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English Pages 123 [125] Year 2006
Le dépistage du cancer colorectal État des lieux et perspectives
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Étienne Dorval
Le dépistage du cancer colorectal État des lieux et perspectives
Étienne Dorval CHRU de Tours Hôpital Trousseau 37044 Tours Cedex 1
ISBN-10 : 2-287-32802-5 Springer Paris Berlin Heidelberg New York ISBN-13 : 978-2-287-32802-2 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
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SPIN : 11683513 Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Liste des auteurs
Arber Nadir
Unité de prévention des cancers Service de gastro-entérologie Tel Aviv Sourasky Medical Center, Tel Aviv University 6 Weizmann Street, Tel Aviv 64239, Israël
Abolhassani Mohammad
Service d’hépato-gastro-entérologie CHU Henri-Mondor 51, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny 94010 Créteil, France
Bejoul Bakthiar
Unité de prévention des cancers Service de gastro-entérologie Tel Aviv Sourasky Medical Center, Tel Aviv University 6 Weizmann Street, Tel Aviv 64239, Israël
Benamouzig Robert
Service de gastro-entérologie Hôpital Avicenne 125, rue de Stalingrad 93009 Bobigny Cedex, France
Bretagne Jean-François
Service des maladies de l’appareil digestif CHU Pontchaillou 2, rue Henri-le-Guilloux 35033 Rennes, France
Caroli-Bosc François-Xavier
Service de gastro-entérologie CHU Nice Route Saint-Antoine Ginestière BP 3079 06202 Nice Cedex, France
6 Le dépistage du cancer du colorectal Dorval Étienne
Service de Gastro-entérologie CHU Trousseau 37044 Tours Cedex 1, France
Faivre Jean
Registre bourguignon des cancers digestifs (INSERM EMI 0106) Faculté de médecine 7, boulevard Jeanne d’Arc BP 87900 21079 Dijon Cedex, France
Heresbach Denis
Service des maladies de l’appareil digestif CHU Pontchaillou 2, rue Henri-le-Guilloux 35033 Rennes, France
Lejeune Catherine
Registre bourguignon des cancers digestifs (INSERM EMI 0106) Faculté de médecine 7, boulevard Jeanne d’Arc BP 87900 21079 Dijon Cedex, France
Lepage Côme
Registre bourguignon des cancers digestifs (INSERM EMI 0106) Faculté de médecine 7, boulevard Jeanne d’Arc BP 87900 21079 Dijon Cedex, France
Mitry Emmanuel
Service d’hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive CHU Ambroise-Paré 9, avenue Charles-de-Gaulle 92100 Boulogne, France
Sobhani Iradj
Service d’hépato-gastro-entérologie CHU Henri-Mondor 51, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny 94010 Créteil, France
Sommaire
Rationnel du dépistage
.................................................................................................................
9
Emmanuel Mitry
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France ........................................................................................................................................................ 21 Côme Lepage et Jean Faivre
Tests fécaux de dépistage du cancer colorectal en dehors de l’Hemoccult II® et des tests moléculaires .............................................................. 33 François-Xavier Caroli-Bosc et Étienne Dorval
Dépistage des tumeurs colorectales par les tests moléculaires
...
43
Iradj Sobhani et Mohammad Abolhassani
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou coloscopie virtuelle .................................................................................................................. 57 Denis Heresbach et Jean-François Bretagne
Dépistage du cancer colorectal : quelles techniques endoscopiques pour demain ? .............................................................................................. 101 Robert Benamouzig, Bakthiar Bejoul et Nadir Arber
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal .......................................................................................................................... 111 Catherine Lejeune
Rationnel du dépistage É. Mitry
Introduction L’objectif du dépistage de masse d’un cancer est de diminuer au niveau de la population le taux de mortalité par ce cancer en identifiant, dans une population apparemment indemne, les sujets atteints du cancer ou d’une lésion précancéreuse à un stade curable. Pour qu’un dépistage de masse soit utile en terme de santé publique, le cancer dépisté doit remplir un certain nombre de conditions : tumeur fréquente, grave, curable à un stade précoce et pour laquelle un test de dépistage est disponible. Le cancer colorectal remplit ces conditions. Il s’agit en effet d’un cancer fréquent (troisième cancer le plus fréquent après le cancer du sein et de la prostate avec une estimation de 36 250 cas incidents pour l’année 2000 en France) et grave (plus de 16 000 décès par an) (1), précédé dans 60 à 80 % des cas d’un polype adénomateux (2) dont l’exérèse permet de prévenir la transformation maligne (3, 4). La très grande majorité des cancers colorectaux survient chez des sujets de plus de 50 ans ne présentant pas de facteur de risque identifié. C’est à cette population à risque moyen, estimée à 12 millions de personnes âgées de 50 à 74 ans en France, que s’adresse le dépistage de masse. On estime que le risque d’avoir un cancer colorectal entre 0 et 74 ans est de l’ordre d’une personne sur 25 et que l’objectif du dépistage organisé est de détecter les 50 sujets atteints d’un cancer encore asymptomatique parmi les 10 000 personnes dépistées. À court terme, et tant que l’état des connaissances ne permettra pas de définir une politique de prévention primaire, le dépistage de masse organisé est le seul moyen de réduire la mortalité par cancer colorectal (5). Il est fondamental de bien comprendre qu’il s’agit d’une démarche de santé publique et non d’une action individuelle. Les personnes appartenant aux groupes à haut risque (sujets ayant un ou plusieurs apparentés au premier degré atteints de tumeur colorectale, antécédent personnel d’adénome ou de cancer colique, pancolite inflammatoire) ou à très haut
10 Le dépistage du cancer colorectal risque de cancer colorectal du fait d’une prédisposition génétique (polypose adénomateuse familiale ou syndrome HNPCC) sont exclus du dépistage de masse mais doivent faire l’objet d’un dépistage individuel par coloscopie selon les recommandations de la Conférence de consensus de 1998 (6).
Dépistage de masse du cancer colorectal par recherche d’un saignement occulte La recherche d’un saignement occulte dans les selles est actuellement la méthode de référence pour le dépistage de masse du cancer colorectal. Le principe de cette méthode, utilisée pour la première fois en 1967 (7), est de mettre en évidence la présence de sang ou de ses dérivés dans les selles. Deux principaux types de tests existent : les tests au gaïac et les tests immunologiques (8). Les tests au gaïac révèlent la présence de peroxydase dans les selles mais ne sont pas, contrairement aux tests immunologiques, spécifiques de l’hémoglobine humaine. Un groupe d’experts cancérologues de l’Union européenne a recommandé d’utiliser les tests au gaïac en cas de dépistage de masse et déconseillé l’utilisation des tests immunologiques (9). Des données nouvelles concernant l’utilisation de ces tests immunologiques sont cependant disponibles depuis la publication de ces recommandations et seront présentées dans un autre chapitre de cet ouvrage.
Test Hemoccult II® Le test Hemoccult II® est actuellement le test recommandé dans le cadre du dépistage organisé car c’est le test qui a été le mieux évalué et qui présente les critères requis pour un test de dépistage de masse (simple, peu coûteux, indolore, reproductible, fiable, validé). Il est constitué d’un papier réactif imprégné de gaïac situé dans une petite plaquette en carton. Le sujet prélève et applique lui-même sur le disque de papier un petit fragment de selle fraîchement émise au moyen d’une spatule fournie avec la plaquette. La lecture se fait après adjonction d’une solution alcoolique d’eau oxygénée sur le papier réactif et le test est considéré comme positif si une coloration bleue apparaît en moins d’une minute. En cas de test positif, une coloscopie doit bien sûr être réalisée. Pour améliorer la qualité du test, il est recommandé de faire deux prélèvements par selle sur trois selles consécutives. Une étude a en effet montré que le premier prélèvement ne détectait que 58 % des cancers trouvés après l’analyse de trois prélèvements (10). Lorsque le test Hemoccult II® est réalisé sans régime alimentaire et lu sans réhydratation, le taux de positivité dans une population de plus de 50 ans est en moyenne de 2 %. Sans réhydratation, sa spécificité est de 98 à 99 % et une valeur prédictive positive (VPP) voisine de 10 % pour un cancer et 30 % pour un adénome (11). La sensibilité du test étant surestimée chez les patients présentant un cancer et la réalisation systématique d’une coloscopie n’étant pas envisageable en cas de test de dépistage négatif, la sensibilité de l’Hemoccult II® a été estimée à l’aide d’une modélisation de l’histoire naturelle de
Rationnel du dépistage 11 la maladie et de l’ajustement du modèle à l’aide des résultats des programmes de dépistage. Les études réalisées estiment que cette sensibilité se situe entre 19 et 23 % pour les adénomes de 1 à 2 centimètres, entre 33 et 75 % pour les adénomes de plus de 2 centimètres (12, 13) et entre 50 et 60 % pour les cancers (14-16). La réhydratation n’est pas recommandée car elle augmente la sensibilité du test mais diminue sa spécificité à 90 %, augmente le taux de faux positifs et donc le nombre de personnes chez qui devra être réalisée une coloscopie (11, 17, 18). Bien que les aliments riches en peroxydase tels que les fruits, les légumes et la viande rouge puissent entraîner des faux positifs, une restriction alimentaire ne paraît pas nécessaire avant la réalisation du test et n’est donc pas recommandée (19). La vitamine C à forte dose peut inhiber la réaction du gaïac (20). Dans le cadre du dépistage de masse organisé, la lecture des tests doit impérativement être centralisée afin d’augmenter la qualité des résultats et de minimiser les erreurs d’interprétation. Les centres de lecture doivent disposer d’un personnel formé dans un centre de référence, réaliser une double lecture concomitante par deux techniciens de laboratoire et effectuer un contrôle de qualité interne. Remis et analysé gratuitement dans le cadre des programmes de dépistage organisé, le test Hemoccult II® est également disponible en officine sans ordonnance mais n’est pas remboursé et sa lecture ne constitue pas un acte de biologie médicale. Les autres tests au gaïac disponibles (hemo FEC®, Hemoccult Sensa®...) sont présentés dans un autre chapitre de cet ouvrage.
Diminution de la mortalité par cancer colorectal après dépistage de masse Études cas témoins Six études cas témoins ont été réalisées dans des populations où le dépistage avait été mis en place. Ces études permettent d’évaluer rétrospectivement l’efficacité théorique du dépistage en comparant l’histoire du dépistage des sujets décédés d’un cancer colorectal à celle de témoins appariés pour le sexe, l’âge et le lieu de résidence. Elles permettent d’estimer l’efficacité du dépistage dans des conditions idéales c’està-dire dans l’hypothèse d’un taux de participation de 100 %, ce qui n’est jamais le cas en pratique. Dans cinq études le test de dépistage était le test Hemoccult II® (2125), dans la sixième le test de dépistage était un test immunologique (26). Les résultats suggèrent une diminution de 30 à 40 % du risque de décès par cancer colorectal en cas de dépistage (tableau I).
Études randomisées Minnesota Colon Cancer Control Study L’étude contrôlée réalisée dans le Minnesota a inclus 46 551 volontaires âgés de 50 à 80 ans au début de l’étude et randomisés en trois groupes : Hemoccult II® annuel, Hemoccult II® tous les deux ans et groupe témoin (18). Contrairement aux études
12 Le dépistage du cancer colorectal Tableau I - Résultats des études cas témoins. Proportion de sujets ayant participé au dépistage ( %)
Hemoccult II® Selby (21) Wahrendorf (22) – Hommes – Femmes Lazovich (23) Zappa (24) Faivre (25) Test immunologique Saito (26)
Odds-ratio (risque de décès par cancer colorectal)
Intervalle de confiance à 95 %
Cas
Témoins
31,5
42,8
0,7
0,5-0,9
13 16 8,3 22,3 49,4
14 29 15,6 28,5 61,1
0,9 0,4 0,5 0,6 0,7
0,6-1,7 0,3-0,7 0,3-0,9 0,4-0,9 0,5-0,9
5,9
12,1
0,4
0,1-0,9
européennes décrites plus loin, il ne s’agissait pas d’une étude de population mais d’une étude faite chez des volontaires. Ceci explique que la participation ait été importante (90 % des sujets ont réalisé au moins un test de dépistage et 46 % ont participé à toutes les campagnes de dépistage) et que les résultats de cette étude ne soient pas extrapolables à une population générale non sélectionnée. Le test Hemoccult II®, lu après réhydratation, avait un taux de positivité élevé de 9,8 % et 38 % des sujets dépistés annuellement ont eu une coloscopie durant la période de l’étude, ce qui est largement supérieur aux valeurs attendues dans le cadre d’un dépistage de masse organisé. Après treize ans de suivi, il existait une réduction significative de 33 % de la mortalité par cancer colorectal chez les sujets dépistés annuellement par rapport aux témoins. Cette réduction n’était que de 6 %, non significative, en cas de dépistage biennal (18). Après dix-huit ans de suivi, la réduction de mortalité était significative après dépistage annuel ou biennal (diminution de 33 % dans le groupe dépisté tous les ans et de 21 % dans le groupe dépisté tous les deux ans) (27). Études européennes Quatre études contrôlées de population réalisées en Europe ont évalué le dépistage de masse par Hemoccult II® (28-31). Le test Hemoccult II® était proposé à la moitié de la population, le reste de la population servant de témoin. Les principales caractéristiques et les résultats de ces études sont présentés au tableau II. L’étude suédoise (28) a inclus 63 308 sujets âgés de 60 à 64 ans. Le test de dépistage, envoyé par la poste, n’a été réalisé que deux fois avec un simple suivi ensuite et était lu après réhydratation partielle lors de la première campagne et
Rationnel du dépistage 13 Tableau II - Résultats des études prospectives. Minnesota (37)
Angleterre (29, 32)
Suède (28)
Danemark (30, 33, 34)
France (31)
1975
1981
1982
1986
1988
Nombre de sujets
46 551
152 850
63 308
61 933
91 199
Âge
50-80
45-74
60-64
45-74
45-74
annuel et biennal
biennal
biennal
biennal
biennal
Suivi (an)
18
18
–
17
11
Nombre de campagnes
–
6
2
9
6
90 % 90 %
59,6 % 53,4 %
69 % 66 %
67 % 67 %
69,5 % 52,8 %
annuel : 46 % biennal : 60 %
38 %
62 %
43 %
53,8-58,3 %
Année de début
Répétition du test
Participation – au moins 1 test – 1re campagne – campagnes suivantes
Taux de positivité – 1re campagne non réhydraté : 2,4 % 2,1 % 6,3 % réhydraté : 9,8 % (partiellement 1,0 % 2,1 % réhydraté) – autres campagnes 1,3 % 5,6 % 0,8-3,8 % 1,2-1,5 % (réhydraté) VPP(1) Réduction mortalité(2) Réduction mortalité chez volontaires ou participants au dépistage(2) (1) (2)
non réhydraté : 5,6 réhydraté : 2,2
11,9
4,7
5,2-18,7
11,5
annuel :
0,87
0,88
0,84
0,84
0,67 (0,51-0,83) (0,78-0,97) (0,71-1,03) (0,73-0,96) (0,71-0,99) biennal : 0,73 0,79 (0,62-0,97) (0,57-0,90)
?
0,57 (?)
0,67 (0,56-0,81)
VPP : valeur prédictive positive. Risque relatif de décès par cancer colorectal (intervalle de confiance à 95 %).
réhydratation complète lors la seconde. Pour ces raisons, l’intérêt de cette étude reste limité. L’étude anglaise (29, 32) a évalué un dépistage par test biennal chez 152 850 personnes (dont 2 599 ont été exclus de l’analyse) âgés de 45 à 74 ans. Le test était envoyé par le médecin traitant et lu sans réhydratation. En cas de difficulté
14 Le dépistage du cancer colorectal d’interprétation, un nouveau test était refait après restriction alimentaire. Les campagnes de dépistage ont été interrompues en 1995 et les sujets, ayant participé à 3 à 6 campagnes en fonction de leur date d’inclusion dans l’étude, ont été suivis depuis. Près de 60 % des personnes du groupe dépistage ont réalisé au moins un test et 38,2 % ont participé à l’ensemble des campagnes. Le taux de participation à la première campagne était de 53,4 %. Ce taux variait de 34 % chez les hommes âgés de 45 à 49 ans à 59 % chez les femmes âgées de 55 à 59 ans. Le taux de positivité des tests était de 2,1 % pour la première campagne et de 1,3 % ultérieurement avec une VPP de 11,9 pour le diagnostic de cancer. Les tumeurs étaient diagnostiquées plus précocement dans le groupe de patients dépistés, avec 20 % de tumeurs au stade Dukes A contre seulement 11 % dans le groupe des patients non dépistés (p < 0,001) et 46 % de tumeurs au stade Dukes C ou D contre 52 % (p < 0,01). Après un suivi médian de 7,8 ans, il existait une réduction significative de la mortalité par cancer colorectal de 15 % (Odds ratio 0,85, IC 95 % : 0,74-0,98, p = 0,023) pour les personnes du groupe dépistage (29). Les résultats actualisés après un suivi médian de 11,7 ans montrent une réduction de la mortalité de 13 % dans le groupe dépistage et de 27 % pour les personnes ayant effectivement réalisé le dépistage (32). Les bénéfices du dépistage n’étaient pas différents en fonction du sexe ou du site tumoral. L’étude danoise a également évalué un dépistage par test biennal, chez 61 933 sujets âgés de 45 à 74 ans (30, 33). Le test était envoyé par la poste et lu sans réhydratation. Neuf campagnes de dépistage ont été réalisées entre 1985 et 2002 (34). Le taux de participation à la première campagne était de 67 %. Au cours des différentes campagnes, le taux de positivité du test variait de 0,8 % à 3,8 % (1,0 % pour la première campagne et 1,4 % pour la neuvième). Le taux cumulé de coloscopies réalisées dans le groupe dépisté était de 5,3 % et 93,2 % des personnes avec un test Hemoccult II® positif ont eu au moins une coloscopie. Les bénéfices du dépistage n’étaient pas différents en fonction du sexe ou de l’âge. Les tumeurs étaient diagnostiquées plus précocement dans le groupe de patients dépistés avec 36 % de tumeurs au stade Dukes A contre seulement 11 % dans le groupe des patients non dépistés. Il existait une réduction significative de la mortalité par cancer colorectal de 21 % après cinq campagnes (30), de 18 % après 13 ans de suivi et sept campagnes (33) et de 16 % après 17 ans de suivi et neuf campagnes (34). La diminution du bénéfice s’explique probablement par la diminution du nombre de personnes ayant effectivement réalisé le dépistage (67 % lors de la première campagne contre 43 % dans la neuvième). La réduction du risque de décès par cancer colorectal était de 43 % chez les personnes ayant participé aux neuf campagnes (34). Alors que dans les autres études européennes les sujets étaient randomisés sur une base individuelle entre les deux groupes, l’étude française, réalisée en Bourgogne, a comparé des personnes de zones géographiques voisines (cantons) (31). Un dépistage organisé par test biennal chez 91 199 personnes âgées de 45 à 74 ans a été évalué. Le test était lu sans réhydratation et la lecture centralisée. Les résultats présentés sont ceux obtenus après six campagnes et 11 ans de suivi. Le taux de participation à la première campagne était de 52,8 % et variait de 58,3 % à 53,8 % pour les campagnes ultérieures. Globalement, 69,5 % de la population invitée a
Rationnel du dépistage 15 participé à au moins une campagne de dépistage et 38,1 % à cinq ou six campagnes. Le taux de participation lorsque le test était directement remis par le médecin traitant était de 85,2 % pour la première campagne et de 91,0 % pour les campagnes ultérieures. Ces taux de participation étaient bien supérieurs à ceux observés lorsque le test était envoyé par la poste (33,7 % et 27,8 %, respectivement), confirmant le rôle essentiel du médecin traitant dans la réussite du dépistage organisé du cancer colorectal. Le taux de positivité des tests était de 2,1 % à la première campagne et de 1,2 % à 1,5 % pour les campagnes ultérieures. Le risque cumulé d’avoir un test positif après six campagnes était de 4,1 % et le taux cumulé de coloscopies réalisées de 3,7 %. Parmi les sujets ayant un test positif, 13 % n’ont pas réalisé d’exploration complémentaire à visée diagnostique et un cancer colorectal a secondairement été diagnostiqué chez 4,5 % d’entre eux. En moyenne, la VPP du test Hemoccult II® était dans cette étude de 11,5 pour le diagnostic d’un cancer colorectal, 16,8 pour le diagnostic d’un gros adénome et de 11,4 pour le diagnostic d’un adénome infracentimétrique. Comme cela a été observé dans d’autres études, les cancers colorectaux étaient diagnostiqués plus précocement en cas de dépistage : 42 % de tumeur de stade I contre 17 % chez les patients n’ayant pas réalisé le dépistage et 24 % chez les patients du groupe contrôle. Pour les tumeurs de stade IV, ces taux étaient respectivement de 12 %, 27 % et 27 %. Le pronostic était meilleur en cas de cancer colorectal dépisté. La mortalité par cancer colorectal était significativement réduite de 16 % pour les sujets du groupe dépistage par rapport aux sujets du groupe contrôle. Cette réduction était de 33 % pour les sujets ayant effectivement réalisé le dépistage au moins une fois. Les résultats à 13 ans de l’étude danoise suggèrent que le dépistage par Hemoccult II® serait plus efficace pour prévenir les décès par cancer proximal (avant le sigmoïde : OR = 0,72, IC 95 % : 0,55-0,95) que par cancer distal (sigmoïde et rectum : OR = 0,92, IC 95 % : 0,76-1,12, p = 0,04), ce qui fait suggérer aux auteurs qu’un dépistage par recherche de saignement occulte dans les selles couplé à une coloscopie courte pourrait être la méthode optimale (33). Ces résultats n’étaient toutefois pas observés dans l’essai anglais où il existait un ratio de mortalité proche pour les cancers proximaux par rapport aux cancers distaux : 0,84 (IC 95 % : 0,701,01) et 0,88 (IC 95 % : 0,76-1,01), respectivement (32). Une méta-analyse incluant ces études a été publiée (35, 36). L’analyse poolée montrent une réduction de 16 % (OR = 0,84, IC 95 % : 0,77-0,93) du risque de décès par cancer colorectal en cas de dépistage. La réduction du risque est de 23 % (OR = 0,77, IC 95 % : 0,57-0,89) chez les sujets ayant effectivement réalisé le dépistage.
