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LIEUX SAINTS ET PÈLERINAGES : LA TRADITION TAOÏSTE VIVANTE HOLY SITES AND PILGRIMAGES : THE DAOIST LIVING TRADITION
BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
SCIENCES RELIGIEUSES
VOLUME
192
Illustration de couverture : Gangxiang 杠箱, « Barres et coffres ». L’une des dix-huit peintures, anonymes et non datées, des théâtres de procession de l’époque des Qing. Institut de recherches artistiques de Chine (Zhongguo yishu yanjiuyuan 中國藝術研究院). cliché Patrice Fava.
LIEUX SAINTS ET PÈLERINAGES : LA TRADITION TAOÏSTE VIVANTE HOLY SITES AND PILGRIMAGES : THE DAOIST LIVING TRADITION
Volume dirigé par Vincent Goossaert Tsuchiya Masaaki
H
F
Collection « Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses »
Cette collection, fondée en 1889 et riche d’environ deux-cents volumes, reflète la diversité des enseignements et des recherches menés au sein de la Section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études – PSL (Paris, Sorbonne). Dans l’esprit de la section qui met en œuvre une étude scientifique, laïque et pluraliste des faits religieux, on retrouve dans cette collection tant la diversité des religions et aires culturelles étudiées que la pluralité des disciplines pratiquées : philologie, archéologie, histoire, philosophie, anthropologie, sociologie, droit. Avec le haut niveau de spécialisation et d’érudition qui caractérise les études menées à l’EPHE, la collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses aborde aussi bien les religions anciennes disparues que les religions contemporaines, s’intéresse aussi bien à l’originalité historique, philosophique et théologique des trois grands monothéismes – judaïsme, christianisme, islam – qu’à la diversité religieuse en Inde, au Tibet, en Chine, au Japon, en Afrique et en Amérique, dans la Mésopotamie et l’Égypte anciennes, dans la Grèce et la Rome antiques. Cette collection n’oublie pas non plus l’étude des marges religieuses et des formes de dissidences, l’analyse des modalités mêmes de sortie de la religion. Les ouvrages sont signés par les meilleurs spécialistes français et étrangers dans le domaine des sciences religieuses (enseignants-chercheurs à l’EPHE, anciens élèves de l’École, chercheurs invités). Directeurs de la collection : Mohammad Ali Amir-moezzi, Ivan Guermeur Éditeurs : Morgan GuirAud, Cécile GuivArch, Anna WAide Comité de rédaction : Andrea Acri, Constance Arminjon, Jean-Robert ArmoGAthe, Samra AzArnouche, Marie-Odile Boulnois, Marianne BujArd, Vincent GoossAert, Andrea-Luz Gutierrez-choquevilcA, Christian jAmBet, Vassa KontoumA, Séverine mAthieu, Gabriella Pironti, François de PoliGnAc, Ioanna rAPti, Jean-Noël roBert, Arnaud sérAndour, Judith törszöK, Valentine zuBer Les ouvrages publiés dans cette collection ont été soumis à une évaluation par les pairs à simple insu, par un membre spécialiste du comité éditorial et un spécialiste externe. Method of peer review: single-blind undertaken by a specialist member of the Board and an external specialist.
© 2022, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2022/0095/143 ISBN 978-2-503-59916-8 e-ISBN 978-2-503-59917-5 DOI 10.1484/M.BEHE-EB.5.130251 Printed in the EU on acid-free paper.
À la mémoire de Kristofer M. Schipper (1934-2021)
TABLE DES MATIÈRES
Introduction Vincent Goossaert
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– I – Les lieux saints : rencontre des vivants, des morts et des dieux Chapitre 1 Les tombes comme lieux saints : une nouvelle lecture du Zhengao Miura Kunio 三浦國雄
Chapitre 2 Le salut des morts aux enfers. Le monde sacré des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes Tanaka Fumio 田中文雄
Chapitre 3 Les différentes versions du Wuyue zhenxing tu, Carte de la forme véritable des Cinq Pics, de la Chine au Japon Lai Sih-yu 頼思妤
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59
77
– II – Montagnes, temples et rituels Chapitre 4 Muyeshan 木葉山, the Khitans’ Sacred Mountain, and its Imperial Cult Pierre Marsone 107 Chapitre 5 Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin : les mutations du taoïsme au Jiangnan entre les Song et les Ming et les taoïstes du Longhushan Sakai Norifumi 酒井規史
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7
Lieux saints et pèlerinages : la tradition taoïste vivante Chapitre 6 What Kind of Innovations did Spirit Writing Bring About for a Popular Saint’s Cult? A Case Study of the Song Dafeng Cult in Nineteenth-century Chaozhou Shiga Ichiko 志賀市子 Chapitre 7 The Mongols and the Womb-cave of Wutaishan : A Ritual of Fertility or of Rebirth? Isabelle Charleux
Chapitre 8 Le Huoshenmiao de Xuzhou et le bouddhisme contemporain Yamashita Kazuo 山下一夫
151
185
219
Chapitre 9 « Une montagne ne s’illustre pas par sa hauteur, mais pour l’immortel qui y réside » : Un cas d’étude d’un pèlerinage de lieu saint taoïste Pan Junliang 潘君亮 247 – III – Itinéraires de pèlerinages Chapitre 10 Pratiques d’immortalité et itinérance durant la période des Six dynasties Hirose Naoki 廣瀨直記 Chapitre 11 Les itinéraires de pèlerinage des taoïstes sous les Tang Tsuchiya Masaaki 土屋昌明
Chapitre 12 Des traces dans la montagne – Parcours rituels et conceptions de la montagne dans le shugendô (Japon) Anne Bouchy Chapitre 13 Pilgrimages as Seen in the late Qing Route Book Canxue zhijin Ishino Kazuharu 石野一晴 Chapitre 14 Going on Pilgrimage in the Late Qing – Itinerary Networks in “Knowing the Paths of Pilgrimage” (Canxue zhijin) (c.1827) and “Records of Travels to Famous mountains” (c.1918) Marcus Bingenheimer 8
271
301
327
369
393
Table des matières Chapitre 15 Le pèlerinage au Miaofengshan Patrice Fava
409
Illustrations couleurs
459
Catalogue des titres de la collection BEHE-SR
479
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INTRODUCTION Vincent GoossAert, École pratique des Hautes études (EPHE, PSL) ; GSRL1
c
est issu du colloque franco-japonais « Holy sites and pilgrimages. The Daoist living tradition and comparative perspectives on East Asian Buddhist, imperial and local practices » qui s’est tenu à l’EPHE les 24-25 mars 2017. Il s’agissait du second événement autour d’un projet à long terme, faisant suite au colloque « The sacred sites of Chinese religion : cosmology, geography, physicality », qui s’est tenu à l’Université Senshū à Tokyo les 12-13 mars 2014. Ce premier colloque a fait l’objet d’un volume collectif 2. Les auteurs du présent volume s’inscrivent donc dans une collaboration autour d’un objet commun, les montagnes saintes et les pratiques qui leur sont associées, renouant autour de ce thème une longue tradition de collaboration entre les sinologues japonais et français, totalement ouverte à nos collègues chinois, européens et nord-américains. Ces colloques ont été généreusement financés par l’EPHE, le CEIB (Centre d’Études Interdisciplinaires sur le Bouddhisme) et le projet « A Comprehensive Study of Chinese Daoist Holy sites and Pilgrimages » (Kakenhi 科 研費) dirigé par le professeur Tsuchiya. Ce dernier projet publie une revue consacrée à ce thème, Doten Fukushi kenkyū 洞天福地研究, où l’on trouve d’importantes analyses et rapports de terrain ethnographiques sur la situation des montagnes saintes en Chine. Notre objet d’étude collectif est très large : nous entendons ici par « lieu saint » un site inscrit dans la topographie (montagne, surtout, e volume
1.
2.
Je suis très reconnaissant à Isabelle Charleux, Patrice Fava et Marcus Bingenheimer pour leurs remarques et critiques sur les brouillons de cette introduction. Marianne Bujard et Ji Zhe ont lu et apporté de nombreuses améliorations et corrections à l’ensemble de l’ouvrage, et nous leur en sommes profondément reconnaissants. Tsuchiya Masaaki 土屋昌明 et Vincent Goossaert, dir., Dōkyō no seichi to chihōshin 道教の聖地と地方神, Tokyo, Tōhō shoten, 2016.
10.1484/M.BEHE-EB.5.130235
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Vincent Goossaert
mais aussi île, cours d’eau, grotte…), construit ou non par l’homme (ce qui inclut les temples construits sur ces lieux) associé à une ou plusieurs entités divines qui s’y sont manifestées par le passé et avec lesquelles des humains viennent chercher à établir un contact en s’y rendant (pèlerinage). Les entités divines en question, dans le contexte chinois, sont d’une grande variété, incluant notamment les saints locaux (des humains ou des animaux divinisés), les immortels (xian 仙) et transcendants (zhenren 真人) qui ont acquis la vie éternelle par leurs techniques spirituelles, et les bouddhas et bodhisattvas – autant de catégories qui sont appropriées et redéfinies par les acteurs, jadis comme aujourd’hui. L’étude des lieux saints et des pèlerinages en Chine est un domaine émergent. Un important volume collectif, édité par Susan Naquin et Yü Chun-fang en 1992, lui a donné une place dans la discipline des études religieuses 3, enrichi en 1998 d’un nouveau volume collectif édité à l’EFEO par Franciscus Verellen 4 ; depuis, cependant, de nombreuses études de cas sont venues l’enrichir mais pas de nouvelle tentative de synthèse. L’originalité de notre approche est la volonté de réunir deux champs relativement distincts : d’une part les conceptions des lieux saints, et particulièrement celle des montagnes comme demeures des dieux et lieux de salut, très liée à la théologie taoïste ; d’autre part, les pratiques concrètes de visites à ces lieux saints, observables tant dans les sources historiques que dans l’ethnographie. Il n’y a pas de lieu saint sans pèlerin, mais il n’y a pas de pèlerin sans un discours sur la sainteté du lieu. Les contributions à ce volume se proposent donc de comprendre les interactions entre les discours taoïstes et les pratiques pèlerines dans et autour du monde chinois. La géographie sacrée taoïste Il fait peu de doute que la plus grande partie des lieux saints vivants aujourd’hui dans le monde chinois ont une très longue histoire, remontant souvent avant la fondation de l’empire en 221 avant notre ère ; dans
3. 4.
12
Susan Naquin et Yü Chün-fang, dir., Pilgrims and Sacred Sites in China, Berkeley, University of California Press, 1992. Franciscus Verellen, dir., numéro spécial « Culte des sites et culte des saints en Chine », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998).
Introduction
certains cas la documentation permet d’esquisser l’histoire continue d’un culte sur deux mille cinq cents ans 5. Dans la plupart des cas, les saints anciens associés à des montagnes, grottes, cours d’eau, sources ou autre sites naturels n’étaient pas anthropomorphes mais avaient une nature animale. Les générations ultérieures, dès la dynastie des Han (206 avant notre ère-220) les ont transformés en des saints humains devenus immortels, mais les strates antérieures restent plus ou moins lisibles dans les sources écrites et dans la pratique vivante 6. Le culte des immortels qui prend son essor à la fin de l’antiquité (ive-iiie siècles avant notre ère) et se développe sous les Han est un facteur majeur de réinterprétation des cultes aux lieux saints. Les montagnes sont vues comme l’espace sauvage, non domestiqué, l’antithèse du monde civilisé (par l’agriculture, l’habitat et l’administration) ; ce sont à la fois des lieux dangereux, habités par des animaux sauvages et des esprits dont certains sont maléfiques, et des sites où l’on peut rencontrer les immortels ainsi que trouver les ingrédients des recettes d’immortalité (plantes, minéraux). On peut y établir un lieu pur propre à la pratique, qu’elle soit alchimique, méditative, diététique, ou autre. Pour les adeptes les plus avancés, la montagne est le lieu d’un pèlerinage sans retour, d’où l’on se jette dans le vide avant de monter au ciel ; les terrasses de l’envol existent encore sur bon nombre de montagnes en dépit d’interdictions officielles promulguées depuis des siècles 7. Les montagnes sont aussi des lieux de révélation ; on y a des visions des dieux qui viennent confier les textes célestes aux adeptes choisis ou on y découvre des textes cachés, souvent dans des grottes gardées par des dieux qui ne laissent entrer que les adeptes dignes de les recevoir. Le grand alchimiste Ge Hong 葛洪 (284-343) nous a laissé dans son « Maître qui embrasse la simplicité », Baopuzi 抱朴 子, les descriptions les plus complètes de ces pratiques solitaires (ou 5.
6. 7.
Marianne Bujard, « Le culte du Joyau de Chen : culte historique, culte vivant », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998), p. 131-181. Pour une étude fondatrice sur les lieux saints dans la longue durée, voir Édouard Chavannes, Le T’ai Chan. Essai de monographie d’un culte chinois, Paris, Ernest Leroux, 1910. Voir par exemple Terry F. Kleeman, « Sources for Religious Practice in Zitong : The Local Side of a National Cult », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998), p. 341-355. Sur celle, particulièrement célèbre, du Taishan, voir Wilt L. Idema, « The Pilgrimage to Taishan in the Dramatic Literature of the Thirteenth and Fourteenth Centuries », Chinese Literature : Essays, Articles, Reviews (CLEAR) 19 (1997), p. 23-57.
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en petits groupes) dans les montagnes ; il est fréquemment cité dans le présent volume. Ge Hong lui-même fait depuis l’objet d’un culte dans plusieurs montagnes saintes où il est réputé avoir pratiqué, comme le Luofushan 羅浮山 (près de Canton) 8. À l’époque médiévale (iiie-vie siècles), dans un rapport dialectique avec la vision des cultes d’immortalité, les institutions taoïstes vont développer une géographie sacrée systématisée. L’Église des Maîtres célestes, dès la fin du iie siècle de notre ère, s’organise en un réseau de vingt-quatre (bientôt devenues vingt-huit) « paroisses » (zhi 治) localisées sur des montagnes, ou plutôt, souvent, des collines, aux abords des plaines cultivées dans l’actuelle province du Sichuan 9. Il ne s’agit pas de sites reculés, inaccessibles, mais des lieux de réunion pour les assemblées annuelles et de refuge pour les communautés paysannes, en cas de guerre, de famine ou de catastrophe naturelle. L’eschatologie apocalyptique qui imprègne la théologie de cette première grande organisation taoïste fait donc des lieux saints dans la nature des lieux de salut, non seulement pour les virtuoses individuels partis à la rencontre des immortels mais aussi pour la communauté dans son entier. La nature de refuge ou de sanctuaire explique les règles de protection propres à ces lieux, où il était interdit de chasser, pêcher et abattre des arbres. De telles interdictions ont continué à être observées au cours de l’histoire (on en retrouve des traces dans des inscriptions) jusqu’à l’époque contemporaine. Avec les révélations du Shangqing 上清 (entre 364 et 370) produites par un visionnaire, un nouveau type de lieux saints se développe : les grottes-cieux, dongtian 洞天 et les terres bénies, fudi 福地. Ce sont des paradis cachés où vivent les immortels et les transcendants ; parmi les humains, seuls les initiés peuvent y accéder. La chronique des révélations du Shangqing, le Zhengao 真誥 (« Déclarations des Transcendants ») compilé par Tao Hongjing 陶弘景 (456-536) en 499, décrit en détail bon nombre de ces paradis cachés, à commencer par la grotte Huayang 華陽洞 dont l’entrée se trouve sur le Maoshan 茅山, le principal lieu 8.
9.
14
Michel Soymié, « Le Lo-Feou chan 羅浮山, étude de géographie religieuse », BEFEO 48 (1956), p. 1-139. Pour une traduction de l’autobiographie de Ge Hong, voir Philippe Che, La Voie des divins immortels. Les chapitres discursifs du Baopuzi neipian, Paris, Gallimard, 1999 (coll. « Connaissance de l’Orient »). Franciscus Verellen, « The Twenty-four Dioceses and Zhang Daoling : The Spatioliturgical Organization in Early Heavenly Master Taoism », dans Phyllis Granoff et Koichi Shinohara, dir., Pilgrims and Place : Localizing Sanctity in Asian Religions, Vancouver, University of British Columbia Press, 2003, p. 15-67.
Introduction
saint de la tradition Shangqing 10. Cette conception des mondes paradisiaques cachés dans les montagnes a puissamment nourri l’imaginaire chinois depuis l’époque médiévale ; on le retrouve par exemple dans le conte « La Source aux fleurs de pêcher » (Taohuayuan 桃花源) de Tao Yuanming 陶淵明 (365-427), l’une des pièces les plus célèbres de la littérature chinoise, mais qui, loin d’être une allégorie utopique comme le lisent les critiques littéraires modernes, renvoie à un lieu de culte réel et un saint local que Tao Yuanming connaissait bien 11. Sous les Tang (618-907), d’éminents taoïstes de cour produisent les premières listes : Sima Chengzhen 司馬承禎 (647-735) définit ainsi les dix grandes grottes-cieux, trente-six grottes-cieux et soixantedouze terres bénies. Sima Chengzhen précisa aussi les noms des transcendants qui présidaient dans chacun de ces lieux saints et convainquit l’empereur d’y faire construire aux frais de la cour des temples taoïstes. D’autres codifications suivront, notamment celle de Du Guangting 杜光庭 (850-933) visant notamment à faire place à des montagnes du sud de la Chine où l’expansion démographique et économique des Han les mène à « siniser » des lieux saints propres aux populations antérieurement établies 12. Si ces listes consacraient des sites dont la renommée s’étendait dans tout le monde chinois, elles n’étaient cependant nullement exclusives : chaque région a en réalité ses propres grottes-cieux et terres bénies. Il en va de même des codifications bouddhiques, même si elles furent plus tardives ; dès les Tang furent identifiées des montagnes associées à l’un des grands bodhisattvas, mais sans nullement entraver le développement de centaines d’autres montagnes saintes couvertes de monastères bouddhiques ; la liste des « quatre montagnes éminentes », sida mingshan 四大名山, cependant, n’existe que depuis la fin des Ming 13.
10. Franciscus Verellen, « The Beyond Within : Grotto-Heavens (dongtian) in Taoist Ritual and Cosmology », Cahiers d’Extrême-Asie 8 (1995), p. 265-290 ; pour le Maoshan, voir Michel Strickmann, Le Taoïsme du Mao Chan : chronique d’une révélation, Paris, Collège de France, Institut des hautes études chinoises, 1981. 11. Mark Meulenbeld, « The Peach Blossom Spring’s Long History as a Sacred Site in Northern Hunan », T’oung Pao 107 (2021), p. 1-39. 12. Lennert Gesterkamp, « The Synthesis of Daoist Sacred Geography : A Textual Study of Du Guangting’s Dongtian fudi yuedu mingshan ji (901) », Daoism : Religion, History and Society 9 (2017), p. 1-39. 13. Pour le Wutaishan 五臺山, voir l’article d’Isabelle Charleux dans ce volume ; pour le Putuoshan 普陀山, voir Marcus Bingenheimer, Island of Guanyin : Mount Putuo and Its Gazetteers, New York, Oxford University Press, 2016 ;
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Vincent Goossaert
Deux évolutions importantes marquent le développement de ces lieux saints pendant le premier millénaire. La construction de monastères, d’abord : les sites les plus anciens n’étaient probablement pas bâtis, et aujourd’hui encore, on voit souvent des icônes et des offrandes aménagées dans des grottes plutôt que des bâtiments. Les constructions les plus anciennes étaient des autels, tan 壇, c’est-à-dire des terrasses non couvertes pour présenter offrandes et suppliques aux dieux. L’essor des monastères taoïstes commence au ve siècle, surtout autour de maîtres du Shangqing retirés dans les montagnes qui attirent un nombre appréciable de disciples et fondent donc des communautés ; certains obtiennent un soutien de la part des nobles voire de la cour et se voient attribuer un titre (guan 舘 ou 觀), un statut officiel et des moyens pour construire de grands bâtiments. C’est ainsi que, progressivement, se forment des institutions monastiques, tant en ville que sur les montagnes, qui dominent le taoïsme des viie et viiie siècles. Les religieux observaient les règles d’abstinence lors des séjours de formation dans ces monastères plutôt que de façon permanente 14. En transformant progressivement les montagnes saintes de lieux d’ascèse érémitique en centres monastiques, les taoïstes n’étaient pas les seuls : la plupart des montagnes importantes ont dès l’époque médiévale fait l’objet d’une implantation tant bouddhique que taoïste ; on pense par exemple aux recherches de James Robson sur le Pic du Sud, Nanyue 南 嶽 (actuelle province du Hunan) ou de Wei Bin sur le mont Tiantai 天 臺山 (actuelle province du Zhejiang) 15. Non seulement ces institutions ont aménagé la montagne mais ils ont aussi réinterprété l’histoire antérieure des cultes et des saints selon leur propre théologie, produisant ainsi des récits miraculeux, des inscriptions et des monographies qui forment autant de strates textuelles couvrant la montagne elle-même 16. pour le Jiuhuashan 九華山, voir Ouyang Nan, « Localizing a Bodhisattva in Late Imperial China : Kṣitigarbha, Mt. Jiuhua, and Their Connections in Precious Scrolls », Journal of Chinese Religions 47.2 (2019), p. 195-219. 14. Bai Zhaojie 白照杰, Zhenghe ji zhiduhua : Tang qianqi daojiao yanjiu 整合及制 度化 : 唐前期道教研究, Beijing, Gezhi chubanshe, 2018. 15. James Robson, Power of Place : The Religious Landscape of the Southern Sacred Peak (Nanyue 南嶽) in Medieval China, Cambridge, Harvard University Press, 2009 ; Wei Bin, « The Sacred Imagination of Mountains and Its Spatial Influence in Early Medieval China : The Case of Mount Tiantai », Social Sciences in China 39.1 (2018), p. 132-164. 16. Sur l’histoire de l’écriture des monographies d’un lieu saint, voir Bingenheimer, Island of Guanyin.
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Introduction
Si le thème principal de ce volume est le rôle moteur des conceptions et pratiques taoïstes dans le développement des lieux saints en Chine et alentour, on ne peut en effet ignorer l’apport majeur du bouddhisme. Non seulement un grand nombre de montagnes furent très tôt partagées, comme on vient de le dire, et certaines des montagnes aujourd’hui entièrement associées au bouddhisme ont une préhistoire marquée par le taoïsme (et réciproquement) mais les conceptions bouddhiques ont aussi joué un rôle dans l’histoire des notions de lieux saints. Notamment, les pratiques de transposition d’un lieu saint en un autre lieu doivent beaucoup au bouddhisme ; ainsi le Wutaishan 五臺山 au nord de la Chine fut compris comme la transposition et donc l’équivalent du Pic du vautour où le Bouddha prêcha en Inde 17. De même, la découverte de reliques et autres traces du Bouddha et des saints permit de construire une géographie sacrée du bouddhisme en territoire chinois. Cette pratique fut largement adoptée en Chine puis au Japon, créant des pèlerinages de substitution. Par ailleurs, comme on le voit dans les chapitres 13 et 14, des manuels proposant des itinéraires parcourant les lieux saints furent compilés en contexte bouddhique tout en intégrant des sites taoïstes. De nombreuses pratiques pèlerines, telles que porter les statues de ses dieux jusqu’aux lieux saints ou chanter des hymnes pieux sur le chemin sont aussi d’origine bouddhique, même si, très tôt, elles sont devenues des éléments d’une culture religieuse partagée. Pèlerins et moines Les contributeurs de notre volume se sont penchés sur les pratiques des lieux saints en s’intéressant à deux types de pèlerins ; les religieux en quête de formation et d’initiation spirituelle d’une part, et les associations de culte de l’autre. Nous avons volontairement relégué au second plan les voyageurs lettrés et leurs écrits, qui occupent une place importante dans l’historiographie des montagnes chinoises. Nous ne nions pas pour autant l’importance de leurs écrits – leurs récits de voyage, youji 游記, constituent un corpus de sources important – et la spécificité des formes de religiosité qui s’y révèlent, tant dans leurs excursions sur les sites célèbres que dans leurs représentations,
17. Sen Tansen, Buddhism, Diplomacy, and Trade : The Realignment of Sino-Indian Relations, 600-1400, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2003, chap. 2.
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qu’elles soient narratives, poétiques ou picturales (la peinture de paysage) 18. Des travaux récents se sont aussi intéressés aux pèlerinages confucéens, sur les sites de la vie des saints à commencer par ceux de Confucius à Qufu et ailleurs 19. Nous avons donc particulièrement porté attention aux rapports entre les clercs, taoïstes et bouddhistes, et les laïcs dans la production des lieux saints au cours de l’histoire, depuis les Han jusqu’à aujourd’hui. Ces rapports couvrent toute la gamme de la plus étroite collaboration jusqu’à des situations de tension en passant par des cas où les types de pèlerinage sont séparés et n’interagissent guère. Pan Junliang insiste dans son chapitre sur les écarts entre les représentations du lieu saint et de son culte selon que l’on observe la pratique populaire où les textes taoïstes. Certaines des montagnes attirant les pèlerinages les plus spectaculaires, comme le Miaofengshan 妙峰山 près de Pékin étudié dans ce volume par Patrice Fava, n’ont pas de présence cléricale significative – ce qui bien évidemment ne signifie nullement que les visions taoïstes ou bouddhiques du monde n’y sont pas essentielles. C’est le cas aujourd’hui dans de nombreux autres sites, où la montagne sainte locale est le lieu de l’alliance entre les diverses communautés territoriales et associations qui s’y retrouvent et font circuler entre elles l’icône du dieu 20. À l’inverse, certaines montagnes saintes sont devenues des centres de formation et de pratique pour les taoïstes mais ne font pas l’objet d’un pèlerinage populaire ; c’est le cas en particulier du Longhushan 龍虎山 (actuelle province du Jiangxi) qui devient progressivement à partir du ixe siècle le siège de l’administration des Maîtres célestes Zhang 張天師, dirigeants héréditaires du taoïsme contrôlant les systèmes d’ordination et de canonisation 21. Depuis douze siècles, le Longhushan est connu dans tout le monde chinois, mais ce sont surtout des taoïstes qui s’y rendent pour s’y faire ordonner. D’autres montagnes de la région sont l’objet de pèlerinages 18. Pour une traduction de l’un des plus célèbres voyageurs lettrés, Xu Xiake 徐霞 客 (1587-1641), voir Jacques Dars, trad., Randonnées aux sites sublimes, Paris, Gallimard (coll. « Connaissance de l’Orient »), 1993. 19. Jesse Sloane, « Confucian Pilgrimage in Late Imperial and Republican China », Sungkyun Journal of East Asian Studies 17.2 (2017), p. 163-190. 20. Qin Jianming 秦建明, Marianne Bujard 吕敏, Yaoshan shengmu miao yu shenshe 堯山聖母廟與神社, Beijing, Zhonghua shuju, 2003. 21. Vincent Goossaert, Heavenly Masters. Two Thousand Years of the Daoist State, Honolulu, University of Hawai’i Press et Hong Kong, Chinese University Press, 2021.
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Introduction
d’une bien plus grande ampleur. Un tel cas de figure, cependant, n’est pas la norme, et beaucoup de montagnes sont à la fois des grands centres de formation taoïstes ou bouddhiques et attirent des millions de pèlerins chaque année. Dans de tels lieux saints, en dépit de siècles de réécriture visant à définir l’identité des saints et les rites appropriés, les pèlerins locaux n’ont pas toujours, tant s’en faut, strictement adopté les normes édictées par les autorités cléricales. Le Maoshan en offre un cas remarquable. Déjà, au ve siècle, Tao Hongjing se plaint que les habitants de la région construisent sur la montagne des temples où des médiums sont possédés par les Trois frères Mao auxquels on offre des sacrifices sanglants, en violation des règles de pureté du Shangqing. En dépit de ces protestations, que les héritiers de Tao Hongjing renouvelleront pendant des siècles, le Maoshan reste à l’époque moderne et contemporaine la destination d’un immense pèlerinage populaire où les médiums et les conteurs de ballades et de « volumes précieux » (baojuan 寳卷, des textes alternant prose et poésie relatant la vie des dieux ou d’autres thèmes édifiants et récités par des conteurs spécialisés) sont omniprésents 22. La tension entre les adeptes taoïstes ou bouddhistes avancés se rendant dans les montagnes saintes à la recherche des immortels ou des bouddhas, pour pratiquer l’ascèse et pour des retraites monastiques d’une part, et les pratiques dévotionnelles populaires de l’autre, ne constitue pas une opposition radicale dans les conceptions des montagnes chinoises. Les deux sont en réalité étroitement liés. Non seulement les ascètes, les clercs et les virtuoses ont aussi des pratiques dévotionnelles populaires, mais ils jouent souvent un rôle de guide ou de spécialiste rituel pour les associations de pèlerinage. Depuis les débuts de l’époque moderne au xvie siècle, pour laquelle nous sommes beaucoup mieux documentés, les montagnes étaient « ouvertes » aux pèlerins pour une ou deux périodes de l’année, et largement réservées aux religieux le reste du temps. Les monastères en montagne vivaient largement des pèlerinages, et beaucoup logeaient et offraient des services rituels aux associations de pèlerins sur la base de relations très durables dans le temps ; chacun des sous-lignages (qui étaient les
22. Vincent Goossaert et Rostislav Berezkin, « The Three Mao Lords in Modern Jiangnan. Cult and Pilgrimage between Daoism and Baojuan Recitation », BEFEO 99 (2012-2013), p. 295-326.
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entités constituantes des monastères, chacun possédant une salle de culte et des logements) accueillant chaque année les mêmes associations. Ces réseaux denses liaient donc les institutions des montagnes, les associations de village et de quartier, et les temples urbains qui servaient de nœuds dans ces vastes réseaux. Les dieux des grandes montagnes saintes, comme le Taishan 泰山 ou le Wudangshan 武當山, avaient des « palais de voyage », xinggong 行宮, dans des centaines de villes. Comme l’ont montré notamment les travaux de la regrettée Mei Li sur le pèlerinage à la montagne sainte taoïste Wudangshan, ou de Ye Tao sur le Taishan, ces réseaux de temples et d’associations ancrés dans les villes et les campagnes finançaient les grands monastères des montagnes 23. Cette perspective d’étude des réseaux, qui a depuis quelques décennies été centrale dans les études comparées sur les pèlerinages, permet d’appréhender les montagnes saintes non comme des lieux totalement séparés de la société et de la vie ordinaire, mais au contraire comme des points centraux dans la circulation des personnes et des idées 24. Elle nous aide aussi à comprendre que ce n’est pas l’isolement, la hauteur, la difficulté d’accès ou même le paysage qui fait la montagne sainte ; comme le rappelle Pan Junliang dans le titre de son article, citant le proverbe (dans l’une de ses nombreuses variantes), « une montagne ne s’illustre pas par sa hauteur, mais pour l’immortel qui y réside » 山不在高,有神而靈 25. De fait, plusieurs des « montagnes », shan, qui sont au cœur des plus importants pèlerinages à l’époque moderne, notamment dans la région du Jiangnan, sont en réalité des 23. Mei Li 梅莉, Ming-Qing shiqi Wudangshan chaoshan jinxiang yanjiu 明清時 期武當山朝山進香研究, Wuhan, Huazhong shifan daxue chubanshe, 2007 ; Ye Tao 葉濤, Taishan xiangshe yanjiu 泰山香社研究, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 2009 ; voir aussi Brian R. Dott, Identity Reflections. Pilgrimages to Mount Tai in Late Imperial China, Cambridge, Harvard University Asia Center, 2004 ; Richard G. Wang, « Qiyunshan as a Replica of Wudangshan and the Religious Landscape of the Ming Empire », Journal of Chinese Religions 42.1 (2014), p. 28-66. 24. Wei Bin 魏斌, « Shanzhong » de Liuchaoshi 山中的六朝史, Beijing, Sanlian shudian, 2019, développe cette idée pour la période médiévale. 25. La source semble être un poème de Liu Yuxi 劉禹錫 (772-842) : « L’important dans la montagne n’est pas sa hauteur, s’il y a un immortel, elle sera célèbre ; l’important dans un cours d’eau n’est pas sa profondeur, s’il y a un dragon, il sera divin » 山不在高, 有仙則名 ; 水不在深, 有龍則靈 (Guwen guanzhi 古文觀止, Guangzhou, Jinan daxue chubanshe, 2003, p. 78).
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Introduction
collines en banlieue, voire à l’intérieur des murs des grandes villes ; on songe par exemple à Wushan 吳山, la modeste colline couverte de temples au cœur de Hangzhou 26, ou à Shangfangshan 上方山, la petite colline de Suzhou qui est au cœur du culte de possession des Wutong 五通 (chaque famille qui a un autel des Wutong chez soi, ce qui est extrêmement fréquent, doit aller tous les ans en pèlerinage à Shangfangshan) et qui, après six siècles de répressions sporadiques reste aujourd’hui tous les jours rempli de dévots, de médiums et de chanteurs 27. On trouve aussi des îles, proches de la côte comme Putuoshan 普陀山, la terre sainte de Guanyin, ou dans les grands lacs, comme la grotte Linwu 林屋洞, sur une île dans le lac Taihu près de Suzhou, qui toutes revendiquent le statut de « montagne ». Autour de la Chine Nous avons évoqué le fait que, au fil de leur expansion géographique, démographique et économique, les Han se sont au cours des siècles installés dans des régions où existaient déjà des lieux saints fondés et fréquentés par d’autres groupes ethniques, notamment dans le sud de la Chine actuelle. On ne saurait donc faire justice à la contribution du taoïsme à l’histoire des lieux saints et des pèlerinages sans prendre pleinement en compte cette dimension multiculturelle, faite parfois de conflits mais aussi et surtout de négociations, d’hybridités et de partages. Les lieux saints hybrides sont nombreux en Chine du nord, comme le montrent l’article de Pierre Marsone sur les montagnes sacrées des Khitan, et celui d’Isabelle Charleux sur le Wutaishan, l’une des quatre montagnes sacrées du bouddhisme chinois mais fréquentée assidûment par les Mongols depuis le xixe siècle. À ces contacts directs, il faut ajouter une autre dimension encore, l’exportation hors de Chine des conceptions taoïstes du lieu saint, notamment au Japon. C’est ainsi que l’un des documents les plus révérés du taoïsme médiéval, la « Carte des Vraies formes des Cinq
26. Vincent Goossaert, « The Local Politics of Festivals : Hangzhou, 1850-1950 », Daoism : Religion, History and Society 5 (2013), p. 57-80. 27. Rostislav Berezkin et Vincent Goossaert, « The Wutong Cult in the Suzhou Area from the Late 19th Century to the Present », Journal of Chinese Studies 中國文 化研究所學報 70 (2020), p. 153-202.
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Pics », Wuyue zhenxing tu 五嶽真形圖 a connu un grand succès au Japon, où elle a rencontré les idées et pratiques japonaises des montagnes saintes – que l’on peut aussi, comme en Chine, répliquer et recréer en miniature. La présentation d’Anne Bouchy sur le shugendō 修験道 et sa présence sur le chemin de pèlerinage de Kumano 熊野 offre aussi une perspective comparatiste sur le rôle des traditions ascétiques dans la formation des pèlerinages populaires. Cet article fait une mise au point terminologique et conceptuelle du « pèlerinage » et du « parcours d’ascèse », ces deux sous-ensembles d’une grande catégorie désignée au Japon par la formule englobante de « déplacement dans l’espace vers des montagnes ou des lieux de vénération et de pratiques ». Après avoir précisé les points communs et ce qui différencie les deux types de pratiques liées aux montagnes, un examen plus détaillé du parcours shugen (notamment ceux des monts Ōmine et Hōman) permet de comprendre les interrelations nécessaires et contraignantes qui relient l’univers des montagnes et les organisations shugen qui gèrent ces pratiques ascétiques. Plan du volume Le présent volume est organisé en trois parties. La première, « Les lieux saints : rencontre des vivants, des morts et des dieux » rassemble des essais sur les concepts et les représentations des lieux saints. Miura Kunio nous rappelle que si les montagnes sacrées sont des lieux d’immortalité ce sont aussi les demeures des morts, et montre l’importance des tombes comme marqueurs de la géographie sacrée. Tanaka Fumio aborde la question de la représentation des mondes souterrains organisés en dix cours des enfers et suit leur évolution depuis l’époque médiévale jusqu’aux temps modernes. Lai Sih-yu retrace l’histoire d’un des documents les plus connus et révérés du taoïsme médiéval, la « Carte des Vraies formes des Cinq Pics » et sa diffusion au Japon. La seconde partie, « Montagnes, temples et rituels » examine les diverses pratiques rituelles qui sacralisent les lieux saints et les relient. Pierre Marsone retrace l’histoire du culte à la montagne sainte des Khitan et son évolution quand, ayant fondé une dynastie (les Liao) sur le modèle chinois au xe siècle, ce culte fut intégré aux rituels impériaux. Sakai Norifumi reconstitue l’histoire des institutions taoïstes dans la région du Jiangnan, la plus riche et densément peuplée de la Chine moderne, au travers de la période mongole en 22
Introduction
montrant comment les réseaux se sont réorganisés avec l’ascendance d’un nouveau lieu saint, le Longhushan, prenant progressivement la place d’autres centres plus anciens et provoquant l’essor de nouveaux parcours de formation. Shiga Ichiko s’intéresse à la technique de révélation la plus importante de la Chine moderne, l’écriture inspirée, et à la façon dont elle refaçonne le paysage religieux, en prenant le cas de la tradition, encore très vivante, du culte d’un saint bouddhique dans la région de Chaozhou. Isabelle Charleux décrit le rite de passage dans les grottes-matrices, l’une des principales activités des pèlerins mongols au Wutaishan, et ses diverses interprétations dans un contexte de mélange de différentes cultures pèlerines. Yamashita Kazuo étudie la question des hybridations de cultes et traditions rituelles à travers le cas d’un temple bouddhique à Xuzhou (centre-nord de la Chine) situé près d’une grotte et qui héberge un culte d’origine taoïste. Pan Junliang, combinant aussi histoire et ethnographie, aborde des questions semblables en retraçant l’évolution d’un lieu dans la région de Wenzhou, qui fut tôt intégré dans la liste des grottes-cieux taoïstes mais où la présence du culte populaire mais aussi du bouddhisme reste prégnante. La troisième partie, « Itinéraires de pèlerinages », est consacrée aux parcours des virtuoses comme des pèlerins « ordinaires », des choix qui les mènent à différentes montagnes saintes et à l’expérience de leurs parcours. Hirose Naoki pour la période médiévale et Tsuchiya Masaaki pour les Tang examinent les biographies de taoïstes, dans les hagiographies pour le premier et les épitaphes pour le second, et y montrent l’importance des voyages initiatiques passant par diverses montagnes ainsi que les logiques de ces itinéraires. Anne Bouchy présente l’un des parcours de pèlerinage les plus célèbres du Japon depuis au moins le xiie siècle, celui de Kumano et de ses trois montagnes saintes. Ishino Kazuharu et Marcus Bingenheimer examinent tous deux des guides pour pèlerins bouddhiques à l’époque moderne et y examinent non seulement l’inscription des itinéraires dans la géographie chinoise mais aussi les aspects les plus concrets de l’expérience pèlerine qui s’y expriment. Patrice Fava enfin, croise des documents iconographiques rares avec une longue expérience ethnographique pour retracer l’histoire des troupes processionnelles qui animent le grand pèlerinage du Miaofengshan près de Pékin.
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Vincent Goossaert
Bibliographie BAi Zhaojie 白照杰, Zhenghe ji zhiduhua : Tang qianqi daojiao yanjiu 整合及制度化 : 唐前期道教研究, Beijing, Gezhi chubanshe, 2018. BerezKin, Rostislav et GoossAert, Vincent, « The Wutong Cult in the Suzhou Area from the Late 19th Century to the Present », Journal of Chinese Studies 中國文化研究所學報 70 (2020), p. 153-202. BinGenheimer, Marcus, Island of Guanyin : Mount Putuo and Its Gazetteers, New York, Oxford University Press, 2016. BujArd, Marianne, « Le culte du Joyau de Chen : culte historique, culte vivant », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998), p. 131-181. chAvAnnes, Édouard, Le T’ai Chan. Essai de monographie d’un culte chinois, Paris, Ernest Leroux, 1910. che, Philippe, La Voie des divins immortels. Les chapitres discursifs du Baopuzi neipian, Paris, Gallimard, 1999 (coll. « Connaissance de l’Orient »). dArs, Jacques, trad., Randonnées aux sites sublimes, Paris, Gallimard (coll. « Connaissance de l’Orient »), 1993. Doten Fukushi kenkyū 洞天福地研究, revue annuelle depuis 2011. dott, Brian R., Identity Reflections. Pilgrimages to Mount Tai in Late Imperial China, Cambridge, Harvard University Asia Center, 2004. GesterKAmP, Lennert, « The Synthesis of Daoist Sacred Geography : A Textual Study of Du Guangting’s Dongtian fudi yuedu mingshan ji (901) », Daoism : Religion, History and Society 9 (2017), p. 1-39. GoossAert, Vincent, « The Local Politics of Festivals : Hangzhou, 18501950 », Daoism : Religion, History and Society 5 (2013), p. 57-80. GoossAert, Vincent, Heavenly Masters. Two Thousand Years of the Daoist State, Honolulu, University of Hawai’i Press et Hong Kong, Chinese University Press, 2021. GoossAert, Vincent et BerezKin, Rostislav, « The Three Mao Lords in Modern Jiangnan. Cult and Pilgrimage between Daoism and baojuan Recitation », BEFEO 99 (2012-2013), p. 295-326. Guwen guanzhi 古文觀止, Guangzhou, Jinan daxue chubanshe, 2003. idemA, Wilt L., « The Pilgrimage to Taishan in the Dramatic Literature of the Thirteenth and Fourteenth Centuries », Chinese Literature : Essays, Articles, Reviews (CLEAR) 19 (1997), p. 23-57. K leemAn, Terry F., « Sources for Religious Practice in Zitong : The Local Side of a National Cult », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998), p. 341-355. mei Li 梅莉, Ming-Qing shiqi Wudangshan chaoshan jinxiang yanjiu 明清 時期武當山朝山進香研究, Wuhan, Huazhong shifan daxue chubanshe, 2007. meulenBeld, Mark, « The Peach Blossom Spring’s Long History as a Sacred Site in Northern Hunan », T’oung Pao 107 (2021), p. 1-39. 24
Introduction nAquin, Susan et Yü Chün-fang, dir., Pilgrims and Sacred Sites in China, Berkeley, University of California Press, 1992. ouYAnG, Nan, « Localizing a Bodhisattva in Late Imperial China : Kṣitigarbha, Mt. Jiuhua, and Their Connections in Precious Scrolls », Journal of Chinese Religions 47.2 (2019), p. 195-219. qin Jianming 秦建明, Marianne BujArd 吕敏, Yaoshan shengmu miao yu shenshe 堯山聖母廟與神社, Beijing, Zhonghua shuju, 2003. roBson, James, Power of Place : The Religious Landscape of the Southern Sacred Peak (Nanyue 南嶽) in Medieval China, Cambridge, Harvard University Press, 2009. sen Tansen, Buddhism, Diplomacy, and Trade : The Realignment of Sino-Indian Relations, 600-1400, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2003. sloAne, Jesse, « Confucian Pilgrimage in Late Imperial and Republican China », Sungkyun Journal of East Asian Studies 17.2 (2017), p. 163-190. soYmié, Michel, « Le Lo-Feou chan 羅浮山, étude de géographie religieuse », BEFEO 48 (1956), p. 1-139. stricKmAnn, Michel, Le Taoïsme du Mao Chan : chronique d’une révélation, Paris, Collège de France, Institut des hautes études chinoises, 1981. tsuchiYA Masaaki 土屋昌明 et Vincent GoossAert, dir., Dōkyō no seichi to chihōshin 道教の聖地と地方神, Tokyo, Tōhō shoten, 2016. verellen, Franciscus, « The Beyond Within : Grotto-Heavens (dongtian) in Taoist Ritual and Cosmology », Cahiers d’Extrême-Asie 8 (1995), p. 265-290. verellen, Franciscus, « The Twenty-four Dioceses and Zhang Daoling : The Spatio-liturgical Organization in Early Heavenly Master Taoism », dans Pilgrims and Place : Localizing Sanctity in Asian Religions, Phyllis Granoff et Koichi Shinohara, dir., Vancouver, University of British Columbia Press, 2003, p. 15-67. verellen, Franciscus, dir., numéro spécial « Culte des sites et culte des saints en Chine », Cahiers d’Extrême-Asie 10 (1998). WAnG, Richard G., « Qiyunshan as a Replica of Wudangshan and the Religious Landscape of the Ming Empire », Journal of Chinese Religions 42.1 (2014), p. 28-66. Wei Bin, « The Sacred Imagination of Mountains and Its Spatial Influence in Early Medieval China : The Case of Mount Tiantai », Social Sciences in China 39.1 (2018), p. 132-164. Wei Bin 魏斌, « Shanzhong » de Liuchaoshi 山中的六朝史, Beijing, Sanlian shudian, 2019. Ye Tao 葉濤, Taishan xiangshe yanjiu 泰山香社研究, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 2009.
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Vincent Goossaert
Filmographie Patrice FAvA, Mazu la déesse de la mer, réalité d’une légende (Taiwan), version française, durée 1 h, diffusion CNRS Images, 1986, https://videotheque.cnrs.fr/doc Patrice FAvA 妙峰山庙会,400 年的历史 (Le pèlerinage de Miaofengshan, 400 ans d’histoire), durée 2 h. Version chinoise et sous-titres chinois, 2016. Production Wenhuabu minzu minjian wenyi fazhan zhongxin 文化部民族民间文艺发展中心 (Ministère de la culture chinoise, Centre de développement des arts et de la culture populaire des peuples de Chine). roth, Carina et roth, Sandra, Là où les montagnes volent/Where Mountains Fly 4/3, PAL. Umeda, Switzerland, 2010.
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–I–
Les lieux saints : rencontre des vivants, des morts et des dieux
CHAPITRE 1
LES TOMBES COMME LIEUX SAINTS : UNE NOUVELLE LECTURE DU ZHENGAO 真誥 miurA Kunio 三浦國雄, professeur émérite, Osaka City University
traduit par Wang Xiumei 王秀梅, Zhang Zhuoya 張卓娅 et Johan Rols
l
es déBAts autour de la relation entre le taoïsme et les sites funéraires évoquent chez les chercheurs un sentiment déconcertant, puisque la doctrine fondamentale du taoïsme est de parvenir à l’immortalité quand, au contraire, l’un de ses principaux tabous est la mort. Les textes taoïstes documentent de nombreux tabous concernant la mort et les cadavres. Bien qu’il existe un vocabulaire spécifique pour parler des sites funéraires et des cadavres enterrés, qu’est-ce qu’une tombe pour les taoïstes ? Cette question est d’autant plus importante au regard de la rareté des textes taoïstes qui débattent de ce thème. Jiang Sheng 姜生 a utilisé dans ses récentes recherches d’abondantes données visuelles pour montrer que sous la dynastie Han, avant la création du taoïsme organisé par Zhang Daoling 張道陵, les sites funéraires n’étaient pas simplement des lieux servant à entreposer les restes humains, ils étaient également considérés comme des « palais de raffinage des corps » (lianxing zhi gong 煉形之宮). Ces lieux importants fonctionnaient comme des étapes, les corps y étaient raffinés en vue de l’immortalité. Cette croyance aux immortels (shenxian xinyang 神仙信 仰) en tant que forme originelle du taoïsme se fonde sur les notions de « d’abord mourir pour ensuite muer » (xiansi houtui 先死後蛻) et de « délivrance du cadavre » (shijie 尸解) 1.
1.
Stephen Bokenkamp traduit en anglais shijie par « deliverance by means of a [substitute] corpse », dans Ancestors and Anxiety : Daoism and the Birth of Rebirth in China, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 80.
