Nollywood: Le cinéma nigérian 1991-2021
 2140256085, 9782140256080

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Nollywood

Françoise Ugochukwu

Françoise Ugochukwu, africaniste habilitée à diriger des recherches, est actuellement Research Fellow à l’Open University du RoyaumeUni après avoir enseigné vingt-quatre ans à l’université de Nsukka au Nigeria. Son domaine de recherches couvre plus spécialement le Nigeria, Nollywood, les études igbos et l’interculturel.

Le cinéma nigérian 1991-2021

Nollywood Le cinéma nigérian 1991-2021

Françoise Ugochukwu

La riche production cinématographique nigériane, plus connue sous le nom de Nollywood, est devenue, depuis sa naissance, la vitrine de la fédération. Cet ouvrage destiné aussi bien au public universitaire qu’aux amoureux des cinémas du sud présente et analyse plus de trois cents films produits entre 1991 et 2021. Il introduit le lecteur à une production profondément enracinée dans les cultures du Nigeria et marquée par l’ouverture grandissante du pays à l’influence de la globalisation. Ces films circulent aujourd’hui dans toute l’Afrique et au-delà, dans la vaste diaspora africaine présente sur tous les continents, inspirant un nouveau type de cinéma.

Nollywood

Le cinéma nigérian 1991-2021

Illustration de couverture : Olivia Akachukwu

ISBN : 978-2-14-025608-0

29 €

IMAGES PLURIELLES scènes & écrans

Nollywood Le cinéma nigérian 1991-2021

Images plurielles : scènes et écrans Collection dirigée par Patricia Caillé, Sylvie Chalaye et Claude Forest Cette collection entend promouvoir les recherches concernant les cinématographies et les expressions scéniques des Suds qui méritent de gagner en visibilité et d’être mieux documentées, notamment celles d’Afrique, du Moyen-Orient, de l’Océan indien et des Amériques. Sans négliger les apports de la critique et de l’analyse esthétique, elle s’intéresse principalement au fonctionnement des filières audiovisuelles, cinématographiques et théâtrales – production, distribution, exploitation, diffusion sous toutes ses formes –, ainsi qu’aux publics et à la réception des œuvres. La collection souhaite favoriser les approches historiques issues du dépouillement d’archives et des enquêtes de terrain, afin d’œuvrer à combler le déficit de données permettant de cartographier et de comprendre les enjeux et les acteurs des transformations profondes à la fois géopolitiques, politiques, sociales, technologiques, anthropologiques et culturelles qui affectent le théâtre et la scène comme le film et ses usages. La collection comprend deux séries : l’une est destinée à accueillir les travaux les plus développés, l’autre, au format plus réduit, a pour vocation d’explorer de nouveaux champs ou questionnements, y compris méthodologiques. Images plurielles : scènes et écrans privilégie, hors de tout dogmatisme, la lisibilité du texte, la pluralité des approches, la liberté des idées et la valeur des contenus.

Dernières parutions Patricia CAILLE, Raluca CALIN (dir.), A l'œuvre au cinéma ! Professionnelles en Afrique et au Moyen-Orient, 2022. Claude FOREST, Andrée Davanture, la passion du montage, 2021. Véronique CORINUS et Daniela RICCI, Regards sur les migrations, 2021. Odile GOERG, Un cinéma ambulant en Afrique. Jean-Paul Sivadier, entrepreneur dans les années 1950, 2020. Claude FOREST (coord.), Festivals de cinéma en Afriques francophones, 2020. Claude FOREST, Production et financement du cinéma en Afrique sud saharienne francophone (1960-2018), 2018. Ahmed BEDJAOUI et Michel SERCEAU (coord.), Les cinémas arabes et la littérature, 2019. François FRONTY (dir.), Dix par dix, dix analyses de films d’Afrique, 2019. Diarra SOURANG, Filmer les peaux foncées, Réflexions plurielles, 2019. Lucie ANDRE, Être actrice noire en France, (dé)jouer les imaginaires, 2019.

Françoise Ugochukwu

NOLLYWOOD Le cinéma nigérian 1991-2021

Ouvrages du même auteur Bribes d’une vie nigériane - Mémoires d’une transformation identitaire, Paris, L’Harmattan, 2015, 240 p. Nollywood on the Move, Nigeria on Display, Trier, Wissenschaftlicher Verlag, 2013, 270 p. Torn Apart: The Nigerian Civil War and its Impact, Londres, Adonis & Abbey Publishers, 2010, 168 p. Le pays igbo du Nigeria, Paris, L’Harmattan, 2010, 350 p. Biafra, la déchirure - Sur les traces de la guerre civile de 1967-1970, Paris, L’Harmattan, 2009, 215 p. À la vitre des nuits (poèmes), Paris, L’Harmattan, 2008, 74 p. Chizoba dans la ville (roman), Paris, L’Harmattan, 2006, 109 p. Contes igbo de la Tortue (Nigeria), Paris, Karthala, 2006, 125 p. Le retour des chauves-souris (roman), Paris / Dakar, Nouvelles Éditions Africaines / EDICEF, 1993, 143 p. Contes igbo du Nigeria, de la brousse à la rivière, Paris, Karthala, 1992, 351 p. Une poussière d’or (roman), Paris / Dakar, Nouvelles Éditions Africaines / EDICEF, 1987, 78 p. La source interdite (roman), Paris / Dakar, Nouvelles Éditions africaines / EDICEF, 1984, 63 p.

En collaboration Tsaaior James Tar & Ugochukwu Françoise (Eds), Nigerian Film Culture and the Idea of the Nation: Nollywood and National Narration, Londres, Adonis & Abbey, 2017, 309 p. Ugochukwu Françoise & Abomo-Maurin Marie-Rose (Eds), La femme dans la littérature orale africaine : Persistance des clichés ou perception de la modernité ? Paris, L’Harmattan, 2015, 293 p. Baumgardt Ursula & Ugochukwu Françoise (Eds), Approches littéraires de l’oralité africaine, Paris, Karthala, 2005, 334 p. Ugochukwu Françoise & Okafor Peter, Dictionnaire igbo-français avec lexique inverse, Paris / Ibadan, Karthala / IFRA, 2004, 272 p.

© L’Harmattan, 2022 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-14-025608-0 EAN : 9782140256080

Avant-propos Dans son ouvrage pionnier sur Le Cinéma nigérian (1984), prémices de la recherche française sur le sujet, Françoise Balogun fait le point sur les débuts de cette industrie et présente les cinéastes et les films qui ont marqué les premières années d’indépendance du pays en 1960 – une production qui compte quelque cent films sortis entre 1970 et 1992 (Jonathan Haynes, 2016 : 6). Dramaturge, poète et essayiste, Ola Balogun est le premier de ces pionniers : ses films, en igbo, anglais et yoruba, sont enracinés dans la culture yoruba et influencés par le théâtre yoruba ambulant et les liens avec le Brésil. Il est, à ce titre, représentatif de ces universitaires nigérians qui vont permettre au pays d’exporter ses cultures par le biais de l’écran. Fils d’un avocat yoruba, il est né en pays igbo où il a grandi ; polyglotte comme la plupart de ses compatriotes, il a ensuite étudié à l’université de Dakar, puis en France, avant de rentrer au Nigeria en pleine guerre du Biafra. En 1969, il travaille comme scénariste dans l’unité cinématographique du Ministère fédéral de l’Information, puis à Paris comme attaché de presse à l’Ambassade du Nigeria. Il retourne ensuite au pays et prend un poste à l’Institut d’Études africaines de l’Université d’Ife avant de prendre la direction du centre audiovisuel du musée de Lagos. Dans les années 1970, il entame une brillante carrière de réalisateur – il produira près de dix courts métrages et onze longs métrages1 – et fonde, en 1973, sa propre société de production, Afrocult Foundation. Dans les années 1980, il abandonne le cinéma pour se cantonner au documentaire (Barrot, 2005 : 23), et il est quasiment oublié aujourd’hui ; le Filmkollektiv de Frankfurt a cependant réussi à préserver cinq de ses dix films. La Cinémathèque française conserve en outre plusieurs de ses films dont La Déesse noire, Ajani Ogun et Cry Freedom, ainsi que de nombreux documentaires en 16 mm comme River Niger, Black Mother, Destination paix ou Eastern Nigeria Revisited. Certaines des remarques de Françoise Balogun laissent prévoir une nouvelle phase de développement quand elle écrit que « la télévision et, depuis trois ou quatre ans, les films vidéos font une concurrence sérieuse au cinéma », du fait que, « pour des raisons de sécurité et de confort, les Nigérians préfèrent rester chez eux pour regarder leur petit écran plutôt que d’affronter l’inconfort de la plupart des salles et le danger des routes et des parkings » (1984 : 13-14). 1992 voit la naissance de ‘Nollywood’, mot-valise « adapté de celui de son homologue américain Hollywood, [qui] fait référence à l’industrie cinématographique nigériane » (Emmanuel Adedun, 2010 : 114) et qui va désigner plus spécialement les films produits par des Nigérians du 1

https://www.imdb.com/name/nm0051059/?ref_=nv_sr_srsg_0

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sud, basés au pays ou en diaspora. Les débuts de cette industrie, alors sur support VHS, ont d’abord été plébiscités par le Nigérian moyen mais mal accueillis par la critique et décrits comme un tas de « films jetables » (Barrot, 2005 : 6) – Jean Rouch ne considérait-il pas la vidéo comme « le SIDA du cinéma » (Ibid. p. 9) ? Nollywood a indubitablement bouleversé les habitudes occidentales et remis en question les distinctions traditionnelles entre film, téléfilm et séries, correspondant à des marchés et des supports de diffusion distincts. Il convient de préciser à ce propos que les films des vingt premières années, distincts des séries télévisées qui les avaient précédés, et initialement produits sur support VHS et VCD, étaient découpés et vendus en tranches par les distributeurs, dans des pochettes regroupant les différentes parties ou dans des pochettes séparées. Constitués de deux ou trois parties longues d’environ 90mn chacune, ils étaient projetés en salle comme deux films séparés, pour des raisons purement commerciales (Obi Emelonye, communication personnelle, 1er février 2022). Un certain nombre de films avaient même une suite, un second film portant un titre légèrement différent, comme Dirty Secret et Little Secret (2010) ou Widow’s Fate et Widow’s Testimony (2014). Comme le notait cependant Frank Ukadike au tournant du siècle, « le triomphe du vidéofilm n’implique pas nécessairement le déplacement du medium du film en celluloïd mais plutôt la transcendance des limitations imposées par les conventions du film celluloïd » (2000 : 243). Si les premiers ouvrages sur Nollywood (Pierre Barrot, Olivier Barlet, Matthias Krings et Onookome Okome) gardaient la dénomination de vidéofilm, le titre de l’ouvrage de Haynes, Nollywood, the Creation of Nigerian Film Genres (2016) reconnaît de facto l’extrême flexibilité des cinéastes nigérians, qui sont passés librement en quelques années d’un support à un autre, profitant des nouvelles technologies à mesure qu’elles apparaissaient. Se démarquant de la typologie simpliste relevée par Alexie Tcheuyap (2011 : 14) qui opposait le cinéma africain au cinéma occidental, le cinéma nigérian, un temps cantonné dans la catégorie ‘vidéo’, a rapidement opéré sa mue, ouvrant une troisième voie, à mi-chemin entre moules nigérian et africain, avant de se frayer un chemin vers Hollywood. Comme l’écrit plus loin le même auteur, « le phénomène Nollywood […] a radicalement transformé le paysage des productions africaines, et les chercheurs doivent proposer de nouveaux paradigmes pour être à même d’inclure ces énoncés dans le canon du cinéma » (Ibid. p. 23), quel que soit le support adopté. D’autres classifications, qui ont servi à distinguer Nollywood du cinéma d’auteur africain (Krings & Okome, 2013 : 14), sont en passe d’être remplacées à leur tour. On assiste, avec la naissance et le développement du cinéma nigérian, au refus des écoles et des classifications imposées de l’extérieur, à une remise en question des traditions, à l’émergence de nouveaux modèles et de nouvelles formes qui « sortent des cases » (Serge Noukoué, 2021) et donnent la priorité au mouvement et au pluralisme. Il y a là un déplacement des 8

valeurs apprises, un refus de la priorité purement artistique en faveur de la représentation du quotidien dans des buts didactiques et commerciaux. Ce choix a été plus qu’entériné par les publics nigérians et africains, comme le prouve le succès de ces films, à mi-chemin entre cinéma d’auteur et cinéma populaire. Krings et Okome vont contribuer à clore ce débat en 2013, jugeant qu’« un regard sur le discours critique concernant le cinéma africain démontre clairement qu’ […] il n’est plus possible d’exclure Nollywood du canon du cinéma africain dans le domaine des études cinématographiques » (2013 : 18). Si on reconnaît ailleurs que « la majorité du public et des critiques considèrent le cinéma comme l’art de conter » (Lev Manovich, 2016 : 1), il ne devrait étonner personne que les réalisateurs nigérians se décrivent comme des conteurs modernes qui racontent « des histoires qui reflètent la société » (Régis Kamdem, 2018). Bond Emeruwa résume ainsi son métier : « je ne peux pas raconter les histoires des Blancs. Ils me disent leur histoire à eux dans leurs films. Ce sont toujours les mêmes thèmes essentiels, l’amour, l’action… Nous, nous disons cela à notre façon. À notre façon nigériane, à notre façon africaine » (This Is Nollywood, 2007). Les cinéastes à l’origine de ces productions ont d’abord refusé de céder aux sirènes de la renommée et à la pression exercée sur eux de produire d’abord pour l’étranger comme le font depuis des décennies les écrivains du pays. Les films d’avant 2000 ont donc été majoritairement et avant tout produits pour leurs propres communautés d’origine, valorisant à l’usage de tous l’héritage culturel du Nigeria dans un but à la fois ludique et didactique, modèle hérité de leurs traditions orales. La riche production cinématographique nigériane, directement inspirée de la vie quotidienne de ce vaste pays et aux mains de réalisateurs et de producteurs nigérians, qu’ils soient établis ou non dans le pays, reste principalement fondée par des capitaux nigérians, comme le confirme Emelonye (communication personnelle, 25 février 2022). Elle représentait 10% des ventes de billets au Nigeria en 2013, et 45% cinq ans plus tard, soit neuf milliards de francs CFA, et attirait entre 8 000 et 18 000 personnes/semaine en 2018 dans le grand multiplexe de Lagos (Kamdem, 2018). Ces films, devenus la vitrine de la fédération et répondant à une réelle attente, ont connu un succès immédiat auprès d’un public africain amateur d’‘éduloisirs’ et avide de voir ses propres cultures à l’écran. Ils circulent aujourd’hui dans toute l’Afrique et au-delà (Steven Gray, 2003 ; Abraham McLaughlin, 2005 ; Moradewun Adejunmobi, 2007), au Royaume-Uni, aux États-Unis mais aussi en France, en Ukraine, en Norvège, en Inde et au Japon, dans la vaste diaspora africaine, inspirant un nouveau type de cinéma, Visionnés en famille chez soi, en flux comme en salle, ils se caractérisent par un regard critique porté sur les maux de sociétés en pleine évolution, par une volonté pédagogique affichée et un effort constant pour explorer de nouveaux terrains. Leurs réalisateurs ont misé sur la richesse linguistique de la 9

fédération, adoptant d’abord l’anglais nigérian, marqué par le mélange codique, puis, de plus en plus, le pidgin, nouvelle lingua franca. Dans leurs efforts pour atteindre de nouveaux publics, les cinéastes nigérians multiplient aujourd’hui les coproductions internationales et développent un ‘nouveau’ Nollywood sans perdre leur identité et sans jamais perdre de vue le public nigérian traditionnel. Célébrant un passé qu’elle permet de redécouvrir et témoignant de l’emprise des religions traditionnelles du pays, cette production révèle en même temps l’impact du christianisme et de l’islam sur la vie quotidienne, ainsi que l’ouverture grandissante du Nigeria à l’influence de la globalisation (Jade Miller, 2010). Si les réalisateurs nigérians ont énormément produit depuis les débuts, il faut noter qu’un grand nombre de ces films peuvent être considérés comme « foncièrement et essentiellement génériques », la plupart des réalisateurs ayant longtemps « travaillé et retravaillé à partir d’un canevas durable de thèmes et de scénarios-types » (Haynes, 2016 : xxv). Des études sur ce cinéma se dégage « l’unité fondamentale de Nollywood, fondée sur les valeurs chères à ses publics : un sens moral et l’attachement à la communauté » (Ibid. p. xxvii). Les films choisis ici, connus ou pas, tirés du répertoire traditionnel de Nollywood comme du ‘nouveau’ Nollywood projeté presqu’exclusivement en salles, illustrent à la fois le côté générique de ce cinéma, son unité et sa diversité. Ils couvrent l’ensemble du registre de cette production, de son évocation du passé à la dénonciation des maux présents du pays et à son exploration de l’étranger ; ils témoignent de l’évolution rapide des sociétés nigérianes et de l’impact de la globalisation sur ces cultures. Ils seront ici répertoriés comme nigérians suivant la nationalité de leurs réalisateurs, selon la même logique que celle qui gouverne aussi bien le cinéma francophone que la littérature africaine, même si des raisons commerciales ont parfois amené à d’autres classifications (Emelonye, communication personnelle, 10 février 2022). Cet ouvrage, né de longues années de recherche sur ce cinéma atypique et enrichi de mon expérience de spectatrice de Nollywood depuis ses débuts, introduit le lecteur à une production protéiforme profondément enracinée dans les cultures du Nigeria. Avant tout destiné au public universitaire, et s’appuyant sur dix-sept documentaires produits hors du Nigeria, il souhaite mettre à sa disposition, en français, l’essentiel des informations sur le développement et les caractéristiques principales de Nollywood et en encourager l’étude. Il est aussi offert à tous ceux qui souhaitent mieux connaître et apprécier les cinémas du sud. Rédigé en réponse à l’attente de mes étudiants et des chercheurs rencontrés, il présente et analyse près de trois cents films produits en anglais, mais aussi en pidgin, igbo et yoruba entre 1991 et 2021, choisis comme représentatifs de la foisonnante production des films issus du sud de la fédération. Ce travail fait un bref état des lieux d’une recherche en expansion et brosse un panorama des principaux sujets traités, qui permettra de mieux pénétrer l’univers du cinéma nigérian. 10

1. Les films du Nigeria – vers un canon Au Nigeria, les années 1980 ont sonné le glas du boom pétrolier. En 1983, le régime civil laisse la place à une succession de dictatures ethno-militaires hypercentralisées qui vont se prolonger jusqu’en 1999. En 1986, l’adoption, par le président Ibrahim Babangida, sous la pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, du programme d’austérité connu sous le nom de programme d’ajustement structurel (SAP), amène la dévaluation de la monnaie, referme le pays et, venant s’ajouter à l’insécurité, plonge le Nigeria dans la pauvreté et dans une violence endémique née de la profonde misère qui en résulte (terrain et Haynes, 2016 : 13). Ce sombre paysage a vu la fermeture temporaire des salles de cinéma existantes et l’instauration d’un couvre-feu tacite peu propice aux loisirs de groupe en soirée. C’est dans ce climat que va naître et se développer au sud du pays, prenant le relais du cinéma de salles de Francis Oladele (Kongi’s Harvest, 1970), Sanya Dosunmu (Dinner with the Devil, 1976) et Ola Balogun, au carrefour des séries télévisées, du théâtre populaire yoruba et des innovations commerciales igbos, un nouveau cinéma, différent et hors normes, connu aujourd’hui sous le nom générique de ‘Nollywood’ dont Haynes (2016 : 6) a rappelé les débuts. L’avènement de Nollywood Nollywood, c’est la ‘nouvelle vague’ du film nigérian, l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie du pays (Robert Chastney, 2020), qui s’est hissé au rang de second employeur au Nigeria après l’agriculture. C’est une façon différente de produire, de tourner, de fabriquer des films, loin des traditions établies par la première génération de cinéastes du pays, bousculant les règles de l’art, en très peu de temps (entre quinze jours et trois mois de tournage maximum dans les premières années), avec peu de moyens techniques et des réalisateurs et des producteurs souvent sans formation particulière, du moins au début. Ces premiers films étaient « le plus souvent des productions à petits budgets sorties directement sur vidéo et disséminées par l’intermédiaire de réseaux transnationaux informels1 » (Alessandro Jedlowski, 2015 : 397). Ils étaient en grande partie filmés en extérieur, dans des cours, des rues ou des sentiers qui ne demandaient ni décor bâti ni arrangement préalable, ou bien dans des intérieurs prêtés par des membres du public, avec des costumes empruntés à la garde-robe des acteurs eux-mêmes. Ils n’étaient donc que très peu gênés par les maigres budgets disponibles. Au 1

Toutes les citations anglaises ou igbos de l’ouvrage ont été traduites par l’auteure.

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cours d’un entretien, le 8 août 2016, Okechukwu Ogunjiofor, réalisateur et producteur de films, qui « a inventé Nollywood » après des études de cinéma, rappelle comment le nouveau cinéma nigérian est né d’un besoin. À l’époque, diplômé mais sans emploi, il débordait d’histoires à raconter mais n’avait aucun moyen financier. Kenneth Nnebue, un commerçant qui vendait des vidéocassettes vides et distribuait des films yorubas au marché d’Idumota à Lagos lui a avancé les fonds nécessaires, qui ont permis la sortie de Living in Bondage en 1992 (Nnebue, 1997 ; Ezinne Ezepue, 2020). À l’époque, les producteurs confiaient généralement l’original de leurs films aux distributeurs, et au bout de quelques années, il était le plus souvent impossible de mettre la main sur ces films ou d’en commander de nouvelles copies. Okey Ogunjiofor décrit ce cinéma des années 1990 comme « un cinéma de guérilla : équipement léger, pas de pause, travail jour et nuit et cumul de plusieurs postes, en équipe restreinte » (Kamdem, 2018). En 2006, Nollywood a décollé : il produit plus de 2 000 longs-métrages par an, son chiffre d'affaires se monte à 100 millions d'euros et fait vivre 300 000 personnes (l’Expansion, 1er janvier 2006). Le premier multiplexe nigérian s’est ouvert en 2004 (Barrot, 2005 : 14) ; on en comptait douze en 2012 ; en 2019, ce nombre avait dépassé quarante-cinq salles, situées dans les mégapoles du pays (Añuri Agina, 2019) et en 2021, l’UNESCO recensait 237 salles2. Le ‘nouveau Nollywood’ projeté en salle est bien loin des petits budgets des débuts de l’industrie et bénéficie souvent aujourd’hui de fonds infiniment supérieurs : le film The Wedding Party 2 – Destination Dubaï (2017) a ainsi battu tous les records de ventes de billets au box-office au Nigeria comme à Londres en 2018 (Sabelo Mkhabela, 2018) avec des recettes de plus de 312 millions de naïras ($892 000) dans les premiers quinze jours3. On a toujours regardé en priorité les films dont la distribution donnait le nom d’acteurs ou d’actrices que l’on aimait et que l’on appréciait ‒ dans les premières années, Pete Edochie, Patience Ozokwor, Ini Edo, Zack Orji, Kanayo O. Kanayo, Desmond Elliot ou Nkem Owoh. Mais le cinéma nigérian doit aujourd’hui une grande partie de son succès à son habileté à transformer chaque nouvelle sortie de film en un événement, avec des tapis rouges remplis de célébrités et des codes vestimentaires thématiques. Pour l’actrice Adesuwa Etomi, les stars sont « de véritables leaders d’opinion » dont la présence incite les gens à aller voir les films et peut à long terme avoir un impact de 60 % sur la fidélisation du public (Kamdem, 2018). Les acteurs de ces films et « ses actrices aux millions d'abonnés Instagram [qui] font rêver à coups de paillettes et de talons hauts » (France 24, 2020) ont depuis toujours 2

https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000379154 https://www.vanguardngr.com/2018/01/wedding-party-2-destination-dubai-costs-n300mproducer/du 31 janvier 2018

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été le moteur des ventes. En dépit des règles issues de la charia, Kannywood, l’industrie cinématographique du nord du pays, a aussi ses actrices, dont l’une avoue avoir plus d’un million de fans sur Instagram (RFI, 2021). Ces gens ordinaires sont rapidement devenus vedettes, d’abord grâce à la circulation des films en VCD, puis, plus tard, en partie grâce à l’avènement du téléphone portable et à leur présence sur les réseaux sociaux, Instagram en particulier, mais aussi et de plus en plus, aujourd’hui, à l’occasion de la projection de leurs films en salles, souvent suivie de débats (France 24, 2020). Les acteurs et actrices de Nollywood incarnent des héros dont le quotidien colle à celui de leur public, et leur succès fait rêver une jeunesse en quête de modèles de réussite et d’influenceurs. Leur décès fait aujourd’hui l’objet de nécrologies sur YouTube (Favour Praiz, 2021), qui prolongent la tradition de celles, inspirées des Oriki yoruba et des chants de louange funéraires igbo, publiées autrefois dans la presse nigériane et à la télévision, rappelant les faits marquants de la vie de ces personnalités. Les enquêtes de terrain démontrent que le succès du cinéma nigérian ne s’est, depuis, jamais démenti, renforcé par son côté didactique et ses sujets touchant à la famille. Les films, inspirés par la vie quotidienne et les faits divers, et qui cherchent à montrer « la réalité telle qu’elle est dans toutes ses dimensions » (Chioma Onyenwe, France 24, 2016), sont perçus par le public populaire comme une image à peine retouchée de la réalité (enquêtes de terrain non publiées 1993-1995 et en diaspora 2009-2016). On a pu avancer que, « profondément enracinés dans les traditions nigérianes et les textes sociaux traitant de la vie communautaire » (Onuzulike, 2007 : 231) et produits comme une « expression collective » (Şaul & Austen, 2010 : 7), ces films sont d’abord et principalement destinés au marché nigérian qui, partageant les mêmes valeurs et la même culture, n’a pas besoin d’explications pour prendre plaisir au visionnement. Leur production a explosé depuis 1999, date du retour aux gouvernements civils au Nigeria, qui a en grande partie rendu sa liberté d’expression à la presse et aux médias. Bien qu’il n’existe pas de statistiques fiables, du fait du manque de moyens, Barrot (2005 : 5), estimait cette production à un minimum de 7 000 films en 2005 et elle s’exporte depuis dans toute l’Afrique, à commencer par les pays anglophones (Jendele Hungbo, 2014 : 174). Décrite comme ‘éduloisir’, elle étale régulièrement, au cours d’interminables scènes complaisamment filmées et énormément appréciées du public, féminin en particulier, les pratiques ostentatoires prisées des Nigérians : danses de groupe traditionnelles, célébrations des étapes de la vie, succès divers et inaugurations ‒ genre popularisé par les chaînes de télévision nationales et régionales. Ces scènes sont l’occasion de parader, comme dans The Peoples’ Club (2006), la panoplie du nouveau riche – banquets et alcools importés, arrosage du célébrant avec des dollars américains, épouses endimanchées, nouvelles voitures haut de gamme et foules enthousiastes et repues (JeanPascal Daloz, 2002 : 124-140). 13

La production nigériane reste cependant, et en même temps, porteuse d’un message éducatif adressé par les réalisateurs, non seulement aux individus mais aux groupes. Producteurs et réalisateurs s’appuient sur le formidable pouvoir de l’image pour faire passer leur message – réflexion sur les maux du pays, dénonciation de pratiques variées et offre de conseils par scénarios interposés. Comme le remarque Jean Jonassaint (2010 : 241), « la plupart des cinéastes africains abordent le cinéma en termes d’éducation et de formation. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire du cinéma comme en Occident. » Visionnés en famille à la maison, ou dans des lieux publics tels que cafés ou salles (Ugochukwu, 2013 : 181), ces films alimentent ensuite les conversations et sont même repris dans les enseignements des Églises (terrain). Plusieurs Églises se sont d’ailleurs lancées dans l’évangélisation par le film : c’est le cas de Mount Zion Faith Ministries, fondé par Mike Bamiloye à Ibadan en 1987, et de son Institute of Christian Drama fondé en 1991 ; c’est aussi le cas de Liberty Gospel Church, Église pentecôtiste basée à Calabar dans l’État de Cross River et dirigée par l’évangéliste Helen Ukpabio. Une production nigériane Le découpage artificiel des frontières du Nigeria a séparé les communautés linguistiques et on trouve aujourd’hui des Hausas de part et d’autre des frontières entre le Nigeria, le Niger et le Cameroun, des Yorubas au Nigeria et au Bénin. Les films nigérians se nourrissent dans le terreau des trois grands groupes linguistiques et culturels de la fédération : igbo, hausa et yoruba, tout en témoignant de la fusion progressive des identités linguistiques, ethniques et régionales dans un moule comportemental ‘nigérian’, différenciant cependant entre nord et sud. Les diasporas igbos et yorubas sont l’une et l’autre d’avides consommatrices de Nollywood. On distingue informellement, à l’intérieur même du cinéma nigérian, plusieurs domaines correspondant à la géolocalisation d’origine de ces films :

x Le label ‘Nollywood’ désigne plus spécifiquement les films du sud, généralement écrits en anglais ou en pidgin et de plus en plus influencés par la globalisation comme le révèlent leurs sujets et leur style. Ce sont eux qui seront étudiés en priorité ici ; x Les films yorubas, le plus souvent englobés sous le label de ‘Nollywood’ en dépit des réticences de certains, sont pour la plupart en yoruba et fortement marqués par la culture de cette ethnie – on les appelle parfois ‘Yoruwood’ (Anouk Batard, 2011) ; ils possèdent aussi leurs propres sites Internet de distribution comme Yorubamagic. Selon Jill Nelmes & Jule Selbo (2015 : 901), « la question de la langue de Nollywood est depuis longtemps le sujet de débats : faut-il accorder aux films yorubas, qui tendent à 14

maintenir des liens pratiques et symboliques avec la tradition yoruba, le label ‘Nollywood’, ou faut-il réserver ce label aux films en anglais ? » Tunde Kelani lui-même a dit un jour ne pas faire partie de Nollywood (Batard, 2011). Selon Haynes, « la relation de ce cinéma à Nollywood reste ambiguë. La branche cinématographique yoruba est reconnue comme différente, mais, par courtoisie et pour reconnaître sa priorité historique et sa continuelle vitalité, elle est souvent traitée comme faisant partie de Nollywood » (2016 : xxiii) ; x Le label ‘Kannywood’, créé par un journaliste de Kano en 1999, désigne les films produits à Kano et au nord du Nigeria depuis 1998 (RFI, 2021) ‒ « une industrie très différente, [que] peu de gens considèrent comme appartenant à Nollywood. La plupart des cinéastes hausas considèrent leurs films comme une expression d’une culture et de valeurs hausas et musulmanes spécifiques, et nous pouvons lire la culture des films hausas comme une réaction à et contre Nollywood » (Haynes, 2016 : xxiii-xxiv). Ces films, influencés par Bollywood, le cinéma indien, et formatés par l’islam, sont généralement en hausa, langue de l’ethnie dominante de la région, qui sert de lingua franca dans tout le nord du pays, dans la zone du Plateau et dans tout le Sahel qui compte plus de 80 millions de hausaphones (RFI, 2021). Selon un directeur de télévision, « il n’y a là aucun problème : nous partageons une même culture, une même religion et très souvent, les scénarios eux-mêmes sont tirés de notre propre répertoire » (Ibbo Abdoulaye, 2008 : 100). Il est vrai que, comme le signale le reportage de RFI, la production et la circulation de ces films ont enregistré un déclin relatif depuis quelques années, du fait de la mise en œuvre de la charia dans les États du nord du Nigeria. Kannywood s’est cependant beaucoup développé depuis ses débuts, de sept sociétés de production en 1998 à plus de 500 en 2021, et sa première plateforme de flux, basée à Abuja, a déjà plus de 40 000 abonnés ; x D’autres ethnies du pays – Edos, Ibibios, Efiks, Ijos, Itsekiris et Urhobos en particulier, se sont progressivement mises au cinéma (Emmanuel Adedun, 2010 : 120 ; Osakue Omoera, 2018 ; Ifeoluwa Akinsola, 2020) et produisent des films, encore peu nombreux, dans leurs langues respectives depuis les années 2 000. Mais ces derniers, nés au cœur d’une économie parallèle, mal répertoriés et peu diffusés hors de leur zone linguistique, sont mal connus hors de la fédération du fait de la barrière linguistique. ‘Efiwood’, l’industrie du film en edo, langue montante qui compte plusieurs millions de locuteurs et une importante diaspora en Europe, contribue au succès de Nollywood en développant ses propres films, mettant à l’écran sa propre culture, qui vient ainsi compléter et enrichir le répertoire ; x Il faut également mentionner la fructueuse collaboration, après des dizaines d’années de rivalité, entre Nigeria et Ghana, bien étudiée par Birgit Meyer et qui a abouti à ‘Nollywood Ghallywood’. Il existe en outre aujourd’hui une différence, au Ghana, entre les films nationaux, ‘Ghallywood’,

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et les films locaux connus sous le nom de ‘Kumawood’ de Kumasi (Françoise Ugochukwu & Marine Defosse, 2016). x Signalons, enfin, les débuts d’une collaboration au niveau international entre Nollywood, Hollywood et Bollywood, les artistes se déplaçant régulièrement d’un continent à l’autre pour participer aux productions des uns et des autres et s’influençant mutuellement. Nollywood In Hollywood4, par exemple, est une vitrine annuelle de partage des trois meilleurs films nigérians, destinée à l’industrie cinématographique hollywoodienne, aux Nigérians de la diaspora et au public du cinéma à Los Angeles, fondée en 2018 par le cinéaste américano-nigérian Ose Oyamendan. Sans doute la plus grande vitrine culturelle du Nigeria en dehors du Nigeria, elle est coprésentée par O2A Media aux côtés de deux des institutions les plus prestigieuses d’Hollywood, la School of Cinematic Arts de l’Université de Californie du Sud et l’American Cinematheque, inclut des séminaires, des programmes de formation et des événements de réseautage, et jouit du partenariat d’Air France. Tandis que les productions issues du nord hausaphone du Nigeria circulent dans tout le Sahel, l’industrie cinématographique du sud du pays s’est développée séparément et a rapidement essaimé dans toute l’Afrique. Il est extrêmement rare, au demeurant, que ces films soient le produit d’un seul groupe : on trouve, dans la distribution, des acteurs issus de différentes ethnies, voire même de différentes nationalités, et certains acteurs de Kannywood ont aussi des rôles à Nollywood. Au Nigeria, la géolocalisation des principaux centres de production de ces films, que rappelle une récente publication du Ministère fédéral de l’Information (Emmanuel Igah, 2014 : 153) – Lagos, Onitsha, Enugu, Asaba ou Abuja – confirme la mainmise historique des Igbos au sein de cette industrie « mariant commerce et préoccupations d’ordre éducatif » (Stefan Sereda 2010 : 194), dont le succès dépend en grande partie de leurs talents commerciaux et de leur engouement pour l’éducation (Ugochukwu, 2010). Enseignement, dénonciation, message – des films engagés Les différentes étapes du développement de Nollywood, l’industrie cinématographique du pays, dont les réalisateurs ont jusqu’ici puisé leur inspiration dans le quotidien, tendent à suivre des modes correspondant aux faits divers, des rituels sanglants des sociétés secrètes des années 1990 aux épopées héroïques du passé et aux récits de migrations contemporains. D’une époque à l’autre, les réalisateurs n’ont cependant jamais perdu de vue la triple mission de veille morale qu’ils s’étaient fixée : enseigner leur public, dénoncer les 4

http://www.nollywoodinhollywood.com/

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maux de la société nigériane et tenter d’y remédier à partir d’une mise à l’écran des conséquences et des solutions possibles. C’est sans doute ce qui explique que la majorité de ces films soient plutôt sombres, quoique, comme le remarque une jeune réalisatrice, « même dans ce contexte, il y a de la joie, des rires, de la musique et de l’amour » (Chioma Onyenwe, France 24, 2016). Comme le notait Barrot, « si le public adhère à des histoires aussi funestes, c’est qu’elles ont une fonction d’exorcisme, dans un pays en proie à de puissants démons » (2005 : 24). Alex Eyengho, président du conseil d’administration de l’Association des producteurs de Nollywood (ANCOP), s’est insurgé contre l’accusation qui leur était faite par le gouvernement, de promouvoir les meurtres rituels dans leurs films : pour lui, « les meurtres rituels ne sont pas la fabrication ou la création des cinéastes. Nous ne faisons que mettre ces tristes récits au premier plan pour dissuader ceux déterminés à se livrer à ces crimes odieux » (Benjamin Njoku, 2022). Cry of a Virgin (2006), un film traditionnel, propose ainsi une réflexion sur la façon dont la société considère le viol. Une collégienne, Nelvia, est violée par Ruke, un camarade de classe dont elle a refusé les avances. Un mois plus tard, se découvrant enceinte, elle va voir le garçon, qui tente de la pousser à l’avortement, mais elle finit par mener sa grossesse à terme. Dix ans après, elle réussit enfin à se marier, mais le violeur, devenu toxicomane, réussit à retrouver sa trace et se met à la faire chanter, menaçant de révéler à son mari qu’elle a eu un enfant hors mariage. Elle décide finalement de mettre un terme à cet enfer. Munie du vieux revolver de son mari, elle se rend à l’hôtel du drogué mais à son arrivée, trouve l’homme mort, assassiné par sa partenaire en manque. Arrêtée par la police et accusée du crime, Nelvia est condamnée à mort. Le mari réussit finalement à persuader la police de l’innocence de sa femme. Un second procès l’acquitte et la famille réunie quitte le palais de justice dans la joie. Ijé the Journey (2010), l’un des films du nouveau Nollywood, a obtenu deux prix prestigieux au festival du film noir de San Francisco, aux festivals du film international du Canada, d’Hawaï, de Las Vegas et de Mexico, et à la vitrine du film noir d’Arizona. Filmé à Jos, Abuja et Los Angeles, en 35mm, il fait partie des films sur l’émigration. Ignorant les supplications de sa sœur Chioma et les conseils de son père, Anyanwu décide de partir pour Los Angeles pour y poursuivre une carrière de chanteuse et épouse un riche Américain blanc, producteur de disques. Dix ans après, son mari et les deux inconnus qu’il avait introduits chez lui sont assassinés et elle est accusée du crime. C’est au cours du procès que sera enfin évoqué le passé traumatique des deux sœurs et de leur famille, qui explique qu’Anya ait refusé de parler jusque-là. Son témoignage devant la Cour – le récit de son mariage malheureux avec un toxicomane adonné aux jeux d’argent et de la soirée où il l’a violée en compagnie de ses deux acolytes ‒ aboutit à son acquittement. Le film se termine sur les projets d’avenir du trio.

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On retrouve dans tous les films nigérians et à des degrés divers la même volonté de mettre en scène les maux sociaux et d’en tirer les leçons, remplaçant, au Nigeria comme ailleurs, les carences de la presse. « Aujourd'hui, les journaux ont pratiquement cessé d'être des espaces de dénonciations. On demande aux journalistes de faire court, de raconter des histoires ‘positives’» (Pierre Cherruau, 2000). Desperate Heart (2007) attire ainsi l’attention sur un autre mal, nourri par l’émigration – celui du vol intra-familial. Comme des millions d’autres jeunes Nigérians, le personnage principal, Benedict est parti aux États-Unis. De là, il a régulièrement expédié de l’argent à son frère aîné pour se bâtir une maison sur la terre héritée de leur père. Revenu au bout de dix ans, il découvre que son frère a vendu sa terre et empoché l’argent. Sa réflexion désabusée est une dénonciation : « quiconque a dit que la famille est ce qu’il y a de plus précieux a dit un énorme mensonge. » De très nombreux films dénoncent la course à l’argent facile qui pourrit la société igbo, et la témérité née du proverbe, cité dans le documentaire Welcome to Nollywood (2007), que « la fin justifie les moyens », et n’hésitent pas à étaler complaisamment les conséquences désastreuses de cette obsession. Le problème du logement et les conflits opposant périodiquement les propriétaires à leurs locataires en milieu urbain sont eux aussi mis en scène, par des films comme Dead Zone – Greedy Landlord (2001). Le passé est revisité pour inviter le public à le dépasser : Adesuwa (2012), qui évoque le Royaume du Bénin (au sud du Nigeria actuel) en 1752, fait revivre les enlèvements de jeunes filles. Sitanda (2006), épopée cinématographique sur l’esclavage, s’attaque à la perpétuation de la caste des osu, descendants d’esclaves rituels autrefois dédiés à des divinités traditionnelles (Igwebuike Okeke, 1986 ; Oliver Onwubiko, 1993 ; Victor Uchendu, 1995 ; Victor Dike, 2002 & 2007), et cherche à persuader le public d’abandonner cette tradition discriminatrice dans l’intérêt des familles. Angel in Hell (2006) évoque l’ancienne pratique des sacrifices humains pour en souligner la barbarie et s’opposer à son retour. Les réalisateurs osent peu à peu évoquer la violence interethnique, traitée dans Love in Vendetta (1996) et Laraba (2000) par le biais du mariage entre Igbos et Hausas, déjà évoqué en littérature (Chukwuemeka Ike, 1965 & 1976) – des scénarios qui présentent l’agenda unitaire du gouvernement fédéral (Idigun Agbogun, 2019). Nombre de films comme Cry for Help (2002), tournés en milieu rural, dénoncent le fléau de la sorcellerie au travers des souffrances d’une orpheline aux mains de sa tante et mettent en valeur la supériorité du christianisme et de la délivrance qu’il incarne. Meet you in Hell (2005), qui s’inscrit dans le cadre de la campagne de prévention du SIDA, décourage la promiscuité et l’infidélité conjugale, un sujet déjà abordé par The Suitors (2000). Ce dernier film, qui traite le sujet toujours brûlant du mariage, oppose deux visions – celle des parents et celle de leur fille. Cette dernière est courtisée par deux jeunes gens, l’un pauvre mais venant d’une famille amie et connue, l’autre très riche, introduit par la direc18

trice de la compagnie où travaille la jeune fille mais inconnu des parents. Les parents eux-mêmes illustrent les stéréotypes de leur société – le père insiste sur l’importance de connaître la future belle-famille, mais la mère cherche avant tout à assurer le bien-être matériel à sa fille. Tandis que la jeune fille hésite à choisir, une crise d’appendicite la conduit à l’hôpital. Là, à la suite d’une méprise, elle est déclarée séropositive en dépit de sa virginité, et les deux prétendants l’abandonnent. C’est l’occasion pour le médecin-chef d’expliquer aux parents les multiples causes de la séropositivité. L’erreur sera finalement découverte et la jeune fille épousera le médecin-chef. Depuis le retour de la démocratie dans le pays, Nollywood s’essaie également à la satire politique, comme le démontre Who will tell the President (2006), l’aventure d’un homme ordinaire porté au pouvoir par des politiciens corrompus et qui se retourne contre eux. Ukwa (2001) et Osuofia in London (2003) illustrent, par le rire, les inconvénients liés à l’illettrisme, le besoin d’être en phase avec une société qui se modernise, et expriment le désir des ruraux de voir les leurs contribuer au progrès communautaire. Mama G Goes to School (2011), comédie inspirée par l’obsession des Igbos pour l’anglais, met en scène une commerçante illettrée d’une quarantaine d’années qui ne parle qu’igbo et pidgin et décide de retourner en classe pour y apprendre comment manipuler la grammaire anglaise pour épater son entourage. Ceci ne l’empêche pas d’encourager ses voisines à donner la préférence à l’igbo dans les conversations, insistant sur le fait que c’est leur langue après tout. Les plus petits détails du quotidien eux-mêmes n’échappent pas aux regards ironiques des cinéastes, comme le montre Peruvian Hair Wahala [ah ! les problèmes causés par les mèches péruviennes], 2013) qui ridiculise l’obsession féminine de styler sa coiffure en y attachant des mèches de cheveux lisses provenant d’Inde ou, ici, du Pérou. Dans le but d’attirer de nouveaux publics à l’international, les réalisateurs nigérians abordent peu à peu des sujets nouveaux comme l’inégalité entre hommes et femmes (Lionheart, 2018) ou la dépression postnatale (For Maria Ebun Pataki, 2020) ‒ ce dernier film a obtenu le prix 2020 de l’audience pour le meilleur scénario. Dans le droit fil de l’oralité traditionnelle Ces productions ont, en l’espace de quelque trente ans, contribué au développement d’un canon en continuelle évolution et qui a créé une attente au sein de son public (Ugochukwu, 2013, et observations de terrain non publiées). Ces films sont reconnaissables à certaines caractéristiques :

x Créés à l’origine et en priorité par des Nigérians pour des Nigérians, ils empruntent leurs sujets à la vie quotidienne, aux faits divers ou à l’histoire du pays ;

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x Ils racontent des histoires individuelles mais insérées dans un réseau social à l’image de celui du pays. Ils suivent également la trajectoire des Nigérians dans l’espace et le temps ; x Ils reflètent le tempo du quotidien au Nigeria – un temps qui semble s’éterniser, des réunions qui durent des heures : comme le reconnaissait il y a quelques années un cinéaste, « la durée des films est chez nous absurde : on part d’un minimum de quatre heures, avec 70% de dialogues » (Vincent Andrew in Marcella Rodino, 2008) ; x La religion (traditionnelle ou/et chrétienne) y joue un rôle important (Obododimma Oha, 2000, 2002 ; Dominica Dipio, 2007), comme le montrent non seulement les scénarios mais l’engagement des réalisateurs et acteurs ‒ le réalisateur Zack Orji a été ordonné pasteur en 2012. Parmi les acteurs, Pat Attah et Eucharia Anunobi sont devenues évangélistes (Anunobi depuis 2012), Kanayo O. Kanayo et Patience Ozokwor prédicateurs (Ozokwor depuis 2016), Charles Okafor, Helen Ukpabio et Elizabeth Benson pasteurs. x Ils combinent deux buts distincts : divertissement et enseignement, d’où le nom créé pour résumer leur vision : l’‘éduloisir’. Le Ministère fédéral de l’information leur reconnaît un rôle de mobilisation sociale et d’information, de conscientisation, d’éducation morale et même, à l’occasion, de propagande (Igah, 2014 : 154) ; x Ils poussent peu à peu les limites du genre, toujours dans le même but de veille citoyenne, pour explorer des sujets nouveaux et parfois controversés touchant à la politique, aux relations inter-ethniques, à la santé, à la sexualité et à la migration ; x À l’intérieur du Nigeria, ces films sont encore disponibles sur VCD, support peu coûteux, et DVD, et circulent sur les marchés, mais sont aussi diffusés en flux en ligne et sur les chaînes de télévision, et visionnés sur portable. Ils sont en outre, maintenant et de plus en plus, projetés en salles dans les mégapoles du pays. Les traditions orales ont profondément marqué le cinéma africain et influencé ses choix esthétiques (Tcheuyap, 2011 : 16 ; Akintunde Akinyemi, 2007). Issus de la tradition orale, les films de Nollywood en gardent les caractéristiques :

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Une place importante donnée au discours (monologue ou voix off), avatar du récit du conteur ‒ caractéristique qui a parfois, aujourd’hui, du mal à accrocher une jeunesse habituée aux films d’action américains ; x Une chanson-thème spécialement créée pour le film et reprise régulièrement, qui permet une pause et une réflexion sur le sujet traité par le scénario. Cette chanson peut être en anglais, mais elle est souvent en igbo, et parfois en yoruba, même dans des films en anglais, témoignant de l’attachement 20

musical à la langue première, même quand on préfère parler anglais par ailleurs ; x Une structure binaire accordant une grande place au dialogue et alternant/combinant discours et musique ou récit et flashbacks ; x Une alternance des décors intérieurs et extérieurs, avec une préférence pour les espaces publics (reflet d’une vie passée en majorité hors de la maison) favorisant le dialogue et l’échange ; x Une stylisation des lieux, bâtissant sur des stéréotypes et des objets symboliques facilitant l’appropriation de ces lieux par tout un chacun – sentiers herbus ou boueux, huttes et champs pour le village, opulentes demeures, larges avenues encombrées de voitures et grands commerces pour la ville ; x La présence de personnages-clefs : l’Igwe (chef ; cf. Michael Onwuejeogwu, 1981 : 85), et le dibia (igbo) ou babalawo (yoruba), tradipraticiens ‒ l’équivalent d’un pasteur doublé d’un herboriste, qui s’appuie sur la religion traditionnelle, pratique la divination et parfois la sorcellerie ; x Un but didactique : celui d’enseigner la bonne conduite aux jeunes en mettant à profit le langage cinématographique (audiovisuel), mis en évidence par l’épilogue traditionnel, semblable à la leçon finale des contes et qui met en scène la destruction des mauvais ou leur délivrance et/ou la récompense des bons, avec, dans les films plus anciens, l’expression de remerciement « Gloire à Dieu ! » De l’oralité au scénario écrit La prédominance des scènes de discours et des dialogues dans la majorité de ces films s’explique par la valeur traditionnellement accordée à la parole, essentielle au bon fonctionnement de la démocratie locale. Dans la culture igbo, on s’initie à la parole dès l’enfance, à l’écoute des contes, puis à l’âge adulte, par l’apprentissage des proverbes et la participation aux innombrables réunions familiales et locales, dont l’issue « dépend principalement de la force émotionnelle et morale du langage utilisé et en partie de l’intelligence du raisonnement et de son soutien empirique » (Uzodimma Nwala, 1985 : 154). Le plus bel exemple de cette centralité de la parole à l’écran est donné dans la scène d’ouverture de Who will tell the President (2006), qui diffuse, en voix off, le long discours inaugural du nouveau chef d’État, typique de toutes les réunions et évènements importants, et dont nous ne citerons ici que le début : Chers compatriotes, j’accepte le défi que vous me lancez au travers de ce processus électoral légitime et démocratique. Je promets de rebâtir la nation pillée sans vergogne par les administrations précédentes. Depuis l’indépendance, nous sommes confrontés à d’horribles vices, comme la corruption, le népotisme, le tribalisme et l’ambition démesurée de nos politiciens. Il nous faut changer ce qui 21

empêche le développement de notre pays. Il nous faut changer notre façon de penser. Le moment est venu pour notre nation de rassembler ses efforts. […]

Le film Ijé the Journey offre quant à lui une succession de dialogues filmés en gros plan, mettant en valeur la profondeur de l’échange entre personnes ; les sentiments et émotions retenus y ajoutent au poids des mots et prolongent le discours (technique du nouveau Nollywood). Mais c’est surtout l’usage constant de la voix off qui caractérise ce film : elle n’est pas seulement une autoréflexion sur un évènement mais un monologue que nous découvrons être la lecture à haute voix que fait Anya de la lettre écrite à sa sœur depuis sa cellule. Elle peut aussi être reçue comme un message parallèle, une histoire alternative qui appréhende la réalité derrière l’événement. Les films d’action eux-mêmes, comme The Street Bandits (2020) qui met en scène un village mis à mal par les luttes d’influence mortelles entre deux gangs rivaux, n’échappent pas à ces scènes de discours – ici celui des anciens en conseil qui ont convoqué les gangs et leur font longuement la leçon pour tenter de ramener la paix et la réconciliation. Pour Afolabi Adesanya (2014 : 17), des formes d’art urbain moderne comme le roman et le film, héritiers de la riche tradition orale du pays, tendent à regarder vers ce passé oral pour mieux progresser. La parole prend d’autant plus de place dans ces films que nombre de ceux-ci, héritiers du conte populaire igbo comme du théâtre traditionnel yoruba dans lequel « les artistes travaillent sur la base d’un scénario minimal plutôt que d’un script entièrement écrit » (Haynes & Okome, 2000 : 57), ont été, au début, construits sur un canevas flexible laissant le champ libre à la créativité et à l’improvisation. Gabriel Oyewo rappelle les débuts de cet art populaire : La plupart de ces films n’avaient pas de script. Dès qu’un individu a une idée, il convoque ses collègues et un scénario naît de leur discussion. Si l’auteur de l’idée est assez éduqué, il prend des notes à propos de ce qui ressort de la discussion sur des feuilles de papier. Sinon, il demande à quelqu’un de le faire pour lui. […] À la fin, s’il y a assez de matière, ils tapent leurs notes. […] C’est ce qu’ils appellent le ‘scénario du film’, qui est ensuite de la responsabilité du […] réalisateur. Il n’y a pas de dialogue ; c’est l’acteur qui le fournit, sous la conduite du réalisateur (2003 : 146).

Oyewo ajoute que l’idée de rédiger le scénario des films, avec des dialogues et une description détaillée des situations, des scènes et des séquences, est longtemps restée étrangère aux producteurs yorubas. Cet état de fait a ensuite rapidement changé, sous la pression des intellectuels nigérians et d’un public lassé de l’impression de flou et de la lenteur générées par l’absence de script détaillé. Le réalisateur yoruba Tunde Kelani en particulier, PDG de la société Mainframe, attache la plus haute importance à la qualité de ses scripts, dont il charge de talentueux auteurs dramatiques (Haynes & Okome, 2000 : 58 ; Oyewo, 2003). 22

On a parfois accusé les producteurs nigérians d’être « trop paresseux pour investir dans un équipement de pointe, et de profiter de l’illettrisme ou du manque de goût de la population pour les inonder d’anglais de mauvaise qualité » (Lawrence Wakdett, 2007 : 13). Les critiques des années 1990 reprochaient en outre à ces premiers films une qualité « suspecte – des décors branlants, des scénarios qui s’éternisaient, des scènes ‘en temps réel’ incroyablement longues, une mauvaise qualité de son » (Nana Ocran, 2014). Il aurait été plus juste de souligner le manque de fonds des équipes de production nigérianes. C’est Tunde Kelani qui a introduit la mise par écrit des scénarios lors de la production de Koseegbe en 1995, changement facilité par le fait qu’il utilisait des acteurs venus pour la plupart du département de théâtre de l’université Obafemi Awolowo (Ile-Ife, Nigeria) et déjà habitués à rédiger des scripts et à s’en servir. Aujourd’hui, bon nombre de réalisateurs de films igbos en langue anglaise sont des diplômés et leur œuvre s’en ressent (Oyewo, 2003 : 156). Stan Nze, par exemple, de son vrai nom Stanley Ebuka Nzediegwu, né en 1989 à Lagos, a fait des études d’informatique. Les professions du cinéma sont en outre règlementées par les guildes : Si la Guilde des créateurs du Nigeria n’a joué qu’un rôle de second plan dans la plupart des villes, à Enugu, elle est devenue très puissante, et quiconque appartenait à l’une des professions de sa liste devait obligatoirement être membre inscrit. Cette participation était soigneusement régulée, et les productions illégales étaient arrêtées si on les découvrait. La guilde était en fait l’une des sept représentant les travailleurs, les autres étant la Guilde des réalisateurs (DGN), la Société nigériane des cinéastes (NSC), l’Association des producteurs de cinéma (AMP), la Guilde des acteurs du Nigeria (AGN), la Guilde des scénaristes du Nigeria (SWGN) et la Société des éditeurs du Nigeria (NSE) (Alexander Bud, 2019 : 45).

Victor Eze-Okwuchukwu, secrétaire national de la guilde nigériane des scénaristes, affirme par ailleurs que sa guilde organise des séminaires, des colloques et des ateliers pour ses membres (Ikechukwu Obiaya, 2012 : 118, communication personnelle, décembre 2009). Et le Guide international des scénaristes féminines (Nelmes et Selbo, 2015 : 901) cite neuf Nigérianes, toutes du sud. Les langues de Nollywood Comme le rappelle Adedun (2010 : 118-119), la langue officielle du Nigeria est l’anglais, les langues nationales étant par ailleurs classées en trois groupes. Le premier regroupe les trois langues comptant le plus grand nombre de locuteurs : hausa, igbo et yoruba. Le second groupe compte neuf langues recouvrant des États ou des régions : l’edo, l’efik, l’ibibio, le peul, le fulfulde, l’ijo, le kanuri, le nupe, le tiv et l’urhobo, également connues sous le nom de ‘langues de communication’ parce qu’elles ont été adoptées pour 23

les informations nationales et régionales autrefois uniquement diffusées en anglais. Le troisième et dernier groupe est celui des langues locales parlées sur un territoire limité à un district ou à une circonscription. Les films du cinéaste pionnier Ola Balogun ont très tôt mis en avant l’aise avec laquelle le Nigérian manie les langues : en 1975, Amadi, le second film de Balogun, est tourné en igbo – c’est l'histoire du retour d'un homme dans son village, qui mobilise sa communauté pour développer la vie rurale. Dans son troisième film, en 1976, Balogun s'inspirera du théâtre yoruba. Le choix de la langue est aujourd’hui et plus que jamais au cœur de Nollywood, qui rassemble des acteurs et un public multilingue et multiculturel. Les années qui passent ne font que confirmer qu’en dépit du grand nombre de langues parlées dans le pays, l’anglais nigérian (Herbert Igboanusi, 2002) – une variété d’anglais dont le vocabulaire, les tournures et la prononciation identifient ses locuteurs comme nigérians – reste, avec le yoruba, la langue de la grande majorité des films produits dans le pays (Adedun, 2010 : 113114). Le film qui a lancé Nollywood, Living in Bondage (1992), était en igbo, le succès suivant, Glamour Girls (1994), en anglais. Cette tendance s’explique facilement du fait que les distributeurs igbos « préfèrent produire des films en anglais, peut-être parce qu’ils contrôlent désormais un marché d’ampleur nationale » (Barrot, 2005 : 40). Les réalisateurs et producteurs igbos ont ensuite connu un immense succès avec le choix de l’‘engligbo’ – un anglais décrit au début des années 1970 comme un nouveau moyen de communication, un croisement entre anglais et igbo. Quant au pidgin ou naïja, longtemps considéré comme la langue du petit peuple et celle de l’échange inter-ethnique, des marchés et des zones de brassage ethnique (Plateau, Delta et mégapoles comme Lagos), il fait depuis un certain temps son apparition dans un certain nombre de films, les comédies surtout, mais aussi les discours sur la santé. Son usage se démocratise et se développe sur le terrain de la communication de masse en zone multilingue ‒ la réalisatrice Tope Oshin le considère même comme la langue du Nigeria de demain. Les paroles du chant accompagnant un film igbo sur le thème de la séropositivité et du SIDA, Meet you in Hell (2005), illustrent bien ce double but éducatif et commercial : Whether you believe or you no believe: use condom Whether you like or you no like, find a way: use condom If you use condom, you go get confidence soon If you no use condom, you go get condolence soon (Sereda, 2010 : 202).

Jusqu’en 2008, les films examinés par le Bureau national de la censure cinématographique [NFVCB, Nigerian Film and Video Censorship Board] ne représentaient que six des langues de la fédération – anglais nigérian, yoruba, hausa, edo (bini), ibibio et efik (Adedun, 2010 : 120). De nombreux films 24

ont, depuis, été produits dans d’autres langues du sud, dont l’ijo, l’itsekiri et l’urhobo, et circulent au sein d’un marché restreint, mais un certain nombre ont trouvé un nouveau public en ligne. Oma Tsen Tsen (2011), l’un de ces films en itsekiri, a été très bien reçu par le gouvernement et le public du Delta5. Il faut ajouter à ces langues celle de la rue, celle des gangs, inspirée par l’argot des gangs afro-américains visionnés dans les séries télévisées et illustrée par le film The Street Bandits (2020). Le langage des films ne se limite pas à la parole. Le réalisateur Tunde Kelani, dans le but de rendre son film Abeni (2006) accessible au plus grand nombre, en Afrique et ailleurs, a été l’un des premiers à adopter des formes artistiques additionnelles, y compris la musique qui abolit les barrières traditionnelles entre francophones et anglophones. Outre le déploiement d’au moins quatre langues (yoruba, egun, anglais et français), servant à illustrer les difficultés de communication de part et d’autre de la frontière entre Nigeria et Bénin (Hungbo, 2014 : 175-176), l’introduction de la musique populaire dans le scénario d’Abeni cherche à faciliter la transmission de la culture au-delà des frontières (Ibid. 179). La structure des films fait partie intégrante du langage cinématographique : elle éclaire le récit, en soutient la progression et le resitue dans son environnement. Love in vendetta (1996), par exemple, dont Zack Orji est à la fois le producteur et l’acteur principal, est l’un des rares films à s’être, quatre ans seulement après la naissance de Nollywood, directement et ouvertement inspiré des violences endémiques au nord du pays, prenant comme point de départ les émeutes qui ont ravagé Kano, capitale régionale, en 1987, faisant de nombreux blessés, des centaines de sans-abri et plusieurs milliers de morts (Cf. Albert, 1993). Aussitôt après l’annonce du titre, et avant même la présentation des acteurs, l’Histoire crève l’écran avec un court film d’archive dû à un amateur anonyme, très probablement l’un des civils pris dans la mêlée, et intitulé : « Kano, Nigeria émeutes religieuses, 1987 » – des images muettes de ruines fumantes, d’églises détruites, de rues jonchées de corps mutilés, défigurés, de restes carbonisés. Ijé the Journey s’articule, lui, autour d’une alternance rapide entre nuit et jour, dialogue et gros plan muets, entre Nigeria et États-Unis, entre passé et présent, et ce scénario constamment entrecoupé de flashbacks est un outil qui parle autant que le langage, disant l’enracinement ces personnages dans leur culture, la difficulté de l’intégration et le poids du passé dans les trajectoires individuelles.

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http://bosinteractive.com/nolly/filmaker-forum/84-indigenous-language-films-the-itsekiriexperience.

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Alternance et mélange codiques L’alternance et le mélange codiques, courants dans la conversation et communs à la grande majorité des films nigérians, sont de plus en plus étudiés (Ukot, 2010 ; Chamo, 2012 ; Obiamalu, 2014 ; Iyabode, 2016 ; Adenugba 2016 ; Adetuyi, 2017 ; Yoosuf, 2020 ; Nwokwu, 2021), témoignant d’une prise de conscience de l’impact grandissant de cette pratique. L’adoption généralisée de l’anglais nigérian est une puissante affirmation identitaire, le marquage de l’espace comme nigérian, soutenu par l’alternance et le mélange codique mêlant igbo/yoruba et anglais, et accompagné par une gestuelle typiquement nigériane. Cry of a Virgin (2006) illustre l’attitude qui a été celle de la masse des Nigérians depuis des dizaines d’années vis-à-vis des langues, et qui reste très populaire. Tous les personnages du film, sauf Ruke, ses parents et ceux de Nelvia, portent des prénoms anglais ou américains. Si les prénoms igbos des parents peuvent se comprendre, le fait que Ruke ait un prénom nigérian le marque, dans le film, comme rural, illettré et inapte à la vie moderne. Les parents de Denzel et ceux de Tessy, établis à Lagos, parlent, eux, constamment anglais à leur fille, signalant une volonté de ‘modernisme’ et un mépris pour la langue maternelle considérée comme empêchant le progrès des enfants – cette adoption de l’anglais dans les conversations est d’ailleurs généralisée dans le film. Les parents âgés du docteur parlent eux-mêmes anglais entre eux, signe qu’ils ont reçu une bonne éducation. Dans le film Ijé the Journey, en revanche, les deux sœurs portent des prénoms igbos : Chioma et Anyanwu, et l’évocation de leur enfance au nord du Nigeria se fait entièrement au travers de jeux enfantins traditionnels comme l’oga et de conversations en igbo, marquant d’autant plus leur identité qu’elles ont grandi hors de leur zone linguistique. Même si leurs conversations sont souvent caractérisées par l’alternance codique, c’est l’igbo qu’elles parlent fréquemment lorsqu'elles se rencontrent, et cette langue est clairement présentée comme la langue de l’intimité, celle du bonheur et de l’harmonie. Plusieurs scènes – à l’hôtel, à la douane, en prison – soulignent les difficultés liées à l’annonce du nom (Anyanwu Okpara) et la défiance qu’il génère d’emblée, même si Anyanwu offre un diminutif facilitant sa prononciation ‒ Anya est pourtant fière de son nom. La langue des échanges et la prononciation même de l’anglais par les différents personnages d’Ijé the Journey balisent la compréhension et mettent en avant le lien entre langue, identité et projection de soi dans un espace étranger, comme en témoigne le dialogue entre Anya et la policière qui note ses coordonnées : - Votre nom, c’est Anyanwu Okpara (avec un fort accent américain qui malmène la prononciation de l’igbo). - Anya… c’est nigérian.

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Les deux langues, anglais et igbo, employées par les personnages disent leur identité en même temps qu’elles les placent géographiquement et culturellement. Les scènes du passé présentent le père aux champs avec ses filles et l’igbo y est naturellement le seul moyen de communication. Plus tard, les deux sœurs vont vivre hors de leur zone linguistique – Chioma à Lagos, mégapole où l’anglais domine la vie quotidienne et son milieu professionnel, et Anya aux États-Unis. Si la première rencontre des deux sœurs après dix ans d’absence se fait en anglais standard, langue qui symbolise ici une relation distendue, elles reviendront rapidement à l’igbo, langue clairement présentée tout au long de leur interaction comme la langue de l’intimité, même si leurs conversations restent souvent caractérisées par l’alternance codique. Tout au long du film, la langue des échanges et la prononciation même de l’anglais par les différents personnages balisent la compréhension et mettent en avant le lien entre langue, identité et projection de soi dans un espace étranger. Luttant contre les réticences de sa sœur lors d’une séance de parloir, Chioma abandonne l’anglais pour l’igbo et insiste : « Do you believe me? I kwelu ife m na-ekwu? ». L’alternance codique révèle ici son origine ethnique et sa zone dialectale (Anambra igbo) en même temps que l’effort de Chioma pour rétablir la confiance entre elle et la sœur qu’elle n’a pas vue depuis des années et qu’elle cherche à aider. Vêtements, décor et gestuelle Le support audiovisuel ajoute au contenu proprement linguistique des éléments visuels ‘parlants’ empruntés à la culture dominante du film : coupe, couleurs et texture des vêtements, gestuelle, regards et mimiques (amplifiés dans les films plus récents par l’usage du gros plan), occupation de l’espace et instruments de musique traditionnels (flûtes, tambours) sont mis à contribution pour enrichir le discours. Cry of a Virgin est ainsi tout entier bâti sur les stéréotypes qui sont le langage de Nollywood et facilitent sa lecture par son public. En pays igbo (Ugochukwu, 2010), l’extérieur ‘dit’ la personne ‒ autrefois le grenier à ignames et les épouses richement vêtues, aujourd’hui la maison à étage et les voitures (Daloz, 2002). Bud (2019 : 96) confirme l’utilisation de demeures de particuliers aisés pour les décors de Nollywood : « Au début des années 1990s, les propriétaires vivant à Enugu et dans ses environs ont commencé à accueillir des équipes de cinéastes chez eux pour y tourner leurs films. C’était là un important développement sur le plan de l’immobilier, qui a ensuite évolué pour devenir ‘le décor intérieur nollywoodien’. » Dès le début du film, le mobilier des demeures ‘parle’, disant l’aisance et le désir de copier le modèle occidental – mais l’opposition criante entre le salon, richement meublé et bien rangé, et la chambre des parents, au mobilier sommaire, révèle le mode de vie nigérian (derrière la façade, ces parents restent traditionnels). Les vêtements des deux jeunes femmes présentées 27

parlent eux aussi : la première, Nelvia, porte une robe longue et un foulard de tête, disant la femme mariée, vertueuse et respectueuse des valeurs traditionnelles. L’autre, Tessy, en jeans collants et corsages largement échancrés, dit la citadine émancipée ayant adopté un mode de vie supposé occidental. La musique que cette dernière écoute, le verre de Brandy et les mouvements lascifs qu’elle esquisse sont eux-mêmes un langage qui accentue encore le message des vêtements – on ne sera donc pas étonné de la voir ensuite consommer de la cocaïne et s’injecter. Les parents sont, eux, en vêtements traditionnels et leur comportement est lui aussi profondément traditionnel. Le père de Tessy passe son temps à voyager pour affaires et blâme sa femme, restée au foyer, pour le comportement de leur fille dont elle est traditionnellement chargée (il est vrai que la mère soutient indirectement ce comportement en défendant constamment sa fille). Il refuse de prendre ses responsabilités vis-à-vis de leur fille, laissant son éducation entièrement à sa femme. De même, plus tard, la mère de Denzel blâme son mari pour le désir de leur fils de divorcer (désir contraire à la tradition). Les rôles joués par les acteurs participent du langage du film, du fait que les meilleurs acteurs tendent à se spécialiser dans certains rôles. Zack Orji (le docteur) par exemple ne joue habituellement que des rôles d’homme marié, honnête et bon, ayant en outre fait de bonnes études – on peut donc prévoir son comportement cette fois encore. Ijé the Journey aligne les scènes silencieuses qui se succèdent rapidement comme un menu déroulant, présentant une vérification d’identité, une fouille au corps, une photo de police, et établissent peu à peu un parallèle entre les deux sœurs, qui font l’expérience de la même froideur hostile de la part de la police, l’une à son arrivée aux États-Unis, l’autre à son entrée au centre de détention. La réflexion sur le thème brûlant de l’émigration, illustrée par l’arrivée aux États-Unis, première destination des Nigérians, met en avant le caractère composite du pays d'accueil et une ségrégation faite d’ignorance et de préjugés. Elle souligne la difficulté de se faire comprendre et la violence des relations qui en découle. La musique, le chant et leur message Les films nigérians ont, de plus et quel que soit leur sujet, adopté l’alternance parole-chant. Genre hérité de l’oralité, le chant s’y trouve renouvelé, désormais œuvre d’auteur créée spécialement pour chaque film. Partie intégrante de la production, il ne remplit pas seulement une fonction artistique, ajoutant à la beauté du film et le replaçant dans une culture particulière. Il accompagne et commente l’action, marque le progrès de l’intrigue en en soulignant les mots-clefs, brode sur le thème principal et prolonge le script, décode le non-dit et/ou offre un moment de réflexion entre deux moments d’action, réflexion facilitée par ce ralentissement du déroulement du film. Il a également un rôle de remueur d’émotions auprès du public. Tout au 28

long d’Ijé the Journey par exemple, la mélopée dans une langue nigériane qui accompagne la voix off en arrière-plan traduit la double identité d’Anya ; elle dit le mal du pays d’une exilée qui se raccroche au passé et à sa culture comme à une bouée. Ces caractéristiques, et le fait que les films nigérians sont dans leur immense majorité marqués par leur provenance ethnique, expliquent et justifient la langue traditionnelle du chant – les langues nigérianes. Dans les films en anglais, majoritairement dus à des réalisateurs igbo, ces chants ont longtemps été surtout en igbo, comme l’illustre la première scène du film Cry for help (2001) où une jeune fille en vêtements de deuil, accroupie près de la tombe de ses parents, chante en pleurant : O masiri m o Ebe o masiri gi Na o gaadiri m otu a Ebe o masiri gi na o masiri m o!

[C’est bon pour moi] [Puisque c’est bon pour toi] [qu’il en soit ainsi pour moi] [Puisque c’est bon pour toi, c’est bon pour moi] (Ugochukwu, 2010 : 124).

Mais depuis une dizaine d’années, la tendance est à l’anglais, dans le but de toucher un public diasporique (Ugochukwu, 2013). Dans la dernière partie de Sitanda (2006), une épopée cinématographique sur l’esclavage, la caste des osu et le poids des traditions, les chants à l’arrière-plan, accompagnant les activités journalières des esclaves, avaient jusque-là été dans une langue nigériane, sans doute le birom, langue majoritaire de l’État du Plateau, où est tourné le film. Mais c’est en anglais qu’un second refrain accompagne le départ du héros pour sa nouvelle vie, rappelant inlassablement que No matter how long your night [quelle que soit la longueur de ta nuit] The sun will rise [Le soleil finira par se lever].

Comme le passage à l’anglais se justifie ici par la séparation du héros d’avec le groupe multi-ethnique des esclaves, l’anglais de Laraba (2000) ou de The Battle of Love (2001) s’explique par le thème même de ces films, celui du mariage inter-ethnique, et par d’autres films comme Thunderbolt (2001) : Though tribe and tongue may differ [Nos ethnies et nos langues peuvent être différentes] In brotherhood we stand [mais nous sommes frères].[…] Love has no language [l’amour n’est pas limité à une langue] Love has no tribe [l’amour n’est pas limité à une ethnie] Love has no colour [l’amour n’a pas de couleur] […] Love is for ever [l’amour est éternel] It’s a thing of the heart. [Il vient du cœur].

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En conclusion La vaste production cinématographique nigériane a peu à peu créé son canon. Généralement en anglais et de plus en plus influencée par la globalisation, elle a certes beaucoup évolué depuis ses débuts et offre aujourd’hui une vue kaléidoscopique de la vie quotidienne au Nigeria, de l’histoire du pays, de sa diversité et de ses liens multiples avec l’étranger. Elle reflète et enregistre le glissement progressif d’une partie de la jeunesse nigériane dans le moule d’une globalité qui tend à désintégrer les cultures de l’intérieur en même temps que cette frange de la population s’éloigne de sa langue et de ses traditions. Elle confirme cependant la volonté d’enracinement de la production nigériane dans son terreau linguistique et culturel, et sa mission de veille morale et d’enseignement. Ces films engagés, porteurs d’un message, restent marqués par l’oralité traditionnelle. Le langage cinématographique y est mis au service de la passion du dialogue et de l’échange avec une diaspora à la recherche de ses racines et un public toujours plus vaste.

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2. Nollywood, l’Afrique à l’écran La deuxième génération de films nigérians, celle du Nollywood traditionnel, était initialement diffusée sur cassettes VHS vendues sur les marchés, dans les kiosques et les échoppes jusqu’au tournant du siècle, et destinée d’abord à un public intérieur. Cette production « décomplexée » a conquis les salles disponibles dans le pays, essaimé en Afrique de l’Ouest puis sur tout le continent, et inspiré de nombreuses productions similaires, notamment au Ghana et en Afrique australe (Noukoué, 2021). L’enquête de Bud (2019 : 50) auprès des tailleurs, couturières et marchands de tissus des marchés ghanéens a confirmé l’influence des films nigérians jusque sur les choix de tenues des Ghanéennes ‒ la même tendance avait déjà été rapportée auprès de la diaspora au Royaume-Uni. Nollywood est aujourd’hui à l’affiche des salles de cinéma d’autres continents, à commencer par celles de l’Odéon de Londres, de plus en plus utilisées6. Elle est aussi au programme de multiples chaînes de télévision, et fait le bonheur des passagers des vols long courrier entre le Nigeria et l’Occident – Virgin Atlantic et Virgin Nigeria en particulier. Ces films doivent leur succès au fait qu’ils apportent une réponse originale et sans concessions aux images déformées de l’Afrique imposées par les médias occidentaux (Daniel Olufemi, 2014) et au dénigrement systématique des cultures du continent, en étalant sur les petits et grands écrans une vue d’ensemble de la grande diversité du pays, de sa richesse humaine et matérielle. Une réponse à l’image coloniale L’un des premiers films coloniaux tournés au sud-est du Nigeria, Sanders of the River (1935), avait provoqué l’ire de son acteur principal, l’AfroAméricain Paul Robeson, après le changement apporté au scénario dans les derniers jours du tournage. Pour lui, c’était le seul de ses films qui pouvait à l’époque « être projeté en Italie ou en Allemagne, parce qu’il présente le nègre comme le souhaitent les États fascistes – sauvage et enfantin » (Duberman, 1989 : 180). Ce film fut suivi d’un autre, Daybreak in Udi (1949), œuvre du service cinématographique colonial britannique [British Government's Crown Film Unit]. Tourné autour du développement communautaire à Udi, dans ce qui était alors la province orientale du Nigeria, il fut ensuite projeté à Umuahia la même année. Ce film de 47mn, présenté comme un documentaire concernant le village et sa maternité, et raillé par un Igbo en 6

Cf. https://nollywoodobserver.wordpress.com/2018/03/28/new-nollywood-movie-premieres -in-london-this-may/ du 28 fév. 2018.

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novembre 2014 comme « une propagande britannique peignant les Igbos comme des sauvages barbares7», était en fait un collage reconstituant les expériences de l’officier colonial Edward Rowland Chadwick, qui valut un oscar à celui qui l’avait inspiré (Ben Page, 2014 : 854). Des films similaires, destinés à encourager l’éducation et le développement, furent tournés à la même époque dans les départements d’Okigwi, d’Awka et d’Ahoada. Selon Page (2014 : 842), tout avait commencé avec la visite faite au Commandant de Cercle (DC) Chadwick, en 1943, par les anciens du clan d’Agbaja venus solliciter son aide pour « amener la civilisation », la route en particulier, dans leur village. Ayant appris qu’ils devraient se passer de son soutien financier, ils décidèrent de construire cette route eux-mêmes, et le projet leur coûta 12 000 hommes-jours de travail non rémunéré. Le début du film annonce que « dans une région très éloignée, audelà du Niger, les Igbos d’Agbaja ont entrepris un ambitieux programme de développement communautaire qui a rarement été égalé. Ils s’enseignent eux-mêmes à lire et à écrire, et construisent des écoles, des maternités, des coopératives et des kilomètres de routes. » Pourtant, c’est bien l’officier colonial qui apparaît comme le véritable héros du film et l’instigateur de ces projets. Grâce au témoignage de George Basden (1921 : 165), il est aujourd’hui établi que les travaux collectifs décrits dans le film comme résultant d’une initiative coloniale étaient en fait une tradition datant de l’époque précoloniale, que les coloniaux ont ensuite présentée comme leur apport civilisationnel. Cinquante ans plus tard, les cinéastes nigérians sont convaincus de la nécessité de promouvoir le meilleur d’une fédération indépendante en relation avec le reste du continent – une productrice les décrit comme « l’anti-Boko Haram par excellence » (Chioma Ude, France 24, 2016). S’ils s’inscrivent en faux contre les clichés occidentaux sur le Nigeria, sa criminalité et son terrorisme (ibid.), ils n’ont toutefois jamais cherché à peindre des Africains un portrait idyllique, et le public est amené à partager leurs réflexions sur les maux de sociétés bousculées par la rapidité de la globalisation. Il convient de noter que la dénonciation de ces maux par les films nigérians a le mérite d’émaner de l’intérieur. En février 2000, le romancier Pierre Cherruau, qui avait vécu au Bénin et au Nigeria, confiait, lui, à L’Ours Polar, publication en ligne consacrée aux romans policiers : « Je tiens à préciser que le peuple du Nigeria n'est pas pourri. J'ai rencontré des gens très généreux. Mais c’étaient presque toujours des pauvres. Beaucoup de Nigérians font de très beaux rêves mais ils se cognent presque toujours à un mur invisible qui les

7 http://www.nairaland.com/1490596/daybreak-udi-expose-british-colonization/2 du 2 déc. 2020.

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enferme dans un cauchemar. Nena Rastaquouère, l'héroïne de mon premier polar, meurt parce qu'elle n'a pas voulu respecter la loi de son milieu8. » Une étude plus poussée des scénarios choisis ici – ceux de films, principalement en anglais, produits au sud du Nigeria entre 1991 et 2021 – révèle un continent qui pourrait servir de modèle à l’Occident. On y découvre une Afrique vibrante, urbaine et cependant enracinée dans les terroirs, guidée par ses valeurs traditionnelles et soutenue par la solidité des liens familiaux et des réseaux villageois, riche de ses cultures et de sa diaspora, pleinement engagée dans la mondialisation et douée d’une remarquable faculté d’adaptation. Dans les premières années, ces films se limitaient à une exploration de l’intimité des familles, mettant à l’écran un quotidien troublé par l’incursion des belles-familles au sein de couples malmenés par la perte des valeurs traditionnelles sous la pression d’une urbanisation galopante. Ils se sont depuis aventurés dans des domaines de plus en plus variés – les dessous de la politique (Breaking Point, 1996), les relations inter-ethniques (Love in Vendetta, 1996), l’exploration pétrolière et l’environnement (Oloibiri, 2015), ou l’émigration (Eyimofe – This is My Desire, 2020), bravant parfois le courroux du Bureau de la censure et invitant à une réflexion sur un pays en proie aux douleurs d’enfantement d’un modernisme globalisant. Ces films brossent un rapide panorama du Nigeria, avec son dynamisme et sa détermination, ses maux et ses remèdes, sa créativité et sa fierté. Une honnêteté foncière La scène d’ouverture de Who will tell the President (2006), qui diffuse le discours inaugural du nouveau chef d’État, est un bel exemple de l’honnêteté de ces films dans leur description des maux du pays : Chers compatriotes, j’accepte le défi que vous me lancez au travers de ce processus électoral légitime et démocratique. Je promets de rebâtir la nation pillée sans vergogne par les administrations précédentes. Depuis l’indépendance, nous sommes confrontés à d’horribles vices, comme la corruption, le népotisme, le tribalisme et l’ambition démesurée de nos politiciens. Il nous faut changer ce qui empêche le développement de notre pays. […] Le moment est venu pour notre nation de rassembler ses efforts. Pour atteindre ces nobles objectifs, il nous faut dépasser nos différences, éliminer la fraude, les pots-de-vin, le gonflement des contrats, les déprédations commises contre les lignes électriques […]. Enfin, il est bon d’avoir de l’ambition, mais une ambition démesurée amène à la corruption et à la trahison de nos devoirs envers notre patrie. Notre ambition devrait plutôt être de travailler au PROGRÈS [en majuscules] de notre pays. […] À partir d’aujourd’hui, les emplois et les contrats seront basés sur le mérite et non plus

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http://patangel.free.fr/ours-polar/auteurs/cherrua1.php

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sur le clientélisme. Nous serons désormais Nigérians d’abord, la nation passant avant les ethnies.[…]. Merci de tout cœur et que Dieu bénisse notre pays !

