transformée pour laquelle les deux variables conjuguées sont ici la pulsation ω et le temps équivalent x/c. On remarque aussi que si la lame semi-réfléchissante est parfaite (η = 1), l’expression précédente s’écrit simplement : x Io 1 + cos ω (7.23) I(x) = 4 c Lorsque la source lumineuse n’est pas monochromatique, on somme les contributions de toutes les composantes spectrale de la source : ∞ I(x) = 0
x Io (ω) 1 + η(ω)2 + 2η(ω) cos ω dω 8 c
(7.24)
Module du spectre (U.A.)
7. Spectroscopie
255
1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0
0,5
1 1,5 2 Fréquence (THz)
2,5
3
Fig. 7.9 – Spectre (module) de l’interférogramme de la figure (7.8) (Données aimablement fournies par les collègues de la ligne AILES du synchrotron Soleil à Orsay). ∞ te
=C + 0
x Io (ω) η(ω) cos ω dω 4 c
(7.25)
En posant Io (−ω)η(−ω) = Io (ω)η(ω), on obtient finalement : 1 I(x) = C + 4 te
+∞ x Io (ω)η(ω)ej ω c dω
(7.26)
−∞
Soit, en soustrayant le terme constant : 1 I(x) = 4
+∞ x Io (ω)η(ω)ej ω c dω
(7.27)
−∞
On détermine le spectre Io (ω) de la source par transformée de Fourier inverse : +∞ x Io (x)e−j ω c dx Io (ω) = 4
(7.28)
−∞
Nous avons supposé ici que le terme η(ω) ne dépend pas de la pulsation ω, ce qui est généralement vrai dans l’infrarouge lointain à condition d’employer pour lame semi-réfléchissante une grille métallique de périodicité sublongueur d’onde. Le principe de la spectroscopie à transformée de Fourier
256
Optoélectronique térahertz
repose sur la relation (7.28). En effet, le spectre de la source est donc proportionnel à la transformée de Fourier inverse de l’interférogramme Io (x). Il faut donc enregistrer la partie variable du signal détecté en fonction de la différence x de chemin optique entre les deux bras de l’interféromètre, puis effectuer une transformée de Fourier inverse par voie numérique. Si, dans les années 1950, effectuer la transformée inverse de l’interférogramme relevait pratiquement de l’utopie, aujourd’hui les techniques numériques dites FFT (voir page 223) permettent d’obtenir des spectres à partir des interférogrammes dans des temps très courts, pratiquement en temps réel. L’interférogramme réel I(x) est enregistré sur une longueur géométrique qui n’est pas infinie, mais qui est limitée par la longueur xmax de la platine de déplacement d’un des miroirs de l’interféromètre. On écrit simplement que l’interférogramme réel est égal à l’interférogramme idéal que multiplie une fonction rectangle T (x) qui est égale à 1 pour x variant entre 0 et xmax , et qui est nulle ailleurs : (7.29) I(x) = Io (x) T (x) Le spectre déterminé expérimentalement est donc le produit de convolution (⊗) du spectre réel par la transformée de Fourier de la fenêtre : +∞ x Io (x) T (x)e−j ω c dx I(ω) = 4
(7.30)
−∞
x max (7.31) = Io (ω) ⊗ T F (T (x)) = Io (ω) ⊗ sinc ω c La résolution spectrale de l’instrument correspond à sa réponse à une onde monochromatique, c’est-à-dire à la fonction sinus cardinal dans l’expression précédente. La largeur spectrale de ce sinus cardinal est : Δf =
c Δω = 2π 2 xmax
(7.32)
La limite de résolution du spectromètre à transformée de Fourier est de 1 GHz pour 7,5 cm de déplacement du miroir (soit 15 cm pour l’aller-retour effectué par la lumière), mais pour atteindre 1 MHz, il faudrait un déplacement de 75 m ! Aussi les spectromètres commerciaux atteignent au mieux la centaine de MHz de résolution. Rappelons que, selon le critère de Rayleigh (figure (7.10)), deux raies de même intensité seront considérées comme séparées (ou encore résolues) si le maximum de l’une coïncide avec le premier minimum de l’autre. L’application de ce critère nécessite de disposer au moins de quelques points par raie. Afin d’augmenter ce nombre de points pour obtenir visuellement un spectre grandement amélioré du point de vue visuel, une méthode rapide consiste à augmenter artificiellement la taille de l’interférogramme en ajoutant des « zéros » à ses extrémités, zones où les valeurs seraient de toute
7. Spectroscopie
257
Fig. 7.10 – Critère de Rayleigh. façon quasi nulles. Cette procédure est traitée dans le paragraphe 6.1.3 dédié à la transformée de Fourier. Cette procédure augmente le temps de calcul et le volume nécessaire pour stocker le spectre, mais la définition graphique s’en trouve grandement améliorée. Il est important de noter que cet artifice de calcul n’améliore en rien la résolution du spectre. Description du spectromètre La plupart des spectromètres à transformée de Fourier sont construits à partir d’un interféromètre de Michelson. Cet interféromètre (figure (7.11)) est constitué de deux miroirs plans perpendiculaires dont l’un est fixe (M1 ) et l’autre mobile (M2 ). Une lame semi-réfléchissante S, appelée séparatrice et inclinée à 45◦ par rapport à la direction de propagation du rayonnement incident est placée au centre du montage. Si l’on éclaire le dispositif avec un faisceau parallèle issu d’une source ponctuelle (généralement une lampe spectrale à mercure, qui se comporte comme un corps noir dans l’infrarouge lointain, munie d’un condenseur et d’une fente placée au foyer d’un miroir parabolique), la séparatrice S dédouble le faisceau incident en un faisceau transmis vers M1 et un faisceau réfléchi vers M2 . Ces deux faisceaux sont réfléchis par les miroirs M1 et M2 . À leur retour sur la séparatrice, chacun d’eux est à nouveau dédoublé en un faisceau transmis et un faisceau réfléchi. Les faisceaux émergeants sont de même amplitude et peuvent interférer à la sortie de l’instrument. La séparatrice est soit un film de Mylar ou de polyéthylène de quelques microns d’épaisseur, soit une grille métallique (fils parallèles, croisillons...) dont la période est plus petite que la longueur d’onde. Contrairement aux films diélectriques, la transmission des grilles dépend très souvent de la polarisation du faisceau THz. Si les deux miroirs sont à égale distance de la séparatrice, les chemins optiques suivis par les deux faisceaux sont identiques et ils émergent en phase. Si en revanche, le miroir mobile est translaté de x/2, le chemin optique du premier trajet augmente de x (indice de l’air ≈ 1) et les deux faisceaux sont alors déphasés de φ = ωc x = 2π λ x. Pour analyser des signaux très large bande, la lame semi-réfléchissante S doit présenter des coefficients de réflexion et de transmission le moins dispersifs possible.
258
Optoélectronique térahertz
Fig. 7.11 – Schéma de principe d’un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier. Dans l’infrarouge très lointain, les grilles de fils métalliques possèdent cette qualité. Un interféromètre construit avec une grille de fils métalliques comme lame semi-réfléchissante s’appelle un interféromètre de Martin-Puplett. Le caractère polarisant de la grille fait que les polarisations des ondes transmise et réfléchie sont perpendiculaires, ce qui oblige à tourner de 90◦ la polarisation dans l’un des bras de l’interféromètre pour pouvoir faire interférer les ondes. Ceci est généralement réalisé en remplaçant un des miroirs par un système rétro-réflecteur. Le détecteur employé dans ces instruments est une cellule de Golay, ou bien un bolomètre. Le faisceau THz est focalisé par une lentille (polyéthylène ou quartz) dans un guide d’onde métallique en forme de cornet, à l’extrémité duquel est placé le détecteur. Généralement, la lumière parasite infrarouge ou visible est arrêtée à l’aide de filtres (polyéthylène noir) placés devant le détecteur. Spectres FTIR d’échantillons On distingue deux types de caractérisation d’échantillon possibles avec un spectromètre à transformée de Fourier. Dans la plupart des cas, l’échantillon est placé devant le détecteur. On mesure ainsi uniquement la transmission en intensité de l’échantillon. Mais on peut aussi placer l’échantillon dans un bras de l’interféromètre. On a alors accès à l’amplitude et à la phase du signal, comme expliqué ci-après : cette méthode est très proche de la spectroscopie THz dans le domaine temporel. Ici, les faisceaux dans chacun des deux bras de l’interféromètre sont des faisceaux THz, alors qu’en spectroscopie temporelle,
7. Spectroscopie
259
le faisceau THz ne se propage que dans une partie limitée du montage qui ressemble beaucoup à un interféromètre de Mach-Zehnder. Pour réaliser une analyse quantitative du spectre d’un échantillon obtenu par spectrométrie à transformée de Fourier, il est nécessaire de réaliser deux mesures, l’une en l’absence d’échantillon et la seconde en présence de l’échantillon. La procédure de mesure est la suivante : – mesure de l’interférogramme Iref (x) de référence, spectromètre sans échantillon ; – calcul de la transformée de Fourier du spectre de référence ; – mesure de l’interférogramme Idst (x) de l’échantillon, spectromètre avec échantillon ; – calcul de la transformée de Fourier du spectre de l’échantillon ; – calcul du rapport entre les courbes spectrales. La référence et l’échantillon étant mesurés successivement, la stabilité est une caractéristique essentielle pour un interféromètre. La stabilité concerne évidemment la source infrarouge, le détecteur, mais également la composition de l’atmosphère, c’est-à-dire sa teneur en vapeur d’eau et en gaz carbonique, si l’on ne travaille pas sous vide. La détermination des paramètres de l’échantillon se réalise de la façon suivante. Supposons que l’échantillon soit une lame à faces parallèles d’épaisseur d/2 placée dans un bras de l’interféromètre et que l’on s’intéresse uniquement à la composante spectrale de pulsation ω, et que la même intensité lumineuse circule dans chacun des bras de l’interféromètre. On écrit alors le champ total reçu par le détecteur en fonction de l’indice de réfraction n(ω) du matériau, et du coefficient t(ω) de transmission (du champ électromagnétique) de l’échantillon. jωt
E(ω, x) = Eo (ω)e
jω t+
+ Eo (ω)t(ω)e
x+(n( ω)−1)d c
(7.33)
La différence de chemin optique entre les deux bras est (x + (n( ω) − 1) d). L’intensité détectée en présence de l’échantillon s’écrit : ω (x + (n( ω) − 1) d) I(ω, x) = Io (ω) 1 + t2 (ω) + 2t(ω) cos c
(7.34)
Comme précédemment, on somme ensuite sur toutes les fréquences du spectre incident et on ne retient que la partie variable suivant x de l’intensité totale : ω 1 Io (ω)t(ω)ej c (x+(n( ω)−1)d) dω (7.35) I(x) = 4 On effectue ensuite la transformée de Fourier inverse de l’interférogramme : ω j ωc (n( ω)−1)d = 4 I(x)e−j c x dx (7.36) Io (ω)t(ω)e
260
Optoélectronique térahertz
En l’absence d’échantillon, on mesure le signal de référence et on obtient après transformation de Fourier inverse : ω (7.37) Io (ω) = 4 Iref (x)e−j c x dx Finalement, toute l’information concernant l’échantillon (indice de réfraction et coefficient d’absorption) est contenue dans le rapport des signaux fréquentiels, qui est égal au rapport des transformées de Fourier des interférogrammes mesurés avec et sans échantillon : . ω I(x)e−j c x dx TF (I(x)) j ωc (n(ω)−1)d = (7.38) =. T (ω) = t(ω)e −j ωc x TF (Iref (x)) dx Iref (x)e Les procédures d’extraction de l’indice de réfraction et du coefficient d’absorption sont similaires à celles décrites pour la spectroscopie THz dans le domaine temporel.
7.3.4
Spectroscopie avec une source THz monochromatique de longueur d’onde ajustable
On utilise ici une technique de photomélange pour créer le rayonnement THz (voir page 156). Un exemple typique de spectromètre est présenté à la figure (7.12). Deux lasers Ti:Sa continus oscillant autour de 800 nm de longueur d’onde (375 THz) sont employés pour exciter le photomélangeur. Les deux faisceaux laser sont spatialement superposés pour être ensuite injectés dans une fibre optique mono-mode à maintien de polarisation, assurant de ce fait un parfait accord entre les modes transverses des faisceaux de pompe. Une lentille assure la focalisation des deux rayonnements sur le photomélangeur. Le terme de battement est transformé en photocourant pour être ensuite rayonné par l’antenne spirale. Une lentille hyperhémisphérique en silicium haute résistivité collecte le rayonnement THz à l’arrière du dispositif suivie d’un premier miroir parabolique pour collimater le rayonnement afin de le diriger dans une cellule d’absorption. Les faibles puissances rayonnées, jamais plus du μW au-delà de 1 THz, nécessitent le plus souvent une détection cryogénique refroidit à 4,2 K. Il suffit alors de faire varier la longueur d’onde de l’un des 2 lasers pour se placer à une fréquence THz choisie ou la balayer de façon continue pour étudier l’interaction du rayonnement THz avec le gaz sous étude. La réponse en fréquence de l’expérience est présentée à la figure (7.13). Nous constatons une totale accordabilité sur plus d’une décade de fréquence associée à une dynamique supérieure à 40 dB. C’est à basse fréquence (200 GHz) que la puissance disponible est maximale et évaluée à quelques centaines de nanowatt. Autour de 1 THz, seuls quelques nW sont détectés et quelques pW à 3 THz. Dès 800 GHz, la puissance rayonnée chute très rapidement avec une pente estimée à −16 dB/octave.
7. Spectroscopie
261
Fig. 7.12 – Vue schématique d’un spectromètre tirant profit d’une technique de photomélange.
Fig. 7.13 – Puissance THz détectée à l’aide d’un bolomètre silicium en fonction de la différence de fréquence entre les deux lasers Sa:Ti.
Optoélectronique térahertz
U.A.
262
,
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Fig. 7.14 – Détection d’une transition d’hydrogène sulfuré autour de 3 THz (croix = points mesurés, trait continu = courbe calculée).
Malgré tout, il reste possible d’exploiter le banc de spectroscopie jusqu’à 3 THz du fait des excellentes caractéristiques de bruit des détecteurs cryogéniques. À la figure (7.14), une transition rotationnelle de l’hydrogène sulfuré (H2S) a été enregistrée au-delà de 3 THz, fréquence ultime d’une telle technique. Une autre propriété importante (voir introduction de ce présent chapitre) concerne la pureté spectrale qui dans ce cas dépend de celles des lasers de pompe : nous l’avons estimée à 5 MHz. En stabilisant les lasers plus efficacement, il doit être possible d’améliorer sensiblement cette valeur, mais avec pour conséquence une agilité bien moindre en accordabilité. La technique de photomélange possède donc de nombreux atouts pour l’utiliser comme source de rayonnement dans un spectromètre. Sa très large accordabilité et sa relative bonne pureté spectrale en sont ses atouts principaux. En revanche les faibles puissances disponibles nécessitent les détecteurs les plus performants et restreint de fait son champ d’investigation aux seuls laboratoires de recherche (du moins pour le moment). Une autre difficulté réside dans la métrologie de fréquence. Si à ce stade de l’analyse, il est établi que la fréquence du rayonnement THz émis est égale à la différence de fréquence des deux lasers de pompe, une précision absolue de 1 MHz exige au moins la même précision sur celles des lasers Sa:Ti. La fréquence associée à une longueur d’onde de 800 nm est 375 THz, et une telle exigence requiert une précision relative de 10−9 ! Aucune solution commerciale n’est disponible. On tire alors profit de transitions spectroscopiques étalon, qui permettent par interpolation et/ou extrapolation de résoudre au moins en partie le problème.
7. Spectroscopie
7.3.5
263
Comparaison des techniques
En conclusion, essayons de comparer les techniques les plus employées, donc les instruments que l’on peut acheter dans le commerce ou construire facilement. Les techniques sont comparables en termes de résolution fréquentielle (0,1 cm−1 ∼ 3 GHz), sauf si l’on utilise des sources monochromatiques dont on peut faire varier la longueur d’onde (battement optique). Intrinsèquement, la spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier présente la plus grande bande passante, mais au prix d’une détérioration du rapport signal sur bruit [269]. Au-dessus de 5 THz, la spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier offre potentiellement les meilleures performances. Cependant, le principal atout de la spectroscopie THz dans le domaine temporel réside dans sa sensibilité et la mesure quantitative de l’amplitude et de la phase du signal sur un spectre très étendu ainsi que la possibilité d’analyser les transitoires ultrabrefs par des mesures de type pompe optique-sonde THz. Nous avons déjà écrit que finalement spectroscopie THz dans le domaine temporel et spectroscopie à transformée de Fourier présentaient bien des similitudes dans leurs principes. Cependant, la technique temporelle est basée sur un fenêtrage temporel autour du signal utile. Les signaux en dehors de cette fenêtre ne perturbent pas le signal utile, conduisant à une grande dynamique de mesure et permettant ainsi des mesures rapides (spectres pouvant être enregistrés en moins d’une seconde ! [270]) et à température ambiante. La possibilité d’enregistrer un spectre en un temps aussi court permet d’envisager de réaliser de l’imagerie résolue spectralement (imagerie hyperspectrale) dans le domaine THz.
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Chapitre 8
Imagerie 8.1
Introduction
Le domaine des ondes THz est l’une des régions les moins étudiées du spectre électromagnétique, et ceci est encore plus notable dans le domaine de l’imagerie. Il était jusqu’à présent difficile de générer et de détecter du rayonnement THz. Cependant, ces difficultés sont progressivement surmontées, comme le montre plusieurs chapitres de ce livre, principalement par l’utilisation d’impulsions électromagnétiques ultracourtes utilisant l’optique non linéaire et des dispositifs à photoconducteurs. En particulier, la spectroscopie THz dans le domaine temporel est l’une des techniques les plus intéressantes pour l’imagerie dans ce domaine spectral. De nombreuses techniques d’imagerie sont actuellement disponibles pour observer un objet en deux ou trois dimensions. L’imagerie par rayons X possède de nombreux avantages, qui la rendent un outil indispensable en médecine et dans le diagnostic. Cependant, les rayons X sont ionisants, et donc présentent un danger pour les organismes vivants. La résolution spatiale n’est pas directement limitée par la diffraction, mais par la diffusion Rayleigh, à environ 50 μm. De plus, de nombreux matériaux, en particulier les tissus biologiques mous, sont indiscernables en imagerie par rayons X. Lorsqu’un haut contraste est nécessaire, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), qui est principalement sensible à la concentration en eau des matériaux, est souvent utilisée. Mais la résolution spatiale est limitée à environ 0,5 mm. D’autres techniques, comme la Tomographie par Émission de Positron (TEP) ou l’échographie présentent également d’autres formes de contraste. On peut enfin citer les nouvelles techniques de l’optique, comme la tomographie optique cohérente (OCT), où les imageries multiphotoniques, qui possèdent une très bonne résolution spatiale, mais peu de profondeur de pénétration (quelques mm). Les radiations THz, de par leurs caractéristiques spectroscopiques uniques, offrent de nouvelles perspectives quant à leur utilisation dans le domaine de l’imagerie. Avec une très faible énergie par photon
266
Optoélectronique térahertz
(4 meV à 1 THz), elles sont sans danger pour les milieux biologiques [271]. Compte tenu de leur longueur d’onde, une résolution de quelques centaines de microns est attendue. Mais un couplage avec des techniques de champ proche permet, comme nous le verrons, de briser la limite classique de la diffraction, et d’obtenir une bien meilleure résolution. Les champs d’application de l’imagerie THz sont vastes et progressent fortement.
