Le lean management dans les services: méthode d'excellence opérationnelle 2124653865, 9782124653867

Depuis un certain nombre d'années, le lean a fait son chemin dans les entreprises industrielles. Dans les services,

134 79 3MB

French Pages 273 [298] Year 2019

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Table of contents :
Sommaire
Remerciements
Avant-propos
Introduction
Partie I La création et le lancementdu programme
1 La genèse du programme
1.1 L’idée première et la naissance de l’équipe
1.2 Comment conduire le cadrage
1.2.1 L’approche du potentiel
1.2.2 La modélisation du programme
1.2.3 La recherche d’appui externe
1.2.4 Le processus décisionnel
1.2.5 L’analyse de risque
1.2.6 La gouvernance du projet
1.2.7 La gestion de projet
2 Le domaine RH
2.1 Le recrutement des acteursde changement
2.2 La formation en université des acteurs de changement
2.3 Mission et évaluation des acteurs de changement
3 La communication
3.1 Vers les managers opérationnels
3.2 Vers les salariés
3.3 Vers les décideurs
3.4 La concertation sociale
4L’économie du programme
4.1 La prévision des dépenses du programme
4.1.1 La prévision des potentiels de résultats bruts du programme
5 La préparation du programme
5.1 La mise oeuvre et le pilotage de premiers chantiers tests
5.2 Le contenu de chaque vague
5.3 Une politique et une posture de communication
5.4 Le pilotage associé
5.5 La construction d’une base de pilotage
6 La méthode et les outils de conduite d’un chantier
6.1 La méthode DMAIC en douze semaines
6.2 La charte et la feuille de route
6.3 Les concepts et outils déployés
7 Les standards d’un acteur de changement
7.1 Le savoir-faire et les postures d’un acteur de changement
7.2 Le kit de survie logistique et le couteau suisse
8 Les standards managériaux
8.1 La nécessité de standards managériaux
8.2 Le brief/débrief
8.3 Le concept et la mesure de l’efficience
8.4 La boucle courte
8.5 Le management visuel et le point hebdomadaire
8.6 Les standards managériaux avec un travail à distance
Partie II La phase de consolidation
9 Le réglage du dispositif
9.1 Vers des standards de chantier plus normés
9.2 La préparation d’un chantier
9.3 Le point zéro structuré
9.4 L’implication managériale renforcée pour assurer la pérennisation
9.5 La mesure des résultats
9.6 La surveillance du dispositif par l’analyse des reporting
10 Le pilotage renforcé
10.1 Le couplage à la gestion
10.2 Les rôles et missions au niveau des entités responsables
11 Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation des bonnes pratiques en lien avec les métiers
11.1 Le traitement des demandes d’appui
11.2 L’émergence des bonnes pratiques
11.3 La présentation normée des bonnes pratiques
11.4 La méthode de classement des bonnes pratiques
11.5 Le workflow des demandes d’appui et des bonnes pratiques
11.6 Le portage des bonnes pratiques
11.7 Les journées métiers
12 Le pilotage hebdomadaire
12.1 Grille de livrables
12.2 La boucle courte du programme
12.3 Thématique en lien avec le reporting hebdomadaire
13 Les outils de la communication
13.1 L’information à la semaine
13.2 Une newsletter, un blog
13.3 Les séminaires pléniers
13.4 Un film de qualité pour appuyer le déploiement
13.5 L’organisation d’une remise de trophées, un moyen de faire reconnaître le programme
14 La bonne fin du contrat avec votre prestataire
14.1 Évaluation du prestataire
14.2 Capitalisation des livrables
15 L’intégrationet l’accompagnement des unités supports dans la démarche
15.1 Comment intégrer dans la démarche une unité post-programme
16 Les résultats obtenus
16.1 Sur le plan financier
16.2 Sur le plan managérial
16.3 Sur le plan métier
16.4 Sur le plan culturel
16.5 L’avis des managers
Partie III La phase de pérennisation
17 L’intégration des compétences clés dans le référentiel RH
18 L’intégration des concepts de management dans le dispositif de formation
19 La gestion des demandes d’appui et des bonnes pratiques en lien avecles innovations
20 La pérennisation du pilotage intermédiaire
21 La visite Gemba
22 La transformation managériale des unités
23 L’élargissemen tvers le périmètre des investissements
24 Les évolutions du SI intégrant les concepts du lean
25 L’implémentation des concepts du lean management dans les référentiels métiers
26 Vers la simplification du système de management de la performance
27 Acteur de changement, vers un nouveau métier
Partie IV Conclusions et recommandations
28 Dix thèmes de réflexion
28.1 Et si nous radiographierions le modèle économique de l’entreprise par le prisme du lean management ?
28.2 Et si nous décidions d’investir dans le lean ?
28.3 Et si le lean management était un actif immatériel ayant un impact sur la valeur de l’entreprise ?
28.4 Et si nous adaptions le pilotagede la performance ?
28.5 Et si nous développions notre compétence en statistiques (Six Sigma) pour l’analyse renforcée de la performance des processus ?
28.6 Et si le lean modifiaitle contrôle interne ?
28.7 Et si la constitution et la gestion d’une équipe projet se professionnalisaient ?
28.8 Et si nous adaptions le modèle managérial de l’entreprise ?
28.9 Et si l’intégration du lean management modifiait les valeurs d’entreprise ?
28.10 Et si nous capitalisions le savoir-faire des projets ?
28.11 Synthèse des recommandations
29 Benchmarking
29.1 Visite d’une usine de sous-traitanceautomobile
29.2 Visite d’une usine automobile
29.3 Visite d’une usinede construction mécanique
29.4 Visite d’une banque de compensation
29.5 De l’intérêt des visites de sites
29.6 Le lean dans la presse
29.7 Quelques citations
Conclusion
Glossaire
Bibliographie
Annexes
Recommend Papers

Le lean management dans les services: méthode d'excellence opérationnelle
 2124653865, 9782124653867

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

L’auteur Chef de projet « Excellence opérationnelle », Thierry Castagné est ingénieur ENSEM et titulaire d’un mastère Gestion financière et Contrôle (ESSEC). Il a exercé différentes activités techniques et managériales de conduite de projet, et plus récemment en gestion. Cela l’a conduit à réfléchir sur la recherche de la performance durable dans l’entreprise. Dans ce cadre, en s’inspirant du lean management, il a déployé et piloté le programme de performance associé à la transformation managériale d’une grande entreprise française de services.

© AFNOR 2012 Couverture : création AFNOR Éditions – Crédit photo © 2012 Fotolia ISBN 978-2-12-465386-7 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par ­quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (loi du 1er juillet 1992, art. L 122-4 et L 122-5, et Code pénal, art. 425). AFNOR – 11, rue Francis de Pressensé, 93571 La Plaine Saint-Denis Cedex Tél. : + 33 (0) 1 41 62 80 00 – www.afnor.org

Sommaire Remerciements................................................................................ XI Introduction.....................................................................................XV Partie I La création et le lancement du programme 1 La genèse du programme...............................................................3 1.1 L’idée première et la naissance de l’équipe ............................3 1.2 Comment conduire le cadrage................................................7 2 Le domaine RH.............................................................................33 2.1 Le recrutement des acteurs de changement.........................33 2.2 La formation en université des acteurs de changement........37 2.3 Mission et évaluation des acteurs de changement................39 3 La communication.........................................................................43 3.1 Vers les managers opérationnels..........................................43 3.2 Vers les salariés....................................................................44 3.3 Vers les décideurs.................................................................45 3.4 La concertation sociale..........................................................46 4 L’économie du programme............................................................49 4.1 La prévision des dépenses du programme...........................49 5 La préparation du programme.......................................................55 5.1 La mise œuvre et le pilotage de premiers chantiers tests.....55 5.2 Le contenu de chaque vague................................................57

Le lean management dans les services

5.3 Une politique et une posture de communication...................58 5.4 Le pilotage associé................................................................60 5.5 La construction d’une base de pilotage................................. 61 6 La méthode et les outils de conduite d’un chantier.......................63 6.1 La méthode DMAIC en douze semaines...............................63 6.2 La charte et la feuille de route...............................................65 6.3 Les concepts et outils déployés.............................................66 7 Les standards d’un acteur de changement................................... 71 7.1 Le savoir-faire et les postures d’un acteur de changement..... 71 7.2 Le kit de survie logistique et le couteau suisse.....................75 8 Les standards managériaux .........................................................77 8.1 La nécessité de standards managériaux...............................77 8.2 Le brief/débrief.......................................................................79 8.3 Le concept et la mesure de l’efficience.................................82 8.4 La boucle courte....................................................................85 8.5 Le management visuel et le point hebdomadaire..................86 8.6 Les standards managériaux avec un travail à distance.........89 Partie II La phase de consolidation 9 Le réglage du dispositif ................................................................95 9.1 Vers des standards de chantier plus normés........................95 9.2 La préparation d’un chantier..................................................98 9.3 Le point zéro structuré.........................................................100 9.4 L’implication managériale renforcée pour assurer la pérennisation.............................................. 101 9.5 La mesure des résultats......................................................105 9.6 La surveillance du dispositif par l’analyse des reporting.....109 10 Le pilotage renforcé.................................................................. 113 10.1 Le couplage à la gestion..................................................... 113 10.2 Les rôles et missions au niveau des entités responsables.....115

VI |

Sommaire

11 Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation ............... 119 11.1 Le traitement des demandes d’appui.................................. 119 11.2 L’émergence des bonnes pratiques.................................... 121 11.3 La présentation normée des bonnes pratiques.................. 123 11.4 La méthode de classement des bonnes pratiques............. 124 11.5 Le workflow des demandes d’appui et des bonnes pratiques..................................................... 125 11.6 Le portage des bonnes pratiques....................................... 127 11.7 Les journées métiers........................................................... 128 12 Le pilotage hebdomadaire......................................................... 131 12.1 Grille de livrables................................................................ 131 12.2 La boucle courte du programme........................................ 133 12.3 Thématique en lien avec le reporting hebdomadaire......... 135 13 Les outils de la communication................................................. 137 13.1 L’information à la semaine.................................................. 137 13.2 Une newsletter, un blog..................................................... 138 13.3 Les séminaires pléniers..................................................... 140 13.4 Un film de qualité pour appuyer le déploiement................. 141 13.5 L’organisation d’une remise de trophées, un moyen de faire reconnaître le programme................... 142 14 La bonne fin du contrat avec votre prestataire.......................... 145 14.1 Évaluation du prestataire.................................................... 145 14.2 Capitalisation des livrables................................................ 146 15 L’intégration et l’accompagnement des unités supports dans la démarche..................................................................... 149 15.1 Comment intégrer dans la démarche une unité post-programme................................................. 149 16 Les résultats obtenus................................................................155 16.1 Sur le plan financier............................................................ 157 16.2 Sur le plan managérial....................................................... 158 16.3 Sur le plan métier...............................................................160

| VII

Le lean management dans les services

16.4 Sur le plan culturel............................................................. 161 16.5 L’avis des managers...........................................................163 Partie III La phase de pérennisation 17 L’intégration des compétences clés dans le référentiel RH....... 167 18 L’intégration des concepts de management dans le dispositif de formation.................................................................................. 171 19 La gestion des demandes d’appui et des bonnes pratiques en lien avec les innovations..................................... 173 20 La pérennisation du pilotage intermédiaire.............................. 175 21 La visite Gemba....................................................................... 181 22 La transformation managériale des unités............................... 187 23 L’élargissement vers le périmètre des investissements........... 191 24 Les évolutions du SI intégrant les concepts du lean................ 193 25 L’implémentation des concepts du lean management dans les référentiels métiers.................................................... 197 26 Vers la simplification du système de management de la performance....................................................................199 27 Acteur de changement, vers un nouveau métier.....................203 Partie IV Conclusions et recommandations 28 Dix thèmes de réflexion............................................................. 211 28.1 Et si nous radiographierions le modèle économique de l’entreprise par le prisme du lean management ?......... 211 28.2 Et si nous décidions d’investir dans le lean ?.................... 214 28.3 Et si le lean management était un actif immatériel ayant un impact sur la valeur de l’entreprise ?.................... 218 28.4 Et si nous adaptions le pilotage de la performance ?........220

VIII |

Sommaire

28.5 Et si nous développions notre compétence en statistiques (Six Sigma) pour l’analyse renforcée de la performance des processus ?..................................223 28.6 Et si le lean modifiait le contrôle interne ? .......................225 28.7 Et si la constitution et la gestion d’une équipe projet se professionnalisaient ?.........................................230 28.8 Et si nous adaptions le modèle managérial de l’entreprise ?.235 28.9 Et si l’intégration du lean management modifiait les valeurs d’entreprise ?...................................................238 28.10 Et si nous capitalisions le savoir-faire des projets ?.........243 28.11 Synthèse des recommandations......................................245 29 Benchmarking........................................................................... 247 29.1 Visite d’une usine de sous-traitance automobile............... 247 29.2 Visite d’une usine automobile............................................249 29.3 Visite d’une usine de construction mécanique.................. 251 29.4 Visite d’une banque de compensation............................... 251 29.5 De l’intérêt des visites de sites...........................................253 29.6 Le lean dans la presse.......................................................255 29.7 Quelques citations.............................................................257 Conclusion.....................................................................................259 Annexes.........................................................................................267

| IX

Remerciements Je tiens à remercier les intervenants ou professeurs du mastère Gestion financière et Contrôle de l’ESSEC dont j’ai repris quelques éléments de cours ou d’apport utiles dans l’analyse du programme, analyse que j’ai conduite dans la dernière partie de l’ouvrage intitulée « recommandations » : Annick Bourguignon en contrôle de gestion et comportements ; Anne Cazavan-Jenny en gestion comptable des immatériels ; Guillaume Chevillon en méthode statistique ; Pascal de la Morinerie en contrôle interne ; René Demeestere en management des investissements ; Maryse Dubouloy en management d’équipes ; Bernard Esnault en comptabilité financière et décisions ; Marie-Léandre Gomez en apprentissage organisationnel et contrôle de gestion ; Philippe Lorino en gestion stratégique des coûts et des performances ; Jean-François Nantel en gestion de projets ; Maurice Thevenet en management. Je remercie également les relecteurs de ma thèse de « Mastère » puis de mon ouvrage qui m’ont apporté conseils et encouragement. Je remercie les acteurs d’entreprises qui m’ont donné accord pour reprendre partie de leurs éléments de discours ou de verbatim et je m’excuse par avance auprès de ceux que je n’ai pu contacter, car partis vers d’autres horizons.

Avant-propos Au cours de la rédaction puis de la révision de ce livre, j’ai eu l’honneur de bénéficier de l’aide de plusieurs relecteurs dont certains n’étaient pas familiers avec une telle démarche. Je les remercie de l’effort et de la persévérance dont ils ont fait preuve pour s’imprégner du sujet. Tous m’ont dit que le lean restait une affaire de spécialiste, d’un abord parfois âpre et demandant une certaine connaissance. Je confirme qu’une prise de conscience initiale, l’envie, voire la nécessité, de s’engager dans une telle démarche sont des prérequis pour profiter de toute la matière présentée dans cet ouvrage. Les chefs de projets, les managers en charge de la conduite du changement, les acteurs de la gestion et des ressources humaines, les dirigeants trouveront ici des repères utiles. Je vous livre une astuce comme fil conducteur de lecture : choisissez l’une des citations que je propose ci-dessous, et lisez le livre dans la perspective de cette citation. « La contrainte crée le talent. » «  Ce qui est difficile, ce n’est pas de prévoir l’avenir, c’est de le rendre possible. » « Seuls les bébés mouillés aiment le changement. » « Si tu lui donnes un poisson il le mangera, si tu l’apprends à pêcher il se nourrira1. » Je serai satisfait si le contenu de cet ouvrage vous apporte non seulement des éléments de réflexion et des repères sur l’engagement dans une démarche de lean management, mais aussi l’envie d’entreprendre une telle transformation. Sannois, le 1er juillet 2012 1 Sources citées en fin d’ouvrage.

Introduction  Le lean dans les services… Le déploiement du lean dans l’industrie ne date pas d’hier, et il est largement répandu. Sa mise en œuvre dans des entreprises de services est beaucoup plus récente. L’adaptation des concepts du lean à une entreprise de service de grande taille est novatrice. Au travers du benchmark effectué, peu d’entreprises ont lancé et surtout concrétisé en si peu de temps une démarche de transformation combinant la recherche d’efficience – en lien avec le management – et la culture de l’entreprise. Cet ouvrage considère que les composantes du lean sont connues du lecteur et explique comment se les approprier, comment les adapter pour réussir un saut de performance général, comment conduire un projet de transformation sur le lean. L’approche proposée est aussi complète que possible, capitalisant l’ensemble des éléments qui structurent un programme de lean management en matière de gestion de projet, de savoir-faire lean, de formation et de communication, de pilotage des résultats, de conduite de changement, en matière de transformation culturelle de l’entreprise sur un sujet réputé âpre : la performance. Cette synthèse invite le lecteur à réfléchir sur la suite  : que fait-on, dans l’entreprise, d’un projet réussi  ? Comment profiter de toute l’énergie, de la matière, du savoir, de la transformation culturelle, induits par un tel programme de transformation ? La description pragmatique des composantes du programme permet au lecteur de comprendre la façon dont on peut opérer une transposition dans un environnement de services. L’ouvrage donne également des réponses aux questions que peuvent se poser les différentes parties prenantes d’un tel programme. Il focalise l’attention sur les risques potentiels qui peuvent apparaître dans certaines entreprises. Il propose un argumentaire pour accompagner le changement.

Le lean management dans les services

 Non, le lean n’est pas un programme minceur ! J’ai rencontré deux types de programmes. Ceux qui s’éternisent sans fin et ceux qui appliquent à eux-mêmes les concepts du lean : réussir une percée durable dans la performance sur une durée finie et plutôt courte. Tel est notre sujet, c’est pourquoi je ne vous parlerai pas non plus des programmes de cost killing qui sont comme les programmes minceur, utiles pour retrouver rapidement la ligne mais pas toujours durables et en tout cas qui vous laissent plutôt fatigué et de mauvaise humeur. Un véritable programme de lean management s’intéresse aux gaspillages nichés dans les activités quotidiennes et à la capacité qu’ont les managers et les salariés de les détecter et de les extraire. Il apporte les outils et la méthode à une équipe, à un manager et à une organisation pour réaliser des sauts de performance durable. En adoptant les principes du lean au pilotage des activités et à la réalisation des actes élémentaires opérationnels, les salariés et les managers libèrent des marges de manœuvre dans leurs activités et acquièrent une nouvelle façon d’opérer et de manager.

 La méthode et les résultats Le lean management est un outil au service de l’entreprise. Il n’est pas une fin en soi mais un moyen. C’est un outil puissant, il demande un savoir-faire. Aussi une mauvaise utilisation du lean peut-elle avoir des conséquences importantes. Le lean management peut être utilisé sous l’angle de la recherche de la performance, ou sous l’angle de la transformation managériale. Quel que soit le choix principal que vous effectuerez, le programme touchera le deuxième axe : pas de performance durable sans l’humain. Améliorer les conditions de travail fera croître la performance de l’entreprise. Ce type de programme est à la croisée de l’humain et de la performance, il touche l’efficience, le rapport de la performance par l’humain. La démarche s’appuie sur un fil conducteur proposé dans le cadre d’une grande entreprise. L’entreprise se structure en quatre niveaux, le niveau national, les entités responsables, les unités, les entités opérationnelles. Chacune des mailles managériales élémentaires de l’entreprise, appelée entité opérationnelle, donne lieu à un projet de transformation durant un trimestre sous la conduite d’un acteur de changement formé aux outils et à la méthode transposée du lean. Un tel programme déployé par vagues

XVI |

Introduction

successives et synchrones sur chacune des entités responsables implique un certain nombre de cadres porteurs et formés à la démarche. Certains les nomment black belt, je préfère le terme d’acteur de changement. La performance recherchée est globale, elle intègre la notion d’efficience. Cette performance se décline en différents axes : la qualité, les délais, la valeur ajoutée, l’implication managériale, la participation des salariés, la prévention, les coûts, la satisfaction des clients, l’environnement. Travaillant à la fois sur l’organisation du travail et l’accompagnement des salariés, l’entité opérationnelle va capturer les temps perdus dans des aléas, des gaspillages, du « retravail », des temps d’attente pour les transférer à la réalisation d’activités à valeur ajoutée. On n’accélère pas les cadences, on capture les activités sans valeur ajoutée pour les convertir en temps à plus-value. Les résultats sont « bruts » c’est-à-dire non tous directement lisibles dans la comptabilité de l’entreprise. Nous verrons comment valoriser « économiquement » certains gains. Pour assurer une mesure, l’ensemble des gains sera transformé en équivalent euros, unité de référence.

 Les impacts d’un tel programme Ce type de programme n’est pas simplement un outil ou une somme d’outils juxtaposés judicieusement. D’ailleurs, ceux qui n’ont travaillé que sur ce seul axe ont réussi de belles performances… non durables. Car c’est avant tout une démarche qui conduit à transformer l’entreprise du point de vue managérial. La dynamique du programme, tant dans sa conception, son déploiement, que dans ses résultats, nécessite de revoir les rites et rythmes de l’entreprise, de penser autrement tout en garantissant la qualité de service. Il introduit des notions nouvelles, la valeur ajoutée, vue du client, ou vue du patrimoine et interpelle les activités à non-valeur ajoutée. Il précise les concepts de performance et d’efficience. Il renforce le sens critique sur les façons d’opérer. Il permet de formaliser de nouvelles références de management. Il fortifie les liaisons interhiérarchiques et transversales. Tout en s’appuyant sur les concepts qualité, il vient questionner la démarche qualité en remettant en cause les pratiques jugées lourdes. Ce programme va également interroger les rôles et missions des encadrants et les faire fortement évoluer. L’organisation du travail sera systématiquement revisitée localement. Ce sont les acteurs locaux qui repéreront, résoudront, éradiqueront les difficultés qui limitent la

| XVII

Le lean management dans les services

performance. Ces transformations toucheront la culture de l’entreprise, renforceront la posture d’écoute terrain, impliqueront le management dans l’accompagnement du changement. Plus largement, cette démarche peut impacter les choix en matière de politique industrielle. Les marges de manœuvre dégagées permettent de revisiter le modèle économique de l’entreprise et d’augmenter « l’agilité » de chaque organisation. Alors même que le programme est impulsé du haut de l’entreprise, l’association de l’encadrement et des salariés, permet son acceptation puis son appropriation. Mais tout n’est pas naturel ni facile. Certains trouvent la démarche contraignante. Oui, elle est exigeante ! Certains n’arrivent pas à se transformer ou à modifier leur mode de fonctionnement. Oui, la démarche demande de s’adapter à de nouveaux modes de management ! Certains n’arrivent pas à faire de percée dans leurs résultats. Oui, la démarche demande à être utilisée selon une logique, et opérée avec des outils d’analyse et de résolution de problème qui impliquent un savoir-faire !

 La mission d’un chef de projet J’ai eu la responsabilité d’accompagner la conception, le pilotage, et le déploiement d’un programme d’envergure de lean management dans les services. Cet exercice m’a conduit à me confronter à un grand nombre de situations et à rencontrer beaucoup d’interlocuteurs et d’entreprises qui ont mis en œuvre une telle démarche. À un moment donné, j’ai trouvé que la richesse des concepts et des savoir-faire méritait mieux qu’un vague souvenir dans quelques têtes. Égoïstement, j’ai commencé par conserver et capitaliser quelques outils utiles, puis réalisé un résumé de la méthode, enfin j’ai véritablement challengé les concepts. Au fur et mesure, ce contenu a pris corps. Sous un angle plus technique en matière de gestion d’entreprise, cet ouvrage permet de confronter la pratique avec les concepts économiques, financiers, managériaux et culturels en vigueur. Il ouvre la voie vers de nouvelles possibilités.

 Les grandes étapes du programme structurent l’ouvrage L’ouvrage se structure selon quatre grandes parties en lien avec la conduite d’un projet.

XVIII |

Introduction

La phase d’émergence comprend l’engagement, la conception, la décision. Cela se traduit par une première série de tests grandeur nature qui permet de valider les hypothèses, de régler le dispositif et de confirmer l’engagement. Le déploiement comprend la montée en puissance du programme passant par un pic en matière de transformation. En parallèle se déroule un vaste programme de formation, une communication vers les différentes entités parties prenantes, la capitalisation des bonnes pratiques, la mesure des résultats, l’adaptation des rythmes et rites des organisations. De nombreuses visites de sites appelées Gemba2 permettent de mesurer la progression de celles-ci et de renforcer leur maturité et leur autonomie sur la démarche. La phase de clôture comprend le dégréement du programme, le retour d’expérience, le bilan et la pérennisation. L’entreprise s’est transformée. Si dans les premiers temps la démarche est ressentie comme contraignante, à l’image des courbatures lorsqu’on démarre un entraînement sportif, une fois l’aisance acquise dans la démarche, chaque entité développe sa performance et se crée des marges de manœuvre. La suite : beaucoup restent inquiets sur la suite d’une telle démarche alors que l’actualité de l’entreprise se tourne légitimement vers d’autres sujets. Ne s’agirait-il pas d’une mode ? L’envie ou la nécessité de poursuivre la démarche dans chaque maille élémentaire, dans chaque unité, constitue l’assurance d’une suite utile, vraie, sans artifice. Des signes tangibles doivent confirmer cette tendance : les nouveaux managers, à tous niveaux, reprennent le flambeau, parfois timidement au début. De nouveaux acteurs de changement sont recrutés et formés. Les acteurs de changement, devenus managers pour la plupart, constituent d’admirables ambassadeurs. Le périmètre de la démarche s’élargit à d’autres sujets de l’entreprise. Des déclics se produisent, des compréhensions s’opèrent, des appropriations se réalisent…

2 Gemba est un terme de lean management qui désigne la visite terrain. Nous verrons dans la dernière partie de l’ouvrage la transposition faite de ce concept.

| XIX

Partie I La création et le lancement du programme

1 La genèse du programme

1.1 L’idée première et la naissance de l’équipe Comment une grande idée se génère-t-elle dans une entreprise, une idée dont la portée peut la transformer, la conduire à des résultats probants, mais aussi lui faire prendre une fausse route ? Est-ce une histoire de mode, d’écoute de l’externe conjuguée à un besoin implicite ou explicite de l’entreprise ? Parfois, ou souvent, une urgence vitale ? Qui trouve l’idée ? Un responsable ? un acteur visionnaire ? Comment a-t-il eu cette révélation, cette conviction ? Quel est le processus « magique » qui se déroule pour passer de l’intuition, de l’impression, à une demande de faisabilité ? Pour éclairer ce premier point, faisons un peu d’histoire en matière de performance. La recherche de performance économique s’est caractérisée dans les sociétés de services autour de deux grands thèmes. Illustrons ceux-ci par les méthodes que j’ai pu observer dans ces entreprises. Dans un premier temps, la maîtrise des achats, basée sur une intercomparaison des pratiques et des ratios, permet d’interroger chacune des unités sur ses écarts mais aussi de détecter ses bonnes pratiques duplicables. Une équipe d’auditeurs passe ainsi de site en site pour faire « parler » les chiffres et susciter des plans d’économie sur les domaines dont les ratios étaient les moins vertueux (X imprimantes par salariés, ou Y euros de coût de véhicules par kilomètre). Un plan d’engagement de l’entité permet de confirmer la faisabilité en un temps donné, de la mise en œuvre du levier.

Le lean management dans les services

Ce plan mené sur plusieurs années conduit à de bons résultats mais aussi à des contournements que le management local sait gérer. C’est le cas, par exemple, lorsque l’économie ponctuelle et locale génère une dépense supérieure sur un autre poste pour produire l’activité. Dans un deuxième temps se met en place l’élargissement de ce programme à l’ensemble du périmètre des dépenses d’exploitation des unités (achats et main-d’œuvre pour l’essentiel). Forte de l’ensemble des leviers disponibles, chaque entité les met en œuvre. Poussé par une contractualisation budgétaire et un reporting structuré et consolidé à l’échelon régional et ou national, ce nouveau plan conduit à des résultats substantiels dans une période équivalente. Ce programme de cost killing vise à dépenser moins et peut se traduire par une révision du modèle économique de l’entreprise. On touche ainsi deux limites :

ffLe risque de privilégier des activités à rentabilité immédiate au détriment d’activités préparant l’avenir. Cela peut se traduire par des réductions sur la recherche et le développement.

ffLe risque de l’acceptation par le corps social et en particulier par les managers d’une stratégie d’entreprise conduisant à réduire les périmètres d’activité. Cette prise de conscience a aiguisé la curiosité de certains responsables qui ont observé le développement du lean dans les entreprises. On peut dater cette prise de conscience au milieu des années 2000. Elle a été suivie d’une transposition du lean manufacturing au lean management dans les services, ce qui a conduit à une nouvelle façon d’aborder la recherche de performance. On se rappellera que son origine est issue de l’industrie. Dans les années cinquante, Toyota est huit fois moins productif que ses concurrents américains. « Rattraper les Américains en trois ans, sans quoi c’en serait fait de l’industrie automobile japonaise », tel fut l’objectif fixé par le dirigeant de l’entreprise. La tâche paraissait insurmontable. Ne signifiait-elle pas que ce qui était fait par quatre-vingts hommes devrait l’être désormais par dix seulement ? La leçon à tirer de toutes ces comparaisons n’était évidemment pas qu’un Américain était huit fois plus laborieux ou physiquement plus productif qu’un Japonais ; elle démontrait que ce dernier devait gaspiller beaucoup de temps de travail. En conséquence, si vous parvenez à éliminer ces gaspillages, vous allez pouvoir multiplier votre productivité par le facteur voulu. L’idée de

4|

La genèse du programme

génie de Taiichi Ohno est la suivante : « Pour être plus performant, il ne faut pas aller plus vite, il faut éviter le gaspillage des ressources utilisées. » Le deuxième point concerne la constitution de l’équipe, et l’assemblage des acteurs qui vont constituer le projet. À un moment donné, les acteurs entrent en scène, les uns après les autres. L’idée commence à se matérialiser par une présence physique, un nom, un bureau. Au début, le nombre d’acteurs est faible. Le futur pilote stratégique est seul. Il est porteur de l’idée. Il a déjà échangé avec le représentant du Comité exécutif du groupe d’où émerge le concept, il s’est construit une vision, a partagé l’approche pour préciser les contours du projet, imaginé les grands principes. À ce stade, tout est encore dans la tête des acteurs clé. Hormis quelques mails d’échange, rien n’est formalisé. Commence alors un véritable travail de mise en équation et de matérialisation. Le futur pilote opérationnel apparaît pour matérialiser le cadrage du projet. Xavier Hochet, dans son ouvrage Transformer l’entreprise (paru en 2008 chez Odile Jacob) souligne cette complexité (p. 103) : «  Si la décision de transformer une entreprise ou une institution revient à ses dirigeants, cette décision comme toute décision stratégique ne saurait être prise à la seule lumière de l’intuition ou guidée par l’imitation de ce que d’autres ont fait, avant et ailleurs. Il est essentiel de comprendre que la décision de transformation tant souvent négligée voire ignorée n’est pas un acte déclaratif mais un processus structuré conduisant au choix d’une stratégie de transformation réaliste. La vision ambitieuse du dirigeant est nécessaire mais n’est pas suffisante pour porter de bout en bout la transformation d’entreprise. » Indispensable, la vision néanmoins ne suffit pas. Pour le démonter, Xavier Hochet s’appuie sur cette parabole historique. « Louis Napoléon Bonaparte, dans son exil londonien précédant son élection de septembre 1848, rêve de lancer des grands travaux dans Paris, clé de voûte de son projet politique. Vingt ans plus tard, à la chute du Second empire, ce Paris existe. Sans la formidable machine mise en place et pilotée par le préfet Haussmann à partir de 1853, jamais le projet n’aurait vu le jour. Mais sans la vision et la détermination de Napoléon III, jamais Haussmann n’aurait imaginé mener et réussir une telle entreprise. » C’est bien cette combinaison entre vision, construction stratégique et déploiement opérationnel qui fait la réussite d’un projet de transformation.

|5

Le lean management dans les services

L’émergence de cette vision commune du futur programme suit un fil conducteur plus ou moins précis et explicite. Si, a posteriori, ce fil conducteur paraît logique et plein de bon sens, il n’apparaît pas aussi clairement au moment de la conception du programme. Et c’est bien à ce moment que l’entreprise qui se lance dans un programme de lean management peut avoir besoin d’une aide externe, à la fois pour compléter les idées des commanditaires ou des pilotes mais aussi pour challenger et renforcer la crédibilité du groupe projet initial. Je vous propose un canevas de questions-guides pour challenger et organiser les composantes d’un projet de lean management. Ceci dit, ces questions peuvent se transposer et servir tout autre projet d’envergure. Quelle est l’ambition du projet ? Quel est le périmètre interne et externe sur lequel vous souhaitez développer le lean management ? Quel est le niveau d’ambition, de profondeur et de vitesse du déploiement que vous souhaitez ? Quelle est votre vision cible sur les quatre dimensions de votre système ? 1. Le système opérationnel qui comprend les processus. 2. L’infrastructure de gestion qui intègre les rôles du management, la maîtrise, l’organisation, le pilotage de la performance jusqu’à la maille horaire/activité. 3. La gestion des compétences nécessaires aux nouveaux rôles, le mode d’apprentissage de ces compétences. 4. Les mentalités et les comportements. Quel est le « chemin » pour y parvenir ? Quelle est la méthode de déploiement qui permettra de mettre en place les éléments de la cible sur les quatre dimensions et d’atteindre votre ambition ? Visez-vous un vecteur unique de conduite du changement ou devez-vous l’adapter en fonction des problématiques rencontrées ? Quelle serait l’architecture du plan de déploiement qui permettrait de mettre en place votre cible dans le temps souhaité ? Quelle est l’« organisation » à mettre en place ? Comment organiser le pilotage du programme ? Quelle gouvernance devez-vous mettre en place ?

6|

La genèse du programme

Comment décliner les cibles et mesurer les progrès ? Quelle équipe projet doit être mobilisée ? Quels sont les profils et besoins de formation ? Combien de personnes sont nécessaires et quand ? Comment former les acteurs de changement ? Comment mesurer la performance de cette équipe et assurer son développement pendant le projet et après ? Quels sont les risques stratégiques et comment les traiter ? Quelle stratégie de communication adopter, pour lancer le projet – et en cours de projet –, auprès des différentes populations clés ? Comment passer du mode projet au mode « permanent » ? Ces questions constituent d’excellents repères pour déterminer le cadrage de tout projet et aujourd’hui je les utilise pour questionner tout lancement de projet. Mais il ne suffit pas d’avoir d’excellentes questions, encore faut-il y répondre et qui plus est collectivement. C’est l’affaire du cadrage du projet.

Les points clés – L’idée première et la naissance de l’équipe

L’idée de génie de Taiichi Ohno était la suivante : « Pour être plus performant, il ne faut pas aller plus vite, il faut éviter le gaspillage des ressources utilisées. » Les questions majeures auxquelles doit répondre le projet : –– Quelle est l’ambition du programme ? –– Quel est le chemin pour y parvenir ? –– Quelle est l’organisation à mettre en place ?

1.2 Comment conduire le cadrage Gabriel Szulanski, professeur à l’INSEAD a étudié le lien entre stratégie et performance. Ses travaux tendent à démontrer qu’un processus de décision collaboratif et structuré aboutit à des choix stratégiques plus pertinents et à des décisions plus applicables parce que mieux comprises et mieux acceptées par ceux qui sont chargés de les mettre en œuvre.

|7

Le lean management dans les services

Pour illustrer ce point, revenons à la logique de projet avec une proposition de points favorisant la démarche de cadrage.

 Premier point : rentrer dans le sujet de façon opérationnelle Préalablement au cadrage d’un projet, et en particulier pour les projets qui ont un impact fort ou qui constituent un engagement de ressources significatif, l’idée d’un test réel, d’une expérimentation constitue une excellente approche pour vérifier la faisabilité et se forger une première expérience. L’échantillon représentatif doit permettre de toucher géographiquement et fonctionnellement l’entreprise. Pour une grande entreprise, il y a nécessité de lancer plusieurs chantiers expérimentaux. Les buts poursuivis sont de se familiariser avec les outils lean et Six Sigma, mais aussi de voir les résultats sur des métiers ou des contextes différents. Les groupes que j’ai pu observer ont pris le parti de former le manager du groupe, soit par des formations internes existantes, soit par l’accompagnement d’un cabinet externe spécialisé dans le lean. J’ai pu constater que ces formations ne traitaient que de l’angle « méthode et outil ». La partie culturelle et transformation n’était pas intégrée. Ce point est, nous le verrons, clé dans la réussite de tout programme de lean management. À la suite de ces chantiers, il est important de suivre les résultats. Ceux-ci sont en général variables. Des percées sont réalisées sur quelques points, cependant la tenue dans le temps de l’amélioration n’est pas constatée. L’implication managériale varie également. En particulier l’investissement conséquent en temps demandé au manager, qui constitue un frein dans la dynamique du chantier. Également, la durée totale du chantier n’est pas maîtrisée et rares sont les chantiers qui sont menés à leur terme. Une fois cette expérimentation réalisée, je vous engage à diviser le périmètre de l’entreprise que vous souhaitez aborder, par le nombre de salariés concernés par l’expérimentation et par le temps de l’expérimentation. Dans les cas que j’ai pu observer, la durée du programme ainsi dimensionné dépassait la dizaine d’années. Il ne s’agit donc plus de percée ou de projet ! Fort de ce constat, il est nécessaire, pour une entreprise débutante, de se faire accompagner par une expertise externe afin de structurer le cadrage mais aussi pour élargir la capacité de transformation.

8|

La genèse du programme

 Deuxième point d’attention : les participants au cadrage de la démarche Il est facilitant d’associer au cadrage, outre le commanditaire, les (ou quelques) directeurs opérationnels. Ils découvriront ainsi les concepts qui vont être définis ou adaptés à l’entreprise et qui structureront vraisemblablement la mise en œuvre dont ils auront la charge et le bénéfice.

 Troisième point d’attention : l’accompagnement Retenir l’appui d’un expert du domaine pour travailler le cadrage du futur programme est nécessaire pour ceux qui ne connaissent pas le lean management. Il est intéressant par exemple de travailler avec l’un des appuis qui aura accompagné l’un des chantiers test et ainsi montré son savoir-faire et sa capacité à structurer l’action. Cet appui appliquera dans sa prestation les concepts du lean. Il est attendu sur le fond mais également sur la façon de conduire le cadrage. On peine à imaginer un appui qui se montrerait inefficace dans l’organisation du travail. Il en perdrait toute crédibilité. Donc dès les premiers échanges, vous devriez voir et sentir la différence avec un fonctionnement traditionnel. En voici quelques exemples : Le prestataire propose la construction du cadrage dans un temps rapide de quelques semaines, sur la base d’une réunion hebdomadaire avec tous les directeurs opérationnels, et le commanditaire du projet. Le chef de projet aura convaincu les futurs participants d’utiliser les temps « Comité de Direction », « Conseil de direction », « Comité exécutif » (déjà réservés pour les détourner partiellement à la construction du programme). Le chef de projet aura calé quelques conférences téléphoniques intermédiaires pour compléter le dispositif. À tous ceux qui expliqueront au chef de projet la difficulté de trouver du temps, le commanditaire devra intervenir pour donner les priorités. Le chef de projet aura eu soin de vérifier au préalable la disponibilité des participants. Le prestataire propose la mise en place d’une équipe opérationnelle mixte en charge de la production et de la mise en forme du travail de chaque étape. Le chef de projet aura fait le nécessaire en termes de logistique pour l’accueil de cette task force.

|9

Le lean management dans les services

Ce changement de rythme est primordial. Il va donner, sans que personne ne le perçoive au début, une grande partie des clés de la réussite : l’engagement du patron à se lancer et la mise en contrainte d’une production d’un livrable sous un délai donné. Cette contrainte délai qui n’est pas le premier objectif, car en général on se situe plutôt dans une logique de qualité et de bien faire, va permettre de convaincre les directeurs opérationnels. « Vous allez passer une énergie finie (x heures au « physique » et y heures au téléphone) pour construire ensemble et avec votre patron le nouveau modèle de performance de l’entreprise. » Jugez cette posture sous l’angle des premiers chantiers test qui n’avaient pas de délai fixé, et dont l’énergie est venue à manquer pour aller jusqu’au bout : combien d’échecs par la lassitude de l’équipe, par le découragement du manager face à l’immensité de la tâche restant à accomplir ? Jean-Jacques Nere dans son ouvrage Comment manager un projet ? (éditions Demos) défend clairement ce thème lorsqu’il parle « du triangle magique ou infernal d’un projet : délais, coûts, qualité ». Si vos habitudes de gestion de projet sont principalement centrées sur la qualité, alors les coûts et délais sont vos variables d’ajustement. Si tel n’est pas le cas, vous aurez à accompagner un changement culturel. Le lean management doit mettre en priorité le délai et les coûts ou ressources, le niveau de production ou le périmètre de travail devenant alors la variable d’ajustement.

Les points clés concernant la conduite du cadrage Le triangle magique de la gestion d’un projet Les délais, les coûts, le niveau qualité

1.2.1 L’approche du potentiel Le raisonnement général qui est suivi conduit à déterminer successivement :

ffle périmètre financier accessible par le programme ; ffle nombre de mailles élémentaires composant ce périmètre ; ffenfin l’ambition de marge de manœuvre potentielle générée par l’effet du programme sur une durée de temps finie.

10 |

La genèse du programme

 En ce qui concerne le périmètre financier du programme… La base du programme doit définir l’ensemble des entités qui seront concernées. Ainsi on peut déterminer l’assiette budgétaire à partir des allocations contractualisées sur les charges de personnels, et sur les achats externes. Une analyse des natures de charge est indispensable afin de s’assurer que ces entités ont bien la maîtrise de ces charges. Si ce n’est pas le cas, lorsqu’on a affaire à des charges réparties, il faut alors les extraire du périmètre. Il y a lieu de s’interroger sur les entités dont les activités ont un cycle plus lent. Le pas de temps rapide du déploiement choisi doit correspondre à la dynamique de percée. Ces entités peuvent par la suite faire l’objet d’une démarche spécifique sous l’impulsion de leur management. À ce titre, nous verrons la transposition de la démarche à des entités support dans le chapitre « L’intégration et l’accompagnement des unités supports dans la démarche » (cf. chapitre 15). Ces ajustements de périmètre réalisés permettent de trouver l’assiette financière adressable du programme. Détermination du nombre de mailles élémentaires managériales correspondant aux entités opérationnelles. Comme la transformation est à la fois managériale et porte sur le champ de la performance, il faut définir la maille la plus pertinente pour intégrer les concepts du programme, les transposer, les appliquer et rendre pérennes tant les résultats obtenus que la méthode employée. On retiendra l’entité opérationnelle lorsque le management des équipes prévaudra. Mais il est envisageable de retenir le périmètre du processus sur une zone géographique donnée lorsque le management est plutôt organisé selon la logique processus. Pour éclairer ce choix, il est nécessaire de comprendre l’organisation de l’entreprise. Différentes extractions des SI comptables et RH permettent d’approcher le nombre d’organisations élémentaires par croisement. Souvent les évolutions du référentiel de gestion font apparaître une description comptable plus fine ou différente de celle décrite dans le SI RH. Croiser ces deux regroupements permet d’aboutir à un ordre de grandeur. Cette base de calcul sert également à dimensionner le nombre d’acteurs de changements, la montée en charge du programme, sa durée.

| 11

Le lean management dans les services

 L’approche du potentiel Partant du fait qu’aucune approche n’est complètement juste, on peut retenir une approche par « triangulation », dans le même esprit que l’approche dichotomique en mathématique pour résoudre une équation complexe. La triangulation consiste à rapprocher les résultats de trois approches distinctes. Le résultat est alors contenu à l’intérieur de la surface délimitée par les bornes des trois approches. La question posée était de savoir quel était le potentiel ? Les trois approches sont les suivantes.

♦ Une mesure de l’activité de quelques techniciens Cela consiste à passer quelques journées avec des techniciens et à regarder leurs fonctionnements. Mesurant les temps passés, l’analyse implique de regrouper les trois types de temps :

ffceux apportant une valeur ajoutée pour le client, c’est-à-dire l’ensemble des temps de travail vus par le client ;

ffceux nécessaires à la réalisation de cette activité (préparation du matériel, déplacement) ;

ffceux dits « perdus » selon l’approche des sept gaspillages du lean (rendez-vous infructueux, matériel inadapté, description du travail à faire incomplète, attente). On constatera ainsi le niveau des temps perdus qui peut être conséquent. Cette méthode permet également de mesurer et de visualiser les différents temps de la journée d’un opérateur et ainsi trouver de nouvelles pistes de progrès à son contact.

 L’analyse de la performance économique sous l’angle des processus L’approche processus permet de connaître les charges et les produits affectés à chaque processus. Trouvant la variable principale qui influe sur les coûts du processus, il est possible de positionner l’ensemble des unités, si tel est le niveau de synthèse des processus, autour d’une droite de régression linéaire.

12 |

La genèse du programme

On remarque alors que certaines unités se positionnent au-dessus de cette droite. Elles réalisent l’activité à moindre coût. À l’inverse, les unités positionnées en dessous de la droite présentent un potentiel d’amélioration économique. On recherchera quel résultat surviendrait si toutes les unités en retrait se positionnaient sur la performance économique moyenne. Cette analyse sera conduite pour les principaux processus opérationnels représentant la majorité des charges du périmètre. La connaissance de la performance des différents processus et de leur management confirme en général que les processus les plus outillés et simples présentent des potentiels inférieurs à des processus moins outillés et moins pilotés parce que plus spécifiques, plus techniques. En complément, ce travail fait apparaître les domaines prioritaires selon le croisement des critères de potentiel et de « chiffre d’affaires » du processus. Les détracteurs de cette méthode font valoir des écarts de pratiques entre unités et entre processus sur l’affectation des imputations analytiques. Il existe effectivement des écarts de pratiques entre processus et, à la marge, l’imputation de l’activité peut relever d’un processus support. Cependant, les doctrines comptables et les contrôles internes récurrents sur ces domaines font que l’incertitude est largement inférieure à la valeur du potentiel. D’autre part, interrogeant la majorité du périmètre, le report d’imputation d’un processus revient à charger un autre processus.

 Enfin le benchmark économique de la concurrence Si vous disposez d’intercomparaisons entre différentes sociétés de même nature d’activité concernant la performance de vos activités, alors ces études constituent d’excellentes bases pour approcher le potentiel. Il faut cependant vérifier que les coûts d’exploitation sont corrigés du contexte dans lequel est réalisée l’activité (effet périmètre, exigence réglementaire…). Les trois approches de cette « triangulation » permettent de déterminer le potentiel théorique. Si les potentiels « théoriques » paraissent considérables, il y a lieu de bien distinguer cette représentation théorique avec le potentiel réellement accessible. Je fais souvent le parallèle avec les jeux d’un mécanisme. Le jeu est nécessaire. Quand il disparaît, le mécanisme casse. Quand il y en a trop, le mécanisme est moins efficace ou moins précis. Cette nonvaleur ajoutée vue du client est soit inutile – et il y aura lieu de l’éliminer –, soit utile au fonctionnement de l’entreprise (réunion, préparation du travail, déplacement.) – et il y aura lieu de la maîtriser.

| 13

Le lean management dans les services

On peut faire le parallèle avec l’approche faite dans l’industrie, même si les valeurs sont quelque peu différentes.

valeur ajoutée valeur accessoire gaspillage

Figure 1.13 Représentation des différentes valeurs constatées de production dans l’industrie pour produire une pièce Les points clés concernant la triangulation pour approcher le potentiel –– Approche analytique en explorant quelques journées d’opérateurs –– Approche macroscopique en intercomparant les potentiels des processus entre unités –– Approche externe par un benchmark d’entreprises comparables

1.2.2 La modélisation du programme Le travail d’appropriation et d’analyse se déroule dans un temps court de quelques semaines avec les acteurs et décideurs clé tels les directeurs opérationnels, le commanditaire, le pilote stratégique et le pilote opérationnel. Ce travail se termine par le cadrage du programme. Les six étapes de cette construction comportent une progression permettant aux différents participants d’y adhérer et de la partager. Cette construction commune est décisive au moment des contraintes et efforts inhérents au déploiement car les responsables ont la compréhension complète du dispositif. 3 Ce graphe fait apparaître une valeur ajoutée de l’ordre de 10 % (partie la plus claire) une partie dite « accessoire » de l’ordre de 20 %. Les ordres de grandeurs de ces valeurs sont représentatifs lorsqu’on se livre à une mesure stricte des différentes activités qui composent la production.

14 |

La genèse du programme

J’ai capitalisé le contenu car ce travail s’il peut apparaître riche et preneur de ressource constitue une force pour la suite du programme. Sans cette adhésion initiée à cette étape, le programme est en risque. Ensuite, la méthode de travail est particulièrement efficace et elle peut être transposable à beaucoup de projets ou de démarches. L’étape 1 consiste à créer le groupe, présenter la méthode de travail, présenter le contexte et les démarches lean utilisées dans les autres entreprises. L’étape 2 consiste à travailler sur le périmètre, les enjeux, le diagnostic. L’étape 3 consiste à définir l’ambition et l’ébauche du chemin. L’étape 4 consiste à définir la maille élémentaire de transformation, et le vecteur de transformation : le chantier. L’étape 5 consiste à définir le mode de déploiement, les acteurs de la transformation. L’étape 6 consiste à définir le mode de gouvernance et de pilotage du programme, le rythme de déploiement et l’ébauche du suivi du programme. Le groupe noyau, en charge d’orienter et de décider, s’adosse à un groupe de production et de préparation. Les modalités de travail du groupe de préparation consistent, entre les séances hebdomadaires, à rechercher, produire analyser puis mettre en forme les éléments nécessaires pour le travail de partage suivant. Ces éléments donnent lieu à une synthèse qui sert de base à plusieurs phases :

ffLa référence pour chiffrer le programme et réaliser le business model du programme.

ffLa première présentation vers le Comité exécutif, décideur in fine du lancement du programme.

ffLe cadrage de l’appel d’offres pour appuyer la mise en œuvre du déploiement du programme. Regardons les principaux points de sortie de chacune de ces six étapes. Le processus de construction d’une vision commune est particulièrement intéressant et démontre l’intérêt d’un accompagnement dans la phase de cadrage. Il ne s’agit pas de copier ce qui se fait de mieux ailleurs, mais bien de construire, d’intégrer des concepts pour en faire un programme pertinent dans son entreprise.

| 15

Le lean management dans les services

 L’étape 1 – Le contexte et les démarches lean utilisées dans les autres entreprises Un des points clés de cette étape est de découvrir les pratiques, et la transformation qu’ont opérées les entreprises qui se sont lancées dans une telle démarche. Initialement mise en œuvre par Toyota, la démarche s’est progressivement améliorée au travers des usages qu’en ont faits d’abord les entreprises industrielles (industrie automobile) puis des entreprises de services (banques, assurances). Cette présentation est résumée pour le groupe de travail. Mais rien ne vaut d’aller avec les décideurs rencontrer quelques entreprises en pointe sur le sujet.

 L’étape 2 – Le périmètre, les enjeux, le diagnostic Cette étape plus technique consiste à se mettre d’accord sur le périmètre : l’activité opérationnelle portée par les organisations et structures de l’entreprise. Des questionnements complémentaires apparaissent tels que l’implication ou non de la sous-traitance dans la démarche. Il est prudent, dans un premier temps, de limiter le périmètre en ne prenant que l’activité directement pilotée et réalisée par les équipes internes. Mais il ne faut pas s’interdire cette possibilité au cas par cas en demandant l’implication de quelques prestataires. Au cours de cette phase, on passe également en revue et on priorise les différents processus en fonction de trois critères, leur volume d’activité traduit en poids financier, leur potentiel absolu et relatif, leur maturité du point de vue de la maîtrise de l’activité. Il est probable qu’un processus de bonne maturité présente un potentiel moindre. Cette approche permet de décider ultérieurement des orientations du plan de déploiement : par exemple, commencer par un métier dans lequel les organisations présentent un volume d’activités important, une marge de progrès significative et où le nombre d’organisations de même nature est important. Vous pouvez formaliser ces éléments à l’aide d’un graphe à bulle pour orienter les choix de déploiement. Ce graphe rassemble en abscisse les dépenses associées aux processus, en ordonnée la maturité du processus et la taille de la bulle marque le potentiel du processus.

 L’étape 3 – L’ambition et l’ébauche du chemin Cette phase est sensible du fait de la nécessité de l’engagement des acteurs dans l’ambition, si on admet au travers des trois approches que le potentiel

16 |

La genèse du programme

est significatif. Mais on n’est pas encore assurés à ce stade de pouvoir arriver à l’extraire. Ce n’est pas parce que l’on a trouvé du pétrole que celuici jaillit dans l’oléoduc. Un processus d’extraction doit intervenir. Au début du cadrage, il est difficile d’avoir une vision précise de la capacité à extraire ce potentiel et d’autre part d’imaginer les dérivés d’un tel programme. Il y a lieu de faire un lien avec la politique RH et la politique industrielle de l’entreprise. Cette phase ouvre largement un débat sur ces sujets. Par exemple, il faut imaginer quelles sont les activités qui pourraient être réalisées avec du temps supplémentaire dégagé par la réduction d’activités inutiles. Travaillant avec plus d’efficience, vous allez dégager des marges de manœuvre en organisant mieux le travail. Vous allez, outre tenir notre budget, avoir de la disponibilité pour faire d’autres activités. Mais lesquelles ? La dynamique rapide voulue implique l’obtention de résultats rapides. Réaliser des activités nouvelles demande en général un travail structuré trop long pour répondre à la dynamique. Par contre, vous pouvez vous interroger sur les retards et stocks d’activité en attente. Dans le même esprit, l’augmentation de l’activité du fait de demandes client supérieures convient parfaitement. Les secteurs d’activité en forte croissance constituent d’excellents apporteurs d’activités. Grâce à la démarche, vous allez pouvoir réaliser plus d’activité pour un même coût global. Dans le mode de fonctionnement antérieur, la régulation de cette « suractivité » aurait été faite en comprimant les domaines traditionnels pour libérer une partie des besoins à destination de cette nouvelle activité et sans doute en dégradant les résultats ou en ayant recours à l’intérim. Cette démarche est l’occasion de tenir vers les salariés un discours positif sur la performance économique de l’entreprise. En organisant mieux le travail, vous allez gagner des marges de manœuvre, pour rattraper ponctuellement le retard de certains sujets, pour faire plus d’activité, reprendre une partie des activités sous-traitées, et en priorité celles proches du cœur de métier. Cette vision positive et porteuse libère les participants sur le niveau d’ambition à retenir. La posture inverse est plus difficile à tenir sauf s’il s’agit de la survie de l’entreprise. Reste à trouver le délai d’obtention de ces résultats. À l’inverse d’une démarche qualité où l’amélioration continue conduit à réaliser régulièrement des progrès, la démarche lean s’appuie sur un fonctionnement par percée : le rythme d’obtention des progrès devient clé et fait partie de la méthode.

| 17

Le lean management dans les services

 L’étape 4 – La maille élémentaire de transformation, et le vecteur de transformation : le chantier C’est au cours de cette étape que se définissent les composantes du déploiement. D’abord il est nécessaire de simuler la volumétrie du déploiement en fonction des hypothèses générales. Si par exemple votre organisation se compose de 10 000 personnes structurées en mailles élémentaires de 50 salariés en moyenne, cela vous donne 200 mailles élémentaires. Autre hypothèse : la durée d’une transformation de maille est d’un trimestre (12 semaines). Au-delà de cette durée, la dynamique s’essouffle ou les participants s’épuisent. Nous appellerons ce pas de temps une vague. Ensuite vous intégrerez une présérie de chantiers réalisés dans une vague que l’on appellera la vague V0. Cette présérie permet de tester la méthode et le cas échéant de l’adapter avant de déployer largement pour atteindre un palier trimestriel nominal, puis amorcer une décroissance du déploiement. Posons également comme hypothèse que le premier chantier dans une unité est composé d’une seule entité. En effet, la mise en œuvre initiale de la démarche implique un travail plus conséquent de découverte du métier et de conviction des participants. Par contre, une fois le premier chantier fini, il est envisageable d’implémenter la démarche dans deux entités en parallèle avec l’appui des managers localement déjà formés lors du premier chantier. On peut appeler les premiers des chantiers « d’investissement » (premier type de chantier dans une première unité) et les seconds des chantiers de « foisonnement », composés de deux entités de même nature dans une unité ayant vécu la démarche. Fort de ces hypothèses, vous allez pouvoir construire une première courbe de déploiement théorique qui suit le profil du tableau 1.1.

 L’étape 5 – Le modèle de déploiement et les acteurs en charge du déploiement Au cours de cette étape, et fort de l’hypothèse de déploiement ébauchée, sont validés le modèle de déploiement et le calibrage des ressources à mobiliser.