Ce long discours inaugural, typiquement nigérian, sert de fond sonore à un panorama urbain édifiant, suivant les allées et venues des passants et étalant du même coup la pauvreté du Nigérian moyen. En quelques minutes, le contraste saisissant entre le beau discours entendu et son contraire étalé sur l’écran donnent le ton : le film sera une puissante dénonciation des maux du pays, renvoyant dos à dos les dirigeants issus des trois ethnies majoritaires comme incapables d’honnêteté en même temps qu’il met en avant la générosité du peuple. Ce film peut être considéré comme le modèle de très nombreux films nollywoodiens – reconnaissant la difficulté de gouverner une immense fédération, amalgame de groupes linguistiques et culturels disparates qui n’ont jamais vraiment réussi à partager une vision politique commune, et que leurs croyances ont encore séparés davantage. Un autre film, The Meeting (2012), tourne en ridicule la bureaucratie nigériane et sa pesanteur, son ignorance des frontières entre espace public et privé, priorités ethniques et fédérales, tradition et modernité. Il suffit d’un regard rapide à une liste de titres de films nollywoodiens pour réaliser que la plupart des scénarios sont sombres, et que, même si tout finit par s’arranger, le rire en est quasiment absent. Les productions nigérianes comptent cependant un nombre croissant de comédies, comme on le verra plus loin, un genre qui répond au besoin de détente de la classe moyenne urbaine, qui détient le record des ventes au Nigeria. Plus de 400 000 copies d’Osuofia in London (2004) ont ainsi été vendues et son acteur principal, Nkem Owoh, est célèbre. Outre ce film à succès, Ukwa (2001) et Aki Na Ukwa (2002) comptent parmi les comédies les plus populaires (Kumwenda 2007 : 14). Les acteurs de petite taille Osita Iheme et Chinedu Ikedieze (Aki et Pawpaw) ont également fait le succès de plusieurs autres films comiques dont Double Trouble (n.d.), Two Baby Elephants (2003), Baby Police (2003) et Village Boys (2005), jouant sur le contraste entre leur apparence physique et la maturité de leurs personnages. Les films nigérians ont choisi de prendre leurs distances par rapport aux films occidentaux, non seulement en adoptant un tempo résolument africain, des scénarios directement tirés de la vie quotidienne et des décors traditionnels, mais aussi en mettant en scène les croyances de leur peuple, comme le rappelle Stephen Okpadah (2017 : 71). L’indépendance de ces films, qui leur a gagné la faveur du public, était essentielle à la liberté d’expression de leurs cinéastes : elle est le fruit d’un choix délibéré, celui de l’indépendance financière et du soutien d’équipes de tournage prêtes à tous les sacrifices pour mener les productions à leur terme. Libres de leurs choix, tournées le plus souvent sur place par des cinéastes nigérians, les productions nollywoodiennes ne craignent pas de sonner l’alarme face aux maladies génétiques qui, mal comprises, minent la société, 34

comme la drépanocytose, mise à l’écran par Mortal Inheritance (1995). Elles mettent à nu les plaies du pays, se font l’écho de l’opinion publique sur leurs causes et en étalent la laideur pour proposer ensuite, en dénouement, des solutions crédibles et applicables. La famille surmonte ses querelles, reconnaît ses torts, réintègre l’enfant prodigue et la veuve ; les individus renoncent à leurs préjugés et le mariage interethnique annonce un avenir de paix ; les fauteurs de troubles sont châtiés ou se repentent ; l’honnêteté est récompensée, les victimes rétablies dans leur droit. Si on a beaucoup raillé la phrase de clôture des premiers films, « À Dieu soit la gloire ! », aujourd’hui plus discrète mais qu’on retrouve encore dans des films du début des années 2000, elle disait bien la foi en Dieu et dans le progrès, la résilience et l’optimisme à tout crin qui ont toujours caractérisé les Nigérians, en même temps que la volonté didactique de Nollywood. Le passé reconstruit Si la plupart des films produits à Lagos, Onitsha et, plus récemment, à Enugu, Aba, Asaba en pays igbo et ailleurs dans le sud, mais aussi à Abuja, gardent pour décor les mégapoles du pays, les principaux protagonistes, en dépit de leur éloignement géographique, s’y trouvent intégrés dans un réseau solidement relié au village ancestral comme à leur communauté d’origine. L’étude de ces films révèle que la représentation du village n’y est jamais neutre ; elle n’en reste pas moins fidèle à la réalité, une réalité ancrée dans un passé longtemps plongé dans un brouillard opaque avant que les historiens du pays ne se plongent dans les archives orales et l’archéologie pour en retrouver la richesse. Un grand nombre de films à but historique ont été produits depuis la fin des années 1980, d’abord diffusés à la télévision comme Things Fall Apart (1987), puis sur grand écran comme The Battle of Musanga (1996) ou Adesuwa (2011) – qui fait revivre le royaume du Bénin, au sud du Nigeria, en 1752. Certains, comme Sitanda (2006), ont bénéficié d’importants soutiens financiers nigérians. Ces productions ont tenté de reconstituer le passé des différentes localités, pour rendre au public sa fierté en mettant en scène les évènements et les traditions enfin publiés par les historiens nigérians pour prouver que leurs peuples avaient eux aussi une histoire. En 1987 d’abord, tournant le dos à une première tentative, occidentale, de mise à l’écran du premier roman de Chinua Achebe (Ugochukwu, 2014), Adiela Onyedibia et Emma Eleanya adaptent le chef-d’œuvre pour la télévision. Avec des acteurs respectés comme Pete Edochie, Nkem Owoh et Sam Loco dirigés par David Orere, ce film devient la première série télévisée vraiment nigériane, diffusée en treize épisodes représentant approximativement dix heures d’écran à la NTA (Keith Booker, 2003 : 256-258). Cet exploit, qualifié d’« aventure audacieuse » par Pete Edochie en 2008, et filmé dans différentes parties de l’État d’Anambra d’alors, dont Enugu, Oraifite, Isu Awaa et la ville universitaire de Nsukka, réunit dès sa sortie des millions 35

de Nigérians devant le petit écran. En l’absence d’une traduction igbo du roman de Chinua Achebe, annoncée en 2007 mais jamais publiée, cette adaptation télévisée répondait au « besoin de ramener au pays les histoires du people et de les leur rendre » (Chikwendu Anyanwu, 2010 : 37). Le script fut plus tard réécrit en igbo, puis retouché en anglais par les studios londoniens de Mediafric TV, divisé en 52 épisodes et téléchargé sur YouTube entre le 8 décembre 2007 et le 28 février 2009 comme une contribution à l’histoire et à la culture africaines, permettant ainsi à tous de visionner gratuitement le film. 2008 voit finalement cette série redécoupée pour produire un long film de treize heures comprenant cinq pochettes de deux DVD chacune, commercialisé par une société de production nigériane9. Ce film, complétant le roman d’Achebe, a enrichi le cinéma nigérian en mettant en avant une figure de proue symbolique du refus du pays d’accepter les menaces pesant sur sa culture et ses traditions. Un autre point de vue sur l’esclavage Bien avant la colonisation, le Nigeria avait, comme bien d’autres pays, connu de nombreux conflits internes, les guerres intestines entre villages et une pratique locale de l’esclavage. Les recherches entreprises par les historiens igbos permettent de brosser le tableau de l’esclavage de case tel qu’il a longtemps été pratiqué dans tout le sud du pays et attesté par écrit entre le dixseptième et le dix-neuvième siècles (Pita Nwana, 1933 ; George Basden, 1938 ; Adiele Afigbo, 1981 ; Elizabeth Isichei, 1978 : 30-34). Elles rappellent que les esclavagistes de l’époque s’approvisionnaient au cours de raids et de guerres intérieures. Beaucoup de gens perdaient leur liberté pour avoir commis des crimes ou brisé un tabou ; certains parents vendaient même leurs enfants pour payer leurs dettes ou parce qu’ils étaient devenus trop pauvres pour les nourrir. Les Aros, clan igbo métissé d’ibibio et originaire de la ville d’Arochukwu aux confins du pays igbo et de l’État de Cross River, avaient tissé avec leurs voisins de nombreuses alliances, scellées par des traités. Leur empire commercial s’appuyait sur les foires et les marchés de toute la région, qui leur servaient de réservoir pour l’approvisionnement en esclaves. Bende, en particulier, dans l’État d’Abia, était un chef-lieu colonial qui, de là, rayonnait vers les villes d’Aba, Umuahia et Arochukwu. Les travaux des historiens confirment que Bende était bien un centre où esclavagistes et intermédiaires se rencontraient pour affaires, et on peut encore y voir aujourd’hui les cellules où l’on parquait les esclaves avant la vente (Afigbo, 1981 ; George Cummings, 2003 : 3-5). Les deux marchés jumeaux de Bende et Uzuakoli 9

Disponible sur http://www.youtube.com/watch?v=o7FS95IcRNU en plus de trente clips de 9-10 minutes, et sur VCD en cinq pochettes de deux disques chacune.

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fonctionnaient de concert sous le contrôle des Aros, Uzuakoli ravitaillant les villes d’Okigwi, Onitsha et Awka. Achetés et vendus, utilisés comme monnaie d’échange ou placés en gage par des commerçants endettés ou des fermiers, les esclaves étaient nombreux à l’époque, et surtout employés localement aux travaux domestiques ou agricoles – une coutume qui persista pendant tout le dix-neuvième siècle. S’ils n’avaient aucun droit, ils étaient, comme l’atteste d’ailleurs le roman de Nwana (1933/2010), généralement bien traités par leurs maîtres auxquels ils finissaient même parfois par s’attacher. L’expédition britannique de 1901-1902 contre Bende découragea les esclavagistes et contribua sans nul doute à persuader de nombreux maîtres de libérer leurs esclaves, dont la plupart rentrèrent chez eux dans les années qui suivirent (Obaro Ikime, 1999: 258; George Basden, 1921: 105109). Rares sont les films comme Snake Girl (1998), The Battle of Musanga (1996), Silence of the gods (2006), Sitanda (2006), Amazing Grace (2006) ou Adesuwa (2011), qui font allusion à cette pratique ancienne. Ceux qui osent cette évocation le font dans un souci d’honnêteté, replacent les faits dans leur contexte historique et s’accordent pour souligner la résilience et le courage de héros pour qui l’adversité n’a été qu’un tremplin vers la réussite et la gloire. Sitanda (2006), le seul grand film épique centré sur l’esclavage, a été neuf fois sélectionné et a obtenu cinq prix lors de la troisième Africa Movie Academy Awards (Nigeria) en 2007. Le film commence par une dispute au sein d’un couple sans enfants, dont le mari accuse l’épouse d’avoir amené dans leur mariage la malédiction pesant sur sa famille. Anxieuse de découvrir la vérité pour pouvoir contrer les accusations de son mari, celle-ci rentre chez ses parents et interroge son père sur le passé. Le reste du film est un long flashback, le monologue du père déroulant, comme une fresque, l’enfance et la jeunesse de son arrière-arrièregrand’père Sitanda, dont le nom signifiait ‘grandeur’. Fils de roi évincé à la naissance par un sombre complot de cour, l’enfant, ayant échappé à la mort, est d’abord confié à une vieille femme, puis à un grand-père de substitution, avant d’être kidnappé lors d’un des raids esclavagistes de l’époque et ramené à la cour, cette fois comme esclave. Longtemps après, la mort du roi, faisant la lumière sur d’anciennes dissensions, met au jour le complot ourdi des années auparavant par le frère du monarque. La véritable identité de Sitanda à peine révélée, ce dernier décide de renoncer au trône pour épouser l’esclave qu’il aimait, perdant du même coup la liberté qu’il venait de retrouver. La fin du film transforme radicalement la perspective, prouvant que l’accusation portée contre la famille par la communauté était sans fondement et rétablissant la vérité et la réputation de l’ancêtre – la plus belle des leçons sur la meilleure façon d’en finir avec les séquelles de l’esclavage. Amazing

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Grace, coproduction nigériane-britannique sortie la même année qu’une coproduction anglo-américaine de même titre10 et que Sitanda, évoque la traite transatlantique et en particulier le voyage de l’esclavagiste anglais John Newton au Nigeria pour s’y procurer des esclaves, et la route qui l’a amené à la rédemption. Ce film a obtenu le prix de réussite cinématographique aux Africa Movie Academy Awards de 2007. Oser rappeler les conflits Si Nollywood a pu traiter ainsi la mémoire de l’esclavage, comment a-t-il abordé le douloureux souvenir des conflits émaillant l’histoire contemporaine ? L’histoire du Nigeria, amalgame artificiel d’ethnies, de langues et de cultures, est celle d’une cohabitation difficile qui a souvent engendré la violence. Booker (2003 : 174) remarquait que « la guerre civile nigériane est généralement considérée comme un moment décisif dans l’histoire politique et littéraire du Nigeria. » La capitulation du Biafra en janvier 1970, après trois ans de guerre, a été rapidement suivie d’une politique de bâillonnement systématique de la dissidence (Okonta & Meagher, 2009). Dès 1972, le nom ‘Biafra’ a été effacé des cartes géographiques, et le conflit n’a jamais figuré dans les manuels d’histoire et les programmes scolaires. Il a fallu attendre 1999 et la fin des dictatures militaires pour voir sortir des films sur cet évènement central de l’histoire du pays. Au début des années 2000, trois films vont sortir successivement, offrant une réflexion sur ce conflit meurtrier qui a divisé le Nigeria et laissé de profondes blessures de part et d’autre. En 2000, The Battle of Love met à l’écran une histoire d’amour confrontée à l’hostilité de deux camps ennemis. Au milieu des années soixante, Dubem, Igbo et commandant dans l’armée nigériane, épouse Habiba, Hausa, et se trouve aussitôt projeté dans la violence et le génocide perpétrés contre son peuple au nord du Nigeria (Chukwuma Okoye, 2007 : 6) mais en réchappe vivant après avoir subi des tortures. La seconde partie du film, intitulée Across the Niger (2004), voit la fuite du couple vers le Biafra en guerre. Le Nigeria a produit des historiens de renom, mais ceux d’entre eux qui ont publié sur le conflit sont souvent établis à l’étranger et leurs ouvrages restent difficiles d’accès pour les Nigérians de l’intérieur. Les films ne remplaceront jamais les livres, mais les difficultés d’édition et de circulation des ouvrages, et leur coût dans des pays comme le Nigeria, donnent au cinéma l’occasion d’offrir au grand public une réflexion sur les grandes questions qui les concernent. Un film de 1996, Love in vendetta, collage de vidéos d’archives et de fiction, le seul film directement inspiré par les émeutes de 1987 à Kano, au 10

https://en.wikipedia.org/wiki/The_Amazing_Grace;https://www.imdb.com/title/tt0804225/; https://www.imdb.com/title/tt0454776/?ref_=nv_sr_srsg_0

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nord de la fédération, révèle le carnage qui suivit l’un de ces nombreux affrontements opposant chaque année les islamistes aux chrétiens. Il crie bien haut ce que la presse trop timide ne dit pas : que la guerre du Biafra se poursuit, d’une autre manière et quasi incognito, là où elle avait commencé, dans les villes du nord du pays. Ce Roméo et Juliette nigérian met à l’écran un jeune couple - un Igbo et une Hausa qui préparent leur mariage et tentent de vaincre l’opposition de leurs deux familles. Au fil des discussions, ils vont découvrir que les deux familles se connaissaient et se reprochent le meurtre de la petite sœur du jeune homme au cours des émeutes de 1987. L’amour finira par l’emporter, et ce film, comme ceux sur la guerre de 1967-1970, se clôt sur la proclamation d’un avenir de paix et de réconciliation, malheureusement bien loin encore de la réalité quotidienne. Il a le mérite d’aller à la racine des violences ethniques et religieuses du pays sous le couvert de la fiction. L’adaptation cinématographique du roman de Chimamanda Ngozi Adichie Half of a Yellow Sun (2006)/L’Autre moitié du soleil (2008), dirigée par le romancier, dramaturge et scénariste nigérian Biyi Bandele, est venue alimenter la réflexion sur la guerre en septembre 2013. Pour le Guardian, le film est « un précieux rappel d’un moment d’histoire qui […] a un temps dominé les discussions de table des classes politiques londoniennes, et montre la haute toxicité de l’héritage britannique post-impérial11. » Ce film, émaillé de clips d’archives, a mis six ans à sortir, longtemps retardé par les réticences du Bureau nigérian de la censure, peu disposé à laisser passer un film sur une question encore ressentie comme taboue après plus de quarante ans, et craignant qu’il ne ravive les tensions entre le nord et le sud. Bandele quant à lui remarquait, le 25 avril 2014, dans un entretien avec la BBC, que « l’une des raisons pour lesquelles le Nigeria est aujourd’hui encore plus divisé […] qu’avant la guerre est que nous avons refusé de parler du sujet qui fâche 12. » Il n’est jamais anodin, au Nigeria, d’évoquer la politique à l’écran : le réalisateur et producteur Emelonye, basé à Londres et qui a déjà produit et réalisé plus de dix films, l’a découvert à son tour au moment où il tournait Badamasi, sur l’ex-président Babangida. Au cours d’un entretien télévisé avec Arise TV à l’occasion du 59e anniversaire de l’indépendance du Nigeria, il racontait que Dès l’annonce officielle de la date de lancement, le 29 novembre 2019 sur les réseaux sociaux, […] ces voix dissidentes sont devenues de réelles menaces. Je reçois des courriels qui parlent de décapitation. Certains disent que le film va avoir des répercussions sur leurs employeurs. Ils disent que si j’ai l’audace de le proje11

https://www.theguardian.com/film/2014/apr/10/half-of-a-yellow-sun-chimamanda-ngoziadichie-film-review. 12 http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-27162545) du 25 avr. 2014.

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ter, ils connaissent mon adresse en Angleterre et tout ça, mais je jure que je suis du côté de la vérité et de l’objectivité13.

Maintenant facilité et approuvé par l’ancien militaire et le Bureau nigérian de la censure, ce dernier film, dont le lancement avait dû être retardé, est finalement sorti. La modernité et ses démons Nollywood ne se contente pas d’évoquer le passé. Il met à l’écran un Nigeria en plein développement. Le paysage urbain de la nouvelle capitale, Abuja, sortie de terre dans les années 1980 dans une région longtemps restée rurale, est aujourd’hui un décor obligé. Les villages voient leurs sentiers se muer en rues goudronnées bordées d’imposantes propriétés, les villes s’agrandissent à vue d’œil, et la modernité s’étale aux façades des immeubles et des hôtels de luxe, le long des avenues éclairées et dans le hall des aéroports internationaux. Nollywood garde ses fenêtres ouvertes sur ce monde en changement, et continue de filmer les deux faces du progrès, comme le montre le lancement, le 8 juin 2012 à Londres, du film Last Flight to Abuja qui allait devenir l’un des nouveaux films nigérians les plus primés. Comme de nombreux autres, il était directement inspiré par la réalité : ici la catastrophe aérienne du 29 octobre 2006, qui avait vu un avion de l’ADC (Aviation Development Company, 1984-2007) s’écraser et s’enflammer peu après son décollage de l’aéroport d’Abuja avec 114 personnes à bord, tuant 96 d’entre elles. Cet accident meurtrier faisait suite à de nombreux autres – entre 1991 et 2006, le pays avait déjà connu une quarantaine de catastrophes aériennes, qui avaient fait près de 1 200 morts14. Le film raconte l’histoire de passagers ordinaires rentrant de Lagos à Abuja à bord d’un avion de la Flamingo Airlines un vendredi soir. L’avion atteint son altitude de croisière, et tout semble normal. Mais une combinaison d’erreurs humaines et de fautes techniques vont amener l’appareil au bord de la catastrophe. Le 3 juin 2012, moins d’une semaine avant le lancement du film, le réalisateur, Emelonye, apprend qu’une nouvelle catastrophe aérienne vient de se produire : le vol 992 Abuja-Lagos de la Dana Airlines s’est écrasé dans les faubourgs de Lagos, heurtant de plein fouet un immeuble de deux étages, tuant ses 153 passagers et plus de dix personnes au sol. Après avoir consulté l’équipe de tournage et quelques-unes des familles en deuil, Emelonye décide de lancer son film quand même et d’en faire une manifestation en faveur de la sécurité aérienne au Nigeria. Pour les familles, « cette première 13

https:// pmexpressng.com/filmmaker-obi-emelonye-faces-death-treaths-babangida-biopic. https://www.cath.ch/newsf/rome-condoleances-de-benoit-xvi-pour-la-catastrophe-aerienneau-nigeria/ du 30 oct. 2006.

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sera probablement l’une des conséquences positives de la mort de tous ces gens dans les accidents. Le film était supposé attirer l’attention sur certains des problèmes qui leur ont coûté la vie, et c’est donc dans leur intérêt que cette histoire soit dite – au moins pour mettre le sujet de la sécurité aérienne à l’ordre du jour, de telle façon que nous n’oubliions plus »15. Last Flight to Abuja, projeté devant un parterre encore bouleversé par l’évènement, est aujourd’hui devenu un film engagé qui a attiré l’attention sur la sécurité aérienne à l’échelle du continent (Vladimir Duthiers, 2012). D’Equiano à Osuofia Si Nollywood a longtemps été surtout connu comme vitrine du Nigeria et de ses problèmes domestiques, il a cependant aussi, dès ses débuts et pour des raisons historiques, intégré une réflexion sur la migration, partie intégrante de l’expérience nigériane. Les premiers expatriés, les élites du sud, partis rejoindre le Royaume-Uni pour y poursuivre leurs études dès l’époque coloniale, ont été suivis, depuis, par des milliers d’autres candidats au voyage en quête de partenariats commerciaux ou cherchant à rejoindre là-bas un frère ou un cousin. Comme le résume un personnage de Desperate Heart (2007), « ceux qui partent le font pour ceux qui restent et ceux qui restent le font pour ceux qui partent » – la migration est affaire de solidarité. Selon une enquête de PewResearch menée au printemps de 2018, 45% des adultes nigérians considéraient la possibilité de quitter le pays16. Cette diaspora, principalement constituée de sudistes (Ben Lampert, 2009 : 179) et qui s’étend aujourd’hui sur tous les continents, reste en contact étroit avec son pays d’origine, donnant naissance à « une société hybride avant tout, ni tout-à-fait indigène ni totalement occidentale » (Olusegun Osoba & Adewunmi, 1999 : 600). La première présence attestée au Royaume-Uni est celle d’Olaudah Equiano, un ancien esclave qui a publié ses mémoires en anglais en 1789. Dix ans après l’indépendance, aller en Angleterre était déjà « devenu aussi banal que de descendre au ruisseau du village » (Chinua Achebe, 1974 : 62). Les premiers films situés partiellement ou totalement à l’étranger ont suivi et mis à l’écran l’évolution de la migration nigériane, nourrie par l’illusion que l'Europe et l'Amérique étaient mieux placées pour assurer le bonheur et la prospérité des Nigérians (Ugochukwu, 2012). Les villageois de London Boy (2004) commentent ainsi la nouvelle que l’un des leurs, Emeka, parti « au

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http://edition.cnn.com/2012/09/04/world/africa/obi-emelonye-nollywood-abuja/index.html, consulté le 17 janvier 2018. 16 https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/02/03/fast-facts-about-nigeria-and-itsimmigrants-as-u-s-travel-ban-expands/ du 3 fév. 2020.

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pays de l’homme blanc », est maintenant, si l’on en croit la rumeur, presque aussi riche que Bill Gates. Si nombre de ces ‘Bintos’ [been to] sont ensuite rentrés au pays, d’autres sont restés à l’étranger et ont parfois perdu tout contact avec leurs familles. C’est ce qu’évoque, sous une forme tragi-comique, Osuofia in London (2003), dominé par la stature de son personnage principal qui « ne retourne pas seulement les discours colonialistes traditionnels et les représentations négatives de l’Afrique habituels des médias occidentaux, mais réussit à leur rendre la pareille en leur opposant la représentation populaire nigériane de l’altérité européenne » pour en rire (Okoye, 2010 : 81). Un villageois illettré qui vit de la chasse apprend soudain que son jeune frère Donatus, qui ne donnait plus signe de vie depuis des années, vient de décéder à Londres. Cette nouvelle met le village entier en émoi, et Osuofia, après avoir crié bien haut qu’il n’avait rien à faire avec « le pays des Blancs », se laisse persuader par l’instituteur et ses explications et s’envole avec les vœux des siens pour aller récupérer les millions de son frère. On voit déjà ici l’aura dont est entouré le pays de l’ancien colonisateur au sein de l’élite villageoise : un Eldorado où tout devient possible. Le voyage d’Osuofia, qui représente ici non seulement son village mais le pays igbo, le Nigeria et, au-delà, l’Afrique tout entière, va cependant mettre à mal cette image de rêve. À son arrivée en Angleterre, notre villageois se trouve confronté à une autre culture, qui ne vaut pas la sienne et ne cherche en rien à l’accommoder. Il ne trouve pas son menu habituel au McDonald, où le caissier refuse le paiement en naïras. Dans la rue, le père de famille, choqué par le manque de modestie d’une adolescente légèrement vêtue, endosse son rôle de parent réformateur de mœurs et lui conseille vivement de se couvrir et d’arrêter de fumer. À Londres, Osuofia rencontre ensuite et surtout Samantha, la jeune veuve anglaise de Donatus, dans le but de signer un document légal qui devrait lui permettre de récupérer l’argent laissé par son frère. Mais le peu scrupuleux comptable de Donatus, Ben Okafor, un Igbo de deuxième génération dont le film laisse entendre qu’il a perdu ses repères moraux et s’est laissé corrompre par son parcours, tente de manigancer pour déposséder Osuofia et partager ensuite le pactole avec la jeune veuve. Alors qu’il tente d’empocher le plus gros de la somme, Samantha décide de persuader Osuofia de rentrer au Nigeria avec elle, promettant de l’épouser pour l’amadouer. La seconde partie du film met en scène une Samantha bien résolue à tout mettre en œuvre pour persuader son nouveau mari de lui donner le plus gros de l’héritage : elle apprend la langue, se met à la cuisine ‒ et tente ensuite d’empoisonner Osuofia pour arriver à ses fins. Le reste est une succession de scènes burlesques qui tournent à l’avantage du chasseur. Au bout du compte, Osuofia accepte de partager l’argent avec Samantha avant qu’elle ne rentre en Europe, les bras chargés de cadeaux, prouvant la supériorité morale et la richesse du continent africain.

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La diaspora à l’écran Les scénarios les plus récents de Nollywood sont fortement marqués par l’importance que revêt la migration pour les jeunes générations (Jedlowski, 2012 : 239). Haynes, notant le nombre grandissant de producteurs et de réalisateurs nigérians en diaspora et des films traitant de cette migration, a défini ces films tournés à l’étranger comme un genre à part entière (Krings, 2013 : 73) « dans un contexte globalisé au sein duquel les personnes et les médias se déplacent ensemble » (Katrien Pype, 2013 : 201). Il n’en reste pas moins difficile de les séparer du reste de la production nollywoodienne : ils restent attachés aux mêmes valeurs et continuent d’inclure systématiquement le Nigeria dans leurs scénarios. Ces nouveaux films, qualifiés par certains de « docu-fictions » (Jedlowski, 2012 : 244) en raison du traitement de leurs sources, sont soutenus, non seulement par la vaste diaspora nigériane, mais aussi par les déplacements et le profil international des acteurs, actrices et réalisateurs nollywoodiens (Noah Tsika, 2015). « Les migrations des Nigérians s’articulent dans un espace migratoire dont les deux composantes, l’espace de départ et l’espace d’accueil, sont chargées d’une dimension historique importante » (Thomas Weiss, 1998 : 75). Les premiers films se sont d’abord contentés d’évoquer cette histoire au passé, commentée dans les conversations ou visualisée par le biais d’un mobilier importé, d’écrans de télévision géants montrant des films étrangers, ou des tenues vestimentaires de ces jeunes filles de retour d’Europe en tee-shirts et jeans étroits. Plus tard, les films nigérians ont mis en scène le retour des héros – un soldat par exemple, rentré après avoir terminé sa formation militaire en Angleterre, promu au rang de général et propriétaire d’un pavillon londonien (Fateful Love, 2004), ou d’autres, auréolés de gloire après l’obtention de diplômes universitaires (Widow, 2007 ; The King’s Secret, 2012). Dans tous ces films, la migration était présentée comme la solution à tous les problèmes domestiques – dans Widow (2007) par exemple, inspiré d’une histoire vraie qui se clôt sur la fuite de la veuve maltraitée et de ses enfants vers l’aéroport et l’Angleterre. L’ailleurs, même s’il a entretemps été en grande partie démystifié par des films comme Zero Your Mind (2003) rappelant que « l’étranger n’est pas tout rose », continue de faire rêver. Après des décennies de migration vers l’Europe, certains pays africains plus développés sont devenus, ces dernières années, « un véritable pôle d’immigration à l’échelle du continent » (Vitraulle Mboungou, 2012) et parmi eux, l’Afrique du Sud. C’est aussi celui qui compte le plus grand nombre de migrants africains, souvent victimes de xénophobie, de discrimination et de violences (Olawale Olusola, 2021). Comme le montre le film du réalisateur sud-africain d’origine nigériane Akin Omotoso, Man on Ground [Un homme à terre] (2011), « le chemin qui mène là-bas est long et difficile, et ceux qui parviennent à destination ne sont pas forcément mieux lotis » (Guillaume Pitron, nov. 2012). 43

Man on Ground (2011) raconte l’histoire de deux demi-frères, Ade et Femi, qui ont quitté le pays yoruba du Nigeria. Ade est un exemple de migration réussie : il est banquier à Londres ; Femi, lui, dissident politique au pays, a choisi de se réfugier en Afrique du Sud où il vit de petits métiers dans un ghetto noir de Johannesburg. Profitant d’une courte visite dans la ville, Ade cherche à joindre son frère pour lui donner un paquet de la part de sa mère et découvre qu’il a disparu depuis une semaine. Il se met alors à sa recherche, s’appuyant sur les bribes d’information recueillies, et apprend peu à peu ce qui faisait le quotidien de Femi et ses difficultés. Sa quête le conduit chez le patron de Femi, Timothi, qui vit dans l’un des ghettos de la ville ; mais ni Timothi ni sa femme Lindiwe ne se montrent prêts à répondre aux questions d’Ade. Pendant que ce dernier se trouve avec Timothi, une émeute à caractère xénophobe éclate parmi les Sud-Africains noirs, et les deux hommes se trouvent forcés de passer la nuit ensemble dans le bureau de Timothi. Les longues heures passées à boire en silence, l’un en face de l’autre, seront pour Ade l’occasion de finalement comprendre comment Femi a tenté de survivre en Afrique du Sud et ce qui lui est arrivé. Man on Ground met en images les relations tendues entre les immigrants nigérians et leurs hôtes sud-africains, un sujet que le réalisateur du film connaît bien pour l’avoir vécu lui-même. L’Afrique du Sud de l’après-apartheid est présentée ici comme un pays africain viscéralement hostile aux étrangers, accusés de mépriser les locaux et de leur prendre le peu qui leur revient. Le style comme la mise en scène de ce film rendent bien le profond isolement des immigrants et leur situation – coupés de leurs racines, sans nouvelles de leurs familles, sans soutien et sans grand espoir. Alors même qu’Ade a réussi à se faire une place en Angleterre, l’avenir de Femi reste un rêve, sa vie est un échec à peine compensé par la promesse de l’enfant à naître. C’est là une sombre réflexion sur l’immigration sud-sud. Man on Ground, film de grande qualité technique et cinématographique produit en partenariat avec la Fondation sud-africaine du film et de la vidéo et l’organisation internationale pour l’immigration après une campagne de fonds ouverte à la population tout entière, est considéré comme « une exploration très actuelle sur les difficultés rencontrées par les réfugiés17». Le rêve américain Ijé the Journey, dont le titre inclut le nom igbo du thème abordé et sa traduction anglaise [le voyage], fait partie des films nigérians produits et tournés en diaspora avec de gros budgets, qui visent des audiences de salles de cinémas et reflètent la vie diasporique (Krings & Okome, 2013 : 7). Il est aussi l’un de ceux présentant le côté sombre du rêve américain. Ignorant les supplica17

Dov. Kormits, 30 avr. 2012, https://www.facebook.com/ManOnGround.

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tions de sa cadette Chioma et les conseils de son père, opposés à ses rêves de carrière et à sa poursuite du mirage américain, Anyanwu décide de partir pour Los Angeles pour se lancer dans la chanson, tandis que sa sœur restée au Nigeria devient banquière. Dix ans après, Anya, qui a épousé un Américain blanc, est accusée d’avoir assassiné son mari et les deux inconnus qu’il avait introduits dans leur propriété de Hollywood Hills. En cellule dans l’attente du procès, elle reçoit la visite de sa sœur mais refuse de lui dire toute la vérité sur la soirée du meurtre, craignant la réaction de son père. Chioma finit par apprendre ce qui s’est réellement passé grâce aux révélations d’une codétenue, Lebe. Épaulée par Jalen Turner, le jeune avocat métis qui a accepté de défendre Anya, elle réussit alors à persuader celle-ci de tout révéler. C’est au cours du procès que sera finalement évoqué le passé traumatique des deux sœurs et de leur famille, qui explique qu’Anya ait refusé de parler jusque-là. Son témoignage devant la Cour – l’évocation de son enfance au nord du Nigeria et du raid dont a été victime sa famille, le récit de son mariage malheureux avec un imprésario adonné aux drogues et aux jeux d’argent, et de la soirée où il l’a violée en compagnie de ses deux acolytes – aboutit à son acquittement. Le film tout entier est destiné à l’éducation et à la transmission d’informations culturelles : les images ne se contentent pas d’évoquer, elles informent sur une histoire nationale mouvementée et ses conflits interethniques, sur les cultures et coutumes du Nigeria, sur la langue igbo, en même temps que sur les raisons de la migration et les relations raciales aux États-Unis. Ces leçons sont nombreuses, adressées à la police et au système judiciaire, encouragés à plus d’objectivité, et à la société tout entière invitée à ne pas juger sur l’apparence et à montrer plus de sympathie pour la cause des femmes. Le film offre aussi une réflexion sur les dangers de l’émigration, visant à une conscientisation du public. La réflexion sur ce thème, illustrée par l’arrivée de Chioma aux États-Unis, au sein d’une queue composée de Blancs, met d’abord en avant le racisme des douaniers qui la traitent différemment du reste des voyageurs. Le procès d’Anya révèlera ensuite et peu à peu le caractère composite du pays d’accueil – Américains blancs, Latinos, Asiatiques et Métis – et une ségrégation faite d’ignorance et de préjugés, la difficulté de se faire comprendre et la violence relationnelle qui en découle. Le dialogue révèle les divergences entre Anya et Chioma à ce propos : si la seconde dit avoir espéré le retour de sa sœur et continue à penser qu’elle n’aurait jamais dû s’expatrier, pour Anya et en dépit de tout, « il n’y avait rien pour [elle] » au Nigeria – elle considérait l’Amérique, et non le Nigeria, comme « la porte du ciel ». Jetée derrière les barreaux pour avoir tenté de faire disparaître les comprimés susceptibles d’incriminer sa sœur, Chioma aura cette réflexion désabusée : « on dit que l’Amérique est la porte du ciel. Combien ont déjà vu l’autre côté ? »

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Retour à la case départ Les années de l’après-Biafra ont vu, on l’a dit, de nombreux Nigérians s’expatrier dans l’espoir de meilleures conditions de vie. Mais la tendance prédite par l’auteur du premier roman igbo en 1933 se précise et s’accélère : Dans notre coin d’Afrique, on dit […] que ceux qui se sont expatriés finissent tous par rentrer au pays. Pourtant, ils vivaient bien là-bas, ils avaient de bonnes relations avec les gens […]. Mais de petits détails viennent un jour leur rappeler que, là où ils se sont installés, on ne les considérera jamais comme des autochtones. Une fois qu’ils ont compris cela, qu’on le leur dise clairement ou pas, rien ne peut infléchir leur décision de retourner chez eux. […] La joie qui les accueille à leur retour au pays est si grande qu’ils en oublient tout ce qu’ils ont dû subir à l’étranger – la joie et le bonheur, voilà ce qui les attend au retour (Nwana, 2010 : 21).

Environ 291 000 migrants en situation irrégulière ont reçu une « décision de retour » des États-membres de l’Union européenne (UE) en 2020. L’attitude de la France s’est, depuis, considérablement durcie : le 2 décembre 2021, le NewYork Times rapportait que La question de l’immigration domine le débat politique [en France] à cinq mois des élections présidentielles, alors que les candidats de droite comme de gauche durcissent leurs positions. [...] Les craintes que l’identité française traditionnelle soit menacée [...] ont longtemps consumé les discussions sur l’immigration. Une série d’attentats terroristes ces dernières années, dont certains perpétrés par des enfants d’immigrés qui ont grandi en France, ont exacerbé ces craintes (Norimitsu Onishi 2021).

Le cinéaste nigérian Emelonye, qui vit à Londres depuis de nombreuses années, s’est inspiré, pour The Mirror Boy (2011), de la situation vécue par de nombreuses familles africaines établies en Angleterre, qui, lassées des difficultés rencontrées au sein du système scolaire local, décident de ramener leurs enfants ‘au pays’ pour leur donner l’occasion de se remettre sur les rails, d’échapper à la délinquance et de retrouver leur identité. Mirror Boy traite des questions de géolocation, de langue et d’identité impactant les Africains de la diaspora : il montre surtout le chemin à tous ceux d’entre eux qui cherchent leur vraie destinée. Le film raconte l’histoire de Tijani Jacobs, alias Tije, un garçon de douze ans, né à Londres et dont les parents, qui n’étaient pas mariés, se sont séparés avant sa naissance. Il se présente luimême : « Salut ! Je m’appelle Tije, j’ai douze ans, je suis britannique […]. Je n’ai jamais eu de démêlés avec personne, de toute ma vie. » Ce garçon d’habitude sans histoires, insulté un jour par un camarade blanc qui le traite de singe, lui tient tête et le blesse légèrement. Blâmé ensuite par l’école et la police, il doit quitter sa classe. 46

Sa mère décide de le ramener de force au pays de son père, et tente de lui faire comprendre qu’il a « besoin de retourner en Gambie pour comprendre qui il est vraiment. » Elle l’encourage à revendiquer son identité : « tu es africain et tu devrais en être fier. Tu es de sang gambien. » Racontant sa propre histoire en voix off, il se demande : « Qu’est-ce que je vais faire en Afrique ? Je ne connais même personne là-bas ! Mes parents sont peut-être gambiens mais je suis britannique ! » Pour lui, la seule chose qui compte maintenant est de rencontrer son père. Or, chez sa tante, le premier soir, il entrevoit, dans un miroir, la silhouette d’un énigmatique garçonnet, qu’il revoit le lendemain au marché où il était allé avec sa mère. L’inconnu l’attire loin de la foule, lui explique qu’il est là « pour le conduire chez lui » et l’engage à lui faire confiance. Ce garçon au miroir l’introduit progressivement au monde des esprits, à la sagesse des proverbes et du non-dit, le blâme pour avoir rejeté ses racines et lui explique que le cordon ombilical relie un enfant à son village ancestral et à la destinée des siens – ce cordon que son père était venu recueillir après sa naissance. Quand Tije arrive finalement au village, son père est mort et un usurpateur est sur le point de prendre le pouvoir. Mais grâce au miroir que lui a laissé l’esprit de son père et aux révélations reçues en chemin, il échappe au complot ourdi contre lui et devient roi, succédant ainsi à son père. C’est en Afrique qu’il a trouvé son avenir. Un autre film plus récent, The Royal Hibiscus Hotel (2017), présente la parfaite vitrine envisagée par le gouvernement nigérian et rêvée par un certain nombre de jeunes déçus par l’incapacité de l’Occident à leur faire une place (Robert Wright, 2021). Ope, jeune cheffe yoruba, contrainte d’accepter de petits jobs en cuisine à Londres, voit la xénophobie lui fermer les portes et paralyser son rêve de diriger une cuisine de niveau international intégrant les goûts africains. Elle rentre alors à Lagos où ses parents retraités lui ont promis la direction de leur hôtel. Juste au moment où, pour elle, « les planètes semblaient enfin s’aligner » comme elle le dit, la situation se complique, et elle considère un moment la possibilité de rentrer à Londres. Mais tout finira par s’arranger au-delà de ses espérances, mettant à l’écran un retour réussi avec une promotion et un mariage à la clef. En conclusion Nollywood a énormément évolué depuis 1992. Le nombre impressionnant de films produits depuis offre une vue kaléidoscopique de la vie contemporaine au Nigeria. Les épopées mises à l’écran ont ouvert le chemin séparant les Africains de leur passé, révélant le rôle didactique de ce cinéma qui a toujours cherché à éduquer son public et à l’encourager à être fier de ses origines et de ses traditions. Barlet, ignorant le côté consubstantiellement communautaire du visionnement ‘à la nigériane’ qui n’est jamais solitaire au sein d’une maisonnée enrichie d’enfants confiés, remarquait en 2012 à propos du support des films de l’époque : « La vidéo bon marché, c'est souvent rester 47

chez soi. C'est bien que ça existe, mais on tourne en rond sur soi-même. Où est la transmission au monde ? Où est le dialogue des expressions culturelles contemporaines ? » Nollywood a, depuis, abandonné la vidéo pour la projection en salles et en flux, et essaimé sans effort dans toute l’Afrique, donnant naissance à des cinémas nationaux et régionaux dans de multiples langues, des cultures du Nigeria à celles des pays voisins, du Sénégal et du Niger à l’Afrique du Sud (Heike Becker, 2013 ; Ifeanyi Ezeonu, 2013 ; Emmanuel Akinwotu, 2021). Étudié, apprécié, ce cinéma insolite a aussi franchi les continents, et impacte aujourd’hui une diaspora au sein de laquelle il se renouvelle constamment. Le temps est loin des caricatures d’une autre époque : Nollywood a repeint l’Afrique.

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3. La recherche sur la production nigériane : état des lieux Depuis ses débuts, Nollywood multiplie les productions, améliore la qualité de ses films et s’établit partout au Nigeria, investissant des langues et des cultures de plus en plus nombreuses. Cette production attire désormais l’attention de critiques et d’universitaires, d’ailleurs conscients du fait qu’« il faudrait plusieurs vies pour en faire une analyse exhaustive » (Barrot, 2005 : 6). Dans la préface de la première édition de son ouvrage sur les Nigerian Video Films, sorti au Nigeria en 1997, Haynes (2000 : xv) remarquait que Les films nigérians – des scénarios dramatiques filmés en vidéo, vendus en cassettes et parfois projetés dans des lieux publics grâce aux vidéoprojecteurs et aux écrans de télévision – sont produits au rythme moyen d’un par jour. Sur la base de leur seule vitalité commerciale, ils peuvent donc se vanter d’être la forme d’art la plus importante au Nigeria. Une telle industrie populaire est sans précèdent dans l’histoire du cinéma africain.

Cette production, qui a, depuis, abandonné la vidéo pour de nouveaux supports et en grande partie intégré les salles obscures, au Nigeria et ailleurs, a donné lieu, depuis une trentaine d’années, à un nombre important d’études et de publications qui peuvent être considérées comme une juste mesure de la prise de conscience du développement d’une production unique qui a aujourd’hui essaimé sur tout le continent et inspiré de nombreuses productions similaires, notamment au Ghana et en Afrique australe. Une recherche en progrès constant Les chercheurs attirés par l’étude des films nigérians viennent de champs d’étude voisins – études yorubas, igbos et hausas, culture populaire, théâtre du Ghana et du Nigeria, cinéma (plus particulièrement ceux de l’Inde et de l’Afrique francophone), études nigérianes (politique et sociologie surtout), études religieuses, islamiques et diasporiques. Les recherches publiées, tenant compte de l’émergence récente de cette industrie, et souhaitant faire la lumière sur sa naissance silencieuse et les raisons de l’extraordinaire développement et de la diversité de ces films, ont longtemps commencé par un panorama historique. Les Nigérians sont certainement les mieux placés pour offrir cette information, mais semblent parfois manquer d’une vue globale concernant la scène culturelle de leur pays. Nous ne citerons ici que quelques repères, dans le but de baliser la progression géographique, thématique et linguistique des études sur ce cinéma :

x L’article pionnier d’Alain Ricard, ‘Du théâtre au cinéma yoruba : le cas nigérian’, publié en 1983 dans Cinémaction 26 pp. 160-167 ; 49

x Le nombre important de travaux de recherche et d’études publiées au Nigeria depuis 1991 sur l’histoire et le développement de l’industrie cinématographique de la fédération, à commencer par l’ouvrage pionnier de Haynes (1997) sur les films nigérians ; x L’édition américaine du livre de Haynes sur le sujet, sortie en 2000 ; x La communication de Krings sur Nollywood en Afrique, présentée à Frankfurt (Allemagne) en 2001 ; x Le premier article en français sur ‘Les femmes dans le vidéofilm nigérian’ (Okome, 2003) ; x Le premier ouvrage sur les films de Kannywood (Abdalla Adamu, Yusuf Adamu & Jibril Umar, eds, 2004) ; x Une première étude sur les langues de Nollywood (Adejunmobi, 2004) ; x L’ouvrage de Barrot (2005) sur le même sujet, le premier publié en français ; x Le projet de recherche sur Nollywood et la diaspora africaine au Royaume-Uni, mené conjointement en 2006-2007 par l’Open University (OU) du Royaume-Uni, l’Université de Roehampton (GB) et le Département des Arts créatifs de l’Université de Lagos (Nigeria) et coordonné par Françoise Ugochukwu (OU FELS/Ferguson Centre), Duro Oni (Université de Lagos) et Tope Omoniyi (Université de Roehampton)18 ; x L’émission de Radio-France internationale intitulée ‘Naissance d’un géant des images’ diffusée le 20 août 200619 ; x Le documentaire de Julien Hamelin sur Nollywood, Nollywood, le Nigeria fait son cinéma, financé par la Fondation Jean-Luc Lagardère et la Fondation de France et télévisé le 3 mai 2009 à 22h45 sur la chaîne Planète ; x L’article de Jedlowski: ‘On the periphery of Nollywood: Nigerian video filmmaking in Italy’ (2012) ; x L’article de Carmen McCain: “questioning English Language Hegemony in Nollywood Studies” (2013) ; x La thèse primée d’Alexander Bud, soutenue en 2019 à l’Open University du Royaume-Uni, et qui traite d’un aspect jusque-là quasi ignoré de Nollywood – son génie commercial et sa créativité, que Bud compare à ceux de l’industrie nigériane ; x La thèse de Batard à l’Université de Toulouse – la première en France sur le cinéma nigérian. La majorité des publications sur le sujet continue à être publiée en anglais. Bon nombre d’articles ont par ailleurs trouvé leur place dans des ouvrages 18 19

http://www.open.ac.uk/arts/research/ferguson-centre/projects/archive-projects/nollywood. http://www.rfi.fr/actufr/articles/080/article_45655.asp du 20 août 2006.

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ou des revues spécialisées consacrés aux cinémas africains ou à la globalisation. Des revues africanistes de renom comme les Cahiers d’Études africaines et Politique africaine ont aussi accueilli plusieurs articles à ce sujet depuis 2002. Livres et articles donnent une voix aux chercheurs et aux producteurs de films nigérians, tout en offrant une plateforme interculturelle, point de rencontre entre Nigérians, Américains et Européens. Ces études, fruit des efforts de création d’outils adaptés à une évaluation critique de ce nouveau produit audiovisuel, présentent une vue kaléidoscopique de la production nigériane ; elles révèlent aussi un grand intérêt pour la reconstitution historique. Un certain nombre de ces publications comparent la production nigériane et les films francophones, et évaluent leur impact aux niveaux local et international. Ce faisant, elles démontrent l’importance des langues portées à l’écran et utilisées comme outils de communication et objets culturels ; elles prouvent en outre l’énorme potentiel de ces langues, facteurs d’unité comme de division. Un faisceau d’études pluridisciplinaires Alors que Nigérians et Ghanéens prenaient tout simplement plaisir à regarder leurs films, les universitaires africains ont longtemps boudé une production qu'ils jugeaient de qualité médiocre et qu’ils comparaient aux romans à l’eau de rose du marché d’Onitsha étudiés par Emmanuel Obiechina (1972). Ceux d’entre eux réunis à Cambridge pour un colloque sur la puissance du verbe en 1999 se gaussaient alors de la qualité technique ‘épouvantable’ de ces films. Quatre ans plus tard, Foluke Ogunleye (2003 : xi) dut faire remarquer aux chercheurs que cette production ne devait pas « être dédaignée comme une passade [mais] être soumise au contraire à une étude sérieuse pour la faire sortir de sa position actuelle d’artisanat et changer le statut de paria qui est le sien aujourd’hui parmi les critiques condescendants, d’où qu’ils viennent. » Le sujet des publications a jusqu’ici été plus ou moins dicté par le champ d’études originel et le domaine de spécialisation des chercheurs. Le contenu des films est maintenant traité comme une partie intégrante de la scène littéraire et artistique du pays. Mais de nombreux aspects de la production nigériane restent encore dans l’ombre, et ce champ d’étude est en pleine expansion. Cette production a inspiré un grand nombre de projets de recherche individuels et collectifs sur la production et la gestion de ces films, qui témoignent de l’intérêt grandissant des universités pour la production cinématographique du Nigeria (Cf. Elizabeth Hester, 2016). Ces travaux, dont un certain nombre mentionnés en bibliographie, émanent d’abord du Nigeria, mais aussi des États-Unis dont le pays bénéficie de l’implantation de départements et centres d’études africaines soutenus financièrement. Inspirés par leur géolocalisation autant que par la nationalité de leurs auteurs, ils s’intéressent aux langues des films, à leur traitement de la politique, de la 51

violence et de la religion, à leur présentation des femmes et des centres urbains, et, plus récemment, à leur réception à l’étranger. Situés aux marges de Nollywood, les films yorubas, leurs racines culturelles, leur développement, leur forme, leur style et leur contenu, ont eux aussi fait l’objet de plusieurs thèses et mémoires, soutenus principalement à l’université d’Ibadan (UI), doyenne des universités nigérianes, établie en pays yoruba. On ne mentionnera ici que les premières années de ces études, avec les trois masters d’Oluranti Babatunde, d’Olatunde Olaoye et de Babatunde Taiwo la même année 1997, et les thèses d’Onookome Okome (1991) et de Durotoye Adeleke (1995) sur les débuts de Nollywood et la réception des films yorubas. Des séminaires, colloques internationaux et festivals de plus en plus nombreux permettent en outre de réunir régulièrement chercheurs, producteurs, réalisateurs et acteurs. Nous n’en citerons que quelques-uns ici, pour mémoire, dans le but de rendre compte des pays intéressés et des centres d’intérêt poursuivis :

x Forum international sur le cinéma et la vidéo en Afrique, ITPAN, Lagos, 10-13 juillet 2002 ; x Second festival du film africain et antillais, à l’Université des Antilles sur les vidéos populaires nigérianes, avec Tunde Kelani et Onokoome Okome, 16-18 octobre 2003 ; x Dans l’antre du dragon, sur la charia et la censure affectant le cinéma, Cologne 2004 ; x Écrans noirs, festival de Yaoundé : Dangerous Twins de Tade Ogidan. Invités : Jimi Odomusu et Bimbo Akintola (Nigeria), 4-12 juin 2005 ; x Festival du film d’horreur La boussole de l’horreur, Bristol, Compass South Nigeria, avec Onookome Okome et Evang. Helen Ukpabio, 28 octobre-9 novembre 2006 ; x Atelier sur Corps, décor et envers du décor dans les vidéos populaires nigérianes et ghanéennes, avec Jean-Paul Colleyn, Directeur d’Études à l’EHESS, CAMC (Centre d'anthropologie des Mondes Contemporains), Paris 2007 ; x Première des conversations Nollywood, sur la question de Nollywood et l’identité, dans les bureaux du journal africain Voice à Londres, 13 juillet 2007. Avec Peter Badejo (OBE), PDG de Badejo Arts; Victoria Okri, actrice de Nollywood; Golda John, actrice ; Mike Abiola, PDG d’Afrohollywood et d’African Voice ; Dele Ogun, Coordinateur, The Yoruba Foundation et partenaire à Ogun@Law ; Tunji Bamishigbin, PDG de Rockview Productions (Lagos) ; Rufus Orisayomi, MD Ritual Theatre Arts et éditeur de Kayode : African Arts Bi-Annual, et Tope Omoniyi, de Roehampton, GB ;

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x Atelier sur l’industrie cinématographique de Nollywood & la Diaspora africaine au Royaume-Uni, organisé par l’Open University avec le concours de l’Institut britannique de cinéma (BFI), Londres, août 2007 ; x Festival du cinéma africain, Université Obafemi Awolowo, Ile-Ife (Nigeria) ‒ courts métrages, animations et documentaires par des metteurs en scène africains ; x Festival africain d’Edimbourg : Africa in Motion, 25 octobre-4 novembre 2007 ; x Première Nollywood Week de Paris (2012) – évènement annuel ; x Nollywood Week de Paris sur les femmes dans l’industrie cinématographique (2014) ; x New Directions in Nollywood and Nigerian Cinema, Université de Columbia (New York), 22 avril 2016 ; x Table ronde sur Nollywood: “How did Nigeria create the second largest movie industry in the world?”, Institut d’Études africaines, Université de Columbia (New York), avec Emily Witt, Daniel Oriahi et Brian Larkin, 8 novembre 2017 ; x Journée sur l’émergence de Nollywood et Bollywood dans le cinéma mondial, organisée par les étudiants en Information et Communication de l’Université Paris 13, Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord (MSH) (février 2019), avec Françoise Ugochukwu et d’autres ; x Discours d’ouverture du 4e congrès de l’Association des Études “Lagos sur Lagos dans le monde et le monde à Lagos”, intitulé : ‘Le Lagos de Nollywood’, Lagos (27-29 juin 2919). La présence grandissante et de plus en plus visible de l’industrie cinématographique nigériane dans les festivals, où ces productions avaient d’abord été boudées comme un sous-genre de qualité médiocre (Batard, 2011), est aujourd’hui l’occasion pour le public de découvrir un medium différent, au moment où des pays africains de plus en plus nombreux développent leur industrie cinématographique sur le modèle du Nigeria. Le défi nigérian Les publications françaises et francophones offrent quant à elles des analyses comparatives et des réflexions sur les qualités respectives des longs métrages nigérians et francophones. Le cinéma francophone est apprécié pour ses qualités techniques et artistiques et surtout pour l’image positive qu’il donne de l’Afrique, prouvant le savoir-faire du continent et projetant ses producteurs sur le devant de la scène internationale. Ceci explique que ces films soient brandis avec orgueil par certains producteurs africains comme des ambassadeurs de choix à présenter dans les grands festivals, dans l’espoir

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d’une reconnaissance internationale, d’un record de ventes dans les pays occidentaux et de gains substantiels. Les festivals, en revanche, ont longtemps fait la fine bouche devant ce qu’ils percevaient comme des films de qualité inférieure aux maigres budgets et aux scénarios souvent dénués d’imagination. Tous reconnaissent cependant que de nombreux réalisateurs et producteurs nigérians, tout comme leurs acteurs phares, ont aujourd’hui atteint la célébrité et une reconnaissance internationale révélées par les contrats signés avec des pays comme le Royaume-Uni et l’Ukraine (2014), la Chine (2019) et l’Inde20 (2020), pour de nombreuses coproductions, et par la publication d’entretiens avec les réalisateurs Amaka Igwe, Tunde Kelani, Zack Orji et bien d’autres. Quant à la presse, plus proche du public que les universitaires, elle tend de plus en plus à mettre en valeur les productions nigérianes qu’elle cite en exemple, montrant qu’elles réconcilient les audiences africaines avec les productions locales. Les journaux dressent ainsi la liste des avantages indéniables de Nollywood :

x Des thèmes et des sujets qui ne manquent pas d’attirer l’attention des audiences locales ; x Une grande variété de films qui satisfont les goûts et les cultures régionales et qui parlent la langue du public ; x Un mode flexible de distribution qui ¾ Permet au public local d’avoir accès aux films – au contraire de la littérature, publiée hors de portée de son public légitime ; ¾ Tient compte de la pauvreté et de l’insécurité d’un pays qui, hormis dans une poignée de grandes conurbations, n’a encore ni les moyens ni l’infrastructure nécessaires à la multiplication des salles de cinéma ; ¾ Attire et satisfait les individus comme les groupes. La question de la langue Les publications qui se sont penchées sur le côté ethnolinguistique de la production ont souligné quatre points principaux :

x Le peu d’information disponible sur les films hausa, longtemps, semblet-il, restés dépourvus de sous-titres et dont la diffusion semble s’être plus ou 20

Angleterre : https://www.londonmet.ac.uk/news/articles/nollywood-top-10/ de 2014 ; Ukraine : https://www.youtube.com/watch?v=HZ1l7_hfa1s du 26 fev, 2014 ; Chine : https://edition.cnn.com/2019/11/21/africa/china-nigeria-film-partnership/index.html du 22 nov. 2019; Inde : https://www.okayafrica.com/when-does-nollywood-bollywood-movie-filmnamaste-wahala-come-out-nigerian-and-indian-culture-weddings/ & https://www.bbc.com /pidgin/ tori-51569935 du 20 fév. 2020.

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moins cantonnée à la vaste zone linguistique hausa, couvrant une grande partie du Sahel. Ces films, aujourd’hui de plus en plus présents en ligne et sous-titrés, font heureusement l’objet, depuis quelques années, de l’attention de chercheurs comme Abdalla Adamu, Graham Furniss, Dul Johnson, Krings, Larkin et McCain. RFI a par ailleurs diffusé un reportage sur Kannywood le 29 juin 2021 ; x Une prise de conscience grandissante du caractère distinctif des productions yoruba, elles aussi longtemps privées de sous-titres adéquats (Ghaniyah Olowoyo, 2020), mais mettant en avant une identité culturelle soulignée plus par la langue adoptée et l’origine ethnique des producteurs, réalisateurs et acteurs que par les thèmes traités ou la diffusion de ces films ; x Un étonnant désintérêt pour les rares films produits en igbo, qui contraste avec l’engouement du public pour les milliers de films en engligbo, hybride d’anglais et d’igbo (Eke Uduma, 2011) ; x Un manque relatif de publications sur les films dans d’autres langues nigérianes, malgré le nombre important de productions en edo, efik, ijo, itsekiri et urhobo en particulier, elles aussi en ligne et sous-titrées. Les films en anglais présentent en revanche ces diverses aires culturelles : The Queen of the Rain Forest (2003), une épopée en anglais de Jeta Amata, évoque par exemple la culture efik. Le second festival international d’Ife (26-30 janvier 2009) comportait une communication de Mabel Evwierhoma, du Département d’arts théâtraux de l’université d’Abuja, intitulée : “Enter the Urhobo Home Video Film, Looking Back Looking Forward.” On ne peut trop souligner l’importance cruciale de la langue : elle révèle ce qui peut être perçu comme un déséquilibre possible dans la mise à l’écran des différentes cultures de la fédération ; elle a souvent aussi gêné l’étude approfondie du contenu des films, et rendu difficile une juste rétrospective historique du développement de la production cinématographique nigériane. La diffusion des productions en langues nigérianes a elle aussi été limitée par la barrière de la langue. Au sein de la production en langues autres que l’anglais, les films hausas sont les mieux lotis : les données recueillies démontrent qu’après s’être répandus dans tout le nord du pays, ils ont rapidement traversé les frontières et pénétré Niger, Tchad et nord-Cameroun, renforçant les liens de cultures entre ces populations avoisinantes. Il semblerait cependant que depuis 2004, la diffusion de ces films ait décliné, probablement du fait de l’application de plus en plus répandue de la charia au nord du Nigeria, et de l’instabilité de cette sous-région. Ces films continuent néanmoins à se répandre dans tout le Sahel parmi les populations hausaphones, où leur impact culturel se fait sentir et donne lieu à de nombreux commentaires. Les productions en yoruba quant à elles sont passées à l’ouest dans les pays voisins ‒ Bénin et Togo, et font en outre aujourd’hui les soirées de l’importante diaspora yoruba 55

d’Amérique du Sud. Quant aux films igbos, connaissant la tendance des Igbos au déplacement, leur vaste diaspora et leur attraction pour la langue anglaise, on ne sera pas surpris de constater qu’ils soient restés peu nombreux ‒ la majorité des productions igbos sont en engligbo, cette variété d’anglais nigérian tempérée d’igbo, et émaillée par ailleurs de chants igbos. Les progrès de la diffusion des films ont démontré l’urgence d’une réflexion sur le doublage et le sous-titrage. Même s’il est vrai que ces productions se sont longtemps intéressées d’abord et surtout à un public local, il est évident qu’un nombre grandissant de Nigérians et d’Africains parlant d’autres langues – le français en particulier – désirent pouvoir accéder à ces films. Si le sous-titrage a jusqu’ici été généralement préféré par les Nigérians, comme en témoignent les films igbos et yorubas produits depuis le début des années 1990, le doublage gagne du terrain à mesure que les techniques s’améliorent. Le film Love in vendetta (1996) de Chiko Ejiro offre un exemple intéressant de sous-titrage. Le public y suit les déboires d’un jeune couple aux prises avec leurs deux familles traumatisées par de pénibles souvenirs datant des émeutes tribales de Kano en 1987. Ses sous-titres français visent le public francophone des pays voisins, déjà familier du thème de l’amour interculturel, sujet de nombreux romans et nouvelles francophones. Des producteurs comme Tunde Kelani doublent ou sous-titrent d’ailleurs systématiquement leurs films à l’adresse du vaste marché d’Afrique de l’Ouest, et le film de Kelani, Pourquoi moi? (2013), production multilingue sur fond yoruba, se déroule au Bénin. Un modèle à suivre De plus en plus de publications sur les films nigérians se penchent sur la question de leur réception à l’étranger, et révèlent le dilemme auquel doivent faire face les producteurs désireux d’atteindre de nouveaux publics. La majorité rêvent de trouver des mécènes et un budget qui leur permette de produire de grands films prometteurs, garants de leur présence dans les festivals de cinéma et qui puissent les propulser sur la scène internationale. D’autres se battent pour améliorer la qualité de leurs films avec les moyens du bord, de façon à satisfaire leur public local et régional. Mais tous cherchent à élargir la diffusion de leurs films vers l’étranger. Les recherches entreprises révèlent que le Nigeria développe actuellement sa production cinématographique sur les deux tableaux, tout en déplaçant peu à peu les thèmes de ses scénarios pour attirer le public occidental. Cet effort de diffusion vise particulièrement le Royaume-Uni depuis le tout début de ce siècle, avec des films comme Osuofia in London (2003), London Boy (2004), Fateful Love - London lovers (2004), Felefele Laye et Ife Oga (yoruba, 2006) et Manchester Bound (2007). Gone too Far (2013), le film de Destiny Ekaragha, diplômée de la Business School (ancienne Cass) de Londres, a été l’un des dix films de Nollywood projetés en salle au Nigeria 56

en 2015 et sa réalisatrice a obtenu le prix des BAFTA Breakthrough Brits21. The Ghost and the House of Truth (2019) figurait au programme du festival 2020 de l’Institut de film britannique de Londres22. Les États-Unis, eux, figurent depuis longtemps dans les productions nigérianes, tantôt comme eldorado, tantôt comme miroir aux alouettes, comme le montrent One dollar (2002), Million Dollar Sisters et African Dilemma (2006) ou African Youth (2007). La vaste diaspora nigériane des États-Unis a largement contribué à la diffusion et à l’étude de cette production. Dollars from Germany (2004) et Brain Wash (2006) ont quant à eux ajouté l’Allemagne à la liste, qui comprend aujourd’hui de nombreux autres pays. Il est intéressant de noter, en outre, que l’attraction qu’exercent les films nigérians sur le reste de l’Afrique est telle que la langue utilisée, que ce soit l’engligbo ou d’autres langues nigérianes, ne semble pas décourager le public francophone : après le Niger, le Tchad, le Bénin, le Togo et le Cameroun, les films nigérians ont maintenant atteint les marchés des deux Congos, du Malawi (Joseph Chimbuto, 2016), de Zambie, de Tanzanie et du Kenya (Noukoué, 2021), où ils initient de nouveaux publics à l’igbo et au yoruba. Le 15 novembre 2006, le site Internet de la BBC rapportait déjà le boom de la vidéo au Kenya où étals de fortune et vendeurs à la sauvette offrant des films, pour la plupart nigérians, se multipliaient aux alentours des petits marchés et jusque dans les bidonvilles avoisinant les grands centres urbains. Les Africains ne se contentent plus de visionner les films nigérians : ils produisent maintenant leurs propres films sur le même modèle (Wanjiru Kinyanjui, 2010). Le succès de Nollywood en Afrique s’est fait en quatre temps : d’abord, ses films se sont vendus, légalement mais surtout illégalement par piratage, et le piratage, aux dires mêmes des réalisateurs, a énormément facilité cette diffusion. Ensuite, ils ont suscité un intérêt et ont donné lieu à des adaptations, comme en Afrique australe où des DJ locaux passent les films nigérians sans le son et les commentent dans la langue de leur public. Dans un troisième temps, ces pays ont envoyé leurs propres apprentis-cinéastes au Nigeria pour s’initier à cet art nouveau dans des instituts gérés par les réalisateurs nigérians. Et enfin, plusieurs de ces pays, comme l’Ouganda, la Zambie et la Tanzanie, ont lancé leur propre industrie cinématographique, tandis que d’autres, comme le Ghana, entamaient une coopération avec le Nigeria pour produire et diffuser ensemble (Ugochukwu & Defosse, 2016).

Cet engouement a offert au Nigeria l’occasion de proposer à ces pays africains une formation adaptée à leurs besoins. Le 14 juillet 2007, dans le cadre des échanges culturels entre le Nigeria et le Kenya, dix producteurs de films 21 22

https://www.londonmet.ac.uk/news/articles/nollywood-top-10/. https://www.filmafrica.org/event/opening-night-the-ghost-of-house-and-truth/.

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kenyans ont visité le Nigeria grâce à des bourses pour y suivre des cours professionnels de production cinématographique. Cette coopération sud-sud devrait encourager la compétitivité de Nollywood tout en rehaussant le profil international du cinéma africain. Au Ghana, l’industrie du film, née, comme en pays yoruba, de la culture locale des concerts-parties et du théâtre itinérant, est établie de longue date et a déjà généré un certain nombre d’études et de publications. Les producteurs francophones, à leur tour, lancent aujourd'hui de nouvelles initiatives, fascinés par la possibilité de faire des films à petit budget pour des retours juteux, et attirés par la possibilité d’enfin offrir le cinéma à un public rural éloigné des salles de projection des grandes villes. Ce déplacement des ventes est actuellement à l’étude.

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4. L’Occident et ses documentaires En 2007, Good Copy Bad Copy – a Documentary About the Current State of Copyright and Culture (Johnson, Christensen & Moltke, Danemark, 59mn) traitant de la question des droits d’auteurs est diffusé à la TV, couvrant plusieurs pays dont le Brésil et le Nigeria, la Russie, la Suède et les États-Unis. Il offre des entretiens abordant la créativité, l’innovation en matière de modèles commerciaux, le défi que représentent les droits d’auteur, la technologie et l’évolution des marchés. Il donne également la parole à deux personnalités de Nollywood : Charles Igwe, producteur de films à Lagos, et Mayo Ayilaran, de la Société nigériane des droits d’auteur, qui parle de l’approche gouvernementale de la législation en cette matière. Sans surprise, la BBC semble cependant avoir été la première à s’intéresser au cinéma nigérian en tant que tel, comme le démontre son documentaire de 2004, Nick Goes to Nollywood (Jedlowski, 2013 : 37). Un petit nombre d’autres documentaires ont suivi, produits par un Occident intrigué par le développement phénoménal de la production nigériane et fasciné par son succès. Ce chapitre considère sept des documentaires produits sur Nollywood : cinq en anglais et deux en français, tous sauf un produits en 2007-2009 et qui projettent pour la première fois le cinéma nigérian sur les scènes internationales. Ce sont Welcome to Nollywood (Meltzer, 2007, USA, 58mn), This is Nollywood (Sacchi, 2007, USA, 55mn), Nollywood Babylon (Addelman & Mallal, 2008, Canada, 75mn), Nollywood, le Nigeria fait son cinéma (Hamelin, 2009, France, 52mn), Nollywood Abroad (Geerts, 2008, Belgique, 47mn), Nollywood, Just Doing It (Thornburn, 2008, Royaume-Uni, 30mn) et Nollywood: le cinéma nigérian à la conquête du monde (Kamdem, 2018, France, 62mn), Nous les comparerons pour mettre en avant ce qu’ils disent de l’accueil des films nigérians à l’étranger. Bien que le film considéré comme marquant le début de Nollywood, Living in Bondage (1992), date de 1992, le monde a mis ensuite quelque temps à découvrir l’ouvrage pionnier de Haynes (1997), qui signalait un début d’intérêt pour ces films dans le milieu universitaire. Il a ensuite fallu une dizaine d’années pour que paraisse le premier documentaire sur la production nigériane, Welcome to Nollywood, filmé à Lagos par des Américains et lancé aux États-Unis au festival de documentaires de Durham, en Caroline du nord, il a ensuite été présenté aux festivals d'Avignon et Melbourne durant l’été 200723.

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http://www.imdb.com/title/tt1034469/plotsummary.

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Des informateurs de première main Ces documentaires, qui font le lien entre le Nigeria, sa diaspora et les spectateurs étrangers, ont le même but : celui d’introduire un public étranger, qui ne connaît probablement, à l’époque, que peu de choses sur le Nigeria, à la production devenue l’une des majeures exportations de ce pays. C’est ce qui explique les statistiques données d’abord sur le pays, sa jeune population (dont plus de la moitié a moins de vingt ans) et sur l’importance de Lagos, capitale économique du pays et moteur de la production cinématographique et de ses ventes. Ils commencent par donner une vue d’ensemble de la diversité du Nigeria, de Lagos la multiculturelle à Kano la musulmane, et évoquent brièvement le cinéma colonial, Palaver, a Romance of Northern Nigeria (1926), documentaire tourné dans la région de Bauchi, et Sanders of the River (1935) en partie filmé au Nigeria24 et qui a introduit les Nigérians au grand écran, suscitant dans le même temps leur désir de répondre à la fausse image que projetaient d’eux les Britanniques. Ces documentaires offrent, à partir d’angles différents, un bref résumé des étapes importantes de l’histoire de Nollywood : le théâtre ambulant yoruba, les premières séries télévisées, l’influence des films indiens et américains, l’impact du programme d’ajustement structurel25 de 1986 imposé à la suite d’un emprunt à la Banque Mondiale et l’impact de l’insécurité des années 1990 sur le choix et le développement de la production domestique. Ces documentaires font aussi pénétrer leur public au cœur des ventes de Nollywood, au fameux marché d’Idumota sur l’île de Lagos. Certains visitent le marché international d’Alaba, dans la ville voisine d’Ojo, spécialisé dans l’exportation des films vers l’Afrique de l’Ouest, la France et les Antilles. Ils révèlent également la façon dont les films sont financés – à l’époque, par les seuls producteurs. Ils passent devant de gigantesques affiches colorées annonçant les derniers films de Nollywood, des échoppes aux étagères bourrées de VCDs aux couvertures alléchantes, et rappellent à leur public les sommes colossales que permettent les ventes – plus de 400 millions de dollars depuis 2000, dans un pays qui possédait déjà plus de 55 millions de lecteurs vidéo en 2007. Selon la Banque mondiale, en effet, Nollywood, qui avait déjà vendu, à l’époque, quelque 150 000 films, démontrait ainsi « son énorme impact sur la lutte contre la pauvreté en créant de nombreux emplois, spécialement pour la jeunesse » (Pierre Strauss, 2011). Ces documentaires viennent nourrir une réflexion sur la place du film nigérian dans la vie quotidienne des Nigérians et sur son impact au-delà de ce premier public. Les entretiens révèlent également l’importance de la motivation soutenant la créativité et le rapide développement de Nollywood. Comme le 24 25

https://www.imdb.com/title/tt0026966/. http://documents1.worldbank.org/curated/en/959091468775569769/pdf/multi0page.pdf

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remarque Mahmoud Ali Balogun dans This Is Nollywood, « vous allez voir maintenant comment nous produisons nos propres films presque sans aide extérieure. » Les caractéristiques principales de la production nigériane à usage domestique sont ensuite mises en avant – son histoire, aussi courte que remarquable et unique, son volume impressionnant, ses petits budgets, ses calendriers de production, ses équipes mêlant professionnels et amateurs, son choix initial du support VHS, rapidement remplacé par le VCD/DVD, sa distribution accélérée et l’intérêt qu’elle suscite auprès du public, ses fondements didactiques et moraux, avec des producteurs peinant à satisfaire une demande grandissante. Les documentaires partagent une structure remarquablement similaire, enchaînant clips tirés de films variés et entretiens avec quelques-uns des réalisateurs et producteurs les plus connus, des meilleurs acteurs et des partenaires commerciaux, filmés à divers endroits. Ils retracent le développement de Nollywood et son évolution, des rituels et des évocations de sociétés secrètes du début des années 1990 aux épopées héroïques des siècles passés, remplacés aujourd’hui par une vague de films inspirés par la violence en politique et, plus récemment, par la lutte contre le trafic d’êtres humains. Ils assistent à l’entretien d’embauche des acteurs potentiels ; quatre d’entre eux suivent ensuite l’équipe de tournage pendant toute la production d’un film illustrant le sujet principal du documentaire. Laviva (2007) traite du rôle de l’armée dans l’histoire et le psychisme du Nigeria, Checkpoint (2007) dénonce les effets délétères de la corruption, Bent Arrows (2010) et Desperate Heart (2007) révèlent la lutte de Nollywood pour sauver l’âme de la jeunesse au pays et à l’étranger. Suivre les équipes de tournage permet aux documentaires de montrer aux spectateurs quelques-unes des difficultés rencontrées par les producteurs – approvisionnement irrégulier en électricité, météo imprévisible, retards dus aux embouteillages, acteurs indisponibles et problèmes financiers. La langue elle-même, l’anglais nigérian émaillé de dialogues en pidgin – ou en flamand dans le cas de Nollywood Abroad (2008), révèle la pratique de l’alternance et du mélange codiques au Nigeria ; les documentaires ont par conséquent choisi d’offrir des sous-titres en anglais et adopté la ‘voix off’ pour soutenir le son et faciliter l’accès du public au contenu des films. Les entretiens avec les réalisateurs, producteurs et acteurs ne laissent aucun doute quant à la relation entre le public nigérian et les productions nollywoodiennes. Lancelot Imasuen, réalisateur et producteur, explique que ces films « sont des histoires à propos de notre peuple et pour eux » – ces 2/3 du pays qui vivent avec moins d’un dollar par jour. Dans le même documentaire, l’acteur Desmond Elliot ajoute que « si les gens aiment ce que vous faites, au bout de deux ou trois films, vous êtes devenu une star », remarque qui confirme l’impact direct du renom des acteurs sur les ventes. Ici comme à Bollywood, c’est en grande partie la présence de stars connues qui détermine les ventes – ce que confirme Haynes pour lequel « le système de la 61

notoriété des stars fait partie intégrante de cette industrie » (2016 : 14). Jim Iyke (Hamelin, 2008) a lui aussi confirmé que, plus que les titres ou la couverture des pochettes de VCD, ce sont les noms des acteurs-phares qui poussent le public à l’achat. Les documentaires emmènent leur public à la découverte de Nollywood, partant d’une simple introduction à la production cinématographique nigériane pour évoquer ensuite le sujet de la migration en démontrant comment les productions diasporiques de Nollywood répondent aux questions de leur public resté au pays, tout en avertissant ceux d’entre eux tentés de se lancer dans l’aventure des dangers qui les guettent. Le phénomène nigérian vu d’Amérique Le premier de ces documentaires, Welcome to Nollywood (2007, 56mn), présente la production nigériane dans la ligne des traditions orales de la fédération – le conte en particulier, que pratiquent encore jeunes et vieux – en même temps qu’ils font connaître à leur public les nouvelles académies d’art dramatique qui permettent d’ajouter à la créativité en enrichissant le professionnalisme des acteurs. Peace Anyiam-Fiberesima, fondatrice et PDG de l’African Movie Academy Awards, et trois réalisateurs/producteurs – Izu Ojukwu, Tunde Kelani et Chico Ejiro, introduisent le public à quelques-uns de leurs films et parlent du processus de production. Izu Ojukwu accueille l’équipe chez lui à Jos, au centre du pays – un rappel de l’ancienneté des groupes de peuplement igbos dans cette région ; il raconte sa première rencontre avec le cinéma et sa fascination d’enfant pour les projecteurs, et parle de son film Who Will tell the President (2006). Tunde Kelani révèle le rôleclef joué par la technologie dans la découverte de leur voix par les Nigérians : « Pourquoi Moi, produit par Abdel Hakim Amzat, PDG des Productions Laha Productions basées à Cotonou, au Bénin, a été tourné en HDV de façon assez sophistiquée, avec un mini adaptateur 35mm bon marché, un PC Vaio utilisant des logiciels de production. Sa post-production est en Final Cut Pro Studio 2 sur Mac » (entretien personnel, 20 février 2017). Chico Ejiro énumère quelques-uns des films qu’il a dirigés : Silent Night (1996), Daybreak (1998), Blind Love (2003), Cry for Justice (2010), Touch of Evil (2014), Obsession et Slave (n.d.). Franco Sacchi, du Centre des arts de l’imagerie numérique (CDIA) de l’université de Boston, se remémore sa découverte de Nollywood : « Lorsque j’ai lu que les réalisateurs nigérians réalisaient des longs métrages à l’aide d’appareils, j’ai trouvé le sujet irrésistible. C’était là, non seulement une nouvelle différente, positive, concernant l’Afrique, mais une histoire illustrant la promesse d’égalité par le biais de la technologie numérique – n’importe qui pouvait désormais produire un film. Nollywood était pourtant quasi inconnue. » Souhaitant donner à des réalisateurs, producteurs et acteurs nigérians l’occasion de prendre la parole, il part alors pour Lagos en 62

octobre 2005 avec deux collègues, Aimée Corrigan et Bob Caputo. This Is Nollywood, documentaire de 56mn produit la même année 2007, ajoute à l’introduction générale offerte par le documentaire précédent. Filmé à Lagos et à Badagry, ville côtière proche de la frontière entre Nigeria et Bénin, il est le premier à pénétrer le monde de Nollywood à la suite du réalisateur nigérian Emeruwa et de son équipe, à l’occasion de la production du film Checkpoint qu’il va suivre de bout en bout : onze jours d’action et de problèmes inattendus allant de la panne d’électricité aux difficultés de transport, des abandons d’acteurs surbookés au mauvais temps. Le réalisateur explique le choix du scénario – la corruption dans les rangs de la police – inspiré par la nomination récente d’un nouvel inspecteur de police dans la région et son engagement à « faire le ménage au sein de la force ». Le film, lancé la même année 2007, est venu enrichir la catégorie ‘éduloisir’ qui caractérise la plupart des films nigérians – selon Emeruwa, « 90% des Nigérians regardent Nollywood, qui est [par conséquent] le meilleur outil d’information et d’éducation des gens. » Nous participons à la prière habituelle de début de travail, signalant l’adhésion de l’équipe à la culture religieuse qui prévaut au sud du Nigeria, et nous partageons leurs repas et leurs travaux. Dès le début et l’arrivée de l’équipe sur les lieux du tournage, un lien se crée entre eux et les villageois, facilité par le tournage en plein air qui permet aux gens d’assister au progrès de l’histoire. L’impact commercial du tournage sur les environs est important lui aussi, du fait que les commerçants, les traiteurs et les hôtels sont impliqués dans le soutien de l’équipe et son logement. Les personnes interrogées dans le cadre du tournage de This Is Nollywood incluent Fidelis Duker, fondateur et directeur du festival international de film d’Abuja (AIFF), PDG de la guilde du Nigeria et l’un des plus grands réalisateurs/producteurs du pays ; parmi les autres, on compte Zeb Ejiro et Peace Fiberesima, tous deux réalisateurs/producteurs, Orogbogha Animadu, directeur de production, Peter Ejiro, producteur, et Patience Oghre, réalisatrice. Franco Sacchi a profité de sa présence sur ce tournage pour interroger plusieurs acteurs : Emmanuel France, Maleke Moye, Kevin ‘Books’ Ikeduba, Emeka Ossai, Rikardo Agbor et Saint Obi, l’acteur principal du film. Tous ont exprimé leur fierté de jouer dans des films dans lesquels les gens ordinaires peuvent se reconnaître (Fiberesima), et dit leur détermination à se débrouiller seuls, à être indépendants (Emeruwa) et à améliorer constamment leur jeu (Moye). En les suivant jour après jour, Franco Sacchi a découvert la flexibilité et la créativité exigées pour garantir le succès de ces productions dans l’environnement nigérian (Animadu, Ejiro), « faire de notre mieux à partir de rien » (Ossai) pour « inventer des scénarios en un rien de temps » (France). À l’occasion du tournage de Checkpoint, Franco Sacchi a également rencontré un certain nombre de réalisateurs et de producteurs qui lui ont fait toucher du doigt ce qui motive les cinéastes nigérians : la satisfaction et la fierté de produire « nos propres films, chez nous, avec ou sans aide 63

de qui que ce soit » (Mahmood Ali Balogun). Dickson Iroegbu évoque le rapide développement de cette industrie qui vaut à l’époque quelque 250 millions de dollars. Lancelot Imasuen lie l’énorme succès des films au fait que ce sont « des histoires de chez nous, destinées aux gens de chez nous ». Peace Fiberesima confirme le caractère populaire de ces films et explique que « nous ne faisons pas des films pour l’élite […] ; ceux-là peuvent se payer leur Robocop… ! » Pour le réalisateur de Checkpoint, l’esprit de Nollywood peut se résumer en un mot : résilience – « nous ne rencontrons pas de murs, nous avons appris à les escalader. » Peace Fiberesima a profité de l’occasion offerte par un documentaire destiné aux étrangers pour insister sur le vrai désir des cinéastes nigérians d’atteindre leur diaspora et « d’impacter la culture des jeunes Africains vivant hors du pays, qui ne savent rien de ce qui se passe ‘chez eux’, et dont les parents n’ont pas les moyens de les y ramener. Les films leur permettent de voir le Nigeria à l’écran, de le ressentir. Dans certains cas, nous arrivons à éduquer ces enfants concernant leur langue et leur culture. » Sa contribution, comme celle de l’acteur Jim Iyke dans le documentaire Le Nigeria fait son cinéma, sont particulièrement importantes, parce qu’elles confirment les remarques de plusieurs autres personnes interrogées sur le côté didactique de Nollywood, sa culture familiale offrant des modèles de comportement et « de nouveaux héros […] plus proches d’eux » (Emeruwa). Ces entretiens confirment aussi la volonté de Nollywood de renvoyer à son public une image fidèle du Nigeria. Emeruwa s’est aussi adressé au public américain, insistant sur un autre aspect didactique de ses films, qui cherchent à corriger les fausses impressions et les stéréotypes sur le Nigeria dans l’esprit des Afro-Américains dont beaucoup « croient encore que nous vivons sur les arbres » et à les encourager à redécouvrir le pays. Le film Checkpoint, qui avait confirmé la conviction de Franco Sacchi que le medium cinématographique présentait « des gens surmontant des obstacles pour réaliser leurs rêves », a été primé au festival international de cinéma d’Abuja de 2007. France-Nigeria : la consolidation des liens culturels En 2007, la Société nigériane de Cinématographie (NFC) invite les ministères des affaires étrangères français et espagnols à prendre part à ses activités, et l’Ambassade de France s’engage à continuer à soutenir le cinéma nigérian. L’année suivante voit l’édition anglaise de l’ouvrage de Barrot. La même année 2008, Hamelin, journaliste français, produit un documentaire sur Nollywood, Nollywood, le Nigeria fait son cinéma (52mn), financé par la Fondation Jean-Luc Lagardère et la Fondation de France. Ce documentaire télévisé le 3 mai 2009 à 22h45 sur la chaîne Planète s’ouvre sur une scène typique de Nollywood, un accident de la route, présenté, au travers d’un mélange d’entretiens et de clips tirés de Thunderbolt (2001), Last Oath 64

(2005), Brothers Apart (2007), End Time Virus (2007), Beyonce and Rihanna (2008) et Sleeping with the Enemy (2004), comme « une histoire exotique africaine » mettant en avant les rapides changements intervenus au sein du cinéma nigérian au cours des quinze dernières années en même temps que la nature prolifique de cette production. Les personnes interrogées, qui représentent un éventail de professions et d’ethnies plus large que dans le documentaire précédent, offrent pour la première fois un panorama exhaustif de cette industrie, de la production de films à leur évaluation par le Bureau national de la Censure et à leur distribution. Hamelin a rencontré des réalisateurs comme Muyiwa Ademola, Harrison Isaiah et Ahmad Alkanawy, des producteurs comme Elvis Daniels, Oscar Rodondo Iheanacho et Adamu Sani Yunusa, et des acteurs comme Jim Iyke, Chika Ike, Mercy Johnson, Jide Alabi, Buki Ajayi et Rahama Hassan. Il a également interrogé la maquilleuse Fadekemi Ademola, le directeur du Bureau de la censure, Abosede Francis, le gérant du grand cinéma de Lagos Adamu Jonathan Murray Bruce, le ‘patron’ du marché Frank Azubike, le concessionnaire Okoro Ugwu Nwachukwu et même un iman, Aminudden Abubakar. Il est allé plus loin que les autres réalisateurs, se déplaçant de Lagos à Shagamu dans l’État d’Ogun, en pays yoruba, avant de se rendre à Kano et à Kaduna, deux des capitales du nord, « un autre monde », pour toucher du doigt les difficultés qu’y rencontre cette jeune et exubérante industrie inspirée par les faits divers, faite de pleurs et d’effets spéciaux. Les personnes interrogées ont toutes insisté sur le fait que ces films sont produits pour être accessibles à tous. Elles témoignent de l’usage croissant des scénaristes, quasi absents de la production cinématographique des années 1990, et démontrent l’usage créatif des lieux extérieurs ou intérieurs prêtés par leurs propriétaires (magasins, cafés et hôpitaux). L’utilisation d’extras – vendeurs de rue, mécaniciens et autres, recrutés sur place pour de courtes scènes de 15mn, révèle une infinie créativité et une flexibilité d’adaptation remarquables. L’actrice respectée Mercy Johnson souligne l’importance de l’image projetée par les personnages féminins, le comportement de celles qui fument, boivent et se déplacent légèrement vêtues étant lu comme des signes d’irresponsabilité morale. Pour elle, au Nigeria, l’usage des stéréotypes et le ton moralisateur des scénarios sont une garantie de succès. L’entretien avec le gérant du cinéma éclaire la préférence du public nigérian urbain de l’époque pour les supports vidéo/CVD/DVD destinés à un usage domestique, beaucoup moins chers alors que les places de cinéma. L’inclusion de distributeurs enrichit le documentaire d’Hamelin de détails sur les ravages du piratage, qui fait perdre des millions en droits d’auteur aux producteurs (Yomi Olugbodi, 2011 ; Cole Paulson, 2012 ; Moïse Gomis, 2015 ; Similoluwa Daramola, 2021 ; RFI, 2021). Nous découvrons que certains réalisateurs comme Harrison Isaiah ou Izu Ojukwu sont entrés dans l’industrie directement après leurs études secondaires, préférant l’apprentissage sur le tas à une formation théorique. 65

Le documentaire fait la liste des emplois créés par l’industrie cinématographique – réalisateurs et producteurs, mais aussi scénaristes, cameramen, ingénieurs du son, techniciens divers, maquilleuses, distributeurs et autres : plus de 200 000 personnes, surtout des jeunes, qui grâce à ces emplois échappent à la misère, à la rue et à ses tentations. Son exploration de la diversité ethnique du pays est l’occasion de participer à un festival traditionnel et de découvrir la contribution yoruba à Nollywood grâce à des clips soustitrés tirés d’Abegbe (2008) dont le réalisateur, multilingue comme la plupart des Nigérians, explique que « certains regardent des films yorubas, d’autres des films en anglais, quelques-uns les deux. Mais si vous sous-titrez vos films, à ce moment-là, tout le monde peut les regarder partout dans le monde. » Un aspect intéressant de ce documentaire est son inclusion du Bureau de la Censure cinématographique dans son enquête. L’un des producteurs interrogés, Oscar Iheanacho, reconnaît que les cinéastes avisés tiennent compte de ce Bureau quand ils rédigent leurs scénarios, pour éviter la saisie de leurs films. Le directeur nous apprend que les critères examinés incluent le contenu et la vulgarité dans la description des parties du corps, ajoutant que, si certains films sont labellisés ‘pour adultes’ en raison de la violence de leur contenu, la majorité sont jugés ‘G’ [général], pour tous publics. Cet entretien donne une idée des raisons du rejet de certains contenus – incitation à la violence politique ou religieuse par exemple, en référence aux émeutes entre nordistes et sudistes et à la guerre du Biafra (1967-1970). La partie du documentaire filmée au nord du Nigeria met en avant l’importance de la musique et des danses inspirées de l’Inde dans les films hausas, et l’impact avoué de l’adoption de la charia, qui affecte tous les aspects de la vie quotidienne, a conduit à la fermeture des salles de cinéma (Johannes Harnischfeger, 2008 : 96) et entravé la production cinématographique de cette région du pays. On apprend notamment que les producteurs ont été obligés d’abandonner Kano, la ‘Mecque des films hausas’, pour Kaduna en 2008 de façon à être libres de créer leurs films, après le vote de nouvelles lois interdisant aux femmes de se vêtir à l’européenne, d’entrer en contact physique avec les hommes, d’aller à l’université et de sortir à la nuit tombée. Cette situation a également affecté les actrices, que leurs maris empêchent souvent de poursuivre leur carrière après le mariage – bien que certains films hausas aient pris sur eux de transmettre un message de libération à leur public musulman. Hamelin s’est entretenu avec un iman, qui a justifié la position de l’État en expliquant qu’il aimait les films pourvu qu’ils ne menacent pas la culture locale en amenant des influences étrangères. Plusieurs familles hausas ont cependant ouvert leur porte à Hamelin et l’ont invité à regarder des films avec elles, disant considérer les chansons et les scénarios comme de bons moyens d’apprendre les bonnes manières aux enfants. De tels entretiens introduisent le public au caractère essentiellement didactique des films de 66

Nollywood, attirant l’attention sur la morale qu’ils souhaitent transmettre. Ce message est renforcé par quelques-uns des clips choisis, comme ceux de Beyonce and Rihanna (2008), un film dénonçant l’immoralité de ce nouveau cinéma, illustrée par les pressions exercées sur les actrices postulantes de la part de certains réalisateurs et producteurs exigeant des services sexuels en échange de l’obtention d’un rôle. Le documentaire d’Hamelin et celui de Kamdem sont les seuls qui, de plus, donnent un certain nombre d’indications précises sur le rôle-clef de l’argent dans les cercles nollywoodiens – son importance dans la décision de se lancer dans la production ou dans une carrière d’acteur, son rôle dans le recrutement et l’accompagnement d’une équipe de tournage pour les sortir de la misère, et sa centralité au sein de cette économie parallèle. Le documentaire d’Hamelin se clôt sur le conseil que, du fait de l’accroissement rapide de la population nigériane, qui devrait doubler d’ici quarante ans, il vaudrait mieux ne pas ignorer cet exemple d’une Afrique qui réussit. Nollywood, du bidonville au salut Nollywood Babylon (2008, 74mn), produit au Canada, a suivi le réalisateur Lancelot Imasuen tout au long du tournage de l’un de ses films, Bent Arrows. Il débute par la prière préliminaire de l’équipe dédiant le film et l’équipement à Dieu et introduisant par là même la foi chrétienne au sein de la production. Plusieurs clips, tirés de films comme Living in Bondage (1992), Blood Money (1996), Snatched Out, Rapture, Hell Fire, Saving Sarah (2006), Power to Bind et The End of the Wicked (1999) viennent illustrer et enrichir les entretiens avec les réalisateurs Eddie Ugbomah, Lancelot Imasuen et Teco Benson, les producteurs Helen Ukpabio et Isang Ubong Awah, les acteurs Kenneth Okonkwo, Uche Jombo, Bob-Manuel Udokwu et Omotola Ekeinde, le chercheur Onookome Okome et l’écrivain Odia Ofeimun. Tous sont d’accord pour reconnaître la survivance des croyances ancestrales, la puissance grandissante des Églises dans les centres urbains et le lien entre la pauvreté endémique du pays et le succès rencontré par la prédication de la prospérité. Le documentaire, au hasard des rues encombrées de Lagos, confirme la base populaire des films de Nollywood « où Jésus et la sorcellerie jouent des coudes pour une place sur l’écran 26 ». Il explore la relation étroite entre Nollywood et le christianisme, avec des clips tirés de The End of the Wicked (1999) et un entretien avec Helen Ukpabio, productrice, scénariste, évangéliste et pasteure de Liberty Gospel Church. Comme l’explique l’une des personnes interrogées, « les films ont été récupérés par le christianisme du réveil. » Des films comme The Great Mistake (1995) sont maintenant utili26

http://www.fandor.com/films/nollywood_babylon.

