L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine (IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.) 9781407304021, 9781407334318

In the cemeteries of Graeco-Roman Alexandria in Egypt, archaeological investigations initiated more than a century ago d

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ABSTRACT
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. LA GESTION DE L'EAU DANS LES ESPACES FUNÉRAIRES D'ALEXANDRIE
CHAPITRE 2. LES BESOINS EN EAU DANS LA NÉCROPOLE
CHAPITRE 3. L'EAU ET LA SOIF DU MORT
CONCLUSION
CATALOGUE DES AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES DANS LES NÉCROPOLES ANTIQUES D'ALEXANDRIE ET ES ENVIRONS
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES FIGURES
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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine (IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.)
 9781407304021, 9781407334318

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BAR S1919 2009 TRICOCHE

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

L'EAU DANS LES ESPACES ET LES PRATIQUES FUNÉRAIRES D'ALEXANDRIE

(IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.)

Agnès Tricoche

BAR International Series 1919 2009 B A R

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine (IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.)

Agnès Tricoche

BAR International Series 1919 2009

ISBN 9781407304021 paperback ISBN 9781407334318 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407304021 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

PUBLISHING

À mon père.

WATER IN THE FUNERARY SPACES AND PRACTICES OF HELLENISTIC AND ROMAN ALEXANDRIA (IV B.C. - III A.D.) ABSTRACT In the cemeteries of Graeco-Roman Alexandria in Egypt, archaeological investigations initiated more than a century ago attest to a usage of water for specific funerary purposes. From the foundation of the city in 332 B.C. to the third century A.C., fifty-one hydraulic installations can be entered in the accounts in Alexandria itself and its neighbourhoods ; most of the time water was made available inside the antique underground tombs, designed to accommodate the regular visits that the families paid to their dead. From a corpus that inventories the hydraulic structures identified to this day in the archaeological litterature, the different water management modalities are first described by their diversities. Wells frequently dug in the central court of the hypogea attained ground water and sometimes served as draining traps. Cisterns in the shape of little underground rooms equipped with a window or a vertical shaft, and sometimes with an adduction pipe, could store and conserve rainwater. Basins, as opened containers, directly offered water to the users. The reservoirs (basins or cisterns) which did not have any system of supply therefore depended on exterior installations, as all tombs that were totally devoid of hydraulic installations. The reasons that explain the presence of these water devices are various and suggest to consider the necropolis not only as a "dead city" but also as a life place. Water needs concerned the maintenance of locations, as well as the irrigation of gardens, whose rare archaeological remains are completed by Strabon's testimony (XVII, 1, 10) and by some juridical, epigraphical and papyrological documents that show the importance of kêpotaphia (literally the "union of a tomb and a garden") in Alexandria to the High Empire. The care of corpses required a lot of water as well, especially for the needs of mummification, whose adoption in the Roman period is confirmed by recent discoveries in the occidental Necropolis, where Strabon mentions "halting-places fitted up for the embalming of corpses". For the commemoration of the deceased again, the altars that frequently carried out into the tombs attest to sacrificial ceremonies, whose preliminary rites consist of purification ablutions and consecration aspersions on attendance and cult instruments. As a complement of sacrifices, some meals were eaten on site, according to banqueting halls discovered in the cemeteries under and above ground: in conformity with hygienic and traditional conviviality rules, water played a part in the washing of the hands, the drinking (some diluted wine), the swill of the floor and even the cooking in the equipping tombs. The imported and flourishing Greek culture often explain theses practices, in particular with the will to celebrate some deceased with heroic honours. But the progressive influence of Egypt and its specific religious customs has to be emphasized to determinate all the gestures about water and the origins of their beliefs. The special question related to the thirst in the hereafter in Alexandrian thought is very important from this point of view and induces a new orientation in the reflexion: from epitaphs expressing the wish for refreshing water after the death, in the Greek language but with the Egyptian god Osiris as the giver of the precious liquid, our analysis finally attemps to define the religious sources of the belief and the practical consequences in the tomb. Some hollow or pierced devices discovered in the funerary context remind of libations systems known in the Mediterranean Basin and tend to evaluate, from textual and iconographical documents, the role of water in the offerings to the Alexandrian dead.

I

AVANT-PROPOS Cet ouvrage est né d’une thèse de doctorat soutenue à Paris X en novembre 2007, devant un jury présidé par Monsieur Antoine Hermary, et réunissant Mesdames Anne-Marie Guimier-Sorbets, Marie-Dominique Nenna, MarieChristine Hellmann, et Yvette Morizot. Qu’il me soit ici permis de les remercier pour leurs remarques et suggestions faites lors de la soutenance, qui ont contribué à l’amélioration du texte initial. L’étude n’aurait jamais vu le jour sans le soutien permanent de ma directrice de thèse Madame Anne-Marie Guimier-Sorbets, qui au-delà des conseils avisés tout au long de mon travail et du temps consacré aux nombreuses relectures, m'a sans cesse prodigué ses encouragements bienveillants et son enthousiasme contagieux dans les moments de doute. Toujours attentive aux difficultés tant intellectuelles que matérielles de l'entreprise, elle m'a témoigné une confiance dont je la remercie chaleureusement, sur le plan des responsabilités d'enseignement universitaire et sur celui des projets de recherche auxquels elle a souhaité me faire participer. C'est à son aide précieuse et à ses démarches effectuées pour moi que je dois encore de nombreuses opportunités de dépouillement bibliographique, de découvertes archéologiques, de rencontres et d'échanges scientifiques en Égypte comme en France. Les aides et les encouragements chaleureux furent nombreux à Paris, auprès de Madame Yvette Morizot en particulier, dont les connaissances et les réflexions ont fortement stimulé mes recherches et leur orientation bibliographique depuis la Maîtrise d'Histoire, consacrée à La mort et l'eau en Grèce Ancienne aux époques archaïque et classique (1999, étude inédite sous la direction de Madame Madeleine Jost). Qu'elle soit remerciée de son appui et de son intérêt pour mon travail. J'ai également bénéficié du précieux concours de Madame Évelyne Prioux, dont la générosité intellectuelle et les compétences en matière de philologie grecque m'ont été très utiles. Merci aussi à mes amies et collègues de travail, Mesdames Katerina Charatzopoulou et Irini Papaikonomou, pour le plaisir de nos intéressantes discussions sur la religion grecque ; et merci encore à Gaël Cartron, pour m'avoir fait bénéficier de ses nombreuses lectures dans le domaine de l'architecture funéraire en Égypte romaine. Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur Jean-Yves Empereur pour sa généreuse hospitalité au sein du Centre d'Études Alexandrines, qui à plusieurs reprises m'a donné cette chance de visiter les sites en cours de fouille d'Alexandrie, de rencontrer des archéologues passionnants et de bénéficier de conditions très confortables de vie quotidienne et de travail lors de mes missions en Égypte. Je dois encore à son soutien l'observation et l'étude des vestiges encore en place d'aménagements hydrauliques antiques de contexte funéraire (nécropoles de Moustapha Kamel, d'Anfouchi, de Kôm el-Chougafa et de Wardian) et la lecture de travaux difficilement accessibles en France, dans la bibliothèque du Centre. J'adresse également mes plus vifs remerciements à Madame Marie-Dominique Nenna pour les entretiens qu'elle m'a accordés à Alexandrie ; le partage de son savoir pluridisciplinaire, les conseils avisés et les corrections suggérées à la lecture de mon D.E.A ont éclairé bien des chemins pour la suite de mon travail. C'est avec plaisir que je la remercie pour son aide, ses encouragements, et pour l'article encore à ce jour inédit qu'elle m'a généreusement transmis. Merci encore à Frédérique Nicot et à Jean Siguoirt pour leur amitié trouvée sur place à Alexandrie et pour leurs connaissances archéologiques qu'ils ont souhaité me faire partager. Il en va de même pour Monsieur Arnold Enklaar, qui a eu la gentillesse de me guider jusqu'aux nécropoles antiques de Plinthine et d'El-Alamein le temps d'une journée d'excursion. Merci enfin à Monsieur Patrice Georges pour les nombreux échanges qu'il m'a amicalement accordés au sujet de son expérience de terrain dans les nécropoles de Gabbari et de Plinthine, pour les informations intéressantes qu'il m'a transmises et pour ses relectures avisées. Je lui témoigne ici toute ma reconnaissance. Au Caire, je dois beaucoup à Madame Laure Pantalacci pour m'avoir accordé une bourse d'études et accueillie au sein de l'Institut Français d'Archéologie Orientale un mois durant. Son soutien, dont je tiens à la remercier chaleureusement, a été une chance formidable pour mener à bien mes recherches dans la bibliothèque de l'Institut. Ce séjour a été une occasion exceptionnelle d'avancer efficacement dans les différents domaines que je m'étais fixés. Et que dire de l'aide indispensable trouvée auprès des égyptologues rencontrés ici, à l'Ifao ? Leurs conseils aussi savants qu'amicaux m'ont rendu d'immenses services auxquels la présente étude doit beaucoup. Pour cette raison, merci en particulier à Messieurs Juan Carlos Moreno García, Vincent Razanajao et Frédéric Colin. L'occasion inespérée que m'a donnée ce dernier de participer au chantier de fouilles égyptien de Bahariya et les différentes responsabilités qu'il a eu la confiance de m'accorder m'ont en outre permis d'acquérir un savoir-faire technique, utile pour la compréhension archéologique et la rédaction de mon propre travail. Qu'il en soit sincèrement remercié. C'est avec le concours du Musée gréco-romain d'Alexandrie, du Musée égyptien de Berlin et de l'Association française de la Réunion des musées nationaux que j'ai pu obtenir les photographies de quelques documents importants pour mon étude. J'adresse ainsi l'expression de ma gratitude à Mesdames Mervat Seif el-Din, Nadia Zeitoun, Karla Kroeper et Elisabeth Molle pour les efforts fournis en la matière.

II

TABLE DES MATIÈRES Introduction ............................................................................................................................................................................... 1 Chapitre 1

La gestion de l'eau dans les espaces funéraires d'Alexandrie .................................................................... 9 1.1. Les procédés d'approvisionnement ........................................................................................................... 10 1.1.1. Eaux souterraines et eaux de pluie ...............................................................................................10 1.1.2. La question de la qualité de l'eau ................................................................................................. 15 1.2. Le stockage et l'accès à l'eau .....................................................................................................................19 1.2.1. Le rôle respectif de la citerne et du bassin...................................................................................19 1.2.2. La desserte de l'eau........................................................................................................................23 1.3. La régulation et l'évacuation de l'eau........................................................................................................ 26 1.3.1. Les puisards.................................................................................................................................... 27 1.3.2. Le rôle des citernes ........................................................................................................................29 Conclusions .......................................................................................................................................................31

Chapitre 2

Les besoins en eau dans la nécropole ........................................................................................................... 35 2.1. L'irrigation des jardins funéraires ............................................................................................................. 35 2.1.1. De rares vestiges matériels ........................................................................................................... 36 2.1.2. Les sources écrites, témoins de la vogue des jardins funéraires à l'époque romaine ............... 38 2.1.3. Les kêpotaphes alexandrins : de véritables exploitations agricoles .......................................... 44 2.1.4. Besoins en eau et modalités d'irrigation : le cas du papyrus BGU 1120................................... 47 2.1.5. Mises en perspective archéologiques ...........................................................................................52 2.2. Le traitement des corps et les funérailles ................................................................................................. 55 2.2.1. Les lustrations funéraires dans la tradition grecque................................................................... 55 2.2.2. La momification à Alexandrie et l'usage de l'eau........................................................................ 58 2.3. L'eau et les pratiques commémoratives à la tombe..................................................................................66 2.3.1. L'eau et la pratique sacrificielle ................................................................................................... 67 2.3.2. L'eau et les repas funéraires ......................................................................................................... 74 Conclusions .......................................................................................................................................................86

Chapitre 3

L'eau et la soif du mort................................................................................................................................... 89 3.1. Le besoin d'eau dans l'Au-delà : formes d'expression à Alexandrie, parallèles et sources d'inspiration..................................................................................................................89 3.1.1. La formule de l'eau fraîche dans les inscriptions funéraires d'Alexandrie................................89 3.1.2. Un parallèle iconographique dans la nécropole de Kôm el-Chougafa ...................................100 3.1.3. Le désir de "rafraîchissement" du mort, fruit d'une rencontre pluriculturelle........................106 3.2. Des offrandes d'eau aux morts à Alexandrie ? .......................................................................................117 3.2.1. Des dispositifs percés dans les tombes d'Alexandrie et de ses environs ..................................118 3.2.2. Estimation de l'importance de l'eau dans les libations funéraires à Alexandrie.....................126 Conclusions .....................................................................................................................................................135

Conclusion..............................................................................................................................................................................139 Catalogue des aménagements hydrauliques dans les nécropoles d'Alexandrie et sa région ....................................143 Planches ..................................................................................................................................................................................187 Bibliographie .........................................................................................................................................................................203 Table des figures ................................................................................................................................................................... 221

III

INTRODUCTION C'est le propre des sociétés antiques ou modernes que de fournir aux habitants et aux activités humaines l'eau indispensable à la vie et au développement1. Les premiers Ptolémées en avaient pleinement conscience quand ils durent faire face à cet enjeu crucial dans la nouvelle cité d'Alexandrie, fondée en 331 av. J.-C., où ont rapidement afflué des Égyptiens de l'intérieur et des colons venus d'outre-mer, notamment de Grèce, de Macédoine ou d'Asie Mineure. À l'aube de l'intégration de l'Égypte dans l'Empire romain en 31 av. J.-C., l'historien Diodore de Sicile rapporte que le nombre d'eleutheroi établis dans la ville est estimé à plus de trois cent mille2 ; si comme on le suppose aujourd'hui le terme ἐλεύθερος renvoie dans l'esprit de Diodore, non pas à l'ensemble des personnes libres mais plus spécifiquement aux citoyens alexandrins (incluant femmes et enfants), une population totale bien plus importante encore est envisageable, peut-être de l'ordre de cinq ou six cent mille habitants3. Dans cette région, le régime des pluies est de type méditerranéen, et l'influence du climat désertique égyptien est réduite par les vents venant de la mer qui assurent une humidité de l'air constante et assez élevée4 ; les précipitations, concentrées durant la saison hivernale, ne sont pas nécessairement rares mais aléatoires et irrégulières5. Si le lac Mariout qui borde la ville immédiatement au Sud constituait une importante réserve d'eau, le site choisi par Alexandre le Grand était dépourvu de cours d'eau directement accessible. Dès lors, la mise en place d'un approvisionnement régulier et contrôlé a très largement conditionné l'expansion démographique et économique de la future mégapole grecque : un canal creusé sur une trentaine de kilomètres jusqu'à la branche canopique du Nil en un lieu nommé Schédia, longeait d'abord le côté méridional de la ville, puis acheminait en

période de crue l'eau du fleuve dans les différents quartiers à l'aide de conduites souterraines, les ὑδρηγοὺς πόρους et les ὀχετηγούς préconisés par le conseiller Hyponomos dans le Roman d'Alexandre du PseudoCallisthène6. À l'échelle de l'îlot d'habitation, les opérations de sauvetage menées par le Centre d'Études Alexandrines (CEAlex) sous la direction de J.- Y. Empereur, ont notamment permis d'observer ce réseau d'approvisionnement en eau complexe et communautaire, pour les besoins courants des habitants de l'époque ptolémaïque, à l'emplacement du quartier du Bruccheion surplombant les palais royaux (puits collectifs et réseau hydraulique souterrain dans les terrains du théâtre du Diana, de l'ex-consulat anglais et du Cricket Ground, fouillés entre 1994 et 1997)7 ; des découvertes similaires ont encore été signalées plus à l'est, dans l'enceinte du cimetière latin de Terra Santa, à l'occasion des fouilles réalisées entre 2002 et 20048. Certaines des citernes publiques de stockage maçonnées qui apparaissent et se multiplient dans la ville à partir du Principat, utilisées jusqu'à l'époque moderne, ont été redécouvertes dans les années 1990 et contribuent aujourd'hui à la mise en valeur du patrimoine alexandrin (figure 1)9. Ainsi, c'est une véritable culture de l'eau qui se développe à Alexandrie dès sa création, qui certes exploite pour sa consommation les ressources du fleuve grâce auquel vit la population égyptienne de l'arrièrepays, mais qui au-delà se fonde sur une technicité hydraulique, l'aqueduc et la citerne, propre surtout aux régions méditerranéennes. Par cette gigantesque entreprise publique de réseau d'eau courante à l'échelle de la ville toute entière, Alexandrie affiche donc d'emblée sa singularité en Égypte et dans le monde hellénistique dont elle devient la capitale par excellence.

1

Parmi l'abondante bibliographie consacrée à la technologie hydraulique, citons par exemple les quatre volumes collectifs de L'homme et l'eau en Méditerranée et au Proche-Orient, publiés par la Maison de L'Orient méditerranénen (Lyon) entre 1981 et 1987. Pour la période spécifiquement antique, voir notamment J. Bonnin, L'eau dans l'Antiquité : l'hydraulique avant notre ère, Paris, 1984 ou Ö. Wikander (éd.), Handbook of Ancient Water Technology, Boston, 2000, etc. 2 D IODORE DE SICILE, Bibliothèque Historique, XVII, 52, 6. L'auteur, qui a visité la ville vers 60 av. J.-C., précise qu'il tient cette information des responsables des déclarations fiscales. 3 Voir à ce sujet les réflexions de D. Delia, dans DELIA 1988, particulièrement p. 283-284 ; cette approximation tient compte des capacités d'accueil de la ville et des différentes catégories sociales résidant à Alexandrie (citoyens, étrangers et esclaves). Cf. FRASER 1972, t. 1, p. 90-91 et t. 2, n. 358, p. 171-172, pour qui la population totale avoisinait le million d'habitants au temps de Diodore. Voir encore NICOLET 1999, spécialement p. 114 et CLARYSSE 2006, p. 102-103. 4 MUTIN 2000, p. 13-14. À en juger par un passage de Callixène de Rhodes rapporté par Athénée, évoquant "la bonne température de l'air ambiant" à Alexandrie (τὴν τοῦ περιέχοντος ἀέπος εὐκρασίαν), ces données climatiques actuelles peuvent s'appliquer à la période antique : ATHÉNÉE, Deipnosophistes V, 196d. Cf. D IODORE DE SICILE , XVII, 52, 2 ou AMMIEN MARCELLIN, Histoires, XXII, 16, 8 et 14. 5 Les précipitations atteignent 190 mm par an à Alexandrie, pour 22 mm au Caire ; elles se concentrent en moyenne sur 44 jours par an à Alexandrie (MUTIN 2000, p. 7-12), où la variation de la nappe phréatique entre l'été et l'hiver est de 20 centimètres (chantier de la rue Fouad, CEAlex : N ENNA 2008, p. 236, n. 20).

C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit la présente étude. Sur le modèle de la cité grecque s'étendent au-delà de la ville les nécropoles, que l'on a également pris soin de largement pourvoir en aménagements hydrauliques. Ce ne sont pas les mêmes procédés techniques compliqués dont les découvertes rendent compte ; les moyens employés sont bien plus modestes, et déjà indépendants du réseau intra muros, 6

PS. CALLISTHÈNE, Roman d'Alexandre, I, 31, 10. Sur la question de la date de création du canal, vraisemblablement entre la fin du IVe siècle et le début du IIIe siècle av. J.-C., voir HAIRY, SENNOUNE 2006, particulièrement p. 248. Sur les aqueducs et la restitution de leur tracé dans la ville : A DRIANI 1966, s.v. "Acquedotti", p. 202-203. 7 EMPEREUR 1995b, p. 752 ; EMPEREUR 1997, p. 838 et 845 ; EMPEREUR 1998b, p. 617-619 ; EMPEREUR 2002c, p. 930. 8 MATHIEU 2004, p. 635. Le matériel de remplissage des puits et des galeries souterraines indique que l'aménagement date de l'époque ptolémaïque, probablement peu de temps peu après la fondation de la ville, au IVe siècle av. J.-C. ; cf. EMPEREUR 2002c, p. 933. 9 EMPEREUR 1998e, p. 126-143 ; cf. EMPEREUR 2002c, p. 930-931. Le projet de mise en valeur de la grande citerne El-Nabih, déjà inauguré au XIXe siècle par un regard accessible aux touristes, est aujourd'hui au cœur d'une opération de sensibilisation au patrimoine culturel de la ville antique : voir à ce sujet BOREL, MARCH 2006.

1

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine mais ils reflètent la volonté des Alexandrins de ne pas manquer d'eau, malgré les contraintes naturelles avec lesquelles il faut composer, et même là où la nécessité de sa présence peut au premier abord paraître moins évidente que celle qui justifie son apport dans la ville10. Du reste, l'étude spécifique des aménagements hydrauliques mis au jour dans les tombeaux souterrains, conçus sinon sur le modèle des maisons, du moins en intégrant certaines de leurs commodités11, peut contribuer à l'approfondissement des connaissances des moyens mis en œuvre dans la ville. Rares sont en effet les observations archéologiques de dispositifs hydrauliques autonomes et restreints à la sphère privée : de fait, les découvertes de ce type se concentrent presque exclusivement dans la zone d'habitat du site de Kôm elDick (rue R4), fouillée sous la direction de M.Rodziewicz dans les années 1970, et datent d'une époque tardoantique ; une petite citerne souterraine dotée d'une canalisation pour la collecte des eaux de pluie a ainsi été signalée dans la cour d'une maison12, ainsi que quelques bassins, isolés ou situés à proximité de puits13. Dans un contexte spécifiquement funéraire ce sont là, d'après les publications anciennes et récentes, quelque 51 installations hydrauliques qu'il nous a été donné de recenser avec fiabilité dans les différents espaces funéraires de la ville, depuis sa fondation jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C., ainsi que dans les nécropoles de ses environs (agglomérations antiques des sites de Plinthine et de Marina el-Alamein, respectivement situées à une quarantaine et à une centaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie). La littérature archéologique mentionne encore plusieurs dizaines de structures hydrauliques supplémentaires, dont l'identification ou l'utilisation en contexte funéraire apparaissent toutefois plus hypothétiques : il faut envisager, en particulier, que certains des aménagements mis au jour en surface des nécropoles, indépendants des tombes situées alentour et parfois à un niveau stratigraphique nettement supérieur au sol d'occupation gréco-romain, soient plutôt à mettre en relation avec une utilisation des terres postérieure à l'abandon des espaces funéraires fouillés. Ailleurs toutefois, et en particulier dans la tombe, la variété des dispositifs rencontrés, puits ou puisards, citernes, bassins et canalisations isolées ou associées à un réservoir pour

son alimentation, révèle une organisation hydraulique réfléchie et donne un aperçu concret des modalités de gestion de l'eau, de l'adduction à l'évacuation en passant par les procédés de stockage et de drainage, dans toute leur diversité d'élaboration et de conception. Il n'est pas inutile de souligner d'emblée le phénomène remarquable que constitue la surreprésentation des aménagements hydrauliques mis au jour dans les espaces funéraires de l'Alexandrie antique par rapport au reste de l'Égypte. Quelques artifices de bassins creusés dans le sol ou sculptés dans un bloc de pierre ont bien été mentionnés dans les cours de certaines tombes thébaines, de Tell el-Amarna ou de Saqqara14, mais étant données les contraintes climatiques, ils ne faisaient probablement que reproduire en miniature les étendues d'eau que seuls pouvaient s'offrir les pharaons ou quelques hauts fonctionnaires de renom dans leur temple funéraire15, et l'on devait le plus souvent se contenter de simuler leur présence par une représentation peinte ou une inscription gravée sur une paroi de la tombe16. Pour une comparaison sans doute plus pertinente, il convient de se tourner en second lieu vers les régions méditerranéennes antiques, où la relative pauvreté des découvertes hydrauliques en contexte funéraire mérite d'être explicitée davantage et replacée dans son contexte. Dans leur grande majorité, les sépultures antiques grecques ou romaines, regroupées aux abords des agglomérations, sont de simples fosses creusées dans la terre ou le rocher pour recevoir le cadavre ou l'urne cinéraire, éventuellement améliorées par des finitions particulières (cercueil ou revêtement intérieur, plaque de couverture, monument de surface, etc.) 17. Certes l'archéologie permet parfois d'attester la présence de points d'eau à proximité ou dans les cimetières, mais à quelques exceptions près, les découvertes de puits ou de réservoirs en surface restent assez modérées et isolées, pour des raisons de conservation évidentes ; quant à l'usage précis des aménagements hydrauliques ainsi mis à la disposition de la communauté, il reste le plus souvent indistinct, pour des besoins proprement funéraires, mais aussi éventuellement urbains, artisanaux ou agricoles. En Grèce par exemple, l'inventaire des puits antiques auquel s'est récemment livrée L. Chevalier18 donne peu de résultats tangibles en contexte funéraire : ils sont quelques-uns à avoir été ponctuellement signalés dans les nécropoles d'Argos, de Salamine, de Corinthe, de Stratos et de Naxos, encore que leur contexte d'utilisation ne soit

10

Pour une présentation succincte des aménagements hydrauliques et des différents emplois de l'eau dans les nécropoles d'Alexandrie, voir TRICOCHE 2008. Dans le même ouvrage, l'article de M.-D. Nenna consacré à "L'eau dans la nécropole de Gabbari" (= NENNA 2008) donne en partie accès à une documentation jusque là inédite. 11 Le cas paraît clair, en particulier, dans les riches tombes hellénistiques de Moustapha Kamel, situées à l'est de la ville, dont le décor et l'architecture creusée, avec cours centrales à pseudo-péristyle, rappellent les maisons et palais de Grèce et d'Asie Mineure : G UIMIERSORBETS 2003, p. 599, avec NOWICKA 1969, p. 73. D. Arafa rapproche les tombes alexandrines de l'époque ptolémaïque avec les maisons grecques ou égyptiennes de la même époque : ARAFA 1992, p. 120-121. 12 RODZIEWICZ 1984, p. 136-138 et 257. 13 Maison D, un puits et deux bassins mitoyens : RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 257. Entre les maisons B et C, dans un tronçon démantelé, un puits et un bassin : ibid., p. 167-169 et 258. Maison E, deux bassins : ibid., p. 182-184 et 260. De petits bassins ont également été signalés dans la maison dite de la Méduse (IIe siècle ap. J.-C.), dans le quartier du Bruccheion : EMPEREUR 1997, p. 838.

14

JUNKER 1952, p. 185-189 (Ancien Empire) ; DEIR EL-MEDINEH 1924, p. 10-15 et 1928, p. 34 (Nouvel Empire) ; H UGONOT 1989a, p. 180-182 et fig. 149 p. 181 ; AUFRÈRE 1992, p. 64-65 et p. 85, n. 67-81. 15 HUGONOT 1989b, p. 38 (temple d'Hatshepsout) ; à Médinet Habou, le temple funéraire du scribe royal Amenhotep, fils de Hapou, comportait également un grand bassin rectangulaire dans la cour, de 26 mètres de long, bien attesté par l'archéologie (XIVe siècle av. J.-C.) : GESSLERLOHR 1983, p. 101-109 et HUGONOT 1989a, p. 101-109. 16 BAUM 1988, p. 29-33 ; HUGONOT 1989a, p. 197-201. 17 Voir en particulier GINOUVÈS 1992-1998, t. 3 , p. 54-66. 18 CHEVALIER 2002 : le catalogue comprend les régions de l'Attique, du Péloponnèse, des Îles ioniennes et égéennes, de l'Asie Mineure et de la Grèce occidentale. Je remercie l'auteur pour son autorisation de consulter son mémoire de thèse, à ce jour inédit.

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Introduction pas toujours clairement identifié19. En Grande Grèce encore, quelques puits se retrouvent dans les cimetières de Syracuse ou de Tarente (époque classique ou hellénistique)20. Dans le cimetière du Céramique athénien, les quelques installations hydrauliques mises au jour – une rotonde alimentée par deux citernes et une canalisation en terre cuite datée du Ve siècle av. J.-C. – répondaient pour une part aux besoins des visiteurs de tombes, mais peuvent tout autant être mises en relation avec l'activité des potiers dans le voisinage immédiat, très consommatrice en eau 21. Localement, une petite concentration peut apparaître, comme à Rhodes où huit puits, datés de l'époque classique ou hellénistique, ont été dénombrés dans l'ensemble des nécropoles22 ; outre les puits, trois citernes ont également été observées dans la grande nécropole d'Haghia Triada, entre des tombes à fosse datées des IVe-IIIe siècles av. J.-C.23. Ce n'est pas parce que l'île de Rhénée servait de nécropole à Délos que l'on doit conclure à l'utilisation strictement funéraire des grandes citernes découvertes sur le site24 : pour celui qui y débarquait, il était avant tout nécessaire de disposer d'eau pour les usages les plus vitaux. On peut toutefois supposer que l'interdiction de mourir sur l'île d'Apollon engendrait des besoins spécifiques, liés notamment à la toilette des cadavres. Quelques vestiges épars sont encore à signaler en Méditerranée orientale, comme dans la Vallée des Tombeaux à Palmyre (plusieurs puits25) ou en actuelle Syrie, à proximité de tombes d'époque romaine dans le massif du Bélus (des citernes26) et dans la nécropole connue sous le nom d'el-Aouatin (un bassin isolé27). En Palestine, une citerne de grand volume, découverte à proximité de la nécropole de Beth She'Arim, servait peut-être pour les besoins du cimetière, mais aussi pour ceux de la ville, dépourvue de source naturelle28. Sans nullement prétendre à l'exhaustivité, ce bref état des lieux montre combien les possibilités d'étude de ces systèmes d'accès à l'eau en contexte funéraire sont limitées par leur disposition en surface ; l'identification des aménagements peut être compromise par leur état de conservation à la découverte, tandis que leur destination funéraire demeure souvent invérifiable en l'absence de connexion établie avec les tombes avoisinantes : l'accomplissement de quelque rite, l'entretien de la

sépulture ou d'un jardin cultivé, les hypothèses invoquées sont variées pour expliquer leur présence, généralement sans argument probant. Le cas alexandrin est bien à part. La position de la mégapole à la croisée des chemins des plus grandes civilisations de l’Antiquité, qui ont apporté leurs influences propres, celles de l’Égypte pharaonique, de la Macédoine et de la Grèce hellénistique, puis plus tard de l’Empire romain, offre à la cité des spécificités historiques, politiques, socio-économiques, culturelles et artistiques inédites, qui pourraient à elles seules justifier que l’on y consacre une étude isolée. Du point de vue plus particulier de notre champ d'analyse, il faut surtout souligner que les fouilles menées ont révélé l'une des plus grandes concentrations de tombes du monde antique, avec en particulier la Necropolis dont le terme devenu commun est d'abord le fruit d'un néologisme forgé par Strabon au Ier siècle av. J.-C., exprimant l'étonnement du voyageur devant l'immensité et l'organisation du cimetière occidental, qui s'étendait sur trois kilomètres d'est en ouest29. À cette époque, d'autres "cités des morts" avaient également vu le jour à l'est de la ville (à Chatby, Ibrahimieh, Hadra et jusqu'au quartier périurbain de Moustapha Kamel), ainsi qu'au nord sur la presqu'île de Pharos (Anfouchi et Ras el-Tin), tandis que celle de Kôm el-Chougafa, plus au sud, allait bientôt se développer durant le Haut-Empire (figure 1)30. D'autre part, si les modes sépulcraux étaient variés – simples fosses ou hypogées à puits, à descenderie, avec une ou plusieurs chambres souterraines –, Alexandrie a largement contribué au développement d'un changement radical dans le principe d'aménagement du tombeau : qu'il soit individuel, familial ou collectif, il peut désormais être conçu non plus seulement comme un lieu d'ensevelissement, mais aussi comme un espace ouvert et accessible pour le recueillement et la commémoration des morts, dans la cour et les pièces que les spécialistes ont coutume d'appeler "salles de prières". De là résulte d'abord la relative abondance des découvertes d'installations hydrauliques : disposés directement dans les hypogées, ces aménagements ont bénéficié de conditions de préservation favorables, dont la mise en valeur archéologique depuis le XIXe siècle permet aujourd'hui de rendre compte. Par ailleurs, la configuration particulière des tombes permet d'aborder sur des bases solides la question des différentes fonctions de l'eau en contexte spécifiquement funéraire : même si la nature de la documentation et la qualité des réponses varient selon les usages considérés, la mise en place d'une réflexion est rendue possible par l'aménagement architectural des pièces souterraines, ainsi que par les sources écrites et iconographiques. À partir de l'époque hellénistique, dans les régions qui semblent connaître la diffusion du modèle de l'hypogée alexandrin tel que défini ci-dessus, se retrouvent

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CHEVALIER 2002, catalogue p. 466, 476, 487-488, 543 et 618. Nécropoles syracusaines de Fusco et de Giardino Spagna : COLLINBOUFFIER 1987, p. 674 ; pour Tarente, voir CHEVALIER 2002, catalogue p. 675. 21 KNIGGE 1988, p. 159-160 et 103. Cf. H ELLMANN 2006, p. 326. 22 CHEVALIER 2002, catalogue, p. 627-635. 23 PARIENTE 1990, p. 822. L'auteur suppose, mais sans argument, que ces citernes étaient associées aux besoins de la nécropole. 24 SIEBERT 1968, p. 416-449 ; LE DINAHET 1989, p. 24-28 ; BRUNEAU ET AL. 1996, p. 88-89. Nous reviendrons plus en détail sur les citernes de Rhénée, p. 57 de cet ouvrage. 25 MICHALOWSKI 1960, p. 165. 26 TCHALENKO 1953, p. 46. 27 LASSEUR 1922, p. 13. 28 AVIGAD 1971, p. 6. Voir encore la présence de deux citernes dans les nécropoles romaines de Caesarea (Cherchel, Algérie) : LEVEAU 1983, p. 97 et fig. 11, p. 96, et p. 139. Dans un autre secteur, le dégagement d'un bassin appartient probablement aux activités artisanales antérieures à la nécropole : ibid., p. 119. 20

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STRABON, Géographie, XVII, 1, 10. Les vestiges archéologiques de cette nécropole commencent au niveau du canal Mahmoudieh et atteignent le faubourg actuel du Mex. 30 Pour une synthèse des découvertes, voir EMPEREUR 2002a, p. 40-46.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine parfois les mêmes dispositifs funéraires liés à l'approvisionnement de l'eau. Des découvertes isolées ont ainsi été faites dans l'Orient hellénisé, notamment dans plusieurs tombes de Cyrène31, de Palmyre32, ainsi qu'à Damas33, à Tyr ou à Sidon 34. En Jordanie, Pétra la Nabatéenne, dont certains des grands tombeaux rupestres donnent l'impression d'une même influence architecturale, fournit encore quelques exemples35. Surtout, dans l'île de Chypre sous domination ptolémaïque, la nécropole connue sous le nom de "Tombeaux des Rois" au nord-ouest de Néa-Paphos a révélé la présence d'un puits dans chacun des cinq hypogées monumentaux mis au jour, situé sous un portique, au centre de la cour ou rendu accessible par un escalier36. L'une des seize tombes à chambre de la nécropole était également équipée d'un puits logé dans un angle de l'antichambre37. Le matériel retrouvé montre que l'utilisation la plus ancienne de la nécropole remonte au IIIe siècle av. J.-C. et s'est poursuivie durant l'occupation romaine, jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C.38. Dans une autre tradition architecturale funéraire, celle du columbarium, l'Italie romaine de la fin de l'époque républicaine et des trois premiers siècles de l'Empire révèle aussi l'importance de disposer d'eau dans la tombe. Quelques puits ont été mentionnés à Rome, dans les nécropoles de la via Latina, de la via Salaria ou de la via Collatina39, mais le cas est surtout connu dans les environs d'Ostie : en 2000, M. Heinzelmann recensait sept puits dans la nécropole de la Porta Romana et sept autres dans celle de la via Laurentina, la plupart intégrés dans la cour des tombeaux, et datés entre le I er et le début du IIIe siècle ap. J.-C.40 ; dans la nécropole de

l'Isola Sacra, sur la route du Port de Trajan, E. Jastrzebowska signale encore cinq puits associés à des complexes funéraires à mausolées du IIe siècle ap. J.-C.41. La présence de banquettes et de fourneaux bien identifiés à proximité donne un aperçu particulièrement concret des pratiques commémoratives qui s'y déroulaient et des besoins en eau qu'elles engendraient. Il reste qu'Alexandrie apparaît bien comme un site privilégié pour aborder la question de l'eau en contexte funéraire aux époques ptolémaïque et impériale et pour dresser un tableau de ses différents usages dans la nécropole. Toutes les tombes n'étaient pas également pourvues, et comme la diversité des sépultures traduit les différences sociales, la présence d'un aménagement hydraulique et sa sophistication plus ou moins poussée peuvent refléter, au moins dans les plus riches tombeaux, une forme ostentatoire de luxe. De façon plus pratique, on peut supposer que des besoins en eau importants étaient imposés par l'entretien régulier des tombes fréquentées par la famille et les proches. Les rites qui s'y déroulaient, en relation avec les autels sacrificiels fréquemment observés dans les cours des hypogées, ou avec les salles de repas dotées de banquettes, confirment la nécessité de maintenir propres certaines pièces et induisent aussi d'autres usages de l'eau qu'il conviendra de définir. En surface, nous l'avons vu, l'identification d'un dispositif hydraulique spécifiquement associé aux besoins de la nécropole est le plus souvent hypothétique. Toutefois la documentation écrite révèle que de grands renforts d'eau étaient nécessaires pour l'irrigation de jardins funéraires. Il en allait vraisemblablement de même pour le traitement des corps, en particulier la momification dont les fouilles récentes attestent la pratique à Alexandrie au moins à partir de l'époque romaine. Si par bien des aspects la présence d'installations hydrauliques dans les espaces funéraires de la ville trouve son explication dans l'importation et l'épanouissement de la culture grecque, et notamment dans la volonté de célébrer certains défunts par des honneurs qui s'apparentent à ceux des héros, l'influence progressive de l'Égypte et de ses traditions religieuses propres doit également être envisagée pour définir l'ensemble des gestes liés à l'eau et appréhender au mieux les croyances dont ils sont issus. Dans cette perspective, la question de la soif du mort dans la pensée des Alexandrins sera d'un apport majeur, tout en marquant une orientation nouvelle dans la réflexion : au départ de documents exprimant le désir d'un rafraîchissement dans l'Au-delà, rédigés en langue grecque mais où Osiris apparaît comme le donateur du précieux liquide, la réflexion conduira à délimiter les référentiels religieux à l'origine de la croyance, et à en cerner les aboutissants pratiques dans la tombe.

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Deux citernes signalées dans THORN 2005, p. 430-431 (tombe S.1) et p. 246 (tombe 83). 32 GABRIEL 1926, p. 92-92 (tombeau dit de l'Aviation, d'époque hellénistique) et GAWLIKOWSKI 1970, p. 180 (tombe de Bohla et autre hypogée anonyme). 33 SALIBY 1982, p. 306-307 (hypogée romain). 34 Voir CONTENAU 1920, p. 202-203 ; MEURDRAC, ALBANÈSE 1938, p. 91 ; DUNAND, REY-COQUAIS 1965, p. 6 ; cf. BARBET 1988, p. 22. 35 Outre les nombreux réservoirs creusés dans le rocher à proximité des tombes, qui devaient essentiellement servir à l'irrigation et aux besoins domestiques de la métropole (MCKENZIE 1990, p. 109-110), voir LINDNER 1986, p. 229 (intérieur de la tombe 813) ; sur la façade de la tombe de Turkmaniya, une inscription nabatéenne du Ier siècle ap. J.-C. fournit une description précise des aménagements prévus, dont un puits hydraulique : GUZZO AMADASI, SCHNEIDER 1997, p. 194-195. 36 HADJISAVVA 1982, tombeaux n° 4, 5, 6, 7 et 8 ; cf. HADJISAVVAS 1985a, p. 344-346. À l'occasion du colloque "Egypt and Cyprus" tenu à Nicosie en 2003, A.-M. Guimier-Sorbets et D. Michaelidès ont mentionné les puits parmi les différents éléments de comparaison entre l'architecture funéraire chypriote et alexandrine ; leurs vestiges pourraient être les témoins de la pratique de cultes rendus aux morts, malgré l'absence d'autel sacrificiel conservé : GUIMIER-SORBETS, MICHAELIDÈS 2003, p. 6 et 13. 37 HADJISAVVA 1982, tombeau n°2 = HADJISAVVAS 1985b, tombe 1978/2, p. 264 et 266. En 1915, G. Jeffery signalait déjà, dans une autre nécropole de Chypre, deux tombes d'époque gréco-romaine dotées chacune d'un puits : JEFFERY 1915, p. 170, fig. 10, et p. 176, fig. 15. 38 HADJISAVVAS 1985b, p. 266-268. 39 LANCIANI 1880, p. 219-220 ; GATTI 1905, p. 179-180 ; JASTRZEBOWSKA 1981, p. 121 et pl. 15. 40 Nécropole de la Porta Romana : HEINZELMANN 2000, PR A19, B2, B4, B6 et B10a. Nécropole de la via Laurentina : ibid., VL C1, E3, E4,

F3, K2a et K6b ; cf. J ASTRZEBOWSKA 1981, n°22, 33, 34 et MEIGGS 1971 (éd. de 1977), p. 458, fig. 31. 41 JASTRZEBOWSKA 1981, p. 126-127 ; photo dans CALZA 1940, p. 57, fig. 15. Voir aussi le puits dans la cour d'un columbarium sur la via G. Calza, dans JASTRZEBOWSKA 1981, p. 116.

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Introduction un précieux complément44. Les travaux de M. S. Venit offrent aujourd'hui une nouvelle synthèse, mais qui traite principalement des tombeaux les plus monumentaux de la cité antique, figurant déjà dans l'inventaire d'Adriani45.

Pour la commodité du lecteur, un catalogue disposé en fin de volume, auquel nous renverrons chaque fois que nécessaire, fournit les éléments descriptifs inhérents à l'étude approfondie des dispositifs hydrauliques connus en contexte funéraire alexandrin ; les nécropoles des cités antiques qui parsèment la côte méditerranéenne égyptienne, souvent mieux conservées et placées directement sous l'influence architecturale de la mégapole, sont également prises en considération42. La récolte de cette documentation a constitué le point de départ de l'enquête, qui n'aurait pu être menée à bien, cependant, sans le recours et la confrontation permanente à d'autres sources de nature et de provenance variées, les structures architecturales, les artefacts, les textes littéraires et documentaires, enfin l'iconographie. Leur traitement et leur exploitation seront directement insérés dans le corps du texte.

Naturellement, aucun de ces ouvrages ne saurait se substituer aux publications de première main. En ce qui concerne les sites funéraires les plus essentiels à notre étude, on peut en premier lieu évoquer l'intérêt des savants de l'Expédition de Bonaparte, au XVIIIe siècle, pour les vestiges d'un vaste complexe funéraire daté du Haut-Empire, situé dans le quartier occidental de Souk-el Wardian, qu'ils appellent "Temple souterrain" dans la Description de l'Égypte et qui est déjà depuis longtemps fréquenté par les touristes46 ; à proximité, un autre hypogée d'époque ptolémaïque prendra le nom de "Bains de Cléopâtre", après que Dolomieu, membre de l'Expédition, l'a interprété à tort comme un espace thermal47. Plus d'une dizaine de tombes est actuellement connue sur l'ensemble du site, anciennement intégré à la Necropolis. Parmi les découvertes les plus importantes du XIXe siècle, les tombes étudiées dans la ville par l'archéologue allemand H. Thiersch ont aussi donné lieu à des rapports détaillés48. À partir de sa fondation en 1892, le Musée grécoromain d'Alexandrie, successivement dirigé par G. Botti, E. Breccia et A. Adriani, entreprend des fouilles de plus grande ampleur, qui enrichissent considérablement la littérature archéologique sur la mégapole antique. Dans le quartier actuel de Karmouz au sud de la ville antique, l'exploration de la nécropole dite de Kôm el-Chougafa ("Colline des Tessons") par G. Botti, est poursuivie par l'expédition allemande E. von Sieglin, qui édite en 1908 une étude approfondie de cinq grands hypogées, tous datés de l'époque romaine49. On doit notamment à E. Breccia l'ouvrage consacré à la nécropole orientale de Chatby, l'une des plus anciennes de la ville, fouillée au début du XXe siècle50. Jusque dans les années 1940, les

Précisons que l'inventaire constitué n'est pas le fruit de recherches archéologiques menées personnellement sur le terrain, mais provient essentiellement d'un travail de compilation des publications archéologiques. Pour les besoins légitimes du développement de la ville moderne, les nécropoles de la cité antique sont aujourd'hui en grande partie détruites, ou du moins ne subsistent-elles qu'à l'état de vestiges très ruinés (site d'Anfouchi sur la presqu'île de Pharos), parfois enfouis sous les aménagements urbains (la nécropole de Ras el-Tin est peut-être encore en partie conservée sous les jardins du Palais royal, par exemple). Quelques rares tombeaux ont toutefois fait l'objet d'une restauration au cours du XXe siècle, visant à mettre en valeur auprès du public le patrimoine égyptien (nécropole de Moustapha Kamel, tombes 1 et 2 d'Anfouchi, grand complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa) ; ceux-là ont pu donner lieu à un examen personnel lors de séjours en 2003 et 2004, visant à compléter sur place les informations glanées dans la littérature archéologique. Dans les autres cas, les dispositifs hydrauliques ne sont plus directement observables, et leur étude dépend dès lors exclusivement des publications de fouilles. Dans ce cadre, le Repertorio d'Arte dell' Egitto Greco-Romano (Série C) d'A. Adriani, qui propose un recensement descriptif très complet de toutes les découvertes effectuées dans les différentes nécropoles connues dans les années 1960, constitue un outil de travail de tout premier ordre43. L'ouvrage reste, plus de quarante ans après sa parution en 1966, une base fondamentale à toute étude sur le domaine funéraire alexandrin, même si de nombreuses découvertes ont eu lieu plus récemment ; l'étude de B. Tkaczow consacrée en 1993 à la topographie de l'ancienne Alexandrie en offre

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TKACZOW 1993. VENIT 2002. La récente thèse de doctorat de S. Delaporte, Les nécropoles d'Alexandrie (Égypte) : espaces et traditions funéraires à l'époque gréco-romaine (2006, Université de Lyon II), menée sous la direction de J.-Y. Empereur, comprend notamment un catalogue de l'ensemble des tombes mises au jour dans la mégapole antique. L'étude restant à ce jour inédite, notre ouvrage n'en a pas exploité les résultats. 46 MARTIN 1818 et notre planche 12. Lors d'un nouvel examen du tombeau par A. Adriani en 1953, la superstructure a été plus particulièrement étudiée : ADRIANI 1966, n°118, p. 162-171. 47 LACROIX, D ARESSY 1922, p. 43-44. 48 Dans la rue du Mex à l'ouest de la ville : THIERSCH 1900 et notre planche 7, fig. 3 ; dans une boucle du canal Mahmoudieh au sud (tombe dite "du Jardin d'Antoniadis", du nom de la riche famille grecque qui a longtemps été propriétaire du terrain adjacent) : THIERSCH 1904, p. 6-17 et notre planche 4, fig. 2. On peut encore mentionner, parmi les découvertes du XIXe siècle, les ruines d'une tombe au nord-est de la ville d'abord interprétée comme un temple, au niveau du petit promontoire de la baie de Stanley (ou Cap Zéphyrion) : LHODE 1866, p. 179. 49 SCHREIBER 1908, BOTTI 1908 et nos planches 13 et 14. Dans ce secteur, une tombe décorée de belles peintures chrétiennes avait déjà été découverte en 1855 : WESCHER 1865, p. 57-64 ; encore en 1959, une petite tombe était découverte par H. Riad, revisitée par J. Leclant qui en a laissé une brève description : LECLANT 1961, p. 94. 50 BRECCIA 1912 (2 tomes). 45

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Une même approche a du reste dicté à J.-Y. Empereur et M.-D. Nenna le choix d’intégrer dans le deuxième opus de la publication consacrée à la seule Necropolis, l’étude de deux hypogées situés en dehors du quartier de Gabbari et même d’Alexandrie : EMPEREUR, N ENNA 2003, p. 11. 43 ADRIANI 1966 ; cf. FORSTER 1990, ainsi que BERNAND 1966, dont l'ouvrage de vulgarisation sur l'Alexandrie antique contient un chapitre consacré aux nécropoles (p. 166-228).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine trois directeurs italiens publient les résultats de leurs études de terrain au sein de Rapports, d’Annuaires du Musée gréco-romain ou du Bulletin de la Société archéologique d'Alexandrie. Dans le domaine funéraire, chacun d'entre eux s'attache ainsi à l'examen du site de Hadra, au sud-est de la ville antique, qui se compose essentiellement d'un vaste cimetière de surface en fonctionnement de l'époque ptolémaïque à l'époque chrétienne, mais qui comprend aussi des hypogées51. Sur la presqu'île de Pharos, les fouilles diligentées par le Musée dans les nécropoles d'Anfouchi (six tombes) et de Ras el-Tin (onze tombes), dont l'occupation initiale doit remonter au IIe siècle av. J.-C., font également l'objet de publications dont la plus complète demeure à ce jour celle d'A. Adriani52. Ce dernier est aussi l’auteur de l'Annuaire de 1933-1935, intégralement consacré au secteur de Moustapha Kamel (avec ses quatre tombeaux monumentaux conservés), situé au-delà de la limite nordest de la ville antique dans le quartier actuel du même nom (anciennement Moustapha Pacha), et découvert lors d'opérations de nivellement du sol pour les autorités militaires anglaises d'Alexandrie53. A. Adriani mène encore les fouilles de trois tombes d'époque ptolémaïque dans le petit quartier de Cléopâtra-les-bains, à l'occasion de travaux exécutés par les services de la Municipalité en février 1938 ; dans le même quartier, le directeur publie encore en 1956 son étude de la petite tombe richement peinte de Tigrane, datée de l'époque romaine54. Outre les découvertes faites isolément depuis plus d'un siècle dans le quartier actuel de Gabbari (ancienne Necropolis occidentale), les trente dernières années ont vu s’y développer l'archéologie préventive : entre 1975 et 1977, le Centre d'Études de l'Égypte gréco-romaine de l'Université de Trèves a d'abord mis au jour onze tombes contiguës, sous la direction de G. Grimm et M. Sabottka, dont six ont été publiées (zone A)55. Surtout, la construction du pont destiné à relier la porte 27 du port ouest d'Alexandrie à la route nationale du Caire a révélé en 1996 la présence d'une vaste nécropole, dont la fouille systématique a été menée jusqu'en 2000 (zone B), d'abord sous la direction d'Ahmed Abd-el Fattah (Service égyptien des Antiquités), puis de J.-Y. Empereur à la tête du Centre d'études alexandrines ; dans un bidonville à 500 mètres à l'ouest, une troisième zone funéraire a également fait l'objet d'une prospection en 1998 (zone C). Actuellement, trois volumes publiés à l'Institut français d'archéologie orientale présentent les résultats de la

fouille ainsi que des études thématiques pour plusieurs des secteurs du site56. Les 46 hypogées collectifs mis au jour dans la zone B ont pu être datés entre la haute époque hellénistique et la fin de l'époque romaine, avec de nombreux cas de réoccupations et réaménagements successifs. En Maréotide enfin, des campagnes de fouille ont révélé la présence de quelques aménagements hydrauliques dans les tombes des nécropoles antiques : en particulier, la revue Polish Archaeology in the Mediterranean publie chaque année une chronique des fouilles conduites par W.A. Dasweski depuis 1987 sur le site urbain de Marina el-Alamein et de sa nécropole (Centre polonais d’archéologie méditerranéenne) ; la Mission française des fouilles de Taposiris Magna, sous la direction de M.-Fr. Boussac, donne lieu depuis 1998 à des fouilles de la nécropole de la cité hellénistique de Plinthine, qui fait suite à l’exploration d’A. Adriani en 193757. La principale difficulté, pour l'établissement d'un catalogue descriptif des aménagements hydrauliques en contexte funéraire alexandrin, réside dans le contexte même des fouilles : dès la fin du XIXe siècle, il s'est toujours agi d'opérations de sauvetage liées à des constructions privées ou publiques, à l'ouverture de routes, à la mise en place de voies ferrées ou de tramways, etc. Dans ce contexte systématique d'urgence, la qualité et la quantité des informations recueillies varient considérablement, de la simple mention d'une tombe sans indication topographique ou documentation graphique, à des comptes-rendus très complets où les aménagements hydrauliques sont eux-mêmes précisément étudiés, selon une méthode rigoureuse. Entre ces deux extrêmes, la majorité des publications fournit une description de l'agencement général de la nécropole et du tombeau, propose une datation d'ensemble d'après l'étude de l'architecture, du programme décoratif ou du mobilier, et fait brièvement allusion à un éventuel dispositif hydraulique, dont les conditions de fouille sont rendues particulièrement difficiles, dans le cas des puits et des citernes profondément creusées dans le rocher, en raison de l'émergence de la nappe phréatique ou des risques d'effondrement. À ces contraintes techniques, qui nuisent parfois à l'identification des structures, se superpose la délicate question de leur datation, en particulier dans le cas des dispositifs situés en surface dans le voisinage des tombes antiques. Ces difficultés ont naturellement conduit à écarter de l'analyse les documents archéologiques suspectés d'être sans rapport avec l'étude qui nous intéresse : seuls seront considérés les dispositifs au sujet desquels l'information recueillie dans les publications apporte des éléments tangibles et pertinents pour l'interprétation de leur

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BOTTI 1898a, p. 76. BRECCIA 1906, p. 5-6 ; B RECCIA 1915-1916, p. 5-7 ; BRECCIA 1930a ; ADRIANI, 1925-1931, etc. Plus récemment, les fouilles se poursuivaient encore, car il s'agit là d'un des terrains archéologiques les plus féconds en trouvailles. Voir notre planche 4, fig. 3. 52 BOTTI 1902a, p. 7-15 ; BRECCIA 1919-1920, p. 55-69 ; ADRIANI 1940a, p. 47-128 ; voir nos planches 5 et 6. Les nécropoles sont déjà connues des savants de Bonaparte : SAINT-G ENIS 1818, p. 215 et 391 ; LACROIX, DARESSY 1922, p. 11. 53 ADRIANI 1933-1935 et nos planches 1 à 3. Pour la découverte plus récente d’une autre tombe monumentale à pérystyle, en 1984, sur le même site, voir encore LECLANT, CLERC 1985, p. 339. 54 ADRIANI 1935-1939, p. 124-127 (notre planche 4, fig. 1) et ADRIANI 1956, p. 63-86. 55 SABOTTKA 1983, p. 195-203, SABOTTKA 1984, p. 277-285 et notre planche 8, fig. 2-3.

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EMPEREUR, N ENNA 2001 et EMPEREUR, NENNA 2003 (2 tomes). Un autre volume à paraître doit présenter les secteurs encore inédits. Voir aussi la publication annuelle des résultats de fouilles dans le Bulletin de correspondance hellénique, ainsi que dans le Bulletin de l'Institut français d'archéologie orientale et la revue Orientalia. Voir nos planches 8 à 11. 57 ADRIANI 1940-1950b, p. 140-159 ; GEORGES 2002, p. 72.

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Introduction fonction hydraulique et de leur utilisation en contexte funéraire ; ceux-là font l'objet d'une présentation détaillée

dans l'inventaire, les autres étant mentionnés à part et sous une forme plus synthétique.

Figure 1. Alexandrie les aménagements hydrauliques dans la ville antique et ses nécropoles. Dessin A. Tricoche.

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CHAPITRE 1. LA GESTION DE L'EAU DANS LES ESPACES FUNÉRAIRES D'ALEXANDRIE Les hypogées alexandrins équipés d'un système hydraulique ne constituent nullement un ensemble homogène : de fait, leur seul point commun est de disposer d'un accès et d'un espace inérieur prévus pour les visiteurs, ce qui exclut d'emblée les tombes à puits et celles qui ne comprennent qu'une pièce unique pour une sépulture sans possibilité de circulation. Au-delà, les tombeaux concernés peuvent appartenir à un seul individu, à une famille plus ou moins large, ou être progressivement devenus l'objet d'une véritable entreprise et la propriété d'un promoteur employant carriers, peintres, scribes, ainsi que le personnel pour les enterrements, l'entretien, etc. La variété de plan est donc extrême, souvent compliquée au fur et à mesure des remaniements, et reflète les différences tout aussi importantes de statut social des défunts : les riches tombes dites "à cour péristyle" (c'est-à-dire de type centrifuge avec des salles disposées autour de la cour) ou "à oikos" (de type axial), réservées à une élite (secteurs funéraires de Moustapha Kamel, Anfouchi, Ras el-Tin, Wardian, etc.), contrastent en particulier avec les complexes funéraires collectifs du quartier de Gabbari, composés d'un enchevêtrement de pièces, parfois sur plusieurs étages, et dans lesquels la population moins fortunée réserve un segment de paroi pour son loculus, plus tard remployé pour y déposer d'autres corps58. C'est donc dans un contexte extrêmement disparate que doit s'envisager l'étude spécifique des dispositifs liés à l'eau dans les espaces funéraires d'Alexandrie, à travers l'analyse des procédés mis en œuvre pour assurer l'approvisionnement, le stockage, la desserte et l'évacuation de l'eau.

littérature archéologique publiée à ce jour, 17 puits semblent bien identifiés dans le contexte funéraire d'Alexandrie et ses environs, dont 16 accessibles dans la tombe60. Ce dénombrement tient compte de la nécessaire précaution d'éviter la confusion, d'une part avec le mode d'accès d'une "tombe à puits"61, et d'autre part avec le "puits de lumière" dont certains tombeaux étaient pourvus, fournissant luminosité et ventilation aux espaces souterrains les plus profonds, et permettant également la descente des corps avant leur inhumation, en évitant le dédale des escaliers et des chambres funéraires62 ; enfin, l'ouvrage hydraulique se distingue parfois difficilement d'une simple fosse creusée dans le rocher, en particulier quand il se présente sans aucune finition spécifique (les plus évidentes étant le parapet ou la balustrade), ou quand les conditions de fouille n'en ont pas permis le sondage, au moins partiel. - La citerne : particulièrement adapté aux régions de climat méditerranéen, cet aménagement de stockage permet de conserver l’eau et ainsi d'assurer aux collectivités un approvisionnement toute l'année, y compris pendant les longues périodes sans pluie63. Les citernes se présentent dans l'Antiquité sous la forme de chambres souterraines et couvertes, taillées dans la roche et qui, à la différences des puits, ne sont en général pas alimentées par la nappe phréatique, mais plutôt par les eaux pluviales64. 22 réservoirs de ce type ont pu être identifiés de manière fiable dans les nécropoles d'Alexandrie, logés directement dans les tombeaux (dans 17 cas) ou à leur voisinage immédiat, à quoi on ajoutera encore celui qui, récemment publié, a été découvert dans un hypogée de la nécropole de Marina el-Alamein 65. Le système d'accès aménagé au sommet de la cuve de stockage, le mortier hydraulique dont celle-ci est généralement enduite, ainsi que la tuyauterie parfois conservée qui assurait la récupération des eaux pluviales, permettent de distinguer la citerne d'une chambre funéraire d'inhumation ou de commémoration 66.

Cette diversité caractérise également les modes de confection des aménagements hydrauliques, nous le verrons. Une classification simple, adoptée dans le catalogue en fin de volume, permet toutefois d'opérer une distinction entre quatre types d'ouvrages mis au jour dans les espaces funéraires d'Alexandrie et de sa région. - Le puits : "dispositif creusé dans le sol et permettant d’atteindre une nappe d’eau souterraine"59, le puits revêt l'aspect d’un conduit vertical plus ou moins long selon la profondeur du terrain aquifère, aux parois éventuellement confortées, et dont l'embouchure peut être surmontée d'une construction maçonnée pour faciliter le puisage de l'eau ; il peut aussi en certains cas faire office de puisard apte à évacuer l'eau par infiltration dans le sous-sol. D'après les éléments descriptifs contenus dans la

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Corpus, p. 145-156, et tableaux récapitulatifs 2-4, p. 184-185. Voir BOTTI 1898a, p. 75 (nécropole de Chatby), ADRIANI 1966, n° 73, p. 121-122 et fig. O, p. 122 (nécropole de Hadra), ou COSTE 1998, p. 89 et 165 (nécropole occidentale, quartier de Minet el-Bassal). 62 Les puits explorés dans les grands hypogées de Kôm el-Chougafa semblent avoir eu cet usage : corpus, KCH/pts α et β, p. 156. 63 BONNIN 1984, p. 35 ; GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 207-208 et t.3, p. 92. 64 GUILLAUME 1887, p. 1208 (canaux conduisant les eaux de pluie dans les citernes au sud-ouest de l'Acropole d'Athènes) et CROUCH 1990, p. 129-158. Les réservoirs des habitations privées de Délos décrites par L. Couve, recueillaient les eaux de pluie par l'intermédiaire de canaux dallés et de tuyaux de plomb : COUVE 1895, p. 466. Le réseau de canalisations souterraines qui caractérise les grandes citernes publiques d'Alexandrie constitue précisément une notable exception au principe général énoncé ; dans les nécropoles de la ville toutefois, aucun réservoir n'a été découvert qui était relié au système urbain. 65 Corpus, p. 157-173 et tableaux récapitulatifs 2-4, p. 184-185. 66 Il arrive cependant que la citerne soit transformée en espace d'ensevelissement après son premier état d'utilisation : voir, dans la 61

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De fait, la classification binaire distinguant à Alexandrie les tombes à péristyle des tombes à oikos, établie en 1919 par R. Pagenstecher, apparaît aujourd'hui trop simpliste même si elle reste couramment usitée par commodité (PAGENSTECHER 1919). Sur la question de la diversité des tombes alexandrines, voir NENNA 2003 et HELLMANN 2006, p. 296299. 59 TÖLLE-KASTENBEIN 1990, p. 32-38 ; GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 209.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine - Le bassin : également destiné à "conserver en réserve une certaine quantité d’eau"67, le bassin se définit, à la différence de la citerne, comme un récipient découvert ; c’est ainsi que certains auteurs latins définissent le bassin, lacus ou piscina, par opposition à la cisterna, souterraine et voûtée, et les encyclopédistes et spécialistes de l’hydraulique antique reprennent à leur compte cette distinction68 : on puise l'eau à bassin ouvert, tandis que les citernes sont hermétiquement closes. La situation se révèle toutefois plus complexe dans les tombeaux d'Alexandrie, où certains réservoirs, tout en restant partiellement ouverts sur la pièce desservie, étaient logés dans l'épaisseur du mur. La morphologie de l'aménagement (une cuvette avec son mortier hydraulique caractéristique), ainsi que ses dimensions, son mode d'accès ou son système d'alimentation, constituent dès lors un faisceau de critères pertinents pour identifier le bassin, dont l'emploi vise avant tout à rendre l'eau aisément accessible auprès des usagers, ponctuellement et en quantité modérée, tandis que la citerne tend davantage à la stocker pour plusieurs mois. 11 bassins, inventoriés dans les nécropoles alexandrines, paraissent bien assurés danc cette fonction, dont 9 étaient directement accessibles dans une tombe69. - La canalisation : sous la forme de rigoles taillées en saignées dans le sol, ou de tuyaux fermés en terre cuite ou en plomb, les canalisations sont quant à elles chargées de contrôler la circulation de l’eau pour la conduire vers un lieu de stockage, la drainer ou l'évacuer ; elles sont parfois associées aux réservoirs, aux puisards, parfois indépendantes de toute structure (une seule conservée de manière fiable) 70.

1. 1. 1. Eaux souterraines et eaux de pluie D'un point de vue géologique, une nappe d'eau souterraine est constituée par l'ensemble de l'eau occupant les interstices de roches poreuses71. Si le substrat sur lequel repose ce terrain aquifère est une formation hydrogéologique nécessairement imperméable, l'étanchéité de sa limite supérieure est en revanche variable. Dans l'ensemble de la zone littorale du delta du Nil et jusqu'au delà d'Alexandrie, l'hydrogéologue J. Margat précise que la nappe phréatique, de type alluvial, est globalement confinée sous une couverture argileuse qui limite les possibilités de renouvellement par infiltration des eaux météorologiques72. Le puits est le dispositif artificiel creusé dans le sol qui permet d'atteindre cette eau souterraine. Il est d'usage courant dans l'Antiquité, en Égypte comme dans l'ensemble du bassin méditerranéen 73, et c'est également le type d'ouvrage hydraulique le plus fréquemment attesté dans les nécropoles antiques du monde gréco-romain 74. Afin de démontrer l'extrême dépendance d'Alexandrie vis-à-vis de l'eau du Nil amenée par le canal, les récits de voyageurs de l'époque arabe et ottomane insistent de manière récurrente sur le fait que la ville est entièrement dépourvue de puits75. Sur le terrain dont l'étude a été confiée par le Patriarche grec orthodoxe de la ville à l'équipe du Centre d'Études Alexandrines, le dégagement en 2000 d'un ensemble d'installations hydrauliques datées de l'époque médiévale, comprenant un puits ainsi qu'un bassin, des citernes et des canalisations, probablement pour les besoins d'une activité artisanale76, témoigne toutefois, certes de manière isolée, que depuis longtemps les habitants d'Alexandrie savaient obtenir de l'eau des nappes phréatiques, même si les citernes constituaient l'essentiel de leur mode d'approvisionnement. Les fouilles opérées dans la ville ont fourni en de trop rares occasions l'opportunité d'attester l'usage des puits pour la période gréco-romaine. Or, comme le souligne J. Margat, les terrains aquifères des régions littorales du bassin méditerranéen sont situés à une faible profondeur et sont donc facilement accessibles77. Un passage de la Guerre

1. 1. LES PROCÉDÉS D'APPROVISIONNEMENT L'origine de l'eau peut avoir son importance pour définir la nature d'un aménagement hydraulique. Le recensement de ces dispositifs, dans le cadre spécifique des nécropoles d'Alexandrie, révèle la présence de deux systèmes distincts pour assurer l'adduction en eau, largement employés dans l'ensemble du monde antique : le puits, qui rend accessibles les eaux contenues dans une nappe souterraine, et la citerne, réservoir généralement adapté à la récupération des eaux de pluie. Ces deux types d'aménagement seront examinés successivement. La question de la qualité de l'eau collectée sera ensuite abordée, afin de définir les différents procédés mis en œuvre pour éviter sa corruption, en contexte funéraire.

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POMEROL, LAGABRIELLE, RENARD 1965 (éd. de 2000), p. 455 ; ANCTIL, ROUSSELLE, LAUZON 2005, p. 145-146. Sur ces notions d'hydrogéologie, voir encore COLLIN 2004, p. 3-27. 72 MARGAT 1998, p. 19 et fig. 10a, p. 21, selon un rapport de M. Shahin en 1991 (non vidi). 73 D'après la documentation papyrologique étudiée par G. Husson, l'emploi des puits en Égypte paraît répandu dans l'équipement domestique des maisons, surtout les plus aisées, (HUSSON 1983, p. 286288). Pour le recensement des puits dans le monde grec, voir en particulier la thèse de doctorat de L. Chevalier (CHEVALIER 2002). 74 Voir Supra, p. 2-4. 75 H. J. Beuning le note lors de son court séjour en août 1579 (éd. en 1612) : "Ils utilisent cette eau [provenant des citernes publiques] toute l'année, car ils ne possèdent pas de puits d'eau douce" : trad. G. Wagner, dans SENNOUNE 2006, p. 248 ; à comparer aux propos de N. C. Radzivil (voyage en 1583, éd. en 1663 : ibid., p. 262), de S. Kiechel (1588, éd. en 1972 : ibid., p. 280), de G. Sandys (1611, éd. en 1973 : ibid., p. 328) ou d'un anonyme français (1701, éd. en 1702 : ibid., p. 520). 76 EMPEREUR 2001b, p. 689 ; cf. MATHIEU 2001, p. 520 et 2002, p. 501 ; ADLY, GRIMAL 2003, p. 10. 77 MARGAT 1998, p. 16 ; on se réfèrera, pour le cas spécifiquement alexandrin, à la carte du delta du Nil, fig. 10b, p. 21. M.-D. Nenna

nécropole de Kôm el-Chougafa, KCH/CIT 2, p. 167-168. Dans le cas du "Temple souterrain" de Souk el-Wardian au contraire, il apparaît qu'une chambre funéraire a été condamnée pour y installer la citerne, à une époque indéterminée : WAR/CIT 1, p. 166-167. 67 GINOUVÈS, 1992-1998, t. 3, p. 93. 68 VARRON, Économie rurale I, 11 ; COLUMELLE, De l'agriculture, I, 5 ; ULPIEN, Digeste, 43, 22. Cf. THÉDENAT 1804, p. 904 et GUILLAUME 1887, p. 1208. 69 Corpus, p. 174-179 et tableaux 2-4, p. 184-185. 70 Corpus, p. 180-181.

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La gestion de l'eau d'Alexandrie (chapitres VI à IX) semble du reste indiquer que cette donnée était déjà bien connue dans l'Antiquité : le texte relate comment lors du siège d'Alexandrie par Jules César durant l'hiver 48-47 av. J.-C., les habitants avaient tenté d'affaiblir l'armée massée au cœur de la ville, en la privant de l'eau potable des citernes, remplies d'eau de mer ; le général avait réconforté les siens et entrepris de faire creuser des puits : "Il affirmait, en effet, qu'en creusant des puits on pouvait trouver de l'eau douce, car tous les rivages contiennent naturellement des nappes d'eau douce […]. Le travail entrepris et chacun mettant du cœur à l'ouvrage, on trouva en une seule nuit une grande quantité d'eau douce" (traduction J. Andrieu) 78. À l'occasion des fouilles polonaises menées dans le quartier de Kôm el-Dick dans les années 1960 et 1970, deux ouvrages de ce type ont été signalés par M. Rodziewicz, mais ils appartiennent sans doute à une époque romaine tardive, comme l'ensemble des vestiges découverts sur ce site79. En 1993, la découverte d'un puits sur le site du Billiardo Palace, à l'emplacement probable du sanctuaire du Césareum, garantissait pour la première fois que ce mode d'approvisionnement pouvait être utilisé bien avant la fin de l'Antiquité80. Les fouilles opérées les années suivantes par le Centre d'Études Alexandrines dans l'îlot d'habitation de l'ancien quartier du Bruccheion, où des puits à usage communautaire logés aux angles de parcelles ont été mis au jour81, confirment leur emploi dès les premiers siècles d'existence de la ville. Leur usage dans l'agglomération est du reste attesté au IIIe siècle av. J.-C. dans un papyrus (Halensis 1) contenant un ensemble de dispositions de droit civil alexandrin en matière de bien foncier et immobilier, qui prescrit de laisser un intervalle avec la propriété voisine lorsqu'on creuse un aménagement de ce type82.

Les puits se caractérisent par une embouchure de section souvent rectangulaire, quelquefois carrée ou circulaire, dont la superficie ne dépasse pas le mètre carré. La profondeur du conduit est quant à elle rarement connue (ce qui peut alors en compliquer l'interprétation fonctionnelle). Dans la nécropole hellénistique de Moustapha Kamel, la profondeur du puits de la tombe 1 (MKA/PTS 1) a pu être estimée à 7 mètres à partir du niveau de sol souterrain 84 ; elle devait être sensiblement identique pour le puits du tombeau 2 voisin (MKA/PTS 2), où l'eau émergeait à 5,5 mètres sous le niveau de la cour lors des observations d'A. Adriani85 : les deux ouvrages, disposés à quelques mètres de distance dans des espaces souterrains creusés eux-mêmes à égale profondeur, captaient de toute évidence une seule et même nappe aquifère. En raison des contraintes de fouille, les autres puits mis au jour dans les différents sites funéraires d'Alexandrie n'ont apparemment pas été sondés jusqu'à leur extrémité inférieure, à la seule exception de celui signalé dans une petite tombe de la nécropole de Kôm el-Chougafa86. À une centaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie, dans la cour de l'hypogée S6 de la nécropole de Marina el-Alamein, le puits atteignait au moins 9 mètres de profondeur, niveau du conduit où l'eau se rencontrait encore au moment des fouilles dirigées par W. A. Daszewski87. Un confortement par un chemisage interne, en usage courant dans l'ensemble du monde gréco-romain pour consolider la structure88, a été quelquefois observé dans les nécropoles de Moustapha Kamel et de Gabbari89 : le revêtement est constitué d'assises de blocs de pierres équarries et disposées en rangées, dans la partie supérieure du conduit ou plus en profondeur ; les vestiges encore accessibles semblent témoigner d'une facture assez soignée. Dans les autres cas où l'observation a été rendue possible (tombe 2 d'Anfouchi, tombes B1, B17 et B21 de Gabbari et tombe S6 d'El-Alamein), l'étaiement des parois n'avait pas été pratiqué90 : la présence d'emmarchements taillés directement dans le rocher à l'intérieur du conduit pour assurer la descente semble tout au moins exclure l'hypothèse de la disparition d'un revêtement mis en œuvre à l'origine. Quels que soient les dispositifs de consolidation employés, il est probable que la plupart des puits étaient conçus pour durer : la longévité des nécropoles était certes très variable, mais

Dans les nécropoles antiques d'Alexandrie et de sa région, l'archéologie du XXe siècle a mis en évidence l'existence de puits hydrauliques dans l'espace central et facilement accessible des tombeaux – 17 d'entre eux paraissent bien attestés83 –, apportant ainsi une contribution substantielle à la connaissance de ce type d'approvisionnement en eau dans la ville gréco-romaine. précise que la nappe phréatique se rencontre actuellement à un niveau de 2,23 m au dessus du niveau de la mer, sur le chantier de la rue Fouad à Alexandrie, avec une remontée de 20 cm en hiver : NENNA 2008, p. 236, n. 20). À propos des eaux souterraines en milieu littoral, voir encore COLLIN 2004, p. 123. 78 Ps. CÉSAR, Guerre d'Alexandrie, VIII, 1 et IX, 2 : Nam puteis fossis aquam dulcem reperiri posse adfirmabat : omnia enim litora naturaliter aquae dulcis uenas habere […]. Quo suscepto negotio atque omnium animis ad laborem incitatis, magna una nocte uis aquae dulcis inuenta est. 79 Maison D : RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 257 ; fig. 107, p. 100 et fig. 111-112, p. 102 ; maison Ci: ibid., p. 169 et 258. 80 Fouilles du CEAlex : EMPEREUR 1994, p. 510 ; cf. LECLANT, CLERC 1995, p. 233. 81 Fouilles du CEAlex, terrain du théâtre du Diana (1994-1997) : EMPEREUR 1997, p. 838 ; EMPEREUR 1998b, p. 617-618 ; cf. GRIMAL 1998, p. 545 et LECLANT, MINAULT-G OUT 1999, p. 320. Les parcelles d'habitat sont datées du IIe ou du Ier siècle av. J.-C. 82 P.HAL. I, 98 : … ἀπολείπειν, ἐὰν δὲ φρέαρ, ὀργυάν. Voir VELISSAROPOULOS 1972, p. 49 ; cf. HUSSON 1983, p. 287-288, n. 3. 83 Corpus, p. 145-156.

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Corpus, p. 145 ; ADRIANI 1933-1935, p. 24. Corpus, p. 145-146 ; ADRIANI 1933-1935, p. 51. 86 Corpus, KCH/PTS 1, p. 152 (profondeur : 5,7 mètres). 87 Corpus, MAR/PTS 2, p. 153. DASZEWSKI 1997, p. 73-74 ; cf. LECLANT, CLERC 1997, p. 224-225. 88 Dans les villes grecques, on connaît ce type de consolidation des parois dès l'époque géométriquea: ARGOUD 1981, p. 71 ; cf. COLLINBOUFFIER 1987, p. 674 (exemple de Syracuse). Un tel revêtement a été quelquefois signalé dans les espaces funéraires antiques, par exemple dans la nécropole de la via Salaria à Rome (CUPITÒ 2001, p. 51) ou dans un hypogée isolé mis au jour dans les environs de Damas, d'époque romaine (SALIBY 1982, p. 307). 89 Corpus, MKA/PTS 1 et 2, p. 145-146 ; GAB/PTS 3, p. 149-150. 90 Corpus, PHA/PTS 2, p. 147-148 ; GAB/PTS 4 à 6, p. 150-152 ; MAR/PTS 2, p. 153. Ailleurs, l'absence de sondage approfondi des conduits ne permet pas de se prononcer sur l'existence éventuelle d'un tel revêtement. 85

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine même dans le cas de tombeaux individuels ou familiaux, l'abandon pouvait intervenir très longtemps après l'aménagement, et les visites aux morts se prolonger sur plusieurs générations. Le puits de l'hypogée S6 de Marina el-Alamein (MAR/PTS 2) pourrait toutefois avoir été en usage peu de temps : vraisemblablement aménagé au même moment que l'ensemble du tombeau, au Ier siècle ap. J.-C., son matériel de comblement comprenait quelques tessons localisés, datés de la fin du même siècle ou du début du siècle suivant pour la série la plus ancienne retrouvée à mi-hauteur (céramique sigillée chypriote), alors que la tombe est en fonctionnement jusqu'au IIIe siècle ; des fragments d'amphores de production locale, datés du IIe ou du début du IIIe siècle, ont également été prélevés dans la partie supérieure du remblai du conduit91. La faible ampleur de ces deux dépôts paraît contredire l'hypothèse d'un dépotoir constitué tardivement, après l'abandon des lieux.

les maisons et directement accessibles dans les cours, étaient en fait connectées à un réseau collectif ou public de canalisations souterraines creusées dans le rocher pour les besoins de la vie quotidienne96. D'autres galeries de ce type, systèmes publics d'adduction, de stockage et de puisage destinés à la consommation de l'eau par les habitants de la ville antique, ont été révélées sur les terrains mis provisoirement à la disposition du CEAlex97 ; le matériel de remplissage indique que ces aménagements de grande ampleur datent de l'époque ptolémaïque98. Un exemple d'approvisionnement autonome en eau a toutefois été signalé dans le quartier d'habitation du site de Kôm el-Dick, d'époque romaine tardive (figure 2). Lors de la fouille de la maison B, caractérisée par son absence de liaison avec le réseau de canalisations identifié dans la rue R4 voisine, un petit réservoir a été mis au jour qui recueillait l'eau de pluie se déversant du toit99 : une gouttière verticale de tuyaux en terre cuite recouverts de mortier hydraulique était reliée à une conduite constituée de blocs de calcaire au niveau du sol de la cour, menant l'eau à l'ouverture de la citerne située plus bas.

Le second système d'approvisionnement en eau retrouvé dans les nécropoles alexandrines est la citerne. Comme le puits, son usage remonte à la plus haute Antiquité dans le monde gréco-romain, et les nécropoles en révèlent également quelques exemplaires92. Ce type d'aménagement est particulièrement adapté au climat alexandrin, caractérisé par des précipitations à la fois potentiellement violentes et concentrées sur la période hivernale93. Depuis quelques années, le réseau public antique et médiéval des citernes alexandrines alimentées par l'eau du Nil par le biais d'aqueducs revoit le jour ; il s'agit là d'un système d'approvisionnement tout à fait original, qui participe pleinement à la renommée de la ville dans les récits de voyages aux époques arabe et ottomane, et dont l'usage s'est prolongé jusqu'au début du XXe siècle. En revanche, les fouilles n'ont que rarement révélé la coexistence de ce vaste système urbain avec des réservoirs strictement individuels, aux capacités de stockage plus modestes, réservés aux usages domestiques et privés quotidiens94. Les deux citernes découvertes sur le terrain du Billiardo Palace en 1993, probablement situées dans l'enceinte du Césareum et datées du Ier siècle av. J.-C., ou celle retrouvée sur le site du Sarapéion en 1997, étaient apparemment alimentées par les eaux de pluie et devaient servir pour les besoins spécifiques des sanctuaires95. Quant à l'îlot d'habitat du quartier antique du Bruccheion, les quelques citernes mises au jour, bien que logées sous

Figure 2. Citerne de la maison B à Alexandrie (rue R4, site de Kôm el-Dick) : plan de la maison et coupe de la citerne. (D'après RODZIEWICZ 1984, p. 130 et 139, fig. 144 et 155). 96

Fouilles du CEAlex, site des jardins de l'ancien consulat britannique (1994-1997) : EMPEREUR 1997, p. 838 et 841 ; EMPEREUR 1998d, p. 179 ; cf. GRIMAL 1998, p. 545-546 et LECLANT, MINAULT-G OUT 1999, p. 320-321. Un réservoir d'époque romaine, mis au jour sur le terrain du Diana, servait probablement pour des usages collectifs ("bain, alimentation en eau potable, lavoir ?", EMPEREUR 1996, p. 962-963). 97 À l'emplacement du site du Cricket Ground, un vaste dispositif d'approvisionnement en eau a été en partie dégagé entre 1994 et 1997, consistant en un réseau complexe de chambres souterraines reliées par des couloirs (EMPEREUR 1995b, p. 752 et fig. 14, p. 753 ; cf. LECLANT, CLERC 1995, p. 231-232) ; dans l'enceinte du cimetière latin de Terra Santa encore, les opérations de sauvetage menées entre 2002 et 2004 ont conduit à la découverte d'une dizaine de puits menant à des galeries revêtues d'un mortier hydraulique (MATHIEU 2003, p. 545 et MATHIEU 2004, p. 635). 98 LECLANT, CLERC 1995, p. 232. 99 RODZIEWICZ 1984, p. 141 et 136-138.

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DASZEWSKI 1997, p. 74 ; LECLANT, CLERC 1997, p. 224-225. Le tombeau aurait été utilisé jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C., selon W. A. Daszewski (DASZEWSKI 1993b, p. 409 et DASZEWSKI 1998a, p. 233-234). 92 Cimetière délien de l'île de Rhénée : SIEBERT 1968, p. 416-449 ; nécropole rhodienne d'Haghia Triada : PARIENTE 1990, p. 822 ; à Cyrène : THORN 2005, p. 246 ; à Pétra : LINDNER 1986, p. 217. L'utilisation funéraire de ces citernes, difficilement datables, n'est pas toujours assurée. 93 MUTIN 2000, p. 7-12. 94 À l'époque moderne encore, rares sont les récits qui évoquent de petites citernes individuelles alimentées par les eaux de pluie ; pour l'exception, voir J. van Ghistele, qui au XVe siècle évoque tour à tour les "eaux de pluie recueillies par les citernes" et "l'eau des conduites" alimentée par l'eau du Nil : dans SENNOUNE 2006, p. 165 (éd. de 1976). 95 Fouilles du CEAlex : EMPEREUR 1994, p. 510 et LECLANT-CLERC 1995, p. 233 (Billiardo Palace) ; H AIRY 2002a, p. 31-37 (Sarapéion).

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La gestion de l'eau C'est précisément ce type de réservoir alimenté par les seules précipitations que les espaces funéraires permettent de mieux appréhender, grâce à la découverte de 23 citernes indépendantes100. Comme dans le quartier de Kôm el-Dick, certaines de ces citernes présentaient encore au moment de leur découverte les restes des canalisations assurant leur approvisionnement en eau pluviale. Ainsi sur le chantier du pont de Gabbari, au contact de la tombe B8, ainsi que dans les tombes B10 et B22, trois citernes datées de l'époque hellénistique ou du début de l'époque impériale avaient conservé leur tuyauterie en terre cuite aboutissant à la cuve101. Dans le premier cas (GAB/CIT 3), la citerne était accessible par un escalier et le parcours de la conduite a pu être été intégralement restitué lors de la fouille, longeant la cage d'escalier dans une saignée recouverte d'enduit et passant au-dessus de la margelle où l'eau se déversait102. Dans les hypogées B10 (GAB/CIT 5, figure 3a) et B22 (GAB/CIT 7), la canalisation, d'environ 10 centimètres de diamètre, descendait verticalement le long d'un angle de la cour et rejoignait la lucarne de puisage disposée au ras du sol103. En surface, à défaut d'en avoir gardé la trace, il faut supposer la présence de systèmes récupérateurs des eaux de pluie (un aménagement de pentes, de cuvettes, de rigoles convergentes, de canaux ou d'aqueducs). À une autre échelle, le même dispositif a été adopté au Haut-Empire pour la grande citerne aménagée dans le complexe funéraire à trois étages de Kôm el-Chougafa (KCH/CIT 2, figure 3b)104. Son système d'alimentation, décrit par A. Rowe en 1942, se prête encore aujourd'hui à des observations directes. Située à une quinzaine de mètres de profondeur dans le souterrain et accessible en retrait du monumental escalier à vis du tombeau, la citerne disposait d'une canalisation constituée d'une série de tuyaux en terre cuite d'environ 15 centimètres de diamètre, mis bout à bout en position verticale depuis la surface. Au sommet de la cuve, à droite de la porte ménagée pour le puisage, une autre ouverture accuse une légère pente pour assurer l'écoulement de l'eau dans le réservoir. Dans la même nécropole et probablement édifié à la même époque, l'hypogée A comportait vraisemblablement une citerne (KCH/CIT 1), qui n'a pas pu faire l'objet d'une exploration archéologique approfondie lors des fouilles de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, en raison des risques d'effondrement105 ; le mode d'adduction du réservoir, observé dans le vestibule de l'étage supérieur, est en revanche relativement bien connu : quatre tuyaux en terre cuite disposés verticalement aux angles de la pièce semblent avoir eu le rôle de conduire les eaux du plateau de surface jusqu'à la cuve ; une petite canalisation ménagée dans le sol contre la paroi nord-ouest du vestibule, devait aussi participer à l'écoulement de l'eau vers le niveau inférieur.

C'est un système différent que livre le complexe funéraire 21 de la nécropole de Marina el-Alamein (MAR/CIT 1, figure 3c). La citerne ayant été aménagée en surface, dans l'enceinte de la superstructure reliée à l'hypogée, la configuration du mode d'adduction ressemble davantage à celle de la maison B de Kôm elDick 106 : une conduite bien conservée, construite horizontalement au niveau du sol et délimitée par des pierres taillées, devait se prolonger verticalement à l'extérieur de la structure bâtie, de manière à récolter les eaux de ruissellement du toit ; elle aboutissait en aval à l'embouchure d'un grand réservoir d'eau creusé à une profondeur de 2,2 mètres sous le niveau du sol antique, et dont le conduit d'accès était rehaussé d'un petit muret et percé à sa base pour laisser l'eau s'écouler dans la cuve. La fouille récente de cette superstructure apporte en conséquence un précieux témoignage à l'étude plus générale des modes d'alimentation en eau des citernes dans les cours des maisons antiques d'Alexandrie.

Figure 3. Trois systèmes de collecte des eaux pluviales dans les tombes par une canalisation. a : Gabbari, tombe B10 (d'après DELAPORTE 2003, p. 74, fig. 27) ; b : Kôm el-Chougafa, complexe à trois étages (cliché A. Tricoche, 2003) ; c : Marina el-Alamein, tombe T21 (d'après DASZEWSKI 2005, p. 84, fig. 12).

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Corpus, p. 157-170 et tableaux 2-4, p. 184-185. Corpus, GAB/ CIT 3, 5 et 7, p. 161-164. 102 CALLOT, N ENNA 2001, p. 103. 103 DELAPORTE 2003, p. 48 ; N ENNA 2008, p. 232. 104 Corpus, p. 168-169 ; ROWE 1942, p. 11-12. 105 Corpus, p. 168 ; BOTTI 1893, p. 370 et BOTTI 1908, p. 334. 101

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Corpus, p. 169-170. On comparera encore ce dispositif à celui mis au jour dans la maison romaine 21C de l'agglomération antique de Marina el-Alamein : une citerne située sous la cour de la maison récupérait l'eau de pluie depuis le toit par une tuyauterie ; l'eau s'écoulait dans l'ouverture carrée du plafond du réservoir grâce à un drain horizontal de jonction. MEDEKSZA 2001, p. 73 et MEDEKSZA 2002, p. 103.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine La collecte des eaux pluviales pouvait aussi s'opérer par le biais du seul puits vertical ouvert dans le plafond de certaines citernes, qui assurait aussi la desserte. Sur le site de Gabbari, le réservoir de surface GAB/CIT 10, considéré comme contemporain de l'utilisation de la nécropole, disposait de ce seul système d'alimentation107. À la haute époque hellénistique, la tombe B17 du même site a été creusée au-dessus d'une citerne antérieure (GAB/CIT 6), dont l'empreinte du conduit vertical, qui se prolongeait originellement jusqu'à la surface, a été préservée sur l'élévation de la paroi nord de la cour108 ; les dimensions restituées du puits (environ 1 x 0,6 m de côté) permettent de conclure avec vraisemblance à un remplissage de la cuve par son intermédiaire. L'hypothèse est particulièrement probante au sujet de la citerne logée dans le grand complexe funéraire de Souk el-Wardian (le "Temple souterrain" des savants de Bonaparte), qui était également accessible en surface par un large puits vertical d'environ 2 mètres de côté (WAR/CIT 1) 109 : deux rigoles y convergeaient, creusées au niveau de la superstructure observée par A. Adriani en 1953, qui permettaient ainsi que l'eau soit drainée jusqu'à son écoulement dans la cuve quelques mètres plus bas. La diversité des modes d'approvisionnement en eau des citernes se confirme avec l'exemple de la tombe 2 du site de Ras el-Tin (PHA/CIT 4) 110. Le réservoir quadrangulaire, creusé entre les deux bras du couloir d'accès au tombeau, était muni de deux fenêtres ; l'une d'elles donnait sur le corridor en direction de la cour et pouvait servir au puisage pour les usages internes ; la seconde ouverture, située au pied de l'escalier d’accès à l'hypogée, présentait une forme d'entonnoir, trop étroit pour se prêter à une telle utilisation : elle devait collecter l'eau depuis la descenderie, peut-être à l'aide d'une canalisation ou d'une rigole creusée. La tombe n'étant plus accessible aujourd'hui, cette dernière supposition n'est cependant pas vérifiable.

qui, dans les espaces funéraires d'Alexandrie, ne disposaient pas d'un mode d'approvisionnement autonome112. Du reste, à l'époque ottomane, les récits de certains voyageurs racontent comment, dans les maisons de la ville d'Alexandrie ou de ses environs, les citernes privées étaient alimentées en eau par un transport à dos de chameau ou de mulet depuis les grands réservoirs publics113. La pratique est encore connue lors de l'expédition menée par Bonaparte en Égypte, comme le rapporte Gratien le Père, membre de la Commission des Sciences et des Arts : "chaque maison possède sa propre citerne privée, que le propriétaire fait remplir au moyen d'outres apportées par des chameaux des mules ou des ânes."114. À la même époque, le fort de Qaitbey lui-même ne dispose pas d'un réseau d'adduction d'eau dynamique qui lui soit propre, et les citernes qui y sont aménagées sont alimentées de la même façon115. Le réservoir MKA/CIT 1 identifié dans la cour de la tombe 3 de Moustapha Kamel (IIIe siècle av. J.-C.) se distingue à la fois par ses faibles dimensions (1,4 m3 de capacité de stockage), et par l'absence de tout système conservé d’acheminement de l’eau, tandis que le tombeau a été retrouvé dans un bon état de conservation116. En outre, sur le site de la nécropole, la citerne de surface MKA/CIT 2, formée de deux bras se rencontrant à angle droit, peut être mise en relation avec l'occupation funéraire du site et plus spécifiquement avec cette tombe, dont elle contourne les parois extérieures à moins de dix mètres de distance de l'entrée ; un puits a également été signalé un peu plus au sud (MKA/PTS 3) 117. L'ensemble de ces données permet ainsi de supposer que l'une ou l'autre de ces installations de surface constituait une source d'approvisionnement pour la citerne logée dans la tombe 3 de cette nécropole, grâce à un transport manuel. L'hypothèse paraît cependant moins admissible au sujet des citernes de plus grandes dimensions, dont on imagine davantage la disparition de la tuyauterie originelle de collecte des eaux pluviales, plutôt qu'un remplissage manuel à partir d'installations extérieures. Le réservoir de la tombe 1 d'Anfouchi (PHA/CIT 1 ; capacité de 14 m3) ou celui de la tombe 1 de Ras el-Tin (PHA/CIT 3 ; surface au sol de 7,7 m2, légèrement supérieure à celle d'Anfouchi), respectivement datés du IIe et du Ier siècle av. J.-C., en sont les exemples les plus frappants118 ; l'emplacement de la seconde citerne, directement creusée sous la descenderie d'accès à la tombe, encourage encore l'hypothèse d'une canalisation disposée verticalement contre la paroi depuis l'entrée.

Ailleurs, le système d'alimentation des réservoirs est moins facilement perceptible. Outre les vestiges très ruinés de citernes dont l'exploration a été limitée par les contraintes de la fouille et dont l'aspect général lui-même nous échappe en grande partie, les structures qui ont été mises au jour sans canalisation conservée ni puits relié à la surface ne sont pas rares ; l'hypothèse d'un remplissage à main d’homme au fur et à mesure des besoins est quelquefois envisageable, comme le suggérait déjà A. Adriani111, et comme cela est déjà le cas des bassins 107

Corpus, p. 165-166. Les autres citernes de surface à Anfouchi, Terra Santa, Gabbari, Wardian ou Agami, dont l'usage en contexte funéraire est sujet à caution en raison de l'impossibilité de les dater précisément, se présentent d'une manière identique : voir p. 171-173 de notre corpus. 108 Corpus, p. 163. 109 Corpus, p. 167-168. 110 Corpus, p. 160. 111 Selon l'archéologue, lorsque "le puisage de l’eau ne pouvait pas se faire dans les tombeaux mêmes, l’eau devait être expressément transportée d’ailleurs les jours de cérémonies", ADRIANI 1933-1935, p. 97. Au sujet des citernes, la plupart des spécialistes n'envisagent pas cette éventualité. D. Bonneau estime même, de façon générale, que la citerne est "destinée à garder l’eau qui s’y accumule de façon naturelle, sans l’intervention de la main de l’homme" (BONNEAU 1993, p. 54).

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Sur cette question, voir infra, p. 19-23. J. Sanderson (1585), J. de La Porte (1736), R. Pococke (1737), H. Castela (1601), dans SENNOUNE 2006, p. 270, 544, 564 et 314. 114 GRATIEN LE PÈRE 1822, p. 277 ; cf. SENNOUNE 2006, p. 660. 115 Voir les témoignages de P. Belon (1547), G. Sandys (1611) et E. Celebi (1670-1682), dans SENNOUNE 2006, p. 204, 329 et 466. Aujourd'hui encore, la maison des fouilles françaises de Deir elMedineh est approvisionnée en eau par des ânes. 116 Corpus, p. 157. 117 Corpus, p. 157 et 146. 118 Corpus, p. 158-159. 113

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La gestion de l'eau simultané aux puits et aux citernes était très fréquent127, en rapport avec les conditions climatiques définies par des étés longs, chauds et arides, et par des hivers doux et humides128. Ainsi, pour assurer en toute saison l'approvisionnement en eau, les citernes constituaient bien souvent un complément vital, surtout lorsque les nappes phréatiques étaient trop profondes pour y forer un puits ou quand en été les eaux souterraines venaient à manquer. Quand au contraire le milieu naturel permettait de bénéficier d'importantes nappes aquifères tout au long de l'année, l'aménagement des citernes devenait inutile129. Dans la pratique donc, l'adaptation au terrain et aux conditions naturelles était la seule ligne de conduite unanimement respectée par les collectivités urbaines. Pour autant, le souci des Anciens de garantir la pureté de l'eau était bien réelle, ce dont témoignent le vocabulaire délien relatif au curage périodique des ouvrages hydrauliques, étudié par M.-Chr. Hellmann 130, ou les règles d'hygiène transmises dans la littérature et les inscriptions grecques, stipulant la surveillance des sources et interdisant de s'y baigner, d'y jeter ou d'y laver quoi que ce soit131. À Alexandrie, les eaux de surface (pluie et ruissellement) récupérées dans les citernes étaient sans doute sujettes à la corruption. À l'époque moderne, les voyageurs faisant part de leur expérience témoignent du caractère malsain de l'usage de cette eau comme boisson. Ainsi en 1668, F. F. von Troilo jugeant l'eau des citernes alexandrines, amenée du Nil, impropre à la consommation, interroge la population : "je demandai à plusieurs personnes pourquoi on ne récoltait pas dans les citernes, comme ailleurs, l'eau de pluie des terrasses, afin de les utiliser pour la nourriture et la boisson ; l'eau serait alors plus fraîche et plus claire. On me répondit que cette eau fut déjà essayée de nombreuses fois, mais elle ne se garde pas et devient plus pourrie, plus épaisse et plus boueuse que l'eau du Nil." (traduction de l'allemand U. Castel)132.

1. 1. 2. La question de la qualité de l'eau En fonction de son origine, les Grecs et les Romains attribuaient à l'eau des qualités différentes. Ils préconisaient en principe l'usage des eaux naturelles des sources vives119, en particulier pour les rituels d'ordre religieux, car elle paraît plus propice à la purification et à la régénération120. L'eau de pluie peut aussi être jugée la plus saine et emporter la faveur sur toutes les autres121. Il existe également une divergence de point de vue marquée concernant la classification des différents procédés artificiels d'approvisionnement. En effet, certains auteurs anciens recommandent l'eau recueillie dans les citernes122, tandis que d'autres se méfient de son croupissement et la jugent insalubre123. L'eau des puits reçoit parfois la préférence sur l'eau des réservoirs, mais de nouveau cette opinion est loin d'être unanimement admise. Pour Columelle, "si l'eau courante n'existe pas et qu'on n'ait pas l'espoir de trouver de l'eau de puits, on construira de vastes citernes pour les hommes et des piscines pour les troupeaux, dans lesquelles on rassemblera celles des eaux pluviales" (traduction M. Louis du Bois)124. Mais de l'opinion de Celse, l'eau des puits ne doit être utilisée qu'en ultime recours : "L'eau la plus légère est celle des pluies, puis celle des fontaines, ensuite celle des fleuves, enfin des puits" (traduction G. Serbat) 125. Ces contradictions, dont il serait vain de vouloir réconcilier les principes théoriques126, s'estompent toutefois face à la réalité archéologique : dans les villes méditerranéennes antiques, le recours

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Par exemple chez ARISTOTE, Politique, VII, 1330a-b ou PAUSANIAS, VII, 27, 4. 120 GINOUVÈS 1962, p. 406 ; cf. RUDHARDT 1971, p. 92. 121 Ainsi chez Vitruve, où l'eau de pluie est préférée à celle des sources vives : VITRUVE, De l'architecture, VIII, 2. Cf. PALLADIUS, Traité d'agriculture, I, 17, 4, pour qui "l'eau du ciel est de toutes la meilleure à boire". 122 Un passage d'Athénée indique que certains médecins la jugent favorable : "Praxagoras recommande l'eau de pluie, Evénor celle des citernes" (ATHÉNÉE, II, 46d). Une remarque de Pline l'Ancien va également dans ce sens : "Je m'étonne que certains (médecins) préfèrent l'eau des citernes" (PLINE L'ANCIEN, XXXI, 31). 123 Chez Théophraste, cette méfiance ne s'exprime pas encore clairement : "les eaux courantes et les eaux d'aqueduc sont en général meilleures que les stagnantes", apud ATHÉNÉE II, 42c. Si d'après le traité hippocratique l'eau de pluie est "légère, douce et limpide", les eaux stagnantes des citernes sont malsaines et provoquent des maladies (HIPPOCRATE, Airs, eaux, lieux, VII, 1-9). Dans les Météorologiques d'Aristote, "les eaux dormantes" sont corruptibles (II, 353b). Ce thème est repris plusieurs fois dans les Problèmes (V, 884a ; XIV, 910a ; XXVII, 966a), etc. 124 COLUMELLE, De l'agriculture, I, 5, 1-3. Cf. PAUSANIAS, X, 35, 6, qui semble compatir au fait que les habitants de Hyampolis en Phocide, ne possèdent qu'un seul puits et qu'à défaut ils doivent utiliser l'eau du ciel. 125 CELSE, De la Médecine, II, 18, 12. 126 Au sujet des sources textuelles relatives à ces questions, voir CHAMONARD 1924, p. 330 (qui conclut qu’en l'absence d'eau courante, celle des citernes aurait été privilégiée par rapport à celle des puits) ; contra HELLMANN 1994, p. 274-275 (qui souligne au contraire la méfiance envers l’eau des citernes) et HELLMANN 2006, p. 250-251 et 253 (qui admet la préférence des Grecs pour l'eau des puits, du fait de son caractère non stagnant). Cf . LOUIS 1982, p. 105, COLLIN-BOUFFIER 1987, p. 677, etc.

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On connaît la combinaison de ces deux systèmes d'approvisionnement en Attique à l'époque classique, pour pallier l'insuffisance des puits trop sollicités : ARGOUD 1981, p. 75. M.-Chr. Hellmann fournit quelques autres exemples de cités grecques utilisant les deux types d'aménagement (Samos, Syracuse, Olbia) : HELLMANN 1994, p. 277. À Délos, certaines maisons en usage entre le IIIe et le Ier siècle av. J.-C., possédaient à la fois puits et citerne : CHAMONARD 1924, p. 327-328. 128 Sur la permanence du climat en Grèce, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, voir en particulier ARGOUD 1992, p. 36-38. 129 Ainsi, dans la ville de Thasos, où les eaux souterraines étaient particulièrement abondantes, les citernes sont quasiment absentes : GRANDJEAN 1994, p. 288. 130 HELLMANN 1992, p. 182-183. 131 Pour la législation athénienne, voir PLATON, Lois VI, 758c, ARISTOTE, Politique, VI, 8, 1321b ou l'inscription SEG III, 18 ; à Pergame, SEG XIII, 521 et SEG XX, 1964. D'autres inscriptions de ce type sont mentionnées par M.-Chr. Hellmann (dans HELLMANN 1992, p. 182). 132 Dans SENNOUNE 2006, p. 418 ; éd. du texte original : 1733. La même impression a été formulée par G.-A. Olivier, à Alexandrie en 1794-1795, du fait des sels marins et des pollutions dont les eaux de ruissellement lui semblent chargées dans la ville : ibid., p. 647 (éd. en 1804) ; cf. A. Morison (voyage en 1697, éd. en 1976), pour qui les eaux de Nil, dont les citernes se remplissent annuellement, "sont plus fraîches et plus salutaires que les eaux qui y tombent abondamment du ciel au mois de Novembre" : ibid., p. 504, etc. À comparer encore aux propos de N. C. Radzivil (voyage en 1583, éd. en 1663) : ibid., p. 262.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Le réservoir situé dans la maison B du quartier d'habitation romain tardif de Kôm el-Dick, alimenté par une gouttière depuis le toit, présentait sur les parois "d'épaisses couches de dépôts", sous la forme de "raies brun-noir", qui semblent témoigner de la pollution des eaux stockées dans l'antiquité133. M. Rodziewicz en conclut qu'elles n'étaient pas utilisées pour la boisson mais seulement pour les usages ménagers. De même, la fouille récente d'un réseau de galeries souterraines prévu pour le transport et le stockage de l'eau dans la ville antique a montré dans l'une des chambres la présence d'une ligne grise, à 0,9 mètre au-dessus du fond, qui témoigne sans doute de ces pollutions, quelle que soit l'époque de leur dépôt134. Dans la citerne du complexe funéraire à trois étages de Kôm el-Chougafa (KCH/CIT 2), plusieurs lignes horizontales sombres, au niveau des parties basses de la paroi, ont été constatées à l'occasion de son nettoyage par le Musée gréco-romain d’Alexandrie à la fin du XIXe siècle, qui témoignent aussi des anciens niveaux de l'eau135. L'eau issue des puits, soumis aux infiltrations, n'était sans doute pas non plus très salubre. Un phénomène géologique peut en être en partie la cause : dans les couches inférieures des aquifères littoraux, la présence d'eau marine restreint sensiblement les possibilités de captage ; à proximité des côtes où la lentille d'eau douce est la moins épaisse, la surexploitation de l'aquifère ou le creusement trop profond d'un puits peuvent engendrer des intrusions d'eau salée136. C'est peut-être ce qui explique que les quelques puits des maisons alexandrines, à la fin du XVIIIe siècle, livrent selon Gratien le Père "une eau saumâtre", qui "ne sert qu'aux usages les plus ordinaires"137. Dans le comblement du puits mis au jour dans la maison D du quartier de Kôm el-Dick, la présence de fragments de pots avec filtre (gullae), utilisés pour obtenir une eau purifiée et potable138, indique toutefois la possibilité d'utiliser dès l'Antiquité l'eau souterraine pour la boisson.

d'Alexandrie, au sujet des installations hydrauliques révélées par la fouille ou évoquées dans les récits de voyageurs140. De même, sur les sites des nécropoles antiques de la ville, les puits qui ont pu faire l'objet d'une exploration approfondie sont systématiquement dotés de ces échelons, de forme rectangulaire ou semi-circulaire et généralement disposés à intervalles réguliers sur deux rangées, en quinconce ou la même hauteur (à Moustapha Kamel, tombes 1 et 2 ; à Anfouchi, tombe 2 ; à Gabbari, tombes A5, B1, B17 et B21)141. Ils étaient nécessaires, d’une part pour faciliter la descente des ouvriers chargés du creusement initial de la structure, et d’autre part pour permettre le dégagement régulier des récipients brisés et autres impuretés susceptibles de nuire à la pénétration de l’eau au niveau où la nappe phréatique entrait en contact avec la partie inférieure du conduit. Ces emmarchements sont également fréquents dans les citernes à usage funéraire, que les encoches aient été taillées dans le puits d'accès, les parois de la cuve ou le pilier central (à Anfouchi, tombe 1 ; à Gabbari, tombes B8, B17, C4 et C5 ; à Kôm el-Chougafa, tombe A ; voir figure 4)142. Les modestes dimensions de certains réservoirs expliquent généralement leur absence143. Dans le grand complexe funéraire de Wardian toutefois, c’est la configuration de la citerne (WAR/CIT 1), accessible par un conduit vertical aboutissant au centre de la voûte de la cuve144, qui rendait inopérant l'usage de ces échelons : le personnel chargé du curage, arrivé en bas du puits d’accès, aurait été contraint de se laisser tomber au fond, sur près de deux mètres, mais les appuis nécessaires à sa remontée lui auraient manqué. Ici donc, l'utilisation d'une corde ou d'une échelle paraît plus opportune et donc plus vraisemblable. Une technique similaire a dû être employée pour la citerne du complexe à trois étages, à Kôm el-Chougafa, également dépourvue d'échelons intérieurs (KCH/CIT 2)145 : compte tenu des grandes dimensions du réservoir et de son système d'accès, à aucun endroit de simples encoches n'auraient pu assurer une descente stable. En revanche, une échelle, glissée par l'orifice où en temps normal l'eau venait se déverser, rendait l'opération praticable sans difficulté.

Différentes précautions peuvent être prises pour garder l'eau propre ou pour la purifier, et celles que l'on relève dans les espaces funéraires d'Alexandrie ressemblent à tout point de vue à ceux employés à la ville. Les emmarchements creusés dans le corps des puits et des citernes, qui servaient de points d'appui aux pieds et aux mains, sont sans doute les témoins les plus explicites de la nécessité d'en réserver un accès pour un entretien régulier. Le procédé est tout à fait courant dans le monde gréco-romain139, y compris, dans le contexte urbain

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Pour les citernes d'Alexandrie évoquées par les voyageurs R. Pococke (en 1737) ou G.-A. Olivier (en 1794-1795), voir SENNOUNE 2006, p. 564 et 652 ; ST-GENIS 1818, p. 85. Pour les observations archéologiques : BOTTI 1899b, p. 15 et plus récemment EMPEREUR 1995b, p. 753, fig. 14 (terrain du Cricket Ground, ancien quartier du Bruccheion), EMPEREUR 2001b, p. 693 (site du Césareum), HAIRY 2002a, p. 32 (site du Sarapéion). 141 Corpus, MKA/PTS 1 et 2, p. 145-146 ; PHA/PTS 2, p. 147-148 ; GAB/PTS 3 à 6, p. 149-152. Le puits de la tombe S6, à Marina elAlamein, avait également conservé ses échelons intérieurs (MAR/PTS 2, p. 153). 142 Corpus, PHA/CIT 1, p. 158-159 ; GAB/CIT 3, 6, 11 et 12, p. 161167 ; KCH/CIT 1, p. 168. 143 Corpus, MKA/CIT 1, p. 157 ; EST/CIT 1, p. 158 ; PHA/CIT 2, p. 159 ; GAB/CIT 1, 5 et 7, p. 160-164. La même raison explique peutêtre l'absence de ces échelons dans les citernes des tombeaux 1 et 2 de Ras el-Tin (PHA/CIT 3 et 4, p. 159-160), bien que les archéologues n'ont pas précisé la profondeur de ces réservoirs. Voir HELLMANN 1994, p. 280, à propos des citernes dépourvues de ces encoches. 144 Corpus, p. 167-168. 145 Corpus, p. 168-169.

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RODZIEWICZ 1984, p. 138 et 257. Terrain du Cricket Ground (CEAlex, 1994-1997) : EMPEREUR 1995b, p. 752. 135 Corpus, p. 168-169 ; SCHREIBER 1908, p. 117. 136 À propos de ce phénomène et des risques encourus, voir notamment ANCTIL, ROUSSELLE, LAUZON 2005, p. 154-156 ; cf. CASTAGNY 1985, p. 61-62. 137 GRATIEN LE PÈRE 1822, p. 277 ; cf. SENNOUNE 2006, p. 660. 138 RODZIEWICZ 1984, p. 257. Ces vases ont été retrouvés à côté de fragments d'amphores de puisage. 139 Pour les citernes : BONNIN 1984, p. 38 ; H ELLMANN 1994, p. 280. Pour les puits : JARDÉ 1907, p. 781 ; GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 209 ; ARGOUD 1981, p. 71. Un exemple en Sicile hellénistique (Morgantina) figure dans CROUCH 1984, p. 356, fig. III. 2. 134

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La gestion de l'eau

Figure 4. Exemples de citernes funéraires dotées d'emmarchements pour la descente. a : GAB/CIT 6 (coupe), tombe B17 de Gabbari (d'après EMPEREUR 2000, p. 608, fig. 15) ; b : GAB/CIT 3 (coupe), tombe B8 de Gabbari (d'après CALLOT, NENNA 2001, fig. p. 153) ; c : PHA/CIT 1 (vue de la cour), tombe 1 d'Anfouchi (cliché A. Tricoche, 2003).

de la cité délienne151. On en trouve aussi des exemples similaires en Italie, notamment dans la Maison du Faune, l'une des plus grandes et belles de Pompéi, où de nouveau il s'agissait d'empêcher les déchets d'être entraînés dans la citerne152. À Alexandrie même, les systèmes de récupération des impuretés intégrés aux citernes qui ont pu être observés dans la ville antique ne sont que très peu comparables à celui de Kôm el-Chougafa : ainsi, à l'emplacement probable du sanctuaire du Césareum, une citerne s'est distinguée à sa découverte par l'emploi du marbre dans le puits d'accès, au niveau des emmarchements ; au fond, une petite vasque recouverte du même matériau était destinée à récupérer les saletés et à faciliter le nettoyage153. Ce dispositif plus simple est fréquemment attesté dans le monde antique154. Ailleurs, dans les espaces urbains comme dans les nécropoles aux abords de la ville d'Alexandrie, la décantation de l'eau dans les citernes devait s'opérer sans artifices, par la seule action de la gravité : les particules et autres agents de pollution se déposaient progressivement au fond de la cuve, tandis que l'eau propre, en surface, était puisée au fur et à mesure des besoins155. C'est ainsi que les visiteurs d'Alexandrie, à une époque où certaines citernes antiques et médiévales alimentées par le Nil sont encore en usage, expliquent comment l'eau nouvelle, d'abord trouble et boueuse, impropre à la consommation et source de maladies, se décante progressivement jusqu'à devenir potable156. Dans un passage de la Guerre

La même citerne de Kôm el-Chougafa, destinée à pourvoir en eau l'ensemble du vaste hypogée146, avait bénéficié d'un véritable dispositif d'épuration de l'eau, avec la présence d'un bassin de filtrage disposé en amont : à mi-chemin de la canalisation verticale d'alimentation, un réceptacle ouvert sur le monumental escalier en colimaçon recevait préalablement l'eau collectée depuis la surface147. Ce bassin au fond perforé, probablement complété d'une grille métallique à l'origine148, pouvait ainsi retenir les matières solides, puis l'eau rejoignait la tuyauterie par une large rigole avant de s'écouler dans le réservoir. Cette élaboration particulière constitue un cas unique dans les espaces funéraires d'Alexandrie, à mettre en relation avec le caractère exceptionnel de la citerne même (ses dimensions, son système d'accès), dans un ensemble souterrain lui-même particulièrement monumental et complexe. De fait, ce prolakkion – littéralement "petit réservoir placé devant un autre" – est rarement attesté par l'archéologie149. À Délos, seule la Maison du Diadumène (Quartier du Lac) paraît avoir été pourvue d'un dispositif identique, associé à un réservoir considéré comme l'un des plus soignés de la cité délienne : un bassin où "aboutit la conduite venant de la terrasse et où prend naissance celle qui alimentait la citerne", selon la description de J. Chamonard150 ; le réservoir est ainsi considéré comme l'un des plus soignés 146

L'hypothèse de l'existence concomitante d'un puits dans le souterrain a été avancée, mais les éléments manquent pour le confirmer : voir dans notre corpus, KCH/pts β, p. 156. 147 ROWE 1942, p. 11. 148 Une telle grille, êthmos en grec (terme qui s'emploie généralement pour désigner une passoire), est connue par l’épigraphie à propos du réservoir de l’Inôpos de Délos (IG XI, 2, 199, A 55 ; 287, A55 et A75) : voir HELLMANN 1992, p. 183-184. Un équivalent archéologique a été retrouvé dans l'habitation IIIR, sous la forme d'une crapaudine de plomb placée à l'extrémité de la canalisation d'adduction d'une citerne privée : CHAMONARD 1924, p. 343-344. 149 GINOUVÈS 1992-1998, t. 3, p. 208, n. 72 ; cf. HELLMANN 1992, p. 188 et HELLMANN 1994, p. 280. 150 CHAMONARD 1924, p. 340 et fig. 204, p. 339. En dehors de Délos, d'autres exemples, rares, ont été mentionnés par M.-Chr. Hellmann (à Priène, Pergame et Lycosoura) : HELLMANN 1992, p. 188 et p. 195, n. 40.

151

CHAMONARD 1924, p. 344. ADAM 1984, p. 258 et fig. 548. 153 Site du garage Lux, fouilles du CEAlex : EMPEREUR 2001b, p. 692693 ; cf. MATHIEU 2001, p. 521. 154 Un bassin de décantation du même type a été observé au fond d'une citerne dans la nécropole de Délos de l'île de Rhénée : SIEBERT 1968, p. 446. Pour d'autres exemples, voir HELLMANN 1994, p. 280, n. 45. 155 Les bienfaits de la décantation dans les citernes sont mis en valeur dans VITRUVE, De l'Architecture, VIII, 7, 13 et PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, XXXVI, 52, 1. 156 Villamont, lors de son séjour alexandrin en 1590, ainsi que C. Harant (1598), A. Rocchetta (1598) et bien d'autres ont fait part de leurs connaissances à ce sujet : voir SENNOUNE 2006, p. 294, 301 et 305. L'eau des citernes publiques contenait en effet une grande quantité de matière limoneuse, qui rendait cette décantation indispensable ; au 152

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine d'Alexandrie, les observations de César, dont l'armée consomme l'eau des citernes durant le siège de 48-47 av. J.-C., vont également dans ce sens : "Le sous-sol d'Alexandrie est presque entièrement creusé et possède des canaux qui vont jusqu'au Nil, et amènent dans les demeures particulières une eau qui, peu à peu, avec le temps, se clarifie et se dépose" (traduction J. Andrieu) 157. Pour rendre l'eau meilleure encore en la débarrassant des particules les plus fines restées en suspension, on pouvait la verser dans des récipients profonds, où elle était conservée avant d'être consommée158. Pour le reste, il fallait se prémunir des nouvelles sources de souillure susceptibles de pénétrer dans les réservoirs souterrains, et maintenir la fraîcheur de l'eau pour en retarder le croupissement, ce pourquoi les ouvertures étaient le plus étroites possible159.

l'aménagement initial de la tombe, daté de la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., en revanche la surélévation de la pièce où se trouvent les deux bassins accolés constitue probablement une adaptation postérieure ; il convient d'admettre qu'un dispositif de réception de l'eau existait à l'origine, sans doute similaire à celui dont on a gardé la trace161. Ainsi, l'hypothèse d'un aménagement servant à purifier l'eau du puits par le biais de bassins de décantation paraît-elle vraisemblable, bien qu'elle ne figure pas dans les conclusions d'A. Adriani, directeur des fouilles dans les années 1930. L'eau dont on se servait, depuis le bassin de la cour, avait traversé trois réceptacles intermédiaires, et le filtrage opérait en particulier entre les deux bassins voisins, le premier récoltant au fond les déchets, le second récupérant l'eau propre qui pouvait ensuite être utilisée dans l'espace central du tombeau. Du reste, un dispositif très comparable a été étudié par M. Rodziewicz à l'occasion des fouilles polonaises dans le quartier d'habitation antique de Kôm el-Dick (figure 5a). Placés côte à côte dans l'aile sud de la maison D, deux bassins avaient été construits en dalles de calcaire et recouverts d'une épaisse couche de mortier hydraulique ; leurs dimensions sont par ailleurs sensiblement identiques à celles des bassins accolés du tombeau de Moustapha Kamel162. Au fond de chacun des bassins, dans un angle, une cavité circulaire avait été aménagée. À proximité, dans le même renfoncement de la pièce, un profond puits avait été creusé. Rodziewicz en conclut à un dispositif de décantation de l'eau puisée du puits, qui en aurait rendu la consommation possible163. Les données de fouille ne permettent pas de proposer une datation précise pour cet aménagement, antérieur à la maison tardo-antique dans laquelle il s'est trouvé intégré lors de son extension164.

Dans les nécropoles d'Alexandrie, l'eau des puits a également pu bénéficier d'un système propre de décantation, comme le montre, à l'époque hellénistique, l'exemple très remarquable et encore observable aujourd'hui, de la tombe 1 de Moustapha Kamel (figure 5b). Le puits (MKA/PTS 1), logé dans une petite pièce réservée à son usage, était associé à un ensemble de bassins reliés (MKA/BAS 1) 160 : une petite cuvette récupérait d'abord l'eau puisée, qui par un orifice situé au fond, s'écoulait dans une tuyauterie encastrée dans la paroi ; dans la pièce voisine, ouverte sur la cour, la canalisation débouchait sur deux bassins mitoyens, séparés par une plaque de calcaire mais ouverts l'un sur l'autre par un petit orifice à mihauteur ; un trou d'écoulement, dans le second bassin, amenait l'eau dans une grande vasque disposée dans la cour. Si la tuyauterie conservée en partie dans le mur et à ses extrémités ne peut être que contemporaine de

Figure 5. Bassins de décantation de la maison D de Kôm el-Dick (a : d'après RODZIEWICZ 1984, p. 100 et 102, fig. 107 et 113) comparés à ceux du tombeau 1 de Moustapha Kamel (b : cliché A. Tricoche, 2003). XIXe siècle encore, alors qu'il est question de mettre en application un nouveau projet de distribution d'eau pour la ville d'Alexandrie, s'ajoute au caractère malsain de l'eau venue du Nil, une utilisation abusive du canal Mahmoudieh, où les troupeaux viennent s'abreuver, on lave son linge et on vient se baigner : voir MOUGEL-BEY 1858, p. 1-2. 157 PS. CÉSAR, Guerre d'Alexandrie, V, 1. 158 La méthode est observée par F. F. von Troilo (1668) : SENNOUNE 2006, p. 418. 159 Voir infra, p. 25-26 et fig. 10. 160 Corpus, p. 145 et 174.