8.2
Principes de l’imagerie THz
L’imagerie THz reprend évidemment les principales caractéristiques de la spectroscopie THz. Le contraste spécifique du THz, associé à la résolution spatiale, permet à l’imagerie THz d’ouvrir de nouvelles perspectives en diagnostic biologique, dans le contrôle de la qualité, ou l’identification d’objets cachés.
8.2.1
Extension des propriétés spectroscopiques
De nombreux matériaux possèdent des spectres d’absorption caractéristiques en THz. C’est en particulier remarquable pour les gaz ou les flammes, dont le spectre rovibrationnel THz donne une véritable « empreinte digitale ». Dans les solides, ce sont les résonances structurelles comme les phonons qui vont modeler le spectre THz. Dans les liquides, l’élargissement inhomogène étant très important, ce sont essentiellement des structures très larges et moins représentatives que l’on rencontrera. L’eau joue un rôle fondamental en imagerie THz. L’eau absorbe fortement dans toute la gamme THz, par exemple à 0,5 THz, une atténuation par un facteur 2 est obtenue pour une épaisseur d’environ 45 μm seulement. Cette absorption sera fortement mise à profit en imagerie. Les zones contenant des quantités variables d’eau présenteront ainsi un fort contraste. C’est en particulier le cas en biologie, où par exemple la graisse et les dents sont moins riches en eau que les tissus. Les ions d’importance biologique fournissent également un bon contraste pour l’observation des cellules excitables comme les neurones. Enfin, les métaux réfléchissent fortement les ondes THz. Quelques dizaines de nanomètres de métal suffisent à former un écran opaque. Les ondes THz sont donc particulièrement adaptées pour le contrôle des circuits électroniques, ou pour les questions liées à la sécurité.
8.3
Résolution spatiale
Les ondes THz étant des ondes électromagnétiques, leur focalisation est en principe limitée par la diffraction, comme pour la microscopie optique classique.
8. Imagerie
8.3.1
267
Limite de la diffraction
La taille minimale r de focalisation limitée par la diffraction, pour un faisceau de convergence θ, dans un milieu d’indice n vaut ainsi λ r ≈ 1, 22 (8.1) n sin θ Typiquement, on sera limité à une résolution de 300 μm pour une fréquence de 1 THz, ce qui est suffisant pour bon nombre d’applications. Les premières démonstrations datent de 1995 [272], où une feuille d’arbre et un circuit intégré semi-conducteur ont été imagés avec une résolution de l’ordre du mm. Pour nombre d’applications cependant, cette résolution n’est pas suffisante. L’introduction du champ proche permet alors de s’affranchir de la barrière de la diffraction.
8.3.2
Imagerie en champ proche
Depuis cette démonstration, de nombreux efforts ont porté sur l’amélioration de la résolution spatiale, avec en particulier le développement de techniques de champ proche, où des résolutions inférieures à λ/100 ont été reportées [273]. Le principe du champ proche est le suivant : on place devant l’objet à étudier une ouverture ou une pointe de taille inférieure à la longueur d’onde. L’onde THz incidente est diffractée par la sonde champ proche, ce qui augmente fortement la fréquence spatiale de l’onde, et donc la résolution. L’interaction en champ proche entre l’onde THz, la sonde et l’objet se fait cependant au détriment de la quantité de lumière transmise. On peut estimer que celleci diminue avec le cube du diamètre de l’ouverture en condition de champ proche, et non pas en carré comme rencontré classiquement. Un compromis entre la résolution spatiale (taille de l’ouverture) et la quantité de signal transmise sera nécessaire en fonction du rapport signal sur bruit disponible dans la mesure. Le gros avantage des ondes THz sur l’optique, c’est évidemment que la taille des sondes champ proche est beaucoup plus grande (environ 500 fois), et celles-ci sont donc nettement plus faciles à réaliser.
8.4
Principes d’un microscope THz
Le principe d’un microscope THz est finalement assez semblable à celui d’un microscope classique. Un dispositif optique (lentille ou miroir focalisant) concentre les ondes THz sur l’objet à étudier. Actuellement, une grande majorité des dispositifs est basée sur un spectromètre dans le domaine temporel (voir page 239), qui repose sur la génération et la détection d’un cycle électromagnétique de durée picoseconde, et qui a pour avantage de posséder une très grande sensibilité et de pouvoir détecter de faibles contrastes. Un tel microscope en champ lointain est présenté par la figure (8.1).
268
Optoélectronique térahertz Objet
Hacheur Émetteur
Détecteur
Retard
Laser Femtoseconde Fig. 8.1 – Principe d’un microscope THz. Il est basé sur un spectromètre dans le domaine temporel piloté par un laser femtoseconde. L’échantillon est placé au point de focalisation du faisceau THz, puis déplacé pour obtenir une image.
8.4.1
Différentes techniques en champ proche
Dans le cas d’un dispositif à champ proche, il suffit d’ajouter une ouverture ou une pointe de taille inférieure à la longueur d’onde. Différents dispositifs de microscopie en champ proche sont illustrés par la figure (8.2). Dans tous ces dispositifs, la résolution est déterminée par la taille caractéristique de l’objet placé à côté de l’échantillon, et on collecte l’ensemble de la lumière transmise. Une première solution consiste à placer une ouverture de taille inférieure à la longueur d’onde (figure (8.2A)). Si l’échantillon se trouve devant l’ouverture, aucun signal n’est transmis. On peut également utiliser un dispositif complémentaire consistant en une petite surface de métal bloquant l’onde THz (figure (8.2B)). Théoriquement, la modulation obtenue par ces deux dispositifs est identique, le premier fonctionnant sur fond noir. C’est le principal avantage de ce dispositif, qui optimise le rapport signal sur bruit car le bruit de fond est minimisé. Certains dispositifs utilisent également une pointe (figure (8.2C)), reproduisant les techniques de champ proche développées dans le visible et le proche infrarouge. Cependant, la modélisation de la diffraction de l’onde THz sur l’ensemble de la pointe est nettement plus complexe.
8. Imagerie (A)
269 (B)
(C)
Fig. 8.2 – Principes de microscopes THz en champ proche. (A) ouverture ; (B) masque ; (C) pointe.
8.4.2
Champ proche et contraste de champ proche
Une fois les images obtenues, se pose la question de l’extraction des informations uniquement relative à l’échantillon. En d’autres termes, il faut connaître avec précision l’influence de l’objet (ouverture ou pointe) sur la résolution et plus généralement la correspondance entre l’image obtenue et l’échantillon réel. Les images de l’échantillon obtenues en champ proche sont le résultat complexe de l’interaction entre l’objet de taille inférieure à la longueur d’onde et l’échantillon. Dans des conditions strictes de champ proche, c’est-à-dire lorsque l’objet et l’échantillon sont très proches l’un de l’autre, des effets d’interaction mutuelle rendent très compliquée la modélisation du système. Si maintenant l’échantillon est très éloigné, la transmission à travers l’échantillon s’obtient facilement par effet de masque, mais les effets du champ proche disparaissent et on perd la résolution. En fait, il existe une région intermédiaire entre le champ proche véritable et le champ lointain, qui permet de concilier les deux avantages : c’est la zone de contraste de champ proche. Pour des distances situées typiquement entre λ/2 et λ/5, il est possible de modéliser la transmission à travers l’échantillon par un effet de masque, tout en gardant une précision inférieure à la longueur d’onde. Un exemple de reconstitution d’un neurone en trois dimensions a ainsi été obtenu en utilisant le contraste créé par la différence d’absorption des différents ions biologiques, en particulier le potassium et le sodium, entre l’intérieur et l’extérieur d’un neurone [274]. La figure (8.3) montre l’image tridimensionnelle reconstituée en zone de contraste de champ proche.
8.4.3
Imagerie par balayage
Ayant sélectionné l’un de ces dispositifs d’imagerie, on peut réaliser un grand nombre de configurations différentes pour acquérir l’image. La première idée consiste à réaliser un balayage temporel total des impulsions THz de façon à obtenir le spectre complet de la portion d’échantillon analysé. L’avantage est bien sûr d’obtenir toutes les informations spectroscopiques. Le contraste de l’image proviendra alors de la sélection d’une ou de plusieurs zones spectrales bien choisies. Malheureusement, le temps nécessaire à cette mesure est souvent assez long, et limite ainsi le nombre de points disponibles pour reconstituer l’image, surtout si les propriétés ou les caractéristiques de
270
Optoélectronique térahertz
150
115 114
50
113
0
112
-50
111
-100
Diamètre [μm]
Position [μm]
100
110 -150 0
400
Positi 800 on [μ m]
-100
0
100
109
m] Position [μ
Fig. 8.3 – Reconstitution en trois dimensions de la section d’un neurone par imagerie THz à contraste ionique [274].
l’objet varient dans le temps. On devra donc souvent se résoudre à ne balayer qu’une petite zone temporelle, ou bien tout simplement à garder le retard constant. On mettra alors à profit la variation de temps de parcours (déphasage) de l’impulsion THz dans l’échantillon, un peu comme en OCT. Les premières images THz ont été obtenues par simple balayage de l’objet dans le faisceau [272], transformant la transmission à travers l’objet en pixels. Il existe un nombre important de sources de contrastes utilisables : l’amplitude totale transmise à un retard fixé, le retard du maximum de cycle THz, ou encore le déphasage d’une composante spectrale particulière. L’une des clés de réussite de l’imagerie THz est la vitesse d’acquisition de l’image. L’utilisation de pots vibrant permet par exemple de balayer une série de retards et donc de calculer rapidement des composantes spectrales. La première démonstration, utilisant des antennes photoconductrices, donnait ainsi 10 points par seconde, avec un rapport signal sur bruit de 100. Ces dispositifs peuvent être simplifiés par l’utilisation de détecteurs à photoconducteurs couplés à une fibre optique [275], ce qui permet de délocaliser la source laser femtoseconde et la ligne à retard. Un tel dispositif a permit de caractériser facilement le profil d’émission d’émetteurs à photoconducteurs [276]. Il est également possible d’imager l’objet en réflection, en particulier si l’objet est trop épais ou trop absorbant pour être correctement traversé par les ondes THz. Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser des algorithmes de reconstruction pour estimer la forme et la structure de l’objet réfléchissant.
8. Imagerie
8.4.4
271
Imagerie par détecteurs bidimensionnels
Il serait très profitable de réaliser une image THz à l’aide de véritables détecteurs à deux dimensions. Malheureusement, de tels détecteurs sont encore très délicats à mettre au point. Parmi les technologies existantes, on peut citer les détecteurs électro-optiques associés à une caméra CCD [277], les détecteurs continus dédiés à l’astronomie [278], mais aussi les systèmes basés sur des photomélangeurs à électrons chauds HEB [279].
8.4.5
Tomographie
Il est également possible de faire tourner l’échantillon dans le faisceau THz, dans des expériences de tomographie. Des algorithmes complexes permettent alors de reconstituer l’objet en trois dimensions à partir d’une succession d’images à deux dimensions. Il a également été démontré que cette technique permettait de conserver les données spectroscopiques [280]. La principale limitation concerne les échantillons fortement diffractants qui sont pour l’instant mal reconstitués par les algorithmes. La résolution actuelle est d’environ 4 mm.
8.4.6
Imagerie in situ
Compte tenu de l’absorption des THz par l’eau, les principaux développements de l’imagerie THz ont concerné les dents [281] et la peau, et en particulier les cancers (mélanomes) [282]. Un champ d’application bien plus vaste serait bien sûr atteint avec le développement d’une imagerie à distance, qui nécessite l’utilisation de guides de lumière THz analogues à des endoscopes. De nombreuses pistes sont à l’étude : des guides d’onde métalliques [205, 283] ou des fibres diélectriques [284]. Les fibres à cristaux photoniques ont également engendré beaucoup d’intérêt car elles ont le potentiel de fournir des fibres aux propriétés uniques, comme par exemple une très grande bande passante [285], tout en étant souples et peu absorbantes.
8.5
Conclusion
Il ne fait aucun doute que l’imagerie THz est une technique attractive possédant un gros potentiel, en particulier dans le domaine biologique et médical. Elle se présente comme une technique complémentaire par rapport à ses concurrentes, en offrant certaines sources de contraste uniques, dont le développement en dehors des laboratoires nécessitera évidement de diminuer le coût et la taille des installations THz.
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Chapitre 9
Applications des ondes THz 9.1
Introduction
Cette partie de l’ouvrage propose une liste non exhaustive des applications potentielles des THz. Elle s’attache à synthétiser les points forts des THz par rapport aux technologies existantes, tout en conseillant le lecteur sur la démarche à suivre pour choisir le niveau de complexité du système THz correspondant à son besoin. Les applications des THz sont regroupées en quatre familles, chaque famille pouvant correspondre à plusieurs secteurs d’activité mais également à des degrés divers de complexité des systèmes. Les champs d’applications présentés visent à montrer que le système THz n’est pas seulement un système de laboratoire mais qu’il peut trouver sa place dans de nombreux secteurs industriels. Toutefois, compte tenu du faible taux de pénétration de la technologie THz dans les applications industrielles, il est vrai qu’elle reste très coûteuse. L’attractivité économique de cette technologie, qui en est à son balbutiement pour les applications industrielles, va augmenter au fur et à mesure de l’ouverture du panel des applications.
9.2
Pourquoi choisir le THz ?
Les ondes THz combinent les avantages des ondes optiques et des ondes électromagnétiques radio-fréquences. Avec les premières elles partagent la directivité, c’est-à-dire la possibilité de réaliser des dispositifs qui sont plus grands que la longueur d’onde afin de pouvoir les orienter ou les focaliser vers un point donné. Avec les secondes, l’onde THz partage les techniques d’émission et de détection, utilisation d’antenne et de technologie de traitement du signal électronique. Les ondes THz pénètrent là où les ondes optiques sont stoppées. Cette gamme de fréquence traverse des parois de certains matériaux, par conséquent il devient possible de voir derrière une surface opaque aux longueurs d’onde optiques. Pour l’instant aucune application n’est encore employée
276
Optoélectronique térahertz
pour la « visualisation THz » de défauts à travers les matériaux de construction, mais de nombreux laboratoires s’intéressent à leur caractérisation. Parmi les applications citées, il y a l’aide au sauvetage de personnes enfouies dans les décombres d’immeubles écroulés. Les matériaux étudiés sont le plâtre, les vitres, la laine de verre, les plaques de ciment. Cet intérêt porte principalement sur la connaissance des propriétés diélectriques, indice de réfraction et coefficient d’atténuation pour le développement de futurs logiciels de modélisation de propagation des ondes THz dans les bâtiments [286]. Le domaine de la sécurité et de la défense est également intéressé par les ondes THz pour aider à la détection d’explosifs ou d’armes cachées par les vêtements. Des études ont par exemple mis en évidence la transparence du cuir, du coton, et des fibres polyesters dans le domaine THz [287]. La traversée de matériau opaque est un avantage des ondes THz mais elles ne peuvent pas, pour autant, traverser des parois métalliques ou de grosses épaisseurs d’eau ou de matériaux humides. La détection à distance est limitée à la fois par l’absorption des ondes THz par les molécules d’eau présentes dans l’atmosphère ainsi que par les contraintes de la technologie optoélectronique décrite dans les chapitres précédents. En résumé, l’utilisateur choisira les ondes THz pour des applications telles que : – analyse sans contact ; – analyse à travers des matériaux opaques en optique ; – imagerie ; – détection et analyse d’un grand nombre de molécules en instantané. Les principaux inconvénients sont : – faible résolution spatiale ; – absorption par l’eau ; – épaisseur limitée de l’échantillon à tester ; – réflexion sur les matériaux métalliques.
9.3 9.3.1
Choix d’un système THz Du système complexe aux composants dédiés
Systèmes THz commerciaux Comme pour toutes technologies émergentes, dès la fin des années 1990, trois entreprises se sont lancées dans la commercialisation de systèmes THz basés sur le principe pompe-sonde impulsionnel avec en point de mire le marché de la spectroscopie. Dés lors qu’un système « presse-bouton » existe, il devient possible de caractériser tous types de matériaux et de substances. Ce sont aux États-Unis la société Picometrix, en Grande-Bretagne la société Teraview et au Japon la société Tochigi-Nikon. Chacune de ces entités vit sur un marché de niche, respectivement la spectroscopie en laboratoire et industrielle, la biologie, avec la qualité de produits pharmaceutiques et l’industrie
9. Applications des ondes THz
277
du semi-conducteur. Par ailleurs, chacune de ces entreprises est impliquée dans des programmes de sécurité du territoire. Teraview et Tochigi-Nikon ont chacune participé avec leur université partenaire, respectivement les universités de Leeds et Cambridge, et le centre de recherche Riken à Sendaï, à la caractérisation d’explosifs ou encore à la détection dans des enveloppes de drogues [288] ou autres agents biologiques. Le second marché est celui de l’imagerie THz. Par exemple la société Picometrix propose en option un porte échantillon avec balayage mécanique X/Y qui permet de réaliser une image de l’objet. Les appareils commercialisés à ce jour proposent des fonctions complexes, par exemple la spectroscopie d’absorption ou l’imagerie. Ces systèmes sont des développements des systèmes conventionnels de spectroscopie employés dans les laboratoires et détaillés dans les chapitres précédents de ce livre. Les systèmes actuellement mis sur le marché ont une taille plus proche de celui d’un photocopieur que de celui d’une platine DVD de salon. Le coût et le volume du système sont principalement liés à ceux du laser impulsionnel nécessaire pour générer et détecter les impulsions THz. C’est la raison pour laquelle la société Picometrix propose en produit de base un système THz sans source optique. De plus cette société propose un déport des antennes THz d’émission et de réception par fibre optique (3 ou 5 m). La propagation de l’impulsion femtoseconde le long de la fibre optique conduit à un élargissement de cette dernière, c’est pourquoi Picometrix propose un système de compensation de la dispersion de l’impulsion optique permettant ainsi de conserver des impulsions brèves et donc un spectre THz intact. Les derniers développements de l’université de Riken à Sendaï montrent qu’il est possible de réaliser un système de génération paramétrique CW des ondes THz tenant dans la main. Dans cet appareil, le laser est sous la forme d’un microchip. Le volume du système de génération passe de 28 dm3 en version tabletop à 1 dm3 en version palmtop à performances comparables [289]. Pour que les systèmes THz puissent se développer, il faudrait dans un premier temps réduire d’un facteur 10 le coût des systèmes, c’est-à-dire passer de 250 000 à 25 000 euros (tarifs 2007). Ces produits commerciaux ont néanmoins permis aux THz de sortir des laboratoires pour rencontrer une communauté plus large qui souhaite se concentrer sur son propre domaine de recherche plutôt que sur la mise au point des systèmes de spectroscopie THz. Cette tendance est largement visible au travers des nombreuses publications dont le sujet porte maintenant sur l’utilisation des THz plutôt que sur l’optimisation de leur génération et de leur détection. La figure (9.1) montre l’évolution entre 1980 et 2004 du nombre de publications dont le titre comporte le terme THz. L’évolution est exponentielle à partir de 1992, illustrant la dissémination progressive de la technologie dans les laboratoires alors qu’aucun système THz n’était encore commercialisé.