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sés comme de puissants outils d’évangélisation par les Églises pentecôtistes et des ministères comme celui du pasteur Mike Bamiloye, Mount Zion Ministries, basé à Ibadan en pays yoruba, suivant un modèle venu des ÉtatsUnis. Pour Ukpabio, la raison en est simple : « dans un pays comme le nôtre, sans Jésus, on ne peut pas survivre. » Une chose est sûre : le documentaire éclaire les raisons du succès de Lancelot Imasuen en tant que réalisateur, en dépit de son manque de formation universitaire – il reconnaît qu’il a appris son métier « dans la rue. » Bent Arrows, qu’on a pu résumer comme « l’histoire de la rédemption de trois femmes aux prises avec l’inceste et la prostitution », était son 157e film. Ce documentaire a été mis à l’écran pour la première fois au Canada en octobre 2008 et a depuis été projeté à Edimbourg (juin 2009) et dans d’autres festivals cinématographiques (Helsinki, septembre 2009 ; Stockholm et Oslo, novembre 2009) avant d’être gravé sur DVD en novembre 2010. Un avertissement Réalisé par Saartje Geerts, qui a étudié les sciences politiques et sociales à l’université de Ghent (Belgique) et le documentaire créatif à Barcelone (Espagne), Nollywood Abroad (2008, 47mn), filmé à Anvers (Belgique)27 et lancé en Belgique sous le titre de Nollywood Aan de Schelde (2008), est très différent des autres documentaires. D’abord, il ne propose pas le kaléidoscope habituel sur Nollywood, sa production et sa commercialisation, mais présente un seul film, qui relate le parcours personnel de son réalisateur et producteur. En outre, au lieu de s’adresser à un public étranger, il cherche à toucher le public nigérian au nom de la diaspora nigériane, avec un message sur la migration. Surtout, en embrassant le message didactique de John Omoregie, la réalisatrice belge Saartje Geerts a fait le choix de lui donner le rôle principal en soutenant ce que le cinéaste et réalisateur nigérian considère comme sa mission. Ce documentaire sous-titré sur le premier film de John Osas Omoregie, Desperate Heart (2007), est raconté par John Omoregie lui-même, illustré de clips tirés du film, alternant avec des commentaires du cinéaste. Il débute par une brève présentation du film qui souligne le caractère principal de Nollywood – des films produits « en un temps très court, avec les moyens du bord, mettant à l’écran de vraies histoires avec une forte leçon morale », des qualités qui l’ont attiré à Nollywood. John, de Benin City (Nigeria), qui joue le rôle principal dans son film et y a gardé son vrai nom, est un jeune migrant nigérian qui vit à Anvers, en Belgique, depuis plusieurs années et rêve d’une carrière de cinéaste à Nollywood. Dans la première partie du film, le public 27

http://www.cultureunplugged.com/documentary/watch-online/play/9044/Nollywood-

Abroad.

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visite un kiosque vendant des films nigérians et y découvre des couvertures de VCD. Cette séquence est suivie de clips tirés de certains de ces films : Paradise to Hell, Great change et Money Abroad (ce dernier est l’un des films de John Omoregie), qui donnent des clefs pour la compréhension du reste du scénario, qui sera sans doute familier à la diaspora nigériane. Les malheurs de John vont découler de son désir d’aider ses compatriotes. Quand une jeune nigériane l’approche, lui demandant une aide financière pour permettre à sa sœur, seule en Espagne et sans ressources, de lui rendre visite, il accepte de couvrir le coût du billet d’avion et d’accueillir la jeune fille chez lui pendant la visite prévue. Peu après cette offre fatale, il est arrêté par la police belge et accusé de complicité dans le trafic d’êtres humains – sa jeune compatriote a tout préparé, à son insu, pour permettre à sa sœur, maintenant présentée comme victime, d’obtenir la nationalité belge. À sa sortie de prison, John décide de raconter son histoire dans un film, Desperate Heart (2007), à l’aide d’acteurs amateurs, pour avertir les familles nigérianes et les décourager d’envoyer leurs filles en Europe et de les précipiter ainsi dans les rets de riches maquerelles28. Les entretiens filmés au Nigeria et inclus dans le documentaire de Geerts, s’ils présentent une piètre image du Nigeria, qui risque d’offusquer la diaspora, donnent du poids au récit de John Omoregie. Abdul Mumin Bello, professeur des écoles au Nigeria, reconnaît que la plupart des jeunes filles envoyées en Europe n’ont aucune idée de ce qui les y attend. Lorsqu’elles découvrent, une fois sur place, qu’on ne leur offre aucun travail, elles se trouvent acculées à la prostitution pour survivre – une souffrance sur laquelle le roman de Cherruau, Lagos 666, cherchait à attirer l’attention, mettant cette remarque désabusée dans la bouche d’une Nigériane : « pour quitter le Nigeria, il n'y a que le foot et la prostitution » (2000 : 118). Une autre personne interrogée, Augusta Uyi Evbuomwan, vendeuse d’eau potable, soupçonne que celles qui reviennent au pays après avoir fait fortune ne disent pas toute la vérité sur les raisons de leur succès, et ajoute : « savoir, c’est pouvoir, On a besoin de savoir. » L’inclusion d’une courte présentation par Otunba Gadaffi, commerçant local spécialisé dans la vente de WC portatifs, qui affiche fièrement sa devise : « le commerce sale rapporte gros », peut être interprétée comme la preuve qu’on peut toujours se débrouiller pour percer au Nigeria – mais on peut également la lire comme un commentaire sarcastique sur la prostitution. Ce qui est sûr, c’est que le documentaire comme les clips tirés du film et le thème musical – le chant entonné devant son église – illustrent bien la conviction de John Omoregie que Nollywood diffère d’Hollywood et de Bollywood parce qu’il « offre un message. » La façon dont John raconte son histoire, entrecoupée par les commentaires de ses amis acteurs et par les témoignages indépendants recueillis au Nige28

Cf. https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/don-t-pay-with-your-life du 1er déc. 2020.

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ria, finit par révéler ce qui a conduit à sa condamnation – non contestée en appel, sans doute par manque de moyens. Un détail intéressant, extérieur au film comme au documentaire, est que dans la vie, John Omoregie, que l’on a vu diriger un culte de louange dans son église après sa libération, a été consacré évangéliste en 2007 au sein de la mission belge de l’Église apostolique du Christ. Il est ensuite devenu président-fondateur d’une communauté diasporique, Atitivbuwa United Family Association (AUFA) et de l’association des acteurs et actrices nigérians en Belgique (ANAABEL) dont la réunion était incluse dans le documentaire. Il est également directeur de Jomosa Video World productions et fondateur de Jomosa International Foundation vzw (JIF). Il a en outre, depuis quelques années, produit plusieurs films, et un documentaire, The Immigrant Eyes (2010), qui a bénéficié d’un financement de la ville d’Anvers. Le quotidien de la communauté nigériane en Europe est encore relativement peu connu. Nollywood Abroad lève un coin du voile en croisant plusieurs thèmes : l’immigration, la prostitution, la religion et le cinéma. Le documentaire, une coproduction avec CANVAS, ZDF en collaboration avec ARTE soutenue par le Fonds de distribution audiovisuelle de Flandres29, a été lancé à l’occasion du festival de cinéma d’Opendoek à Turnhout en avril 2008 avant d’être projeté à la Cultuurkaravaan d’Anvers et programmé sur ARTE TV en juillet de la même année. Il a obtenu le prix du meilleur documentaire au festival international de cinéma de Berlin en mai 2009 et a été présenté au festival de 2012. La contribution de l’Université de Westminster La même année 2008 paraît un autre documentaire, Nollywood, Just Doing it (30mn), entièrement filmé et produit par sa réalisatrice, Jane Thorburn, avec le soutien de l’université londonienne de Westminster. Considérant le manque de recherches sur Nollywood, la chercheure britannique a décidé d’étudier cette industrie après avoir remarqué que les documentaires existants sur la production nigériane avaient « un ton moqueur et condescendant et comparaient négativement la rapidité de production des films nigérians et leurs maigres budgets aux films européens et américains30. » Elle a interrogé quelques-uns des réalisateurs et producteurs les plus connus de Nollywood – des Yorubas et des Igbos, des hommes et des femmes venus de divers horizons : Tunde Kelani, Steve Ayorinde, Kunle Afolayan, Wale Adenuga, Neville Ossai, Amaka Igwe et Peace Anyiam-Fiberesima. Le documentaire alterne les entretiens avec les réalisateurs et des clips tirés de films nigérians illustrant leurs propos. Il évoque brièvement les sujets 29 30

https://www.cineregio.org/members/flanders_audiovisual_fund/. http://www.janethorburn.co.uk/nollywoodJustDoingIt.html

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principaux traités par les films – comme l’explique Wale Adenuga, « nous attendons de nos films qu’ils soient le miroir de ce que font les gens de chez nous, de notre mode de vie. » La religion traditionnelle a sa place dans cette liste : « la spiritualité africaine fait partie de l’Afrique » (Fiberesima). Face à des films comme The Aid Patient, « que va apprendre la société ? À quoi ça va-t-il nous mener ? » (Ayorinde). Wale Adenuga souligne une autre spécificité des films nigérians : leur moralité. Pour lui, « au Nigeria, nous prêchons beaucoup la moralité. C’est propre à l’Afrique. » Au cours des entretiens apparaissent d’autres maux sociaux dénoncés par les films, souvent de façons satirique – polygamie, pauvreté. Peace Fiberesima insiste sur le fait que le choix des sujets est avant tout déterminé par les attentes du public. La question posée était de savoir si le modèle artistique et financier nigérian des débuts – des films produits en cinq jours environ, avec de petits budgets ‒ pouvait inspirer les cinéastes européens. Thorburn cherchait aussi à savoir si la créativité et l’esprit d’entreprise qui font la réputation des Nigérians se manifestaient aussi dans leur industrie cinématographique, et si la technique adoptée par Nollywood encourageait cette créativité et cette originalité. Le documentaire met en avant cette créativité. La plupart des réalisateurs interrogés ont appris leur métier sur le tas et créé un langage qui répond aux attentes du public nigérian et de sa diaspora. Les entretiens avec Neville Ossai et Amaka Igwe attirent par ailleurs l’attention sur le rôle des publicitaires et de la vente des VCD dans le budget des films, sur les risques du piratage et sur l’attitude qui permet aux cinéastes comme aux distributeurs de réussir contre vents et marées : l’esprit volontariste qui caractérise les Nigérians du sud et Nollywood. Tous les réalisateurs interrogés à l’époque s’accordent pour dire que Nollywood n’en est qu’à ses débuts et que, grâce aux progrès rapides de la technique et des logiciels, le meilleur est à venir ‒ même si, pour Thorburn, il est alors peu probable que ce cinéma intéresse un jour l’Occident. Paris et le nouveau Nollywood Le documentaire de Kamdem (2018)31, Nollywood: le cinéma nigérian à la conquête du monde, suit le court reportage Enquête sur Nollywood, l’industrie du cinéma nigériane (9mn) réalisé par le même auteur et diffusé sur Canal+Afrique32 le 4 mai 2015. Il peut être considéré comme la meilleure introduction en français au ‘nouveau’ Nollywood, apparu au 21e siècle : « des productions de meilleure qualité, plus ambitieuses et à budget plus élevé (entre 150 000 et 750 000 dollars en moyenne) » qui sortent également en salles. « En cas de succès, un film nigérian peut s’attendre à récu31 32

https://www.youtube.com/watch?v=A9pqlZ0imAc https://www.youtube.com/watch?v=qzT-dbDM7yU

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pérer la totalité de son budget grâce à la vente de billets, les ventes auxiliaires ultérieures (télévision, compagnies aériennes, VOD) générant un profit pur » (UNESCO 2021 : 44). Ce nouveau type de productions est illustré par deux films : The Wedding Party II : Destination Dubaï (2017) et Chief Daddy (2018), tous les deux sortis en salles. The Wedding Party II est une comédie sur le mariage, tournée entre Lagos, Londres et Dubaï « dans des décors hors du commun » et projetée dans plus de vingt-quatre pays, qui a remporté plus d’un milliard de francs CFA de recettes, donnant lieu à une comparaison inimaginable il y a peu de temps encore entre Nollywood et Hollywood. Le documentaire commence et finit sur le tournage du film Chief Daddy dans les studios d’Ebonylife « qui incarnent la nouvelle génération de producteurs nigérians ». Le réalisateur du documentaire, le premier journaliste autorisé à filmer les coulisses d’un tournage d’Ebonylife, y rappelle que Nollywood, qui représente alors 3% de la richesse du Nigeria, « est en pleine mutation : films de meilleure qualité, accent sur la formation, engouement du grand public pour le cinéma, distribution des contenus via Internet » (Kamdem, 2018). Il nous introduit à tous les acteurs de ce succès planétaire – réalisateurs, producteurs, acteurs, distributeurs, et énumère les caractéristiques du nouveau Nollywood : « des décors qui font rêver, du matériel de pointe, des budgets qui se chiffrent en milliards de francs CFA. » Cette nouvelle phase de l’industrie du cinéma nigérian est clairement une affaire d’équipes et d’organisation, avec « des milliers de techniciens et de réalisateurs qui tournent sans relâche et qui rêvent que leurs films connaissent la gloire dans les salles de cinéma. » Et la qualité de leurs productions fait dire à l’un d’eux : « bientôt, le monde entier va admirer ce que nous faisons. » Les divers entretiens réalisés et l’observation des tournages vont permettre à Kamdem de résumer la recette du succès de ce nouveau Nollywood :

x x x x

Une organisation bien huilée, militaire Une bonne histoire typiquement nigériane qui reflète la société et cible un public familial (ici, la polygamie et les problèmes d’héritage), un scénario bien ficelé De bons acteurs, qui puissent attirer un public varié Des décors de rêve.

Le documentaire est divisé en trois parties qui s’enchaînent et permettent de découvrir Paris comme la plaque tournante entre le Nigeria et l’Afrique francophone représentée ici par Douala, capitale du Cameroun. La première partie nous emmène à Douala, puis à Lagos, « quartier général de Nollywood », « poumon économique du Nigeria » et « la New York de l’Afrique ». Cette étape nigériane est l’occasion de rencontrer plusieurs acteurs-clefs de la réussite nollywoodienne. Ade Oshin, assistant réalisateur, explique ses respon72

sabilités et son travail ; Niyi Akinmolayan, réalisateur du film Wedding Party II, commente l’expérience africaine de la polygamie ; Temidayo Abudu, productrice, introduit Kamdem à la gestion des films – décor et coûts. Compte tenu des budgets engagés – de 100 à 300 millions de francs CFA par film, plus de 600 000 francs CFA/minute – et du nombre de films produits – près de 2 000 films/an, l’une des exigences du nouveau Nollywood est de tenir les délais. Pour Heidi Uys, directrice des programmes, « le temps, c’est de l’argent. […] On gère le plateau comme une opération militaire. » Ce documentaire attire en particulier l’attention sur le rôle joué par les Nigérians de retour du Royaume-Uni, qui ont permis de faire bouger les situations au pays. Kene Mkparu, ancien gérant d’une salle de cinéma londonienne, est le PDG du Cinema House, qui compte huit salles et 18 000 spectateurs/semaine : il a ouvert dix salles dans tout le Nigeria et confirme l’engouement du grand public urbain pour les salles. Jason Njoku, PDG fondateur d’Iroko TV, « LE Netflix africain », est lui aussi de retour d’Angleterre. Il a créé une application pour satisfaire ces 95% de Nigérians qui regardent Nollywood sur leur portable, et leur offre 3 000 films et séries/an sur diverses plateformes pour 5 000 francs CFA. Il est passé de la distribution à la production pour renouveler son répertoire de films, avec déjà plus de 150 films en trois ans et plus de cent mille abonnés, et cherche aujourd’hui à fidéliser plus de 10 000 abonnés par mois grâce à des centres d’appels, avec des bureaux à New York, Accra et Nairobi. En conclusion Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane, a d’abord été ignorée, puis qualifiée de ‘feu de paille’. On l’a méprisée et critiquée parce qu’elle sortait des sentiers battus et refusait de suivre le modèle alors privilégié par ses voisins francophones. Les festivals internationaux quant à eux faisaient la moue devant ces productions sur support vidéo et ridiculisaient leurs faiblesses techniques, leurs sonorisations hasardeuses et leurs scénarios à répétition. Les documentaires considérés ici, qui mettent chacun en avant certains des aspects particuliers de Nollywood, se complètent pour offrir une vue d’ensemble d’une production à une époque donnée, en même temps qu’ils prouvent de manière incontestable le caractère unique du cinéma nigérian. Emeruwa résume bien ce qui fait, aujourd’hui encore, le succès de ces productions : « je ne peux pas raconter les histoires des Blancs. Ils me disent leur histoire à eux dans leurs films. Ce sont toujours les mêmes thèmes essentiels, l’amour, l’action… Nous, nous disons cela à notre façon. À notre façon nigériane, à notre façon africaine » (This Is Nollywood, 2007).

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5. Dans le prolongement de l’histoire orale Au Nigeria, tandis que l’art de conter, les palabres et les festivals assuraient la transmission des récits oraux et des coutumes, l'histoire locale s’est longtemps transmise oralement au sein des comités d’anciens, avant de devenir l’une des disciplines-phares des universités du pays et d’investir une abondante littérature. Alors que les premiers films nigérians se cantonnaient plus ou moins dans la sphère familiale, depuis 1996 et la sortie de The Battle of Musanga et Love in Vendetta, un nombre croissant de films issus de la jeune tradition cinématographique nigériane évoquent l’histoire du pays à travers des scénarios inspirés de faits réels glanés auprès des anciens ou tirés des archives et pouvant être considérés comme un témoignage sur les époques passées. Ce faisant, ils ouvrent un nouveau canal de transmission de l’histoire locale, régionale et nationale, prenant la relève des réunions d’anciens et du bouche-à-oreille pour donner une nouvelle vie au passé précolonial et colonial et aux événements de l’après-1960 en les commentant pour le grand public. Ils ont, pour ce faire, repris les fonctions des récits oraux, érigeant les personnages-clefs en conteurs modernes et laissant le plus souvent, dans les premiers temps, une grande liberté à l’improvisation à partir d’un canevas bâti autour de l’événement à présenter. Ce canal de transmission endosse en outre le rôle didactique des contes, assurant non seulement la transmission des cultures et de l’histoire du pays mais également celle des leçons qu’en ont tiré les milieux populaires. Cet héritage oral des films nigérians n’a pas encore été vraiment étudié : il sera considéré ici dans un certain nombre de films, dont dix directement inspirés de l’histoire du Nigeria : Igodo (1999), Silence of the Gods (2006) et The Figurine :Araromire (2009) sur la période précoloniale, The Battle of Musanga (1996) sur l’arrivée des coloniaux en pays igbo, God is African (1999), épopée sur la découverte du christianisme au sud du pays, Love in Vendetta (1996) sur les affrontements des années 1980 entre nordistes et sudistes à Kano, Across the Niger (2004) sur la guerre du Biafra, Anini (2005) sur les agissements du fameux bandit des années 1980, Who will tell the President (2006) sur la corruption dans les hautes sphères de l’État, et Black Gold (2011) sur la crise déclenchée par l’exploitation pétrolière dans le Delta du Niger. Cordes de sable Dans la préface de son ouvrage fondateur, Ropes of Sand (1981 : ix), Afigbo expliquait la prudente lenteur des historiens nigérians dans l’exploration du passé par le proverbe igbo selon lequel « la sauce brûlante, on la prend peu à peu, du bord vers le milieu. ». À mesure que se succédaient les productions, il

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est apparu que l’un des buts des films est d’aider leur public à renouer avec leur passé, grâce à des scénarios dérivés de l’épopée traditionnelle, située Entre l’histoire et le mythe. Reprenant un fait historique, elle concentre autour d’un personnage qui a marqué son temps tout l’acquis culturel d’une société […] ; d’autre part elle attribue au personnage autour duquel elle se forme toutes les valeurs passées et présentes et constitue alors un lieu de reconnaissance et de distinction d’un peuple par rapport aux autres. Elle est donc […] un fait éminemment culturel (Massa M. Diabate, 1973 : 648, cité dans Ursula Baumgardt & Jean Derive, 2008 : 210, note 16).

C’est que « les films africains se doivent de reproduire les anciens répertoires culturels pour préserver les cultures africaines de l’époque précoloniale pour les générations futures. Ceci est d’autant plus important que ce medium permet de toucher un vaste public, et plus spécialement les jeunes qui n’ont peut-être pas eu l’occasion de connaître ces cultures » (Dipio, 2008 : 164). Le dibia du film Igodo (1999), consulté par le chef de village pour l’aider à comprendre la raison des maux ravageant la communauté, le confirme au tout début du film : « nous nous penchons sur notre histoire, oui, parce que les dieux restent silencieux. » Igodo, Land of the Living Dead (1999) retrace les pas de villageois partis enquêter sur la source de leurs maux ; ils vont découvrir que les décès répétés affligeant leur communauté sont dus au meurtre, il y a bien longtemps, du fils d’Amadioha, déesse de la foudre en pays igbo. Quant à Sitanda (2006), situé à la période précoloniale, il traite de l’esclavage et de l’identité. The Figurine : Araromire (2009) fait revivre une ancienne légende yoruba selon laquelle, en 1908, la déesse Araromire demande à son prêtre d’invoquer son esprit dans une figurine sculptée dans l’écorce d’un arbre maudit. Quand les villageois touchent la statuette, Araromire leur donne la richesse et la prospérité dans toutes leurs entreprises. Mais cette bonne fortune ne va durer que sept ans, après quoi tout va de mal en pis, et le prêtre qui avait invoqué la déesse est finalement retrouvé mort au bord de la rivière. Furieux, les villageois envahissent le sanctuaire, y mettent le feu et mettent ainsi un terme aux maux d’Araromire. Dans le film, deux jeunes diplômés en service national [National Youth Service Corps ou NYSC, obligatoire pour les diplômés depuis 1973] découvrent cette statuette abandonnée dans un sanctuaire en ruines en forêt et décident de la ramener chez eux. Le pouvoir ancien de la déesse va se manifester à nouveau : ils vont se retrouver riches et leur commerce va prospérer. Mais au bout de sept ans, le malheur va s’abattre sur eux – la maladie et la mort les atteignent, les meurtres s’enchaînent. Le film se termine sur une question posée aux Nigérians d’aujourd’hui, pris entre les croyances d’antan et l’athéisme importé : « vous y croyez ? ».

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The Battle of Musanga (1996), film directement inspiré par l’arrivée du premier missionnaire britannique à Arochukwu, dans le sud-est du pays igbo, en 1863, évoque sa capture par les gens de Musanga, qui célébraient le couronnement de leurs nouveaux chefs avec une moisson de têtes humaines. Ce film évoque des faits reconnus par les historiens, comme les qualités de diplomatie des Aros, les liens établis entre eux et leurs alliés traditionnels de la ville voisine d’Ohafia, réputée pour sa tradition guerrière (Okoro Kanu, 2000 : 171), et les relations qu’Arochukwu entretenait avec les autorités coloniales (Afigbo, 1981 : 270-271). Ce film, qui évoque cannibalisme et sacrifices humains, ne fait cependant pas l’unanimité : certains critiques lui ont reproché de conforter une vision eurocentriste et nourrie de préjugés, présentant l’Afrique « comme sous-développée, sauvage et bestiale. [Pour Afolabi], le film suggère que les Africains descendent d’une race de cannibales » (Afolabi, 2000, in Agatha Ukata, 2008 : 171). God is African (1999) est, lui, un film allégorique à mi-chemin entre drame et comédie, dont la structure diffère sensiblement de celle des autres films sortis jusque-là. Il met en scène un prêtre traditionnel qui reçoit une mission : celle d’envoyer deux guerriers cueillir la lune. Ceux-ci exigent en échange, l’un toutes les femmes du monde et l’autre toute la richesse du monde. Le film les suit dans leur longue quête solitaire à travers la mangrove des criques du Delta du Niger, en butte aux attaques d’esprits invisibles et aux tentations. Au moment où ils croient être enfin près du but, une Bible tombe du ciel : ils entendent alors la voix de « Je suis Celui qui suis » (Bible, Exode 3 : 14) confirmer sa puissance supérieure à celle des dieux du sol et les envoyer en mission : « allez maintenant dans le monde et partagez votre expérience ! » Sans hésitation, ils rebroussent chemin et s’engagent à nouveau dans la forêt, à la consternation du dibia qui perçoit, de son sanctuaire, ce changement de direction. Ce scénario, qui brode sur l’arrivée du christianisme au sud du pays, ridiculise la religion traditionnelle et ses impossibles exigences en même temps qu’il met en avant la centralité de la Bible dans la prédication missionnaire. À mi-chemin entre les films-feuilletons et l’Histoire avec un H majuscule, apparaît le film Anini (2005), du nom du célèbre bandit qui a fait la une des journaux dans le Nigeria des années 1980 : Lawrence Anini (1960-1987), dont les agissements criminels avaient dès le début été facilités par la corruption endémique au sein d’une police mal payée, fut finalement arrêté le 3 décembre 1986 à Benin-City et exécuté le 29 mars 1987. Dans son blog, daté du 2 avril 2008, Oluniyi Ajao commente : Ce film, situé en 1986 à l’époque où les militaires dirigeaient encore le Nigeria, commence avec Anini à l’hôpital, amputé d’une jambe, en train de raconter son histoire et comment il est devenu ce dangereux bandit. Jeune garçon, il quitte son village pour la ville de Benin, à la recherche d’un avenir meilleur, et se met en apprentissage chez un garagiste où il répare les voitures. Il y apprend bientôt un

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autre métier : il se met à voler les pièces détachées pour les revendre à des commerçants peu scrupuleux. Il finira par devenir un bandit, terrorisant le public, passant son temps à se déplacer et à tirer sur la police. Ce qui compte pour moi dans le film, c’est qu’il met en lumière la corruption endémique de la police. Dans l’une des scènes, Anini se plaint de ce que les policiers donnent des conseils aux brigands sur les endroits à cambrioler, leur prêtent les armes dont ils ont besoin pour cela, pour les forcer ensuite à leur graisser la patte en échange de la liberté. […] C’est la corruption de ses dirigeants qui a mis le Nigeria à genoux, et tous les problèmes actuels du pays : approvisionnement erratique en électricité, insécurité, mauvaises routes, pollution atmosphérique, réseau téléphonique insuffisant, etc. sont dus à la corruption à tous les échelons34.

Dans l’ombre du Biafra L’histoire du Nigeria est une histoire de migrations, d’échanges constants et d’une difficile cohabitation entre ses multiples ethnies, qui a souvent déchaîné la violence. Les réalisateurs nigérians, désireux d’obtenir l’approbation de leurs films par le Bureau fédéral de la censure, et sensibles à l’instabilité politique latente du pays, ont cependant longtemps hésité à aborder le traitement des conflits ethnoreligieux qui déchirent périodiquement la fédération – le Nord en particulier, zone gagnée de longue date à l’islam mais où vivent de nombreux sudistes, commerçants igbos pour la plupart. Cherchant avant tout à se protéger, ils ont donc longtemps et massivement préféré les scénarios « à vocation commerciale, délibérément apolitiques et non conflictuels dans leur approche » (Haynes, 2000 : 9). Les films traitant ce sujet ont, par suite, mis longtemps à sortir, mais cinq productions des années 2000 transmettent le même message : celui de la réconciliation et de la nécessaire unité du Nigeria. Ils utilisent pour cela le langage de la famille, celui des sentiments, se concentrant sur le couple et l’enfant, et peuvent être considérés comme des modèles de rhétorique. Ola… the Morning Sun (2004), situé à l’époque précoloniale, raconte ainsi l’histoire d’une princesse que son village prépare au mariage avec le prince d’un village voisin, une coutume destinée à éviter les guerres entre communautés (Ukata, 2008 : 158) ; on peut déjà voir, là, une allégorie des violences interethniques contemporaines et l’ébauche d’une timide réponse cinématographique. Plus d’un demi-siècle après le conflit, Across the Niger (2004 & 2006), situé en 1967, est le premier film à plonger son public au cœur de la guerre d’indépendance qui a déchiré le Nigeria, représenté ici par le couple igbohausa déjà évoqué plus haut. Le texte introduisant le film est plus qu’explicite sur sa lecture de l’histoire du pays : « le viol du Nigeria par les militaires était une tragédie. Mais la plus grande tragédie de ces malheureuses années fut le désaccord qui déclencha cette guerre civile historique. 34

http://www.davidajao.com/blog/2008/04/02/nollywood-movie-anini.

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Des deux côtés de la frontière, entre la patrie du père et celle de la mère, ce fut la bataille de l’amour… la bataille ‘des deux côtés du Niger’. » Le film, qui mêle reconstitutions et clips d’archives, s’ouvre sur la marche errante d’un couple cherchant à rejoindre le pays du mari dans un paysage d’apocalypse, dévasté par les bombes et sous la menace incessante des embuscades ennemies. Le major Dubem, fils d’un chef igbo, et son épouse hausa Habiba, enceinte, fuient le nord après les massacres d’Igbos ; leur interminable voyage, hanté par le souvenir des violences vécues, est marqué par les rencontres de réfugiés hagards et d’enfants abandonnés dont les visages silencieux crient un drame trop souvent et trop longtemps occulté. Les scènes alternent fusillades, bribes de bulletins radio et brèves discussions où s’exprime l’opinion que « point n’est besoin d’une guerre pour dire ce qu’on pense. » Plus loin, on nous dit que « ce n’est pas Dieu qui a commencé la guerre, mais la cupidité et l’égoïsme des hommes. Pourtant, comment rester assis à regarder vos frères s’entretuer ? […] La vérité, c’est que nous avons perdu la bataille de l’amour pour le pays. » Une fois arrivée en pays igbo, Habiba doit faire face à l’hostilité de tout le village : les femmes elles-mêmes refusent de l’accueillir au sein du groupe des épouses. Dubem, traité de saboteur par les siens pour avoir épousé une ‘ennemie’, exprime sa colère : « après m’être battu au front, vous cherchez maintenant à ce que je me batte chez moi ! » Quand il refuse de céder aux pressions et de répudier Habiba comme le souhaitent les villageois, son père accepte la suggestion du père de la jeune fille autrefois promise à Dubem, sans savoir que ce dernier a décidé de tuer Habiba pour permettre à Dubem d’épouser sa fille. L’Igwe arrive au moment où son conseiller tire sur Habiba, sur le point d’accoucher et seule dans la brousse alors que Dubem est parti chercher de l’aide. Entendant les cris de sa femme, celui-ci revient sur ses pas, se jette devant elle et meurt à sa place. L’enfant, né au moment même où les yeux de son père se fermaient, est alors recueilli par le père de Dubem, qui l’élève dans ses bras, prenant Dieu à témoin de ses remords : O Dieu, le mal que j’ai failli faire à cet enfant, c’est celui que nous avons collectivement fait à ce pays. Pourquoi un enfant si innocent et paisible devrait-il être sacrifié sur l’autel de l’acrimonie ethnique ? Pourquoi un pays aussi riche que le nôtre devrait-il être déchiré par les différences ethniques ? O Dieu, que cet enfant soit le lien qui nous unisse tous ! […] Que l’effusion de sang se tarisse dans notre pays ! Versons plutôt des larmes de joie, des larmes de reconnaissance et de fraternité, que nous puissions gagner cette bataille de l’amour !

La mise à l’écran de ces films semble répondre par avance au souhait d’Adichie à la dernière page de son second roman : « puissions-nous ne jamais oublier ! » (2008 : 496). Le texte qui clôt Across the Niger résume aussi la position officielle d’un pays cherchant désespérément à s’arracher à ses fantômes, proclamant la foi qui est, encore aujourd’hui et en dépit des re79

mous qui secouent la fédération, celle de nombreux Nigérians : que « le Nigeria sera un jour la plus grande des nations. Un Nigeria, une Afrique. » Elle fait en outre écho au rapport de la Commission d’enquête sur les violations des droits humains selon lequel « le Président veut que les Nigérians se considèrent comme Nigérians et placent l’intérêt du Nigeria au-dessus des intérêts tribaux ou linguistiques » (Chukwudifu Oputa, 2002 : 97). Le film héritier des contes L’album Nollywood confidential (2009) s’ouvre sur ces mots du ministre nigérian de l’information et des communications : « il est significatif qu’une audience globale soit à l’écoute de ce que le Nigeria lui dit à travers Nollywood. » Cette remarque non seulement confirme le succès des films nigérians auprès d’un public de plus en plus vaste, mais place aussi d’emblée le cinéma nigérian actuel dans le domaine de l’oralité. Ceci se justifie d’abord par la structure particulière des films, une structure qui a longtemps été « rhizomique, aux multiples épisodes enchevêtrés », rappelant « le modèle des récits oraux » (Haynes & Okome, 2000 : 59) et illustrée par l’imbroglio du film Silence of the gods (2006). Celui-ci met à l’écran un épisode d’histoire locale : en 1948, au sud-est du Nigeria actuel, un chef âgé et sans héritier décide d’épouser une troisième femme. Il choisit la servante de sa seconde épouse, qui lui donne un garçon. Cet héritier est malheureusement tué accidentellement par le chasseur royal au cours d’une chasse. Pour échapper au châtiment qui l’attend, le chasseur se réfugie sous la protection du grand-prêtre. En échange de sa protection, ce dernier force le chasseur à le laisser coucher avec sa femme, ce qui constitue une abomination puisque le grand-prêtre doit garder le célibat. La femme du chasseur, pour échapper à la violence qui lui est faite, dénonce les agissements du grand-prêtre au chef, qui fait arrêter le contrevenant. Amené au palais sous bonne garde, le grandprêtre finit par expliquer comment il a recueilli le chasseur. Nous apprenons alors les détails de ce qui s’est réellement passé : la seconde épouse du chef, à la nouvelle que sa servante avait accouché de l’héritier du chef, a organisé le meurtre de l’enfant avec l’aide du grandprêtre ; celui-ci attirerait l’enfant dans la forêt et persuaderait le chasseur qu’il s’agissait d’une antilope. L’enfant une fois mort, le grand-prêtre offrirait au chasseur de l’héberger pour le protéger de la colère du chef, faisant ainsi croire à la culpabilité du chasseur. Sa confession terminée, le grandprêtre est lynché par les gardes et la seconde épouse du chef se suicide. C’est alors qu’un inconnu arrive au palais accompagné du jeune prince et explique qu’il a trouvé celui-ci grièvement blessé en forêt et l’a soigné jusqu'à sa guérison. Le chef récompense l’inconnu et tout se termine par une grande fête. La seconde partie du film aurait d’ailleurs tout aussi bien pu être directement inspirée du conte populaire d’Omalinze (Ugochukwu, 1992 : 142-150 ; Clifford Ugochukwu in Nolue Emenanjo, 1977 : 1-4), qui peut se résumer 80

ainsi : un roi a sept femmes, mais déteste l’une d’elles et la chasse du palais ; elle s’en va vivre dans la brousse voisine, à côté d’une décharge. Comme ce roi n’a pas d’héritier, il va consulter un tradipraticien qui lui donne une grappe de fruits de palme à partager à ses femmes ; c’est finalement l’épouse rejetée qui mangera le seul fruit de la grappe qui puisse donner un garçon. Toutes les épouses tombent enceintes en même temps mais, le temps venu, seule l’épouse rejetée accouche d’un garçon. Le serviteur du roi, qui a suivi les femmes à la rivière pour observer l’accouchement, ne peut accepter ce dénouement inattendu : il jette la mère et l’enfant à la rivière mais une vieille femme les recueille et s’occupe d’eux. L’enfant sera finalement découvert, sa filiation reconnue et la fin du conte le voit revenir au palais et fêté comme il se doit ; sa mère est elle aussi ramenée au palais et devient la favorite. Les films nigérians ont, de plus et quel que soit leur sujet, adopté l’alternance parole-chant habituelle des récits oraux : le chant, en voix off entre deux scènes, et caractérisé par son caractère répétitif, ressemble davantage au refrain des contes populaires qu’à la musique des films occidentaux. Dans les films ayant choisi l’anglais comme moyen de communication, ces chants ont jusqu’ici surtout été en igbo, mais la tendance est aujourd’hui à l’anglais. Le chant crée un espace de réflexion sur la situation, brode sur le thème du film, marque le progrès de l’intrigue en en soulignant les momentsclefs, et permet même parfois d’entrevoir le dénouement ; il est la voix de l’auteur-conteur, dont le commentaire accompagne le film en en soulignant l’articulation. « La musique vient multiplier cette puissance et rehausser la parole » (Ugochukwu, 2010 : 124) comme l’illustre la première scène du film A Cry for help (2001) où une jeune fille en vêtements de deuil, accroupie près de la tombe de ses parents, chante en pleurant. Dans la dernière partie de Sitanda (2006), alors que se joue l’avenir du héros, le refrain, en anglais, rappelle inlassablement que, « quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil finira par se lever. » Et les paroles du refrain de Return of Ogidi (2007), cette épopée dont l’action se situe dans un lointain passé, à l’époque précoloniale, changent au fur et à mesure, accompagnant les progrès du récit. Aux deux villages engagés dans une guerre intestine à la suite du vol de la statue d’une divinité, ce refrain vient rappeler que « les malentendus nés du passé sont venus hanter le présent et risquent de détruire l’avenir. » Plus tard, alors que le guerrier et fils du grand-prêtre du village rentre chez lui avec la princesse du village ennemi après l’avoir sauvée d’une mort certaine au cours des hostilités, le refrain plaide sa cause face au village hostile : « au nom du pays, que la paix succède à la guerre ! » La centralité de la parole Les réalisateurs des films historiques ont souvent donné à l’un des personnages centraux le rôle qui était autrefois celui du conteur. Sitanda (2006), film abordant par le biais de l’esclavage le sujet tabou des osu, illustre bien 81

cette tendance. Partant des déboires conjugaux d’une jeune femme répudiée par son mari qui l’accuse successivement d’être restée stérile après quatre ans de mariage et de négliger cuisine et tenue personnelle, puis de venir d’une famille de parias, le film transporte le public de la ville au village des parents de la jeune femme. C’est le vieux père qui va ouvrir le récit sur le passé en une vaste fresque en flash-back, entrecoupée de retours sur le chemin de brousse où le père raconte le passé familial à sa fille. Le long monologue du père constitue le fonds du film, et rattache ce dernier aux conteurs épiques d’antan. À son écoute, la jeune femme va apprendre qu’elle n’a pas à avoir honte de sa famille : son ancêtre n’est autre que Sitanda, prince éloigné de son royaume, et successivement capturé, réduit à l’état d’esclave, puis libéré et, une fois sa filiation révélée, choisissant de renoncer au trône et au statut d’homme libre pour l’amour d’une osu. Dans d’autres films, cette même centralité de la parole se manifeste par l’importance donnée au discours, comme celui donné en voix off dans la scène d’ouverture de Who will tell the President (2006). Le nombre important de scènes d’intérieur met en outre en avant, dès l’abord, l’importance du dialogue, à la fois moteur de l’action et frein, en grande partie responsable de la longueur de ces films. On y voit les membres de la famille profiter du repas pour bavarder à table, partager un moment de repos en soirée, enfoncés dans de vastes fauteuils, parler de leurs plans, prodiguer leurs conseils à leurs adolescents en âge de mariage, ou même se disputer ; dans les bureaux, les hommes d’affaires parlent contrats, budgets et import-export ; les femmes profitent d’une visite à la superette pour échanger confidences et conseils. La parole joue ici son rôle traditionnel : outil d’étiquetage et de découpage, elle permet de discerner, de distinguer et de trier, selon qu’il y a ou non prise de parole, et selon le type de parole prononcée, son style et son contenu, entre hommes et femmes, enfant et adulte, profane et initié, honnête homme et voyou, sage et fou (Ugochukwu, 2010 : 117). Ces scènes révèlent aussi la nature des relations parents-enfants et maîtres-serviteurs ; elles sont l’occasion d’accueillir les membres de la famille venus du village ou les amis en visite. C’est toujours à la maison – à l’intérieur (en ville) ou dans la cour (au village) – que l’intrigue se noue, et les scènes d’action ne sont que l’aboutissement des dialogues entamés chez soi ou au bureau. La parole prend d’autant plus de place dans ces films que nombre de ceux-ci, héritiers du théâtre traditionnel yoruba dans lequel « les artistes travaillent sur la base d’un scénario minimal plutôt que d’un script entièrement écrit » (Haynes & Okome, 2000 : 57), ont été, à leurs débuts, construits sur un canevas flexible guidant les acteurs sans les enfermer dans un texte rigide, et laissant le champ libre à la créativité et à l’improvisation. Notons à ce propos que, comme dans le conte populaire et au théâtre, la performance, la mise en scène, art dans lequel les Nigérians excellent, est au cœur des films, marquée en particulier par « le recours au décorum, au piédestal, aux emblèmes, aux 82

formules verbales stéréotypées, chargées d’expressions fortement connotées » et à l’étalage des biens de prestige (Daloz, 2002 : 24, 124-147). Dans The Battle of Musanga (1996) par exemple, la cérémonie d’intronisation du chef de la ville est l’occasion de longues réjouissances : danses, musique (tambours et autres instruments traditionnels : oja, ogene) et sortie de masques, qui occupent près de la moitié du film. Distraire et instruire Oyeniyi Okunoye notait déjà « la tendance, parmi les artistes africains contemporains, au retour aux traditions orales pour y trouver des modèles d’esthétique » (2002, cité dans Dipio, 2008 : 58). Ces films n’ont pas seulement adopté la forme, la structure des récits oraux, ils s’y rattachent par leur ton : qualifiés d’ ‘éduludiques’ et « rehaussés de proverbes et d’idiomes qui, outre leur fonction esthétique, ont pour but d’enseigner le public » (Ukata, 2008 : 161), ils peuvent être considérés comme un prolongement des contes et des proverbes, à la fois ludiques, didactiques et moralisateurs. Un autre film, The Test of Manhood (2005), est la réplique exacte du conte-type T480 (Antti Aarne & Stith Thompson, 1973 : 164-167) qui présente deux demisœurs parties dans un but particulier, et qui vont être soumises à diverses épreuves en forêt ou ailleurs avant de recevoir leur récompense ou leur châtiment. Dans le film, deux frères sont envoyés dans la forêt sacrée pour y être testés afin que soit révélé celui des deux qui succédera à leur père Amadi Ike à la tête du village. Le personnage principal, Omekannaya [celui qui accomplit plus que son père] se prépare au voyage d’initiation, mais sa première épreuve est gênée par l’hostilité de sa belle-mère Ori, qui met tout en œuvre, y compris ses pouvoirs occultes, pour s’assurer que son propre fils Ebube soit désigné. Les deux demi-frères repartent finalement ensemble, rencontrent de nombreux obstacles et se battent contre des guerriers cannibales et des Esprits surnaturels. Ebube est finalement mis à mort par le plus fort de ces esprits pour qu’Omekannaya puisse accomplir sa mission. À son retour, le survivant choisit une épouse et le film se termine par des réjouissances (Ukata, 2008 : 159-164). Comme les contes, ces films, on vient de le voir, enseignent habituellement le bon comportement à partir d’une mise en scène en diptyque : le méchant, le déviant y occupent le devant de la scène avant d’être punis (Ibid. p. 191), illustrant le combat manichéen entre le bien et le mal dont le but est « la domination, le pouvoir et la suprématie » (Okpadah, 2017 : 72). Dans Aiye (1979) déjà, ce combat se déroulait dans un village yoruba, le Bien représenté par le babalawo et le mal par les sorciers. Dans Sitanda (2006), le fils criminel qui a successivement tué son père et sa belle-mère, dérobé l’héritier nouveau-né et tenté d’usurper le trône, est décapité. The Battle of Musanga voit l’élimination du chef cannibale, coupable d’avoir décapité le missionnaire britannique pour rehausser son prestige en se servant de son 83

crâne comme d’un marchepied. Et dans The End of the Wicked (1999), film s’attaquant à la pratique de la sorcellerie et résumé ici par Kumwenda, « la famille Amadi est au centre du film. Chris Amadi, mari de Stella et père de leurs deux enfants, vit en ville au Nigeria. La mère de Chris, qui vit avec eux, pratique la sorcellerie à leur insu et fréquente un sabbat […] Les enfants rejoignent la secte sous son influence. […] À la fin du film, la sorcière est démasquée, confondue, et ses pouvoirs anéantis » (2007 : 65-69). Dans A Cry for Help (2001), le personnage principal, une femme, après avoir éliminé sa sœur et son beau-frère par sorcellerie, recueille sa nièce et la soumet à une maltraitance quotidienne ; l’orpheline sera finalement vengée et les pouvoirs occultes de sa tante seront réduits à néant. Dans le film cité plus haut (Silence of the gods, 2006), le grand-prêtre coupable de viol est lynché après une longue confession qui l’a placé pour un temps au centre de l’action. En conclusion Le rapport de la Commission d’enquête sur les violations des droits humains, publié en mai 2002 (Oputa, 2002), après s’être penché sur les atrocités et les spoliations commises au cours des années de guerre civile et après, affirmait : « nous rejetons fermement le point de vue que nous devrions oublier le passé. […] Nous avons besoin de parler du passé, même s’il est douloureux, pour pouvoir avancer et du fait des possibilités cathartiques, de purification de cet échange, au niveau psychoculturel, pour les individus, les communautés et au niveau national. » Cette remarque, qui prenait en compte un réel besoin de parler, de dire le vécu, de le partager, est arrivée à point nommé, saisissant un vent de détente après des années de régimes militaires. Le lancement de Who Will Tell the President (2006) dénonçant la corruption dans les hautes sphères de l’État, de The Fake Prophet (2010), diatribe contre les faux prophètes et leur chasse aux sorcières, et de Black Gold (2011) sur les violences dans le Delta du Niger, est venu confirmer, s’il en était encore besoin, l’émergence d’un nouveau type de films abordant une réflexion plus spécialement politique sur l’histoire contemporaine du Nigeria. Mentionnons ici à ce propos le premier film biographique de Nollywood, dont la sortie a été retardée par la censure, Badamasi – portrait of a General, d’Emelonye, qui retrace le parcours du militaire Ibrahim Badamasi Babangida (1941 - )35. Ce dernier, après avoir participé à la guerre du Biafra du côté fédéral et après avoir été mêlé à plusieurs coups d’État, a dirigé le pays du 27 août 1985 au 26 août 1993 et transféré la capitale de Lagos à Abuja en 1991. Le film le suit de son enfance à son accession au pouvoir, et évoque dans le même temps un pan de l’histoire contemporaine du Nigeria.

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https://www.youtube.com/watch?v=lVXXj3bFGJw du 30 septembre 2019.

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Ces films révèlent également la détermination des réalisateurs nigérians à s’attaquer aux maux qui minent le pays. Comme si ces films répondaient à une attente dépassant les frontières, leur production a aussitôt suscité de nouvelles collaborations : The Fake Prophet est né de la rencontre entre un réalisateur nigérian et une ONG britannique, et Black Gold est le produit d’une collaboration entre Nollywood et Hollywood. Le lancement de ces films a enfin coïncidé avec la percée des films nigérians sur grand écran : les deux derniers films mentionnés ont été présentés en salles, non seulement au Nigeria mais aux États-Unis et en Angleterre, prouvant encore une fois la puissance de l’Histoire orale.

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6. Le fondement spirituel des films nigérians Ce chapitre, consacré à une étude comparative de dix-sept contes igbos traditionnels recueillis entre 1973 et 1987, traduits et publiés par l’auteure en 1992, et de onze films de Nollywood produits depuis 1992 au sud du pays, révèle l’une des différences fondamentales entre le cinéma nigérian et le cinéma européen : le fondement spirituel des films du Nigeria, quelle que soit leur région et leur culture d’origine. Ce trait est illustré à partir de la mise à l’écran du continuum entre le monde des humains et celui de ceux qui ont quitté cette vie, centré sur la sépulture telle que la présentent les récits et scénarios tournant autour des veuves et des orphelins. Lieu de rencontre et de dialogue entre l’orpheline et sa mère, entre les villageois et leur héros assassiné, la tombe, dans les contes comme dans les films, se révèle porte entr’ouverte entre ici-bas et un au-delà compris comme à la fois lointain et souterrain, dernier recours et borne-frontière entre l’avant et l’après, le maltraitement et la délivrance. La veuve et l’orpheline s’y épanchent, y dialoguent avec leurs disparus et y obtiennent conseils, réconfort et parfois vengeance. Mise en terre chez soi En pays igbo, la vie commence et finit toujours au village ancestral ‒ c’est le message de la littérature mais aussi des films issus du terroir. Comme l’écrivait en 1933 l’auteur du premier roman igbo, « ceux qui se sont expatriés finissent tous par rentrer au pays […]. La loi du retour a de profondes racines » (Nwana, 2010 : 21), ce que confirme le proverbe, « le fils du sol ne reste jamais perdu à l’étranger » (Egemba Igwe, 1986 : 29). C’est qu’après la naissance, en zone rurale, on enterre traditionnellement le cordon ombilical de l’enfant au pied d’un arbre de la cour, et que jamais l’adulte ne peut couper ce cordon, qui le ramène au même endroit en fin de vie. Les morts sont traditionnellement inhumés individuellement au village ancestral, dans la cour, devant ou derrière la maison principale, loin des officiers d’état-civil (Kingsley Douglas, 2013). Les tombes ne sont en outre que très rarement marquées de façon permanente : on n’y trouve habituellement ni mention de nom, ni pierres tombales, ni ornements ; on ne s’y rend pas non plus en pèlerinage et les études sur les pratiques mortuaires omettent de les mentionner. Ce choix s’explique par la croyance, reflétée dans les contes populaires, que la mort est un passage, un déplacement, qui transporte le défunt au travers d’une zone arborée ou le long d’un sentier, à peine marqués, ordinaires et sobrement décrits, et qui ne gardent pas trace du disparu. Quand la tombe est évoquée, contes et films évoquent le plus souvent un simple trou ou un monticule de terre retournée, anonyme, isolé et dont la banalité contraste

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avec la puissance qu’il recèle. On retrouve dans les films de Nollywood le même traitement de la tombe que dans les contes : lieu de séparation mais aussi de rencontre et de dialogue entre l’orpheline et sa mère, entre la veuve et son mari, entre les villageois et leur héros assassiné, elle se révèle porte entr’ouverte entre ici-bas et un au-delà compris comme lointain et souterrain, dernier recours et borne-frontière entre l’avant et l’après, la maltraitance et la délivrance. Un trajet d’un espace à l’autre En pays igbo, comme presque partout ailleurs au Nigeria, la vie est vécue tout entière à l’ombre de la mort qu’elle prépare, tournée vers elle, du fait de l’importance capitale que revêtent les funérailles, pour l’avenir du défunt comme pour la réputation de sa famille (Ugochukwu, 2010 : 146). Ceux qui ont vécu une vie complète – se sont mariés, ont eu des enfants et ont contribué au bien-être communautaire – s’en vont, à leur mort, dans le monde des esprits, d’où ils reviendront périodiquement pour se réincarner dans l’un de leurs descendants. Tous les morts n’atteignent cependant pas ce repos temporaire : leur destination est déterminée par la qualité de leur vie, la célébration des funérailles ou leur absence. « Les esprits de ceux qui, pour leur malheur, sont morts de mort violente ou hors normes et dont les funérailles ont conséquemment été écourtées, ne peuvent ni revenir à la vie ni entrer dans l’au-delà. Ils errent donc, sans corps et sans toit, cherchant à se venger de leur peine en nuisant aux humains » (Isichei, 1976 : 25-26). Le cas extrême dans ce domaine est celui des ogbanje [voyageurs] ‒ àbíkú en yoruba ‒ et qui désigne un phénomène assez fréquent, celui d’un esprit qui réincarne un enfant mort précédemment, censé renaître de la même mère et poursuivre un cycle de morts et de réincarnations accélérées (Chinua Achebe, 1958 ; Timothy Mobolade, 1973 ; Christie Achebe, 1986 ; Douglas McCabe, 2002). Il n’existe pas au Nigeria de cloison étanche entre les deux espaces que délimite la mort – comme le rappelait ailleurs le Sénégalais Birago Diop (1961 : 180), « les morts ne sont pas morts. » La vie, rythmée par les prières aux ancêtres, la participation aux funérailles du clan et aux festivals traditionnels, est une longue conversation entre la terre des humains et la terre des esprits, espaces que les contes décrivent habituellement comme situés au même niveau, selon une optique plus horizontale que verticale et qui omet alors la mention de l’inhumation. Les récits oraux brodent sur le canevas de la tradition, selon laquelle les humains naissent après avoir traversé une forêt ou une étendue d’eau, vont faire leurs affaires au marché qu’est la vie et s’en retournent par le même chemin : la destinée humaine se joue donc entre forêt/rivière et marché, ce dernier représentant le village. La langue écrit la mort comme un déplacement, un trajet : ‘il est parti’, ‘il est allé chez les esprits’. Les rites funéraires mettent l’accent sur le fait que la mort n’est, selon les contes, ni un état ni un endroit mais le chemin qui 88

mène au monde des esprits, qui est également le monde des justes défunts promus au rang d’ancêtres et qui veillent sur le village avant de se réincarner à tour de rôle toutes les deux générations et jusqu’à sept fois. Tony Ubesie (1978 : 220) rappelle que « les Igbos croient que lorsque quelqu’un meurt, son âme se met en route vers le pays où il va se reposer. » La mort en quatre dimensions La mort est omniprésente dans les contes populaires, témoins d’une société où la santé n’était jamais loin de l’agonie. Sur les 54 contes merveilleux recueillis par l’auteure entre 1973 et 1987, 34 voient mourir au moins un, et parfois plusieurs personnages. Ces textes sont donc nombreux à exorciser la mort, en présentant les détails de ce voyage vers l’inconnu au travers de personnages qui ont fait ce voyage et en sont revenus. Selon les contes, la distance espace-temps d’un monde à l’autre est mesurée, soit en heures de marche, comme le révèle La Flûte, un conte réécrit par Chinua Achebe (1977 : 5), soit par la mention des paysages rencontrés : sept forêts et sept rivières, ou « sept rivières et sept pays » (Ugochukwu, 1992 : 181) ou encore, selon Chinua Achebe, « sept rivières, sept forêts et sept collines » (Kalu Ogbaa, 1992 : 144) La distance parcourue est la même dans les deux cas, ce qui peut s’expliquer par le fait que dans les contes, comme aujourd’hui dans les films nigérians, les tradipraticiens sont établis en bordure du monde des esprits, pour mieux communiquer avec eux et faciliter la rencontre entre eux et leurs clients. La description linéaire du parcours vient par ailleurs confirmer la croyance selon laquelle humains et esprits partageraient la même terre, séparés par un no man’s land franchi dans les deux sens. Vivant ou mort, l’homme reste pleinement conscient et en contact aussi bien avec les autres défunts qu’avec la communauté des vivants, situation facilitée par la répartition du sol et des activités et l’organisation de la vie quotidienne comme par la réincarnation périodique de l’ancêtre et l’errance perpétuelle des mauvais esprits. C’est ce qu’exprime de façon comique Thirty Minutes from Hell (2015) où, le jour même de son enterrement, un mort, fatigué d’être secoué outre mesure par la danse des porteurs au cours du trajet qui l’emmène de la morgue à sa résidence, quitte son cercueil pour rejoindre le village en taxi, causant la panique à chaque rencontre lorsqu’il questionne : « vous n’avez donc jamais vu de mort qui se promène ? » Le parcours initiatique du chef de Nri, capitale spirituelle du pays igbo, éclaire une autre dimension de la mort : au cours de la sixième étape de son intronisation, Eze Nri s’allonge sur le sol et on le recouvre entièrement de terre ; au bout de vingt et un jours, il fait une apparition publique, tout de blanc vêtu (couleur des esprits) comme l’incarnation d’un esprit (Onwuejeogwu, 1981 : 88 ; Sabine Jell-Bahlsen, 2008 : 217-221). Cette tradition s’insère dans le contexte de l’attirance igbo pour la profondeur, ime : pro89

fondeur de la maison où se trouve la chambre du maître, profondeur de la connaissance, profondeur de la matrice de la femme enceinte et profondeur de l’avenir. Au plus profond se trouve l’explication des choses : plus on va profond, moins on voit clair, mais plus on comprend, avec la promesse d’ ‘y voir clair’ plus tard. On trouve une illustration de ce concept dans Timbers and Calibres (2015), l’un des films de Nollywood mettant à l’écran l’une des nombreuses sociétés secrètes prisées par les Nigérians. On y voit trois hommes politiques influents utiliser leur richesse et leurs contacts pour intimider leurs rivaux et consolider leur pouvoir la nuit au cours de réunions secrètes au cours desquelles ils apparaissent, vêtus de pourpre et allongés chacun dans un cercueil, symbolique de la tombe. La pièce où sept d’entre eux se réunissent est décorée de petits cercueils et de poupées ensanglantées. Leurs rivaux ont eux aussi leurs réunions secrètes, où ils apparaissent momentanément réduits à l’état de squelettes rongés par les cafards. Un autre film, Last Burial (2011) raconte les derniers jours d’un homme qui a échangé la richesse contre une vie écourtée et finit par mourir mais passe ensuite plusieurs jours assis immobile dans son cercueil avant qu’une délivrance ne lui permette de mourir pour de bon et d’être inhumé. La profondeur suggérée dans ces films par l’espace creux du cercueil est à rattacher à l’opposition que notent Nwala (1985 : 30) et Nneamaka Mojekwu (1994 : 121) entre le monde visible et le monde invisible, ce qui est invisible au profane ne l’étant pas à l’initié, mais les deux mondes étant aussi réels l’un que l’autre. Les contes combinent parfois de façon explicite les deux points de vue mentionnés plus haut, et décrivent alors la terre des esprits, pénétrée via la tombe, comme à la fois lointaine et souterraine. Les sentiers forestiers La mort, charnière entre les deux mondes, est marqueur de frontière. La tradition enseigne que depuis l’au-delà, « il y a deux routes vers le monde des hommes. Ces routes traversent cette zone frontière floue qui sépare les deux mondes. De chaque côté, au bout de la route, se trouvent postées deux formidables déités féminines : Onabuluwa et Nne mmiri, Celui qui soutient le monde et Mère l’Eau » (Christie Achebe, 1986 : 17). Ces deux routes passent, l’une par la forêt, l’autre par l’eau. Les contes, s’ils attestent le passage d’un monde à l’autre, ne font que très rarement mention d’une tombe, qui suggèrerait un état statique ; ils évoquent le plus souvent un trou et/ou une ‘mort’ graduelle, une transformation qui s’opère par paliers, dans un mouvement de glissement, de disparition progressive, et passe presque inaperçue. Le flou de ces évocations, qui omettent de pointer du doigt vers une tombe, rappelle qu’autrefois, un grand nombre de corps n’étaient pas enterrés mais jetés dans la ‘mauvaise brousse’, désignée dans Omenuko (Nwana, 2010 : 56) comme ‘la brousse froide’. Toutes les sources historiques s’accordent sur 90

son usage ancien : on y jetait les restes de sacrifices et les enfants nés ‘anormalement’ – jumeaux, mauvaises présentations et enfants nés avec des dents, entre autres (Basden, 1938 : 262-263). Ceux qui mouraient de ‘mauvaise mort’ étaient, soit abandonnés là eux aussi, parfois même avant même leur mort, soit grossièrement recouverts de terre puisque « les mauvaises morts ne donnent normalement pas droit à des funérailles complètes » (Joseph Awolalu, 1979 : 254). C’était le cas des victimes de la variole, de la dysenterie, de l’hydropisie, des hernies, kystes et hydrocèles, des lépreux et des malades mentaux, des femmes décédées enceintes ou en couches, et de ceux morts de mort violente, le cas des suicidés étant considéré comme le plus grave de tous. Certains des films représentatifs de la vie d’autrefois, comme l’adaptation cinématographique du premier roman de Chinua Achebe, qui en a gardé le titre, Things Fall Apart (1987), évoquent ces morts en se servant d’effets spéciaux ou les mettent en scène sous l’apparence de ‘revenants’. Dans le film, immédiatement après le meurtre rituel du jeune Ikemefuna, une longue scène digne du théâtre grec antique et qui ne figurait pas dans le roman montre Okonkwo, le personnage principal, seul en pleine nuit dans la forêt maudite, pourchassé par les ombres claires d’Ikemefuna et d’autres enfants comme lui, enveloppés dans la dentelle blanche habituellement portée par les familles en deuil. Ces formes sans visage, dont la blancheur se détache sur l’arrière-plan obscur de la forêt, l’entourent, l’accusent de sa participation au meurtre et le maudissent de leurs cris : « sang pour sang ! Malédiction pour malédiction! » Elles vont l’encercler de plus en plus près jusqu’à ce qu’il finisse par s’écrouler au sol. Des films plus récents mettent à l’écran cette même forêt pour en faire le lieu d’autres meurtres, respectant par là même la tradition puisqu’aucune des victimes n’aurait pu, à l’époque, être enterrée au sein du village. Dans Crying Blood (2013), directement inspiré d’un fait divers, une veuve, injustement accusée d’avoir tué son mari, est enterrée vivante au pied d’un arbre en brousse après avoir en vain pleuré sur la tombe de celui qui ne pouvait plus la défendre. The Buried Virgin (2016), film historique, s’ouvre, lui, sur le meurtre d’une jeune fille, kidnappée à la lisière de la forêt pendant la corvée de bois et enterrée vivante pour assurer la fortune à son meurtrier. La tombe refermée Les vivants ne peuvent pas rejoindre les morts au-delà de la frontière dont on vient de parler – que celle-ci soit chemin ou tombe : seuls ces derniers ont le pouvoir de revenir, si toutefois celui-ci leur est donné. C’est ce qui explique les conversations, les appels et les chants rapportés par les contes, qui tous ont le même but : tenter de communiquer par-delà la mort. Le conte de ‘la mort du guerrier’ vient enrichir cette anthropologie de la tombe. Il s’agit là de deux villes constamment en guerre : « Chaque fois que les gens de la 91

grande ville […] venaient pour vaincre Iberedum et l’encerclaient, le roi élevait la voix et appelait Ezulu, le vaillant guerrier, le beau garçon qui savait lutter. Quand Ezulu entend chanter son père, il dégaine son épée, il sort en courant, […] et les gens de la grande ville s’enfuient en courant : il a sauvé Iberedum » (Ibid. 106-107). Mais le roi d’Iberedum, Don Juan impénitent, va mettre son fils à mort pour plaire à une prostituée dépêchée par le village ennemi et qui a su l’envoûter. Le lendemain, les ennemis envahissent le village, capturent le roi et l’emmènent. En passant devant la tombe de son fils, le roi décide de l’appeler comme il le faisait auparavant. La puissance de son chant fait sortir son fils de la tombe. Mais les ennemis réussissent finalement à empêcher le mort de jamais revenir (Ibid. p. 113-114). Le proverbe éclaire la fin du conte : « Le mort qui est dans la tombe dit qu’il entend les lamentations des gens, mais que la terre qu’on a jetée sur lui l’empêche de se lever » (Igwe, 1986 : 69). Quel que soit le lieu où le corps est inhumé, abandonné ou englouti, le conte démontre que, même en l’absence des cérémonies requises, la mort scelle une séparation, comme on le voit à la fin du récit des deux petits amis : l’enfant assassiné par les parents de son ami, déterminés à mettre fin à une amitié qu’ils jugeaient inutile, revient au milieu de la nuit pour rapporter à son ami qui le cherche ce qui s’est réellement passé. Il conclut : « maintenant, il n’y aura plus rien entre nous. Je suis seulement venu te dire adieu, parce que nous ne nous verrons plus » (Ugochukwu, 1992 : 133). Le lieu du dernier adieu Dans les films, la tombe devient la bouche du tunnel au bord duquel les vivants viennent, en guise d’adieu, demander pardon pour les peines causées et promettre aux défunts de faire amende honorable, comme dans My Blood my Sweat (2013), suite du film Release me o Lord (2013). Osita, de retour d’Europe après dix ans d’absence, y vient sur la tombe de son père lui demander pardon de n’avoir pas pu rentrer à temps et lui promettre de venger sa mort. Dans le film bilingue yoruba/igbo Temi Ni Nkem (2004), un père vient lui aussi sur la tombe de son fils pour maudire ses meurtriers et s’engager à le venger. Et la dernière scène de Bed to Grave (2015) permet à une jeune femme de retrouver la trace de sa mère pour découvrir qu’elle est morte six mois auparavant. Debout devant sa tombe, elle lui promet d’organiser ses funérailles dès qu’elle le pourra, ces funérailles élaborées et habituellement coûteuses qui rassemblent famille étendue et amis et se déroulent parfois des mois, et parfois des années après l’enterrement. Un certain nombre de films de Nollywood ont choisi de traiter la question du veuvage, et plus précisément le traitement traditionnel des veuves entre le décès du mari et l’enterrement. La tombe, qui n’y figure donc pas physiquement, y est pourtant au centre du récit, continuellement évoquée au travers des rituels qui se rattachent à l’inhumation et qui cherchent à l’évidence à 92

sceller la séparation entre l’épouse et son mari défunt. D’autres films, plus nombreux, s’ouvrent sur un décès, souvent celui des parents, et parfois des enfants adultes d’une veuve, et ce sont ceux qui donnent à la figure de la tombe son rôle central en même temps qu’ils mettent en avant la puissance du chant funèbre traditionnel. Painful Soul (2012) s’ouvre quant à lui sur les lamentations déchirantes d’une jeune fille qui pleure sur les tombes voisines de ses parents et de son frère, morts le même jour après avoir ingéré un plat empoisonné préparé par son oncle. Elle est sur le point de se suicider là pour les rejoindre, et c’est un malafoutier qui la sauvera. La tombe lieu de rencontre Le mythe de fondation de Nri, capitale spirituelle du pays igbo, atteste de l’ancienneté de la tradition d’inhumation dans cette région, en même temps qu’il attire l’attention sur l’importance de la tombe dans la culture (Onwuejeogwu, 1975 : 64). Le fait que la tombe y soit présentée comme lieu de l’intervention de Chukwu, le Dieu tout-puissant de la religion traditionnelle, n’est pas anodin : en associant la tombe et le don surnaturel, il attribue à ce marqueur de mort et de séparation le rôle de lieu de rencontre privilégié entre vivants et disparus. On retrouve le même thème dans un conte qui met en scène une orpheline maltraitée. Le conte, dominé par le pommier qui a poussé sur la tombe de la mère, est une allégorie de la croyance traditionnelle igbo et du lien qu’elle établit entre les esprits des ancêtres et la communauté. L’orpheline vit séparée du reste de la maisonnée jusqu’à ce qu’elle renoue le dialogue avec sa mère par l’intermédiaire du pommier. Comme elle n’a aucun espoir de voir son père, tiraillé entre sa fille et sa seconde épouse, prendre sa défense, elle finit par ramasser les pépins de pomme que les autres ont jetés. Elle s’en va ensuite, dans la cour, derrière la maison de sa mère, une maison qu’elle partageait autrefois avec celle-ci et qu’elle est seule à occuper maintenant. Il y a là déplacement physique vers la mère décédée, non seulement représentée par sa maison personnelle, mais par son arrière-cour, l’endroit où la femme passe le plus clair de ses journées à préparer le repas et à laver le linge. Une comparaison avec une variante du conte notée en Haïti et où l’orpheline s’en va « derrière le bouquet d’arbres qui cachaient la tombe de sa mère » (Jean-Baptiste Romain, 1959 : 123-124), permet de pénétrer plus avant le sens caché du récit : l’arrière-cour est aussi l’endroit où se trouve la tombe de la mère. Ce déplacement entérine la situation de fait qui est celle de l’exclusion de l’orpheline. Il contribue également à couper temporairement la communication entre l’orpheline et les autres enfants, entre elle et le monde des humains, ouvrant en même temps la possibilité d’une communication avec sa mère défunte. Arrivée dans l’arrière-cour, la fillette creuse d’abord la terre pour y enfouir les pépins. Dans une culture où le monde des esprits, que rejoignent à leur mort les esprits de ceux qui ont vécu, comme sa 93

mère, une vie pleine, se situe aussi sous terre (Ugochukwu, 2009 : 47), ce geste est significatif : il rouvre la voie à la communication entre mère et enfant. Le trou une fois creusé, la fillette enterre les pépins, comme une offrande qui reproduit à l’envers le geste ancien d’affection de la mère revenant du marché et offrant la pomme à sa fille. Chant, dénonciation et pouvoir L’orpheline se met alors à chanter, entamant un dialogue avec l’arbre, point de rencontre traditionnel avec les ancêtres et investi ici d’une fonction maternelle, et lui raconte son infortune, sur le mode des incantations adressées ailleurs aux esprits : Pommier de ma mère Nda Pommier de ma mère Nda Pousse pour l’enfant qui n’a ni père ni mère Nda Sais-tu que la femme de mon père Nda A acheté des pommes au marché Nda Et n’a pas donné sa part Nda À l’enfant qui n’a ni père ni mère ? Nda (Ugochukwu 1992 : 326).

En réponse à la prière de l’orpheline et en reconnaissance de son innocence, l’arbre porte des fruits qui mûrissent rapidement et tombent à ses pieds, prêts à être ramassés. On retrouve ici l’arbre du conte-type devenu « le véritable protagoniste de l’action et pas seulement une donnée naturelle, au point qu’il s’établit un rapport de complicité quasi humaine […] entre le héros et l’arbre » (Görög-Karady, 1970 : 50) traditionnellement lié au monde des esprits ; « poussé magiquement sous l’effet de la chanson et à l’emplacement de la tombe de la mère à laquelle recourt la victime, [il] est source de consolation pour elle et de renforcement vital » (Laënnec Hurbon, 1969 : 85). Dans le conte, les pépins enterrés et l’arbre qui en jaillit sont le symbole de la mort et de la continuité de la vie, de la relation à la mère perdue et retrouvée, de l’héritage reçu et du lien renoué. Comme l’arbre près de la tombe maternelle transmet la complainte de l’orpheline, la tombe aquatique laisse passer la voix, cette fois dans l’autre sens, comme le confirme le conte de l’enfant noyée. Après s’être jetée dans le fleuve, traumatisée par l’infanticide qu’on vient de la forcer à commettre, une jeune bonne se noie. « L’eau l’a submergée : on ne voyait plus que sa langue, qui pointait hors de l’eau, et qui est restée là à flotter » (Ugochukwu, 94

1992 : 207). Les contes évoqués illustrent en outre la croyance selon laquelle posséder le nom de quelqu’un, c’est posséder un pouvoir sur cette personne. La mort elle-même ne peut résister à la mention du nom, comme le montrent aussi bien le conte où le petit Oko assassiné revient voir son ami à l’appel de son nom, que ce conte où, à l’appel de son nom par son père, « la tombe d’Ezulu s’est ouverte et Ezulu est sorti » (1992 : 114). Les lamentations des veuves, des victimes et des orphelines, en particulier, ont le pouvoir, sinon de faire revenir les morts, en tout cas de rappeler leur ombre et d’enclencher leur vengeance, comme on le voit dans le film The Buried Virgin (2016) où l’ombre de la morte resurgit périodiquement de sa tombe pour poursuivre les coupables. Demain le cimetière ? Aujourd’hui, au Nigeria, les morts continuent d’être inhumés dans les cours, comme l’illustre fidèlement la dernière scène du film Bed to Grave (2015) où une jeune femme partie à la recherche de sa mère découvre sa tombe derrière la maison. Il n’existe de cimetières que depuis peu de temps au pays, et uniquement, semble-t-il, dans la capitale, Abuja, à Lagos et dans d’autres mégapoles régionales où cette nouvelle pratique, qui se propagerait si l’on en croit certains journaux locaux, s’explique probablement par la vente des terrains familiaux et la perte progressive des maisons familiales dans les villages ancestraux. Une chose est sûre : Nollywood a déjà pénétré ces cimetières, comme dans la première scène de Blood for Tears (2007) qui met à l’écran un cortège funèbre portant le cercueil et entrant au cimetière où d’autres tombes rappellent un site funéraire occidental. Ce développement des cimetières n’a pour l’instant eu que peu d’effet sur Nollywood, dont les films n’ont semble-t-il encore vraiment intégré ni ces espaces, ni même l’une de leurs tombes individuelles. Il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque Douglas lui-même reconnaît que la pratique traditionnelle se maintient d’autant plus que « la plupart des sociétés africaines (comme le Nigeria) […] croient que les funérailles sont la façon la plus respectable de traiter les morts, et se consolent en offrant aux familles et aux amis une tombe spécifique » (2013 : 58). Une chose est sûre en tout cas : le malade mental qui a élu domicile sous un arbre au milieu des tombes au cimetière de Calabar, y cuisine, y mange et y fait sa lessive (Mayowa Tijani, 2015), a tout à fait le profil d’un personnage nollywoodien.