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À ce sujet, voir A DRIANI 1933-1935, p. 30. RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 257. La largeur de chaun des deux bassins est légèrement supérieure à 1,5 m. Leur profondeur avoisine les 40 cm. Leur capacité de contenance oscille entre 200 et 300 litres. 163 Ibid., p. 257 et 184 (où l'auteur compare, dans la maison E du même quartier, deux autres bassins mitoyens, mais sans l'association du puits, à ceux de la maison D). 164 Ibid., p. 257. 162

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La gestion de l'eau D'une façon générale, la présence d'un bassin à proximité d'un puits peut être interprétée comme un dispositif de décantation de l'eau de la nappe phréatique. M. Rodziewicz concluait de la sorte à propos d'un bassin en briques et mortier hydraulique, dans la maison C de Kôm el-Dick, par son seul emplacement, adossé contre la margelle d'un puits165. Cette configuration particulière a été quelquefois observée dans les espaces funéraires alexandrins, sans toutefois que l'association récurrente de ces deux types d'aménagements n'ait été soulignée (voir infra, figure 9). Dans la tombe Thiersch 1 de la Necropolis, datée du Ier siècle av. J.-C., la complémentarité et l'usage conjoint des deux dispositifs logés dans la cour sont indéniables166. Située dans l'angle sud de la pièce, l'embouchure du puits (GAB/PTS 2) était mitoyenne d'une cuvette miconstruite, mi-taillée dans le rocher, qui permettait de contenir jusqu'à un mètre cube d'eau (GAB/BAS 1) ; elle présentait un rebord surélevé du côté du puits, d'environ 0,6 mètre de haut à partir du sol, suffisamment large pour le dépôt du récipient de puisage ; une surface inclinée était adaptée au versement de l'eau dans le bassin. Les traces d'usure de corde observées sur le long côté du bassin ouvert sur la cour sont les témoins d'une utilisation fréquente de l'eau depuis la cuvette. Dans la nécropole d'Anfouchi, le tombeau 3, du IIe siècle av. J.C., captait les eaux souterraines grâce à un puits niché en face de l'escalier d'accès, au fond du portique de la cour (PHA/PTS 3) ; immédiatement à sa droite, dans le même angle, un bassin de section carrée, enduit d'un mortier hydraulique rouge, avait été creusé dans le sol, à l'entrée d'une pièce légèrement plus haute que le niveau général de l'hypogée (PHA/BAS 1)167. Dans les deux cas évoqués, il est vraisemblable, comme à Moustapha Kamel, que les bassins, qui rendaient directement accessible pour les usagers l'eau de la nappe phréatique, avaient aussi pour but de la décanter.

dénotent la même exigence de disposer d'une eau salubre dans la tombe. 1. 2. LE STOCKAGE ET L'ACCÈS À L'EAU Si le puits ne constitue pas un moyen de stocker l'eau 168, deux types d'installations hydrauliques ont été prévus dans les nécropoles d'Alexandrie pour la conserver et la rendre accessible : la citerne et le bassin. La desserte était quant à elle assurée par divers procédés, que nous examinerons dans un second temps. 1. 2. 1. Le rôle respectif de la citerne et du bassin Plusieurs critères permettent de différencier les deux modes de réserves d'eau. Alors que la citerne est un réservoir souterrain et couvert, présentant l'aspect d'une chambre plus ou moins vaste, le bassin est plutôt aménagé à l'air libre ; les spécialistes insistent toujours sur ce point, en se référant en particulier à la définition fournie par les auteurs antiques169. Dans la plupart des cas, les capacités de contenance sont également bien différentes : si les citernes ne se définissent pas par leur volume, dans la pratique elles permettaient dans l'Antiquité d'emmagasiner une quantité d'eau nettement supérieure à celle des bassins. Cette distinction est à mettre sur le compte de l'usage respectif des deux types de réservoirs : la citerne était chargée de conserver durant toute l'année l'eau de pluie, en particulier lors des périodes de sécheresse ; le bassin ne disposant pas d'un système propre d'alimentation, il rendait facilement accessible, pour son utilisation ponctuelle, une eau provenant d'ailleurs. L'excavation souterraine et la couverture, caractéristiques essentielles des conditions de stockage dans les citernes, mettaient le réservoir à l'abri de la lumière et de la chaleur et permettaient ainsi de limiter l'évaporation et les risques de pollution, tout en maintenant l'eau à température constante170. Les citernes retrouvées en contexte funéraire à Alexandrie, comme du reste partout dans la ville, sont systématiquement taillées dans le substrat rocheux. Quand elles sont placées au contact des hypogées, la cuve même est disposée à un niveau plus bas que le sol de la pièce qui permet d'y accéder. Certaines citernes antiques pouvaient également recevoir une construction maçonnée, en briques ou en pierres d'appareil jointoyées par un mortier, comme cela a été observé dans les citernes publiques d'Alexandrie171. Dans les nécropoles,

Les Alexandrins de l'Antiquité se sont préoccupés de l'alimentation en eau de leurs nécropoles : les eaux de pluie, comme les eaux phréatiques, ont été mises à contribution par le biais d'installations couramment employées pour les besoins des villes, la citerne et le puits. Ils ont également veillé à la protection de ces dispositifs hydrauliques, à la qualité de leurs eaux, à leur conservation, à l'absence de contamination. Il est probable, dans ces conditions, que cette eau, même celle que l'on stockait dans les citernes et malgré les réticences relevées chez certains auteurs anciens, pouvait servir à la consommation. Notre connaissance de ces aménagements, tributaire des fouilles archéologiques, est nécessairement aléatoire. Les découvertes faites dans les espaces funéraires d'Alexandrie viennent cependant compléter celles faites dans la ville, en livrant un aperçu assez concret, et plutôt bien documenté, des modes d'approvisionnement adoptés à l'époque grecque et romaine. De surcroît, elles

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Comme l’explique l'ingénieur J. Bonnin dans son ouvrage sur l’eau dans l’Antiquité, "en creusant un puits dans une nappe libre, le niveau de l’eau dans le puits s’établit, en l’absence de puisage, au voisinage de celui de la nappe" : BONNIN 1984, p. 82. 169 VARRON, Économie rurale, I, 11 ; ULPIEN, Digeste, 43, 22 ; etc. 170 GUILLAUME 1887, p. 1208 ; BONNIN 1984, p. 39 ; GINOUVÈS 19921998, t. 2, p. 208. 171 VITRUVE, De l'architecture, VIII, 7, évoque le genre de maçonnerie à employer pour leur construction. La citerne mise au jour dans la

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RODZIEWICZ 1984, p. 258. Corpus, GAB/PTS 2, p. 149 et GAB/BAS 1, p. 176-177. 167 Corpus, PHA/PTS 3, p. 148 et PHA/BAS 1, p. 175-176. 166

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine seule la citerne du grand complexe de Wardian (WAR/CIT 1) avait son plafond revêtu de briques, mais il s'agit peut-être d'un aménagement antérieur à la transformation de la pièce en cuve de stockage dans le courant de l'Empire172. Enfin, quand la section au sol de la cuve dépasse les plus petites superficies, la présence d'un pilier vient quelquefois supporter le plafond et assurer la sécurité de l'excavation 173 ; à l'entrée de la tombe 2 du site de Ras el-Tin, la longueur de la cuve du réservoir (PHA/CIT 4), proche des quatre mètres, ou la médiocre qualité du rocher ont peut-être rendu nécessaire la mise en œuvre de deux assises de ce type. Au sujet des capacités de stockage des citernes funéraires d'Alexandrie, l'étude des volumes se heurte aux difficultés souvent rencontrées lors de la fouille (risques d'éboulement, infiltration de la nappe phréatique, etc.) ainsi qu'à l'imprécision des publications archéologiques les plus anciennes (dans ce cas, la documentation graphique fournie peut dans une certaine mesure contribuer à compléter la lacune). À défaut de disposer de l'ensemble des dimensions nécessaires à un examen aussi rigoureux qu'on le souhaiterait, et en particulier quand la hauteur sous plafond n'est pas connue, la superficie de la section donne une possibilité d'estimation, même approximative, de la quantité d'eau stockable. L'ensemble des 17 citernes au sujet desquelles nous disposons d'informations suffisantes, montre que les capacités utiles étaient variées, d'à peine un mètre cube (tombe B de Gabbari, tombe 3 de Moustapha Kamel) à 95 m3 pour le réservoir du complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa, de loin le plus vaste de tous les hypogées découverts à Alexandrie (figure 6 ci-après). Ces résultats permettent d'insister sur la modestie des capacités de stockage des citernes funéraires, au regard des vestiges urbains qui retiennent principalement l'attention des études consacrées à l'hydraulique antique174, et particulièrement en comparaison avec ceux que l'on connaît à Alexandrie : les récits de voyageurs, les ouvrages de vulgarisation comme les publications scientifiques témoignent surtout de la magnificence et de la monumentalité des réservoirs publics souterrains de la mégapole tardo-antique et médiévale, divisés en plusieurs

compartiments, souvent avec trois ou quatre étages superposés de colonnes ou d'arcades, qui ont supposé d'importants travaux d'excavation et de construction 175. Ainsi, parmi les citernes explorées ou connues grâce aux dessins de l'ingénieur A. Kamil à la fin du XIXe siècle, les édifices monumentaux apparaissent largement majoritaires : sur 144 citernes recensées, seulement 27 ne comportent qu'un seul niveau, les plus grandes d'entre elles pouvant dépasser les 2000 m3 de capacité de stockage176. Les citernes de petit volume qui caractérisent davantage le contexte funéraire alexandrin sont en revanche méconnues dans la ville. L'architecte et archéologue I. Hairy, chargée de l'étude du système hydraulique par le Centre d'Études Alexandrines, notait l'existence de citernes de quelques mètres cubes (6 m3 pour les plus petites) parmi celles inventoriées par A. Kamil177. L'une des deux citernes mises au jour sur le site du Billiardo Palace, en 1993, datée du Ier siècle av. J.-C., permettait d'emmagasiner jusqu'à 60 m3 d'eau 178 : cette capacité correspond déjà aux plus vastes citernes découvertes dans les hypogées. Un intéressant exemple, unique en son genre, est donné dans l'actuel quartier de Kôm el-Dick : disposé sous la cour de la maison B, le petit réservoir individuel pouvait conserver jusqu'à 3,7 m3 d'eau de pluie, selon les mesures fournies par M. Rodziewicz179 ; bien que la maison soit datée d'une époque romaine tardive, l'équipement paraît donner un aperçu concret des procédés d'approvisionnement en eau dans le contexte privé de l'habitat, tels qu'ils devaient exister dès les premières générations d'Alexandrins, et tels qu'ils ont été reproduits dans les nécropoles aux époques grecque et romaine. Aussi la connaissance générale des différents dispositifs de stockage à Alexandrie trouve-t-elle un précieux complément archéologique dans la prise en compte de l'aménagement des tombes. En outre, parmi les réservoirs de surface découverts sur les sites de fouille des quartiers de Moustapha Kamel, de Gabbari ou de Souk-el-Wardian, certains ont conservé une élévation suffisante pour estimer leurs capacités volumiques, comprises entre 7 et 20 m3. Situés à un niveau supérieur au sol d'occupation du cimetière, ou bien éloignés de plusieurs centaines de mètres des hypogées mis au jour, leur usage était vraisemblablement domestique, artisanal ou agricole plutôt que funéraire180.

maison B de Kôm el-Dick était faite en briques cuites et plates, jointes par une argile jaune : RODZIEWICZ 1984, p. 136 et 257. Celle du site du Sarapéion était constituée d'un appareillage de briques et de moellons de calcaire : HAIRY 2002a, p. 31. 172 Corpus, p. 167-168. 173 Corpus, PHA/CIT 1, p. 158-159 (Anfouchi, tombe 1) ; PHA/CIT 4, p. 160 (Ras el-Tin, tombe 2) ; GAB/CIT 2, p. 161 (Gabbari, proche tombe B4) ; KCH/CIT 2, p. 168-169 (Kôm el-Chougafa, complexe à trois étages). Plusieurs piliers venaient également consolider les citernes accessibles en surface des sites d'Anfouchi et d'Agami ; leur usage en contexte funéraire n'est cependant pas attesté : PHA/cit α, p. 171-172 et MAT/cit α, p. 173. 174 GUILLAUME 1887, p. 1209 : "Les Romains, qui tenaient à être largement approvisionnés d’eau, ont construit de vastes et monumentales citernes dans toutes les parties du monde qu’ils ont conquises". Voir encore les nombreux exemples de citernes et réservoirs d'eau antiques, dans CROUCH 1990, p. 129-158. Une monographie consacrée à l'approvisionnement en eau de la vie antique d'Ostie signale toutefois de modestes réservoirs privés (l'étude des nécropoles est exclue du catalogue), dont la contenance est évaluée entre 6 et 18 m3 : RICCIARDI 1996, t. 1, p. 141-142.

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SAINT-G ENIS 1818, p. 86 ; MAHMOUD-BEY 1872, p. 31-32 ; BRECCIA 1914a, p. 68-69 ; BERNAND 1966, p. 42 ; GUYARD, HAIRY 1998, p. 8. 176 Citerne El Bissani, (sur la rue Rosette, entre la rue Cérisy et la rue de Corinthe), d’une capacité d’environ 1240 m3 ; citerne Saffwan (à l’angle de la rue Fouad et de la rue des Ptolémées), avec un volume de plus de 2000 m3 : voir HAIRY 2002b. Les plus grands réservoirs d'Alexandrie alimentés par l'eau du Nil seraient d'époque arabe. 177 HAIRY 2002b. 178 EMPEREUR 1994, p. 510 ; LECLANT, CLERC 1995, p. 233. 179 RODZIEWICZ 1984, p. 138 et 257 ; la citerne forme presque un triangle équilatéral, de 2 mètres de côté ; sa profondeur est de 2,20 mètres. Le réservoir a été évoqué supra, p. 12 et fig. 2. 180 Corpus, MKA/cit α, p. 171 (7 m3) ; GAB/cit β, p. 172 (11 m3) ; WAR/cit α, p. 173 (20 m3).

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La gestion de l'eau

Figure 6. Morphologie et capacité de stockage de 13 citernes logées dans les tombes d'Alexandrie (classement croissant selon la surface de la section). Dessin A. Tricoche.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Le bassin, également destiné à garder en réserve une certaine quantité d'eau se distingue de la citerne, véritable pièce fermée, en se présentant sous la forme d'une cuvette plus ou moins profonde et découverte ; à proximité d'un puits, il assure auprès des usagers l'accessibilité de l'eau de la nappe phréatique. Creusés ou construits, les bassins antiques sont très peu connus dans la ville d'Alexandrie181. Dans les tombeaux, leur conservation est moins rare : onze bassins, seuls ou reliés à plusieurs, ont pu être inventoriés avec fiabilité à partir des publications archéologiques des nécropoles182. De forme quadrangulaire (rectangulaire, carrée ou aux formes irrégulières), les bassins sont parfois creusés dans le sol de la pièce ; une partie maçonnée vient éventuellement s'ajouter en guise de couronnement, afin d'éviter les débordements. Ainsi dans la nécropole hellénistique de Moustapha Kamel, le bassin situé dans la cour du tombeau 1, derrière l'autel (MKA/BAS 1, d), était ceinturé d'un petit listel construit, qui avait pour but de ne pas laisser l'eau déborder de la vasque de manière incontrôlée183 ; les deux réceptacles de décantation mitoyens placés en amont (MKA/CIT 1, bc) avaient également reçu l'adjonction d'un petit rebord, constitué d'un bourrelet de mortier hydraulique continu, pour empêcher que l'eau excédentaire n'inonde la petite pièce située en retrait. Au Ier siècle av. J.-C., le bassin de l'hypogée Thiersch 1 (GAB/BAS 1), dans la rue du Mex, disposait d'une bordure de vingt centimètres de haut, venant ainsi s'ajouter à la cuvette creusée dans le sol, profonde de quelque 70 centimètres ; l'ensemble permettait d'emmagasiner un mètre cube d'eau environ 184. Le bassin PHA/BAS 2 de la tombe 4 de Ras el-Tin (II e ou du Ier siècle av. J.-C.), a été logé dans un renfoncement pratiqué dans l'épaisseur d'une paroi : cet emplacement, plutôt caractéristique des citernes, maintenait plus efficacement l'eau à l'abri de la lumière et des agents de pollution extérieurs185. Enfin, quelques bassins, plutôt que creusés, avaient été taillés tout entier dans un bloc rapporté de pierre calcaire ; celui retrouvé au niveau de la superstructure du grand complexe funéraire de Wardian (WAR/BAS 1) était construit en terre cuite et ses parois internes étaient recouvertes de dalles de pierre186. La morphologie et l'usage des bassins induisent des capacités de réserve bien plus modestes que celles des citernes. Pour les quelques cas où leur volume est connu avec précision, il ne dépasse que rarement le demi mètre cube ; les exemples des bassins situés sur les sites de Kôm el-Chougafa (tombe D, KCH/BAS 1) et de

Wardian (superstructure du "Temple souterrain", WAR/BAS 1) permettent toutefois d'envisager, par les dimensions partielles dont nous disposons, qu'ils étaient plus imposants (figure 7). Signalons enfin que les citernes et les bassins des nécropoles d'Alexandrie ont nécessité, en plus des opérations d'excavation, d'importantes finitions de revêtement pour assurer l'étanchéité de leur cuve : c'est la finalité du mortier hydraulique qui recouvre couramment les parois internes des installations hydrauliques de stockage dans le monde gréco-romain en général187. Constitué de chaux et de brique pilée (tuileau), il présente un aspect rougeâtre caractéristique et peut se révéler très résistant, sans altération depuis l'Antiquité188. Sa présence est également souvent signalée dans les citernes urbaines d'Alexandrie189. Quoique dans la littérature archéologique peu d'auteurs utilisent l'expression de "mortier hydraulique" préconisée par R. Martin et R. Ginouvès pour désigner la matière hydrofuge enduite des citernes et des bassins190, le croisement des informations permet d'identifier ce revêtement. Ainsi, dans le contexte spécifique des espaces funéraires alexandrins, rares sont les réserves d'eau qui ne disposent pas de ce mortier : sont concernées toutes les citernes dont la cuve a été explorée et la grande majorité des bassins retrouvés en contexte funéraire191. Il constitue de fait l'un des critères essentiels pour l'identification des réservoirs hydrauliques.

187

"La présence habituelle de ciment hydraulique est précisément ce qui distingue les citernes maçonnées des puits", précise M.-Chr. Hellmann (HELLMANN 1994, p. 279). Dans certaines régions du monde grec, un nombre non négligeable de puits présentent néanmoins un enduit hydraulique sur leur substruction, selon CHEVALIER 2002, p. 85. L'inventaire des installations hydrauliques dans les nécropoles alexandrines n'en comporte pas d'exemple. 188 GUILLAUME 1887, p. 1208 ; GINOUVÈS, MARTIN 1985, p. 51, et GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 208. PALLADIUS, Traité d'agriculture, I, 17, donne le détail de la fabrication de l’enduit (tectorium) dont on doit recouvrir la citerne : "son sol (…) sera rendu bien lisse grâce à un ciment de brique qui le recouvrira (…). Lorsque l’humidité en sera partie et qu’il sera bien sec (…), on appliquera également sur les parois un revêtement semblable, et enfin, lorsque tout sera complètement sec et depuis longtemps, la citerne pourra donner accueil à l’eau" (traduction R. Martin). Cf. MALISSARD 1994, p. 148. 189 Voir par exemple la citerne romaine du site du Sarapeion, dans HAIRY 2002a, p. 32-33, ou les témoignages des voyageurs à ce sujet : G.-A. Olivier (1794-1795) ou Fr.-L. Norden (1737), dans SENNOUNE 2006, p. 550 et 647. Les bassins découverts dans la maison D de Kôm el-Dick comportaient aussi un enduit imperméabilisant : RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 257. 190 GINOUVÈS, MARTIN 1985, p. 51 et GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 208. Dans les publications les plus anciennes, le terme de "ciment" revient régulièrement, mais son utilisation est déconseillée dans un sens large, car il désigne littéralement un matériau obtenu par la calcination d’un calcaire marneux, ce qui est ici inapproprié. On rencontre aussi les expressions d’"enduit hydraulique" ou d’"enduit rougeâtre" (par exemple dans ADRIANI 1966, p. 136, 165, 189, etc.). 191 Pour exception, voir dans notre corpus, KCH/BAS 1, p. 177-178 (Kôm el-Chougafa, tombe D) et WAR/BAS 1, p. 177 (Wardian, Temple souterrain) ; dans ce dernier cas, les dalles de pierre observées assuraient peut-être ce rôle.

181

Sur le terrain du théâtre Diana, la Maison de la Méduse (IIe siècle ap. J.-C.) disposait dans la cour de deux bassins : EMPEREUR 1997, p. 838. Deux autres bassins d'époque romaine ont été repérés en 1994 sur le terrain du Cricket Ground : LECLANT, CLERC 1995, p. 231. Dans la maison D de Kôm el-Dick, deux bassins permettaient de recueillir jusqu'à 300 litres d'eau : RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 257. 182 Corpus, p. 174-178. 183 Corpus, p. 174 ; deux orifices permettaient toutefois le déversement de l'eau excédentaire dans la cour. ADRIANI 1933-1935, p. 28. 184 Corpus, p. 176-177. 185 Corpus, p. 176. 186 Corpus, p. 177.

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La gestion de l'eau

Figure 7. Morphologie et capacité de stockage de 7 bassins dans les tombes d'Alexandrie (classement croissant selon la surface de la section). Dessin A. Tricoche.

1. 2. 2. La desserte de l'eau

pays en a vraisemblablement largement restreint l'usage193. Sur le site du chantier du pont de Gabbari, le puits circulaire creusé dans la cour de la tombe B1, au IIIe siècle av. J.-C., se distingue néanmoins par la présence d'une margelle courbe de 0,4 mètre de haut, constituée de trois plaques de calcaire placées de chant (GAB/PTS 4) 194 ; un accès aux eaux souterraines avait été réservé au niveau inférieur de l'hypogée, par une ouverture sur le même conduit, également rehaussée d'un petit muret. À la même époque, l'exemple le plus remarquable se situe dans la luxueuse tombe 1 de la nécropole de Moustapha Kamel (MKA/PTS 1)195 : le puits, creusé dans le sol d'une pièce mitoyenne de la cour, avait conservé au moment de sa mise au jour une partie de sa balustrade, haute d'un mètre environ, soigneusement taillée dans le calcaire et recouverte d'une fine couche d'enduit blanc ; l'embouchure avait été surélevée par rapport au niveau de la pièce grâce à un petit podium accessible par deux degrés.

Dans la tombe, la cour centrale constitue l'emplacement privilégié et quasiment exclusif des aménagements hydrauliques, pour une eau réservée à ceux qui bénéficiaient d'un droit d'accès (la communauté restreinte de la famille ainsi que le personnel employé aux tâches d'entretien, d'enterrement ou de commémoration des morts). Les puits sont généralement logés dans une petite niche taillée en retrait de la paroi de l'hypogée (figure 8). Dans ces conditions, il n'était probablement pas une nécessité absolue de les compléter par un parapet ou une dalle mobile de sécurité, tels qu'on en rencontre fréquemment sur les sites archéologiques du monde gréco-romain192 ; du moins le remploi systématique des matériaux en a de toute évidence limité la conservation dans les nécropoles d'Alexandrie, et si par ailleurs le bois ne peut être tout à fait exclu, du moins sa rareté dans le

193

Sur la rareté de l'emploi du bois en Égypte, voir NOWICKA 1969, p. 34-36. La situation devait être un peu meilleure dans le delta, mais les boiseries restent limitées dans les maisons examinées par les archéologues, et essentiellement réservées aux constructions particulièrement luxueuses, de type palatial. 194 Corpus, p. 150-151. 195 Corpus, p. 145.

192

ARGOUD 1981, p. 72, CROUCH 1993, p. 296-199 (monde grec) ou CHAMONARD 1924, p. 346-349 (cas spécifiquement délien). En contexte romain, le site d'Ostie a conservé de nombreux parapets et élévations maçonnées qui signalent la présence d'un puits : RICCIARDI 1996, p. 1966. À Alexandrie, quelques dispositifs de ce type sont connus dans le quartier de Kôm el-Dick : RODZIEWICZ 1984, p. 105 et 258.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine canalisation artificielle202. Les aménageurs du tombeau avaient-ils en tête cette portée symbolique et religieuse ? L'hypothèse la plus économique est de considérer qu'il s'agissait par là, de façon pragmatique, de maintenir l'eau au frais à grande profondeur.

Figure 8. Embouchure des puits nichés dans les parois des tombeaux alexandrins. Dessin A. Tricoche.

C'est le propre des bassins que d'assurer pour les usagers un accès immédiat à l'eau, que celle-ci provienne d'un puits voisin, ou qu'elle ait été amenée d'ailleurs, de façon régulière ou pour des besoins ponctuels. Dans la nécropole de Moustapha Kamel, le bassin situé dans la cour du tombeau 1 (MKA/BAS 1, d) avait été disposé juste derrière l'autel autour duquel les cérémonies de commémoration avaient lieu196 ; l'officiant avait ainsi directement accès à l'eau contenue dans ce bassin, dont l'alimentation dépendait du puits creusé dans la pièce attenante. Cette configuration rappelle de près celle observée dans le tombeau Thiersch 1 de Gabbari, où se trouvent les vestiges d'un autel installé au centre de la cour, et un bassin aménagé à environ un mètre de distance, contre la paroi (GAB/BAS 1)197. L'association du puits et du bassin dans la cour se rencontre encore dans la tombe 3 de la nécropole d'Anfouchi198 (figure 9). Outre l'exemple déjà évoqué de la tombe 1 de Moustapha Kamel199, des sophistications particulières visaient parfois à mettre en valeur le bassin. Le cas est remarquable dans l'hypogée D de Kôm el-Chougafa : une cuvette (KCH/BAS 1) occupait la totalité d'une petite pièce à laquelle menait une descenderie de dix-sept marches200. À l'occasion de la première exploration du tombeau en 1897, ce dispositif original avait été interprété par G. Botti comme un baptistère, pour l'initiation secrète des fidèles à la nouvelle religion chrétienne par immersion dans un bain, durant le règne de Dioclétien. Cette supposition a été remise en question dès le début du XXe siècle, le bassin paraissant contemporain de l'état initial du souterrain funéraire, daté du Ier siècle ap. J.-C.201. À propos des bassins à fontaine accessibles par un escalier, R. Ginouvès supposait qu'ils devaient donner l'illusion de puiser l'eau au sein même de la terre, même si le système était en fait alimenté par une 196

Corpus, p. 174. La description de l'autel se trouve dans ADRIANI 1933-1935, p. 19 et 98. 197 Corpus, p. 176-177 ; pour l'autel, voir THIERSCH 1900, p. 14. Pour l'étude des besoins en eau dans le cadre des pratiques sacrificielles, voir infra, p. 67-73. 198 Corpus, PHA/PTS 3, p. 148 et PHA/BAS 1, p.175-176. 199 Supra, p. 22. 200 Corpus, p. 177-178. Voir à ce sujet, en surface du grand complexe funéraire de Wardian, le bassin (WAR/BAS 1), qui faisait probablement partie d'un ensemble construit : corpus, p. 177. 201 BOTTI 1898b, p. 19 ; SCHREIBER 1908, p. 11 ; ROWE 1942, p. 9.

Figure 9. Association du puits et du bassin dans trois hypogées d'Alexandrie. Dessin A. Tricoche. 202

GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 94. Voir aussi l'article de R. Ginouvès consacré à l'eau dans les sanctuaires médicaux (GINOUVÈS 1994, part. p. 241 et 243. Dans ces sanctuaires, la connotation religieuse des fontaines donnant l'impression d'une eau provenant des profondeurs paraît bien attestée.

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La gestion de l'eau

Figure 10. Mode d'accès des citernes logées en retrait de la paroi des tombeaux d'Alexandrie. Dessin A. Tricoche.

plus sophistiqué qu'ailleurs207 : l'ouverture, ménagée dans la paroi du grand escalier à vis, avait la taille d'une porte (0,5 mètre de large pour 1,7 mètre de haut), profonde d'un mètre environ, et constituant ainsi une sorte de petit corridor d'accès ; au fond, un muret faisait office de parapet de sécurité ; un petit orifice à sa base permettait que l'eau renversée lors du puisage retourne dans la cuve. Dans la tombe, l'accès aux réservoirs était plus rarement assuré par des conduits verticaux. À Marina elAlamein, dans la superstructure du tombeau 21, la vaste citerne (MAR/CIT 1) a été aménagée à 2,2 mètres sous le niveau du sol antique et passait en partie sous la salle de banquet centrale ; la desserte de l'eau s'organisait dans une petite pièce située à l'est, grâce à un conduit rehaussé d'un muret constitué de pierres taillées d'environ 0,5 mètre de haut208. À Alexandrie même, dans le tombeau A de la nécropole de Kôm el-Chougafa, la cuve du réservoir (KCH/CIT 1) semble avoir été creusée sous le niveau principal ; l'embouchure consistait en un puits circulaire de 0,75 mètre de diamètre ; un fragment de dalle de calcaire retrouvé à proximité a été interprété comme le reliquat du couvercle assurant la protection de l'eau et des usagers209. Les citernes funéraires accessibles directement depuis la surface, pour les besoins collectifs des nécropoles, avaient reçu le même dispositif210. Le conduit menant à une citerne (GAB/CIT 6) a été épargné lors du creusement postérieur de la tombe B17 à Gabbari, à l'époque hellénistique ; l'eau qu'elle conservait était puisée depuis la surface ; un accès a probablement été réservé dans le tombeau même, sans que les données de fouille n'aient cependant pu le confirmer211. Dans le grand complexe de Wardian, la citerne (WAR/CIT 1), issue d'un remaniement de la pièce, n'était apparemment accessible que depuis la surface, par un large puits carré, qui servait aussi pour la collecte de l'eau par un système

L'eau des citernes funéraires d'Alexandrie était quant à elle conservée dans l'épaisseur du rocher, et la desserte dans les tombeaux était assurée par une embouchure rétrécie. Cette configuration était particulièrement recommandée afin de maintenir la température constante de l'eau, de la préserver des pollutions extérieures et du croupissement ; elle garantissait également la sécurité des usagers. C'est le principe de la lucarne qui a été adopté le plus souvent, la citerne étant alors logée en arrière d'une paroi (figure 10). Au sujet des tombes aujourd'hui détruites ou inaccessibles, les descriptions archéologiques des publications anciennes précisent rarement si le dispositif d'encadrement était placé au ras du sol ou s'il formait plutôt une fenêtre en hauteur203. Sur le site de Gabbari, cet accès est disposé à hauteur du sol (citernes des tombes B10, B22, B26 et C4)204. Dans la tombe B10 par exemple, l'ouverture mesure 0,5 mètre de large pour 0,7 mètre de haut ; la cuve de la citerne s'élargissait à partir de cette embouchure, en sorte d'entonnoir aux formes irrégulières ; dans les tombes B22 et B26, les fenêtres d'accès aux deux citernes sont presque identiques (respectivement 0,63 / 0,65 mètre de large et 1,04 / 1,10 mètre de haut)205 ; dans une seconde phase d'utilisation, celle de la tombe B22 a reçu une pierre d'appui disposée au sol. La lucarne de la citerne située dans le tombeau 1 d'Anfouchi (PHA/CIT 1) est surélevée à 0,6 m au dessus du sol de la cour ; de même, dans la tombe 3 de Moustapaha Kamel, un petit muret maçonné de 0,7 m de haut avait été rendu nécessaire pour augmenter les capacités utiles de la petite citerne située dans la cour (MKA/CIT 1)206. Dans la nécropole de Kôm el-Chougafa, la grande citerne du complexe funéraire à trois étages (KCH/CIT 2) avait été dotée d'un système de puisage 203

Corpus, EST/CIT 1, p. 158 (tombe du Jardin Antoniadis) ; PHA/CIT 2 à 4, p. 159-160 (Anfouchi, tombe 4 et Ras el-Tin, tombes 1 et 2) ; GAB/CIT 1, p. 160 (Gabbari, tombe B). 204 Corpus, p. GAB/CIT 5, 7, 9 et 11, p. 162-166. 205 La comparaison de ces deux systèmes d'accès constitue du reste l'un des arguments pour l'identification de la citerne de la tombe B26, dont la cuve de stockage n'a pu être entièrement dégagée. 206 Corpus, p. 157.

207

Corpus, p. 168-169. Corpus, p. 169-170. 209 Corpus, p. 168. SCHREIBER 1908, p. 48. 210 Corpus, MKA/CIT 2, p. 157 ; GAB/CIT 10, p. 165-166. 211 Corpus, p. 163. 208

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine de rigoles convergentes212. On ne sait rien, en revanche, des éventuelles finitions de ces conduits en surface ; il convient sans doute d'envisager la présence d'une margelle venant couronner l'embouchure, sur le modèle du tombeau 21 de Marina el-Alamein et des découvertes faites dans la ville antique213. Dans la nécropole du site de Gabbari (zone B) enfin, une citerne creusée dans le substrat rocheux était rendue accessible par un escalier ascendant – onze marches étaient encore visibles au moment de sa découverte en 1996 –, auquel succédaient un palier et un parapet214. On ignore tout des structures aménagées au pied de cet escalier, mais elles avaient probablement une destination funéraire. Au IIe siècle de notre ère, le creusement de l'hypogée voisin B8 a tenu compte de la présence de la citerne et un accès en a été prévu, sous la forme d'une fenêtre dotée d'un système de fermeture depuis la tombe.

limiter les efforts de la manœuvre, tels que des treuils, des poulies ou des leviers ; ce type d'appareil devait plutôt être réservé à des opérations où de grandes quantités d'eau étaient requises de façon répétée220. À propos du puits de l'hypogée 1 de la nécropole de Moustapha Kamel (MKA/PTS 1), deux longues cavités creusées dans la paroi à 2,20 mètres au-dessus de l'embouchure sont apparues à A. Adriani comme les mortaises d'un échafaudage en bois disparu, destiné à faciliter les opérations de puisage221 ; l'hypothèse n'est cependant pas vérifiable, et l'emplacement des cavités, décalées par rapport au puits, la rend même plutôt caduque. L'aménagement de ce puits reste néanmoins le plus intéressant pour la compréhension des gestes de ses utilisateurs : montant sur la plate-forme par les deux marches au sud, ils puisaient l'eau et contournaient la balustrade, au fond de la pièce, pour la verser dans le bassin situé de l'autre côté.

Si donc les modalités d'accès et de desserte de l'eau dans les nécropoles alexandrines sont assez bien connues, en revanche les manipulations liées au puisage restent difficiles à appréhender215. Des sillons ont été observés au niveau de la bouche du puits dans les tombes hellénistiques B1 et B21 de la Necropolis, qui témoignent de l'usure provoquée par l'utilisation fréquente d'une corde pour remonter l'eau dans un récipient suspendu 216. Des marques comparables peuvent également être attribuées à cette pratique, au niveau du bassin placé dans la cour de l'hypogée Thiersch 1, dont les bords initialement rectilignes ont été retrouvés profondément creusés par le frottement ; une petite surélévation plane contre le puits mitoyen servait certainement à déposer le récipient avant le versement de son contenu dans la cuvette217. À proximité de l'embouchure de la citerne du tombeau A, à Kôm elChougafa, plusieurs amphores retrouvées intactes constituent également de maigres témoignages de ces opérations manuelles de puisage218 ; M. Rodziewicz signalait la présence du même type de vases au fond du puits de la maison D du quartier de Kôm el-Dick 219. Dans les hypogées, il n'y a aucune raison d'envisager l'usage d'instruments de levage plus sophistiqués pour

1. 3. LA RÉGULATION ET L'ÉVACUATION DE L'EAU Dans la nécropole hellénistique de Moustapha Kamel, l'hypogée 4 comportait en bas de son escalier d'accès les restes d'une petite conduite creusée dans le sol et recouverte de mortier hydraulique, complétée par de petits bourrelets de chaque côté (MKA/CAN 1) ; formant un coude, elle contournait une colonne et aboutissait dans la cour de la tombe222. La fouille diligentée par A. Adriani dans les années 1930 n'a pas permis de restituer l'aspect et l'organisation de l'ensemble du tombeau, dont seules la cour et une pièce à loculi ont été identifiées, parmi d'autres espaces très ruinés. Le point d'aboutissement de la rigole est lui-même inconnu, si bien qu'il est aujourd'hui difficile d'en comprendre la fonction précise. Adriani estimait que le tronçon conservé ne se prolongeait pas jusqu'au bassin situé à six mètres de là, de l'autre côté de la cour ; peut-être cette conduite permettait-elle d'entretenir un jardinet dont il n'est resté aucune trace223. À tout le moins, la rigole témoigne du souci des aménageurs de contrôler le cheminement des eaux de ruissellement provenant de la surface224. Les tombeaux alexandrins étaient autrefois fermés par une porte, comme en témoignent quelquefois les mortaises des gonds encore en place225 ; mais ces fermetures ne permettaient que très partiellement de se prémunir contre les inondations en période hivernale,

212

À tout le moins, rien n'indique que le mur séparant la citerne du reste du tombeau, détruit par les premiers explorateurs, était doté d'une fenêtre pour y puiser l'eau de l'intérieur. Corpus, p. 167-168. ADRIANI 1966, p. 163. 213 À l'emplacement du Césareum d'Alexandrie, une citerne avait reçu en surface un système de mur en terrasse qui en facilitait la desserte : EMPEREUR 1994, p. 510 ; LECLANT, CLERC 1995, p. 233. M. Rodziewicz a également signalé la présence d'une margelle circulaire bordant l'embouchure d'une citerne privée antique : RODZIEWICZ 1984, p. 138 et 257. 214 Corpus, GAB/CIT 3, p. 161-162. 215 Pour ces manipulations dans les représentations iconographiques, voir JARDÉ 1907, p. 780, et plus récemment TÖLLE-K ASTENBEIN 1990, p. 38-42 et figures. 216 CALLOT, N ENNA 2001, p. 67 et NENNA 2008, p. 231. Corpus, GAB/PTS 4 et 6, p. 150-152. 217 THIERSCH 1900, p. 14. Corpus, GAB/BAS 1, p. 175-176 et GAB/PTS 2, p. 149. 218 SCHREIBER 1908, p. 49. Corpus, KCH/CIT 1, p. 168. 219 RODZIEWICZ 1984, p. 257.

220

Comme l'irrigation des terres : voir à ce propos notre étude consacrée à l'entretien des jardins funéraires, où cette question est abordée, infra, p. 47-52. En Grèce antique, l'usage du chadouf, appareil élévatoire basé sur le système du balancier, est souvent attesté dans les inscriptions : HELLMANN 1992, p. 183. 221 Corpus, p. 145 ; ADRIANI 1933-1935, p. 26. 222 Corpus, p. 180. 223 Des parterres de végétation étaient peut-être aménagés dans d'autres tombeaux de la même nécropole : ADRIANI 1933-1935, p. 19 et 78, n. 1 (tombeau 1) et p. 53-54 (tombeau 3) ; voir à ce sujet infra, p. 36-38. 224 Pour les procédés de drainage dans l'Antiquité, voir GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 205-207 ; CROUCH 1993, p. 204-217; ADAM 1984, p. 283-286. 225 Voir notamment CALLOT, N ENNA 2001, p. 105-106, pour la restitution de portes dans les hypogées du chantier du pont de Gabbari.

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La gestion de l'eau comme le montre, dans certaines nécropoles de la ville, la présence de dispositifs destinés à recueillir les eaux de pluie ; les espaces laissés à ciel ouvert, où l'eau se déversait librement, accentuaient encore les risques de dégâts causés par les intempéries. Notre propos sera ainsi de montrer que les aménagements hydrauliques retrouvés en contexte funéraire étaient souvent conçus pour un usage double, celui de fournir de l'eau aux usagers et celui de réguler son ruissellement de manière contrôlée : les puits servaient en certains cas de collecteur du trop plein, tandis que les citernes, en stockant l'eau de surface, permettaient aussi de la drainer.

à l'étage inférieur du souterrain, des réglementations délimitaient certaines concessions en fonction du niveau de l'eau (pluviale ou même phréatique), afin de protéger les sépultures de l'inondation : "(Concession) d’Hermias. La paroi hors d’eau, ex udatos, jusqu’au sommet de l’exèdre" ou "…, la moitié de la paroi hors d’eau jusqu’au sommet de l’exèdre"229. Si la présence des rigoles, non pas naturelles mais bien creusées volontairement, prouve de manière claire la finalité double du puits dans la tombe B1, le cas reste isolé dans les nécropoles alexandrines230. Cette organisation se retrouve toutefois en d'autres contextes archéologiques. Dans la cour à péristyle du tombeau romain d'A'ailami à Palmyre (nécropole ouest, IIe siècle ap. J.-C.), un orifice aboutissant à une canalisation marque peut-être la volonté d'assurer le drainage des eaux de pluie231. Les fouilles menées à Délos ont également permis de constater dans quelques maisons la présence de puits prévus pour recueillir l'eau déversée des toits, qui rejoignait ainsi la nappe phréatique232. À Alexandrie même, sur le site du théâtre Diana et à l'emplacement du quartier antique d'habitation du Bruccheion (fouilles du CEAlex), des canalisations antiques, sous la forme de drains maçonnés ou de tuyaux en céramique, se déversaient dans les puits collectifs situés aux angles des parcelles233. Ces exemples montrent qu'une attention particulière était portée à la régulation des eaux en surface, et que le mélange d'eaux d'origines différentes, sans doute tout à fait courant, n'était pas considéré comme susceptible de porter préjudice à leur qualité. Il apparaît donc très vraisemblable qu'en certains cas, les puits disposés dans les cours des tombeaux étaient également employés comme puisards. L'hypothèse paraît particulièrement valable dans les nécropoles de Moustapha Kamel et d'Anfouchi où certains puits, disposés dans les cours en face de l'escalier d'accès, présentent une embouchure dépourvue de margelle, probablement dès l'origine234 : cette configuration

1. 3. 1. Les puisards Le puisard, tel que R. Ginouvès le définit dans son Dictionnaire de l'architecture grecque et romaine, est "destiné à recueillir les eaux usées ou les eaux de ruissellement, et à en faciliter l'évacuation par infiltration"226. Si l'auteur envisage les puisards comme des dispositifs indépendants, dans les hypogées alexandrins certains puits jouaient aussi ce rôle. Un exemple témoigne du fait que les puits aménagés dans les hypogées et creusés jusqu'au niveau de la nappe aquifère pour approvisionner en eau le souterrain pouvaient aussi en certains cas servir à récolter les eaux de ruissellement, non pas pour accroître le niveau de la nappe, mais bien pour éviter l'inondation. Dans la tombe B1 de Gabbari, datée dans son état initial du IIIe siècle av. J.-C., le puits situé dans la cour (GAB/PTS 4) permettait d'utiliser les ressources de l'eau souterraine pour les besoins de ses usagers, comme l'indiquent l'accès ultérieur au conduit à l'étage le plus bas et les traces d'usure de corde à ce même niveau 227. Une autre fonction peut lui être rattachée : au niveau du palier inférieur, la descenderie principale comportait une rigole ménagée dans le rocher contre la paroi nord, avec une pente se dirigeant vers la cour ; dans le sol de cette pièce, des zones avaient également été surcreusées pour délimiter l'écoulement vers le puits, doté à sa base d'un exutoire sous la plaque est de la margelle ; ces bandes protégeaient aussi du ruissellement l'étage le plus profond de l'hypogée; dans la pièce voisine enfin (B1.2), une saignée au trajet irrégulier conduisait à une petite canalisation se déversant dans le puits228. Ainsi, ces rigoles avaient de toute évidence pour rôle de contrôler la trajectoire des eaux venues de la surface depuis l'escalier, que le puits était ensuite chargé de récupérer à la manière d'un puisard. Il apparaît donc que l'eau pouvait largement s'insinuer dans la tombe, à tel point qu'il s'agissait même d'une donnée dont il fallait tenir compte dans le creusement des loculi. D'après deux dipinti probablement rédigés au même moment sur les parois de la pièce B1.4,

229

BOUSSAC, EMPEREUR 2001, doc. 1 et 2, p. 226-228, et fig. 5.1-4, p. 237 ; cf. ibid., doc. 3 et 4, p. 228-229. 230 D'autres rigoles irrégulières sont quelquefois observées dans les sols des tombes d'Alexandrie et de ses environs (voir notamment dans l'hypogée I de Marsa Matrouh, d'époque hellénistique : BATES 1927, p. 156-157) ; étant donnée la friabilité de la roche, la plupart d'entre elles ont probablement été provoquées par le cheminement naturel de l'eau de ruissellement. 231 L'hypothèse, formulée lors de la fouille, permet à J. Cantineau de conclure que la pièce était laissée à ciel ouvert (CANTINEAU 1929, p. 10) ; elle a toutefois été remise en cause par A. Parrot qui y voit davantage un dispositif rituel pour des libations (PARROT 1936, p. 89-90). 232 Maisons II E, VI B, D, E et K du Quartier du Théâtre : CHAMONARD 1924, p. 328-329 ; maison II A du Quartier du Stade : PLASSART 1916, p. 242 ; îlot des Comédiens : BEZERRA DE MENESES, BRUNEAU, V ATIN 1970, p. 40. Pour M.-Chr. Hellmann, ce dispositif était sans doute exploité ailleurs : HELLMANN 1994, p. 276. 233 EMPEREUR 1997, p. 838 ; EMPEREUR 1998b, p. 617-618 ; EMPEREUR 1998d, p. 178 (six parcelles révélées lors de la dernière campagne de fouilles, au lieu des quatre jusqu'alors mentionnées) ; cf. LECLANT, CLERC 1998, p. 545 et LECLANT, MINAULT-G OUT 1999, p. 320. 234 Corpus, MKA/PTS 2, p. 145-146 (Moustapha Kamel, tombe 2) ; PHA/PTS 1 et 3, p. 147-148 (Anfouchi, tombes 1 et 3) Voir nos considérations sur les margelles des puits funéraires alexandrins, supra, p. 23.

226

GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 210. Corpus, p. 150-151. 228 CALLOT, N ENNA 2001, p. 45. À comparer avec le dispositif observé dans le péristyle de la maison des Amants à Pompéi : un orifice avait été creusé dans une rigole conduisant au puits d'une citerne, pour son approvisionnement. ADAM 1984, p. 259, fig. 549. Cf. RICCIARDI 1996, t. 1, p. 54 (Ostie, puits n°42). 227

27

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine R. Ginouvès239, avait-il été uniquement conçu pour permettre l'évacuation de l'eau excédentaire par infiltration dans le sol ? La même question se pose au sujet du puits mis au jour dans un hypogée de Plinthine (MAR/PTS 1), dont la configuration est tout à fait similaire240. Enfin, dans un hypogée d'époque hellénistique situé dans le petit quartier de Cléopâtra en bord de mer, la présence d'un puisard paraît peu discutable. Le conduit était disposé dans la paroi immédiatement au pied de l'escalier, sur le palier d'entrée précédant le vestibule (EST/PTS 1) 241. Il n'a pas été sondé en profondeur – la fouille du tombeau n'a duré que quelques jours, au cours du mois de février 1938 –, mais sa configuration et son emplacement témoignent au moins de sa fonction de collecteur de l'eau, aussitôt après sa descente dans l'escalier ; le conduit aboutissait peut-être à la cuve d'une citerne. On pourra d'ailleurs comparer cette installation avec celle, très similaire, qui a été découverte dans un hypogée de la nécropole romaine de Qweilbeh-Abila en Jordanie : le tombeau Q2 dit "du Plafond des Octogones", daté du IIIe siècle ap. J.-C., était constitué d'une salle unique à loculi242 ; entre l'escalier d'accès et le souterrain, une petite cour avait été taillée dans le rocher, surélevée par rapport au reste de l'hypogée ; dans le but manifeste d'empêcher l'eau de pluie descendue de l'escalier de s'insinuer plus à l'intérieur, un canal creusé dans le sol de cette cour aboutissait à un réservoir taillé à gauche de l'entrée (figure 11). L'ouverture était surmontée d'une dalle percée d'un orifice de 24 centimètres de diamètre, indiquant par là même que l'eau récoltée n'était pas seulement drainée, mais également stockée et utilisée pour les besoins du tombeau.

présente du moins les caractéristiques optimales pour assurer la collecte des eaux de ruissellement depuis la descenderie. En d'autres cas, le puits n'est pas situé dans le prolongement direct de l'escalier, mais sa configuration similaire (en léger retrait dans la paroi, sans rehaussement à l'embouchure ni couvercle conservé) indiquent peut-être une fonction analogue235. On peut difficilement en douter au sujet de l'hypogée Thiersch 1 de la Necropolis occidentale (Ier siècle av. J.-C.) 236 : le puits (GAB/PTS 2) avait été aménagé dans un angle latéral de l'entrée à descenderie ; dans cet espace, le sol présentait une légère inclinaison depuis le centre de la pièce jusqu'à l'orifice du puits. H. Thiersch, qui donna son nom à la tombe pour l'avoir découverte et dirigé les fouilles, estimait que la pièce était couverte ; la présence d'un pavement corrélée à l'observation de la pente semble néanmoins indiquer le contraire237 : le puits récupérait les eaux pluviales tombées dans la cour, limitant ainsi les risques d'inondation. Dans certains tombeaux, quand le conduit n'a pas été sondé ou que les informations manquent à son sujet, l'emploi comme puisard ou comme fosse d'évacuation s'impose même avant celui de puits de captage des eaux souterraines : c'est le cas en particulier d'un hypogée de la Necropolis, uniquement connu par un dessin de M. Bartocci : le plan indique l'existence d'un orifice circulaire donnant sur la cour et logé en retrait de la paroi dans une sorte d'abside (GAB/PTS 1)238 ; le conduit avait-il été aménagé à une profondeur suffisante pour atteindre le terrain aquifère et ainsi approvisionner la tombe en eau ? Ou bien, simple égout ou fosse "garnie de cailloux", à la manière des puisards définis par

Figure 11. Dispositif de drainage des eaux de surface dans la tombe 3 de Cléopâtra (a : d'après A DRIANI 1935-1939, p. 124, fig. 58), comparé à celui du tombeau romain Q2 de la nécropole de Qweilbeh-Abila en Jordanie (b : d'après B ARBET 1988, pl. 17 et 26b). 235

Voir en particulier dans le corpus, PHA/PTS 2, p. 147-148 (Anfouchi, tombe 2) et KCH/PTS 1, p. 152 (Kôm el-Chougafa, tombe anonyme). 236 Corpus, p. 149. 237 THIERSCH 1900, p. 12 ; PAGENSTECHER 1919, p. 150.

238

Corpus, p. 148-149. GINOUVÈS 1992-1998, t. 2, p. 210. 240 Corpus, p. 152-153. 241 Corpus, p. 146-147. 242 BARBET 1988, p. 21 ; pour la datation, ibid., p. 93. 239

28

La gestion de l'eau On le voit donc, les citernes, comme les puisards, permettaient de lutter contre les intempéries par la collecte de l'eau excédentaire.

considérée comme une protection efficace contre les risques d'envahissement de l'eau dans les espaces souterrains. À titre de comparaison en dehors d'Alexandrie, une telle conclusion s'est particulièrement imposée au sujet d'un tombeau de Tyr, situé dans la nécropole d'el-Aouatin et daté de la seconde moitié du IIe siècle de notre ère246. En bas de l'escalier d'accès se trouvait une citerne encastrée dans la paroi, recevant l'eau de pluie grâce à un pertuis ; un seuil surélevé l'empêchait de s'insinuer dans l'hypogée (figure 12). Les archéologues M. Dunand et J.-P. Rey-Coquais comprirent à leurs dépens l'intérêt d'un tel dispositif, lorsque durant l'hiver 1938 ils pénétrèrent dans la tombe envahie par l'eau, sous laquelle s'abîmaient les peintures murales : "Nous n'avions pas prévu l'utilité de la citerne laissée pleine de terre. Vide, avec son pertuis bien dégagé, l'eau de ruissellement s'y fût engouffrée à mesure qu'elle arrivait au palier."247. Si A. Adriani avait connu l'existence de ce tombeau, le rapprochement se serait sans doute imposé avec l'hypogée 2 de Ras el-Tin à Alexandrie (IIe ou I er siècle av. J.-C.), où le même procédé a manifestement été adopté248 : ici, la citerne (PHA/CIT 4) était accessible pour le puisage depuis le couloir coudé de l'entrée, par le biais d'une fenêtre suffisamment large pour y glisser un récipient ; une seconde ouverture se présentait sous la forme d'un étroit entonnoir donnant directement dans l'escalier d'entrée et était manifestement prévue pour recueillir les eaux de ruissellement en direction de la cuve. À n'en pas douter, le dispositif consistait à la fois en un réservoir pour les rituels ou l'entretien, et un moyen d'éviter les inondations.

1. 3. 2. Le rôle des citernes À la manière des impluvia romains243, les tuyauteries en terre cuite ménagées dans le rocher et dévolues à l'acheminement de l'eau de la surface dans les cuves des réservoirs, pouvaient aussi jouer ce rôle secondaire de drainage ; les conduits verticaux, plurifonctionnels, assuraient à la fois l'accès, l'approvisionnement de certaines citernes et la régulation du ruissellement de la surface en période de pluie. À l'extérieur, des dispositifs de récupération des eaux de pluie et de ruissellement devaient s'associer à ces canalisations pour assurer un drainage efficace, comme pour la citerne du grand souterrain funéraire de Wardian (WAR/CIT 1), où l'eau était acheminée vers l'orifice d'écoulement grâce à des rigoles convergentes au niveau de la superstructure244. À propos des canalisations situées dans l'hypogée A de Kôm elChougafa, – quatre tuyaux en terre cuite disposés verticalement aux angles du vestibule et une rigole longeant l'une des parois – Th. Schreiber concluait, même sans formuler l'hypothèse de la présence d'un réservoir situé plus bas, qu'elles "réglaient l'écoulement des eaux du plateau supérieur"245. La présence d'un réservoir à l’intérieur ou à proximité immédiate d'un hypogée pouvait donc être

Figure 12. Hypogée de Tyr doté d'une citerne en bas de l'escalier (d'après DUNAND, REY-COQUAIS 1965, pl. 22). 243

246

244

247

ADAM 1984, p. 257-258 ; MALISSARD 1994, p. 137-140. Corpus, p. 167-168. 245 SCHREIBER 1908, p. 50. Voir dans notre corpus, KCH/CIT 1, p. 168.

DUNAND, REY-COQUAIS 1965, p. 6 ; cf. BARBET 1988, p. 22. Ibid., p. 6, n. 4. 248 Corpus, PHA/CIT 4, p. 160.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Sur le site d'Anfouchi, l'hypogée 1 attire également l'attention par l'emplacement de la citerne dont il disposait, sous la descenderie249. La Necropolis comporte aussi des exemplaires de ces dispositifs de récupération. À propos de la citerne de l'hypogée B10 (GAB/CIT 5), il faut supposer que le système d'ouverture, placé au ras du sol dans la cour, permettait de recueillir l'eau pluviale, tandis que la canalisation verticale conservée drainait l'eau de surface pour le remplissage de la cuve250. L'emplacement et la disposition identiques de la citerne découverte dans la tombe C4, sur le même site du chantier du pont de Gabbari, imposent les mêmes conclusions (GAB/CIT 11) 251. Le cas se dessine de façon particulièrement manifeste dans un tombeau à pseudo-péristyle fouillé en 1998 par le CEAlex dans la zone B du chantier du pont (B22, daté de l'époque hellénistique) : les surcreusements qui ont affecté l'une des deux salles d'inhumation originelles (B22.14) ont en effet rendu nécessaire l'usage de la citerne de la pièce comme puisard (GAB/CIT 7), pour la récupération des eaux pluviales dans la cour, désormais surélevée ; un caniveau creusé dans le sol a dès lors joué le rôle de drain en direction du réservoir, tandis qu'une conduite verticale de tubes en terre cuite emboîtés, dans l'angle nord-est de la cour, continuait sans doute à assurer le remplissage de la cuve depuis la surface252.

Les risques d'intempéries liés à la pluie en période hivernale ont donc contraint les aménageurs des tombeaux souterrains alexandrins à prévoir des dispositifs susceptibles d'assurer la sécurité des excavations. Les citernes, en recueillant les eaux de pluie depuis la surface par un conduit vertical, des rigoles convergentes ou une tuyauterie, jouaient ce rôle, de même que dans les espaces des tombeaux laissés à ciel ouvert, les puits dont l'embouchure était placée à même le sol, sans margelle ni couvercle conservés, pouvaient à l'occasion limiter les risques d'envahissement de l'eau dans la tombe. Par ailleurs, les Anciens avaient pleinement conscience des problèmes de pollution, comme le démontrent assez les considérations de certains auteurs grecs et latins sur les différences de qualité de l'eau, et plus encore les diverses réglementations visant à protéger l'eau publique ou collective des contaminations256. Il paraît donc exclu que les systèmes d'approvisionnement aient pu servir à drainer les eaux usées, risquant ainsi de polluer l'eau des citernes et des puits. Dans ces conditions, la compréhension du rôle du puits (GAB/PTS 2) dans le tombeau Thiersch 1 de Gabbari pose un problème257. La présence et la configuration du bassin placé à proximité immédiate (GAB/BAS 1) garantit de manière à peu près certaine qu'il servait à approvisionner la tombe en atteignant la nappe aquifère. L'inclinaison de la cour en direction du puits indique également qu'il était destiné à recueillir l'eau répandue sur le sol. Au centre de la pièce, où la pente prend naissance, les vestiges d'une structure ont été identifiés comme ceux d'un autel sacrificiel, aux parois enduites d'un mortier hydraulique rouge. Étant donnés les risques de pollution évoqués plus haut, la thèse d'une utilisation simultanée du puits et du puisard paraît donc ici peu soutenable. La configuration du dispositif tel qu'il a été mis au jour en 1899 indique d'ailleurs un remaniement au cours de l'utilisation du tombeau : le puits avait été obstrué au fond par un enduit blanc grossier (laissé lors de la fouille), de sorte que le conduit, dans son deuxième état, prenait l'aspect d'une fosse d'à peine 1,5 mètre de profondeur. Ainsi, les deux hypothèses formulées par H. Thiersch pour interpréter l'emploi du puits258, contradictoires au premier abord, paraissent réconciliables si on leur attribue une chronologie décalée : le conduit aurait dans un premier temps atteint les eaux souterraines en profondeur et aurait été utilisé de façon concomitante avec le bassin qu'il alimentait, sur lequel les traces d'usure de corde indiquent un usage récurrent. Par la suite, peut-être à l'occasion de l'aménagement de l'autel cultuel, le puits aurait été bouché pour servir de collecteur des eaux usées et des liquides répandus sur le sol à l'occasion des sacrifices. Le bassin, retrouvé intact, n'ayant pas été démonté à cette occasion, il continuait peut-être à stocker un eau amenée d'ailleurs.

On ignore tout des modalités de gestion de l'eau excédentaire dans les monuments de surface, pour la plupart détruits bien avant que l'archéologie ne se charge de les étudier. À propos de la superstructure observée audessus de l'hypogée S6 de Marina el-Alamein, W. A. Daszewski notait la présence d'une canalisation nichée dans la paroi, et recevant selon son interprétation les eaux pluviales provenant du toit (MAR/can α)253. Sa fonction n'est toutefois pas clairement élucidée, aucun dispositif de récupération ou de stockage n'ayant été signalé ici. Dans la même nécropole, la structure bâtie en surface de l'hypogée 21 disposait peut-être de ce type d'installation, assurant par là même l'alimentation de la citerne (MAR/CIT 1) ; mais seule la conduite horizontale intérieure a été conservée254. Il est probable que ce type d'aménagement existait ailleurs, ne serait-ce que par souci de protéger les murs du ruissellement, mais il n'en reste aucune trace. À Cyrène notamment, des gouttières en forme de rigoles peu profondes avaient été creusées sur les murs dans les avant-cours de plusieurs tombes, audessus des fenêtres et des portes, afin de drainer les eaux de pluie255. 249

Corpus, PHA/CIT 1, p. 158-159. Corpus, p. 162-163. 251 Corpus, p. 166. 252 Corpus, p. 164 ; je remercie M.-D. Nenna de m'avoir fourni ces informations lors d'une communication orale (9/11/2007). 253 Corpus, p. 181. 254 Corpus, p. 169-170. 255 Cyrène, tombe N.81 d'époque hellénistique : THORN 2005, p. 270 et fig. 194 p. 313 ; tombe N.241 d'époque romaine : ibid., p. 105 et fig. 58 p. 157 ; cf. ibid., p. 108-109. Voir VANDERSLEYEN 1975, p. 151-157 et 250

SPIESER 1997, p. 211 pour des systèmes hydrauliques (très hypothétiques) dans les tombes d'Égypte pharaoniques pour éviter les inondations. 256 Voir supra, p. 15. 257 Corpus, GAB/PTS 2, p. 149, avec GAB/BAS 1, p. 176-177. 258 THIERSCH 1900, p. 14.

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La gestion de l'eau CONCLUSIONS

ou citernes, GAB/CIT 3 et 6) ; à l'occasion d'un remaniement de la tombe B21 à l'époque hellénistique, l'aménagement d'une cour a également tiré avantage d'un puits (GAB/PTS 6) déjà en usage quand le secteur était exploité en carrière261.

Les fouilles menées à Alexandrie ont permis de mettre au jour le plus grand nombre d'aménagements hydrauliques en contexte spécifiquement funéraire, dans l'ensemble des nécropoles antiques connues et explorées ; ces installations peuvent du reste contribuer à la connaissance des modalités de gestion de l'eau dans la ville même. Il faut cependant conclure modestement, en insistant sur le fait que cette surreprésentation est circonstancielle et reflète d'abord la concentration des tombes découvertes sur les sites mis à la disposition des archéologues depuis le XIXe siècle. Du reste, les tombeaux alexandrins pourvus d'un système d'approvisionnement ou de stockage de l'eau font plutôt figure d'exception parmi l'ensemble des vestiges funéraires de la ville antique. Ainsi, si l'on tient compte des seules tombes dont la conception, prévue pour recevoir des visiteurs réguliers, rend envisageable l'utilité d'y aménager un puits ou un réservoir, celles qui en ont effectivement été dotées peuvent être estimées à moins d'un quart (voir tableau 3)259. Il convient dès lors d'admettre, en tout état de cause, que les tombes dépendaient essentiellement de l'extérieur pour leur approvisionnement en eau, toutes périodes confondues, même si les traces archéologiques font largement défaut en surface des nécropoles. Une évolution dans les modalités de gestion de l'eau dans les espaces funéraires est-elle néanmoins décelable ? Seuls six tombeaux dotés d'un accès à l'eau ont été mis au jour pour la période impériale, contre vingt à l'époque ptolémaïque (tableau 3). Les documents ne sont cependant pas assez abondants pour autoriser des conclusions définitives, et ce d'autant plus que les hypogées datés de l'époque impériale sont eux-mêmes nettement moins fréquents qu'à la période précédente (selon le décompte établi, de l'ordre de un sur deux), tandis qu'un nombre non négligeable d'entre eux ne sont pas précisément datés. Ainsi, contrairement à une idée reçue reprise encore récemment, la différence quantitative entre les deux périodes, du point de vue des aménagements hydrauliques, est bien peu probante260. Elle invite toutefois à poser la question d'une éventuelle rationalisation progressive des modalités de desserte de l'eau dans les nécropoles aux premiers siècles de notre ère, par le biais de dispositifs communautaires accessibles en surface, pour l'usage des tombeaux situés alentour, eux-mêmes de plus en plus collectifs. Le choix de l'emplacement des hypogées B17 (époque hellénistique) et B8 (époque romaine) dans le chantier du pont de Gabbari, a sans doute profité de la présence des structures hydrauliques de surface préexistantes (puits, GAB/PTS 5,

Il est difficile aujourd'hui de comprendre les motivations qui conduisaient à pourvoir en eau, grâce à des dispositifs creusés ou construits plus ou moins sophistiqués, certains tombeaux alexandrins et d'autres pas. Comment expliquer, par exemple que les vastes tombes familiales de Chatby, datées entre la fin du IVe siècle et la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., n'aient conservé aucun aménagement hydraulique ? Et comment ne pas s'étonner de la rareté des découvertes de ce type dans les tombes romaines de Marina el-Alamein (seulement un puits et une citerne parmi les quinze complexes mis au jour et publiés jusqu'à présent) 262 ? Au delà de ces questionnements, il paraît évident, au moins dans certains cas, que l'existence d'un puits ou d'un réservoir restreints à l'usage d'un unique hypogée était une forme plus ou moins démonstrative de luxe pour les visiteurs qui n'avaient pas à aller chercher l'eau auprès d'une installation hydraulique mise à la disposition de la collectivité. Ainsi, dans la nécropole de Moustapha Kamel, les tombeaux monumentaux 1 à 3 que les fouilles ont permis de restituer, bien qu'extrêmement proches les uns des autres, étaient chacun dotés d'un système d'adduction propre263. Le tombeau 1 se démarque tout particulièrement par la sophistication de l'installation hydraulique, avec un puits à la balustrade soignée et le système remarquablement élaboré de bassins communicants, desservant directement dans la cour une eau purifiée par la décantation, au pied de l'autel sacrificiel où se déroulaient les cérémonies en l'honneur du mort264. L'eau se faisait ici décoration, spectacle, agrément265, et participait pleinement à la qualité artistique de l'édifice aménagé et utilisé comme un véritable herôon, où les proches du mort se rencontraient sans avoir à faire l'effort de puiser l'eau qui semblait arriver toute seule. De même, les tombeaux 1 à 4 de la nécropole d'Anfouchi, dont certains présentaient un programme iconographique recherché, disposaient d'un puits ou d'une réserve d'eau privés pour leurs besoins spécifiques266. Dans l'hypogée 1, la présence de la citerne trouve sans doute moins son explication dans la réelle utilité des 14 m3 d'eau stockable, que dans une certaine forme de prestige que procurait la présence d'une telle installation.

261

Voir dans notre corpus, p. 151 et 163-164 pour la tombe B17, p. 161-162 pour la tombe B8, et p. 151-152 pour la tombe B21. 262 Corpus, MAR/PTS 2 et MAR/CIT 1, p. 153 et 169-170. 263 Un puits dans les tombeaux 1 et 2 (MKA/PTS 1 et 2, p. 145-146), une citerne dans le tombeau 3 (MKA/CIT 1, p. 157). 264 MKA/PTS 1 et MKA/BAS 1, p. 145 et 174. 265 Remarque déjà faite par M. S. Venit dans le cadre de son étude sur la théâtralisation de l'architecture funéraire à Alexandrie (VENIT 2002, p. 187). 266 Une citerne dans les tombeaux 1 et 4 (PHA/CIT 1 et 2, p. 158-159), un puits dans les hypogées 2 et 3 (PHA/PTS 2 et 3, p. 147-148).

259

Ou 32 sur 143. Le décompte des tombes concernées, réalisé à partir de la littérature archéologique, exclut celles accessibles par un puits, ainsi que les petits hypogées à descenderie sans espace de circulation ; les espaces souterrains les plus ruinés et les tombeaux n'ayant pu faire l'objet d'une fouille ou d'une exploration approfondie sont également écartés de ce dénombrement. Tableau 3, p. 183. 260 SCHREIBER 1914, p. 12 ; en 2002 encore, M. Venit estimait à tort que presque toutes les tombes alexandrines de la période hellénistique étaient pourvues d'une source d'eau : VENIT 2002, p. 15 et 187.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Wardian270. Cet usage conjoint du puits et de la citerne est peut-être l'indicateur d'un appauvrissement de la nappe phréatique que l'on aura cherché à pallier271.

En d'autres cas, la recherche du luxe et du beau s'efface au profit de l'utilitaire et du simple confort. Ainsi par exemple, parmi les 43 hypogées familiaux ou collectifs de Gabbari mis au jour dans les années 1990 dans le secteur B du chantier du pont, plus représentatifs des cimetières alexandrins antiques, 7 d'entre eux comportaient un puits ou une citerne dans une partie commune (tombes B1, B8, B10, B17, B21 B22 et B26). On retiendra encore le cas de la grande citerne découverte dans la superstructure du tombeau 21 à Marina elAlamein (MAR/CIT 1), dont les 50m3 d'eau stockable servaient manifestement aux besoins des banquets se déroulant dans la pièce voisine267. En revanche, il convient sans doute de rejeter l'idée selon laquelle le choix fait entre le puits et la citerne ait pu être motivé par une différence notable de coût ou de travail. Si le creusement d'un puits était a priori la manière la plus simple d'obtenir de l'eau, les frais occasionnés pour la construction des citernes des hypogées, de petite taille et de modeste facture au regard des citernes publiques de la ville antique, ne devaient pas dépasser ceux qu'engendrait le forage d'un puits. Par ailleurs, le soin déployé dans l'aménagement des tombes varie assez pour que la citerne ne soit pas considérée comme réservée aux plus riches d'entre elles268. Il faut supposer, plutôt, que l'on s'adaptait à la seule réalité du terrain. Une nappe phréatique ordinaire suit, avec une certaine atténuation, les irrégularités de la topographie : le substrat rocheux à traverser pour l'atteindre devient donc plus important à mesure que l'altitude augmente269. Cela explique peut-être pourquoi les puits recensés ont été creusés en bordure des côtes (nécropoles de Moustapha Kamel, d'Anfouchi, tombeaux du quartier de Gabbari ou de Marina el-Alamein), là où l'eau souterraine était la plus facilement accessible ; les rares informations disponibles concernant la profondeur des conduits indiquent que le forage pouvait être mené à moins de dix mètres sous la surface du tombeau pour atteindre le niveau du terrain aquifère (puits situés à Moustapha Kamel, tombeaux 1 et 2, d'époque hellénistique). A contrario, aucun puits funéraire n'est attesté dans la nécropole de Kôm el-Chougafa, installée sur un plateau surélevé et éloigné de la mer, ou dans le quartier de Hadra, pourtant riche en sépultures antiques. Quant aux eaux de pluie, on les collectait partout, y compris là où la nappe souterraine pouvait être théoriquement atteinte sans difficulté (les nécropoles de Moustapha Kamel, d'Anfouchi et de Gabbari employaient conjointement les deux types de ressource) et dans des quantités en principe proportionnelles aux besoins : les deux plus grandes citernes mises au jour en contexte funéraire (d'une capacité de 50 et 95 m3 environ) appartiennent aux tombeaux les plus monumentaux, gigantesques complexes funéraires de Kôm el-Chougafa et de

L'étude montre enfin la multiplicité fonctionnelle des dispositifs liés à l'eau. Les puits et les citernes, dont l'existence était conditionnée avant tout par la volonté d'assurer un approvisionnement en eau constant, rendaient possibles l'évacuation ou la régulation des eaux excédentaires de surface. Les bassins mettaient à la disposition des usagers une eau venue d'ailleurs, ou rendaient facilement accessible l'eau des puits, qui reposait en se décantant. Les canalisations enfin, conduites en terre cuite ou rigoles creusées, fonctionnaient en association avec les citernes pour leur alimentation, et drainaient le trop plein là où l'eau se déversait, en protégeant les hypogées des risques d'inondation. Toutes ces installations ont nécessité des travaux de construction ou de creusement, dont l'archéologie de terrain, à défaut de pouvoir toujours bien les identifier et d'en comprendre le fonctionnement précis, permet au moins l'observation in situ des vestiges immobiliers. Dans la nécropole de Plinthine, dont la fouille en cours est menée sous la direction de M.-Fr. Boussac (Lille III, HiSoMa – Maison de l'Orient), une découverte récente apporte un précieux complément à l'inventaire de ces dispositifs. Un hypogée d'époque hellénistique (n°77), dont l'étude est encore à ce jour inédite, était parfaitement intact au moment de la découverte et des fouilles opérées par P. Georges entre 2004 et 2006272 : aucun pillage n'était à signaler pour ce tombeau définitivement abandonné avant l'époque romaine, dont les vestiges mobiliers en place rendent ainsi compte des derniers usages de ses visiteurs. Le tombeau comprenait, en bas d'un escalier droit, une pièce unique à sept loculi. De part et d'autre de l'entrée, des amphores tronconiques dépourvues de leur col étaient disposées debout dans les angles de la salle souterraine. À la différence des autres artefacts retrouvés sur le niveau de sol (plat, fragments d'amphore, vases à parfum, lampes à huile), ces panses ne sauraient être physiquement associées à un loculus en particulier. Ainsi placées en position fonctionnelle pour quatre d'entre elles, elles devaient servir de récipients pour stocker de l'eau apportée à l'occasion de quelque cérémonie funéraire, dont témoigne la présence d'un brûle-parfum avec des résidus de charbon de bois à 270

Corpus, WAR/CIT 1 et KCH/CIT 2, p. 167-169. On ne sait cependant rien d'une éventuelle évolution du niveau de la nappe phréatique dans l'Antiquité à Alexandrie, comme cela est le cas pour Athènes au IVe siècle av. J.-C. (abaissement de la nappe trop sollicitée) ou de Thasos (phénomène inverse de rehaussement du fait des fortes précipitations)a: ARGOUD 1981, p. 75 et GRANDJEAN 1994, p. 291. 272 Je remercie P. Georges, anchéo-anthropologue de l'INRAP et membre de la Mission française des fouilles de Taposiris Magna (MFFTM), pour les informations qu'il a bien voulu me communiquer à ce sujet (décembre 2006), et que je retransmets ici. Une description succincte de la tombe se trouve dans la rubrique "Actualités" de la revue Archéologia de mars 2006 : voir BOUSSAC, G EORGES, ZOUAIR 2006, p. 8-9, où la datation proposée est le IIe siècle av. J.-C. d'après le mobilier. 271

267

Corpus, p. 169-170. À propos de cet usage de l'eau dans les tombeaux de Marina el-Alamein, voir infra, p. 78-80. 268 Voir tableau 4, p. 185. 269 POMEROL, LAGABRIELLE, RENARD 1965 (éd. de 2000), p. 455 et fig. 11. 29, p. 456.

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La gestion de l'eau l'intérieur, et des graines de pin maritime à proximité immédiate. Cet aménagement rappelle de près ceux qui ont été anciennement observés dans les nécropoles de Deir el-Medineh (au Nouvel Empire) et de l'Assasif (à l'époque ptolémaïque), où de façon très semblable des fonds d'amphores (ou leur empreinte dans le sol), ainsi que de grandes jarres entières ont été fréquemment découverts à l'entrée des tombes ou des structures bâties ("chapelles votives" ?) associées à l'espace funéraire273. La même interprétation fonctionnelle, des contenants pour le stockage de l'eau, s'est systématiquement imposée aux archéologues274. La modestie de l'aménagement funéraire de la tombe

77 de Plinthine, qui se marie à la simplicité des éléments de décoration et de l'ensemble du mobilier trouvé, contraste avec les procédés plus compliqués mis au jour à Alexandrie et dans ses environs, et laisse supposer que l'usage de tels éléments de remploi était courant pour disposer d'eau dans la tombe, et ainsi pallier l'absence d'aménagement hydraulique en dur. L'étude menée a du reste montré que les bassins et même les citernes placés dans les tombes ne disposaient pas toujours d'un système d'adduction propre ou immédiatement accessible : dès lors dépendants d'un approvisionnement extérieur et manuel, leur utilisation rejoint celle des amphores de Plinthine.

273

WINLOCK 1914, p. 14 ; DEIR EL-MEDINEH 1930, p. 19, 26 et 36, et surtout 1934, p. 75-79. 274 Cf. ALLAM 1994, p. 9.

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CHAPITRE 2. LES BESOINS EN EAU DANS LA NÉCROPOLE Si l'étude des technologies hydrauliques mises en œuvre dans les espaces funéraires d'Alexandrie peut s'opérer par la seule observation des structures, ou plus souvent par la description que nous en laissent les archéologues, l'analyse des différents usages de l'eau ne saurait être abordée sans le recours à d'autres sources. En effet, les découvertes de vestiges archéologiques de surface sont limitées et parfois difficiles à interpréter, tant du point de vue de la fonction que de la datation, tandis que dans les tombes mêmes, les bâtisseurs ayant pris soin d'installer presque systématiquement le dispositif d'accès à l'eau dans la cour, sans doute pour des raisons d'optimisation de la desserte, la question de son usage peut également s'avérer délicate. C'est donc la mise à contribution d'une documentation à la fois architecturale, textuelle et iconographique, issue d'Alexandrie ou récoltée dans les mondes gréco-romain et égyptien, selon les besoins et les questionnements, qui permet d'insister sur trois types de pratiques où l'eau avait un rôle à jouer : l'entretien de jardins funéraires dans les hypogées, et plus sûrement en surface des cimetières ; les procédés de traitement des corps, dont il conviendra de déterminer s'ils avaient lieu dans la nécropole et dans quelle mesure les systèmes d'adduction et d'évacuation de l'eau y trouvaient place ; la commémoration des morts enfin, dans des espaces ouverts aux visiteurs, et spécialement autour d'autels sacrificiels et de salles de repas.

testamentaires mentionnant des espaces cultivés sont connues, notamment à Halicarnasse, et plus tardivement à Thessalonique au IIe siècle ap. J.-C., à propos d'un herôon fondé par Tiberios Claudios Lycos, pour lui et sa famille 277. À partir du Ier siècle av. J.-C. et surtout durant les trois premiers siècles de notre ère, ces jardins deviennent plus fréquents dans les inscriptions en prose d'Asie Mineure ou d'Italie sous des vocables variés, κῆpoı, κηπόταφος, φυτεῖαι, hortus, hortulus…278, et la littérature latine nous en transmet aussi de nombreux témoignages279. Certains de ces documents évoquent explicitement les aménagements hydrauliques qui servent à l'entretien de ces jardins : il peut s'agir d'un puits, φρέαρ ou puteum, putiale280, ou d'un réservoir, cisterna, piscina, lacus, castellum281. Les vestiges archéologiques permettent rarement d'observer in situ de tels aménagements de jardins, comme cela est le cas à Scafati, près de Pompéi : ici, un tombeau antique a été mis au jour en 1964 dans un périmètre triangulaire délimité par un muret ; autour de la tombe, six cavités comprenaient des racines d'arbres de différentes tailles, deux à l'arrière de l'enclos et quatre devant la sépulture, au milieu desquelles furent retrouvés les restes d'un bûcher282. Près de Rome encore, une plaque de marbre trouvée dans la nécropole de la Voie Labicana et datée du IIe siècle ap. J.-C. fournit très d'une terre comprenant des jardins et des bâtiments ; les vestiges d'un herôon ont été découverts à proximité de la stèle : SHERWIN-WHITE 1977, p. 207-217 ; cf. HELLMANN 2006, p. 283 et p. 282, fig. 390. 277 Halicarnasse : LSAM 72, p. 167-170 ; cf. VATIN 1974, p. 355 ; Thessalonique : IG X, 2, 608 = SEG 31, 642 ; cf. KUBINSKA 1968, p. 146. 278 Des recensements ont été effectués par régions. En Asie Mineure, voir en particulier CALDER 1912, p. 254, KUBINSKA 1968, p. 142-147 et BIRGE 1982, p. 172-174 et documents associés en fin de volume. Pour le monde romain : TOYNBEE 1971, p. 300, n. 320-322, JASHEMSKI 1979, p. 143-144 et p. 350, n. 15-22, SAMTER 1991, col. 1966-1967, GREGORI 1987-1988 (Rome). À Rome encore, la tombe de Patron, datée du Ier siècle av. J.-C., conservait une épigramme grecque évoquant le jardin attenant, où "toute sorte d'arbres charmants poussent […], leurs branches ornées tout autour de fruits magnifiques…" (BLANC, MARTINEZ 1998, p. 94). 279 CICÉRON, Lettres à Atticus, XII, 18 ; TACITE, Annales, I, 62 ; PÉTRONE, Le Satiricon, 71, 7 ; MARTIAL, Épigrammes, I, 114 et 116 ; SUÉTONE, Caligula, 59, 2-3 ; VIRGILE, Enéide V, 759-761i; QUINTILIEN, Institution oratoire, VII, 9, 5 … 280 Φρέαρ : IG VII, 3453 (Chéronée) ; puteum : CIL VI, 15593 et 29959 (Rome) ; putiale : CIL VI, 10237 (Rome). Voir encore l'inscription funéraire de Mérida, mentionnant un jardin, ortus (sic), avec un puits : SAQUETE 2002, p. 211. 281 Cisterna : CIL VI, 26942 (Rome), XI, 3895 (Capène) ; piscina : CIL XI, 3895 (Capène) ; CIL XIV, 396 (Ostie) ; CIL III, 2279 (Salone, Dalmatie) ; lacus : CIL XIII, 5708 (Langres, Gaule) ; castellum : CIL VI, 29961 (Rome). 282 JASHEMSKI 1979, p. 148. L'auteur imagine que l'aire ombragée par les arbres, peut-être des cyprès, était plantée de fleurs, et cette attestation archéologique l'incite à conclure que l'ensemble des tombeaux pompéiens entourés d'un muret étaient des espaces de culture (ibid., p. 149). À Pompéi même, un vaste enclos découvert en 1906 contenait les traces d'un jardin (terre et racines), avec un bassin alimenté par une citerne, ainsi qu'un triclinium (SPANO 1910, p. 263-265) ; malgré l'absence de sépulture observée, on peut supposer, à l'instar de P. Grimal, que l'enclos avait une destination funéraire : GRIMAL 1943 (édition de 1984), p. 338, n. 2.

2. 1. L'IRRIGATION DES JARDINS FUNÉRAIRES Dans l'ensemble du monde gréco-romain, les documents écrits attestent l'existence de jardins attenants aux tombeaux. Déjà à l'époque classique, Platon imaginait dans sa cité idéale des espaces funéraires exceptionnels destinés à des personnages renommés pour leur vertu : au-dessus de la sépulture souterraine, un tumulus serait érigé et entouré d'un bosquet sacré (alsos), à la manière des sanctuaires et peut-être sur le modèle des tombeaux macédoniens275. Des jardins funéraires sont connus à l'époque hellénistique en Grèce propre et en Asie Mineure au sujet d'institutions de cultes familiaux : la première attestation connue figure dans une inscription de l'île de Cos datée de la fin du IVe siècle av. J.-C., où la fondation funéraire d'un certain Diomédon, pour lui et sa famille, est placée sous la protection d'Héraclès Diomedonteios ; un jardin funéraire est attenant à l'enclos consacré à la divinité276. D'autres fondations 275

PLATON, Lois, XII, 947. Pour les parcs, les jardins et les bois sacrés dans les sanctuaires du monde gréco-romain, voir en particulier BIRGE 1982 et plus récemment CARROLL 2003, p. 68-71 ; pour la Grèce, HELLMANN 2006, p. 156-160. Les tombes de héros mythiques peuvent également être entourées de bois ou de jardins sacrés, par exemple dans PAUSANIAS, II, 28, 6-7 (pour Alkméon à Psophis) ; III, 15, 1 (pour Cynisca à Sparte) ; VIII, 24, 7 (pour Hyrnétho à Épidaure), etc. 276 DARESTE ET AL. 1891-1904, t. 2 (1898), p. 94-103 ; LSCG 177, p. 307-313 ; cf. SHERWIN-WHITE 1978, p. 364-367. À comparer avec la fondation du héros Charmylos à Cos qui, d'après une inscription du IIIe siècle av. J.-C., a été honoré avec les Douze Dieux par la consécration

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine probablement le plan d'un jardin funéraire et donne un aperçu concret de la manière dont les plantations et les rangées d'arbres pouvaient être aménagées de façon cohérente autour du tombeau (figure 13)283. Sur la côte ouest de l'Épire (site d'Agia Pelagia), la découverte en 1980 des ruines d'une citerne à proximité d'une portion de mur et d'un tombeau (daté du IIe siècle de notre ère par le mobilier céramique et les éléments d'architecture) a permis de supposer que le réservoir fonctionnait pour les besoins d'un jardin intégré dans un domaine funéraire284.

certaine mesure jusqu'à la Basse Époque, sous la forme plus modeste de petits bacs à plantes disposés dans la cour des tombes285, à notre connaissance ils n'ont pas d'équivalent à l'époque gréco-romaine286, à l'exception peut-être d'Alexandrie. Ici, ils sont à la fois rares et hypothétiques, et exclusivement restreints aux espaces intérieurs des hypogées. En surface, les aménagements hydrauliques constituent les seuls indices, souvent sujets à caution, d'éventuels espaces de culture. Comme dans le reste du monde gréco-romain, les sources écrites d'ordre littéraire, épigraphique et papyrologique, viennent heureusement compléter ce tableau avec plus de fiabilité et nous informent sur le type de jardin préposé au contexte funéraire, ainsi que sur ses besoins en eau. 2. 1. 1. De rares vestiges matériels Dans les années 1930, le directeur du Musée grécoromain et archéologue A. Adriani a imaginé, plutôt que déduit d'éléments toujours fiables, que plusieurs hypogées de la nécropole hellénistique de Moustapha Kamel étaient pourvus de jardins dans la cour centrale, seul espace véritablement apte à accueillir des cultures en raison de son ouverture sur le ciel et de son exposition à la lumière du soleil. La configuration envisagée n'est du reste pas sans rappeler l'aménagement intérieur des palais orientaux hellénistiques, dont l'importance des parterres cultivés et ornés de bassins ou de fontaines dans la cour à péristyle a été récemment soulignée287. C'est dans l'hypogée 3, daté de la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., que les arguments avancés paraissent les plus convaincants. En effet, le long des parois et au milieu de la cour, Adriani a observé des plaques de calcaire disposées verticalement et mises bout à bout, créant ainsi des périmètres délimités (planche 3, figure 1). L'auteur propose d'y voir "un dispositif pour l'aménagement de la cour en jardin", avec des bandes de terre situées au centre et un espace longeant les parois laissé libre pour le passage288. Même à accepter l'hypothèse d'Adriani, tout au plus peut-on conclure à la présence de bacs à fleurs ou de petits parterres de plantes basses, sur quelques mètres de longueur. Ajoutons que la citerne logée dans l'angle de la cour, sous l'escalier d'accès à la chambre funéraire en surplomb 285

Voir en particulier HUGONOT 1989a, p. 180-189 et WILKINSON 1998, p. 110-117. Nous reviendrons sur le cas proprement égyptien en conclusion de notre étude consacrée aux jardins funéraires, infra, p. 5354. 286 Les fouilles récentes menées dans l'oasis de Bahariya sous la direction de Fr. Colin ont permis de mettre au jour un jardin au-dessus de tombes d'époque gréco-romaine (site de Qaret el-Toub, saison 2005) ; toutefois, les rigoles d'irrigation qui surmontent le comblement de certaines tombes semblent indiquer que l'exploitation est ultérieure à l'abandon de ce secteur de la nécropole. En outre, une monnaie (unique) datée de 282 ap. J.-C. et associée à un trou de poteau, fournit sans doute un terminus post quem du fonctionnement du jardin à la fin du IIIe siècle, alors qu'aucune des tombes fouillées n'est pour l'instant ultérieure au Haut Empire romain (Ie-IIe siècle ap. J.-C.). Communication personnelle, avril 2006. 287 NIELSEN 2001, particulièrement p. 167 et 177-181. 288 ADRIANI 1933-1935, p. 53-54. Récemment, M. Venit semblait convaincue par les arguments avancés (VENIT 2002, p. 62).

Figure 13. Jardins funéraires d'Italie. a : Plan de Scafati (d'après JASHEMSKI 1979, p. 148, fig. 231). b : plaque de marbre de Rome (d'après HUELSEN 1890, p. 56, fig. 5).

En Égypte, si de tels vestiges de jardins sont connus à l'époque de la civilisation pharaonique et dans une 283

CIL VI, 29847 ; le document est souvent évoqué dans le cadre des études des jardins antiques : cf. TOYNBEE 1971, p. 99-100, JASHEMSKI 1979, p. 144, GREGORI 1987-1988, p. 184, FARRAR 1998, p. 179, etc. D'autres plaques romaines proposent des plans d'espaces funéraires, mais la présence de jardins funéraires, souvent admise, y est moins claire ; cf. HUELSEN 1890, p. 46-63. 284 KATSADIMA, ANGELI 2001, p. 94-100 et p. 95-96, fig. 5 et 7 ; un pressoir à olives trouvé dans les environs va également dans le sens de cette hypothèse.

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Les besoins en eau dans la nécropole (MKA/CIT 1), avait une capacité de stockage approximative de 1,4 m3 ; son mode d'alimentation reste inconnu, mais l'eau qu'elle conservait aurait certainement suffi à l'entretien d'un tel jardinet289. Dans l'hypogée 1 de la même nécropole, contemporain du tombeau 3, d'autres éléments sont avancés par A. Adriani pour faire valoir l'idée d'un jardin dans la cour. Ici, l'archéologue a constaté que le pavement posé sur le sol rocheux, constitué de blocs de calcaire, était légèrement plus bas que celui des autres pièces adjacentes (certaines des chambrettes présentent également un sol en pente en direction de la cour)290. Par ailleurs, une couche de terre brune a été observée en certains endroits, en particulier près des parois ; en précisant que le remblai observé au-dessus n'était a priori pas constitué de matériel rapporté, mais de débris de parties supérieures écroulées et de sable, l'auteur suppose dès lors que la terre retrouvée appartenait à l'aménagement du sol de la cour, ce qui constituerait un argument "en faveur de l'hypothèse de la cour-jardin", sur le modèle du tombeau 3 291. Si la démonstration paraît insuffisante au premier abord, de nouveau le dispositif hydraulique retrouvé à proximité tend peut-être à valider la thèse d'Adriani : un grand bassin (MKA/BAS 1), alimenté par un système élaboré de cuvettes surélevées, et en amont par un puits et une tuyauterie, était situé à même le sol, dans la cour292. Un listel cimenté en ceinturait la bouche afin d'éviter les débordements, toutefois deux orifices de trop-plein près du bord supérieur permettaient de faire passer le surplus d'eau dans la cour, en direction de l'est et de l'ouest. On sera tenté, étant donnée la présence d'un autel à proximité, d'associer en premier lieu ce bassin aux gestes rituels et sacrificiels effectués dans la cour, mais l'on ne peut exclure en parallèle l'hypothèse d'un parterre végétal entretenu grâce à l'installation hydraulique évoquée. Dans l'hypogée 4 enfin, du IIIe ou du IIe siècle av. J.-C., seule la présence d'un dispositif hydraulique d'un type particulier permet d'envisager une organisation analogue dans la cour. La rigole coudée (MKA/CAN 1) dont on peut encore observer les vestiges aujourd'hui en bas de l'escalier d'accès, drainait l'eau de la surface dans le tombeau 293. Un bassin situé dans le prolongement de cette canalisation, de l'autre côté de la cour, n'avait sans doute pas de liaison directe avec elle ; un trou ménagé dans le fond de la cuvette permettait aussi à son contenu de se déverser alentour294. On peut dès lors admettre que le dispositif servait à entretenir un sol végétal dans la cour, mais le mauvais état de conservation de l'ensemble du tombeau au moment de sa mise au jour ne permet pas d'avancer d'arguments fiables et laisse nombre de

questions en suspens ; la pièce était-elle réellement laissée à ciel ouvert sur le modèle des tombes 1 à 3 de la nécropole ? La canalisation se prolongeait-elle au-delà de la cour, vers une autre structure détruite antérieurement aux observations des archéologues ? S'agissait-il seulement de contrôler le débit des eaux de ruissellement, afin d'éviter d'éventuelles inondations en certaines périodes de l'année295 ? A. Adriani lui-même n'avance pas d'hypothèse en faveur d'un jardin pour ce tombeau-ci. La présence de végétation directement dans les tombeaux alexandrins a été envisagée hors de la nécropole de Moustapha Kamel, comme à Chatby 296 et dans la Necropolis, mais les éléments manquent davantage encore pour appuyer ces hypothèses, en particulier quand le seul argument avancé consiste en l'observation d'un niveau de la cour plus bas par rapport aux pièces adjacentes297. Dans une tombe antique de l'actuel quartier de Souk el-Wardian, deux bandes de terre le long des parois latérales d'une chambre à loculi, délimitées par de hautes plaques de calcaire, ont également été interprétées comme un dispositif éventuel de jardin 298. Enfin, à une centaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie, dans l'hypogée 18 de la nécropole de Marina el-Alamein (Ier siècle ap. J.-C.), deux récipients en pierre observés dans la chambre funéraire évoquent à W. A. Daszewski les bassins représentés sur des mosaïques d'époque romaine et qui servaient de pots de fleur 299. Outre ces jardinets intérieurs aux tombes, on peut supposer l'existence de plantations de plus grande ampleur en surface des nécropoles. Du point de vue archéologique toutefois, la découverte de vestiges significatifs (racines, terre, etc.) est peu envisageable dans le contexte archéologique alexandrin actuel300. De fait, seuls les aménagements hydrauliques (puits ou citernes) mis au jour au-dessus des hypogées peuvent apporter des éléments en faveur de l'organisation des zones funéraires en jardins, mais en bien des cas, 295

Cf. supra, p. 26. L'hypothèse est proposée au sujet de la cour (f) de l'hypogée A de cette nécropole, daté du IIIe siècle av. J.-C. ; BRECCIA 1912, p. XL ; cf. ADRIANI 1966, n°79, p. 125. 297 C'est le cas d'une tombe à chambre de quartier de Mafrousa (IIe siècle av. J.-C.), dont le sol de la cour est situé 1,5 m plus bas que le vestibule. Selon A. Adriani, l'absence d'escalier montrerait que le dénivelé était compensé par le dépôt d'une épaisse couche de terre, peutêtre pour la création d'un jardin (ADRIANI 1966, n°93, p. 146-148). Même remarque à propos d'une tombe de Gabbari, appelée Thiersch 2 du nom de son inventeur en 1899, et datée du début de l'époque romaine : dans la cour, le pavement était situé vingt centimètres plus bas que la pièce attenante ; la même conclusion est avancée (ibid., n°98, p. 149-151). 298 RIAD 1967, p. 90 (hypogée I, IIe siècle av. J.-C.) ; plan 1 et pl. II, fig. A. 299 DASZEWSKI 1993b, p. 412 et surtout DASZEWSKI 1999, p. 48-49, où l'auteur fournit les dimensions de l'un de ces récipients, situé dans l'angle sud de la chambre funéraire : 0,46 m de long, 0,26 m de large et 0,12 m de haut ; un second bassin, moins profond, est situé près de l'entrée de la même chambre. L'archéologue aurait observé des vestiges similaires dans d'autres hypogées de Marina el-Alamein. 300 On notera cependant, sur le site du garage Lux (CEAlex, 2001) la découverte de cavités dans lesquelles étaient installés des poteaux et peut-être des plantations, sous un cimetière chrétien de l'Antiquité tardive : MATHIEU 2002, p. 502. 296

289

Corpus, p. 157. Pièces 5, 6 et 7 : A DRIANI 1933-1935, p. 35. 291 ADRIANI 1933-1935, p. 19 et p. 78, n. 1. De nouveau, M. Venit semble adhérer à ces conclusions (VENIT 2002, p. 53). 292 Corpus, p. 174. Pour le puits situé au fond de la pièce 2, voir MKA/PTS 1, p. 145. 293 Corpus, p. 180. 294 Selon les conclusions mêmes d'Adriani : voir dans notre corpus, MKA/BAS 2, p. 175. 290

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine l'utilisation de ces aménagements à l'époque de l'occupation des nécropoles est sujette à caution, l'urbanisation moderne ayant depuis longtemps recouvert et fortement perturbé la stratigraphie antique301. Il suffit d'évoquer pour exemple la citerne située au-dessus de l'hypogée B26 à Gabbari (GAB/cit β) ; considérée d'abord comme appartenant à une période d'utilisation du tombeau, au IIe siècle ap. J.-C., l'hypothèse de la présence de jardins à proximité est avancée302 ; la datation ayant été finalement abaissée au IVe ou au Ve siècle ap. J.-C. d'après l'étude du mobilier, la citerne aurait plutôt été aménagée après l'abandon et par récupération de l'hypogée, et est même probablement sans rapport avec un quelconque usage funéraire303. En de rares exceptions toutefois, l'établissement du caractère proprement funéraire des dispositifs hydrauliques de surface apparaît plus fiable. Sur le site de la nécropole de Moustapha Kamel, un puits, un bassin et une citerne ont été mis au jour, indépendants des hypogées mais intégrés dans les espaces laissés libres sans perturber les constructions souterraines ; dans ces conditions, il apparaît que ces tombes étaient connues des ouvriers, et ce, peut-on le supposer, parce qu'elles continuaient à être utilisées304. Dans le quartier actuel de Souk el-Wardian, anciennement intégré à la Necropolis occidentale, le plus grand hypogée découvert, daté du Ier ou du IIe siècle ap. J.-C., a été doté d'un grand réservoir (WAR/CIT 1) qui n'était pas accessible depuis le souterrain même, mais seulement en surface par un large conduit vertical menant à la cuve. L'identification du dispositif peut difficilement être remise en question, en raison de sa morphologie et de l'épaisse couche de mortier hydraulique recouvrant ses parois ; la citerne permettait de stocker jusqu'à 50 m3 d'eau grâce à un système d'alimentation organisé en rigoles, capacité nettement supérieure à la majorité des autres réservoirs mis au jour dans le contexte funéraire alexandrin305. L'idée d'une organisation de la superstructure en vaste jardin est donc envisageable, mais les vestiges très peu conservés en surface et observés seulement en partie par A. Adriani dans les années 1950, bien après la mise au jour du complexe, ne permettent pas de l'affirmer. Dans la Necropolis encore, la citerne antérieure au creusement de la tombe B17 (GAB/CIT 6), au IVe ou IIIe siècle av. J.-C., a vraisemblablement continué à être utilisée en surface, compte tenu des vestiges construits de son puits d'accès observés lors de la fouille306. Sur le même site de Gabbari, il n'est pas exclu que la citerne aérienne GAB/CIT 10 ait fonctionné pour les besoins de la

nécropole307. L'eau que ces citernes conservaient était peut-être utilisée pour l'entretien de jardins, mais aussi pour d'autres activités telles que le traitement des corps, les repas à la tombe, ou encore l'entretien des tombeaux alentour, accessibles aux visiteurs.

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À la lumière des seules découvertes archéologiques, les arguments suggérant une organisation des espaces funéraires alexandrins en jardins, dans les cours des tombes comme en surface, paraissent donc bien pauvres. Sur le plan iconographique, on pourrait encore évoquer les représentations peintes de paysages arborés, en particulier dans la tombe 5 d'Anfouchi (IIe siècle av. J.-C.) et dans la tombe 3 de Wardian (probablement du Ier ou du IIe siècle ap. J.-C.)308 ; ces décors, sur lesquels nous reviendrons, avaient probablement une portée symbolique309, mais ils ne sauraient en aucun cas être interprétés comme les témoins fiables ou comme une pure et simple transposition figurée d'un aménagement de jardin réellement mis en œuvre dans la nécropole. Les données textuelles apportent en revanche de précieux renseignements sur les jardins funéraires que l'on rencontrait à Alexandrie. 2. 1. 2. Les sources écrites, témoins de la vogue des jardins funéraires à l'époque romaine Un bref passage de Strabon, qui séjourne dans la ville d'Alexandrie vers 25 av. J.-C., au tout début du Principat, évoque au-delà de la zone urbaine "un grand nombre de jardins, de tombeaux et de lieux propices à l'embaumement des morts", dans le faubourg de Necropolis, la "ville des morts" qui s'étendait sur plusieurs kilomètres à l'ouest d'Alexandrie : εἶθ᾽ ἡ Νεκρόπολις τὸ προάστειον ἐν ᾧ κηποί τε πολλοὶ καὶ ταφαὶ καὶ καταγωγαὶ πρὸς τὰς ταριχείας τῶν νεκρῶν ἐπιτήδαιαι 310. De ce vaste cimetière, dont les fouilles d'urgence menées par le Centre d'Études Alexandrines dans le quartier actuel de Gabbari ont récemment pu reconstituer en souterrain "le tissu aux trames très serrées" et la longue utilisation, depuis le milieu du IIIe siècle av. J.-C. jusqu'au VIIe siècle ap. J.-C.311, la plupart des aménagements de surface ont été perdus à la suite de l'urbanisation. Le témoignage de Strabon, quoique laconique, reste donc précieux. Même s'il ne signifie pas littéralement que les jardins en question soient de caractère funéraire, il paraît vraisemblable, selon l'opinion couramment admise312, qu'ils s'inséraient dans la zone des

Corpus, p. 154-156 (puits) et 171-173 (citernes). MATHIEU 2000, p. 492 ; pour l'aménagement hydraulique en question, voir notre corpus, p. 164. Voir aussi, à propos de la Necropolis, EMPEREUR, N ENNA 2001, p. 526, pour qui "on a probablement la trace [de jardins] avec les citernes construites au-dessus des hypogées" ; cf. EMPEREUR 1999c, p. 37. 303 CHOËL, J ACQUEMIN 2003, p. 320. 304 Corpus, MKA/PTS 3, p. 146 ; MKA/CIT 2, p. 157 ; MKA/BAS 3, p. 175. 305 Corpus, p. 167-168. Au sujet des capacités de stockage des citernes funéraires alexandrines, supra, p. 20, et fig. 6, p. 21. 306 Corpus, p. 163.

Corpus, p. 165-166. Infra, p. 51 et fig. 16 (tombe 3 de Wardian) ; p. 104 et fig. 48 (tombe 5 d'Anfouchi). 309 M. Venit considère ainsi que dans la tombe 5 d'Anfouchi, l'image du verger, avec ses dattiers chargés de fruits, a un rapport avec le devenir dans l'Au-delà et la vie éternelle : VENIT 1988, p. 88a; cf. GUIMIERSORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 398-399. 310 STRABON, XVII, 1, 10. 311 EMPEREUR, N ENNA 2002, p. 47. 312 SCHREIBER 1908, p. 217 ; DE VISSCHER 1959, p. 180 ; FRASER 1972, p. 26-27 ; et encore, plus récemment : YOYOTTE, CHARVET 1997, p. 90 et EMPEREUR, N ENNA 2001, p. 230 et 526.

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Les besoins en eau dans la nécropole sépultures, dont on a pu constater que les vestiges d'époque hellénistique, observables par Strabon lors de son séjour, occupaient déjà les proches environs du canal antique qui limitait le faubourg à l'est (et qui correspond à peu près au tracé nord-sud de l'actuel canal Mahmoudieh tel que Mohamed Ali le fit rebâtir au début du XIXe siècle) 313. Cela laisse par conséquent peu de place pour une organisation de jardins privés ou de parcs situés à l'écart et indépendants de la nécropole314.

fondation d'un kêpotaphe familial, sorte de testament d’une certaine Pompêia Mousa (l. 1-6), puis une décision de justice concernant la revendication d'un héritier sur la propriété funéraire (l. 7-23) : l'inscription relate comment le jardin a été illégalement vendu, avant de revenir à qui de droit. Le document daterait du IIe ou IIIe siècle ap. J.-C., selon la paléographie317, mais il est probablement la copie d'archive d'un texte antérieur, car la date de préfecture du personnage cité, Marcus Mettius Rufus (l. 7-8), est connue, 89-91 ap. J.-C. Par ailleurs, l'acte même de fondation rappelé au début du texte est antérieur, peut-être de quelques générations avant la plainte : il pourrait alors remonter aux premières décennies de notre ère318. Un troisième document, d'ordre administratif et fiscal, doit être considéré à part : il concerne Alexandrie au premier chef, mais s'applique en fait à l'ensemble de l'Égypte romaine ; surtout, le terme κηποτάφιον n'est pas assuré par la restitution, même s'il traite de toute évidence des domaines funéraires comprenant des jardins. Il s'agit d'un papyrus grec, dit Gnomon de l'Idiologue, provenant de Théadelphie, qui dans son ensemble énonce le code fiscal s'appliquant en Égypte sous domination romaine, sorte de manuel à l'usage du magistrat romain directeur de l'idios logos, branche particulière de l'administration fiscale d'Égypte et émanation du pouvoir impérial. Dans sa rédaction actuelle, il est daté du règne d'Antonin le Pieux ou de Marc-Aurèle319, mais c'est sous Trajan, au début du IIe siècle, que la décision du paragraphe 1, qui nous intéresse ici, a été édictée, comme le précise texte (l. 2). Le passage rappelle d'abord la pratique traditionnelle du fisc en ce qui concerne les propriétés funéraires, avant d'énoncer la nouvelle règle établie par l'empereur.

Par ailleurs, une série de trois documents, de nature papyrologique et épigraphique, traduit clairement l'importance de la tradition des jardins funéraires à Alexandrie, et livre un aperçu intéressant sur les régimes de propriété de ces domaines entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C. Le terme grec utilisé, κηπόταφος ou κηποτάφιον, désigne littéralement l'union d'un tombeau, τάφος (ou τάφιον), et d'un jardin, κῆπος, ce qui ne laisse plus de doute quant à la destination funéraire de ces propriétés. Le premier document, de loin le plus instructif, est un papyrus grec provenant d'Abousir el-Melek, à l'entrée du Fayoum. Il s'agit d'un contrat de location, pour cinq années renouvelables, de trois kêpotaphes situés à Canope, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alexandrie et partie intégrante de son territoire315. Les conditions du bail sont extrêmement détaillées (loyer mensuel et annuel, en nature et en argent, équipement mis à disposition, interdictions, garanties réciproques, etc.), et fournissent de précieuses informations sur la gestion de ce type de patrimoine. La date du document est connue : "le 28 du mois d'Hathyr, an 26 de Caesar" (l. 53), c'est-à-dire le 24 novembre de l'an 5 av. J.-C. (règne d'Auguste) 316. Le texte précise (l. 6) que le contrat de location est entré en application trois jours plus tard, au début du mois suivant (mois de Choiak, du 27 novembre au 26 décembre de notre calendrier actuel). La fondation des kêpotaphes, déjà plantés et cultivés, est antérieure au contrat. Le deuxième document, une inscription sur pierre provenant d'Alexandrie, complète le premier en évoquant précisément le statut d'un kêpotaphe tel qu'il a été défini lors de sa fondation, et dans le cas présent, dont la transgression des clauses fait l'objet d'une dénonciation. Le texte juridique se compose de deux parties. Il comprend d'abord le récapitulatif de l'acte de

Aucun autre texte préservé, à notre connaissance, ne fait mention d'un jardin funéraire à Alexandrie320, comme dans le reste de l'Égypte romaine321.

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Voir FRASER, NICHOLAS 1958, p. 118 et 124 ; F. De Visscher estime plus vraisemblable le IIIe siècle, d'après le contenu juridique du texte (DE VISSCHER 1959, p. 183) ; cf. KAYSER 1994, p. 99. 318 FRASER, NICHOLAS 1958, p. 124 ; KAYSER 1994, p. 99. 319 DE VISSCHER 1963, p. 226. 320 P. Ballet mentionne un papyrus, extrait du nomos politikos hellénistique des Alexandrins, qui énumèrerait un certain nombre de règles relatives au creusement des tombes et à la concession de parcelles de jardins (P.Hal. I ; BALLET 1999, p. 224 et p. 273, n. 49). Cependant, le passage concerné traite en réalité du creusement de fossés pour des plantations agricoles, sans contexte funéraire particulier (voir VELISSAROPOULOS 1972, p. 49-50). 321 Selon L. Farrar, A. C. Johnson aurait recensé plusieurs jardins funéraires dans les documents papyrologiques de l'Égypte impériale, in : JOHNSON 1936 (FARRAR 1998, p. 178) ; mais le seul cité est en fait celui que nous reprenons (document 1).

Dans le quartier actuel de Minet el-Bassal par exemple, à l'extrémité nord-est de l'ancienne Necropolis, une nécropole mise au jour par A. Adriani au début des années 1950 a révélé la présence d'un grand complexe funéraire (nommé A), qui daterait de la fin du IIIe siècle ou du début du IIe siècle av. J.-C. : A DRIANI 1966, n°110, p. 158. 314 Voir pourtant CARROLL-SPILLECKE 1989a, p. 58 et 1989b, p. 169170, pour qui les jardins évoqués par Strabon seraient des parcs similaires à ceux du quartier des palais, du point de vue de leur aspect et de leur fonction (STRABON, XVII, 1, 9). 315 Comme l'exprime J. Gascou, Canope était considérée comme un proasteion de la mégapole (un "faubourg", dont l'acception antique doit être comprise dans un sens plus large qu'aujourd'hui) : G ASCOU 2003, p. 653. Le terme s'applique chez Strabon (XVII, 1, 10) à la Necropolis jouxtant immédiatement à l'ouest le noyau urbain de l’Alexandrie du Ier siècle av. J.-C. 316 SKEAT 1993, table B, p. 21.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Document 1. Papyrus grec provenant d'Abousir el-Melek et conservé au Musée de Berlin (n° d'inventaire non renseigné) ; 5 av. J.-C. Texte original d'après l'édition de W. Schubart établie en 1912, dans le BGU IV, n°1120, p. 206-210 ; le document, riche en informations malgré les lacunes, est repris ici dans son intégralité. La traduction proposée est personnelle322. 1 Πρωτάρχωι τῶι ἐπὶ τοῦ κριτηρίου 2 παρὰ Διοδώρου τοῦ Ἀκέστορος θηλ̣είου καὶ παρὰ ῾Ε[ρ]μ̣ίου τοῦ Ἀπολλωνίου καὶ τοῦ τούτου [υἱοῦ῾Ε̣ρμιου] 3 κ[αὶ τῆς τοῦ] πρεσβυτέρου Ἑρμίου γυναικὸς τοῦ δὲ νεωτέρου Ἑρμίου μητρὸς Ἰςιδώρας τῆς ᾽Ε̣κ̣ [...] 4 ..σα ...[..]ρ̣[.]τ̣ων..ς [.]ε̣π̣ι̣ν̣ης μετὰ κυρίου τῆς Ἰσιδώρας τοῦ ἀνδρός · Περὶ τῶν δ̣ι̣[εστ]α[μένων]· 5 [συ]νχοροῦμεν ἐπὶ τοῖσδε ὥστε ἐπ̣ε̣[ὶ με]μίσθωνται ὅ τε Ἑρμίας καὶ Ἑρμίας καὶ Ἰσιδώρα παρὰ τοῦ 6 Διοδώρου εἰς χρόνον [ἔτ]η̣ πέντε ἀπὸ Χοιὰκ τοῦ ἐνεστῶτος κς᾽ Καίσαρος τὰ ὑπάρχοντα τῷ Διοδώρ[ωι] 7 ἐπὶ τῆς κα[τ]ὰ Κανωβ̣[ὸ]ν̣ ταινίας ἐν τῷ προσαγορευομένῳ Φοινικῶνι κηποταφία τρία, ἅ ἐστιν̣ [κατὰ περί-] 8 βολ̣ο̣ν̣ περιτετειχισμένα, ἐ̣φ᾽ ὧι τελέσουσιν τῷ Διοδώρωι φόρον κατὰ μῆνα ἕκαστον ἀνυπόλογον π̣[αν-] 9 τὸς ὑπολόγου καὶ ἀνηλώματος ἀργυρίου δραχμὰς εἴκοσι τοῦ διαποπευομένου μηνὸς τῇ ε᾽ τοῦ [ἐχομέ-] 10 νου καὶ ἐξαίρετα δ̣ὲ̣ τ̣ε̣λ̣έσειν κατ᾽ ἐνιαυτὸν ἕκαστον τῶν ὄντων ἐν τοῖς κ̣η̣ποταφίοις [τ]ὰ 11 κράτιστα καὶ βέλτιστα καὶ οὔσης̣ τῆς ἑκάστου γένους ὥ̣ρ̣α̣ς, ὅ̣τ̣α̣ν̣ ἀπα̣ι̣τῶ̣[νται] κράμβης καυλοὺς 12 [....]....ς σεύτλου π̣υ̣θ̣μένας ὀκτακοσίους θρυα̣λ̣ίδ̣α̣ς̣ συμμίκτους .....[..........] 13 [...κ]α̣υλ̣ο̣ὺ̣ς̣ διακοσίους π̣α̣ν̣..τους ἑκατὸν κολοκύντας πεντήκοντα φοίνικ[ας ...] χιλίους 14 .ε̣φ̣..νους λαμ̣π̣ά̣δ̣ας τριακοσίας ἑψα̣ν̣ῶ̣ν̣ τ̣α̣γ̣ὰ̣ς τριάκοντα ἀσπαράγου δεσμοὺ[ς ...] κ̣ο̣χ̣λ̣[ει-] 15 δ̣ί̣ω̣ν̣ χ̣οί̣ν̣ικας δέκα..... τ̣α̣γ̣ὰς̣ ̣ δ̣[έκα πέν]τε πράσου γλυκέως ταγὰς πεντήκοντα 16 κεφαλωτὰ ....α σταφυλῆς βοτρύας ἑ̣ξ̣ή̣κ̣οντα παλίο̣υ̣ρα δισχίλια σῦκα δισχίλια ..υ̣ξ̣ω̣ν̣ 17 κ̣α̣λ̣ά̣θ̣ια πέντε σ̣τ̣ελε̣ι̣ς χλωρὰς ἑκατὸν π̣α̣σ̣.ε̣ρ̣α̣ς̣ πεντήκοντα κάλλυνθρα φοινίκων 18 καὶ ..π̣α̣ρ γας τ.....ἢ̣ ἐ̣κ̣τίνι̣̣ν̣ αὐτοὺς ὧν ἐ̣ὰ̣ν̣ μὴ ἀποδῶσιν ἐξαίρετα τῶ̣ν προκ̣[ει]μ̣έ̣νω̣ν 19 .[..] τ̣...[..].[...]ατα̣... δ᾽ εἴληφαν ὅ̣ τ̣ε̣ Ἑ̣ρ̣[μίας] κ̣α̣ὶ̣ Ἑ̣ρ̣μίας κ̣[ αὶ] Ἰ[σιδώρα παρὰ τοῦ Διοδώρου] 20 δ̣ι̣ὰ̣ χ̣ε̣ι̣ρ̣ὸ̣ς̣ ἐ̣ξ̣ ο̣ἴ̣κ̣ο̣υ̣ ε̣ἰ̣ς̣ τ̣ὴ̣ν̣ τῶν κηποταφίων κ̣α̣τ̣α̣φ̣υ̣τεία̣ν̣ [κ]αὶ ἐπιμέλειαν χ̣ρ̣[ῆ]σ̣ι̣ν̣ ἀ̣ρ̣γ̣υ̣ρ̣ι̣ο̣υ̣ Π̣τ̣ο̣λ̣(εμαικοῦ) 21 δραχμὰς διακοσίας ἀτό̣κ̣ους, ἀνθ᾽ ὧν καὶ παραδοῦναι αὐτοὺς μετὰ τὸν̣ π̣ε̣ν̣τ̣α̣ετ[ῆ] χρόνον 22 τῷ Διοδώρωι ἐ̣π̣ὶ̣ τ̣ο̣ῖ̣ς̣ κ̣η̣[ποτα]φίο̣ι̣ς συντίμησιν λαχανείας καὶ ἐ̣ν̣φανικὸ̣ν , ἐ̣ὰ̣ν̣ δ̣ὲ̣ ἡ̣ χ̣ρ̣ῆ̣σ̣ι̣ς̣ τ̣ῶ̣ν̣ 23 διακοσίων δραχμῶν π̣α̣ρεθῇ συντίμησις ἔσ̣τ̣α̣ι̣ τὸ̣ ὑ̣π̣ὲρ τῶ̣ν μεμισθωμένω̣ν ...ε̣ι̣α̣ρ̣δ̣...ς̣ 24 ..η̣τ̣ερα̣ι̣ς ἑξήκοντα, παρ[εί]λ̣η̣φ̣α̣ν̣ δ̣ὲ̣ [οἱ με]μ̣ι̣σθωμένοι τα.[......]...[.......]........ 25 μίαν φο̣ι̣ν̣ι̣κὶνην καὶ καρπῶ̣ν̣ δύο (sic !) καὶ θ̣ύ̣ρ̣α̣ς̣ κ̣α̣ὶ̣ κ̣λ̣ε̣ῖ̣[ς] κ̣α̣ὶ̣ κη[..]κ̣ο̣ν̣ τ̣αξ̣ε̣.ρ̣ματια, ὥ̣σ̣τ̣ε̣ 26 π̣α̣ρ̣α̣δ̣ο̣ῦ̣ν̣α̣ι̣ αὐτοὺς τῶ Διοδώρωι [μετ]ὰ τὸν χρόνον, τῶν ἐπισκευῶν τῆς ἀντλίας καὶ τῶ̣ν̣ κ̣η̣λ̣ω̣ν̣ε̣ί̣ων 27 ὁσάκις ἐὰν δ[έῃ] καὶ τῶν τροχῶν ὄντων πρὸς τὸν Διόδωρον, ἀντέχεσθαι τοὺς μεμισθωμένους τῶ̣ν̣ ὄ̣ν̣[τ(ων)] 28 ἢ ἐ̣σ̣ο̣μένων ἐπὶ τὸν χρόνον καὶ τὰ ἐξ αὐτῶν περιγεινόμενα ἀποφέρεσθαι διορθουμένους το̣ὺ̣[ς φό]ρους καὶ τὰ ἐξαί29 ρετα κ̣α̣ὶ̣ [ποιεῖσθαι τοὺς μεμι]σθωμένους τὴν προσήκουσαν ἐπιμέλειαν καὶ κατεργασίαν κ̣α̣θ᾽̣ ὥ̣[ραν καὶ] 30 κατὰ καιρὸν ἀρεσ[τῶ]ς [σκ]ά̣π̣τ̣οντας καὶ ποτίζοντας κατὰ τρόπον ἐν τοῖς δέουσι καιροῖς κα̣τ̣α̣ν̣ε̣ύ̣ω̣ν̣ 31 τῃ κατὰ καιρὸν λαχανήᾳ καὶ μὴ χερσεύειν μηδὲ καταβλάπτειν μηδὲ παρα̣λ̣ι̣π̣εῖν ἔ̣ρ̣γ̣ο̣ν̣ 32 (sic !) μηδὲν τῶν πρὸς εὐεργίαν ἀνηκόντων, ποιεῖσθαι δὲ καὶ τῶν ὄντων δένδρων τὴν ἁρμόζουσαν ἐπιμέλ(ειαν) 33 εἰς τὸ ζωφυτεῖν κ[αὶ] εὐ̣θ̣η̣νεῖν καὶ μηδὲν ἀπ᾽ α̣ὐ̣τῶν ἐκκόπτειν, ἀντὶ δὲ τῶν ἐγλειπόντων ἕτερα ἀ̣ν̣τ̣ι̣34 καταφυτεύειν ταὐτὰ γένη αὐτενίαυτα μ̣η̣δ̣ε̣ν̣ὶ̣ χείρονα, μὴ ἐξόντος αὐτοῖς ἐ[γλιπεῖν τὴν] 35 μίσθωσιν ἐντὸς χρόνου μηδὲ διέλκειν τοὺς φόρους, διελθόντος δὲ τούτ̣ο̣υ̣ παραδοῦναι α̣ὐ̣τ̣ο̣ὺ̣ς̣ 36 τὰ μεμισθωμένα σύμφυτα καὶ εὐθηνοῦντα, τ̣ὰ̣ς̣ δ̣ὲ̣ θ̣ύ̣ρ̣α̣ς̣ καὶ τὰ κηλώνεια, ἔτι δὲ κ̣α̣ὶ̣ κατα37 π[ε]φυτευμένους ἁλικακκάβων πυθμένας διακοσίους χωρὶς τῆς προκειμέν̣η̣ς̣ σ̣υ̣ν̣38 τιμήσεως, οὓς καὶ εἶναι τοῦ [Διο]δώρου ἐξαιρέτους τῆς συντιμήσεως, εἰσά̣ξ̣ο̣υ̣σι [δὲ] κ̣α̣ὶ̣ 39 τὰ ἐκ τῶν μεμισθωμένων λάχαν[α] εἰς τ̣ὴ̣ν̣ π̣ε̣ζ̣ὴ̣ν̣ καὶ [π]αραδώσουσιν ............. καθαρὰ καὶ ε̣ὐ̣θ̣η̣ν̣ο̣ῦ̣ν̣τ̣α̣ καὶ 40 κ̣ε̣κ̣ο̣ρ̣ι̣σμένα, [ἐ]ὰν δ̣έ̣ τ̣ι̣ παραβ[αί]ν̣ω̣σιν, ἐκτίνιν αὐτο̣ὺ̣ς ὅ̣ ἐὰ̣ν̣ ἐνοφιλήσ[ωσι] τ̣ῶ̣ν̣ [φόρ]ω̣ν̣ [ἔτι δὲ] 41 καὶ τὰς τῆς χρήσεως ἀργυρίου δραχμὰς διακοσίας καὶ τόκους διδράχμους τῆς μνᾶς κ̣[ ατὰ μῆνα] 42 καὶ τὰ βλάβη καὶ δαπανήματα καὶ ἄλλας ἀργυρίου δραχμὰς τ̣ρ̣ιακοσίας γεινομένης [τῆς] πρά̣ξ̣εως 43 ἔκ τε τῶν τριῶν ἀλληλεγγύων εἰς ἔκτεισιν καὶ ἐξ ἑνὸς οὗ ἐὰν [αὐ]τ̣ῶ̣ν̣ αἱρῆται καὶ ἐκ τῶν ὑπαρχόντων αὐτο̣ῖ̣ς̣ π̣ά̣ν̣τ̣ω̣ν̣ καθάπ(ερ) 44 ἐγ δίκης καὶ μὴ ἐπιφέ̣ρ̣ε̣ι̣ν̣ πίστεις [ἢ ἀ]κύρους εἶναι ἐξουσίας οὔσης τῳ Διοδώρῳ, ἐ̣ὰ̣ν̣ ἔ̣ν̣ τ̣ι̣ν̣ι̣ παρα45 συγγράψ̣ω̣σ̣ι̣ν̣ ἐγβάλλειν αὐτοὺς ἐκ τῆς μισθώσεως ἐντὸς χρόνου καὶ ἑτέροις μεταμισθοῦν καὶ πράσσειν τὸ ἐσόμ(ενον)

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Mes remerciements vont à Madame Evelyne Prioux (CNRS) pour son aide précieuse. Nous renvoyons également à la proposition de traduction anglaise de A. C. Johnson en 1936 (JOHNSON 1936, p. 134-135).

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Les besoins en eau dans la nécropole 46 ἀφεύ[ρ]εμ[α π]αρὰ τὴν ἀναμίσ[θω]σιν, ποιούντων δὲ αὐτῶν ἕκαστα ἀκολούθω̣ς̣ καὶ τὸν Διόδωρον βεβαι47 [οῦν αὐτοῖς τὴν] μί[σθωσιν ἐπὶ τὸ]ν χρόνον καὶ τὴν ἀντλίαν ἐν[.]ρ̣η̣ καὶ τὸ ὕδωρ [...].......... [τὴν] 48 ἐν τῆ ἀντλίᾳ πηγὴν τοὺς δ̣ὲ̣ μεμισθωμένους χωρὶς πάντων τῶν προκειμένων δ[ι]δό̣ν̣αι κατὰ μῆνα 49 ἕκαστον τὸ ἐπ̣ι̣β αλλον ......[...].δ̣ο̣υ̣ν̣α̣ι̣ τὰ μεμισθω̣[μένα καὶ μηδὲν τὸν Διόδ]ωρον π̣α̣ρ̣α̣λ̣ί̣π̣ε̣σ̣θ̣α̣ι̣ 50 τῶν επ̣α̣... π̣ρ̣ο̣κε̣ι̣μένων [ἢ] ἔνοχον εἶναι τῷ ἴσῳ ἐπιτίμωι, τὰ δὲ λείψανα τῶν μ̣ε̣τ̣ε̣.[..]ω̣ν̣ καρπίων τὰ ὄντα ἐντὸς μηνῶ(ν) [.....].σ̣[ ..].. .μενο̣υ̣θ̣.....τ̣ου [ὁ Διό]δωρο̣ς̣ μ̣ερο[ς...] 51 ⟦τοῦ ἐνεστῶτος......⟧.. κ̣α̣ὶ̣ τ̣ῶν̣ ἐωνημένων ..α̣[ ..] τοῦ ...χρό̣ν(ον) συνήλλαχεν Διοδώρου ⟦κ̣α̣θ᾽ ἣν̣ ἔχει συνχώρησιν⟧, ἐὰ̣ν̣ [δὲ] μετὰ τ(ὸν) χρό(νον) 52 οἱ μεμισθωμένοι [ἐγ]β̣αίνωσιν τῆς μισθώσεως, μενεῖ ἡ τῶν καρπῶν συνάλλαξις ἕως τοῦ 53 Μεχεὶρ μηνὸς τοῦ ἐσχἀτου ἔτους οἷς ἐὰν οἱ μεμισθωμένοι συναλλάξωσι. Κς᾽ Καίσαρ[ος] Ἁθὺρ κη᾽ "(1) À Protarque, qui préside le tribunal. (2) De la part de Diodore fils d'Akestor Thêleios, de la part d'Hermias fils d'Apollônios, de son fils Hermias, (3) et d'Isidôra, femme d'Hermias le père, mère d'Hermias le fils, fille de Hek… (4) […], avec pour tuteur le mari d'Isidôra. (5) Au sujet de ce qui nous occupe, nous nous mettons d'accord sur ce point : tandis que Hermias, Hermias et Isidôra ont loué auprès de (6) Diodore, pour cinq ans à partir du mois de Choiak de l'an 26 de Caesar, trois kêpotaphes appartenant à Diodore (7) dans le lieu-dit Phoinix du faubourg de Canope, (8) entourés d'une enceinte le long du terrain, ils paieront en échange à Diodore comme loyer mensuel, sans tenir compte (9) de rabais et de charges, vingt drachmes d'argent pour le mois écoulé, le cinquième jour du mois en cours. (10) Et ils remettront chaque année les productions préférables des kêpotaphes, (11) les meilleures et les plus résistantes, chacune en leur saison, à chaque fois qu'elles sont réclamées : [tant de] têtes de chou, (12) 800 racines de bette, un assortiment de [tant de ] mèches pour lampes, (13) 200 tiges de […], 100 […], 50 concombres, 1000 dattes (?), (14) 300 flambeaux (?) de […], 30 rations de végétaux à cuire (?), [tant de] bottes d'asperge, (15) 10 onces d'escargots, 15 rations de […], 50 rations de poireau doux, (16) [tant de …] pourvus d'une tête (?), 60 grappes de raisin […], 2000 jujubes, 2000 figues, (17) 5 petits paniers de […], 100 guis verts, 50 […], [tant de] touffes de palmier (18) et [tant de …]. Et s'ils ne donnent pas ce qu'il y a de mieux parmi les productions disponibles, ils paieront (19) […]. (20) Pour l'aménagement et l'entretien des kêpotaphes, Hermias, Hermias et Isidôra ont reçu comme prêt de la main à la main de Diodore, 200 drachmes d'argent de Ptolémée (21) sans intérêt, en échange de quoi ils remettront à Diodore, après la période de 5 ans, (22) la valeur équivalente (?) en cueillette de légumes et […]. Mais si le prêt (23) des 200 drachmes est mis en réserve, le taux sera (24) celui qui a été établi pour les locataires, […] de 60 […] . Les locataires recevront également (25) un palmier et deux […] de fruits, ainsi que des portes, des clés et […]. En échange, (26) ils les remettront au terme du bail à Diodore, tandis que les réparations du mécanisme de puisage, des bascules (27) et des roues seront à (la charge de) Diodore, chaque fois que nécessaire323. Les locataires disposeront (28) des récoltes présentes et futures pendant la période (de la location), ainsi que des bénéfices qui en proviennent, payant les loyers et les produits mis de côté (pour le propriétaire). (29) Les locataires feront eux-mêmes l'entretien et le travail en temps utile (30) et de manière satisfaisante, labourant et irriguant convenablement selon l'usage (31) et selon la saison des légumes. Ils ne laisseront pas en friche, ils ne causeront pas de dommages, ils ne négligeront pas le travail (32) ni les soins utiles (à l'exploitation). Ils feront aux arbres l'entretien adapté (33) pour qu'ils soient fertiles et florissants ; ils n'en abattront pas, et à la place de ceux qui mourront, (34) ils en planteront d'autres, du même type, du même âge et d'égale qualité. Sachant qu'il ne leur sera pas possible de résilier (35) la location avant son terme ni de retarder les loyers, à la fin du bail ils remettront (36) les (terrains) loués bien cultivés et florissants, ainsi que les portes et les bascules, et aussi (37) 200 plants de halicaccabons, lesquels doivent être ceux que Diodore prise le plus, en plus du (38) paiement en nature mentionné précédemment. Ils transporteront (39) les produits depuis les terrains jusqu'au bord (en lisière du chemin ?), propres, en bon état et (40) en lots séparés. S'ils violent n'importe laquelle de ces conditions, ils paieront, le cas échéant, ce qu'ils doivent (encore) des loyers (41), les 200 drachmes d'argent du prêt et l'intérêt de 2 drachmes par mine (?) par mois, (42) ainsi que les dommages, les dépenses et 300 autres drachmes d'argent de pénalité. Tandis que le droit de saisie s'exercera (43) sur les trois (locataires) qui se portent garants les uns des autres pour le paiement, ou sur l'un d'entre eux qu'il (Diodore) choisirait, ou sur toutes leurs propriétés, (44) comme à la suite d'une décision de justice, ils ne pourront pas conclure de pactes, ou bien leurs pactes n'auront aucune valeur. Et Diodore aura le droit, s'ils (45) violent le contrat pour quoi que ce soit, de les jeter hors de la location avant la fin du bail, de transférer la location à d'autres, et d'exécuter (46) la perte éventuelle qui pourrait survenir au moment de la reprise du bail. Mais s'ils font chacune de ces choses conformément au contrat, Diodore (47) devra leur garantir la location pendant la période et […] le mécanisme de puisage, l'eau […] (48), la source d'eau dans le mécanisme de puisage. En plus des choses mentionnées précédemment, les locataires donneront chaque (49) mois la part qui échoit à […], les terrains, et Diodore n'omettra rien (50) des […] mentionnées précédemment, sinon il sera redevable d'une compensation égale. Et Diodore (aura) en partie les biens qui restent des fruits […], entre les mois de […], (51) (de l'année ?) en cours, […] et des choses achetées […] pendant la période, et parmi ceux qui ont retiré du profit. Si après la période (de 5 ans) (52) les locataires abandonnent la location, le droit de disposer de la production sera maintenue jusqu'au mois (53) de Mecheir de la dernière année du bail. Le 28 du mois d'Hathyr, an 26 de Caesar.". 323

La traduction des termes ἀντλία ("mécanisme de puisage"), κηλώνειον ("bascule") et τρόχος ("roue") sera discutée ultérieurement (voir infra, p. 48-52).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Document 2. Inscription sur pierre provenant d'Alexandrie (quartier d'Ibrahimieh ?) et conservée au Musée grécoromain d'Alexandrie (n° inv. 26528) ; IIe-IIIe siècle.


