Le Don de la grâce : Conférences de Francfort 1967-1970 226801245X, 9782268012452

« Le plus grand malentendu possible concernant les exercices spirituels repose sur le mythe de l'homme naturel, quo

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French Pages 341 [333] Year 1992

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Le Don de la grâce : Conférences de Francfort 1967-1970
 226801245X, 9782268012452

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KARLFRIED GRAF DÜRCKHEIM

LEDON DE LA GRACE Conferences de Francfort 1967-1970 Traduit de l'allemand par Philippe Giraudon

EDITIONS DU

ROCHER

Jean-Paul Bertrand

Titre original : H't'!g der Übung, Geschenk der Gnade. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation reserves pour tous pays. © N. F. Weitz Verlag, Aachen 1992, pour l'edition allemande. © Editions du Rocher, 1992, pour Ja presente edition. ISBN 2 268 01245 X

II faut que jamais nous ne nous reposions Jusqu'a ce que nous devenions Ce que de toute eternite En Dieu nous avons ete. Maitre Eckart

SOMMAIRE I. Introduction a la pratique de la voie interieure................................ Conference du 8 .07.1967 II. Le developpement de l'homme sur la voie innee en lui..................... Conference (premiere partie) du 4.11.1967 III. La meditation, voie de l'interiorisation de. l'homme.......................... Conference (seconde partie) du 4.11.1967 IV. Le travail personnel sur la voie initiatique .. . ............................. Conference du 8.0 1.1968 V. Quand l'homme est-il en son centre?.. Conference du 1.0 3.1968 VI. Le silence parle ...................... Conference du 4.05.1968 VII. Mediter aujourd'hui? ................. Conference du 6.07 .1968 VIII. La source du bien-agir .. ............. Conference du 5.10.1968 IX. La meditation et l'attitude meditative de base de l'homme dans l'agir et le non-ag1r ........................... . . Conference du 9 .02.196 9 X. La meditation comme exercice de la libe­ ration personnelle de l'homme. ....... Conference du 26.04.196 9

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XI. Monde de la production - v01e de la maturation. .......................... Conference du 5.07.1969 XII. Le monde des choses et la realite de la personne............................. Conference du 6.12.1969 XIII. Voie de l'exercice - don de la gräce .. Conference du 7.02.1970 XIV. La qualite de la transcendance dans rexperience vecue .................... Conference du 7.03.1970 XV. Niveaux d'humanite - mveaux d'exerc1ce ............... . ....... . ......... Confärence du 23.05.1970 XVI. Le passage a une nouvelle conscience de la realite............................. Conference du 4.07.1970 XVII. L'experience de la triple unite de l'etre aux trois niveaux du developpement humain............................... Conference du 3.1 0.1970 XVIII. La realite de l'homme en tant que sujet dans le monde des contraires qui est le s1en ................................. Conference du 5.12.1970 XIX. La vie et la mort, deux aspects de la vie superieure ........................... Conference du 4.04.1971 XX. La presence, condition de la v1e consciente ....... . ................... Confärence du 26.06.1971 XXI. La respiration, moteur de la trans­ formation.. .......................... Conference du 16.1 0.1971 12

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I INTRODUCTION A L� PRATIQUE DE LA VOIE INTERIEURE Je suppose que vous tous, qui venez aujourd'hui inaugurer avec nous nos reunions a Francfort, avez quelque idee de ce qui est ici en question. Cependant je voudrais commencer par le debut, et dire quelques mots sur la facon nouvelle dont, selon moi, l'homme moderne, et tout specialement en Occident, se trouve confronte a la question de la voie interieure. Cette question n'a cesse de s'imposer a Elmau, lors de cette reunion Oll l'on cherchait un point de rencontre entre l' « esprit occidental » et la « sagesse orientale ». Je n'ai pas du tout eu alors le sentiment d'etre le represen­ tant de la « sagesse orientale » - ni de la sagesse, ni de l'Orient- mais plutöt d'etre quelqu'un qui a entrepris de chercher en ce domaine Oll sont les differences, et Oll au contraire, et c'est la pour moi le plus important, apparait ce qui est commun a tous les hommes. Disons-le tout de suite : je crois qu'il n'y a rien en Orient, et cela vaut pour toutes les autres cultures, qui ne nous concerne de quel­ que facon, et peut-etre justement, d'abord dans les domaines Oll notre propre culture n'a pas apporte de solution satisfaisante. Je crois egalement que la tension entre l'esprit orien­ tal et l'esprit occidental a son origine a l'interieur de nous-memes, et que l'attrait exerce aujourd'hui par l'Orient sur l'Occident est lie au sentiment de l'homme occidental de trouver la-bas quelque chose qu'il n'a pas su pleinement realiser en lui-meme, et qui pourtant fait partie integrante de l'etre humain. 13