278
Optoélectronique térahertz
Fig. 9.1 – Nombre de publications dont le titre comporte le terme THz depuis 1980. Systèmes THz dans les années à venir Deux approches sont couramment mises en avant lors du développement d’une nouvelle technologie. Une approche dite « bottom-up » et une approche « top-down ». Pour ce qui est de l’optoélectronique THz, il est clair que la stratégie bottom-up, développement de la technologie vers des applications non spécifiques, est celle qui décrit le mieux l’évolution actuelle. La phase croissante correspond à l’amélioration du système de spectroscopie résolue en temps dans les laboratoires d’électronique et d’optique. Dans cette première phase, un accroissement de l’éventail des technologies est observé. Ce phénomène ouvre la voie à une multiplication des applications. De plus, comme le montre l’augmentation exponentielle du nombre de publications, le champ d’application s’ouvre progressivement, touchant des laboratoires et donc des utilisateurs potentiels au-delà des domaines de l’optique et de l’électronique. Il est clair que la progression chronologique de ce processus va conduire à un point de basculement où le domaine THz va s’orienter dans une approche de type top-down : les applications définiront les besoins et entraîneront le développement d’une technologie spécifique. Dans cette seconde phase, ce sont les applications qui définissent les spécifications de la technologie. Les spécifications contraignent la technologie en termes de bande passante, de fréquence de fonctionnement, de puissance émise mais également en termes de contraintes environnementales. Cette démarche conduira à terme au travers d’une application « clé » à l’élaboration d’une nouvelle classe de technologie qui pourrait être une imagerie compacte ou encore une liaison point à point basée sur des composants à cascade quantique. Il est toujours délicat de se prononcer sur l’avenir d’une technologie, toutefois un horizon
2015 ? 2025 ?
Liaison point à point
2005
Imagerie Compacte
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Laser Cascade Quantique Imagerie
Optoélectronique THz
1985
279
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9. Applications des ondes THz
2025? 2035?
Temps
Fig. 9.2 – Chronologie des applications THz. de 10 à 20 ans semble raisonnable pour atteindre une technologie dédiée mature (figure (9.2)). Les challenges à venir concernent l’identification de nouvelles applications « niche » et la mise en place d’une technologie dédiée qui permettra à terme de satisfaire le meilleur compromis coût/performance à travers le développement de fonction simple. Le développement de ce type de produit dépend de l’application ; sans application de masse, les coûts financiers de production ne sauraient être amortis. L’attractivité des ondes THz pour le milieu industriel passe par l’étude en parallèle de nombreux domaines par les laboratoires experts. Lorsqu’une application sera identifiée, il conviendra de faire le choix de la technologie en prenant en compte le meilleur ratio coût-performance pour cette application. Exemples de miniaturisation Pour corroborer cette approche, nous citerons l’exemple des lasers à cascade quantique (QCL). Un grand espoir est placé sur les QCL car ils s’inscrivent dans la tendance actuelle qui vise à la miniaturisation des dispositifs associée à des procédés de fabrication micro-électronique de masse. Le QCL est une puce intégrée utilisable pour une application dédiée. Un composant unique correspondra à la détection d’un type de molécules ou de gaz, ou à l’identification d’une fréquence de résonance d’un composant. Un second exemple illustrant le point de basculement du système de spectroscopie vers un système dédié concerne l’inspection de la mousse de protection des réservoirs de la navette spatiale Columbia suite à l’accident de février 2003. Le laboratoire du Rensselaer Polytechnic Institute [290] a produit une cartographie des mousses avec un système de spectroscopie THz-TDS de laboratoire. Cette étude a mis en évidence des problèmes de délaminage et la présence de vide, lié à des bulles d’air ou de gaz, dans la structure de
280
Optoélectronique térahertz
la mousse. Afin de pouvoir accéder à des mesures in situ, ce laboratoire a proposé un système électronique fonctionnant à une fréquence donnée. Ce système CW se compose d’un émetteur utilisant une diode Gunn émettant à 0,2 THz et d’un détecteur avec une cellule de Golay. L’approche CW par rapport à l’approche impulsionnelle employée en laboratoire ne permet pas de donner d’informations spectrales ou d’information sur la profondeur du défaut. En revanche, le gros avantage est son coût et son encombrement qui en font un dispositif portable pour inspecter les réservoirs du lanceur in situ. Cet exemple illustre une démarche typique des THz en deux phases, une première approche en laboratoire qui a permis de spécifier un système et une seconde phase de réalisation et de test d’un dispositif compact monofréquence répondant aux besoins industriels. La biologie est un autre exemple du fossé qui existe aujourd’hui, au niveau de la maturité de la technologie THz, entre les applications de recherche développées en laboratoire et les potentielles applications industrielles. Dans le domaine biomédical, la détection à l’aide des fréquences THz de la mutation des gènes a été démontrée en espace libre par P. Haring-Bolivar à l’université de Siegen (Allemagne). Cette technique est particulièrement intéressante puisqu’elle permet de détecter une mutation sans ajouter de marqueur. Afin de réduire la quantité de matériel génétique nécessaire pour réaliser l’analyse, une solution de résonateur électromagnétique avec un accepteur a été proposée. Une quantité infinitésimale de quelques femtomoles du matériel génétique est employée. La fréquence de résonance du résonateur (500 GHz) change lorsque le gène est différent, elle devient 575 GHz. Pour une application en laboratoire, un système complet de spectroscopie est employé, et une analyse de l’évolution de la fréquence de résonance, du niveau transmis et une relation fréquence-gène différente doivent être établies. Pour le futur développement industriel, une fréquence de résonance correspondant au gène étudié sera sélectionnée et la puissance transmise sera mesurée [291] permettant de savoir si l’ADN est conforme ou non. Pour l’instant, faute d’applications « clé », le système THz demeure un équipement d’analyse spectroscopique incluant un laser femtoseconde ce qui en fait un système complexe et coûteux. L’élargissement du champ de recherche à la biologie ou à d’autres domaines des sciences va sans nul doute voire l’émergence d’applications dédiées pour lesquelles des solutions compactes seront requises et développées (tableau (9.1)).
9.3.2
Système CW ou impulsionnel
Dans cette section, le propos n’est pas de décrire la technologie, largement mise en avant dans les chapitres précédents, mais bien de synthétiser les grands principes afin que l’utilisateur potentiel puisse avoir une idée du type et de la complexité du système requis par son application. À chaque application correspond un système THz différent. Il est rappelé que l’approche
9. Applications des ondes THz
Domaine d’application Système
281 Recherche
Industrie
Biologie
Capteur biologique
Spectroscopie pompe sonde
Puce
Laboratoire
Universitaire
Industriel
Type d’analyse
Spectroscopie
Un seul composant
Teraview, Picometrix
À développer
> 250 000 euros
Quelques milliers d’euros
Maturité existants Coût
des
systèmes
Tab. 9.1 – Système laboratoire et besoin industriel. émetteur-détecteur optoélectroniques permet d’avoir une détection dite cohérente ce qui améliore le rapport signal sur bruit de la mesure par rapport à un système dit conventionnel composé d’un émetteur électronique et d’un récepteur refroidi. La section suivante décrit 5 niveaux de complexité. Pour chaque niveau de complexité des systèmes, il faut se poser la question du choix d’une approche CW ou impulsionnelle. Pour la plupart des applications, le choix du système CW ou du système pulsé dépend de l’environnement. En environnement intérieur de type laboratoire. En milieu clos où les paramètres environnementaux tels que le taux d’humidité et la température sont contrôlés, le système impulsionnel est à privilégier. De plus, la puissance émise par un système CW optoélectronique demeure plus faible que celle émise par des impulsions crêtes. Le signal moyen sera donc plus important dans le cas d’un système impulsionnel. Il faut également garder en mémoire que le niveau moyen émis en CW par un système optoélectronique décroît avec la fréquence. Pour des fréquences comprises entre 100 GHz et 300 GHz, il faut se poser la question de l’emploi de technologies électroniques conventionnelles basées sur des multiplieurs de fréquences. Pour des fréquences comprises entre 200 GHz et 600 GHz, la technique du photomélange optoélectronique donne de bons résultats. Pour des fréquences supérieures à 600 GHz, l’approche impulsionnelle est meilleure. La bande de fréquence maximale qu’il est possible d’atteindre avec un système impulsionnel est de l’ordre de 3 à 5 THz selon les matériaux de génération/détection employés. En résumé, dans un laboratoire et pour des fréquences supérieures à 600 GHz, il faut choisir un système impulsionnel. En environnement extérieur. Le large spectre électromagnétique du système impulsionnel est un inconvénient car la présence d’eau dans l’atmosphère entraîne une dispersion de l’impulsion, ce qui est fortement pénalisant pour la propagation. Par exemple, en atmosphère humide, une impulsion de durée 1 ps aura une durée de 30 ps (100 ps) après 2,4 m (100 m) de propagation. L’emploi d’un système impulsionnel à l’extérieur requiert des têtes de génération et détection déportées avec des fibres optiques.
282
Optoélectronique térahertz
Dans tous les cas de figure, la taille et le coût du système impulsionnel surpassent toujours ceux du système CW employant deux diodes lasers semi-conductrices. La taille est appelée à diminuer avec l’émergence de laser impulsionnel à fibre optique pompée par des diodes laser semi-conductrices. Le CW offre la possibilité de réaliser des systèmes plus compacts.
9.3.3
Classement des systèmes par degrés de complexité
L’évaluation de la complexité du système peut être graduée de 1 à 5. Cette échelle ne présage pas de la technologie employée qui peut être basée sur une technique conventionnelle pompe-sonde optoélectronique large spectre ou bien sur un système QCL monofréquence. Ces cinq familles sont présentées sur le graphe suivant par ordre croissant de complexité (figure (9.3)). Niveau 5: Imagerie + spectroscopie ImagerieTHz + Spectroscopie
Système complexe
Niveau 4: Imagerie Generation THz + Matrice de détecteur Niveau 3: spectroscopie Generation THz + Detection THz + Spectre de l’impulsion Niveau 2: tomographie Generation THz + Detection THz + Analyse de données
Système dédié
Niveau 1: transmission Generation THz + Detection THz
Fonction unique
Fonction complexe
Fig. 9.3 – Gradation de la complexité des systèmes THz.
Émetteur récepteur mono-fréquence 1. Principe : application Go-No Go ou communication entre deux points. Il s’agit de la version la plus basique du système. Le système répond à une seule fonction, détecteur d’alerte pour un gaz ou un agent biologique ou transmission d’information entre deux équipements. Cette dernière application a été proposée par IBM dans les années 1980. Le choix entre un émetteur CW ou impulsionnel dépend de l’application pour laquelle deux familles se distinguent : qualité et télécommunications. Dans la famille qualité, les applications concernent la détection de présence d’un défaut ou encore de la position relative du défaut dans un plan XY perpendiculaire à l’objet. Ce niveau de système peut également être employé pour sonder et quantifier la présence d’une molécule.
9. Applications des ondes THz
283
Dans la famille télécommunications, les applications sont la communication entre deux plates-formes, par exemple deux ordinateurs, ou encore la distribution de programme multi-média à bord des avions. Un système émetteur-récepteur compact est employé pour transmettre une information d’un point A à un point B. 2. Exemple : illustrons notre propos précédent avec un exemple concret. La technologie THz est complémentaire d’une analyse optique par le fait qu’elle permet de déterminer la présence ou non de défauts à l’intérieur d’un produit manufacturé ayant un packaging optiquement opaque. Ce système pourrait être positionné en fin de chaîne de production pour effectuer un contrôle qualité des biens manufacturés. Une usine, qui fabrique des composants électroniques, pourrait contrôler la conformité des « puces packagées » dans le but d’identifier les câblages défectueux et de rejeter les puces concernées, cette sélection s’inscrivant dans une perspective d’amélioration de la qualité de son processus de fabrication. La pièce à analyser contient une partie métallique ou un composé chimique dont il convient de déterminer : – la présence ou l’absence, cas de figure 1 ; – la quantité, cas de figure 2. (a) Pour le premier cas de figure, où il convient de déterminer la taille du défaut, le procédé THz est bien adapté pour détecter des objets dont les dimensions sont proches des longueurs d’ondes THz, millimétriques à sub-millimétriques. Le dispositif THz se composera alors d’un émetteur et d’un récepteur monofréquence dont l’émission sera synchronisée sur la vitesse de défilement des objets à analyser. La distance entre l’émetteur et le récepteur est de l’ordre de quelques mètres. L’ambiance peut comporter de la poussière, les objets peuvent être à haute température, mais il faudra éviter de se placer sur des raies d’absorption des molécules d’eau. Parmi les questions qu’il est nécessaire de se poser préalablement à l’emploi d’une technologie THz, on notera : – la taille de l’objet ; – la nature de l’objet ; – la position du défaut ; – la taille du défaut ; – le spectre connu ou inconnu en THz. Si l’un de ces critères n’est pas validé, il sera nécessaire de recourir à un laboratoire expert pour identifier et mettre en place la technologie THz. Une technique couramment employée pour améliorer la probabilité de détection est de procéder à une détection différentielle par rapport à un échantillon de référence.
284
Optoélectronique térahertz La présence d’un composé est détectée par la même méthode grâce à sa signature spectrale. (b) La quantité d’un composé peut être estimée par une méthode globale : on vérifie le niveau de transmission de l’onde THz à travers l’échantillon. Si le composé est unique, il est possible de sélectionner une fréquence de détection particulière absorbée par ce composé. L’amplitude du signal transmis est proportionnelle à la quantité de matériau traversée.
Émetteur-récepteur impulsionnel + retard : la tomographie 1. Principe : un système impulsionnel équipé d’une ligne à retard permet de réaliser un échantillonnage en temps équivalent. La différence entre ce système et le précédent réside dans sa capacité à enregistrer la forme temporelle de l’impulsion et les échos. Pour expliquer le principe de la technique, faisons l’analogie avec le randonneur savoyard dans les sentiers alpins qui souhaite évaluer la distance entre lui et la montagne qui lui fait face. Il va chronométrer le temps mis par un écho de sa propre voix pour lui parvenir. L’onde sonore de sa voix se propage puis se réfléchit sur la première montagne. Connaissant le temps de parcours et la vitesse du son, il devient possible d’estimer la distance. C’est ce principe qui est employé dans le domaine THz, si ce n’est que le chronomètre est remplacé par une ligne à retard étalonnée, et la vitesse du son par la vitesse de la lumière dans le milieu de propagation. L’échantillon à analyser se déplace devant le module émetteur récepteur. Le balayage de la ligne à retard doit être plus rapide que la vitesse de déplacement du produit à analyser. Ce système permet d’évaluer l’épaisseur d’un objet par la mesure du retard introduit par la ou les couches de l’objet. On peut également citer les applications de la tomographie pour reconstituer des objets en trois dimensions [292].
Fig. 9.4 – Reconstitution en trois dimensions (vue de gauche) d’un objet (photo à droite) (d’après [292]).
9. Applications des ondes THz
285
2. Exemple : l’un des premiers exemples est celui où D. Mittleman à Rice University montre les couches d’une disquette ou d’un stylo de marque Bic enregistrées par sélection du temps de vol [293, 294]. Deux applications utilisent cette approche, à savoir déterminer la profondeur d’un défaut et évaluer l’épaisseur d’une couche de peinture. Il est possible de sonder à l’intérieur du matériau en sélectionnant l’impulsion ou l’instant qui correspond à la réflexion sur l’objet enfoui recherché. Le système permet alors de détecter la position relative d’un défaut dans l’épaisseur et d’en mesurer la distance par rapport à la surface. L’approche impulsionnelle permet de réaliser un fenêtrage temporel. Une version simplifiée du système consiste à choisir un retard fixe correspondant au maximum de détection de l’objet. Si l’amplitude change, cela signifie que l’objet à détecter n’est pas positionné au bon endroit. Avec l’utilisation d’un système CW, le retard temporel permet de jouer sur la phase de l’onde THz. En imaginant une modulation d’amplitude basse fréquence du signal CW, avec un facteur de forme dans le domaine de la microseconde, il devient alors possible d’appliquer toutes les techniques couramment employées pour les radars. Seule la fréquence porteuse positionnée dans le domaine THz est différente. Le radar THz ouvre une opportunité également pour réaliser de la détection à distance d’objets de taille réduite. Le fonctionnement en CW permet de positionner la fréquence THz émise dans la fenêtre atmosphérique la plus adaptée au moment de la mesure. Si la portée est privilégiée, la fréquence sera choisie en-dehors des raies d’absorption de la vapeur d’eau. Une co-localisation de l’émetteur et du récepteur permet d’envisager des techniques de détection dites hétérodynes. Ce type de technique améliore le rapport signal sur bruit ; elle est couramment employée dans le domaine de l’astrophysique. Spectroscopie THz 1. Principe : en impulsionnel, il s’agit de réaliser des analyses dans le domaine des fréquences en employant un module de traitement du signal réalisant une transformée de Fourier numérique du signal temporel enregistré. En fréquentiel, il faut réaliser un balayage en fréquence du spectre THz. Les applications concernent la recherche de la nature du matériau ou gaz constituant l’échantillon, dans ce cas il est nécessaire de travailler dans le domaine fréquentiel pour visualiser une signature spectrale et la comparer à une signature de référence. L’identification d’une substance dans son milieu naturel pose la question de l’interférence entre les signatures de composés parasites conduisant à un brouillage de l’identification. Actuellement les travaux restent réalisés en laboratoire. Une seule molécule est analysée à la fois. Deux approches sont proposées :
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Optoélectronique térahertz – analyse numérique et corrélation numérique de la signature spectrale : traitement du signal numérique ; – analyse analogique : méthode de gaz correlation (possibilité d’un système avec un barillet de composé chimique élémentaire à détecter). Les chercheurs se posent la question de la sélectivité de ces méthodes de détection lors de l’utilisation dans un milieu naturel à pression ambiante. Cette question fait l’objet d’étude dans les laboratoires ad hoc et est présentée dans la section 19 du livre.