 


Restitution du texte et traduction : A. Bernand, La prose sur pierre dans l'Égypte hellénistique et romaine, Paris, 1992 (= BERNAND 1992b), t. 1, p. 139-141324.
 1 Θεοῖς Καταχθονίοις. 2 Πο[μπ]ηία Μοῦσα ἀνειέρωσεν κηπόταφον Μαξί3 [μωι υἱῶι] α̣ὐ̣τῆς καὶ Μάρκωι Ἀντωνίωι Θεοφίλωι ἀνδρὶ καὶ ἀπελευθέ4 [ροις καὶ ἀπε]λευθέπαις ἑαυτῶν καὶ τούτων ἐγγόνοις κοινὸν καὶ ἀδι5 [αίρετον καὶ] ἀνεξαλλοτρίωτον καὶ ἀκαταχρημάτιστον ἐκ παντὸς τρό6 [που καὶ ἀκληρο]νόμητον εἰς τὸν αἰε[ὶ] χρόνον >. 7 [Μανίου Μου]μμ[ε]ίου ῾Ρούφου καρπιστοῦ προσελθόντος Μ[ά]ρκωι 8 [Μ]εττίωι ῾Ρούφωι τῶι ἡγεμόνι διερχομένῳ και` ἐπι[δ]εδωκό9 τος ἀναφόρι̣[ο]ν, δι᾿ οὗ ἐδήλου ἀνόμως πεπραμένον εῖναι τοῦ10 τον τὸν κη[πό]ταφον · ὃς λαϐὼν τὸ ἀναφόριον Κλαυδίῳ Γεμείνῳ 11 ὄντι ἰδίωι [λόγωι ἐ]πέδωκεν πρὸς ἐξέτασιν · ὃς ἀκούσας τοῦ 12 πράγμ[α]τ[ος ἀπέφη]νεν μεθ᾿ ἕτερα τὰ ὑπογεγραμμένα >. 13 Κλαύδιο[ς Γέμ]ε̣ι̣[νος] · ἐκ πάντων μὲν φαν[ε]14 ρόν ἐστιν τὸ[ν ἀκαταχρημάτι]στον τάφον προφάσει μισθώ15 σεως ἐπώλησαν · [οὗτοι μὲν οὖ]ν, ὅσον κακῶς εἰλ[ή]φασιν, ἀπαι16 τηθήσονται, τὸ δ[ὲ μνημεῖον] μενεῖ τοῖς ἐνκε[ιμέ]γοις σὠ17 μασιν ἀκαταχρημά[τιστον. Δι]ονύσιος· Ενο ... τῶν λαϐόν18 των τὰς τετρακισχε̣[ίλιας ........]μός ἐστιν ὸ αν ........φος 19 Κλαύδιος Γέμεινος· ἑὰν τοῦτο ἀ̣[λη]θὲς ἦν, καὶ αὐτὸς [τὸ ἐ]π̣ιϐάλλον 20 ἑαυτῶι μέρος ὑπεύθυνος εἶναι ὀφείλει. 21 Μάνιος Μούμ 22 μειος ῾Ροῦφος κληρόμος κατα[λ]ελειμμένος ἐκ διαθήκης Πομπη23 ΐου ᾿Επαφρᾶ ἐφ[ρ]όντισεν καὶ ἐκαρπίσατο διὰ ἐτῶν δέκα.

"(1) Aux dieux Infernaux. (2) Pompea Mousa a dédié ce jardin funéraire [kêpotaphe] à Maximus (3) son fils et à Marcus Antonius Théophilus son mari, à leurs affranchis et (4) affranchies et à leurs descendants, en tant que bien commun, indivisible, (5) inaliénable et non passible d’hypothèque de toute manière (6) et intransmissible par testament pour toujours. (7) Manius Mummius Rufus, usufruitier, s'étant approché de Marcus (8) Mettius Rufus, préfet d'Égypte, qui était de passage, et lui ayant remis (9) une pétition dans laquelle il révélait qu'on avait illégalement vendu (10) ce jardin funéraire [kêpotaphe], ce dernier prit la pétition et la remit à Claudius Geminus, (11) idiologue, pour qu'il l'examinât. Celui-ci ayant entendu l'affaire (12) prononça entre autres choses le jugement suivant : (13) Claudius Geminus : tout indique clairement (14) que ce tombeau [taphos] non hypothécable, a été, sous prétexte de location (15) vendu par ces gens-là qui seront tenus de restituer ce qu’ils ont injustement perçu (16), tandis que le tombeau [mnêmeion] restera, pour les corps qui y reposent (17) non hypothécable. Dionysos : Un tel ... (18) est le complice (?) de ceux qui ont reçu quatre mille drachmes ... (19) Claudius Geminus : Si c’est vrai (20), il doit être comptable de la somme qui lui est revenue. Manius Mummius (21) Rufus ayant été laissé comme héritier par testament (22) de Pompeius Epaphras a pris soin (du jardin) et l'a exploité après un intervalle de dix années.".

324

La plaque, en marbre blanc, a été retrouvée en 1956 chez un antiquaire, et reconstituée à partir de 28 fragments. Le texte a été abondamment publié et commenté, pour la première fois par P. M. Fraser et B. Nicholas (FRASER, NICHOLAS 1958) et le plus récemment par F. Kayser (KAYSER 1994, n°25, p. 97-106).

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Les besoins en eau dans la nécropole

Document 3. Papyrus grec, dit Gnomon de l'Idiologue, provenant de Théadelphie (Égypte) et conservé au Musée de Berlin (n° inv. P. 11650) ; IIe siècle. Extrait du texte (paragraphe 1), d'après l'editio princeps de W. Schubart établie en 1919 dans le BGU V, n°1210, p. 10. 1 2 3 4 5 6 7 8 9

[῟Ω]ν ὁ φ̣ίσ[κος ἀν]α̣λαμβάνει τὰς οὐσίας, τούτων τοὺς τ̣άφ[ο]υς [περιε]ω̣ρ̣ᾶ̣το. ὁ δὲ θεὸς Τραιανὸς μαθὼν ὅ̣[τι ἁ]πλ[ῶς ἐπ᾿] ἐκστροφῇ τ[οῦ] φίσκου καὶ τῶν δα ν̣[ι]στ̣[ῶν] π[λε]ί̣ον[ος] ἐπιμελεία[ς] τοὺς τάφους καταξι [οῦ]σ̣ι̣, [τ]ὰ̣ [μὲν] μ̣ν̣[ή]ματα αὐτοῖς [σ]υ̣νεχώρη[σεν], τὰ δὲ [κη]π̣[οταφῖα ἢ τοι]αῦτα πωλεῖσθαι ἐκέλευσεν καὶ [ἐντεινάμε]ν̣ος μόν̣ο̣ις χρεώ[σ]ταις τοῦ φίσκοὺ [. . .]ε̣λη̣μ̣[ .....]ς μένειν̣ συνεχώρησεν τοὺς τάφους [αὐτῶ]ν [οἷ]ο̣ι ἐὰν ὦσι.

L. 6 : La restitution du terme κηποτάφιον est controversée : si certains réitèrent l'interprétation de la première édition ici retranscrite325, d'autres préfèrent lire τὰ δὲ πεºπ≥ªοιηένα περὶº αὐτά326. Les deux documents précédents laissent à penser que κηποτάφιον est tout à fait envisageable. Et l'on notera, dans l'une ou l'autre restitution, que la décision de Trajan vise, sinon en particulier, du moins également les jardins attenants aux tombeaux. La plupart des publications qui évoquent ce passage reprennent l'idée de jardin 327. Traduction de F. De Visscher, in : "Le caractère religieux des tombeaux romains et le §2 du Gnomon de l’Idiologue", Revue internationale des droits de l'antiquité, 1948 (= DE VISSCHER 1948), p. 200, selon la restitution proposée par W. Schubart328 : "(1) Quand le patrimoine d'un particulier est soumis à confiscation, le fisc (2) négligeait d'ordinaire les sépultures. Cependant le divin Trajan ayant appris (3) que certaines personnes, tout simplement pour frauder le fisc et leurs créanciers (4), consacraient un luxe excessif à l'aménagement de leurs sépultures (5), décida de ne leur laisser que le monument proprement dit, mais (6) prescrivit de mettre en vente les jardins funéraires [annexes ?] et autres installations semblables (7), et voulant montrer sa faveur, accorda aux seuls débiteurs du fisc (8) de pouvoir garder leurs tombeaux, (9) quels qu'ils fussent.".

Précisons encore que si Trajan rend possible la confiscation des domaines funéraires, il semble maintenir une certaine forme de libéralité antérieure, comme le suppose le paragraphe 17 du même document : τὰ καταλειπόμενα εἰς θυσίας κατοιχομένων, ὅταν μη[κ]έτι ὦσιν οἱ ἐπιμεληθησόμενοι τού⟦του⟧ ἀναλαμβάνεται. "Les biens consacrés au culte des morts seront confisqués lorsqu'il ne se trouve plus personne pour célébrer celui-ci." (traduction : DE VISSCHER 1948, p. 210).

325

P. M. Meyer, dans MEYER 1920, n°93 ; W. Uxkull-Gyllenband, dans le BGU V, 2 (1934), p. 11 ; S. Riccobono dans RICCOBONO 1940, p. 471. 326 Voir LENEL, PARTSCH 1920, p. 9. 327 Voir entre autres : FRASER, NICHOLAS 1958, p. 120, n. 15 ; DE VISSCHER 1948, p. 200 et DE VISSCHER 1959, p. 180 ; JOHNSON 1936, p. 711, etc. 328 Plusieurs traductions ont été proposées, qui se recoupent : comparer notamment celle de E. Seckel et W. Schubart dans le BGU V, 1 (en allemand), ou celle de A. C. Johnson, dans JOHNSON 1936, p. 712 (en anglais).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Ces trois documents montrent assez, avant toute analyse, que les propriétés funéraires avec jardins étaient bien connues à Alexandrie dès les premières décennies du Principat (doc. 1 et 2), et suffisamment courantes pour que Trajan juge nécessaire, au début du IIe siècle, d'édicter une règle spécifique à leur sujet (doc. 3). Au cours de ce siècle et sans doute sous l'influence alexandrine, l'emploi du mot kêpotaphe, jusqu'alors inconnu, devient d'ailleurs très répandu dans les inscriptions de Rome sous sa forme originale grecque329, ou plus souvent latinisée, cepotafium ou cepotaphium 330 (21 inscriptions d'origine romaine sur les 27 actuellement connues pour l'ensemble du monde gréco-romain). Creuset et capitale de la culture hellénistique, Alexandrie a manifestement servi de modèle et de relais en la matière, à un moment où ce type d'espace funéraire agrémenté de verdure devenait suffisamment fréquent pour faire l'objet d'un néologisme, explicite pour toute personne parlant le grec, et bientôt le latin. Sur cette base, certains auteurs ont même considéré que l'émergence ou le développement des jardins attenants aux tombeaux romains avait un rapport direct avec ceux d'Alexandrie331. Il apparaît cependant que le monde romain occidental a connu une tradition propre en la matière, qui, comme le souligne X. Lafon, est étroitement liée à la possession d'un bien immobilier extra-urbain 332 ; qu'il s'agisse d'une propriété de campagne ou d'une villa située aux portes de la ville, la parcelle que l'on réserve à l'édifice funéraire se situe au cœur d'un domaine comprenant un jardin ou une terre agricole. Afin de cerner au mieux dans quelle mesure l'eau rendue accessible dans les espaces funéraires alexandrins servait à l'entretien des jardins funéraires, nous examinerons d'abord la nature des kêpotaphes mentionnés par les documents écrits : plus que de simples terrains de rapport à usage privatif, ils se définissent comme de véritables exploitations agricoles, dont la production et le rendement sont les fondements mêmes de leur existence. Le papyrus BGU 1120 faisant seul allusion au dispositif hydraulique permettant d'assurer l'irrigation des cultures,

nous nous bornerons ensuite à une étude de cas, par une analyse de quelques termes clés du document permettant d'appréhender concrètement les besoins en eau et le type d'équipement ici utilisé. Il s'agira enfin, en guise de conclusion, de voir dans quelle mesure cette documentation écrite, qui ne renvoie guère qu'aux propriétés funéraires les plus riches, peut être mise à contribution dans le contexte archéologique alexandrin. 2. 1. 3. Les kêpotaphes alexandrins : de véritables exploitations agricoles Pour définir au mieux la nature des kêpotaphes alexandrins, il convient en premier lieu de revenir sur le sens précis à donner à ce mot. Il s'agit de domaines funéraires comprenant des jardins cultivés333. Selon l'opinion généralement admise, l'union entre le kêpos et le taphos est avant tout spatiale : le terme désigne plus précisément un jardin attenant à un tombeau334, et qui lui sert d'ornement. L'inscription relative à la fondation alexandrine de Pompêia Mousa (doc. 2) en témoigne : la sépulture est désignée par le terme mnêmeion (l. 16), tandis que le jardin est nommé kêpotaphe (l. 2 et 10) ou tout simplement taphos (l. 14)a: le jardin est donc ici un tombeau, comprenant le monument proprement dit. De même, en dénonçant le luxe déployé dans l'aménagement général des tombeaux (taphos), le paragraphe 1 du Gnomon de l'Idiologue vise en particulier les annexes cultivées tout autour, les seules à être passibles d'une éventuelle confiscation (doc. 3, l. 6). L'ensemble du corpus du monde gréco-romain le confirme encore : à Rome, en langue grecque comme en latin, l'union géographique du jardin et de la tombe est manifeste, lorsque en particulier un monument funéraire est dit "de type kêpotaphe", μνημεῖον κηπόταφον, ou cepotaphiolo m(onumentum)…335, ou bien quand la tombe est identifiée au kêpotaphe, sepulchrum sive cepotafiolum, ou hoc monimentum sive cepotafium336. Si donc il ne fait pas vraiment de doute que le jardin funéraire s'intégrait au sein même de l'espace où reposaient les défunts, le papyrus BGU 1120 pose un problème en la matière (doc. 1). Bien que cité de manière systématique à titre d'exemple pour évoquer les jardins funéraires d'Alexandrie337, le document reste très peu exploité dans ce domaine de recherche, de même que l'unique traduction du papyrus proposée par l'anglais

329

PATRIARCA 1933, p. 211-215 ; cf. MALAISE 1972b, p. 143. Voir GREGORI 1987-1988, p. 175-182, pour les occurrences romaines (les parenthèses renvoient à la numérotation adoptée dans son article). Cepotafium : CIL VI, 2469 (n°10), 13040 (n°23), 13244 (n°7), 20075, 23901 (n°47), 25250 (n°48), 26247 (n°45), 27238 (n°49), 29135 (n°15), 29931 (n°19), AE 1973, 20 (n°18) ; cepotaphium : CIL VI, 3554 (n°43), 8505 (n°40), 10675 (n°17), 30506 (n°51), 33900 (n°44). Plus rarement cepotaphiolum : CIL VI, 13386 (n°41), 19039 (n°42) ; cepotafiolum : CIL VI, 2259 (n°39) ; cepotafius : CIL VI, 21020 (n°46) ; cepotaphius : CIL VI, 29928 (n°50). D'autres occurrences du terme sont connues dans le reste de l'Italie (Campanie : Misène, IIe siècle, AE 2000, 344 ; Puteoli : CIL X, 2066), et plus tardivement en Asie Mineure (Pisidie, IVe siècle ? : voir KUBINSKA 1968, p. 143 ; Numidie, AE 1957, 185b). La datation est établie d'après les noms des affranchis et la graphie : TOYNBEE 1971, p. 95-96 ; GREGORI 1987-1988, p. 175. 331 PURCELL 1987, p. 32 ; GREGORI 1987-1988, p. 182 ; d'autres auteurs y voient plus largement une importation du monde oriental hellénisé : PATRIARCA 1933, p. 214 ; GRIMAL 1943 (éd. de 1984), p. 322 ; DE VISSCHER 1959, p. 179, etc. 332 LAFON 2002. Quelques cas véritablement urbains existent également, dont les différentes causes sont analysées par X. Lafon : ibid., p. 115-117. À propos du tombeau d'Auguste sur le Champ de Mars, entouré de bosquets et de promenades et surmonté d'arbres : SUÉTONE, Auguste, 100 et STRABON, V, 3, 8. 330

333

LSJ et CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "κῆπος". Dans son étude sur les jardins et les vergers grecs, Cl. Vatin, se fondant sur les sources littéraires et épigraphiques depuis Homère jusqu'à l'époque impériale, conclut que le jardin grec est avant tout une terre de rapport, un bien à exploitera: "l'agrément n'y est pratiquement jamais dissocié de l'intérêt pratique" (VATIN 1974, p. 356). Cf. plus récemment CARROLLSPILLECKE 1992, p. 84. 334 Définition proposée par SAMTER 1991, col. 1966 ("zu einem Grabdenkmal gehörige Gartenanlage") ; voir aussi la définition du LSJ, s.v. "κηποτάφιον" : "tomb in a garden". 335 PATRIARCA 1933, p. 211-215 ; CIL VI, 13386. 336 CIL VI, 2259 et 13040. Cf. CIL VI, 19039. 337 FRASER, NICHOLAS 1958, p. 120 ; TOYNBEE 1971, p. 95 ; EMPEREUR, N ENNA 2001, p. 230, etc.

44

Les besoins en eau dans la nécropole A. C. Johnson en 1936 (réédition en 1959), dans le cadre d'une étude plus générale sur l'économie de l'Égypte à l'époque romaine. De fait, il est remarquable que ce contrat de bail concernant des jardins à Canope, extrêmement précis quant à l'équipement des terrains loués, ne mentionne à aucune reprise la présence des sépultures que semble impliquer l'usage du terme kêpotaphe (quatre occurrences, aux lignes 7, 10, 20 et 22). Il faut par conséquent convenir que ces terrains devaient comprendre un ou plusieurs tombeaux, mais que les locataires n'en faisaient simplement aucun usage qui puisse justifier l'énoncé d'une clause dans le contrat de bail, et que, de façon plus inattendue, le propriétaire même ne se souciait a priori pas de conserver un droit de passage pour faire des visites à ses défunts, accomplir les cérémonies périodiques ou simplement procéder à l'entretien 338. Ces questions ont été "oubliées" dans l'énoncé du contrat, les kêpotaphes sont parfois désignés comme de simples "choses louées", µεµισθωµένοι (l. 36, 39, 49) et l'on peut dès lors s'interroger sur la continuité de la vocation funéraire initiale de ces terres.

considérer pour estimer la valeur d'une terre (sa superficie, mais aussi son emplacement, sa fertilité, la proximité d'un point d'eau, etc.), le parallèle établi permet à tout le moins d'insister sur la surface honorable du jardin mentionné dans le papyrus BGU 1120, probablement de plusieurs hectares. Par ailleurs, le propriétaire perçoit également, en grande quantité, des revenus en nature annuellement et en fin de bail. L'énumération précise que fournit le texte en la matière (l. 11-18 et 37) donne un aperçu très concret de ces vastes terrains, à vocation utilitaire et alimentaire, vergers et potagers où l'on trouve à la fois des arbres et arbrisseaux variés destinés à la production de fruits, vigne, figuier, palmier-dattier, jujubier et halicaccabon342, et toutes sortes de légumes tels que le chou, la bette, le concombre, l'asperge ou le poireau. Le document ne mentionne pas d'exploitation agricole exigeant de profonds labours, qui auraient pu abîmer les sépultures souterraines, et l'on peut raisonnablement les exclure des paysages funéraires alexandrins, à la manière de P. Fraser 343. La suite du texte évoque les obligations mutuelles du propriétaire d'une part, et des locataires d'autre part (l. 1940) : Diodore doit ainsi s'acquitter de certaines réparations, tandis que les locataires ont la responsabilité d'entretenir le domaine. Puis viennent les décisions en cas de litige (l. 40-50). Dans son ensemble, le contrat indique donc précisément la manière dont le domaine est géré par son propriétaire, et en particulier comment il peut être loué et exploité, et à quelles strictes conditions, selon des clauses précises. Il ressort que ce patrimoine foncier familial, dont Diodore est resté l'unique héritier, a été divisé en trois parcelles (κηποταφία τρία, l. 7), pour permettre une location commune entre trois membres d'une même famille (un certain Hermias, son fils et sa femme) : un unique document rassemble les termes d'un même contrat pour les trois terrains, le paiement du loyer, en argent et en nature, est commun, de même que les garanties et les pénalités en cas de conflit avec les locataires. Il n'est jamais question d'une éventuelle violation du contrat par l'un des locataires seulement, et c'est pour l'ensemble d'entre eux, qui se portent caution les uns des autres (l. 43), que s'exerce pleinement le droit de Diodore, le cas échéant, d'annuler la location (l. 45) ou de saisir les biens personnels (l. 42-43). Il s'agit évidemment pour le propriétaire de multiplier ainsi ses garanties et ses possibilités de recours. On le voit donc, les kêpotaphes de Canope décrits dans le papyrus BGU 1120 sont organisés comme une

Afin de pouvoir juger de l'apport de ce document pour la connaissance des kêpotaphes d'Alexandrie, son extrême précision mérite qu'on s'y attarde en premier, en ne commentant toutefois que ce qui a un rapport avec notre sujet, et en voyant en particulier comment les jardins de Canope faisaient l'objet d'une véritable exploitation agricole, dont l'entretien par arrosage devait par conséquent constituer une opération essentielle pour en assurer la rentabilité. Après la présentation des parties concernées par le contrat et de l'objet de la location, les modalités du loyer sont énumérées (l. 8-19), qui rendent compte de la valeur de la propriété. Le bailleur reçoit en effet un loyer mensuel de vingt drachmes d'argent, qui correspond à une rente substantielle. Le métal de la monnaie ayant été précisé339, une comparaison tout à fait intéressante est permise grâce à la connaissance d'un papyrus très similaire, également un contrat de location établi en 5 av. J.-C. pour cinq ans, d'un autre jardin (avec un vignoble, une roseraie, etc.) des proches environs d'Alexandrie340 : le loyer annuel s'élève à 80 drachmes d'argent, soit le tiers de la somme due à l'année par les locataires de Canope. La superficie de ce terrain-ci est connue et correspond à un peu plus de 8000 m2 (ou deuxtiers de 4,5 aroures selon le système de mesure égyptien)341. Sans ignorer la diversité des paramètres à 338

À ce sujet, E. Wolff rappelle que dans le monde romain, il est souvent spécifié que l'"accès libre au tombeau" (iter ad sepulchrum, aditus ad sepulchrum) doit être préservé ; ainsi par exemple, quand un citoyen acquiert un terrain où se trouvent une ou plusieurs tombes, il doit ménager une voie praticable qui permette d'y parvenir (Digeste, 47, 12, 5) ; WOLFF 2000, p. 28. 339 Il pourrait être suggéré que l'expression ἀργυρίου δραχµάς ne signifie pas nécessairement qu'il est ici question de drachmes en métal argent ; toutefois, la suite du texte précise que le montant du prêt que Diodore accorde à ses locataires est en "drachmes d'argent de Ptolémée" (l. 20). Voir à ce sujet CADELL, LE RIDER 1997, p. 42 et 61. 340 BGU IV, 1119 ; cf. J OHNSON 1936, p. 101. 341 D'autres documents du même type permettent de se faire une idée assez précise de la valeur des jardins de Canope : cf. BGU 1116

(location d'une maison avec son jardin dans le delta, pour 60 drachmes d'argent par mois, sans paiement en nature ; 13 av. J.-C.) et BGU 1118 (location d'un jardin à Alexandrie pour un an, au prix total de 420 drachmes d'argent et une partie des productions du jardin ; 22 av. J.-C.). 342 Le terme ἀλικακκάβων (l. 37) désigne en grec plusieurs espèces de plantes ; il s'agit peut-être dans le document qui nous intéresse ici de la withania, qui abonde dans la vallée du Nil : AMIGUES 2002, p. 291-292. 343 FRASER 1972, p. 27 ; les terres labourées se rencontrent à proximité d'édifices funéraires, mais il s'agit là d'herôa mis sous la protection de divinités et qui relèvent davantage de véritables sanctuaires : LSCG, n°177, p. 307-313 (Cos, IVe-IIIe siècle av. J.-C.) et LSAM, n°72, p. 167170 (Halicarnasse, IIIe siècle av. J.-C.) ; IG 10, 2, 608 = SEG 31, 642 (Thessalonique, IIe siècle ap. J.-C.).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine véritable entreprise foncière, un jardin de rapport susceptible d'assurer au propriétaire une rente confortable et aux cultivateurs locataires des revenus constants en toute saison (l. 11), ce que confirme la vaste superficie supposée grâce à la comparaison avec le jardin du papyrus BGU 1119.

productive. En effet, il s'agit là d'une exploitation (du verbe καρπίζω, l. 23), dont l'héritier testamentaire est devenu le légitime usufruitier (καρπιστής, l. 7)346 à la suite du procès. Ces éléments attestent encore la vocation de ce jardin comme terrain de rapport, avec des arbres fruitiers et peut-être des plantes potagères, sur le modèle de ceux de Canope. Par ailleurs, une location est mentionnée à propos de ce kêpotaphe (l. 14-15) : c'est la vente illégale de ce domaine foncier qui y est dénoncée, et non la location même, qui apparaît comme une pratique courante (ici comme à Canope) pour acquérir une rente, tant qu'elle ne porte pas atteinte au caractère religieux du complexe funéraire et du tombeau même. Le document donne le prix de vente (ou le montant de la pénalité ?)347, s'élevant à 4000 drachmes (l. 18)i; le métal de la monnaie n'est pas précisé, mais les nombreuses restrictions apportées à la liberté de disposer – le domaine est dit indivisible (ἀδιαίρετος), inaliénable (ἀνεξαλλοτρίωτος), non passible d'hypothèque (ἀκαταχρημάτιστος) et non transmissible par testament (ἀκληρονόμητος), à perpétuité (l. 4-6) – confirment la valeur d'un tel patrimoine. Il est clair que le caractère intransmissible de la propriété devait perdre sa valeur au jour de l'extinction de la famille348, et il apparaît que l'héritier Manius Mummius Rufus, qui n'a aucune agnation avec la fondatrice Pompêia Mousa mais qui a seulement reçu ce patrimoine en héritage du dernier descendant des affranchis bénéficiaires (Pompêios Epaphras), n'a sûrement pas voulu récupérer ce bien par pure piété désintéressée et par authentique respect pour les morts… On retrouve dans l'ensemble du monde gréco-romain des statuts comparables dans les sources grecques et latines évoquant des fondations de jardins funéraires349. La fonction productive de ces terrains attenants aux tombeaux est parfois mise en avant. Ainsi, au IIe siècle av. J.-C., une inscription nous apprend qu'une fondation funéraire d'Aigialê (Amorgos) comprenait un jardin de rapport, sans doute un verger, puisqu'il est question des

Compte tenu du silence dont les sépultures des trois terrains de Canope font l'objet dans le papyrus juridique BGU 1120, ce document pourrait être considéré à part dans notre étude sur les propriétés cultivées à caractère funéraire, en ce qu'il ne livrerait qu'un aperçu concret d'un des nombreux jardins du delta égyptien, après l'éventuel abandon de la vocation initiale des lieux. Il faut toutefois insister sur le fait que les autres kêpotaphes alexandrins dont nous connaissons l'existence par les textes sont également envisagés avant tout comme des jardins de rendement, loués ou exploités à titre d'usufruitier, et qui pouvaient se révéler suffisamment rentables pour que l'irrigation soit considérée avec la plus grande attention. En particulier, le Gnomon de l'Idiologue rend compte en filigrane de deux réalités que le papyrus BGU 1120 décrivait déjà deux siècles auparavant au sujet des kêpotaphes de Canope. D'abord le paragraphe 1, en énonçant l'annulation par Trajan des clauses d'inaliénabilité et d'indisponibilité devant le fisc pour les annexes des tombeaux, atteste de nouveau la grande valeur foncière de ces dépendances (l'édit de Trajan ne réagit pas contre le luxe des sépultures mêmes, qui restent exclues du droit de saisie par le fisc, l. 5, mais seulement contre le soin extrême consacré aux domaines attenants, l. 6) : les propriétés funéraires avec jardins pouvaient fournir des revenus substantiels, et par conséquent constituer une source de recettes considérable pour le patrimoine impérial romain 344, que ces terres soient par la suite directement exploitées par l'Etat, ou qu'elles soient louées ou vendues345. D'autre part, le paragraphe 17 de ce même document permet de comprendre que sont visés en particulier les propriétaires qui ne remplissent plus leurs devoirs envers les morts et qui ont détourné les jardins de leur destination funéraire initiale : profitant de l'exemption de saisie, ils ont bâti autour de leurs propriétés funéraires un patrimoine foncier proprement agricole et jusque là intouchable. Ainsi, le type des kêpotaphes de Canope, dont l'attrait sinon exclusif, du moins essentiel est désormais de fournir le meilleur rendement de légumes et de fruits, ne devait probablement pas constituer une exception dans les environs de l'Alexandrie des premiers siècles de l'époque impériale. L'inscription alexandrine évoquant le jardin funéraire de Pompêia Mousa (doc. 2) ne dit pas autre chose, et même dans ce cas où le tombeau familial est évoqué et où les "corps qui y reposent", τοῖς ἐνκειμένοις σώμασιν (l. 16-17) ne sont pas oubliés dans la décision de justice, le kêpotaphe était cultivé avant toute chose pour sa valeur

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FRASER, NICHOLAS 1958, p. 125-126 : "adsertor", c'est-à-dire celui qui revendique pour autrui un statut juridique ; nouveau commentaire en 1962 qui enrichit la suggestion de "délateur, accusateur" (FRASER, NICHOLAS 1962, p. 158, n. 13), suivi par DE VISSCHER 1963, p. 208212. Mais cette proposition implique que le demandeur Rufus de la l. 7 soit un personnage différent de celui des l. 20-21, ce qui paraît peu défendable. En rattachant la forme karpistês au mot karpos (fruit) et au verbe karpidzô (l. 22), il paraît vraisemblable que Rufus est désigné ici comme "l'usufruitier" (avec ARANGIO-RUIZ 1963, p. 7-10 ; cf. plus récemment BERNAND 1992b, t. 1, p. 138 et t. 2, p. 157). 347 Cf. FRASER, NICHOLAS 1958, p. 120 et 123 ; BERNAND 1992b, t. 2, p. 158 ; KAYSER 1994, p. 105. 348 Sur cette question, voir les remarques de DE VISSCHER 1963, p. 218219. 349 Voir par exemple IGR 660 et 661 (Acmonia, Phrygie, 85 ap. J.-C. ; cf. DE VISSCHER 1965, p. 248, n. 4 et 5 et p. 250) ou CIL XIII, 5708 (Langres, Gaule). La formule se retrouve, à l'exception du dernier qualificatif, dans une inscription alexandrine tardive évoquant un tombeau (sans jardin mentionné) : BERNAND 1992b, n°66, t. 1, p. 146147 et t. 2, p. 169-170 (= SB I, 364, après BOTTI 1902b, n°46, p. 89-90 et BRECCIA 1911, n°401, p. 191). Au Fayoum encore, cf. BERNAND 1992b, n°48, t. 1, p. 110-111 (SEG 8, 533 = SB V, 7687).

344

Remarque déjà formulée par S. Jones, dans JONES 1920, p. 37. Cf. FRASER, NICHOLAS 1958, p. 120. 345 JOHNSON 1936, p. 79-80.

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Les besoins en eau dans la nécropole revenus provenant de l'enclos350. En Lydie, au Ier siècle ap. J.-C., le propriétaire du tombeau a fait cadeau à sa nièce des récoltes du terrain attenant351. En Lycie (Myra), une autre inscription funéraire de l'époque impériale précise que certaines personnes, probablement des affranchis, auront l'usufruit du jardin352. Et dans les inscriptions funéraires romaines, la mention de vergers (pomaria) ou de petits vignobles (viniola) est plutôt fréquente durant les trois premiers siècles de notre ère353.

2. 1. 4. Besoins en eau et modalités d'irrigation : le cas du papyrus BGU 1120 Que les kêpotaphes alexandrins soient détournés de leur vocation première ou qu'ils continuent à assurer pour les défunts les honneurs funèbres, la production fruitière et potagère nécessitait des apports en eau conséquents. Alexandrie étant située au bord de la Méditerranée, bien au-delà de la zone climatique saharienne où il ne pleut que très rarement, il était relativement aisé d'entretenir des espaces verts, et la cité antique était réputée pour cela : d'après le témoignage des Deipnosophistes d'Athénée, Callixène de Rhodes (fin du IIIe siècle av. J.-C.) aurait vanté l'habileté des jardiniers alexandrins et les qualités du climat pour cultiver toutes sortes de fleurs en toute saison 357 ; selon Strabon les jardins s'étendaient dans la zone périubaine, mais aussi au cœur même de la cité, en particulier dans le quartier des palais358. Pour autant, la région manquait d'eau en certaines périodes de l'année et l'on devait avoir recours à l'arrosage artificiel. Malgré le caractère mutilé par endroits du papyrus BGU 1120 et la présence de termes à l'interprétation difficile, le document est l'unique source dont nous disposons qui permette d'aborder précisément la question des besoins en eau et des modalités d'irrigation de ces jardins. De fait, il faut constater qu'il a été l'objet de nombreux commentaires, bien que souvent confus et contradictoires, dans la bibliographie traitant d'hydraulique antique359. En détaillant le paiement en nature dû par les locataires (l. 10-18), le texte nous informe sur les besoins en eau afférents à l'entretien de ces jardins. Si certaines cultures présentes dans les jardins de Canope supportent les régions sèches (le palmier en particulier, bien connu dans l'ensemble de l'Égypte), d'autres plus fragiles, aujourd'hui comme de tout temps, ne peuvent s'épanouir qu'avec des sols relativement frais (jujubier, vigne, figuier, poireau), voire humides pour certaines plantes potagères (bette, chou, concombre). Théophraste témoigne des besoins en eau de tels jardins : "certaines pratiques sont communes à toutes les cultures, comme l'irrigation, la fumure et la préparation du sol"360 ; "en général une eau abondante semble être bénéfique"361 ; il précise aussi que "tous les légumes en général aiment l'eau", et que les arbres aussi apprécient beaucoup l'irrigation362. Le papyrus BGU 1120 insiste précisément

Tous ces documents se complètent et se recoupent donc assez pour se faire une idée concrète des kêpotaphes alexandrins. Il s'agit d'abord d'espaces destinés à embellir l'environnement d'un tombeau, mais aussi de terrains de rapport et de rendement, pour fournir les offrandes du culte des morts et couvrir les frais des cérémonies funéraires ou d'entretien du monument354 : c'est vraisemblablement à ce titre que l'héritier Rufus a fait valoir devant le préfet d'Égypte ses droits d'usufruitier sur la propriété funéraire de Pompêia Mousa (doc. 2), à la fin du Ier siècle ap. J.-C. Avec le temps, ces jardins funéraires tendaient à perdre leur vocation initiale mais continuaient d'être exploités dans un but désormais essentiellement lucratif (comme semble en témoigner le papyrus BGU 1120 mais aussi la vente illégale du jardin de Mousa et sa revendication par l'héritier), et ce avec d'autant plus de facilité, jusqu'au début du IIe siècle, qu'ils bénéficiaient d'une libéralité fiscale due au caractère initialement religieux des lieux (Gnomon de l'Idiologue, doc. 3). A. C. Johnson, en constatant qu'aucune mention n'est faite de taxes publiques dans le BGU 1120, se demande même si les terres réservées à des fins funéraires n'étaient pas exonérées d'impôts, rendant ainsi leur exploitation plus attractive encore355. Toutefois cette hypothèse fondée sur un argument a silentio paraît indéfendable étant donnée l'impossibilité de la conforter par d'autres documents. Certains contrats de location de terres agricoles égyptiennes précisent effectivement que le propriétaire ou le locataire aura la charge de payer les taxes, en argent et en nature ; mais la clause est loin d’être systématique, ce type de transaction locative n'induisant pas nécessairement l'évocation de telles considérations356. 350

IG XII, 7, 515, l. 13, avec LAUM 1914 (éd. de 1964), t. 2, n°50, p. 58 et GAUTHIER 1980, p. 210. À comparer, pour la Grèce hellénistique, avec le jardin de la fondation de Diomédon, dont l'usufruit revient à l'esclave Lybis et sa famille : DARESTE ET AL. 1891-1904, t. 2 (1898), p. 94-95. 351 TAM V, 1, 12 ; cf. K UBINSKA 1968, p. 145 (Ak Tasch). 352 Voir LAUM 1914, t. 2, n°137, p. 123. Cf. KUBINSKA 1968, p. 143 pour d'autres inscriptions en Galatie ou en Pisidie. 353 SAMTER 1991, col. 1966. 354 À l'époque romaine, des inscriptions, grecques ou latines, insistent sur cet usage des tutela, destinées à l'entretien du culte et de l'édifice funéraire par prélèvement d'une part des revenus des terres cultivées alentour : SEG 33, 759 (Spinazzola, Italie) ; cf. KUBINSKA 1968, p. 143 (à propos d'une inscription de Juliopolis en Galatie), et 147. Pour les inscriptions latines, voir SAMTER 1991, col. 1966. En Gaule, encore : CIL V, 2176 et 7454 ; CIL XII, 1657 ; CIL XIII, 2465. 355 JONHSON 1936, p. 134, 322 et 515. 356 Pour les papyrus réservant une clause spéciale aux taxes publiques, nous renvoyons à l'étude de A. C. Johnson, dans JOHNSON 1936, part.

p. 132-134 ("P. Ross. Georg. II, 12", "P. Amh. 91", "P. Lond., 195" ou "SB 6951") ; pour des exemples de papyrus ne prévoyant aucune clause de ce type : ibid., p. 521-524 ("P. Ryl. 171", "P. Hamb., 8", etc.). 357 ATHÉNÉE, V, 196d. 358 STRABON, XVII, 1, 8 : l'expression qu'utilise l'auteur, temenê koina, peut renvoyer, dans son sens primitif, à un "terrain séparé" désignant alors des parcs plantés d'arbres, servant de promenades publiques ; mais la locution pourrait aussi s'entendre au sujet de sanctuaires dans lesquels des cultes dynastiques étaient célébrés ; cf. YOYOTTE, CHARVET 1997, p. 85. À deux reprises, Strabon mentionne encore des alsê, "bois sacrés", à l'intérieur de la cité d'Alexandrie (XVII, 1, 9-10). 359 Voir en particulier SCHIØLER 1973, p. 126 ; OLESON 1984, p. 133, 140-141 et 334 ; BONNEAU 1993, p. 92, 95 et 98. 360 THÉOPHRASTE, Causes des Plantes, 3, 19, 1. 361 id., Histoire des Plantes, 7, 5, 2. 362 Ibid., 7, 5, 1, et 2, 6, 3. Voir aussi à ce sujet D ÉMOSTHÈNE, dans le Contre Polyclès de ses Plaidoyers civils, 61.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine L'existence de l'instrument est attestée dans la vallée du Nil depuis le deuxième millénaire367, et c'est ainsi que le terme est systématiquement traduit dans le papyrus BGU 1120368.

sur la nécessité d'irriguer les plantations (ποτίζω, l. 30) ; l'allusion aux activités (ἐπιμέλεια, l. 29 et 32, κατεργασία, l. 29, εὐεργία, l. 32) destinées à rendre les cultures florissantes (εὐθηνέω, l. 33 et 36) ou fertiles (ζωφύτω, l. 33), évoque aussi l'obligation d'arroser régulièrement. Surtout, quatre termes évoquent les différents éléments de l'équipement hydraulique destiné à ces activités : il s'agit de pêgê, antlia, kêlôneion et trochos. Le contrat précise que le propriétaire aura la charge de les faire réparer et de garantir leur bon fonctionnement : τῶν ἐπισκευῶν τῆς ἀντλίας καὶ τῶν κηλωνείων ὁσάκις ἐὰν δ[έῃ] καὶ τῶν τροχῶν ὄντων πρὸς τὸν Διόδωρον (l. 26-27) ; τὸν Διόδωρον βεβαι[οῦν αὐτοῖς τὴν] μί[σθωσιν ἐπὶ τὸ]ν χρόνον καὶ τὴν ἀντλίαν ἐν[.]ρη καὶ τὸ ὕδωρ […] [τὴν] ἐν τῇ ἀντλίᾳ πηγὴν (l. 46-48), avec la traduction adoptée suivante : "les réparations du mécanisme de puisage, des bascules et des roues seront à (la charge de) Diodore" ; "Diodore devra leur garantir la location pendant la période et […] le mécanisme de puisage, l'eau […], la source d'eau dans le mécanisme de puisage". Nous voici donc en présence de l'unique attestation textuelle connue d'un système hydraulique dans un espace funéraire alexandrin. À ce stade de l'analyse, et malgré les lacunes du document qui entraînent des hésitations et des contradictions récurrentes auprès des spécialistes des machines hydrauliques antiques, il paraît essentiel de s'attarder sur la signification de ces mots, afin de comprendre à quel type d'aménagement ils font référence. Pêgê (πηγή, -ῆς, l. 48) est le nom de la "source d'eau". Dans son étude sur les modalités d'approvisionnement en eau en Égypte, D. Bonneau présente le mot pêgê en le distinguant de krênê (κρήνη, -ης)363 : si l'un et l'autre termes désignent des aménagements construits pour accéder à l'eau364, il ressort du corpus papyrologique que krênê ("fontaine") dépend d'un réservoir qui l'alimente, alors que pêgê ("source") se dit d'une eau qui sort directement du sol et ne tarit pas365. L'auteur, qui cite parmi ses exemples le contrat de bail de Canope, conclut que pêgê "est peut-être un endroit où la nappe phréatique, intarissable, est facilement accessible". Le terme kêlôneion (κηλώνειον, -ου), utilisé au pluriel à deux reprises (l. 26 et 36) est le dérivé de kêlôn (κήλων, -ωνος), dont il semble être le synonyme. Il apparaît surtout dans un contexte hydraulique, où il est couramment interprété comme un chadouf, du nom arabe consacré par l'usage, un appareil rudimentaire permettant de tirer l'eau grâce à un système de balancier simple ; un récipient est fixé à une extrémité, tandis que de l'autre côté est fixé un contrepoids pour alléger le fardeau (figure 14)366.

Figure 14. Scènes domestiques avec représentations de chadoufs. a : pelikê grecque à figures noires (Berlin, n° inv. 3228, d'après SPARKES 1975, pl. 14e). b : mur de la tombe d'Ipouy en Égypte (Deir el-Medineh TT 217, Nouvel Empire, d'après DAVIES 1927, pl. 29).

Le mot trochos (τρόχος, -ου), également employé au pluriel dans le texte (l. 27), désigne une roue. Dans les documents papyrologiques traitant d'une exploitation agricole, les trochoi sont fréquemment associés à un dispositif hydraulique et sont interprétés comme des "roues à eau" destinées au puisage369. C'est ainsi que A. C. Johnson traduit le terme trochoi des jardins Cf. BONNEAU 1993, p. 93-97 ; OLESON 1984, p. 140. Dans les inscriptions de Délos encore, le mot κήλων est défini par M.-Chr. Hellmann comme une "poutre basculante pour puiser l'eau" : HELLMANN 1992, p. 183. 367 Voir NORDON 1991, p. 62 et 68 et BONNEAU 1993, p. 93-97. Il semble que le principe du chadouf existait bien antérieurement en Mésopotamie (vers 2500 av. J.-C.) ; il est aujourd'hui toujours en usage en Afrique, en Grèce ou en Asie. 368 SCHNEBEL 1925, p. 72 ; cf. JOHNSON 1936, p. 134-135, OLESON 1984, p. 133, 140, BONNEAU 1993, p. 95. 369 Pour le recensement de ces documents mentionnant une roue dans un contexte hydraulique, voir OLESON 1984, p. 133.

363

BONNEAU 1993, p. 91-92. 364 Pour krênê, voir par exemple le papyrus de Florence cité par D. Bonneau (IIIe siècle), où la fontaine est dite "construite", οἰκοδομεῖν ; pour pêgê, voir par exemple le papyrus SB 9408(2), V, 8 (IIIe siècle). 365 Notamment dans le papyrus P.Tebt. III, 787, l. 7 et 28 (138 av. J.-C.). D. Bonneau constate par ailleurs que l'adjectif πηγαῖος est opposé à ἀναβατικός (relatif à l'eau de la crue, saisonnière) dans plusieurs papyrus du VIe siècle ap. J.-C. (BONNEAU 1993, p. 92, n. 763). 366 HÉRODOTE, I, 192 ; VI, 119 (à propos d'un puits de pétrole aux environs de Suse) ; ARISTOTE, Mécanique, 857a, 34. Voir le LSJ, s.v. "κηλώνειον" et CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "κήλων".

48

Les besoins en eau dans la nécropole etc.378, incitent à rejeter cette hypothèse ; il n'existe par ailleurs aucun document susceptible de conforter cette interprétation379. En revanche, il apparaît dans la littérature latine que l'antlia peut désigner une roue à eau : au Ier siècle ap. J.-C., Martial décrit l'antlia comme ayant une forme recourbée, curva, capable de soulever de grandes quantités d'eau, laboratas antlia tollit aquas380 ; dans le Corpus Glossariorum Latinorum encore, le mot est défini à plusieurs reprises comme une roue permettant de tirer de l'eau (anthlia rota autorita ; anthlia rota cisternae inde exanthlare idest exaurire) 381.

funéraires du BGU 1120 par "water wheels" ; D. Bonneau propose une solution analogue370. Pour T. Schiøler, il ne peut s'agir que d'appareils de levage ("pulley hoist") rudimentaires puisque aucune clause ne spécifie qu'elles doivent être restituées en fin de location, contrairement aux portes et aux kêlôneia (l. 36) 371 ; cet argument a silentio paraît cependant peu convaincant, et l'on peut à l'inverse estimer que les roues, solidement fixées et plus imposantes que les kêlôneia, ne nécessitaient pas de précaution particulière au moment de dresser la liste des équipements à rendre au propriétaire du domaine. Le terme antlia (ἀντλία, -ας), qui connaît trois occurrences dans le texte (l. 26, 47 et 48), est d'interprétation plus difficile. Dans son acception la plus courante, le mot désigne le fond de cale d'un bateau, la sentine où l'eau s'accumule et doit être vidée. Il peut aussi faire référence à l'eau qui s'amasse à cet endroit ; il est alors synonyme de antlos, dont il dérive372. Par extension, à partir de l'époque impériale le mot se retrouve en contexte agricole pour évoquer un instrument en rapport avec le pompage, le versement ou le vidage de l'eau373. Dans d'autres contextes, on a aussi pu faire d'antlia un synonyme d'antlesis, en lui donnant le sens de l'action de pomper l'eau, voire d'irrigation, mais il semblerait que le terme désigne en réalité la machine permettant cette action 374 ; ainsi à la ligne 48 du papyrus BGU 1120, D. Bonneau choisit de traduire le terme comme "l'action d'arroser" (ἐν τῇ ἀντλίᾳ, "lorsque le moment de l'arrosage sera venu"), alors même qu'il désigne manifestement dans le texte un dispositif construit et qui peut être réparé (cf. l. 26-27)375. A. C. Johnson traduit quant à lui antlia par l'anglais "pump", symptomatique de l'embarras d'une proposition de traduction plus précise376. Le dictionnaire de Liddell-Scott-Jones propose de définir le terme comme un "réservoir"377, mais d'autres appellations plus communément employées, telles que lakkos, dexamenê,

Les autres roues, trochoi, évoquées dans le papyrus BGU 1120 invitent cependant à aller plus loin dans l'interprétation de l'antlia, qui en outre présente ici deux particularités remarquables : parmi les instruments hydrauliques mentionnés, celui-ci est le seul, d'une part à être désigné par un singulier dans le document, et d'autre part à bénéficier d'un rapport privilégié avec la source d'eau, étant en contact direct avec elle (l. 48 : [τὴν] ἐν τῇ ἀντλία πηγὴν, "la source d'eau dans [à l'emplacement de ?] l'antlia"). Dans le papyrus tardif P.Bas. I, (VIe-VIIe siècle ap. J.-C.), une machine hydraulique est décrite (l. 4-5), comprenant une roue dotée de quarante dents, ainsi qu'une antlia. L'ensemble doit vraisemblablement être interprété comme l'équivalent de la saqia, mot arabe désignant un appareil complexe se composant d'un manège horizontal entraîné par des animaux, qui met en mouvement, par engrenage, une petite roue dentée et finalement un cylindre vertical qui élève l'eau d'un réservoir par un système de pots en terre cuite attachés (figure 15)382. Selon le vocabulaire arabe emprunté à l'étude de L. Ménassa et P. Laferrière sur la saqia moderne, l'antlia pourrait désigner dans le document copte la mahalla de la machine, c'est-à-dire la roue qui porte et entraîne dans sa rotation la chaîne des pots pour le puisage de l'eau, ou bien encore l'ensemble des godets fixés sur cette roue383. De même, la littérature latine peut évoquer l'antlia comme l'ensemble des pots d'une roue à eau, ou comme la roue même et l'on doit admettre, après J. P. Oleson, que le terme a pu désigner indifféremment

370

JOHNSON 1936, p. 134 ; BONNEAU 1993, p. 98, n. 802. De manière générale, tous les auteurs qui se sont intéressés à ce papyrus admettent qu'il s'agit bien de roues à eau. 371 SCHIØLER 1973, p. 126 ; l'hypothèse est reprise par J. P. Oleson : OLESON 1984, p. 141. 372 SOPHOCLE, Philoctète, 482 ; ARISTOPHANE, Les Cavaliers, 434 ; id., La Paix, 17 et 18; ARISTOTE, Petits traités d'Histoire naturelle, 534a, 28 ; cf. LSJ et DGE, s.v. "ἀντλία" et CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "ἄντλος". 373 MARTIAL, Épigrammes, IX, 18, 4 ; Anthologie Latine, 284. De même, si le verbe antlein signifie dans le vocabulaire maritime "vider la sentine" ou "vider l'eau qui s'amasse au fond d'un bateau", par extension il renvoie à l'action de puiser ou de verser pour l'arrosage des terres. 374 Voir OLESON 1984, p. 31, 168 et surtout p. 333-334. 375 BONNEAU 1993, p. 92 (corriger BGU 1119 par BGU 1120). Aux lignes 26-27, D. Bonneau se demande si le terme ne serait pas dans ce passage le nom grec de la vis d'Archimède (inventé au IIIe siècle av. J.-C. et au succès immédiat en Égypte ; VIOLLET 2000, p. 130), cylindre dont l'intérieur est compartimenté par des cloisons hélicoïdales ; mais l'auteur ne fournit pas d'argument, et souligne elle-même que cet appareil est plus communément connu sous le nom κοχλίας (BONNEAU 1993, p. 98, n. 802). 376 JOHNSON 1936, p. 134. 377 LSJ, s.v. "ἀντλία" (l. 26) ; cf. CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "ἄντλος". Cette interprétation rapproche ainsi le mot de sa signification initiale comme conteneur (la cale d'un bateau).

378

BONNEAU 1993, p. 96, 98, 107-108 ; cf. OLESON 1984, p. 133-136. Le LSJ, s.v. "ἀντλία" , rapproche le BGU 1120 d'un autre papyrus, le P.RYL. II, 92 (IIe ou IIIe siècle ap. J.-C.), où le même mot aurait le même sens de réservoir. Il s'agit d'une liste d'ouvriers désignés pour le travail de l'albâtre, du sel et de l'antlia (l. 5) ; l'antlia était peut-être associée aux opérations d'extraction du sel, mais le texte ne permet pas de savoir à quel dispositif précis il se rapporte. 380 MARTIAL, Épigrammes, IX, 18, 4. Cf. OLESON 1984, p. 59-60, pour qui l'adjectif employé ici renvoie bien à l'idée de roue. 381 Corpus Glossariorum Latinorum, V, 338 ; 561, 7 ; cf. V, 590, 4 ; 632, 25, etc. Voir OLESON 1984, p. 31, et ses conclusions p. 334-335. 382 Cette interprétation figure dans SPIEGELBERG 1917, p. 77-82, et p. 78 pour la traduction du passage : "Siehe da ist ein grosses Wasserrad (Sakije), auf (an) dem 40 Pflöcke mit ihren Schöpfgefässen (? ἀντλίας) sind". Cf. SCHIØLER 1973, p. 111-113 et OLESON 1984, p. 143. Au sujet de cette machine dans l'Antiquité, voir FORBES 1955, p. 36-37 ; SCHIØLER 1973, p. 110-128 ; OLESON 1984, p. 134-135 ; BONNEAU 1993, p. 105-111. Le mot arabe appartient à la racine saqa, qui signifie "abreuver, donner à boire" : MÉNASSA, LAFERRIÈRE 1975, p. V. 383 Pour la description de la mahalla, voir MÉNASSA, LAFERRIÈRE 1975, particulièrement p. 9-12. 379

49

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine l'un ou l'autre dans le langage courant384. Dans la littérature rabbinique ancienne enfin, le mot hébreu antilja peut désigner l'ensemble d'une machine complexe, probablement de type saqia, servant à pomper l'eau385. Il est remarquable, du reste, que dans la documentation grecque aucune dénomination précise ne ressorte

clairement pour désigner une saqia : les termes mêchanê ("machine") et organon ("instrument") sont employés le plus souvent386, et l'on peut dès lors se demander si le mot antlia a pu en certains contextes désigner plus spécifiquement ce type d'aménagement d'irrigation.

Figure 15. Dessins d'une saqia moderne située près de Médinet Habou. (D'après MÉNASSA, LAFERRIÈRE 1975, fig. 24, 25 et 32).

384

Corpus Glossarium Latinorum, V, 266, 18 : anthlia rota exauritoria genus est vasis quasi pigella ("anthlia : une roue pour lever l'eau (ou) une sorte de vase comme une pigella") ; cf. OLESON 1984, p. 62. 385 KLEIN 1987, s.v. "antlije", p. 39. OLESON 1984, p. 8.

386

50

Cf. REIL 1913, p. 82 ; O LESON 1984, p. 132-136.

Les besoins en eau dans la nécropole Si la machine était peut-être connue en Égypte dès le IIIe siècle av. J.-C.387, son existence semble du moins attestée dans la région alexandrine au début de notre ère, comme le montre le programme iconographique d'une tombe découverte par H. Riad en 1960 dans le quartier de Wardian, anciennement intégré à la Necropolis (tombeau 3)388. Le décor de la cour, que l'on peut probablement dater du Haut Empire romain (fin du Ier siècle ou début du IIe siècle ap. J.-C.) 389, donne l'illusion de se trouver au milieu d'un paysage bucolique et verdoyant. Sur fond d'arbres, de vignes, de feuilles et d'animaux aquatiques, l'une des scènes représente une saqia en fonctionnement (figure 16)390. L'artiste en a représenté les éléments les plus caractéristiques : les deux bœufs qui en tournant autour d'un pivot permettent d'actionner l'ensemble, les barres en bois dont l'association crée la dynamique et le cylindre principal tirant depuis un canal ou un étang, l'eau acheminée sous une arche ; à gauche de la scène, un jeune garçon surveille le travail des bœufs et rythme probablement leur pas au son d'une flûte. Dans le détail, la figuration de la machine manque cependant singulièrement de réalisme : le mouvement horizontal des animaux de trait ne peut entraîner la roue verticale que par un système complexe d'engrenages qui n'apparaît pas ici ; on ne distingue pas plus l'écoulement de l'eau puisée, ni l'appareillage fixé sur la roue, par lequel l'eau remontait effectivement ; T. Schiøler a également fait remarquer que l'attelage des bœufs, disposés de part et d'autre de la barre du manège plutôt que l'un à côté de l'autre, était sans doute peu conforme et aurait nui à l'efficacité du dispositif 391. Si donc cette peinture à vocation naturaliste rend difficilement compte du fonctionnement exact d'une telle machine à cette époque, du moins l'ensemble de la documentation textuelle et iconographique, corrélée au traitement à part dont fait l'objet l'antlia dans le papyrus BGU 1120, permet de conclure selon toute vraisemblance

à la présence d'une saqia sur le domaine des kêpotaphes de Canope. Selon ces sources, l'antlia peut dès lors être comprise, soit comme la pièce maîtresse de la machine, à savoir la roue plongeant dans la réserve d'eau (mahalla), soit comme l'ensemble de l'instrument d'irrigation.

Figure 16. Scène peinte avec représentation d'une saqia dans la tombe 3 de Wardian (Necropolis), paroi est de la cour. (D'après EMPEREUR 2002a, p. 46, fig. 11).

On peut enfin se demander quelle place et quel rôle occupaient les kêlôneia et les trochoi mentionnés dans le texte. Des chadoufs et des roues hydrauliques auraient pu fournir des relais pour le puisage et l'arrosage du vaste domaine, peut-être organisé en terrasses, à condition de le doter de systèmes d'élévation de l'eau par des canaux. Mais une autre solution est envisageable, qui consiste à appréhender les deux termes comme les noms de composants de la saqia. Dans le mécanisme ainsi considéré, les trochoi trouveraient leur place comme roues dentées de l'engrenage (grand ters horizontal et petit ters vertical) 392. Cette conclusion est adoptée au sujet du papyrus BGU 1120 par certains spécialistes, qui suggèrent en conséquence qu'il y a peut-être ici mention d'une saqia 393. Par ailleurs, en certains contextes, le mot kêlôneion connaît une acception plus large et désigne un appareil en bois mobile destiné à se balancer394. Dans un

387

BONNEAU 1993, p. 106. Pour J. P. Oleson, l'invention de la machine remonterait plutôt au IIe siècle av. J.-C. : OLESON 1984, p. 378 et OLESON 2000, p. 234. 388 Les assises d'une saqia d'époque romaine ont été identifiées sur le site alexandrin de Terra Santa (fouilles du CEAlex, 2003-2004), en relation avec un important réseau hydraulique : MATHIEU 2004, p. 635. Notons encore la découverte d'une saqia tardo-antique (VIe-VIIe siècle), au nord des thermes de Maréa, en bordure du lac Maréotis : SZYMAŃSKA, BABRAJ 2003, p. 44-46, et fig. 1 et 7-9, p. 40 et 44-45. 389 Cette datation est cependant régulièrement soumise à un nouvel examen et les propositions varient considérablement, entre les époques ptolémaïque et chrétienne. Récemment encore, M. Venit attribuait la peinture au IIe siècle av. J.-C. sur critères stylistiques et techniques (VENIT 2002, p. 108-115 ; cf. VENIT 1993, p. 384-385). Nous reprenons ici la datation la plus fréquemment adoptée : ADRIANI 1970, p. 17 ; GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 406 ; EMPEREUR 1998e, p. 186. 390 RIAD 1964, p. 171; RIAD 1967, p. 93-96 ; OLESON 1984, p. 184-185 ; OLESON 2000, p. 270 ; VENIT 2002, p. 103-104. La paroi a été extraite du tombeau pour être transportée au Musée gréco-romain d'Alexandrie, dont elle constitue aujourd'hui l'une des pièces maîtresses présentées au public (n° inv. 27029). 391 SCHIØLER 1973, p. 153 ; cf. OLESON 1984, p. 185, OLESON 2000, p. 270 et VENIT 2002, p. 115-116 ; ce dernier auteur reprend les conclusions de Schiøler pour arguer en faveur d'une datation ptolémaïque de la peinture, à une époque où la technologie du dispositif en était encore à ses débuts.

392

Cf. P.O XY. X, 1292 (30 ap. J.-C.), l. 13, où il est question de la τροχὸς τῆς μηχανῆς, "la roue de la machine" ; d'autres exemples de ce type ont été recensés par OLESON 1984, p. 133 et BONNEAU 1993, p. 98. 393 A. Calderini admet les trochoi du BGU 1120 comme les roues d’une saqia par leur association avec les kêlôneia (CALDERINI 1920, p. 623) ; M. Schnebel propose la même conclusion (SCHNEBEL 1925, p. 81) ; R. J. Forbes semble d'accord, et conclut qu'il s'agit là de l'une des premières mentions papyrologiques de saqia (FORBES 1955, p. 37 et n. 116, p. 73). 394 Voir en particulier APOLLODORE, Poliorcétique, 161, 10-164, 4, qui décrit un dispositif pour guetter les ennemis : les kêlôneia (écrit kêlônia)

51

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine papyrus très comparable à celui du contrat de Canope, édité dans le BGU au numéro 1116 (même lieu de découverte ; date très proche, 13 av. J.-C. ; même objet, le contrat de location d'un terrain d'Alexandrie), il est question d'un ouvrage en bois servant à irriguer le jardin, comprenant une trochilia (écrit trochillea ; "treuil", "cylindre") et un kêlôneion 395. Ainsi dans le cas présent, ce dernier terme renvoie non pas à un instrument hydraulique à part entière, mais seulement à l'un de ses éléments constitutifs, qu'il s'agisse du balancier d'un chadouf, permettant d'actionner l'appareil, ou d'une partie de saqia, selon l'interprétation de Th. Reil396. Dans le papyrus BGU 1120, les kêlôneia pourraient dès lors correspondre aux barres en bois ou moyeux sur lesquels étaient fixées les différentes roues de la saqia, entraînant ainsi leur rotation. Plutôt qu'à ces axes mobiles, on peut également songer à l'attelage des bêtes, constitué de deux branches posées sur le manège à partir de son axe et formant comme un ciseau ouvert, l'un attaché sur l'épaule de l'animal, l'autre en arrière.

Wardian ou à Kôm el-Chougafa, étaient en surface agrémentés d'espaces verts accueillants, cultivés et abondamment irrigués pour le plaisir des visiteurs. On est également tenté d'envisager le même type de paysage, dès l'époque hellénistique, au-dessus des riches tombeaux de Moustapha Kamel, sur le modèle des herôa de Grèce et d'Asie Mineure à la même époque. En revanche, dans la "cité des morts" d'Alexandrie, les fouilles du quartier actuel de Gabbari ont révélé une organisation funéraire bien différente, complexe et presque industrielle, administrée par des promoteurs, des carriers, ou des entrepreneurs de pompes funèbres. Ainsi, dès l'époque hellénistique, pour les besoins d'une population toujours croissante et parfois très modeste, se côtoient de simples sépultures en pleine terre, et des hypogées familiaux devenus rapidement collectifs par agrandissements et réaménagements successifs, et regroupant des centaines de sépultures, parfois entassées dans un même loculus pour rentabiliser l'espace disponible. Ce type de paysage nous amène bien loin des vastes kêpotaphes protégés par le statut d'indivision ou d'inaliénabilité perpétuelles et renvoie à une autre réalité. Il paraît donc ici compromis de pousser trop loin la confrontation des informations écrites avec les données archéologiques : la mise au jour d'aménagements hydrauliques en surface des nécropoles alexandrines, parfois peu datables voire même faiblement identifiables, ne suffit pas à démontrer l'existence de jardins cultivés et irrigués pour assurer leur entretien, pas plus que la représentation d'une saqia sur la paroi d'un hypogée, ou la découverte d'un dépôt secondaire de fragments de godets à eau dans un loculus de la tombe B9, à Gabbari398, ne prouvent l'utilisation d'une telle machine dans la nécropole. Quant à l'attestation textuelle de kêpotaphes, elle n'implique pas nécessairement que tous les espaces funéraires, y compris ceux réservés à une population modeste, en étaient également pourvus. Toutefois l'allusion par Strabon à de nombreux kêpoi dans la Necropolis suggère probablement, ici comme ailleurs, la présence assez fréquente de concessions funéraires agrémentées de petits jardins en surface, délimités dans le paysage par des murets ; de tels enclos ont du reste été observés dans la nécropole de Plinthine, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie, pour séparer des groupes de tombes ou une unique sépulture399 : ils peuvent être considérés comme des témoins vraisemblables de la présence de jardinets privatifs, au moins pour assurer un cadre agréable aux visites et à la commémoration afférente au tombeau ; les inscriptions

Qu'on ait ici affaire à une seule machine d'exhaure complexe de type saqia, dont les éléments constitutifs seraient l'antlia (roue de puisage), les trochoi (roues dentées d'engrenage) et les kêlôneia (éléments d'articulation en bois) 397, ou bien que différents instruments autonomes aient été employés pour l'arrosage des terres (une saqia, des roues hydrauliques et des chadoufs) ne change rien à la volonté évidente de garantir une irrigation performante pour les jardins loués à Canope par Hermias et sa famille. Le cas est tout à fait unique dans les documents relatifs aux espaces funéraires dans le monde gréco-romain, et le dispositif témoigne encore du caractère avant tout agricole de ce terrain ci, fondé sur le rendement des cultures. 2. 1. 5. Mises en perspective archéologiques Bien entendu, ces vastes propriétés que les données textuelles nous font connaître ne correspondaient pas au paysage funéraire le plus commun, mais constituaient un cadre luxueux destiné (au moins initialement) à commémorer le souvenir d'un personnage ou d'une famille de renom, appartenant sans nul doute aux plus hautes couches de la société alexandrine. À transposer ces jardins sur le plan des découvertes archéologiques, on peut supposer que les plus grands complexes funéraires d'époque romaine appartenant à de riches Alexandrins, à désignent ici le système de bascule d'une échelle, constituée de barres de bois fixées par des boulons. 395 BGU 1116, l. 24-25 ; cf. OLESON 1984, p. 141. 396 Si à propos de ce papyrus, Th. Reil a pu pencher pour l'interprétation des termes trochillea et kêlôneion comme parties d'une saqia, d'autres documents étudiés par l'auteur suggèrent que le kêlôneion peut également se rattacher au système de bascule d'un chadouf (REIL 1913, p. 83 et 85). 397 Une hypothèse assez analogue est proposée par J. P. Oleson: "in BGU 1120, 26-27, [antlia seems to mean] 'irrigation machinery' (including both shadufs and compartmented wheels)": OLESON 1984 p. 141 et surtout p. 334. Cf. DGE, t. 2, s.v. "antlia", p. 357 (= noria, l. 26).

398

Ce matériel, trouvé dans un loculus ouvert de cette tombe d'époque romaine (pièce 2, sépulture 2064), a été daté du Bas-Empire (LAMARCHE 2003, p. 129-130 ; DELAPORTE 2003, p. 47-48 ; CALLOT, NENNA 2003, p. 105). À la même époque, le nettoyage systématique des emplacements funéraires correspond peut-être à une occupation tardive et non sépulcrale de l'hypogée, utilisé comme dépotoir jusqu'à la période islamique. L'hypothèse selon laquelle la présence de ces godets s'expliquerait par leur utilisation dans les citernes funéraires de la nécropole paraît donc très douteuse. 399 ADRIANI 1940-1950b, p. 141 ; CALLOT 1998, p.187-188. Parce que les caractéristiques de la nécropole de Plinthine sont proches de celles d'Alexandrie, du point de vue architectural et stylistique, J.-Y. Empereur a généralisé au cas alexandrin (EMPEREUR 1998e, p. 228-229).

52

Les besoins en eau dans la nécropole du monde gréco-romain sont nombreuses à évoquer des jardins funéraires entourés d'un tel muret400. Ces jardins que décrit Strabon prenaient sans doute fréquemment la forme de vergers401, mais les fleurs, également très consommatrices en eau, n'étaient probablement pas absentes. Le souhait d'en voir pousser à proximité du tombeau, dans les inscriptions grecques et latines402, ainsi que leur participation dans le rituel des offrandes funéraires403 invitent à le supposer. À Alexandrie, outre l'importance de la végétation dans le décor peint ou sculpté des tombes404, des couronnes de feuillages et de fleurs, en terre cuite ou en bronze doré, qui surmontaient les épaules des vases cinéraires405, nous apparaissent comme les équivalents artificiels et pérennes de fleurs naturelles déposées pour les morts aux jours de commémoration 406. Dans les kêpotaphes agricoles du type de ceux décrits dans le papyrus BGU 1120, où les fleurs sont absentes de l'énumération des plantations, peut-être se contentait-on de les disposer en bordure des terrains407. L'étude des textes et les parallèles établis semblent bien montrer qu'Alexandrie a repris à son compte une tradition déjà ancienne qui doit être mise en rapport, plus généralement, avec l'attachement des Grecs et des Romains pour le jardin privatif et aussi peut-être avec l'admiration suscitée par les παράδεισοι des rois et satrapes perses : le terme iranien de paradis s'introduit pour la première fois dans la langue grecque chez

Xénophon, qui évoque les parcs zoologiques et botaniques dont la splendeur étonne408 ; on rencontre le mot à propos d'un ensemble funéraire doté d'un verger en Pisidie409. Quant à l'hypothèse d'une organisation en jardins des cours intérieures de certains tombeaux alexandrins, en particulier à Moustapha Kamel, elle contribue parmi d'autres arguments au rapprochement opéré entre l'architecture funéraire monumentale d'Alexandrie et l'architecture palatiale hellénistique d'Asie Mineure410. Ainsi, en tout état de cause, ces aménagements de jardins dans les nécropoles alexandrines dont les sources écrites rendent compte donnent peu de crédit à l'hypothèse d'un héritage proprement égyptien, comme cela a pourtant été suggéré par W. A. Daszewski, dans une perspective comparatiste plus générale visant à mieux comprendre l'origine architecturale des tombeaux alexandrins411. S'appuyant de fait sur les seuls vestiges archéologiques observés dans les cours des tombes d'Alexandrie (nécropole hellénistique de Moustapha Kamel en particulier) et négligeant tout à la fois les incertitudes que nous avons soulignées à leur propos et l'ensemble de la documentation épigraphique et papyrologique, l'auteur établit un parallèle avec les installations de jardinets (ou plus exactement de petits bacs à plantes), les Planzenbecken observés dans les tombes thébaines de Basse époque (voir la figure 17a)412, dont il n'existe par ailleurs aucun exemple attesté dans l'ensemble de l'Égypte à l'époque gréco-romaine. Les sources écrites ne nous renseignent guère mieux, à l'exception peut-être d'un papyrus bilingue (en grec et démotique) provenant d'Hermonthis et conservé au British Museum (n° inv. EA 10402)413, qui contient le contrat de partage d'un héritage familial de choachytes, prêtres chargés de rendre le culte funéraire à Thèbes à l'époque ptolémaïque414. Selon la traduction dont U. Wickeln a pu disposer au moment de la préparation de l'édition de la partie grecque (dans les UPZ II, n°188), le texte démotique explique qu'en 127 av. J.-C. (année 43 de Ptolémée VIII), un certain Pechutes a légué à ses deux neveux une partie de la propriété funéraire de ses parents, située dans la nécropole de Djême, à savoir une portion de désert avec une maison, un jardin et tout une série de tombes, ainsi que les rémunérations qui incomberont à leur profession de choachytes (l. 3). Le texte grec relate

400

KUBINSKA 1968, p. 142-144 ; TOYNBEE 1971, p. 300, n. 320 et 323 ; GREGORI 1987-1988, p. 182 ; SAMTER 1991, col. 1966. Voir aussi JASHEMSKI 1979, p. 149, pour qui la présence d'enclos à Pompéi atteste la présence de jardins funéraires, sur le modèle de Scafati. 401 Selon l'opinion de P. Charvet, "les jardins funéraires que mentionne Strabon y servaient aussi de vergers" (YOYOTTE, CHARVET 1997, p. 90). Cl. Vatin veut distinguer le paradeisos, parc et verger, et le kêpos, qui serait plutôt un potager (VATIN 1974, p. 356), mais dans sa Géographie, Strabon utilise le terme pour évoquer aussi bien les vergers destinés à l'alimentation (STRABON, III, 5, 7 ; IX, 1, 6 ; XVII, 2, 2) que les grands parcs d'agrément (id., IX, 1, 17 ; XVI, 1, 5). 402 Pour les allusions grecques à ce type de souhait, voir les exemples et l'analyse dans VÉRILHAC 1978-1982, t. 2, p. 211-219. Pour les épitaphes latines : CIL VI, 10237, 18385 ou 20466 ; CIL XI, 3895 ou XII, 3637. Pour d'autres inscriptions : WOLFF 2000, p. 29-30 ; cf. PORTE 1993, p. 30-31, 106-107 et 134-135. 403 ESCHYLE, Perses, 621-622 ; SOPHOCLE, Électre, 893-896. Les gerbes ou les guirlandes végétales, si souvent représentées dans les scènes de visite à la tombe des lécythes à fond blanc d'Athènes, sont également les témoins de l'usage des rameaux fleuris : KURTZ 1975, fig. 19, 2 ; 20, 1 ; 23, 3 ; 26, 2 ; 29, 4, etc. Dans la tradition romaine, les fêtes annuelles des Rosalia et des Parentalia constituaient des occasions spéciales pour déposer au tombeau des roses (CIL V, 2176 ; X, 5469 ; XI, 132), et des violettes (OVIDE, Fastes II, 537-539 ; CIL VI, 10248) ; voir CUGUSI 1985, p. 267-273. 404 BRECCIA 1915, pl. XVIII-XXI (bas-reliefs sur les sarcophages) ; GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 398-399 et GUIMIERSORBETS, N ENNA, SEIF EL-DIN 2001, p. 187 (représentations peintes). 405 BRECCIA 1915, particulièrement p. 18-25 ; GUIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 149. 406 L'usage de suspendre des guirlandes naturelles dans les tombes paraît attesté par la présence, dans les tombes de Gabbari, de petits trous creusés au sommet et aux angles des loculi : voir CALLOT, N ENNA 2001, p. 70 et fig. 3.95 et 3.98 p. 159 (tombe B1, pièce 9). 407 Aujourd'hui à Madagascar par exemple, les terres consacrées aux cultures maraîchères peuvent être bordées de fleurs que l'on réserve à son usage personnel ou que l'on destine à un commerce secondaire (Yvette Morizot, communication personnelle, août 2007).

408

XÉNOPHON, Économique, 4, 13 et 4, 21. Voir VATIN 1974, p. 349. IGR III, 275 ; cf. KUBINSKA 1968, p. 143. 410 À propos de l'aménagement de jardins dans la cour des palais, aujourd'hui bien acquis, voir NIELSEN 2001, p. 177-181. Pour la comparaison entre les riches tombeaux de Moustapha Kamel et l'architecture des palais, voir BARBET, BLANC 1998, p. 14 ou GUIMIERSORBETS 2003, p. 599. 411 DASZEWSKI 1993b, p. 412-413 et surtout DASZEWSKI 1994a, p. 58. 412 S. H. Aufrère parle à leur propos d'"ersatz de domaine funéraire" (AUFRÈRE 1992, p. 65). De nombreux exemples sont évoqués dans EIGNER 1984, p. 118-119, HUGONOT 1989a, p. 182-189 et WILKINSON 1998, p. 111-117. Le rapprochement opéré par W. A. Daszewski est également proposé par J. Zeidler (voir ZEIDLER 1994, p. 279). 413 La référence se trouve dans BATAILLE 1952, p. 183, avec plusieurs erreurs. 414 Nous reviendrons sur cette catégorie professionnelle, infra, p. 128130. 409

53

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine comment, à la mort de Pechutes quatre ans plus tard, les problèmes de division de l'héritage ont été discutés avec les enfants du défunt pour convenir d'un arrangement415. Le document permet d'envisager l'usage de jardins à des fins funéraires, mais rien ne l'assure : si les choachytes n'étaient pas obligés de vivre sur la rive gauche de Thèbes, du moins le pouvaient-ils416 ; le jardin mentionné dans le texte démotique se réfère donc peut-être aux seules plantations associées à la maison d'habitation. De fait, si l'on rappelle parfois le goût des anciens Égyptiens pour les jardins, c'est surtout à cause des représentations peintes conservées sur les parois des tombes et plus rarement sur les stèles funéraires (voir la figure 17b-c417). D'après les vestiges archéologiques dont l'inventaire a été dressé par J.-Cl. Hugonot puis de nouveau par A. Wilkinson, il est vraisemblable qu'à l'époque pharaonique le propriétaire d'une tombe, pour des raisons techniques et climatiques, s'est le plus souvent contenté dans la réalité d'un arbre symbolique ou d'un modeste bac à végétation, en mentionnant éventuellement dans une inscription le jardin rattaché à l'exploitation

agricole qu'il détenait de son vivant et qu'il situe fictivement dans la nécropole pour continuer à en jouir dans l'Au-delà418. "Je suis en effet allé à la nécropole, j’ai creusé un bassin de cent coudées de côté et il y a sur chacun dix sycomores", peut-on lire dans une tombe d'Akhmim de la VIe dynastie (traduction N. Baum) 419 ; dans une tombe thébaine de la XVIIIe dynastie, la supplication que le défunt Djehouti adresse à Amon n'implique pas non plus une réalisation effective : "Puisses-tu faire que je me rafraîchisse sous mes sycomores, dans l’exploitation que j’ai établie au bord du bassin de ma propriété funéraire" (traduction N. Baum) 420. Il n'y a donc rien qui permette de justifier une quelconque influence de la civilisation pharaonique dans la conception des jardins funéraires alexandrins, et en particulier dans les éventuels parterres de végétation dans les cours de la nécropole de Moustapha Kamel, dès le début du IIIe siècle av. J.-C.

Figure 17. Jardins d'Égypte pharaonique. a : Plan des cours de trois tombes thébaines de Basse Époque (XXX e dynastie) : TT 279 de Pasaba, TT 36 d'Ibi et TT 414 d'Ankh-Hor (d'après EIGNER 1984, p. 118, fig. 93). b et c : Scènes peintes représentées sur le registre inférieur de deux stèles funéraires de la Troisième Période Intermédiaire : Le Caire, n° inv. 25/12/24/20, XXIIe dynastie ; Turin, n° inv. 144, XXVIe dynastie (d'après WILKINSON 1998, p. 114, fig. 58 et HUGONOT 1989a, p. 203, fig. 180). 418

HUGONOT 1989a, p. 180-189 et WILKINSON 1998, p. 110-117. Ces vestiges, de l'Ancien Empire jusqu'à la Basse Époque, concernent surtout de riches sépultures ; l'identification des espaces plantés ou cultivés, ainsi que leur utilisation funéraire, sont parfois hypothétiques. De véritables jardins se retrouvent cependant à propos de temples funéraires royaux, édifices de grande envergure sur le modèle des temples divins : voir BAUM 1988, p. 28. Cf. G ESSLER-LÖHR 1983, p. 101-109 et ASSMANN 2003, fig. 21, à propos du jardin, attesté par l'archéologie, aménagé dans la cour du temple funéraire d'Amenhotep, fils de Hapou (Médinet Habou, XIVe siècle av. J.-C.) ; il était constitué de vingt arbres (des sycomores ?) qui entouraient un vaste bassin. 419 BAUM 1988, p. 29 ; cf. HUGONOT 1989a, p. 204. 420 BAUM 1988, p. 32. De nombreuses inscriptions de ce type, de l'Ancien au Nouvel Empire, sont ainsi énumérées par l'auteur, p. 29-33.

415

UPZ 188, p. 189 ; cf. PESTMAN 1993, p. 136. BATAILLE 1952, p. 205 ; DERDA 1991, p. 24. 417 Dans la première scène, un tombeau figure à côté d'un pylône surmonté de deux pyramidions, à la lisière des terres cultivées ; une femme agenouillée se lamente dans la posture habituelle des pleureuses, une main levée au-dessus de la tête ; à droite, une table d'offrandes est dressée à côté d'un bassin, à l'ombre d'un sycomore et de deux palmiersdattiers. Sur la seconde représentation, contre les flancs de la montagne thébaine s'appuie un édicule funéraire au sommet arrondi, qui disparaît presque sous la ramure des arbres, trois palmiers chargés de fruits et un sycomore. 416

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Les besoins en eau dans la nécropole 2. 2. LE TRAITEMENT DES CORPS ET LES FUNÉRAILLES

la crémation, constaté par G. Grévin et P. Bailet grâce à l'étude du contenu des urnes426, semble-t-il bien témoigner de ces pratiques consommatrices d'eau, induisant l'aménagement de puits ou de réservoirs en surface des nécropoles. Il n'est pas invraisemblable de supposer, par ailleurs, que les hydries utilisées pour contenir les os, qui constituent les trois-quarts des vases cinéraires mis au jour dans les tombes alexandrines pour l'époque hellénistique427, étaient d'abord employées pour ces usages. Outre ces considérations techniques, la documentation littéraire nous apprend que l'eau tenait une place essentielle dans les gestes accomplis à l'occasion d'un décès et ce jusqu'à la mise au tombeau : au moins à partir de l'époque classique en effet, la mort constitue une cause de souillure dont il faut se débarrasser par des procédés divers où l'eau, purificatrice par excellence, intervient constamment428. Nous voudrions revenir brièvement sur ces pratiques dictées par la tradition grecque429, avant de nous demander quelles sont celles qui ont pu se dérouler dans les nécropoles d'Alexandrie.

2. 2. 1. Les lustrations funéraires dans la tradition grecque En matière de traitement du corps, l'archéologie démontre que l'inhumation était de loin le procédé le plus couramment employé à Alexandrie, dès les premiers siècles d'existence de la ville et tout au long de la période gréco-romaine421. Dans la très grande majorité des cas, elle ne révèle aucune trace détectable d'opération volontaire de conservation par embaumement, le mort étant simplement vêtu ou enveloppé dans un linceul et ordinairement déposé dans une fosse de surface ou un loculus d'hypogée ; dès lors, l'identité culturelle hellénique du défunt peut être rendue explicite par les inscriptions ou les scènes figurées sur les stèles et plaques de fermeture des loculi (image stéréotypée de la dexiôsis, représentation du défunt en soldat macédonien, etc.422), ainsi que par l'éventuel mobilier d'accompagnement déposé dans la sépulture (obole de Charon destinée à faciliter le passage aux enfers dans la religion grecque, figurines en terre cuite, faïence ou plâtre représentant l'image grecque d'un dieu ou celle d'une femme, Tanagréenne, vêtue à la mode hellénistique, etc.423). Tout à fait contraire aux traditions et aux conceptions funéraires égyptiennes, la pratique de la crémation est également attestée à Alexandrie, surtout durant l'époque hellénistique grâce aux récipients cinéraires découverts dans différents cimetières de la ville (hydries et autres vases domestiques en terre cuite, et plus rarement urnes en plomb et vases en faïence ou en albâtre à l'époque romaine) 424. Ainsi, l'influence et le prolongement des coutumes grecques dans le rituel funéraire alexandrin apparaissent bien comme des données majeures pour aborder la question des usages de l'eau dans les nécropoles.

En tout premier geste pratiqué sur la dépouille, que celle-ci soit par la suite inhumée ou brûlée et quelles que soient les circonstances du décès, la toilette funéraire intervient systématiquement. Dès l'époque archaïque, la poésie homérique atteste la stricte observance de la coutume, dans le but de rendre le mort tombé au combat présentable et décent, en effaçant toute trace de sang et de poussière : "… nos corps gisent sans sépulture, les nôtres au logis ne savent toujours rien ; ils auraient de nos plaies lavé le sang noirci ; ils nous exposeraient et nous lamenteraient, dernier hommage aux morts !" (Odyssée, XXIV, 189 ; traduction V. Bérard)430. Les sources plus tardives indiquent encore que la pratique était scrupuleusement respectée en tout premier devoir des cérémonies mortuaires tout au long de la civilisation gréco-romainea: ainsi chez Euripide, c'est en vertu des "règles en vigueur", τὸν νόμον … τόν προκείμενον, que deux étrangers bénéficient de la toilette ultime431. Le bain précédant la mort d'Œdipe, dans le bois sacré des

Si les fouilles n'ont pas permis d'observer de vestiges de bûcher au-dessus des tombes alexandrines, du moins peut-on supposer, en premier lieu, que l'eau jouait un rôle au moment d'éteindre les flammes, précisément quand les restes osseux étaient blanchis mais pas encore réduits en esquilles425, et peut-être de nouveau pour laver les os avant leur dépôt dans l'urne. Du moins le soin accordé à

426

Voir GRÉVIN, BAILET 2002, particulièrement p. 63. Les hydries de Hadra constituent la moitié de l'ensemble, les hydries à fond blanc 25% : G UIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 146. 428 À l'époque archaïque, chez Homère en particulier, rien n'indique que la mort est considérée en elle-même comme une chose impure : dans l'œuvre du poète, la seule souillure provoquée par la mort, c'est la saleté, et la pureté est l'équivalent de la propreté. L. Moulinier hésite encore à reconnaître ce sentiment d'impureté liée à la mort dans l'œuvre et à l'époque d'Hésiode (MOULINIER 1950, p. 50-52) ; certains passages vont pourtant dans ce sens (HÉSIODE, Les travaux et les jours, 735-736) ; cf. PARKER 1983, p. 70. 429 Sur ce thème, les considérations qui suivent bénéficient du travail antérieur effectué en Maîtrise d'Histoire, et consacré à La Mort et l'eau en Grèce Ancienne aux époques archaïque et classique (TRICOCHE 1999, p. 24-40). Parmi les publications traitant de cette question, voir MOULINIER 1950, p. 76-81, GINOUVÈS 1962, p. 239-243, PARKER 1983, p. 34-41. 430 Voir encore les nombreux passages évoquant le bain offert aux morts, dans HOMÈRE, Iliade, XVI, 669-679 (Sarpédon) ; XVIII, 343350 (Patrocle), etc. 431 EURIPIDE, Iphigénie en Tauride, 1189 ; cf. id., Phéniciennes, 1667 (avec MAUDUIT 1994, p. 137 pour l'interprétation du passage). 427

421

NENNA 2002a, p. 50-55 ; cf. GUIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 147. 422 ROUVERET 2002, p. 56-61. 423 NENNA 2002b, p. 79-81. 424 GUIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 146-147 ; cf. BRECCIA 1912, p. 25-29 (nécropole de Chatby) ; BALLET, BOUSSAC, ENKLAAR 2001 et ENKLAAR 2003 (chantier du pont de Gabbari, Necropolis). 425 À titre d'exemple, la fouille des vestiges d'un bûcher à Aineia en Macédoine (tombe IV du tumulus B), menée par J. Vokotopoulou, a montré que le sol en terre battue avait été mouillé pour être damé avant l'arrivée du char funèbre ; l'état du bois de la structure qui reçut le mort a également révélé l'extinction du feu avec de l'eau. Informations recueillies dans GUIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 143. On opposera cependant ces données archéologiques à la description par Homère des funérailles de Patrocle, où c'est le vin qui est chargé d'éteindre les flammes : HOMÈRE, Iliade, XXIII, 237-238.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Euménides, obéit ainsi aux mêmes exigences de décence que le bain funèbre proprement dit, "comme c'est l'usage", ᾗ νομίζεται432. Et selon Platon, Socrate aurait procédé lui-même à sa toilette pour éviter que d'autres ne doivent le faire après sa mort qu'il sait imminente : "Pour moi, le moment est venu [...] et puisque c’est presque l’heure de mon bain : il vaut mieux, je crois, que je me baigne avant de boire le poison, et que je ne donne pas aux femmes la peine de laver un mort." (traduction P. Vicaire)433. Ces passages confirment l'appartenance de l'opération de la toilette funèbre à la plus ancrée des traditions. Et si une série d'actes législatifs a limité ou interdit le déploiement de luxe des funérailles à l'époque classique434, la toilette funéraire qui ne nécessitait pas de dépenses particulières ni de démonstration excessive de deuil s'est sans doute maintenue librement, y compris chez les Latins435. Il s'agissait par là même de permettre au mort d'atteindre une forme de pureté rituelle, en rapport étroit avec le domaine du sacré : chez Eschyle déjà, le bain dont bénéficie le cadavre est appréhendé comme une forme de purification, par l'emploi du terme καθαρμός 436. Dans l'œuvre de Sophocle, la toilette accordée aux restes de Polynice est dite ἁγνὸν λουτρόν 437 ; l'opération est d'autant plus nécessaire que le cadavre a été abandonné aux chiens, mais l'emploi de l'adjectif ἁγνός sous-entend la portée religieuse du moment438, comme cela est aussi le cas à propos des ablutions ultimes reçues par deux étrangers dans l'Iphigénie en Tauride d'Euripide, désignées comme ἁγνοῖς καθαρμοῖς439. Ailleurs, ces ultimes lustrations sont de l'ordre de la consécration, dans le but avoué de satisfaire les dieux : ainsi dans l'Ajax de Sophocle notamment, Teucros organisant les rites funèbres en l'honneur du héros, utilise l'expression λουτρῶν ὁσίον θέσθ´ ἐπίκαιρον, "ablutions saintes convenables aux dieux"440. Dans les Phéniciennes d'Euripide, une réplique de Créon en témoigne encore :

"le vivant doit honorer les morts, pour rendre au dieu infernal le culte convenable"441. Le choix de l'eau confirme encore et répond à cette intention purificatoire ou sacralisante. Chez Homère, on utilise souvent une eau dont la provenance n'est pas précisée ; on la chauffe quand le corps est particulièrement sale442. À l'époque classique en revanche, l'eau vive et courante est davantage préconisée443, dont les qualités sont certainement liées, comme le souligne R. Ginouvès, à son "renouvellement continu, qui ne lui laisse pas le temps de se souiller", et qui "donne davantage de puissance pour ôter l'impureté"444. Quelquefois c'est l'eau de mer qui est choisie, pour des raisons similaires445. Les lieux et les personnes en contact avec le cadavre étaient également considérés comme impurs446 et devaient recevoir les mêmes lustrations que le mort luimême, selon des gestes tout aussi codifiés par la tradition que nous rapporte la littérature classique. C'est ainsi que la maison mortuaire, lieu de la prothesis, était purifiée au lendemain du départ du défunt : ces rites sont amplement mentionnés au Ve siècle à Athènes447, tandis qu'à la même époque, un règlement inscrit dans la pierre le confirme pour la cité de Ioulis sur l'île de Céos, où parmi les rites funéraires évoqués, l'aspersion cathartique de la maison avec de l'eau de mer est explicitement prescrite448. Pour les proches du mort, un vase placé à l'entrée, λούτρακον 449 ou πηγαίον … χέρνιβα450, était rempli d'une eau qu'on était allé chercher ailleurs, car celle de la maison était polluée par la présence de la dépouille ; il permettait ainsi à la famille de se livrer à des aspersions avant de sortir de la maison et avertissait par la même 441

EURIPIDE, Phéniciennes, 1320-1321 ; chez le même auteur, voir encore Alceste, 75-76. 442 HOMÈRE, Iliade, XVIII, 343-350 ; Odyssée, XXIV, 44-45. Voir aussi SOPHOCLE, Ajax, 1404-1406. 443 SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 1598-1599 ; EURIPIDE, Troyennes, 1152 ; id., Alceste, 158-160. 444 GINOUVÈS 1962, p. 406. Cf. RUDHARDT 1971, p. 92. 445 Le passage le plus explicite se trouve dans l'Iphigénie en Tauride d'Euripide, 1193 : θάλασσα κλύζειν πάντα τάνθρώπων κακά, "La mer lave et nettoie toute souillure humaine.". Cf. ESCHYLE, Perses, 578 ; SOPHOCLE, Ajax, 654-656 ; EURIPIDE, Hécube, 611-613. 446 Sur ces notions, voir ROHDE 1928, p. 162-174, MOULINIER 1950, p. 76-81, GINOUVÈS 1962, p. 239-264 et PARKER 1983, p. 32-38. Ce dernier auteur constate que le miasme de la mort affecte aussi bien les hommes que les dieux (avec l'exemple d'Artémis fuyant la pollution provoquée par la mort d'Hippolyte, dans EURIPIDE, Hippolyte, 14371438). Pour la maison mortuaire comme source de pollution, voir encore EURIPIDE, Hélène, 1430 ou ESCHYLE, Choéphores, 52. 447 Par exemple dans DÉMOSTHÈNE, Contre Evergos, 70 ; ANTIPHON, Sur le Choreute, 37 ; cf. SOPHOCLE, Œdipe-Roi, 1227-1228. 448 IG XII, 5, 593 (= LSCG 97), A, l. 14-17. Un autre passage de la même inscription, interdisant de verser de l'eau (l. 22), se rapporte, selon R. Parker, au rituel de se débarrasser de la pollution des lieux en l'attrapant dans un récipient d'eau, ensuite jetée au loin (PARKER 1983, p. 35-36 ; contra MOULINIER 1950, p. 78). Cette interprétation se rapproche du rituel décrit par Pausanias, qui a consisté, à Troezène, à enterrer les lotions ayant servi à purifier Oreste du meurtre de sa mère Clytemnestre : PAUSANIAS, II, 31, 8-9. 449 ARISTOPHANE, Assemblée des femmes, 103 ; cf. HESYCHIUS, s.v. o[strakon.

432

SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 1603. PLATON, Phédon, 115a. 434 PLUTARQUE, Vie de Solon, 12 et 21 et DÉMOSTHÈNE, Contre Macartatos, 62 (Athènes) ; DIODORE DE SICILE, XI, 38 (Syracuse) ; IG XII, 5, 593 (Ioulis), etc. 435 APULÉE, Florides, XIX, 4 et Métamorphoses, VIII, 14, 3 ; VIRGILE, Enéide VI, 219. Cicéron indique que la loi des XII Tables s'inspire directement de la législation athénienne pour ce qui est des funérailles (CICÉRON, Lois, II, 23-25). 436 ESCHYLE, Sept contre Thèbes, 735-740. CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "καθαρός": "propre, pur… ; employé au sens moral et religieux, la pureté religieuse se trouvant d'ailleurs associée à la propreté du corps". Cf. RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 50-51. 437 SOPHOCLE, Antigone, 1201 ; cf. l'Ajax du même auteur, aux vers 654-655, avec l'emploi du verbe ἁγνίζω pour exprimer son bain dans l'eau de mer avant son suicide. 438 CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "ἁγνός" ; cf. RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 39-41. 439 EURIPIDE, Iphigénie en Tauride, 1191. 440 SOPHOCLE, Ajax, 1404-1406. Voir à ce sujet RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 172-173, pour qui les lustrations funéraires constitueraient donc une action rituelle indispensable pour préparer le passage, en remplissant à la fois la fonction de rite cathartique et de rite permettant de "conférer une qualité nouvelle, une dignité religieuse qui les prépare au contact […] de la puissance : le rite hagnistique est déjà l'amorce d'une consécration". 433

450

EURIPIDE, Alceste, 98-100. Cette pratique semble si répandue que l'absence de vase devant la maison d'Alceste indique au chœur qu'elle n'est pas encore morte.

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Les besoins en eau dans la nécropole occasion les passants qu'un cadavre s'y trouvait, et que le lieu en était pollué. Le règlement de Ioulis indique également, en interdisant l'acte, qu'une coupe était déposée sous le lit funéraire, probablement pendant l'exposition du mort451. Après la mise en terre enfin, les participants aux funérailles étaient tenus de se purifier avant leur réinsertion définitive dans la société des vivants452 ; a contrario, le refus des endeuillés de se laver signifie la non acceptation de la mort et de la séparation d'avec le disparu, chez Homère, Euripide ou Callimaque453. La loi de Ioulis, de nouveau, est très précise à ce sujet : elle définit soigneusement les membres de la famille touchés par l'impureté, – les femmes, qui apprêtaient le mort et demeuraient en son contact jusqu'à l'enlèvement du corps : mère, épouse, sœurs, filles et quelques autres proches parentes – et les modalités de purification leur incombant : [τ]οὺς [μ]ια[ινομέ]νους λουσαμένο[υς] πε[ρὶ πάντα τὸν χρῶτα ὕδατ]ος [χ]ύσι κα[θαρ]οὺς εἶναι, "ceux qui sont pollués se laveront tout le corps à grande eau et seront purs"454.

considérés comme les lieux de lavage et d'exposition des morts456. À l'ouest de la baie de Katô Generale en particulier, à proximité de monuments funéraires, une terrasse artificielle rendue accessible par un escalier regroupait plusieurs structures bâties et comprenait au centre un grand réservoir couvert et entièrement enduit de mortier hydraulique457. Son système d'alimentation consistait en un ensemble de conduites, dont plusieurs tronçons en plomb ou en terre cuite ont été retrouvés, sorte de gouttières recueillant l'eau de la surface. Plus au sud sur la même terrasse, une installation a été identifiée par G. Siebert comme une fontaine assez modeste, peutêtre en terre cuite, recevant son eau d'une source proche par une rigole peu soignée458. Une seconde citerne a été dégagée plusieurs dizaines de mètres plus au sud, d'un volume d'environ 30 m3 et présentant au fond un bassin de décantation459. L'examen du matériel découvert permet de conclure à la contemporanéité de l'utilisation de cet ensemble hydraulique, pendant une courte période entre la seconde moitié du IIe siècle et le début du Ier siècle av. J.-C.460. À Alexandrie, dans le contexte architectural des hypogées accessibles aux visiteurs, A. Adriani, directeur du Musée gréco-romain dans les années 1930, s'est également demandé dans quelle mesure certaines des pratiques funéraires précédant l'enterrement, telles que l'exposition du corps, avaient pu être reléguées dans la tombe même au fur et à mesure des enterrements. Dans les tombeaux collectifs d'Anfouchi, de Ras el-Tin ou de Hadra, la présence dans l'espace prévu pour l'ensevelissement des corps de larges niches arquées sans fermeture (tombeaux 1 et 10 de Ras el-Tin) ou de banquettes disposées contre les parois latérales (hypogée 1, 3 et 5 d'Anfouchi, et hypogée 5 et 8 de Ras el-Tin), lui avait inspiré cette suggestion461, pour laquelle M. Venit optait encore récemment462. Dans d'autres cas et en particulier en l'absence de tout dispositif pour recevoir les corps, Adriani suppose aussi dans ces tombeaux la mise en place initiale de lits réels prévus pour cette occasion463. Dans les chambres funéraires des hypogées de Moustapha Kamel encore, l'archéologue estime de même que la présence d'un lit en pierre sculpté et peint, creux ou plein et imitant les lits réels, est le signe que l'exposition provisoire du corps s'effectuait dans la tombe, au moment de son introduction464. Il ne s'agit là, toutefois, que de suppositions invérifiables et sans réel fondement. Du reste, l'étude récente d'A.-M. Guimier-Sorbets et M.-D. Nenna portant sur "le lit funéraire dans les nécropoles alexandrines" 465 vient définitivement remettre

Ainsi, si nous ne disposons pas de source écrite permettant d'apprécier, à Alexandrie même, les gestes liés à l'eau à l'occasion du deuil et des funérailles, la documentation littéraire grecque ne permet pas de douter, par l'importance qu'elle accordait à ces actes, de leur persistance au sein des habitants grecs ou hellénisés de la mégapole. Toutefois, de toutes les mesures cathartiques ici considérées, il n'en est aucune qui soit expressément rendue nécessaire au cimetière : en des circonstances normales, il apparaît que le défunt recevait le bain funéraire dans la maison où il serait ensuite exposé, et que la famille et les proches attendaient le retour des funérailles pour se débarrasser des souillures contractées par la mort et pour purifier les lieux. De fait, dans l'ensemble du monde grec et toutes périodes confondues, Délos constitue l'unique exemple connu où l'ensemble des rites suivant la mort se déroulait à la nécropole à partir de 426 av. J.-C., année où les tombes, les restes humains et le matériel funéraire qui s'y trouvaient furent rassemblés dans une fosse dite "de la purification" sur l'île voisine de Rhénée455. Cette disposition explique ainsi aux yeux des spécialistes la présence de bâtiments à citernes en plusieurs endroits de la nécropole de Rhénée, 451

IG XII, 5, 593 (= LSCG 97), A, l. 21-22. SCHOL. ARISTOPHANE, Nuées, 838 ; DÉMOSTHÈNE, Contre Evergos, 70. De nouveau, Homère semble ignorer cet usage et ceux qui participent aux funérailles n'ont nullement besoin de rites spécifiques pour reprendre une vie sociale normale : voir en particulier, dans le chant XXIII de l'Iliade, les vers 52-53. La pratique est en revanche connue dans le monde romain, selon l'abréviateur de Festus : ÉP. FESTUS, s.v. "Aqua et igni" : "Ceux qui avaient suivi le convoi passaient au retour par dessus le feu après s'être aspergés d'eau, et ce genre de purification s'appelait suffitio"i; cf. VIRGILE, Énéide VI, 229230 (après les funérailles de Misène, Enée asperge trois fois ses compagnons avec un rameau d'olivier plongé dans une onde pure). 453 HOMÈRE, Iliade, XXII, 41-47 ; CALLIMAQUE, Hymne à Déméter, 12-13 ; EURIPIDE, Oreste, 42 et 226 ; id., Électre, 1107. 454 IG XII, 5, 593 (= LSCG 97), A, l. 24-29 et 29-31. 455 THUCYDIDE, III, 104. À propos des vestiges archéologiques de cette fosse, voir BRUNEAU ET AL. 1996, p. 85-86. 452

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Avec LE DINAHET 1989, p. 24-28 et BRUNEAU ET AL. 1996, p. 88-89 ; cf. H ELLMANN 2006, p. 327-328. 457 SIEBERT 1968, p. 416-422. 458 Ibid. p. 422-429. 459 Ibid., p. 446. 460 Ibid., p. 429-438 et 446. 461 ADRIANI 1940-1950a, p. 48, 100, 118 ; cf. BRECCIA 1919-1920, p. 67. 462 VENIT 1997, p. 703, VENIT 1999, p. 642 et VENIT 2002, p. 13. 463 ADRIANI 1940-1950a, p. 118 et 120 (hypogée 1 et 2 d'Anfouchi). 464 ADRIANI 1933-1935, p. 109. 465 GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine en question ces conclusions. L'équipement des lits, qui comportaient un matelas ainsi que des coussins en pierre aux extrémités, apparaît en effet inadapté à la pratique de la prothesis : "non seulement on n'imagine pas de poser des corps sur de hauts coussins de pierre, mais leur présence même raccourcit le dessus de lit de telle manière que l'exposition y devient impossible"466. Ainsi dans le tombeau A de Chatby notamment, le lit-sarcophage mesure 2,8 mètres de longueur, mais l'espace laissé libre entre les deux piles de coussins, d'environ 1,3 mètres, ne permet effectivement pas d'y étendre un corps adulte467. À moins d'accompagner le dispositif d'une literie réelle supplémentaire le temps de l'exposition, ce qui aurait nui à l'esthétique et masqué en partie le décor du matelas et de la paroi du fond, ce lit n'avait donc pas la fonction pratique que lui attribue Adriani, mais uniquement un rôle symbolique, de représentation de la prothesis après la déposition du corps dans le lit-sarcophage ou un loculus proche. Si l'on peut donc difficilement douter du maintien de la prothesis à Alexandrie selon la tradition grecque, celleci se faisait toujours à la maison, éliminant par là même des pratiques à la tombe la toilette du cadavre et l'ensemble des mesures cathartiques précédant l'enterrement. Il n'est toutefois pas interdit de supposer qu'après les funérailles, les assistants trouvaient à leur disposition, à l'entrée des hypogées, des vases remplis d'eau pour leur purification avant le retour dans la ville468 ; à cette occasion, l'aspersion des lieux est également envisageable. Au-delà de l'enterrement, la visite périodique de la famille dans les espaces ouverts de la tombe ne nécessitait probablement pas de précaution particulière en vue de se débarrasser de la souillure résultant de la proximité des morts. Du moins les règlements relatifs à la pureté rituelle, dans les sanctuaires de Grèce et d'Asie Mineure, ne prévoient-ils d'acte cathartique qu'en cas de contact physique avec un cadavre ou de participation à des funérailles469 ; à Ioulis, sur l'île de Céos, à l'occasion des offrandes annuelles à la tombe la pollution disparaissait d'elle-même après trois jours470. En Égypte même, le règlement relatif à la purification des fidèles dans un sanctuaire de Ptolémaïs (Ier siècle av. J.-C.), ne fait état d'aucune mesure limitant l'accès aux lieux, une fois le deuil passé471. Nous verrons toutefois que certains rites commémoratifs qui se pratiquaient dans les nécropoles d'Alexandrie en

l'honneur des morts (sacrifices et repas), induisaient de nouveau un large emploi de l'eau472. 2. 2. 2. La momification à Alexandrie et l'usage de l'eau Loin de disparaître, on sait que la momification issue de la religion égyptienne traditionnelle a été adoptée par les Grecs et Romains d'Égypte473. À Alexandrie, les traces de l'embaumement sont rarement conservées du fait de l'humidité ambiante qui reste importante toute l'année474, mais qui présente la contrepartie de limiter les risques de confusion avec des phénomènes de momification naturelle, qu'on ne rencontre pas dans les nécropoles situées dans le delta du Nil475. Des témoignages de la pratique sont signalés dès la fin du XIXe siècle dans l'ancienne Necropolis476, puis au début du XXe siècle dans les cimetières d'Anfouchi477, de Ras el-Tin 478 et de Hadra479. Ces premières observations, qu'il faut considérer avec précaution en raison de l'absence de réel examen archéo-anthropologique480, trouvent un écho plus fiable dans les découvertes de la nécropole de Marina el-Alamein, fouillée par la mission polonaise sous la direction de W. A. Daszewski depuis les années 1990 : dans plusieurs hypogées ou constructions de surface, la présence de corps enveloppés dans des bandelettes imprégnées de résine confirme l'adoption de la momification durant le Haut-Empire romain, à une centaine de kilomètres à l'ouest de la mégapole481. Surtout, grâce au développement des méthodes permettant de déterminer la présence de corps embaumés, l'étude minutieuse entreprise dans les tombeaux du chantier du pont à Gabbari contribue aujourd'hui très largement à mettre en valeur l'ampleur de la pratique à Alexandrie même, au moins dès le début de l'époque romaine, et ce malgré la forte dislocation des momies et le contexte perturbé de dépôts successifs, souvent mélangés et affectés par les vidanges482. Des résidus de 472

Voir infra, p. 67-86. Pour la persistance de la momification à l'époque romaine, voir DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3259-3266. 474 D'autres raisons ont parfois été invoquées pour expliquer cette carence : le rôle destructeur des pillages, dès l'Antiquité, ou encore le trafic des momies, qui une fois réduites en poudre étaient vendues comme médicament jusqu'au début du XXe siècle ; cf. BOËS, G EORGES 2000, p. 24 ; GEORGES ET AL. 2003, p. 283. 475 GEORGES ET AL. 2003, p. 298. 476 BOTTI 1899a, p. 41 (hypogée près du Fort Saleh) : il s'agit là des premières observations de corps emmaillotés à Alexandrie. 477 BOTTI 1902a, p. 15 ; BRECCIA 1919-1920, p. 64-67. 478 BRECCIA 1913, p. 9 ; A DRIANI 1940-1950a, p. 54, 121 et pl. 33, fig. 4. 479 BRECCIA 1925-1931, p. 26 et BRECCIA 1931-1932, p. 10. 480 En particulier, le signalement par E. Breccia de centaines de momies dans les loculi de la tombe 11 de Ras el-Tin peut paraître suspect, par son singulier contraste avec les découvertes isolées faites par ailleurs dans la nécropole, ou avec leur absence dans d'autres espaces funéraires, pourtant fouillés dans les mêmes conditions. Voir BRECCIA 1913, p. 9. 481 Tombeau 6 : DASZEWSKI 1999, p. 43 et 45 ; tombeau 16 : DASZEWSKI 1998b, p. 66 ; tombeau 28 : DASZEWSKI 2001, p. 58. 482 BOËS, G EORGES 2000, p. 26-28 ; BOËS, GEORGES, A LIX 2002, p. 69-71. 473

466

GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b, p. 561. Ibid. ; voir les mesures fournies le tableau 2, p. 547, avec la fig. 2, p. 566. La même constatation vaut pour les lits de la tombe de Sidi Gaber, des tombes 1 de Minet el-Bassal et A2 de Gabbari. 468 Voir à ce sujet, les fonds d'amphores disposés de part et d'autre de la porte d'entrée, dans l'hypogée 77 de Plinthine, supra, p. 32-33. 469 IG XII, suppl. 126 = LSCG 124, l. 2-3 (Lesbos, IIe siècle av. J.-C.) ; IG XII, 789 = LSCG 139, l. 13 (Rhodes, IIe siècle ap. J.-C.) ; LSAM 12, l. 7 (Pergame, IIe siècle av. J.-C.) ; LSAM 84 = SEG XIV, 752, l. 6-7 (Smyrne, IIe siècle ap. J.-C.). Cf. PLUTARQUE, Vie de Lycurgue, 27, 1, où est néanmoins mentionnée la croyance populaire, combattue par le législateur spartiate, selon laquelle la seule fréquentation d'un cimetière provoquait une souillure. 470 IG XII, 5, 593 (= LSCG 97), B, l. 4-8. 471 BERNAND 1992b, n°47, t. 1, p. 110-111 et t. 2, p. 116-118. Cf. BRECCIA 1911, n°163, p. 94 ; LSCG, supplément, n°119, p. 201-202. 467

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Les besoins en eau dans la nécropole tissus, qui protègent parfois le corps par une forte épaisseur, attestent d'emblée que des corps momifiés ont été placés dans certains loculi des tombeaux collectifs de la Necropolis483 ; les traces noires ou brunes, issues de la décomposition des textiles imprégnés d'huiles et de résines pour les besoins de l'embaumement, en sont aussi les témoins484. L'examen taphonomique, qui révèle des signes spécifiquement liés à la contrainte d'un emmaillotement, au niveau des articulations labiles des mains et des pieds, ou par le maintien de volumes corporels, suffit parfois à lui seul à valider la présence de corps momifiés, même sans tissu ou empreinte de tissu conservés485. Certaines observations révèlent également des préparations complexes et de très bonne facture, qui sont la preuve du savoir-faire des embaumeurs d'Alexandrie. En témoigne en particulier la "momie dorée" dans la tombe B17 (caveau 350)486, enveloppée dans une vingtaine de couches de tissus dont la couleur foncée signale une forte imprégnation de produits ; la mise en évidence de l'excérébration (ablation du cerveau) sur cette momie répond également aux pratiques traditionnelles d'un embaumement soigné ; des feuilles d'or, dont il subsistait de nombreux fragments, avaient été appliquées directement sur le visage, selon un procédé propre à l'Égypte gréco-romaine487. Et si l'examen des décorations de momies demeure limité dans l'ensemble, la sépulture 518, coffre en dalles de pierres scellées au plâtre, renfermait une momie dont les vestiges ont permis d'observer des bandelettes bordées de fils rouges, formant des motifs géométriques ; des fils d'or tissés ont également été remarqués au niveau du même corps488. Ces découvertes récentes viennent corroborer les observations faites antérieurement, où l'on mentionne souvent des traces de peinture, d'éléments de cartonnages et de plastrons au niveau de corps momifiés489.

activité dans la zone même des tombeaux. À Alexandrie, la configuration du terrain laissait peu de place disponible entre la trame serrée de l'habitat et les espaces funéraires en proche périphérie, l'ensemble étant pris entre la mer et le lac Mariout ; par ailleurs, les odeurs qui se dégageaient sur ces lieux de travail devaient être suffisamment déplaisantes pour les reléguer à l'écart du monde des vivants490. Strabon est d'ailleurs explicite sur ce point, au moins pour la Necropolis occidentale où il dit avoir observé, vers 25 av. J.-C., "des établissements prévus pour l'embaumement des morts", καταγωγαὶ πρὸς τὰς ταριχείας τῶν νεκρῶν ἐπιτήδαιαι491. Le court passage d'où est tirée cette information est d'autant plus précieux qu'aucune installation n'a à ce jour été authentifiée de manière probante comme un atelier d'embaumement à Alexandrie et dans l'ensemble de l'Égypte. Certes plusieurs structures bâties mises au jour aux abords de nécropoles d'époque romaine ont été hypothétiquement interprétées comme des lieux destinés au traitement des corps pour la momification, notamment dans l'oasis de Kharga, à Douch ou à El-Deir 492, mais la fouille n'a en aucun cas permis de confirmer leur fonction : la suggestion a été faite par défaut, après avoir conclu qu'il ne s'agissait "ni de tombes, ni de maisons"493. On se réfèrera toutefois à la documentation papyrologique égyptienne de l'époque gréco-romaine, qui indique que la population jouant un rôle dans l'embaumement des corps (paraschistes, taricheutes, nécrotaphes ou parfumeurs), travaillait bien à proximité des tombes494 ; le terme ἐξωπυλίτης, littéralement "habitant hors des portes", qui sert parfois à les désigner, semble aller dans ce sens495. Au XIXe siècle, à une époque où les méthodes archéologiques ne permettaient pas de rendre compte avec fiabilité de l'ampleur de la momification à Alexandrie, certains savants ont cherché à identifier dans la nécropole de Wardian, anciennement intégrée à la Necropolis, les aménagements destinés au nettoyage des cadavres avant la momification. Dans le "Temple souterrain" (Ier ou IIe siècle ap. J.-C.), une rigole d'environ 0,5 mètre de diamètre, creusée dans le rocher et débouchant dans une petite chambre à loculi où l'eau de mer s'introduisait, est ainsi interprétée par P. Martin comme un canal d'adduction "destiné à la purification des corps que l'on devait embaumer"496, cependant qu'aucune

Contrairement aux mesures cathartiques grecques prises dans la maison du disparu, qui relevaient de la stricte initiative familiale et du cadre privé, l'ensemble des préparations liées à la momification était confié à des professionnels qui, pour des raisons sinon religieuses du moins d'ordre pratique et sanitaire, devaient exercer leur 483

Tombe B8 : EMPEREUR, NENNA 2001, p. 523 ; tombe B17 : GEORGES ET AL. 2003, p. 285 et 288 (caveau 350), p. 292 (loculus 1.A.2, individu 4 ; 8 couches superposées de tissus) ; tombe B1 : ibid., p. 289 (chambre 5, loculi C3 et C5 ; trois momies identifiées grâce aux restes de tissus), etc. Cf. BOËS, G EORGES, A LIX 2002, p. 70-71. 484 GEORGES ET AL. 2003, p. 287-290. 485 Tombe B17, chambre 1, loculus A2, individu 2 et sépultures de la cour B17.8 (SP 518, 519, 524) ; secteur 3, sépulture 3164. Voir GEORGES ET AL. 2003, p. 289-291 et EMPEREUR 2000, p. 609-610. 486 EMPEREUR 2000, p. 609 ; GEORGES ET AL. 2003, p. 289 et 295. 487 Dans le complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa, A. Rowe pense également avoir observé en 1941 le corps d'une femme momifiée dans l'un des sarcophages creusé dans le mur sud de la citerne ; les appliques en or (ongles, langue, yeux) témoignent encore de la qualité de la préparation : ROWE 1942, p. 28-29. À Marina el-Alamein, dans le tombeau 28, une feuille d'or a été retrouvée entre les dents d'un adolescent momifié : MATHIEU 2003, p. 4. Cf. BOTTI 1899a, p. 41. 488 EMPEREUR 2000, p. 609. 489 BRECCIA 1913, p. 9 ; BRECCIA 1919-1920, p. 64-67 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 121 et pl. 33, fig. 4.

490

Remarques déjà formulées dans BATAILLE 1952, p. 205 ou DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3243. 491 STRABON, XVII, 1, 10. Le verbe ταριχεύω renvoie littéralement à l'action de "saler" comme du poisson : CHANTRAINE 1968-1980, s.v. "τάριχος". 492 Pour les constructions en briques crues dans la nécropole principale de Douch, voir WAGNER, DUNAND ET AL. 1983, p. 134 et surtout DUNAND, H EIM, H ENEIN 1992, p. 40-42 (structures numérotées de 13 à 16). Un ensemble du même type a été fouillé sur le site d'El-Deir (campagne 1999, inédite) : voir DUNAND 2002, p. 110, n. 37. Cf. BATAILLE 1952, p. 206, pour des exemples dans la nécropole thébaine. 493 DUNAND 1985, p. 122. 494 Pour Thèbes, voir BATAILLE 1952, p. 204-205 ; pour Memphis, THOMPSON 1988, p. 186 ; Cf. DERDA 1991, p. 19, 20, 29. 495 DERDA 1991, p. 34-36 ; cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3243. 496 Corpus, WAR/can α, p. 181. MARTIN 1818, p. 12. La pièce est déjà détruite dans les années 1950, à l'occasion des nouvelles observations d'A. Adriani.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine installation ne paraît susceptible d'avoir concrètement joué ce rôle, dans cette pièce comme dans l'ensemble du tombeau. À propos de ce même canal, H. von Minutoli estimait plutôt, en 1831, qu'il servait au transport des corps dans le tombeau, hypothèse également très contestable compte tenu de l'étroitesse de la conduite497. L'auteur rejoint toutefois son prédécesseur en proposant d'interpréter les "Bains de Cléopâtre", aujourd'hui considérés de manière assez sûre comme une autre tombe à proximité du grand complexe évoqué, comme un lieu d'accueil, de lavage et d'embaumement des morts destinés à être inhumés alentour498. Si ces hypothèses peuvent paraître fantaisistes aux lecteurs d'aujourd'hui, les preuves matérielles de la pratique de la momification à Alexandrie et la présomption, appuyée par le témoignage de Strabon, selon laquelle ces activités se pratiquaient dans les nécropoles mêmes, invitent à s'interroger sur les besoins en eau associés au travail des embaumeurs.

mis sur les prières et incantations récitées au cours des opérations501. Parmi les documents plus utilitaires, les papyrus qui contiennent, en langue grecque ou égyptienne, la mention des dépenses engagées à l'occasion des funérailles, fournissent l'énumération concrète des produits utilisés, mais l'emploi spécifique de l'eau, dont les frais se seraient résumés aux récipients pour la contenir ou aux modalités de son transport, est passé sous silence502. Nous trouvons quelques renseignements dans le rituel d'embaumement du taureau Apis, dont le déroulement a été conservé sur un papyrus d'écritures hiératique et démotique d'époque ptolémaïque : le document précise que les viscères de l'animal sacré étaient retirées et soigneusement lavées à l'eau, avant d'être déposées dans des vases pour l'enterrement503. Dans les textes liturgiques inscrits sur les parois des chapelles osiriennes de Dendara encore, l'eau était, avec les huiles et les parfums, l'un des ingrédients à distribuer au dieu embaumeur Anubis : il s'agissait par là de "purifier son corps avec l'eau-du-renouveau" (c'est-à-dire l'eau du Nil), de "débarrasser son corps des impuretés lors de la belle fête (où il) reçoit (le rituel de) l'ensevelissement"504. À propos de la documentation iconographique, S. Sauneron notait également que "les Égyptiens se sont presque toujours soigneusement abstenus de figurer les premiers travaux de l'embaumement, vraisemblablement pour des raisons religieuses ou magiques"505. La crainte de la représentation du cadavre nu a probablement largement contribué à cet état de fait, et c'est déjà bandelettée et revêtue de tous ses ornements que la momie nous apparaît le plus souvent506. Comme le souligne S. Donnat, "il est généralement admis que les événements décrits lors de la veillée funèbre sont en réalité une transposition mythique de rituels funéraires réellement accomplis, les divinités protagonistes étant les images des prêtres ou des membres de la famille du défunt officiant lors des funérailles"507 ; mais en aucun cas ces représentations ne se prêtent à une lecture des pratiques concrètes opérées dans les ateliers d'embaumeurs. Le cas alexandrin n'échappe pas à cette règle. Plusieurs documents iconographiques empruntés au répertoire égyptien, dans des tombes d'époque impériale, figurent un

On peut d'emblée estimer que le seul nettoyage des ateliers, où les corps pouvaient rester plusieurs mois et où les produits pharmacologiques de toutes sortes, mis en évidence sur les corps momifiés de Gabbari, étaient employés constamment pour des besognes salissantes, nécessitait quotidiennement d'avoir de l'eau à proximité. De même, les opérations chirurgicales pratiquées sur le corps devaient impliquer l'usage de l'eau. À propos des modalités de l'embaumement tel qu'il se pratique encore au XIXe siècle, M. Murat notait dans le Dictionnaire de Médecine : "Il faut aussi mettre à la disposition de la personne chargée de l'embaumement un certain nombre de bandes, du linge, des éponges, du fil ciré, plusieurs vases remplis d'eau claire, etc."499. Mais les publications, nombreuses, qui traitent des procédés de traitement des corps en Égypte ancienne, se contentent souvent de suggérer ce type de besoin comme relevant du bon sens ; A.-P. Leca va plus loin en définissant précisément, mais sans argument à l'appui, deux lavages du corps réalisés à différents moments de l'embaumement égyptien500. De façon générale, il faut convenir que les informations fournies par les documents écrits et les représentations figurées, à quelque époque que ce soit, sont plutôt rares et incomplètes au sujet de la momification en Égypte, et en particulier sur la question des traitements ayant pu nécessiter de grands renforts d'eau. Ainsi, de manière caractéristique, les deux papyrus consacrés au rituel de l'embaumement publiés par S. Sauneron et datés de l'époque romaine, sont de caractère essentiellement religieux : seule la phase finale de l'embaumement y est décrite, tandis que l'accent est

501

P.Boulaq III et P.Louvre 5.158, dans SAUNERON 1952 ; pour leur datation (Ier siècle ap. J.-C.), voir ibid., p. XIII ; cf. G OYON 1972, p. 2184. Les textes liturgiques plus anciens, Textes des Pyramides ou Livre des Morts, sont tout aussi métaphoriques sur la question ; quelques-uns de ces textes sont reproduits et traduits dans BLACKMAN 1921, p. 49-53, et plus récemment dans ASSMANN 2003, p. 60. 502 Pour le recensement de ces textes : JANOT 2000, p. 68-69. 503 P.Vindob 3873, recto III, l. 9, dans VOS 1993, p. 246 (transcription) et 48 (traduction). 504 Chapelle osirienne Ouest n°3, textes X, 406 et 412 : CAUVILLE 1997, t. 1, p. 221-222 et 225. 505 SAUNERON 1952, p. 195. 506 Les exemples sont innombrables : voir, pour l'époque romaine, CORCORAN 1995, p. 137, 146, 156, 166, 175, etc. (cartonnages de momies) ou KAPLAN 1999, p. 25-30 (parois des tombes) ; cf. DUNAND 2000, p. 73. La confection d'une momie est illustrée dans la tombe thébaine 23 de Tjay, datant du Nouvel Empire (XIXe dynastie), mais elle ne présente aucune des opérations précédant la phase de bandelettage : voir DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 131 et JANOT 2000, p. 27-29. 507 DONNAT 2002, p. 219.