Telle est, ä mon avis, la premiere question que nous devons nous poser aujourd'hui : dans quel sens l'homme occidental ne se trouve pas pleinement realise dans le developpement de son etre, ou se trouve mis en question. On peut dire que l'humanite occidentale, et elle seule, est actuellement confrontee ä une situation sans precedent: voici en effet qu'un monde cree par l'homme, regi par ses techniques et son organisation, tend de plus en plus ä obeir ä ses propres lois, ä devenir autonome, et que l'homme, pour garder le contröle de ce monde, doit de plus en plus s'adapter ä son developpement autonome. Le resultat est qu'il se trouve lui-meme reduit ä une fonction, qu'il devient pour ainsi dire un rouage du monde, dans lequel ce qui constitue proprement l'humanite se trouve mis en question. Representons-nous vraiment cet homme d'aujourd'hui, qui tend ä devenir simple fonction­ naire d'un monde cree par lui mais que sa logique entraine vers un fonctionnement autonome, excluant toute opposition: qu'est-ce qui se perd alors en lui? Je voudrais ici donner quelques eclaircissements. Tout d'abord, je crois que ce monde-lä, qui est le nötre aujourd'hui, est avant tout un monde masculin, et que la part feminine de l'humanite est en recul. Bien sur, il est beaucoup question de nos jours de l'emanci­ pation de la femme, mais il me semble qu'il s'agit sur­ tout jusqu'ä present de l'emancipation de ce qu'il y a de masculin dans la femme, qui proclame: « Je puis faire ce qu'il fait. » Quant ä l'emancipation de la femme, nous l'attendons encore. Et pourtant eile serait bien necessaire„ pour emanciper la part feminine de l'humanite, et ce non seulement dans la femme, mais aussi dans l'homme. Nous touchons ici un point essen­ tiel, que je retrouve sans cesse dans mon travail quoti­ dien: l'etre humain ne realise pas sa part feminine. En second lieu, dans ce monde masculin ou il devient le fonctionnaire d'un ordre rationnel, dont tous les composants doivent etre aussi interchangeables que possible, l'etre humain est remis en question dans son individualite. L'individualite en tant que telle derange. 14

Enfin le troisieme point, et le plus important a mon sens: la realite oü. nous vivons se reduit de plus en plus pour notre conscience a la realite qu'il est possible de percevoir et de maitriser rationnellement. On peut dire aussi que la realite se confond avec le monde, ainsi le meilleur sujet souhaitable dans ces conditions est-il le moi conforme a l'ordre du monde, celui qui percoit le monde et le maitrise, mais aussi qui depend de lui : le moi profane. A la suite de quoi l'autre pöle de l'huma­ nite se retrouve completement occulte. Ce pöle est hors du monde. 11 n'est pas natif, comme des dons herites de nos parents ou de nos grands-parents, mais inne; independant du monde, il prend necessairement corps dans l'etre humain et tend dans quelque situation que ce soit a se manifester. Ce pöle, Maitre Eckart l'appelle l'Etre. C'est de lui que je tiens ce concept : l'Etre comme mode de presence en chacun de nous d'une realite superieure, qui tend en nous et a travers nous a se manifester dans le monde. 11 existe en nous une dimension ou un pöle, une realite, un Etre, qui ne se confond pas avec le moi profane, et n'est pas comme lui contingent mais absolu. Confronte a cet Etre, l'homme peut se refugier dans son moi profane ou, au contraire, s'ouvrir de nouveau au surnaturel. C'est 1a la these fondamentale de toute la sagesse orientale. Mais ne s'agit-il pas que d'un postulat meta­ physique, de la reverie d'une imagination en quete d'un ailleurs? L'Orient tout entier repond : non. Pour en temoigner, il suffit d'un etre humain, libre encore de tout prejuge, qui s'examine lui-meme. A certains moments il fait l'experience en lui-meme d'une dimen­ sion radicalement differente, dans son essence comme dans ses effets, de celle a laquelle il est confronte en tant que moi soumis aux conditions du monde. Nous nous trouvons ici devant une difference pro­ fonde entre l'homme occidental moderne et l'oriental, et sommes ainsi amenes a nous poser une question : « Cette experience est-elle specifique a l'Orient? » En aucun cas. 11 s'agit au contraire d'une caracteristique de 15