10.1484/M.BEHE-EB.5.130236
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Miura Kunio
D’une manière générale, la délivrance du cadavre fait référence à une personne décédée qui, en devenant un immortel, ne laisse derrière elle que son épée et ses chaussures à la place d’un corps. Jiang Sheng souligne que la délivrance du cadavre se réfère au raffinage des corps pendant leur séjour sépulcral, la tombe étant ainsi nommée le « palais du raffinage des corps ». Il s’agit à ce moment-là d’une nouvelle union des âmes-nuages hun 魂 et des âmes-squelettes po 魄, fondamentale dans le processus pour devenir immortel. Ici, la mort (la tombe) n’est pas le point terminal, mais davantage le point de départ vers l’immortalité 2. Certaines études archéologiques ont montré que la forme des tombes a subi des transformations profondes au cours de la dynastie Han : 1) Sont apparues les tombes avec un cercueil extérieur guomu 槨墓 ; le cercueil du défunt est scellé dans le cercueil extérieur puis enterré dans une tombe de type fosse verticale (shushi kengmu 竪式坑 墓) ; 2) La construction de tombes situées dans des salles (mushi 墓室) se développe plus tardivement ; à l’instar d’une résidence moderne, ce type de tombes a plusieurs espaces séparés qui sont reliés par des passages, la tombe est de type fosse horizontale (hengxue shi mushi 橫穴 式墓室) ; 3) Il apparaît au milieu de la période des Han antérieurs des tombes avec un toit et des portes voûtées (gongmending 拱門頂) ; 4) Puis sous les Han postérieurs, les chambres mystérieuses (xuanshi 玄 室) sont majoritairement construites avec des toits en dôme (qionglong ding 穹窿頂). Elles permettaient de faire communiquer le monde des morts (mingjie 冥界) avec celui des cieux (tianjie 天界) 3. Selon Jiang Sheng, cette croyance en la délivrance du cadavre, largement répandue sous la dynastie Han, a progressivement décliné concomitamment à la montée de la nouvelle croyance, notamment représentée par le mouvement du Maître céleste fondé par Zhang Daoling, selon laquelle « le corps se transforme immédiatement en immortel » ( jishen chengxian 即身成仙) sans passer par la mort 4. Le tabou taoïste sur la 2.
3. 4.
30
Jiang Sheng 姜生, « Lianxing zhi gong : Han mu de shikong, shenzhi he xianpu 煉形之宮:漢墓的時空, 神祗和仙譜 », Han diguo de yichan : Han gui kao 漢 帝國的遺產:漢鬼考, Beijing, Kexue chubanshe, 2016, p. 17 ; Id., « Zhang Daoling zhiqian de rusheng de daojiao 張道陵之前的儒生的道教 », communication orale à la Société Japonaise d’études taoïstes 日本道教學會, 2016. Huang Xiaofen 黃曉芬, Chūgoku kodai sōsei no dentō to henkaku 中國古代葬 制の傳統と變革, Tokyo, Bensei shuppan, 2000. Jiang Sheng, « Zhang Daoling zhiqian de rusheng de daojiao ».
Les tombes comme lieux saints : une nouvelle lecture du Zhengao
mort et les cadavres découle de cette nouvelle pensée taoïste. Cependant, au sein de cette tendance, le Zhengao 真誥 (« Déclarations des transcendants »), la chronique des révélations du Shangqing 上清, donne l’impression d’occuper une place exceptionnelle dans ce discours sur la mort. Le Zhengao est un recueil de notes à propos des révélations transmises par les êtres transcendants au médium Yang Xi 楊 羲, certaines étant destinées à son mécène Xu Mi 許謐 et son fils Xu Yuan 許掾 (Xu Hui). Dans cet ouvrage, les personnes transcendantes (zhenren 真人) descendues dans le monde ordinaire évoquent à plusieurs reprises le sujet des tombes et débattent des événements se produisant dans celles-ci. Je voudrais à travers l’analyse du discours du Zhengao donner un aperçu de l’imaginaire religieux du Shangqing entre le ive siècle et le ve siècle 5 et de la place des tombes dans sa géographie. Attacher de l’importance aux « vertus cachées » (yinde 陰德) est une doctrine importante du Shangqing 6. Dans les annotations du Zhengao, Tao Hongjing 陶弘景 énumère sept types de transformation en immortel basés sur les vertus cachées. De manière à faciliter la lecture, j’ai ajouté dans le texte ci-dessous des numéros allant de ① à ⑦ permettant de distinguer l’ordre des types de transformations. Bien que Tao Hongjing exclue ici de tels cas, devenir immortel (chengxian 成 仙) se réfère généralement à devenir immortel avec son propre « corps vivipare » (taisheng de roushen 胎生的肉身), c’est ce qu’on appelle « monter au ciel en plein jour » (bairi shengtian 白日升天). Dans l’éventualité où l’omission de Tao Hongjing est intentionnelle, cela signifierait que la manière de devenir immortel ne concerne pas principalement à ses yeux l’action de monter au ciel à la lumière du jour.
5.
6.
L’argumentation et les matériaux utilisés ici reprennent l’article « Zhengao yu fengshui dili shuo 真誥與風水地理說 » et l’ouvrage édité par Yoshikawa Tadao 吉川忠夫, dir., Rikuchō Dōkyō no kenkyū 六朝道教の研究, Tokyo, Shunjūsha, 1998. Ce texte réorganise le contenu des textes précédents sur le point de vue du « tombeau » ( fenmu 墳墓). De plus, en lisant et en interprétant les passages difficiles du Zhengao, je me réfère à Yoshikawa Tadao 吉川忠 夫 et Mugitani Kunio 麥谷邦夫, dir., Shinkō kenkyū (yakuchū hen) 真誥研究 (譯注篇), Kyoto, Kyōto Daigaku Jinbun kagaku kenkyūjo, 2000. En outre, le premier chapitre du premier essai dans Kamitsuka Yoshiko 神塚淑子, Rikuchō Dōkyō shisō no kenkyū 六朝道教思想の研究, Tokyo, Sōbunsha, 1999, me sert de référence pour la compréhension globale du Zhengao. Kominami Ichirō 小南一郎, « Kyo-shi no dōkyō shinkō – Shinkō ni miru shisha tachi no unmei 許氏の道教信仰 –『真誥』に見る死者たちの運命 », dans Yoshikawa Tadao, dir., Rikuchō Dōkyō no kenkyū, p. 23-53, ici p. 27.
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Miura Kunio
Concernant les vivants qui pratiquent les vertus cachées et les mérites secrets, qui aiment le Dao et croient aux immortels, en prenant en compte la profondeur et le sérieux de leur pratique, ils ne reçoivent pas tous la même rétribution. ① Il y a ceux qui sans que ne meure leur corps physique deviennent des immortels terrestres (dixian 地仙). ② Il y a ceux qui confient leur corps (à un objet) (tuo xing 託形) et pratiquent la délivrance du cadavre pour s’en aller. ③ Il y a ceux qui, une fois leur vie arrivée à son terme, peuvent entrer dans les Palais-grottes (Donggong 洞宫) pour recevoir l’enseignement. ④ Il y a ceux qui vont d’abord au palais Zhuhuo (Zhuhuo gong 朱火宮) pour raffiner leur corps. ⑤ Il y a ceux qui deviennent d’abord des « maîtres du monde souterrain » avant de progresser vers un grade [plus élevé]. ⑥ Il y a ceux qui deviennent d’abord des fonctionnaires du monde des esprits avant de se transsubstantier (qian hua 遷化). ⑦ Il y a ceux qui n’ont pas pu atteindre [un des types d’immortalité ci-dessus] ; leurs mérites accumulés sont transmis à leurs enfants et petits-enfants afin que ces derniers puissent apprendre la Voie (Dao) et les sauver. À l’instar de ces exemples, il existe des dizaines de degrés de différents niveaux qui ne peuvent pas être aussi simplement énumérés. 在世行隂功宻德, 好道信仙者, 既有淺深輕重, 故其受報亦 不得皆同, ① 有即身地仙不死者, ② 有託形尸解去者, ③ 有 既終得入洞宫受學者, ④ 有先詣朱火宫煉形者, ⑤ 有先爲地 下主者乃進品者, ⑥ 有先經鬼官乃遷化者, ⑦ 有身不得去, 功 及子孫, 令學道乃拔度者。諸如此例, 高下數十品, 不可以一 槩求之 7。
Voici une brève explication de la citation ci-dessus : ① Le corps (sans passer par le processus de la mort) obtient l’immortalité sur terre. ② La corporéité est transférée à des vêtements ou à des objets (épée, chaussures, etc.) de manière à se délivrer de son cadavre et obtenir l’immortalité. ③ En mettant fin à sa vie mondaine, l’adepte entre dans les palais des grottes-cieux pour continuer à pratiquer (xiuxing 修行).
7.
32
Zhengao, 16.1b.
Les tombes comme lieux saints : une nouvelle lecture du Zhengao
④ Après la mort, l’adepte va d’abord au palais Zhuhuo (ou palais du Sud, Nangong 南宮) pour raffiner et transformer son corps. ⑤ Après la mort, l’adepte devient « un maître du monde souterrain » (en tant que responsable de la gestion des morts, il a la position la plus basse dans la hiérarchie divine), pour ensuite monter jusqu’au niveau des immortels. ⑥ Après la mort, l’adepte devient d’abord un fonctionnaire du monde des esprits (un fonctionnaire des enfers, responsable de la gestion des morts), pour ensuite devenir un immortel. ⑦ Bien qu’il n’ait pas pu de son vivant atteindre l’immortalité, tous ses points de mérites accumulés sont transférés à ses descendants ; ces derniers pourront apprendre la Voie des immortels et lui faire atteindre l’immortalité 8. Regardons les processus pour devenir immortel évoqués dans les cas ci-dessus selon leur rapport avec la tombe. Dans le cas ①, le processus ne passe pas par la mort, cela n’a donc rien à voir avec la tombe (la « montée au ciel en plein jour » n’implique pas non plus de passage par la tombe). Pour le cas ②, la délivrance du cadavre correspond à ce qu’Henri Maspero appelle « la fausse mort » 9. Comme la dépouille mortelle reste enterrée, il y a évidemment un lien avec la tombe. Au no ③, après « avoir fini » sa vie ( jizhong 既終), l’adepte a été sélectionné pour entrer dans une grotte-ciel et y pratiquer l’immortalité. Parce qu’à cette étape il a été enterré, l’existence de la tombe ne peut être ignorée. Le processus est identique pour le no ④, seule la destination est différente de celle du no ③. Le no ⑤ est similaire aux no ③ et ④, avec au préalable un passage par la tombe. Dans ce casci, sa destination est la même que celle du no ③ : les grottes-cieux. Le « maître du monde souterrain » est l’officiel immortel des grottescieux et il possède le rang le plus bas dans la hiérarchie divine 10. Pour le no ⑥, bien que la destination soit différente, les conditions d’un passage préalable par la tombe sont similaires. Les idées portées par le no ⑦ montrent une conception de la famille et de la responsabilité
8.
Ce passage sur Tao Hongjing est mentionné dans Kominami Ichirō, « Kyo-shi no dōkyō shinkō », p. 29, 31. 9. Henri Maspero, Kawakatsu Yoshio 川勝義雄, trad., Dōkyō 道教, Tokyo, Heibonsha, 1978, p. 17. 10. « Jishenshu, 3 稽神樞第三 », Zhengao, 13.1a.
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des descendants pour le salut de leurs ancêtres propre au Shangqing 11. Or ici aussi, la résidence où l’on est soi-même considéré comme un ancêtre ne peut être qu’une tombe. On constate donc que la tombe est un élément essentiel du monde religieux construit par le Zhengao, dans lequel les références aux tombes ne manquent pas. Par conséquent, la tombe ne serait-elle pas un intermédiaire important reliant les vivants avec les divinités et les immortels taoïstes ? Lorsqu’on étudie la tombe dans le taoïsme, il faut prendre en compte un autre point important : recherchant l’immortalité, le taoïsme attache de l’importance au corps (la « forme », xinghai 形骸) et lui prête beaucoup d’attention. Plutôt qu’un processus visant à obtenir la vie éternelle quand les âmes hun et po quittent le corps physique après la mort, les taoïstes médiévaux préfèrent chercher à acquérir un corps physique durable et immortel. Sur ce sujet, le Shangqing ne fait pas exception. Contrairement à l’inutilité d’une tombe chez la personne atteignant l’immortalité avec son corps, dans les situations décrites ci-dessus par le Zhengao, y compris la délivrance du cadavre, la plupart des types de pratiques pour atteindre l’immortalité se basent sur l’expérience de la mort. Après la mort, malgré l’existence de lieux facilitant l’accès à un niveau supérieur, tels que Taiyin 太陰, Nangong et les grottes-cieux, la localisation initiale du corps est sans aucun doute la tombe. Par exemple, un propos révélé par Xin Xuanzi 辛玄子 détaille la restauration du corps à des fins d’immortalité : Depuis que moi, Xuanzi 玄子, étais enfant, j’aimais le taoïsme et me conformais à ses commandements et ses préceptes. […] Contre toute attente, mes ancêtres avaient beaucoup péché et les malheurs continuaient à se répandre sur leurs descendants. […] Je n’avais pas vécu longtemps quand je mourus à l’embarcadère de Changliang. Xiwangmu 西王母 m’ayant vu suivre des pratiques ascétiques et Fengdu Beidi 酆都北帝 ayant eu pitié de moi en raison de mon affection pour le taoïsme, ont ordonné au régisseur des destins (siming 司命) de faire promulguer par les Sanguan (Trois officiers) un décret pour que mon
11. Tsuzuki Akiko 都築晶子, « Rikuchō jidai ni okeru kojin to ie 六朝時代におけ る個人と「家」 », Nagoya daigaku Tōyōshi kenkyū hōkoku 名古屋大學東洋史 研究報告 14 (1989), p. 19-50.
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corps soit rassemblé et que mes âmes-nuages (hun) se tournent vers la transcendance, [ils m’ont] fait nourrir mon embryon et m’ont donné un rang parmi les dieux depuis maintenant plus de deux cents ans. Récemment, j’ai été « nommé » (duming 度 名) à Nangong en attendant la décision de Zhuling 朱陵. J’emmagasine mon essence et attends le moment d’être répertorié comme un immortel. 玄子少好道, 遵奉法戒 […] 不圖先世之多愆, 殃流子孫 […] 享年不永, 遂没命於長梁之津。西王母見我苦行, 酆都北帝 愍我道心, 告勑司命, 傳檄三官, 攝取形骸, 還魂復眞, 使我 頤胎, 位爲靈神。於今二百餘年矣。近得度名南宫, 定策朱 陵, 藏精待時, 方列爲仙 12。
Il y a aussi une légende selon laquelle He Cidao 何次道, qui se trouvait à Chenghetai 承何臺 à Nangong, a pu restaurer son corps physique en raison d’une longue vie passée à faire la charité et l’aumône 13. Si on n’a pas de corps (routi 肉體), il est impossible de devenir immortel. Cependant, bien que le « corps » (xinghai) enfermé dans la tombe ait perdu sa complétude en raison d’une décomposition continue, il ne reste finalement que les os. Les os sont donc « le dernier rempart » du corps. Par exemple, dans le récit cité ci-dessous, les restes d’une dépouille humaine recueillis dans un cercueil trente ans après sa mort ont pu être ré-attachés avec son « souffle divin » (shenqi 神氣) de manière à ressusciter le corps. [Il a] étudié les transformations du corps, nettoyé son paysage (intérieur) et changé son souffle. Après douze ans, son souffle a retenu ses âmes-nuages (hun). Après quinze ans, son esprit a lié ses âmes-squelettes (po). Après trente ans, ses os dans le cercueil sont recouverts du souffle immortel. Après quarante ans, il est redevenu vivant et il s’en est retourné dans le monde des humains. Après cinquante ans, il a occupé le poste de fonctionnaire immortel.
12. « Chan weiyou, 2 闡微幽第二 », Zhengao, 16.6b-7a. 13. « Chan weiyou, 1 闡微幽第一 », Zhengao, 15.8b et « di’er 第二 », Zhengao, 16.9a.
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受學化形, 濯景易氣, 十二年氣攝神魂, 十五年神束藏魄, 三 十年棺中骨還附神氣, 四十年平復如生人, 還遊人间, 五十 年位補仙官 14…
Mis à part les ossements, les cinq viscères ont également une grande valeur dans les caractéristiques fondamentales de la personnalité physique. Par exemple, dans le récit ci-dessous, il est dit que cinq ou six ans après la mort de Zhao Chengzi 趙成子, quelqu’un a vu, à l’intérieur d’une chambre de pierre dans la montagne, les cinq viscères de Zhao Chengzi se tortiller spontanément à l’intérieur de son cadavre. La chair a pourri et les os sont restés. Il a également vu que les cinq viscères étaient toujours vivants dans l’abdomen comme avant [sa mort], les fluides et le sang étaient à l’intérieur enveloppés et enroulés ; à l’extérieur, un placenta violet était noué et enroulé. 肉朽骨在, 又見腹中五藏自生如故, 液血纏裹於内, 紫包結 絡於外 15.
À en juger par cette situation, Zhao Chengzi avait dû terminer de raffiner son corps. Il existe aussi d’autres descriptions similaires plus loin dans le texte 16. Je voudrais maintenant approfondir la question des tombes dans le Zhengao. L’immortel délivré de son cadavre (shijiexian 尸解仙) et la tombe D’après la théorie de Jiang Sheng citée plus tôt, la croyance en la délivrance du cadavre a décliné après la dynastie Han. Précédemment lors de l’introduction du type no ②, il a été mentionné que le 14. « Jishenshu, 3 稽神樞第三 », Zhengao, 13.2a. En ce qui concerne le maître souterrain de deuxième classe Zhang Jiangzi 張姜子 qui a pu entrer dans le palais Yiqian 易遷宮, la note de Tao Hongjing souligne que c’était parce qu’« il avait récupéré les os dans le cercueil », « Jishenshu, 3 稽神樞第三 », Zhengao, 13.2b. 15. « Yunxiang pian, 4 運象篇第四 », Zhengao, 4.16b. Cette traduction reprend celle en anglais de Thomas Smith, Declarations of the Perfected, Part One : Setting Scripts and Images into Motion, St. Petersburg, Three Pines Press, 2013, p. 302-303. 16. « Yunxiang pian, 4 », Zhengao, 4.16a.
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Zhengao valorisait les immortels délivrés de leur cadavre (shijiexian), et cet ouvrage décrit, par conséquent, toutes sortes de shijiexian. Cela contredit l’impression de Jiang Sheng quand celui-ci suggère que la croyance en la délivrance du cadavre dans laquelle il fallait « d’abord mourir pour ensuite muer » a décliné en raison de l’essor du taoïsme 17. Dans le Baopuzi 抱樸子 au chapitre (« Lunxian pian 論仙篇 »), les immortels sont divisés en trois niveaux : les tianxian 天仙 (montant au ciel en plein jour avec leur corps de chair), les dixian (voyageant dans les montagnes célèbres) et les shijiexian (mourant d’abord et muant ensuite). Atteindre l’immortalité en se libérant de son cadavre (shijiexian) est la [méthode] destinée aux « adeptes inférieurs » (xiashi 下 士). Bien que cela ne soit pas le cas dans le Zhengao, cette méthode s’apparente au niveau le plus bas des techniques menant à l’immortalité. D’après Yoshikawa Tadao 吉川忠夫, « le shijiexian n’est pas seulement dans le Zhengao une méthode permettant aux hommes ordinaires d’accéder à l’immortalité, elle permet même d’accéder aux rangs les plus élevés ». Il attire l’attention sur les cas de Xianmenzi 羡 門子, Gaoqiuzi 高丘子, Hongya xiansheng 洪崖先生 et l’empereur Shun 舜, car s’ils appartenaient initialement à la catégorie des immortels célestes, ils sont considérés dans le Zhengao comme des immortels délivrés de leur cadavre 18. Dans le Zhengao, la compréhension concernant les immortels délivrés de leur cadavre et leur passage par une « pseudo-mort » (weisi 僞死) dans le but d’atteindre l’immortalité n’a pas évolué par rapport 17. Il existe plusieurs recherches sur les immortels délivrés de leur cadavre (shijiexian) : Miyakawa Hisayuki 宮川尚志, « Dōkyō no shinsen kannen no ichi kosatsu : Shikai sen ni tsuite 道教の神仙観念の一考察—尸解仙について », Chūgoku shūkyōshi kenkyū 中國宗教史研究, Kyoto, Dōhōsha, 1983, p. 439457 ; Yoshikawa Tadao 吉川忠夫, « Nicchū mu’ei : Shikai sen kō 日中無影 : 尸 解仙考 », Chūgoku ko dōkyōshi kenkyū 中國古道教史研究, Kyoto, Dōhōsha, 1992, p. 175-216 ; Ōgata Tōru 大形徹, « Shikai sen to kodai no sōsei no kakawari ni tsuite 尸解仙と古代の葬制のかかわりについて », Chūgoku kenkyū shūkan 中國研究集刊 12 (1993), p. 47-72 ; Itō Tsukasa 伊藤丈, « Shikaisen ni tsuite 尸解仙について », dans Chūgoku no shūkyō shisō to kagaku : Makio Ryōkai Hakushi shōju kinen ronshū 中國の宗教·思想と科學. 牧尾良海博士頌壽記念 論集, Tokyo, Kokusho Kankōkai, 1984, p. 33-48. En outre le septième chapitre de Usami Bunri 宇佐美文理, Chūgoku geijutsu rironshi kenkyū 中國藝術理論 史研究 (Tokyo, Sōbunsha, 2015) mérite également d’être consulté. 18. Yoshikawa Tadao, « Nicchū mu’ei », p. 187 ; « Jishenshu, 4 稽神樞第四 », dans Zhengao, 14.16a-17a.
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aux textes antérieurs. La structure de la phrase avec le terme « confier son corps… » (tuoxing…) s’apparente à la délivrance du cadavre en confiant son corps à une épée ou des chaussures. Le Zhengao a accordé une importance particulière à la « délivrance par l’épée » ( jianjie 劍解) 19. En outre, il existe également de nombreux cas dans lesquels la délivrance du cadavre s’effectue par la prise de médicaments (shijie yao 尸解藥), notamment le Taiji zhenren yidai san 太極真人遺帶 散. Dans ce genre de mort suivie d’une résurrection, le médicament absorbé n’est ni un poison ni une médecine d’immortalité. En outre, il existe des médicaments appelés « médicaments divins d’enregistrement du corps » (luxing lingyao 錄形靈藥) 20. À partir des termes « enregistrement du corps » (luxing 錄形), les gens ont pu penser qu’il s’agissait, après le décès, d’effets protégeant le corps des dommages de la décomposition. La méthode d’observation du corps du défunt et la manière de juger si celui-ci a pratiqué la délivrance de son cadavre sont également décrites ci-dessous. En somme, s’il n’y a pas de distinction entre la mort et la vie, alors cela signifie qu’il y a eu une délivrance du cadavre. Quand une personne meurt, il faut inspecter son corps. Si le corps est comparable à celui d’un vivant, il s’agit dans ce cas d’une « délivrance du cadavre » (shijie). Si l’on voit que ses pieds ne sont pas bleuâtres et que sa peau n’est aucunement plissée, c’est aussi une délivrance du cadavre. Si la lumière émanant de son regard n’est pas atténuée et qu’elle ne diffère pas de celle d’une personne vivante, c’est aussi une délivrance du cadavre. Si tous ses cheveux sont tombés, mais qu’il manque le corps et les os, il s’agit encore d’une délivrance du cadavre.
19. La « délivrance par l’épée » ( jianjie) est décrite dans le « Yunxiang pian, 2 » (Zhengao, 2.10a). Sur la délivrance par l’épée, voir aussi Miyakawa Hisayuki, « Dōkyō no shinsen kannen no ichi kosatsu », p. 452. Les formes des délivrances du cadavre sont extrêmement diverses. Le récit de la délivrance de Liu Pinghe 劉平河 confiant son corps à des chaussures et un chapeau est décrit dans le « Jishenshu, 4 稽神樞第四 » (Zhengao, 14.2a). Il y a aussi l’anecdote sur la mort de Sima Jizhu 司馬季主 (« Jishenshu, 4 », Zhengao, 14.20b) où celui-ci utilise un oreiller. 20. Voir la note de Tao Hongjing dans le « Jishenshu, 4 ». Yoshikawa Tadao, « Nicchū mu’ei », p. 196 cite le « Shijie pin 尸解品 » du Wushang biyao 無上秘 要, juan 86.
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Si la délivrance du cadavre se produit pendant la journée de manière à devenir soi-même immortel, il ne s’agit pas d’un cas de délivrance du cadavre. 人死, 必視其形, 如生人, 皆尸解也。視足不青, 皮不皺者, 亦 尸解也。要目光不毁, 無異生人, 亦尸解也。頭髮盡脫, 而失 形骨者, 皆尸解也。白日尸解自是仙, 非尸解之例也 21。
L’opinion de Miyakawa Hisayuki 宮川尚志 me semble exacte quand il considère que l’école du Maoshan (Maoshan pai 茅山派) accorde plus d’attention à la culture de soi et à la communication avec les êtres transcendants (zhenren) qu’à l’alchimie externe. Selon lui, l’école du Maoshan considérait la méthode pour devenir directement un immortel céleste « en plein jour » comme une fantaisie romantique et, a contrario, pensait que la délivrance du cadavre franchissant une mort inévitable était un témoignage plus convaincant de l’immortalité 22. Bien qu’il y ait encore de nombreuses questions autour de la délivrance du cadavre dans le Zhengao, revenons d’abord au sujet initial : les sites funéraires. Comme cela a été mentionné précédemment, les tombes sont évoquées à plusieurs reprises dans le Zhengao. Celui-ci met principalement en valeur la technique de la délivrance du cadavre. Selon cette technique, la mort est une condition inévitable et les rapports entre la mort et la tombe sont inséparables. L’immortel délivré de son cadavre connaît une sorte d’existence où le corps mort est utilisé comme intermédiaire pour « sauter » jusqu’à un nouveau corps immortel. Par exemple au sujet de l’empereur Shun mentionné précédemment, le Zhengao le décrit comme un shijiexian ayant été enterré après sa mort à Cangwu 蒼梧 23. Il y a dans le Zhengao des descriptions reprenant fréquemment le terme « sépulture vide » (kongzhong 空冢 ou xuzhong 虛冢). C’est un point très important puisque l’évocation de la sépulture vide vise à montrer que l’utilisation de la délivrance du cadavre par le propriétaire de la tombe (nullement un inconnu, mais un personnage historique célèbre) correspond à un fait historique incontestable. Dans quels lieux va le corps une fois qu’il disparaît de la tombe et du monde des vivants ? L’un est le Nangong (ou Zhuhuogong ou 21. « Yunxiangpian, 4 運象篇第四 », Zhengao, 4.15b et 16a. Cette traduction reprend celle en anglais de Smith, Declarations of the Perfected, p. 303. 22. Miyakawa Hisayuki, « Dōkyō no shinsen kannen no ichi kosatsu », p. 449. 23. « Jishenshu, 4 », Zhengao, 14.17a.
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Zhulinggong 朱陵宮) évoqué plus haut par Tao Hongjing dans le type no ④. Le palais Nangong apparaît à plusieurs reprises dans le Zhengao comme un lieu de « raffinage » (lianhua 煉化). De quel raffinage parle-t-on ? C’est celui de la « matière » (zhi 質) ou de la « structure » (xingzhi 形質) du corps physique tel qu’il est mentionné en ces termes : « Les ancêtres sur sept générations ont tous pu raffiner leur corps à Nangong, et y ont subi une transformation de leur embryon immortel » (Qizu yixia bing de lianzhi Nangong, shouhua taixian 七祖以下並得煉質南 宮,受化胎仙) 24. Cependant, à quel moment est-il temps d’aller à Nangong ? Y va-t-on immédiatement après la mort à la façon du type no ④ ou peut-on, à l’instar de Xin Xuanzi, se rendre à Nangong deux cents ans après sa propre mort ? Dans tous les cas, Nangong est un endroit où la « chair » doit préalablement passer par la mort et l’étape de raffinage de la « structure » du corps jusqu’à l’obtention d’un corps d’immortel. Le problème qui se pose ici est la relation entre la tombe et le Nangong. Pour le dire franchement, il y a peu de descriptions de la tombe comme lieu de raffinage dans le Zhengao, tandis que le Nangong semble se situer dans un lieu différent que celui de la tombe, sans pour autant exister quelque part dans les cieux 25. En plus du Nangong, le lieu Taiyin est également mentionné dans le Zhengao. Le yin 陰 de Taiyin est à l’opposé du nan 南 (sud) de Nangong, ce dernier étant en étroite relation avec le principe yang 陽 et le monde des vivants. Par conséquent, Nangong et Taiyin nous donnent l’impression d’être deux endroits complètement différents. Cependant, à en juger par la description suivante, Taiyin et Nangong sont proches : « Les êtres transcendants raffinent leur forme à Taiyin, puis changent d’apparence auprès des Sanguan » (Zhenren lianxing yu Taiyin, yimao yu Sanguan 真人 錬形於太陰,易貌於三官) 26. En outre, selon le Laozi xiang’er zhu 老 子想爾注, il valait mieux raffiner son corps à Taiyin que d’absorber la pilule du Jiuzhuandan 九轉丹 (Cinabre neuf fois raffiné) 27. D’autre 24. Voir la note de Tao Hongjing dans le « Jishenshu, 3 稽神樞第三 », Zhengao, 13.1a. 25. Jiang Sheng compare l’espace commun du palais Nangong (Zhuhuogong) et de la tombe ; voir Han diguo de yichan, p. 73. À mon humble avis, même si cette présomption est valable pour la dynastie Han, il est peu vraisemblable que cela soit le cas pendant la période des Six Dynasties. 26. « Yunxiang pian, 4 », Zhengao, 4.16a. 27. Taiyin lianxing 太陰煉形 est un terme du Laozi xiang’er zhu 老子想爾注. Dans le chapitre « Moshen bu dai 没身不殆 » de la version de Heshang gong 河上公, le
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part, à en juger par les trois descriptions ci-dessous, il est assez difficile de distinguer Taiyin de la tombe. Pendant la dynastie Han, la tombe représentait le lieu de raffinage du corps du défunt et sa transformation en shijiexian. Cette conception de la tombe pendant la dynastie Han s’est progressivement déplacée du site de raffinage situé dans un monde souterrain (mingfu 冥府) vers le monde céleste, et plusieurs des textes cités ici témoignent de l’existence d’une période de transition entre ces deux conceptions 28. Maître Xu (Xu Hui) sera en mesure de confier son corps à la transformation du monde souterrain en suivant « l’évasion nocturne » (yejie 夜解) de Zhang zhennan 張鎮南 29. Il nourrira ainsi ses âmes-nuages (hun) à Taiyin et stockera ses âmessquelettes (po) dans la terre. Les siling 四靈 protégeront son essence et les Cinq Anciens (wulao 五老) préserveront ses viscères. Dans encore seize années, on pourra certainement me voir à Donghua 東華. 許子(許翽)遂能委形冥化, 從張鎮南之夜解也。所以養魂 太隂, 藏魄于地, 四靈守精, 五老保藏, 復十六年, 殆睹我於 東華矣 30 。 Laozi xiang’er zhu mentionne les propos suivants : « le Taiyin peut accumuler le Dao, cela se fait au palais du raffinement du corps. Lorsque le monde profane était incapable de s’entendre, les sages s’échappaient en prétextant la mort et venaient à Taiyin… » (太陰道積,煉形之宮也。世有不可處,賢者避去,托死過太陰中) ; Rao Zongyi 饒宗頤, Laozi xiang’er zhu jiaojian 老子想爾注校箋 (Hong Kong, Dongnan shuju, 1956, p. 22). Jiang Sheng croit que le Laozi xiang’er zhu appartient à la période des Han postérieurs et il considère les tombes de la dynastie Han comme des endroits où le corps du défunt pouvait être raffiné. Voir Jiang Sheng, Han diguo de yichan, p. 386-391. Mais Mugitani Kunio 麥谷邦夫 pense que la théorie du raffinement du corps à Taiyin évoquée dans le Xiang’er zhu correspond aux doctrines taoïstes allant de la dynastie des Jin orientaux jusqu’aux périodes des Qi 齊 et des Liang 梁, ainsi cette théorie ne serait pas liée aux sites funéraires de la période Han. Voir Mugitani Kunio, « Rōshi sōjichū ni tsuite 老子想爾注に ついて », Tōhō gakuhō 東方學報 57 (1985), p. 75-107. 28. En ce qui concerne la relation entre Nangong et Taiyin et la date de leur apparition, voir Mugitani Kunio, « Rōshi sōjichū ni tsuite ». Selon Miyakawa Hisayuki, « Dōkyō no shinsen kannen no ichi kosatsu », p. 456, « Taiyin » est la lune. 29. Selon Thomas Smith, Zhang « le pacificateur du sud » (zhennan 鎮南) serait Zhang Lu, le troisième Maître céleste ; Smith, Declarations of the Perfected, p. 193. 30. « Yunxiang pian, 4 運象篇第四 », Zhengao, 4.14b. Cette traduction reprend
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Comment les cadavres pourris qui nourrissent les criquets et les fourmis peuvent-ils être la même chose que les chairs entreposées à Taiyin ? 豈同腐骸太隂以肉餉螻蟻者哉 31。
Chaque fois qu’un gentilhomme en obtenant le dao se rend brièvement à Taiyin, le Taiyi 太乙 protège son cadavre, les trois âmes-nuages entourent ses os, les sept âmes-squelettes gardent sa chair et son embryon divin retient le qi. 夫得道之士, 暫遊於太隂者, 太乙守尸, 三魂營骨, 七魄衛肉, 胎靈掾氣 32 。
La tombe en tant que lieu de « procès sépulcral » (zhongsong 冢訟) En plus d’être l’endroit où le corps est enterré et se prépare à prendre un nouvel essor, la tombe décrite dans le Zhengao a aussi d’autres fonctions. Nous avons vu plus haut comment la tombe a, par rapport à la méthode de délivrance du cadavre, une fonction d’étape intermédiaire pour accéder au monde céleste. Dans cette partie de la discussion sur le zhongsong (« procès sépulcral »), la tombe est aussi un lieu intermédiaire reliant le monde des morts avec celui des vivants. Dans cette partie, nous nous tournons vers une description du monde souterrain et d’outre-tombe. Le zhongsong est aussi appelé « procès des esprits-fantômes » (guisong 鬼訟). Il s’agit d’un procès intenté par le défunt depuis sa tombe contre les vivants. Craints par les vivants, ces procès sépulcraux peuvent être la cause de maladies, de malheurs ou encore de désastres. Il y a un total de six exemples dans le Zhengao dans lesquels le terme zhongsong est évoqué, auxquels s’ajoutent trois autres mentions dans les annotations de Tao Hongjing, ainsi que deux évocations du terme guisong. Bien que certains récits n’emploient pas ces deux termes, ils décrivent néanmoins les « procès sépulcraux ». Une fois qu’un procès sépulcral survient, des souffles maléfiques tels les
celle en anglais de Smith, Declarations of the Perfected, p. 293. 31. « Jishenshu, 4 稽神樞第四 », Zhengao, 14.17b. 32. « Yunxiang pian, 4 運象篇第四 », Zhengao, 4.16b. Cette traduction reprend celle en anglais de Smith, Declarations of the Perfected, p. 303.
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zhongzhuqi 冢注氣 (souffles s’écoulant du tombeau), les zhongqi 冢氣 (souffles du tombeau) et les guiqi 鬼氣 (souffles des esprits-fantômes) sont émis et se dirigent vers des êtres vivants en particulier. Ce genre de phénomènes est nommé muzhu 墓注, zhongzhu 冢注 ou guizhu 鬼 注 (le caractère zhu 注 signifie se répandre, contamination). Pourquoi le procès sépulcral se produit-il ? Dans de nombreuses circonstances, la raison vient du mauvais comportement d’une personne ou de ses ancêtres. Par exemple, parce qu’un sexagénaire peu vertueux a arbitrairement falsifié les inscriptions des stèles de ses ancêtres et s’en est félicité, des défunts ont alors entrepris des procès contre lui à de nombreuses reprises 33. Dans le Zhengao, les personnages centraux des procès sépulcraux sont Xu Mi, son fils et leur famille. Xu Mi faisait souvent des cauchemars, il souffrait de tanyin 痰飲 (maladie liée à un excès d’eau dans le corps), de paralysie des deux mains ainsi que d’autres maladies dues aux « souffles s’écoulant du tombeau » (zhongzhu zhi qi 冢注之氣 34) – les souffles jaillissant du tombeau s’attaquent au rêveur et provoquent des cauchemars 35. Le Zhengao décrit plus en détail le déroulement du procès sépulcral de la famille Xu dans la révélation que le cadet des Seigneurs Mao 小茅君 confie à Yang Xi. Bien que la partie décrite dans le « Zhenmingshou 甄命授 » soit un peu difficile à comprendre, elle a pour origine les meurtres cruels commis par Xu Chao 許朝 (l’oncle de Xu Mi) à l’encontre du fonctionnaire Zhang Huanzhi 張煥之 et de l’innocent Qiu Longma 求龍馬. Une fois dans l’au-delà, ces deux victimes déposèrent plainte auprès du fonctionnaire de l’eau (Shuiguan 水官). Ce dernier ordonna à la défunte Tao Kedou 陶科斗 (l’épouse de Xu Mi) 36 de regagner sa tombe le jour de l’anniversaire de sa mort – quand les mortels viennent se recueillir sur sa tombe – et de trouver un descendant de la famille Xu méritant la mort de façon à libérer les deux défunts de leur rancune. Parallèlement, un être transcendant intervient auprès de Yang Xi en lui demandant, premièrement, de poser une réclamation à l’attention des instances célestes dans le but d’arrêter la vengeance de 33. « Zhenmingshou, 4 甄命授第四 », Zhengao, 8.9a. 34. « Xiechangqi, 2 協昌期第二 », Zhengao, 10.13a. 35. « Xiechangqi, 2 », Zhengao, 10.11b ; « Wozhenfu di yi 握真輔第一 », Zhengao, 17.18b. 36. Son épouse, nommée Kedou 科斗, est la fille de Tao Wei 陶威. Elle est probablement décédée entre 363 et 365 (« Zhenzhou shipu 真胄世譜 », Zhengao, 20.9a).
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Zhang Huanzhi, deuxièmement, de donner l’ordre au fonctionnaire de gauche (Zuoguan 左官) de trouver en dehors de la famille Xu un remplaçant pouvant être sacrifié à la place de leur descendant et troisièmement, de trancher le nœud du conflit 37. Par rapport à ce procès sépulcral, en appliquant les mesures préventives prises grâce à la révélation du Seigneur Mao, Yang Xi permet à la famille Xu de ne déplorer aucune victime 38. Ici, je veux mettre en avant la relation entre Xu Dou (Tao Kedou) et la tombe. Bien que déjà morte et enterrée, ce récit montre qu’on la force à regagner sa tombe, ce qui signifie que cette dernière n’est plus à ce moment-là sa résidence. Elle est peut-être allée raffiner son corps à Nangong. Selon la note de Tao Hongjing, Tao Kedou est une fonctionnaire immortelle, elle n’est donc pas sous l’autorité du fonctionnaire de l’eau. Pour autant, elle est forcée par celui-ci à cause des souffles maléfiques (yangqi 殃氣 et eqi 惡氣) associés au deuil de ses proches. En effet, même si elle est devenue une fonctionnaire immortelle, les rites funéraires qui lui sont destinés n’étant pas encore terminés, elle est toujours sous l’autorité du fonctionnaire de l’eau. Celui-ci la force ainsi à « cracher » depuis sa tombe des souffles maléfiques dans le but de tuer sa cible. Dans l’ensemble, cette capacité d’émettre des souffles maléfiques depuis l’outre-tombe vers le monde des vivants signifie que la tombe est le point de connexion entre le monde souterrain et le monde des vivants. Devenue une immortelle, Tao Kedou s’est installée au palais Yiqian 易遷宮 où elle prend le nom de Mme Yiqian (Yiqian furen 易遷夫人). Au cœur de la grotte-ciel Huayang 華陽洞天, le palais Yiqian et la terrasse Hanzhen 含真臺 sont tous deux des résidences pour immortelles 39. La révélation de Xun Zhonghou 荀中候 relative à la tombe de Tao Kedou recommande à Xu Mi le dragage des puits situés à côté de la tombe de son épouse de manière à humidifier la route qui mène au palais Yiqian et, par la même occasion, à permettre aux passants assoiffés de profiter de l’eau et des multiples vertus du Yin (de manière à guérir également ses propres maux liés au fengbi 風 痹 – douleurs et engourdissements causés par le froid, l’humidité et le vent) 40. Cette révélation (difficilement compréhensible) suggère que
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« Zhenmingshou, 3 », Zhengao, 7.6a-b. À ce sujet, voir Tsuzuki Akiko, « Rikuchō jidai ni okeru kojin to ie ». « Jishenshu, 2 稽神樞第二 », Zhengao, 12.14b. Zhengao, 10.15b.
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Xu Mi a probablement bloqué les bouches des puits autour de la tombe pour empêcher les souffles maléfiques de s’en échapper. À en juger par ces informations, la tombe est reliée au palais des immortelles par une galerie souterraine située dans le puits. Mme Yiqian (Tao Kedou) a emprunté ce passage pour passer du monde de l’au-delà (mingjie 冥 界) au monde des immortels (xianjie 仙界). Ces récits sur la tombe de Tao Kedou montrent également une sorte de conception spécifique du Shangqing relative aux sites funéraires. Le rapport entre les sites funéraires et la pensée topographique du fengshui 風水 Les conceptions topographiques du fengshui sont extrêmement présentes dans le Zhengao. Cependant, le Zhengao ne parle pas du fengshui concernant les villes, les villages et les résidences, il se limite essentiellement à celui des sites funéraires. Par conséquent, le fengshui ne peut être ignoré quand on aborde la question des tombes dans le Zhengao. L’époque Wei-Jin 魏晉 est considérée comme une période pendant laquelle la pensée du fengshui a été florissante. Dans les livres historiques et d’autres documents de cette époque, les personnes qui associent le fengshui avec les sites funéraires sont appelées shan xiangmu zhe 善相墓者 (dans la biographie de Yang Hu 羊祜傳 du Jinshu 晉 書), shigong 師工 (dans le Duzhong 篤終 de Huangfu Mi 皇甫謐) et xiangmugong 相墓工 (dans la monographie sur les signes auspicieux du Nan Qi shu 南齊書). Ils sont les archétypes des maîtres de fengshui ( fengshuishi 風水師) des générations postérieures. À cette époque, les gens s’intéressent également au fengshui des tombes de l’empereur, des discussions mettent en corrélation les « souffles royaux » (wangqi 王 氣) émis par les tombes impériales avec la question de la royauté 41. Tout d’abord, la terminologie relative au fengshui est principalement présente dans la partie « Xiechangqi » ( juan 9-10) du Zhengao. Il y a deux usages du terme dili 地理 en chinois traditionnel : l’un signifie la géographie et l’autre désigne le fengshui. C’est ce deuxième 41. Sur ce sujet, voir Minamizawa Yoshihiko 南澤良彥, « Nanchō ōbo to ōken – ōja wo umu haka ni tsuite 南朝陵墓と王権 –王者を生む墓について », dans Yoshikawa Tadao, dir., Rikuchō Dōkyō no kenkyū, p. 215-235.
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sens qui est employé dans le Zhengao. Dans la phrase évoquant Fan Youchong 范幼沖 qui, en raison de sa compréhension du dili, s’intéresse aux sépultures 42, le sens de dili est celui de fengshui. De plus, le terme mushu 墓書 signifie un écrit sur le fengshui 43, le terme mufa 墓法 décrit les secrets du fengshui des sépultures 44, ou encore le terme siling ainsi que d’autres termes sont également utilisés dans le Zhengao. La tombe de Fan Youchong est décrite comme une tombe « bien disposée » ( ji qing 吉慶) parce qu’elle possède les siling 45. Les termes longmai 龍脈 (la veine de dragon) et longxue 龍穴 (la cavité du dragon) ne sont pas encore apparus dans le Zhengao et dans les autres documents de cette époque. Cependant, on trouve dans le Zhengao l’expression duanmumai 斷墓脈 dans laquelle mumai 墓 脉 désigne essentiellement le longmai, tandis que ce qu’on appelle le duan 斷 consiste à couper cette veine de la tombe pour que la vitalité de celle-ci ne puisse pas ruisseler ; il s’agit alors d’un acte de destruction du fengshui. Le petit officier (Xu Hui) a également dit que mon lieu de sépulture actuel n’est pas favorable (bu ji 不吉), de nombreuses veines de la tombe sont coupées, et cetera. (Note : ce qui précède [fait référence au] rêve survenu pendant la nuit du 19e jour). 小掾(許翽)又曰, 今葬處不吉, 斷墓脉多所云云。 (右十九 日夕所夢) 46。
Les membres de la famille Xu ainsi que Xu Mai 許邁, Xu Mi et les êtres transcendants, tous plaçaient de grands espoirs en Xu Hui, le fils de Xu Mi. Xu Hui mourut finalement en 370 après s’être rendu à Beidongtian 北洞天, la grotte-ciel du Nord 47, où il s’ôta la vie et devint un immortel délivré de son cadavre (shijiexian). La citation ci-dessus évoque l’apparition de Xu Hui à titre posthume dans le rêve de Yang Xi dans lequel il exprime son mécontentement concernant sa tombe. Bien que cette phrase soit courte, cette révélation est remplie d’allusions. Au regard de cette révélation exprimée via un rêve, nous
42. 43. 44. 45. 46. 47.
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« Xiechangqi, 2 », Zhengao, 10.16a. Zhengao, 10.12b, dans la note de Tao Hongjing. Zhengao, 10.16a. « Xiechangqi, 2 », Zhengao, 10.16a. « Wozhenfu, 2 握真輔第二 », Zhengao, 18.1b. « Zhenzhou shipu 真冑世譜 », Zhengao, 12.9b-10a.
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pouvons savoir que les personnes déjà délivrées de leur cadavre se soucient également de la situation, bonne ou mauvaise, de leur tombe. Peut-être que Xu Hui a également regagné sa tombe depuis la grotteciel, comme dans le cas de sa mère, Tao Kedou qui retourne dans sa tombe lors de l’anniversaire du jour de sa mort. Sans évoquer à nouveau cette affaire, Xu Hui utilise le rêve pour alerter sur la dislocation des veines de sa tombe (mumai), car il craint que Xu Mi et les autres membres de la famille s’exposent in fine à des malheurs et des désastres. Nous pouvons donc considérer cette révélation comme un avertissement à leur attention. Cette vision au sujet de l’état de la tombe affectant non seulement le défunt, mais également ses descendants, reflète le concept fondamental du fengshui. Examinons à nouveau les rêves de Xu Mi et en particulier le « rêve dans lequel Xuanwu 玄武 (l’esprit protecteur de la direction nord) se fait poignarder avec une fourche en fer » (meng yi tiecha ci xuanwu 夢以鉄叉刺玄武) 48. Je suppose que les rêves de Yang Xi (sur le sectionnement des veines de la tombe) et de Xu Mi (à propos de l’acte violent commis à l’encontre de Xuanwu) sont liés, le contenu du premier déclenchant la révélation du second. Dans ce cas, Xuanwu est le Xuanwu de la famille Xu ou de la tombe de Xu Hui. Dans cette citation, ce n’est pas Xu Mi qui le poignarde avec la fourche en fer, mais plutôt quelqu’un qui a de la rancune envers la famille Xu. Nous pouvons comprendre ce passage de la manière suivante : Xu Mi s’inquiète des désastres menaçant sa famille justement parce que la veine de sa tombe a été coupée par quelqu’un à l’aide d’une fourche en fer. Enfin, concernant le fengshui de la tombe, je voudrais citer quelques exemples notables. La maladie fengbing 風病 est causée par l’humidité du tertre funéraire, le blocage et la stagnation des trois sources. L’origine vient du fonctionnaire de la terre (diguan 地官) qui produit le fengbi en faisant en sorte que l’eau et l’air se bousculent l’un l’autre. Les personnes gravement malades à cause du fengbi ressentent un malaise dans tout le corps, celles qui sont légèrement malades semblent avoir perdu [la capacité d’utiliser] leurs mains et leurs pieds. Si une personne qui rêve souvent de se trouver au nord-est ou au nord-ouest, sur une route menant à
48. « Wozhenfu, 2 », Zhengao, 18.8a.
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une ancienne résidence, ou qu’elle rêve de l’endroit où se trouve un lit funéraire, alors une connexion va s’établir avec la sépulture. Le nord-est de la tombe symbolise la mort et le nord-ouest les désastres, ce sont tous deux des lieux néfastes [en cas] de procès sépulcral. Si une personne voit quelqu’un qui est décédé dans ces endroits, l’effet sera plus manifeste encore. 風病之所生, 生於丘墳隂濕, 三泉壅滯。是故地官以水氣相 激, 多作風痹。風痹之重者, 舉體不授, 輕者半身成失手足 也。若常夢在東北及西北, 經接故居, 或見靈牀處所者, 正 欲與冢相接耳。墓之東北爲徵絶命, 西北爲九戹, 此皆冢訟 之凶地。若見亡者於其間, 益其驗也 49。
Selon la note explicative de Tao Hongjing, il s’agit ici aussi d’une révélation confiée à Xu Mi. La première moitié de la note souligne que la maladie fengbing (un symptôme de l’apoplexie) s’est produite parce que la tombe était située dans un endroit peu élevé et humide. La seconde moitié avertit du risque d’encourir des procès sépulcraux en raison de l’emplacement de la tombe. Il semblerait à première vue que le procès sépulcral et la maladie n’ont pas de relation avec les rancunes et les accusations contre le défunt mentionnées ci-dessus, mais sont causés par la topographie de la tombe. Cependant, ce n’est pas le cas. Dans des tombes mal situées, « les souffles des esprits-fantômes » (guiqi) atteignent les vivants à travers les morts enterrés dans la tombe. C’est pour cette raison que les êtres transcendants conseillent à Xu Mi de prendre garde. Ce n’est pas simplement un bon ou un mauvais positionnement de la tombe qui va mécaniquement se répercuter sur les vivants, mais les malheurs se produisent essentiellement à cause de l’intervention des morts. La tombe en tant que lieu saint Les réflexions de cette dernière partie sont essentiellement liées au fengshui, comme précédemment, mais portent sur l’un de ses aspects spécifiques : le jimu 吉墓 (la tombe propice ou bien disposée) et sa
49. « Xiechangqi, 2 協昌期第二 », Zhengao, 10.11b-12a.