18 |

1100

Salaire acteur projet

2025

3491

3491

Accompagnement

Total par période

Cumul

90

267

Salaire acteur de chgt

Logitique

10

V0

Nb d’acteurs de chgt

7350

3858

2025

180

1100

533

20

V1

9550

2200

270

1100

800

30

V2

12116

2566

360

1100

1067

40

V3

14683

2566

360

1100

1067

40

V4

17250

2566

360

1100

1067

40

V5

19450

2200

270

1100

800

30

V6

21283

1833

180

1100

533

20

V7

Tableau 1.1 Nombre de chantiers structurant le déploiement du programme (base 10 000 salariés)

22750

1466

90

1100

267

10

V8

0

1100

0

V10

23850 23850

1100

0

1100

0

0

V9

100 0,75 1,8

Déplacement hebdo Coût journée y c déplacement

80 Salaire moyen annuel

Salaire moyen annuel

La genèse du programme

| 19

Le lean management dans les services

Pour définir la façon dont s’enchaîneront les chantiers, il est important de traiter l’ensemble des entités opérationnelles d’une unité dans la continuité afin de maintenir une dynamique de transformation. On n’arrête pas la continuité des chantiers de transformation dans une unité tant que toutes les entités ne sont pas passées en lean management. En effet, il faut imaginer qu’un double système de management ne peut pas longtemps fonctionner entre des entités opérationnelles lean et des entités opérationnelles classiques. Au cours de cette étape, les grands livrables d’un chantier sont définis en lien avec chacune des phases clé (DMAIC). Il s’agit du standard du chantier ; chaque période correspond à un livrable. Concernant les porteurs de la transformation, la mission et les qualités requises du porteur de la transformation sont identifiées. Le nombre de ressources est également calculé à partir de la courbe des organisations à transformer par vague. Enfin, il faut conclure par une analyse de risque du programme sous forme de facteur clé de succès permettant de faire apparaître aux participants les phases critiques.

 L’étape 6 – Le mode de gouvernance, le choix des acteurs, le lancement du programme L’ensemble de ces paramètres convenus précédemment permet de modéliser la montée en puissance du programme, simuler la courbe des résultats théoriques, calculer les coûts du programme et enfin faire apparaître la rentabilité du projet. Connaissant l’ensemble des éléments du programme, cette phase permet de construire la gouvernance du programme, depuis les commanditaires, jusqu’à l’échelon projet dans l’entité qui constitue en lui-même un projet. La combinaison de ces projets homogènes et leur coordination constituent le programme. L’aspect RH est souvent un point clé : repérer, rendre disponible, former, et affecter des cadres de bon niveau pendant deux ans constituent un challenge qui est loin d’être évident. Aussi définir les caractères clé de ces cadres et réfléchir au parcours ultérieur permet de convenir de l’intérêt pour eux-mêmes et pour l’entreprise de se lancer dans un tel dispositif.

20 |

La genèse du programme

Enfin les différentes phases constituant le lancement du programme sont à regarder. Par exemple, la communication à réaliser, le processus de validation de ce cadrage, les modalités de recrutement des premiers cadres, les principes du choix des premiers chantiers, la recherche d’un appui externe, gagnent à être traités dans cette phase.

Les points clés concernant la modélisation du programme Une méthode en six temps : –– établir la méthode de travail, les participants, acculturer le groupe ; –– définir les enjeux, le périmètre, réaliser le diagnostic ; –– définir l’ambition le chemin ; –– définir le vecteur de transformation et la maille élémentaire ; –– définir le mode de déploiement et les acteurs ; –– définir la gouvernance le mode de pilotage, le passage à l’action.

1.2.3 La recherche d’appui externe Découvrant le lean management, il est nécessaire de se faire accompagner à la fois pour la partie conception du programme et pour la partie construction et déploiement. En effet, combien de temps perdu, d’énergie dépensée, d’hésitation dans l’engagement lorsqu’on décide de découvrir par soi-même le lean management ! Dans les différents échanges que j’ai pu avoir avec différentes entreprises, j’ai pu constater, pour celles qui n’ont pas un engagement massif, les hésitations de l’organisation à se lancer. Parfois cet apprentissage se traduit par des contre-références dont on ne se relève que difficilement. Comme il s’agit d’une méthode par percée, il faut impérativement gérer son implantation sous cette forme. Donc l’appui doit être à la hauteur de la dynamique et de la taille de l’entreprise. Cet appui peut se dissocier en deux parties. Le premier appui d’une durée de quelques semaines aboutit à la définition des caractéristiques du programme. Dans la dynamique précédemment décrite, on peut paramétrer les six phases sur une durée de six semaines. Cette phase permet de rédiger le cahier des charges du deuxième niveau d’appui : l’appui au déploiement du programme et à l’acquisition des savoirs.

| 21

Le lean management dans les services

De la qualité de ce cahier des charges et de la capacité à acquérir le savoir minimum pour contrôler la prestation dépend la qualité de la prestation qui sera fournie ultérieurement. Le second temps concerne l’appui au déploiement du programme. Il demande une procédure d’engagement plus lourde de la part de l’entreprise. Le cahier des charges est la base d’une consultation. Selon vos procédures d’achat de prestation, vous aurez intérêt à constituer un jury pour sélectionner les entreprises sur la base d’une proposition technique écrite suivie d’une présentation orale. Les membres du jury sont idéalement ceux qui ont contribué au cadrage du programme. À cette étape, la connaissance collective du lean est un atout pour sélectionner les dossiers, mais aussi pour questionner et vérifier la capacité de ceux qui vont accompagner le déploiement du programme. L’établissement de critères de sélection est facilitant pour valider la compétence et le savoir-faire de l’entreprise. Le contenu du cahier des charges se structure autour de plusieurs chapitres :

ffLe rappel du contexte et des enjeux de l’entreprise : ddce point permet de valider la bonne compréhension par le futur prestataire des caractéristiques ainsi que du dimensionnement et du type des ressources mises à disposition.

ffLes objectifs du programme d’amélioration de la performance par percée sur différentes dimensions (culturelle, économique, transformation) :

ddce point marque la volonté de ne pas rester sur une seule transformation technique et de porter la transformation sous l’angle RH et humain, incluant l’acquisition des compétences…

ffLe mode de déploiement de la démarche : ddce point permet d’examiner la nature et le niveau des ressources proposées.

ffLa gouvernance générale du programme jusqu’à celle du chantier de la maille élémentaire :

ddce point demande de la part du prestataire une réponse sur le pilotage qu’il suggérera de mettre en place.

ffL’internalisation du savoir-faire : ddce point marque la volonté d’être autonome à l’issue du programme et indique clairement l’acquisition du savoir dans le cadre de la prestation. Le prestataire doit indiquer la façon dont il organise ce transfert de compétence.

22 |

La genèse du programme

ffLe planning général du programme : ddce point technique et simple permet de s’assurer de la disponibilité des ressources du prestataire dans les délais impartis.

ffLes modalités de bonne fin de la prestation et en particulier la mise en évidence des grandes étapes de la prestation avec la possibilité de ne pas poursuivre, en fonction des résultats :

ddce point est assez souvent ignoré car l’expérience montre qu’on prévoit rarement l’échec, ou l’arrêt anticipé d’un projet. Dépenser de l’énergie à prévoir sa fin anticipée n’est pas raisonnable ni prioritaire pour un chef de projet. Et pourtant combien de projets, qui n’ont pas obtenu le succès escompté, se sont traduits par des indemnités de renoncement. Les points clés concernant la recherche de compétence externe –– Un appui pour fédérer une vision collective. –– Un appui pour définir les caractéristiques du programme. –– Un appui pour concevoir le déploiement. –– Un appui pour acquérir rapidement le savoir-faire.

1.2.4 Le processus décisionnel Par expérience, plusieurs décisions s’enchaînent. Le commanditaire engage le cadrage au travers par exemple d’un achat de prestation d’appui à la conception du programme. Ce peut être également un groupe d’acteurs internes de l’entreprise déjà formés au lean management qui se voit confier le lancement du cadrage. Ce peut être également le recrutement d’experts du domaine ayant déjà mené un projet de ce type dans un autre environnement. En tout cas, la connaissance du sujet est obligatoire afin de ne pas partir sur de fausses pistes. La qualité de la décision en dépend. L’engagement de la deuxième phase, de construction et d’appui au déploiement suit la première phase et demande de multiples échanges entre les décideurs. Les points de décision portent principalement sur l’engagement financier, sur la transformation managériale induite, et sur la mobilisation de ressources internes dédiées. En donnée d’entrée, le responsable du futur programme doit fournir un chiffrage des coûts de prestation, un calcul des coûts du programme (ressources engagées) ainsi qu’une prévision des résultats sur la période du déploiement du programme. Les délais de cette décision sont dans les

| 23

Le lean management dans les services

cas vécus sensiblement longs. Il y aura lieu de travailler en parallèle sur l’ensemble des lots afin que leur maturité soit suffisamment avancée pour pouvoir passer à l’action une fois la décision prise. Dans cette phase de décision, l’étude d’impact et l’analyse de risque constituent une base certaine pour organiser la communication vers les décideurs. On peut constater que la prise de conscience de la portée du programme génère, chez certains décideurs, de la prudence. Certains peuvent y voir, à juste titre un programme qui n’est pas que technique mais essentiellement culturel. Effectivement, le déploiement du lean management opère dans l’entreprise une transformation managériale. D’autres, plus pragmatiques, peuvent souligner la différence de calibrage du nouveau programme avec la démarche précédente de recherche de performance. Pourquoi ne pas poursuivre sur un programme équivalent au précédent, de la même envergure, faiblement coûteux en accompagnement, en imaginant un déploiement plus profond, basé sur des techniques lean ? À ce stade, on peut croiser ces réactions avec les méthodes d’analyse de la conduite du changement et se référer aux trois dimensions qui structurent le changement. La dimension rationnelle qui va s’appuyer sur l’étude technique du projet, ses coûts, ses bénéfices attendus, la vision générale du projet, son sens. La dimension politique joue sur le registre du pouvoir, de l’influence. La troisième dimension porte sur le registre émotionnel lié à la capacité de la personne à changer et à s’adapter et pour un décideur, à « parier » sur la réussite. Comment, en tant que dirigeant, se convaincre que le projet oriente l’entreprise dans la bonne direction ? Certes les chiffres rassurent, mais combien de projets divergent par rapport aux prévisions initiales ! Aussi, à ce stade, la solution la plus efficace est pour les décideurs, de leur faire visiter des entreprises ayant déployé des démarches de lean management. Il est donc nécessaire de se constituer un réseau d’interlocuteurs d’entreprises déjà expérimentées et de les solliciter pour organiser cet échange. Si l’option de l’appui externe est retenue, alors celui-ci peut vous faire profiter de son réseau au travers de l’accompagnement qu’il a déjà pu mener. J’ai pour ma part organisé et participé à plusieurs échanges. Une usine chimique, une usine automobile, un sous-traitant automobile, un assureur, une banque. À chaque fois la vision générale de l’entreprise, le travail organisé, l’implication des opérateurs et du management, la satisfaction du dirigeant, furent convaincants. J’ai le souvenir du directeur de banque qui a conclu : « Depuis

24 |

La genèse du programme

que nous avons installé la démarche, je dors car je sais ce qui se passe dans mon entreprise au quotidien ! Et je suis sûr que les gros problèmes me seront remontés dans la journée ! » Ces visites ont été convaincantes. Pour autant, j’ai encore le souvenir qu’une partie des décideurs déclinent ces invitations au dernier moment du fait de contraintes majeures venant interférer avec leur emploi du temps. Je laisse le lecteur conclure en regard des trois dimensions du changement que j’ai développées. Une fois les réserves et les réticences sur l’intérêt du lean levées, apparaît le questionnement du rythme du programme et du périmètre de l’entreprise à transformer. Il faut bien comprendre l’engagement que représente la transformation de l’entreprise en un pas de temps réduit. Aussi y a-t-il lieu de bien définir le périmètre d déploiement du programme. Il est indiscutable que les entités opérationnelles font partie de ce périmètre. Elles représentent l’essentiel des ressources humaines et financières. L’étude du programme donne le niveau des dépenses opérées par les entités opérationnelles. C’est aussi cette partie de l’entreprise où les activités sont les plus récurrentes. Il y a lieu de s’interroger pour les activités logistiques, les activités d’appui, les activités d’expertises, les activités de recherche et développement. Je pense qu’engager la totalité de l’entreprise présente un risque. À l’inverse, limiter la démarche à la seule partie opérationnelle limite la synergie ultérieure entre fonctionnels et opérationnels. Entre ces deux extrêmes, la réponse appartient à l’entreprise. Enfin, ces points étant calés, il est essentiel de prévoir des phases test, de REX et de « go/no go » permettant de gérer éventuellement un retour arrière. C’est aussi un argument pour opérer une phase test sur un échantillon d’entités opérationnelles donnant lieu à un retour d’expérience (REX et à un « go/no go » avant passage à généralisation. Ces points d’arrêts sont à intégrer dans la procédure d’achat mais aussi dans la constitution de l’équipe projet. J’ai acquis la conviction que c’est en travaillant sur les trois dimensions (rationnelle, politique et culturelle) que s’acquiert l’engagement des dirigeants sur un projet managérial d’envergure. Cette énergie dépensée est nécessaire alors même que l’on a l’impression de perdre du temps ou d’aller trop lentement. Un projet stratégique qui fait l’impasse ou minore toutes ces dimensions, ne peut aboutir. Toutes les dimensions que nous venons d’évoquer se trouvent magnifiquement formalisées dans un discours de lancement auquel j’ai pu assister et dont je vous livre quelques extraits.

| 25

Le lean management dans les services

« Je fais aujourd’hui un constat fort simple : le terme lean management ouvre une large palette de significations. Boîte à outils pour les uns, nom de code de la productivité pour d’autres, ici promesses de consultants, là renouveau du management, il en arrive à représenter pour certains un espoir de marges de manœuvre, tout en apparaissant ailleurs comme le prototype de la prescription descendante. En ce qui concerne notre entreprise, ce que nous devons tous avoir en tête, c’est l’ampleur des enjeux : investissement humain, engagement financier, impact sur les organisations, attentes économiques, le tout dans le souci constant du client. Il ne serait pas raisonnable d’enclencher un tel processus sans que nous ne partagions en profondeur ces finalités. C’est pourquoi je veux ici m’adresser à vous, et dire ce que nous attendons de notre démarche. Oui, c’est une démarche au cœur du renouveau du management, tel que nous l’avons exprimé dans notre projet d’entreprise. Écouter le terrain, accueillir ses propositions, redonner des marges de manœuvre, tout cela, notre démarche le portera. Oui, c’est le projet de notre entreprise, de toute notre entreprise et de chacun d’entre nous. En dépit du titre, il n’est pas réservé aux opérationnels  ; il concerne aussi nos experts. Je leur demande de considérer comme une hygiène de fonctionnement d’accepter de se faire challenger par le terrain, comme j’attends du terrain de ne pas confondre cette démarche avec la remise en cause systématique des processus à caractère national. Nous allons toucher aux processus : entre préserver ce qu’ils ont de positif et desserrer des carcans, la voie est difficile, je le mesure. J’en appelle à l’intelligence collective de situations et à la volonté de travailler ensemble. Oui, nous ferons des économies. Nous avons l’ambition de les faire différemment de ce que nous avons connu ces dernières années, où les renoncements sur le cœur de métier ont servi à payer des excès procéduraux et des non-qualités. Pour y parvenir, les mots magiques et les promesses chiffrées des conseils externes ne suffiront pas. C’est par nos efforts que nous allons conquérir ces résultats, et je me répète, dans un esprit d’équipe, un esprit collectif. Dans quelques jours, nous donnerons le coup d’envoi de cette démarche. Je tiens à ce que nous le fassions avec la conviction que nous partageons tous la même vision des finalités. Je m’y emploierai. Je sais l’impatience de

26 |

La genèse du programme

certains, l’inquiétude ou le scepticisme chez d’autres : que chacun prenne le temps, d’ici notre mise en mouvement, de s’approprier cette démarche comme un objet de rassemblement. C’est la condition du succès commun4 . » Les points clés concernant le processus décisionnel –– Prend du temps et de l’énergie –– Marque l’engagement de l’entreprise –– Comprend une dimension rationnelle, technique –– Comprend une dimension politique –– Comprend une dimension personnelle, intuitive

1.2.5 L’analyse de risque Durant la période d’étude, travailler sur l’analyse des risques du programme permet de vérifier la solidité de toutes ses composantes et en particulier :

ffde constituer un argumentaire pour appuyer la prise de décision ; ffde prévoir un certain nombre d’actions pour limiter le risque ; ffde préparer un plan B avec un certain nombre de variables minorant le programme cible. Les principaux risques du programme que l’on peut identifier portent sur les sujets suivants :

ffla capacité de recruter et de former des cadres de bon niveau dédiés pendant deux ans à plein temps au programme ;

ffla capacité de l’entreprise à reconnaître la réussite de ces cadres ; ffl’engagement des décideurs sur la solution la plus ambitieuse ; ffla capacité d’extraction des résultats dans des délais rapides ; ffun appui à la hauteur pour accompagner le projet ; ffla mobilisation des experts pour appuyer les opérationnels ; ffl’ampleur de la tâche du déploiement généralisé sur l’ensemble de l’entreprise ;

ffl’engagement de la ligne managériale ; 4 Malgré tous ses efforts, l’auteur n’a pas pu reprendre contact avec la personne ayant prononcé ce discours et n’a donc pas pu obtenir son autorisation de citation. Il va de soi que si cette personne se reconnaît et souhaite voir son identité mentionnée, celle-ci pourra l’être dans une prochaine édition. 

| 27

Le lean management dans les services

ffl’impact de la démarche sur les organisations ; ffla compréhension de la démarche par les partenaires sociaux ; ffl’impact sur les métiers et leur implication ; ffl’évolution des rôles des managers ; ffla capacité de l’organisation à intégrer l’esprit et les techniques de lean management. L’approche risque peut être présentée de façon positive, sous forme d’enjeux et de défis à relever, et non comme on peut le faire traditionnellement sous forme de risques décrits et d’actions proposées en regard. Le lean management promeut une posture positive qu’il y a lieu d’intégrer dans ses présentations sans tomber dans un optimisme excessif. Dans cette phase exploratoire et au moment de la prise de décision, la visite de site complète utilement l’analyse de risque en intégrant le retour d’expérience de ceux qui ont conduit une démarche identique. Je me souviens par exemple du risque de basculement trop rapide, de l’ancien fonctionnement vers le nouveau que soulignait un directeur d’une des entreprises visitées. Mais un autre point m’a particulièrement marqué : le risque de réussite. On regarde l’analyse du risque sous l’angle de l’échec. Qu’est-ce qui peut empêcher, limiter, arrêter le programme ? On trouve en général les principaux risques d’échec du programme. À l’inverse, l’approche qui consiste à réfléchir aux risques liés à la réussite du programme est rarement étudiée. Pour autant, un grand succès peut être fatal. Combien d’entreprises n’ont pas su gérer leur développement et ont été contraintes de déposer le bilan par manque de liquidités ! Pour un projet, une forte réussite peut être dangereuse et il y a lieu d’y réfléchir, d’avoir le courage de limiter ou de freiner son déploiement dans des limites fixées initialement. J’ai rencontré ce risque au moment où une fois le programme bien lancé, la démarche apparaît simple et naturelle. Certains veulent augmenter la cadence, aller plus vite, faire conduire plusieurs chantiers à un acteur de changement. J’ai toujours résisté, mais certains ont tenté l’expérience. À chaque fois ce fut un échec. Par exemple, un périmètre trop large ne permet pas aux acteurs de changement d’implémenter la démarche correctement. Si l’approche risque est indispensable, il ne faut pas oublier que le décideur utilisera sa conviction personnelle pour orienter ses choix.

28 |

La genèse du programme

Les points clés concernant l’analyse de risque –– Nécessaire pour servir d’argumentaire –– Adopter une présentation positive sous forme d’enjeu –– Comporte une part d’intuition chez le décideur

1.2.6 La gouvernance du projet En règle générale, chaque entreprise possède un référentiel en matière de management de projet. J’ai cependant pu constater qu’il n’était pas toujours une référence appliquée ou connue. Je rappellerai ici les principales caractéristiques de l’organisation de la gouvernance de projet utilisée de façon traditionnelle. Pour les projets d’envergure, trois rôles sont définis. Le commanditaire est la personne qui engage le projet et qui possède la vision de l’attendu du projet. Son rôle relève de la stratégie d’entreprise. Il s’appuie sur le pilote stratégique qui oriente le projet en fonction de la vision du commanditaire et supervise les grandes décisions du projet. Le pilote opérationnel est en charge de la construction, du déploiement et de la mise en œuvre du programme. Dès le lancement de l’étude de faisabilité du projet, il est important de définir les rites et rythmes relatifs au pilotage du programme incluant commanditaire, pilote stratégique (ou PS) et pilote opérationnel (ou PO). Et de le faire dans l’esprit du lean management de manière à être exemplaire mais aussi efficace. Puisque le lean management est efficace, appliquons-le ! Le rythme de gouvernance que je vous propose est hebdomadaire, en lien avec la dynamique créée par la démarche de cadrage qui, rappelons-le, est intense, et rapide. Si vous faites appel à un prestataire externe, il vous proposera un mode de gouvernance. S’il ne le fait pas, inquiétez-vous de son expérience. Une fois ce mode de fonctionnement installé au moins dans l’équipe projet, vous le transposerez au moment du déploiement de la phase test. Ce rythme hebdomadaire sera également celui des entités entrant en lean management. J’ai visité des entreprises où ce rythme est quotidien. C’est en particulier le cas lorsqu’une défaillance dans l’activité constitue un risque pour l’existence même de l’entreprise. En fait, il s’agit d’anticiper un des quatre standards managériaux qui rythme la vie quotidienne de tous ceux qui managent selon les concepts du lean. En mode pérenne, ce rythme devient le point hebdomadaire (ou quotidien) associé à la boucle courte.

| 29

Le lean management dans les services

Les points clés concernant la gouvernance –– Un référentiel de gestion de projet –– Rôles et mission de chaque niveau –– Des rites et rythmes en concordance avec le lean management

1.2.7 La gestion de projet Il s’agit de la mission du chef de projet. Soit ce dernier est rodé à la gestion de projet, soit il est nécessaire qu’il en acquière rapidement toutes les composantes. De nombreux stages existent sur le sujet. Cette formation, tout au long de la conduite de projet, est très profitable pour bien cerner rôle et mission du chef de projet mais aussi ceux du pilote stratégique et du commanditaire. J’ai pu constater que souvent le mélange des genres prévaut et les responsabilités se diluent. Résumons les points essentiels... Le pilote opérationnel a pour mission de traduire et de décliner en mode opératoire les orientations du projet. Il est donc primordial de bien faire valider la traduction qui a été faite des orientations du commanditaire. C’est un peu comme l’alpiniste qui ne passe à l’étape suivante que s’il est assuré de sa prise. Et cette assurance est donnée par le pilote stratégique ou le commanditaire. Le pilote opérationnel ne porte pas seul la responsabilité du programme. Il porte par contre la responsabilité du passage à l’action. Le projet suit une logique de développement. Je rappelle ici en quelques lignes les étapes clé d’un projet et leur mise en œuvre. Vous trouverez en annexe un document plus détaillé auquel je me réfère chaque fois que j’ai à travailler en mode projet. La gestion d’un projet comporte quatre grandes phases. La phase d’exploration ou d’émergence consiste en la traduction des objectifs stratégiques du commanditaire en objectifs techniques. Cette phase se termine par une lettre de cadrage, à valider par le commanditaire.

→ Cette phase se traduit par exemple par la définition du cahier des charges du projet qui a servi à la fois à présenter concrètement la vision opératoire du programme mais aussi à constituer le support de l’appel d’offres à prestations.

30 |

La genèse du programme

La phase de conception ou de planification détaille les éléments constitutifs du projet et permet d’obtenir son ordonnancement. Elle se termine par un descriptif de pilotage global du projet.

→ Cette phase se traduit par exemple par l’élaboration des différents lots que nous illustrerons dans le chapitre suivant, par un ordonnancement et une planification des actions sur la durée du programme, par la définition de la gouvernance du projet y compris dans sa phase de déploiement en intégrant les différents niveaux de l’entreprise. La phase de réalisation du projet constitue le lancement opérationnel du projet.

→ Cette phase consiste à lancer les différents lots du projet comme par exemple la mobilisation et la préparation des ressources, la communication, les premiers chantiers expérimentaux… Enfin la phase bilan ou clôture, marque la fin du projet. Cette phase est souvent peu construite et gérée superficiellement.

→ La fin du projet se trouve documentée par une communication sur les résultats obtenus, une mise en valeur des réussites remarquables, des modalités de passage en mode pérenne, et l’organisation des appuis lean management à chaque niveau de l’entreprise. En annexe, on trouvera un canevas détaillé des questions qui composent la construction de chacune des différentes étapes. Avoir en tête cette liste et la balayer régulièrement en « autorevue », constitue une aide précieuse pour un chef de projet ou un pilote opérationnel. En effet, l’absence de professionnalisation des chefs de projets qui fonctionnent au bon sens, peut constituer un handicap et même un facteur d’échec, ou être la cause d’un relationnel difficile entre le pilote opérationnel et le pilote stratégique. Suivre ce fil conducteur garantit qu’aucune étape clé n’est oubliée et constitue moralement une assurance dans la bonne conduite du projet. Les points clés concernant la gestion de projet Les quatre étapes –– La phase d’émergence ou d’exploration –– La phase de conception et de planification –– La phase de réalisation –– La phase de bilan et de clôture

| 31

2 Le domaine RH

2.1 Le recrutement des acteurs de changement Le cadrage théorique initial définit le nombre d’acteurs de changement à recruter et former ainsi que la courbe de mobilisation. Pour illustrer ce sujet, nous nous appuierons sur l’exemple théorique basé sur un acteur de changement par organisation de base en charge de son accompagnement pendant trois mois (une vague). La mission de cet acteur de changement dure deux ans. Ces hypothèses permettent de dimensionner leur nombre, sur chaque période, de synchroniser leur formation, de gérer leur retour dans des missions plus traditionnelles. Prenons le cas d’une entreprise de dix mille salariés. Ce schéma montre que pour conduire l’ensemble des chantiers répartis sur la durée du programme avec une phase de croissance, un palier et une phase de décroissance, il faut recruter et former quarante personnes. Les appuis sont formés trois mois avant au cours de la vague précédente. Ils sont repérés par la case grisée en début de ligne. On constate sur ce graphe un léger surdimensionnement. Par exemple au cours de la V3, on note la disponibilité de quarante appuis pour un besoin de trente-cinq. Cette marge est nécessaire car la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

34 |

10

Nombre d’acteurs de chmt par période

25

15

5

Nb d’appuis par vague

Nb de chantiers par vague définissant le nombre d’appuis 15

20

10

10

5

V1

10

Nb d’acteurs de chgt

Récap.

Nombre d’acteurs de chmt par période

Nombre d’acteurs de chmt par période

Nombre d’acteurs de chmt par période

5

Nombre d’acteurs de chmt ext.

V0

25

30

30

10

10

10

Départ

V2

35

40

40

10

10

10

10

V3

40

40

40

10

10

10

10

V4

40

40

40

10

10

10

10

V5

30

30

30

10

10

10

Départ

V6

20

20

20

10

10

Départ

V7

10

10

10

10

Départ

V8

Tableau 2.1 Tableau d’entrée sortie des acteurs de changement par période

0

0

Départ

V9

0

0

V10

220

Le lean management dans les services

Le domaine RH

Malgré tout le soin apporté au recrutement, certains appuis n’assureront pas la totalité de leur mission. Les raisons sont multiples : raison de santé, difficulté à relever le défi, manque de disponibilité requise par les déplacements, mutation avant la fin de mission… le taux d’appuis réalisant la totalité des six missions est un marqueur du programme. Le lot recrutement doit démarrer juste après la phase de cadrage du programme sans attendre la décision complète de son engagement. Il doit être conduit avec les directeurs opérationnels qui sont à même de décider de consacrer une partie de leurs ressources au programme. D’où l’importance que ceux-ci aient participé au cadrage. L’enjeu RH est fort puisqu’il s’agit de trouver des cadres disponibles de façon synchrone avec le projet et à l’aise sur différentes dimensions professionnelles. Apte à conduire le changement, sociable, pédagogue, motivant, à l’aise en analyse mais aussi en synthèse, disponible, le futur acteur de changement présente les caractéristiques d’un cadre à potentiel. Cette mission constitue un tremplin par la formation reçue et l’expérience acquise. Il est donc « clé » de travailler avec les RH et en particulier avec la cellule des cadres dirigeants si cette structure existe. Sur la base d’un premier cadrage sur la mission, le profil et les conditions de fonctionnement, on peut lancer le recrutement à l’interne de cadres ayant l’ensemble ou une grande partie des caractéristiques recherchées. Recevoir, au niveau national, l’ensemble des cadres pressentis permet de s’assurer de la bonne compréhension de la mission et de l’engagement du candidat. Rien n’est plus terrible que de recevoir un candidat qui choisit par défaut cette mission. C’est l’échec assuré non seulement pour la personne mais aussi pour le groupe que la personne aura à accompagner. Pour reprendre la montée en puissance, le recrutement implique de recevoir au cours du trimestre précédent un nombre supérieur de personnes présélectionnées pour conclure avec une partie d’entre elles. Sur l’ensemble des candidats que j’ai pu recevoir, j’ai parfois émis des réserves pour certains d’entre eux en laissant aux acteurs opérationnels la responsabilité de confirmer leur choix. Certains, forts de l’entretien national, n’ont pas confirmé leur engagement. Il faut les louer car l’enjeu est de réussir,

| 35

Le lean management dans les services

d’être suffisamment à l’aise dans la conduite d’un chantier et de former les générations suivantes. Le recrutement peut s’éterniser, aussi le fait fixer une date butoir correspondant par exemple à la première journée de formation est-il une manière de piloter ce lot par les délais. La première « promotion » des acteurs de changement revêt un caractère particulier. À la fois parce qu’elle marque le début du déploiement opérationnel du programme mais aussi l’engagement des premières personnes dans une mission encore inconnue de l’entreprise. À ce titre, un message d’accompagnement du commanditaire est le bienvenu. Je vous livre un extrait de l’un d’entre eux à destination des directeurs de structures opérationnelles : « Voilà, nous y sommes ! C’est parti ! Lundi, à 8 h 30, les équipes d’acteurs internes et externes du changement seront en place dans les entités opérationnelles que vous avez retenues pour la phase V0 de notre démarche de lean management. Je voudrais d’abord vous remercier pour votre implication dans cette démarche, se traduisant par une mise à disposition rapide de ressources de bon niveau pour gréer ces nouveaux emplois, mais aussi pour votre participation dans la construction d’un dispositif qui va désormais rentrer dans sa phase de production. J’ai assuré vendredi après-midi la synthèse de la semaine de formation qui a réuni nos acteurs de changement internes et les consultants externes. Enthousiasme et détermination étaient au rendez-vous avec juste ce qu’il faut de stress lié à la perception des attentes et des enjeux considérables attachés à notre projet. La formation, de bon niveau, ne répond pas volontairement à toutes les questions puisque le compagnonnage et l’intégration dans les équipes naturelles de travail restent le parti pris pour la réussite de cette transformation. Je vous demande de vous assurer personnellement, dès lundi et régulièrement ensuite, de cette bonne intégration réciproque auprès des responsables des entités opérationnelles retenues pour ces premiers pas. En particulier, ce programme est notre priorité et doit être vécu en tant que tel pendant les seize semaines de la phase V0. Aussi, la disponibilité du responsable local plus particulièrement en charge de la supervision de cette opération est essentielle. Merci de vous en assurer.

36 |

Le domaine RH

Ce programme est porteur de promesses qui ne deviendront réalités que si nous le soutenons et si nous le montrons. C’est nécessaire pour entraîner nos collaborateurs mais aussi l’ensemble des parties prenantes internes nécessaires à l’accomplissement de nos missions. En conclusion de ma rencontre avec les acteurs de changements, j’ai affirmé ma confiance en eux et je leur ai demandé d’avoir confiance en nous… Oui, notre transformation est désormais lancée !!! » Les points clés concernant le recrutement d’acteurs de changement –– Des acteurs de changements internes, des cadres à potentiel rendus disponibles –– Aptes à conduire le changement –– Sociables, pédagogues entraînant convainquant –– À l’aise dans l’analyse –– Ayant des capacités de synthèse

2.2 La formation en université des acteurs de changement Dans un programme d’envergure, l’acquisition du savoir du lean management revêt un triple intérêt. D’abord du point de vue économique. Dans l’exemple cité, acheter une prestation d’accompagnement au déploiement pour deux cents structures opérationnelles est excessivement coûteux. Ensuite l’internalisation du savoir par des cadres à potentiel va permettre à l’entreprise d’intégrer les gènes du lean management en faisant le pari que ces acteurs, une fois redevenus managers, déclineront les concepts du lean dans leur management. Enfin ces premiers acteurs formés vont constituer un noyau dur sur lequel le programme pourra s’appuyer ultérieurement dans la démarche de pérennisation. La formation des acteurs de changement s’appuie sur les expériences du secteur. Elle est basée à la fois sur un apport théorique et sur la mise en œuvre immédiate de cet apport au cours du chantier. Il s’agit d’une forme d’apprentissage qui se réalise dans les trois mois. Cette formation s’apparente aux universités de formation par filière. Il s’agit de créer une nouvelle filière concernant le lean management. Reprenant les pratiques existantes dans d’autres domaines, je conseille de démarrer la formation par un séminaire intégrateur d’une semaine. Le

| 37

Le lean management dans les services

programme de cette première semaine peut se composer d’apports sur la connaissance du programme, sur les outils des premières phases, des éléments de communication, des postures et du savoir être. Une fois cette semaine réalisée, l’acteur de changement débutant est mis en apprentissage sur un chantier piloté par un acteur expérimenté. Ce cadre expérimenté coache et met l’apprenant en situation de « faire ». Ensuite, au cours du chantier, l’apprenant revient en formation théorique une journée avant chaque phase suivante de manière à faire un point sur la phase précédente, acquérir les outils et connaître les livrables de la phase suivante. Les apprenants se retrouvent quatre journées au cours des douze semaines du chantier et forment ainsi des liens. Dans l’exemple cité, l’entreprise organisera cinq universités soit cinq fois dix jours de formation pour les quarante acteurs de changement. Dans le contexte d’une entreprise qui découvre le lean management, la première université doit être réalisée par l’appui externe. Ensuite vous pouvez avoir le choix de toutes les faire réaliser par votre prestataire. Pour ma part, je conseille également d’internaliser ce savoir par une implication du chef de projet qui aura la mission de reproduire les séances en faisant venir en animation les acteurs des vagues précédentes. Plusieurs objectifs dans ce choix :

ffMontrer aux nouveaux qu’acquérir le savoir est possible au point de pouvoir l’enseigner. Un acteur de changement domine son sujet en moins de six mois, au point de devenir un bon pédagogue.

ffEnsuite, impliquer les acteurs de changement dans le dispositif de formation en demandant une quote-part de leur temps vouée à l’intérêt général est un facteur de motivation et de fierté.

ffEnfin, former demande d’être à l’aise sur le sujet que l’on explique. Cela constitue pour tous les intervenants une montée en compétence sur l’outil ou la séquence présentée. On peut craindre cependant une certaine lassitude dans la reproduction de ces formations. En fait, il n’en est rien. Pour avoir tenu ce rôle, j’ai adapté sans détourner de son objectif le contenu de la formation en prenant en compte les besoins des acteurs de changement qui ont évolué au cours du programme. Les standards du programme se sont affinés au cours du temps. Par exemple, la visite Gemba n’a été mise au point qu’un an après le lancement. Ensuite, aucune « promo » n’est identique ; chacune, forte de sa dizaine de participants, a ses caractéristiques et sa dynamique.

38 |

Le domaine RH

Enfin, cette nécessité de porter complètement ces universités en termes de logistique, mais aussi de contenu et de mode pédagogique est un moteur formidable. J’ai pu tester l’alternance de théorie et de mise en œuvre par des petits exercices. Profiter des cas apportés par les apprenants en situation m’a permis d’adapter les apports théoriques et pratiques à des cas réels et de rendre ces journées vivantes et à forte valeur. L’organisateur des formations a un challenge : le présentéisme. Si la première semaine de formation ne comporte pas d’absent, les journées suivantes sont susceptibles de connaître des désistements. Il est important d’indiquer le caractère obligatoire de cette formation. Vous devez instituer des pratiques de redoublement de journée pour les personnes qui sont en contrainte. Des problèmes personnels peuvent survenir et conduire à un empêchement. Il faut donc faire preuve de vigilance et d’autorité sans quoi l’université peut devenir une véritable auberge espagnole et la formation des acteurs insuffisante, avec les risques que cela peut présenter, y compris une transformation au rabais. Enfin n’oubliez pas de capitaliser le contenu de l’ensemble de ces universités tels les supports, les exercices, la pédagogie afin de constituer une mine de savoir, potentiellement exploitable pour de nouvelles formations. Nous reviendrons sur ce sujet à la fin de l’ouvrage. Les points clés concernant la formation des acteurs de changement –– Des promotions de dix personnes (sur la base de l’exemple) –– Une formation synchrone et rythmée en lien avec la conduite d’un chantier servant d’apprentissage –– Une alternance de formation théorique et de mise en pratique –– Une semaine de team building réservée à l’acculturation et la compréhension de la démarche

2.3 Mission et évaluation des acteurs de changement Bâtir une lettre de mission à partir d’une base théorique de la vision initiale du projet est indispensable pour convaincre les futurs acteurs de changement. Cette lettre de mission peut être structurée de façon très classique. Par exemple, en introduction, elle comportera le sens général du programme et le rôle attendu de la personne. Elle précisera les grands

| 39

Le lean management dans les services

objectifs de la mission. Elle indiquera la durée de la mission, les conditions de travail et la logistique associée. Le rattachement hiérarchique y sera précisé. Une fois les premières missions accomplies et dans le cadre d’un Rex vous adapterez cette lettre de mission sur la base de la réalité. Cette lettre de mission engage la hiérarchie sur ses devoirs vis-à-vis de l’acteur de changement, et permet de garantir une homogénéité de traitement (moyen logistique, déplacement). Un travail avec les RH est parfois nécessaire pour définir les conditions logistiques telles que le déplacement, le logement, le travail hors lieu habituel, la responsabilité en cas d’accident. Le formalisme de la mission rassure le postulant sur l’engagement moral de l’entreprise vis-à-vis d’un emploi encore inconnu, dans le cadre d’un projet encore incertain. Les grandes missions d’un acteur de changement peuvent être définies comme suit :

ffIdentifier avec les acteurs terrain toutes les sources de perte de valeur dans l’équipe.

ffFormer tous les acteurs à résoudre les problèmes identifiés par l'utilisation des méthodes lean, voire Six Sigma.

ffImplémenter à l’issue de la transformation les solutions adaptées aux résultats recherchés.

ffAnimer la transformation culturelle et comportementale de tous les acteurs du groupe « Entité opérationnelle » (cadres, contremaîtres et opérateurs).

ffS’assurer du suivi et de la pérennité des actions mises en œuvre et des résultats associés. En regard de ce nouveau métier, il faut définir la façon d’évaluer les acteurs de changement. Évaluer un acteur de changement est une mission particulière pour un manager habitué aux rythmes et à une méthode traditionnels. En règle générale, le manager réalise un entretien annuel sur la base d’un contrat avec le salarié comportant des résultats métiers annuels. De plus le manager connaît le métier. Dans ce type de projet, la dynamique du programme et le type même de mission rendent ce schéma inadapté. En effet, un acteur de changement réalise trois missions de trois mois chacune par an. Le manager qui reçoit l’acteur de changement rencontre la difficulté de la méconnaissance du métier. De plus, il ne voit pas au quotidien l’acteur de changement qui œuvre à distance sur son chantier. Pour autant, cette évaluation est primordiale pour valider sa réussite dans sa mission et permettre de concrétiser l’engagement initial d’un emploi managérial de bon niveau à l’issue de la

40 |

Le domaine RH

mission. C’est aussi l’occasion de détecter les difficultés «  métiers  », ou comportementales et d’y remédier par du coaching ou de la formation. C’est ainsi qu’il faut définir de nouvelles modalités. Je vous propose quelques principes à adapter dans le contexte de l’entreprise. L’entretien doit se faire trimestriellement sur la base du retour de chaque mission de trois mois. Il s’appuie sur une autoévaluation de l’acteur de changement selon quatre thèmes : les outils du lean, les compétences de base, les postures et le savoir être, la mobilisation à la conduite du changement. Ces rubriques sont détaillées afin que l’acteur de changement se positionne selon quatre degrés (connaît, pratique, maîtrise, améliore). L’entretien s’appuie également sur la vision client : le chef de projet en unité est invité d’une part à définir les orientations initiales qu’il veut donner au chantier et d’autre part à mesurer l’appui de l’acteur de changement sur ces sujets. Enfin le supérieur hiérarchique de l’acteur de changement évalue la partie visible du travail, c’est-à-dire la qualité de la production, le respect des délais, les niveaux de synthèse ou d’analyse du travail. Ces trois entrées donnent lieu à des échanges et à la formalisation de l’entretien. Le document support de l’entretien rappelle le contexte du chantier (degrés de complexité), fait ressortir les points de réussite, liste les points à améliorer, indique les objectifs d’amélioration et les moyens d’y parvenir (travail personnel, formation…). Dans le cas d’une entreprise peu habituée à ces rythmes d’évaluation, il est indispensable, outre le fait de définir les modalités, de contrôler le bon déroulement de ce processus assez inhabituel tant sur son mode que sur sa fréquence. La fourniture de quelques entretiens permet de mesurer la qualité du contenu. Échanger avec les acteurs de changement pour connaître leur avis sur l’entretien constitue un bon moyen de contrôle. Enfin, mettre dans les livrables des entités opérationnelles cet engagement de date permet d’assurer le respect de ce point. Cette exigence permet de respecter l’engagement du programme consistant à suivre et à aider les acteurs de changement dans la réussite de leur

| 41

Le lean management dans les services

mission mais aussi d’être capable de démontrer la réussite avérée (ou non) de leur mission.

Les points clés concernant la mission et l’évaluation des acteurs de changement pour assurer motivation reconnaissance et pilotage

–– Une lettre de mission –– Un entretien trimestriel à chaque fin de chantier –– Une approche croisée entre autoévaluation, vision client, avis hiérarchique

42 |

3 La communication 3.1 Vers les managers opérationnels Il s’agit certainement de la communication la plus délicate et la plus importante. Plusieurs raisons l’expliquent. Le programme va influer notablement sur leur rôle. Le programme demande que les managers, directeurs opérationnels et leurs adjoints s’impliquent opérationnellement dans le dispositif, et ce sans avoir participé à sa construction. Du point de vue des concepts du lean, un responsable d’unité s’apparente plus à un directeur d’usine qui s’assure de la réussite quotidienne de la production dont il a la responsabilité. On peut constater un décalage de cette vision avec la réalité. C’est le cas lorsqu’un responsable d’unité est en charge de la stratégie et des orientations de son unité, laissant le soin à ses collaborateurs de garantir la production opérationnelle. Le nouveau modèle va dans ce cas à l’encontre des missions et du positionnement de la hiérarchie en place. L’acteur de changement doit avoir un relais au sein de l’unité opérationnelle en charge d’accompagner le chantier, de prendre les décisions relatives aux orientations du chantier et d’acquérir la méthode afin de reproduire ce vecteur de transformation sur d’autres champs de son domaine. Il est indispensable, en parallèle de la formation des acteurs de changement, d’initier auprès des managers des temps d’information sous forme de réunions physiques et téléphoniques, afin de présenter la démarche et leur rôle attendu. Les réactions peuvent être variables. Vous trouverez des acteurs qui s’approprient la démarche et la porteront dans leur unité. Des acteurs plus passifs sur le champ de la transformation risquent d’attendre que le « train lean management » passe son chemin, considérant la

Le lean management dans les services

démarche comme la dernière mode. Des opposants expliqueront que leur mission étant tout autre, et que par manque de temps, ils ne pourront pas participer régulièrement au chantier. On peut rétorquer que l’amélioration de la performance de leur domaine relève de leur mission. Ces écarts et réaction sont un révélateur du mode de fonctionnement de l’entreprise. On peut comprendre que les managers étant accaparés par d’autres missions, leur activité se trouve être détournée de l’animation de la performance. L’organisation générale n’a peut-être pas assez travaillé sur leur rôle. Par la suite, cette population clé dans la réussite des chantiers doit être l’objet d’une grande attention dans le cadre du programme. Tout comme les acteurs du changement, ces managers doivent être accompagnés par un programme de formations certes plus légères mais systématiques. Le programme de ce séminaire sur deux journées, par exemple, reprend la présentation de la démarche, des principaux outils, et leur rôle dans la transformation et dans l’accompagnement de leurs équipes. Les points clés concernant la communication vers les managers d’unité –– Un nouveau rôle attendu –– Une posture d’implication opérationnelle –– Une intégration des savoirs

3.2 Vers les salariés La communication vers les salariés se fait dans le cadre du chantier, à la main de l’acteur de changement et de l’encadrement local. Cependant, le fait d’impliquer très rapidement les salariés en demandant leur avis et leur contribution à la construction de solutions, favorise la communication. Cette nouvelle posture peut dans un premier temps surprendre, puis dans un deuxième temps, à l’inverse, les rendre exigeants sur le fait d’avoir un point régulier avec leur hiérarchie. Beaucoup ressentent le programme comme une surveillance accrue de leur travail. Ils peuvent croire à un manque de confiance. Cependant, le programme peut dans certains cas « remettre les pendules à l’heure », et densifier l’activité avec une mise en tension de et par la hiérarchie pour compléter les journées. En effet, vérifier que, tous les jours, toutes les équipes ont un volume d’activité correspondant au temps travaillé, est exigeant. Une fois le sentiment de «  flicage  » disparu, les salariés constatent que leur hiérarchie directe s’intéresse davantage à leur

44 |

La communication

activité. On passe d’un « débrouille-toi » à un intérêt pour le travail quotidien du salarié et à une participation à la résolution de problème. Cette maturité n’est pas toujours acquise rapidement car elle dépend de la compréhension et de l’implication de l’encadrement de proximité. Le programme se nourrit des aléas professionnels et cherche, avec l’aide des salariés, à supprimer leur cause de façon à limiter leur apparition. Parfois les solutions sont un peu contraignantes : il faut tous les jours ranger son véhicule ou son bureau pour retrouver facilement ses outils. Cette rigueur va parfois l’encontre d’habitudes vues comme « naturelles » et peut être exploitée comme une intrusion dans le fonctionnement personnel. Vivre en communauté demande la formalisation de règles et le respect de celles-ci. Pour vérifier la qualité de communication vers les salariés, vous pouvez utiliser les enquêtes régulières vers le personnel en y intégrant quelques questions sur la connaissance du programme et sa perception. Les points clés concernant la communication vers les salariés –– À la main des managers –– Via l’implication dans le chantier –– En traitant leurs difficultés rencontrées

3.3 Vers les décideurs La communication du projet se trouve facilitée lorsque les décideurs participent à la construction du cadrage. Leurs orientations et décisions dans le cadre du projet sont naturellement prises en compte. De la même manière, le retour de l’expérimentation initiale dans laquelle les directeurs opérationnels sont impliqués, est largement facilité. Il n’est pas besoin d’expliquer les finalités du programme et l’on peut concentrer la présentation sur l’aspect technique du programme et proposer les réglages issus du Rex. Au cours de la durée du programme, il est probable qu’un certain nombre de responsables opérationnels sera renouvelé. Un travail d’explication est nécessaire pour les nouveaux entrants afin qu’ils accompagnent le déploiement du programme dans leur secteur. La proximité avec les acteurs du programme initiée lors de la construction du cadrage disparaît. Au cours de ces premiers changements, vous pouvez rédiger un premier résumé du programme à destination des nouveaux entrants et prendre rendez-vous pour un entretien de présentation.

| 45

Le lean management dans les services

L’association annuelle des nouveaux entrants à un séminaire d’une journée permet de rassembler les anciens et les nouveaux sur le sujet du programme et de les associer au réglage du programme. L’importance du programme peut conduire à contractualiser celui-ci dans les contrats opérationnels. Cet acte renforce la priorité donnée par l’entreprise à ce programme et fournit autant d’occasions de surveiller et d’évaluer l’action et les résultats par secteur. À titre d’exemple, j’ai le souvenir d’une direction opérationnelle qui a connu le changement a peu près simultané des acteurs clé du programme. Cette direction a marqué le pas concernant la dynamique de résultat liée à une compréhension moindre des leviers indirects du programme que les acteurs historiques avaient intégrés – on peut citer l’exigence à avoir sur les livrables d’un chantier, les postures de contrôles à mettre en œuvre dans les chantiers. Le point trimestriel de suivi et d’analyse des résultats met en lumière ce ralentissement. Cette surveillance permet de détecter ces variations de dynamique et prendre les mesures de relance qui s’imposent. La communication régulière réalisée dans le cadre du reporting hebdomadaire vers le commanditaire principal est un vecteur fort de communication. Le fait de distiller une information régulière permet au commanditaire de suivre plus facilement le programme et son évolution. Les décisions sont prises en connaissance de causes et apparaissent naturellement.

Les points clés concernant la communication vers les commanditaires et décideurs –– Par la participation au cadrage –– Par l’intégration de leurs remarques pour régler le programme –– Par l’implication dans le retour hebdomadaire du programme –– Par l’intégration dans la contractualisation

3.4 La concertation sociale À l’occasion du lancement du programme, il faut prévoir un lot « concertation sociale » afin d’informer les partenaires sociaux de la démarche qui va être lancée. Si on se place du côté des équipes opérationnelles, le programme n’appelle aucune modification structurelle. La démarche va rechercher

46 |

La communication

la résolution des petites difficultés récurrentes, renforcer la relation entre encadrement et salariés au travers des standards managériaux, améliorer les conditions de travail en piégeant les dysfonctionnements courants qui polluent l’activité. La démarche promeut la relation humaine et l’implication des salariés dans la recherche de solutions dans leurs activités. L’organisation du travail plus rationnelle peut apparaître contraignante. Elle se veut facteur d’efficacité par l’introduction de temps de gamme par activité, permettant ainsi de calibrer correctement chaque journée de travail. Le juste volume d’activité sera affecté à chaque salarié. Ni trop ni pas assez. On disposera ainsi d’une mesure du volume activité. Si on se place du côté de l’encadrement, la démarche peut conduire, selon les cas, à une évolution des pratiques managériales. Le déploiement des standards managériaux et le développement des compétences associées peuvent être accompagnés de formations spécifiques. Cela implique un regard sur l’adaptation du plan de formation. Si on se place du côté des acteurs de changement, les conditions de vie professionnelles et personnelles sont certainement différentes des conditions précédentes. Il est nécessaire que le futur acteur de changement s’engage dans la démarche en ayant intégré ces attendus. De plus, il aura à acquérir de nouvelles connaissances. En contrepartie de ces efforts et de la réussite de la mission, l’entreprise doit reconnaître et valoriser cet engagement. Ce peut être une rémunération adaptée, des conditions logistiques attractives, une progression de carrière accélérée. Aussi claire et précise que soit la démarche, il est nécessaire de l’expliquer et de présenter des points d’avancement aux étapes clé.

ffle lancement ; ffle retour d’expérience des premiers chantiers et le réglage du programme pour une généralisation ;

ffdes points d’avancement annuels ; ffune présentation/bilan de la fin du programme. Les points clés concernant la concertation sociale –– L’absence de changement organisationnel structurant –– Un regard par rapport aux trois familles d’acteurs impliqués dans la démarche : les salariés, les managers, les acteurs de changement –– Une information régulière

| 47

4 L’économie du programme Les dépenses prévisionnelles du programme sont à chiffrer et sous-tendent la validation de l’engagement de l’entreprise dans ce programme. En positif, les résultats bruts du programme, en négatif les coûts du programme. Pour présenter ces éléments sous forme de VAN (valeur actualisée nette), il faut définir et calculer l’ensemble des éléments permettant de le faire.

4.1 La prévision des dépenses du programme Voyons dans un premier temps les dépenses du programme qui sont de trois ordres :

ffles dépenses d’achats de prestation relatives à l’accompagnement du programme ;

ffles dépenses de main-d’œuvre relatives aux acteurs de changements dédiés au programme et aux pilotes dédiés à chaque niveau de l’organisation ;

ffles dépenses de logistique liées aux frais de déplacement, d’hébergement et de restauration des acteurs de changement. En effet les acteurs de changement œuvrent douze semaines sur trois trimestres et sur deux ans sur des zones géographiques potentiellement éloignées de leur domicile. Voici les hypothèses prévalant aux calculs initiaux à partir de notre exemple.

Le lean management dans les services

En ce qui concerne les acteurs de changement, leur nombre est calculé en ligne avec la montée en puissance du programme d’une part et d’autre part l’anticipation de formation de chacune des vagues sur la période précédente.

Nombre d’acteurs de changement

Figure 4.1 Visualisation du nombre d’acteurs de changement à mobiliser pour transformer une organisation de 10 000 personnes Un acteur de changement actif en Vx, devait arriver sur le programme en Vx - 1 pour être formé. Sur la base de notre exemple, il faut prévoir au plus haut du programme quarante acteurs de changement qui arrivent progressivement par palier de dix à chaque trimestre. Le salaire « chargé » à prendre en compte peut être estimé sur la base moyenne d’un cadre d’une dizaine d’années d’expérience. Dans le poste ressources humaines, il faut ajouter pour notre exemple les dix pilotes d’entités responsables et en complément le chef de projet national. En ce qui concerne les déplacements, l’hébergement des acteurs de changement, les hypothèses que l’on peut prendre sont un A/R hebdomadaire en train entre le lieu du site et le domicile, un hébergement de quatre jours/ semaine. Le dimensionnement de l’aide externe initiale du programme dépend fortement des besoins de l’entreprise et de la durée du programme. On peut estimer dans l’exemple donné qu’il se compose de cinq consultants œuvrant sur les cinq chantiers test et d’un pilote national en charge de soutenir et d’orienter les consultants sur le terrain. Par ailleurs, ce niveau national définit les livrables, forme les acteurs de changement, structure le pilotage national.

50 |

L’économie du programme

On peut considérer qu’au bout de six mois, l’entreprise a acquis l’autonomie nécessaire pour reprendre pleinement le pilotage, l’adaptation des livrables et des outils du chantier, l’animation des acteurs de changement ainsi que la formation. Les points clés concernant la prévision des dépenses du programme –– Les dépenses d’achat de prestation –– Les dépenses de main-d’œuvre des acteurs de changement et de l’équipe projet –– Des dépenses de logistique de déplacement et d’hébergement

4.1.1 La prévision des potentiels de résultats bruts du programme Pour évaluer les potentiels de résultats bruts, il faut reprendre le périmètre financier accessible par le programme. Nous allons utiliser le même exemple pour illustrer le calcul. Il nous faut la progression du programme en matière de mailles élémentaires concernées. Ces éléments sont repris de la partie cadrage. Tableau 4.1 Nombre de mailles élémentaires de l’organisation à transformer par période et cumul sur une organisation de 10 000 salariés V0

V1

V2

V3

V4

V5

V6

V7

V8

V9

Nb de chantiers par période

5

15

25

35

40

40

30

20

10



Cumul

5

20

45

80

120

160

190

210

220

220

Ensuite, on divisera le périmètre financier général par le nombre de mailles afin de trouver la valeur moyenne des charges d’exploitation d’une maille élémentaire. Sur la base d’un potentiel de marge de manœuvre défini précédemment, on considère que les résultats bruts accessibles sont égaux à la moitié de cette valeur et qu’ils émergent au bout de huit mois pour la moitié d’entre eux et de douze mois pour l’autre moitié. Alors on pourra calculer la courbe des résultats du programme.

| 51

Le lean management dans les services

Figure 4.2 Visualisation de la performance brute dégagée par période en lien avec le déploiement de la démarche Si la démarche réussit pleinement et se développe dans chaque unité de façon autonome alors les résultats sur les marges de manœuvre et sur la performance se poursuivront au-delà de la temporalité théorique. Ces résultats supplémentaires ne sont pas comptés dans la valorisation théorique. La montée en puissance des chantiers permet de construire la courbe des résultats du projet qui prend la forme d’une courbe en S.

Figure 4.3 Visualisation de la performance brute cumulée sur la période Cette modélisation nous permet d’afficher les résultats attendus tout au long du programme et sur les trois périodes qui suivent le programme. Le rapprochement des flux de résultats et de dépenses par période permet de faire ressortir les flux nets du programme et de calculer quelques ratios caractérisant les investissements :

52 |

L’économie du programme

Coût par période Performance brute par période

Figure 4.4 Rapport coûts du programme (comptés en négatif)/performance brute (comptée en positif)

♦ À partir de cet exemple Le payback non actualisé du programme est obtenu en V3 soit un an et demi après le démarrage du programme. Ces données permettent de calculer la VAN du programme ainsi qu’un TRI. Les valeurs trouvées sont largement au-delà des valeurs repères des investissements traditionnels.

Les points clés concernant la prévision des résultats du programme

–– La définition de la maille élémentaire de calcul –– Le potentiel à cette maille –– Le potentiel accessible sous six mois –– La combinaison du déploiement sur les mailles élémentaires –– Des ratios d’investissement particulièrement intéressants

| 53

5 La préparation du programme

5.1 La mise œuvre et le pilotage de premiers chantiers tests Tel un architecte, vous aurez à l’issue de la phase de cadrage établi « les plans » d’un chantier avec son dimensionnement, ses livrables, son phasage. La réalisation de test grandeur nature va concrétiser la faisabilité de la conception et démontrer le potentiel de la démarche. Si le principe de chantier est simple, encore faut-il trouver des entités opérationnelles volontaires représentatives de la démarche. Quels critères prendre ? Les chantiers doivent être représentatifs des grands métiers de l’activité de l’entreprise. Il est préférable de choisir plutôt des entités opérationnelles où la performance du métier est de bon niveau. En effet, obtenir des résultats sur des entités opérationnelles en difficulté n’est pas probant. Les détracteurs vont argumenter qu’il suffit d’un management de qualité pour délivrer des résultats. Par contre, un niveau de performance déjà élevé va permettre de démontrer qu’on peut obtenir des résultats supérieurs. Enfin, le management d’une équipe performante est certainement facilitateur pour accompagner la démarche.