2. Exemple : l’approche retenue par l’université technique (TU) de Braunschweig permet de réaliser un détecteur de présence de défauts (morceaux de verre, de métal) dans les plaques de chocolat sans avoir à réaliser une comparaison du spectre complet, ni une image complète de la barre chocolatée. Le système THz pompe-sonde conventionnel est simplifié à l’extrême [295] : – – – – – –
il se compose de plusieurs faisceaux fonctionnant en parallèle ; il comprend le balayage d’une ligne à retard ; il effectue la transformée de Fourier rapide ; il est basé sur un fenêtrage fréquentiel ; seule une fraction des fréquences du spectre est analysée ; il compare le signal obtenu avec l’amplitude d’un spectre de référence.
L’analyse du spectre de l’impulsion THz détectée montre qu’un morceau de métal produit une bosse dans le spectre tandis qu’un morceau de verre produit un creux. En résumé, un simple balayage du retard et une transformée de Fourier avec un traitement du signal ad hoc permettent d’avoir une information rapide puisque la vitesse de défilement du produit est de 1,8 m/s. Le choix du système impulsionnel paraît le plus judicieux lorsqu’il s’agit d’un instrument de mesure employé dans un laboratoire de recherche. Il permet l’investigation du spectre dans le domaine THz de nombreux échantillons. L’approche CW est possible, mais il faut parler alors de systèmes dédiés. Le système sera dimensionné en usine pour la détection d’un produit substance ou agent particulier. Afin de permettre une levée d’ambiguïté quant à la détection d’un produit, il est possible d’employer plusieurs systèmes CW en parallèle à plusieurs fréquences spécifiques. L’approche de Woolard [296] montre que les fréquences d’absorption du Bacillus subtilis sont de 0,327 et 0,421 THz. Pour ce cas de figure, le système devra être accordable en longueur d’onde afin de sonder successivement la première et la seconde fréquence du spectre. Le système optoélectronique peut avoir une bande passante de quelques dizaines de GHz permettant de résoudre des raies très proches comme le montrent les travaux présentés dans le paragraphe 3.
9. Applications des ondes THz
287
Imagerie On imagine aujourd’hui des systèmes à multi-détecteurs ou bien monodétecteur à balayage temporel. Parmi les applications entrevues, citons la cartographie d’un objet pour identifier la présence de défauts dans des domaines aussi variés que l’industrie automobile, l’industrie pharmaceutique... Grâce aux travaux de X.-C. Zhang sur l’imagerie avec une détection électro-optique associant un cristal de ZnTe et une matrice CCD, ou encore avec le système de balayage mécanique X-Y proposé en option par la société Picometrix, l’imagerie THz a atteint un haut degré de maturité technologique. À tel point que le sigle T-Ray est une marque commerciale de la société Picometrix. Les premiers travaux dans ce domaine ont employé un système THz impulsionnel associé à un balayage mécanique de l’objet, l’émetteur et le récepteur étant fixes. Mittleman et Zhang ont démontré en 1996 la possibilité de réaliser une sorte de caméra THz qui donne une image instantanée d’un objet. Du côté des techniques CW, l’état de l’art montre principalement des systèmes avec un balayage mécanique. Seule l’équipe de Q. Hu au MIT de Boston a réalisé des images et même des films vidéo dans le domaine THz en éclairant la scène à imager avec un laser QCL et en enregistrant l’image avec une matrice de micro-bolomètres refroidis. Ces systèmes matriciels font actuellement l’objet d’une recherche intense : matrices de micro-bolomètres ou encore systèmes mono ou bi-chromatiques employant des matrices d’antenne et de mélangeur pour réaliser une transposition. On citera aussi les résultats obtenus par la société Qinetiq en Angleterre qui propose un système de détection de la présence de clandestins dans les semi-remorques à 35 GHz [297], et qui travaille sur des portiques de sécurité à 94 GHz. L’imagerie THz bénéficie de toutes les avancées faites dans le domaine des antennes radar. Les exemples les plus marquants sont ceux employant des radars d’aide à l’atterrissage fonctionnant à 94 GHz. La société Millivision Technologies situé à South Deerfield (Massachusetts, Étas-Unis) est un leader dans ce domaine en proposant des radars d’imagerie passive pour la détection d’armes cachées. Pour l’instant le faible rendement de conversion de l’optoélectronique empêche le développement d’oscillateurs locaux ou de projecteurs THz puissants permettant d’améliorer la sensibilité des récepteurs matriciels pour des gammes de fréquences supérieures à 300 GHz. Imagerie + spectroscopie 1. Principe : c’est la plus évoluée des technologies THz, celle qui permettra à terme non seulement d’avoir une image de l’objet mais également de pouvoir identifier à l’intérieur de l’objet la nature des substances. Il s’agit également du système le plus critique à mettre au point. Pour réaliser une spectroscopie sur une image, le système pulsé, grâce à sa flexibilité, est le plus en avance. Pour bien comprendre le niveau de
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Optoélectronique térahertz complexité de ce système, il faut travailler en trois étapes : – acquisition d’une image avec identification par la forme d’un produit suspect ; – analyse par balayage du retard afin de reconstituer la forme temporelle de l’impulsion ; – post-traitement numérique pour accéder au spectre. Le niveau 5 est le plus complexe, mais il capitalise également les potentialités du niveau 3 et du niveau 4 à savoir, permettre de réaliser de la tomographie 3D par fenêtrage temporel. Le traitement du signal appliqué sur l’image permet de déterminer la nature de la substance présente.
2. Exemple : – Détection de l’anthrax dans des enveloppes : l’application qui intéresse le plus les institutions en charge de la défense et de la sécurité publiques concerne la capacité des THz à détecter de l’anthrax dans une enveloppe postale. Le système THz doit réaliser une image de l’enveloppe et détecter la présence de poudre suspecte. Ensuite il est nécessaire de réaliser une analyse spectroscopique en un point de l’enveloppe. Le spectre de la poudre est comparé à une banque de données pour déterminer s’il s’agit de la signature de l’anthrax ou non. Cette mesure sans contact évite d’avoir à manipuler l’enveloppe et permet une automatisation du traitement. Le procédé THz permet de simplifier la prise en charge des enveloppes qui à l’heure actuelle est manuelle. Les travaux de Teraview en collaboration avec le HMGCC1 montrent des résultats probants et un seuil de détection de l’ordre de 1 à 2 g de matière [298]. – Détection de l’épaisseur d’une couche de matériau par analyse de la phase : un système impulsionnel est employé à l’université de Leeds [299] pour tester l’épaisseur ou la permittivité d’échantillon. Alors que dans la plupart des systèmes une analyse temporelle est réalisée, le laboratoire propose un traitement dans le domaine fréquentiel. Dans le domaine temporel, il s’agit de mesurer la différence de temps donc de chemin entre deux impulsions. Par exemple pour le cas d’une paroi comportant une couche unique, la première impulsion est générée par réflexion sur la face avant et la seconde impulsion par réflexion sur la face arrière. Pour le système développé à Leeds, une série d’images de la paroi en fonction du temps est acquise. Ensuite une transformation de Fourier est faite. L’opérateur sélectionne la 1
Her Majesty’s Government Communications Centre.
9. Applications des ondes THz
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zone ou les pixels pour lesquels il souhaite déterminer la variation d’épaisseur. Pour les pixels sélectionnés, il affiche la variation d’amplitude en fonction de la fréquence. L’épaisseur est trouvée en calculant la périodicité du spectre, en effet, lorsque la fréquence est égale à c (N est un entier et x est l’épaisseur optique de l’échantillon), la N 2x somme de l’onde incidente et de l’onde réfléchie conduit à des ventres d’interférence.
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Chapitre 10
Familles d’applications THz 10.1
Introduction
À l’instar des autres domaines du spectre électromagnétique (rayons X, infrarouge, visible), les ondes THz peuvent être employées dans presque tous les secteurs de l’industrie. L’examen des publications recensées dans la littérature ou au travers de l’expérience des laboratoires du domaine montre qu’il est possible de définir cinq familles d’applications : – contrôle qualité des chaînes de production ; – maintenance préventive ; – sécurité défense ; – télécommunications ; – biologie et biomédical. Ces cinq familles exploitent des systèmes qui partagent la même technologie et ne sont spécifiques à leurs secteurs d’activité que par la nature des matériaux testés. Plusieurs sociétés se disputent actuellement le marché des systèmes THz. Teraview en Angleterre dispose d’un système principalement orienté vers l’analyse de composés ou de produits pharmaceutiques. La société Tochigi-Nikon au Japon a développé un système réalisant la spectroscopie de wafers de semi-conducteur : cependant, elle a annoncé récemment l’arrêt de ses activités commerciales dans le domaine. La société Aispec au Japon produit des spectromètres THz (domaine temporel) dédiés aux applications industrielles. De même, une nouvelle société Kwele voit le jour en France et compte se positionner sur le développement de plates-formes de spectroscopie THz pour applications industrielles. La société américaine Picometrix propose la gamme de produits la plus étendue. Au travers des nombreuses publications, on s’aperçoit qu’il s’agit du système de spectroscopie le plus employé par les laboratoires non spécialistes des semi-conducteurs ou de l’optique. Ekspla, compagnie lituanienne, commercialise des spectromètres dans le domaine temporel pour les laboratoires scientifiques. Enfin, GigaOptics en Allemagne produit un appareil original basé sur l’emploi de
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Optoélectronique térahertz
deux lasers de fréquences de répétition légèrement différentes qui éclairent respectivement l’émetteur et le détecteur d’un spectromètre temporel. Cette méthode permet de balayer temporellement l’impulsion THz sans recourir à une ligne à retard mécanique, conduisant à l’obtention de spectres jusqu’à 3 THz en des temps d’acquisition très courts. Pour chacune de ces familles il est possible d’employer des systèmes dont la complexité dépend de l’application. Le degré de complexité du système varie en fonction de l’application de la simple alerte à l’imagerie temps réel avec spectroscopie associée. La description du niveau de complexité des systèmes fait l’objet de la section suivante.
10.2 10.2.1
Contrôle qualité Principe
Le contrôle de la qualité sur les chaînes de production, intervient à différentes étapes du processus de fabrication, il est un des domaines d’applications où les ondes THz se positionnent avantageusement par rapport aux systèmes optiques. En effet, les systèmes THz permettent de contrôler l’intégrité ou le positionnement d’un objet ou d’un circuit placé derrière une surface opaque. Les ondes THz ne peuvent pas traverser les boîtiers métalliques, toutefois la tendance, au moins dans l’électronique, est d’employer des boîtiers céramiques ou plastiques. Il devient possible de détecter des circuits électroniques, les pistes métalliques ou même l’intérieur des puces ; ce type d’application montre clairement l’intérêt des ondes THz par rapport aux dispositifs optiques. Le développement de systèmes de plus en plus complexes allié à l’emploi de la sous-traitance accrue dans l’industrie conduit à mettre en œuvre des procédures de contrôle de la qualité toujours plus pointues au niveau des moyens de production. Par exemple, dans le domaine de l’automobile, le sous-traitant est responsable des défauts liés au composant qu’il fournit à l’intégrateur pendant la période de garantie. Il en va de même pour tous les secteurs de l’industrie où le « zéro défaut » est un objectif majeur et les processus de qualité imposent des contraintes fortes. Compte tenu des budgets mis en jeu lors de l’immobilisation d’une chaîne de production, si les THz s’imposent dans l’industrie, cela pourrait se traduire par un bénéfice important justifiant les investissements pour mettre au point des nouveaux systèmes d’imagerie THz, ou pour réduire le coût des systèmes d’imagerie actuels. Le contrôle qualité dans le domaine THz s’appuie sur des systèmes dont la complexité dépend de l’application. La plupart des interventions sur les chaînes de production requièrent une imagerie en temps réel. L’image acquise est comparée avec une image de référence pour trier les produits exempts de défauts. Il est également envisageable d’employer la spectroscopie THz pour la détection de substances nocives.
10. Familles d’applications THz
10.2.2
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Exemple
Le domaine de l’automobile est un secteur qui a vu un grand nombre d’essais de système THz dans le domaine de contrôle de la qualité : – analyse de l’épaisseur de la peinture et du temps de séchage : l’apport du système THz par rapport aux méthodes existantes est une mesure sans contact. Il permet le contrôle précis de la transition phase sec/mouillé, la mesure de l’épaisseur individuelle des multi-couches, une cartographie rapide et applicable à des supports non métalliques. Le système THz utilise la réflexion sur la carrosserie métallique pour estimer par tomographie la valeur et l’uniformité de l’épaisseur de la peinture. La différence de l’amplitude du signal THz et les fréquences absorbées permettent également d’optimiser le temps de séchage de la peinture [300] ; – contrôle d’impacts à la surface de tôles d’acier : la résolution submillimétrique des ondes THz offre la possibilité de détecter des microdéfauts (trous ou bosses) qui peuvent être à l’origine de points de corrosion. Le contrôle de la qualité des processus de fabrication des produits en acier manufacturés, comme les tôles employées pour l’automobile, implique la détection des aspérités de petite taille comprises entre la dizaine et la centaine de μm. L’avantage des THz, sur les autres systèmes de détection, réside dans les contraintes environnementales et la nature du plan de réflexion. Lors de l’emploi d’un système d’acquisition optique, le bruit spéculaire généré par la rugosité de la surface aux longueurs d’onde optique rend délicat l’identification des défauts. L’issue de l’étude menée par l’équipe de H. Roskos à l’université de Francfort montre qu’il est possible de détecter des aspérités proéminentes et des creux avec un système THz [301]. Dans le domaine industriel, il existe également une demande très forte pour tout ce qui concerne le contrôle non destructif ou le suivi de qualité. On citera deux applications : – mesure in situ d’additif dans les matériaux polymères : l’université de T.U. Braunschweig a démontré qu’il était possible de contrôler le pourcentage d’additif en mesurant par spectroscopie THz l’indice de réfraction de plusieurs matériaux polymères comme le polyéthylène, le polypropylène ou encore le polyamide [302] ; – contrôle de la composition d’un acier en fusion : le contrôle de la présence d’impuretés dans l’acier en fusion est une mesure du plus grand intérêt pour permettre de maintenir une qualité constante en temps réel sans avoir à attendre que le métal ne refroidisse. La présence de défauts nuit à la malléabilité et ductilité de l’acier. Les ondes THz sont moins perturbées que les ondes visibles pour la réalisation de mesure à haute température (1 000 à 1 550 ◦ C). Malgré une forte atténuation des ondes THz à haute température, car les matériaux en fusion
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deviennent conducteurs, il a été mis en évidence qu’il était possible de suivre l’évolution du carbone et de son processus de transformation pour des températures supérieures à 800 ◦ C [303]. Recherche de défauts à l’intérieur de composants finis. Il serait possible avec un système THz, placé en fin de chaîne de production, de contrôler le positionnement et l’intégrité des systèmes fabriqués. Il est également possible de vérifier le bon positionnement de résistances chauffantes, de ventilateurs et du câblage disposé à l’intérieur de sièges automobiles, par exemple. Il est aussi possible de contrôler des circuits électroniques packagés, comme par exemple une carte à puce [304]. La détection de défauts dans les circuits électroniques présente également un gros potentiel de diagnostics non destructifs pour la technologie THz [305]. L’exemple présenté figure (10.1) montre la détection d’un point chaud électromagnétique sur un circuit endommagé.
Fig. 10.1 – Imagerie THz superposée à une image visible. Les zones claires indiquent un champ électrique positif ou négatif pour un circuit normal (a) et endommagé (b) (d’après [305]). Cartographie du dopage de wafers de silicium. Le système de la société Tochigi-Nikon [306] réalise une cartographie de la surface permettant par absorption différentielle de quantifier la quantité de dopage du matériau. Une autre technique basée sur l’effet Hall THz a été employée pour déterminer la mobilité et la densité de porteurs. Le wafer est immergé dans un champ magnétique DC, sous éclairement THz. Le courant Hall induit oscille et émet une seconde radiation THz. Associée à un système d’imagerie THz, cette méthode est employée pour déterminer sans contact la conductivité complexe des semi-conducteurs [307]. Ces techniques sont des moyens de sélectionner la qualité du wafer.
10. Familles d’applications THz
295
Ces exemples peuvent s’étendre à d’autres secteurs industriels comme les domaines pharmaceutique et agroalimentaires : – épaisseur du revêtement de comprimés : la société Teraview propose de contrôler l’intégrité du revêtement de comprimés de médicaments. Le système THz permet de réaliser une image rapide et non destructive de la pilule. Le coefficient de pénétration étant de plusieurs millimètres, il est possible de déterminer précisément l’épaisseur du revêtement de protection et le cas échéant de rejeter les comprimés dont le revêtement n’est pas intègre [308] ; – dans le domaine de l’agroalimentaire, l’inconvénient des THz, à savoir l’absorption de 90 % de la puissance par une couche de 100 μm d’eau, devient un avantage pour le contrôle de l’humidité dans les produits secs comme les graines de semence ou encore les produits surgelés. Il est également possible d’employer la technologie THz et sa haute résolution spatiale pour rechercher des parties métalliques, des morceaux de verre ou de plastique de taille sub-millimétrique présents par erreur dans des paquets fermés. Cette application adresse principalement l’alimentation infantile où il est nécessaire de détecter tous types d’objets nocifs dans les produits alimentaires. La seule contrainte concerne la nature du produit à inspecter, il doit être sec pour être transparent aux ondes THz ; – identification d’objets nocifs dans les barres de chocolat : l’université de Braunschweig en Allemagne a montré que la permittivité des amandes et des noisettes est très proche de celle du chocolat ; l’analyse spectroscopique THz rend possible la différentiation avec des morceaux de polystyrène, verre ou métal. L’avantage des THz par rapport aux techniques conventionnelles, que sont les rayons X et les ultrasons, est respectivement le caractère non ionisant et la transparence ou opacité différentes par rapport au domaine X, et la capacité de réaliser une mesure sans contact. Les ultrasons requièrent en effet un contact avec un liquide adaptateur d’indice [295].
10.3 10.3.1
Maintenance préventive Principe
Un autre domaine d’application des ondes THz repose sur leur capacité à pénétrer des couches et à permettre la vision d’objets cachés. Les ondes THz offrent ainsi la possibilité de réaliser une analyse volumique sans contact des objets. Ces propriétés associées à la capacité de traverser des matériaux non métalliques ouvrent la voie à des applications dans le domaine de la maintenance préventive. Le système sera sans doute un système portable qui permettra d’aller sur le terrain pour réaliser in situ l’analyse d’une structure, ou encore pour détecter la présence d’une molécule. L’application
296
Optoélectronique térahertz
maintenance préventive tire partie des inconvénients des ondes THz à savoir la réflexion sur des matériaux métalliques et l’absorption par l’eau. Ces défauts sont convertis en avantages : détection du métal et de la présence d’eau. Ces deux propriétés sont des grandes voies potentielles d’application de la technologie THz.