I'humanite taut entiere, et notre humanite doit elle aussi la retrouver. Si nous nous demandons quels sont en somme les fondements de la civilisation occiden­ tale, nous en trouvons essentiellement deux. D'une part, elle repose sur la connaissance, fruit d'une elabo­ ration de la perception du reel par les sens, et debou­ chant sur les sciences physiques et la technique, gräce auxquelles l'homme a reconnu et maitrise empirique­ ment le monde. En second lieu, elle se fonde non plus sur l'experience materielle des sens et la connaissance qui en decoule, mais sur la foi en une Revelation sur­ naturelle, ignoree de l'Orient. L'Orient en effet n'a jamais connu comme nous cette foi, cette croyance en un Dieu lointain, et jamais non plus il n'a cru que la rationalite, cette connaissance fondee sur l'analyse de l'experience sensible, puisse enseigner quoi que ce soit sur l'essence de l'humanite et le sens de la vie. L'Orient a developpe une troisieme voie, qui plonge en nous jusqu'ä. l'experience interieure : celle, fondamentale, de la souffrance et de la mort. A cette profondeur, l'homme vit une experience surnaturelle, ou une reve­ lation naturelle d'une autre dimension, dont la pre­ sence le rend capable de realiser des choses qui, sinon, lui seraient invisibles et impossibles. Elle lui donne acces ä. une liberte qui le delivre de la peur de mourir. Elle lui permet de suivre une voie qui doit l'amener ä. s'ouvrir de plus en plus en lui-meme ä. cette autre rea­ lite. Progressant d'experience en experience, l'homme aura le sentiment de ne plus faire qu'un avec cette rea­ lite profonde, et pourra alors commencer ä. vivre egale­ ment dans le monde comme un homme nouveau nouveau en comparaison de celui qu'il etait aupara­ vant. Une question se pose ici: « Dans quel sens tout cela affecte-t-il notre tradition religieuse? » Que l'on se sente chretien, pratiquant ou non, on ne peut passer ce probleme sous silence. Quelles sont donc les positions en presence? Pour resumer : la foi chretienne repose sur la conception d'un Dieu qui, en derniere analyse, 16

est separe de l'homme par une distance infran­ chissable, qui est personnel et attend de l'homme qu'il se developpe egalement comme une personne. C'est une foi personnelle en un Dieu personnel, et malgre toutes les possibilites qu'a l'homme de se rapprocher de lui par l'amour, de se sentir son enfant, la distance qui le separe de ce Dieu demeure irreductible. Radi­ calement differente, la conception religieuse de l'Orient repose sur un Etre total unique, qu'au fond de lui­ meme l'homme est, en tant que modalite particuliere de cet Etre. Tout ce qui nous oppose en tant que moi au monde, ou oppose ä nous-memes un monde aux multiples objets, n'est qu'illusion en face de cette rea­ lite, y compris le moi. Affirmation ambitieuse qui, depuis des millenaires, chez les bouddhistes comme chez les hindouistes, repose sur l'experience de la mort. De mort en mort, de renoncement en renoncement, l'homme peut parvenir ä eprouver la presence d'un Etre, dans lequel il se sait fondamentalement en union avec tout ce qui est, et en particulier avec tous les humains. A partir de lä il s'est libere de toute depen­ dance vis-ä-vis de ce monde, et de ce moi, qu'il nomme aussi bien nature de Bouddha que l'Atman en tant qu'etre individuel par lequel Brahman - la grande Totalite unique - est present en lui. Cet Etre total unique est un CA, impersonnel, au-delä de tous les objets, the real seif, et ne se confond pas avec le soi de C.G. Jung; il s'agit ici de l'Un unique. Et l'homme ne parvient ä soi que dans la mesure ou il a fait l'experience en lui-meme de ce grand Soi. Il semble en fait qu'il y ait lä un antagonisme irreduc­ tible. D'un cöte, une conception, une religiosite, qui en appelle ä la realisation possible de la personne dans l'individu, lequel en derniere analyse se sent du debut ä la fin confronte ä un Dieu personnel; de l'autre, une conception d'une realite humaine essentiellement impersonnelle, participant de la grande Totalite unique. Ainsi presentees, ces deux positions sont inconciliables; on ne peut adherer ä la fois ä l'une et ä 17