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signification en tant que lieu, selon une perspective différente de la théorie générale du fengshui et qui combine les questions de l’emplacement de la tombe avec la prospérité des descendants. Au sein du texte principal du Zhengao, la discussion sur les jimu (ou jizhong 吉冢) est concentrée dans la partie « Xiechangqi ». Le jizhong évoqué dans la phrase Dai shenxian zhi qiuku, lianxing zhi suogui, nai shang jizhong ye 殆神仙之丘窟,鍊形之所歸,乃上吉冢 也 (« La tombe propice ( jizhong) de rang supérieur est la grotte des immortels, [on peut accéder à] ce lieu après avoir raffiné son corps ») fait référence à la tombe de Fan Youchong de la dynastie Han. De manière à comprendre pourquoi cette tombe est un jizhong, il faut se pencher sur la méthode de construction d’une tombe propice ( jian jizhong zhi fa 建吉冢之法). La transcription de cette méthode dans l’édition du Canon taoïste du texte du Zhengao est un peu particulière. La partie supérieure de la page est disposée en plusieurs lignes séparées et elle est formée des quatre parties suivantes (que l’on appelle les siling) : qinglong bingqi 青龍秉氣 (le dragon vert contrôle les souffles), shangxuan bifei 上玄 辟非 ([L’oiseau] mystérieux écarte les intrus), xuanwu yanqu 玄武延 軀 (Xuanwu étend son corps), huxiao bachui 虎嘯八垂 (le tigre rugit en faisant trembler toutes les directions). Quant à la partie inférieure de la page, celle-ci correspond à « la méthode de construction d’une tombe propice ». Cependant, seul le shangxuan bifei est mentionné (voir la citation ci-dessous), aucun des autres siling n’y apparaît. J’ai rajouté des numéros aux différentes parties du texte de façon à faciliter mon explication. (1) Si vous voulez [connaître] la méthode de construction d’une tombe propice : [il faut] enlever les mottes pour qu’elle soit exactement creuse de neuf pas et de neuf pieds ( jiuchi jiubu 九尺九 步), c’est ce qu’on appelle shangxuan bifei. Zhao Zidu 趙子都, le dieu des souffles royaux de Huagaigong 華蓋宮 est la divinité des tabous et des souffles nuisibles relatifs aux sépultures, tout cela relève de ses devoirs. Il peut extraire l’essence des cinq terres (wutu 五土) et transformer les malheurs en bonnes fortunes. En voulant réfréner les désirs ostentatoires, les sépultures des rois et des marquis devaient faire neuf pieds de haut, comporter une inscription sur pierre haute de trois pieds et être enterrées trois pieds sous le sol. Les humains stupides ont des dizaines de millions de règles et de règlements, mais ils sont 49
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incapables de connaître les quatre signes (sixiang 四相) de bon et de mauvais augure. La tombe sous bifei 辟非 sera la raison du succès ou de l’échec [de la construction]. (1)夫欲建吉冢之法, 去塊後正取九步九尺, 名曰上玄辟非。 華蓋宫王氣神趙子都, 冢墓百忌害氣之神, 盡來屬之。能制 五土之精, 轉禍爲福。侯王之冢, 招摇欲隱起九尺, 以石方 圓三尺, 題其文, 埋之土三尺也。世間愚人徒復千條萬章, 誰 能明吉凶四相哉。辟非之下冢墓, 由此而成, 亦由此而敗 50。
Il y a beaucoup de points difficiles à comprendre dans cette partie du texte. Ici, je souhaite juste souligner un point, à savoir que le cœur de cette méthode de fabrication de tombes propices est la partie shangxuan bifei. D’après la note de Tao Hongjing, shangxuan devrait être zhuniao 朱鳥 (l’oiseau vermillon, emblème de la direction sud). Cependant, la raison de l’appellation shangxuan et sa signification ne sont pas claires. La phrase issue de l’extrait précédent (1) : « [il faut] enlever les mottes pour qu’elle soit exactement creuse de neuf pas et de neuf pieds, c’est ce qu’on appelle shangxuan bifei » est issue d’une formule incantatoire. Semblables à « la méthode de construction d’une tombe propice » citée ci-dessus, les prières souhaitant une descendance prospère s’appuient également ici sur le pouvoir des esprits-fantômes et des divinités. (2) Tiandi 天帝 (l’empereur Céleste) annonce aux dieux qui gèrent au sein des sépultures les souffles royaux des cinq directions, à Zhao Gongming 趙公明, etc. : « Tel ou tel duc ou marquis d’un certain royaume est né telle année sous tel signe, avec un souffle parfait et pur, puis à sa mort, il est retourné au palais des Divinités et son corps a été enterré dans le monde souterrain. Il se cache dans le calme afin d’accéder au Vide. Il a respecté tous les interdits et les tabous (jin ji 禁忌). Il ne faut pas produire de manière inappropriée des souffles nuisibles et ordonner qu’on laisse ses descendants prospérer […] ».
50. « Xiechangqi, 2 協昌期第二 », Zhengao, 10.16a-17a.
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(2)天帝 51 告土下冢中王氣五方諸神趙公明等, 某國公侯, 甲 乙年, 如千歲, 生值清眞之氣, 死歸神宫, 翳身㝠郷, 潜寧沖 虚, 辟斥諸禁忌, 不得妄爲害氣, 當令子孫昌熾 […] 52。
L’extrait (3) ci-dessous nous en apprend davantage sur la tombe de Fan Youchong déjà mentionnée. Sa carrière divine le mena à être superviseur ( jian 監) au palais Tongchu 童初宮 puis à la grotte-ciel Huayang 華陽 53. Comme mentionné au début de l’extrait, Fan Youchong connaissait la géomancie (dili) et s’intéressait aux sépultures. On peut déduire de ce récit qu’il s’est rendu au palais Tongchu à la fin de la dynastie Wei et qu’il fait les éloges de sa propre tombe avant de se rendre au Huayang dongtian. (3) Fan Youchong, fonctionnaire au poste d’adjoint du Secrétariat impérial (shangshulang 尚書郎) pendant la période des Han […], eut les propos suivants : « actuellement, dans ma tombe il y a “le dragon vert qui maîtrise les souffles”, l’“[oiseau] shangxuan qui écarte les intrus”, “Xuanwu qui étend son corps”, et “le tigre qui rugit en faisant trembler toutes les directions”. Probablement, la tombe propice de rang supérieur estelle la grotte des immortels, [on peut accéder à] ce lieu après avoir raffiné son corps ». (3)范幼沖漢時尚書郎[…]云, 我今墓有青龍秉氣, 上玄辟 非, 玄武延軀, 虎嘯八垂, 殆神仙之丘窟, 鍊形之所歸, 乃上 吉冢也 54。
Selon Tao Hongjing, seul l’extrait (3) relatif à la révélation de Fan Youchong est authentique ; les extraits (1) et (2) ont des contenus composites comportant des commentaires de personnes inconnues. Concernant les siling au début de l’extrait (3), Fan Youchong évoque les siling dans sa description de sa tombe. Si les siling forment la base de la « tombe
51. Au sujet du dieu Tiandi, voir mon « “Heaven” in Taoism : With a focus on the Celestial Thearch in the “Early way of the Celestial Master” », Acta Asiatica 98 (2010), p. 99-123 ; Anna Seidel utilise le terme tiandijiao 天帝教 dans son « Traces of Han Religion in Funeral Texts Found in Tombs », Dokyō to shūkyō bunka 道教と宗教文化, Akizuki Kanei 秋月觀暎, dir., Tokyo, Hirakawa Shuppansha, 1987, p. 21-57. 52. « Xiechangqi, 2 協昌期二 », Zhengao, 10.17a-b. 53. « Jishenshu, 3 », Zhengao, 13.7a. 54. « Xiechangqi, 2 協昌期第二 », Zhengao, 10.16a.
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propice » ( jizhong), quelles sont leurs manifestations concrètes ? Cela nous rappelle l’appréciation qu’a eue à la même époque Guan Lu 管輅 à propos de la tombe du général Guanqiu Jian 毌丘儉. Selon sa biographie dans le Sanguozhi 三國志, Guan Lu a vu la tombe du général des Wei puis il l’a évaluée en disant : « Les collines, éléments clefs sur lesquels s’appuie le fengshui de la tombe, sont trop basses pour avoir une fonction protectrice (Xuanwu cache sa tête, Xuanwu cang tou 玄武藏 頭). Des petites collines protégeant la tombe sur sa gauche et sa droite, l’une a une longueur insuffisante (le dragon vert n’a pas de pieds [canglong wu zu 蒼龍無足] et l’autre manque de vigueur [le tigre blanc tient le cadavre dans sa bouche] [baihu xian shi 白虎銜尸]). D’autre part, le bassin en face de la tombe est tari (l’oiseau vermillon pleure de tristesse, zhuque bei ku 朱雀悲哭) ». Après ses propos, Guan Lu prédit que cette famille subirait en moins de deux ans un désastre qui l’exterminerait totalement ; le résultat fut exactement comme il l’avait prédit. Ce cas est souvent cité dans les textes classiques comme un exemple de jugement divinatoire au sujet du fengshui de la tombe basé sur les siling (sishen 四 神, les quatre divinités). Lors de cette évaluation, que regardait Guan Lu ? Certaines personnes pensent qu’il regardait les portraits des siling de la tombe (des peintures murales), mais s’il s’agit de portraits peints, on peut se demander pourquoi peindre des siling inefficaces et sans vigueur. Je pense davantage que Guan Lu a fait son évaluation à partir de la topographie du terrain autour de la tombe. Comment sont [disposés] les siling autour de la tombe de Fan Youchong ? La révélation de Fan nous dit la même chose que pour l’extrait (1), sauf que zhuniao (zhuque 朱雀, l’oiseau vermillon) est remplacé par shangxuan 上玄. Toutefois, à la différence de l’extrait (1), shangxuan bi fei n’a pas énormément de pouvoir, tandis que le qinglong 青龍 (dragon vert) est classé en tête des siling. Je peux comprendre provisoirement cette situation comme l’expression des éléments propices issus de l’environnement autour de la tombe. En formulant autrement cette explication, on peut dire que le dragon vert attrape les bons souffles (buzhuo hao qi 捕捉好氣), le Shangxuan rejette les mauvais souffles (huibi huai qi 回避坏氣), le Xuanwu étend son corps (shuzhan shenti 舒展身體) et le tigre blanc (baihu 白虎) rugit en faisant trembler toutes les directions. Il est difficile d’imaginer les formes concrètes des types de terrain que ces termes évoquent. Cela n’est pas étonnant, car il y a une différence entre la tombe réelle vue par Guan Lu et la tombe décrite dans la révélation. Ce qui est ici exprimé n’est pas le vrai relief des collines, mais davantage un paysage imaginé et idéalisé 52
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qui s’appuie sur le pouvoir incantatoire du langage. Par exemple, en utilisant l’expression qinglong bingqi, celle-ci sert d’incantation performative réalisant le souhait que le dragon vert capture les bons souffles du côté oriental de la tombe puis les fournit continuellement au propriétaire de la tombe. La tombe est gardée par les siling, détenteurs des forces divines (lingli 靈力). Les siling sont à cet endroit une sorte de symbole aux propriétés incantatoires. L’extrait (1) exprime cette pensée de la parole performative. Comme indiqué dans la note de Tao Hongjing, son contenu ne vient pas des propos de Fan Youchong, mais des commentaires d’autres personnes. Mettre l’accent uniquement sur le shangxuan bifei reflète seulement l’opinion personnelle du commentateur. La présentation des siling dans l’extrait (2) suggère un nouveau développement. Ikeda On 池田溫 a indiqué l’existence de deux cas de zhenmuquan 鎮墓券 (inscriptions pour la protection de la tombe) en pierre exhumées et sur lesquelles les siling et l’incantation de l’extrait (2) ont été gravés 55. En d’autres termes, le zhenmuquan combinant les siling décrit dans l’extrait (1) et l’incantation de l’extrait (2) du Zhengao était en fait utilisé avant le xiie siècle. On peut comprendre qu’à cette époque, les siling étaient abstraits (des noms plutôt que des figurations) et incantatoires. Nous arrivons finalement au noyau de l’extrait (3) : « Probablement, la tombe propice ( jizhong) de rang supérieur est la grotte des immortels, [on peut accéder à] ce lieu après avoir raffiné son corps ». Bien qu’il s’agisse d’une tombe propice, en fin de compte la tombe et le monde des immortels sont de niveaux complètement différents, en employant le caractère dai 殆 (« probablement ») au début de la phrase, 55. Ikeda On 池田溫, « Chūgoku rekidai boken ryakkō 中國歷代墓券略考 », Tōyō bunka kenkyūjo kiyō 東洋文化研究所紀要 86 (1982), p. 193-278, notamment, p. 207, 233 et 246. Un des deux cas est un muquan 墓券 (contrat de tombe) du viiie siècle, pendant la dynastie Tang. Il a été exhumé dans le district de Fugou 扶溝 au Henan. Le second muquan date de 1132, pendant la dynastie des Song du Sud. Il a été découvert dans la banlieue de Chengdu, au Sichuan. Ces deux muquan sont gravés avec quatre caractères symbolisant les siling. Il y a sur les quatre côtés du muquan de la dynastie Tang les caractères sigillaires suivants : sur le côté supérieur est gravé shangxuan bifei, sur le côté droit est gravé huxiao bachui, sur le côté inférieur est gravé xuanwu yanqu et sur le côté gauche est gravé qinglong bingqi. Le muquan de la dynastie des Song du Sud contient une inscription pour la protection de la tombe commençant par Hua gai gong wang (wang) qi shen 華蓋宮旺氣神 ; il s’agit d’une divinité qui est également évoquée dans l’extrait (1).
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l’auteur montre qu’il a conscience de l’écart radical entre la tombe et la grotte des immortels. Le terme de « grotte » (qiuku) dans l’évocation « la grotte des immortels » est dû au fait que les tombes sont pour la plupart similaires aux grottes creusées dans les collines ; ou peut-être que cela part initialement de l’idée des grottes-cieux (dongtian). Le lieu de « raffinage du corps » (lianxing) dans le Zhengao est situé soit à Nangong soit à Taiyin. Mais ici, la tombe est-elle considérée comme un lieu de « raffinage » ou est-ce l’endroit dans lequel on revient après l’achèvement du raffinage de son corps ? Ces deux phrases forment une paire, les termes shenxian 神仙 et lianxing sont corrélés ; et d’un point de vue grammatical, cela devrait signifier le lieu où revient la personne qui a fini de raffiner son corps. Pour Fan Youchong, qui vit au palais Tongchu et se rend à la grotte-ciel Huayang, cette tombe n’est pas un lieu dans lequel on peut déposer son cadavre en décomposition puis laisser le site à l’abandon. Cette tombe est juxtaposée à Nangong, à Taiyin, et selon certaines circonstances aux grottes-cieux. En utilisant l’expression suogui 所歸 (« rentrer ») mentionnée ci-dessus, on peut comprendre son sens par le fait qu’il doit retourner dans son pays natal. Fan Youchong peut parfois revenir ici depuis le palais Tongchu. Dans l’ensemble, cette tombe bénéficie d’un statut élevé, c’est pourquoi je l’appelle « un lieu saint » (shengdi). Conclusion Dans le Zhengao, le monde est considéré comme ayant une structure à trois niveaux : esprits-fantômes (gui) – mortels (ren) – immortels (xian). Tao Hongjing décrit précisément le concept ci-dessous : Les principes qui président au ciel et à la terre ne peuvent pas se limiter à une recherche qui s’appuie sur les sentiments (xiong yi 胷臆). Les choses visibles et cachées se divisent en trois mondes, dont la nature est liée. Les immortels vivent au-dessus, les hommes au milieu et les fantômes en dessous. Les personnes de haute valeur peuvent devenir des immortels, les immortels qui ont reçu un blâme redeviendront mortels, les personnes de mauvaise nature deviendront des esprits-fantômes et les esprits-fantômes bénis redeviendront des mortels. Les fantômes imitent les humains et les humains imitent les
54
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immortels, c’est un cycle où la nature des êtres (des différentes catégories) est équivalente, et il n’y a qu’une petite différence entre le visible et l’invisible. 天地間事理, 乃不可限以胷臆而尋之。此幽顯中都是有三部, 皆相關類也。上則仙, 中則人, 下則鬼, 人善者得爲仙, 仙之 謫者更爲人, 人惡者更爲鬼, 鬼福者復爲人, 鬼法人, 人法仙, 循還徃來, 觸類相同, 正是隱顯小小之隔耳 56。
Les trois niveaux de ce monde ne sont pas indépendants et fermés, c’est un monde fluide dans lequel on peut entrer et sortir entre les niveaux 57. La pensée dans le Zhengao et les écrits de Tao Hongjing est conçue à l’aide du concept de chang 場 (le lieu) ; ainsi les esprits-fantômes relèvent du monde souterrain 58, les humains du monde terrestre, les immortels du monde céleste. Sans aborder la question des limitations du chang, on peut considérer que la tombe ou Taiyin sont des lieux intermédiaires entre le lieu des fantômes et celui des vivants, et Nangong et les grottes-cieux entre celui des vivants et celui des immortels, comme le montre le schéma ci-dessous : Esprits-fantômes 鬼 — (tombe 墓, Taiyin 太陰) — humains 人 — (Nangong 南宮, dongtian 洞天) — immortels 仙
La « tombe » relie les esprits-fantômes et les humains à travers l’écoulement d’outre-tombe (guizhu). L’étape principale de la pratique tournée vers l’immortalité se déroule, selon le Zhengao, dans la grotte-ciel établie entre le monde des humains et celui des immortels, sans pour autant que celle-ci soit une résidence d’immortels (xianfu 仙府) – le monde merveilleux des résidences des immortelles et des immortels est mentionné dans le « Yunxiang pian ». 56. « Chanweiyou, 2 闡微幽第二 », Zhengao, 16.4a-b. 57. Au sujet des trois parties du monde, voir Kamitsuka Yoshiko 神塚淑子, Rikuchō Dōkyō shisō no kenkyū 六朝道教思想の研究, Tokyo, Sōbunsha, 1999, p. 33 sq. ainsi que mon ouvrage Fūsui : Chūgokujin no basho tetsugaku 風水.中國人の 場所哲學, Tokyo, Heibonsha, 1995, p. 101. Concernant l’immortel dégradé de son poste et envoyé dans le monde des humains (xian zhi zhe zhe 仙之謫者), voir les travaux de Miyakawa Hisayuki au chapitre 14 de Chūgoku shūkyōshi kenkyū, p. 470 sq. 58. Le monde des esprits-fantômes (gui) correspond au monde des morts (mingfu) à Fengdu 豐都 dans la montagne Luofeng 羅豐山. Dans le « Youwei pian 幽微 篇 », on dit qu’il y a aussi une grotte-ciel à Fengdu. Bien que pertinente, cette information n’est pas abordée dans cet article.
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Selon Tao Hongjing, l’homme « circule » dans cette tombe (ou à Taiyin), à Nangong et dans la grotte-ciel. Dans le Zhengao, la tombe n’est en aucun cas le lieu pour de vieilles chaussures abandonnées, de vieux vêtements délaissés ainsi que d’autres objets vétustes. Dans l’imaginaire collectif, la tombe a une signification similaire à celle d’un passage vers la grotte-ciel, qui est à la fois un passage à travers lequel les fantômes peuvent attaquer et aussi un tremplin vers le niveau supérieur. À partir de ce point de vue, d’après le Zhengao, la tombe n’est pas un lieu néfaste, imprégné par l’odeur des cadavres en décomposition et loin du monde des vivants, même si elle n’est pas décrite en des termes élogieux à l’instar des grottes-cieux, la tombe est tout autant perçue comme un lieu saint, c’est-à-dire un lieu de contact avec des formes d’existence supérieures. Bibliographie Primaire
Zhengao 真誥, Daozang no 1016.
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Les tombes comme lieux saints : une nouvelle lecture du Zhengao minAmizAWA Yoshihiko 南澤良彥, « Nanchō ōbo to ōken – ōja wo umu haka ni tsuite 南朝陵墓と王権一王者を生む墓について », dans Yoshikawa Tadao, dir., Rikuchō Dōkyō no kenkyū, p. 215-235. miurA Kunio 三浦國雄, « “Heaven” in Taoism : With a focus on the Celestial Thearch in the “Early way of the Celestial Master” », Acta Asiatica 98 (2010), p. 99-123. miurA Kunio 三浦國雄, Fūsui : Chūgokujin no basho tetsugaku 風 水.中國人の場所哲學, Tokyo, Heibonsha, 1995. miYAKAWA Hisayuki 宮川尚志, « Dōkyō no shinsen kannen no ichi kosatsu : Shikai sen ni tsuite 道教の神仙観念の一考察—尸解仙につい て », dans Chūgoku shūkyōshi kenkyū 中國宗教史研究, Kyoto, Dōhōsha, 1983, p. 439-457. muGitAni Kunio 麥谷邦夫, « Rōshi sōjichū ni tsuite 老子想爾注につい て », Tōhō gakuhō 東方學報 57 (1985), p. 75-107. ŌGAtA Tōru 大形徹, « Shikai sen to kodai no sōsei no kakawari ni tsuite 尸解仙と古代の葬制のかかわりについて », Chūgoku kenkyū shūkan 中國 研究集刊 12 (1993), p. 47-72. r Ao Zongyi 饒宗頤, Laozi xiang’er zhu jiaojian 老子想爾注校箋, Hong Kong, Dongnan shuju, 1956. seidel, Anna, « Traces of Han Religion in Funeral Texts Found in Tombs », dans Dokyō to shūkyō bunka 道教と宗教文化, Akizuki Kanei 秋 月觀暎, dir., Tokyo, Hirakawa Shuppansha, 1987, p. 21-57. smith, Thomas, Declarations of the Perfected, Part One : Setting Scripts and Images into Motion, St. Petersburg, Three Pines Press, 2013. tsuzuKi Akiko 都築晶子, « Rikuchō jidai ni okeru kojin to ie 六朝時代 における個人と「家」 », Nagoya daigaku Tōyōshi kenkyū hōkoku 名古屋 大學東洋史研究報告 14 (1989), p. 19-50. usAmi Bunri 宇佐美文理, Chūgoku geijutsu rironshi kenkyū 中國藝術 理論史研究, Tokyo, Sōbunsha, 2015. YoshiKAWA Tadao 吉川忠夫, dir., Rikuchō Dōkyō no kenkyū 六朝道教 の研究, Tokyo, Shunjūsha, 1998. YoshiKAWA Tadao 吉川忠夫, « Nicchū mu’ei : Shikai sen kō 日中無影 : 尸解仙考 », dans Chūgoku ko dōkyōshi kenkyū 中國古道教史研究, Kyoto, Dōhōsha, 1992, p. 175-216. YoshiKAWA Tadao 吉川忠夫 et muGitAni Kunio 麥谷邦夫, dir., Shinkō kenkyū (yakuchū hen) 真誥研究 (譯注篇), Kyoto, Kyōto daigaku Jinbun kagaku kenkyūjo, 2000.
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CHAPITRE 2
LE SALUT DES MORTS AUX ENFERS : LE SANCTUAIRE DES DIX ROIS ET DES DIX VÉNÉRABLES CÉLESTES tAnAKA Fumio 田中文雄, Directeur de l’Institute for Contemporary Theology of Buzan school of Shingon sect
Traduit par Marie Bardelot, Wang Huayan 王華艷 et Vincent Goossaert
l
es enFers sont le lieu où se rassemblent les âmes des morts. Les taoïstes considèrent depuis l’époque des Han que les âmes des morts sont enfermées dans les « Neuf Ténèbres » (Jiuyou 九幽). Le chiffre neuf tire son origine de la conception du monde comme constitué de neuf couches, et est un équivalent des « Neuf Cieux » (Jiutian 九天) ou « Neuf Firmaments » (Jiuxiao 九霄) qui représentent le paradis. Comme les « Neuf Sources » (Jiuquan 九泉) des sources jaunes des enfers, il symbolise les lieux les plus profonds de la terre. L’enfer des Neuf Ténèbres comprend neuf directions, que sont les quatre points cardinaux, les quatre points intermédiaires et le centre. L’Est renvoie aux ténèbres des Enfers (youming 幽冥), le Sud aux ténèbres sombres (youyin 幽陰), l’Ouest à la nuit des ténèbres (youye 幽夜), le Nord aux ténèbres Feng (youfeng 幽酆), le Nord-Est au pays des ténèbres (youdu 幽都), le Sud-Est aux paroisses des ténèbres (youzhi 幽治), le Sud-Ouest aux passages des ténèbres (youguan 幽 關), le Nord-Ouest au gouvernement des ténèbres (youfu 幽府), et le centre à la prison des ténèbres (youyu 幽獄). La divinité qui sauve les âmes des morts depuis ces enfers est le Vénérable Céleste des Neuf Ténèbres qui enlève les péchés (Jiuyou bazui tianzun 九幽拔罪天尊). Il est bien connu que dans le taoïsme, les morts doivent tous passer par le mont Taishan, Fengdu, ou le tribunal des Dix rois des enfers qui examinent leurs fautes pour déterminer leur punition. La croyance
10.1484/M.BEHE-EB.5.130237
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taoïste des Dix rois, ainsi que les rites pour les défunts qui se rapportent à eux, ont absorbé à la fois la conception des enfers importée en Chine par le bouddhisme et les conceptions chinoises antiques du séjour des morts. Ainsi, la divinité du mont Taishan, déjà connue sous les Han comme présidant aux morts, est considérée comme l’un des Dix rois des enfers. Il semble que la croyance des Dix rois, selon laquelle les dix juges des enfers font le procès des défunts à des jours précis à partir de leur mort, ait prospéré à partir de la dynastie des Tang. Bien que cette croyance soit dérivée du bouddhisme, elle appartient à une vision des enfers qui relève spécifiquement du bouddhisme chinois. Ce calendrier du jugement dans l’au-delà combine l’idée indienne de la réincarnation selon le karma (en sept étapes, tous les sept jours après la mort jusqu’au quarante-neuvième jour de deuil) avec les rites confucianistes pour les morts (les trois rites de la fin des pleurs le centième jour de deuil, du sacrifice aux parents défunts le premier anniversaire de la mort, et du grand sacrifice au troisième anniversaire). Or, si l’on excepte les noms du roi Yama et du roi impartial (l’autre nom de Yama), aucun des noms des Dix rois n’apparaît dans les sutras bouddhiques. On peut dire que le monde des Dix rois est un enfer hybride, fait de bouddhisme, de croyances populaires et de taoïsme. Dans les textes classiques taoïstes, on a donné aux Dix rois un autre titre, « seigneur transcendant » (zhenjun 真君), que l’on utilise dans divers rites. Depuis l’époque médiévale, on distingue les trois retraites (sanzhai 三齋) parmi les rites taoïstes : la retraite du Registre jaune, huangluzhai 黃籙齋 (pour le salut des défunts), la retraite du Registre d’or, jinluzhai 金籙齋 (pour protéger l’empire), et la retraite de boue et de cendres, tutanzhai 塗炭齋 (pour s’attirer la longévité et éloigner le malheur). Toutes se déroulent fondamentalement de la même manière : on commence par construire une aire rituelle au centre de laquelle se trouve une estrade de trois niveaux, puis on s’attache les mains et l’on se bande les yeux pour entrer en pénitence et confesser ses fautes aux dieux. L’ascèse s’accompagne du repentir par auto-flagellation pour les mauvaises actions, de manière à obtenir le pardon des divinités. On ouvre alors les portes qui donnent sur les dix directions des points cardinaux, des points intermédiaires, du haut et du bas, et l’on affiche une annonce, pour inviter l’ensemble des dieux et jurer un serment avec eux. Le jeûne de boue et de cendres ne s’est pas perpétué aux époques ultérieures, et les Dix Vénérables Célestes situés aux dix orientations lors de la retraite du Registre jaune sont devenus ceux qui 60
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes accordent le salut dans le rite des Dix rois. Les rituels donnés pour les morts peuvent se comprendre comme la déambulation de l’âme dans les dix tribunaux des enfers. Les rituels célébrés lors des dix étapes du calendrier des rituels funéraires, qui renvoient aux Dix rois, aux Dix hommes transcendants et aux Dix Vénérables Célestes, s’intègrent de manière vivante à cette perception des enfers. Yoshioka Yoshitoyo 吉岡義豊 1, Stephen Teiser 2 et John Lagerwey 3 ont tous les trois mené des recherches à propos des documents qui se rapportent aux Dix rois. Tous mentionnent des textes relatifs à la retraite du Registre jaune, mais aucun n’a fait de recherche à propos du déroulement de ce rite. Yoshioka Yoshitoyo, en particulier, présente la fusion des divinités taoïstes et des Dix rois dans le rite de la retraite du Registre jaune selon la logique japonaise des « émanations locales des bouddhas » (benji, jap. honjaku 本跡). Il est nécessaire de mener une recherche plus approfondie à propos de cette fusion des deux types de divinités du rite de la retraite du Registre jaune et du rite des Dix rois, de l’espace de ces rites et des lieux où résident des divinités ; tout particulièrement en ce qui concerne les questions relatives aux orientations. L’espace du rite taoïste Tout comme le bouddhisme indien de l’époque ancienne n’a pas d’image du Bouddha, il n’y a pas de statue ni d’image des dieux au début du taoïsme. Lorsque l’on prie, on suppose la présence des divinités en fonction de la disposition des lieux et de la direction que prend la fumée d’encens. L’absence de représentation des dieux constitue le caractère distinctif des rites taoïstes anciens. Dans son sixième juan du Discours pour discerner et prouver (la doctrine orthodoxe) (Bianzhenglun 辯證論), Falin 法琳, le bouddhiste de la dynastie Tang, condamne l’usage des icônes dans le taoïsme ; il affirme que Tao Hongjing 陶弘景 (456-536) avait érigé un autel bouddhique, avec 1. 2. 3.
Yoshioka Yoshitoyo 吉岡義豊, Yoshioka Yoshitoyo chosakushū 吉岡義豊著作 集, vol. 1, Tokyo, Gogatsu Shobō, 1989, p. 355-365. Stephen Teiser, The Scripture on the Ten Kings, Honolulu, University of Hawai’i Press, 1994, p. 20-30. Notices de John Lagerwey dans Kristofer Schipper et Franciscus Verellen, dir., The Taoist Canon, Chicago, University of Chicago Press, 2004, p. 102, 554, 989.
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des icônes, et un autre taoïste, sans icône, mais que d’autres taoïstes, notamment Lu Xiujing 陸修靜 (406-477), voulant attirer des fidèles, imitèrent les icônes bouddhiques 4. Cependant, l’hypothèse selon laquelle Lu Xiujing aurait introduit ces images dans le rite taoïste ne correspond pas à la réalité historique. Dans son ouvrage Lu xiansheng daomen kelüe 陸先生道門科略, il note : (La chambre de méditation) doit être lavée et balayée (régulièrement) et maintenue pure et austère, comme la demeure des dieux. N’y placez qu’un brûle-encens, une lampe à encens, une table pour écrire les pétitions et un couteau à corriger : ces quatre objets uniquement. L’aménagement est simple et pur, et ne coûtera qu’une centaine de pièces. De nos jours, ceux qui y mêlent les pratiques profanes y ajoutent des autels, des icônes, des bannières et toutes sortes de décorations. Ils n’ont plus aucune notion de la différence entre simple et élaboré, franc et ostentatoire. 灑掃精肅, 常若神居。唯置香爐、 香燈、 章案、 書刀四物而 已。 必其素淨, 政可湛百餘錢耳。比雜俗之家, 床座形像幡蓋 衆飾, 不亦有繁簡之殊, 華素之異耶 5。
Lu Xiujing soutient que dans la salle de méditation du rite taoïste, aucune image des dieux ou élément d’ornement n’est autorisé, excepté les encensoirs, les lampes, les tables et les couteaux de correction utilisés pour l’écriture. À propos de l’espace des rites taoïstes, Tao Hongjing remarque par ailleurs dans sa « méthode de méditation » du second juan du Dengzhen yinjue 登真隱訣 comment le prêtre entrant dans son oratoire « demande aux souffles corrects des huit directions d’entrer dans son corps pour qu’il puisse aller se rendre en audience présenter sa requête devant les dieux » 乞得八方正氣, 來入某身, 所啓速聞径達帝前 6. On n’utilise pas d’image des divinités pendant les rites, on place seulement un encensoir qui a une fonction symbolique, et l’on salue tous les dieux dans les quatre directions.
4. 5. 6.
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Bianzhenglun 辯證論, T.52, 535b. Lu xiansheng daomen kelüe 陸先生道門科略, Daozang no 1127, 4b. Dengzhen yinjue 登真隱訣, Daozang no 421, 3.7a-b.
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes De la même manière, dans l’espace de la pratique taoïste, on imagine très clairement la présence des dieux à travers les directions. Dans le dixième juan du Yaoxiu keyi jielü chao 要修科儀戒律鈔, Zhu Faman 朱法滿 détaille le rite que chaque personne initiée doit accomplir dans son oratoire ou chambre de méditation, en insistant sur les directions et les dieux qui leur sont associés 7. Ainsi, le Maître céleste (Zhang Daoling 張道陵), essentiel dans la communication avec les dieux, se trouve à l’Ouest. Bien qu’il n’y a pas de représentation des dieux dans les diverses directions, chacun imagine leur présence. Au fil du temps, on a commencé à faire des sacrifices aux statues des dieux et à leurs représentations picturales. Mais les générations suivantes ont continué à accorder une importance primordiale aux directions, et le culte des Dix rois s’est perpétué dans ce contexte. Nouvel examen des textes du Canon taoïste à propos des Dix rois Sur quels textes classiques le rituel des Dix rois est-il fondé ? On peut faire l’inventaire des textes relatifs aux Dix rois dans le Canon taoïste : ① Taishang jiuku tianzun shuo xiaoqian miezui jing 太上救苦天尊 説消愆滅罪經 (Daozang no 378) ; ② Yuanshi tianzun shuo Fengdu miezui jing 元始天尊説鄷都滅罪 經 (Daozang no 73) ; ③ Difu shiwang badu yi 地府十王抜度儀 (Daozang no 215, époque Song) ; ④ « Shi zhenjun jiaoyi » 十真君醮儀, Lingbao lingjiao jidu jinshu 靈 寶領教濟度金書 (Daozang no 466), juan 41 ; ⑤ « Shiwang jiaoyi » 十王醮儀, Lingbao lingjiao jidu jinshu, juan 172. Les deux premiers textes préconisent le rituel des Dix rois des enfers, pour que les dieux (dans le premier, c’est le Vénérable Céleste qui libère de la misère, Jiuku tianzun 救苦天尊, dans le second le Vénérable Céleste du commencement originel, Yuanshi tianzun 元 始天尊) sauvent les âmes des morts. Ils y notent les noms des Dix rois, dont chacun correspond à une date dans le calendrier funéraire.
7.
Yaoxiu keyi jielü chao 要修科儀戒律鈔, Daozang no 463, 10.4a.
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Ces textes diffèrent du bouddhisme en deux points : d’une part, il n’y a pas de prière chantée adressée aux Dix rois, d’autre part ils présentent les Dix rois et les divinités taoïstes (les hommes transcendants) comme une seule entité. Le trait distinctif de ces textes taoïstes sur les Dix rois est qu’ils dressent l’inventaire des dates du calendrier funéraire, des noms des Dix rois et des noms des hommes transcendants, retranscrits dans le tableau ci-dessous. date (忌日)
Première semaine de deuil (一七)
Noms des Dix rois (十王名)
Noms des hommes transcendants
Noms des hommes transcendants
秦廣大王
太素妙廣真君
identique
(真君名) dans ①
(真君名) dans ②
初江大王
陰徳定休真君
Identique
宋帝大王
洞明普静真君
identique
五官大王
玄徳五靈真君
Identique
閻羅大王
最勝輝靈真君
Identique
Sixième semaine de deuil (六七)
變成大王
寶肅昭成真君
identique
玄徳妙成真君
等観明理真君
Centième jour de deuil (百日)
平等大王
無上正度真君
Identique
都市大王
飛魔演慶真君
Identique
Grand sacrifice 轉輪大王 du troisième anniversaire du décès (大祥)
五化威靈真君
五化威徳真君
Deuxième semaine de deuil (二七) Troisième semaine de deuil (三七) Quatrième semaine de deuil (四七) Cinquième semaine de deuil (五七)
Septième semaine 泰山大王(府 de deuil (七七) 君)
Sacrifice du premier anniversaire du décès (小祥)
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Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes Dans le Schéma des rangs des dieux et des transcendants, Zhenling weiye tu 真靈位業圖, du vie siècle, où l’on trouve un inventaire des origines de toutes les divinités taoïstes, il n’y a aucune mention des dix hommes transcendants. Mais la formation des noms des dix hommes transcendants (avec quelques variantes dans ces différents textes) a contribué à une série de prières aux divinités taoïstes pour le salut des âmes des défunts dans les rites taoïstes ultérieurs. Les troisième, quatrième et cinquième textes fixent la liturgie du rite des Dix rois. On connaît la date de production des quatrième et cinquième textes, qui sont retranscrits dans le Lingbao lingjiao jidu jinshu, où il est indiqué qu’ils ont été transmis par Ning Quanzhen 甯全真 (mort en 1181) et édités par Lin Lingzhen 林靈真 en 1302. ④ rend compte d’un rite pour produire des mérites au bénéfice du défunt après la mort, et ⑤ est un exemple de rituel de salut fait du vivant (yuxiu 預修). Le déroulement des rites est à peu près le même dans ces deux ouvrages. La cérémonie commence par la « marche rituelle sur le vide » (buxu 步虛) et l’aspersion et purification de l’aire rituelle (sajing 灑 凈), puis le prêtre se rend mentalement aux cieux en brûlant de l’encens. Ensuite, on exécute les « trois libations » (sanxian 三献) 8, puis on procède au culte des Dix rois, qui consiste à brûler de l’encens et à prier en s’approchant des images des Dix rois. Comme il est décrit dans le quatrième texte, le fils du défunt et toute la famille prient et brûlent de l’encens auprès des images des Dix rois en tenant une bannière de l’âme du défunt. Celui qui désire pratiquer pour lui-même, à l’avance (yuxiu), ce rite de salut sous la direction du prêtre, doit aller vers les images des dieux pour leur offrir un document écrit. Lorsque l’on procède à ce rite, on dispose toujours les images des Dix rois dans l’espace rituel 9. On remarque dans le troisième texte qu’il suffit d’ajouter les noms du prêtre, du bienfaiteur et du défunt pour obtenir la procédure à suivre
8. 9.
Les trois rites de la « première libation », de la « deuxième libation » et de la « dernière libation ». Dans le Lingbao lingjiao jidu jinshu 靈寶領教濟度金書, Daozang no 466, la cérémonie des enfers implique un groupe d’environ soixante dieux, dont le texte mentionne l’agencement des places lors du rite. Parmi eux, les hommes transcendants qui correspondent à des nombres impairs constituent le « groupe de gauche » (qui fait face au côté droit), et ceux aux nombres pairs forment le « groupe de droite » (qui fait face au côté gauche).
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dans ce rite. Ce texte donne également des explications très claires à propos de l’attitude du bienfaiteur, et de la manière dont il doit chanter où donner des réponses en suivant les paroles du prêtre. Concrètement, y sont décrites les divinités taoïstes depuis les plus hauts rangs, les trois officiers du Ciel, de la Terre et des eaux (Sanguan 三官) et les Trois Purs (Sanqing 三清), jusqu’aux Dix rois et hommes transcendants qui y sont décrits selon une vision des enfers centrée sur Fengdu. La manière de prier les Dix rois, ainsi que les stances chantées pour toutes les divinités y sont aussi expliquées très précisément. En dehors des hommes transcendants, les noms des divinités taoïstes sont également consignés selon les dates du calendrier funèbre. Pour le culte du premier tribunal (qui correspond aux sept premiers jours après la mort), les noms des Vénérables Célestes sont ainsi différents de ceux des hommes transcendants. Comme le montre le tableau de la page suivante, chacun des Dix rois correspond à des Vénérables Célestes différents. Si l’on regarde ce tableau, on réalise que bien que l’agencement des hommes transcendants dans la colonne B correspond à celui dans les autres textes relatifs aux Dix rois, les Dix Vénérables Célestes des colonnes C et D y ont été ajoutés. Les deux sortes de « Dix Vénérables Célestes » Les noms des Vénérables Célestes cités dans le ③ Difu shiwang badu yi et qui figurent dans les colonnes C et D apparaissent également dans d’autres textes du Canon taoïste. Je souhaite ici faire un examen plus approfondi de ce point. En premier lieu, à propos des Vénérables Célestes des colonnes C, le quatrième juan (« septième chapitre : règles du jeûne », chizhaipin, 7 « 持斋品第七 ») de l’ouvrage écrit entre la fin des Six Dynasties et le début de la dynastie Tang, Taishang dongxuan yebao yinyuan jing 太上洞玄業報因緣經, mentionne comment, lors de huit jours nodaux de l’année, le Vénérable Céleste du commencement originel (Yuanshi tianzun) envoie huit vénérables célestes parmi les hommes pour sauver tous les êtres vivants. Ce texte renvoie aux saisons, mais il existe également des documents relatifs aux directions. Le Dongxuan lingbao sandong fengdao kejie yingshi 洞玄靈寶三洞奉道科戒營始 est un texte qui permet de comprendre la vie des monastères taoïstes des périodes antérieures aux dynasties Sui et Tang. Dans le sixième 66
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes
Premier palais 第一宫 Deuxième palais 第二宫 Troisième palais 第三宮 Quatrième palais 第四宮 Cinquième palais 第五宮 Sixième palais 第六宮 Septième palais 第七宮 Huitième palais 第八宮 Neuvième palais 第九宮 Dixième palais 第十宮
Première semaine de deuil 一七日
Deuxième semaine de deuil 二七日
Troisième semaine de deuil 三七日
Quatrième semaine de deuil 四七日
Cinquième semaine de deuil 五七日
Sixième semaine de deuil 六七日 Septième semaine de deuil 七七日
Centième jour de deuil 百日
Premier anniversaire du décès 周歳 Grand sacrifice du troisième anniversaire du décès 大祥
變成大王
閻羅大王
仵官大王
宋帝大王
初江大王
秦廣大王
泰山玄妙真君
寶肅昭成真君
最聖耀靈真君
玄徳五靈真君
洞明普靜真君
陰徳定休真君
泰素妙廣真君
無量大華天尊
太靈虚皇天尊
好生度命天尊
度仙上聖天尊
玄上玉晨天尊
太妙至極天尊
玄真萬福天尊
玉寶皇上天尊
乘功託化天尊
隨願往生天尊
逍遙快樂天尊
金闕化身天尊
火錬丹界天尊
法橋大度天尊
朱陵度命天尊
十方救苦天尊
九幽抜罪天尊
D
泰山大王
無上正度真君
玉虚明皇天尊
宝華円満天尊
C
平等大王
飛魔演化真君
真皇洞神天尊
B
都市大王
五靈威徳真君
A
轉輪大王
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juan, « changchaoyi 常朝儀 » (liturgie pour le rituel d’audience ordinaire), le culte des dix directions est mis en rapport avec les Dix Vénérables Célestes 10. L’encyclopédie classique taoïste compilée à la fin des Six Dynasties, Wushang biyao 無上秘要, présente un contenu semblable en plusieurs points, comme le montrent le trente-cinquième juan, concernant les rituels d’ordination (Shouduzhai 授度齋), le trente-septième juan, concernant les rituels de transmission du Daodejing, le trente-neuvième juan, concernant les rituels de transmission des zhenwen 真 文 (écrits transcendants), et le quarante-huitième juan, concernant les retraites du Lingbao, Lingbao zhai 靈寶齋. Ces textes mentionnent les Vénérables Célestes des dix directions, et y ajoutent les Vénérables Célestes des trois périodes (sanshi 三世), ainsi que d’autres divinités, comme on peut le voir ci-dessous : 至心歸命東方玉靈皇上天尊 至心歸命南方玄真萬福天尊 至心歸命西方太妙至極天尊 至心歸命北方玄上玉晨天尊 至心歸命東北度仙上聖天尊 至心歸命東南好生度命天尊 至心歸命西南太靈虚皇天尊 至心歸命西北无量太華天尊 至心歸命上方玉虚明皇天尊 至心歸命下方真皇洞神天尊 至心歸命過去高上玉皇天尊 至心歸命見在元始天尊 至心歸命未來太極天尊 至心歸命玉京玄臺紫微上宮 至心歸命一切真仙得道聖衆
Par ailleurs, on peut lire dans le Taiqingjing shenjijngjing 太清境 申精經 (inclus dans le Taishang sanshiliubu zunjing 太上三十六部尊 經), une liste semblable : le Yuanshi tianzun y envoie ces divers vénérables célestes sur terre comme émanations de lui-même (yi wozhi qi huashen 以我之氣化身) pour y sauver les vivants et les morts, chacun
10. Dongxuan lingbao sandong fengdao kejie yingshi 洞玄靈寶三洞奉道科戒營 始, Daozang no 1125, 6.1a-2a.
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Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes étant affecté à une direction particulière. Parce que ces divinités sont celles qui sauvent les morts, leur fonction est de délivrer les âmes des défunts depuis les dix directions. Bien que les Dix Vénérables Célestes mentionnés dans la colonne D ne correspondent pas aux dix orientations, il semble qu’ils interviennent sur les morts dans le rite funéraire du « Salut par le raffinage », liandu 鍊度, un type de rituel qui connaît un grand essor sous la dynastie des Song. Neuf Vénérables Célestes sont ainsi mentionnés dans le cinquante-neuvième juan du Lingbao lingjiao jidu jinshu, dans lequel chacun est associé à une des neuf étapes des « Neuf raffinages pour retourner à la forme originelle » (Jiulian fansheng yi 九 鍊返生儀) : 第一鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第二鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第三鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第四鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第五鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第六鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第七鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第八鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。 第九鍊謹召守雄抱雌大將, 座前。
引領亡故某人, 詣太乙救苦天尊
引領亡故某人, 詣九幽抜罪天尊 引領亡故某人, 詣轉輪聖王天尊 引領亡故某人, 詣法橋大度天尊 引領亡故某人, 詣火鍊丹界天尊 引領亡故某人, 詣金闕化身天尊 引領亡故某人, 詣朱陵度命天尊 引領亡故某人, 詣逍遙快樂天尊 引領亡故某人, 詣寶華圓満天尊
Dans l’énumération ci-dessus, on ne trouve pas les noms des Vénérables Célestes des dix orientations qui délivrent de la souffrance, ni ceux du Vénérable Céleste qui permet la réincarnation désirée, Suiyuan wangsheng tianzun 隨願往生天尊, et du Vénérable Céleste qui permet la renaissance selon les mérites, Chenggong tuohua tianzun 乘功托化天尊, mais l’ordre des divinités est similaire à celui du Difu shiwang badu yi. Par ailleurs, dans le quatrième juan de ce livre, la section des « rangs des saints et des hommes transcendants » (Shengzhen banwei pin 聖 69
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真班位品) énumère trois cent soixante divinités rangées à gauche et à droite ; le groupe de gauche comporte le Vénérable Céleste des Neuf Ténèbres qui efface les fautes, le Vénérable Céleste du Salut du Tertre Rouge (Zhuling duming tianzun 朱陵度命天尊) et d’autres encore qui figurent dans les tableaux ci-dessus. D’autre part, on mentionne aussi dans le groupe de droite les Dix Vénérables Célestes des différentes orientations précédemment cités. Les Vénérables Célestes des dix orientations et les rites funéraires Les textes taoïstes en lien avec le rituel de la retraite du Registre jaune, tels que le Huangluzhai shi tianzun yi 黃籙齋十天尊儀, le Huanglu jiuku shizhai chuanjing yi 黃籙救苦十齋轉經儀, ou encore le Huanglu shinian yi 黃籙十念儀, mentionnent tous des rites dont l’exécution implique l’invitation des Vénérables Célestes des dix directions, de manière similaire aux livres qui règlent les rites des Dix rois, mais ils ne comportent pas les noms des Dix rois ni des hommes transcendants. On peut lire au début du Huangluzhai shi tianzun yi la déclaration d’intention du commanditaire du rituel, qui concerne très clairement le salut des morts 今齋主某修建道場,用資亡沒. Dans cet ouvrage, après l’exposé de la doctrine du Souverain Suprême maître de la Voie, les noms et hymnes des Dix Vénérables Célestes sont énumérés, chacun associé à une direction et une fonction salvifique. Le passage sur les rites est légèrement plus long dans le Huangluzhai shi tianzun yi que dans les autres ouvrages cités. La cérémonie inclut un long rite où l’on accomplit dans l’ordre la prosternation vers le sud en invoquant le Vénérable Céleste de cette direction, puis vers l’ouest, vers le nord, vers l’est, vers le sud-est, vers le sud-ouest, vers le nord-ouest, vers le haut et vers le bas. Agenouillé par terre, c’est alors en direction des Vénérables Célestes de chaque orientation que l’on prie. C’est dans le Huanglu shinian yi que l’on trouve la version la plus simple du rituel de mérite pour les morts. Ici, les divinités ne sont pas des Vénérables Célestes, mais elles sont appelées « Vénérables », zun 尊. En dehors des textes liturgiques mentionnés ci-dessus, les Dix Vénérables Célestes de chaque direction sont également mentionnés dans le Taishang dongxuan lingbao jiuku miaojing 太上洞玄靈寶救 70
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes 苦妙經. Ce texte classique traite principalement du Vénérable Céleste qui délivre des souffrances, Jiuku tianzun 救苦天尊, dont les vertus sont évoquées en des termes très inclusifs : « il délivre de tous les péchés et sauve de tous les dangers » 救一切罪, 度一切厄. On y indique en outre le rôle des Dix Vénérables Célestes : « Les vénérables Célestes dans les dix directions sont aussi nombreux que les grains de sable et de poussière (dans l’univers). Ils s’incarnent dans les diverses parties du monde pour y apporter le salut à tous les dieux et les humains. » 十方諸天尊, 其数如沙塵。化形十方界, 普済度天 人. Une telle description implique que les Vénérables Célestes des dix orientations existent en tant que sauveurs. La conception du monde selon les dix orientations n’est pas fondée sur l’ordre « Est, Ouest, Sud, Nord », mais sur la succession « Est, Sud, Ouest, Nord » (d’après le mouvement de la course du soleil), à laquelle on ajoute les quatre points intermédiaires et le haut et le bas. Le taoïsme est peut-être influencé par le bouddhisme sur ce point, mais au sein des rituels taoïstes se trouvent des cérémonies qui sont différentes de celle qui est centrée sur les Dix rois, et qui offre les offrandes pour le salut des âmes à travers la prière des divinités de chaque orientation. Les Dix rois et les dix orientations Dans le Zangwai daoshu 藏外道書, qui recense des documents taoïstes absents du Canon, on trouve des livres liturgiques à propos du rite des Dix rois. Dans le dixième juan du Shangqing lingbao duren dacheng jinshu 上清靈寶濟度大成金書, compilé par le taoïste de cour Zhou Side 周 思得 (1359-1451), on trouve trois liturgies différentes pour le salut des morts. L’une d’entre elles, le Qingxuan shizhen miaozhai chuanjing yi 青玄十真妙齋轉經儀, commence par une « marche rituelle sur le vide » (buxu 歩虚) qui emmène le prêtre tour à tour devant les dix directions où il honore le Vénérable Céleste de cette direction et les autres dieux qui lui sont associés, présente une requête et proclame le pardon des péchés par un talisman. L’ensemble des divinités est répertorié dans le texte, avec plusieurs omissions, comme le montre le tableau ci-après :
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Est : 玉寶皇上天尊
Première semaine de deuil 一七
Ouest : 太妙至極天尊
Troisième semaine de deuil 三七
Sud : 玄真萬福天尊
Nord : 玄上
Nord-Est : 度仙
Sud-Est : 好生
Sud-Ouest : 太靈虚皇
Nord-Ouest : 无量太華
Haut (上方) : 玉虚明皇 Bas (下方) : 真皇洞神天尊
Deuxième semaine de deuil 二七
泰素妙廣真君
東方 風雷地獄主者
洞明普靜真君
西方 金剛地獄
陰徳定休真君
Quatrième semaine de deuil 四七
Cinquième semaine de deuil 五七
Sixième semaine de deuil 六七
Septième semaine de deuil 七七
Centième jour de deuil 百日
Sacrifice du premier anniversaire du décès 小祥
Grand sacrifice du 五化威靈真君 troisième anniversaire du décès 大祥
南方 火翳地獄主者
溟泠
鑊湯
銅柱
屠割
火車
普掠 下方 糞穢地獄主者
Dans le même juan, deux autres textes, intitulés « Shizhenzhai yishi 十真齋儀式 », mentionnent un rituel à peu près similaire rendu aux Vénérables Célestes des dix orientations. Plus tard, aux xviiie et xixe siècles, l’école rituelle Guangcheng 廣 成, codifiée au Sichuan, a à son tour repris et développé cette tradition rituelle. Par exemple, on trouve dans la collection liturgique de cette tradition, le Guangcheng yizhi 廣成儀制, les manuels suivants : ① Shiwang zhuan’an ji 十王轉案集 11 ; ② Shiwang dazhai youan quanji 十王大齋右案全集 12 ; ③ Shiwang jiaojing quanji 十王絞經全集 13 ; ④Zhengshen mingjing shiwangji 正申冥京十王集 14 ; ⑤ Shiwang gaojian quanji 十王告簡全集 15 ; ⑥ Qingwei shiwang zhuan’an yizhi 11. 12. 13. 14. 15.