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7. Une enfance en danger – chronologie d’une maltraitance Si le nombre d’ouvrages entièrement consacrés à Nollywood est encore insuffisant, les études qui se sont penchées sur ces films ont porté sur la représentation de la ville dans ces films, le sort qui y est réservé aux femmes, la violence dont ils se font les témoins et le message politique et/ou religieux qu'ils véhiculent. La présentation de l’enfance dans ces films a quant à elle été jusqu’ici négligée. Ce chapitre se penche sur une vingtaine de films pour évaluer la place qu’y tient l’enfant, son rôle et le sort qui lui est dévolu, proposant une réflexion comparative sur le message véhiculé par les différents scénarios considérés et le sens à lui donner. Désir d’enfant, polygamie et criminalité Chukwuma Anyanwu (2003 : 85) présente la société nigériane comme « à la fois élève et professeur. Enseignante, elle donne au cinéaste le matériel dont il a besoin pour son art. Élève, elle prend l’artiste comme professeur qui se sert, pour l’enseigner, des matériaux reçus. » On peut donc attendre des films nigérians qu’ils reflètent plus ou moins fidèlement la société qui les a engendrés, pour pouvoir ensuite sensibiliser leur public et ainsi, tout en distrayant, mieux faire passer leur message. Or aujourd’hui tout comme autrefois, « dans le labyrinthe des changements de valeurs, au milieu de l’effondrement des critères moraux et de la confusion mentale généralisée, seuls les enfants restent inviolés et gardent leur place, représentant la permanence et la stabilité » (Sylvia Leith-Ross, 1938 : 181). Même si la grande ville, ses avenues et ses voitures, ses magasins, ses aéroports et surtout son mode de vie, sont omniprésents dans les films nigérians, le statut de l’enfant y maintient la présence du mode de pensée traditionnel : l’enfant y reste au centre de l’intrigue et au sein du couple – un couple le plus souvent marié. L’éclairage porte en effet sur la famille, pour le meilleur et pour le pire, l’arrivée de l’enfant au foyer étant présentée, de façon très traditionnelle, comme le sceau de l’approbation du mariage par Chukwu. Après l’échange de vin et de bons vœux entre les deux familles, et le mariage traditionnel, c’est en effet la grossesse, toujours espérée, qui apaise le cœur de l’épouse en assurant sa bonne insertion dans la famille du mari. Même si un certain nombre de films intègrent des signes visibles de tendresse entre époux, inspirés des films occidentaux, c’est l’enfant, et non le sentiment, qui y reste le fondement de la stabilité du mariage. Toute union restée sans enfant après un an suscite l’inquiétude et menace l’épouse, le plus souvent accusée de stérilité – la stérilité masculine n’étant jamais envisagée d’emblée, même si Point of No Return (1998) et The People’s Club (2006) présentent un mari devenu impuissant après avoir échangé sa puissance sexuelle contre la richesse. L’absence de reproduction est toujours 97

vécue comme une malédiction et le couple se trouve alors soumis aux pressions de la famille du mari. Les films reflètent le drame de ces couples et les chemins que prennent les épouses pour trouver un remède, entre dibia, divinités marines et Églises. La première scène de Nneka the Pretty Serpent (1992) présente ainsi une femme qui s’est rendue au bord de l’eau avec un coq pour y supplier la déesse de la rivière de lui donner un enfant. Sa prière sera exaucée mais la fillette obtenue ainsi, incarnation de la déesse, se révèlera une malédiction pour la famille entière. Face aux provocations et aux regards méprisants, l’épouse en manque d’enfant, si le recours aux instances religieuses de tous bords se révèle vaine, peut se résoudre à proposer à son mari de lui choisir elle-même une seconde femme, dans l’espoir que celle-ci aura à son égard une dette de reconnaissance. Trois films en particulier offrent une réflexion sur ce douloureux problème social. Le premier, Hour of Grace (2001), s’ouvre sur une cérémonie de baptême traditionnel, présentation du nourrisson à la famille étendue, pendant laquelle l’hôte explique que grâce à la compréhension de son épouse, il a maintenant un héritier d’une seconde femme après onze ans de mariage. Un couple vivant une situation similaire se trouve parmi les invités. De retour chez eux, la femme propose à son mari de prendre sa meilleure amie comme épouse. C’est le début d’une vie d'enfer pour la première femme dont l’amie se venge de dix ans de célibat et de jalousie. La seconde femme est très rapidement enceinte, accouche d’une fille et consulte régulièrement le dibia qui lui donne à chaque fois les moyens de rendre sa coépouse un peu plus malheureuse. Quand celle-ci finit par accoucher d’un garçon, elle aveugle le nouveau-né. Chassée de chez elle, réduite au statut de servante, la première épouse est ensuite lâchement assassinée, laissant son fils orphelin, aveugle et sans défense contre les machinations de sa belle-mère. All My Life (2004) traite le même sujet. On y rencontre deux sœurs dont l’aînée se marie. Au bout de plusieurs années de stérilité, et considérant le désir de son mari d’être élu chef de la ville – un désir rendu impossible par le fait qu’il n’a pas de fils pour lui succéder, l’épouse pousse sa jeune sœur à accepter de devenir sa coépouse, pensant pouvoir ainsi éviter les querelles habituelles des ménages polygames. Le mari accepte à contrecœur et continue à préférer sa première épouse, la seconde étant restée pour lui la petite sœur dont il finançait l’éducation. La première épouse continue à prier ardemment, n’ayant pas perdu l’espoir d’enfanter elle-même. Peu de temps après le mariage, les deux femmes tombent enceintes presque en même temps. Cette situation met le mari dans l’embarras et il finit par renvoyer sa seconde épouse, qui n’a été prise que pour concevoir et se trouve maintenant délaissée pour la première que la grossesse a encore rapprochée de son mari. Le troisième film, Upside Down (2006), est le plus tragique. On y voit un couple très amoureux mais resté sans enfants après trois ans de mariage. La mère du mari accuse sa belle-fille de n’être qu’ « un homme », métaphore désignant les femmes stériles. Quand la jeune femme décide de consulter et 98

apprend qu’elle ne présente aucun problème, mère et belle-fille s’accordent pour persuader le mari de faire un test de fertilité, qui apprend aux deux femmes – à l’insu du mari – qu’il est stérile à la suite d’une ancienne syphilis mal soignée. La mère persuader alors sa belle-fille de coucher avec le cadet de son mari, et celle-ci tombe enceinte. La gynécologue ment alors au mari et le persuade qu’il n’a aucun problème. Un petit garçon naît, et au bout de trois ans, la jeune femme, sur les conseils de sa belle-mère, trouve un parfait inconnu pour la mettre enceinte une seconde fois. À la suite d’une maladie soudaine de l’enfant, le père apprend malheureusement la vérité et supprime, au cours d’une terrible scène, sa mère, sa femme et son frère, après avoir reproché à sa femme de s’être tue au lieu de lui parler. Sa remarque : « On aurait pu adopter » révèle la modernité du film ‒ l’adoption est traditionnellement rejetée par les couples nigérians, qui préfèrent les enfants de leur propre sang. L’homme est jugé et, à la lecture du verdict de pendaison, se supprime avec l’arme d’un policier. Ces trois films soulignent le fait que, si l’enfant est toujours ardemment désiré et reçu comme une bénédiction, c’est aux bébés garçons que va la préférence des couples. Dans les cultures du sud du Nigeria, la naissance d’un enfant de sexe masculin est la seule vraiment fêtée, l’homme garantissant seul la continuité de la famille dans une culture pratiquant l’exogamie. Ces considérations expliquent que les films nigérians soient dominés par les querelles de familles et d’héritage, comme dans Evil Men (1998) qui s’ouvre sur la brutalisation d’une veuve dont le champ est confisqué par un groupe d’anciens du village désireux de le vendre à des entrepreneurs de la ville voisine. Son fils apprend l’affaire et tente de s’interposer – il sera rapidement éliminé et après la veuve, d’autres propriétaires terriens seront à leur tour assassinés avant que la chance ne se retourne contre le groupe criminel. Le fils de la veuve a beau avoir atteint l’âge adulte, il reste son fils, celui auquel revient la terre, et c’est ce qui le condamne. L’enfant à la merci des adultes Dans la lutte pour l’influence et le pouvoir, qui se poursuit dans les villages, l’enfant est une victime toute désignée, et diverses menaces pèsent sur lui dès avant sa conception : Evil Men (1998) met en scène un jeune couple en visite chez une tante, qui jette un sort à l’épouse et la maudit, disant : « jamais le cri d’un bébé ne retentira dans cette maisonnée. Qu’elle soit stérile ! » Si le couple, vivant loin du village ancestral et de ses vendettas sournoises, a malgré tout réussi à concevoir, Evil Men démontre que les villageois n’hésitent pas à recourir à d’autres stratagèmes dans lesquels ni l’âge ni le sexe ne sont en reste. Les femmes y font preuve d’autant de cruauté que leurs maris et les vieillards y allient une apparence bénigne à une froideur de criminels. Un autre couple, dont la jeune femme est enceinte pour la première fois, est lui aussi victime, d’une tante : jalouse de la joie de la mère sa 99

voisine, elle maudit la jeune femme, qui aura une fausse couche dans la journée. Ailleurs, dans Hour of Grace (2001), une grossesse se poursuit jusqu'à dix mois du fait que le bébé a été ficelé par sorcellerie – la femme n’accouche que lorsqu’elle réalise ce qui se passe et détruit le sort par la prière. Une autre femme, dans Love in Colours (2004), est, elle aussi, mise dans l’impossibilité d’accoucher. Cette violence, qui vise l’enfant, touche également sa mère (cf. Chioma Enwerem, 2007), en dépit du respect dont est habituellement entourée la grossesse. The Apple (2000) met encore en scène une adolescente de quinze ans qui épouse un homme de plus de trente ans et accouche d’un enfant mort-né. Rejetée par son mari à la suite de complications médicales qui provoquent un lourd handicap, elle finit par se suicider. L’enfant est-il né vivant ? Sa sécurité est loin d’être assurée. Quelques films évoquent, pour en souligner l’horreur et les séquelles, la pratique ancestrale de l’abandon des jumeaux en forêt que rappelait Achebe dans son premier roman, et l’agonie des mères co-responsables de cet infanticide. D’autres films mettent à l’écran la sorcellerie pour en montrer le caractère criminel. La première scène d’Evil Men (1998) montre un jeune couple venu au village ancestral rendre visite à la mère du mari avec leur bébé, né après cinq ans de mariage. En chemin, ils s’arrêtent pour présenter le bébé à leur oncle. Ce dernier, tout sourire, passe le doigt sur le visage du nouveau-né et lui jette un sort – il mourra dans la journée sans que rien n’ait pu être tenté pour le sauver. Point of no Return (1998) montre un père de famille en train de poignarder son jeune fils pendant une séance satanique en perçant son image apparue dans un bol d’eau, en échange de la richesse. Et le bébé d’Alade Ikunkun (1995) se voit ponctionné de son sang et initié à la sorcellerie dès la naissance par une femme médecin, elle-même sorcière. D’autres maux sociaux sont occasionnellement dénoncés – la mutilation génitale des fillettes par exemple, comme dans Yesterday (1998) qui traite du sujet à partir du témoignage personnel du personnage principal. Au début d’un autre film, Occultic Wedding (2006), le fiancé d’une jeune fille vient de découvrir qu’elle le trompe avant même le mariage, et annule la cérémonie. Questionnée par sa mère, Doris la blâme – « si tu m’avais excisée, tout ça ne serait pas arrivé. » Ce reproche conduit à un échange exceptionnellement franc, et très rare à Nollywood à l’époque, durant lequel la mère explique à sa fille que le choix de ne pas la mutiler « est bon pour elle » et que la promiscuité n’a rien à faire avec l’excision », rejetant un mythe solidement ancré dans la société traditionnelle. La mère explique ensuite qu’elle souhaitait que sa fille puisse « jouir de son mariage, être heureuse, avoir plaisir au sexe, atteindre l’orgasme et avoir des enfants sans problème. » Un autre film, Deepest of Dreams (2009), traite de la défiguration et du handicap, un thème récent à Nollywood (Kolawole Olaiya, 2013).

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Parmi les comédies prisées des Nigérians, une série de films consacrés aux deux personnages de petite taille Aki et Pawpaw (joués par Osita Iheme, né le 20 février 1982, et Chinedu Ikedieze, né le 12 décembre 1977)36 illustre la défense, par le rire, des enfants et des adultes de petite taille, traditionnellement protégés d’ailleurs en pays igbo. Selon Onwuejeogwu, Les nains nés dans la région du pays igbo sous l’influence de Nri étaient considérés comme des êtres mystiques et envoyés au chef de Nri […]. La plupart de ces nains grandissaient au palais du chef de Nri ou chez des gens de Nri. On les considérait comme des tradipraticiens qualifiés […]. Si un nain, désigné sous le titre d’Aka Nri [main droite / puissance] ou une naine, désignée sous le titre d’Ada Nri [fille aînée de Nri], frappaient à la porte de quelqu’un et lui intimaient l’ordre de se rendre chez le chef de Nri, la personne obtempérait sans délai. À l’époque précoloniale, si le chef de Nri voulait appeler les chefs des autres villes ou résoudre un conflit, il leur envoyait des hommes de Nri accompagnés de l’un de ses nains.[dont] la présence […] dans un village igbo inquiétait beaucoup les gens. Le chef de Nri s’occupait d’eux personnellement. La ville de Nri a compté des nains jusqu’au décès du dernier en 1970 (1981 : 90-91).

Les très nombreux films ayant pour héros Aki et/ou Pawpaw ensemble ou séparément – Aki na Ukwa (2002) qui signale le début de leur carrière d’acteurs, Two Troubles (n.d.), Baby Police (2003), The Wicked Houseboy (n.d.) et d’autres – jouent sur le contraste entre l’apparence inoffensive de ces deux personnages, leur voix enfantine et leur sourire désarmant d’une part, et les combines souvent répréhensibles qu’ils concoctent en parfait tandem, mettant les adultes en situation d’infériorité en prouvant leur intelligence, leur sens de la répartie et leur excellente gestion des circonstances à leur avantage. Two Troubles s’insurge en outre contre les sobriquets donnés à ces cousins – « nains, pygmées et lilliputiens » : « n’essaie jamais de les affubler de ces noms ! […] Ce sont des êtres humains comme vous. » À l’arrière-plan des querelles d’adultes, l’enfant est aussi à leur merci – battu et aveuglé comme le fils de la première épouse de Hour of Grace (2001), ou maltraité comme les petites bonnes. C’est également une victime sacrificielle de choix et des films comme Point of No Return (1998) le montrent hypnotisé, kidnappé et parfois sacrifié, en raison même de son innocence et de sa pureté, par des sociétés secrètes cherchant à satisfaire leur soif d’argent et de pouvoir. Quand il n’est pas assassiné, l’enfant est traité en esclave domestique comme dans Brain Box (2010) ou réduit à végéter, comme les orphelins de Blood Sisters (2005) laissés à la garde de leur grandmère au village ou comme les enfants de Nicolas dans Evil Men (1998),

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Cf. https://www.maravipost.com/who-is-older-between-aki-and-paw-paw-as-aki-celebrateshis-41st-birthday/.

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qu’un oncle propose de mettre en apprentissage parce que, leur père éliminé, ils n’ont plus personne pour régler leurs frais de scolarité. À la préadolescence, la maltraitance continue. Dans Ipinnu (1996), le Chef Ibuowo sacrifie son fils ; Point of No Return (1998) et Bad Boys (2001) mettent en scène des enlèvements de jeunes filles. Les films révèlent en outre l’attirance des sociétés secrètes pour la destruction de l’innocence, le grandprêtre de la secte n’hésitant pas à rejeter la victime comme impropre au sacrifice si elle n’est pas vierge. L’une des composantes de ce scénario est le rapport entre l’enfant et l’argent. Le proverbe et le nom qui le résume le disent, « l’enfant vaut mieux que l’argent ». Les sociétés secrètes ont une façon à elles de traduire le proverbe en action : si l’enfant vaut mieux que l’argent, c’est qu’il est possible de l’échanger contre de l’argent. Evil Seed (2001) s’ouvre sur une cérémonie de fiançailles en pays igbo. Mais la jeune fille meurt peu après. Convoqué, le dibia révèle à la famille que c’est le grand-père qui est à l’origine du décès ; le reste du film est la reconstitution de l’histoire de l’aïeul, qui pratiquait la sorcellerie et sacrifiait de jeunes villageois – garçons et filles – à son arbre sacré pour payer le prix exigé en échange du maintien de son pouvoir. L’enfant est une promesse d’avenir, et la garantie du bien-être futur des parents et de la mère en particulier. C’est ce qui explique sa présence protectrice aux côtés de la veuve et le parti que tirent les films de cette perception populaire : les scénarios présentent une enfance menacée, les ennemis s’attaquant à la mère à travers l’enfant qui la protège. Arrivé à l’âge adulte, le fils de la veuve reste en danger, comme on l’a vu dans Evil Men (1998). Dans les couples dominés par la haute stature du père, et où la femme est confinée dans une position subalterne, l’enfant prend généralement le parti de sa mère contre son père – dans Wasted Years (2000) par exemple. Fermement attaché à ses parents en dépit de sa soif d’indépendance proclamée haut et fort à travers ses tenues vestimentaires, ses attitudes et ses fréquentations, l’adolescent reste pourtant soumis à l’autorité parentale et souffre des désaccords familiaux. Il tend à copier, dans sa relation à l’autre dans la maisonnée, les relations entre les parents d’un côté et les serviteurs de l’autre, mimant et révélant les clivages sociaux. Le fils d’Akidi, dans le film du même nom (2001) par exemple, se vante d’imiter les flirts paternels et passe à l’action. Dans Hour of Grace (2001) et All My Life (2004), l’enfant est aussi le jouet de la compétition entre coépouses et présenté comme catalyseur, révélant rancœurs et jalousies. Si l’enfant est ainsi presque toujours placé au centre de l’intrigue, c’est que, garant de la stabilité du couple et de la transmission de l’héritage, il est à la fois au centre de la famille et au centre de la société. Au-delà du couple et de la maisonnée, les films mettent en lumière l’impact des failles du corps social sur le bien-être de l’enfant. Dans Fate of Life (1999), la jalousie d’une sœur condamne une jeune femme à vivre seule dans la misère avec son bébé, et la fillette vivra bien des épreuves avant de retrouver son père. Quand un 102

voyou dérobe le bracelet du chef dans Evil Forest (2000), c’est sur la fille de la veuve, amie du palais, que retombent les soupçons, du fait même de sa pauvreté : mère et fille sont bannies du village, et la mère meurt sur le chemin de l’exil, laissant la jeune fille orpheline. Un film plus récent, Dry (2014), s’attaque à un problème assez différent puisqu’il met en cause, non plus seulement le sud de la fédération et ses maux, mais le nord musulman et la pratique des mariages d’enfants encouragés par la tradition musulmane. Le film, inspiré par une histoire vraie, traite de la fistule vésicovaginale dont souffrent de nombreuses préadolescentes, particulièrement au nord, à la suite des complications liées à l’accouchement alors que leur corps n’est pas prêt (Ijaiya Munir’deen & al, 2010). L’héroïne du film, Halima, est mariée à treize ans à un homme de soixante ans qui ne cesse de la violer. Enceinte, elle accouche et se retrouve avec une fistule. Son mari l’abandonne, la société la rejette mais une docteure la soigne et l’aide. Une adolescence en mal de liberté La morale sociale elle-même est présentée comme une menace pour l’enfant conçu hors mariage. Dès que la grossesse devient visible, l’enfant est perçu comme l’incarnation de la faute, et les films reflètent le stigmate attaché, depuis la colonisation, à la mère célibataire, alors que traditionnellement, l’enfant né hors mariage était compté comme l’un des enfants du père de la maisonnée, la jeune mère trouvant toujours à se marier, sa fertilité ayant été prouvée par la grossesse. L’avortement est donc un thème récurrent de ces films, qui le traitent toujours comme un drame mettant en grave danger la vie de l’adolescente ou ses chances de futures maternités. Time to Weep (1998) introduit une étudiante en année de licence à l’université, qui couche avec son professeur en échange de la réussite. Lorsqu’elle se découvre enceinte, elle a recours à l’avortement et des complications la rendent stérile. Plusieurs années passent : elle est maintenant mariée, mais sans enfants et maltraitée par sa belle-famille. Une autre étudiante avorte dans Storms of Life (2001). Un certain nombre de films mettent cependant en scène des adolescentes qui ont gardé leur enfant, comme celle qui, dans Divine Twins (2007), rejetée par sa famille, erre dans les rues du village avant de trouver asile chez une veuve. Les scénarios proposent un portrait tout en nuances de ces très jeunes femmes dévouées à leurs enfants. Dans ce climat, la question de la paternité alimente les querelles entre époux : le mari tend à prendre ses distances avec l’enfant qui se comporte mal et dont la mère est alors soupçonnée d’infidélité, alors que celui qui répond aux souhaits paternels consolide le couple parental. Que devient, dans les films, l’enfant soumis à tant de pressions et à tant de modèles contradictoires ? Il prend très tôt son indépendance et tandis que les jeunes filles de l’élite affichent une liberté vestimentaire qui tranche avec les 103

boubous et les pagnes traditionnels de leurs mères, leurs consœurs moins fortunées rejoignent très tôt le petit peuple besogneux des rues – marchandes à la sauvette ou serveuses de gargotes, lavandières ou prostituées. De nombreux films comme Silent Scandals (2009) peignent avec compassion le sort des jeunes mères isolées et vouées à la misère en milieu urbain après avoir donné naissance à un enfant hors mariage. Les garçons quant à eux se déplacent en groupe à la tombée de la nuit, à la recherche de modèles alternatifs. Les scénarios sont en gros de deux sortes : dans un premier cas, le jeune, après une phase de confusion et d’erreur, se repent et revient au comportement attendu de lui par ses parents. C’est le cas dans Storms of Life (2001), qui met en scène un couple dont le fils a rejoint un gang tandis que sa sœur fréquente des amies de mœurs légères. Le fils est finalement expulsé de l’université après avoir participé à une tournante ; il se venge sur l’un de ses camarades et se trouve peu de temps après arrêté pour tentative de meurtre. La fille, pendant ce temps, se retrouve enceinte, tente d’avorter et ses parents la retrouvent à l’hôpital entre la vie et la mort. Tous finiront par se convertir – cas fréquent dans les films produits par les Églises pentecôtistes, qui se servent de ces films dans des buts d’évangélisation. Dans le cas contraire, l’adolescent se trouve happé dans une spirale de violence ou de malhonnêteté au sein de familles alternatives, celles des gangs. Au Nigeria, on ne compte plus les méfaits perpétrés par ces area boys cherchant à s’affirmer en trouvant chez leurs pairs la protection que leurs aînés ne savent plus leur donner. À l’affût d’argent facile, ils terrorisent les villes dès le crépuscule et font la Une des journaux (Bruce Baker, 2002 ; Yann Lebeau, 1999). C’est ce mal urbain moderne que reflète un film récent, The Street Bandits (2020) inspiré du cinéma américain, mettant en scène une communauté rurale « autrefois paisible devenue un terrain de guerre », celle que se livrent des gangs d’adolescents et de jeunes adultes vêtus de rouge et de noir. Ces derniers recrutent parmi leurs classes d’âge, font subir aux recrues un bizutage en règle et leur donnent des noms de guerre dignes des films de truands américains. Ces gangs armés et adonnés à l’alcool et à la drogue parlent un mauvais anglais truffé de grossièretés et se livrent une guerre quotidienne qui sème la mort dans le village. Le film s’attarde longuement sur les efforts des anciens pour ramener la paix et rappeler aux jeunes dévoyés les valeurs traditionnelles et le respect de l’âge. Si Bad Boys et Suddenly, tous deux produits en 2001, ou The Cry of the Virgin (2006), mettent eux aussi en scène des adolescents devenus revendeurs ou passeurs de drogue, délinquants ou criminels, d’autres, le plus souvent comiques, illustrent une rouerie qui, si elle s’inspire de celle de la célèbre Tortue des contes, est aujourd’hui plus connue sous le nom de fraude ‘419’, de la référence du Code pénal – c’est le cas d’Akidi (2001), d’Apian Way (2002), ou de Chicken Madness (2006) dont les stars sont des enfants terribles ou des couples d’amis, de jeunes adultes bien décidés à faire leur beurre dans un milieu où s’applique la devise de l’écrivain Jean de La Fon104

taine, depuis passée en proverbe : « la raison du plus fort est toujours la meilleure. » Dans Apian Way, les fameux jumeaux de petite taille misent ainsi sur leur handicap, leur silhouette enfantine et leur petite voix pour tromper leur monde. Cette situation de victime qui était celle de l’enfant se retourne finalement en fin d’adolescence : les jeunes adultes prennent leur revanche en se faisant, envers et contre tous, une place dans la société – c’est le cas des héroïnes du Royal Hibiscus Hotel (2017) et de Lionheart (2018). D’autres, moins indépendants ou moins courageux, s’investissent dans la fraude ou la violence, se marient et se ‘casent’ ou partent pour l’étranger. Quel que soit le cas, ils font désormais leur vie en adoptant un modèle symptomatique de la tendance qui se manifeste au sein des mégapoles du sud du pays. En conclusion La moitié de la population nigériane a aujourd’hui moins de 19 ans37. Généralement nés en ville, souvent éloignés de leur culture et/ou de la zone linguistique de leurs parents, dans un pays abandonné à la violence et miné par la corruption et la course à l’argent facile, ces jeunes ont perdu contact avec les valeurs traditionnelles. L’enfant et le foyer représentent ce qui en reste, et ce sont eux qui se trouvent menacés. En dépit de la violence et de la débauche qu’ils étalent le plus souvent, les films nigérians restent profondément traditionnels par la morale qu’ils véhiculent et que résumait bien cette proclamation annonçant la fin des premiers films : « À Dieu soit la gloire ! ». Comme le rappelle encore la fin de Koseegbe (1995), « les criminels iront en prison. » Cette fin presque toujours morale, et la régularité avec laquelle les coupables s’y trouvent condamnés, châtiés ou convertis et les justes récompensés sont une leçon pour les parents comme pour leurs enfants. C’est aussi la voix du crieur public d’autrefois et du prophète d’aujourd’hui au carrefour.

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https://www.statista.com/statistics/1121317/age-distribution-of-population-in-nigeria-bygender/ du 4 sept. 2020.

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8. Plaidoyer pour les veuves Depuis leurs débuts, les films nigérians, conscients de leur impact social et désireux de se servir de l’image pour offrir une réflexion sur le quotidien du pays, ont donné la priorité au cercle familial, si important sur le continent, et traitent de sujets comme l’infidélité, le désir d’enfant, la préférence igbo pour les garçons, la polygamie et les relations du couple avec la belle-famille du mari. Au long des années, enhardis par la réception très favorable de leur public, les réalisateurs ont joint leur voix à celle de ceux qui, de plus en plus nombreux, remettent en question des traditions immémoriales comme le traitement des veuves (Oloruntimehin, 1991 ; Fasoranti & Aruna, 2007 ; Akujobi, 2011 ; Mezieobi & al, 2011; Esosa, 2018 ; Nwaoga & al, 2021). Ce chapitre porte plus spécialement sur le pays igbo, l’une des régions du pays les plus affectées par ces pratiques : il rappelle brièvement la situation et considère la façon dont les films la mettent à l’écran. Le poids de la tradition Expliquant le concept igbo de la grande famille, central à la culture et intimement lié à celui de propriété foncière, Uchendu (1995) réaffirme les nombreuses variations locales qui caractérisent le paysage culturel igbo et distingue deux approches différentes de la grande famille, dominées par deux concepts parallèles, ceux de l’Umunna [lignage paternel] et de l’Ikwu [maternel]. Celui des deux qui nous concerne ici est le premier, encore pratiqué dans une grande partie du pays igbo : La région où se pratique la parenté de l’Umunna coïncide avec les endroits pratiquant un système patriarcal strict, c’est-à-dire tout le pays igbo à l’exception de la portion orientale du bassin central de la Cross River. Les règles gouvernant le mariage prévoient le paiement d’une dot comparativement assez large qui résulte dans l’acquisition des pleins droits génétriciel et uxorial […] et l’incorporation de ces droits dans leur descendance, quel que soit le père des enfants. La logique du paiement de la dot est que ‘l’enfant appartient à celui qui a payé la dot’. L’héritage de la veuve est pratiqué parce que c’est le patrilignage, et pas seulement l’époux, qui possède un intérêt durable dans tout mariage.

Ceci est confirmé aussi bien par mes enquêtes de terrain que par d’autres études (Chris Ebighgbo, 2010 ; Bruno Onyekuru, 2011 : 358). Dans la région dominée par l’Ikwu par contre, moins bien étudiée, « l’héritage des veuves est absent ou peu pratiqué, et les capacités reproductives des femmes ne sont pas transférées lors du mariage, parce qu’elles appartiennent à leur lignage, et bien que la socialisation de l’enfant soit la responsabilité officielle du patrilignage, celle-ci peut être partagée » (Uchendu, 1995). 107

La pratique désignée par le terme ‘héritage de la veuve’ / lévirat, l’une des nombreuses traditions igbos héritées de la Bible (Genèse 38), qui attend du frère du défunt qu’il épouse la veuve et s’occupe d’elle, était originellement destinée à garantir le bien-être féminin. Ancrée dans une culture où les individus sont d’abord et essentiellement vus comme les membres d’une famille, cette pratique considère que « se remarier dans la famille réalise l’ambition initiale de la veuve] de se marier dans cette famille, et assure une place respectable aux enfants » (Ebighgbo, 2010 : 301). En réalité, ces objectifs louables ont souvent été détournés, la famille s’appropriant les biens du défunt et laissant veuves et orphelins dans la misère. La détresse des veuves, conséquence directe de ces pratiques dévoyées, avait déjà été remarquée par Basden (1921 : 116, 121; 1938 : 270-279) et Leith-Ross (1938 : 101-103) en pays igbo. Le plus souvent, « le calvaire de la veuve commence par le soupçon qui pèse sur elle qu’elle est responsable de la mort de son mari. Elle est jugée coupable jusqu’à ce que ses serments prolongés devant le sanctuaire ancestral et l’oracle consulté par les anciens l’aient exonérée » (Uduakobong Umoren, 1995). Les cinquante dernières années ont vu, avec un exode continu des zones rurales vers les mégapoles, la naissance de groupes de pression féminins régionaux et nationaux de plus en plus puissants et amené un questionnement des pratiques ancestrales que les jeunes percevaient comme de plus en plus incompatibles, non seulement avec les exigences de la vie urbaine et professionnelle, mais aussi avec la mobilité associée à la globalisation. De la tombe à l’écran Depuis la fin des années 1990, les films nigérians, souvent considérés comme le miroir de leur société, notamment pour leur traitement de tout ce qui touche à la famille, ont rejoint la réflexion sur le traitement des veuves. Comme le notait une entreprise nigériane, Stanbic IBTC, sur sa page Facebook en novembre 2019, encourageant les Nigérians à laisser un legs, Nollywood ne ment pas quand il montre les veuves comme des parias jetées hors de chez elles par la famille de leur défunt mari, ajoutant : « Ne laissez pas votre famille devenir un autre scénario de Nollywood. » La plupart des réalisateurs présentent le point de vue des victimes sur le mode maintenant bien établi de l’‘édu-loisir’ pour faciliter une prise de conscience de ce fléau, avec des scénarios dans lesquels l’Église sert de médiatrice tout en respectant les structures sociales traditionnelles. Ce traitement cinématographique du sujet a malheureusement été peu étudié par les chercheurs, mis à part quelques paragraphes dans des études sur les femmes (Anyanwu, 2003 ; Bunmi Olujinmi, 2008). Ce chapitre suit les études de Gloria Ernest-Samuel sur les films de culture igbo (2009) et de Francis Amenaghawon & Salawu Abiodun sur les films yorubas (2020).

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Dans Evil Men (1998), l’histoire de la veuve sert de catalyseur, révélant la corruption et la cupidité des anciens du village. Un gang d’hommes influents terrorise la localité après avoir réussi à se faire élire au conseil municipal et au conseil paroissial, et se saisissent des biens et de la terre des villageois, n’hésitant pas à les éliminer s’ils résistent, pour vendre ensuite ces terrains aux riches commerçants de la ville voisine d’Onitsha. Comme la veuve d’un homme qu’ils ont tué continue à leur résister, ils éliminent son fils unique et persuadent l’Igwe de la bannir du village en l’accusant du meurtre. Les crimes du groupe finissent par se retourner contre eux : le curé de la paroisse, qui les soupçonne, excommunie leur leader, et ils tombent morts l’un après l’autre, frappés par leurs déités, après quoi la veuve se trouve libre de rentrer chez elle. Evil Forest (2000) place carrément le cas des veuves au centre de l’écran : son pasteur avertit l’une d’elles d’une attaque démoniaque imminente contre elle et sa fille. Se sentant lasse, elle retarde le jeûne recommandé ; sa fille est un peu plus tard accusée d’un vol qui a eu lieu au palais de l’Igwe, et mère et fille sont chassées du village. Après la mort de sa mère en brousse, la jeune fille est accueillie dans un village voisin : son innocence sera finalement reconnue et son comportement exemplaire recevra sa récompense. Dead Zone (2001) montre une veuve à genoux devant la Mercedes de son propriétaire en train de le supplier de payer les frais d’études de sa fille. Barrot (2005 : 66) mentionne, dans sa courte présentation du film The Mourning after (2004), « le traitement impitoyable infligé aux veuves dans beaucoup de régions d’Afrique », et Divine Twins (2007) évoque leur extrême pauvreté. Le traitement des veuves au sud du Nigeria a progressivement attiré l’attention des réalisateurs et progressé de la périphérie vers le centre de Nollywood, comme le montrent des films comme Widows (2007), inspirés par des évènements réels. Un élément central du scénario est le fait que la veuve n’a pas droit à l’héritage de son mari, et que, si elle n’a pas d’enfant masculin qui puisse en hériter, elle devra se resigner à voir la famille du mari se saisir de tous ses biens. Dans ce film, on voit la veuve se remémorer son passé – sa rencontre avec son mari Chima lors de la fête organisée en son honneur à son retour d’Occident une fois ses études terminées, et son mariage à ce « merveilleux mari, ami et compagnon », maintenant directeur d’une Société pharmaceutique et père de leurs trois enfants – un bonheur détruit par une dispute entre frères. Ignorant les supplications de sa femme, le mari traîne son frère en justice, mais la veille de la première audience, Chima meurt, terrassé par un infarctus, laissant sa femme sans appui. Au village, sa mort soulève des commentaires, et sa veuve, soupçonnée de son meurtre comme c’est souvent le cas, est forcée de se soumettre aux « rites que vous devez subir pour prouver votre innocence » (Nombres 5 v.11-31). On l’enferme trois jours avec le cadavre ; les Umuada [ou Umuokpu], filles de la famille mariées à l’extérieur, qui maintiennent des liens étroits avec la famille de leurs pères, y jouent un rôle important, notamment durant les fu109

nérailles, et ont été montrées du doigt comme étant les principales coupables des mauvais traitements infligés aux veuves, la rasent entièrement. On force ensuite la veuve à boire l’eau du bain funèbre et à se lamenter publiquement dès l’aube, on l’insulte, on la harcèle, on la bat. La nuit qui marque la fin de la période de deuil, les Umuada lui arrachent ses vêtements de deuil, les déchirent et les brûlent, brûlent aussi ses cheveux coupés et l’envoient nue se laver à la rivière au cœur de la forêt. Le long dialogue entre elle et les Umuada permet d’entrevoir son calvaire et l’état d’esprit de ses tortionnaires. À la question de la veuve : « Est-ce que le veuvage n’est pas une douleur et une punition assez grande pour moi ? », les Umuada répondent : « Nnenna, penses-tu qu’on nous appelle les Umuada pour rien ? […] Dommage, mon enfant, que nous soyons obligées de suivre les ordres de nos ancêtres. Ne t’inquiète pas ! Un jour, tu conduiras d’autres femmes sur le même chemin ! » (extrait du film) Trois mois plus tard, la veuve doit faire face aux exigences de son beaufrère, venu faire valoir ses droits à hériter d’elle, de ses enfants et de leurs biens – mais elle sait que refuser d’obtempérer serait perdre sa maison et ses enfants. Son père lui-même refuse de s’apitoyer et lui conseille de se soumettre, expliquant que « c’est la tradition. […] Tu ne peux rien y changer, et il te faut vivre avec. Je te conseille de ne pas aggraver leur colère. » Les policiers lui conseillent eux aussi de ne pas se rebeller, expliquant que le lévirat est légal au Nigeria « pour qu’on s’occupe de vous et de vos enfants. » Nnenna réussit plus tard à prendre la fuite avec les enfants, obtient finalement de nouveaux passeports, et une bonne âme l’emmène à l’aéroport. Un texte s’affiche silencieusement à l’écran au moment où le film se termine : « je suis prisonnière de cette cruelle tradition, une tradition qui maltraite les veuves. Pourquoi la société permet-elle cela ? C’est le prix que je paie pour être une femme. Voilà la triste et douloureuse histoire de ‘la veuve’. » Saving Alero (2001) avait déjà plongé son public dans l’univers sombre des veuves innocentes : Alero sacrifie temps et économies pour faire décoller la carrière de son mari, Nduka, mais un jour, ce dernier fait une chute accidentelle et meurt au cours d’une violente altercation chez eux. Alero, blâmée pour la mort de son mari alors même que le tribunal l’a innocentée, est kidnappée par sa belle-famille et forcée de se soumettre aux rites de deuil. À la dernière seconde, son héroïne « condamnée à mort par la justice villageoise, est jetée dans un lac. On conclut manifestement à sa noyade, d’autant que le générique de la fin apparaît, ainsi qu’un texte d’avertissement sur le martyre des veuves en Afrique. Mais, à l’instant où on n’espère plus qu’un écran noir, ultime rebondissement : Alero resurgit, suffoquant. Elle aura la vie sauve, in extremis » (Barrot, 2005 : 30). A Mother’s Fight (2013), projeté pour la première fois par sa productrice et première actrice Uche Jombo-Rodrigue dans sa ville natale d’Abriba, dans l’État d’Abia, le 24 décembre 2012, ressasse la même histoire lamentable, inspirée cette fois par la vie de la propre mère de la productrice – une preuve 110

de plus, s’il en fallait, de l’urgence de s’occuper de ce problème. Widow’s Fate (2014), plus récent, confirme la difficulté d’en finir avec ces pratiques inhumaines : dans le film, Ofama, frère aîné du mari, jaloux de la prospérité de son cadet, l’élimine en s’assurant les services d’un dibia, et accuse ensuite la veuve du meurtre. Le scénario s’attarde sur la maltraitance de la veuve et son agonie mentale. À la fin du récit, à bout, cette dernière en appelle à son époux défunt, le suppliant de lui venir en aide. Le fantôme apparaît alors au frère criminel et le roue de coups, le forçant à confesser son crime avant de mourir, à la stupéfaction générale. Le dibia, poursuivi par ses déités, suit son client dans la mort. Un autre film, Mortal Attraction (2009), illustre le même calvaire, commenté ensuite par l’actrice Chisom Oz-Lee dans un entretien avec le magazine en ligne Nigerian Films : « dans le film, mon rôle est celui d’une horrible belle-sœur […]. En résumé, le film décrit de manière éloquente les souffrances du veuvage et la façon dont les membres de votre belle-famille vous traitent. Dans le film, la veuve innocente était si malmenée que Dieu a envoyé un ange sous la forme humaine pour la secourir. C’est en fait une histoire vraie38. » L’interculturel menacé Trois autres films attirent l’attention du public sur les dimensions interculturelles et internationales qu’ont maintenant atteint les pratiques liées au veuvage, amplifiées par le nombre grandissant de mariages interculturels au Nigeria et par l’importance significative de la diaspora nigériane. The Mourning After (2004), qui combine une réflexion sur les différences culturelles entre le milieu rural et urbain et celles affectant les diverses ethnies, représente une illustration tout à fait crédible des brimades aujourd’hui encore subies par les veuves. Bisi, cardiologue yoruba, est mariée à Chibuzo, un Igbo, et vit à Lagos avec lui et leurs deux fillettes. Sa vie professionnelle est soudain bouleversée lorsqu’elle tombe enceinte d’un troisième enfant après vingt ans de mariage et que son mari meurt d’un infarctus. « Effondrée, elle accepte de se rendre au village du défunt, dans le sud-est du Nigeria, pour des cérémonies de condoléances. Elle ne se doute pas de l’horrible engrenage dans lequel les croyances traditionnelles vont la plonger » (Barrot, 2005 : 66). Widow’s Tears (2010) raconte l’histoire d’une autre famille heureuse déchirée par la mort. Le père de famille est un cadre prospère ; le couple a un garçonnet et la femme est enceinte de leur deuxième enfant. Une nuit, ils sont victimes d’un cambriolage, et père et fils sont tués. L’épouse, Ezinne, se rend au village pour l’enterrement et elle doit passer par les rituels tradition38

http://www.nigeriafilms.com/news/6086/5/its-difficult-keeping-a-man-says-nigerian-bornus-.html aujourd’hui indisponible.

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nels, étalés à l’écran : les Umuada lui rasent tout le corps, et la forcent à traverser le village, entièrement nue. Seule l’arrivée soudaine de son frère en compagnie de la police la sauvera de cette épreuve : la meneuse des Umuada est arrêtée, et Ezinne est libérée. Elle passe trois mois au village, mais, à son retour en ville, découvre que son beau-frère s’est installé chez elle et s’est approprié tous les biens de son mari. Il refuse de la laisser entrer, arguant que la seule chose attendue d’une veuve est qu’elle se prostitue. Elle est alors forcée de retourner au village et de s’y établir. Onze ans plus tard, elle vit avec sa fille, Ebele, une adolescente intelligente mais affligée de crises de kleptomanie inexpliquées qui ruinent ses relations avec leur parenté, leurs commerçants et les colocataires de la jeune fille à l’université. Le comportement déviant d’Ebele menace aussi ses espoirs de mariage et décourage les prétendants. Ezinne traîne sa fille de tradipraticien en tradipraticien, en vain. Dans la seconde partie du film, End of Widow’s Tears, un pasteur pentecôtiste révèle à la mère qu’elle est responsable de la déviance de sa fille. C’est alors qu’Ezinne se souvient qu’au moment où, enceinte, elle avait été chassée du village, la faim l’avait poussée à voler pour manger – elle avait même, une fois, dérobé une chèvre et l’avait vendue à une pauvre veuve, qu’elle avait ensuite accusée du vol. La veuve âgée, injustement condamnée, avait été chassée de son village et on l’avait plus tard retrouvée morte en forêt. Ce que personne ne savait à l’époque, c’est qu’avant de mourir, la veuve avait maudit l’auteur du vol. Le pasteur conseille à Ezinne de retourner au village confesser sa faute aux anciens, qui la blâment, mais son frère arrive et accuse le beau-frère d’avoir causé le problème en chassant Ezinne hors de chez elle et en la laissant sans toit et sans ressources alors qu’elle était enceinte de son défunt mari. Dans le film, la maltraitance des veuves n’est pas seulement dénoncée, mais démontrée comme à la base de tous les autres problèmes sociaux – la pauvreté, la sous-performance et la clochardisation. Elle est présentée comme un crime, et ce message est encore amplifié par l’intervention de la police et l’arrestation du leader. Timeless Passion (2011) suit les témoignages de la diaspora et explore les difficultés nouvelles vécues par les veuves d’aujourd’hui, dont les maris meurent à l’étranger. Mildred rentre au Nigeria pour l’enterrement de son mari et respecte les traditions, mais la famille du mari l’empêche de repartir. Au bout de neuf mois, elle doit reprendre sa vie et son emploi à Londres, et ses enfants doivent reprendre leurs études, mais la famille ne veut rien entendre. Ils dérobent leurs passeports, accusent la veuve de sorcellerie et, toujours persuadés qu’elle a tué son mari, continuent à faire pression sur elle pour qu’elle confesse son crime. Un autre film sur le même thème, celui d’Elliott, In the Cupboard, inauguré au Texas en 2011 et projeté au Nigeria pendant l’été 2012, observe le mode de vie nigérian sous un angle inhabituel, révélant le traumatisme engendré par la mort du père de famille, particulièrement lorsque le fossé générationnel entre parents et enfants est aggravé par l’émigration des enfants, désormais établis loin de la culture d’origine de la 112

famille. Le film met à l’écran l’expérience d’enfants devenus adultes qui rentrent au Nigeria, venus de tous les coins du monde après la mort inattendue de leur père pour entourer leur mère et assister à la lecture du testament. L’émancipation des femmes Chima Korie (1996) a observé que « pour la femme igbo, la période du veuvage n’est pas seulement une phase rituelle mais peut être considérée comme un statut permanent permettant une certaine indépendance. » Cette remarque semble également applicable à la culture yoruba, dont les films donnent une idée des changements progressifs d’attitude parmi les femmes. « Les femmes éduquées […] refusent de se plier aux traditions. Dans la plupart des films yorubas représentatifs de l’époque actuelle, les veuves refusent d’épouser le plus proche parent de leur défunt mari selon la pratique ancestrale […]. Leur émancipation scolaire et économique a délivré ces femmes […] et leur permet de vivre leur vie sans hommes » (Olujinmi, 2008 : 122). On retrouve la même évolution dans certains films igbos : le personnage principal de Woman to Woman (2011), Odibueze, une femme sans enfants mais riche et puissante, vient de perdre son mari. Le frère du défunt, lui-même marié, bien établi et père d’un fils déjà adulte, lui rend visite et exige d’elle tous les documents relatifs à l’entreprise du défunt. La veuve refuse net de coopérer et lui intime l’ordre de sortir. De retour chez lui, sa femme et son fils, craignant les connections de la veuve, lui conseillent d’abandonner la partie et de ne pas lui intenter de procès, lui rappelant que c’est cette femme qui a apporté le plus de biens dans le mariage. Le frère s’entête : pour lui, tous les biens de son frère défunt lui appartiennent de droit selon la tradition. Mais quand il tente de s’en emparer par la force, la veuve recrute des voyous qui le rouent de coups. Plus tard, consciente de sa position de faiblesse en tant que femme sans enfants, Odibueze a recours à une pratique ancestrale venue de la Bible (Genèse 16 et 30), « autrefois populaire et reconnue en droit coutumier [qui] permettait à la femme mariée mais sans enfants de remplir son obligation d’enfantement avec son mari et donc de consolider sa position chez son mari. La pratique prévoit que l’épouse stérile paie la dot [normalement payée par le mari] d’une autre épouse qu’elle choisit et épouse au nom de son mari pour que cette dernière lui donne des enfants par le mari » (Oluyemisi Bamgbose, 2002 : 6 ; cf. Jennifer Robinson, 2001 ; Chris Ebighgbo, 2010). Odibueze appelle Alice, une jeune femme qu’elle avait contactée il y a des années en vue de payer sa dot pour la ‘marier’ à son mari afin d’obtenir des enfants par son intermédiaire, de façon à consolider ainsi sa position d’épouse. Elle insiste auprès d’elle sur le fait que la mort de son mari n’a rien changé à la donne, sinon rendre l’affaire plus urgente encore, et supplie Alice d’accepter sa proposition, lui promettant de régler la facture du ma-

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riage. La jeune femme accepte et Odibueze trouve un homme qui accepte de prendre la place du mari. Malheureusement pour la veuve, le couple, une fois les noces terminées, refuse de jouer le jeu : l’homme insiste pour garder la femme qu’il considère comme son épouse légitime, et ils chassent bientôt la veuve de l’appartement qu’elle a loué et meublé pour eux. En dépit de ses arguments convaincants et de ses connaissances en matière de tradition, Odibueze ne réussit pas à convaincre les anciens de son droit à ce mariage posthume. Même si ce film semble être davantage intéressé à explorer les variantes traditionnelles du mariage, son scénario offre à la veuve une occasion d’adapter les règles du mariage traditionnel entre femmes, destiné à donner au mari l’enfant que sa femme ne pouvait pas concevoir (Ify Amadiume, 1987). Dans le film, elle cherche à se servir de cette tradition ancestrale pour se protéger contre les menaces de sa belle-famille. Les mots de la chanson-thème et l’attitude des anciens révèlent que le réalisateur a adopté une nouvelle attitude, beaucoup plus critique, vis-à-vis de la tradition. Le colloque « Nollywood en Afrique et l’Afrique à Nollywood » considérait en 2011 la représentation des femmes dans ces films et notait que Les films nigérians lancent aujourd’hui l’idée de la libération et de l’émancipation des femmes. […] Elles prennent maintenant des décisions, décident ce qu’on devrait faire ou ne pas faire au bureau et à la maison, demandent à leur mari de faire la cuisine et de participer aux tâches domestiques, et exercent autant de pouvoir que les hommes dans presque tous les domaines, prenant même des titres de chefs et développant leurs communautés (Agina, 2011).

Une intervenante du colloque, Aje-ori Agbese, s’est même servie de l’exemple de Patience Ozokwor, une actrice de Nollywood, pour justifier sa position dans ce débat et proposer de « définir la libération et l’émancipation des femmes au Nigeria par le biais des films. » Réagir face aux changements sociaux Les films nigérians ont généralement pris le parti des veuves, montrant leurs souffrances et leur courage devant l’adversité. Trois de ces films présentent pourtant un point de vue différent, et semblent revenir en arrière pour faire resurgir les vieux préjugés concernant la ‘criminalité’ des veuves. Ce choix peut être interprété comme la mise à l’écran des peurs populaires déclenchées par l’impact grandissant de l’éducation et de la vie urbaine sur les pratiques traditionnelles, du fait que de plus en plus de veuves sont des diplômées capables de se défendre. Ajoutons à cela les progrès du droit écrit, qui empiète de plus en plus sur des affaires jadis traitées par les tribunaux coutumiers, et l’ « immense » impact de la Constitution fédérale de 1999 quant au droit des veuves et des orphelines (Edwin Nwogugu, 2010 : 359). 114

Dans Evil Passion (n.d.), « Jerry, un jeune nanti et marié à Linda, prend dans sa voiture une étrangère, Ijeoma, qui fait du stop sur le chemin du bureau. Elle va ensuite le poursuivre et, cherchant à se faire épouser, s’assure les services d’un spirite. Sous l’effet du talisman, Jerry abandonne sa famille et épouse Ijeoma. Cette dernière rejoint [ensuite] un club de femmes dont le but est de s’approprier la richesse de leurs maris » et qui enjôlent ces derniers pour qu’ils les intègrent à leur entreprise puis les assassinent, héritant ainsi de leurs biens (Remi Akujobi, 2011 : 29). Pour Chikwenye Ogunyemi (1996 : 85), « se débarrasser délibérément de son mari fait partie du mécanisme de gestion de crise de la Nigériane moderne. » Women’s Cot (2005), considéré comme un cas fascinant de la façon dont Nollywood tend à mélanger des idéologies multiples et contradictoires, s’ouvre sur la maltraitance d’une jeune veuve, Joyce, dont le mari, avec lequel elle vivait à l’étranger, vient de mourir dans un accident d’avion et dont la situation est empirée par le fait qu’elle est afro-américaine et ne connaît rien de la culture de son mari. N’ayant que deux filles et pas de garçon adulte, elle ne peut pas récupérer les biens du défunt, et ses beaux-frères lui font la vie dure. Comme le remarque la chanson-thème du film, « quelqu’un pleure ; c’est une veuve ! La vie n’a aucune pitié pour les veuves… » C’est alors qu’une riche veuve d’âge mûr, Ada, la met en contact avec une avocate qui l’aide à intenter un procès à ses beaux-frères et à gagner. Plus tard, sur les conseils de cette nouvelle amie, Joyce lance une association de veuves, ‘Chez les veuves’, dont le but est de protéger les veuves contre la maltraitance et de leur offrir le soutien des tribunaux, avec ce slogan : « Les veuves sont des sœurs ! La cause des veuves est la plus noble des causes humanitaires. » La nouvelle association visite les Églises, fait des dons en argent, se bâtit une réputation et attire un certain nombre de nouveaux membres parmi des femmes aisées. À ce moment-là, Joyce commence à remarquer le comportement immoral d’Ada, qui se sert de la séduction comme d’un outil, invite des jeunes gens dans son intimité et encourage les jeunes veuves à la prostitution. Elle est cependant loin de se douter de l’agenda secret d’Ada : quand elle s’absente quelques jours pour un voyage d’affaires, Ada, aux ordres de la reine des eaux, puissante déesse marine (Jell-Bahlsen 2008), transforme l’association en culte marin. Il faudra du temps et de la patience pour libérer les femmes du joug de la reine des eaux et mettre un terme à l’assassinat des maris par des épouses initiées au crime et encouragées par d’énormes sommes d’argent. Ce film est une confrontation entre Joyce et Ada : tout en montrant les efforts louables déployés par les veuves pour se faire accepter en tant que membres de la société de leur plein droit et non plus comme appendice de leur mari, et en les encourageant à se soutenir l’une l’autre, il reflète la réponse ambivalente de cette même société, qui se méfie de ce qu’elle perçoit comme une nouvelle alliance des citadines contre la tradition. Widows met ces peurs à l’écran, révélant dans le même temps le pouvoir des groupes de pression 115

féminins et des sectes, et leurs activités au sein de la politique nigériane (Toyin Falola, 2007 ; Chikwenye Ogunyemi-Okonjo, 1991 ; Catherine Acholonu, 1995 ; Yetunde Aluko, 2012). Les universitaires nigérianes elles-mêmes ont souvent pris leurs distances par rapport à l’interprétation occidentale de la libération de la femme et du féminisme. Après des années de déresponsabilisation à l’époque coloniale, et après « les continuelles dénégations masculines concernant l’importance rituelle féminine et les positions de pouvoir » (Jell-Bahlsen, 2008 : 171), les femmes igbos ont peu à peu retrouvé leur position ancienne en tant que membres indépendants et ingénieux de la communauté. Nous savons que, « dans la société nigériane contemporaine, le film a remplacé l’école informelle du soir autour du feu. Il n’est donc pas surprenant que la caméra de certains cinéastes ait prêté sa voix à la campagne contre ces pratiques culturelles discriminatoires, déshumanisantes, insultantes et odieuses affectant les femmes » (Ernest-Samuel, 2009 : 185). Des pleurs au rire Le traitement des veuves au Nigeria a jusqu’ici été présenté par Nollywood comme relatif à la santé physique et mentale : la majorité des films sont des drames hautement émotionnels détaillant les souffrances de ces femmes, dans le but de contribuer à une prise de conscience susceptible de changer les attitudes. Curieusement, le même sujet a inspiré une comédie à succès qui cherchait à atteindre le même but par le ridicule, en mettant à l’écran des villageois ordinaires et en les plaçant sous la loupe pour bien montrer à quel point le comportement masculin traditionnel peut parfois être inacceptable. Uwakwe, personnage central de He-Goat/Oke Mkpi (2002), comédie mêlant l’igbo et l’anglais et inspirée du comportement du bouc, est un maniaque sexuel irresponsable, un coureur de jupons qui compare les femmes à la sauce au piment, ajoutant : « laissez-moi les manger toutes et mourir ! » Il poursuit les veuves les unes après les autres, leur offrant sa sympathie – comme il le dit, « vous avez besoin d’un homme qui donne un sens à votre vie. Quelqu’un comme moi. » Accusé de n’avoir « rien d’autre à faire que de mettre les veuves enceintes et de produire des orphelins », et méprisé par les hommes mariés, il se vante d’être le père de la plupart des enfants du quartier. Bien que ce film soit classé comme comédie, il soulève un certain nombre de questions sérieuses, comme celle du risque posé par la promiscuité non protégée et par la menace toujours présente du SIDA. Un autre sujet traité ici est celui de la transmission des gènes : pour des familles traditionnellement méfiantes vis-à-vis des prétendants et soucieuses de vérifier leurs antécédents comme le veut la coutume avant de les accepter, cherchant à protéger leur patrimoine génétique en éliminant les porteurs de traits comportementaux comme la paresse, la tendance au mensonge, la promiscuité ou le faible 116

quotient intellectuel, un homme à femmes comme Uwakwe présente un réel danger. Découvrant qui est son père, l’un de ses enfants, un adolescent qui soutenait sa mère veuve, couvert de honte, se suicide. Le coureur de jupons est finalement arrêté par le fantôme de l’une des veuves qu’il avait prises, et meurt. Le film encourage les jeunes veuves à se remarier plutôt que de se déshonorer. Elochukwu Amucheazi, ancien directeur de l’Agence nationale d’orientation, reconnaît que « la plupart des maux mis à l’écran, y compris la maltraitance des veuves, reflètent la réalité sociale » (Anyanwu, 2003 : 88). Une chose est certaine : les drames comme la comédie considérés ici attirent l’attention du public sur des comportements traditionnels encore bien réels et sur des rites qui devraient être abandonnés. En conclusion Les chercheurs sont d’accord sur le besoin d’éduquer les gens sur la dangerosité des pratiques étudiées plus haut, jugées incompatibles avec le mode de vie et de pensée du 21e siècle. Un film de 2003 présente, avec humour, un père de famille repentant et offre un espoir aux veuves dépossédées et maltraitées : Buried Alive traite de justice sociale : la responsabilité des riches vis-à-vis des pauvres, et celle de la société vis-à-vis de ses membres vulnérables. […] Le film raconte l’histoire d’Anyumba, un homme aisé, qui ‘aide’ sa communauté en prêtant de l’argent à des taux d’intérêt exorbitants. […] Un jour, l’un de ses débiteurs lui donne une noix de kola empoisonnée et il meurt. Dans le monde mystérieux des morts, il rencontre son défunt père qui le renvoie sur terre parce qu’il était mort trop tôt. Pendant ce temps, sur terre, sa parenté et ses amis sont occupés aux préparatifs de ses funérailles. Sous l’influence de son beau-frère, ils tombent d’accord pour donner au riche le cercueil le moins cher du marché. Mais, juste au moment où ils vont mettre le corps dans ce cercueil, il ressuscite, et se montre choqué de la façon ignominieuse dont il a été traité lors de son décès. Cette découverte le rend encore bien plus implacable […]. Un jour où il vient de confisquer la terre et les biens d’une veuve, il est frappé de cécité et disparaît. Le fantôme de son père lui apparait pour lui enseigner la bonté et le pardon. Il revient sur terre complètement transformé. Son langage est maintenant celui de l’amour et du pardon, il permet à ses débiteurs de payer à leur rythme, et il pardonne à ceux qui l’ont traité avec mépris lors de son ‘décès’ (Dipio, 2007 : 74-75).

En janvier 2013, l’actrice Omotola Jalade Ekeinde a contribué à combler le fossé entre les films de Nollywood et la réalité qu’ils exposent en organisant une journée intitulée « la métamorphose des vingt veuves », évènement qui A réjoui, encouragé et redonné confiance aux veuves. Vingt d’entre elles, choisies pour représenter tout le pays, ont vécu une véritable métamorphose, et […] la majorité des gens ont été stupéfaits de leur transformation. Ces femmes

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avaient perdu leur air soucieux et triste et étaient maintenant de nouvelles femmes, animées, élégantes et assurées – une expérience que la plupart d’entre elles reconnaissent comme ayant durablement transformé leur façon de penser (Thediasporanstaronline.com).

Un nouveau film, Widow’s Money (2020), baigne cependant encore dans la pauvreté. Il sera intéressant de visionner d’autres films sur le même sujet pour voir comment ils représentent l’évolution des mentalités.

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9. Aux prises avec la sorcellerie Les films nigérians sont depuis longtemps maintenant intégrés au paysage cinématographique africain, et leurs « personnages, leurs scénarios et leurs thèmes font partie des échanges quotidiens des fermiers, des taxiteurs, des femmes du marché, des professionnels des villes et des tradipraticiens » (John McCall, 2002 : 92). L’immense succès de Nollywood est surtout dû au fait que cette production est Définie et soutenue par des Nigérians. Le succès commercial et la popularité des films nigérians viennent de leurs histoires, que l’audience trouve fascinantes et conformes à leurs attentes. Les choix thématiques et esthétiques de Nollywood sont largement déterminés par les préférences de son audience, […] des sujets comme l’infidélité, la perfidie, la luxure, l’hypocrisie, le banditisme armé, les problèmes maritaux, le crime, le fanatisme et l’occultisme, la sorcellerie, la polygamie [qui] reflètent la société nigériane (Olagoke Alamu, 2010 : 166).

L’un des thèmes mentionnés ici, la sorcellerie, qui s’appuie sur « la croyance que l’esprit humain peut être envoyé attaquer le corps, l’esprit ou les biens d’autres personnes » (Emmanuel Bo̧ laji Idowu, 1973 : 175 cité dans Awolalu, 1979 : 247) a défié la réflexion des chercheurs. Avant la colonisation, la sorcellerie était intimement liée à la spiritualité et aux pratiques religieuses africaines. Les films des premières années ont donc naturellement mis la sorcellerie à leur programme, avec Nneka the Pretty Serpent (1992), Karishika (1996), Sakobi: The Snake Girl (1998) et Witches (1998). L’opinion des cinéastes est divisée à ce sujet, mais, comme le reconnaît l’un d’eux, Emem Isong, dans un entretien avec Onookome Okome (2000 : 48) : « j’ai fait de mon mieux pour prendre mes distances vis-à-vis des vidéofilms nigérians habituels avec leur magie, leur sorcellerie et leur violence. Mais la réponse du public ne me suit pas » (Ugor, 2007 : 20). Kumwenda (2007 : ii) est d’accord : « même si certains chercheurs et cinéastes critiquent la prépondérance des thèmes de sorcellerie, de magie et du surnaturel, ce sont ces mêmes thèmes qui attirent le public. » La scénariste kenyane Jane Mbiti ajoute que « des chrétiens progressifs, jusque-là bien éduqués, ne s’étonnent plus que l’on consulte des sorciers, des mediums ou des tradipraticiens comme on le faisait avant l’apparition des films nigérians au Kenya » (Ogova Ondego, 2008 : 116). Pourtant, certains sont maintenant mal à l’aise face à ce qu’ils perçoivent comme « trop de sorcellerie et de magie noire » (Onuzulike, 2010 : 29). D’autres préfèrent ne pas regarder ces films « parce qu’ils sont en conflit avec [leur] foi chrétienne » (Ibid. 36). D’autres encore craignent que ces histoires ne renforcent les stéréotypes occidentaux concernant l’Afrique :

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Les films de ce type ont peint une image encore plus négative du Nigeria que celle qu’il a déjà, suggérant qu’il s’agit d’une nation enlisée dans les superstitions et les croyances primitives. De plus, la spiritualité igbo traditionnelle est diabolisée par des gens qui ne la connaissent pratiquement pas et ne la comprennent pas, mais qui diffusent cette désinformation dans le monde entier. N’est-ce pas assez que l’Occident diabolise toutes nos traditions ? Voilà que maintenant nous le faisons nous-mêmes (Onyiiboy, naijaryders.com/forums, 23/01/2008).

La dissémination des films nigérians au-delà du continent africain et leur pénétration de nouvelles aires géographiques et culturelles ont provoqué un conflit entre les cultures nigérianes et celle du Royaume-Uni, du fait de la nature didactique de Nollywood et du souhait de certains publics de lutter contre la pratique de la sorcellerie et de ses séquelles. Nous considèrerons ici les difficultés de la communication interculturelle en matière de croyances, illustrée par la violente controverse déclenchée par la découverte de Nollywood par une ONG britannique en 2008. Le film né de ce choc culturel offre une façon nouvelle de gérer l’approche cinématographique de la sorcellerie et de son impact. Obsessions et cauchemars Un bref regard à sept films de Nollywood nous donne une idée des divers traitements cinématographiques de la sorcellerie – souvent liée aux sociétés secrètes, illustrant sa définition comme « pratique cachée de l’attaque spirituelle, de la torture et du malheur affectant la vie [d’autrui] dans le but de bloquer ou de gêner leur progrès, ou de faire leur malheur en vidant leur vie de sa substance » (Iroegbu, 2010: 201). La plupart de ces films se contentent de mettre ces pratiques à l’écran, les arrachant au secret et révélant leurs mobiles : le désir de sortir de la pauvreté, l’obsession pour la richesse et le pouvoir qu’elle donne. Du premier film de Nollywood, Living in Bondage (1992) au monde du Peoples’ Club (2006), des miséreux éblouis par la richesse de leurs amis et de jeunes professionnels urbains impatients d’ ‘arriver’ s’engagent auprès de sociétés secrètes décrites à l’écran comme la réponse aux « rêves d’enfants de plongeon dans les millions » (The Peoples’ Club 2006). Les scénarios n’ont plus alors qu’à punir les coupables pour provoquer un débat public, espérant décourager ces pratiques.

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Le film yoruba Alade Ikunkun (Le Prince des ténèbres, 1995) révèle la sorcellerie comme une compétence transmise par le sang de génération en génération et dont les enfants sont les innocentes victimes : une femme docteur qui pratique la sorcellerie suce le sang du bébé de l’une de ses patientes et initie ainsi la fillette à la sorcellerie. L’enfant grandit et devient une menace pour sa famille, mais finit par être délivrée et se convertit au christianisme. Abiodun Olayiwola (2011 : 186) note toutefois les paroles de regret 120

d’Adesanya (1998) pour lequel « depuis le film folklorique Ajani Ogun, le genre du film yoruba s’est métamorphosé en un thriller d’horreur et de sorcellerie introduit par le film Aiye d’Ogunde (1979) et qui a déclenché une avalanche d’étincelles de sorcellerie qui ont donné une mauvaise réputation au genre du film yoruba. » x Dans Blood Money (1996), un directeur de banque ruiné se laisse tenter par l’invitation d’un ancien camarade devenu millionnaire grâce à la vente illégale d’organes humains, et entre dans la société secrète des ‘vautours’. Les membres du groupe s’enrichissent en enlevant des enfants dont ils se servent comme de banques virtuelles, en sacrifiant des proches et en décapitant des civils innocents. Les coupables seront finalement découverts et punis. x Dans Evil Men (1998), un groupe d’anciens terrorise un village et paralyse le Conseil municipal et la paroisse pour mieux monopoliser la terre et le pouvoir. Deux d’entre eux en particulier se servent de la sorcellerie comme d’une arme pour bloquer le progrès économique et social des familles et éliminer les lignages. x Dans Evil Seed (2001), le sorcier est un grand-père dont les activités sèment la mort dans sa famille comme dans sa communauté, provoquant le décès d’une jeune mariée et le sacrifice de plusieurs garçonnets. Le syncrétisme du vieil homme signera son arrêt de mort : il s’écroule juste après avoir assisté à la messe. Le prêtre réussit finalement à briser la malédiction qui affectait la famille. x Dans Seeds of Bondage (2006), un couple fait appel aux pouvoirs occultes pour obtenir un enfant, mais la fillette se révèle possédée. Elle fait l’expérience de la délivrance dans une église pentecôtiste, mais son père continue à consulter le dibia. Dans l’une des scènes, au bord de la rivière, le dibia appelle les pouvoirs marins à protéger cet homme, et, curieusement, se sert pour cela de paroles bibliques (Isaïe 54 v.17) pour l’assurer de son invincibilité – un exemple de plus du syncrétisme très présent dans les films nigérians depuis leurs débuts. x The Peoples’ Club (2006) et sa séquelle, Last Club (2006) tournent autour d’un chef traditionnel installé en ville et millionnaire, membre influent de l’ ‘Ordre sacré de l’amour de l’argent’, qui a sacrifié sa virilité en échange de sa richesse et distribue son argent en jetant un sort sur ceux qui en bénéficient et voient ensuite leur commerce péricliter. Comme le chef l’explique à un postulant, les membres du club « détournent la chance des autres pour arriver à leurs fins et rester riches. » L’Ordre s’assure la coopération de l’élite du pays en canalisant leurs efforts dans l’intérêt de ses membres, qu’il protège : il empêche ainsi l’arrestation d’une cheffe accusée par la police d’enlèvement et de sacrifices humains à la suite de nombreuses pétitions. Le pasteur et les anciens de l’église réussiront finalement à délivrer

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les victimes à distance au cours d’une réunion de prière et les membres de la société secrète se suicideront. x Dans Tears of Love (2007), la sorcière est à nouveau une femme jalouse qui tourmente sa belle-sœur, l’amenant à subir plusieurs fausses-couches, et réussit à persuader la famille que cette épouse incapable de mener ses grossesses à terme est elle-même une sorcière, empirant la maltraitance et les souffrances de la jeune femme. Le visionnement de ces films et d’autres films similaires amène souvent « le public à penser que la sorcellerie est une pratique habituelle au Nigeria » (Dipio, 2008 : 61). Ce qui est sûr, c’est qu’elle a toujours été considérée comme « une violence sociale » (Iroegbu, 2010 : 201) et une abomination, du fait de l’habitude des sorciers de boire le sang, comme le confirme Basden (1938 : 418) qui l’a par ailleurs comparée à la même pratique en Angleterre à l’époque : « Les Igbos n’ont aucune sympathie pour ces gens, spécialement les sorcières (“amosu”), et n'hésitaient pas à les maltraiter, à les chasser ou même à les tuer. Cette attitude correspond tout à fait à ce qui se passait en Angleterre il n’y a pas si longtemps, et dans certaines parties de l’Europe, la peur des sorcières n’a certainement pas disparu, avec la même tendance à pénaliser davantage la sorcière que le sorcier. » Au Nigeria cependant, ces pratiques restent un commerce prospère, du fait que « les chrétiens de fraîche date n’ont jamais clairement rompu les liens avec leur héritage traditionnel. Même au sein de l’élite scolarisée, la frontière entre les pratiques religieuses traditionnelles et le christianisme est fluide et on la traverse chaque fois que le besoin s’en fait sentir » (Dipio, 2007 : 78). Les graves conséquences de cette pratique ont déterminé les cinéastes à aller plus loin dans leur croisade contre la sorcellerie, en se servant de l’écran comme d’ « un medium permettant aux Africains et aux Nigérians en particulier de confronter leurs peurs de la sorcellerie » (Kumwenda, 2007 : 47) en leur offrant une solution. La Pasteure Helen Ukpabio explique comment elle se sert des films : « en tant que ministres du culte, nous prêchons l’Évangile par différents moyens… et nous avons aussi découvert que le film est quelque chose de nouveau au Nigeria et que beaucoup de gens le regardent » (Kumwenda, 2007 : 61, cité dans Okome, 2006 : 14). Une excellente illustration de cet usage des films est The Price (1999), qui présente un pasteur injustement accusé par deux jeunes filles, mais dont l’innocence est finalement révélée. Mike Bamiloye « argue que la plupart des films nigérians enseignent à la société comment devenir sorcier ou sorcière, en plus des autres vices. C’est cette conviction qui l’a amené à concevoir ses films pour lutter contre ce qu’il considère comme des ‘agents polluants de la société’ » (Ogunleye, 2003 : 109). Le même traitement de ce thème a été adopté par un certain nombre de films dans lesquels « le christianisme est présenté comme la panacée de tous les maux sociaux rencontrés dans l’histoire » (Dipio, 2007 : 73-76). Cassan122

dra (2000) met à l’écran une romance entre une jeune fille riche et un garçon pauvre, John. L’une des collègues de Cassandra tente de séparer les deux amoureux par sorcellerie en infligeant une maladie incurable à la jeune fille. Peu de temps après, John est accidentellement renversé par l’auto d’un pasteur, et ce concours de circonstances conduit à la guérison des deux jeunes. Le film se termine par la mort de la sorcière et le mariage des amoureux. Dans A Cry for Help (2001), le personnage principal, une orpheline, est maltraitée par sa tante qui a précédemment tué ses parents par sorcellerie. Le pasteur de la jeune fille réussit à neutraliser les pouvoirs de la sorcière « au cours d’une confrontation finale opposant les pouvoirs de la sorcellerie à ceux de Jésus-Christ » (Ibid., p. 74). Dans Spiritual Challenge (2007), c’est autour d’un nouveau-né que se noue l’intrigue et que le combat s’engage entre Dieu et le monde des ténèbres. McCall (2006 : 88) confirme que certains de ces films sont soutenus par des groupes évangéliques bien financés, mais la plupart sont en consonance avec les valeurs chrétiennes largement partagées au sud du Nigeria. Dans ces films, les scénarios conduisent invariablement au même dénouement chrétien. Un évangéliste arrive pour exorciser les démons, que ce soient ceux de la cupidité capitaliste, du paganisme traditionnel ou, fréquemment, d’un mélange délétère des deux. […] Tout finit par s’arranger grâce à la répétition de la phrase ‘au nom de Jésus’.

The End of the Wicked Un autre de ces films, The End of the Wicked (1999), du réalisateur Teco Benson, a été commercialisé par une pasteure nigériane venant de l’État d’Akwa Ibom, Helen Ukpabio. Pour Okome, qui a plusieurs fois interrogé Helen Ukpabio, le film est « l’histoire captivante d’un cercle de sorcières, de vampires anthropophages et suceurs de sang. […] Chris Amadi, marié et père de famille, est à la tête d’un foyer déchiré par les forces des ténèbres. On ne sait pas trop comment ses ennuis ont commencé. La raison pour laquelle les sorcières sont à ses trousses n’est pas claire non plus, mais leur but est de détruire tout ce qu’ [il] a accompli dans la vie » (2004 : 9). Le film, dont le personnage central est « l’image diabolique de la mère, sorcière de la famille » (Ibid., : 11), montre la belle-mère, seule coupable, tentant de persuader son fils de consulter un dibia pour résoudre ses problèmes familiaux, après avoir réussi à le détourner de sa femme et lui avoir fait perdre son emploi. Onookome Okome examine cet épisode du film en grand détail, mettant en avant la puissance et le statut enviable du dibia dans la société traditionnelle igbo. À la fin, le pasteur arrive et « rencontre Chris au fin fond de la détresse, alors que toutes les concoctions du dibia ont échoué » (Ibid., 11).

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Kumwenda (2007 : 47), qui a consacré deux chapitres (pp. 55-81) de son mémoire de master à une étude approfondie du film, le résume comme un combat entre le bien et le mal : Le scénario du film se concentre sur la famille Amadi. Chris, mari de Stella et père de leurs deux enfants, vit en ville au Nigeria. La famille vit avec la mère de Chris, mais ignore qu’elle pratique la sorcellerie au sein d’un cercle. […] Les enfants sont amenés à rejoindre le groupe. […] L’histoire se termine par l’exposition de la sorcellerie, son humiliation et sa destruction. Le pasteur et Stella triomphent grâce à leur religion et à leur foi. La fin du récit pose le christianisme comme moralement supérieur, meilleur et capable de détruire toutes les sources de la sorcellerie. […] Cette exposition arrive juste à présenter la sorcellerie mise à nu […] comme diabolique et le christianisme comme la réponse à tous les maux causés par la sorcellerie (2007 : 65-69) .

Cette lecture du film met en avant la sorcellerie criminelle de la belle-mère et montre les enfants comme des victimes passives attirées dans le cercle par le partage de goûters, puis initiées et manipulées comme des agents hypnotisés et programmés. Une troisième source, tirée d’un site de revue, confirme les deux évaluations examinées plus haut. Pour l’analyste, End of the Wicked démontre « une référence morale ferme et une vision clairement ouest-africaine de l’occulte. » L’histoire tourne autour des machinations de l’acolyte Mme Destruction cherchant à faire son malheur. Le cercle se réunit dans un bois autour du trône de Belzébul, au milieu de casseroles et de chaudrons en ébullition. L’apparence des sorcières ressemble à celles du folklore européen, qui vont des vieilles au menton en galoche aux visages souillés aux récents initiés qui ont [encore] un air normal. Si l’on s’intéresse à la collecte de sang destinée au cercle, on trouve deux cas de pertes de sang liées au cycle menstruel : chaque fois, les femmes concernées s’éveillent d’un cauchemar et découvrent qu’elles perdent du sang. Ici, Mme Destruction viole sa propre belle-fille à l’aide d’un phallus mystique qui lui a poussé en une nuit ; là, elle dérobe l’utérus de sa fille. Suprême cruauté : l’utérus dérobé est ensuite suspendu à un arbre dans le cercle comme un trophée diabolique. Le vol d’organes apparaît ailleurs encore, dans un épisode où les sorcières dérobent la vue d’un homme, qui s’éveille encore en possession de ses yeux mais aveugle. Au contraire de beaucoup d’autres films de Nollywood, End of the Wicked s’attaque de front à la sorcellerie, dans le cadre de la moralité populaire. Il y ajoute le christianisme comme cure alternative potentielle, un choix contrastant avec celui de l’inclusion informelle de l’occultisme dans de nombreux autres films, qui s’explique probablement par le soutien apporté au film par les Églises et par l’expérience personnelle d’Helen Ukpabio, autrefois membre de la Confrérie de la Croix et de l’Étoile, fondée en 1956 à Calabar par Olumba Olumba Obu (O.O.O.), et qui a pratiqué la sorcellerie avant de se convertir (Okome, 2004 : 10). 124

Embrouillamini entre cultures Bien des années plus tard, alors que le film de 1999 avait pratiquement disparu, une rencontre interculturelle inopinée allait raviver un intérêt pour son scénario. Un Britannique, Gary Foxcroft, maintenant directeur d’une ONG basée en Angleterre, ‘Stepping Stones Nigeria’ (SSN), explique ce qui s’est passé : SSN a commencé en 2005 après mon séjour de trois mois dans le Delta du Niger, en 2003, occupé par des recherches sur la perception communautaire de l’industrie du pétrole. Lors de ce séjour, j’avais rencontré une directrice d’école, Grace Uda […] Elle m’avait offert de me donner la terre de sa famille à condition que j’aide à y bâtir une école pour les enfants désavantagés. Ce projet a été lancé dans l’État d’Akwa Ibom, et s’intéressait particulièrement aux enfants du Delta, du fait que ceux-ci souffraient de nombreuses maltraitances et que quasiment rien n’était fait [à ce sujet], ni par le Gouvernement ni par les autres ONG.

Selon David Harrison (2008), Gary Foxcroft, 29 ans à l’époque, directeur de programmes pour l’organisation caritative britannique Stepping Stones Nigeria, a visité le Nigeria pour la première fois en 2003 pour une recherche en rapport avec son master. « Découvrant les souffrances des enfants, il a été tellement choqué qu’il a décidé d’aider à recueillir des fonds pour un refuge ‒ le Child Rights and Rehabilitation Network (CRARN) – et tenté de persuader les parents des enfants de les reprendre chez eux. Il a également aidé à la construction d’une école pour les enfants qui avaient été refusés dans les autres écoles » (Telegraph, 8 novembre 2008). L’ONG, tentant de comprendre la maltraitance des enfants qui lui était signalée dans la région à cette époque, avait aussi entendu que « la croyance aux enfants sorciers était en partie étayée par le film populaire de Nollywood End of the Wicked » (Foxcroft, entretien personnel, 16 janvier 2012). Cette rencontre a ouvert un nouveau chapitre dans le dialogue complexe entre les films de Nollywood et leur public. Un commentaire en ligne de John Cussans (2011) sur le film rejoint le point de vue des études précédentes – ce film « avait pour but spécifique de promouvoir l’évangélisation et le ministère de l’Église Liberty Foundation Gospel dirigée par la pasteure Helen Ukpabio, et d’atteindre les brebis perdues. » Mais, à en juger par ses commentaires, Cussans semble avoir visionné un tout autre film : pour lui, Ici, Ukpabio et le réalisateur Teco Benson se servent des conventions du film d’horreur […] pour raconter une histoire morale dans le but d’alerter sur les dangers de la sorcellerie dont les enfants sont les principaux coupables. La sortie du film semble avoir coïncidé avec un accroissement de la croyance aux enfants sorciers – particulièrement dans le Delta du Niger. Le film, et d’autres films similaires, ont été considérés par les organismes nigérians de protection de

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l’enfance comme encourageant la croyance à la sorcellerie, conduisant à la maltraitance des enfants.

Selon les rumeurs parvenues aux oreilles de l’ONG britannique, « de nombreux films de Nollywood ont profité de la croyance aux enfants sorciers, et certains ont montré des enfants dévorant de la chair humaine et se servant de leurs pouvoirs pour semer le désordre au sein de leurs communautés ». L’ONG britannique a fini par croire que le film The End of the Wicked « avait encouragé la propagation de cette croyance »39 et a partagé cette conviction avec un public international à la suite de la diffusion d’un documentaire télévisé de novembre 2008 décrivant le séjour de Foxcroft au Nigeria. Ce documentaire a déchaîné une réponse militante de la part de groupes bien décidés à se servir de l’écran et de l’internet pour attaquer les maltraitances à enfants en calomniant le film de Nollywood présenté comme étant à l’origine de ce mal. Ces attaques visaient également le ministère chrétien distribuant le film, dans le but évident de bloquer les ventes. Le même mois, en 2008, FalseprophetNigeria, un site internet basé en Angleterre, hébergé par World News (www.wn.com) et dont le but semblait être de dénoncer les pratiques déviantes des pasteurs d’Églises, a mis en ligne un clip vidéo d’horreur de 9mn très différent de la bande-annonce de 51mn du film de 1999. Ce clip, soigneusement construit mais prêtant à controverse, était un conglomérat de clips tirés de différents moments du film originel et mis bout à bout dans le désordre. La première partie du film de 1999 peut être divisée en 25 séquences. La vidéo a récupéré les segments 1 [pour le titre], puis 10-12, 14-15, 19, 21, 25, 9 [dans cet ordre] et la dernière scène du segment 22, recomposant ainsi un scénario qui transférait les enfants de l’intrigue secondaire à l’intrigue principale, évacuant ainsi le scénario principal du film dans sa totalité et présentant les enfants comme coupables d’incidents qui ne les concernaient pas. Le fait que ce clip ait illégalement repris le titre du film aurait dû signaler dès le début son intention de faire passer cette vidéo pour la bande-annonce du film – ce qu’elle n’était en aucun cas. La vidéo incriminée finissait en outre par le texte suivant : « En religion, le terme de ‘faux prophète’ est un label donné à une personne prétendant [à une autorité charismatique] au sein d’un groupe religieux. Cet individu est généralement considéré comme prétendant avoir le don de prophétie40. » Sur le site en question, cette vidéo est introduite par ces mots : « Helen Ukpabio, cette folle religieuse, produit des films destinés à décerveler le public et à les persuader de la réalité des enfants sorciers. La vérité, c’est qu’elle s’enrichit sur le dos des enfants qui souffrent du fait de sa pré39

http://www.balancingact-africa.com/news/broadcast/issue-no82/content/nigeria-steppingsto/bc 40 http://wn.com/false_prophet_nigeria du 19 oct. 2019.