497

MINUTOLI 1831, p. 15-16. Ibid., p. 15 : "ich stellte die Meinung auf, daß jene Gemächer wohl zur Aufnahme und zum Waschen und Einbalsamiren der Leichname (…) gedient haben mochten". 499 MURAT 1823, p. 375 ; et p. 376 : "Si on veut conserver le tube intestinal, il faut le fendre dans toute sa longueur, laver le tout à grande eau et l'exprimer, laver une seconde fois avec du vinaigre camphré et enfin avec de l'alcool également camphré". 500 LECA 1976, p. 54, 57 et 64 ; même chose chez GOYON 1972 (éd. de 2000), p. 31-35. 498

60

Les besoins en eau dans la nécropole corps momifié (le défunt ou Osiris lui-même) étendu sur un lit léontomorphe et entouré de divinités égyptiennes, parmi lesquelles les couples Isis-Nephthys et Horus-Thot reviennent le plus fréquemment508. Derrière le lit, Anubis apparaît quelquefois dans son rôle traditionnel d'embaumeur, la paume tournée vers le corps et tenant de l'autre main un récipient. Dans la nécropole de Kôm elChougafa, les représentations de ce type, observées dans la chambre centrale du grand complexe funéraire à trois étages, ainsi que dans le Hall de Caracalla au-dessus des deux tombes dites de Perséphone, sont complétées par la présence sous le lit des traditionnels vases canopes, qui doivent recevoir les organes du défunt ; représentant les fils d'Horus, ils sont normalement au nombre de quatre, mais cette norme iconographique n'a pas toujours été respectée (figure 18)509. Le moment illustré apparaît donc comme postérieur à la momification et correspond vraisemblablement à la récitation des dernières formules magiques, ultime étape avant l'inhumation.

S'intéressant au rôle régénérant de l'eau d'après les représentations des tombes thébaines du Nouvel Empire, C. Spieser en dresse l'inventaire et conclut, au sujet de l'image stéréotypée de la momie couchée, que "même si Anubis joue un rôle important pour la régénération du défunt, ce type de scène accorde moins d'importance à l'eau qu'aux attouchements auxquels le dieu ou le prêtre incarnant le dieu procède."510. Dans les scènes de Kôm el-Chougafa, le renouveau s'exprime dans l'acte même de l'embaumement, chargé de conserver l'intégrité corporelle du mort dans l'Au-delà, mais aussi probablement dans la présence de vases d'où émergent une ou deux tiges végétales511. S'agissant du récipient soulevé par Anubis, – qui prend la forme originale d'un godet lotiforme flanqué de deux uraei et d'une anse, dans la chambre centrale du grand complexe funéraire –, il ne saurait être interprété autrement que comme un contenant à onguents, conformément aux scènes d'embaumement les plus conventionnelles à l'art égyptien de l'époque gréco-romaine512.

Figure 18. Restitution de scènes d'embaumement dans la nécropole de Kôm el-Chougafa (fin Ier-début du IIe siècle ap. J.-C.). a : bas-relief au-dessus du sarcophage au fond de la chambre centrale, dans l'hypogée à trois étages (d'après BISSING 1901, pl. 6). b : peinture de la tombe 1 de Perséphone, Hall de Caracalla (d'après GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 364, fig. 5. 510

508

SPIESER 1997, p. 223-224. Voir toutefois DONNAT 2002, p. 220-221, pour qui l'intervention d'un bol dans ce type de scène exprimerait l'offrande d'eau faite au propriétaire de la tombe. 511 BISSING 1901, p. 6 ; GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 367 ; voir encore, pour la tombe 1 de Perséphone, les signes de vie (ânkh) représentés. Voir DU MESNIL DU BUISSON 1935, p. 83-84, pour un signe hiéroglyphique proche, désigné comme un "pot de jardinier". 512 Comparer le récipient des scènes de momification sur les parois des chapelles osiriennes de Dendara (CAUVILLE 1997, notamment pl. X 108 et 247) avec les signes hiéroglyphiques connus de cette époque, désignant différents vases à onguents (CAUVILLE 2001, signes W27 A et B, p. 236).

Dans la nécropole orientale, sont notamment concernés l'hypogée Ramley (BRECCIA 1914b, p. 54-55 et VENIT 1997, p. 706) et la tombe Tigrane (ADRIANI 1956, p. 71 ; cf. EMPEREUR 1995a, p. 23) ; à Gabbari, la tombe A (HABACHI 1937, p. 276) ; dans la nécropole de Kôm elChougafa se trouvent les scènes les plus complètes, dans la chambre centrale du grand complexe à trois étages (BISSING 1901, p. 6 ; EMPEREUR 1995a, p. 8-9 ; VENIT 2002, p. 136-137) et au niveau des deux tombes de Perséphone dans le Hall de Caracalla (GUIMIERSORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 367-369, 380-381 et 394-395). 509 Trois vases pour la représentation du complexe à trois étages et seulement deux vases pour la représentation de la tombe 1 de Perséphone.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine C'est finalement par le biais de trois documents, l'un écrit et les deux autres figurés, que l'étude de l'usage de l'eau lors de la momification des dépouilles humaines est rendue possible. Ils ne concernent pas spécifiquement les rites pratiqués à Alexandrie, mais livrent un aperçu concret et très précieux du traitement du corps lors de la momification, telle qu'elle se pratiquait dans l'Égypte d'époque tardive. Les méthodes traditionnelles et parfois élaborées que les archéo-anthropologues ont reconnu au chantier du pont de Gabbari suggèrent que l'exploitation de ces documents est valable dans le cadre de notre étude.

manifestement pas, aux yeux de l'auteur, d'être explicitée davantage. Quatre cents ans plus tard, l'exposé de Diodore sur la momification (I, 91, 5-6) recoupe largement celui d'Hérodote, mais n'apporte rien de plus en la matière ; dépendant d'une source commune518 ou s'inspirant directement du témoignage d'Hérodote, l'énumération des substances en tous genres recoupe largement celle de son prédécesseur, mais il n'est question d'aucun traitement du corps par l'eau, à quelque étape du travail que ce soit. Un précieux complément au témoignage d'Hérodote est fourni par le programme iconographique de deux sarcophages en bois peint conservés au Pelizaeus Museum d'Hildesheim. Provenant tous deux de fouilles sommaires dans une même tombe familiale, entreprises par H. Junker aux environs d'El Hibeh (Moyenne Égypte) en 1912, on s'accorde aujourd'hui à les dater de l'époque ptolémaïque (IIe ou Ier siècle av. J.-C.) 519. Sur des registres superposés, les sarcophages anthropomorphes appartenant l'un à une femme du nom de Moutirdis (n° inv. 1953, portant ici le numéro 1, figure 19), l'autre à un homme nommé Djed-Bastet-Ioufankh (n° inv. 1954, numéro 2, figure 20), proposent un ensemble de représentations très semblables et uniques en leur genre, de certaines étapes du processus de l'embaumement, dans un ordre chronologique de bas en haut. Viennent également s'intercaler des scènes mythologiques ou rituelles sans rapport avec le travail de la momification proprement dit : navigation de la barque divine avec à son bord Osiris, Isis et Nephthys, ouverture de la bouche pratiquée sur une effigie, présentation d'offrandes ou figuration de l'Au-delà que le défunt a rejoint520. Les deux scènes qui nous occupent particulièrement ici, situées dans les registres inférieurs et présentées dans un ordre inversé sur les deux sarcophages (deuxième registre à partir du bas sur le sarcophage n°1 et premier registre sur le sarcophage n°2 : figures 19d et 20d) correspondent aux premières phases des opérations d'embaumement avant le bandelettage. Dans une première scène, le cadavre, sous l'aspect d'une silhouette noire, est figuré debout (mais il convient plutôt de le considérer couché) dans une sorte de fosse, dotée de deux escaliers pour celui de Moutirdis (n°1) ; il reçoit une onction liquide de deux prêtres placés de part et d'autre et tenant chacun un vase. Dans la seconde vignette, le défunt, également représenté sous une forme cadavérique, est étendu sur (c'est-à-dire, selon les conventions de l'art égyptien, plongé dans) un bassin et aspergé d'eau, reconnaissable aux filets en zigzags représentés sur le sarcophage n°2521, par deux personnages.

Au Ve siècle av. J.-C., Hérodote (II, 86) a livré l'une des descriptions les plus détaillées et les plus complètes pour la fabrication d'une momie. Trois étapes du traitement du corps sont distinguées pour l'embaumement le plus soigné, s'adressant aux familles les plus riches : les artisans commençaient par pratiquer l'ablation du cerveau et l'extraction des viscères ; puis venait la phase de dessiccation, lors de laquelle le corps était longuement déshydraté dans le natron513 ; on finissait par l'emmaillotement de la momie dans des bandes de tissu. Entre les deux dernières étapes, l'auteur signale sans plus de précision que le mort était lavé : Ἐπεὰν δὲ παρέλθωσι αἱ ἑβδομήκοντα, λούσαντες τὸν νεκρόν κατειλίσσουσι πᾶν αὐτοῦ τὸ σῶμα σινδόρος βισσίνης τελαμῶσι κατατετημνένοισι ("quand les soixante-dix jours sont écoulés [au cours desquels le corps est recouvert de natron], ils [les embaumeurs] lavent le mort, enveloppent tout son corps de bandes taillées dans un tissu de byssos" ; traduction Ph.-E. Legrand). Le verbe λούω employé ici désigne le fait de nettoyer le corps, de le baigner ; il s'agit toujours, quand l'information est connue, d'un acte impliquant de l'eau514. Par ailleurs, si l'ensemble de la description d'Hérodote insiste constamment sur les traitements censés assurer le "nettoyage" (du verbe ἐκκαθαίρω) 515 et la "purification" (du verbe διηθέω) 516 du corps, l'accent est exclusivement mis, de fait, sur les aromates les plus exotiques qui soient, utilisés pour leurs propriétés préservatives et antiseptiques, et qu'il prend soin de citer par leur nom (le vin de dattes, la myrrhe, la cannelle, etc.) ou à défaut qu'il désigne par les termes plus génériques de "drogues" (φάρμακα) et de "parfums" (θυμιάματα) 517. Pour cette raison, l'absence de précision quant à l'ingrédient utilisé à cette étape-ci des opérations semble suggérer l'usage de l'agent nettoyant le plus courant, l'eau, dont la nature exacte ne méritait

513

Du verbe ταριχεύω, littéralement "saler", comme on le fait pour le poisson : CHANTRAINE 1968-1980, s. v. "τάριχος". 514 Ibid., s.v. "λούω" ; le sens des dérivés et des composés de ce verbe le confirme : λουτρόν désigne "le bain, le lieu où l'on se baigne", λουτροχόος est "le serviteur qui verse l'eau pour le bain", λούτριον "l'eau utilisée pour le bain", etc. Chez Hérodote même, en certains cas, le terme renvoie explicitement à une toilette à base d'eau : HÉRODOTE, IV, 75 ; III, 23, etc. La même expression est utilisée chez EURIPIDE, Troyennes, 1152, à propos du nettoyage d'un mort dans les eaux du Scamandre (ἔλουσα νεκρόν). 515 HÉRODOTE, II, 86, 15 ; cf. LSJ, s.v. "ἐκκαθαίρω". 516 HÉRODOTE, II, 86, 16 et II, 88 ; cf. LSJ, s.v. "διηθέω". 517 COLIN 2003, p. 104-106.

518

La Périégèse d'Hécatée de Milet par exemple : FGrHist I, 1 F 300324, part. F 300, p. 38-39. 519 EGGEBRECHT 1990, p. 28-31. Une datation plus haute, aujourd'hui reconsidérée, avait initialement été proposée dans le catalogue des œuvres du musée en 1921 : ROEDER 1921, p. 99. 520 Pour la description la plus complète de l'ensemble des vignettes, voir CAPART 1943, particulièrement p. 194-198 ; cf., plus récemment, GERMER 1997, p. 18, JANOT 2000, p. 26-27, DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 131-133 et DUNAND, LICHTENBERG 2002b, p. 96. 521 CAPART 1943, p. 197 ; sur le même sarcophage, l'étendue d'eau où navigue la barque est représentée selon la même convention iconographique. Cf. K APLONY 1989, col. 16-17.

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Les besoins en eau dans la nécropole

Figure 19. Étapes de confection d'une momie d'après le décor peint du sarcophage de Moutirdis.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 20. Étapes de confection d'une momie d'après le décor peint du sarcophage de Djed-Bastet-Ioufankh.

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Les besoins en eau dans la nécropole Par la suite, sur les registres supérieurs des sarcophages de Moutirdis et de Djed-Bastet-Ioufankh, les opérations d'embaumement s'achèvent, alors que l'éviscération et la déshydratation du corps ont déjà eu lieu : le défunt est d'abord déposé sur un lit léontomorphe, prêt à être emmailloté, et s'avance vers lui une assemblée de prêtres ; l'un d'entre eux porte le masque d'Anubis à tête de chacal, le dieu de l'embaumement, et tient les bandelettes et une sorte de pince (vignette 4 du sarcophage n°1 et vignette 2 du sarcophage n°2 : figures 19c et 20c) 522. Enfin, la momie terminée et parée de son masque de cartonnage est exposée, les quatre vases canopes déposés sous le lit (vignette 6 du sarcophage n°1 et vignette 3 du sarcophage n°2 : figures 19b et 20b) ; sur le sarcophage de Moutirdis s'avancent en ligne quatre porteurs d'étendard, tandis que sur celui de Djed-Bastet-Ioufankh, une étape intermédiaire présente d'abord l'embaumeur penché audessus de la momie, et sous le lit, deux balluchons blancs noués à un bâton, qui sont peut-être des résidus de la momification destinés à être enterrés près de la tombe, ou les viscères destinées à être placées dans les vases canopes523. Au-dessus du corps momifié, une petite inscription donne le nom du défunt, seule marque personnalisée de ces sarcophages qui ont certainement été l'objet d'une fabrication en série, malgré les quelques variantes évoquées.

c'est-à-dire périssable (le cerveau, les organes et les autres parties molles par immersion prolongée dans le natron) 525. La thèse paraît toutefois plus adaptée à l'autre vignette, où le cadavre est représenté debout dans une fosse. Ce type de figuration connaît des occurrences beaucoup plus fréquentes, sur les murs des tombeaux d'époque pharaonique ainsi que sur des documents plus tardifs. Parmi les exemples réunis en premier lieu par A.M. Blackman et plus récemment par C. Spieser ou E. Buzov, provenant essentiellement de tombes thébaines du Nouvel Empire, le mort debout, plus rarement accroupi ou assis sur une jarre, reçoit une aspersion de liquides par un ou plusieurs prêtres situés de part et d'autre, ou par des divinités (figure 21a) 526. En de nombreux cas, les formules ou le contexte figuré accompagnant la scène donnent clairement le cadre d'une cérémonie funéraire de purification, mais l'on ignore si l'image évoque l'un des rites des funérailles pratiqué dans l'officine d'embaumement, ou si le rituel est censé se dérouler dans l'Au-delà. Ingrédient par excellence de toute purification, l'eau, omniprésente, est identifiée par les filets en zigzag qui forment un arc audessus du défunt, ou par l'aspect des récipients contenant le liquide (le vase ḥst en particulier, au profil élancé terminé par un col plat, aux lèvres débordantes, qui est un vase à eau courant dans les contextes cultuel ou funéraire égyptiens)527. À l'époque romaine, ce type de représentation traditionnelle est encore extrêmement fréquent528. À l'entrée d'un tombeau richement décoré de Touna el-Gebel (la "maison 21"), une scène datée du IIe siècle ap. J.-C attire l'attention par la présence de personnages représentés dans un "style" tantôt égyptien, tantôt grec (voir la figure 21b)529 : Thot à tête d'ibis et Horus hiéracocéphale, de profil, font ruisseler de l'eau à l'aide de vases ḥst sur la tête de la défunte, représentée à la manière grecque (de face, vêtue d'une tunique et d'un manteau, la longue chevelure dénouée flottant sur les épaules). En retrait du groupe, un corps noir squelettique est figuré, le regard dirigé vers le défunte, qui est probablement la représentation du cadavre avant les rites de régénération.

Ainsi, sur les deux sarcophages d'El Hibeh, l'artiste a de toute évidence voulu représenter de manière concrète plusieurs temps forts du rituel de l'embaumement tel qu'il se pratiquait encore à l'époque des Ptolémées, les registres inférieurs étant spécifiquement consacrés à la purification préliminaire du défunt. Face à cette imagerie visiblement teintée de réalisme et volontairement disposée dans un ordre précis, la conclusion de R. Germer selon laquelle ces scènes "ne nous renseignent guère sur la technique de momification", dans son ouvrage richement illustré consacré aux momies, peut donc surprendre524. Certes, aucune des vignettes figurées ne présente explicitement les toutes premières phases de l'embaumement décrites par Hérodote, pourtant essentielles, à savoir l'ablation du cerveau et des organes. On peut cependant estimer que l'une ou l'autre des scènes joue implicitement ce rôle. J. Assmann concluait récemment en ce sens, en suggérant que le bain purificateur dans lequel le corps est plongé constitue une sorte de résumé de l'ensemble des rites destinés à extraire du corps tout ce qui est mauvais,

525

ASSMANN 2003, p. 59-60. BLACKMAN 1918 et BLACKMAN 1921, particulièrement p. 53-58, où le savant, s'interrogeant sur la coutume de laver les morts au travers des textes liturgiques et des représentations iconographiques, insiste également sur la purification sacramentelle primordiale que constituait ce geste. Cf. SPIESER 1997, p. 213 et 221-223 ; BUZOV 2005, p. 273281. 527 Pour ce type de vase à eau, voir DU MESNIL DU BUISSON 1935, p. 109-115 et SPORTELLINI 2005. Plus généralement sur le rôle de l'eau dans les rites de régénération du mort en Égypte Ancienne, voir SPIESER 1997. 528 Voir notamment, pour l'époque romaine, CORCORAN 1995, p. 138, 149 et pl. 30. 529 C'est le "style double" défini par L. Castiglione, dans CASTIGLIONE 1961, particulièrement p. 211. Récemment toutefois, Chr. Riggs évoquait à juste titre les limites et les ambiguïtés que recèle l'idée même de style dans l'iconographie : RIGGS 2005, p. 7-11. Pour la scène ici évoquée, voir GABRA 1941, p. 44-45 ; DRIOTON 1954, p. 25-30 ; pour la datation de la peinture, voir CASTIGLIONE 1961, p. 212 ; cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3255. 526

522

Il paraît en tout état de cause exclu d'assimiler cette image du lit de séchage du corps avec le "lit végétant d'Osiris" (JANOT 2000, p. 27) et de la considérer comme une "représentation schématique de la vie végétale, symbole de la régénération du mort dans l'autre vie" (GERMER 1997, p. 18). Les "Osiris végétants", qui illustrent le renouveau végétal par la germination annuelle de grains dans des moules à l'effigie d'Osiris (les Khenty-Amenty), sont manifestement sans rapport avec les scènes concrètes de momification du cadavre qui nous occupent ici. Cf. K OEMOTH 1994, p. 12-17 ; COLIN 2003, p. 77-78 et fig. 1, p. 109. 523 DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 132-133 ; JANOT 2000, p. 93-94. 524 GERMER 1997, p. 19.

65

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine était soumis à une aspersion d'eau préalable, peut-être additionnée de natron532, avant d'être amené dans l'atelier d'embaumement. On ignore tout du maintien de cette pratique à Basse Époque et durant les périodes de l'Égypte hellénistique et romaine ; toutefois des sources tardives indiquent que le corps devait être transporté chez les embaumeurs le quatrième jour après le début de sa prise en charge par les professionnels des funérailles533, ce qui suggère un traitement préalable sur les dépouilles534. La confrontation des informations fournies par les sources écrites avec l'iconographie semble indiquer que l'eau constituait un élément essentiel dans les opérations de momification. À Alexandrie où ce type de traitement du corps a été adopté selon des procédés conformes au reste de l'Égypte gréco-romaine, on peut ainsi mieux envisager l'utilité de disposer de réservoirs d'eau en surface des nécropoles, à proximité des ateliers d'embaumeurs mentionnés par Strabon, malgré l'absence de traces archéologiques fiables et concrètement exploitables sur ce point. 2. 3. L'EAU ET LES PRATIQUES COMMÉMORATIVES À LA TOMBE

Quand on s'interroge sur les influences culturelles et religieuses liées aux gestes funéraires dans les nécropoles d'Alexandrie, la question survient de l'origine même de l'agencement des tombeaux, prévus comme lieux d'ensevelissement et en même temps ouverts pour des visites commémoratives périodiques. Deux idées s'opposent en la matière, entre ceux qui croient en des emprunts à une tradition funéraire égyptienne, et ceux qui y voient la création d'un ensemble architectural nouveau adapté à la volonté toute grecque d'honorer le mort comme un héros. Plusieurs études ont mis en exergue les similitudes existant entre l'architecture funéraire alexandrine et les tombeaux monumentaux de l'Égypte tardive, spécialement ceux d'El-Assasif à l'ouest de Thèbes, où plusieurs hypogées comportaient une cour centrale desservant des chambres souterraines535. De là, certains spécialistes de l'Égypte gréco-romaine, tout en reconnaissant l'influence grecque dans les formes architecturales et le décor des riches hypogées de Chatby, de Moustapha Kamel (IVe-II e siècle av. J.-C.) ou plus tard de Marina el-Alamein, estiment que la

Figure 21. Scènes de lustration du mort. a : tombe thébaine 77 d'Amenhotpe-si-se, Nouvel Empire (d'après BUZOV 2005, p. 275, fig. 1). b : maison funéraire 21 de Touna el-Gebel, IIe siècle ap. J.-C. (d'après G ABRA 1941, pl. 13, fig. 2).

Toutes ces scènes de lustration peuvent être comprises comme des allusions métaphoriques à la nécessaire purification du défunt et c'est ainsi que l'on peut également les interpréter sur les sarcophages d'El Hibeh, en les rattachant plus prosaïquement aux premières étapes de l'embaumement décrites par Hérodote. Quant à la scène d'immersion dans l'eau, tout à fait inédite, elle peut selon toute vraisemblance être considérée comme l'équivalent iconographique de l'évocation littéraire du même auteur concernant le lavage du corps après qu'il a longuement été couvert de natron, opération destinée à éliminer les restes de sels et les impuretés avant l'emmaillotement final530. En 1941, B. Grdseloff consacrait une étude détaillée, encore aujourd'hui reprise pour ses conclusions, à la "Tente de Purification" (ἰbw en égyptien), dont la première mention remonte à la Ve dynastie531. Dans cette construction provisoire, le défunt

532

Dans la scène de purification de Djehoutyhotep située dans sa chapelle funéraire d'El Bersheh (Moyen Empire), un homme apporte du natron, comme le précise la légende : BLACKMAN 1918, p. 120. 533 SAUNERON 1952, p. XV-XVI (papyrus Boulaq III et Louvre 5.158, Ier siècle ap. J.-C.). 534 Pour A. P. Leca, la scène d'immersion représentée sur les sarcophages d'El Hibeh ferait précisément référence à ce qu'il nomme la "première lustration" dans la Tente de Purification : LECA 1976, p. 40 et 88. 535 A. Adriani procédait déjà à certaines comparaisons (ADRIANI 19331935, p. 74-76 et 1966, p. 31). Plus récemment, voir en particulier ELATTA 1992, p. 16-19 ; ZEIDLER 1994, p. 278-280 ; cf. DASZEWSKI 1994a, p. 57, et n. 37 et 38, p. 60.

530

Cette conclusion est adoptée dans DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 131 et DUNAND, LICHTENBERG 2002b, p. 95-96. 531 GRDSELOFF 1941 ; cf. GRDSELOFF 1951.

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Les besoins en eau dans la nécropole conception du tombeau ouvert aux visiteurs est d'inspiration égyptienne, et que les pratiques qui s'y déroulaient, comme venir prier, faire des offrandes ou partager un repas, renverraient à des coutumes proprement indigènes et à des croyances concernant Osiris et la vie dans l'Au-delà : ainsi pour W. A Daszewski, "dans ces tombeaux [alexandrins], sous la couche mince des éléments décoratifs helléniques, se cachent véritablement une structure et un contenu liés à des pratiques funéraires et cultuelles égyptiennes"536. Toutefois, les coutumes funéraires étant particulièrement résistantes aux changements et aux influences extérieures, il paraît difficile d'envisager dès les premières générations de Grecs l'adoption d'un tel héritage religieux : A.-M. Guimier-Sorbets, en étudiant précisément les différentes manifestations grecques de "l'héroïsation" du défunt à Alexandrie à partir de l'époque hellénistique537, tend au contraire à démontrer une volonté accusée des nouveaux venus d'importer leurs croyances et leurs pratiques funéraires, et de les inscrire dans le décor peint et sculpté de la tombe, sur le modèle probable de la tombe macédonienne538. En cela, l'introduction d'un espace ouvert destiné à la commémoration, qu'elle soit ou non empruntée à l'architecture égyptienne, doit plutôt être comprise comme la traduction de l'évolution des pratiques funéraires grecques et en particulier comme l'empreinte de la diffusion du statut du héros dans la sphère privée539, même si par la suite et peut-être assez tôt, la mixité entre Grecs et Égyptiens aidant, des formes religieuses égyptiennes ont pu venir s'agréger, avec un espoir commun en une survie dans l'Au-delà et en une immortalité bienheureuse.

2. 3. 1. L'eau et la pratique sacrificielle La pratique du sacrifice, considéré comme acte cultuel impliquant la crémation d'offrandes alimentaires, est attestée en contexte funéraire alexandrin par la présence relativement fréquente d'autels dans les tombeaux aménagés aux époques grecque et romaine. En certains cas, un point d'eau à proximité peut être mis en relation fonctionnelle avec les cérémonies qui s'y déroulaient. De ce point de vue, l'exemple de la nécropole hellénistique de Moustapha Kamel est particulièrement remarquable, non seulement parce que la pratique du sacrifice est clairement mise en évidence dans les hypogées les mieux conservés, mais aussi parce que, de façon manifeste, les aménagements hydrauliques mis au jour dans la cour, puits, citerne ou bassin, servaient pour les besoins du culte. Ainsi, dans la cour des tombes 1 à 4 (IIIe-IIe siècle av. J.-C. pour leur aménagement initial), un autel rectangulaire maçonné avait été conservé au moment des fouilles d'A. Adriani dans les années 1930 (figure 22 et planches 2-3)540. Leurs dimensions assez semblables (environ un mètre de côté, pour une hauteur comprise entre 0,5 et 1,10 m) leur conféraient un aspect général cubique, à l'exception de l'autel du tombeau 3, plus trapu que les autres. Composés de blocs de calcaire appareillés et parfois recouverts d'un enduit (observé dans les tombes 1 et 2), ils présentaient une base légèrement élargie et dans leur partie supérieure une cavité rectangulaire entourée d'un listel ; celui du tombeau 2 était par ailleurs doté d'un couronnement en saillie. Une sorte de gradin, qui devait servir de marche pour l'officiant, avait été placé au pied de chacun de ces autels, également constitué de blocs en calcaire plus ou moins grossièrement agencés541. La fonction sacrificielle de ces tables ne saurait faire de doute, compte tenu de l'observation des reliquats des dernières actions rituelles effectuées : dans les tombes 1 et 2, le plateau des autels comprenait encore au moment de leur découverte des cendres, des ossements calcinés de petits animaux, ainsi que des débris de vaisselle brûlée, qui coïncident avec les vases entiers, également noircis en surface, qui ont été retrouvés disséminés dans la tombe 1542. Par analogie (morphologie, dimensions, présence du gradin), les autels disposés dans les tombeaux 3 et 4 se prêtaient de toute évidence au même usage. Dans les hypogées 1, 2 et 4, l'autel avait été placé dans l'espace central laissé à ciel ouvert ; la fumée qui se dégageait lors des cérémonies pouvait ainsi librement s'évacuer. Seul l'autel de l'hypogée 3 était disposé dans un espace surélevé, assez restreint et couvert, qui précédait la chambre funéraire comprenant le sarcophage ; toutefois le mur de séparation entre ce vestibule et la cour à ciel ouvert était percé de trois hautes portes qui fournissaient l'aération nécessaire à la pratique du sacrifice.

Les pages qui suivent s'inscrivent dans cette argumentation, au travers de l'analyse spécifique des besoins en eau engendrés par l'existence de deux types d'aménagements rencontrés dans les espaces funéraires d'Alexandrie : d'abord les autels sacrificiels, blocs monolithiques ou massifs de maçonnerie généralement placés en évidence dans la cour de certains tombeaux, ensuite les banquettes creusées ou maçonnées, dont certaines peuvent sans nul doute être associées à la pratique du repas se déroulant dans ou au-dessus de la tombe et constituant le complément nécessaire de nombreux sacrifices.

536

DASZEWSKI 1998a, p. 235 ; cette opinion avait déjà été défendue par l'auteur dans plusieurs de ses précédents articles (voir DASZEWSKI 1993b, p. 414 et 1994a, p. 57-58). Cf. FRASER 1972, p. 255 et DUNAND 2002, p. 104-107. 537 GUIMIER-SORBETS 2002, p. 166-176 ; voir encore GUIMIERSORBETS 2003, p. 607-618 (décors de plafond) et GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b (lits funéraires). 538 GUIMIER-SORBETS 2006, part. p. 198-203, où le rapprochement, envisagé sous différents angles, concerne notamment les lits d'apparat et le décor des plafonds. Cf. PAGENSTECHER 1919, p. 98 (à propos des tombes dites "à oikos") et H ADJISAVVAS 1985a, p. 347 et 1985b, p. 268. 539 Sur la question du développement et de l'élargissement du concept d'héroïsation aux époques hellénistique et romaine, on se reportera à l'étude de D. D. Hughes (HUGHES 1999).

540

ADRIANI 1933-1935, p. 19, 47, 59, 63 et 98. Les dimensions du gradin de l'autel du tombeau 2 sont fournies dans la publication d'A. Adriania: 0,68 m x 0,48 m ; hauteur : 0,5 m. 542 ADRIANI 1933-1935, p. 165. 541

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 22. Autels sacrificiels dans les tombeaux de la nécropole de Moustapha Kamel. (dessins en plan : A. Tricoche, d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 28, 29, 30 et 34 ; photographies des autels des tombeaux 1 et 2 : clichés A. Tricoche, 2003 ; dessin de reconstitution de l'autel du tombeau 3, d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 32).

av. J.-C.) 547 ou encore dans la Necropolis occidentale (tombe du quartier de Mafrousa, IIe siècle av. J.-C.) 548 ; dans les deux cas, il subsistait aussi, sous forme de cendres, les restes de l'ultime sacrifice. Aucun aménagement hydraulique n'a en revanche été mis au jour à proximité. Les vestiges d'un type d'autel particulier, comportant un motif sculpté d'acrotères aux angles supérieurs, ont encore été retrouvés à deux reprises dans les tombes du chantier du pont de Gabbari (B21 et B26, IIIe siècle av. J.-C.). Les informations disponibles les concernant se complètent : la reconstitution de l'autel mouluré posé sur le sol de la cour B26549 a permis d'estimer sa hauteur à environ 1,5 mètre, pour 0,8 mètre de largeur à sa base et 0,6 mètre de côté au sommet ; une prothysis, marche disposée contre la seule face laissée lisse de l'autel, et marquant l'emplacement de l'officiant durant les cérémonies, était constituée d'un bloc allongé placé sur deux petites cales (figure 23a et planche 10, figure 3). Les vestiges vraisemblables d'une citerne dans la paroi ouest de la cour (GAB/CIT 9) rappellent la configuration de la tombe 3 de Moustapha Kamel (figure 24b)550. Dans la tombe B21, un autel à cornes avait également été installé dans la cour (voir la figure 23b) ; il comportait encore à la découverte d'importants vestiges de crémation disposés en couches successives dans le remplissage de la cavité

La relation spatiale existant entre l'autel et l'aménagement hydraulique est particulièrement frappante dans le tombeau 1 de cette nécropole : un puits (MKA/PTS 1) était logé dans un angle de la tombe, mais l'on avait tenu à créer un système d'acheminement de l'eau jusque dans la cour, par un dispositif de canalisation et de bassins reliés (MKA/BAS 1). Ainsi, à un mètre environ de la marche de l'officiant, derrière l'autel, une grande cuvette conservait l'eau pour les besoins de la cérémonie sacrificielle (figure 24a)543. Cette installation sophistiquée trouve dans les autres tombes de la nécropole des équivalents plus simples : dans le tombeau 2, le puits (MKA/PTS 2) avait été creusé directement dans un angle de la cour où se dressait aussi l'autel544. Dans le tombeau 3, une petite citerne (MKA/CIT 1) était accessible sous l'un des escaliers intérieurs menant au vestibule où se trouvait l'autel, devant la chambre funéraire545 ; aucune canalisation d'adduction n'ayant été conservée, peut-être remplissaiton manuellement le réservoir pour l'occasion. La même hypothèse peut être formulée à propos du tombeau 4, qui conservait les vestiges d'un bassin d'eau (MKA/BAS 2) à l'ouest du péristyle et à moins de trois mètres de la table sacrificielle ; son système d'alimentation reste également inconnu546. De l'époque hellénistique, d'autres autels quadrangulaires construits, semblables à ceux de Moustapha Kamel, ont été observés à Alexandrie, en surface de la nécropole orientale de Chatby (IIIe siècle

547

BRECCIA 1912, p. XV et pl. 18, fig. 19 ; dans l'hypogée A de cette nécropole, un grand autel circulaire a également été signalé par l'auteur : ibid., p. XL. 548 BRECCIA 1907, p. 66. Dans la nécropole de Marsa Matrouh encore, à environ trois cents kilomètres à l'ouest de la métropole, la tombe 1 datée du milieu du IIIe siècle av. J.-C. était équipée d'un autel dans la cour, noirci par le feu et recouvert au sommet de résidus de bois : BATES 1927, p. 156-157. 549 CALLOT 2003, p. 349. 550 Corpus, p. 165.

543

Corpus, p. 145 (puits) et 174 (bassins). Corpus, p. 145-146. 545 Corpus, p. 157. 546 Corpus, p. 175. 544

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Les besoins en eau dans la nécropole sommitale, ainsi que plusieurs foyers disposés à sa base (cendres et restes brûlés de cochon, de poulet, de petit oiseau et de poisson), qui attestent l'utilisation de la structure pour des sacrifices d'animaux en l'honneur des morts551. Dans un angle de la pièce, un puits atteignant la nappe phréatique (GAB/PTS 6), en fonctionnement dès les premières phases d'utilisation de l'hypogée, avait servi fréquemment comme en témoignent les traces caractéristiques d'usure de corde sur le rebord du bloc posé devant l'embouchure ; outre l'important mobilier céramique retrouvé dans le comblement du puits, des rejets d'os de poulet ont également été identifiés552.

Dans les premiers siècles du Principat, le maintien de pratiques sacrificielles pour les défunts dans les nécropoles d'Alexandrie se traduit par la découverte des mêmes autels à table, notamment dans la nécropole de Kôm el-Chougafa (Hall de Caracalla553) et dans la Necropolis (quartiers de Gabbari554 et de Souk elWardian 555). L'absence d'aménagement hydraulique à proximité laisse entendre, comme à l'époque précédente, que cette disposition particulière n'était pas une norme systématiquement adoptée. Toutefois, un système d'accès à l'eau pouvait toujours s'avérer utile, comme semble en témoigner la configuration de l'un des hypogées mis au jour en 1899 dans la rue du Mex (tombe "Thiersch 1", Ier siècle av. J.-C.) 556 : un puits (GAB/PTS 2) avait été creusé dans un angle d'une petite cour et un bassin accolé (GAB/BAS 1), aux rebords très usés par le frottement des cordes, assurait la desserte de l'eau 557 ; au centre de la pièce subsistaient encore quelques traces d'une structure enduite d'un mortier rouge hydraulique, qui ont suggéré à H. Thiersch la présence initiale d'une table carrée d'environ un mètre de côté, semblable à celle que l'auteur restitue dans la tombe voisine Thiersch 2, probablement contemporaine de la première (figure 24c)558. Le sol pavé légèrement incliné en direction du puits, qui a été retrouvé obstrué par une maçonnerie grossière, indique peut-être que la collecte des liquides, lors des cérémonies funéraires, s'effectuait dans cette sorte de puisard à une certaine époque de l'utilisation de l'hypogée. À une centaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie enfin, la nécropole située à proximité de Marina elAlamein doit enfin être évoquée. Les tombeaux fouillés sous la direction de W. Daszewski, et dont la construction doit remonter au Haut-Empire romain, ont une organisation générale très semblable : surmonté d'une superstructure dévolue à la commémoration, un hypogée accessible par un escalier comprenait un espace laissé à ciel ouvert qui desservait une chambre funéraire (plus ponctuellement deux ou trois), destinée aux inhumations dans des loculi559. Du point de vue fonctionnel, deux sortes de dispositifs doivent être distingués au sein de ces hypogées. Dans la chambre funéraire, l'aménagement d'un petit gradin découpé dans la roche contre une paroi (voir en particulier les 553

SCHREIBER 1908, p. 123 ; EMPEREUR 1995a, p. 19, et p. 20, fig. 23. Dimensions : 1,35 m x 15,55 m de côté. 554 Tombe Thiersch 2 (rue du Mex : Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle ap. J.-C.) : THIERSCH 1900, p. 31 et pl. VI ; tombe A (Haut Empire) : HABACHI 1937, p. 275. 555 Voir par exemple la tombe de la rue Bergawân (IIe ou IIIe siècle) : ADRIANI 1966, n°120, p. 172. Un autre hypogée, dans le même secteur, disposait d'un autel à cornes dans la cour : voir ADRIANI 1966, n°105, p. 156. G. Botti évoque un autel destiné aux sacrifices sanglants au centre du péristyle du grand complexe funéraire de Wardian : BOTTI 1897, p. 830. 556 Voir THIERSCH 1900, p. 8-25 et 37-38 ; cf. ADRIANI 1966, n°97, p. 148-149. 557 Corpus, p. 149 et 176-177. 558 THIERSCH 1900, p. 14 (tombe 1) et 31 (tombe 2). 559 La revue Polish Archaeology in the Mediterranean publie chaque année un rapport des fouilles de cette nécropole.

Figure 23. Autels situés dans la cour des tombes B26 (a, avec sa prothysis) et B21 (b) (d'après CALLOT 2003, p. 362, fig. 8 et EMPEREUR 2001b, fig. 9, p. 687). 551 552

EMPEREUR 2001b, p. 687. Corpus, p. 151-152 ; NENNA 2008, p. 232.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine hypogées 10A, 14, 16, 18), ainsi que le dépôt dans la pièce d'un socle en pierre (hypogées 1GH, 6, 7), d'une table à pieds (hypogée 29) ou d'un petit autel à cornes (hypogée 13) peuvent être considérés assez sûrement comme autant de supports d'offrandes ou de brûleparfum560. Les cours disposaient quant à elles d'autels massifs du même type que ceux rencontrés à Alexandrie même, souvent de section carrée, taillés dans le rocher ou maçonnés ; conservés dans de nombreux hypogées (1GH, 6, 7, 10, 14, 18 et 29) 561, leurs dimensions sont assez homogènes (environ un mètre de côté pour une hauteur comprise entre 0,7 et 1,3 m de hauteur) ; les résidus cendreux identifiés au sommet et tout autour, quelquefois en grande quantité, confirment de nouveau la fonction sacrificielle de ces autels562, utilisés en des occasions ponctuelles d'ouverture de la tombe, probablement lors d'un enterrement563. Les aménagements hydrauliques ont rarement été observés dans cette nécropole ; toutefois, un puits profond (MAR/PTS 1, creusé sur plus de neuf mètres) atteignait la nappe phréatique dans l'angle nord-est de la cour de l'hypogée 6, et avait sans doute un rôle à jouer dans les cérémonies qui se déroulaient autour de l'autel, à deux mètres de là (figure 24d)564. On le voit, l'installation d'un autel sacrificiel dans la cour d'un tombeau n'impliquait pas nécessairement pour son usage l'aménagement d'un point d'eau à proximité immédiate. De fait, les exemples d'une association spatiale entre les deux dispositifs se révèlent même plutôt rares ; dans ces cas là toutefois, le lien fonctionnel apparaît explicite, dans les tombes de Moustapha Kamel et de la nécropole occidentale (tombes B21, B26 et Thiersch 1) ; la nécropole de Marina el-Alamein en livre encore un témoignage dans la cour de l'hypogée 6 (voir la figure 24).

560

Tombe 1GH : DASZEWSKI 1998a, p. 234 (table d'offrandes égyptienne) ; tombe 6 : DASZEWSKI 1998a, p. 233-234 ; tombe 7 : DASZEWSKI 1994b, p. 31 ; tombe 10A : DASZEWSKI 1994b, p. 31-32i; tombe 13 : DASZEWSKI 1997, p. 77 ; tombe 14 : DASZEWSKI 1997, p. 76 ; tombe 16 : DASZEWSKI 1998b, p. 66 ; tombe 18 : DASZEWSKI 1999, p. 48 ; tombe 29 : DASZEWSKI 2003, p. 54-55 et fig. 7-8. 561 Voir DASZEWSKI 1992, p. 33 (tombe 6), DASZEWSKI 1993a, p. 27 (tombe IGH), DASZEWSKI 1994b, p. 29 et 31 (tombes 7 et 10A), DASZEWSKI 1997, p. 75 (tombe 14), DASZEWSKI 1999, p. 47 (tombe 18), DASEWSKI 2003, p. 52 (tombe 29). 562 Ainsi des autels des tombes 6, 7, ainsi que 1GH, dont l'unique pièce de l'hypogée, percée d'un puits de lumière et creusée de loculi, faisait à la fois office de cour et de chambre funéraire. 563 Des traces de portes, en haut de l'escalier d'accès à l'hypogée 6, prouvent qu'on pouvait fermer la tombe : DASZEWSKI 1990, p. 32. Dans les tombes 10 et 14, des dalles de calcaire posées au-dessus de l'autel mais séparées de lui par une couche de sable, ont probablement permis aux officiants de faire l'économie du travail de désensablement entre les cérémonies. 564 Corpus, p. 152-153 ; cf. DASZEWSKI 1997, p. 73, pour l'interprétation rituelle de l'usage de l'eau dans cette partie de la tombe.

Figure 24. Association d'un autel et d'un point d'eau dans les cours d'Alexandrie et ses environs (Dessins A. Tricoche, d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 28 ; CALLOT 2003, p. 359, fig. 2 ; ADRIANI 1966, pl. 74, fig. 243 ; DASZEWSKI 1998a, p. 239, fig. 8).

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Les besoins en eau dans la nécropole Dans son étude comparative sur l'architecture funéraire égyptienne à Basse Époque, J. Zeidler propose de rapprocher du point de vue de leur fonction les espaces à ciel ouvert dans les tombeaux monumentaux de la nécropole thébaine avec les cours centrales des hypogées d'Alexandrie d'époques grecque et romaine : ici, la présence d'autels peut dans une certaine mesure rappeler la découverte de tables à offrandes dans quelques grandes tombes des XXVe et XXVIe dynasties construites à l'Assasif près de Deir el-Bahari, et s'inscrit dans la même volonté d'aménager un espace intérieur pour la commémoration des défunts (figure 26)565. Si l'hypothèse d'une influence égyptienne dans l'organisation spatiale des tombes alexandrines a pu être formulée au départ de ce constat, corrélé à d'autres traits communs566, du moins les cérémonies sacrificielles qui s'y déroulaient relèvent manifestement d'une tradition tout à fait hellénique : l'autel haut et quadrangulaire, constitué d'un plateau sur lequel étaient brûlés des animaux (ce dont témoignent les restes carbonisés d'ossements, notamment à Moustapha Kamel) et aussi sans doute des produits végétaux, est le type le plus courant (bômos) pour les sacrifices destinés aux dieux olympiens567 ; en contexte funéraire, on le trouve aux abords des nécropoles du monde grec (où l'on se contentait sans doute, au moins à l'époque classique, d'y déposer des offrandes non sanglantes pour les simples mortels, conformément à la réglementation établie à Athènes par Solon568), et il s'employait aussi fréquemment dans le culte chthonien et héroïque569. La comparaison des autels funéraires alexandrins avec les tables à offrandes de style égyptien trouvées dans la cour des tombes d'époque tardive à Thèbes (de Monthouemhat, de Pasaba ou d'AnchHor570) est donc limitée, tant du point de vue de la morphologie que de la destination rituelle : mobilier funéraire des plus courants en Égypte ancienne, il n'y était pas question d'immoler, mais seulement d'y faire couler des liquides dans les canaux latéraux prévus à cet effet, et d'y déposer des produits alimentaires souvent pérennisés par les représentations sculptées de pains, de galettes ou d'écuelles sur le plateau supérieur571 ; ces tables placées dans les tombeaux égyptiens pouvaient aussi jouer le rôle de substitut de jardin, depuis l'Ancien Empire jusqu'à l'époque gréco-romaine, en particulier quand elles étaient décorées d'arbres et de végétation572.

Figure 25. Les tables d'offrande dans la cour de la tombe thébaine 34de Monthouemhat dans l'Assasif, Basse Époque. (D'après EIGNER 1984, p. 186, fig. 147).

À rattacher la présence des autels funéraires d'Alexandrie au rituel religieux grec, la nécessité de disposer d'eau à proximité, certes attestée seulement partiellement par l'archéologie, apparaît dès lors distinctement : en effet, parce que la pratique sacrificielle était avant tout, aux yeux des Grecs, un acte de consécration, quelle qu'en soit la puissance supérieure destinataire, l'eau était pleinement constitutive de ce type de cérémonie cultuelle pour conférer aux lieux, aux objets et à l'assistance une "qualité religieuse positive" indispensable573. Ainsi, dans le cas d'une thusia (sacrifice sanglant), qui est la plus fréquemment évoquée par les auteurs anciens, on retrouve l'usage du liquide à différentes étapes préparatoires du rituel574. Des ablutions préalables avaient pour but de purifier les participants575 : tel était le

565

ZEIDLER 1994, C5, p. 275-276 et 279. Nous laissons de côté d'autres parallèles suggérés par l'auteur, à propos d'autels disposés en différents endroits de la tombe, et liés au culte de divinités égyptiennes. Pour l'étude de ces tables d'offrandes, voir EIGNER 1984, p. 185-189. Cf. WILKINSON 1998, p. 116, fig. 59. 566 DASZEWSKI 1994a, p. 57-58 ; cf. HELLMANN 2006, p. 296. 567 HELLMANN 2006, p. 131-137. 568 PLUTARQUE, Vie de Solon, 21. 569 La distinction opérée entre les sacrifices offerts aux dieux sur un bômos et les holocaustes pratiqués en l'honneur des héros dans une fosse (eschara) est aujourd'hui remise en question (voir à ce sujet JOST 1992, p. 88-89). G. Ekroth a montré les limites de cette dichotomie au travers d'exemples archéologiques d'herôa dotés de bômoi : EKROTH 1998, particulièrement p. 119-128. 570 Tombes thébaines 34, 279 et 414, dans EIGNER 1984, p. 44-46, 53 et 54-55. Cf. AUFRÈRE 1992, p. 66. 571 JÉQUIER 1924, p. 333-334 ; AUFRÈRE 1992, p. 19-20 et 58-59. 572 KUENTZ 1981, p. 246-248 ; HUGONOT 1989a, p. 191-194.

573

RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 173. Voir encore le rôle de l'hydrie dans les préparatifs sacrificiels : EURIPIDE, Iphigénie en Tauride, 621-624 ; cf. DIEHL 1964, p. 171-172 et DURAND 1986, p. 131-135. 574 Parmi les ouvrages de référence traitant de cette question, voir EITREM 1915, p. 76-80, MOULINIER 1950, p. 71-72, RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 259-260, GINOUVÈS 1962, p. 311-318, JOST 1992, p. 84 ; en dernier lieu : PAOLETTI 2004, p. 23-24. La même tradition s'applique au monde romain : voir SALADINO 2004, p. 78-80. 575 HOMÈRE, Iliade, I, 314, 447-449 ; EURIPIDE, Électre, 791 ; THUCYDIDE, IV, 97 ; APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, III, 1026-1041, etc. Voir, dans le monde romain, les passages relatifs à cette

71

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine rôle du perirrhanterion ou loutêrion, vasque sur pied fréquemment figurée sur la céramique et largement attestée par les fouilles à l'entrée des sanctuaires ou près des autels576. Au début de la cérémonie même, un vase spécial contenant l'eau lustrale, la khernips (χέρνιψ), consacrait l'autel au cours d'une marche circulaire pratiquée par un assistant : c'est ce que Trygée ordonne à son esclave dans la Paix d'Aristophane (τὸ κανοῦν λαβὼν σύ καὶ τὴν χέρνιβα περίιθι τὸν βωμὸν ταχέως ἐπιδέξια) 577. Un tison enflammé pris sur l'autel était ensuite plongé dans l'eau et la torche désormais éteinte était utilisée comme goupillon pour purifier l'autel, la victime et les personnes présentes, comme l'indique notamment le même passage d'Aristophane578. Les officiants mouillaient également leurs mains, pour les laver ou peutêtre pour faire une sorte de libation de quelques gouttes d'eau jetées à terre ; ainsi l'esclave de Trygée, ayant secoué le tison et achevé ses propres ablutions, jette le reste de l'eau sur les spectateurs579, comme dans les sacrifices réels580. Les préparatifs comprenaient aussi l'aspersion de l'autel581. Enfin, l'exigence de pureté de la victime donnait lieu aux mêmes ablutions582, et en secouant la tête atteinte par un peu d'eau, la bête donnait son consentement583. On rencontre fréquemment ces pratiques dans les représentations stéréotypées d'une série de cratères à figures rouges attiques de l'époque classique (figure 26) : un assistant présente le petit bassin au sacrificateur qui s'apprête à y plonger les mains ; il tient aussi le panier contenant des grains d'orge (le kanoum) ; l'autel est au centre de la scène, et l'animal à sacrifier (un mouton, un bouc, un bœuf) à proximité du personnage qui préside à l'action rituelle584. Tous ces rites démontrent la valeur et la place de choix accordées à l'eau dans les sacrifices grecs.

Figure 26. Représentations de scènes présacrificielles sur deux cratères attiques d'époque classique. a : La Haye, OC (ant.) 5-71 (d'après DURAND 1979, p. 163, fig. 13 ; b : Boston 95.25 (d'après VAN STRATEN 1995, fig. 32).

Outre le sang jaillissant sur l'autel lors de l'égorgement, des libations accompagnaient les sacrifices du type thusia ; versées sur l'autel, elles pouvaient même se substituer à l'immolation d'une victime585. En contexte funéraire alexandrin, c'est précisément à cette tradition que se rapporte la scène peinte dans la cour de l'hypogée 1 de Moustapha Kamel, au-dessus de la porte centrale d'accès au vestibule précédant la chambre funéraire (figure 27 ci-après) 586. Daté de la première moitié du IIIe siècle av. J.-C.587, et bien visible de ceux qui pénétraient dans la tombe et en particulier de ceux qui étaient conviés à participer aux cérémonies cultuelles dans la cour autour de l'autel, le panneau présente deux femmes vêtues à la grecque et trois hommes montés sur des chevaux cabrés, disposés de part et d'autre d'un autel orné d'un socle et d'une corniche, vers lequel convergent les regards ; les cavaliers tiennent chacun une patère de la main droite, et celui du centre semble accomplir la libation sur l'autel. La convention iconographique bien connue, consistant à représenter le destinataire de

pratique très consommatrice d'eau : TITE LIVE, I, 45, 6 ; PLAUTE, Aulularia, 579 (acte III, scène 6) et 612 (acte IV, scène 2), SERVIUS, Commentaire à l'Énéide de Virgile, IV, 56 et 635, etc. À Alexandrie même, voir THÉOCRITE, Idylle XV. 576 GINOUVÈS 1962, p. 299-310 ; sur les installations hydrauliques et les besoins en eau dans les temples grecs, voir récemment HELLMANN 2006, p. 249-272. 577 ARISTOPHANE, La Paix, 956-957. Cf. HOMÈRE, Odyssée, III, 440 et 445 ; ARISTOPHANE, Les Oiseaux, 850 et 958 ; id., Lysistrata, 11291131 ; EURIPIDE, Héraclès, 929 ; id., Iphigénie à Aulis, 1569 ; id., Électre, 792 ; MÉNANDRE, Dyscolos, 440 ; DÉMOSTHÈNE, Contre Androtion, 78. Le vase s'appelait aussi khérnibéion : VAN STRATEN 1995, p. 33, n. 62. 578 ARISTOPHANE, La Paix, 956-961 ; voir encore id., Lysistrata, 1129 ; EURIPIDE, Héraclès, 928-929 ; ATHÉNÉE, IX, 409a-c. 579 ARISTOPHANE, La Paix, 961 et 971-972. Au sujet du sens donné au rituel, voir RUDHARDT 1971, p. 259-260. 580 ATHÉNÉE, IX, 409b ; DÉMOSTHÈNE, Contre Timocrate, 186. 581 EURIPIDE, Iphigénie à Aulis, 1569 ; cf. ARISTOPHANE, Lysistrata, 1129. 582 EURIPIDE, Iphigénie en Tauride, 622 ; PLUTARQUE, Vie d'Alexandre, 50. 583 HOMÈRE, Odyssée, III, 445 ; ARISTOPHANE, La Paix, 960. La victime est également aspergée d'eau dans la tradition romaine, selon DENYS D'H ALICARNASSE, Antiquités romaines, 7, 72, 15. 584 Pour toutes ces représentations et leur description, DURAND 1986, p. 124-130 et VAN STRATEN 1995, p. 35-38. Pour des parallèles immédiats aux scènes ici reproduites, voir en particulier les vases Boston 95.24 (DURAND 1986, p. 127, fig. 48 = VAN STRATEN 1995, fig. 33), Agrigente 4688 (DURAND 1986, p. 129 fig. 51 = VAN STRATEN 1995, fig. 30), Naples H 2200 (DURAND 1986, p. 128, fig. 49), Vienne 1144 (DURAND 1986, p. 124, fig. 43), etc.

585

TOUTAIN 1911, p. 963. La scène est comprise dans un rectangle de 1,67 m de large sur 0,6 m de hauteur. Pour sa description : ADRIANI 1933-1935, p. 37 et 109-112 ; BROWN 1957, p. 52-53 ; VENIT 2002, p. 55-58. 587 BROWN 1957, p. 57 ; HARARI 2001, p. 147-148. 586

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Les besoins en eau dans la nécropole l'offrande versant lui-même le liquide588, a été ici adoptée : les hommes qui prennent part au rituel, figurés en cavaliers en signe de leur héroïsation, sont en fait les morts qui reçoivent la libation589. Quant aux femmes, elles peuvent être identifiées à des défuntes, comme à des proches survivantes, des prêtresses ou encore des divinités. A. Adriani propose de rapprocher morphologiquement l'autel représenté sur la scène de deux petits éléments mobiliers retrouvés dans la même tombe (chambrettes 5 et 6) 590, sortes d'autels miniatures (leur hauteur ne dépassait pas vingt centimètres) qui faisaient probablement office de brûle-parfum, peut-être apportés par les parents du mort à l'occasion de la visite au tombeau. La comparaison avec le bômos disposé dans la cour paraît toutefois plus immédiate591 et donne une idée concrète de la pratique des libations sur les autels funéraires d'Alexandrie. Bien sûr, l'image ne renseigne pas sur la nature exacte du liquide versé. Normalement constituées de vin quand elles s'adressent aux dieux592, les offrandes que l'on réservait aux habitants du monde infernal étaient justement souvent a{oinoi ou nhfavlioi, c'est-à-dire sans vin, et l'on peut supposer, de nouveau, que l'eau jouait un rôle dans le geste rituel figuré dans la tombe de Moustapha Kamel593. Les sacrifices qui s'opéraient dans les espaces funéraires alexandrins ne revêtaient probablement pas l'aspect éminemment solennel des thusiai que décrivent Homère et la poésie tragique de l'époque classique. Toutefois, avec la diffusion de l'héroïsation, qui s'étend et

se transfère, à Alexandrie et dans l'ensemble du monde hellénistique, des personnages mythologiques ou semihistoriques à des personnalités réelles et contemporaines, il est probable que les gestes rituels les plus essentiels prescrits par la tradition se sont conservés dans le cadre du culte privé rendu à certains défunts, dont le statut héroïque s'exprime par bien des aspects dans l'aménagement et le décor de la tombe594. La pratique de sacrifices sanglants attestée par les restes osseux, qui représente la forme la plus noble de l'offrande alimentaire, la présence de la prothysis servant de marche-pied devant l'autel, qui révèle la participation d'un officiant chargé de présider solennellement la cérémonie, tout autant que les aménagements hydrauliques permettant de procéder aux rites de purification préalables et peut-être aux libations sur l'autel, concourent à la mise en scène à laquelle M. Venit se réfère dans le sous-titre de son étude – The Theater of the Dead – consacrée en 2002 aux tombeaux monumentaux d'Alexandrie595. Les fouilles ne permettent pas toujours de localiser ou d'identifier le point d'eau nécessaire à ces pratiques, et l'on doit dès lors envisager que l'eau était apportée de l'extérieur dans de grands récipients, avec les offrandes et les autres instruments du culte. À l'exception des puits et des citernes dotées de systèmes d'arrivée d'eau, assurant un approvisionnement indépendant dans la tombe, la desserte de l'eau nécessitait en amont le recours de la main de l'homme.

Figure 27. Scène de libation dans la cour de la tombe 1 à Moustapha Kamel (IIIe siècle av. J.-C.), avant restauration (d'après A DRIANI 1933-1935, pl. 27).

588

DENTZER 1982, p. 518 ; cf. BROWN 1957, pl. 24, fig. 2-4. 589 ADRIANI 1933-1935, p. 109-110 ; GUIMIER-SORBETS 2002, p. 166. Voir HARARI 2001, p. 146-147, pour une interprétation quelque peu différente de la scène, qui introduit la présence de divinités parmi les personnages représentés (les Dioscures et la déesse Hélène). 590 ADRIANI 1933-1935, p. 37 ; pour les modèle miniatures en question, voir 98-99, 161 et fig. 4. p. 98. D'autels petits autels de ce type ont été retrouvés dans la tombe II de la même nécropole. 591 Comparer les dimensions de l'autel figuré sur la scène, à hauteur des genoux, avec celles des bômoi dans les images de sacrifices sur la céramique attique (voir figure 27). L'autel disposé dans la cour de la tombe 1 de Moustapha Kamel, atteignait une hauteur de 0,84 m. 592 HOMÈRE, Iliade, I, 462-463 ; XI, 775 ; Odyssée, III, 459-460 ; ATHÉNÉE, XI, 486a ; POLLUX, Onomastique, X, 65, etc. 593 Nous reviendrons plus précisément sur cette question au moment d'évaluer l'importance de l'eau dans les libations versées en l'honneur des défunts d'Alexandrie : infra, p. 117-134.

594

Voir à ce sujet GUIMIER-SORBETS 2002, p. 167-173. D'après la restitution de W. Schubart adoptée par E. Bernand, il semble qu'il soit question de sacrifices de type thusia dans une épigramme funéraire peinte retrouvée dans la maison funéraire 3 de la nécropole de Touna elGebel, pour deux frères enterrés ici avec leur père (IIe siècle ap. J.-C.) ; BERNAND 1969, n°21, p. 109-115 (l. 5). La renommée de la famille (de l'adjectif διώνυμος, l. 9 et 11), pourrait expliquer ces honneurs empruntés au culte divin. Cf. ibid., n° 87, p. 350-357 (l. 1), où l'emploi du verbe θύειν dans une épitaphe (maison funéraire 1, IIe siècle ap. J.-C.) s'explique là encore par la divinisation de la jeune défunte Isidôra aux yeux de son père. 595 VENIT 2002.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine son enterrement603. Si ces comptes n'apportent aucune précision quant à l'emplacement précis de ces repas commémoratifs, le terme même usité dans ces documents, qui étymologiquement pourrait suggérer l'idée d'un "banquet" (τὸ δεῖπνον) consommé "autour" (περί) de la tombe, rappelle à tout le moins la tradition grecque, selon laquelle le perideipnon se déroulait au contraire dans la maison du disparu ou d'un de ses proches (et, pourrait-on dire, "autour" d'une table commune)604. Un papyrus testamentaire d'Oxyrhynchos, à notre connaissance unique en son genre pour l'ensemble de l'Égypte, stipule explicitement au IIe siècle ap. J.-C. qu'un festin (εὐωχία) devra être organisé en l'honneur d'un certain Akousilaos par ses esclaves et affranchis près de la tombe (πλησίον τοῦ τάφου μου), tous les ans à la date anniversaire de sa naissance605. Du nom des intéressés aux références à des divinités grecques (Zeus, mais aussi Hermès, Apollon ou Héraklès, dont les effigies figurent sur les sceaux des témoins signataires du testament), les indices concordent pour estimer avec vraisemblance que le défunt était sinon un Grec, du moins un Égyptien hellénisé d'une métropole de nome, Oxyrhynchos. Peuton dès lors supposer que la pratique funéraire ici évoquée se réfère à une tradition gréco-romaine ? Du moins doiton constater qu'elle trouve en Égypte son unique terrain archéologique d'investigation dans les nécropoles d'Alexandrie et ses environs : la mise au jour d'autels sacrificiels dans les tombes de la cité antique coïncide en effet avec l'identification de quelques salles de banquet au voisinage ou à l'intérieur même des hypogées. Ces découvertes semblent indiquer que les repas consommés sur place étaient chose courante pour honorer les défunts et se réunir en leur mémoire, et c'est dans le pourtour du bassin méditerranéen que l'on trouvera les meilleurs éléments de comparaison d'une telle pratique.

2. 3. 2. L'eau et les repas funéraires Dans la tradition égyptienne, les aliments et boissons destinés à la subsistance du mort étaient déposés en offrande près de la sépulture le jour de l'inhumation et probablement par la suite à date régulière, comme en témoigne la présence très fréquente dans les tombes de fruits, de légumes desséchés et de récipients contenant des résidus alimentaires de diverses natures596. Dans les tombes thébaines de la XVIIIe dynastie, des scènes de repas en présence du défunt ont été considérées par S. Schott comme des reproductions de la Fête de la Vallée qui se déroulait chaque année dans la nécropole597 ; toutefois ces représentations apportent peu d'informations sur la topographie précise des lieux où étaient censés se dérouler ces banquets. À l'époque grécoromaine, l'affirmation du maintien de cette tradition dans la littérature moderne598 souffre de l'absence de sources fiables sur la question : c'est en vain que l'on cherchera les vestiges archéologiques bien identifiés d'installations en dur pour d'éventuels repas consommés à la tombe599 et les rares témoignages littéraires sur lesquels s'appuie cette supposition, ambigus, doivent être considérés avec précaution. Au premier siècle de notre ère, Silius Italicus explique qu'en Égypte, "le cadavre n'est jamais éloigné de la table à manger"600, ce qui pourrait faire simplement référence aux tables chargées de mets qu'on mettait à la disposition des seuls défunts. Au siècle suivant, Lucien de Samosate évoque le rituel dont il dit avoir été le témoin : "l'Égyptien sale ses morts ; ce dernier même (…), les fait sécher, les invite à sa table et en fait des convives"601. Le fait que le mort soit ici considéré comme un invité ne renvoie-t-il pas plutôt aux repas pris à la maison au retour des funérailles, et auxquels on pouvait imaginer que les morts étaient présents ?602 C'est aussi probablement de cela que traitent plusieurs papyrus de l'époque ptolémaïque et du début de l'époque romaine, dans le cadre d'associations religieuses qui mentionnent les dépenses de nourriture pour le perideipnon (περίδειπνον) en l'honneur de l'un de ses membres après

L'objet de notre propos étant moins de dresser la liste des salles à manger funéraires d'Alexandrie que d'étudier les dispositifs hydrauliques qui peuvent leur être spécifiquement associés, il convient en premier lieu d'insister sur les grandes quantités d'eau nécessaires à cette activité. La littérature classique est catégorique sur ce point : la tradition gréco-romaine avait fixé des règles d'hygiène et de convivialité strictes concernant le lavage des mains avant, après le repas et entre les différents services606, et

596

VERHOEVEN 1985, col. 677-678. La tradition s'est perpétuée aux époques grecque et romaine : voir DUNAND, ZIVIE-COCHE 1991, p. 319 ; DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3289-3290. 597 SCHOTT 1952, p. 64-69 ; cf. SPIEGEL 1956, p. 200-207 et pl. 14, fig. 1 et 2. 598 MONTSERRAT 1992, p. 304 et MONTSERRAT 1997, 39-40 ; cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3287. 599 M.-Fr. Aubert et R. Cortopassi estiment que dans les maisons funéraires de Touna el-Gebel, l'étage supérieur constituait des salles de repas : AUBERT, CORTOPASSI 1998, p. 30. Les inhumations retrouvées à l'étage semblent cependant nuire à cette supposition. Voir CARTRON 2002, p. 130-156. 600 … a mensis exanguem haud separat umbram : SILIUS I TALICUS, Puniques, XIII, 474-475. Il s'agit sans doute là d'une anecdote de seconde main. 601 Ταριχεύει δὲ ὁ Αἰγύπτιος. Οὗτος μέν γε […] ξηράνα τὸν νεκρὸν σύνδειπνον καὶ συμπότην ἐποιήσατο : LUCIEN DE SAMOSATE, Sur le deuil, 21. 602 À moins que le passage de Lucien, comme celui de Silius Italicus, ne fasse référence à une pratique réelle de conserver les momies chez soi avant les funérailles, et de les exposer à la vue de tous lors des repas. Voir à ce sujet BATAILLE 1952, p. 222-225 et BORG 1997, part. p. 2627.

603

PERPILLOU-THOMAS 1993, p. 22-23 ; cf. MONTSERRAT 1992, p. 304 ou HUSSON 2001, p. 178 et 180. 604 DÉMOSTHÈNE, Sur la couronne, 288. En Égypte, il a également été supposé que ces repas funéraires pouvaient se dérouler dans les salles de banquets des temples avoisinant la nécropole : MONTSERRAT 1992, p. 304. De fait, les rares papyrus en langue démotique évoquant les repas d'associations suivant un enterrement font allusion à la "maison", qui semble désigner un temple, ou du moins un local de l'association au sein de l'enceinte sacrée. Voir en particulier le papyrus P.LilleDem. I 29, l. 20, dans CÉNIVAL 1972, p. 8, 21-22 et 188. 605 P.O XY. III, 494, l. 22-25. La somme engagée à cette fin par la femme ou le fils du défunt est de cent drachmes d'argent par an. 606 HOMÈRE, Iliade, X, 578 ; Id., Odyssée, I, 136 et 146 ; VI, 96 ; VII, 172, etc. ARISTOPHANE, Les Guêpes, 1216 ; ATHÉNÉE, II, 60a ; VII, 292e ; et surtout IX, 408-409 ; PLAUTE, Persa, V, 1, 16. Les pieds aussi étaient lavés avant de passer à table, dans PLATON, Le Banquet, 175a.

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Les besoins en eau dans la nécropole les convives utilisaient l'eau en permanence pour leur boisson, puisque c'était essentiellement du vin dilué qui était consommé607. L'eau pouvait encore être mise à contribution dans la cuisson des aliments bouillis dans des chaudrons608, et surtout, après le départ des banqueteurs, pour le nettoyage des récipients et des sols souillés par les détritus et les boissons répandus. Si les représentations de repas sont nombreuses à figurer les cratères utilisés pour mêler le vin et l'eau609, la scène de banquet peinte sur la frise de la façade de la tombe macédonienne d'Hagios Athanasios (IVe siècle av. J.-C.), récemment publiée, livre un témoignage exceptionnel des autres vases mis à la disposition des convives à cette occasion (figure 28) : de part et d'autre des personnages, une hydrie posée au sol est rendue par des touches bleu ciel ; à l'autre extrémité se trouve un loutêrion en marbre610.

À Alexandrie même, le maintien de ces usages est perceptible dans la description détaillée de Callixène de Rhodes, transmise par Athénée, du banquet public organisé par Ptolémée II Philadelphe en l'honneur de ses parents décédés, vers 270 av. J.-C.611 : parmi les instruments nécessaires à la gigantesque entreprise, les bassins mis à disposition pour le lavage des mains (πρὸς τὴν ἀπόνιψιν λεκάναι) et les hydries portées en procession aux côtés des récipients contenant le vin sont mentionnés à plusieurs reprises612. Ces nécessités hydrauliques sont telles que certains aménagements, puits, citerne ou canal d'écoulement, peuvent participer à l'identification de la salle des banquets cultuels dans les sanctuaires grecs. À la recherche de l'hestiatorion des Céiens mentionné par Hérodote dans le sanctuaire d'Artémis à Délos613, G. Roux dresse la liste des dispositifs les plus caractéristiques de ce type de bâtiment614 : à défaut d'une source naturelle directement accessible, la présence d'un point d'eau artificiel apparaît essentielle, éventuellement complétée par un caniveau pour faciliter l'évacuation des eaux usées dans les pièces salies par les déchets de table. Comme dans l'Artémision délien, les deux aménagements se retrouvent notamment dans l'Héraion de Pérachora, dont les lieux destinés à abriter les repas sacrés étaient munis d'un exutoire d'écoulement et avoisinaient une grande citerne615. Plus récemment, B. Bergquist insistait également sur cette question au travers de l'exemple d'un bâtiment situé au nord-ouest de l'Hérakleion de Thasos, considéré comme l'hestiatorion primitif du sanctuaire (VIIe siècle av. J.-C.), en raison de la présence à proximité immédiate d'un caniveau qui devait servir à l'évacuation des eaux usées ; quand une série de nouvelles salles à manger est édifiée vers 500 av. J.-C., un puits est creusé dans la cour juste en arrière du bâtiment616. Des installations similaires se retrouvent en des régions où la pratique des repas à la tombe a été clairement établie au regard des vestiges archéologiques. Dans l'Italie du Haut Empire en particulier, la commémoration des morts, en des occasions fixées par la tradition et le calendrier romain 617, s'est traduite dans le

611

ATHÉNÉE, V, 196-203. Ibid., V, 197b-c ; 198d, 199b et 202e. 613 HÉRODOTE, IV, 35. 614 ROUX 1973, p. 540-541 et 552 ; cf. ROUX 1981, p. 58. 615 TOMLINSON 1992, p. 340. D'autres exemples de ce type sont mentionnés dans ROUX 1973, p. 540-541. 616 BERGQUIST 1998, p. 65-66 et n. 36 ; fig. 1, p. 58 et fig. 6, p. 69 ; cf. GRANDJEAN, SALVIAT 2000, p. 145. Dans le sanctuaire de Poséidon encore, les salles jouxtant la galerie du portique comprenant un puits, sont considérées comme des espaces de banquets : ibid., p. 96-97. 617 Des sacrifices aux Mânes et des repas réunissaient la famille pour honorer ses ancêtres le jour des funérailles (silicernium), à la fin de la période de deuil (cena novemdialis, le neuvième jour après l'enterrement), à l'anniversaire de naissance du défunt (dies natalis), et encore lors de fêtes annuelles (Parentalia, du 13 au 21 février). Parmi les nombreux documents littéraires et épigraphiques témoignant de la pratique, on mentionnera en particulier ceux qui indiquent explicitement que les repas avaient lieu au tombeau : VARRON, apud NONIUS 612

Figure 28. Détails de la scène de banquet peinte sur la façade de la tombe d'Hagios Athanasios en Macédoine. (D'après TSIMBIDOU-AVLONITI 2005, pl. 33, fig. a et pl. 31). 607

TURCAN 1986, p. 24 ; VILLARD 1994, p. 265-267. EURIPIDE, Électre, 803 ; MÉNANDRE, Dyscolos, 456-486 et 519. Dans une inscription d'Aigialè (Amorgos, IIe siècle av. J.-C.), le règlement de la fondation de Critolaos en l'honneur de son fils héroïsé prévoit une fête annuelle avec un sacrifice suivi d'un banquet collectif dans le gymnase ; parmi le nécessaire aux préparatifs du repas, figurent le bois, l'huile et l'eau (IG XII, 7, 515, l. 58-59). Voir encore TURCAN 1986, p. 26-27. 609 DENTZER 1982, p. 334-335 et DUNBABIN 1995, fig. 3 et 4, p. 256-257. 610 TSIMBIDOU-AVLONITI 2006, p. 324-326. Pour la datation, voir p. 323. 608

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine paysage des nécropoles par la présence de lits de table maçonnés à proximité ou dans le monument funéraire618, parfois pourvus de points d'eau à proximité immédiate (figure 29 ci-après). À Ostie, un triclinium619 (dimensions : 3,8 m de long et 4 m de large) aménagé dans un périmètre délimité par les tombes de la via Laurentina disposait d'un puits attenant de 0,85 mètre de diamètre à l'embouchure ; l'ensemble aurait été édifié au Ier siècle ap. J.-C. et aurait fonctionné jusqu'au IIIe siècle. À Pompéi encore, un vaste enclos découvert en 1906, considéré comme funéraire, contenait deux triclinia620, dotés chacun d'une table entre les banquettes en pi pour déposer les mets ; à côté du triclinium situé au sud, une citerne à l'embouchure circulaire était reconnaissable au mortier hydraulique recouvrant les parois de la cuve621. Quelques inscriptions latines se font également l'écho de tels aménagements intégrant en un même lieu le nécessaire pour les repas et le dispositif hydraulique, notamment à Rome622. Il est même parfois possible d'associer plus spécifiquement le dispositif hydraulique avec les activités de préparation culinaire. À Rome, à défaut d'en avoir conservé les vestiges architecturaux, plusieurs inscriptions mentionnent l'existence d'une cuisine et d'un dispositif hydraulique attenant à la tombe pour les besoins des banquets funéraires623. C'est dans les espaces funéraires d'Ostie et de ses environs que les fouilles archéologiques confirment la pratique de préparation de repas sur les lieux : dans les nécropoles de la via Laurentina et de l'Isola Sacra, plusieurs cours, associées à des complexes funéraires éventuellement dotés d'un triclinium en pierre et datés entre le Ier et le IIe siècle ap. J.-C., disposaient d'un coin de cuisson et d'un puits à proximité immédiate624. En d'autres

cas, l'absence d'aménagement hydraulique dans un espace unitaire où se trouvaient un triclinium et un four, laisse supposer que des puits ou des citernes disposés en certains points de la nécropole assuraient une desserte collective pour les besoins de la cuisson et des lavages625. Si donc le large emploi de l'eau nécessaire au bon déroulement des banquets semble bien établi dans le monde gréco-romain, y compris en contexte funéraire, il n'est cependant pas toujours aisé d'associer spatialement et fonctionnellement les aménagements hydrauliques découverts dans les nécropoles d'Alexandrie avec les besoins spécifiques de préparation et de consommation de ces repas, et ce pour des raisons de conservation. D'une part, il faut convenir que la possibilité d'identifier avec certitude une salle de banquet est assez rare : on peut supposer que la plupart des festivités commémoratives de ce type se déroulaient simplement en plein air, ou bien dans des bâtiments de surface dont les vestiges archéologiques sont quasiment inexistants dans le contexte urbanistique moderne d'Alexandrie. Dans les hypogées mêmes, mieux protégés, il est également difficile de reconnaître les salles spécialement aménagées pour des repas funéraires : la présence de banquettes plus ou moins larges ou à défaut la possibilité de restituer des bancs en bois d'une taille adéquate dans l'une des pièces ne suffisent pas à rendre compte de manière fiable de la pratique du banquet dans les tombes, et la fouille ne permet pas souvent de mettre au jour le matériel caractéristique des activités conviviales envisagées (restes de repas, récipients non pas déposés auprès du mort mais utilisés à des fins culinaires), dans ces espaces remaniés à plusieurs reprises, parfois fort dégradés et généralement pillés dès l'Antiquité. Par ailleurs, si la présence d'un dispositif hydraulique dans une tombe dotée de banquettes peut en certains cas constituer un indice supplémentaire pour confirmer la pratique, selon les mêmes procédés de déduction parfois employés dans l'étude des sanctuaires (voir supra), l'emplacement du point d'eau dans l'espace central de l'hypogée pour le rendre facilement accessible aux autres usages (entretien, sacrifices, irrigation éventuelle de jardinets intérieurs) nuit le plus souvent à la démonstration. Enfin, l'absence d'installation d'adduction d'eau dans la tombe n'implique pas nécessairement que les banquets ne s'y déroulaient pas : l'eau pouvait être apportée de l'extérieur, depuis un puits ou une citerne à usage collectif aménagés en surface de la nécropole, et dont les traces manquent également le plus souvent. On peut enfin supposer que certains repas pris à la tombe, probablement les plus nombreux, étaient suffisamment modestes et improvisés pour se passer d'aménagements spécifiques.

MARCELLUS, 48, 8 ; APULÉE, Florides XIX, 6 ; CIL V, 7906 ; CIL XIII, 5708 ; AE 2000, 344, etc. 618 Nécropole de l'Isola Sacra près d'Ostie : CALZA 1940, p. 44, 56 et 69 ; CIL VI, 4710. Pompéi : ETIENNE 1966, p. 370 ; JASHEMSKI 1979, fig. 241 et p. 142 ; CIL X, 2015 ; pour d'autres références bibliographiques sur la question, voir encore GHEDINI 1990, p. 55, n. 26. Cf. AE 2000, 344 (Misène, 148 ap. J.-C.), CIL IX, 1938 (Beneventum) ou CIL XIII, 5708 (dans HATT 1951, p. 69 et 72 ; Gaule romaine). 619 JASTRZEBOWSKA 1981, p. 117 (espace n°22) et HEINZELMANN 2000, p. 64 et surtout 231-233 (espace VL C1). 620 SPANO 1910, p. 263-265 ; cf. JASHEMSKI 1979, p. 147 et GRIMAL 1943 (éd. de 1984), p. 338, n. 2, qui, après G. Spano, admettent la destination funéraire de cet enclos. 621 D'autres exemples de ce type, associant pièce de repas et aménagement hydraulique, sont également connus en d'autres régions du bassin méditerranéen, notamment à Pétra où l'un des complexes funéraires comprenait un triclinium et un bassin d'eau revêtu d'un épais mortier hydraulique : LINDNER 1986, p. 229 et p. 232, fig. 22. 622 Une inscription trouvée sur la via Labicana (CIL VI, 10237) fait mention d'une table à manger (mensa quadrata, abacus cum basi), d'un puits (putiale) et d'une fontaine (labrum cum fulmentis marmoreis) parmi les aménagements prévus autour du tombeau. Voir encore GREGORI 1987-1988, p. 175-176, n°2 et p. 184, à propos d'une autre inscription testamentaire romaine, précisant que la construction de surface de la sépulture sera pourvue d'une table pour le banquet et qu'à proximité une fontaine sera alimentée par un bassin (castellum cum fistulis et epitonis aeneis tribus, lilium aeneum salientem). Cf. SAQUETE 2002, p. 211 (inscription romaine de Mérida, en Espagne). 623 CIL VI, 29958 : commune es(t) culina et putem et iter at (sic) triclia ; CIL VI, 14614 : ambitus tricl(inii) culinae usus aquae hauriend(ae) concessus est. 624 Via Laurentina : JASTRZEBOWSKA 1981, tombeaux 33 et 34, p. 117119 ; cf. MEIGGS 1971 (éd. de 1977), p. 461 et surtout HEINZELMANN

2000, p. 270-272 (tombe VL E4), p. 265-270 (tombe VL E3), et p. 87i; Isola Sacra : JASTRZEBOWSKA 1981, cour des mausolées 16 et 89, p. 126-127 (sans triclinium immédiatement associé) ; C ALZA 1940, p. 57, fig. 15 ; BRAGANTINI 1990, p. 62 ; cf. COARELLI 1994, p. 324. En Espagne, un colombarium disposait d'un triclinium et dans un angle de la cour, d'une cuisine avec un puits circulaire : RADA Y D ELGADO 1885, p. 112-113 et pl. XV. 625 Voir notamment la salle à manger découverte devant la façade de la tombe 86 de la nécropole de l'Isola Sacra, avec banquettes en pi et four dans un renfoncement de la cour : CALZA 1940, p. 44 et fig. 8, et p. 75 et encore, pour d'autres exemples, p. 53, 56 et 74.

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Les besoins en eau dans la nécropole

Figure 29. Triclinia funéraires dotés d'un aménagement hydraulique : exemples à Pompéi et Ostie.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine De fait, l'unique attestation de la pratique des banquets funéraires en surface réside dans les vestiges, mis au jour en 1997 par l'équipe du Centre d'Études Alexandrines, d'un triclinium d'époque hellénistique taillé dans le rocher dans la zone B de Gabbari, audessus de l'hypogée B6 (figure 30)626. Les banquettes, hautes de 0,5 mètre et profondes de 1,3 mètre, délimitaient un espace rectangulaire de 5,15 sur 4,15 mètres, avec des parois extérieures conservées seulement sur 1,35 mètre en raison des travaux d'arasement liés à la construction du pont autoroutier. La salle à manger permettait théoriquement d'accueillir une petite dizaine de convives (cinq lits, et deux places par lit selon l'usage grec627), étendus de biais sur des couvertures ou des matelas calés entre le mur du bâtiment et les bourrelets de 15 cm de haut disposés en bordure des banquettes, et sur lesquels les personnes pouvaient également s'accouder628. Au moment du creusement de l'hypogée B6 dans le courant de l'époque hellénistique, l'escalier menant au triclinium, sur le côté est, a été coupé et mis hors d'usage ; on peut néanmoins supposer que la salle à manger a continué de fonctionner par la suite pour les visiteurs des tombeaux

alentour (B6 mais aussi B1 et B2 à proximité immédiate), avec l'aménagement d'un autre accès disparu ; à moins qu'un nouveau triclinium n'ait remplacé le précédent un peu plus au nord, où les traces d'une zone d'extraction de pierre et les vestiges de piliers surplombant l'escalier de la tombe B2 pourraient correspondre à un projet architectural ; les destructions causées par les travaux du pont en ont toutefois rendu l'interprétation difficile629. Aucun dispositif hydraulique n'a été identifié à proximité ou en relation immédiate avec ce triclinium, seule structure de surface à avoir été conservée dans ce secteur entre les traces du passage des bulldozers. À moins de dix mètres au sud-est, un puits creusé profondément dans le rocher a été hypothétiquement interprété comme la partie supérieure d'une citerne, sans qu'une exploration approfondie n'ait permis de le confirmer (GAB/cit α) 630. Les puits ou citernes mis au jour au contact des hypogées voisins B1, B4 et B8, ne peuvent pas davantage être considérés comme des sources d'approvisionnement fiables pour ce triclinium de surface631.

Figure 30. Photographie, plan et coupe du triclinium au-dessus de la tombe B6 de Gabbari (fouille du pont, secteur 1). (D'après EMPEREUR 1998b, p. 629, fig. 32 et CALLOT, NENNA 2001, p. 111, fig. 3.1).

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EMPEREUR 1998b, p. 630 ; CALLOT, NENNA 2001, p. 43-44. HÉRODOTE, IX, 16. Cf. D UNBABIN 1998, part. p. 82-88. La petite taille des lits, délimités sur la figure 30, invite cependant à relativiser cette estimation.

MOREL 1889, p. 1279, et fig. 1703. CALLOT, N ENNA 2001, p. 44. 630 Corpus, p. 172. 631 Corpus, GAB/PTS 4, p. 150-151 et GAB/CIT 2 à 4, p. 161-162.

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Les besoins en eau dans la nécropole Le site archéologique situé à proximité de Marina elAlamein offre également plusieurs témoignages de la pratique du banquet funéraire en surface. La nécropole antique ayant été mieux préservée qu'Alexandrie de l'urbanisation moderne, les vestiges extrêmement fréquents de superstructure reliée par un escalier à un hypogée qui constituait le tombeau proprement dit, s'avèrent ainsi de précieux compléments pour l'identification des activités qui se déroulaient au-dessus des hypogées alexandrins. On retiendra en particulier le cas des édifices de surface des tombeaux 6, 8, 16 et 21, tous datés de l'époque romaine632, qui comprenaient chaque fois une pièce munie de deux larges klinai en pierre se faisant face dans une pièce donnant sur l'escalier d'accès au souterrain (figure 31) 633. Le revêtement du sol de ces salles par un dallage ou une portion de mosaïque (tombes 6 et 21) et le décor mouluré parfois observé sur les bancs, imitant des lits en bois éventuellement rehaussés de coussins (tombes 6 et 16), rappellent les salles à manger des mondes grec et romain. Dans la superstructure du complexe 6 (figure 31b), les nombreux tessons de vaisselle de stockage retrouvés sur le sol et dans les couches sédimentaires inférieures, semblent encore confirmer la pratique634. Les dimensions des banquettes, dont la largeur était suffisante pour s'allonger selon l'usage (de 1,45 à 1,6 m ; hauteur comprise entre 0,6 et 0,8 m) et dont la longueur était comprise entre 4 et 5 mètres, permettent d'estimer le nombre de banqueteurs prévus à six personnes. Enfin, la présence d'autels, soit en surface devant l'entrée (tombes 6 et 8), soit dans la cour de l'hypogée (tombes 6 et 16), laisse supposer que les banquets consommés étaient précédés de sacrifices, le jour d'un enterrement ou durant certaines fêtes périodiques635. Malgré la présence bien attestée de salles de banquets dans ces bâtiments de surface, les points d'eau susceptibles de jouer un rôle dans les préparatifs des repas ou pour le nettoyage du sol après les cérémonies commémoratives ont été rarement observés dans les tombeaux de Marina el-Alamein. Le puits découvert dans la cour de l'hypogée 6, où se déroulaient des sacrifices sur l'autel à proximité, était peut-être mis à contribution à cette occasion. À tout le moins était-il seulement séparé de la salle à manger par une porte en bois et par l'escalier d'accès au souterrain636 : l'eau puisée à ce niveau pouvait ainsi être aisément mise à disposition des convives et des serviteurs dans des récipients placés en surface.

632

Tombe 6 : DASZEWSKI 1990, p. 32 ; tombe 8 : DASZEWSKI 1992, p. 26 et 1993a, p. 29 ; tombe 16 : DASZEWSKI 1997, p. 80 et DASZEWSKI 1998b, p. 61-63 ; tombe 21 : DASZEWSKI 2002, p. 79. Cf. D ASZEWSKI 1994a, p. 52-53. 633 Les quelques vestiges de la superstructure de la tombe 10A laissent également envisager la présence d'un triclinium disposé en pi, mais le mauvais état de conservation du bâtiment ne permet pas de le certifier : DASZEWSKI 1993, p. 30 et 1994, p. 30, fig. 5. 634 DASZEWSKI 1990, p. 34. 635 Voir supra, p. 69-70. 636 Corpus, MAR/PTS 1, p. 152-153. Une porte en bois a été restituée entre le triclinium et l'escalier, d'après les emplacements de pivots creusés dans le sol : DASZEWSKI 1990, p. 32.

Figure 31. Bâtiments funéraires de surface munis d'une salle de banquet dans la nécropole de Marina el-Alamein. (D'après DASZEWSKI 2005, p. 82, fig. 9 ; DASZEWSKI 1999, p. 44, fig. 2 ; DASZEWSKI 1998b, p. 64, fig. 2).

Le bâtiment de la tombe 21 (figure 31a), qui livre le seul autre dispositif hydraulique conservé pour l'ensemble de la nécropole, présente un intérêt de tout premier ordre pour appréhender très concrètement les usages de l'eau à l'occasion des banquets funéraires : immédiatement 79

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine trois places, selon l'agencement du triclinium romain642) ; l'espace laissé libre au centre de la pièce incite à restituer une table en bois pour déposer les mets et les boissons. La grande citerne (KCH/CIT 2) accessible par l'escalier en colimaçon du complexe et capable de stocker presque 100 m3 d'eau643, suffisait pleinement à l'entretien de la salle, dont les banquettes avaient été entièrement revêtues d'un épais mortier hydraulique ; le réservoir était par ailleurs équipé d'un bassin de filtrage en amont de la cuve et cette précaution particulière n'est peut-être pas sans rapport avec l'usage alimentaire de l'eau stockée644. Malgré la transformation du réservoir en chambre d'ensevelissement à une époque indéterminée, on peut supposer que la pratique des repas a perduré ultérieurement, alors même qu'aucun autre point d'eau n'est attesté dans le vaste tombeau 645.

accessible dans le hall de banquet, une citerne creusée dans le rocher, d'une capacité supérieure à 50 m3, avait été aménagée dans une petite pièce prévue pour son usage exclusif, dans le coin sud-est de la superstructure (MAR/CIT 1)637. Elle était alimentée par une rigole acheminant l'eau de pluie depuis le toit, tandis que le puisage s'effectuait par l'embouchure carrée du conduit vertical d'accès. En outre, l'espace laissé libre dans la salle à manger entre le mur et l'extrémité des lits délimitait un couloir latéral de service en direction de deux petites pièces annexes, qui peuvent également être mises en rapport avec la pratique du banquet. L'une d'elles est interprétée par W. A. Daszewki comme des latrines en raison d'un canal creusé contre la paroi du fond (0,4 m de large), et dont la pente se dirigeait vers un orifice d'évacuation dans le mur extérieur du bâtiment638 ; un dispositif comparable, observé dans la superstructure du complexe 6, invite à y reconnaître la même fonction, nécessairement consommatrice en eau au moment des nettoyages639. Isolée de la précédente pièce par un mur, une loge ouverte sur la salle de banquet faisait vraisemblablement office de cuisine, compte tenu de la concentration de vaisselle retrouvée à cet endroit et des traces de rubéfaction observées dans un angle640. Ces interprétations fonctionnelles permettent donc de concevoir les différents besoins en eau dans les banquets funéraires, en tous points similaires à l'usage qu'on en faisait au quotidien, pour l'hygiène des mains et des lieux, la boisson, mais aussi la cuisson ou le réchauffement des mets, comme cela a été notamment observé dans les tombeaux d'Ostie et de Pompéi (voir supra et figure 29). Les hypogées alexandrins, même aménagés à grande profondeur et dépourvus de lumière naturelle, pouvaient également accueillir des repas commémoratifs en l'honneur des morts. La preuve en est le fameux triclinium découvert dans le grand complexe funéraire romain à trois étages de Kôm el-Chougafa, aujourd'hui ouvert au public (figure 32)641 : au premier niveau du souterrain, une vaste salle carrée (8,5 m x 9 m), accessible au sud-ouest de la rotonde centrale, était aménagée de trois banquettes en pi creusées dans la calcarénite, encadrées par quatre piliers dont deux avaient reçu des cavités pour y placer des lampes. Les lits, hauts de 0,6 mètre et profonds de 2 mètres environ, permettaient de recevoir jusqu'à neuf convives (trois lits à 637

Corpus, p. 169-170. DASZEWSKI 2005, p. 85. 639 Une étroite fosse (0,46 m de large) longeait la paroi des pièces 5 et 8 du bâtiment de surface du complexe 6 ; dans son angle nord-est, un orifice carré, obstrué par deux pierres, était percé dans le mur extérieur. W.A. Daszewski y reconnaît des latrines bipartites (pour hommes et femmes) : DASZEWSKI 2001, p. 56. Le système peut également être comparé à celui de la maison 21C (pièce 7) de la ville antique de Marina el-Alamein : MEDEKSZA 2001, p. 72 et MEDEKSZA 2002, p. 92 et fig. 7, p. 95. Cf. RODZIEWICZ 1984, p. 106-109 (latrines mises au jour dans la maison romaine tardive D de Kôm el-Dick à Alexandrie). 640 DASZEWSKI 2005, p. 85-86. 641 SCHREIBER 1908, p. 84-85 ; BOTTI 1908, p. 351-352 ; ROWE 1942, p. 13-14 ; BERNAND 1966, p. 175a; EMPEREUR 1995a, p. 4-5. Le triclinium, qui appartient à la phase initiale d'aménagement du tombeau peut être daté de la fin du Ier ou du début du IIe siècle ap. J.-C. 638

Figure 32. Le triclinium du complexe funéraire à trois étages à Kôm el-Chougafa : photographie lors de la première exploration du tombeau en1900 et plan. (D'après SCHREIBER 1908, pl. 36 et 4). 642

MOREL 1889, p. 1278-1279. DUNBABIN 1998, p. 89. Corpus, p. 168-169. 644 Supra, p. 17. 645 Voir le puits hypothétique accessible au même étage, dans le corpus, KCH/pts β, p. 156. 643

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Les besoins en eau dans la nécropole Dans les autres hypogées d'Alexandrie, l'identification des salles de banquets est plus hypothétique et rend de ce fait moins assuré l'emploi des installations hydrauliques situées à proximité. Fréquemment dans les tombes d'époque hellénistique, des gradins aménagés face à face ou en pi ont été disposés dans une niche ou adossés contre les parois de l'une des pièces ; les banquettes sont taillées dans le rocher ou construites en pierre, et leur hauteur est généralement comprise entre 0,4 et 0,6 mètre. On a pu supposer qu'elles servaient de socles d'offrandes, ou qu'elles permettaient aux visiteurs de s'asseoir et de se recueillir à la mémoire du disparu ; le dépôt d'un corps avant son inhumation a également été envisagé, lorsque la disposition ou la longueur de tels supports semblaient s'y prêter 646. Certaines de ses banquettes, plus profondes ou plus allongées, constituaient peut-être des emplacements pour y placer des matelas et s'allonger à l'occasion d'un véritable repas en mémoire de quelque parent enseveli en ces lieux ; cependant l'absence d'indices supplémentaires, tels une concentration remarquable de récipients culinaires mis au jour en position primaire, nuit le plus souvent à l'interprétation fonctionnelle des pièces considérées, auxquelles les spécialistes attribuent prudemment la dénomination générale de "salles de prières".

pour 1,4 m de haut), grossièrement maçonné avec des blocs de calcaire joints, était adossé aux parois ; des restes carbonisés et un vase très ordinaire trouvé en place sur ce support permettent de supposer avec vraisemblance qu'il y avait là un plan de travail pour la préparation de repas649. On notera encore la découverte dans l'ensemble de la tombe de nombreux vases à liquides entiers, ainsi que des gobelets, des bols et des plats, ordinaires, sans décor et parfois brûlés, qui sont probablement les témoins de ces activités de banquet650. Dès lors peut-on considérer que le puits disposé dans la cour651, aisément accessible depuis la pièce identifiée comme une cuisine, assurait la desserte de l'eau nécessaire au bon déroulement des repas, comme cela a été observé dans la superstructure du complexe 21 à Marina el-Alamein (voir supra). Cette association de l'autel, des banquettes et du point d'eau est cependant unique en son genre en contexte funéraire alexandrin. Dans la tombe 3 de la même nécropole (IIIe siècle av. J.-C.), équipée dans la cour d'un autel et d'une petite citerne (MKA/CIT 1)652, peut-être la salle de repas a-t-elle été transférée dans l'abside située à l'extrémité sud-est de l'hypogée, en grande partie occupée par une structure surélevée semi-circulaire, mais dont le rôle reste incertain 653. Dans la tombe 1 contemporaine, une organisation comparable à celle de la tombe 2 est décelable, qui induit peut-être les mêmes usages (voir la figure 33b) : on y retrouve l'autel dans la cour, tandis que la partie nord de l'hypogée disposait d'un accès à la nappe phréatique (MKA/PTS 1), ainsi que d'un ensemble de bassins acheminant l'eau jusqu'au centre du tombeau (MKA/BAS 1) 654 ; quant à la pièce située dans l'angle nord-est de l'hypogée, A. Adriani s'est attaché à montrer qu'elle communiquait initialement avec la chambre voisine, l'ensemble ayant été ultérieurement compartimenté et creusé de loculi (pièces 5-7)655. M. S. Venit suggère que cette partie du tombeau servait aux besoins du culte funéraire desservi dans la cour autour de l'autel sacrificiel (on peut de nouveau songer à une sorte de cuisine), avant d'être dévolue à l'inhumation 656. Comme dans la tombe 2, de la vaisselle culinaire a été retrouvée en abondance : des amphores, des cruches, des bols, des plats faits d'argile grossière, ainsi que quatre petites marmites tout aussi ordinaires, à la surface noircie par le feu 657, qui semblent indiquer qu'il y avait la possibilité de préparer et de consommer des repas, sinon dans le tombeau, du moins à sa proximité. Au sud, la partie la plus monumentale du tombeau, accessible par trois portes flanquées de sphinx couchés

Considérons en premier lieu les tombes offrant des témoignages de la pratique sacrificielle, qui laisse supposer la consommation de repas pris sur place. Dans la nécropole de Moustapha Kamel, le tombeau 2 (fin du IIIe ou début du IIe siècle av. J.-C.), équipé à la fois d'un autel au centre de la cour et d'un puits à son angle sud-ouest (MKA/PTS 2), en livre un exemple intéressant (figure 33a). Dans la pièce précédant la chambre funéraire à sarcophage, deux longs bancs étaient appuyés contre les parois latérales (4,7 m de longueur, 0,97 m de profondeur et 0,44 m de hauteur) ; leur revêtement d'enduit peint, qui en cachait la structure au moment des observations d'A. Adriani, imite trois types de pierre polychrome647. Malgré la présence de loculi, peut-être postérieurs à l'aménagement initial de la tombe, ces banquettes, qui pouvaient recevoir jusqu'à six convives allongés, paraissent a priori adaptés à la consommation de repas suivant le sacrifice ; selon cette hypothèse, la trapeza placée au fond de la pièce en avant de la klinê-sarcophage peut être envisagée comme un socle d'offrandes alimentaires pour le défunt qui participait ainsi symboliquement aux festivités organisées en sa mémoire648. Par ailleurs, à l'autre extrémité de l'hypogée, une petite pièce située à droite du palier d'accès contraste avec l'ensemble architectural de la tombe par l'absence de soin dans sa confection et a été interprétée par A. Adriani comme une annexe utilitaire ; un haut gradin à hauteur d'appui (1,3 m de large environ

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Adriani parle d'un "foyer pour la préparation des repas funéraires" : ADRIANI 1933-1935, p. 52. 650 ibid., p. 135-142. La plupart de ces récipients ont pu être datés des IIIe et IIe siècles av. J.-C. (ibid., p. 135), c'est-à-dire de la même époque que l'utilisation de la tombe ; au sujet des différents critères de datation du tombeau même, voir notre corpus, p. 146. 651 Corpus, MKA/PTS 2, p. 145-146. 652 Corpus, p. 157. 653 ADRIANI 1933-1935, p. 54. 654 Corpus, p. 145 et 174. 655 ADRIANI 1933-1935, p. 49-52. 656 VENIT 2002, p. 61. 657 ADRIANI 1933-1935, p. 135-142.

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Cette question a été abordée supra, p. 57-58. ADRIANI 1933-1935, p. 48-49. 648 CAHEN 1911, p. 1219. ADRIANI 1933-1935, p. 105. Pour A.-M. Guimier-Sorbets et M.-D. Nenna cependant, ces "tabourets" seraient, sur le modèle des maisons, des marche-pieds pour accéder aux lits : GUIMIER-SORBETS, N ENNA 2003b, p. 535. 647

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine aliments659. Dans les autres tombes alexandrines équipées d'un autel, aucune information ne transparaît concernant l'usage de l'eau à l'occasion des banquets. Ainsi, dans la tombe 1 de Mafrousa (Souk el-Wardian), si l'on envisage que les participants au sacrifice qui s'opérait sur l'autel du vestibule consommaient les mets dans le même espace, où de longues banquettes étaient taillées dans le rocher le long des parois (1 m de large et 0,7 m de haut)660, l'eau devait de toute façon être apportée de l'extérieur. Quant aux tombes B21, B26, Thiersch 1 de la Necropolis, ou par exemple dans le Hall de Caracalla à Kom elChougafa661, l'absence de pièce à bancs suggère que les repas, après les sacrifices sur les autels déjà mentionnés662, ne se déroulaient pas sur place mais seulement éventuellement en surface.

sur des piédestaux, ouvrait sur une grande pièce barlongue, qui donnait sur trois chambres funéraires dont celle du centre contenait à l'origine le sarcophage et une trapeza 658. La faible profondeur de la pièce exclut la présence de banquettes latérales prévues pour les repas : doit-on dès lors restituer des bancs en bois provisoirement disposés dans la cour ou transversalement dans la salle barlongue, sur le modèle de la tombe 2, édifiée à peu près à la même époque et à proximité immédiate ? Ou bien des lieux spéciaux étaient-ils prévus en surface pour les repas, comme le cas a pu être observé dans le quartier de Gabbari ? Les mêmes questions peuvent également être posées à propos des hypogées 3 et 4 de la nécropole où, à défaut des bancs, l'on retrouve encore l'autel, le point d'eau pour les rites funéraires et la vaisselle ordinaire pour contenir les liquides et les

Figure 33. Essai de restitution fonctionnelle des pièces dans les tombes 1 et 2 de la nécropole de Moustapha Kamel (Alexandrie, IIIe-IIe siècle av. J.-C.). (Dessins A. Tricoche, d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 28 et 29). 659

658

ADRIANI 1933-1935, p. 135-142 ; corpus, MKA/CIT 1, p. 157 (tombe 3) et MKA/BAS 2, p. 175 (tombe 4). 660 BRECCIA 1907, p. 66 ; IIe siècle av. J.-C. 661 SCHREIBER 1908, p. 121-132 ; ADIANI 1966, n°123, p. 178-180. 662 Tombe B21 : EMPEREUR 2001b, p. 686-687; tombe B26 : CALLOT 2003, p. 348-357 ; tombe Thiersch I : THIERSCH 1900, p. 7-25 et 37-38.

ADRIANI 1933-1935, p. 38-44.

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Les besoins en eau dans la nécropole Dans la nécropole de Marina el-Alamein enfin, dont les structures bâties en surface fournissent de beaux exemples de salles de banquet, les hypogées eux-mêmes étaient parfois pourvus de deux larges bancs adaptés à d'hypothétiques repas en souterrain, comme dans les chambres funéraires des complexes 7 et 13, d'époque romaine663. Dans le complexe 6, il semble qu'on avait prévu la possibilité de manger dans la superstructure mais aussi dans la chambre funéraire de l'hypogée, où un gradin en pi disposait d'un petit escalier aux extrémités, probablement pour y monter et s'y étendre664. Dans la cour de l'hypogée, outre l'autel, un puits profond avait été creusé, pour les besoins des sacrifices, des banquets en surface et peut-être aussi pour ceux auxquels on s'adonnait à l'étage inférieur665. La configuration envisagée ici, qui suppose la duplication de la salle à manger sur deux niveaux, pourrait trouver son explication dans la volonté pour la famille de commémorer le défunt en différentes circonstances, distinguant par exemple le jour des funérailles, où les banquets étaient consommés au plus près du défunt, et comme en sa compagnie par le biais d'offrandes déposées devant la sépulture, et les anniversaires où l'on continuait d'honorer le mort par des repas pris en surface, dans des bâtiments mieux aérés, plus lumineux et plus confortables.

doute la présence de deux puits atteignant depuis la cour la nappe phréatique668. Géographiquement proches, plusieurs tombes d'époque hellénistique à Gabbari avaient reçu un plan initial assez similaire, avec une cour, une salle d'inhumation et une pièce à banquettes, peinte dans un style structural (tombe A4, IIe siècle av. J.-C. ; tombes B1 et B11, IIIe siècle av. J.-C., figure 34c et e)669. Dans son état initial la petite tombe familiale B2, datée de la haute époque hellénistique, ne disposait que d'une chambre funéraire et d'un vestibule carré, qui avait également été peint et doté des trois banquettes en pi (figure 34d)670. Malgré l'analogie de conception avec la tombe A5, la fonction de la pièce à bancs n'est pas toujours aussi clairement définie. Probablement s'agissait-il bien d'une salle à manger dans la tombe A4 (figure 34b)a: des coussins en relief délimitaient deux lits d'environ deux mètres de long contre les deux parois latérales, qui permettaient de s'y allonger ; deux autres places étaient aussi prévues contre le mur du fond671. Si tel est bien le cas, l'eau nécessaire au banquet était ici apportée pour l'occasion avec le reste du matériel. Il apparaît douteux, en revanche, de reconnaître dans les tombes B1, B2 ou B11 de véritables espaces pour les repas : les bancs ne paraissent pas assez profonds pour la position couchée (moins de 50 cm de large) et rendent les pièces concernées, de surface nettement plus restreinte, plutôt comparables aux salles de réception des habitations privées. À l'est d'Alexandrie encore, d'autres tombeaux d'époque hellénistique disposaient de banquettes étroites dans des pièces dépourvues de loculi, et dont la destination exacte nous échappe (tombes de Chatby, de Sidi Gaber, d'el-Manara ; figure 34f et g) 672. Dans le quartier de Cléôpatra, l'hypogée 1 le mieux conservé673, également daté de l'époque hellénistique, comprenait un vestibule et une cour desservant de nouveau une chambre funéraire à 29 loculi taillés régulièrement dans les parois, et une autre pièce où se trouvait un seul loculus, probablement ultérieur à l'aménagement initial de la

Comme le montre d'emblée la présence du triclinium dans le complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa et au-delà dans les tombes d'Italie, il n'est pas nécessaire d'avoir observé un autel sacrificiel dans les tombeaux pour envisager la pratique des repas, en relation avec la présence d'un dispositif hydraulique. Ainsi dans la Necropolis occidentale, le plan de la tombe A5 (IIe siècle av. J.-C.) consistait en une cour encadrée de deux pièces souterraines alignées sur le même axe, l'une aux parois creusées d'une série de loculi et faisant office de salle d'inhumation, l'autre comportant un dispositif de banquettes profondes en pi taillées dans le rocher contre les parois (figure 34a)666. Dans cette seconde pièce, l'observation d'un décor peint et soigné de type structural atteste la fonction commémorative de l'espace, malgré le creusement de loculi au-dessus des banquettes, qui correspond à une adjonction ultérieure667. Celles-ci avaient probablement été prévues pour s'y étendre, compte tenu des petites marches observées de chaque côté ; la décoration des bancs, dont deux couches successives ont pu être identifiées, semble avoir ignoré la face supérieure, sans doute laissée vierge pour y déposer un matelas. Ce triclinium était donc adapté pour servir de salle de repas, selon les conclusions mêmes de l'archéologue M. Sabottka, permettant d'accueillir une petite dizaine de convives. Par là même s'explique sans

668

Voir la figure 34a et notre corpus, GAB/PTS 3, p. 149-150. Tombe A4 : SABOTTKA 1983, p. 198-199 ; tombe B1 : CALLOT, NENNA 2001, p. 44-74, part. p. 60 et GUIMIER-SORBETS, NENNA, SEIF EL-DIN 2001, p. 162-163 ; tombe B11 : CALLOT, NENNA 2003, p. 9293. 670 CALLOT, NENNA 2001, p. 75-83, part. p. 75-76. Les banquettes observées dans la tombe B9, sans décor, n'ont en revanche aucun rapport avec les activités cérémonielles envisagées ici : au moment du surcreusement de la pièce, elles ont été maintenues en place contre les parois pour accéder aux loculi situés plus haut ; elles constituent donc les derniers vestiges du sol originel de la pièce. CALLOT, NENNA 2003, p. 86-87. 671 SABOTTKA 1983, p. 198 et n. 18. On comparera cette pièce avec le type standard des salles à manger dans les maisons du monde grec ; voir par exemple LINDSAY 1998, p. 82-83 et fig. 1, p. 82. 672 Tombe B de Chatby : BRECCIA 1912, p. XLIX- LI ; ADRIANI 1966, n°80, p. 126-127. Tombe de Sidi Gaber : THIERSCH 1904, p. 1-6 ; ADRIANI 1966, n°88, p. 138-140. Chambre A du cimetière el-Manara : ADRIANI 1940-1950, p. 3-4, fig. 9. Voir encore, dans la nécropole de Plinthine, l'adoption d'une configuration identique dans la tombe 1 fouillée sous la direction d'A. Adriani : A DRIANI 1940-1950b, p. 148 ; EMPEREUR 1998e, p. 226-230. 673 ADRIANI 1940-1950b, p. 148-152. 669

663

Tombe 7 : DASZEWSKI 1994b, p. 31, fig. 2 ; tombe 13 : DASZEWSKI 1997, p. 77. 664 DASZEWSKI 1991, p. 35. Les mêmes petites marches ont été signalées dans le triclinium de la tombe A5 de Gabbari : SABOTTKA 1983, p. 199. 665 Corpus, MAR/PTS 2, p. 153 et pl. 15, fig. 2. 666 SABOTTKA 1983, p. 197-200. 667 Ibid., p. 199 et n. 22.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine tombe (figure 34h). Des banquettes creusées dans le rocher occupaient non seulement les trois parois de cette pièce commémorative, mais aussi celles de l'espace d'inhumation ; dans le vestibule, une autre banquette à angle droit avait été aménagée. La largeur de ces bancs

permet de nouveau, dans ce cas précis, d'envisager la pratique de repas funéraires, mais aucun élément ne permet de le confirmer et aucun aménagement hydraulique n'est à signaler dans cette tombe.

Figure 34. Tombes d'Alexandrie dotées de banquettes (époque hellénistique). Dessins A. Tricoche.

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Les besoins en eau dans la nécropole

Figure 35. Tombes dotées de banquettes dans les nécropoles d'Anfouchi et de Ras el-Tin. Dessins A. Tricoche.

Au nord d'Alexandrie sur l'ancienne île de Pharos enfin, les secteurs funéraires d'Anfouchi et de Ras el-Tin méritent une attention particulière (figure 35). La plupart des hypogées mis au jour, datés des deux premiers siècles avant notre ère, ont une organisation générale identique : en bas d'un escalier, une cour dessert deux espaces souterrains composés d'un vestibule et d'une petite chambre funéraire dans son prolongement ; fréquemment, un point d'eau, puits, citerne ou bassin alimenté de l'extérieur, avait été prévu dans la cour ou à proximité immédiate674. Dans les tombeaux 1, 3 et 4 d'Anfouchi et 5 et 8 de Ras el-Tin, des bancs larges et bas (entre 0,10 et 0,15 m de haut dans la tombe 1 d'Anfouchi) s'adossent aux parois et occupent une grande partie de la surface d'un des vestibules675. Dans l'hypogée 3 d'Anfouchi, il ne restait des banquettes de la pièce 2 que deux bas murs en maçonnerie, formant des fosses avec les parois latérales de la pièce, peut-être initialement remplies de terre. Dans l'hypogée 4, chacun des deux souterrains avait reçu un

dispositif en forme de triclinium. Si A. Adriani considère uniformément l'ensemble de ces aménagements comme des lieux de prières ou de repas funéraires676, il n'est pas aisé, une fois de plus, de formuler une interprétation fonctionnelle précise et argumentée à propos de ces banquettes. Dans la nécropole d'Anfouchi, le volume de la citerne creusée dans l'hypogée 1 (PHA/CIT 1), susceptible de stocker jusqu'à 15 m3 d'eau, apparaîtrait tout à fait démesuré si le réservoir ne devait servir qu'au nettoyage régulier de la petite tombe (surface d'environ 110 m2)677. L'exemple le plus instructif réside dans l'hypogée 4 de cette nécropole : un réservoir (PHA/CIT 2), bien identifié par le mortier hydraulique recouvrant ses parois, n'était pas rendu accessible dans la cour même, mais était disposé en retrait dans la paroi d'une des pièces comprenant la banquette périmétrale, en partie creusée à

676

Ibid., p. 100-102. L'auteur ajoute que certaines petites pièces pourraient être des "annexes pour la préparation des cérémonies funéraires", p. 102. 677 Corpus, p. 158-159.

674

Corpus, PHA/PTS 1 à 3, p. 147-148 ; PHA/CIT 1 à 4, p. 158-160 ; PHA/BAS 1 à 2, p. 175-176. 675 ADRIANI 1940-1950a, p. 58, 86, 51 et 52.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine même le roc, en partie bâtie678. La salle, du reste, n'avait manifestement pas été prévue dès l'origine pour recevoir des corps : quelques loculi creusés de façon irrégulière dans deux des parois doivent remonter à une phase de remaniement, tandis que l'agencement du tombeau indique que le second souterrain faisait office d'espace d'inhumation initial, également transformé et agrandi à une époque indéterminée679. Si l'on peut donc estimer que la pièce était à l'origine dévolue à la seule commémoration des morts, l'idée d'une organisation en triclinium apte à accueillir quatre ou cinq banqueteurs, et pour lequel on avait mis à disposition un bassin à l'entrée, devient vraisemblable. Que conclure, enfin, des hypogées de la nécropole de Ras el-Tin, où la répartition des points d'eau (dans les tombeaux 1 à 3) et des installations de banquettes (tombeaux 5 et 8, figure 5d-e) est dissociée ? Il serait sans doute gratuit de restituer ici ou là des bancs en bois, comme par exemple dans l'hypogée 2 d'Anfouchi où la présence d'un puits a été mise en évidence (PHA/PTS 2), mais pas les banquettes habituelles dans les vestibules souterrains680.

paraissent également exclues pour les simples mortels et se limitent à quelques exemples dans le cadre d'herôa 683. L'eau était rendue nécessaire pendant la cérémonie même (purifications, ablutions, préparations des mets et des boissons) ; à cette occasion, elle pouvait aussi contribuer à dresser ou à agrémenter le décor de la tombe, en s'introduisant dans le décor architectural : l'hypogée hellénistique 1 de Moustapha Kamel en est l'exemple le plus caractéristique, avec son système sophistiqué d'acheminement de l'eau jusque derrière l'autel par le biais de bassins communicants684. La restitution hypothétique d'un jardinet dans la cour, également envisagée dans les tombes 3 et 4 de la même nécropole685, ajoute encore à la mise en scène soulignée par M. S. Venit. Enfin, l'eau avait un rôle important à jouer pour l'entretien des lieux après le départ des convives. Plus généralement, on peut supposer qu'un nettoyage régulier était obligatoire686 : certes, on ne comptait pas sur l'eau pour atténuer les odeurs pestilentielles dues à la putréfaction des corps inhumés, et ce sont plutôt les émanations de parfum qui devaient se charger de résoudre ponctuellement ce problème (parmi les artefacts découverts dans les tombes figurent de nombreux encensoirs et petits vases à parfum, dont certains ont sans doute servi lors des fêtes687). Mais les cours des hypogées étaient sujettes à l'ensablement progressif, aux intempéries climatiques, et le décor parfois raffiné de certaines pièces, notamment à Moustapha Kamel, Anfouchi ou Gabbari, exigeait sans doute cet entretien688. Dans un autre domaine, le fait de jeter régulièrement de l'eau au sol pour entretenir la fraîcheur des lieux pouvait être un excellent facteur de confort en été. C'est ainsi que l'on peut proposer d'expliquer la présence d'un aménagement hydraulique dans la cour ou à l'entrée d'un tombeau, quand en particulier il a été retrouvé dépourvu d'autel ou de salle à manger. Dans l'hypogée B1 de Gabbari par exemple, le puits

CONCLUSIONS La présence d'installations hydrauliques dans les tombes antiques d'Alexandrie s'explique par la possibilité pour la famille d'y pénétrer et d'y pratiquer les rituels commémoratifs en l'honneur des défunts. La présence d'autels de type bômos, les salles de banquet bien attestées par endroits, éventuellement complétées par des cuisines (à Marina el-Alamein et peut-être à Moustapha Kamel), voire des latrines (Marina el-Alamein), et dans une certaine mesure la vaisselle culinaire (plats, assiettes, bols, etc.) ou à liquides (amphores vinaires ou cruches) retrouvée dans les tombes681, tous ces éléments démontrent assez la pratique courante de sacrifices et de repas funéraires dans les hypogées. Ces festivités ont manifestement à voir avec l'accession de certains défunts à un statut supérieur, leur permettant de bénéficier d'honneurs dignes des héros, après que l'époque classique a progressivement éliminé les sacrifices sanglants des rituels funéraires ordinaires682 ; quant aux banquets à la tombe, les preuves de leur existence dans le monde grec, d'après la documentation écrite et archéologique,

683

Sur cette question, voir KURTZ, BOARDMAN 1971, p. 145-147 ; DENTZER 1982, p. 535-536 ; GARLAND 1985, p. 111-112 ; cf. EKROTH 2002, p. 144-145, 278 et 288. Dans l'enclos de l'herôon de Trysa (Lycie, 380-370 av. J.-C.), une scène de banquet surplombe un espace où subsistent les traces d'une structure architecturale peut-être destinée aux banquets. Voir OBERLEITNER 1994, p. 19, fig. 28, p. 22 et fig. 105-113, p. 50-52, avec SCHMITT PANTEL, LISSARRAGUE 2004, n°253, p. 248249 et HELLMANN 2006, p. 284. Cf. CIG 3278 = SEG 34, 1192 (mention d'un τρίκλεινον dans la maison construite à coté d'un tombeau familial, à Smyrne ; époque impériale). 684 Corpus, MKA/PTS 1, p. 145 et MKA/BAS 1, p. 174. 685 Supra, p. 36-37. 686 Dans les nécropoles du monde grec et romain, l'exigence de l'entretien des tombeaux est souvent rappelée pour expliquer la présence d'un système d'approvisionnement en eau. À propos de la nécropole délienne de Rhénée, voir LE DINAHET 1989, p. 27 ; BRUNEAU ET AL. 1996, p. 89-90. Pour Ostie : CALZA 1940, p. 56 ; MEIGGS 1971 (éd. de 1977), p. 461 ; JASHEMSKI 1979, p. 142, etc. 687 À Moustapha Kamel, voir Adriani 1933-1935, p. 98-99. Pour le secteur du pont de Gabbari (Necropolis), voir par exemple BALLET 2001, p. 326-327 et NENNA 2002b, p. 76-79. P. Georges m'a signalé la présence de petits brûle-parfum retrouvés sur le sol de la tombe 77 de Plinthine (communication personnelle, décembre 2006). 688 EMPEREUR, N ENNA 2001, p. 526 ; cf. H ELLMANN 2006, p. 328.