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Zangwai daoshu, vol. 13, p. 261-274. Ibid., p. 618-625. Ibid., p. 626-631. Zangwai daoshu, vol. 14, p. 140-144. Ibid., p. 384-399.
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes quanji 清微十王轉案儀制全集 16. Ce corpus cohérent implique la généralisation et la diffusion du rituel des Dix rois dans les pratiques rituelles taoïstes au Sichuan moderne. Le ① Shiwang zhuan’an ji fournit une liste détaillée des noms et des dates de naissance des Dix rois 17 : 「第一殿秦広大王, 姓蕭, 二月初一日生」 「第二殿楚江大 王, 姓曹, 三月初一日生」 「第三殿宋帝大王, 姓・黄, 二月二 十八日生」 「第四殿五官大王, 姓韓, 正月初八日生」 「第五殿 閻羅天子, 姓麻, 三月初八日生」 「第六殿変成大王, 姓昌, 二 月二十七日生」 「第七殿泰山大王, 姓崔, 三月初七日生」 「第 八殿平等大王, 姓于, 四月初一日生」 「第九殿都市大王, 姓 侯, 四月初七日生」 「第十殿転輪大王, 姓薛, 四月二十二日 生」 。
Si l’on regarde l’ensemble de ces textes, certains relevés sont similaires aux noms des Vénérables Célestes évoqués dans le Difu shiwang badu yi de l’époque Song, et l’on remarque que les Dix rois y sont également chacun placés selon les dix orientations (les quatre points cardinaux, les quatre points intermédiaires, le haut et le bas). ・一七日, 秦廣大王, 太素妙廣真君, 玉寶皇上天尊, 東方 ・二七日, 初江大王, 陰徳定休真君, 玄真萬福天尊, 南方 ・三七日, 宋帝大王, 洞明普靜真君, 太妙至極天尊, 西方 ・四七日, 五官大王, 玄徳五靈真君, 玄上玉晨天尊, 北方 ・五七日, 閻羅大王, 最勝輝靈真君, 度仙上聖天尊, 東北方 ・六七日, 変成大王, 宝肅昭成真君, 好生度命天尊, 東南方 ・七七日, 泰山大王, 玄徳妙成真君, 太靈虚皇天尊, 西北方 ・百日, 平等大王, 無上正度真君, 無量大華天尊, 西南方 ・小祥, 都市大王, 飛魔演慶真君, 玉虚明皇天尊, 上方 ・大祥, 轉輪大王, 五化威靈真君, 真皇洞神天尊, 下方
Cette manière d’associer les dix tribunaux aux dix orientations se distingue du bouddhisme, ce qui signifie que les rituels taoïstes sont différents des rituels bouddhistes dans leurs conceptions du monde et des enfers. Il existe en outre des configurations différentes selon
16. Ibid., p. 462-473. 17. Un relevé des noms des Dix rois figure également dans le Sanjiao soushen daquan 三教搜神大全 : 秦广王姓萧, 初江王姓曹, 宋帝王姓廉, 五官王姓黄, 阎魔王 姓韩, 变成王姓石, 泰山王姓毕, 平等王姓于, 都市王姓薛, 转轮王姓薛.
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les textes liturgiques modernes contenus dans le Zangwai daoshu, comme on peut le voir en comparant les six textes liturgiques de ce tableau : Titre du texte 廣成儀制十王転案集
廣成儀制十王大斎右案全集 廣成儀制十王絞經全集
廣成儀制正申冥京十王集 廣成儀制十王告簡全集
清微十王転案儀制全集
nom des Vénérables Célestes 天尊名
direction 方位
oui
oui
non
non
non
non
non
non
oui
non
oui
non
Parmi les textes qui comportent les noms des Vénérables Célestes, on trouve mentionnés des rites en rapport avec les Dix rois et les Vénérables Célestes correspondants. Or, on peut dire que le fait d’attribuer une orientation à chaque Vénérable Céleste est une particularité qui existait avant que le rite de la retraite du Registre jaune se combine à celui des Dix rois. On peut ainsi constater que les dix orientations, les Vénérables Célestes et la prière aux Vénérables Célestes de chaque orientation existent depuis les débuts de l’époque médiévale dans les rites taoïstes, et en constitue un élément fondamental. Par exemple dans le cinquantième juan (consacré à la retraite du Registre jaune) du Wushang biyao, l’agencement de l’autel lors du rituel est ainsi construit autour des dix portes, shimen 十門, des dix directions. On y lit que, comme dans l’espace rituel de la tradition des Maîtres célestes, on n’y place pas de statuette des divinités, ni d’objets auxquels on présente les sacrifices, mais c’est à travers les orientations que l’on communique avec les palais des divinités. On peut alors dire que les dix portes sont symboliques. Lorsque le prêtre accomplit le rituel, il circule au milieu de l’aire sacrée, brûle de l’encens en se tournant dans chacune des dix directions, lit la prière après avoir grincé des dents, implore la venue des divinités parmi les hommes et prie les Vénérables Célestes des dix orientations pour le salut des ancêtres sur neuf générations (Jiuzu fumu wangsheng 九祖父 母往生). Bien que les Vénérables Célestes des dix orientations ne renvoient pas ici aux Dix rois, ces derniers ont pu aisément venir se greffer sur cette conception de l’espace et du rôle des dieux. 74
Le sanctuaire des Dix rois et des Dix Vénérables Célestes Conclusion Dans le Huanglu poyu dengyi 黃籙破獄燈儀, « Rituel des lampes du Registre jaune, pour briser les enfers », on trouve une explication du rite par lequel, en allumant une lampe, on sauve les âmes des ancêtres des enfers des « Neuf Ténèbres ». Comme dans les textes précédents, les orientations, ainsi que les noms des enfers et des Vénérables Célestes des Neuf Ténèbres y sont ordonnés comme suit : 東方, 風雷地獄
玉寶皇上尊
南方, 火翳地獄
玄真萬福尊
西方, 金剛地獄
太妙至極尊
北方, 溟泠地獄
玄上玉晨尊
中央, 普掠地獄
上下救苦尊
東南方, 銅柱地獄 西南方, 屠割地獄 西北方, 火車地獄 東北方, 鑊湯地獄
好生度命尊 太靈虚皇尊 無量太華尊 度仙上聖尊
Si l’on excepte le centre, les autres directions correspondent également aux huit Vénérables des huit orientations, selon la conception des Vénérables Célestes des dix orientations. Le centre lui-même correspond au « Vénérable du haut et du bas qui délivre du malheur », ce qui signifie en fait qu’il y a dix orientations dans le monde des morts. La croyance taoïste dans les Dix rois des enfers commence avec l’imitation du bouddhisme, mais le rite, en évoluant, s’est complètement amalgamé avec la retraite du Registre jaune, dans laquelle on prie pour les défunts, pour former un système particulier au taoïsme. Il suffit d’imaginer qu’il y a un Vénérable Céleste à chacune des dix orientations et de prier dans chaque direction. Peu importe l’usage ou non d’image des Dix rois, pour que leur rite soit établi. De plus, cette pratique facilite le fait pour le prêtre taoïste qui célèbre le rituel de rendre un culte à chaque divinité. C’est ainsi que les rites sont devenus plus dynamiques, et que les gens du peuple participant à la cérémonie ont pu comprendre de manière plus visuelle le jugement des âmes des défunts et leur salut dans les enfers. C’est là ce qui constitue pleinement l’aspect singulier de la croyance des Dix rois. 75
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Bibliographie Primaire
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Secondaire schiPPer, Kristofer and verellen, Franciscus, dir., The Taoist Canon, Chicago, University of Chicago Press, 2004. teiser, Stephen, The Scripture on the Ten Kings, Honolulu, University of Hawai’i Press, 1994. YoshioKA Yoshitoyo 吉岡義豊, Yoshioka Yoshitoyo chosakushū 吉岡義 豊著作集, vol. 1, Tokyo, Gogatsu Shobō, 1989.
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CHAPITRE 3
LES DIFFÉRENTES VERSIONS DU WUYUE ZHENXING TU, « CARTE DE LA FORME VÉRITABLE DES CINQ PICS », DE LA CHINE AU JAPON lAi Sihyu, Academia Sinica
Traduit par Manon Barret, Wang Huayan 王華艷 et Vincent Goossaert
e Wuyue zhenxing tu 五嶽真形圖, ou la « Carte de la forme véritable des Cinq Pics » est une représentation symbolique des Cinq Pics sacrés du taoïsme. Il circule sous deux formes principales. La première est celle d’une carte géographique, que l’on trouve en plusieurs versions dans le Canon taoïste, Daozang 道藏. La seconde, qui ne se trouve pas dans le Canon taoïste, a été développée dans le style des miroirs de bronze gravés sous la dynastie des Tang (618-907). On l’observe aujourd’hui souvent sur des stèles. Les cinq symboles qui figurent sur ces représentations ne sont pas toujours identiques dans chaque cas. Outre sa terre chinoise d’origine, la forme véritable des Cinq Pics s’est répandue dans d’autres pays de l’Asie Orientale, au Japon et en Corée notamment. On peut déduire à partir des sources actuellement à notre disposition que les premiers Wuyue zhenxing tu sont arrivés au Japon dès l’époque Heian (794-1185) sous la première forme et que le document sous ses deux formes était présent dans le pays à l’époque d’Edo (1603-1868), bien que ce soit principalement sous la forme du style des miroirs de bronze des Tang 1. D’une manière générale, les personnes qui à l’époque d’Edo manifestaient de l’intérêt pour
l
1.
Note : les distinctions et les appellations de ces deux formes de Wuyue zhenxing tu ne sont pas fixées, chaque chercheur décide de son usage. Dans cet article, je les désigne ainsi en fonction de leurs caractéristiques.
10.1484/M.BEHE-EB.5.130238
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le taoïsme, et en particulier ses conceptions des lieux saints, appréciaient le Wuyue zhenxing tu tel qu’il était représenté en Chine à la même époque ; en effet leur conception du document provenait pour l’essentiel d’exemplaires sous la forme du style des miroirs de bronze des Tang, en tant que décoration ou que talisman. La façon dont le Wuyue zhenxing tu chinois est parvenu jusqu’au Japon, et la manière dont il y fut reproduit, gravé et publié, montrent l’une des voies par lesquelles le taoïsme se diffusait en Asie Orientale à l’époque moderne. Les compilateurs et les graveurs des textes taoïstes de l’époque d’Edo mériteraient que l’on s’y intéresse, surtout quand ces producteurs de savoir étaient eux-mêmes des croyants ou des pratiquants du taoïsme. Si l’on veut à partir du cas d’étude de la diffusion et de la transformation du Wuyue zhenxing tu en Asie Orientale comprendre l’histoire de la propagation de la culture taoïste à l’époque moderne, il faut en premier lieu commencer par classer la production écrite de tous les intellectuels de l’époque sur le sujet. Les éditions du Wuyue zhenxing tu qui circulaient à l’époque d’Edo et divers essais à son sujet sont pour la plupart dispersés, ou non catalogués, aussi sont-elles souvent inconnues ou mal connues. Aussi le présent essai est-il davantage bibliographique qu’analytique et vise à poser les fondements d’une étude de la diffusion et de la réception de ces documents si importants pour la représentation des montagnes sacrées. Je vais tenter dans la limite de mes connaissances d’esquisser leur histoire, en espérant mettre en lumière une des traditions de la propagation de la culture taoïste en Asie orientale. Cet essai est organisé en deux parties : la première, après un bref aperçu de l’historiographie, rappelle l’histoire des différentes formes du Wuyue zhenxing tu en Chine, de son apparition au début de notre ère à l’époque prémoderne ; la seconde étudie leur diffusion au Japon.
L’historiographie du Wuyue zhenxing tu La signification de « la forme véritable des Cinq Pics » Concernant les sources canoniques et la transmission du Wuyue zhenxing tu, les savants du passé ont mené nombre d’études solides. En bref, Ogawa Takuji a d’abord, dès 1910, mis au jour l’origine du sens
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Les différentes versions du Wuyue zhenxing tu
géographique du Wuyue zhenxing tu 2. Inoue Ichii a apporté des éléments plus complets à la discussion sur le sens de ce document 3. À partir de l’Histoire intime de l’Empereur Wu des Han (Han Wudi neizhuan 漢武帝內傳) et d’autres écrits indissociables du Wuyue zhenxing tu, Kominami Ichiro a exploré différents sujets comme les généalogies des branches du taoïsme, ou encore la pensée géographique du territoire chinois comme « continent divin » 神州 4. Yamada Toshiaki a analysé le lien entre le Wuyue zhenxing tu et les talismans du Lingbao 靈寶符 5. Li Fengmao 李豐楙 a mené une recherche approfondie sur la façon dont la tradition des textes canoniques des Trois grottes (Sandongjing 三洞 經) a intégré le Wuyue zhenxing tu à sa doctrine 6. Kristofer Schipper a analysé la transmission du Wuyue zhenxing tu telle qu’elle est présentée dans des textes comme l’Histoire intime de l’Empereur Wu des Han et le Livre du Maître qui embrasse la simplicité (Baopuzi 抱樸子). Il a mis en lumière l’impact culturel de ces illustrations du Wuyue zhenxing tu aussi bien sur le taoïsme que sur l’art, puisqu’il estime que la pensée taoïste fut très tôt intégrée dans la conception de la peinture chinoise de paysages 7. Susan Huang est également partie du point de vue de la pein2.
3.
4. 5. 6. 7.
Ogawa Takuji 小川琢治, « Kinsei seiyokotu izen no shina chizu ni tsuite 近 世西洋交通以前の支那地圖に就いて », Chigaku zasshi 地學雜誌 258 (1910), p. 407-418, repris dans Shina chiri rekishi kenkyū shoshu 支那地理歷史研究・ 初集, Kyoto, Kobundo shobo, 1928, p. 32-40. Inoue Ichii 井上以智為, « Gogaku shinkeizu ni tsuite 五嶽眞形圖に就いて », dans Haneda Toru 羽田亨, dir., Naito Konan hakase kanreki shukuga shinagaku ronso 内藤博士還暦祝賀支那學論叢, Kyoto, Kobundo shobo, 1926, p. 43-91. Parmi les travaux ultérieurs, notons Cao Wanru 曹婉如, Zheng Xihuang 鄭錫 煌, « Shilun daojiao de Wuyue zhenxing tu » 試論道教的五嶽真形圖, Ziran kexueshi yanjiu 自然科學史研究 6.1 (1987), p. 52-57 ; Judith M. Boltz, « Wuyue zhenxing tu 五嶽真形圖 », The Encyclopedia of Taoism, Fabrizio Pregadio, dir., Londres, Routledge, 2008, p. 1075-1078. Kominami Ichiro 小南一郎, Chūgoku no shinwa to monogatari : koshōsetsushi no tenkai 中國の神話と物語り:古小説史の展開, Tokyo, Iwanami shoten, 1984, p. 330-364. Yamada Toshiaki 山田利明, « Futatsu no shinfu reihogohu to Gogaku shinkeizu 2つの神符-「靈宝五符」と「五嶽眞形圖」 », Tōyō daigaku tōyōgaku ronsō 東洋大學東洋學論叢 12 (1987), p. 147-165. Li Fengmao 李豐楙, You yu you – Liuchao Sui Tang youxianshi lunji 憂與遊- 六朝隋唐遊仙詩論集, Taipei, Xuesheng shuju, 1996, p. 21-122. Kristofer M. Schipper, L’empereur Wou des Han dans la légende taoïste, Paris, École française d’Extrême-Orient, 1965, p. 32-33 ; Kristofer Schipper, « The True Form: Reflections on the Liturgical Basis of Taoist Art », Sanjiao Wenxian : Matériaux pour l’étude de la religion chinoise 4 (2005), p. 91-113 ;
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ture chinoise de paysages pour développer son analyse sur les représentations géographiques 8 ; tout comme Shi Shouqian 石守謙 l’exprimait avec clarté, il existe entre les peintures de l’époque des Ming et les représentations symboliques taoïstes une relation indubitable 9. De mon côté, j’analyserai les sources relatives au Wuyue zhenxing tu composées et publiées à l’époque moderne, ce qui permettra d’explorer plus avant la riche signification culturelle du Wuyue zhenxing tu et des conceptions de la montagne sainte qu’il sous-tend. Les plus anciennes mentions du Wuyue zhenxing tu sont sans doute dans le Livre du Maître qui embrasse la Simplicité de Ge Hong 葛洪 (284-343) et dans l’Histoire intime de l’Empereur Wu des Han, un petit peu plus tardif 10. On trouve dans le premier de ces deux ouvrages des passages sur l’importance du Wuyue zhenxing tu qui insistaient dans le même temps sur la nature ésotérique de la transmission de la carte, puisque seule une personne prédisposée à devenir immortelle peut la recevoir 古人仙官至人尊秘此道,非有仙名者不可授也 11. Le même passage met en parallèle la fonction des Écrits des Trois Empereurs (Sanhuang wen 三皇文) et celle du Wuyue zhenxing tu. Puis, le chapitre sur les « escalades et excursions » (« Dengshe 登涉 ») du même livre parle des méthodes rituelles pour entrer en montagne, indispensables pour ne pas y rencontrer des malheurs. La meilleure est de porter sur soi les Écrits des Trois Empereurs et le Wuyue zhenxing tu, ce qui permet d’éloigner les esprits malfaisants et de convoquer Kristofer Schipper, Michel Soymié, trad., « Gogaku shinkeizu no shinkō 五嶽 眞形圖の信仰 », dans Yoshioka Yoshitoyo 吉岡義豐, dir., Dōkyō kenkyū 道教 研究, Tokyo, Shoshinsha, 1967, vol. 2, p. 114-162. 8. Huang Shishan 黃士珊, « Xiezhen shan zhi xing : cong shanshuitu, shanshuihua tan daojiao shanshuiguan zhi shejue xingsu 寫真山之形:從「山水圖」, 「山 水畫」談道教山水觀之視覺型塑 », Gugong xueshu jikan 故宮學術季刊 31.4 (2014), p. 121-204 ; Shih-Shan Susan Huang, Picturing the True Form. Daoist Visual Culture in Traditional China, Cambridge (Mass.), Harvard University Asia Center, 2015, p. 165-177. 9. Shi Shouqian 石守謙, « Shenhuan bianhua : you Fujian huajia Chen Zihe kan Mingdai daojiao shuimohua zhi fazhan 神幻變化:由福建畫家陳子和看明代 道教水墨畫之發展 », Guoli Taiwan daxue meishushi yanjiu jikan 國立臺灣大 學美術史研究集刊 1995.2, p. 47-74 ; Shi Shouqian 石守謙, Cong fengge dao huayi : fansi Zhongguo meishushi 從風格到畫意:反思中國美術史, Taipei, Shitou, 2010, p. 29, 155-166, 329-350. 10. Han Wudi neizhuan 漢武帝内傳, dans Yan Yiping 嚴一萍, dir., Baibu congshu jicheng 百部叢書集成, vol. 52, « jiaokanji 校勘記 », 1b. 11. Baopuzi neipian 抱朴子內篇, Daozang no 1185, 19.12a.
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Les différentes versions du Wuyue zhenxing tu
les dieux du lieu 上士入山,持三皇內文及五嶽真形圖,所在召山 神,及按鬼錄,召州社及山卿宅尉問之,則木石之怪,山川之精,不 敢來試人 12. Cela explique que le Wuyue zhenxing tu servait comme une amulette de protection personnelle. Un passage célèbre de l’Histoire intime de l’Empereur Wu des Han relate comment la Reine Mère de l’Ouest (Xiwangmu 西王母) et la Dame de l’Origine Supérieure (Shangyuan furen 上元夫人) transmettent le Wuyue zhenxing tu à l’Empereur Wu 13. La conception et la structure du Wuyue zhenxing tu que les œuvres citées ci-dessus nous ont communiquées furent héritées par les générations suivantes. Comme le dit la préface attribuée à Dongfang Shuo 東方朔 pour l’Édition ancienne du Wuyue zhenxing tu de la Grotte du Mystère du Lingbao avec la préface (Dongxuan Lingbao Wuyue guben zhenxing tu bing xu 洞玄靈寶五嶽古本真形圖並序) : « La forme véritable des Cinq Pics est la représentation des montagnes et des eaux » et ajoute « On nomme les montagnes selon leurs formes » 14. On comprend ainsi que la forme véritable des Cinq Pics consiste à rendre compte des caractéristiques spirituelles des montagnes et des eaux en dessinant leur véritable forme. De manière plus concrète, Isabelle Robinet expliquait que ce que l’on nomme la « carte de la forme véritable » (zhenxing tu 真形圖) est un symbole spirituel 15 et Kristofer Schipper estimait que la « forme véritable » est la forme perçue à travers les yeux des divinités, autrement dit, la « forme véritable » représente les esprits internes des paysages naturels 16 ; ceux-ci possèdent une identité et une intériorité comme les statues bouddhiques et taoïstes 17.
12. Baopuzi neipian, 2.7a. 13. Han Wudi neizhuan, 10b-11b. Le récit de l’initiation par Xiwangmu se retrouve dans d’autres sources, comme le Bowuzhi 博物志 ou le Hanwu gushi 漢武故事, mais elles ne mentionnent pas le Wuyue zhenxing tu. 14. Dongxuan Lingbao Wuyue guben zhenxing tu bing xu 洞玄靈寶五嶽古本真形 圖並序, Daozang no 441, 1a. 15. Isabelle Robinet, Taoist Meditation: The Mao-Shan Tradition of Great Purity, Julian F. Pas and Norman J. Girardot, trad., Albany, State University of New York Press, 1993. 16. Schipper, « The True Form », p. 103. 17. Inoue Ichii, « Gogaku shinkeizu ni tsuite ».
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À cette conception de la forme interne des lieux saints s’ajoute la vénération des Cinq Pics élaborée à partir d’un passage dans le chapitre de « l’Institution royale » (« Wangzhi 王制 ») du Livre des Rites (Liji 禮記) : L’empereur (a seul le droit) de sacrifier aux montagnes célèbres et aux grands fleuves (de l’empire). À l’égard des cinq plus hautes montagnes (les Cinq Pics) il observe le même cérémonial qu’à l’égard des trois premiers ministres ; pour les quatre grands fleuves c’est le même cérémonial que pour les nobles. Les seigneurs ne sacrifient qu’aux montagnes de renom et aux grandes rivières de leur territoire. 天子祭天下名山大川,五嶽視三公,四瀆視諸侯。諸侯祭名 山大川之在其地者 18。
La codification des sacrifices aux Cinq Pics fut précisée par le chapitre du « Traité sur les Sacrifices » (« Jiaosi zhi 郊祀志 ») du Livre des Han (Hanzhu 漢書) 19. Notre carte, porteuse de toutes ces significations, fut ensuite incorporée au taoïsme et aux croyances et coutumes populaires, qui circulent continuellement. Dans le système chinois des talismans et symboles religieux, il occupe une place importante. En ce qui concerne la pensée taoïste, le Wuyue zhenxing tu a toujours eu une signification très importante dans les rites d’initiation, que ce soit dans la tradition des cultes des divinités, basée sur les Écrits des Trois Empereurs, ou dans la tradition du Maître céleste ancienne, ou encore dans celle du système des Trois grottes formée à l’époque des Six Dynasties. Les deux formes du Wuyue zhenxing tu Ce que l’on nomme de nos jours le Wuyue zhenxing tu se présente en réalité sous deux formes différentes : la première se matérialise sous forme d’une carte géographique, la deuxième sous forme du style des miroirs de bronze des Tang. Afin de développer notre analyse, nous allons d’abord voir brièvement ce qui distingue les deux formes du Wuyue zhenxing tu. 18. Liji, dans Ruan Yuan 阮元, Chongkan Songben shisanjing zhushufu jiaokenji 重刊宋本十三經注疏附校勘記, édition de 1815, reprint Taipei, Yiwen yinshuguan, 1965, p. 242. 19. Hanshu 漢書, Beijing, Zhonghua shuju, 1962, p. 1249.
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La première forme du Wuyue zhenxing tu est une sorte de carte taoïste, qui s’apparente à ce que l’on connaît aujourd’hui sous la forme des cartes d’isolignes ; elle était destinée à tous les taoïstes qui avaient le désir de faire une retraite dans des montagnes. Cette carte dans le même temps représentait sous leur « forme véritable » les positions géographiques au nord, au sud, à l’est et à l’ouest et développait une vision taoïste du monde spirituel, tout en ayant les caractéristiques d’une véritable carte géographique. Ce type d’image se retrouve principalement dans les textes du Canon taoïste compilé sous la dynastie des Ming ; on peut en tout distinguer quatre groupes d’images. Parmi eux, l’Édition ancienne du Wuyue zhenxing tu de la Grotte du Mystère du Lingbao avec la préface intégrée dans le Canon, constitue la plus ancienne source sur le Wuyue zhenxing tu à ce jour ; on y retrouve deux formes d’image sous les noms de « l’édition ancienne du Wuyue zhenxing tu du Lingbao » (Lingbao wuyue guben zhenxing tu 靈寶 五嶽古本真形圖) et du « Wuyue zhenxing tu de la Grotte du Mystère du Lingbao » (Dongyuan Lingbao wuyue zhenxing tu 洞元靈寶 五嶽真形圖) 20. Le troisième groupe d’images se trouve dans le chapitre du « Wuyue zhenxing tu » du juan 17 de la Grande liturgie du Lingbao (Shangqing Lingbao dafa 上清靈寶大法) de Wang Qizhen 王契真 (xiie siècle), il s’agit du « Wuyue zhenxing tu inférieur » 21. Le quatrième groupe apparaît dans le juan 21 de la Grande liturgie du Lingbao du texte incommensurable pour sauver les hommes (Lingbao wuliang duren shangjing dafa 靈寶無量度人上經大法) où l’on peut apercevoir un « Wuyue zhenxing tu du Lingbao » 22. En outre, divers commentaires éclairent l’histoire de la carte, dont le Commentaire sur la préface de la forme véritable des Cinq Pics (Wuyue zhenxing xu lun 五嶽真形序論), le premier chapitre de la Brève exposition sur la transmission des écritures, préceptes et registres des Trois grottes (Chuanshou Sandong jingjie falu lüeshuo 傳授三洞經戒法籙略 說), la Préface du Wuyue zhenxing tu citée dans le juan 79 des Sept tablettes dans la bibliothèque nuageuse (Yunji qiqian 雲笈七籤), la Méthode du Wuyue zhenxing tu avec sa préface (Wuyue zhenxing tu fa
20. Dongxuan Lingbao Wuyue guben zhenxing tu bing xu, 8a-21b. 21. « Xia Wuyue zhenxing 下五嶽真形 », Shangqing lingbao dafa 上清靈寶大法 (Wang Qizhen 王契真, dir.), Daozang no 1221, 17.14a-17b. 22. Lingbao wuliang duren shangjing dafa 靈寶無量度人上經大法, Daozang no 219, 21.13a-18b.
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bing xu 五嶽真形圖法並序) et la Note de la carte des divinités relatives à la véritable forme des Cinq Pics (Wuyue zhenxing shenxian tu ji 五嶽真形神仙圖記) 23.
Figure 1. Les cartes des Cinq Pics dans le Dongxuan Lingbao Wuyue guben zhenxing tu bing xu 洞玄靈寶五嶽古本真形圖並序, Daozang no 441.
Généralement, au-dessus de la Carte de la forme véritable (des Cinq Pics) se trouve un « texte de la forme véritable des Cinq Pics » qui se décompose en cinq talismans : au-dessus de chaque image sous forme de carte d’isolignes se trouve un talisman indiquant la direction. Parmi les textes classiques du taoïsme que nous avons cités plus haut et qui mentionnent le Wuyue zhenxing tu, seul le « Wuyue zhenxing tu inférieur » du chapitre du juan 17 de la Grande liturgie du Lingbao ne s’accompagne pas de « texte de la forme véritable des Cinq Pics », ni de talismans indiquant les directions 24.
23. « Wuyue zhenxing xulun 五嶽真形序論 », Chuanshou Sandong jingjie falu lüeshuo 傳授三洞經戒法籙略說, Daozang no 1241, 1.1a-20b ; Yunji qiqian 雲 笈七籤, Daozang no 1032, 79.1-19. 24. « Shang Wuyue zhenxing 上五嶽真形 », Shangqing lingbao dafa, 17.13a-14a.
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La deuxième forme de Wuyue zhenxing tu ne figure pas dans le Canon taoïste et, bien que son origine ait suscité de nombreux débats, on peut estimer qu’elle s’est développée à partir du style des miroirs des Tang. Cette forme était souvent gravée sur des stèles érigées sur les Cinq Pics ou dans les temples locaux ; et on peut souvent l’apercevoir sur des objets comme des miroirs des Tang et des bâtons d’encre, circulant largement dans la société 25. Sur les cartes de cette forme, les orientations des images indiquant les directions n’apparaissent pas toujours de manière identique. L’origine de cette forme est liée à la technique de production de miroirs de bronze des taoïstes sous la dynastie des Tang. Depuis les Han et l’époque médiévale, cette iconographie ne se limite pas uniquement au taoïsme ; elle fut employée par les cours impériales jusqu’à la dynastie des Qing. La plus ancienne trace écrite de ce groupe d’images s’observe à présent dans le Répertoire des antiquités de l’ère Xuanhe (1119-1125) (Xuanhe bogu tu 宣和博古圖). Dans la rubrique des objets relatifs aux phénomènes astrologiques (« Qianxiang men 乾象門 »), sous la section « les deux objets des Tang » (« Tang erqi 唐二器 »), se trouve une notice sur « le miroir de la forme véritable des Cinq Pics » (Wuyue zhenxing jian 五嶽真形鑑) sans inscription 26. Le Répertoire des antiquités de l’ère Xuanhe introduit ces objets en indiquant que la tradition de fondre des « objets divins », shenwu 神物, répliquant la structure du cosmos, remonte au mythique Empereur Jaune et énumère divers motifs, dont la véritable forme des Cinq Pics 27. Cette tradition de miroirs de bronze faisait appel à de nombreuses références, dont les mouvements cosmiques et la conception géographique de l’univers, et on peut remarquer que certaines divinités représentées dans le cosmos y prennent des formes topologiques. Ainsi leur fabrication était un processus de figuration de la nature et du cosmos. Les miroirs pouvaient donc naturellement être en communication avec des divinités et des esprits. De plus, les cinq images du Wuyue zhenxing tu peuvent être désignées comme la représentation des montagnes dans les Cinq directions ; ce discours et cette tradition correspondent aux explications portées sur les Wuyue zhenxing tu produits 25. Zhang Xunliao 張勛燎, Bai Bin 白彬, Zhongguo daojiao kaogu 中國道教考古, Beijing, Xianzhuang shuju, 2006, vol. 6, p. 1751-1833. 26. Chongxiu Xuanhe bogulu 重修宣和博古圖, Wang Fu 王黼 (?-1126), édition Siku quanshu, 28.2a ; l’image se trouve p. 28.21b. 27. « Jian zongshuo 鑑總說 », ibid.
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Figure 2. « Tang Wuyue zhenxing tu jian 唐五嶽真形圖鑑 », Xuanhe bogu tu 宣和博古圖
aux époques postérieures dans le style des miroirs des Tang. Je voudrais souligner le fait que ce groupe de la forme véritable des Cinq Pics n’était alors pas encore dénommé comme étant une « carte » (tu), ni par les textes, ni par les titres des illustrations. Parmi les miroirs de la forme véritable des Cinq Pics des Tang qui nous sont parvenus, on en trouve quatre dans la collection de la Cité interdite de Pékin, dont deux ont été clairement identifiés comme « miroir des Cinq Pics » (Wuyue jing 五嶽鏡) 28 et « miroir des huit diagrammes représentant le soleil, la lune, les étoiles, les Cinq Pics et les huit Trigrammes » (Ri yue xingchen wuyue bagua jing 日月星辰五 嶽八卦鏡) 29, ainsi qu’un autre, semblable aux miroirs des Tang, possédé par Umehara Sueji (archéologue japonais spécialiste des bronzes chinois, 1893-1983), où le dessin des montagnes est semblable à celui des miroirs des Tang 30. Aux époques ultérieures, notamment sous les Ming, divers types de miroirs de la forme véritable des Cinq Pics circulèrent, dont les motifs 28. Guo Yuhai 郭玉海, dir., Gugong zang jing 故宮藏鏡, Beijing, Zijincheng chubanshe, 1996, p. 116. 29. Ibid., p. 121. 30. Umehara Sueji 梅原末治, dir., Nihon shūcho Shina kodō seika 日本蒐儲支那 古銅精華, Osaka, Yamanaka shokai, 1959.12-1964.4, vol. 5, fig. 146 ; Umehara Sueji, dir., Nihon shūcho Shina kodō seika 日本蒐儲支那古銅精華, Osaka, Yamanaka shokai, 1959.12-1964.4.
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sont souvent très simples. On peut prendre l’exemple des images du Wuyue zhenxing tu dans l’ouvrage des Huit traités sur le respect de la vie (Zunsheng bajian 遵生八牋) datant de l’ère Wanli (1573-1620) 31 ; ces images figurent sur divers objets. Ici je souhaite soulever deux éléments dignes d’attention. En premier lieu, la tablette d’encre représentant le Wuyue zhenxing tu de l’artiste Fang Yulu 方于魯 (1570-1619) datée de 1602 et conservée dans l’actuel Musée national du Palais de Taipei donne une représentation du Wuyue zhenxing tu identique à celle que l’on retrouve dans l’ouvrage massivement diffusé du Catalogue des encres chinoises de Mr. Cheng (Chengshi moyuan 程氏墨苑) 32. Il est donc avéré que le Wuyue zhenxing tu de ces catalogues était une image employée dans la vie courante. De plus, le Musée de la Cité interdite de Pékin possède dans ses collections deux miroirs gravés de la forme véritable des Cinq Pics datant de la dynastie des Qing, réalisés sous les règnes de deux empereurs différents. Ces deux objets, nommés « miroir des huit diagrammes et des Cinq Pics de l’ère Kangxi » 33 et « miroir de la forme véritable des Cinq Pics de l’ère Qianlong » 34, font apparaître clairement que le Wuyue zhenxing tu était employé à la Cour Impériale. On peut aussi apercevoir ce fameux motif sur de nombreuses stèles dans les temples des monts sacrés. D’après les sources de différentes localités que j’ai vues, la plupart de ces stèles datent d’après l’ère Wanli, parmi lesquelles une qui retient particulièrement notre attention est datée de 1612, sous forme d’un estampage rouge. Il est dommage que cette œuvre ait été endommagée en de nombreux endroits, ce qui demande un examen de près pour discerner des détails 35. Pour en revenir aux textes classiques, nombreux sont les savants qui ont déjà remarqué le lien entre le développement de l’iconographie du Wuyue zhenxing tu du style des miroirs de bronze des Tang et celui des Écrits des Trois Empereurs, étudiés souvent avec un autre ouvrage, les Secrets transmis des textes internes des Trois Empereurs 31. Gao Lian 高濂, Zunsheng bajian 遵生八牋, édition Siku quanshu, 8.42b-43b. 32. Chengshi moyuan 程氏墨苑, édition dans les collections de l’Université Waseda, juan 3. 33. Guo Yuhai, Gugong zang jing, p. 185. 34. Ibid., p. 195. 35. Ce document est conservé dans la section des livres anciens de l’Ile de Gushan 孤山 de la Bibliothèque du Zhejiang. J’exprime ici ma reconnaissance sincère à Tong Shengjiang 童聖江, responsable de la section des livres anciens de la Bibliothèque du Zhejiang et de Pang Xiaomin 龐曉敏, directeur de la Bibliothèque de Xiaoshan de la ville de Hangzhou, qui m’ont permis de le voir.
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(Sanhuang neiwen yimi 三皇內文遺秘). Les circonstances de la rédaction de ce dernier appellent encore des clarifications 36, pour autant il comprend un ensemble remarquable de « talismans de la forme véritable des Cinq Pics » 37, dont la représentation présente des points communs avec celle du style des miroirs de bronze des Tang.
Figure 3. « Wuyue zhenxing tu », Sanhuang neiwen yimi 三皇內文遺秘, Daozang no 856, 11b-13b.
36. La datation du Sanhuang neiwen yimi est particulièrement complexe : voir Zhang Xunliao, Bai Bin, Zhongguo daojiao kaogu, vol. 6, p. 1805 ; Fukui Kojun 福井康順, Dōkyō no kisoteki kenkyū 道教の基礎的研究, Tokyo, Shoseki bunka ryutukai, 1952, p. 170-172 ; Ōfuchi Ninji 大淵忍爾, « Sankobun yori Doshinkyō e 三皇文より洞神經へ » et « Ho Sei den 鮑靚傳 », Dōkyō to sono kyōten 道教とその經典, Tokyo, Sobunsha, 1997, p. 171-178 et 117-135. Pour une analyse d’ensemble de la tradition Sanhuang, voir Yamada Shun 山田俊, Doshinkyō no kisoteki kenkyū 「洞神經」の基礎的研究, Kumamoto, Kumamoto kenritsu daigaku, 2009 ; Dominic Steavu, The Writ of the Three Sovereigns: From Local Lore to Institutional Daoism, Hong Kong, The Centre for Studies of Daoist Culture, The Chinese University of Hong Kong, The Chinese University Press ; Honolulu, University of Hawaiʻi Press, 2019. 37. Sanhuang neiwen yimi 三皇內文遺秘, Daozang no 856, 1-12 ; le Wuyue zhenxing fu 五嶽真形符 se trouve p. 10-12.
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Dans la Grande liturgie du Lingbao de Wang Qizhen, un ouvrage d’une importance cruciale pour la codification du rituel taoïste à partir de la dynastie des Song, on retrouve le chapitre du « Wuyue zhenxing tu » ( juan 17), décliné entre une version « supérieure » et l’autre « inférieure » ; la seconde est basée sur le Wuyue zhenxing tu qui représente la topographie des montagnes sous forme d’une carte d’isolignes, tandis que la première peut être rapprochée de celle du Wuyue zhenxing tu du style des miroirs des Tang 38. Comment les deux formes du Wuyue zhenxing tu se confondirent en une seule et même image ; et quelle est la chronologie de la transmission cette image ? Ce sont là autant d’interrogations importantes pour les recherches à venir 39.
Figure 4. « Shang Wuyue zhenxing tu 上五嶽真形 », Shangqing lingbao dafa 上清靈寶大法 (Wang Qizhen 王契真, éd.), Daozang no 1221, 17.13a-14a.
38. Shangqing lingbao dafa, 17.13-19. 39. Voir aussi les analyses de Jiang Sheng dans Jiang Sheng 姜生, Tang Weixia 湯偉俠, dir., Zhongguo daojiao kexue jishu shi : Nanbeichao Sui Tang juan 中國道教科學技術史:南北朝隋唐五代卷, Beijing, Kexue chubanshe, 2002, p. 918-920.
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Figure 5. « Xia Wuyue zhenxing tu 下五嶽真形 », Shangqing lingbao dafa 上清靈寶大法 (Wang Qizhen 王契真, éd.), Daozang no 1221, 17.14a-17b.
Le Wuyue zhenxing tu de l’époque Heian, la trace la plus ancienne de l’entrée du document au Japon
L’ouvrage de Fujiwara no Sukeyo 藤原佐世 (847-898), le Catalogue des ouvrages trouvés actuellement au Japon (Nihon-koku genzai shomokuroku 日本國見在書目錄), compilé la troisième année de l’ère Kanpyo (891), a consigné l’ensemble des ouvrages arrivés au Japon depuis la Chine sous l’ère Heian. Le département des Archives et Mausolées de l’Agence de la Maison Impériale Japonaise conserve un ouvrage édité par le temple du Murō-ji, le Trente-six, les cinq éléments 三十六 五行, lequel inclut « une Représentation des signes auspicieux en 15 juan et une Carte des Pics en 1 juan » 瑞應圖十五, 岳圖一 40. Mais, on sait par ailleurs que le Ruiyingtu 瑞應圖 comprenait 10 juan, 40. Fujiwara no Sukeyo 藤原佐世, Nihongoku genzai shomokuroku Kunaicho shoryobu shozo muroujibon 日本國見在書目錄 – 宮内廳書陵部所藏室生寺 本, Tokyo, Meicho kankokai, 1996 ; Yamada Toshiaki 山田利明, « Futatsu no shinfu reihogohu », p. 162-163.
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Figure 6. Mention de la carte des Cinq Pics dans le Nihon-koku genzai shomokuroku 日本國見在書目錄.
et il faut donc lire « Ruiyingtu en 10 juan et Wuyuetu en un chapitre » 瑞應圖十, 五岳圖一. On peut donc affirmer avec certitude que l’arrivée au Japon du Wuyue zhenxing tu a bien eu lieu durant la période Heian ; à en croire le lettré Tomioka Kenzo 富岡謙藏 (1873-1937), ce serait un Wuyue zhenxing tu sous forme d’une carte 41. La bibliothèque municipale Iwase bunko 岩瀬文庫 de la ville de Nishioshi 西尾市 conserve actuellement un rouleau du Wuyue zhenxing tu sous forme d’une carte (désormais « l’édition d’Iwase »). Il est titré en haut du document « le Wuyue zhenxing tu du Lingbao » (Lingbao wuyue zhenxing tu 靈寶五嶽真形圖), et selon la notice de la bibliothèque, ce document fut publié vers la fin de la période moderne. Il n’y a ni préface, ni postface. À la fin du document est marqué : « les planches gravées sont conservées à la maison Fameng » 發蒙堂藏版 avec une marque d’un sceau carré vermeil qui dit « Ji Zaitian, maître de géomancie » 陰陽生箕在田 ; les traces de dommages causés par les mites ont été soigneusement décrites. Selon la description de Ogawa Takuji 41. Ogawa Takuji 小川琢治, Shina chiri rekishi kenkyū shoshu 支那地理歷史研 究・初集, Kyoto, Kobundo shobo, 1928, p. 37.
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sur l’édition conservée par le peintre Tomioka Tessai 富岡鐵齋 (18371924) de Kyoto, les contenus des deux éditions relèvent d’un même modèle, bien que l’édition de Tomioka Tessai présente au moins deux couleurs : rouge et noir 42. Il existe autrement une édition polychrome du « Wuyue zhenxing tu du Lingbao », telle qu’elle fut décrite par Jiang Sheng 姜生, conservée au Musée national de l’histoire et du folklore ; il semblerait que ce soit Hirata Atsutane 平田篤胤 (1776-1843) qui ait autrefois fait l’acquisition de ce document 43, mais je ne l’ai pas vu. Cette image provient du système de « l’édition ancienne du Wuyue zhenxing tu du Lingbao » de l’Édition ancienne du Wuyue zhenxing tu de la Grotte du Mystère du Lingbao avec sa préface 44. La carte de la forme véritable des Pics de l’édition d’Iwase est semblable à « l’édition ancienne ». En termes de contenu, la première ne contient pas le texte (le talisman) de la forme véritable des Cinq Pics, mais le « Talisman de longévité du Seigneur Suprême des trois cieux » (Santian taishang changsheng fu 三天太上長生符) ; les images présentes sur le talisman sont identiques, bien qu’il n’y ait pas de texte d’explication. Le « Talisman de longévité du Seigneur Suprême des trois cieux » de « l’édition ancienne du Wuyue zhenxing tu du Lingbao » contient un texte repris dans l’édition d’Iwase avec trois caractères variants. Les légendes devant les images des Cinq Pics de l’édition d’Iwase présentent aussi quelques différences avec celles de « l’édition ancienne du Wuyue zhenxing tu du Lingbao » qui indiquent : « Carte de la forme véritable du Mont Tai, Pic de l’Est » (Dongyue Taishan zhenxing tu 東嶽泰山真形圖), « Carte de la forme véritable du Mont Heng, Pic du Sud » (Nanyue Hengshan zhenxing tu 南 嶽衡山真形圖), « Carte de la forme véritable du Mont Song, Pic du Centre » (Zhongyue Songshan zhenxing tu 中嶽嵩山真形圖), « Carte de la forme véritable du Mont Hua, Pic de l’Ouest » (Xiyue Huashan zhenxing tu 西嶽華山真形圖), « Carte de la forme véritable du Mont Chang, Pic du Nord » (Beiyue Changshan zhenxing tu 北嶽常山真 形圖). L’édition d’Iwase présente quant à elle « Forme véritable du Pic de L’Est », etc. En outre, il n’existe pas derrière chaque image des Cinq Pics d’explications sur leur forme (yueshi 嶽式). Sur l’image, les
42. Ogawa Takuji, Shina chiri rekishi kenkyū shoshu, p. 32-40 ; voir aussi Kominami Ichiro, Chūgoku no shinwa to monogatari, p. 330-364. 43. Jiang Sheng, Tang Weixia, dir., Zhongguo daojiao kexue jishu shi, p. 921. 44. Dongxuan Lingbao Wuyue guben zhenxing tu bing xu, 6a-12a.