l'autre. Comment les reunir? Elles s'excluent mutuelle­ ment comme l'inspiration et l'expiration: on ne peut a la fois inspirer et expirer. Mais qu'en est-il en realite? En realite chacun inspire et expire. Ici s'ouvre une pers­ pective radicalement differente, a savoir que ce qui semblait au depart deux positions irreconciliables peut etre considere comme un processus dialectique, a l'image de I'inspiration et de l'expiration. La Oll l'homme se represente lui-meme trop exclusivement comme personne, comme moi, il court le risque de se figer en une individualite coupee de la grande Totalite unique. Qu'au contraire l'on veuille renoncer a toute individuation, ne parler que de la Totalite unique, on se coupe finalement d'une partie du reel dans la mesure Oll plus rien ne subsiste de l'homme comme individu. Ainsi s'impose la question d'un mouvement entre ces deux p6Ies, du dehors au-dedans, du yang au yin, qui nous ouvre des horizons nouveaux. Quel est en effet le mouvement fondamental, la grande Respiration de la vie? La vie fait surgir d'elle­ meme la plenitude des formes, chacune dans son indi­ vidualite et sa perfection, avant de ramener cette pleni­ tude a elle en un mouvement de retour a une Totalite unique au-dela de toute individualite. Mais du sein de ce Tout la vie resurgit, en cette forme individuelle qui aspire a sa perfection et doit retourner a la Totalite unique, en un processus infini, que nous voyons effec­ tivement a l'reuvre dans chaque etre vivant. Mais que le diable s'en mele, et le mouvement s'interrompt soit au debut - et tout se fige -, soit a la fin - et tout se dis­ sout. Tels sont les deux dangers majeurs qui menacent l'Occident et l'Orient. Cette image en fait nous donne la ligne de conduite a tenir pour tout ce qui est exercice spirituel. Si la vie - et quel maitre doit servir nos exercices sinon la vie, la grande vie - si la vie est bien ce mouvement, alors vrai­ ment tout exercice spirituel ne peut etre que l'initiation de l'homme a ce mouvement. Et c'est egalement ainsi que je concois notre travail aujourd'hui.