Le lean management dans les services

La conduite de ces chantiers doit être assurée par des professionnels. Soit ces ressources existent dans l’entreprise, soit – et nous l’avons vu – il faut faire appel à des «  sachant  » externes afin de réussir ces premiers chantiers. Un échec condamnerait à coup sûr le programme. C’est au cours de ces premiers chantiers que va s’initier la formation des premiers acteurs de changement. Le passage de la théorie à la pratique. C’est au cours des premiers chantiers que doivent s’établir les livrables de chaque phase et le croisement avec les délais d’obtention. En capitalisant les éléments réalisés lors de chaque phase, vous allez en quelque sorte écrire la recette du chantier.

♦ La découverte de nouveaux rythmes Le rythme de l’acteur du changement Sur cinq jours, l’acteur de changement consacre une journée au déplacement, quatre jours à son activité, dont trois sur le terrain avec les équipes, ½ journée de production personnelle et de préparation de la semaine, ½ journée de synthèse pour faire le point avec son responsable, partager entre pairs, prendre les consignes pour la semaine suivante. Ce rythme est soutenu. Le rythme du reporting Pour une durée de douze semaines avec une activité à enjeu, il est nécessaire d’organiser un échange a minima à la semaine et parfois à la journée pour des phases clés. C’est en fait un principe de management lean : celui de faire un point bref mais professionnel des actions réalisées, afin d’apporter aide mais aussi réglage du dispositif. Il faut profiter de ces premiers chantiers pour installer l’un des standards : le point hebdo associé à la boucle courte. Le calendrier est le suivant : les acteurs de changement remontent le point d’avancement des chantiers le jour J avant 18 heures, le chef de projet à J + 1 réalise le matin, sur la base de la remontée, un point en conférence téléphonique avec les acteurs de changements. Il consolide les éléments remontés pour en tirer une synthèse à laquelle s’ajoutent les actions du niveau projet. Cette synthèse devient la base de la remontée à J + 1 en fin de journée. Ce point sert de base aux échanges entre le projet et le commanditaire. Il est primordial de réserver un créneau d’une demi-heure chaque semaine avec le commanditaire et le pilote stratégique.

56 |

La préparation du programme

Ce rythme est à maintenir tout au long de la durée du programme et deviendra, si la démarche est complètement intégrée, un nouveau mode de fonctionnement de l’entreprise.

Les points clés concernant le principe de chantiers test Les critères de choix des tests –– Pour s’approprier la méthode –– Pour démonter la faisabilité –– Pour régler et trouver le bon rythme

5.2 Le contenu de chaque vague Il y a lieu d’appliquer les concepts du lean à la série de chantiers qui constituent une vague. En conséquence, chaque vague doit faire l’objet d’une planification puis d’une préparation. Un calendrier type définit les douze à quatorze semaines de chantier en incluant une à deux semaines supplémentaires pour tenir compte des congés. Les douze semaines sont systématiquement cadencées de la même manière. Une semaine pour la phase « définir », une semaine pour la phase « mesurer », deux semaines pour la phase « analyser », six semaines pour la phase « implémenter » et deux semaines pour la phase « contrôler ». À chaque trimestre, il y a lieu de planifier le calendrier du reporting, et de convenir d’un séminaire avec les acteurs des entités responsables, de manière à les associer au déploiement du programme, puis de partager les résultats obtenus et convenir des ajustements éventuels. Les dates de formation des acteurs de changement doivent être synchrones avec le déroulement du trimestre et le phasage du chantier. À chaque semaine correspondent des livrables spécifiques aux chantiers et pour chaque mois des livrables des entités responsables. C’est sur la base de ces livrables que s’appuie le pilotage du programme. Les points qui requièrent une surveillance ou un accompagnement sont :

ffle choix des chantiers par les entités responsables afin de garantir un bon avancement du programme et une bonne répartition de toutes les natures de chantier ;

| 57

Le lean management dans les services

ffle bon établissement de chartes chantier dans les délais, validées par toutes les parties prenantes (directeur) et présentant une ambition de résultat significative ;

ffla validation de la feuille de route signée par les parties prenantes, le responsable d’entité locale et le directeur avec un regard plus ou moins fort du niveau N + 1, le tout dans des délais raisonnables (un mois au plus) ;

ffl’évaluation des acteurs de changement sur la base d’une autoévaluation, d’un retour du responsable d’entité opérationnelle et d’un avis du pilote opérationnel qui manage l’équipe des acteurs de changement. Ces entretiens trimestriels garantissent le fait que l’on puisse confirmer la qualité de la mission menée par l’acteur de changement et ainsi valider la réussite de sa mission à l’issue des six missions accomplies ;

ffla capitalisation des bonnes pratiques sous une forme convenue et identique à tous les chantiers de manière à favoriser le partage de ces bonnes pratiques sur d’autres chantiers et une utilisation par les métiers. Les points clés concernant le standard d’une vague –– La déclinaison du DMAIC et des livrables associés à chaque phase –– La formation synchronisée des acteurs de changement –– Des livrables au niveau des entités responsables

5.3 Une politique et une posture de communication Bâtir la politique de communication au démarrage du programme constitue un avantage indéniable pour la suite. Car une fois le programme lancé, le temps manque pour la réflexion. Typiquement, l’exercice consacré à élaborer la communication d’un programme est un temps que l’on remet facilement au lendemain. De ce fait, la pertinence de la communication s’en ressent par manque de fil conducteur. Pour élaborer ce fil conducteur, posons-nous les questions clés : Que voulez-vous obtenir à l’issue des expérimentations de la V0 ? À l’intérieur de l’entreprise : faire connaître le programme lean management au plus grand nombre, ses enjeux, ses objectifs, ses actions clés, susciter l’adhésion de tous les collaborateurs.

58 |

La préparation du programme

À l’extérieur de l’entreprise : faire connaître l’engagement de l’entreprise dans la recherche de performance et impliquer les parties prenantes directes (sous-traitants…). En conséquence, le plan de communication peut rappeler les objectifs du programme et en expliquer les finalités et le déploiement aux acteurs qui portent l’action (managers, membres de la direction, pilotes de processus), puis à l’ensemble des salariés. En rythme de croisière, il est nécessaire de prévoir une communication adaptée pour jalonner, encourager les équipes, marquer la réussite de chaque transformation. En phase de conclusion, il est conseillé de faire une communication dédiée (Rex, coups de chapeau…). Les partis pris de la communication peuvent être de communiquer par la preuve et le témoignage afin de limiter l’approche théorique, et de valoriser les actions locales et leurs auteurs. Il faut tenir compte des spécificités des entités opérationnelles qui ont leurs propres vecteurs de communication. Aussi ce cadre de cohérence du projet national doit être repris par les plans de communication des entités opérationnelles. Chaque entité établit un plan de déploiement des chantiers de transformation au sein de son organisation et le plan de communication associé. Une communication spécifique pour chaque chantier est organisée à destination des managers puis des salariés des équipes concernées. On peut réfléchir au ton de la communication, par exemple 1. Parler « simplification » et « faciliter la vie ». 2. Avoir un ton proche, chaleureux, humain. 3. Utiliser un vocabulaire accessible. 4. Privilégier une approche informative et pédagogique. Cette politique de communication permet d’avoir un référentiel et un guide des actions de communication. Certaines actions prévues vont se concrétiser. D’autres non prévues vont émerger et coïncider avec les objectifs de communication. À l’inverse, le fait d’avoir prévu et inscrit telle action de communication invite le projet à les réaliser. Ce fil conducteur structuré par un communiquant challenge inévitablement le projet. Sans cet exercice, il est probable que nombre d’actions ne verront pas le jour. Au cours de mes visites, j’ai vu des communications de qualité, comme par exemple la réalisation d’un film témoignage.

| 59

Le lean management dans les services

Les points clés concernant la politique de communication –– Un travail réfléchi qui structure l’action et permet de saisir les opportunités –– Assure une cohérence d’outils et de message clé –– Instaure une posture de communication, une tonalité

5.4 Le pilotage associé Il sera nécessaire de revoir et d’adapter les modalités de reporting à la fin de la période test, au moment de la forte montée en puissance du programme. Piloter des chantiers se réalise en direct. Piloter correctement un grand nombre de chantiers est irréaliste. En effet, le pilotage direct des chantiers par le niveau central du projet n’est plus possible de par le nombre de chantiers mais aussi de par la volonté de s’appuyer plus largement sur un niveau intermédiaire. Ce passage de relais doit se faire en biseau après avoir formé, informé et accompagné l’entité responsable sur son rôle vis-àvis du programme. Fort de ce passage de relais, le pilotage peut se structurer sur trois niveaux (chantier, entité responsable, national) chaque niveau faisant la synthèse des niveaux précédents et la complétant de son activité propre. Par exemple, les reporting hebdomadaires s’organisent à partir de ceux des chantiers, du jeudi soir, à l’entité responsable, le vendredi soir, au national le lundi soir. Les supports sont structurés pour alimenter le niveau supérieur en limitant au maximum le retravail et la ressaisie. Je rappelle ici l’intérêt d’avoir établi des livrables par phase tant au niveau local qu’au niveau de l’entité responsable. Ces éléments permettent d’avoir une référence commune de mesure d’avancement des chantiers et des entités. Pour faciliter la lecture et réaliser un management visuel simple, un code couleur peut être associé au niveau d’avancement. Lorsqu’un livrable présente un retard d’une période, le chantier ou l’entité reste « vert ». Si deux périodes de retard sont constatées, le chantier ou l’entité passe à l’orange : le retard est rattrapable et les conditions de rattrapage doivent être indiquées dans le reporting et suivies. Si plus de deux périodes de retard

60 |

La préparation du programme

sont constatées, le chantier ou l’entité passe au rouge ; il est probable que le chantier ou l’entité procède à des arbitrages sur les livrables pour maintenir le rythme. Ces éléments homogènes permettent un affichage visuel de l’avancement de la vague et des chantiers. Il vous sera ainsi possible de renseigner sous cinq minutes le commanditaire concernant telle entité ou chantier. Les points clés concernant le pilotage associé –– Le rôle des entités opérationnelles et responsables. –– Le pilotage imbriqué entre chantier, entité opérationnelle et projet national –– Un affichage visuel du reporting

5.5 La construction d’une base de pilotage Fort de la mise en œuvre du programme, la nécessité d’un espace collaboratif entre les acteurs, contributeurs et managers apparaît très vite. Il s’agit de capitaliser les savoirs et les contenus du programme, de conserver les communications institutionnelles réalisées, de faciliter les reporting, de gérer les points de pilotage et décisions associées, de capitaliser les productions et les livrables des chantiers, de mettre à disposition tous les outils du programme. Chaque entreprise possède son propre espace collaboratif. Par expérience, il est utile de prendre un référentiel existant car une double nouveauté peut dérouter acteurs et manager du programme. Le nombre d’accès et la taille de la base sont certainement des contraintes à gérer à pleine maturité du programme. Sur le plan des accès et en lien avec nos hypothèses d’organisation d’entreprise, on peut estimer que les utilisateurs par ordre de nombre de connexions sont : les acteurs de changement, les membres liés au pilotage du projet, les managers opérationnels et leurs collaborateurs, l’encadrement de proximité et les fonctions métiers et d’appui. Cette multiplicité conduit également à différencier les accès et les droits de la base de façon à introduire sans trop de risque, des documents à caractère plus confidentiel. La structure de la base devra évoluer en lien avec la maturité du programme. Prévoir son évolution voire la segmentation de celle-ci afin de limiter la taille. La segmentation peut se faire sous l’angle géographique

| 61

Le lean management dans les services

ou sous l’angle métier. La segmentation par métiers favorise les échanges entre organisations. On peut par exemple dédier une base générale au pilotage et à la méthode et autant de bases que de grands métiers. Ces bases métiers recevant les livrables de chaque chantier. Afin de favoriser les échanges, il est souhaitable d’organiser chaque espace chantier de la même manière par exemple en cinq parties identiques selon le DMAIC. La rigueur demandée à tous les acteurs permet cet échange de livrables et de pratiques. Par expérience, il est respecté dès lors qu’il est compris. Le plan de classement pour la base centrale est à réfléchir avec un panel d’utilisateurs. Si l’ensemble des utilisateurs réguliers s’approprie la logique du plan de classement, il n’en va pas de même pour les visiteurs plus occasionnels. Certains documents peuvent se retrouver à deux endroits différents. Par sécurité de mise à jour, il faut les classer à un seul endroit et procéder à des renvois par lien informatique. Si vos bases permettent de rechercher par mots clés, alors la rigueur du plan de classement peut être moins grande. Mais à l’inverse si les recherches par mot-clé sont inopérantes, alors cela exige une structure rigoureuse.

Les points clés concernant une base informatique de partage –– Une structure pour le pilotage et le savoir –– Une structure par métier pour capitaliser les productions de chaque chantier et permettre le partage

62 |

6 La méthode et les outils de conduite d’un chantier 6.1 La méthode DMAIC en douze semaines La méthode de transformation se structure en cinq étapes dont on reprend la première lettre pour en faire l’acronyme DMAIC. Cette logique est assez universelle pour toute démarche d’amélioration par le lean. J’en rappelle ici les grandes lignes ainsi que les livrables associés. Le D signifie définir : il s’agit de caler le périmètre du projet, le champ de l’étude, les améliorations voulues ou diagnostiquées, de mobiliser les parties prenantes, de fixer les grandes étapes du chantier. Cette phase est très courte et se réalise en une semaine, à la fois pour signaler le changement de rythme par rapport aux habitudes mais aussi pour ne pas se noyer dans des précisions superflues. Le M signifie mesurer : fort du premier diagnostic, de la première impression, des premières volontés des acteurs, le but est de mesurer la réalité afin de vérifier que le chantier s’oriente sur le traitement des vrais enjeux et non du dernier problème rencontré. Cette phase est également courte (une semaine) pour éviter de se perdre dans des détails inutiles. Il est possible de décaler la phase mesure d’une semaine et de la superposer à la phase analyse pour vérifier la pertinence des sous-items. À l’issue de cette phase, les acteurs du chantier établissent une charte qui pose les enjeux, les orientations du chantier, l’ambition recherchée, les sollicitations des acteurs.

Le lean management dans les services

Les troisième et quatrième semaines sont consacrées à la phase A comme analyser avec les acteurs de l’activité. Au cours de cette phase, on va aller chercher les causes profondes d’écarts et proposer les leviers permettant de les éradiquer. Un travail de priorisation s’impose pour ne retenir que les leviers principaux. La phase I comme implémenter va durer six semaines afin de mettre en œuvre, avec les acteurs, les leviers retenus, de tester leur pertinence et de vérifier les résultats obtenus sur le périmètre testé avant une plus grande généralisation (sur un autre site par exemple). C’est pendant cette phase que le chantier installe les standards managériaux de manière à faire vivre et développer la performance. Les quatre standards sont, le brief/ débrief, le management visuel, la boucle courte/le point hebdo, la mesure de l’efficience. Enfin la phase C comme contrôler est le moment « bilan » du chantier où l’acteur de changement remet au management les éléments qui lui permettent d’être autonome pour développer la démarche. Une feuille de route est établie pour capitaliser les actions engagées, étudiées, prévues, avec un calendrier à la clé. L’ambition initiale sera précisée, les natures de résultats connues donneront lieu à des utilisations telles que tenue budgétaire, ou réallocation. La durée du chantier de douze semaines paraît longue et courte à la fois, selon l’angle où l’on se place. Cette durée est généralement questionnée au début du programme. Beaucoup trouvent la cadence impossible. Cependant, à l’usage, cette dynamique est tenue. Tout comme dans une gestion de projet, il est nécessaire d’afficher les paramètres de réglage (ressources, contenu, délais). Si le délai est un incontournable, alors les deux autres paramètres peuvent évoluer. En fin de programme, cette difficulté disparaît et est intégrée comme un invariant. Le délai fixé combiné à l’obtention de livrables normés est un facteur de cohérence et de succès dans le programme. Les points clés concernant le DMAIC en douze semaines –– Chaque phase est réalisée selon un délai donné et obligé –– Les durées de chaque phase ont un sens ; en particulier 50 % du temps est consacré à la mise en œuvre des actions –– Chaque phase est associée à des livrables

64 |

La méthode et les outils de conduite d’un chantier

6.2 La charte et la feuille de route La charte est un document normé établi dans les quinze premiers jours du chantier. La charte comprend :

ffune page de garde ; ffles objectifs du chantier ; ffle contexte dans lequel se situe l’entité ; ffla description macro des processus concernés ; ffle périmètre concerné par le chantier (activité, site…) ; ffles points forts, les signes de non-performance ; ffles enjeux à investir et les paris de performance avec le niveau d’ambition attendu ;

ffles principes de réallocation des résultats ; ffla planification du travail et la composition du groupe de travail ; ffla montée en puissance des standards managériaux ; ff… et éventuellement des annexes précisant ces éléments. Ce document suit une progression logique qui sert à la démonstration de l’intérêt du chantier. La charte est préparée par l’acteur de changement avec l’équipe projet locale. Elle est signée du directeur opérationnel afin de l’impliquer dès l’ouverture du chantier. Le niveau d’ambition est challengé afin de vérifier que l’acteur de changement et l’entité vont sur les véritables enjeux. En deçà d’un certain niveau d’ambition, il n’y a pas lieu de dépenser une forte énergie. Il n’y a pas besoin d’acteur de changement pour progresser de quelques pour cent. La charte permet un alignement des acteurs du projet sur une vision claire du chantier et de ses objectifs, des ressources à solliciter. Dans le même esprit, la feuille de route est le document normé qui conclut le chantier et qui donne la marche à suivre pour le management qui poursuivra la démarche seul. Les feuilles de route sont normées dans leur forme. Cela permet une lecture simple et partagée entre tous les acteurs et managers concernés. Cet élément est capitalisé dans l’une des bases métiers. Ce document est structuré de la façon suivante :

ffune page de garde ; ffun engagement solennel ;

| 65

Le lean management dans les services

ffle plan détaillé des actions engagées ou simplement identifiées (liste/ date/site/pilote et niveau d’enjeu et d’accessibilité) ;

ffla mise en perspective des leviers sur les sites dans les prochains mois ; ffles indicateurs de suivi ; ffla trajectoire d’obtention et de réallocation des résultats ; ffles modalités de mise en œuvre ; ff… et des annexes. Ce document confirme l’engagement du responsable local, envers son directeur, à poursuivre l’action. C’est une manière d’impliquer les deux parties, le manager à poursuivre, le directeur à faire le point et à encourager. Le niveau supérieur se positionne en arbitre et en challenger de résultats. La feuille de route est aussi le moyen pour l’acteur de changement et le chef de projet de faire un état des lieux du niveau d’avancement et de maturité du chantier au bout de douze semaines. La feuille de route a une durée maximum de dix-huit mois. Elle s’actualise ou s’intègre dans le contrat annuel de l’entité dans lequel sont déclinés les plans d’actions/objectifs. Dans ce cas, la part des actions du chantier constitue le volet performance du contrat de l’entité. Il y aura lieu de dissocier les objectifs du contrat, des leviers de performance à mettre en œuvre en lien avec la poursuite de la démarche.

Les points clés concernant la charte et la feuille de route –– La charte structure le déroulement du chantier et formalise les orientations du chantier –– La feuille de route sert à formaliser le bilan du chantier et trace la suite de l’action –– Feuille de route et charte suivent une trame logique et normée

6.3 Les concepts et outils déployés À chaque phase de la démarche correspond un certain nombre d’outils, certains sont issus du lean d’autres, plus classiques, sont ceux de la résolution de problèmes. Rappelons tout d’abord les notions et les concepts intégrés dans un tel programme.

66 |

La méthode et les outils de conduite d’un chantier

 Les sept piliers du lean 1. Bien comprendre et cerner la valeur ajoutée apportée aux clients : la valeur ajoutée est définie à travers les yeux du client. 2. Identifier puis éliminer tous les gaspillages. 3. Partir d’une observation détaillée de la réalité du terrain. 4. Accroître la capacité et la réactivité du système de production aux sollicitations des clients : déclencher le flux de valeur à la demande client. 5. S’attacher à organiser les lieux de travail pour les rendre visuels et fonctionnels. 6. Améliorer en continu sans viser la perfection immédiate5. 7. Impliquer et responsabiliser les employés dans la conduite des améliorations. La valeur ajoutée est une notion mal identifiée avant le démarrage du programme de lean management. Elle apparaît lorsque l’on observe la journée des salariés, et de l’encadrement. Et lorsque l’on constate une faible valeur ajoutée il faut expliquer, alors même que la journée est dense, que celle-ci n’est pas forcément à forte valeur ajoutée. Il faut à ce moment-là introduire les notions de gaspillage qui pour les opérateurs n’apparaissent pas directement en tant que telles. Courir pour aller chercher ses clefs oubliées est un travail épuisant qui de surcroît n’apporte rien. On va donc progressivement tenter de mieux préparer son travail pour limiter de tels efforts improductifs. Ce cas illustratif, mais trivial, résume parfaitement l’esprit de la méthode. Par ailleurs, entre la valeur ajoutée « pure » et la non-valeur ajoutée, on peut définir la valeur ajoutée entreprise. Il s’agit du temps de préparation, de formation, de déplacement nécessaire aux salariés pour réussir son activité à valeur ajoutée. L’objectif est de rendre raisonnable ce temps par rapport au temps à valeur ajoutée mais pas de le supprimer. On peut illustrer le paradoxe organisationnel par le cas suivant : une entreprise a choisi de spécialiser ses commerciaux sur une segmentation client plus fine. En conséquence, pour nourrir leur portefeuille, elle a élargi le territoire de chalandise pour chacun d’entre eux. L’analyse de leur activité à travers ce prisme a permis de constater que cette entreprise payait ses commerciaux à faire six heures de route quotidienne pour deux heures de contact clients au mieux ! Soit deux clients vus par jour. Un retour arrière 5 Ce pilier a été légèrement adapté. Sa formulation initiale est « améliorer en continu en visant la perfection ».

| 67

Le lean management dans les services

s’est donc imposé pour diminuer les temps de déplacements au profit des temps clients à valeur ajoutée. Pour certaines activités, on peut élargir la notion de valeur ajoutée « client » en y intégrant la valeur ajoutée « patrimoniale ». Cette valeur n’est pas perçue par le client, cependant elle a de la valeur pour l’entreprise. Par exemple, toutes les productions internes réalisées par l’entreprise entrent dans cette catégorie.

 Le SIPOC, la VSM, la cartographie détaillée Ces trois outils sont utilisés pour sérier le périmètre et les problèmes rencontrés. L’outil le plus global et synthétique est le SIPOC, pour supplier (fournisseur), input (entrée), process (processus), output (sortie), customer (client). Cet outil se pratique idéalement avec un groupe de salariés. Il permet de définir le périmètre de leur activité, les grandes étapes du process, les données d’entrées et leur exigence, les données produites et l’exigence attendue des clients du process. Cet exercice fait apparaître les différences de vision entre les participants sur leurs activités. Il met éventuellement en relief les écarts entre les exigences supposées et attendues des clients. La VSM ou value stream mapping (cartographie de la chaîne de la valeur) : une fois ce premier exercice réalisé, on matérialise la gestion des flux de l’activité. En reprenant chaque grande étape du process, on visualise alors les volumes d’entrée, de sortie, les stocks intermédiaires. Chaque phase est complétée par un petit tableau de mesure : le temps de traitement, (par exemple quinze minutes pour éditer et renseigner la lettre type), le temps du cycle (par exemple la journée, car la relève courrier a lieu tous les soirs), le taux de disponibilité (par exemple 25 %, deux heures sur huit pour un salarié qui a d’autres activités), le taux de rebut (par exemple la non-qualité matérialisée par les non-validations du courrier par le niveau supérieur, ou les courriers qui reviennent suite à l’indication d’une mauvaise adresse), le nombre de salariés ou de ressources pour traiter une activité élémentaire (par exemple trois déménageurs pour le déménagement d’un seul bureau). Ces tableaux de mesures font alors apparaître différents éléments : la disponibilité des ressources face au volume/stock à traiter, les délais de traitement et de cycle, la non-qualité, et dans ce cas on recherchera les causes pour essayer de sérier les difficultés. Cet outil met en évidence les premiers dysfonctionnements ou contraintes et leur localisation dans la

68 |

La méthode et les outils de conduite d’un chantier

chaîne du process. Ces écarts sont accompagnés d’une première mesure permettant de constater l’importance de la difficulté. Outre le diagnostic précis, la VSM permet également de piloter l’activité au quotidien. Certains groupes s’approchent naturellement des concepts de pilotage sous-jacents à la VSM. En effet, on peut utiliser les retours et mesures quotidiennes pour piloter l’activité, affecter les ressources, gérer les stocks, optimiser au mieux les flux. C’est aussi un outil qui permet de lancer les premières mesures fines avec les opérateurs et initier le débrief et le brief du lendemain accompagnés des consignes collectives ou individuelles. Cet outil est prometteur dans le pilotage de l’activité et trouve sa place dans un système de management de la qualité. C’est un moyen de faire un lien entre deux démarches. En dernier lieu, si l’on souhaite examiner le détail d’une activité, on utilisera la cartographie détaillée pour décrire dans le menu, tel un pas à pas, l’enchaînement des tâches d’une activité. Ce détail devient utile quand les modes opératoires divergent et que des difficultés de qualité significatives se produisent dans cette phase. La VOB (voice of the business) la VOC (voice of the customer) sont des outils qui questionnent la voix du client et la voix du business. La VOC permet de s’assurer que l’on connaît son ou ses clients et les exigences associées. Le service ou le produit payant sera en lien avec l’attente. On distingue des attentes implicites et des attentes explicites. La VOB permet de s’assurer que les exigences de l’entreprise sont clairement définies. Tout comme dans un projet, on dispose de trois angles de questionnement : le contenu, le coût et le délai. Le croisement de ces deux outils associés aux caractéristiques de la production de services conduit à formaliser la maison de la qualité. Celle-ci fait apparaître les incohérences ou les convergences entre client, business et production.

 Le 5M, l’AMDEC, les facteurs influents Le 5M consiste à analyser une difficulté sous l’angle de cinq thèmes (Méthode, Main-d’œuvre, Matériels, Matières, Milieu) ce qui permet d’être plutôt exhaustif pour trouver les causes profondes d’un dysfonctionnement. L’AMDEC est une méthode qui permet de hiérarchiser les causes selon trois critères : occurrence, gravité et détectabilité. Plus le coefficient est fort, plus il y a lieu de s’intéresser au problème. Une cause indétectable, produisant des écarts graves et fréquents est prioritaire devant une cause détectable ayant peu d’effet, se produisant rarement. Le 5P (cinq pourquoi) est une série de questionnements enchaînés pour arriver à faire émerger la cause profonde.

| 69

Le lean management dans les services

Le SMED (single minute exchange of die – changement rapide de série) consiste à analyser la façon dont on change d’activité. Changer d’activité est une cause de non-performance car cela rompt avec l’organisation déjà en place qui produit. Fort de cette analyse, on aura soin par exemple de regrouper et d’enchaîner les activités de même nature avant de passer à une autre sorte d’activité. La mise en œuvre consiste à observer l’enchaînement des opérations par une équipe de salariés. Après analyse par un œil externe à l’activité et le retour vers les acteurs, ceux-ci prennent conscience des pertes de temps et trouvent d’eux-mêmes une autre façon d’enchaîner les opérations principalement en les parallélisant. C’est un peu comme le serveur dans un bar, qui doit prendre commande, aller chercher les boissons, servir les clients, facturer, nettoyer la table. Vous aurez tous constaté que certains sont plus habiles que d’autres dans l’enchaînement des tâches. Le diagramme spaghetti consiste à tracer, sur une carte ou un plan, la logique des déplacements d’une personne dans une journée. Pour les dossiers, le principe reste le même, On considère que chaque fois qu’un dossier change d’étage, cela prend un jour, quand on change de bâtiment deux jours, par la poste trois jours… Regardez le flux physique de votre commande papier avant qu’elle ne parvienne chez le fournisseur et vous comprendrez sans doute pourquoi vos commandes mettent si longtemps à être traitées ! Ces outils, placés dans l’enchaînement judicieux du déroulé de chantiers et conduits avec savoir-faire par les acteurs de changement, permettent de rendre pertinente la démarche d’amélioration en allant travailler avec les opérateurs et l’encadrement sur des causes profondes et porteuses d’amélioration. Le fait de faire découvrir le potentiel d’amélioration au travers des outils est déjà une victoire en soi. Il reste à enchaîner l’action, mais la conviction de fonctionner différemment est acquise. Cependant, il est nécessaire de mettre en œuvre des solutions rapidement sans quoi les opérateurs perdent l’enthousiasme initial. Les points clés concernant les concepts et les principaux outils utilisés –– Les sept piliers du lean –– La valeur ajoutée client –– Le SIPOC, la VSM La cartographie détaillée –– La VOB et la VOC –– Le 5M, le 5P, l’AMDEC, les facteurs influents –– Le SMED, le diagramme spaghetti

70 |

7 Les standards d’un acteur de changement 7.1 Le savoir-faire et les postures d’un acteur de changement Organisés autour des quatre domaines de compétences, voici les outils nécessaires aux acteurs de changement, sans prétendre à l’exhaustivité. 1. En ce qui concerne les compétences de base : L’organisation de son temps et la gestion des travaux sont facilitées par des emplois du temps types, des grilles préformatées avec les principes de livrables à produire. La conduite d’entretiens s’appuie sur des grilles d’entretiens et un travail préparatoire à réaliser avant l’entretien. En retenant les trois points saillants d’un entretien, en priorisant l’ensemble des productions d’un groupe à l’aide de critères de classement, l’acteur de changement fortifie ses capacités de synthèse. L’animation de réunion s’appuie sur de nombreux outils, tel le TOP de la réunion (Thème Objectif Plan). L’identification des différents rôles des acteurs (l’animateur, le commanditaire, les participants, l’expert…) dans l’organisation d’une réunion et sa préparation est source d’efficacité. Le compte rendu est facilité par un document déjà formaté que l’acteur de changement complète à sa manière. Ce compte rendu se termine par une grille de type (quoi, qui, quand) permettant de conclure sur la suite à donner.

Le lean management dans les services

Pour convaincre ou négocier l’acteur de changement apprendra à développer un argumentaire. Pour communiquer, des transparents préformatés lui permettront de concentrer son énergie sur le fond et non sur la forme, mise au point une fois pour toutes. Des techniques de présentation orale vont l’aguerrir face à différentes situations (groupe distrait, préoccupé par un autre objet que celui de la présentation). La gestion des risques mais aussi leur analyse via l’AMDEC (gravité, fréquence, détectabilité) reste un outil sûr pour prioriser, prendre du recul et faire un point de la situation. L’acteur de changement porte également la structuration du pilotage avec des rites, des rythmes et des livrables essentiels à la montée en compétence du groupe qu’il accompagne (planning, reporting). L’acteur de changement va également enrichir ses outils, les adapter afin de capitaliser les bonnes pratiques (les siennes ou celles apprises au contact des autres). À chaque regroupement d’acteurs de changement, il est important de consacrer un temps significatif aux partages des meilleures pratiques des acteurs de changement. Celles-ci devenant alors la nouvelle référence du groupe. La capitalisation de tous ces documents supports doit se faire dans le support informatique du projet. On peut capitaliser les supports modèles de présentation, de rédaction de document, de compte rendu. Ces éléments garantissent à la fois une image de marque du programme et permettent un gain de temps considérable. 2. En ce qui concerne les compétences relatives aux outils lean Six Sigma, les principaux outils utilisés et cités au chapitre précédent sont en nombre réduit. C’est plus l’enchaînement de ces outils utilisés correctement qui fait leur performance. 3. En ce qui concerne les postures de « savoir être » des acteurs de changement, les outils sont moins structurés et l’acquisition de cette compétence passe par des mises en situation. Parmi celles-ci, je citerai celles concernant les postures. Coaching et feedback (entre pairs ou hiérarchiques). Le coaching demande à ce que la personne qui recherche conseil se confie pour expliquer sa difficulté. Le feedback implique de faire un retour vers l’autre, et demande une

72 |

Les standards d’un acteur de changement

grande maturité pour éviter un jugement. La technique consiste à faire d’abord s’exprimer la personne sur sa prestation, ensuite à lui faire un retour sur les points forts et à terminer sur les pistes de progrès. Ce retour se fait à chaud juste après la fin de la prestation (réunion, entretien, animation). Une fois cette règle connue, vous comprendrez les temps ou les coups de fils que passe le hiérarchique auprès des acteurs de changement juste après la prestation. Car même à distance, prendre des nouvelles de la prestation devient la règle. Ceci impose de connaître les temps forts de la journée de ses collaborateurs. Ces pratiques et ces rituels permettent de souder l’équipe, de faire face aux difficultés qui dans ce métier sont fréquentes. C’est aussi le moyen de ne pas rester seul face aux difficultés, de permettre de se libérer de son inquiétude, de se remonter le moral. C’est enfin le moyen de transformer la difficulté en challenge pour la prochaine étape, de construire une dynamique positive. Autre point clé, l’orientation client qui se matérialise par l’écoute, l’ouverture et l’empathie. Le client est représenté à la fois par le commanditaire et par l’encadrement local. L’acteur de changement devra donc savoir trouver un équilibre entre la recherche de la satisfaction de ce client « pluriel » et la bonne conduite de la mission par un usage respecté de la méthode et des outils. Car in fine, c’est l’atteinte du résultat qui sera retenue par le commanditaire et donc cette écoute client ne doit pas affaiblir le développement du projet. À l’inverse, l’absence totale d’écoute client constitue un risque d’échec immédiat. Le client a de fortes chances de refuser tout changement. Cette posture renforce l’image de marque du programme : être à l’écoute du client et se montrer rigoureux dans la méthode. Pour illustrer, je me souviens d’un salarié qui me faisait part de son admiration à l’égard de la capacité et de la dynamique d’un consultant qui travaillait dans leur groupe. Je m’enquis du nom de la personne. Ils me donnèrent celui d’un de nos acteurs de changement internes. À partir de ce jour, j’ai pris conscience de l’importance de cette image de marque pour asseoir la notoriété et la réussite du programme. Ainsi le fait d’être porteur des caractéristiques du programme fait partie des postures à demander aux acteurs de changement. 4. En ce qui concerne la compétence de mobilisation et de conduite du changement, différentes notions et les modalités aident à la mise en œuvre. La gestion du changement passe par l’analyse d’impacts (OMOC = organisation, méthode, outil, culture), et la compréhension du mode de fonctionnement de l’humain sous l’angle rationnel, politique, émotionnel.

| 73

Le lean management dans les services

Modifier les fonctionnements et changer sont loin d’être des démarches naturelles. Repérer l’impact du changement et accompagner celui-ci avec méthode est nécessaire. Je ne résiste pas à vous faire part d’une célèbre citation de Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie 2002 pour ses travaux fondateurs sur la théorie des perspectives, base de la finance comportementale : « Seuls les bébés mouillés aiment le changement. » La gestion des acteurs du projet est facilitée lorsqu’on réalise la carte des partenaires et qu’on analyse les rôles et les responsabilités. La capacité à faire, puis à faire faire permet d’accompagner les managers dans la mise en place des outils fondamentaux en particulier les standards managériaux (tels les briefings/débriefings, le point hebdo…). L’obtention de contribution peut parfois être délicate en particulier auprès de managers qui ont une vision traditionnelle du chef qui dirige, qui traite les urgences et les difficultés. Là aussi, on se heurte à la culture collective et individuelle de l’entreprise et des personnes. Enfin la gestion de la résistance et des conflits est facilitée une fois que l’on a décodé par des outils de mise en évidence les causes profondes de ces manifestations de résistance que sont le refus, la passivité, la recherche de perfection…

Les points clés concernant le savoir-faire et les postures d’un acteur de changement Les outils et les compétences de base de l’acteur de changement –– Organisation du temps –– Conduite d’entretien –– Animation de réunion –– Convaincre et négocier –– Développer un argumentaire –– Présenter à l’oral –– Analyser et gérer les risques –– Structurer le pilotage –– Capitaliser les bonnes pratiques

74 |

Les standards d’un acteur de changement

Les outils du lean en lien avec la méthode DMAIC Postures de « savoir-être » de l’acteur de changement –– Le coaching et feedback –– L’orientation client –– Être porteur des caractéristiques du programme La compétence de mobilisation et de conduite du changement –– La gestion des acteurs –– La gestion du changement –– La capacité à faire puis à faire faire –– L’obtention de contribution –– La gestion de la résistance et des conflits

7.2 Le kit de survie logistique et le couteau suisse Le kit de survie rassemble tous les outils et accessoires nécessaires à l’animation des groupes de travail. On y trouve les références des produits à acheter. Cette capitalisation permet de gagner du temps sur la recherche des bons articles. Ces fournitures se composent de post-it, de pastilles auto collantes, de bombes aérosol de colle repositionnable, de ciseaux, de rouleaux de brown paper, de ruban adhésif repositionnable type adhésif de peintre. Le couteau suisse reprend dans une série de transparents les formes et objets de présentation les plus courants. Ces formes disponibles permettent de se concentrer sur le fond de la présentation et de limiter l’effort de mise en forme. De plus, l’usage d’une même charte graphique avec des couleurs harmonieuses, constitue une image de marque du programme. Les personnes qui assistent à une présentation reconnaissent la thématique de lean management. Ces formes prédéfinies permettent un gain de temps conséquent.

| 75

Le lean management dans les services

Les points clés concernant le kit de survie de l’acteur de changement –– Post-it, papier kraft, pastilles autocollantes, ruban adhésif de peintre –– Le couteau suisse regroupe une série de transparents déjà formatés

76 |

8 Les standards managériaux

8.1 La nécessité de standards managériaux Les deux questions posées sont de définir ce qu’est un standard managérial et pourquoi le mettre en place. J’ai envie d’introduire le sujet par une question : Que signifie pour vous manager ? Maurice Thévenet (professeur au CNAM), donne la réponse suivante : «  Manager, c’est tenter d’influer les comportements, pour obtenir de la performance du collectif. Et de confirmer que le management peut s’apprendre. Le modèle managérial va dépendre de l’activité et surtout du modèle et des valeurs de l’entreprise. » Traduire ces postulats dans son entreprise est un exercice à réaliser. Il est exclu de plaquer une solution qui fonctionnerait dans une autre entreprise. En observant les façons de manager, on peut constater qu’il y a diverses pratiques et que rares sont les règles de repère en la matière. Certains sont plus à l’écoute, tandis que d’autres sont plus autoritaires. Voici les questions clés qui permettent de faire un premier diagnostic sur le sujet pour observer les comportements managériaux. Quelle est la culture des managers de proximité ? Quelles sont leurs logiques d’action ? Quelles sont les modalités d’échanges entre les populations ? Quels sont les sujets abordés ou évités ?

Le lean management dans les services

Les échanges sont-ils pauvres (limités à de la coordination) ou riches (coopération) ? Comment sont gérés les conflits ? Quelles sont leurs compétences au regard des compétences clés du manager de terrain ? L’ensemble de ces éléments conduit à s’approprier et à adapter quatre standards managériaux constituant un référentiel commun à tous les managers. Ces standards sont la condition essentielle pour permettre au collectif de délivrer de la performance. J’ai coutume de présenter cela à l’aide d’une parabole. Lorsque vous avez mal au dos, il est fréquent que votre médecin vous prescrive des séances de kiné. Le kinésithérapeute vous fera faire des exercices de musculation appropriés afin de fortifier les muscles défaillants. Vous apprendrez à effectuer les bons gestes, à vous maintenir correctement. Progressivement, les douleurs vont disparaître et vous retrouverez liberté et aisance. Votre kiné vous recommandera de poursuivre seul, chez vous. Les plus persévérants poursuivront, la majorité oubliera progressivement ces exercices au risque probable de vivre à nouveaux des douleurs dorsales. Vous aurez compris que les standards managériaux sont les exercices réguliers que l’organisation doit pratiquer pour se maintenir en forme. Ces exercices ne s’improvisent pas, ils sont portés et adaptés par un acteur de changement formé à l’accompagnement et à la transposition de ces standards dans l’organisation. Ces standards sont à adapter en fonction des métiers. Pour exemple, la fréquence du brief/débrief doit être calée en fonction du nombre, de la durée, de la complexité, de l’activité et de la compétence de l’opérateur. Le brief d’un débutant sera beaucoup plus précis et complet que le brief d’une personne très expérimentée. Le brief d’une activité complexe, à enjeu, sera plus détaillé que pour une activité simple et régulière. C’est ainsi que pour des techniciens qui partent pour la journée avec une série d’interventions, le brief est quotidien. À l’inverse, pour un responsable d’études qui mène un projet sur plusieurs semaines, le point quotidien est superflu et un point hebdomadaire devient suffisant. Dans les différentes visites d’entreprises que j’ai effectuées, j’ai vu des briefs et de débriefs à la mi-journée pour des activités bancaires à fort enjeu. C’est pour cela que je demande aux personnes dubitatives de me décrire le contenu de leur dernier repas et celui de la semaine dernière. Leur réponse hésitante confirme que le débrief doit

78 |

Les standards managériaux

être fait à chaud au risque de perdre les éléments nécessaires à l’analyse de la journée. Il y a donc bien lieu de définir des pratiques managériales et de les standardiser pour créer un repère pour chaque manager. Ce que certains avaient imaginé devient référence collective. Toute la ligne managériale entre alors dans ce dispositif. On ne se retrouve plus seul à exercer selon ses propres règles non ou mal reconnues de sa hiérarchie. Il arrive même un stade où l’on est capable d’interpeller son chef en lui disant : « Tu n’es pas lean. » Et Maurice Thévenet d’insister dans son chapitre « Management à tous les étages » : « Le plus souvent, lorsqu’on parle management dans les entreprises, la direction considère qu’il ne vaut que pour le bas. L’exemplarité de la direction générale est une évidence. »

Les points clés concernant les standards managériaux –– Les modalités d’échange entre population –– La nécessaire exemplarité –– L’appropriation des standards à chaque organisation

8.2 Le brief/débrief Le brief est un temps court entre l’encadrant et le salarié qui permet de présenter le travail à faire sur la journée ou la période considérée. Au cours de ce temps, l’encadrant qui a organisé le travail de ses salariés présente les points particuliers, sensibles, difficiles et adapte le détail à la compétence et l’expérience du salarié. Il rappelle ou donne des consignes. Il vérifie que le salarié a bien compris et intégré ce qui lui a été dit. Le débrief consiste à regarder comment s’est déroulée la journée. Il s’agit de faire le point des réussites, des difficultés rencontrées. À ce titre, l’encadrant collecte les aléas rencontrés. Cela va lui permettre de faire une synthèse par salarié pour approfondir certains points techniques si les aléas reviennent assez souvent. Cela va lui permettre également d’avoir une vision des aléas de la journée ou de la semaine qui sont apparus dans l’équipe. Si certains sont importants ou fréquents, il y aura lieu de les comprendre et de mettre en œuvre une solution. L’évolution des aléas en lien avec l’action démontrera ou non l’efficacité de celle-ci. C’est également au cours du débrief que l’encadrant peut détecter des astuces ou des bonnes pratiques

| 79

Le lean management dans les services

mises en œuvre par le salarié. Il pourra également y avoir des questions de la part du salarié. Parmi les bonnes pratiques que j’ai pu observer, certains groupes ont retenu le fait de partager la question du jour. C’est un moyen de mettre en commun des astuces et de mettre à niveau l’ensemble des pratiques. Cela demande de la part de l’encadrement un certain savoir-faire surtout quand les briefs et débriefs n’ont jamais été mis en place auparavant. Le brief/débrief fait appel à différentes compétences. Pour bien organiser le travail et l’expliquer, il faut le connaître dans les détails. Un encadrant est donc un bon professionnel dans son domaine. La mise en place de ce standard questionne la fréquence, le temps à y consacrer, son organisation individuelle ou collective. Lorsque la journée est composée de plusieurs activités, nous l’avons vu, le brief doit être quotidien. Il peut se faire en collectif pour indiquer les consignes de la journée, cependant la présentation des spécificités de chaque journée est plutôt adaptée à un point individuel. Cela implique un démarrage de journée en décalé pour les équipes, la réalisation dans un temps court (cinq minutes) et donc une bonne préparation la veille. Le débrief associé suivra le même rythme. Il sera individuel car en collectif le salarié abordera plus difficilement ses difficultés, craindra de les afficher. Une relation de confiance doit s’instaurer et il ne faut en aucun cas porter un jugement de valeur sur la personne à ce moment-là. Il s’agit de l’aider et non de la juger. En ce qui concerne son évaluation, c’est grâce à la synthèse de tous les débriefs que l’encadrant aura ainsi de la vraie matière pour alimenter un entretien d’évaluation annuel. Dans quels cas peut-on envisager un brief/débrief à une fréquence inférieure ? La semaine est le pas de temps maximum. C’est le cas pour des dossiers d’études. Le brief est réalisé au moment où l’affaire est remise en main au responsable d’études. L’encadrant commente les points clés particuliers de l’affaire, délais, enjeux, difficultés techniques… Le débrief se fait une fois par semaine sur la base d’une auto-revue du responsable d’études. Chaque affaire est pesée et les grandes étapes idéalement jalonnées. Le responsable d’études vient positionner son affaire sur un tableau prévu à cet effet (manuel ou informatique). Si l’affaire est en ligne, il n’en parle pas, si l’affaire connaît retard ou difficulté, il explique à son encadrant les écarts. À ce moment-là l’encadrant vient en conseil, aide, et capture les aléas rencontrés. En fonction de la maturité des personnes et des interactions entre affaires, le débrief peut être collectif. Les avantages de partage l’emportant sur les réticences à exprimer ses difficultés. On voit

80 |

Les standards managériaux

là, sur ces deux cas, le rôle qu’aura l’encadrement dans le choix du réglage de la façon de définir et d’adapter les briefs/débriefs au mieux du contexte de l’équipe. Il doit s’approprier les concepts sans les dévoyer par souci de facilité. Le brief/débrief met également en évidence un rôle particulier de l’encadrement associé à des compétences, d’écoute, d’accompagnement, de pédagogie, mais aussi de rigueur et de persévérance. L’encadrement de proximité peut ne pas être à l’aise dans ce nouveau rôle. Cette difficulté est fréquente, ce qui conduit à bâtir un programme de formation de mise en situation sur ces standards. Cela pose aussi la question du nombre d’encadrants par rapport au nombre d’intervenants. Le rapport de un à dix apparaît l’optimum et les acteurs le découvrent d’eux-mêmes. Dans certaines organisations, cette population doit être renforcée. À l’inverse, à d’autres endroits, le rôle des encadrants est rationalisé et une partie d’entre eux est orientée vers un rôle de préparation du travail. J’ai pour ma part acquis la conviction que ce rapport de un à dix est un bon repère, tant dans un conseil de direction que dans la composition d’un groupe de travail. Ce rapport constitue la bonne maille pour bien travailler avec ses collaborateurs, bien les connaître, bien s’en occuper. L’efficacité d’un groupe de travail est optimale et délivre une richesse d’idées et de propositions liée à une forte dynamique. L’encadrant devra avoir une activité opérationnelle personnelle, sans quoi il n’encadrera pas correctement et devra déléguer… Un comité de direction qui compte de plus de dix personnes doit conduire à se questionner sur son efficacité, sa capacité à échanger, construire, préparer ou partager la décision.

Les points clés concernant le brief/débrief Le brief –– Un temps court, la présentation des points clé de la journée, le rappel des consignes, la vérification de la bonne compréhension –– Le débrief –– Le point des réussites, la collecte des aléas rencontrés qui alimentent la synthèse hebdomadaire de l’équipe et permet d’interpréter la réussite de la semaine –– Les paramètres de réglage –– La fréquence, le temps à y consacrer, collectif/individuel,

| 81

Le lean management dans les services

8.3 Le concept et la mesure de l’efficience Nous avons vu ce qu’était la valeur ajoutée ainsi que les trois catégories. L’efficience est le rapport entre le temps des valeurs ajoutées (client et entreprise) sur le temps total. L’écart aux 100 % provient de la part de la nonvaleur ajoutée. L’objectif de cette mesure est donc de rechercher la baisse de la non-valeur ajoutée pour faire croître le rapport. Ce standard est le plus difficile à mettre en œuvre en particulier du fait de devoir qu’il oblige à révéler une efficience parfois modeste. Les réactions sont fortes et nombreuses : d’abord la difficulté de calcul, dans certains cas, du fait d’activités de natures très variables qu’il faut assembler. Ensuite la « difficulté » de mesure quotidienne ou hebdomadaire. Là, les arguments sont nombreux tels que « on a autre chose à faire que de faire des bûchettes ». Effectivement si on ne voit pas l’intérêt qui se cache derrière les bûchettes, les plus studieux continuent un peu, les autres ne démarrent pas, la plupart arrêtent. Enfin la difficulté d’admettre que le ratio de valeur ajoutée ne progresse pas systématiquement et surtout qu’il ne devienne pas un objectif contractuel. Beaucoup de managers pensent que fixer un objectif à atteindre sous six mois permettra d’atteindre le résultat. Ce contresens révèle un manque de compréhension de la démarche. Reprenons ces trois sujets pour voir comment les traiter. Le mode de calcul : pour des activités répétitives et déjà normées en temps, collectées dans les SI, le calcul est simple et sans  « retravail ». On compare les temps théoriques des activités journalières prévues complétés des temps de valeurs entreprises (trajet, préparation.) à la réalité, c’est-à-dire au nombre d’activités réalisées. Si le salarié a rencontré des problèmes de circulation ou s’il n’a pas pu réaliser son intervention, ou si son intervention a duré plus longtemps au point de compromettre la suivante, alors le taux de réussite diminue. Nous voyons que cette mesure repose sur le concept de temps de gamme. Or ,dans beaucoup de domaine, il n’y a pas de temps de gamme, c’est-àdire un temps qui permet la réalisation de l’intervention dans des conditions courantes. Il ne s’agit pas de la meilleure performance en temps de l’activité. Car nous ne cherchons pas particulièrement de performance sur l’activité en elle-même mais sur les écarts liés aux conditions d’organisation et de mise en œuvre. Il faut définir des temps de gamme en segmentant l’activité. Les puristes expliquent que toutes les typologies d’activités possibles complexifient le calcul. C’est vrai et on pourra se

82 |

Les standards managériaux

limiter aux plus significatives. Autre bouleversement dans les habitudes  : l’établissement de ces temps est laissé à la main des acteurs locaux. En effet, qui mieux qu’eux connaissent leur activité ? Il faut renvoyer le contenu et la segmentation au local, car toute proposition nationale est forcément imparfaite et contestée. Cela permet d’ouvrir le débat en local en invitant les opérateurs à traiter leur activité avec leur encadrement. L’encadrement aura un débat avec les opérateurs sur les visions des contenus des activités. Le système se régule en mesurant concrètement les temps sur place. Si le responsable sous-estime le temps, la mesure concrète avec l’employé permet de trouver le temps de gamme le plus réaliste. Pour certaines activités plus longues qui dépassent la journée, il est nécessaire de les segmenter de manière à avoir des repères intermédiaires, sorte de point de passage que nous appellerons jalons. C’est le cas de la conduite des affaires, qui comprend plusieurs phases, telles que l’étude, la réalisation, la réception. Ces activités sont classées en plusieurs familles : simples, normales, complexes… Pour chaque famille, un temps moyen est défini. Ce temps est affecté selon des jalons donnant lieu à des répartitions de poids. Le poids ayant une valeur temporelle fixe. Ainsi la somme des poids d’une semaine complétée du temps d’entreprise (réunion, trajet), équivaut au temps de travail de la semaine. Cette astuce permet de s’affranchir d’une mesure temporelle systématique par affaire et conduit au calcul de l’efficience à l’aide de l’équivalence en temps des poids ou partie de l’affaire réalisée dans la semaine. Une fois la définition de l’efficience assurée, je conseille de passer à l’action rapidement et d’améliorer le dispositif. Et là je renvoie à l’un des sept piliers du lean : ne pas chercher la perfection immédiate. La mesure peut constituer un frein. Lorsque le système informatique permet d’individualiser et de compter les activités, le frein est partiellement levé. Par contre lorsque rien n’existe, le comptage se fait localement au plus près des équipes. C’est un réel enjeu car si les équipes n’arrivent pas à trouver l’intérêt de cette mesure, alors son imposition devient un contresigne de performance pour l’encadrement de terrain. Pour contourner la difficulté de la mesure manuelle, souvent ressentie comme lourde et contraignante, je conseille de construire un fichier de type tableur. Ce fichier comportera les temps prévus d’une journée ou d’une semaine d’activité à l’aide des temps d’activités gammées programmés. Une fois la journée ou la semaine accomplie, cette référence comparée à la réalité observée sert de base au débrief pour repérer les activités réussies et les difficultés. Le croisement des deux tableaux (temps des activités

| 83

Le lean management dans les services

prévues, temps des activités réalisées) donne le ratio d’efficience. Dans le cas d’activités élémentaires dont la durée dépasse la journée, le calcul de l’efficience se fait à la semaine sur la base des poids associés aux jalons réalisés, comparés aux poids associés aux jalons théoriques prévus. Cette technique implique une collecte régulière sans quoi la mesure sera entachée d’erreur. Enfin, la compréhension et l’usage de cette efficience sont des éléments clés pour son acceptation. En visite Gemba, devant les courbes d’efficience affichées, je m’intéresse particulièrement aux variations. Lorsque la courbe d’un site progresse de façon continue, j’interroge les encadrants pour comprendre le miracle qui fait que leur activité n’est jamais perturbée ! Il est impossible qu’il n’y ait pas de variation à la baisse comme à la hausse sur un site. Donc pour un site, et cette remarque est moins vraie pour une synthèse de sites, il doit y avoir des moments où la réussite de la semaine est moindre que celle de la semaine précédente. Une panne de véhicule, une défaillance du SI, un chantier complexe, une difficulté avec un fournisseur, une attente client mal détectée vont assurément amoindrir l’efficience. C’est d’ailleurs l’objet de la mesure de l’efficience que de faire comprendre la ou les raisons de sa baisse. Le deuxième point sur lequel il convient de se pencher devant des efficiences qui progressent ou se dégradent, est de savoir si l’encadrement sait expliquer les raisons de la progression et de la baisse. S’il est en capacité de donner les principales raisons de baisse et si de plus il en a choisi une en analyse, mis une action en place et mesuré que le nombre de difficultés liées à cette cause décroît, c’est signe que la maturité sur le concept de l’efficience est de très bon niveau. On voit donc bien le contresens que constitue une contractualisation sur l’atteinte d’un niveau à échéance donnée. Cela va avoir pour effet de masquer les imperfections hebdomadaires pour ne faire apparaître que les réussites. Si par contre l’efficience réellement mesurée ne progressait pas, l’encadrement supérieur au groupe aurait le devoir d’aider ce dernier à comprendre cette stagnation (difficulté de mesures, actions non adaptées). Les points clés concernant l’efficience Le ratio de valeur ajoutée = nombre d’actes x le temps de gamme/le temps total –– En prévision, marque la complétude des journées –– En réalisation, affiche le rendement de l’organisation

84 |

Les standards managériaux

8.4 La boucle courte La boucle courte est le dispositif organisationnel qui permet de détecter les difficultés de la journée et de la semaine afin de traiter les plus significatives, celles qui perturbent le plus l’activité. Dans « boucle courte », il y a le mot «  boucle  », ce qui signifie que si la difficulté remonte, la réponse à cette difficulté doit redescendre vers ceux qui ont rencontré la difficulté. Dans « boucle courte », il y a aussi le mot « courte », ce qui signifie que la dynamique de traitement est la plus rapide possible, de manière à orienter l’action en conséquence. Cette boucle courte doit fonctionner à tous les « étages » de la hiérarchie. Le dispositif mis en place en tant que standard est le suivant : Entre le salarié et l’encadrement de proximité, le brief/débrief alimente et sert la boucle courte. Si un salarié fait part d’une difficulté, l’encadrant la capitalise mais la traite avec le salarié s’il possède la solution et la délégation. Le lendemain, il donne la consigne de traitement à la problématique rencontrée. Si l’encadrement de proximité n’a pas les moyens ou la délégation de traiter le problème, il en fait part lors du point hebdomadaire avec son responsable. Si la difficulté n’est pas de son ressort, le même exercice est réalisé entre le responsable et l’encadrement de niveau N + 1. Le dispositif parcourt ainsi toutes les lignes hiérarchiques, toujours au pas hebdomadaire. Les délais restent très courts. Par exemple, le point avec l’encadrant de premier niveau a lieu le jeudi, le point avec l’encadrant de deuxième niveau a lieu le vendredi, et le point avec l’encadrant de troisième niveau a lieu le lundi. Les points relatifs à des sujets transverses donnent lieu à un partage pendant les réunions d’encadrement. Une deuxième chaîne descendante se déroule au cours de la semaine dans l’autre sens. Ces échanges par téléphone doivent être rapides, de l’ordre de la dizaine de minutes. Lorsque j’ai visité des sites industriels et en particulier une usine de six cents personnes, le rythme était quotidien. Le directeur de l’usine et son étatmajor se réunissaient en début de matinée, debout dans le hall de l’usine pour examiner les résultats de la veille, repérer les difficultés, faire le point des sujets à traiter, convenir des consignes, le tout en trente minutes Les chefs de services faisaient le même exercice dans les ateliers ou bureaux dans les trente minutes suivantes et ainsi de suite jusqu’au chef d’équipe qui

| 85

Le lean management dans les services

prenait les consignes vers 10 heures. Le soir, le même exercice était fait à l’envers jusqu’au Conseil de direction de l’usine qui affichait sur le tableau de l’entrée les résultats de la journée en préparation du point du lendemain. À titre d’exemplarité, et pour tester ce concept, vous adapterez ce dispositif à votre équipe projet. Il fonctionne et permet de gagner en efficacité en priorisant les sujets principaux de chacun, puis de partager ou de décider. Pour réaliser cet exercice, chacun présente sa semaine dans les grandes lignes, note au tableau son emploi du temps et interpelle au besoin collègue ou responsable pour un avis ou une orientation. Vous pouvez repérer les sujets de fond que vous développerez soit dans le temps de réunion qui suit, soit à une date convenue. Ainsi vous gagnerez une vision transverse et collective sur vos activités. Chacun s’exprime et le « bavard » se trouve ainsi canalisé par le collectif. Ce temps permet aussi de rédiger sur un A3 le point de la semaine et de préparer la remontée hebdomadaire vers le hiérarchique.