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traits du pinceau sont sensiblement plus nets et simplifiés. Pour finir, le texte s’est réduit, tandis que les images sont restées semblables : on peut nommer cette édition la version simplifiée de « l’édition ancienne du Wuyue zhenxing tu du Lingbao ». Outre ces témoins de la forme cartographique du Wuyue zhenxing tu au Japon, cependant, ce qui subsiste dans ce pays actuellement est essentiellement des Wuyue zhenxing tu tels qu’on pouvait les observer sur les miroirs de bronze des Tang, non seulement dans des productions écrites, mais également sur des amulettes personnelles, des meubles, et d’autres objets encore.
Les éditions japonaises du Wuyue zhenxing tu à l’époque d’Edo Parmi les écrits importants sur le Wuyue zhenxing tu au Japon, on trouve la Monographie du Wuyue zhenxing tu (Gogaku shinkeizu den 五嶽眞形圖傳) d’Oe Bunpa 大江文坡 (1725-1790), le Recueil des Wuyue zhenxing tu (Wuyue zhenxing tu ji 五嶽眞形圖集) de Yokoyama Jun 橫山潤 (1747-1799), le Propos sur le Wuyue zhenxing tu (Wuyue zhenxing tu shuo 五嶽眞形圖說) et les Remarques supplémentaires sur les Cinq Pics, piliers portant le Ciel (Tianzhu wuyue yulun 天柱五嶽餘論) de Hirata Atsutane. Ces trois intellectuels de l’époque Edo étaient des érudits passionnés par l’histoire de notre carte 45. Les recherches sur leur intérêt pour le taoïsme sont abondantes mais leurs écrits sur le Wuyue zhenxing tu, encore peu étudiés, peuvent nous permettre de mieux comprendre l’impact des conceptions taoïstes des montagnes saintes dans le Japon moderne. Parmi les documents concernant le Wuyue zhenxing tu qui circulent au Japon, le plus ancien et complet à notre disposition à l’heure actuelle est la Monographie d’Oe Bunpa, qui porte le sous-titre Monographie du Wuyue zhenxing tu selon le Canon taoïste (Daozangjing wuyue zhenxing tu zhuan / Dozokyō gogaku shinkeizu den 道蔵經 五嶽眞形圖傳), qui inclut une carte (figure 7). La Bibliothèque de la Diète Japonaise, le Centre international des études japonaises, la 45. Sakade Yoshinobu 坂出祥伸, Edoki no dōkyō suhaishatachi : Taniguchi Ichiun, Oe Bunpa, Oga Tsuramichi, Nakayama Josan, Hirata Atsutane 江戸期 の道教崇拝者たち:谷口一雲・大江文坡・大神貫道・中山城山・平田篤胤, Tokyo, Kyuko shoin, 2015, p. 181-205.
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bibliothèque de l’Université de Kyoto, la Bibliothèque et les archives de l’institut de Kyoto, le fonds d’archives sur l’histoire moderne de la Bibliothèque municipale de Kanazawa, le fonds de philosophie de la bibliothèque de l’Université Toyo et l’Université Shinshu, en possèdent tous un exemplaire.
Figure 7. Illustration du Dozokyō gogaku shinkeizu den 道蔵經五嶽眞形圖傳.
La préface d’Oe Bunpa montre que cet ouvrage fut publié la quatrième année de l’ère An’ei (1775). La maison d’édition a marqué sur sa couverture : « gravé et imprimé par la maison d’édition Parfumée de la capitale impériale » 皇都書林清馨堂梓, ainsi que la phrase suivante : « transmis secrètement par la Reine-mère dorée de l’Ouest de la Terrasse de tortue ; il est interdit de le reproduire » 西王龜臺金 母秘授不許飜刻. Oe insiste donc sur le fait que le document est un texte transmis par la Reine Mère de l’Ouest lors de sa descente en ce monde. L’ouvrage débute par une préface signée par Du Fangxi 杜方 熙, le vingt-huitième jour du deuxième mois de l’année guiyou de l’ère Chongzhen de la dynastie des Ming (1633) 46. On ne connaît pas l’identité de ce Du Fangxi, mais la signature est suivie d’une marque de sceau qui dit « Zhongxu 中績 », qui est peut-être son prénom social. Ce texte qui cite le Baopuzi puis relate le mythe de l’initiation de Han 46. Gogaku shinkeizu den 五嶽眞形圖傳, Oe Bunpa 大江文坡, préface 序, 1a-2a.
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Wudi par la Reine Mère de l’Ouest et dont le contenu a pour but d’expliquer les origines du Wuyue zhenxing tu est assez courant. Il apparaît souvent ensemble avec des Wuyue zhenxing tu du style des miroirs des Tang ; Du Fangxi n’en est peut-être pas le premier auteur. D’après le début du texte 47 ainsi que la préface, on peut savoir que les connaissances d’Oe Bunpa sur le Wuyue zhenxing tu provenaient principalement du Livre du Maître qui embrasse la simplicité. Deux points paraissent particulièrement intéressants. D’abord, l’ouvrage développe l’idée de la transposition des Cinq Pics sacrés au Japon, intitulée « les localisations des Cinq Pics au Japon avec la préface » 日本国の五岳方位并弁論. On y lit que, selon ce qui est rapporté dans le Manuscrit sur l’époque mythique des mémoires du Japon (Nihon ki jindai sho 日本 紀神代抄), les Cinq Pics Sacrés du Japon sont : le mont Kongoho 金 剛寶山 à Washu 和州, le mont Nyoi 如意寶山 à Joshu 城刕, le Mont Atago 愛宕山 également à Joshu, le Mont Hiei 比叡山 à Koshu 江州 et le mont Takachito 高千穂峯 à Hyuga 日向. Les Cinq Pics Sacrés de la Chine furent désignés par les souverains de la haute antiquité selon les orientations et les distances entre les monts, tandis qu’on ne sait quel souverain de quelle époque a décidé de désigner les Cinq Pics Sacrés du Japon. En outre, parmi ces Cinq Pics, les monts Kongoho, Nyoi, Atago et Hiei sont assez proches en termes de distance, dans les environs de Kyoto ; il n’y a que la montagne Takachito qui soit un peu plus éloignée. À partir de là on peut comprendre que la réception au Japon de la forme véritable des Cinq Pics ne provient pas uniquement de la géographie chinoise, mais implique aussi un processus d’appropriation locale de la forme véritable des Cinq Pics. Le Manuscrit sur l’époque mythique des mémoires du Japon est peutêtre la Copie manuscrite du chapitre sur l’époque mythique du Livre du Japon (Nihon shoki jindaikai sho 日本書紀神代卷抄). De même, à partir d’une comparaison du contenu des textes, le livre que cite Oe Bunpa devrait être celui écrit par Kiyohara Nobutaka 清原宣賢 (14751550) 48, dont le « Huitième Propos » relate la formation des Cinq Pics sacrés du Japon et donne les deux listes des Cinq Pics, celle de la Chine et celle du Japon.
47. Ibid., 1a. 48. Sur le texte de Kiyohara Nobutaka, voir Nihon shoki jindaikansho : Kanetomo
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Pour Kiyohara, les Cinq Pics sacrés du Japon furent créés par la divinité Izanagi 伊奘諾尊, qui a découpé le corps du dieu du feu en cinq parties. Ces dernières sont ensuite devenues les cinq divinités des montagnes, et enfin Izanagi en a fait les Cinq Pics sacrés du Japon 49. D’après ce texte, les divinités issues de la mythologie japonaise deviennent l’origine des Cinq Pics sacrés du Japon ; en outre, le texte montre la relation qui existe avec le dieu du feu. Il faudra à l’avenir étudier précisément le développement de la pensée autour des Cinq Pics dans le contexte de la mythologie japonaise médiévale. Ce texte liste les Cinq Pics sacrés de la Chine et du Japon pour mener une comparaison, ce qui permet de voir clairement que cette idée des Cinq Pics sacrés a une origine chinoise ; il est peu probable qu’au Japon ait initialement existé la notion de Cinq Pics sacrés. Ensuite, expliquons la gravure reproduite par Oe Bunpa dans son livre. La légende de la transmission du Wuyue zhenxing tu à l’empereur Wu des Han par la Reine-mère dorée de la Terrasse de tortue est accompagnée d’un dessin de la Reine-mère de l’Ouest, dont la version originale se trouve dans les Hagiographies complètes des immortels (Liexian quanzhuan 列仙全傳), une vaste anthologie compilée par Wang Shizhen 王世貞 (1526-1590). On peut remarquer que l’objet tenu dans la main de la Reine-mère de l’Ouest dessinée par Oe Bunpa se transforme en Wuyue zhenxing tu 50. Dans la bibliothèque publique de la Diète japonaise est conservé le Recueil des Wuyue zhenxing tu édité par Yokoyama Jun qui a collecté quatorze exemplaires différents. Cette collection fut à son tour une ressource importante pour les Propos sur le Wuyue zhenxing tu de Hirata Atsutane 51. En effet, les images du Propos proviennent en grande partie du Recueil. Le Propos s’achève par la phrase suivante : « le cinquième jour du cinquième mois de la dixième année de l’ère bon, Nobukata bon 日本書紀神代卷抄 : 兼倶本・宣賢本, Okada Shoji 岡田莊 司, dir., Tokyo, Zokugunsho ruiju kanseikai, 1984, p. 80-94. 49. Ibid., p. 334-343. 50. Gogaku shinkeizu den, 4a. 51. Sur les liens entre Hirata Atsutane et le taoïsme, voir Kusuyama Haruki 楠 山春樹, « Hirata Atsutane to dōkyō 平田篤胤と道教 », Dōka shiso to dōkyō 道家思想と道教, Tokyo, Kyuko shoin, 2009, p. 361-390 ; Mori Mizue 森瑞 枝, « Hirata Atsutane to Gogaku shinkeizu 平田篤胤と「五岳真形図」 », dans Saitō Ryūichi 斎藤竜一, Suzuki Takeo 鈴木健郎 et Tsuchiya Masaaki 土屋昌 明, dir., Dōkyō bijutsu no kanōsei 道教美術の可能性, Tokyo, Bensei shuppan, 2010, p. 204-216.
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Bunsei (1827), j’ai écrit ce brouillon après avoir observé un jeûne, puis j’ai demandé à mon fils Atsuma de le recopier au propre. 52 » Les exemplaires encore disponibles de nos jours se trouvent dans le fonds Motohi bunko à la bibliothèque de l’Université de Tokyo, et dans le fonds Miyake bunko à la bibliothèque de la préfecture de Nagasaki.
Figure 8. Reine-mère de l’Ouest dans le Dozokyō gogaku shinkeizu den 道蔵經五嶽眞形圖傳.
Le texte de Hirata Atsutane nous aide à comprendre l’évolution de l’iconographie taoïste après son introduction au Japon. Deux ans après la publication du Commentaire sur le Wuyue zhenxing tu, l’auteur a eu accès à ce document sous forme de carte géographique, et il a alors songé que c’était là le vrai Wuyue zhenxing tu, à la suite de quoi il écrivit les Remarques supplémentaires sur les Cinq Pics, piliers portant le Ciel dans lequel il ajoute des descriptions et des explications détaillées 53. Les exemplaires encore existants sont nombreux : il y a d’abord le manuscrit du fonds Hosa bunko, mais aussi le manuscrit 52. Gogaku shinkeizu setsu 五嶽眞真形圖說, Hirata Atsutane 平田篤胤, édition conservée au Shozō Motoori bunko de l’Université de Tokyo 東京大學藏本居 文, p. 36. 53. Tenchū gogaku yoron 天柱五嶽餘論, Hirata Atsutane 平田篤胤, édition
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de la famille Ukai à l’Institut National de la Littérature Japonaise, l’Université de Tokyo, le manuscrit du fonds de philosophie de l’Université Toyo, le fonds Kudo bunko de la bibliothèque de la préfecture d’Aomori – contenant des manuscrits de deux sortes, le manuscrit de la bibliothèque municipale de la ville de Sakai, le manuscrit du fonds Shintoku shoyin bunko 神德書院文庫 de la bibliothèque de l’organisation shintoïste Konkokyo, la bibliothèque municipale de Toyohashishi, le fonds Yano bunko de la bibliothèque municipale de la ville d’Ozu, et encore bien d’autres exemplaires ; autrement le fonds Yamada bunko de la bibliothèque municipale de Toyama possède également un vieux manuscrit conservé par Tomioka Hyakuren 富岡百 錬 qui porte le nom de la Recherche sur les Cinq Pics, piliers portant le Ciel (Tenkyū gogaku kō 天柱五嶽考). Nous pouvons nous appuyer sur ces ouvrages pour estimer la circulation des éditions du Wuyue zhenxing tu à cette époque. Tout d’abord la Monographie du Wuyue zhenxing tu dit que de nombreuses éditions ont été faites au cours des âges ; Oe Bunpa affirme qu’il circulait de nombreuses éditions fautives mais qu’il reproduit une édition chinoise ancienne, selon lui irréprochable 54. Pour sa part, Hirata Atsutane a dit dans son Propos : « Les Wuyue zhenxing tu mentionnés dans les ouvrages du pays de l’ouest (la Chine) présentent de grandes similitudes et de petites différences, on ne sait pas lequel est authentique. C’est la raison pour laquelle que je les ai recopiés tous, afin qu’on sache les différences et les similitudes. 55 » Le Recueil des Wuyue zhenxing tu de Yokoyama Jun avance une affirmation similaire 56. Nos trois auteurs érudits témoignent aussi des connaissances des hommes de l’époque Edo sur les deux versions du Wuyue zhenxing tu. Dans ses Remarques supplémentaires, Hirata Atsutane explique que les Wuyue zhenxing tu de style miroir Tang qu’il a pu voir sur les marchés l’ont laissé confus ; bien qu’ils comportaient la préface de Dongfang Shuo, ils ne portaient pas de « textes mystérieux » 奇妙 之文, les images n’avaient pas non plus de représentations des montagnes et des eaux, ni des formes « serpentines et tortueuses » 盤曲委 conservée au Ikujiro Ukai bunko 鵜飼文庫 de l’Institut National de Littérature Japonaise 國文學研究資料館, p. 1. 54. Gogaku shinkeizu den, s.p. 55. Gogaku shinkeizu setsu, 25b-26a. 56. Gogaku shinkeizu shū 五嶽眞真形圖集, Yokoyama Jun 橫山潤, couverture intérieure.
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蛇 57. Il dit ensuite que d’après les nombreux livres chinois qu’il a pu consulter, un bon nombre évoque le Wuyue zhenxing tu : le Sens large des Ordonnances calendaires (Yueling guangyi 月令廣義), la Compilation des livres et des tableaux (Tushu bian 圖書編), les Huit traités sur le respect de la vie, la Monographie du Pic du Mont Heng (Hengyue zhi 衡嶽志), le chapitre sur « les cartes au dos des miroirs » (鏡 背圖) du Catalogue des antiquités, etc. ; ensuite il a rassemblé vingt séries de Wuyue zhenxing tu extraites d’ouvrages comme le Catalogue des encres carrées (Fangmo pu 方墨譜), puis les a fait graver et publier sous le nom des Cartes rassemblées des Cinq Pics (Wuyue jitu 五嶽集圖). Celui-ci comprend tous les livres mentionnés ci-dessus, dont Hirata Atsutane a vu une trentaine 58. Il mentionne enfin que c’est après avoir vu les Wuyue zhenxing tu sous forme de carte géographique qu’il a finalement résolu une question qui le tourmentait de longue date : tous les Wuyue zhenxing tu qu’il avait pu observer précédemment (de type miroir Tang) n’étaient pas les véritables cartes. Bien qu’il y ait des personnes capables de recopier des Wuyue zhenxing tu sous forme de carte géographique, elles ne s’embarrassaient pas du véritable sens du document original ; pour elles c’était uniquement un article d’agrément à des fins de distraction, ce qu’il regrettait profondément 59. Selon ma lecture des éditions japonaises du Wuyue zhenxing tu actuellement à ma disposition, les auteurs de l’époque d’Edo avaient déjà connaissance de l’existence de plusieurs versions du Wuyue zhenxing tu, toutes plus ou moins semblables à quelques détails près, mais ils n’avaient déjà plus moyen de savoir quelle version correspondait à l’image la plus authentique et la plus ancienne, ce qui est semblable aux connaissances que nous avons à l’heure actuelle. Mais que ce soit Oe Bunpa ou Yokoyama Jun, tous ont tenté de trouver une meilleure édition de ce document ; à travers leurs écrits nous savons également que, à de rares exceptions, principalement Hirata Atsutane, les Wuyue zhenxing tu dont avaient connaissance les hommes de cette époque était tous du style des miroirs des Tang.
57. Tenchū gogaku yoron, 33a. 58. Ibid., 33a-b. 59. Ibid., 34a-35b.
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Conclusion Les documents sur le taoïsme qui sont parvenus jusqu’au Japon sont surtout des livres d’incantation, de magie, de divination, plutôt que des textes classiques 60 ; c’est dans ce contexte que le Wuyue zhenxing tu est arrivé au Japon et s’y est diffusé. À cela s’ajoute l’intérêt que manifestaient quelques intellectuels de l’ère Edo pour le taoïsme 61. Le Wuyue zhenxing tu fut largement reproduit au Japon durant l’époque d’Edo. Le grand public ne connaissait le Wuyue zhenxing tu que dans son style des miroirs de bronze des Tang ; alors que quelques intellectuels avaient déjà connaissance de l’existence de ce document sous deux formes différentes. Hirata Atsutane, notamment, dans son ouvrage, Remarques supplémentaires sur les Cinq Pics, piliers portant le Ciel, présente le Wuyue zhenxing tu sous la forme d’une carte géographique. À la même époque quelques experts du Wuyue zhenxing tu eurent connaissance de différentes éditions existantes du document, et se mirent alors en quête de la meilleure. Parmi les ressources sur le Wuyue zhenxing tu conservées au Japon, le document le plus ancien conservé dans son intégralité est la Monographie du Wuyue zhenxing tu, par Oe Bunpa, qui expose la vision japonaise de la pensée des Cinq Pics sacrés. Cet exemple de réappropriation et de transformation de la conception taoïste des lieux saints dans la culture locale constitue un précédent important. L’auteur s’est servi du Wuyue zhenxing tu dans le style des miroirs des Tang comme un sujet indépendant pour en tirer un ouvrage spécialisé. Cette époque a aussi vu l’apparition de toutes sortes de recueils d’images du Wuyue zhenxing tu, comme le Recueil de Yokoyama Jun rassemblant quatorze illustrations différentes et le Propos de Hirata Atsutane. En comparant les illustrations de ces deux ouvrages, il semble que le Recueil fut une matrice importante pour l’écriture du Propos. Ce contexte intellectuel japonais correspond au niveau de connaissance des Chinois sur le Wuyue zhenxing tu à la même époque (les dynasties Ming et Qing). De ce que nous pouvons tirer des sources de l’époque Edo à notre disposition, seuls Hirata Atsutane et quelques 60. Noguchi Tetsuro 野口鐵郎, Kubo Noritada 窪德忠, dir., Dōkyō to Nihon 道教 と日本, vol. 3, Chusei Kinsei bunka to dōkyō 中世・近世文化と道教, Tokyo, Yuzankaku, 1997 ; Sakade Yoshinobu, Edoki no dōkyō suhaishatachi. 61. Tsumaki Jikiryo 妻木直良, « Nihon ni okeru dōkyō shiso 日本に於ける道教思 想 », Ryūkoku gakuhō 龍谷學報 306 (1933), p. 23-44.
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rares autres intellectuels étaient conscients de l’existence des Wuyue zhenxing tu sous forme de carte. Ses contemporains, dont les graveurs et imprimeurs, ne savaient rien de l’évolution dans le temps du Wuyue zhenxing tu ni de l’héritage de croyances autour de cette représentation. Ils le considéraient simplement comme une image auspicieuse et la grande majorité du public ignorait la pensée et la culture qui se trouvaient derrière elle. Le Wuyue zhenxing tu est arrivée au Japon sous l’ère Heian, et le talisman de la forme véritable des Cinq Pics s’est popularisé au plus tard sous l’ère Edo. Après l’arrivée au Japon de ces deux systèmes de représentation de la forme véritable des Cinq Pics, la conception des formes véritables des Cinq Pics sacrés portant le sens géographique, l’impact et la transformation décisive de cette représentation des lieux saints du taoïsme au Japon, voire le développement d’une pensée indigène japonaise des Cinq Pics sacrés, sont autant de sujets d’étude prometteurs pour l’histoire des échanges religieux en Asie Orientale.
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– II –
Montagnes, temples et rituels
CHAPITRE 4
MUYESHAN 木葉山, THE SACRED MOUNTAIN OF THE KHITAN, AND THE IMPERIAL CULTS Pierre mArsone, École Pratique des Hautes Études (EPHE, PSL; CRCAO) 1
t
of the Khitan-Liao Empire is poorly documented. For an empire or dynasty that lasted more than two hundred years, the size of the Liaoshi 遼史 is derisory, and its quality in no way makes up for this sparseness of quantity. 2 Compiled in less than one year (1345), over two hundred years after the fall of the dynasty, it is full of lacunae, errors and confusion. Furthermore, no contemporary literati writings or biji complete or correct the information given in the official history. Chinese epigraphic texts from Buddhist temples give a certain amount of information on Buddhism, whose flourishing was such an important characteristic of the dynasty that scholars afterwards attributed the fall of the dynasty to this Buddhist expansion. 3 Although the epigraphy of Buddhist temples does not provide any extremely original material, Liao Buddhism remains exceptional in the history of Chinese religion for the publication of the Khitan Canon (Qidanzang 契丹藏), the compilation of the lexicographical masterpiece Longkan shoujing 龍龕手鏡, the carving of Buddhist sutras on thousands of stones at Fangshan 房山 and the building of a great number of multi-eaved pagodas (miyanta 密檐塔), more than twenty of which survive today. The presence of Daoism in the Khitan-Liao he historY
1. 2. 3.
The author warmly thanks Alice Crowther for kindly translating this article from the French. Tuotuo 脫脫 (Inal Toghtō, 1314-1355) et al., Liaoshi 遼史, Beijing: Zhonghua shuju, 1974. 遼以釋廢,金以儒亡 (Song Lian 宋濂 et al., Yuanshi 元史, Beijing: Zhonghua shuju, 1976, 163:3823).
10.1484/M.BEHE-EB.5.130239
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Empire is much more difficult to evaluate but a synthesis of the elements dispersed in the sources should allow for a sketch of its outlines in the near future. As for the various forms of shamanism and popular religion, which would certainly have represented an essential part of religion in the Khitan Empire, they are almost unrecorded. The imperial sacrifices of the Khitan Various ceremonies Beyond the lacunae mentioned above, a certain number of records allow us to glimpse the religious activities of the emperors. Certain ceremonies are mentioned and even materially described in the Liaoshi: this is the case of the Zaishengyi 再生儀, the Chaiceyi 柴冊 儀 or the Seseyi 瑟瑟儀. The two first ceremonies were probably linked to the legitimization of the emperor’s power. The first one, the Zaishengyi, 4 also called Zaishengli 再生禮, was the prerogative of the emperor, the dowager empress and the princes. The meaning of this ceremony seems to be to regenerate a person destined to fill central functions in ruling the country. 5 Theoretically it was to be celebrated in the year preceding that of the benming nian 本命年 of the person. In fact, the mentions of the Zaishengyi in the Chronology (“Annals” 本紀) of the Liaoshi confirm the application of this principle for Emperors Jingzong (971), Shengzong (983) and once for Daozong (1067), but not for Emperor Xingzong, 6 nor for Daozong in 1058 and 1061. 7 The principle was also applied for Daozong’s son, Yelü Jun 耶律濬, who was born in 1058 and underwent the Rebirth in 4.
5. 6.
7.
108
The description of the Zaishengyi in the Liaoshi was translated by Karl A. Wittfogel et Fêng Chia-shêng [馮家昇], History of Chinese Society: Liao (907-1125), History of Chinese Society: Liao (907-1125), Philadelphia: The American Philosophical Society, 1949, p. 273-274. Wittfogel comments on it, speaking of a “mystic rebirth” (History of Chinese Society: Liao (907-1125), p. 202). Born in 1016, Xingzong could have undergone the Rebirth in 1027, 1039, 1051. During his reign, no Rebirth is mentioned in these years but in 07/1044 and in 06/1049. 1049 is a year preceding the benming nian of the Heir apparent, and the Liaoshi could have omitted that this Rebirth was for the Heir apparent. But the Rebirth of 1044 cannot be explained. Born in 1032, Daozong could have undergone the Rebirth in 1043 and/or 1055.
Muyeshan, the Sacred Mountain of the Khitan, and the Imperial Cults
1069. Moreover, a Zaishengyi is mentioned for Taizong (born in 902) the year of his benming nian itself (938), and three Zaishengyi are strangely mentioned in the 7th month of 984 and successively the 9th and the 10th months of 986 for the Dowager Empress Chengtian 承天 who, born in 953, should have undergone the Rebirth in 988. 8 Lastly, let us mention that in 989 the prince of the imperial family (but not a son of an emperor), yuyue 9 and victorious general Yelü Xiuge 耶律休 哥 received the exceptional honor of being ordered by Shengzong to undergo the ceremony of the Rebirth in the “Divine tent” (shenzhang 神帳) of the imperial camp. But as we do not know Xiuge’s year of birth, we cannot judge the correspondence of the year of this Rebirth with his benming nian. The discrepancies between the principle and the data provided by the Liaoshi should probably be ascribed to the aforementioned defaults in the compilation of the official history. However, we cannot exclude the possibility that the actual practice was more complicated or irregular than what a short line in the Liaoshi suggests. The Liaoshi does not give any explanation of the meaning of the Chaiceyi, but some passages of the Liaoshi suggest that the celebration of this ancient ritual in the Khitan tradition was linked to the legitimation of power. Before ascending the throne at the place called Ruyuwang jihuiguo 如迂王集會堝 (“Place of the Assemblies of the Golden King”?), Abaoji celebrated a “Fanchai” 燔柴. 10 During the Yaonian 遙 輦 dynasty (730-906), a member of the Yelü clan, Nieligun Xiadi 涅烈 袞轄底, celebrated a Chaiceyi before becoming an yilijin (erkin, tribal king). 11 Again, in the 11th month of 1058, Emperor Daozong celebrated the Zaishengyi and Chaiceyi just before the investiture ceremony. In the same month he also celebrated the sacrifice to Muyeshan. 12
8.
Wittfogel notices this fact and attributes it to Chengtian’s desire for prestige and authority but does not tackle the problem of its incoherence with the rule of the benming nian (History of Chinese Society: Liao (907-1125), p. 202). 9. Yuyue 于越, a Turkic term (öge) which designated the prime minister of the emperor during the Khitan Yaonian dynasty is a high honorific title bestowed on only a few dignitaries during the Khitan Yelü dynasty. 10. 命有司設壇于如迂王集會堝,燔柴告天,即皇帝位 (Liaoshi, 1:3). 11. 轄底,字涅烈袞,肅祖孫夷離菫怗剌之子 […] 行柴冊禮,自立為夷離菫 (Liaoshi, 112:1498). 12. 十一月 […]行再生及柴冊禮 […]御清風殿受大冊禮[…]丙戌,祠木葉山 (Liaoshi, 21:257).
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As for the Seseyi, it was a rite of prayer for rain. The ritual was celebrated by a shaman called diliemadu 敵烈麻都, a function also existing in the Zaishengyi. In the Seseyi, the diliemadu was responsible for the success of the ritual. If the ritual was successful, the diliemedu was rewarded. If not, he was lightly “punished” by aspersion of water. This is the main extant information about these rituals. The material description given by the texts cannot help us to understand the rituals much better. Finally, one additional important detail: these rituals were not created by the Yelü Khitan Empire. At the foundation of the Yelü Dynasty in 907, they already had a long history which goes back to the Yaonian Khitan dynasty: the Zaishengyi and the Chaiceyi were codified by the second Yaonian qaghan, Zuwu kehan 阻午可汗 (r. 735?-746), and the Seseyi was promulgated by Su kehan 蘇可汗 (r. 780?-800?). Also the Sacrifice to the Mountain (Ji Shan yi 祭山儀), which we will speak of later, was codified by Zuwu’s successor, Hula kehan 胡剌可汗 (r. 746-778). Cults offered to multiple deities Scattered mentions indicate that the emperor himself offered, or delegated to a shaman, sacrifices to a variety of deities: to the Earl of the Wind ([祀]風伯), whose cult has its origins in the Chinese tradition, but also to deities unique to Khitan culture, such as a mysterious “Goddess” ([祭]神姑), 13 the God of the army (Bingshen [祠]兵神), 14 the White-horse god ([祭]白馬神), the Deer god (Paolushen [祭]麃 鹿神), or to “the multitude of spirits” ([望祀]群神). Finally, although rare, on the occasion of an imperial birthday, the emperor might offer a sacrifice to the Sun and Moon ([祭]日月). This was the case for the festival of Qianlingjie, the birthday of Emperor Shengzong. 15 If sacrifices to the Moon alone were unknown, sacrifices to the Sun alone could be celebrated. Such sacrifices are attested during the first decades of the dynasty. In 924, “passing by the ancient city of the Uyghurs”, at the heart of the territory of the Turks, Abaoji had a stele carved to
13. A cult to a “Shengu” is already mentioned under Xuanzong of the Tang (Liu Xu 劉昫, Jiu Tangshu 舊唐書, Beijing: Zhonghua shuju, 1975, 9:234). But this Shengu probably had no relation to the Shengu mentioned in the Liaoshi. 14. The shaman was ordered to make an offering to Heaven and Earth and to the god of the army (命巫者祠天地及兵神, Liaoshi, 9:103). 15. 千齡節,祭日月 (Liaoshi, 10:112).
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record his merits. Four days later, he “venerated the Sun at the Dailin forest”, 16 a place in which during the Han period the Xiongnu already gathered for ceremonies. 17 In 952, Emperor Muzong also “began celebrating the cult of the Sun following the ancient rules”. 18 Heaven and Earth It is clear that the principal deities were ‘Heaven and Earth’ (天地) who in particular were invoked before and after every military campaign, and to whom sacrifices 祭 19 were made. The normal victims were a dark ox and a white horse 青牛白馬, recalling a legend about the origins of the Khitan people. But occasionally a red ox and a dark horse 赤牛青馬 or “two heads of livestock, one black, one white” 黑 白二牲, in fact two sheep, 20 or even a just-captured wild goose could be offered. 21 The seeming equality of Heaven and Earth was not, however, absolute. The Khitan emperors offered certain sacrifices to Heaven only, but never only to the Earth. Abaoji decreed that, in the annual commemoration of the suppression of Chage’s plot, the sacrificial victims were to be white and black sheep along with “black alcohol” (a darkcoloured liquid representing wine). 22 On another occasion, a bustard that had landed on the imperial tent was captured and sacrificed to Heaven. 23 On yet another occasion, the emperor ordered the casting of a great wine-jar engraved with a deer pattern, and named it luwu. 16. [天贊三年九月] 丙申朔,次古回鶻城,勒石紀功。庚子,拜日于蹛林 (Liaoshi, 2:20). 17. 秋, 馬肥, 大會蹛林. See Sima Qian 司馬遷, Shiji 史記 (Beijing: Zhonghua shuju, 1972, 110:2892) and Ban Gu 班固, Hanshu 漢書 (Beijing: Zhonghua shuju, 1975, 94:3752). Also see Fan Ye 范曄, Hou Han shu 後漢書 (Beijing: Zhonghua shuju, 1973, 89:2942): 五月大會龍城,祭其先天地鬼神,八月大會 蹛林,課校人畜計. 18. [應曆二年十一月] 己卯,日南至,始用舊制行拜日禮 (Liaoshi, 6:71). 19. The Song too, and perhaps even more so, constantly made sacrifices to Heaven and Earth at the Huanqiu (祀天地于圜丘, 39 occurrences), as well as the Ming in the Southern Suburb (大祀天地於南郊, 139 occurrences). 20. Liaoshi, 11:126. When the Liaoshi says “black and white”, it is always a question of sheep 羊. 21. 獲鴐鵝,祭天地 (Liaoshi, 7:85). 22. 詔以先平察割日,用白黑羊, 玄酒祭天,歲以為常 (Liaoshi, 6:70). 23. 有鴇飛止御帳,獲以祭天 (Liaoshi, 9:103). However, on a different occasion, a bustard that had “fallen by itself” and been offered to the Court by the Court
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The vase was filled with wine for offerings to Heaven. 24 The Liaoshi also attests that one day Abaoji spontaneously prayed to Heaven, without particular sacrifice. 25 Cults and mountains: Heishan Within this ritual world, mountains play a certain role. Sources often specify that a sacrifice is celebrated on a mountain. Thus, the emperor sacrificed a swan to Heaven on arriving at Mount Wugu, 26 sacrificed to Heaven while hunting on Mount Tanshan, 27 or, in the Orkhon region, sacrificed an elk to Mount “Alidian yadesi”. 28 Among the mountains where imperial sacrifices were celebrated Heishan, the “Black mountain” of the Khitan, was clearly a privileged place. It was situated to the northwest of the Supreme Capital, near the prefecture of Qingzhou. 29 At the end of the dynasty Emperor Daozong even appears to have gone there every year. 30 Near to Heishan were Chishan 赤山 mountain and Pingdian 平淀 pool. Heishan was, for the Khitan, the place of the judgment of the dead and the realm of the underworld. The Liaoshi, followed by the Qidanguo zhi 契丹國志, a history of the Liao compiled under the Southern Song, 31 describes how Heishan had a role comparable to that of the Chinese Taishan 泰 山. It says that it was the seat of the god of the underworld and that the manes of the dead went there. Both texts also note that the mountain was so formidable that no-one dared to approach it apart from
24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31.
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Attendant Nianmili, was sacrificed to Heaven and Earth (以近侍粘米里所進自 落鴇祭天地. Liaoshi, 11:122). 造大酒器,刻為鹿文,名曰「鹿甒」,貯酒以祭天 (Liaoshi, 7:95). 次烏古部,天大風雪,兵不能進,上禱於天,俄頃而霽 (Liaoshi, 2:15). 至烏孤山,以鵝祭天 (Liaoshi, 2:20). 獵炭山。祭天 (Liaoshi, 6:70). 次古單于國,登阿里典壓得斯山,以麋鹿祭 (Liaoshi, 2:20). Altın (Alidian) must mean “golden”. Yadesi has not yet been identified. 黑山在慶州北十三里,上有池,池中有金蓮 (Liaoshi, 32:374). 道宗每歲先幸黑山,拜聖宗, 興宗陵,賞金蓮,乃幸子河避暑 (Liaoshi, 32:374). A variant edition of the introduction and chapters 23 and 27 of the Qidanguo zhi 契丹國志 included in Tao Zongyi’s 陶宗儀 Shuofu 說郛 (Shanghai: Shanghai guji chubanshe, 1989) was translated and annotated by Rolf Stein in “Leao-tche (遼志) traduit et annoté”, T’oung Pao 35 (1940), p. 1-154. This important work contains interesting comments about the rituals of the Khitan.
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for sacrifices. 32 This claim is, however, somewhat exaggerated as the Liaoshi testifies that the Khitan emperors Muzong and Shengzong hunted on Heishan. 33 Perhaps these hunts had a ritual dimension and they did in fact give the emperor the opportunity to make an offering of alcohol and meats to the mountain itself, 34 or, on the mountain, to make an offering to Heaven and Earth. 35 Heishan was also closely related to the ritual that the emperor celebrated, facing in the direction of this mountain, at the Winter Solstice. We have few details about the sacrifice itself. The sources say only that more than ten thousand figurines of men and horses were brought and then burned ritually. 36 Mount Muyeshan The sacred mountain par excellence of the Khitan is Mount Muyeshan 木葉山, whose name appears more than fifty times in the Liaoshi. The name Muyeshan This mountain remains an enigma in several ways, beginning with the meaning of its name. According the Qingshigao, the Mongolian name of Muyeshan is “Kiki öndür” (Jiji enduer 几几恩都爾). 37 Öndür means “high (mountain)”, but the meaning of kiki has not been ascertained. Wang Xiaofu 王小甫 has tried to link the name “Muye” with 32. 俗甚嚴畏,非祭不敢近山 (Liaoshi, 53:879); 其禮甚嚴,非祭不敢近山 (Ye Longli 葉隆禮, Qidan guozhi, Shanghai: Shanghai guji chubanshe, 1985, juan 27). 33. 獵于黑山 (Liaoshi, 7:85; 68:1043, 1045, 1050, 1060). 34. 以酒脯祀黑山 (Liaoshi, 7:81). 35. 以酒脯祠天地于黑山 (Liaoshi, 6:76). 36. 冬至日,國俗,屠白羊, 白馬, 白雁,各取血和酒,天子望拜黑山。黑山在境 北,俗謂國人魂魄,其神司之,猶中國之岱宗云。每歲是日, 五京進紙造人 馬萬餘事,祭山而焚之 (Liaoshi, 53:879). 冬至日,國人殺白馬, 白羊, 白雁,各取其生血和酒,國主北望拜黑山,奠祭 山神。言契丹死,魂為黑山神所管。又彼人傳云:凡死人悉屬此山神所管, 富民亦然。契丹黑山,如中國之岱嶽云。北人死,魂皆歸此山。每歲五京進 人馬, 紙甲各萬餘事,祭山而焚之 (Qidanguo zhi, juan 27). 37. 克什克騰部一旗:[…] 其山:[…] 西南,恩都爾花山。西,烏素圖杜爾賓山, 大黑山蒙名巴顏喀喇。[…] 北,黃山蒙名巴顏洪戈爾, 木葉山蒙名几几恩都 爾 (Zhao Erxun 趙爾巽, Qingshigao 清史稿, Beijing: Zhonghua shuju, 1977, 77:2409).
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the Mongolian word “mören”. 38 Muyeshan would therefore signify “mountain [at the confluence of] the rivers [Xilamulun and Laoha]”. But this reading remains hypothetical and not very convincing. The hypothesis of Liu Fengzhu according to which “Muye” would be the transcription of a Khitan word meaning “big”, “elder” is not yet confirmed, but the idea is interesting. 39 The progressive deciphering of Khitan confirms that mo(s) means “big”, “first”, “elder”. It would in any case be timorous to reject it too hastily in favour of a Chinese origin for the name. Even if Muyeshan does not reach an impressive height, and a mountain of high altitude would be difficult to find at the heart of Khitan territory, its legendary and ritual role could justify it being called “Elder” of the mountains. The location of Muyeshan Despite this importance, at present the location of Muyeshan remains an unsolved mystery. An error contained in the Luzhong fengsu 虜中風 俗, 40 a report by the Song official Song Shou 宋綬 (991-1040) who was sent as envoy to the Khitan for the birthday of Shengzong in 1020, led to a first false lead suggesting that Muyeshan was today’s Manqigashan 漫歧嘎山, the mountain where Abaoji is buried. 41 Under the Song, the Wujing zongyao 武經總要 (1044) of Zeng Gongliang 曾公亮 and Ding Du 丁度 took up this error 42 which was to be regularly repeated from then on up to the beginning of the twentieth century and the Romance of the Five Dynasties (Wudaishi yanyi 五代史演義) 43 of Cai Dongfan 38. “Qidan jianguo yu Huihu wenhua 契丹建國與回鶻文化,” Zhongguo shehui kexue 中國社會科學 2004-4, p. 191. 39. Hypothesis suggested by Liu Fengzhu 劉鳳翥 in 1995 (“Qidan xiaozi jiedu wu tan 契丹小字解讀五探,” Hanxue yanjiu 漢學研究 13.2 [1995], p. 318 and 342). 40. The Luzhong fengsu, later renamed Qidan fengsu 契丹風俗, is also sometimes given the title Shang Qidan shi 上契丹事 or Song Shou shi Liao xingcheng lu 宋 綬使遼行程錄. Cf. for example Zhao Yongchun 趙永春, ed., Fengshi Liao Jin xingcheng lu 奉使遼金行程錄, Changchun: Jilin wenshi chubanshe, 1995, p. 36. 41. 欲至木葉三十里許,始有居人瓦屋及僧舍。又歷荊榛荒草,復渡土河,至木 葉山,本阿保機葬處。又云祭天之地 (Jia Jingyan 賈敬顏, ed., Wudai Song Jin Yuan ren bianjiang xingji shisan zhong shuzheng gao 五代宋金元人邊疆行記 十三種疏證稿, Beijing: Zhonghua shuju, 2004, p. 116). 42. 木葉山,本阿保機葬處,又雲祭天之所。離中京皆無館舍,但宿穹帳。將至 山三十里,始有居人瓦舍僧居。又歷荆榛枯草,復渡土河,始至焉。初阿保 機强盛,于木葉山置樓,謂之南樓 (Wujing zongyao, “Qianji 前集”, juan 22). 43. Wudaishi yanyi, chap. (回) 40.
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蔡東藩. It even appears in certain more recent works such as the articles of Zhao Pingchun in 1987 or Chen Yongzhi in 2011. 44 However this hypothesis is not sustainable, at the very least because when the emperor went from the Supreme Capital to Muyeshan he went eastwards 45 and did not travel the bare twenty kilometres to the south that would have led him to his ancestor’s tomb. An even more improbable hypothesis, recently suggested by Ge Huating 葛華廷, 46 interprets the name “Muyeshan” as “black mountain”, “dark mountain”, and identifies it with the Mount Yinshan 陰山 or Qingshan 青山 of the Khitan, locating it in the present-day Nuluerhu 努魯兒虎山 mountain range, specifically at Mount Daheishan in Aohanqi Banner. But this location would place Muyeshan to the south of Laohahe 老哈河 and eighty kilometres to the northeast of Chaoyang, much too far south of Balin zuoqi. The reference for the position of Muyeshan is a passage in the Liaoshi stating that the mountain is situated in the prefecture of Yongzhou 永州 47 “at the confluence of the Huanghe 潢河 and the Tuhe 土河.” 48 This citation gave rise to a second false lead because the Huanghe and the Tuhe are traditionally identified as the Xilamulun and the Laohahe. However, amongst the sandy dunes of the desert that surround their confluence, no altitude that could be said to resemble a mountain worthy of being the Muyeshan is to be found. In 1982, Jiang Niansi tried to identify Muyeshan with Mount Qalčin (Haijinshan 海金山, “bald mountain”), at the confluence of the Xilamulun and the Xiangshuihe 響水河, in the district of Xin Sumo sumu 新蘇莫蘇木, 49 in 44. See Zhao Pingchun 趙評春, “Liaodai Muyeshan kao 遼代木葉山考”, Beifang wenwu 北方文物 1987-1, p. 93-95; Chen Yongzhi 陳永志, Qidanshi ruogan wenti yanjiu 契丹史若干問題研究, Beijing: Wenwu chubanshe, 2011, p. 81sq. 45. When Taizong departed for Muyeshan in 937, he went eastwards: [天顯十二年] 十二月甲申,東幸,祀木葉山 (Liaoshi, 3:41). 46. “Liaodai Muyeshan zhi wojian 遼代木葉山之我見”, Beifang wenwu 北方文物 2006-3, p. 82. 47. Liaoshi, “Yingwei zhi zhong”, 32:378 et “Dili zhi yi”, 37:445. 48. 永州,永昌軍,觀察。承天皇太后所建。太祖於此置南樓。乾亨三年,置州于 皇子韓八墓側。東潢河,南土河,二水合流,故號永州。冬月牙帳多駐此,謂 之冬捺鉢。有木葉山 (Liaoshi, 37:445-446). 49. Sin Süme sumu, Qingzhou 慶州 of the Khitan Empire. Successively district in 1956 and commune of Bayan tala 巴彥他拉 in 1958, then district of Baiyintala 白音他拉 in 1984, the former town of Qingzhou was renamed Xin Sumo sumu
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the Wengniute (Ongniud) Banner, 50 believing also that he had discovered the site of Yongzhou in the region in 1979. The Haijinshan which could, geographically, be possible, 51 is located ten kilometres to the west of Hairisu (Hailasuzhen 海拉蘇镇 in Google Maps), and could, by its modest height and desert-like aspect, correspond to the description given by Su Che 蘇轍 in the poem he wrote when visiting the Liao (1089). 52 Nevertheless, it is 115 km from the rivers’ confluence and 80 km from the presumed site of the town of Yongzhou, leaving it at a notable distance from the expected site, and the jars in the form of chicken-legs 雞腿壇 and pottery 梳齒紋陶 found by Jiang Niansi are not sufficient to prove that it is really Muyeshan. Until recently the most credible lead for the identification of Muyeshan combined historical sources with hydrography and with epigraphy. In 1995 Zhang Baizhong 張柏忠 published an article 53 in which he demonstrated that in the almost complete flatness of relief of the zone in question rivers changed course easily and that today’s Xilamulun and Laohahe in fact joined the Öljei mören (Wuliji mulun 烏力吉木倫), tributary of the Xinkaihe 新開河, at the time called the Huangshui 潢 水. Thus, the confluence where we should search for Muyeshan must be in the region of Daode sumu 道德蘇木 (Shangqinghezi 上清河子) from which point the river would also be called the Tanuhe 54 or the
50.
51. 52.
53. 54.
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in 1986 to avoid confusion with its homonyms in the neighboring banners of Balin zuoqi and Alukeerqin qi. Jiang Niansi 姜念思 and Feng Yongqian 馮永謙, “Liaodai Yongzhou diaochaji 遼代永州調查記”, Wenwu 文物 1982-7, p. 30-34. On today’s maps the Shaolenghe 少冷河 (Qargin moron) of the article is called Shaolanghe 少郎河 in its upper course and Xiangshuihe in its lower course (Nei Menggu zizhiqu dituce 內蒙古自治區地圖冊, Beijing: Zhongguo ditu chubanshe, 2004, p. 15-16). There is another Haijinshan in this region, but it is situated north of the Xilamulun. Fengshi Qidan ershiba shou 奉使契丹二十八首, in Luanchengji 欒城集, juan 16.木葉山奚田可耕鑿,遼土直沙漠。蓬棘不復生,條幹何由作。茲山亦 沙阜,短短見叢薄。冰霜葉墮盡,鳥獸紛無托。幹坤信廣大,一氣均美惡。 胡為獨窮陋,意似鄙夷落。民生亦複爾,垢汙不知怍。君看齊魯間,桑柘皆 沃若。麥秋載萬箱,蠶老簇千箔。餘粱及狗彘,衣被遍城郭。天工本何心, 地力不能博。遂令堯舜仁,獨不施禮樂。 “Liaodai de Xi Liaohe shuidao yu Muyeshan, Yong-, Longhua-, Jiangsheng-zhou kao 遼代的西遼河與木葉山, 永, 龍化, 降聖州考”, Lishi dili 歷史 地理 12 (1995), p. 41-53. Tanuhe (also Taluhe 他魯河, Daluguhe 搭魯古河, Talouhe 它漏河 in the Xin Tangshu, 219:6177) is nothing other than a transcription of Tao’erhe 洮兒河.