10.3.2
Exemples
Le domaine aéronautique est très demandeur en termes de maintenance préventive non invasive : – détection de bulles d’air dans des mousses : l’exemple le plus souvent évoqué au sein de la communauté scientifique est celui de l’emploi des THz pour découvrir l’origine de l’accident de la navette spatiale Columbia en février 2003. Le laboratoire du Rensselaer Polytechnic Institute a été en charge d’inspecter par tomographie THz T-RAY la mousse recouvrant les bords d’attaque des ailes de la navette. L’onde THz a permis de mettre en évidence des bulles d’air dans la mousse qui ont pu être à l’origine de son décollement [290]. Il a noté que les bulles d’air n’ont pas pu être localisées par les techniques conventionnelles telles que les rayons X et les ultrasons. Dans le secteur aéronautique à l’heure où les matériaux composites sont de plus en plus employés, les ondes THz présentent un grand intérêt pour la détection de défauts présents sous la couche de peinture : alvéoles ou fissures ; – détection des points de corrosion : dans le domaine aéronautique et automobile, les fréquences THz permettent la détection de la corrosion sous la peinture. La corrosion sous la peinture n’est pas visible jusqu’à ce que la peinture craquèle. L’identification des points corrodés est un exemple typique de maintenance préventive qui permet d’identifier les zones à réparer à moindre coût avant d’être confronté à des problèmes structurels graves. Ce projet a conjointement était proposé et réalisé par l’US Army et la Nasa [309]. Un autre secteur où la maintenance préventive est prépondérante est le secteur du BTP : – détection de fissures sous l’enduit dans le BTP : les ondes THz permettent de détecter la présence de ruissellement ou de fissures en formation masquées par le crépis protecteur sur des ouvrages d’art. On notera également l’emploi potentiel pour la détection de canalisation enterrée ou pour la détection de fil électrique dans des murs. Dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, les THz trouvent également des applications variées : – détection de l’âge et de l’intégrité d’un arbre : les ondes THz peuvent également être employées pour déterminer l’âge d’un arbre en détectant les impulsions réfléchies sur les cernes, les couches concentriques présentes à l’intérieur du tronc. Les changements de structures liées à
10. Familles d’applications THz
297
la périodicité des saisons créent des cercles concentriques dans le tronc. Ils sont autant de réflecteurs potentiels pour les ondes THz. Le même système sera employé pour déterminer la présence de cavités dans le tronc de l’arbre. Dans ce même secteur d’activité, l’utilisation des THz pour la détection des termites dans les charpentes en bois pourrait être une voie d’avenir pour les THz ; – régulation de l’irrigation des champs cultivés : les ondes THz peuvent également bénéficier à l’industrie agricole par un contrôle non destructif du flux d’eau dans les feuilles des plantes. Les études laboratoires ont montré l’extrême sensibilité du système THz à la teneur en eau, ce paramètre est un marqueur incontournable pour anticiper le stress des végétaux. Le système THz devient alors une aide pour la régulation de l’irrigation des plantes [310] ; – teneur en eau des viandes emballées sous vide : toujours basée sur le même principe, la sensibilité extrême des THz à la teneur en eau présente un intérêt certain pour l’industrie agroalimentaire. On imagine le contrôle qualité des produits en réalisant une surveillance de la teneur en eau des tranches de viande emballées sous vide.
10.4 10.4.1
Sécurité et défense Principe
Nous avons choisi de regrouper dans un même paragraphe les applications de sécurité et de défense car nous voyons, depuis le 11 septembre 2001, une convergence des besoins en moyens de reconnaissance à distance. D’énormes budgets ont été alloués au domaine de l’Homeland Security, notamment aux États-Unis, pour équiper les aéroports avec des portiques de sécurité intégrant différentes technologies, détecteurs de métaux et rayons X. Les rayons X gardent le leadership sur ce secteur d’activité, toutefois il est envisageable que les THz viennent en technologie complémentaire pour aider à la détection d’explosifs ou d’armes céramiques. Pour ce qui est du domaine de la défense, un besoin croissant se fait sentir pour la détection et l’identification à distance d’armes, d’explosifs, d’engins explosifs improvisés ou encore de molécules bactériologiques et chimiques.
10.4.2
Exemples
Dans le domaine de la sécurité, on distinguera deux domaines de détection à distance, la détection proche (< 3 m) et la détection lointaine (> 3 m) : – détection proche : la détection proche concerne plus particulièrement les portiques d’accès dans les aéroports. Plusieurs consortiums dans le monde travaillent à la mise au point et à l’évaluation de la technologie THz pour les portiques de sécurité dans les zones aéroportuaires.
298
Optoélectronique térahertz Il s’agit de détecter des explosifs sur des voyageurs ou dans des bagages ; – détection à distance : la détection à distance concerne la sécurité des points de contrôle (check-point) pour lesquels il est nécessaire de détecter le plus loin possible la présence d’un individu dissimulant des explosifs [298]. Un second objectif est d’employer un système d’imagerie THz suffisamment sensible pour la surveillance de lieux publics, et notamment l’identification au milieu d’une foule d’une personne portant une arme ou des explosifs. Lors de la surveillance de lieu public, notamment lors de manifestations, il apparaît des contraintes de rapidité de traitement d’image, de sensibilité et de résolution liées à un emploi en milieu diffus. Il peut y avoir non seulement des réflexions sur des surfaces qui viennent perturber la détection, mais également la présence de composés chimiques sous forme d’aérosols qui complexifient l’analyse du spectre. Pour l’instant, la dispersion effective des ondes THz par des particules de la classe du micron comme les poussières, le pollen ou la fumée, est considérée comme négligeable, mais demeure un sujet d’étude.
De nombreux laboratoires se sont intéressés à la caractérisation des explosifs dans le domaine THz : – spectre des principaux explosifs : des travaux ont été menés pour démontrer l’utilisation [287] des THz pour la détection à distance d’armes et d’explosifs. Une image THz de la personne montrera les épaisseurs de vêtement ainsi qu’une réflexion sur l’objet recherché, et la peau de la personne apparaît sur l’image de couleur sombre, voir la figure (10.2). Les laboratoires ont mis en évidence que les explosifs C-4, HMX, RDX, TNT présentent tous des signatures spectrales dans le domaine THz qui permettent de les distinguer d’autres matières comme les vêtements, les pièces de monnaie ou la peau. Il a été noté que le spectre d’absorption du RDX reste identique même lorsqu’il est mélangé à une matrice pour devenir du C4. Un travail du même type a été mené par la société Teraview pour la détermination du spectre THz des explosifs les plus connus. L’originalité de l’approche de Teraview réside dans l’utilisation d’un système travaillant en réflexion afin d’être plus proche de la réalité. À l’aide du « TPI Scan Imaging System », Teraview a inspecté des échantillons de RDX. Cet explosif présente une raie d’absorption aux alentours de 300 GHz. La granulosité du produit ne perturbe pas les mesures [311] ; – spectre des textiles : d’autres laboratoires se sont intéressés à la transmission des ondes THz à travers les fibres textiles employées dans l’habillement et dans la fabrication des bagages. Les résultats montrent que toutes les fibres textiles sont assez transparentes pour des fréquences inférieures à 300 GHz. Il est à noter le cas particulier de la laine qui présente une atténuation relative plus importante que les autres textiles
10. Familles d’applications THz
299
Fig. 10.2 – Imagerie THz d’une lame de rasoir dont la partie basse est cachée sous un vêtement (d’après [313]).
alors que sa densité est la moins forte du lot. Ainsi même si les mesures sont « faciles » à réaliser, les interactions THz-matière demeurent complexes à expliquer [312]. Pour implémenter de tels systèmes, il existe deux approches THz avec imagerie passive ou THz avec imagerie active : – imagerie passive : pour l’imagerie passive, le principe repose sur une mesure du contraste de température ou d’émissivité entre l’objet à détecter et le porteur. Il est requis une matrice de détecteurs très sensibles ; – imagerie active : il est requis de développer une source de rayonnement qui éclaire la scène à imager et une matrice de détecteurs suffisamment sensibles pour étudier le contraste entre la réflexion sur l’objet à détecter et la réflexion sur le corps de la personne. Pour les applications relatives à la défense, nous recensons la surveillance de zone et la détection de substances toxiques. L’objectif de tous les acteurs de la sécurité et de la défense est de disposer d’un détecteur portable : compact, rapide, détecteur multicomposants (explosif, gaz, drogue, voire même détection d’agent biologique) pouvant travailler à distance. La maturité technologique ne permet pas encore de développer ce type de système, ce qui laisse là-encore des pistes de recherche pour les laboratoires académiques et privés. Dans le domaine de la sécurité et de la défense, l’emploi des ondes THz conduit à des systèmes de surveillance complémentaires à ceux existant aujourd’hui. Leur principal avantage, qui reste toutefois un défi pour les chercheurs, réside dans la capacité d’identification des substances.
300
10.5 10.5.1
Optoélectronique térahertz
Télécommunications Principe
La société de l’information dans laquelle nous vivons doit faire face à une demande grandissante du débit des échanges d’information. Pour les trajets longues distances, les transmissions optiques au travers des fibres optiques et le multiplexage des longueurs d’onde permettent d’atteindre en laboratoire des débits supérieurs à 10 TeraBits par seconde. Pour les télécommunications de courte portée, assurées à l’heure actuelle par les technologies Bluetooth et WIFI, leur saturation pourrait se produire à terme si tous les appareils sont interconnectés, de l’ordinateur multimédia multifonction au lave-linge en passant par les applications de domotique. Quid du THz dans la maison et au bureau ? L’augmentation conjuguée des débits des transmissions de données numériques entre ordinateurs et la densité électromagnétique dans la bande 0,5 à 6 GHz montrent que le domaine THz pourrait être une solution pour résoudre ces deux problèmes. L’augmentation de la fréquence porteuse est une des possibilités couramment employées pour permettre l’accès du plus grand nombre au plus haut débit. Par exemple, la fréquence des téléphones portables est passée de 900 MHz pour le GSM classique à 1 800 MHz pour le GPRS et l’UMTS de troisième génération. Le concept de radio sur fibre combine la transmission haut débit sur fibre optique et le rayonnement d’une station de base vers les usagers à des fréquences de plusieurs dizaines de GHz (22 GHz pour le LMDS, 40 GHz voire 65 GHz pour la radio sur fibre). Si l’on se projette sur le long terme, les fréquences THz seraient une solution pour établir des transmissions haut débit entre des points fixes. Une autre facette de la problématique Télécommunications concerne l’utilisation de l’optoélectronique THz dans les circuits rapides pour traiter les signaux numériques haut débit, ainsi que les applications d’échantillonnage électro-optique de signaux analogiques. Ce second aspect de l’emploi des THz dans les systèmes de télécommunications est donc relatif au traitement du signal. L’augmentation du débit génère des flots d’information qu’il est nécessaire de traiter, ce qui implique le développement de circuits qui travaillent à des fréquences plus rapides que le débit à traiter. À l’heure actuelle, le problème du traitement des données a été résolu avec une parallélisation massive et un multiplexage temporel de l’information. Ces très hauts débits n’existent qu’en optique, mais pas dans le domaine électrique. Pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, le débit en sortie des transducteurs optique/électrique a progressivement augmenté en passant de 2,5 Gbit/s à 10 Gbit/s, puis 40 Gbit/s et 100 Gbit/s dans le futur. Le prélèvement de trains de données binaires requiert des circuits de commutation ultrarapides fonctionnant dans le domaine du THz. Il devient nécessaire de détecter les signaux en sortie des convertisseurs optique/électrique avec des circuits ayant
10. Familles d’applications THz
301
des temps de réponse au moins 10 fois plus rapides que le débit. Ces circuits de type commutateur réalisent une fonction de routage pour orienter les paquets de données. Les laboratoires impliquées dans le domaine du THz travaillent sur la caractérisation des structures de propagation, des filtres, des commutateurs et des éléments actifs futurs composants clés de l’électronique THz. Néanmoins, la conception d’amplificateurs THz reste un challenge pour les chercheurs. L’échantillonnage en temps équivalent et les moyens optoélectroniques de mesure des impulsions THz trouvent un débouché naturel dans les télécommunications haut débit et l’électronique ultrarapide. De l’échantillonnage photoconductif à l’échantillonnage électro-optique en passant par l’échantillonnage par effet Franz-Keldysh, les techniques optoélectronique THz seront à l’origine des têtes d’échantillonnage des moyens de mesure de demain.
10.5.2
Exemples
Le système de communication THz allie les avantages des deux technologies que sont l’optique et l’électronique. Elles sont toutes les deux actuellement employées pour les liaisons de données de proximité à savoir en optique les communications de proximité entre ordinateurs, liaisons infrarouge (IR Data) et les communications entre immeubles. La qualité de ce type de transmission dépend fortement des conditions atmosphériques. Les THz présentent également l’avantage sur l’optique de pouvoir communiquer à travers des parois non métalliques, ce qui est le cas dans de nombreux immeubles modernes ou plates-formes de transport de type gros porteur. Une comparaison des ondes THz avec les systèmes de communications de type BlueTooth ou WIFI montre qu’il serait possible d’augmenter le débit par l’utilisation d’une fréquence porteuse plus élevée, et également d’assurer des liaisons point-à-point dédiées, ce qui est synonyme de sécurité accrue : – communication inter plates-formes : le laboratoire Microsystem Integration de NTT a démontré la faisabilité d’une liaison sans fil employant les ondes sub-THz à 120 GHz entre une caméra haute définition et une station de base située dans un bâtiment. Une démonstration sur le terrain de la transmission de 6 canaux de télévision haute définition a été faite par temps de pluie. Le débit maximum atteint est de 10 GB/s pour une portée de 1 km. Ce débit est conforme aux normes de télécommunication 1394/802.15. Les émetteurs sont équipés d’un système laser émettant un peigne de fréquences. Un système optique permet de sélectionner 6 couples de 2 fréquences. L’espacement entre les fréquences correspond à la fréquence porteuse du signal radioélectrique émis. Un modulateur optique est employé pour moduler un des faisceaux optiques directement avec les signaux numériques, modulation de type ASK. Un photomélangeur couplé à une antenne détecte
302
Optoélectronique térahertz puis rayonne le signal millimétrique. L’objectif de ce laboratoire est d’augmenter la fréquence porteuse autour de 240 GHz puis 300 GHz afin d’atteindre des débits de l’ordre de 20 GB/s [314].
Comme il a été indiqué précédemment, les fréquences THz ne se propagent pas très bien dans l’atmosphère à cause de l’atténuation liée à l’absorption par la vapeur d’eau. Cet inconvénient pour la détection à distance peut devenir un avantage pour assurer la confidentialité des communications sur un périmètre donné. Le dernier avantage de la technologie THz est toujours lié à sa fréquence élevée qui permettrait de développer des systèmes haut débit en évitant les problèmes de compatibilité électromagnétique rencontrés à bord des avions et ou des moyens de transport terrestre. Par exemple, le câblage des avions gros porteurs, de type A380, est un problème dont la complexité augmente proportionnellement aux fonctionnalités associées avec chaque siège. La volonté de fournir le maximum de service au travers de l’In Flight Entertainment pousse à augmenter les débits et à le passer en câble coaxial haut débit blindé. Une solution serait d’employer une distribution du signal par WIFI, toutefois l’interaction avec les commandes de vols électriques pose un problème de compatibilité électromagnétique. Le THz pourrait être une solution pour la distribution haut débit d’information vers chaque siège, d’autant plus que les parois d’un avion sont le plus souvent en matériau composite transparent dans cette gamme de fréquence
10.6 10.6.1
Biologie et biomédical Principe
Dans le domaine des diagnostics biomédicaux, la forte absorption THz de l’eau joue un rôle central, qui limite fortement la profondeur de pénétration du rayonnement. Les principales applications consistent en des examens de surface, en particulier la peau et les dents. D’un autre côté, la sensibilité à l’eau peut être utilisée pour l’étude de l’hydratation des tissus. Ainsi les applications d’imagerie biomédicale s’orientent vers l’étude des cancers de la peau, de la détection des caries dentaires, et du diagnostic des brûlures. Des études plus fondamentales concernent également la spectroscopie des molécules biologiques, et en particulier de l’ADN. Les fréquences THz reflètent les vibrations basse fréquence des hélices constituant l’ADN, qui sont modifiées lorsque l’ADN change de conformation. La détection de ces modifications est mise à profit pour développer de nouvelles générations de puces à ADN. La détection du glucose sanguin ou de l’acide urique est également à l’étude.
10. Familles d’applications THz
10.6.2
303
Exemple
L’imagerie de la peau, et en particulier du cancer de la peau, a été l’un des premiers sujets d’étude biomédicale mettant en jeu des ondes THz [282]. Comme le montre la figure (10.3), les THz offrent la possibilité de détecter des tumeurs non visibles dans le domaine optique. Une autre application concerne la détection de cancers de la peau. Avec un système d’endoscopie, il sera également possible de visualiser des cancers de l’œsophage et de l’intestin.
Fig. 10.3 – Comparaison d’une image visible (gauche) de tissus sains et malades, avec une image THz (droite). Au milieu, les histogrammes correspondent à l’absorption THz moyenne dans différentes zones saines et malades (d’après [282]). Par ailleurs, toujours dans le domaine médical et concernant la peau, il a été proposé de réaliser une imagerie THz des personnes brûlées. Actuellement il est nécessaire de retirer les pansements de la surface de la plaie pour évaluer la cicatrisation. Avec l’aide des THz, il deviendrait possible de sonder et d’imager au travers des pansements. Des recherches ont été menés en se sens en Australie [315]. Les dents, du fait de leur faible teneur en eau, ont également été beaucoup étudiées. Il s’agit de détecter la présence de caries à la surface de la dent. La teneur en eau de la carie étant différente de celle de la dentine, il serait possible de localiser la carie sans avoir recours à une radiographie par rayons X. Pour l’instant, les tests n’ont été pratiqués qu’ex vivo et, dans ce cas de figure, le taux d’humidité n’est pas représentatif de la réalité, conduisant à un débat entre spécialistes sur la faisabilité pratique de cette méthode.