Les points clés concernant la boucle courte –– Un échange structuré entre les niveaux N - 1 et N –– Un support simple normé, préparé et commenté –– Un retour dynamique

8.5 Le management visuel et le point hebdomadaire Dans le lean, le management visuel englobe des concepts très larges. Il peut s’agir aussi bien du traçage au sol de zones particulières, du repérage de produits en stock par des étiquettes (type gestion de médicaments chez un pharmacien), ou du repérage de la nature des dossiers par la couleur de leur couverture. Le standard ramène le management visuel à un affichage des résultats de la semaine lisible et accessible à tous. Ce point d’activité est commenté une fois par semaine auprès des salariés qui retrouvent ainsi des repères par rapport à leur activité. Le contenu est à la main du local, cependant il est opportun de donner quelques règles et orientations. On doit trouver les principaux résultats de la semaine qui parlent aux salariés, c’est-à-dire qui

86 |

Les standards managériaux

correspondent à leur activité. Il ne s’agit pas de produire les résultats, à ce stade, du contrat de l’entité. Ce sont les éléments d’activités et les résultats opérationnels de l’équipe à la semaine qui vont contribuer au résultat plus macro de l’entité. Apparaîtront ainsi les principaux aléas rencontrés dans la semaine, classés par importance ou occurrence. On y trouvera la liste des actions d’amélioration engagées en lien avec les aléas majeurs. Les résultats doivent montrer les effets de l’action d’amélioration engagée, ce qui permet de faire le lien avec le travail quotidien. Y figureront également les bonnes pratiques recensées, les innovations ou propositions d’amélioration. Certains y réservent un espace pour la question du jour ou de la semaine. La présentation sommaire d’une bonne pratique, permettant ainsi de fortifier l’enrichissement de compétences. Ces résultats doivent être commentés lors d’un point hebdomadaire avec l’ensemble des salariés. L’affichage n’étant qu’un support et une mémoire pour ceux qui voudraient y revenir ou les absents. Attention aux risques de divergence comme par exemple la mise en place d’une chaîne vidéo qui diffuse en boucle les résultats de l’entité. L’intention est bonne, mais le management visuel ce n’est pas cela. Le management visuel doit être l’occasion d’échanger avec ses collaborateurs sur l’activité et les résultats de la semaine. Le contact humain est indispensable pour renforcer le lien et la compréhension de l’équipe. Dans l’exemple de la vidéo, il ne s’agit pas de faire tourner en boucle toute l’info mensuelle de l’unité. Le pas de temps n’est pas satisfaisant et l’échange doit être réciproque. Comment fait-on pour interpeller une vidéo ? Autre écueil : la mise à jour. J’interpelle souvent les managers devant de belles productions. « Êtes-vous en mesure de tenir sur la durée à ce niveau de présentation ? » En effet, il est arrivé que j’obtienne des réponses sympathiques, mais révélatrices, après avoir relevé l’ancienneté d’une mise à jour… « Le photocopieur couleur est en panne depuis deux semaines. » Et alors ? Le noir et blanc ça existe encore, voir l’écriture manuel ! Ou encore : et je vous laisse savourer la phrase suivante : « Mon adjointe est malade depuis trois semaines. Comme elle était en charge du dispositif celui-ci n’est plus à niveau. » Ces deux exemples sont la démonstration d’un cas où l’intégration du concept et donc de son utilité n’était pas encore totalement acquise. Voici une structure possible de management visuel. Pour réaliser simplement ce panneau de management visuel, prenez un tableau mural que vous positionnerez dans l’espace au plus près des équipes.

| 87

Le lean management dans les services

Ce tableau sera commenté à la journée ou à la semaine et visualisera la progression de l’activité. Vous structurerez cet espace en quatre parties. L’espace « indicateurs de l’activité » reprend les deux ou trois indicateurs qui marquent l’avancement de l’activité réalisée par l’équipe. Ils sont complétés de la mesure de l’efficience. L’espace « briefs/débriefs » donne la synthèse des aléas rencontrés et doit permettre de faire le lien avec l’évolution de l’efficience. Fonction du niveau d’avancement de l’activité, en retard ou en avance, ou des difficultés rencontrées, des questions remontées, l’encadrant résume les consignes de travail de la période (semaine ou journée) pour rectifier les écarts constatés. L’espace « boucle courte » permet de suivre les actions d’amélioration qui demandent un peu de réflexion avant d’être engagées. Les actions d’amélioration trouvent leur source dans les aléas récurrents. L’espace « résolution des problèmes » permet de présenter les solutions trouvées par un groupe de travail ou un salarié, à la suite de difficultés rencontrées. Ces solutions, une fois testées, vont enrichir voir faire évoluer les pratiques de l’équipe. On rejoint ici le concept de l’innovation. Tableau 8.1 Exemple de panneau de management visuel Les indicateurs de l’activité

Deux à trois indicateurs de pilotage et leur évolution L'efficience et son évolution

Nos briefs/débriefs

La boucle courte

Le traitement des actions d'amélioration

La résolution des problèmes et la présentation des bonnes pratiques

Les aléas principaux La question de la semaine Les consignes de la semaine

88 |

 

Les standards managériaux

Les points clés concernant le management visuel et le point hebdo –– Un support visuel près de l’équipe de travail –– Les résultats clés de la semaine dont l’efficience –– Les analyses en lien avec les aléas rencontrés –– Les consignes et les orientations –– Le suivi des actions d’amélioration –– La question du jour et la solution

8.6 Les standards managériaux avec un travail à distance Nous avons donc vu que l’ensemble de ces standards managériaux passent par la relation humaine. Sans contact, ces standards sont de purs exercices mécanistes dont la plus-value est beaucoup plus faible. Or l’organisation peut avoir de nombreux sites où le nombre de salariés est faible et sans encadrements de proximité. La mise en place d’un pilotage à distance principalement organisé sur un outil informatique qui donnerait ordre aux salariés de faire telle activité à tel endroit sous tel délai est porteuse de risque car elle ne s’appuie pas sur une relation humaine. Pour s’en convaincre, le mieux est de regarder comment sont gérées les relations hiérarchiques de différentes entreprises dont les modes de fonctionnement passent par du management à distance. C’est le cas des stations-services, de l’entretien des ascenseurs, des colleurs d’affiches. Sur quels modes managériaux fonctionnent-ils ? On peut observer leurs pratiques en fonction de leur contexte d’organisation et du modèle d’entreprise. Avons-nous une organisation régulée par la planification ou bien une organisation dominée par l’expertise, ou encore une organisation où la relation client prévaut ? Dans tous les cas, quatre dimensions apparaissent clairement dans le rôle de l’encadrant :

ffLa relation par l’exemplarité technique, le savoir-faire est prépondérant. ffLa relation par la légitimité hiérarchique, l’organisation du travail est majeure.

ffLa relation par l’animation d’équipe, le collectif de l’équipe est clé. ffLa relation axée client, l’enjeu commercial est fort.

| 89

Le lean management dans les services

Ces quatre rôles doivent être maîtrisés afin de ne pas tomber dans des travers.

ffExpertise : se rendre indispensable par la rétention du savoir. ffHiérarchique : ne se concentrer que sur des aspects de logistique et d’organisation.

ffAnimation : le charisme conduisant à une pression insupportable. ffRelation client : le manager accaparé par les exigences client oubliant ses salariés. Les managers à distance agissent nécessairement dans une logique individuelle, privilégiant la relation binaire. Aussi les standards managériaux doivent être transposés à ce mode de fonctionnement. Des conditions ou des postures particulières sont nécessaires :

ffLe manager à distance est un manager aguerri, il doit être bon technicien pour pouvoir répondre à distance aux questions de ses salariés.

ffLe brief/débrief se fait par téléphone, ce qui maintient le contact et une fois par semaine l’encadrement se déplace sur le site pour assurer sa journée sur place, le brief redevient physique.

ffLe manager profite de ce temps pour réaliser le point hebdo, commenter les résultats, donner des nouvelles du collectif, rencontrer des clients, passer du temps avec un salarié sur le terrain.

ffLe manager maîtrise l’outil informatique qui reste un support d’organisation de l’activité et non un donneur d’ordre. De ce fait, deux compétences deviennent clé : la gestion du temps et la maîtrise des outils de communication. En conclusion, les organisations à distance doivent trouver un équilibre entre l’implication du management et le déploiement des outils technologiques. La relation humaine est à renforcer dans ce nouveau mode de fonctionnement sans quoi les conséquences fâcheuses vont apparaître à terme : démotivation, non-reconnaissance, absentéisme, baisse de résultats, inconfort au travail, stress par impossibilité d’agir sur l’environnement de travail, turn over.

90 |

Les standards managériaux

Les points clés concernant le travail à distance

Une relation à analyser selon quatre facettes –– L’expertise –– Le lien hiérarchique –– L’animation –– La relation client Des conditions de réussite –– Un management aguerri –– Un point téléphonique quotidien –– Un point hebdo physique –– Une gestion du temps rigoureuse –– Le maniement d’outil de communication Une relation humaine à renforcer

| 91

Partie II La phase de consolidation

9 Le réglage du dispositif

9.1 Vers des standards de chantier plus normés La réalisation des premiers chantiers tests permet de retravailler le contenu et de préciser le rythme et les livrables de chaque phase. La concentration de l’action sur l’axe analytique de la démarche (résolution de problème) implique de renforcer par la suite l’implémentation des actions managériales. On peut dès le début de la phase 1 travailler et introduire les standards managériaux au moment de mettre en œuvre les premières solutions. Souvent, la culture « cartésienne » pousse à travailler parfaitement sur l’analyse de la situation et insiste moins sur le passage à l’action. Alors même que les intervenants peuvent se plaindre de la brièveté de la phase analyse, il faut imaginer de la raccourcir pour laisser du temps à la mise en œuvre avec les opérateurs. Dès la phase mesure vous pouvez initier le brief et le débrief. Le matin, vous demandez à vos salariés de mesurer tels points dans leur activité. Vous leur donnez une fiche de collecte. Le soir, sur la base de cette fiche, vous leur demandez de vous expliquer les mesures réalisées. Dans ce cadre, le référentiel chantier doit positionner la mise en place des standards managériaux au tout début de la phase 1. Les ambitions de progrès sont en général timides et prudentes lors des premières vagues.

Le lean management dans les services

Je conseille de réunir les acteurs de changement et/ou les managers « chefs de projet » afin de leur faire exposer et expliquer l’ambition des chantiers et de les challenger. Il est, à ce stade, nécessaire d’intervenir pour rappeler que l’ambition doit être forte et en ligne avec les constats de perte de temps vus sur le terrain. Sans cet exercice, le programme court le risque de valider des progressions sans ambition qui constitueront malheureusement l’étalonnage du programme. Des ambitions de progression traditionnelle ne justifient pas un accompagnement particulier. De plus, l’amélioration continue ne nécessite pas de revoir la façon d’opérer. Or il s’agit de viser une vraie rupture, un peu dans l’esprit de la conception de la Twingo où le budget de base est réduit de 30 %, obligeant ainsi toute la chaîne à se poser des questions remettant en cause des solutions classiques. On peut citer le tableau de bord tout numérique, moins coûteux du fait de l’absence de mécanisme, mais aussi l’unique motorisation simplifiant les cotes de l’habitabilité du compartiment moteur, un seul type de carrosserie et seulement quatre couleurs au démarrage du modèle… Il faut forcer le talent et l’imagination par la contrainte : « La contrainte crée le talent6. » Le troisième sujet de préoccupation concerne les réallocations des marges de manœuvre libérées. Au début, l’ensemble des acteurs ne soupçonne pas que ce type de chantier pourra libérer des marges de manœuvre importantes. Tant que ces réallocations n’ont pas été réalisées, les managers pensent que ce sujet n’a pas besoin d’être travaillé puisqu’ils pensent que l’extraction de marges de manœuvre sera faible. Or la majorité des chantiers délivrent des marges de manœuvre significatives, à hauteur des niveaux d’ambition prévus. Dans l’urgence, les managers s’interrogent sur les usages de ces temps dégagés. Et les délais très courts ne permettent pas la modification des pratiques. Prenons pour exemple la libération de mètres carrés dans vos locaux par la réorganisation de vos ateliers, de votre magasin de stockage ou de vos bureaux. La valorisation de l’espace gagné à l’instant T est nulle. Vous avez libéré de l’espace sans pour autant louer ou accueillir une autre activité dans l’espace libéré. Autre exemple : le cas de la reprise d’activités sous-traitées pour compléter l’activité du groupe. Cela passe par une négociation des contrats avec vos prestataires. Sans délai de prévenance, il est impossible de modifier les volumes. Par contre, avec de l’anticipation et en prévenant le prestataire d’une baisse de charge, cette régulation de volume est tout à fait réalisable.

6 Source livrée en fin d’ouvrage.

96 |

Le réglage du dispositif

Le quatrième sujet à surveiller est la relation entre l’entité et son niveau supérieur. Imaginons un nouveau mode de fonctionnement dans une entité avec une dynamique particulière, l’examen et le traitement d’une boucle courte, des demandes d’appui à destination de l’unité, qui est restée traditionnelle dans son mode de management. Voilà donc un risque d’incompréhension qui peut étouffer la dynamique venant du terrain. Une réponse rapide s’impose : expliquer et commenter ces nouveaux modes de fonctionnement. Le seul frottement avec une entité lean ne suffit pas pour transformer le mode de fonctionnement. Si le risque de non-accompagnement d’une entité existe au démarrage, il ne faut pas sous-estimer le risque inverse lorsque toutes les entités de l’unité sont dans le nouveau dispositif et que la ou les dernières n’y sont pas entrées. En effet, les pratiques managériales ont évolué pour toutes les entités, excepté la dernière. L’environnement organisationnel passé au nouveau dispositif, incite fortement la dernière entité à migrer dans ce nouveau mode sans pour autant être accompagnée dans son évolution par un acteur du changement. C’est pour cela qu’il faut rester vigilant et rigoureux dans le déploiement en accompagnant la dernière vague avec la même attention que les premières. Ce thème comprend le travail sur les relations entre entités et unité concernant la boucle courte, le retour hebdomadaire de la performance, le point sur l’avancement de la feuille de route, l’intégration de la démarche avec la revue de contrat et le cycle de gestion. Autant de sujets à la main de l’unité, mais que l’unité doit traiter avec soin et en connaissance de cause. À ce stade, on comprend l’intérêt de travailler avec le top management des unités. Sans cela, on prend le risque d’avoir une population de directeurs qui n’intègre pas la démarche et ne perçoit pas l’intérêt qu’elle peut en retirer. Dans le même ordre d’idée, si votre organisation comprend des niveaux hiérarchiques complémentaires, alors la construction des relations des niveaux supérieurs est à réaliser en transposant les standards managériaux à ces niveaux. Enfin, le cinquième point d’amélioration concerne la préparation d’une intervention dans une entité. Plutôt que de démarrer le jour J, il faut anticiper la préparation de l’intervention pour la démarrer plus tôt en matière de communication et de collecte de données nécessaires au diagnostic (phases D et M sur une durée de deux semaines). On peut définir par « grands métiers » les éléments disponibles et nécessaires au diagnostic. On peut préciser où aller chercher ces données pour des acteurs de changement qui ne connaîtraient pas toujours le métier en détail.

| 97

Le lean management dans les services

Le premier retour d’expérience est important afin de clarifier les livrables d’un chantier avec les délais associés. Souvent, il est nécessaire de mobiliser certains acteurs. Se dessinent alors les premiers besoins de formations spécifiques. Les points clés concernant des standards de chantiers plus normés –– L’implémentation systématique des standards managériaux –– Une ambition de progrès élevée –– La réallocation des marges de manœuvre –– La boucle courte entre chaque niveau –– La préparation d’un chantier

9.2 La préparation d’un chantier Les premières phases d’un chantier, nous l’avons vu, sont très courtes. Aussi, pour ne pas perdre de temps, une bonne préparation s’impose. Une fois la première série de chantiers réalisée, vous aurez une bonne vision des éléments et actions qui peuvent être préparés quelques jours avant. La programmation et le contenu des rencontres préparatoires avec l’unité et l’entité. Pour cela, il s’agit de repérer les acteurs clés de l’unité et de l’entité pour leur présenter sommairement la démarche, ses objectifs, et capturer leurs attentes et leur vision. Il est primordial de comprendre le contexte de l’entité dans laquelle l’acteur de changement va intervenir. Cette entité a-t-elle de très bons résultats ou à l’inverse est-elle attendue sur des points difficiles ? Le responsable de l’entité vient-il d’être nommé ou bien a-t-il toute l’histoire de l’entité en tête ? Comment fonctionne son entité ? Quelles sont ses difficultés, son ambition, ses contraintes ? Voilà donc des thématiques de questions qu’il est nécessaire d’aborder au plus tôt.

 La préparation de la logistique en entité C’est sans doute trivial, mais cela mérite de s’y intéresser assez tôt pour ne pas passer sa première semaine à faire de la logistique (vous l’aurez compris, sans valeur ajoutée client) au lieu de travailler sur le diagnostic. Dans ce registre, il faut prévoir où va s’installer l’acteur de changement, le

98 |

Le réglage du dispositif

bureau, la connexion micro, la liaison imprimante, la carte d’accès au site, la carte de cantine, mais aussi le logement de la semaine, la gestion des déplacements personnels et professionnels… Une fois les premiers contacts noués, l’acteur de changement va proposer un calendrier optimal afin de partager les actions avec l’équipe d’encadrement. L’acteur de changement et le chef de projet construisent le plan de communication auprès des salariés en vue d’une démultiplication de ce plan permettant une bonne mobilisation des acteurs. La communication vers les partenaires sociaux locaux : l’acteur de changement va aborder avec l’encadrement de l’entité et la région, le contexte social de l’entité et adapter le plan de communication afin d’informer au mieux tous les acteurs.

 Le plan de mobilisation des acteurs L’aspect communication et explication du sens de la démarche est un facteur clé de succès. Souvent sous-estimé au démarrage, il est nécessaire de bien expliquer le rôle de l’acteur de changement. Non, un acteur de changement n’est pas un auditeur qui observe, toise et fait un rapport. Oui, un acteur de changement vient aider l’encadrement de l’entité et l’opérateur à faire émerger leurs principales difficultés, à les résoudre et à mettre en œuvre des solutions pour vérifier leur efficacité. Non, un salarié de changement n’est pas le père Noël ou la fée qui transforme toutes les difficultés en solutions miracles. Oui, un acteur de changement peut démontrer qu’avec un peu d’énergie, le groupe est capable de supprimer des difficultés ponctuelles et récurrentes jamais résolues et à la portée du groupe. Non, l’acteur de changement ne refera pas le système informatique, ne transformera pas le processus achats en six semaines. Oui, l’acteur de changement favorisera les modes d’échanges entre groupes. Non, l’acteur de changement n’automatisera pas et ne transformera pas tous les reporting. Oui, l’acteur de changement aidera à interroger la plus-value du reporting et demandera des mesures quotidiennes de l’activité.

| 99

Le lean management dans les services

La liste est longue et les a priori nombreux sur rôle de l’acteur de changement. Le passage à l’action et la réussite des actions constituent la meilleure forme de communication. C’est pour cela qu’il est important de concrétiser rapidement les premiers leviers.

Les points clés concernant la préparation d’un chantier –– Des entretiens exploratoires –– Le calage de la logistique (hébergement, déplacement, accès.) –– La recherche de données –– Un plan de mobilisation des acteurs –– Présenter le rôle de l’acteur du changement

9.3 Le point zéro structuré Les phases D et M sont volontairement très courtes et donc demandent à être structurées pour limiter les pertes de temps. Comme les entités se ressemblent dans leur organisation, on peut progressivement établir les éléments d’entrée nécessaires à une bonne prise de connaissance. Ces éléments peuvent d’ailleurs être utiles dans la découverte de tout nouveau domaine ou poste en les transposant à l’activité. Il s’agit d’éléments de contexte, d’organisation, de compréhension (histoire de l’unité, atouts, points sensibles). Cela se rapproche fortement d’un SWOT (force, faiblesse, opportunité, menace). Il s’agit de recueillir les données clés concernant le budget, les investissements, les données de la main-d’œuvre, des achats, et des autres postes de budget s’ils sont significatifs. Il s’agit de recueillir les chiffres clés caractérisant l’entité ou l’unité (nombre de salariés, nombre de clients, caractéristiques techniques) mais aussi l’organigramme de l’entité, l’annuaire de l’entité, les lettres de mission de l’encadrement, l’évolution des effectifs, la liste et la mission des prestataires externes, l’historique des heures supplémentaires, le niveau d’absentéisme, le taux de renouvellement de l’effectif, l’âge moyen de l’entité, les résultats sécurité… Il s’agit de recueillir des éléments plus stratégiques comme le plan moyen terme de l’unité, les notes d’organisation du système de management

100 |

Le réglage du dispositif

permettant de connaître les rites et rythmes du management de la performance, les notes ou plan prévention, les contrats d’entité afin de repérer les objectifs clés, leur niveau d’opérationnalité, les notes de fonctionnement des entités, les dernières revues de performance du(des) processus entrant dans le périmètre. Pour aller plus loin, et rentrer dans le métier de façon « théorique », nous conseillons de récupérer la description du processus, ses indicateurs et ses résultats, les forces et les faiblesses, les demandes d’amélioration, la qualité du fonctionnement des interfaces, les entités et les acteurs clé de ces interfaces. On pourra poursuivre en récupérant les modes opératoires décrits localement s’ils existent. Ces éléments gagnent à être obtenus assez tôt avant le début du chantier pour commencer à imaginer les orientations à prendre, préparer la posture de communication, travailler le contenu d’un entretien. Dans un rythme trimestriel, cette préparation se réalise le mois précédant l’arrivée de l’acteur de changement. Ce travail d’anticipation est compatible avec la fin du chantier précédent. En effet, dans le dernier tiers du chantier, l’acteur de changement se met progressivement en retrait, en surveillant et en appui de la dynamique, normalement reprise par l’encadrement.

Les points clés concernant le point zéro –– Élément de contexte –– Les données clés –– Les éléments stratégiques –– La description des process –– Un temps anticipé dès la fin du chantier précédent

9.4 L’implication managériale renforcée pour assurer la pérennisation Le rôle de l’acteur de changement est de déclencher une dynamique et prouver concrètement qu’à l’aide d’une méthode, d’outils, de nouveaux modes managériaux, une entité peut obtenir une forte progression de ses résultats dans des temps très court. Mais son objectif n’est pas de prendre les commandes de l’entité même si parfois l’envie ne manque pas ! Il s’agit de remettre les clefs du nouveau dispositif et le savoir-faire à l’encadrement.

| 101

Le lean management dans les services

Pour cela, le manager ne doit pas rester simple spectateur, mais acteur et s’impliquer dans les actions. Pour certains responsables, cette posture est difficile, habitués qu’ils sont à des niveaux de synthèse, à décider uniquement sur la base de rapports ou de souvenirs opérationnels anciens… Un intervenant me racontait comment il avait réussi à prendre les commandes d’une usine. Appelé pour seconder un directeur d’usine, il a commencé à faire le point de l’activité trois-huit en étant présent aux deux passages de relais. Celui du matin très tôt et celui du soir. C’est à ces moments clés que les consignes se passent entre les équipes et que se discutent les problèmes rencontrés. L’absence d’encadrant au point du matin faisait qu’une grande partie de la connaissance des résultats de l’activité nocturne se perdait. La présence systématique, puis la mise en place d’un système de collecte des éléments clés, présenté en management visuel a permis de réaliser un brief efficace pour l’équipe du matin. Le nouveau directeur adjoint a ainsi acquis une connaissance très fine de l’activité, ce qui lui permit non seulement de prendre des décisions pertinentes sur la base des propositions des équipes mais en plus de s’en faire apprécier. En moins de trois mois, le directeur déjà éloigné des activités courantes n’avait plus une vision suffisante pour piloter son usine. Je vous laisse imaginer le choix de la direction générale. Donc l’un des rôles de l’acteur de changement est de transmettre son savoir et savoir-faire vers l’encadrement, et en particulier vers le chef de projet en charge par exemple du pilotage du domaine ou du métier dans l’unité. Ce chef de projet, manager local, doit investir une part de son temps que l’on peut estimer à 50 % au moment du chantier. Car, une fois l’acteur de changement parti, il doit reprendre la main, c’est-à-dire entraîner l’entité, accompagner l’encadrement sur le chemin de la performance. Il va aider à l’extension de la démarche sur un périmètre plus large, il va coacher l’encadrement encore faiblement expérimenté dans son rôle d’animateur, ou de conduite de résolution de problèmes. Ce scénario théorique ne se déroule pas toujours comme cela dans la réalité. Le chef de projet local, responsable d’un domaine ou d’une ligne de service ou de produit est souvent accaparé par une multitude de sollicitations : RH, managériales, gestion, communication, formation, organisation, relations sociales… Le manque de temps constitue une difficulté. Avec un regard lean, on peut considérer qu’il y a là nature à faire émerger des progrès ; bien définir le rôle de ce niveau d’encadrement dans l’organisation et renforcer la capacité à gérer son temps par exemple. Mais ces étapes de progrès se situent à moyen terme. Regardons ce que l’on peut faire à court terme.

102 |

Le réglage du dispositif

D’abord leur donner avant le début du chantier des éléments sur la démarche et sur l’organisation du déroulé. Leur montrer les bénéfices qu’ils pourront en tirer : la performance de leur domaine, de leur ligne de service… ensuite leur demander très en amont de réserver quelques demi-journées par semaine pour participer aux ateliers de chaque phase. L’acteur de changement aura pris soin d’adapter le calendrier afin que ces créneaux correspondent à des phases et ateliers clés. L’acteur de changement doit être professionnel dans la préparation des ateliers, dans la conduite des réunions, dans la plusvalue apportée afin que le chef de projet s’intéresse tant au fond qu’à la forme. Il doit conquérir le chef de projet. Le chef de projet local devient progressivement acteur de la démarche DMAIC dans l’entité. Il est contributeur du bon avancement du chantier et de la prise de décision au niveau Unité. Il comprend les moments clés du projet et facilite le travail de l’acteur de changement. Il s’assure que les percées réalisées pourront être dupliquées dans d’autres entités au sein de l’Unité. Il identifie et traite les difficultés ponctuelles récurrentes à son niveau afin de donner un signe clair aux salariés. Il contribue à l’installation d’un autre style de management au sein de l’Entité et au sein de l’Unité et à ce titre, il est exemplaire. Le chef de projet gère la communication du programme dans l’Unité. Sa vision supra-entité et son rôle de pilotage de la performance transverse le prédestinent à établir et porter la communication du programme dans son unité. Il mobilise à bon escient le chargé de communication de l’Unité. L’acteur de changement peut fournir une aide à la structuration des messages et au plan de communication. Le chef de projet contribue aux reporting du chantier. C’est pour lui une initiation à la boucle courte qui sera ultérieurement installée dans l’entité et dans l’unité. Il s’implique dans la gestion des irritants et demandes d’appui. Il valide le reporting hebdomadaire de l’avancement du chantier. Il porte et commente ce point au niveau supérieur. Le chef de projet contribue à l’évaluation de la mission de l’acteur de changement. Le niveau dont dépend l’acteur de changement utilise ce retour client. Le chef de projet en charge du domaine dont dépend l’entité peut être amené à décider de la réaffectation locale des marges de manœuvre. En effet, les marges de manœuvre dégagées doivent être réallouées soit au niveau de l’entité, soit au niveau de l’unité selon les besoins dans un souci d’efficacité

| 103

Le lean management dans les services

globale (transversalité des métiers, flexibilité, etc.). Il convient d’assurer la traçabilité des résultats pour s’assurer qu’on a bien dégagé les marges de manœuvre. Il convient aussi d’assurer la « communication » sur les résultats obtenus et sur l’usage et l’affectation des marges de manœuvre. Le responsable de domaine orchestre le lien avec les métiers. À ce titre il prend un rôle actif dans la circulation des « bonnes idées » qui émergent des chantiers et entités. Le chef de projet, au contact des acteurs de changement, acquiert le savoir-faire et les outils de la méthode. Comme il suit la transformation de plusieurs entités de son unité, il aura la capacité à s’approprier l’ensemble du savoir. Une fois les déploiements achevés, il sera en mesure de relancer des chantiers par percées sur son unité. Ces principes nécessitent une énergie importante pour être expliqués et intégrés. Ces éléments donnent matière à la construction d’un stage pour ceux qui voudraient s’initier aux concepts de la démarche et anticiper les actions de préparation. Un tel stage doit rappeler les enjeux du programme, présenter la démarche sous l’angle analytique (méthode et outil), sous l’angle conduite du changement et sous l’angle mobilisation des acteurs. Chaque module sera accompagné de cas de mise en situation permettant aux stagiaires de s’approprier des concepts sur des cas concrets. Il est habituel de démarrer ce type de stage par une mise en situation au travers d’une simulation : la gestion de passeports, la fabrication de pizza, le traitement de réclamations sont des cas qui permettent de toucher la méthode et les concepts du lean. Ils créent une dynamique qui fédère les stagiaires pour le reste des deux journées. La progression des résultats obtenus permet d’illustrer les outils et l’efficacité de la méthode. Dans d’autres exercices, on peut faire valider des chartes et des feuilles de route ou bien évaluer les douze compétences clés de leurs collaborateurs. Ces stages peuvent être nationaux ou décentralisés aux mains des unités pour créer un collectif autour de la démarche. Ils gagnent à être animés par des acteurs de changement, des managers aguerris à la démarche ou bien par des pilotes de la démarche. Il est bon de montrer que l’interne est en mesure d’intégrer l’animation dynamique de ces stages. Cela renforce la crédibilité des animateurs, qui montent ainsi en compétence sur les concepts et outils du programme. Ils acquièrent l’autonomie et l’aisance nécessaires au portage du programme. Ils sont d’efficaces relais du projet.

104 |

Le réglage du dispositif

Les points clés concernant l’implication managériale renforcée

Le management est acteur de la démarche DMAIC –– Il accompagne de nouveaux chantiers dans d’autres entités –– Il a un rôle clé de validation des orientations –– Il acquiert méthode et savoir-faire –– Il constitue une garantie dans la pérennisation de la démarche –– Il est soutenu par des formations dédiées

9.5 La mesure des résultats Pour mesurer les résultats du programme, il est nécessaire de définir un référentiel et un protocole de mesure. En effet, les résultats sont de plusieurs ordres  : des résultats financiers, des résultats dits métier, des résultats développement durable. Afin de les additionner, on les convertira en équivalent euros. Pour autant, seuls les résultats financiers seront comptablement visibles dans l’EBITDA (earnings before interest taxes, depreciation and amortization) de l’entreprise. Pour illustrer, nous comptabiliserons en résultats dits « métier » ceux correspondant par exemple à une augmentation d’activité à coût constant. En diminuant les temps perdus et en les remplaçant par des activités utiles, nous augmentons le nombre d’actes réalisés, ce qui permet par exemple de rattraper un retard d’activité ou de réaliser plus d’activité. Cette notion de résultats d’activité n’est pas toujours bien comprise ni bien assimilée par la filière contrôle de gestion, habituée à comptabiliser des résultats visibles en comptabilité. Les résultats de développement durable, de la même manière, ne sont pas directement chiffrables. Le temps passé avec les salariés à expliquer le travail, le temps d’organisation du travail ne sont pas visibles par la comptabilité ; en revanche, ils sont susceptibles de faire diminuer les accidents de travail et d’améliorer les conditions de travail. On peut corréler et valoriser ce temps au travers de l’absentéisme. L’optimisation géographique des déplacements se comptabilise pour partie dans le domaine du développement durable. En organisant par zone géographique les activités, une entité peut diminuer, à nombre d’interventions constantes, les kilomètres de déplacements en véhicule sur une année. On sait donc chiffrer cette économie, en économies

| 105

Le lean management dans les services

d’essence et d’usure de véhicules, en gain de CO2. Pour autant, cette économie de temps est « remplie » par de nouvelles activités et de nouveaux déplacements. Donc dans ce cas également, les mesures comptables ne reflètent pas les résultats réels. Rester sur la seule référence comptable minore les résultats d’un programme de lean management. Le référentiel va donc reprendre, nature de résultats par nature de résultats, la façon dont on mesurera ceux-ci. À chaque fois, un exemple illustratif permettra à l’utilisateur de bien comprendre la référence. Ce document nécessite d’être partagé, voire coconstruit avec le contrôle de gestion de l’entreprise, puis diffusé et porté vers l’encadrement concerné. Les acteurs de changement doivent être particulièrement à l’aise avec ce référentiel, car il oriente en particulier les mesures des actions mises en œuvre dans le chantier. Pour sécuriser cette appropriation, il est fortement conseillé de reprendre ce référentiel dans le cadre de la feuille de route de l’entité établie à l’issue des douze semaines du chantier. Celle-ci constitue la base d’engagement d’actions associées à la mesure de résultats. On y trouvera en particulier la description des actions mises en œuvre, dans les mois suivants la vague, les indicateurs de suivi, la trajectoire de réalisation et de réallocation des résultats. Un des piliers du lean est l’efficience. L’efficience d’une entité fait partie du référentiel. La mesure et le suivi de l’efficience visent à aider les entités à suivre la progression. Prenons un exemple trivial pour l’illustrer : votre voiture. La performance de votre voiture se traduit par sa vitesse maximum ou par le temps mis pour atteindre les 100  km/h. L’efficience correspond à sa consommation d’essence à 100 km/h. Les constructeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils proposent la surveillance instantanée de la consommation d’essence. La surveillance de la consommation à la semaine ou pour un trajet vous permet une analyse de votre conduite et se trouve expliquée par les conditions de parcours : ville, montagne, autoroute. En cas d’évolution anormale, vous serez en alerte et peut-être irez-vous chez votre garagiste : votre pression de pneus n’est pas correcte, vos bougies sont usées… À l’inverse, si votre consommation est basse vous essayerez de reproduire votre style de conduite. Il s’agit d’une bonne pratique. Si pour un véhicule l’efficience se caractérise par la consommation d’essence et que sa surveillance régulière voire instantanée favorise la détection d’anomalies ou l’émergence d’une conduite économique, comment déterminer la « consommation d’essence » d’une organisation ?

106 |

Le réglage du dispositif

Pour une organisation de main-d’œuvre, l’efficience est le temps passé à des activités à valeur ajoutée ou des activités utiles à l’entreprise divisé par le temps total de la main-d’œuvre. Chaque type d’entité doit définir son efficience, sa mesure et l’outil. Souvent, les SI des métiers permettent de mesurer l’évolution du nombre d’activités réussies par jour. Pour des activités d’études, où les pas de temps sont importants, la vision globale n’est pas suffisante. Un architecte ne peut attendre la fin de la construction de l’ouvrage pour connaître son efficience. Il ne pourrait que constater la bonne surprise ou son déficit sans pouvoir réagir aux premiers écarts. Dans des métiers de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre, on peut mesurer cette efficience sur la base d’une autorevue du responsable études. À partir d’une pondération des jalons clés de l’affaire, on est en capacité de mesurer le travail à valeur ajoutée de la semaine. Chaque grand type d’activité doit modéliser son efficience et la calculer soit de façon automatisée par les données déjà saisies sous le SI (cas des consommations des voitures récentes), soit par une collecte simple mais régulière (cas des voitures anciennes via un carnet des consommations). Cette collecte manuelle est parfois jugée contraignante et implique l’automatisation au plus tôt de cette collecte en lien avec les SI métiers correspondants. La mesure de l’efficience suppose l’établissement d’un temps de gamme de chaque travail élémentaire. En effet comment vérifier que sa voiture consomme trop sur autoroute, en ville, à la montagne, si vous n’avez pas de référence sur ces différents parcours ? Un temps de gamme correspond au temps normal de réalisation de chaque type d’activité, si aucun aléa ne vient la perturber. Les temps de transport sont les temps normaux de déplacement entre deux lieux d’intervention, sur la base d’un calcul réalisé avec un logiciel de trajet. Les temps de bureau comprennent les temps de briefing, débriefing, saisies informatiques, réunions hebdomadaires… On peut définir cinq minutes pour un brief, dix pour un débrief, une heure pour la réunion. En cela, on rejoint la gestion du temps. La mesure de l’efficience et surtout sa variation positive permettent de mesurer le résultat général de l’entité sur son activité. Illustrons par un exemple : « Si une équipe de 30 personnes voit son efficience passer de

| 107

Le lean management dans les services

40 % à 50 %, ses résultats en nombre de personnes disponibles sont-ils de 3 personnes ou de 6 personnes ? Réponse : 6 personnes, car la valeur ajoutée de l’équipe est initialement de 30 x 0.4 = (30 - x) x 0.5 une fois la percée faite. On trouve donc x = 6 correspondant aux personnes rendues disponibles par l’augmentation de l’efficience générale. » Une autre façon de mesurer les résultats d’activité d’une entité consiste à mesurer l’affectation des résultats. À ce titre, il faut définir les principes d’affectation des marges de manœuvre dégagées. Ce peut être des activités qui vont améliorer :

ffle temps utile (exemple : du temps dégagé du fait de la suppression d’aléas) ;

ffles coûts ou les recettes ; ffla satisfaction client ; ffla qualité et les délais (exemple : par la fluidité plus grande des process) ; ffla santé sécurité (exemple : par une meilleure qualité de préparation du travail) ;

ffla mobilisation des salariés (par la participation à la remontée des aléas et la résolution de problème, se traduisant par une motivation renforcée, et on peut penser moins d’absentéisme) ;

ffl’implication des managers (en particulier autour des standards managériaux permettant la création d’un collectif plus fort au service de la dynamique de l’entité, d’où des propositions d’améliorations supplémentaires). Ces résultats ou marges de manœuvre peuvent se classer selon trois grandes finalités  : la finalité financière, la finalité métier, la finalité développement durable. Toutes les marges de manœuvre valorisées ont vocation à être utilisées d’une certaine façon et doivent se traduire dans un progrès mesurable et visible. La palette d’affectation est large, elle va de l’affectation au résultat financier de l’entreprise jusqu’à financer des actions d’amélioration de l’environnement de travail. Pour conforter le système de mesure de résultats, il est souhaitable – voire indispensable – de faire assurer le dispositif par le responsable de l’organisation en charge de la certification des comptes. À ce titre et pour assurer l’« auditabilité » des mesures et collectes, un dossier est constitué

108 |

Le réglage du dispositif

au niveau de l’organisation responsable et au niveau national. Il assure ainsi la traçabilité du dispositif de collecte et de capitalisation des résultats. Le pas trimestriel d’actualisation apparaît pertinent en lien avec la dynamique des chantiers du programme. Ce document de référence peut comporter des éléments chiffrés avec les calculs intermédiaires, sous forme de tableur, ainsi que des explications sous forme de fichier texte, notamment sur les retraitements effectués, les raisons qui ont conduit à ces retraitements et les hypothèses de calcul. Ces éléments ont pour objectif de sécuriser les résultats et d’assurer leur robustesse. En particulier, ils doivent être auditables et donc tracés.

Les points clés concernant la mesure des résultats Un référentiel de mesure des résultats –– Du temps utile dégagé –– De la maîtrise des coûts –– De la satisfaction clients –– De la tenue ou maîtrise des délais –– De la santé sécurité –– Du mieux-être au travail –– De la participation des salariés –– De l’implication managériale –– De l’environnement

9.6 La surveillance du dispositif par l’analyse des reporting Prenons l’hypothèse conseillée d’un reporting trimestriel réalisé sur la base du document de référence, et renseigné par chacune des entités opérationnelles puis consolidé d’abord par les entités responsables puis nationale. Le fait de demander ces remontées met le système sous tension. L’ensemble de la chaîne s’implique dans le dispositif. L’agrégation permet de mesurer le niveau d’avancement des résultats obtenus par rapport aux prévisions et à l’engagement de résultats du programme. Un programme réussi donnera des résultats supérieurs aux prévisions prudentes telles que celles faites dans le chapitre « prévisions ». Vous aurez également besoin de

| 109

Le lean management dans les services

ces éléments pour assurer votre communication financière et, au-delà des chiffres, une illustration par l’exemple permet de rassurer les actionnaires. Enfin, chaque niveau d’agrégation doit se livrer à une analyse permettant de détecter des écarts, des résultats significatifs traduisant des bonnes pratiques ou des potentiels supérieurs. Cette analyse conforte le modèle de prévision de résultats et permet de régler le plan d’action du programme. Chaque niveau peut ensuite faire un retour vers les fournisseurs de reporting pour valoriser les résultats obtenus, adapter les actions, faire préciser certains points. Ces éléments peuvent également faire partie de l’évaluation voire de la contractualisation. Pour illustrer un niveau d’analyse, il est possible de produire le pourcentage de résultat par rapport au périmètre budgétaire des entités concernées par les chantiers. Plus le pourcentage est élevé, meilleur est le parti tiré de la démarche. Cette approche permet de comparer les organisations, de s’intéresser aux pratiques les plus performantes et d’en faire profiter celles qui se situent le plus en retrait. On peut également présenter les résultats par rapport au périmètre total du budget de l’organisation (comprenant les entités lean et les autres). Le pourcentage a donc la signification suivante : il est le croisement de la profondeur de la démarche avec la surface traitée. On peut aussi produire des analyses par nature de chantier afin d’orienter les organisations sur le chemin le plus pertinent. Cela se réalise en regardant le rendement de chaque vague une fois la maturité de la vague acquise. On constate que les potentiels de résultats selon la nature d’activité sont assez variables mais corroborent l’approche générale. Il faut cependant modérer cette approche par le nombre et le volume de l’activité de chaque type d’entité. Pour conforter ce constat, il est bon de réaliser des visites d’entités pour comprendre la profondeur de la démarche. Nous verrons cette méthode au travers de la visite Gemba. On peut constater par exemple que seule une partie de l’activité est concernée par la démarche et que l’entité n’a pas encore travaillé sur la totalité de son périmètre d’activité. Enfin on peut regarder la dynamique de développement de la démarche dans le temps. Les évolutions des différents ratios conduisent à caractériser l’évolution de la démarche dans chacune des organisations intermédiaires.

110 |

Le réglage du dispositif

Les points clés concernant la surveillance du dispositif par l'analyse des reporting du programme

Ce qui est demandé (type d’entité, budget de référence, potentiel feuille de route, résultats à date) –– Analyse par rapport au % sur les budgets de référence → profondeur de la démarche –– Analyse par rapport au % sur les budgets de la région → surface de la démarche –– Analyse par rapport au % des budgets de référence par type d’entité → potentiel du métier

–– Les évolutions de ces pourcentages sur la durée → la constance de la démarche

| 111

10 Le pilotage renforcé 10.1 Le couplage à la gestion La réalisation des actions d’amélioration s’opère au niveau de l’équipe. Le premier niveau de consolidation se réalise sur un site regroupant plusieurs équipes. On mesurera les résultats obtenus en matière d’activité ainsi qu’un premier niveau d’efficience. Le niveau supérieur agrégera ces résultats activités pour produire des résultats opérationnels et une efficience consolidée. Le niveau suivant utilisera ces éléments pour consolider des résultats plus globaux. Cette agrégation reste au pas hebdomadaire pour les niveaux opérationnels mais passe au pas mensuel avec le niveau supérieur qui assure la pertinence stratégique des orientations. Cette structure d’agrégation de résultats avec une plus-value et une synthèse à chaque niveau rejoint les principes du BSC (balanced score card). Le BSC structure le pilotage par la mise en œuvre d’indicateurs maîtrisables à chaque niveau de l’organisation. On y ajoute une notion de dynamique pour les premiers niveaux au travers de la surveillance de l’efficience, de la boucle courte et du point hebdomadaire réalisé. Cette dynamique est gérée directement par le management et peut conduire à un différentiel temporel avec le contrôle de gestion de l’entreprise qui organise des revues de performance ou des revues d’activités. Ici, nous touchons un risque qui est fonction de l’organisation. Si la file gestion est très présente dans le dispositif, il est nécessaire de l’intégrer dans le nouveau dispositif sans qu’elle prenne la main trop directement. Il y a lieu de positionner le rôle de contrôle de gestion. Le management doit-il s’emparer de la gestion de sa performance ou doit-il s’appuyer sur une file gestion pilotant le dispositif ?

Le lean management dans les services

Aussi la posture du programme est à convenir en fonction du diagnostic sur ce sujet. Quelle que soit la posture choisie, il est important de sensibiliser et d’expliquer les notions de résultats bruts et de marges de manœuvre comptabilisées en performance alors qu’elles ne sont pas visibles dans les comptes de l’entreprise. Réaliser plus d’activité – sans résultats financiers immédiats – avec le même effectif n’est pas forcement considéré comme un résultat vu du contrôle de gestion, mais uniquement comme une performance du métier relevant d’un bon manager. D’autant que prouver qu’il s’agit bien d’un effort d’efficience et non d’un pilotage sérieux de la part des managers appelé jadis « pression managériale », demande beaucoup de conviction de la part du programme. Le référentiel sur les résultats et les principes des programmes travaillés avec le niveau supérieur permettent de démontrer que ces résultats sont bien à mettre au profit de la performance de l’entreprise. Ici également, des formations spécifiques adaptées aux contrôleurs de gestion de toutes les entités sont d’une grande utilité. Le contenu de la formation ou de l’information vers le contrôle de gestion peut s’organiser comme suit : outre la présentation classique du programme, de ses finalités, de son mode de déploiement, on insistera sur la mesure des résultats en s’appuyant sur le référentiel. Un des rôles du contrôle de gestion se trouve bien là : aider le manager à vérifier la bonne mesure de ces résultats, vérifier qu’il n’en oublie pas (et c’est souvent le cas). Le contrôle de gestion contribue à la qualité et à la fiabilité des résultats, car rappelons-le, ces résultats doivent être auditables et donc doivent faire l’objet d’un traçage solide. Au cours de cette formation, on peut présenter la structure de la feuille de route d’une entité, son organisation et surtout les règles essentielles attachées aux actions. Il faudra insister sur l’importance de définir le niveau d’ambition obtenu sous tel délai et l’indicateur associé à la mesure du résultat. Sans cela, le levier ne pourra pas être évalué. Le concept d’efficience constitue un point majeur de cette formation. Il faut également travailler le lien entre les résultats de productivité purs et les résultats du programme afin de les additionner sans les compter en double. Les résultats totaux sont calculés de manière suivante ; ce sont les résultats de productivité (ex baisse des effectifs, ou baisse des achats) + les résultats réinvestis : les résultats réinvestis sont égaux aux résultats bruts - les résultats affectés à la partie financière. Cette corrélation permet de concilier les deux démarches (productivité et efficience).

114 |

Le pilotage renforcé

Les points clés concernant le couplage à la gestion –– La notion de résultats bruts et de résultats nets –– Une formation adaptée –– Réconcilier productivité et efficience

10.2 Les rôles et missions au niveau des entités responsables En fonction de l’organisation de l’entreprise, il existe un niveau de responsabilité globale. Ce peut être par exemple le niveau de type business unit. Ces organisations sont appréciées sur les résultats obtenus en lien avec les orientations stratégiques. Ce niveau d’organisation doit s’approprier une partie du pilotage de la démarche, le niveau national intervenant pour orienter le programme, construire les actions transverses aux entités. Voyons le contenu et le partage de ces responsabilités. Si pour la première vague de chantiers, le niveau national doit piloter en direct le déploiement de la démarche en entité, il est illusoire de penser que le niveau national pourra poursuivre ce mode de fonctionnement, eu égard au nombre croissant et exponentiel de chantiers à mener. Ensuite, un partage de responsabilité est nécessaire. En effet, la logique d’organisation entre le national et les entités responsables implique leur responsabilisation en matière de mise en œuvre. À ce titre, un pilotage direct de la part du national deviendra une ingérence. Ces points conduisent à préciser les rôles et les missions relatifs au programme, concernant les entités responsables afin de leur transmettre le savoir en matière de pilotage. Pour cela, un partage sous forme de séminaire d’une journée par trimestre rassemblant les pilotes stratégiques et les pilotes opérationnels permet de coconstruire et de transférer les modalités de pilotage. Ainsi chaque entité responsable désigne un pilote stratégique et un pilote opérationnel, à l’image de ce qui est organisé au niveau national. Les missions des entités responsables peuvent être les suivantes :

ffPourvoir les emplois des acteurs de changement et gérer leur carrière à l’issue des missions. En référence à notre exemple de départ, chaque entité responsable dispose et gère une équipe d’acteurs de changement choisis parmi leurs cadres.

| 115

Le lean management dans les services

ffAccompagner la concertation sociale selon le dispositif en vigueur dans l’entité mais en suivant les recommandations données par le national afin d’éviter des écarts de posture.

ffAccompagner la communication des unités avec de la matière et des objets fournis par le niveau national.

ffAnimer les communautés relatives au programme (acteur de changement, gestion, métier, management). Une partie du contenu est produite par le niveau national et repris et adapté par la région.

ffPiloter les reporting (hebdomadaire pour les chantiers et trimestriel pour les résultats). À ce titre les entités ont la responsabilité de la traçabilité des résultats.

ffÉvaluer la mission des acteurs de changement en référence avec les modalités décrites dans le chapitre « évaluation des acteurs de changement » relativement particulières tant dans le contenu que dans le rythme.

ffPiloter les demandes d’appui et instrumenter les liens avec les métiers. Les irritants puis ensuite les demandes d’appui issues des boucles courtes doivent trouver réponse. Ce sont les métiers qui sont qualifiés pour ce traitement. Ces objets sont nouveaux pour eux et la dynamique de traitement est traditionnellement plus lente. Il faut donc porter puis assurer un suivi sur ce sujet.

ffPiloter le déploiement du projet sur l’entité en lien avec les orientations nationales. Responsables de leurs résultats, les entités doivent décider des priorités concernant le choix des chantiers. Le niveau national donne quelques règles globales, comme par exemple celui sur la dynamique de déploiement. Un déploiement commencé dans une unité doit se poursuivre sans interruption trimestre après trimestre dans l’unité afin de ne pas créer de zapping et d’autre part de risquer une scission dans l’unité, les anciens contre les modernes.

ffPiloter l’atteinte des objectifs en contrôlant la mesure des résultats, la qualité et l’ambition des feuilles de routes. Dans ce registre, les entités responsables challengent les ambitions des directeurs d’unité et les chefs d’entité opérationnelles souvent un peu timides par crainte de ne pas réussir. Ce partage et cette coconstruction se réalisent avec ces acteurs et se valident avec les patrons de ces entités réunis par exemple une fois par an dans le prolongement de la construction réalisée au démarrage du programme. Conjuguer un point du programme, des propositions d’évolution

116 |

Le pilotage renforcé

dans le pilotage, faire évoluer l’ambition du programme, avec un apport par des intervenants extérieurs venant témoigner sur ce qu’ils ont fait d’un tel programme dans leur entreprise, renforcent la plus-value de ce temps. Pour animer ce type d’échange, il est recommandé d’appliquer les concepts du programme. Par exemple, demander à chaque manager de décrire en séance le niveau d’engagement de son programme, les bénéfices, les préoccupations ainsi que les actions prévues. Vous pouvez également les faire témoigner chacun sur une action particulièrement réussie. Chaque thème donne lieu à des échanges et on peut imaginer qu’en fin de journée chaque patron reprenne les actions qui lui paraissent les plus adaptées pour compléter son déploiement. Une présentation devant les autres participants renforce l’engagement.

Les points clés concernant le rôle de l’entité responsable

–– La recherche des acteurs de changement –– La communication –– L’animation des communautés –– Le pilotage des reporting –– L’évaluation des missions des acteurs de changement –– L’animation de la boucle courte des demandes d’appuis à la région –– Le pilotage du déploiement du projet en région –– Le pilotage des objectifs du programme

| 117

11 Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation des bonnes pratiques en lien avec les métiers 11.1 Le traitement des demandes d’appui Une sollicitation est un blocage à lever par un chantier permettant d’actionner l’expérimentation d’un levier dans le but d’améliorer la performance opérationnelle. La sollicitation reste dans le cadre temporel du projet, c’està-dire qu’une fois le blocage levé, le levier d’amélioration peut-être mis en place rapidement (dans l’horizon de la vague ou de la feuille de route dans les six mois). Un irritant n’est pas un point de blocage tel que défini ci-avant. Un irritant est une difficulté ponctuelle récurrente qui solutionné procure une amélioration immédiate sur le « confort de vie » des salariés. Idéalement, l’irritant doit être relié au thème des chantiers. Le traitement d’un irritant peut être décidé sans attendre par le management de l’entité. Le traitement d’un irritant a essentiellement pour but d’inciter la participation des salariés à la démarche en facilitant le quotidien. Voici quelques exemples : De petites améliorations du SI qui permettent d’éviter des ressaisies, d’améliorer une restitution ou de simplifier l’accès au SI (problème de mots de passe), de calculer l’indicateur d’efficience, de suivre des activités

Le lean management dans les services

opérationnelles. Par contre, les changements d’organisation, les adaptations structurelles du SI, les changements de doctrine nécessitant une instruction très longue et/ou une contribution complexe de l’externe (fournisseurs, prestataire, etc.) ne relèvent pas de la demande d’appui. Le mode de fonctionnement implique une forte dynamique : 1. Le point de blocage est identifié par l’équipe et est discuté entre les acteurs projets et le management de l’entité. 2. Si aucune solution au niveau projet et de l’entité n’est trouvée, le point de blocage analysé est documenté puis remonté au management de l’unité pour un premier niveau de décision. 3. Le management de l’unité lève le maximum de points de blocage à son niveau. Si la solution n’est pas de son ressort, alors il émet une sollicitation vis-à-vis du pilotage de l’entité responsable. 4. La sollicitation est transmise au pilotage opérationnel qui l’enregistre dans la base ad hoc et l’oriente vers le domaine métier concerné en fonction du problème posé. 5. Le métier analyse les demandes d’appui et les traite. 6. Durant la suite du chantier, le pilote opérationnel assure un jalonnement de l’avancement des demandes d’appui lors d’un des reporting hebdomadaires. Cela permet de vérifier qu’aucun point n’est laissé en attente au détriment des salariés et de l’image du dynamisme du programme. La principale difficulté consiste à trouver l’interlocuteur compétent et habilité à décider. Pour réussir la mise en œuvre pratique, il est nécessaire de définir le circuit des demandes d’appui. C’est à ce stade que les métiers ont un rôle à jouer, d’abord en unité où le pilote local de processus est le premier représentant du métier sur le terrain. Ensuite, au niveau de l’entité responsable, le métier est plus fortement représenté. La dynamique demandée dans le cadre de la démarche peut surprendre les acteurs concernés peu habitués à traiter des questions opérationnelles remontantes dans des délais courts. Dans certains cas, cela constitue un changement important qui ne fonctionne pas de façon aussi fluide que nécessaire. La même difficulté peut apparaître au niveau national. Sur ce point, le lean management alimente la boucle de la qualité. Le traitement des boucles courtes constitue une rupture dans les pratiques. Il est donc important d’impliquer les organisations métiers – ou les experts – dès le déploiement du programme.

120 |

Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation

Pour réussir sur ce champ, qui crédibilise la démarche auprès des opérateurs, les facteurs clés de succès sont :

ffune forte volonté de traiter le maximum de demandes ; ffune très bonne qualification des demandes d’appuis qui remontent au niveau national ;

ffune volonté de suivre le rythme de la vague pour la prise de décision ; ffun rôle des domaines métier affirmé dans le suivi et l’instruction des demandes d’appui les concernant ;

ffun lien étroit entre les métiers locaux et nationaux. Pour suivre les demandes d’appui, il est nécessaire de s’adosser à un logiciel de partage ou d’en construire un. Les fonctionnalités doivent permettre de capitaliser l’analyse initiale, d’inscrire la validation par chaque niveau sollicité, d’assurer le suivi de l’avancement et la collecte de la décision. Créer une dynamique sur le sujet est une véritable gageure, lorsque les organisations n’y sont pas prêtes. Les demandes d’appui ne sont traitées qu’à force de relances des acteurs concernés. Il y a là matière à réfléchir sur les raisons de tant de résistance. S’agit-il d’une mission nouvelle non reconnue, d’un travail complémentaire difficile à gérer, d’un problème de mission des acteurs techniques, d’une non-reconnaissance par la hiérarchie des métiers ? Je pense que ce travail de détail opérationnel n’est pas autant valorisé qu’un travail de réflexion et d’expertise naturellement dévolu aux métiers. Cette prise de conscience peut agir comme catalyseur pour initier une adaptation du système de management de la qualité.