678

Corpus, p. 159. ADRIANI 1940-1950a, p. 86. 680 Corpus, p. 147-148 ; Pour une description détaillée de la tombe, voir ADRIANI 1940-1952a, p. 61-79. 681 Dans le chantier du pont de Gabbari, une abondante céramique, vases de table, de cuisson ou contenants à liquides a été inventoriée, la plupart retrouvée dans des loculi remplis à différentes phases d'abandon des tombes. Leur destination (offrandes ou ustensiles pratiques) n'est cependant pas connue. LAMARCHE 2003, part. p. 118 et 164 ; RAPPASSE, TRÉGLIA 2003, part. p. 375-389 et TRÉGLIA, RAPPASSE 2003, p. 409. 682 PLUTARQUE, Vie de Solon, 21. Voir à ce sujet GARLAND 1985, p. 112-115. 679

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Les besoins en eau dans la nécropole GAB/PTS 1 que l'on avait tenu à rendre accessible à tous les étages avait aussi pour rôle de drainer l'eau de la surface et d'éviter l'inondation dans la tombe689 ; en outre, les opérations de puisage attestées par les traces d'usure de corde sur la margelle, et la rigole taillée entre le puits et le passage vers la tombe B2, suggèrent que l'eau était utilisée pour le nettoyage des sols, selon la proposition d'O. Callot et M.-D. Nenna690. Ailleurs, les indices matériels sont plus minces. Dans la tombe B8 du même secteur de fouille, il eut fallu amener l'eau depuis l'extérieur, si une lucarne située dans la pièce centrale n'avait ouvert l'accès à la citerne adjacente GAB/CIT 3691 ; cette précaution particulière pour disposer d'eau dans la tombe même, alors qu'aucun aménagement cultuel ni triclinium ne semblent avoir été prévus dans l'hypogée, est peut-être révélateur de l'usage strictement utilitaire qu'on en faisait ici. Une même conclusion peut être formulée pour d'autres tombes de la métropole, dans la Necropolis (tombes B10 et B17, avec leur citerne et puits), à l'est d'Alexandrie (tombe du Jardin Antoniadis, équipé d'un petit réservoir) ou à Kôm el-Chougafa (tombes A et D, dotés chacun d'un réservoir)692 ; à défaut de bancs, quelques hypogées de l'ancienne île de Pharos sont encore concernés (tombe 2 d'Anfouchi comprenant un puits ; tombes 1 et 4 de Ras el-Tin, avec réservoir)693. Entre les aménagements dont la fonction hydraulique précise reste méconnue (des puits ou des puisards dans la tombe 3 de Cléopâtra, les hypogées anonymes de Gabbari et de Kôm el-Chougafa ou la tombe 1 de Plinthine694) et la conservation seulement partielle de certaines tombes (tombes B, C4 et C5 de Gabbari, tombe 2 de Ras el-Tin), il faut toutefois convenir que la restitution des usages de l'eau tombe souvent dans des suppositions formulées par défaut et invérifiables. Il apparaît en tout état de cause que les capacités de stockage des citernes situées dans le petit hypogée 1 d'Anfouchi (15 m3) et bien plus encore dans le complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa (95 m3), ne trouvent pas uniquement leur raison d'être dans la présence d'un triclinium souterrain, mais probablement aussi dans les nécessités de l'entretien695.

dispositifs devaient également être nombreux pour les besoins engendrés par le sacrifice effectué directement en surface (voir l'autel sacrificiel en surface de la nécropole de Chatby) et les repas commémoratifs pris en plein air ou dans des salles à manger peut-être partagées par plusieurs concessions mitoyennes (cas du triclinium mis au jour au-dessus de la tombe B6 à Gabbari) ou érigées en superstructure pour une seule tombe, comme dans la nécropole de Marina el-Alamein : ici, la superstructure du complexe funéraire 21 rend compte avec précision du déroulement des festivités de surface, où en un même lieu mais dans des pièces séparées se trouvaient une cuisine, des couches de banquet et des latrines ; un grand réservoir d'eau avait sa propre pièce, qui la protégeait des impuretés extérieures. En outre, de grandes quantités d'eau étaient rendues nécessaires par la présence sans doute fréquente de jardins de culture aménagés au-dessus des tombes : dans la Necropolis, la présence d'une grande citerne dans le complexe funéraire de Souk el-Wardian, accessible seulement en surface, semble corroborer le témoignage de Strabon sur ce point, tandis que le documentation épigraphique et papyrologique confirme à la fois la vogue des kêpotaphes à Alexandrie et ses environs proches, au moins à l'époque romaine, et le soin accordé aux dispositifs d'irrigation (papyrus BGU 1120). Il apparaît encore, à l'époque romaine, que l'eau était présente à proximité des officines d'embaumement, du fait des lavages du cadavre et des activités salissantes qui s'y déroulaient. Un dernier usage de l'eau doit enfin être envisagé dans les nécropoles d'Alexandrie, qui a trait à la croyance répandue dans l'Antiquité selon laquelle le mort a soif dans l'Au-delà. L'enquête nous engage dans des perspectives nouvelles, où l'importance des questions d'identité, de mentalités religieuses et de possibles formes d'interaction entre les cultures grecque et égyptienne est particulièrement sensible. La prise en considération de documents d'un autre ordre que ceux qui ont été exploités jusqu'ici, justifie en outre le traitement à part que nous proposons dans les prochaines pages.

En surface des nécropoles alexandrines, nous ne savons presque rien, du point de vue archéologique, des aménagements hydrauliques mis à la disposition de la communauté. Des puits ou des citernes palliaient sans doute en surface leur absence dans les tombeaux, en des occasions particulières où des récipients étaient mis à la disposition des officiants et des banqueteurs, et servaient aussi aux préparatifs et au nettoyage des sols. De tels 689

Corpus, GAB/PTS 4, p. 150-151 et supra, p. 27. CALLOT, N ENNA 2001, p. 45 et 110. 691 Corpus, p. 161-162. 692 Corpus, GAB/CIT 5, p. 162-163 (tombe B10) ; GAB/PTS 5 et GAB/CIT 6, p. 151 et 163 (tombe B17) ; EST/CIT 1, p. 158 (tombe du Jardin Antoniadis) ; KCH/CIT 1, p. 168 (tombe A) ; KCH/BAS 1, p. 177-178 (tombe D). 693 Corpus, PHA/PTS 2, p. 147-148 ; PHA/CIT 3, p. 159 ; PHA/BAS 2, p. 163-164. 694 Corpus, EST/PTS 1, GAB/PTS 1, KCH/PTS 1 et MAR/PTS 1, p. 146-149 et 152-153. 695 Corpus, PHA/CIT 1, p. 158-159 et KCH/CIT 2, p. 168-169. 690

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CHAPITRE 3. L'EAU ET LA SOIF DU MORT Les aménagements hydrauliques, puits, citernes ou bassins d'eau, mis au jour dans les espaces funéraires antiques d'Alexandrie ne nous informent aucunement sur une éventuelle pratique de libations aux morts, telle qu'elle existait dans les traditions grecque, romaine ou égyptienne. Des dispositifs percés, découverts dans plusieurs tombes d'époque grecque ou romaine de la métropole et de ses environs, semblent attester que le rituel s'opérait effectivement, mais l'usage et l'importance mêmes de l'eau restent hypothétiques à la seule lumière de ces rares vestiges696. Les témoignages écrits et iconographiques alexandrins constituent en revanche de précieux compléments pour estimer que l'eau, selon la croyance bien ancrée dans l'Antiquité, était jugée nécessaire aux défunts pour la perpétuation de leur vie dans l'autre monde. Au désir impérieux du "rafraîchissement" du mort, à Alexandrie et ailleurs, des gestes codifiés par la tradition trouvent des réponses concrètes dont il conviendra ensuite de rendre compte.

et certainement d'une partie de la société alexandrine de son époque. Au-delà de leurs emprunts à l'Égypte, ces formes d'expression, sur le mode écrit ou figuré, puisent leur inspiration et trouvent leur explication dans l'espoir commun aux religions antiques, que les défunts trouvent grâce à l'eau rafraîchissante le repos et le bien-être postmortem. 3. 1. 1. La formule de l'eau fraîche dans les inscriptions funéraires d'Alexandrie La formule grecque de l'eau fraîche est connue en six exemplaires pour la seule cité d'Alexandrie, sur des stèles funéraires, des murs d'hypogée et un petit monument en forme d'autel ; la qualité des informations archéologiques, pour ces documents généralement découverts dans le courant du XIXe siècle, est variable. La formule se retrouve en Égypte sur quatre autres documents funéraires, dont la plupart sont de provenance inconnue, ainsi que sur deux papyrus magiques tardifs que nous mentionnerons à part. Sous des formes plus ou moins dérivées, l'Empire romain recèle encore dix inscriptions exprimant la même idée, la majorité découvertes à Rome même. Au total, ce sont donc vingt inscriptions funéraires, concernant essentiellement des femmes (pour les trois quarts), qui portent l'espoir que le mort obtiendra de l'eau dans l'Au-delà. Elles ont été inventoriées à plusieurs reprises dans le courant du XXe siècle699, et les commentaires à leur sujet sont légion700. Nous présenterons l'ensemble du corpus dans l'état actuel des découvertes ; sauf mention contraire, les traductions proposées sont personnelles. La question de la datation sera abordée en fin de recensement.

3. 1. LE BESOIN D'EAU DANS L'AU-DELÀ : FORMES D 'EXPRESSION À A LEXANDRIE , PARALLÈLES ET SOURCES D 'INSPIRATION Alexandrie a livré un grand nombre d'inscriptions funéraires grecques, la plupart sous forme d'épitaphes en vers ou en prose697. Les inscriptions métriques, dont le mode rédactionnel fournit de loin la documentation la plus riche, reflètent essentiellement la culture hellénique, du point de vue des conceptions de la mort ou de l'Audelà, comme des rites pratiqués à l'occasion des funérailles ou lors de la commémoration des défunts. Quant aux croyances proprement égyptiennes, elles ne transparaissent que très exceptionnellement et de façon discrète698. Curieusement, elles s'expriment presque exclusivement, à Alexandrie, dans le cadre d'une prière stéréotypée qui contient le nom d'Osiris et qui exprime le souhait que le mort obtienne de l'eau par son biais : δοίη σοι (ὁ) Ὄσιρις τὸ ψυχρὸν ὕδωρ, "puisse Osiris te donner l'eau fraîche". Cette formule de réversion de l'offrande funéraire connaît également un parallèle iconographique, peint sur une plaque de fermeture de loculus retrouvé en place dans la nécropole de Kôm el-Chougafa ; peu étudiée jusqu'à présent, la représentation d'une femme s'abreuvant d'une eau s'écoulant d'un arbre en présence d'Osiris sera ici examinée avec une attention particulière : elle doit être mise en rapport avec les croyances intimes de la défunte 696

Une étude approfondie leur est consacrée, infra, p. 117-126. En l'absence de recueil spécifiquement consacré aux inscriptions funéraires d'Alexandrie, voir BERNAND 1969, WAGNER 1972 et BERNAND 1992b pour les documents grecs d'Égypte ; on consultera également les catalogues du Musée gréco-romain d'Alexandrie, de G. Botti (BOTTI 1900) et d'E. Breccia (BRECCIA 1911), ainsi que le Sammelbuch Griechischer Urkunden aus Ägypten (abrégé SB). 698 Voir à ce propos BERNAND 1969, p. 30. 697

699

Voir ROHDE 1928 (éd. de 1999), p. 584, n. 1, et plus récemment WILD 1981, p. 258-259, n. 154 et 155 et DELIA 1992, p. 189-190. 700 Notamment dans CUMONT 1906 (éd. de 1963), p. 94 et 246, n. 112 ; PARROT 1936, p. 192-193 ; DÖLGER 1936, p. 170-171 ; DEONNA 1939, p. 60 et 65a; DUNAND 1975, p. 168, etc.

89

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine DOCUMENTS ALEXANDRINS (1-6) Document 1. Épitaphe en prose de Galatianos, sur une stèle funéraire rectangulaire en marbre blanc provenant de l'ancienne Necropolis. Découverte en 1877 pendant le creusement des fondations de la bourse de Minet el-Bassal, brisée en plusieurs morceaux, elle est aujourd'hui conservée au Musée gréco-romain d'Alexandrie (n° inv. 286). Hauteur : 40 cm ; largeur : 28 cm. L'inscription a été éditée pour la première fois par T. D. Néroutsos en 1887 (= NÉROUTSOS 1888, p. 94, n°5), puis de nouveau dans les catalogues du Musée publiés par les directeurs G. Botti et E. Breccia (BOTTI 1900, p. 274-275, n°14a ; B RECCIA 1911, p. 173, n°341). Cf. SB I, 3449 = SEG 42, 1506701.

Εὐψύχι Γαλατιανὲ Ò——
κ——ε—
 δοῖ σοι ὁ Ὄσειρις τὸ ψυχρὸν ὕδωρ ß 
 
 
 "Bon courage, Galatianos, âgé de 25 ans. Puisse Osiris te donner l'eau fraîche."

Figure 36. D'après DELIA 1992, p. 182, fig. 1. Document 2. Épitaphe en prose d'Isidôra, sur une stèle funéraire en marbre, découverte au début des années 1980 à Kôm el-Dick (elle était remployée dans le pavement de la pièce F5 de l'ancien quartier d'habitation d'époque romaine tardive) ; elle est conservée au Musée gréco-romain d'Alexandrie (n° d'inventaire inconnu). Hauteur : 25,6 cm ; largeur : 19,6 cm. La stèle est couronnée d'un fronton, orné d'un disque en son centre ; il manque au monument, retrouvé brisé, un gros fragment (environ un tiers) dans la partie inférieure droite. L'inscription a été publiée en 1989 (LUKASZEWICZ 1989, p. 195-196). Cf. SEG 39, 1691702.

Εὐψύχι Ἰσίδωρε ἐτῶν κ——η—
 δοῖ σοι ὁ Ὄ̣σ̣[ει-] ρις τὸ̣ [ψυχρὸν] [ὕδωρ] "Bon courage, Isidôra, âgée de 28 ans. Puisse Osiris te donner l'eau fraîche."

Figure 37. D'après LUKASZEWICZ 1989, pl. 6b. Document 3. Inscription pour Ammônios (nom très incertain), gravée sur un petit autel funéraire en calcaire, quadrangulaire et creux à l'intérieur ; il a été mis au jour à la fin du XIXe siècle dans la nécropole du quartier de Gabbari (ancienne Nécropolis) et est conservé au Musée gréco-romain d'Alexandrie (n° inv. 157a). Hauteur : 16 cm ; largeur : 12 et 14 cm. L'inscription, rehaussée de couleur rouge, est distribuée sur les quatre faces de l'autel. L'editio princeps du texte revient à G. Botti en 1900 (transcription diplomatique et traduction : B OTTI 1900, p. 503504, n°459), suivie de celle d'E. Breccia (BRECCIA 1911, p. 170-171, n°332). Cf. SB I, 3467703. 701 702

Voir aussi LÉVY 1927, p. 300, n. 3 ; PARROT 1936, p. 193 ; DÖLGER 1936, p. 170 ; WILD 1981, p. 248, n. 154, 4 ; DELIA 1992, p. 181. Cf. DELIA 1992, p. 190, 5.

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L'eau et la soif du mort (face 1) Ἀμ̣μ̣[ώνιε(?)]
 Ò
 λε ἡ(μερῶν)
 ζ——
 (face 2) εὐψύχι (face 3) δο σο[ι Ὄ]σιρις
 (face 4) [τὸ] ψυχρὸν ὕδωρ 
 "Amm(ônios ?), âgé de 35 ans et 7 jours, bon courage. Puisse Osiris te donner l’eau fraîche."

Figure 38. D'après B RECCIA 1911, pl. 54, fig. 131.

Face 3 : On lit δο σο […] ; la correction proposée tient compte de l'emploi récurrent de la forme contracte δοῖ pour l'optatif δοίη dans la plupart des formules de ce type. Document 4. Épitaphe en prose de Basilissa, peinte sur la paroi d'une niche renfermant un sarcophage creusé dans le rocher, dans un hypogée de Kôm el-Chougafa découvert et exploré en 1892 ("Scavo C"). L'inscription, laissée in situ, est aujourd'hui perdue ; elle a été éditée par G. Botti dès 1893, sans photographie (apud SCHREIBER 1908, p. 376-377, n° 35, et p. 328 et 337)704. Cf. SB I, 1415705. [β]α[σί]λισσα εὐψ[ύ]χει Θὼθ […] Ò […] καὶ δοῖ [σ]οι ὁ Ὄσιρεις τὸ ψυχρὸν ὕδ[ωρ] 


"Basilissa, bon courage, le … du mois de Thot de l'année … . Et puisse Osiris te donner l'eau fraîche." Document 5. Épitaphe en prose découverte par G. Botti en 1898, sur un pilier de la pièce centrale d'un hypogée près du fort Saleh (ancienne Necropolis). Le nom du destinataire n'était plus lisible au moment de la découverte. Le texte a été édité l'année suivante par son inventeur (transcription diplomatique seule : BOTTI 1899a, p. 50, n°7) ; cf. SB I, 335706. L'inscription, laissée in situ, est aujourd'hui perdue. […] [δοῖ σοι] Ὄσιρις τὸ ψυχρὼν (sic) ὕδωρ "… puisse Osiris te donner l'eau fraîche". Document 6. Inscription métrique de Serapias (7 vers répartis sur 15 lignes), sur une stèle rectangulaire en calcaire, trouvée à Meks à la fin du XIXe siècle, dans des conditions inconnues (sur un site archéologique ? chez un antiquaire ?). La pierre semble aujourd'hui perdue. Hauteur : 32 cm ; largeur : 15 cm. L'épitaphe a été éditée par T. D. Néroutsos en 1887 (transcription diplomatique sans photographie et traduction : NÉROUTSOS 1888, p. 199-200, n°2) et par W. Peek en 1955 (GV I, 1556). La dernière publication du document revient à E. Bernand (BERNAND 1969, p. 228-230, n°52)707.
 


1.
Γράμματα καὶ στήλην
 2. κεχαραγμένα σῆς ἀρετῆσι
 3.
ἠσέλιπες μακάρων
 4.
ἰς χθόν᾽ ἀνερχομένη ·
 5.
ἀλλ᾽ εὐψύχι, Σεραπιάς,
 703

Cf. LÉVY 1927, p. 300, n. 4 ; PARROT 1936, p. 192 ; DÖLGER 1936, p. 170, n. 78 ; BELL 1948, p. 83 ; WILD 1981, p. 248, n. 154, 3 ; DELIA 1992, p. 189, 1. Une étude de l'objet, rendue possible grâce à l'aimable collaboration du Musée gréco-romain d'Alexandrie et aux photographies fournies, sera proposée dans le cadre de l'étude des dispositifs percés pour les libations aux morts : infra, p. 123-126. 704 Est ici reprise dans son intégralité l'editio princeps de G. Botti, "Grafitto orfico nell'ipogeo di Basilissa a Kom-el-Chouqafa", Rivista egiziana 5, 1893, p. 271-273 (non vidi). 705 Voir aussi LÉVY 1927, p. 300, n. 2 ; PARROT 1936, p. 192 ; WILD 1981, p. 248, n. 154, 2 ; DELIA 1992, p. 190, 4. 706 Cf. LÉVY 1927, p. 300, n. 5 ; PARROT 1936, p. 192 ; BONNEAU 1964, p. 279 ; WILD 1981, p. 248, n. 154, 1 ; DELIA 1992, p. 189, 2. 707 Voir aussi les commentaires dans LÉVY 1927, p. 301, n. 1 et p. 302 ; WILD 1981, p. 249, n. 155i; DELIA 1992, p. 189-190, n°3 ; DUNAND, ZIVIE-COCHE 1991, p. 315.

91

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 6.
ἀπὸ σῶν γε τέκνων
 7.
ὡς εὔχου τεθεῖσα ·
 8.
σὲν γὰρ ἀνὴρ προέπεμψε
 9.
καὶ ἁδελφοί σου συνόμαιμοι ·
 10.
σοὶ χάριτας δὲ ἔχομεν,

 11.
ἐπεὶ βίον ἡδὺν ἔδικας ·
 12.
Ἀλλ᾽ ἄγε συντήρει ὃν πέπλεχες

 13.
στέφανον ·
 14.
σοὶ δὲ Ὀσείριδος ἁγνὸν ὕδωρ
 15.
Εἶσις χαρίσαιτο "(1) Des caractères gravés et une stèle commémorative de ta vertu, (3) voilà ce que tu as laissé en montant au pays des bienheureux. (5) Eh bien, bon courage, Sérapias : tes enfants, comme tu le souhaitais, t’ont ensevelie, (8) et ton mari a escorté ton convoi funèbre, ainsi que les frères du même sang que toi. (10) Nous te sommes reconnaissants, car tu nous as rendu la vie douce. (12) Eh bien, conserve la couronne que tu as tressée, (14) et qu'Isis te gratifie de l’eau sainte d’Osiris." (traduction E. Bernand). AUTRES ÉPITAPHES D'ÉGYPTE (DOC. 7-10) Document 7. Épitaphe pour Posis, sur une stèle funéraire en marbre bleuté, provenant de Théadelphie (conditions de découverte inconnues) et conservée au Musée gréco-romain d'Alexandrie (n° inv. inconnu)708. Largeur : 24 cm ; hauteur : 31 cm. E. Breccia a publié le document en 1924 (fac-similé et transcription : BRECCIA 1924, p. 276, n°21). Cf. SB III, 6941 = SEG VIII, 591 709.

Εὐψύχι Πόσι δοῖ σοι ὡ (sic) Ὄσιρις τὸ ψυχρὸν ὕ̣δ̣[ωρ] 
 
 "Bon courage, Posis. Puisse Osiris te donner l’eau fraîche." Figure 39. Dessin A. Tricoche, d'après BRECCIA 1924, p. 276. Document 8. Épitaphe pour Herakleios, sur une stèle funéraire rectangulaire en grès de couleur grise, inégalement aplanie et entourée d'un cadre grossièrement incisé. La pierre ayant été vue chez un antiquaire au Caire, sa provenance et son lieu de conservation sont inconnus710. Largeur : 50 cm environ ; hauteur : 30 cm environ. La gravure avait été rehaussée d'une peinture rouge dont il restait quelques traces au moment de l'observation.
 Le document, découvert et publié par G. Wagner au début des années 1970 (WAGNER 1972, p. 157-159, n°15), est méconnu des recensements et commentaires relatifs à la formule de l'eau fraîche.

Ἡράκλειος Ἡρακλέιο(υ) τοῦ Ἡρακλε(ίου) Ò λ̣β̣ ἀείµνηστος καὶ δώσοι ὁ Ὄσειρις ψυχρὸν ὕδωρ

"Herakleios, fils d'Herakleios fils d'Herakleios, âgé de trente-deux ans, éternellement mémorable. Et puisse Osiris lui donner de l'eau fraîche."

Figure 40. D'après WAGNER 1972, pl. 40. 708

Document issu de la collection égyptienne Stamati-Vinga. Voir aussi les commentaires dans DELIA 1992, p. 190, 8. 710 Selon G. Wagner, la provenance pourrait être Hawara, en raison de l'épithète honorifique ἀείμνηστος que porte le défunt, attestée sur plusieurs documents funéraires de cette ville d'Égypte (WAGNER 1972, p. 158). L'indice paraît toutefois insuffisant. 709

92

L'eau et la soif du mort Document 9. Épitaphe pour Taêsi, sur une stèle funéraire rectangulaire en calcaire trouvée par Mariette à Saqqara au XIXe siècle (à l'occasion de la découverte du Sarapéion de Memphis ?711), et conservée au Musée gréco-romain d'Alexandrie (n° inv. 183). Largeur : 45 cm ; hauteur : 38 cm712. Après le signalement de la pierre par C. Wescher en 1864 et l'editio princeps d'E. Miller en 1879, G. Botti se contente de reprendre les deux dernières lignes de l'inscription en 1900 ; E. Breccia consacre également un numéro de son catalogue à ce monument en 1911. Voir WESCHER 1864, p. 222 ; MILLER 1879, p. 478, n°11 ; BOTTI 1900, p. 275, n°85a (l. 6-7) ; BRECCIA 1911, p. 183, n°375. Cf. SB I, 5037 (l. 6-7)713.

Εὐψύχι, Τάησι. Μητρῷον μόρον ἐκτανύσασα σωφροσύνη καὶ φιλανδρία, ἐβίωσεν ἔτη κ——ε—, καὶ κατὰ γῆς δῶκε ψυχρὸν Ὄσιρις ὕδωρ. 
 
 
 "Bon courage, Taêsi. Ayant étendu sa condition de mère dans la sagesse et l’amour conjugal, elle a vécu vingt-cinq ans. Et sous terre, Osiris (lui) a donné de l’eau fraîche." Figure 41. D'après BRECCIA 1911, pl. 55, fig. 133. Document 10. Inscription métrique d'Herôïs (7 vers répartis sur 7 lignes), avec réglage horizontal, sur une stèle funéraire rectangulaire en calcaire blanc, trouvée chez un antiquaire au Caire au début du XXe siècle et de provenance inconnue714. La pierre est conservée au Musée National de Varsovie (n° inv. 198796). Largeur : 36 cm ; hauteur : 31 cm. L'épitaphe a été éditée pour la première fois en 1912 par G. Arvanitakis ; elle a fait l'objet d'autres publications dans le courant du XXe siècle, notamment par S de Ricci, W. Peek, E. Bernand, et en dernier lieu par A. Lajtar en 2003 : voir ARVANITAKIS 1912, p. 169-171 ; RICCI 1913, p. 145, n°4 ; BERNAND 1969, p. 215-219, n°47 ; LAJTAR 2003, n°68, p. 188-191, qui fournit l'ensemble de la bibliographie antérieure. Cf. GV I, 1842 ; SB I, 5718 (l. 5-6) = SB IV, 7288 = SEG VIII, 802 (l. 2-3)715. 

Ò ιε, Θῶθ α̣. 1.
τίς θάνεν ; – Ἡρωΐς. – Πῶς καὶ πότε ; – γαστρὸς ἔχουσα 2.
ὄγκον, ἐν ὠδεῖσιν θηκαμένη τὸ βάρος ·
 3.
μήτηρ δ᾽ ἦν πρὸς μικρόν, ἀπώλετο καὶ βρέφο ς εὐθύ[ς].
 4.
– ἦν δὲ πόσων ἐτέων δύσμορος ; – Ἐννέα δὶς 5.
ἡλικίης ἄνθους Ἡρωῖδος. – Ἀλλὰ κόνιν σοι
 6.
κούφην καὶ δοίη ψυχρὸν Ὄσειρις ὕδωρ.
 7.
Ζῆτι. "Année quinze, le premier Thoth (29-30 août). (1) Qui est mort ? - Héroïs. - Comment et quand ? Elle portait le fruit de ses entrailles et déposa son fardeau dans les douleurs. Mais elle ne fut mère que peu de temps, et le nouveau-né mourut aussitôt. – (4) Quel âge avait-elle, la malheureuse ? - Héroïs avait 18 ans, elle était à la fleur de l’âge. - Eh bien, qu’Osiris te rende la poussière légère et te donne de l’eau fraîche. (7) Vis." (traduction E. Bernand).

Figure 42. D'après BERNAND 1969, pl. 67.

711

Selon LÉVY 1927, p. 300. E. Miller donne des dimensions légèrement inférieures (42 cm x 36 cm) ; les catalogues de G. Botti et d'E. Breccia s'accordent cependant sur les dimensions que nous reprenons ici. MILLER 1879, p. 478a; BOTTI 1900, p. 275 ; BRECCIA 1911, p. 183. 713 Voir aussi les commentaires dans LÉVY 1927, p. 300, n. 1 ; PARROT 1936, p. 193 ; D ÖLGER 1936, p. 170, n. 78 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 6 ; DELIA 1992, p. 190, n. 7. 714 Certains proposent pour cette inscription une origine alexandrine, d'après le vers 6 : LÉVY 1927, p. 301, suivi par WILD 1981, p. 248, n. 154 et DELIA 1992, p. 190, 6. Les documents similaires trouvés ailleurs en Égypte rendent toutefois la proposition hypothétique (document 7 de Théadelphie et document 9 de Saqqara). 715 Voir aussi les commentaires dans ROUSSEL 1914, p. 349-350 ; Lévy 1927, p. 301 et n. 2 ; PARROT 1936, p. 193 ; LATTIMORE 1942, p. 143 ; WILD 1981, p. 248, n. 154, 5 ; D ELIA 1992, p. 190, 6. 712

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine LA FORMULE DE L'EAU FRAÎCHE ET SES PARALLÈLES HORS D'ÉGYPTE (DOC. 11-20) Document 11. Stèle funéraire d'Aurêlia Prosodos trouvée à Rome, et portant une inscription grecque. Restitution : IG XIV 1488. Cf. CIG 6262 ; SIRIS 459 ; IGUR II, 432 ; MALAISE 1972a, p. 139-140, Roma 93 ; RICIS 501/0178716. Θ(εοῖς) Κ(αταχθονίοις). | Αὐρηλίᾳ Προσόδῳ | Διοσκουρίδης ἀνὴρ | τῇ αυτοῦ συνβίῳ || χρηστοτάτῃ καὶ γλυκατά-|τῃ μνίας χάριν. | Εὐψύχει, κυρία, | καὶ δοί σοι ὁ Ὄσιρις | τὸ ψυχρὸν ὕδωρ. || Ἐπόησε ἑαυτῷ | καὶ ἀπελευθέρων | ἀπελευθέροις. "Aux dieux souterrains. Son mari Dioscuridès (a fait ce monument) pour Aurêlia Prosodos, sa compagne très vertueuse et délicate, en souvenir. Bon courage, maîtresse, et puisse Osiris te donner l’eau fraîche. Il a fait ce monument pour lui-même et pour les affranchis de ses affranchis." Document 12. Stèle funéraire de Korellia Aiglê trouvée à Rome (via Appià ?), et portant une inscription grecque. Édition : IG XIV, 1782 ; SIRIS 461 ; IGUR II, 720 ; MALAISE 1972a, p. 140, Roma 94 ; RICIS 501/0199717. Κορελλία Αἴγλη | ἐτῶν κ——α—. Ταῦτά σοι | πεποίηκεν | Διονυττᾶς ὁ σὸς ἀνήρ, || τῇ ἀγαθωτάτῃ. Εὐψύχι, | κυρία · δο σοι Ὄσιρις | τὸ ψυχρὸν ὕδορ (sic). 


Korellia Aiglê, âgée de 21 ans. Ton mari Dionyttas t’a fabriqué ce (monument), toi qui es excellente. Bon courage, maîtresse. Puisse Osiris te donner l’eau fraîche." Document 13. Stèle funéraire de Markos Ortêrios Eleutheros, trouvée à Rome (via Latina) et portant une inscription grecque. Restitution : PATRIARCA 1933, p. 211-215. Cf. SIRIS 462 ; MALAISE 1972a, p. 142-143, Roma 105 ; IGUR II, 836 ; RICIS 501/0164718. [ Ἔλιπε]ς̣, τέκνον γλυκύτατον ἀθάνατον, | [τὸ πῆ]μ̣α ἀείζων, Μᾶρκε Ὀρτώριε Ἐλεύθερε, | [ἐτῶν] δέκα, μηνῶν τριῶν, ἡμερῶν τριῶν. | [Νῦν δ]οίη σοι ὁ Ὄσειρις τὸ ψυχρὸν ὕδωρ · οὐκ ἔ-||[χει σε] Χάρων, τέκνον, ἀλλὰ Χάος, τό σε λαβ(ὸ)ν | [ὠκύμ]ο̣ρον, ἀλοίδορον, ἄνηβον, ἄωρον. Κατέλει|[πες δ]ὲ κληρονομίαν καθημερινὴν μητρὶ | [καὶ π]ατρὶ ζῶσιν, κοπετοὺς καὶ δάκρυα καὶ | [στε]ν̣άγματα καὶ πένθος αἰώνιον. || [Ὀρτώ]ριος Ἤλεις καὶ Ὀρτωρία Εὐτυχὶς σύμβιος | [ἔκτ]ι̣σαν ἰδίῳ τέκνῳ αἰώνιον νυμφῶνα, | [καὶ ἑα]υτοῖς θανάτου προσδοκίαν τοῦτο τὸ | [μνη]μ̣εῖον κηπόταφον, ἀπελευθέροις ἀπε-||[[λευθέρων…]] | [[…]] | [[…]]. "Tu as quitté la douleur sans fin, Markos Ortôrios Eleutheros, fils immortel très doux, âgé de dix ans, trois mois et trois jours. Maintenant puisse Osiris te donner l’eau fraîche. Ce n’est pas Charon qui te tient, mais les Ténèbres qui t’ont saisi, toi qui es mort promptement et prématurément avant d’avoir atteint l’âge de la puberté, toi qui es innocent. Tu as laissé en héritage quotidien à ton père et à ta mère encore vivants, des gestes de douleur, des larmes, des gémissements et un deuil éternel. Ortôrios Heleis et Ortôria Eutukhis son épouse ont fondé pour leur propre fils une chambre nuptiale éternelle et pour eux mêmes ce tombeau de type kêpotaphe, en attente de la mort, et pour leurs affranchis et fils d’affranchis ..." L. 11 : L'expression "chambre nuptiale éternelle" (αἰώνιον νυμφῶνα) pour désigner la sépulture du défunt fait 719 référence au regret des parents d'avoir perdu leur fils prématurément, avant qu'il n'ait atteint l'âge du mariage . Une coutume grecque voulait qu'une loutrophore, récipient utilisé pour le bain nuptial, fut posée sur la tombe des célibataires en guise de substitut720 ; mais elle n'a manifestement aucun rapport avec l'évocation de l'eau osirienne (l. 4), froide et désaltérante. Document 14. Petite urne funéraire en marbre de Iulia Politikê, trouvée à Rome (Via Nomentana) et portant une inscription en grec, exprimée en caractères latins. Édition : CIL VI, 20616. Cf. CIG 6717 ; IG XIV, 1705 ; SIRIS 460 ; MALAISE 1972a, p. 128, Roma 55 ; IGUR II, 628 ; RICIS 501/0198721. D(is) m(anibus) / Iulia Politice / doe se / Osiris // to psycron hydor. "Aux dieux Mânes. Iulia Politikè, Puisse Osiris te donner l’eau fraîche."

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Cf. ROHDE 1928 (éd. de 1999), p. 584, n. 1 ; LÉVY 1927, p. 300 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 7 ; DELIA 1992, p. 190, 15 ; PUGLIESE CARRATELLI 2003, p. 53. 717 Cf. ROHDE 1928 (éd. de 1999), p. 584, n. 1 ; LÉVY 1927, p. 300-301 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 9 ; DELIA 1992, p. 190, 11. 718 Cf. LÉVY 1927, p. 300-301; TOYNBEE 1971, p. 96 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 10 ; GREGORI 1987-1988, p. 180, n°37 ; DELIA 1992, p. 190, n. 4. 719 Comparer avec les épigrammes funéraires d'Égypte in : BERNAND 1969, n°67, p. 267-273 (l. 2), n°83, p. 327-332 (l. 4-5 et 16) et surtout n°84, p. 332-340, (l. 3), où l'on retrouve la même métaphore que dans l'inscription pour le jeune défunt Markos Ortôrios. 720 DÉMOSTHÈNE, Contre Léocharès, 18 et 30 ; EUSTATHE, Commentaires sur l'Iliade, XXIII, 141. Sur cette question, voir GINOUVÈS 1962, p. 254-264 et MÖSCH-K LINGELE 2006, p. 22-34. 721 Cf. K AUFMANN 1900, p. 59 ; ROHDE 1928 (éd. de 1999), p. 584, n. 1 ; Lévy 1927, p. 301, n. 6 ; D ÖLGER 1936, p. 171 ; W ILD 1981, p. 249, n. 154, 8 ; DELIA 1992, p. 190, 10 ; PURNELLE 1992.

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L'eau et la soif du mort Document 15. Autel funéraire pour Claudia Isias, trouvé dans la banlieue de Rome (San Cesareo), présentant en relief un croissant de lune entre deux rameaux, et portant une inscription latine. Édition : AE 1992, 92.91. Cf. CIL VI, 15480 ; RICIS 501/0197. Le développement des lettres finales est hypothétique722. Dis Manibus / Claudiae / Isiadis / vix(it) an(no) I me(n)s(es) IIX dies XIX / pater f(iliae) b(ene) m(erenti) posuit / P(sychron). H(ydor). S(oi). I(sis). T(ibi). P(acem). D(et). "Aux dieux Mânes de Claudia Isias. Elle vécut 1 an, 8 mois et 19 jours. Son père a fait (cette offrande) pour sa fille, qui l'a bien méritée. Puisse Isis te donner de l'eau fraîche et la paix (?)." Document 16. Stèle funéraire de Melas, trouvée à Rome et portant une inscription grecque. Édition : IG XIV, 1842. Cf. CIG 6256 ; GV I, 1410723. Ici, de façon originale, l'épitaphe substitue Hadès à Osiris en tant que divinité funéraire implorée pour accéder à l'eau fraîche : Ψυχρὸν ὕδωρ δοίη σοι ἄναξ ἐνέρων Αἰδωνεύς ὠ Μέλαν · ἥβης γάρ σοι ἀπώλετο φίλτατον ἄνθος "Puisse le souverain des Enfers, Hadès, te donner de l’eau fraîche, ô Melas, car tu as perdu la fleur de ta jeunesse." Document 17. Stèle funéraire d'Olympias d'Apamée, trouvée à Rome et portant une inscription grecque. Restitution : CIG 6267. Cf. IG XIV, 1890 ; MALAISE 1972a, p. 140724. Sous une forme dérivée, l'influence de la formule alexandrine est vraisemblable dans l'avant-dernière ligne, malgré l'omission de la divinité qui est priée de rafraîchir l'âme altérée : 


θεοῖς καταχθονίοι[ς] | Ἐνθάδ᾽ ἐγὼ κεῖμαι Ὀλυμπιὰ[ς] ἐ[τῶν] κβ | Ἕλλην μὲν τὸ γένος, πατρὶς δέ μοι ῆτον Ἀπάμεα. | οὐδένα λ[υπ]ήσασα | οὐ μεικροῦ ψυχήν, οὐ μεγάλου κραδίην. | στήλην δ᾽ ἣν ἐπύησα κατὰ χθόνα δάκρυσι θερμοῖς, | παρθένον ἣν ἔλαβον Σώτας, Ὀλυμπιάδι πεπό[η]κα. | στοργὴ γὰρ μεγάλη τῶν ἀμφοτέρων διέμεινεν, | ὡς ὅπον φῶς τὸ γλυκὺ παρέμειν᾽ ἀκτεῖσι ἐπιλάμπ[ο]ν | ἡδὺν ἀπὸ στόματος καὶ γλυκὺν ὡς μελίτιν. | ταύτην τὴν στήλην ἐπύησα Σώτας σε φιλήσας. | Ψυχῇ διψώσῃ ψυχρὸν ὕδ[ωρ] μετάδ[ο]ς. Ἀδε[λ]φὸς ταῦτ᾽ ἐπέγραψεν. "Aux dieux souterrains. Moi, Olympias, âgée de 22 ans, je repose ici même. D’origine grecque, ma patrie est Apamée. Je n’ai causé de peine à personne, ni à l’âme d’un petit, ni au cœur d’un grand. Cette stèle que j’ai faite de mes chaudes larmes (versées sur) le sol, je l’ai faite pour Olympias, la jeune fille que j’ai épousée, moi Sôtas. Car une grande tendresse pour l’un et l’autre demeure, de sorte que la douce lumière du soleil demeure... J’ai fait cette stèle, moi Sôtas qui t’ai aimée. Partage l’eau fraîche avec une âme assoiffée. Le frère a écrit cela." Document 18. Assiette en or trouvée à Hipponium (Italie) dans une catacombe chrétienne, et portant une inscription grecque, dont le début est effacé. Restitution d'après RAOUL-ROCHETTE 1837, p. 577-578. Cf. MALAISE 1972a, Hipponium 1, p. 311725. Les parallèles réunis invitent à accepter cette restitution : [ὁ Ὄσιρις δοῖ σοι τὸ] ψυχρὸν ὕδωρ. 
 "[Puisse Osiris te donner l']eau fraîche." Document 19. Fragment de marbre trouvé à Carthage (Afrique proconsulaire) et portant une inscription en grec. Restitution d'après Delattre 1920, p. 178. Cf. SEG IX, 829 ; SIRIS 778 ; RICIS 703/0111726. Musée de Carthage, n° inv. 1738. [… δοῖ | σοι ὁ Ὄσι]ρις τὸ [ψυχ]ρὸν ὕδωρ. "Puisse Osiris te donner l'eau fraîche." Document 20. Fragments recollés en marbre gris, trouvés à Césarée (Palestine) et portant une épitaphe en grec, pour Priskos Nemônianos et Isidôra. Restitution d'après RICIS 403/0401. Cf. NEGUEV 1971, p. 262-263, n°39 ; LIFSHITZ 1978, p. 504-505 ; LEHMANN, HOLUM 1999, p. 139-140, n°158. Εὐψυχ[εῖτε φίλα(?)] μου τέ-|κνα. Εὐψ[ύχει] Πρεῖσκε | Νεμωνιανέ, ἐτῶν ι——ε— | δοῖ σοι ό Ὄσειρις τὸ ψυχρὸν ὕ|δωρ σὺν τῇ ἀδελφῇ σου τῇ μονο-|ώρῳ ἁρπασθείσῃ σύν σοι. Καὶ σύ, | Ἰσίδωρε, Εὐψύχει, ἐτῶν ξ— · δοῖ | σοι ὁ Ὄσειρις τὸ ψυχρὸν ὕδωρ | σὺν τῷ ἀδελφῷ σου τῷ μονώ-|ρῳ ἁρπασθέντι σύν σοι. Γῦ ὑ-|μῖν ἐλαφρὰ καὶ τὰ κατὰ δοὺς | ἀγλαθά. "Bon courage, mes chers enfants. Bon courage, Priskos Nemônianos, âgé de 15 ans. Puisse Osiris te donner l'eau fraîche comme à ta sœur, emportée à la même heure que toi. Et toi, Isidôra, âgée de 7 ans, bon courage. Puisse Osiris te donner l'eau fraîche comme à ton frère, emporté à la même heure que toi. Que la terre vous soit légère, et bon ce qu'il (Osiris) vous accordera dans le monde souterrain." 722

Avec MALAISE 2004, p. 53, qui paraît adhérer à la solution retranscrite ci-après. Cf. KAUFMANN 1900, p. 58 ; LÉVY 1927, p. 301 et n. 7 ; CUMONT 1906 (éd. de 1963), p. 246, n. 112 ; DÖLGER 1936, p. 170 ; DEONNA 1939, p. 65 ; MALAISE 1972b, p. 206 ; WILD 1981, p. 249, n. 155 ; DELIA 1992, p. 190, 16 ; PUGLIESE CARRATELLI 2003, p. 52-53. 724 Cf. KAUFMANN 1900, p. 58 et n. 2 ; LÉVY 1927, p. 301 et n. 8 ; WILD 1981, p. 249, n. 155 ; DELIA 1992, p. 190, 12. 725 Cf. MALAISE 1972b, p. 206 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 11 ; DELIA 1992, p. 190, 17. 726 Cf. WILD 1981, p. 249, n. 154, 12 ; D ELIA 1992, p. 190, 9. 723

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Aucune de ces inscriptions ne contenant d'indication chronologique explicite, la paléographie constitue le principal critère pour proposer une datation. Or, si la forme des lettres permet de situer l'ensemble de ces documents dans les trois premiers siècles du Principat727, ce que confirme parfois le contexte archéologique728, une proposition de datation plus fine comporte des risques d'erreur. Les documents alexandrins 1, 2, 4 et 6 ont ainsi été datés par leurs éditeurs du IIe ou du IIIe siècle, d'après la seule écriture729, tandis que W. Peek, E. Bernand et plus récemment A. Łajtar s'accordent pour dater l'inscription d'Herôïs (document 10) des deux premiers siècles de notre ère730. Toutes ces conclusions doivent être considérées avec précaution. Des propositions oscillant entre le Ier et le IIIe siècle concernent aussi ponctuellement d'autres inscriptions dispersées dans l'Empire, comme celle de Melas (document 16)731, ou celle de Priskos et de sa sœur Isidôra (document 20)732. En de rares cas, d'autres indices peuvent toutefois conforter l'analyse paléographique : dans l'épitaphe romaine écrite en l'honneur du jeune Markos Ortôrios Eleutheros (document 13), le martelage des deux dernières lignes indique que le nom d'un souverain voué à la damnatio memoriae figurait à cet endroit ; la régularité des caractères permet d'invoquer le règne de Domitien, à la fin du Ier siècle733. Enfin, une datation basse (IIIe siècle)

est uniformément admise au sujet de la stèle funéraire romaine d'Aurêlia Prosodos (document 11), en raison de son gentilice qui la rattache probablement à Caracalla (édit de 212, accordant la citoyenneté romaine à tous les pérégrins libres de l'Empire)734. Si donc il apparaît difficile de dater précisément les documents, la cohérence de la série proprement alexandrine est particulièrement frappante : les inscriptions, laconiques, qui s'adressent au défunt, expriment en langue grecque un mot de consolation courant dans les épitaphes, εὐψύχει, mentionnent le nom et l'âge du mort, et finissent par la formule de réversion δοίη σοι (ὁ) Ὄσιρις τὸ ψυχρὸν ὕδωρ, "qu'Osiris te donne l'eau fraîche", qui se retrouve presque à l'identique sur cinq des six documents retrouvés dans la ville. Les mêmes fautes d'orthographe par iotacisme se répètent aussi sur l'ensemble de ces inscriptions (systématiquement δοῖ pour δοίη, fréquemment εὐψύχι pour εὐψύχει, et Ὄσειρις ou Ὄσιρεις pour Ὄσιρις)735, qui ont été exécutées par des lapicides parfois peu exercés ou peu soigneux736, et sur des supports sans grande prétention. L'épitaphe alexandrine de Serapias (document 6) se distingue toutefois notablement, non seulement par sa construction poétique plus élaborée, (dont les vers métriques rappellent les qualités morales de la défunte et annoncent la rétribution post-mortem espérée pour elle), mais aussi par l'expression du souhait qui fait intervenir Isis, tout en maintenant Osiris comme le garant de l'eau demandée pour la défunte ; par ailleurs, ce n'est plus l'adjectif ψυχρός qui qualifie le liquide, mais ἀγνός, "saint, sacré" (l. 7 : σοὶ δὲ Ὀσείριδος ἁγνὸν ὕδωρ Εἶσις χαρίσαιτο, "qu'Isis te gratifie de l'eau sainte d'Osiris"). Dans les autres inscriptions d'Égypte, deux variantes originales apparaissent encore, soit par l'ajout de l'espoir, fréquent dans le monde gréco-romain, qu'Osiris accordera "la poussière légère" en plus de l'eau fraîche (document 10 pour Herôïs, l. 5-6 : ἀλλὰ κόνιν σοι κούφην καὶ δοίη ψυχρὸν Ὄσειρις ὕδωρ) 737, soit en

727

Les graphies caractéristiques du Haut-Empire romain sont la forme lunaire ou carrée du ε, σ et ω, la forme du α, λ, ν, π : GUARDUCCI 1967 (éd. de 1995), p. 380-383. Voir encore la feuille de lierre des doc. 1 et 6 (ibid., p. 395), l'emploi de l'apex (doc. 2 ; ibid., p. 372-376) ; les fautes d'orthographe récurrentes renvoient encore à cette époque (voir infra, n. 735). 728 La stèle d'Isidôra (doc. 2) a été remployée dans le pavement d'une maison au début du Ve siècle (terminus ante quem ; LUKAZEWICZ 1989, p. 195, n. 1). L'inscription alexandrine n°4 a été découverte dans un tombeau daté du Ier ou du IIe siècle ap. J.-C., ce qui fournit un terminus post quem aux premières décennies de notre ère (ADRIANI 1966, p. 183 ; cf. TKACZOW 1993, p. 66, qui restreint la construction de la tombe au Ier siècle). De même, l'inscription n°5 appartient sans doute à une tombe romaine, d'après son décor égyptisant (ADRIANI 1966, n°100b, p. 154, qui estime le tombeau contemporain du grand complexe funéraire de Wardian, daté des deux premiers siècles de notre èreb; ibid., p. 170). 729 Doc. 1 : NÉROUTSOS 1888, p. 94 (IIe siècle, règne d'Antonin le Pieux) ; cf. WILD 1981, p. 248, n. 154, 4 ; DÖLGER 1936, p. 170 ; WAGNER 1972, p. 158 (IIe ou IIIe siècle). Doc. 2 : LUKASZEWICZ 1989, p. 195 (fin du IIe ou début du IIIe siècle). Doc. 3 : G. Botti dans SCHREIBER 1908, p. 376 (IIe siècle, période antonine) ; cf. WILD 1981, p. 248, n. 154, 2. Doc. 6 : NÉROUTSOS 1888, p. 199-200 (règne d'Antonin le Pieux) ; cf. DÖLGER 1936, p. 170 ; GV I, p. 465 ; BERNAND 1969, p. 228, n. 3 et 229-230 (époque postérieure au II e siècle, d'après certaines formes verbales jugées tardives) ; cf. WILD 1981, p. 249, n. 155. 730 GV I, p. 554 ; BERNAND 1969, p. 216 ; ŁAJTAR 2003, p. 189 ; cf. WAGNER 1972, p. 158. On ignore selon quels critères R.A. Wild, suivi par D. Delia, propose la fin de l'époque impériale pour cette inscription (WILD 1981, p. 248, n. 154, 5 ; DELIA 1992, p. 190, 6). 731 Datation au IIe ou III e siècle ap. J.-C. d'après WAGNER 1972, p. 159 ; même datation proposée dans WILD (1981, p. 249, n. 155) et DELIA 1992, p. 190, n. 16. 732 LEHMANN, H OLUM 1999, p. 139 (Ie-IIIe siècle) ; cf. L. Bricault, dans RICIS 403/0401, p. 509. 733 PATRIARCA 1933, p. 215 ; cette datation est reprise dans MALAISE 1972a, p. 143, WILD 1981, p. 249, n. 154, 10, DELIA 1991, p. 190, 14 et récemment par L. Bricault (dans RICIS 501/0164, p. 544). J. M. Toynbee situe cependant le document au IIe siècle, sans argument développé : TOYNBEE 1971, p. 96.

734

L. Vidman dans SIRIS 459, p. 220 ; MALAISE 1972a, p. 139 ; WILD 1981, p. 249, n. 154, 7 ; DELIA 1992, p. 190, 15 ; L. Bricault dans RICIS 201/0178, p. 550. 735 La forme δοῖ pour δοίη (optatif aoriste), est uniquement connue à l'époque impériale, où le êta est prononcé [i] (M ANDILARAS 1973 p. 243, § 535, 1 ; cf. GIGNAC 1976-1981, t. 2, p. 388) ; certains éditeurs des documents présentés écrivent δοί, sans appliquer la règle de contraction. La transformation du ει en ι et inversement est également fréquente à cette même époque (MAYSER 1906-1934, t. I, 1, p. 60-70 ; GIGNAC 1976-1981, t. 1, p. 189-190). 736 Une maladresse de style se lit sur les documents alexandrins 1, 4 et 6 ; dans les épitaphes d'Herakleidos et d'Herôïs (doc. 8 et 10), à plusieurs reprises l'oubli d'une lettre lors de la gravure obligea le lapicide à l'ajouter plus haut. Par manque de place, le même phénomène se retrouve encore sur le document 5. 737 Dans la littérature et les épitaphes grecques, voir LATTIMORE 1942, p. 65-67 et plus récemment VÉRILHAC 1978-1982, t. 2, p. 253-256 et LE BRIS 2001, p. 20. Dans les épigrammes funéraires d'Égypte, BERNAND 1969, n° 10, p. 75-80 (l. 16), n° 16, p. 95-100 (l. 13) et n°43, p. 199-203 (l. 9). En langue latine, la formule équivalente sit tibi terra levis (ou simplement S.T.T.L) est particulièrement en vogue dans les inscriptions funéraires de l'Empire romain ; elle est présente dans le document 20 de Palestine ; cf. LATTIMORE 1942, p. 69-74 et WOLFF 2000, p. 50-51.

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L'eau et la soif du mort exprimant la formule dans le sens d'une chose accomplie et non plus d'un simple vœu (document 9 pour Taêsi, l. 67 : κατὰ γῆς δῶκε ψυχρὸν Ὄσιρις ὕδωρ, "sous terre, Osiris (lui) a donné de l’eau fraîche"). Née dans un milieu fortement hellénisé d'Égypte, et vraisemblablement à Alexandrie même, la formule funéraire de l'eau osirienne a atteint la population grecque résidant à Rome738, où elle est actuellement connue en sept exemplaires, dont trois sous sa forme caractéristique initiale (documents 11 à 13). Étonnamment inconnue en Grèce propre malgré le succès des cultes égyptiens à l'époque romaine739, il semble qu'elle se soit pourtant largement diffusée dans l'Empire, comme en témoignent trois inscriptions, trouvées en Italie (Hipponium, document 18), mais aussi en Afrique proconsulaire (Carthage, document 19) et jusqu'en Palestine (Césarée, document 20) 740. Elle n'était d'ailleurs pas uniquement réservée aux seules inscriptions grecques : dans l'épitaphe romaine de Iulia Politikê (document 14), le souhait, maintenu dans sa langue initiale, a été translittéré en caractères latins (doe se Osiris to psycron hydor), en privilégiant ainsi l'uniformité graphique de l'ensemble du texte latin gravé741. Ici donc, le grec a ponctuellement pénétré la langue indigène, par souci de maintenir intacte et par là même efficace l'expression de la notion religieuse importée ; aucun texte connu à ce jour ne comprend d'ailleurs la formule en latin. Cette exportation relativement fidèle de la formule funéraire dans l'Empire est d'autant plus frappante que les évocations d'Osiris dans l'ensemble des inscriptions grecques et latines conservées à ce jour en dehors de l'Égypte restent marginales : sur l'ensemble des 1711 documents contenus dans le Recueil des inscriptions concernant les cultes isiaques (RICIS) récemment publié par L. Bricault, le théonyme n'apparaît que 35 fois, soit 2% du total, loin derrière Sarapis (à 47%) et Isis (à 45%), et encore après Anubis et Harpocrate742. L'expression de la fonction funéraire d'Osiris est par ailleurs limitée aux documents mentionnant le ψυχρὸν ὕδωρ, recensés au début de cette étude743.

La connaissance de l'épitaphe romaine de Iulia a servi d'argument pour développer dans une autre inscription de Rome l'abréviation P.H.S.I.T.P.D en une curieuse phrase, phonétiquement bilingue mais de nouveau transcrite en lettres latines, psychron hydor soi Isis tibi pacem det ("qu'Isis te donne de l'eau fraîche et la paix", document 15) ; en l'absence d'autres parallèles de ce type, cette intéressante solution demeure toutefois extrêmement hypothétique744. L'intervention d'Isis rappellerait du moins l'épitaphe alexandrine de la défunte Serapias, mais cette fois Osiris ne serait pas mentionné. Deux variantes, dans les épitaphes romaines, n'évoquent pas non plus le dieu égyptien. Ainsi dans l'inscription de Melas (document 16), une interpretatio Graeca fait substituer le nom d'Hadès à celui d'Osiris dans le souhait du rafraîchissement de l'âme altérée, en raison de l'homologie des deux divinités dans le monde des Enfers. L'analogie de la formule avec le "type alexandrin" ordinaire ne permet pas de douter d'une influence immédiate. Une telle conclusion peut probablement être adoptée, enfin, au sujet de l'inscription en l'honneur d'Olympias d'Apamée (document 17), bien que le nom de la divinité dispensatrice soit omis, et que l'expression du souhait se distingue clairement au sein du corpus : Ψυχῇ διψώσῃ ψυχρὸν ὕδωρ μετάδος, "Partage l'eau fraîche avec une âme assoiffée", demande le mari pour la défunte (l. 12). En dehors des inscriptions funéraires enfin, deux papyrus magiques d'envoûtement plus tardifs contiennent encore une variante de la formule de l'eau fraîche (SB XX, 14664, daté du IVe siècle et Suppl.Mag. I, 45, du Ve siècle) 745. Il s'agit de deux textes en langue grecque, presque identiques, respectivement écrits à la demande de Priskos et de Theôn, et destinés à provoquer la passion d'une femme (Euphêmia et Isis), par l'invocation des habitants du monde infernal. Les pires châtiments leur sont annoncés s'ils n'exaucent pas le vœu formulé, tandis qu'en cas d'obéissance, la récompense ultime est exprimée en ces termes : … δώσω ὑμῖν Ὄσιριν Νοφριω≥θ≥ τὸν ἀδελφὸν τῆς Ἴσιδος καὶ ἔρι (ou αἴρει) τὸ ψυχρὸν ὕδωρ καὶ ἀναπαύσει ὑμῶν τὰς ψυχάς … , "… je vous donnerai Osiris Nophriôth (bienveillant ?), le frère d'Isis, et il prend(ra) l'eau fraîche et apaise(ra) vos âmes. …"746. Ainsi, il s'avère que le succès de la prière lui a permis de traverser non seulement les frontières de l'Égypte, mais aussi le temps (au moins cinq siècles d'existence) et de s'étendre au delà des seules inscriptions strictement funéraires. 


738

Le surnom des défunts, Prosodos, Aiglê, Eleutheros, Politikê, Isias, Melas et Olympias, atteste toujours de leur culture grecque. Dans son épitaphe, Olympias revendique d'ailleurs explicitement son origine hellénique (doc. 17). La présence d'un gentilice, dans cinq cas, permet de préciser leur statut de citoyen romain (documents 11 à 15). 739 Voir DUNAND 1973, tome 2. 740 On notera aussi les mêmes fautes, qui reviennent constamment dans toutes ces inscriptions (voir supra, p. 97 et n. 735). 741 G. Purnelle a examiné les solutions graphiques utilisées pour la translittération de l'expression : le C au lieu du CH pour psycron, l'amuïssement de l'iota dans δοίη = DOE, et la monophtongaison latine que porte la forme DE = σοι. PURNELLE 1992, p. 392-393. En relevant treize exemples de phrases grecques translittérées dans les inscriptions latines, l'auteur aborde également les causes du recours à ce procédé : ibid., p. 398-400 et p. 403-404. 742 Voir à ce sujet BRICAULT 2000, p. 199. 743 À l'exception toutefois d'une inscription de Rome, dans laquelle on espère que la défunte se réjouira "en compagnie Osiris" (εὐψύχι μετὰ τοῦ Ὀσείριδος), sans plus de précision. IG XIV 2098 ; SIRIS 463 ; RICIS 501/0196. L'eau fraîche accordée au mort étant constitutive des bienfaits d'Osiris dans l'Au-delà dans les autres épitaphes, on peut néanmoins envisager l'expression ici employée comme un résumé de la formule du ψυχρὸν ὕδωρ.

744

AE 1992, p. 35 ; cf. MALAISE 2004, p. 53. Une telle abréviation renforcerait l'idée que le souhait jouissait d'un grand succès dans l'Empire romain, puisque suffisamment connu et explicite pour être compris de tous. 745 Le premier papyrus, de provenance inconnue, est conservé au Staatliche Sammlung Ägyptischer Kunst de Munich (n° inv. ÄS 67916793) ; cf. BRASHEAR 1992, p. 85-87. Le second papyrus provient du nord d'Assiout et est conservé à l'Institut für Altertumskunde de l'Université de Cologne (n° inv. 3323). 746 Sur l'épithète d'Osiris Νοφριωθ, comme traduction de l'égyptien nfrhtp, ("bienveillant"), voir BRASHEAR 1992, p. 95.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Nil et la végétation752 ; sa fonction d'"amener l'eau" (udragôgos) soulignée par Plutarque753 transparaît encore dans le décor des tombes égyptiennes d'époque romaine754. Cette eau, qui dans la pensée égyptienne est le principe générateur de toute chose755, pouvait renouveler ce qui était privé de vie : comme le résume D. Bonneau, "pour les Égyptiens, boire l'eau du Nil était synonyme de vivre, si bien que, tout naturellement, la revivification dans l'Au-delà se faisait à l'image de la reviviscence sur terre"756. Le besoin impérieux d'être ravitaillé dans l'autre monde en nourritures solides et liquides, par la grâce d'une divinité dispensatrice, comme Osiris, Anubis, Nout ou Nephthys, remonte à un lointain passé pharaonique : ainsi par exemple, sur une inscription hiéroglyphique placée au dos de la statue d'un haut fonctionnaire et de sa femme, sous le règne d'Aménophis II (XVIIIe dynastie) on peut lire le souhait caractéristique "qu'Osiris accorde au ka du superintendant d’Amon, Wersu, les repas funéraires, le pain et la bière, les bœufs et les volailles, les vêtements, l’encens et l’huile, toutes les choses bonnes et pures grâce auxquelles vit un dieu, et l’eau à boire d’une rivière remuante." (traduction : N. Baum, d'après J. Assmann) 757. Dans la littérature funéraire tardive, cette tradition du vœu alimentaire se maintient tout en accusant une sensible évolution : le rituel d'offrande dans le monde des morts, sous la dépendance et l'intermédiation divines, s'exprime désormais par le versement de l'eau, qui jouit à l'époque gréco-romaine d'une popularité inédite en Égypte, à l'exclusion fréquente de tout autre ingrédient758. Ainsi, à Thèbes, à partir de l'époque de la domination grecque et surtout durant les deux premiers siècles de l'occupation romaine, le défunt attend d'Amon d'Opê, forme particulière du dieu Amon à

La formule osirienne de l'eau fraîche est manifestement inspirée de la religion égyptienne : elle réunit en quelques mots et sous une forme simple, condensée et immédiatement compréhensible par tous, les éléments les plus caractéristiques des conceptions indigènes relatives à la vie dans l'autre monde, telles qu'elles se maintiennent dans la littérature funéraire à l'époque romaine. La mention d'Osiris, d'une part comme maître de l'Audelà et d'autre part comme dispensateur de l'eau, en témoigne d'emblée. En Égypte, le rôle d'Osiris comme souverain du royaume des morts s'est progressivement affirmé à l'époque pharaonique, en particulier à partir du Moyen Empire, où l'identification du défunt à Osiris n'est plus le seul privilège du Pharaon, mais s'étend à l'ensemble des particuliers747. Malgré l'apparition de Sarapis, qui à l'époque ptolémaïque prend théoriquement la place d'Osiris dans la triade isiaque (époux d'Isis, père d'Horus-Harpocrate), l'ancienne divinité égyptienne conserve une personnalité indépendante, liée au domaine funéraire, tandis que Sarapis incarne plutôt la fonction dynastique, et se distingue par ses vertus thérapeutiques748. Quant à l'association d'Osiris avec l'eau bienfaisante, elle apparaît dans les sources écrites égyptiennes dès l'Ancien Empire et se perpétue durant toute l'époque pharaonique dans les Textes des Pyramides, les Textes des Sarcophages ou le Livre des Morts : le dieu y est constamment assimilé à l'eau, celle du Nil en particulier, dont il est la puissance immanente, le maître de la crue et le garant de la fertilité essentielle qu'elle procure au pays, depuis qu'il est mort et ressuscité par le fleuve749. Cette croyance s'est conservée intacte aux temps ptolémaïques et impériaux, comme l'a amplement montré M. Malaise d'après les inscriptions gravées sur les murs des temples égyptiens ou les papyrus, et les auteurs grecs de l'époque romaine s'en font également l'écho750. Le mythe osirien demeure donc très fort, et le rapport que la divinité continue d'entretenir avec l'eau vivifiante est encore rappelé dans l'iconographie : sur des cercueils et des linceuls peints d'époque romaine, l'image d'Osiris est associée à une hydrie, offerte par un officiant ou posée sur un guéridon à côté du dieu751. Quant à Isis, présente aux côtés d'Osiris dans l'inscription alexandrine 6, elle nourrit également des rapports constants avec la crue du

752

Voir à ce sujet MALAISE 1985, p. 133. Entre autres exemples, cf. BERNAND 1969, n°175, p. 631-652, où les hymnes gravés par un certain Isidôros sur les pilastres d'entrée du vestibule du sanctuaire de Médinet Madi (Fayoum), probablement au Ier siècle av. J.-C., font d'Isis la reine des eaux (voir en particulier l'Hymne I, v. 11-13). 753 PLUTARQUE, Isis et Osiris, 38. 754 Voir, dans l'oasis de Dakhla, la tombe de Pétosiris (II-IIIe siècle ap. J.-C.), où à deux reprises Isis, reconnaissable à sa couronne en forme de trône ȝs.t, verse l'eau pour le défunt : OSING 1982, p. 88-99 ; fig. 27e et 29a ; KAPLAN 1999, p. 183-184. 755 P. Kaplony a été étudié cette question dans son article consacré à l'eau (mw) dans le Lexikon der Ägypologie : KAPLONY 1989, particulièrement col. 16-17. 756 BONNEAU 1964, p. 278. Cf. MEEKS 1979, col. 430-452, DELIA 1992, p. 182-185, et récemment ASSMANN 2003, p. 514-524, qui fournissent de nombreuses références, depuis l'Ancien Empire jusqu'à l'époque romaine, de cette croyance selon laquelle l'eau entretient la vie dans l'Au-delà. Dans l'article de C. Spieser, la réflexion sur les vertus revitalisantes de l'eau a été menée à partir des représentations dans les tombes thébaines du Nouvel Empire (SPIESER 1997). 757 Statue de la collection privée Nina F. Layard. GRIFFITH 1915, p. 5, et pl. IIA. 758 Cf. BLACKMAN 1916, p. 33 qui le constate ; voir encore LÉVY 1927, p. 305-306 ; MEULENAERE 1974, p. 111 ; DEONNA 1939, p. 59. Voir toutefois l'exception, présentée par F. Chabas en 1862, qui illustre l'importance de l'eau dans le rituel d'offrandes aux morts dès la fin du Nouvel Empire : sur un sarcophage thébain de la XXe dynastie, une vignette présente Osiris assis tenant un vase ḥst (le nom du dieu est indiqué sur la panse) où coule de l'eau ; le défunt, agenouillé devant lui, reçoit le liquide dans ses deux mains ; au centre de la scène, la légende, en hiéroglyphes, signifie "vie du ba". CHABAS 1862, p. 371-372.

747

DELIA 1992, p. 182. DUNAND 1979, p. 88-90 ; CLERC, LECLANT 1994a, p. 108. Sur l'importance du culte d'Osiris à l'époque impériale, cf. PARLASCA 1973, p. 95-102 et PARLASCA 1985, p. 97-103. Dans le matériel funéraire de l'époque gréco-romaine (cartonnages, linceuls, stèles et papyrus), l'image d'Osiris comme maître de l'Au-delà, est tout à fait fréquente : voir DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3295, et 1998, p. 122. 749 BONNEAU 1964, p. 279 ; pour les Textes des Pyramides, voir BLACKMAN 1912, p. 69-70 et GRIFFITHS 1980, p. 151-153 ; cf. DELIA 1992, p. 182 et 184 ; LECLANT 1994, p. 7-8. 750 MALAISE 1985, p. 128-129 ; MALAISE 2005, p. 59-60, n. 193. Chez PLUTARQUE, Isis et Osiris, 33, Osiris est défini comme le Nil en crue. L'auteur ajoute qu'"en l'honneur de ce Dieu (Osiris), leurs processions sacrées sont toujours précédées d'un vase rempli d'eau" (Isis et Osiris, 36) ; cf. ÉLIEN, Histoire des Animaux, X, 46 ; HÉLIODORE, Éthiopiennes, IX, 9, 4. 751 KOEMOTH 1999, doc. 1, 2, 4, 6 et 7 ; pl. V, A et B, pl. VII, A et pl. VIII, B et C ; cf. MALAISE 2005, p. 61-62. 748

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L'eau et la soif du mort romaine, au contraire d'Isis764, la présence du dieu et par là même son importance dans le rituel sont consignées sur un grand nombre de documents. Ainsi, sur le couvercle d'un petit sarcophage anthropoïde en calcaire daté du début de l'époque ptolémaïque, on peut lire l'inscription hiéroglyphique finale : "puisses-tu saisir la libation et l'encens en présence d'Osiris" (šsp.k ḳbḥ snṯr m-bȜḥ Wsir)765. Surtout, sur une dizaine de papyrus démotiques datés entre le Ier et le IIIe siècle ap. J.-C., et destinés à être insérés dans le bandelettage de la momie, une formule comparable ne retient plus que l'eau parmi les ingrédients requis, et demande que le mort puisse en obtenir "sur la table d'offrandes, après Osiris" (mw ḥr tȜ ḥtp.t m-sȜ Wsir) 766. Ces "amulettes-passeports", selon l'appellation de M. Depauw, ou ces "lettres de recommandation pour l'Au-delà", pour reprendre l'expression de J. Quaegebeur767, sont en fait des prières d'intercession, sortes d'abrégés stéréotypés de textes liturgiques plus développés, qui désignent la libation d'eau comme l'offrande alimentaire par excellence pour garantir au mort sa renaissance et pour le faire participer à l'immortalité du dieu. Par tous ces aspects, il apparaît donc que le souhait alexandrin de l'eau fraîche osirienne doit être compris, non comme une traduction littérale ou une stricte copie d'un original égyptien 768, mais du moins comme la synthèse, reformulée dans le système linguistique grec, des espoirs relatifs à l'autre monde en Égypte romaine769. Son expression épurée, qui ne laisse subsister que les symboles les plus vivants et les plus populaires sur l'Audelà à cette époque – Osiris comme maître de l'Au-delà et distributeur de l'offrande aux morts d'une part, l'eau fraîche comme substance vitale à accorder d'autre part –, se fait l'écho de la tradition religieuse égyptienne telle qu'elle subsiste dans la littérature funéraire, familière

Louxor, de pouvoir bénéficier du culte funéraire initialement destiné aux seuls dieux primordiaux dans la Butte de Djême, près de Médinet Habou : le souhait de "recevoir l'eau" de sa main (šsp mw , plus souvent šsp ḳbḥ), qu'il la "verse" (wȜḥ mw) ou qu'il la "donne" (rdỉ ḳbḥ) au mort est connu sur de nombreux papyrus hiératiques et démotiques déposés auprès de la momie, ainsi que sur des linceuls, des sarcophages, et une statue759. Dans la documentation des stèles funéraires d'Akhmim encore, à partir de la Troisième Période Intermédiaire et surtout à l'époque gréco-romaine, le souhait de la libation dans l'Au-delà se retrouve souvent, avec les expressions sfsf Ȝw, littéralement "verser" sans précision de l'ingrédient, et plus explicitement ḳbḥ mw rnpỉ, "verser en libation l'eau du renouveau", šsp mw , "recevoir de l'eau", etc.760. Ainsi, dans les textes égyptiens de cette époque, la puissance éminemment vivifiante de l'eau suffit désormais à satisfaire les besoins du mort, comme c'est le cas dans la formule grecque. Par ailleurs, l'emploi récurrent de ḳbḥ à la place de mw , pour désigner l'offrande liquide761, semble garantir l'idée de rafraîchissement, conformément aux traductions couramment adoptées : le mot se rapporte de façon générale à tout ce qui est froid, frais, et en particulier à l'eau, désaltérante par nature762 ; la langue copte a conservé cette notion dans les termes kba, "refroidir, être frais" et kbbe, "fraîcheur"763. Et si Osiris n'intervient plus directement dans ce type de prière à l'époque gréco-

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Pour le recensement de ces textes, voir en particulier DORESSE 1979, p. 62-65, MEULENAERE 1974, p. 111, et en dernier lieu HERBIN 1994, p. 140-145 (avec transcriptions et traductions), qui présente en outre de nouveaux papyrus inédits conservés au British Museum et au Musée du Louvre, ainsi qu'un linceul d'époque romaine. J.-Cl. Goyon a également traduit un certain nombre de ces textes : GOYON 1972, p. 52, 58, 312-313 et 315. On ajoutera encore à cette liste l'inscription sur le pilier dorsal d'une statue thébaine, datée de la fin de l'époque ptolémaïque (Musée de Brooklyn, n° inv. 36.834 ; MEULENAERE 1974, p. 110 et pl. IV), ainsi que le texte peint sur le bandeau vertical central d'un linceul d'époque romaine (Musée d'Art de Caroline du Nord, n° inv. L.57.14.95 ; PARLASCA 1985, p. 99, n. 6 et pl. 4a). Voir aussi STADLER 1999, p. 85 (papyrus démotique conservé à Turin, n° inv. N. 766, Ier siècle ap. J.-C.). 760 CGC 22069, 16 ; 22151, 9 ; 22120, 10, etc., dans KAMAL 1904-1905 ; on consultera le chapitre sur "Luft und Wasser (Decadenopfer)" de l'étude de M.-Th. Derchain-Urtel sur Priester und Tempel (DERCHAINURTEL 1989, p. 127-151, et part. p. 130 et 143-145). La datation de ces textes a été attribuée sur critères paléographiques. 761 L'équivalence sémantique est particulièrement mise en valeur dans les deux papyrus Rhind bilingues, au contenu similaire, où dans la même formule d'offrandes, le ḳbḥ hiératique correspond au mw démotique : voir MÖLLER 1913, p. 32-33, I, l. 8-9 et 11 (9 av. J.-C.). 762 WB V, p. 26-28 ; ERICHSEN 1954, p. 534-535 ; KAPLONY 1989, part. col. 20-21 ; M. Franci, dans sa récente étude sur le champ sémantique du déterminatif mw, en langue égyptienne, conclut que ḳbḥ est une aspersion avec de l'eau (FRANCI 2005, p. 367-368). Le vase ḥst, également utilisé comme déterminatif de ḳbḥ est aussi un ustensile destiné à l'eau, et son logogramme détermine d'autres mots de sens très voisins, associés à l'idée de fraîcheur : voir DU MESNIL DU BUISSON 1935, p. 111 et 115 ; WILSON 1997, s.v. "ḳbḥ", p. 1053 ; cf. SPIESER 1997, p. 215. Voir toutefois BORGHOUTS 1979, col. 1015, qui indique qu'en de rares occasions, il peut s'agit de vin ou de bière. 763 VYCICHL 1983, p. 71.

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Voir par exemple MÖLLER 1913, p. 32-33 (Papyrus Rhind I ; 9 av. J.-C.) ; H ERBIN 1984, p. 107 (papyrus funéraire hiératique de Vienne, 3865 ; Ier ou IIe siècle ap. J.-C.). 765 ROWE 1940, p. 291-293 et pl. 39. Cf. la stèle publiée dans BLOK 1930, p. 177-178 et pl. III. 766 Le recensement de ces papyrus a été effectué à plusieurs reprises, et ce dès le début du XXe siècle (SPIEGELBERG 1901, p. 9-13, documents B1, B2, D et G). Le dossier s'est considérablement enrichi depuis, comme en témoigne l'inventaire récent de M. A. Stadler, comportant encore trois documents inédits (STADLER 2004, p. 557-561, n°66-68 et p. 562 et 564-565, textes du groupe A, §3). On peut encore signaler l'existence de textes très similaires, datés de la même époque : voir BOTTI 1941, p. 32-35 (Papyrus de Florence, n°3676) ; SMITH 1987, p. 67 et 70 (P. Bodl. MS Eg. c.9, P. Berlin 8351, P. Louvre SN 69) ; sur un mode plus développé, voir encore le papyrus hiératique de Leyde T.32 (Ier siècle ap. J.-C.), dans BLACKMAN 1916, n°4, p. 33 (VII, 8), etc. 767 DEPAUW 2003, p. 93-99 ; QUAEGEBEUR 1990, p. 791-794. L'appellation de J. Quaegebeur, qui tient compte du fait que ces papyrus sont de véritables lettres adressées à une divinité de l'Au-delà, paraît plus appropriée : voir à ce sujet STADLER 2004, p. 570. Le destinataire est sans doute Osiris lui-même (ibid., n°66, p. 557-558). 768 Comme le notait justement I. Lévy à partir des plus proches parallèles égyptiens connus (LÉVY 1927, p. 307) ; cf. PARROT 1936, p. 192 ou WILD 1981, p. 124. 769 La conclusion est ainsi adoptée dans DEONNA 1939, p. 59, MORENZ 1957, p. 58, DUNAND 1975, p. 168, BERNAND 1969, p. 218, DELIA 1992, p. 181, etc. Jusqu'au début du XXe siècle a pourtant prévalu la thèse d'une origine orphique de la formule de l'eau fraîche adoptée à Alexandrie : voir infra, p. 110.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine aussi bien aux Égyptiens qu'à la population hellénisée du pays.

description de Fr.-W. von Bissing et la reconstitution en couleur fournies dans la publication de l'expédition E. von Sieglin au début du XXe siècle776. Récemment, I. Kaplan intégrait la représentation dans son inventaire des peintures et reliefs funéraires d'époque romaine en Égypte, en reprenant les commentaires succincts de Bissing 777.

Sur le mode figuré, le même phénomène se retrouve sur un loculus peint découvert en place dans la nécropole alexandrine de Kôm el-Chougafa, qui présente de nouveau dans une même scène Osiris, la défunte et l'eau rafraîchissante (voir la figure 43 ci-après). Une analyse de cette peinture permet en effet à montrer que l'artiste, soucieux de s'inscrire dans une tradition égyptienne tant du point de vue des motifs que des thèmes religieux abordés, s'est toutefois affranchi de certaines conventions. L'ensemble livre, dans un système de représentation hybride, un aperçu des croyances relatives à l'Au-delà telles qu'elles se conservent en Égypte aux premiers siècles de notre ère.

La scène figurée centrale présente une femme au torse nu et aux cheveux longs retombant dans le dos en mèches ondulées ; un fragment du revêtement stuqué postérieur, laissé en place au moment de la réalisation du dessin (zone hachurée de la figure 43), cache la partie antérieure de son corps. Elle reçoit dans ses deux mains jointes un filet d'eau qui coule d'un arbre fleuri, dont seule une partie du feuillage a été conservée. Face à elle se tient Osiris dans une attitude conventionnelle de l'art égyptien : il est représenté debout, les épaules de face, les pieds et la tête de profil, tournés vers la femme ; il est momifié, les jambes et les pieds étroitement gainés dans un linceul rouge ; dans ses mains qui devaient être croisées sur la poitrine, le dieu tient les insignes traditionnels du pouvoir, le flagellum et le sceptre heqa, que l'on distingue à peine ; il porte la couronne de Haute Égypte. Il semble placé sur un socle, dans une sorte de naos qui rappelle ceux que l’on retrouve dans l’imagerie égyptienne traditionnelle et, à Basse Époque, ceux que présentent les statues votives égyptiennes de prêtres naophores accroupis778. Sur les côtés, des vignettes aux contours dessinés d'une bande sombre accompagnent la scène. À gauche, sur le registre supérieur est représenté un personnage à tête de faucon, coiffée d'une perruque initialement surmontée, selon Bissing, d’un disque solaire et d’un uraeus ; il s’agit vraisemblablement du dieu Horus représenté de façon traditionnelle, qui devait tenir dans sa main l’œil-oudjat, encore visible, dirigé vers la scène centrale. Son corps et ses vêtements sont très mal conservés (il semble vêtu de son costume égyptien, un pagne laissant le torse nu), et d'autres éléments sont difficilement identifiables : on distingue peut-être une colonne de pseudo-hiéroglyphes très effacée. En bas, une autre vignette montre un sphinx ailé au corps de lion et à tête humaine coiffée du nemes, assis, tenant le vase égyptien ḥst de la main gauche, couramment destiné aux libations779 ; dans la main droite, Fr.W. von Bissing reconnaît peut-être une plume. Enfin, à droite de la scène se trouve un uraeus, serpent dressé et enroulé autour d'une tige végétale terminée par un bouton qui ressemble à celui d'un papyrus ; deux autres tiges latérales rappellent la fleur de lotus. Le serpent est selon la description de Bissing surmonté du pschent, la double couronne de Haute et Basse Égypte, quoiqu'une partie n'était plus visible d'après le dessin.

3. 1. 2. Un parallèle iconographique dans la nécropole de Kôm el-Chougafa Dans la nécropole de Kôm el-Chougafa, au sud-ouest de la ville antique, le tombeau appelé "Hall de Caracalla"770, a été découvert en 1901 par G. Botti (Musée gréco-romain) grâce à une étroite ouverture pratiquée dans le mur d'une chambre funéraire du complexe à trois étages771. Il a surtout été remarqué et étudié pour les peintures qui surmontent certains des sarcophages qu'il renferme (la "tombe Sieglin 1902" dans la chambre située à l'est de l'entrée772 et les deux tombes dites "de Perséphone" dans le vestibule central773). Par ailleurs, une salle d'inhumation collective située au nord et explorée en 1902 possédait sur ses trois parois 39 loculi au total, alignés et superposés régulièrement sur trois rangées774. Certains d'entre eux n'avaient pas été pillés et conservaient encore leur plaque de fermeture775. La fermeture en gypse du loculus situé dans le coin inférieur droit de la paroi nord était encore assez bien conservée et a révélé les restes d'une représentation figurée peinte, recouverte par une couche de stuc imitant grossièrement un marbre veiné, dont la majeure partie s'est détachée lors du déplacement de la dalle. La scène sous-jacente est restée relativement inaperçue, après la 770

Le nom a été adopté en raison d'une grande quantité d'os humains et de chevaux découverts à cet endroit et interprétés par certains comme le résultat du massacre ordonné en 215 ap. J.-C. par l'empereur Caracalla. 771 Sur ce tombeau, voir en particulier SCHREIBER 1908, p. 121-132, BOTTI 1908, p. 362-365 et ROWE 1942, p. 31-36. Cf. BERNAND 1966 (éd. de 1998), p. 202-205 ; ADRIANI 1966, n°123, p. 178-180 ; EMPEREUR 1995a, p. 18-22. 772 La tombe est ornée d'une peinture de momie entourée de différentes divinités, dont Isis et Nephthys. Voir SCHREIBER 1908, p. 150-151 et BOTTI 1908, p. 364 ; PAGENSTECHER 1919, p. 184-185 ; BERNAND 1966 (éd. de 1998), p. 203-204 ; KAPLAN 1999, p. 134. 773 Les deux tombes, étudiées par A.-M. Guimier-Sorbets et M. Seif elDin, présentent des scènes empruntées à la mythologie égyptienne et grecque, sur des registres séparés : GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 355-410 ; GUIMIER-SORBETS 1999, p. 180-182. Cf. ROSTOVTZEFF 1919, p. 158 ; ROWE 1942, p. 31-33 ; ADRIANI 1966, p. 179-180 ; BERNAND 1966 (éd. de 1998), p. 203-204 ; KAPLAN 1999, p. 134. 774 Pour le plan de la tombe, voir ADRIANI 1966, t. 2, fig. 329 ; le loculus concerné est le n°18. 775 Th. Schreiber et E. R. Fiechter, dans SCHREIBER 1908, p. 126-128.

776

Fr.-W. von Bissing, dans SCHREIBER 1908, p. 151-152 et pl. 64. KAPLAN 1999, p. 39-40 et 138 ; en 1966, A. Adriani mentionnait simplement l’existence de la peinture (ADRIANI 1966, p. 179). 778 Cf. par exemple ROULLET 1972, n°195, p. 113-114 et fig. 223-224. Pour d’autres références, voir CLERC, LECLANT 1994a, p. 109. 779 ARNOLD 1983, col. 216 et fig. 5. 777

100

L'eau et la soif du mort

Figure 43. Représentation figurée sur la plaque de fermeture du loculus n°18 dans la chambre d'inhumations collectives du Hall de Caracalla (nécropole de Kôm el-Chougafa), à l'est du complexe à trois étages. (Dessin dans SCHREIBER 1908, pl. 64).

Le choix des thèmes proposés sur ces vignettes latérales témoigne d'emblée de la bonne connaissance qu'a l'artiste des motifs égyptiens. Elles fonctionnent manifestement comme des éléments non pas simplement décoratifs, mais bien comme des figures agissantes et protectrices, selon la tradition. Horus est représenté de manière conventionnelle, hiéracocéphale et vêtu à l'égyptienne. Cette forme du dieu faucon se retrouve sur les monuments de l'Égypte hellénistique et romaine, ainsi que sur des sarcophages ou des peintures murales funéraires780. À l'époque romaine, c'est ainsi qu'il figure par exemple dans la maison 21 de la nécropole de Touna el-Gebel, dans une scène de purification de la défunte en compagnie de Thot et d'Horus, ou dans la tombe de Pétoubastis de la nécropole de Mouzawwaga (oasis de Dakhla), sur le mur ouest (figure 44a). À Alexandrie, à l'époque hellénistique, on le rencontre sous cette même forme dans la nécropole d'Anfouchi, au-dessus de la porte centrale de la tombe 2, et à l'époque romaine dans la scène de momification de la tombe centrale du grand complexe de Kôm el-Chougafa (figure 44b-c). Fils d'Osiris, il figure parmi les dieux protecteurs des morts; sur la vignette du loculus, il tient

l’œil-oudjat, offrande par excellence qui garantit au mort sa complétude posthume781.

780

781

Figure 44. Représentations d'Horus en Égypte gréco-romaine. a : détail de scène peinte dans la tombe 21 de Touna el-Gebel , IIe siècle ap. J.-C. (d'après GABRA 1941, pl. 13, fig. 2). b : détail de scène peinte dans la tombe 2 d'Anfouchi à Alexandrie, IIe-Ier siècle av. J.-C. (d'après ADRIANI 1940-1950a, pl. 37, fig. 1). c : détail du relief dans la chambre principale du complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa d'Alexandrie, fin du Ier ou début du IIe siècle ap. J.-C. (d'après KAPLAN 1999, fig. 34a).

JENTEL 1990, p. 538-542 ; KAPLAN 1999, p. 60-66.

101

Livre des Morts, chap. 125 : BARGUET 1967, p. 160.

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Le motif de l'uraeus, serpent dressé782, est également traditionnel dans l'art égyptien, à la fonction apotropaïque et symbolisant la renaissance. Ses représentations alexandrines sont parfois identifiées au dieu gréco-romain Agathodaimon, génie funéraire bienveillant et conducteur ou gardien des morts, quand il porte le caducée de l'Hermès psychopompe et le thyrse dionysiaque sur les murs de l'antichambre de la chambre centrale à Kôm elChougafa, ou à sa parèdre Isis-Hermouthis, quand il est coiffé de la couronne isiaque783. Toutefois, le serpent de la vignette du loculus peut difficilement être confondu avec de telles divinités, et les végétaux qui l'accompagnent, le lotus et le papyrus, respectivement symboles de la Haute et de la Basse Égypte784, rappellent davantage l'iconographie purement égyptienne. On le retrouve en revanche représenté de manière très similaire dans la tombe romaine de Pétosiris à Mouzawwaga (oasis de Dakhla) : de part et d'autre de la porte reliant les deux chambres, deux serpents dressés autour d'une tige végétale se terminant par une fleur de lotus portent l'un la couronne de Haute Égypte, l'autre celle de Basse Égypte (figure 45a). Tout à fait comparable également est la représentation de l'uraeus sur la façade d'une chapelle funéraire d'Akoris, portant une double plume droite en guise de couronne et accompagné des mêmes tiges de lotus (figure 45b) ; l'ensemble de la structure a été datée de l'époque ptolémaïque (d'après la représentation du serpent et d'un prêtre répondant aux conventions de l'art grec de l'autre côté de l'entrée)785.

l'époque pharaonique. À partir du Nouvel Empire, on le voit parfois tenant un vase égyptien à offrandes ; on le retrouve encore avec un récipient sur des sarcophages d'époque tardive786. On notera toutefois que le sphinx présente ici des particularités qui l'éloignent du modèle du sphinx égyptien encore largement adopté à l'époque gréco-romaine pour sa fonction apotropaïque787. Représenté traditionnellement en position debout ou couchée, sans ailes et au visage masculin 788, c'est sous cet aspect qu'on le connaît par exemple dans les tombeaux romains de Pétoubastis et Pétosiris de l'oasis de Dakhla789 ; il porte en outre des attributs égyptiens (double couronne, disque solaire avec uraeus, plume de Maat). À Alexandrie encore, le sphinx de type égyptien se retrouve à l'époque ptolémaïque dans le tombeau 2 d'Anfouchi et dans les tombes romaines Tigrane ou Sieglin 2002, s'associant étroitement au style égyptisant du programme iconographique d'ensemble790. Sur le mode plastique, les sphinx assis dans la cour de la tombe 1 dans la nécropole de Moustapha Kamel (époque hellénistique) sont également tout à fait conformes au modèle égyptien791. Sur la vignette du loculus au contraire, il est assis et aux ailes déployées. Son visage a la peau claire et cela serait selon Bissing le signe de sa nature féminine, ce qui là encore n'est pas très usuel dans l'art égyptien792 ; toutefois, la barbe qu'il porte rend cet argument caduque. Si donc l'influence de l'Égypte reste ici très nette, l'artiste a pris des libertés par rapport au modèle conventionnel. Volontairement ou pas, ce sphinx ressemble à ceux que l'on rencontre dans le monde grec sous influence orientale dès le VIe siècle av. J.-C., assis, les ailes déployées et les traits féminins793. Le cas n'est pas unique à l'époque romaine : les sphinx représentés face à face sur le sarcophage de l'hypogée A à Gabbari sont ailés et assis sur le modèle grec, mais celui de gauche porte des attributs égyptiens, le disque solaire surmonté d'un uraeus (figure 46) 794. Malgré son mauvais état de conservation, I. Kaplan estime que la peinture située dans

786

DEMISCH 1977, p. 25-26 ; WALKER, BIERBRIER 1997, n°54 p. 77-78 et fig. 54 p. 78. 787 L'image du sphinx chargé de défendre les espaces funéraires contre les ennemis est bien connue des Grecs. En Égypte, elle devient essentielle à Basse Époque : DEMISCH 1977, p. 23. 788 Les ailes apparaissent parfois à partir du Nouvel Empire, mais elles sont alors repliées contre le corps. Sur le motif du sphinx à l'époque pharaonique, cf. DEMISCH 1977, p. 16-39 et KAPLAN 1999, p. 94-100. 789 DUNAND 2000, p. 79-81. 790 Tombe 2 d'Anfouchi : ADRIANI 1940-1950a, p. 70, fig. 40. Tombe Tigrane : VENIT 1997, p. 716 et fig. 19, p. 717. Tombe Sieglin 2002 : SCHREIBER 1908, p. 150-151. 791 ADRIANI 1933-1935, p. 35 et pl. VIII, fig. 2. 792 Apud SCHREIBER 1908, p. 151. Quand le sphinx égyptien présente des traits féminins, à partir du Moyen Empire, il ne se distingue de l'homme que par le traitement des cheveux et l'absence de barbei: SCHWEITZER 1948, p. 45. 793 Sur le sphinx grec, DEMISCH 1977, p. 76-100. Un brûle-parfum, daté du VIe siècle av. J.-C. et découvert dans les ruines submergées d'Héracléion, à l'est d'Alexandrie, illustre la forme courante de la sphinge grecque : GODDIO 2006, p. 204 et fig. p. 207 (n°421). 794 HABACHI 1937, p. 275 et fig. 4 B.

Figure 45. Représentations de serpents dressés. a : tombe de Pétosiris, oasis de Dakhla (d'après KAPLAN 1999, fig. 109a). b : façade d'une chapelle d'Akoris (d'après K AWANISHI, TSUJIMURA 1995, p. 43, fig. 33).

Quant au motif du sphinx présent sur le registre inférieur gauche, il est connu en Égypte dès le début de 782

MARTIN 1986, col. 864-868 ; KAPLAN 1999, p. 101-103. EMPEREUR 1995a, p. 7 et fig. 9 et 11, p. 8-9. Voir DUNAND 1981. 784 DRENKHAHN 1982, col. 667-670 ; BRUNNER-TRAUT 1980, col. 1091-1096. 785 KAWANISHI, TSUJIMURA 1995, p. 41. 783

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L'eau et la soif du mort une niche de la tombe Stagni comporte deux sphinges couchées et couronnées d'un uraeus795.

l'arbre est quant à lui le dispensateur de l'eau et le medium de la vie. L'image du mort recevant de l’eau d’un arbre est par ailleurs très répandue dans l’iconographie funéraire égyptienne à partir de la XVIII e dynastie, sur les parois des tombes thébaines ou de Saqqara, sur les stèles funéraires ou sur les vignettes des Livres des Morts (figure 47a) 799. À l’époque grécoromaine, ces scènes deviennent également très fréquentes en Moyenne et Haute Égypte, tout en se maintenant dans la tradition iconographique égyptienne800 : dans les tombes, sur les linceuls ou les tables d'offrandes de la région d'Akhmim, elles montrent un sycomore sous les traits stylisés d’une déesse en pied ou dont on ne voit que les bras sortant de l’arbre, qui offre des offrandes au mort, ainsi que de l’eau qui coule d’un vase ḥst ; le défunt reçoit le liquide dans ses mains (figure 47b).

Figure 46. Représentation en relief de deux sphinx affrontés sur un sarcophage du tombeau A de Gabbari à Alexandrie, époque romaine (dessin A. Tricoche, d'après KAPLAN 1999, fig. 61c).

Dans la scène centrale du loculus, l'influence des conceptions religieuses égyptiennes est confirmée par la présence d'Osiris et par le thème du mort recevant de l'eau d'un arbre. La figuration prend toutefois des allures tout à fait originales, qui l'éloignent du modèle iconographique traditionnel. Le motif de l'arbre fournissant l'eau au mort est bien connu dans l'art égyptien. Il est défini pour la première fois à la XIXe dynastie, dans le chapitre 59 du Livre des Morts de Nakhtamon, dont le titre est déjà explicite : "Provision de vie dans l’au-delà grâce à l’air et l’eau : Ô sycomore de Nout, puisses-tu me donner l’eau et le vent qui sont en toi, …" (traduction E. Naville)796. Ainsi, on le voit, un arbre divin, appelé couramment déesse arbre et ici sous les traits de Nout, apparaît comme la garantie de l’air et de l’eau, celle par qui le rafraîchissement, et par là même la régénération du défunt dans l'Au-delà sont possibles. Par la suite, les inscriptions s'inspirant du texte liturgique sont extrêmement courantes, et ce jusqu'à une époque tardive797. Ainsi, sur une situle thébaine en bronze finement incisée, datée de Basse Époque, le défunt Ousirour demande au sycomore Nout, en écriture hiéroglyphique : "Donne-moi l'eau et le souffle (de la vie) qui vient de toi (…)" ; et la déesse arbre de répondre: "Ô Osiris N., reçois l'eau fraîche (ḳbḥ) de mes propres mains ! Je suis ta mère bienfaisante, qui t'apporte un vase plein d'eau pour satisfaire ton cœur d'eau fraîche (ḳbḥ). Respire l'air qui sort de moi, que ta chair en vive …" (traduction N. Baum, d'après J. Assmann)798. L'eau a ici encore une action vitale, procure fraîcheur, mobilité et souffle ;

Figure 47. Représentations de la déesse arbre. a : papyrus funéraire BN 38/45, XXe dynastie (d'après NAVILLE 1886, fig. p. 73). b : table d'offrande du Musée du Caire, n° inv. 23160, époque hellénistique (d'après KAMAL 1906-1909, t. 2, pl. 41).

795

KAPLAN 1999, p. 97 ; V ENIT 2002, p. 163 et p. 154, fig. 141. Papyrus de Berlin 3002, dans NAVILLE 1886, p. 71 ; voir les commentaires de ce texte dans BILLING 2002, p. 232-234. 797 BILLING 2002, p. 250-254 (tombes thébaines), 273-274 (tombes de Saqqara), p. 283-285 (stèles funéraires). 798 Paris, Musée du Louvre, n° inv. 908, dans PIERRET 1878, p. 113-118 (hiéroglyphes), avec ASSMANN 2003, p. 519 (traduction). Pour d'autres situles du même type : QUAEGEBEUR 1979, p. 41-43 (époque ptolémaïque) et BILLING 2002, p. 305-308. 796

799

À propos de la déesse arbre abreuvant d'eau le défunt et ses représentations en Égypte, voir parmi l'abondante bibliographie, BUHL 1947, p. 91-95 ; BAUM 1988, p. 50-65 ; REFAI 2000, p. 383-387. BILLING 2002, p. 235-239, et notamment p. 255 (Thèbes) et 275 (Saqqara) ; ZINGARELLI 2005, p. 384-388. 800 KAPLAN 1999, p. 40 et BILLING 2002, p. 239.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine motif de la déesse arbre a pu être "revisité" en Égypte à l'époque impériale. Au centre du linceul, un personnage en pied, momifié dans un linceul losangé et tenant dans ses mains deux palmes au lieu des insignes traditionnels, représente soit l’image du défunt devenu un Osiris, soit celle du dieu lui-même. Il est entouré de divinités funéraires protectrices traditionnelles, en registres superposés. Dans une petite scène placée à droite, délicatement peinte, le défunt est représenté agenouillé, vêtu d’une tunique finement plissée, et coiffé d’une perruque ou d’un bonnet bleu muni d’un bandeau. Il joint les mains pour recueillir de l’eau qui coule d’un vase fuselé, semblable à une amphore bitronconique, suspendu à un arbre ramifié qui porte des fleurs rouges et blanches. Ce détail témoigne d’une volonté évidente de rappeler les croyances égyptiennes, tout en adoptant un style qui s’écarte du répertoire égyptien traditionnel. Dans cette mesure, la petite scène du mort recevant de l’eau d’un arbre constitue un intéressant parallèle de celle de la plaque de loculus du Hall de Caracallaa: de nouveau, l’arbre n’est pas figuré sous les traits d’une divinité féminine ; cependant le vase suspendu rappelle le don de la déesse arbre au moyen du traditionnel vase ḥst ; dans les deux cas, le défunt, agenouillé, est placé sous l’arbre.

Si le thème représenté sur la scène centrale de la plaque n°18 du loculus de Kôm el-Chougafa est donc manifestement emprunté à la religion égyptienne, ici la nudité de la défunte demeure très éloignée des représentations habituelles dans l'art égyptien, et rappelle davantage l'imagerie grecque801. Par ailleurs, l'arbre ne semble pas apparaître sous les traits d’une divinité féminine, selon le modèle habituel, mais de manière réaliste, avec des fruits rouges et un épais feuillage s’étendant au-dessus de la défunte. Malgré cette variante iconographique, il ne fait pas de doute que c'est la même idée qui est exprimée sur le loculus peint et sur les scènes plus conventionnelles à l'Égypte pharaonique. La liberté que prend ici l'artiste a peut-être pour but d'accentuer l'idée de fraîcheur, source de vie et de renouveau, déjà suggérée par l'eau qui s'écoule : l'arbre donne des fleurs printanières et procure de son feuillage verdoyant l'ombre bienfaisante à la défunte située dessous. Au IIe siècle av. J.-C., l'image d'un verger chargé de fruits se retrouve en contexte funéraire alexandrin dans la tombe 5 d'Anfouchi, décorant entièrement les parois internes d'un loculus et d'une chambre funéraire dans un style assez naïf (figure 48)802. Les deux représentations peuvent être rapprochées du point de vue de leur signification : le paysage rappelle peut-être l'image d'un jardin où le défunt a eu plaisir à s'asseoir durant sa vie, et symbolise par là même l'espoir d'un Au-delà agréable, paisible et frais803.

Figure 48. Représentation d'arbres dans la chambre funéraire de la tombe 5 d'Anfouchi (d'après ADRIANI 1940-1950a, pl. 45).

Surtout, un parent proche de la scène peinte du loculus figure sur un suaire de momie en lin (figures 49 et 54 ci-après), conservé à l'Université de Trèves (provenance inconnue)804. Il illustre la manière dont le 801

Une figure nue, de face, en geste de prière, est représentée sur une stèle du Caire datée de l'époque romaine, mais le cas est tout à fait exceptionnel : CGC 31126, dans SPIEGELBERG 1904, p. 50 et pl. 12. 802 ADRIANI 1940-1950a, p. 89-90 et pl. XLIII. MICHEL 1980, p. 377378 ; VENIT 1988, p. 88. 803 Au sud-est de Rome, la tombe du médecin grec Patron (Ier siècle av. J.-C.) renfermait également la représentation d'un jardin (BLANC, MARTINEZ 1998, part. p. 87 et fig. 34) ; elle était accompagnée d'une inscription (IG XIV, 1934 = IGUR III, 1303f) qui en précise la signification : il s'agit à la fois du souvenir des jouissances de la vie (πρὶν ζῶν ἀπεκαρπισάμην, l. 12) et de l'image de la place agréable espérée dans l'Hadès (ἰν Ἀίδῃ τερπὸν ἔχοιμι τόπον, l. 10). 804 Centre de Recherches de l'Égypte gréco-romaine de l'Université de Trèves, n° inv. OL 1997.11. La provenance pourrait être Saqqara, selon PARLASCA 1999, p. 249.

Figure 49. Détail d'un suaire de momie en lin peint de l'Université de Trèves, n° inv. OL 1997.11, époque romaine. (D'après GERMER 1997, p. 85, fig. 92).

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L'eau et la soif du mort À gauche de la scène du loculus enfin, Osiris est représenté en dieu des morts égyptien, anthropomorphe, momiforme et tenant les insignes du pouvoir : c'est une image traditionnelle du dieu qui est ici conservée (figure 50a), même s'il semble ne porter que la couronne blanche de Haute Égypte (ici peinte en vert) au lieu de la double couronne atef courante à partir du Nouvel Empire. Du reste, en commentaire de leur catalogue, J. Leclant et G. Clerc insistent sur "le peu de variété des représentations d'Osiris dans l'Égypte gréco-romaine ou dans le monde romain. L'iconographie demeure la même qu'à l'époque pharaonique, à part quelques variantes…"805. C'est en effet sous un aspect comparable qu'on le retrouve fréquemment sur les stèles, les sarcophages, les linceuls ou les parois des tombes grécoromaines d'Égypte, et déjà sur les peintures des deux tombes de Perséphone, dans la salle précédant la chambre funéraire des loculi du Hall de Caracalla (figure 50b)806.

nuit sans doute à l'équivalence, même si dans l'épitaphe alexandrine de Serapias (document 6 étudié supra), Isis intervient comme agent de l'offrande, divinité qui est parfois identifiée avec la déesse arbre à partir du Nouvel Empire807. Il faut sans doute plutôt se contenter d'admettre que la représentation d'Osiris s'explique par la popularité du dieu dans la société alexandrine, souvent signalée808 et déjà bien mise en évidence par les seules inscriptions étudiées précédemment. L'image offre dès lors un nouveau témoignage de l'importance du culte de la divinité dans l'Égypte gréco-romaine : la peinture et le formulaire écrit constituent deux expressions, formées probablement indépendamment sur des registres différents, de la même conception religieuse issue des traditions égyptiennes. En 1908, Fr.-W. von Bissing datait la peinture de la première moitié du II e siècle ap. J.-C. (l'époque d'Hadrien), sans réelle justification809. Récemment, I. Kaplan proposait une datation un peu antérieure : en comparant la représentation de l'uraeus sur le bandeau latéral droit du loculus avec celles des pilastres des deux tombes de Perséphone, sur lesquels on distingue un candélabre végétal, elle conclut à la contemporanéité des sépultures, à la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle ap. J.-C.810. La validité de cet argument apparaît cependant douteuse et l'uraeus présente beaucoup plus d'affinités, d'un point de vue iconographique, avec ceux de la tombe de Pétosiris à Mouzawwaga, selon le parallèle établi précédemment (figure 45a) ; mais cette tombe d'époque romaine n'est pas datée avec précision (peut-être le IIe ou le IIIe siècle, selon Fr. Dunand)811, pas plus que l'hypogée de Gabbari où se trouvent représentés les sphinx affrontés déjà évoqués (figure 46)812. La vignette du suaire de momie de L'Université de Trèves (figure 49) constitue le parallèle le plus intéressant, en reprenant de façon originale le thème de la déesse arbre, selon un schéma iconographique très proche de celui du loculus. Le document a été daté du Ier siècle ap. J.-C. par K. Parlasca, sur critères stylistiques ; la coiffure que porte le défunt serait caractéristique de cette époque813. Toutefois, comme l'estime A. Schweitzer, les représentations peintes sur le linceul (voir la figure 54) paraissent très éloignées du répertoire iconographique de cette période (représentation inhabituelle d'Anubis et du défunt s'abreuvant à un arbre), et inciteraient à abaisser

Figure 50. Représentations d'Osiris. a : tombe thébaine A4, Nouvel Empire (d'après KOEMOTH 1994, fig. 29, p. 239). b : paroi latérale gauche de la tombe 2 de Perséphone, Hall de Caracalla, Alexandrie, fin Ier-début du IIe siècle ap. J.-C. (d'après GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 376, fig. 17).

En revanche, la présence même d'Osiris dans la scène est particulière : il n'existe en effet aucun autre exemple iconographique connu d'une quelconque association entre Osiris et l'arbre distribuant les offrandes au mort. Ici pourtant, le dieu observe et paraît même présider la scène d’offrande, dans son naos. Peut-on dès lors supposer que la scène peinte est une stricte transposition iconographique de la formule grecque de l'eau fraîche étudiée précédemment, où Osiris est précisément le garant de l'eau à accorder au défunt ? Le motif de l'arbre, qui fournit au mort l'eau et les offrandes régénératrices, 805 806

807

BUHL 1947, p. 95 ; REFAI 2000, p. 385-386. À propos de l'importance d'Osiris à Alexandrie, voir en dernier lieu MALAISE 2005, p. 139-140. 809 Dans SCHREIBER 1908, p. 152. 810 KAPLAN 1999, p. 138-139. A.-M. Guimier-Sorbets et M. Seif el-Din établissent le parallèle entre les candélabres peints sur les piliers des deux tombes de Perséphone d'une part, et ceux de la Domus Aurea (construite entre 64 et 70 ap. J.-C.), ou représentés dans les provinces occidentales de l'Empire romain, de la fin du Ier ou du début du IIe siècle ap. J.-C., d'autre part : G UIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 406. 811 DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3256, sans argument développé ; voir aussi DUNAND 2000, p. 77. 812 HABACHI 1937, p. 270. 813 PARLASCA 1999, p. 249. 808

CLERC, LECLANT 1994a, p. 114. GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-DIN 1997, p. 369 et 381-382.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine fortement cette datation, vraisemblablement au IIIe siècle814. L'ensemble des peintures situées dans le Hall de Caracalla sont datées de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle ap. J.-C.815, datation qui correspond sans doute à celle du premier état du complexe funéraire. Si l'alignement régulier des cavités dans la salle d'inhumation collective témoigne d'un creusement prédéfini (probablement au moment de l'aménagement de la pièce), l'emplacement excentré du loculus n°18, auquel appartient la plaque peinte, suggère que son utilisation et sa fermeture ont pu avoir lieu longtemps après. Une datation de la représentation figurée au IIe siècle, voire au IIIe siècle de notre ère paraît donc tout à fait envisageable, en l'état actuel des parallèles établis.

mieux replacer les documents alexandrins dans le contexte particulier de l'Égypte impériale. Dans l'imaginaire des Égyptiens face à la mort, la soif est l'un des thèmes les plus récurrents, au moins à partir du Nouvel Empire818. À cette époque, l'espoir de "sortir au jour" (c'est-à-dire dans le monde des vivants) après le trépas est une des manifestations les plus tangibles de cette angoisse : le bien-être des défunts passe dès lors par le rafraîchissement procuré par le vent et l'eau, éléments terrestres, en particulier grâce à la promenade dans un jardin ombragé et doté d'un bassin, lieu d'abondance et de fertilité qui participe de la régénération du défunt819. C'est ainsi qu'à l'époque amarnienne, le mort demande : "Entrer et sortir de ma tombe, que je me rafraîchisse (qb) à son ombre, que je boive l'eau de mon bassin (mr) chaque jour, que tous mes membres soient vigoureux ; que Hâpy me donne des aliments, des offrandes, des plantes (de toutes sortes) à leur saison. Que je me promène au bord de mon bassin (š) chaque jour, sans cesse…" (traduction N. Baum)820. De même, dans la tombe d'Amenemhat (tombe thébaine 82) datée du règne de Thoutmosis III, à la XVIIIe dynastie, une inscription dépeint les aménagements, réels ou fictifs, qu'on a prévus pour le défunt : "Puisses-tu te promener autant que tu veux sur le beau bord de ton bassin, te plaire dans ta plantation, te rafraîchir sous tes sycomores, être rasséréné par le flot du puits que tu as creusé, pour l’éternité et à jamais" (traduction N. Baum, d'après J. Assmann)821. Ce paysage où se manifeste l'idéal de l'agriculteur égyptien rappelle les champs des Offrandes et les champs d'Ialou dans la géographie de l'Au-delà où le défunt, au chapitre 110 du Livre des Morts, est figuré moissonnant les blés ou ramant pour son plaisir dans les canaux822. Sur les parois des tombes thébaines, des peintures figurent fréquemment cet espoir : le défunt, représenté sous forme humaine et éventuellement accompagné d'un oiseau-âme (le ba du mort), est accroupi et boit l'eau d'une source à l'ombre d'un arbre, sycomore ou palmier-dattier (figure 51a)823. Sur un papyrus funéraire du Nouvel Empire encore, la défunte au visage souriant boit l'eau d'un étang où elle est immergée jusqu'aux genoux ; de chaque côté, deux arbres penchent dans sa direction, comme pour lui procurer l'ombre indissociable de son geste désaltérant (figure 51b)824. C'est également à la

3. 1. 3. Le désir de "rafraîchissement" du mort, fruit d'une rencontre pluriculturelle Que les Grecs d'Alexandrie aient adopté une formule à forte consonance égyptienne, au sujet du rafraîchissement du mort, ou qu'une figuration de la déesse arbre abreuvant une défunte en présence d'Osiris se retrouve sur la fermeture d'un loculus à Kôm el-Chougafa, cela n'est pas surprenant. La littérature moderne relative à la mort en Égypte évoque parfois les aspects positifs et gratifiants de l'Au-delà égyptien, qui auraient contribué à "l'acculturation funéraire" des nouveaux occupants816. Il convient pourtant d'insister sur le fait que les mêmes idées concernant la crainte d'être privé d'eau et le désir d'être désaltéré après la mort ont connu un développement parallèle en Égypte et dans les régions de culture grecque ou romaine817 : ainsi, plutôt qu'un simple emprunt, la construction d'images alexandrines sur ce thème à partir de symboles indigènes apparaît davantage comme le reflet d'interférences et d'amalgames religieux relatifs à l'espoir d'une pérennité heureuse dans la vie d'outre-tombe, au sein d'une population culturellement mixte qui cohabite depuis plusieurs siècles. Un aperçu de ces idées communes, dans les traditions égyptienne et hellénique, permettra ensuite de 814

Je remercie Madame A. Schweitzer, responsable des collections de l'Institut d'Égyptologie de l'Université de Strasbourg, pour avoir bien voulu me donner son opinion à ce sujet (communication personnelle, novembre 2006). R. Germer propose aussi une datation postérieure à celle de Kl. Parlasca, sans argument (GERMER 1997, p. 85-86) ; noter la contradiction entre la datation formulée dans le texte (IIe siècle), et celle indiquée dans la légende de l'illustration (IIIe siècle). 815 Après que G. Botti a considéré les peintures du vestibule du IIe siècle ap. J.-C. (BOTTI 1908, p. 365), A.-M. Guimier-Sorbets et M. Seif el-Din datent les peintures des tombes de Perséphone de la fin du Ier ou du début du IIe siècle (GUIMIER-SORBETS, SEIF EL-D IN 1997, p. 406) ; J.-Y. Empereur pense quant à lui que ces peintures associant les croyances égyptiennes et gréco-romaines doivent être du début du IIe siècle de notre ère (EMPEREUR 1998e, p. 172). 816 Selon l'expression de Fr. Dunand, dans DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 122 ; cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3299-3303 ; DUNAND 1997, p. 140 ; DUNAND, ZIVIE-COCHE 1991, p. 315. 817 Ce constat a anciennenemnt conduit certains auteurs à parler de "donnée universelle et instinctive", faisant partie du "patrimoine eschatologique commun à toute l'humanité", indépendante de toute particularité climatique locale : voir PARROT 1937, p. 86 et DEONNA 1939, p. 75-76.

818

Sur cette question, voir PARROT 1936, p. 172-173, et 178-181 ; à la suite d'A. Parrot, D. Delia a montré l'existence de la croyance dès le Moyen Empire, à l'appui des Textes des Sarcophages, en insistant cependant sur sa marginalité : DELIA 1992, p. 184 et n. 20. 819 HUGONOT 1989a, p. 169-170 ; CÉNIVAL 1992, p. 62-63 ; ASSMANN 2003, p. 321-337. 820 Dans ASSMANN 2003, p. 340 (Stèle du Musée du Louvre, n° inv. C55). Cf. ASSMANN, BOMMAS 2002, p. 352. 821 Dans ASSMANN 2003, p. 341 ; translittération : ASSMANN, BOMMAS 2002, p. 351-352. Même allusion au rafraîchissement procuré par l'eau et l'ombre des arbres dans une inscription de la tombe thébaine 48 : BAUM 1988, p. 32. 822 LECLANT 1975, col. 1157. Voir CÉNIVAL 1992, figures p. 75 et 76. 823 B. Bruyère notait d'ailleurs qu'à ces représentations, à Deir elMedineh, répondent systématiquement des installations de bassins miniatures dans les cours des tombes : DEIR EL-MEDINEH 1924, p. 10-15. 824 Le Livre des Morts illustre souvent, comme ici, ce désir de rafraîchissement : PARROT 1936, p. 180-181. CÉNIVAL 1992, fig. p. 62-63.

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L'eau et la soif du mort même époque que se répand l'image de la déesse arbre, garante du don de l'eau au défunt dans l'autre monde, comme nous l'avons évoqué à propos de la scène peinte sur la plaque de fermeture de loculus du Hall de Caracalla825. Du reste, sur un certain nombre de manuscrits attestés seulement à l'époque gréco-romaine (Livre des Respirations, Livre de parcourir l'éternité, Livre dit "Que mon nom fleurisse")826, la représentation de la divinité abreuvant le mort peut être associée à l'espoir d'accéder à l'eau terrestre de l'inondation. Ainsi, dans un papyrus hiératique thébain du Louvre (n° inv. N. 3279), daté de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle ap. J.-C. (second Livre des Respirations), la défunte s'exprime dans le texte qui accompagne la vignette : "Viens à moi, ô toi qui es l’eau du rajeunissement (littéralement "l’eau nouvelle"), chaque jour ! Puisses-tu rafraîchir mon cœur avec l’eau fraîche (littéralement "l’eau qui coule") de ton courant. [...] Ô Hâpy l’Ancien, puissé-je boire à satiété dans le courant de ton eau, car je suis quelqu’un qui se lève et s’assied. En tant qu’Hâpy l’Ancien. Puissé-je en user selon mon désir. Puisses-tu m’accorder la faculté d’user de cette tienne grande libation, de cette fraîcheur agréable!" (traduction J.-Cl. Goyon)827. Toutes ces métaphores, si fréquentes sur le mode écrit ou iconographique, sont évidemment destinées à affirmer la perpétuation de la vie, dont l'une des conditions essentielles est la possession de l'eau.

L'angoisse des Égyptiens devant la mort peut également se traduire par des images antithétiques de solitude et de privations dans l'Au-delà. Ainsi, dès le Moyen Empire et surtout à partir du Nouvel Empire, la crainte de manquer d'eau commence à s'exprimer. Le Livre des Morts, guide de l'âme au cours de son passage dans l'autre monde, s'en fait l'échoa: jusqu'à l'époque romaine, sur des papyrus déposés auprès de la momie, les formules magiques doivent prémunir contre les dangers et les tortures que risquent les défunts pendant leur voyage, comme manquer d'air (chapitre 57), ne disposer que d'eau chaude (chapitre 63), ou être réduit à manger ses excréments et boire son urine (chapitre 53), etc.828. Il ne s'agit là que de la condition précaire qui menace le mort lors de son voyage pour l'Au-delà, et qui conduira, si l'épreuve est surmontée, au séjour auprès d'Osiris. Mais déjà émerge parallèlement une vision pessimiste sur le sort définitif des défunts : dans une inscription hiéroglyphique de la tombe thébaine 137, pour un dénommé Moïse (XIXe dynastie, règne de Ramsès II), les hommes et les femmes qui assistent aux funérailles s'écrient : "Celui qui aimait à boire est au pays sans eau (...). Il passe devant toute sa famille, il est parti pour le pays de l’ombre éternelle, là où il n’y a pas de lumière." (traduction d'après E. Lüddeckens)829. Cette image négative et inquiétante de la mort semble se répandre aux époques plus tardives, par contraste avec les plaisirs regrettés de la vie ; or dans cet imaginaire, le manque d'eau apparaît comme une donnée majeure. À la XXIIe dynastie, Nébnétérou, prêtre d'Amon, décrit ainsi l'état de mort, sur une statue à son effigie : "j’ai passé ma vie à jouir de mes biens, sans souci ni maladie. J’ai embelli mes jours par le vin, et les parfums, et j’ai recherché pour mon cœur, le plaisir. Car je savais que dans la Vallée règne l’obscurité (...). Ce qui vient après la vie est douloureux, cela implique l’absence de ce qui jusque là était à toi, de ce qui t’appartenait (...), cela implique que l’on ne sait rien, que l’on dort quand le soleil est à l’orient, que l’on a soif à côté de la bière (...)." (traduction S. Schott)830. Plus tard, sur la stèle funéraire d'une petite fille nommée Isenkjebe831, l'épitaphe ne dit pas autre chose : "je suis dans la vallée funèbre, jeune fille, et je souffre de la soif (jb.kwj), alors qu’il y a de l’eau (mw) près de moi…" (traduction d'après K. Jansen-Winkeln). On comparera encore cette plainte à celle, bien connue et 828

BARGUET 1967 (éd. de 1994), p. 94-99 ; CÉNIVAL 1992, p. 61 ; ROSSINI, SCHUMANN-ANTELME 1995, p. 47-49. Ces mêmes idées émergeaient déjà dans les textes inscrits sur les parois internes des sarcophages du Moyen Empire : voir BARGUET 1986 ("Les dangers de l'au-delà et leur esquive"), en particulier p. 275-277 et 378-386. CARRIER 2004, t. 1, chap. 173-174 (p. 426-435), chap. 181 (p. 444-445), chap. 186 (p. 456-457), et t. 2, chap. 358-362 (p. 556-895). 829 LÜDDECKENS 1943, n°64, p. 134-135. 830 SCHOTT 1956 (éd. de 1992), n°66, p. 130 ; cf. K EES 1938, p. 78-79 (avec transcription hiéroglyphique et traduction) . 831 Document conservé au Musée des Antiquités de Leyde (V, 55). Le texte a été plusieurs fois publié, traduit ou commenté : voir notamment OTTO 1954, n°52, p. 187-188 ; LICHTHEIM 1980, p. 58-59 ; SCHOTT 1956 (éd. de 1992), p. 152-153, n°115 ; JANSEN-WINKELN 1993, p. 4447. La stèle, ornée d'un relief représentant la défunte adorant Isis, est datée de l'époque saïte pour certains (A. Erman, suivi par E. Otto), de l'époque ptolémaïque pour d'autres (P. Munro, suivi par K. JansenWinkeln).

Figure 51. Représentations du défunt dans l'Au-delà. a : tombe thébaine 290, Nouvel Empire (d'après LHOTE 1954, pl. 138). b : papyrus funéraire du Caire, n° inv. S.R.VII. 10247, XXIe dynastie (d'après BILLING 2002, p. 341, fig. A.18).

825

Voir supra, p. 103. Sur la littérature funéraire tardive, voir G OYON 1974, p. 73-81. 827 GOYON 1966, p. 53-57. Voir encore GOYON 1974, p. 7-9 (planche et description de la vignette) et p. 14-19 (datation du papyrus). 826

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine souvent commentée de Taimouthes832, femme de prêtre à la fin de l'époque ptolémaïque, particulièrement émouvante sur le sort amoindri et misérable qui est le sien dans l'Au-delà, après la longue narration de sa vie, et le conseil à son mari de profiter des jouissances terrestres : "L'Occident est une terre de sommeil et de ténèbres lourdes (…). L’eau vivante que la terre a pour qui est en elle, ce n’est plus ici que l’eau croupie pour moi : elle vient vers quiconque est sur terre, et elle est croupie pour moi, l’eau qui est près de moi ; je ne connais plus le lieu qui était à moi, depuis que je suis arrivée en cette vallée funèbre ; donnez-moi de l’eau courante à boire, me disant: “N’écarte pas ton vase à libations de l’eau!”. Mettez-moi la face au vent du Nord, sur le bord de l’eau, et que la fraîcheur en calme mon coeur de sa douleur !..." (traduction G. Maspéro).

d'eau aride", selon l'ingénieuse expression de P. Brunel837. Les trépassés se trouvent réduits à l'état d'ombres inconsistantes, sans conscience et "sans force", qui "dorment dans la mort"838. Et pour les réprouvés, ceux qui ont commis les pires fautes morales ou ceux qui n'ont pas reçu l'initiation de leur vivant (les "impies et les injustes" de Platon), l'une des condamnations consiste au croupissement éternel dans une eau sale et pervertie839. Chez Aristophane, les voyageurs qui arrivent aux régions infernales sont prévenus qu'ils vont trouver "une masse de boue et d'ordure sans cesse renouvelée", où sont jetés ceux qui ont pêché contre la morale traditionnelle, violé un serment, tué leur père, etc.840. Pour les âmes promises à l'immortalité au contraire, l'eau se fait bienfaitrice, apaisante et douce : quelle que soit la tradition considérée, celle des Champs Élysées transmise par Homère, ou celle des Îles des Bienheureux d'Hésiode et de Pindare841, les terres de félicité sont bordées par l'Océan, dont les brises "rafraîchissent" les lieux, et "redonnent souffle" aux âmes, selon l'interprétation du verbe ἀναψύχειν 842. La présence de l'eau est ici inséparable de ses vertus de fertilité et de vie : dans ces lieux "nourris par les eaux" 843, et dont le climat est toujours printanier, la nature prend des allures extraordinaires, livrant trois récoltes annuelles dans le récit d'Hésiode, et une luxuriante végétation d'arbres, de fleurs et de fruits dans les poèmes de Pindare844 ; ces traditions sont amplement reprises dans les inscriptions funéraires latines, qui évoquent la lumière, la floraison et les bois comme symboles du paysage élyséen 845. Ce sort de béatitude parfaite est l'exacte contrepartie de celui, misérable, que subissent les hommes dirigés vers l'Hadès, et c'est à l'eau et à ses vertus qu'il revient le mieux d'en rendre compte. Toutes ces images relatives à l'Au-delà, fixées dès l'époque archaïque et sans doute acceptées par un large public, sont encore bien connues des Grecs résidant en Égypte, dont les épitaphes évoquent par des

Des idées très semblables se retrouvent dans la pensée religieuse grecque833. Le rafraîchissement salutaire après la mort s'exprime en particulier dans l'imaginaire géographique des mondes de l'Au-delà, qui oppose, par l'antagonisme de la qualité de leurs eaux, l'Hadès inhospitalier du commun des mortels aux paysages de béatitude réservés aux élus. Dans les Enfers de la littérature homérique ou hésiodique, aux nombreux fleuves (Styx, Cocyte, Achéron, Pyriphlégéthon) dont les noms évoquent à eux seuls la souffrance et l'horreur 834, s'ajoute une atmosphère imprégnée d'humidité, moite et brumeuse835 ; à l'époque classique, chez Aristophane ou Euripide, la région est marécageuse, tout comme chez Virgile ou Hésychius, les fleuves infernaux sont caractérisés par la stagnation 836 : l'élément aquatique est donc omniprésent, mais il est boueux, putride et dénué de toute propriété rafraîchissante ou régénératrice : il est "une manière 832

Document du British Musem (n° inv. EA 147), et publié dans MASPÉRO 1886, p. 187-190, et plus récemment dans MAYSTRE 1992, n°201, p. 414-422, qui reprend la bibliographie antérieure. Cf. OTTO 1954, n°57, p. 190-194 ; LICHTHEIM 1980, p. 59-65 ; SCHOTT 1956 (éd. de 1992), n°114, p. 151-152. Voir encore les commentaires sur la pierre (et sa reproduction photographique) dans WALKER, HIGGS 2001, p. 186, n°193 (catalogue d'exposition). La date du décès, en 42 av. J.-C. (règne de Ptolémée XII), est indiquée dans le texte. 833 Nous tirons parti, au sujet des réflexions qui suivent, de notre étude passée, à ce jour inédite, sur le thème de La mort et l'eau en Grèce Ancienne aux époques archaïque et classique : TRICOCHE 1999, p. 8695 et 161-167. 834 Le Styx renvoie au "froid glacial" (στύξ), et constitue la racine de mots évoquant l'effroi (στύγος) et la haine (στυγνός, στυγνός, στυγεῖν) ; l'Achéron se rattache au terme ἄχος, "la douleur", ou dans son acception psychologique, "le chagrin" ; le Cocyte vient du verbe κωκύω, "pousser des cris de gémissements" et le Pyriphlégéthon évoque les brûlures du verbe φλεγέθω. La violence de ces fleuves s'exprime aussi dans l'agitation de leurs eaux : ainsi, dans la littérature homérique, ce sont des "fleuves hurleurs", aux "courants terribles" : HOMÈRE, Odyssée, X, 515 et XI, 157. Cf. LUCIEN, Sur le Deuil, 3. Voir BALADIÉ 1980, p. 23 et BERNAND 1985, p. 90-91. 835 Chez HOMÈRE, Odyssée, X, 512, "l'humide demeure d'Hadès", Ἀίδεω ἰέναι δόμον εὐρώεντα, plonge l'équipage d'Ulysse dans un épais brouillard (XI, 13-15). Hésiode le dépeint également comme "le séjour moisi de l'Hadès frissonnant", εὐρώεντα δόμον κρυεροῦ Ἀίδαοι (HÉSIODE, Les Travaux et les Jours, 153-154) ; cf. id., Théogonie, 738. 836 ARISTOPHANE, Grenouilles, 138-144 et 147 ; EURIPIDE, Alceste, 252-255 ; VIRGILE, Énéide VI, 323. Cf. Hésychius, s.v. "ἀχερούσια" : ὕδατα ἑλώδη ; PROPERCE, Élégie IV, 7, 50.