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Chapitre 11
Détection et quantification de gaz en THz 11.1
Introduction
Depuis quelques années, les pouvoirs publics sous la pression de la population et d’associations engagent de nombreuses actions afin d’améliorer et/ou de préserver notre cadre de vie. En particulier, la pollution atmosphérique devient l’une des inquiétudes principales en termes d’environnement et de qualité de vie. Des opérations d’information et d’alerte à la pollution atmosphérique, pour l’ozone par exemple, sont désormais bien établies dans de nombreux pays. Des normes concernant la qualité de l’air ont été définies mais restent cependant limitées à un nombre fort restreint de substances. La nécessité de réduire la pollution atmosphérique a également poussé de nombreux gouvernements à prendre des mesures visant à limiter les émissions polluantes. D’importants protocoles internationaux ont été signés dont le dernier (protocole de Kyoto) traite des rejets de gaz à effet de serre. Dans ce cas particulier, les signataires s’engagent à ramener leur émission de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990. À l’exception des États-Unis, toutes les grandes puissances économiques ont ratifié ce texte, ce qui montre désormais une réelle prise de conscience sur la nécessité de réduire les émissions de polluants pour préserver notre cadre de vie. Il est à noter que des substances même à l’état de traces (de l’ordre du ppm) restent malgré tout fort impliquées dans de nombreux processus physico-chimiques de l’atmosphère. C’est ainsi qu’on estime que les chlorofluorocarbones (CFC) en quantité fort réduite (environ 3 ppb1 ) contribuent pour 8 % à l’effet de serre. Toute action de prévention ou de maîtrise des pollutions exige une bonne connaissance des rejets et de leurs impacts sur l’homme et son environnement. Pour cela, une caractérisation et une quantification des émissions de polluants sont nécessaires, problèmes pour lesquels il n’existe pas de solution 1
1 ppb = une mole parmi un milliard.
306
Optoélectronique térahertz
unique. Les polluants les plus classiques (oxydes d’azote et de soufre) sont classiquement détectés dans l’ultraviolet, par sondage de transitions électroniques (LIDAR). En revanche, les développements récents montrent que, concernant la classe très importante des composés organo-volatils (COV), les meilleures opportunités se situent dans l’infrarouge moyen où les spectres de vibration de ces espèces sont très intenses. Pour de nombreuses autres substances, les techniques restent à imaginer. Pour des raisons déjà largement évoquées dans les précédentes parties de cet ouvrage, le domaine des ondes THz reste peu exploité. Pourtant, une immense variété de molécules d’intérêt atmosphérique possèdent des transitions de rotation/vibration d’intensité suffisante pour permettre leur détection à l’état de trace. De nombreux composés volatils se trouvant dans l’atmosphère sont des molécules relativement légères, comportant peu d’atomes et donc susceptibles de présenter un spectre de rotation dans la région THz si elles ont un moment dipolaire permanent. La légende rapporte que le groupe de Gordy, lors du développement des premiers radars durant la seconde guerre mondiale, a détecté de façon accidentelle l’ammoniac (N H3 ) au-dessus de la rivière Colombia. Émetteur et détecteur étaient placés de part et d’autre de la rivière, le signal disparaissait à chaque passage d’une péniche poubelle. Il s’agit fort probablement de l’une des premières détections d’un polluant dans le domaine THz (ou plutôt sub-THz) par spectroscopie d’absorption. L’intérêt de ce domaine de fréquence est que l’on est capable d’obtenir des signatures extrêmement claires, au moins à faible pression, des différents gaz composant un mélange ce qui n’est pas forcément le cas en infrarouge où les largeurs Doppler sont beaucoup plus importantes et peuvent de fait diminuer la sélectivité de la méthode d’analyse. Dans le principe, le domaine THz offre une excellente sélectivité. D’autre part la longueur d’onde du rayonnement THz (100 μm-300 μm) doit permettre de détecter des gaz dans des environnements hostiles (brouillard, aérosols, fumées...). Enfin, la détection de polluants par des méthodes optiques permet de réaliser une surveillance par prélèvement mais également à distance (remote sensing) ou même in situ. Une autre application extrêmement importante de la spectroscopie est la radioastronomie. L’espace interstellaire était considéré, jusqu’au milieu du vingtième siècle, comme un milieu très hostile pratiquement vide de molécules. La mise en service des premiers radiotélescopes (d’abord en longueurs d’onde centimétriques puis millimétriques) a permis de détecter, contrairement aux prévisions, de nombreuses molécules rassemblées dans des nuages interstellaires. Et il est rapidement apparu qu’une chimie complexe existait dans ces nuages. L’analyse des spectres en radioastronomie permet de préciser les conditions physico-chimiques (composition, densité, température, champ magnétique, vitesse...) du milieu interstellaire. Ce travail a déjà permis une meilleure connaissance de certains problèmes de la chimie organique mais le principal
11. Détection et quantification de gaz en THz
307
intérêt provient du fait que les étoiles naissent de ces nuages moléculaires. De ce fait, la radioastronomie est un instrument essentiel pour étudier la cosmogenèse. Un autre aspect, également très important, est l’exobiologie : une connaissance plus approfondie de la formation et de l’évolution des molécules du cosmos permettrait une meilleure compréhension des origines de la vie. Pour détecter sans ambiguïté la présence d’un composé, il est nécessaire d’avoir à sa disposition une source de rayonnement suffisamment puissante certes mais présentant également des caractéristiques assez contraignantes parmi lesquelles : – accordabilité la plus large possible pour une quantification multipolluants et éviter les erreurs d’identification ; – pureté spectrale bien meilleure (plus petite) que la largeur de raie que l’on souhaite observer et quantifier ; – jitter (instabilités de fréquence) suffisamment faible pour rester dans les conditions énoncées ci-dessus pendant le temps d’acquisition ; – bonne métrologie de fréquence pour éviter toute ambiguïté sur le polluant détecté ; – dynamique de mesure importante pour pouvoir mesurer des espèces en faible ou en importante concentration ; – facilité de mise en œuvre et maintenance réduite. Dans le domaine THz, les seules sources disponibles jusqu’au début des années 1990 étaient encombrantes, difficiles à utiliser, peu fiables et demandaient un personnel en nombre et compétent pour fonctionner. Depuis, avec l’essor des conversions optoélectroniques pour la génération et/ou la détection d’onde THz souligné dans les précédentes parties de cet ouvrage, la situation mérite d’être « revue ». Nous présenterons dans la suite quelques compléments à la partie spectroscopie pour comprendre les méthodes utilisées dans la détection et la quantification de polluants et nous illustrerons le propos par l’analyse en onde THz d’un milieu hostile (en termes de diffusion) qu’est la fumée de cigarette. Enfin, nous détaillerons la spécificité des expériences pour les applications envisagées dans ce chapitre.
11.2
Détermination des concentrations par spectroscopie
Nous avons vu (page 47) que l’intensité du rayonnement traversant une distance L de gaz était régie par la loi de Beer-Lambert : I = I0 e−α L
(11.1)
où α est le coefficient d’absorption du gaz traversé et I0 est l’intensité initiale du rayonnement.
308
Optoélectronique térahertz
Si l’on considère une absorption à la fréquence ν0 correspondant à la transition d’un niveau d’énergie Ei vers un niveau Ej , nous pouvons exprimer le coefficient d’absorption α par : α(ν) = S g(υ − υ0 )
(11.2)
où S est la force de raie et g(υ − υ0 ) est la forme de raie (Lorentz, Doppler, Voïgt...). Le coefficient S est donné par : S = N
2π 2 ΔNif |μij |2 ν0 3hcε0
(11.3)
où ΔNif est la différence relative de population entre les états Ei et Ej , N est le nombre de molécules par unité de volume de gaz absorbant, μij est l’élément de matrice du moment dipolaire qui couple les états Ei et Ej . Pour une molécule linéaire comme OCS par exemple, si les transitions qui nous intéressent sont des transitions de rotation, la différence de population ΔNif est donnée par le quotient : e−EJ +1 /kT − e−EJ /kT ΔNif = +∞ −En /kT n=0 (2n + 1)e
(11.4)
avec EJ = hBJ(J + 1) et En = hBn(n + 1). La somme au dénominateur se kT et la fonction de partition s’écrit : réduit à hB ΔNif
, hB e−EJ +1 /kT − e−EJ /kT = kT
(11.5)
La force de raie telle qu’elle a été définie plus haut dépend bien évidemment de la température et des niveaux d’énergie considérés mais également du nombre de molécules par unité de volume du gaz absorbant. C’est la raison pour laquelle on utilise plus volontiers l’intensité de raie qui ne dépend plus de N. C’est le cas par exemple dans les bases de données comme HITRAN. Par définition, l’intensité de raie est donnée par : S= 0
∞
S α(ν) dν = N N
0
∞
g(ν − ν0 )dν
(11.6)
Dans le cas qui nous intéresse ici de détection et de quantification de polluants dans l’air et en THz, nous sommes en présence de molécules légères avec des pressions fortes et des fréquences modérées. Le profil de raie adapté est un profil de Lorentz : g(ν − ν0 ) =
ΔνL
π (ν − ν0 )2 + ΔνL2
(11.7)
11. Détection et quantification de gaz en THz
309
L’intensité de raie s’exprime alors très simplement en fonction de la force de raie2 : S (11.8) S= N On peut donc modéliser la transmission de l’intensité du faisceau à travers le gaz par la fonction suivante :
− S π×L
I = I0 e
ΔνL (ν−ν0 )2 +Δν 2 L
− S×N×L π
= I0 e
ΔνL (ν−ν0 )2 +Δν 2 L
(11.9)
En toute rigueur, si l’intensité de raie est connue ainsi que la longueur d’interaction, il suffit, pour obtenir le nombre de molécules par unité de volume, d’effectuer un ajustement non linéaire sur le modèle ci-dessus avec les paramètres d’ajustement : – S × N × L intensité de raie multipliée par le nombre de molécules par unité de volume et par la longueur d’interaction matière-rayonnement ; – ΔνL demie-largeur à mi-hauteur de la transition ; – ν0 fréquence centrale de transition. La figure (11.1) donne un exemple d’ajustement non linéaire sur un modèle où l’on tient compte de plusieurs raies d’absorption : ⎛
⎞
N LS1 ΔνL1 N LS2 ΔνL2 I (ν) − − . . .⎠ = exp ⎝− 2 I0 2 2 π (ν − ν01 ) + ΔνL1 π (ν − ν02 )2 + ΔνL2 (11.10) 2
Dans le cas d’un profil de Lorentz, l’intensité de raie s’exprime par : S=
S N
∞ 0
g(ν − ν0 )dν =
S N
∞ 0
ΔνL , - dν π (ν − ν0 )2 + ΔνL2
Si on pose X = ν − ν0 , l’intensité de raie devient : S=
⇒S=
S ΔνL N π
S ΔνL N π
1 arctan ΔνL
De plus, si ν0 ΔνL , alors arctan
∞ −ν0
X ΔνL
−ν0 ΔνL
S≈ .
!
dX [X 2 + ΔνL2 ]
"#∞ −ν0
=
S πN
≈ − π2 et
π S S π + = πN 2 2 N
π − arctan 2
!
−ν0 ΔνL
"#
310
Optoélectronique térahertz OCS J=70 P = 8.3 mBar 3000
2500
2000
1500
1000
500
0 −3000
−2000
−1000
0 ν−ν MHz 0
1000
2000
3000
2000
3000
erreur relative
0.1 0.05 0 −0.05 −0.1 −3000
−2000
−1000
0 ν−ν MHz
1000
0
Fig. 11.1 – OCS : état fondamental bande ν2 autour de 849 GHz, J = 70 (Intensité en unités arbitraires, la courbe continue est calculée).
11.3
Exemple de la fumée de cigarette
La fumée de cigarette est un milieu très complexe car constitué de plus de 4 000 composés en phase gazeuse ou sous forme d’aérosols, parfois fortement réactifs et pouvant passer d’une phase à l’autre. Il s’agit d’un milieu fort diffusant qui n’affecte que peu la propagation d’un rayonnement THz. De nombreuses techniques analytiques telles que la spectroscopie de masse et la chromatographie sont couramment utilisées pour étudier la fumée de cigarette mais nécessitent le plussouvent un échantillonnage, une capture et
11. Détection et quantification de gaz en THz
311
une transformation du gaz ciblé. Des expériences par spectroscopie d’absorption dans le proche infrarouge sont également possibles, notamment en tirant profit de diodes laser. Leur accordabilité réduite nécessite le plus souvent une diode laser par molécule ciblée. L’objet de ce paragraphe est de souligner l’intérêt des ondes THz pour sonder un milieu hostile, c’est-à-dire opaque ou fortement diffusant à des longueurs d’onde plus courtes.Deux spectromètres THz ont été utilisés, l’un impulsionnel (THz-TDS), l’autre continu (photomixing), tous deux décrits dans les chapitres 2 et 3. La figure (11.2) présente le spectre de transmission de la fumée de cigarette entre 400 GHz et 1 200 GHz à une pression d’environ 800 mbar. On y distingue plusieurs raies d’absorptions dont les plus intenses sont dues à la vapeur d’eau naturellement présente dans l’atmosphère mais également résultat de la combustion de la cigarette. Au-delà de 1 100 GHz, la superposition de plusieurs transitions intenses rend toute discrimination difficile. On remarque également une structure répétitive caractéristique d’une molécule linéaire. Chaque transition est séparée d’environ 44 GHz permettant de les attribuer à la molécule de cyanure d’hydrogène (HCN). Il est également représenté en pointillé, un spectre simulé de cette même espèce en concentration de 180 ppm. Malgré la résolution insuffisante du spectromètre, une première estimation de la quantité de cyanure d’hydrogène peut ainsi être obtenue. Ce résultat doit en revanche être conforté par des mesures à plus haute résolution. D’autres raies beaucoup moins intenses sont dues au monoxide de carbone (CO), pourtant réputé être en forte concentration. C’est son moment dipolaire, 27 fois plus faible, qui rend sa détection plus délicate à ces fréquences. Ces premières observations doivent être affinées par des mesures avec une meilleure résolution spectrale pour obtenir le profil exact des transitions sous étude, caractéristique de leur concentration. Un spectromètre continu, basé sur le photomélange est alors employé. La figure (11.3) montre un spectre haute résolution réalisé autour de 1 239 GHz et correspondant à la transition de rotation J = 14 ← 13 de HCN. Il a été obtenu en remplissant une cellule de longueur 128 cm de fumée de cigarette avec une pression de 20 mbar. Un ajustement non linéaire sur le modèle de l’équation (11.9) permet d’obtenir les paramètres expérimentaux correspondant à la surface (A = S × N × L), la demi-largeur à mi-hauteur (νL ) A = 1,02 × 1014 molécules/cm3 en et la fréquence de la transition N = S×L tenant compte de l’intensité de la transition considérée tabulée dans HITRAN
312
Optoélectronique térahertz
Fig. 11.2 – Spectre en transmission de la fumée de cigarette (P = 900 mbar) en THz-TDS. 2000
1800
1600
Unités arbitraires
mesures ajustement 1400
1200
1000
800
600
400 −1500
−1000
−500
0 ν−ν0 MHz
500
1000
1500
−1000
−500
0 ν−ν MHz
500
1000
1500
erreur ycalc−y
0.1 0.05 0 −0.05 −0.1 −1500
0
Fig. 11.3 – Transition de HCN vers 1 239 GHz dans les fumées de cigarette pression totale de 20 mbar (Intensité unités arbitraires).
11. Détection et quantification de gaz en THz
313
(S = 7,01 × 10−19 cm/molécule). Nous pouvons ensuite calculer la pression partielle correspondante en utilisant la loi des gaz parfaits 3 : P V =nkT
(11.11)
⇒ Ppartielle = N k T
(11.12)
⇒ Ppartielle = 1,02 × 1020 ·1,38 × 1023 ·294 = 0,414 Pa
(11.13)
0,414 = 4,1 × 10−3 mbar (11.14) 102 Enfin la concentration est calculée en faisant le rapport de la pression partielle à la pression totale de la cellule : ⇒ Ppartielle =
c=
Ppartielle 4 × 10−3 = 200 ppm = Ptotale 20
(11.15)
Ceci correspond à une masse4 MHCN de HCN présente dans la cellule de 78 μg.
11.4
Molécules ciblées
Un grand nombre de molécules sont détectables en THz mais plusieurs points sont à vérifier cependant. Rappelons que le gaz que l’on veut détecter doit comporter un moment dipolaire de transition non nul et que les transitions ciblées doivent avoir des intensités suffisamment conséquentes pour être observables. Bien entendu, ce dernier point est à préciser en fonction des concentrations que l’on mesure et du rapport signal sur bruit de l’expérience utilisée. L’exemple de la figure (11.3) montre une transition d’intensité S = 7,0110−19 cm/molécule qui est détectée sans traitement du signal et sans utilisation de cellule multi-passage avec un rapport signal sur bruit estimé à 100 et une absorption maximale de 75 % du signal. Ceci montre que dans les mêmes conditions expérimentales on pourrait détecter et quantifier facilement cette même transition avec une concentration 10 fois plus faible de 20 ppm qui donnerait alors une absorption maximale de 13 %. Rappelons également que, si l’on veut quantifier une espèce, il faut impérativement connaître les caractéristiques de la molécule comme les intensités des différentes transitions et les fréquences d’absorption. D’un point de vue plus pragmatique, les molécules ciblées pour la détection dans l’air peuvent être 3 4
Nous effectuerons le changement d’unité : 1 bar=105 Pa. cellule La masse est donnée par MHCN = N.VN Mmolaire . a
314
Optoélectronique térahertz
classées selon leur dangerosité pour l’homme. L’Institut National de la Recherche et la Sécurité (INRS, www.inrs.fr) a fait un énorme travail d’étude et de compilation des substances chimiques présentant des risques sanitaires notamment dans les ambiances professionnelles. Les tableaux répertorient les Valeurs Limites d’Exposition (VLE) et les Valeurs Moyennes d’Exposition (VME) qui sont présentées pour des temps respectivement de 15 min et 8 heures. Il s’agit de valeurs qui sont établies dans le cadre de la législation du travail. Nous avons repris dans la suite quelques substances détectables en THz tirées des données de l’INRS. C’est une liste qui bien sûr est loin d’être exhaustive (tableau (11.1)). Substance VME ppm VLE ppm Notes Acide cyanhydrique 2 10 Ammoniac 10 20 Hydrogène sulfuré 5 10 Trichloréthylène 75 200 Cancérigène, mutagène Dichlorométhane 50 100 Cancérigène Triméthylamine 10 Allergène Chlorure de vinyle 1 Cancérigène Tab. 11.1 – VME et VLE de quelques substances réglementées, détectables en THz.