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dication vidéo. » Cette introduction aussi courte que diffamatoire, et le séquençage de la vidéo, faisaient clairement partie d’une attaque en règle visant le ministère de cette pasteure nigériane respectée et pratiquement inconnue jusque-là hors du pays, du fait que ses films chrétiens, distribués sur VCD et DVD au Nigeria, n’ont jamais été disponibles en ligne. La mise en ligne multiple de la vidéo The End of the Wicked sur un grand nombre de sites internet41 et sa mention sans ambiguïté du nom d’Helen Ukpabio rappellent les sujets de discussion mis en avant dans le documentaire de la BBC 4 de novembre 2008, Saving Africa’s Witch Children [Le sauvetage des enfants sorciers du Nigeria] produit par la SSN. Il évoque des organismes internationaux comme l’Institut pour la Déontologie des technologies émergentes. Il remet aussi et surtout en question l’usage des films par les pasteurs et les évangélistes nigérians – Ukpabio et d’autres – pour diffuser l’Évangile. La vidéo de 2008 fait évidemment allusion au film de 1999 mentionné plus haut, produit par Benson et où Ukpabio joue son propre rôle de pasteure. Il est dommage que son titre repris sans autorisation trompe le public, de même que la suppression pure et simple du début et de la fin du film, ainsi que le recentrage du scénario, maintenant limité aux scènes où apparaissent les enfants, présentant un nouveau message, tronqué et mensonger, au public. Cette falsification du film originel transforme radicalement son scénario et son message : le rôle de la belle-mère, seule criminelle du film de 1999, est totalement occulté, et les spectateurs sont maintenant amenés à voir les enfants comme des sorciers actifs et non plus comme des acteurs involontaires. Le rôle de conseiller du pasteur rétablissant doucement la paix familiale est également occulté. La diffusion de cette vidéo a eu un impact immédiat : temporairement mise en ligne sur YouTube avant d’être téléchargée sur un certain nombre d’autres sites internet, elle a été visionnée 100 737 fois dans les trois premières années (au rythme de 3 000/mois) et a attiré un nombre grandissant de spectateurs, déclenchant un déferlement d’attaques verbales visant Ukpabio, encouragées par les messages en ligne. Une pétition a été lancée dans la foulée, visant à empêcher Ukpabio de prêcher dans l’État d’Akwa Ibom et aux États-Unis, dans la crainte que ses visites n’y encouragent la maltraitance à enfants. Ces activités militantes ont finalement abouti à la fermeture du site personnel d’Ukpabio, www.helen-ukpabio.com.

41

Comme http://videosift.com/video/Children-Killed-or-Abandoned-due-to-Film-End-of-theWicked; voir aussi les sites de l’Union humaniste et éthique internationale, de l’Institut de Déontologie des Technologies émergentes et http://en.wikipedia.org/wiki/Helen_Ukpabio modifié le 06/03/2012.

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Analyse du film de 1999 Le 1er septembre 2009, Onlinenigeria.com a publié un long entretien de son éditeur adjoint, Emmanuel Uffot, avec Ukpabio, né du besoin d’éclaircir la situation. Selon eux, depuis le documentaire montrant la maltraitance des enfants taxés de sorciers par les pasteurs à Akwa Ibom, l’évangéliste se trouvait au centre d’une polémique, à la suite des allégations que ses films encourageaient la stigmatisation des sorcières. Dès le début de l’entretien, Ukpabio, confrontée à la remarque que « beaucoup de gens avaient posté des commentaires en ligne accusant son film End of the Wicked de promouvoir le fichage des enfants comme sorciers dans l’État d’Akwa Ibom », avait exprimé sa consternation devant les accusations soudaines portées contre son film après dix ans de silence. Avec le recul du temps, ces accusations auraient pu être expliquées par la mise en ligne sur le site Falseprophetnigeria/YouTube de la vidéo incriminante mentionnée plus haut et de son titre emprunté au film. Selon le quotidien This Day Nigeria du 7 mai 2009, « à la suite de rapports selon lesquels des enfants d’Akwa Ibom étaient accusés de sorcellerie et maltraités, quelques chaînes de télévision étrangères ont diffusé un documentaire apparemment falsifié, arrangé et tronqué reprenant le titre d’un film produit par une Fondation locale sous le titre End of the Wicked, qui se plaint de ce que le documentaire a entaché sa réputation42. » En l’absence de mise en ligne du film lui-même, le public n’avait pas d’autre choix que d’accepter la vidéo comme étant la bande-annonce du film The End of the Wicked soudain mis en ligne. Pour Ukpabio, Il est surprenant qu’après neuf ans, un film qui a délivré tant de familles dérange quelqu’un. Le scénario d’End of the Wicked n’a rien à voir avec les enfants. […] Je n’ai vu personne accusé de sorcellerie dans le film. Ce que nous avons vu, ce sont des enfants gourmands contaminés par d’autres petits camarades d’école qui pratiquaient la sorcellerie. Voilà ce que montre le film. […] Je ne vois rien qui stigmatise les enfants comme sorciers dans End of the Wicked.

Elle insistait : Je ne soutiens pas la torture des sorciers, que ce soient des adultes ou des enfants. Cette façon de penser m’est étrangère. Mon ministère compte plus de 10 000 enfants et on s’en occupe comme on doit s’occuper des enfants. En 2001, j’ai produit un film appelé Child Rescue. […] Dans le film, j’invite ceux et celles qui ont des problèmes et qu’on torture, où que ce soit, à m’appeler ou à venir à cette adresse [celle du ministère]. L’adresse s’affiche ensuite à la fin du film.

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“The Hullabaloo About Child Witches”, http://allafrica.com/stories/200905080092.html.

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This

Day

Nigeria, 7 mai

2009,

Elle est ensuite allée plus loin, en accusant le directeur de leader du réseau pour les droits des enfants et leur réhabilitation (CRARN), qui à cette époque était encore le principal partenaire de SSN sur le terrain, d’avoir transformé l’orphelinat qu’ils géraient en refuge pour les enfants accusés de sorcellerie. « D’un seul coup, profitant de ce que, suite au problème du gouvernement congolais concernant les enfants, le gouvernement britannique venait de voter tout cet argent pour lutter contre la maltraitance à enfants, il a décidé de saisir l’occasion » (Onlinenigeria). Ukpabio a nié avoir été payée pour ses sessions de délivrance, et s’est plaint de ce que la diffusion du documentaire avait mis sa vie en danger. Elle a enfin conseillé de ne pas traiter de la même façon la monnaie authentique et sa contrefaçon, et a intenté un procès en diffamation à SSN, les accusant de donner de son ministère une image trompeuse. En mars 2011, le magazine News a publié un article sur Foxcroft, l’accusant, ainsi que ses collègues, d’être des charlatans qui exploitaient un phénomène relativement mineur pour lever des fonds et escroquer les donateurs. Foxcroft a commenté plus tard : « il est clair que notre œuvre auprès des soi-disant enfants-sorciers au Nigeria a dérangé un grand nombre de gens puissants qui préfèreraient qu’on n’ait jamais dévoilé ce scandale à la communauté internationale. Ces gens-là, dont certains ont amassé une fortune en diffusant le mythe des enfants-sorciers, sont prêts à mettre tout en œuvre pour protéger leurs intérêts » (Bartholomew, 2010). Un groupement en faveur de l’enfance SSN a ensuite décidé d’explorer plus avant l’utilisation des films dans la lutte contre la maltraitance à enfants. Comme l’expliquait alors son directeur, « les £200 000 que nous avons reçues en dons nous ont donné l’occasion d’agrandir les bâtiments du centre de CRARN pour l’enfance, d’établir un autre projet pour les enfants des rues à Oron […] et de produire un film de Nollywood destiné à être distribué sur tout le continent africain dans le but de vraiment remettre en question la croyance aux enfantssorciers » (Foxcroft, 2009, Channel 4). Persuadé du rôle influent des dirigeants d’Églises dans un pays connu pour sa grande religiosité, Foxcroft a alors contacté Benson, cinéaste nigérian renommé et réalisateur et producteur du film d’Helen Ukpabio, End of the Wicked. Ils ont ensuite produit ensemble un autre film, The Fake Prophet, destiné à porter le message sur la protection des enfants jusque dans tous les foyers et toutes les Églises du Nigeria et de sa diaspora. Nous avons produit le film après avoir réalisé que l’un des facteurs principaux ayant contribué à la croyance aux enfants sorciers était le film de Nollywood à succès End of the Wicked. Nous avons donc pensé que nous pourrions produire un film similaire mais porteur d’un message totalement différent pour atteindre les membres de la communauté que nous ne pouvions pas joindre avec d’autres

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outils de mobilisation. Nous avons contacté Teco via Facebook et lui avons demandé s’il serait d’accord pour travailler avec nous au développement de ce concept. Nous avons ensuite travaillé étroitement avec lui pour produire le scénario. J’ai produit l’essentiel du contenu et un scénariste en a fait un brouillon de scénario, que j’ai ensuite édité avec mes partenaires nigérians (Foxcroft, communication personnelle, 16 janvier 2012).

Un point important du récit de Foxcroft, et qui permet de distinguer The Fake Prophet de la plupart des films de Nollywood, est la façon dont est construit le scénario – on a là une étroite coopération entre l’organisation caritative britannique et le réalisateur, qui poursuivaient ensemble un but clair et défini et disposaient d’équipements adéquats. De plus, et également inhabituellement, le scénario du film a été écrit et testé ensuite sur une audience-échantillon soigneusement sélectionnée. Le directeur du SSN a reconnu qu’ « il avait dû faire face à un certain nombre de difficultés, du fait que certains considéraient le film comme anti-chrétien, ce qui n’est pas notre avis. En outre, l’usage de quelques mots d’efik dans le film a été perçu par certains comme une insulte à la communauté d’Akwa Ibom. Cette expérience nous a conduits à rééditer le film et à couper la plupart de ces passages. » La bande-annonce, disponible sur le site Falseprophetnigeria, présente d’abord « l’organisation caritative britannique pour les droits de l’enfant Stepping Stones Nigeria (SSN), qui œuvre avec d’autres organisations partenaires à la prévention de la maltraitance affectant des enfants innocents stigmatisés et traités de sorciers », ajoutant que « le film est un outil majeur dans la campagne ‘Empêchons la maltraitance des enfants aujourd’hui’ [Prevent Abuse of Children Today’ (PACT)] inaugurée par la SSN en 2006 en partenariat avec le Réseau pour les droits des enfants et leur réhabilitation (CRARN). […] Ce film est destiné à tous les Nigérians mais plus particulièrement aux communautés non scolarisées, incapables de lire les affiches et les articles de presse. » Selon Cussans (2011), le fait que Benson « ait rejoint l’organisation caritative de protection de l’enfance Stepping Stones Nigeria […] pour produire The Fake Prophet peut sans doute être considéré comme […] un hommage remarquable à la croyance aux pouvoirs du cinéma pour transformer l’opinion. Benson regarde ce film, qui cherche à exposer la vérité concernant un problème général, comme « le premier film de Nollywood vraiment socialement responsable43. » The Fake Prophet a bénéficié d’une large publicité et a été lancé en salle le 12 mars 2011 à New York, puis le 14 juin de la même année à Abuja (Nigeria) et les 24-25 juin à Londres – avec un grand succès. L’information mise en ligne sur The Fake Prophet est désormais disponible sur de nombreux sites. Nollywood Gossip offre ainsi un entretien 43

http://freefreeschool.wordpress.com/2011/02/23/nollywood-free-school-march-1st/

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daté du 25 mai 2011 avec l’écrivain Nnorom Azuonye. Ce dernier considère qu’ « en soutenant ce film, vous soutiendrez le cinéma africain, et vous nous aiderez à vous apporter davantage de loisirs de qualité internationale, de l’Afrique jusqu’au Royaume-Uni. Surtout, vous aiderez Stepping Stones Nigeria à prévenir la maltraitance et le meurtre des enfants au Nigeria et ailleurs » (Nollywoodgossip.net). The Fake Prophet Les deux films de Benson suivent le même modèle, Mettant à l’écran des problèmes socio-réalistes dans un style manichéen au sein duquel le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux sont polarisés dans l’intention d’éduquer et de divertir. Bien que ces films offrent un haut niveau de divertissement, […] les leçons morales offertes à la fin des récits sont toujours évidentes. Ils satisfont donc autant ceux qui cherchent à se divertir que ceux qui cherchent à trouver dans ces films des leçons morales. Les films se terminent souvent par une clôture, récompensant le plus souvent les personnages vertueux et punissant ceux qui sont mauvais et irrécupérables. C’est cette caractérisation claire, déterminée par le désir de raconter une histoire que le public peut suivre sans effort, qui fait la popularité du cinéma nigérian (Dipio, 2007 : 3).

Les deux films considérés ici sont pourtant très différents. The End of the Wicked (1999), qui s’appuie sur le postulat que la sorcellerie est une réalité, traite le sujet de façon traditionnelle et le présente d’un point de vue familial, montrant comment la sorcellerie peut détruire non seulement une famille mais une communauté à son insu, jusqu’au moment où la prière conduit à la confession de la sorcière, laissant le village en état de choc. The Fake Prophet (2010) de son côté, s’il met en lumière les ravages causés par cette croyance, renverse le scénario, en ne présentant jamais la sorcellerie ellemême : nous assistons seulement à la mort d’un ancien et à la persécution publique qui s’ensuit. Deux préadolescents sont faussement accusés de sa mort et un prophète auto-proclamé est le seul à encourager les villageois à pourchasser les deux jeunes. Comme l’expliquait la page Facebook du film, aujourd’hui disparue : « The Fake Prophet a pour but […] de montrer le vrai visage des soi-disant hommes et femmes de Dieu qui se sont enrichis en accusant les enfants de sorcellerie, et de souligner que la stigmatisation et de la maltraitance à enfants ont des conséquences devant la loi44. » Le texte qui ouvre le film est clair : « chaque année, des milliers d’enfants innocents sont maltraités et stigmatisés, accusés de sorcellerie par des soi-disant hommes et femmes de Dieu. »

44

https://es-la.facebook.com/africafilms.tv/posts/110596762320031

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Le scénario présente un individu de caractère douteux impliqué dans un réseau international de prostitution, qui perd son ‘emploi’ à la suite de plusieurs opérations ratées. Sans compétences, menacé par son patron et forcé de quitter Lagos, il rentre dans son village d’Akwa Ibom, et, acculé à la misère, décide de suivre les conseils de son frère et d’ouvrir une église spiritiste qu’il considère comme une entreprise commerciale. Pendant ce temps, dans le village, un homme meurt après une longue maladie dont les symptômes rappelaient la tuberculose, et son fils, élève de secondaire, et une camarade, sont accusés de lui avoir jeté un sort. La famille de l’écolière l’amène à l’église du faux prophète, dont la congrégation grandit grâce à l’usage systématique de la tromperie. Là, elle échappe de peu au viol aux mains de l’ ‘homme de Dieu’. L’école ferme ses portes aux deux enfants, leurs familles les rejettent, et ils se retrouvent à la rue et sans ressources. La fille tombe aux mains de l’ancien patron du faux prophète, qui l’intègre à son réseau de prostitution, pendant que le garçon est jeté en prison après avoir dérobé une miche de pain. Pendant que le faux prophète continue à s’enrichir sur le dos de sa congrégation, un pasteur authentique arrive au village et se met à prêcher contre les faux prophètes, rééquilibrant le scénario. Il finit par être l’instrument de la condamnation du faux prophète, soutenu par les villageois las d’être escroqués et trompés. La fin du film rappelle au public que les choses ont changé depuis le vote de la loi sur les droits des enfants, qui garantit la condamnation des personnes coupables de maltraitance à enfant. Un dernier texte apparaît ensuite, dédiant le film à la mémoire des enfants martyrisés pour des raisons liées à la sorcellerie, et invitant le public à « agir pour mettre un terme à la maltraitance d’enfants innocents. » La lutte continue Pour Cherruau, « les ‘gentils prophètes’ se multiplient [au Nigeria]. Comme souvent dans les situations de crise économique, les gens écoutent les ‘faiseurs de miracle’. Mais avant d'avoir le droit de rêver, les fidèles doivent passer à la caisse45. » La critique a donc, sans surprise, fait un très bon accueil au film The Fake Prophet46. À l’époque, le producteur avait d’ambitieux projets pour l’exploitation de son film et sa tentative éducative de « transformer les comportements de son public pour le bien de la communauté » (Sereda, 2010 : 206) dans la tradition de Nollywood. L’incarcération du personnage principal était supposée décourager les tortionnaires potentiels :

45 46

http://patangel.free.fr/ours-polar/auteurs/cherrua1.php http://nollywoodforever.com/the-fake-prophet/ du 3 fév. 2012.

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Pour moi, l’impact du film ne sera satisfaisant que lorsqu’il aura atteint la majorité du public du Delta du Niger, et nous en sommes encore loin. Les films de Nollywood ont un immense pouvoir moral et sont capables d’amener des changements positifs dans la vie des personnes vulnérables. Malheureusement, bien des films ne reconnaissent pas ça et semblent promouvoir activement des messages qui font plus de mal que de bien. […]. Nous allons distribuer le film gratuitement dans toute la région et nous le projetterons également sur tous les campus universitaires du Nigeria. Nous travaillerons ensuite au développement d’un guide qui puisse être mis à la disposition des animateurs de quartiers afin d’aider à dissiper la croyance à la sorcellerie enfantine.

Sans surprise, les deux films étudiés semblent avoir, depuis, disparu des radars. Une enquête récente (Emeke Nwaoboli & al., 2021) menée dans la ville de Benin-City a montré que la représentation de la sorcellerie par Nollywood n’a pas réussi à l’éradiquer. Les chercheurs ont donc recommandé que les producteurs tiennent compte de leur public (rural, urbain et mondial) avant de produire leurs films et qu’ils décrivent des thèmes qui reflètent les riches valeurs socioculturelles, les idéaux, les croyances et l’attitude du Nigeria.

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10. Le Delta du Niger et ses démons Après plus de vingt ans de gouvernements militaires, le retour du Nigeria à la démocratie en 1999, et la relative stabilité qui l’a accompagné, ont permis aux cinéastes d’approcher prudemment un certain nombre de sujets précédemment évités et de les inclure dans leurs productions en dépit de leur nature potentiellement explosive. Ceux-ci comprenaient, entre autres, les conflits internes, les différences religieuses et la politique ethnique, traités en particulier dans Laraba (2000), The Battle of Love (2001) et Across the Niger (2004) inspirés par la guerre du Biafra. Liquid Black Gold (2009), Black Gold (2011), Black November (2012) et Oloibiri (2015) traitent, eux, de l’agitation liée à l’exploitation du pétrole dans le Delta du Niger. Comme l’expliquait le cinéaste Jeta Amata au cours d’un entretien avec CNN African Voices le 5 avril 2013, « nous ne nous contentons pas de raconter nos histoires, nous sommes à même de les financer. Nous pouvons raconter nos histoires. Nous pouvons distribuer nos histoires. Nous pouvons raconter nos histoires avec quelques acteurs occidentaux, certes, mais notre influence est partout47. » Nous allons, à partir de l’analyse de quatre films sur le conflit du Delta, découvrir le rôle joué par Nollywood comme caisse de résonance et comme plateforme de réflexion politique. Shell-BP à Oloibiri Le vaste Delta du Niger, situé dans le golfe de Guinée sur la côte ouestafricaine et dont la ville principale est Port-Harcourt, sépare le golfe du Bénin au nord-ouest du golfe du Biafra au sud-est. Il a une superficie de 75 000 km2 et une population dense représentant plus de quarante ethnies différentes – les Ogonis, qui y vivent depuis plus de 500 ans, mais aussi les Binis, Efiks, Esans, Ibibios, Igbos, Anangs, Yorubas, Orons, Ijos, Itsekiris, Isokos, Urhobos, Ukwuanis, Kalabaris et Okrikas. Il couvre la zone géopolitique nigériane dite du ‘sud-sud’, une région de forêts tropicales au nord et de mangroves le long de la côte, où se situent les films qui seront étudiés ici. Il est divisé en neuf États, tous producteurs de pétrole (Abia, Akwa Ibom, Bayelsa, Cross River, Delta, Edo, Ondo, Imo et Rivers) représentant 800 communautés pétrolières et un vaste réseau de puits de pétrole et autres installations. Selon son site, la SPDC [Shell Petroleum Development Company], pionnier et leader de l’industrie pétrolière au Nigeria, produit environ 39% du pétrole du pays, principalement dans le Delta et au large – un vaste champ pétrolifère de quelque 31 000 km2 comptant plus de 6 000 km de pipelines et con47

http://www.bestofnollywood.tv/2013/04/05/what-jeta-amata-told-cnn-about-his-newmovie-black-november/ consulté le 08/03/18

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duites, 87 stations de pompage, huit raffineries et plus de mille puits de production. La Société emploie, outre quelque 20 000 emplois indirects, plus de 4 500 personnes directement, dont 95% de Nigérians – 66% d’entre eux originaires du Delta. SPDC et ses partenaires produisent environ un million de barils par jour et affirment contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations locales par le biais de leur programme d’investissement communautaire. Au Nigeria, la prospection de gisements de pétrole, de bitume et de charbon a été initialisée par deux Sociétés, Nigeria Properties (Limited) et le Syndicat pour le développement du Nigeria et de l’Afrique de l’Ouest en 1903. Il n’a pas fallu longtemps avant que ne soient signalées les premières marées noires : « La lagune est maintenant saturée de pétrole… et il y a tant de pétrole à notre débarcadère que le docteur en a été recouvert quand il est allé nager comme il le fait tous les soirs » (Drader, 1909, in Phia Steyn, 2006 : 9). Selon Steyn (2006 : 17), « il n’y avait que deux Sociétés intéressées au pétrole du Nigeria dans la période d’après 1918 : la Corporation d’exploration D’Arcy et la Corporation pétrolière de Whitehall. » Shell, alors Corporation d’exploration Shell D’Arcy, a lancé des études géologiques au sud du Nigeria dès 1937, dans les environs d’Enugu, de Port Harcourt, le long de l’escarpement Nsukka-Okigwi-Afikpo, le long du Niger et de la rivière Cross, et à Benin City et Forcados48. Les forages, suspendus un temps pendant la seconde guerre mondiale, ont repris en 1946. En 1956, on découvre le premier champ de pétrole commercial à Oloibiri, une petite communauté dans le canton d’Ogbia, dans l’État de Bayelsa, dans le Delta du Niger, entré dans l’histoire en tant que premier puits de pétrole vraiment commercial, cofinancé à parts égales par le groupe Royal Dutch/Shell et le groupe British Petroleum (BP). L’exportation débute en février 1958, avec 5 100 barils/jour (810 m3/jour) grâce au premier gazoduc joignant le champ de pétrole d’Oloibiri à Port Harcourt sur la rivière Bonny. Au bout de vingt ans d’exploitation et d’une production de plus de vingt millions de barils, soit 3 200 000 m3 de pétrole, le gisement est définitivement fermé en 1978, abandonnant l’équivalent de 21 millions de barils d’hydrocarbures (3 380 000 m3) non exploités. Selon Samuel Oyadongha et Emem Yenagoa (2016), « le site du puits asséché d’Oloibiri a été abandonné aux ronces, et les projets d’institut de recherche et de musée du pétrole sponsorisés par le gouvernement fédéral avec lui49. »

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http://www.shell.com.ng/ ; Phia Steyn (2006 : 22-23). Voir aussi Raji Yusuf & Samuel Abejide (2013). 49 http://www.vanguardngr.com/2016/03/60-years-after-nigerias-first-crude-oloibiri-oil-driesup-natives-wallow-in-abject-poverty/.

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Marées noires Le forage et l’exploitation du pétrole dans le Delta du Niger ont rapidement attiré l’attention des médias internationaux, du fait de leur impact sur l’environnement – des déversements d’hydrocarbures en particulier. Il convient donc de rappeler ces faits brièvement avant de considérer la façon dont Nollywood a traité ce problème. Ces fuites, principalement causées par des accidents de camions-citernes et des ruptures de canalisations ou de fuites (50%) du fait de la corrosion due au climat équatorial et d’une maintenance défectueuse des infrastructures de production, sont maintenant monnaie courante dans le Delta50. Le sabotage est la seconde cause des déversements (28%), résultant de la perce illégale des canalisations par les populations locales cherchant à récupérer le pétrole brut pour leur usage ou pour le revendre. Ce processus, connu sous l’euphémisme de « détournement de pétrole », fait perdre environ 400 000 barils de brut par jour au Nigeria. Shell insiste sur le fait qu’elle a en vain plaidé la clémence du gouvernement nigérian à l’égard des coupables. Le reste des déversements résulte de mauvaises manipulations au cours d’opérations de production (21%) ou d’équipements déficients ou défectueux (1%). Amnesty International et les Amis de la Terre ont contesté les affirmations de Shell selon laquelle, au Nigeria, près de 98% des déversements sont dûs au sabotage – selon la loi nigériane, Shell n’est pas responsable de ce type de déversements. Les deux groupes ont soumis une plainte contre Shell auprès de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économique]. Les représentants de Shell ont été entendus peu après par le Parlement des Pays-Bas, et Shell a ensuite revu ses chiffres à la baisse, de 98% à 70%. Des rapports datant des années 1970 révèlent l’existence d’une pollution environnementale épisodique du fait de déversements de pétrole, comme le déversement qui a affecté 255 hectares dans la région d’Ejama-Ebubu dans l’État des Rivières et dont l’impact n’avait d’abord pas été remarqué. Un programme de développement des Nations Unies mentionne un total de 6 817 déversements de pétrole entre 1976 et 2001, ce qui représente une perte de trois millions de barils, dont plus de 70% n’a jamais été récupéré. 69% de ces déversements ont eu lieu en mer, un quart dans les marécages et 6% dans les champs. Des centaines de procès mineurs se tiennent chaque année au Nigeria, motivés par des déversements de pétrole et la pollution qui s’ensuit. En 2008, deux déversements causés par des canalisations rouillées ont ruiné des milliers d’hectares de mangrove and affecté des milliers de gens à Bodo, une communauté de pécheurs. La Royal Dutch Shell a finalement accepté de

50

Pour plus d’information : http://subseaworldnews.com/2014/11/27/shell-faces-usd-4-blnfine-for-bonga-oil-leak/ du 27 nov. 2014.

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payer 55 millions de livres sterling en compensation en janvier 2015 (Scott Pegg & Nenibarini Zabbey, 2013). Shell a reconnu avoir déversé 14 000 tonnes de pétrole brut dans les criques du Delta en 2009, le double l’année d’avant et quatre fois plus en 2007. En juillet 2010, Julia Baird (2010 : 27) rapporte qu’entre neuf et treize millions de barils de pétrole avaient été déversés dans le Delta depuis 1958, dont 1,89 million de barils entre 1976 et 1996, au cours de plus de 4 835 incidents. Le même mois, la Haute Cour fédérale du Nigeria a fixé le montant des dommages causés par la Shell Petroleum Development Company of Nigeria (SPDC) à 15.4 milliards de naïras (environ 100 millions de dollars). L’origine des émeutes Les années récentes ont vu un accroissement de la pollution de l’eau et des sols dans le Delta, ce qui a conduit à une forte conscientisation des populations vivant dans la région affectée – pécheurs, paysans sans terre, agriculteurs et femmes – groupes locaux et communautés traditionnelles. Pour Paul Orogun (2010), « la question du Delta du Niger représente l’une des sources les plus inextricables de déstabilisation politique [et] menace profondément la sécurité nationale et le développement économique de l’État nigérian. » L’exploitation du gaz et du pétrole, d’abord considérée comme une chance pour le Delta, s’est révélée une malédiction. Son impact environnemental est évident – pollution de l’air, pollution des nappes phréatiques et des sources d’eau potable, déversements de pétrole, contamination des sols condamnant les champs à la stérilité, dommages aux cultures. La région est menacée par l’insécurité alimentaire, la diminution, voire la perte de la population piscicole, et la déforestation, la perte de sa biodiversité et le bouleversement à grande échelle de ses systèmes hydraulique et géologique. L’exploitation des hydrocarbures a également eu un impact sur la santé des populations, provoquant des maladies liées à l’environnement et à des décès dus à l’empoisonnement par l’eau et les produits agricoles. Elle a enfin un coût socio-économique : confiscation des terres, perte de la sécurité de l’emploi, chômage, déplacements, violation des droits humains, accroissement de la violence et des crimes, et perte des savoirs, pratiques et cultures traditionnels (Ike Okonta & Oronto Douglas, 2003 ; Godwin Ojo, 2014)51. Les archives coloniales révèlent que l’opposition aux opérations de Shell ne date pas d’aujourd’hui. À la fin des années 1940, « les propriétaires avaient été assurés que la coentreprise n’avait pas le droit d’acquérir les terrains, et que tout dommage donnerait lieu à une compensation » (Steyn, 2006 : 28). Au début des années 1990, des tensions ont finalement opposé les populations Ogoni du Delta à Shell (John Vidal 2016). Les populations 51

https://ejatlas.org/conflict/uzere-community-protest-against-shell-nigeria du 4 août 2014.

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locales étaient inquiètes du détournement des revenus du pétrole empêchant les communautés de la région d’en bénéficier, et de la détérioration de l’environnement du fait des fuites causées par le vieillissement des canalisations opérées par Shell. En réponse, Shell semble avoir dédommagé financièrement les militaires, mais a été blâmé pour avoir contaminé le Delta – en 2001 déjà, un rapport de Greenpeace mentionnait le cas de deux témoins ‘corrompus’ par des promesses financières et des emplois sur le site. La Société a nié ces accusations, concluant que le Mouvement pour la survie des populations Ogoni (MOSOP) pratiquait l’extorsion et soutenait la violence et la sécession. En 1993, le MOSOP, dirigé par Kenule Beeson – "Ken" SaroWiwa (1941-1995), écrivain nigérian, producteur de télévision, activiste environnemental et lauréat du Prix Nobel alternatif ‘Right Livelihood’ et du Prix Goldman pour l’environnement, a organisé de larges mais paisibles manifestations contre Shell et le gouvernement, occupant les sites de production de la Société à plusieurs reprises. Quand Shell a abandonné ses opérations en pays ogoni, le gouvernement nigérian, qui avait soutenu Shell depuis le début (Steyn 2006 : 24), a perquisitionné dans les villages et arrêté quelques-uns des meneurs, dont Ken Saro-Wiwa, qui ont été exécutés le 10 novembre 1995 malgré une pression internationale venant du Commonwealth des Nations et des organisations humanitaires. En 2009, peu de jours après le début d’un procès se tenant à New York et dont on attendait qu’il révèle en grand détail les activités de Shell et de MOSOP dans le Delta, Shell a offert de résoudre l’affaire Ken Saro-Wiwa à l’amiable avec 15, 5 million de dollars tout en niant toute responsabilité, décrivant le règlement comme un geste humanitaire52. L’agitation ethnique déclenchée par la dégradation progressive de l’environnement, et les tensions régionales entre Ijos, Urhobos et Itsekiris, auxquelles s’ajoutait une montée de la disponibilité des armes, ont conduit à une augmentation de la militarisation du Delta. Les officiels locaux et régionaux ont alors commencé à subventionner les groupes paramilitaires pour empêcher ceux-ci de poursuivre un agenda politique. En décembre 2003, Shell Nigeria reconnaissait que le conflit menaçait la sécurité et l’intégrité de ses opérations et que « nous nourrissons parfois les conflits par la manière dont nous accordons les contrats, obtenons l’accès aux terrains et traitons les représentants des communautés », et disait avoir l’intention d’améliorer ses pratiques. Les violents affrontements des années 1990s se sont malheureusement poursuivis sans répit et vont se refléter à l’écran. En 2011, on comptait environ trois personnes présumées mortes et une centaine d’autres, y compris des femmes et des enfants, blessées au cours d’une bousculade à Uzere, dans le 52

http://www.nytimes.com/2010/06/17/world/africa/17nigeria.html du 16 juin 2010.

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département d’Isoko où les soldats et la police mobile ont usé de grenades lacrymogènes contre les manifestants sur le site d’une station de pompage de Shell (Emma Amaize & Akpokona Omafuaire, 2011). En réaction, les manifestants ont alors mis le feu à une Mercedes-Benz et à deux véhicules de sécurité de la Société pétrolière. Les villageois en colère ont aussi détruit le palais de leur chef traditionnel, sa maison d’hôte et la boutique de sa femme, accusant les dirigeants de la communauté de collusion avec la Société pétrolière pour les escroquer. Aujourd’hui, le gouvernement nigérian s’efforce toujours de résoudre le conflit.

Quatre films pour une même cause Un premier film, local, Liquid Black Gold (2009), a d’abord été produit sur l’exploitation pétrolière dans le Delta, mais n’a pas eu de retentissement notable. Quatre ans après, en 2013, le cinéaste nigérian Jeta Amata, qui avait grandi dans la région, a mentionné dans un entretien qu’il était inquiet de la situation et pensait faire un film à ce sujet – il avait déjà rédigé trois scénarios sur la question au cours des huit années précédentes. À l’époque, la situation du Delta semblait empirer, et faire un film à ce sujet semblait de plus en plus problématique, mais comme il le dit, « j’en suis arrivé à penser que c’était vraiment le moment. » Selon lui, le fait de visiter les criques et d’écouter les récits de quelques-uns des militants l’a encouragé à faire le film pour raconter la pitoyable existence des gens de la région et la dégradation de leur environnement. Amata a déclaré à CNN que la mort de Ken Saro-Wiwa l’avait aussi énormément affecté, du fait qu’il le connaissait personnellement, et l’a motivé à dire l’autre côté de l’histoire. Cette coproduction filmée au Nigeria et aux États-Unis en 2012 raconte l’histoire de la lutte d’une communauté contre leur gouvernement et contre un groupe pétrolier multinational pour sauver leur environnement de la destruction causée par des forages excessifs. Black November (2012), qui doit son titre au mois de l’exécution de l’activiste Ken Saro-Wiwa en 1995, est une réédition d’un premier film, Black Gold (2011), dont près de 60% des scènes ont été retouchées ; des scènes additionnelles ont ensuite été filmées pour rendre le film « plus actuel ». Les coûts de production et de distribution de Black November, si l’on y ajoute ceux de Black Gold, se montaient à 22 millions de dollars, presqu’entièrement financés par le Capitaine Hosa Wells Okunbo, un magnat nigérian du pétrole. Le film, basé sur des faits réels, a été lancé au Centre Kennedy (USA) le 8 mai 2012 avant d’être projeté à l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 septembre de la même année. Les productions sur la crise du Delta du Niger ont coïncidé avec l’accession au pouvoir de Goodluck Ebele Azikiwe Jonathan, suivie de l’élection présidentielle qui l’a placé à la tête du Nigeria en 2010. Un Ijo né dans l’actuel État de Bayelsa au sein d’une famille de fabricants de pirogues,

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il a successivement servi l’État comme gouverneur de Bayelsa, de 2005 to 2007, puis comme Vice-Président du Nigeria de 2007 à 2010. C’est comme Vice-Président que Goodluck Jonathan a facilité la négociation d’un accord avec un grand nombre de groupes de militants du Delta, pour la plupart des Ijos comme lui, qui ont accepté de déposer les armes dans le cadre d’une amnistie gouvernementale. Il est plus tard devenu Président intérimaire, de février à avril 2010, avant d’accéder à la présidence le 5 mai de la même année. Son mandat (2010-2015) a attiré l’attention internationale sur les difficultés de sa région. Rogers Ofieme, producteur d’Oloibiri, lancé trois ans plus tard, cherchait à faire connaître au grand public l’endroit où l’histoire nigériane du pétrole avait commencé, pour révéler l’impact, jusque-là peu connu, de son exploitation sur le premier village affecté. Il expliquait alors que « quand nous avons commencé à filmer […], nous avons vu le besoin de rendre le vide flagrant créé par l’exploitation de pétrole brut dans la première ville d’hydrocarbures du Nigeria. Nous souhaitions vraiment montrer au monde l’étendue de l’abandon dans lequel avaient été laissés le village et sa population après l’exploitation extensive de leur sol » (Egole Anozie, 2016). Les sociétés canadiennes Rightangle Productions et Theatron Media, désireuses d’offrir au Nigeria des récits d’histoire, ont soutenu le film, ce qui a permis à ces productions de bénéficier de budgets plus conséquents que d’habitude. Black November (2012) – une lecture occidentale de la violence Black November s’ouvre sur une cellule de prison à Warri, dans le Delta, au moment où les autorités se préparent à pendre Ebiere, une jeune diplômée du Delta qui conduisait les émeutiers de la région avant son arrestation. La scène suivante nous transporte à Los Angeles, en Californie, où Tom Hudson, PDG de Western Oil, accusé de collusion avec le gouvernement nigérian, est kidnappé sur la route de l’aéroport par un mouvement qui se dit ‘Le Front populaire uni pour l’émancipation des populations du Delta du Niger’, sous la conduite de Tamuno Alaibe et d’autres, persuadés comme lui que la violence « est le seul langage que l’Occident comprenne. » Ils kidnappent en même temps une journaliste blanche américaine, Kristy, et son cameraman. Tom Hudson, sa femme et Kristy, qui se trouvaient ensemble, sont capturés et pris en otages. Pendant plusieurs heures, la police, l’unité anti-terroriste et le public ignorent tout de l’identité des « terroristes. » Pendant ce temps, Tamuno informe Tom qu’ils sont à Los Angeles pour sauver Ebiere et déclare que si elle finit par être exécutée au Nigeria, les « vrais coupables » périront avec elle. Tamuno explique brièvement leurs griefs : ils blâment les États-Unis, qui consomment 1/5 du pétrole nigérian, pour la paralysie des raffineries nigérianes et le fait qu’ils exportent le pétrole brut nigérian pour le revendre au pays une fois raffiné. Ils blâment également la société Western Oil qu’ils estiment responsable de la pollution environnementale : « les gens 141

de chez moi sont à l’agonie. Nos terres sont dévastées – nos champs cultivables, notre bétail, nos réserves naturelles. » Le reste du film se sert de retours en arrière pour raconter l’histoire violente du Delta et mettre à l’écran la lutte de sa population pour amener l’Occident à reconnaître l’étendue du dommage causé par l’exploitation pétrolière et le pouvoir corrupteur de l’argent. À la fin du film, le PDG blanc est libéré, la production continue mais Ebiere est injustement pendue à Warri pour son rôle cependant pacifique de meneuse durant l’insurrection. La puissance occidentale explose à l’écran avec ses images et son bruit. De Los Angeles avec ses hommes en costume, le film progresse en introduisant une journaliste blanche américaine qui se révélera tenir le fil du récit en restant proche du personnage féminin au centre du film. Ce dernier se termine par une scène opposant la libération du PDG de la société pétrolière à la pendaison de la meneuse nigériane. Le personnage principal est une jeune diplômée nigériane originaire du Delta qui a bénéficié d’une bourse de la société pétrolière mais finit par se trouver à la tête des manifestants contre les exactions de cette société. Après avoir en vain tenté de parlementer avec la société pour arriver à un compromis et participé à des manifestations pacifiques, elle se trouve incapable d’empêcher l’incendie de la voiture des dirigeants locaux, qui périssent dans leur véhicule, et décide de s’accuser du crime pour sauver les jeunes. Tout au long du récit, elle garde l’amitié de la journaliste américaine rapportant la situation, qui annoncera la condamnation de la jeune mère et son exécution. Le choix d’une jeune femme pour le rôle principal ne correspond pas à la réalité sur le terrain – même si d’aucuns pourraient arguer qu’il est dans la ligne de la tradition igbo de révolte des femmes de 1929 – et semble plutôt inspiré par le féminisme occidental. Oloibiri (2015) – ouvrant la voie Le scénario d’Oloibiri, avec sa lutte essentiellement masculine, semble plus près de la réalité nigériane. Alors que le titre de Black November faisait directement référence à des évènements politiques, Oloibiri s’intéresse plus particulièrement, dès le début, au village affecté par l’exploration et l’exploitation pétrolières et à sa population. Le texte qui apparait en exergue à l’écran et enracine le film dans l’histoire du Delta du Niger confirme cette impression : « En 1956, on a découvert du pétrole à Oloibiri, au Nigeria. » À l’arrière-plan, une palmeraie luxuriante rappelle au public la richesse du sol et de l’agriculture de la région. Tout de suite après, apparaît un cortège funèbre en costumes traditionnels du grand sud, filmé au ralenti en train de porter un cercueil et des corps drapés dans des linceuls, suivi par une foule en pleurs, non loin des torchères des raffineries qui crachent leur fumée sur un ciel couleur de sang. Dès le début, nous sommes confrontés à la dangerosité de la région : un homme découvert en possession d’argent et de munitions est sommairement abattu sur la route par des rebelles agissant au nom 142

des villageois, et son véhicule est incendié. La seconde scène nous introduit aux deux personnages centraux qui vont s’opposer au sujet de la solution à adopter pour arrêter l’escalade de la violence et de la corruption dans le Delta : le leader des rebelles, ‘Poudre à canon’, et l’ancien Timipre Dobra. L’ancien du village, traumatisé par cinquante ans passés à regarder souffrir ses compatriotes et à voir son environnement se dégrader sans pouvoir rien y faire, et déchiré par la perte de sa femme morte d’avoir bu de l’eau polluée en 1965, se lamente : « l’exploitation pétrolière. Nos neveux devenus ravisseurs. Si j’avais protesté […] dans les années 1960, rien de tout ça ne serait arrivé […]. J’ai laissé tomber ma communauté. J’aurais pu me battre. J’aurais pu me battre. » Dans ses pas, nous pénétrons dans le village et nous découvrons la pollution de l’eau. Nous rencontrons aussi les ravages de la culture de compensation nourrie par la société pétrolière, qui sème la zizanie parmi les anciens et au sein des couples. Le flot des images, sur un arrière-plan de toits de zinc rouillés, de torchères et de tombes solitaires, dresse un tableau inquiétant du désastre environnemental provoqué par l’exploitation pétrolière. Un garçonnet s’approche de la rivière, se penche vers l’eau et se retourne face à la caméra, les mains souillées de pétrole. Il tente un peu plus tard de puiser de l’eau pour boire et on l’arrête juste à temps. Ces images contrastent avec celles du banquet et de ses invités en habits de gala réunis en l’honneur de la société Foreshaw Exploration, la société pétrolière du PDG blanc, dont le nom était inspiré du nom de la vraie société pétrolière Shaw, basée en Alabama, et de celui du groupe Forshaw, basé à Liverpool et travaillant avec des compagnies d’assurances. L’arrivée du PDG blanc de la Société est annoncée par une citation du Marchand de Venise (1596) de Shakespeare en voix off : « Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? » (Acte 3 scène 1) ‒ un message clair destiné aux Blancs concernant le droit des Noirs à l’égalité. Le film multiplie les contrastes. Le PDG parle aux actionnaires en tandem avec Nicky, le PDG nigérian (celui qu'on a vu tuer un peu plus tôt) s’adressant à eux « du fond de Bayelsa », et leur annonce que la Société a réussi à obtenir des concessions dans le Delta du Niger pour douze puits de pétrole. Il ajoute attendre une production journalière de mille barils – annonce qui déclenche une franche ovation. Un flashback ramène ensuite le public en 1956 pour illustrer les points de vue opposés du géant du pétrole et des villageois : un porte-parole blanc de la société pétrolière visite Oloibiri – une visite décrite comme « une initiative de développement ». Il promet aux anciens la construction de nouvelles routes, l’autonomisation de la communauté, l’ouverture d’écoles et l’emploi des jeunes. Hypnotisés par ses promesses, les anciens donnent libre cours à leur joie, oubliant de s’enquérir sur les revers des forages.

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Au sein de la Société aussi, l’honnêteté du PDG et son désir d’orienter l’entreprise vers un plus grand respect des clients contrastent avec la corruption de ses intermédiaires nigérians que l’on voit festoyer avec des prostituées. Dérangé par des photos bouleversantes envoyées par les rebelles, révélant la gravité de la pollution des eaux et la malnutrition affectant les enfants, le PDG décide d’ignorer les assurances de ses intermédiaires et de se rendre à Oloibiri. Kidnappé en chemin, il échappe de peu à la mort aux mains des rebelles et finit par se retrouver avec l’ancien, qui lui sauve la vie et le confie à l’armée. La fin du film révèle l’annulation de la concession pétrolière par son associé ; un violent combat oppose l’armée aux rebelles et se termine par le sauvetage du PDG et de l’ancien et une nouvelle collaboration qui fait la Une d’un journal britannique en date du samedi 21 février 2015. L’article, signé Anne Bernard et intitulé : ‘Oloibiri, Nigeria’, annonce : « L’ancien et le PDG décident qu’il vaut mieux collaborer pour forcer la Société pétrolière à dépolluer la zone affectée par toutes ces années de déversements pétroliers dans le Delta du Niger. » L’un des personnages révèle les dernières et tristes statistiques : « depuis un demi-siècle, au moins 260 000 barils de pétrole ont été déversés dans la région, ruinant la pêche, l’eau et les terres agricoles. » Liquid Black Gold (2009) – le point de vue local En 2009 était sorti, quasi incognito, un premier film sur la crise du Delta, Liquid Black Gold, qui, à la différence des trois autres, était une production strictement locale, aussi bien dans sa production et sa distribution que dans sa présentation de la situation. Sa structure même est typiquement nigériane : il est presqu’entièrement construit autour d’un long discours, le monologue du chef de la jeunesse locale. Rentré au beau milieu de la nuit après une opération dont les coups de feu ont réveillé son jeune fils et gardé sa femme au salon, il répond aux supplications de cette dernière, soucieuse de le voir risquer sa vie, par une longue explication que le film entrecoupe de brefs retours en arrière. Ceux-ci révèlent en images silencieuses, d’abord la vie avant le pétrole, paisible et heureuse, puis le présent : la pollution par les hydrocarbures, les déversements et la menace pesant sur la santé des enfants, la destruction des zones de pêche des criques et le chômage qui ruinent les foyers. Ces retours permettent au public de mieux comprendre, sans grands discours, pourquoi les jeunes du Delta ont été acculés à la violence pour se faire entendre des autorités et de la compagnie pétrolière. Le scénario met aux prises la population locale, représentée par sa jeunesse, et le chef de village, son conseil de chefs et le représentant de la société pétrolière – ‘le Blanc’, représenté par un métis, n’apparaissant qu’à deux reprises. Au contraire des coproductions qui le suivront, ce film est remarquablement simple, manichéen même : d’un côté, la jeunesse, raisonnable et éprise de justice mais dépourvue de moyens, tente une à une les solutions possibles 144

pour améliorer la situation et sauver la population et l’environnement ; de l’autre, des chefs d’âge mûr, éduqués mais cupides et corrompus, siphonnent les bénéfices accordés par ‘le Blanc’, accaparent les compensations et l’argent destinés aux villageois et mentent effrontément quand on les questionne. Le dialogue de sourds entre les jeunes et leurs aînés aboutit à une impasse. C’est le moment où apparaissent brièvement deux représentants du pouvoir fédéral : un Igbo et son supérieur, un Hausa, reproduisant la structure du pouvoir central, historiquement aux mains des Hausas et Peuls, et où les Igbos se trouvent invariablement, depuis 1970, aux ordres des premiers. Le duo tente d’arranger les choses en proposant son intervention moyennant une commission 50/50 – solution que les chefs rejettent. Les deux camps finissent par monter une partie de la jeunesse contre l’autre en armant leur côté. La police s’en mêle, et les jeunes, dont certains sont blessés, emprisonnés ou tués, sont les grands perdants, et la communauté avec eux. Le film se termine sur un évènement que personne n’avait vu venir : un nouveau gouvernement fédéral émerge de nulle part, appelle à un cessez-le-feu et engage la négociation – allusion à l’accession de Goodluck Jonathan, originaire du Delta, à la Vice-Présidence du pays en 2007 – il était gouverneur de l’État pétrolier de Bayelsa, dans le sud-sud, depuis décembre 2005. Deux points de vue sur la violence Les films considérés ici confirment que, bien que la crise du Delta du Niger ait ses origines dans « la mauvaise volonté de l’Administration britannique de résoudre le problème de cohabitation » (Ojakorotu & Morake, 2010 : 6) entre les divers groupes ethniques du pays, la situation actuelle est bien plus complexe. La dynamique de la crise dans […] le Delta du Niger est largement centrée sur la découverte du pétrole, la présence de sociétés pétrolières multinationales qui l’exploitent, les politiques étatiques antisociales et indésirables, l’existence historique d’une pléthore de groupes de populations minoritaires distincts habitant le Delta, et surtout la pauvreté endémique et un développement socio-économique déficient contrastant avec l’immense richesse des ressources de la région (Victor Ojakorotu & None Morake, 2010 : 5-6).

Un bref regard à la couverture des pochettes des films étudiés révèle clairement l’angle choisi pour la présentation de ce sujet : alors que les deux premiers offrent un diaporama des acteurs – principalement blancs, sur un fond neutre, la couverture d’Oloibiri plante le récit au Nigeria, avec la longue silhouette du leader rebelle entouré de deux des autres acteurs principaux au milieu d’un paysage nigérian couleur de sang. Le scénario des deux films les plus récents et les plus connus confirme l’information glanée sur leurs couvertures. Une étude exploratoire prouve que ces films résument brièvement 145

mais avec exactitude la genèse et le développement de l’exploitation pétrolière dans la région, avec les dates-clefs et les vrais noms de lieux. Ils mettent également en avant le contraste préoccupant entre les partenaires d’exploitation : Oloibiri, autrefois fièrement annoncé comme « la poule aux œufs d’or », est aujourd’hui dans la misère. Les intérêts des puissances occidentales représentées par les exécutifs des sociétés pétrolières sont présentés comme diamétralement opposés à ceux des populations du Delta. L’énorme richesse des pays occidentaux (USA, Canada) contraste violemment avec la pauvreté d’une région ruinée et abandonnée de tous. Les films révèlent la profondeur de l’incompréhension entre la population du Delta et la société pétrolière, et le dialogue de sourds qui en a résulté, la violence étant le dernier ressort de cet effort de communication. Cet échec de la communication est abondamment disséqué dans les films étudiés, autour de deux axes : l’argent et l’éducation. Black November montre des anciens en désaccord sur le montant de la compensation qui leur est allouée. Dans Oloibiri par contre, le pouvoir corrupteur de l’argent saute aux yeux dès la première scène, avec le meurtre d’un intermédiaire corrompu et l’incendie de sa voiture. Il réapparait plus tard au cours de la conversation téléphonique entre le PDG et ses intermédiaires nigérians qui, au téléphone au beau milieu d’une orgie, lui suggèrent de graisser la patte du groupe ayant signalé les conséquences environnementales et humaines de l’exploitation pétrolière. Le second leurre utilisé par les puissances occidentales, et présenté dans les deux films comme un beau geste destiné à améliorer le sort des populations locales, est celui de l’éducation. Les deux scénarios soulignent clairement le fait que leurs études supérieures à l’étranger n’ont ni pacifié l’élite locale, ni facilité le dialogue souhaité entre le Nigeria et l’Occident. Ils mettent au contraire en avant le malentendu affectant la relation entre la société pétrolière et l’Occident d’une part, et les Nigérians de l’autre. Le personnage central de Black November, la jeune diplômée du Delta et boursière de la société pétrolière, finit par refuser le poste lucratif que lui offrent ces derniers pour prendre la direction du mouvement des protestataires. Le meneur des protestataires d’Oloibiri était lui aussi diplômé, et sa mère se lamente : « qu’est-ce qui est arrivé à mon garçon, ce fils qui avait eu une mention très bien en géologie et avait obtenu un bon emploi ? Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » Il a lui aussi refusé un poste dans la société pétrolière pour lutter contre ses opérations irresponsables et finit par être tué au cours d’un violent affrontement avec l’armée nigériane. L’ancien local lui-même, après avoir tenté d’avertir les autres anciens des graves conséquences des forages pétroliers, a émigré au Royaume-Uni. Revenu quelque dix ans après, en 1978, sans avoir rien gagné qui puisse servir aux siens, il ne peut que constater les dégâts et les pertes qu’il avait envisagés. Curieusement, les deux films suggèrent qu’un vrai dialogue est néanmoins possible entre ces partenaires improbables. Dans Black November, après 146

l’explosion massive qui a tué plus de mille femmes et enfants, Ebiere explique à la journaliste américaine pourquoi les solutions proposées par la société pétrolière sont incapables de résoudre les problèmes : « ils nous rendent malades et nous soignent, ils nous affament et nous nourrissent, ils tuent nos familles et nous offrent de l’argent pour les enterrer. […] Si vous ne changez pas vos façons de faire, les gens vont se révolter. » Dans Oloibiri, ‘Poudre à canon’, le leader des rebelles, dit sa frustration dans une conversation avec l’ancien qui affirme son innocence : « le Nigeria est ce qu’il est aujourd’hui à cause de gens comme vous qui décident de migrer, de foutre le camp ou de simplement rester à observer la cupidité des militants, la nonchalance du gouvernement, l’escroquerie des Églises, l’exploitation des multinationales […]. » Le vieil homme répond : « je suis d’accord avec vous, mais la violence n’a jamais amené de solutions raisonnables. » La seconde partie du film suit l’ancien et le PDG sur le chemin dans les criques. Dans la conversation, l’ancien accuse le Blanc : Oui, vous envoyez le pétrole dans votre pays pour y bâtir un meilleur avenir ! Pendant ce temps, notre vie à nous est gâchée. Vous graissez la patte à nos chefs pour qu’ils se taisent, pendant que vous ruinez notre pétrole et nos rivières ! Quarante ans ! Depuis plus de quarante ans, Oloibiri et, en fait, tout le Delta, ont été manipulés par des gens comme vous. Et vous savez, vous savez bien combien de kilomètres nous faisons pour trouver de l’eau potable !

Le PDG, qu’on avait vu plus tôt exprimer son désir de faire une différence dans le commerce pétrolier en maintenant une honnêteté stricte, proteste faiblement et demande : « Les gens de chez vous sont-ils complètement innocents dans cette exploitation ? Il faut être à deux pour gâcher les choses. » Un impact positif Comme le notait Aniefiok Ite en 2013, Les activités liées à l’exploration du pétrole, et les opérations de développement et de production ont un impact préjudiciable et significatif sur l’atmosphère, les sols et les sédiments, les eaux de surface et les eaux souterraines, le milieu marin, la diversité biologique et la viabilité des écosystèmes terrestres dans le Delta du Niger. Les rejets d’hydrocarbures et les flux de déchets ont pollué l’environnement, ont affecté la santé humaine, ont ruiné l’économie régionale, causé des problèmes socioéconomiques et altéré la qualité de vie des communautés concernées dans les neuf États producteurs de pétrole de la région (Ite & al, 2013).

Cette étude vient confirmer la gravité du dommage occasionné par l’exploration et l’exploitation pétrolières dans le Delta du Niger. Elle rend justice aux cinéastes, particulièrement qui ont eu le courage de produire 147

Black November et Oloibiri. Ces films ont déjà recueilli de nombreux succès :

x Ils se complètent l’un l’autre, montant un dossier solide pour la régénération du Delta, mettant le doigt sur les mêmes problèmes à partir d’angles différents pour aboutir aux mêmes conclusions ; x Ils ont fidèlement et honnêtement cerné les principaux défis que devra relever le Delta : un arrière-plan historique difficile, une pollution environnementale envahissante, l’engagement de l’Occident dans les affaires nationales, la difficulté du dialogue interculturel entre les parties, la collusion entre le gouvernement fédéral nigérian et les sociétés pétrolières occidentales, le lien entre la politique, l’économie et le dénuement social, entre la pauvreté, la mauvaise gestion de l’argent et la corruption ; x Ils ont prouvé qu’il est possible de mettre à l’écran des problèmes nationaux et régionaux, quelle que soit leur gravité, et d’attirer l’attention du public ; x Ces productions ont permis au monde de prendre conscience d’une pollution pétrolière jusque-là ignorée de l’opinion internationale ; x Elles ont aussi prouvé que les gouvernements nigérians successifs avaient atteint un stade où ils étaient assez stables pour approuver la mise à l’écran de problèmes nationaux ; x Le type de budgets obtenus prouve que les grandes causes trouveront toujours un soutien. Bien que Black November ait eu quelque mal à convaincre la critique, la suite des évènements a prouvé que ce film avait eu un impact significatif. Jeta Amata et le coproducteur Lorenzo Omo-Aligbe ont été invités à la Maison Blanche pour y parler de leur film. Un membre du Congrès, Bobby Rush, et son collègue républicain Jeff Fortenberry, ont été si affectés par le film qu’ils ont soutenu une résolution commune visant à faire pression sur le gouvernement nigérian et les sociétés pétrolières occidentales pour qu’ils nettoient les déversements de pétrole dans le Delta du Niger. Oloibiri a provoqué un nouveau sursaut. Dans un discours à l’occasion de la projection du film à Abuja le 8 septembre 2016, le ministre nigérian de l’environnement commentait : « c’est à nous Nigérians, à nous en tant que nation, à nous en tant qu’étudiants de l’histoire, que s’adresse Oloibiri à propos du Delta ». Il ajoutait : « [ce film] souligne que dans sa réponse aux problèmes, la violence n’a jamais réussi à remplacer la diplomatie. » Depuis, Le gouvernement a tenté de construire de nouvelles routes et de lancer d’autres projets pour tirer la région de la pauvreté et créer des emplois visant à offrir à la population locale une alternative à l’action militante et aux attaques contre les infrastructures pétrolières. […] La Présidence a également ordonné au Ministère de

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l’Environnement de s’assurer du ‘progrès’ des opérations de nettoyage en pays ogoni, projet retardé depuis des années. […] Mais le manque de développement et la destruction, par l’armée, de milliers de raffineries clandestines situées dans les marécages du sud et traitant le pétrole brut dérobé aux grands groupes pétroliers et à la société pétrolière nationale NNPC, ont aggravé les tensions. Les militants responsables des attaques de l’an dernier ont demandé qu’une plus grande partie de la richesse énergétique du Nigeria aille au Delta (Akinleye Akintunde, 22 mars 2017)53.

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https://www.enca.com/africa/nigeria-gives-contractors-in-oil-Delta-30-days-to-resumebuilding du 22 mars 2017.

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11. Le tabou de l’homosexualité Les premiers films nigérians avaient choisi de projeter en priorité la culture, l’histoire régionale et le quotidien des familles. Mais à l’orée du vingt-etunième siècle, les cinéastes du sud, encouragés par l’accès du Nigeria à la démocratie après de longues années de régimes militaires et par la relative liberté d’expression qui l’accompagnait, et impactés par les progrès de la globalisation, se sont risqués à élargir progressivement leurs centres d’intérêt en réponse aux évènements politiques, régionaux ou nationaux affectant le pays. Ce chapitre considère l’introduction progressive de relations de même sexe dans les films nigérians et lève le voile sur les liens possibles entre le nombre croissant de ces productions, la position du gouvernement fédéral et du grand public à cet égard, et l’opinion exprimée au sein de l’élite des mégapoles et de l’étranger dans un contexte de globalisation. Entrée en politique Les films de Nollywood films ont toujours mis en avant la valeur accordée au concept de famille étendue, fondation de tous les scénarios. Comme l’expliquait en ligne un membre d’un groupe igbo en juin 2012, En pays igbo, le mariage n’est jamais conçu comme un lien entre deux individus, mais entre deux familles étendues – c’est un fait de société. […] C’est bien pourquoi le mot igbo pour ‘famille’ (ezinulo) évoque non seulement ceux qui vivent au foyer mais aussi les autres : la grande famille. Le mariage étend la famille pour le bénéfice de tous ceux qui y participent (UwandiIgbo, groupe Yahoo).

Les scénarios attirent d’habitude l’attention sur les failles du système familial traditionnel et analysent le malaise vécu par un pays aux prises avec des changements rapides qui éloignent les individus de leurs traditions sans toujours leur offrir de nouvelles valeurs. Le gouvernement fédéral a cherché à prendre position de façon explicite en vue des échanges de plus en plus nombreux de sa population avec le reste du monde et des défis concomitants. L’année 2005-2006 a ainsi vu l’élaboration de la Loi concernant les provisions pour la prohibition des relations entre personnes de même sexe, de la célébration de leur mariage et des sujets liés à ceux-ci [Act to Make Provisions for the Prohibition of Relationship Between Persons of the Same Sex, Celebration of Marriage by Them, and for Other Matters Connected Therewith], plus connue sous le nom de Loi de prohibition de même sexe 2006. Ce document a d’abord été présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice Bayo Ojo le 18 janvier 2006, mais n’a pas pu être adoptée en première lecture. Un an plus tard, le 18 janvier 2007, le cabinet nigérian a approuvé cette loi et l’a envoyée à 151

l’Assemblée nationale pour action urgente. Là, elle a été rejetée par les groupes de droits humains. Le Sénat a fini par l’adopter le 29 novembre de cette année-là. La loi a ensuite été adoptée par la Chambre des Représentants le 30 mai 2013, prenant en compte « les sentiments de l’immense majorité des Nigérians, qui condamnent l’homosexualité et soutiennent la décision des législateurs de condamner les homosexuels et les lesbiennes à un minimum de dix ans de prison » (Camillus Eboh, 2011). Le Président Jonathan, qui subissait des pressions de la part de plusieurs gouvernements étrangers, prit son temps avant de finalement signer cette loi le 7 janvier 2014, provoquant un flot d’activités médiatiques. La manipulation des jeunes Les cinéastes de Nollywood n’avaient pas attendu la ratification du projet de loi fédérale pour mettre à l’écran les ragots sur les relations jugées inappropriées se tenant dans les pensionnats entre enseignants et élèves ou entre les nouveaux élèves et leurs aînés. My School Mother (2004-05) nous introduit à Jane, la fille d’une veuve, qui vient d’apprendre qu’elle a réussi l’examen d’entrée au collège. Sa mère s’inquiète de ne pas pouvoir recueillir la somme nécessaire à son internat, mais leur église lui vient en aide et la préadolescente entre en classe de sixième. Là, elle se trouve confrontée aux brimades quotidiennes et à la corruption de la directrice. Un enseignant invite les élèves chez lui la nuit, le portier se laisse facilement soudoyer et le système des ‘mères d’école’, basé sur la création de binômes destinés à offrir protection et soutien aux plus jeunes élèves en les jumelant chacune à une élève plus âgée, est devenu un cauchemar, cette dernière initiant les nouvelles aux relations lesbiennes. Le film se contente de suggérer ces relations sexuelles féminines par des attouchements inappropriés et des expressions verbales amoureuses, présentés comme un abus de pouvoir sur des enfants de onze ans fragilisés par leur première expérience d’éloignement de leur famille. D’autres aspects du sujet sont également présentés : Women’s Affair (2003) par exemple met à l’écran une adolescente poussée au lesbianisme par les sermons constants de sa mère sur les dangers que représentent les garçons, après la mort de sa sœur des suites d’un avortement qui a mal tourné. Beautiful Faces (2004), premier film à associer lesbianisme et campus universitaires, passe au niveau supérieur, avec de jeunes étudiants tout juste arrivés en première année et aussitôt confrontés à la violence des gangs et à la matrone lesbienne du gang de filles ‘les anges blancs’. Girls’ Cot (2006), filmé à Abuja, raconte une autre histoire de campus autour de filles qui forment un gang de bisexuelles et, entre deux caresses, se prostituent à des politiciens masculins, s’acoquinent avec des trafiquants de drogue et finissent par devenir séropositives.

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Certains considèrent que les points de vue exprimés à Nollywood sont « très conservateurs en ce qui concerne le genre et la sexualité » (Lindsey Green-Simms & Unoma Azuah, 2012 : 35). Dès le début, un certain nombre de ces films ont mis à l’écran, sobrement il est vrai, des comportements sexuels déviants, révélant en même temps le lien étroit entre production cinématographique, religion et moralité, comme l’illustre Runs (2002) qui traite de la prostitution en Italie. Trois jeunes étudiantes en université à Abuja, qui vivent ensemble dans un appartement, s’y offrent occasionnellement à des ‘sugar daddies’ pour améliorer leur quotidien. Elles finissent par succomber aux promesses de l’employé d’une riche maquerelle, qui leur promet un pont d’or en Italie, et émigrent en connaissance de cause, laissant derrière elles leur colocataire chrétienne qui a refusé de les rejoindre. Adesuwa, la star de l’histoire, reviendra séropositive et gravement atteinte, tatouée, méconnaissable. La dernière scène enregistre sa conversion sur son lit d’hôpital, tandis que sur l’écran s’inscrit en grosse lettres la leçon du film : « la prostitution ne paie pas : vous en récolterez les larmes et la douleur, si toutefois vous êtes encore en vie pour raconter votre histoire. » La plupart des scénarios commentent habituellement le sort de familles brisées par l’infidélité du mari, mais ces révélations, comme celles de bien d’autres maux sociaux, ont toujours été facilement acceptées par le public. On y voyait la promotion des valeurs morales et on appréciait des films se clôturant sur un bonheur familial retrouvé et le châtiment ou la rédemption des personnages déviants, comme le prouvent les résultats de l’enquête d’Eno Akpabio (2007) auprès de 1440 Lagosiens de tous âges. Cette étude concluait que « les personnes interrogées ont une attitude largement favorable aux productions nigérianes, même si elles expriment le point de vue que ces films insistent trop sur des thèmes comme le sexe, la violence, la prostitution, les rivalités familiales, les maux liés à la polygamie, le satanisme et autres thèmes du même genre » (Akpabio, 2007 : 99). L’apparition de lesbiennes et d’homosexuels dans certains films récents – avec inclusion de scènes de lit et d’un degré de nudité – a provoqué une différente sorte de réactions : la majorité des Nigérians, d’habitude très discrets sur leur intimité, étaient à la fois curieux et choqués. Notons que les affiches et les couvertures des pochettes de VCD conservent l’image hétérosexuelle généralement acceptée comme la norme, probablement pour ne pas effaroucher le public. Azuah (2009), écrivant à propos des relations homosexuelles dans les médias populaires africains, cite le roman de Jude Dibia, Walking with shadows (2005), premier roman nigérian centré sur un personnage homosexuel. Elle note que la femme du personnage, découvrant l’homosexualité de son mari, remarque que « la société a vraiment changé et que cela [lui] avait complètement échappé » (Azuah, 2009 : 185). Ce faisant, elle reconnaît indirectement le fait que l’homosexualité ne figure nulle part dans la tradition africaine telle qu’elle nous est parvenue. Depuis quelques années, un nombre grandissant de publications, émanant pour la plupart d’activistes et de cher153

cheurs établis, soit au Nigeria, soit aux États-Unis où les études de genre sont maintenant bien développées, se sont focalisées sur les thèmes jumeaux de l’homosexualité et du lesbianisme (Murray and Roscoe, 1998 ; Tcheuyap, 2005 ; Azuah, Epprecht & Egya, 2009 ; Ume, 2009 ; Green-Simms, 2012 ; Okosun, 2012 ; Anozie, 2020 ; Ukonu & al, 2021) dans le contexte d’un mouvement global vers une égalité définie comme « le fait de s’assurer que les individus ou groupes d’individus sont traités équitablement et sans discrimination selon leur besoins, y compris dans le domaine de la race, du genre, du handicap, de la religion ou de la croyance, de l’orientation sexuelle ou de l’âge » (Université d’Edimbourg, 2014). D’autres contributions académiques féminines ont suivi, souvent caractérisées par leur point de vue externe sur la situation du Nigeria (Zabus, 2013 ; Crémieux, 2014). Comme l’explique la couverture de l’ouvrage d’Anne Crémieux, « en Afrique, l’homosexualité est un sujet tabou. On le considère comme une pratique importée, étrangère aux cultures indigènes. Partout, cependant, les opinions progressent et les activistes s’organisent. » Les publications mentionnées plus haut se basent sur le fait que « depuis dix ans, plusieurs groupes nationaux et locaux pour les droits des minorités sexuelles ont émergé au Nigeria. Composés presqu’exclusivement de jeunes au fait des notions occidentales de personnalité sexuelle via les médias transnationaux, ces groupes ont adapté la terminologie de l’identité sexuelle et les stratégies des discours basés sur les droits, du mouvement globalisant des droits homosexuels » (T. J. Ume, 2009). En 2010, au cours d’un symposium consacré aux Femmes à Nollywood, tenu à Lagos, le réalisateur Mahmood Ali Balogun, au courant de ces développements, a déclaré que « Nollywood était obligé de pousser la société en avant et que les réalisateurs avaient besoin de faire plus de films sur les sujets tabous » (Green-Simms, 2012 : 48). Le traitement de l’homosexualité à Nollywood n’a pas fini de tenter les chercheurs, comme le prouvent les études de Frida Imbolo Lyonga (2014), Blessing Alade & Paul Onanuga (2018) comme de Paul Ayodele Onanuga & Blessing Modupe Alade (2020). Réconfort et responsabilisation Le film populaire Emotional Crack (2003) est « le premier film nigérian où l’homosexualité est au centre du scénario et où on assiste à une vraie relation entre deux femmes » (Green-Simms, 2012 : 40). Chudi, un homme marié, a une amie exigeante, Camilla, une jeune femme aux cheveux courts qui fume et ne porte que des pantalons ‒ tous détails jurant avec l’image traditionnelle de la ‘jeune fille décente’. Les pantalons, aujourd’hui habituels dans les universités et les centres urbains, ont en effet longtemps été l’objet de la désapprobation publique dans les zones rurales. Fumer a par ailleurs longtemps été considéré comme une prérogative masculine, et la société décourageait cette habitude chez les femmes en raison de ses effets délétères sur la grossesse, si 154

importante pour la survie de la famille. Quant à la coiffure, on l’a longtemps admirée comme la gloire des femmes, qui ne coupaient les cheveux qu’à la mort de leur mari. Pendant que sa femme Crystal attend son retour à la maison, Chudi passe son temps avec Camilla, avant de rentrer battre sa femme. Les gros plans révèlent que sa relation avec Crystal est des plus ténues. Crystal refuse cependant de parler de ses difficultés maritales avec ses amies et sa mère veuve. Pour se donner un peu d’espace personnel, elle cherche et obtient un emploi de comptable, mais son mari refuse net de la laisser travailler, et elle finit à l’hôpital. À son retour chez elle, une église invite son mari à un séminaire sur le mariage, et, se sentant coupable, il tente de quitter Camilla. Mais, pendant une réception où se retrouvent le couple et Camilla, Chudi bat sa femme en public, provoquant la fureur de Camilla qui vole au secours de Crystal. Les deux femmes font connaissance et Crystal raconte ses difficultés maritales à Camilla, qui lui déclare son attirance pour elle et l’attire dans une relation lesbienne. Chez elle, Crystal change progressivement de comportement, résistant à son mari, lui parlant grossièrement et refusant même de faire la cuisine – un acte très mal considéré dans la culture, mais se sent coupable et finit par quitter Camilla. Dans la scène finale, Camilla tente de tuer Crystal, et lorsque Chudi s’interpose pour protéger sa femme, Camilla tourne le couteau contre elle-même. Selon un spectateur, « Emotional Crack s’écarte considérablement du film habituel de Nollywood, il est vrai, par sa représentation des relations homosexuelles. […]. Le film a réussi à amener ce sujet sur le devant de la scène, du fait qu’il reste projeté partout. Je pense cependant qu’il aurait gagné à présenter une homosexualité moins ambiguë54. » The Corporate Maid (2008) est une autre histoire de femme battue. Après six ans de mariage stérile, la brutalité de son mari pousse brièvement une jeune femme dans les bras d’une autre. Mais après les premières caresses, elle se réveille horrifiée de se voir nue au lit et s’exclame : « Oh mon Dieu ! Qu’est-ce que nous avons fait ! Qu’est-ce que tu as fait ? » Dans Mr. Ibu and Keziah (2010), une savonnette spirituellement contaminée « transforme Kezia en lesbienne ; elle couche avec sa colocataire, qui l’introduit ensuite dans une secte de lesbiennes dévouées à la prise de pouvoir des femmes » (GreenSimms, 2012 : 33). Power of lies (2011), filmé à Asaba et lancé aux États-Unis avant d’être projeté au Nigeria, raconte l’histoire d’une famille royale détruite par la préférence sexuelle affichée par leur fille. Dès la première scène, le dialogue entre le père de la fille et l’amie de cette dernière illustre l’affrontement entre la tradition et le style de vie des mégapoles : pour le père, « les relations 54

http://naijalit.wordpress.com/2012/04/12/emotional-crack-in-gay-nollywood/ (ni date ni auteur).

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lesbiennes […] ne sont pas seulement mauvaises, mais la société les abhorre, les considérant comme l’un des maux venus avec la modernisation et la soidisant civilisation occidentale. » Pour lui, cette attitude relève de l’obsession sexuelle, et il demande à sa fille de « s’établir avec un homme ». Dans la seconde scène, sa fille parle de mariage avec son amante Zaynab, sa tête sur les genoux de cette dernière qui rêve de pouvoir l’épouser « comme ça se fait dans d’autres pays ». Pour Millicent, cela n’arrivera jamais au Nigeria ; « on ne sait jamais », répond l’autre. Elles s’embrassent et se caressent, sans savoir que l’un des serviteurs du roi les espionne et prend des photos que le roi qualifiera plus tard de « dégoûtantes », persuadé que Millicent n’était pas née lesbienne, mais s’est pervertie. La mère de Millicent, qui avait conseillé à sa fille de suivre « le standard acceptable en société », va mourir en tentant de séparer le père et sa fille qui se battent. Le frère de Millicent commente : « ton style de vie embarrassant est la cause de tous nos problèmes actuels. […] Tu es tout à coup devenue lesbienne et tu n’as même pas honte ! » Plus loin dans le film, on apprend que Zaynab, l’amante de Millicent, vient juste de sortir de prison après dix ans d’incarcération pour avoir tué son père qui tentait de l’empêcher de vivre sa relation lesbienne ‒ cette révélation va la peindre comme criminelle invétérée. Dans ce film et dans d’autres, les relations lesbiennes sont présentées sans ambiguïté comme un comportement sexuel déviant provoqué par la frustration et les mauvais traitements. L’apparence des partenaires ‘masculins’ lesbiennes – leurs pantalons, leurs cheveux coupés courts, leurs cigarettes et leur agressivité – se distingue du modèle féminin traditionnel acceptable, et correspond plutôt au stéréotype de la dominatrice des villes. Les partenaires séduites, quant à elles, sont peintes comme d’innocentes victimes de la violence masculine, lentement manipulées et persuadées par des femmes dominatrices d’adopter cette intimité hors normes. L’histoire de Mr. Ibu’s and Kezia (2010) confirme, de plus, la nature spirituelle de ce qu’on considère comme déviance – une interprétation qui rappelle l’usage des cosmétiques et des articles de toilette par les sirènes dans la croyance populaire nigériane. Comme le résume Lindsey Simms (2012 : 38), « à Nollywood, l’homosexualité est présentée comme un comportement antisocial, typiquement associé à la criminalité, à l’occultisme, et à l’‘excessive’ autonomie financière des femmes », spécialement dans les films de campus. Twilight Sisters (2009), Dangerous Angels (2009) et d’autres, nous font pénétrer dans l’univers hybride des campus nigérians et ces jeunes filles indépendantes et souvent en rébellion contre leur société, reflétant en même temps l’ancienne méfiance masculine nigériane pour les akada [les diplômées], que les jeunes diplômés ont longtemps hésité à épouser.

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Un mal venu d’ailleurs L’enquête de terrain de Lindsey Green-Simms en 2010 au Nigeria a confirmé que Nollywood avait d’abord traité du lesbianisme avant d’explorer l’homosexualité. Ce dernier intérêt a très probablement été provoqué par le débat public et gouvernemental à ce sujet, les cinéastes souhaitant tirer profit de la situation pour enclencher une réflexion collective. Le sujet avait déjà attiré l’attention des médias : Les années récentes ont vu les nations africaines commencer à confronter le sujet de l’homosexualité. La Constitution de 1994 de l’Afrique du Sud compte l’orientation sexuelle parmi les droits civils à protéger, mais d’autres [pays] ont attaqué et condamné l’homosexualité. […] En réponse, les homosexuels (et quelques femmes) se sont mis à raconter leur histoire personnelle dans la presse. La Conférence de Lambeth de 1998, qui rassemble les évêques de la Communion anglicane du monde entier, a condamné l’homosexualité […] avec le soutien unanime des prélats africains, [confirmant], pour certains, la sagesse conventionnelle selon laquelle l’homosexualité est un phénomène occidental, dont la présence en Afrique s’explique comme un legs du colonialisme et/ou comme un mal introduit par les Arabes (Norbert Brockman, 2000 : 153).

Dans Sexy Game (2010), un film situé en Amérique, Betty et Richie se rencontrent à l’église, entament une relation et se marient. À partir de là, leur vie semble aller mal : le mari ne montre aucune attraction physique pour Betty, refuse toute relation sexuelle avec elle et finit par confesser son homosexualité à sa femme interloquée. À la fin du film, Betty s’éveille pour découvrir que tout cela n’était qu’un rêve. Dans Hideous Affair (2010), Mary insiste pour que son fiancé Kelvin attende le mariage pour coucher avec elle. Sur le conseil d’un ami, le jeune homme, frustré, se rapproche d’une veuve d’âge mûr qui le paie pour des relations sexuelles, et finit par coucher avec des hommes plus âgés pour de l’argent. Quand il raconte à son ami l’amour fou d’un vieux chef pour lui, celui-ci l’avertit de se taire pour éviter l’incompréhension. Ce chef est marié mais vit dans la peur de sa femme qui, en manque de relations maritales, le viole régulièrement. Un moment révélateur est celui où le vieux chef raconte à Kelvin comment il a découvert son orientation sexuelle en Europe et en Amérique où il a grandi en internat de garçons. Ajoutant que ces garçons sont maintenant tous décédés (peut-être du SIDA), il exprime son désir de prendre Kelvin pour ‘fils’. C’est seulement lorsque l’homme l’embrasse et lui demande une relation sexuelle que Kelvin réalise vraiment ce qu’il cherche, et s’exclame : « vous êtes gay ! Un homosexuel ! Un foutu sodomite ! » Il lui accorde cependant ce qu’il demande, mais après avoir couché avec lui et d’autres hommes pour de l’argent, Kelvin, tourmenté par sa conscience, finit par se suicider. L’autre chef va être abandonné par son jeune amant qui retourne aux États-Unis avec un nouveau partenaire. 157

Men in Love (2010) raconte l’histoire de Charles et Whitney, jeunes mariés et parents d’un petit garçon. Dans le film, que YouTube a ôté de l’internet parce qu’il violait le règlement de la plateforme en matière de nudité et de contenu sexuel, Charles, qui trompait déjà sa femme, finit par s’enticher de son ami Alex. Dans le dialogue initial entre les deux jeunes hommes, Alex raconte à Charles l’histoire d’un autre ami : « tu vois, même s’il voulait se marier dans ce pays, il ne le pourrait pas – tu vois, il est gay… » Bien que Charles ne semble pas surpris, il dit d’abord « ne pas comprendre pourquoi quelqu’un voudrait être gay. Je veux dire, à quoi ça sert ? Qu’est-ce qu’on y gagne ? » Il cite même la Bible pour contrer Alex. Après qu’Alex l’a drogué et l’a violé, le forçant à subir une initiation homosexuelle, Charles le suit néanmoins et va jusqu’à déclarer son amour pour lui en public, une attitude que le public du film considérait comme hautement invraisemblable. Il sera finalement délivré de cette orientation reconnue comme un asservissement satanique. En 2012-2013, Law 58, un nouveau film sur le thème de l’homosexualité, a été abondamment annoncé en ligne, et cette annonce a généré un grand nombre de commentaires témoignant de la fascination exercée par ce genre de scénarios, qui, aux yeux du public nigérian, avaient le goût du fruit défendu. Son réalisateur, Dickson Iroegbu, interrogé par le Nigerian News Update le 2 février 2012 à la suite des rumeurs concernant le film, expliquait que son intention était d’exposer « la pratique de l’homosexualité et ses conséquences », qui « entamaient progressivement le tissu de la société » (ArtsHub 2012). Selon lui, la production a traîné ensuite plus de quatre ans, freinée par de multiples difficultés : d’abord, des acteurs comme Mike Ezuruonye et Desmond Elliot ont refusé des rôles, craignant pour leur réputation. De plus, le Bureau nigérian de la censure a d’abord refusé d’autoriser le film, au moment précis où l’Assemblée nationale du pays débattait du mariage homosexuel sous la pression de gouvernements occidentaux. On murmurait maintenant que Dickson Iroegbu lui-même était homosexuel, une accusation qui l’a conduit à clarifier sa position et à affirmer que l’homosexualité était « un acte mauvais que notre culture africaine et notre religion interdisent, et par conséquent, le fait de la dénoncer, pour moi en tant que cinéaste, c’est me faire l’écho de ce que dit ma société à propos de cette hideuse pratique. » Dickson Iroegbu révélait par la même occasion que son film explorait une histoire vraie. Dans le film, Charles […] est constamment agacé par les interventions de sa mère [qui continue à lui demander] de réjouir son cœur en obtenant une place à l’université. Ce qui semblait impossible à Charles du fait de ses vaines tentatives successives pour réussir le concours d’entrée, lui arrive sur un plateau lorsqu’il rencontre […] son jardinier, qui l’introduit à un mystérieux homosexuel, le Chef Douglas […]. Le Chef Douglas tire toutes les ficelles, Charles entre à l’université […]. Charles continue son mode de vie, et aide un certain nombre de ses amis à péné-

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trer dans le club, qui devient rapidement une source de revenus pour les garçons. Mais quand il tente d’en sortir, sa vie au campus tourne au cauchemar, ses maîtres initiaux commanditant menaces et chantage contre lui (Ibitayo Popoola, 2011).