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Laissons maintenant de cöte tout ce que l'on pour­ rait detailler sur le theme Orient-Occident, et pre­ nons-le plutöt pour point de depart. Quelles sont les conditions intellectuelles que l'on doit maintenant avoir presentes a l'esprit pour bien s'engager soi-meme dans l'exercice spirituel? Pour le savoir, je crois qu'il suffit de considerer rapidement les conditions de deve­ loppement d'un etre humain du stade de nourrisson a l'äge adulte. Deux caracteristiques conditionnent de maniere decisive le developpement du petit enfant. Tout d'abord, il ne fait encore qu'un avec la vie. Mais il ne devient veritablement un etre humain qu'au moment Oll il perd cette unite, dans une confrontation soudaine avec un irreductible toi. A l'instant Oll il demande « Qu'est-ce que c'est? », le flux du monde brusquement s'interrompt, se cristallise en un concept : « C'est cela. » Dans la prise de conscience du « Cela c'est cela » et « Moi je suis moi », surgit une structure statique dans l'homme en tant qu'etre de conscience, en opposition, dans une certaine mesure, avec le mou­ vement eternel de transformation de la vie qui en l'homme poursuit son cours. Il ne devient un etre humain qu'a partir du moment Oll il devient un moi, prend possession d'un monde compose d'objets qu'il determine et donc etablit, et Oll il peut lui-meme s'eta­ blir fermement dans le flux du devenir, adopter des positions theoriques ou pratiques, qu'ensuite il sou­ tiendra et sur lesquelles il se reposera en toute cir­ constance. C'est dans cette tension entre, d'une part, une realite statique - que l'on peut reconnaitre ration­ nellement, faconner et ordonner systematiquement Oll l'homme s'etablit dans l'assurance de sa personna­ lite au sein d'un monde eprouve Oll il s'oriente selon un systeme de valeurs, et d'autre part, la vie concue comme une perpetuelle mutation, que l'etre humain se constitue. Cette tension definit aussi l'opposition entre le moi conscient rationnel - pour lequel (depuis Des­ cartes) seul est reel ce qui s'inscrit dans une suite ordonnee de concepts, dans la realite du moi profane 19

et l'autre pöle de l'etre humain, correspondant ä la vie en perpetuelle mutation au-delä de tout concept ration­ nel. C'est de ce fait que nous allons maintenant partir. Ce fait n'est pas une notion theorique, dont on pourrait discuter la validite, mais une evidence indiscutable. Tous les exercices pratiques que nous voudrions commencer aujourd'hui doivent reposer de meme sur des faits indiscutables. Pour etre plus clair, je vais prendre l'exemple de l'apprentissage de la respiration. La technique yoga de la respiration a ete inventee par l'homme ä des fins bien precises. Cette technique peut etre excellente, mais elle est discutable. 11 existe cepen­ dant une respiration qui n'est pas une invention humaine : la respiration naturelle. Autant les exercices du yoga peuvent etre discutes et remis en question, autant un exerdce de la respiration n'a pas ä. etre dis­ cute mais seulement accepte : celui qui cree les condi­ tions necessaires ä. l'epanouissement de la respiration naturelle. A la question: « Quel exercice de respiration pratiquez-vous? » un maitre zen repondra : « Cela fait trente ans que je m'efforce de laisser aller ma respira­ tion sans l'entraver. » 11 prend pour repere la respira­ tion que la nature lui a donnee. Un exercice qui irait ä l'encontre de cette loi serait discutable, par exemple un exercice vous obligeant ä. retenir votre souffie. Retenir son souffie peut etre important ä. certaines fins, mais quand il s'agit de rendre ä. l'etre humain son equilibre d'ensemble, un tel exercice devient problematique. C'est pourquoi je voudrais ici ne parler de rien, ne rien proposer, recommander ou faire, qui puisse preter ä ce genre de discussion. Si dans ces conditions nous nous demandons: quelle est donc cette voie interieure dont il est question? Voici quelle sera la reponse: il s'agit de la voie qui rend l'homme capable ä. travers la structure necessairement plus ou moins figee de la realite de son moi profane, de sentir en lui-meme la presence de l'autre dimension. A partir de cette experience, il convient de developper

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une forme d'etre au monde qui le maintienne dans un etat de receptivite vis-ä.-vis de ce Tout Autre en lui, et lui permette d'affirmer cette presence dans le monde, dans sa realite quotidienne. Il devient ainsi une per­ sonne. Et nous sommes alors confrontes au devoir de la « voie initiatique ». Je voudrais preciser le sens de cette expression, qui peut-etre est nouvelle pour certains d'entre vous. 11 existe une religion de la foi, qui implique l' obeissance a la foi, et il existe une religiosite fondee sur des expe­ riences et qui, au bout du compte, est une religiosite de l'obeissance a l'experience, c'est-ä.-dire du devoir de se conformer aux experiences les plus profondes de l'etre humain. Guardini dit un jour: « Nous oublions parfois de nos jours que les concepts religieux fondamentaux, y compris Dieu, ne sont ä. l'origine que l'interpretation d'experiences. » Ainsi nous courons aujourd'hui sans cesse le