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Dashuipo 大水濼 55 (present-day Qinghe or Tao’erhe) and would continue on its way to join the Sungari (Songhuajiang). According to Zhang Baizhong Muyeshan is the Tianshan several kilometres to the east of the central town of Alukeer Banner, Tianshanzhen, 5 kilometres to the northwest of Wuliji mulun. This hypothesis based on hydrography is supported, with some nuances, by an important expert on the decipherment of Khitan texts and their exploitation as historical sources, Aixinjueluo Wulaxichun. In a text published in 2009, she proposed an innovative theory. 56 Confirming the identification by Zhang Baizhong of the Huangshui of the Liao with the western part of the Wuliji mulun, she adds that this river was called “river of the Qaghans” 可汗水 in Khitan texts. She also demonstrates that the Mount Du’anshan 都菴山 of the Liaoshi was also called Liefeng 裂峰 and Yelalishan 拽剌里山 in Khitan-Liao sources, that it corresponds to today’s Chaogetushan 朝格圖山 (also transcribed 哈拉嘎图山) and that it was regarded by the Khitan as their homeland 古壤, as the court 龍廷 of the Ancestor of the Khitan tribes, Qishou kehan 奇首可 汗, and the Eastern Pavilion 東樓 of the Liao. As Chaogetushan sits on the banks of the Beishilihe 北世里河 today called Haheierhe (Haihaerhe), and as all tombs of the Yelü family were found in that sector, Wulaxichun demonstrates that this river must be the “Taoweisihe” 陶猥思河 which should mean “River of the dust/mud” and could be the Tuhe of the Khitan. The river crosses Alukeer Banner and joins the Wuliji mulun near to Tianhelong 天合隆, only twenty kilometres from the confluence located by Zhang Baizhong. There one finds a modest mountain of 375 metres that could be Muyeshan. Most recently a last and most interesting hypothesis has been proposed by the historian Li Peng 李鵬. 57 He affirms that today’s Xinkaihe 新開河, believed to have been artificially dug in the This tributary of the Nenjiang 嫩江 was renamed Changchunhe 長春河 by a decree of the Emperor Shengzong in 1024 (Liaoshi, 16:192). 55. The lake Dalai nor 達來諾爾, formerly called Yu’erpo 魚兒濼, was also called Dashuipo. 56. Aixinjueluo Wulaxichun 愛新覺羅烏拉熙春, “Cong manwen Liaoshi de wuyi tanqi – yi Du’anshan he Taoweisishi buzu wei zhongxin 從滿文『遼史』的 誤譯談起:以「都菴山」和「陶猥思氏部族」為中心”, in Nüzhen Qidan xue yanjiu 女真契丹學研究, Kyoto: Shōkadō shoten, 2009, p. 213-220. 57. See “Liaodai Yongzhou, Wangzicheng, Longhuazhou yu Muyeshan tongkao 辽 代永州,王子城,龙化州与木叶山通考”, Neimenggu minzu daxue xuebao 内 蒙古民族大学学报 (Shehui kexue ban 社会科学版) 2016-11, p. 1-8.
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twentieth century, took over, in fact, the bed of a watercourse that already existed during the Khitan Empire and that during the Khitan Empire it had been the lower part of the Huanghe 潢河 (that is to say today’s Xilamulun). Moreover, Li Peng maintains that today’s Laohahe joined the Xi Liaohe to form the Tuhe of the Khitan. This Xinkaihe/Huanghe and this Liaohe/Tuhe had their confluence principally southeast of Xiaowafangcun in the banner of Keerqin zuoyi zhongqi in the municipality of Tongliao. At this confluence there are two mountains. Because of the Khitan artefacts found there, Li Peng believes that the Muyeshan of the Khitan must be today’s Datushan 大 土山, in Mongolian Bogutushan 勃古吐山 (“Mountain of the Immortals”), in Manchu Bobotushan 餑餑吐山, “Mountain in the shape of a bobo”. 58 This mountain of 196 metres is situated 5 km to the northeast of Shuangliao (Jilin Province), 250 km from the Eastern Capital of the Khitan and 340 km from their Supreme Capital 上京 as the crow flies. The argument of Li Peng, although in some ways revolutionary, deserves serious attention. However, a certain identification of Muyeshan would only be possible through archaeological excavations that find the remains of the cultic complexes that must have been built on the mountain and if possible the stelae and epigraphic texts that alone could put an end to all ambiguity. Alas, in recent years in this generally flat zone even small mountains have been quarried for roadbed material for the new roads being constructed across the region. Since this paper was begun, Datushan has been almost completely razed. Its epigraphical and archaeological record has probably been destroyed, and unfortunately it seems likely that we will now never be able to find irrefutable archaeological proof that Datushan was indeed Muyeshan. The sacred character of Muyeshan To describe the Khitan emperor’s pilgrimages to Muyeshan, the Liaoshi sometimes says that he visited 幸 it, 59 and sometimes that he arrived 如 there, 60 but never that he halted 次 there, a verb used for many of the stages of the nomadization of the imperial camp, which already suggests that Muyeshan was not a place like others. From the 58. The bobo in Manchu culture is a small, round bun of bread. 59. In 939 and 983 (Liaoshi, 4:46 and 10:110). 60. In 998: 如木葉山 (Liaoshi, 14:153).
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beginning, the founder of the Khitan Liao Empire took a special care of this place. A passage in the Liaoshi indicates that, as early as the foundation of the empire, he captured and deported a Han population near to Muyeshan at the place of the former Wozhou of the Tang which he named Xingguo xincheng (and which was renamed Wu’anzhou in 990), seemingly for the upkeep of this sector. 61 Moreover, during the early decades of the Khitan Empire, starting a fire that reached Muyeshan was a crime punishable by death. 62 All these facts illustrate the sacred character of this mountain. Place of execution and of the extirpation of evil spirits Although it did not take on, like Heishan, the dimension of a seat of the judge of the underworld, Muyeshan was not without a link to the world of the beyond. If one believes the Qidanguo zhi, after the death of Abaoji, his widow the Empress Chunqin ordered that all passers-by who met his funeral procession were to be taken to Muyeshan and executed there, being charged with the mission of “going underground to see the late emperor on behalf of the empress”. 63 And Muyeshan was also, at least at the beginning of the dynasty, a place of extirpation or exorcism of evil influences. One passage in the Liaoshi clearly indicates that in 913 a ceremony of ritual execution through riddling with arrows (she guijian 射鬼箭) 64 was carried out “facing in the direction of Muyeshan” (面木葉山) to block evil influences. 65
61. 武安州,觀察。唐沃州地。太祖俘漢民居木葉山下,因建城以遷之,號杏堝 新城 (Liaoshi, 39:483). 62. 五院部民偶遺火,延及木葉山兆域,亦當死,杖而釋之,因著為法 (Liaoshi, 61:939). 63. Following the testimony of Marco Polo, we know that it was a well-established custom of the Mongols to execute all those who met the funeral cortège of the emperor, and Louis Hambis has remarked that this tradition is common to the peoples of Inner Asia since at least the time of the Huns. See Louis Hambis, “Le voyage de Marco Polo en Haute Asie”, in Oriente Poliano, Rome: Istituto Italiano per il medio ed Estremo Oriente, 1957, p. 185. 64. The she guijian generally consisted in riddling with arrows a prisoner, traitor, or spy. During the first decades of the Khitan Empire it was performed notably before a military campaign, making evident its “exorcistic” character. 65. 次彌里,問諸弟面木葉山射鬼箭厭禳 (Liaoshi, 1:7).
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The sacrifice to the Mountain It is certainly Muyeshan that was the object of the famous “Sacrifice to the Mountain”, Ji Shan yi 祭山儀, sometimes called Bai Shan yi or Bai Shan li 拜山儀(禮), 66 which the Liaoshi describes as the most important and solemnest ceremony of the Khitan Empire. 67 The cult of Muyeshan was, exceptionally, coupled with that of the Huanghe 潢河 (Öljei mören) in 962, 68 and with that of the Liaohe under Xingzong, 69 but in the grand majority of cases it concerned only the mountain. Sacrifices to Muyeshan are mentioned in the Liaoshi with remarkable regularity throughout the entire course of the dynasty. 70 There were 2 under Taizu, 6 under Taizong, none during the three years of the reign of Shizong, 1 under Muzong, 4 under Jingzong, 8 under Shengzong, 1 under Xingzong, 4 under Daozong and 1 under Tianzuodi. The term generally used for the sacrifice is ci 祠 (28 times), but the term si 祀 (4 times, 2 for a sacrifice from a distance or “remote sacrifice”) can be used 66. Here is the full text of the Ji Shan yi given by the Liaoshi (49:834-835): 祭山儀: 設天神, 地祗位于木葉山,東鄕;中立君樹,前植羣樹,以像朝班;又偶植二 樹,以為神門。皇帝, 皇后至,夷離畢具禮儀。牲用赭白馬, 玄牛, 赤白羊,皆 牡。僕臣曰旗鼓拽剌,殺牲,體割,懸之君樹。太巫以酒酹牲。禮官曰敵烈 麻都,奏「儀辦」。皇帝服金文金冠,白綾袍,絳帶,懸魚,三山絳垂,飾犀 玉刀錯,絡縫烏靴。皇后御絳帓,絡縫紅袍,懸玉佩,雙結帕,絡縫烏靴。 皇帝, 皇后御鞍馬。羣臣在南,命婦在北,服從各部旗幟之色以從。皇帝, 皇 后至君樹前下馬,升南壇御榻坐。羣臣, 命婦分班,以次入就位;合班,拜 訖,復位。皇帝, 皇后詣天神, 地祇位,致奠;閤門使讀祝訖,復位坐。北府 宰相及惕隱以次致奠于君樹,徧及羣樹。樂作。羣臣, 命婦退。皇帝率孟父, 仲父, 季父之族,三匝神門樹;餘族七匝。皇帝, 皇后再拜,在位者皆再拜。 上香,再拜如初。皇帝, 皇后升壇,御龍文方茵坐。再聲警,詣祭東所,羣臣, 命婦從,班列如初。巫衣白衣,惕隱以素巾拜而冠之。巫三致辭。每致辭, 皇帝, 皇后一拜,在位者皆一拜。皇帝, 皇后各舉酒二爵,肉二器,再奠。大 臣, 命婦右持酒,左持肉各一器,少後立,一奠。命惕隱東向擲之。皇帝, 皇 后六拜,在位者皆六拜。皇帝, 皇后復位,坐。命中丞奉茶果,餅餌各二器, 奠于天神, 地祗位。執事郎君二十人持福酒, 胙肉,詣皇帝, 皇后前。太巫奠 酹訖,皇帝, 皇后再拜,在位者皆再拜。皇帝, 皇后一拜,飲福,受胙,復位, 坐。在位者以次飲。皇帝, 皇后率羣臣復班位,再拜。聲蹕,一拜。退. For a translation of this text, see Wittfogel and Feng, History of Chinese Society: Liao (907-1125), p. 272-273. 67. 遼國以祭山為大禮,服飾尤盛 (Liaoshi, 56:905). 68. 六月甲午,祠木葉山及潢河 (Liaoshi, 6:77). 69. 興宗先有事于菩薩堂及木葉山遼河神 (Liaoshi, 49:835). 70. Wang Minxin 王民信, “Liao Muyeshan kao 遼木葉山考”, Danjiang shixue 淡 江史學 10 (1999); republished in Wang Minxin Liaoshi yanjiu lunwenji 王民信 遼史研究論文集, Taipei: Guoli Shifan daxue chuban zhongxin, 2010, p. 402.
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exceptionally, or ji 祭, when the sacrifice is performed by a delegated envoy 71 or from a distance. Once it is specified that through the cult of Muyeshan it is indeed the god of the mountain that is worshipped. 72 A “remote sacrifice” (望祠) was performed on the fifteenth day of the tenth month (15/10). According to the glossary of the Liaoshi, this rite was called daila 戴辣 in Khitan, which means “burning the armour” (燒甲). The Liaoshi, followed by the Qidanguo zhi, explains that in the ritual, similarly to the ritual of Heishan, paper-clothes and paper-weapons that had been made in the five capitals were ritually burned along with memorials to the deity written in the Khitan language (用國字書狀). 73 On the proceedings of the cult we have some indications that remain incomplete. The sacrifice was presided by a diliemadu. The “yela 74 of the banners and drums” (qigu yela 旗鼓拽剌) were charged with killing and dismembering the victims who were then hung on trees and sprinkled with alcohol. 75 The Liaoshi gives a rather complete description of the movements performed during the rite but no doctrinal or theoretical explanation of the final significance or symbolism of these gesture. The cult of Qishou at Muyeshan If mention is occasionally made of a “god of Muyeshan”, the most frequent recipients of sacrifices on the mountain appear to have been Heaven and Earth. 76 However, Muyeshan was also the seat of protec71. 遣使祭木葉山 (under Shengzong: Liaoshi, 12:131 and 134). 72. 告太祖以下諸陵及木葉山神 (Liaoshi, 34:397). 73. Liaoshi, 53:879: 歲十月,五京進紙造小衣甲, 槍刀, 器械萬副。十五日,天子與 羣臣望祭木葉山,用國字書狀,並焚之。國語謂之「戴辣」。 「戴」,燒也;「 辣」,甲也. For a translation of this text, see Wittfogel and Feng, History of Chinese Society: Liao (907-1125), p. 271. Qidan guozhi, juan 27: 十月內,五京進紙造小衣甲并鎗刀器械各一萬副。 十五日,一時進垛,國主與押番臣密望木葉山奠酒拜,用番字書狀一紙同 焚燒,奏木葉山神,云『寄庫』。北呼此時為『戴辨』,漢人譯云:『戴』是『 燒』, 『辨』是『甲』. 74. Feng Jiasheng and Wittfogel pronounce yila. 75. 僕臣曰旗鼓拽剌,殺牲,體割,懸之君樹. Cf. Wittfogel and Feng, History of Chinese Society: Liao (907-1125), p. 217 and 272. The “yela of banners and drums” are mentioned twelve times in the Liaoshi. 76. 吉儀祭山儀:設天神, 地祗位于木葉山 (Liaoshi, 49:834).
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tors of the empire, first among them “the emperor Qishou” (Qishou kehan 奇首可汗), the founding ancestor of the Khitan people, and sacrifices to the ancestors of the dynasty were regularly performed. On the mountain there was a Temple of the Founding Ancestor (Shizu miao 始祖廟) that housed the statues of Qishou, his wife, and their eight children. 77 Under Shengzong it is recorded that the dowager empress Chengtian visited this temple. 78 This cult was far from being secondary. It recalled the fact that the event that led to the founding of the Khitan people (the encounter between Qishou, the divine man riding a white horse, and the heavenly maiden seated on a dark ox) took place at the foot of Muyeshan. It is the foundation of the Khitan Nation that is celebrated, and it is also for this reason that the Khitan Empire sacrificed a white horse and a dark ox before every military campaign, as well as in the Spring and in the Autumn. 79 Another passage in the Liaoshi specifies moreover that, before mustering the troops, prayers were made to Heaven and Earth, the sun (but not the moon), the [ancestors in the] tombs and the god of Muyeshan. 80 The cult of Guanyin at Muyeshan Apart from Heaven-Earth and the founding ancestor of the Khitan, the state religion at Muyeshan also accorded a remarkable place to a figure much less traditional for this nomadic people: that of Guanyin 觀 音. Although the expansion of Buddhism is a key aspect of the social and religious history of the Khitan-Liao Empire, the process of the penetration of Buddhism amongst this nomadic people is not documented. It could certainly have taken place through contacts with the Chinese world, but this theory is not proven and rests hypothetical. Buddhism could very well have reached the Khitan aristocracy through the mediation of other steppe peoples. And, in fact, in the first years of the Khitan Empire, a period supposed to be that of the beginning of substantial 77. 今永州木葉山有契丹始祖廟,奇首可汗, 可敦併八子像在焉 (Liaoshi, 32:378). 78. 皇太后謁奇首可汗廟 (Liaoshi, 12:135). 79. … 有木葉山,上建契丹始祖廟,奇首可汗在南廟,可敦在北廟,繪塑二聖幷 八子神像。相傳有神人乘白馬,自馬盂山浮土河而東,有天女駕青牛車由平 地松林泛潢河而下。至木葉山,二水合流,相遇為配偶,生八子。其後族屬 漸盛,分為八部。每行軍及春秋時祭,必用白馬青牛, 示不忘本云 (Liaoshi, 37:445-446; also see 32:378). 80. 凡舉兵,帝率蕃漢文武臣僚,以青牛白馬祭告天地, 日神,惟不拜月,分命近 臣告太祖 以下諸陵及木葉山神,乃詔諸道徵兵 (Liaoshi, 34:397).
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contact between the Khitan and Chinese dynasties, Buddhism was already sufficiently well established in Khitan society – at least in its upper reaches – that when Abaoji asked his counsellors what doctrine should be adopted as the national religion, his ministers unanimously urged him to choose Buddhism. 81 Moreover, from the first decades of the dynasty, the Buddhist names of certain members of the aristocracy confirm that Buddhism already occupied a certain place in this society. It is not, however, the simple presence of Buddhist devotion but a historical event that gave the Khitan the occasion to place Guanyin on the most sacred mountain of their territory. In 936, Shi Jingtang, overthrowing the Latter Tang with the support of the Khitan, founded the third of the Five Dynasties, the Latter Jin (Hou Jin 後晉, 936947), and the Khitan emperor Taizong went to invest him as “Emperor of China” (中國帝). Returning from Luzhou, Taizong stopped at the Dabeige 大悲閣 pavilion of the Xingwangsi 興王寺 Temple of Youzhou, saw a statue of “White-robed Guanyin” (白衣觀音) and recognised her as the “divine person” (神人) who, in a dream, had ordered him to go and enthrone Shi Jingtang. Taizong therefore decided to transfer the statue to Muyeshan and had a temple, completed in 937, built for it. He proclaimed Guanyin “deity of the Imperial House” and ordered that she be honoured each Spring and Autumn as well as each time the armies set off on campaign. He associated all the tribes to this cult of a national Guanyin and even incorporated a ritual in honour of Guanyin into the Khitan rite of Worship of the Mountain. 82
Conclusion Contrary to Chinese culture, which combined the mountain of the judge of the underworld with imperial pilgrimages for the protection of the nation, Khitan culture distinguished the underworld represented by Heishan from the heart of the nation, the Muyeshan where the founders of the Khitan people were worshipped, as well as, above 81. It was not, however, this view that prevailed since finally Abaoji chose the view of his eldest son Yelü Bei 耶律倍 who, contrary to the views of the ministers, advised him to choose Confucianism as the state religion. 82. 興王寺,有白衣觀音像。太宗援石晉主中國自潞州回,入幽州,幸大悲閣, 指此像曰:「我夢神人令送石郎為中國帝,即此也。」因移木葉山,建廟,春 秋告賽,尊為家神。興軍必告之,乃合符傳箭於諸部 (Liaoshi, 37:445-446).
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all, Heaven and Earth who presided over the fate of the nation. Khitan domination, albeit indirect, of the north of China via the Latter Jin dynasty provided an occasion for the Khitan to enrich the religious dimension of Muyeshan with the addition of a cult of Guanyin. The information currently available does not demonstrate the existence of a specifically Daoist cult at this sacred site. The description of the “cult to (the god of the) Mountain”, as well as the details of the rites of the cult of Heaven and Earth, nevertheless show that at Muyeshan the Khitan performed their own rites, rites perhaps difficult to qualify too hastily as shamanistic, but which were markedly different from the traditional rites of the Chinese world.
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CHAPITRE 5
LES ORIGINES DU PALAIS DE L’AUDIENCE CÉLESTE DE NANKIN Les mutations du taoïsme au Jiangnan entre les Song et les Ming et les taoïstes du Longhushan* 1 SAKAi Norifumi 酒井規史, Keio University Traduit par Vincent Goossaert
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et Article explore certains aspects du développement prémoderne, entre les Song (960-1270), la dynastie mongole des Yuan (1269-1368), et les Ming (1368-1644) des grandes institutions taoïstes. Ces temples et monastères urbains formaient le clergé local, assuraient le lien entre l’État et les organisations religieuses locales (clergé des petits temples, associations) et organisaient les rituels de grande ampleur. Bien qu’étant situés au cœur des plus grandes villes, ils constituaient des lieux saints que l’on venait visiter de loin. Cependant, ils étaient aussi en rapports étroits avec des montagnes sacrées qui formaient d’autres centres de pouvoir et d’autorité religieuse. C’est
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Le présent article constitue l’un des résultats du projet « Une histoire institutionnelle des monastères taoïstes des Song aux Ming sur la base des monographies locales et de monastères » (Kyūkanshi, chihōshi wo riyōshita dōkan seido no kenkyū – Sōdai kara mindai wo chūshin ni 宮觀志・地方志を利用した道 觀制度の研究 ― 宋代から明代を中心に) financé par le Keio gijuku daigaku gakuji sinkō sikin 慶應義塾大學學事振興資金 – ainsi que du projet « Les pratiques taoïstes sous les Ming, vues au travers des monographies de temples » (Dōkan kanren siryō wo kijiku toshita mindai dokyō no shūkyō katsudō no kisoteki kenkyū 道觀關聯資料を基軸とした明代道教の宗教活動の基礎的研 究) financé par le Nihon gakujutsu shinkōkai kagaku kenkyūhi hojyokin 日本學 術振興會科學研究費補助金.
10.1484/M.BEHE-EB.5.130240
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autour de ce rapport indissociable entre grands temples urbains et centres religieux en montagne que le présent article se propose d’apporter une contribution à notre volume sur les lieux saints. Dès les débuts de l’époque mongole, le taoïsme dans la région du Jiangnan est dominé par l’ordre Zhengyi dirigé par les Maîtres célestes Zhang 張天師 du Longhushan 龍虎山, et est aussi contrôlé par une branche du Zhengyi, le Xuanjiao 玄教. Les Maîtres célestes et les patriarches du Xuanjiao ont obtenu du gouvernement impérial le privilège de distribuer des certificats d’ordination et de nommer les fonctionnaires taoïstes en charge du clergé local (supérieur, Daolu 道錄, dans les circuits ; recteur, Daozheng 道正, dans les préfectures). De plus, via un office nouvellement établi, Le Bureau des affaires taoïstes pour les circuits du Jiangnan 江南諸路道教所, ils peuvent nommer les abbés des monastères – le circuit, lu 路, la plus large entité administrative mongole, est le prédécesseur direct des provinces modernes. Cela implique que les dirigeants de l’ordre Zhengyi et du Xuanjiao ont un contrôle effectif sur le taoïsme dans cette région. Aussi ces dirigeants ont envoyé des taoïstes du Longhushan 1 dans tous les monastères de la région pour en prendre le contrôle 2. Dans des travaux précédents, j’ai pu montrer que sous les Yuan, les taoïstes du Longhushan prenant la direction des monastères du Jiangnan ont aussi voulu préserver les traditions et les droits des taoïstes qui
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Par « taoïste du Longhushan », j’entends ici 1) les taoïstes ordonnés et formés au Longhushan, 2) les disciples des Maîtres célestes successifs, 3) les disciples des patriarches successifs du Xuanjiao et 4) les taoïstes ayant entretenu des rapports de collaboration étroits avec les Maîtres célestes ou les patriarches du Xuanjiao. Sur l’histoire du Longhushan, voir Vincent Goossaert, Heavenly Masters. Two thousand Years of the Daoist State, Honolulu, University of Hawai’i Press et Hong Kong, Chinese University Press, 2021. Parmi les principaux travaux sur le contrôle politique du taoïsme sous les Yuan, il faut citer : Takahashi Bunji 高橋文治, « Chō Ryūson no tōjyō zengo: Hakkyū bunsho kara mita Mongoru jidai no dokyō 張留孫の登場前後 發給文書から見 たモンゴル時代の道教 », dans Mongoru jidai dokyō bunsho no kenkyū モンゴル 時代道教文書の研究, Tokyo, Kyūko Shoin, 2012 ; Miya Noriko 宮紀子, « “Ryūkozan-shi” kara mita Mongoru meireibun no sekai: Shōitsukyō kyōdan kenkyū josetsu “龍虎山志” からみたモンゴル命令文の世界 : 正一教團研究序說 », Tōyōshi kenkyū 東洋史研究 63 (2004), p. 296-330 ; Liu Shao 劉曉, « Yuandai daojiao gongwen chutan – yi Chengtianguan gongju yu Lingyingguan jiayi zhuchi zhafu bei wei zhongxin 元代道教公文初探-以《承天觀公據 》與《 靈應觀甲 乙住持劄符碑 》為中心 », Tōhō gakuhō 東方學報 86 (2011), p. 671-692.
Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin s’y trouvaient et cherché une coexistence mutuellement bénéfique 3. Le présent article vise à prolonger cette réflexion par l’examen précis d’un cas bien documenté, à savoir les grands monastères du centre de l’actuel Jiangsu, autour de Nankin, et de la façon dont les taoïstes du Longhushan ont pu y établir leur pouvoir. Pour ce faire, il faut d’abord examiner la situation dans cette région avant l’arrivée des dignitaires du Longhushan à la suite de l’invasion mongole. Notre fil rouge sera l’histoire d’un grand temple, qui demeura au cours des siècles le plus grand centre taoïste officiel de la ville de Nankin, qui (comme la majorité des grands temples taoïstes officiels) s’appela Tianqingguan 天慶觀 sous les Song et Xuanmiaoguan 玄妙 觀 sous les Yuan, et reçut au début des Ming son titre de Chaotiangong 朝天宮 (Palais de l’audience céleste). Sous cette dernière appellation, il fut le plus prestigieux site pour les rituels taoïstes impériaux dans ce qui était devenu la capitale de l’empire, et la représentation officielle de l’administration taoïste au Longhushan, mais cela était déjà dans une certaine mesure le cas déjà sous les Mongols. Le taoïsme au Jiangsu sous les Song et les daoshi du Maoshan On ne trouve dans les sources disponibles que de rares cas de présence des taoïstes du Longhushan au Jiangsu jusqu’à la fin des Song 4, par contraste avec l’influence très marquée de la montagne sainte au
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Sakai Norifumi 酒井規史, « Shōitsukyō, Genkyō to Kōnan no zairai dōkan 正一 教, 玄教と江南の在來道觀 », Tōyō no shisō to shūkyō 東洋の思想と宗教 30 (2013), p. 16-35. Je montre dans cet article le jeu complexe de maintien des traditions locales et d’alliance avec le nouveau pouvoir clérical basé au Longhushan : quand les dignitaires du Longhushan ou du Xuanjiao ne pouvaient contrôler directement une région, ils nommaient des taoïstes locaux aux postes à responsabilité. Quand ils exerçaient un contrôle direct, ils protégeaient néanmoins les intérêts des traditions locales, notamment par la compilation de monographies célébrant les grands monastères et leurs traditions propres, telles que le Dongxiao tuzhi 洞霄圖志, Deng Mu 鄧牧 (1247-1306), Meng Zongbao 孟宗寶, édition Zhibuzuzhai congshu 知不足齋叢書, 1882, ou le Maoshanzhi 茅山志, Liu Dabin 劉大彬, Daozang no 304. Zhizheng Kunshan junzhi 至正崑山郡志, Yang Hui 楊譓, Wanwei biezang 宛 委別藏, Taipei, Taiwan shangwu yinshuguan, 1981, 5.16a-b, relate comment Yi Rugang 易如剛 est devenu le fondateur et premier abbé du monastère Lingying puzhaoguan 靈應普照觀 à Kunshan (près de Suzhou).
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cœur de cette région, le Maoshan 茅山. Les taoïstes s’étant formé au Maoshan se retrouvent dans un grand nombre de temples et monastères de cette région, et en ont souvent la direction. Quelques exemples qui suivent nous en convaincront. Regardons d’abord le cas de Zhou Jingxiang 周景翔 (surnom Rongqian 容遷) documenté par son épitaphe érigée en 1128 5. Zhou était originaire de Wu (l’actuelle Suzhou) et devint taoïste au Tianqingguan 天慶觀 (sans doute à Suzhou même) ; il devint ensuite disciple du 25e patriarche Shangqing Liu Hunkang 劉混康 qui lui transmit « les registres et les techniques rituelles des talismans et incantations » 經 籙符咒之法. En 1108, il devint l’abbé du Tianning wanshougong 天 寧萬壽宮, un grand monastère de Pingjiang 平江府 (Suzhou). Il se rendait fréquemment sur les grottes-cieux de Huayang 華陽 (au Maoshan) et de Linwu 林屋 (sur une île près de Suzhou) et entretenait des rapports étroits avec les taoïstes qui y résidaient. L’auteur de l’épitaphe, Ding Tao 丁濤, fait encore l’éloge de Zhou et d’un autre taoïste du Maoshan, Chen Xiwei 陳希微 6, disant que « l’essor du taoïsme dans la région du Jiangsu a vraiment commencé avec eux deux » 三 吳道教之盛,實自二公始云. D’autres données biographiques sur Liu Hunkang se trouvent dans une inscription datée de 1150, le Changshan Wuxixian Canshan Mingyangguan ji 常山無錫縣璨山明陽觀記 7. Le monastère Mingyangguan fut fondé sous l’ère Tianjian des Liang (502-519) sous le nom de Dongyangguan 洞陽觀. En 1105, il fut refondé par Lu Zhirou 廬至柔, l’abbé du Dongxuguan 洞虛觀 8. En 1107, Liu Hunkang promut Lu Zhirou auprès de la cour et obtint une plaque officielle pour le monastère qui fut alors renommé Mingyangguan. L’inscription n’évoque pas un séjour au Maoshan de Lu Zhirou, mais
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Song Sangqing dadong fashi Zhou Rongqian muzhiming 宋上清大洞法師周容 遷墓誌銘, dans Suzhou bowuguan cang lidai beizhi 蘇州博物館藏歷代碑誌, Suzhou bowuguan 蘇州博物館, éd., Beijing, Wenwu chubanshe, 2012, p. 48-49. Maoshanzhi, 16.3b-4a. Chen fut le disciple de Liu Hunkang et du 26e patriarche Da Jingzhi 笪淨之. Daojia jinshilüe 道家金石略, Chen Yuan 陳垣, Chen Zhichao 陳智超 et Zeng Qingying 曾慶瑛, éd., Beijing, Wenwu chubanshe, 1988, p. 350-351. Le Dongxuguan se trouve dans le district de Wuxi 無錫縣, préfecture de Changzhou, il fut fondé en 536 et reçut officiellement le nom de Dongxuguan en 1009 : Xianchun Pilingzhi 咸淳毗陵志, Shi Nengzhi 史能之, Song Yuan fangzhi congkan 宋元方志叢刊, Beijing, Zhonghua shuju, 1990, 25.9b-10a.
Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin montre clairement sa haute réputation dans toute la région du Jiangsu. Liu Hunkang entretenait des rapports très étroits avec l’empereur Huizong 9 et jouait le rôle de représentant à la cour de l’ensemble du taoïsme ; il utilisa cette position pour promouvoir l’autonomie de diverses traditions locales. Après la mort de Lu Zhirou, les taoïstes du Mingyangguan invitèrent comme nouvel abbé Feng Taishen 馮太申, lui aussi un taoïste du Maoshan 10. Un autre personnage éminent dans le paysage institutionnel taoïste de cette région est un contemporain de Liu Hunkang, Huang Cheng 黃 澄, qui fut « abbé nommé par édit impérial » 敕差住持 du Shenxiao wanshougong 神霄萬壽宮 à Jinshan 金山, préfecture de Zhenjiang 鎮江. Ce grand monastère officiel est l’un des monastères du même nom fondés dans chaque entité administrative par l’empereur Huizong à la suite des révélations du Shenxiao en 1116-1119. Celui de Zhenjiang était l’un des plus grands, et Huizong le loua comme « le premier dans le monde » 天下第一 11. On note encore un autre taoïste du Maoshan, Fu Xiao 傅霄, en charge du Tianqingguan 天慶觀 à Changzhou 常州 sous les Song du sud 12. Le Shenxiao wanshougong et le Tianqingguan sont deux des institutions taoïstes officielles et des centres pour le taoïsme à l’échelle locale. La présence des taoïstes du Maoshan dans les grands temples de la région est donc un phénomène général de cette époque. C’est à l’époque de Liu Hunkang que s’est formée l’institution d’une lignée de patriarche (zongshi 宗師) possédant le monopole de conférer les ordinations Shangqing à l’autel patriarcal, zongtan 宗壇, situé dans le temple Yuanfu wanninggong 元符萬寧宮 du Maoshan. Par la suite, ce temple a occupé un rôle essentiel dans les carrières des taoïstes aspirant aux plus hauts rangs, et le Maoshan, déjà florissant sous les Tang voit son statut de lieu saint prééminent du Jiangnan 9.
Les lettres et poèmes donnés par l’empereur Huizong à Liu Hunkang, consignés dans les juan 3 et 4 du Maoshanzhi, témoignent de leur lien très étroit ; voir Caroline Gyss-Vermande, « Lettres de Song Huizong au maître du Maoshan Liu Hunkang, ou le patronage impérial comme pratique de dévotion », dans Hommage à Kwong Hing Foon. Études d’histoire culturelle de la Chine, Jean-Pierre Diény, dir., Paris, Collège de France, Institut des hautes études chinoises, 1995, p. 239-253. 10. Maoshanzhi, 16.3a-b. 11. Maoshanzhi, 16.4a ; Wang Zao 汪澡, Zhenjiangfu Jinshan Shenxiaogong bei 鎮 江府金山神霄宮碑, dans Fuxiji 浮溪集, édition Siku quanshu, 20.5a-8a. 12. Maoshanzhi, 16.7a-b.
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encore renforcé. On y trouve alors un nombre important de monastères et temples de grande taille qui servent de lieux de formation pour les taoïstes de toute la région. De fait, à partir des Song du sud, les patriarches du Shangqing sont tous originaires de la région avoisinant le Maoshan 13. La présence des daoshi du Longhushan au Jiangnan sous les Yuan À partir de la conquête du sud de la Chine par les Mongols, achevée en 1279, les taoïstes du Longhushan commencent à intervenir dans les affaires taoïstes au Jiangnan et à s’installer dans les temples et monastères du Jiangsu, menant à un certain déclin de l’influence du Maoshan. En 1277, l’empereur Qubilai confère la direction des affaires taoïstes au Jiangnan au 36e Maître céleste Zhang Zongyan 張宗演 (1244-1291) 14. La biographie de ce dernier dans la monographie du Longhushan nous dit que l’État Yuan lui donna : Un sceau en argent de fonctionnaire de troisième rang et la charge des affaires taoïstes pour la région du Jiangnan. Il avait le privilège de décerner lui-même des certificats d’ordination comme daoshi, et tous les fonctionnaires taoïstes, le supérieur, Daolu dans les circuits, le recteur, Daozheng dans les préfectures, et le superviseur, Weiyi, dans les districts, étaient sous son autorité. 仍給三品銀印, 令主江南道教事。得自出牒度人為道士, 諸路 設道録司, 州設道正司, 縣設威儀司, 皆属焉 15。 13. Selon leurs biographies consignées dans le juan 12 du Maoshanzhi, les patriarches Shangqing des Song du sud et du début des Yuan étaient tous originaires de la région du Jiangsu. 14. Yuanshi 元史, Song Lian 宋濂 et al., éd., Beijing, Zhonghua shuju, 1976, 9:187. Pour une introduction au Zhengyi sous les Yuan, voir Sun Kekuan 孫克寬, Yuandai daojiao zhi fazhan 元代道教之發展, Taipei, Sili donghai daxue, 1968, p. 1-74 ; Qing Xitai 卿希泰, éd., Zhongguo daojiaoshi (xiudingben) 中國道教史 (修訂版), vol. 3, Chengdu, Sichuan renmin chubanshe, 1996, p. 281-320. 15. Longhushan zhi 龍虎山志, Yuan Mingshan 元明善 (Yuan), Zhou Zhao 周召 (xve siècle), éd., Daojiao wenxian 道教文獻, Taipei, Danqing, 1983. Sur l’histoire textuelle de cette importante monographie, voir Miya Noriko, « “Ryūkozan-shi” kara mita Mongoru meireibun no sekai ».
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin En d’autres mots, le Maître céleste possédait désormais l’autorité d’une part sur les ordinations et certifications du clergé et d’autre part sur les autorités cléricales à tous les niveaux. Peu de temps après, un nouveau lignage fut formé par des taoïstes du Longhushan et nommé Xuanjiao 玄教 16. Le fondateur en était Zhang Liusun 張留孫 (1248-1321), qui avait accompagné le Maître céleste Zhang Zongyan à la cour. Après le retour de Zhang Zongyan au Longhushan, Zhang Liusun resta à la capitale comme représentant des Maîtres célestes et gagna la confiance de l’empereur et du clan impérial, bâtissant progressivement une position très solide. Dès 1278, il fut nommé premier patriarche du Xuanjiao. Selon la monographie du Longhushan, son titre était « patriarche du Xuanjiao 玄教宗 師 » et intendant général du taoïsme pour tous les circuits du Jiangnan 江南諸路道教都提點 ; il dirigeait directement les taoïstes des circuits de Huaidong, Huaixi, Jing et Xiang 淮東, 淮西, 荊襄等路道教, ce qui désigne toute la région entre la Huai au nord et le Yangzi au sud, séparant ainsi le nord de la Chine dirigé par les patriarches Quanzhen et les régions au sud du Yangzi dirigé par l’ordre Zhengyi (les Maîtres célestes). Peu après, Zhang Liusun commença à nommer les fonctionnaires taoïstes et les abbés des grands monastères dans cette région. Pendant la seconde moitié de l’époque mongole, l’aire d’influence du Xuanjiao s’élargit au-delà de cette zone et commença à empiéter dans la zone d’influence du Zhengyi 17. Au travers de l’instance nouvellement établie de Bureau des affaires taoïstes des circuits du Jiangnan 江南諸路道教所, les dirigeants du Zhengyi et du Xuanjiao nommaient les abbés des monastères. Les données historiques confirment amplement cette nouvelle configuration. Par exemple, la monographie du Dongxiaogong 洞
16. Pour une introduction au Xuanjiao, voir Zeng Zhaonan 曾召南, « Yuandai daojiao Longhuzongzhipai Xuanjiao jilüe 元代道教龍虎宗支派玄教紀略 », Shijie zongjiao yanjiu 世界宗教研究 1986.1, p. 77-90 ; Qing Xitai 卿希泰, éd., Zhongguo daojiaoshi (xiudingben), p. 281-320. 17. Sur l’étendue géographique du contrôle exercé par le Xuanjiao, voir Liu Shao, « Yuandai daojiao gongwen chutan ». Parfois, le contrôle exercé par le Zhengyi et celui du Xuanjiao entraient en tension : Takahashi Bunji, « Chō Ryūson no tōjyō zengo: Hakkyū bunsho kara mita Mongoru jidai no dokyō ».
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霄宮, un des plus grands monastères de Hangzhou, contient un édit de nomination de son abbé signé en 1278 par le Bureau des affaires taoïstes et le Maître céleste 18. Dans cette nouvelle situation, les monastères taoïstes du Jiangsu devaient réagir et prendre des mesures pour s’adapter. Ainsi, dès 1279, Zhang Shanyuan 張善淵 du monastère Tianqingguan du circuit de Pingjiang adressa un mémoire à la cour demandant la préservation des droits de son monastère 19. Avec le soutien du Maître céleste, il se présenta à la cour accompagné de son disciple Bu Zonghao 步宗浩 et fut traité avec les honneurs par Qubilai qui le confirma comme responsable des taoïstes du circuit de Pingjiang et abbé du Tianqingguan ; il fut de surcroît nommé responsable des taoïstes du circuit de Zhenjiang et abbé du Zhaoruigong 照瑞宮 de Shaoxing 20. Le Tianqingguan était l’un des plus importants monastères de toute la région ; par cette manœuvre, Zhang Shanyuan espérait à la fois affermir son alliance avec le Maître céleste et l’autonomie de son monastère. De fait, l’ordre Zhengyi comme le Xuanjiao n’avaient pas les moyens de contrôler seuls et directement les temples et clercs taoïstes dans une région entière comme le Jiangnan ; ils adoptèrent donc l’approche consistant à reconnaître l’autonomie des plus grands monastères et la position des taoïstes locaux les plus influents et à nouer avec eux des alliances mutuellement bénéfiques 21. Le Tianqingguan de Suzhou jouissait d’une longue et prestigieuse histoire, et son abbé Zhang Shanyuan était l’héritier du charismatique Mo Yueding 莫月鼎 (1226-1293) célèbre pour ses rituels du tonnerre (leifa 雷法) ; le Longhushan ne pouvait envisager de le remplacer et se substituer à lui et le confirma donc dans sa position.
18. Dongxiaogong zhuchi timing 洞霄宮住持題名, dans Dongxiao tuzhi, juan 5. 19. Kobayashi Takamichi 小林隆道, « Soshū Genmyōkan genpi「Tenkeikan kōotsubufu kōkyo」kō 蘇州玄妙觀元碑「天慶觀甲乙部符公據」考 », dans Sōdai Chūgoku no tōchi to bunsho 宋代中國の統治と文書, Tokyo, Kyūko Shoin, 2013, p. 339-368. 20. Suzhou fuzhi 蘇州府志, Lu Xiong 盧熊, manuscrit de 1379, Zhongguo fangzhi congshu 中國方志叢書, Taipei, Chengwen, 1983, 41:1681 et Gusu zhi 姑蘇 志, Wu Kuan 吳寬, Wang Ao 王鏊 et al. éd., Tianyige cang Mingdai fangzhi xuankan xubian 天一閣藏明代方志選刊續編, Shanghai, Shanghai shudian, 1990, 58.35b-36a donnent des données biographiques sur Zhang Shanyuan. 21. Sakai Norifumi, « Shōitsukyō Genkyō to Kōnan no zairai dōkan ».
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin Cette approche de délégation, cependant, n’était pas la seule option : nous avons également un bon nombre de cas où des taoïstes du Longhushan ou des disciples du Maître céleste ou des patriarches du Xuanjiao furent envoyés pour venir prendre directement le contrôle de monastères. Nous allons examiner maintenant plusieurs cas de ce type, qui existent dans différentes régions mais sont particulièrement fréquents dans les actuelles provinces du Zhejiang et du Jiangsu. Ainsi, les monastères au service de l’empereur, yuqian gongguan 御前 宮觀 de l’ancienne capitale des Song, Hangzhou, passèrent tous sous le contrôle direct des taoïstes du Longhushan, tels que Wang Shouyan 王壽衍 (1273-1353, qui dirigea le Kaiyuanguan 開元宮, le Youshenggong 佑聖宮 et le Yanxiangguan 延祥觀), Sun Yiquan 孫益權 (qui dirigea aussi le Youshenggong et le Yanxiangguan) ou Du Daojian 杜 道堅 (1237-1318, qui dirigea le Zongyangguan 宗陽宮). Wang et Du occupèrent aussi le poste de fonctionnaire taoïste pour le circuit de Hangzhou 22. Avant l’émergence de ces nouveaux leaders taoïstes, les taoïstes du Longhushan ne contrôlaient pas d’institution au-delà de la périphérie immédiate du Longhushan. Pour eux, la prise de contrôle de grands temples et monastères urbains à partir des années 1270 était un nouvel objectif et une nouvelle expérience ; ce développement leur donna accès aux ressources économiques considérables de ces puissantes institutions qu’étaient les grands temples urbains du Jiangnan. La section biographique de la monographie du Longhushan comprend plusieurs de ces taoïstes envoyés diriger un grand monastère du Jiangsu : Xu Maozhao 徐懋昭 (dans le circuit de Changzhou), Yu Yicheng 余以誠 (circuit de Zhenjiang) et Feng Daoyuan 馮道原 (circuit de Yangzhou) 23. Parmi eux, Xu Maozhao était l’aîné des disciples de Zhang Liusun 24 ; Yu Yicheng figurait aussi parmi ces disciples et obtint le titre prestigieux de « transcendant », zhenren 真人 25. Les rapports de 22. Wu Xiaohong 吳小紅, « Nansong yuqian gongguan zai Yuandai bianqian – jianlun Jiangnan jige daopai de chenfu 南宋御前宮觀在元代變遷-兼論江南 幾個道派的沉浮 », dans Make Poluo youliguo de chengshi – Quinsay : Yuandai Hangzhou yanjiu wenji 馬可波羅遊歷過的城市 – Quinsay : 元代杭州研究文 集, Hangzhou, Hangzhou chubanshe, 2012, p. 508-536. 23. Longhushan zhi, juan 2, section « zhu gaoshi 諸高士 ». 24. Zhu Siben 朱思本, « Gu Baohe tongmiao chongzheng zhenren Xu gong xingshu 故保和通妙崇正真人徐公行述 », Zhenyizhai wen 貞一齋文, dans Wanwei biezang 宛委別藏, Taipei, Taiwan shangwu yinshuguan, 1981, 13a-16b. 25. Yuan Jue 袁桷 (1266-1327), « Youyuan Kaifuyi tong sansi shangqing fucheng zanhua baoyun Xuanjiao dazongshi Zhang gong jiazhuan 有元開府儀同三司上
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Feng Daoyuan avec Zhang Liusun et les Maîtres célestes sont moins clairs, mais son inclusion dans la monographie du Longhushan indique clairement son affiliation 26. Regardons maintenant plus en détail l’implantation au Jiangsu de ces taoïstes du Longhushan 27. Les circuits de Pingjiang 平江路 et Zhenjiang 鎮江路 Comme on l’a déjà vu, au début de la période mongole, Zhang Shanyuan du Tianqingguan de Suzhou fut nommé supérieur (Daolu) du circuit de Pingjiang. Lui succéda en 1306 Zhou Jingqing 周靜清, un disciple du 36e Maître céleste Zhang Zongyan 28 et à partir de ce moment les affaires taoïstes dans ce circuit furent contrôlées par des taoïstes du Longhushan. Zhou Qingjing reçut des honneurs impériaux sur la recommandation de Zhang Liusun et fut aussi le fondateur et premier abbé du Pufuguan 普福觀. Ce monastère situé à Changshu 常 熟州 juste au nord de Suzhou fut fondé par Zhou sur son lieu de naissance 29. Le supérieur (Daolu) suivant fut Yu Yicheng 余以誠, nommé en 1308. Yu Yicheng avait déjà été nommé supérieur du circuit de Zhenjiang en 1295 ; en 1301 il avait reconstruit le Xuanmiaoguan de Zhenjiang et la même année construit un nouveau monastère, le Qianyuan wanshougong 乾元萬壽宮 30. Ce titre de wanshougong (palais où l’on prie pour la longévité de l’empereur) montre l’importance et le statut élevé de cette nouvelle fondation, et donc l’influence de Yu Yicheng.
26. 27. 28.
29. 30.
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卿輔成賛化保運玄教大宗師張公家傳 », Qingrong jushi ji 清容居士集, édition Sibu congkan, 34.14b-22a. Pour les filiations des taoïstes du Xuanjiao, voir Yuan Ji 袁冀, « Yuandai Xuanjiao dizi fasun kao 元代玄教弟子法孫考 », dans Yuanshi luncong 元史論叢, Taipei, Lianjing, 1978, p. 197-211. Pour la diffusion géographique du Xuanjiao, voir Yuan Ji, « Yuandai Xuanjiao gongguan jiaoqu kao 元代玄教宮觀教區考 », dans Yuanshi luncong, p. 175-195. Cao Yuanyong 曹元用, Zhou zhenren daoxingbei 周真人道行碑, dans Shuangfeng lizhi 雙鳳里志, Shi Baochen 時寶臣, éd., Zhongguo fangzhi jicheng, xiangzhenzhi zhuanji 中國方志集成, 鄉鎮志專輯, vol. 9, Nanjing, Jiangsu guji chubanshe, 1992, 5.22a-b. Il faut remarquer que Zhou Jingqing n’avait pas commencé sa carrière religieuse à Changshu mais au Longhushan. Zhishun Zhenjiangzhi 至順鎮江志, Yu Xilu 俞希魯, Song Yuan fangzhi congkan 宋元方志叢刊, Beijing, Zhonghua shuju, 1990, 10.1b-2a.
Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin Le successeur de Yu Yicheng comme supérieur du circuit de Zhenjiang était un autre taoïste du Xuanjiao, Xue Tingfeng 薛廷鳳. Xue avait commencé sa carrière au Longhushan ; il était un disciple du second patriarche du Xuanjiao, Wu Quanjie 吳全節 (1269-1346) et fut le maître du cinquième patriarche, Yu Youxing 于有興 ; il occupe donc une place importante dans l’histoire de ce lignage. En 1348 ou 1350 (la source est imprécise) il fut nommé responsable des affaires taoïstes à Zhenjiang et abbé des trois monastères Qianyuan wanshougong, Xuanmiaoguan et Ningxiguan 凝喜觀 31. Il occupait donc à la fin de l’époque mongole une position totalement dominante dans cette région. Le circuit de Changzhou 常州路
En 1309, Ni Wenguang 倪文光 fut nommé supérieur (Daolu) du circuit de Changzhou, une région qui entra tôt dans la zone d’influence du Longhushan 32. Bien que Ni n’était pas le disciple d’un Maître céleste ou d’un patriarche du Xuanjiao, Zhang Liusun tenait ses capacités en très haute estime et le fit nommer à la direction des affaires taoïstes de ce circuit. Après que Xu Maozhao fut devenu intendant du monastère Tongzhenguan 通真觀 de Changzhou en 1302, il en devint l’abbé et le resta pendant plus de trente ans. En 1320, Zhang Delong 張德隆, un taoïste du Xuanjiao, lui succéda comme abbé ; Zhang était un disciple à la fois de Zhang Liusun et de Xu Maozhao 33. Cet exemple montre comment les taoïstes du Xuanjiao ont pu conserver et se transmettre 31. Wang Yi 王禕, Majishan Zifuguan bei 馬蹟山紫府觀碑, dans Wang Zhongwengong wenji 王忠文公文集, Beijing tushuguan guji zhenben congshu 北京圖書 館古籍珍本叢書, vol. 98, Beijing, Shumu wenxian chubanshe, 1988, 16.7a-9a. 32. Yu Ji 虞集 (1272-1348), Ni Wenguang mubei 倪文光墓碑, dans Daoyuan xuegulu 道園學古錄, édition Sibu congkan, 50.7a-9b. 33. Yuan Jue, « Youyuan Kaifuyi tong sansi shangqing fucheng zanhua baoyun Xuanjiao dazongshi Zhang gong jiazhuan ». Selon Huang Jin 黃溍 (12771357), Tejin Shangqing Xuanjiao dazongshi Yuancheng wenzheng zhonghe yiyun dazhenren zongshe Jiang Huai Jing Xiang dengchu daojiaoshi zhi Jixianyuan daojiaoshi Xia gong shendaobei 特進上卿玄教大宗師元成文正中和翊運大真 人總攝江淮荊襄等處道教事知集賢院道教事夏公神道碑, dans Jinhua Huang xiansheng wenji 金華黃先生文集, édition Sibu congkan, 27.19b-22b, il succéda au troisième patriarche du Xuanjiao Xia Wenyong 夏文冰 et devint le quatrième patriarche.
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les positions de pouvoir. Par la suite, Zhang Delong confia le poste d’intendant du même monastère à Chen Jingmao 陳景懋, qui était déjà abbé du Tianshen wanshougong 天申萬壽宮 à Changzhou 34. Chen Jingmao sut se montrer digne de la confiance accordée par son protecteur et s’employa à développer le Tongzhenguan 35. Les sources existantes ne nous disent pas quels étaient les rapports de Chen avec les taoïstes du Longhushan mais sa carrière montre que ces derniers étaient prêts à coopter et à confier des responsabilités importantes aux taoïstes les plus brillants de la région. Le circuit de Yangzhou 揚州路 Le Tianqingguan de Yangzhou tomba en ruines au moment de la conquête mongole, mais il fut renommé Xuanmiaoguan et reconstruit à l’initiative de Zhang Liusun vers la fin de l’ère Zhiyuan. La supervision de cette entreprise fut confiée à Feng Daoyuan 36. On ne connaît pas les détails de ses rapports avec Zhang Liusun, mais le fait qu’ils soient venus ensemble visiter Yangzhou suggère fortement qu’il était son disciple. Feng fut ensuite nommé supérieur (Daolu) du circuit de Yangzhou et il est probable qu’il gérait les affaires taoïstes de cette région prospère depuis le Xuanmiaoguan qui en était ainsi le centre. Après le décès de Feng Daoyuan, Lei Xifu 雷希復 hérita de la charge de faire prospérer le Xuanmiaoguan. Lei avait fondé un monastère, le Tongzhenguan 通真觀, à Zhenzhou 真州, près de Zhenjiang. Feng avait une haute opinion de lui et le nomma responsable des temples de Yangzhou, en charge des affaires des divers monastères 揚 州道場攝觀事 37. En 1310, Lei supervisa l’achèvement des travaux au Xuanmiaoguan. Le juge taoïste pour le circuit de Yangzhou 揚州路 道判, Shangguan Yuling 上官與齡 38 fit un rapport à Zhang Liusun et 34. Xianchun Pilingzhi, 25.10b, indique que le Tianshengong 天申宮 se trouve à Wuxi et qu’il reçut officiellement son titre de Tianshen wanshougong 天申萬壽 宮 en 1170. 35. Jie Xisi 揭傒斯, Changzhou Tongzhenguan xiuzao ji 常州通真觀修造記, dans Jie wen’angong quanji 揭文安公全集, édition Sibu congkan, 11.12b-14a. 36. Cheng Jufu 程鉅夫 (1249-1318), Yangzhou chongjian Xuanmiaoguan bei 揚州 重建玄妙觀碑, dans Xuelou ji 雪樓集, édition Siku quanshu, 19.27b-29b. 37. Cheng Jufu, Yangzhou chongjian Xuanmiaoguan bei. 38. Shangguan Yuling est aussi un des disciples de Zhang Liusun : Yuan Jue,
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin en 1312 ce dernier nomma Lei abbé et intendant du Xuanmiaoguan 39. Lei n’était pas à l’origine un taoïste du Longhushan mais il fut coopté et promu par ces derniers. Le circuit de Jiqing 集慶路 Le plus grand temple de ce circuit dont le siège était la ville de Nankin, était le Xuanmiaoguan. La prospérité de ce monastère au début de l’époque mongole est liée à la personne de Zhao Siqi 趙嗣 祺. Zhao n’était pas le disciple d’un Maître céleste ou d’un patriarche du Xuanjiao mais il développa avec eux des liens si étroits qu’on peut l’assimiler à un taoïste du Longhushan 40. Zhao était entré en religion au Xiandushan 仙都山 (aussi nommé Jinyunshan 縉雲山, la 29e petite grotte-ciel), puis devint le disciple de Zhang Demao 張德懋 au Tianyou daoyuan 天遊道院 des monts Wuyi 武夷山. Zhang était le disciple de Du Daojian lui-même très lié aux taoïstes du Longhushan, et il présenta Zhao Siqi à son maître. Par la suite, Du Daojian emmena Zhao avec lui quand il se rendit à la cour où Zhao put entrer en relation avec Zhang Liusun et Wu Quanjie. En 1314, Zhao Siqi fut envoyé dans son district natal pour prendre la direction du Yuxugong 玉虛宮 au Xiandushan, tout en étant concurremment nommé abbé du Zixuguan 紫虛觀 à Shaoweishan 少微山. Après avoir supervisé la reconstruction du Yuxugong, Zhao obtint le privilège de transmettre la charge d’abbé à ses disciples uniquement ( jiayi zhuchi 甲乙住持), une décision impériale obtenue avec le soutien du 39e Maître céleste Zhang Sicheng 張嗣成 (?–1344?) et du
« Youyuan Kaifuyi tong sansi shangqing fucheng zanhua baoyun Xuanjiao dazongshi Zhang gong jiazhuan ». 39. Cheng Jufu, Lushan chongjian Guangfuguan ji 廬山重建廣福觀記, dans Xuelouji, 13.19a-20b affirme que Lei Xiwei était intendant du Xuanmiaoguan de Yangzhou. 40. Chen Lü 陳旅 (1288-1343), Kunshanzhou Chongfuguan ji 崑山州崇福觀記, dans Anyatang ji 安雅堂集, édition Siku quanshu, 8.17b-19b ; Chen Xingding 陳性定, éd., Xiandu zhi 仙都志, Daozang no 602, 2.2b-3a ; Huang Jin, Xuanming hongdao xuyi xiansheng Zhao jun bei 玄明宏道虛一先生趙君碑, dans Jinhua Huang xiansheng wenji, 29.10a-11b ; Yu Ji, Chuzhoulu Shaoweishan Zixuguan ji 處州路少微山紫虛觀記, dans Daoyuan xuegulu, 46.7b-9a ; Yu Ji, Xiandushan xinzuo Yuxugong bei 仙都山新作玉虛宮碑, dans Daoyuan xuegulu, 48.2b-3b.
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patriarche Zhang Liusun, ce qui montre les excellentes relations que Zhao avait su tisser avec ces pontifes. En 1318, il fut encore nommé abbé de tous les monastères du circuit 住持兼本路諸宮觀, lui conférant une autorité très étendue. Pendant qu’il dirigeait le Yuxugong, Zhao Siqi se vit confier le rôle hautement prestigieux de daisi 代祀, c’est-à-dire se rendre en différents lieux saints pour y sacrifier aux dieux des montagnes et autres sites naturels au nom de l’empereur. Parmi les dignitaires taoïstes qui reçurent cet honneur, on compte surtout Zhang Liusun et Wu Quanjie. Zhao fut envoyé « sacrifier par délégation impériale au mont Hua, à Wushan, au Fleuve Yangzi, aux monts Song, Wangwu et au Fleuve Ji » 代祀太華, 吳山, 江瀆, 嵩高, 王屋, 濟源 41, puis à nouveau « il reçut à plusieurs reprises la mission d’apporter l’encens impérial, en voyageant par la poste officielle, dans les lieux saints des régions de la Huai, de Shu, de Jing, de Xiang, Jiang, Zhe, Hu, Guang, Min, Hai, Si et Po » 又數欽捧御香,馳驛淮, 蜀, 荆, 襄, 江, 浙, 湖, 廣, 閩, 海, 思, 播等處 42, c’est-à-dire dans tout l’empire. Quand Zhang Liusun et Wu Quanjie voyageaient pour sacrifier au nom de l’empereur, les monastères et les communautés taoïstes locales les recevaient, contribuant ainsi à établir des réseaux taoïstes à l’échelle de l’empire 43. Il fait peu de doute que les voyages de Zhao Siqi vers tous les lieux saints se firent dans des conditions et eurent des conséquences semblables. À la suite de ces événements, Zhao Siqi devint l’abbé du Xuanmiaoguan de Nankin, qu’il fit rénover et agrandir et pour lequel il obtint le titre de Dayuanxing yongshougong 大元興永壽宮 ; il fut aussi promu responsable des affaires taoïstes du circuit de Jiqing 44. Il fut encore nommé abbé de deux autres monastères, le Shengyuan baodeguan 昇元報德觀 (à Deqing 德清 près de Hangzhou) et le Baiheguan 白鶴觀 (probablement à Suzhou). Devenu âgé, il voulut se retirer sur son Xiandushan mais ne put ne désengager de ses responsabilités ; il mourut en 1340 au Baiheguan, un des monastères urbains qu’il dirigeait. Comme le montre ce parcours biographique, bien qu’il ne fût pas à l’origine un taoïste du Longhushan, il fut tôt coopté par ces derniers (en particulier les patriarches du Xuanjiao) qui, dans leur
41. 42. 43. 44.
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Huang Jin, Xuanming hongdao xuyi xiansheng Zhao jun bei. Xianduzhi, juan 2. Sakai Norifumi, « Shōitsukyō genkyō to kōnan no zairai dōkan ». Yu Ji, Chuzhoulu Shaoweishan Zixuguan ji.
Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin choix de taoïstes de talent amenés à diriger les grandes institutions du Jiangnan, promurent Zhao comme l’un de leurs plus proches alliés. Zhao devint ainsi un des principaux représentants du pouvoir du Longhushan dans la mégapole de Nankin. Les origines du Chaotiangong Tous ces éléments d’histoire institutionnelle et de prosopographie nous permettent de comprendre la reconfiguration du taoïsme au Jiangnan sous les Mongols avec l’implantation et la prise de contrôle par les taoïstes du Longhushan et nous mènent à l’histoire de ce qui deviendra à l’époque suivante le plus important monastère de toute la région, le Chaotiangong de Nankin. Ce monastère existait aux époques précédentes sous les noms de Tianqingguan puis de Xuanmiaoguan ; son évolution, sous ces différents noms, entre les Song et les Yuan est tout à fait représentative des reconfigurations du taoïsme au Jiangsu. La grande monographie des temples taoïstes de Nankin compilée à la fin des Ming, le Jinling xuanguanzhi 金陵玄觀志, comprend la description suivante : Le Chaotiangong se trouve sur le mont de la Forteresse de la fonderie (Yecheng) à l’intérieur de l’enceinte de la capitale. Ce mont est dans la partie occidentale de la ville ; Fu Chai, le roi de Wu (?-473 avant notre ère), y avait ses fonderies, d’où le nom. Encore aujourd’hui on voit à l’arrière du mont l’étang où les fondeurs trempaient les épées (sortant de la forge). Sous les Jin (265-420) l’endroit devient le Jardin occidental, ou préfecture de l’ouest, on y construisit le Pavillon de la fonderie. Yang Wu y établit le temple Zijigong, pour lequel Xu Xuan (917-992) des Tang du sud rédigea une inscription. (…) Sous l’ère (Dazhong) Xiangfu des Song (1008-1016), on changea son nom en Xiangfugong, puis à nouveau en Tianqingguan. Après les désastres des guerres de l’ère Jianyan, le gouverneur Bie Zijie le fit reconstruire à l’ère Chunyou. Sous l’ère Yuanzhen (1295-1297) des Yuan, on changea son nom en Xuanmiaoguan, puis, plus tard, en Yongshougong ; le Pavillon de la fonderie fut renommé Pavillon du dragon volant. Sous notre dynastie (Ming), il reçut
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le titre de Chaotiangong ; tous les fonctionnaires de la cour viennent y rendre hommage (à l’empereur) et y prendre part aux rituels. (朝天宮)在都城內冶城山。西城地,吳王夫差冶鑄處,遂 名冶城。今山後有鑄劍池存。晉改西園,又為西州。建冶亭 其上。楊吳就建紫極宮。南唐徐鉉記。(…)。宋祥符間,改 祥符宮。續改天慶觀。建炎兵火,浮祐間,制守別公之傑重 建。元元貞間,改玄妙觀。又改永壽宮,冶亭改為飛龍亭。國 朝賜額朝天宮,百僚朝賀,於此習儀 45。
Le premier temple dans l’histoire de ce qui deviendra le Chaotiangong serait donc le Zijigong construit à l’époque du royaume de Wu (220-265). Cette affirmation paraît peu tenable historiquement : les Zijigong furent construits en de nombreux endroits sous les Tang pour rendre un culte à Laozi (comme ancêtre de la maison impériale). Il est plus probable que l’histoire de ce temple remonte donc aux Tang. Les Zijigong furent ensuite, sous l’ère Kaiyuan (713-741) renommés Kaiyuanguan 開元觀, puis Tianqingguan au début des Song, puis Xuanmiaoguan en 1295 : de nombreux autres grands temples urbains dans toute la Chine ont, comme notre temple à Nankin, une telle histoire continue depuis les Tang au travers des changements de nom. L’inscription de Xu Xuan mentionne la construction d’une salle dédiée au culte du Directeur des destins, Siming zhenjun 司命真君, mais ne donne pas d’autre précision sur les temples et les taoïstes qui l’habitaient au xe siècle. Une inscription de 1252, par Zhang Gongquan 章公權, nous renseigne sur le développement du temple pendant les deux siècles suivants 46 : il fut détruit lors des guerres opposant les Song et les Jin pendant l’ère Jianyan 建炎 (1127-1130). Les taoïstes y revinrent ensuite graduellement, construisant des bâtiments de fortune. Quelque vingt ans plus tard, le préfet Chao Qianzhi 晁 謙之 obtint l’aide financière de la cour en vue d’une vraie reconstruction et invita Fang Qingdi 方清迪 à devenir l’abbé. Vers 1240, Jing Yuanfan 景元範 du Maoshan devint abbé. Jing était un disciple 45. Jinling xuanguanzhi 金陵玄觀志, Ge Yanliang 葛寅亮, éd., reprint Zhongguo daoguan zhi congkan 中國道觀志叢刊, Nanjing, Jiangsu guji chubanshe, 2000, vol. 11, 1.1a. 46. Tianqingguan ji 天慶觀記, dans Jingding Jiankangzhi 景定建康志, Zhou Yinghe 周應合, Song Yuan difangzhi congkan 宋元方志叢刊, Beijing, Zhonghua shuju, 1990, 45.2a-3a ; Jinling xuanguanzhi, 1.10a-12a.
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin du 39e patriarche Shangqing 47 mais était aussi l’héritier du lignage de Fang Qingdi. À ce moment, Nankin souffrait d’une grave sécheresse ; on invita depuis le Maoshan Jing Yuanfan qui était réputé pour ses prouesses rituelles. Jing fit pleuvoir et le préfet, reconnaissant, lui offrit la direction du Tianqingguan, avec pour mission de l’agrandir. Les travaux furent achevés en 1252. Cette inscription montre clairement les liens très étroits entre ce grand temple de la mégapole régionale et le Maoshan proche. Nous n’avons pas de sources sur la situation du Tianqingguan après la chute des Song et au début de l’époque mongole. En 1295, l’État Yuan décréta que tous les monastères taoïstes officiels nommés Tianqingguan seraient renommés Xuanmiaoguan. Les Tianqingguan étaient intimement liés au culte impérial de la maison des Song, et les Mongols souhaitaient par cette mesure, tout en conservant ce réseau de temples taoïstes officiels, éliminer les restes des cultes aux empereurs Song et à leurs ancêtres divins 48. Pour autant, les rituels pour la prospérité de l’empire qui étaient maintenant célébrés dans les Xuanmiaoguan étaient en continuité directe avec ceux qui étaient jadis célébrés dans les Tianqingguan. Dans une inscription dédiée au Xuanmiaoguan de Yangzhou, Cheng Jufu 程鉅夫 (1249-1318) écrit : Pendant l’ère Zhiyuan (1264-1294), un édit impérial décréta que « tous les Tianqingguan de l’empire seraient désormais appelés Xuanmiaoguan. Les fonctionnaires des administrations régionales, des préfectures, des commanderies militaires et autres administrations devront s’y rendre pour les prières officielles les jours prescrits ainsi que les premier et quinzième jours de chaque mois. » Les autres monastères taoïstes ne jouissent en aucun cas de telles faveurs. Aussi, l’opulence et la grandeur des Xuanmiaoguan sont considérables partout dans le monde, et nulle part on n’ose les laisser tomber à l’abandon. 至元中,詔賜天下天慶觀額曰玄妙。凡省臣, 守臣, 軍府外署 在其治者,歲時朔望,咸集而祝釐焉。他觀莫得與比。故天 下玄妙觀宏壯嚴飭,罔敢怠荒 49。 47. Maoshanzhi, 12.10a-b. 48. Le Yuanshi, 18:395, confirme cette décision, datée du septième mois de la première année de l’ère Yuanzhen 元貞 (1295), et précise que les tablettes des ancêtres impériaux des Song devaient y être détruites. 49. Cheng Jufu, Yangzhou chongjian Xuanmiaoguan bei. Cheng Jufu date erronément
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Cette inscription suggère clairement que les Xuanmiaoguan partout dans l’empire servaient de temples centraux dans leur région. Il en allait ainsi de ceux que nous avons rencontrés, dans les circuits de Zhenjiang, Yangzhou et Jiqing : contrôler le Xuanmiaoguan d’une grande ville revenait à contrôler le taoïsme dans toute la région dont cette ville était la capitale administrative. En 1330, le Xuanmiaoguan de Nankin reçut un nouveau nom, Dayuanxing yongshougong. Ce changement trouve son origine dans le séjour que fit le futur empereur Wenzong (r. 1328-1332), alors prince héritier, à Nankin où il fréquenta les taoïstes du Xuanmiaoguan Chen Yulin 陳玉琳 (Baolin 寶琳) et Zhao Siqi. Devenu empereur, Wenzong donna au temple le plus haut titre possible, celui de palais, gong 50. La position particulièrement influente de Zhao Siqi ainsi que son alliance étroite avec les Maîtres célestes et les patriarches du Xuanjiao expliquent certainement cette promotion. La position dominante du Dayuanxing yongshougong eut aussi pour conséquence que plusieurs monastères importants de la région, dont le Chongfuguan 崇 福觀 et le Xuanzhenguan 玄真觀 de Kunshan devinrent ses filiales 51. Au début des Ming, le Dayuanxing yongshougong fut renommé Chaotiangong mais l’administration taoïste (bureau du supérieur, Daolusi) qui s’y trouvait y fut maintenue. Nankin était devenue la capitale du nouvel empire, et donc le centre de sa vie religieuse. Le Chaotiangong, le monastère taoïste le plus ancien et prestigieux de la ville, devint donc naturellement un centre du taoïsme officiel pour tout l’empire ; tous les taoïstes éminents des premières décennies des Ming y séjournèrent et célébrèrent des rituels. En continuité directe avec l’époque mongole, les taoïstes du Longhushan y occupaient une place dominante. Nous avons vu comment la plupart des dignitaires taoïstes qui dirigeaient les affaires taoïstes au Jiangsu sous les Yuan étaient les disciples des patriarches du Xuanjiao. Le chaos des dernières décennies des Yuan, quand le pouvoir central à Pékin, où était basé le Xuanjiao, avait perdu le contrôle sur le Jiangnan, entraîna le déclin rapide de leur cette décision de renommer les Tianqingguan en Xuanmiaoguan de l’ère Zhiyuan qui s’acheva en 1294. 50. Yu Ji, Feilongting ji 飛龍亭記, dans Daoyuan xuegulu, 37.1a-2b ; Yu Ji, « Feilongting shiji xu 飛龍亭詩集序 », Daoyuan xuegulu, 31.10a-b. 51. Huang Jin, Xuanming hongdao xuyi xiansheng Zhao jun bei ; Chen Lü, Kunshanzhou Chongfuguan ji.
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin influence. La région du Longhushan, siège des Maîtres célestes, souffrit aussi des guerres civiles, et certains des taoïstes en partirent pour prendre refuge ailleurs 52. Le Longhushan souffrit beaucoup moins, cependant, et se releva beaucoup plus vite que les institutions du nord de la Chine. Quand le 42e Maître céleste Zhang Zhengchang 張正常 (13351378) décida de se rallier au futur premier empereur des Ming, Zhu Yuanzhang 朱元璋, il put nouer avec lui une relation de confiance prédatant de quelque trois ans sa victoire finale et son couronnement 53. Quand le couronnement eut lieu en 1368, Zhu nomma Zhang Zhengchang « dirigeant du taoïsme dans le monde » 領天下道教 54. Si sous les Mongols le pouvoir du Xuanjiao avait parfois pu sembler dépasser celui des Maîtres célestes 55, il disparut avec la dynastie Yuan et avec l’avènement des Ming le pouvoir des Maîtres célestes au Longhushan était désormais sans égal. Zhang Zhengchang fut fréquemment invité à la cour et bâtit une relation de confiance avec le nouvel empereur. Les taoïstes qui s’étaient formés au Longhushan à la fin de l’époque mongole l’accompagnèrent et beaucoup devinrent des proches et conseillers de l’empereur et les dignitaires institutionnels du taoïsme du début des Ming, créant ainsi une continuité directe entre le monde des Yuan et celui des Ming. Le lieu où logeaient et pratiquaient tous ces taoïstes venus à la nouvelle capitale était le Chaotiangong. La quatrième année du nouveau régime, en 1371, Deng Zhongxiu 鄧仲修 accompagna Zhang 52. Song Lian 宋濂 (1310-1381), Longhushan Dashangqinggong zhonglou ming 龍虎山大上清宮鐘樓銘, dans Song Lian quanji 宋濂全集, Beijing, Renmin wenxue chubanshe, 2014, p. 1182-1184 ; Zhang Yuchu 張宇初 (1361-1410), Gu Shangqinggong tidian Liaoan Li gong muzhi 故上清宮提點了庵李公墓誌, dans Xianquanji 峴泉集, édition Siku quanshu, 3.14b-19a. 53. Song Lian, Sishierdai tianshi Zhengyi sijiao huguo chanzu tongcheng chongdao hongde dazhenren Zhang gong shendao beiming 四十二代天師正一嗣教護國 闡祖通誠崇道弘德大真人張公神道碑銘, dans Song Lian quanji, p. 1264-1268. 54. Ming Taizu shilu 明太祖實錄, Taipei, Academia Sinica, 1968, juan 34 (Hongwu 1/8/甲戊). Concernant les relations entre Zhu Yuanzhang et Zhang Zhengchang, voir Shiga Takayoshi 滋賀高義, « Min no Taiso to Tenshidō ni tsuite: Toku ni Chō Seijō wo chūshin to shite 明の太祖と天師道について – 特 に張正常を中心として », Tōhō shūkyō 東方宗教 22 (1963), p. 45-58 ; Zhuang Hongyi 莊宏誼, Mingdai daojiao zhengyipai 明代道教正一派, Taipei, Taiwan xuesheng shuju, 1986. 55. Miya Noriko, « “Ryūkozan-shi” kara mita Mongoru meireibun no sekai ».
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Zhengchang à la cour et ayant gagné la confiance de l’empereur, s’installa au Chaotiangong où il célébra de nombreux rituels 56 et fut nommé parmi les taoïstes les plus éminents de l’empire en 1372 57. Un de ses congénères, Fu Ruolin 傅若霖, arriva à la cour en 1372 et devint un des principaux officiants des rituels de l’État, et fut nommé au Chaotiangong en 1373 58. Tous deux figurent parmi les compilateurs d’un manuel liturgique, achevé en 1374 et inclus dans le Canon, fixant les normes des rituels taoïstes officiels célébrés par l’État des Ming 59. Un autre taoïste du Longhushan encore, Cao Dayong 曹大鏞, fut nommé en 1382 parmi les fonctionnaires du bureau du supérieur (Daolusi) et intendant du Chaotiangong 60. Conclusion Nous avons tenté dans cet article de retracer à grands traits l’évolution des institutions taoïstes au Jiangsu entre les Song et le début des Ming. Au début de cette période, l’influence de la montagne sainte du Maoshan, non loin au sud de la capitale provinciale de Nankin, est largement dominante. Le changement de régime provoqué par l’invasion mongole a provoqué un changement brutal dans le paysage, en donnant aux taoïstes d’un autre lieu saint, plus éloigné, le Longhushan, le pouvoir de nommer les abbés des grands temples et monastères et les fonctionnaires taoïstes en charge du clergé local. Cette situation nouvelle provoqua une configuration où les leaders religieux locaux négociaient des alliances avec le Longhushan pour la gestion conjointe des riches et puissants temples du Jiangnan et où les taoïstes du Maoshan, qui n’avaient pas disparu, virent néanmoins leur rôle régional se rétrécir très significativement.
56. Song Lian, Deng lianshi shengu bei 鄧鍊師神谷碑, dans Song Lian quanji, p. 1165-1167. 57. Song Lian, « Zeng Yunlin daoshi Deng jun xu 贈雲林道士鄧君序 », Song Lian quanji, p. 526-528. 58. Zhang Yuchu, Gu Shenyueguan xianguan Fu gong muzhi 故神樂觀仙官傅公墓 誌, dans Xianquanji, 3.24b-28a. 59. Daming xuanjiao licheng zhaijiao yifan 大明玄教立成齋醮儀範, Daozang no 467. 60. Zhang Yuchu, Gu Daolusi yanfa Chaotiangong tidian Cao gong muzhi 故道錄司 演法朝天宮提點曹公墓誌, dans Xianquanji, 3.19a-22a.
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Les origines du Palais de l’audience céleste de Nankin L’histoire du Chaotiangong de Nankin, pour unique qu’elle puisse sembler dans sa gloire au début des Ming, est tout à fait représentative de cette évolution générale. Comme bon nombre d’autres grands centres taoïstes urbains, ce temple est demeuré pendant des siècles l’institution officielle faisant le lien entre l’État impérial et le taoïsme local, sous les noms successifs de Tianqingguan, Xuanmiaoguan, Dayuanxing yongshougong (un titre unique à ce temple), puis enfin sous les Ming, Chaotiangong. Le choix du fondateur des Ming d’établir sa capitale à Nankin en fit le plus prestigieux monastère de l’empire, mais cela ne doit pas faire oublier que sa trajectoire s’inscrit dans l’évolution plus large des institutions taoïstes entre un vaste réseau de grands temples urbains et des centres de formation cléricaux établis sur les montagnes saintes. Bibliographie Primaire
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CHAPITRE 6
WHAT KIND OF INNOVATIONS DID SPIRIT WRITING BRING ABOUT FOR A POPULAR SAINT’S CULT? A Case Study of the Song Dafeng Cult in Nineteenth-century Chaozhou shiGA Ichiko 志賀市子, Ibaraki Christian University
A
sAcred site is generally defined as a place that can be distinguished from other places by its unique landscapes, divine and spiritual power, religious rituals, and tombs or relics related to a religious master or saint. In a broader sense, a sacred site is a place where people can interact with spiritual beings such as gods, saints, or spirits, and a pilgrimage is a journey to those places. In Chinese religions, there have been many examples of pilgrimages to sacred sites (chaoshan jinxiang 朝山進香: pilgrimages to sacred mountains to offer incense) from ancient times up to the present day and over the years a large number of studies have explored them. 1 For example, Miaofeng shan 妙峰山 (A Survey of the Miaofeng pilgrimage) edited by Gu Jiegang and Zhuang Yan is a classic and well-known study that was published in 1928. 2 The extraordinary expansion of Mazu 媽祖 pilgrimage tourism in Taiwan in the 2000s is one of the most recent phenomena which has attracted considerable attention from scholars. 3
1.
2. 3.
For details, see Susan Naquin and Yü Chün-Fang, eds., Pilgrims and Sacred Sites in China, Berkeley: University of California Press, 1992; Marcus Bingenheimer, “Pilgrimage in China,” in New Pathways in Pilgrimage Studies: Global Perspectives, Dionigi Albera and John Eade, eds., London and New York: Routledge, 2016, p. 18-35, which presents the latest research trend on this topic, including studies in mainland China. Gu Jiegang 顧頡剛 and Zhuang Yan 莊嚴, eds., Miaofeng shan 妙峰山, Guangzhou: Zhongshan daxue wushisuo, 1928. For details on Mazu pilgrimage tourism in Taiwan, see Chang Hsun 張珣,
10.1484/M.BEHE-EB.5.130241
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Shiga Ichiko
Chaoshan jinxiang refers to the people’s typical way of approaching sacred sites to seek interaction with spiritual beings; however, people do not necessarily go all the way to distant places and may create new, closer sacred sites. Spiritual beings often manifest themselves in front of people in need of help. In nineteenth-century France, the Virgin Mary appeared many times in places such as Rue du Bac in Paris (1830), La Salette (1846), Lourdes (1858), Pontmain (1871) and so on. In most cases, the people who experienced Marian apparitions were poor and uneducated laymen, and most often, children. In Chinese religion, xiafan xiansheng 下凡顯聖 (spiritual beings descending and manifesting themselves in the human world) is also a major pattern in the way that humans and deities communicate. Chinese gods communicate with their devotees in many ways: through spirit possession, dreams, apparent physical appearances, and divine techniques like oracle slips and moon blocks. Chinese gods may manifest themselves in human form, however, sometimes only leaving behind strange sounds, a red flash of light, or a strong smell. 4 People can feel the existence of gods through their senses. Moreover, gods sometimes reveal Chinese characters on a cliff or a scripture in a cave. After fuji 扶乩 or fuluan 扶鸞 (spirit writing), a technique of spirit possession, became widespread, it became common for gods to descend and leave messages on a spirit writing altar. As Terry Kleeman has previously pointed out, there is no doubt that “spirit writing was a potent force promoting religious innovation in traditional China. Because the gods communicated directly rather than through churchly intermediaries, their pronouncements were
4.
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Wenhua Mazu: Taiwan Mazu xinyang yanjiu lunwenji 文化媽祖:台灣媽祖信 仰研究論文集, Taipei: Zhongyang yanjiuyuan minzuxue yanjiusuo, 2003; Lu Mei-Huan 呂玫鍰, “Chuantong de zaizhi yu chuangxin: Baishatun Mazu jinxiang de ‘xingjiao’ yishi yu tubu tiyan zhi fenxi 傳統的再製與創新:白沙屯媽 祖進香的「行轎」儀式與徒歩體驗之分析,” Minsu quyi 民俗曲藝 158 (2007), p. 39-100; Hong Yingfa 洪瑩發, Jiedu Dajiama: Zhanhou Dajia Maxu xinyang de fazhan 解讀大甲媽:戰後大甲媽祖信仰的發展, Taipei: Lantai chubanshe, 2010. Chuang Te-Zen 荘德仁, Xianling: Qingdai lingyi wenhua zhi yanjiu: yi dang’an ziliao wei zhongxin 顯靈:清代靈異文化之研究:以檔案資料為中心, Taibei: Guoli Taiwan shifan daxue lishi yanjiusuo, 2004, p. 94-109.
The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou to some degree self-legitimizing. … new scriptures through spirit writing will be accepted even though they never passed through an orthodox line of transmission.” 5 Kleeman’s study mainly focused on the scholars’ cult of Wenchang dijun 文昌帝君 in the Song dynasty (960-1279) by examining the spirit-written scriptures. However, in the long history of Chinese religion, spirit writing was not exclusively used by the literati. On the contrary, it became more and more popular as time passed. During the Qing dynasty (1636-1911), spirit writing filtered into various social classes and various areas across the empire. Therefore, the question of what impact spirit writing had on Chinese religion and the creation of sacred sites should be examined through a larger variety of cases and from a wider range of viewpoints than a few elite cases. In cases of chaoshan jinxiang, the sacred sites and sources of spiritual energy are far from the pilgrims’ hometowns, hence the continuous drive to establish substitutes or branches closer to home. In popular Chinese religion, pilgrimage is often related to fenxiang 分 香 (dividing incense) or fenling 分靈 (dividing spirit) systems, that is, to take xianghuo 香火 (incense fire, actually ash) from one temple’s incense burner and put it into another temple’s incense burner. 6 For example, in most cases of Mazu pilgrimages in Taiwan, fenxiang is usually adopted when people invite their patron goddess to their hometown and enshrine her into a new temple, or when they move her to another place, for example due to emigration. In any case, a newly established temple is regarded as a branch of the original temple. The branch temples’ members make a pilgrimage to the original temple once a year or every several years for rejuvenation of the spiritual power by refreshing their incense ash. The spread of divine cults and sects in Taiwan has largely been due to this system. Therefore, in Taiwan, a local territorial cult often forms a pilgrimage network composed of a powerful and older temple and its branch temples.
5. 6.
Terry F. Kleeman, A God’s Own Tale: The book of Transformations of Wenchang, the Divine Lord of Zitong, Albany: State University of New York Press, 1994, p. 13. Kristofer M. Schipper, “The Cult of Pao-sheng ta-ti and its Spreading to Taiwan – A Case Study of Fen-hsiang,” in Development and Decline in Fukien Province in the 17th and 18th Centuries, Eduard B. Vermeer, ed., Leiden: Brill, 1990, p. 397-416.
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Steven Sangren, discussing magical power and transcendence in Mazu pilgrimages, argues that locating the source of power outside the community defines this power as transcendent in that its origin is external to the community itself. A representation of Mazu’s transcendent power, lingyan 靈驗, is produced from the Mazu cult center’s historically, spatially, and hierarchically removed from local communities. The idiom of dividing incense distances the representation of power from communal contexts, so this representation assumes an alienated, transcendent form. 7 Conversely, spirit writing can close the physical and psychological distance between the origin of the power and local communities. In spirit writing cults, gods, as the origin of transcendence, descend from the celestial worlds or distant mountains to the local community at the latter’s initiative. The sacred site of spirit writing cults is the place of the spirit writing altar where gods descend, no matter where in the world it may be. Some forms of xiafan xiansheng such as the appearances of gods in the sky or in dreams, are passive, because those phenomena are unpredictable and only require action from the gods. On the contrary, spirit writing is active, because believers voluntarily gather and summon gods to a spirit writing altar set up in public or private places. By introducing spirit writing, people became able to communicate with spiritual beings, whenever and wherever they liked. The Daoist groups worshipping Lüzu 呂祖 (Patriarch Lü), or Lüzu daotang 呂祖道堂, that emerged in late nineteenth-century Guangdong were exactly such a spirit writing cult. 8 Their members were
7. 8.
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P. Steven Sangren, Chinese Sociologics: An Anthropological Account of the Role of Alienation in Social Reproduction, London and New Brunswick, NJ: Athlone Press, 2000, p. 105-109. For details, see Shiga Ichiko 志賀市子, Kindai Chūgoku no shamanizumu to dōkyō: Hong Kong no dōdan to fukei shinkō 近代中國のシャーマニズムと道 教:香港の道壇と扶乩信仰, Tokyo: Bensei shuppan, 2015; “Manifestations of Lü Zu in Modern Guangdong and Hong Kong: The Rise and Growth of Daoist cults,” in Daoist Identity, Livia Kohn, ed., Honolulu: University of Hawai’i Press, 2002, p. 185-209; Xianggang daojiao yu fuji xinyang: Lishi yu rentong 香港道教與扶乩信仰:歷史與認同, Song Jun, transl., Hong Kong: Zhongwen Daxue chubanshe, 2013; “Qingmo Minchu Lingnan diqu de Lü Dongbin xinyang zhi difanghua: yi shengdi yu jingshu wei tantao zhongxin 清末民初嶺南地區的 呂洞賓信仰之地方化:以聖地與經書為探討中心,” Daoism: Religion, History and Society 道教研究學報 7 (2015), p. 223-263.
The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou convinced that their own altars were the only weiling xianhechu 威靈 顯赫處 (the holy places of divine manifestations), whether they were on a sacred mountain or in a house located in a noisy city. 9 It was not necessary for them to make a pilgrimage to the Daoist temples far away to refresh Lüzu’s incense ash, because they thought Lüzu’s transcendent power was manifested in the places around them. That was one of the reasons why the Lüzu Daoist groups in the Guangdong area never formed any pilgrimage networks linking a mother temple with branch temples like Mazu pilgrimage networks in Taiwan. What kind of factors determined whether devotees adopted an incense-dividing system or spirit writing, when they established a new altar or temple? Was it due to the nature of the gods or the sociological characteristics of the cult members? If not, was it due to the local cultures within the region? Even in the Guangdong area, where spirit writing was so prevalent, divine cults such as those of Mazu or Longmu 龍母 usually employed the incense-dividing system and formed territorial pilgrimage networks. Some Lüzu temples in Taiwan, such as the Zhinan gong 指南宮 in Taipei, were originally founded by dividing incense from the Yongle gong 永樂宮 in Ruicheng 芮城, Shanxi 山西 province, which was believed to be his birthplace. The divine identity of the Wenchang cult evolved over several hundred years from a local god of natural forces and phenomena into a human who had become a celestial official. From at least the twelfth century, Wenchang began to communicate with his worshippers through spirit writing. In the Lüzu cult, little attention has been paid to the question of when and how he became one of the most popular gods invoked in spirit writing séances. What kind of factors or conditions can lead to a god being ascribed the ability to descend to a spirit writing altar? At least one factor is that the image and the power of the god are effectively evoked only through written words, which are more abstract media than its statue or incense ash. For a god to be ascribed the ability to descend to a spirit writing altar, several factors must be met. For example, the name, image, character, and function of the god must become well-known through various folk media such as its
9.
Shiga Ichiko, “Formation of a New Daoist Community in the 19th century Lingnan area: Sacred Places, Networks and Eschatology,” in Dōkyō no seichi to chihōshin 道教の聖地と地方神, Tsuchiya Masaaki 土屋昌明 and Vincent Goossaert, eds., Tokyo: Tōhō shoten, 2016, p. 120-121.
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statues, pictures, folk theater, and oral literature; and people’s literacy must have reached a certain level. More importantly, the belief that a god is not always linked to a specific location but is instead able to descend whenever and wherever there is an appropriate ritual method to invite him, must prevail among people of every social stratum. The cults of gods like Wenchang dijun, Lüzu, and Guansheng dijun 關 聖帝君 had satisfied such conditions from a relatively early period. What about cults of more popular and newly emerging gods? This study intends to examine how and when spirit writing was introduced in a territorial cult centered on a popular saint, and what innovations spirit writing brought about for it. 10 The saint is Song Dafeng 宋大峰, or Master Dafeng 大峰祖師, who is worshipped in the Chaozhou 潮州 region, in the eastern part of Guangdong. Song Dafeng was a Chan Buddhist monk from Fujian during the Song dynasty. He engaged in a project to build a bridge across the Lian river 練江 in Chaoyang county 潮陽縣. His name and contribution were remembered in the local society for several hundred years; however, it was not until the Qing period that he became deified as a saint with spiritual powers, and he was especially worshiped by local people as a god who could control and appease ghosts. After the end of the nineteenth century, he often descended in spirit writing séances held in a local shantang 善堂 (charitable hall). Henceforth, and following the spirit-written messages of Master Dafeng, most shantang in Chaozhou performed burial work and rituals called xiuku 修骷 or xiukulou 修 骷髏 (repairing skeletons) for unburied bones and bodies. Since the twentieth century, the cult of Song Dafeng rapidly spread to various places including Southeast Asia with increased Chaozhounese migration. The history of the Song Dafeng cult not only demonstrates various aspects of the religious innovations introduced by spirit writing, but also how a transformation from a local territorial cult into a new religious movement led it to assume the feature of a salvationist religion or a redemptive society. 11
10. This article develops some of the themes already touched upon in the chapter 4 of Shiga Ichiko 志賀市子, Kami to Ki no aida: Chūgoku Tōnanbu ni okeru muenshisha no maisō to saishi〈神〉 と 〈鬼〉の間: 中國東南部における無縁死者の 埋葬と祭祀, Tokyo: Fūkyōsha, 2012. 11. “Salvationist religion” is a term which has come into use in the scholarly field of Chinese religion, instead of the biased categories of “sectarian religion” and “secret society.” David A. Palmer applied the term “salvationist” to Chinese religious
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou The early history of Song Dafeng (from the Song to the Yuan dynasty) 12 The oldest record of Song Dafeng and his contribution is a text titled “Baodetang ji 報德堂記” (Record of the Hall of Repaying Kindness), collected in the Chaoyang xianzhi 潮陽縣志 (Gazetteer of Chaoyang county, 1572). It reads: Song Dafeng advocated building a bridge called Heping 和平橋 to cross the river at Heping town 和平鎮 in Chaoyang county, which was an important point for traffic along an old road linking Chaozhou to Huilai 惠來 county. In the bingshen year of the Xuanhe reign period (宣和丙申年 13) of the Song dynasty, Song Dafeng came from Min 閩 to Chaoyang and vowed to build a bridge. He collected money and materials, however, he died in 1127, before groups focusing on individual salvation, so-called sectarian groups, in contrast to the “popular orthodoxy” of communal religion, following Myron Cohen’s categorization. Palmer summarizes the features of salvationist religion as follows: “a foundational charismatic figure and/or direct divine revelations; a millenarian eschatology; an embodied experience through healing and/or body cultivation; and an outward, expansive orientation through good deeds, evangelism, or philanthropy.” See David A. Palmer, “Chinese Redemptive Societies and Salvationist Religion: Historical Phenomenon or Sociological Category?,” Minsu quyi 民俗曲藝 172 (2011), p. 43-44. The term “redemptive societies” was coined by Prasenjit Duara, referring a new religious movement, “determined to save the world from strife, greed, and warfare, and which affected the lives of many millions of followers” in the first half of the twentieth century. Although Duara uses the term to refer to groups established in the Republican period, he considered the new religious movement as an extension of salvationist religion existing before the twentieth century. He also stated, “The societies clearly emerged out of the Chinese historical tradition of sectarianism and syncretism. …The modern redemptive societies inherited the mission of universalism and moral self-transformation from this syncretism. At the same time, these societies also retained the association of the older syncretic societies with sectarian traditions, popular gods, and practices such as divination, planchette, and spirit writing.” See Prasenjit Duara, “The Discourse of Civilization and PanAsianism,” Journal of World History 12.1 (2001), p. 117-119. 12. The first scholar to give much attention to the history of the Song Dafeng cult was Lin Wushu 林悟殊. See Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai yu Huaqiao Baode shantang yanjiu 泰國大峰祖師崇拜與華僑報德善堂研究, Taipei: Shusheng chubanshe, 1996. The information quoted in this chapter is largely owed to his study. 13. Lin Wushu pointed out that Xuanhe 宣和 reign period did not contain the bingshen year. Therefore, he suspected that the author of the article mistook Zhenghe 政和 for Xuanhe. The bingshen year of Zhenghe reign is 1116. See Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai, p. 3.
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achieving his ambition. So a villager, Cai Zhun (Gongyuan) 蔡諄 (貢 元), took over the work and completed it. After a while, a memorial hall named Baodetang 報德堂 (The Hall of Repaying Kindness) was built near the bridge to express gratitude to Dafeng. This record was an inscription engraved in 1351, originally written by Xu Lai 徐來, a local official. Dafeng was remembered for his benevolence for over two hundred years since his death. However, the older villagers were afraid that his contribution would be forgotten before long, so they asked Xu Lai to write the record. Chen Chunsheng 陳春聲 has pointed out that several records of Buddhist priests’ contributions to building roads and bridges can be found in inscriptions in Chaozhou as well as Zhangzhou 漳州 and Quanzhou 泉州 in Fujian during the Song dynasty. At that time, the road from Guangzhou to Fujian was so rough and steep that both travelers and local people felt considerably inconvenienced. In order to improve the situation, anyi 庵驛 (Buddhist stations) providing accommodation for travelers were established along the road via Chaozhou from 1192, and there were over 32 anyi by the Yuan dynasty. Because Chaozhou society at that time largely centered around its many Buddhist temples, most stations in Chaozhou were managed by Buddhist monks. 14 Therefore, it would not have been unusual to see Buddhist monks traveling on this road. It is likely that Dafeng was one of those monks. The deification of Master Dafeng (from the Ming to the beginning of the Qing dynasty) According to the record in the gazetteer of Chaoyang County, the Baodetang had been deserted by the middle of the Ming. Chen Chunsheng speculated that this was due to the weakening of Buddhist power in Chaozhou during the Yuan dynasty, 15 or the Ming dynasty’s 14. Chen Chunsheng 陳春聲, “Qiaoxiang de wenhua ziyuan yu bentu xiandaixing: Wanqing yilai Chaoshan diqu shantang yu Dafeng zushi chongbai de yanjiu 僑 鄉的文化資源與本土現代性:晚清以來潮汕地區善堂與大峰祖師崇拜的研 究,” in Haiyang Yazhou yu Huawai huaren 海洋亞洲與海外華人, Liu Hong 劉 宏, ed., Singapore: Huayi guan, 2007, p. 79-80. 15. Chen Chunsheng does not discuss the specific reason behind the weakening of Buddhist power in Chaozhou during the Yuan dynasty, but only adduces passages in the local gazetteers of the Ming dynasty, which indicate that most of
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou religious policy which prohibited worshiping yinci 淫祠, unauthorized cults of gods not included in the sidian 祀典 (the registers and statutes of the state cult). 16 Although a part of the Baodetang was repaired at the end of the Ming, Master Dafeng’s contribution must have been almost forgotten by that time. It was during the Ming-Qing transition that a new event related to Song Dafeng occurred. A grave considered as that of Song Dafeng was restored by two monks in 1658. The grave has been preserved and still stands on Mount Qiaowei 橋尾山 near Heping bridge to the present day. Nowadays the whole mountain, including the grave, has been developed into a park. The grave became a sacred site where Dafeng’s worshippers from around the world would visit to worship. The present tombstone is not the one repaired in 1658 but a new one, repaired in 1946. The old tombstone was preserved and is now exhibited in a hall near the grave. On the old tombstone, engraved characters reading “Zhongguo dashi mu 忠國大師墓” (The Grave of Master Loyal to the Country) are in the center, “Hongwu wuchen xiu 洪武戊辰修” (built in the wuchen year of the Hongwu reign) on the right side, and “Shunzhi wuxu nian layue fa Jitian Jijian chongxiu 順治戊戌年臘月 法寂天寂建重修” (restored in the twelfth lunar month of the wuxu year of the Shunzhi reign by two Buddhists, Jitian and Jijian) on the left side. Across the top, there are the three characters reading “Song Dafeng 宋大峰” written horizontally. These engravings indicate that the grave identified as Song Dafeng’s, who was given the title “Master Loyal to the Country,” was built in 1388 and restored in 1658. Strangely enough, there is no other record about Dafeng’s grave in the local historical materials. The title “Master Loyal to the Country” cannot be found in any historical material either, so it might have been created by local people, rather than given by the emperor. 17 It is possible that local people believed the grave to be Dafeng’s, however, that information had been officially unrecognized or unknown until recently. Why was his grave restored in 1658, although it had been over 500 years since Song Dafeng died? Was the grave, originally built
Buddhist stations had ceased to exist and that twenty temples had been demolished between the Song and the Ming dynasty. See Chen Chunsheng, “Qiaoxiang de wenhua ziyuan,” p. 80. 16. Chen Chunsheng, “Qiaoxiang de wenhua ziyuan,” p. 80-81. 17. Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai, p. 15.