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BRUNEL 1974, p. 90 ; cf. RUDHARDT 1971, p. 91-92 et MILANEZI 1995, p. 233-234, qui souligne également cette caractéristique. 838 HOMÈRE, Odyssée, XI, 49, 147, 204-224, 478-491 ; XXIV, 5-14. 839 PLATON, Phédon, 69c : "celui qui arrivera dans l'Hadès sans être initié et purifié, sera précipité dans la fange" ; id., République, II, 363d ; PLOTIN, Énnéades, I, 6, 6. 840 ARISTOPHANE, Grenouilles, 145 et 273. 841 HOMÈRE, Odyssée, IV, 566-568 ; HÉSIODE, Les Travaux et les jours, 171 ; PINDARE, Olympique II, 70-72 ; ARISTOPHANE, Grenouilles, 448. Voir à ce sujet MOTTE 1971, p. 255-263 et DÉTIENNE 1981, p. 206-210 et 248. La description plus dépouillée des Champs Élysées de Virgile admet encore un décor naturel où l'eau contribue à la paix des âmes : "nous habitons dans les bois pleins d'ombres, nous hantons ces rives où nous reposons, ces prairies toujours fraîches auprès des ruisseaux" (VIRGILE, Enéide VI, 673-675). Cf. PROPERCE, Élégies, IV, 7, 60. 842 G ELINNE 1988, part. p. 230-231 ; PUGLIESE C ARRATELLI 2003, p. 52-53. 843 PINDARE, Olympique II, 133. 844 HÉSIODE, Les Travaux et les jours, 117-118, 172-173 ; PINDARE, Olympique II, 130-131 ; id., Thrènes, fragment 1. 845 CIL VIII, 15569 : par opposition au ténébreux séjour du Tartare, le défunt est accueilli dans les Champs Élysées "aux vertes prairies" (campos colis Elysios herbasque virentes) "couvert de fleurs cueillies dans les prés" (floribus asparsus iaces ex pratalibus arvis). Cf. WOLFF 2000, p. 77.

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L'eau et la soif du mort formules traditionnelles l'Achéron, l'Hadès ou le sort réservé aux bienheureux, aux époques hellénistique et romaine846. à l'instar de la tradition religieuse égyptienne, le rafraîchissement comme espérance post-mortem est également connu par le thème de la soif du mort. Le mythe de Tantale et son châtiment dans les Enfers, transmis par la νέκυια de l'Odyssée, témoigne bien de cette croyance : "J'ai vu (dit Ulysse) Tantale souffrant des douleurs cruelles, plongé dans un lac dont l'eau atteignait à son menton ; il voulait boire et ne le pouvait, car à chaque fois que le vieillard se penchait pour se désaltérer, l'onde disparaissait absorbée, et la terre noire montait autour de ses pieds, desséchée par un dieu" (traduction V. Bérard) 847. La frustration de la proximité de l'eau et de la soif dévorante non apaisée donne sens à la torture du condamné. Dix siècles plus tard, la littérature comme l'iconographie se font encore l'écho du mythe. Au II e siècle ap. J.-C., dans un dialogue imaginé par Lucien de Samosate entre Tantale et le Ménippe, ce dernier conclut : "ni toi, ni aucun mort ne boira jamais ; c'est impossible. Cependant, tous ne sont pas condamnés, comme toi, à une soif perpétuelle,

tandis que l'eau s'échappe de leurs mains" (traduction J. Bompaire) 848. Ainsi, en niant la croyance selon laquelle les morts ont besoin de boire, les sceptiques, auxquels Lucien appartient, reconnaissent son existence, répandue dans l'ensemble du monde gréco-romain 849. La croyance se retrouve d'ailleurs sur une scène peinte, contemporaine de l'œuvre de Lucien, dans une tombe de la nécropole d'el-Aouatin, à Tyr (figure 52) 850 ; nous reprenons pour l'occasion la description de M. Dunand, qui découvrit la tombe en 1938 aux côtés de J.-P. ReyCoquais : "Le corps presque nu, vêtu d'un simple pagne et coiffé d'un bonnet, Tantale a les pieds qui disparaissent dans l'eau. Il se penche, tend les bras abaissés en avant, les mains ouvertes, pour la porter à ses lèvres : il ne peut l'atteindre. Sur les bords de cette eau des arbres étalent leur feuillage, des oliviers sont chargés de fruits : sa main s'en approchera mais n'en saisira aucun. Derrière lui, de belles grenades sur arbre, bien chauffées au soleil, ont atteint à la belle couleur cuivrée de leur maturité : il ne les cueillera pas. Dans le haut, en lettres d'un trait ferme, le nom de Tantale est écrit.".

Figure 52. Représentation peinte du mythe de Tantale, tombe de Tyr, nécropole d'el-Aouatin, IIe siècle ap. J.-C. (D'après DUNAND, REY-COQUAIS 1965, p. 19, fig. 2).

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Pour les allusions à l'Hadès, voir BERNAND 1969, n°10, p. 75-76, n°12, p. 83-84, n°84, p. 332-333, etc. Le monde des Bienheureux est également évoqué : ibid., n°11, p. 80-81, n°13, p. 85-86 et n°38, p. 189191 ; BERNAND 1992a, n°93, p. 144-145. Cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3303-3304 ; DUNAND, ZIVIE-COCHE 1991, p. 314-315. 847 HOMÈRE, Odyssée, XI, 582-586. Voir les différentes interprétations du mythe dans DEONNA 1939, p. 65-67. Il est à noter que l'Égypte connaît à Basse Époque un châtiment similaire, conservé sur un papyrus démotique du Ier siècle ap. J.-C. (British Museum, n° inv. 604) : les condamnés "étaient là avec des aliments, eau et pain, suspendus audessus d'eux ; lorsqu'ils se haussaient pour les attraper, d'autres gens enlevaient avec une grande pelle sous leurs pieds, pour qu'ils ne puissent pas les atteindre…" (traduction G. Roeder, dans DUNAND, ZIVIE-COCHE 1991, p. 313).

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LUCIEN, Dialogues des morts, 17 ; cf. id., Charon, 22 ; PROPERCE, Élégies, IV, 5, 2. 849 LUCIEN, Sur le deuil, 9, reprend la pensée de ses contemporains en s'exprimant ainsi : "Les morts se nourrissent des mets que nous apportons sur la tombe, et boivent le vin que nous répandons dessus, si bien qu'un mort à qui on n'apporte rien est condamné à une faim éternelle" ; Cf. LUCRÈCE, III, 916 ; IG XIV, 1746 = IGUR III 1245 (Rome, IIIe siècle ap. J.-C.) et IG XIV, 1973 = IGUR III, 1146 = GV I, 1830 (Rome, IIIe siècle), où la défunte Prôtê, accueillie au pays des bienheureux, "ne connaît ni la faim ni la soif" (l. 11).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Les témoignages les plus explicites de ce désir impérieux de la boisson rafraîchissante sont connus au travers des sources relatives aux doctrines eschatologiques des religions à Mystères. Sur une série de lamelles d'or retrouvées dans des sépultures de Grande-Grèce, de Crète et de Thessalie, datées entre la fin du Ve et le IIIe siècle av. J.-C., sont inscrites les instructions destinées à guider dans l'autre monde l'âme initiée à une doctrine mystérique, longtemps attribuée uniformément à la religion orphique851. Les morts, initiés ou pas, sont dévorés par la soif : δίψαι δ᾽ εἴμ᾽ αὖος καὶ ἀπόλλυμαι, ou δίψαι αὖος ἐγὼ καὶ ἀπόλλυμαι, "je brûle de soif et je défaille", répète-t-on sur dix de ces documents actuellement répertoriés. Dans le mythe d'Er de Platon, les défunts destinés à revenir sur terre se rassemblent dans la plaine du Léthé, suffocante de chaleur, s'abreuvent de l'eau du fleuve Ἀμελής et oublient tout ; les plus avisés en boivent modérément, afin d'avoir moins de peine à se souvenir852. Sur quelques lamelles, dont la doctrine exprimée dérive de conceptions religieuses communes qui relèvent de la pure eschatologie orphicopythagoricienne connue de Platon, les âmes inconscientes courent vers une source pour s'y rafraîchir (du verbe ψύχονται) 853, annonçant une nouvelle existence temporelle par l'oubli de leur vie passée ; celles des mystes espèrent au contraire éteindre leur soif avec l'eau froide du lac de Mnémosyne, qui leur permettra d'accéder au dépassement de leur sort de mortel par le souvenir de leurs expériences vécues sur terre.

alors que ces conclusions avaient été depuis longtemps remises en question et que l'idée d'une origine égyptienne de la formule avait été prise en considération, l'on acceptait encore l'idée d'un emprunt au formulaire orphique dans la conception de la prière alexandrine, emprunt désormais réduit à la seule évocation de l'eau fraîche855. Toutes ces hypothèses paraissent dénuées d'arguments solides. La marginalité des affinités n'autorise pas à supposer une relation de dépendance, même indirecte, avec l'imaginaire orphique. Outre le fait que les épitaphes grecques invoquent Osiris (ou Hadès, par assimilation à Rome) et ignorent Mnémosyne, dont le nom est le signum de la religion orphico-pythagoricienne, il n'y a rien qui ramène à cette vision bien particulière, selon laquelle les mystes admis à se désaltérer à l'eau froide accéderont à la mémoire, et par là même à la libération de leur condition de mortel. L'analogie strictement formelle du ψυχρὸν ὕδωρ dans les deux formulaires est elle-même tout à fait secondaire et ne peut pas être considérée comme un argument pertinent : dans le monde grec, l'association du substantif ὕδωρ et de l'adjectif ψυχρός, loin d'être réservée au vocabulaire spécifiquement orphique, s'emploie couramment dans la littérature, et l'expression est toute à fait habituelle pour désigner une eau vive, adaptée notamment à la boisson ou à la baignade856. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'elle ait été adoptée dans les épitaphes grecques pour désigner l'eau osirienne, pure, renouvelée et désaltérante entre toutes, sans qu'il soit besoin de supposer la possibilité d'une quelconque source d'inspiration avec la formule mnémosynienne de l'eau froide, dont la diffusion dans le temps et dans l'espace demeure d'ailleurs très limitée, d'après les découvertes faites à ce jour857. Cette tendance, dans cet exemple précis, à rechercher absolument dans le monde grec les sources premières

L'expression ψυχρὸν ὕδωρ employée systématiquement au sujet de la source Mnémosyne dans les lamelles d'or, peut dans une certaine mesure rappeler le souhait qu'Osiris accorde l'eau fraîche au mort. Cette équivalence a même convaincu certains historiens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle de l'origine religieuse grecque de l'eau souhaitée pour le défunt dans l'Au-delà dans les épitaphes alexandrines, perçue comme une réminiscence de la croyance orphique, récupérée et reformulée par les Grecs d'Égypte au contact des conceptions religieuses indigènes854. Plus récemment,

peut admettre "que la conception tout entière soit purement égyptienne et ait été importée d'Égypte" ; cf. LÉVY 1927, p. 304-307, qui critique le premier la théorie, et fournit la bibliographie des auteurs qui s'y sont ralliés jusqu'au début du XXe siècle. 855 Voir en particulier LÉVY 1927, p. 307-308 : "il n'est pas interdit de se demander si ce n'est par suite d'une réminiscence de δότ᾽αἶψα ψυχρὸν ὕδωρ qu'il (le ψυχρὸν ὕδωρ) a été introduit dans la formule osirienne … parmi les Grecs d'Égypte … familiarisés avec les doctrines analogues des mystères helléniques". L'hypothèse d'I. Lévy est reprise par A. Parrot (PARROT 1937, p. 85-86), et plus récemment encore par R. A. Wild (WILD 1981, p. 124-125). D. Delia a cherché à montrer, au contraire, que l'influence de l'Égypte aurait joué sur la conception de la formule orphique (DELIA 1992, part. p. 188-189). Déjà en 1971, G. Zunst faisait pourtant remarquer, à juste titre, que "the analogies between the tablets and the Osiris formula would be insufficient to demonstrate their interrelation (…). Their similarity is confined to the wish for a cool drink fort the dead ; and this (…) is not enough." (ZUNST 1971, p. 369-370). 856 Cf. LSJ, s.v. "ψυχρός" ; une recherche sur le Thesaurus Linguae Graecae (novembre 2006) donne un résultat de 206 occurrences pour l'expression ψυχρὸν ὕδωρ, à quoi on peut encore ajouter 190 occurrences pour celle de ὕδωρ ψυχρὸν, et plusieurs centaines d'autres où les deux termes, à quelques mots d'intervalle, sont associés dans une même phrase. 857 Seulement quatre documents, dont trois provenant de Grande Grèce et une de Thessalie, datés entre la fin du Ve et le IIIe siècle av. J.-C. : PUGLIESE CARRATELLI 2003, IA1 à IA4, p. 33-74. La lamelle de Pétélie a été retrouvée dans une tombe datée du IIe ou du IIIe siècle ap. J.-C., mais il s'agit manifestement d'un remploi, plus de cinq siècles après la fabrication de l'objet. ZUNTZ 1971, p. 355-356.

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La tombe même a déjà été évoquée dans cet ouvrage, au sujet de la citerne située à l'entrée : supra, p. 29 et fig. 12. Pour la scène figurée de Tantale, voir DUNAND, REY-COQUAIS 1965, p. 20-22. 851 Parmi l'abondante bibliographie sur ces lamelles, voir le récent ouvrage de G. Pugliese Carratelli (abrégé PUGLIESE CARRATELLI 2003), et en dernier lieu l'article de M.B. Hatzopoulos, "De vie à trépas : rites de passage, lamelles dionysiaques et tombes macédoniennes", in : A.M. Guimier-Sorbets, M.B. Hatzopoulos, Y. Morizot (éd.), Rois, cités, nécropoles. Institutions, rites et monuments en Macédoine, Actes du colloque de Nanterre (décembre 2002) et d'Athènes (janvier 2004), Athènes, 2006, p. 131-141. Sur l'amalgame couramment opéré entre l'orphisme et d'autres inspirations mystériques, démétriaque ou dionysiaque : PUGLIESE CARRATELLI 2003, p. 10-14. 852 PLATON, République, X, 621a. À comparer avec la tradition suivie par VIRGILE, Enéide VI, 748-751 : les âmes débarrassées de leurs souillures sont admises à boire l'eau du Léthé, pour retourner à la vie terrestre ; il n'est pas question ici du sort des âmes supérieures, vouées à l'immortalité par la pleine conscience de leur vie passée. 853 PUGLIESE CARRATELLI 2003, p. 52-53. 854 LAFAYE 1884, p. 96 ; DIETERICH 1893, p. 95 ; CUMONT 1906 (éd. de 1963), p. 246, n. 112, qui parle d'une "même croyance", ou EITREM 1915, p. 108 ; et encore ROHDE 1928 (éd. de 1999), p. 584, n. 1, qui ne

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L'eau et la soif du mort d'une formule manifestement élaborée en Égypte et au contact de ses propres traditions, sous-estime la complexité des phénomènes d'interférences culturelles, susceptibles d'engendrer des formes religieuses nouvelles, spontanées et composites, longtemps résumées dans le concept de syncrétisme858. Ainsi, le thème du rafraîchissement du mort, exprimé par le biais de l'écrit ou de l'image, révèle comment, au départ d'idées communes sur l'Au-delà, la population hellénisée d'Égypte a pu être amenée à faire coexister ou même fusionner dans un langage inédit deux patrimoines religieux distincts et bien établis. Quelques exemples choisis seront examinés pour le montrer.

à son autorité divine ? La mixité de l'identité religieuse du mort et de l'idéologie exprimée sur la stèle ne permet pas de se prononcer. Toutefois, il n'y a pas ici de confusion possible entre les deux univers mentaux : des conceptions grecques et égyptiennes sur l'Au-delà s'associent mais restent bien distinctes, et l'on ne peut pas reconnaître dans l'eau du Léthé, malgré la proposition d'E. Bernand, "la transposition d'une formule et d'une croyance égyptienne"863.

Sur la stèle funéraire d'un certain Apollôn (ou Apollôs) 859, originaire de Lycopolis en Haute Égypte, mort à seize ans à Alexandrie et probablement enterré à Abydos, l'épitaphe, exprimée en langue grecque, juxtapose des images grecques et égyptiennes sur l'Audelà : le défunt déclare siéger désormais dans la suite d'Osiris abydénien (Άβυδηναίου τὸν Ὀσείριδος ἀμφιπολεύω, v. 5)860, conformément à la vision égyptienne du sort des "justifiés", tout en évoquant, dans la tradition religieuse grecque, la plaine élyséenne des bienheureux (μακάρων Ἠλύσιον πεδίον, v. 8) à laquelle Hermès l'a conduit, et l'onde de l'Oubli qu'il s'est gardé de boire (Λήθης οὐκ ἔπιον λιβάδα, v. 10), comme signe de sa nouvelle condition d'immortel. La scène figurée audessus de l'épitaphe est quant à elle tout à fait conforme au répertoire iconographique égyptien, tant du point de vue de la représentation des personnages (costumes, attitudes) que des techniques utilisées (relief en creux, conventions graphiques) : c'est l'arrivée du mort dans l'Au-delà, accompagné par Anubis à tête de chacal qui le tient par le bras (assimilé ici à Hermès par l'analogie de leurs fonctions psychopompes861) et accueilli par Osiris, sous un disque solaire entre deux uraei (figure 53) 862. Le défunt était-il issu d'un milieu égyptien fortement hellénisé, acquis à l'imaginaire grec des paysages de béatitude, ou était-il un Grec de souche, suffisamment imprégné de culture indigène pour se faire représenter en égyptien, rechercher la proximité d'Osiris et se soumettre

Figure 53. Stèle funéraire d'Apollôn (ou Apollôs) de Lycopolis, haute époque romaine (d'après BERNAND 1992a, pl. 54).

En revanche, du point de vue de l'amalgame des conceptions religieuses liées à l'eau dans l'Au-delà, l'épitaphe du soldat Eubios864, datée de l'époque romaine et formulée en langue grecque, présente un intérêt remarquable : "Eubios, fils d’Andromachos, repose près de moi, passant. – Je vous en conjure, mes compagnons de tente et d’armes, si vous passez par Arusa, versez sur moi des gouttes de l’eau du Nil, et dites : “Excellent Eubios, mort prématurément, salut.”. Quant à moi, en effet, je ne verrai plus les traits de mes parents, ni de ma femme. Ma patrie m'a privé d'enfant. Je ne boirai pas non plus l'onde fraîche de l’Océan (Ὠκεανοῦ ψυχρὸν ὕδωρ). L'an V, le 18 d'Épiphi. Il était âgé d'environ 25 ans. Kallis a écrit (l'inscription)." (traduction E. Bernand). La souffrance de l'inaccessibilité de l'eau désaltérante, la soif du mort et le désir angoissé d'en être apaisé sont des thèmes partagés par les religions grecque et égyptienne. La formulation de la supplication est donc ambiguë : elle rappelle autant les regrets exprimés par Nebnérétou, Isenkjebe ou Taimhouthes, précédemment évoqués, que les textes des lamelles d'or de Grande-Grèce et plus largement les épitaphes grecques d'Égypte exprimant les

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Plusieurs publications, issues de colloques sur ce thème, sont à signaler : P. Lévêque (éd.), Les syncrétismes dans les religions grecque et romaine, Paris, 1973 ; Fr. Dunand (éd.), Les syncrétismes dans les religions de l'Antiquité, Leyde, 1975 ; ead., Mystères et syncrétismes, Paris. 1976 ; ead., Les syncrétismes religieux dans le monde méditerranéen antique, Rome, 1999. Pour l'historique et la critique du concept de syncrétisme, voir en dernier lieu COLIN 2005. 859 Stèle du Musée du Louvre, n° inv. N 329, datée de la haute époque impériale, sur critères paléographiques ; lieu de découverte inconnu. BERNAND 1969, n°73, p. 294-303, et BERNAND 1992a, n°93, p. 144145, et pl. 54. Cf. VÉRILHAC 1978-1982, t. 1, p. 277-280 ; DUNAND 1986, p. 30-31. 860 Au culte d'Osiris était particulièrement attachée la région d'Abydos, où était censé se trouver le tombeau de la divinité. Voir à ce sujet BERNAND 1969, p. 299-300. 861 Sur l'Hermès psychompompe : VÉRILHAC 1978-1982, t. 2, p. 303307. 862 Le motif est bien connu dans l'iconographie funéraire égyptienne de cette époque : CGC 22206, dans KAMAL 1904-1905, p. 198-199 et pl. 71 ; MUNRO 1973, stèle Theben IV E, p. 244 et pl. 20, fig. 73 ou stèle Kairo T.28/6/24/5, p. 260 et pl. 27, fig. 99.

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BERNAND 1969, p. 302-303 ; cf. BERNAND 1992a, p. 145. Stèle funéraire du British Museum, n° inv. 1077. J OUGUET 1896, p. 433-435 ; BERNAND 1969, n°13, p. 85-89, et pl. 55. Cf. DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3290. 864

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine regrets de la vie perdue ; le sort d'Eubios s'apparente à la morne destinée des habitants de l'Hadès grec et de l'Amenty égyptien. On se demandera donc en vain – la question n'aurait du reste pas beaucoup de sens – à quelle religion établie la stèle d'Eubios, grec de nom et de langue, se rattache précisément, tant les idées se confondent sur ce point. L'allusion à l'eau du Nil et à l'Océan n'a d'ailleurs pas forcément dans le cas présent un sens religieux implicite. Dans la pensée égyptienne, le fleuve prend mythiquement sa source dans le Noun primordial, l'océan à l'origine de tout865a; chez les Grecs, dans la tradition d'Homère, d'Hésiode ou de Pindare, l'Océan borde et rafraîchit les terres bienheureuses866. Mais c'est ici l'eau terrestre (et, en toute logique, l'eau du Nil ou de l'Océan, selon l'amalgame grec867) que le défunt regrette et demande à ses compagnons.

d'Anubis derrière une momie couchée sur un lit léontomorphe, vases canopes représentant les fils d'Horus, Osiris momiforme, etc. Sur quatre de ces linceuls (figures 55 à 58 ci-après) 872, une des vignettes, toujours située en haut à gauche, présente un motif original jusqu'à présent peu étudié873, voire ignoré en raison de la détérioration du tissu874 : selon un schéma iconographique parfaitement similaire, presque stéréotypé, un homme debout lève les bras pour manipuler de ses deux mains un chadouf, schématisé en quelques traits par deux fines branches formant un coude et terminées en bas par un récipient semi-cylindrique. Le personnage porte toujours le même vêtement (autant qu'on puisse le distinguer), une courte tunique blanche à larges manches, bouffante au niveau de la ceinture et laissant entrevoir les cuisses, ainsi qu'un bonnet conique dans les tons ocre875. Ce costume, caractéristique des cultivateurs dans les représentations de l'art égyptien tardif, peut donc être aisément mis en rapport avec l'activité à laquelle cet homme se livre ici876. D'autres éléments viennent s'agréger à l'ensemble : sur au moins deux linceuls, une construction a été dessinée en arrièreplan de la petite scène, sous la forme d'une pyramide à degrés (Berlin 11651, figure 55b) ou d'une structure dotée d'une porte et de créneaux (Moscou 5749, figure 58a). En outre, pour chacune des quatre représentations l'artiste a ajouté de petites ombres noires, figurées de façon minimaliste, nues, au visage sans trait et aux jambes et bras exagérément fins et longs, dans une attitude de mouvement : tandis que certaines évoluent sur le monument en levant ou en écartant leurs bras, d'autres semblent s'agripper aux jambes du personnage central et au chadouf, dont le seau de puisage constitue l'attrait principal (sur le linceul Berlin 11651, l'une de ces figures se maintient dans un équilibre instable pour atteindre le récipient et plonger la tête dedans).

Un thème iconographique original, lié à l'angoisse de la soif du mort, permet encore d'insister sur cette confusion des genres culturels et religieux. Sur une petite série de tentures peintes de Saqqara868, acquises à la fin du XIXe siècle et datées du Haut-Empire romain 869, le défunt situé au centre présente la particularité d'être représenté à la manière gréco-romaine, aussi bien dans les traits de son visage que dans le costume qu'il porte (une tunique blanche éventuellement recouverte d'un himation). Il est accompagné d'Anubis, à droite, et d'Osiris, à gauche, figurés à l'égyptienne : Anubis, guide du défunt, prend la forme d'un homme à tête de canidé et à la peau noire, et pose sa main droite sur l'épaule du mort870 ; Osiris anthropomorphe et momiforme, de face, porte la couronne atef par dessus une perruque ou un nemes, et le plus souvent une barbe postiche ; la gaine dont il est revêtu est ornée d'un motif quadrillé ; dans ses mains ramenées sur la poitrine, il tient en général les insignes du pouvoir, le flagellum et le sceptre heqa 871. En arrière de la scène, le décor reproduit en petits tableaux superposés des scènes traditionnelles de l'art égyptien, empruntées au Livre des Morts : pesée de l'âme, image

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Paris, Musée du Louvre, n° inv. N 3076 ; Moscou, PuschkinMuseum, n° inv. 4229 / I 1a 5749 et 4301 / I 1a 5747 ; Berlin, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung. PARLASCA 1969-2003, t. 1, n°39, p. 67, t. 2, n°324, p. 48-49, n°325, p. 49 et t. 4, n°324, p. 48-49 ; cf. MORENZ 1957, p. 52-70 ; LOUVRE 1997, p. 49-51 ; PARLASCA 1999, p. 246 et 261. 873 Qu'il s'agisse de notices d'inventaires, de catalogues ou d'analyses thématiques comparatives, l'accent est prioritairement mis sur la scène centrale, en privilégiant les modes de représentation d'Osiris ou les traits du défunt, tandis que les petits tableaux latéraux sont le plus souvent simplement signalés comme autant d'évocations de l'Au-delà égyptien. 874 L'identification de la scène dans la vignette supérieure gauche a été abordée isolément, à l'exception du linceul conservé à Moscou sous le numéro 5749, en raison de son état très dégradé à cet endroit : voir la reconstitution personnelle proposée, figure 58b, qui complète celle de L. Kákosy, qui ne reconnaît pas la scène : KÁKOSY 1971, p. 97, fig. 1a. 875 Outre le fait que la représentation sur le linceul Moscou 5747 se distingue par son raffinement stylistique et la finition de son trait (comme du reste l'ensemble de la pièce), les couleurs varient sensiblement, avec l'emploi du bleu pour le bonnet et de l'ocre pour la chemise, qui est également rehaussée d'un trait noir au niveau des manches (figure 57). 876 Cf. LEFEBVRE 1924, pl. 14. Il apparaît en tout état de cause exclu d'identifier ce personnage au dieu phrygien Attis, parèdre de Cybèle, comme le fait pourtant S. Morenz, en tenant compte du costume certes assez similaire dont il est parfois revêtu (MORENZ 1957, p. 59 et n. 27). À titre de comparaison, voir les représentations d'Attis, dans VERMASEREN 1986, part. p. 22-39 et figures.

865

HÉRODOTE, II, 21 ; DIODORE DE SICILE, I, 5-6. Voir BOHRMANN 1992, p. 176-179 ; MEEKS 1979, col. 434-435. 866 HOMÈRE, Odyssée, IV, 561-569 ; HÉSIODE, Les Travaux et les jours, 169-173 ; PINDARE, Olympique II, 123-135. 867 DIODORE DE SICILE, I, 5 ; voir BERNAND 1969, n°5, p. 53-54. 868 L'ensemble de ces documents est nommé par Kl. Parlasca "groupe Moscou-Berlin", d'ailleurs un peu improprement, puisque deux exemplaires sont conservés au Musée du Louvre (PARLASCA 1966, p. 168-172). Voir encore, au sujet des linceuls peints d'époque romaine, DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3280-3283. 869 Ces linceuls, qui appartiennent manifestement à un même ensemble, ont pourtant reçu une datation s'étalant entre le Ier siècle et le IIIe siècle sur critères iconographiques. À partir de cette contradiction, Chr. Riggs s'est récemment livrée à une observation globale du style et à une comparaison des différents motifs représentés : elle suggère de situer le groupe dans le courant du Ier siècle, et sa production dans un même atelier (RIGGS 2005, p. 170-172). 870 Sur le linge funéraire d'une défunte, accompagnée de son enfant, Anubis semble remplacé par une divinité féminine (Moscou, 4301 / I 1a 5747, voir notre figure 57). 871 Selon S. Morenz, le mort serait en fait représenté deux fois, sous sa forme de vivant et sous la forme osirienne à laquelle il espère accéder : MORENZ 1957, p. 59 et 1969, p. 75-91 ; cf. PARLASCA 1966, p. 171-172 et 1999, p. 361).

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L'eau et la soif du mort

Figure 54. Suaire de momie en lin peint (Centre de Recherches de l'Université de Trèves, n° inv. OL 1997.11, provenance inconnue), époque romaine (d'après GERMER 1997, p. 86, fig. 93).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 55. Linceul du Musée égyptien de Berlin, n° inv. 11651 (Saqqara, Ier siècle ap. J.-C. ?). Ensemble de la pèce (a, d'après PARLASCA 1999, p. 260, n°165) et détail de la scène du chadouf (b, d'après MORENZ 1957, p. 55, fig. 3).

Figure 56. Linceul du Musée du Louvre, n° inv. N3076 (Saqqara, Ier siècle ap. J.-C. ?). Ensemble de la pièce (a, d'après LOUVRE 1997, fig. p. 51) et détail de la scène du chadouf (b, © Réunion des musées nationaux).

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L'eau et la soif du mort

Figure 57. Linceul du Puschkin-Museum de Moscou, n° inv. 4301 / I 1a 5747 (Saqqara, Ier siècle ap. J.-C. ?). Ensemble de la pièce (a, d'après PARLASCA 1999, fig. p. 247) et détail de la scène du chadouf (b, idem).

Figure 58. Linceul du Puschkin-Museum de Moscou, n° inv. 4229 / I 1a 5749 (Saqqara, Ier siècle ap. J.-C. ?). Ensemble de la pièce (a, d'après PAVLOV 1965, fig. 24) et détail de la scène du chadouf (b, dessin A. Tricoche, d'après la photographie de détail, dans STRICKER 1962, pl. 4).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 59. Détail d'un linceul de momie du Musée du Louvre, n° inv. E 32634 ; nécropole de Meir, IIe siècle ap. J.-C. (d'après PARLASCA 1999, p. 312, fig. 206g).

Figure 60. Fragment de cartonnage de momie du Musée égyptien de Berlin ; provenance inconnue, époque romaine (d'après MORENZ 1957, p. 61, fig. 5).

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L'eau et la soif du mort Comme l'a souligné N. Cherpion, les représentations de chadouf sont rares dans l'art égyptien pharaonique et se cantonnent dans l'illustration de scènes de vie quotidienne agricole peintes dans quelques tombes du Nouvel Empire (dans la tombe thébaine 217 d'Ipouy, voir supra, figure 14b) 877. En réapparaissant à l'époque romaine, le motif semble prendre une connotation funéraire nouvelle et exclusive, non seulement sur les tentures de Saqqara, mais aussi de façon explicite sur plusieurs enveloppes de momies – conservées à Paris (linceul de la nécropole de Meir, Moyenne Égypte)878, Londres et Berlin (deux linceuls879 et un fragment de cartonnage880 de provenance inconnue) – où interviennent des icônes propres à l'iconographie traditionnelle égyptienne (figures 59 et 60 ci-dessus) : des oiseaux à tête humaine (baou du mort) boivent l'eau tombée au sol ou la recueillent des deux mains, d'autres aux ailes déployées volent au-dessus de la scène ou sont posés sur le balancier de l'instrument hydraulique. Sur le fragment de cartonnage (figure 60) ainsi que sur le linceul du British Museum, l'image du chadouf est associée à celle de la déesse arbre, avec le remplacement de son axe vertical par les branches souples et fleuries d'un arbre qui semble le maintenir en équilibre, et sous lequel une femme distribue l'eau. Sur les linceuls de Saqqara, la stylisation schématique du motif du chadouf et l'intervention des petites figures énigmatiques constituent des particularités remarquables, qui s'écartent du style des autres représentations égyptiennes connues. Selon l'interprétation couramment adoptée, les ombres noires seraient des sortes d'âmes (des réprouvés ?) recherchant désespérément à apaiser leur soif, tandis que le paysan est identifié à un bienheureux (peut-être le défunt lui-même) préservé de ces tourments881. Quoi qu'il en soit, si la petite image constitue un résumé efficace des croyances assimilées par la population égyptienne sur l'angoisse du manque d'eau dans l'Au-delà, la liberté prise face aux conventions artistiques égyptiennes semble adapter le motif à l'imaginaire relatif au sort des défunts dans la religion gréco-romaine. Ainsi, l'originalité de la représentation trouve peut-être sa raison d'être dans le portrait culturel mixte des défunts concernés, qui adoptent ostensiblement

une figuration gréco-romaine – la nudité des pieds suggère du reste l'idée d'héroïsation du mort, selon un modèle iconographique répandu –, mais qui dans le même temps se réfèrent explicitement aux divinités égyptiennes. La croyance en la soif du mort, née spontanément de la fonction vitale de l'eau, existe aussi bien dans les mondes grec, romain ou égyptien ; or, au travers des inscriptions funéraires recensées, le liquide apparaît bien, à Alexandrie, comme un élément majeur pour la survie des défunts, en particulier pour ceux acquis à la religion égyptienne. À quelle réalité rituelle correspondent ces idées sur l'Au-delà ? Au terme de la réflexion, cette question liée à la pratique concrète des offrandes liquides à la tombe, reste en dernier lieu à élucider. 3. 2. D ES OFFRANDES D'EAU AUX MORTS À ALEXANDRIE ? Deux tables à offrandes égyptiennes ont été mises au jour, non pas en contexte funéraire proprement alexandrin, mais dans les nécropoles hellénistique et romaine de Plinthine et de Marina el-Alamein. À Plinthine, la fouille de la tombe 6 sous la direction d'A. Adriani en 1937 a révélé la présence d'une table anépigraphe en calcaire882, de forme presque carrée (0,31 m x 0,30 m ; hauteur : 0,13 m), et dont la fonction apparaît claire : le plateau étant encadré d'une rigole et terminé par un déversoir, l'objet répond aux critères bien connus des tables à offrandes de type égyptien où, depuis l'époque pharaonique jusqu'à la période romaine, l'on déposait des aliments et l'on faisait s'écouler jusqu'au sol le liquide à destination des dieux et des morts883. Le décor en relief du plateau supérieur est lui-même tout à fait égyptien, d'après le dessin publié par A. Adriani en 1952 : entre deux bouquets de lotus pliant leurs feuilles et leurs fleurs vers le centre, une cuvette en forme de cartouche est creusée au-dessus d'un autel ; sur celui-ci sont alignés quatre pains ronds (figure 61) 884. Les fouilles archéologiques menées à Plinthine par M.-Fr. Boussac depuis 1998, qui sont l'occasion de définir par l'étude archéo-anthropologique les influences indigènes dans les pratiques funéraires de cette nécropole grecque, permettront à terme d'évaluer l'emploi de ce type de table typiquement égyptienne à l'occasion des cérémonies funéraires commémoratives885.

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CHERPION 1995, p. 125 ; cf. KLEBS 1934, p. 34-35 et BUTZER 1984, col. 520-521. La première représentation de l'instrument hydraulique remonte à l'époque amarnienne ; seules trois autres scènes de ce type sont connues dans des tombes thébaines du Nouvel Empire (TT 49, 138 et 217) ; voir N. de G. Davies, The Rock Tombs of el-Amarna, vol. I, Londres, 1903, pl. 32 ; id., The Tomb of Nefer-hotep at Thebes, New York, 1933, fig. 9, p. 70 et pl. 3, fig. 46 et 47 ; DAVIES 1927, pl. 29. 878 Linceul du Louvre, n° inv. E 32634 (figure 59) : KURTZ 1999, p. 92 ; PARLASCA 1999, p. 310, n°206 ; AUBERT 2000, p. 13-16. Il est daté de 125-135 sur critères stylistiques : PARLASCA 1999, p. 310. 879 Linceul du British Museum (n° inv. 30092) : BUDGE 1924, n° 101, p. 137 (la pièce est datée de l'époque romaine, sans précision) ; PARLASCA 1966, pl. 58, 2. 880 Cartonnage du Musée égyptien de Berlin, n° inv. 14410 (figure 60) : SCHÄFER 1918, p. 140 ; MORENZ 1957, p. 60 . Le fragment est daté de l'époque impériale par les deux auteurs, sans justification. 881 MORENZ 1957, p. 60 et 67 ; KÁKOSY 1971, p. 104-105 ; PARLASCA 1999, p. 261 ; KURTH 1999, p. 92 ; AUBERT 2000, p. 13 ; RIGGS 2005, p. 170. À propos de l'idéal du défunt dans l'Au-delà égyptien, voir LECLANT 1975, col. 1157.

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ADRIANI 1940-1950b, p. 156-157 ; lieu de conservation inconnu. Le signalement de l'objet par l'auteur ne permet pas de savoir s'il a été recueilli dans le sable de comblement de l'hypogée ou plutôt dans l'un des loculi retrouvés fermés de l'une des deux chambres funéraires. Pour le plan de la tombe, voir ibid., p. 155, fig. 81. 883 KAMAL 1906-1909 et KUENTZ 1981 ; cf. AUFRÈRE 1992, p. 19-20 et 58-59. 884 Comparer avec des tables d'offrandes égyptiennes au décor très proche, dans KAMAL 1906-1909, n°23126-127, 23133-134, ou KUENTZ 1981, notamment fig. 26, 28 et 29, p. 263-265, fig. 34, p. 269 ; fig. 37, p. 271. Une table à offrandes d'époque ptolémaïque ou romaine, assez semblable à celle de Plinthine, a été récemment découverte dans la baie d'Abourkir (région canopique submergée) : GODDIO 2006, p. 150 (n°7). 885 GEORGES 2002, p. 72-74.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine tombe890. D'autres vestiges archéologiques plus spécifiques, dotés d'orifices, témoignent de la pratique des libations pour les morts aux époques grecque et romaine. Certes peu nombreux, ces dispositifs offrent une intéressante variété dans les procédés de mise en œuvre, qu'ils soient directement associés à des sépultures (il s'agit alors d'une cavité ou d'une tuyauterie encastrée), ou qu'ils se présentent sous l'aspect d'éléments mobiliers creux (bassin sur pieds ou autel à cornes évidé miniature). Des éléments de comparaison issus du monde grécoromain permettront à la fois d'insister sur leur origine conceptuelle et de mettre en valeur leur destination rituelle. La nature des liquides et l'importance de l'eau dans ces offrandes funéraires seront ensuite estimées. Les sources grecques en livrent des témoignages qu'il conviendra d'analyser. Les références à l'eau fraîche osirienne dans les épitaphes alexandrines nous amèneront par ailleurs à envisager l'influence de la tradition égyptienne dans le rituel alexandrin. 3. 2. 1. Des dispositifs percés dans les tombes d'Alexandrie et de ses environs Figure 61. Table à offrandes, tombe 6 de la nécropole de Plinthine (d'après ADRIANI 1940-1950b, p. 157, fig. 81).

Dans la nécropole de Marina el-Alamein, une autre table à offrandes a été retrouvée in situ au pied de la sépulture de l'hypogée 1GH (fin du Ier siècle av. J.-C.) 886, en 1997, qui comportait également sur le plateau supérieur un décor de fruits et de légumes, conforme aux tables d'Égypte. De nouveau, elle peut être considérée comme une marque de reconnaissance ou d'adoption de certaines coutumes égyptiennes, déjà bien identifiées par la pratique de la momification qui est attestée dans plusieurs tombes de la nécropole887. Cependant, la description succincte de W.A. Daszewski, dans le cadre plus général de la publication de la tombe, ne permet pas de savoir si l'objet était doté de rigoles d'écoulement pour d'éventuelles libations funéraires. Outre ces tables à offrandes dont aucun exemplaire n'est connu en contexte funéraire à Alexandrie, on peut encore signaler les nombreux vases à boire ou à verser (dont quelques hydries888) ou les amphores à vin ou à huile retrouvés dans les sépultures ; ils constituaient le matériel d'accompagnement du mort ou étaient utilisés lors de fêtes commémoratives, et pouvaient servir de contenants pour des offrandes liquides889. Les autels sacrificiels, réceptacles d'aspersions, participaient également à l'offrande des défunts à l'occasion des cérémonies religieuses qui se déroulaient dans la

Le dispositif le plus simple rencontré est une cavité hémisphérique creusée dans le sol devant la sépulture. L'aménagement ne provient pas d'Alexandrie même, mais d'une tombe de l'ancienne cité de Paraetonium (actuelle Marsa Matrouh) située à environ trois cents kilomètres à l'ouest de la métropole. L'hypogée 1, mis au jour en 1913-1914 avec dix autres tombeaux creusés dans le roc, a été daté de l'époque ptolémaïque (environ 150 av. J.-C.) 891. Il comprenait une cour rectangulaire entourée d'un corridor ; aux extrémités nord-ouest et sudouest de la tombe, deux chambres funéraires étaient creusées de loculi, et pour l'une d'elles, une klinê sculptée et peinte était également disposée contre la paroi du fond (figure 62) ; l'influence architecturale et stylistique des grands hypogées hellénistiques d'Alexandrie apparaît distinctement892. Au pied du lit, la cavité mesurait 23 centimètres de diamètre (profondeur non renseignée, voir la figure 62) 893. La régularité soignée du creusement ainsi que son emplacement, là où est habituellement disposée la trapeza, ont incité O. Bates, archéologue responsable des fouilles, à rejeter l'hypothèse d'un creusement accidentel dans le rocher, dans cette tombe dont le sol présentait par ailleurs de nombreuses irrégularités894. Un petit autel circulaire en calcaire disposé à l'entrée de la chambre funéraire, à moins d'un mètre de l'orifice, indique en outre que l'espace était associé au dépôt d'offrandes pour les défunts inhumés ici. O. Bates parle dès lors de "chapelle" et suggère que la cavité était

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Voir supra, p. 67-73. BATES 1927, p. 156-167 (datation p. 164-167) ; VENIT 2002, p. 172. 892 Voir l'étude des lits funéraires d'Alexandrie, dans GUIMIERSORBETS, NENNA 2003b, et particulièrement les éléments de description, p. 544-549. 893 BATES 1927, p. 158. 894 Ibid., p. 156-157. L'auteur estime que le sol de cette tombe est resté inachevé.

DASZEWSKI 1998a, p. 234. Supra, p. 58. 888 Voir l'inventaire des hydries non cinéraires retrouvées dans les tombes d'Alexandrie, dans DIEHL 1964, p. 235-236. 889 Nécropole de Chatby : BRECCIA 1912, p. 45-54 et pl. 49-55 ; Moustapha Kamel : ADRIANI 1933-1935, p. 135-147 ; Anfouchi et Ras el-Tin : A DRIANI 1940-1950a, p. 124, n. 2 (A) ; pour Gabbari, consulter BALLET 2001 ou LAMARCHE 2003, etc. Cf. N ENNA 2002b, p. 76 et 79.

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L'eau et la soif du mort verser les liquides aux morts899. Ces témoignages littéraires se limitent à des installations provisoires, mais certaines découvertes archéologiques indiquent qu'elles pouvaient tout aussi bien être faites pour durer900. Dans le monde romain, de petites fosses circulaires observées dans le pavement placé immédiatement en avant des monuments funéraires, notamment à Pompéi près de la via Nucerina, relèvent sans doute de la même pratique901. Dans le contexte des cultes chthoniens, l'aménagement de fosses ou d'autels creux à libations est également bien attesté par l'archéologie. Dans les sanctuaires de Déméter et Corè en particulier, la présence d'un "puits à offrandes" parfois entouré d'un appareil maçonné et disposé auprès d'une table sacrificielle pleine, apparaît comme un phénomène général et sans limite chronologique902. Les traces observées au fond de ces autels creux permettent quelquefois d'apprécier les rites qui s'y pratiquaient, associés à une combustion (rubéfaction rousse caractéristique sur la pierre calcaire) ou au versement de liquides (marques de coulures). On peut donc estimer avec assez de vraisemblance que la petite fosse de Marsa Matrouh, qui s'apparenterait à ces bothroi connus par la littérature et les vestiges archéologiques, n'a pas été creusée par hasard à proximité du lit-sarcophage marquant le statut privilégié du défunt inhumé ici903.

prévue pour la récupération de liquides versés en libation. La pratique d'une commémoration des morts est du reste soulignée par la présence, dans l'espace central laissé à ciel ouvert de l'hypogée, d'un autre autel carré plus imposant (1 m de côté et 0,5 m de hauteur environ), noirci par le feu et au plateau supérieur recouvert de résidus de bois ; il devait servir aux pratiques sacrificielles préalables aux offrandes alimentaires solides et liquides895. L'interprétation d'O. Bates concernant la petite fosse à libations trouve sans doute confirmation dans les nombreux parallèles issus du monde grec. La coutume de faire parvenir des offrandes liquides aux morts, aux héros et aux puissances souterraines dans des autels-fosses du type bothros (βόθρος) est en effet bien connue depuis Homère896 : dans l'Odyssée, sur le conseil de Circé, c'est par ce procédé qu'Ulysse doit accomplir le rituel d'évocation des morts, dans une cavité circulaire d'environ quarante centimètres creusée pour l'occasion, βόθρον ὅσον τε πυγούσιον ἔνθα καὶ ἔνθα 897. Au IV e siècle av. J.-C., dans un fragment de l'Exégétique rapporté par Athénée, Kleidêmos décrit l'acte de "creuser une fosse à l'ouest du tombeau", ὄρυξαι βόθυνον πρὸς ἑσπέραν τοῦ σήματος, à l'occasion de cérémonies funéraires898. Et au IIe siècle de notre ère, Lucien de Samosate évoque encore les bothroi près des tombes pour

Figure 62. Tombe 1 de Marsa Matrouh et son système à libation (IIe siècle av. J.-C.) : plan d'ensemble, photographie de l'espace funéraire situé au nord-ouest de la tombe et de la cavité creusée au pied du sarcophage (d'après B ATES 1927, pl. 33 ; pl. 18, fig. 3 et pl. 19, fig. 2). 899

LUCIEN DE SAMOSATE, Charon, 22. Voir à ce sujet BRUCK 1926, p. 175-177. 901 WOLSKI, BERCIU 1973, p. 373. 902 À Héraclée de Lucanie, Agrigente, Sélinonte, etc. HINZ 1998, p. 75, 88-89 et p. 148-149 ; ZOPPI 2001, p. 124-126. Sur cette question, voir en dernier lieu HELLMANN 2006, p. 130-131 et 169. G. Ekroth mentionne le même type d'installation sur l'Acropole en l'honneur d'Eréchthée : EKROTH 2000, p. 274 et fig. 1-2, p. 275-276. 903 GUIMIER-SORBETS 2002, p. 167 ; GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b, p. 561. 900

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BATES 1927, p. 156-157. Pour l'inventaire et l'analyse des sources épigraphiques et littéraires mentionnant le bothros, voir EKROTH 2002, p. 62-71 et tables 6-7, p. 62 et 64. 897 HOMÈRE, Odyssée, X, 516-517 et XI, 24-28. 898 ATHÉNÉE, IX, 409f ; Cf. FGrHist 323, F 14. 896

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine Dans le Hall de Caracalla de la nécropole alexandrine de Kôm el-Chougafa (haute époque romaine), Th. Schreiber a cru reconnaître en la présence d'une fosse profonde de 0,45 mètre, située à proximité immédiate du grand autel quadrangulaire, un puits à offrandes similaire à ceux des sanctuaires chthoniens ; l'auteur interprète le dispositif comme étant destiné à verser en offrande le sang et les restes du sacrifice904. Quelle que soit l'explication de cet aménagement creusé, la présence d'un autre système à libations paraît bien assurée dans cette même nécropole. Dans la première décennie du XXe siècle, G. Botti (alors directeur du Musée gréco-romain) et peu de temps après les membres de l'expédition allemande E. von Sieglin, ont pu observer dans la chambre centrale du grand complexe à trois étages (seconde moitié du I er siècle ou première moitié du II e siècle ap. J.-C. pour le premier état)905, la présence d'un orifice contenant les restes d'une petite conduite de plomb (environ 3-4 cm de diamètre ; longueur inconnue) traversant le couvercle du sarcophage logé dans la niche latérale droite (voir figure 63b) 906. Selon G. Botti qui explora en premier le souterrain en 1900, un dispositif similaire se trouvait également au niveau du sarcophage central, que les restaurations auraient rapidement masqué

avant même la visite de Th. Schreiber quelques mois plus tard ; le même sort a d'ailleurs été réservé depuis à l'installation de la niche de droite. Dans une autre chambre du complexe, accessible par la rotonde et probablement postérieure au premier aménagement de l'hypogée, un autre sarcophage disposait d'un tuyau de plomb, en partie encastré et recouvert d'une dalle de pierre (voir la figure 63a)907. Les archéologues ainsi que les auteurs qui mentionnent postérieurement l'aménagement s'accordent sur la fonction de ces conduites, destinées à faire parvenir des liquides jusqu'au mort908. Sur les deux sarcophages concernés de la chambre centrale, la découverte de flacons de verre brisés (accompagnés de charbon et de restes calcinés) confirme sans doute la pratique909. Th. Schreiber, en constatant l'absence de ce genre de tuyauterie dans l'ensemble des tombes alexandrines d'époque ptolémaïque, a supposé l'adoption d'une pratique indigène dans la nécropole romaine de Kôm elChougafa910. Tout autant, l'absence de parallèle dans la tradition funéraire égyptienne ne permet pas la validation d'une telle hypothèse ; en revanche, de nouveau ce type d'installation est loin d'être un cas isolé dans le bassin méditerranéen.

Figure 63. Sarcophages dotés d'un tuyau en plomb encastré, dans le complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa, Alexandrie, Haut-Empire (a, d'après EMPEREUR 1995a, pl. de garde ; b et c, d'après SCHREIBER 1908, t. 1, p. 94, fig. 49 et t. 2, pl. 30).

907

SCHREIBER 1908, p. 94. Ibid., p. 94, 105 et 219 ; SCHREIBER 1914, p. 12 ; cf. BATAILLE 1952, p. 265 ; ADRIANI 1966, p. 176 ; TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 130, n. 217. 909 SCHREIBER 1908, p. 105 et BOTTI 1908, p. 358.

904

SCHREIBER 1908, p. 124. L'auteur en déduit, par analogie, que le dispositif creusé dans la cour de la tombe Thiersch 1 de la Necropolis avait peut-être la même fonction. Corpus, GAB/PTS 2, p. 149. 905 Pour la datation du complexe funéraire, voir notre corpus, p. 169. 906 SCHREIBER 1908, p. 105 ; SCHREIBER 1914, p. 12

908

120

L'eau et la soif du mort et I. Berciu en 1973917 ; la documentation ne cesse de s'enrichir depuis918. Dans l'ensemble, le dispositif paraît surtout attesté pour des tombes à urne cinéraire, mais les sarcophages et coffres à inhumation sont également bien représentés. Il a été fréquemment observé à Ostie919, d'où provient en particulier un sarcophage en marbre daté de l'époque trajane, comportant sur le couvercle une représentation en ronde-bosse du défunt banquetant ; il tient dans sa main gauche un bol, perforé et terminé par un conduit pénétrant à l'intérieur de la cuve (figure 64a)920. Sur le territoire de l'ancienne ville d'Apulum (Dacie, actuelle Roumanie), deux sarcophages ont été découverts, l'un en briques et l'autre en pierre, appartenant à un adulte et à un immature (une mère et son enfant ?), dans un même complexe funéraire. Chacune des deux cuves possédait un couvercle percé d'un orifice circulaire en forme d'entonnoir, traversé par un tube de plomb (environ 3 cm de diamètre) qui parvenait jusqu'aux restes placés à l'intérieur, respectivement incinérés et inhumés (figure 64b)921. La datation de l'ensemble a été fixée à la fin du IIe ou au début du IIIe siècle ap. J.-C. En Angleterre encore (Colchester), un sarcophage de plomb enterré, daté vers 150 ap. J.-C., était pénétré d'un tube long de 91,5 centimètres, vraisemblablement disposé audessus de la tête du défunt inhumé, et remontant verticalement à la surface (figure 64c)922. Ces exemples, qu'il serait inutile de multiplier, rendent suffisamment compte de la pérennité de la pratique et de son adoption très vraisemblable dans le grand complexe romain de Kôm el-Chougafa à Alexandrie. Dans les niveaux anciens de la nécropole sud du site d'Antinoë en Égypte, des vases sans fond (ou des tuyaux selon le rapport de J. Leclant), qui s'enfoncent dans le terrain jusqu'à la tête des défunts déposés en pleine terre, sont manifestement issus d'une même influence923.

On suppose couramment que certains grands vases géométriques du Dipylon, marqueurs de tombes du cimetière athénien du Céramique, sont les témoins du rituel de la libation quand ils étaient fichés dans le sol et dépourvus de fond911. Très récemment, la même interprétation a été formulée, par exemple, à propos de nombreux récipients mis au jour dans la nécropole d'Abdère (colonie grecque d'Ionie), en usage depuis le VIIe siècle av. J.-C. et jusqu'à l'époque hellénistique ; la plupart de ces vases semblent avoir été volontairement posés à l'envers et présentaient un orifice dans le fond912. Un dispositif comparable à celui de Kôm el-Chougafa est par ailleurs connu en Orient hellénisé, sur le site d'AïKhanoum (actuelle Afghanistan). Daté de la fin du IVe siècle av. J.-C., le monument funéraire d'un certain Kinéas (le fondateur de la cité grecque ?) disposait d'un herôon destiné aux cérémonies de culte, et d'un sous-sol d'inhumation où l'imposant sarcophage principal était taillé dans le calcaire (dimensions intérieures : 2,03 m x 0,865 m ; profondeur : 0,63 m) 913. Son couvercle, qui prend la forme d'un triangle aplati au sommet, est percé vers l'extrémité nord d'un orifice circulaire (4 cm de diamètre), dans lequel subsistait au moment de la découverte l'empreinte du mince conduit quadrangulaire qu'on y avait fiché, sans doute pour faire couler jusque dans la tombe les libations rituelles faites sur le sol de la cella au niveau supérieur 914. Il s'agit bien là d'une pratique grecque adoptée par les Macédoniens d'AïKhanoum, déjà attestée au Ve siècle av. J.-C. dans une loi sacrée de Sélinonte, qui fait mention du toit de la tombe d'un ancêtre, à travers lequel il est prescrit de verser le liquide de la libation (Ûοῖνον ηυποληείψαϲ δι᾽ὀρόφο) 915 ; au IIe siècle de notre ère, c'est également par une ouverture (ὀπή) destinée à cet usage, explique Pausanias, que quotidiennement, en l'honneur d'un héros fondateur, les habitants du lieu-dit de Tronis en Phocide "font couler le sang des victimes sur sa tombe", τὸ μὲν αἷμα δι᾽ ὀπῆς ἐσχέουσιν ἐς τὸν τάφον916. Le principe de la tuyauterie en plomb ou en terre cuite encastrée dans la maçonnerie de la sépulture s'est également largement diffusé dans l'Empire romain, en Italie mais aussi en Péninsule ibérique, en Afrique du Nord, en Gaule et jusqu'en Europe du Nord, comme en témoigne l'inventaire très complet dressé par W. Wolski

917

WOLSKI, BERCIU 1973, p. 372-378. À Rome : TOYNBEE 1971, p. 51 ; JASTRZEBOWSKA 1981, p. 129 ; CUPITÒ 2001, p. 52. À Pompéi : JASHEMSKI 1979, p. 142 ; la fouille récente de la nécropole de Porta Nocera (École française de Rome, 2003-2006) a montré l'emploi récurrent d'éléments de récupération (cols d'amphores ou de cruches superposés, fragments de tuile, canalisations) faisant office de conduits à libation associés aux urnes cinéraires (S. de Larminat, communication personnelle, mai 2008) : voir à ce sujet VAN ANDRINGA, LEPETZ 2008, part. p. 1158. En Afrique : LEVEAU 1983, p. 126-128 et fig. 51 (nécropole de Caesarea, Algérie) ; cf. BARRIER, BENSON 1908, p. 48-49 et 51 (nécropole romaine de Thaenae, Tunisie). En Syrie : SARTRE-FAURIAT 2001, p. 226. Voir encore les autels à urnes cinéraires et à canal central du Musée national de Varsovie, nos inv. 200702, 198852 et 198853 (IIe siècle) : SADURSKA 1990, p. 341. 919 G. Calza rapporte que plusieurs sépultures en forme de sarcophage semi-cylindrique étaient pourvues de tubes à libations : CALZA 1940, p. 49 ; cf. M EIGGS 1971, p. 464. Récemment encore, dans la nécropole de Pianabella, voir CARBONARA 2001, p. 143-144. 920 Le sarcophage est conservé à la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague, sous le n° inv. 777. Voir DYGGVE 1942, particulièrement p. 226-232. L'auteur fournit à cette occasion de nombreux parallèles issus du monde chrétien, p. 234-235. 921 BERCIU, WOLSKI 1970, p. 919-931 ; cf. WOLSKI, BERCIU 1973, p. 370. 922 Découvert en 1887, le sarcophage est conservé au Musée de Colchester. WHEELER 1929, p. 3 et n. 1, p. 3-4 ; cf. WOLSKI, BERCIU, 1973, p. 377. 923 Voir BALDASSARE, BRAGANTINI 1983, p. 159 ; LECLANT 1980, p. 370. 918

910

SCHREIBER 1914, p. 12. CAHEN 1911, p. 1214 ; DEONNA 1939, p. 62 et n. 7 ; JOHANSEN 1951, p. 69 ; KURTZ, BOARDMAN 1971, p. 58 et p. 205-206. 912 KALLINTZI 2006, p. 149-150. Cf. OIKONOMOS 1921, p. 22-30, qui mentionne l'existence de ce type de vases perforés en diverses régions du monde grec. 913 BERNARD 1973, t. 1, p. 87-88 ; pour la datation du monument funéraire, voir ibid., p. 102. Cf. HELLMANN 2006, p. 280-281 (où figure également le plan de la tombe). 914 Le tuyau même n'a pas été retrouvé, peut-être emporté par des pillards ou supprimé quand l'herôon fut reconstruit et qu'on exhaussa à cette occasion le sol de la cella. 915 DUBOIS 2003, p. 114-115, l. 10-11. 916 PAUSANIAS, X, 4, 10. Voir encore l'existence d'une sépulture antique de Thessalonique, où pénétrait un tube en terre cuite : OIKONOMOS 1921, p. 5-7. 911

121

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine

Figure 64. Sarcophages munis d'un conduit à libations dans l'Empire romain. a : Ostie, IIe siècle ap. J.-C., Copenhague, Glyptothèque Ny Carlsberg, n° inv. 777 (d'après DYGGVE 1942, p. 227, fig. 1 et p. 233, fig. 7a). b : Apulum, deux sarcophages in situ (d'après BERCIU, WOLSKI 1970, pl. 41, fig. 3). c : Musée de Colchester, n° inv. inconnu (d'après WHEELER 1929, p. 5, fig. 4).

chambre à loculi (pièce 4)925, la petite table (longueur : 0,86 m à sa base et environ 0,9 m au sommet du plateau ; largeur : 0,49 m ; hauteur : 0,33 m), dont une partie des bords et des pieds manque, a été finement travaillée dans un style grec : les deux pieds sont ornés d'un relief de griffons ailés, tandis que les parois extérieures sont décorées d'un motif végétal, un rinceau à volutes et fleurons ; la présence d'un visage au centre d'une touffe centrale de feuilles est supposée par A. Adriani, qui mentionne brièvement l'objet dans la publication de la nécropole926 ; le rebord supérieur est orné d'une frise

Aux aménagements découverts dans les nécropoles de Marsa Matrouh et de Kôm el-Chougafa s'ajoutent encore deux vestiges mobiliers originaux. À l'occasion des fouilles menées dans la nécropole d'Anfouchi en 1919-1920 par le Musée gréco-romain, le directeur E. Breccia a publié un rapport succinct des découvertes les plus remarquables : parmi elles, figure une "trapeza" en calcaire (figure 65), provenant de la tombe 3 dont la construction paraît remonter au IIe siècle av. J.-C.924. Retrouvée dans une partie souterraine du tombeau, à l'entrée d'un vestibule donnant accès à une

925

BRECCIA 1919-1920, p. 60. ADRIANI 1940-1950a, p. 125, n. 2 (B) I et pl. 100, fig. 59. L'auteur n'ayant lui-même pas vu l'objet, cette suggestion, faite à partir du seul dessin publié par E. Breccia, est très hypothétique. 926

924

Pour cette datation, ADRIANI 1940-1950a, p. 125. L'objet est conservé au Musée gréco-romain d'Alexandrie, sous le n° inv. 21248.

122

L'eau et la soif du mort d'oves, tandis qu'une tresse longe la base. Si le dessin de M. Bartocci ne permet pas de décrire le plateau, haut de 18 centimètres environ, E. Breccia précise que la partie supérieure était creuse, d'une profondeur de neuf centimètres, et qu'au centre de la surface antérieure, une concavité bien marquée rend assez probable la présence initiale d'un orifice, "pour permettre l'écoulement du liquide qu'on avait d'abord introduit dans le creux de cette table d'offrande". Selon cette interprétation, l'objet, daté de l'époque ptolémaïque, serait donc un bassin creux et transpercé d'un conduit pour des libations (voir la restitution proposée, figure 65b) ; un récipient placé entre les pieds aurait pu servir à récolter le liquide versé. Si les tables à supports sculptés sont courantes dans le monde gréco-romain 927, la restitution du plateau supérieur suggérée par E. Breccia ne renvoie guère à un modèle bien connu de système à libations. Tout au plus peut-on dans une certaine mesure rapprocher la concavité des cupules creusées dans certaines tables d'offrandes d'Afrique romaine, utilisées dans le culte funéraire et divin, et qui étaient constituées d'une simple dalle ou montées sur pieds928. L'hypothèse du conduit traversant la table d'Alexandrie nuit toutefois à l'équivalence. Dans plusieurs tombes de Cyrène, des pierres plates étaient percées d'orifices circulaires obstrués par des bouchons ; dessous, des vases miniatures avaient été déposés929. La comparaison demeure encore limitée.

monument d'Alexandrie assez comparable, et déjà mentionné pour l'inscription qu'il porte930. L'objet a été découvert dans une tombe romaine de la Necropolis à la fin du XIXe siècle931. Aujourd'hui très détérioré dans sa partie supérieure, il se présente sous la forme d'un autel miniature en calcaire, quadrangulaire et monolithe (largeur : 12 cm à la base ; 14 cm au sommet ; hauteur : 16 cm ; voir la figure 66) 932. Sur chaque face latérale, un surcreusement stylisé fait apparaître quatre triangles se rejoignant à la pointe. Au niveau de la bordure, une mouluration présentait probablement à l'origine une série de huit palmettes en relief, portées par une corniche et disposées au niveau des angles et au centre des arêtes de chaque face (il en subsiste aujourd'hui quatre, plus ou moins bien conservées). L'inscription, gravée et rehaussée de rouge, est répartie sur les quatre faces : Ἀμ̣μ̣[ώνιε(?)] L λε ἡ(μερῶν) ζ εὐψύχι δο σο[ι Ὄ]-σιρις [τὸ] ψυχρὸν ὕδωρ, "Amm(ônios), âgé de 35 ans et 7 jours, bon courage. Puisse Osiris te donner l’eau fraîche.". La particularité la plus remarquable de cet autel miniature consiste en la présence en son centre d'un conduit circulaire d'environ cinq centimètres de diamètre, creusé verticalement de part en part. À l'embouchure de l'orifice sur la face supérieure, quatre encoches ont été disposées symétriquement ; elle servaient peut-être à encastrer un objet rapporté, de bois ou de métal (couvercle ? entonnoir ? tuyauterie ?), à moins qu'elles aient été destinées à faciliter l'écoulement d'un liquide, en dirigeant son flux vers le centre du plateau.

Figure 65. Bassin creux de la tombe 3 d'Anfouchi, Musée gréco-romain d'Alexandrie, n° inv. 21248. a : dessin de M. Bartocci (d'après BRECCIA 1919-1920, p. 60, fig. 2) ; b : reconstitution hypothétique d'après la description d'E. Breccia (dessin A. Tricoche).

Figure 66. Autel à cornes miniature d'une tombe romaine de la Necropolis, Musée gréco-romain d'Alexandrie, n° inv. 157a. Clichés © Musée gréco-romain d'Alexandrie.

L'objet n'a été jusqu'ici que très peu considéré : à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les directeurs du Musée gréco-romain G. Botti et E. Breccia

Le document d'Anfouchi incite en revanche à accorder une attention toute particulière à un petit

930

Supra, p. 90-91 (document 3), et fig. 38. Musée gréco-romain d'Alexandrie, n° inv. 157a. L'emplacement exact de découverte dans la tombe n'a pas été précisé (BOTTI 1900, p. 503-504). 932 Je remercie à cette occasion Madame A.-M. Guimier-Sorbets pour son aide dans la recherche matérielle du document, ainsi que la directrice du Musée gréco-romain, Madame M. Seif El-Din, et Madame N. Zeitoun, pour ces nouveaux clichés sans lesquels l'étude qui suit n'aurait pas été envisageable.

927

931

Voir DEONNA 1938, p. 30-34 : au départ du mobilier délien, les parallèles fournis par l'auteur sont nombreux. 928 DEONNA 1934, p. 12-21 et 23 ; d'autres exemples plus ou moins proches se retrouvent en Orienti: ibid., p. 29-40. 929 Tombe N.198 selon la classification de J.C. Thorn : THORN 2005, p. 124 et 430-431. Aménagement daté de la fin de l'époque hellénistique : ibid., p. 126. Tombe S.1 ; Ibid., p. fig. 230, p. 386 et 431.

123

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine ne le décrivent pas (ou seulement sommairement) dans la publication de l'inscription933. En 1908, Th. Schreiber mentionnait également le monument dans la publication de la nécropole de Kôm el-Chougafa, mais son évocation de l'objet et la reconstitution graphique qu'il propose sont approximatives934. De là, dans l'inventaire des autels à cornes du monde antique publié par W. Deonna en 1934, le même document est présenté deux fois, comme s'il s'agissait d'objets distincts (respectivement aux nos 36 et 65 de son corpus)935. L'erreur n'est pas rectifiée dans les années 1980, quand G. Soukiassian reprend le dossier, limité à l'Égypte936. La présence du canal central évidé est quant à elle tombée dans l'oubli, si bien que, depuis sa découverte à la fin du XIXe siècle, la question de la fonction spécifique de cet artefact n'a jamais été abordée. Le type des autels à cornes (c'est-à-dire aux angles surmontés de protubérances937) auquel W. Deonna rattache un peu improprement le petit monument de Gabbari, ne connaît cette morphologie particulière de l'orifice vertical, quelles que soient la provenance, la taille ou la forme des exemplaires conservés. Inconnus en Égypte avant l'époque hellénistique et particulièrement fréquents à Alexandrie938, ces autels pouvaient servir à déposer ou à brûler des offrandes alimentaires sur le plateau supérieur939 ; les plus petits d'entre eux devaient quant à eux s'employer exclusivement comme brûleparfums, comme l'attestent quelquefois les traces noires de combustion qui subsistent en leur sommet940. Compte tenu de la présence de l'étroit conduit traversant l'autel de Gabbari, il convient sans doute d'envisager à son propos un autre usage : à supposer qu'un petit récipient soit déposé sur le plateau supérieur, la présence du canal interne, désormais obstrué, ne trouve plus d'explication ;

et on peut difficilement admettre qu'une flamme puisse subsister longtemps au fond de la dépression, sans oxygène suffisant, pour consumer des matières odoriférantes situées plus haut. L'inscription mentionnant Osiris incite en premier lieu à rechercher dans le monde proprement égyptien des parallèles à l'objet. Toutefois le principe du dispositif percé ne semble pas attesté, ni parmi les différents types d'autels connus en Égypte941, ni parmi les tables d'offrandes ou autres objets cultuels942. Par ailleurs, en proposant d'associer l'objet aux rites osiriens de régénérescence, l'hypothèse qui ferait du conduit, rempli de terre, un contenant pour la germination de quelque végétal nous apparaît peu vraisemblable : si la pratique égyptienne de faire pousser des grains d'orge dans des récipients chaque année à date fixe (mois de Khoiak, correspondant à la fin de la crue du Nil) est bien attestée à partir du Moyen Empire et durant l'époque grécoromaine943, les cuves dont on a retrouvé les vestiges dans les tombes thébaines, épousant la forme du dieu momifié (les "Osiris végétants", Khenty-Amenty), sont manifestement sans rapport avec le document alexandrin qui nous occupe. Le monde grec recèle en revanche quelques objets comparables à l'artefact de Gabbari. En 1905, A. Furtwängler publie une petite céramique athénienne originale, exhumée hors les murs944. Elle se présente sous la forme d'un petit cylindre creux, dépourvu de fond et qui s'étrécit en son milieu ; quatre petits monticules de terre cuite recouverts de résidus de couleur rouge-brun sont disposés sur le rebord. Son décor à figure noire, attribué à la fin du VIe siècle av. J.-C., répond à l'imagerie funéraire traditionnelle : Charon dans sa barque est entouré d'eidola à ailes d'oiseaux et de papillons (figure 67a). Plutôt qu'un support de vase, l'auteur défend l'idée d'un petit entonnoir mobile placé sur la tombe pour verser des libations, en particulier en rapprochant l'objet d'une eschara, l'autel bas utilisé pour les offrandes aux morts, aux héros et aux divinités945. De là, plusieurs découvertes isolées dans le courant du XXe siècle amènent par comparaison aux mêmes conclusions946. Provenant de la nécropole rhodienne de Camiros, un curieux tube en terre cuite à deux anses verticales est ainsi interprété comme un dispositif à offrandes liquides (figure 67b)947. De

933

BOTTI 1900, p. 503-504 (sans description) ; BRECCIA 1911, p. 170171, parle d'un "autel creux" sans autre précision ; l'information est reprise dans WILD 1981, p. 248, n. 154, 3 et D ELIA 1992, p. 189, 1. 934 SCHREIBER 1908, p. 213, fig. 151b et p. 220. A-t-il observé le document lui-même, ou reprend-il ici un dessin de G. Botti ? 935 DEONNA 1934, n°36, p. 392 et fig. 10, p. 393 ; n°65, p. 398 et fig. 15. 936 SOUKIASSIAN 1983, p. 366. 937 Cette définition est adoptée par G. Soukiassian (SOUKIASSIAN 1983, p. 317). Nous la préférons à celle, plus restrictive, fournie par R. Ginouvès, pour qui l'autel à cornes désigne un autel aux angles duquel "peuvent se dresser des sortes d'antéfixes en forme de palmettes" (GINOUVÈS 1992-1998, t. 3, p. 52). Du fait de sa forme trop éloignée du modèle général, G. Soukiassian ne retient pas l'autel de Gabbari dans son étude (SOUKIASSIAN 1983, p. 366). 938 Le premier exemple connu en Égypte est celui placé devant la tombe de Pétosiris à Touna el-Gebel (IVe siècle av. J.-C.) : LEFEBVRE 1924, t. 1, p. 13, fig. 2. Fréquent dans le monde grec, l'objet se rapporte aux cultes gréco-égyptiens : DEONNA 1934, p. 400-401. Pour les autels à cornes alexandrins, voir ibid., n°15 et 15 bis p. 388, n° 37-38 p. 393, n°45-46 p. 394-395, n°54-59 p. 396, n°64 p. 398 et n°69 p. 399. Pour de petits exemplaires récemment découverts dans la Necropolis, voir encore BALLET 2001, p. 327 (trois exemplaires en terre cuite, datés du Haut-Empire romain d'après le contexte) et NENNA 2002b, p. 79, fig. 58. 939 D'après les représentations figurées de l'objet : QUAEGEBEUR 1971, p. 195-196 ; SOUKIASSIAN 1983, p. 329-330. La thèse est confirmée par la découverte récente dans la tombe B21 de Gabbari d'un autel à cornes, daté de l'époque hellénistique, comprenant les restes brûlés de sacrifices (ossements de poulet, de porcelet, de poisson et de petits animaux) : EMPEREUR 2001b, p. 687 ; DELAPORTE 2005, t. 1, p. 143. 940 DEONNA 1934, p. 400-401 ; BALLET 2001, p. 327. Les autels monumentaux à acrotères érigés au-dessus des tombes ont sans doute une fonction purement commémorative et ornementale.

941

Voir les typologies proposées dans JÉQUIER 1924, p. 333-341, et VANDIER 1952-1978, t. 4 (1964), p. 93-106 ; STADELMANN 1975, col. 146-148. 942 KUENTZ 1981 ; voir toutefois EIGNER 1984, p. 187 et fig. 148. 943 KOEMOTH 1994, p. 15-17 (témoignages archéologiques dans les tombes d'époque pharaonique)i; COLIN 2003, p. 77-80 (à propos de la scène figurée sur le toit du temple de Philae, au IVe siècle ap. J.-C.). 944 FURTWÄNGLER 1905, p. 191-195. Hauteur : 12,5 cm ; diamètre : 16 cm à la base. 945 FURTWÄNGLER 1905, p. 192 ; cf. OIKONOMOS 1921, p. 48. À propos de l'autel de type eschara, voir RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 238239a; HELLMANN 2006, p. 127. Pour l'inventaire des mentions de l'eschara dans la littérature et l'épigraphie grecques, voir EKROTH 2002, tables 1-4, p. 37, 40, 46 et 51. 946 Voir BRUCK 1926, p. 176, n. 3 ; NILSSON 1941-1950, t. 2 (1950), p. 177. 947 R. Zahn, "Kultgerät aus Rhodos", dans KINCH 1914, col. 26-34. Dimensions : 28,5 cm de hauteur, 15 cm de diamètre à la base. L'objet serait conservé à Berlin (BRUCK 1926, p. 176, n. 3). Cf. OIKONOMOS 1921, p. 46-47.

124

L'eau et la soif du mort nouveau la connotation funéraire du décor est explicite : entre deux renflements horizontaux, deux serpents dressés encadrent la porte des Enfers. On a encore reconnu la même fonction à une série de cylindres du VIe et du Ve siècle av. J.-C., creux et sans fond, typiquement béotiens par leur décor peint et sculpté. L'une des pièces conservée au Musée du Louvre (ici en figure 67c) possède une embouchure dont le pourtour se hérisse de quatre rangées de grains ; une anse pleine en spirale est attachée à la paroi et est surmontée d'une grenade948. Citons encore, parmi le mobilier retrouvé dans l'Artémision délien, certaines céramiques creuses classées dans les séries orientalisantes des Cyclades. Elles ont d'abord été considérées par Ch. Dugas comme des "cheminées mobiles" utilisées "pour activer la combustion du charbon de bois" (mais ici fabriquées pour servir uniquement d'ex-voto), toutefois cette explication peu convaincante est rejetée par Ch. Picard, qui attribue à ces objets le rôle d'"entonnoirs renversés, des conduites d'argile pour les profusiones funéraires, versées verticalement" à destination de quelque puissance chthonienne (figure 67d)949.

On le voit, le monument d'Alexandrie peut être inclus dans une catégorie de petits objets découverts isolément et mal identifiés, mais qui présentent la même caractéristique d'être évidés au centre et pourraient avoir eu la même fonction. Un autel mobile trouvé dans un sanctuaire chthonien d'Étrurie, qui s'apparente de près à celui de Gabbari, permet sans doute de confirmer cet usage (figure 68). De forme rectangulaire évasée à la base (hauteur : 70 cm ; dimensions du plateau supérieur : 30 x 38 cm ; dimensions à la base : 44 x 51 cm), il est perforé d'un canal central qui s'élargit à mi-hauteur en sorte de bouteille à goulot (l'orifice atteint 20 cm en bas, pour 9 cm à l'embouchure)950. Le contexte de découverte ainsi que la morphologie de l'objet et de son conduit interne ne prêtent pas ici à confusion : il était bien destiné à satisfaire les puissances souterraines par le versement de liquides.

Figure 68. Autel à libations dans un sanctuaire chthonien d'Étrurie. Musée de Bolsena (Italie), n° inv. CIE 5168f (d'après PFIFFIG 1975, p. 77, fig. 25).

Quelques questions, toutefois, restent en suspens : l'objet mis au jour à Gabbari était-il destiné à être placé au-dessus d'un orifice, sorte de bothros comparable à celui de Marsa Matrouh où le liquide pouvait librement s'écouler ? Était-il stabilisé par un système de tuyau rapporté, encastré en partie dans le conduit central, en partie dans le sol ou un socle surélevé ? Une solution, consistant à envisager qu'il fût fixé ou associé à un sarcophage, sur le modèle de la chambre centrale du grand complexe de Kôm el-Chougafa, est possible. À tout le moins, sa petite taille invite à conclure qu'il n'était pas exposé en surface, en guise de marqueur de tombe, mais plutôt qu'il s'intégrait à l'ensemble du matériel funéraire d'un hypogée (peut-être celui là même où il a été retrouvé), et qu'il fonctionnait à la fois comme offrande et comme procédé d'offrande au mort. Quel que soit le fonctionnement précis de ce curieux monument, l'idée d'un rituel en rapport avec la régénération du mort, et comportant l'acte de verser un liquide, paraît assez claire. Cette interprétation, fondée sur la seule forme de l'objet et sur les parallèles établis,

Figure 67. Cylindres creux issus du monde grec. a : Athènes, VIe siècle av. J.-C. (d'après FURTWÄNGLER 1905, fig. p. 191) ; b : Rhodes, époque géométrique (d'après KINCH 1914, col. 35-36, fig. 13b) ; c : Thèbes, VIe siècle av. J.-C. (© RMN) ; d : Délos, période orientalisante (d'après DUGAS 1935, pl. 10, fig. 7). 948

Paris, Musée du Louvre, n° inv. CA 1519. Dimensions : 22,5 cm de hauteur sans la grenade et 14 cm de diamètre à la base. Voir DEVAMBEZ, p. 367-369 ; sur la connotation funéraire de l'objet, voir p. 370-373. La bibliographie des autres objets très semblables à celui-ci est donnée p. 369. 949 DUGAS 1935, p. 9 et 17 (n°7). Hauteur : 0,258 m. PICARD 19421943, p. 88-90. Cf. OIKONOMOS 1921, p. 49-50, pour d'autres objets similaires découverts à Athènes et à Bologne.

950

PFIFFIG 1975, p. 75-76, et fig. 24 et 25, p. 77 ; cf. THUILLIER 1991, p. 245-246 et pl. 70b (une autre conduite creuse similaire y est aussi mentionnée).

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine trouve confirmation dans l'inscription évoquant l'eau fraîche d'Osiris désirée pour le défunt. Il y aurait donc ici, autour de cet objet, la rencontre originale d'une pratique grecque et d'un culte égyptien.

de tes mains tu puisais le vin doux comme le miel et à tous les mortels tu donnais la liqueur qui apaise les maux. Mais puisque tu es parti chez Hadès, qu’Osiris t’accueille et que sur ton corps l’on verse le liquide qui fait pousser les fleurs", σε δέξετο Ὄσιρις, σῷ δέματι ῥίυ ἀνθοτόκο(ν) (λ)ιβάδα (traduction E. Bernand). Dans cette curieuse épitaphe où se côtoient des divinités issues des religions romaine (Bacchus), grecque et égyptienne (Hadès et Osiris, homologues dans le monde des Enfers), les deux derniers vers apparaissent comme une variante originale de la formule de l'eau fraîche osirienne, adaptée au métier de cabaretier exercé par le défunt : comme le souligne E. Bernand, le jeu de mots final "oppose le vin qui réjouissait le vivant à l'eau que l'on verse maintenant sur sa tombe"954. De nouveau, l'épitaphe indique que les vivants sont bien concernés pour effectuer réellement la libation. On signalera encore avec intérêt une petite table d'offrande en pierre de provenance inconnue, anciennement conservée aux Musées de Berlin et aujourd'hui disparue (figure 69 ci-après) 955. Personnalisée par une courte épitaphe grecque, elle livre un intéressant exemple de la pratique des libations d'eau, ici à destination d'une femme répondant au nom de Tasuchion. L'objet lui-même est typiquement égyptien : le plateau carré, de 32 centimètres de côté, est entouré d'une rigole destinée à l'écoulement des libations vers un déversoir ; le décor incisé représente un petit encensoir au centre, et sur les côtés deux vases fuselés de type ḥst, d'où coule de l'eau dans un bassin creusé de forme ovale. Sur les rebords, une inscription hiéroglyphique comporte des formules traditionnelles empruntées au Livre des Morts, dont A. Erman a proposé un court élément de traduction : "Dargebracht wird dieses dein kühles Wasser, dein Wasser dir von Horus, u.s.w.". Probablement ajoutée après la fabrication de la table, sur commande spéciale, l'inscription grecque placée au-dessus du décor renvoie en revanche à la tradition grecque : γῆι σοι ἐλαφρὰ γένοιτο Τασουχιον Ἀχιλλέ[ω]ς, "Que la terre te soit légère, Tasouchion, fille d'Achilleus". L'analyse paléographique permet de la dater des trois premiers siècles de notre ère956. La table d'offrande a été rapprochée par I. Lévy de la stèle funéraire égyptienne d'Hérôïs (Ier-IIIe siècle ap. J.-C.), dont l'épitaphe exprime le souhait qu'Osiris accordera à la défunte "l'eau fraîche" (ψυχρὸν ὕδωρ) ainsi que "la poussière légère" (κόνιν κούφην) : "bien que la formule δοίν, etc. ne s'y trouve pas inscrite (…), le souhait relatif à l'eau est indiqué d'une part par les deux cruches sculptées déversant l'eau vers la cavité ovale, et d'autre part par l'inscription

3. 2. 2 Estimation de l'importance de l'eau dans les libations funéraires à Alexandrie En tant que telles, les épitaphes alexandrines étudiées précédemment qui mentionnent le ψυχρὸν ὕδωρ 951, ne nous renseignent pas de façon explicite sur les éventuelles libations d'eau versées en l'honneur des morts : sur les stèles et les parois des sépultures, le souhait indique qu'Osiris est le garant de l'eau à accorder, éventuellement par l'intermédiation d'Isis, et que cette action est censée se dérouler dans l'Au-delà. La formule n'implique donc pas a priori que les vivants, un prêtre habilité ou un membre de la famille, aient été amenés à accomplir réellement une offrande d'eau pour un défunt ou pour Osiris lui-même : on pourrait dès lors supposer que la prière, performative, avait valeur d'action, et que son inscription sur un monument funéraire ou éventuellement sa récitation pouvait suffire à son efficacité. Par conséquent, au-delà de l'intéressant exemple d'interférence religieuse qu'il fournit, le petit monument creux de Gabbari sur lequel est gravée la formule grecque de l'eau fraîche constitue un document de tout premier ordre, et en fait unique à Alexandrie, pour appréhender concrètement le rôle effectif de l'eau dans le versement de la libation funéraire. Nous ne saurions cependant admettre qu'il s'agit là d'une exception. Hors Alexandrie, plusieurs documents funéraires confirment d'ailleurs qu'auprès de la population hellénisée d'Égypte, le ψυχρὸν ὕδωρ n'était pas considéré comme un simple vœu pieux ou une formule poétique déconnectée de toute pratique rituelle effective. À l'époque romaine, l'épitaphe du soldat Eubios déjà évoquée952, qui demande à ses compagnons d'armes de verser sur sa tombe quelques gouttes de l'eau du Nil (Νίλου τῷδ᾽ ἐπίχει σταγόνας), en est un premier témoignage. Le rituel décrit fait ici distinctement référence à une libation effectuée par les amis venus se recueillir à sa mémoire du disparu. L'allusion à l'eau fraîche de l'Océan (Ὠκεανοῦ ψυχρὸν ὕδωρ), devenue inaccessible et regrettée du défunt, permet en outre d'établir le parallèle avec la formule alexandrine, et ce malgré l'absence d'Osiris. Sur une autre stèle funéraire d'Égypte, une inscription métrique également datée de l'époque romaine953 s'adresse ainsi au défunt : "La vigne de Bacchus se lamente sur toi, qui est mort ici, car abandonnant la lumière tu es allé chez Hadès. Pourtant,

954

BERNAND 1969, p. 109. Pour une courte description de l'objet, voir ERMAN 1899, p. 333, n°11631. La destruction vraisemblable de la pierre pendant la deuxième guerre mondiale m'a été signalée par la docteur K. Kroeper (Ägyptisches Museum und Papyrussammlung de Berlin). Je la remercie pour la photographie transmise, inédite, qu'elle m'a cordialement autorisé à publier. 956 Forme des lettres σ, ε et α : G UARDUCCI 1967 (éd. de 1995), p. 380383. On notera la faute par iotacisme dans la forme γῆι à la place de γῆ, qui renvoie à la même période. 955

951

Voir supra, p. 90-92 et p. 96-97. Stèle conservé au British Museum, n° inv. 1296. BERNAND 1969, n°13, p. 85-89 et pl. 55. Pour la traduction de l'épitaphe, supra, p. 111112. 953 La pierre, de provenance inconnue, semble aujourd'hui perdue. BERNAND 1969, n°20, p. 107-109. 952

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L'eau et la soif du mort hiéroglyphique qui contient la formule de la libation"957. La comparaison est aujourd'hui enrichie par la connaissance de l'épitaphe découverte en Palestine, contemporaine de la première, où le vœu de la terre légère (γῆ ἐλαφρά) est renouvelée avec celle de l'eau fraîche osirienne958. C'est toutefois avec le monument creux de Gabbari que la table de Tasouchion trouve sans doute son plus proche parent : ici encore, le texte bilingue renvoie explicitement à la fonction de l'objet et destine l'offrande, réellement versée et non plus seulement espérée dans l'Au-delà, à une défunte de culture grecque vivant en Égypte. Ces quelques documents et le rapprochement qui s'impose avec les épitaphes alexandrines incitent donc à supposer avec assez de vraisemblance la pratique concrète de libations d'eau dans la métropole, à tout le moins pour une partie de la société de l'époque romaine acquise à la religion égyptienne.

dans les sarcophages de Kôm el-Chougafa d'autre part959. Plus récemment, l'égyptologue Cl. Traunecker adhérait encore à ces conclusions960, sur lesquelles nous souhaitons à présent revenir. L'importance majeure de l'eau dans le rituel des funérailles et par la suite dans la perpétuation du culte des morts en Égypte ancienne n'est plus à démontrer. Elle a fait l'objet d'innombrables études, en particulier à partir de l'iconographie et des formules rituelles conservées sur les papyrus ou les parois des tombes, probablement récitées au moment d'offrir les libations961. On a également fait remarquer que l'usage égyptien s'était perpétué en certaines régions jusqu'à l'époque moderne962. Plus concrètement, dans son article "Use and Meaning of the Egyptian term wȝḥ mw" (1992), K. Donker van Heel s'est livré au recensement des mentions de cérémonies comportant l'acte de "verser de l'eau", wȝḥ mw (plus rarement stỉ mw)963. Au Nouvel Empire, l'expression se rencontre en particulier sur une série d'ostraca provenant du village de Deir elMedineh, faisant état des jours chômés des ouvriers en raison de libations faites à l'akh de la famille. Le contexte est souvent confus, mais les passages laissent à penser que l'offrande d'eau s'accomplissait rituellement dans la nécropole située près des habitations, à la tombe et en faveur d'un défunt particulier964. Les découvertes archéologiques viennent appuyer cette thèse, comme le rappelle S. Allam en évoquant en plusieurs endroits de la nécropole les fonds de grandes amphores enfoncées en terre, les cavités laissées dans le sol par les panses de ces amphores, ou encore des amphores entières965 ; et de conclure : "tout cela tendrait à prouver que de grandes quantités d'eau étaient nécessaires aussi pour les cérémonies religieuses et funéraires". Parallèlement dans le culte thébain, à partir du Nouvel Empire, une fête funéraire est mise en œuvre au bénéfice des dieux morts, dont le déroulement précis reste assez obscur jusqu'à l'époque ptolémaïque et romaine966. La 959

BATAILLE 1952, p. 265. L'auteur prend appui sur les propos de Th. Schreiber (1914, p. 12-13) qui, décrivant les tuyauteries en question, opérait le lien avec les aménagements hydrauliques du complexe funéraire et plus spécifiquement avec les rites égyptiens en matière de culte funéraire. 960 TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 130 et n. 217. 961 BLACKMAN 1912, p. 73-74 et BLACKMAN 1916, p. 32-33 ; BATAILLE 1952, p. 264-266 et 269 ; BORGHOUTS 1979, col. 1014-1015 ; GOYON 1972, p. 294-317 ; ASSMANN 2003, p. 514-523, etc. 962 Au XXe siècle en basse Nubie, explique A. M. Blackman, les femmes visitaient chaque vendredi les tombes et versaient de l'eau dans des bols laissés en permanence à la tête de la sépulture : BLACKMAN 1916, p. 31 et pl. 7 et 8. Une telle pratique a aussi été observée dans les villages modernes de bédouins sédentarisés des environs d'Aidama près d'Esna (grandes jattes placées sur les tombes et servant aux libations) : TRAUNECKER, LE SAOUT, M ASSON 1981, t.i1, p. 130, n. 217. 963 DONKER VAN HEEL 1992. 964 Ibid., p. 22-24. 965 ALLAM 1994, p. 9 ; cf. DEIR EL-MEDINEH 1930, p. 19, 26 et 36 et DEIR EL-MEDINEH 1934, p. 75-76. Dans les chapelles votives de la nécropole, B. Bruyère note encore la présence de bassins de purification, d'auges à libations et de poteries cultuelles (autels portatifs, coupes à offrandes, amphores de toutes tailles) : DEIR EL-MEDINEH 1930, p. 9-10 et p. 21, fig. 2. 966 Voir à ce sujet DORESSE 1979, p. 36-44 ; TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 130-134 ; DONKER VAN HEEL 1992, p. 21. Pour le premier texte faisant référence à cette fête, à l'époque ramesside, voir

Figure 69. Table d'offrande de Tasouchion, n° inv. ÄM 11631. Cliché © Ägyptisches Museum und Papyrussammlung (SMB), Berlin. Fac-similé de l'inscription grecque, A. Tricoche.

L'implication d'Osiris dans certaines épitaphes alexandrines permet-elle de conclure, de façon plus générale, à l'adoption dans la mégapole grecque d'un rituel d'offrandes aux morts spécifiquement égyptien ? En 1952, A. Bataille allait dans ce sens en suggérant l'établissement d'un lien de cause à effet entre les fêtes thébaines en vigueur aux époques ptolémaïque et impériale d'une part, et la présence des tuyaux encastrés

957

Supra, document 10, p. 93. LÉVY 1927, p. 301, n. 3 ; cf. BERNAND 1969, p. 218, n. 4. 958 Supra, document 20, p. 95.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine pratique devient alors plus distincte : elle consiste à traverser le fleuve à intervalles réguliers (périodicité décadaire, soit trois fois par mois selon le découpage calendaire égyptien) pour se rendre à Médinet Habou dans la nécropole occidentale, avec la statue du dieu Amon d'Opê, avant d'accomplir des rites de libation et de présentation des offrandes pour les ancêtres mythiques de la divinité967. À partir de cette même époque, les festivités s'étendent à l'ensemble des défunts enterrés dans la nécropole qui sont associés à cette pratique cultuelle, comme l'indiquent les textes mortuaires thébains en l'honneur de morts particuliers, sur les statues, les sarcophages, les objets votifs ou encore dans la littérature funéraire tardive (Rituel de l'Embaumement, Livre des Respirations, papyrus funéraires Rhind, etc.) 968. Il s'agit de verser des offrandes sur les tombes selon la même périodicité décadaire théorique, et les textes liturgiques en hiératique ou démotique indiquent que le versement de l'eau tient une place très importante, souvent exclusive. Ainsi, le mort attend de recevoir de l'eau ( mw) ou une libation (d'eau) (ḳbḥ) : "Que tu reçoives (que je reçoive) l'eau de la main d'Amon d'Opê (de Djême)" ; "que la libation lui soit donnée", "que tu reçoives l'eau de sa main en même temps que (littéralement "avec") les Ba excellents", etc.969. Sur d'autres papyrus thébains d'époque romaine, en écriture démotique, les liquides dont doivent bénéficier les défunts consistent en eau, vin et lait970. Dans la documentation papyrologique de Thèbes, le terme grec qui désigne parfois les membres du clergé spécialement chargés de cette fête en l'honneur des morts est χοαχύτης (-αί), autrement dit "verseur, dispensateur de libations funéraires", les choai971. Leur fonction était loin d'être cantonnée à ce seul rituel : on sait qu'ils s'organisaient en confréries (ce sont en particulier leurs archives qui nous sont conservées), qu'ils possédaient des tombes dans la nécropole de Djême, des lieux pour le stockage provisoire des momies, ainsi que des chapelles funéraires, et

disposaient d'une clientèle avec qui ils passaient des contrats pour s'occuper des funérailles et accomplir le service religieux, les leitourgiai, pour les morts dont ils avaient la charge972. Les textes contiennent rarement des allusions au rôle concret des choachytes en matière de culte funéraire, mais leur seul titre montre assez la place déterminante de l'offrande liquide parmi les responsabilités de ce corps de prêtres. Surtout, le nom égyptien équivalent, que l'on connaît surtout à l'époque saïte, perse et ptolémaïque, en écriture démotique, est explicite quant au contenu de la libation : ce sont des ouah-mou (wȝḥ mw), "ceux qui versent l'eau", "les verseurs d'eau"973. Il apparaît ainsi qu'en forgeant le terme plus générique de choachyte, le grec a traduit à sa manière et par néologisme une profession inconnue dans la culture classique974. La fête décadaire est connue en dehors de la région de Thèbes selon une organisation semblable et une même administration complexe de personnels religieux 975. En revanche, si l'on a pu chercher à transposer le modèle thébain jusqu'à Alexandrie, et en particulier supposer l'existence de verseurs professionnels de libations aux morts dans la mégapole grecque976, il n'en existe aucun écho explicite. Le terme de choachyte est du reste inconnu d'Hérodote, de Diodore de Sicile, de Strabon et des autres écrivains qui ont traité des coutumes funéraires de l'Égypte ancienne. Il disparaît d'ailleurs totalement des sources papyrologiques à partir du Ier siècle av. J.-C. : à l'époque romaine, le soin des offrandes est peut-être revenu à la seule famille977, mais il est plus vraisemblable, comme 972

La bibliographie relative aux choachytes et leurs devoirs est extrêmement riche : voir notamment OTTO 1905, t. 1, p. 98-107 ; BATAILLE 1952, p. 246-252 ; DERDA 1991, p. 23-25 ; PESTMAN 1993, p. 6-7 ; VLEEMING 1995, p. 243-248. Les choachytes avaient aussi des fonctions liées au culte d'Amon : PESTMAN 1993, p. 461-462 ; MONTSERRAT, MESKELL 1997, p. 182-183. 973 PESTMAN 1993, p. 425 ; DONKER VAN H EEL 1992, p. 25, pour qui au Nouvel Empire, les professionnels wȝḥ mw restent encore l'apanage des rois morts ; on peut cependant rapprocher le métier de choachyte de celui de "porteur d'eau à la tombe", jn(w)-mw n(y) pȝ-ḫ, sur un ostracon hiératique de Deir el-Medineh au règne de Ramsès IV (XXe dynastie), dans GRANDET 2006, n° 10084, p. 87-88 et fig. p. 276-277. Sur les "serviteurs de Ka", considérés comme les ancêtres des wȝḥ mw à l'époque pharaonique, voir KEES 1933, p. 261-263 et SPIEGELBERG 1952, p. 140. 974 Le terme cohv renvoie bien à des libations funéraires, mais la nature du liquide employé est variable. Sur l'équivalence pourtant stricte entre les professions de wȝḥ mw et de χοαχυταί, voir MEULENAERE 1975, col. 957 ; PESTMAN 1994, p. 6 ; VLEEMING 1995, p. 243 ; cf. BOMMAS 2005, p. 261-262. 975 À Akhmim : DERCHAIN-URTEL 1989, p. 143-144. À Memphis : REVILLOUT 1880, p. 113-115 ; BATAILLE 1952, p. 261 ; JOHNSON 1984, p. 79-80 et 155-189. À Denderah : FOUCART 1924, p. 30-33. Cf. TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 130, n. 219, pour d'autres références en d'autres lieux. 976 Voir SCHREIBER 1908, p. 214-216 et SCHREIBER 1914, p. 12-13 ; cf. BOUSSAC, EMPEREUR 2001, p. 230, qui suggèrent la possibilité de retrouver à Alexandrie des parallèles au modèle thébain, tout en reconnaissant les différences radicales qui séparent les deux mondes. 977 L'existence des choachytes n'a pas fait disparaître pour autant la responsabilité familiale en matière de culte funéraire : sur des stèles funéraires datées du début de l'époque romaine et provenant d'Akhmim, inscrites en démotique, le devoir de versement d'eau revient au visiteur : CGC 22136 et 31122, dans SPIEGELBERG 1904, p. 48 et 67-68. À

SAUNERON 1952, p.10, n. c, repris et commenté dans DONKER VAN HEEL 1992, p. 20, n°17 et BOMMAS 2005, p. 260-261. 967 DORESSE 1979, p. 49-62 ; cf. TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 133-137, qui évoquent aussi les "cérémonies de remplacement", sans que l'effigie divine n'ait réellement à traverser le fleuve", et suggèrent une double liturgie, l'une plus fréquente et ordinaire, célébrée tous les dix jours, l'autre solennelle, avec une grande navigation une fois par an, et remplaçant la "belle fête de la Vallée" des siècles antérieurs. 968 Pour la participation des défunts à cette fête : BATAILLE 1952, p. 270 ; DORESSE 1979, p. 62-64i; DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3290. 969 BLACKMAN 1916, p. 32, part. n°2-4 ; MEULENAERE 1974, p. 109111 ; DORESSE 1979, p. 62-64i; HERBIN 1994, p. 142-145. Voir encore les mêmes formules sur des graffiti démotiques, dans THISSEN 1989, n°47, l. 12, p. 41-42 ; n°44, l. 10-11, p. 18-21. 970 CGC 31170 (pour Moutiritis) et 31175 (pour Pékysis), dans SPIEGELBERG 1908, p. 280-281 et 284-285. Un autre papyrus d'époque ptolémaïque est évoqué dans ASSMANN 2003, p. 514. 971 Jusque dans les années 1930, le mot grec a parfois été lu χολχύτης dans les papyrus, à cause de la similitude graphique du lambda (Λ) et de l'alpha (Α) dans les écritures ptolémaïques, et on lui a longtemps cherché une étymologie égyptienne, à partir d'une racine copte qui donnait le sens d'embaumeur, d'"enrouleur" de momies. Aujourd'hui, la lecture du mot χοαχύτης n'a plus de contradicteur. Sur ces questions, voir BATAILLE 1952, p. 246, ou plus récemment DERDA 1991, p. 23.

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L'eau et la soif du mort l'estime S. P. Vleeming, que d'autres titres aient remplacé le précédent, dans le but de mettre en valeur le rôle de ces prêtres dans le culte d'Amon de Djême978. Les allusions au rituel décadaire, avec lequel les choachytes entretenaient un lien étroit, sont du reste très courantes durant les premiers siècles de notre ère979.

particulière, susceptible de se dérouler à Alexandrie aux premiers siècles de notre ère.

En l'absence de texte, il reste l'iconographie pour évaluer l'éventuelle existence de prêtres funéraires verseurs d'eau à Alexandrie. Dans la chambre centrale du complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa (seconde moitié du Ier siècle ou première moitié du IIe siècle ap. J.-C), la petite scène latérale droite du sarcophage situé au fond, en relief, a été interprétée par Th. Schreiber et Fr. W. von Bissing comme une image de choachyte présentant l'eau à une défunte (figure 70)980 : un prêtre, vêtu d'une peau de panthère sur une longue tunique et portant des plumes sur la tête, tient un bouton de lotus de la main droite et de l'autre main un plateau surmonté d'un vase ; très stylisé, celui-ci se présente comme un récipient trapu, doté d'un col rétréci, d'un bec verseur sur la panse et peut-être d'une sorte d'uraeus à sa base. Le vase égyptien qui se rapproche le plus de cette forme est le vase à libation qebehou, plus élancé mais également muni d'un bec verseur 981. Devant le prêtre est figuré un autel orné de lotus, qui supporte des offrandes (lotus, pain et fruits ronds). À droite du tableau, une femme vêtue d'une sorte d'himation, pieds nus, la tête ceinte d'un bandeau et surmontée d'un disque solaire, lève les mains, paumes tournées vers le visage, en signe de prière ou de lamentation. S'agit-il effectivement de la défunte ou, comme le suggère J.-Y. Empereur, d'une divinité (dont le disque solaire rendrait compte) ?982 Avons-nous là l'image d'un choachyte (ou un équivalent alexandrin) offrant l'eau et la nourriture au mort, ou une scène stéréotypée de cérémonie cultuelle à l'égyptienne ? Il paraît difficile de trancher, les deux hypothèses n'étant d'ailleurs pas forcément contradictoires. L'artiste a manifestement voulu proposer une image religieuse typiquement égyptienne, qui ne s'attache sans doute à aucune scène réelle

Figure 70. Relief de la chambre centrale du complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa (niche du fond, paroi latérale droite). Ier ou IIe siècle ap. J.-C. (d'après BISSING 1901, pl. 7).

Dans la tombe Tigrane du quartier alexandrin de Cléopâtra-les-bains983 en revanche, datée de la même période, une image de prêtre prend des allures plus sobres et peut-être plus réalistes (figure 71a ci-après). Au sein du programme iconographique proposé, très original tant du point de vue des motifs que du style adopté, la décoration du couloir d'accès à la chambre principale comprend deux personnages masculins disposés de part et d'autre de l'entrée de la pièce et regardant en sa direction984. Ils portent sur la tête un nemes surmonté d'un uraeus (normalement attributs royaux) et en guise de vêtement une courte tunique décorée d'un motif quadrillé au-dessus de la ceinture, et d'écailles en dessous. Ils tiennent dans chaque main un vase piriforme à pied, terminé par une haute anse formant une boucle verticale ; il s'agit de situles, dont les nuances de gris imitent les reflets du métal. Tout en reconnaissant l'apparence très égyptienne de ces deux figures (la coiffure, le vêtement, la posture de profil), M. S. Venit estime qu'elles représentent en fait les membres d'une société isiaque, peut-être des prêtres ou des initiés aux mystères985 ; l'ensemble du décor de la tombe est également mis en rapport par ce même auteur avec le culte isiaque tel qu'il se pratiquait dans l'Empire. A. Adriani, suivi par A. Bernand ou J.-Y. Empereur, replacent en revanche les panneaux surmontant les trois sarcophages de la chambre funéraire dans une tradition

comparer en particulier avec les formules du Moyen Empire, dans SOTTAS 1913, p. 47-48 et 65. Cf. D ERDA 1991, p. 28. 978 On les appelle désormais Παστοφόρος Ἀμενώφιος τοῦ ἐν τοῖς Μεμνονείοις, littéralement "porteur de chapelle d'Aménophis dans les Memnonia", traduction grecque du titre égyptien wn-pr n Imn-Ipy n pr-imnṱ n Niw.t , "ouvreur de chapelle d'Aménophis à l'Ouest de Thèbes". VLEEMING 1995, p. 243-244 et 255. 979 TRAUNECKER, LE SAOUT, MASSON 1981, t. 1, p. 132 et n. 241. DORESSE 1979, 63 et 65, n°2, 3, 6-7, etc., documents datés de l'époque romaine, qui mentionnent la fête de la décade. Le papyrus hiératique n°58019 du Musée du Caire (fin Ier ou IIe siècle ap. J.-C.), qui fait allusion au travail d'un prêtre versant la libation pour les morts tous les dix jours, est particulièrement intéressant pour rendre compte du maintien de la profession à l'époque romaine : voir GOYON 1972, p. 310-312 ; pour le texte original et la datation, voir GOLENISCHEFF 1927, t. 1, p. 80-83 et pl. 18. 980 SCHREIBER 1908, p. 216 ; BISSING 1901, p. 6-7. Cf. KAPLAN 1999, p. 36-37 et 115. Pour la description de la scène, voir encore BERNAND 1966, p. 179 ; EMPEREUR 1995a, p. 9 et 11 ; V ENIT 2002, p. 138. 981 ARNOLD 1983, col. 216 et fig. 5 ; cf. SPIESER 1997, p. 215. 982 EMPEREUR 1995a, p. 9.

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Sur la tombe, la description et de l'analyse de son décor peint, voir ADRIANI 1956, p. 63-86 ; PICARD 1965, p. 95-100 ; EMPEREUR 1995a, p. 22-25 ; VENIT 1997, p. 708-724 et VENIT 2001, p. 137-141. 984 ADRIANI 1956, p. 67 ; VENIT 1997, p. 708-709 et VENIT 2001, p. 140. 985 VENIT 1997, p. 724 et VENIT 2001, p. 140 et n. 8, p. 142 ; il s'agirait selon l'auteur d'une métaphore visant à rappeler l'influence égyptienne dans les cultes isiaques. Cf. PICARD 1965, p. 98. Sur l'importance de la situle dans les cérémonies isiaques, voir MALAISE 1985, inventaire II des hydries isiaques, p. 151-152.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine religieuse toute égyptienne, en les comprenant comme des illustrations du mythe d'Osiris : sa mort (quand il est représenté étendu sur un lit et momifié, dans la niche du fond), puis sa renaissance (niche de droite) et son adoration (niche de gauche)986. En suivant cette seconde interprétation, il n'est pas interdit de se demander si les deux personnages postés à l'entrée de la chambre, la situle à la main, ne pourraient être des prêtres associés au rituel des libations aux morts, éventuels homologues alexandrins des choachytes de Thèbes. À ce titre, une comparaison intéressante est fournie par la stèle funéraire d'un certain Pa-di-Amun, d'époque tardive (figure 71b) : un prêtre y est figuré vêtu d'un pagne court, le crâne rasé, une situle suspendue à son bras, levant les mains en signe de prière devant une table d'offrande supportant un vase à bec et un lotus ; en face de lui apparaît Osiris sous sa forme traditionnelle – debout, les épaules de face, le reste du corps de profil, portant la couronne de Haute-Égypte surmonté d'un uraeus et tenant dans ses mains le sceptre heqa et le flagellum croisés sur sa poitrine – ; la scène est surmontée d'un disque solaire ailé987. Fait exceptionnel, le texte hiéroglyphique nous apprend que l'officiant est un choachyte (wȝḥ mw, lignes 1 et 8)988. Ainsi la situle, loin d'être l'apanage du culte isiaque, est aussi l'instrument des officiants égyptiens chargés du culte funéraire989 et permet d'établir ici un rapprochement entre les deux images. Si cette idée ne peut s'appuyer sur des preuves concrètes, il apparaît à tout le moins que la connaissance de la stèle de Pa-di-Amun apporte sa contribution dans l'étude du décor de la tombe Tigrane, et que le document trouve place dans les parallèles susceptibles d'en éclaircir le sens.

Étant formulée l'hypothèse de l'existence de prêtres verseurs d'eau aux morts à Alexandrie sur le modèle égyptien, il reste que la très grande majorité des inscriptions funéraires conservées dans la métropole se réfèrent exclusivement à la culture religieuse grecque. Elles sont certes peu disertes sur le rituel à accomplir pour les morts, mais l'une de ces épitaphes990, retrouvée dans le quartier de Wardian, évoque justement vers la fin de l'époque hellénistique les offrandes liquides destinées à un défunt du nom d'Ammônios. La stèle s'adresse explicitement au mort comme à un être supérieur : "Il faut bien, puisque tu as abandonné la belle lumière du soleil et que tu n’as pas eu le privilège de t’acquitter jusqu’au bout de ton métier de scribe, que ceux qui te pleurent se résignent au jour où – brave entre tous – le fil cruel des Moires s’est emparé de toi. L’envie, en effet, se dressant contre les vingt-cinq années d’existence vient de t’arracher à ta maison, Ammônios, non sans plonger tes parents dans les plus lamentables sanglots de douleur, mais elle t’a procuré une gloire très illustre. Tu es mort pour le salut de ta patrie [...]. Voilà pourquoi tu es honoré des héros et nous ne te donnons pas le nom de mort, mais nous t’invoquons comme les dieux infernaux avec des libations très pures et des offrandes pleines de regret, ἁγνοτάταις σπονδαῖσι ποθινοτάταισι τε λοιβαῖς, selon l’ancienne coutume de nos ancêtres. Que tous gardent à jamais le souvenir d'un ami ; oui, qu'auprès de toi l'oubli demeure au pays des hommes pieux." (traduction E. Bernand). Dans ce texte, l'idéal de la "belle mort" du soldat et la vision de l'Au-delà sont tout à fait grecs ; le courage d'Ammônios, mort dignement au combat, lui confère honneur et gloire et l'introduit "au pays des hommes pieux", χῶρον ἀν᾽ εὐσεβέων. Par conséquent, les honneurs rendus au défunt sont calqués sur ceux que reçoivent les puissances souterraines, θεοῖς καταχθονίοις. Le choix des mots pour évoquer les rites effectués est également révélateur de son statut : si le terme loibê peut désigner les offrandes liquides en général, éventuellement à destination des morts991, les libations du type spondê s'adressent plus spécifiquement aux Immortels992 ; en outre, l'adjectif agnos ("pur", "sacré") qui lui est associé au superlatif, convient particulièrement au monde du divin (lieux, objets, rites)993 et souligne encore l'héroïsation du défunt. La référence dans le texte à la tradition ancestrale (ἀρχαίοις ὡς πάρος ἐστὶν ἕθος) invite à évaluer d'après les sources grecques le rôle de l'eau dans les libations que l'on destinait à cet Alexandrin. Comme les spondai répandues pour les dieux en toute sorte de circonstances (un sacrifice, un repas, un voyage, un combat, un traité, etc.) 994, les libations aux morts de renom et aux héros

Figure 71. Représentation d'un prêtre dans la tombe Tigrane (Alexandrie, Ier-IIe s iècle ap. J.-C.) (a, d'après VENIT 1997, p. 709, fig. 3), comparée à la stèle funéraire du choachyte Pa-diAmun (époque tardive) (b, d'après BOMMAS 2005, p. 263, fig. 1).

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BERNAND 1969, n°64, p. 259-263. Dans EURIPIDE, Suppliantes, 974-975 ou SOPHOCLE, Électre, 51-53. Pour le sens de ce mot, voir CASABONA 1966, p. 273-275. 992 CASABONA 1966, s.v. "Σπονδή", part. p. 253-256. Le terme, utilisé pour évoquer les libations destinées à Agamemnon chez EURIPIDE, Électre, 511-512, veut sans doute souligner le caractère supérieur de l'illustre défunt, à qui l'on offre aussi un sacrifice sanglant. 993 LSJ, s.v. "ἄγνος" ; RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 39-40. 994 HOMÈRE, Odyssée, VII, 163-165 ; XIII, 50-53 ; THUCYDIDE, VI, 32, etc. RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 240-245.

ADRIANI 1956, p. 70-74 ; BERNAND 1966 (éd. de 1998), p. 237 ; EMPEREUR 1995a, p. 23-24. 987 BOMMAS 2005, p. 263, fig. 1 et p. 264. D'abord conservé au musée de York, le lieu de conservation actuel, en Angleterre, est inconnu. 988 WB I, p. 257, 10. On notera que des graphies différentes ont été utilisées pour chacune des deux occurrences du texte. 989 BOMMAS 2005, particulièrement p. 261-264. Les situles retrouvées, décorées de scènes funéraires et contenant les textes à réciter lors de cérémonies en l'honneur des morts, en sont d'autres témoignages : QUAEGEBEUR 1979, p. 27, fig. 1 ; WALKER, HIGGS 2001, p. 114 et fig. 139.

991

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L'eau et la soif du mort peuvent être constituées de vin mêlé d'eau, que l'on boit en partie995. L'offrande de sang, d'ordinaire versé dans un bothros, est quant à elle réservée aux cérémonies les plus complexes organisées autour du sacrifice d'un animal996. L'emploi de vin lui-même était loin d'être une règle absolue. À l'occasion d'un banquet, au moment des spondai rituelles aux dieux et aux héros, c'est de l'eau que Pindare choisit de verser pour le vainqueur de pancrace Philacidas d'Égine et sa famille997. On peut également opposer deux lois sacrées, l'une provenant de Sélinonte au Ve siècle av. J.-C., l'autre d'Attique au IVe siècle av. J.-C., qui font toutes deux allusion au culte des ancêtres (Tritopatreis) : dans la première inscription, l'énumération des rites accomplis sur les tombes (l. 9-17) comprend le versement de vin, peut-être utilisé pur ; le texte précise qu'ils reçoivent les mêmes honneurs que les héros998 ; au contraire, le calendrier attique du dème d'Erchia précise que le sacrifice aux Tritopatreis est justement νηφάλιος, sans vin 999. Il apparaît également que les libations aux puissances infernales – que l'Ammônios d'Alexandrie semble avoir rejointes après son trépas – se caractérisent souvent par leur sobriété1000. L'exemple le mieux connu est celui des Euménides (ou Érinyes), dont les offrandes propitiatoires, chez Eschyle et Sophocle, interdisent l'usage du vin (adjectifs νηφάλιος ou ἄοινος) 1001. Sophocle en précise la composition : de l'eau sacrée (ἱρὰς χοάς), qu'Œdipe aura pris soin de puiser à une source vive (ἀειρύτου κρήνης), mêlée à du miel1002. De même, dans un fragment de l'Érechthée, Euripide relate comment, pour les filles du héros athénien devenues puissances chthoniennes après leur mort sous le nom de Hyacinthides, une libation est versée avant chaque combat, composée du "fruit recueilli par l'abeille industrieuse mélangé à de l'eau fraîche puisée à la

rivière", πολυπόνου καρπὸν μιλίσσης ποταμίαις πηγαῖς ὁμοῦ 1003. Au IXe siècle, le lexicographe Photius définit encore les libations sans vin comme un mélange d'eau et de lait miellé1004. Peut-être est-ce donc ce type de libation sacrée dont doit bénéficier Ammônios après sa mort.

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Plus largement, et devant le silence des inscriptions concernant la nature des liquides offerts aux défunts d'Alexandrie, il convient de se tourner vers les évocations littéraires concernant les libations de type choai (χοαί, sg. χοή) 1005. Les études modernes, nombreuses à considérer le rituel de l'offrande funéraire sous ses différents aspects dans la tradition religieuse grecque, accordent un intérêt plus ou moins soutenu à la composition des liquides versés sur la tombe1006, et les fortes divergences de point de vue concernant l'importance spécifique de l'eau1007 invitent à reconsidérer cette question. À cette fin, nous laisserons de côté les offrandes de sang, normalement exclues des libations funéraires en l'honneur des simples mortels à partir de l'époque classique1008, et sans doute réservées, dans les nécropoles d'Alexandrie, aux seules occasions sacrificielles sur les autels. Un mélange complexe, impliquant de l'eau, caractérise certaines des libations funéraires dans les sources littéraires. Ainsi dans l'épopée homérique, les morts reçoivent d'Ulysse une triple libation composée de lait miellé (µελίκρατον), de vin et d'eau1009. À l'époque classique, la même mixture est versée "pour la terre et les morts" par la reine Atossa dans les Perses d'Eschyle : après le "doux lait blanc" et le "miel brillant" vient "l'eau qui coule d'une source vierge" (λιβάσιν ὑδρηλαῖς παρθένου πηγῆς μέτα), enfin suivie du vin provenant d'une vigne sauvage1010. On retrouve EURIPIDE, Érechthée, 85-86. Voir AUSTIN 1967, p. 38 et 57-58. PHOTIUS, Lexicon, s.v. "νηφάλιοι θυσίαι" : ἐν αἷς οἶνος οὐ σπένδεται, ἀλλ᾽ ὕδωρ καὶ μελίχκρατον. Cf. Théophraste, apud PORPHYRE, De l'Abstinence, II, 20 : νηφάλια δ᾽ ἐστὶν τὰ ὑδρόδπονδα.
 1005 LSJ, s.v. "χοή" ; RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 246-248 ; CASABONA 1966, p. 290-297. 1006 Sur ce thème, voir notamment STENGEL 1910, p. 36-37 et 126-145 ; EITREM 1915, p. 106 ; RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 246-248 ; GRAF 1980, p. 217-220 ; JOUAN 1981, particulièrement p. 406 et 411412 ; cf. JOUANNA 1992, p. 422-427, où l'auteur s'emploie à montrer le jeu théâtral autour de ces rites. Pour l'eau comme ingrédient de la libation aux morts, TRICOCHE 1999, p. 51-55. 1007 On soulignera en particulier l'opposition frappante entre DIEHL 1964, p. 128-144, où l'auteur considère le rôle crucial de l'eau dans les pratiques à la tombe au travers de son étude sur les hydries, et MÖSCHKLINGELE 2006, p. 19-21, où il est estimé, d'après quelques exemples littéraires choisis, "dass Wasser kein typisches Spendegut für Verstorbene war". 1008 Pour l'époque archaïque, HOMÈRE, Odyssée, X, 525-535 et XI, 2940. Sur la question de la rareté de l'offrande de sang pour les morts ordinaires, voir EKROTH 2002, p. 254-257. Quelques exceptions, à l'époque classique, sont à signaler dans les sources littéraires : EURIPIDE, Hécube, 537-536 ; EURIPIDE, Héraclides, 1041. Ce dernier témoignage atteste toutefois la distinction établie par les Grecs entre l'offrande de sang et les libations funéraires habituelles du type choê : "ne les laisse verser ni libation ni sang, χοάς μήθ᾽ αἶμ᾽ ἐάσῃς, sur mon tombeau", demande le roi d'Argos aux vieillards de Marathon quelques instants avant de mourir, en désignant les Héraclides. 1009 HOMÈRE, Odyssée, X, 517-520 et XI, 24-28. 1010 ESCHYLE, Perses, 611-618.

HOMÈRE, Iliade, XXIII, 218-220 (Patrocle) ; EURIPIDE, Électre, 511 (Agamemnon) ; PLUTARQUE, Vie d'Aristide, 21 (morts à la bataille de Platées), etc. 996 PAUSANIAS, V, 13, 2 (en l'honneur de Pélops) ; IX, 39, 6 (Agamède) ; X, 4, 10 (héros fondateur) ; PHILOSTRATE, Sur les héros, 53, 11-12 (Achille). Les divinités infernales sont également concernées par l'offrande de sang dans un autel creux de type bothros : LUCIEN, Ménippe, 9 ; APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, III, 1026-1041 et 1194-1222, etc. Voir EKROTH 2002, p. 60-71. Nous considérons à part les opérations d'égorgement de l'animal, où le jaillissement du sang ne constitue pas à proprement parler une libation ; sur cette question, EKROTH 2002, p. 171-177. 997 PINDARE, Isthmiques, VI, 74. 998 DUBOIS 2003, p. 114-115. 999 LSCG 18, Δ, l. 41-46. Précisons que l'inscription n'adresse pas les sacrifices sanglants de type νηφάλιος aux seuls Tritopatreis, mais également à des dieux et des héros mineurs (Α, l. 41 ; Γ, l. 52, Ε, l. 63) : voir DAUX 1963, p. 604-610 et 629. 1000 SCHOL. SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 100, dans FGrHist 328, F 12 : Philochore cite Polemôn d'Ilion qui donne une liste des divinités à qui l'on offrait de telles libations ; leur lien avec le monde des Enfers n'est cependant pas toujours clair. Voir TOUTAIN 1911, p. 963 et AUSTIN 1967, p. 57-58. D'après Philochore et avant lui PLUTARQUE, Préceptes d'hygiène, 19, 132e-f, Dionysos lui-même, quand il est envisagé comme divinité infernale, recevait des offrandes sans vin. 1001 ESCHYLE, Euménides, 106-107 ; SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 100. Voir l'étude consacrée aux libations sans vin dans HENRICHS 1983, p. 87-100, part. p. 91-92, n. 18-23 et p. 96. 1002 SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 469-470 et 481. Cf. PAUSANIAS, II, 11, 4, qui parle de melicraton au sujet des libations aux Euménides.