Diminution de l’incidence du cancer colorectal après dépistage Une diminution de l’incidence des cancers colorectaux de 20 % et 17 % dans les groupes ayant bénéficié du dépistage annuel ou biennal a été observée après 18 ans de suivi dans l’essai américain où la lecture du test se faisait après réhydratation (37). Ce résultat est important puisqu’il suggère que la recherche annuelle ou biennale d’un saignement occulte dans les selles permet à la fois de diminuer la
16 Le dépistage du cancer colorectal mortalité par cancer colorectal par une détection plus précoce des cancers mais aussi de diminuer l’incidence par la détection et la résection des adénomes (38). La sensibilité de l’Hemoccult II® pour la détection des adénomes est cependant moins importante lorsque la lecture se fait sans réhydratation et il n’a pas (encore ?) été observé de diminution de l’incidence des cancers colorectaux dans les autres études (31, 32, 34).
Organisation du dépistage L’efficacité du dépistage par la recherche d’un saignement occulte dans les selles par le test Hemoccult II® a donc été démontrée par plusieurs essais randomisés. Ce test permet de dépister environ 50 à 60 % des cancers et 20 à 30 % des adénomes de plus de 1 cm. Sa réalisation tous les deux ans, suivie d’une coloscopie en cas de positivité, a permis de diminuer la mortalité de 15 % à 18 %. Cette efficacité théorique du dépistage ne pourra toutefois être reproduite au sein de la population que si certains critères indispensables sont réunis : – au minimum 50 % de la population concernée doit participer au dépistage ; – le test doit être réalisé dans des conditions satisfaisantes avec, en particulier, une lecture sans réhydratation et centralisée ; – chaque test positif doit être suivi d’une coloscopie. Pour cela, il est impératif que le dépistage soit parfaitement organisé, dispose des moyens nécessaires et fasse l’objet d’une évaluation (38). De nombreux exemples, en particulier l’échec du programme de dépistage allemand, indiquent qu’un programme de dépistage mal organisé peut avoir une efficacité quasi nulle avec de nombreux effets délétères. L’organisation et la mise en place d’un dépistage de masse national en France sont présentées dans le chapitre suivant de cet ouvrage.
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Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France C. Lepage et J. Faivre
Introduction Le cancer colorectal remplit les conditions que doit avoir une maladie pour qu’une stratégie de dépistage de masse organisée soit justifiée (1). C’est un cancer fréquent qui reste grave. S’il est diagnostiqué au début, le cancer colorectal est guérissable. Il est habituellement précédé pendant de nombreuses années par une tumeur bénigne, l’adénome dont la détection et l’exérèse permettent de prévenir le risque de transformation maligne. Enfin, il a été démontré au niveau d’une population qu’il est possible de diminuer la mortalité par cancer colorectal en faisant un test de recherche d’un saignement occulte dans les selles tous les deux ans (2-5). À court terme, une politique de dépistage et de prévention secondaire représente le moyen le plus sûr de faire évoluer le grave problème que pose le cancer colorectal. La méthode de dépistage qui peut être proposée à l’ensemble d’une population à risque moyen, en bonne santé, doit être simple, acceptable, sans danger, peu coûteuse et d’efficacité démontrée (1). Les tests de recherche d’un saignement non visible dans les selles remplissent ces caractéristiques. Si le test est positif, il faut rechercher la cause du saignement en faisant une coloscopie. Une politique nationale de dépistage du cancer colorectal est en train de se mettre en place. L’objectif de ce chapitre est de décrire l’organisation prévue.
Décision de mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France En 1998, la Conférence de consensus sur le cancer du côlon, prenant en compte les résultats des études danoise et anglaise, recommandait la mise en route, sans délai, d’études pilotes et la généralisation du dépistage si les résultats de l’étude
22 Le dépistage du cancer colorectal bourguignonne confirmaient les données disponibles (6). En effet, la réduction de mortalité avait été observée dans des systèmes de santé, moins performants, où le diagnostic du cancer colorectal était plus tardif qu’en France. Il n’était pas certain que les résultats soient directement transposables en France. Les premiers résultats de l’étude française étaient disponibles en 1999 (7), indiquant qu’on pouvait faire reculer la mortalité par cancer colorectal quelle que soit la performance du système de santé. En 2000, un avis consensuel sur le dépistage des cancers était présenté par le Comité consultatif des experts cancérologues de la Commission européenne (8). À la lumière des études anglaise, danoise et française, il recommandait la mise en route du dépistage du cancer colorectal par la recherche d’un saignement occulte dans les selles. Il précisait que les tests immunologiques et la coloscopie chez les sujets à risque moyen ne pouvaient être recommandés dans l’état des données disponibles. Les arguments scientifiques ont conduit à l’introduction du dépistage du cancer colorectal dans le code européen contre le cancer et à un avis de la Commission européenne elle-même en décembre 2003, reprenant, en l’absence d’éléments nouveaux, les conclusions des travaux du Comité consultatif des experts cancérologues (9). Constatant que les recommandations de la Conférence de consensus et des experts cancérologues de la Commission européenne n’étaient pas prises en compte, le Conseil d’administration de la Société Nationale Française de Gastroentérologie décidait en janvier 2000 de lancer une campagne de presse destinée en premier lieu aux pouvoirs publics (10). Cette prise de position était confortée par le Conseil scientifique de la CNAMTS et par l’action du Groupe de réflexion sur le dépistage du cancer colorectal auprès de la Direction générale de la Santé. Malgré les évidences scientifiques, malgré les prises de position convergentes, la mise en route du dépistage du cancer colorectal était toujours repoussée. Il a encore fallu « le Livre Blanc de l’Hépato-gastroentérologie » (mars 2001) pour que les choses bougent (11). L’une des deux priorités affichées par la profession était la mise en place du dépistage généralisé et organisé du cancer colorectal. C’est dans ce contexte que le ministre de la Santé, Bernard Kouchner, annonçait en avril 2001 sa décision de mettre en place des programmes pilotes de dépistage de ce cancer (deux ans et demi après la Conférence de consensus). Mais il restait à vaincre quelques oppositions et quelques obstacles techniques, ce qui allait encore prendre près de deux ans. La Direction générale de la Santé (DGS) a coordonné le premier appel à candidatures fin 2001. Vingt dossiers ont été soumis et douze ont été retenus. Un deuxième appel d’offres a été lancé à l’été 2002 et dix nouveaux départements ont été sélectionnés (fig. 1). Mais le système restait bloqué par le refus de rémunérer les médecins généralistes pour leur implication et la remontée de l’information permettant d’évaluer le programme. C’est fin 2002 que le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, sur le rapport de son conseiller Monsieur Lecoq, a fait sauter le dernier verrou. Prenant en compte les premiers résultats des études pilotes, le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, a annoncé en avril 2005 la généralisation progressive du dépistage du cancer colorectal. Ceci a conduit à un nouvel appel d’offres en septembre 2005 dont les résultats début 2006 sont toujours en attente…
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France 23
Fig. 1 - Les vingt-deux départements retenus en 2002 pour mettre en place le dépistage du cancer colorectal.
Organisation du dépistage des cancers Un arrêté du Parlement français du 24 septembre 2001 a défini la liste des cancers relevant d’un dépistage organisé : cancer du sein, cancer colorectal et cancer du col de l’utérus. La loi de financement de la Sécurité sociale (N° 98-1194 du 23 décembre 1998) fixe les conditions d’organisation des programmes de dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables. Elle prévoit la prise en charge intégrale des actes de dépistage par l’Assurance maladie dans la mesure où les partenaires respectent un cahier des charges. Le dépistage des cancers est coordonné sur le plan national. Jusqu’ici, la DGS assurait cette coordination. Elle avait à cet effet créé des groupes techniques spécifiques à chaque type de cancer (sein, côlon-rectum, col de l’utérus). Ces groupes définissent, mettent à jour et adoptent au travers des cahiers des charges les conditions de la mise en œuvre du dépistage et les protocoles d’assurance de qualité des
24 Le dépistage du cancer colorectal examens de dépistage. Ils concourent à analyser les besoins et à définir les objectifs à atteindre en matière de formation des professionnels concernés. Ils participent à l’analyse et au suivi des résultats, au contrôle de qualité des programmes et à l’interprétation des résultats épidémiologiques du dépistage. La DGS saisit les groupes pour ce qui concerne les problèmes d’ordre technique survenant dans les programmes. L’Institut national de veille sanitaire (InVS), chargé de l’évaluation épidémiologique des programmes de dépistage organisé, participe à ces groupes ainsi que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l’Institut national du Cancer (INCa) et les représentants des Caisses d’assurance maladie (CNAMTS, MSA et CANAM). La présence, à côté des représentants des administrations et des agences, d’experts et de représentants des structures de gestion permet des échanges fructueux permettant de fournir des éléments d’orientation et de décision sur l’organisation du dépistage du cancer colorectal. La coordination régionale des programmes est assurée par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et le Comité régional de suivi du dépistage des cancers. Ce comité comprend des représentants des organismes d’assurance maladie, de l’Union régionale des Médecins libéraux, des organismes de formation professionnelle, des professionnels concernés (généraliste, radiologue, gastroentérologue, gynécologue, oncologue, anatomopathologiste, médecin du travail et épidémiologiste), des structures de gestion organisant le dépistage, de l’Observatoire régional de la Santé et les associations d’usagers ou de malades. La DRASS veille à l’organisation des programmes de dépistage départementaux ou interdépartementaux. Les principales tâches incombant au niveau régional sont les orientations stratégiques, la définition des besoins en formation, l’assurance qualité des examens de dépistage et des programmes, la communication, l’harmonisation des programmes et l’évaluation. La structure de gestion départementale (ou interdépartementale dans certaines régions) est l’instance opérationnelle assurant l’organisation locale de tous les dépistages (cf. ci-après).
Structures de gestion départementale (ou interdépartementale dans certaines régions) La structure de gestion départementale est chargée de la mise en œuvre du dépistage des cancers. Ses responsabilités sont les suivantes.
Sensibilisation et l’information des professionnels de santé Dans ce cadre, la formation des médecins généralistes et des médecins du travail est un point essentiel (12). La qualité de la formation préalable de ces médecins est le déterminant principal de la participation de la population. Ils doivent comprendre que le problème que pose le dépistage est différent de celui de la pratique médicale habituelle. Il s’agit d’une démarche collective concernant des sujets non demandeurs de soins, dont une petite partie tirera des bénéfices, mais qui n’a de sens que si la
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France 25 population participe massivement. La structure de gestion organise la formation des médecins. Celle-ci doit se faire par petits groupes afin que les médecins puissent avoir un rôle actif, c’est-à-dire poser des questions, donner leur avis. C’est le moyen pour qu’ils comprennent le problème posé par le dépistage et qu’ils puissent ensuite s’impliquer activement. La partie d’information apportée par les experts ne doit pas être trop longue (quarante-cinq minutes au maximum) avec l’objectif de susciter les questions et la discussion. Un effort particulier de mobilisation doit être fait pour ces réunions. Les médecins ne peuvent pas s’impliquer s’ils ne connaissent pas les modalités de déroulement de la campagne de dépistage. Cela pose le problème de la formation des médecins qui n’ont pas assisté aux réunions de formation. La structure de gestion doit les contacter. Diverses formules ont été utilisées : visite d’un membre de la structure de gestion ou de médecins retraités, information téléphonique… Une telle stratégie est lourde, mais il est maintenant bien établi qu’elle permet le démarrage et la pérennisation du programme de dépistage (12). En suivant ce schéma, plus de 90 % des généralistes ont distribué les tests de dépistage dans les programmes pilotes. Le reste du corps médical ainsi que les acteurs du milieu médicosocial (pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmières, travailleurs sociaux…) doivent recevoir une information de la structure de gestion sur le déroulement de la campagne pour qu’il puissent répondre aux questions qui peuvent leur être posées et les amener à inciter les personnes concernées à participer au dépistage.
Sensibilisation de la population La structure de gestion participe à la sensibilisation des populations cibles. L’étude de Saône-et-Loire suggère que la documentation d’information envoyée par chaque personne au début de la campagne est l’élément qui incite le plus à faire participer les individus après les informations données par le médecin traitant (13). Les campagnes médiatiques ont peu motivé mais elles ont aidé les médecins qui pensaient que leurs patients s’attendaient à être sollicités.
Constitution et gestion des fichiers des personnes dépistées La structure de gestion constitue le fichier de la population incluse dans le programme de dépistage à partir des fichiers transmis par les différents organismes d’assurance maladie. La tenue et la mise à jour du fichier ainsi constitué incombent à la structure de gestion. Cette gestion comporte également le retrait des doublons, des personnes décédées ou ayant changé d’adresse. Le fichier doit être mis à jour par le retrait des personnes n’étant plus éligibles au dépistage de manière transitoire ou définitive. Les résultats des examens de dépistage sont inclus dans ce fichier. Chaque structure doit solliciter l’autorisation de la CNIL, facile à obtenir, pour la constitution et la gestion de son fichier.
26 Le dépistage du cancer colorectal
Relation avec les personnes dépistées La structure de gestion est responsable de la rédaction des différents courriers : lettre accompagnant les invitations, lettres de relance, et, après accord du médecin traitant, relance en cas d’examen positif non suivi d’une coloscopie. Les lettres informant du résultat du test de dépistage sont envoyées par le biologiste responsable du centre de lecture.
Évaluation et assurance qualité La structure de gestion s’engage à respecter le protocole d’assurance qualité défini dans le cahier des charges. Elles recueille les données et transmet les indicateurs d’évaluation et de pilotage des programmes aux services déconcentrés de l’état (DDASS, DRASS), aux organismes d’assurance maladie et à l’InVS.
Moyens de la structure de gestion La structure de gestion doit adresser ses demandes budgétaires sur la base d’un document type selon un calendrier précis. Il est examiné par la DRASS, l’URCAM puis au niveau national. Le budget inclut une rémunération forfaitaire du généraliste pour son implication et le recueil des données dépendant du nombre de tests reçus au centre de lecture. Son montant a été fixé dans le cadre d’un accord national. La structure de gestion est placée sous la responsabilité d’un médecin ayant une expérience en santé publique. Il s’engage à participer aux réunions organisées au niveau national pour les coordonnateurs de programme de dépistage. La structure de gestion comprend le personnel technique – secrétaire, attaché de recherche clinique (ARC) ou technicien d’études cliniques (TEC) – nécessaire à l’organisation et à la gestion de la campagne de dépistage. Le médecin coordonnateur est assisté d’un conseil scientifique, spécifique à chaque type de dépistage comprenant les représentants des professionnels impliqués dans les programmes de dépistage. Le statut juridique de la structure de gestion est généralement une association loi 1901, plus rarement un GIP. La structure de gestion est donc sous la responsabilité d’un Conseil d’administration qui associe les professionnels impliqués dans le dépistage et les usagers. Les représentants des financeurs ne peuvent en principe y siéger qu’à titre consultatif pour éviter la gestion de fait.
Cahier des charges du dépistage du cancer colorectal Critères d’inclusion et d’exclusion de la population cible Le dépistage du cancer colorectal par un test de recherche d’un saignement occulte dans les selles a fait la preuve de son efficacité sur la mortalité due à ce cancer en population générale (en l’état actuel des connaissances, seul le test au gaïac de type
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France 27 Hemoccult II® répond à ce critère). Il est proposé aux hommes et aux femmes de 50 à 74 ans tous les deux ans. Il n’est pas recommandé que les sujets relevant d’autres stratégies de prise en charge fassent ce test de dépistage, notamment ceux : – ayant une symptomatologie digestive d’apparition récente ; il convient de leur proposer d’emblée un examen coloscopique ; – ayant des antécédents personnels de cancer ou d’adénomes colorectaux ou d’une pathologie colique qui nécessite un contrôle endoscopique programmé ; – ayant un parent au premier degré atteint d’un cancer colorectal avant 65 ans ou au moins deux parents au premier degré atteints. Dans ces situations, une coloscopie de dépistage est recommandée à partir de 45 ans (ou 5 ans avant l’âge du diagnostic du cas index) ; – ayant réalisé une coloscopie complète normale depuis moins de 5 ans ; – ayant une maladie grave extra-intestinale ou de dépistage momentanément inopportun.
Stratégie d’invitation et de remise du test Il est bien démontré qu’une stratégie associant la remise du test par les médecins puis dans un deuxième temps l’envoi postal du test aux personnes ne l’ayant pas fait au cours de la phase médicale est indispensable pour dépasser un taux de participation de 50 % (14). La stratégie d’invitation, qui fait suite à la formation des professionnels et à la constitution des fichiers de la population concernée, implique successivement : – l’information de la population par une lettre individuelle lui proposant de retirer le test de dépistage chez son médecin. Ce courrier est d’une grande importance. C’est ce qui pousse le plus les individus à participer après les explications du médecin traitant (un tiers). Un document d’information est joint à la lettre individuelle. Il est préconisé d’intégrer dans cette lettre d’invitation des étiquettes autocollantes comportant l’identification de la personne avec un code-barres afin de faciliter l’identification du centre de lecture ; – lors de la remise du test par le médecin à l’occasion d’une consultation, celui-ci donne les explications nécessaires, s’assure de la bonne compréhension, de son identification et de la conduite à tenir en cas de positivité du test. Le médecin doit remettre le test à toute personne éligible, même si elle n’a pas reçu d’invitation ou ne présente pas ses étiquettes. Le médecin remplit une fiche destinée au centre de lecture comportant l’identification complète de la personne ou l’étiquette codebarres ; – une lettre de relance simple est adressée aux personnes n’ayant pas consulté un médecin trois mois environ après la première invitation ; – la recherche active des exclusions médicales est importante pour déterminer le taux de participation. Elle peut être signalée par le médecin traitant ou par un bref questionnaire joint à la première lettre d’invitation ou la lettre de relance simple. Les premières données concernant le dépistage organisé suggèrent qu’environ 12 à 18 % des sujets sont exclus du dépistage.
28 Le dépistage du cancer colorectal – une lettre de relance incluant le test et un document explicatif est adressée aux personnes qui n’ont répondu ni à l’invitation, ni à la relance ou n’ont pas fait part de leur refus de bénéficier du dépistage ou ne relevant pas du dépistage du fait de critères d’exclusion. Elle est envoyée environ six mois après la première invitation. – un dernier rappel, un mois plus tard, par un courrier simple, est souvent utile, notamment lors des trois premières invitations d’un individu au dépistage.
Lecture centralisée des tests Après avoir réalisé deux prélèvements sur trois selles consécutives, la personne adresse les trois plaquettes au centre de lecture dans une enveloppe pré-affranchie. Pour être conforme à la directive européenne sur le transport des produits biologiques, il convient d’insérer les plaquettes dans une pochette à glissière en plastique, du type de celle utilisée dans la campagne de dépistage du cancer colorectal au Danemark (dans cette expérience, l’utilisation de cette pochette n’a pas augmenté le taux de tests positifs). La lecture du test se fait le jour de sa réception au laboratoire. Elle s’effectue sur une paillasse permettant de révéler les plaquettes une minute après l’ajout du réactif (ce qui correspond habituellement à soixante plaquettes). Le technicien a vérifié la coloration normale du buvard (blanc crème) et que le dépôt de selles n’est pas trop important (un excès d’humidité pouvant alors fausser la lecture). La lecture des plages est réalisée simultanément par deux techniciens. Une plage positive est définie par une couleur bleue circonscrite à la partie centrale du dépôt de selles ou diffusant du centre vers la périphérie ou par un liseré bleu ne se situant qu’en périphérie. Les résultats validés et signés par le biologiste sont envoyés à la personne dépistée et au médecin traitant désigné par la personne. Les courriers types sont fournis par la structure de gestion au centre de lecture. La structure de gestion doit s’enquérir auprès du médecin traitant de la réalisation d’une coloscopie en cas de test positif. Par ailleurs, le gastroentérologue doit envoyer à la structure de gestion le résultat des coloscopies. Une fiche formulaire est fournie par la structure de gestion à cet effet.
Évaluation du programme Plus encore que pour la médecine à visée curative, il faut s’assurer que le programme est bénéfique pour la population. La structure de gestion recueille les données permettant d’évaluer le programme : – le taux de participation, rapport du nombre de personnes ayant fait le test de dépistage sur la population cible, déterminée par les projections de l’INSEE, diminuée des exclusions médicales. Il doit atteindre au moins 50 % ; – analyse de l’activité des médecins et de la participation dans les différentes phases de la campagne ;
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France 29 – pourcentage de tests positifs qui doit être inférieur à 3 %. Il est à interpréter en fonction de la tranche d’âge et du sexe ; – pourcentage de coloscopies réalisées chez les personnes ayant un test positif. Il doit être d’au moins 90 % ; – nombre et nature des complications survenues dans les suites de la coloscopie ; – résultats des coloscopies : pourcentage de cancers (avec leur stade de diagnostic selon la classification TNM), pourcentage d’adénomes (en distinguant le soustype histologique, le degré de dysplasie et la taille). La valeur prédictive positive pour un cancer doit être d’environ 10 %, pour un adénome de 30 à 40 %.