Ce qui est particulièrement intéressant ici, mis à part le fait que la production coïncidait avec le vote de la loi nigériane contre les pratiques homosexuelles dans le pays, est que c’est par opportunisme que le personnage principal décide d’expérimenter l’homosexualité. Le site britannique commente à juste titre que pour les Africains, « adopter un style de vie homosexuel peut être à la mode à l’étranger », soulignant une fois de plus l’influence occidentale exercée sur le film et l’ambition de ses producteurs d’attirer un public étranger. L’article publié dans le Vanguard en date du 28 janvier 2012 sous le titre : « COUP DE THEATRE ! Dickson Iroegbu sort un film homosexuel » s’est finalement révélé une énorme exagération – le public nigérian a massivement rejeté le film à sa sortie. Cette réception très négative pourrait bien expliquer pourquoi le film, contrairement à bien d’autres productions nigérianes, n’a été placé sur YouTube que beaucoup plus tard, le 27 février 2015. Les acteurs se défendent Pour Barrot (2005 : 51), « les films nigérians sont perçus comme étant ‘sans tabous’ : crime, drogue, prostitution, sorcellerie, adultère, corruption, politique, et même religion, tout y passe. » L’audace grandissante des cinéastes a fini par amener le Bureau de la censure, responsable de la régulation de l’industrie cinématographique, à dresser la liste des sujets à examiner : « violence, crimes, sexe et pornographie, vulgarité, obscénité, religion et autres sujets sensibles » (NFVCB, 2000 : 107-111). Cette censure exprimait ses inquiétudes dans une note de mise en garde intitulée « le besoin d’une nouvelle direction concernant le contenu des films nigérians » (Akpabio, 2007 : 91), motivée par la crainte que l’image du Nigeria ne souffre aux mains de Nollywood, brillante vitrine de l’identité nigériane. Mais celle-ci a toujours été hautement consciente de son rôle de boussole morale dans un pays où les gens, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou traditionnels, sont formés au respect des valeurs morales et où, en 2020, selon le Projet sur les attitudes globales (Jacob Poushter & Nicholas Kent), au pays, 93% des Nigérians considéraient toujours l’homosexualité comme un style de vie inacceptable. Une analyse des films de Nollywood sur l’homosexualité sortis ces dernières années prouve que, bien que reconnaissant la pratique homosexuelle et lesbienne au sein d’une frange acculturée de la société sortie du ‘placard’ dans les mégapoles urbaines, les cinéastes ont tous clairement et sans ambiguïté pris position contre ces pratiques (Voir Desmond, 2020). Ceci explique qu’ « un bon nombre de ces films se terminent par la mort, l’arrestation, la 159

conversion, ou le ‘salut’ spirituel du personnage homosexuel criminalisé et dégénéré » (Green-Simms, 2012 : 37). Les spectateurs, à leur tour, ont réagi assez violemment sur les forums nigérians en ligne, soulignant le ton irréaliste de certains de ces scénarios, insistant sur le fait qu’ils ne pouvaient ni satisfaire les groupes homosexuels ni obtenir l’approbation des audiences nollywoodiennes plus traditionnelles, et accusant les cinéastes de se servir de ces sujets tabous à des fins purement commerciales. En 2019, une enquête d’une organisation nigériane pour les droits humains, The Initiative for Equal Rights (TIERS), a confirmé que les mentalités n’avaient guère changé à ce sujet : 75% des Nigérians soutiennent encore l’application des lois contre l’homosexualité (CNN du 26 juillet 2020). Les rares chercheurs nigérians ayant publié sur le sujet partagent les vues de la population que « dans le monde globalisé d’aujourd’hui cependant, les Igbos ne peuvent pas être les clones de leur passé colonial mais doivent redécouvrir ces valeurs de créativité qui ont guidé le mode de vie de leurs ancêtres précoloniaux » (M. Enedoh, 2013). Les rares acteurs qui ont osé rejoindre la distribution des films cités plus haut ont dû faire face à des pressions et expliquer leur position. Quant au réalisateur de Law 58, il a expliqué qu’il était content de condamner l’homosexualité par le biais du film. Notons que ce film est introduit par un texte on ne peut plus clair : Il s’agit là d’une histoire vraie. La société nigériane, de par ses lois, désapprouve l’acte homosexuel. D’où le besoin de raconter cette histoire, dont tous les acteurs sont cependant fictionnels pour les besoins exclusifs de ce film. Le but est d’aider à présenter l’opinion générale née des lois de la nature, encourageant les vrais Africains à percevoir cet acte comme anormal, et non de le mettre en avant ou de le promouvoir.

D’autres acteurs connus ont, depuis, échangé sur le forum Nollywoodgossip pour défendre l’un d’entre eux, Benson Okonkwo, lui aussi accusé d’homosexualité. Il semble donc que, derrière l’explosion soudaine de films traitant de l’orientation sexuelle, très probablement provoquée par les débats politiques sur la question, rien n’a vraiment changé sur la scène de Nollywood. La ratification du projet de loi de 2011, devenu loi en 2014, encouragera certainement les cinéastes soutenant le point de vue traditionnel en matière de relations. L’année 2020 a cependant déjà prouvé que les films sur l’homosexualité continueront de sortir, poussés par un mouvement LGBTQIA+ nigérian maintenant bien établi – dans la capitale en particulier, de plus en plus visible et qui saisit tous les médias pour s’exprimer publiquement. C’est le cas de l’entretien en ligne entre Arit Okpo et deux jeunes réalisateurs, Tope Oshin et Asurf Oluseyi, concernant leur rôle dans la transformation du regard et

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des histoires sur les couples de même sexe, et sur la façon dont ils envisagent l’avenir – une émission résolument favorable aux homosexuels55. Une jeune activiste lesbienne nigériane, Pamela Adie, née à Calabar mais qui a étudié aux États-Unis et a été reconnue par la Fondation Obama ‒ qui a pour mission « d’inspirer, d’encourager et de mettre en contact ceux et celles désireux de changer leur univers56 » , a produit, en collaboration avec l’ONG Equality Hub œuvrant pour la mouvance LGBTQA, un court-métrage de 36mn considéré comme le premier film de ce genre au Nigeria, au titre yoruba, Ìfé [Amour], dont les deux héroïnes Ife and Adaora sont lesbiennes. Si la productrice assure ne pas avoir eu de difficultés à rassembler les acteurs, ses plans, révélés par la bande-annonce mise en ligne sur YouTube le 15 juillet 202057, indiquent clairement qu’elle cherche avant tout à atteindre un public étranger. Le Bureau de censure cinématographique nigérian ayant refusé de considérer le film, Pamela Adie a décidé de passer outre et, ignorant les plateformes habituelles, souhaite proposer le film en flux payant sur une nouvelle plateforme dédiée après une projection privée à Lagos et une inauguration au Canada. Sa décision a, sans surprise, attiré l’attention de la BBC (Azeezat Olaoluwa, 2020). Le Gouvernement nigérian a, entre-temps, reconnu l’importance cruciale de Nollywood pour sa contribution à l’économie du pays et à la lutte contre l’analphabétisme, comme le prouvait l’invitation personnelle du Président Jonathan, le 2 mars 2013, de l’une des premières cinéastes de Nollywood, la réalisatrice, productrice et scénariste igbo Amaka Igwe, à parler de Nollywood au Président au cours du banquet intitulé ‘Nollywood at 20 : Dinner with Goodluck Jonathan’. Et en mai 2013, au cours d’un entretien, le Président Goodluck Jonathan décrivait Nollywood comme « notre brillante lumière », avant d’ajouter : « chaque fois que je voyage à l’étranger, nombre de mes collègues me questionnent au sujet de Nollywood » (Moudio, 2013). Les invitations faites aux stars de Nollywood de se lancer dans la politique au moment où le pays préparait les élections générales de 2015 ont révélé les liens entre l’industrie cinématographique nigériane et l’arène politique, confirmés par les films qui ont, depuis, mis à l’écran les ombres et les rebondissements de la politique fédérale.

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https://www.youtube.com/watch?v=aCgJEQmNXTU&list=PUgs5oTvFB0wnAA--GWEhE wA& index=40 56 https://www.obama.org/mission/ 57 https://www.youtube.com/watch?v=N0DjdCOb5Wg du 6 août 2020.

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12. Nollywood, avatar du cordon ombilical Les films nigérians se sont aujourd’hui répandus hors du Nigeria, sur tout le continent africain et au-delà, suivant dans leurs déplacements des Nigérians déracinés qui restent reliés au village et à ses films par leur cordon ombilical enfoui au pied de l’arbre tutélaire. Ce sont les scénarios et la langue dans laquelle ils sont présentés, que ce soit l’anglais nigérian ou l’une des langues traditionnelles du pays, qui attirent la majorité du public nigérian. Le plaisir de retrouver ou de découvrir des paysages, des styles de vêtements, une gestuelle différente, les belles propriétés lagosiennes ou les danses traditionnelles – tout cela passe après. Cet intérêt marqué pour une langue que tous ne maîtrisent pourtant pas révèle l’attachement durable pour le pays ancestral parmi les migrants de longue date. Pour les Nigérians bilingues ou polyglottes de la diaspora, qui peuvent ne pas être en mesure de rencontrer d’autres Yorubas ou d’autres Igbos mais aiment visionner des films nollywoodiens en compagnie de Nigérians d’autres ethnies, l’anglais nigérian atteint son but originel – celui de rassembler les Nigérians et de contribuer à la création d’un embryon d’unité nationale qui, selon les mots d’Efurosibina Adegbija, « doit être pensée comme une ‘production’, jamais accomplie, toujours en devenir » (2004 : 111). Un bref examen des scénarios de ces films permet de mieux comprendre les raisons de l’attachement de la diaspora nigériane à Nollywood. Comme le notait déjà Haynes (1997 : 2), « de nombreux films sont tournés dans des décors ruraux ; certains se situent dans le passé ; un grand nombre sont consciemment ‘traditionnels’. » S’adressant au public nigérian et à sa diaspora, ces films ne commentent pas leur environnement. Les décors – centres communautaires, hôpitaux ou églises – sont habituellement impossibles à localiser, hormis lorsqu’ils se trouvent mentionnés dans les remerciements en fin de film, offrant ainsi de précieux détails. Les scénarios mentionnent plutôt ‘la’ ville ou ‘le’ village, qui pourraient se situer n’importe où dans la région, même s’il est parfois possible de reconnaître au passage certains sites inhabituels comme l’Université de Nsukka, les collines de Milliken ou d’Udi au sud-est du pays. Les réalisateurs s’appuient exprès sur les stéréotypes, donnant aux paysages urbains ou ruraux une valeur symbolique – le village est ainsi évoqué par des sentiers poussiéreux et des champs d’ignames, la ville au travers de ses rues encombrées, de ses échangeurs et de ses imposantes propriétés. La raison de ce choix est que le décor des films est, pour le Nigérian moyen, bien moins important que le fil du récit, même si l’angle sous lequel est présenté le décor joue un rôle important dans le message à transmettre. Le récit permet en effet de comprendre les actions des protagonistes et renforce le message que le comportement individuel est

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en grande partie déterminé par le milieu familial. Il explique également l’importance de la spiritualité dans le quotidien des protagonistes. Du village à l’étranger en passant par la mégapole Les films nigérians, solidement ancrés dans la chronologie, offrent un vaste panorama allant du passé au présent et intégrant l’avenir, et se déplacent aussi horizontalement, faisant la navette entre le village ancestral, la ville et l’étranger – même s’il n’y a pas de lien apparent entre l’année de production et le temps du récit.

x Certains scénarios se déroulent en zone rurale à l’époque précoloniale, soutenus par toute la panoplie héritée de la tradition : ornements corporels (tatouages, joaillerie), festivals, occupations et loisirs d’antan (travaux champêtres, jeux de lune, musique, tournois de lutte à mains nues, contage, médecine traditionnelle et divination, guerres intestines). Le ‘village’ qu’ils évoquent est habituellement impersonnel mais reconnaissable à ses étroits sentiers, ses maisons de chaume, ses concessions herbues et ses protagonistes vêtus de pagnes, ses hommes au torse nu et ses chefs en tenue traditionnelle. Le but de films comme The Battle of Musanga (1996), Snake Girl (1998) ou Silence of the Gods (2006) semble être de remplacer les manuels d’histoire manquants ou de se charger de leur vulgarisation, pour aider la population à redécouvrir son passé et à apprécier ses traditions – ce qui explique l’image généralement positive, optimiste, qu’ils donnent de ce passé, mises à part quelques évocations de l’esclavage comme dans Sitanda (2006). Un genre de films un peu différent, porteur d’une réflexion plus approfondie, a émergé voici quelques années, traitant de la période postcoloniale – Across the Niger (2004) par exemple, inspiré par la guerre du Biafra (1967-1970). x Les films qui ont longtemps constitué la majorité des productions nollywoodiennes présentent une image en diptyque de la vie quotidienne : certains se déroulent principalement dans un village contemporain et traitent de sujets intéressant les zones rurales – litiges fonciers, traitement traditionnel de la maladie et des décès ou efforts des familles pour échapper aux malédictions anciennes. D’autres, de plus en plus nombreux, se déroulent, à l’instar d’Evil men (1998), All my Life (2004) et Taxi Driver (2015), dans les mégapoles de la fédération, Lagos en particulier, et le village y est relégué à l’arrière-plan : l’exode rural, débuté vers la seconde moitié du 20e siècle, y emmène la jeunesse rurale vers la ville et l’étranger en quête d’une vie meilleure. Dans ces films, le village signale le début et la fin du récit – c’est un lieu de pauvreté mais aussi de sécurité, où la moralité a encore cours et où la patience et le bon comportement finissent par obtenir leur récompense. Le chant-thème igbo de In the Beginning (2002) annonce ainsi au tout début que « le diable n’a pas de pitié. À la fin, la volonté de Dieu s’accomplira », et le 164

film se termine sur la confirmation de ces dires : « le mal commis au début viendra poursuivre [le coupable] à la fin. » x Un nouveau type de films, représentatifs du début du 21e siècle et appartenant pour la plupart à la catégorie du ‘nouveau Nollywood’, évoque des protagonistes en constant déplacement entre le Nigeria urbain et l’Occident, dans le sens sud-nord – des voyages motivés par les affaires ou les hautes études, mais aussi par les visites aux familles établies en diaspora ou une émigration envisagée comme durable, ou au contraire dans le sens nord-sud motivé par le choix du retour. C’est le cas de productions comme Osuofia in London (2003), Zero Your Mind (2003), Love in Berlin (2005), The Meeting Point (2007), Turning Point (2012), Gone too Far (2013), The Price (2017) et The Royal Hibiscus Hotel (2017). x Un dernier type de films, comme Just One Blood et The Lost Café, tous les deux de 2018, se situe presqu’entièrement ou entièrement à l’étranger, soit dans des pays voisins du Nigeria, soit en Angleterre, aux États-Unis ou plus loin encore. Ceux-ci permettent de découvrir le fossé entre le quotidien des Nigérians et les traditions ancestrales d’une part, et l’expérience de l’étranger d’autre part, et révèlent les difficultés de Nigérians confrontés à un environnement athée ou indiffèrent au sein duquel les croyances ancestrales ne trouvent plus aucun écho – comme Life in New York (2004), qui traite de l’adultère. On trouve dans ces films de nombreux éléments de syncrétisme. Le personnage principal y visite successivement le dibia/babalawo, le spiritiste et le pasteur. Les activités des citadins révèlent les liens solides qui les rattachent au village ancestral : ils économisent pour soutenir leur famille et leur clan, bâtissent sur les terres paternelles une maison à étages destinée à asseoir leur statut et à faciliter leur retour périodique, contribuent à l’édification d’hôpitaux, de centres communautaires ou d’écoles. Ils gardent la pratique du confiage (Ugochukwu, 2005), assurant la formation et l’éducation d’enfants issus de la grande famille. Même lorsqu’ils sont établis à l’étranger, les Nigérians, et tout spécialement les Igbos, gardent l’habitude du retour au village à la Noël pour participer aux fêtes, funérailles et réunions de clan de fin d’année. Dans les films, le village est principalement représenté par les parents âgés, la parenté et les belles-familles, qui rendent périodiquement visite à leurs membres citadins pour délivrer un message ou quémander une aide matérielle ou financière. Le village mène au tradipraticien, guérisseur et conseiller, respecté autant que craint, dont la hutte est la dernière étape à la lisière de la forêt, domaine des esprits. Du fait que les ruraux restent massivement adeptes de la religion traditionnelle, craignent les présages et observent scrupuleusement les coutumes, le dibia reste proche du village, sachant bien qu’on ne prend aucune décision importante sans le consulter. Plus de la moitié des personnages sont 165

liés par des pactes et des serments auxquels ils ont été poussés par la peur, et les films inspirés par le christianisme se terminent par la délivrance ou la damnation du personnage. Des couples sans enfant s’engagent auprès des esprits en désespoir de cause ; des enfants ogbanje/abiku signent un pacte auprès de leur groupe avant de pénétrer dans ce monde. Dans Egg of Life (2003), Ikemefuna, fils unique du chef de village, est un ogbanje qui s’est engagé vis-à-vis de son groupe à vivre une enfance maladive et à mourir en atteignant l’âge adulte. Mais lorsque vient le temps pour lui de tenir sa promesse, il refuse, ne pouvant se résoudre à faire de peine à sa mère. Son groupe prévaut cependant et il meurt. Dans ce film et dans d’autres, le monde des esprits n’est jamais loin – de nombreux scénarios évoquent des parents décédés revenant hanter leurs meurtriers et demander vengeance, et des esprits répondant à l’appel du dibia. Les ancêtres restent présents dans le quotidien de leurs fils et reçoivent leurs libations. Ils sont également présents lors de la prière traditionnelle sur la noix de kola, dans le respect scrupuleux des généalogies et la croyance dans la réincarnation. La tradition revue et corrigée La présentation du village et des croyances ancestrales n’est jamais neutre, loin de là. L’étude de ces films permet de découvrir que la plupart d’entre eux ont une attitude critique vis-à-vis de la tradition, qui se manifeste dans le discours des personnages – tradipraticiens, anciens et villageois – et dans la façon dont sont introduits le village, son réseau de relations et la politique locale. Un certain nombre de films remettent en question des traditions immémoriales liées au mariage, à l’éducation des enfants et au veuvage. Il est intéressant de noter que Nollywood révèle généralement une vue négative du village et de tout ce qui s’y rapporte – maisons inachevées, rues boueuses et défoncées, emplois précaires, veuves réduites à la misère, lutte impitoyable pour la terre servie par la sorcellerie, la pauvreté et la jalousie. Dans Evil Men (1998), le village, sous des apparences paisibles et accueillantes, cache des bas-fonds criminels, remarquablement organisés et impitoyables. Tous ceux qui tentent d’amener la modernité sont assassinés ou réduits à la faillite. One Dollar (2002) met à l’écran des ruraux aussi envieux qu’ignorants : les parents d’une adolescente dont le bon ami, un instituteur, soutenait la famille et payait les études secondaires, reçoivent la visite d’une riche commerçant du village dont le fils est aux États-Unis, et rejettent l’instituteur dans l’espoir de vendre leur fille au plus offrant. Osuofia in London (2003), une comédie particulièrement appréciée, va plus loin : le voyage de son héros, Osuofia, un villageois illettré et peu intelligent, à Londres pour y récupérer l’héritage d’un frère défunt, étalera au grand jour son ignorance et son incapacité totale à gérer l’interculturel. Essence of Life (2007) présente un jeune avocat endetté et ruiné par les demandes constantes et déraisonnables de sa famille. Tous ces films, y compris Nine Wives 166

(2005), offrent en outre une critique féroce de la polygamie. Dans Evil Men, une coépouse jette un sort sur l’enfant de l’autre femme. Dans Calabash (2000), les deux premières épouses du chef trompent leur mari après l’avoir accusé de favoritisme au profit de la troisième, et se liguent contre cette dernière avant de s’enfuir de nuit. Les membres du cabinet du chef et les anciens du village sont loin d’être toujours honnêtes. Les films les peignent le plus souvent comme faibles, partiaux et envieux, facilement influencés par les promesses d’honneurs ou les pots-de-vin. Les chefs eux-mêmes sont corrompus, violents, trompés par de mauvais conseillers ou tout simplement affaiblis par les querelles familiales. Dans Evil Forest (2000) par exemple, lorsqu’un vol est découvert au palais, mettant le trône en danger, la fille unique d’une veuve indigente est accusée faussement, et mère et fille sont chassées hors du village. Le même scénario se reproduit dans Evil Men : Nneka, qui vit dans la misère après avoir perdu son mari et son fils assassinés par des hommes de l’entourage du chef, est faussement accusée de leur meurtre et nous assistons à son procès. Le chef, affaibli et incapable de juguler le mal qui ronge la communauté, bannit la veuve. Les dibia sont parfois humbles assez pour reconnaître que leur don se limite à révéler la vérité cachée des situations, comme dans The Peoples’ Club (2006) où ce jeune tradipraticien informe ses clients concernant la mauvaise réputation de la société secrète. Mais ces gens sont le plus souvent peints comme des charlatans, profitant de leur position et du respect qu’ils inspirent pour soutirer de l’argent à leurs clients et ‘aider’ les ennemis qui viennent séparément quémander leurs services. Leurs clients ne sont cependant pas dupes et, ne croyant qu’à moitié aux pouvoirs des dibia, ajoutent à leurs concoctions les rituels spiritistes et les prières des pasteurs. Dans 9 Wives (2006), Onuwa et Titus, deux bons amis, se rendent à Lagos pour recevoir l’héritage d’un frère défunt, et le frère du défunt finit par éliminer sa veuve grâce aux services du dibia pour hériter seul. Les dieux eux-mêmes sont généralement présentés comme exigeants, cruels et peu dignes de foi. Dans Snake Girl (1998), la divinité reptile se révèle cruelle et déterminée à ruiner une famille entière par tous les moyens. Les films continuent de prouver, parfois à leur insu, en passant, la résilience de traditions immémoriales comme la préférence donnée aux enfants masculins – The Suitors (2000) met ainsi en scène Junior, un garçonnet d’environ huit ans, qui filtre les visiteurs de ses parents au portail, se charge de servir les boissons et seconde son père dans ses décisions. D’autres traditions sont cependant, ici et là, remises en question au travers de scénarios qui les présentent comme des injustices. Le mariage est au centre de la plupart des films, pour dénoncer les mauvais traitements et le favoritisme qui vont de pair avec la polygamie (All my Life, 2004), pour décourager les mariages arrangés et prendre ses distances vis-à-vis des tabous liés au traitement des Osu. Dans de nombreux films de Nollywood, les pressions exercées sur les 167

maris pour prendre une seconde épouse, la plupart du temps à la suite de la stérilité apparente du couple, émanent du village et des traditions, et les réalisateurs n’hésitent pas à en démontrer les conséquences désastreuses. C’est le cas dans The Peoples’ Club (2006) où la famille d’un chef, millionnaire et déjà âgé mais dont la femme n’a pas eu d’enfant en vingt ans de mariage, lui reproche de ne pas avoir pris une seconde épouse – on apprendra plus tard que cette stérilité est le fait du mari, qui a échangé sa virilité pour la richesse. L’un des sujets les plus fréquemment critiqués dans les films est, on l’a vu, le traitement infligé aux veuves, et son corollaire, la pratique du lévirat (Evil forest, Women’s Cot, Evil men, Calabash, My Mother’s Decision). Les veuves établies au village sont rarement heureuses : au mieux, elles dépendent de leurs fils pour survivre, se débattent pour joindre les deux bouts en cultivant un lopin de terre, sous la menace continuelle de leur belle-famille. Celle-ci fait pression sur elles pour qu’elles acceptent le lévirat ou se prostituent, s’empare des biens laissés par le défunt, tente d’isoler la veuve de sa propre famille et va parfois jusqu’à éliminer ses fils en toute impunité. Calabash (2000) met ainsi à l’écran une veuve victime des querelles entre deux frères. Pour protéger l’institution du mariage, crucial pour garantir la perpétuation du culte traditionnel, la continuité des généalogies et la culture de la terre, la culture igbo a toujours tout fait pour décourager les jeunes filles d’avoir des enfants hors mariage, tout en offrant à ces enfants un foyer chez leur grand-père. S’il est vrai que ces jeunes femmes, une fois mères, ont parfois du mal à trouver un mari, le fait que leur fertilité soit prouvée leur permet habituellement de devenir la seconde épouse d’hommes plus âgés en quête d’héritier. Les films, qui mettent en avant la détresse des couples sans enfants (Upside Down, 2006), révèlent et critiquent la stigmatisation des mères célibataires et de leurs ‘batards’. La majorité des films nollywoodiens présentent une critique caustique des traditions issues de la ruralité, ce qui ne les empêche pas de dénoncer les déviances qui prolifèrent en ville comme la promiscuité connue sous le nom de ‘polygamie progressive’, avatars des traditions ancestrales, offrant ainsi une image équilibrée de la société nigériane. Par ailleurs, l’invasion du mode de vie traditionnel par l’obsession citadine pour la richesse apparaît au grand jour dans End of Pride (2007), qui traite du coût exorbitant des funérailles – tenues, bijoux et banquets – et dans August Meeting (2001) qui met à l’écran, comme bien d’autres films, l’impact dévastateur de la course à l’argent et au prestige qui gangrène le pays igbo et les structures villageoises – rappel constant de l’interdépendance du village et de la cité, de la tradition et de la modernité. L’écran, chemin vers le pays Pour mieux comprendre la valeur accordée à ces films, concentré de cultures nigérianes, par les Nigérians de la diaspora, il convient de considérer la si168

tuation de cette diaspora, examinée ici par le biais de son échantillon londonien. Ces communautés, tiraillées entre le pays d’où elles viennent et celui qu’elles habitent, tentent de garder leurs traditions comme une ancre, tout en adoptant, en ville, vêtements et postures occidentales comme une façade, un masque prouvant leur modernité et censé leur garantir le succès. Les études de terrain menées au sein de la seconde génération de Nigérians révèlent que ces communautés sont menacées de devenir, à la longue, des clochards culturels errant quelque part entre leurs deux cultures – celle qui les a nourris et celle dans laquelle ils baignent au quotidien mais qu’ils n’ont jamais adoptée : Le problème est que de nombreux Yoruba de Londres ont négligé de transmettre leurs traditions à leurs enfants. Quelques-uns insistent pour parler yoruba chez eux, mais la plupart ont abandonné tout effort pour enseigner cette langue à des enfants peu enthousiastes, et l’anglais est devenu la langue de la famille. Il est vrai qu’ils ramènent leurs enfants au pays en vacances, et que certains sacrifient des poulets à leurs divinités en cachette dans leurs arrière-cours. Mais au fond, la culture et la langue yoruba, telles qu’on les connaît au Nigeria, sont en déclin rapide. […]. Beaucoup souhaiteraient rentrer au pays, mais ils ont honte de devoir admettre leur échec à leurs amis et parenté là-bas (Robin White, 2005).

Entre 2000 et 2010, « la dimension diasporique de l’audience nollywoodienne […] a progressé régulièrement » (Okome, 2010 : 30), particulièrement au Royaume-Uni qui a vu à cette époque une explosion du nombre de ventes de VCDs/DVDs en kiosque – aujourd’hui, c’est sur Netflix, en salle et en flux que les Nigérians regardent leurs films. Cette affirmation et ce qu’elle implique – que l’on peut apprendre une langue et la culture qu’elle exprime, ou reprendre contact avec elles, au travers de l’expérience cinématographique – m’ont conduite à interroger les Nigérians du Royaume-Uni au sujet de Nollywood (Ugochukwu, 2011). La plupart d’entre eux sont d’avides consommateurs de ces films et il était donc normal de les consulter concernant les scénarios, les langues nigérianes des dialogues et des chants et la possibilité que le visionnement des films permette leur apprentissage. Ils ont également été interrogés sur la contribution potentielle de Nollywood à la naissance et au renforcement d’identités collectives, que ces spectateurs soient igbos, yorubas ou issus d’autres ethnies. Les Nigérians de la diaspora passent une partie importante de leurs loisirs en compagnie de compatriotes, à regarder des films en anglais nigérian, massivement préférés aux films étrangers et facilement accessibles. Les communautés diasporiques profitent en outre des projections occasionnelles disponibles pendant les festivals, comme en octobre 2010 pendant la semaine consacrée au festival ‘Nollywood Now’ qui s’est déroulé dans l’arrondissement de Deptford, considéré par son maire comme « abritant la majorité des Nigérians du pays. » Y étaient projetés en salles le documentaire canadien Nollywood Baby-

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lon (2008) et les films Osuofia in London (2003), Dangerous Twins (2004) – un film policier tourné à Londres et à Lagos, White Waters (2008), et Arugba (2009), un film en yoruba d’abord sorti en salle à l’Odéon de Greenwich. D’autres films avaient déjà été projetés en Angleterre : en septembre 2004, « un premier film nigérian, Echoes of War, était sorti dans quatre salles londoniennes que le British Board of Film Classification venait d’autoriser à s’équiper pour des vidéo-projections » (Barrot, 2005 : 35). Au cours d’un entretien, Adekunle Detokunbo-Bello, qui a enquêté auprès des communautés yorubas de Londres, rapportait que Ce qui les attire vers les films […] pourrait être plusieurs choses : les costumes, le scénario, ou le contenu du film. Par exemple, vous vivez à Londres, et vous n’avez aucune idée de la date à laquelle vous allez rentrer au pays, vous savez peut-être que vous ne rentrerez jamais, ou peut-être que vous êtes le fils d’un immigrant, et peut-être que vous avez seulement entendu des histoires concernant le village, et à quoi ressemble […] le village de vos parents, qui est le vôtre aussi mais où vous n’êtes jamais allé, on vous en a parlé et soudain, vous le voyez sur l’écran. […] Les Nigérians – tout particulièrement les Nigérians de Londres - sont intéressés par les films produits par des producteurs nigérians qui […] montrent la culture de leur groupe (Detokunbo-Bello, 2010).

David Katan (2004 : 26) définit la culture comme « les activités artistiques et sociales, les expressions et les goûts appréciés par une société », cet « apprentissage naturel, inconscient, de la langue, du comportement, des valeurs et des croyances [acquises] par le biais de l’écoute et de l’observation. » Le public nigérian se connecte à sa culture par le biais du visionnement de groupe des films – un exercice qu’il chérit particulièrement parce qu’il identifie la personne dont l’identité est constamment menacée par la pression qui s’exerce sur elle pour s’adapter à la société étrangère. Les personnes interrogées en 2011 se souvenaient d’avoir d’abord été séduites de voir des films « produits localement, dans la langue locale et par les gens de chez eux », une nouveauté, quelque chose de « très différent de tout ce qu’elles avaient vu précédemment » (Ugochukwu, 2020). D’autres facteurs les ont accrochés ensuite : la présentation de villes nigérianes modernes comme Lagos et Abuja (57,8% réponses), de leur propre culture (48,9%) et de la vie rurale/traditionnelle du pays (53,3%) – des résultats confirmant la remarque d’Akpabio (2007 : 97) selon lequel « le léger avantage que possèdent les films nigérians sur les films étrangers, du point de vue du public, ne peut pas être séparé de leur présentation de la société nigériane. » Comme le résume le cinéaste Charles Novia, « nous racontons nos histoires à nous et je confirme qu’elles sont bien reçues par les gens de chez nous » (Okome, 2010 : 34). Lorsqu’on leur demande de parler de leurs préférences, les spectateurs mentionnent le portrait que font les films de leur culture : « proche de ce qui concerne les gens et abordant des sujets actuels,

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Nollywood offre une sorte de journal social de la vie collective, du vécu quotidien des Nigérians » (Okome, 2010 : 35-36). Le public apprécie les scénarios avec lesquels ils peut s’identifier et les scènes d’extérieurs ensoleillés. Il aime le suspense, l’humour, le talent des acteurs et les chants brodant sur le thème du film. Les spectateurs plus âgés sont heureux d’entendre les acteurs parler leur langue maternelle, et les chrétiens apprécient le traitement religieux des sujets et la condamnation de la sorcellerie. La jeune génération aime ces films pour leurs récits urbains, qui leur sont familiers. Les enquêtes ont indiqué un certain nombre de marqueurs culturels reflétés dans les scénarios – la gestion du temps et de l’espace, de l’environnement naturel et social, la gestuelle, la réponse face aux situations et aux circonstances, les croyances, les vêtements, la musique, les proverbes et adages. Le cinéma seul a le pouvoir de transporter les spectateurs au Nigeria, de leur permettre d’y vivre par le biais du film et de partager ainsi le quotidien de leurs compatriotes. Le visionnement des films nigérians est un moyen de bâtir une communauté de migrants au sein de la société d’accueil, tout en nourrissant une identité de groupe permettant de résister à l’acculturation. Comme le résume une Nigériane, « quand je regarde ces films, je me sens revenue à la maison » (Ugochukwu, communication personnelle, 2020). Regarder des films nigérians en famille ou entre compatriotes permet en outre de faire l’expérience d’un voyage à rebours. C’est une façon de remonter le temps en rentrant virtuellement au pays, « une expérience rituelle » (Dipio, 2008 : 60) et une thérapie de groupe. L’école des loisirs Le visionnement de films nigérians joue un autre rôle, vital : celui de transmettre les valeurs et les cultures nigérianes à la jeune génération – ce qui manquait dans les diasporas. S’asseoir pour regarder ces films, c’est un peu comme s’installer dans une salle de classe virtuelle : un certain nombre de personnes interrogées précédemment (Ugochukwu, 2009) insistaient sur la valeur éducative des films, expliquant qu’ « ils ont une leçon à donner » et qu’en fin de compte, tous les spectateurs sont d’accord sur le fait que Nollywood a beaucoup à enseigner – la langue, la culture et la morale. Pour Sereda (2010 : 194), les films de Nollywood, qui voyagent mieux et plus loin que ceux en langues africaines parce qu’ils sont en anglais, « incarnent leur propre pédagogie, dont le but est de cultiver, par le biais du divertissement, les valeurs sociales et l’esprit civique chez le public africain. » Le fait que les personnes interrogées insistent sur l’importance des valeurs morales et le contenu didactique des films – un trait caractéristique des Nigérians – est un signe de plus du désir de passer ces valeurs à la jeune génération et d’assurer la survie de la culture au sein de la diaspora nigériane. Au pays, immergés dans leur environnement, les Nigérians auraient absorbé leur culture sans effort. Au Royaume-Uni, les films de Nollywood, perçus comme un outil 171

culturel essentiel, sont mis à contribution dans ce but – quelqu’un les a qualifiés de « gardes d’enfants » après avoir observé des parents déposer leurs enfants devant l’écran de télévision pendant qu’ils vaquent à leurs occupations domestiques. La langue a-t-elle un rôle à jouer dans cet apprentissage ? Pour Chikwendu Anyanwu (2010), « un peuple sans langue est un peuple sans voix. Un peuple sans langue est un peuple sans identité, parce que c’est la langue qui nous identifie comme Igbos, Yorubas ou Hausas […]. Si personne ne parle igbo, il n’y a personne qu’on appelle Igbo58. » Dans son ouvrage sur Language and Identity (2009), John Edwards remet en question la centralité de la langue dans la construction de l’identité collective, et propose une illustration bien différente de l’identité culturelle. Il cite Arthur Koestler (1976 : 157) à propos de la diaspora juive qui « a préservé son identité religieuse mais a changé de langue selon les besoins » (Edwards, 2009 : 205). La question est de savoir si cette théorie peut s’appliquer aux Nigérians de la diaspora, dont les langues ethniques disparaissent progressivement du fait des déplacements, des mariages interculturels et du multilinguisme des foyers qui en résulte. La réflexion suivante, mise en ligne sous le titre : « avez-vous des difficultés concernant votre identité culturelle (nigériane/britannique)? » et datée de 2010 mais toujours actuelle, semble le prouver : Je suis Igbo, nigériane, née à Londres où j’ai grandi, et je me sens de plus en plus étrangère. Je ne suis pas assez nigériane pour les Nigérians et les autres Africains, et je ne suis pas assez anglaise pour les Anglais ! […] Mes parents m’ont parlé anglais, ce qui fait que je ne comprends que certains mots, certaines phrases [d’igbo], mais certains Igbos s’étendent volontiers là-dessus, comme s’il n’y avait pas des Igbos nés et élevés au Nigeria qui ne parlent pas igbo non plus. En général, les Nigérians me considèrent comme nigériane, mais sous-estiment habituellement mes connaissances et mon intérêt pour ma culture. Si je commente la politique nigériane, si je les informe que j’ai lu Chimamanda Adichie ou Chinua Achebe ou si je reconnais un acteur ou une actrice de Nollywood, ils ont l’air de tomber de haut ! Est-ce que ça vous est familier59 ??

En conclusion Il y a bien des années, et dans un autre paysage politique, Awolowo disait que « le Nigeria n’est pas une nation. […] Le mot ‘Nigeria’ est juste une appellation distinctive pour désigner ceux qui vivent à l’intérieur des frontières du Nigeria par rapport à ceux qui sont en dehors » (Chukwuemeka Onwubu, 1975 : 399). Aujourd’hui, les Nigérians de la diaspora se rassemblent et Nollywood a joué un rôle primordial à cet égard, offrant un espace 58 59

www.igboheritage.org/8.html http://uk.answers.yahoo.com/question/index?qid=20100111065653AAt4Fhq.

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virtuel qui facilite « un resserrement des distances physiques [qui] aide les migrants à maintenir des liens sociaux, économiques et politiques avec leurs pays d’origine et avec les groupes établis ailleurs mais partageant des identités similaires » (Vijay Agnew, 2005 : 11). Ce changement correspond aux efforts du Gouvernement nigérian pour persuader les Nigérians qui ont réussi à l’étranger que le pays reconnaît leurs talents et leur rôle de « participants-clefs », et les encourage à « s’impliquer dans le processus de développement du pays » (Iroegbu, 2009) ‒ en 2018, le Nigeria a établi le 25 juillet de chaque année pour célébrer sa Diaspora 60. Les films nigérians pourraient être accusés de garder les Nigérians de la diaspora dans l’incertitude, résistant à l’acculturation et enracinés dans un espace ‘entre-deux’. Ils les ont pourtant encouragés à « récupérer leur culture et leur histoire » (Onuzulike, 2010 : 88). Ils les ont en tout cas aidés à vivre au mieux leur situation, comme un cordon ombilical nourrissant sa diaspora d’images et de sons venus du pays. Ils pourraient même encourager certains à apporter leur contribution à l’économie ou à l’éducation du Nigeria, et – pourquoi pas ? – rentrer au pays, comme les y invitait l’auteur du premier roman igbo (Nwana, 2011 : 21). Une chose est sûre : « imaginer le pays est une véritable force au sein des communautés diasporiques » (Emmanuel Akyeampong, 2000 : 185), une force que les Nigérians tirent aujourd’hui du visionnement régulier des films de Nollywood.

60

https://www.theafricancourier.de/africa/nigeria-declares-25-july-national-diaspora-day/ daté du 24 juillet 2019.

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13. La France, porte de la francophonie Après le soutien humanitaire français au Biafra entre 1967 et 1970 et la publication de plusieurs ouvrages à ce sujet par des journalistes français (Ugochukwu, 2010), les relations bilatérales entre la France et le Nigeria ont repris, et « depuis 1973, on constate un développement phénoménal des échanges économiques entre le Nigeria et la France » (Jibril Ibrahim, 1992 : 21), encouragé par l’implantation des compagnies pétrolières dans le Delta du Niger. Ces échanges ont aussi facilité l’offre de bourses d’études à de nombreux étudiants nigérians, inscrits dans les universités françaises dès la fin de la guerre, en même temps qu’un certain nombre d’enseignants francophones d’Afrique de l’Ouest étaient envoyés des pays voisins vers le Nigeria pour répondre à la demande nigériane d’enseignement du français en secondaire. On ne s’étonnera donc pas qu’un nombre grandissant d’ouvrages aient été publiés depuis sur le Nigeria en français (Bach, 1986 ; de Montclos, 1994 ; Lebeau, 1997 ; Bousta Nouhou, 2005 ; Lavaud-Legendre, 2015 ; Ugochukwu, 2009/2010/2015 ; Moukoko Mbonjo, 2019 ; Akinpelu, 2020, entre autres). L’ouverture de l’Institut de recherche française au Nigeria (IFRA) à Ibadan en 1990 a concrétisé sur le long-terme le soutien intellectuel et culturel de la France au Nigeria et leur collaboration culturelle. Le monde littéraire français a lui aussi été fasciné par la découverte du Nigeria, et de Lagos en particulier, porte de la fédération 61, comme le révèlent les nombreuses traductions françaises de romans nigérians et l’entretien avec l’écrivain et journaliste français Pierre Cherruau dans L’Ours Polar en 2000. Le 14 décembre 2006, UBIFRANCE (www.ubifrance.fr), un réseau commercial cherchant à faciliter les contacts et le développement des entreprises françaises au niveau mondial, organise un séminaire : ‘le réveil du géant africain’, consacré au Nigeria. Claude Egnell, qui a travaillé avec la société pétrolière ELF et les patrons nigérians pendant plus de trente ans, et Maître Boedels, avocat parisien et ancien ambassadeur de France au Nigeria, sont parmi les invités. Ils vont plus tard créer l’association France-Nigeria, qui facilite, depuis, les échanges entre les Nigérians étudiant ou travaillant en France et les Français en relations professionnelles avec le Nigeria.

61

https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/nigeria-la-litterature-et-l-edition-en-pleinboom _ 3354763.html

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Premières publications sur le cinéma nigérian Le cinéma au Nigeria (1984), premier ouvrage sur le sujet, de Françoise Balogun, épouse française du cinéaste yoruba Ola Balogun, l’un des pionniers du cinéma nigérian, a marqué un tournant dans l’exploration française du monde artistique nigérian. En 1973, Ola Balogun a tourné Alpha, le premier long-métrage réalisé par un cinéaste nigérian, sur le parcours d'un intellectuel africain déraciné à Paris, ce qui lui a permis de révéler les difficultés de la diaspora. L’apparition, en 1992, des premiers films de Nollywood n’est donc pas passée inaperçue en France, et a d’abord conduit à la publication de l’ouvrage pionnier de Barrot (2005) puis de son édition anglophone, à une époque où « Nollywood est « un phénomène qui reste largement inconnu, particulièrement hors d’Afrique » (Barrot, 2008 : xii). Celui-ci considère alors le fait d’écrire sur Nollywood comme un défi, du fait que « selon l’estimation la plus modeste, environ 7 000 films [avaient] été tournés dans ce pays entre 1992 et 2005. » Pour lui, « cette gigantesque production de films-vidéos constitue un phénomène social, économique, culturel sans précédent », et son ouvrage, qui se défend d’être « une référence absolue pour les cinéphiles les plus avertis » (2005 : 5-6), cherche tout au plus à introduire Nollywood au monde francophone, à partir de textes de réflexion entrecoupés d’intéressantes analyses de films – dix échantillons représentatifs de la production nigériane. Plusieurs articles de presse ont ensuite été publiés, dont ceux de JeanChristophe Servant, « Miroir d’une société en ébullition: Boom de la vidéo domestique au Nigeria », dans Le Monde diplomatique de février 2001, de Catherine Bédarida, « Nollywood made in Nigeria », dans Le Monde du 16 mai 2008, et d’Elisa Mignot, « Bienvenue à Nollywood, deuxième producteur mondial de films », dans Le Monde du 25 décembre 2009. Ce dernier article signalait les revers du nouveau cinéma dans les festivals internationaux comme le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), bien connu des Français qui y promeuvent les films francophones. Il annonçait également la tenue, du 9 au 12 décembre à PortHarcourt, sur la côte du Nigeria, du sixième festival international itinérant de l'ION, dédié à la promotion des films indépendants, des documentaires, des films d’animation et des vidéos de musique, créé en 2004 pour « mettre Nollywood à l'honneur. » En août 2008, le photographe sud-africain Pieter Hugo avait par ailleurs été primé à Arles pour son exploration – fantaisiste et controversée, il est vrai – des productions nigérianes dont les photos, prises à Enugu, en pays igbo, sont diffusées sur l’Internet et publiées dans la presse – Le Monde et Libération en particulier, mais aussi les quotidiens gratuits comme 20 minutes.

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Les films nigérians atteignent depuis longtemps des sites francophones comme ceux de Grioo.com, Africinfo62 – « l’agenda culturel d’Afrique » – et du blog québécois ‘Parole citoyenne’, qui a diffusé un commentaire très positif sur « le sens de l’urgence de Nollywood ». Le 20 août 2006, Radio France Internationale présente l’émission « Naissance d’un géant des images » d’Élisabeth Lequeret. Les 11-12 décembre 2006, le congrès annuel de l’Association d’Études françaises du Portugal, qui se réunissait pour considérer ‘Les Espaces de la francophonie en débat’, est l’occasion de la communication de Marc Garcia sur Nollywood, présentée en français et intitulée : « Cherchez le naturel… il repart au galop! Exotisme et authenticité dans le cinéma africain ». Cette expansion a ensuite été encouragée par les visites d’acteurs organisées dans diverses capitales européennes : en 2007, la Nigerian Film Corporation (NFC) invite les ambassades de France et d’Espagne à participer à ses activités, et l’ambassade de France s’engage à soutenir le cinéma nigérian. En septembre 2008, la huitième tournée européenne organisée par Isaac Izoya de l’Ehizoya Golden Entertainment donne l’occasion à cinq acteurs nigérians de présenter leur art dans dix-sept villes de huit pays européens dont Berlin, Malaga, Athènes, Turin, Padoue et Gênes. Le 5 décembre 2012, Stéphanie Dongmo s’entretient avec Olivier Barlet, directeur des publications d’Africultures, qui a publié cette année-là Les cinémas d'Afrique des années 2000 : perspectives critiques. Cet entretien soulève un coin du voile, et permet de se rendre compte de l’énorme différence entre le cinéma francophone et celui du Nigeria. Au cours de la discussion, Barlet remarque que les cinéastes francophones, s’éloignant du modèle de Sembène Ousmane, « refusent de se laisser enfermer dans les grilles africaines », ce qui correspond, pour lui, « à la revendication de sortir de la marginalité pour appartenir à égalité et en pleine dignité à l'humanité » dans le sillage d’Afrique sur Seine (1955), « que l'on considère comme le premier film africain ». En 2012, « ils se situent souvent dans l'errance, dans l'entre-deux culturel, dans l'hybridité, dans la pluralité des influences et des sources ». Barlet décrit le cinéma francophone, celui de Mahamat Saleh Haroun et d'Abderrahmane Sissako en particulier, comme nous proposant « un nouveau positionnement qui met l'humain en avant plutôt que l'homme africain », et en « recherche d'une parole pertinente pour répondre aux enjeux du présent est parfaitement en continuité avec la quête incessante des cultures noires vers un nouvel humanisme. » Pour lui, « les stratégies développées par les cinéastes d'Afrique ne sont pas forcément africaines : on peut les retrouver dans d'autres continents. » Interrogé sur le « déferlement de la vidéo », allusion voilée au développement des cinémas africains anglophones – Ghana et Nigeria, il répond alors : 62

http://www.africinfo.org/index.asp?navig=personalites&code=NG

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Mon opinion sur la vidéo est que c'est un formidable outil. Le grand progrès est de pouvoir faire des films sans devoir s'accrocher à des aides occidentales. Mais le résultat n'est pas brillant au niveau cinéma. On fait de l'audiovisuel, on fait du film vendeur, on suit le modèle dominant parce qu'on n'a pas développé l'esprit critique nécessaire pour aller dans d'autres directions. […] Certes, le cinéma a toujours été un art populaire et divertir, c'est aussi une fonction du cinéma. Mais si on veut parler d'art critique, cela concerne la mobilisation du spectateur : lui donner la parole pour qu'il repense les possibles, développe l'espoir, forge des utopies et puisse aller de l'avant dans la prise en main de son propre devenir. Quand le Nigeria sort 2 000 films par an dans les bonnes périodes, est-ce en soi une bonne nouvelle ? Le résultat est souvent affligeant, avec une violence sans recul qui n'est pas sans conséquences […] (Barlet, 2012).

Cette réponse, qui montre une appréciation de la recherche d’autonomie, voire d’indépendance des cinéastes nigérians, révèle en même temps l’importance capitale, à ses yeux, de la qualité technique, qui explique sa critique acerbe des premiers films de Nollywood. Elle révèle en outre une sensibilité à mille lieues de celle du Nigérian moyen, qui a fait un accueil enthousiaste à Nollywood en dépit de la mauvaise qualité technique qui était la sienne au tout début. Mises à jour en français La télévision française a ouvert à son tour ses portes aux Nigérians : le 3 juillet 2008 à 22h35, la chaîne franco-allemande Arte présente Mission Nollywood, un documentaire de 80mn de Dorothée Wenner. Un autre documentaire, celui de Lea Jamet (55mn), Nollywood, le cinéma africain dans la cour des grands, sera diffusé sur la chaîne satellite France Ô et sur l’Internet le 13 octobre de la même année. L’année suivante, le documentaire d’Hamelin, Nollywood, le Nigeria fait son cinéma, financé par la Fondation Jean-Luc Lagardère et la Fondation de France, est diffusé le 3 mai 2009 à 22h45 sur la chaîne Planète. Le 7 juillet 2016, France 24 diffuse enfin, dans le cadre de son magazine ‘Reporters’, une brève mise à jour sur le cinéma nigérian : Nollywood, l'eldorado du cinéma au Nigeria, qui permet au public français de découvrir le Nigeria comme une « nation entrepreneuriale »63. Le reportage présente d’abord une vue aérienne de Lagos et de ses rues commerçantes, rappelant au passage que cette gigantesque conurbation, dont la population était estimée à plus de 22 millions d'habitants en 2021, reste le cœur de Nollywood. Les auteurs ont suivi une équipe féminine igbo – la productrice Chioma Ude et la réalisatrice Chioma Onyenwe, sur le tournage d’un film bénéficiant 63

https://www.youtube.com/watch?v=7muoBzo5XTQ

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d’un budget conséquent. C’est l’occasion pour la productrice d’introduire les visiteurs à ce « glamour africain » et pour la réalisatrice d’insister sur le fait que ce cinéma « raconte nos histoires ». Elles illustrent en outre l’importance des femmes dans le cinéma nigérian – comme l’explique Chioma Onyenwe, les hommes s’étaient taillé la part du lion en politique et dans le commerce des hydrocarbures, et les femmes en ont profité pour prendre d’assaut les autres secteurs de l’économie. Leur conversation nous apprend comment Nollywood a créé des célébrités, surtout parmi les jeunes femmes, par le biais des réseaux sociaux – Instagram en particulier. Désormais, de plus en plus de jeunes réalisateurs visent la sortie en salle et un public international. Un entretien avec l’un d’eux, le Yoruba Kunle Afolayan, permet de découvrir un moment du tournage d’October 1, film sur la politique. Pour Afolayan, le but est de produire un film que tout un chacun pourrait et voudrait regarder. Le réalisateur estime en outre que, pour percer à l’international, il faut un bon scénario et une bonne qualité technique, et prédit que Hollywood viendra un jour établir ses bureaux au Nigeria. La dernière partie du magazine nous entraîne dans la rue où un jeune réalisateur, Eliel Otote, juste revenu d’un stage aux États-Unis, tourne un film avec les moyens du bord et des acteurs amateurs qui fournissent eux-mêmes leurs costumes. France 24 évoque brièvement les langues de Nollywood, les progrès du sous-titrage, l’utilisation récente du téléphone pour filmer, et montre un secteur de plus en plus professionnalisé, célébré aujourd'hui par l’un des plus gros festivals de cinéma d'Afrique, l'AFRIFF. Fondé au Nigeria en 2010 par la femme d'affaires et productrice Chioma Ude et suivi par quelque 150 millions de fans, ce festival est, pour sa fondatrice, « comme les Oscars, comme le festival de Cannes » (France 24, 2016) et présente chaque année quelque 180 films attirant plus de dix mille spectateurs64. La Nollywood Week La Nollywood Week, cet évènement annuel désormais bien établi qui attire au cœur de Paris les nouveaux films, les stars nigérianes et leur public diasporique, a eu un précédent, peu connu. Du 1er au 7 décembre 2007, l’Association parisienne pour les échanges culturels entre l’Europe et l’Orient (AECEO), fondée le 30 août 2006 et dont les membres connaissaient déjà Bollywood, le cinéma indien, a organisé un festival d’une semaine sur Nollywood, dans le but de faire connaître ces productions au public français. Cet événement a bénéficié de la présence de la Guilde nigériane des acteurs de Nollywood (AGN), de l’Association des producteurs de cinéma du Nigeria (AMP) et de la Guilde nigériane des réalisateurs (DGN). Il a été couvert par les chaînes de télévision, les radios FM et une presse déjà 64

https://afriff.com/background/

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au fait du nouveau cinéma nigérian (L’Expansion, 2006), et a été l’occasion de projeter plus de dix long-métrages de qualité alors récents, en anglais et tous de réalisateurs igbos, traitant de divers sujets : • Spiritual Challenge, de Kalu Anya (2007) • War against Women, de Chinedum Nwoko (2007) • Blood for Tears, d’Ikechukwu Onyeka (2007) • The Peoples’ Club, de Mac Collins Chidebe (2006) • The Faculty, d’Ugo Ugbo (2007) • Angel in Hell, d’Ikechukwu Onyeka (2006) • Ultimate Warrior, d’Andy Chukwu (2007) • Occultic Wedding, de Martin Onyemaobi (2006) • Common Game, de Willie Ajenge (2006) • Amazing Grace, de Jeta Amata (2006) x Emotional Risk, d’Ebere Onwu (2007). Dix-neuf personnalités et stars nigérianes – réalisateurs, producteurs et acteurs, avaient été invités à participer à ces journées, et les projections étaient suivies de sessions-débats entre eux et le public. Le festival, soutenu par Via Vita Communications Ltd, Nollywood LTD (Nigeria), Ascari Gugiaro (Italie), AraMage Artistic Production et Enile (Egypte), avait été largement médiatisé, par l’intermédiaire de mille affiches, deux mille programmes et cinq mille dépliants ; cinq mille invitations avaient également été distribuées. Le 23 mai 2013, un an après le lancement de la chaîne Nollywood TV dans l’hexagone, s’ouvre pour la première fois à Paris la Nollywood Week (www.nollywoodweek.com) cofondée par Serge Noukoué, franco-béninois bilingue, et Nadira Shakur, et portée par l’Association Okada Media « pour qu’on puisse regarder l’Afrique autrement » (Noukoué, 2021). Cet événement est organisé Rive Gauche, quartier qui rassemble intellectuels, étudiants et artistes, à St Germain-des-Prés. Il est fréquenté par les meilleurs cinéastes, acteurs, journalistes et des personnalités venues du Nigeria et d’ailleurs, et a pour objectif, selon son site, « de faire découvrir au public français les meilleures productions de Nollywood chaque année » et de « donner du rêve ». Il attire, depuis le début, des publics venus de toute l’Europe (Ibid.) et permet d’assister à de nombreuses projections de films nigérians récents en salle. C’est de plus l’occasion, pour le public, de rencontrer les réalisateurs et les acteurs, de développer des réseaux et d’aborder le cinéma nigérian comme une entreprise à la fois artistique et commerciale. Nollywood Week Paris « souhaite aussi créer une plateforme de rencontre entre réalisateurs, acteurs, scénaristes nigérians et leurs confrères français. » Le festival a ouvert, depuis, un second site internet : https://nollywoodfrance.com/. Il compte en outre un nombre grandissant d’abonnés : plus de 2 249 sur Twitter, 3 790 sur Instagram et près de 7 000

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sur Facebook en 2021, tous invités à rejoindre un public d’habitués sur ce programme de quatre jours qui offre, non seulement des films nigérians de grande qualité, mais aussi des tables rondes, ateliers, conférences, sessions questions-réponses et ateliers réservés aux cinéastes. Un magazine, Nollywood Croissance, a même été lancé en 201365. Si les débuts de la Nollywood Week ont été modestes, Noukoué remarquait en 2019 que « depuis deux ans environ, on commence à voir de l'intérêt du côté français pour le cinéma nigérian. » Né en France, Noukoué s’est d’abord intéressé au cinéma nigérian par curiosité, au tout début des années 2000, et a commencé à regarder des films, seul, en famille et avec des amis. Son intérêt pour cet univers a ensuite évolué et en 2012, admirant « le courage et la résilience de ceux qui font ce cinéma au quotidien », il a décidé avec plusieurs amis et partenaires de lancer un festival dédié à ce cinéma, persuadé du potentiel de cette industrie66. Au cours de l’entretien qu’il m’a accordé en septembre 2020, Noukoué a évoqué les débuts de la Nollywood Week parisienne et la façon dont elle s’est développée. Si la première édition du festival s’est tenue en 2013, la Nollywood Week attire, depuis, de plus en plus de gens – surtout des jeunes professionnels d’origine africaine (Cameroun, Congo et Côte d’Ivoire surtout), un public assez féminin aussi. Seule la pandémie a empêché le festival de se produire en 2020 : il a repris en 2021. Directement impliqué dans la programmation des festivals, Noukoué regarde d’habitude davantage de films autour de cette période. En tant que professionnel du milieu et contribuant à la sélection et à la programmation des films, il cherche avant tout à éviter le favoritisme, « aimant les bons films et les belles histoires avant tout. » Il explique ensuite la façon dont le programme est monté : « un comité de sélection et des programmateurs travaillent depuis de longues années maintenant sur ce volet. L’idée est d’être le plus en phase possible avec l’actualité et avec les goûts du public. La réputation du festival fait que les organisateurs n’ont jamais eu de difficultés à se procurer les films choisis : ils lancent chaque année des appels à films et sélectionnent ceux qu’ils considèrent comme les meilleurs. » La Nollywood Week permet aux festivaliers de se procurer les DVD des films projetés : c’est important – ça a toujours été une demande et, pour lui, les organisateurs se devaient d’y répondre. Les à-côtés du programme (cuisine / ateliers / musique) sont plébiscités par les visiteurs, parce qu’ « au final, les films sont un prétexte. Ce que les gens veulent, c’est découvrir la culture du Nigeria. »

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https://en.calameo.com/read/ 002004125f41b6ce2efd2 Cf. Entretien réalisé à l’occasion des Journées cinématographiques de Carthage (JCC Tunisie) du 26 oct. au 2 nov. 2019 et mis en ligne le 14 nov. 2019, https://www.youtube.com/watch?v=JIopsWxIh68.

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Les organisateurs espèrent que la Nollywood Week a contribué à rendre ce genre populaire dans l’Hexagone. Elle permet aujourd’hui de projeter des films venus d’autres pays africains, pour « créer une émulation » qui bénéficie à ces pays (Noukoué, 2021). Selon Noukoué, la chaîne Nollywood TV a elle aussi joué son rôle, mais plus récemment, c’est Netflix qui est devenu la référence et permet à la diaspora de regarder ce cinéma de manière régulière. Le 25 février 2020, la plateforme annonçait l’arrivée de Netflix Naïja avec un nouveau compte Twitter. L’annonce – qui a été partagée avec quelquesuns des noms les plus fameux de l’industrie, tels que Richard Mofe-Damijo, Banky W, Adesua Etomi, Kunle Afolayan et Kemi Adetiba – se lit : « N pour Naija. N pour Nollywood. N est la 14e lettre de l’alphabet. 14, c’est le nombre de talents que vous cherchez. N est pour Netflix. Et surtout, le plus important…hello Nigeria! » (Pantony, 2020). Les gens regardent Nollywood via Netflix et sont généralement impressionnés par la qualité des films récents doublés ou sous-titrés. L’entretien avec Noukoué confirme que le public de Nollywood est essentiellement composé des diasporas africaines, mais éclaire l’évolution de la pénétration du cinéma nigérian en France : « aujourd’hui les films sont plébiscités par des personnes qui ne sont pas forcément liées avec le Nigeria ou même l’Afrique » et « le cinéma de ce pays est en train de conquérir le monde petit à petit. » L’Université française et Nollywood À la fin de 2010, l’une des premières doctorantes françaises à s’intéresser au cinéma nigérian, Anouk Batard, part pour le Nigeria et y débute une enquête de terrain de deux ans tout en travaillant à l’Institut de recherche française en Afrique (IFRA) d’Ibadan. Son parcours sera examiné ici comme exemplaire, du fait de son caractère pionnier. Elle raconte ses aventures d’Européenne, sa découverte d’Ibadan, Lagos, Abuja, Owerri, Jos et Port-Harcourt, et ses rencontres avec le monde de Nollywood qu’elle était venue étudier, dans une série de cinq documentaires diffusée sur Arte Radio67 en mars 2014 et intitulée sufferin’ and smilin’ [souffrir en souriant], du titre d’une des chansons de Fela (1938-1997) ‒ chanteur nigérian créateur de l’Afro-Beat ‒ lancée en 1978. Ces épisodes destinés à la radio et enregistrés en cascade sont éminemment sonores, et leurs prises de son pourraient avoir été choisies pour un film de Nollywood. Comme les pièces d’un puzzle, ils construisent « la carte postale olfactive et sonore de Lagos » (épisode 1), avec ses fréquentes coupures de courant, ses générateurs bruyants, son essence au marché noir et 67

https://www.arteradio.com/serie/sufferin_and_smilin;https://www.arteradio.com/son/616385/ nollywood_dreams.

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ses files d’attente aux stations-services, son inflation, ses grèves et sa population « en mode survie » (épisode 2). Ce panorama qui aura pu laisser le public rêveur se termine sur un constat recueilli auprès d’un Nigérian, qui résume le cœur d’un vaste pays qui fascine et retient ses visiteurs : « Moi, je trouve que le Nigeria est l’un des meilleurs pays du monde. Parce qu’ici, on aime les gens. Il n’y a pas de discrimination entre les Blancs et les Noirs. […] C’est juste qu’on a de mauvais dirigeants » (épisode 2). Dans le cinquième et dernier épisode de la série, Nollywood Dreams, Batard introduit le public français à un cinéma « en pleine transition, avec une volonté de se faire reconnaître en termes de qualité – mais on se heurte vite à des limites budgétaires » (Arte Radio). Les auditeurs saisissent quelques instants du tournage d’un film et rencontrent son réalisateur, Desmond Elliott – marié, quatre enfants et une carrière nollywoodienne s’étalant déjà sur douze ans – qui cumule ici les rôles de réalisateur, de producteur et d’acteur. L’épisode permet aussi d’entendre des commentaires anonymes pris sur le vif au cours de la visite d’Anouk au FESPACO de Ouagadougou à propos du Nigeria et de Nollywood, qui révèlent une vue biaisée et simpliste du pays, probablement basée sur les films vendus dans les kiosques – sans aucun doute des films déjà anciens : « le Nigeria, oh ! Il y a des agressions, y a ceci, cela, ils mangent de la chair humaine. On raconte de tout sur le Nigeria. […] Ces films, c’est la dépravation totale des mœurs. Tout le monde trompe tout le monde. » Anouk, qui est, entre-temps, retournée au Nigeria en 2014, a entamé une thèse de doctorat sur Nollywood, la première en France, au Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP) de l’Université de Toulouse I, intitulée : « Nollywood, une révolution populaire africaine à l’ère de la globalisation? (Dé) légitimation d’un nouveau champ de production culturelle. » Du 2 au 5 juin 2016 se déroulait la quatrième édition de la Nollywood Week à Paris au cinéma l’Arlequin – l’occasion pour la bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC) d’apporter sa contribution à la diffusion du cinéma nigérian. Marine Defosse, alors chargée de collection pour le domaine Afrique et le monde berbère, a interrogé l’auteure, qui avait publié trois ans plus tôt Nollywood on the Move, Nigeria on Display. Cet entretien a d’abord été l’occasion de présenter brièvement l’industrie cinématographique du Nigeria et de rappeler la publication de l’ouvrage de Barrot (2005). Il a mis en lumière les caractéristiques des premiers films, et la rapide évolution de cette industrie. L’échange a également permis de parler des thèmes abordés par les scénarios et de comparer la production nigériane et les cinémas francophones d’Afrique de l’Ouest. La discussion s’est ensuite orientée vers l’aspect linguistique de ces productions, les langues des films, leurs liens avec les cultures représentées, et leur circulation au sein de la fédération et au-delà. La considération de la diffusion de Nollywood a permis de résumer les étapes de cette progression africaine. L’entretien s’est conclu sur le constat que le développement et les succès du cinéma nigérian 183

signalent « la fin d’une époque – celle de [la] mainmise [occidentale] sur la production artistique africaine. » Le site de la BULAC permet en outre aujourd’hui aux chercheurs d’approfondir leur connaissance de ce cinéma au travers d’une liste d’ouvrages. En 2016-2017, l’IEP de Toulouse offrait un cours intitulé « Enquêter sur Nollywood, l'industrie nigériane du cinéma : quand l'enquête ethnographique devient transnationale. » Depuis 2016, plusieurs thèses et mémoires ont en outre été entrepris sur les cinémas du sud au sein des universités françaises. C’est dans le cadre de ces recherches que s’est déroulée, le 8 février 2019, une table-ronde intitulée Il était une fois dans le sud – de Nollywood à Bollywood, organisée à l’Université Paris 13 Villetaneuse par les étudiants de Master 2 (Politiques et stratégies des médias et des industries créatives). Du 2 au 5 octobre de la même année, Bordeaux a accueilli les troisièmes rencontres du festival consacré au cinéma nigérian, organisées par l’Institut des Afriques, avec l’appui de l’Ambassade de France au Nigeria, un évènement qui a été l’occasion pour le public bordelais de voir deux longs-métrages et une séance spéciale de courts-métrages. Le public a également pu échanger avec le réalisateur nigérian Oluseyi Asurf venu présenter son longmétrage Hakkunde sélectionné quelques mois plus tôt au FESPACO, une comédie qui suit le parcours d’un étudiant diplômé à la recherche d’un emploi et qui décide de quitter l’État de Lagos pour Kaduna, dans le nord-ouest du Nigeria68. Il est à espérer que les chercheurs des universités françaises et francophones continueront d’explorer le cinéma nigérian et de le faire mieux connaître. De nombreux pans de ces productions restent à découvrir – la musique des films, l’évolution des techniques, la commercialisation de ces productions et l’impact du piratage sur leur dissémination, le rôle de faiseur de stars de Nollywood, les liens avérés entre Nollywood et les migrants nigérians, et bien d’autres aspects de cet inépuisable trésor. Paris, plaque tournante des ventes Basée sur un questionnaire et divers entretiens semi-directifs, une étude préliminaire, poursuivie entre 2009 et 2011 alors que la Nollywood Week n’existait pas encore, s’était concentrée sur la région parisienne et sur le public français, utilisant les réseaux nigérians NIDO-France et l’Association France-Nigeria (Ugochukwu, 2009). Elle était partie du constat, observé au Royaume-Uni, que les films nigérians attiraient le public africain, et cherchait à découvrir l’impact potentiel de ces films en milieu francophone sur l’apprentissage des langues et les pratiques culturelles. L’hypothèse de départ était que ce public pourrait être découragé par la barrière linguistique, 68

https://ng.ambafrance.org/France-Troisieme-edition-de-Made-In-Nollywood mis en ligne le 18 septembre 2020

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l’usage de l’alternance codique et des chants en igbo ou en yoruba, et la difficulté de décrypter les différences culturelles entre la France et le Nigeria. Les premières réponses avaient révélé que seule la région parisienne semblait alors avoir été touchée par ce cinéma, et que la plupart des Français de souche ne connaissaient pas encore Nollywood. La situation a, depuis, changé du tout au tout, renouvelant et renforçant la place de la France comme pont entre la francophonie et le monde anglophone. En 2020, Noukoué, cofondateur de la Semaine de Nollywood et qui a présenté ce cinéma aux Rencontres cinématographiques de Carthage (Tunisie, 2019), a été nommé Attaché audiovisuel régional à l’Ambassade de France au Kenya69 pour le Burundi, le Rwanda, Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, l’Érythrée, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud. Il contribue depuis à faciliter les rencontres entre cinéastes du Sud, à accompagner le développement du cinéma africain et à promouvoir les relations entre la France, l’Afrique australe et son cinéma. Si le public français ne semble pas encore conquis par le cinéma nigérian, des réseaux spécialisés ont déjà investi la capitale et bâti un empire commercial et artistique, faisant de Paris la plaque tournante de Nollywood vers la francophonie, et plus particulièrement vers l’espace ouest-africain. Kene Mkparu, PDG du Cinéma House de Lagos, vise l’Afrique francophone, un marché de plus de 200 millions d’habitants, avec le doublage en français. Jason Njoku, PDG fondateur d’Iroko TV, cherche, lui aussi, à exporter Nollywood à l’internationale dans les pays africains francophones. Le documentaire de Kamdem (2018) révèle le rôle-clef joué aujourd’hui par la capitale française, quartier général de nombreuses chaînes panafricaines, devenue une plateforme stratégique en réponse à une demande qui explose. Les transactions s’y succèdent entre Nigérians, Français et Francophones, aboutissant au doublage, à la vente aux chaînes de télévision panafricaines et à la distribution, parfois même dans leur version originale sans sous-titrages ni doublage, des meilleurs films de Nollywood en salles dans plus de six pays d’Afrique de l’Ouest (Sénat, 14 février 2022). La dernière partie du documentaire de Kamdem se déroule à Paris où le NITV, dont Ijeoma Onah est l’organisatrice, est un salon de référence pour l’achat et la vente de programmes Nollywood, qui attire les producteurs nigérians, dont Emem Isong, qui vendent sur catalogue à des producteurs internationaux comme DIFFA productions et IFIND distribution, mandatés pour vendre aux festivals et ailleurs en zone francophone. La société DIFFA par exemple travaille avec une centaine de producteurs, dont Victor Okoye qui a déjà produit vingt films, et vend aux festivals, aux compagnies aériennes et ailleurs. La difficulté, c’est que dans les pays francophones, le 69

https://ke.ambafrance.org/Le-Service-de-Cooperation-et-d-Action-Culturelle;https:/www. youtube.com/watch?v=DoiQD2hnFvU

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doublage, essentiel, est coûteux. Francis Nebot, PDG du groupe IFIND Distribution et distributeur international, a déjà vendu de nombreux films au groupe parisien Vivendi, qui détient les cinémas CanalOlympia, le plus grand réseau d’Afrique francophone. Ce réseau possède déjà plus de cinquante salles et a été conquis par la qualité des films – scénario, montage, bande-son, images, acteurs, variété des genres, sujets traités (le mariage en particulier, très apprécié par les familles). Le documentaire retourne ensuite à Lagos où continue le tournage de Chief Daddy, sous la surveillance de Mo Abudu, PDG d’EbonyLife, déjà en partenariat avec Sony (USA), avec un contrat de trois ans pour trois séries télévisées. Pour elle, la clef du succès, c’est d’« adapter la manière dont nous racontons nos histoires. » En attendant, Nollywood continue de courtiser la France. En juillet 2019 a paru dans Challenges Economie un article de Cristina Aldehuela intitulé : « Le cinéma nigérian commence à séduire les investisseurs étrangers ». On y apprend, comme l’explique Chijoke Uwaegbute, analyste dans le secteur du divertissement pour PriceWaterhouseCoopers, que les recettes du boxoffice nigérian sont passées de 17,3 millions à 23,6 millions de dollars entre 2017 et 2018 (+36%). « Nulle part dans le monde, vous ne trouverez des opportunités et une croissance pareilles », conclut le consultant devant un public d'investisseurs, de réalisateurs nigérians ou de politiciens de l'État de Lagos. Début juillet, se tenaient les premières journées "French-Nigerian Cinema Days" à Lagos, capitale culturelle du continent africain, avec une centaine d'invités (Aldehuela 2019).

La popularité de Nollywood n’a cessé, depuis, d’intéresser aussi bien le gouvernement que les entreprises françaises : LAFAAAC, une start-up française créée en 2017, a lancé, en partenariat avec l'école de cinéma Femis et la chaîne de télévision privée nigériane Wazobia, des parcours de formations en ligne pour les futurs scénaristes de séries télévisées via une application mobile. Et en juillet 2019, l’ambassade de France au Nigeria a organisé un atelier pour douze projets de films sélectionnés pour des coproductions avec des producteurs français. La même année, le Bureau de censure nigérian et l’Alliance Française ont signé un accord pour présenter et distribuer les films des deux pays par le biais de la « conférence franco-nigériane de distribution de films70 ».

70 https://www.vanguardngr.com/2019/04/nollywood-nigeria-france-sign-agreement-onmovie-distribution/ en date du 23 avr. 2019.

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14. D’une langue à l’autre – doublage et sous-titrage L’histoire du Nigeria et le rôle joué par l’introduction de l’anglais dans l’éducation ont déjà fait l’objet de nombreuses publications (Igboanusi, 2005 ; Taiwo, 2009; Jowitt, 2019) – nous ne nous attarderons donc pas sur les étapes de ce parcours. Après l’indépendance, et en dépit des débats qui continuent d’agiter les élites, l’anglais, identifié comme « moteur d’unité dans un Nigeria multiculturel » (Efurosibina Adegbija, 2004 : 126), a été choisi comme langue officielle de la fédération, solution toute trouvée face à la difficulté de choisir entre les nombreuses langues parlées dans le pays. Ce choix a eu pour effet immédiat d’ouvrir le Nigeria aux influences extérieures, de renforcer ses liens historiques avec le Royaume-Uni et les ÉtatsUnis et de faciliter une émigration précoce. Aujourd’hui, la situation reste pratiquement inchangée, et, alors que l’anglais nigérian, né d’une longue interaction entre la langue de Shakespeare et les langues nigérianes, a maintenant son propre dictionnaire (Igboanusi, 2002) et figure au programme des Départements d’anglais des universités du pays, la compilation de dictionnaires monolingues des autres langues nigérianes reste en chantier. En dépit des directives fédérales, un certain nombre d’États se sont révélés incapables d’offrir un enseignement primaire en langues nationales, et la situation du secondaire n’est guère meilleure. Si Chinua Achebe et Wole Soyinka sont tous les deux connus dans le monde entier, et si bien d’autres écrivains comme Chimamanda Ngozi Adichie, Sefi Atta, Buchi Emecheta, Helon Habila, Adaobi Nwaubani, Chigozie Obioma, Chinelo Okparanta, Ben Okri, Chibundu Onuzo, Femi Osofisan ou Chika Unigwe, ont aujourd’hui acquis une réputation internationale, la littérature en langues nigérianes est rarement lue au Nigeria en dehors des établissements scolaires, et la presse en langues nigérianes, qui n’attire que de très rares lecteurs, survit rarement plus de quelques années. Les langues minoritaires s’érodent peu à peu, menacées par l’usage croissant des langues véhiculaires régionales – le hausa au nord, le pidgin (naïja) dans les mégapoles comme Abuja, Lagos ou Ibadan, et dans les régions caractérisées par une pluralité de langues minoritaires comme autour de Jos et dans le Delta (Adegbija, 2004 : 115). Dans le pays même, ces langues n’ont pas récolté les bienfaits attendus de la mise en place progressive du programme d’éducation de base universelle (EBU) [Universal basic éducation] inauguré en 1999, avatar de celui de l’Éducation primaire universelle (EUP) lancé en 1976 et qui avait dû être abandonné, faute de moyens (Raymond Aluede, 2006).

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La diaspora nigériane et sa gestion des langues Le hausa et le yoruba, dont les locuteurs vivent de part et d’autre des frontières nationales [au Niger pour le hausa, au Bénin pour le yoruba] et qui ont bénéficié d’une longue tradition écrite et d’une forte résilience, semblaient mieux placés pour résister à l’érosion. L’écriture du yoruba, parlé au sudouest du Nigeria comme au sud du Bénin [ancien Dahomey], a été développée très tôt grâce au linguiste et évêque yoruba Samuel Ajayi Crowther (c. 1809 – 31/12/1891) ; son standard, enseigné dans les écoles et largement utilisé dans les médias, a consolidé l’émergence d’une forte identité yoruba. Mais l’émigration, qui s’est poursuivie sans relâche depuis le début des années 1990, a nui au statut extérieur des langues nigérianes. Les Mémoires de Toyin Falola [A Mouth Sweeter Than Salt : An African Memoir] disent la douleur provoquée par la perte de la langue maternelle du fait de son effacement au profit d’une langue étrangère : Je me déplace dans l’espace et le temps, je change de saisons, passant par Lagos et son aéroport, […] vers d’autres pays proches et lointains […]. Et je commence à échanger avec des gens qui ne savent pas comment saluer, et dont le vocabulaire est déficient. Peu à peu, douloureusement, j’apprends à ne plus dire Pele [désolé !] et Eku [félicitations !], à ne plus saluer la caissière du supermarché, à ne plus échanger de sourires avec le technicien, à ne plus rire bruyamment dans les séminaires. Mon vocabulaire, lui aussi, se met à rétrécir, mon visage prend un air plus sévère, mon cou perd de sa flexibilité, du fait que je n’ai plus besoin de tourner la tête pour observer le malafoutier sur le point de tomber de son palmier. Quand les gens me saluent, je les remercie et ils se demandent pourquoi ils méritent ma gratitude. Un Pele ne peut plus répondre à un autre Pele (2004 : 26).

En diaspora, la langue la plus familière au public de Nollywood est l’anglais nigérian (Igboanusi, 2002), caractérisé, entre autres, par l’alternance et le mélange codiques. Cette variété d’anglais, aujourd’hui en compétition avec le pidgin, marque ses locuteurs comme Nigérians. Si la plupart des films nollywoodiens émanent d’un milieu sudiste multiculturel, tous incluent cependant des mots ou des dialogues dans d’autres langues du pays – en particulier dans les débats publics et les chants-thèmes. Les films yorubas ou hausas préfèrent habituellement faire de leur propre langue le medium de communication, ce qui n’a pas empêché ces films de passer les frontières, défiant ainsi les compétences linguistiques de leurs publics. Comme l’explique un spectateur : « si des gestes accompagnent les mots, on peut en déduire le sens, mais seulement quand le discours se limite à quelques mots ou à de courtes phrases » (enquête personnelle). On voit donc l’absolue nécessité de la traduction – doublage, sous-titrage et voix off. Or, si l’on considère le sujet du point de vue de l’ethnolinguistique, il faut noter que le choix de la langue des films, le doublage et le sous-titrage, ont 188

jusqu’ici reçu relativement peu d’attention, en dehors de quelques remarques de journalistes comme Steve Ayorinde, alors même que des chaînes satellites comme OBE, Nollywood TV et YouTube projettent chaque jour des films nigérians et ghanéens sous-titrés. On ne peut que regretter ce manque d’intérêt, d’autant plus que le sous-titrage et le doublage influencent très certainement la vente des films, leur visionnement en flux et leur étude. La réponse à un besoin Visionner des films en langues nigérianes sans doublage ni sous-titrage présente indéniablement des difficultés, spécialement pour le public ne possédant pas ces langues, et peut donc être considéré comme un seuil au-delà duquel les spectateurs pénètrent seuls et sans guide les cultures de ce pays. Nollywood a d’abord préféré le sous-titrage au doublage, comme l’ont montré les films igbos et yorubas du début des années 1990. Le film Love in vendetta de Chiko Ejiro est sous-titré en français, dans l’intention évidente de toucher le public francophone des pays voisins. Des producteurs comme Tunde Kelani, « considéré comme l’un des meilleurs réalisateurs du Nigeria » (Adejunmobi, 2005 : 280), doublent ou sous-titrent leurs films en français depuis longtemps pour le marché ouest-africain, et le film Pourquoi moi? (2008), tourné au Bénin, est multilingue. Selon Tunde Kelani, « la distribution du film comporte des acteurs venus de tout l’ouest africain francophone ; la seule exception est la star nigériane Zack Orji, un homme qui parle couramment le français. Ce film est une expérience destinée à tous les cinémas de la sous-région » (communication personnelle, 20 février 2017). Cependant, à part le petit ouvrage de Kunle Hamilton et Yomi Daramola (2012), et quelques paragraphes dans les ouvrages de Dul Johnson (2000), Brian Larkin (2000), Ogunleye (2003 et 2008), Ondego (2008) et Barrot (2008), la langue des films nigérians, son choix et ceux du sous-titrage ou du doublage ont longtemps échappé à l’étude. Dans le même temps, ces films étaient exportés sur tous les continents et visionnés en ligne et sur des chaînes satellites comme Africa Magic (lancé en 2003), OBE, Nollywood, NTA, AIT Movistar, BEN et Nigeria Movies. Le 3 décembre 2007, Abel Ebere, réalisateur de Black Night in South America (2007), informait ainsi ses publics dans son blog ‘Life and Beats’ de son intention de sous-titrer le film en portugais pour répondre à la demande du vaste public brésilien et de tout le continent (cf. Ewing, 2018). Laura McLoughlin, Marie Biscio et Máire Ni’Mhainnin (2011) avaient en outre attiré l’attention sur « le nombre croissant de contributions […] apparues dans les années récentes sur le sujet de la traduction audiovisuelle (AVT), particulièrement en relation avec le doublage et le sous-titrage », procédés considérés comme « difficiles parce qu’ils rassemblent plusieurs disciplines – études cinématographiques, traductologie, sémiotique, linguistique, linguistique appliquée, psychologie cognitive, technologie et informatique. » La publication novatrice d’Henrik Got189

tlieb (1992) sur « le sous-titrage : une nouvelle discipline universitaire » a déclenché de nombreuses publications sur le sujet. Eduard Bartoll (2006) s’est interrogé sur la traduction d’un film figurant plus d’une langue – sujet qui concerne directement les films nigérians, mêlant anglais et langues nigérianes. Elaine Espindola et Maria-Lucia Vasconcellos (2006) ont enquêté sur le traitement des termes culturels présents dans les sous-titres. Jorge Diaz Cintas (2009 : 8) a souligné l’importance de la traduction dans la lutte contre les préjugés, étant donné que « les films et autres productions audiovisuelles représentent aujourd’hui l’un des moyens principaux employés pour transmettre les clichés, stéréotypes et manipulations concernant certaines catégories sociales […] : le doublage, la voix off et le sous-titrage permettent à ces points de vue d’atteindre un public plus vaste et peu familier avec la langue de la production originale. » Josephine Dries (1997) et Leonardo Jordão Coelho (2007) ont noté le recours croissant au sous-titrage au sud de l’Europe et au Moyen-Orient. Marie-Noëlle Guillot (2008) explore le potentiel de la ponctuation dans le sous-titrage, dans les dialogues en particulier. Chez Laura McLoughlin, Marie Biscio et Máire Ni’Mhainnin (2011) et chez Elisa Ghia (2012), le sous-titrage est étudié en tant que source d’acquisition du langage, et les composantes des dialogues sont considérées comme sources d’apport linguistique. Depuis quelques années, Adejunmobi (2004, 2007) et Adedun (2010, 2011) réfléchissent sur les raisons de la domination de l’anglais dans les films de Nollywood et l’interaction entre les langues étrangères, les films nigérians et leur public. Les Notes de Pype « sur la circulation et la réception des films nigérians à Kinshasa » (2009) et l’apport de Krings sur le déplacement de Nollywood (2009 ; 2010 : 81-84) ont examiné en détail ce que Krings (2010 : 81) appelle « l’art du doublage : la transformation du riz en pilaf » pratiquée en Afrique du sud – par le biais d’artistes locaux « à la fois interprètes, traducteurs […], mimes » et commentateurs, « guide sur un terrain audiovisuel étranger » (Hamilton & Daramola, 2012). Nous examinerons ici la façon dont la langue choisie affecte la réception des films nigérians hors de leur zone linguistique originelle, et considèrerons ce qui a été fait pour résoudre les difficultés rencontrées. Un défi linguistique Les statistiques du Bureau de censure nigérian de 2007-2008, citées dans Adedun (2010 : 120), montrent que les films étaient déjà produits, à cette époque, outre l’anglais nigérian, dans cinq langues régionales : le yoruba, le hausa, le bini, l’ibibio et l’efik. C’est certainement ce qui a conduit Anuraag Sanghi à remarquer ensuite, le 18 janvier 2012, que « certains médias occidentaux […] considèrent que le succès de Nollywood est probablement lié au fait que la plupart des films sont en anglais, ce qui attire un vaste public. » Citant un rapport des Nations Unies de mai 2009, le même auteur ajoute que 190

« l’enquête a également révélé qu’environ 56 % des films de Nollywood films sont produits dans les langues locales, tandis que l’anglais reste la langue dominante, comptant pour 44% des films, ce qui contribue probablement au succès des importations de films nigérians » (Sanghi, 2012). Nous savons que « la langue fait partie intégrante de la culture des peuples et que la communication ne contribue pas seulement à l’unité mais aussi au succès des divers genres de la production cinématographique » (Oyewo, 2003 : 145). Les statistiques prouvent cependant que le choix de l’anglais n’est peutêtre pas la raison principale du succès de Nollywood. Bien que les films en langues nigérianes soient difficiles d’accès hors de leur zone linguistique et destinés en priorité au public local et à sa diaspora, il est indéniable que, dès le début, le public a été attiré par ces films – « on trouve à Calabar des gens en train de regarder des films en igbo, et des Yorubas en train de découvrir les guerriers d’Oron 71 », port et troisième ville d’Akwa Ibom. Selon le blog d’Olushola Adenugba daté du 9 mai 2007, il en a toujours été ainsi : le premier vidéofilm igbo, Living in bondage (1992), « a eu un succès immédiat auprès des Igbos et a également été bien accepté par le public non-igbo72. » Les productions en yoruba circulent depuis longtemps au sein des communautés yorubas du Bénin et du Togo, mais aussi dans leur diaspora aux ÉtatsUnis, au Royaume-Uni et en Amérique du Sud, même si de nombreux Yorubas en diaspora ont perdu l’usage de leur première langue (Detokunbo-Bello, 2010 : 14). Quant aux films en igbo, dont la gigantesque diaspora a toujours préféré l’anglais et l’engligbo, il n’est pas surprenant qu’ils restent rares, l’igbo continuant cependant de rythmer les chants-thèmes de leurs films en anglais. Les ventes de Nollywood confirment l’annonce de la pochette de Pound of Flesh (2002), qui annonçait fièrement ce film comme « un film africain pour les Africains. » Selon Télesphore Mba Bizo (2009), journaliste et traducteur de la radiotélévision camerounaise, l’attraction des productions nigérianes est si grande sur le continent que leur médium linguistique ne semble pas décourager le public francophone. Il y a déjà des années que les films de Nollywood ont atteint l’Afrique australe : le 15 novembre 2006, la BBC, et Krings quatre ans plus tard, signalaient un boom sur les films nigérians au Kenya où l’on vendait maintenant des films nigérians à la sauvette sur le pourtour des marchés des bourgs et dans les bidonvilles urbains. On signalait le même phénomène en Ouganda (Dipio, 2008) et en Zambie, cependant que

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Cf. ‘A Congoman in Nollywood, […] in which language do we shoot?’ du 24 oct. 2006 http://bongodoes nollywood.blogspot.com. 72 http://filminnaija.blogspot.com/2007/05/history-and-development-of-nigerian.html du 9 mai 2007.