Les points clés concernant le traitement des demandes d’appui –– La notion d’irritant –– Le cycle de traitement –– Les facteurs de succès (délais courts, l’implication du métier)

11.2 L’émergence des bonnes pratiques Une bonne pratique apporte une solution à une question opérationnelle classique. Une fiche pratique doit se décrire sous un format A4 qui rassemble l’essentiel du mode opératoire sous forme visuelle en combinant texte, illustration, retour d’expérience.

| 121

Le lean management dans les services

Les fiches pratiques sont produites par chacun des chantiers mais aussi par l’entité. Elles correspondent au standard mis en œuvre qui fait référence pour le groupe. Elles doivent respecter le format type imposé par le programme afin d’être compréhensibles et lisibles par tous. Elles sont signées afin de tracer et de retrouver l’auteur et la source du problème traité. Elles sont émises avec un statut « bonne idée – pratique locale » qui progressivement en remontant les niveaux métiers deviendra une bonne pratique régionale ou nationale ou sera abandonnée s’il s’agit d’une fausse bonne idée. Elles font référence à un processus métier (dans certains cas, les pratiques pourront être orphelines, quand le rattachement à un métier n’est pas possible – cas du management par exemple). Pour être partageables, elles doivent être stockées sur un espace commun et accessible par tous. Comme ces bonnes pratiques s’apparentent aux innovations, elles peuvent utiliser un espace conjoint. Il y a lieu cependant de différentier l’innovation émergente de la bonne pratique avérée. La formalisation retenue permet de rendre les bonnes pratiques facilement lisibles. Ces supports sont utilisés non seulement pour capitaliser les bonnes pratiques, mais également pour assurer la formation en continu des équipes et le partage intergroupe. Si au début les bonnes pratiques sont celles développées par l’équipe projet, les managers prennent le relais pour rédiger à leur tour les bonnes pratiques qu’ils mettent au point dans le prolongement du chantier initial. Ce point reste sensible car la formalisation est un frein. Les managers ne sont pas tous à l’aise avec la formalisation ni même avec le support choisi pour les rédiger. Mais d’autres freins existent. Le premier frein est de devoir vérifier l’efficacité de sa bonne pratique. Pour les bonnes pratiques soient validées, il faut que les résultats obtenus soient probants. Cette exigence constitue un frein salutaire. Au-delà de la production de la bonne pratique, le partage constitue un deuxième frein. J’en ai eu la révélation lorsque, visitant une entité et félicitant l’encadrement sur une bonne pratique, l’encadrement m’a explicitement demandé d’écrire dans mon compte rendu que la bonne pratique provenait de l’entité voisine. Je pense qu’il faut aider l’organisation en portant par exemple dans les contrats le nombre d’innovations ou de bonnes pratiques copiées avec obtention de résultat plutôt que le nombre d’innovations. Le but est de faire de l’innovation dirigée. L’émergence des bonnes pratiques est significative au début du programme, puis elle diminue du fait que les chantiers investigués vers la dernière partie du programme relèvent de la même typologie de métier que les premiers.

122 |

Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation

Hormis quelques chantiers plus à la marge comme ceux de fonctions supports, l’ensemble du périmètre est ausculté. Il est probable que certains domaines soient moins approfondis que d’autres, par exemple ceux qui concernent des activités sous-traitées. Cela tient au fait que les entités responsables peuvent avoir orienté leurs chantiers sur les champs les plus prometteurs à court terme. Si au début du programme cette stratégie est voulue, il faut prendre garde à ce que le management s’empare des champs non traités, à l’issue de la vague pour reproduire la méthode de recherche de marge de manœuvre sur de nouveaux périmètres. Cela peut expliquer un déficit de modes opératoires sur ces domaines.

Les points clés concernant le traitement des demandes d’appuis –– Un format type de lecture facile –– Une structure de document complète –– Un traçage (date lieu auteur) –– Un statut (détection/analyse/validation) –– Un stockage accessible –– Une dynamique de déploiement

11.3 La présentation normée des bonnes pratiques Le partage des bonnes pratiques est un point difficile. Aussi, afin de faciliter la lecture et la compréhension, il est indispensable que les fiches contiennent la totalité des éléments nécessaires à leur compréhension et que le format de la fiche soit identique quel que soit son origine ou le métier qui la génère. Le contenu doit être normé. Il tient sur une page recto verso. Si le contenu dépasse ce format, il faut s’interroger sur le découpage du périmètre de la fiche ou bien insérer dans la fiche les supports opératoires (par exemple grille de saisie, lettre type). Un contenu réduit oblige son rédacteur à un effort de synthèse. D’autre part, l’édition papier doit rester possible. Sur le recto, on trouvera l’essentiel du contenu, une description synthétique de l’outil ou de la pratique, les résultats obtenus, la mise en œuvre de la pratique, le déploiement, une illustration ou un schéma pour visualiser le sujet et enfin les cas dans lesquels s’applique cette pratique.

| 123

Le lean management dans les services

Sur le verso, on trouvera le détail de la mise en œuvre, pouvant aller jusqu’au pas à pas, accompagné d’un retour d’expérience formulé sous forme de point d’attention. Enfin, il est conseillé d’ajouter un espace pour évaluer les résultats obtenus et la façon de les mesurer. En effet, il est parfois difficile de mesurer l’efficacité du levier et cela force le dispositif à réfléchir sur ce point. Cet exercice permet de donner une valeur à la pratique. J’ai coutume de présenter le sujet de la description des bonnes pratiques en faisant le parallèle avec le «  Vidal  » et les fiches de médicaments. Nous avons dans le contenu de la fiche ni plus ni moins que les conditions d’application de la posologie permettant de «  soigner  » une difficulté. On peut considérer deux types de bonnes pratiques : celles qui relèvent de standards de fonctionnement classiques formalisés et celles qui conduisent à des changements de pratiques. Tout comme avec un médicament, il ne faut pas se tromper. Cela nécessite un bon diagnostic, fait par une personne compétente. Le docteur est ici l’acteur de changement, ou le manager formé. Attention donc à l’automédication. Pour que le médicament soit dans le Vidal, il faut que celui-ci ait fait ses preuves et soit reconnu et validé par des experts compétents. Il en va de même avec les bonnes pratiques. Ce processus de validation est à organiser et sa mise en œuvre n’est pas immédiate dans une organisation structurée et importante à multiples acteurs. Et la difficulté n’est pas technique mais relève bien d’une prise de conscience de tous.

Les points clés concernant la présentation normée des bonnes pratiques –– Une structure démonstrative –– Une mesure des résultats obtenus –– Un accompagnement nécessaire –– Un process de validation

11.4 La méthode de classement des bonnes pratiques Pour retrouver les bonnes pratiques qui peuvent être nombreuses, il faut un classement. Si chaque entité propose cinq bonnes pratiques, et c’est un minimum, je vous laisse calculer le volume important que cela représente.

124 |

Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation

Des modalités de classement sont également utiles pour favoriser leur recherche ainsi que l’édition sous forme de livret. Dans les critères de classement, on peut retenir par exemple le nom de la chaîne de valeur, du processus, le thème de la bonne pratique (piloter, programmer, ranger, préparer le travail, améliorer l’acte technique, accompagner les salariés, surveiller les prestataires). En complément, il est souhaitable de réserver un champ pour indiquer les conditions de déploiement de la bonne pratique. Le champ « pendant/ hors vague » indique si la bonne pratique peut s’installer en dehors d’une configuration managériale requérant un accompagnement. Automédication ou traitement avec ordonnance ! Un autre champ peut indiquer le niveau de validation de la bonne pratique. Avons-nous affaire à une bonne pratique émergente ou bien à une pratique éprouvée et reconnue par l’organisation ? Tous ces critères, rendus « requêtables », favorisent le regroupement par thématiques, que pourra vouloir un lecteur, en fonction de son intérêt.

Les points clés concernant la méthode de classement des bonnes pratiques –– Des critères de classement à définir facilitant les recherches ultérieures –– Chaîne de valeur, processus, thème –– Conditions de déploiement, maturité… –– La capacité d’éditer par thématique

11.5 Le workflow des demandes d’appui et des bonnes pratiques Nous l’avons vu dans les chapitres précédents sur les demandes d’appui et les bonnes pratiques, il faut définir les modalités de leur traitement. Pour traiter les demandes d’appui, il est indispensable de dédier un espace informatique permettant de capitaliser les avis de chaque niveau et surtout d’exprimer le problème posé, sa mesure, ses conséquences et l’analyse faite. Avant la mise en place d’un dispositif informatique structuré, seuls des mails permettent d’échanger. Leur contenu consiste en une succession d’échanges liés au faire suivre. Le lecteur passe beaucoup de temps à retrouver les éléments nécessaires à la compréhension du problème dans

| 125

Le lean management dans les services

la multitude des échanges. De plus, trouver le bon interlocuteur relève de l’exploit, tout comme trouver le bon décideur. On peut s’apercevoir que la moindre décision s’appuie au mieux sur une multitude d’avis et assez souvent sur un quasi-référendum interne, ce qui prend du temps. Autre contrainte, celle de traiter rapidement le problème. Les opérationnels ne vont faire remonter leurs difficultés et leur besoin d’aide que si les niveaux supérieurs sont capables d’y répondre rapidement. Cette dynamique n’est pas toujours naturelle dans les entreprises de taille significative. La posture du management et du métier qui aide le niveau infra, peut être inhabituelle. C’est un enjeu fort lié à un changement culturel. Il faut donc établir un workflow afin de définir les différentes étapes et les règles associées au traitement des demandes d’appui et à la validation des bonnes pratiques. Pour appuyer l’importance de ce sujet et faire apparaître le côté culturel, je cite souvent l’exemple relaté par un directeur d’usine automobile sur le montage de la banquette arrière d’une des voitures. Les ouvriers de l’usine rencontraient des difficultés de montage de la banquette par la malle arrière. Cela se traduisait par des temps importants sur la chaîne. La chaîne de montage avait été conçue selon les standards internationaux du groupe. Cependant, la morphologie des travailleurs était différente et ne permettait pas de monter les sièges AR sans difficulté par le coffre. Le directeur de la recherche du groupe, au moment de sa visite sur le site, s’est enquis des difficultés rencontrées et les ouvriers et l’encadrement lui ont à ce moment-là indiqué leur problème. Le directeur et un de ses collaborateurs sont restés deux jours, jusqu’à mettre au point les principes d’un montage des sièges par les portes AR. Il a décalé tous ses rendez-vous sine die pour traiter le problème avec les acteurs locaux. J’ai pu tirer de cet exemple frappant plusieurs points de posture :

ffCe directeur est compétent en matière d’activités opérationnelles et il est en mesure d’animer un atelier pour traiter le sujet.

ffCe directeur va sur le terrain pour voir la réalité de ses préconisations (ordonnancement de la chaîne de montage).

ffCe directeur s’implique personnellement en décalant tout son programme de visites.

ffCe directeur traite en priorité les aléas qui jouent contre la performance de l’entreprise.

126 |

Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation

C’est à ce moment-là que j’ai acquis la certitude de l’importance de ce sujet mais aussi de sa difficulté, non pas sous l’angle technique – car je suis sûr de la capacité de toute l’entreprise à résoudre tout problème – mais sous l’angle culturel. Un grand patron intervient dans la résolution des demandes d’appuis opérationnelles impactant le résultat de l’entreprise.

Les points clés concernant le workflow des demandes d’appui et des bonnes pratiques –– Un workflow facilitant le traitement –– Bien poser le problème –– Mesurer analyser –– La capacité du système à décider –– Le partage de la solution –– Une volonté sans faille de résoudre tout problème limitant la performance

11.6 Le portage des bonnes pratiques La question posée ici est : comment partager cette mine de connaissance porteuse de performance ? Nous l’avons vu, nombre de freins empêchent un partage spontané : difficulté de rédaction et de mise en forme, la difficulté de validation et de reconnaissance, la difficulté de reprise par un autre groupe. Pour renforcer le partage, il est bon d’utiliser des vecteurs de communication via les démarches métiers. J’ai observé des dynamiques de partage au travers de journées dédiées à un métier donné. Cela favorise l’émergence, le formalisme abouti, la validation rapide et le partage des bonnes pratiques Les bonnes pratiques issues des chantiers sont principalement produites par les acteurs de changement et augmentent proportionnellement en lien avec le nombre de chantiers. Si dès le départ le processus de validation n’est pas opérationnel, alors le système court le risque de présenter un grand nombre de bonnes pratiques non achevées ni validées. Devant le retard pris, il est nécessaire de trouver un moyen accélérant l’émergence et la validation collective de bonnes pratiques. Une journée réunissant les principaux acteurs du métier peut permettre de « booster » cette validation et paradoxalement d’inviter les acteurs à rechercher des bonnes pratiques sur des thématiques peu ou pas explorées.

| 127

Le lean management dans les services

Voici, à titre d’exemple, quelques thématiques pouvant préparer le sujet :

ffréaliser la synthèse du domaine en motivant et en capitalisant la production des BP ;

ffdéfinir les critères permettant de sélectionner et prioriser les bonnes pratiques ;

ffétalonner les BP pour faire apparaître enjeu et accessibilité et ainsi repérer les BP à fort enjeu et accessibles ;

ffintégrer dans les animations réseau le partage de ces bonnes pratiques. Ces animations réseaux sont le lieu idéal de validation dès lors qu’on s’entoure des experts nécessaires à l’examen des BP. Pour s’assurer de la bonne couverture du domaine, on peut demander que le Pilote National de Processus regarde la couverture des BP par rapport au périmètre de l’activité. Si tous les champs ne sont pas totalement couverts par les bonnes pratiques décrites, il y a lieu d’orienter les émergences de bonnes pratiques sur ces pans d’activités moins travaillés. Les points clés concernant le portage des bonnes pratiques –– Une synthèse par métier –– Une classification enjeu accessibilité –– Un mode de portage à définir

11.7 Les journées métiers Les journées métiers dédiées à la présentation des meilleures pratiques constituent un accélérateur pour partager et qualifier les pratiques à la fois par le management et par les experts du domaine. La réussite de telles journées passe par une dynamique et un contenu dense. Le créneau temporel de 2 fois 3 heures permet aux plus éloignés de venir le matin pour repartir après la journée. Le format 10 heures-17 heures constitue un bon compromis. La journée se déroule en trois temps. D’abord des ateliers de mise en commun des pratiques par chantier le matin, des ateliers de synthèse des pratiques l’après-midi, enfin une plénière de conclusion sur les synthèses de chaque groupe portées par les responsables métiers. Ces journées demandent de la préparation. D’abord récolter les pratiques que l’on veut promouvoir ou

128 |

Le traitement des demandes d’appui, la capitalisation

examiner. Ces pratiques sont remontées et préparées par le manager aidé de l’expert métier afin de vérifier le contenu et la pertinence. La mise en forme de la présentation est soignée. C’est en fait cette préparation qui force l’organisation à finaliser ses bonnes pratiques. Grâce à cette échéance et au niveau d’exigence demandé sur le fond et la forme, l’organisation se met à produire. L’animation doit reprendre l’esprit participatif et dynamique de la démarche. Une animation de type « porte ouverte » convient parfaitement et rend la journée vivante. Le manager qui a mis au point les bonnes pratiques retenues les présente. Au-delà de la présentation, il faut repérer le managerprésentateur qui sera disponible. Il faut également cibler les invités, et concilier manager et expert métiers/ chef d’entité en ayant soin d’inviter des acteurs représentatifs de chaque entité. Les acteurs de changement ayant contribué à faire émerger la bonne pratique sont également invités. C’est pour cette communauté l’occasion de partager les bonnes pratiques qu’ils pourront proposer dans un futur chantier correspondant au domaine. Pour un groupe d’une cinquantaine de participants, il est possible de renforcer la dynamique d’animation. Voici un exemple : les participants sont répartis en trois groupes et passent dans trois ateliers où leur sont présentées des pratiques du même domaine. Ils doivent prendre des notes de façon à alimenter le travail de synthèse qu’ils auront à produire puis à restituer dans l’après-midi. Ce travail conduit à l’émission d’un avis sur la bonne pratique à fin de validation ou de réserve. Autre exemple, la gestion des demandes d’appui. En ayant pris soin de capitaliser toutes les demandes d’appui formalisé sur le domaine, on peut donner des premières réponses, indiquer les suites à donner. En clôture de journée, chaque entité concernée par la demande d’appui s’engage sur un plan d’action. Dernier exemple : distribuer en sortie de journée un petit livret regroupant les pratiques présentées ainsi que le fil conducteur de la journée. On peut conclure la journée par une intervention solennelle d’encouragement de la part d’un membre de la direction générale. Ces journées permettent de renforcer le lien entre entités et surtout de mettre plus encore la filière métier au service des opérationnels. Ces temps, outre leur contenu, sont symboliques pour le programme. Pour ceux qui ne vivent pas la démarche, voilà l’occasion d’y être associés.

| 129

Le lean management dans les services

Les points clés concernant les journées métiers, un vecteur de portage –– Un temps dédié et concentré avec les acteurs des métiers –– Une échéance forçant le dispositif à aboutir –– Des techniques d’animations à travailler pour la réussite de ces journées

130 |

12 Le pilotage hebdomadaire

12.1 Grille de livrables Fort de l’augmentation du nombre de chantiers à suivre par trimestre, fort de la montée en puissance du pilotage des niveaux intermédiaires, il est nécessaire de s’interroger sur l’organisation d’un reporting hebdomadaire entre les différents niveaux de l’organisation. De l’entité opérationnelle vers l’unité, de l’unité vers l’entité responsable, de l’entité responsable vers le programme national, du programme national vers le commanditaire. Plusieurs concepts issus du lean doivent guider la construction d’un pilotage. Chaque niveau doit apporter une plus-value en intégrant au reporting son action et les décisions de son niveau. Chaque niveau doit agréger les niveaux inférieurs sans perdre les éléments factuels significatifs pour le niveau supérieur afin que la matière pour prendre les décisions soit précise. La dynamique d’une boucle courte doit être conservée en apportant une réponse au niveau inférieur en lien avec son niveau d’autonomie ou de délégation. Le système doit permettre un management visuel en utilisant un code couleur intuitif : vert en ligne, orange en décalage – mais ce décalage est rattrapable –, rouge, en écart significatif avec un impact sur le résultat final sur un ou plusieurs paramètres (contenu, délai, coût). C’est en regardant fonctionner l’autorevue du responsable d’études que m’est venue la solution. Un responsable d’études fait le point de ses affaires à la semaine. Comme sur un jeu de l’oie, si le travail est en ligne, il change sa fiche de case. S’il a rencontré une difficulté, il ne passe pas son affaire

Le lean management dans les services

à la case suivante et marque sa fiche en orange. Il explique sa difficulté à son responsable qui a le devoir de l’aider. Dans le cas d’une double difficulté consécutive, il marque sa fiche en rouge. L’affaire aura un retard tel que les délais ou les coûts, ou le contenu, ne seront pas respectés. Pour pouvoir caler les niveaux attendus pour un changement de case hebdomadaire, il est nécessaire d’avoir un référentiel de production à atteindre. Car sans référentiel, vous constaterez rapidement que la simple appréciation montre à l’évidence que les optimistes ne détectent que rarement des difficultés et que les pessimistes voient dans la moindre difficulté une catastrophe annoncée. L’appréciation du « tout va bien » ou du « tout va mal » reste fortement subjective et souvent entachée d’un avis partial. Quand on mesure l’avancement de son projet, on a tendance à démontrer que l’on travaille bien et donc à être plutôt optimiste. En s’appuyant sur l’expérience des premiers chantiers, vous pouvez constituer une grille de livrable pour chaque semaine. Cela permet de donner une référence de contenu et de temps pour chaque livrable. Cela revient à définir un temps de « gamme ». Par exemple, la première semaine, il faut avoir fait un projet de charte, un planning des douze semaines, réalisé une communication, listé les irritants, etc. En cas de retard d’une à deux semaines d’un des points, le chantier passe à l’orange et le reporting indique la difficulté rencontrée ainsi que l’action de rattrapage prévue. Le niveau supérieur juge bon ou non d’intervenir pour aider, corriger l’action… En cas de retard supérieur à deux semaines, le chantier passe au rouge. Cela veut dire que le niveau local est dans l’incapacité de tenir les livrables attendus dans les délais. Il y a nécessité d’arbitrer. Le niveau supérieur intervient alors pour aider à l’arbitrage. Il dispose de trois paramètres de réglage : le délai, le contenu, les coûts. Dans ce type de projet, les coûts ne sont pas un facteur clé de la transformation de l’entité. On peut imaginer affecter par exemple une double ressource, un second acteur de changement, faire appel à un appui externe. Par contre, le paramètre de réglage qui est spontanément proposé est de dépasser les délais. Comme la clé de réussite du programme passe par un respect des délais, chaque niveau doit vraiment s’interroger sur l’utilité du dépassement des délais. Le risque principal est de désynchroniser l’ensemble de la démarche. D’autre part, ajouter du délai n’est pas la solution pour sauver un chantier en difficulté. Il est préférable d’opérer un réglage sur le contenu du chantier. Au lieu de prévoir la transformation de toute l’activité, on réduit le périmètre opérationnel. Au lieu de passer sur tous les sites, on réduit le périmètre géographique.

132 |

Le pilotage hebdomadaire

De la même manière que pour l’entité opérationnelle, chaque niveau doit avoir son livrable qui correspond à sa valeur ajoutée dans le dispositif. Si vous n’arrivez pas à faire émerger de livrable à un niveau donné, il y a lieu de s’interroger sur son rôle et sur son maintien dans le dispositif de pilotage. Ce niveau risque d’alourdir le dispositif de pilotage et de ralentir la boucle courte. C’est pour cela que dans notre exemple, le niveau unité n’intervient pas dans le reporting. À partir d’un certain niveau dans l’organisation, les livrables peuvent avoir des pas supérieurs à la semaine. Cependant, cela ne dispense pas d’un point d’avancement hebdomadaire. Si le livrable s’étend sur un mois, on peut alors considérer que 25 % doivent être réalisés par semaine. Les mêmes codes couleur s’appliquent. Un écart mensuel vaut orange, un écart de plus d’un mois vaut rouge. Exemple illustratif : les entretiens trimestriels des acteurs de changement doivent se faire en fin de vague afin de préparer la vague suivante. Si vous avez un retard, le retour fait ne sera pas complètement intégré dans la vague suivante. Si le délai passe à deux mois, on voit bien que l’entretien ne sert plus et vient percuter celui de la vague suivante.

Les points clés concernant la grille des livrables –– Des livrables et des délais définis à chaque niveau servant de référence à la mesure de la réussite –– Une imbrication des reporting –– Une synthèse du niveau N - 1 complétée de la valeur ajoutée du niveau N

12.2 La boucle courte du programme Le rythme du programme est hebdomadaire, en lien avec la dynamique de réalisation des chantiers dans les entités opérationnelles. Si vous envisagez un pas plus large, vous courez le risque de perdre de l’information et de voir votre capacité de réaction s’allonger d’autant. Voici un exemple d’imbrication temporelle entre différents niveaux. On considère dans le cas présenté qu’un des niveaux, celui de l’unité, n’apporte pas de plus-value. Dans ce cas, le reporting saute un niveau. L’unité est mise en copie et fonctionne en parallèle du reporting. Elle est informée et réagit au besoin. Le jeudi, les entités opérationnelles remontent leur point au niveau de l’entité responsable.

| 133

Le lean management dans les services

Le vendredi, l’entité responsable tient une conférence téléphonique avec les responsables des entités opérationnelles. Forte des éléments remontés et des précisions orales, l’entité réalise une synthèse sur un modèle normé. Elle y rajoute le point sur son action et remonte ce fichier le vendredi soir vers le niveau national. Le lundi matin se déroule la conférence téléphonique entre les représentants des entités responsables et le niveau national, sur la base de ces reporting. Puis le niveau national réalise la concaténation dans la foulée selon le format national. Il y ajoute l’action nationale. À chaque niveau doit être prévu un espace « demande d’appui » où l’entité de niveau N demande appui au niveau N + 1. Chaque demande d’appui se doit d’obtenir une réponse. Elle est maintenue tant que la réponse n’est pas donnée. Ces rythmes paraissent contraignants. Ils le sont au début. À titre d’exemple, au démarrage, les compilations de chaque niveau prennent beaucoup plus de temps que nécessaire. Mais avec l’expérience, vous irez à l’essentiel. À l’aide d’un support de synthèse produit et communiqué par chaque entité, il est possible d’organiser une réunion téléphonique de trente minutes sur la base de deux à trois minutes par entité et cinq minutes pour le niveau supérieur en termes de synthèse, de réponse à chaud, de consignes données, de prévision des éléments clés de la semaine suivante. En utilisant une remontée sur un support de présentation, vous pouvez, en découpant une partie du reporting, vous constituer un affichage visuel, vous permettant de suivre d’un coup d’œil les points sensibles afin de ne pas les oublier lors du prochain reporting et échange téléphonique. Ce mode de fonctionnement initié dans le programme préfigure celui qui sera mis en place pour suivre les activités opérationnelles. C’est le moment idéal pour transformer les rites et rythmes de l’organisation et faire prendre conscience de l’intérêt d’un tel mode de fonctionnement. J’en suis un fervent promoteur et lui trouve des vertus de dynamisme, de réactivité dès les premières dérives, de contrôle de l’activité au fil de l’eau…

Les points clés concernant la boucle courte du programme –– Un rythme hebdomadaire à instaurer –– Une efficacité générale à rechercher (préparation, temps court, contact humain) –– L'opportunité d'une prise de conscience de l'organisation pour de nouveaux rites et rythmes

134 |

Le pilotage hebdomadaire

12.3 Thématique en lien avec le reporting hebdomadaire Vous pouvez renforcer l’efficacité du point hebdomadaire en y adjoignant un zoom sur un point clé (et un seul car l’exigence du point téléphonique en trente minutes demeure). Afin de s’assurer de la bonne compréhension du contenu des livrables, vous pouvez demander une analyse complémentaire, une mesure, des pièces prouvant le bon niveau d’obtention de ce point clé. Ce point est alors intégré au reporting et l’entité commente très rapidement le résultat. Ce sujet commun est l’occasion d’un partage de point de vue entre les entités et en cas d’écart, le niveau national rappelle ou précise la règle. En cas de niveau insuffisant, le sujet est repris la semaine suivante jusqu’à l’obtention d’un résultat satisfaisant. Cette persistance et cette ténacité, un peu besogneuses j’en conviens, permettent de tenir les standards du programme. Si vous admettez un écart à un endroit ou à un moment, cela fait jurisprudence. Vous déformez alors votre standard. C’est de mon point de vue un risque majeur de dérive du programme. Au travers du management visuel, vous pouvez repérer au travers des vignettes hebdomadaires découpées, les blancs et des écarts par des post-it de couleur verte ou jaune. Par exemple, une absence de vignette correspond à une absence de reporting de l’entité après 8 heures le lundi matin. Un post-it vert marque une absence au téléphone, un post-it jaune une deuxième absence au téléphone. S’il faut se voter quelques souplesses (par exemple une absence par trimestre), ces exceptions ne doivent pas devenir habituelles. En cas de congé ou d’absence, le système doit prévoir un mode de fonctionnement en mode dégradé. Par exemple quand le titulaire est absent, on peut décider que c’est le responsable qui le remplace. Dans beaucoup de cas, c’est l’inverse. Ce nouveau mode de fonctionnement présente un avantage selon les concepts du lean : le responsable va devoir pratiquer et toucher du doigt concrètement la partie opérationnelle de votre activité. J’ai eu l’occasion de voir ce type de point réalisé quotidiennement dans une usine. L’ensemble des membres de la direction y compris le directeur de l’usine s’oblige à la mise à jour d’un tableau de présence avec les trois codes couleurs : vert présent, orange en retard, rouge absent. Ce tableau est affiché dans le hall de l’usine à la vue de tous. Cette exigence sur le niveau des livrables, sur les présences et sur le cadencement conduit à la tenue du programme sur la durée. Sur une durée de trois ans, cela représente plus de cent vingts points hebdomadaires.

| 135

Le lean management dans les services

Les points clés concernant l’instauration d’une thématique par semaine –– Un sujet de fond traité à fond –– Une assurance contre le « superficiel » –– Une hygiène de fonctionnement garantissant la santé du programme

136 |

13 Les outils de la communication

13.1 L’information à la semaine J’ai toujours considéré que l’exemplarité est un bon moyen de faire adhérer. C’est aussi un des principes du lean. Alors que le niveau national met en contrainte l’organisation au travers d’un reporting hebdomadaire et cela à plusieurs niveaux, il est fortement recommandé de réaliser un retour au même pas de temps vers les niveaux inférieurs. Aussi dans la semaine, vous pouvez prévoir un point sur l’activité du programme national complété d’une synthèse de l’avancement des entités responsables. La matière existe au travers de la synthèse du programme issue des entités. Il s’agit de la remettre en forme afin la rendre compréhensible sans y associer nécessairement des commentaires. C’est l’occasion de renforcer la cohésion du programme vers les entités responsables mais aussi de donner une vision sur la plus-value apportée par le niveau national. Parmi les thématiques nationales, on peut citer le retour des demandes d’appui, l’adaptation et la conduite de formation, les visites d’entités opérationnelles, les résultats intermédiaires du programme, l’actualisation de la planification et la programmation du programme… Cette mise en forme, outre son aspect de communication, présente l’intérêt de capitaliser les réalisations et l’histoire du programme et prépare ainsi la phase bilan.

Le lean management dans les services

Les points clés concernant le point de la semaine au niveau national –– Un rythme inconnu à instaurer –– Dans une logique d’exemplarité –– Dans une logique d’efficacité et de réglage –– Un rôle de rassurance pour le commanditaire

13.2 Une newsletter, un blog Pour compléter l’information « technique » du programme, il est souhaitable de promouvoir un espace moins structuré qui permette un échange plus informel d’avis, de propositions, de remarques, de partage d’expérience. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir de tels espaces accessibles dans l’entreprise. Blogs et espace Web 2.0 permettent et favorisent ces échanges entre membres d’une même communauté. Au travers de la création de tels espaces, on peut se donner pour objectifs de :

ffdiffuser des informations utiles à tous les membres des communautés et par communauté ;

ffpermettre aux utilisateurs de partager leur connaissance dans leur métier ;

ffdonner un accès unique aux documents supports, aux différents outils, par des mots clés, et mettre en ligne des commentaires et des avis sur un support. Par exemple les fonctionnalités d’un blog permettent de :

ffposter des billets (articles, textes…), mettre en avant des articles et commentaires dans le but de renforcer la culture du groupe (bibliographie et articles de presse sont une source d’actualité) ;

ffafficher des billets par catégories (des entretiens menés ou des témoignages d’acteurs internes peuvent nourrir cette rubrique).

fffaire des enquêtes et des sondages d’acteurs, pour valider l’opportunité de préparer un regroupement, de construire l’ordre du jour le plus en rapport avec les attentes ;

ffgérer les événements du programme via le calendrier ; ffcréer et consulter l’annuaire interactif des différentes communautés ;

138 |

Les outils de la communication

fféchanger des documents et travailler en commun pour bonifier une proposition. Tous ces éléments sont accessibles via un moteur de recherche par mots clefs. Cette approche complémentaire à la diffusion technique des éléments du programme demande de s’assurer que les acteurs de l’entreprise sont familiers avec cette nouvelle approche. Si vous introduisez à la fois une nouveauté via le programme et via le mode de communication, il est probable que le saut de changement soit très important. À ce titre, le nouveau mode d’échange interactif risque de ne pas être utilisé. Structurer, promouvoir, alimenter un blog peut constituer la base d’un stage pour un jeune étudiant en communication. Deuxième outil de communication à examiner, plus classique, la lettre mensuelle du programme. Il faut démarquer sa ligne éditoriale de l’information hebdomadaire. Son éditorial peut mettre en avant un point saillant de l’actualité du programme en le commentant. Il peut comporter un argumentaire au travers de questions/ réponses issues de rencontres avec différents acteurs opérationnels. En particulier les synthèses de stage constituent d’excellentes occasions pour capturer les questions clés et donner des réponses afin qu’elles profitent au plus grand nombre. La diffusion informatique de ce document vers les acteurs de changement et les pilotes des entités responsables permet de renforcer le sens du programme et de proposer des argumentaires. Ces documents, sous réserve de leur contenu, peuvent intéresser les partenaires externes du programme, par exemple les prestataires en charge de la formation managériale de l’entreprise. Ils peuvent ainsi se constituer des références, une conviction, un argumentaire qui leur permettront à leur tour de convaincre des acteurs qui ne sont pas en prise directe avec le programme…

Les points clés concernant des nouveaux moyens de communication –– Une newsletter, un blog –– Pour des informations de fonds, susciter des contributions, des réactions –– Un levier pertinent pour associer un plus grand nombre d'acteurs

| 139

Le lean management dans les services

13.3 Les séminaires pléniers Si vous n’associez pas les acteurs clés au réglage du programme, il est probable qu’ils n’y adhéreront pas convenablement. Par ailleurs, vous vous privez d’une écoute terrain primordiale. Pour organiser coréglage du programme, écoute terrain, partage de sens, et déploiement d’action, le séminaire ou la journée programme constitue un temps efficace. Bien sûr, planification (de manière à ce que les personnes soient disponibles), programmation (afin de bâtir un contenu adapté aux acteurs et au programme), préparation (afin de construire une animation dynamique) et pilotage (afin de suivre les décisions et les actions retenues) constituent les clés de réussite de telles journées. On pourra distinguer deux temps, celui de la montée en puissance du programme, où les acteurs clés, pilotes des entités responsables, se retrouvent avec le pilote national une fois par trimestre afin de faire un point de la démarche, bâtir le plan d’actions de la période suivante, partager les préoccupations, diffuser les bonnes pratiques de pilotage de programme, partager ou fournir des outils et de la méthode, préciser des consignes… Le deuxième temps coïncide avec la pleine maturité du programme. Il faut mettre à profit ce temps pour travailler sur la période post-programme, la phase de pérennisation et se donner l’avance nécessaire pour mener des actions d’envergure, comme par exemple l’adaptation des programmes de formation. Même si l’animation de la communauté des acteurs de changement relève principalement des entités responsables, on ne peut s’interdire de proposer des apports et regroupements nationaux. Bien évidemment, ces apports doivent avoir une réelle plus-value et coïncider avec des attentes On peut par exemple développer l’interaction qui existe entre le lean management et des sujets tels que, l’environnement, l’éthique d’entreprise, la gestion du temps, la sécurité, le bien-être au travail. Des sujets pour lesquels le lean management entre en synergie. Démonstration :

ffEn matière d’environnement : quand vous optimisez les déplacements des salariés, à activité équivalente, vous diminuez les kilomètres parcourus.

ffEn matière de gestion du temps : quand vous préparez votre travail ou votre réunion, vous perdez beaucoup moins de temps et surtout vous en faites perdre beaucoup moins dans le cas de réunions organisées.

140 |

Les outils de la communication

La gestion du temps pour les cadres est un angle d’attaque de la performance individuelle et collective.

ffEn matière de mieux-être au travail : quand vous faites le point avec vos collaborateurs, quand vous écoutez les difficultés, quand vous les aidez à résoudre leurs problèmes, alors ils ont le sentiment d’être entendus, écoutés et compris. Cette notion est récente dans le monde du travail et certains managers peuvent considérer ce temps d’écoute comme du temps improductif voire de l’assistanat.

ffEn matière de sécurité : quand le travail est bien préparé avec les bons outils, le bon matériel, l’activité a de grandes chances d’être réalisée en toute sécurité. Le traitement des aléas fait diminuer les contretemps, les conditions de travail sont plus sereines. Vous êtes moins dans l’urgence et plus dans la réflexion.

ffEn matière d’éthique d’entreprise : quand des valeurs de transparence, de reconnaissance de droit à l’erreur, de demandes d’appui prévalent, le sentiment d’appartenance à l’entreprise se renforce. Au-delà des messages sur le sens du programme, les acteurs de changement sont porteurs de valeurs par les transformations qu’ils opèrent dans le management. Ils sont porteurs d’une image de marque et doivent être exemplaires. C’est à ce titre qu’il est important de donner une vision plus large du sens de la démarche.

Les points clés concernant les séminaires pléniers –– Une bonne formule pour capter l’attention et construire –– Une exigence de préparation –– Un rythme régulier –– Un élargissement vers des sujets plus transverses et les valeurs de l'entreprise

13.4 Un film de qualité pour appuyer le déploiement La réalisation d’un film sur la base des premiers chantiers permet de promouvoir la démarche alors que celle-ci est encore peu connue. Même si l’investissement en temps et en moyens financiers est important au démarrage, ce vecteur de communication peut être visionné par beaucoup d’acteurs. Ce film peut être fourni sous format informatique à tous les

| 141

Le lean management dans les services

acteurs de changement afin qu’ils présentent le programme à leur « client ». Il constitue également une bonne introduction à tous les stages concernés par le lean management. En matière de conception du film, il faut d’abord se faire aider par un communiquant. Il est nécessaire de définir la posture du film. Au travers des premiers chantiers, il est possible de démontrer l’intérêt et la mise en œuvre de la démarche par le témoignage d’acteurs qui l’ont vécue en présentant leur réussite mais aussi leurs doutes. C’est cette tonalité de transparence qui rendra le film crédible. Ensuite, il faut construire un scénario, organiser le tournage, tourner, visualiser la maquette, valider le film : beaucoup de temps pour quelques minutes de film. Mais si la qualité est au rendez-vous, la démultiplication en sera grandement facilitée. Ce film constituera une partie de la mémoire du programme.

Les points clés concernant un film de qualité pour appuyer le déploiement –– Le retour d’expérience des premiers chantiers –– Basé sur les témoignages

13.5 L’organisation d’une remise de trophées, un moyen de faire reconnaître le programme Au moment de la montée en puissance du programme, l’organisation d’une cérémonie de remise de trophées constitue un accélérateur de la démarche dans l’entreprise. Cet événement permet de détecter de bonnes pratiques, favorise l’émulation, marque l’importance qu’y attache l’entreprise. C’est aussi un moyen d’encourager et de féliciter les porteurs des meilleurs dossiers. Bien évidemment, l’intérêt d’une telle démarche est d’impliquer le maximum d’acteurs afin de renforcer la notoriété et la reconnaissance du programme. La mise en œuvre, bien que classique, demande une bonne préparation. D’abord avec les acteurs directs du programme pour en définir les règles :

ffQui sont les postulants : les managers ? ffCombien et quelles catégories choisir ?

142 |

Les outils de la communication

ffLa nature et la constitution des dossiers. ffLa constitution du jury. ffLes critères de sélection, la date et les modalités de la cérémonie, la capitalisation des dossiers nominés, afin de constituer un pressbook. Cela peut prendre une dimension importante et en tout cas créer de l’attente qu’il est bon de ne pas décevoir. Cet exercice peut devenir régulier et annuel à condition de varier les contenus pour à la fois aller sur différents registres et toucher un maximum d’acteurs. Voici quelques exemples de thématiques qui peuvent structurer cette démarche :

ffde nouveaux modes de fonctionnement qui associent les salariés ; ffaccompagner les salariés et les managers dans leur métier ; ffextension de la démarche à une maille transverse ; ffla construction d’un modèle d’activité pour asseoir la mesure de l’efficience ;

ffl’intégration des démarches managériales ; ffenvironnement et performance ; fffaire face à une augmentation d’activité ; ffle pilotage de l’activité ; ffla synergie pour adapter l’offre de formation managériale ; ffla transposition de la démarche à d’autres périmètres. Pour réussir une remise de trophées, il est indispensable qu’un dirigeant de l’entreprise vienne féliciter et remettre les récompenses aux participants réunis. Les vecteurs de communication de l’entreprise doivent relayer cet événement.

Les points clés concernant la reconnaissance du programme –– Via un challenge –– Pour reconnaître les réussites remarquables –– Pour créer émulation et partage –– Nécessitant l’implication au plus haut de l’entreprise pour la remise des prix

| 143

14 La bonne fin du contrat avec votre prestataire

14.1 Évaluation du prestataire C’est de mon point de vue une action que l’on maîtrise insuffisamment. Si vous faites appel à un appui externe, vous allez nouer des relations quotidiennes pendant une longue période parfois avec les intervenants qui partagent vos locaux. Des rites s’instaurent, en particulier au travers du point hebdomadaire. Par exemple, ce point peut se positionner en début de semaine pour adapter au besoin les travaux en cours en lien avec le point hebdomadaire du programme qui capitalise les remontées des entités responsables. Comment évaluer la pertinence des conseils et apports du prestataire sur une méthode qui vous est nouvelle et inconnue ? Il faut avoir une bonne vision de l’objectif à atteindre et laisser au prestataire la construction du chemin. Le « comment » relève du prestataire. Il est déterminant de bien formuler dans un cahier des charges l’attendu concernant les livrables. Ces derniers (documents, compte rendu, maquettes…) doivent faire l’objet d’une validation progressive au cours des travaux, selon la démarche qui sera proposée par le prestataire et acceptée par le commanditaire. Le point hebdomadaire réalisé avec le fournisseur permet de valider régulièrement la production. En complément, il est bon de prendre le recul nécessaire pour vérifier que le chemin ne serpente

Le lean management dans les services

pas trop et qu’il conduise assez directement à l’objectif. Il est impératif de se construire une vision de ce que l’on veut obtenir, quitte à se laisser convaincre de modifier son cap. Cette vision se construit en référence à d’autres réalisations, dans d’autres entreprises. Il est plus que nécessaire de trouver le moyen de partager son expérience au travers de réseaux d’entreprises, d’universités ou d’écoles. Mais les productions du fournisseur, quoique très importantes, ne constituent pas le seul apport du prestataire. Son dynamisme, sa créativité, sa capacité à comprendre la problématique sont des points moins tangibles mais tout aussi importants. Et c’est sur ce champ des postures, de la vision et du savoir-faire qu’il faut également évaluer le prestataire. Il est parfois difficile de donner un retour trop marqué au risque de recevoir une prestation banalisée. Du fait d’un point hebdomadaire, ces phases critiques sont gommées. Les divergences sont traitées au fil de l’eau et rapidement grâce à une très bonne écoute du prestataire. Il faut également prévoir la fin du contrat, son éventuel prolongement ou son anticipation selon l’autonomie acquise, tout comme on enlève les roulettes à un enfant qui apprend à faire du vélo. Cette fin se matérialise par un document écrit de bonne fin de prestation. La réunion de fin de marché a en particulier pour objet d’officialiser le transfert de savoir et de savoir-faire générés au profit de l’entreprise. Cette réunion de fin de marché a également pour objet de faire le point sur les aspects de propriété intellectuelle.

Les points clés concernant l’évaluation du prestataire –– Un point à la semaine –– La capitalisation au fil de l’eau des livrables –– La prévision des différentes options de fin de prestation –– Un bilan de bonne fin en lien avec le contrat

14.2 Capitalisation des livrables La somme des livrables d’un projet de ce type est significative. Il est nécessaire de les capitaliser et de les rassembler dans un espace accessible. À ce titre, le plan de classement revêt toute son importance. La logique du plan de classement peut donner lieu à beaucoup d’avis, chacun

146 |

La bonne fin du contrat avec votre prestataire

rêvant de n’avoir aucun effort à fournir pour retrouver le document. Les plus utopiques imaginent une recherche dynamique via un moteur de recherche permettant de trouver le document par son titre et par les mots contenus. Cette fonctionnalité n’existe pas toujours et d’autre part demande pour l’utilisateur d’être à l’aise avec ce type de fonctionnement. Quelle que soit la solution retenue, un plan de classement convenu est indispensable. Ce plan peut évoluer avec la maturité du programme en particulier au moment de sa pérennisation. Au début, les productions du programme proviennent principalement de l’appui externe, puis progressivement d’autres sont créés par l’entreprise au cours du déploiement. Ce travail est d’importance et la capitalisation régulière des documents produits ainsi que les points hebdomadaires de validation facilitent grandement le travail. Si rien n’est conduit au fil de l’eau, ce travail est impossible ou s’avère très difficile. Le contenu du programme est vivant. Les documents s’actualisent. Les versions anciennes doivent être détruites ou archivées. Il y a là un véritable travail de gestionnaire de données. Sans cette activité, vous courez le risque d’avoir maintes versions en usage ainsi qu’une base de données lourde, chargée, difficile d’accès. Ce travail rigoureux est indispensable pour garantir la qualité et la fraîcheur des données de votre programme.

Les points clés concernant la capitalisation des livrables –– Une base de données d’accueil –– Un plan de classement –– Une actualisation régulière –– Un responsable de gestion documentaire

| 147

15 L’intégration et l’accompagnement des unités supports dans la démarche 15.1 Comment intégrer dans la démarche une unité post-programme Au cours du programme, certaines unités, de par leurs caractéristiques, peuvent ne pas faire partie du périmètre initial de la démarche. Il peut s’agir d’unités supports, d’appui ou logistiques. Pour autant, à un certain moment, elles ne peuvent pas rester à l’écart de la démarche, car elles vont être confrontées au travers des interfaces, avec les unités opérationnelles, à des sollicitations au travers de la boucle courte. Ces unités vont donc devoir être accompagnées pour découvrir, installer la démarche et réaliser des percées dans leur fonctionnement. Il n’est pas souhaitable de leur donner une solution toute faite. Celle-ci ne conviendrait pas à leur spécificité et serait vraisemblablement rejetée par les salariés. L’implication des acteurs de l’unité n’existerait pas, les solutions mises en place seraient inadaptées. Pour autant, leur laisser tout découvrir risque de prendre du temps et de l’énergie pour un résultat incertain. Comment donc transposer la démarche à ces unités ?

Le lean management dans les services

Pour cela, on peut s’inspirer de la phase de cadrage pour bâtir un plan de mise en action de l’unité afin d’accompagner les responsables dans la réflexion inhérente à un tel programme. Un certain nombre d’étapes de réflexion doit être traité avant l’engagement opératoire. Voici les points qui structurent la réflexion :

ffThèmes stratégiques : ddl’ambition du programme (durée, profondeur, contenu des chantiers, efficacité voulue) : il s’agit de mettre au clair pourquoi l’unité se lance dans la démarche. Cette phase permet de coordonner toute la communication.

ffL’organisation du pilotage du programme (pilote stratégique/opérationnel/ acteur de changement) :

ddil s’agit de structurer le pilotage et les rôles et missions de chaque niveau. Cela peut paraître simple mais l’absence de définition conduit à des redondances, ou pire à des oublis.

ffLes rites et rythmes hebdomadaires : ddil s’agit de définir quels sont les rythmes et rites, et comment ils sont organisés. La seule obligation est d’avoir un rythme à la semaine jusqu’au plus haut niveau de l’unité.

ffLes priorités de déploiement (chemin) : ddlorsqu’on a défini pourquoi l’unité s’engage dans la démarche, alors les priorités apparaissent d’elles-mêmes. Cependant la réalité n’est jamais simple et le déploiement peut interférer avec une mutation de l’encadrement, la mise en place d’un projet informatique. Dans ce cas, le chemin optimal n’est plus celui imaginé en théorie.

ffLa communication, interne, sociale : ddle sens est donné dans l’engagement du programme, cependant le déploiement et le niveau de communication appartiennent au projet. Il est nécessaire que le responsable du déploiement de la communication donne le tempo et structure la communication.

ffLe choix des acteurs de changement, leur mission, leur formation : ddle vecteur de transformation est porté par un acteur de changement. Il y a lieu de bien le choisir afin qu’il ait les capacités requises (voir supra) ou qu’il puisse les acquérir. Sa mission doit être explicite. Cette mission constituera pour lui un repère, dans un nouveau métier.

150 |

L’intégration et l’accompagnement des unités supports dans la démarche

ffLa transformation des pratiques managériales : ddla mise en place des méthodes du lean conduit à adapter voire à transformer les pratiques managériales. L’unité est-elle prête à ce changement qui, dans certains cas, conduit à une résistance involontaire de la part de l’encadrement ?

ffThèmes opérationnels : ddune fois ces sujets stratégiques posés et résolus, nous entrons dans le champ plus opérationnel de la démarche.

ffLa préparation d’un chantier : ddnous l’avons vu, une intervention dans une entité opérationnelle, dans un groupe managérial, s’annonce, se prépare à l’avance. Il est donc nécessaire de réfléchir à l’avance sur la nature et le contenu de la préparation. Nous avons trois types de contenus : le contenu technique portant par exemple sur les éléments permettant le diagnostic, l’approche culturelle qui consiste à expliquer pourquoi cette démarche est mise en œuvre à ce moment-là et l’approche transformation managériale qui peut se baser sur un diagnostic des compétences managériales nécessaires au bon déroulement de la transformation.

ffLe pilotage du chantier : ddComment se pilote la vague ? Nous avons imposé un point hebdomadaire entre l’acteur de changement, le manager local et le commanditaire. Il faut s’assurer de la disponibilité régulière de manière à suivre le cheminement de la transformation. En effet, rien de plus difficile que d’intervenir lors d’une difficulté sans connaître le cheminement de la transformation qui éclaire la difficulté et qui sera à prendre en compte dans la résolution.

ffL’animation de l’équipe des acteurs de changement : ddun acteur de changement ne doit pas rester isolé. Idéalement, dans notre programme, le niveau de l’entité responsable est la bonne maille pour retrouver ses pairs, travailler ses difficultés, prendre avis auprès de son responsable. Dans une petite structure où l’acteur de changement risque d’être seul, ce besoin est une nécessité car l’acteur de changement connaîtra des moments difficiles. Il ne doit pas rester seul car il doit pouvoir en parler.

ffLe suivi des résultats : ddla démarche doit donner des résultats ; quelle qu’en soit la nature, il est nécessaire de les suivre et de les comptabiliser. Qui s’en charge ?

| 151

Le lean management dans les services

Quel est le référentiel de mesure ? Qui le valide ? Autant de questions qui doivent trouver réponses.

ffL’animation des communautés (encadrement entité opérationnelle) : ddles différents niveaux d’encadrement ont eux aussi besoin d’échanger sur leurs questions, sur les impacts de ce changement. Le fait de se retrouver entre pairs est facilitant. Il faut donc organiser cette animation soit explicitement soit implicitement, par exemple en faisant témoigner sur les réussites et les difficultés rencontrées. Les thèmes techniques du chantier concernant le pilote stratégique sont les suivants :

ffLa charte du projet : ddc’est le document qui cadre le projet et son ambition. Il est indispensable que le pilote stratégique vérifie si la vision est conforme à ce qu’il en attend. L’acteur de changement est-il trop timide dans ses propositions, ou à l’inverse utopique ? Le chef d’entité opérationnelle est-il trop prudent ou entraîne-t-il le projet sur un sujet à risque ou qui ne relève pas de la mission (par exemple mener une réorganisation) ?

ffLa feuille de route du projet : ddà l’image de la charte, il est nécessaire d’avoir les mêmes exigences pour les feuilles de route qui jalonnent les actions de l’entité opérationnelle post-chantier.

ffLa gestion des demandes d’appui : ddtrès rapidement, si le chantier fonctionne, doivent émerger des demandes d’appui. Quel en est le chemin de traitement ? Quelle est la réactivité associée ? Si on n’y prend garde, elles seront traitées dans le cadre normal avec les délais et une réactivité qui n’est pas en accord avec l’attendu. Souvent, une vraie rupture doit s’installer dans ce domaine.

ffLa capitalisation des pratiques : ddla mise en place de leviers et la maîtrise des aléas se concrétisent par de nouveaux modes opératoires définis par les acteurs. Ils ne doivent pas rester oraux, sinon ils seront éphémères, évolueront sans être maîtrisés. Il y a lieu de définir leur transcription et leur capitalisation tout en s’autorisant à les améliorer en permanence. Il y a lieu d’examiner la manière dont sont partagées ces bonnes pratiques. La solution de l’un peut résoudre le problème de l’autre.

152 |

L’intégration et l’accompagnement des unités supports dans la démarche

Tous ces points, en apparence simples et de bon sens, sont à examiner avant et pendant la mise en œuvre de la démarche. La liste est suffisamment complète et permet un accompagnement de qualité. La réponse appartient au manager commanditaire. Elle doit être préparée car la question apparaîtra tôt ou tard et la solution dans l’urgence n’est pas la meilleure preuve de maîtrise du sujet. Je suis convaincu que ce type de questionnement, équivalent sur le principe à celui qui prévaut à la construction d’une réunion ou d’un entretien, permet de travailler sereinement avec le temps de la réflexion et conduit aux meilleurs choix.

Les points clés concernant l’intégration dans la démarche une autre unité post-programme

Thèmes stratégiques –– L’ambition du programme dans l’unité –– L’organisation du pilotage –– L’organisation des rites et des rythmes –– La communication –– Le choix des hommes, des acteurs de changements, de l’équipe –– La transformation des pratiques managériales Thèmes opérationnels –– La préparation d’une vague ou d’un chantier –– Le pilotage du chantier –– L’animation de l’équipe des acteurs de changement –– Le suivi des résultats –– L’animation des communautés Thèmes techniques –– La charte du projet –– La feuille de route du projet –– La gestion des demandes d’appuis –– La capitalisation des pratiques

| 153

16 Les résultats obtenus Les résultats sont issus de l’amélioration des modes opératoires des équipes. Les résultats primaires sont donc « métier » et constitués essentiellement de temps gagnés appelés « marge de manœuvre ». Ils bénéficient à toutes les parties prenantes. La réussite du programme est conditionnée par la qualité de réaffectation des résultats. En particulier par la réinternalisation de prestations achetées lorsqu’on dispose d’une main-d’œuvre rendue disponible, ou par l’exécution d’activités supplémentaires (nouvelles ou en retard). Les ambitions fortes en niveau et en délai portées par le programme obligent les équipes à penser en rupture. On peut catégoriser les différentes natures de résultats selon huit familles.

ffLe temps utile : ddil s’agit de convertir le temps sans valeur ajoutée en temps utile à valeur ajoutée pour le client ou pour l’entreprise : sa mesure passe par une augmentation du nombre d’activités élémentaires à effectif constant. Réaliser plus de services dans une journée en ayant supprimé et converti les temps de gaspillage.

ffLa santé-sécurité : ddL’organisation, la préparation du travail, la reconnaissance du travail au travers des débrief vont nécessairement influer sur l’amélioration de l’ambiance au travail, et créer de la sérénité, conduisant à diminuer les risques. L’absentéisme, le taux de fréquence, vont diminuer. Les remontées de situations dangereuses vont par contre augmenter, signifiant un meilleur degré de confiance.

ffL’environnement : ddles gaspillages de matières, de temps, les déplacements inutiles, le juste stock, vont concourir à la démarche environnementale de l’entreprise.

Le lean management dans les services

ffLa qualité et les délais de production : ddune production avec moins de défaillance, avec moins de perte de temps, dans des délais raccourcis par la suppression des temps d’attente majeurs va dans le sens d’une meilleure qualité et de délais maîtrisés.

ffLa satisfaction client : ddun process tiré par la demande client, en ligne avec les attentes clients, aux délais raccourcis, avec peu de défaillance, conduit nécessairement à une amélioration notable de la satisfaction des clients.

ffLa réduction de coût : ddla suppression des gaspillages, des défaillances, l’augmentation du nombre d’actes, la minoration du BFR, conduit à des coûts moindres.

ffL’implication des managers : ddse traduit par l’animation d’ateliers de résolution de problèmes, la transformation du temps à résoudre les urgences dit temps « pompiers » en temps d’accompagnement.

ffLa mobilisation des salariés : ddla créativité, la proposition de solutions, la contribution à la mesure de la performance par la remontée de difficultés sont source de progrès.

Les points clés concernant les résultats obtenus

–– Le temps utile –– La santé-sécurité, le mieux-être au travail –– L’environnement –– La satisfaction client –– La réduction de coût –– La qualité et les délais de production –– L’implication des managers –– La mobilisation des salariés

156 |

Les résultats obtenus

16.1 Sur le plan financier Nous l’avons vu, la comptabilisation des résultats passe par une conversion en unité unique de l’ensemble des marges de manœuvre dégagées. Le référentiel de mesure de résultats donne le protocole. In fine, on distinguera les résultats directement lisibles dans les résultats financiers de l’entreprise et ceux qui concourent à une amélioration des résultats de l’entreprise. Reprenons famille par famille quelques exemples de chiffrage :

ffLe temps utile : ddsi, en supprimant une partie des aléas, vous augmentez votre production d’actes élémentaires, cela peut se traduire par une augmentation de recettes, d’autant plus si ces services sont directement affectés aux bénéfices des clients. À l’inverse, si la demande client est inférieure à la capacité de production, alors vous orienterez une partie de vos ressources vers d’autres activités déficitaires. Vous ne compterez financièrement cette valorisation qu’une fois la réaffectation réalisée. Ce peut être une activité de production interne, financièrement visible.

ffLa santé-sécurité, le bien-être au travail : ddle coût des accidents, direct et indirect, est à valoriser. La diminution de l’absentéisme n’apparaît pas directement dans le résultat d’exploitation, sauf si vous avez utilisé de l’intérim pour pallier les absences.

ffL’environnement : ddles gains de matières, la diminution des kilomètres parcourus, l’usure moindre des véhicules, sont des coûts directs à chiffrer.

ffLa satisfaction client : ddelle n’a pas de prix, mais elle peut avoir un coût : la baisse des réclamations peut se chiffrer en temps gagné au traitement dès lors que ce temps est réaffecté à de l’activité à valeur ajoutée.

ffLa qualité et les délais de production : ddle traitement des retours clients a un coût que l’on peut directement chiffrer. De façon indirecte, le coût du process baisse lorsque les délais sont raccourcis.

ffL’implication des managers : ddelle ne se traduit pas par des résultats directs, mais constitue un levier pour améliorer la performance générale de l’entreprise.

| 157

Le lean management dans les services

ffLa mobilisation des salariés : ddon peut comptabiliser les bénéfices des innovations et les brevets. Ce chiffrage est parfois délicat. Les points clés concernant les résultats sur le plan financier –– La conversion des résultats bruts dans l’unité unique (l’euro) –– Chaque type de résultat est valorisable

16.2 Sur le plan managérial Mais l’aspect financier ne constitue pas le seul champ de résultats. Sécurité, mieux-être au travail, amélioration de la relation entre salarié et encadrant font partie des résultats dérivés de la démarche. Différents exemples illustrent les bénéfices de la démarche et les usages qui sont faits des temps gagnés mis à disposition des salariés et de l’encadrement pour mieux travailler. On pourrait apparenter ce mode de fonctionnement à l’effet levier que l’on connaît bien en finance. En reinvestissant le temps vers les opérateurs, vous allez promouvoir des actions qui à leur tour vont procurer de la performance. Il est important que toutes les marges de manœuvre ne soient pas captées par la performance financière, et qu’une partie soit visiblement redonnée aux salariés pour mieux travailler. C’est à ce prix que la démarche rentrera dans un cercle vertueux. Voici quelques exemples pour illustrer cette thématique… Le temps gagné est utilisé pour que les encadrants accompagnent les salariés une fois par mois sur leur chantier. Cela permet de se rendre compte de l’activité, de travailler sur le professionnalisme, de capturer de bonnes pratiques professionnelles, de vérifier et conseiller en matière de sécurité. Il s’agit là d’une posture lean : se rendre compte par soi-même de la réalité des faits. Les salariés et encadrants ont du mal à résorber leurs congés annuels. Les marges de manœuvre peuvent être utilisées pour permettre aux salariés de prendre tous leurs congés. Le temps encadrement gagné est pour partie utilisé pour réaliser des visites Gemba, c’est-à-dire des visites d’encadrement d’entité opérationnelle qui permettent de donner un retour sur sa maturité en matière de posture lean mais aussi pour accompagner la progression de la démarche.