État d’avancement du dépistage du cancer colorectal Les résultats concernant le taux de participation aux campagnes de dépistage et les indicateurs de qualité du programme sont très attendus. En effet, l’effet sur la mortalité par cancer colorectal en dépend. C’est aussi un moyen d’évaluer la pertinence du cahier des charges. Les campagnes de dépistage sont habituellement réalisées par la moitié d’un département sur une année, permettant la réalisation successive de la distribution médicale du test de dépistage, de l’envoi postal du test et la relance éventuelle. On ne peut donner que les taux de participation portant sur une demicampagne entière ou sur une campagne entière (deux années). Les résultats parcellaires ne sont pas interprétables. En octobre 2005, le recul était suffisant pour connaître la participation à une campagne entière dans quatre départements (tableau I). Il dépassait 50 % dans trois départements (Côte-d’Or, Ille-et-Vilaine et Saône-et-Loire). Il n’était que de 23 % dans l’Isère où il n’y avait pas jusqu’ici d’envoi postal du test suivi d’une relance. On connaît les taux de participation pour une demi-campagne dans huit départements. Il était voisin de 50 % dans deux départements (Haut-Rhin, Mayenne). Il se situait entre 33 et 41 % dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Charente, Hérault, Indre-et-Loire). Le taux de participation était de 26,5 % dans le Nord où la campagne était très atypique. Contrairement aux préconisations du cahier des charges et aux remarques renouvelées du Groupe technique le test était initialement remis par les pharmaciens. L’implication des généralistes est en train de se faire. Par ailleurs, il n’a pas encore été fait d’envoi postal du test suivi d’une relance. Dans certains départements, les taux de participation sont un peu sous-estimés car le recueil des exclusions n’a pas encore été activement mis en place (Indre-et-Loire, Isère, Mayenne, Nord, Saône-et-Loire). Le pourcentage de sujets exclus représente 12 à 18 % des personnes invitées dans les autres départements. Il n’y a pas encore le recueil d’au moins une demi-campagne complète pour donner des taux de participation pour dix départements (Allier, Ardennes, Calvados, Finistère, Marne, Moselle, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Orientales, Orne et Seine-Saint-Denis). Des résultats encore partiels pour l’Allier suggèrent que le taux de participation devrait être proche de 50 %.
30 Le dépistage du cancer colorectal Tableau I - Taux de participation et indicateurs de qualité du cancer colorectal par campagne ou demi-campagne complète. Taux de participation (1)
Taux de Proportion (2) positivité sujets Test de ayant une dépistage coloscopie
Campagne complète Côte-d’Or Ille-et-Vilaine Isère Saône-et-Loire
51 % 54 % 23 % 51 %
2,8 % 2,5 % 1,8 % 2,7 %
80 % 85 % 85 % 80 %
Demicampagne Bouches-du-Rhône Charente Essonne Haut Rhin Hérault Indre-et-Loire Mayenne Nord
33 % 31 % 28 % 50 % 32 % 42 % 48 % 27 %
2,3 % 2,6 % 2,8 % 3,7 % 2,2 % 3,2 % 3,0 % 3,8 %
86 % ? ? 86 % ? 79 % 92 % ?
VPP (3)
VPP (3)
Cancer
Adénome
8% 11 % 10 % 8%
42 % 33 % 26 % 30 %
11 % 31 % Non disponible 8% 35 % 9% 29 % 8% 39 % 9% 45 % 7% 31 % 11 % 36 %
(1) Population invitée, diminuée des sujets exclus du dépistage, des sujets décédés ou n’habitant plus à l’adresse donnée, augmentée des personnes ne figurant pas dans le fichier. (2) ? Signifie données incomplètes. (3) Valeur prédictive positive (proposition des sujets chez lesquels un cancer ou un adénome est découvert au cours de la coloscopie).
En ce qui concerne les marqueurs de qualité du programme, les résultats obtenus sont très encourageants. Le taux de positivité du test de dépistage se situait entre 2 et 3 % dans la plupart des départements (tableau I). Il était au-dessus de 3,5 % dans deux départements (Haut-Rhin et Nord). La coloscopie découvrait un cancer dans 10 % des cas (variations de 8 à 14 % selon les départements) et un adénome dans 30 à 40 % des cas, ce qui est conforme aux résultats attendus. Il y a un point qui doit être amélioré, c’est la proportion des sujets qui ont une coloscopie après un test positif. Lorsque le recul était suffisant pour que les personnes effectuent la coloscopie et que la structure de gestion recueille les données, le taux de coloscopie se situait entre 80 et 90 %. Au total, les résultats obtenus dans cinq départements indiquent qu’il est possible de reproduire les résultats des études expérimentales. Cette information est
Mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal en France 31 d’importance. Dans sept départements, le taux de participation n’est pas encore optimal. Les deux départements avec les taux les plus bas (Isère et Nord) se caractérisaient par des écarts majeurs par rapport au cahier des charges (pas d’envoi du test avec éventuellement une relance postale à la population n’ayant pas consulté un médecin pendant la phase de distribution médicale, distribution du test privilégiant le pharmacien dans l’un de ces départements). Des modifications de la stratégie sont en cours dans ces départements. Les données concernant la formation et la participation des médecins ne sont pas encore assez précises pour tirer des conclusions claires. Cependant, on peut déjà dire que l’information des médecins n’ayant pas participé aux réunions de formation est un problème. Dans un département (Indreet-Loire), une infirmière visite tous les médecins pour les informer ou les réinformer sur le programme. Il sera intéressant d’en mesurer l’effet sur le taux de participation. Des départements avec un taux de participation insuffisant se caractérisent par une population cible de plus de 400 000 personnes et la nécessité de former environ 2 000 médecins. Le travail est beaucoup plus lourd que pour une structure de gestion qui doit former 300 à 500 médecins. On peut comprendre que dans ces départements, en l’absence de moyens financiers et humains adéquats, l’obtention d’un taux de participation élevé soit plus long.
Conclusion Le dépistage du cancer colorectal par la recherche d’un saignement occulte dans les selles correspond à une démarche validée qu’il est temps de mettre en place. On dispose de suffisamment de données provenant des programmes pilotes pour organiser au niveau national un dépistage efficace du cancer colorectal. Elles ont permis de valider et d’améliorer le cahier des charges. Un certain nombre de départements qui ont manqué le précédent appel d’offres se prépare à y répondre. Le dépistage devrait être étendu à 2006 avec l’objectif de couvrir tout le territoire national fin 2007.
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Tests fécaux de dépistage du cancer colorectal en dehors de l’Hemoccult II® et des tests moléculaires F.-X. Caroli-Bosc et É. Dorval
Introduction Les tests de dépistage du cancer colorectal peuvent se classer en deux catégories : ceux qui recherchent la présence de sang dans les selles et ceux qui recherchent des altérations de l’ADN humain dans les selles ou le sang. Les premiers sont des tests de sélection dont la positivité doit conduire à un examen à visée diagnostique, en l’occurrence la coloscopie totale. Ils font l’objet de ce chapitre, les seconds faisant l’objet d’un chapitre spécifique de ce livre.
Hemoccult II® : test de référence pour le dépistage organisé du cancer colorectal Le test de référence actuellement utilisé dans le cadre du dépistage organisé du cancer colorectal est le test Hemoccult II® dont le taux de positivité dans une population de plus de 50 ans est en moyenne de 2 % avec une sensibilité qui se situe entre 50 et 60 % pour détecter un cancer (1, 2, 3) et de 19 à 23 % pour détecter un adénome de 1 à 2 cm (4, 5). C’est un test au gaïac qui met en évidence, par une réaction colorée bleue en présence d’une solution alcoolique d’eau oxygénée, l’activité pseudoperoxydasique de l’hémoglobine contenue dans les selles. Sans réhydratation des selles, sa spécificité est élevée à environ 98 % avec, en population, une valeur prédictive positive de 10 % pour les cancers et de 30 % pour les adénomes (6). Trois études réalisées en Angleterre, au Danemark et en France ont montré qu’en utilisant ce test tous les deux ans dans une population à risque moyen non sélectionnée, on réduisait d’environ 15 % à 18 % le risque de décès par cancer colorectal après un suivi de dix ans (7, 8, 9). Les autres tests de dépistage (non moléculaires) décrits dans ce chapitre ont été proposés ou sont en cours de développement. Pour être utilisés en pratique, ces tests
34 Le dépistage du cancer colorectal se doivent d’améliorer les performances du test de sélection en augmentant sa sensibilité tout en conservant une spécificité et une valeur prédictive positive élevées et en gardant une faisabilité en population et un coût acceptable pour la société.
Autres tests basés sur une réaction peroxydasique avec du gaïac Ces tests sont basés, comme l’Hemoccult II®, sur la mise en évidence de l’activité pseudoperoxydasique de l’hémoglobine. Les plus connus sont l’Hemo FEC® et l’Hemoccult Sensa®. Comme pour l’Hemoccult II®, une réaction positive se traduit par une coloration bleue apparaissant en moins d’une minute. Leur différence avec l’Hemoccult II® est leur capacité de détecter une activité peroxydasique plus basse. L’avantage de ces tests est donc une meilleure sensibilité, au prix cependant d’une diminution de la spécificité et de la valeur prédictive positive. Les travaux rapportés dans la littérature concernent essentiellement l’Hemoccult Sensa®. Dans l’étude de St John et al. (10), la sensibilité était de 94 % pour un cancer et de 44 % pour les polypes (taille comprise entre 5 et 20 mm) soit un gain considérable par rapport à l’Hemoccult II®. La critique majeure que l’on peut formuler sur cette étude est sa réalisation non pas dans une population asymptomatique mais chez des patients ayant des tumeurs déjà connues, ce qui entraîne un fort biais d’inclusion et d’interprétation par rapport à une population à risque moyen de cancer. Rozen et al. (11) ont étudié des patients asymptomatiques mais dont les trois quarts présentaient un risque élevé de cancer colorectal. Dans ces conditions, la sensibilité du test était comparable à celle de l’Hemoccult II®. En revanche, on notait un taux de positivité très élevé du test (16,7 %) qui se révélait très dépendant du régime alimentaire et une spécificité pour les cancers et les polypes de plus d’un centimètre qui n’était que de 84 %. Deux autres études ont confirmé, elles aussi, la plus faible spécificité de l’Hemoccult Sensa® (12, 13). Ce manque de spécificité rend donc ce type de test inapte à une utilisation pour un dépistage de masse en population car il conduit à pratiquer un nombre très élévé de coloscopies parmi lesquelles un nombre important de coloscopies négatives et donc a posteriori inutiles.
Tests basés sur la mesure des dérivés de l’hème L’utilisation de tests quantitatifs basés sur la fluorescence des porphyrines dérivées de l’hème comme l’Hemoquant® est séduisante ; elle s’est révélée en réalité peu adaptée à la pratique d’un dépistage de masse en raison d’un taux élevé de faux positifs. Par ailleurs même si dans les études initiales l’Hemoquant® a semblé avoir une sensibilité supérieure à celle de l’Hemoccult II® (14, 15), ces résultats n’ont pas été confirmés par des études ultérieures. Dans une étude en effet, la sensibilité pour les cancers et pour les polypes s’est avérée comparable à celle de l’Hemoccult II® (16). Dans un autre essai, la sensibilité et la spécificité de ce test ont été comparées
Tests fécaux de dépistage du cancer colorectal en dehors … 35 à l’Hemoccult II® chez 150 volontaires sains, 124 patients atteints d’un cancer colorectal et 86 sujets porteurs d’adénomes (17). Les résultats concernant l’Hemoquant® ont été analysés en considérant trois seuils de positivité différents (1,5 ; 2,0 ; 3,0 mg/g de fèces). La sensibilité était globalement en faveur de l’Hemoccult II® (89,5 % versus respectivement 83,1 %, 74,2 % et 62,9 %, avec une différence significative pour les deux derniers seuils). De même, la spécificité de l’Hemoquant® a été respectivement de 92,7 %, 94,7 % et 97,3 % comparativement à l’Hemoccult II® pour qui elle était de 99,3 %, la différence étant significative pour les deux premiers paliers. L’Hemoquant® était d’autre part moins performant dans la détection des tumeurs les plus distales. Enfin, une étude de coût comparant l’Hemoccult II® à l’Hemoquant® s’est avérée nettement en faveur de l’Hemoccult II® (18).
Tests immunologiques Un des moyens de palier les limites des tests chromogéniques est d’utiliser des tests basés sur l’emploi d’anticorps monoclonaux ou polyclonaux spécifiques de l’hémoglobine humaine. En détectant la globine plutôt que l’hème, ces tests sont en principe plus sensibles et plus spécifiques pour les saignements digestifs bas de faible abondance. Par ailleurs, ils ne sont pas influencés par un régime alimentaire puisque spécifiques de l’hémoglobine humaine. La réaction immunochimique peut se faire par hémagglutination passive inverse (Hemeselect®), par immunofixation (Flexure OBT®), par Elisa (Feca EIA®), par agglutination au latex (OC Hemodia®), par immunodiffusion radiale (Detectacol®) ou par la technique du Magstream. Les principaux travaux ont porté sur les tests Hemeselect® et Flexure OBT® ainsi que sur la technique du Magstream. Ces tests ont une sensibilité souvent meilleure que les tests au gaïac mais ils présentent l’inconvénient d’être moins spécifiques et plus onéreux (19).
Test Hemeselect® Le test Hemeselect® est basé sur le principe de l’hémagglutination passive inverse qui est plus complexe et plus longue que la réaction péroxydasique des tests au gaïac. La technique consiste à utiliser des érythrocytes de poulet recouverts d’anticorps antihémoglobine humaine préparés à partir d’un sérum de lapin. Ce complexe va se lier à l’hémoglobine humaine si elle est présente dans les fèces. Une incubation de trente minutes est nécessaire pour interpréter le test qui est positif si l’on met en évidence un anneau dont le diamètre est supérieur à celui du contrôle. En pratique, ce test semble peu adapté pour un dépistage de masse. Une étude cas-contrôle a suggéré que l’Hemeselect® pourrait réduire la mortalité par cancer colorectal (20). St John et al. (10) ont rapporté une sensibilité de 97,2 % chez 107 malades souffrant d’un cancer colorectal et de 58 % chez des patients porteurs de polypes. La
36 Le dépistage du cancer colorectal spécificité estimée du test était de 97,8 % avec un calcul reposant sur des comparaisons avec des volontaires sains et des sujets possédant des antécédents familiaux de cancer colorectaux. Allison et al. (13) ont retrouvé une sensibilité de 68,8 % pour les cancers avec une spécificité de 94,4 % et une sensibilité de 66,7 % pour les polypes de plus d’un centimètre avec une spécificité de 95,2 %. Castiglione et al. ont comparé l’Hemoccult II® à l’Hemeselect® dans une population test de 24 282 sujets parmi lesquels 8 008 se sont soumis aux tests de dépistage (21). L’Hemeselect® a été interprété selon trois paliers de positivité, seul le palier avec une haute positivité était légèrement supérieur à l’Hemoccult II® en termes de spécificité pour la découverte d’un cancer. Si ces études suggèrent dans l’ensemble une meilleure sensibilité de l’Hemeselect® par rapport à l’Hemoccult II®, son manque de spécificité et son coût (22) n’en font pas un meilleur candidat pour le dépistage de masse.
Test FlexSure OBT® Le test FlexSure OBT® est basé sur la spécificité de liaison de l’hémoglobine humaine aux anticorps antihémoglobine humaine. Lorsqu’elle est présente, l’hémoglobine humaine va migrer à travers un tampon contenant des anticorps anti-hémogobine humaine conjugués jusqu’à la ligne test où elle est capturée. La procédure est rapide, environ cinq minutes, et l’interprétation immédiate par visualisation d’une ligne colorée. Récemment, Wong et al. ont publié les résultats d’une étude chinoise comparant l’Hemoccult Sensa® au FlexSure OBT® (23). Au total 135 patients consécutifs adressés pour coloscopie ont été testés. Aucun régime alimentaire n’était imposé. La sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive pour les cancers et les adénomes d’un centimètre ou plus ont été respectivement de 91 %, 70 % et 18 % pour l’Hemoccult Sensa® et de 82 %, 94 % et 47 % pour le FlexSure OBT®. Des essais de combinaison des tests sur un même papier révélateur ont été réalisés, notamment pour l’Hemoccult Sensa® et l’Hemeselect®, avec une sensibilité et une spécificité intéressante mais une méthodologie plus lourde et surtout plus coûteuse que l’Hemoccult II® (13). Les résultats des principales études comparant les tests au gaïac et les tests immunologiques sont présentés dans les tableaux I, II et III.
Technique du Magstream Des progrès ont été récemment accomplis visant à améliorer la technique et la lecture des tests immunologiques et à en diminuer le coût. Le principe de la technique du Magstream repose sur l’agglutination de particules magnétiques. Des particules magnétisées de gélatine sont fixées à l’anticorps antihémoglobine humaine et mélangées à un échantillon de selles prélevé deux jours de suite. Le mélange est placé sur un plateau comprenant 80 orifices de forme conique placés dans un champ magnétique. En inclinant le plateau de 60 degrés, les particules magnétiques libres vont migrer le long de la paroi, alors que celles liées à l’hémoglobine vont rester au fond
Tests fécaux de dépistage du cancer colorectal en dehors … 37 Tableau I - Comparaison des sensibilités et spécificités des tests immunologiques vs Hemoccult II® rapportées par Allison en 1996 (13). Hemoccult II® Sensibilité cancer Spécificité cancer Sensibilité polype > 1 cm Spécificité polype < 1 cm
Hemoccult Sensa®
37,1 % 97,7 % 30,8 % 98,1 %
79,4 % 86,7 % 68,6 % 87,5 %
Hemeselect® 68,8 % 94,4 % 66,7 % 95,2 %
Tableau II - Comparaison des sensibilités et spécificités des tests immunologiques vs Hemoccult II® rapportées par Rozen en 1995 (11). Hemoccult II® Sensibilité cancer ou polype > 1cm Spécificité cancer ou polype < 1 cm
Hemoccult Sensa®
Hemeselect®
Flexsure®
62,5 %
62,5 %
83,3 %
62,5 %
95 %
92 %
98 %
97 %
Tableau III - Comparaison des sensibilités et spécificités des tests immunologiques vs Hemoccult II® rapportées par Greenberg en 2000. Hemoccult II® Sensibilité cancer Spécificité cancer Sensibilité polype > 1cm Spécificité polype < 1cm
Hemoccult Sensa®
Hemeselect®
Flexsure®
85,7 % 92,8 %
78,6 % 90,5 %
83,3 % 88,2 %
87,5 % 86,2 %
20,5 %
35,9 %
37,1 %
35,9 %
91,5 %
90,7 %
88,3 %
85,6 %
du cône. Le système est standardisé et automatisé. La mesure est faite de façon quantitative par la lecture optique de la ligne formée par les particules libres qui sera donc d’autant plus fine que la quantité d’hémoglobine est importante. Le seuil de positivité du test est habituellement fixé à une concentration égale ou supérieure à 20 ng/ml d’hémoglobine dans l’échantillon. Trois études utilisant le Magstream ont été rapportées dans la littérature. Une étude française a été réalisée par Launoy et al. (24) à Cherbourg. Le but de ce travail était de d’évaluer la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive du test dans une population non sélectionnée dans la tranche d’âge de 50 à 74 ans. Le test était considéré comme positif au-delà d’une concentration de 20 ng/ml soit pour 5,8 % des sujets testés parmi lesquels 84,3 % ont eu une
38 Le dépistage du cancer colorectal coloscopie. La valeur prédictive positive du test était dans ces conditions de 6 % pour un cancer, 27,9 % pour un adénome de plus de deux centimètres et 21,6 % pour un adénome de moins de deux centimètres. Après un suivi de deux ans de cette population, la sensibilité du test était de 0,85 (0,72-0,98, IC à 95 %) et sa spécificité de 0,94 (0,94-0,95, IC à 95 %). Une étude chinoise a évalué la technique du Magstream chez 250 patients consécutifs soumis à une coloscopie diagnostique (25). La sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive ont été respectivement de 62 %, 93 % et 44 %, indépendantes de l’expérience de l’opérateur. Enfin, une étude japonaise, a comparé le même test à une coloscopie de dépistage dans une population asymptomatique (26). Parmi les 22 666 participants à cette étude, 22 259 ont eu une coloscopie totale (98,2 %). Au total 21 805 sujets ont été étudiés après exclusion des patients ayant eu une colonoscopie incomplète ou pour lesquels des informations concernant la nature des lésions retrouvées étaient manquantes. Le Magstream n’a été réalisé qu’une seule fois par sujet étudié. Le taux de positivité du test a été de 5,6 % tout à fait comparable à l’étude française de Launois et al. Les résultats ont été présentés en fonction du degré potentiel de dégénérescence, du stade de Dukes et de la localisation colique (proximale ou distale). Dans ces conditions, la sensibilité du test était de 27,1 % pour les gros adénomes ou les cancers in situ, de 65,8 % pour les cancers invasifs, respectivement de 50 %, 70 % et 78,3 % pour les tumeurs Dukes A, B et C, de 16,3 % pour les cancers proximaux et de 30,7 % pour les cancers distaux. La sensibilité du Magstream est bonne, meilleure que celle de l’Hemoccult II® et comparable à celle de l’Hemeselect® mais moins performante que le Flexure OBT® pour la détection des cancers et des polypes de plus d’un centimètre siégeant dans le côlon gauche (27). En 2000, le groupe des experts cancérologues de l’Union européenne recommandait d’utiliser les tests au gaïac dans le dépistage de masse du cancer colorectal (28). En 2006, si la spécificité des tests immunologiques demande encore à être améliorée, il existe maintenant pour certains des arguments pour envisager leur utilisation dans les futures campagnes de dépistage (29, 30). En pratique ces tests offrent, en effet, une possibilité de lecture automatisée peu « opérateur dépendante » et adaptable à un dépistage de masse. Ils font preuve d’une meilleure sensibilité que le test Hemoccult II® mais posent encore le problème d’une spécificité moindre. En population assymptomatique, cette spécificité plus faible conduit inévitablement à faire entrer dans le circuit de soins un pourcentage de population plus élevé et à augmenter de façon importante le nombre des coloscopies inutiles ce qui apparaît peu acceptable en termes de santé publique et de consommations de ressources. Améliorer la spécificité des tests immunologiques apparaît donc comme un point crucial. Ces tests étant quantitatifs, il est possible d’en modifier le seuil de positivité. Ceci a été suggéré par Launois et al. pour qui relever le seuil de positivité à 50 ng/ml aurait conduit à un taux de positivité du test de 3,1 % et à une augmentation de la spécificité à 97 %. Dans cette problématique, les tests immunologiques resteraient donc des candidats potentiels pour devenir le test de sélection dans le dépistage de masse organisé du cancer colorectal et supplanter le test Hemoccult II®.