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in 1388, really his? When and how did it come to be known as Song Dafeng’s grave? In considering the reason why the grave was restored in 1658, we should be aware of one more important event related to Song Dafeng which happened around the same time. A biography, “Song Dafeng zushi shihua 宋大峰祖師史話” (The History of Master Song Dafeng) published in Thailand in the 1950s tells almost the same story as “Baodetang ji,” and then continues as follows: During the Ming-Qing transition, the local people suffered from frequent disasters. The Master appeared in a villager’s dream and told him to do good deeds, such as restoring desolate graves, burying bones and bodies lying neglected, cherishing waste paper bearing written or printed words, and providing free medical services. 迨至明末清初,災祲荐至,里人患之,夢師指示:修瘞荒塚 骷髏、殮葬路屍、敬惜字紙、贈醫施藥等善舉 18 。
As Lin Wushu has pointed out, this biography was most likely written by spirit writing. 19 So, what it relates is neither historical fact, nor absolutely unfounded, because it was likely written based on the folklore passed down among Chaozhounese people from long ago. The passage above makes it clear that Master Dafeng appeared in a villager’s dream around the same time that his grave was restored. Furthermore, his message reflected the most important characteristic of Dafeng as a god who promotes the xiuku activity of burying the neglected dead. From this, we can infer that Master Dafeng was emerging around the beginning of the Qing dynasty as a god able to communicate with people and appease the souls of the neglected dead. It is also reasonable to assume that the restoration of Dafeng’s grave seems to have had something to do with his apparitions. In order to support this hypothesis, I would like to describe a folk custom of worshipping the spirits in yizhong 義塚 (burial grounds for the anonymous dead) or old graves which spread all over Chaozhou. In that region, there are many graves worshipped by local people as the home of deities who can control and appease ghosts. For example, the cult of shengren gongma 聖人公媽 (saintly grandparents) in Haifeng County 海豐縣 is a typical and ancient one. Deities called 18. Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai, p. 27. 19. Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai, p. 33.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou shengren gongma usually focus on a grave for burying neglected bones or drowned bodies, or a spirit tablet. Most shengren gongmas have their own legends: the dead were originally people of high rank, such as officials, generals, or marshals. Some shengren gongmas even have their own names or official titles. Furthermore, some shengren gongmas can tell his/her history through a dream or spirit possession. Local people worship shengren gongmas the same way as their own ancestors. They believe that shengren gongmas are powerful and efficacious deities, who can protect their community. Several legends of shengreng gongmas demonstrate that their most important function is as ruler of lonely souls of the dead and of demons in the underworld. It is reasonable to say that this has originated from the shengren gongma’s ambiguous character as both gods and ghosts. 20 A folk belief similar to shengren gongma is also popular in Chaoyang county. There are about ten graves called “Songchao dayuanshuai mu 宋朝大元帥墓” (grave of great marshals of the Song dynasty) in Gurao town 谷饒鎮 in Chaoyang county which are believed to house the fallen soldiers of the Southern Song army, led by Wen Tianxiang 文天祥 (1236-1283), as they lost their final battles against the invading Mongols. The graves in each village are worshipped collectively every year by a lineage or a territorial community. There are also many old graves on Mount Qiaowei, where the grave of Song Dafeng is located. The most remarkable among them is a large stone tablet engraved “Shengren shenwei 聖人神位” (spirit tablet of the saint) set in a small pavilion. There are an incense burner and an altar upon which offerings are placed in front of the tablet. The local people believe that this saint is as efficacious as Master Dafeng, so they always worship him along with Master Dafeng. Shengren shenwei is a deity who represents a large number of graves situated on Mount Qiaowei and is believed to control dangerous souls floating around there. Judging from the above, we may assume that the Grave of Master Loyal to the Country was also home to a dead deified due to his apparitions or efficacy. The most important characteristic of Song Dafeng as a deity, not only promoting burial and rituals for the anonymous and neglected dead, but appeasing their souls, likely originated from the Grave of Master Loyal to the Country.
20. For more details about Shengren gongma in Haifeng county, see Shiga Ichiko, Kami to Ki no aida, p. 33-76.
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The reconstruction of the Baodetang and spread of tea societies (from the middle to the end of the Qing dynasty) In the beginning of the Qing dynasty, wars and disorder continued in the Chaozhou region. From the first year of the Kangxi reign (1622), the coastal depopulation law, enforced by the Qing government, left the Chaozhou region thoroughly devastated. No records from this time related to Song Dafeng can be found. This suggests that the memorial hall and his grave in Heping were left to fall into ruin. It was only after the middle of the eighteenth century that a new development took place. In the 10th year of the Qianlong’s reign (1745), Cai Chang 蔡暢, a 20th-generation descendent of Cai Gongyuan 蔡 貢元, reconstructed the Baodetang. In addition, he built a new stone monument, titled “Baodetang ji 報德堂記” (Record of Baodetang) to replace the old one built in the Yuan dynasty, which had been lost for a long time. According to this inscription, the new Baodetang was a Buddhist temple managed by a Buddhist monk. More importantly, it was a symbolic site that represented Song Dafeng, and its incense ash was believed to have spiritual power. Not long after the Baodetang was reconstructed, its incense ash was being delivered to local temples and associations in the surrounding area. To take two examples in Huilai county, the Tongde shantang 同德善 堂 (Charitable hall of Common Virtue), located in Xian’an town 仙庵鎮, was originally a Buddhist temple, founded in 1747, when the villagers brought the incense ash of Song Dafeng from Heping. The Pushantang 普善堂 (Charitable hall of Universal good) in Xihu 西湖 village was also founded as a temple enshrining Song Dafeng in 1777, when the incense ash of Song Dafeng was brought from Heping by an elder of the village. The incense ash of Song Dafeng was sent further away to Lufeng county 陸豐縣, next to Huilai. The Xinde shantang 信德善堂 (Charitable hall of Trustworthiness and Virtue) in Jieshi town 碣石鎮 in Lufeng county was originally a charitable association founded by the local literati in 1740. Soon afterwards, the association began to worship Song Dafeng as its patron deity. The reason for that was that a seller of herbal medicine from Chaoyang brought the incense ash and the statue of Song Dafeng to Jieshi and enshrined them in the charitable association. To sum up, after the Baodetang was reconstructed, the cult of Song Dafeng spread to the neighboring area by various associations in local society through an incense-dividing system. Of particular note was the chashe 茶社 (tea societies), which provided free tea and some 162
The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou accommodation for travelers. It can also be said that the tea societies were successors of the anyi (Buddhist stations) in the Song dynasty. According to my ethnographic research, most tea societies enshrined the incense ash of Master Dafeng taken from the Baodetang of Heping. The villagers affectionately called Master Dafeng “A-Gong 阿公,” meaning grandfather. They visited the Baodetang once a year in the tenth month, around the birthday of Master Dafeng, and once every twelve years for rejuvenation of their spiritual power by refreshing the incense ash. When the representatives of the tea societies brought A-Gong’s incense ash back to their own altar, thousands of villagers welcomed them with a celebratory event. Most tea societies also functioned as mutual aid associations providing free coffins and burial services, and regularly conducted a xiuku activity in neighboring fields or along the seashore known as Nanshanwei 南山尾 (The Tail of the Southern Mountains), where the bodies of many who had drowned during marine accidents or large typhoons were washed ashore. The wooden gold-colored statue of Song Dafeng, called Nanshangong 南山公 (God of the Southern mountains) by local people, used to be taken from the Baodetang during the xiuku ritual. Nanshangong, carried in a sedan chair, inspected around the site and indicated via spirit writing the precise locations where bodies and bones were exposed or buried. The statues of Song Dafeng enshrined in temples and charitable halls in the Chaoshan region 21 are generally in the form of a monk in seated pose, in Buddhist robes, wearing a cap called pilu mao 毘盧 帽 (Vairocana cap) or Wufang foguan 五方佛冠 (crown of the Five Dhyani Buddhas). The gold-colored statue of Nanshangong, wearing a hooded cape, is smaller than his main statue enshrined in the center of temples. The portrait of Song Dafeng kept by the Baodetang in Heping, which is believed to have been made in the twelfth century, is in standing pose, wearing a pilu mao. Behind him, there is a young monk holding a xizhang 錫杖 (staff with rings). In addition, the image of Song Dafeng was also widely spread by wood block printed talismans. The Limei chashe 里美茶社 (The Tea society of Limei) in Heping, also called the Limei Baode shantang
21. Chaoshan is the region that stretches across Chaozhou and Shantou. As Shantou developed into a commercial port city after the modern era, Chaoshan is preferred to refer to the region instead of Chaozhou.
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里美報德善堂, has been distributing these wood block printed talismans until today. It is likely that the image of Song Dafeng became increasingly prevalent through this mean. By the end of the nineteenth century, the tea societies in Chaoyang and Huilai had organized a network centered around the Baodetang, which was called Baode gutang shisanshe 報德古堂十三社 (The Thirteen societies belonging to the Old Hall of Repaying kindness). The tea societies belonging to this network had the right to participate in large-scale xiuku rituals, called “Nanshan xiuku 南山修骷,” held in the 11th lunar month every year. At the end of the ritual program, all of the participating societies used to worship collectively in front of the grave of Dafeng on Mount Qiaowei. 22 The outbreak of plague and the establishment of the Cunxin shantang (end of the nineteenth century) It is almost impossible to specify the exact period when fuji or fuluan (spirit writing) became popular in the Chaozhou region. From old times, many kinds of shamanistic games like guanxitong 觀戲童 or langu 籃姑 were played by children and women at festivals, such as the Lantern Festival or the Mid-Autumn Festival, some of which were quite similar to fuji. 23 Spirit possession through jitong 乩童, a kind of shaman, was also very popular in the Chaozhou region. Therefore, it is clear that Chaozhounese people had been able to use several shamanistic techniques for communication with gods since the ancient days, whether or not they were entirely similar with modern fuji. However, it is only after around 1895 that so-called luantang 鸞堂, spirit writing halls with regular spirit writing séances and publishing 22. These are based on my field research and Xu Yuan 徐苑’s master thesis, “Dafeng zushi, shantang ji qi yishi: zuowei Chaoshan diqu wenhua tixi de Chaoshan shantang zongshi 大峰祖師、善堂及其儀式:作為潮汕地區文化體系的潮汕善 堂綜述,” Department of Anthropology, Xiamen University, 2006, p. 35. It still remains unclear as to when the pilgrimage to the Baodetang and the “Nanshan xiuku” had been conducted by the tea societies in Chaoyang and Huilai. However, it is reasonable to say that they had been conducted from the end of nineteenth century to the 1950s. 23. Chao Wei-pang, “Mid-Autumn Festival in Kuangtung,” Folklore Studies 3.1 (1944), p. 1-16.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou morality books, appeared in the historical materials of the Chaozhou region. One example was a spirit writing altar located on a mountain in Dahao 達濠, Chaoyang county, which was founded by the local literati at the Mid-Autumn Festival of 1895. The main deities who descended there were the eight immortals, including Lüzu, as well as Guansheng dijun. 24 Another example was a spirit writing altar established in Shantou, called the Mudao xianguan 慕道仙館 (Hermitage of Admiring the Dao). In 1896, two of its fuji mediums left a message written by Weng Wanda 翁 萬達 (1498-1552), a famous scholar of the Ming period, on the door to a cave known as the site where Weng studied during his childhood. 25 The Mudao xianguan was also a luantang which reprinted popular eschatological scriptures such as Wendi jiujie baoshengjing 文帝救劫葆生經 (Scripture of Wenchang to save humanity from the apocalypse and to protect human life), Wudi jiujie yongmingjing 武帝救劫永命經 (Scripture of the Warrior Lord to save humanity from the apocalypse and to grant eternal life), and Yuhuang shangdi yingyan jiujie zhenjing 玉皇上 帝應驗救劫真經 (True scripture of responses and proofs of the Jade Emperor saving humanity from the apocalypse). 26 The establishment of these spirit writing altars might have been influenced by the spirit writing cult movement which arose in various places as a plague epidemic spread from west to east in Guangdong province. The outbreak of plague was closely related to the rise of spirit writing cults and distribution of eschatological scriptures in nineteenth-century Guangdong. The epidemic started in Yunnan 雲南 24. This spirit writing cult is a predecessor of the Daoist cult at the Kamlankoon 金蘭觀 temple in present-day Hong Kong. See Chen Jingxi 陳景熙, “Cong Chaoshan dao Xianggang, cong jipan dao hulianwang: Xianggang Jinlanguan yuanliu yu jiwen chuanbo 從潮汕到香港,從乩盤到互聯網:香港金蘭觀源流 與乩文傳播,” in Diyu wenhua de gouzao yu boqian: Di ba jie Chaoxue guoji yantaohui lunwenji 地域文化的構造與播遷:第八屆潮學國際研討會論文集, Chen Chunsheng 陳春聲 and Chen Weiwu 陳偉武, eds., Beijing: Zhonghua shuju, 2012, p. 105-107. 25. Special collections of Online resources of Chaozhou-Shantou area, in Shantou University Library 汕頭大學圖書館潮汕特藏網, http://cstc.lib.stu.edu.cn/chaoshanzixun/fengjingmingsheng/4035.html. 26. Shiga Ichiko 志賀市子, “Qingmo Lingnan diqu de shuyi liuxing yu jiujiejing zhi puji 清末嶺南地區的鼠疫流行與救劫經之普及,” in 1894-1920 niandai lishi jubianzhong de Xianggang, 1894-1920 年代歷史鉅變中的香港, Siu Kwok Kin 蕭國健 and Yau Chi-on 游子安, eds., Hong Kong: Sik Sik Yuen and Center for Hong Kong History and Culture studies, Chuhai College of Higher Education, 2016, p. 348.
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in the eighteenth century, and spread to Guangxi 廣西 by the middle of the nineteenth century. It soon hit the local cities in the western part of Guangdong. The outbreaks in Hong Kong and the Pearl River Delta in 1894 devastated the local population. 27 In Shantou and Chaozhou, it started in the beginning of 1890, and broke out in full force in 1898. 28 It is likely that Song Dafeng began to frequently descend at spirit writing séances held in various places in the Chaozhou region from around this time. In my field research conducted in 2006, a member of the Baode shantang 報德善堂 in Haimen 海門, Chaoyang county, said: Master Dafeng descended for the first time to a spirit writing altar in a temple of Sanshan guowang 三山國王 (Kings of three mountains) in 1896. The spirit writing altar soon developed into a charitable hall called Lian’an 練安, which was the predecessor of the present Haimen Baode shantang. The most influential apparition of Song Dafeng happened in Miancheng town 棉城鎮, Chaoyang county, in 1898, which was the second year into the outbreak of plague in Huilai and Chaoyang. It is said that more than 60,000 people died that year in Chaoyang county alone due to this outbreak. 29 An inscription, entitled “Zhaozao liuzong 肇造留縱” (The history of Foundation) recorded in 1912, which is still preserved in the Mian’an shantang 棉安善堂, said: In our county, Chaozhou, natural disasters have been occurring and an epidemic has been prevalent since 1898. The local people were so terror-stricken that they invited Master Song Dafeng’s incense ash to Chaozhou. Then, the Master descended to spirit séances held in various places and passed on prescriptions of medicine, talismans, and elixirs, which saved many people. The spirit writing altar, originally founded at the Yanwu ting 演武 亭 (the pavilion for performing martial arts), was named nianfoshe 念佛社 (society for chanting Buddha’s name). Its members accomplished various good deeds together, such as burying bones and bodies lying neglected, giving free clothes and coffins, collecting scrap paper bearing written or printed characters, 27. Carol Benedict, Bubonic Plague in Nineteenth-century China, Stanford: Stanford University Press, 1996, p. 1-71. 28. Lai Wen 賴文 and Li Yongchen 李永宸, Lingnan wenyi shi 嶺南瘟疫史, Guangzhou: Guangdong renmin chubanshe, 2004, p. 309. 29. Lai Wen and Li Yongchen, Lingnan wenyi shi, p. 353.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou and providing free medical services, with the help and donations of members. All the people of this county obtained benefits. In 1899, after obtaining an official permission, they established the Mian’an shantang on the land bought with donations collected under the proposal by Xiao Mingqin 蕭鳴琴, a member of the local gentry. In addition, they established a branch, named Cunxin shantang 存心善堂 (The charitable hall of Devotion) in Shantou. At the same time, they enshrined the Master’s picture and statue there. 竊吾潮自光緒戊戌年間,因天災流行疫疬盛作,人心惶恐 之際,適奉宋大峰祖師香灰蒞潮,到處降乩施藥,靈符丹水 活人無數。其壇初安于演武亭,肇創名曰“念佛社”。所有修 骷髏、贈衣衿、施棺木、拾字紙,醫藥並施,皆由諸友捐資 助工,集腋贊成善舉。合邑之人均沾德惠。迨至己亥歲,蕭 紳鳴琴首倡捐資,呈官示準,聯集同人買地蓋建棉安善堂一 所,並分創汕頭一社,名曰“存心善堂”。同繪塑祖師聖像,以 崇祀焉 30…
Another inscription entitled “Baocun Song Dafeng zushi jinianbei 保存宋大峰祖師紀念碑” (Memorial inscription preserving Master Dafeng) has the following similar passage: After that, the local gentry of Miancheng, a county town of Chaoyang, following the Master’s teachings, brought the oldest small statue of the Master from the Baodetang in Heping, and placed it at the East Gate of the town. Soon afterwards, they founded a temple called Mian’an shantang, and proceeded with doing various good deeds. This is the beginning of shantang in the Chaozhou region. In addition, one of the members of the Mian’an shantang, Zhao Jinhua 趙進華, went to Shantou and founded the Cunxin shantang. The two halls [the Mian’an shantang and the Cunxin shantang] were united as Chaoshan nianfoshe 潮汕念彿社. Since then, as the efficacy of Song Dafeng was becoming prominent, his reputation grew day by day. Consequently, people of each county rushed to enshrine the statue of Master Dafeng and practiced good deeds diligently.
30. Chen Jingxi 陳景熙, Chaozhouxue lunji 潮州學論集, Shantou: Shantou daxue chubanshe, 2006, p. 158.
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嗣潮陽縣城各善士欽仰祖師教旨,遂赴和平報德堂奉祖師 最古之小神像至東門外崇祀,立廟曰“棉安善堂”,擴大善 舉範圍,為潮州善堂之起點。並由棉安善堂社友趙君進華 等來汕創立存心善堂,總名曰“潮汕念彿社”。自是之後,成 績日著,而祖師之聲譽亦日隆,各縣遂風起雲涌,奉祖師神 像,力行善舉 31 。
What the above two passages make clear is that in 1899, when the outbreak of plague occurred in Chaozhou, the local people of Chaoyang took Master Dafeng’s oldest statue (or incense ash) from the Baodetang in Heping, and held a spirit writing séance at the Yanwuting in Miancheng town, Chaoyang county. At that time Master Dafeng descended at the spirit writing altar and passed on medical prescriptions and talismans. Soon, they moved the altar to the East Gate of Miancheng town and founded the Mian’an shantang in 1899. The group performing spirit writing séances was called nianfoshe. At the same time, Zhao Jinhua, one of the group members, went to Shantou and founded a branch, the Cunxin shantang. After that, the Master began to descend during spirit séances held in various places in the Chaozhou region. The nianfoshe mentioned above is a group of lay Buddhists, which is still active in modern Chaozhou. The members of the nianfoshe are religious specialists able to perform Chaozhounese-style rituals and music, usually during funerals or the Hungry ghosts festival in the 7th lunar month. They are commonly called jingshi 經師 (teacher of scriptures) or jingsheng 經生 (student of scriptures). The word nianfoshe is often used as the name of Chaozhounese charitable societies. In some cases, nianfoshe is a department of a large-scale charitable organization. The members of the nianfoshe who performed the spirit writing séance in Miancheng town in 1899 must have been such religious specialists. Such religious specialists were especially qualified to invite gods to a spirit writing séance by chanting scriptures and writing talismans. “The oldest small statue” of Song Dafeng brought from the Baodetang in Heping must have been Nanshangong, which was usually carried around during the xiuku ritual. Probably no god matched Nanshangong’s efficacious spiritual power to save the dead who had been killed by the plague. In such a serious situation, with the spread
31. Chen Jingxi, Chaozhouxue lunji, p. 159.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou of a highly infectious disease and many people dying every day, they had no choice but to pray to Nanshangong. Spirit writing must have been the last resort to save them. One more important information in the two above quotations is that after Master Dafeng descended to a spirit writing altar for the first time in the Yanwuting, he became able to descend to various other places through spirit writing. When people obtain the technique to bring down a god by themselves, the god begins to descend whenever and wherever people desire. Then, what influence does this technique have on the god’s cult? The rise of the Dafeng cult movement around 1900 At the end of the nineteenth century, Christian missionaries in Chaozhou began to pay attention to local religious developments. A. E. Groesbeck, an American Baptist missionary, who was staying in Huanggang 黃崗, Raoping county 饒平縣, said in his report: “Heathenism has been exceedingly active in this district the past year. Buddhist Societies have zealously propagated their doctrines, built and repaired temples and monasteries and excelled in charities; these things have made the work harder than in the years immediately preceding.” 32 The same year’s report has the following descriptions: “In Hui-lai district the new Buddhist sect, or the “Tea Society,” originally formed to provide tea for thirsty travelers and thus earn merit, rose up against our new congregation and dismantled the house in which they met, destroying all books and furniture, scattering the company that were beginning to keep the Sabbath there”. 33 John Marshall Foster, who was also a missionary of the American Baptist mission, said in his report:
32. Eighty-sixth Annual Report, Missionary Magazine 80-7 (1900), p. 7. The passage was quoted from Kaba Toyohiko 蒲豐彥, “Chōshū, Suwatō no Giwadan jiken to jizen kessha 潮州、汕頭の義和團事件と慈善結社,” in Chūgoku kindaika no dōtai kōzō 中國近代化の動態構造, Mori Tokihiko 森時彥, ed., Kyoto: Kyōto Daigaku Jinbun kagaku kenkyūjo, 2004, p. 268-269. 33. Eighty-sixth Annual Report, Missionary Magazine 80-7 (1900), p. 7. See Kaba, “Chōshū, Suwatō no Giwadan jiken to jizen kessha,” p. 256.
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While the Boxers were beginning their bloody work in the North, we had a remarkable religious movement here of a similar character – the Tai-Hong Hue. Nominally this was development of the “Tea Society,” a Buddhistic sect that furnished tea for thirsty travelers at the rest houses along much frequented roads. They adopted a new god, a Buddhist monk, who some two and a half centuries ago raised funds to build a long stone bridge, that he might revenge himself by spoiling the traffic of a ferryman, who one night refused to carry him across the river. The motive, however, does not signify; the Hûa-Phêng bridge is a great boon to the people, and the great merit of the builder should be recognized; … One silver dollar and three hundred cash for a lantern was the initiation fee. At one time this society was taking in from five hundred to a thousand new members daily. They built new temples, repaired roads, built bridges, and also reformed the confederations of villages which in past decades had led to endless bloody fights and feudal strife.” 34 “Tai Hong Hue” mentioned here is certainly the charitable society worshipping Song Dafeng. “Hûa-Phêng” bridge must be He Ping bridge in Chaoyang county. Foster pointed out some important characteristics of “Tai Hong Hue.” First, it developed from a tea society that provided tea for travelers to earn merit. Second, it worshipped a Buddhist monk who built a new bridge several centuries ago, as a new god. Third, it was able to reform the confederations of villages without conflict. Fourth, it began an anti-foreign/anti-Christian movement around 1900. Fifth, the number of people joining it was rapidly increasing. With regard to the second point, Song Dafeng was not a newly emerging god at that time; however, Dafeng was not so popular in the Chaozhou-Shantou region except for the area stretching from Chaoyang to Huilai at the end of the nineteenth century. Therefore, it is likely that the missionaries thought Song Dafeng was a new god. As for the third point, some charitable societies certainly played an important role in mediating disputes among villages. 35
34. Eighty-sixth Annual Report, Missionary Magazine 81-7 (1901), p. 7. Also see Kaba, “Chōshū, Suwatō no Giwadan jiken to jizen kessha,” p. 269. 35. For example, the Jueshi Shantang in Jieyang was established in 1901 specifically as an association for mediation of disputes among villages, by the contributions of more than 20 villages in the surrounding area.
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The number of shantang from the eighteenth to the twentieth century
More significantly, the movement of “Tai Hong Hue” around 1900 was described by missionaries, such as Foster, as a rapid and widespread expansion. As evidence to substantiate this point, above is a table which shows the trends in the number of charitable associations founded every ten years since the eighteenth century to the twentieth century. This chart was made from the data of 248 charitable associations in “the list of shantang in Chaozhou-Shantou area.” 36 As it indicates, the number of newly-founded shantang from the 1890s to 1900s showed prominent growth. The places where shantang were located became more widespread, including Shantou 汕頭, Chaoan 潮安 and Jieyang 揭陽 counties. If the Dafeng cult spread through an incense-dividing system in the same way as before, its expansion would not have been so rapid and wide. As a proof of this, the Dafeng cult during the period from 1740 to 1880 spread only to a limited area including Chaoyang, Huilai, and the border between Huilai and Lufeng. The reason behind the rapid and wide expansion of the shantang was undoubtedly the pandemic of plague and the spread of spirit writing. Once a god descended upon a spirit writing altar and told 36. This list includes the name and outline of 248 shantang that still exist in the ChaozhouShantou area. http://www.chxwang.net/bbs/forum.php?mod=viewthread&tid=9644.
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people how to survive and cure the disease, the news and rumors that the god manifested itself on the altars would rapidly spread around the area. If the medicine and talismans that the god passed on really had efficacy, people would not only scramble to obtain them, but also ask for more help. As a result, some people who attended the séances or heard of their reputation began to try spirit writing themselves in their hometowns, seeking the protection of Dafeng. Then, if Dafeng really descended there, the location of this new altar would become a sacred site and attract adherents immediately. This way, as more and more people attended the spirit writing séances, the number of spirit writing altars would also increase rapidly. There is one more possible reason why the shantang increased so remarkably: since the middle of Qing, small mutual aid associations such as yanmaihui 掩埋會 (a burial association) or fumuhui 父母會 (a parent burial association) had been emerging in villages, and they were also involved in the spirit writing cult movement. In other words, the various existing mutual aid associations began to adopt spirit writing and statues of Song Dafeng. For example, in Anbu town 庵埠 鎮, Chaoan county, there emerged a few networks linking one large charitable organization in the city as a headquarter and smaller mutual aid associations outside the city as its subordinate units. The Guangji shantang 廣濟善堂 (Charitable Hall of Universal Rescue) established in Anbu town had thirteen branch units outside the city, most of which were originally mutual aid associations for peasants like the fumuhui. That is the reason why the number of shantang increased prominently during the period from 1920s to 1930s, as indicated in the table. It seems reasonable to say that the cult of Master Dafeng entered a new phase when he started to descend on spirit writing altars. It is clear that spirit writing became a driving force behind the rapid expansion of Song Dafeng cult within a short period.
The transformation from a territorial cult into a redemptive society After the plague broke out in the 1890s in the Chaozhou region, a number of mutual aid associations in local villages competed to adopt spirit writing to invoke divine protection. In the same period, spirit-written morality books and scriptures, including eschatological 172
The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou scriptures, were widely circulated. In the Chaozhou region during the Qing period, the publishing business flourished; there were several publishing houses in the city of Chaozhou, whose catalogs in the late Qing usually included famous spirit-written morality books and scriptures, such as the Guandi mingshengjing 關帝明聖經. It should also be noted that the local spirit writing groups in Chaozhou began to produce their own morality books and scriptures by the beginning of the twentieth century. Song Dafeng, a Chaozhounese indigenous god, played an important role in such spirit-written texts. In this section, I would like to examine how Song Dafeng’s role and status were represented in the following morality books and scriptures edited by Chaozhounese shantang. (1) The Jueshi xinbian 覺世新編 (The New Edition of the Awakening of the World). This morality book was compiled from a collection of spirit-written messages that had been revealed at the spirit writing altar in the Jueshi shantang 覺世善堂 in Jinou village 金甌 鄉, Chaoyang county beginning on April 25, 1919. 37 In this shantang, various deities, from local spirits to high-ranking Daoist gods, descended: for example, Guansheng dijun 關聖帝君, Baxian 八仙 (the eight immortals), Master Dafeng, Guanyin 觀音, Chen Tuan 陳 摶, Shengmu niangniang 聖母娘娘, Guanghua zhenjun 廣化真君, Hongjiao zhenjun 宏教真君, Ledao xianren 樂道仙人, Chaoyang chenghuang 潮陽城隍, Baosheng dadi 保生大帝, Chuanlao linbo 川老林伯, Zhenzhu niangniang 珍珠娘娘, Li Babai 李八百, Bixia xianzi 碧霞仙子, Hehe xianshi 和合仙師, Yunyou xianzi 雲遊仙子, Mituo fozi 彌陀佛子, etc. The introduction written by Guansheng dijun says: The sages and saints passed away. Evil men conspired together to do many evil deeds. Then, black smoke covered up the sky and filled the universe. This incurred the Jade Emperor’s wrath. As a result, disasters often descended upon the land. I requested the Imperial order many times without fearing punishment. I proposed teaching the ignorant through spirit writing…. The third stage of general salvation is coming soon, so the Imperial Order of the Golden Mother of Jasper Pond 瑤池金母 was issued: The Golden Mother is grieving that human beings left
37. Published by Shantou Qiming Printing Company (n.d.).
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in the terrestrial land have been in a prolonged predicament and they are struggling among themselves. … Now the power of Guanghua zhenjun’s vow is not limited, so he swore to save the masses in this world. In addition, Old Lü (Lü Dongbin 呂洞賓) showed great mercy. In cooperation with them, we asked the Golden Mother to issue the Order to save the common people from suffering, and our request was granted. The decree of the Golden Mother was issued. The way of being Buddhist has opened. The new edition has been completed. This is definitely a great blessing for the people. 聖人去遠,舛輩成黨,多造惡孽,黑氣迷空,充塞宇宙。致使 玉皇震怒,天災頻降,我輩幾番冒罪請旨,飛鸞願化愚頑,教 民有功,…。皆爲三期時臨,瑤宮命頒,痛念殘零之久困,悲 嗟黎庶之相殘。…今幸廣化願力無辺,誓救宇內生民。再蒙 呂翁慈悲廣大,協助請旨,願度苦海蒼生。瑤宮命准,懿旨頒 行,覺路門開,新篇再著,實乃生民之大幸也。…(Introduction, p. 3-4) The above passage indicates that the spirit writing medium in the Jueshi shantang must have been strongly aware of the lore about Guandi feiluan chanjiao 關帝飛鸞闡教 (the salvation movement of Guandi by spirit writing) or Sanxiang daitian xuanhua 三相代天宣化 (the salvation by the Three divine ministers on behalf of heaven), both of which were well-known motifs that often appeared in spirit-written scriptures of the late nineteenth century. It is said that this salvation movement dated back to the spirit writing séance in the Longnü temple 龍女寺 in Dingyuan county 定遠縣, Sichuan province, in the gengzi year 庚子年 of the Daoguang reign 道光 (1840). However, the statement of the Jueshi xinbian is slightly different in content. Here, Guandi asked the Golden Mother, not the Jade Emperor, to issue the Imperial Order in cooperation with Lü Dongbin and Guanghua zhenjun, instead of Wenchang dijun. Master Dafeng also often appeared in this book, and was given a high-ranking status. The message from Master Dafeng, dated April 25, 1919 says: The public mind has become cunning and stubborn. Bad habits are prevailing. Black smoke has filled the universe, and so, the Jade Emperor became incredibly angry. As a result, great catastrophes often occurred. In this summer and fall, the 174
The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou populace became unstable. Therefore, I was ordered to descend and appear tonight. … Now I ask each member of this altar to purify his heart. Listen to my teachings and quietly put them into practice. And then, the disasters would be extinguished. … What a pity! How stupid the people here are! Xiuku 修骷 should take effect on both heaven and earth, which are not separable. The idea of xiuku is common all over the region. Do your best and cooperate with each other to accumulate merit by repairing many old graves. And then, the disasters will be eliminated. This is only the way to rectify this desperate situation. 目下人心刁頑,惡習成風,黑氣塞于宇宙。玉皇震怒,大劫 頻臨,夏秋此方,人口不安。今晚故以請命臨凡。…今願在 壇諸生,各各洗心,靜聽余訓,信受奉行,可消劫運。……惜 乎,此土人民何昧!修骷一途乃天地之功用,何分彼此,理 宜阖境通融辦理。生等勿吝苦口,協勸同人,共積陰功,宏 修廢塚。消災解劫,正在此舉,方可回天。(p. 1-2)
As the above passage indicates, great disasters often strike due to the evil deeds of humans. So, in obedience to the Imperial Order, Master Dafeng descended and manifested himself in the human world. He suggested that people should conduct many more xiuku activities, because xiuku was the best way to eliminate the disasters. (2) The Xinbian jiujie baoxun 新編救劫寶訓 (The New Edition of the Precious Teachings for Salvation from the Apocalypse) This morality book was compiled from a collection of divine messages spirit-written between the first lunar month, 1926 and the 12th lunar month, 1935, at the spirit writing altar in the Temple of Sanshan guowang in Haimen, mentioned above. It was edited by the Lian’an shantang 練安善堂 founded in the Temple of Sanshan guowang, and published by Mingli Publishing house in Shantou in 1936. The Lian’an shantang was a spirit writing group not only worshipping Master Dafeng as their main god, but also many other gods such as Chunyang dadi 純陽大帝 (Lü Dongbin), Guanyin, Chenghuang 城隍, Tudi gong 土地公, Guan taizi 關太子, Yuantong gufo 圓通古佛, Master Dadian 大顛祖師, Xuantian shangdi 玄天上帝, Jigong 濟公 etc. The deities who descended to the spirit writing altar usually recited five or seven-syllable poems, and presented some instructions.
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Master Dafeng played the most important role in this book. Whenever he descended to the spirit writing altar, he suggested the members conduct xiuku activities. For example, in a message of the first lunar month, 1926, Master Dafeng said: At the third stage of apocalypse, the great catastrophe will soon come, jade and stone will burn together. Only by doing good deeds can you escape disasters. I suggest that you should rebuild ruined graves and bury neglected bones. Then, you could change your fate. 刻逢三期末劫,玉石俱焚。惟善可逃。汝等務出爲倡修荒 冢。掩埋白骨。以轉末運。(volume 1, p. 2)
Furthermore, Master Dafeng suggested when and where to conduct xiuku activities, and how to use geomancy to position the graves: I have decided that the day to rebuild graves is the 3rd day of the third lunar month. Begin to repair the front of the grave. The altar should be set in Qiaoshibu. The back of the grave should face to the east south-east direction and the front should face to the west north-west direction. 修冢事。定于三月三日。由壇前興工起修。壇設売石埔。坐 乙向辛吉。(volume 1, p. 4)
This morality book also included the common motif which was often found in the late nineteenth-century eschatological scriptures as follows: Guan Ping 關平, Guandi’s son, descended to the altar and said: “I [Guan Ping] descended to this altar in a hurry, and gave instructions to you members. Because people do not repent their sins, black smoke occurred and filled the garden of heaven, which incurred the Jade Emperor’s wrath. As a result, disasters are often descending. However, people have not understood yet.” 忙進斯壇訓諸生。爲的黎民不悛惡。満空黑氣塞天庭。玉皇 觸怒降災劫。爭奈人心尚未明。(volume 1, p. 8) Master Dafeng was one of the savior gods sent by the Jade Emperor to teach people through spirit writing. Dafeng said:
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou The reason why unprecedented disasters have continued for a long time is because people have brought calamities on themselves. Generated black smoke made heaven angry, so heaven sent down ten demons and a large-scale disaster in order to warn people. Fortunately, Guandi, Lüzu, and other deities showed great mercy and made an appeal to the Jade Emperor. As a result, I was appointed to proceed with propagation trough spirit writing. 誠亘古未有之慘劫,原因生民自招禍機。致黑氣觸怒,天庭 降下十魔巨劫,以儆以飭。幸荷,關、呂諸真,大發慈悲,告 懇通明,俯准飛鸞闡教… (volume 1, p. 37)
The Jade Emperor and Lüzu fully entrusted the mission of “propagation through spirit writing” to Master Dafeng. In the Mid-Autumn Festival, 1930, Lüzu descended and said: Tonight, I have descended because Master Song (Dafeng) asked me for help in rebuilding graves. I see you members have been quite sincere since this altar’s establishment in 1926. In fact, Master Song is showing great mercy. You should be consistent in your principles, and not be lax. Your good deeds will bring the local communities great blessings. I expect that your names will be placed on the heavenly board in future. 本駕今晚因宋師通牒, 請助修塚。觀子等自丙寅設鑾以來, 頗有微誠。宋師實有浩大婆心。子等應始終一志, 切莫中途 廢弛。為地方造幸福非鮮。將來期望名列天榜也。(volume 1, p. 51) Furthermore, it is noteworthy that some spirit-written messages were expressing anxiety about the future of China. In a message of the 8th lunar month, 1933, Master Dafeng said: Alas! The third stage of the apocalypse has begun. Although our country China was placed at the center of the five elements, it has been weakened since the Qing dynasty. During the Daoguang, Tongzhi 同治, Guangxu 光緒, and Xuantong 宣統 reigns, China’s political power was controlled by cunning and stubborn men. They filled their own pockets and committed evil deeds, against reason. As a result, our country was disgraced, and was losing her rights day by day. Foreign countries treated our China with great disdain. They came here one after 177
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another, sometimes for stationing more soldiers here, sometimes asking for compensation. They also deprived us of our land and invaded cities. China will soon be divided by colonial powers. People are suffering from the invasion. How can I find the words to express how miserable that is? Nonetheless, some people respected Western studies too much and damaged the ancient Chinese tradition. As a result, calamitous riots took place and caused unprecedented situations in what once was the most civilized country. 嗟夫刻逢三期末劫之流行。吾中華雖得五行之中域,奈前 清遜道。当道、咸、同、光及宣時代,掌政之権,多落奸妄之 輩。營私肥已,既倒行而逆施。辱國喪権,日深一日。外侮之 甚。因相接踵而來,添兵賠款。乃掠地以奪城。爪分之局, 幾成燃眉。殃民之禍。慘復何言。尚歐美之學説,墮唐虞之 遺風。誠三代以來不易搆覩之慘變,亦文明邦國所未風聞 之残局也… (volume 2, p. 39)
Some spirit-written morality books edited in the early twentieth century often say that a new catastrophe occurred in the gengzi year 庚子年 of the Guangxu reign (1900), and usually make reference to the Boxer movement, an anti-foreign/Christian movement that arose between 1899 and 1901, as a representative of the new catastrophe. 38 After the twentieth century, spirit-written messages began to assume a more and more anti-foreign and nationalistic tone, condemning Western modern civilization as trying to destroy Chinese civilization. When Master Dafeng started to descend to spirit writing altars, he most likely gave only medical prescriptions, talismans, simple responses to individual or familial requests, as well as moralistic teachings or suggestions on how to conduct xiuku activities. However, with the increasing influence of various eschatological spirit-written scriptures or other sources like newspapers, Master Dafeng’s messages began to include discourses not only about families or villages, but also about the outside world, such as their broader local area, the whole country, and even the international society around China. It is reasonable to say that the eschatological ideas of the spirit-written scriptures gave religious cosmology, vocabulary, and meanings to the 38. Yau Chi-on 游子安, Quanhua jinzhen: Qingdai shanshu yanjiu 勸化金箴-清代 善書研究, Tianjin: Tianjin renmin chubanshe, 1999, p. 136-137.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou sense of fear and anxiety people had already been feeling towards the crises that they had never experienced before, such as Western European colonialism or plague epidemics. It also gave a new interpretation to the good deeds that people had been doing for a long time already. As a result, xiuku activities, a traditional popular religious custom, were given full legitimacy in the salvation project undertaken by the celestial gods, and were recognized as the most important way not only to survive great catastrophes, but to save their own country. In this way, village-based mutual-aid associations for burial and funerals began to take on features of redemptive societies, whose mission was to “achieve world peace and personal salvation.” 39 Conclusion Master Song Dafeng was originally a Buddhist monk who lived during the Song dynasty. Probably during the Ming-Qing transition, he began to be deified. The deification was likely triggered by his apparition and oracles in dreams. After that, he remained a relatively unknown local god, only worshipped in Chaoyang county and the neighboring area. Dafeng’s main character was a ruler of the lonely souls of the dead and of demons, so his cult was closely related to xiuku activities, the burial work and rituals for neglected bones and bodies. It is likely that the source of his spiritual power to control and appease ghosts originated in the Grave of Master Loyal to the Country established on Mount Qiaowei. After the reconstruction of the Baodetang in Heping town in 1745, Master Dafeng’s cult began to spread by the incense-dividing system in the neighboring regions. The Baodetang became a new sacred site which attracted Dafeng’s adherents. Master Dafeng’s statue Nanshangong and his incense ash, both of which were enshrined in the Baodetang, became the new media of his spiritual power. Dafeng’s image began to be spread by newly established temples and tea societies across a wider area. Around the beginning of the twentieth century, when the plague broke out in Chaozhou, frightened people voluntarily gathered and
39. Prasenjit Duara, Sovereignty and Authenticity: Manchukuo and the East Asian Modern, Lanham: Rowman and Littlefield, 2003, p. 104.
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summoned Master Dafeng, asking for his protection. Adapting spirit writing, people became able to communicate with Master Dafeng, whenever and wherever they liked. Master Dafeng began to descend to the spirit writing altars which arose one after another, and his cult rapidly expanded into the greater Chaozhou-Shantou region. Song Dafeng gained the ability to descend and leave spirit-written messages on request from his devotees. The Dafeng cult already satisfied several requisite factors for a god to be ascribed the ability to descend to a spirit writing altar, such as the prevalence of the name and images through various folk media and a certain level of people’s literacy. His statue and incense ash did not become immediately unnecessary, however. In 1899, when the Mian’an shantang was established, Dafeng’s statue (or incense ash) was still brought from the Baodetang. When the Cunxin shantang in Shantou and the Renji shantang 仁濟善 堂 in Anbu, Chaoan county, were established, his statue and incense ash were also enshrined in the new shantang. More importantly, the spread of spirit writing and spirit-written scriptures lead to a considerable change in Song Dafeng’s status in the celestial bureaucracy. He was integrated in the typical eschatological discourses and was promoted to one of the savior gods sent by the Jade Emperor to enlighten people through spirit writing, along with Wenchang, Lüzu, or Guandi. In this way, the Dafeng cult began to take on features of redemptive societies, which held saving the world from strife, greed, and warfare as their main mission. Since the twentieth century, the spirit writing movements worshipping Master Dafeng have spread to Hong Kong, Thailand, Malaysia, Singapore, and Vietnam, following the increased Chaozhounese migration. Since the end of the 1950s, new hagiographies and legends of Master Dafeng, which were created in Thailand through spirit writing, spread in Southeast Asia and even to mainland China later. 40 Master Dafeng became the most popular and respectable saint worshipped by Chaozhounese people in the world. We can say with fair certainty that the most remarkable innovation that spirit writing had brought about for the cult of Dafeng was the transformation from a local territorial cult centered on pilgrimage sites (his tomb and the Baodetang) to a universal religious movement attracting adherents across regions and classes.
40. Lin Wushu, Taiguo Dafeng zushi chongbai, p. 25-39.
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The Song Dafeng Cult in 19th-century Chaozhou The expansion of Song Dafeng cults in Southwest Asia has still been promoted by the mediation of his incense and statue. It is believed that Dafeng’s gold-colored statue Nanshangong was carried to the Chinatown in Bangkok by immigrants from Chaoyang in 1896 and enshrined in a shop, which developed into the Poh Teck Tung Foundation (Huaqiao Baode shantang 華僑報德善堂), the biggest charitable association in Thailand. In overseas Chinese societies, some shantang networks were still formed by “the incense fire.” For example, the shantang network centered around the Xiude shantang Yangxin she 修德善堂養心社, which was the first Chaozhounese shantang established in Singapore in 1916, spread to Singapore and Malaysia by dividing incense ash. 41 Spirit writing does not drive out the incense-dividing system, rather, they can complement each other. Dafeng’s grave, which is the source of his spiritual power to control and appease ghosts, also still has an important role in the cult, but unlike the statue and the incense ash, it cannot be moved. So, Chaozhounese overseas immigrants would often replicate his grave by building an yizhong 義塚 in their settlements and engrave the name of Song Dafeng upon its tombstone. In brief, the Song Dafeng cult has almost reached a stage where the image and the power of the god are effectively evoked solely through written words without the mediation of its statue or incense ash, like Wenchang dijun, Lüzu, and Guansheng dijun. However, his cult is still linked to a specific location. In this sense, we may say that it still retains its original forms as a local territorial cult.
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CHAPITRE 7
THE MONGOLS AND THE WOMB-CAVE OF WUTAISHAN: A RITUAL OF FERTILITY OR OF REBIRTH? Isabelle chArleux, GSRL – CNRS
五臺山 (the Five-terraced mountain in Shanxi province), the abode of bodhisattva Mañjuśrī, was the main international Buddhist pilgrimage site of China, and especially attracted Mongols from the eighteenth to the early twentieth century. The Mongols made pilgrimages to numerous places in Tibet and Mongolia 1 but none of them could compare to mount Wutai, that became a popular destination, attracting both nobles and commoners, laypeople and monks, men and women. 2 Wutaishan is well known for its majestic built environment (with more than a hundred Chinese Buddhist and Tibetan Buddhist temples and stūpas) but I will focus on ritual practices associated with sacred features of the landscape that suggest the popular appropriation of the mountain. These practices inform us, in a way different from the official gazetteers and guidebooks, about how the Mongols and Tibetans reshaped the mountain by superimposing their own pilgrimage traditions to the preexistent Chinese landscape and narratives, and by creating new sites, legends and rituals. This paper focuses on a particular type of cave, called Mother’s Womb-Cave, a must-see of the Wutaishan pilgrimage. This cave is shaped like a womb; pilgrims enter its narrow opening, the head and
W
utAishAn
1. 2.
The term “Mongolia” here refers to the Mongol-inhabited historical and cultural areas. Isabelle Charleux, Nomads on Pilgrimage. Mongols on Wutaishan (China), 1800–1940, Leiden and Boston: Brill, 2015.
10.1484/M.BEHE-EB.5.130242
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right arm stretched first, twist their body to crawl into and reach a dead-end chamber evoking a womb where they worship images of Buddhist deities, after which they crawl back through the same way and emerge outside, head first. I will evidence that Wutaishan’s Mother’s Womb-Cave is linked to several other similar caves of Inner Mongolia (China), the Republic of Mongolia, and Buryatia (a republic of Russia) which form a network of pilgrimage places. At last, I will analyze the different Buddhist and non-Buddhist interpretations and the attitude of the Buddhist clergy towards this “popular ritual”, and discuss Rolf Stein’s study of womb-caves in India and Tibet in his book Grottes-matrices et lieux saints de la déesse en Asie Orientale. 3 Wutaishan and the Mongols Mongols started to be interested in Wutaishan during the Yuan dynasty, and went there in drove from the eighteenth to the early twentieth century. The reason for the popularity of the Wutaishan pilgrimage are many, including the cult of Mañjuśrī, the Qing promotion of the mountain, the promotion of the pilgrimage by high-ranking reincarnations such as Changkya Khutugtu Rölpé Dorjé 4 (1717-1786), as well as the popularity of legends and songs, of guidebooks and maps. 5 In the late Qing period, when imperial subsidies were cut, the Wutaishan monks organized yearly collective fund-raising expeditions in Mongolia and Buryatia, and convinced Mongol donors to visit the monasteries they had sponsored. Stone inscriptions reveal that the patronage of Mongol donors replaced the declining imperial patronage in the second half of the nineteenth century. The number of Mongol pilgrims then exceeded that of Chinese and Tibetans.
3. 4.
5.
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Rolf A. Stein, Grottes-matrices et lieux saints de la déesse en Asie Orientale, Paris: École Française d’Extrême-Orient, 1988. Common Tibetan terms are presented in phonetic transcription based on the THL Simplified Phonetic Transcription of Standard Tibetan. Christopher Atwood’s simplified transcription system is here used for phonetically rendering classical Mongolian terms in the text, except for authors’ names and book titles, which are transliterated in the footnotes and the bibliography. Transcriptions from Cyrillic Mongolian and Russian are added for place names of the Republic of Mongolia and Russia. Charleux, Nomads on Pilgrimage.
The Mongols and the Womb-Cave of Wutaishan Mongol pilgrims came all year round, in caravans or alone, sometimes in great prostrations from their home. Because Wutaishan was close to Inner Mongolia, the pilgrimage was affordable to ordinary Mongol families, and could even be assimilated to a nomadization for those who came every year and sold their cattle at the great fair of the 6th month. 6 It was “Mongol-friendly”: the mountain had an alpine ecology, with high peaks and steppe-like pastures resembling that of the Mongol plateau. The presence of Tibeto-Mongol Buddhist (Gélukpa) monasteries headed by the jasag lama, who was a representative of the Dalai Lama in China, or by the great Inner Mongol reincarnation lineage of the Changkya Khutugtu, was responsible for Wutaishan’s nickname “the Tibet of China”. 7 The Mongols also found there the cult of springs and caves, which is an essential component of pilgrimages in Tibet and Mongolia. As in other Buddhist pilgrimages, religious motivations (making merit and gaining a better reincarnation for themselves or a relative) are inseparable from the more mundane ones such as curing an illness or seeking prosperity in this life. This is reflected in the Mongolian word for Buddhist merit, buyan (