158 |

Les résultats obtenus

L’encadrement consacre une partie du temps gagné à fortifier la démarche innovation. Voilà un effet levier intéressant. Le temps récupéré est consacré à innover, pariant que l’innovation conduira à une performance supplémentaire. Le temps gagné permet d’aider les acteurs dans la priorisation des actions à réaliser. Il s’agit du levier organisation du travail. Des résultats financiers sont pour partie consacrés au réaménagement des locaux de l’entité opérationnelle afin de travailler dans des conditions plus plaisantes et efficaces. Les résultats en matière managériale sont souvent difficiles à mesurer car les actions, et plus particulièrement les résultats, sont moins quantifiables que des éléments financiers ou techniques. Cependant, on arrive à les mesurer. Et se donner la peine de mesurer les actions, et si possible les résultats des actions, conduit à pouvoir vérifier leur efficacité mais aussi à rendre visibles les améliorations. On a parfois du mal à se rendre compte que les conditions de travail se sont améliorées. On repère plus facilement l’inverse. Au-delà de ces remontées utiles, mais il est vrai un peu fastidieuses, on peut introduire dans l’enquête d’écoute des salariés, si ce système de mesure existe, une partie concernant la perception du programme. En matière de santé-sécurité, la démarche vient utilement au service de cette cause primordiale. Voici quelques exemples illustratifs : le fait de renouer contact avec les salariés quotidiennement permet de gagner en confiance et ainsi d’aborder des sujets sensibles tels que les situations dangereuses. Échanger sur ce sujet est déterminant pour prévenir des accidents en s’interrogeant sur les causes de ces situations dangereuses. Le seul fait que le salarié détecte une situation dangereuse marque sa prise de conscience du danger. Souvent, dans les entreprises de services, les taux de fréquence sont plutôt faibles. L’amélioration recherchée passe par une prise de conscience individuelle des risques, ce qui donne la capacité de se protéger individuellement. Autre exemple : le temps gagné permet de lancer un contrôle systématique des véhicules afin de vérifier leur état. En étant honnête avec vous-même, depuis quand n’avez-vous pas vérifié la pression de vos pneus, le niveau du lave-glace, le bon fonctionnement de vos phares et clignotants ? Ce que nous faisons difficilement avec notre propre véhicule, nous le faisons encore moins avec le véhicule d’entreprise, estimant qu’il est sûr.

| 159

Le lean management dans les services

Autre exemple, l’optimisation de l’ordonnancement des activités permet dans chacune des entités opérationnelles où ce dispositif est mis en place de gagner un nombre de kilomètres considérable, et donc, outre les coûts véhicules, de gagner en fatigue et en accidents évités.

Les points clés concernant les bénéfices sur le plan managérial –– Du temps investi vers les opérateurs –– Du temps managérial dégagé sur le temps « pompier » –– L’impact santé-sécurité

16.3 Sur le plan métier Les résultats se traduisent en maîtrise des délais, en niveau de qualité des prestations, en augmentation du volume traité. Voici quelques illustrations… Les premières percées sont d’abord visibles sur le plan local en termes de diminution de délais. Puis progressivement, en proportion de l’avancement de la démarche, l’amélioration des délais va se lire dans l’unité, puis dans l’entité responsable et enfin au niveau national. Concernant les activités directement au service des clients, on constatera une plus grande efficacité (diminution du taux d’échec, combinée à une augmentation des recettes). Parallèlement, le coût moyen de l’activité diminue. Le taux de couverture (rapport entre recettes et dépenses) progresse en proportion. Tout comme le bien-être au travail, on a parfois du mal à isoler l’effet direct de l’action sur le critère assez large qu’est la satisfaction des utilisateurs ou des clients. Aussi, à l’échelle d’une entité opérationnelle, il faut travailler sur le facteur qui influence la satisfaction. On retrouve assez naturellement des actions sur l’amélioration de délais de traitement ou de service. Les marges temporelles peuvent être réaffectées soit à des activités métiers qui souffrent d’un niveau de qualité insuffisant du point de vue du client, soit pour faire face à un accroissement d’activité. Lorsque le niveau de performance est atteint, se pose la question de l’usage de ces marges de manœuvre. En améliorant et en rationalisant encore plus l’organisation du travail (Planification-Programmation-Préparation-Pilotage), l’entité opérationnelle récupère du temps et consacre son effort aux domaines les plus en retrait, trouve de nouvelles activités, ou adapte sa courbe d’effectif.

160 |

Les résultats obtenus

Par exemple, ciblant son effort sur les points sensibles avec une efficacité accrue, elle pourra constater dans l’année la diminution des écarts. Outre les moindres dépenses, la disponibilité des équipes se trouve augmentée. L’entité opérationnelle, tout en améliorant la qualité de service vis-à-vis des clients, réussit à maintenir ses coûts.

Les points clés concernant les résultats obtenus sur le plan métier –– Délai –– Qualité –– Satisfaction

16.4 Sur le plan culturel Mesurer l’évolution de la culture de l’entreprise, voilà un beau challenge qui questionne d’une part ce qu’est la culture de l’entreprise, et les critères de mesure, et d’autre part son niveau initial. Il est bon d’avoir une vision et une base sur ce sujet moins technique dès le démarrage du programme : ce peut être de faire intégrer et valoriser la recherche de performance par chacun des collaborateurs. En voici un exemple : « La volonté et la fierté d’être performant sont des énergies indispensables à la réussite du programme. Après plusieurs années de réduction de périmètre d’activité liée aux transformations de l’entreprise, après des baisses d’effectifs importantes et des réorganisations profondes du management, la redéfinition de la performance, la remise en perspective du rôle de chacun dans le système, le partage de la vision de l’entreprise sont des repères qu’il convient de préciser. Ces changements doivent s’inscrire dans le respect des valeurs des entreprises (sécurité, respect de la personne, respect de l’environnement, performance, solidarité, intégrité) 7. » Sur le plan culturel, on dispose en général de très peu de mesures. Si le dispositif d’enquête existe, alors on peut y intégrer un questionnaire sur le programme  ; par exemple  : «  Que représente pour vous aujourd’hui la démarche de lean management ? » En fonction du niveau d’avancement du programme, on peut mesurer la notoriété du programme et sa progression. Voici des exemples d’analyses qui peuvent être réalisées… 7 Citation introduite dans le texte en accord avec son auteur.

| 161

Le lean management dans les services

Le niveau de notoriété en lien avec le déploiement. La liaison avec la performance. La vision de la complexité de l’organisation du travail : cet item peut conduire à des perceptions négatives. Il faut l’interpréter comme un signe positif marquant le déploiement de la démarche qui structure fortement l’organisation du travail. L’utilité de la démarche. L’analyse par catégorie de personnel est également instructive. La vision des cadres peut marquer une forte adhésion et confirmer que la démarche managériale est perçue en tant que telle. Le niveau d’avis négatif des maîtrises peut indiquer un malaise fondamental face au changement dans les exigences demandées au travers du brief et du débrief. Ces acteurs voient leur mission évoluer et ce changement est à ce stade moyennement bien perçu. Ces constats permettent d’orienter l’action du programme vers la construction d’un stage dédié aux encadrants de proximité afin de les aider à maîtriser les standards managériaux. L’analyse selon les âges. Les jeunes et les anciens se retrouvent-ils d’avantage dans le programme ? L’évolution des résultats sur les années suivantes est très instructive. Comment progresse la notoriété du programme en lien avec le déploiement du programme ? Combien de salariés n’ont pas connaissance du programme ? Ce taux confirme ou infirme l’implantation de la démarche au plus près du terrain. Si les grands items évoluent favorablement, alors la démarche est reconnue comme facteur prépondérant dans l’amélioration de la performance. L’amélioration de l’organisation du travail est un des leviers actionnés pour capturer les marges de manœuvre. Ce levier est-il fortement visible ? La démarche reste-t-elle encore perçue comme contraignante sur le fonctionnement quotidien ? Cela peut s’expliquer par l’exigence nécessaire pour tenir les standards managériaux et techniques.

Les points clés concernant les bénéfices obtenus sur un plan culturel –– Au travers d’une mesure de la connaissance du programme –– L’intégration de la notion de performance par chaque collaborateur –– La compréhension du programme renforcée

162 |

Les résultats obtenus

16.5 L’avis des managers Tout au long du programme, il faut s’astreindre à rencontrer des entités opérationnelles, des managers. Au rythme d’une à deux visites appelées Gemba mensuelles, on peut facilement se constituer un échantillon représentatif. Les échanges avec le terrain permettent également de régler le dispositif de déploiement et, en le suivant, de construire la phase de pérennisation. Voici quelques exemples d’échanges et de témoignages recueillis lors de différents événements et rencontres (remis en forme dans le cadre de la communication du programme…). « Depuis le début du mois d’avril, nous avons démarré la démarche lean management. Grâce aux nombreux ateliers menés avec les salariés et les managers de proximité, nous observons des changements positifs au quotidien (par exemple, l’entité opérationnelle a intégré la notion de nonvaleur ajoutée). Nous ne sommes pas encore totalement opérationnels sur les standards managériaux mais la volonté des équipes et du management pour optimiser notre organisation devrait très rapidement porter ses fruits. » « Depuis la mise en place des briefs/débriefs ainsi que du management visuel, nous constatons que les problèmes remontent plus fréquemment. De plus, le fait de pouvoir les mesurer nous permet très rapidement de prioriser les actions à mettre en place pour les faire disparaître. » « Dans quelques jours, la vague se termine, nous sommes conscients qu’il ne tiendra qu’à nous de pérenniser les actions mises en place et de déployer les autres leviers identifiés. Nous restons confiants sur le déploiement de la démarche mais un appui pourrait nous être nécessaire par la suite dans la mise en place des prochaines actions. » « Si j’ai un seul point à retenir du programme lean management, c’est bien la transformation managériale qu’il induit pour l’encadrement. Prendre appui au plus près du terrain, sur ceux qui trouvent les solutions d’amélioration, est la clé du succès de cette recherche de performance. » « Profitons aussi de ce programme pour revoir nos reporting. Un reporting sert à rassurer son chef que ses attentes sont satisfaites, mais aussi à tracer les évolutions, vers la cible que nous souhaitons, à mesurer ce que nous faisons, et à le faire savoir. Comme vous ferez le point à la semaine, vous aurez connaissance de ce qui va et de ce qui ne va pas en temps

| 163

Le lean management dans les services

réel et donc vous aurez la preuve factuelle de ce qui se passe dans votre entité opérationnelle, vous tracerez les dysfonctionnements critiques, et les sources d’amélioration du couple Coût-Qualité. Cela vous donnera les éléments pour décider rapidement et alerter vis-à-vis des dérives. Vous disposerez ainsi des outils de communication interne de votre activité, et de son amélioration. Il va falloir rechercher plus de transparence, travailler avec une réalité partagée et pas avec des indicateurs de bureau. » « En ce qui concerne les résultats, nous serons convaincants si nous arrivons à donner des signes visibles aux salariés qu’une part de ceux-ci est réinvestie dans l’entité opérationnelle, et que toutes les parties prenantes s’y retrouvent. Si j’étais inquiet au début, je suis maintenant rassuré, parce que dans les entités opérationnelles qui sont déjà dans la démarche, les salariés sont moteurs et les résultats sont là. » « Avec l’aide des acteurs de changement, nous allons continuer à déployer la démarche sur toute l’unité. Ne nous leurrons pas, il s’agit bien d’un programme de performance globale, y compris financière, mais nous voulons que cette performance soit durable, qu’elle ne dégrade pas notre patrimoine, qu’elle ne soit pas faite de renoncements que nous paierons tôt ou tard et qu’elle soit comprise des salariés. C’est un programme dans lequel le changement managérial et l’écoute terrain sont fondamentaux, et sont les seuls gages de réussite. » « La démarche lean management, issue du lean Six Sigma est bien une transformation managériale. Nous nous devons d’être au rendez-vous de la performance attendue avec nos équipes ! Pour cela, il me semble essentiel de recentrer le management sur les métiers. Les procédures doivent être simplifiées (tout en gardant le contrôle sur la maîtrise des risques) et les activités à valeur ajoutée sont à identifier. Pour le métier, nous apprenons à mesurer notre production et à piloter l’activité selon le flux tiré par le client. Cette notion de "juste à temps" est nouvelle. » «  En conséquence, j’attends donc de mes managers qu’ils profitent de la démarche pour apprendre à faire de meilleurs choix dans leurs activités quotidiennes. D’abord en connaissant la valeur ajoutée de leurs équipes. Ensuite en identifiant par le biais de la boucle courte les aléas et tous les leviers à mettre en œuvre pour s’améliorer. Enfin, en mesurant hebdomadairement l’efficience de leurs équipes. C’est pour cela que j’ai souhaité que plusieurs de mes managers participent au premier stage expérimental de l’apprentissage des quatre standards managériaux. »

164 |

Partie III La phase de pérennisation

17 L’intégration des compétences clés dans le référentiel RH Au travers de la mise en place de la démarche, la définition des compétences clés de l’encadrement apparaît clairement comme une nécessité. Cette démarche managériale très complète et structurante fait appel à des compétences que l’on peut catégoriser. Pour instiller ce sujet dans un groupe, on peut proposer que l’encadrement s’étalonne selon une grille de maturité sur l’ensemble de ces compétences clés. De cette manière, il peut percevoir l’écart entre le niveau actuel et l’attendu et ainsi dédramatiser les difficultés ressenties dans le cadre de la démarche. Les douze principales compétences de l’encadrement sont :

ffsavoir planifier ses activités ; ffsavoir organiser le travail ; ffgérer son temps ; ffassurer la remontée structurée et systématique de l’information ; ffsavoir anticiper l’activité en fonction des aléas ; ffcommuniquer sur les objectifs et les résultats ; ffgérer la dynamique d’équipe et être force de proposition ; ffanimer efficacement les réunions ; ffévaluer les hommes et gérer leur développement ;

Le lean management dans les services

ffgérer les tensions avec les équipes et arbitrer ; ffsavoir déléguer et piloter à distance ; ffêtre une référence technique. Une représentation du niveau des compétences clés peut se faire selon un graphe étoile sous Excel©. Il faudra définir au préalable les niveaux (exemple de 1 à 4) associé à un étalonnage.

Référence technique Déléguer

Gérer les tensions

Planifier 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0

Évaluer

Organiser Gérer son temps

Remontée l’information

Anticiper

Animer les réunions

Communiquer Dynamique d’équipe

Figure 17.1 Représentation graphique de l’évaluation des compétences clés sur une échelle de 1 à 4 On obtient ainsi un graphique en lien avec les évaluations faites sur un collectif d’entité opérationnelle, même si on observe des écarts entre entités. Il est probable que se dégageront néanmoins des tendances lourdes. Vous aurez ainsi un « marqueur » de votre entreprise. Par exemple, on peut constater que la légitimité technique de l’encadrement est un point fort sur lequel il s’appuie pour asseoir son leadership auprès des opérateurs. Ce point montre le souci du travail bien fait et la valeur de la technique. À l’inverse, l’encadrement peut être moins à l’aise sur des objets comme l’organisation et la planification du travail : il intervient en urgence pour aider le technicien en difficulté. Il préférera intervenir auprès de l’opérateur pour démontrer qu’il sait faire. Sur ce type de schéma, on peut déceler une moindre aisance

168 |

L’intégration des compétences clés dans le référentiel RH

dans les capacités à déléguer et dans les postures managériales face aux salariés. C’est le cas lorsqu’une part de l’encadrement de proximité est issue de la promotion interne. Un bon technicien ne devient pas systématiquement un encadrant à l’aise, sans accompagnement du moins. À partir de ce travail et de ce diagnostic on peut introduire ces compétences clés dans les référentiels de compétence qui servent de base aux entretiens annuels de progrès. Dans ce cas, il faut prévoir de mettre en regard un certain nombre de stages managériaux revisités à l’aune des concepts du lean afin d’assurer la cohérence entre détection de difficultés et besoins de formation adaptée.

Les points clés concernant l’intégration des compétences clé dans le référentiel RH 1. Savoir planifier ses activités 2. Savoir organiser le travail 3. Gérer son temps 4. Assurer la remontée structurée et systématique de l’information 5. Savoir anticiper l’activité en fonction des aléas 6. Communiquer sur les objectifs et les résultats 7. Gérer la dynamique d’équipe et être force de proposition 8. Animer efficacement les réunions 9. Évaluer les collaborateurs et gérer leur développement 10. Gérer les tensions avec les équipes et arbitrer 11. Savoir déléguer et piloter à distance 12. Être une référence technique Permet un diagnostic –– Caractérise les référentiels de compétences –– Conduit à la mise en ligne de stages adaptés

| 169

18 L’intégration des concepts de management dans le dispositif de formation L’accompagnement du chantier par l’acteur de changement n’est pas toujours suffisant pour rendre autonome l’ensemble de la ligne hiérarchique de l’unité. Cet écart peut apparaître au moment du chantier, comme se révéler a posteriori. Pour répondre à ces besoins qui sont inéluctables, un travail avec la filière RH formation va vous conduire à la création ex nihilo de stages. Il s’agit de sérier les communautés concernées et les rôles attendus dans la démarche. Par exemple, on insistera sur les standards managériaux pour les encadrants de proximité. Les outils de pilotage et d’amélioration concerneront principalement les chefs d’entité opérationnelle. Le lancement de démarche par percée et l’accompagnement des collaborateurs constitueront les points clés pour les chefs de projets locaux. Ensuite apparaîtront certainement deux versions de stages : les stages de découverte, réalisés pendant le déploiement et les stages équivalents, repris et adaptés dans le mode de pérennisation de la démarche. Il est important de prévoir un travail significatif de conception, puis d’animation au cours de la période. Il est judicieux de s’interroger sur la prise en charge de l’animation. Les acteurs du programme, les acteurs de changement

Le lean management dans les services

et les pilotes sont en mesure d’assumer cette tâche. Ce positionnement présente plusieurs intérêts. Au prix d’un investissement certes important, les animateurs acquièrent une aisance dans l’animation et le portage de la démarche. Les pilotes des entités responsables ou du niveau national sont en mesure d’animer les stages pour les managers des unités ou des responsables des entités opérationnelles. Ils deviennent ainsi d’excellents ambassadeurs du programme. Les acteurs de changement sont en mesure d’animer les stages destinés aux encadrants de proximité. On peut même imaginer que le management soit en capacité d’animer lui-même les stages à destination des encadrants de proximité. Cette implication renforce la crédibilité de l’engagement du management dans le programme. Au cours du déploiement du programme, des besoins de formation spécifiques ou complémentaires apparaissent. Lorsqu’on travaille sur le registre des compétences clés du manager, il ne suffit pas de mettre en exergue les difficultés ou écarts de certains pour considérer que le programme a réalisé son travail et que le manager doit faire le sien. Le programme doit investir le domaine de la formation en passant en revue l’ensemble des formations managériales disponibles et en y introduisant les concepts et outils du programme. Ce travail de longue haleine conduit à revoir le contenu de tous les stages, former les formateurs, vérifier que les nouveaux stages sont adaptés, éventuellement les régler une deuxième fois. Un synoptique présentant la gamme complète de stages disponibles pour l’ensemble de l’encadrement (encadrement de proximité, manager première ligne, expert, manager deuxième ligne) a de l’intérêt pour bien expliquer l’offre de formation et les cursus.

Les points clés concernant l’intégration des concepts dans la formation Les formations existantes : –– managériales ; –– les formations métiers. Les formations dédiées : –– aux techniques du lean ; –– aux postures du management lean.

172 |

19 La gestion des demandes d’appui et des bonnes pratiques en lien avec les innovations Le nombre de demandes d’appui et de bonnes pratiques est révélateur de la dynamique et de la réussite de la démarche. Les bonnes pratiques sont assez proches des innovations. Les demandes d’appui sont l’équivalent des fiches d’amélioration continue développées dans une démarche qualité. Aussi estil utile de s’intéresser à la façon dont sont gérés ces deux types de flux et sur quel support informatique ils s’appuient. En effet, si le traitement initial – quasi manuel – permet de gérer artisanalement les premières fiches, vous ne pourrez pas poursuivre efficacement cette gestion sans l’industrialiser. Cet outil de gestion doit inclure un moteur de recherche, permettre de renseigner un enregistrement avec de nombreux champs, autoriser la saisie d’une fiche autoporteuse et sous un format toujours identique. Cela facilitera l’édition des fascicules métiers. Pour conserver « l’autoportance » des fiches, certains renseignements peuvent être portés en double sur le support informatique et sur la fiche, pour assurer un formalisme d’édition homogène et la capacité de réaliser des fascicules par métier ou selon tout autre critère de choix pertinent. Ensuite, vous vous intéresserez à la façon dont sont gérés ces workflows. Par exemple à partir d’une innovation déposée par un acteur dans la base, celle-ci est «  poussée  » dans un réseau afin de franchir les différentes étapes. Le niveau N va valider le fait que l’idée mérite un examen au niveau N + 1. Le niveau supérieur examine à un pas temporel les nouvelles fiches. Pour les plus prometteuses, le parcours passe par le niveau national et suit

Le lean management dans les services

un parcours équivalent de validation. En lean management, la boucle courte implique parfois, en fonction du système de validation existant, de créer une rupture pour obtenir une dynamique supérieure. Il est important de ne pas créer de nouveau réseau de validation mais bien d’utiliser une voie managériale directe aidée par une expertise métier. Les paramétrages des outils informatiques impliquent parfois de définir à l’avance les acteurs en charge des validations à chaque niveau. Il est préférable de laisser de la souplesse dans le dispositif afin de pouvoir orienter la demande vers un manager ou un expert, sans l’avoir prévu à l’avance. C’est le responsable au niveau de son activité qui oriente la fiche. En matière d’innovation, les temps d’attente de validation souvent importants ne sont pas compatibles avec le fonctionnement dynamique demandé dans le lean management. Les bonnes pratiques sont produites en fin de chantier. Elles doivent donc être examinées sur ce même rythme trimestriel, au risque d’éteindre la motivation de ceux qui les créent par manque de reconnaissance. Malgré la prise de conscience de cette nécessité, la validation reste une difficulté car le système est apprenant sur ce sujet. Un certain nombre de bonnes pratiques peut ne pas avoir achevé le cycle de validation. Le lancement de journées métiers permet de renforcer la dynamique. Une fois traité le workflow des demandes d’appui et des bonnes pratiques et la fonction de la maturité de votre système, il y aura lieu de s’interroger sur l’opportunité d’un regroupement des flux innovation et bonnes pratiques. En effet, une bonne pratique est une innovation qui a fait ses preuves et qui doit être appliquée. De la même manière, il faut envisager le regroupement des flux demandes d’appui et des fiches d’amélioration continue. La demande d’appui doit être traitée rapidement et elle est d’une portée organisationnelle moindre. À l’inverse, la fiche d’amélioration continue est structurellement plus lourde, son impact est plus important. Elle demande à être examinée avec attention. Les points clés concernant la gestion des demandes d’appui et des bonnes pratiques –– Un logiciel qui structure la gestion –– Une pièce jointe autoporteuse –– Une validation managériale –– Un rythme de traitement réactif –– L’outil n’est pas suffisant ; la démarche a besoin des hommes

174 |

20 La pérennisation du pilotage intermédiaire

Une fois le déploiement de la démarche réalisé dans chacune des unités et des entités opérationnelles, le pilotage national va se transformer. La pérennisation du programme doit se traduire par une prise en charge de la suite de la démarche par les unités et les entités responsables. Tout comme on enlève les roulettes du vélo d’un enfant quand on estime correcte sa capacité à s’en passer tout en roulant mieux et plus vite. Le niveau national va se positionner en appui à la demande des entités responsables. Avant de détendre le pilotage national, les entités responsables doivent définir leur plan d’actions et de pérennisation de la démarche. Sous l’impulsion du niveau national et avant la fin du déploiement, il faut construire le programme de transition et mettre en œuvre les actions nationales qui peuvent aider à cette consolidation du programme. Le partage et la construction de ces plans de transition et de pérennisation portent sur les sujets suivants :

 Le recrutement et la formation de nouveaux acteurs de changement Les entités doivent maintenir un nombre minimal d’acteurs de changement compétents, d’abord en prolongeant le mandat des derniers acteurs de changement, mais aussi en recrutant de nouveaux entrants pour conserver la formation par frottement.

Le lean management dans les services

Le cursus passe également par un parcours de formation et de coaching structuré, suivi et contrôlé. Ce parcours doit être défini en utilisant les outils et stages existants.

 La mise en place de référents lean dans les entités L’autre option possible est de déconcentrer l’équipe centralisée dans l’entité responsable pour la déployer vers chaque unité. Pour maintenir le niveau d’exigence, il y a lieu d’examiner les risques de cette organisation. On peut noter :

ffle risque que le manager se décharge de la démarche sur le référent ; ffle risque d’une mission à géométrie variable et à temps partiel, ne permettant pas un professionnalisme suffisant sur le sujet du lean. Pour renforcer ces points, il est nécessaire de :

ffdéfinir la mission et le niveau du référent ; ffdéfinir la formation adaptée et considérer la synergie avec celle de l’acteur de changement.

 La poursuite de l’adaptation des formations managériales en intégrant les concepts du lean L’offre initiale est élaborée pendant le programme. La montée en compétence des acteurs fait que cette offre est décalée. Il faut donc régulièrement s’interroger sur l’adaptation des contenus et des cibles en fonction de la maturité de la démarche. On distinguera :

ffl’offre de formation managériale intégrant les concepts du lean typée par niveau des différentes communautés managériales ;

ffl’offre concernant les nouvelles formations sur les outils et concepts du lean pour les mêmes panels ;

ffl’offre des formations métiers intégrant les meilleures bonnes pratiques en particulier celles relevant de l’organisation du travail spécifique à chaque métier. Il est important que le respect des cursus soit assuré pour ne pas former au rabais des acteurs de changement qui ne seraient plus en mesure de porter la totalité des outils et des concepts.

176 |

La pérennisation du pilotage intermédiaire

 Le déploiement renforcé des standards managériaux On recherchera l’évolution vers une intégration des quatre standards managériaux dans les référentiels managériaux des unités et des entités responsables. Un dispositif de SAV peut être mis en place et assuré par les acteurs de changement déjà formés et ce afin d’accompagner les unités et les entités opérationnelles. Il est intéressant de rechercher l’intégration de ces standards dans le modèle managérial général. Pour conduire ce point, on peut proposer de :

ffaider au partage et à la définition des standards managériaux pour l’ensemble des niveaux ;

ffintégrer les concepts et posture du lean dans le système de management qualité de l’entreprise ;

ffadapter le rôle des pilotes de processus en lien avec les rôles des pilotes de chaque niveau de l’organisation ;

ffformer ou accompagner les pilotes de processus nationaux sur le management lean (formation, coaching, visite Gemba, efficience processus, suivi des bonnes pratiques, partage de pratiques, référentiel métier servant de trame d’animation).

 La montée en puissance du concept Gemba Le concept de la visite terrain selon le lean, que nous verrons dans un autre chapitre, peut être érigé comme cinquième standard managérial pour l’encadrement de haut niveau. Cependant, il est parfois mal compris et mal utilisé. Pour renforcer ce point, il est nécessaire de réaliser un bilan des pratiques actuelles pour formaliser un diagnostic, d’intégrer la visite Gemba dans les formations nationales, de confirmer le référentiel attendu dans une entité opérationnelle et dans une unité.

 L’adaptation du mode de pilotage en intégrant les concepts du lean Les entités responsables peuvent rechercher l’intégration des standards du lean management dans un modèle managérial complet. Le périmètre s’élargit ainsi aux revues de pilotage, de gestion, de performance, au système de reporting.

| 177

Le lean management dans les services

Pour renforcer ce point, il est nécessaire d’étudier la complémentarité des concepts du lean avec le pilotage financier et de revisiter le pilotage des processus.

 Des contrôles de conformité Il faut s’assurer en permanence que le système ne dérive pas, qu’il se bonifie. Ce contrôle peut être fait au travers des visites Gemba, des audits managériaux mais aussi en revisitant et en prolongeant les feuilles de route des entités opérationnelles. Après les premières percées, quelles sont les percées suivantes ? Pour renforcer ce point, il est nécessaire de se construire un référentiel de pratiques et de missionner les acteurs en charge de cette surveillance, en général l’encadrement de haut niveau. Des partages de bonnes pratiques métiers ou managériales sont en général récoltées et ce travail de capitalisation permet une progression générale du système.

 La capitalisation des bonnes pratiques pertinentes et utiles Les entités responsables doivent structurer un processus de capitalisation, de validation et de partage des bonnes pratiques. Cependant, ce processus demande à être conforté par une clarification des circuits, une appropriation de ces flux par les acteurs (management, métier) et par la vérification de leur efficacité. Pour renforcer ce point, il est nécessaire de :

ffclarifier les concepts et les circuits de validation ; ffs’appuyer sur la structure du référentiel « métier » défini nationalement pour organiser le partage des bonnes pratiques ;

fforganiser des journées métiers récurrentes à la maille d’organisation intermédiaire pour les métiers majeurs ;

ffinitier des journées métiers nationales sur les métiers « rares » ; ffaider les pilotes et les métiers dans ce déploiement en construisant une organisation type d’une journée.

 L’implication renforcée du haut management dans la démarche L’importance de l’implication du haut management dans la démarche permet de conforter sa pérennisation. Si l’exemple et l’intérêt ne viennent pas du top management, alors la démarche court un risque d’affaiblissement. Pourtant,

178 |

La pérennisation du pilotage intermédiaire

une palette étendue d’actions existe, telles que le coaching, la visite Gemba, la participation au référentiel managérial, le benchmark interne (voire externe), l’offre de service SAV à partir d’audit, l’intégration d’une séquence lean dans la tenue des réunions de conseil de direction, calage de standards pour le top management… Pour renforcer ce point, on peut par exemple :

ffréaffirmer l’importance du management lean ; ffproposer une trame de conseil de direction lean sous forme de team building ;

fffaire apparaître l’intérêt du top management dans la démarche, dans la communication, les orientations ;

ffintégrer cette réflexion dans le projet de transformation d’une entité. Le rôle attendu de la fonction nationale se trouve ainsi posé. Les contours d’un nouveau rôle se dessinent, un rôle :

ffd’animateur du domaine ; ffd’appui aux entités responsables ; ffde gardien mais aussi d’entretien des concepts du programme ; ffde contrôle et d’interventions directes sur le terrain ; ffd’accompagnement des entités non encore intégrées dans le programme.

Les points clés concernant la pérennisation au niveau des entités responsables –– Le pilotage de la formation du nouvel acteur de changement –– La mise en place d’appui dans les unités –– La déclinaison des formations –– Le déploiement renforcé des standards managériaux –– La montée en puissance du 5e standard managérial : la visite Gemba –– L’adaptation des modes de pilotages en intégrant le lean –– Des contrôles de conformité –– La capitalisation des bonnes pratiques et leur partage –– Une évolution du rôle national

| 179

21 La visite Gemba La mise en place et la déclinaison de ce concept se réalisent une fois la démarche de lean management installée. Voyons ces caractéristiques transposées dans un programme… Le terme Gemba vient du japonais et signifie « terrain », « contact ». Faire une visite Gemba, c’est donc voir comment les opérateurs fonctionnent et les aider à s’améliorer. Si le management réalise déjà des visites terrain pour la sécurité par exemple, ou pour des revues de contrat, il y a, dans ces visites, un côté top down et contrôle assez important qui ne permet pas toujours de voir la réalité. L’idée de la visite Gemba est de mettre le management à l’écoute des problèmes et difficultés des opérateurs ou de les aider à repérer les améliorations si eux-mêmes ne les perçoivent pas. C’est aussi donner au manager la capacité de voir directement les choses telles qu’elles sont et non selon sa représentation qui est parfois déformée. Combien de responsables font appel à ce qu’ils ont connu et pratiqué il y a plusieurs années ou selon les éléments qu’on leur rapporte. Une visite Gemba est une visite normée dont le contenu relève d’un standard. Il n’y a pas de raison d’échapper à ce concept parce que l’on est manager. On ne peut pas imaginer que la venue d’un hiérarchique soit une parfaite improvisation alors que l’on demande aux opérateurs et à l’encadrement de proximité de planifier, préparer, piloter son activité. Le « tourisme » n’est donc pas de mise. Le contenu d’une visite Gemba et la manière de la réaliser doivent être déterminés. Et ce savoir-faire doit faire l’objet d’un partage auprès de l’encadrement de toutes les entités et en conséquence être aussi intégré dans les stages de formation du top management.

Le lean management dans les services

Voici les principaux ingrédients qui constituent la structure d’une visite Gemba : Les objectifs visés sont les suivants :

fffaire le point sur les pratiques opérationnelles de l’entité opérationnelle, aider à progresser ;

ffsuivre l’amélioration continue, matérialisée par un plan d’actions ; ffévaluer le degré de maturité des fondamentaux du lean sur l’entité opérationnelle ;

ffdonner une vision du niveau de maturité de l’entité opérationnelle par rapport au référentiel et à son plan de marche. Les résultats attendus, à la fois pour l’équipe et le manager « visiteur » sont :

ffune motivation de l’équipe visitée ; ffune meilleure connaissance par le manager des faits et des problèmes terrain ;

ffune assurance de la qualité de la mesure des résultats ; ffune meilleure circulation des pratiques et l’enrichissement des collaborateurs.

 Sa mise œuvre pratique La visite d’équipe lean permet au management de constater sur le terrain les difficultés opérationnelles et l’amélioration, et d’y participer. Le Gemba walk accorde du crédit aux faits observés plutôt qu’au déclaratif. C’est un temps d’écoute privilégié. La visite est courte (deux heures), rythmée de manière à voir les quatre grands thèmes :

ffles standards managériaux ; ffl’organisation du travail au travers de la planification, de la préparation, de la programmation, du pilotage de l’activité en entité opérationnelle ;

ffles leviers métiers ; ffl’organisation des lieux de travail et l’accompagnement des salariés, des prestataires. En conclusion, la visite Gemba permet de faire le lien avec les résultats obtenus, d’examiner les réallocations, les actions d’évolution de la démarche

182 |

La visite Gemba

sur l’entité opérationnelle, la feuille de route, de traiter les demandes d’appui à destination des niveaux supérieurs. J’ai coutume d’introduire et d’illustrer la présentation de la visite Gemba par un dessin de fenêtre : la fenêtre par laquelle je vais observer l’entité que je visite possède quatre vitres. La vitre des standards managériaux ou des rythmes et rites de l’entité. La vitre qui concerne l’organisation du travail et ses 4P vus plus haut. La vitre des pratiques métiers et enfin la vitre de l’environnement du travail comprenant la formation des salariés, le rangement, la liaison avec les prestataires, l’accueil des nouveaux entrants. Cette fenêtre s’appuie sur un socle constitué par les résultats. Sans résultats, donc sans socle, la fenêtre tombe ! Pour évaluer le niveau de maturité, il faut également convenir d’une grille qui permet d’avoir une vision homogène sur l’ensemble de l’organisation. Cette grille peut s’apparenter à une approche EFQM simplifiée. La maturité suit la progression suivante :

ffNiveau 1 : le sujet est connu et le levier étudié. ffNiveau 2 : le levier est mis en œuvre sur un périmètre significatif. ffNiveau 3 : le levier est amélioré et généralisé avec des résultats d’efficience avérés.

ffNiveau 4 : le levier fait référence en matière d’efficience. Nous pouvons ajouter à ces niveaux :

ffNiveau 0 : non-prise de conscience du problème La visite Gemba nécessite une préparation :

ffconfirmer sa venue quelques jours au préalable par un mail ; fféditer la feuille de route ou plan d’action de l’entité, une trame de compte rendu vierge ;

ffrécupérer les résultats remontés et repérer les leviers métiers clé ; ffpréparer la logistique du déplacement ; ffexpliquer à l’accompagnant éventuel, la visite Gemba. Le déroulé de la visite suit un cadencement précis :

ffprésenter la visite auprès du manager qui vous reçoit. En particulier on peut dessiner une fenêtre sur un tableau blanc, ce qui permet de jalonner la présentation, de partager la prise de note, et de réaliser la restitution ;

| 183

Le lean management dans les services

ffrecaler les différentes phases en tenant compte des contraintes du site sur les deux heures de la visite ;

ffse faire expliquer rapidement les standards, l’organisation du travail et les leviers métiers significatifs. Ce temps demande d’être temporellement bordé. Utiliser une prise de note visuelle sur la fenêtre dessinée sur tableau blanc ou paper board ;

ffaller sur le terrain vers les salariés pour voir et écouter, et questionner pour s’assurer de la bonne compréhension et de l’application de l’organisation décrite ;

fffaire un point sur la mesure des résultats, des bénéfices et donner un retour à chaud. La visite doit être suivie d’actions :

ffdiffuser le compte rendu type en faisant apparaître les trois points forts et les trois points de progrès. Il est inutile de faire une liste de points faibles car le but est de corriger les principaux et non pas d’être exhaustif. Le niveau de rédaction compte également, il peut être global en rassemblant plusieurs points (par exemple renforcer les standards managériaux) ou être plus détaillé (par exemple faire apparaître la mesure de l’efficience à la semaine et compréhensible par les salariés) ;

ffappeler téléphoniquement le manager N + 1 lorsque celui-ci n’a pas participé à la visite pour échanger sur sa compréhension ;

ffsuivre les actions en comité de direction de l’entité. La mesure de l’avancement de l’action doit être jalonnée. Les visites Gemba sont réalisées post-vague, au plus tôt six mois après la fin du chantier de manière à repérer l’autonomie du groupe visité. Pour un manager, on peut imaginer qu’une dizaine de visites annuelles soit dans ses capacités. Il est possible de coupler la visite Gemba avec d’autres types de visites (prévention), cependant on prendra garde à bien individualiser chaque sujet. La visite Gemba est une action à valeur ajoutée. Elle porte sur l’accompagnement de l’équipe dans la démarche, sur un retour image de sa progression (compétences et autonomie), sur l’assurance de la qualité de la mesure des résultats, sur une meilleure connaissance des faits et des problèmes par le visiteur.

184 |

La visite Gemba

Les points clés concernant la visite Gemba

Le management à l’écoute La capacité à voir et à mesurer la réalité Faire le point des pratiques Suivre l’amélioration continue Évaluer le degré de maturité : –– Niveau 1 = sujet connu levier étudié –– Niveau 2 = levier mis en œuvre sur un périmètre significatif –– Niveau 3 = levier généralisé et des résultats probants –– Niveau 4 = levier amélioré et efficient : les résultats progressent Un mode opératoire normé et exemplaire

| 185

22 La transformation managériale des unités

Dans une unité, le déploiement de la démarche s’opère d’abord sur une première entité opérationnelle, puis sur une ou deux autres, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les entités opérationnelles aient vécu la démarche de transformation. À un moment d’avancement de la démarche dans l’unité, le directeur doit être interpellé par le nouveau mode de fonctionnement de ses collaborateurs. Les rites se reprécisent et les rythmes s’accélèrent. À un moment donné, un basculement dans le pilotage va se produire. L’unité bascule de l’ancien pilotage vers un nouveau pilotage. Le directeur doit saisir cet instant pour adapter et revoir le mode de fonctionnement général de son unité. S’il ne le fait pas et s’il reste « traditionnel » dans son mode de fonctionnement, il est probable que soit ses collaborateurs prendront la direction des affaires opérationnelles, laissant au directeur les orientations stratégiques de l’unité, soit ses collaborateurs se trouveront mal à l’aise, tiraillés entre une dynamique terrain forte et un rythme plus lent au niveau supérieur. C’est la position la plus inconfortable qui soit. Cette prise de conscience est primordiale pour un directeur d’unité ou d’entité. Il pourra ainsi intervenir dans la mise en place d’un management lean. Pour un directeur et son comité de direction, l’impact de la démarche va se traduire sur quatre grands axes.

Le lean management dans les services

 Un pilotage optimisé de l’unité Chaque niveau va adapter les concepts du lean et les standards managériaux. Les rôles et les missions des acteurs clés vont être revisités, parfois modifiés. Le concept de l’efficience largement répandu va devenir une référence dans l’unité.

 Un appui efficace aux entités opérationnelles Les entités opérationnelles, bien que « passées » en lean management, peuvent avoir des degrés de maturité hétérogène vis-à-vis des concepts. Il est du devoir du chef d’unité de le détecter et d’accompagner les chefs d’entité opérationnelle dans un renforcement de la démarche en encourageant les réussites et en s’intéressant au développement de l’entité opérationnelle. Un manager qui ne s’intéresse pas à la démarche la condamne à plus ou moins long terme.

 Une bonne articulation avec le niveau supérieur La liaison avec le niveau supérieur et en particulier la gestion de la boucle courte de la revue de performance demande à être revisitée. C’est un exercice technique simple mais ô combien complexe sur le plan politique. Comment interpeller le niveau supérieur sans passer pour un novice qui ne sait pas gérer ses affaires ? Une posture managériale lean va induire des changements de contact avec le terrain et les opérateurs, une posture d’appui à la résolution de problèmes, un coaching de ses collaborateurs, une amélioration de la gestion du temps collective et individuelle, une posture générale d’écoute et de mesure des faits. On peut dépasser ce premier stade de remise en cause du pilotage de l’unité en y trouvant l’opportunité d’améliorer la synergie entre la démarche qualité et le lean management. La démarche constitue un fort levier de mobilisation pour transformer son unité. Enfin le lean management est un révélateur des compétences techniques et managériales de ses équipes. En conséquence, l’accompagnement de ses salariés et son encadrement peuvent impliquer la mise en œuvre d’un plan de formation adapté.

188 |

La transformation managériale des unités

Les points clés concernant la transformation managériale des unités

–– Un basculement dans le pilotage –– Les standards sont adaptés au niveau de l’unité et dans le conseil de direction –– Un appui efficace aux entités opérationnelles –– La déclinaison de la boucle courte –– Une opportunité de transformation

| 189

23 L’élargissement vers le périmètre des investissements

Dans le cadre du déploiement, le programme porte essentiellement sur les fonctionnements propres des entités. Mais très rapidement peut apparaître la liaison avec la gestion des investissements ou de la production interne de l’entreprise. Il est probable qu’apparaissent des améliorations concernant la conduite des investissements. À ce stade, le pilotage du programme devra se prononcer sur la gestion de ce nouveau périmètre et la façon dont son pilotage s’organisera. Quand j’abordais, dans l’analyse des risques, le risque de succès, le voici qui peut apparaître sous cette forme : l’envie de traiter en même temps fonctionnement et investissement. Cela est possible, mais il faut bien s’interroger et reprendre l’ensemble des questions de cadrage. Par ailleurs, le repérage des pratiques en matière de gestion des investissements permet de réaliser une cartographie des sujets clés. On peut citer la phase de définition du projet, la phase d’étude du projet, la phase de réalisation, la phase d’utilisation. L’efficience générale consiste à faire plus de projets avec la même somme, ou bien à limiter la partie technique au juste nécessaire afin de consacrer la somme économisée à d’autres projets utiles.

Le lean management dans les services

Les points clés concernant l’élargissement au périmètre des investissements

–– Le travail lean sur les charges de fonctionnement dérive logiquement sur les investissements –– S’interroger si ce domaine relève du même pilotage

192 |

24 Les évolutions du SI intégrant les concepts du lean Au travers de l’organisation du travail, un des sujets clés du lean management concerne le pilotage de l’activité. Et des logiciels de pilotage d’activité peuvent être soit en service, soit en cours de construction, soit en évolution, soit même en réflexion. Il est peu probable que ceux-ci intègrent les concepts du lean management. L’efficience et la notion de valeur ajoutée sont sans doute peu connues. Le lean management introduit ou réintroduit la programmation des activités au plus juste. Lorsque les applicatifs qui accompagnent chaque métier sont peu tournés vers l’organisation de l’activité, vos acteurs de changement auront nécessairement introduit des outils rudimentaires pour accompagner l’amélioration de l’organisation du travail comme par exemple des goulottes murales, des panneaux de présence, du management visuel de l’activité en cours. Dans d’autres cas, les acteurs de changement auront pu construire quelques requêtes d’extraction pour mettre en forme et rendre visuelle l’organisation de l’activité. Lorsque vous rencontrerez une évolution en cours du SI du métier, saisissez l’opportunité d’intégrer les concepts lean de l’organisation du travail. Par exemple, ce peut être les fonctionnalités de programmation, d’affectation de ressources, de suivi de réalisation des interventions, les interfaces avec les autres SI, l’optimisation des déplacements, la programmation au plus juste,

Le lean management dans les services

les temps de gamme référence de la préparation de l’activité. Ce travail doit être réalisé avec quelques entités opérationnelles utilisatrices de ces standards afin d’intégrer leurs besoins, leurs demandes spécifiques. À l’inverse, il faut veiller, côté programme, à ce qu’il n’y ait pas de dévoiement des concepts dans le cadre d’une simplification trop poussée. Car des écarts de formalisme et de fond peuvent se produire au travers des options que chaque acteur souhaite retrouver ou prendre en fonction de ses habitudes. Pour illustrer ces écarts, voici un exemple qui montre que si on n’y prend pas garde, un risque de dévoiement, involontaire, peut survenir ; en particulier au travers du calcul de l’efficience. Proposition des acteurs : le temps de trajet d’une intervention vaine doit être pris en compte dans le ratio de valeur ajoutée entreprise. Réponse du programme : non ! Question de principe ! Le temps de trajet pour aller (et revenir) d’une intervention qui s’avère vaine est de la nonvaleur ajoutée, comme le temps passé sur le terrain pour ne pas la faire. Ce temps de trajet inclus dans la NVA est en fait égal à la somme des temps de trajets théoriques juste avant et juste après chaque intervention vaine. Pour être tout à fait exact, ce temps doit être diminué du temps de trajet théorique direct entre le lieu de l’intervention réussie précédant l’intervention vaine et le lieu de l’intervention réussie suivant l’intervention vaine. Ceci est également vrai si l’intervention a été partiellement réussie, puisqu’il faudra y retourner spécifiquement. Souvent, le développement des programmes informatiques accuse un certain retard, sauf si une démarche de lean management a été mise en place. Dans la phase transitoire, il peut être utile de développer et d’accompagner la fonctionnalité de l’efficience. Cette notion est mise en œuvre dès les premiers chantiers sur la base d’un fichier Excel muni de macros permettant de programmer les activités gammées sur une journée, de collecter le débrief et de calculer le ratio d’efficience. Une consolidation hebdomadaire sur le périmètre de l’entité opérationnelle permet de voir l’évolution de l’efficience de la semaine, et de mesurer tous les écarts, d’analyser les plus significatifs afin de prendre les mesures adaptées à un redressement de l’activité et de supprimer les causes de ces dysfonctionnements. Ces outils initiaux et artisanaux, pris en charge par une équipe interne accompagnant les projets locaux prometteurs, évoluent au gré des demandes et propositions des utilisateurs. Cela conduit à fortifier le cahier des charges d’évolution de l’applicatif et à le rendre plus utile aux yeux des utilisateurs.

194 |

Les évolutions du SI intégrant les concepts du lean

Les points clés concernant les évolutions des applicatifs métiers

–– La mesure de l’efficience –– La programmation au plus juste –– Les temps de gamme référence –– La préparation de l’activité –– Une phase transitoire à prévoir en fonction de la maturité du SI du métier

| 195

25 L’implémentation des concepts du lean management dans les référentiels métiers L’analyse des bonnes pratiques conduit d’abord à les classer par métier et par processus, un métier pouvant regrouper plusieurs processus. Fort de cette première segmentation, vous constaterez que chaque métier a développé la même logique de bonnes pratiques. D’abord les quatre standards managériaux. Ce sujet est porté par les acteurs de changement. Chaque métier doit avoir décrit comment il réalise un brief/débrief, comment il gère le management visuel sur lequel s’appuie le point hebdomadaire, comment il met en œuvre la boucle courte avec les salariés et avec le niveau supérieur, comment il mesure l’efficience et son évolution. J’ai coutume de dire que ces quatre figures imposées conservent l’organisation en bonne santé. Elles sont décrites localement même si elles relèvent d’un standard national. Deuxième grand domaine : l’organisation du travail. Si dans l’entité opérationnelle ou le groupe, il n’y a rien de défini en matière de planification, de programmation de préparation et de pilotage d’activité alors le fonctionnement de l’entité opérationnelle n’est pas à son optimum et de grandes marges de progrès existent.

Le lean management dans les services

Troisième domaine : les pratiques, modes opératoires, procédures métiers. Ces éléments apparaissent au fur et à mesure que le groupe détecte des dysfonctionnements et des aléas sur le cœur de métier. En résolvant les difficultés rencontrées, il va progresser sur son savoir-faire. Le niveau de description et le périmètre seront variables en fonction du niveau d’expertise collective du groupe. Si le groupe est composé de salariés expérimentés, il pourra s’affranchir de détails. Il faut cependant s’assurer de la bonne connaissance du métier. Que diriez-vous si l’on vous demandait de repasser le code automobile alors même que vous conduisez depuis vingt ans ! Il est possible qu’un rappel précis ne soit pas inutile. Quatrième domaine : l’amélioration de l’environnement de travail, l’accompagnement du professionnalisme des salariés, le suivi des fournisseurs. Autant de sujets périphériques mais ô combien importants pour la bonne réussite du métier. Un bureau ou un magasin rangé, vous font gagner du temps. Un jeune salarié accompagné devient plus vite opérationnel. Un fournisseur contrôlé produit de façon satisfaisante et fait progresser le donneur d’ordre de par l’exigence requise. Ces quatre cadrans de pratiques opérationnelles sont essentiels et assez génériques. Lors de mes visites Gemba, cette présentation constitue mon fil conducteur pour m’assurer de la maturité de l’entité opérationnelle dans ses pratiques. Les meilleurs résultats sont obtenus quand le niveau de couverture de ces pratiques est maximal. Aussi est-il intéressant d’utiliser cette segmentation comme un repère pour plusieurs objets : vous pouvez ainsi constituer le référentiel managérial du métier. De plus, ce cadre sert de fil conducteur dans la visite Gemba, dans l’analyse des pratiques du métier, dans l’animation du métier. Cela rend cohérent l’ensemble des démarches.

Les points clés concernant l’implémentation des concepts et outils dans les référentiels métiers –– Les standards managériaux adaptés au métier –– L’organisation du travail –– Les leviers de performance métier et les modes préparatoires –– L’amélioration de l’environnement du travail et des parties prenantes (salarié, client, fournisseur, prestataire)

198 |

26 Vers la simplification du système de management de la performance Le programme lean management fonctionne principalement en parallèle de la démarche qualité. Pour des raisons de dynamique particulière et d’obtention de résultats rapides, il est nécessaire de s’interroger sur cet arrimage. S’appuyer sur une démarche dynamique pour installer le lean management, ou bien démontrer l’efficacité du lean management puis faire converger la démarche qualité vers cette dynamique nouvelle. Dans tous les cas, le lean management s’appuie sur le fonctionnement par process. Sans cette base stable qui sert de référence, il est difficile de progresser. Il est délicat et très difficile d’implanter une démarche de lean management dans un environnement en pleine construction. La démarche lean management s’appuie sur la cartographie des processus, sur les produits de sortie des processus, sur les grandes étapes des processus. Le diagnostic initial dans chaque entité opérationnelle, démarre sur la description des grandes étapes du processus, ses entrées, ses sorties, et les exigences associées. Cela permet de caler la représentation de l’activité et de repérer avec l’aide des salariés la valeur ajoutée sur chacune des étapes du process. Il s’agit de l’exercice sur le SIPOC (supplier input process output customer, en français Fournisseurs–Entrées–Processus–Sorties–Clients). Pour démarrer une démarche, il est nécessaire d’avoir défini les process de l’entité. S’il n’y a pas de référence, alors il n’y a pas de progression possible.

Le lean management dans les services

Une fois ce constat fait, comment intégrer les deux démarches ? Il est illusoire de penser que les acteurs de terrain seront en mesure de gérer deux démarches en parallèle. La démarche qualité va définir nos activités de façon synthétique et avec un cadrage partant de la tête de l’entreprise. Elle définit ce qui est attendu de l’activité en termes de norme de production. Les produits ou services livrés présentent les mêmes caractéristiques sur tout le périmètre concerné. Pour réaliser cette production normée, l’organisation a besoin de modes opératoires, d’un système de pilotage dynamique et à fréquence rapprochée. On va donc utiliser les modes opératoires définis avec les salariés pour produire de façon normée et efficiente. En faisant le point des résultats de production avec les salariés deux fois par jour, les modes opératoires vont être corrigés et adaptés afin d’éviter toute variation de la qualité de production. On voit bien que l’on est sur le champ des deux démarches. La partie mise en œuvre sur le terrain relève du lean management, alors que la partie stratégique de cadrage relève plutôt de la démarche qualité. La démarche qualité se développe au travers de l’amélioration continue, un travail de fond permanent. Le lean vise des percées fortes, rapides et ponctuelles mais demande à ce que ces percées soient durables. La démarche qualité s’appuie sur la revue de processus et la boucle longue d’amélioration. Elle souffre parfois de lourdeur et d’une lenteur inadaptée aux percées. Le lean s’appuie sur les standards managériaux au rythme quotidien et hebdomadaire, dont la boucle courte. L’alliance des deux démarches est redoutable car complémentaire. Il faut simplement passer au filtre de la valeur ajoutée, l’ensemble des rites de la démarche qualité, la lourdeur des revues de processus, la description détaillée des processus, les délais d’applications des processus revus ; donc rendre utile, alléger et dynamiser la démarche qualité sont les maîtres mots qui guident la réflexion d’intégration. La description puis la mise en œuvre constituent le champ de test de simplification et d’intégration des deux démarches. Voici quelques suggestions concernant la représentation simplifiée du processus :

ffLe cadrage du processus au travers d’une représentation de type SIPOC, la définition des incontournables du processus, c’est-à-dire les règles qui, si elles ne sont pas respectées, conduisent à une défaillance majeure du produit de sortie.

200 |

Vers la simplification du système de management de la performance

ffUne série de six indicateurs tous de nature différente (conformité de production, efficience du processus, volume traité sur la période, délais de traitement, actes environnementaux, l’écoute client). Ces indicateurs majeurs sont ceux qui relèvent de la contractualisation des résultats. Les indicateurs de pilotage permettent au niveau opérationnel de piloter afin de réussir l’atteinte des objectifs des indicateurs principaux.

ffLes modes opératoires clé et sensibles. ffL’analyse des risques et l’affectation de leur traitement vers des objets outils assurant leur maîtrise et le mode de pilotage de l’activité opérationnelle.

ffLe pilotage du processus au travers de la VSM (pilotage par les flux). Au-delà de la description simplifiée et intégrée, il faut tester avec les utilisateurs, la façon dont on opère la gestion de ce processus. Les règles de fonctionnement sont à revoir. À ce titre, il faut s’intéresser à la revue du processus, à la gestion documentaire, à la production des indicateurs, à la liaison avec les revues de performance, à l’animation du métier. Au travers de cette approche, on gagnera, outre l’aspect de simplification, une nouvelle performance en s’interrogeant, en particulier sur les interfaces entre entités opérationnelles pour la réussite du processus.

Les points clés concernant la simplification du système de management

–– La cartographie des processus –– La description des grandes étapes du processus –– La boucle courte et le pilotage de l’activité –– L’amélioration continue –– Les modes opératoires –– Le cadrage et la cohérence des objectifs des processus –– Vers de nouvelles pistes de performance au niveau des interfaces de l’organisation

| 201

27 Acteur de changement, vers un nouveau métier Dans le cadre de la pérennisation de la démarche se posera la question du maintien de la fonction d’acteur de changement. Dans toutes les entreprises que j’ai pu visiter, cette mission se retrouve pérennisée pour aider les utilisateurs opérationnels à poursuivre la démarche, l’amplifier… Certaines entreprises émettent même des règles de numerus clausus. On parle de un à trois pour mille de l’effectif en black belt8. D’autres décident que tous les managers seront green belt9. D’autres encore spécifient que tous leurs cadres dirigeants doivent avoir une compétence de master black belt10. On voit donc que cette question a du sens et qu’elle se prépare. Ce n’est pas une fois le programme terminé et tous les acteurs du changement réintégrés dans des emplois de managers que l’on peut réinitialiser le système. « Il faut mettre du bois dans la cheminée tant qu’il y a des braises, sinon le feu ne se rallumera pas. » Le rôle de ces acteurs de changement évolue. Ils vont accompagner le développement des chantiers déjà lancés, fortifier la démarche dans les entités opérationnelles qui se seraient essoufflées, y développer le potentiel et le périmètre d’application, mener des chantiers transverses aux entités opérationnelles. 8 Le green belt est un acteur qui connaît le lean et qui consacre une partie de son temps à la résolution de difficultés. 9 Le black belt est un acteur qui connait le lean et le Six Sigma, qui est à plein temps sur le sujet en charge d’aider et de conduire à la résolution de problèmes complexes. 10 Le master black belt est en mesure d’animer et de former une équipe de black belts et sait adapter la méthode à toutes les configurations d’organisation.