Tests fécaux de dépistage du cancer colorectal en dehors … 39 Il reste à prouver que, à spécificité égale (ou supérieure), ces tests garderont une meilleure sensibilité et un taux de positifs et de faux positifs acceptables, ce qu’il faut démontrer en population à risque moyen…
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Dépistage des tumeurs colorectales par les tests moléculaires I. Sobhani et M. Abolhassani
Pourquoi le dépistage ? La coloscopie est l’examen qui permet de faire le diagnostic formel du cancer colique ainsi que celui des lésions précancéreuses que sont les polypes adénomateux. Toutefois, il est impossible de faire pratiquer cet examen régulièrement à tout sujet à risque moyen (âgé de plus de 45 ans dans la population générale). En effet, malgré sa sensibilité supérieure à 95 % pour la détection des tumeurs malignes et des adénomes de plus d’un centimètre de diamètre, et une spécificité supérieure à 99 %, la coloscopie nécessite une préparation, la plupart du temps une anesthésie générale, un coût économique exorbitant, et de rares complications. À l’échelle d’une population, ces dernières représenteraient un volume non négligeable, difficilement acceptable au plan éthique et économique pour un examen de dépistage (1-6). Pour cette raison, une action de dépistage se déroule en deux étapes : un examen de sélection (ou de dépistage) et un examen diagnostique. Un test de dépistage doit être simple, non coûteux et non invasif. Il est conçu comme marqueur biologique identifiable dans les effluents biologiques : selles, sang, urines. À l’heure actuelle les tests sont basés sur la détection du sang dans les selles.
Limites du dépistage par la recherche de sang dans les selles La recherche d’un saignement occulte dans les selles à titre de dépistage est à ce jour la seule approche validée dans le dépistage de masse organisé du cancer du côlon. Une stratégie, combinant la recherche de sang occulte dans les selles suivie de coloscopie en cas de recherche positive, est proposée aux sujets à risque moyen et a démontré son impact sur la mortalité par cancer colique (voir le premier et le deuxième chapitre). Toutefois, la faible sensibilité de ces tests estimée entre 25 et 50 % en constitue la limite : moins de 50 % des cancers en moyenne, et seulement 20 % des adénomes
44 Le dépistage du cancer colorectal de plus d’un centimètre sont dépistés (7-10). La valeur prédictive positive d’un gros polype ou d’un cancer invasif ne dépasse pas 18,5 % dans l’étude française (11-12). La recherche et le développement de nouvelles méthodes de dépistage du cancer colorectal, plus sensibles que le test d’Hemoccult, sont donc indispensables.
Tests alternatifs à la recherche fécale de sang Chaque jour, 1010 cellules coliques sont exfoliées. Bien que la (ou les) tumeur(s) colique(s) n’occupe(nt) pas plus de 1 % de la surface de la muqueuse (exception faite de la polypose familiale), il semble que 14 à 24 % (2, 13) des cellules libérées dans la lumière intestinale soient d’origine tumorale. Il est donc possible de cibler, parmi ces cellules exfoliées, celles provenant d’une tumeur. Ce type d’approche est déjà adopté pour la mise en évidence de cellule dysplasique par technique immunologique ou moléculaire (tableau I). Les tests immunologiques encore trop préliminaires basés sur la détection de mucines anormalement glycosylées, ou de cytokératines particulièrement exprimées par les cellules néoplasiques, ou de peptides (vimentine, ACE, etc.) surexprimées par ces cellules n’ont pas été validés et leur spécificité et stabilité posent encore des problèmes techniques (14-16). À l’inverse, la mise en évidence d’ARN ou d’ADN anormaux est davantage étudiée dans différents effluents biologiques et en particulier dans les selles.
Tableau I - Dépistage de tumeurs colorectales par marqueurs fécaux. Détection de colonocytes et/ou de constituants spécifiques de tumeur (Technique immunologique) Mucines, peptides, antigènes tumoraux M2-pyruvate kinase, ACE (37, 38) Surexpression d’oncogènes ARNm des gènes de cyclooxygénase, cycline D1 (29) Détection d’ADN humain DNA total (14 % d’origine tumorale) DNA long (non apoptotique) Perte d’hétérozygotie Altération de séquence (instabilité microsatellitaire ; mutation spécifique) Modification épigéniques (hyperméthylation des gènes)
Dépistage des tumeurs colorectales par les tests moléculaires 45
Test fécal de détection d’ADN altéré Différentes techniques d’extraction d’ADN à partir des selles ont été mises au point. L’ADN humain dans les selles représente 100 ng/g, ce qui correspond à environ 0,01 % d’ADN fécal total, le reste étant représenté par l’ADN d’origine bactérienne et alimentaire. Il est donc important de prévoir une première phase d’enrichissement d’ADN d’origine humaine avant de procéder à une amplification d’une anomalie de séquence par la technique de PCR. De plus, il existe d’importants inhibiteurs d’amplification dans les selles. Ces deux problèmes techniques sont maintenant résolus. La quantité d’ADN isolée à partir des selles est quatre à cinq fois supérieure chez les patients avec cancer invasif que chez les patients sans tumeur colique (5). Le schéma classique allant de « muqueuse normale », à « cancer invasif », en passant par la constitution de « crypte aberrante » et polype « adénomateux » reste le schéma physiopathogénique de référence (fig. 1). Cette filiation vers le cancer dépend du temps et s’étale en général sur dix à vingt ans. Cette durée est raccourcie en fonction de l’importance des risques héréditaires ou environnementaux. Différentes anomalies d’ADN surviennent à des stades successifs : des mutations du gène APC et
Fig. 1 - Schéma physiopathologique de la carcinogenèse colique. À l’expression phénotypique tissulaire qui comporte des étapes allant de la muqueuse normale au cancer invasif, en passant par le crypte aberrant, le polype adénomateux de petite et de grande taille (>1 cm de diamètre), on peut faire correspondre des expressions phénotypiques endoscopiques. Il est important de noter que les tests actuels de recherche de sang occulte dans les selles ne détectent au mieux que les lésions les plus avancées alors que le test moléculaire fécal basé sur la mise en évidence d’ADN altéré dans les selles couvre un spectre plus large de lésions en recherchant des anomalies géniques au niveaux des gènes d’APC, K-ras, p53 et ceux impliqués dans la réparation des mésappariements d’ADN.
46 Le dépistage du cancer colorectal K-ras au stade de crypte aberrante et polypes adénomateux, des anomalies d’appariement d’ADN sont identifiées par analyse de microsatellites instables au stade d’invasion tumorale, etc. L’ADN est relativement stable dans les selles et des mutations ponctuelles ont déjà été rapportées dans les selles des patients atteints de cancer ou porteurs d’adénomes coliques (2, 17-18). Par opposition aux tests basés sur la présence de sang dans les selles, l’ADN altéré est toujours d’origine tumorale, et est libéré dans la lumière colique de façon régulière du fait du renouvellement cellulaire. Les limites de cette technique sont d’une part, les conditions d’optimisation du rendement de récupération d’ADN tumoral et d’autre part, l’absence d’un marqueur moléculaire unique du fait de l’hétérogénéité des tumeurs. Par exemple, la mutation K-ras, n’est présente que dans moins de 50 % des tumeurs. Ce sont donc des tests de mise en évidence d’altérations multiples qui offriraient une alternative raisonnable à l’Hémocult II. Parmi ces anomalies, la plus fréquente et la plus simple à identifier est l’ADN hautement amplifiable (appelé long ADN, L-ADN). Il faudra sans doute associer à ce marqueur un panel d’anomalies moléculaires incluant celles bien connues des gènes K-ras, p53, APC ou Bat 26 (marqueur d’instabilité de microsatellite) ou encore la recherche d’anomalies moins connues de l’ADN méthylé de plusieurs gènes pour pouvoir détecter un plus grand nombre de tumeurs.
Extraction de l’ADN tumoral La mise en évidence de l’ADN tumoral à partir d’un effluent biologique nécessite l’extraction et la purification de l’ADN total et des procédés d’enrichissement de la sous-fraction d’origine tumorale. Les selles constituent le premier réservoir d’ADN d’origine tumorale colique ou rectale. Elles contiennent en plus des quantités importantes d’ADN d’origine animale et végétale, issu de l’alimentation et de l’ADN bactérien. Les méthodes d’extraction d’ADN tumoral nécessitent le recueil d’un volume important de selles avec une purification d’ADN basée sur la capture d’ADN par hybridation et souvent une amplification des segments d’ADN (19). Généralement, les selles sont émises à température ambiante et rapidement mises dans une solution tampon qui doit favoriser l’extraction d’ADN d’origine humaine. Selon le test commercialisé (EXACT), le rapport de dilution est de 1 g de selles pour 10 ml de solution de tampon, une quantité minimale de 5 g de selles semble indispensable. Après une centrifugation à 37°C, le surnageant est recueilli dans du tampon Tris saturé en phénol et chloroforme. Les acides nucléiques sont ensuite précipités (1/10 volume) dans l’isopropanol et l’acétate de sodium. Après centrifugation, les acides nucléiques sont suspendus dans un tampon Tris enrichi en EDTA et ARNase. La qualité des ADNs purifiés doit être vérifiée par spectrophotométrie et électrophorèse sur gel d’agarose avant et après traitement par de l’ARNase (fig. 2).
Taille de l’ADN Les cellules qui échappent à l’apoptose (c’est souvent le cas des cellules tumorales ou des colonocytes normaux dans le contexte de colite inflammatoire) possèdent
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{ { Fig. 2 - Électrophorèse des ADNs extraits à partir des selles et du sang du même patient avant (1) et après (2) traitement des prélèvements par de l’ARnase. Ce protocole est disponible sur le site du fournisseur du kit utilisé (QIAamp DNA blood kit de Qiagen). *http://www1.qiagen.com/literature/handbooks/PDF/GenomicDNAStabilizationAndPurific ation/FromClinicalSamples/QA_DNA_Stool_Mini/1018546_HBQAStoolmin_082001.pdf **http://www1.qiagen.com/literature/handbooks/PDF/GenomicDNAStabilizationAndPurifi cation/FromAnimalAndPlantIssues/GENO/1018833_HB_GENO_082001.pdf
des fragment d’ADN plus longs que ceux habituellement retrouvés dans une cellule normale. L-ADN ou l’ADN long (fragment d’ADN fécal supérieur à 200 kb) devrait donc être un premier marqueur approximatif de tumeur colorectale. Toutefois, sa faible sensibilité dans les conditions habituelles de recueil et d’acheminement des selles (à température ambiante) en a réduit l’intérêt (20). Il est probable qu’une collection des selles sur glace et un acheminement à température inférieure à 10°C réduisent la dégradation du L-ADN. Toutefois, le temps d’acheminement des selles, variable d’un sujet à l’autre, et le caractère parfois déshydraté des selles au moment même de la défécation seront sans doute des limites à la généralisation de ce marqueur dans le contexte du dépistage. Deux techniques sont actuellement disponibles pour la purification de l’ADN d’origine tumorale, l’une passant par le procédé de capture d’ADN, l’autre ne nécessitant pas ce procédé. Le procédé de capture suppose une hybridation sur des oligonucléotides dont la construction est basée sur des séquences prédéfinies, ellesmêmes établies à partir de mutations spécifiques rapportées aux niveaux des gènes impliqués dans la carcinogenèse colique (fig. 1). Ces séquences sont difficiles à standardiser compte-tenu des mutations hétérogènes rapportées d’une série à l’autre. Notre expérience personnelle révèle que dans les conditions de recueil à température ambiante et de conservation (4°C) et le délai court (24-48 h) de réception du prélèvement, le rendement d’extraction d’ADN tumoral est bon sans la nécessité de
48 Le dépistage du cancer colorectal recours aux procédés de capture d’ADN. Au demeurant, le taux de L-ADN est supérieur à celui rapporté dans la littérature.
Mutations de l’ADN fécal Les mutations ponctuelles ou anomalies de séquences ont été étudiées au niveau des gènes comme Ki-ras, APC, p53, Bat 26 (marqueur d’instabilité des microsatellites). Les mutations les plus habituellement intégrées dans les tests sont celles situées au niveau des codons K12p1, K12p2, et K13p2 du gène K-ras, les codons 1309 delta 5, 1367p1, 1378p1, et 1450p1 du gène APC et les codons 175p2, 245p1, 245p2, 248p1, 248p2, 273p1, 273p2 et 282p1 du gène p53 (2, 20). Ces tests sont maintenant validés sur des échantillons de selles recueillis et conservés à température ambiante avec une sensibilité acceptable de 57 % par exemple, pour un test incluant au moins une mutation d’un seul gène (APC, codons 1250 à 1500) et une spécificité de près de 100 % (tableau II). La première publication, ayant démontré la faisabilité de mise en évidence de mutation du gène K-ras dans les selles des patients atteints du cancer colique, date de 1992 (21). L’équipe de Vogelstein (18-19) mettait en évidence, à un stade précoce du processus tumoral, des mutations du gène APC dans les selles de 74 sujets : 28 patients avec cancer colique Dukes B2, 28 témoins sans tumeur et 18 patients avec un adénome d’au moins un centimètre de diamètre. Après extraction de l’ADN à partir des selles fraîchement recueillies et conservées immédiatement à – 20°C et à – 80°C, on procédait à la détection des mutations par PCR. La sensibilité du test pouvait être améliorée lorsque plusieurs marqueurs géniques étaient recherchés : la présence d’au moins une anomalie génétique au niveau de l’ADN fécal sur un panel de plusieurs mutations, a été estimée à 91 % pour les cancers (82 % pour les adénomes) avec une spécificité à 93 % (2). Depuis, plusieurs travaux venant de différentes équipes dans le monde ont confirmé leur faisabilité et leur reproductibilité (tableau II). Toutefois, les tests basés sur une détection unique ne pourraient être généralisés tant la séquence, le type et le nombre des mutations varient selon le stade tumoral, le site d’implantation (côlon gauche vs droit) et vraisemblablement selon les individus. Le principe a été de concevoir ensuite un panel moléculaire suffisamment large pour détecter un maximum de tumeurs sporadiques sans pour autant rendre la pratique du test onéreuse ou difficile en pratique courante. Malgré l’optimisme des premières publications ayant rapporté une sensibilité allant de 62 à 91 % pour les adénocarcinomes et de 27 à 82 % pour les adénomes et une spécificité supérieure à 93 % pour l’ensemble des lésions (19), les résultats d’un panel moléculaire assez large incluant 21 marqueurs et adapté à la pratique des conditions du dépistage, a conduit récemment à la révision de ces chiffres à la baisse. En effet, un travail américain (20), mené sur une large cohorte (4 404 sujets évalués), permet de noter une sensibilité seulement de 51,6 % (95 % CI = 34,8 % à 68 %) pour la détection d’un adénocarcinome et de 15,1 % (95 % CI = 12 - 19 %) pour les adénomes de diamètres supérieurs à un centimètre. Bien que dans ce travail la sensibilité globale du test moléculaire ait été démontrée supérieure à celle de
Dépistage des tumeurs colorectales par les tests moléculaires 49 Tableau II - Détection des tumeurs colorectales par test moléculaire fécal (simple ou combiné). Sensibilité, % (n) Références
Marqueurs
Sidransky et al. (1992) K-ras Hasegawaa et al. (1995) K-ras Smith-Raven et al. (1995) K-ras Villa et al. (1996) K-ras Nollau et al. (1996) K-ras Eguchi et al. (1996) p53 Kohata (1996) K-ras Laurent-Puig et al. (2000) K-ras Nishikawa et al. (2002) K-ras Traverso et al. (2002) APC Traverso et al. (2002) MSI Boynton et al. (2003) Long DNA Müller et al. (2004) SFRP2-meth Ahlquist et al. (2000) APC, K-ras, p53; MSI; Long DNA Tagore et al. (2000) APC, K-ras, p53, MSI; L-DNA Syngal et al. (2002) et (2003) APC, K-ras, p53; MSI; Long DNA Brand et al. (2002) APC, K-ras, p53; MSI; L-DNA Calistri et al. (2003) APC, K-ras, p53; MSI; L-DNA Dong et al. (2001) p53, K-ras, MSI Rengucci et al. (2001) p53, K-ras; MSI Imperial et al. (2004) APC, Kras, L-DNA p53, K-ras; MSI Koshiji et al. (2002) LOH; MSI Chen et al. (2005) meth.Vimentine
Cancer
Adénomes
Spécificité, % (n)
33 (8/24) 18 (10/55) 50 (4/8) 29 (30/103) 28 (14/50) 28 (7/25) 25 (10/40) 55 (6/11) 42 (13/31) 61 (7/28) 37 (17/46) 57 (14/25) 77 (10/13)
30 (3/10)
91 (20/22)
82 (9/11)
93 (26/28)
63 (33/52)
57 (16/28)
98,2 (111/113)
62 (40/65)
27 (6/22)
50 (9/18) 0 (0/19)
100 (5/5) 100 (28/28) 100 (69/69) 97 (75/77) 77 (10/13)
69 (11/16)
62 (33/53) 71 (36/51) 67 (31/46)
97 (37/38) 100 (18/18)
52 (16/31) 18,2 (76/412) 97 (29/30) 46 (43/94)
95 (72/76) 100 (30/30) 90 (178/198)
Inspiré de la revue générale (19) et mis à jour (13; 22; 23; 25; 26). Abréviations : LOH : perte d’homozygotie ; MSI : microsatellite instable ; meth. = troubles de méthylation ; L-ADN = ADN de longue taille (> 200 kb) provenant des cellules non apoptotiques.
50 Le dépistage du cancer colorectal l’Hemoccult II® et que les tumeurs les plus péjoratives, c’est-à-dire les cancers invasifs et les adénomes avec une composante dysplasique de haut grade, aient été rarement manqués par le test moléculaire, on peut supposer que le mode d’acheminement des selles (température ambiante) et surtout le délai de réception (dépassant parfois une semaine dans ce travail) ont constitué la principale explication à ces moins bons résultats. Il est important que les lésions précancéreuses soient détectées par un test de dépistage. Là encore, malgré les premiers résultats très encourageants, le travail qui vient d’être cité (19) ainsi que d’autres plus anciens (21-22) ont rapporté des taux de sensibilité assez faible en ce qui concerne les polypes adénomateux. Ceci s’explique probablement par le choix de marqueurs qui sont rarement présents dans les adénomes avant le stade de dégénérescence (Bat 26, mutations de p53), soulignant une fois de plus les difficultés de choix des marqueurs de la phase précoce de carcinogenèse colique. Un test moléculaire idéal nécessite des conditions favorables. Les marqueurs doivent être exprimés par des cellules exfoliées dans la lumière, l’échantillon de selles doit être représentatif des selles de la totalité du côlon, l’ADN extrait doit être en quantité et en qualité satisfaisante pour permettre une amplification, les selles doivent être dépourvues d’inhibiteurs d’amplification et, enfin, des tests de contrôle de qualité doivent être systématiquement reproduits au cours de différentes expériences. Le test développé par Exact Sciences (Maryland, États-Unis) et commercialisé par Pre-GenPlus (Lab Corp, Burlington, NC ; Exact Sciences. Corporation press release, October 11, 2003. PreGen-Plus four times more sensitive than FOBT in Exact Sciences’ multi-center study, http://www.exactsciences.com) ne couvre pas la totalité du spectre de la néogenèse colique et risque de laisser des faux positifs chez des individus à risque moyen et âgé de plus de 60 ans, sans tumeurs identifiées (19).