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine encore un mélange similaire, "selon la coutume réservée aux morts" dans l'Iphigénie en Tauride ou dans l'Oreste d'Euripide (respectivement pour Oreste qu'Iphigénie croit mort et pour Clytemnestre), où cependant l'eau, probablement déjà mêlée au vin, n'est pas explicitement mentionnée1011. Cette tradition est encore bien vivante au IIe siècle de notre ère, lorsque Lucien de Samosate rend compte des pratiques funéraires à la tombe et mentionne le versement de vin et de μελίκρατον sur un autel de type βόθρος 1012 : à cette époque, le melicraton désigne couramment un mélange d'eau et de miel, notamment chez les médecins Antyllus et Galien, contemporains de Lucien 1013. En Égypte romaine, l'épitaphe en vers bien connue d'Isidôra à Touna elGebel, également datée du IIe siècle ap. J.-C., énumère précisément les offrandes dont la défunte, considérée comme une divinité (θεός, ἀθάνατος, l. 2 et 14) et assimilée à une nymphe (l. 5), doit bénéficier chaque année selon les saisons : "l'Hiver, le lait blanc, la grasse fleur de l'olivier […]. Le printemps envoie ici le produit de l'abeille industrieuse […] ; la chaleur de l'Été, la boisson qui vient du pressoir de Bacchus" (l. 7-11, traduction E. Bernand)1014. Peut-on considérer ce texte comme un témoignage fiable quant à la composition des libations offertes aux défunts grecs d'Égypte ? Les liquides dont il est question (lait, huile, miel et vin) conviennent aux Nymphes1015 comme aux morts ordinaires et rappellent la complexité de la triple libation dans la littérature archaïque et classique, cependant que l'eau est ici absente. De fait, l'inscription fait davantage figure d'évocation poétique, où les offrandes, plutôt que versées toutes ensemble selon l'usage grec, sont évoquées par saison en fonction des produits de la nature ; on a d'ailleurs souligné le caractère quelque peu arbitraire de cette répartition1016. En conséquence, l'omission de l'eau dans l'épitaphe paraît ici peu révélatrice de son absence réelle dans les libations aux morts destinées à la population hellénisée de l'Égypte romaine. Une composition plus simple peut être adoptée pour les choai versées sur les tombes selon la coutume grecque, où l'eau apparaît bien comme l'ingrédient permanent entre tous, qu'il soit associé au vin, à l'huile, au lait ou au miel. La libation de vin coupé d'eau dans un cratère se rencontre dans l'Iliade, pour évoquer l'ombre de Patrocle1017. C'est aussi quelques gouttes de

vin, peut-être pur, qu'un vieillard verse sur le tombeau d'Agamemnon dans l'Électre d'Euripide, mais il s'agit là du seul liquide dont il dispose en se rendant à un banquet1018. Selon une scholie d'Apollonios de Rhodes, le terme de choai désignait, dans le langage courant des Anciens, une mixture d'eau et d'huile d'olive1019. On retrouve ce mélange dans un fragment de l'Éxégétique de Kleidêmos (IVe siècle av. J.-C.), où le rituel décrit le versement d'eau et d'huile parfumée dans une fosse creusée à l'ouest de la tombe1020 ; Athénée, qui nous transmet ce fragment, souligne que la pratique en question, nommée ἐναγισμός par Kleidêmos, s'effectue en l'honneur des morts, εἰς τιμὴν τοῖς νεκροῖς 1021. Dans le papyrus de Derveni décrivant les pratiques religieuses de son époque (V e ou IVe siècle av. J.-C.), ce sont plutôt l'eau et le lait qui sont requis pour apaiser les âmes, "liquides à partir desquels précisément ils font des libations"1022. Chez Sophocle, un filet de lait probablement dilué avec de l'eau coule ainsi sur le tertre funéraire d'Oreste quand Chrysothémis s'en approche1023. Il est encore quelques témoignages littéraires de l'époque classique, certes diversement interprétés, d'après lesquels l'eau est versée à l'exclusion de tout autre liquide. Dans l'enclos sacré des Euménides, l'eau vive (ῥυτῶν ὑδάτων) semble suffire au vieil Œdipe pour les choai qu'il demande à ses filles de préparer en prévision de sa mort prochaine1024. Toutefois, les circonstances et la précipitation ne permettent pas ici de recourir à un liquide plus élaboré ; on ne saurait en outre affirmer que l'offrande est bien destinée à Œdipe, et non aux divinités funéraires maîtresses des lieux. En revanche, c'est bien par choix que la libation offerte sur la tombe d'Agamemnon, dans les Choéphores d'Eschyle, est réduite à sa plus simple expression : à cette occasion, Électre et les servantes qui l'accompagnent se concertent longuement sur la meilleure façon de verser l'eau lustrale, χέρνιβας 1025. Certains auteurs ont estimé que ce 1018

EURIPIDE, Électre, 510-511. SCHOL. APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques I, 1075-1077a. Pour le scholiaste, le terme chytla serait préférable : χύτλα : κυρίως τὰ μεθ᾽ ὕδατος ἔλαια, καταχρηστικῶς δὲ τὰ ἐναγίσματα καὶ αἱ χοαί. Cf. Etymologicum Magnum, s.v. "χύτλα". 1020 FGrHist 323, F 14. Comparer avec la loi somptuaire de Ioulis (Céos), qui à la fin du Ve siècle av. J.-C. limite les libations offertes le jour des funérailles à trois conges de vin et à une conge d'huile : IG XII, 5, 593 (= LSCG 97), A, l. 8-9 ; l'absence de mention de l'eau suggère que son usage, peu dispendieux, n'était pas restreint. 1021 ATHÉNÉE, IX, 409f. L. Moulinier a pourtant estimé que le rite s'adressait en fait aux vivants et constituait des purifications pour ceux qui ne respectaient pas leurs devoirs à l'égard des morts, les egageis que mentionne Athénée (MOULINIER 1950, p. 209-210) ; cette suggestion paraît toutefois dénuée d'arguments solides. Voir à ce sujet RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 248, KURTZ, BOARDMAN 1971, p. 150 et MÖSCH-K LINGELE 2006, p. 21. 1022 JOURDAN 2003, col. VI, 1-7 : ἐπισπέδουσιν ὕδωρ καὶ γάλα, ἐξ ὧμπερ καὶ τὰς χοὰς ποιῦσιν.
 1023 SOPHOCLE, Électre, 893-895. 1024 SOPHOCLE, Œdipe à Colone, 1598-1599. En plus des choai, les loutra mentionnées dans ce même passage ont sans doute pour but de procéder à la toilette funéraire du cadavre d'Œdipe. 1025 ESCHYLE, Choéphores, part. 129-130 (et 85-130 pour la description de l'ensemble de la scène). 1019

1011

EURIPIDE, Iphigénie en Tauride, 159-166 ; id., Oreste, 114-115. Le même rituel est encore observé par une femme sur la tombe de son enfant, dans HÉLIODORE, Éthiopiques, VI, 14, 3 (Ier-IIe siècle ap. J.-C.). 1012 LUCIEN DE SAMOSATE, Charon, 22 ; cf. id., Philopseudes, 21. 1013 Apud ORIBASE, Collection médicale V, 29, 7 et V, 14. 1014 BERNAND 1969, n°87, p. 350-357 ; cf. LARSON 2001, p. 192-193. 1015 THÉOCRITE, Idylle V, 53-54 (lait et huile) ; cf. H OMÈRE, Odyssée, XIII, 102-108, qui témoigne du rapport entre les Nymphes et le vin, le miel et l'huile. Dans le culte des Nymphes, l'usage interdit quelquefois l'usage du vin : PAUSANIAS, V, 15, 10 (Olympie) et FGrHist 328, F 12 (Attique). Sur les libations aux Nymphes, voir LARSON 2001, p. 192193 et 251-252. 1016 BERNAND 1969, p. 353 ; DUNAND, LICHTENBERG 1995, p. 3290. 1017 HOMÈRE, Iliade, XXIII, 218-221. La présence d'un cratère où le vin est puisé implique le mélange préalable avec de l'eau.

132

L'eau et la soif du mort terme désignerait ici, non pas l'offrande même, mais une eau destinée à la purification des participants1026. Le texte paraît pourtant explicite sur ce point : l'eau est versée "pour les morts" (φθιτοῖς), tandis que le récipient contenant le liquide de la libation est rapproché d'un "objet cathartique qu'on jette après usage" (καθάρμαθ᾽ ὥς τις ἐκπέμψας, vers 99) ; il semble donc que le terme khernips renvoie bien à l'action rituelle même, une libation d'eau aux vertus purificatrices. Par ailleurs, deux passages de l'Électre de Sophocle évoquent des λουτρά apportées sur la tombe du même Agamemnon, d'abord par Oreste, puis par Chrysothémis à la demande de Clytemnestre1027. Tandis que la plupart des philologues et éditeurs de la pièce de Sophocle se contentent de traduire le terme loutra par "libations", éventuellement sans la contribution de l'eau1028, Chr. Mauduit a montré qu'il désignait toujours, au pluriel comme au singulier, l'eau du bain ou l'action de se baigner (y compris au sujet de morts pour qui l'on procède à la toilette funéraire)1029. Dans la pièce de Sophocle, il s'agit bien de choai – le mot est également employé, et le geste du versement est désigné par le verbe χέω – mais sans doute d'un type particulier, uniquement composées d'eau et ayant valeur plus spécifique de purification pour le mort1030. Le rituel décrit par Sophocle et Eschyle est sans doute à mettre en rapport avec les conditions très particulières de la mort d'Agamemnon dans la version classique adoptée par les Tragiques, où le chef de l'armée argienne, assassiné par sa femme dans son propre bain, a été mutilé et finalement enseveli sans les honneurs de la toilette funéraire1031. On a toutefois fait remarquer que la notion de bain renouvelé symboliquement sur le tombeau n'était peut-être pas étrangère aux pratiques réellement opérées à la tombe par les Grecs de l'Antiquité1032. Si les preuves formelles

manquent à l'appui de cette supposition, du moins certains des témoignages écrits mis à contribution, plus ou moins explicites, confirment-ils le large emploi qu'on faisait de l'eau à l'occasion des rites funéraires. Il en est ainsi de la courte évocation par Hésychius des loutra apportées aux morts sur leur tombe (mais est-il ici question d'une eau de bain déposée dans des récipients, ou de versements de type choai ?) 1033, ou de la coutume annuelle, relatée par Plutarque, de nettoyer à l'eau les stèles des combattants de Platées (qui s'apparente davantage à une marque de respect pour les morts, sous la forme d'aspersions, qu'à un bain symbolique)1034. L'importance de l'eau dans le rituel d'offrande aux morts a même conduit certains chercheurs à supposer, à l'appui de données textuelles laconiques1035, qu'une cérémonie athénienne de deuil, connue sous le nom d'Hydrophoria par des sources tardives et censée commémorer sous sa forme originelle les victimes du déluge de Deucalion, était célébrée au troisième jour de la fête des Anthestéries et comportait des libations d'eau pour les défunts dans un creux situé à proximité du temple de Zeus Olympios1036. Le rite trouverait alors peut-être son équivalent romain dans l'arferia (ou adferial), qui désigne chez les lexicographes l'eau versée en libation pour les dieux infernaux et les morts1037. L'iconographie ne peut généralement pas spécifier la nature du liquide employé pour les libations, sauf par le biais des vases à contenir : les lécythes attiques à fond blanc de la seconde moitié du Ve siècle av. J.-C. sont ainsi nombreux à figurer des scènes de visite à la tombe, où un parent apporte une hydrie, ou verse son contenu sur une stèle funéraire (figure 72)1038.

documents attestant le placement de récipients d'eau sur la tombe en guise de monument commémoratif ou en tant qu'offrande. Ils symbolisaient peut-être l'eau du bain, mais n'en contenaient pas nécessairement dans la réalité. Sur la loutrophore, spécifiquement réservée aux personnes mortes avant le mariage, voir en dernier lieu MÖSCH-K LINGELE 2006. 1033 HÉSYCHIUS, s.v. "χθόνια λουτρὰ". Voir sur cette question DIEHL 1964, p. 136 ; MAUDUIT 1994, p. 134 et n. 19 ; cf. MÖSCH-K LINGELE 2006, p. 21. 1034 PLUTARQUE, Aristide, 21. cf. DIEHL 1964, p. 134-135. De même, dans la description par Kleidêmos du rituel à la tombe (KLEIDÊMOS, Exégétique, apud ATHÉNÉE, IX, 409f), évoqué précédemment, le terme désignant l'eau à destination des morts, aponimma, renvoie à l'idée d'un nettoyage ayant peut-être valeur d'un bain (LSJ, s.v. "ἀπονίζω" et "ἀπόνιμμα") ; mais le verbe καταχέω indique qu'il s'agit de toute façon bien de versements du même type que les choai. STENGEL 1922, p. 540541 ; DIEHL 1964, p. 135-136 ; cf. RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 248. 1035 SCHOL. ARISTOPHANE, Grenouilles, 218 ; APOLLONIOS, apud PHOTIUS, Lexicon, s.v. "Ὑδροφόρια" : FGrHist, 365, F4 ; H ÉSYCHIUS et l'Etymologicum Magnum, s.v. " Ὑδροφόρια". 1036 Avec PAUSANIAS, I, 18, 7 et PLUTARQUE, Vie de Sylla, 14 ; cf. LUCIEN, Déesse syrienne, 13 (où il est question d'eau versée dans une ouverture du temple d'Héra à Hiérapolis). Sur cette question, voir DIEHL 1964, p. 130 ; cf. GIRARD 1892, p. 238 ; DEONNA 1939, p. 62, etc. 1037 FESTUS, s.v. "arferia" : aquae, quae inferis libabatur ; Corpus Glossariorum Latinorum, II, 462, 26, s.v. "adferial" : ὕδωρ τὸ τοῖς νεκροῖς σπενδόμενον. 1038 DIEHL 1964, p. 137-140.

1026

Voir en dernier lieu MÖSCH-KLINGELE 2006, p. 20 et n. 145 : l'auteur mentionne les précédentes études ayant abouti à cette conclusion et s'y range elle-même, estimant que la description de l'offrande proprement dite est décrite ensuite (au vers 149). L'idée que le terme khernips renvoie plutôt à l'eau de la libation a aussi ses défenseurs : STENGEL 1922, p. 539-540 ; cf. LSJ, s.v. "χέρνιψ" ("libations to the dead"). 1027 SOPHOCLE, Électre, 82-84 et 431-434 (λουτρὰ προσφέπειν). 1028 STENGEL 1922, p. 535-550 et les éditeurs Jebb, Kells, Kamerbeek. Cf. MAUDUIT 1994, p. 132-133 et MÖSCH-KLINGELE 2006, p. 20-21, pour l'historique de cette question. 1029 MAUDUIT 1994, part. p. 135-137. L'auteur relève 36 occurrences de ce mot, ayant toujours le même sens. 1030 Cf. EITREM 1915, 117-118, MOULINIER 1950, p. 207, RUDHARDT 1958 (éd. de 1992), p. 248, GINOUVÈS 1962, p. 244, qui attribuaient déjà l'idée d'une catharsis aux loutra de Sophocle. Grâce à la démonstration de Chr. Mauduit, cette solution paraît aujourd'hui acquise, même si très récemment R. Mösch-Klingele, ignorant cette précieuse analyse, considérait encore le terme loutra comme un simple synonyme de choai et estimait que l'eau était absente du rituel des Choéphores : MÖSCH-K LINGELE 2006, p. 21. Du reste, l'iconographie permet de souligner le rôle de l'eau dans le rite d'offrande à la tombe d'Agamemnon : voir à ce sujet DIEHL 1964, p. 141-144. 1031 ESCHYLE, Choéphores, 439-442 ; EURIPIDE, Hécube, 1281 ; Électre, 157, 442-446, 1148-1149a; Oreste, 366-367. Cf. MAUDUIT 1994, p. 141-145. 1032 Voir en particulier G INOUVÈS 1962, p. 244-264 et D IEHL 1964, p. 136-141. À cette occasion, les deux auteurs dressent l'inventaire des

133

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine

Figure 72. Scènes d'offrandes à la tombe au moyen d'hydries, sur des lécythes à fond blanc attiques, Ve siècle av. J.-C. (a et c, d'après KURTZ 1975, fig. 42. 2 et 43.2 ; b et d, d'après RIEZLER 1914, t. 2, pl. 55 et 83).

134

L'eau et la soif du mort deux cents exemplaires datés à partir du Ier siècle av. J.-C. sont actuellement connus dans l'ensemble de l'Empire romain, et il est couramment admis que ces petites statues d'Osiris au corps ovoïde, sans bras ni pieds seraient en fait des simulacres de cruches à eau surmontées de la tête du dieu1044. Cette interprétation, qui fait préférer à R. A. Wild l'appellation d'Osiris Hydreios à propos de ce type iconographique, se fonde sur le rapprochement actuellement opéré avec le vase sacré porté en procession durant les cérémonies isiaques gréco-romaines, l'hydreion censé contenir de l'eau du Nil1045 : tous deux sont des objets de vénération, ont été diffusés en même temps dans l'Empire, occupent une place privilégiée dans le rituel des temples et présentent des ornements égyptiens comparables. À la suite de l'étude de R. A. Wild, N. Genaille a toutefois insisté sur la différence radicale de fonction qui distingue les deux objets, l'Osiris-Canope étant une image divine, tandis que le vase sacré hydreion constitue avant tout un instrument de culte1046. Par ailleurs, si l'on a pu supposer que le récipient d'eau isiaque était considéré par les adeptes comme une incarnation d'Osiris1047, il n'en a de toute façon pas l'apparence, d'après la description détaillée laissée par Apulée à l'occasion de la procession du Navigium Isidis à Cenchrées près du port de Corinthe (IIe siècle ap. J.-C.) : "… une petite urne très habilement évidée, au fond bien arrondi, décoré à l'extérieur d'admirables figures égyptiennes. L'orifice, pas très élevé, se prolongeait par une rigole en forme de bec avançant ; de l'autre côté, était fixée une anse se détachant bien en une ample courbe, et au sommet de laquelle se tenait un aspic aux replis tortueux, dressant l'enflure de son cou écailleux" (traduction P. Valette)1048. Une série d'hydries représentées sur des scènes égyptiennes du Fayoum et de Basse-Égypte, datées de l'époque romaine, rend précisément compte de l'aspect de l'urnula d'Apulée

CONCLUSIONS La documentation écrite et iconographique d'Alexandrie relative à l'eau espérée dans l'Au-delà grâce à l'intervention d'Osiris, constitue un témoignage important pour l'appréhension des croyances et des préoccupations eschatologiques d'une partie des habitants de la métropole. Comme de nombreux auteurs l'ont souligné, la formule grecque de l'eau fraîche se rattache directement au succès du culte osiriaque dans la métropole, et plus largement à l'expansion des cultes d'inspiration égyptienne dans l'Empire romain1039 ; certains surnoms, tels Serapias, Isidôra, ou Isias, que portent les défuntes des inscriptions funéraires d'Alexandrie, de Rome ou de Palestine, renvoient explicitement à une dévotion aux divinités éponymes appartenant au cercle isiaque. La place des femmes dans l'inventaire spécifique des textes contenant la formule de l'eau fraîche, à Alexandrie et ailleurs, n'est d'ailleurs pas sans surprendre : dix mentions féminines, jeunes épouses ou mères1040, pour seulement trois hommes, les autres documents concernant soit des défunts anonymes, soit des enfants1041 ; et c'est encore une femme qui est représentée sur la plaque de fermeture du loculus du Hall de Caracalla à Kôm el-Chougafa, unique vestige iconographique sur ce thème. Toutefois la trop faible quantité de documents conservés interdit de proposer des interprétations solides sur cette question. Du reste, si depuis l'étude de S. Heyob sur The Cult of Isis among Women in the Graeco-Roman World (1975), on a pu estimer que la dévotion isiaque touchait essentiellement les femmes et leurs préoccupations, F. Mora et M. Malaise se sont depuis lors attachés, par un examen statistique, à relativiser cette hypothèse1042. Nous aurions encore pu évoquer, au titre d'équivalent plastique de la formule funéraire de l'eau fraîche, la découverte de trois petites terres cuites dans des tombes alexandrines d'époque romaine, figurant des "OsirisCanope" (figure 73 ci-après)1043. Généralement découverts dans des sanctuaires dédiés aux dieux égyptiens, plus de

1044

MALAISE 1972b, p. 125-126 ; FOUQUET 1973, p. 66 ; THÉLAMON 1981, p. 217-219 ; WILD 1981, p. 113-123 ; CLERC, LECLANT 1994b, p. 116-117 ; MALAISE 2005, p. 65-66 et 140-141, etc. Voir encore les deux Osiris-Canopes (statuette et amulette) récemment découverts dans la région canopique submergée en baie d'Aboukir, dans GODDIO 2006, p. 78-79 (n°1 et 8, époque romaine). 1045 Plusieurs auteurs antiques évoquent explicitement ce récipient cultuel comme un vase à eau nilotique : voir PLUTARQUE, Isis et Osiris, 36 ; VITRUVE, VIII, Praef. 4 ; CLÉMENT D'A LEXANDRIE, Stromates, 6, 4, 37 ; cf. RUFIN D'AQUILÉE, Histoire ecclésiastique, II, 26, qui opère la confusion entre hydrie et canope. Sur cette question, voir MALAISE 1985, p. 147-148. Plus généralement, sur l'importance de l'eau dans le culte isiaque, voir les études consacrées à ce thème dans BONNEAU 1964, p. 280-284, DUNAND 1973, p. 182-192, et surtout WILD 1981 ; plus récemment, MALAISE 2005, p. 59-66. 1046 GENAILLE 1983, p. 304. 1047 APULÉE, Métamorphoses, XI, 11, rapporte que ce récipient représentait "l'image vénérable de la divinité suprême", laquelle pourrait être Osiris compte tenu de l'association récurrente entre l'eau et le dieu dans la tradition religieuse égyptienne, dont les auteurs anciens se font l'écho (PLUTARQUE, Isis et Osiris, 33, 36 et 38 ; EUSÈBE, Préparation évangélique III, 11, 50). Pour l'hydrie comme symbole de la présence d'Osiris dans les cultes isiaques, voir MALAISE 1985, p. 143-145. Par extension, le dieu Hydreios, dont le théonyme est attesté dans quelques inscriptions du Sarapeion C de Délos (RICIS 202/0323, et 0342-0344), est volontiers rattaché à une forme hellénisée d'Osiris (MALAISE 1972b, p. 307 ; MALAISE 1985, p. 150-153 ; MALAISE 2005, p. 59-60). 1048 APULÉE, Métamorphoses, XI, 11. La question de la morphologie de l'hydrie isiaque a été précisément abordée dans MALAISE 1985, p. 143144 et 149-153.

1039

LÉVY 1927, p. 308 ; WAGNER 1972, p. 159 ; WILD 1981, p. 126 ; LECLANT 1994, p. 10 ; DUNAND, LICHTENBERG 1998, p. 122, etc. Voir encore les recueils des inscriptions concernant la religion isiaque de L. Vidman (SIRIS, 1969) et de L. Bricault (RICIS, 2005), dans lesquels figurent les textes de l'eau fraîche d'Osiris. Selon l'interprétation de M. S. Venit, la tombe Tigrane Pacha à Alexandrie aurait une décoration liée au culte isiaque : VENIT 1997, p. 701-729. Sur le culte isiaque dans la métropole, voir DUNAND 1973, t. 1, p. 110-121. 1040 Korrelia (21 ans, doc. 12) ; Olympias (22 ans, doc. 17) ; Aurêlia (doc. 11), qualifiée seulement d'épouse, est probablement morte avant d'avoir eu un enfant ; Serapias (mère et épouse, doc. 6) ; Taêsi (mère et épouse, doc. 9) ; Herôïs (jeune mère, 18 ans, doc. 10). 1041 Des filles ou des garçons âgés de un à quinze ans : Markos avait 10 ans (doc. 13) ; Priskos et Isidôra, frère et sœur, étaient âgés de 15 et 7 ans (doc. 20) ; Claudia avait moins de 2 ans (doc. 15). 1042 Selon les régions en effet, la participation des femmes aux cultes isiaques oscille entre une présence presque nulle et une intégration qui se situe aux alentours de 50%. MALAISE 1978, p. 700i; MORA 1990, t. 2, p. 1-29 ; voir encore MALAISE 1993, p. 369-371 et MALAISE 2004, p. 55. Cf. DUNAND 1973, t. 3, p. 163-167. 1043 BRECCIA 1930b, n°165, p. 43-44 (Necropolis ; h : 6,5 cm), n°277, p. 57 (Kôm el-Chougafa ; h : 5 cm) et n°280, p. 58 (Ibrahimieh ; h : 20 cm) ; cf. CLERC, LECLANT 1994b, n°55, 55a et 86, p. 124 et 127.

135

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires aux époques grecque et romaine (même forme ovoïde, même anse surmontée d'un uraeus, même bec allongé et incurvé), sans qu'il soit toutefois possible d'en affirmer le caractère isiaque (figure 74)1049. Quant aux statues d'Osiris-Canope, elles rappellent bien davantage, du strict point de vue morphologique, les vases surmontés des têtes des quatre fils d'Horus et destinés dans le culte funéraire égyptien à renfermer les viscères du défunt (les vases dits "canopes"). Ainsi, il n'existe pas à ce jour d'élément matériel probant permettant de démontrer le

lien entre l'offrande d'eau et les statues d'Osiris-Canope ; de ce fait, les arguments paraissent quelque peu insuffisants pour établir un rapprochement sémantique entre les mentions écrites du ψυχρὸν ὕδωρ, réservées aux morts, et les statuettes protectrices d'Osiris, qui marquent la présence effective du dieu parmi les fidèles isiaques, et qui, en guise de témoignage de leur dévotion privée, peuvent ponctuellement accompagner les défunts dans la tombe1050.

Figure 73. Figurines en terre cuite d'Alexandrie, avec représentation de l'Osiris-Canope, isolé ou porté par un prêtre aux mains voilées. Musée d'Alexandrie, n° inv. 10798 (tombe de la Necropolis) et 20274 (tombe d'Ibrahimieh). (D'après BRECCIA 1930b, pl. 49, fig. 18 et pl. 17, fig. 3).

Figure 74. Représentation d'une scène religieuse égyptienne sur un linceul peint d'Égypte. Musée du Caire, n° inv. 33220, IIe siècle ap. J.-C. (D'après CORCORAN 1995, p. 150, fig. 15). 1049

Pour leur recensement et l'intéressante analyse sur la signification de ce vase sacré aux yeux des populations habitant la vallée du Nil à l'époque romaine, voir KOEMOTH 1999, p. 109-120.

1050

Contra DEONNA 1939, p. 59 ; MALAISE 1972b, p. 207 et MALAISE 2005, p. 141.

136

L'eau et la soif du mort De même, si à l'époque hellénistique, le type de vase le plus couramment employé à Alexandrie pour recevoir les restes osseux de la crémation est l'hydrie1051, la question de savoir si ce choix a pu être dicté par la croyance du besoin du mort d'obtenir de l'eau mérite d'être posée1052, mais reste cependant sans réponse dans l'état actuel des découvertes. Sur ces vases, dont l'usage comme urne semble se concentrer sur la période des IIIe et IIe siècles avant notre ère, le décor peint comprend des représentations végétales (symboles de renaissance), ainsi que des scènes à thématiques funéraires ou héroïsantes, qu'on retrouve plus généralement dans le décor des autres contenants cinéraires et des tombes ; quant aux inscriptions, nombreuses, elles ne livrent elles non plus aucune indication sur une éventuelle signification religieuse de l'emploi spécifique de l'hydrie par rapport aux autres types de vases cinéraires. En outre, les hydries déposées dans la sépulture en guise de mobilier d'accompagnement sont plutôt rares1053 ; elles ont pu, au même titre que les autres récipients placés auprès du mort, participer au rituel de l'offrande d'eau lors des funérailles, que le liquide soit versé ou enseveli avec le défunt pour son confort posthume.

la boisson par excellence, qui apporte au corps humain et à la végétation une forme de nourriture indispensable à sa survie ; par transposition, cette nécessité concerne aussi les morts dans leur vie d'outre-tombe, aussi bien dans la religion égyptienne qu'hellénique. Et si la composition des offrandes liquides ne semble pas dictée par une tradition stricte et immuable, du moins l'usage de l'eau, seule ou en mélange, apparaît des plus courants. Dans le monde grec, l'évidence de son emploi explique peut-être que les auteurs anciens ne la mentionnent pas systématiquement : dans les Choéphores où la libation funéraire est au cœur de l'intrigue imaginée par Eschyle, l'eau qui la compose exclusivement n'est évoquée qu'une seule fois, ce qui confirme combien elle s'intégrait implicitement au rituel ordinaire des choai1054. Ainsi à Alexandrie, que l'on privilégie l'influence des traditions égyptiennes en matière de culte funéraire, ou que l'on mette plutôt l'accent sur la persistance de la culture grecque, la pratique des offrandes d'eau à la tombe apparaît peu douteuse. Les dispositifs creux ou percés inventoriés précédemment dans les hypogées (fosse, tuyau, bassin, autel) constituent les témoins archéologiques de ces libations, qui pouvaient cependant, plus modestement et sans doute beaucoup plus fréquemment, être répandues directement sur la stèle ou sur le sol aux jours de commémoration des morts.

Ces considérations ne remettent nullement en cause l'importance de l'eau dans les libations funéraires. Elle est

1051

GUIMIER-SORBETS, MORIZOT 2005, p. 146. Pour leur inventaire, on se réfèrera à l'étude de DIEHL 1964, p. 157-162 ; des découvertes plus récentes ont faites dans le chantier du pont de Gabbari (Necropolis) : BALLET, BOUSSAC, ENKAAR 2001 et ENKLAAR 2003. La Grèce, la Macédoine ou la Thrace ont également conservé des exemplaires de ces hydries comme contenants cinéraires. 1052 Avec notamment DIEHL 1964, p. 164-168. Cf. BRECCIA 1912, p. 25, n. 1 ; ce dernier revient également sur – en la rejetant – l'hypothèse parfois émise d'une influence égyptienne (liée à la croyance en la soif du mort) dans le choix de l'hydrie comme récipient cinéraire. 1053 DIEHL 1964, p. 235-236.

1054

La plupart des auteurs antiques évoquent les choai sans précision sur leur contenu : SOPHOCLE, Antigone, 429 ; id., Électre, 405, 460 ; EURIPIDE, Héraclides, 1041, etc.

137

CONCLUSION Au terme de cette étude, on aimerait être en mesure de fournir une typologie ou d'établir un système cohérent des tombeaux antiques d'Alexandrie du point de vue de leurs aménagements hydrauliques et des usages de l'eau. Il faut toutefois convenir que de nombreuses difficultés nuisent à l'entreprise : parmi les hypogées mis au jour, beaucoup étaient à l'état de ruines partiellement lisibles, qui ne permettent pas d'apprécier la finalité des systèmes d'accès à l'eau observés ; les tombes sans dispositif hydraulique (ou équipées d'un réservoir sans système d'adduction propre) pouvaient être approvisionnées de l'extérieur, mais en surface la rareté des vestiges matériels bien conservés, identifiés et clairement mis en relation avec les activités de la nécropole, rend souvent les suppositions invérifiables ; en outre, certaines pratiques funéraires ne se marquent pas nécessairement dans le paysage : en particulier, les offrandes d'eau aux morts n'imposaient pas l'équipement de la tombe ou de ses alentours d'un puits ou d'un réservoir spécifiquement destinés à cet usage. Au-delà de ces contraintes matérielles qui limitent les possibilités d'une classification satisfaisante au sein des tombes équipées d'un aménagement hydraulique, il ressort de l'ensemble des découvertes une extrême diversité dans le rapport entretenu entre la tombe et l'eau, qui va de pair avec la polymorphie des hypogées alexandrins : les dispositifs d'adduction, de stockage, de desserte, de régulation ou d'évacuation de l'eau concernent aussi bien les petits hypogées que ceux qui se caractérisent par la multiplicité des pièces, la monumentalité et la richesse de la décoration peinte et sculptée ; il apparaît aussi que les usages attribués à l'eau dans chaque tombe n'ont pas d'incidence particulière sur le choix fait en matière d'équipement hydraulique, de techniques de conception ou de degré de sophistication et qu'aucune évolution chronologique majeure ne se dessine distinctement de ce point de vue.

certain nombre de points d'eau (puits, bassin, citernes) en rapport avec l'utilisation de la nécropole. Ailleurs, les pratiques sont moins facilement perceptibles et sans doute plus diverses. Dans le secteur funéraire d'Anfouchi par exemple, dont les tombes, également bien pourvues en aménagements hydrauliques, sont très comparables du point de vue de leur plan d'ensemble, les questionnements et les hypothèses se substituent à l'analyse objective de faits irrévocables : les gradins disposés contre les parois des hypogées sont-ils les témoins de consommation de repas commémoratifs ? Du moins la présence d'un triclinium équipé d'un bassin semble l'indiquer pour l'hypogée 4. Peut-on supposer que des sacrifices avaient lieu en surface, pour pallier l'absence d'autels dans les cours ? Enfin, doit-on formuler les mêmes hypothèses à propos du secteur voisin de Ras el-Tin, dont les tombes, moins bien conservées, présentent de fortes analogies avec celles d'Anfouchi ? Pour prendre enfin l'exemple de la nécropole de Gabbari, c'est plutôt la multiplicité des pratiques qui ressort dans les tombes collectives à loculi : le banquet avait probablement lieu dans l'hypogée A5, qui expliquerait la présence des puits dans la cour ; mais c'est le sacrifice que révèlent les vestiges des autels dans les tombes B21 ou Thiersch 1, avec leur système d'accès à l'eau à proximité immédiate. Le triclinium situé au-dessus de la tombe B6 indique que les repas pouvaient se dérouler en surface, sans qu'il soit possible d'évaluer l'ampleur du phénomène à l'appui des seuls vestiges archéologiques ; les jardins évoqués par Strabon dans la Necropolis (XVII, 1, 10) auraient néanmoins fourni le cadre agréable à ces pratiques commémoratives. Il reste que de nombreuses nécropoles d'Alexandrie n'ont livré aucune structure susceptible d'être interprétée avec fiabilité comme un aménagement hydraulique (quartiers de Chatby, d'Ibrahimieh, de Hadra), ou bien de façon isolée (à Cléopâtra-les-bains, à Kôm elChougafa et à Wardian), ne permettant pas de rendre compte d'une cohérence interne.

Même à restreindre l'échelle d'analyse, la méthode consistant à procéder par regroupements géographiques n'est valable qu'en partie. Car si l'archéologie permet parfois d'établir des analogies entre les tombes d'un même secteur funéraire fouillé, il est peu de nécropoles qui livrent un aperçu à la fois clair et uniforme des activités opérées dans les hypogées ou en surface. De fait, seuls les quatre grands tombeaux hellénistiques de Moustapha Kamel, à l'est d'Alexandrie, donnent une idée globale assez complète et relativement homogène : l'eau disponible dans chacune des riches tombes servait pour les besoins des sacrifices (présence systématique d'autels), et peut-être pour les repas commémoratifs qui les accompagnaient (banquettes, cuisines hypothétiquement restituées dans les hypogées 1 et 2) ; la présence de jardins cultivés dans la cour est également envisageable, à partir de l'exemple de l'hypogée 3. Il manque cependant à cette analyse d'ensemble la connaissance des aménagements de surface, même si A. Adriani a cru reconnaître un

L'insertion des tombes équipées d'aménagements hydrauliques dans une typologie plus générale et transnécropole apparaît donc plus opportune. En orientant cette classification du point de vue des pratiques funéraires, dont dépendent la présence et l'utilisation de l'eau dans la tombe, plusieurs catégories se distinguent : 1. La plupart des sépultures étaient fermées aux visiteurs : il s'agit soit de tombes de surface à simple fosse, soit de petits hypogées sans espace intérieur de circulation ; seul le personnel chargé de l'inhumation y avait accès, par une descenderie ou un puits d'accès vertical. La commémoration des morts se déroulait donc exclusivement en surface, autour de la stèle funéraire qui en marquait l'emplacement (dépôt d'offrandes, versement de libations), et peut-être, en des occasions particulières, dans des superstructures mises à la disposition des visiteurs (sacrifices, banquets).

139

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 2. Parmi les hypogées accessibles aux visiteurs, c'est-à-dire dotées d'un escalier, d'un espace de circulation et éventuellement d'une cour centrale, certaines n'ont apparemment pas reçu d'aménagement en dur pour les besoins des fêtes commémoratives (autel ou banc). Toutefois, même dans les plus petites et les plus minimalistes d'entre elles, la famille pouvait venir se recueillir sur la sépulture d'un être cher, et notamment verser des libations sur le sol ou sur un autel mobile, tel celui provenant d'une tombe d'époque romaine à Gabbari. Les dispositifs liés à l'eau sont plutôt rares dans les hypogées les plus modestes, mais néanmoins pas systématiquement absents : dans la tombe 3 de Cléopâtra par exemple, qui ne disposait que d'un petit vestibule précédant une chambre funéraire à loculi, les risques d'inondation expliquent probablement le creusement d'un puits (ou d'un simple puisard) en bas de l'escalier ; la même fonction peut être attribuée au puits situé dans un angle de la cour d'un petit hypogée anonyme de Kôm el-Chougafa. D'autres tombes plus grandes, à l'organisation plus complexe, étaient équipées d'un système d'adduction ou de stockage de l'eau, peut-être pour l'entretien des pièces ou le simple rafraîchissement des visiteurs (tombe du Jardin Antoniadis). Dans certains cas enfin, en particulier dans les secteurs funéraires d'Anfouchi (tombe 2 avec puits) et de Ras el-Tin (tombes 1 et 2, toutes deux dotées d'une citerne à l'entrée), à défaut de banquette en pierre la restitution de bancs en bois provisoirement mis à la disposition de quelque banqueteur, est envisageable dans les longs vestibules précédant les chambres d'inhumation, qui étaient laissés vierges de loculi ou de sarcophage. 3. Dans la catégorie des tombes accessibles aux visiteurs, certains hypogées se distinguent par l'organisation d'un espace commémoratif clairement signifié par la présence d'un autel sacrificiel généralement disposé dans la cour (tombeaux monumentaux de Moustapha Kamel, et à Gabbari, tombes B21, B26, Thiersch 1 et 2, etc.), ou de banquettes creusées ou construites dans une ou plusieurs pièces. Certains de ces bancs apparaissent uniquement dévolus au repos et à la prière (tombes B1, B2, B11 de Gabbari, etc.), tandis que d'autres étaient le siège de véritables repas pris en l'honneur et en souvenir des morts (en particulier le triclinium de l'hypogée à trois étages de Kôm el-Chougafa ou les tombes 4 d'Anfouchi, A4 et A5 de Gabbari). Il est également possible qu'en certains cas la préparation des aliments s'effectuait directement dans la tombe, comme cela ressort de la superstructure du complexe T21 de Marina el-Alamein. Quoique leur présence soit loin d'être systématique, les systèmes d'accès à l'eau, puits, citernes ou bassins, se concentrent sensiblement dans ce type de tombeau. Le phénomène s'explique au regard des besoins spécifiques en eau engendrés par la pratique des sacrifices et des banquets. De façon plus générale, l'organisation de ces tombes, lieux de célébration du mort adaptés à une fréquentation régulière des familles, rendait particulièrement nécessaires l'entretien et le confort de ces espaces. Dans la tombe B1 de Gabbari notamment,

le puits accessible à tous les niveaux avait sans doute cette finalité ; associé à un système de rigoles depuis l'escalier d'accès, il évitait aussi que les eaux de pluie n'envahissent l'hypogée en risquant d'inonder les sépultures creusées dans les parois. Probablement doiton reconnaître la même fonction aux citernes disposées immédiatement en bas de l'escalier d'accès des tombes 1 et 2 de Ras el-Tin. Parce que la vie est indissociable de l'élément aquatique, et parce que les ouvrages hydrauliques reflètent la société qui les aménage et les utilise, l'étude de l'eau en contexte funéraire alexandrin présente l'intérêt d'appréhender la nécropole non pas seulement comme "cité des morts" mais bien aussi comme un espace de vie, fréquenté par celui qui recherche la fraîcheur ou qui prend part aux rites commémoratifs, du plus modeste (libation) au plus solennel (sacrifice ou banquet dans des salles spécialement apprêtées), en tant que familier du mort, desservant du culte funéraire ou employé chargé des préparatifs et du service des cérémonies ; lieu de vie également fréquenté par celui qui irrigue la parcelle de terre cultivée en jardin, le personnel responsable de l'entretien des hypogées, de la surveillance et du curage des dispositifs hydrauliques, du transport de l'eau, l'embaumeur dans son officine… Toutes ces activités, envisagées sous l'angle original de la thématique aquatique, permettent en outre d'aborder la question des mentalités des Alexandrins : elles laissent entrevoir combien la population hellénique installée dans la mégapole s'est durablement accrochée à son identité culturelle, malgré l'agrégation progressive d'éléments d'influence égyptienne dès la deuxième partie de l'époque hellénistique et surtout aux premiers siècles de notre ère. Les innovations dans la conception architecturale de la tombe, qui consistent à rendre accessible aux visiteurs un espace intérieur pour la commémoration des défunts, agrémenté d'autels sacrificiels, de salles de repas et éventuellement de petits parterres cultivés où l'eau est chaque fois requise, apparaissent certes comme des spécificités proprement alexandrines dans le monde grec, mais qui s'inscrivent pleinement dans un phénomène plus global d'élargissement du statut héroïque accordé à certains particuliers, inauguré dès la fin de l'époque classique. De même, les jardins, vergers ou potagers attenants à la sépulture, et en particulier les kêpotaphes connus par les sources textuelles, rapprochent du point de vue paysager et fonctionnel certains tombeaux alexandrins des sanctuaires grecs et des herôa à partir de l'époque hellénistique : en cela, ils reflètent et traduisent également la diffusion de ces nouvelles formes d'héroïsation dépassant très largement le cadre proprement alexandrin, même si le rayonnement de la métropole a probablement contribué à la diffusion de ce type d'aménagement funéraire jusque dans l'Empire. C'est précisément dans cette volonté des Alexandrins de voir s'épanouir et se perpétuer la culture grecque dans le domaine funéraire, tout en en définissant des formes d'expression 140

Conclusion innovantes et inédites dans la nécropole, que peut s'expliquer la surabondance des structures hydrauliques découvertes dans et aux alentours de la tombe, par rapport au reste du monde grec. Avec l'adoption progressive de la momification, à la faveur d'une dévotion pour Osiris inscrite dans les épitaphes, de nouvelles formes religieuses se font jour, qui ne semblent cependant pas transformer profondément le comportement des vivants du point de

vue des honneurs rendus à leurs défunts ; la formule grecque de "l'eau fraîche" espérée dans l'Au-delà grâce à l'intervention d'Osiris, fruit d'une rencontre pluriculturelle autour de la croyance en la soif du mort, se fait probablement l'écho des libations d'eau réellement versées à la tombe, action rituelle qui transcende l'orientation grecque ou égyptienne des convictions religieuses.

141

CATALOGUE DES AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES DANS LES NÉCROPOLES ANTIQUES D'ALEXANDRIE ET ES ENVIRONS

1. Les puits......................................................................................................................... 145 2. Les citernes.................................................................................................................... 157 3. Les bassins..................................................................................................................... 174 4. Les canalisations isolées ............................................................................................... 180 Tableaux de synthèse ........................................................................................................ 182 Planches ............................................................................................................................. 187

L'unité documentaire. Chaque notice de l'inventaire traite d'un aménagement hydraulique, considéré comme un ensemble cohérent. Ainsi par exemple, une citerne et la canalisation dont elle dépend pour son alimentation sont présentées ensemble ; l'association, ici fonctionnelle, peut aussi être simplement pratique, pour des installations mises au jour dans un même secteur de fouille, et au sujet desquelles la description fournie par les archéologues, généralement sommaire, a été faite simultanément. L'identifiant. Le code utilisé permet de citer dans l'ensemble de l'ouvrage une installation hydraulique donnée. Il comprend d'abord trois lettres pour désigner la zone géographique concernée (voir figure 1, p. 7). L'ordre de classement des documents suit les points cardinaux (sept zones définies en fonction des découvertes) : 1. Le quartier de Moustapha Kamel (abrégé MKA), situé audelà de la limite orientale de la ville antique, et comprenant le site principal de la nécropole et les vestiges alentour ; 2. L'est d'Alexandrie (= EST), avec la petite nécropole de Cléopatra en bordure de mer, la tombe isolée dite du Jardin Antoniadis (du nom de la riche famille grecque qui fut longtemps propriétaire du terrain adjacent) située dans une boucle du canal Mahmoudieh, enfin le vaste site de la nécropole de Hadra ; 3. La presqu'île de Pharos au nord (= PHA), et ses deux sites d'Anfouchi et de Ras el-Tin ; 4. Le quartier de Gabbari (= GAB), anciennement intégré dans la vaste Necropolis occidentale et divisé en 3 zones archéologiques (A-C) ; 5. Le quartier de Souk el-Wardian (= WAR), plus à l'ouest, dont les tombes mises au jour appartiennent à la même Necropolis ; 6. La nécropole de Kôm el-Chougafa (= KCH) au sud-ouest d'Alexandrie ; 7. Les sites extra-alexandrins de la côte égyptienne en Maréotide (= MAR), avec les fouilles des nécropoles antiques de Marina el-Alamein, de Plinthine et près d'un tombeau à proximité du village d'Agami (respectivement à 96, 40 et 20 kilomètres à l'ouest d'Alexandrie), qui ont mis au jour des installations hydrauliques. Les trois lettres suivantes indiquent le type de structure concerné sous une forme abrégée (puits = PTS ; citerne = CIT ; bassin = BAS ; canalisation = CAN), et sont suivies d'un incrément. Les éléments d'information traités. Sur les 81 notices constituées au départ des publications archéologiques qui traitent des nécropoles de l'Alexandrie gréco-romaine et de ses environs, 51 aménagements font l'objet d'une description détaillée (17 puits, 23 citernes, 11 bassins), à quoi on peut encore ajouter une canalisation isolée : il s'agit des aménagements jugés fiables du point de vue de leur destination hydraulique et de leur usage en contexte funéraire. À la suite de l'identifiant, la notice est introduite par une présentation succincte du contexte de découverte (secteur, tombe1055) ; les données qui traitent plus spécifiquement de l'aménagement concernent son emplacement précis, sa forme, ses matériaux de construction, ses dimensions, son systèmes d'accès pour les usagers, son mode d'alimenation (à l'exclusion des puits, qui ouvrent sysématiquement sur la nappe phréatique), ainsi que sa datation, appuyée par des commentaires1056. Suit une conclusion, qui met en valeur les informations les plus essentielles pour l'identification de la structure, et procède à des compléments et à d'éventuels parallèles au sein du catalogue. En fin de notice, les renvois bibliographiques se veulent aussi exhaustifs que possible et tiennent compte des publications de fouille comme des interprétations et synthèses proposées ultérieurement. La documentation graphique et photographique est rassemblée en planches en fin d'inventaire. Quant aux aménagements jugés plus hypothétiques (cas des dispositifs très ruinés à la découverte, observés ou décrits sommairement, non datables, etc.), ils sont considérés à part et de façon plus synthétique. Dans l'identifiant, le code du type de structure est alors signalé en lettres minuscules, tandis que l'incrément est indiqué avec l'alphabet grec. La localisation de la structure précède une description d'ensemble, une proposition de datation justifiée et une brève conclusion qui insiste sur les incertitudes quant à son usage exact dans la tombe ou la nécropole. 1055

On parlera de tombeau individuel si un seul espace d'ensevelissement a été prévu au moment de son aménagement, tandis que la notion de tombeau familial, au sens large du terme, sera employée pour une tombe destinée à un groupe restreint et cohérent, dont les membres peuvent être unis par différents types de liens, généralement inconnus ; le tombeau collectif se caractérise quant à lui par la présence de rangées superposées de loculi creusés systématiquement et non pas de manière anarchique lors d'ensevelissements ponctuels. 1056 Bien souvent, c'est l'hypogée dans lequel il a été retrouvé qui détermine par défaut la datation de l'aménagement même. Le signe "/" signale une date d'exécution comprise entre deux termini, post quem et ante quem.

143

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire 1. LES PUITS

 MKA/PTS 1 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 1

pl. 2, fig. 1

Tombeau situé au sud du site de la nécropole, découvert en 1933 à l’occasion de travaux de nivellement du sol pour la création d’un terrain militaire de football ; fouilles en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). La tombe, bien conservée, a été restaurée et est actuellement accessible au public. Hypogée monumental de type familial (surface de 150 m2, avec un sarcophage restitué et 24 loculi, en majorité postérieurs au premier état) ; il est constitué d’une large cour entourée sur ses côtés par une série de pièces : au sud la chambre principale précédée d'une salle de commémoration et d’inhumation ; côté nord, une zone plus utilitaire, permettant en particulier d'approvisionner la tombe en eau ; sur le côté oriental de la cour, se trouvent encore trois petites chambres identiques à loculi. Emplacement :

extrémité nord-ouest de la tombe, au fond de la pièce 2.

Forme :

conduit vertical de section rectangulaire, dont l’embouchure est placée au centre d’une plate-forme et entourée d’une balustrade. Le puits, intact, a été entièrement dégagé.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; dans la partie supérieure du conduit, revêtement des parois par des blocs en calcaire disposés en rangées.

Dimensions : Accès :

Datation :

0,9 x 0,8 m de côté à l’embouchure ; prof. 7 m (mesures publiées par A. Adriani). - plate-forme maçonnée avec deux marches d'accès au sud (haut. 0,3 m), surmontée d'une balustrade recouverte d'une couche d’enduit blanc très fin (haut. 1 m) ; elle a été retrouvée seulement à gauche du puits, mais les encastrements observés de l'autre côté semblent avoir été aménagés pour la recevoir. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit, côtés est et ouest. époque hellénistique : première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Le puits semble contemporain du premier état de l’hypogée, daté aujourd’hui de cette époque : B ROWN 1957, p. 57 (par datation de la frise des cavaliers), HARARI 2001, p. 147-148 (idem), FEDAK 1990, p. 131 (architecture), VENIT 2002, p. 51 et 234, n. 372 (par analogie architecturale avec la tombe 3, datée grâce à une hydrie de Hadra). Contra ADRIANI 1933-1935, p. 173-174 et 1966, p. 129 (datation plus basse, de la deuxième moitié du IIIe siècle ou du début du IIe siècle, par comparaison architecturale avec la tombe 2), FRASER 1972, p. 106 (même datation, par l'étude du mobilier), GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b, p. 537 (idem, étude du lit funéraire). La balustrade serait postérieure (selon l'étude stylistique de ADRIANI 1933-1935, p. 25-26), mais a peut-être remplacé un système initial de fonction analogue.

Ce puits conforté par une maçonnerie interne et surmonté d'une balustrade à hauteur d'appui a été retrouvé dans un état de conservation tel que sa profondeur dans le rocher a pu être estimée à 7 mètres sous le niveau du sol de la pièce. Entre les deux éléments non jointifs de la margelle, l'espace laissé libre permettait de descendre dans le conduit pour le curage, comme le confirme l'emplacement des échelons taillés dans le puits, alignés sur ces ouvertures. Quant au puisage, Adriani suggère qu'il était peut-être facilité par un échafaudage en bois, dont les parois nord et sud de la pièce auraient gardé la trace (deux cavités disposées à 2,2 m du sol en guise de mortaises : A DRIANI 1933-1935, p. 26). L'eau tirée du puits était ensuite recueillie dans une petite cuvette disposée dans la paroi nord, qui communiquait par une canalisation avec un ensemble de bassins ouverts sur la cour de la tombe (voir MKA/BAS 1, p. 174). Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 17-44 ; ADRIANI 1966, n°84, p. 130-134 ; BERNAND 1966, p. 240-242 ; FEDAK 1990, p. 131 ; GRIMM 1998, p. 88-89 ; VENIT 2002, p. 50-61. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 20, 24-26, 78, 97 ; cf. ADRIANI 1966, n°84, p. 131, BERNAND 1966, p. 241 et VENIT 2002, p. 58-60.

 MKA/PTS 2 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 2

pl. 2, fig. 2

Tombeau situé au sud du site de la nécropole, découvert en 1933 à l’occasion de travaux de nivellement du sol pour la création d’un terrain militaire de football ; fouilles en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). La tombe, bien conservée, a été restaurée et est actuellement accessible au public. Hypogée monumental de type familial (surface de 110 m2 environ, avec deux lits-sarcophage et 16 loculi), occupé par une large cour, sur l’axe de laquelle s’alignent les pièces souterraines : au sud un vestibule de commémoration et d’inhumation (bancs et loculi) menant à une chambre funéraire ; au nord, une pièce annexe, moins soignée ; sur le côté occidental de la cour se trouve une autre chambre contenant un sarcophage, sans doute non prévu dans l’aménagement initial. Emplacement : Forme : Matériaux :

dans la paroi ouest de la cour (= espace n°6). conduit vertical de section rectangulaire, dégagé jusqu'à la nappe phréatique lors de la fouille. creusement dans le rocher ; revêtement des parois par des rangées de petits blocs soigneusement équarris et mis

145

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine en œuvre. Dimensions :

1,1 x 0,8 m de côté à l’embouchure ; profondeur supérieure à 5,5 m, niveau actuel de la nappe phréatique (mesures publiées par A. Adriani, complétées in situ par l’auteur).

Accès :

- ouverture rectangulaire taillée dans la paroi de la cour (larg. 1,10 m x haut. 2,60 m x prof. 1,45 m), à hauteur du sol, sans margelle conservée. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit.

Datation :

époque hellénistique : fin du IIIe siècle ou début du IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 173 et 1966, p. 135 (début du IIe siècle, par l'étude du mobilier), FEDAK 1990, p. 131-132 (fin du IIIe siècle, par l’étude architecturale) ; cf. MCKENZIE 1990, p. 64-65 ; GUIMIER-SORBETS, NENNA 2003b, p. 537 (IIe siècle, étude du lit-sarcophage).

Comme dans la tombe 1 voisine, le puits a été choisi pour approvisionner en eau l'hypogée. Disposé en face dans l’escalier d’accès dans une grande niche légèrement en retrait de la cour, il avait été consolidé par un revêtement maçonné soigneux, muni d’échelons pour le curage. Il ne présentait vraisemblablement pas de margelle, ce qui rend possible son usage pour l’évacuation de l’eau pluviale tombée dans l’espace laissé à ciel ouvert (par comparaison, voir le puits disposé dans la tombe B1 à Gabbari : GAB/PTS 4, p. 150-151). Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 45-52 ; ADRIANI 1966, n°85, p. 134-135 ; FEDAK 1990, p. 132 ; GRIMM 1998, p. 89 ; VENIT 2002, p. 45-49 ; NENNA 2003. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 51-52 et 97 ; cf. ADRIANI 1966, n°85, p. 134-135 et VENIT 2002, p. 47.

 MKA/PTS 3 – Nécropole de Moustapha Kamel, hors tombe

pl. 1

Fouilles du secteur effectuées en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

puits de surface (structure B de la zone fouillée) au nord de l’hypogée 1. conduit vertical de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. 1,2 x 0,75 m de côté ; profondeur inconnue (mesures publiées par A. Adriani). embouchure en surface de la nécropole. indéterminée (époque hellénistique ?) d’après la date d’aménagement de la nécropole.

Inséré entre la tombe 1 de la nécropole et d’autres structures souterraines funéraires partiellement conservées, ce puits peut vraisemblablement être mis en relation avec l’occupation funéraire du site. Quant à sa destination hydraulique, elle repose sur la proximité immédiate d’une grande vasque recouverte de mortier hydraulique (MKA/BAS 3, p. 175), dont la disposition par rapport au puits témoigne d’une installation cohérente. Bibliographie : ADRIANI 1933-1935, p. 66.

 EST/PTS 1 – Quartier de Cléopâtra, tombe 3

pl. 4, fig. 1

Tombeau découvert en partie détruit dans le petit quartier de Cléopâtra sur la côte, fouillé en février 1938, avec deux autres tombes voisines, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani), à l'occasion de travaux exécutés par la Municipalité. Hypogée conservé sur 60 m2 environ, muni d'un vestibule donnant sur une chambre d’inhumation avec 15 loculi ouverts sur les parois. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

dans une abside en bas de l’escalier d’accès. conduit vertical, à l’embouchure semi-circulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. diam. 1 m env. ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par A. Adriani). orifice creusé dans le rocher, dans une petite abside en retrait de la paroi du palier de l’escalier, au ras du sol (dimensions inconnues). époque hellénistique. d'après la date du premier état de l’hypogée (étude du mobilier) : A DRIANI 1935-1939, p. 126.

146

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Malgré l'absence d'indication sur la profondeur de l’installation, l’emplacement du puits en bas de l'escalier laisse suggérer qu'il servait de récupérateur des eaux pluviales s'écoulant depuis la surface dans l’escalier. Probablement était-il également prévu pour rendre l'eau de la nappe phréatique accessible dans le tombeau. Bibliographie : ADRIANI 1935-1939, p. 126 ; cf. ADRIANI 1966, n°73, p. 121-122.

 PHA/PTS 1 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 1

pl. 5, fig. 2

Tombeau situé au nord du site de la nécropole, découvert et fouillé en 1901 par le Musée gréco-romain (G. Botti), à l’occasion des travaux d’assainissement de la zone ; nouvel examen par A. Adriani dans les années 1940. La tombe a été restaurée et est actuellement accessible au public. Hypogée de type familial, d’une surface de 110 m2 environ (13 loculi et 4 sarcophages), avec une cour sur laquelle donnent deux souterrains : vers l’est, un vestibule précède une chambre funéraire à sarcophage ; vers le nord, une salle d’ensevelissement (probablement postérieure au premier état de la tombe) comprend trois autres sarcophages et un espace à loculi au fond. Emplacement : Forme : Matériaux :

angle est de la cour, en face de l’escalier d’accès. conduit vertical de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit.

Dimensions :

0,8 x 0,7 m de côté à l’embouchure ; profondeur inconnue (mesures in situ A. Tricoche).

Accès :

ouverture voûtée taillée dans la paroi de la cour à partir du sol (larg. 0,8 m x haut. 1,7 m).

Datation :

époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (étude du mobilier, de l’architecture et du programme décoratif) : ADRIANI 1940-1950a, p. 121-125 ; cf. ADRIANI 1966, p. 192 (qui descend la date à la seconde moitié du siècle, sans argument développé), MCKENZIE 1990, p. 78, VENIT 2002, p. 77 ; contra SCHIFF 1905, p. 67-68 et PAGENSTECHER 1919, p. 270 (IIIe siècle av. J.-C., par le décor).

À l'instar de l'interprétation de G. Botti en 1902, réitérée par A. Adriani en 1952, la destination hydraulique de ce conduit creusé verticalement dans un angle de la cour est très probable, compte tenu des exemples similaires découverts dans les tombes antiques d'Alexandrie (dans la nécropole d'Anfouchi même, cf. PHA/PTS 2 et 3, p. 147-148). Si la présence concomitante d'un puits et d'une citerne dans la même tombe peut a priori surprendre (voir PHA/CIT 1, p. 158-159), elle témoigne peut-être du soin de garantir un accès à l'eau permanent, en utilisant conjointement les eaux météorologique et souterraine (dans le contexte urbain antique, voir le cas délien, dans CHAMONARD 1924, p. 324 et 330-331). En outre, placé dans un recoin de la cour au ras du sol, ce puits pouvait également servir de puisard, récupérant en période hivernale l'eau de pluie et limitant ainsi les risques d'inondation dans l'hypogée (le cas a du reste été identifié sur le site funéraire de Gabbari, dans la tombe B1 : GAB/PTS 4, p. 150-151). Bibliographie hypogée : BOTTI 1902a, p. 9-20 ; SCHIFF 1905, p. 12-67 ; B RECCIA 1914a, p. 118-120 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 56-61 ; ADRIANI 1966, n°141, p. 191 ; BERNAND 1966, p. 226 ; VENIT 2002, p. 74-77. structure hydraulique : BOTTI 1902a, p. 15 ; SCHIFF 1905, p. 19 ; ADRIANI 1933-1935, p. 97, n. 1 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 57 ; cf. ADRIANI 1966, n°141, p. 191, BERNAND 1966, p. 226 et VENIT 2002, p. 75.

 PHA/PTS 2 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 2

pl. 5, fig. 3

Tombeau situé au nord-est du site de la nécropole, découvert et fouillé en 1901, par le Musée gréco-romain (G. Botti), à l’occasion des travaux d’assainissement de la zone ; nouvelle étude dans les années 1940, sous la direction d’A. Adriani. La tombe, assez bien conservée, a été restaurée et rendue accessible au public. Hypogée de type familial, d’une surface de 120 m2, sans loculus ni sarcophage conservé ; on reconnaît une cour centrale, qui dessert deux souterrains, au nord-est et au sud-est, comprenant chacun un grand vestibule, suivi d’une chambre funéraire qui renfermait deux corps déposés à même le sol. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

dans l'angle ouest de la cour. conduit vertical de section carrée. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. 0,6 m de côté à l’embouchure ; profondeur inconnue (mesures in situ A. Tricoche). - ouverture légèrement voûtée taillée dans la paroi à partir du sol (larg. max. 0,6 m x haut. 1,5 m de haut). - pour le curage, encoches semi-circulaires servant d’échelons dans les parois du conduit. époque hellénistique : première moitié du IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée : ADRIANI 1940-1950a, p. 121-125 (mobilier, étude architecturale et

147

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine analyse du décor, comparaison avec d’autres tombeaux alexandrins), BROWN 1957, p. 58 (étude du décor) ; cf. ADRIANI 1966, p. 192 et MCKENZIE 1990, p. 78 ; contra SCHIFF 1905, p. 67-68 et PAGENSTECHER 1919, p. 270 (IIIe siècle av. J.-C., d'après la décoration). Ce puits est très comparable à celui situé dans la tombe 1 sur le même site (PHA/PTS 1, p. 147), du point de vue de sa disposition et des dimensions de son accès depuis la cour. Son identification, déjà avancée par G. Botti en 1902, A. Schiff en 1905 puis A. Adriani en 1952 (qui relève aussi la présence des échelons dans le corps du puits pour le curage), est aujourd'hui confirmée par le récent examen entrepris par le CEAlex (K. Machinek, 2006) : le nouveau déblaiement a en effet montré que le conduit ne donnait pas accès à une citerne ; le niveau supérieur de la nappe phréatique est apparu à 2 mètres environ sous le sol de la cour (il devait être plus bas dans l’Antiquité, avant l’enfoncement de la plaque africaine au IVe siècle). Comme dans la tombe 1, on peut supposer que ce puits permettait aussi l'évacuation de l'eau pluviale tombée dans la cour.

Bibliographie hypogée : BOTTI 1902a, p. 9-20 ; BRECCIA 1914a, p. 115-118 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 61-80i; ADRIANI 1966, n°142, p. 192 ; BERNAND 1966, p. 226-227 ; VENIT 2002, p. 77-85. structure hydraulique : BOTTI 1902a, p. 20 ; S CHIFF 1905, p. 19 ; ADRIANI 1933-1935, p. 97, n. 1 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 58 ; cf. ADRIANI 1966, n°142, p. 192.

 PHA/PTS 3 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 3

pl. 6, fig. 1

Tombeau situé à l'ouest du site de la nécropole, découvert en 1901 en mauvais état de conservation et fouillé en 1919-1920 par le Musée gréco-romain (E. Breccia) ; nouvel examen par A. Adriani dans les années 1940. Les vestiges actuels de la tombe sont accessibles au public. Grand hypogée familial (surface de 240 m2, 12 loculi), avec une cour centrale, sur laquelle donne une série de pièces, dont il subsiste trois souterrains comprenant chacun un vestibule et une chambre funéraire. Considéré comme une addition postérieure au premier état de la tombe, l’un de ces souterrains comportait les vestiges d’une banquette contre ses parois latérales. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

dans l'angle ouest du portique de la cour. conduit vertical de section carrée. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. 0,9 m de côté à l’embouchure ; profondeur inconnue (mesures in situ A. Tricoche). ouverture voûtée taillée dans la paroi à partir du sol (larg. 0,65 m x haut. 0,9 m). époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (mobilier, étude architecturale et analyse du décor, comparaison avec les autres tombeaux du site d'Anfouchi) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125 ; cf. ADRIANI 1966, p. 195.

Malgré l’absence de précisions sur la profondeur du conduit, les vestiges actuellement conservés incitent à confirmer la nature hydraulique de l'aménagement, logé dans une petite niche légèrement en retrait dans la paroi de la cour, où l'eau souterraine émerge actuellement en surface. Le mode d’accès à l’eau est identique à celui que proposent les tombes 1 et 2 de la même nécropole (PHA/PTS 1 et 2, p. 147-148). Un bassin situé à proximité immédiate fonctionnait sans doute avec ce puits, pour assurer la desserte et la disponibilité de l'eau souterraine auprès des usagers (voir PHA/BAS 1, p. 175-176). Bibliographie hypogée : B RECCIA 1919-1920, p. 55-61 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 80-85 ; ADRIANI 1966, n°143, p. 194-195. structure hydraulique : BRECCIA 1919-1920, p. 60-61 ; ADRIANI 1933-1935, p. 97, n. 1 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 80 ; cf. ADRIANI 1966, n°143, p. 194.

 GAB/PTS 1 – Quartier de Gabbari (?), tombe anonyme

pl. 7, fig. 1

Tombe uniquement connue par un dessin de M. Bartocci, conservé au Musée gréco-romain d’Alexandrie et publié par A. Adriani dans son Repertorio (1966), avec quelques commentaires. Hypogée de type familial (150 m2 de surface conservée), dont la cour centrale dessert sur le même axe deux chambres funéraires contenant des niches à sarcophage. Une autre pièce mène à un corridor qui devait communiquer avec une partie souterraine détruite. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions :

dans un renfoncement de paroi de la cour. conduit vertical de section circulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d'une construction maçonnée dans le conduit. env. 0,8 m de diamètre ; profondeur inconnue (d’après le dessin de M. Bartocci publié par A. Adriani).

148

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Accès : Datation :

une ouverture formant niche, taillée dans une paroi de la cour (0,8 m de côté). époque impériale. d'après la date d’aménagement de l’hypogée (étude des sarcophages et comparaison architecturale avec d'autres tombeaux d'Alexandrie : ADRIANI 1966, p. 157). Aucune datation plus précise n'est envisageable en l'état de la documentation disponible.

Compte tenu de sa forme apparemment régulière à l’embouchure et de son emplacement dans un renfoncement de la paroi de la cour, cette structure circulaire peut vraisemblablement être interprétée comme un puits, à l’instar des conclusions mêmes d'A. Adriani. Nous manquons d’éléments descriptifs concernant la hauteur de la niche d’accès au conduit : située au ras du sol, elle fournirait également un puisard apte à la récupération des eaux pluviales dans la cour (cf. EST/PTS 1, p. 146-147 et GAB/PTS 1, p. 148-149). Bibliographie : ADRIANI 1966, n°109, p. 157.

 GAB/PTS 2 – Quartier de Gabbari, tombe Thiersch 1

pl. 7, fig. 3

Tombeau de la rue du Mex, découvert et fouillé sous la direction de H. Thiersch, en décembre 1899, aujourd’hui détruit pour les besoins de l’urbanisation moderne. Hypogée collectif (50 m2 et 26 loculi pour 60 inhumations), qui comprend en bas d’un escalier une pièce dallée et probablement laissée à ciel ouvert (avec loculi dans les parois latérales); elle ouvre au nord sur une salle de sépulture. Emplacement : Forme : Matériaux :

dans l'angle sud de la cour. conduit vertical de section carrée. creusement dans le rocher ; enduit blanc recouvrant les parois, aux aspérités nombreuses.

Dimensions :

0,75 m de côté à l’embouchure (rétrécissement plus bas) ; prof. à la découverte : 1,5 m (mesures de H. Thiersch, complétées d’après le plan qu’il a publié).

Accès :

embouchure forée dans le sol de la cour, rehaussée à l’est d’un rebord recouvert d’un enduit blanc, d’une hauteur de 0,9 m environ.

Datation :

époque hellénistique ou impériale : Ier siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (étude architecturale) : PAGENSTECHER 1919, p. 151 ; cf. ADRIANI 1966, p. 149. Contra THIERSCH 1900, p. 37 (milieu de l’époque impériale, sans argument) ; cf. BERNAND 1966, p. 217.

H. Thiersch hésite quant à la nature et la fonction de cet aménagement taillé dans le roc dans un angle de la cour. Il parle tantôt de fosse (all. Grube), tantôt de puits (all. Brunnenschacht), et propose deux interprétations : il pourrait s’agit d’un puits de captage des eaux souterraines (le conduit devait initialement être plus profond qu’il ne l’est apparu dans son état final) ou d’un puisard, destiné à évacuer l'eau de ruissellement. De fait, une fonction double du puits est envisageable (cf. dans la tombe B1 de Gabbari, le puits GAB/PTS 4, p. 150-151). Si comme l'estime E. Pagenstecher, la pièce, pavée, était laissée à ciel ouvert, l'observation d'une légère pente en direction de l'embouchure (15 cm de dénivelée environ) invite à confirmer l'hypothèse d'un puisard. En outre, dans la même pièce, la présence d'un bassin attenant (GAB/BAS 1, p. 176-177) suggère l'usage concomitant des deux structures hydrauliques ; ce bassin, comportant un rebord surélevé du côté du puits, avec une inclinaison vers le fond de la cuvette, semble avoir été spécialement aménagé pour faciliter son remplissage avec l'eau venant du puits. Bibliographie hypogée : THIERSCH 1900, p. 7-25 et 37-38 ; PAGENSTECHER 1919, p. 151 ; ADRIANI 1966, n°97, p. 148-149 ; BERNAND 1966, p. 217. structure hydraulique : THIERSCH 1900, p. 10, 14 et 37 ; ADRIANI 1933-1935, p. 97, n. 1 ; ADRIANI 1966, n°97, p. 149 ; BERNAND 1966, p. 217.

 GAB/PTS 3 – Quartier de Gabbari, tombe A5

pl. 8, fig. 2

Dans la zone A du quartier de Gabbari (rue Heidara), tombeau découvert et fouillé, parmi dix autres tombes du même secteur, entre 1975 et 1977 par la mission allemande du Centre d’Etude sur l’Égypte gréco-romaine de l’Université de Trèves, sous la direction de G. Grimm et M. Sabottka. Hypogée initialement de type familial, devenu collectif à la suite de remaniements jusqu’à une époque tardive (150 m2 environ et une cinquantaine de loculi dans son état final). Une cour dessert deux pièces agencées sur le même axe est-ouest : une salle de commémoration (bancs) transformée progressivement en salle de sépulture et une autre salle d’inhumation à loculi prévus dès l’origine. D’autres espaces sont venus s’agréger à cet ensemble au fur et à mesure des besoins. Emplacement : Forme : Matériaux :

2 puits situés aux angles ouest (ici nommé a) et sud (b) de la cour A5.1. conduits verticaux de section quadrangulaire. creusement dans le rocher ; revêtement des parois internes par des blocs de pierres équarries.

149

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Dimensions :

Accès : Datation :

(a) : 0,5 m x 0,5 - 0,4 m de côté à l’embouchure. (b) : 0,8 - 0,6 m x 0,4 m de côté à l’embouchure. profondeur inconnue, sondée jusqu’à 3 m sous le niveau de la cour (mesures de M. Sabottka, complétées d’après le plan qu’il a publié). - ouverture taillée dans la paroi (dimensions inconnues) - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois des deux puits. époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état d’aménagement de l’hypogée (étude du mobilier) : SABOTTKA 1983, p. 198 ; cf. SABOTTKA 1984, p. 281.

Si le tombeau A5 n'est plus accessible aujourd'hui, du moins la brève description du dispositif hydraulique par M. Sabottka en 1983 permet d'en tirer quelques conclusions fiables. Il s'agit là de deux puits profonds (le niveau de la nappe phréatique se rencontrait à 3 mètres sous le niveau du sol de la cour), soigneusement aménagés, avec un chemisage interne des parois par plusieurs rangées de blocs de pierre et des emmarchements creusés pour y descendre lors du curage. L’archéologue interprète cette installation comme un système pour alimenter en eau le tombeau grâce à la nappe phréatique (all. Schächte zur Wasserversorgung). Il s’interroge toutefois sur une éventuelle liaison souterraine entre ces deux puits voisins, mais sans y répondre, l’eau rencontrée dans les conduits ayant empêché leur exploration. À Délos, dans la Maison du Diadumène ainsi que dans l'habitation IVB, la présence de deux puits a été mise sur le compte d'un remaniement (CHAMONARD 1924, p. 325). Bibliographie hypogée : SABOTTKA 1983, p. 197-200. structure hydraulique : ibid., p. 199.

 GAB/PTS 4 – Quartier de Gabbari, tombe B1

pl. 8, fig. 5

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 1, tombeau d'abord dégagé par le Service égyptien des Antiquités en 1996-1997, sous la direction de A. Abd el-Fattah ; fouilles de sauvetage poursuivies en 1997-1998 par l’équipe du CEAlex (J.-Y. Empereur ; coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din). La tombe a été détruite en 2000 par la construction de la chaussée du pont autoroutier. Hypogée initialement de type familial, devenu collectif après remaniements (170 m2, 251 loculi et 5 niches à urne cinéraire) ; il comprenait dans son premier état une cour encadrée par deux pièces disposées sur le même axe, à raison d’une salle de commémoration munie de banquettes et d’une salle de sépulture. Plus tard, la salle d’inhumation est agrandie et d’autres pièces de fonction analogue sont aménagées sur deux niveaux. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès :

Datation :

accessible dans l'angle nord-est de la cour B1.3 ainsi qu’au niveau inférieur, dans l’angle sud-est de la pièce B1.7. conduit vertical de section circulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. 0,8 m de diamètre à l’embouchure ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par O. Callot et M.-D. Nenna). - dans la cour du niveau moyen (pièce 3) : ouverture voûtée taillée dans la paroi (0,8 m de côté x 0,65 m de haut) à 0,4 m au-dessus du niveau du sol ; l'embouchure est rehaussée d'une margelle de 0,4 m de haut, constituée de trois plaques de chant légèrement courbes. - au niveau inférieur (pièce 7) : seconde ouverture taillée dans la paroi sud, également rehaussée d'un petit muret ; de ce côté, la chambre avait été spécialement taillée en oblique pour aménager l’accès au puits. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans la paroi du conduit : côté sud, 6 encastrements visibles alignés, et côté nord, 2 encastrements alignés en face de ceux du côté sud ; 2 autres échelons disposés de chaque côté de l’ouverture donnant sur la pièce 7. époque hellénistique : ca 250 / 220 av. J.-C. Cette tranche chronologique correspond au début de la première phase d’utilisation de l’hypogée (étude du matériel de comblement, B ALLET 2001, p. 296 ; cf. C ALLOT , NENNA 2001, p. 74 et E MPEREUR, N ENNA 2001, p. 515). A la fin du IIIe siècle av. J.-C., l’aménagement de la pièce B1.7 au niveau inférieur, dont l’une des parois a été spécialement creusée en oblique pour bénéficier d’un accès direct à l’eau du puits, atteste la présence antérieure de la structure hydraulique, dès le début de l’histoire de la tombe ; à la même époque, l’adjonction de deux échelons supplémentaires dans le corps du puits, de part et d’autre de l’ouverture sur B1.7, en témoigne aussi (CALLOT, NENNA 2001, p. 110 ; NENNA 2008, p. 231).

Malgré l’absence d’éléments concernant la profondeur de ce puits, sa fonction est assurée par la petite margelle donnant sur la cour pour la desserte de l’eau, et par les traces d’usure de corde observées sur le muret de la seconde ouverture, dans la pièce B1.7 du niveau inférieur, qui sont les témoins des activités de puisage. Les emmarchements observés dans le conduit, servant d'échelons pour la descente à l'occasion du curage, se rencontrent fréquemment pour ce type d'ouvrage (dans le contexte funéraire alexandrin, cf. MKA/PTS 1 et 2, p. 145-146 ; PHA/PTS 2, p. 147-148 ; GAB/PTS 3, 5 et 6, p. 148, 151 et 151-152). Au souci de garantir aux usagers un accès à l’eau à tous les niveaux de la tombe (depuis les pièces B1.3 et B1.7), s’ajoute celui de

150

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire rendre le puits apte à assurer le drainage des eaux pluviales dans l'hypogée : en témoignent les zones surcreusées dans le sol de la cour B1.3, ménageant ainsi du ruissellement les accès de l’étage inférieur par des bandes de protection, tout en dirigeant l’écoulement depuis le palier de l’escalier jusqu’au puits ; le déversement dans le conduit s’opérait par un orifice logé à la base est de la margelle. Plus au nord, d’autres rigoles irrégulières également taillées dans le sol avaient sans doute la même fonction : dans la pièce B1.2 en particulier, l’une d’entre elles conduisait à une canalisation aboutissant au puits. Cette fonction double de puits et de puisard, ici bien attestée, a été reconnue dans une autre tombe de la Necropolis (cf. dans la tombe Thiersch 1, GAB/PTS 2, p. 149). Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1998b, p. 625-627 ; CALLOT, NENNA 2001, p. 44-74 et 110. structure hydraulique : CALLOT, NENNA 2001, p. 45, 50, 54, 67 et 110 ; NENNA 2008, p. 231.

 GAB/PTS 5 – Quartier de Gabbari, tombe B17

pl. 9, fig. 3

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 1, tombeau découvert et exploré pour la première fois en 1997 sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; fouilles de sauvetage menées en 1998-1999 par l’équipe du CEAlex, sous la responsabilité des archéologues M. Baudot et Th. Gonon et des anthropologues P. Georges et E. Boës (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna). La tombe a été détruite en 2000 pour la construction de la chaussée du pont autoroutier dans le quartier de Gabbari. Hypogée familial, devenu collectif à la suite de phases successives de remaniements (environ 170 m2 de surface dans son état final) ; le noyau initial comprenait un vestibule conduisant à une cour, qui desservait une pièce d’inhumation à loculi au nordouest ; postérieurement, la tombe est affectée par des travaux d’agrandissement vers le nord, pour l’aménagement d’une série de pièces d’ensevelissement (loculi, sarcophages et niches à urne cinéraire). Emplacement :

puits de surface (nomenclature du CEAlex : CI 405) traversant la tombe B17 du côté oriental de la cour (vestibule B17.9).

Forme :

conduit vertical de section rectangulaire ; lors de la fouille étaient conservées les parois sous le niveau de la tombe B17, ainsi que son empreinte sur l’élévation du mur nord du vestibule.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit.

Dimensions :

environ 0,7 x 0,5 m de côté ; profondeur inconnue, sondée jusqu’à 3 m sous le niveau du vestibule (d’après le plan et la coupe est-ouest de la tombe publiés par J.-Y. Empereur en 2000).

Accès :

- embouchure en surface de la nécropole (non conservée) ; mode d’accès depuis la tombe inconnu. - pour le curage, encoches semi-circulaires servant d’échelons dans les parois du conduit, dont 12 d’entre eux ont été conservés, côté nord, sur l’élévation de la paroi du vestibule et plus en profondeur dans le corps du puits.

Datation :

époque hellénistique : IVe-IIIe siècle av. J.-C. Le puits a préexisté à la tombe B17, à en juger par les échelons du conduit qui ont été préservés sur l’élévation de la paroi nord du vestibule, quand l'hypogée a été aménagé à la haute époque hellénistique (EMPEREUR 2000, p. 604 ; NENNA 2008, p. 235).

D’abord interprétée comme une citerne dans les premiers rapports de fouille (EMPEREUR 2000, p. 604), cette structure hydraulique est désormais envisagée comme un puits, dans lequel la nappe phréatique se rencontrait encore à deux mètres sous le sol du vestibule lors de son dégagement en 1998-1999 (le niveau de l’eau devait être plus bas dans l’Antiquité, avant l’enfoncement de la plaque africaine au IVe siècle). Utilisé dans un premier temps en surface de la nécropole, avec la citerne voisine GAB/CIT 6 (p. 163), le puits est mis hors d’usage dans sa partie supérieure à l’occasion de l’aménagement de la tombe B17 dans le courant de l’époque hellénistique ; le maintien d’un accès à l’eau depuis l'hypogée est probable (sur le modèle de la citerne), mais les recreusements qui ont affecté le vestibule à la fin de l’époque hellénistique ou au début de l’Empire n’en ont pas permis la conservation. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1999b, p. 550-551 ; EMPEREUR 2000, p. 604-609. structure hydraulique : EMPEREUR 2000, p. 604 ; NENNA 2008, p. 235.

 GAB/PTS 6 – Quartier de Gabbari, tombe B21

pl. 10, fig. 1

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 3, tombeau fouillé en 1999-2000 par le CEAlex, sous la direction de J.-Y. Empereur et A. Roushdi, directeur des fouilles d’Alexandrie ; coordination sur le terrain assurée par M.-D. Nenna ; responsabilité du secteur confiée aux anthropologues P. Georges et E. Boës, ainsi qu’à l’archéologue A. Lamarche. La tombe a été détruite en 2000 pour la mise en place de la chaussée du pont autoroutier. Hypogée comprenant, dans son état initial, deux chambres funéraires à loculi et niches pour urne cinéraire ; une cour est construite dans une deuxième phase d’aménagement, avant d’être réduite puis remblayée et abandonnée. Emplacement :

dans l’angle nord-est de la cour.

151

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

conduit vertical de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. environ 0,8 x 0,5 m de côté ; profondeur inconnue (mesures publiées par M.-D. Nenna). - embouchure dans le sol de la cour, rehaussée d’une pierre oblongue au sud ; - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit, côtés est et ouest, distants de 0,4 m. époque hellénistique : IVe ou IIIe siècle av. J.-C. Le puits est déjà en usage quand le secteur est exploité en carrière, avant l’aménagement de la tombe B21 à la haute époque hellénistique (EMPEREUR 2001b, p. 686). La cour, construite à l’occasion d’un premier remaniement de la tombe, profite de la présence de ce puits antérieur, qui est rendu accessible à l’angle nord de la pièce (NENNA 2008, p. 231). Toujours à l’époque hellénistique et peut-être à la suite d’un accident de terrain (une coulée de boue ?), la réduction puis l’abandon de la cour entraînent le comblement définitif du puits (EMPEREUR 2001b, p. 687).

La fouille du puits a permis d’observer les encastrements caractéristiques de ce type d’ouvrage, qui permettaient la descente pour le curage ; la destination de ce conduit rectangulaire est encore confirmée par les traces d’usure de corde sur une pierre taillée oblongue posée au sud (long. 1 m x larg. 0,35 m), témoins des opérations de puisage de l’eau. Il apparaît que ce puits, initialement creusé pour les besoins d’une carrière d’extraction primitive (voir les traces de découpe de blocs sur le sol de la cour), a été intégré à la tombe pour servir aux cérémonies sacrificielles qui se déroulaient autour d’un autel à cornes installé dans la cour. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 2000, p. 610 ; EMPEREUR 2001b, p. 686-687 ; NENNA 2008, p. 231. structure hydraulique : NENNA 2008, 231-232.

 KCH/PTS 1 – Nécropole de Kôm el-Chougafa, tombe anonyme Tombeau découvert sur le site de la nécropole (quartier de Karmouz), fouillé par H. Riad en 1959 ; visite par J. Leclant en mars 1960, qui en publie une brève description. Petit hypogée comprenant une cour et une chambre funéraire d'ensevelissement dont trois parois étaient percées de loculi. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

dans un petit hypogée anonyme : puits accessible dans un angle de la cour. conduit vertical. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. dimensions de l’embouchure inconnues ; prof. 5,7 m (mesure publiée par J. Leclant). embouchure forée dans le sol de la cour. indéterminée (époque hellénistique ou impériale).

J. Leclant évoque ce conduit foncé dans le rocher comme un "puits pour l'écoulement des eaux" ; la profondeur du puits ayant été estimée à 5,7 mètres, il est vraisemblable qu’il servait aussi à accéder à la nappe phréatique pour les besoins d'approvisionnement du tombeau. Bibliographie : LECLANT 1961, p. 94 ; cf. ADRIANI 1966, n°121, p. 173.

 MAR/PTS 1 – Nécropole de Plinthine, tombe 1

pl. 15, fig. 2

À 40 km à l’ouest d’Alexandrie sur le site de la nécropole de la petite cité grecque de Plinthine, tombeau fouillé en 1937 sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani), à la suite d'opérations clandestines exécutées sur ce site l’année précédente, qui avaient donné lieu à des pillages. La tombe, restaurée, est encore conservée mais inaccessible aux touristes. Hypogée d'environ 100 m2, disposant d'une cour menant à des chambres d’inhumation à loculi. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès :

dans l'angle nord-est de la cour. conduit vertical de section circulaire. creusement irrégulier dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. diam. 0,8 m à l’embouchure ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par A. Adriani). embouchure forée dans le sol de la cour, disposée légèrement en retrait dans la paroi.

152

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Datation :

époque hellénistique : IIIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée ; ADRIANI 1940-1950b, p. 140, 148, 150-151 : haute époque hellénistique (par analogie architecturale avec les tombeaux alexandrins monumentaux de cette époque ; mobilier hellénistique, dont une monnaie). L'étude céramologique du mobilier découvert en 2001 dans un autre hypogée (C. Harlaut, CEAlex) confirme cette datation pour l'ensemble de la nécropole : GEORGES 2002, p. 73.

Les données manquent au sujet de ce puits identifié par A. Adriani ; toutefois, sa destination hydraulique paraît vraisemblable, par comparaison avec d’autres puits mis en évidence dans les tombeaux antiques d'Alexandrie (voir MKA/PTS 2, p. 145-146 ou GAB/PTS 4, p. 150-151). Bibliographie : ADRIANI 1940-1950b, p. 150.

 MAR/PTS 2 – Nécropole de Marina el-Alamein, tombe S6

pl. 15, fig. 3

À 96 km à l’ouest d’Alexandrie, tombeau du site de la nécropole découvert et fouillé à partir de 1988 et dans les années 1990 par le Centre polonais d’Archéologie méditerranéenne (W.A. Daszewski). La tombe est actuellement inaccessible aux visiteurs. Hypogée de 215 m2 environ, avec une superstructure et un hypogée individuel (un unique loculus). La superstructure est composée d’une salle de commémoration munie de bancs, et de pièces aménagées de part et d’autre. La partie souterraine, accessible par un escalier droit comprenait une cour menant à la chambre funéraire. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Datation :

dans l’angle nord-est de l’hypogée. conduit vertical de section rectangulaire ; à 7,20 m de profondeur, sorte de chambre taillée dans la paroi du puits. creusement dans le rocher ; aucune mention d’une construction maçonnée dans le conduit. 1,29 x 0,85 m de côté à l’embouchure ; profondeur inconnue, sondée jusqu’à 10 m sous le niveau de la cour (mesures publiées par W. Daszewski). - embouchure forée dans le sol de la cour. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit, côtés nord et sud. époque impériale : Ier siècle ap. J.-C. L'aménagement du complexe funéraire est daté par W. A. Daszewski du début du Ier siècle ap. J.-C., grâce à l'étude du mobilier : DASZEWSKI 1990, p. 34 et 1993b, p. 409 ; cf. DASZEWSKI 1998a, p. 233-234. Dans un rapport de fouilles plus récent, cette datation est abaissée à la seconde moitié du siècle, sans argument : LECLANT , MINAULT-GOUT 1999, p. 315. Le matériel de remplissage à mi-hauteur du puits (tessons de poteries sigillées chypriotes et flacons en verre), daté au plus tôt de la fin du Ier siècle ap. J.-C., fournit un terminus ante quem pour sa réalisation : DASZEWSKI 1997, p. 74 ; LECLANT, CLERC 1997, p. 224-225.

Ce conduit présente toutes les caractéristiques d'un puits d'accès aux eaux souterraines, de fait de sa grande profondeur (non sondée précisément, mais W. A Daszewski note que l’eau de la nappe phréatique s'y rencontrait à 8,80 m - 9 m sous le niveau de la cour), et des échelons taillés dans la paroi pour effectuer le curage périodique. La petite chambre pratiquée dans le conduit avait peut-être un but analogue. D'après la datation du mobilier de comblement, ce puits pourrait avoir eu une durée de vie assez courte, peut-être sur moins d'un siècle. Bibliographie hypogée : DASZEWSKI 1990, p. 32-34 ; DASZEWSKI 1992, p. 33-34 ; DASZEWSKI 1993a, p. 28 ; DASZEWSKI 1997, p. 73-75 ; LECLANT, CLERC 1997, p. 224-225 ; DASZEWSKI 1998a, p. 233-234 ; DASZEWSKI 1999, p. 43-45 ; LECLANT, MINAULT-GOUT 1999, p. 315 ; DASZEWSKI 2001, p. 54-56. VENIT 2002, p. 171 ; DUNAND 2002, p. 107. structure hydraulique : D ASZEWSKI 1992, p. 33-34 ; D ASZEWSKI 1994b, p. 28 ; D ASZEWSKI 1997, p. 73-75 ; LECLANT , CLERC 1997, p. 224-225 ; DASZEWSKI 1999, p. 44 ; DASZEWSKI 2001, p. 54.

153

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine  MKA/pts α – Quartier de Moustapha Kamel, hors tombe

pl. 1

Dans le camp militaire anglais au sud du site de la nécropole, fouilles effectuées en 1933-1934, sous la direction du Musée grécoromain (A. Adriani) ; 3 puits de surface (structures n°11, 16 et 17 de la zone fouillée) : - n°11 : conduit de section carrée creusé et conforté avec des blocs de calcaire (0,7 m de côté) ; - n°16 : conduit de section carrée (1 m de côté) ; - n°17 : conduit de section circulaire (diam. 1,1 m). Date indéterminée. Ces puits sont situés à plus de 200 mètres au sud de la zone des grands hypogées ; leur usage dans le contexte de la nécropole est donc très hypothétique, malgré la présence de ruines éparses liées au domaine funéraire dans le voisinage. ADRIANI 1933-1935, p. 66.  EST/pts α – Nécropole de Hadra, tombe O Dans l'unique chambre de l'hypogée O, fouillé en 1935 sous la direction d'A. Adriani (Hadra, secteur d'Ezbet el-Makhlouf) : orifice rectangulaire creusé dans le sol de l'hypogée (dimensions inconnues). IVe-IIIe siècle av. J.-C (date du premier état de l’hypogée, considéré comme "l'une des plus anciennes tombes de la nécropole", sans argument développé : ADRIANI 1935-1939, p. 100). Aucune précision concernant cet aménagement taillé dans le roc signalé uniquement par A. Adriani. ADRIANI 1935-1939, p. 91-94 et p. 101 ; cf. ADRIANI 1966, n°61, p. 112.  EST/pts β – Nécropole de Hadra, hors tombe

pl. 4, fig. 3

À Hadra, dans le secteur de l’hôpital (fouilles : 1925-1926, E. Breccia), d'Ezbet el-Makhlouf (1933-1939, A. Adriani) et d'el-Manara (années 1940, A. Adriani) : ensemble de structures de surface sous la forme de conduits verticaux circulaires ou quadrangulaires profondément creusés dans le sol depuis la surface, et parfois revêtus de gros blocs cubiques ou de petits moellons. Date indéterminée. Les archéologues ne doutent pas de la fonction hydraulique des puits observés, mais les hésitations quant à leur utilisation funéraire sont importantes. Adriani y voit en quelques cas des aménagements "pour les besoins du culte", mais sans arguments ni précisions. BRECCIA 1930a, p. 113 ; ADRIANI 1935-1939, p. 83-85 ; ADRIANI 1940-1950b, p. 2 ; cf. A DRIANI 1966, n°60-61, p. 110-111.  PHA/pts α – Nécropole d'Anfouchi, tombe 3

pl. 6, fig. 1

Dans l’angle nord-ouest de la cour de l’hypogée 3 (voir PHA/PTS 3, p. 148) : orifice rectangulaire creusé dans le sol (1,1 x 0,75 m de côté ; profondeur inconnue), disposé dans une haute niche (encore en place aujourd'hui) construite de petits blocs de calcaire soigneusement équarris (larg. 0,75 m x haut. 1,70 m). IIe siècle av. J.-C. (date du premier état de l’hypogée : voir PHA/PTS 3). A. Adriani évoque "une étroite et haute niche ... contenant l’orifice d’un puits", tandis que E. Breccia décrivait 30 ans auparavant "une niche ayant un mètre de profondeur". Au-delà de cette contradiction, les observations d’un éventuel conduit se prolongeant audelà sont aujourd’hui rendues impossibles en raison du caractère très ruiné de cette partie de la tombe. BRECCIA 1919-1920, p. 61 ; ADRIANI 1933-1935, p. 97, n.1 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 80 et 125 ; cf. ADRIANI 1966, n°143, p. 194.  PHA/pts β – Nécropole d'Anfouchi, tombe 4

pl. 6, fig. 2

Dans l’angle nord de la cour de l’hypogée 4 (voir PHA/CIT 2, p. 159) : orifice circulaire creusé dans le sol de la cour (dimensions inconnues). IIe siècle ou première moitié du Ier siècle av. J.-C. (date du creusement de l'hypogée : voir PHA/CIT 2). Le seul signalement du puits figure sur le plan de H. Bartocci publié dans le rapport de Breccia en 1921. BRECCIA 1919-1920, planche à part.  PHA/pts γ – Nécropole d'Anfouchi, tombe 6

pl. 6, fig. 3

Dans une pièce située à l’ouest de l'hypogée 6 d'Anfouchi (fouilles entrerprises en 1919-1920 sous la direction de E. Breccia) : grand orifice rectangulaire creusé dans le sol (1,2 x 1 m de côté ; profondeur inconnue). IIe siècle ou première moitié du Ier siècle av. J.-C. (date de la nécropole, les éléments de datation étant trop rares pour un jugement chronologique de la tombe même : ADRIANI 1940-1950a, p. 125).

154

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Breccia évoque un "puits" au sujet de cette structure, sans description ni argument ; Adriani reprend les conclusions de son prédécesseur, alors que le souterrain est déjà détruit. BRECCIA 1919-1920, p. 67; cf. ADRIANI 1933-1935, p. 97, n.1 et ADRIANI 1940-1950a, p. 97.  PHA/pts δ – Nécropole de Ras el-Tin, tombe 3

pl. 6, fig. 4

Dans le quartier d’Anfouchi, site de Ras el-Tin, hypogée 3 (fouilles par le Musée gréco-romain en 1939-1940, pour le compte de l’Administration des Palais Royaux et sous la direction d'A. Adriani) : orifice circulaire creusé dans le sol (1 m de diamètre à l’embouchure ; profondeur inconnue) et disposé dans une niche taillée dans la paroi nord-ouest du corridor. Ier siècle av. J.-C. / ? (la tombe est datée de la première moitié du Ier siècle av. J.-C., d’après le programme décoratif : BROWN 1957, p. 59-60 ; cf. A DRIANI 1966, p. 189. Cf. ADRIANI 1940-1950a, p. 125, qui proposait une datation plus large. L'aménagement lui-même paraît postérieur au premier état de l’hypogée, du fait de l'irrégularité de sa construction et de son emplacement à proximité d’une niche qu’il détruit en partie : ADRIANI 1940-1950a, p. 50). Installation signalée comme un puits, sans description précise ni argument. Le plan de l’hypogée publié par Adriani ne permet pas de confirmer la destination hydraulique de l’ouvrage. ADRIANI 1940-1950a, p. 123-125 et 50 ; cf. ADRIANI 1966, n°135, p. 189.  GAB/pts α – Quartier de Gabbari, proche tombe B3

pl. 8, fig. 4

Zone B, secteur 1 du quartier de Gabbari, campagne menée en 1997 par le CEAlex sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur : à l’ouest de l’entrée de la tombe B3, mais sans connexion établie avec elle, puits circulaire maçonné (dimensions inconnues), avec des échelons de descente taillés dans la paroi. Datation indéterminée. Découvert au niveau du coude de l’escalier originel de la tombe B3, ce puits n’est pourtant pas signalé dans la publication détaillée de la fouille de ce secteur (voir en particulier CALLOT, NENNA 2001, p. 84 et 95-96). De fait, l’hypothèse du fonctionnement du puits en rapport avec les besoins de la nécropole est invérifiable ; il appartient peut-être à la période à laquelle la zone située au nord de la tombe B3 a été exploitée en carrière, conduisant au remblaiement de l’escalier d’accès pour en construire un nouveau à sa place (courant de l’époque impériale). NENNA 2008, p. 235.  GAB/pts β – Quartier de Gabbari, zone B.5, hors tombe

pl. 11, fig. 1

Fouille du secteur menée lors des campagnes de 1998-1999, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; fouilles placées sous la responsabilité de Fr. Choël et M. Jacquemin (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din) ; puits de surface (PT 5004 selon la numenclature du CEAlex), situé à l’ouest de l’hypogée B26 et dont la fouille, pour des raisons de sécurité, s’est limitée en profondeur aux 4 premières mètres : conduit circulaire creusé dans le rocher, de 0,7 m de diamètre environ. IVe-VIIe siècle ap. J.-C. ? (le puits n’a pas pu être clairement rattaché à l’une ou l’autre phase d’occupation du secteur. Il se situe toutefois parmi d’autres structures isolées qui, sur critères stratigraphiques, sont jugées postérieures à la construction de la citerne GAB/cit β voisine, au IVe siècle : CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 321-325 : le creusement de ce puits pourrait dans ce cas remonter à une époque tardo-antique, avant son remblaiement au VIIe siècle (selon le mobilier céramique contenu dans les deux remplissages définis lors de la fouille : ibid., p. 324 ; NENNA 2008, p. 235 et 237). Ce conduit creusé verticalement dans le rocher appartient probablement à un état du secteur postérieur à l’abandon de la nécropole. La fouille n’ayant pas été menée à terme à cause des risques d’effondrement des parois, on ignore si le conduit se prolongeait jusqu’à la nappe phréatique ou conduisait à la cuve d’une citerne. CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 324 ; NENNA 2008, p. 235.  GAB/pts γ – Quartier de Gabbari, zone B.5b, hors tombe

pl. 8, fig. 4

Fouille du secteur menée lors des campagnes de 1998-1999, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; fouilles placées sous la responsabilité de Fr. Choël et M. Jacquemin (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din) ; puits de surface (nomenclature du CEAlex : PT 5077), situé au nord de l’escalier de l’hypogée B22 : conduit rectangulaire creusé dans le rocher (1 m x 0,65 m de côté), de profondeur inconnue. Datation indéterminée. Aucun élément permettant à ce jour de restituer le creusement du puits dans une période d’utilisation de la nécropole. NENNA 2008, p. 235.

155

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine  GAB/pts δ – Quartier de Gabbari, proche tombe C12

pl. 11, fig. 2

Zone C du quartier de Gabbari, explorée à l’occasion d’une prospection dans le bidonville de Gabbari, entreprise par le CEAlex en 1998 (St. Rousseau), sous la direction de J.-Y. Empereur ; conduit circulaire creusé dans le rocher (diam. 1 m environ ; un tiers de paroi conservé) situé au sud de l’hypogée C12, sans connexion établie avec les espaces funéraires souterrains restitués. Datation indéterminée. Le puits signalé par St. Rousseau, dont le profondeur n’est pas connue, n'a pas fait l'objet d'une interprétation quant à sa fonction funéraire éventuelle. Aucun élément ne permet de connaître la localisation de son point d’accès, et l’on ignore s’il conduisait à la nappe phréatique ou à la cuve d’une citerne. ROUSSEAU 2003, p. 687.  KCH/pts α – Nécropole de Kôm el-Chougafa, tombe B

pl. 13, fig. 2

Première exploration de la tombe par G. Botti en 1892 et 1893 ; fouilles menées par l’expédition allemande E. von Sieglin entre 1900 et 1908 ; visite de H. Thiersch en 1902 ; 2 conduits de surface (notés p et h), accessibles dans les chambres A et D du souterrain : - puits p : conduit circulaire creusé dans le sol (diam. 0,75 m ; profondeur inconnue), accessible par une ouverture taillée dans le mur et remontant jusqu’à la surface ; présence d'échelons dans les parois ; - puits h : large conduit carré creusé dans le sol (2 m de côté ; profondeur inconnue) ; présence d'échelons dans les parois. Ier ou IIe siècle ap. J.-C. (date du premier état de l’hypogée, sur critères architecturaux : BOTTI 1908, p. 336 ; PAGENSTECHER 1919, p. 149 ; ADRIANI 1966, p. 182 ; cf. TKACZOW 1993, p. 66 ; contra S CHREIBER 1908, p. 60 : fin de l'époque ptolémaïque). Le conduit p, par lequel G. Botti s’est glissé en 1892 pour accéder au souterrain, est apparu à Th. Schreiber comme un puits hydraulique (all. Brunnen), mais sans argument développé ; la même interprétation concerne le puits h, dont les dimensions de la section évoquent davantage un puits de lumière et d'accès à l'espace souterrain. BOTTI 1908, p. 336 ; SCHREIBER 1908, p. 60 ; PAGENSTECHER 1919, p. 149 ; ADRIANI 1966, n°125, p. 182 ; TKACZOW 1993, p. 66.  KCH/pts β – Nécropole de Kôm el-Chougafa, complexe funéraire à trois étages

pl. 14

Puits de surface (noté i* sur le plan publié par Th. Schreiber) traversant verticalement le complexe funéraire (voir KCH/CIT 2, p. 168-169), près de l’escalier qui mène de la rotonde à la chambre principale, et près de l'escalier menant à l’étage le plus bas : conduit vertical circulaire rehaussé en surface d'un petit rebord formé de blocs de calcaire et doté d'échelons dans les parois pour la descente. seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. / ? (date du creusement initial de l'hypogée situé au Ier siècle : voir KCH/CIT 2 ; il est cependant possible que le puits ait été aménagé lors du creusement ultérieur des pièces à l'ouest de la rotonde). Ce puits était certainement destiné à apporter de la lumière et de l’air dans le complexe, et peut-être à accéder à tous les niveaux sans passer par les escaliers. La fonction hydraulique du dispositif, supposée par Th. Schreiber et G. Botti, reste actuellement hypothétique, le sondage du dernier niveau ayant posé problème du fait des eaux d’infiltration et des décombres. L'abondance bibliographique ne permet malheureusement pas de proposer des conclusions solides. BOTTI 1908, p. 352-353 ; SCHREIBER 1908, p. 86-87, 111-113, 220 et 380 ; SCHREIBER 1914, p. 16 ; BRECCIA 1922, p. 322 ; ROWE 1942, p. 10 ; ADRIANI 1966, n°122, p. 174-175 ; F RASER 1972, p. 107-108 ; MCKENZIE 1990, p. 68 ; EMPEREUR 1995a, p. 1.

156

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire 2. LES CITERNES

 MKA/CIT 1 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 3

pl. 3, fig. 1

Tombeau découvert en 1933 à l’occasion de travaux de nivellement du sol pour la création d’un terrain militaire de football ; fouilles en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). La tombe, bien conservée, a été restaurée et est actuellement accessible au public. Tombeau monumental individuel (surface de 110 m2 environ, avec un unique lit-sarcophage), comprenant une large cour, qui dessert au sud une exèdre pourvue d’une banquette (fonction commémorative), et au nord, en surplomb, la partie principale du tombeau, avec un vestibule précédant la chambre funéraire au sarcophage. Emplacement : Forme : Matériaux :

accessible dans la paroi ouest de la cour. chambre couverte de section rectangulaire, entièrement dégagée lors de la fouille. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois intérieures.

Dimensions :

long. 1,7 m x larg. 0,9 m x prof. utile 0,9 m (haut. totale : 1,5 m) ; capacités de stockage : 1,4 m3 (mesures publiées par A. Adriani, complétées par l’auteur in situ).

Accès :

ouverture cintrée taillée dans la paroi (haut. 0,7 m x larg. 0,6 m), disposée à 0,7 m au-dessus du niveau du sol (avec un muret construit en dessous).

Eau recueillie : Datation :

inconnue. époque hellénistique : première moitié du IIIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée, grâce à une hydrie de Hadra retrouvée, de 250 av. J.-C. environ (qui constitue un terminus ante quem) : VENIT 2002, p. 51 et 65. Contra ADRIANI 1933-1935, p. 173-174, ADRIANI 1966, p. 137 (seconde moitié du IIIe siècle), MCKENZIE 1990, p. 65 (idem) et G UIMIER-SORBETS, NENNA 2003b, p. 538 (fin du IIIe ou IIe siècle, par l'étude du lit-sarcophage).

La chambrette, disposée à un niveau inférieur à celui de la cour et aux parois revêtues de mortier hydraulique, est interprétée par Adriani comme un réservoir d’eau. Ses capacités de stockage peuvent être estimées à 1,4 m3 d’eau, ce qui en fait l’une des plus petites citernes connues en contexte funéraire alexandrin. La desserte était assurée par une fenêtre rehaussée d’un muret dont on reconnaissait la trace au moment de la découverte. En l’absence de tuyauterie conservée permettant d'alimenter le réservoir par les eaux de la surface, et compte tenu de ses dimensions très restreintes, l'hypothèse d'un approvisionnement manuel est vraisemblable. Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 53-62 ; ADRIANI 1966, n°86, p. 135-137 ; FEDAK 1990, p. 131-132 ; VENIT 2002, p. 61-65. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 53-54 et 97 ; cf. ADRIANI 1966, n°86, p. 136iet VENIT 2002, p. 63-64.

 MKA/CIT 2 – Nécropole de Moustapha Kamel, hors tombe

pl. 1

Fouilles du secteur effectuées en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne de surface (structure D de la zone fouillée) située immédiatement à l’est de l’hypogée 3. chambre couverte, à deux bras se rencontrant à angle droit, don’t il ne subsiste aujourd'hui que la partie inférieure. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois. long. 6 m et 5,25 m ; larg. 0,7 m ; prof. max. conservée : 1,75 m (mesures publiées par A. Adriani). inconnu. l’eau de pluie (mode d’alimentation inconnu). indéterminée (époque hellénistique ?) d’après la date d’aménagement de la nécropole.

Ce réservoir, qui contourne les parois extérieures de la tombe 3 à quelques mètres à peine de distance, peut vraisemblablement être mis en relation avec l’occupation funéraire du site. Bibliographie : ADRIANI 1933-1935, p. 66.

157

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine  EST/CIT 1 – Tombe du Jardin Antoniadis

pl. 4, fig. 2

Tombeau situé au sud-est du quartier de Hadra, fouillé au début du XXe siècle sous la direction de H. Thiersch ; hypogée monumental de type familial (surface de 110 m2 environ, avec 71 loculi creusés ou seulement tracés) ; il comprend une cour centrale, entourée sur ses côtés par une série de pièces : une chambre funéraire avec klinê et loculi au nord, deux salles d’inhumation à l’est et à l’ouest et une petite chambre en exèdre à bancs, au sud. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

dans l’angle ouest de la cour. niche voûtée de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; pas de couche de mortier hydraulique signalée. 0,8 x 0,9 m de côté ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par H. Thiersch). ouverture taillée dans la paroi de la cour (larg. 0,3 m ; hauteur inconnue). inconnue. hellénistique : première moitié du Ier siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée, par comparaison architecturale et stylistique avec les autres tombeaux alexandrins : T HIERSCH 1904, p. 9-10 (fin hellénistique ou début impérial). P AGENSTECHER (1919, p. 131-133) et ADRIANI (1933-1935, p. 70 et 1966, p. 143) limitent la datation à la fin de l’époque hellénistique ; cf. GUIMIER-SORBETS, NENNA, SEIF EL-DIN 2001, p. 167 ; contra N OSHY 1937, p. 35 (seconde moitié du IIe siècle av. J.-C., d'après l'étude architecturale).

Située dans la cour de l’hypogée, tout près de l’escalier d’accès, cette installation est identifiée à un réservoir d’eau par H. Thiersch en 1904 (all. Wasserreservoir), suivi en 1966 par A. Adriani (it. serbatoio d’acqua). L'eau contenue dans cette petite citerne était peut-être recueillie par une canalisation disparue, ou bien dépendait d'un apport extérieur manuel. Bibliographie hypogée : THIERSCH 1904, p. 6-17 ; PAGENSTECHER 1919, p. 130-135 ; ADRIANI 1966, n°90, p. 143-144 ; BERNAND 1966, p. 246 ; VENIT 2002, p. 41-44. structure hydraulique : THIERSCH 1904, p. 7 ; ADRIANI 1966, n°90, p.143 ; VENIT 2002, p. 43.

 PHA/CIT 1 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 1

pl. 5, fig. 2

Pour le tombeau lui-même, voir PHA/PTS 1, p. 158-159. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne disposée dans la cour de la tombe, dans la paroi ouest. chambre couverte de section carrée, soutenue par un pilier central carré (0,6 m de côté). creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois. 2,7 x 2,75 m de côté x prof. 2 m ; capacités de stockage : 15 m3 (mesures publiées par A. Adriani). - ouverture rectangulaire taillée dans la paroi (larg. 0,8 m x haut. 1 m), à 0,6 m au-dessus du sol de la cour. - pour le curage, encoches semi-circulaires servant d’échelons sur le pilier. l’eau de pluie, probablement par le biais d’une tuyauterie (disparue) remontant à la surface. époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (étude du mobilier, de l’architecture et du programme décoratif) : ADRIANI 1940-1950a, p. 121-125 ; cf. ADRIANI 1966, p. 192 (qui descend la date à la seconde moitié du siècle, sans argument développé), MCKENZIE 1990, p. 78, VENIT 2002, p. 77. Contra SCHIFF 1905, p. 67-68 et PAGENSTECHER 1919, p. 270 (IIIe siècle av. J.-C., par le décor).

Après une brève exploration en 1901, G. Botti identifiait l'installation à un puits ; l'erreur, reproduite sur le plan de l'hypogée (BOTTI 1902a, pl. à part), est rectifiée lors de son dégagement complet sous la direction d'A. Adriani, qui mentionne la "chambrette réservoir". Elle est encore intacte aujourd'hui et est caractérisée par son revêtement de mortier hydraulique, ainsi que par son accès étroit depuis la cour de la tombe, plongeant vers la cuve située à un niveau nettement inférieur à celui du reste de l'hypogée (environ 2 mètres). La citerne pouvait contenir jusqu'à 14 m3 d'eau et des échelons permettaient d'y descendre pour son entretien. Seul le mode d'alimentation n'a pas été restitué lors de la fouille. Un approvisionnement manuel paraissant peu vraisemblable compte tenu du volume, une tuyauterie en plomb ou en terre cuite devait à l'origine recueillir l'eau pluviale en surface, et rejoindre la cuve en descendant par la cour (voir les modèles préservés de ce type : GAB/CIT 3, 5 et 7, p. 161-164 ; KCH/CIT 2, p. 168-169). Bibliographie hypogée : BOTTI 1902a, p. 9-20 ; SCHIFF 1905, p. 12-67 ; B RECCIA 1914a, p. 118-120 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 56-61 ; ADRIANI 1966, n°141, p. 191, BERNAND 1966, p. 226 ; VENIT 2002, p. 74-77.

158

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire structure hydraulique : BOTTI 1902a, p. 15 et 33 ; SCHIFF 1905, p. 19 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 57 ; cf. ADRIANI 1966, n°141, p. 191 et VENIT 2002, p.75.

 PHA/CIT 2 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 4

pl. 6, fig. 2

Au sud-est du site de la nécropole, tombeau très endommagé découvert en 1901 et fouillé en 1919-1920 sous la direction de E. Breccia ; nouvel examen par A. Adriani dans les années 1940. La tombe est aujourd'hui inaccessible au public. Hypogée initialement de type familial, d’une surface conservée de 190 m2 environ, et dans lequel on reconnaît une cour, donnant accès à deux espaces souterrains constitués chacun d’une salle de commémoration et d’inhumation (bancs et loculi). Postérieurement ont été ouverts deux espaces de sépulture supplémentaires accessibles par le souterrain sud (avec un sarcophage et des loculi disposés en rangées régulières). Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne disposée à l’entrée du souterrain donnant sur la cour à l’est. chambrette de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois. 1 m x 1,2 m de côté ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par A. Adriani). ouverture taillée dans la paroi de la pièce (dimensions et aspect inconnus). l’eau de pluie ? (mode d’alimentation inconnu). époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. / ? d'après la date de la nécropole (éléments de datation trop rares pour un jugement chronologique de la tombe même) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125.

Le mortier hydraulique dont les parois internes de la chambrette étaient couvertes indique ici la présence d’une petite citerne ("réservoir d’eau", ADRIANI 1940-1950a, p. 86), dont le mode d’alimentation est inconnu. De fait, la documentation disponible sur cet aménagement reste très sommaire dans les publications de la nécropole, toutefois la disposition de la structure, creusée en retrait dans la paroi, invite à la distinguer d’une installation de type bassin découvert. Bibliographie hypogée : B RECCIA 1919-1920, p. 61-62 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 86-87 ; ADRIANI 1966, n°144, p. 195. structure hydraulique : ADRIANI 1940-1950a, p. 86 ; cf. ADRIANI 1966, n°144, p. 195.

 PHA/CIT 3 – Nécropole de Ras el-Tin, tombe 1

pl. 6, fig. 4

Dans le quartier d’Anfouchi, sur le site de la nécropole de Ras el-Tin, tombeau ruiné découvert et fouillé par le Musée gréco-romain (A. Adriani) en 1939-1940, pour le compte de l’Administration des Palais Royaux. Hypogée de type familial (surface de 100 m2 environ, un seul loculus et 4 petits niches, peut-être pour des urnes cinéraires), qui depuis une cour à ciel ouvert s’organise en deux souterrains, constitués d’un vestibule et d’une chambre à niche en arcosolium. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès :

sous l’escalier d’accès, dans la paroi sud-est de la cour. chambre couverte, à deux bras se rencontrant à angle droit. creusement dans le rocher, sans mortier hydraulique signalé. long. des grands côtés 2,95 m x larg. 2,6 m ; profondeur inconnue (mesures publiées par A. Adriani). ouverture taillée dans la paroi de la cour (dimensions inconnues).

Eau recueillie :

l’eau de pluie (mode d’alimentation inconnu).

Datation :

hellénistique ou impériale : Ier siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (mobilier et étude architecturale) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125 ; cf. ADRIANI 1966, p. 188-189 et VENIT 2002, p. 69.

Cette petite chambre couverte est défine par A. Adriani comme "un vaste réservoir d'eau". Bien qu'il n’en précise pas la profondeur, ni ne signale le mortier hydraulique caractéristique de ce type d’aménagement, l’aspect général (une étroite fenêtre ouverte sur la cour en contrebas de l’escalier) rend probable l’interprétation de l’auteur. Comme cela est fréquemment le cas pour les citernes des nécropoles alexandrines, nous ignorons le mode d’alimentation de l’eau stockée ; un approvisionnement par une tuyauterie depuis la surface paraît cependant vraisemblable (voir les exemples observés dans la Necropolis : GAB/CIT 3, 5 et 7, p. 161-164). Bibliographie hypogée : ADRIANI 1940-1950a, p. 48 ; ADRIANI 1966, n°135, p. 188-189 ; VENIT 2002, p. 69-70. structure hydraulique : ADRIANI 1940-1950a, p. 48 ; cf. ADRIANI 1966, n°135, p. 189 et VENIT 2002, p. 69.

159

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine  PHA/CIT 4 – Nécropole de Ras el-Tin, tombe 2

pl. 6, fig. 4

Dans le quartier d’Anfouchi, sur le site de la nécropole de Ras el-Tin, tombeau partiellement détruit, découvert et fouillé par le Musée gréco-romain (A. Adriani) en 1939-1940, pour le compte de l’Administration des Palais Royaux. Hypogée de type familial (6 loculi restitués), d’une surface conservée de 100 m2 environ, composé d’un long couloir à angle droit, d’une cour à ciel ouvert et d’un souterrain avec une salle d’inhumation terminée par une chambre funéraire à loculus unique. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne ouverte sur l’escalier et le couloir d’accès de la tombe. chambre couverte de section quadrangulaire, soutenue par deux piliers carrés (0,75 m de côté). creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois. long. 3,95 x larg. max 2,5 m ; profondeur inconnue (mesures publiées par A. Adriani). - dans l’escalier d’accès, ouverture taillée dans la paroi, en forme d’entonnoir (env. 0,2-0,4 m de côté). - dans le corridor, ouverture taillée dans la paroi (env. 0,50 m de côté), précédée de deux marches. l’eau de pluie, par l’ouverture donnant sur l’escalier d’accès (?). époque hellénistique : seconde moitié du IIe siècle ou première moitié du Ier siècle av. J.-C. d'après la date de la nécropole, au plus tard du Ier siècle av. J.-C., mais considérée comme postérieure à celle d’Anfouchi (critères architecturaux) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125 et ADRIANI 1966, p. 188 et 192. Pas d’éléments permettant d’affiner la chronologie.

A. Adriani parle d'une "chambre-réservoir" au sujet de cet aménagement : le mortier hydraulique a été signalé, recouvrant uniformément les parois de la pièce et, à la configuration de la cuve (souterraine et couverte, munie de deux gros piliers en son centre), s’ajoutent des accès trop étroits pour le passage régulier de visiteurs. Ces ouvertures nous informent mieux qu'ailleurs des modalités de stockage et de puisage. La première donnait dans la descenderie : en entonnoir étroit, elle forme une conduite qui permettait vraisemblablement à l'eau de ruissellement de s'écouler dans la cuve (et par là même d'éviter les risques d'inondation de l'hypogée). La seconde ouverture, dans l'autre bras du corridor, était quant à elle suffisamment large pour les activités de puisage. Bibliographie hypogée : ADRIANI 1940-1950a, p. 49 ; ADRIANI 1966, n°135, p. 189. structure hydraulique : ADRIANI 1940-1950a, p. 50 ; ADRIANI 1966, n°135, p. 189 ; VENIT 2002, p. 238, n. 505.

 GAB/CIT 1 – Quartier de Gabbari, tombe B

pl. 7, fig. 2

Tombeau de la rue Gebel el-Zeitun, partiellement détruit, découvert à l’occasion du creusement des fondations d’un nouveau bâtiment par la Société des chemins de fer ; fouilles menées par le Musée gréco-romain (B. Habachi) en février 1935. Hypogée de type familial (45 m2 de surface conservée), comprenant un vestibule qui desservait deux pièces d’inhumations à loculi ; l’une de ces pièces menait à une chambre funéraire (retrouvée vide). Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne aménagée dans la paroi nord-ouest du vestibule. cuvette de section carrée. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique rougeâtre recouvrant les parois. 1,3 m de côté avec les rebords ; dimensions de la cuvette : 1 x 0,8 m environ ; prof. 1 m ; capacités de stockage : 0,8 m3. (mesures de B. Habachi, complétées d'après le plan publié). ouverture taillée dans la paroi du vestibule (larg. 0,70 m ; hauteur inconnue). inconnue. époque impériale : Ier ou IIe siècle ap. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée : HABACHI 1937, p. 285 propose l'époque impériale ; le tombeau voisin, contemporain (positions, plans, mobilier), comprend un décor égyptisant (ibid., p. 270-278), dont le style suggère une exécution dans le courant des deux premiers siècles de notre ère.

Ce dispositif se présente sous la forme d'une petite citerne (selon le terme utilisé par B. Habachi en 1937), nichée dans la paroi du vestibule de la tombe, recouverte d'un mortier hydraulique rougeâtre et pouvant stocker jusqu'à 0,8 m3 d'eau. Son mode d'alimentation reste inconnu ; il est possible que l'eau y était amenée manuellement depuis la surface, mais le dégagement partiel de la structure souterraine ne permet pas de l'affirmer. Bibliographie hypogée : HABACHI 1937, p. 283-285 ; ADRIANI 1966, n°113, p. 160. structure hydraulique : HABACHI 1937, p. 283 ; cf. ADRIANI 1966, n°113, p. 160.

160

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire  GAB/CIT 2 – Quartier de Gabbari, proche tombe B4

pl. 8, fig. 4

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 1, citerne découverte par prospection souterraine depuis la tombe B4, lors de la campagne d’urgence menée en 1997 par le CEAlex sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din). Situées sous les habitats précaires du bidonville de Gabbari, la citerne et la tombe dont elle dépendait n’ont été ni fouillées ni topographiées ; elles ont été détruites en 2000 lors de la mise en place de la chaussée du pont autoroutier dans le quartier. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne située à l’est de la tombe B4, qui devait dépendre d’une autre tombe voisine, non visitée. chambre couverte de section rectangulaire, soutenue par un pilier central ; le plan complet de la citerne n’est pas connu. creusement dans le rocher ; pas de couche de mortier hydraulique signalée. 4 m x min. 2 m de côté ; profondeur inconnue (mesures publiées par M.-D. Nenna). inconnu. l’eau de pluie ; mode d’alimentation inconnu. époque hellénistique : IIIe siècle av. J.-C. La citerne appartenant à un ensemble souterrain de tombes aménagées au IIIe siècle av. J.-C., elle peut probablement être elle-même datée de cette période (EMPEREUR 1998b, p. 630 ; EMPEREUR 1999b, p. 549 ; pour la datation des tombes B1 et B17, respectivement situées au sud et au nord-ouest de ce secteur de fouille, voir dans ce corpus, GAB/PTS 4, p. 150-151 et GAB/CIT 6, p. 163.

Cette citerne n’a pas pu faire l’objet d’exploration approfondie et l'on ne connaît pas la tombe qu'elle desservait en eau, plus à l'est, et par conséquent ni le mode d'accès pour le puisage, ni le système d'alimentation. Ses capacités de stockage n'ont pas pu être définies, mais les données de fouille (présence d'un pilier central caractéristique des cuves de citerne, et revêtement probable par un mortier d’étanchéité) ont permis de déterminer avec vraisemblance la fonction hydraulique de la pièce. Bibliographie : NENNA 2008, p. 234-235.

 GAB/CIT 3 – Quartier de Gabbari, tombe B8

pl. 9, fig. 1

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 2, tombeau découvert en 1996, alors qu'il est déjà partiellement détruit par les travaux préparatoires à la construction du pont ; les fouilles, menées en 1998 par l’équipe du CEAlex sous la direction de J.-Y. Empereur, sont restées incomplètes à cause des risques d’effondrement (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din.). La tombe a été détruite en 2000. Hypogée collectif d’une surface conservée de 100 m2 (55 loculi), aménagé en une seule fois sans agrandissement postérieur. Le souterrain s’organise de manière originale, sur deux niveaux reliés par un escalier intérieur à trois volées ; au niveau le plus bas, un couloir donne sur une salle de sépulture à loculi ; au dessus, une petite tribune offrait un second espace d'inhumation. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions :

citerne (= espace B8.5) attenante à l’hypogée et dont l’escalier d’accès donnait sur un espace souterrain situé au sud de la tombe. chambre couverte de section quadrangulaire, partiellement dégagée lors de la fouille. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant soigneusement les parois de la cuve. long. 2,2 / 2,8 m x larg. 2 m ; profondeur inconnue (mesures publiées par M.-D. Nenna en 2008).

Accès :

- accès principal depuis le souterrain situé au sud de la tombe : escalier, dont 11 marches ascendantes au sud de la tombe ont été dégagées (orientation sud-ouest / nord-est ; 1 m de large environ, et 2 m de dénivelé), et terminé au sommet par un palier profond de 0,85 m. L’ouverture de la citerne (larg. 0,65 m x haut. 0,9 m) est séparée du palier par une margelle (haut. 0,85 m). - accès réservé depuis la tombe B8 : ouverture au nord du palier de la citerne (larg. 0,75 m x haut. 1 m, prof. 0,8 m, au ras du sol), donnant dans la pièce B8.2 et munie d’un volet utilisable depuis la tombe. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois de la cuve (4 dans l’angle nord-ouest, sur les deux côtés jointifs).

Eau recueillie :

l'eau de pluie, par une canalisation en terre cuite : premier tronçon disposé verticalement le long de la paroi extérieure (et recouverte en bas par une grande tuile placée debout) ; deuxième partie de la canalisation aménagée dans une saignée recouverte d’enduit, qui longe le mur nord de la cage d’escalier jusqu’à son déversement audessus de la margelle.

Datation :

époque hellénistique ou impériale : ? / première moitié du IIe siècle ap. J.-C. L'hypogée B8 mitoyen de la citerne est daté du IIe siècle ap. J.-C. (selon le mobilier céramique : B ALLET 2001, p. 300 ; cf. EMPEREUR, NENNA 2001, p. 516). D'après le plan des structures, le creusement de la tombe tient

161

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine compte de la présence de la citerne, qui lui est donc antérieure (E MPEREUR 1998b, p. 629 ; cf. C ALLOT , NENNA 2001, p. 104 et 110). Dans le comblement supérieur de l'accès et de la cuve de la citerne (US 5001 et 5002), quelques céramiques d'époque hellénistique constituent un contexte homogène (BALLET 2001, p. 300) ; il ne représente sans doute qu'un remblai constitué d'éléments extérieurs, compte tenu du fonctionnement manifeste de la structure hydraulique lors de l’utilisation de la tombe à l’époque impériale. Quoique partiellement dégagée, la citerne est aisément identifiable grâce au mortier hydraulique caractéristique, à la canalisation bien conservée de recueillement de l’eau pluviale depuis la surface, et aux systèmes d'accès observés (voir en particulier la margelle surmontée d’une ouverture de puisage donnant sur le sommet de la cuve et les emmarchements intérieurs pour le curage de la structure). De façon originale, la desserte de l’eau s’opérait en deux endroits : l’escalier de la citerne donnait initialement sur un espace souterrain ou une cour, qui constituait vraisemblablement un accès commun à plusieurs hypogées voisins (une porte obstruée et non dégagée lors de la fouille, sur le palier de la citerne, devait conduire à d’autres pièces situées plus à l’est). Lorsque la tombe B8 est aménagée au IIe siècle ap. J.-C., plus au nord, elle bénéficie donc de la présence de ce réservoir antérieur pour disposer d’un point d’eau : une sorte de fenêtre est dès lors aménagée depuis la pièce B8.2, munie d’un volet, qui permettait de faire passer un récipient pour les besoins propres du tombeau, sans avoir à rejoindre l’espace communautaire. Bibliographie hypogée : E MPEREUR 1998b, p. 629 ; C ALLOT , NENNA 2001, p. 98-104. structure hydraulique : C ALLOT , NENNA 2001, p. 100, 101, 103 et 110 ; NENNA 2008, p. 234.