Le lean management dans les services

Si le programme a structuré et formé l’ensemble des acteurs de changement sur la durée, se pose la question de la formation de ces nouveaux acteurs de changement post-programme. En effet, la mission d’acteurs de changement est prenante et exigeante, en conséquence le turnover interne reste important. La durée moyenne de mission d’acteurs de changement est de deux années pleines. En conséquence, sur la base de deux acteurs de changement pour mille, cela donne pour dix mille personnes, vingt acteurs de changement. En prenant une durée de deux ans dans l’emploi, cela donne dix acteurs par an à former. Comme les arrivées ou les départs ne vont pas être synchrones, le dispositif de formation initial par université ne peut convenir. Comment donc former cette dizaine d’acteurs de changement ? Sans dispositif particulier et structuré, les entités vont faire monter en compétence de nouveaux cadres en les mettant en binôme avec des acteurs de changements déjà expérimentés. On pressent que très rapidement le savoir va se diluer puisque le formé devient à son tour formateur. Le système perd la source initiale des savoir-faire qui va progressivement s’éroder et s’évaporer. Un risque de dévoiement et de raccourci de la méthode, même non volontaire, est très probable. Pour assurer un maintien et un enrichissement des compétences des nouveaux acteurs de changement, il est nécessaire de mettre en place un cursus complet de formation en s’inspirant des réalisations et contenu de la période précédente. Enfin, pour garantir le niveau, il apparaît nécessaire de valider la qualité des nouveaux acteurs de changements par une certification qui confirme leur niveau. Qui peut devenir acteur de changement ? L’expérience montre que le niveau cadre est requis et que ce cadre doit avoir envie d’exercer, faire preuve d’une certaine disponibilité et posséder tout ou partie des compétences clés. La construction d’un canevas d’entretien est utile pour les managers afin de poser les questions clés dans les entretiens exploratoires entre la personne pressentie et le manager. Le manager en recherche d’un nouvel acteur de changement vérifiera l’envie, la disponibilité et le degré ou la capacité à acquérir ces compétences. Tant les cadres expérimentés que les jeunes cadres réussissent fort bien dans ce métier. Une fois le candidat détecté, il est nécessaire, qu’il découvre le domaine (s’il ne le connaît pas déjà). Pour cela, il parcourt un cursus de découverte

204 |

Acteur de changement, vers un nouveau métier

et de formation qui est à construire : il peut commencer par découvrir « les fondamentaux du lean management », stage de deux jours qui permet de se familiariser avec les principes du lean, avec la démarche projet, de comprendre le sens, le vocabulaire… On peut lui conseiller de suivre un stage de formation à destination des managers. Il donnera au futur acteur de changement la matière pour conquérir et transformer le management supérieur de l’unité. C’est un point clé de la réussite de la transformation. Outre cet aspect, l’acteur de changement découvrira ses futurs clients. À l’issue de ces deux stages, le futur acteur de changement aura une vision claire des concepts du lean mais aussi de la façon dont ceux-ci sont perçus, compris et appliqués par une strate managériale. Il aura ainsi acquis une partie de l’argumentation pour convaincre, orienter son projet et mettre en place les standards managériaux. Une fois cette « initiation » au lean management réalisée, le futur acteur de changement confirmera son engagement et pourra accéder à la formation plus complète et technique, des acteurs de changement. Cette phase de confirmation est importante afin que le candidat valide auprès de sa hiérarchie son souhait et sa motivation. Cela évite que de futurs acteurs de changement se désistent une fois la formation « lourde » dispensée. Cet abandon légitime –  il vaut mieux que l’acteur de changement se désiste plutôt que de vivre difficilement son futur métier  – perturbe le cycle de recrutement et engage l’entreprise dans un cursus de formation lourd. Aussi est-il important que le futur acteur de changement puisse assez tôt confirmer son engagement en connaissance de cause. C’est l’objet de cette formation initiale. Une fois l’engagement confirmé, le futur acteur de changement va entrer dans une formation sur six mois basée sur un principe d’apprentissage sur le terrain et une formation complète sur les outils du lean, le savoir-faire de l’acteur de changement, la conduite d’un chantier de transformation en douze semaines, la capacité à motiver et convaincre le management supérieur de l’unité. L’acteur de changement va participer pendant trois mois à un chantier conduit par un acteur de changement senior. Il sera en binôme. Comme en apprentissage, le futur acteur de changement alternera théorie via des formations et mise en pratique sous la conduite d’un acteur de changement senior. L’organisation de ces apports peut se faire de la manière suivante :

ffUn stage sur les outils du lean et du Six Sigma en plusieurs jours répartis en fonction de l’avancement de son premier chantier d’apprentissage.

| 205

Le lean management dans les services

ffUn e-learning sur les postures et le savoir-faire de l’acteur de changement, capitalisant les acquis du programme.

ffLa participation à un stage sur « les standards managériaux pour les encadrants de proximité », stage qui met en situation les acteurs et en évidence le bénéfice de la mise en place des quatre standards managériaux. À l’issue de cet apprentissage, l’acteur de changement devient junior. Il est capable de mener un chantier mais a encore besoin d’un appui, de conseils pour valider les options qu’il sera amené à prendre sur son chantier. En effet, il va rencontrer des situations différentes de sa première expérience et a besoin de vérifier sa posture ou la bonne maîtrise des outils lean. L’acteur de changement senior qui l’a accompagné au cours du premier trimestre restera disponible en appui. Cela implique que la formation du nouvel acteur de changement débute au plus tard six mois avant le départ du senior. Cette anticipation est essentielle dans la bonne réussite de la formation. On ne s’étendra pas sur les risques que peut faire porter une formation raccourcie ou au contenu limité, tant sur l’acteur de changement que sur l’équipe qui fera l’objet de la transformation. Afin de garantir les qualités de l’acteur de changement, le système s’organisera pour certifier l’acteur de changement. D’abord en faisant la preuve du suivi de toutes les formations précédentes ou en produisant un document, attestant que le futur acteur de changement a suivi par le passé des formations dont il pourra être dispensé dont, après accord de sa hiérarchie, il pourra être dispensé. Par exemple un poste de green belt dans une autre entreprise dispensera de la formation aux outils lean. Ensuite, par une certification externe de niveau black belt, au plus tôt six mois après le démarrage de sa formation, et après avoir pratiqué sur au moins deux chantiers majeurs de transformation d’entité opérationnelle ou de processus. Enfin par une soutenance devant un comité de pairs, en exposant les actions menées et les techniques utilisées dans les deux chantiers, ainsi que les résultats obtenus. Ce comité de pairs sera, par exemple, constitué d’un directeur d’unité, d’un pilote stratégique de la démarche de transformation, d’un ou deux acteurs de changements senior, voire d’acteurs externes. Ce comité sera mobilisé par le hiérarchique ou le niveau national et s’attachera à vérifier la qualité et la conformité des productions en référence au savoir et aux livrables exigés dans les standards de la démarche. Ce comité contrôlera également la capacité de

206 |

Acteur de changement, vers un nouveau métier

l’acteur de changement à accompagner, convaincre et transformer. Des résultats insuffisants (par exemple faible progression – ou absence de transformation) sont potentiellement éliminatoires. Ces critères doivent être définis à l’avance et servir de référentiel. Une fois ces trois conditions réunies (formation, certification et soutenance), le candidat devient acteur de changement senior et est en mesure de travailler seul. Cependant, il recherchera en permanence soutien et contact auprès de ses collègues et de sa hiérarchie. Cette procédure doit être déployée et connue à plusieurs niveaux :

ffdans la filière des hiérarchiques des acteurs de changement  : ce peut être la filière RH ou financière ou toute autre filière selon l’angle fort du programme (RH, performance, transformation) ;

ffdans la filière formation, garant de la mise à disposition des formations ; ffdans la filière de gestion des cadres en charge de garantir le bon respect de cette procédure pour prétendre au titre d’acteur de changement, mais aussi pour accompagner l’évolution de ce cadre particulier.

Les points clés concernant un nouveau métier, celui d’acteur de changement Le maintien de l’acteur de changement en mode pérenne Fortifier la démarche en accompagnant les managers Mener des percées sur des chantiers transverses Un cursus de formation adapté et rigoureux : –– Les outils du lean –– La démarche DMAIC –– La transformation managériale –– La posture et le savoir-faire de l’acteur de changement Une certification black belt par un organisme indépendant Un périmètre de certification adaptée aux besoins de l’entreprise Un processus à installer dans l’entreprise

| 207

Partie IV Conclusions et recommandations

28 Dix thèmes de réflexion La mise en œuvre d’un tel programme permet d’imaginer de nombreuses évolutions et extensions, propositions, connexes au lean management. Je vous propose dix thèmes de réflexion.

28.1 Et si nous radiographierions le modèle économique de l’entreprise par le prisme du lean management ? Bernard Esnault, professeur à l’ESSEC, souligne dans son ouvrage Comptabilité financière11 : « La comptabilité de gestion contribue à la préparation des décisions de l’entreprise. On définit trois cycles, les opérations du cycle d’exploitation, les opérations du cycle d’investissement, les opérations du cycle de financement. » Si l’on regarde par ce prisme la composition et les volumes correspondants de chacun des cycles financiers d’une entreprise, on peut imaginer de s’interroger sur l’application d’une démarche lean management pour chacune des parties qui composent le résultat. La démarche lean management s’initie principalement sur le périmètre représenté par les charges de personnels et les achats. Une partie de ce périmètre est directement adressable. La source de performance est recherchée dans la fluidité des modes opératoires et l’organisation du travail. 11 Coécrit avec Christian Hoarau, PUF, 2005.

Le lean management dans les services

Si nous prenons chacun des autres postes indépendamment et que nous nous interrogeons sur les facteurs qui occasionnent des risques de dérive, nous pourrions alors définir la façon de traiter le sujet et travailler sur la mesure du potentiel. Prenons l’exemple fictif d’une entreprise au travers de son rapport d’activité, on peut cerner les différents enjeux (cf. tableau 28.1). Tableau 28.1 Exemple fictif de compte de résultat Année n Chiffre d'affaires Autres produits des activités ordinaires

4 436 277 k€ 53 697 k€

Produits des activités ordinaires

4 489 974 k€

Achats consommés

- 232 202 k€

Autres achats et charges externes

- 660 034 k€

Impôts taxes et versements assimilés

- 237 012 k€

Charges de personnel

- 2 464 348 k€

Autres charges d'exploitation

- 25 365 k€

EBITDA

871 013 k€

Dotations aux amortissements Dotations et reprises de provisions Autres produits opérationnels

- 527 352 k€ - 2 005 k€ 11 008 k€

Autres charges opérationnelles

- 21 727 k€

Résultat opérationnel

330 937 k€

Produits financiers Charges financières Résultat avant impôts Quotte part dans le résultat des entreprises associées Impôts sur le résultat Résultat net de l'ensemble consolidé

84 025 k€ - 224 066 k€ 190 896 k€ 8 420 k€ - 6 719 k€ 192 597 k€

Cette entreprise, sur la base de son rapport d’activité, présente les éléments suivants : son chiffre d’affaires est de 4,5 milliards d’euros. Ses charges opérationnelles se répartissent principalement en 232 millions d’euros d’achats consommés, 660 millions d’euros d’achats et charges externes, 237 millions d’euros d’impôts et taxes, 2,464 milliards d’euros de charge de personnels, conduisant à un EBITDA12 de 871 millions d’euros. 12 Earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization.

212 |

Dix thèmes de réflexion

Le périmètre adressable pourrait comprendre les achats consommés, et les trois quarts (modulo une vérification de sa structure) des charges de personnels soit 2,5 milliards d’euros. Vu le périmètre, une performance augmentée à hauteur de l’ambition conduit à un résultat de performance significatif. Cette partie représente le potentiel cœur pour une démarche de lean management. Si nous prenons le poste impôts, la qualité de la connaissance de l’assiette d’imposition et la justesse de la déclaration vont influer sur le montant financier. Ici, l’enjeu reste faible sur une assiette de 237 millions d’euros. Tableau 28.2 Représentation des flux de trésorerie liés aux activités d’investissement d’une entreprise fictive Année n Incidence des variations de périmètre Acquisition d’immobilisation corporelles et incorporelles Acquisition d’actifs financiers Variation des prêts et avances consenties Variation du BFR sur investissements

- 37 705 k€ - 1 205 229 k€ - 261 k€ - 6 357 k€ 101 230 k€

Subventions d’investissements reçues

294 670 k€

Subventions sur investissements à recevoir

- 26 478 k€

Cession d’immobilisations incorporelles

5 945 k€

Cessions d’actifs financiers

1 288 k€

Dividendes reçus

1 810 k€

Autres flux liés aux opérations d’investissement Flux de trésorerie liés aux activités d’investissement

284 k€ - 870 803 k€

Si on regarde le flux des investissements corporels et incorporels, le montant s’élève à 1,2 milliards d’euros. Il est judicieux de s’intéresser à l’efficacité des investissements. Le flux financier est principalement consacré aux charges financières représentant 220 millions d’euros : le niveau est du même ordre de grandeur que celui des impôts et taxes. L’enjeu reste faible. Et passant ainsi en revue chacun des postes, on va pouvoir, fort de quelques mesures tests, repérer les enjeux (importance du potentiel) et l’accessibilité de ces résultats (techniques pour les extraire, délais, effort d’extraction). Tout comme l’approche que nous avons eue par processus, on peut imaginer de représenter graphiquement chacun de ces postes. Cette cartographie constituerait une sorte de carte de décision pour lancer de nouveaux projets au travers de la méthode DMAIC et des outils du lean (fluidité) ou du Six Sigma (fiabilité).

| 213

Le lean management dans les services

Les points clés concernant la proposition « Radiographier le modèle économique de l’entreprise »

–– Explorer les grandes composantes du compte de résultat –– Analyser pour chaque partie les facteurs de dérives –– Prioriser les enjeux –– Définir la méthode adaptée lean ou Six Sigma

28.2 Et si nous décidions d’investir dans le lean ? Même si le projet lean management n’est pas un projet technique, de type investissement dans une unité de production ou dans un SI, il n’en demeure pas moins qu’un projet de lean management possède toutes les caractéristiques d’un projet d’investissement. René Demeestère dans son ouvrage collectif Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise (4e édition, Dunod, 2009) indique « qu’un investissement est l’acte d’engager des ressources dans le présent pour obtenir dans le futur des retours (création de valeur). Il ne faut pas confondre investissement et réalisation ou acquisition d’immobilisation. Certains projets d’investissement sont constitués de dépenses non immobilisables, comme par exemple une action de formation. » Et on retrouve dans le projet lean management tous les éléments nécessaires à l’évaluation d’un projet d’investissement. Les principes d’évaluation de la rentabilité d’un projet d’investissement sont les suivants :

ffOn ne s’intéresse qu’au futur. ffOn construit deux scénarios, avec le projet, sans le projet et on raisonne par différence entre les deux scénarios.

ffOn raisonne sur plusieurs périodes correspondant à la durée de vie du projet.

ffOn raisonne en trésorerie en évaluant les flux de recettes d’une part et les flux de dépenses d’autre part.

214 |

Dix thèmes de réflexion

ffOn tient compte en fin de projet d’une valeur résiduelle (valeur de revente, frais de démontage). Les flux de financement n’interviennent pas dans l’étude de rentabilité du projet. Enfin, on recourt à un taux d’actualisation qui intègre l’exigence de rentabilité de l’entreprise, le coût des sources de financement, et le risque du projet. Les critères de rentabilité sont donnés par la VAN (valeur actuelle nette), le TRI (taux de rentabilité interne) et le pay back (le temps de retour de l’investissement). De manière générale, on imagine rarement que ce type de projet en lean management puisse donner lieu à cette caractérisation au moment de sa validation. Pourtant, l’ensemble des calculs de rentabilité est possible au travers de tous les éléments construits et présentés. La démonstration est présentée dans le chapitre « économie du programme » (cf. chapitre 4). Les dépenses prévisibles du programme sont calculables. Pour mémoire, les dépenses sont les suivantes :

ffUne dépense de prestation de cadrage, qui s’apparente à des frais d’études.

ffDes dépenses de main-d’œuvre des acteurs de changement, et du pilotage du programme.

ffDes dépenses de prestation de mise en œuvre et de formation initiale. ffDes dépenses de frais d’hébergement et de déplacement des acteurs de changement. La prévision de la performance brute du programme a été détaillée. Les « recettes » comprennent les résultats de performance de chacune des entités opérationnelles sur lesquelles s’opère la démarche lean management. La performance produite est assimilée à une recette. Elle est calculée à partir d’un ratio de performance appliqué au périmètre accessible d’une entité, multipliée par le nombre d’entités opérationnelles passées en lean management selon le plan de déploiement. Les flux des dépenses prévisibles et recettes attendues de ce programme constituent la valeur ajoutée apportée par le programme.

| 215

Le lean management dans les services

Figure 28.1 Rapport coûts du programme (comptés en négatif)/gains de performance brute (comptés en positif)

Les caractéristiques de rentabilité de ce programme sont très favorables. Alors pourquoi hésiter ? Parce que les critères de rentabilité ne sont pas les seuls critères d’engagement d’un projet. Outre les critères de rentabilité, dans ce cas excessivement intéressant, il est nécessaire d’analyser :

ffla pertinence stratégique ; ffles qualités opérationnelles ; ffles risques. La pertinence stratégique a été vue dans le chapitre concernant la genèse du programme. Elle doit correspondre à la vision de l’entreprise à date : « L’impérieuse nécessité de dégager des marges de manœuvre pour financer son évolution, tout en assurant la maîtrise de ses dépenses. » Il faut démontrer et convaincre sur les qualités opérationnelles du programme. Les plus beaux chiffres ne sont que des chiffres que l’on peut faire varier à loisir. Il faut les asseoir sur des expérimentations et du benchmark. Les visites des entreprises ayant intégré le lean management sont déterminantes. L’approche des potentiels des résultats par la méthode de triangulation et les raisonnements tenus contribuent à l’assurance de l’évaluation du programme. Enfin, l’approche risque fait partie des éléments d’évaluation. Là aussi, chaque décideur faisant, de son point de vue, son approche des risques. En

216 |

Dix thèmes de réflexion

termes de communication, une présentation sous forme de défis et d’enjeux à relever est plus astucieuse. Elle sera à construire à partir de l’approche plus académique des risques. L’approche académique des risques se fait à l’aide d’une analyse SWOT (force, faiblesse, opportunité, menace). On peut se livrer sommairement à cet exercice pour tester la robustesse du programme en sortie de projet. Les quatre parties de l’approche SWOT se décline ainsi :

ffLes forces : toute ressource existante ou potentielle conférant un avantage concurrentiel.

ffLes faiblesses : tout élément qui pourrait être un frein au maintien ou à l’atteinte d’un avantage concurrentiel.

ffOpportunités : toute force existante ou potentielle dans l’environnement qui peut apporter un avantage concurrentiel.

ffMenaces : toute force existante ou potentielle qui pourrait empêcher l’atteinte ou remettre en cause un avantage concurrentiel. Tableau 28.3 Analyse SWOT d’un programme de lean management déployé

Forces –– Le déploiement genéralisé –– La réussite avérée –– Les acteurs de changement ambassadeurs dans leurs nouvelles unités –– La transformation managériale Opportunités

Faiblesses –– L’exigence des concepts et des standards –– L’effort managérial permanent à fournir pour alimenter la démarche

Menaces

–– Les contraintes externes necessitant –– Le changement d’orientation du top la recherche de nouvelles management performances –– La perte du savoir et de la –– La complémentarité avec la démarche compétence qualité –– Le dévoiement de la méthode

| 217

Le lean management dans les services

Les points clés concernant la proposition « Décider d’investir dans une démarche lean » –– L’investissement initial –– Les forces vives du programme –– Les résultats attendus –– La pertinence stratégique –– Les conséquences de la transformation

28.3 Et si le lean management était un actif immatériel ayant un impact sur la valeur de l’entreprise ? « Incapables de se fier aux prévisions des analystes, les gérants cherchent à valoriser les entreprises en fonction de la valeur de leurs actifs : leurs fonds propres, la trésorerie, l’outil industriel, mais aussi leurs parts de marché, leurs marques…13 » Cet extrait montre que le capital immatériel est devenu un thème majeur pour la finance et le management. Si la notion d’actif immatériel était clarifiée depuis la mise en place des IFRS, ce concept reste encore relativement flou. Regardons le rapprochement avec le programme lean management et je vous propose de voir quelles auraient été les conséquences de ce choix. Dans son mémoire de doctorat (HEC Paris, 2003) sur la Gestion comptable des immatériels, Quelle est la définition d’un actif immatériel  ?, Anne Cazavan-Jenny indique que « quel que soit le référentiel comptable, les actifs immatériels sont généralement considérés comme des actifs identifiables14, sans substance physique15, sur lesquels existent des droits

13 « Le marché boursier face au casse-tête de l’évaluation des actions », Le Monde du 31 août 2008. 14 Le programme est identifiable  : des coûts, des recettes de performance, des acteurs porteurs du programme, et surtout un savoir-faire acquis et une méthode éprouvée. 15 Le lean management n’a pas de substance physique, ses détracteurs diront même que c’est du vent !

218 |

Dix thèmes de réflexion

légaux16 (brevets, marques, droits) ou pour lesquels on peut prouver qu’ils généreront des revenus futurs17 revenant à l’entreprise. Hormis la recherche, le développement et le goodwill, les autres actifs incorporels sont les logiciels, les brevets, les marques, les droits d’auteurs, les redevances, les licences, les listes de clients, les frais d’établissement. » Si l’on soumet le lean management à ces critères d’appréciation, on peut dire que :

ffLorsque l’incorporel est développé en interne, ce qui est le cas du lean management et si on est en norme comptable française, seuls les frais de développement et de logiciels sont activables. La norme internationale permet d’activer tous les actifs sauf les frais de recherche et le goodwill (écart de valorisation). Donc, au titre de la norme internationale, un tel programme est activable.

ffSelon la norme IAS 3818, les conditions d’activation sont : ** « An intangible asset shall be recognized if and only if it is probable that the expected future economic benefits that are attribuable to the asset will flow to the entily and the cost of the asset can be measured reliably. »

ffLa valorisation de cette nature d’actif se fait au coût historique diminué du cumul des amortissements et des dépréciations. Dernière question à traiter : quel est l’intérêt pour l’entreprise d’activer un programme lean management ? Le premier avantage est de bien respecter la séparation des exercices et de rapprocher les dépenses de cet investissement des recettes. En effet, la première année comporte de fortes dépenses, pour des résultats très faibles. À l’inverse, en milieu de programme, les dépenses sont plus modestes alors 16 Le lean management est-il un programme brevetable au travers de ces concepts et savoir associés ? Pour être brevetable, une innovation doit remplir les quatre critères suivants : – être une solution technique à un problème technique ; – être nouvelle ; – être inventive ; – être applicable industriellement. Le programme n’est pas « une solution technique à un problème technique », a priori non brevetable. 17 Enfin, la quatrième condition est remplie, à savoir que l’on peut prouver que le programme générera des revenus futurs revenant à l’entreprise. La courbe des résultats prévus et réalisés l’atteste. Trois des quatre conditions sont remplies (1-2-4). On peut envisager de valoriser un programme de lean management au travers d’un actif incorporel. Reste à trouver sa valeur et les modalités de son activation. Les incorporels acquis sont systématiquement activés, que l’on soit en norme comptable française historique, en norme comptable internationale (IFRS-IASB) ou en norme USA. 18 Intangible Assets.

| 219

Le lean management dans les services

que les résultats sont élevés. En fin de programme, les résultats restent significatifs alors que les dépenses disparaissent. Deuxième intérêt, qui est en fait une dérivée du premier : l’impact sur les résultats de l’entreprise. Cette comptabilisation permet d’amortir l’investissement sur la durée du programme. Cela aurait conduit à augmenter les résultats de l’exercice initial. Les résultats nets des années suivantes seraient très légèrement minorés des parts d’amortissement. Enfin, le dernier intérêt d’activer le programme est de « durcir » sa valeur et de la faire apparaître dans les actifs de l’entreprise. Les actifs auraient ainsi été augmentés. En poursuivant le raisonnement, et en considérant que le lean management produit des résultats au-delà de la fin du programme, il serait envisageable de réévaluer l’actif à sa juste valeur en fonction des flux futurs de recettes attendues. C’est une occasion de faire coïncider pérennisation de la démarche et valorisation du patrimoine de l’entreprise.

Les points clés concernant la proposition « un programme lean est un actif immatériel » –– Un programme identifiable –– Un programme sans substance physique –– Un programme produisant des « revenus » futurs

28.4 Et si nous adaptions le pilotage de la performance ? Philippe Lorino, diplômé de l’École polytechnique, ingénieur général des Mines, docteur en sciences de gestion définit la performance en s’appuyant sur la création de valeur nette  : «  D’un côté l’Entreprise consomme des ressources pour assurer des activités qui vont créer de la valeur en réponse aux besoins des marchés, des clients, des actionnaires. Le solde entre les coûts et la valeur constitue la création de valeur nette. » Ce concept se rapproche fortement de la valeur ajoutée recherchée par le lean management. En lean management, les activités sont analysées et classées en valeur ajoutée client, valeur ajoutée entreprise, et en non-valeur ajoutée. L’objectif de la démarche est bien de faire diminuer

220 |

Dix thèmes de réflexion

la non-valeur ajoutée. Et le dispositif de pilotage de la valeur ajoutée et d’élimination de la non-valeur ajoutée reste très opérationnel, en lien avec l’activité de chaque entité opérationnelle. Comment l’entreprise peut-elle (et doit-elle) faire le lien entre la performance opérationnelle et la gestion stratégique de la performance ? L’exercice vaut d’être réalisé au moment où l’entreprise peut se réinterroger sur son mode d’organisation, sur ces niveaux de pilotage, sur le pilotage via le système qualité, et sur l’intégration du lean management dans le système de management de la performance. Philippe Lorino précise que : « Les deux approches pour piloter la création de valeur se font par la mesure des résultats financiers ou par les performances opérationnelles. La première approche très globale demande à désagréger le résultat financier général en composantes additives contrôlables par les responsables d’unités. Cette approche s’accommode bien des techniques de contrôles budgétaires par centres de responsabilité. Elle passe par un déploiement hiérarchique en particulier par la responsabilisation individuelle des managers. Elle nécessite des centres de responsabilité à peu près indépendants afin que la performance de l’un ne dégrade pas la performance de l’autre. Enfin, on n’entre pas dans l’analyse des causes de la performance. La deuxième approche est plus analytique. Elle implique la traduction de la stratégie en objectif de rentabilité, de profit, de résultats attendus. Pour cela, il est nécessaire d’identifier les leviers de performance, à chaque niveau, en cohérence avec la stratégie. Cette démarche est recommandée lorsque les entités sont interdépendantes. L’optimum global n’est pas la somme des optima locaux. » Le pilotage de la performance par le lean management relève complètement de cette approche détaillée, analytique, au plus près du terrain. Elle est adaptée à la responsabilisation des équipes, sites, entités opérationnelles, et entre dans la réalisation des sorties des processus. Le système d’indicateurs porte bien sur la réalisation d’actions en lien avec les leviers de la performance et non sur la performance globale qui se situe à un niveau de synthèse plus élevé. Alors comment concilier les deux approches ? Le pilotage adapté au niveau national implique de réduire le nombre des indicateurs, d’avoir un niveau de contrôle global sur la performance. À l’inverse, le lean management renforce le pilotage des actions très opérationnelles en lien avec les leviers de performance. La démarche qualité se situe à mi-chemin entre

| 221

Le lean management dans les services

les deux. C’est sans doute sa difficulté à émerger dans le dispositif de pilotage. La démarche qualité touche le niveau médian de l’entreprise avec des tendances de multiplications d’indicateurs de résultats intermédiaires, certes pertinents, mais qui limitent le pilotage médian par la lourdeur des remontées. On reconnaît généralement que les business units sont l’interface entre l’approche de pilotage analytique, relevant des entités « terrain » opérationnelles et l’approche de pilotage global, sur la mesure financière coût/valeur. La logique de l’architecture du pilotage est intéressante à transposer dans un modèle d’entreprise en intégrant quelques principes :

ffPremier postulat, que l’on oublie souvent : la contrôlabilité de l’indicateur. Une performance est contrôlable par un manager s’il a les moyens de la maîtriser au travers des ressources, du pouvoir, du périmètre d’intervention, de la compétence. Le lean management redonne à chaque niveau la maîtrise de ses actions. Il peut s’en suivre une complexité apparente liée à la multiplicité des indicateurs. Mais chaque niveau possède ses indicateurs.

ffDeuxième postulat : chaque indicateur est propre à son niveau hiérarchique. Si un des niveaux reprend l’indicateur du niveau supra, il y a lieu de s’interroger de la plus-value de l’un des deux niveaux. Qui a la maîtrise de cet indicateur ? Le niveau de synthèse de la business unit qui fait le lien entre activité opérationnelle et résultat financier doit avoir une certaine autonomie en terme de création de valeur. Ce niveau de synthèse relève de la chaîne de valeur. En conséquence, dans le cadre d’une organisation à cinq niveaux, je proposerais l’affectation des éléments de suivi de performance différenciée à chaque niveau :

ffniveau national → objectifs stratégiques ; ffniveau BU → chaîne de valeur ;

ffniveau unité → processus ;

ffniveau entité opérationnelle → levier d’action ; ffniveau équipe → actions opérationnelles.

Ce découpage permet d’intégrer le lean management, adapté aux niveaux équipes et entité opérationnelle.

222 |

Dix thèmes de réflexion

La démarche processus pilotée en unité ne s’intéresse plus qu’aux produits de sortie du process et laisse aux niveaux infra le détail lié à la mise en œuvre de l’activité. Le niveau BU réalise la synthèse ou le regroupement des processus entrant dans ses chaînes de valeur et la traduction en résultats financiers et clients pour alimenter le niveau national. La dynamique de la boucle courte mise en place dans le cadre du lean management doit constituer le lien entre tous ces niveaux. Sans cela, le risque d’un fonctionnement par couche indépendante paraît grand et source de divergence. La stratégie doit être reliée à la conduite des activités par le déploiement top down des objectifs qui orientent les plans d’actions mais aussi par l’organisation bottom up du retour d’expérience.

Les points clés concernant la proposition « l’adaptation du pilotage de la performance » –– La création de valeur nette –– Une approche globale et analytique –– Le niveau BU est le niveau charnière entre approche globale et approche analytique –– La contractabilité des indicateurs –– L’adaptation du modèle BSC, en déclinant à chaque niveau « le quoi-comment » 

28.5 Et si nous développions notre compétence en statistiques (Six Sigma) pour l’analyse renforcée de la performance des processus ? Le lean management utilise la méthode et les outils du lean. En effet, le lean se concentre sur la fluidité du processus, l’élimination des gaspillages, la simplification des interfaces. La méthode s’appuie sur des outils de mesure de temps, de délais, de flux, de stock. Elle se centre sur les notions de valeur ajoutée et de non-valeur ajoutée.

| 223

Le lean management dans les services

Six Sigma permet de réduire les défauts et les variations dans un processus existant. Six Sigma s’utilise lorsque les causes du problème sont incertaines, quand la solution n’est pas déjà évidente ou imposée et quand l’amélioration aura un impact significatif sur la capacité de l’organisation à atteindre son objectif. L’association des deux démarches est puissante mais plus complexe. Pour certaines configurations de service, la problématique initiale porte sur la recherche de valeur ajoutée et sur la fluidité des productions de service. Pour d’autres configurations de services, la fiabilité et la précision sont des exigences fortes. Par exemple, les délais de livraison des lettres, la régularité des trains, la fiabilité des procédures d’atterrissage des avions, la sûreté des vaccins sont des cas évidents où il est nécessaire d’utiliser une approche Six Sigma pour progresser et répondre aux attentes des clients. Avoir une approche Six Sigma sur les processus va conduire à regarder, étape par étape, le taux de défaillance de chaque activité élémentaire. Ensuite, on vérifiera si ce taux est acceptable ou non, si ce taux a un impact ou non sur la qualité de la production. On peut poursuive, en identifiant les phases critiques de processus en termes de non-qualité. On parle alors de la capabilité du processus ou de la phase du processus analysée. La capabilité représente la capacité d’un système à produire juste dans un intervalle donné : CCP = (Bsup-Binf) / Six Sigma. C’est en cela que Six Sigma complète le lean. Six Sigma permet de localiser plus finement les endroits de non-performance dans un processus. Et l’analyse statistique des données permet d’identifier les causes de variations. Prenons l’exemple d’un processus. Chaque phase est mesurée en termes de défaillance. La production du processus ressort marquée d’un niveau de défaillance de 25 %. La capabilité calculée est de 0,68. Si l’ambition d’amélioration est de 5 % d’erreur, le taux de capabilité devra atteindre 1,65 %. La suite de la démarche va consister à rechercher les causes de ces écarts à l’aide de mesures. On vérifiera que les causes détectées produisent les variations. Des droites de corrélation vont permettre de réaliser ces tests. Une fois les causes trouvées, les solutions mises en place, la surveillance de la qualité des étapes clés d’un processus va contribuer à maintenir ce processus en ligne avec les résultats attendus. Ayant «  nettoyé  » les processus sous l’angle de la fluidité et de la valeur ajoutée, les rendant plus mature, on peut passer à la phase d’analyse pour

224 |

Dix thèmes de réflexion

les processus les plus sensibles au regard des clients, sous l’angle de la fiabilité. Cela permet de disposer d’une deuxième marge de progression significative. Ce travail peut être conjoint à un re-engineering des processus. Cette phase demande de renforcer la formation de certains acteurs de changements les plus expérimentés. En cela, la formation aux statistiques devient nécessaire.

Les points clés la proposition de développer le Six Sigma –– Le lean pour la fluidité de l’activité –– Le lean : un mode d’organisation du pilotage de l’activité –– Le Six Sigma, pour assurer la fiabilité

28.6 Et si le lean modifiait le contrôle interne ? Qu’est-ce que le contrôle interne  ? Pascal de La Morinerie, expertcomptable, chargé de la mise en œuvre des modèles de gestion dans une grande entreprise, le définit comme suit : « Le contrôle interne, c’est l’ensemble des dispositifs que l’on met en œuvre pour "maîtriser son affaire". Le but ultime d’une entreprise est de maîtriser ses activités afin d’améliorer ses performances, accroître ses parts de marché et ou ses résultats, assurer sa pérennité. Le contrôle interne est constitué de différents dispositifs (organisation, procédures, outils) qui garantissent :

ffla qualité des informations de gestion : ddune information comptable ou de gestion doit être fiable, ce qui suppose un système de traitement de l’information permettant l’enregistrement des événements mais aussi un système de vérification des informations traitées. Une information de qualité, c’est aussi une information pertinente afin de prendre les bonnes décisions, une information produite selon une périodicité adaptée aux prises de décision, une information produite rapidement.

ffla préservation du patrimoine : ddelle se caractérise par la protection des actifs corporels ainsi que des actifs incorporels contre la fraude, la perte ou la dégradation. Cela

| 225

Le lean management dans les services

se traduit par le vol du personnel ou du dirigeant, les erreurs involontaires, la négligence, le gaspillage, la malveillance.

ffl’efficience des procédures : ddla mise en place de dispositifs adaptés aux enjeux, par le respect des instructions de la direction, par un niveau de qualité voulu.

ffle respect des règles externes et les règles internes de l’entreprise. » Au sens de l’AMF, le contrôle interne prend une dimension beaucoup plus large que la représentation que nous nous en faisons sur le plan opérationnel. Souvent, le contrôle interne se résume au fastidieux travail de contrôle de l’activité ou du respect des règles a posteriori. En fait, le référentiel est beaucoup plus large, il comprend :

ffL’environnement de contrôle : c’est l’environnement dans lequel les personnes accomplissent leurs tâches et assument leurs responsabilités ainsi que les qualités individuelles des collaborateurs et surtout leur intégrité, leur éthique et leur compétence, constituent le socle de toute organisation.

ffL’évaluation des risques : l’entreprise doit être consciente des risques et les maîtriser. Elle doit fixer des objectifs et les intégrer aux activités commerciales, financières, de production, de marketing et autres, afin de fonctionner de façon harmonieuse. Elle doit également instaurer des mécanismes permettant d’identifier, d’analyser et de gérer les risques correspondants.

ffLes activités de contrôle : les normes et procédures de contrôle doivent être élaborées et appliquées pour s’assurer que sont exécutées efficacement les mesures identifiées par le management comme nécessaires à la réduction des risques liés à la réalisation des objectifs.

ffL’information et la communication : les systèmes d’information et de communication permettent au personnel de recueillir et d’échanger les informations nécessaires à la conduite, à la gestion et au contrôle des opérations.

ffLe pilotage : l’ensemble du processus doit faire l’objet d’un suivi, et des modifications doivent, le cas échéant, y être apportées. Ainsi le système peut-il réagir rapidement en fonction du contexte. Le lean management est une démarche qui permet de « maîtriser son affaire ». Il intervient sur ces différents points. Reprenons les composantes du contrôle interne et regardons quelles réponses le lean management y apporte.

226 |

Dix thèmes de réflexion

 La qualité des informations de gestion En pilotant l’activité au quotidien et au niveau le plus fin (acte élémentaire avec son temps de gamme associé), nous avons une source précise de nos données. Il n’y a plus d’approximation. Par exemple, l’arrêt du système informatique pour maintenance est directement mesurable par la baisse d’activité générée. Cette mesure permet de chiffrer l’impact d’une montée de version dans un système de production. Les rythmes liés aux standards managériaux permettent de mesurer les variations de production au plus près du terrain et à des pas de temps très courts, au plus la semaine. Prenons le cas d’un constat a posteriori, au pas de temps traditionnel de mesure des dérives, le mois, dans un système de pilotage classique. Une fois l’écart constaté, un plan de rattrapage est initié. Ce plan est coûteux (refaire un mois de production d’activité dans le mois suivant). Le lean management permet de détecter l’écart dans la journée et au plus tard à la semaine, et cet écart reste mineur. Effectivement, le contrôle interne se justifie par les risques de déficiences du système. Dans un système contrôlé, on pourrait avoir l’impression que le lean management est sans utilité car rien de grave n’est détecté puisqu’évité à la source.

 La préservation du patrimoine Le vol, les erreurs involontaires, la négligence, le gaspillage, la malveillance seront détectés facilement par les points réguliers faits avec les salariés, la surveillance des indicateurs de l’activité et la recherche de lien entre variation et aléas. On peut également citer le rangement des locaux avec visualisation de l’outillage. La diminution des stocks, la traque des gaspillages (un des piliers du lean) répond parfaitement à la préservation du patrimoine matériel. Pour les actifs incorporels, et en particulier pour leur enregistrement, on peut ajouter des procédures de contrôles et augmenter le temps de gamme ou bien préciser les bons modes de saisie des actifs dans les bases comptables. Cet allégement ne peut se faire que lorsqu’on surveille le dispositif au pas quotidien. D’un côté, les modes opératoires se trouvent simplifiés. De l’autre, la surveillance régulière des aléas au travers des temps de gamme, des aléas remontés des salariés, permet de piéger toute dérive à sa source. Cette tradition, qui est de porter une énième procédure de contrôle dans un processus, ne garantit en rien le résultat, et le renchérissement des contrôles correctifs en témoigne  ! Je suis convaincu qu’il est temps de changer l’approche et de porter son énergie sur un pilotage serré de l’activité plutôt que de réaliser des constats d’écart suivis de plan de rattrapage.

| 227

Le lean management dans les services

 L’efficience des procédures S’il est bien un sujet sur lequel le lean management fait progresser, c’est bien sûr le sujet de l’efficience, et plus encore sur l’efficience de notre activité (notre but) que sur celle de nos procédures (un moyen). Le manager local recherche l’efficience de l’activité en piégeant les aléas qui, analysés, donnent lieu à des modes opératoires (que l’on pourrait baptiser pour certains « procédures »). L’objectif de cette pratique est de faire baisser les aléas et ainsi augmenter l’efficience.

 Le respect des règles À ce stade, c’est peut-être un point sur lequel l’exhaustivité ne me paraît pas garantie. Si le respect de la règle apporte une valeur ajoutée client, patrimoine, ou entreprise, alors la démarche lean management l’intégrera dans son analyse de la valeur et le respect de la règle sera de fait assuré. Si par contre cette règle est contraignante, minore la valeur ajoutée interne ou client, il n’est pas garanti que le management l’intègre dans ce cadre. C’est d’ailleurs pour cela que, dans la simplification d’une démarche qualité et de la description des processus, il est utile de faire apparaître les incontournables du processus et les exigences relatives aux produits de sortie. La revue de processus permet de contrôler le bon respect des incontournables. Le lean management est une réponse adaptée au contrôle interne et de surcroît il positive l’énergie du contrôle, qui est à non-valeur ajoutée. Convertissons ce temps et consacrons-le à améliorer l’efficience de l’activité. Si nous ne supprimons pas le contrôle interne, allégeons-le et mettonsle au service de la performance ! Un rapide tour d’horizon de l’évolution réglementaire nous le permet, même si l’évolution récente impose les normes internationales de l’IFAC (International Federation of accountants) et les normes internationales d’Audit (ISA). Cela se traduit en pratique par un renforcement de l’assurance qualité, du contrôle de la performance, de l’indépendance des auditeurs, et du rôle accru des comités d’audit. Cette évolution récente est principalement financière pour assurer une certaine sécurité des épargnants, pour faciliter les contrôles légaux des comptes des entreprises. La création de l’AMF (1er août 2003) en est l’illustration. Mais que retenir de cette surenchère, en termes de normes financières, d’entités opérationnelles de notation, de normes d’audit ? L’énergie et le coût induit à contrôler ne sont-ils pas trop importants ?

228 |

Dix thèmes de réflexion

Ne sommes-nous pas en train de nous tromper de combat ? Je milite pour que l’énergie consacrée à contrôler et à s’apercevoir de l’étendue de la catastrophe soit utilisée à organiser, piloter, suivre l’activité de ses collaborateurs au quotidien. Les plus irréductibles rétorqueront que grâce au contrôle interne, ils ont pu constater une grande dérive qui va être corrigée par un plan d’actions de rattrapage. Et de leur dire qu’en suivant l’activité au plus près, la détection de l’écart se fait au plus près de l’événement et qu’ensuite le plan de rattrapage n’a pas lieu d’être. D’ailleurs, vous l’aurez de vous-même déduit, cette activité est de la non-valeur ajoutée. J’aurais envie de suggérer de transformer l’énergie mise en œuvre pour répondre à des obligations légales en énergie d’amélioration en continu de la performance. Pour cela, je mesurerai ou estimerai le temps passé dans les contrôles internes. Je capitaliserai l’impact des écarts constatés. Je vérifierai si l’organisation qui les a produits était en lean management. Je regarderai la portée des plans de corrections, leur efficacité et l’énergie de correction afin d’en faire un bilan et de confirmer la transformation proposée.

Les points clés concernant l’impact sur le contrôle interne

Les dimensions du contrôle interne au sens de l’AMF : –– l’environnement du travail ; –– l’évaluation des risques ; –– la définition des activités de contrôle ; –– le système d’échange des informations ; –– le pilotage. Les grands objectifs du contrôle interne : –– la qualité des informations ; –– la préservation du patrimoine ; –– l’efficience des procédures ; –– le respect des règles. Le contrôle interne correctif, de la non-valeur ajoutée au sens du lean Le management lean renforce le pilotage et diminue l’exigence du contrôle interne correctif

| 229

Le lean management dans les services

28.7 Et si la constitution et la gestion d’une équipe projet se professionnalisaient ? Rappelons les approches de la gestion de projet. La gestion de projet a évolué, pour passer de l’ingénierie de projet au management de projet où la variabilité et l’incertitude dominent. La mise en place d’un programme de lean management est un projet apprenant. En démarrage de projet, on est bien loin de connaître tous les éléments. Tout l’intérêt du projet est de construire la démarche en avançant. Les composantes de l’approche actuelle de gestion de projet se caractérise par :

ffla prise en compte des considérations humaines autant – sinon plus – que les considérations techniques ;

ffune dimension relationnelle importante ; ffune focalisation sur le management des compétences ; ffun travail d’équipe ; ffun développement non linéaire ; ffune phase amont de conception ; ffun accent mis sur la collaboration plutôt que sur la coordination et le contrôle ;

ffl’intégration de la créativité, de l’apprentissage et de l’innovation ; ffla recherche de création de valeur clairement annoncée. La conduite d’un projet sur le lean management comporte ces dimensions. La prise en compte de l’humain et des compétences se fait au travers du recrutement et de la formation des acteurs de changement. Le transfert progressif des compétences de pilotage s’opère dans un premier temps entre les sachant initiaux et l’équipe de pilotage, puis dans un second temps entre l’équipe de pilotage et les entités opérationnelles. C’est la phase de pérennisation où chaque organisation met en œuvre le savoir acquis.

230 |

Dix thèmes de réflexion

La dimension relationnelle se trouve fortifiée par le fort sentiment d’appartenance au programme au travers de la capacité des acteurs à transformer des entités opérationnelles et à apporter un nouveau savoir et un nouveau comportement. Le travail d’équipe est le fil conducteur des transformations d’entités opérationnelles. Innovation et créativité sont énormément utilisées tout en étant dirigées. Les bonnes pratiques en sont le témoignage. Les vagues initiales sont l’occasion de mettre au point les standards managériaux. Le besoin de l’exploitation des compétences clés, la gestion des résultats et l’interfaçage avec les leviers et les feuilles de route, la planification au plus juste émergent du terrain. Puis cette pratique peut devenir un standard. La création de valeur ajoutée est le maître mot du programme. Je n’y reviens pas. La phase de conception du programme est particulièrement importante et déterminante dans la réussite (convaincre les décideurs, définir un cahier des charges clair…) Ainsi, cinq grandes étapes marquent la gestion d’un projet :

ffla formulation du mandat correspondant à la mise en forme de l’idée ; ffla définition de la finalité et les propositions de solutions ; ffla planification du projet ; ffl’implémentation ou l’exécution avec son pilotage et son contrôle ; ffla clôture du projet. Comme je le développe dans la première partie de l’ouvrage, le premier point, la naissance du projet, reste pour moi toujours source d’étonnement. J’insisterai sur le quatrième point concernant le déploiement et la constance nécessaire pour maintenir un déploiement du même niveau d’exigence entre ce début, alors que tous les yeux sont braqués sur le point d’avancement, et sa fin, où tout le monde considère que cela « tourne » naturellement. Enfin, le dernier point, la clôture du projet, me semble un point faible insuffisamment géré et utilisé. La capitalisation du savoir acquis constitue un point important.

| 231

Le lean management dans les services

Fonction des cultures d’entreprise, cet exercice est variablement fait. Certaines entreprises capitalisent systématiquement le retour d’expérience pour les prochains projets. Dans un projet de lean management, le déploiement structuré, la transformation des standards de l’entreprise, la prise en compte de la performance au plus près des opérateurs, la manœuvrabilité renforcée de l’entreprise tant sociale que financière, constituent de mon point de vue des réussites. Sur la conduite du projet, il faut souligner l’alliance nécessaire entre les outils classiques et le mode de pilotage intégrant de nouvelles composantes. Rentrent dans ce nouveau champ la communication, la gestion des parties prenantes, la structure de l’équipe et son contrat, le mélange des outils NTIC et des face-à-face. J’insisterai sur la structure de l’équipe qui, dans un projet très large, portant sur la totalité d’une entreprise, prend la forme de communautés. Ces communautés se fédèrent les unes par rapport aux autres et construisent les succès du programme. Un contrôle de cohérence avec quelques incontournables permet de conserver le cap dans un pilotage à plusieurs niveaux. On retrouve une structure projet dans chacune des entités opérationnelles pendant un trimestre, possédant toutes les caractéristiques de l’équipe et de la conduite de projet. On peut donc parler d’un projet qui gère une somme de projets à des mailles infra. Il faut regarder également la dynamique et la performance de l’équipe projet qui sont déterminantes dans la réussite d’un projet. La dynamique humaine est contingentée par la forte motivation nécessaire, par les attentes élevées, par la nécessité de compétences diversifiées, d’un haut niveau des intervenants. Les projets se caractérisent par une incertitude notable, un stress important, des risques de déception. La vie de l’équipe projet et son fonctionnement évoluent au cours du projet. S’y préparer permet de surmonter les difficultés. Certains appellent cette phase dépressionnaire « la Vallée de la Mort », période qui suit l’initialisation du projet, où rien n’avance, où tout est compliqué. Pendant cette période, les acteurs perdent espoir. Le passage à l’action concrète et pragmatique permet de retrouver le sens. Les premières réussites qui suivent remontent le moral des acteurs.

232 |

Dix thèmes de réflexion

Cette courbe se complète par une nouvelle phase de baisse de moral lorsque le projet se termine. Ce phénomène se révèle au départ des acteurs de changement des entités opérationnelles au bout des douze semaines. Certains se trouvent soulagés par le départ des acteurs de changement, mais une inquiétude, voire un vide, gagne le groupe qui était rythmé par la dynamique du projet. À l’inverse, certains groupes peuvent souhaiter conserver leur acteur de changement tant des liens forts s’installent pendant un trimestre. Là aussi, pour surmonter cette phase à risque, il est nécessaire de s’astreindre à passer à l’action, voire de réaliser des actions mécaniques apprises durant la période précédente. J’oserai qualifier cet épisode de syndrome post-partum, à l’image du blues des nouvelles mamans. Le quatrième sujet à considérer concerne le gestionnaire de projet. Il doit être en mesure de maîtriser plusieurs styles de management des personnes et peut être amené à changer de style. Il doit pouvoir gérer les conflits, développer l’apprentissage mutuel, favoriser la créativité, communiquer pour bâtir, donner du feedback… Ces clés de lecture et ce savoir doivent être transmis aux acteurs de changement afin qu’ils puissent comprendre le comportement, gérer différentes configurations et adopter des postures adaptées. Tout nouveau chef de projet doit pouvoir bénéficier d’une formation afin de connaître les grandes lignes de la gestion de projet mais aussi les outils, les risques, les rôles et missions des parties prenantes. Ce type de stage, interne ou externe, est d’une grande utilité dans la suite de la mission en termes de posture, de méthode et d’outil. Cette connaissance complétée d’une expérience permet ultérieurement de maîtriser les conduites de projets et de détecter facilement les faiblesses. Professionnaliser tous les nouveaux entrants sur ce sujet constitue un gain pour l’entreprise. Pour les projets flash, un mémo très simple permet en une heure de faire prendre conscience au pilote, ou de diagnostiquer dans un projet les sujets de progression. Pour cela, on peut utiliser la grille de questions d’implantation d’un projet que l’on adapte à la configuration du projet (cf. annexes). Les questions permettent de détecter des points de progression. Fréquemment, le chef de projet fait preuve d’un dynamisme qui ne lui permet pas de voir toutes les facettes de son projet. Et certaines n’apparaîtront que plus tard. En cela le lean management est une très bonne école en matière d’apprentissage de gestion de projet sur laquelle il y a lieu de capitaliser. La formation d’acteur de changement comporte des éléments de formation de chefs de projets.

| 233

Le lean management dans les services

 Le choix d’une équipe Les Anglo-Saxons utilisent, et de façon très ouverte, une analyse psychologique pour composer l’équipe projet. Les premiers travaux sur les types de personnalités ont été réalisés par Jung puis dans les années quarante, par Katharine Briggs et Isabel Myers. Elles ont construit un questionnaire visant à opérationnaliser la pensée de Jung. Le Myers Briggs Type Indicator (MBTI) a été validé sur de très grands échantillons et constitue une référence. Un type psychologique est la combinaison de quatre dimensions de la personnalité, chacune d’entre elles présentant deux polarités, ce qui conduit à seize types psychologiques. Ces quatre dimensions sont :

fforientation de l’énergie (Extraversion E versus Introversion I) ; ffperception (Sensation S versus Intuition N) ; ffprise décision (Pensées T versus Sentiment F) ; ffstyle de vie (Organisateur J versus Improvisateur P). En effet, les différents types de personnalité se complètent, ou s’opposent. Ces typologies ont des caractéristiques intéressantes pour une mission donnée. L’intérêt qu’y trouvent les Anglo-Saxons est une aide dans la constitution de l’équipe. Par exemple, on préférera comme chef de projet un Organisateur plutôt qu’un Improvisateur. À l’inverse, l’association avec un Improvisateur permettra de traiter efficacement les surprises, les crises, les urgences. Lorsqu’avec un peu d’expérience, vous détectez le profil de votre interlocuteur, vous pouvez alors organiser votre présentation de façon à obtenir un impact maximum. Si vous avez à faire à un S (Sensation), votre présentation devra être axée sur les faits, sur la démonstration. À l’inverse pour un N (Intuition), vous irez à l’essentiel, présenterez la conclusion, les principes de la démarche. Ces quelques exemples de premier niveau masquent une approche plus complexe qui permet de pousser plus loin l’approche psychologique. Par exemple, les réactions face à l’adversité ou en environnement de stress. Cette analyse demande cependant à être maniée par des professionnels et peut s’avérer dangereuse si elle est sur ou mal utilisée.

234 |

Dix thèmes de réflexion

Connaître cette approche peut constituer une aide dans la constitution d’une équipe, car elle contribue à faire comprendre les comportements humains ou simplement à travailler le mieux possible ensemble.

Les points clés concernant la professionnalisation d’une équipe projet Une approche projet en évolution : –– Prise en compte de l’humain et des compétences –– La dimension relationnelle –– La capacité d’innovation et de créativité Pour gérer les quatre phases du projet (émergence, conception, déploiement, clôture) Le choix et la gestion de l’équipe L’approche MBTI

28.8 Et si nous adaptions le modèle managérial de l’entreprise ? Je vous propose quelques questions clés sur le management pour initier la réflexion. Quelles sont les principales composantes d’un management d’équipe ? Maryse Dubouloy, professeur associé Groupe ESSEC (département management), apporte l’éclairage suivant : « Le manager doit apprendre à se connaître et la réflexivité consiste à s’interroger sur ses pratiques. Elle permet à la fois d’apprendre sur soi, sur ses pratiques, mais aussi sur le mode environnant. La réflexivité permet de créer du sens et non pas de donner un sens tout fait aux situations. Le manager doit faire preuve de pensée critique c’est-à-dire avoir la capacité et la volonté de s’interroger sur la valeur de toute affirmation et de porter des jugements objectifs en s’appuyant sur des arguments fondés ainsi que de rejeter toute affirmation non étayée par des faits. » On retrouve ces deux points dans un programme lean management. Le développement du feedback est introduit dans les pratiques d’acteur de

| 235

Le lean management dans les services

changement. Cette posture doit être mesurée pour vérifier son niveau de développement dans l’entreprise entre hiérarchiques et subordonnés, ou même entre pairs. On craint souvent le jugement de l’autre et la relation hiérarchique demande une bonne maturité pour s’abstraire de l’évaluation. La preuve par les faits et les mesures systématiques associées à la phase diagnostic sont des bases du lean management. Et il faut bien s’astreindre à ne pas passer du problème directement à la solution sans analyser les causes profondes. Le lean management et la logique DMAIC forcent le dispositif à intégrer une phase mesure. Lors de difficultés, être en mesure d’aborder le problème par une phase d’impact en lien avec des mesures facilite et accélère la phase de décision. Cette posture démarre dès le débrief, au moment où le salarié fait part de ses difficultés et où l’encadrant de proximité sait la fréquence et l’impact du dysfonctionnement rencontré par ses salariés. Ce n’est plus par réaction à chaud que se déclenchent les actions de correction mais bien en ayant travaillé sur des faits. Ce point fait partie de la méthode DMAIC. Comment un manager peut-il influer sur ses équipes de manière à augmenter les résultats avec et grâce aux autres ? Maryse Dubouloy apporte la réponse suivante : « Il dispose de trois champs : comprendre et gérer les comportements individuels, comprendre et gérer des groupes et des processus sociaux, comprendre et gérer des processus et des problèmes organisationnels. » Nous trouvons la réponse dans les compétences qui renvoient à un savoir et un savoir-faire, opérationnel c’est-à-dire mis en œuvre concrètement en situation de travail et validé, c’est-à-dire reconnu par le management et l’organisation. Les compétences portent sur trois domaines, l’aspect technique qui concerne les choses, l’aspect humain qui concerne les personnes et l’aspect conceptuel qui concerne les idées. Un programme de lean management s’appuie sur des compétences fortes et spécifiques. D’abord celles des acteurs de changement qui ont acquis au travers d’une formation théorique et pratique le savoir-faire de la démarche. C’est pour cela que dans la partie pérennisation, il faut renforcer le cursus de formation des nouveaux acteurs de changement afin que cette compétence demeure, ne s’affadisse pas. Pour de très petites populations, sur des connaissances peu répandues, il y a lieu d’exiger ou de se contraindre à un examen ou une certification. Sans ce garde-fou, il y a fort à parier sur un dévoiement de la méthode.