Anomalies de méthylation de l’ADN fécal La méthylation d’un gène ou de son promoteur peut directement influencer son expression. Dans le domaine du cancer du côlon, il a été démontré, la première fois, une hyperméthylation du gène de hMLH induisant des erreurs de réparation de mésappariement d’ADN chez des malades ayant des tumeurs appelées MSI (microsatelite instability). On opposait ainsi les anomalies épigéniques à celles bien connues relatives à des mutations ponctuelles de ce gène dans le syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colonic cancer). Depuis, de telles anomalies ont été rapportées pour beaucoup d’autres gènes. La technique moléculaire adaptée au dépistage des tumeurs pourrait être appliquée à des gènes dont les anomalies de méthylation entraînent une inactivation fonctionnelle. Les anomalies épigéniques sont associées à l’hyperméthylation au niveau de l’îlot CpG des gènes (23-26). Tout récemment, il a été démontré que les anomalies de méthylation des gènes de SFRP (25) ou de vimentine (26) constituaient des marqueurs puissants de détection des polypes adénomateux et des cancers coliques. Le gène de vimentine, par exemple, est méthylé dans 53 à 83 % des cancers coliques examinés. L’analyse fécale à la recherche de méthylation au niveau de la séquence spécifique de ce gène dans les selles donne une
Dépistage des tumeurs colorectales par les tests moléculaires 51 sensibilité de 46 % et une spécificité de 90 %. Ce marqueur semble être aussi sensible pour les tumeurs de stade I et II que III ou IV ou pour les tumeurs proximales comme pour les tumeurs distales. Cette approche pourrait aussi être appliquée à beaucoup d’autres gènes : la sensibilité de détection d’une anomalie de méthylation par l’analyse des selles est évaluée à 49 %, 34 % et 7 % pour les gènes, CDKN2A, MGMT et MLH1 chez des individus porteurs d’adénome de grande taille (27-28). La difficulté avec ce groupe de marqueurs méthylés réside dans la définition d’un seuil de normalité puisque le nombre de gènes méthylés et le niveau de méthylation de ceux-ci peuvent augmenter avec l’âge. L’ensemble de ces données permet d’ores et déjà d’espérer que le test fécal d’ADN pourrait raisonnablement concurrencer les tests basés sur la détection de sang fécal en termes de sensibilité, tout en améliorant sa spécificité et ainsi devenir le test non invasif de choix. L’aspect financier des tests moléculaires n’est pas un obstacle à leur généralisation.
Tests moléculaires dans d’autres effluents biologiques Les tests sanguins ont un intérêt immédiat pour le dépistage et sont mieux acceptés. La mise en évidence d’Ag tumoral, d’auto-anticorps antitumoraux ou d’ARNm dans le sérum ou le plasma se heurte pour le moment à des difficultés techniques qui ont empêché leur validation sur de grandes séries. La mise en évidence d’ADN altéré dans le sérum paraît plus prometteuse dans l’immédiat.
ARNm altéré L’ARNm a été isolé à partir du sérum, des urines et des selles. L’ARNm d’une ribonucléoprotéine, télomérase, surexprimé au cours de la division cellulaire est ainsi analysé dans différentes tumeurs malignes (29-31). Le test mis au point et appelé hTERT (human telomerase reverse transcription) a permis à Melissourgos et al. (30) de détecter des tumeurs de l’appareil urinaire et à d’autres auteurs de rapporter sa faisabilité à partir des selles pour détecter des tumeurs colorectales (29, 31). La perte d’empreinte génique du récepteur d’IGF2 (32) à partir d’un prélèvement sanguin s’avère être un test pertinent pour détecter des tumeurs colorectales tant cette anomalie est fréquente dans des tumeurs héréditaires et sporadiques. Toutefois, il n’a pas encore été validé à l’échelle d’une population.
Anomalies de l’ADN sérique Il existe dans le plasma 10-20 ng/ml d’ADN chez le sujet normal, 180-412 ng/ml en cas de cancer invasif et 118 ng/ml en cas de polypes coliques. Des mutations du gène K-ras dans le sérum des patients avec polypes ont été identifiées. L’approche moléculaire pourrait aussi être appliquée aux altérations de l’ADN mitochondrial (ADNmt). Il s’agit le plus fréquemment d’une insertion ou d’une délétion d’une paire de bases, ce qui est assez simple à mettre en évidence par des techniques de PCR (33). Le taux de mutations de l’ADNmt est bien supérieur à celui de l’ADN
52 Le dépistage du cancer colorectal nucléaire et l’ADNmt muté des cellules cancéreuses a un caractère homoplasmique consécutif à un avantage réplicatif de l’ADNmt muté par rapport à l’ADNmt normal (34). Ceci rend plus avantageux la recherche d’ADNmt muté par rapport à celle du gène p53 par exemple (33). Des mutations d’ADNmt ont été rapportées chez 35 % des 365 patients atteints de cancer colique invasif (35). Ces données suggèrent que l’ADNmt muté est potentiellement un marqueur moléculaire intéressant du cancer colorectal et sa validation dans les selles est en cours d’étude.
Coûts des tests moléculaires Peu d’études ont analysé le coût direct de ces tests. Seule la modélisation de dépistage de masse basée sur les données de la littérature (36) permet d’espérer qu’en réduisant le coût direct du test moléculaire, sa généralisation entraînerait une réduction considérable des coloscopies normales. En effet, à l’heure actuelle, son coût semble être comparable à celui de la coloscopie, si elle était généralisée selon la modélisation de Markov dans laquelle sa sensibilité a été supposée à 60 % pour le cancer et à 40 % pour les adénomes et une répétition du test tous les deux ans. À ce coût, le test ne pourra vraisemblablement pas être généralisé. Il faudra une diminution du coût du test, qui peut être atteinte si le volume de tests devenait important. De plus, il faudra améliorer la spécificité et en particulier la valeur prédictive positive du test car un test positif avec une coloscopie normale risque de générer de nombreux examens complémentaires pour s’assurer de l’absence d’autres tumeurs (gastrique, pancréatique ou biliaire). Il faudra, enfin, améliorer la sensibilité du test vis-à-vis des adénomes de taille moyenne ou petite au stade de dysplasie de bas grade.
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Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou coloscopie virtuelle D. Heresbach et J.-F. Bretagne
Introduction En France, le dépistage du cancer colorectal est basé sur les recommandations de pratique clinique concernant l’endoscopie digestive basse de 1996 révisées en 2004 (1) et les recommandations développées lors de la Conférence de consensus consacrée au cancer colorectal en 1998 (2). Un programme de dépistage par recherche de saignement occulte dans les selles (test Hemoccult II®) répété tous les deux ans, utilisant le test Hemoccult II®, est à présent appliqué dans vingt-trois départements français, avec l’espoir de le généraliser à la totalité du pays dans un futur proche, c’est-à-dire fin 2007. Toutefois, d’autres modes de dépistage basés sur l’endoscopie ont été préférés dans d’autres pays européens et aux États-Unis, et les résultats des programmes en cours en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Italie sont attendus vers 2006-2010. Dans cette revue générale, nous vous proposons de faire le point des connaissances sur le dépistage du cancer colorectal par les méthodes endoscopiques et par coloscopie virtuelle ou coloscanner.
Place de l’endoscopie dans les recommandations actuelles de dépistage du cancer colorectal dans une population à risque moyen Peu après les recommandations publiées par la Société Nationale Française de Gastroentérologie en matière de dépistage du cancer colorectal (2), l’Union européenne (3) a recommandé le test Hemoccult II® tous les un à deux ans chez les sujets âgés de 50 à 74 ans et a suggéré d’évaluer par des études contrôlées randomisées les performances de la sigmoïdoscopie flexible (RSS) comme méthode de dépistage.
58 Le dépistage du cancer colorectal La Société Américaine d’Endoscopie (ASGE) a recommandé un test Hemoccult II® annuel à partir de l’âge de 50 ans, une RSS tous les cinq ans ou une coloscopie totale (CT) tous les dix ans (4). La même année, le Collège Américain de Gastroentérologie s’est prononcé en faveur de la CT pratiquée tous les dix ans à partir de 50 ans et a proposé comme alternative un test Hemoccult II® annuel et une RSS tous les cinq ans (5). Les recommandations australiennes proposent soit la CT tous les cinq à dix ans soit un test Hemoccult II® annuel associé à une RSS tous les cinq ans (6). En 2003, l’Association Américaine de Gastroentérologie (7) a proposé aux sujets à risque moyen âgés de 50 ans ou plus de choisir parmi les stratégies de dépistage suivantes: a) test Hemoccult II® annuel (trois tests à deux reprises associés à des restrictions diététiques et sans réhydratation) ; b) une RSS tous les cinq ans suivie de CT si la première investigation a démontré la présence d’adénome de plus d’un centimètre, d’adénome villeux, d’adénomes multiples ou d’autre type d’adénome chez un patient de plus de 65 ans ou ayant un contexte familial de cancer colorectal ; c) test Hemoccult II® annuel suivi de RSS tous les cinq ans, en commençant par le test Hemoccult II® ; ou d) une CT tous les dix ans. Dès lors, la plupart des recommandations européennes actuelles prônent le dépistage par le test Hemoccult II® dont l’efficacité a été démontrée dans plusieurs essais contrôlés, mais certains pays incluent dans ce dépistage la coloscopie parmi les techniques prises en charge (8).
Résultats du dépistage du cancer colorectal par endoscopie digestive basse dans une population à risque moyen La prévention du cancer colorectal basée sur la rectosigmoïdoscopie flexible ou souple (RSS) ou la coloscopie totale (CT) a été évaluée au cours d’études ouvertes et d’études cas témoins. Des essais contrôlés randomisés sont en cours en GrandeBretagne, en Italie, et aux États-Unis, conformément aux recommandations de dépistage du cancer colorectal de l’Union européenne (3).
Résultats des études ouvertes et des études de cohorte Plusieurs études ouvertes (9-34) ont rapporté des taux de détection par endoscopie d’adénomes et de carcinomes dans une population à risque moyen (tableau I). La plupart de ces études ont analysé les résultats de la surveillance par CT, mais pour certaines la CT était faite après une première exploration préalable par RSS (30, 3335, 40). Aucune de ces études n’a fourni des données d’incidence et de mortalité observées au cours du suivi (tableau I). Des adénomes ont été détectés chez 6 % à 46 % des patients, des adénomes avancés (adénomes tubulovilleux ou de taille * 1 cm ou en dysplasie de haut grade ou carcinome in situ) chez 2 % à 13 % des patients, et des carcinomes dans 0,3 % à 2,5 % des cas. Ces grandes différences observées entre les séries de détection peuvent être imputées à des différences de conception des études ou des critères d’inclusion (âge, sexe, RSS préalable). Les antécédents fami-
119 CT
DiSario (1991) (11)
633 CT 176 RSS ± CT 3 496 RSS ± CT 4490 RSS ± CT
482 CT
> 50 ans Anamnèse, F(-), P(-) Hemoccult II® (-) 89/90 50-75 ans Anamnèse, F(-), P(-) Hemoccult II® (-) 50-79 ans, H Anamnèse, F(-), P(-) Hemoccult II® (-) 107/119 50-76 ans Anamnèse, F (20%) * 50 ans Anamnèse, F (12%) 50-79 ans Anamnèse, F(-), P(-) Hemoccult II® (-) 50-75 ans Anamnèse, F(-), P(-) Hemoccult II® (-) 50-75 ans Anamnèse, F(-), P(-) > 50 ans Anamnèse, F(-), P(-) ---108/RRSS (+) * 50 ans Anamnèse, F(-) 26 (23)
114 (100)
125 (25) 80 (46) 203 (6) ----
624 (99) 175 (99) -------
124 (26)
17 (13)
129 (100)
482 (100)
33 (31)
49 (41)
53 (25)
23 (26)
Adénome (%)
105 (90)
119 (100)
209 (95)
88 (97)
Tests effectués (%)
71 (1,6)
33 (1)
----
54 (9)
----
11 (10)
----
----
7 (6)
13 (6)
2 (2)
Adénome avancé (%)
(2)
CT : coloscopie totale ; RSS : sigmoïdoscopie flexible. H : hommes ; Anamnèse F(-) ou P(-) : aucun antécédent familial ou personnel de cancer colorectal ; Hemoccult II® (-) négatif SY (+) patients symptomatiques. (3) adénome > 1 cm ; CCR : cancer colorectal.
(1)
Rex (1993) (16) Kadakia (1996) (17) Read (1997) (18) Wallace (1998) (19)
Rex (1992) (15)
113 CT 129 CT 114 RSS ± CT
210 CT
Rex (1991) (10)
Lieberman (1991) (12) Foutch (1991) (13) Foutch (1991) (14)
90 CT
n patients dépistés (1) Critères d’inclusion (2)
Johnson (1990) (9)
Auteurs (année)
Tableau I - Études ouvertes de dépistage endoscopique du cancer colorectal chez les sujets à risque moyen.
1 (0,0003)
----
----
3 (0,6)
3 (0,6)
----
3 (2,5)
1 (1)
----
1 (0,5)
1 (1)
Carcinome (%)
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 59
3 (15) 1 231 (39) 95 (17) 1171 (37) 351 (13) 38 (13) 168 (8,4) 788 (27) 229 (20) 79 (9) 117 (25) ------617 (28) 214 (14,7) 705 (20,7)
3 131 (78) ---3 121 (98) 2 605(40) 302 (98) 1 934 (97) 2 885 (93) 1 483 (93) 898 (99) 476 (95) ------2 210 (98) 1 456 (97) 3 403 (98)
Adénome (%)
----
Tests effectués (%)
20 * 50 ans CT Anamnèse, F(-) 3 992 48-57 ans, H CT Anamnèse, F(-), P(-) 570 50-90 ans CT --3 196 * 50 ans CT Anamnèse, F(14%) 6 446 50-64 ans RSS ± CT Anamnèse, F(-), P (-) 1 994 > 50 ans CT Anamnèse, F(?), P(-) 3 121 * 50 ans CT Anamnèse, F(?), P(-) 1 593 40-79 ans CT Anamnèse P(-), Hemoccult II® (-) 906 40-49 ans CT Anamnèse, F(?), P(-) 505 > 50 ans CT Anamnèse, F(-), P(-) 5 109 Moyenne 62 ans, H CT histologie (?) 110 (562) Anamnèse, F(-) CT (via RSS) Hemoccult II® (-) 2 260 * 40 ans CT Anamnèse, F(-), P(-) 1512 *40 ans cohorte chinoise CT Anamnèse, F(-), P(-) 3 463 *40 ans cohorte occidentale CT Anamnèse, F(-), P(-)
n patients dépistés (1) Critères d’inclusion (2)
166 (4,9)
58 (4,0)
148 (6,5)
(2)
11 (0,3)
4 (0,3)
11 (0,5)
2 (0,3)
---467 (5)(3) 40(7)
4 (0,8)
----
1 (0,08)
24 (0,8)
7 (0,25) 17 (6) 12 (0,6)
30 (1)
----
18 (0,5)
----
Carcinome (%)
63 (13)
32 (3,5)
71 (4,8)
306 (11)
----61 (3,1)
329 (10,5)
45 (8)
61 (2)
----
Adénome (%) avancé (%)
CT : coloscopie totale ; RSS : sigmoïdoscopie flexible. H : hommes ; Anamnèse F(-) ou P(-) : aucun antécédent familial ou personnel de cancer colorectal ; Hemoccult II® (-) négatif SY (+) patients symptomatiques. (3) adénome > 1 cm ; CCR : cancer colorectal.
(1)
Nicholson (2000) (20) Ikeda (2000) (21) Rosen (2000) (22) Lieberman (2000) (23) Collet (2000) (24) Imperiale (2000) (15) Lieberman (2001) (26) Schoenfeld (2005) (28) Imperiale (2002) (29) Sung (2003) (30) Harewood (2003) (32) Wu (2003) (33) Betes (2003) (34) Soon (2005) (31)
Auteurs (année)
Tableau I (suite) - Études ouvertes de dépistage endoscopique du cancer colorectal chez les sujets à risque moyen.
60 Le dépistage du cancer colorectal
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 61 liaux n’étaient pas toujours connus ; les patients ayant un antécédent familial de cancer colorectal ont été inclus dans certaines études et exclus dans d’autres ; enfin quelques études ont inclus exclusivement des patients avec test Hemoccult II® négatif. Dans certaines études, la CT était réservée aux patients porteurs d’anomalies à la RSS (par exemple, au moins un adénome, un adénome avancé, ou de multiples adénomes). Dans les études ayant inclus le plus grand nombre de patients (24-29, 32, 34) ayant respecté la définition du risque moyen de cancer colorectal et reposant sur la CT, les taux de détection étaient respectivement de 10 % à 25 % pour les adénomes, 5 % à 15 % pour les adénomes avancés, et de 0,1 % à 1 % pour les carcinomes. Deux études n’incluant respectivement que des hommes (26) ou que des femmes (29) à risque moyen cancer colorectal ont montré que ces trois types de lésions étaient présents chez respectivement 27 % vs 20 %, 11 % vs 4,9 % et 0,8 vs 0,1 % des patients.
Résultats des études cas témoins Plusieurs études cas témoins ont évalué l’incidence du cancer colorectal et la mortalité chez des patients explorés par RSS ou CT (tableau II). L’incidence du cancer colorectal était significativement diminuée, de 45 % à 80 % après endoscopie basse. Dans cinq études cas témoins (35-39), la mortalité était diminuée de façon significative de 56 % à 75 %. Bien que certaines études contrôlées aient reposé exclusivement sur une rectosigmoïdoscopie rigide (35) ou une RSS (36, 40, 42), et d’autres sur la RSS ou la CT (37-39, 41), l’impact de la RSS ou de la CT sur l’incidence ou la mortalité du cancer colorectal sont similaires. Dans des études avec rectosigmoïdoscopie rigide (35) ou souple (36, 42), la réduction de la mortalité par cancer colorectal était entièrement calculée pour les lésions distales du rectum ou du sigmoïde, accessibles par l’exploration endoscopique. Dans une étude, la réduction de l’incidence était inversement proportionnelle à l’intervalle de temps écoulé depuis la RSS ou la CT (41) : la diminution était de 80 % pour les patients explorés au cours des cinq dernières années et restait significativement diminuée de 59 % pour ceux explorés plus de dix ans auparavant. Dans l’étude par RSS de Newcomb et al. (42), une réduction significative de 70 % de l’incidence du cancer rectosigmoïdien était également observée, mais cette diminution n’était plus significative chez les patients explorés depuis plus de sept ans.
Résultats des études contrôlées L’impact de l’endoscopie de dépistage avec polypectomie sur l’incidence et/ou la mortalité par cancer colorectal a fait l’objet de plusieurs études contrôlées qui ont utilisé divers protocoles. Dans un premier type d’études réalisées chez des patients à risque moyen ou élevé de cancer colorectal et tous porteurs d’adénome (sousgroupes avec incidence et risque élevé de néoplasie), la polypectomie au cours de la CT a été suivie d’une diminution de l’incidence du cancer colorectal (43-45). La polypectomie au cours de la CT a été associée à une réduction de l’incidence du
RSS (1979-1988)
RSS ou CT (1988-1992) 68-69 ans
RSS ou CT 7 à 12 ans/diag
RSS ou CT 40-75 ans hommes RSS 10 années/diag 30-79 ans RSS ou CT 40-80 ans
RSS (1998-2002) 20-75 ans
Newcomb (1992) (36)
Müller (1995) (37)
Müller (1995) (38)
Kavanagh (1998) (39)
Brenner (2001) (41)
Newcomb (2003) (42)
cas témoins
cas témoins
cas témoins
cas témoins
cas témoins a (3) témoins d (3) cas témoins
cas témoins
cas témoins
Groupe
1726 1324
320 263
1048 1209
21549 3195
4358 16531 16199 16351 16351
74 206
261 868
nombre n
(2)
CT : coloscopie totale ; RSS: sigmoïdoscopie souple ; SR : sigmoïdoscopie rigide (année d’inclusion), âge du patient. CCR : cancer colorectal; CC : cancer colique ; CR : cancer rectal; diag : diagnostics de CCR. (3) contrôles v et d : contrôles vivants et décédés. RR : risque relatif (le nombre entre parenthèses indique l’intervalle de confiance à 95 %).
(1)
Slattery (2000) (40)
SR (1971-1988)
critère d’inclusion (1)
Selby (1992) (35)
Auteur v(année) (réf.)
0,30 (0,20-0,43) et 0,83 (0,66-1,04) CCR proximal et distal diagnostiqués
0,20 (0,08-0,49) et 0,41 (0,19-0,88) RRSS ou CT < 5 ou > 10 années / diagnostic de CCR
0,6 (0,4-0,8) et 0,5 (0,3-0,8) incidence du CCR chez les hommes et femmes
0,58 (0,36-0,96) et 0,56 (0,20-1,6) incidence et mortalité du CCR
0,51 (0,44-0,58) et 0,55 (0,47-0,64) incidence du CC et CR
0,41 (0,33-0,50) et 0,44 (0,36-0,53) mortalités par CCR versus contrôles a et d
0,25 (0,16-0,42) et 0,80 (0,54-1.19) décès par CCR distal et proximal (accessible ou inaccessible par SR) 0,21 (0,1-0,52), 0,05 (0,01-0,43), 0,36 (0,11-1.2) mortalité par CCR, CCR distal et CC
RR de CCR ou RR de décès par CCR (2)
Tableau II - Études cas témoins du dépistage endoscopique du cancer colorectal chez les sujets à risque moyen.