11.5
Applications en astrophysique
L’espace entre les étoiles n’est pas vide. Le milieu interstellaire contient du gaz et de la poussière qui représentent 10 % environ de la masse des étoiles. Dans la plus grande partie de ce milieu, le gaz est extrêmement dilué (quelques particules par cm3 ) et ionisé. La plupart des molécules sont condensées dans des nuages moléculaires géants de masse imposante (jusqu’à 100 000 fois celle du soleil) et qui sont plus froids et beaucoup plus denses. On y trouve essentiellement de l’hydrogène moléculaire (75 %), de l’hélium (25 %) et des traces d’oxygène, de carbone, d’azote, de silicium, de soufre, etc. La lumière visible et ultraviolette des étoiles ne pénètre pas ces nuages, du fait de leur densité, ce qui permet l’existence de molécules. On en a détecté jusqu’à présent 142 différentes (sans compter les isotopologues). Certaines de ces molécules sont également abondantes sur Terre : H2 O, NH3 , H2 CO... mais beaucoup d’espèces sont typiques des nuages moléculaires : radicaux, cations et longues chaînes moléculaires telles que HC11 N. Ces espèces sont très instables sur Terre. La chimie interstellaire est donc très différente de la chimie terrestre mais elle est encore mal connue. Elle est cependant d’un intérêt fondamental car c’est dans ces nuages que naissent les étoiles et les systèmes planétaires.
11. Détection et quantification de gaz en THz
315
Jusqu’à présent, le seul moyen pour étudier ces nuages est la spectroscopie et, plus particulièrement, la radioastronomie allant des microondes à l’infrarouge. La première expérience de radioastronomie remonte à 1931 : Jansky, un ingénieur des laboratoires Bell, en essayant des antennes, observe des parasites lorsque l’antenne est pointée dans la direction de la voie lactée. Mais la radioastronomie ne s’est développée qu’après la seconde guerre mondiale grâce à la récupération d’antennes radar. Cependant, à l’époque, il était admis qu’il ne pouvait pas y avoir de molécules dans l’espace interstellaire. Les premières molécules n’ont donc été détectées que très tard : dans les années 1960 (1963 pour OH et 1967 pour H2 CO, NH3 , et H2 O). Puis, avec la mise au point du premier radiotélescope millimétrique en 1970, les découvertes se sont accélérées. Ces dernières années, on assiste à un développement sans précédent des applications de la spectroscopie moléculaire à l’étude du milieu interstellaire, des atmosphères planétaires et des comètes. Il est ainsi possible de déterminer la distribution de pression, de température, ainsi que la composition chimique des objets astronomiques éloignés, ce qui se traduit souvent par la découverte de nouvelles espèces chimiques ainsi que par une meilleure compréhension du processus de genèse des étoiles et de la dynamique des atmosphères planétaires. Les études spectroscopiques dans le domaine THz commencent à jouer un rôle clef pour les observations. En effet, une partie très importante de l’univers est trop froide (5-50 K) pour rayonner à des fréquences supérieures au THz. De plus, de nombreux objets très intéressants pour les radioastronomes se trouvent derrière des nuages de gaz et de poussière (en particulier les étoiles et les planètes en cours de formation). Ces nuages sont beaucoup plus transparents au THz qu’à l’infrarouge ou au visible. Cela se traduit par de nombreux programmes spatiaux en cours de développement et plus particulièrement les projets : – SOFIA (Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy ) : c’est un observatoire en vol stratosphérique qui fonctionne depuis 2005 dans plusieurs domaines spectraux allant de 0,5 à 4,7 THz. – Herschel Space Observatory (ex Far Infrared Space Telescope, juillet 2007) pour la gamme de 0,4 à 5 THz. – ALMA (Atacama large Millimeter Array ) en construction à 5 000 m d’altitude dans le désert d’Atacama (Chili) qui est une des régions les plus sèches du monde. Ses récepteurs couvriront la gamme 30-950 GHz. Il devrait être opérationnel en 2011. La figure (11.4) représente un spectre radioastronomique typique du nuage moléculaire Orion A enregistré à l’IRAM (Institut de RAdioastronomie Millimétrique) avec deux sensibilités différentes. Il faut noter qu’une partie importante des transitions ne sont pas encore identifiées.
316
Optoélectronique térahertz
Fig. 11.4 – Spectre du nuage moléculaire Orion A enregistré à l’IRAM.
11.6
Bases de données et simulation de spectres
La spectroscopie THz est un outil très puissant pour détecter des gaz car chaque type de molécule a une signature caractéristique. En particulier, les isotopologues (molécules substituées isotopiquement) d’une même molécule ont des spectres différents. Le problème est que, à de rares exceptions près, pour identifier une molécule, il faut d’abord avoir étudié son spectre en laboratoire, ce qui peut prendre beaucoup de temps. Il est donc indispensable d’avoir accès aux spectres qui ont déjà été analysés et qui, en général, correspondent aux molécules les plus importantes.
11.6.1
Littérature scientifique
Les analyses de spectres sont, dans leur très grande majorité, publiées dans une revue scientifique. Mais faire une recherche systématique dans toutes les revues n’est pas un travail facile. La plupart des journaux ont maintenant un site web qui permet une recherche automatique. Cependant, toutes les revues, en particulier les plus anciennes, ne sont pas indexées. De plus l’accès nécessite un abonnement payant. Une autre méthode classique mais plus facile consiste à consulter les Chemical Abstract qui sont accessibles dans toutes les bibliothèques universitaires (ainsi qu’en ligne : www.cas.org). On y trouve un résumé (abstract ) de tous les articles publiés dans la littérature scientifique. Ils sont indexés par type de spectroscopie et par molécule. La recherche à l’aide des Chemical Abstracts est donc beaucoup plus exhaustive et plus rapide que la consultation directe des revues scientifiques. Toutefois, il n’y a pas de classement des spectres en fréquence, ce qui est un handicap majeur lorsqu’on veut identifier le spectre d’une molécule inconnue.
11. Détection et quantification de gaz en THz
11.6.2
317
Compilations
Le service « Chemieinformationssysteme » de l’université d’Ulm (www.uni-ulm.de/strudo) compile tous les articles parus dans les domaines de la spectroscopie en phase gazeuse. Cette bibliographie est accessible dans une base de données MOGADOC (MOlecular GAs phase DOCumentation) qui est publiée sous forme de CDs. Les paramètres moléculaires qui permettent, du moins en principe, de recalculer les spectres sont tabulés dans une série de volumes de la collection Landolt-Börnstein éditée par Springer. Ces livres, régulièrement mis à jour, sont consultables dans la plupart des grandes bibliothèques universitaires. Ils sont maintenant accessibles en ligne (www.landolt-boernstein.com) mais la recherche est payante. Enfin, les fréquences d’un certain nombre de molécules d’intérêt astrophysique (et parfois atmosphériques) ont été compilées dans le Journal of Physical and Chemical Reference Data.
11.6.3
Bases de données informatiques
Bases de données du NIST En complément des articles de revue publiés dans le Journal of Physical and Chemical Reference Data, une liste de fréquences « recommandées » pour les molécules détectées dans les nuages interstellaires est accessible en ligne (et gratuitement) sur le site Web du NIST (National Institute of Standards and Technology) à l’adresse : http://physics.nist.gov/PhysRefData/Micro /Html/contents.html). Trois bases de données pour les molécules diatomiques, les molécules triatomiques et les hydrocarbures sont également accessibles à l’adresse http://physics.nist.gov/PhysRefData/MolSpec/index.html. Les transitions de rotation ont été tabulées pour 121 molécules diatomiques, 55 molécules triatomiques et 91 hydrocarbures.
Base de données de l’observatoire de Paris Il existe également une base de données pour les molécules astrophysiques, téléchargeable à l’adresse www.lesia.obspm.fr/∼crovisier/basemole/. Elle inclut 245 molécules ce qui correspond à pratiquement toutes les espèces détectées dans le milieu interstellaire, les comètes et les atmosphères planétaires (sauf la Terre !).
318
Optoélectronique térahertz
Base de données du JPL Une base de données beaucoup plus générale est mise à jour par le JPL (Jet Propulsion Laboratory, un laboratoire de la NASA). Elle couvre le domaine de fréquences 0-10 THz et fournit des informations sur environ 350 molécules et atomes. Cette base de données a été conçue au départ pour les radioastronomes mais elle a été ensuite étendue aux molécules atmosphériques. Le catalogue est consultable en ligne à l’adresse http://spec.jpl.nasa.gov/. Chaque molécule a son fichier (c_TAG.cat, pour la définition de l’identificateur TAG de la molécule, voir ci-après). Il y a aussi des fichiers (d_TAG.cat) qui contiennent des informations sur l’origine des données et sur la fonction de partition. Le catalogue ne fournit que les positions (fréquences) et les intensités des transitions, il n’y a donc pas de données sur les largeurs de raies qui sont pourtant très utiles en physique de l’atmosphère. Chaque ligne du catalogue comprend 80 caractères au format5 suivant : Paramètre
FREQ
ERR
LGINT
DR
ELO
Format
F8.4
F8.4
F8.4
I2
F10.4
Exemple
987926.7640
0.1000
-1.1333
3
37.1371
Paramètre
GUP
Format
I3
I7
I4
6I2
6I2
Exemple
5
-18003
1404
2 0 2 0
1 1 1 0
TAG
QNFMT
QN’
QN”
– Les espèces (atomes ou molécules) sont identifiées par un nombre à six chiffres TAG. Les trois premiers chiffres représentent la masse (en u.m.a.) de l’espèce et les trois chiffres suivants permettent d’ordonner les espèces de même masse. Il y a en général un TAG séparé pour chaque état électronique. Un TAG négatif indique que FREQ et ERR sont des valeurs expérimentales. Dans, l’exemple, il s’agit de H2 O (16 + 2x1 = 18). – À partir de LGINT, on peut calculer l’intensité à 300 K : I(300) = 10LGINT . L’intensité de raie est calculée suivant la formule : ! " ! 3" −E −E 8π νSg μ2g e kT − e kT /Qrs (T ) (11.16) I(T ) = 3hc où ν et Sg sont la fréquence et la force de raie, μg le moment dipolaire suivant l’axe moléculaire g, E et E les énergies de l’état inférieur et de l’état supérieur et Qrs (T ) la fonction de partition de rotation à la température T . Si l’on exprime I(T ) en nm2 MHz, ν en MHz et μg en D, on obtient : ! " −E −E −5 2 I(T ) = 4,16231 × 10 νSg μg e kT − e kT /Qrs (T ) 5
In indique un entier de n chiffres, Fm.n indique un réel de m chiffres (signe et point décimal inclus) avec n chiffres après le point décimal.
11. Détection et quantification de gaz en THz
319
Pour convertir cette intensité en cm−1 /(molécule/cm2 ), on divise l’intensité du catalogue par 2,99792458 × 1018 . – Les nombres quantiques sont donnés dans l’ordre suivant : J (ou N ) ; Ka et Kc (ou ±; K) ; v ; F1 ...F pour l’état supérieur puis pour l’état inférieur : N est le nombre quantique de rotation excluant les spins électronique et nucléaire ; J est le nombre quantique de rotation incluant le spin électronique. Pour un état singulet : J = N ; Ka (Kc ) est la projection de N sur l’axe d’inertie a(c). Pour les molécules symétriques (et linéaires), on ne donne que K () et ± désigne la parité ; v est le nombre d’état. Il caractérise les différents états vibrationnels ou électroniques ; F1 · · · F définissent les nombres quantiques de spin. CDMS (Cologne Database for Molecular Spectroscopy) La base de données du JPL est complétée par la base de données CDMS accessible en ligne à l’adresse www.ph1.uni-koeln.de/vorhersagen/catalog/. Elle utilise exactement le même format que la base du JPL. HITRAN (HIgh-resolution TRANsmission molecular absorption database) La base de données HITRAN développée par l’Air Force Cambridge Research Laboratories est une compilation de paramètres spectroscopiques permettant de prévoir et de simuler la transmission et l’émission du rayonnement électromagnétique dans l’atmosphère. On peut l’obtenir par ftp à l’adresse www.cfa.harvard.edu/HITRAN/. Ce site fournit également un logiciel appelé JavaHAWKS qui permet d’utiliser facilement cette base. Il fonctionne sous Windows, UNIX, Solaris, LINUX et Mac OS. Le domaine spectral couvert par HITRAN est très large : 0-700 THz. De plus, elle liste les largeurs de raie. Mais, elle n’inclut que des molécules d’intérêt atmosphérique. Enfin, comme elle est conçue pour l’atmosphère, elle ne peut pas être utilisée à haute température (pour la combustion par exemple). Pour ce dernier objectif, une base sœur appelée HITEMP (HIghTEMPerature spectroscopic absorption parameters) a été développée. Le catalogue liste environ un million de raies correspondant à 39 molécules différentes (ainsi que leurs isotopologues les plus importants). Chaque ligne du catalogue comprend 160 caractères au format résumé dans le tableau ciaprès. De nouveaux paramètres sont introduits. En particulier, le coefficient d’élargissement de chaque transition, élargie par l’air (γair ) et par le gaz
320
Optoélectronique térahertz
absorbant lui-même (γself ) est indiqué. Ces coefficients sont donnés pour T = 296 K. Leur dépendance en température s’écrit : ! "nair T0 γair (T ) = γair (T0 ) (11.17) T La demi-largeur à demi-hauteur de chaque transition s’exprime de la manière suivante : (11.18) Δν(p, ps ) = γair (p − ps ) + γself ps où p est la pression totale et ps la pression partielle de l’espèce absorbante. La fréquence centrale de chaque transition dépend légèrement de la pression, le coefficient de déplacement δ est également donné (lorsqu’il est connu) et la fréquence centrale se calcule de la manière suivante : ν(p, T ) = ν(p0 = 0) + δ(T )p
(11.19)
Paramètre Format Définition MO I2 Identificateur de la molécule, ordre chronologique : H2 O = 1 ISO I1 Nombre isotopique (1 = le plus abondant, 2 = le suivant, etc.) nu F12.6 Fréquence de la transition en cm−1 S E10.3 Intensité en cm−1 /(molécule/cm−2 ) à 296 K A E10.3 Coefficient d’Einstein A en s−1 γair F5.4 Demi-largeur due à l’air en cm−1 atm−1 à 296 K γself F5.4 Demi-largeur due au gaz absorbant en cm−1 atm−1 à 296 K E” F10.4 Énergie de l’état inférieur en cm−1 nair F4.2 Coefficient de la dépendance en température de l’élargissement dû à l’air
δair
F8.6
Coefficient du déplacement en fréquence dû à l’air en cm−1 atm−1 à 296 K
V’ V” Q’ Q” Ierr Iref * g’ g”
A15 A15 A15 A15 6I1 6I2 A1 F7.1 F7.1
Nombres quantiques « globaux » de l’état supérieur Nombres quantiques « globaux » de l’état inférieur Nombres quantiques locaux de l’état supérieur Nombres quantiques locaux de l’état inférieur Indices d’incertitude Indices de référence Disponibilité du logiciel et des données en cas de line mixing Poids statistique de l’état supérieur Poids statistique de l’état inférieur
– nombres quantiques globaux V : ce sont les nombres quantiques de vibration. Par exemple, pour une molécule triatomique asymétrique, il s’agit de v1 v2 v3 au format 3I2 ; – nombres quantiques locaux Q : ce sont les nombres quantiques de rotation. Par exemple, pour une molécule asymétrique, il s’agit de J Ka Kc F Sym au format 3I3, A5, A1 ;
11. Détection et quantification de gaz en THz
321
– Les incertitudes s’estiment de la manière suivante : v et δ (cm−1 ) Code Incertitude 0 > 1 ou inconnue 1 ≥ 0,1 et < 1 2 ≥ 0,01 et < 0,1 3 ≥ 0,001 et < 0,01 4 ≥ 0,0001 et < 0,001 5 ≥ 0,00001 et < 0,0001 6 < 0,00001
Code 0 1 2 3 4 5 6
γ et n Incertitude Inconnue Constante Estimation ≥ 20 % ≥ 10 % et < 20 % ≥ 5 % et < 10 % ≥ 2 % et < 5 %
Autres bases Il existe de nombreuses autres bases de données qui couvrent des aspects spécifiques. Elles ont souvent été développées pour une mission satellitaire particulière. On peut citer 1. GEISA (Gestion et Étude des Informations Spectroscopiques Atmosphériques) C’est une base de données atmosphérique qui a été développée au Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS. Elle peut être obtenue sur simple demande : [email protected]). Son contenu (domaine de fréquence, nombre de molécules, format) est très similaire à celui de HITRAN, la principale différence étant qu’elle inclut aussi les molécules des atmosphères de planètes autres que la Terre. 2. CDSD (Carbon Dioxide Spectroscopic Databank ) Une base de données franco-russe a été développée pour le dioxyde de carbone, CO2 . Elle est consultable à l’adresse suivante //cdsd.iao.ru. Une base spécifique existe également pour l’ozone (O3 ) : //ozone.iao.ru). 3. TDS/STDS (Spherical Top Data System) qui permet de simuler les spectres des molécules sphériques. Elle est accessible à www.u-bourgogne.fr/LPUB/TSM/shTDS.html. Cas particulier de la vapeur d’eau La vapeur d’eau est un cas particulier très important car c’est le principal contributeur à l’absorption du rayonnement THz par l’atmosphère terrestre. La base de données du JPL est à jour en ce qui concerne les fréquences et les intensités de transitions. Les informations relatives aux largeurs de raies se trouvent dans la base HITRAN. Une base de données a été développée pour la vapeur d’eau à très haute température. Elle est basée sur des calculs ab initio. Elle donc beaucoup
322
Optoélectronique térahertz
moins précise que les bases qui citent des données expérimentales mais elle est beaucoup plus complète. On peut l’obtenir auprès de D. W. Schwenke ([email protected]). Enfin, une compilation critique et exhaustive du spectre de l’eau allant des micro-ondes à l’ultraviolet est en préparation dans le cadre d’un projet IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry ). Cette base de données – en construction – peut être consultée sur la page personnelle du responsable de ce projet (J. Tennyson) : www.tampa.ucl.ac.uk/ftp/astrodata/ water.
11.6.4
Simulation de spectres
Introduction Le calcul d’un spectre (fréquences et intensités) à partir des paramètres moléculaires est relativement simple, à condition de disposer d’un ordinateur. Pour chaque valeur du nombre quantique de rotation J, on a 2J + 1 niveaux d’énergie. Pour une molécule asymétrique (caractérisée par trois constantes de rotation A, B, et C ), on étiquette ces niveaux à l’aide de deux nombres « pseudo-quantiques » Ka et Kc qui correspondent au nombre quantique K des molécules symétriques « limites » correspondantes (a pour allongée, c’est-à-dire A > B = C, et c pour aplatie, c’est-à-dire A = B > C). On a ainsi : E(J0J ) ≤ E(J1,J ) ≤ E(J1,J−1 ) ≤ E(J2,J−1 ) ≤ · · · ≤ E(JJ1 ) ≤ E(JJ0 ) (11.20) On remarque que l’on a toujours : Ka +Kc = J ou J +1. Les énergies de rotation E (JKa Kc ) sont les valeurs propres d’une matrice symétrique tridiagonale de dimension 2J + 1 dont les termes diagonaux sont : E(K, K) =
, 1, 2AK 2 + J(J + 1) − K 2 (B + C) 2
(11.21)
avec −J ≤ K ≤ +J. Les seuls termes non diagonaux différents de zéro sont du type : E(K, K ± 2) =
1 [J(J + 1) − K(K ± 1)]1/2 [J(J + 1) 4 −(K ± 1)(K ± 2)]1/2 (C − B) (11.22)
Une fois que la matrice est diagonalisée, l’étape suivante consiste à calculer les fréquences en faisant la différence entre deux niveaux d’énergie : hν = E [(J + ΔJ)Ka +ΔKa ,Kc +ΔKc ] − E [JKa Kc ]
(11.23)
Pour cela, il faut tenir compte des règles de sélection, c’est-à-dire des transitions permises. Les seules transitions qui peuvent avoir une intensité différente de zéro sont : ΔJ = 0, ±1. Pour les pseudo-nombres quantiques,
11. Détection et quantification de gaz en THz
323
les règles de sélection dépendent des projections du moment dipolaire électrique μ sur les axes principaux d’inertie a, b, et c : ΔKa ΔKc
μa = 0 0, 2, ... 1, 3, ...