236 |

Dix thèmes de réflexion

Les premiers chantiers permettent de positionner l’encadrement sur les compétences managériales clés. Cette action conduit à renforcer les formations managériales existantes et actualiser les référentiels de pratiques professionnelles. Parmi ces éléments abordés figurent les aptitudes sociales. Il s’agit d’induire des réponses favorables chez les autres. Dans les facteurs favorisant, on y retrouve la communication, le sens, la médiation, le lien, la collaboration, la mobilisation de l’équipe. Le lean management nourrit cet item. La posture de communication s’appuie sur les concepts du lean, en particulier sur le concret de la mise en œuvre de la démarche. La proximité entre salarié et hiérarchie à tout niveau se renforce au cours du programme. Le brief/débrief entre les salariés et leur encadrement, le point hebdo et la boucle courte entre les différents niveaux hiérarchiques permettent une prise de conscience des activités et des difficultés rencontrées par le niveau infra. Quelles sont les principales conditions de l’efficacité des équipes ? Pour Maryse Dubouloy, cela passe par une définition claire des objectifs, l’appropriation du projet par chacun, une méthode de travail appropriée, une communication de qualité, une ambiance agréable, des rôles clairs, des tâches bien définies, une dynamique de créativité et d’innovation, des décisions comprises, le non-évitement des conflits. La définition claire des objectifs est facilitée par le lean management. La démarche suggère à chaque équipe de traiter et d’analyser les difficultés rencontrées et d’y apporter une réponse au travers de leviers construits dans l’équipe. Ce pragmatisme augmente considérablement la motivation des collaborateurs qui ont la main pour construire les solutions. Cela renvoie à l’item créativité et innovation. La méthode de travail devient appropriée. La contrepartie de cette liberté c’est que les opérationnels s’en saisissent, car le faire devient désormais obligatoire ! Enfin, l’amélioration de l’environnement de travail se réalise au travers du rangement des outils ou du matériel, de documents accessibles. La mise en place des standards managériaux renforce le lien entre salariés et hiérarchie. Dans certains cas, un grand travail d’accompagnement est nécessaire, d’autant qu’un chantier démarre en récoltant les irritants quotidiens et en prenant le parti qu’une majorité pourrait être traitée localement et rapidement. Résoudre les irritants devient un classique pour les managers.

| 237

Le lean management dans les services

Faut-il « être soi-même » en abandonnant le paraître, en assumant ses désirs, ce qui permet d’être spécifique et différent, créatif, en s’appuyant sur son expérience pour décider, en prenant en charge la complexité des problèmes, et des autres, en construisant la confiance et l’estime de soi ? Sans aller exagérément sur une ouverture totale de soi, il est possible de décliner les postures managériales appropriées au nouveau mode de fonctionnement. Ériger les pratiques managériales en standards managériaux permet de forcer le dispositif, mais il est primordial que chaque manager intègre ces postures On doit faire le pari que la prise de conscience progressive permette de distiller ces concepts au point qu’ils deviennent habitude.

Les points clés concernant la proposition vers un management lean

–– La posture « vers le terrain » –– L’implication à la résolution de problème –– L’appui à ses collaborateurs –– La gestion du temps –– Une posture d’empathie et de respect des faits et des personnes

28.9 Et si l’intégration du lean management modifiait les valeurs d’entreprise ? «  On ne peut pas faire de contrôle de gestion sans faire l’économie de s’interroger sur la boîte noire qui transforme éventuellement des instruments de gestion en comportements. » Annick Bourguignon enseigne et conduit des recherches dans les domaines suivants : management d’équipe, leadership, changement, management interculturel, développement personnel, créativité, aspects psychosociaux des instruments de gestion Je vous propose d’examiner ce que le lean management apporte ou modifie dans nos comportements. Et d’analyser plus précisément les liens et interactions entre contrôle de gestion, performance et culture.

238 |

Dix thèmes de réflexion

Annick Bourguignon précise que le contrôle de gestion est un processus par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience dans l’accomplissement des objectifs de l’organisation. Cette définition classique des années soixante/quatrevingts s’est élargie à la mise en œuvre de stratégies puis plus récemment à l’influence sur les autres membres de l’organisation. On voit bien que le lean management rentre complètement dans ce process. Au travers du lean management, le manager fait du contrôle de gestion sans le savoir. Et donc la question posée a tout son intérêt. En quoi notre culture nous a-t-elle permis d’appréhender le lean management et réciproquement, en quoi le lean management peut-il impacter notre culture et la modifier ? Annick Bourguignon explique que la culture est une construction sociale, propre à un groupe d’individus qui donne du sens à la relation de la personne à son environnement (Dupriez et Simons). Elle se traduit à différents niveaux par des comportements, des règles de conduite, des valeurs, des représentations, en cohérence avec les institutions sociales. Elle permet localement de définir ce qui est légitime ou pas. Schein définit la culture organisationnelle par un ensemble d’hypothèses communément partagées, que le groupe a apprises à travers la résolution de problèmes, d’adaptation externe et d’intégration interne et qui ont fonctionné suffisamment bien pour être considérées comme valides et donc transmissibles et enseignées aux nouveaux membres de l’organisation. C’est par exemple la bonne façon de percevoir, comprendre et penser un problème. Elle intervient à trois niveaux :

ffau niveau des processus et structures organisationnelles visibles (système de management, procédures) ;

ffau niveau des valeurs partagées (stratégies, objectifs et principes qui justifient l’action) ;

ffau niveau des fondements supposés, croyances, perceptions et intuitions qui sont la source ultime des valeurs. Si nous examinons le déploiement du lean management, dans les premiers temps, l’évolution porte sur les façons d’opérer, sur les méthodes de résolutions de problème, sur les processus de management. Tout en poursuivant cette mise en œuvre technique sur l’ensemble de l’entreprise, le programme s’élargit en intégrant un niveau supplémentaire sur les compétences des managers, sur les postures, les savoir-faire. Ces éléments se capitalisent

| 239

Le lean management dans les services

alors dans la formation managériale, dans les référentiels de pratiques professionnelles. Cela concourt à installer le lean management comme un mode de fonctionnement référent. Progressivement, la transformation s’opère en particulier dans la phase de pérennisation. Si nous examinons notre culture qui est d’abord nationale avant d’être celle de l’entreprise, on peut s’inspirer des travaux d’Hofstede et d’Iribarne qui modélisent les cultures nationales sur plusieurs dimensions :

ffl’articulation groupe/individu ; ffle rapport à la hiérarchie ; ffla masculinité-féminité ; ffla communication ; ffle contrôle managérial ; ffle rapport à la modélisation ; ffle rapport à l’action ; ffle rapport au temps. Reprenons ces items et regardons si le lean management intervient et si son implantation dans le système conduit à modifier notre façon de voir ces sujets. L’articulation groupe individu. Si aux États-Unis les notions de contrat et de justice dominent, si aux Pays-Bas la recherche de consensus prévaut, en France nous sommes dans une logique d’honneur. Dans l’Entreprise on retrouve ces éléments. Les notions de travail bien fait, de confiance, d’arrangement et de débrouillardise en cas de difficultés sont des éléments forts de notre culture. Le lean management peut venir perturber cet équilibre. Le brief/débrief, le point hebdo, la boucle courte peuvent être perçus comme un contrôle excessif et un manque de confiance. La communication doit être importante pour expliquer qu’il ne s’agit pas de contrôler mais de détecter des dysfonctionnements et des gaspillages. Ce n’est pas la personne qui est contrôlée mais le système. C’est pour cela qu’il faut farouchement s’opposer à l’individualisation des résultats d’efficience. Il ne faut pas faire porter les dysfonctionnements du système sur les personnes, ce qui les mettrait mal à l’aise. Pourtant pour des managers un peu directifs, cet outil est séduisant. Une deuxième caractéristique forte concerne le « manager pompier », celui qui, même s’il se plaint de l’urgence, adore les situations de redressement qui justifient son rôle. Le lean management limite les sources

240 |

Dix thèmes de réflexion

de dysfonctionnements qui justifient ce rôle. Et pour certains, faire le deuil de ce mode de fonctionnement en concentrant leur énergie sur le registre de l’organisation du travail n’est pas facile. Le rapport à la hiérarchie est caractérisé par une distance plutôt élevée en France, même si les tendances managériales de ces dernières années réduisent l’écart. Le tutoiement est de plus en plus fréquent. Le lean management est un accélérateur de ce rapprochement. Le manager vient sur le terrain, mesure des faits, appuie la résolution de difficulté, s’intéresse au travail des opérateurs. Les standards managériaux renforcent cette proximité et cette connaissance. Les évaluations se trouvent facilitées par une connaissance des faits régulière, ce qui la rend nettement plus objective. On sait désormais apprécier la demande d’appui qui n’est pas un aveu de faiblesse ou d’incapacité, mais le souhait d’une réussite collective où le chef prend des postures de coach et d’appui. La masculinité-féminité. Par la masculinité, Hofstede entend les valeurs de défi, de réussite sociale et pour la féminité des valeurs de relation avec les autres, de qualité de vie et d’environnement. Sur ce registre, le lean management influence notablement cette composante culturelle. La posture du hiérarchique évolue et vise à faire progresser ses collaborateurs, à simplifier l’environnement du travail, à faciliter la vie de ses collaborateurs. Le manager recherche du lien au travers du point régulier avec ses collaborateurs qui se sentent plus reconnus. Le lean management nous pousse vers plus de féminité.

 Le contrôle managérial Dans toutes les organisations, il y a à la fois du contrôle bureaucratique «  règles  » et du contrôle culturel «  valeurs  ». Si le lean management a un impact positif sur le contrôle interne a posteriori, il renforce le contrôle continu et immédiat. Le lean management promeut des règles formalisées de pratiques, les standards, qui restant souples mais n’en demeurent pas moins la règle commune à appliquer localement. Le lean management s’intéresse aux résultats obtenus par ces règles. Si les résultats ne sont pas aux rendez-vous, alors une nouvelle analyse est nécessaire pour adapter la règle qui n’est pas efficace. Le lean management joue sur les deux registres du culturel, en s’appuyant à la fois sur les compétences des opérateurs mais aussi sur le côté plus «  bureaucratique  » par des règles formalisées en s’intéressant aux faits et aux résultats.

| 241

Le lean management dans les services

 Le rapport à la modélisation La pensée grecque nous gouverne. Elle fonde l’exercice que je réalise. Partant d’une modélisation de concepts, je les croise avec la réalité et la pratique pour en tirer des propositions d’amélioration, des adaptations de l’action. Si le modèle n’est pas bon, d’autres penseurs viendront m’en proposer un autre. Cependant, j’aurais – normalement – progressé. Si j’étais chinois, le modèle n’existerait pas, la théorie ne serait pas séparée de la pratique. Je n’aurai pas à démontrer que les moyens mis en œuvre produisent des résultats immédiats. L’approche intuitive et la prise en compte du contexte sont prépondérantes. Le lean management rapproche de la pratique. Certes les standards établis marquent la règle. Cependant leur pratique immédiate et la boucle courte rendent possible l’adaptation. En ce sens, les fondamentaux initiaux évoluent. Et c’est dans l’expérimentation que se produit l’efficacité de l’action et pas dans un travail infiniment préparé. L’un des piliers du lean n’est-il pas : « Améliorer en continu sans viser la perfection immédiate » ?

 Le rapport à l’action Sur ce domaine, le lean management est à cheval entre les deux courants de pensée. Plutôt oriental dans la vision dynamique et d’amélioration permanente que propose le lean management, plutôt occidental sur la posture volontariste et maîtrisable de la situation. Oui, le lean management vient améliorer les résultats et les situations. Le lean management a un côté proactif qui s’oppose au désengagement et à la philosophie chinoise qui veille à la propension des faits. Avec le lean management les réussites sont célébrées. Elles s’appellent « victoires rapides », ou « percées ».

 Le rapport au temps Le rapport au temps est assez ambivalent. Nous avons une vision plutôt long terme dans notre façon de voir les choses. On imagine volontiers que les meilleures postures consistent à avoir du stock, de l’avance, de l’anticipation. Or le lean management introduit la gestion au plus juste, la gestion des flux tirés par la demande. Cela limite les stocks et les anticipations de travail. En contrepartie, les modes opératoires pour produire vite, se trouvent renforcés et adaptables. Le lean management fait revoir le rapport au temps de façon forte. Plein d’exemples l’illustrent : la définition de temps de gamme des

242 |

Dix thèmes de réflexion

activités pour les opérateurs, la traduction des gaspillages de temps en aléas, le manque de préparation des réunions, la modification du rôle de l’encadrement moins « pompier » et plus en appui de l’organisation. Le lean management est une excellente opportunité pour se reposer la question du rapport au temps dans l’entreprise tant sur le plan individuel que collectif. Le lean management est un excellent levier pour réinterroger nos pratiques temporelles.

Les points clés concernant l’impact sur les valeurs de l’Entreprise

–– La culture d’entreprise est une construction sociale –– L’articulation individu/groupe –– Le rapport à la hiérarchie –– Le contrôle managérial –– Le rapport à la modélisation –– Le rapport à l’action –– Le rapport au temps

28.10 Et si nous capitalisions le savoir-faire des projets ? Dans ce cadre, il faut souligner l’importance de la connaissance dans l’Entreprise qui permet d’évoluer dans des environnements complexes, de conquérir un avantage concurrentiel, d’accompagner l’innovation, de faciliter le changement. Alors comment l’entreprise génère-t-elle et intègre-t-elle cette connaissance ? Nous allons regarder si et comment le lean management concourt à cette construction et cette capitalisation de savoir. Marie Léandre Gomez, docteur en sciences de gestion (Université Paris X Nanterre), donne des repères sur le sujet : « On parle d’organisation apprenante et d’apprentissage organisationnel lors de l’acquisition de connaissances potentiellement utiles pour l’organisation.

| 243

Le lean management dans les services

On distingue trois niveaux d’apprentissages :

ffL’apprentissage par simple boucle lorsque les acteurs adaptent les modalités de l’action sans remettre en cause les objectifs, les principes ou les normes de l’organisation. On ne touche pas aux théories de l’action.

ffL’apprentissage par double boucle : La révision des modalités d’actions va jusqu’à remettre en cause les objectifs, principes et normes de l’organisation. Les théories de l’action sont révisées.

ffL’apprentissage de l’apprentissage : L’organisation se penche sur ses propres processus d’apprentissage et essaye d’identifier les causes de blocage. Les facteurs favorisant l’apprentissage sont bien entendus l’organisation et le management, la communication, et un pilotage adapté. Ce pilotage valorise la créativité et l’initiative. »  La mise en œuvre du lean management passe par la montée en compétence des acteurs de changement. Une compétence pointue acquise à la fois par de la théorie, de la connaissance d’outils, de l’adaptation d’une méthode, et de la mise en œuvre répétée sur le terrain, avec l’aide d’un acteur de changement sachant. À son tour, l’acteur de changement dispense son savoir dans la mise en œuvre d’un chantier. Ainsi il fait monter en compétence l’encadrement de l’entité opérationnelle. Il est bien évident que cette vision théorique se heurte parfois à des pertes en lignes de compétence. D’où l’idée de s’assurer par un test de niveau du maintien du savoir. Et le référentiel peut bien entendu progresser. La démarche vise à une plus grande participation des opérateurs dans la mesure des difficultés et dans la résolution de celles-ci. Le lean management implique les opérationnels et s’appuie sur des réflexions collectives. Le rôle du management est d’apporter méthode et outil pour favoriser la résolution de problème et l’émergence de solutions qui seront mises en œuvre pour être testées. Il s’en suit la formalisation de bonnes pratiques, une fois les résultats avérés. Ces bonnes pratiques examinées et validées deviennent des références de pratiques. Et ces pratiques évoluent constamment au gré des améliorations des acteurs, des enjeux, des changements de l’environnement externe.

244 |

Dix thèmes de réflexion

Le lean management est un outil d’apprentissage organisationnel à la fois vivant et dynamique, mais aussi conservateur du savoir, de la méthode, et des résultats obtenus. Ces éléments doivent être conservés et accessibles. Il y a lieu de distribuer les objets au travers de différents utilisateurs référents et responsable. Où et à qui confier la méthode et le savoir-faire des acteurs de changement, le savoir-faire de la mise en œuvre pratique, l’intégration des concepts, les référentiels professionnels ?

Les points clés concernant la capitalisation d’un projet –– L’apprentissage organisationnel –– De l’apprentissage simple à l’apprentissage de l’apprentissage

28.11 Synthèse des recommandations En lien avec l’analyse précédente, voici les principales orientations connexes à la mise en place d’une démarche de lean management. Tableau 28.3 Principales orientations connexes à la mise en place d’une démarche de lean management Recommandation

Mise en œuvre

Et si nous radiographierions le Étudier l’opportunité d’une démarche lean modèle économique de l’entreprise management pour chacune des parties qui grâce au prisme du lean composent le résultat de l’entreprise. management ? Et si nous décidions d’investir dans Réaliser une analyse d’impact en profitant de le lean ? l’expérience externe. Et si le lean management était un actif immatériel de l’entreprise avec impact sur la valeur de l’entreprise ?

Activer le programme et bénéficier de l’approche investissement. Augmenter la valeur de l’actif a minima pendant la durée du programme.

| 245

Le lean management dans les services

246 |

Et si nous adaptions le pilotage de la performance ?

Adapter le pilotage de la performance en intégrant, à chaque niveau, uniquement les objets maîtrisables. Utiliser la boucle courte du lean management comme liant entre ces niveaux.

Et si nous développions notre compétence en statistiques (Six Sigma) pour l’analyse renforcée de la performance des processus ?

Rechercher le potentiel supplémentaire lié à une approche Six Sigma. Intégrer l’approche Six Sigma dans l’analyse de certains processus.

Et si le lean allégeait le contrôle interne ?

Avoir une approche de mesure de l’efficacité du contrôle. Renforcer les standards pour économiser l’énergie à non-valeur ajoutée des contrôles internes. Trouvez un nouvel équilibre positif en pérennisant le lean management et en limitant les contrôles de conformité.

Et si la constitution et la gestion d’une équipe projet se professionnalisaient ?

Utiliser le lean management pour former les acteurs de conduite de projet. Sensibiliser les commanditaires à la conduite de projet. Choisir les membres des équipes projets en intégrant une approche de profil psychologique.

Et si nous adaptions le modèle managérial ?

Rendre plus explicites, les concepts managériaux portés par la démarche en fonction de sa maturité. Intégrer ces concepts dans le choix des hommes.

Et si l’intégration du lean management modifiait nos valeurs d’entreprise ?

Profiter de l’occasion pour interroger les modes de fonctionnement. Profiter du lean management pour revoir notre rapport au temps.

Et si nous capitalisions le savoirfaire de ce projet ?

Capitaliser savoir, méthode et contenu du programme. Sécuriser et administrer le support de ce savoir.

29 Benchmarking

29.1 Visite d’une usine de sous-traitance automobile Cette usine de sous-traitance automobile, intégrée dans un groupe, emploie quatre-cents personnes. Le DRH du groupe est en charge de la démarche lancée quatre ans auparavant. La démarche a été lancée à l’initiative du nouveau président du groupe dans un but d’améliorer conjointement la sécurité, la performance économique, la relation avec les fournisseurs, les relations avec le personnel, la satisfaction client. Le choix a été de démarrer frontalement sur l’ensemble de toutes les usines. Deux acteurs de changements externes et quatre experts/pilotes ont formé les patrons d’usine et l’encadrement direct. Deux experts par usine sont en charge de garantir la méthode et d’appuyer le management. La démarche s’est déroulée sur dix-huit mois. La formation des directeurs et de l’encadrement a permis de leur faire découvrir les gaspillages. L’angle d’attaque a été la mise en place du management visuel, très concret, marquant ainsi rapidement le changement pour les opérateurs (vision des stocks, positionnement des pièces au sol, standards des modes opératoires affichés, indicateurs à l’heure affichés…).

Le lean management dans les services

Cela a nécessité une pratique quotidienne sans faille, et même aujourd’hui, il faut s’assurer quotidiennement que les croix sont mises, que les étiquettes sont positionnées… Enfin, la dernière étape a consisté à se renforcer sur la résolution de problème, par le biais d’un vaste plan de formation des collaborateurs, mais plus progressif. Sur une usine il n’y a plus que quatre grands indicateurs, la qualité (égale au nombre de défauts pour un million de pièces), le taux d’occupation des machines les plus lourdes ou coûteuses, le niveau du stock et les transports exceptionnels (urgence quand le stock est « bas »), le rapport investissement/chiffre d’affaires de l’usine. À l’occasion du démarrage de la démarche, lors des visites d’usine, le PDG passait quinze minutes sur les quatre indicateurs en salle et quatre heures dans l’usine. Il a fait supprimer les copieux rapports d’activités. Les difficultés ou les pièges rencontrés dans la démarche, et les conseils potentiels :

ffNe pas être « trop outil lean » et trouver l’outil adapté à son besoin. ffLa démarche a parfois nécessité un changement de l’encadrement, des patrons d’usine n’ont pas pu gérer cette modification de posture et sont partis.

ffLe lean passe par le terrain et donc un chantier lean se fait avec les opérateurs.

ffMême ce qui est normal peut être allégé. ffLe plus difficile a été de faire évoluer l’encadrement de proximité, passer du donneur d’ordre à la gestion de l’amélioration quotidienne. Le nouveau rôle du chef : animer, vérifier le respect des standards du lean.

ffLa seule personne importante, c’est celui qui fait la pièce. Sur ce principe, les experts ou la maintenance ont pour priorité d’aider les opérateurs.

ffLes gros fournisseurs n’ont pas accompagné spontanément le changement (par exemple souhait d’un conditionnement plus petit pour éviter de la manutention). Idem pour les acheteurs du groupe qui ne pensaient que par la diminution des coûts d’achats sans visualiser les coûts globaux.

248 |

Benchmarking

ffLes qualiticiens préexistants ont rejoint le terrain et validé les standards qualités (mesure échantillon, murs qualité en démarrage de chaîne), certains sont restés audits systèmes.

ffLe risque du chantier pilote est de se focaliser sur le problème du voisin, ou des experts. Les résultats obtenus sur le groupe sont significatifs en quatre ans : Marge de temps gagné : 12,6 %. Sécurité : accidentologie divisée par 8. Stock passé de 6,5 % à 4,5 % du CA, mais pas stabilisé (moins bien réussi). Qualité : le nombre de défauts divisés par huit.

Les points clés concernant le lean dans une usine de sous-traitance automobile de quatre cents personnes –– L’initiative du président –– Une formation de l’encadrement –– L’angle d’attaque du management visuel –– Le nouveau rôle de l’encadrement –– Des résultats significatifs : temps gagné, accident en baisse, stock en baisse et défaillance divisée par huit

29.2 Visite d’une usine automobile Le directeur de l’usine m’accueille sur son site. Je passerai trois heures sur le site tantôt avec lui, tantôt dans les ateliers avec ses collaborateurs et au contact des opérateurs. Je comprendrai plus tard que la visite est parfaitement préparée, suivie par le responsable.

 Les points clés sur lesquels insiste le directeur Quand on est de l’extérieur, on ne peut pas voir le système. Il faut le vivre pour se rendre compte de son efficacité. Cela demande des mois et des mois pour obtenir le résultat que vous allez voir et le même temps pour comprendre le système de management. Sur ce site, nous avons eu la

| 249

Le lean management dans les services

chance de bénéficier d’une large autonomie dans le champ des possibles, tout en respectant les standards du groupe. La surface de l’usine est deux fois plus réduite qu’une usine traditionnelle. Les investissements ont été réduits de 40 % par rapport à une usine classique. L’usine devient rentable à partir d’un seuil assez bas de production de véhicule. Je découvre lors de la visite des concepts du lean que je méconnais à l’époque. C’est en relisant mes notes et en faisant appel à ma mémoire que quelques points forts me reviennent. Un marquage au sol impeccable signalant la position des pièces, des matières premières. Un marquage au sol donnant des repères de sécurité. Des points d’échange d’atelier avec des indicateurs sur tableau blanc. Pour les presses, un indicateur international permettant d’intercomparer les presses des différentes usines en pièces produites à l’heure. Des opérateurs consciencieux, attentifs mais pas stressés. L’encadrement tient le poste un jour par semaine. Cela lui permet de continuer à maîtriser le geste technique, de pouvoir pallier une défection inattendue, mais surtout de bien cerner les remontées de son équipe. Il peut ainsi discerner si la difficulté provient de l’opérateur, de la machine ou du système. L’opérateur a la capacité d’arrêter la production au moindre écart dans la qualité de sa production. À ce moment, l’encadrement se consacre à la résolution de la difficulté. Les chaînes sont moyennement automatisées et indépendantes entre elles. De ce fait, la perturbation est isolée et le redémarrage est rapide. Le changement de matrice ou de réglage pour les presses se prépare dans les moindres détails, pièces et gestes compris, afin de limiter au plus court le temps d’arrêt de la presse.

Les points clés concernant le lean dans une usine automobile

–– Quand on est de l’extérieur, on ne peut pas voir le système –– L’encadrement tient le poste un jour par semaine –– La capacité de l’opérateur à arrêter la production au moindre écart –– Le changement de réglage est préparé dans les moindres détails

250 |

Benchmarking

29.3 Visite d’une usine de construction mécanique Cette usine emploie six cents personnes et fabrique des pièces mécaniques. La démarche, à l’époque de ma visite, datait de deux ans. Le point particulier qui m’a marqué est la forte implication du Comité de direction (Conseil de direction) de l’usine. Et voici le rite de l’usine : le matin à 8 heures, le Conseil de direction se réunit dans l’entrée de l’usine, une sorte de hall où passent la plupart des ouvriers. Devant un tableau blanc, chaque membre du Conseil de direction expose et décrit les résultats de la veille de son secteur, indique les difficultés et réussites, indique les actions menées et pointe les demandes d’aide vers ses collègues (ou à soumettre à la décision du directeur). En une demi-heure, les consignes sont calées. Chaque responsable part dans l’usine pour tenir ce type de réunion avec ses collaborateurs. À dix heures, les consignes dérivées sont données aux opérateurs dans des points physiques qui marquent la demi-matinée. Ce même rituel est réalisé à l’inverse en milieu d’après-midi et permet de récupérer en fin d’après-midi, les résultats de la journée pour alimenter le point du lendemain matin. Les ouvriers peuvent voir les résultats de l’usine affichés dans l’entrée. Le tableau de la direction comporte la liste nominative avec une pastille : verte (présent), orange (en retard), rouge (absent).

Les points clés concernant le lean dans une usine de fabrication de pièces mécaniques –– Le matin à 8 heures, le Conseil de direction se réunit dans l’entrée de l’usine –– Chaque membre du Conseil de direction expose et décrit les résultats de la veille de son secteur –– Chaque responsable part dans l’usine pour tenir ce type de réunion avec ses collaborateurs –– La boucle courte intervient dans la journée

29.4 Visite d’une banque de compensation Le site, qui emploie cinq cents personnes, est en train de mettre en place la démarche. La moitié des collaborateurs utilisent les nouveaux rites et rythmes.

| 251

Le lean management dans les services

Les enjeux principaux sont les suivants : la moindre erreur ou le moindre retard dans le traitement des dossiers clients a des conséquences financières importantes pouvant mettre en péril les résultats et se traduire par la perte définitive du client. La progression du domaine est forte (+ 10 % par an). Le personnel est très qualifié (bac + 5), Le turn over est important de par la répétitivité des tâches pour un personnel hautement qualifié. La mise en place s’est faite équipe par équipe en formant l’encadrement et un appui dédié pour un nombre d’équipe donné, en charge d’accompagner ultérieurement les équipes. La mise en œuvre dans les bureaux. En milieu de matinée, l’encadrant passe cinq  minutes à côté de chaque équipier (bureau open space) pour connaître le nombre de dossiers traités, les difficultés détectées, les solutions mises en œuvre, les dossiers en difficulté (question technique, ou attente de traitement tiers). Il prépare un point de synthèse avec le nombre de dossiers traités, la réponse aux questions, les orientations d’arbitrage ou de ressource pour la fin de matinée. Ce point est transcrit sur tableau blanc. Il demande dix minutes d’interruption à tous les collaborateurs pour un débriefing collectif, permettant de partager le niveau d’activité, de réussite, les difficultés apparues, les consignes techniques, l’affectation des ressources pour l’après-midi. Ce point est exactement reproduit en milieu d’après-midi. De plus, une synthèse remonte au Conseil de direction de l’organisation pour un échange/consigne avec le niveau supérieur. Les consignes et les réponses, sauf urgence, sont données pour le lendemain. Résultats obtenus : une diminution significative des retards de traitement et des erreurs. Des marges temporelles disponibles permettant d’envisager la progression de l’activité des deux prochaines années à effectif constant. Un turn over en diminution par la reconnaissance du travail fait individuellement. Précédemment, le niveau de reconnaissance s’arrêtait à l’équipe. Une sérénité dans le travail obtenue par la maîtrise des urgences. En synthèse, le directeur de l’établissement indique qu’il a désormais l’assurance de connaître (à la journée) les futures catastrophes potentielles et de pouvoir intervenir le plus en amont possible. La qualité de travail, l’ambiance de travail se sont très nettement améliorées. Les coûts de recrutement et de formation des nouveaux entrants sont maîtrisés. Les plus anciens peuvent bénéficier de formations, précédemment absorbées par le flot des nouveaux.

252 |

Benchmarking

Il m’invite à réfléchir sur la phase de transition entre les équipes dans le nouveau mode de fonctionnement et les équipes non encore transformées. Le risque est de vouloir faire passer les équipes sans accompagnement dans le nouveau mode de fonctionnement sans accompagnement.

Les points clés concernant le Lean dans une banque de compensation –– Un point d’activité dans chaque équipe deux fois par jour. –– Un point d’échange quotidien avec le Conseil de direction. –– Des résultats significatifs, de maîtrise de l’activité, de sérénité dans le travail, de marges de manœuvre disponibles pour répondre au développement de l’activité.

29.5 De l’intérêt des visites de sites Tout au long de mes démarches, j’ai poursuivi cette approche de rencontres avec d’autres entreprises, de partage dans des réseaux sur le sujet. C’est à la fois l’occasion de compléter sa vision, mais aussi de la faire partager avec ceux qui ont à décider de l’engagement ou d’orientation d’une telle démarche. Aussi belles soient les études, rien n’est plus convainquant que de voir d’autres trouver les bénéfices mais aussi les limites du lean management. De grands principes se dégagent systématiquement de ces expériences :

ffUne implication opérationnelle forte de la direction : point du Conseil de direction de l’usine en vingt minutes chaque matin, visite du PDG dans les ateliers, retour de la boucle courte du Conseil de direction vers le terrain…

ffUne participation forte des salariés au repérage de la difficulté à leur mesure, à leur résolution. Par exemple, l’arrêt de la chaîne sous la responsabilité de l’opérateur. Point de son activité à la journée ou demijournée.

ffUn management visuel renforcé : exemple des tableaux blancs avec la mesure des flux de la production de chaque équipe mesurée dans certains cas à l’heure, souvent à la demi-journée. La visualisation des stocks.

| 253

Le lean management dans les services

ffUn rangement de l’environnement de travail. Par exemple les locaux organisés et rationnels, des postes de travail marqués, le repérage des zones de sécurité, la documentation à jour et facilement disponible, des modes opératoires décrits pour des activités sensibles…

ffUne ambiance de calme, d’absence de précipitation. Les rites et rythmes piègent les principales urgences. Les modalités d’écarts à la règle sont définies. Chacun sait ce qu’il a à faire au bon moment. Je n’ai jamais vu de courses, d’agitation, d’aller-retour incessants. Même au moment d’une défaillance, l’opérateur s’est excusé, et il est intervenu sur sa chaîne.

ffLa reprise en manuel d’un certain nombre d’activités qui auparavant étaient automatisées. L’humain redevient maître de son activité. Les modes de surveillance sont parfois réduits à des étiquettes, à des postit. Il m’est arrivé d’effacer par inadvertance, d’un coup de manche, une mesure inscrite au tableau. La séparation des chaînes automatisées en îlots semi-automatisés, facilite les arrêts suite à défaillance et les reprises. Les coûts et les temps d’arrêt sont moindres. En conclusion, aussi pertinent ou convainquant que soit l’exposé sur le sujet, rien n’est plus puissant que de voir et de « sentir » un lieu lean. Toute étude aussi bien menée soit-elle, toute description aussi bien détaillée soit-elle, rien ne vaut de se rendre compte par soi-même de ce qu’est le lean sur le terrain. Voir comment les personnes réagissent, voir comment les problèmes et les difficultés sont traités, sentir l’atmosphère de travail, écouter s’exprimer un salarié, voir un panneau de management visuel, questionner le magasinier, échanger avec l’encadrement. Vous vous forgerez votre opinion et vous vous direz : « C’est ça que je veux faire. » Et donc, à ce titre, je souhaite remercier anonymement dans ces exemples les entreprises qui m’ont ouvert leurs portes, pour partager ce qu’elles avaient fait de la démarche, comment elles s’étaient approprié les concepts du lean. J’ai à chaque fois trouvé des choses différentes que j’ai pu transposer, qui m’ont permis de régler le dispositif, qui m’ont rassuré sur mes doutes, sur les difficultés que j’ai pu rencontrer. À chaque visite faite dans ces sites, au moment de quitter mes interlocuteurs et de les remercier, ils m’ont tous dit que je leur rendais service en les reconnaissant, aux yeux de l’encadrement et des opérateurs, comme dignes d’être visités. Car ce sont les autres qui renvoient la valeur de la démarche. Si des externes viennent vous voir pour comprendre ce que vous avez fait, alors cela prend une valeur bien supérieure à la reconnaissance de votre responsable.

254 |

Benchmarking

Les points clés concernant l’intérêt des visites de sites –– Sentir et comprendre les choses –– Des pistes de transposition à son organisation –– La force de la démonstration externe

29.6 Le lean dans la presse De nombreux articles paraissent régulièrement dans la presse grand public et attirent l’attention en mettant en exergue les dérives auxquelles peuvent conduire de tels programmes. Je maintiens que la seule protection contre les dérives est un conseil et une formation dépassant la seule maîtrise des outils. Le niveau d’exigence doit être à la hauteur, sans quoi s’y engager est pire que de ne rien faire. Je vous propose, au travers de quelques exemples, plutôt à charge, quelques commentaires. Si le début de l’article auquel je me réfère décrit et résume l’histoire et les principes du lean management, la suite démontre la contradiction entre « réduire la pénibilité au travail » et l’apparition de maladie professionnelle liée à « une suppression extrême de tout déplacement ». Dans l’exemple cité, le temps de la journée est complètement organisé et dans le moindre détail, sans aucune autonomie pour le salarié. La mesure des temps personnels « temps pour la pause pipi » est ici une erreur caricaturale. Il est nécessaire d’établir un temps de gamme référence pour détecter et comprendre les opérations en dépassement ou à l’inverse celles dont le temps est moindre. Le débrief sur ces écarts avec le salarié en tête à tête permet de comprendre ces écarts et d’en rechercher la cause : un dysfonctionnement, une difficulté personnelle à faire, un cas particulier complexe. Il ne s’agit pas d’imposer à tout prix le respect du temps de gamme, il s’agit de s’en servir comme référence pour analyser l’activité réalisée. C’est pour cela que la contractualisation sur l’efficience, collective ou individuelle, conduira à ce type de réaction et de comportement. C’est tout le contraire de ce que l’on veut faire. De plus, la pression sur les temps de gamme des activités élémentaires n’est pas le champ prioritaire de la recherche de performance. Ce sont bien les gaspillages (cf. les sept gaspillages) qui sont

| 255

Le lean management dans les services

à rechercher. N’y a-t-il pas du retravail, des stocks trop importants, des allerretour liés à la non-préparation du travail ? Un regard avec les salariés est nécessaire pour comprendre le fonctionnement du process. « Les idées sont aiguillées par la hiérarchie. » La démarche se veut bottom up. On doit utiliser la connaissance terrain des opérateurs pour résoudre les difficultés. La posture de la hiérarchie doit s’appuyer sur la réalité des problèmes remontés par les opérateurs, pour les mettre en posture de trouver une solution. Si la solution a été trouvée ailleurs, alors une fois le diagnostic réalisé, la hiérarchie peut proposer d’analyser la solution externe et de la faire adapter par l’équipe. Toute imposition va tuer définitivement l’initiative locale : revoilà le chef qui sait et qui a toujours raison. À l’inverse, le hiérarchique doit devenir un animateur de progrès et faire construire au groupe la solution. Cela paraît une perte de temps, mais quel gain de temps ensuite ! « Dans les sites lean, l’objectif est de diminuer les effectifs de 20 %. » Effectivement, les percées sont d’un niveau significatif. Cela invite à réfléchir avant le lancement de la démarche sur ce que l’entreprise souhaite faire des marges de manœuvre dégagées. Si effectivement la démarche vise la diminution des effectifs, la démarche coopérative sera mise à mal. « Le projet lean répond souvent à une situation d’urgence. » La vision stratégique de la direction dans un espace-temps non contraint permet d’envisager l’ensemble des options mais aussi de tarder à se lancer dans la démarche. À l’inverse, la motivation peut être renforcée par une question de survie de l’entreprise dans un contexte de concurrence extrême. Il s’agit de bien expliquer la position et la stratégie de l’entreprise aux salariés. « Sauf à faire une vaste opération de réduction des coûts. » Les méthodes de cost killing sont particulièrement efficaces et moins voraces en énergie. Ces solutions sont pertinentes si la seule ambition de l’entreprise est de réduire ses coûts rapidement. Cependant, cette politique, surtout basée sur des renoncements, fonctionne à court terme, ou dans un domaine social particulier mais ne permet pas un développement durable. Si le domaine dans lequel évolue l’entreprise, ne requiert pas de main-d’œuvre qualifiée et si un turn over important ne compromet pas la viabilité de l’entreprise, alors le lean management n’est pas l’outil le mieux adapté. Votre modèle d’entreprise est différent de celui que nous avons examiné. Ces extraits sont issus d’un article paru dans Direct Matin, le 5 septembre 2011.

256 |

Benchmarking

À l’inverse, voici d’autres extraits d’articles à teneur favorable : « … comment cette entreprise a rattrapé son retard de 30 % de compétitivité par rapport à ses concurrents en instaurant un système participatif permettant d’identifier les problèmes et en se donnant les moyens de les traiter… »  « Ce travail de bénédictin est passé par la mise en place d’indicateurs quotidiens. Lorsqu’un problème est détecté, un petit chantier de réflexion se met en place façon commando pour s’y attaquer… « Parallèlement, un gros travail a été fait sur la responsabilisation des ouvriers… » « ... même démarche pour la machine révolutionnaire. C’était le secret le mieux gardé de l’entreprise. Il le restera. Car l’entreprise a longtemps vécu avec le fantasme de l’innovation de rupture qui allait sauver l’entreprise… » « ... Les gens qui développaient un produit ne connaissaient pas son prix de revient, avec les conséquences qu’on imagine en termes de dérapage sur les coûts en bout de processus… » Ces extraits sont issus d’un article paru dans Le Monde du 12 février 2011.

Les points clés concernant le lean dans la presse –– Le dévoiement du lean conduit à des dérives préjudiciables –– Le projet lean répond souvent à une situation d’urgence –– Le cost killing ne permet pas une performance durable

29.7 Quelques citations Au cours de mon activité, nombreux ont été à me rapporter des citations « clin d’œil » en lien avec l’excellence opérationnelle. Je ne résiste pas au plaisir de vous les transmettre, ajoutées à celles dont les sources sont sûres. « Pour être plus performant, il ne faut pas aller plus vite, il faut éviter le gaspillage des ressources utilisées. » Taiichi Ohno

| 257

Le lean management dans les services

« La contrainte crée le talent. » Collectif HEC

« Seuls les bébés mouillés aiment le changement. » 

Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie

« Se faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable. » Napoléon 1er

« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir. » Léonard de Vinci

« Savoir pour prévoir afin de pouvoir. » Auguste Conte

«  Ce qui est difficile ce n’est pas de prévoir l’avenir, c’est de le rendre possible. » Albert Camus « Si tu lui donnes un poisson, il le mangera. Si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira. »

Proverbe chinois

« Il y a rarement de véritable urgence, il n’y a que des gens en retard. » « Il faut changer quand tout va bien. » « Il vaut mieux avoir globalement raison, que précisément tors. » « Il y a des gens qui croient que leur appartement est haut de plafond alors qu’il est bas de plancher. » « Ce qui est juste est inapplicable, ce qui est applicable est faux. »

258 |

Conclusion  Et une fois le programme installé… Beaucoup m’interrogent sur la suite alors que le projet est largement terminé, que le programme est totalement déployé. Même si la phase de pérennisation est prépondérante, les regards de l’entreprise se tournent déjà vers d’autres enjeux, nouveaux, plus valorisant. Un des risques de la démarche se situe à ce niveau. Le changement de focale de l’entreprise. On peut et il faut challenger de nouvelles perspectives tout en assurant ses bases. Le lean fait partie de celles-ci. La phase de pérennisation est la plus sensible car elle garantit à la fois la poursuite de la performance mais évite aussi un retour arrière qui serait préjudiciable à l’organisation. J’ai l’habitude de m’appuyer sur la parabole du sportif. Sans un entraînement régulier, amélioré, les performances ne seront pas au rendez-vous. Sans un bon moral, une envie de poursuivre, de la ténacité dans l’effort, les résultats décevront. Sans une technique améliorée, revue, travaillée dans le détail, les progressions seront impossibles. Et une fois le palier de performance souhaitée atteint, que faire ? Du lean ! À chaque fois que vous avancez, vous ferez reculer l’horizon et vous verrez apparaître de nouvelles perspectives. Tels les conquérants de Maria de Heredia, qui penchés à l’avant des blanches caravelles, regardaient monter du fond de l’océan des étoiles nouvelles ! D’autre part, le contexte externe se chargera de vous apporter son lot de dé-optimisations. Au-delà de la recherche et de l’obtention d’une performance durable, le lean management ouvre une multitude de perspectives. Au travers de la connaissance de l’activité plus fine, les managers et les salariés verront de nouvelles pistes de progrès. Le rôle des managers, du chef d’équipe au dirigeant va se transformer et se revaloriser. Le lean management constitue un accélérateur de motivation.

Le lean management dans les services

Les salariés auront une meilleure compréhension de la performance et leur contribution à l’entreprise se renforcera. Les visites que j’ai pu faire m’ont démontré au travers des contacts avec les salariés de leur capacité à expliquer leur activité, leur contribution à l’amélioration de celle-ci. Le climat général de l’entreprise s’améliore. Le sens est mieux compris et le lean management contribue au mieux-être au travail. Le lean management peut constituer une démarche fédératrice des autres démarches que sont le contrôle interne, la qualité, l’innovation, le développement durable, la gestion du temps. Le lean management au travers du travail de fond conduit sur l’ensemble de l’entreprise constitue une formidable préparation de l’avenir. Il donne un avantage concurrentiel indéniable au travers de la performance dégagée mais aussi fortifie le savoir et les compétences des managers. Il forme une sorte d’élite au travers des acteurs du changement qui seront demain aux commandes des entités managériales. Certaines entreprises rencontrées ont d’ailleurs retenu le fait d’avoir été actrices du changement comme un critère impératif dans toute nomination de cadre de direction. Tous ces bénéfices se méritent. Vous avez, au travers de cet ouvrage, tous les ingrédients pour construire, déployer et réussir un programme de lean management dans les services. Vous aurez compris que le lean management ne s’improvise pas, au risque, tel l’apprenti sorcier de Paul Ducas, de ne plus rien maîtriser très rapidement. Beaucoup de nouveaux acteurs se disent surpris par le cursus de formation complet, que je leur propose. Voici la réponse que je leur donne : « Vous pouvez penser que ce cursus est long et qu’on peut faire plus simple, plus rapide… Certains s’y sont essayés… et nous savons désormais que l’on ne devient pas acteur de changement en respirant l’air d’une entité lean ou en faisant un stage de cinq jours. Le risque est de ne pas être à l’aise dans les situations rencontrées, de déformer les concepts, d’affadir la méthode, voire de faire des contre-référence, ce qui serait préjudiciable pour le programme et pour l’entreprise. La presse relate plein de cas où l’on confond efficience et cadence infernale. » Car au travers de ces formations complètes et de bon niveau, c’est l’avenir du programme qui est en jeu. Les futurs chefs de projets et les responsables passeront certainement par cette voie. Une dernière recommandation : pour votre programme, soyez ambitieux et exigeant, votre environnement se chargera de vous rendre raisonnable !

260 |

Glossaire Belt (green belt, black belt, master black belt) : termes permettant de repérer le niveau d’un manager ou d’un acteur d’entreprise formé au lean et en charge d’aider ou de conduire l’amélioration de la performance. BSC (balanced scorecard) : structuration des indicateurs de pilotage d’une organisation mise au point par Kaplan et Norton. BU (business unit) : entité de l’entreprise responsabilisée sur des résultats globaux, centre de profit. DMAIC (Définir, Mesurer, Analyse, Implémenter, Contrôler)  : structuration méthodologique pour conduire une percée lean. Efficience : rapport entre la performance et les moyens manœuvrant d’autres activités ou enjeux. Résultats bruts : dans l’ouvrage, comprendre les résultats obtenus sans minoration des ressources nécessaires à l’obtention de ces résultats. Cette notion est distincte du résultat brut d’exploitation. RVA : ratio de valeur ajoutée, indicateur pour mesurer l’efficience. SIPOC (supplier input process output customer, en français FournisseursEntrées-Processus-Sorties-Clients), VSM (value stream mapping, en français cartographie du flux de la valeur), VOB (voice of the business, en français Voix de l’entreprise), VOC (voice of the customer, en français Voix du client), AMDEC (analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité), 5P, SMED : acronymes des outils utilisés dans une démarche lean. Six Sigma  : méthode structurée de management servant à fiabiliser le produit du process.

Le lean management dans les services

SWOT : acronyme anglais (pour strengths, weaknesses, opportunities, threats ; en français forces, faiblesses, opportunités, menaces. Outil utilisé pour structurer une analyse de risque. Temps de gamme : temps nominal pour produire une activité élémentaire sans aléas. TRI : taux de rentabilité interne. VAN : valeur actuelle nette. Visite Gemba : visite terrain, « là où se trouve la réalité » (l’un des standards du lean management).

262 |

Bibliographie ♦ Les livres au cœur du sujet Midler Christophe, L’auto qui n’existait pas, Dunod, 1993.  Depuis sa parution, L’auto qui n’existait pas (la Twingo) est devenu l’ouvrage de référence sur les méthodes de management des projets dans les entreprises. Drew John, McCallum Blair et Roggenhofer Stefan, Objectif Lean – Réussir l’Entreprise au plus juste, enjeux techniques et culturels, Éditions d’Organisation, 2004. Ce livre montre comment s’engager dans l’aventure vers le lean pour transformer une entreprise en organisation plus performante. George Michael L., Qu’est-ce que le Lean Six Sigma ?, éditions Maxima Laurent du Mesnil éditeur, 2005. Un guide simple et pragmatique pour démystifier le lean et Six Sigma. Dies Agnès et Vérilhac Thierry, La démarche Lean, collection « 100 questions pour comprendre et agir », AFNOR Éditions, 2010. Une façon de rentrer dans les outils et les concepts, sujet par sujet classé selon le PDCA. Très pragmatique, chaque fiche explique les facteurs de réussite mais pointe aussi les risques (ou dévoiements). Michael L. George, Lean Six Sigma for Service: How to Use Lean Speed and Six Sigma Quality to Improve Services and Transactions, McGraw-Hill. Michael L. George est le fondateur et le directeur de George Group, le plus grand cabinet de conseil Lean Six Sigma aux États-Unis. Il explique comment utiliser la puissance du lean et du Six Sigma pour améliorer la qualité dans les services.

Le lean management dans les services

Hochet Xavier, Transformer l’entreprise – De la décision à l’action, Odile Jacob, 2008.  Se transformer est un impératif pour les entreprises comme pour les institutions politiques. Ce livre offre une grille de lecture, des repères une démarche pour parvenir à une meilleure intelligence des situations et du processus de transformation. Néré Jean-Jacques, Comment manager un projet, Éditions Demos, 2000. Les habitudes prises dans le management des projets enrichissent les capacités managériales des futurs dirigeants, préfigurent les modes de management transversaux, participatifs, générateurs de responsabilités, qui devraient inéluctablement s’imposer de façon universelle dans les années à venir. Lelou Robert, Marty Sandrine, Autissier David, Une innovation en conduite du changement : le projet Litchi à EDF, Éditions d’Organisation, 2008. Le projet Litchi a consisté à créer un référentiel de conduite du changement puis à former des salariés à ces outils et méthodes. Mis en œuvre dans une période de mutations, ce projet a eu pour objectif de développer des compétences internes dans ce domaine, condition essentielle pour réussir les mutations à venir.

♦ Livres sur des sujets connexes abordés dans le présent ouvrage Demeestère René, Lorino Philippe, Mottis Nicolas, Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise, Dunod, 2009. L’ouvrage analyse les approches traditionnelles du contrôle de gestion mais aussi les méthodes les plus novatrices de pilotage de l’entreprise (ABC, ABM, contrôle stratégique, BSC, gestion par processus, création de valeur.) Thévenet Maurice, Manager en temps de crise, Éditions d’Organisation, 2009. En clarifiant le contexte, les éléments et les clés de la crise, qui est aussi celle du management, l’ouvrage permet aux managers, aux dirigeants, mais aussi aux salariés de réévaluer leur rôle et le sens de leur action. Lebègue Daniel, Hirtzman Philippe, Baumstark Luc, Le prix du temps et de la décision publique, La documentation Française, 2005. Cet ouvrage collectif donne un éclairage pertinent sur le sujet de la révision du taux d’actualisation public.

264 |

Conclusion

Doz Yves et Kosonen Mikko, Fast strategy: how strategic agility will help you stay ahead of the game, Pearson Prentice Hall, 2008. Pourquoi certaines entreprises ne parviennent-elles pas à s’adapter au changement, alors que d’autres prospèrent sur le changement, les ruptures et la discontinuité ? Bonne question, extrêmement pertinente, car aujourd’hui, dans notre environnement comique en perpétuel glissement, si on ne sait pas s’adapter au changement, on est fichu. Ce livre montre comment développer une agilité stratégique, afin que votre stratégie reste toujours en tête et que vous restiez devant vos concurrents.

| 265

Annexes  Annexe 1 – La structuration d’un projet Voici les sous-étapes de chacune des quatre phases d’un projet.

♦ La phase d’exploration 1. Participer à la réflexion (comprendre = quel problème avons-nous). 2. Aider à faire émerger le projet (revendre le projet, reformuler). 3. Clarifier l’objectif. 4. Procéder à l’analyse des risques stratégiques (qu’est-ce qu’il se passe si cela fonctionne ?) analyse d’impact. 5. Rédiger le message : (clé de communication sur le projet, être homogène). 6. Rédiger la lettre de cadrage (mission, ressources).

♦ La phase de conception 1. Réaliser l’état des lieux (capitaliser l’existant), en particulier identifier les contributeurs du projet. 2. Définir les sous-objectifs (découpe les briques de base), en particulier la décomposition en lots de tâche (ou sous-projet selon le niveau), la valorisation en homme/jour. Mais ne pas trop rentrer dans le détail de manière à conserver une vue d’ensemble. 3. Écrire le plan, le pré scénario, en particulier mettre ensemble les acteurs pour construire le scénario de manière à gérer les interactions, facteur de risque de balkanisation, mais aussi prévoir une tolérance dans les liaisons. 4. Évaluer les ressources. 5. Solliciter les intervenants.

Le lean management dans les services

6. Caler les calendriers et les contraintes. Cela peut se faire par la charge (homme-jours) lorsque le projet s’appuie sur des processus connus ou par les délais (au plus tard fait pour) lorsque le projet est très innovant. Il faut a minima les briques de base. Il est profitable d’associer les acteurs. Le chef de projet ne se prononce pas sur le métier, il est animateur. 7. Procéder aux analyses des risques, en particulier (faire) analyser le process de chaque phase par l’acteur et par activité valoriser (1-10), selon le couple (possibilité, gravité), et proposer pour un indice fort des solutions pour décisions. 8. Lister les moyens et les coûts. 9. Établir la carte des résistances, en particulier repérer pour les allocataires l’adhésion/influence. 10. Consolider l’ordonnancement (permet d’établir le plan de charge). 11. Construire les tableaux de bords, s’appuyer sur le triptyque (qualité, coûts, délais), faire l’analogie avec le pilotage d’avion (cap, altitude, position, vitesse, poids, radio, carburant, fonctionnement moteur…). 12. Clarifier les instances d’encadrement du projet. 13. Construire le plan de communication ; 14. Planifier les réunions de suivi, rédiger le dispositif global du projet et faire valider par le commanditaire.

 La phase de préparation et de réalisation Voici les différentes étapes de la phase de préparation et de réalisation :

ffla constitution de l’équipe ; ffle lancement du projet ; ffle plan de déploiement ; ffle lotissement ; ffla réalisation de test des pilotes ; ffle plan de communication ; ffle plan de formation ; ffle suivi budgétaire ; ffle suivi des résultats ; ffle plan d’accompagnement ; ffle mode de pilotage ; ffl’arbitrage et la résolution de problème.

268 |

Annexes

 La phase bilan Voici les différentes étapes de la phase bilan :

ffle transfert des livrables ; ffle retour d’expérience ; ffle plan de dégréement ; ffle bilan du projet : ddbilan des actions menées ; ddbilan des coûts et des charges ; ddbilan technique ; ddbilan organisationnel ; ddbilan RH.

 Annexe 2 – Grille pour établir une lettre de cadrage La culture de projet est une culture de contrat, à faire signer pour un go avant la phase de conception. Le maître d’ouvrage décide sur la partie stratégique.

ffA/ Cadre de la demande : ddprovenance de la demande, maître d ‘ouvrage, maîtrise d’œuvre. ffB/ Objet de la demande : ddle contexte ; ddl’origine du besoin ; ddles enjeux ; ddles résultats attendus, les bénéfices recherchés ; ddles bénéficiaires ; ddle périmètre ; ddle livrable. ffC/ Modalités de réalisation : ddles contributeurs ; ddle contenu de la prestation ; ddla forme de la prestation ; ddles conditions des premiers tests ; ddles conditions matérielles et financières ; ddles contraintes, interactions et risques. ffD/ Les modalités de déploiement souhaitées : ddles délais, date début, date fin ; ddles conditions de déploiement ; ddle macroplanning.

| 269

Le lean management dans les services

 Annexe 3 – Grille de questionnement pour implanter un projet (cas du lean management) Cette grille de questions peut être facilement transposée à la thématique concernée par le projet que l’on souhaite installer. Thèmes stratégiques L’ambition du programme (durée, profondeur, contenu, efficacité voulue) L’organisation du pilotage du programme (rite et rythme de pilotage) Les priorités de déploiement (chemin) La communication, interne, sociale Le choix des acteurs de changement ou porteurs de la transformation (leur mission, leur formation) La transformation des pratiques managériales Thèmes opérationnels La préparation d’une vague, d’un chantier Le pilotage de la vague L’animation des acteurs de changement Le suivi des résultats L’animation des communautés La capitalisation des pratiques Thèmes techniques du chantier concernant le pilote stratégique La charte du projet La feuille de route du projet Les modalités de reporting

 Annexe 4 – Le point hebdomadaire d’un projet Ce formalisme prépare l’échange entre deux managers, il comprend plusieurs parties :

ffles actions de la semaine passée ; ffles résultats obtenus ou les bénéfices ; ffles préoccupations apparues ; ffles actions de la semaine suivante ; ffles demandes d’appuis.

270 |

Annexes

Une couleur pour indiquer la valeur ajoutée de la semaine par rapport à l’attendu. Ce point support prépare l’entretien entre les deux personnes. Ne pas considérer que ce seul échange de mail est autosuffisant. Il y a nécessité qu’il soit commenté.

 Annexe 5 – Construction d’une charte Une charte se construit en définissant les points suivants :

ffles objectifs ; ffle contexte ; ffla description macro du process ; ffle périmètre ; ffles points forts et les signes de non-performance ; ffles enjeux et les paris de performance voulue ; ffla planification du projet (calendrier et ressources) ; ffla mise en œuvre de standards managériaux ; ffannexes.

 Annexe 6 – Construction d’une feuille de route Une feuille de route se construit avec les éléments suivants :

ffune page de garde ; ffun engagement solennel ;

| 271

Le lean management dans les services

ffle plan d’action détaillé des actions engagées ou simplement identifiées (liste/date/site/pilote et niveau d’enjeu et d’accessibilité) ;

ffla mise en perspective des leviers sur les sites dans les prochains mois ; ffles indicateurs de suivi ; ffla trajectoire d’obtention et de réallocation des résultats ; ffles modalités de mise en œuvre ; ff… et des annexes.

 Annexe 7 – Guide pour réaliser une visite Gemba

1

3

2

Le management lean B/DB, BC/PH, MV E

4

Les leviers métiers et leur efficience

L’organisation du travail (planification, préparation, programmation, pilotage)

L’environnement de travail L’accompagnement des agents, des prestataires

Les résultats obtenus Leur mesure Leur usage

 Annexe 8 – Le « A3 » résolution de problème conduit en DMAIC Titre De quoi parle-t-on ?

272 |

D

L’enjeu Pourquoi en parle-t-on ?

D

Objectifs Où veut-on aller ? Quel bénéfice veut-on en tirer ?

M

La situation actuelle Où en sommes-nous ? Quelle est la mesure du problème ou l’opportunité ?

A

Analyse Quelle est la cause racine du problème ?

I

Solution proposée Quelle est la solution qui traite la cause racine ? Comment devons-nous fonctionner ? Quels sont les résultats attendus ?

I

Plan d’action Quelle sont les actions qui doivent être lancées pour mettre en œuvre la cible ? Comment devons-nous fonctionner ? Quels sont les indicateurs d’avancement ?

C

Suivi Quels sont les résultats ? Quels sont les enseignements à retenir ?

Annexes

 Annexe 9 – Démarrer et finir une réunion

| 273