62 Le dépistage du cancer colorectal
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 63 cancer colorectal de 76 % à 98 % comparée à trois groupes témoins historiques nord-américains (44). Dans une autre étude (45), des sujets asymptomatiques à risque moyen de cancer colorectal, qui avaient subi une polypectomie d’un ou plusieurs adénomes, ont été comparés aux contrôles chez lesquels l’incidence du cancer colorectal avait été estimée à partir des taux de mortalité par cancer colorectal extraits des registres nationaux italiens. Cette comparaison a montré une réduction significative de 66 % (IC 95 %, 0,23-0,63) de l’incidence du cancer colorectal après 10,5 ans de surveillance postpolypectomie. Dans un second type d’études, plusieurs essais contrôlés randomisés (tableau III) ont comparé la RSS au test Hemoccult II® ou à l’absence de dépistage. Un de ces programmes (51, 52) comportait aussi un bras CT, et une seule autre étude, prématurément interrompue, comparait le dépistage premier par CT à l’absence de dépistage (54). Un dernier programme de dépistage par CT n’a actuellement publié que les premiers taux de participation (57). Un seul essai contrôlé randomisé a déjà rapporté l’impact du dépistage endoscopique sur l’incidence du cancer colorectal et sa mortalité (47, 58) : l’incidence du cancer colorectal après surveillance pendant dix ans était réduite de 80 % à dix ans (RR, 0,2 ; IC 95 % : 0,03-0,95) dans le groupe dépisté par RSS. Aucune diminution significative de la mortalité par cancer colorectal n’a été observée, avec respectivement 1 et 3 décès parmi les 400 sujets explorés par RSS et les 399 témoins du fait de la taille des effectifs (58). Les données relatives à l’impact du dépistage par RSS sur l’incidence et la mortalité du cancer colorectal en Grande-Bretagne (56), en Italie (50), et aux États-Unis (48, 49) devraient être disponibles entre 2006 et 2010 en fonction des périodes d’inclusion des patients : 1996-1999 en Grande Bretagne ; 1995-1999 en Italie, et 1999-2000 aux États-Unis (tableau IV). Ces différents programmes ont rapportés des taux de détection d’adénomes par RSS ou CT de 7-18 % et 5-21 % alors que pour les carcinomes ces taux étaient de 0,03-0,54 %, et de 0-1,6 % ce qui est comparable aux résultats obtenus dans les études de cohortes prospectives (24-29, 32, 34).
Résultats des études à stratégies combinées (endoscopie plus test Hemoccult II®) Plusieurs études (tableau V) ont comparé l’impact de la rectosigmoïdoscopie rigide (62) ou souple (66) isolément ou combinée au test Hemoccult II®. D’autre part, quatre études (53, 63-65) ont comparé les résultats du test Hemoccult II® seul à ceux du test Hemoccult II® associé à la RSS. Bien que l’association des deux techniques de dépistage améliore les taux de détection des carcinomes (62) ou des adénomes coliques (62, 63, 66), seules deux études ont rapporté des données de surveillance. Dans une étude (62), après une surveillance moyenne de neuf ans, l’incidence des carcinomes colorectaux était semblable dans les deux groupes (0,9 vs 0,9 pour 1 000 patients-années), mais il existait une diminution de la mortalité par cancer colorectal à la limite de la significativité en faveur de la détection par méthodes combinées (0,63 vs 0,36 décès pour 1 000 patients-années). L’autre étude (63) portait sur une période de surveillance variant de 24 à 62 mois et n’a pas mis en
-----
40 674 (71) ---
(2)
RSS : sigmoïdoscopie souple ; NS : pas de dépistage ; CT : coloscopie totale ; Hemoccult II®. Pourcentage de patients dépistés par endoscopie.
17 % --8,7 % 8,0 %
----21 % 19 %
(1)
10,8 % ----------0,1 % 6,9 %
11% 11 % -------------
9 911 (58) --852 (23) 2370 1 380 (27) 1 625 2336 (29) 1026 (28) 3049 (28) 444 (81) --6 694 (67) 6 266 12 % ---
-----
0% 0%
5% 0,7 % 35 % ---
Adénome
56 958 (77) ---
----7% 8%
Antécédent familial de CCR
Gohagan 74 000 (2000) (48) 74 000 Bresalier (2002) (49) Segnan 55-64 ans 17 148 (2002) (50) RSS vs NS 17 144 Segnan 55-64 ans 3 695 (2002) (51) RSS vs Hemoccult II® 8 310 Segnan 55-64 ans 5 043 (2004) (52) RSS vs Hemoccult II® vs CT 5 546 Segnan 55-64 ans 8159 (2005) (53) Hemoccult II® vs RSS 3650 vs RSS + Hemoccult II® 10 867 Winawer 50-69 ans 547 (2002) (54) CT vs NS 553 Gondal 50-64 ans 9 991 (2003) (55) RSS vs RSS 9 946 + Hemoccult II® UK-FRSS Trial 55-64 ans 57 254 (2003) (56) RSS vs NS 113 178
n inclus (%) (2) 1353 (42) 1893 324 (81) 358
55-56 ans RSS vs Hemoccult II® 50-59 ans suivi de 13 ans RSS vs NS 55-74 ans suivi de 23 ans RSS à 0 et 3 ans vs NS
Brevinge (1997) (46) Thiis-Evensen (1999) (47)
n patients
3 184 3 183 400 399
Critère d’inclusion (1)
Auteurs (années) (réf.)
4,7 % ---
5% --2,8 % 2,6 %
3,4 % --4,4 % 1,1 % 4,4 % 1,0 % 1,5 % 5,3 %
-----
2,3 % 0,5 % -----
0,3 % ---
1% --0,2 % 0,2 %
0,5 % --0,34 % 0,26 % 0,43 % 0,13 % 0,30 % 0,30 %
-----
0,3 % 0,05 % 0% ---
Découverts à l’inclusion Adénome avancé Carcinome
Tableau III - Études contrôlées randomisées du dépistage endoscopique du cancer colorectal chez les sujets à risque moyen.
64 Le dépistage du cancer colorectal
47 (0,54) 21 (0,2) polype * 5 mm, polype * 1 cm polype et néoplasie sur adénome villeux mauvaise préparation, ou tubulovilleux, * 3 adénomes, * 20 p. hyperplasiques adénome villeux proximaux / rectum ou tubulovilleux
1 (0,03) polype * 5 mm les biopsies
324(81- ?) 112 (35) 57 (18) 34 (10)(6)
1993 50-55 49 %- ? 400 --400 pas de biopsie tout polype, pas d’exérèse
Telemark (47)
187 (0,29) polype ou masse quelle que soit la taille
55 989(83- ?) 15 150 (23.4) 4655 (7,2)(8) 1746 (2,7)(4)(8)
1993-2001 55-74 51,1 %-66,4% 77 465 --64 658 laissé au choix majorité sans biopsie ni exérèse
PLCO (60,61)
6 (0,2) adénome villeux, carcinome
2605(100- ?) 1678 (64) 351 (13) 116 (4)(7)
1995-99 55-64 59 %- ? 6 446 1 483 2 605 biopsie des polypes
Fremantle (24)
(2)
% par rapport au nombre, de patients inclus pour RSS – courrier d’invitation envoyé – de réponse reçues. % par rapport au nombre de RSS réalisée. (3) * 3 polypes ou * 1 cm. (4) : villeux ou > 1 cm, ou dysplasie. (5) villeux ou > 1 cm. (6) > 5 mm. (7) : villeux. (8) lésion distale rectosigmoïdienne ou dans les 50 cm distaux / marge anale.
(1)
131 (0,34) polype * 1 cm, * 3 adénomes,
40674(71-11-21) 9911 (58-3,7-23) 10258 (25.2) 1695 (17.6) 4931 (12.1) 1070 (10.8) 341 (3,4)(4) 1905 (4,7)(3)
6694(67-32-34) ---1154 (11.5) 287 (2,8)(5)
NORCAP (55)
n RSS réalisées (%)(1) • n polype (%)(2) • n adénome (%)(2) • n adénome à risque élevé (%)(2) • n cancer (%)(2) Critères pour CT après RSS
Score (53) 1995 - 99 50-64 48,6 %-26,0 % 20 780 20 003 9 991 biopsie de ou anse froide si < 5 mm
UK-FRSS (56, 59)
Date, n centre 1996 - 99 1995 - 99 Âge (ans) 55-64 55-64 % homme- % > 60 ans 50,4 %-43,8 % 50,0 %-44,2 % n courriers envoyés 368 142 266 568 n réponses obtenues 194 726 43 010 n inclus pour RSS 57 254 17 148 CAT en RSS biopsie et exérèse exérèse à la pince encouragées, < 3 mm et dans les 5 cm distaux : abstention
Programme
Tableau IV - Participation (%), résultat et nombre d’examens dans les programmes de dépistage du cancer colorectal par rectosigmoïdoscopie souple (RSS).
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 65
2 131 (5) 2 051 (96-5)(9) 386 (18,8)(10) 9 (0,4)(10)
N coloscopie totale • indiquée (%)(2) • réalisée (%) • n adénome (%) • n carcinome (%)
99 91 6 694 (67)
NORCAP (55)
832 (8,.4) 775 (93-8)(9) 116 (15,5)(10) 7 (0,9)(10)
1302 (19,5) 1175 (18)(11) 308 (4,6)(11) 0 (0)(11)
polype * 5 mm, polype * 1 cm polype et néoplasie sur adénome villeux, mauvaise préparation, ou tubulovilleux * 3 adénomes, * 20 p. hyperplasiques adénome villeux proximaux / rectum ou tubulovilleux
17 148 9 911 (58)
Score (53)
(10)
% par rapport au nombre de coloscopie totale indiqué – % par rapport au nombre de RSS réalisée. % par rapport au nombre de CT réalisée. (11) nombre et % de diagnostic par RSS et/ou CT.
(9)
polype * 1 cm, * 3 adénomes,
57 254 40 674 (71)
UK-FRSS (56, 59)
Critères pour CT après RSS
n inclus pour RSS n RSS réalisées (%)(1)
Programme
112 (35) 102 (91-31)(9) --1 (1)(10)
polype * 5 mm les biopsies
400 324 (81)
Telemark (47)
15 150 (23,4) 11 241 (74-10)(9) 5676 (50)(10) 180 (1,6)(10)
polype ou masse quelle que soit la taille
64 658 55 989 (83)
PLCO (60,61)
399 (15) 302 (76-11)(9) 65 (21)(10) 5 (1,6)(10)
adénome villeux, carcinome
2 605 2 605 (100)
Fremantle (24)
Tableau IV (suite) - Participation (%), résultat et nombre de coloscopie totale (CT) dans les programmes de dépistage du cancer colorectal par rectosigmoïdoscopie souple (RSS).
66 Le dépistage du cancer colorectal
Hemoccult II® RSS + Hemoccult II® 50-75 ans, RSS (-)
Hemoccult II® RSS + Hemoccult II® 50-74 ans, SY (-)
Hemoccult II® RSS + Hemoccult II® 50-75 ans, SY (-)
SY RSS + Hemoccult II®
Rasmussen (1999) (63)
Berry (1997) (64)
Verne (1998) (65)
Hoff (2003) (66)
67 63
32 30
50 20
56 40
-----
Participation %
6 694 6 266
854 401
3 128 3 243
3 055 2 222
5 806 6 673
Patients dépistés n
(2)
essai contrôlé non randomisé. RSS: sigmoïdoscopie souple ; SR : sigmoïdoscopie rigide ; Hemoccult II®; SY (-) : aucun symptôme. (3) adénome * 10 mm. (4) décès par cancer colorectal après 24 à 62 mois de suivi. (5) cancer incident après dépistage. (6) décès par 1000 patient-années (p < 0,05) après 9 années de suivi.
(1)
SR SR + Hemoccult II® SY (+)
Groupe (2)
Winawer(1) (1993) (62)
Auteurs (année) (réf.)
21 20
1 1
2 3
4 12
17(31)(5) 26(31)(5)
Carcinome n
1 167(284)(3) 1 063(258)(3)
3 30
(4)(3) (26)(3)
21(14)(3) 253(72)(3)
-----
Adénome n (avancé)(3)
Tableau V - Études contrôlées randomisées du dépistage colorectal par la sigmoïdoscopie souple seule ou combinée à l’Hemoccult II®.
-----
---
-----
14 décès(4) 11 décès(4)
0,63 décès(6) 0,36 décès(6)
Mortalité
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 67
68 Le dépistage du cancer colorectal évidence de différence significative de mortalité par cancer colorectal entre le test Hemoccult II® seul ou associé à la RSS. Ces résultats sont en accord avec ceux d’une large étude prospective récente portant sur 2 885 patients à risque moyen (26), au cours de laquelle les sensibilités du test Hemoccult II® et de la RSS dans la détection du cancer colorectal ne s’additionnaient pas. Ainsi, la sensibilité du diagnostic de néoplasie avancé était de 70 % avec la RSS seule et de 76 % avec l’association RSS et test Hemoccult II®. Bien qu’aucune étude n’ait comparé en population jusqu’à présent la stratégie endoscopique et non endoscopique dans le dépistage du cancer colorectal, les deux stratégies ont été utilisées dans les mêmes zones géographiques par le même groupe d’investigateurs (67). Les rendements en termes de détection des lésions ont été comparés pour le test Hemoccult II® tous les deux ans pendant dix ans vs le test Hemoccult II® associé à un seul examen par RSS. Néanmoins, aucune donnée relative à l’incidence et la mortalité par cancer colorectal au cours du suivi n’a été recueillie dans cette étude. Les taux de détection du cancer colorectal étaient respectivement de 0,99 % et 0,66 % avec les deux stratégies et de 2,3 % et 3,3 % (P < 0,01) pour les adénomes à haut risque en ne tenant compte que des individus testés (analyse per-dépistage). Lorsque l’analyse était faite avec l’intention de dépister, les valeurs correspondantes étaient respectivement 0,65 % vs 0,27 % (P < 0,002) et de 1,5 % vs 1,3 %, pour le cancer et les adénomes à haut risque. Deux programmes de dépistage réalisés en Grande-Bretagne en population peuvent être comparés : l’un était basé sur le test Hemoccult II® tous les deux ans pendant onze ans (68, 69), et l’autre sur une seule exploration par RSS entre 55 et 64 ans (56). L’endoscopie a détecté dix fois plus d’adénomes (1,5 % vs 12,5 %) et deux fois plus d’adénomes de plus de 10 mm (1,2 % vs 2,4 %) ; les taux de détection de cancer colorectal étaient voisins (0,52 % vs 0,35 %) en analyse per-dépistage. Dans une étude récente comparant diverses stratégies (test Hemoccult II® seul, RSS seule, RSS suivie d’un test Hemoccult II®, choix du patient entre le test Hemoccult II® ou une unique RSS), le risque relatif de découverte d’adénomes avancés par RSS comparativement au test Hemoccult II® était de 3,6 (IC à 95 % : 2,5-5,1) (53).
Quelle est la meilleure méthode d’exploration endoscopique digestive basse pour le dépistage du cancer colorectal : rectosigmoïdoscopie souple versus coloscopie totale (RSS vs CT) ? Dans le cadre d’un dépistage à l’échelle d’une population, l’alternative CT vs RSS a des répercussions financières dont il faut tenir compte. Aussi est-il important, quelle que soit la méthode, de définir les taux exacts de faux négatifs du dépistage du cancer colorectal. Plusieurs études ont tenté de déterminer la prédiction de tumeurs proximales (adénome ou adénome avancé) selon la présence de lésions coliques dis-
Dépistage du cancer colorectal par endoscopie classique ou … 69 tales détectées par RSS (tableau VI). Les adénomes proximaux ont été observés chez 1,5 % à 4,8 % des patients exempts de lésions distales et chez 8 % à 13 % des patients porteurs d’adénomes distaux. Les adénomes proximaux avancés chez les sujets à risque moyen de cancer colorectal représentent de 18 % à 54 % (25, 79, 95, 83) de la totalité des adénomes avancés détectés par dépistage. Dans ces études portant sur des sujets à risque moyen de cancer colorectal, les adénomes avancés proximaux étaient plus fréquents chez les patients porteurs d’adénomes distaux que chez ceux qui en étaient dépourvus (25, 78-81, 83). Bien que les lésions au niveau distal (rectum et sigmoïde) découvertes en cours de CT aient été assimilées à celles découvertes par la RSS, deux études incluant des sujets à risque moyen, masculins (26) et féminins (28), ont montré que 66 % des hommes et seulement 35 % des femmes porteurs de néoplasies avancées auraient été détectés si la RSS avait été utilisée comme seule technique de dépistage. Une métaanalyse (85) a montré que le risque relatif d’adénome proximal avancé était 2,8 fois plus élevé (IC 95 % : 1,45-5,42) chez les patients porteurs d’un adénome distal mais n’était pas significativement accru (RR = 1,63; IC 95 % : 0,61-4,33) chez ceux porteurs de polypes hyperplasiques de siège distal. Une analyse multivariée a été effectuée dans cinq études, afin de déterminer les facteurs prédictifs d’adénome avancé proximal chez les sujets à risque moyen de cancer colorectal (78, 83, 86-88). Dans l’une de ces études (78), un âge supérieur à 64 ans, des antécédents familiaux de cancer colorectal après 55 ans, et la présence au niveau distal d’adénome tubulovilleux ou d’adénomes multiples étaient associés à la présence d’adénome proximal avancé. Les résultats de deux études ne peuvent aider à définir les indications de CT après RSS car l’analyse multivariée a, soit exclu les patients dépourvus d’adénome distal (78), soit inclus uniquement les patients présentant un adénome distal (87). Malgré l’observation d’adénomes proximaux respectivement chez 35 % et 20 % des patients avec ou sans adénome distal, et un risque accru d’adénome proximal (RR = 1,8 ; IC 95 % : 1,2-2,5) chez les patients porteurs d’adénomes distaux non avancés de taille inférieure à 9 mm, la présence d’un adénome distal de moins de 9 mm n’était pas associée à un risque accru d’adénome avancé proximal synchrone (6 % des patients porteurs et 5,5 % dépourvus d’adénome distal, RR = 1,1 ; IC 95 % : 0,5-2,6) ; le seul facteur de risque d’un adénome avancé proximal identifié en analyse multivariée était dans cette étude (88) le sexe masculin (RR = 1,3 ; IC 95 % : 1,01-2,61). Dans une autre étude multivariée (83), le risque de développer un adénome proximal avancé était augmenté uniquement chez les patients porteurs d’un adénome distal volumineux (RR = 2,6 ; IC 95 % : 2,0-3,4) ou villeux (RR = 2,7; IC 95 % : 2,1-3,5) mais non significatif chez les sujets porteurs d’un seul petit adénome tubuleux distal (RR = 1,05 ; IC 95 % : 0,8-1,3). Pour mieux définir les critères prédictifs, un index a été établi à partir des résultats d’une étude de dépistage par CT réalisée chez 1 994 individus à risque moyen de cancer colorectal ; les résultats ont été validés grâce à une autre cohorte prospective portant sur 1 031 individus examinés de façon successive (86). Des scores furent attribués à un certain nombre de critères tels que l’adénome distal avancé ou non avancé (polype hyperplasique, adénome < 1 cm, adénome avancé, scores respectifs : 1, 2, et 3), le sexe (homme : score 1), et l’âge (55 à 65 ans : score 1 à 3). La
3088
4490
3496
175
226
162
482
105
210
129
162
Patient n
> 50 ans, RSS ± CT H 76 %, SY (-) > 60 ans, RSS ± CT H 63 %, SY (-) > 50 ans, RSS ± CT H 60 %, SY (-) –, RSS ± CT –, SY (-) * 50 ans, RSS ± CT H 71 %, SY (-) 18-69 ans, CT H 55 %, SY (88 %)
> 50 ans, RSS ± CT H 76 %, RSS (-) > 50 ans, CT H 99 %, SY (-) 50-75 ans, CT H 71 %, SY (-) 50-76 ans, CT H 100 %, SY (-) 50-75 ans, CT
Critère d’inclusion Âge, procédé, sexe, indication (1)
---
---
---
---
23
(2)
11,9
15
28
15
15
13
– – –
15 ---------------------42------------------------- 29 --------------------42------------------------- 18 --------------------38-------------------------
---
---
---
---
0-5,4
6-10
---
29
19 ----------------------28-------------------------
---
---
(2)
---
7,9
---
---
4,2
--- ----------------------29-------------------------
12,5
---
1,4
10,3
---
–
–
32 --------------------37-------------------------
14,3--------------------42-------------------------
–
29 --------------------33-------------------------
% adénome proximal, adénome proximal avancé (2) selon le polype distal Aucun HP (3) Ad. tubuleux Ad. villeux Ad. 35 ans, RSS ± CT H 63%, SY (45 %) > 50 ans, H 61 %, SY (-), CT > 50 ans, CT H 97 %, SY (-) > 50 ans, CT H 59 %, SY (-) > 50 ans, CT F 100 %, SY (-) 53-73 ans, CT H 49 %, SY (±) 48 à 57 ans CT H 100 %, SY (-) > 50 ans, RSS ± CT H 62 %, SY (-) 55-74 ans RSS ± CT H 61 %, SY (-) > 40 ans, CT H 75 %, SY (-) > 40 ans, CT, SY (-) H 62 %, cohorte chinoise H 49 %, cohorte occidentale
Critère d’inclusion Âge, procédé, sexe, indication (1) ---
0,8
(2)
(2)
0,9 1,9
1,4
----(2) 4,8 (2)
---
8,7
4,1
3,4
---
13,3
3,9
5,7
-----
0
----3,5
---
-----
4,2
21 4 4,3
---
-----
---
25 12 11,7
---
-----
---
20 3 4,3
1,3
-----
---
28 11 11,5
---
-----------------------33-------------------------
---
13,2
11,7
5,7
4,1
7,1
9,4
---
3,2
----------------------33-------------------------
4,0
5,1
---
---
3,4
1,5
3,7
4,8
(2)
(2)
(2)
(2)
(2)
(2)
(2)
(2)
(2)
-----
15,9
28 10 11,7
6,0
22,1
88,0
11,5
---
---
5,9
% adénome proximal, adénome proximal avancé (2) selon le polype distal Aucun HP(3) Ad. tubuleux Ad. villeux Ad. 40) ainsi que les femmes enceintes ou
108 Le dépistage du cancer colorectal susceptibles de l’être ont aussi été exclus. Après obtention du consentement éclairé, les sujets éligibles ont bénéficié la veille de l’examen d’une préparation colique par phosphate de sodium (45 ml × 2). Un lavement complémentaire a été administré 30-120 minutes avant l’examen. Chaque examen a été suivi d’une coloscopie standard. Les examens ont été réalisés par un endoscopiste expérimenté de l’université Rebro à Zagreb. L’intubation cæcale a été identifiée sur des critères anatomiques (valve iléo-cæcale, plis cæcaux ou orifice appendiculaire) et fluoroscopiques. L’AerO-Scope™ a atteint le cæcum dans dix cas (83 %) et l’angle colique droit dans les deux autres cas. Dans ces deux derniers cas, le coloscope standard n’a pu progresser au-delà de l’angle droit. La durée moyenne de la procédure était de 23 minutes (extrêmes : 15-35 minutes). Le temps d’intubation cæcal était de 14 minutes. La pression maximale était de 34 ± 2,3 mbar. Deux des douze patients ont reçu des analgésiques à la demande et dans ces deux cas le cæcum a été atteint avec succès. Quatre sujets ont éprouvé une sensation de distension cédant spontanément en quelques minutes. Des lésions pétéchiales minimes étaient notées chez quatre sujets lors du contrôle par coloscopie standard. Aucun événement indésirable n’a été observé dans les trente jours de suivi postprocédure. Ainsi dans cette étude préliminaire portant sur un nombre restreint de sujets sains d’âge inférieur à celui de la population cible du dépistage, le cæcum a été atteint dans 83 % des cas pour des pressions nettement inférieures à celles observées en endoscopie traditionnelle, sans lésion muqueuse significative et sans nécessité de sédation particulière. La tension sur le mésentère étant responsable de la douleur et liée aux risques de perforation (7-12), ce procédé semble particulièrement prometteur. L’efficacité et la tolérance de cette procédure doivent encore être évaluées dans une population symptomatique et/ou plus âgée, susceptible de présenter une diverticulose ou un ATCD de chirurgie pelvienne. Une fois le procédé techniquement stabilisé, il restera à en établir la sensibilité et la spécificité, paramètres qui devraient être bons voire excellents, mais aussi son caractère coût efficace en population.