 GAB/CIT 4 – Quartier de Gabbari, proche tombe B8

pl. 9, fig. 1

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 2, fouille partielle de la zone menée en 1998 par l’équipe du CEAlex, sous la direction de J.-Y. Empereur, restée incomplète à cause des risques d’effondrement (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din). La citerne, déjà très bouleversée par les travaux préparatoires à la construction du pont, a été détruite en 2000. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne (= B8.6) accessible depuis l’espace situé au sud de la tombe B8 et de la citerne B8.5 attenante. chambre couverte de section rectangulaire, creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois conservées de la cuve. 2,5 x 2 m de côté ; profondeur inconnue (mesures publiées par O. Callot et M.-D. Nenna). inconnu. l'eau de pluie (mode d’alimentation inconnu). époque hellénistique ou impériale : ? / première moitié du IIe siècle ap. J.-C. La datation adoptée pour cette citerne repose sur celle du réservoir B8.5 à proximité (argumentation développée dans GAB/CIT 3) : les deux structures hydrauliques, accessibles par un espace de circulation commun, pourraient en effet être contemporaines.

Les quelques vestiges conservés de la structure, une partie de la cuve ainsi que le retour à l’angle nord-ouest, ne fournissent aucune indication sur son mode d’alimentation ni sur les conditions de desserte de l’eau. Cette citerne, recouverte d’un mortier hydraulique rendant très probable son identification, donnait sur un espace – complètement détruit par la tranchée creusée pour l’installation des piles du pont –, qui devait desservir plusieurs hypogées, dont la tombe B8 à partir du IIe siècle ap. J.-C. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1998b, p. 629 ; C ALLOT, NENNA 2001, p. 98-104. structure hydraulique : CALLOT, NENNA 2001, p. 103-104 et 110 ; NENNA 2008, p. 234.

 GAB/CIT 5 – Quartier de Gabbari, tombe B10

pl. 9, fig. 2

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 2, tombeau exploré pour la première fois en 1997 et fouillé partiellement en 1998, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; coordination sur le terrain : M.-D. Nenna, M. Seif el-Din ; responsable des fouilles : S. Delaporte. Très endommagée par les effets des travaux préparatoires à la construction du pont, la tombe a été détruite en 2000. Tombeau collectif d'une surface conservée d'environ d’environ 140 m2 : depuis l’escalier d’accès, une cour mène à une partie souterraine située plus au nord, composée d'une série d’au moins 9 pièces d’inhumation (18 loculi conservés et probablement deux sarcophages). Emplacement :

citerne aménagée en retrait de la paroi est de la cour.

162

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

chambre couverte irrégulièrement coupée dans le rocher, en forme d’éventail (la paroi du fond accuse un léger arrondi) ; topographiée mais non fouillée en raison de la présence de la nappe phréatique. creusement dans le rocher ; revêtement stuqué recouvrant les parois de la cuve pour en assurer l’étanchéité. long. max. 2,8 m x larg. max. 2,4 m ; profondeur inconnue (mesures publiées par M.-D. Nenna). petite ouverture voûtée taillée dans la paroi est de la cour (0,5 m de côté x 0,7 m de haut), au ras du sol. l'eau de pluie, par une canalisation en terre cuite, disposée verticalement dans l’angle sud-est de la cour (env. 10 cm de diamètre). époque hellénistique ou impériale : ? / Ier siècle ap. J.-C. Aucune date précise pour le creusement de la tombe n'est envisageable, par manque d'éléments (CALLOT, NENNA 2003, p. 91) ; toutefois, les premières couches d'abandon ainsi que la présence de sarcophages semblent indiquer que l’aménagement de l'hypogée est antérieur au Ier siècle ap. J.-C. (LAMARCHE 2003, p. 138 et CALLOT, NENNA 2003, p. 91 ; cf. DELAPORTE 2003, p. 48-50).

Cette citerne est reconnaissable à sa morphologie (une chambrette accessible par une petite lucarne à hauteur du sol), au revêtement intérieur assurant son étanchéité, ainsi qu’à son système d’alimentation, une petite canalisation qui collectait les eaux pluviales depuis la surface en descendant dans l’angle sud-est de la cour. Cette installation est parfaitement conforme aux citernes funéraires antiques rencontrées à Alexandrie (pour des systèmes d’alimentation comparables sur le site de Gabbari, voir GAB/CIT 3 et 7, p. 161-162 et 164). Nous manquons en revanche d’éléments pour évaluer ses capacités de stockage. Bibliographie hypogée : DELAPORTE 2003, p. 48-50 ; C ALLOT, NENNA 2003, p. 89-90. structure hydraulique : DELAPORTE 2003, p. 48 ; CALLOT, NENNA 2003, p. 90.

 GAB/CIT 6 – Quartier de Gabbari, tombe B17

pl. 9, fig. 3

Pour le tombeau lui-même, voir GAB/PTS 5, p. 151. Emplacement :

citerne de surface (nomenclature du CEAlex : CI 36), située sous la tombe B17 du côté ouest de la cour B17.8.

Forme :

chambre couverte de section rectangulaire, surmontée par un puits vertical également rectangulaire ; seule la partie supérieure de la cuve a été dégagée.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; la cuve n’ayant pas été explorée, on ignore si elle était recouverte de mortier hydraulique.

Dimensions :

Accès :

Eau recueillie : Datation :

- cuve : 2,4 m env. pour un des côtés ; profondeur inconnue ; - puits d’accès : 1 m x 0,6 m de côté environ ; profondeur inconnue (d’après le plan et la coupe est-ouest de la tombe publiés par J.-Y. Empereur en 2000). - conduit foré dans le rocher en surface de la nécropole, aboutissant au réservoir ; système de desserte depuis la cour de la tombe inconnu. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit, de forme semi-circulaire, et dont 8 ont été conservés, côté nord, sur l’élévation de la paroi de la cour. l’eau de pluie, recueillie dans le conduit d’accès. époque hellénistique : IVe-IIIe siècle av. J.-C. La fouille a révélé l'antériorité de la citerne au creusement de la tombe à la haute époque hellénistique (EMPEREUR 2000, p. 604 ; NENNA 2008, p. 232) : l’empreinte du conduit d’accès sur l’élévation de la paroi nord de la cour, avec ses échelons préservés, témoigne à la fois de cette préexistence et de l’utilisation du réservoir depuis la surface, probablement à la même période que le puits voisin (GAB/PTS 5, p. 151).

Cette citerne, caractérisée par un long conduit depuis la surface qui aboutissait à une cuve rectangulaire sous le niveau de la cour B17.8, a conservé une partie des encastrements qui permettaient la descente pour le curage. Si la fouille n’a pas permis de rendre compte des conditions de desserte de l’eau depuis cette cour, il apparaît néanmoins que le réservoir est resté en usage durant toute l’histoire de la tombe B17, de la haute époque hellénistique à l’époque romaine tardive : en effet, alors que des travaux de recreusement et de remblaiement, pour installer de nouvelles sépultures dans le sol de la cour, ont entraîné la destruction du puits d’accès taillé dans le rocher (fin de l'époque hellénistique ou début de l'époque romaine), celui-ci a été remplacé par une construction faite de blocs de remploi, maintenue en place jusqu’à l’abandon de la tombe. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1999b, p. 550-551 ; EMPEREUR 2000, p. 604-609. structure hydraulique : EMPEREUR 2000, p. 604 ; NENNA 2008, p. 232.

163

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine  GAB/CIT 7 – Quartier de Gabbari, tombe B22

pl. 10, fig. 2

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 4, tombeau découvert et fouillé lors des campagnes d’urgence menées en 1998 et 1999 par le CEAlex, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; coordination sur le terrain assurée par M.-D. Nenna et M. Seif el-Din ; fouilles placées sous la responsabilité de G. Hairy et de M.-Chr. Petitpa. La tombe a été détruite en 2000 par la construction de la chaussée du pont autoroutier à Gabbari. Grand hypogée collectif (300 m2 environ de surface dans son état final), comprenant à l’origine une cour à pseudo-péristyle donnant sur deux salles d’inhumation à loculi. Plusieurs phases de réaménagements ont été restituées lors de la fouille ; la tombe comprenait au moment de sa découverte 15 pièces organisées sur deux niveaux, la plupart d’entre elles destinées à l’ensevelissement des corps. Emplacement : Forme : Matériaux :

citerne (= espace B22.17) aménagée dans l’angle nord de la chambre funéraire B22.14 desservie à l’est par la cour. chambre couverte de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; pas de couche de mortier hydraulique signalée.

Dimensions :

long. 1,9 m x larg. 1,4 m x prof. utile 1,14 m (haut. totale : 2,18 m) ; capacités de stockage : 3 m3 (mesures publiées par M.-D. Nenna).

Accès :

- état originel : ouverture cintrée taillée dans la paroi nord-ouest de la pièce à partir du sol (larg. 0,63 m x haut. 1,04 m) ; - seconde phase d’utilisation : ajout d’une pierre d’appui au ras du sol (seuls les encastrements en ont été préservés, dans la maçonnerie qui la supportait).

Eau recueillie :

l’eau de pluie, au moyen d’une canalisation placée dans l’angle nord-ouest de la cour ; elle était constituée de tubes en terre cuite emboîtés et masqués par un enduit (longueur de chaque tronçon : 27,5 cm).

Datation :

époque hellénistique : IIIe-IIe siècle av. J.-C. Etant donné le réseau très serré des hypogées B21 à B30 au sein duquel s’intègre la tombe B22, il faut sans doute envisager une datation relativement homogène pour la première phase d’occupation de cette zone funéraire, à la haute époque hellénistique (voir l’étude des tombes voisines B21 et B26, datées toutes deux de cette période : EMPEREUR 2001b, p. 686 et CALLOT 2003, p. 356) ; le pseudo-péristyle adopté pour la cour de la tombe B22 est également un type d’agencement propre surtout aux tombeaux ptolémaïques. La salle d’inhumation B22.14, munie dès l’origine de la citerne, fait partie de l’état initial de la tombe B22 (NENNA 2008, p. 232).

Accessible depuis une chambre funéraire mais à proximité immédiate de la cour centrale, l’usage de cette citerne, aux capacités de stockage limitées (3 m3) était ainsi mise à la disposition de l’ensemble des usagers de la tombe B22. Bien qu’aucun mortier d’étanchéité, très caractéristique de ce type de réservoir, n’ait été à ce jour signalé dans les publications, la préservation de la canalisation d’amenée de l’eau pluviale depuis la surface confirme la fonction hydraulique du dispositif (comparer avec ceux qui ont été découverts pour d’autres citernes de la nécropole de Gabbari, B8 et B10, ainsi qu’à Kôm el-Chougafa). La pierre d’appui ajoutée au pied de la niche d’accès à la citerne, à la suite de recreusements de la pièce B22.14 qui en ont fragilisé la paroi, atteste l’utilisation du réservoir pendant plusieurs phases d’occupation de la tombe. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1999b, p. 553-554 ; EMPEREUR 2000, p. 611 ; NENNA 2008, p. 232. structure hydraulique : NENNA 2008, p. 232.

 GAB/CIT 8 – Quartier de Gabbari, proche tombe B25

pl. 8, fig. 4

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 5, citerne découverte par prospection souterraine depuis la tombe B25 lors de la campagne d’urgence menée en 1998-1999 par le CEAlex, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din). Emplacement :

Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne située à l’est de la tombe B25, sans connexion originelle avec elle ; elle était peut-être accessible depuis la surface, ou dépendait d’une autre tombe, non visitée du fait de sa localisation sous les habitats précaires du bidonville. chambre couverte en forme de galerie. inconnus. inconnues. inconnu. l’eau de pluie ; mode d’alimentation inconnu. indéterminée (époque hellénistique ou impériale)

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Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Située au même niveau que la tombe B25 voisine, bien en dessous des strates de remblaiement de l’époque romaine tardive, la citerne semble avoir fonctionné en même temps que la nécropole gréco-romaine. De cette galerie-citerne, topographiée sur le plan général des tombes de surface, les publications actuellement disponibles sur le site de Gabbari ne fournissent aucune information sur les modalités d’aménagement, le mode d’accès, le système d’alimentation ou encore les capacités de stockage. D’après les données de fouille, M.-D. Nenna estime toutefois que la structure hydraulique est à mettre en relation avec l’occupation funéraire de la zone à l’époque hellénistique et impériale. Bibliographie : NENNA 2008, p. 234-235 et 236.

 GAB/CIT 9 – Quartier de Gabbari, tombe B26

pl. 10, fig. 3

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 5, tombeau découvert et fouillé lors des campagnes d’urgence menées en 1998 et 1999, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; fouilles placées sous la responsabilité de Fr. Choël et M. Jacquemin (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din). La tombe a subi des pillages au cours des siècles et a été affectée par la montée de la nappe phréatique au sommet des ouvertures des salles ; elle a été détruite en 2000 par la construction de la chaussée du pont autoroutier à Gabbari. Petit hypogée de type familial ou collectif (environ 80 m2), composé de trois pièces d’ensevelissement (22 loculi ainsi qu’un litsarcophage dans la pièce 3) qui s’articulent autour d’une cour comportant un autel. Emplacement :

citerne aménagée dans la paroi occidentale de la cour, à droite de l’escalier d’accès.

Forme :

chambre couverte de section probablement rectangulaire (elle a été dégagée seulement dans sa partie supérieure en raison de la présence de la nappe phréatique) ; le plafond accuse une pente d’est en ouest.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; la niche n’ayant pas été complètement dégagée, on ignore si elle était recouverte de mortier hydraulique.

Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

inconnues. ouverture cintrée taillée dans la paroi ouest de la cour à partir du sol (haut. 1,10 m x larg. 0,65 m). l’eau de pluie ? (mode d’alimentation inconnu). époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. d’après la date du premier aménagement de la tombe B26 : voir les données de fouilles de la zone (CHOËL , JACQUEMIN 2003, part. p. 328 ; CALLOT 2003, p. 356) et l’étude du lit funéraire dans la pièce B26.3 (GUIMIERSORBETS, NENNA 2003a, p. 367-372). Aucun élément ne permet de placer le creusement de la citerne dans une phase postérieure d’occupation de la tombe.

En raison de la présence de la nappe phréatique, peu d’éléments permettent de se faire une idée précise de l’aspect de cet aménagement. L’hypothèse de l’identification de la niche à une citerne, formulée par O. Callot en 2003 et réitérée par M.-D. Nenna en 2008, apparaît toutefois vraisemblable : à la forme de l’ouverture d’accès, très similaire à celle de la structure hydraulique de la tombe B22 voisine, s’ajoute l’observation du prolongement de la chambre en profondeur en dessous du niveau du sol de la cour. La présence d’un autel dans la même pièce corrobore l’idée d’une utilisation de l’eau à des fins sacrificielles. Bibliographie hypogée : EMPEREUR 1999b, p. 554 ; C ALLOT 2003, p. 348-356 ; CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 308-310. structure hydraulique : CALLOT 2003, p. 351 ; NENNA 2008, p. 232-233.

 GAB/CIT 10 – Quartier de Gabbari, zone B.3, hors tombe

pl. 8, fig. 4

Dans la zone B du quartier de Gabbari (rue Heidara, chantier du pont), secteur 3 étudié au cours des campagnes d’urgence de 1998 à 2000, par l’équipe du CEAlex dirigée par J.-Y. Empereur ; coordination sur le terrain assurée par M.-D. Nenna. Emplacement :

citerne de surface (nomenclature du CEAlex : CI 3085) au sud-est de l’hypogée B22.

Forme :

cuve en forme de bouteille.

Matériaux :

creusement dans le rocher.

Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

inconnues. embouchure en surface. l’eau de pluie ; mode d’alimentation inconnu. indéterminée (époque hellénistique ou impériale)

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine pas d’élément permettant de proposer une datation. La citerne est toutefois antérieure à l’aménagement de deux sépultures datées du début du VIIe siècle ap. J.-C., qui remploient l’excavation de la structure hydraulique. L’identification de la citerne, qui repose sur sa forme en bouteille, est très vraisemblable malgré le peu d’informations dont nous disposions à son sujet. La structure ayant été remployée durant la phase la plus récente de l’occupation funéraire du secteur (un cimetière de surface d’une centaine de sépultures en pleine terre, aux VIe et VIIe siècles ap. J.-C.), son creusement et son utilisation peuvent être mises en relation avec un état antérieur de la nécropole, sans pouvoir cependant en préciser la période. Bibliographie secteur : EMPEREUR 2000, p. 610 ; EMPEREUR 2001b, p. 686-687. structure hydraulique : NENNA 2008, p. 235.

 GAB/CIT 11 – Quartier de Gabbari, tombe C4

pl. 10, fig. 4

Dans la zone C du quartier de Gabbari (rue el-Mafrûsa, chantier du pont), tombeau découvert à l’occasion d’une prospection entreprise par le CEAlex en 1998 (St. Rousseau), sous la direction de J.-Y. Empereur. Hypogée très endommagé en raison de l’utilisation ancienne de la zone comme carrière et de son emplacement au niveau des habitats précaires de Gabbari ; composé d’une cour qui desservait sur le même axe deux salles de sépulture (avec loculi et niches pour urne cinéraire) ; plus à l’ouest, d’autres pièces restituées appartenaient peut-être à la même tombe. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

citerne accessible dans l’angle est de la cour. inconnue (cuve comblée, non dégagée). creusement dans le rocher ; plusieurs couches de mortier hydraulique recouvrant les parois. inconnues. - ouverture cintrée taillée dans la paroi sud de la cour, à partir du sol (dimensions inconnues), à hauteur du sol. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois de la cuve. l’eau de pluie (mode d’alimentation inconnu). indéterminée (époque hellénistique ou impériale) pas d’élément permettant de proposer une datation, si ce n’est l’emplacement de la citerne dans un hypogée de la nécropole occidentale antique d’Alexandrie.

La prospection réalisée dans le souterrain a permis d’établir la destination hydraulique de la structure, en raison de son système d’accès étroit et placé au ras du sol de la cour, menant à une cuve recouverte de mortier hydraulique, et qui présentait des encastrements pour y descendre et effectuer le nettoyage. En l’absence de fouille, les capacités de stockage de la citerne, ainsi que son système d’alimentation n’ont pas pu être déterminés. Son usage funéraire est du moins attesté par son emplacement dans la cour de l’hypogée antique. Bibliographie : ROUSSEAU 2003, p. 678-681.

 GAB/CIT 12 – Quartier de Gabbari, proche tombe C5

pl. 10, fig. 5

Dans la zone C du quartier de Gabbari (rue el-Mafrûsa, chantier du pont), zone funéraire découverte à l’occasion d’une prospection entreprise par le CEAlex en 1998 (St. Rousseau), sous la direction de J.-Y. Empereur ; structures antiques très endommagées en raison de l’utilisation ancienne de la zone comme carrière et de son emplacement au niveau des habitats précaires de Gabbari. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions :

Accès :

citerne de surface immédiatement à l’ouest de l’hypogée C5, à un niveau supérieur. chambre couverte de section rectangulaire, surmontée par un puits vertical carré taillé dans la paroi nord-ouest de la structure. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant ses parois, sur 3 cm d’épaisseur. cuve : long. 4 m env. x larg. 1,2 m env. ; profondeur inconnue puits d’accès : 1 m de côté (d’après le plan publié par St. Rousseau). - conduit vertical foré dans le rocher, aboutissant au réservoir. - pour le curage, encoches servant d’échelons dans la paroi est du puits d’accès, seule conservée.

Eau recueillie :

l’eau de pluie, recueillie dans le conduit d’accès.

Datation :

indéterminée (époque hellénistique ou impériale)

166

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire pas d’élément permettant de proposer une datation ; compte tenu de l’enchevêtrement des espaces funéraires restitués en souterrain dans cette zone de prospection, la citerne paraît toutefois remonter à l’Antiquité, avant l’abandon de la nécropole. Quoique partielles, les informations recueillies au sujet de cet aménagement attestent sa fonction de citerne, avec en particulier la présence d’un épais mortier hydraulique et les emmarchements de descente dans le conduit. Découverte à un niveau supérieur de l’hypogée C5, elle ne paraît pas en faire partie ; peut-être était-elle rendue accessible directement dans une tombe voisine (quelques marches d’un escalier se situent immédiatement à l’est de la cuve), à moins que la desserte se soit exclusivement opérée en surface de la nécropole, par le biais du puits d’accès. Bibliographie : ROUSSEAU 2003, p. 681-682.

 WAR/CIT 1 – Quartier de Wardian, Temple souterrain

pl. 12, fig. 3

Dans le quartier de Souk el-Wardian, rue Bergawân, explorations du complexe funéraire en 1736 et 1737 par les voyageurs J. de La Porte, F. L. Norden puis R. Pococke ; visite des savants de l’Expédition d’Égypte en décembre 1799 ; perdu et considéré comme détruit, nouveau dégagement d’une partie du tombeau en 1896, par le Musée gréco-romain (G. Botti) ; fouilles et étude du tombeau et de la superstructure par A. Adriani en 1953. L'espace souterrain est encore conservé aujourd'hui mais fermé au public. Complexe funéraire collectif et monumental qui dans sa partie souterraine (environ 3000 m2 de surface, 72 loculi et 9 niches pour sarcophage) est organisé autour d’une cour à péristyle. Au nord, l’entrée conduit à un vestibule à piliers, à deux grandes salles latérales et à la cour par un long corridor. Au sud se trouvent d’autres pièces, dont la salle d’inhumation principale, ouvrant sur trois chambres funéraires à trois niches à sarcophage chacune. Enfin, donnant sur les côtés de la cour, deux salles de sépulture contenaient des loculi. Emplacement :

citerne (= pièce H) à l’extrémité sud de l'hypogée.

Forme :

chambre couverte presque carrée, avec un large conduit verticale également carré ouvert au centre du plafond. La paroi est de la pièce a été détruite au XIXe siècle pour y accéder.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; plafond en briques cuites ; sol constitué d’une structure grossière (mélange de pierres de calcaire et de briques cuites, liées dans un ciment rougeâtre) ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois de la cuve et du conduit (il en reste des traces dans les angles, là où le dépôt était le plus épais).

Dimensions :

Accès : Eau recueillie : Datation :

- cuve : 5,5 - 5,8 m de côté x prof. 1,5 -1,8 m ; capacités de stockage: 50 m3 ; - puits d’accès : 2 m de côté environ (mesures publiées par P. Martin et A. Adriani, complétées in situ par l’auteur). conduit d’accès foré en surface, aboutissant au réservoir. l’eau de pluie et de ruissellement : 2 rigoles creusées dans le rocher en surface, qui convergent au niveau du conduit de la citerne (tronçons observés de 3,5 m et 6 m de long ; 0,2 m de circonférence environ). époque impériale : Ier siècle av. J.-C. / ? Il a souvent été admis que le complexe funéraire devait être daté des deux premiers siècles de notre ère, selon des critères architecturaux et stylistiques, et depuis ADRIANI 1966, p. 170 ; cf. BERNAND 1966, p. 214, FEDAK 1990, p. 29, MCKENZIE 1990, p. 68, VENIT 2002, p. 151. D'autres auteurs proposent cependant une datation plus haute, dès le Ier siècle av. J.-C. : PAGENSTECHER 1919, p. 138-139, NOSHY 1937, p. 36, TKACZOW 1993, p. 53, GRIMM 1998, p. 126-128, EMPEREUR 2002a, p. 46 ; voir encore DASZEWSKI 1985, p. 128-129 (examen de la mosaïque de surface) et CALLOT, NENNA 2003, p. 98 (datation de la pièce à trois sarcophages sous arcosolium, après la découverte de l'hypogée B11 de Gabbari, doté d'une pièce du même type). L'aménagement de la pièce H en citerne semble postérieur au creusement de l'hypogée, d'après l'agencement initial de la pièce et les réfections opérées pour y stocker l'eau (ADRIANI 1966, p. 163 et 165).

Quand en 1878 P. Martin publie une première description du complexe funéraire, dans le cadre de l’Expédition d’Égypte, il précise la forme de la cuve, les dimensions et les matériaux utilisés pour le plafond, mais n’évoque pas le mortier hydraulique dont les parois étaient recouvertes, susceptibles de définir la pièce comme un réservoir. La pièce est interprétée comme une sorte de sanctuaire, hypothèse reprise en 1831 par H. von Minutoli, qui propose aussi d'y voir un lieu de stockage temporaire de cadavres ou de momies apportées depuis le puits vertical. Il faut attendre 1966, date à laquelle A. Adriani publie dans son Repertorio une nouvelle description de la tombe et de la superstructure telle qu’il a pu l’observer directement : l’archéologue parle alors de citerne, et complète les données manquantes. En particulier, il décrit les parois et, outre le mortier hydraulique, signale un remblai dans la partie inférieure de la pièce initiale, et la mise en place d’un plancher surélevé constitué d’éléments disparates (sur 0,35 m au moins, et à 1,40 m environ au dessus du sol primitif) : il faut voir là le témoin d’un réaménagement de la pièce originelle pour sa transformation en réservoir d’eau ; c’est probablement à la même époque que la porte de la chambre a été obturée, pour isoler hermétiquement la cuve du reste de l’hypogée. Outre les dimensions du réservoir, beaucoup plus grand que la plupart des autres citernes funéraires alexandrines connues (à l’exception de celle de l’hypogée à trois étages, cf. KCH/CIT 2, p. 168-169), son intérêt réside dans la préservation de son mode d’alimentation : deux rigoles creusées dans la roche au niveau de la superstructure convergeaient vers l’embouchure du conduit vertical. A la limite occidentale de la zone aménagée en surface, le petit canal semblait relié à un gros bloc de pierre rectangulaire,

167

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine adossé à une rotonde en grande partie détruite. A. Adriani pense que cet édifice circulaire peut être une sorte de château d’eau (it. une specie di castello-riserva d’acqua in rapporto con le neccessità del culto funebre). Il reconnaît toutefois ne pas parvenir à rendre compte avec précision de son fonctionnement et de son rapport exact avec la citerne. Bibliographie complexe funéraire : MARTIN 1818, p. 7-12 ; MINUTOLI 1831, p. 8-14 ; BOTTI 1897, p. 829-830 ; PAGENSTECHR 1919, p. 134-141 ; ADRIANI 1966, n°118, p.162-171 ; BERNAND 1966, p. 210-214 ; TKACZOW 1993, p. 52-53 ; G RIMM 1998, p. 124-128. structure hydraulique : MARTIN 1818, p. 9-10 ; MINUTOLI 1831, p. 11-12 et 15-16 ; ADRIANI 1966, n°118, p. 163, 165, 168-169.

 KCH/CIT 1 – Nécropole de Kôm el-Chougafa, tombe A

pl. 13, fig. 4

Tombeau en partie détruit, découvert sur le site de la nécropole (quartier de Karmouz), d'abord exploré par G. Botti en 1892 et 1893, puis fouillé par l’expédition allemande E. von Sieglin entre 1900 et 1908 ; nouvelle visite de H. Thiersch en 1902. Hypogée collectif (surface conservée de 500 m2 environ, 3 niches pour sarcophage, 105 loculi conservés, organisé autour d’une cour desservant sur le même axe deux grandes salles de sépulture (sarcophages, loculi) au nord et au sud. Un niveau inférieur existait, accessible depuis la cour par un escalier. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions :

citerne disposée sous le niveau principal du complexe funéraire. chambre couverte de section quadrangulaire, en forme de T, reliée au vestibule par un conduit circulaire vertical d’accès (b), aboutissant au niveau de l’extrémité de la branche gauche du T. creusement dans le rocher. - cuve : long. 5,02 m x larg. 2,95 m pour la partie principale ; profondeur inconnue ; - conduit : diam. 0,75 m (mesures publiées par Th. Schreiber et G. Botti, complétées par le plan publié par Schreiber).

Accès :

- embouchure forée au niveau supérieur dans le sol du vestibule, près de l’angle sud, ouvrant sur le conduit vertical (b) d’accès à la cuve ; - pour le curage, encoches servant d’échelons dans les parois du conduit d’accès.

Eau recueillie :

l'eau de surface, par des canalisations en terre cuite situées dans le vestibule B, disposées verticalement à chaque angle de la pièce, et remontant probablement jusqu’au plateau supérieur (30 cm de diamètre environ). Contre la paroi nord-ouest de la pièce, une rigole creusée dans le sol du vestibule (2,76 m de long, 0,54 m de large), avait peut-être un rôle à jouer dans l'approvisionnement de la citerne.

Datation :

époque impériale : fin du Ier siècle av. J.-C. ou début du Ier siècle ap. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée, selon des critères architecturaux : PAGENSTECHER 1919, p. 147 ; ADRIANI 1966, p. 181 ; cf. TKACZOW 1993, p. 66. Par la suite, la citerne aurait été transformée en une chambre funéraire, au moment où un escalier a été aménagé (celui-là même que les archéologues ont emprunté pour explorer l’étage inférieur).

Aucun des visiteurs de la tombe ne parle explicitement de citerne à propos de la salle située sous le vestibule B du "Scavo A", même s’ils supposent que l’ensemble du dispositif avait un rapport avec le drainage des eaux de surface. Plusieurs raisons invitent à estimer qu’à un moment de l’histoire du complexe funéraire, l’étage inférieur a bien été employé comme cuve de citerne, avant sa transformation en chambre funéraire (aménagement d’un escalier). Outre le fait que ce niveau était rendu accessible par un conduit vertical muni d’échelons (dont un fragment du couvercle en calcaire a été retrouvé), de nombreux vases, amphores intactes ou récipients brisés, ont été découverts à cet endroit du souterrain. Surtout, tout un ensemble de canalisations, rigole creusée dans le sol et tuyaux en terre cuite verticaux, convergeait vers l’étage inférieur, permettant certainement l’écoulement des eaux pluviales jusque dans la chambre située plus bas. Bibliographie hypogée : BOTTI 1908, p. 334-337 ; SCHREIBER 1908, p. 44-56 ; PAGENSTECHER 1919, p. 146-148; ADRIANI 1966, n°124, p. 180-182 ; BERNAND 1966, p. 193-194 ; TKACZOW 1993, p. 66. structure hydraulique : BOTTI 1893, p. 370 ; BOTTI 1908, p. 334-335 ; SCHREIBER 1908, p. 48 et 50 ; cf. ADRIANI 1966, n°124, p. 181.

 KCH/CIT 2 – Nécropole de Kôm el-Chougafa, complexe funéraire à trois étages

pl. 14

Tombeau découvert fortuitement sur le site de la nécropole (quartier de Karmouz) et exploré en 1900 sous la direction du Musée gréco-romain (G. Botti) ; fouilles menées par l’expédition allemande E. von Sieglin entre 1900 et 1908 ; nouvelle exploration en 1941 par A. Rowe, après le pompage de l’eau. À l'exception de l'étage le plus bas, inondé, le souterrain est aujourd'hui accessible aux touristes. Immense complexe funéraire à trois étages, initialement familial mais devenu collectif après son réaménagement (au total, 25 sarcophages et environ 120 loculi). Dans son premier état, l'hypogée comprend un escalier d’accès en colimaçon permettant d’atteindre le premier étage, constitué d’un petit vestibule à banquettes et d’une salle en rotonde (avec puits de lumière central) qui

168

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire dessert une salle de banquet ; par un large escalier, on accède ensuite au deuxième niveau qui, au-delà d'un vestibule mène à la chambre funéraire principale à trois niches comprenant chacune un sarcophage. Postérieurement ont été aménagées au premier étage différentes pièces d’inhumation accessibles par la rotonde, et au deuxième niveau de longues galeries d’ensevelissement qui communiquent à l’ouest avec d’autres pièces de même fonction. Un troisième étage, situé plus bas, est peut-être antérieur à l’aménagement du tombeau ; sa fonction est peu claire. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions :

citerne (= pièce B) accessible depuis l’escalier en colimaçon, un peu au-dessus de l’étage le moins profond. chambre couverte de section carrée, soutenue par un gros pilier central (1,10 m x 1,25 m de côté) ; elle est restée intacte jusqu'à aujourd'hui. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique brunâtre recouvrant toutes les parois. 6 m de côté environ ; prof. 2,75 m ; capacités de stockage: 95 m3 (mesures in situ de l’auteur).

Accès :

ouverture rectangulaire taillée dans l’épaisseur de la paroi de l’escalier (larg. 0,5 m x haut. 4,75 m x prof. 0,85 m), à hauteur du sol ; un petit muret est disposé au fond.

Eau recueillie :

l’eau pluviale : canalisation verticale faite de tuyaux en terre cuite emboîtés disposés en retrait de la paroi de l’escalier (0,15 m de diamètre) ; bassin de filtrage à mi-parcours, disposé dans une niche rectangulaire (larg. 0,64 m x haut. 0,74 m), à 0,7 m au dessus du sol.

Datation :

époque impériale : seconde moitié du Ier siècle ou première moitié du IIe siècle ap. J.-C. Le creusement initial du complexe funéraire est daté de cette époque, sur critères architecturaux et stylistiques (en particulier grâce aux statues à l'entrée de la chambre principale) : B ISSING 1901, p. 3, ROWE 1942, p. 10, ADRIANI 1966, p. 174 ; cf. BRECCIA 1914a, p. 108 et 1922, p. 32, BERNAND 1966, p. 194, FRASER 1972, p. 107-108, MCKENZIE 1990, p. 68, EMPEREUR 1995a, p. 7 ; VENIT 2002, p. 129. L'aménagement de la citerne, transformée par la suite en pièce d'inhumation, paraît contemporain de ce premier état.

Cette citerne, aux parois entièrement recouvertes de mortier hydraulique, est de loin la plus vaste de celles retrouvées dans un tombeau antique d'Alexandrie, avec une capacité de stockage exceptionnelle de presque 100 m3 ; à l’occasion du nettoyage de la citerne par le Musée gréco-romain, des lignes horizontales observées au niveau des parties basses du mur, sont les marques des différents niveaux de l'eau stockée. Son remplissage s'opérait par une longue canalisation verticale qui reliait la cuve au plateau de surface, et dont on peut encore aujourd'hui observer les vestiges ; la tuyauterie était en outre interrompue à mi-parcours pour laisser place à un bassin de filtrage qui contenait probablement à l'origine une grille pour retenir les débris. L’eau se déversait enfin dans la cuve par le biais d'une cavité légèrement inclinée, située à droite de l’accès au réservoir. Une telle citerne comportait également un système de desserte pour les usagers plus élaboré qu’ailleurs : une porte creusée dans la paroi externe de l’escalier, donnant sur le sommet de la cuve, et dotée d'une petite margelle ; à la base de ce muret, un petit orifice (22 par 15 cm de côté) permettait que l’eau éventuellement renversée d'un récipient retourne dans la cuve. La citerne faisait très certainement partie de la conception originale de la tombe. Ultérieurement cependant, elle fut remployée lorsque, faute de place, la contrainte de créer de nouvelles chambres funéraires est apparue ; à cette occasion, on ouvrit une porte reliant la base de la citerne à l’escalier d’accès de l’hypogée, à quelques marches en dessous de l’étage supérieur, et on creusa des espaces de sépulture dans les parois est et sud. Bibliographie complexe funéraire : BOTTI 1908, p. 347-362 ; SCHREIBER 1908, p. 77-120 ; BRECCIA 1914a, p. 104-114 ; FORSTER 1990, p. 220225 ; ROWE 1942, p. 10-29 ; ADRIANI 1966, n°122, p. 173-178 ; BERNAND 1966, p. 194-202 ; RIAD 1987, p. 46-53 ; EMPEREUR 1995a, p. 2-18. structure hydraulique : BOTTI 1908, p. 361-362 ; SCHREIBER 1908, p. 116-118 ; SCHREIBER 1914, p. 15 ; ROWE 1942, p. 11-12 ; ADRIANI 1966, n°122, p. 173 ; EMPEREUR 1995a, p. 2-3.

 MAR/CIT 1 – Nécropole de Marina el-Alamein, tombe T21

pl. 15, fig. 4

À 96 km à l’ouest d’Alexandrie, tombeau découvert dans les années 1990 par le service des Antiquités Égyptiennes qui entreprend de fouiller une partie de la superstructure, relayé en 2001 par le Centre polonais d’Archéologie méditerranéenne, qui se concentre sur l'étude du pavement en mosaïque mis au jour dans la salle de banquet. En 2004, la fouille de l'ensemble du complexe de surface est achevée, tandis que la partie souterraine est explorée pour en comprendre l'agencement et en dessiner les contours. Tombeau d'environ 250 m2 comprenant une grande superstructure et un hypogée (non fouillé) accessible par un escalier droit. La superstructure était constituée d'une salle de commémoration munie de banquettes (biclinium), accessible par un portique et entourée de pièces latérales à usage domestique. Emplacement :

embouchure de la citerne dans le coin sud-est de la superstructure, dans une pièce au sol recouvert d'enduit et donnant directement dans la salle de banquet.

Forme :

chambre creusée et couverte, de section rectangulaire (irrégulière), accessible par un conduit rectangulaire vertical ; explorée partiellement jusqu'à une profondeur de 2 mètres.

Matériaux :

creusement dans le rocher ; pas de couche de mortier hydraulique signalée. emploi de pierres taillées pour le parapet et la conduite d'approvisionnement.

169

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Dimensions :

- cuve : long. 5,2 m x larg. 4,7-4,9 m ; profondeur inconnue, supérieure à 2 m ; capacités de stockage supérieures à 50 m3. - conduit : environ 0,8-0,9 m de côté à l'embouchure (et 1,3 x 1,4 m avec le petit muret d'encadrement) ; profondeur : 2,2 m. (mesures publiées par W. Daszewski, complétées d'après le plan).

Accès :

embouchure rectangulaire forée dans le sol, rehaussée d'un muret de blocs de pierre taillées, de 0,5 m de haut environ.

Eau recueillie :

les eaux de pluie : conduite délimitée par deux rangées de blocs de pierre, traversant la pièce depuis le mur de la superstructure à l'est, jusqu'au parapet de la citerne.

Datation :

époque impériale : Ier siècle ap. J.-C. d'après la date de construction de la superstructure, par l'étude du mobilier trouvé dans la cuisine (majoritairement du Ier et du IIe siècle ap. J.-C.) et de la mosaïque de la salle de banquet (fin du Ier ou début du IIe siècle) : DASZEWSKI 2002, p. 79 et DASZEWSKI 2005, p. 85-86. Le réservoir, aménagé dans une pièce spécifiquement dévolue à son utilisation, ne peut qu'être contemporain de l'état initial de la superstructure. Le complexe aurait été abandonné dans le courant du IIIe siècle, mais l'utilisation de la citerne semble avoir perduré plus longtemps (d'après le mobilier trouvé dans le remblai de la cuve, voir D ASZEWSKI 2005, p. 86).

Cette citerne, dont la fonction est aisément identifiable par sa morphologie, disposait d'un système d'approvisionnement distinct de l'orifice destiné au puisage : une conduite droite construite en pierre au niveau du sol établissait une liaison entre l'extérieur de la superstructure couverte et l'embouchure du réservoir, au niveau du muret de protection percé à sa base. Une cuvette de récupération des eaux du toit était probablement aménagée en amont. Il est aussi à noter que la desserte de l'eau s'organisait dans une pièce exclusivement prévue pour cet usage, enduite plutôt que pavée comme le reste de la superstructure. Le petit parapet encadrant l'embouchure témoigne aussi du soin accordé à l'aménagement et aux modalités de puisage. De façon remarquable, les besoins qui expliquent la présence de cette citerne paraissent bien définis : accessible depuis la salle de banquet (le réservoir passe même largement dessous), l'installation mettait l'eau à disposition lors de repas partagés par la famille des défunts. Une petite pièce logée dans le coin sud-ouest de la superstructure faisait manifestement office de cuisine, dotée de petits compartiments ménagés par des pierres dressées, et dans laquelle une quantité considérable de vaisselle culinaire a été retrouvée (amphores, dont un col fiché dans le sol, vases de cuisson, assiettes, cruches et bols en verre) ; dans un angle, un tambour de colonne et des traces de rubéfaction marquent probablement l'emplacement d'un espace pour cuire les aliments, où l'eau était également utile. Bibliographie hypogée : DASZEWSKI 2002, p. 79 ; DASZEWSKI 2005, p. 81-86. structure hydraulique : DASZEWSKI 2005, p. 81 et 85.

170

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire  MKA/cit α – Quartier de Moustapha Kamel, hors tombe

pl. 1

Dans le camp militaire anglais au sud du site de la nécropole, fouilles effectuées en 1933-1934, sous la direction du Musée grécoromain (A. Adriani) ; 3 citernes de surface (structures n°8, 9 et 10 de la zone fouillée), construites en briques cuites : - n°8 : citerne rectangulaire (long. 2,8 m x larg. 1,3 m x prof. 1,9 m ; capacités de stockage : 7 m3 environ), avec puits circulaire d’accès (diam. 0,9 m) ; - n°9 : citerne carrée (4 m de côté) ; - n°10 : citerne rectangulaire (long. 2,2 m x larg. 1,5 m), avec puits circulaire d’accès (diam. 0,7 m). Époque impériale (Adriani parle de citernes romaines : ADRIANI 1933-1935, p. 12. L’emploi de la brique cuite est peu attestée en Égypte avant l’époque romaine : SPENCER 1979, p. 141 ; on en connaît pour la construction de citernes publiques ou privées : RODZIEWICZ 1984, p. 136). Ces citernes sont situées à environ 500 mètres au sud de la zone des grands hypogées ; leur usage dans le contexte de la nécropole est donc très hypothétique, malgré la présence de ruines éparses liées au domaine funéraire dans le voisinage. En outre, l'emploi de la brique cuite pour la construction de ces ouvrages hydrauliques indique probablement une datation postérieure à l'abandon de la nécropole hellénistique. ADRIANI 1933-1935, p. 66.  MKA/cit β – Quartier de Moustapha Kamel, hors tombe Petit promontoire de Stanley (ou cap Zéphyrion), découverte d'un monument construit en 1865 par L. Lhode (qui considère les ruines comme celles d’un temple d’époque romaine) ; visites et observations par plusieurs archéologues jusqu’à la fin du XIXe siècle (Colonna Ceccaldi en 1869 ou Simond Bey en 1874, qui admettent le caractère funéraire de l'édifice) ; structure de surface, à proximité du monument : orifice rectangulaire creusé dans le sol, aux parois maçonnées (long. 0,8 m x larg. 0,6 m ; profondeur inconnue). Date indéterminée (pas de datation envisageable, bien que certains auteurs associent chronologiquement l’installation au monument voisin, daté aujourd’hui de l’époque hellénistique : ADRIANI 1933-1935, p. 69-70 et 1966, p. 127 ; cf. TKACZOW 1993, p. 175). G. Colonna Ceccaldi évoque une citerne comblée qui "servait peut-être aux besoins du culte" ; E. Simond publie une description des vestiges de la structure funéraire, tels qu’il a pu les observer en 1874, et parle de "deux puits, de forme rectangulaire, taillés dans la roche et communiquant avec la mer". Les auteurs postérieurs à la destruction du monument proposent des conclusions contradictoires au sujet de cette structure. LHODE 1866, p. 179-180 ; COLONNA CECCALDI 1869, p. 271-272 ; NÉROUTSOS 1888, p. 87 ; SIMOND 1899, p. 59 ; cf. ADRIANI 19331935, p. 68-70, ADRIANI 1966, p. 127 et TKACZOW 1993, p. 175.  EST/cit α – Quartier du cimetière latin de Terra Santa, hors tombe

pl. 4, fig. 4

Dans les environs du tombeau d'albâtre, à l'occasion de sondages effectués en 1936 sous la direction d'A. Adriani, mise au jour de deux puits circulaires creusés dans le rocher (notés B1 et B2), distants de 13,6 mètres, qui communiquent entre eux par un canal orienté nord-sud également creusé (larg. 0,4 m x haut. 0,6 m ; long. de la partie découverte : 25 m environ) ; nouvelle exploration de la zone entreprise par le CEAlex en 2003-2004, qui révèle un important réseau hydraulique souterrain, avec une série de puits circulaires, dont certains étaient chemisés d'assises de blocs à joint vif, conduisant à des galeries-citernes revêtues de mortier hydraulique (l. 0,6-0,8 m x h. 2 m environ). IVe siècle av. J.-C. (le matériel de remplissage des structures hydrauliques permet de dater leur aménagement initial de la haute époque hellénistique (avec notamment de la céramique à vernis noir remontant à la fin du IVe siècle av. J.-C. dans le comblement d'un puits, et trois monnaies de Ptolémée Ier retrouvées dans une citerne : EMPEREUR 2002c, p. 933 ; MATHIEU 2003, p. 546 et MATHIEU 2004, p. 635). Ces hyponomes munis de regards pour capter l'eau ont été aménagés peu après la fondation de la ville en 331 av. J.-C., dans le cadre de la mise en place du réseau d'eau courante. Il est possible qu'ils aient également servi pour les besoins d'une nécropole dont le seul vestige demeure aujourd'hui le tombeau d'albâtre, mais cette hypothèse n'est pas vérifiable. ADRIANI 1935-1939, p. 15-17 ; cf. ADRIANI 1966, n°89, p. 142 ; EMPEREUR 2002c, p. 932-933 ; MATHIEU 2003, p. 546 ; MATHIEU 2004, p. 635.  PHA/cit α – Quartier d'Anfouchi, hors tombe À quelques dizaines de mètres au nord-est des tombes 1 et 2 de la nécropole, découverte et fouille d'une citerne en 1919-1920 par le Musée gréco-romain (E. Breccia) ; nouvel examen par A. Adriani dans les années 1940 ; grande chambre souterraine de section carrée (5 m de côté environ ; profondeur inconnue), au plafond soutenu par six piliers, avec un conduit vertical circulaire remontant à la surface ; couche de mortier hydraulique rouge recouvrant ses parois. Date indéterminée (la citerne est datée par E. Breccia du début de l’époque impériale, en raison de sa proximité avec d’autres structures mises au jour : B RECCIA 1919-1920, p. 68 ; cette proposition est très hypothétique). La morphologie de l'ouvrage permet de l'identifier à une citerne (chambre couverte soutenue par des piliers, conduit d’accès vertical

171

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine relié à la surface, mortier hydraulique). Proche des hypogées hellénistiques 1 et 2 mais aussi d'habitations plus tardives, son utilisation était peut-être domestique. BRECCIA 1919-1920, p. 67-68 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 97, n. 1.  GAB/cit α – Quartier de Gabbari, proche tombe B40

pl. 8, fig. 4

Zone B, secteur 1 du quartier de Gabbari, campagne menée en 1998 par le CEAlex sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din) ; mise au jour d'une structure (nomenclature du CEAlex : CI 116) située immédiatement à l’ouest de la tombe B40 : puits rectangulaire (env. 1,5 x 0,7 m de côté) avec une sorte d’abside sur un petit côté, qui comprend à 6 m de profondeur une ouverture vers le nord-est (non explorée à cause de la présence de la nappe phréatique). Date indéterminée (située au même niveau que la tombe B40 voisine, la structure pourrait avoir été aménagée, non sans réserves, à une époque où l’ensemble de la zone était affectée à une destination funéraire). La présence de la nappe phréatique ayant empêché l’exploration du niveau inférieur de la structure, il est difficile d’affirmer si le conduit menait à la cuve d’une citerne ou à une chambre funéraire, ou encore si l’ouverture de la paroi ne correspond pas à un effondrement de paroi. NENNA 2008, p. 235.  GAB/cit β – Quartier de Gabbari, zone B.5, hors tombe

pl. 11, fig. 1

Zone B, secteur 5 du quartier de Gabbari, campagne d’urgence de 1998, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur ; fouille d'une citerne de surface (CI 5002 avec son puits d’accès CIPT 5003, selon la nomenclature du CEAlex), située au-dessus de l’hypogée B26 et dont l'élévation des parois était préservée sur plusieurs mètres (Fr. Choël et M. Jacquemin ; coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din) : cuve construite en blocs de calcaire, constituée d’une partie rectangulaire (long. 3 m x larg. 2 m) et d’une partie rétrécie à son extrémité, au débouché du puits d’accès (capacités de stockage : 11 m3 env.) ; 3 piliers sont implantés dans l’axe de la partie la plus large ; du mortier hydraulique recouvre les parois intérieures, ainsi que les piliers centraux. Des échelons sont taillés dans le puits d’accès, dans le mur nord-est et sur le pilier central, qui définissent deux accès distincts. IVe siècle ap. J.-C. (l’aménagement de la citerne au-dessus de la tombe B26 entraîne l’abandon et le remblaiement des espaces souterrains antérieurs. Le mobilier céramique recueilli dans le comblement de l’escalier de la tombe permet de faire remonter la construction de la citerne au début du IVe siècle ap. J.-C. : C HOËL, JACQUEMIN 2003, p. 320 et 325 ; NENNA 2008, p. 235). La phase d’aménagement de la citerne correspond à l’abandon de cette zone de la nécropole en tant qu’ensemble homogène, même si quelques sépultures éparses ont pu être observés au même niveau d’occupation. Entraînant le remblaiement de la tombe B26 et la destruction de la tombe B43 et de son monument funéraire, la construction de cette citerne signe vraisemblablement la réaffectation du secteur pour de nouvelles fonctions, agricoles ou artisanales. CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 317-321 et 357 ; NENNA 2008, p. 235-236.  GAB/cit γ – Quartier de Gabbari, zone B.5b, hors tombe

pl. 8, fig. 4

Zone B, secteur 5b du quartier de Gabbari, campagne d’urgence de 1998-1999, sous la direction conjointe d’A. Abd-el Fattah et de J.-Y. Empereur et sous la responsabilité de Fr. Choël et M. Jacquemin (coordination sur le terrain : M.-D. Nenna et M. Seif el-Din) ; à l’extrémité nord-est du secteur, fouille de 4 citernes de surface par S. Delaporte et I. Hairy (CI 5051, CI 5060, CI 5070 et CI 5074, selon la nomenclature du CEAlex). IVe siècle ap. J.-C. (les citernes, situées à un niveau supérieur à celui du sol de circulation de la nécropole gréco-romaine, sont vraisemblablement à mettre en rapport avec la réaffectation de ce secteur pour de nouvelles fonctions, non plus funéraires, mais peutêtre artisanales ou agricoles, à l’époque romaine tardive : NENNA 2008, p. 235. Ce changement interviendrait à la même période que le creusement de la grande citerne située plus au sud, dans le secteur 5, et qui est datée du IVe siècle ap. J.-C. (GAB/cit β) : CHOËL , JACQUEMIN 2003, p. 326 ; cf. EMPEREUR 2000 p. 611). Ces citernes tardives, dont l’étude reste à ce jour inédite, n’ont vraisemblablement pas été en usage au moment de l’utilisation funéraire du site. On signalera encore une citerne (nomenclature du CEAlex : CI 3518), récemment mentionnée par M.-D. Nenna dans le secteur 3 de la nécropole (plus au sud), également datée d’une époque romaine tardive (NENNA 2008, p. 237). EMPEREUR 2000, p. 611 ; CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 293-294 et 326 ; NENNA 2008, p. 235.  GAB/cit δ – Quartier de Gabbari, proche tombe C6 Zone C du quartier de Gabbari, explorée à l’occasion d’une prospection dans le bidonville de Gabbari, entreprise par le CEAlex en 1998 (St. Rousseau), sous la direction de J.-Y. Empereur ; observation d'une citerne très ruinée (utilisation ancienne de la zone comme carrière). située au sud de la cour appartenant à l’hypogée C6 (seule pièce conservée), à 1,5 m en dessous du plateau rocheux : chambre creusée dans le rocher, de dimensions inconnues, avec une couche de mortier rose recouvrant les parois sur 7-8 cm d’épaisseur.

172

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Date indéterminée. Si le revêtement de la structure par un épais mortier d’étanchéité semble témoigner de sa fonction de réservoir d’eau, en revanche l’absence de connexion établie avec les espaces funéraires voisins (C6), ne permet pas d’avancer de conclusions sur sa datation et son utilisation en contexte funéraire. ROUSSEAU 2003, p. 682.  GAB/cit ε – Quartier de Gabbari, proche fort Saleh Observations faites par G. Botti en 1898 dans le secteur funéraire du fort Saleh : ensemble de citernes de surface (nombre indéterminé ; aucune information disponible à leur sujet). Date indéterminée. G. Botti, qui visite la nécropole à la fin du XIXe siècle, évoque "des citernes ... aménagées à côté des hypogées" et conjecture leur destination funéraire, pour l’entretien des jardins attachés aux sépultures. Aucune information ne permet actuellement de confirmer cette supposition, les structures, de nature hydraulique ou non, pouvant appartenir à un état postérieur à l’abandon de ladite nécropole. BOTTI 1899a, p. 45.  WAR/cit α – Quartier de Wardian, hors tombe

pl. 12, fig. 2

Dans le quartier de Souk el-Wardian, à proximité du tombeau dit "Bains de Cléopâtre", près de la mer, citerne de surface observée et dessinée par l’ingénieur P. Coste, ingénieur en chef de la Basse-Égypte (1825-1829) : chambre souterraine creusée dans le rocher en deux parties reliées entre elles par un passage étroit (dimensions de chaque partie : 2,5 m de côté x prof. 2,5 m ; capacité de stockage totale : 20 m3) ; conduit vertical rectangulaire remontant à la surface (1 m x 0,5 m de côté x haut. conservée 1,7 m) et muni d’échelons sur deux côtés opposés. Date indéterminée. Si la structure a bien l’aspect d’une citerne, la proximité des "Bains de Cléopâtre", considérés aujourd’hui comme un tombeau, ne garantit pas l'usage funéraire du réservoir. MARTIN 1818, pl. à part ; COSTE 1998, fig. p. 16.  KCH/cit α – Nécropole de Kôm el-Chougafa, hors tombe Au nord-est du site de la nécropole, mise au jour d'une citerne de surface en 1941-1942 (A. Rowe, Musée gréco-romain) : réservoir creusé dans le sol, accessible depuis la surface par un petit conduit circulaire ; la cuve du réservoir ne semble pas avoir été explorée (dimensions inconnues). Époque impériale (le réservoir était situé sous les ruines du fort arabe de Borg el-Hashem ; le comblement du puits contenait de la céramique d'époque romaine. La datation ne saurait être précisée davantage en l'état de la documentation). A. Rowe suppose que ce "réservoir" (une citerne, selon la brève description publiée) est peut-être en rapport avec la voie d'accès de la nécropole (elle-même hypothétique), qui encadre partiellement la zone des tombeaux. Aucune preuve matérielle ne permet cependant de l'affirmer. ROWE 1942, p. 5 et planche II.  MAR/cit α – Agami, hors tombe

pl. 15, fig. 1

Près du village d’Agami à 20 km à l’ouest d’Alexandrie, fouilles d'un hypogée en 1973, sous la direction des Musées et Sites archéologiques d’Alexandrie (A. Abd el-Fattah) ; citerne de surface découverte à proximité de la tombe : réservoir formé de deux chambres souterraines de section rectangulaire creusées dans le rocher (long. 8,4 m x larg. 4,4 m x haut. 2,6 - 2,9 m) et reliées par un espace central plus étroit, à l’endroit où un conduit vertical rejoint la surface ; pilier carré réservé dans la roche du côté sud ; présence d’échelons dans les parois du conduit d’accès ; aucun mortier hydraulique signalé ; volume : environ 95 m3. Date indéterminée (pas de datation envisageable, bien que A. Abd el-Fattah associe volontiers la citerne à l’hypogée voisin, qu’il date de la fin de l’époque ptolémaïque ou du début de l’Empire grâce à la forme du sarcophage dans la chambre funéraire : ABD ELFATTAH 2003, p. 708). Malgré la forme caractéristique de l’aménagement qui atteste clairement sa fonction de citerne, ainsi que la proximité immédiate de l’hypogée, son utilisation dans un contexte funéraire ne saurait être affirmée. L’interprétation d’A. Abd el Fattah va cependant dans ce sens. ABD EL-FATTAH 2003, p. 709.

173

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 3. LES BASSINS

 MKA/BAS 1 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 1

pl. 2, fig. 1

Pour le tombeau lui-même, voir MKA/PTS 1, p. 145. Emplacement :

4 bassins communicants situés au nord-ouest de la tombe, dans les pièces 2, 3 et dans la cour.

Forme :

- bassin (a) près du puits : cuvette de section rectangulaire aux bords incurvés, couronnée par une grosse bordure équarrie ; orifice d’écoulement au fond à droite de la cuvette (diam. 10 cm), relié à un tuyau. - bassins (b) et (c) accolés à l’entrée de la pièce 3 : cuvettes de section rectangulaire séparées par une dalle de calcaire, avec un petit listel de mortier contre les bords. - bassin (d) disposé dans la cour, au pied des bassins précédents : cuvette de section rectangulaire, avec un petit listel de mortier qui ceinture l'embouchure.

Matériaux :

- bassin (a) creusé, avec partie saillante construite en calcaire, enduite sur sa partie externe ; bassins (b) et (c) construits en calcaire ; bassin (d) creusé dans le rocher. - couche de mortier hydraulique rougeâtre recouvrant les parois intérieures de tous les bassins. - tuyau en terre cuite.

Dimensions :

Accès :

Eau recueillie : Datation :

- bassin (a) : 0,41 x 0,33 m pour la partie supérieure ; 0,35 x 0,2 m pour la partie inférieure ; prof. 0,2 m. - bassin (b) (à gauche) : long. 0,77 m x larg. 0,46 m x prof. 0,4 m ; capacités de stockage : 140 dm3. - bassin (c) (à droite) : long. 0,35 x larg. 0,4 m x prof. 0,4 m ; capacités de stockage : 50 dm3. - bassin (d) : 1,5 m x 1,4 m x prof. 0,4 m ; capacités de stockage : 0,5 m3. - tuyau reliant les bassins (a) et (b) : long. 7 m env. x diam. 0,09-0,1 m. (mesures publiées par A. Adriani, complétées in situ par l’auteur). bassin (a) disposé dans une niche rectangulaire taillée dans la paroi (larg. 0,44 m x haut. 0,47 m), à 1 m au-dessus du sol ; bassins (b), (c) et (d) disposés à même le sol. L’eau était rendue accessible pour les usagers par la vasque (d) de la cour. les eaux souterraines du puits de la pièce 2 (MKA/PTS 1, p. 145). époque hellénistique : première moitié du IIIe siècle av. J.-C. / ? Les bassins (a) et (d) semblent contemporains du premier état de l’hypogée, daté de cette époque (voir MKA/PTS 1) : ADRIANI 1933-1935, p. 173 et 1966, p. 135 (début du IIe siècle, par l'étude du mobilier), FEDAK 1990, p. 131-132 (fin du IIIe siècle, par l’étude architecturale) ; cf. MCKENZIE 1990, p. 64-65. Les deux bassins accolés (b) et (c) ont sans doute remplacé un dispositif analogue antérieur, disposé plus bas (le tronçon de tuyau conservé, niché dans le mur, ne peut être que contemporain du creusement de la tombe, mais la surélévation de la pièce 3 est peut-être plus tardive (ADRIANI 1933-1935, p. 30; cf. ADRIANI 1966, p. 132).

Les données de fouille ont permis de restituer le mode de communication de ces quatre bassins : l’eau tirée du puits MKA/PTS 1 était recueillie dans le bassin voisin (a), doté au fond d’un orifice et relié à une tuyauterie ménagée dans la paroi ; puis la canalisation rejoignait les deux bassins (b) et (c) accolés à l’entrée de la pièce 3; une dalle de calcaire sépare les deux réceptacles, mais un trou d'écoulement à mi-hauteur permettait à l'eau de se répartir dans chacun des bassins. Enfin, par un trou d’écoulement dans la paroi du bassin (c), l'eau accumulée ici s'écoulait dans la vasque (d) de la cour, dont la capacité volumique atteignait le demi mètre cube. Ainsi, par un jeu élaboré de vases communicants, probablement destiné à la décantation, l'eau d'un puits situé dans un angle reculé du tombeau était rendue directement accessible au centre de la cour, produisant sans doute une impression particulière aux membres de l'assemblée réunis à l'occasion des cérémonies se déroulant autour de l'autel central. Des précautions avaient été prises pour éviter les débordements de l'eau lors de son parcours : un petit listel de mortier disposé en arrière des deux bassins mitoyens atténuait le risque d'inondation de la pièce 3 ; de même, un rebord de quelques centimètres ceinturait la cuvette du grand bassin terminal. Toutefois, deux orifices latéraux ménagés dans la partie supérieure des parois de ce dernier bassin permettaient de faire passer l'eau dans le terrain de la cour : l'hypothèse d'un petit jardin disposé là est vraisemblable, selon l'hypothèse déjà formulée par A. Adriani (ADRIANI 1933-1935, p. 19 et 78, n. 1). Sous les deux bassins accolés, deux ouvertures en arcade donnent sur de longs caveaux rectangulaires ; aucun reste d'ossements n'a été retrouvé à l'intérieur, mais des vases en terre cuite se trouvaient dans la cavité de gauche au moment de la fouille, en partie brûlés : ces deux caveaux étaient peut-être destinés à abriter les objets employés pour les cérémonies rituelles dans la cour ; M. S. Venit pense à un lieu de dépôt de gâteaux, pour les offrandes sur l'autel (VENIT 2002, p. 61). Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 17-44 ; ADRIANI 1966, n°84, p. 130-134 ; BERNAND 1966, p. 240-242 ; FEDAK 1990, p. 131 ; GRIMM 1998, p. 88-89 ; VENIT 2002, p. 50-61. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 26-30 ; cf. ADRIANI 1966, n°84, p. 130-132, BERNAND 1966, p. 241 et VENIT 2002, p. 59-61.

174

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire  MKA/BAS 2 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 4

pl. 3, fig. 2

Tombeau mis au jour en 1933 à l’occasion de travaux de nivellement du sol pour la création d’un terrain militaire de football ; fouilles en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). La tombe, très ruinée à la découverte, a été partiellement restaurée et est actuellement accessible au public. Hypogée de type familial, d’une surface conservée de 120 m2, et comprenant une cour à péristyle qui devait donner sur une série de chambres ; la seule préservée est une salle d’inhumation au sud, avec les parois percées de 13 loculi. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

à l’ouest de la cour. cuvette de section rectangulaire, aux angles intérieurs arrondis ; gros orifice d’écoulement au fond, près de la paroi orientale ; intact à la découverte, le bassin subsiste aujourd'hui à l'état de ruines. construction en pierre ; épaisse couche de mortier hydraulique revêtant complètement les parois du bassin. long. 1,18 m x larg. 0,95 m x prof. 0,8 m ; capacités de stockage : 0,9 m3 (mesures publiées par A. Adriani). cuvette disposée à même le sol. inconnue. hellénistique : IIIe ou IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée, par étude du mobilier : ADRIANI 1933-1935, p. 174 (et 166-168).

De l'hypogée, il ne restait que quelques vestiges au moment des fouilles menées par A. Adriani. À l’ouest de la cour toutefois, donnant probablement sur un espace entièrement détruit du tombeau, subsistait ce bassin rectangulaire construit, reconnaissable à l’épaisse couche de mortier hydraulique habituel qui recouvrait encore ses parois, et pouvant contenir jusqu’à 0,9 m3 d’eau. Dans le fond, un gros orifice permettait probablement à l'eau stockée de s'écouler en direction de la cour, quand un bouchon n’en bloquait pas la sortie. Le mode de remplissage du bassin reste inconnu. A. Adriani rejette la possibilité d’une alimentation par la canalisation découverte au pied de l’escalier d’accès et formant un coude en direction de la cour (voir MKA/CAN 1, p. 180) ; il estime plutôt que l’eau devait être transportée d’ailleurs. Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 63-64 ; ADRIANI 1966, n°87, p. 137-138 ; FEDAK 1990, p. 132 ; VENIT 2002, p. 49-50. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 63-64 et 97 ; cf. ADRIANI 1966, n°87, p. 138iet VENIT 2002, p. 49.

 MKA/BAS 3 – Nécropole de Moustapha Kamel, hors tombe

pl. 1

Fouilles du secteur effectuées en 1933-1934, sous la direction du Musée gréco-romain (A. Adriani). Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

bassin de surface (structure A de la zone fouillée) au nord de l’hypogée 1. cuvette rectangulaire, dont il ne restait à la découverte que le fond et une partie de la paroi nord. creusement dans le rocher ? Couche de mortier hydraulique recouvrant la paroi conservée. long. 4,65 m x larg. 3,2 m ; profondeur inconnue (mesures publiées par A. Adriani). inconnu. inconnue (les eaux souterraines du puits voisin ?). indéterminée (époque hellénistique ?) d’après la date d’aménagement de la nécropole.

Insérée entre la tombe 1 de la nécropole et d’autres structures souterraines funéraires partiellement conservées, cette "vasque" (ADRIANI 1933-1935, p. 66) peut vraisemblablement être mise en relation avec l’occupation funéraire du site. Elle devait fonctionner avec le puits disposé à proximité immédiate (MKA/PTS 3, p. 146). Bibliographie : ADRIANI 1933-1935, p. 66.

 PHA/BAS 1 – Nécropole d'Anfouchi, tombe 3

pl. 6, fig. 1

Pour le tombeau lui-même, voir PHA/PTS 3, p. 148. Emplacement : Forme :

à l'entrée d'une chambre surélevée donnant sur le portique de la cour. cuvette de section carrée (aujourd'hui détruite).

175

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique rougeâtre recouvrant les parois. 1,5 m de côté ; profondeur inconnue (mesures publiées par A. Adriani). cuvette disposée à même le sol. les eaux souterraines venant du puits voisin (PHA/PTS 3). époque hellénistique : IIe siècle av. J.-C. / ? L'hypogée est daté du IIe siècle av. J.-C. (mobilier, étude architecturale et analyse du décor, comparaison avec les autres tombeaux d’Anfouchi) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125 ; cf. ADRIANI 1966, p. 195. La pièce à l'entrée de laquelle est disposé le bassin est peut-être postérieure au premier état du tombeau (selon ADRIANI 1940-1950a, p. 125).

Ce petit bassin aux parois entièrement recouvertes de mortier hydraulique constitue probablement le complément du puits situé dans le même angle de la cour (PHA/PTS 3), en mettant à la disposition des usagers l’eau puisée. La cuvette paraît avoir été disposée à même le sol à l'entrée d'une pièce grossièrement pratiquée dans le rocher et surélevée de 0,5 mètre par rapport au niveau général de l'hypogée. Bibliographie hypogée : B RECCIA 1919-1920, p. 55-61 ; ADRIANI 1940-1950a, p. 80-85 ; ADRIANI 1966, n°143, p. 194-195. structure hydraulique : ADRIANI 1940-1950a, p. 80 et 125 ; cf. ADRIANI 1966, n°143, p. 194.

 PHA/BAS 2 – Nécropole de Ras el-Tin, tombe 4

pl. 6, fig. 5

Dans le quartier d’Anfouchi, sur le site de la nécropole de Ras el-Tin, tombeau ruiné et partiellement détruit, découvert et fouillé en 1939-1940, par le Musée gréco-romain (A. Adriani) pour le compte de l’Administration des Palais Royaux. Hypogée familial (100 m2 environ pour la partie conservée, 5 loculi, 8 niches à urne cinéraire), qui comprenait une cour et deux espaces souterrains d’ensevelissement. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

dans la paroi est de la cour. cuvette de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique recouvrant les parois. long. 1 m x larg. 0,6 m ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par A. Adriani). inconnu. indéterminée. époque hellénistique : seconde moitié du IIe siècle ou première moitié du Ier siècle av. J.-C. d'après la date de la nécropole, au plus tard du Ier siècle av. J.-C., mais considérée comme postérieure à celle d’Anfouchi (critères architecturaux) : ADRIANI 1940-1950a, p. 125 et ADRIANI 1966, p. 188 et 192. Pas d’éléments permettant d’affiner cette datation.

Ce réservoir d’eau est reconnaissable au mortier hydraulique caractéristique qui en recouvrait les parois. En évoquant le dispositif comme un "grand bassin rectangulaire", sans plus de précisions, A. Adriani suggère qu'il ne s'agit pas d'une chambre couverte, mais plutôt d'une cuvette située en retrait du mur de la cour et laissée à découvert. Le mode d’alimentation de ce bassin est inconnu. Bibliographie hypogée : ADRIANI 1940-1950a, p. 50 ; ADRIANI 1966, n°136, p. 189. structure hydraulique : ADRIANI 1940-1950a, p. 50 ; ADRIANI 1966, n°136, p. 189.

 GAB/BAS 1 – Quartier de Gabbari, tombe Thiersch 1

pl. 7, fig. 3

Pour le tombeau lui-même, voir GAB/PTS 2, p. 149. Emplacement : Forme :

contre la paroi sud de la cour. cuvette de section quadrangulaire aux angles arrondis.

Matériaux :

- partie inférieure (0,7 m) : creusement dans le sol, avec un fond recouvert de petites pierres irrégulières prises dans un mortier. - partie supérieure (0,2 m) : maçonnerie en pierre recouverte d’un enduit blanc irrégulier. - couche de mortier hydraulique recouvrant les parois (2 cm d’épaisseur).

Dimensions :

long. 1,3 x larg. 0,7-0,8 m x prof. 0,9 m ; capacités de stockage: 1 m3 environ (mesures publiées par H. Thiersch).

176

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire Accès : Eau recueillie : Datation :

cavité creusée dans le sol, rehaussée d’un rebord. les eaux souterraines venant du puits voisin (GAB/PTS 2). époque hellénistique ou impériale : Ier siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée (étude architecturale) : PAGENSTECHER 1919, p. 151 ; cf. ADRIANI 1966, p. 149. Contra THIERSCH 1900, p. 37 (milieu de l’époque impériale, sans argument) ; cf. BERNAND 1966, p. 217.

La fonction de cette installation apparaît distinctement : il s'agit d'un bassin pour stocker l'eau (1 m3 au maximum), en partie creusé dans le rocher, en partie construit pour les rebords, et recouvert au fond d'une épaisse couche de mortier hydraulique rougeâtre. Ce réservoir revêt une forme originale : la paroi ouest est surélevée de 40 cm environ par rapport aux autres rebords, et est fortement inclinée en direction du fond. À en juger par cet agencement, le bassin était certainement étroitement associé au puits situé à proximité (GAB/PTS 2), comme suit : l’eau était d'abord tirée du puits, puis versée dans le bassin, à l’emplacement de la surface inclinée ; sur le grand côté du bassin, H. Thiersch a reconnu dans le décrochement du rebord, initialement rectiligne, les traces d'usure de corde dues à une utilisation fréquente de l'eau du bassin. Bibliographie hypogée : THIERSCH 1900, p. 7-25 et 37-38 ; PAGENSTECHER 1919, p. 151 ; ADRIANI 1966, n°97, p. 148-149 ; BERNAND 1966, p. 217. structure hydraulique : THIERSCH 1900, p. 10, 14-15 et 37 ; cf. S CHREIBER 1908, p. 219-220 et ADRIANI 1966, n°97, p. 149.

 WAR/BAS 1 – Quartier de Wardian, Temple souterrain

pl. 12, fig. 3

Pour le tombeau lui-même, voir WAR/CIT 1, p. 167-168. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

bassin de surface (structure n°4 de la zone fouillée). cuvette de section rectangulaire, avec un petit gradin disposé au nord-ouest (aujourd'hui détruite). terre cuite ; revêtement interne à l’aide d’une maçonnerie recouverte de dalles de pierre ; pas de couche de mortier hydraulique signalée. long. 3,5 m x larg. 2 m ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par A. Adriani). une petite construction fermée, avec un système de pilastres et d’architrave (?) inconnue. époque impériale : Ier siècle av. J.-C. / ? Il a souvent été admis que le complexe funéraire devait être daté des deux premiers siècles de notre ère, selon des critères architecturaux et stylistiques, et depuis ADRIANI 1966, p. 170 ; cf. BERNAND 1966, p. 214, FEDAK 1990, p. 29, MCKENZIE 1990, p. 68, VENIT 2002, p. 151. D'autres auteurs proposent cependant une datation plus haute, dès le Ier siècle av. J.-C. : PAGENSTECHER 1919, p. 138-139, NOSHY 1937, p. 36, TKACZOW 1993, p. 53, GRIMM 1998, p. 126-128, EMPEREUR 2002a, p. 46 ; voir encore DASZEWSKI 1985, p. 128-129 (examen de la mosaïque de surface) et CALLOT, NENNA 2003, p. 98 (datation de la pièce à trois sarcophages sous arcosolium, après la découverte de l'hypogée B11 de Gabbari, doté d'une pièce du même type).

La forme et la structure de ce bassin, en partie observées par A. Adriani, en partie interprétées par lui, est inédite, rappelant les fontaines d’ornement, dont le petit gradin constituait peut-être un dispositif de cascade d’eau. A. Adriani imagine que le bassin était probablement disposé dans une petite construction plus ou moins fermée. A l’extrémité sud-est du bassin et dans le fond, deux petits orifices communiquaient avec une installation de plomberie dirigée vers l’est. L’état de destruction de ce secteur et de l’ensemble de la superstructure ne nous permet cependant pas de reconstituer dans son ensemble ce bassin et d’envisager son mode d’alimentation et d’évacuation en eau. Bibliographie complexe funéraire : MARTIN 1818, chap. 26 ; BOTTI 1897, p. 829-830 ; PAGENSTECHER 1919, p. 134-141 ; ADRIANI 1966, n°118, p. 162-171 ; BERNAND 1966, p. 210-214 ; TKACZOW 1993, p. 52-53 ; GRIMM 1998, p. 124-128. structure hydraulique : ADRIANI 1966, p. 168.

 KCH/BAS 1 – Nécropole de Kôm el-Chougafa, tombe D

pl. 13, fig. 3

Tombeau d'abord exploré par G. Botti en 1897, puis fouillé par l’expédition allemande E. von Sieglin en 1900-1908 ; nouvelles fouilles entreprises par A. Rowe en 1941-1942. Hypogée de 170 m2 de surface conservée (40 loculi et un sarcophage), partiellement détruit dans sa partie sud ; depuis un long escalier, on accède à une salle à deux piliers, et plus bas à une partie souterraine organisée autour d’une cour, qui dessert des pièces sur tous ses côtés, dont seule une pièce d’inhumation à loculi est conservée.

177

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Accès : Eau recueillie : Datation :

bassin (pièce e) situé à l’est de l'hypogée, en bas d’un escalier. cuvette de section rectangulaire. creusement dans le rocher ; pas de couche de mortier hydraulique signalée. long. 2,3 m x larg. 1,8 m env. ; profondeur inconnue (d’après le plan publié par Th. Schreiber). escalier (d-d’) de 17 marches, descendant depuis la cour. l’eau pluviale : dispositif de rigole ménagée dans le rocher, conservée sur la quinzième marche. époque impériale : première moitié du Ier siècle ap. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée actuellement admise : ADRIANI 1966, p. 184 (sans argument développé) ; cf. TKACZOW 1993, p. 66 ; contra BOTTI 1898b, p. 16, qui fait remonter la première phase d'aménagement à l'époque pharaonique, et PAGENSTECHER 1919, p. 145, pour qui l'hypogée date de la fin de l'époque ptolémaïque. BOTTI 1898b, p. 19 interprète le bassin comme un aménagement chrétien de l'époque de Dioclétien (baptistère) ; Th. Schreiber et A. Rowe rejettent cette hypothèse, malgré un possible remploi ultérieur de l'aménagement hydraulique : ils considèrent plutôt le bassin comme contemporain de la construction du monument funéraire (SCHREIBER 1908, p. 11 ; ROWE 1942, p. 9).

Bien qu’aucun enduit hydraulique n’ait été signalé parmi les données de fouille de la pièce e, l’aménagement d’un bassin ne fait ici aucun doute (forme de cuvette, rigole ménagée dans l’escalier d’accès). G. Botti parle à son sujet d’une "piscine" (it. piscina), et Th. Schreiber, de réservoir (all. Wasserbecken, Bassin, Cisterne). Bibliographie hypogée : BOTTI 1898b, p. 15-21 ; BOTTI 1908, p. 338-340 ; SCHREIBER 1908, p. 68-73 ; PAGENSTECHER 1919, p. 145 ; ADRIANI 1966, n°127, p. 183-184. structure hydraulique : BOTTI 1898b, p. 15-18, et 19-20 ; BOTTI 1908, p. 338-339 ; SCHREIBER 1908, p. 69-71 et 172 ; SCHREIBER 1914, p. 11 ; cf. ADRIANI 1966, n°127, p. 184.

178

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire  GAB/bas α – Quartier de Gabbari, zone A, hors tombe Zone A du quartier de Gabbari, fouillée entre 1975 et 1977 par la mission allemande du Centre d’Étude sur l’Égypte gréco-romaine de l’Université de Trèves, sous la direction de G. Grimm et M. Sabottka ; mise au jour d'un aménagement de surface très ruiné, considéré comme un bassin (aucune autre information disponible). Date indéterminée. Il ne restait que quelques ruines du bassin (all. Wasserbecken) au moment de sa découverte. SABOTTKA 1984, p. 277.  GAB/bas β – Quartier de Gabbari, tombe C4

pl. 10, fig. 4

Zone C du quartier de Gabbari, bassin situé dans la pièce 1 de l’hypogée C4 (voir la citerne du même ensemble souterrain, GAB/CIT 11, p. 166) : grande cuvette maçonnée (dimensions inconnues), sans couche de mortier hydraulique signalée sur les parois. Date indéterminée. Ce "bac" ou "point d’eau", encore en usage au moment des observations, est peut-être un aménagement récent des squatteurs de l’hypogée. ROUSSEAU 2003, p. 679-680.  KCH/bas α – Nécropole de Kôm el-Chougafa, tombe Wescher

pl. 13, fig. 5

Tombe découverte par C. Wescher en 1855 entre les hypogées C et D du site de la nécropole ; cuvette rectangulaire disposée dans l'angle nord-est de la cour, dotée d'un puits cylindrique conduisant à deux galeries souterraines (dimensions inconnues). Époque hellénistique ou impériale (le tombeau, qui contient un décor peint à thématiques chrétiennes, suscite beaucoup d'interrogations quant à la date de son premier aménagement : voir S CHREIBER 1914, p. 8, PAGENSTECHER 1919, p. 147, ADRIANI 1966, p. 184 ou TKACZOW 1993, p. 66 ; le dispositif lui-même est parfois considéré comme originel, parfois interprété comme un remaniement lié à des pratiques religieuses chrétiennes). La difficulté d'appréhender concrètement l'aspect du dispositif par la seule description qu'en livre C. Wescher donne lieu à de fortes divergences de point de vue quant aux interprétations fonctionnelles et à la date d'aménagement (une hypothèse en ferait un baptistère chrétien). La nature hydraulique de l'ouvrage n'est elle-même pas démontrée. WESCHER 1865, p. 57-64 ; S CHREIBER 1908, p. 21-25 ; ADRIANI 1966, p. 184-186.  KCH/bas β – Nécropole de Kôm el-Chougafa, complexe funéraire à trois étages

pl. 14

Aménagement disposé dans une chambre au premier niveau du complexe funéraire (voir KCH/CIT 2, p. 168-169) : cuve rectangulaire monolithe façonnée dans le rocher et partiellement recouverte de mortier hydraulique. Seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. / ? (l'aménagement est situé dans une salle d'inhumation probablement postérieure au premier état du complexe funéraire, qui est daté de la seconde moitié du Ier siècle ou de la première moitié du IIe siècle, sur critères architecturaux et stylistiques : BISSING 1901, p. 3, ROWE 1942, p. 10, ADRIANI 1966, p. 174 ; cf. BRECCIA 1914a, p. 108 et 1922, p. 32, BERNAND 1966, p. 194, FRASER 1972, p. 107-108, MCKENZIE 1990, p. 68, EMPEREUR 1995a, p. 7, VENIT 2002, p. 129). Th. Schreiber suppose la fonction de bassin pour cet aménagement (all. Wanne, Behälter), avant sa transformation en sarcophage. Ses arguments sont toutefois sujets à caution (proximité d’un puits lui-même hypothétique, KCH/pts β, p. 156, ressemblance avec d’autres bassins découverts dans les nécropoles d'Alexandrie). Le mortier hydraulique qui recouvre en partie la cuvette a également été appliqué sur les parois de la pièce même. SCHREIBER 1908, p. 87 et 220 ; B RECCIA 1922, p. 322 ; ROWE 1942, p. 10 ; cf. ADRIANI 1966, p. 174.

179

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 4. LES CANALISATIONS ISOLÉES  MKA/CAN 1 – Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 4

pl. 3, fig. 2

Pour le tombeau lui-même, voir PHA/PTS 1, p. 145. Emplacement : Forme : Matériaux : Dimensions : Eau recueillie : Datation :

en bas de l’escalier, contournant le pilier sud-est de la cour. rigole coudée. creusement dans le rocher ; couche de mortier hydraulique rougeâtre par dessus, formant un bourrelet de chaque côté. long. conservée 2,5 m x larg. 0,1 m environ. (mesures in situ A. Tricoche). l’eau de pluie, depuis l’escalier d’accès. hellénistique : IIIe ou IIe siècle av. J.-C. d'après la date du premier état de l’hypogée, par étude du mobilier : ADRIANI 1933-1935, p. 174 (et p. 166-168).

La fonction de ce petit canal creusé dans le sol en bas de l’escalier d’accès n'est pas assurée, en raison du mauvais état de conservation général de l'hypogée lors de sa mise au jour dans les années 1930. Il conduisait sans doute dans la cour les eaux qui ruisselaient dans la descenderie, comme le suppose également A. Adriani d'après sa trajectoire et la couche de mortier hydraulique recouvrant ses parois ; des bourrelets construits avec le même mortier, qui longeaient de chaque côté la rigole, permettaient de contrôler la trajectoire de ces écoulements, et viennent confirmer cette hypothèse. Il est peu vraisemblable que la rigole ait pu communiquer avec le bassin disposé de l’autre côté de la cour (voir MKA/BAS 2, p. 175) ; en revanche, elle permettait peut-être d’entretenir un petit jardin aménagé dans l’espace laissé à ciel ouvert. Bibliographie hypogée : ADRIANI 1933-1935, p. 63-64 ; ADRIANI 1966, n°87, p. 137-138 ; FEDAK 1990, p. 132 ; VENIT 2002, p. 49-50. structure hydraulique : ADRIANI 1933-1935, p. 64 ; cf. ADRIANI 1966, n°87, p. 138 et VENIT 2002, p. 50.

180

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire  GAB/can α – Quartier de Gabbari, tombe A4

pl. 8, fig. 2

Zone A du quartier de Gabbari, fouillée entre 1975 et 1977 par la mission allemande du Centre d’Étude sur l’Égypte gréco-romaine de l’Université de Trèves, sous la direction de G. Grimm et M. Sabottka ; tronçon de rigole creusée dans le sol (larg. 0,5 m environ), traversant obliquement l'hypogée A4 d’est en ouest. Époque impériale ? (selon M. Sabottka, le creusement de cette rigole remonte à la dernière phase d’utilisation antique de ce secteur, alors que le tombeau A4 est déjà abandonné : SABOTTKA 1984, p. 282 ; le tombeau est daté du IIe siècle av. J.-C., grâce à l'étude du mobilier : SABOTTKA 1983, p. 198 ; cf. SABOTTKA 1984, p. 281. Si la nature hydraulique de ce canal paraît attestée, en revanche son usage est manifestement sans rapport avec l’hypogée, et peut-être avec ce secteur de la Necropolis. SABOTTKA 1984, p. 282.  WAR/can α – Quartier de Wardian, Temple souterrain

pl. 12, fig. 3

Dans la partie souterraine du complexe (voir WAR/CIT 1, p. 167-168), au fond de la pièce à loculi (P), canal coudé creusé dans le rocher jusqu’à la mer (0,5 m de circonférence) ; partiellement conservé au moment des premières explorations du tombeau, il est aujourd’hui détruit. Ier siècle av. J.-C. / ? (il a souvent été admis que le complexe funéraire devait être daté des deux premiers siècles de notre ère, selon des critères architecturaux et stylistiques, et depuis ADRIANI 1966, p. 170 ; cf. BERNAND 1966, p. 214, FEDAK 1990, p. 29, MCKENZIE 1990, p. 68, VENIT 2002, p. 151. D'autres auteurs proposent cependant une datation plus haute, dès le Ier siècle av. J.-C. : PAGENSTECHER 1919, p. 138-139, NOSHY 1937, p. 36, TKACZOW 1993, p. 53, G RIMM 1998, p. 126-128, EMPEREUR 2002a, p. 46 ; voir encore DASZEWSKI 1985, p. 128-129 (examen de la mosaïque de surface) et CALLOT, NENNA 2003, p. 98 (datation de la pièce à trois sarcophages sous arcosolium, après la découverte de l'hypogée B11 de Gabbari, doté d'une pièce du même type). Au sujet de ce canal, P. Martin affirme que "l’eau de mer s’y rencontrait après plusieurs mètres, quoique le conduit s’y prolongeât davantage" ; l’archéologue en conclut qu’il "était destiné à la purification des corps que l’on devait embaumer". H. von Minutoli estime qu'il s'agit plutôt d'un système destiné au transport des corps depuis le port. Ces interprétations, qui ne sont étayées par aucune donnée concrète, paraissent peu vraisemblables. La salle était déjà détruite au moment des observations d'Adriani en 1953. Bibliographie : MARTIN 1818, p. 12 ; MINUTOLI 1831, p. 13 ; PAGENSTECHER 1919, p. 138-139 ; ADRIANI 1966, p. 170 ; cf. MCKENZIE 1990, p. 68, TKACZOW 1993, p. 53 et GRIMM 1998, p. 124-128.  KCH/can α – Nécropole de Kôm el-Chougafa, complexe funéraire à trois étages

pl. 14

aménagement situé dans le corridor à loculi (salle F) en arrière de la chambre principale du complexe funéraire (voir KCH/CIT 2, p. 168-169) : fosse profonde creusée dans le sol et longeant le corridor coudé sur les trois côtés (long. 31 m env. x larg. 0,57 m x prof. 3,34 m, selon l’ingénieur Ehrlich, après correction des mesures prises par G. Botti). Seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. / ? (date du complexe funéraire, sur critères architecturaux et stylistiques : BISSING 1901, p. 3, ROWE 1942, p. 10, ADRIANI 1966, p. 174 ; cf. B RECCIA 1914a, p. 108 et 1922, p. 32, BERNAND 1966, p. 194, F RASER 1972, p. 107108, MCKENZIE 1990, p. 68, EMPEREUR 1995a, p. 7, VENIT 2002, p. 129. Le corridor dans lequel le dispositif se trouve est probablement postérieur à ce premier état). Destination de l’aménagement très incertaine, malgré les hypothèses des deux principaux explorateurs du complexe, Botti ("un canal creusé pour l’écoulement des eaux d’infiltration") et Schreiber (all. Kanal, Gräben). Il pourrait aussi s’agir d’une une fosse utilisée comme simple dépotoir. BOTTI 1908, p. 360 ; SCHREIBER 1908, p. 111 ; S CHREIBER 1914, p. 17 ; ROWE 1942, p. 10 ; ADRIANI 1966, n°122, p. 174 et 177.  MAR/can α – Nécropole de Marina el-Alamein, tombe S6

pl. 15, fig. 3

Dans la superstructure du tombeau S6 (voir MAR/PTS 2, p. 153), au niveau du mur sud de la salle 10 : petit canal creusé dans l'une des parois de la salle 10. Ier siècle ap. J.-C. (date de l’hypogée par étude du mobilier : DASZEWSKI 1990, p. 34 et 1993a, p. 409 ; cf. DASZEWSKI 1998a, p. 233234 et LECLANT, MINAULT-GOUT 1999, p. 315). Daszewski suppose que ce conduit recevait l’eau de pluie provenant du toit, en direction de l’intérieur du bâtiment, dans la pièce 6. Faute d’une description plus approfondie du dispositif, cette interprétation reste hypothétique. DASZEWSKI 1997, p. 75 ; DASZEWSKI 1999, p. 43 ; DASZEWSKI 1998a, p. 233-234 ; DASZEWSKI 2001, p. 56.

181

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 1. Tableau récapitulatif des installations hydrauliques inventoriées dans le catalogue* zone géographique

emplacement

type de structure

(= MKA)

MKA/PTS 1

145

4 bassins

MKA/BAS 1

174

site de la nécropole, tombe 2

puits

MKA/PTS 2

145-146

site de la nécropole, tombe 3

citerne

MKA/CIT 1

157

bassin

MKA/BAS 2

175

canalisation

MKA/CAN 1

180

puits

MKA/PTS 3

146

citerne

MKA/CIT 2

157

bassin

MKA/BAS 3

175

3 puits

MKA/pts α

154

3 citernes

MKA/cit α

171

cap Zéphyrion, hors tombe

citerne

MKA/cit β

171

site de Cléopâtra, tombe 3

puits

EST/PTS 1

146-147

tombe du Jardin Antoniadis

citerne

EST/CIT 1

158

site de Terra Santa, hors tombe

citerne

EST/cit α

171

nécropole de Hadra, tombe O

puits

EST/pts α

154

nécropole de Hadra, hors tombe

puits

EST/pts β

154

puits

PHA/PTS 1

147

citerne

PHA/CIT 1

158-159

puits

PHA/PTS 2

147-148

puits

PHA/PTS 3

148

puits

PHA/pts α

154

bassin

PHA/BAS 1

puits

PHA/pts β

154

citerne

PHA/CIT 2

159

puits

PHA/pts γ

154-155

site d'Anfouchi, hors tombe

citerne

PHA/cit α

171-172

site de Ras el-Tin, tombe 1

citerne

PHA/CIT 3

159

site de Ras el-Tin, tombe 2

citerne

PHA/CIT 4

160

site de Ras el-Tin, tombe 3

puits

PHA/pts δ

155

site de Ras el-Tin, tombe 4

bassin

PHA/BAS 2

176

tombe anonyme

puits

GAB/PTS 1

148-149

citerne

GAB/CIT 1

160

puits

GAB/PTS 2

149

bassin

GAB/BAS 1

176-177

zone A, tombe A4

canalisation

GAB/can α

181

zone A, tombe A5

2 puits

GAB/PTS 3

149-150

zone A, hors tombe

bassin

GAB/bas α

179

zone B, tombe B1

puits

GAB/PTS 4

150-151

zone B, proche tombe B3

puits

GAB/pts α

155

zone B, proche tombe B4

citerne

GAB/CIT 2

161

site de la nécropole, tombe 4

site de la nécropole, hors tombe

camp militaire, hors tombe

Est d'Alexandrie (= EST)

site d'Anfouchi, tombe 1 site d'Anfouchi, tombe 2 site d'Anfouchi, tombe 3 presqu'île de Pharos (= PHA)

site d'Anfouchi, tombe 4 site d'Anfouchi, tombe 6

tombe B tombe Thiersch 1 quartier de Gabbari (= GAB)

pages

puits

site de la nécropole, tombe 1

quartier de Moustapha Kamel

code catalogue

182

175-176

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

zone géographique

emplacement

type de structure

(= GAB)

citerne

GAB/CIT 3

161-162

zone B, proche tombe B8

citerne

GAB/CIT 4

162

zone B, tombe B10

citerne

GAB/CIT 5

162-163

puits

GAB/PTS 5

151

citerne

GAB/CIT 6

163

zone B, tombe B21

puits

GAB/PTS 6

151-152

zone B, tombe B22

citerne

GAB/CIT 7

164

zone B, proche tombe B25

citerne

GAB/CIT 8

164-165

zone B, tombe B26

citerne

GAB/CIT 9

165

zone B, proche tombe B40

citerne

GAB/cit α

172

zone B, secteur 3, hors tombe

citerne

GAB/CIT 10 GAB/pts β

155

citerne

GAB/cit β

172

puits

GAB/pts γ

155

4 citernes

GAB/cit γ

172

citerne

GAB/CIT 11

166

bassin

GAB/bas β

179

zone C, proche tombe C5

citerne

GAB/CIT 12

166-167

zone C, proche tombe C6

citerne

GAB/cit δ

172-173

zone C, proche tombe C12

puits

GAB/pts δ

156

zone C, proche fort Saleh

citernes

GAB/cit ε

173

citerne

WAR/CIT 1

167-168

bassin

WAR/BAS 1

177

canalisation

WAR/can α

181

citerne

WAR/cit α

173

tombe anonyme

puits

KCH/PTS 1

152

tombe Wescher

bassin

KCH/bas α

179

tombe A

citerne

KCH/CIT 1

168

tombe B

2 puits

KCH/pts α

156

tombe D

bassin

KCH/BAS 1

puits

KCH/pts β

156

citerne

KCH/CIT 2

168-169

bassin

KCH/bas β

179

canalisation

KCH/can α

181

citerne

KCH/cit α

173

zone C, tombe C4

(= WAR)

Kôm el-Chougafa

Temple souterrain

hors tombe

(= KCH) complexe à trois étages

hors tombe nécropole de Plinthine, tombe 1 Maréotide (= MAR)

165-166

puits

zone B, secteur 5, hors tombe

zone B, secteur 5b, hors tombe

quartier de Wardian

pages

zone B, tombe B8

zone B, tombe B17

quartier de Gabbari

code catalogue

177-178

puits

MAR/PTS 1

152-153

puits

MAR/PTS 2

153

canalisation

MAR /can α

181

nécropole d'El-Alamein, tombe T21

citerne

MAR/CIT 1

169-170

site du village d'Agami, hors tombe

citerne

MAR /cit α

173

nécropole d'El-Alamein, tombe S6

* En grisé : les structures jugées hypothétiques du point de vue de leur nature hydraulique ou de leur usage funéraire.

183

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine 2. Tableau de répartition des structures hydrauliques par zone géographique* puits

citernes

bassins

total

Moustapha Kamel

3

2

6

11

Est d'Alexandrie

1

1

0

2

Presqu'île de Pharos

3

4

2

9

quartier de Gabbari

7

12

1

20

quartier de Wardian

0

1

1

2

Kôm el-Chougaga

1

2

1

4

Maréotide

2

1

0

3

total

17

23

11

51

3. Tableau de répartition des tombes d'Alexandrie dotées de structures hydrauliques par période chronologique* aménagements

époque hellénistique

époque impériale

époque hellénistique ou impériale

total

puits

Moustapha Kamel, tombe 2 Cléopâtra, tombe 3 Anfouchi, tombe 2 Gabbari, tombe A5 Gabbari, tombe B1 Gabbari, tombe B21

--

Gabbari, tombe anonyme Kôm el-Chougafa, tombe anonyme

8

citerne

Moustapha Kamel, tombe 3 tombe du Jardin Antoniadis Anfouchi, tombe 4 Ras el-Tin, tombe 2 Gabbari, proche tombe B4 Gabbari, tombe B10 Gabbari, tombe B22 Gabbari, tombe B26

Gabbari, tombe B Gabbari, tombe B8 Kôm el-Chougafa, tombe A Kôm el-Chougafa, tombe à trois étages

Ras el-tin, tombe 1 Gabbari, proche tombe B25 Gabbari, tombe C4

15

bassin

Moustapha Kamel, tombe 4 Ras el-Tin, tombe 4

Kôm el-Chougafa, tombe D

--

3

puits/bassin

Moustapha Kamel, tombe 1 Anfouchi, tombe 3

--

Gabbari, tombe Thiersch 1

3

puits/citerne

Anfouchi, tombe 1 Gabbari, tombe B17

--

--

2

citerne/bassin

--

Wardian, Temple souterrain

--

1

total

20

6

6

32

Total tombes

74

38

31

143

* Seuls sont pris en compte dans ces deux tableaux les structures hydrauliques de l'inventaire considérés comme fiables.

184

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire 4. Tableau de répartition des accès aux structures hydrauliques dans les nécropoles d'Alexandrie et ses environs type d'accès

zone géographique

emplacement

nombre

Moustapha Kamel

tombe 1 tombe 2

2

Est d'Alexandrie

Cléopâtra, tombe 3

1

Presqu'île de Pharos

Anfouchi, tombe 1 Anfouchi, tombe 2 Anfouchi, tombe 3

3

Gabbari

tombe anonyme tombe Thiersch 1 tombe A5 (2) tombe B1 tombe B17 tombe B21

7

Kôm el-Chougafa

tombe anonyme

1

Maréotide

Plinthine, tombe 1 El-Alamein, tombe S6

2

Moustapha Kamel

tombe 3

1

Est d'Alexandrie

Jardin Antoniadis

1

Presqu'île de Pharos

Anfouchi, tombe 1 Anfouchi, tombe 4 Ras el-Tin, tombe 1 Ras el-Tin, tombe 2

4

Gabbari

tombe B proche tombe B4 tombe B8 tombe B10 tombe B17 tombe B22 proche tombe B25 tombe B26 tombe C4

9

Kôm el-Chougafa

tombe A tombe à trois étages

2

Maréotide

El-Alamein, tombe T21

1

Moustapha Kamel

tombe 1 tombe 4

5

Presqu'île de Pharos

Anfouchi, tombe 3 Ras el-Tin, tombe 4

2

Gabbari

tombe Thiersch 1

1

Kôm el-Chougafa

tombe D

1

Moustapha Kamel

site de la nécropole

3

Gabbari

proche tombe B8 zone B, secteur 3 proche tombe C5

3

Wardian

Temple souterrain

2

puits accessibles dans la tombe

citernes accessibles dans la tombe

bassins accessibles dans la tombe

structures hydrauliques de surface en relation avec les nécropoles antiques

185

total

16

18

9

8

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

PL. 1

Quartier de Moustapha Kamel : plan de l'esnsemble du site et de la nécropole (d'après ADRIANI 1933-1935, fig. 1, p. 11 et pl. 35).

187

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 1. Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 1 : plan de la tombe (d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 28) et photographies des structures hydrauliques (MKA/PTS 1 et MKA/BAS 1, d'après VENIT 2002, p. 60, fig. 44 et p. 61, fig. 45 ; MKA/BAS 1 : clichés A. Tricoche, 2003).

Figure 2. Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 2 : plan de la tombe (d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 29) et photographie du puits (cliché A. Tricoche, 2003).

188

PL. 2

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

Figure 1. Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 3. Plan, coupe A-B de la tombe et reconstitution de la cour (d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 30, 31 et 37).

Figure 2. Nécropole de Moustapha Kamel, tombe 4 : plan de la tombe (d'après ADRIANI 1933-1935, pl. 34) et photographie des vestiges actuels du bassin (cliché A. Tricoche, 2003).

189

PL. 3

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 1. Site de la nécropole de Cléopâtra-les-bains, tombe 3 (d'après ADRIANI 1935-1939, p. 124, fig. 58).

PL. 4

Figure 2. Tombe du Jardin Antoniadis (d'après THIERSCH 1904, pl. V).

Figure 3. Nécropole de Hadra : plan général des secteurs de fouille dans les années 1930 (d'après ADRIANI 1935-1939, p. 84, fig. 41) et plan du secteur de l'Hôpital (d'après BRECCIA 1930a, pl. 23).

Figure 4. Cimetière latin de Terra Santa : plan du secteur de fouille des années 1930 (d'après ADRIANI 1935-1939, fig. p. 17).

190

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

Figure 1. Nécropole d'Anfouchi : plan d'ensemble du site (d'après A DRIANI 1940-1950a, p. 55, fig. 28).

Figure 2. Nécropole d'Anfouchi, tombe 1 : plan de la tombe, coupes A-A' et B-B' (d'après ADRIANI 1940-1950a, p. 57, fig. 29 et p. 59, fig. 30-31) et photographie du puits (cliché A. Tricoche, 2003).

Figure 3. Nécropole d'Anfouchi, tombe 2 : plan de la tombe et coupe B-B' (d'après ADRIANI 1940-1950a, p. 62, fig. 32 et p. 63, fig. 33) et photographie du puits (cliché A. Tricoche, 2003).

191

PL. 5

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

PL. 6

Figure 1. Nécropole d'Anfouchi, tombe 3 : plan de la tombe (d'après ADRIANI 1940-1950a, p. 80, fig. 45) et photographie des deux puits (clichés A. Tricoche, 2003).

Figure 2. Nécropole d'Anfouchi, plan de la tombe.4 (d'après ADRIANI 1940-1950a, p. 86, fig. 49).

Figure 3. Nécropole d'Anfouchi, plan de la tombe 6 (d'après ADRIANI 1940-1950a, p. 96, fig. 56).

Figure 5. Nécropole de Ras el-Tin, plan des tombes 4-6 (d'après ADRIANI 1940-1950a, pl. 30, fig. 2).

Figure 4. Nécropole de Ras el-Tin, plan des tombes 1-3 (d'après ADRIANI 1940-1950a, pl. 30, fig. 1).

192

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

Figure 1. Necropolis, plan d'une tombe anonyme (d'après ADRIANI 1966, pl. 80, fig. 264).

PL. 7

Figure 2. Quartier de Gabbari, plan de la tombe B (d'après HABACHI 1937, planche à part).

Figure 3. Quartier de Gabbari, tombe Thiersch 1. Plan de la tombe, coupe C-D, dessin du bassin (d'après Thiersch 1900, planche à part) et coupe du bassin (dessin A. Tricoche).

193

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 1. Quartier de Gabbari, zones de fouille A-C., plan d'ensemble (d'après EMPEREUR, NENNA 2003, p. 688, fig. 1).

Figure 2. Zone A de Gabbari, plan de la tombe A4 (d'après SABOTTKA 1983, p. 199, fig. 5).

Pl. 8

Figure 3. Zone A de Gabbari, plan de la tombe A5 (d'après SABOTTKA 1983, p. 200, fig. 6).

Figure 4. Zone B du chantier du pont de Gabbari : localisation des installations hydrauliques (plan d'après EMPEREUR 2001a, p. 20-21, fig. 1.14).

Figure 5. Quartier de Gabbari, tombe B1. Plans des deux niveaux souterrains, coupe B-B' et photographies du puits au niveau supérieur (d'après CALLOT, NENNA 2001, p. 114-115, plans II et III ; p. 119, fig. 3.9 ; p. 156, fig. 3.96 ; p. 121, fig. 3.14).

194

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

Figure 1. Quartier de Gabbari, tombe B8. Plan du niveau inférieur, coupe C-C' et photographie de l'escalier d'accès à la citerne GAB/CIT 3 (d'après CALLOT, NENNA 2001, p. 150, plan VII ; p. 153, fig. 3.78 ; p. 155, fig. 3.82).

Figure 2. Quartier de Gabbari, tombe B10. Plan de la tombe et photographie de l'accès à la citerne (d'après DELAPORTE 2003, p. 65, fig. 3 et p. 74, fig. 27).

Figure 3. Quartier de Gabbari, tombe B17. Plan de la tombe et coupe est-ouest de la paroi nord de la cour avant la fouille (d'après EMPEREUR 2000, p. 606, fig. 13 et p. 608, fig. 15).

195

PL. 9

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

Figure 1. Quartier de Gabbari, tombe B21. Photographie de la cour avec le puits (d'après EMPEREUR 2001b, p. 686, fig. 8).

PL. 10

Figure 2. Quartier de Gabbari, tombe B22. Vue de la paroi nord d'une salle d'inhumation dans son dernier état et tuyau en terre cuite d'amenée d'eau de la citerne (d'après NENNA 2008, p. 233, fig. 5 et 6).

Figure 3. Quartier de Gabbari, tombe B26. Plan de la tombe et coupe B-B' (d'après CALLOT 2003, p. 359, fig. 2 et p. 360, fig. 4).

Figure 4. Quartier de Gabbari, plan de la tombe C4 (d'après R OUSSEAU 2003, p. 694, fig. 10).

Figure 5. Quartier de Gabbari, plan des tombes C5 et C6 (d'après : ROUSSEAU 2003, p. 695, fig. 12 et 13).

196

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

PL. 11

Figure 1. Quartier de Gabbari, zone B, secteur 5, hors tombe. Plan de la zone de fouille et photographie des vestiges de la citerne GAB/cit b (d'après CHOËL, JACQUEMIN 2003, p. 342, fig. 19, et p. 340, fig. 16).

Figure 2. Quartier de Gabbari, plan des tombes C10 et C12 (d'après ROUSSEAU 2003, p. 696, fig. 15).

197

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

PL. 12

Figure 2. Quartier de Wardian, plan de la zone de la nécropole à proximité des "Bains de Cléopâtre" (d'après C OSTE 1998, fig. p. 16).

Figure 1. Quartier de Wardian, plan du site de la nécropole (d'après MARTIN 1818, pl. 42, fig. 1).

Figure 3. Quartier de Wardian, "Temple souterrain". Plan de l'hypogée, des vestiges de surface (d'après ADRIANI 1966, pl. 84, fig. 301 et pl. 86, fig. 292) et photographie de l'intérieur de la citerne (cliché A. Tricoche, 2003).

198

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

PL. 13

Figure 1. Nécropole de Kôm el-Chougafa, plan d'ensemble du site (d'après TKACZOW 1993, fig. 13a-12).

Figure 2. Nécropole de Kôm el-Chougafa, plan de la tombe B (d'après SCHREIBER 1908, t. 2, pl. 2, fig. 4).

Figure 4. Nécropole de Kôm el-Chougafa, plan de la tombe D (d'après SCHREIBER 1908, t. 2, pl. 3, fig. D1).

Figure 5. Nécropole de Kôm el-Chougafa, plan de la tombe Wescher (d'après SCHREIBER 1908, p. 24, fig. 13).

Figure 3. Nécropole de Kôm el-Chougafa, plan de la tombe A (d'après SCHREIBER 1908, t. 2, pl. 1).

199

L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine

PL. 14

Nécropole de Kôm el-Chougafa, complexe funéraire à trois étages. Plan de l'hypogée (d'après EMPEREUR 1995a, pl. de garde) , coupe de l'hypogée et plan de détail de la chambre du puits (d'après ADRIANI 1966, t. 2, pl. 98, fig. 331 et pl. 97, fig. 329) , plan de détail de la citerne (d'après R OWE 1942, pl. 4), photographie du corridor à loculi et dessin de la chambre du puits (d'après SCHREIBER 1908, t. 2, pl. 41 et t. 1, p. 86, fig. 42) et coupe de la citerne (dessin A. Tricoche).

200

Catalogue des aménagements hydrauliques en contexte funéraire

Figure 1. Tombe du village d'Agami. Plan d'ensemble et plan et coupe de la citerne (d'après A BD EL-FATTAH 2003, p. 711, fig. 1 et p. 714, fig. 7).

Figure 2. Nécropole de Plinthine, plan de la tombe 1 (d'après ADRIANI 1940-1950b, p. 149, fig. 71).

Figure 3. Nécropole de Marina el-Alamein, plan de la tombe S6 (d'après DASZEWSKI 1998a, p. 239, fig. 8).

Figure 4. Nécropole de Marina el-Alamein, tombe T21. Plan de la tombe et photographie de la citerne (d'après DASZWESKI 2005, p. 82, fig. 9 et p. 84, fig. 12).

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PL. 15

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• Éditions de manuscrits d'auteurs grecs et latins

Les deux collections les plus fréquemment utilisées, la Collection des Universités de France (éd. Belles Lettres, Paris) et la Loeb Classical Library (éd. Harvard University Press, Cambridge, Londres), sont signalées avec les abréviations C.U.F. et Loeb. Les sources latines sont présentées à la suite des sources grecques. ANTIPHON, Sur le choreute, éd. L. Gernet, in : Discours, C.U.F., 1923. APOLLODORE, Poliorcétique, éd. R. Schneider, in : Griechische Poliorketiker mit den handschriflichen Bildern Herausgegeben und übersetzt, Berlin, 1908. APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, éd. Fr. Vian et E. Delage, C.U.F., 1980. SCHOL. APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, éd. C. Wendel, in : Scholia in Apollonium Rhodium vetera, Berlin, 1935. ARISTOPHANE, L'Assemblée des femmes ; Les Cavaliers ; Les Grenouilles ; Les Guêpes ; Lysistrata ; Les Oiseaux ; La Paix, éd. V. Coulon, in : Comédies, C.U.F. (t. 1-5), 19282002. SCHOL. ARISTOPHANE, Les Nuées ; Les Grenouilles, éd. D. Holwerda et M. Chantry, in : Scholia in Aristophanem (t. 1, fasc. 3-1 et t. 3, fasc. 1-A), Groningue, 1977 et 1999. ARISTOTE, Météorologiques ; Problèmes, éd. P. Louis, C.U.F., 1982-1993 ; Petits traités d'histoire naturelle, éd. R. Mugnier, C.U.F., 1953 ; Politique, éd. J. Aubonnet, C.U.F., 1960-1995 ; Mécanique, in : Aristotle, Minor Works, éd. W. S. Hett, Loeb, 1980. ATHÉNÉE, Les Deipnosophistes, éd. A.-M. Desrousseaux, C.U.F., 1956 et éd. Ch. G. Gulick, Loeb, 1967-1970. CALLIMAQUE, Hymne à Déméter, éd. E. Cahen, in : Hymnes. Épigrammes. Fragments choisis, C.U.F., 1922. PS. CALLISTHÈNE, Le Roman d'Alexandre, éd. H. Van Thiel, in : Leben und Taten Alexanders von Makedonien, Darmstadt, 1974. CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromate VI, éd. P. Descourtieux, Paris, 1999. DÉMOSTHÈNE, Contre Macartatos ; Contre Évergos ; Contre Léocharès ; Contre Polyclès, éd. L. Gernet, in : Plaidoyers

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TABLE DES FIGURES INTRODUCTION Fig. 1 – Aménagements hydrauliques dans la ville antique d'Alexandrie et ses nécropoles (plan)............................................7 CHAPITRE 1. LA GESTION DE L'EAU Fig. 2 – Citerne de la maison B à Alexandrie (rue R4, site de Kôm el-Dick) : plan et coupe..................................................12 Fig. 3 – Systèmes de collecte des eaux pluviales par une canalisation dans les tombes d'Alexandrie .................................13 Fig. 4 – Citernes funéraires d'Alexandrie avec emmarchements pour la descente ................................................17 Fig. 5 – Bassins de la maison D de Kôm el-Dick et de la tombe 1 de Moustapha Kamel (Alexandrie)...............................18 Fig. 6 – Morphologie et capacités de stockage des citernes funéraires.......................................................................................21 Fig. 7 – Morphologie et capacités de stockage des bassins funéraires.......................................................................................23

Fig. 8 – Embouchure des puits nichés dans les parois des tombeaux alexandrins .................................................................. 24 Fig. 9 – Association du puits et du bassin dans les hypogées d'Alexandrie................................................................. 24 Fig. 10 – Mode d'accès aux citernes logées en retrait de la paroi des tombeaux ...................................................................... 25 Fig. 11 – Dispositif de drainage des eaux de surface dans la tombe 3 de Cléopâtra et dans la tombe romaine Q2 de la nécropole de Qweilbeh-Abila en Jordanie ................................. 28 Fig. 12 – Hypogée de Tyr doté d'une citerne en bas de l'escalier ........................................................................................ 29

CHAPITRE 2. LES BESOINS EN EAU DANS LA NÉCROPOLE Fig. 13 – Jardins funéraires d'Italie. ............................................36 Fig. 14 – Scènes domestiques avec représentations de chadoufs (pelikê à figures noires et tombe thébaine 217)..........48 Fig. 15 – Dessins d'une saqia moderne située près de Médinet Habou .............................................................................50 Fig. 16 – Représentation d'une saqia dans la tombe 3 de Wardian (Alexandrie, Ier-IIe siècle ap. J.-C.) ..............................51 Fig. 17 – Jardins d'Égypte pharaonique (restitutions archéologiques et représentations peintes)..................................54 Fig. 18 – Restitution de scènes d'embaumement dans la nécropole de Kôm el-Chougafa ...................................................61 Fig. 19-20 – Confection d'une momie d'après deux sarcophages du Pelizaeus Museum d'Hildesheim ................ 63-64 Fig. 21 – Scènes de lustration du mort dans la tombe thébaine 77 (Nouvel Empire) et dans la maison 21 de Touna el-Gebel (IIe siècle ap. J.-C.) ............................................66 Fig. 22 – Autels sacrificiels dans les tombeaux de la nécropole de Moustapha Kamel (Alexandrie, IIIe-IIe siècle av. J.-C.) ........................................................................................68 Fig. 23 – Autels à cornes des tombes B21 et B26 à Gabbari (Alexandrie, IIIe siècle av. J.-C.)...................................69 Fig. 24 – Association de l'autel et d'un point d'eau dans les cours des tombes d'Alexandrie ....................................................70

Fig. 25 – Tables d'offrandes dans la cour de la tombe thébaine 34 (Assasif, Basse Époque).......................................... 71 Fig. 26– Représentations de scènes présacrificielles sur deux cratères attiques d'époque classique................................... 72 Fig. 27 – Scène de libation dans la cour de la tombe 1 à Moustapha Kamel (Alexandrie, IIIe siècle av. J.-C.) ................. 73 Fig. 28 – Scène de banquet sur la façade de la tombe d'Hagios Athanasios (Macédoine, IVe siècle av. J.-C.) ............. 75 Fig. 29 – Exemples de triclinia funéraires dotés d'un aménagement hydraulique à Pompéi et Ostie ............................ 77 Fig. 30 – Photographie, plan et coupe du triclinium situé au-dessus de la tombe B6 de Gabbari (époque hellénistique) ................................................................................ 78 Fig. 31 – Bâtiments funéraires de surface munis d'une salle de banquet dans la nécropole d'El-Alamein (prox. Alexandrie, époque romaine) ...................................................... 79 Fig. 32 – Triclinium du complexe funéraire à trois étages à Kôm el-Chougafa (Alexandrie, Ier-IIe siècle ap. J.-C.) .............. 80 Fig. 33 – Essai de restitution fonctionnelle des pièces dans les tombes 1 et 2 de la nécropole de Moustapha Kamel (Alexandrie, IIIe-IIe siècle av. J.-C.) ........................................... 82 Fig. 34 –Tombes dotées de banquettes à Gabbari et à l'est d'Alexandrie (époque hellénistique) p. 165................................ 84 Fig. 35 –Tombes dotées de banquettes dans les nécropoles d'Anfouchi et de Ras el-Tin (Alexandrie, époque hellénistique.................................................................................. 85

CHAPITRE 3. L'EAU ET LA SOIF DU MORT Fig. 36-38 – Formules du yucro;n u{dwr dans les inscriptions funéraires d'Alexandrie...................................... 90-91 Fig. 39-42 – Formules du yucro;n u{dwr dans les inscriptions funéraires d'Égypte............................................. 92-93 Fig. 43 – Représentation figurée sur la plaque de fermeture du loculus n°18 dans la chambre d'inhumations collectives du Hall de Caracalla ................................................101

Fig. 46 – Représentation de deux sphinx affrontés sur un sarcophage du tombeau A de Gabbari à Alexandrie (époque romaine) ....................................................................... 102 Fig. 47 – Représentations de la déesse arbre offrant l'eau au défunt (papyrus du Nouvel Empire ; table d'offrande d'époque hellénistique) .............................................................. 103 Fig. 48 – Représentation d'arbres dans la chambre funéraire 5 d'Anfouchi à Alexandrie (Ier siècle ap. J.-C.) ......... 104

Fig. 44 – Représentations d'Horus en Égypte grécoromaine........................................................................................101

Fig. 49/54 – Scène de l'au-delà sur un suaire de momie en lin peint (époque romaine) ; détail et vue d'ensemble............104/113

Fig. 45 – Représentations de serpents dressés en Égypte gréco-romaine .............................................................................102

Fig. 50 – Représentations d'Osiris (tombe thébaine A4 du Nouvel Empire ; tombe 2 de Perséphone dans le Hall de Caracalla à Alexandrie, du Ier ou IIe siècle).............................. 105

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L'eau dans les espaces et les pratiques funéraires d'Alexandrie aux époques grecque et romaine Fig. 51 – Représentations du défunt buvant l'eau d'une source dans l'Au-delà (Nouvel Empire) ....................................107 Fig. 52 – Représentation peinte du mythe de Tantale, tombe de Tyr, nécropole d'el-Aouatin, IIe siècle ap. J.-C. ...........109 Fig. 53 – Stèle funéraire d'Apollôn (ou Apollôs) de Lycopolis (haute époque romaine) ............................................111 Fig. 55-58 – Linceuls peints de Saqqara avec représentations de chadoufs (époque romaine).................114-115 Fig. 59-60 – Représentations de chadoufs sur un linceul et un fragment de cartonnage de momie (époque romaine).........116 Fig. 61 – Table d'offrande découverte dans la nécropole de Plinthine (prox. Alexandrie) ......................................................118 Fig. 62 – Tombe 1 de la nécropole de Marsa Matrouh (prox. Alexandrie, IIe siècle av. J.-C.) et son bothros ..............119 Fig. 63 – Sarcophages dotés d'un tuyau en plomb pénétrant à l'intérieur, dans le complexe à trois étages de Kôm el-Chougafa (Alexandrie, époque romaine) ....................120 Fig. 64 – Sarcophages munis d'un conduit à libations dans l'Empire romain (Ostie, Dacie, Angleterre) ..............................122 Fig. 65 – Bassin creux dans la tombe 3 d'Anfouchi (Alexandrie) ................................................................................123 Fig. 66 – Autel creux dans une tombe de Gabbari (Alexandrie, époque romaine) ...................................................123

Fig. 67 – Cylindres creux du monde grec (Athènes, Rhodes, Thèbes, Délos, époques géométrique et archaïque) ................................................................................... 125 Fig. 68 – Autel à libations dans un sanctuaire chthonien d'Étrurie ...................................................................................... 125 Fig. 69 – Table d'offrande égyptienne de Tasouchion (haute époque romaine) ............................................................. 127 Fig. 70 – Scène d'offrande sur un relief situé dans la chambre centrale du complexe à trois étages de Kôm elChougafa (Alexandrie, Ier-IIe siècle)......................................... 129 Fig. 71 – Représentation d'un prêtre (choachyte ?) dans la tombe Tigrane (Alexandrie, Ier-IIe siècle ap. J.-C.), comparée à la stèle funéraire de Pa-di-Amun (époque tardive)........................................................................................ 130 Fig. 72 – Scènes d'offrandes à la tombe au moyen d'hydries sur les lécythes à fond blanc attiques du Ve siècle av. J.-C. ....................................................................................... 134 Fig. 73 – Deux Osiris-Canope en terre cuite retrouvés en contexte funéraire à Alexandrie (époque romaine).................. 136 Fig. 74 – Représentation d'une scène religieuse égyptienne comprenant une hydrie, sur un linceul peint d'Égypte (fin du IIe siècle ap. J.-C.) ................................................................ 136

PLANCHES. CATALOGUE DES AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES DANS LES NÉCROPOLES ANTIQUES D'A LEXANDRIE ET SES ENVIRONS Pl. 1 – Moustapha Kamel : plan de l'ensemble du site et de la nécropole ............................................................................187 Pl. 2 – Moustapha Kamel ........................................................188 Fig. 1. Tombe 1 (plan ; photographies du puits et des bassins) Fig. 2. Tombe 2 (plan ; photographie du puits) Pl. 3 – Moustapha Kamel ........................................................189 Fig. 1. Tombe 3 (plan, coupe et reconstitution) Fig. 2. Tombe 4 (plan) Pl. 4 – Est d'Alexandrie ...........................................................190 Fig. 1. Tombe 3 de Cléopâtra-les-Bains (plan) Fig. 2. Tombe du Jardin Antoniadis (plan) Fig. 3. Site de la nécropole de Hadra (plans) Fig. 4. Site du cimetière latin de Terra Santa (plan) Pl. 5 – Presqu'île de Pharos : Anfouchi.................................191 Fig. 1. Site d'Anfouchi (plan) Fig. 2. Tombe 1 (plan, coupes ; photographie du puits) Fig. 3. Tombe 2 (plan, coupe ; photographie du puits) Pl. 6 – Presqu'île de Pharos : Anfouchi et Ras el-Tin .........192 Fig. 1. Tombe 3 d'Anfouchi (plan ; photographies des puits) Fig. 2. Tombe 4 d'Anfouchi (plan) Fig. 3. Tombe 6 d'Anfouchi (plan) Fig. 4. Tombes 1-3 de Ras el-Tin (plans) Fig. 5. Tombes 4-6 de Ras el-Tin (plans) Pl. 7 – Gabbari (Necropolis) ...................................................193 Fig. 1. Tombe anonyme (plan) Fig. 2. Tombe B (plan) Fig. 3. Tombe Thiersch 1 (plan, coupe ; dessin et reconstitution du bassin). Pl. 8 – Gabbari (Necropolis) ...................................................194 Fig. 1. Zones A-C (plan) Fig. 2. Tombe A4 (plan) Fig. 3. Tombe A5 (plan) Fig. 4. Zone B (plan avec localisation des aménagements hydrauliques) Fig. 5. Tombe B1 (plans, coupe ; photographies du puits)

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Pl. 9 – Gabbari (Necropolis) ................................................... 195 Fig. 1. Tombe B8 (plan ; coupe de la citerne et photographie de son escalier d'accès) Fig. 2. Tombe B10 (plan ; photographie de la citerne) Fig. 3. Tombe B17 (plan ; coupe sur la citerne et le puits) Pl. 10 – Gabbari (Necropolis) ................................................ 196 Fig. 1. Tombe B21 (photographie de la cour avec le puits) Fig. 2. Tombe B22 (photographie de l'accès à la citerne ; dessin de la tuyauterie d'amenée d'eau) Fig. 3. Tombe B26 (plan, coupe) Fig. 4. Tombe C4 (plan) Fig. 5. Secteur des tombes C5-C6 (plan) Pl. 11 – Gabbari (Necropolis) ................................................ 197 Fig. 1. Citerne de surface du secteur B.5 (plan et photographie) Fig. 2. Zone C, secteur comprenant un puits (plan) Pl. 12 – Wardian (Necropolis) ............................................... 198 Fig. 1. Site de Wardian (plan) Fig. 2. "Bains de Cléopâtre", avec citerne voisine (plan) Fig. 3. "Temple souterrain" (plan de la tombe et de la superstructure ; photographie de la citerne) Pl. 13 – Kôm el-Chougafa ....................................................... 199 Fig. 1. Site de Kôm el-Chougafa (plan) Fig. 2. Tombe B (plan) Fig. 3. Tombe A (plan) Fig. 4. Tombe D (plan) Fig. 5. Tombe Wescher (plan) Pl. 14 – Kôm el-Chougafa, tombe à trois étages : plan et coupe ; plan et coupe de la citerne ; photographie de la canalisation ; plan et dessin de l'emplacement du puits........... 200 Pl. 15 – Maréotide .................................................................... 201 Fig. 1. Tombe d'Agami (plan ; plan et coupe de la citerne voisine) Fig. 2. Tombe 1 de Plinthine (plan) Fig. 3. Tombe 6 de Marina el-Alamein (plan) Fig. 4. Tombe 21 de marina el-Alamein (plan ; photographie de la citerne)