μb = 0 1, 3, ... 1, 3, ...
μc = 0 1, 3, ... 0, 2, ...
L’étape suivante consiste à calculer les intensités (qui sont d’autant plus grandes que les ΔK sont petits) à l’aide des vecteurs propres de la matrice des énergies. Cela paraît compliqué mais de nombreux logiciels ont été écrits pour faire ce travail automatiquement. Logiciels Plusieurs programmes de calcul de spectres peuvent être obtenus gratuitement : Calpgm Une série de programmes (en C) a été développée au JPL pour la construction de la bases de données. Le programme SPFIT est plus particulièrement destiné à la détermination des paramètres moléculaires à partir des spectres expérimentaux. Son usage est réservé aux spécialistes. Le programme SPCAT calcule un spectre à partir des paramètres moléculaires. Son usage est plus facile. Ils sont téléchargeables à l’adresse du JPL : http://spec.jpl.nasa.gov. Jb95 Un programme a été développé au NIST par D.F. Plusquellic pour l’analyse des spectres complexes. Il permet également de simuler des spectres. Ce programme, écrit en C, a une interface graphique mais il ne fonctionne que sous Windows. Il est téléchargeable à l’adresse http://physics.nist.gov/Divisions/Div844/facilities/uvs/jb95userguide.htm PROSPE une base de données appelée Programs for ROtational SPEctroscopy est maintenue à l’académie des sciences de Pologne par Z. Kisiel. Elle permet de télécharger de nombreux logiciels (en FORTRAN), en particulier des programmes de simulation de spectres fonctionnant avec le programme SPCAT du JPL. Ils sont téléchargeables à l’adresse http://info.ifpan.edu.pl/ kisiel/prospe.htm.
11.6.5
Absorption de l’atmosphère
Certains gaz présents dans l’atmosphère absorbent le rayonnement THz à certaines fréquences (absorption résonante). Cette absorption est dominée par l’eau et ses isotopologues (en particulier HDO), le dioxygène 16 O18 O et l’ozone (O3 ). À cette absorption résonante, il faut ajouter un continuum (absorption non résonante) qui est dû aux ailes lointaines des raies de l’eau et à l’absorption induite par collisions de l’oxygène et de l’azote. La figure (11.5) représente l’absorption typique de l’atmosphère terrestre au niveau du sol
324
Optoélectronique térahertz
Fig. 11.5 – Absorption de l’atmosphère entre 0,1 et 1 THz au niveau du sol à 293 K (75 % d’humidité). et à 293 K (avec 75 % d’humidité). Les complexes H2 O...N2 , H2 O...O2 , et H2 O...H2 O participent aussi à cette absorption mais leur contribution semble assez faible. Enfin, les gaz présents à l’état de traces ont un spectre détectable, surtout si l’on monte en altitude car, la pression diminuant, les largeurs de raies diminuent aussi, ce qui les rend plus facilement visibles. La figure (11.6) représente un spectre typique de l’atmosphère enregistré à 32 km d’altitude entre 45 et 65 cm−1 (1,35-2 THz). On y distingue les raies de l’eau, de l’oxygène et de l’ozone. La modélisation de l’absorption de l’atmosphère terrestre est un problème important mais il n’est pas encore résolu de manière complètement satisfaisante et il existe, de ce fait, différents modèles pour la décrire. Plusieurs logiciels de modélisation existent. Parmi les plus importants, on peut citer : AT Atmospheric Transmission (E. Grossman, User’s manual, Airhead Software, 1609 Bluff Street, Boulder, CO 80302, 1989) ; MPM microwave propagation de H. J. Liebe et al. Il est téléchargeable à l’adresse suivante : ftp://ftp.its.bldrdoc.gov/pub/mpm93/ -> ressources -> anonymous ftp -> pub/ -> mpm93. C’est le logiciel le plus utilisé mais il ne fonctionne qu’en dessous de 1 THz. Il comprend 34 transitions de la vapeur d’eau entre 20 et 1 000 GHz et 44 transitions de l’oxygène. Le continuum de l’eau est simulé par une pseudo-transition vers 2 THz. L’absorption non résonante est également simulée.
11. Détection et quantification de gaz en THz
325
Fig. 11.6 – Absorption de la stratosphère (32 km). ATM Atmospheric Transmission at Microwaves de Pardo et collègues. Il s’obtient auprès de l’auteur ([email protected]). C’est le logiciel le plus récent et le plus complet. Il simule l’absorption de l’atmosphère entre 170 et 1 600 GHz.
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Chapitre 12
Le THz : phénomène de mode ou technologie du troisième millénaire ? Ce livre vient de présenter un panel des outils et des techniques développés dans la gamme de fréquence THz. Le développement des lasers femtosecondes a permis un essor rapide de la technologie THz impulsionnelle dans le milieu des années 1980. Depuis, la maturité de la technologie ne cesse de progresser, le développement continue et l’avancée technologique permet et permettra à terme d’exploiter les THz à trois niveaux : – systèmes de laboratoire ; – système industriel ; – composant pour application de masse. Dans la première phase, les systèmes de spectroscopie THz sortent des laboratoires des spécialistes d’optique et d’électronique des semi-conducteurs pour pénétrer des laboratoires travaillant dans d’autres domaines. La première victoire des THz est sans nul doute là, car le travail des opticiens et électroniciens qui ont développé les sources et les techniques de génération et de détection ont contribué à l’exploitation de cette gamme de fréquence par des chercheurs dans des domaines aussi variés que la chimie, la médecine, la génétique, l’agroalimentaire. Les systèmes THz sont sortis des laboratoires avec l’aide d’entrepreneurs qui ont su réaliser des systèmes autonomes et conviviaux, cette approche produit un courant ascendant de la technologie vers l’application, elle ouvre naturellement la voie vers de nouvelles applications. La seconde étape, qui se profile dans les cinq prochaines années, sera l’application de systèmes THz au niveau de l’industrie. La section application de ce livre décrit une liste non exhaustive de ces applications. Cinq niveaux de complexité et cinq familles d’applications sont proposées dans cet ouvrage. De nombreux exemples sont cités, la liste des applications va de l’identification de morceaux de verre dans les barres chocolatées à la transmission de
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Optoélectronique térahertz
signaux de télévision haute définition en passant par la détection de rouille sous la peinture et l’identification des principaux explosifs. Ce que montre cette liste c’est le rôle incontournable de l’optoélectronique THz qui permet aux laboratoires experts de concevoir et de définir les outils dont auront besoin les industriels. Enfin la dernière étape est l’application de masse. Cette dernière étape dépend principalement de la miniaturisation des systèmes. Ces étapes de miniaturisation sont très coûteuses, et dépendent d’une application clé. Pour cette étape, la technologie doit franchir le fossé entre les laboratoires et les applications, il s’agit de franchir ce que l’on appelle communément la « vallée de la mort » ; le désert entre le monde institutionnel de la recherche et celui des entreprises et des entrepreneurs. La miniaturisation implique un énorme financement que seule la potentialité d’une application de masse peut amener, mais cette application ne sera trouvée que lorsque la capacité de la miniaturisation sera démontrée. Le cercle vicieux entre développement de la technologie et applications de masse en est à son balbutiement pour les THz. De nouvelles applications trouveront sans nul doute leur plein essor dans les vingt prochaines années, à condition que des laboratoires équipés par les systèmes complexes trouvent la voie pour une application clé présentant un potentiel économique suffisant pour justifier d’un investissement massif dans le développement de la technologie. Les premières démonstrations de lasers à cascade quantique, composant le plus prometteur pour une application de masse, placent l’électronique THz au même niveau de développement que les premières diodes lasers semi-conductrices apparues dans les années 1970-80. Vingt ans plus tard, on voit que les diodes lasers semi-conductrices sont devenues des composants clés pour l’écoute de la musique ou le stockage de données, ce qui au départ n’était pas envisagé. Les nombreuses applications citées dans ce livre font suite au nouvel essor des THz optoélectroniques apparu dans les années 1980, elles émanent principalement de laboratoires d’optique ou d’électronique. Il est certain que la vision de l’application au travers de la connaissance de la technologie ouvre des perspectives conduites par la connaissance des performances techniques des systèmes. Toutefois il faut voir ces applications comme autant de ballons sondes à l’adresse des entrepreneurs et des décideurs pour montrer et diffuser cette technologie. Les premières diligences sont parties à l’assaut des pistes du Far West THz, maintenant il faut encore attendre quelques années afin que ces pistes deviennent des autoroutes de l’information Tera bit. La maturité de la technologie THz permet de réaliser des démonstrateurs pour les grandes applications que sont la spectroscopie et la sécurité. À ce titre, il est possible de réaliser une comparaison entre les THz et les technologies existantes pour mettre en évidence à la fois leur complémentarité et définir les voies de développement de la technologie. Cette phase permettra sans nul doute de trouver la place aux ondes THz dans notre quotidien. Comme le suggère le professeur Lippens dans Sciences et Avenir du mois
12. Le THz : phénomène de mode ou technologie
329
d’août 2006, bien plus qu’un nouveau type de technologie, les THz sont une gamme de fréquence, et les applications apparaîtront inévitablement. Pour clore ce livre, depuis les premières expériences sur les ondes électromagnétiques de Hertz en 1888 en passant par l’invention des klystrons dans les années 1940, la technologie électronique n’a eu de cesse de monter en fréquence pour atteindre le domaine sub-millimétrique des ondes THz, tirée par un but majeur pour l’humanité, celui de la détection de la présence de la vie sur les exoplanètes. L’optoélectronique THz avec Auston dans les années 1980 et l’invention des lasers femtosecondes a jeté les bases d’une nouvelle ruée vers le Far Infrared. Le nombre croissant de publications en témoigne : plus qu’un phénomène de mode, la connaissance du domaine THz progresse exponentiellement grâce aux systèmes optoélectroniques THz. Les applications futures qui naîtront de l’innovation de chacun sont la raison d’être de ce livre, modeste contribution à l’édifice de la science permettant à tous, étudiants, physiciens, ingénieurs et entrepreneurs de mieux appréhender ce domaine de fréquence et le potentiel énorme de l’optoélectronique THz.
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Index Échantillonnage de signaux THz configurations expérimentales, 148 en temps équivalent, 216 par électro-absorption, 146, 147 par effet électro-optique, 140 par photocommutation, 133 résolution temporelle, 150, 218 théorème de Shannon, 216 Équation(s) d’Einstein, 60 de Maxwell, 39 de propagation, 41, 48 de Schrödinger, 57 Antennes THz polarisation, 187 spirales, 156, 158 Applications dans le domaine THz, 33, 273 astrophysique, 302, 310 biologie et biomédical, 278, 298 choix du système, 278 complexité des systèmes, 280 contrôle qualité, 278, 281, 288 détection de gaz, 301 maintenance préventive, 291 sécurité et défense, 293 spectroscopie de matériaux, 283 spectroscopie de rotation, 69, 244 spectroscopie de vibration, 69 systèmes THz commerciaux, 274, 287 télécommunications, 296 tomographie, 282
Bases de données spectrales, 311 CDMS, 315 HITRAN, 304, 307, 315 INRS, 309 JPL, 313 logiciels de simulation, 319 NIST, 313 observatoire de Paris, 313 Composants THz passifs, 177 dispersion chromatique, 178, 181 lames biréfringentes, 189 lentilles, 182 miroirs, 180 polariseurs à gille, 188 réseaux de diffraction, 185, 250 séparatrices, 184, 255 traitements antireflets, 186 Corps noir, 20, 60 Cristaux photoniques et métamatériaux, 200 définition, 200 indice de réfraction négatif, 205, 207 ligne de transmission, 209 métamatériaux métalliques, 207 niveau de défaut, 203 ultraréfraction, 210 Détecteurs à supraconducteur, 30 bolomètres, 28 cellule de Golay, 30 NEP (noise equivalent power), 30 optoélectroniques, 32
358 Diodes électroniques, 21 effet Gunn, 21 IMPATT, 21 résistance différentielle négative, 21 Dipôle champ du dipôle, 55 moléculaire, 71 moment dipolaire, 57 Domaine fréquentiel, 234 BWO (tubes à ondes contra-progressives), 22 Effet Dember, 120, 121 Doppler, 66 Fabry-Pérot, 240 Franz-Keldysh (EFK), 142, 145 magnéto-optique, 81 Pockels, 136 Guides d’ondes, 191 à plasmons de surface, 196 comparatif, 199 couplage, 199 diélectriques, 193 dispersion modale, 198 indice effectif, 192 métalliques, 195 modes guidés, 192 pertes, 198 planaires, 195 Imagerie THz, 263 champ proche, 265, 266 contraste de champ proche, 267 par balayage, 267 résolution spatiale, 264 Lasers à électrons libres (FEL), 23 à cascade quantique (QCL), 26, 165, 168 moléculaires, 23 Lasers femtosecondes, 86, 91
Optoélectronique térahertz à fibre, 98 absorbant saturable, 95 blocage de modes, 86, 93 lentilles à effet Kerr, 87 mise en phase des modes, 87 saphir dopé titane (Ti:Sa), 97 ytterbium, 97 Lignes de propagation non linéaires, 23 Loi d’Ohm, 41 de Beer et Lambert, 45, 303 de Bose-Einstein, 53 de Poisson, 54 Mesures pompe optique - sonde THz, 224 dynamique des porteurs dans GaAs, 228 principe, 225 Modèle de Drude, 72, 109 de Lorentz, 76 de Schockley-Read-Hall, 85 Molécules énergie de rotation, 62, 64 constante de distorsion centrifuge, 63, 69 constante de rotation, 63, 69 forme de raie d’absorption, 66, 304 intensité de raie, 67, 70, 304, 314 masse réduite, 65 moment d’inertie, 62 nombre quantique de rotation J, 63, 315 nombre quantique de vibration nν , 64, 65, 316 règle de sélection de rotation, 63 raies d’absorption de l’eau, 32 Ondes électromagnétiques, 13
Index état de polarisation, 189 infrarouge lointain, 18 onde plane, 42 principe d’Huygens-Fresnel, 179 relation de dispersion, 43 vecteur de Poynting, 43 vitesse de groupe, 127 Optique anisotrope, 50 ellipsoïde des indices, 50 Optique non linéaire équation de propagation, 125, 126 accord de phase, 49, 124 effet électro-optique, 49, 139 génération paramétrique, 129 polarisation non linéaire, 46, 125 redressement optique, 47 ZnTe (cas du), 126 Paramètres matériau coefficient d’absorption α, 45 conductivité électrique σ, 41 constante diélectrique ε, 40, 41, 45, 72, 79, 208, 243 fréquence plasma, 72, 74 impédance d’onde, 243 indice de réfraction n, 43, 45, 243, 247 perméabilité μ, 40, 208, 243 polarisabilité, 56 susceptibilité électrique χ, 40, 46, 51, 59 susceptibilité magnétique χm , 40 Phonons, 77 acoustiques, 79 optiques, 78, 81, 166 relation de dispersion, 78 Photocommutateurs, 108, 132 écrantage coulombien, 117 écrantage lié au rayonnement, 117 à structure verticale, 158 géométrie, 133, 156, 158, 172
359 modèle phénoménologique, 134 rapport signal sur bruit, 134 Photocommutateurs équation de la dynamique des porteurs, 84 champ lointain rayonné, 110, 112 modèle phénoménologique, 109 non-linéarité de la réponse, 114, 115 résistivité, 85 Photomélange, 170 banc expérimental, 173, 258 battement de deux lasers, 154 photodiode à onde progressive (TW-PD), 161 photodiode à transport unipolaire (UTC-PD), 162, 164 photodiodes pn et pin, 160 puissance rayonnée, 171, 174, 258 Photonique énergie du photon, 52 intensité optique, 44, 53 statistique du flux de photons, 53 température de rayonnement, 53 Plasmons, 74 de surface, 74 guides, 167 ondes de Goubau, 198 ondes de Sommerfeld, 197 profondeur de pénétration, 197 relation de dispersion, 75 Propriétés THz Al2 O3 , 241 atmosphère, 319 fumée de cigarette, 305 H2 O, 244, 317 HCN, 307 OCS, 244, 305
360 Relations de Kramers-Kronig, 45 Semi-conducteurs (ultrarapides) épitaxie à basse température, 100 absorption optique, 143, 144 alliages III-V BT ternaires et quaternaires, 105, 118, 173, 175 durée de vie des porteurs, 103, 106 GaAs-BT, 102, 149 implantation et irradiation ionique, 105 puits quantiques, 165 résistivité, 101, 102 recombinaison électron-trou, 99 recuit, 101 super-réseau, 165 Sources optoélectroniques émission par effets de surface, 119 comparatif, 129 continues, 25 génération par redressement optique, 124 polarisation, 122 Spectroscopie THz dans le domaine fréquentiel, 248 extraction des paramètres matériau, 256 interférogramme, 252 interféromètre de Martin-Puplett, 255 interféromètre de Michelson, 251
Optoélectronique térahertz principe, 249 résolution spectrale, 254 spectromètre à transformée de Fourier, 249, 251, 255 Spectroscopie THz dans le domaine temporel (THz-TDS) cas des matériaux magnétiques, 242 dynamique de mesure, 233 extraction des paramètres matériau, 241 fonction de transfert complexe, 239, 240, 242 mesure de l’épaisseur de l’échantillon, 247 optimisation, 231 principe, 217, 237 problème de troncature du signal, 221 signal mesuré (expression du), 219 sources de bruit et/ou incertitudes, 230, 246, 247 transformée de Fourier (FFT), 221 Transitions électroniques émission spontanée, 59, 60 émission stimulée, 59, 60 énergie de bande interdite., 83 force d’oscillateur, 57, 77 photoinduites, 83 probabilité de transition, 58 pulsation de Rabi, 58