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Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal C. Lejeune Remerciements à C. Berchi
Introduction L’objectif de ce chapitre est d’apporter aux lecteurs un guide de lecture des évaluations médico-économiques du dépistage du cancer colorectal. Ce chapitre est divisé en deux parties distinctes. La première partie a pour objectif de replacer l’évaluation dans son contexte théorique et économique et d’en décrire les grands principes. La seconde partie synthétise les principaux résultats d’évaluations médico-économiques du dépistage du cancer colorectal publiées dans la littérature scientifique internationale.
De l’intérêt d’entreprendre des évaluations médico-économiques Introduction à l’évaluation médico-économique des programmes de santé Contexte L’évaluation économique trouve sa justification dans l’impossible régulation marchande du secteur de la santé (1). La plupart des secteurs de l’économie sont en effet régis par des mécanismes de marché qui incitent les consommateurs et les producteurs à utiliser au mieux, en fonction de leurs intérêts propres, les ressources limitées dont la société dispose. Le secteur de la santé échappe à ce mode de fonctionnement, notamment en raison de la difficulté pour le consommateur à accéder à toute l’information lui permettant de juger des caractéristiques (qualité et prix)
112 Le dépistage du cancer colorectal du bien ou du service en santé qui lui serait bénéfique. La responsabilité du choix optimal à effectuer incombe donc à un expert, le médecin, qui doit peser le rapport coût/avantage de la décision qu’il va prendre en faveur de son malade. La mauvaise utilisation des ressources collectives est l’une des éventuelles conséquences liées à cette situation d’asymétrie d’information. En effet, depuis les années 1970, les dépenses de santé n’ont cessé de croître, tant du fait du vieillissement constant de la population que du développement rapide de nouvelles techniques médicales et de leur coût croissant (2). Si la multiplication de nouvelles techniques pose la question de la maîtrise des dépenses de santé, elle pose également celle de l’évaluation de leur impact sur la santé des individus. Les examens réalisés sont parfois douloureux et comportent des risques. Ils peuvent également être générateurs d’anxiété, voire de traitements inutiles quand leur résultat est faussement positif. Par ailleurs, l’efficacité et les performances de ces innovations sont souvent insuffisamment démontrées et leur diffusion dans la communauté médicale généralement mal évaluée. C’est ce contexte d’incertitude associé à la forte contrainte des ressources pesant sur le système de santé qui ont fait de l’évaluation économique un outil important d’aide à la décision afin de rationaliser les choix et de rendre efficiente l’utilisation des moyens mobilisés par la collectivité.
Principes de l’évaluation économique L’évaluation économique consiste à déterminer, parmi un ensemble de stratégies (préventives, diagnostiques ou thérapeutiques) possibles, la meilleure stratégie en termes d’efficacité médicale et d’utilisation des ressources mobilisées (1, 3). La détermination de la stratégie optimale passe par l’identification, la mesure et la comparaison des coûts et des conséquences de chacune des stratégies considérées. La réalisation d’une évaluation médico-économique passe par un certain nombre d’étapes qui doivent être respectées (4) : 1. Le nombre et le type de stratégies à comparer doivent être clairement précisés et leur choix doit pouvoir être justifié. Le choix du comparateur doit notamment être fait. La détermination de la stratégie optimale nécessite en effet que soit préalablement définie une stratégie dite « de référence » par rapport à laquelle seront comparées toutes les alternatives envisagées. Cette stratégie de référence est classiquement la stratégie la plus fréquemment utilisée dans la pratique clinique. Elle peut également correspondre à la stratégie « Ne rien faire ». 2. La population cible de l’étude doit être précisée et l’horizon temporel de l’étude fixé. Ce dernier est largement dépendant des objectifs de l’étude et des données disponibles concernant notamment l’histoire naturelle de la maladie. 3. Le point de vue adopté dans l’analyse doit être défini. Il dépend avant tout de l’objectif poursuivi. On distingue le point de vue du patient, celui du payeur (Assurance maladie…), des producteurs de soins (hôpital…) ou de la société toute entière. Selon le point de vue adopté, l’identification et la mesure des coûts et des
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 113 conséquences des stratégies évaluées pourront différer fortement. Il existe en effet plusieurs catégories de coût. – Les coûts directs médicaux et non médicaux sont les plus facilement valorisables. Ce sont les coûts qui sont directement imputables à la maladie (coût des consommables, des médicaments, des consultations, coût des transports des patients dans le cadre de leur prise en charge...). – Les coûts indirects sont rarement pris en compte dans les analyses médico-économiques. Ils correspondent à la valeur de la production économique perdue en raison d’une maladie, d’une blessure invalidante ou d’un décès prématuré. La valorisation monétaire de ces pertes fait l’objet de nombreux débats méthodologiques. – Les coûts intangibles, qui correspondent à la douleur et à l’angoisse ressenties par la population ciblée par l’étude, sont également difficilement quantifiables car il s’agit d’un concept subjectif qui varie selon la perception et l’attitude de chacun. 4. Le choix du type d’évaluation médico-économique à mener doit être fait et doit pouvoir se justifier. On distingue plusieurs méthodes qui se différencient par la nature des indicateurs des résultats médicaux pris en considération. – Les études coût-efficacité sont les plus répandues. Elles permettent de relier le coût d’une stratégie de santé à ses conséquences médicales, exprimées en unité physique. Une mesure conventionnelle de l’efficacité est le nombre d’années de vie gagnées. En fonction des objectifs de l’étude, d’autres critères peuvent être utilisés comme le nombre de cas d’une maladie détectés ou le nombre de sujets répondant favorablement à un traitement. Cependant, ils ne permettent pas facilement la comparaison avec d’autres pathologies. L’objectif de l’analyse coûtefficacité est de calculer un ratio coût-efficacité différentiel, résultat synthétique de l’évaluation comparative de deux stratégies. Ce ratio s’interprète comme le coût par unité supplémentaire d’efficacité engendré par une stratégie par rapport à une autre. Il est défini par le rapport entre la différence de coût moyen entre deux stratégies et la différence d’efficacité moyenne imputable à ces deux mêmes stratégies. Lorsque la comparaison de plus de deux stratégies est envisagée, le calcul de ce ratio permet de déterminer la stratégie présentant le rapport coût-efficacité le plus faible, autrement dit la stratégie permettant de maximiser l’efficacité à contrainte budgétaire fixée a priori, (ou, de manière équivalente permettant d’atteindre un objectif médical donné au moindre coût). – Les études coût-utilité sont le deuxième type d’analyse médico-économique le plus utilisé. Elles sont une variante de l’analyse coût-efficacité. Elles permettent de relier le coût d’une stratégie de santé à ses conséquences médicales mesurées en terme d’utilité, c’est-à-dire en terme d’efficacité pondéré par une appréciation subjective de la qualité de vie quantifiée grâce à une échelle allant de 0 (mort) à 1 (parfait état de santé). C’est un coût par QALY (Quality-Adjusted Life Year ou année de vie gagnée ajustée sur la qualité de vie) qui est ainsi calculé et non plus un coût par année de vie gagnée. – Le dernier type d’analyse médico-économique est l’analyse coût-bénéfice. Elle consiste à valoriser monétairement l’efficacité d’une stratégie de santé afin de dé-
114 Le dépistage du cancer colorectal terminer si elle dégage un bénéfice ou un coût net pour la collectivité. Son atout réside donc dans sa capacité à apprécier si un programme de santé présente un intérêt à être réalisé. Dans ce but, un ratio coût-bénéfice est calculé afin de déterminer s’il est supérieur ou inférieur à 1. Une autre possibilité est de calculer une valeur nette actuelle, résultat de la différence entre la valeur actuelle du bénéfice et la valeur actuelle des coûts. La valorisation monétaire du prix de la vie humaine expose les études coût-bénéfice aux critiques, tant sur le plan méthodologique que sur le plan éthique. C’est la raison pour laquelle ces études sont nettement moins utilisées que les analyses coût-efficacité ou coût-utilité dans le domaine de la santé publique.
Place de la modélisation dans les évaluations médico-économiques Intérêt et principe de la modélisation Définie comme une représentation schématique et formalisée d’une situation clinique réelle, la modélisation joue un rôle central dans l’évaluation économique des programmes de santé. L’intérêt de son utilisation est justifié par plusieurs facteurs : l’absence d’études cliniques randomisées, l’insuffisance de l’information fournie par les études cliniques, le long temps de latence existant entre la mise en place des études cliniques et l’obtention des premiers résultats, le besoin d’extrapoler les résultats cliniques et économiques au-delà de l’horizon temporel de l’étude clinique, le besoin de transposer les résultats cliniques et économiques à d’autres pays, d’autres centres de prise en charge ou d’autres populations (groupes à risque, groupes d’âge différents…) (5). Les études de modélisation sont fondées sur l’analyse décisionnelle, méthode utilisée pour analyser les conséquences de décisions médicales prises dans un contexte d’incertitude. L’analyse décisionnelle consiste, à partir d’un algorithme de prise en charge, à construire un arbre de décision représentant un enchaînement logique d’événements et de décisions dans une situation clinique bien déterminée (6). Analyser une stratégie, c’est donc en étudier son cheminement et mesurer les conséquences en fonction des avantages attendus et des risques courus par le patient qui en est l’objet. À côté des simples arbres de décision, des modèles plus complexes, comme les modèles de Markov, peuvent être développés (7). Ils sont à utiliser pour l’analyse de maladies chroniques ou dans le cas de pathologie nécessitant la répétition d’examens et s’inscrivant dans le temps. Ces modèles permettent de représenter l’évolution d’une maladie et de suivre une population évoluant de manière probabiliste au travers d’un nombre donné d’états de santé. Ce type de modèle suppose que le temps est divisé en cycles et que l’état de santé au cycle i + 1 ne dépend que de l’état de santé au cycle i, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un processus sans mémoire. Ainsi tous les patients dans un état de santé donné à un temps donné ont la même probabilité de se retrouver dans les états de santé ultérieurs. Le passage d’un état de santé à un autre se fait par le biais de probabilités de transition (probabilité d’avoir un test positif, probabilité de décéder au cours d’une intervention
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 115 chirurgicale, probabilité qu’un cancer se développe à partir d’un adénome, probabilité pour un cancer de passer d’un stade asymptomatique à un stade symptomatique…), généralement tirées de la littérature scientifique, d’essais cliniques ou de données de registres de cancers spécialisés. Ces probabilités peuvent également reposer sur l’avis d’experts en cas de données manquantes.
Analyses de sensibilité Les modèles sont une représentation formalisée d’une situation clinique dans un contexte d’incertitude. De fait, ils reposent souvent sur un ensemble d’hypothèses, aussi bien médicales qu’économiques. Les analyses de sensibilité ont pour objectif de tester la variabilité des résultats obtenus par les modèles afin de s’assurer de leur robustesse et de leur fiabilité. Ces analyses consistent à faire varier un ou plusieurs paramètres (épidémiologiques et/ou économiques) du modèle sur lesquels pèse une incertitude quant à leur véritable valeur afin d’en étudier l’impact sur le ratio coût/avantage calculé. Elles permettent également d’identifier la valeur critique d’un paramètre central de la décision au-dessus ou au-dessous de laquelle la stratégie élue pourrait ne plus être acceptable ou le devenir (3). Il existe en effet un seuil (30 000 € par QALY), établi implicitement par le National Institute of Clinical Excellence (NICE) en Angleterre, en deçà duquel toute stratégie de santé serait considérée comme acceptable du point de vue de la collectivité (8).
Intérêt de recourir à la modélisation pour évaluer l’efficience du dépistage du cancer colorectal Le dépistage du cancer colorectal présente une situation permettant le recours à sa modélisation. À ce jour en effet, un seul test de recherche d’un saignement occulte dans les selles (test au gaïac) a fait la preuve de son efficience. Il s’agit du test Hemoccult II®. Plusieurs alternatives sont envisagées, à plus ou moins long terme : autres techniques de recherche d’un saignement occulte dans les selles, méthodes endoscopiques, méthode radiologique, méthode génétique. Le remplacement du test Hemoccult II® par ces nouvelles stratégies ne sera possible qu’après la démonstration de leur efficience. Le recours à la modélisation est donc nécessaire afin d’estimer le ratio coût-efficacité de ces alternatives par rapport au test de référence (test Hemoccult II®). L’évaluation de l’efficience de ces alternatives, par le biais du recours à la modélisation, demande que soit réuni un certain nombre de paramètres démographiques épidémiologiques et cliniques comme les variables liées à la population (distribution de la population par âge et sexe, espérance de vie, taux de participation au test de dépistage et taux d’acceptabilité des explorations complémentaires), les variables liées à la maladie (incidence de la maladie, répartition par stade, taux de survie…), et les variables liées au test de dépistage (performances diagnostiques du test, intervalles de dépistage…).
116 Le dépistage du cancer colorectal Les paramètres économiques nécessaires à l’évaluation économique d’un programme de dépistage de masse du cancer colorectal et au calcul du ratio coûtefficacité différentiel devraient comprendre les coûts d’organisation du programme de dépistage, le coût de distribution du test, le coût de lecture du test, le coût des explorations complémentaires après un test positif, le coût du traitement des cancers, le coût de suivi des cancers et le coût de la gestion des données et du contrôle de qualité du programme de dépistage, et si possible les coûts intangibles ainsi que les coûts indirects liés aux pertes de productivité. Par ailleurs, avant de conclure à l’efficience d’une stratégie, il est nécessaire de procéder à l’analyse critique des paramètres utilisés au travers d’analyses de sensibilité.
Principaux résultats des évaluations économiques du dépistage du cancer colorectal Rares sont les études ayant intégré l’appréciation de la qualité de vie dans l’évaluation économique du dépistage du cancer colorectal. Les analyses publiées sont donc essentiellement de type coût-efficacité. Toutes ne répondent pas aux recommandations de bonnes pratiques qui stipulent notamment que doit systématiquement être réalisée une analyse comparative différentielle des différentes alternatives possibles par rapport à une stratégie de référence préalablement définie. C’est la raison pour laquelle les analyses coût-efficacité présentées dans cette partie ont été sélectionnées sur la base de ce critère. La très grande majorité des études concernent le dépistage du cancer colorectal en population générale. Rares sont les études qui se sont intéressées aux sujets à risque élevé de cancer colorectal, et notamment aux apparentés au premier degré d’un sujet atteint d’un cancer colorectal.
Analyse coût-efficacité du dépistage du cancer colorectal en population générale Test Hemoccult II® de recherche d’un saignement occulte dans les selles La réalisation d’un test au gaïac de recherche d’un saignement occulte dans les selles, comme le test Hemoccult II®, suivi d’une coloscopie en cas de résultat positif, est actuellement la stratégie de dépistage recommandée dans la population générale de l’âge de 50 ans à l’âge de 74 ans par la Commission européenne (9) et le code européen contre le cancer (10). Quatre études ont estimé le ratio coût-efficacité du programme de dépistage utilisant ce test (11-14). Toutes présentent l’intérêt d’avoir utilisé les données issues d’études de population, réalisées en Angleterre, au Danemark, aux États-Unis et en Bourgogne (15-18). Dans trois des quatre études, le test Hemoccult II®, réalisé tous les deux ans, a été comparé à l’absence de dépis-
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 117 tage. Les auteurs du modèle danois ont ainsi estimé, après un recul de 36 ans, que le coût par année de vie gagnée était le plus faible dans la tranche d’âge 65-74 ans avec un ratio de 2 280 €. Ce ratio signifie que le dépistage du cancer colorectal par le test Hemoccult II® engendre un surcoût de 2 280 € par année de vie gagnée supplémentaire par rapport à l’absence de dépistage. Le ratio s’élevait à 2 521 € dans la tranche d’âge 55-74 ans et à 2 360 € par année de vie gagnée chez les 60-74 ans (11). Le ratio coût-efficacité associé aux 50-74 ans n’a pas été retenu par les auteurs comme une stratégie efficiente. Dans l’étude anglaise (14), un modèle dit « semimarkovien » a été développé dans le cadre d’une étude coût-utilité. Un coût de 2 395 € par QALY a été estimé dans une population âgée de 50 à 74 ans après un suivi de 30 ans. Enfin, l’étude française, qui repose sur un modèle de Markov, indique que le test Hemoccult II® biennal, réalisé dans une population âgée de 50 à 74 ans au commencement du dépistage et suivie pendant 20 ans, présentait un ratio coût-efficacité différentiel de 3 357 € par année de vie gagnée supplémentaire par rapport à l’absence de dépistage (12). La comparaison des résultats de ces trois études indique que le ratio coût-efficacité différentiel estimé par l’étude française était légèrement plus élevé que ceux de l’étude anglaise et danoise. Cet écart s’explique essentiellement par les différences d’estimation des coûts, notamment le coût de la coloscopie et le prix du test Hemoccult II®. Les analyses de sensibilité ont en effet montré que le coût du test et des examens complémentaires jouent un rôle important dans l’estimation du ratio coût-efficacité. Ainsi, le doublement du prix du test de dépistage danois se traduit par une augmentation de 14 % du ratio coût-efficacité et par une augmentation de 30 % dans l’étude anglaise. L’étude utilisant les données bourguignonne a tenu compte du fait que le test Hemoccult II® était vendu en France deux à trois fois plus cher qu’en Angleterre ou au Danemark. Le prix du test a donc été diminué dans l’analyse de sensibilité. Une baisse de 50 % de son prix se traduit par une baisse de 11 % du ratio coût-efficacité différentiel. A côté des paramètres économiques, des analyses de sensibilité ont été réalisées sur les paramètres épidémiologiques, et notamment sur le taux de participation. L’étude bourguignonne indique que lorsque le taux de participation augmente de 10 % (passant de 55 % à 65 %), le coût par année de vie gagnée diminue de 20 %. Lorsqu’il diminue de 20 %, le coût par année de vie gagnée augmente de plus de 80 %. Au total, ces trois études coût-efficacité ont démontré que le test Hemoccult II® était une stratégie coût-efficace par rapport à l’absence de dépistage (8). L’ensemble des résultats de ces études est rassemblé dans le tableau I. Une dernière analyse, réalisée en Australie par Salked et al. qui utilise les données d’une étude randomisée américaine réalisée dans le Minnesota, doit en fait être considérée séparément des trois précédentes (13). En effet, le test Hemoccult II® a été modélisé avec des intervalles annuels et non biennaux. Ensuite, les auteurs ont fait l’hypothèse d’une participation parfaite, à l’image de l’étude américaine qui reposait sur la base du volontariat. Enfin, les niveaux de coûts utilisés dans le modèle sont différents de ceux intégrés dans les trois modèles précédents, en particulier le coût élevé du test Hemoccult II® dans cette étude (10 €). Les résultats indiquent que le ratio coût-efficacité différentiel s’élève à 15 343 € par année de vie
118 Le dépistage du cancer colorectal gagnée par rapport à l’absence de dépistage dans une population âgée de 50 à 80 ans. Tableau I - Résultats des analyses coût-avantage ayant évalué l’efficience du test Hemoccult II®. Auteurs (année)
Stratégies comparées
Principales hypothèses
Stratégie la plus efficiente (1) (€)
Gyrd-Hansen D (1998) (11)
Hemoccult II® annuel, biennal, triennal et tous les 18 mois Absence de dépistage
Participation : 67 % Coût Hemoccult II® : 1,2 € Coût coloscopie : 135 €
Whynes (1998) (14)
Hemoccult II® biennal Participation : 60 % Hemoccult II® : Absence de dépistage Coût Hemoccult II® : 2 395 € par QALY 1,7 € Coût coloscopie : 159 €
Lejeune (2004) (12)
Hemoccult II® biennal Participation : 55 % Hemoccult II® : Absence de dépistage Coût Hemoccult II® : 3 357 € par année 3,2 € de vie gagnée Coût coloscopie : 640 €
Salked (1996) (13)
Hemoccult II® annuel Absence de dépistage
Hemoccult II® biennal : 2 280 € par année de vie gagnée
Participation Hemoccult II® : (volontaires) : 100 % 15 343 € par année Coût Hemoccult II® : de vie gagnée 10 € Coût coloscopie : 500 €
(1) La stratégie la plus efficiente correspond à la stratégie présentant le ratio coût-efficacité différentiel le plus faible par rapport à la stratégie de référence (ici, l’absence de dépistage).