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des rudiments d’igbo faisaient leur apparition dans les conversations au Congo. Dissémination et créativité La plupart des acteurs nigérians, comme Nkem Owoh, Igbo diplômé d’ingénierie de l’Université d’Ilorin où a débuté sa carrière d’acteur, sont polyglottes et diplômés et s’expriment au besoin dans l’une ou l’autre de ces langues. Un blogueur73 a rapporté avoir vu Patience Ozokwor, l’une des stars de Nollywood, « parler couramment le yoruba » dans le film Eyin Oka (2004), et le producteur et acteur Zachée Orji, Igbo né au Gabon et qui a fait ses études en français et en anglais au Cameroun, au Bénin et au Togo, est parfaitement bilingue, comme beaucoup de Nigérians. Cependant, compte tenu du déclin des langues nigérianes au sein de la diaspora, les cinéastes nigérians ont pris conscience de l’urgence de trouver une solution pour faciliter la réception de Nollywood hors du pays. Un article de l’Economist rappelait, il y a déjà quelques années, qu’ En Europe, les films destinés à l’exportation sont souvent doublés ou sous-titrés. En Afrique, le doublage est trop cher et le sous-titrage inutile puisque beaucoup de gens sont illettrés. Les acteurs […] parlent anglais, [ce qui] aide à exporter les films. Une large partie du continent comprend l’anglais grâce à la colonisation, et l’influence de Nollywood contribue à faire mieux connaître cette langue. Le choix judicieux des acteurs est donc tout aussi important que le choix de la langue. Les producteurs ont l’habitude de prendre des acteurs venant des pays visés, pour attirer le public recherché. Un acteur kenyan pourra être choisi pour contribuer à une campagne de commercialisation au Kenya, et un Sud-Africain sera pris pour plaire aux Sud-Africains. « Il me faut un visage connu sur chaque marché » explique un producteur chevronné (2010)74.

D’autres publications (Dipio, 2008 ; Krings, 2010 ; Englert & Moreto, 2010) ont révélé que le continent africain avait trouvé sa propre solution pour atteindre un nouveau public, en commentant seulement les moments-clefs des films, ce qui aide le public à suivre l’histoire. L’étude de Matthias Krings sur les commentateurs locaux considère leur art comme un « nouveau genre narratif » et raconte la solution trouvée par un amateur, Le premier vidéo-jockey (VJ) d’Ouganda, qui s’est produit dans une salle de vidéo de Kampala en 1988 […]. Personne ne pouvait regarder des films sans lui, parce que personne ne comprenait. Il se déplaçait du premier au dernier rang des 73

http://www.nairaland.com/nigeria/topic-106899.64.html du 6 mai 2008 The Economist, 16/12/2010 : ‘Nollywood : Lights, camera, Africa. Movies are uniting a disparate continent and dividing it too.’ http://www.economist.com/node/17723124

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spectateurs, sans jamais s’asseoir […], expliquant ce qui se passait dans le film, et tout. Cet homme n’était pas éduqué, et il ne comprenait pas très bien l’anglais, mais il saisissait l’histoire, de quoi il s’agissait, comme ‘le garçon achète un bonbon, il entre dans la voiture…’ ou il vous disait que quelqu’un allait mourir… Il n’était pas du tout professionnel, mais les gens aimaient ça. Ceux qui suivirent Lingo commencèrent à se servir d’équipements électroniques — une table de mixage, un microphone et un haut-parleur — pour réduire le volume de la bande sonore originale et ajouter leur propre commentaire. Dix ans plus tard, ils se sont mis à doubler des spectacles en direct sur des cassettes VHS et à les vendre à des médiathèques (2010 : 6).

Krings commente cette technique qu’il appelle « une remédiation, un moyen de traduire oralement des mots médiatisés technologiquement. […] Patience Ozokwor devient ainsi Mama Mkanga sumu [Mama, la faiseuse de poison], Ramsey Nouah devient l’amoureux » (2010 : 11). Pour lui, les commentateurs, en servant de « guides sur un terrain audiovisuel étranger » (2010 : 14) et d’ « experts d’une culture différente […] espérant que leur traduction et leurs explications aideront les gens de chez eux à comprendre ce qui leur était étrange » (2010 : 26), ajoutent au plaisir offert par les films. Ces commentaires en continu dans la langue du public, dont l’usage n’a encore été signalé qu’en Afrique australe, pourraient ne pas convenir à un public hétérogène, du fait que ceux qui connaissent la langue originale des films pourraient considérer ces commentaires comme une distraction. La seule vraie solution trouvée pour dépasser la barrière linguistique a pour l’instant été de diffuser les films nigérians en anglais. Les films nigérians, désormais accessibles, largement médiatisés sur l’InterneT et plébiscités par une communauté nigériane éminemment mobile, la suivent dans ses migrations pour se faire un chemin vers l’Europe et les Amériques. Il faut reconnaître à ce propos le rôle-clef que joue Google, propriétaire de YouTube, pour offrir un nombre grandissant de films nigérians à un public international en réponse à une demande massive. Pour ce faire, les films de Nollywood sont la plupart du temps découpés en tranches d’une heure environ, selon les besoins des supports choisis. Les progrès de la circulation de ces films présentent évidemment un défi aux locuteurs de langues autres que l’anglais. Ogova Ondego souligne que le public, quel qu’il soit, rencontre d’autres difficultés face aux films nigérians : Harrison Kamau, étudiant de droit kenyan, Trouve que la langue des films nigérians n’a pas d’importance – « c’est que l’accent des dialogues est si fort que personne ne sait dans quelle langue ils parlent – une langue nigériane, le pidgin ou l’anglais. » Les Nigérians ont aussi l’habitude de ponctuer leurs vidéos de proverbes et d’adages dans leur langue, habituellement sans traduction ni sous-titres […], ce qui indique que le public auquel ils s’adressent n’est pas international, mais que c’est un public principa-

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lement nigérian, capable de comprendre le message dans son contexte (2008 : 115).

D’autres spectateurs non-anglophones ont décrit les difficultés rencontrées pour vraiment comprendre les films de Nollywood :

● L’accent nigérian, très différent de la prononciation à laquelle ils avaient été introduits à l’école ;

● Le mélange et l’alternance codiques fréquents (Ngoloma Katsuva, 2003 : 98) ; ● La variété d’anglais, bien décrite par Herbert Igboanusi (2002 : 1), avec ses « mots empruntés aux différentes langues nigérianes, ses mots anglais dotés d’un nouveau sens et ceux créés pour désigner des situations locales » ; ● La différence des coutumes et particularités culturelles, surtout celles ayant trait aux croyances traditionnelles – ce qui explique que certains préfèrent regarder ces films en compagnie pour échanger pendant ou après coup. Le besoin de sous-titrage et de doublage se fait donc de plus en plus pressant pour répondre aux attentes du public international. Le sous-titrage On a défini le sous-titrage comme « la traduction du texte-source oral (ou écrit) d’un produit audiovisuel, habituellement placée au bas de l’écran » (Luyken, 1991 : 31), ou, de façon plus élaborée, comme le fait de « transférer et résumer une langue en passant de l’oral à l’écrit, d’une langue à l’autre, et d’interpréter un discours combinant des mots, des signes symboliques et d’autres systèmes sémiotiques porteurs de culture (Gambier, 1994)75. Les nombreuses études sur ce sujet ont établi que la majorité des publics étrangers préfèrent le sous-titrage, particulièrement ceux qui comprennent l’anglais et préfèrent donc entendre le dialogue dans la langue originale. Les sous-titres sont même devenus le genre de texte le plus lu dans certains pays européens – au Royaume-Uni, quelque six millions de personnes regardent régulièrement des films sous-titrés à la télévision ou en ligne. Cette version condensée du texte oral est devenue une option rapide, économique qui, lorsqu’ elle est rédigée avec clarté et facile à lire, peut aider le spectateur à comprendre le film tout en retenant la saveur de l’original. Le sous-titrage, quand il est disponible, « aide à dépasser les barrières ethniques et culturelles imposées par les langues régionales sur le marché mul75

http ://www.translationdirectory.com/articles/article2385.php

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ticulturel nigérian » (Esan, 2008). Au Nigeria, il a jusque dans les années récentes été généralement préféré au doublage. Love in Vendetta (1996), abordé dans un chapitre précédent, offre un exemple intéressant de soustitrage en français, avec une introduction sous-titrée à la fois en anglais et en français, destinée aux pays voisins du Nigeria, familiers du réalisateur. Un autre film, Bonjour, Osuofia Speaks French (2004) est une comédie évoquant l’Afrique de l’Ouest, tournée au Nigeria et au Bénin, qui inclut des dialogues en français, en anglais et en pidgin avec des sous-titres en français. Il convient de remarquer, à ce propos, que le sous-titrage est de plus en plus sélectif dans les nombreux films utilisant le mélange codique en ne soustitrant que les passages en langue étrangère. Dans une conversation entre trois jeunes gens dans The Peoples’ Club (2006), le sous-titrage apparaît ainsi au moment où l’échange passe de l’anglais à l’igbo et se cantonne à cet épisode. Le sous-titrage a cependant provoqué de nombreux commentaires au sein du public. Comme l’explique une personne de 25 ans environ, « si vous ne maîtrisez pas la langue, [le sous-titrage en anglais] est un excellent outil, qui vous permet de comprendre ce que disent les acteurs, et avec le temps, vous finissez par comprendre un peu plus la langue » (Ugochukwu, 2009). L’attitude des répondants vis-à-vis des sous-titres est cependant ambiguë : la plupart d’entre eux reconnaissent avoir du mal à suivre l’histoire dans une langue étrangère et avoir besoin du soutien des sous-titres, mais ajoutent que cela leur gâche un peu le plaisir. Notons, au passage, un article intéressant, celui de Mohammed Lere (2014), qui soulève le problème créé par la mauvaise qualité des sous-titres dans les films hausas. Mes répondants français de 2009, tout en indiquant leur préférence pour les sous-titres, considérés comme respectant davantage la spécificité culturelle des dialogues et gardant au film son authenticité, jugeaient cependant ce sous-titrage inadéquat et trop succinct pour traduire le sens des scènes. Comme le dit l’un d’eux, « j’aimerais mieux comprendre la langue originale, parce qu’il y a des mots qui ne peuvent pas être traduits tels quels, et que le sens est donc perdu, m’empêchant de vraiment saisir l’impact des paroles. » (Ugochukwu, 2009). C’est sans doute la raison pour laquelle le doublage en français a énormément progressé : les films projetés sur les chaînes satellites françaises sont doublés, et les films de Tunde Kelani produits au Bénin, comme Abeni (2006), proposent aujourd’hui un sous-titrage ou un doublage en français. Les Yorubas, au contraire des Igbos, ont su conserver l’usage de leur langue et le yoruba reste aujourd’hui « le médium de communication des productions cinématographiques [parce qu’il] convient à la catégorie de gens qui soutiennent cette industrie » (Oyewo, 2003 : 145 ; cf. Johnson, 2021). Si Tunde Kelani, cinéaste respecté, est renommé pour la qualité de ses scénaristes, bien d’autres films yorubas souffrent de sous-titres mal écrits, selon Ghaniya Olowolo (11 juillet 2020) qui attribue ces faiblesses à la priorité donnée au gain matériel attendu des ventes. Yinka Olatunbosun (2011), s’il 195

confirme l’usage fréquent des sous-titres dans les débuts de Nollywood, regrette l’abaissement des normes concernant les films, qu’il explique par les intérêts commerciaux des producteurs. De nombreux fans non-yorubas des films ont remarqué que ce sont les sous-titres qui décident des ventes et des visionnements. Il est donc plus que probable que de nombreux cinéastes nigérians, dans leurs efforts pour satisfaire la demande populaire générale, préfèrent produire des sous-titres vite rédigés et souvent mal édités. Cette négligence des cinéastes en matière de traductions ruine l’industrie et ces sous-titres de qualité inférieure donnent l’impression à un étranger mal informé qui se branche sur AfricaMagic que le Nigeria est un pays peuplé d’illettrés incapables de maîtriser l’anglais, pourtant leur langue officielle. Yinka Olatunbosun illustre ses dires en montrant des extraits du film yoruba Yanmu Yanmu (2008), citant des sous-titres comme : « When do you said that you coming? », « I have partake from your success », « But who is injures will let go of the knife » – tous comptant des fautes grammaticales graves affectant les temps et les accords (2011). Il souligne encore un autre problème, courant dans les scènes de divination ou incluant des incantations : dans ces cas-là, tout ce qu’on peut lire, c’est ‘incantations’, « alors que le public cherche désespérément à comprendre ce que disent les personnages en train de marmonner des phrases incompréhensibles. » Le bloggeur conclut en invitant les cinéastes à suivre l’exemple de Tunde Kelani et à employer des diplômés pour s’assurer de la qualité linguistique de leurs sous-titres. Un autre bloggeur pointe du doigt le même et d’autres films, en particulier Ayo (2001), Kulende (2009) et Ogidi Omo (2010), pour leurs erreurs grammaticales et leurs coquilles. Un troisième bloggeur ajoute que pour le spectateur qui dépend des sous-titres, regarder des films en yoruba est une épreuve, du fait de la consternation qu’il éprouve à la vue de soustitres en anglais gâtés par d’horribles fautes de grammaire et d’orthographe. Dans des films comme Ayo Aye (2001), en outre, les sous-titres sont pâles ou instables, et disparaissent si vite de l’écran qu’on a à peine le temps de les lire – il est donc clair qu’il faut des règlements plus stricts sur la production des textes, et des directives sur le nombre de caractères par ligne et sur le temps minimum pendant lequel ils doivent rester affichés. Compte tenu du fait que plus d’un tiers des films nigérians sont encore produits en yoruba et que Nollywood reçoit maintenant des productions dans d’autres langues nigérianes, la question du sous-titrage va rester cruciale. Adedun a traité des conversations sous-titrées dans les films en yoruba, et des problèmes de traduction rencontrés. Pour lui, Le but de la traduction est de faciliter la communication avec les gens qui ne partagent pas la première langue de communication de celui qui parle. […] On observe cependant que certains aspects des interactions du film sont complètement absents du sous-titrage. Les proverbes, les aphorismes, les adages, la réflexion philosophique culturelle traditionnelle, la divination et les paroles ésotériques

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sont, soit entièrement ignorés, soit minimisés au cours du sous-titrage. Leur traduction est remplacée par des mots comme ‘incantation’ ou ‘chant’. Dans la plupart des cas, le traducteur opte pour la stratégie du silence. Chaque fois que le dialogue du film aborde les aspects précités, le sous-titrage cesse, pour reprendre ensuite (2011).

Selon le même, le résultat final est que les films yorubas contiennent des faiblesses linguistiques et culturelles qui creusent un fossé entre eux et leur public. Signalons la communication de Kunle Hamilton et Yomi Daramola (2012) sur le sous-titrage à Nollywood présentée au colloque du Conseil africain sur l’éducation à la communication de septembre 2011 à Lagos à l’usage des producteurs et des commerciaux. Les auteurs, traitant eux aussi des films yorubas, analysent des échantillons de sous-titres de films et considèrent les problèmes liés à la langue, à la compréhension, à la mauvaise image de la culture et partagent les résultats de leur recherche inspirée par les études sur la lisibilité. Le doublage Compte tenu des défauts associés au sous-titrage et soulignés plus haut, le doublage, qui consiste à offrir un film dont la bande sonore est tout entière dans la langue-cible, semble une option d’avenir pour les films nigérians. Mais cette dernière ne sera probablement pas adoptée dans tous les cas, du fait que le doublage est généralement plus coûteux et plutôt recommandé pour les films ayant un narrateur. De plus, il exige un scriptage soigné visant à s’assurer que la voix hors-champ correspond à l’action, et l’emploi d’acteurs de doublage professionnels pour s’assurer que le texte en languecible correspond le plus possible au texte-source. Ces exigences, particulièrement en termes de diction et d’élocution des comédiens chargés du doublage (Kamdem, 2018) présentent un problème pour les producteurs nigérians, qui n’ont pas toujours des scénarios entièrement écrits et comptent encore sur la spontanéité du jeu des acteurs. En République démocratique du Congo, Nollywood a gagné en notoriété après avoir été doublé en lingala. Le doublage en français était cependant l’option la plus logique pour les cinéastes nigérians dont le pays est entouré de pays francophones, et les films nigérians sont les seuls vendus dans les marchés camerounais et gabonais sous l’étiquette de ‘films africains’ après avoir été doublés en français. En 2003, le distributeur sud-africain Nu Metro, souhaitant doubler un long-métrage nigérian en français, a fait une demande de fonds aux Cinémas Africains, un programme inauguré conjointement par le Ministère français des Affaires étrangères, l’Union européenne et l’Organisation internationale de la Francophonie pour soutenir la distribution des films africains en Afrique. En 2004, l’Institut national du film et de la télévision (NAFTI, fondé en 1978) et basé à Accra, au Ghana, a ensuite ou197

vert, avec le soutien du Gouvernement français, les Studios Jean Rouch, consacrés au doublage de films. Ceci a permis à des centaines de réalisateurs, de scénaristes et de techniciens du Ghana et d’autres pays africains de recevoir une formation dans l’art du doublage sous la houlette de spécialistes et de techniciens nigérians, ghanéens, camerounais et zimbabwéens. Comme l’explique le site Internet du projet : Dans les pays en voie de développement, de nombreux studios professionnels continuent à employer des calligraphes pour copier les dialogues de doublage sur des bandes transparentes appelées des bandes rythmo, comparables aux anciens téléprompteurs. Ce processus ne peut plus être transféré dans les pays où le doublage n’existe pas encore. La CIFAP, le centre de formation du projet de studios Jean-Rouch a la NAFTI, a décidé d’utiliser le logiciel "Rythmo" créé par un concepteur de logiciel, Dominique Giral (www.syncode.fr). Un autre logiciel est maintenant disponible : Synchronos, lui aussi commercialisé par une entreprise française, Kin-Helios (www.kinhelios.com).

Ce projet a maintenant facilité le doublage d’un certain nombre de films étrangers, et bon nombre de films nigérians devraient bénéficier de ces studios – The Apple d’Imasuen (2000) a déjà été doublé ; Thunderbolt de Tunde Kelani (2001) et The Amazing Grace de Jeta Amata (2006) ont aussi été choisis. Depuis, selon le même site Internet, le centre de post-production du réseau francophone basé à Cotonou, le CIRTEF, s’est ouvert près de la frontière nigériane et a doublé plusieurs courts-métrages en langues africaines et un film nigérian, The White Handkerchief de Tunde Kelani (1998), en français. D’autres spécialistes et cinéastes ont maintenant doublé des films sudafricains, tanzaniens et zimbabwéens en français, en anglais et en swahili. GlobalVocal, une compagnie basée à New York, possède une plateforme de doublage et de traduction qui permet aux artistes chantant par exemple en xhosa ou en zulu de numériser les paroles de leurs chants en swahili ou en yoruba et de permettre ainsi à des textes d’Afrique du Sud de pouvoir être compris au Nigeria ou au Kenya (Ralph Simon 2012). C’est là le début d’une ère nouvelle de pollinisation croisée de textes en Afrique, qui voit pour la première fois des artistes atteindre un public panafricain. Le premier film nigérian doublé en français grâce au soutien financier de l’Ambassade de France pour une distribution commerciale en France et en pays francophones a été Changing Faces / La Métamorphose (2008). Son premier doublage, produit à Lagos, a permis de le projeter au pavillon des Cinémas du Sud du festival de Cannes de 2008 (Barlet, 2008). Le doublage en avait été confié à quatre entreprises françaises basées à Paris et le produc-

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teur a reçu la version finale le 27 février 200976 ‒ la version internationale du film a ensuite été mixée à Hambourg, en Allemagne. Le film a été présenté à Dakar en 2009, puis, la même année, au FESPACO, au festival de cinéma des Écrans noirs de Yaoundé et au festival international de cinéma du Caire avant d’être diffusé sur Canal France international en août 2009. Il a finalement été projeté au Nigeria et au Ghana dans les salles du Silverbird et ailleurs entre la Noël 2011 et le Nouvel An 201277. Si le succès planétaire et la dissémination du film La Métamorphose ont été pour beaucoup dans sa sélection pour le doublage, il faut reconnaître qu’ils ont également été aidés par le diplôme obtenu par son producteur, Faruk Lasaki, à l’Académie de cinéma de New York Film. Faruk Lasaki admet en outre que son film était différent – « une histoire africaine tournée à l’européenne » (Barlet, 2008). Le succès de Faruk Lasaki, qui révèle l’importance du support technique dans le doublage, a ouvert la voie à de nouveaux projets profitables pour le cinéma nigérian. Un bulletin de la télévision nigériane Thema (no. 140 du 11 octobre 2012) rapporte l’inauguration d’une nouvelle chaîne de télévision, Nollywood TV, provenant de la médiathèque du groupe sud-africain AfricaMagic (MNET / Multichoice group) et visant la France et les pays francophones, dans la première semaine d’octobre de cette année-là. Selon le Bulletin, la nouvelle chaîne télévisée offerte par Free (Canal 260), l’un des opérateurs français multi- solutions, « fait partie de son ‘Bouquet africain’ premium [couvrant dix-neuf chaînes africaines francophones et comptant plus de 140.000 abonnés]. L’autre nouveauté est que la chaîne offre des films de Nollywood entièrement doublés en français et plus seulement sous-titrés ou résumés en français », décision qui a fait le succès immédiat de la chaîne, du fait du grand nombre d’Africains francophones vivant en France et maintenant abonnés à Nollywood. Les abonnés à Free peuvent regarder un film toutes les deux heures et un nouveau film par soirée. Selon Clémentine Tugendhat, chef de contenu et directrice de Nollywood TV, la compagnie a acheté les droits de distribution pour les pays francophones et a commencé à doubler des films en janvier 2012. Elle expliquait, au cours du même entretien, que doubler ces programmes présentait des difficultés, du fait que les masters des films nollywoodiens n’ont ni bruitage ni voix séparée, ce qui force leur partenaire d’édition à recréer les sons – y compris la musique – et la voix des programmes en français, ce qui est plus coûteux et prend plus de temps qu’un simple doublage78. Ces difficultés sont maintenant en grande partie surmontées. Pendant ce temps, sur le continent africain, la réflexion 76

http://www.balancingact-africa.com/news/broadcast/issue-no140/top-story/thema-tvlaunches-a/bc du 11 oct. 2012. 77 http://www.nairaland.com/762570/changing-faces-selected-christmas-new du 18 sept. 2011. 78 http://www.telesatellite.net/chaines-bouquets/nollywood-tv-une-nouvelle-chaine-decinema-africain -en-français, aujourd’hui indisponible.

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sur le doublage continue, comme le révèle l’article de Birgit Englert et Paul Moreto (2010) concernant le doublage en kiswahili pour la Tanzanie. En conclusion Le public africain de Nollywood a souvent exprimé sa préférence pour le sous-titrage, justifiant cette opinion par un certain nombre d’arguments. D’abord, on ignore souvent le sous-titrage : « Au bout de quelques minutes, j’avais complètement oublié que je lisais ces mots au bas de l’écran. J’étais complétement plongée dans le film. C’est pour cette raison […], que je pense que le sous-titrage est toujours préférable au doublage pour les films étrangers » (communication personnelle, 2009). La seconde raison est que, selon la même personne, le sous-titrage préserve le jeu de l’acteur et permet au public de jouir de l’original et pourtant accéder au contenu du film : Les acteurs d’un film ont beaucoup travaillé leur rôle, y compris leur voix. Le ton, la diction – tout cela fait partie du personnage qu’ils ont soigneusement créé pour votre plaisir. Le sous-titrage vous permet au moins d’entendre ces aspects de leur voix tout en vous aidant à comprendre ce qu’ils disent. Le doublage, pour sa part, vous enlève ça. Il y a soudain un autre acteur qui dit les lignes et prend ses propres décisions artistiques. J’imagine qu’ils font des efforts pour respecter le ton et la diction de l’acteur original, mais ils n’en sont pas moins des interprètes, souvent limités quand la langue-cible ne correspond pas au mouvement des lèvres ou au temps imparti pour traduire les paroles de la langue-source, ce qui amène parfois à réécrire le script, en déformant le sens.

Les sous-titres ont enfin été utilisés comme support linguistique, pour aider le public à découvrir progressivement la langue du film, quelque chose de très important pour les Nigérians, qui apprécient leurs langues ancestrales : Je pense que le sous-titrage donne au monde les leçons de langue les plus faciles et les plus passives. Quand j’étais enfant, je me souviens d’avoir appris des phrases rien qu’en regardant les films – un personnage disait quelque chose que mon esprit d’adolescent considérait comme super, et les mots restaient dans ma tête. Même si vous ne vous rappelez pas exactement tout en regardant un film, vous exercez quand même cette partie de votre cerveau, et l’exercice intellectuel est ce qui nous garde jeunes. […] Heureusement, ces jours-ci, les cinéastes semblent être d’accord avec moi ; le doublage était répandu il y a quelque temps, mais la plupart des films étrangers sont maintenant distribués avec des sous-titres, et c’est une bonne chose (Stacey, 2012).

Comme le reconnaît le producteur de Changing Faces. Je voulais, comme je l’ai dit, une histoire qui dépasse [les frontières], un sujet qui puisse être projeté n’importe où. Maintenant, le sujet que j’ai choisi, en quelque sorte, dans la culture française, vous le retrouvez là. Et dans la culture

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américaine, britannique, chinoise, vous l’y retrouvez. Vous voyez, si je choisissais n’importe quel écrivain au Nigeria pour me donner n’importe quelle histoire nigériane, ça ne passerait pas. Je voulais une histoire dans laquelle vous vous retrouveriez d’une certaine façon, que vous soyiez africain, français, britannique ou américain, et que vous rapporteriez chez vous. Voilà ce que j’ai fait (Barlet, 2008).

Pour tous les répondants ayant des liens avec le Nigeria, le visionnement est l’occasion de découvrir les cultures du pays ou de les retrouver, un moment d’interminables échanges familiaux sur les coutumes et les croyances. En fin de compte, le vrai succès des films nigérians, sous-titrés ou doublés, se mesure à leur capacité de passer les frontières d’une culture à l’autre et pas seulement d’une langue à l’autre.

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15. Un pays en chemin La bande-annonce de Nollywood Babylon (2008), qui souligne le caractère populaire des films de Nollywood, insiste sur le fait que « les Nigérians veulent voir leurs propres films […]. Nollywood se sent proche des gens humbles de chez nous. Il leur parle directement. […] Nollywood est devenue la voix de l’Afrique79. » Si bon nombre de films sont tournés, en partie ou en entier, dans des villages, et si quelques-uns font revivre des évènements historiques, bien d’autres « sont situés dans les villes du Nigeria, et surtout à Lagos, avec ses autoroutes urbaines et ses rues trouées de nids-de-poule, ses immeubles résidentiels et ses taudis, ses marchés de rue et ses concessionnaires automobiles, ses vendeurs à la sauvette » (Haynes, 2000 : 2). Cependant, quel que soit le lieu de tournage, la rue est au centre du scénario, du fait que le Nigérian moyen passe le plus clair de son temps dehors, en route pour le travail, familier des navettes entre son domicile citadin et le village ancestral, ou se déplaçant pour ses études ou pour des raisons commerciales ou personnelles. C’est cette particularité, commune à tous les films nigérians, qu’étudie ce chapitre, résumé par la première scène de In the Beginning (2002), qui suit longuement un homme traversant un village sur sa moto, dépassant les piétons et les bâtiments, se jouant des ornières, tandis que le chant-thème répète inlassablement : « le diable est sans pitié. Mais à la fin, la volonté de Dieu s’accomplira. » Les films nigérians sont renommés pour leurs longues prises de vue panoramiques d’avenues urbaines et de sentiers ruraux, qui servent traditionnellement de transition entre deux scènes et ont souvent été critiquées pour leur longueur. Mais ces vues plongeantes ou en filé, qui rendent bien le mouvement perpétuel qui propulse les Nigérians vers leur avenir, ne sont pas seulement là pour nous faire passer d’une scène à l’autre : elles servent aussi, peut-être à l’insu de leurs producteurs, à faire mieux comprendre le pays, et peuvent être considérées comme un élémentclef de la mise-en-scène. Les fonctions de la route Les premières routes du Nigeria ont été construites par les Britanniques, qui avaient besoin d’un réseau de transport pour faciliter leurs mouvements d’un bout à l’autre de ce vaste pays. Les véhicules à moteur commencèrent à faire leur apparition à Lagos vers 1914, et la première route construite par les Britanniques à l’intérieur du pays, en 1905, reliait Ibadan et Oyo sur cinquante-trois kilomètres. Le système routier se déve79

http://www.youtube.com/watch?v=rRVUNYV7Mto

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loppa progressivement à partir de 1918, et vers 1957 […], soixante pour cent des routes goudronnées du Nigeria se trouvaient à Lagos et dans la région Ouest du pays et cinquante-sept pour cent des véhicules à moteur enregistrés venaient de cette région » (Fioupou, 1980 : 23).

À partir des années 1930, les romans nigérians accordent logiquement une place centrale à la route : l’homme d’affaires dont Omenuko (1933), biographie éponyme romancée, raconte l’histoire passe le plus clair de son temps sur les routes, à vendre et à acheter (Nwana, 2010). C’est sur la route qu’il fait l’expérience du revers qui va ruiner à la fois son commerce et sa réputation : au moment où il traversait une rivière, le pont de bois s’effondre, causant la perte de tous ses biens. À la suite d’une réunion de famille, Omenuko décide alors de quitter son village ancestral et de commencer une nouvelle vie dans un village des alentours, et s’enfuit avec toute sa famille sous le couvert de l’obscurité. C’est là le début d’une longue errance, du fait que le commerçant découvre peu à peu qu’il ne peut s’installer durablement nulle part. À la fin du roman, il va finalement se résoudre à rentrer chez lui. La route a, depuis, été étroitement associée à la littérature nigériane, ellemême le reflet d’une réalité vécue par des millions de Nigérians, particulièrement igbos et yorubas, qui quittent les villages pour les grandes villes et de là pour le reste du monde. Christiane Fioupou a un jour remarqué qu’au Nigeria, « les accidents et la mort font partie de l’expérience quotidienne » (1980 : 113), une expérience qui a impacté aussi bien La Route de Soyinka (1965/1988) que La Route de la faim d’Okri (1991/1994). Soyinka avait publié un article dans le quotidien lagosien Daily Express le 28 mars 1962, sa contribution à une longue série rédigée par d’éminents Nigérians et intitulée : « Ce qui m’exaspère concernant le Nigeria » (Wren, 1982 : 4). Cet article titrait : ‘Mauvaises routes, mauvais usagers, mauvaises morts’ (Ibid. : 60). Dans l’œuvre du lauréat du Prix Nobel, tout particulièrement La Route, L’état des routes est montré dans sa réalité physique qui est utilisée aussi comme support symbolique pour indiquer la bonne santé du pays ou au contraire son délabrement. […] Rues et routes défoncées sont décrites de manière quasiobsessionnelle comme un symptôme flagrant des maladies qui rongent le corps politique et social. […] Les routes criblées de nids-de-poule traversant des paysages urbains cauchemardesques balisés de latrines débordantes et de dépôts d’ordures sont vues par les ‘héros’ comme une sorte de microcosme de la corruption du pays tout entier (Fioupou, 1980 : 88-89).

Cette description reste d’actualité : l’explosion des mégapoles a en outre créé de gigantesques embouteillages en soirée lorsque les employés quittent leurs bureaux pour rentrer chez eux, tandis que le réseau routier du pays a vu se multiplier les accidents mortels – une situation que l’on retrouve dans les films où la route joue de multiples rôles.

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Le zoom régulier de Nollywood sur les avenues à la tombée de la nuit sert d’abord de marqueur de temps, signalant tantôt une halte temporaire – comme une page que l’on tourne dans un livre, entre deux scènes, ou le début d’une scène de violence nocturne au moment où les gangs remplacent les navetteurs dans les rues. Il sert aussi de frontière entre deux espaces : ceux du village et de la ville, jouant le rôle de lien tout en soulignant la distance entre les deux et tout ce qui les sépare – les routes goudronnées d’une part, les sentiers boueux troués d’ornières de l’autre. L’insertion de ces ‘momentsroute’ révèle, de plus, que ni la ville ni le village ne peuvent survivre en isolation : ils sont inséparables. De la même façon que les citadins ne peuvent durablement échapper au village et à ses traditions, les villageois ont, eux, besoin de la richesse générée par les villes pour leur survie. La route marque également la différence de rythme entre ville et campagnes. Les scènes rurales comportent habituellement des villageois assis sur des tabourets devant chez eux, dans une cour où les seuls véhicules qui entrent viennent de la ville : c’est la séquence obligée de la belle voiture qui se gare devant la maison. Le fils ouvre la portière, sort, ouvre le coffre et en sort les cadeaux destinés aux parents – un sac de riz, du pain, une poule. Les scènes de ville, au contraire, grouillent de circulation automobile, de vendeurs et d’acheteurs courant dans tous les sens. Ces séquences signalent aussi une pause au sein de l’action, déclenchant le retour du chant-thème du film et offrant un moment de réflexion sur l’action en cours. C’est le moment de la reprise du commentaire en continu de l’auteur sur l’évolution du récit, comparable au monologue du théâtre classique français. Les scènes de rue servent enfin à exacerber l’attente, juste avant un accident ou une importante réunion par exemple, ou, comme une charnière, emmènent le récit dans une nouvelle direction. Dans Love in Vendetta (1996) par exemple, après l’accident filmé en direct qui affecte les mères du couple sur le chemin du marché, leurs deux maris finissent par se retrouver à l’hôpital Ituah d’Apapa, un quartier de Lagos, où ils se réconcilient, partagent pour la première fois leur expérience passée et découvrent qu’ils se sont accusés l’un l’autre à tort. La plupart des films nigérians sont faits d’une succession de scènes d’intérieur et d’extérieur, un peu comme dans une pièce de théâtre, ce qui a permis d’affirmer que « la mise-en-scène de Nollywood est essentiellement une continuation de la pratique de la scène » (Shaka, 2003 : 47). Alors que les scènes tournées en milieu rural présentent des gens chez eux ou dans des endroits publics – dehors, dans leur cour, sur la place ou au palais de leur chef, les villes se signalent immanquablement par leurs larges avenues, qui offrent une alternative aux scènes d’intérieur et reflètent une société centrée sur les espaces communs et les activités communautaires, dans un pays où la forte densité de population ne laisse que peu de place à l’espace individuel ou privé. La rue est un espace neutre, sans désignation particulière, ouvert aux rencontres et aux échanges imprévus, le seul espace qui permette et facilite les rencontres entre les jeunes et leurs aînés, entre sages et fous, entre 205

autochtones et étrangers, là où le malade mental erre et s’exprime sans entrave, et où se propagent les ragots. Dans le film de Tunde Kelani Ayo Ni Mo Fe (1996), par exemple, Jumoke, que sa mère avait d’abord confiée à un asile traditionnel, finit dans la rue (Haynes, 2000 : 59). Beggars on Strike (2002), qui se situe à Lagos dans un contexte de chômage, de pauvreté et de désespoir face à la crise, confirme la place que se sont taillée les mendiants et autres laissés-pour-compte, et les présente comme une force non négligeable. Ils ont formé un groupe de pression qui exige du gouvernement un ministère de la mendicité – puissante satire de l’injustice sociale et de la mendicité professionnelle proposant le partage de la richesse comme solution aux problèmes nationaux. Un chemin brumeux Pour l’ancien condamné de Taxi Driver (2011), sorti au bout de deux ans derrière les barreaux, la rue et son animation, dans la première séquence du film, après avoir été le théâtre de sa perte aux mains d’une passagère qui l’avait entraîné vers le crime, représentent maintenant la liberté et la chance de se refaire une vie. Les routes, « espace dynamique, implique[nt] mobilité, désir d’expansion, vitesse » (Fioupou, 1980 : 34), et peuvent donc être perçues comme un terrain non balisé qui peut conduire les gens dans un sens ou dans l’autre, vers le progrès ou la catastrophe, de la même façon qu’elles conduisent vers la ville et une vie meilleure comme vers le sorcier et un avenir incertain. C’est ce qu’illustre le film Onome (1996) qui contraste les quartiers opulents de Lagos avec « la pauvreté d’Ajegunle, le bidonville de Lagos […], les rues souillées d’immondices et gorgées d’eau stagnante » (Okome, 2000 : 151). Divine Twins (2007) introduit une jeune fille enceinte que sa famille vient de jeter dehors et qui erre dans les rues. D’autres films mettent en avant la misère de gens venus de zones rurales et qui, incapables de localiser leur famille, deviennent la proie de gangs tandis que la nuit tombe sur la mégapole. Nollywood présente d’ordinaire la route comme une zone dangereuse qui expose les voyageurs à la « possibilité d’égarements, de passages dangereux, d’accidents et de destruction » (Fioupou, 1980 : 34). Dans Point of No Return (1998), l’adepte d’une société secrète, à la recherche d’une personne innocente à sacrifier, suit un enfant dans la rue, l’appelle et le change en poulet pour ensuite s’en emparer et le jeter dans le coffre de son véhicule. Bad Boys (2001) contient une scène similaire d’enlèvement. Hit the Street (2004), dans un long retour en arrière, « raconte l’histoire de trois jeunes femmes et un homme, cadres de banque (à Lagos) qui subissent une forte pression de la part de leur direction : ils doivent ‘faire du chiffre’ et attirer les gros clients par tous les moyens, y compris en payant de leur personne » : deux d’entre elles finissent par se prostituer (Barrot, 2005 : 36).

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D’autres films errent dans les ruelles des mauvais quartiers et mettent à l’écran harcèlements, cambriolages, agressions et meurtres rituels. Dans Please Come Back ! (2003), le chef d’un gang de bandits monte à bord d’un car de luxe avant de contacter son équipe par téléphone pour les informer de l’itinéraire. « À l’heure dite, il tire sur l’escorte de police et force le chauffeur à s’arrêter. Les autres membres du gang surgissent immédiatement des buissons et tuent les cinquante-six passagers avant de prendre la fuite avec leur argent » (Popoola, 2003 : 133). Dans Abuja Connection (2003), un sorcier demande à la matrone qui approvisionne les députés en prostituées, « de produire les têtes d’un couple qu’il utilisera pour fabriquer une concoction qui doit l’aider à s’enrichir et à exercer une énorme influence sur sa société. Elle contacte un groupe de ravisseurs, qui attaquent un couple sur l’autoroute, les tirent hors de leur véhicule et les tuent » (Ibid. p. 134). Allegation (2002), basé sur un fait-divers qui s’est déroulé à Isiagu dans l’État d’Enugu en 1994, raconte comment, à la suite de la disparition d’un jeune garçon, son frère est accusé du meurtre, jugé coupable et pendu juste au moment où le jeune garçon revient au village alors qu’on le croyait mort – leçon tragique sur le désir de décourager les meurtres rituels et le danger de juger sur les apparences. You Must Do or Die (2010) ouvre sur une autre scène d’enlèvement au cours de laquelle une voiture est suivie par deux autres véhicules, avant que sa conductrice ne soit violemment tirée dehors, emmenée en brousse et assassinée. La rue est un espace gouverné par des gangs : la police peut y passer mais n’a quasiment aucune autorité sur ces espaces, à moins d’y rejoindre ceux qui dévalisent les passants – comme on le voit dans le drame Peacemakers (2003) et dans la comédie Road Obstruction (2009) – dans ce second film, un tronçon de route est entièrement géré par un groupe d’hommes en uniformes de police mais qui se comportent comme des bandits. Considérée du point de vue des passants ordinaires, la route est une zone de non-droit que l’on peut seulement éviter en cherchant refuse dans les bâtiments construits en bord de chaussée. Ce côté dangereux de la route est clairement illustré dans Nollywood Confidential (2009 : 80-81), qui montre un instantané d’accidents de la route tiré du film My Darling Princess (2008). D’autres films présentent les accidents de la route comme criminels. Dans Jezebel (1994), après que son fils a abandonné la fiancée qu’elle avait choisie pour lui, une mère visite la nouvelle amie de son fils et débranche les freins de sa voiture, ce qui provoquera un accident mortel (Okunna, 1996 : 30). La route peut cependant être ressentie comme le symbole de la quête du protagoniste pour une vie meilleure, « un moyen de fuir l’univers clos du village » (Fioupou, 1980 : 245), et un vecteur de progrès qui porte les miséreux jusqu’à la ville, leur offrant la promesse d’un emploi et d’une vie meilleure et plus aisée – même si ces espoirs ne se réalisent souvent pas. Dans les mégapoles comme Lagos ou Abuja, la route peut même entraîner les gens plus loin, vers l’aéroport international, facilitant ainsi un déplacement vers 207

l’ailleurs (habituellement l’Europe ou les États-Unis). Ce déplacement peut être symbole d’espoir et amener un progrès, comme dans Osuofia in London (2003) ou Widow (2007) dont les protagonistes sont censés partir poursuivre leurs études, se marier ou faire des affaires. Le retour au village ancestral, au contraire, a souvent été perçu et présenté comme un mauvais choix pour les jeunes couples de retour d’Occident, confrontés à de multiples difficultés aux mains de familles traditionnelles incapables de les comprendre: c’est le cas de Unforgiven Sin (1991) qui voit le meurtre de la jeune épouse osu. C’est également le cas de Love in Vendetta (1996). Il faut néanmoins reconnaître que cette vue manichéenne des choses a été bouleversée par des films plus récents comme Life in New York ou Mr. Ibu in London (2004), situés en partie ou entièrement en Occident. Ces films tendent à révéler les difficultés de Nigérians confrontés à des univers incroyants au sein desquels les traditions auxquelles ces gens sont attachés n’ont plus de raison d’être, et qui finissent par se perdre dans le dédale des rues. Les sentiers ruraux eux-mêmes, où les arbres s’abattent sur les criminels, où passent les esclavagistes, où frappe la foudre et où meurent les exclus, se révèlent aussi dangereux que les rues des villes. C’est ce qu’illustre Evil Forest (2000) où l’on voit un conseil de village rejeter la fille d’une veuve indigente et sa mère, faussement accusée de vol : la veuve finit par mourir d’épuisement en forêt, loin de tout secours. Un autre film, The Test of Manhood (2005), présente deux demi-frères qui partent pour vivre une épreuve qui doit désigner l’un d’eux comme chef de leur peuple. Sur le chemin de la forêt sacrée, ils rencontrent divers obstacles et se mesurent aux hommes et aux esprits, comme les protagonistes d’un autre film, God is African (2000). Les sentiers forestiers se referment comme un piège sur l’héroïne de Snake Girl (2006), poursuivie par la reine des reptiles, bien décidée à éliminer toute sa famille. Révélateurs d’identités Bien que la route représente une société mobile et dynamique, les films ne cachent pas les obstacles et les incertitudes qui y attendent les voyageurs et rappellent les épreuves des contes populaires nigérians. Sur le chemin de ces quêtes, les carrefours sont, comme dans les contes, des repères chargés de sens : espaces de décision, lieux d’épreuve qui testent le caractère des personnages. Dans Road Obstruction (2009) par exemple, le décor principal est un carrefour où des conducteurs en panne descendent de voiture pour inspecter le moteur. À peine ont-ils soulevé le capot qu’un homme en uniforme apparaît, accuse le conducteur de faire de l’obstruction, et lui demande ses papiers et son permis de conduire, ce qui provoque une vive discussion. C’est alors que les complices du faux gendarme – deux hommes et une jeune femme – rejoignent leur collègue et harcèlent le conducteur, qui tente de se débarrasser d’eux en leur graissant la patte. Cette même quête amène le 208

voyageur dans les rues des campus universitaires, un autre monde que les films présentent comme un endroit reculé, quelque part entre ville et campagne, où les étudiants déambulent. Ces routes semblent n’être qu’un décor de théâtre, une scène permettant aux acteurs de se déplacer et de jouer leur rôle. Tout en retenant quelque peu leur ambivalence, les routes des films nigérians, à la fois scènes de crime et chemins de fuite, tout en offrant aux gangs universitaires à la fois un espace pour leurs crimes et une échappatoire, peuvent également être lues comme un espace au sein duquel le voyageur est temporairement retenu pour une leçon de vie supplémentaire, une nécessaire maturation ou un moment de préparation. Au cours de ce processus, la route devient révélatrice de vérité : dans Most Wanted (1998), les jeunes diplômées tentent en vain de décrocher l’emploi de leurs rêves et finissent par dévaliser les voyageurs pour s’enrichir. Le film s’ouvre sur une avenue violemment éclairée le long de laquelle les jeunes filles devenues bandits opèrent désormais de nuit. Dans de nombreux films récents projetés en Europe, aux États-Unis ou en Amérique du Sud, les difficultés des protagonistes, transplantés dans des rues étrangères, servent de test : le dos au mur, loin de leur cadre familier et souvent sans argent, les Nigérians isolés deviennent la proie des cartels de trafiquants. À la fin du film Mr. Ibu in London (2004), le personnage principal se retrouve à Lagos dans une situation pire que celle dans laquelle il se trouvait au départ. Il est vrai que les séquences de films tournées en zone rurale montrent de très nombreux piétons – commerçantes en route pour le marché, jeunes filles se dirigeant vers la rivière, chasseurs déambulant en forêt. Sur ces sentiers, on rencontre aussi des cyclistes, quasi absents des villes – des malafoutiers de retour de la palmeraie. Dans les rues des villes, à Nollywood, les transports publics consistent surtout en minibus, les trotro, ou en motos-taxis, les okada, auxquels se sont ajoutés ces dernières années les keke, des triporteurs couverts. Compte tenu du temps, des distances à parcourir au cours de la semaine et des risques encourus, ceux qui en ont les moyens préfèrent acquérir leur propre voiture. Christiane Fioupou, dans son analyse de La Route de Soyinka, remarquait que « dans The Road, les automobiles ne sont jamais explicitement citées comme moyen de déplacement rapide. Elles n’apparaissent que comme emblèmes de réussite individuelle » (1980 : 74). C’est ce que soulignait déjà le roman de Nwankwo, My Mercedes is Bigger than Yours (1975), dont la première partie raconte comment un jeune prodige nigérian retourne dans son village après une absence de quinze ans, avec sa Jaguar dorée qui lui vaut un succès immédiat auprès des filles du coin. Malheureusement, après une nuit particulièrement active au cours de laquelle au moins trois jeunes femmes succombent à ses charmes sur la banquette arrière de la voiture, il perd le contrôle de son véhicule et tombe au fond d’un ravin. Il emprunte alors – ou plus exactement détourne – une somme d’argent pour louer une grue et tirer sa voiture de là, mais, revenu sur 209

place, ne retrouve qu’un tas de ferraille laissé par ceux qui l’ont ‘cannibalisée’ » (Fletcher, 1977 : 89). De la littérature à l’écran, rien n’a changé. Pour Haynes, au tournant du siècle, « si l’on devait choisir une seule image pour illustrer la culture des films, ce serait sans aucun doute une Mercedes-Benz, dont l’omniprésence est le symbole de la belle vie dont tous rêvent, récompense du bien et du mal, signe de statut et de mobilité sociale » (2000 : 2). Living in Bondage (1992) prouve la vérité de ces dires : chacun des trois amis du personnage principal a réussi à acquérir une Mercedes. Le film de Tunde Kelani, Ti Oluwa Ni Ile (1993), présente un chef corrompu, brutalement « confronté à un journaliste de télévision exigeant de savoir où il a trouvé l’argent [pour se procurer] sa flottille de Mercedes Benzes » (Haynes, 2006 : 516). Dans la plupart des films, les voitures haut-de-gamme résument les rêves et aspirations des Nigérians et les élites du pays « mettent donc tout en œuvre – en fonction de leurs moyens respectifs – des stratégies de présentation de soi pour marquer leur rang : à commencer par l’appropriation des biens les plus luxueux » (Daloz, 2002 : 124). Pour Daloz, la raison de cette obsession pour les voitures de luxe, qui perdure vingt ans après sa remarque, est que la possession d’un véhicule privé démarque le propriétaire. […] Elle le distingue de la majorité des habitants […]. Quoique les automobilistes se trouvent souvent coincés dans les embouteillages ou embourbés dans les ornières des mauvaises routes nigérianes, la voiture n’en reste pas moins un engin libératoire permettant de faire visite à ses relations dans les endroits les plus reculés, de se rendre plus aisément sur son lieu de travail, de sortir le soir […] La voiture est aussi un instrument de parade » (Ibid.).

Les nombreuses séquences de films opposant des coépouses sur la question de la propriété de la voiture familiale illustrent les commentaires de Daloz selon lequel « les riches Nigérians tiennent également à ce que leurs épouses, voire leurs enfants, puissent disposer de voitures respectables » et d’un chauffeur (2002 : 125). Comme le montrent les films nigérians, les routes – rurales ou urbaines – connaissent les mêmes problèmes que le reste du pays, et Nollywood se sert de l’outil visuel pour reconfigurer le lien historique et colonial entre le mouvement de l’image et celui du véhicule, l’automobile représentant maintenant la marche continue et rationnelle vers le progrès. Dans des films comme Living in Bondage (1992), Blood Money (1996), Sakobi : the Snake Girl (1998), Boys’ Cot et Return of Boys’ Cot (2007) – pour ne prendre qu’un échantillon, les personnages associés aux Mercedes, Jaguars et Hummers ont tous acquis ces voitures grâce à leur engagement dans des activités troubles : meurtres rituels, vente d’organes ou fraude internationale en ligne (GreenSimms, 211). Les voitures de luxe ne font qu’ajouter à l’arrogance de leur propriétaire, comme dans Jealous Lovers (2003) où une jeune femme « ré210

siste aux avances d’un millionnaire obèse vautré sur la banquette arrière de son 4x4 qui tente de lui faire des propositions dans la rue en lui lançant un paquet de naïras » (Barrot, 2008 : 77). Si les voitures sont toujours associées au succès ‒ même si ce dernier est parfois mal acquis, on l’a vu, dans les films, la marche, surtout quand elle est solitaire, n’est pas le fait d’un choix : le piéton est le plus souvent pauvre ou en disgrâce. C’est le cas en particulier des femmes répudiées par un mari adultère, des orphelins chassés par leur oncle ou des villageois faussement accusés de vol ou de meurtre et bannis du village. Une leçon sur le chemin du retour Nous avons vu que sur « la route – espace physique, réel, concret – s’articulent de multiples espaces métaphoriques, symboliques et mythiques, à la fois systèmes de représentation culturels et personnels » (Fioupou, 1980 : 5). L’une des meilleures représentations de la route comme symbole d’une société en rapide évolution, cherchant à atteindre la nouveauté et explorer l’inconnu, est la séquence d’ouverture de Who Will Tell the President (2006). Pendant la diffusion du discours inaugural du nouveau Président en voix off, la caméra se promène, offrant une vue panoramique des rues et des axes routiers de la capitale. Cette même route se retrouve dans tous les films : quasi vide, avec quelques rares piétons, ou animée, avec ses files de voitures lancées à vive allure, elle occupe au moins la moitié du temps de projection, espace-clef où se succèdent rencontres, séparations, accords, querelles et crimes. C’est la route qui plante les protagonistes entre ville et campagne, dans une position autant physique que mentale et spirituelle. Surtout, « la route peut être appréhendée en quelque sorte comme le microcosme du Nigeria » (Fioupou, 1980 : 35), entre tradition, modernité et postmodernité, entre pauvreté et richesse. Avec la maturité, la société manichéenne des premiers films de Nollywood a cédé la place à un patchwork qui tolère une variété de nuances, avec une approche plus complexe du symbolisme de la route, tout en gardant le symbolisme fondamental déjà enseigné dans les contes populaires – la route reste donc le chemin qui amène les gens jusqu’au ‘marché’ de la vie et les ramène ensuite ‘à la maison’ au pays des ancêtres80. Les protagonistes des films de Nollywood, qui font la navette entre ville et village sur les routes du pays, rappellent à leur public – Ijeoma [bon voyage], Uzoma [le chemin est bon], Uzochukwu [le chemin de Dieu], Iruka [Ce qui est devant est meilleur], Uzoezie [vrai chemin] et les autres ‒ leur destination finale, tout en prenant le temps de leur enseigner quelques

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Cf. Christiane Fioupou, 1980 : 234, Françoise Ugochukwu, 1992 : 36, 77-78, 91 & 2011 : 130

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vérités sur le voyage de la vie et de les encourager à apprendre en regardant l’écran « sans honte » (Noukoué, 2021) et en famille.

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16. Echi d’ime - Demain est déjà là Le proverbe igbo l’affirme, Echi di ime [demain est enceinte/l’avenir est à naître]. Le cinéma nigérian de l’avenir est en gestation, produit de l’éléphant proverbial qui prend son temps pour faire un enfant. Nous avons observé, au fil de l’ouvrage, les transformations de l’industrie cinématographique nigériane, des longs-métrages de ses débuts à sa renaissance imprévisible sous le nom de Nollywood alors que tout militait contre un tel rebondissement. Des films enregistrés dans les rues sur cassettes par des cinéastes amateurs aux coproductions à gros budgets destinées aux projections en salles, en passant par les longs-métrages du début des années 2000 bénéficiant des nouvelles technologies, Nollywood a enchanté le Nigérian moyen, occupé les loisirs de la diaspora, acquis une réputation internationale et « garde une longueur d’avance dans ce domaine » (Noukoué, 2021). Selon l’ancien attaché audiovisuel régional de l'ambassade de France en résidence à Lagos, Si depuis quinze ans, le Nigeria n'a pratiquement apporté aucune contribution artistique dans les grands festivals, ce pays a eu le mérite de relever un défi là où les pays d'Afrique francophone n'ont pas osé s'avancer : fournir des images locales, raconter des histoires populaires et proches d'un public à faible revenu, tout en ayant recours à des moyens de production très modestes, de 15 000 à 30 000 euros par film. En faisant fi des normes internationales, le Nigeria est parvenu à créer un secteur de production très actif et parfaitement autonome qui génère, de manière directe et indirecte, 300 000 emplois. Aujourd'hui, le secteur du film nigérian représente un marché supérieur à 300 millions d'euros (Sénat, 14 février 2022).

Si les réalisateurs s’efforcent depuis longtemps d’améliorer la qualité de leurs films, d’élargir les sujets traités et d’attirer par là-même un public plus vaste ne se limitant plus au Nigérian moyen et à la diaspora, il n’en reste pas moins que le public nigérian, dans son immense majorité, reste surtout attaché à ses films parce qu’ils racontent ses histoires. Kamdem, dans son documentaire de 2018, reconnaissait que « la grande majorité des films restent des films à petit budget, souvent tournés par des amateurs. » Tandis que se multiplient les productions filmées à l’étranger, des cinéastes, cherchant à répondre à la demande locale, ont réussi jusqu’ici à continuer le tournage de films plus traditionnels et à les écouler en VCD/DVD sur le marché intérieur ‒ le Nigeria continue à produire plus de mille films par an (Hodal, 2020), dont un certain nombre sont aujourd’hui disponibles sur YouTube. Ce phénomène allait-il se prolonger ou le Nollywood traditionnel allait-il laisser la place au ‘nouveau Nollywood’ ?

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La diaspora au service de Nollywood L’une des raisons majeures du succès de Nollywood est le caractère de la diaspora nigériane : en symbiose, malgré l’éloignement, avec la famille et le clan restés au pays, conservant l’anglais nigérian et son accent comme un parfum et ses croyances comme un antidote à l’acculturation, elle se nourrit de ses films et ne peut être dissociée du quotidien de son cinéma. Haynes a bien saisi le poids de cette population : « si la diaspora nigériane était un pays, celui-ci serait l’un des mieux éduqués de la planète : l’exode des cerveaux causé par la période d’ajustement structurel a exporté toute une génération d’intellectuels, de médecins et autres professionnels, et des dizaines de milliers d’étudiants s’expatrient maintenant pour faire des études et ne reviennent pas » (2016 : 306). Le Royaume-Uni occupe à cet égard, pour des raisons historiques et depuis longtemps, une position stratégique au sein de la diaspora européenne, comme le prouve la création de NIDOE [Nigerians in Diaspora Europe] en 2002. NIDO, structurée en huit régions, est une organisation reconnue par le Gouvernement nigérian comme regroupant tous les Nigérians de la planète, appelés à jouer un rôle de premier plan dans la présentation du pays à l’international. Ses objectifs sont de promouvoir l’image du Nigeria à l’étranger, d’encourager le patriotisme, d’offrir aux Nigérians expatriés un réseau de coopération, et de démontrer que la fédération est une excellente destination d'investissement en Afrique. Des réseaux de distribution en expansion Fruit du désir de jeunes cinéastes de partager les histoires des Nigérians, les films des années 1990, avec leurs modestes budgets, leurs caméras bas-degamme, leurs décors de rues et leur amateurisme obligé, ont évolué au-delà de toute attente, portés par de multiples bonnes volontés, une audace et un optimisme typiquement nigérians et la multiplication des collaborations de soutien. Sitanda (2006), White waters (2008) et Cindy’s note (2008) ont bénéficié du soutien financier d’Amstel Malta Box-Office (AMBO). Tango with me (2011) a été sponsorisé par MTN ; Phone swap (2012) a été cofinancé par Glo, et The Figurine du même réalisateur a été en partie soutenu par MTN, GSK et HiTV (Ezepue, 2020). Les budgets des films progressent régulièrement à la hausse, comme le prouvent Through the Glass (2008, 178 000 dollars), Half of a Yellow Sun (2013, 9 millions de dollars) et The Wedding Party 2 : Destination Dubaï, (2017, 300 millions de naïras). Selon l’AFP, Ce sont les films plus haut de gamme qui intéressent désormais les producteurs étrangers. Les salles Canal Olympia, les salles de cinéma et de concerts du groupe Vivendi qui se propagent aux quatre coins du continent, proposent au

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moins « un Nollywood par semaine » dans leur programmation. Le […] Nigeria, un pays où il est toujours difficile d’implanter ce genre de projets en raison des coûts du terrain ou du manque d'électricité, [est] un pays incontournable avec pour l'instant un écran de cinéma pour un million d'habitants. « Être proche de Nollywood, c'est très important pour nous », confie Simon Minkowski, directeur de stratégie et développement pour Canal Olympia. « Mais en plus de la diffusion, il y a un vrai appétit pour produire des contenus par les Africains en Afrique. » C'est ce que fait Canal + depuis quatre ans en Afrique francophone (2019).

Les cinéastes nigérians ont peu à peu créé leurs propres sociétés de distribution : la Nollywood Factory d’Obi Emelonye, la MainFrame Productions de Tunde Kelani et la Talking Drum Entertainment de Moses Babatope. Kunle Afolayan a récemment lancé sa société de production, KAP, et ouvert une académie de cinéma. Nollywood bénéficie aujourd’hui d’un vaste réseau de distribution qui lui permet d’atteindre un public international – le Japon se montre intéressé lui aussi81. Les vols de Virgin Atlantic ont confirmé que « l’industrie offre maintenant un visionnement chez soi, des projections en salle et en flux continu. C’est un succès commercial, avec cette possibilité multiple de voir les films […], pratiquement n’importe qui, de Lagos à la Lettonie, peut se détendre en regardant un menu constant de films nigérians » (Ocran, 2014). Les organismes commerciaux locaux et internationaux investissent maintenant dans l’entreprise cinématographique nigériane. Selon France 24, Iroko, « la grande plateforme moderne de diffusion », est le Netflix africain, avec plus de 8 000 films et plus de 10 000 heures de diffusion en flux et en continu à son catalogue. Mais d’autres sont là aussi. Les studios ROK, société de production cinématographique nigériane fondée par un Igbo en août 2013 et basée à Lagos, offrent une formation et un soutien financier aux cinéastes proposant des projets de film exceptionnels82. Leur acquisition par Canal+ en 2019 a provoqué l’intérêt d’autres compagnies comme Netflix ou l’opérateur Startimes basé en Chine. Selon Ezepue (2020), la participation de corporations comme DStv, Iroko TV, AfricaMagic et Canal+ encourage les cinéastes à améliorer sans cesse la qualité de leurs films. Le producteur et acteur igbo Stan Nze a également confirmé que le choix d’un réseau de distribution détermine la qualité, la structure et le contenu général des films83. Ces partenariats financiers ont gonflé les budgets de Nollywood (Segun Aluko 2021) et permis aux films nigérians d’accéder aux festivals internationaux, qui les avaient longtemps boudés.

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https://www.vanguardngr.com/2019/09/japan-ready-to-invest-in-nollywood/ Lorenzo Menakaya, 6 fév. 2020, communication personnelle à Ezepue (2020). 83 Nze, 8 août 2016, communication personnelle à Ezepue (2020). 82

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Professionnalisation ou embourgeoisement ? L’article d’Ezepue (2020) sur l’embourgeoisement du nouveau Nollywood aborde une question qui mûrissait depuis quelques années : celle de la diversification des productions cinématographiques nigérianes du 21e siècle. Pour elle, « le retour du professionnalisme dans l’industrie a justifié une segmentation similaire à la séparation des classes dans une économie embourgeoisée. » Des chercheurs comme Jedlowski (2013), Ugochukwu (2013), Okome (2014) et Adejunmobi (2015), parmi d’autres, ont identifié ce nouveau Nollywood comme le nouveau cinéma nigérian, la nouvelle vague nigériane ou le Nollywood émergent. Les deux secteurs de Nollywood, traditionnel et nouveau, qui visent deux publics différents, celui des zones rurales et la classe moyenne des mégapoles, sont parfois perçus comme des pratiques créatives séparées ou distinctes – une distinction qui, selon Ezepue, promeut la sectorisation de l’industrie. Au contraire des films traditionnels, d’une durée totale de 380mn environ, découpés en deux ou trois parties et vendus sous pochettes séparées, avec parfois un nouveau titre pour chaque partie, le nouveau Nollywood présente des films d’une durée totale de 90mn. Le premier groupe, menacé par la disparition progressive du DVD, en passe d’être dépassé par la diffusion en flux (Emelonye, entretien personnel 31/08/20), donne la priorité à la flexibilité et favorise une pratique informelle ‘à la nigériane’, comptant avant tout sur le public nigérian, tandis que le second préfère se rapprocher du cinéma occidental, espérant « filtrer les éléments négatifs qui bloquaient le [progrès de] l’industrie » (Jedlowski, 2013 : 41). Ces derniers représentent un secteur de plus en plus formel et qui se détache peu à peu de l’économie informelle de l’industrie. Des cinéastes comme Emem Isong, Mahmood Ali Balogun, Izu Ojukwu, Obi Emelonye, Abba Makama ou Kunle Afolayan recherchent ce qu’il est convenu d’appeler le public ‘glocal’ – à la fois local et global – et cet objectif les amène à choisir de projeter d’abord leurs films à l’étranger pour ensuite les ramener en salles au Nigeria. Ces lancements internationaux (Boughedir, 2005) attirent l’attention occidentale sur la nouvelle génération de cinéastes nigérians, réussissent à combiner mécènes et gros budgets et amarrent progressivement l’industrie cinématographique nigériane au monde des affaires. Comme le rappelle Noukoué (2021), « le cinéma est un enjeu de diplomatie, un enjeu d’influence. » Deux compagnies de vidéoproduction directement connectées à Nollywood ont été créées par des Nigérians au nord de l’Italie « avec l’espoir de faire se rencontrer les cultures » : IGB Film & Music Industry84, basée à Brescia, et GVK (Giving Vividly with Kindness) – dont la présidente, Rose, est ogoni, à Turin. 84

http://igbfilmsandmusicindustry.blogspot.com/ & Jedlowski (2012).

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« Au début, le cast, formé d’amis, travaillait gratuitement. Mais les acteurs arrivaient sur le set avec quatre heures de retard », explique Vincent, scénariste et réalisateur de la Gvk Production. « Il a suffi de donner une paie symbolique pour obtenir une disponibilité maximum ». Le premier film, Efe-Obomwan, a commencé en 2006 et s’est terminé en 2007. « J’ai écrit moi-même le sujet et le scénario, sans avoir eu au préalable d’expérience dans le domaine cinématographique », raconte Vincent Andrew [le mari de Rose, un Ijo] (Rodino, 2008).

Les cinéastes de ce secteur produisent et distribuent leurs films par le biais des salles situées dans les centres commerciaux qui attirent l’élite de la classe moyenne et de la haute société. Pour Barlet (2012), « les salles de cinéma sont essentielles : le cinéma doit pouvoir se voir à plusieurs car il joue son rôle dans la construction du goût, de la culture et de la communauté. Il est important que dans une société, on puisse rire, pleurer ou avoir peur ensemble. » Il est par ailleurs difficile au grand public de se procurer ces films, du fait de la lutte des réalisateurs pour enrayer la menace permanente que représente le piratage. Ce système de distribution sauvage, qui a permis à Nollywood de circuler en toute illégalité pendant des années et de passer les frontières incognito, dérobant leurs revenus aux producteurs, est pour la nouvelle génération de cinéastes un fléau à éradiquer. C’est ce qui explique que les réalisateurs gardent le plus longtemps possible les masters de leurs films pour d’abord encourager la projection en salles : il faut donc plusieurs mois et parfois des années avant que les films du nouveau Nollywood ne soient disponibles sur DVD ou en flux. Alors qu’October 1 (2014) a été distribué sur DVD au bout d’un an, Tango With Me (2011) a mis trois ans à se vendre et Through the Glass (2008) n’était pas encore sorti sur DVD en mars 2020 (Ezepue, 2020). Les cinéastes interrogés reconnaissent enfin que leur désir de plaire à des publics transnationaux, d’être primés et de signer des contrats de distribution, compte parmi les raisons majeures de cette professionnalisation de l’art. Le Nollyfund Le cinéma d’Afrique francophone a bénéficié du soutien constant de la métropole envers les films du sud. Le Fonds Image de la francophonie, dispositif de financement orienté vers les pays francophones du sud et géré depuis plus de trente ans par l’Organisation internationale de la Francophonie, est doté d’un million d’euros par an85. En 2020, ces financements ont atteint 1

85

https://www.francophonie.org/le-fonds-image-de-la-francophonie-soutient-18-films-et-9series-323; https://www.francophonie.org/2020-annee-record-pour-le-financement-des-filmset-series-du-sud-

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980 000 euros, soit deux fois plus que la moyenne des années précédentes. Les cinéastes nigérians, au contraire, n’ont jamais bénéficié d’aucune aide de leur gouvernement avant 2013, et ont continué à financer leurs productions avec les moyens du bord, dans des conditions souvent précaires, malgré la création, en 1979, de la Nigeria Film Corporation destinée à faciliter le développement de l’industrie cinématographique nigériane et à encourager la production de films pour la consommation intérieure et l’exportation par la formation de talents locaux, avec la promesse d’un soutien financier (Aluko, 2021). Des cinéastes comme Kenneth Gyang, Teco Benson, Kunle Afolayan, Stephanie Okereke-Linus ou Obi Emelonye ont profité de compléments de formation dans les académies de cinéma. Reconnaissant les bénéfices à tirer de ces formations, le Président Goodluck Jonathan avait créé, en 2013, un fonds de trois milliards de naïras destiné à renforcer les capacités de Nollywood [Projet ACT Nollywood Capacity Building Fund]. Ce programme destiné à la formation de cinéastes et au soutien de l’industrie cinématographique du pays a permis à 247 cinéastes d’accéder à une formation au Nigeria ou à l’étranger (Ezepue, 2020). Reconnaissant que Nollywood, dont l’importance économique était désormais reconnue par le gouvernement fédéral, faisait face à de nombreux défis, dont le manque d’accès aux prêts structurés et aux réseaux de distribution, la banque de l’industrie s’était par ailleurs engagée à financer des réseaux de distribution comme les salles de cinéma et les chaînes de distribution de CD et DVD. La création de ce fonds était basée sur un certain nombre d’observations :

x La production cinématographique est un secteur émergent mais essential à l’économie du pays ; x Nollywood représentait 1, 42% (soit 7.3 milliards de dollars ou 1,4 trillion de naïras) du PIB en 2013, et 7,2% en 2019 ; x L’industrie, dont les films sont projetés dans le monde entier, est la vitrine du Nigeria ; x Nollywood est la seconde industrie cinématographique au monde, juste derrière Bollywood (Inde) et devant Hollywood (USA), en termes de nombre de films produits. La banque avait, quant à elle, une raison de plus de soutenir Nollywood : aider le financement de l’industrie devait lui permettre d’accroître son impact dans ce secteur. Le fonds, qui devait être accessible tout au long de la chaîne de production, de la préproduction à la postproduction, devait créer 1587#:~:text=En%202020%2C%20les%20financements%20acord%C3%A9s,la% 20moyenne%20des%20ann%C3%A9es%20pr%C3%A9c%C3%A9dentes

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un minimum de 2 000 emplois directs et 5 000 emplois indirects pour les Nigérians. Selon Ezepue (2020), Le Gouvernement fédéral du Nigeria, dans le cadre du Projet de fonds Nollywood, a également offert des fonds aux cinéastes pour se perfectionner dans le pays et à l’étranger. Le Bureau nigérian de la censure cinématographique a l’intention d’encourager le professionnalisme pour renouveler l’industrie. Pour y arriver, les cinéastes devront être membres du futur MOPICON (Motion Picture Council of Nigeria) [qui] détaille le code de conduite et de morale des professionnels nigérians du cinéma et définit clairement le ‘membre’, insistant sur le fait que ces derniers doivent avoir suivi une formation reconnue. Il se réserve le droit de déterminer les standards de connaissances et les compétences requises pour l’accréditation […] comme cinéaste professionnel.

Les prêts devaient être remboursés via les ventes – entrées de cinéma et autres modes de distribution. Mais cette industrie, dont les actifs principaux sont les droits d’auteur, a été jusqu’ici incapable de générer les fonds nécessaires au soutien de demandes de prêts86. Depuis sa création, le fonds ne semble malheureusement avoir été suivi d’aucune action concrète sur le long terme. D’abord, le site internet luimême n’a jamais été vraiment disponible et n’existe plus, remplacé par une page Facebook ouverte le 16 février 2015, qui n’a que quelque 500 abonnés et se contente de donner des nouvelles de l’industrie87. La seconde raison – la vraie – est politique : le gouvernement de Muhammadu Buhari, musulman peul au pouvoir depuis 2015, n’a pas donné suite au projet dans les termes convenus (Olaopa, 2019). En juillet 2016, alors que les cinéastes attendaient le déboursement du milliard de naïras restant, ils ont appris que le Gouvernement fédéral « était davantage intéressé à une restructuration de la totalité du projet et ne souhaitait pas débourser les fonds du programme hérité par l’Administration précédente » (Husseini, 2016). Le 30 juin 2017, un article de presse annonçait cependant que le Gouvernement fédéral avait accordé 420,2 millions de naïras à l’industrie de Nollywood pour soutenir la formation d’aspirants cinéastes88. Selon le ministre, cet argent, qui représentait le second paiement au secteur, devait aider 105 distributeurs. Il est à espérer qu’un gouvernement prochain prendra la décision de vraiment soutenir Nollywood. Dans les années récentes, la France, qui soutient le cinéma africain francophone et cultive aussi depuis longtemps des liens culturels avec le Nigeria, s’est intéressée à son industrie cinématographique : 86

https://www.boi.ng/boinollyfund/ https://www.facebook.com/ACTNollywood 88 https://www.premiumtimesng.com/news/top-news/235490-nigerian-govt-gives-nollywood extra-n420-million-grant.html du 30 juin 2017. 87

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Le ministère français des affaires étrangères, à travers le soutien du bureau du cinéma de l'ancienne direction de l'audiovisuel extérieur, a encouragé la production nigériane de qualité. Entre 2004 et 2008, environ deux tiers des producteurs nigérians sollicitant le Fonds Images Afrique ont obtenu un financement d'aide à la production, à la post-production, au doublage et sous-titrage en français. Ce taux de réussite démontre la vitalité du cinéma nigérian. […] Une quinzaine de réalisateurs nigérians ont pu accéder à plus de 600 000 euros d'aides à la production allouées par le Fonds Images Afrique du ministère français des affaires étrangères (Sénat, 14 février 2022).