Tests immunologiques Plusieurs études ont comparé le ratio coût-efficacité des tests immunologiques à celui du test Hemoccult II®. Celles répondant aux critères de bonne pratique médicoéconomique sont peu nombreuses (19-21). L’une de ces analyses est française (19). Elle compare le test Magstream®, réalisé sur une selle, au test Hemoccult II®. La majorité des données épidémiologiques et économiques est issue d’un programme de dépistage réalisé dans le Calvados entre 1991 et 1994. Les résultats du modèle de Markov indiquent que le test immunologique est associé à un coût-efficacité de 2 980 € par année de vie gagnée supplémentaire par rapport au test Hemoccult II® dans une population générale âgée de 50 à 74 ans et suivie pendant 20 ans. D’autres
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 119 analyses coût-efficacité ont été publiées. Au Japon, un travail de modélisation rejoint les conclusions de l’étude française (21). Le modèle qui simule le devenir d’une population âgée de 40 à 79 ans suggère qu’un test immunologique réalisé tous les deux ans serait la stratégie la plus coût-efficace (9 830 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage). Un autre travail de simulation aboutit aux conclusions inverses (20). Le ratio coût-efficacité de trois tests de recherche d’un saignement occulte dans les selles (Hemoccult II® non réhydraté, test Hemoccult II® réhydraté, test Hemoccult Sensa®) a été comparé à celui d’un test immunologique (test Hemeselect®). Différents groupes d’âge et différents intervalles de dépistage ont été modélisés. Avec un ratio coût-efficacité différentiel de 2 366 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage, les auteurs recommandent l’utilisation du test Hemoccult II® non réhydraté biennal réalisé dans la tranche d’âge 55-74 ans à celle du test immunologique. Si ces travaux de modélisation ont eu pour objectif de répondre à la question de l’efficience des tests immunologiques, d’autres se sont intéressés à la question de la détermination du nombre optimal d’échantillons de selles à recueillir lors de la réalisation d’un test immunologique (22-24). Une seule étude répond aux critères de bonne réalisation d’une analyse coût-efficacité (23). Dans ce travail, un modèle simule le suivi d’une population dès l’âge de 40 ans jusqu’à 79 ans. Un test immunologique annuel réalisé sur une selle a été comparé au même test réalisé sur deux selles. Les résultats montrent que le test immunologique, avec un recueil de deux selles et réalisé annuellement apparaît comme la stratégie la plus coût-efficace (32 733 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage contre 39 021 € pour le test immunologique réalisé sur une selle). Ces résultats sont difficilement généralisables au contexte français, aucune comparaison n’ayant été faite avec le test de référence, le test Hemoccult II®. On peut également reprocher à ces études l’absence d’analyse de sensibilité. Il a été suggéré que la participation associée aux tests immunologiques pourrait être meilleure que celle associée au test Hemoccult II® (25). En outre, il aurait été pertinent de faire varier le prix des différents tests. D’autres travaux de modélisation sont nécessaires pour trancher les incertitudes actuelles. L’ensemble des résultats de ces études est rassemblé dans le tableau II.
120 Le dépistage du cancer colorectal Tableau II - Résultats des analyses coût-efficacité portant sur les tests immunologiques. Auteurs (année)
Stratégies comparées
Principales hypothèses
Stratégie la plus efficiente (1) (€)
Berchi (2003) (19)
Test immunologique biennal Hemoccult II® biennal
Participation : 44 % Coût Magstream® : 2,6 € Coût Hemoccult II® : 4,6 € Coût coloscopie : 457 €
Test immunologique: 2 980 € par année de vie gagnée (1)
Gyrd-Hansen (1998) (11)
Rythme annuel et biennal : Test immunologique Hemoccult II® non réhydraté Hemoccult II® réhydraté Hemoccult Sensa® Absence de dépistage
Participation : non précisée Coût immunologique : 4 € Coût Hemoccult II® : 4€ Coût coloscopie : 147 €
Hemoccult II® non réhydraté biennal : 2 366 € par année de vie gagnée
Shimbo (1994) (21)
Test immunologique annuel et biennal Hemoccult II® annuel
Participation : 100 % Coût immunologique : 6,5 € Coût Hemoccult II® : 2,1 € Coût coloscopie : 115 €
Test immunologique biennal : 9 830 € par année de vie gagnée
(1)
La stratégie de référence est l’absence de dépistage à l’exception de l’étude de Berchi C et al. où le test de référence est le test Hemoccult II®.
Méthodes endoscopiques de dépistage Plusieurs analyses coût-efficacité des techniques endoscopiques en population générale ont été publiées. Aucune cependant n’est française (26-32). Les recommandations américaines proposent différentes alternatives : la recherche de sang dans les selles tous les ans, la sigmoïdoscopie tous les cinq ans, le lavement baryté en double contraste tous les cinq à dix ans, la coloscopie totale tous les dix ans, la recherche de sang dans les selles suivie d’une sigmoïdoscopie tous les cinq ans (33). Les résultats issus de ces analyses coût-efficacité varient fortement d’une étude à l’autre, rendant difficile la recommandation d’une stratégie de dépistage dans la population générale (34). Par ailleurs, la comparaison entre les différentes études des résultats coût-efficacité associés à une même stratégie est rendue difficile en raison de différences inhérentes aux hypothèses associées à l’histoire naturelle de la
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 121 maladie, au taux de participation aux campagnes de dépistage ou aux données économiques introduites dans les modèles. Une première étude estime que par rapport à l’absence de dépistage, l’utilisation de la sigmoïdoscopie une fois dans la vie ou tous les dix ans est la stratégie la plus coût-efficace (26). Les ratios coût-efficacité différentiels de la sigmoïdoscopie réalisée à l’âge de 55 ans et de la sigmoïdoscopie tous les dix ans s’élèvent respectivement à 1 020 € et 5 660 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage. Ces résultats reposent sur l’hypothèse d’une participation de 60 %. Certes, ce niveau de participation a déjà été atteint dans les études contrôlées randomisées de dépistage par sigmoïdoscopie (35, 36), mais ce taux dépasse largement l’acceptabilité de 30 % obtenue dans d’autres populations, comme les sujets à risque de cancer colorectal (37, 38). D’autres études privilégient un intervalle de cinq entre chaque sigmoïdoscopie (27, 28, 32). Les ratios coût-efficacité différentiels associés à la sigmoïdoscopie tous les cinq ans ont été estimés à 10 186 € dans l’étude de Khandker et al. (27) et à 10 236 € dans celle de Wagner et al. (32). Ces deux premières études reposent sur un taux de participation de 100 % et peuvent difficilement être prises en compte. L’analyse coût-efficacité de Loeve présente une méthodologie différente des études précédentes (28). Les auteurs ont en effet développé un modèle de microsimulation permettant de tenir compte de l’histoire naturelle des lésions pour chacun des individus de la cohorte suivie. Seule l’utilisation de la sigmoïdoscopie tous les cinq ans est modélisée. Une économie de 4 € par personne dépistée pour un gain de 28 années de vie pour 1 000 personnes se dégage de l’analyse. Cette étude a l’inconvénient de reposer sur un taux de participation de 100 %. D’autres études ont porté un intérêt particulier à la coloscopie en première intention tous les dix ans ou deux fois dans la vie (29-31). Les conclusions de la première analyse suggèrent que la coloscopie est plus coût-efficace que la sigmoïdoscopie réalisée tous les cinq ans et est aussi coût-efficace que la recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles (9 037 € et 7 985 € par rapport à l’absence de dépistage) (30). Mais ces résultats reposent sur une hypothèse de participation parfaite de tous les sujets concernés, quelle que soit la stratégie modélisée. Des analyses de sensibilité ont été réalisées sur ce paramètre. Les auteurs démontrent ainsi que la coloscopie continue d’être une stratégie efficiente lorsque la participation du test de recherche d’un saignement occulte dans les selles est de 50 % et celle de la coloscopie de 30 %. La seconde étude rejoint ces conclusions (31). Quel que soit le taux de participation, la coloscopie, réalisée une fois dans la vie (à 60 ans) s’impose face aux autres alternatives. Telle est également la conclusion d’une dernière étude qui compare la coloscopie une fois dans la vie à 65 ans à la coloscopie répétée tous les 10 ans (respectivement 2 547 et 9 384 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage) (29). L’ensemble des résultats de ces études est rassemblé dans le tableau III. Les études reposant sur un taux de participation de 100 % ont été exclues. Au total, les études ayant évalué l’endoscopie par rapport à d’autres stratégies de dépistage concluent soit à l’efficience de la sigmoïdoscopie, soit à celle de la coloscopie. Il apparaît que ces études posent dans leur ensemble des problèmes méthodologiques : le fait que l’acceptabilité des stratégies de dépistage ne soit pas la même
122 Le dépistage du cancer colorectal Tableau III - Résultats des analyses coût-efficacité des méthodes endoscopiques de dépistage (Les études présentant un taux de participation de 100 % ont été exclues du tableau). Auteurs (année) Frazier (2000) (26)
Vijan (2001) (31)
(1)
Stratégies comparées
Principales hypothèses
Coloscopie à 55 ans, Participation : 60 % tous les 10 ans Coût Hemoccult II® : Sigmoïdoscopie tous 32 € les 5 ans, 10 ans Coût coloscopie : et à 55 ans 865 € Lavement baryté Coût sigmoïdoscopie : tous les 5 ans, 10 ans 239 € et à 55 ans Coût lavement : Recherche annuelle 253 € d’un saignement occulte dans les selles (test réhydraté et test non réhydraté) Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles (test réhydraté) + sigmoïdoscopie Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles (test non réhydraté) + sigmoïdoscopie Absence de dépistage Sigmoïdoscopie tous Participation : les 5 ans 50 %, 75 %, 100 % Coloscopie à 60 ans, Coût Hemoccult II® : coloscopie à 55 ans 14 € Coloscopie à 55 et Coût coloscopie : 65 ans, coloscopie à 470 € 50 et 60 ans Coût sigmoïdoscopie : Recherche annuelle 191 € d’un saignement occulte dans les selles Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles + sigmoïdoscopie Absence de dépistage
La stratégie de référence est l’absence de dépistage.
Stratégie la plus efficiente (1) (€) Sigmoïdoscopie à 55 ans : 1 020 € par année de vie gagnée
Sigmoïdoscopie tous les 10 ans : 5 660 € par année de vie gagnée
Coloscopie à 60 ans : 110 € par année de vie gagnée (quel que soit le taux de participation)
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 123 n’est pas prise en compte, le coût de la coloscopie ainsi que les hypothèses concernant l’histoire naturelle de la maladie varient d’un modèle à l’autre. Ces données sont encore insuffisantes pour pouvoir en tirer des conclusions claires.
Méthodes radiologiques Le coloscanner (appelé également coloscopie virtuelle) a été envisagé comme une alternative possible au test de recherche d’un saignement occulte dans les selles. Cependant, son coût d’installation reste prohibitif à l’heure actuelle. L’installation de stations informatiques nécessaires à la lecture des images demanderait un investissement variant de 20 000 € à plus de 100 000 € (39, 40). À notre connaissance, seules deux analyses coût-efficacité menées aux États-Unis et au Canada ont comparé l’efficience du coloscanner à celle de la coloscopie classique. Dans la première étude (41), le coloscanner réalisé tous les dix ans, a été comparé à la coloscopie classique utilisée avec la même fréquence. Un taux de participation de 65 % a été utilisé pour les deux stratégies. Les résultats restent en faveur de la coloscopie classique, tant en termes d’efficacité qu’en termes de coût-efficacité avec un ratio différentiel de 9 591 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage. Les auteurs estiment que le coloscanner pourrait devenir plus coût-efficace que la coloscopie conventionnelle, mais à la condition que son acceptabilité dépasse celle de la coloscopie (en atteignant au moins 75 % de participation) et que le coût par acte soit inférieur d’au moins 50 % à celui de la coloscopie classique (270 € au lieu de 408 € pour le coloscanner contre 617 € pour la coloscopie). L’étude de Heitman (42) confirme le caractère coût-efficace de la coloscopie conventionnelle à trois ans. Cette étude n’utilise cependant pas les années de vie gagnées comme critère final d’efficacité mais le nombre de décès évités. Les auteurs démontrent que la coloscopie conventionnelle domine le coloscanner en étant moins coûteuse et plus efficace qu’elle. Le coloscanner engendre en effet un surcoût de 1,19 million d’euros pour 100 000 personnes dépistées et serait associé à 4,1 décès supplémentaires du fait d’adénomes manqués au moment du dépistage. Au total, seules des modifications importantes, mais discutables, d’hypothèses structurant le modèle (amélioration de la participation, amélioration des performances diagnostiques, histoire naturelle de la maladie…) permettraient au coloscanner de ne plus être dominé. L’ensemble des résultats de ces études est rassemblé dans le tableau IV.
124 Le dépistage du cancer colorectal Tableau IV - Résultats des analyses coût-efficacité des méthodes radiologiques de dépistage. Auteurs (année)
Stratégies comparées
Principales hypothèses
Stratégie la plus efficiente (1) (€)
Sonnenberg (1999) (41)
Colonographie tous les 10 ans Coloscopie tous les 10 ans Absence de dépistage
Participation : 65 % Coût colonographie : 408 € Coût coloscopie : 620 €
Coloscopie : 9 550 € par année de vie gagnée
Heitman (2005) (42)
Colonographie Coloscopie
Participation : 100 % Coût colonographie : 380 € Coût coloscopie : 466 €
Coloscopie : domine le coloscanner à 3 ans
(1) La stratégie de référence est l’absence de dépistage à l’exception de l’étude de Heitman et al. où l’absence de dépistage a été exclue de l’analyse.
Méthodes génétiques Le dépistage du cancer colorectal par recherche d’ADN fécale est sans doute une voie prometteuse dans l’avenir. Seules deux études ont comparé le dépistage génétique, réalisé tous les ans, aux méthodes conventionnelles (recherche d’un saignement occulte dans les selles, recherche d’un saignement occulte dans les selles associée à la sigmoïdoscopie, sigmoïdoscopie, coloscopie) (43, 44). Les auteurs de la première étude démontrent que le dépistage génétique, en étant plus coûteux et moins efficace que les méthodes classiques de dépistage, est une stratégie dominée (44). Par ailleurs, lorsqu’il est comparé à l’absence de dépistage, le dépistage génétique est associé au ratio coût-efficacité différentiel le plus élevé (40 760 € par année de vie gagnée) et la recherche d’un saignement occulte dans les selles au ratio le plus faible (6 150 € par année de vie gagnée). Les résultats d’une analyse de sensibilité montrent qu’avec une diminution de plus de 50 % de son coût (300 € au lieu de 590 €), le ratio coût-efficacité différentiel du dépistage génétique ne s’élèverait plus qu’à 17 940 € par année de vie gagnée par rapport à l’absence de dépistage. Elle resterait cependant dominée par la majorité des méthodes classiques de dépistage. Une seconde étude (43), réalisée en Israël, démontre de manière similaire que le dépistage génétique est dominé par l’association de la recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles et de la sigmoïdoscopie. L’ensemble des résultats de ces études est rassemblé dans le tableau V.
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 125 Tableau V - Résultats des analyses coût-avantage des méthodes de dépistage génétique. Auteurs (année)
Stratégies comparées
Principales hypothèses
Stratégie la plus efficiente (1) (€)
Song (2004) (44)
Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles + sigmoïdoscopie Sigmoïdoscopie tous les 5 ans Coloscopie à 10 ans Dépistage génétique Absence de dépistage
Participation : 100 % Recherche annuelle Coût recherche d’un saignement annuelle d’un occulte dans les saignement occulte selles : 6 150 € par dans les selles : 17 € année de vie gagnée Coût coloscopie : 700 € Coût sigmoïdoscopie : 246 € Coût génétique : 590 €
Leshno (2003) (43)
Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles Recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles + sigmoïdoscopie tous les 5 ans Coloscopie une fois dans la vie Coloscopie à 10 ans Dépistage génétique Absence de dépistage
Participation : 100 % Coût recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles : 7,2 € Coût coloscopie : 144 € Coût sigmoïdoscopie : 81 € Coût génétique : 54 €
(1)
Dépistage génétique : est dominé par l’association recherche annuelle d’un saignement occulte dans les selles + sigmoïdoscopie
La stratégie de référence est l’absence de dépistage.
Analyse coût-efficacité du dépistage du cancer colorectal dans les groupes à risque élevé de cancer colorectal En 1998, la Conférence de consensus sur la prévention, le dépistage et la prise en charge des cancers du côlon a émis des recommandations concernant les procédures de dépistage à entreprendre pour les sujets à risque très élevé de cancer colorectal (sujets appartenant à une famille atteinte de polypose adénomateuse familiale ou de cancer colorectal héréditaire sans polypose) et certaines catégories de sujets à risque élevé de cancer colorectal (sujets ayant des antécédents personnels de tumeurs colorectales, sujets ayant un parent au premier degré atteint d’un cancer colorectal avant l’âge de 60 ans et sujets ayant deux parents atteints) (45). Les experts
126 Le dépistage du cancer colorectal n’ont cependant pas été en mesure de conseiller une stratégie spécifique de dépistage pour les parents au premier degré de sujets atteints d’un cancer colorectal après l’âge de 60 ans. Cette population présente un sur-risque de cancer colorectal par rapport à la population générale variant entre 1,3 et 1,5 (46, 47). Il n’est pas possible, pour des raisons éthiques, de réaliser des études contrôlées du dépistage du cancer colorectal par endoscopie dans cette population à risque. Des travaux de modélisation représentent par conséquent une solution afin d’estimer le ratio coûtefficacité de différentes stratégies de dépistage. Une seule étude, datant de 1987, a comparé sur la base d’un modèle de Markov, plus de trente stratégies associant les techniques suivantes : lavement baryté en double contraste, coloscopie, recherche d’un saignement occulte dans les selles, sigmoïdoscopie, sigmoïdoscopie rigide (48). Le modèle repose sur une hypothèse de participation de 100 %. Les résultats sont en faveur de l’utilisation du lavement baryté en double contraste. Les données fournies par l’auteur ne permettent cependant pas de calculer facilement le ratio coûtefficacité différentiel associé à cette stratégie, ni d’extrapoler facilement ces résultats à un autre contexte, comme la France où l’utilisation du lavement baryté en double contraste n’est pas recommandée, ni dans la population générale, ni dans les populations à risque élevé de cancer colorectal.
Conclusion Peu d’analyses médico-économiques du dépistage du cancer colorectal dans la population générale ont été entreprises en Europe. La preuve de l’efficacité et de l’intérêt médico-économique du test Hemoccult II® a été apportée par deux études randomisées européennes et une étude contrôlée française. Les tests immunologiques représentent une alternative à ce test, mais les résultats des études cherchant à en démontrer l’efficience sont discordants. Quant au coloscanner et au dépistage génétique, ils n’ont pas encore été évalués en Europe sur le plan médico-économique, faute de données disponibles. La littérature scientifique anglosaxonne est riche d’analyses coût-efficacité du dépistage du cancer colorectal. Mais les hypothèses sur lesquelles reposent les modèles peuvent être discutées. Par ailleurs, les modèles construits diffèrent souvent par les coûts du fait de modes de valorisation sensiblement différents, mais surtout par la nature des hypothèses épidémiologiques utilisées comme l’histoire naturelle de la maladie, les performances diagnostiques des tests et les taux de participation aux campagnes de dépistage. Ces méthodes pourraient être utilisées uniquement dans des groupes spécifiques à risque de cancer colorectal pour lesquelles il n’existe encore aucune recommandation de dépistage (et notamment chez les parents au premier degré de sujets atteints d’un cancer colorectal après l’âge de 60 ans). Pour conclure, il apparaît important de développer de nouveaux axes de recherche afin d’apporter des éléments de réponse pertinents et des outils d’aide à la décision sur le plan médico-économique, tant en population générale que dans les groupes à risque élevé de cancer colorectal.
Approche médico-économique du dépistage du cancer colorectal 127
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Mise en page: Graficoul’Eure (27) Achevé d’imprimer en mars 2006