En 2019, la Banque centrale du Nigeria offrait par ailleurs des prêts aux cinéastes89, mais cette possibilité suppose une garantie de remboursement. Ce sont finalement les coproductions internationales, la plateforme Netflix et le soutien d’organismes divers qui ont, depuis quelques années, considérablement amélioré le financement des films nigérians (Ojieson, 2017). Netflix (Sylvans, 2021) a financé certains des plus grands films nigérians de ces dernières années comme Lionheart (2018), King of Boys (2018), Òlòtūré (2019) et Namaste Wahala (2020). Cet apport a parfois conduit au reclassement de ces films comme appartenant au pays partiellement responsable des fonds, en dépit de l’origine de leurs réalisateurs (Emelonye, communication personnelle, 10 février 2022). Certains jeunes cinéastes nigérians, cherchant à décoloniser leur production, refusent les subventions internationales (Agina, 2022). Nollywood : une entreprise que rien n’arrête En mai 2020, les cinémas du Nigeria sont restés fermés par suite de la pandémie, et on craignait que 250 000 employés de Nollywood ne perdent leur emploi. L’AFP cependant, à l’affût des dernières innovations nigérianes, notait que « la crise actuelle est aussi l'occasion de tester de nouvelles formules. Le producteur Charles Okpaleke s'est ainsi associé aux chaînes de cinéma locales Genesis et Silverbird pour lancer des drive-in en plein air », à Abuja notamment (France 24, 5/6/2020 ; voir aussi Abraham Achirga & Alexis Akwagyiram, 2020). À Jos, en juin 2020, les frères Ikorudu Boiz se sont débrouillés pour produire une parodie du film d’action hollywoodien Extraction avec des articles ménagers et des jouets, et leur vidéo, placée sur Twitter, avait déjà été visionnée plus de onze millions de fois90 la même année (Ettang). Plusieurs films datant du début de Nollywood ont par ail89

https://www.proshareng.com/news/%20ARTS%20FINANCE/Nollywood-Film-Financing-What-Can-The-Industry-Do-Differently-To-Finance-Nollywood-Transformation-/46318# 90 https://scroll.in/video/965660/watch-a-group-of-nigerian-boys-recreates-the-trailer-of-chrishemsworths-film-extraction

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leurs été repris, et la pandémie a permis de peaufiner leur nouvelle version : c’est le cas de Glamour girls (1994) dont le nouveau réalisateur Charles Okpaleke, a indiqué le 3 juin 2020 sur Instagram que la version 2022 rassemblerait trois générations d’actrices91. Emelonye, qui partage aujourd’hui son temps entre production, enseignement en université et un doctorat sur la narrativisation et l’esthétique au cinéma, a récemment produit d’autres films, dont Black Mail92, sur le point de sortir. Un autre film de lui, Badamasi (2021)93, longtemps retardé, a finalement été approuvé, lancé à Londres le 12 juin 2021 et acquis par Amazon (communication personnelle, 10 mars 2022). Comme le prédisait le réalisateur du documentaire Dans les coulisses de Nollywood (2019), « Nollywood est un groupe de personnes qui veulent vraiment raconter leur histoire. Rien ne les arrêtera. »

91

https://www.pulse.ng/entertainment/movies/glamour-girls-remake-to-premiere-in-cinemasdecember-2021/3br75kn du 3 juin 2020 92 https://www.youtube.com/watch?v=Dvwnb2F2y6Y 93 https://www.newtelegraphng.com/badamasi-film-on-ibb-hosts-exclusive-world-premierein-london/

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Filmographie alphabétique Les films cités ont en commun d’avoir des réalisateurs nigérians et ont été classés comme tels, quel que soit le / les pays de tournage, et que ce soient ou non des coproductions. Le lieu du tournage n’est mentionné que lorsqu’il a une importance particulière. La langue des films et celle des sous-titres n’est indiquée que lorsqu’elle est autre que l’anglais. Notons enfin qu’il est fréquent que des films aient accidentellement le même titre, du fait du manque d’archives permettant de vérifier les titres déjà utilisés. Dans certains cas, il n’a pas été possible de trouver tous les détails concernant les films, du fait que beaucoup d’entre eux ne sont plus accessibles. 100 days in the jungle (2007) Réalisateur / producteur : Chico Ejiro. Distribution : Peter Bunor, Emeka Ike, Larry Koldsweat, Ebube Nwagbo & Tony Umez Abegbe (2008) Réalisateur : Muyiwa Ademola. Producteur : Adebayo Tijani. Langue : yoruba soustitré Abeni (2006) Réalisateur : Tunde Kelani. Producteurs : Tunde Kelani & Abdel Hakim Amzat. Distribution : Sola Adeseko, Abdel Hakim Amzat, Buky Wright, Jide Kossoko, Marcelline Aboh, Akambi Akanla & Kareem Adepoju. Langue : yoruba, doublé en français. Coproduction bénino-nigériane Abuja Connection (2003) Réalisateur : Michael Ezeanyaeche. Producteur : Ojiofor Ezeanyaeche. Distribution : Emeka Ani, Clarion Chukwura-Abiola, Sandra Ejikeme, Eucharia Anunobi, Enebeli Elebuwa, Ngozi Ezeonu, Chidi Mokeme, Chioma Okoye, Nneka Onyekwulujeikem & Tony Umole Across the Niger (2004) Réalisateur : Izu Ojukwu. Producteurs : Kingsley Ogoro & Izu Ojukwu. Distribution : Pete Edochie, Kanayo O. Kanayo, Rekiya Attah, Segun Arinze, Chiwetalu Agu & Segun Arinze A Deusa Negra (1979) Réalisateur/producteur : Ola Balogun. Distribution : Jorge Coutinho, Sonia Santos, Zózimo Bulbul, Léa Garcia, Roberto Pirillo, Milton Vilar et Neusa Borge. Coproduction nigériane-brésilienne Adesuwa (2012) Réalisateur / producteur : Lancelot Oduwa Imasuen. Coproducteur : John Chukwuma Abua. Distribution : Olu Jacobs, Ngozi Ezeonu, Bob-Manuel Udokwu, Iyobosa Olaya, Kofi Adjorlolo & Cliff Igbinovia

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African Dilemma (2006) Réalisateur : Vigil Chine Aki na Ukwa (2002) Réalisateur : Amayo Uzo Philips. Producteur : Chukwuka Emelionwu. Distribution : Osita Iheme, Chinedu Ikedieze, Amaechi Muonagor & Frances Nsokwu Akidi (2001) Réalisateur : Gabriel Moses. Producteur : Gabriel & Damian Moses. Distribution : Nkem Owoh, Sam Loco-Efe & Patience Ozokwor. Langue : igbo Akpegi Boyz (2009) Réalisateurs : Vincent Omoigui & Simone Sandretti. Tourné à Turin. Langue : anglais sous-titré en italien Alade Ikunkun [Prince of Darkness] (1995) Langue : yoruba All My life (2004) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : John Nkeiruka Nwatu. Distribution : Tchidi Chikere, Rita Dominic, Omotola Jalade Ekeinde & Zack Orji Allegation (2002) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Amos Onwe. Distribution : Patt Attah, Pete Eneh, Promise Odika, Remy Ohajianifa, Nnamdi Igweonu, Obi Kechere, Tony Anyasodo & Kingsley Okereke. Tourné dans l’État d’Enugu. Langues : anglais et igbo Amazing Grace (2006) Réalisateur : Jeta Amata. Producteurs : Jeta Amata & Alicia Arce. Distribution : Joke Silva, Nick Moran, Scott Cleverdon, Mbong Odungide, Fred Amata & Zack Amata. Langues : anglais et français. Tourné à Calabar. Coproduction nigérianebritannique American Husband (2004) Réalisateur : Mac Collins Chidebe. Producteur : John Nkeiruka Nwatu. Distribution : Chinedu Ikedieze, Osita Iheme, Amaechi Muonagor & Oby Kechere. Langues : anglais, pidgin et igbo The American Villager (2011) Réalisateur : Iyke Odife. Producteur : Dubem Chigbo Onyemesili. Distribution : John Okafor, Patience Ozokwor, Chinwetalu Agu, Leo Mezie & Charity Eke Angel in Hell (2006/2012) Réalisateur : Ikechukwu Onyeka. Producteurs : Pius Emelionwu & Ikechukwu Onyeka. Distribution : Pete Edochie, Kanayo O. Kanayo, Kenneth Okonkwo, Sam Loco Efe, Pete Eneh & Ebube Nwagbo

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Angel of Darkness (2002) Réalisateur : Samuel Opeoluwa Anini (2005) Réalisateur : Fred Amata. Distribution : Bimbo Akintola, Fred Amata, Jeta Amata, Segun Arinze, Chidi Mokeme & Ashley Nwosu The Apian Way (2002) Réalisateur : Anayo Uzor Philips. Producteur : Obi Madubuogwu. Distribution : John Okafor, Ada Ameh, Osita Iheme, Chinedu Ikedieze. Langue : pidgin The Apple (2000) Réalisateur : Lancelot Oduwarune Imasuen. Producteur : Theodore Anyanji. Distribution : Chioma Onwuka, Tony Umez, Rita Nzelu, Peter Bunor & Florence Onume Arugba (2009) Réalisateur / producteur : Tunde Kelani. Distribution : Segun Adefila, Jumoke Aderounmu, Bukola Awoyemi & Peter Badejo. Langue : yoruba sous-titré Aiye [The World] (1979) Réalisateur / producteur : Ola Balogun. Distribution : Chief H. Ogunde et acteurs de plusieurs troupes du théâtre ambulant yoruba. Langue : yoruba sous-titré. Longmétrage franco-nigérian adapté d’une pièce d’Herbert Ogunde August Meeting (2001) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Prince Emeka Ani. Distribution : Eucharia Anunobi, Ejike Asiegbu, Ngozi Ezeonu, Steve Eboh, Amaka Igwe, Patience Ozokwor, Rita Edochie, Chinwe Owoh, Diewait Ikpechukwu & Tony Anyasodo. Langues : anglais et pidgin Ayo Aye (2001) Réalisateur : Odunlade Adekola. Producteur : Awolabi Ajasa. Distribution : Toyin Adewale, Adebayo Salami & Elizabeth Anjorin. Langue : yoruba sous-titré Ayo Ni Mo Fe (1994) Réalisateur / producteur : Tunde Kelani. Distribution : Kareem Adepoju, Bola Obot, Yomi Ogunmola, Yinka Oyedepo, Opeyemi Adeyemi & Lere Paimo. Langue : yoruba Baby Police (2003) Réalisateur : Anayo Uzo Philips. Producteur : Martin Onyemaobi. Distribution : Osita Iheme, Chinwe Owoh, Francis Odega, Camela Mberekpe, Belena Oruene, Ijeoma Boniface, Williams Edomba & Obioma Ibagwa. Langues : anglais, igbo et pidgin. Tourné à Enugu

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Bad Boys (2001) Réalisateur/producteur : Simi Opeoluwa. Distribution : Ramsey Nouah Junior, Stella Damascus Aboderin, Ems Ohameze. Langues : anglais et pidgin Badamasi - portrait of a General (2021) Réalisateur / producteur : Obi Emelonye. Distribution : Enyinna Nwigwe, Sani Dania, Kalu Ikeagwu, Charles Inojie, Okey Bakassi, Yakubu Mohammed, Amara Uwakwe-Anyanwu, Julius Agwu & Erick Didle The Battle of Love - before the Niger (2000) Réalisateur : Simi Opeoluwa. Producteur : Kingsley Ogoro. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Segun Arinze, Ramsey Nouah & Rekia Attah The Battle of Musanga (1996 / 2005) Réalisateur : Bolaji Dawodu. Producteur : Gab Onyi Okoye. Distribution : Alex Usifo, Chika Anyanwu, Chiw&alu Agu, Eucharia Anunobi & Obi Madubuogwu Beautiful Faces (2004) Réalisateur : Kabat Esosa Egbon. Producteur : Chukwuka Emelionwu. Distribution : Muna Obiekwe, Stephanie Okereke, Ini Ebong Edo & Oge Okoye Bed to Grave (2015) Réalisateur : John Izedonmi. Producteur : Onyinye Chidubem Chiamaka Omechi. Distribution : Ini Edo, Khareema Aguiar, Eko Smith Asante & Nadia Buha Bent Arrows (2010) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Isang Ubong-Awah. Distribution : Franca Aernan, Stella Damasus, Enebeli Elebuwa, Desmond Elliot, Ngozi Ezeonu, Olu Jacobs & Omoni Oboli Beyonce and Rihanna (2008) Réalisateur : Afam Okereke. Producteur : Sylvester Obadigie. Distribution : Jim Iyke, Nadia Buari, Omotola Jalade-Ekeinde, Mina Horseali, Uche Jombo, Aneta Joseph, Sonny Chikezie & David McKenzie The Big Agony / Quand la confiance est brisée (2018) Réalisateur : Kingsley Orji Anosike. Producteur : Uchenna Ivo. Distribution : Solomon Akiyesi, Martha Ankomatt, Sam Sunny, Nkech Nweje, Nelson Wealth & Aistta NyalLangue : anglais doublé en français Black Gold (2011) Réalisateur & coproducteur : Jeta Amata. Producteur : Joel Goffin. Distribution : Billy Zane, Tom Sizemore, Hakeem Kae-Kazim, Mbong Amata /Odungide, Vivica A. Fox, Eric Roberts, Sarah Wayne Callies, Michael Madsen, Mickey Rourke & Shanna Malcolm

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Black Nights in South America (2007) continué Brazilian Deals (2010) Réalisateur / producteur : Abel Success Ebere. Distribution : Desmond Elliot, Eucharia Anunobi, Toyin Alawusa, Godfrey Achinefu, Simon Peak Ozabor, Barry Molokwu, Ziba Ozor & Deborah Frederick Black November (2012) Réalisateur / Coproducteur : Jeta Amata. Producteurs : Bernard Alexander, Ori Ayonmike, Marc Byers, Wilson Ebiye, Hakeem Kae-Kazim & Dede Mabiaku. Distribution : Hakeem Kae-Kazim, Mbong Amata, Vivica Fox, Sarah Wayne Callies, Mickey Rourke, Kim Basinger, Fred Amata, Nse Ikpe Andim, O.C. Ukeje, Anne Heche, Persia White, Aliaume Kamala Badara Akon Thiam (b&ter known as Akon), & Wyclef Jean. Tourné dans le Delta du Niger, à Makurdi et Los Angeles. Coproduction nigérianeaméricaine Blind Love (2003) Réalisateur / producteur : Chico Ejiro. Distribution : Frank Dallas, Victoria Inyama, Jim Iyke, Ashley Nwosu, Ebi Sam & Abubakar Yakubu Blood for Tears (2007) Réalisateur : Ikechukwu Onyeka. Producteur : Kingsley Okereke. Distribution : Genevieve Nnaji, Muna Obiekwe, Nora Robert, Benedict Johnson, Uche Jombo, Moses Elfreat, Mercy Johnson & Tony Nwachukwu. Tourné à Lagos Blood Money (1996) Réalisateur : Chico Ejiro. Producteur : Ojiofor Ezeanyaeche. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Zack Orji, Francis Agu, Sam Dede & Ejike Asiegbu Blood Sisters (2005) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : John Nkeiruka. Distribution : Omotola Jala-de Ekeinde, Genevieve Nnaji & Patience Ozokwor Bloody Moment (2003) Réalisateurs : Sampson Frances & Nouah Jacob. Producteur : Joseph Johnson. Distribution : Ashley Nwosu, Ngozi Ezeonu & Nkiru Sylvanus Bonjour (2004) Réalisateur : Obed Joe. Producteur : Vivian Orji. Distribution : Nkem Owoh, Camilla Mberekpe, Diewait Ikpechukwu & Amaechi Muonagor. Langues : anglais et pidgin sous-titrés en français Boys’ Cot (2007) & Return of Boys’ Cot (2007) Réalisateur : Afam Okereke. Producteur : Sylvester Obadigie. Distribution : Jim Iyke, Mike Ezuruonye, Nonso Diobi, Uche Jombo, David McKenzie, Ruth Kadiri, Chichi Bosah & Sunny Chikezie

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Brain Box (2006) Réalisateur : Ikechukwu Onyeka. Producteur : Kingsley Okereke & Samuel Aganti. Distribution : Sam Loco Efe, Chinedu Ikedieze, Osita Iheme, Benedict Johnson, Tom Njemanze & Ofia Afuluagu Mbaka Brain Box (2010) Réalisateur : Prince Emeka Ani. Producteurs : Nnaemeka Okolo & Prince Emeka Ani. Distribution : Chinedu Ikedieze, Osita Iheme, Steve Eboh, Cynthia Okereke, Stella Ikwuegbe, Keanyi Ebulie, Dan Nkoloagu, Chich Samson & Ikechukwu Nkwuenu Brainwash (2006) Réalisateur : Mac Collins Chidebe. Producteur : Chijioke Nneji. Distribution : John Okafor, Charles Awurum, Kinsley Orji, Uche Elendu & Jim Lawson. Langues : anglais et igbo Brazilian Deals (2010) (Continuation to Black Night in South America) Réalisateur / producteur : Abel Success Ebere. Distribution : Desmond Elliot, Eucharia Anunobi, Toyin Alawusa, Godfrey Achinefu, Simon Peak Ozabor, Ziba Ozor & Barry Molokwu. Langues : anglais et portugais, avec sous-titrages ciblés Breaking Point (1996) Réalisateur : Amaechi Obi. Producteur : Emem Isong. Distribution : Zainab Aliu, Sam Agbebi, Vera Adesanya & Tony Ofili-Akpom Brothers Apart (2007, remixed 2020) Réalisateur : Solomon Apete. Producteur : Augustine Iloh. Distribution : Yul Edochi,Uju Okoli, Norbert Waski Ugoegbu, Ngozi Eze-Evuka & Joshua Daniels Bullfrog in the Sun (1972) Réalisateur : Jason Pohland. Producteur : Francis Oladele. Distribution : Elizabeth de Toro & Johnny Sekka. Adapté de deux romans de Chinua Achebe (Things Fall Apart & No Longer at Ease) Buried Alive (2003) Réalisateur : Ndubuisi Okoh. Distribution : Tochukwu Egbuenu, Tony Ibekwe, Chude Ikemefuna, Amaechi Muonagor & Rita Nzelu. Tourné à Enugu. The Buried Virgin (2016) Réalisateur : Larrie Gee. Distribution : Zainab Ugwuatuonwu, Akachi Max, Ifeanyi Odikaesieme & Prince Gozie Nwaeze. Calabash (2000) Réalisateur : Christian Chika Onu. Producteurs : Amos Onwe & Ignatius Anolue Distribution : Jennifer Ossai & Ignatius Anorue Cassandra (2000) Distribution : Ini Edo

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Caught in the Middle (2007) Réalisateur / producteur : Charles Novia. Distribution : Femi Brainard, Blessing Effiom, Dakore Egbuson, Richard Mofe-Damijo & Charles Novia The CEO (2016) Réalisateur / producteur : Kunle Afolayan. Distribution : Nico Panagio, Kemi Lala Akindoju, Hilda Dokubo, Jimmy Jean-Louis, Wale Ojo, Fatym Layachi, Peter King Nzioki & Angélique Kidjo Changing Faces (2008) Réalisateur / producteur : Faruk Lasaki. Distribution : Marc Baylis, Keppy Ekpenyong-Bassey, Alex Lopez, Rachael Young, Ngozi Elumelu, Ayo Mogaji & Adebowale Adesanya Checkpoint (2007) Réalisateur : Bond Emeruwa. Producteur : Peter Red Ejiro. Distribution : Rychardo Agbor, Saint Obi, Marie Eboka, Emeka Ossai, Kevin Ikeduba & Toyin Alausa. Tourné à Badagry Chicken Madness (2006) Réalisateur : Anayo Uzo Phillips. Producteurs : Stanley Okorie & Chinazor Ugonna Nkemjika. Distribution : Patience Ozokwor, Okey Bakasi, Francis Odega & Uche Elendu . Langues : anglais et pidgin Cindy’s Note (2008) Réalisateur : Izu Ojukwu. Producteurs : Ify Dozie & Ngozi Nkwoj. Distribution : Bharia Mcwizu, Nonso Diobi, Clem Ohameze & Kasimu Yero. Langues : anglais, pidgin et hausa Coming to South Africa (2005) Réalisateur : Paul Louwrens. Producteur : Hakeem Kae-Kazim. Distribution : Jade Hand, Hakeem Kae-Kazim & Ramsey Nouah Common Game (2006) Réalisateur : Willie Ajenge. Distribution : Saint Obi, Ufoma Ejinabor, Stephanie Okereke & Ejiro Okurame Conspiracy (1999) Réalisateur : Chimdi Chiama & Ndubuisi Okoh. Producteur : Obi Madubogwu. Distribution : Chris Erakpotobor, Ifeanyi Ezeokeke, Larry Koldsweat, Charles Okafor, Onyeka Onwuenu & Nkem Owoh The Corporate Maid (2008) Réalisateur : Ikechukwu Onyeka. Producteur : Chimezie Emelionwu. Distribution : Ngozi Ezeonu, Van Vicker & Oge Okoye

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Cruz (2010) (Continuing as The End Of Cruz) Réalisateur : Nonso Emekaekwue. Producteur : Uyi K. Osifo. Distribution : Eucharia Anunobi, Uche Ogbodo, Mary Remmy & Jim Iyke Cry for Help (2002) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteur : Anayo Nwafor. Distribution : Clem Ohamezi, Andy Chukwu, Rita Nzelu, Ngozi Nwosu, Amaechi Muonagor & Nkiruka Sylvanus Cry for Justice (2010) Réalisateur : Ikenna Aniekwe. Producteur : Ossy Okeke. Distribution : Jackie Appiah, Mike Ezuruonye, Mercy Johnson-Okojie, Obi Dike, Charity Eke, Gerry Ikpenwa, Uzor Ndubuizu & Chinyere Nwabueze The Cry of a Virgin (2006) Réalisateur : Paul Obazele. Producteur : Izu Azubike. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Zack Orji & Uche Macaulay. Tourné à Surulere, Lagos Dangerous Angels (2009) Réalisateur : Ikechukwu Onyeka. Producteur : Chimezie Emelionwu. Distribution : Tonto Dike, Nonso Diobi, Ini Edo, Halima Abubakar, Anita Joseph & John-Paul Nwadike Dangerous Twins (2004) Réalisateur : Tade Ogidan. Producteur : Uche Otula. Distribution : Bimbo Akintola, Lanre Balogun, Stella Damasus, Danielle Moubarak, Ramsey Nouah, Sola Sobowale & Norbert Young Daybreak (1998) Distribution : Omotola Jalade-Ekeinde, Olu Jacobs & Emeka Ike Dead Zone – Greedy Landlord (2001) Réalisateur : Obi Madubogwu. Producteur : Ignatius Anorue. Distribution : Charles Okafor, Patience Ozokwor, Pete Edochie, Kwame Owusu-Ansah, Bruno Iwuoha, Chinwe Owoh, Steve Eboh, Olu Adejugbe, Andy Ike & Obi Kechere Deepest of Dreams (2009) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : Azuka Odunukwe. Distribution : Majid Michel, Omotola Jalade-Ekeinde, Tonto Dike & Geraldine Ekeocha Desperate Heart (2007) Réalisateur / producteur : John Osas Omoregie . Distribution : Prince Jackson Egie, Winifred Oye, Fred Ehigiater, Helen Osadiaye, Patrick Von Brussel & Gert Fobelets. Tourné en Belgique et au Nigeria. Langues : anglais, edo (bini) et néerlandais sous-titrés. Coproduction nigériane-belge

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Desperate Billionaire (2005) Réalisateur : Michael Jaja. Producteur : Arinze Ezeanyaeche. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Ini Edo, Rita Dominic, Bimbo Akintola & Ufuoma Ejenobor Digging Deep / Je veux mieux te connaître (2018) Réalisateur / producteur : Chris Onyenso. Distribution : Bryan Okpara, Beverly Osu, Sade Awode, Becky Ogume, Daniel K. Daniel, Ogechi Adibeli, Sarah Akategba & Stephanie Onyenso. Langue : anglais doublé en français Dirty Secret (2010) Réalisateur : Theodore Anyanji. Producteur : Kingsley Okereke. Distribution : TontoDikeh, Muna Obiekwe & Ajibola Dabo. Suite : Little Secret Divine Twins (2007) Réalisateur : St Collins Ozoemena . Producteur : Joseph Chidi Okonkwo . Distribution : Patience Ozokwor, Bruno Iwuoha & Geraldine Ekeocha Dollars from Germany (2004) Réalisateur : Nonso Emekaekwue. Distribution : Mike Manafa & John Okafor Le Dos de la Veuve (‘the back of the widow’ 2011, Cameroun) Réalisateur / producteur : Mary-Noël Niba. Langues : anglais, pidgin, kom et français, sous-titrés en français Double Trouble (n.d.) Réalisateur : Anayo Uzo Philips. Producteur : Chiemelie Mishack Nwonu. Distribution : Patience Ozokwor, Osita Iheme, Chinedu Ikedieze, Frances Nsonowu Ikoraha, Mark Smith, Spider Osuji & Oge Aneke Dry (2014) Réalisatrice/productrice : Stephanie Linus . Coproductrice : Jane Lawalata. Distribution : Stephanie Okereke, Liz Benson, William McNamara, Darwin Shaw, Paul Sambo, Zubaida Ibrahim Fagge, Olu Jacobs, Rahama Hassan, Hauwa Maina, Hakeem Hassan, Tijani Faraga & Klint da Drunk. Filmé en partie à Aberystwyth, au Pays de Galles. Coproduction nigériane-galloise avec l’université d’Aberystwyth Dumebi the Dirty Girl (2012) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : Chinedu Collins Ezenwa. Distribution : Kenneth Okonkwo & Mercy Johnson Earthquake (1999) Réalisateur : Chika Onu. Producteur : Abel James Nwankwo. Distribution : Pete Edochie, Sam Loco Efe, Chika Anyanwu, Chiwetalu Agu, Amaechi Muonagor, Prince James Uche, Tom Njemanze & Chika Ibe Echi di ime (1996) Réalisateur : Dan Emeni. Producteur : Onodu Agu. Distribution : Nnodu Agu, Franca Ndumanya, Chambers Obi-Ohuma, Sandra Ekwueme & Merrybeth Akpa

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Echoes of War (2004) Réalisateur : Obi Emelonye. Distribution : Aren Devlin, Jane Dodd, Anthony Maddalena, Anthony Monjaro, Judith Shekoni & Christopher Tajah Egg of life (2003) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteur : Ojiofor Ezeanyaeche. Distribution : Clarion Chukwura-Abiola, Pete Edochie, Nkiru Sylvanus, Ebele Okaro Onyiuke, Georgina Onuoha, Padita Agu & Ifeanyi Ezeokeke Emotional Crack (2003) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Enem Isong. Distribution : Uduak Akrah, Emma Ayalogu, Ramsey Nouah, Stephanie Okereke & Patience Ozokwor Emotional Risk (2007) Réalisateur : Ebere Onwu (DGN). Producteur : Ibeh Akachukwu. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Chika Ike, Nonso Diobi, Clarion Chukwura, Mike Ezuruonye, Annie Marculay & Ijeoma Imoh End of Pride (2007) Réalisateur : Charles Inojie. Producteur : Chinedu Nnamoko. Distribution : Patience Ozokwo, Chiwetalu Agu, Clems Ohameze & Oge Okoye The End of the Wicked (1999) Réalisateur / producteur : Teco Benson. Producteur exécutif : Helen Ukpabio. Distribution : Charles Okafor, Hilda Dokubo, Ramsey Nouah & Helen Ukpabio End Time Virus (2007) Réalisateur : Emeka Hill Umeasor. Producteur : Longinus Obialeri. Distribution : ChineduIkedieze, Osita Iheme, Jim Lawson Madueke, Larry Koldsweat, Chinenye Okwudiri & Raph Onu Evil Doers (2002) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : Chinedu Ezenwa Collins . Distribution : Rita Edochie, Clem Ohameze, Kanayo O. Kanayo, Eucharia-Anunobi Ekwu, Bob Manuel Udokwu, Maureen Ihua & Justus Esiri Evil Forest (2000) Réalisateur : Sunday Nnajiude. Producteur : Sunny Collins. Distribution : Hilda Dokubo-Mbarakpo, Pete Edochie, Okai Williams, Kwame Owusu-Amsa & Sam Loco-Efe Evil Men (1998) Réalisateur : Chico Ejiro. Producteur : Gabriel & Damian Moses. Distribution : Liz Benson, Pete Edochie & Zack Orji

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Evil Seed (2001) Réalisateur : Isa Abubakar. Producteur : Festus Eluu-Okoh. Distribution : Olu Jacobs, Rachel Oniga Eyimofe – This is My Desire (2020) Réalisateurs / producteurs : Arie & Chuko Esiri. Distribution : Jude Akuwudike, Adetomiwa Edun, Temi Ami-Williams, Cynthia Ebijie, Toyin Oshinaike, Jacob Alexander, Fortune Nwafor, Chioma Omeruah, Bimbo Manuel & Sadiq Daba Eyin Oka (2004) Réalisateur : Ade Ajiboye. Producteur : Ademola Adelakun. Distribution : Funso Adeolu, Mojolabi Johnson Amusan, Saidi Balogun, Taiwo Hassan & Patience Ozokwor. Langue : yoruba The Faculty (2007) Réalisateur : Ugo Ugbor. Producteur : Daniel Imasuen Distribution : Jim Iyke, David McKenzie, McMorris Ndubueze & Vitalis Ndubuisi. The Fake Prophet (2010) Réalisateur : Teco Benson. Producteur : Gary Foxcroft. Distribution : Charles Okafor & Grace Amah. Coproduction nigériane-britannique Fate of Life (1999) Réalisateur : Bolaji Dawodu. Producteur : Nkiru Ugwu. Distribution : Eunice Dawkoji, Gloria Anozie & Tammy Banjoko . Langues : anglais, pidgin et igbo Fateful Love (2004) Réalisateur : Simi Opeoluwa. Producteur : Andy Best Nnadi. Distribution : Uche Ama Abriel, Omotola Jalade-Ekeinde, Ramsey Nouah, Patience Ozokwor, Paul Obazele, Sam Obiakeme & Trine Thieelen Femi Ni Nkem (2004) Producteur : Femi Davies. Distribution : Segun Arinze, Ejike Asiegbu, Ngozi Nwosu, Larry Koldsweat, Yemi Sodimu, Jide Kosoko, Moji Olaiya, Dele Odule & Baba Wande The Figurine : Aromire (2009) Réalisateur/producteur : Kunle Afolayan. Distribution : Kunle Afolayan, Ramsey Nouah, Omoni Oboli, Funlola Aofiyebi-Raimi & Tosin Sido For Maria Ebun Pataki (2020) Réalisatrice : Damilola Orimogunje. Distribution : Gabruiel Afolayan, Tina Mba & Meg Otanwa. Langue: yoruba sous-titré Fulton’s Mansion (2010) Réalisateur : Okey Zubelu Okoh. Producteur : Uche Nancy & Hyacinth Onukwa. Distribution : Yul Edochie, Stephanie Okereke, Ini Edo Ehiagwina & Patience Ozokwor

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The Ghost and the House of Truth (2019) Réalisateur : Akin Omotoso. Producteurs : Kemi Lala Akindoju & Ego Boyo, Distribution : Susan Wokoma, Kate Henshaw-Nuttal, Fabian Adeoye Lojede, Tope Tedela, Seun Ajayi & Kemi Lala Akindoju. Langues: anglais, et pidgin sous-titré Girls’ Cot (2006) Réalisateur : Afam Okereke. Producteur : Sylvester Obadigie. Distribution: Ini Edo, Genevieve Nnaji, Rita Dominic & Uche Jombo Glamour Girls (1994) Réalisateur : Chika Onukwafor. Producteur : Kenneth Nnebue. Distribution : Ngozi Ezeonu, Liz Benson, Sola Fosudo, Eucharia Anunobi, Pat Attah, Zack Orji, Peter Bunor, Keppy Ekpenyong-Bassey, Gloria Anozie, Jennifer Okere & Barbara Udoh N.B. Les droits du film de 1994 ont été acquis par le réalisateur Charles Okpaleke, producteur exécutif de "Living in Bondage : Breaking Free." Le ‘remake’ du film est attendu. https://www.pulse.ng/bi/lifestyle/glamour-girls-a-remake-ofthis-1994-nollywood-blockbuster-is-in-the-works/f35rv6f God is African (2003) Réalisateur : Akin Omotoso. Distribution : Hakeem Kae-Kazim, Sami Sabiti, Esmeralda Bihl & Hugh Masebenza Gone Too Far (2013) Réalisateur : Destiny Ekaragha. Producteur : Christopher Granier-Deferre. Distribution : Malachi Kirby, Tosin Cole, Adeayo Adedayo, Kalvinder Ghir, Bhasker Patel, Pooja Sha & O.C.Ukeje. Coproduction nigériane-britannique Gods of Africa in Brazil (1998) Réalisateur/producteur : Ola Balogun Great Change (n.d.) Réalisateur : Kenneth Egbuna The Great Mistake (1995) Réalisateur / producteur : Mike Bamiloye. Distribution : Muike Bamiloye, Foluke Asedina, Gloria Bamiloye, Remi Adeyemi, Israel Ore-Adewole & Yemi Adepoju Half of a Yellow Sun (2013) Réalisateur : Biyi Bandele. Coproducteurs : Andrea Calderwood & Gail Egan. Distribution : Chiwetel Ejiofor, Th&ie Newton, Joseph Mawle, Anika Noni Rose, Genevieve Nnaji & Zack Orji. Adapté du roman d’Adichie. Coproduction nigérianebritannique He-Goat/Oke Mkpi (2002) Réalisateur : Theodore Anyanji. Producteur : Chukwuka Anyanji. Distribution: Nkem Owoh, Chiwetalu Agu, Victor Osuagwu & Patience Ozokwor

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Hideous Affair (2010) Réalisateur / Producteur : Ikenna Ezeugwu. Distribution : Chioma Chukwuka, Esther Olise, john Paul Nwadike & Enebeli Elebuwa Hit the Street (2004) with part II (2007) Réalisateur : Chico Ejiro. Producteur : Onyebuchi Eriobu. Distribution : Victoria Iynanna, Sandra Achums, Benita Nzeribe, Jim Iyke & Abubakar Yakubu Hope (2014) Réalisateur : Boris Lojkine. Distribution : Justin Wang, Endurance Newton & Nabyl Fally Koivogui Hot Tears (2010) Réalisateur : John Izedonmi. Producteurs : Dozie & Chinelo Omechi. Distribution : Ecow Smith Asante, Akua Atta & Clement A. Bonney Hour Before Midnight (n.d.) Réalisateur : Ifeanyi Onyeabor. Distribution : Zack Orji Hour of Grace (2001) Réalisateur : Sunday Nnajiude. Producteur : Sunday Collins. Distribution : Liz Benson, Justus Esiri & Hilda Dokubo Mrakpor

Ìfé (2020, court-métrage) Réalisatrice : Uyaiedu Ikpe-Etim. Productrice : Pamela Adie. Distribution : Cindy Amadi & Uzoamaka Aniunoh Igodo : The Land of the Living Dead (1999) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteur : Don Pedro Obaseki. Distribution : Sam Dede, Pete Edochie, Norbert Young, Charles Okafor, Prince James Oche, Ignis Ekwe, Obi Madubogwu, Chidi Mokeme & Joe Lavode Ijé, The Journey (2010) Productrice/réalisatrice : Chineze Anyaene. Coproductrice : Paula Moreno. Distribution : Omotola Ajalade-Ekeinde, Geneviève Nnaji, Ulrich Que, Jeff Swarthout, Clem Ohameze, Jon Morgan Woodward, John Ammons. Tourné à Jos, Abuja et Los Angeles In the Beginning (2002) Réalisateur : Ernest Obi. Producteur : Iyke Odife. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Ngozi Ezeonu, Albert Akaeze, Larry Koldsweat, Roy de Nani, Fabian Adibe, Maureen Solomon & Ify Afuba In the Cupboard (2012) Réalisateur / Producteur : Desmond Elliott. Distribution : Ini Edo, Genevieve Nnaji, Ramsey Nouah, Charles Uti Nwachukwu, Emem Isong & Alex Ekubo

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Inalé (2010) Réalisateur : Jeta Amata. Producteur : Keke Bongos. Distribution : Caroline Chikezie, Hakeem Kae-Kazim & Dede Mabiaku Izaga (1999) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteur : Don Pedro Obaseki. Distribution : Liz Benson, Zulu Odigwe, Omotola Jalade-Ekeinde, Kenneth Okonkwo, Sandra Achums, Obi Okoye & Chika Anyanwu Jealous Lovers (2003) Réalisateur : Adim Williams. Producteur : Emmanuel Isikaku. Distribution : Genevieve Nnaji, Pat Attah, Florence Onuma, Jim Iyjke, Obi Edozie, Adim Williqams, Emeka Okoro & Enebeli Elebuwa Jezebel (1994) Réalisateur / Producteur : Francis Agu. Coproductrice : Emem Isong. Distribution : Francis Agu, Franca Brown & Ngozi Nwosu Just One Blood (2018) Réalisateur : Teco Benson. Producteur : Timmy Macnicol. Distribution: Zack Orji, Mofe Duncan, Timmy Macnicol, Paul Andrew Goldsmith, Keri Abley, Judith Akuta, Shirley Day, Kande Fatoumata & Abbie Fatty Karishika (1996) Réalisateur : Christian Onu. Distribution: Becky Okorie, Bob-Manuel Udokwu, Sandra Achums, Ifeanyi Ikpoenyi, Obi Madubogwu, Andy Chukwu, Steve Eboh, Sonny McDon, Adaora Ukoh, Amaechi Muonagor & Joseph Okechukwu King of Boys (2018) Réalisatrice : Kemi Adetiba. Producteurs : Kemi Adetiba, Remi Adetiba & Kene Okwuosa. Distribution : Sola Sobowale, Adesuwa Etomi, Paul Sambo, Titi Kuti, Sani Muazu, Lanre Hassan, Lami Philips, Adeolu Adefarasin & Ademola Adedoyin The King’s Secret (2012) Réalisateur : Austin Fana. Producteur : Peter Okonkwo. Distribution : Mike Ezuruonye, Jibola Dabo & Hacha Eke Kongi’s Harvest (1970) Réalisateur : Ossie Davis. Producteur : Francis Oladele. Distribution : Wole Soyinka, Wale Ogunyemi, Femi Robinson, Orlando Martins, Dapo Adelugba & Rashidi Onikoy Koseegbe (1995) Réalisateur / Producteur : Tunde Kelani. Distribution : Jimo Fakapejo, Master Ajuwon, Kayode Olaiya, Tayo Adewusi & Hakeem Hamza. Langue : yoruba sous-titré

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Kulende (2009) Réalisateur : Adebayo Salami. Producteur : Bayo Tijani. Distribution : Adebayo Salami, Sola Sobowale & Funke Akindele. Langue : yoruba sous-titré Laraba (2000) Réalisateur : Ndubuisi Okoh. Producteur : Okoro Ugwu. Distribution : Alex Mouth, Ngozi Agha Okoro, Ernest Obi, Francis Duru, Ibrahim Adamu & Matt Dadzie Lionheart (2018) Réalisatrice / productrice : Genevieve Nnaji. Distribution : Genevieve Nnaji, Nkem Owoh, Pete Edochie, Onyeka Onwenu, Kanayo O. Kanayo, Ngozi Ezeonu & Kalu Ikeagwu The Last Burial (2011) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Prince Emeka Ani. Distribution : Clem Ohameze, Chika Anyanwu, Eucharia Anonobi & Sam Dede The Last Oath (2005) Réalisateur : Moses Ebere. Producteur : Okoro Ugwu. Distribution : Stella Damasus Aboderin, Desmond Elliot, Peter Bunor, Ngozi Ezeonu, Bimbo Akintola, Rykardo Agbor & Angela Philips Last Flight to Abuja (2012) Réalisateur & producteur : Obi Emelonye. Distribution : Celine Loader, Omotola Jalade-Ekeinde, Hakeem Kae-Kazim, Jim Iyke, Anthony Monjaro, Uru Eke, Tila Ben, Jide Kosoko, Ali Nuhu, Uche Odoputa, Jennifer Oguzie & Joe Shamel Laviva (2007) Réalisateur : Izu Ojukwu. Producteurs : Peace Anyam-Fiberesima & Onyebuchi Eriobu. Distribution : Hanks Anuku, Francis Duru & Joy Eleojo Egbunu Law 58 (2010) Réalisateur/producteur : Dickson Iroegbu. Distribution : Kanayo O Kanayo, Clarion Chukwurah, Halima Abubakar, Kofi Adjorlolor & Mark Morris Chibueze Life in New York (2004) Réalisateur / producteur : Chico Ejiro. Distribution : Desmond Elliot, Jim Iyke, Pascal Âtmâ, Fadekemi Balogun, Paul Obazele & Veronica Kelly Living in Bondage (1992) Réalisateur : Chris Obi Rapu. Producteur : Kenneth Nnebue. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Francis Agu, Grace Ayozie, Chizoba Bosa, Obiageli Molube & Okechukwu Ogunjiofor. Langue : igbo sous-titré Living in Bondage: Breaking Free (2019) Réalisateur : Ramsey Nouah. Producteur : Steve Gukas. Distribution : Ramsey Nouah, Enyinna Nwigwe, Kenneth Okonkwo, Kanayo O. Kanayo, Nancy Isime, Munachi Abii, Jide Kene Achufusi et Swanky JKA. Langues : igbo et anglais

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London Boy (2016) Réalisateur / Producteur : Patrick Ibe Ani. Coproducteur : Neche Sam. Distribution : Chiwetalu Agu, Ijeoma Thomas, Cynthia Okereke, Ferdinand Ohams, Isaac Otutu & Neche Sam The Lost Café (2018) Réalisateur : Kenneth Gyang. Productrice : Regina Udalor. Distribution : Tunde Aladese, Omatta Udalor, Terje Lien, Belinda Effah, Tayo Citadel, Carla Nyquist, Trine Pedersen, Ann Njemanze, Anders Lidin Hansen, Jenny Bonden & Anita Daniels. Tourné à Calabar et en Norvège. Langues : anglais, et norvégien sous-titré Love in Berlin – The Meeting Point (2005) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Isaac Izoya. Distribution: Patience Ozokwor, Jim Iyke, Sandra Achums, Isaac Izoya, Victor David, Olayinka Dosunmu, Emanuella Agbumo & Katharina Berinnga Love in Colours (2004) Réalisateur : Aquilla Njama, Mack Okorie & Henry Udumah. Distribution : Ashley Nwosu, Nicholas Reed, Vicky Onwuzuruik & Henry Udumah Love in Vendetta (1996) Réalisateur : Chico Ejiro. Producteur : Zack Orji. Distribution : Zack Orji, Kate Henshaw, Victor Decker & Justus Esiri Maami (2011) Réalisateur /producteur : Tunde Kelani. Distribution : Funke Akindele, Wole Ojo, Tamilore Kuboye and Ayomide Abatti. Adapté de la nouvelle de même titre de Femi Osofisan (1988) par Tunde Babalola. Langue : yoruba sous-titré Mama Gee Goes to School (2011) Réalisateur : Ken Hadley Bestman Mgbachi (de Magician). Producteur : Chibuzo Emelu Simon. Distribution : Patience Ozokwor, Uche Ogbodo, Dede One Day, Mary Remmy & Francis Odega. Tourné à Umuahia Man on Ground (2011) Réalisateur : Akin Omotoso. Coproducteurs : Akin Omotoso, Kazeem Kae-Kazim, Rosie Motene & Fabian Adeoye. Distribution : Hakeem Kae-Kazim, Fabian Adeoye, Fana Mokoena & Buku Mazibuko. Langues : anglais, zulu, sotho et yoruba. Coproduction nigériane-sud-africaine Manchester Bound (2007) Réalisateur : Vigil Chime. Distribution : Chima Chikazunga, Ihenji Ugenyi, Souleymane Sy Savane & Leah Richards

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Married but Living Single (2012) Réalisateur : Tunde Olaoye. Producteur : Kalejaiye Adeboye Paul. Distribution : Funke Akindele, Joke Silva, Benjamin Joseph, Tina Mba, Kiki Omeili, Femi Brainard, Kalejaiye Adeboye Paul & Adeola Faseyi The Meeting (2012) Réalisatrice : Mildred Okwo . Productrices : Mildred Okwo & Rita Dominic. Distribution : Jide Kosoko, Rita Dominic, Femi Jacobs, Linda Ejiofor, Kate Henshaw, Chinedu Ikedieze & Nse Ikpe Etim Men in Love (2010) Réalisateur : Moses Ebere. Producteur : Kingsley Okereke. Distribution : Tonto Dikeh, John Dumelo, Muna Obiekwe & Halima Abubakar Meet You in Hell (2005) Réalisateur : Anayo Uzo Philips. Producteur : Chimezie Oguzie. Distribution : Ini Edo, John Okafor, Amaechi Muonagor, Uche Elendu, Ifeoma Anyam, Camilla Mberekpe, Ofiaeli Esther & Onuegbu Obinna Million Dollar Sisters (2006) Réalisateur : Ekenna Ugo Igwe. Producteurs : Pascal Okereke & Chukwuemeka McDonald Oguere. Distribution : Val Agulonu, Okereke Pascal Cato, Rita Dominic, Kanayo O. Kanayo, Gloria Michaels, Ebele Okaro-Onyiuke & Ugo White The Mirror Boy (2011) Réalisateur : Obi Emelonye. Producteurs : Obi Emelonye & Patrick Campbell. Distribution : Genevieve Nnaji, Osita Iheme, Fatima Jabbe, Edward Kagutuzi, Emma Fletcher & Peter Halpin Modupe Temi (2008) Réalisateur : Daniel Ademinokan. Producteur : Saheed Balogun. Distribution: SaheedBalogun & Doris Simeo. Langue : yoruba sous-titré Money Abroad (n.d.) Réalisateur / producteur : John Osas Omoregie Mortal Attraction (2009) Producteurs : Emem Isong & Chisom Oz-Lee. Distribution : Ramsey Nouah, Uche Jombo, Desmond Elliot & Monalisa Chinda Mortal Inheritance (1995) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteur : Zeb Ejiro. Distribution : Fred Amata, Abiola Atanda, Kunle Bamtefa, Omotola Jalade-Ekeinde & Obiageli Molube Most Wanted (1998) Réalisateur : Tunji Bamishigbin. Producteurs : Dozie Eriobu & Ralph Nwadike. Distribution : Ayo Adesanya Hassan, Bisola Fadayomi, Ibinabo Fiberesima, Bob-

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Manuel Udokwu, Liz Benson, Amaechi Muonagor, Regina Askia Williams, Genevieve Nnaji, Antar Laniyan, Wale Macaulay & Femi Brainard A Mother’s Fight (2013) Réalisateur : Ike Nnaebue. Producteur : Uche Jombo. Distribution : Uche Jombo, Kiki Omeili, Bobby Obodo, Uchenna Nnanna, Emeka Duru & Prince Nwafor The Mourning after (2004) Réalisateur : Jimi Odumosu. Distribution : Bimbo Akintola, Zainab Bukky-Ajayi, Perpetua Uku & Victor Eze Mr. Ibu & Keziah (2010) Réalisateur : Stanley Anaekwe. Producteur : Tony Nwatu. Distribution : John Okafor, Mercy Johnson & McSmith Ochendo Mr. Ibu in London (2004) Réalisateur : Adim Williams. Producteur : Chukwuka Emelionwu. Distribution : John Okafor, Kareem Adepoju & Marian Davies Mr. & Mr. (2012) Distribution : Emeka Ike, Oby Edozie & Shola Shobowale My Darling Princess (2008) Réalisateur : Ifeanyi Ikpoenyi. Distribution : Muna Obiekwe, Stephanie Linus, Enebeli Elebuwa, Eucharia Anunobi-Ekwu, Omar Sheriff Captan, Victoria Zugah, Ngozi Nwosu, Mercy Obi, Kevin Ikeduba & Richard Amechi My Mother’s Blood (2013) Réalisateur : Vincent D Anointed. Producteur : Ikenna Irikannu. Distribution : Ngozi Ezeonu, Chinyere Wilfred, Emma Umeh & Chizoba Osakwe My Mother’s Decision (2006) Réalisateur : Henry Udeze. Distribution : Ini Edo, Stan Kay, Gadiel Onwudiwe, Patience Ozokwor & Emmanuel Uruakpa My School Mother (2005) Réalisateur : Ndubuisi Okoh. Producteur : Moses Nkwor. Distribution : Maureen Solomon, Chinelo Ndigwe, Chinwe Owoh & Tom Njemanze Namaste Wahala (2020) Réalisatrice : Hamisha Daryani Ahuja. Distribution : Ini Dima-Okoji, Ruslaan Mumtaz, Richard Mofe Damijo, Joke Silva, Osas Ighodaro, broda shaggi, M.I Abaga. Langues : anglais, hindi et pidgin Nights of Riot and War (2004) Réalisateur : Tchidi Chikere. Distribution : Saint Obi, Rita Dominic, Nwani Okolo, Stan Amandi & Stella Ikwuegbu

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Nine wives (2005) Réalisateur : Anayo Uzo Philips. Producteur : Anayo Ezeugwu. Distribution : Sam Loco Efe, John Okafor, Okey Bakasi, Oge Igwemma & Tina Okoli. Nneka the Pretty Serpent (1992) Réalisateur : Zeb Ejiro. Producteur : Okechukwu Ogunjiofor. Distribution : Ndidi Obi, Chinyere Wilfred, Ngozi Ezeonu & Kanayo O. Kanayo. Langue : igbo soustitré Occultic Kingdom (2005) Réalisateur : Afam Okereke. Producteur : Sunny Collins. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Mike Ezuruonye, King Joe Okechukwu, Chiege Alisigwe & Ngozi Ezeonu. Occultic Wedding (2006) Réalisateur/Producteur : Theodore Anyanji. Distribution : Eucharia Anunobi, Michael Ezuruonye, Georgina Onuoha, Sam Uche Anyamene,. Emeka Ossai, Emeka Ani, Emilia Azu, Jenkins Ekpo, Chuma Onwudiwe, Chinyere Nwabueze, Fredrick Leonard, Gladicent Nwankwo & Confidence Okafor October 1 (2014) Réalisateur / producteur : Kunle Afolayan. Distribution : Sadiq Daba, Kayode Aderupoko, Ademola Adedoyin, David Bailie, Colin David Reese, Nick Rhys & Kehinde Bankole. Okosisi (1999) Réalisateur : Andy Amenechi. Producteurs : Nwafor Anayo & Nwabulu Valentine Oloibiri (2015) Réalisateur : Curtis Graham. Producteur : Wilson Ebere & Suzanne DeLaurentiis Distribution : Olu Jacobs, Billy Zane, Richard Mofe Damijo, William Moses, Taiwo Ajai-Lycett, Ivie Okujaye & Ifeanyi Williams, et des acteurs de l’État de Bayelsa. Tourné à Hamilton (Canada) & Oloibiri (Nigeria). Òlòtūré (2019) Réalisateur : Kenneth Gyan. Producteurs : Heidi Uys, Teidayo Abudu & James Amuta. Distribution : Beverly Osu, Sharon Ooja, Omowumi Dada, Ada Ameh, Blossom Chukwujekwu, Adebukola Oladipupo, Daniel Etim-Effiong, Omoni Oboli, David Jones David, Emmanuel Ilemobayo, Segun Arinze Eunice Omoregie, Gregory Ojefua, Ikechukwu Onunaku & Kemi Lala Akindoju Oma Tsen (2011) Coproductrice : Almatel Eyengho . Langue : itsekiri One Dollar (2002) Réalisateur : Gabriel Mose. Producteurs : Damian & Gabriel Moses. Distribution : Patience Ozokwor, Victor Osuagwu, Bob-Manuel Udokwu, Chiege Alisigwe & Jim Iyke

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Onome – Another Love (1996) Réalisateur : Chico Ejiro. Producteur : Udensi Azubike & Opa Williams. Distribution : Zack Amata, Olu Jacobs, Sam Loco Efe, Rachael Oniga & Henrietta Oniovosa Onye Ozi (2013) Réalisateur / producteur : Obi Emelonye. Distribution : Obi Emelonye, Nkiruka Emelonye, Okey Bakassi, Stephen Moriaty, Anthony Aclet, Ngozi Igwebike, Adesua Atuanya & King Onuigbo. Langue : igbo sous-titré Osuofia in London (2003) Réalisateur / producteur : Kingsley Okoro. Distribution : Nkem Owoh, Mara Dewent & Charles Angiama The Other Side of the Atlantic (2016) Réalisateurs : Daniele Ellery & Marcio Camara. Distribution : Brigida Pinto, Jorge Cambida, Osnelly Osorio, Shakil Ribeiro & Thamylton Teixeira. Langue : portugais The other side of life (2002) Réalisateur : Femi J. Babatunde Painful Soul (2012) Réalisateur : Obinna Ukaeze. Producteur : Precious Okafo. Distribution : Mercy Johnson-Okojie, Chika Ike, Ngozi Ezeonu, Charles Anwurum & Gozie Alichi Palaver (1926) Réalisateur / producteur : Geoffrey Barkas. Muet Paradise to Hell (2005) Réalisateur : Theodore Anyanji. Producteur : Dozie Omechi. Distribution : Ngozi Ezeonu, Charles Lawson, Ramsey Nouah, Ashley Nwosu & Oge Okoye Peacemakers (2003) Réalisateur : Chika Onu. Producteurs : Cajetan Obi & Sunday Ekegbo. Distribution : Emeka Enyiocha, Emeka Ike, Nkiru Sylvanus, Amaechi Muonagor, Rita Edochie, Fabian Adibe & Angela Philips The People’s Club (2006) Réalisateur : Mac-Collins Chideb. Producteur : Tony Nwatu. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Charles Okafor, Enebeli Elebuwa, Chika Anyanwu, Larry Koldsweat, Stella Ikwuegbu, Tom Njemanze, Chidi Benko, JohnPaul Nwadike & Diewait Ikpechukwu. Langues : anglais, et igbo sous-titré. Tourné dans l’État d’Enugu Peruvian Hair Wahala (2013) Distribution : Chinwe Eboh, Uchenna Nnanna Maduka, Alex Mouth, Chika Ike, Solomon Akiyesi & Prince Eke

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Phone Swap (2012) Réalisateur/producteur : Kunle Afolayan. Distribution : Joke Silva, Chika Okpala, Wale Ojo, Nse Ikpe-Etim, Lydia Forson & Ada Ameh Please Come Back (2003) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Chukwuka Emelionwu. Distribution : Enebeli Elebuwa, Pete Edochie, Collins Onwochei, Cjhuks Oparaocha & Chioma Anidiobi. Tourné à Enugu Point of no return (1998) Réalisateur : Ruke Amata. Producteur : Jerry Isichei & Chuka Solomon. Distribution : Ejike Asiegbu, Shan George & Chiwetalu Agu Pound of Flesh (2002) Réalisateur : Adim Williams. Producteur : Ifeanyi Nnaemeka Pourquoi moi ? (2013) Réalisateur : Tunde Kelani. Producteur : Abdel Hakim A. Laleye. Distribution : Ahissatou Traoré, Zack Orji, Abdel Hakim Amzat, Sebastien Davo & Euloge Beo Aguiar Power of Lies (2011) Réalisateur : Ugezu J. Ugezu. Producteur : Ugoben Udeka. Distribution : Mike Ezuruonye, Tonto Dike & Jibola Dabo The Price (1999) Réalisateur / Producteur : Teco Benson. Productrice exécutive : Helen Ukpabio. Distribution : Richard Mofe Damijo, Eucharia Anunobi, Justus Esiri, Ejike Asiegbu, Amaechi Muonagor, Franca Brown & Helen Ukpabio The Price (2017) Réalisateur / Producteur : Anthony Onah. Distribution : Lucy Griffiths, Peter Cack, Michael Hyatt, Aml Ameen, Bill Sage, Hope Olaide Wilson & Dana Drori, The Queen of the Rainforest / The Queen (2004) Réalisateur : Jeta Amata. Distribution : Halimar Abubakar, Ansa Ekpo Bassey, Stella Damasus-Aboderin, Richard Mofe-Damijo, Robert Peters & Nkiru Sylvanus Reflections (2012) Réalisateur / producteur : Desmond Elliot. Distribution : Desmond Elliot, Uche Jombo, Lydia Forson, Aisha Kamara & Dabota Lawson. Release me o Lord (2013) suivi de My Blood My Sweat (2013) Réalisateur : Ifeanyi Ogbonna. Producteur : Chigbo Onyemesili. Distribution : Pete Edochie, Eve Essien, Chinwe Owoh, Ken Eric, Clem Ohameze & Chinwetalu Agu. Langues : anglais, et igbo sous-titré

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Reloaded (2009) Réalisateurs : Lancelot Oduwa Imasuen & Ikechukwu Onyeka. Producteurs : Emem Isong & Desmond Elliot. Distribution : Stephanie Okereke, Desmond Elliot, Ini Edo & Rita Dominic Road Obstruction (2009) Réalisateur : Ken Adley Bestman. Producteur : Paul Ejike Afube. Distribution : John Okafor, Charles Awurum, Mary Remmy, Dede One Day Langues : pidgin et anglais The Royal Hibiscus Hotel (2017) Réalisateur : Ishaya Bako. Producteurs : Temidayo Abudu, Priscilla Nwanah, Keni Ogunlola & Heidi Uys. Distribution : Zainab Balogun, Kenneth Okolie, Jide Kosoko, Rachel Oniga, Deyemi Okanlawon, Kemi Lala Akindoju, Charles Inojie, Tony Jones, Ini dima Okojie, Akah Nani, Joke Silva, Olu Jacobs & O.C.Ukeje Runs (2002) Réalisateur : Tarila Thompson. Producteur : Elochukwu Anigbogu. Distribution : Genevieve Nnaji, Stephnora Okere, Basorge Tarial Jnr, Georgina Onu, Anita Hgoan, Oby Edozien, Uche Iwuji, Ejikro Ame, Ndu Amugo & Okolie Donald Sacred tradition (2006) Réalisateur : Amayo Uzor Philips. Producteur : Rob Emeka Eze. Distribution : Pete Edochie, Chioma Chukwuka, Fred Aseroma, Chiege Alisigwe, Amaechi Muonagor, Chinyere Wilfred, Bruno Iwuoha, Charles Awurum, Diewait Ikpechukwu & Ofia Afuluagu Mbaka Sakobi the Snake Girl (1998) Réalisateur : Zeb Ejiro. Distribution : Princess Akor, Dusty Edet, Mimi Ejiro, Emmanuel France, Saint Obi, Patience Oghre, Gloria Ogunjiofor, Domitilla Oleka, Susan Patrick & Tony Umez Sanders of the River (1935) Réalisateur : Zoltán Korda. Producteur : Alexander Korda. Distribution : Leslie Banks, Paul Robeson, Orlando Martins, Nina Mae McKinney, Martin Walker, Robert Cochran, Richard Grey & Toto Ware. Britannique. Satanic (n.d.) Réalisateur : Mathias Obahiagbon. Producteur : Louis Isikaku. Distribution : Liz Benson, Sola Fosudo & Gloria Anozie Saving Alero (2001) Réalisateur : Tade Ogidan. Producteur : Francis Onwochei. Distribution : Uche ObiOsotule, Ayo Adesanya, Bimbo Akintola, Charles Okafor & Zainab Bukky-Ajayi Saving Sarah (2006) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Productrices : Vivian Ejike & Irene Ajie. Distribution : Jim Iyke, Desmond Elliot, Ufuoma Ejenobor & Ejike Asiegbu

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Seeds of Bondage (2006) Réalisateur : Chika Onu. Producteur : Chukwudi Madu. Distribution : Pete Edochie, Clem Ohameze, Patience Ozokwor, Nkiru Sylvanus, Sam Koco Efe, Lasa Amoro, Chinedu Ikedieze, Obi Dike & Iyke Ogwume. Langues : anglais, doublé en français. Tourné à Enugu Senseless (2007) Réalisateur : Fidelis Duker. Producteur : Temitope Duker. Distribution : Kanayo O. Kanayo, Segun Arinze, Ngozi Ezeonu, Bimbo Akintola, Femi Branch, Steph Nora Okere, Larry Koldsweat & Abiola Atanda Sexy Game (2010) Réalisateur / producteur : john Uche. Distribution : Omotola Jalade Ekeinde, Reginald Lubin, Carlin Joseph & Henry Nwosu Silence of the gods (2006) Réalisateur : Teco Benson. Producteur : Emeka Eze. Distribution : Justus Esiri, Ini Edo, Rita Edochie, Clarion Chukurah Oduneye, Gentle Jack, Charles Awurum, Chiwetalu Agu & Chiege Alisigwe. Silent Night (1996) Réalisateur / producteur : Chico Ejiro. Coréalisateur : Fred Amata. Distribution : Ramsey Nouah, Segun Arinze, Kate Henshaw-Nuttal, Alex Usifo Omiagbo, Joke Silva, Emeka Ike, Victoria Inyama, Okey McAnthony, Jerry Amilo, Peter Bunor, Emmanuel France, Sam Obiakeme, Francis Onwochei, Lola Adewuyi & Obi Osotule Silent Scandals (2009) Réalisateur : T.K. Falope. Productrice : Vivian Ejike. Distribution : Genevieve Nnaji, Majid Michel, Chelsea Eze, Uche Jombo & Ebele Okaro-Onyiuke Simple Baby (2006) Réalisateur : Tchidi Chikere. Producteur : Chinedu Collins Ezenwa. Distribution : Pete Edochie, Hank Anukwu, Uche Ogbodo, Dioewait Ikpechukwu, Abraham Nwodo, Ropy de Nanie & Ifeanyi Okechukwu Sitanda (2006) Réalisateur : Izu Ojukwu. Producteurs : Eyilemi Taire & Tokumbo Adodo. Distribution : Justus Esiri, Stephanie Okereke, Azizat Sadiq, Iri Doyle, Ali Nuhu & Bimbo Manuel. Tourné à Jos et ses environs – Riyom, Fobur & Wuda (État du Plateau) Sleeping with the Enemy (2004) Réalisateur : Bond Emeruwa. Producteur : Okoro Ugwu. Distribution : Kate Henshaw-Nuttal, Uche Jumbo, Ben Nwosu, Remy Ohajianya, Jude Orborha & Emeka Rollas

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Snake Girl (1998) Réalisateur : Emeka Hill Umeasor. Producteur : Longinus Obialeri. Distribution : Emeka Ike, Oge Okoye, Akume & Maureen Solomon-Okeke. Tourné à Nsukka & Jos Snake Girl (2006) Réalisateur / producteur : Emeka Hill Umeasor. Distribution : Emeka Ike, Oge Okoye, Akume Akume, Maureen Solomon, Emeka Ani, Joy Torti & Paul Umoh Spiritual Challenge (2007) Réalisateur : Kalu Anya. Producteurs : Izu Azubike & Steve Arinze. Distribution : Justice Esiri, Eucharia Anunobi Ekwu, Emeka Ani, Moses Amstrong, Kenneth Chukwu & Anita Joseph The Storms of Life (2001) Réalisateur / producteur : Mike Bamiloye. Distribution : Bayo Dipeolu, Deborah Fasola & Dolupo Shoremi Strange Act (Never Cry, 2010) Réalisateur : Ejike Chinedu Obim. Producteur : Andrew Odiase. Distribution : Nonso Diobi, Yemi Blaq & Chika Ike Street Bandits (2020) Réalisateur : Theophilus Uchendu. Producteur : Ogwo C. Philip. Distribution : Emmanuel Ehumadu, Gentle Jack, Philip Nwayanwo, Gentel Encourage & Benedict Nwaorehu Streets of Calabar (2012) Réalisateur / producteur : Charles Aniagolu. Co-réalisateur : Frank Macaulay. Distribution : Keppy Ekpenyong, Anthony Ofoegbu, Rita Dominic, Wale Ojo, Maynard Eziashi, Gordon Case, Vicqui Christie & Lisa Kill Strippers (2011) Réalisateur : Mac-Collins Chidebe. Producteur : Ecow-Smith Asante. Distribution : John Dumelo, Veeda Darko, Koffi Ajorlolo & Artus Frank Suddenly (2001) Réalisateur : Jeta Amata. Producteurs : Steve Rodstick Junior & Steve Ogbuefi. Distribution : Ifeanyi Otukwe, Rachael Oniga & Kevin Uvo The Suitors (2000) Réalisateur : Ndubuisi Okoh. Producteur : Alex Okeke & Ugo Emmanuel. Distribution : Kenneth Okonkwo, Kanayo O. Kanayo, Ngozi Ezeonu, Peter Eneh, Pat Attah, Peter Bunor Jnr, Ann Ohume, Juliet Ibe & Phil Onuoha

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Tango with Me (2011) Réalisateur / producteur : Mahmood Ali-Balogun. Distribution : Genevieve Nnaji, Joseph Benjamin, Joke Silva, Tina Mba, Bimbo Akintola, Bimbo Manuel & Ahmed Yerima Taxi Driver (2015) Réalisateur : Daniel Oriahi. Producteur : Ayobami Macaulay. Distribution : Odunlade Adekola, Ijeoma Grace Agu, Richard Akinlade, Babajide Alimison, Oyetoro Hafeez, Femi Jacobs, Toyin Oshinaike & Kelechi Udegbe Temi ni Nkem (2004) Productrice : Bukky Wright. Distribution : Segun Arinze, Ejike Asiegbu, Ngozi Nwosu, Larry Koldsweat, Yemi Sodimu, Jide Kosoko, Moji Olaiya, Dele Odule & Baba Wande. Langues : igbo et yoruba The Tenant (2008) Réalisateurs / producteurs : Jude Idada & Lucky Onyekachi Ejim. Co-réalisateur : Dare ‘BabaDee’ Fasasi. Distribution : David Baughn, Richard Collier, Armstrong Ejim, Onyekachi Ejim, Brianna Goldie, Jude Idada, Tope Idowu, Tina Mba. Damilola Ojelade, Jen Pogue & Kenneth Taylor The Test of Manhood (2005) Réalisateur : Michael Jaja. Distribution : Chiwetalu Agu, Chika Anyanwu, Clarion Chukwura-Abiola, Laz Ekwueme, Chidi Mokeme & Maureen Solomon Things Fall Apart (1987) Réalisateur : David Orere. Producteur : Adiela Onyedibia. Distribution : Pete Edochie, Nkem Owoh, Loco, Funso Adeolu, Fabian Adibe, Justus Esiri, Nduka Eya, David Ihesie, Manly Rollings & Marius Ugada Thirty minutes from Hell (2015) Réalisateur : Amayo Uzo Philips. Producteur : Martins Onyebuchi OnyemaobI. Distribution : Clem Ohameze, Eve Esin, Charles Awurum, Kingsley Ogbonna, McSmith Ochendu & Noni Igboanugo This America (2005) Réalisateur / producteur : Bethels Agomuoh. Distribution : Oliver O. Mbamara, Bethels Agomuoh, Angelina Ada, Rena Anokwe & Luis Nelson Thunderbolt : Magun (2001) Réalisateur / producteur : Tunde Kelani. Distribution : Buki Ajayi, Larinde Akinleye, Lanre Balogun, Wale Macaulay, Ngozi Nwosu & Uche Osotule. Langues : anglais, igbo et yoruba. Adapté de Magun d’Adebayo Faleti Through the Glass (2008) Réalisatrice : Stephanie Okereke Linus. Distribution : Stephanie Okereke Linus, Garrett McKechnie, Christie Williams & Pascal Atuma

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Ti Oluwa Ni Ile (1993) Réalisateur / producteur : Tunde Kelani. Distribution : Alhaji Kareem Adepoju, Gbolagade Ogun, Jide Oyegunle, Lekan Oladepo, Dele Odule &Tafa Oloyed. Langues : yoruba sous-titré Timbers & Calibres (2015) Réalisateur : MacCollins Chidebe. Producteur : Arinze Edobeatu. Distribution : Pete Edochie, Clem Ohameze, Charles Okafor, Sam Loco-Efe & Geraldine Ekocha Timeless Passion (2011) Réalisateur : Desmond Elliot. Producteur : Emem Isong. Distribution : Ramsey Nouah, Uche Jombo, Chisom Oz-Lee, Chelsea Eze, Desmond Elliot, Emem Isong, Susan Peters, Barbara Soki & MonaLisa Chinda Touch of Evil (2014) Réalisateur : Caz Chidiebere. Producteur : Nwobodo Obiora Henry. Distribution : Zulu Adigwe, Chioma Chukwuka, Bishop Umoh, Ebele Okaro Onyiuke, Eve Essin & Walter Anga. Tourné à Enugu Turning Point (2012) Réalisateur / producteur : Niyi Towolawi. Distribution : Jackie Appiah, K.D. Aubert, Todd Bridges, Ernie Hudson, Patience Ozokwor, Enyinna Nwigwe & Igoni Archibong Twilight Sisters (2009) Réalisateur : Ugezu J. Ugezu. Distribution : Van Dicker, Oge Okoye, Emeka Enyiocha, Andy Chukwu, Cassandra Odita & Ada Ameh Two Baby Elephants (2003) Réalisateur : Prince Emeka Ani. Producteurs : Cajetan Obi & Sunday Ekegbo. Distribution : Amaechi Muonagor, Tom Njemanze, Osita Iheme, Chinedu Ikedieze, Geraldine Okocha & Chelsea Obiora Two Troubles (n.d.) Réalisateur : Stanley Anekwe. Producteur : Onyekachukwu Afube. Distribution : Osita Iheme, Chinedu Ikedieze, Amaechi Muonagor, Dom Onu, C. C. Nwokedi, Amaka Edeh, Tabitha Umeh, Kate Okafor, Patrick Amadi, Ebuka Udolisa & Chidiebere Anasudu Ukwa (2001) Réalisateur : Chika Onu. Producteur : Valentine Nwabulu. Distribution : Nkem Owoh, Sam Loco Efe, Patience Ozokwor, Rita Nzelu, Amaechi Muonagor, Chuks Okpala & Chinelo Ndigwe Ultimate Warrior (2007) Réalisateur : Andy Chukwu. Distribution : Wale Adebayo, Chiwetalu Agu, Chidi Mokeme & Oge Okoye

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The Unforgiven Sin (1991) Réalisateurs/producteurs : Keppy Ekpeyong Bassey & Emmanuel Oguguah. Distribution: Zack Orji Upside Down (2006) Réalisateur : Chike Brayn. Producteur : Kingsley Okereke. Distribution : Tony Umez, Patience Ozokwor, Stéphanie Okereke, Francis Duru, Akim Rahaman, Uju Edochie, David Ojiakor, Andy Ike, Edmund Onochei & Confidence Osuji Village Boys (2005) Réalisateur : Chika Onu. Producteur : Valentine Nwabulu. Distribution : Princess Egu, Osita Iheme, Amaechi Muonagor & Chinwe Owoh. Tourné à Enugu The Village Hunter (2001) Réalisateur : Felix Honeyfield. Producteurs : Emma Anams & Cajetan Iwuchukwu War Against Women (2007) Réalisateur : Chinedum Nwoko. Producteur : Okocha Joseph. Distribution : Desmond Elliot, Uche Jombo, Uche Elendu, Maureen Solomon Okereke, Kenneth Chukwu, Chikezie Uwazie & Chioma Okoye Igwe Wasted Years (2000) Réalisateur/producteur : Teco Benson. Distribution : Justus Esiri, Sola Fosudo & Ngozi Ezeonu The Wedding Party II: Destination Dubaï (2017) Réalisateur: Niyi Akinmoloyan. Producteurs: Priscilla Nwanah, Don Omo[pe & Tope Oshin. Distribution: Banjy Wellington, Alibaba Akporobome, Adeolu Adefarasin, Majed AlZubaidi, Emam Azzeh, Zainab Balogun, Funny Bone, Lynita Crofford, Michae De Pinna, Thalia De Sa, Daniella Down, Iretiola Doyle, Emmanuel Edunjobi & Chuka Ekweogwu The White Handkerchief (2000) Réalisateur / producteur : Tunde Kelani. Distribution : Yemi Shodimu, Yemi Komolafe & Khabirat Kafidipe. Adapté de The Virgin, premier roman de Bayo Adebowale White Waters (2007) Réalisateur : Izu Ojukwu. Distribution : Rita Dominic, Joke Silva & O. C. Ukeje, Who will tell the President? (2006) Réalisateur : Izu Ojukwu. Producteur : Vitus Nnebue. Distribution : Pete Edochie, Alex Osifo-Omiagbo, Chidi Mokeme, Justice Esiri, Enebue Elebuwa, Caroline Ekanem, Maureen Silva & Kasimuy Yero. Widow (2007) Réalisateurs : Aquila Njamah & Kinsley Ogoro. Producteurs : Agatha Nwakalor & Eloho Ovie-Ogoro. Distribution : Stella Damasus, Yemi Solade & Peter Bunor

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Widow’s fate (2014) Réalisateur : Emeka Nnakihe. Producteur : Anthony Nwatu. Distribution : Chiwetalu Agu, Queen Nwokoye, Lawrence U Lawrence, Nkechi Nweze & Clems Onyeka Widow’s Money (2020) Réalisateur : Goodnews Erico Isika. Producteur : Jonas Izuegbu. Distribution : Ngozi Ezeonu, Chigozie Atuanya, Destiny Etico, Jerry Williams, Mary Igwe, Rabbi O. Rabbi & Ozu Umeh Widow’s tears (2010) Réalisateur : Ifeanyi Ikpoenyi. Producteur : Christopher Ozoemena. Distribution : Ali Nuhu, Abraham Nwaodu, Chinyere Winifred, Patience Ozokwor & Mike Ezuruonye Suite : End of Widow’s Tears Witches (1998) Réalisateur : Fred Amata. Producteur : Sunny Collins. Distribution : Liz Benson, Zack Orji, Patrick Doyle, Obot Etuk, Bukky Ajayi, Larry Koldsweat, Tony Muonagor, Pamela Mberekpe, Peace Kanu, Florence Onuma, Andy Chukwu & Emeka Ani Woman to Woman (2011) Réalisateur : Chika Onu. Producteur : Onyeka Okpeze. Distribution : Patience Ozokwor, John Okafor, Uche Ogbodo & Dede One day Women’s Affair (2003) Réalisateur : Andy Chukwu. Producteur : Nwafor Anayo. Distribution : Patience Ozokwor, Genevieve Nnaji, Maureen Solomon & Rita Nzelu Women’s Cot (2005) Réalisateur : Dickson Iroegbu. Producteur : John Nkeiruka Nwatu. Distribution : ZackOrji, Gloria Anozie-Young, Ngozi Orji, Onyeka Onwenu, Joke Silver & Bukki Ajayi Tourné à Enugu et Lagos. Parts II & III : Return of Women’s Cot Yanmu Yanmu (2008) Réalisateurs : Wale Are & Tope Adebayo. Producteur : Firdaos Adebayo. Distribution : Adebayo Salami, Toyin Aimaku Solanke & Femi Adebayo Yesterday (1998) Réalisateur / producteur : Lancelot Oduwa Imasuen. Distribution : Liz Benson, Ejike Asiegbu, Chike Brian, Evelyn Obahor, Tarry West, Oduwa Imasuen, Eliel Otote, Henry-Ese Sainyo, Rachael Oniga, Fehintola Otujo, Remi Abiola & Pete Edochie You must do or die (2010) Réalisateur : Ifeanyi Ogbonna. Producteur : Kingsley Ibekwe. Distribution : Ini Edo, Oge Okoye, Chigozie Atuanya, Kofi Anyololo, Jim Lawson Maduike, Ruth Kadiri & Uti Nwachukwu

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Zero Your Mind (2003) Réalisateur : Lancelot Oduwa Imasuen. Producteur : Isaac Izoya. Distribution : Ngozi Ezeonu, Empress Niamah, Larry Koldsweat, Kenedy Oviahon, Isaac Izoya, Kisten Davids & Victor David. Tourné à Berlin et au Nigeria. Coproduction nigériane-allemande

Documentaires Buddy Goes to Nollywood (2018, 82mn, Royaume-Uni) Réalisateur / producteur : Michael Lebor, Coproducteur : Dayo Balogun. Dans les coulisses de Nollywood (2015, 25mn, France) Réalisateur : Alexeï Chabarov. Producteur : Nato Rostochvili. Langue : français Daybreak in Udi (1949, 47mn, Royaume-Uni) Réalisateur : Terry Bishop. Producteur : Max &erson. Distribution : E.R. Chadwick, Harford Anerobi, Fanny Elumeze, Joseph Amalu, Joyce Mgbaronye & Clement Emehei. Consultable au BFI de Londres Enquête sur Nollywood, l’industrie du cinéma nigériane (2015, 9mn, France) Réalisateur : Régis Kamdem. Canal+ Afrique. Langue : français Good Copy Bad Copy (2007, 59mn, Danemark) Réalisateur : Ralf Christensen. Producteur : Rosforth. Distribution : Lawrence Ferrara, Andreas Johnsen, Lawrence Lessig, Paul Licalsi & Jane Peterer. Jimmy Goes to Nollywood (2014, 52mn, USA) Réalisateurs: Rachid Dhibou & Jimmy Jean-Louis. Langue : anglais doublé en français Kannywood: le cinéma conservateur du nord du Nigeria (2021, 20mn, France) Réalisateur : Pierre Chafrange. Productrice : Lisa FabBian. RFI. Langue: français Nick Goes to Nollywood (2004, 52mn, Royaume-Uni) Réalisatrices : Alicia Arce & Brenda Goldblatt Nigeria: Nollywood miné par le piratage (18 déc. 2015, 2mn 14s) Réalisateur : Moïse Gomis, RFI, https://www.rfi.fr/fr/emission/20151218-nigerianollywood-mine-le-piratage Nollywood Abroad [ Nollywood aan de Schelde] (2008, 47mn, Belgique) Réalisatrice : Saartje Geerts. Distribution : John Osas Omoregie, Prince Jackson Egie, Winifred Oye, Betty Orhuoze, Fred Ehigiater, Helen Osadiaye, Patrick Van Brussel, Gert Fobelets, Jah-Rich Omoregie & Florence Ossai

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Nollywood Babylon (2008, 75mn, Canada) Réalisateurs / producteurs : Ben Addelman & Samir Mallal. Distribution : Osita Iheme, Chinedu Ikedieze, Lancelot Oduwa Imasuen, Omotola Jalade-Ekeinde, Uche Jombo, Kenneth Okonkwo & Bob-Manuel Udokwu Nollywood, Just Doing It (2008, 30mn, Royaume-Uni) Réalisatrice/productrice : Jane Thornburn. Avec la participation de Tunde Kelani, Steve Ayorinde, Kunle Afolayan, Wale Adenuga, Neville Ossai, Amaka Igwe & Peace Fiberesima Nollywood: le cinéma nigérian à la conquête du monde (2018, 62mn, France) Réalisateur : Régis Kamdem. Producteur : Olivier Morel. Canal+ Afrique.com Langue : français. Nollywood, le cinéma africain dans la cour des grands (2008, 55mn, France) Réalisatrice : Lea Jamet . France O’. Langue : français Nollywood, l'eldorado du cinéma au Nigeria (2016, 16mn, France) France 24. Langue : français Nollywood – le Nigeria fait son cinéma (2009, 52mn, France) Réalisateur : Julien Hamelin. Distribution : réalisateurs Muyiwa Ademola, Harrison Isaiah & Ahmad Alkanawy; producteurs Elvis Daniels, Oscar Rodondo Iheanacho & Adamu Sani Yunusa. Acteurs Jim Iyke, Chika Ike, Mercy Johnson, Jide Alabi, Buki Ajayi & Rahama Hassan. Langue : français Nollywood, made in Nigeria (2007, 52mn, France) Réalisatrice : Léa Jamet. Langue : français. Consultable à la BNF. This is Nollywood (2007, 55mn, USA) Réalisateur / producteur : Franco Sacchi. Distribution : Bond Emeruwa, Dickson Iroegbu, Lancelot Imasuen, Peace Fiberesima, Fidelis Duker, Zeb Ejiro, Peter Ejiro, Maleke Nwoye, Kevin Ikeduba, Toyin Alausa, Emeka Ossai, Rikardo Agbor, Saint Obi, Milverton Nwokedi, Mahmood Ali Balogun & Orobogha Animadu True Story Nollywood (2013) Réalisatrice : Ihuoma Mambo Atanga. Langue : français Welcome to Nollywood (2007, 58mn, USA) Réalisateur : Jamie Meltzer. Producteurs : Cayce Lindner & Henry Rosenthal. Distribution : Izu Ojukwu, Chico Ejiro

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Table des matières Avant-propos ..................................................................................................... 7 1.

Les films du Nigeria – vers un canon ..................................................... 11 L’avènement de Nollywood ..................................................................... 11 Une production nigériane ......................................................................... 14 Enseignement, dénonciation, message – des films engagés ....................... 16 Dans le droit fil de l’oralité traditionnelle ................................................. 19 De l’oralité au scénario écrit .................................................................... 21 Les langues de Nollywood ....................................................................... 23 Alternance et mélange codiques ............................................................... 26 Vêtements, décor et gestuelle ................................................................... 27 La musique, le chant et leur message........................................................ 28 En conclusion .......................................................................................... 30

2.

Nollywood, l’Afrique à l’écran .............................................................. 31 Une réponse à l’image coloniale............................................................... 31 Une honnêteté foncière ............................................................................ 33 Le passé reconstruit ................................................................................. 35 Un autre point de vue sur l’esclavage ....................................................... 36 Oser rappeler les conflits .......................................................................... 38 La modernité et ses démons ..................................................................... 40 D’Equiano à Osuofia................................................................................ 41 La diaspora à l’écran ................................................................................ 43 Le rêve américain .................................................................................... 44 Retour à la case départ ............................................................................. 46 En conclusion .......................................................................................... 47

3.

La recherche sur la production nigériane : état des lieux............................................. 49 Une recherche en progrès constant ........................................................... 49 Un faisceau d’études pluridisciplinaires ................................................... 51 Le défi nigérian........................................................................................ 53 La question de la langue........................................................................... 54 Un modèle à suivre .................................................................................. 56

4.

L’Occident et ses documentaires ............................................................ 59 Des informateurs de première main .......................................................... 60 Le phénomène nigérian vu d’Amérique .................................................... 62 France-Nigeria : la consolidation des liens culturels ................................. 64 Nollywood, du bidonville au salut ............................................................ 67 Un avertissement ..................................................................................... 68 La contribution de l’Université de Westminster ........................................ 70 Paris et le nouveau

Nollywood .............................................................. 71

En conclusion .......................................................................................... 73 5.

Dans le prolongement de l’histoire orale ................................................ 75 Cordes de sable ........................................................................................ 75 Dans l’ombre du Biafra ............................................................................ 78 Le film héritier des contes ........................................................................ 80 La centralité de la parole .......................................................................... 81 Distraire et instruire ................................................................................. 83 En conclusion .......................................................................................... 84

6.

Le fondement spirituel des films nigérians ............................................. 87 Mise en terre chez soi .............................................................................. 87 Un trajet d’un espace à l’autre .................................................................. 88 La mort en quatre dimensions .................................................................. 89 Les sentiers forestiers ............................................................................... 90 La tombe refermée ................................................................................... 91 Le lieu du dernier adieu ........................................................................... 92 La tombe lieu de rencontre ....................................................................... 93 Chant, dénonciation et pouvoir................................................................. 94 Demain le cimetière ? .............................................................................. 95

7.

Une enfance en danger – chronologie d’une maltraitance .......................................... 97 Désir d’enfant, polygamie et criminalité ................................................... 97 L’enfant à la merci des adultes ................................................................. 99 Une adolescence en mal de liberté.......................................................... 103 En conclusion ........................................................................................ 105

8.

Plaidoyer pour les veuves..................................................................... 107 Le poids de la tradition........................................................................... 107 De la tombe à l’écran ............................................................................. 108 L’interculturel menacé ........................................................................... 111 L’émancipation des femmes ................................................................... 113 Réagir face aux changements sociaux .................................................... 114 Des pleurs au rire ................................................................................... 116 En conclusion ........................................................................................ 117

9.

Aux prises avec la sorcellerie ............................................................... 119 Obsessions et cauchemars ...................................................................... 120 The End of the Wicked ........................................................................... 123 Embrouillamini entre cultures ................................................................ 125 Analyse du film de 1999 ........................................................................ 128 Un groupement en faveur de l’enfance ................................................... 129 The Fake Prophet .................................................................................. 131 La lutte continue .................................................................................... 132

10.

Le Delta du Niger et ses démons .......................................................... 135 Shell-BP à Oloibiri ................................................................................ 135 Marées noires ........................................................................................ 137 L’origine des émeutes ............................................................................ 138 Black November (2012) – une lecture occidentale de la violence ............ 141 Oloibiri (2015) – ouvrant la voie ............................................................ 142 Liquid Black Gold (2009) – le point de vue local .................................... 144 Deux points de vue sur la violence ......................................................... 145 Un impact positif ................................................................................... 147

11.

Le tabou de l’homosexualité ................................................................ 151 Entrée en politique ................................................................................. 151 La manipulation des jeunes .................................................................... 152 Réconfort et responsabilisation .............................................................. 154 Un mal venu d’ailleurs ........................................................................... 157 Les acteurs se défendent......................................................................... 159

12.

Nollywood, avatar du cordon ombilical ................................................ 163 Du village à l’étranger en passant par la mégapole ................................. 164 La tradition revue et corrigée ................................................................. 166 L’écran, chemin vers le pays .................................................................. 168 L’école des loisirs .................................................................................. 171 En conclusion ........................................................................................ 172

13. La France, porte de la francophonie .......................................................... 175 Premières publications sur le cinéma nigérian ........................................ 176 Mises à jour en français ......................................................................... 178 La Nollywood Week .............................................................................. 179 L’Université française et Nollywood ...................................................... 182 Paris, plaque tournante des ventes .......................................................... 184 14. D’une langue à l’autre – doublage et sous-titrage ...................................... 187 La diaspora nigériane et sa gestion des langues ...................................... 188 La réponse à un besoin ........................................................................... 189 Un défi linguistique ............................................................................... 190 Dissémination et créativité ..................................................................... 192 Le sous-titrage ....................................................................................... 194 Le doublage ........................................................................................... 197 En conclusion ........................................................................................ 200 15. Un pays en chemin ................................................................................... 203 Les fonctions de la route ........................................................................ 203 Un chemin brumeux............................................................................... 206 Révélateurs d’identités ........................................................................... 208 Une leçon sur le chemin du retour .......................................................... 211 16. Echi d’ime - Demain est déjà là ................................................................ 213 La diaspora au service de Nollywood ..................................................... 214 Des réseaux de distribution en expansion ............................................... 214 Professionnalisation ou embourgeoisement ?.......................................... 216 Le Nollyfund ......................................................................................... 217 Nollywood : une entreprise que rien n’arrête .......................................... 220

Bibliographie ................................................................................................. 223 Filmographie alphabétique ............................................................................. 241

Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]

L’Harmattan Sénégal 10 VDN en face Mermoz BP 45034 Dakar-Fann [email protected] L’Harmattan Cameroun TSINGA/FECAFOOT BP 11486 Yaoundé [email protected] L’Harmattan Burkina Faso Achille Somé – [email protected] L’Harmattan Guinée Almamya, rue KA 028 OKB Agency BP 3470 Conakry [email protected] L’Harmattan RDC 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala – Kinshasa [email protected]

L’Harmattan Hongrie Kossuth l. u. 14-16. 1053 Budapest [email protected]

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Nos librairies en France Librairie internationale 16, rue des Écoles 75005 Paris [email protected] 01 40 46 79 11 www.librairieharmattan.com

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Nollywood

Françoise Ugochukwu

Françoise Ugochukwu, africaniste habilitée à diriger des recherches, est actuellement Research Fellow à l’Open University du RoyaumeUni après avoir enseigné vingt-quatre ans à l’université de Nsukka au Nigeria. Son domaine de recherches couvre plus spécialement le Nigeria, Nollywood, les études igbos et l’interculturel.

Le cinéma nigérian 1991-2021

Nollywood Le cinéma nigérian 1991-2021

Françoise Ugochukwu

La riche production cinématographique nigériane, plus connue sous le nom de Nollywood, est devenue, depuis sa naissance, la vitrine de la fédération. Cet ouvrage destiné aussi bien au public universitaire qu’aux amoureux des cinémas du sud présente et analyse plus de trois cents films produits entre 1991 et 2021. Il introduit le lecteur à une production profondément enracinée dans les cultures du Nigeria et marquée par l’ouverture grandissante du pays à l’influence de la globalisation. Ces films circulent aujourd’hui dans toute l’Afrique et au-delà, dans la vaste diaspora africaine présente sur tous les continents, inspirant un nouveau type de cinéma.

Nollywood

Le cinéma nigérian 1991-2021

Illustration de couverture : Olivia Akachukwu

ISBN : 978-2-14-025608-0

29 €

IMAGES PLURIELLES scènes & écrans