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French Pages 755 [674] Year 1944
STUDI E TESTI ------------ 114-------------
LA MORT ET L’ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE ETUDE H I S T ORICO-DOCTRINALE PAB
MARTIN JUCflE, A. A. PROFESSEUE A L ’ATHÉNÉE PONTIFICAL DU LA TEA N ET A L ’INSTITUT CATHOLIQUE DE LYON
CITTÀ DEL VATICANO BIBLIOTECA APOSTOLICA VATICANA MDCCCCXL1V
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STUDI E TESTI PUBBLICATI PER CURA DEGLI SCRITTORI DELLA BIBLIOTECA VATICANA E DEGLI ARCHIVISTI DELL’ARCHIVIO SEGRETO Il formato normale dei volumi è di cm. 25 X 18 I. Vattasso, Marco. Antonio Flaminio e le rincipali poesie dell’autografo Vaticano 570. 1900. pp. 66. Lire 12. 2. Vattasso, Marco. Le due Bibbie di Bovino ora codici Vaticani latini 10510-10511 e le loro note storiche. 1900. pp. 44. Lire 10. 3. Franchi de’ Cavalieri, Pio. La Passio ss. Mariani et lacobi. 1900. pp. 71. 1 tav. (facs.). Lire 15. 4. Vattasso, Marco. Aneddoti in dialetto ro manesco del see. xiv, tratti dal eod. Vat. 7654.1901. pp. 114. 1 tav. (facs.). Lire 25. 5. Mercati, Giovanni. Note di letteratura bi blica e cristiana antica. 1901. pp. vm, 254. 3 tav. pieg. (face.). Lire 60. 6. Franchi de’ Cavalieri, Pio. I martini di s. Teodoto e di s. Ariadne, con un’appen dice sul testo originale del martirio di - s. Eleuterio. 1901. pp. 184 [3]. 1 tav.(facs.). Lire 50. 7. Mercati, Giovanni. Antiche reliquie litur giche ambrosiane e romane; con un « ex cursu * sui frammenti dogmatici ariani del Mai. 1902. pp. 75 [2]. Lire 15. 8. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Note agiograflche. 1902. pp. 36 [3j. Lire 10. 9. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Nuove note agiografiche. 1902. pp. 75 [3]. Lire 15. 10. Vattasso, Marco. Per la storia del dramma sacro in Italia. 1903. pp. 127. Lire 30. 11. Mercati, Giovanni. Varia sacra. 1903. pp. 112. 32 X 20 cm. Lire 25. 12. Mercati, Giovanni. I. Un frammento delle Ipotiposi di Clemente Alessandrino — il. Paralipomena Ambrosiana. 1904. pp. [2], 46. Lire 15. 13. Catalogo sommario della Esposizione Gre goriana. 2“ ed. riveduta e aumentata. 1904. pp. 74. Lire 12. 14. Vattasso, Marco. Del Petrarca e di alcuni suoi amici. 1904. pp. 105 [3]. Lire 30. 15. Mercati, Giovanni. Opuscoli inediti del beato card. Giuseppe Tommasi tratti in luce. 1905. pp. 55. 1 tav. pieg. (facs.). Lire 15. 16. Vattasso, Marco. Initia patrum aliorum que scriptorum ecclesiasticorum latino rum ex Mignei Patrologia, et ex complu ribus aliis libris. Volumen I; A-M. 1906. pp. X, 695. Lire 150. 1 7 .------ Volumen II: N-Z. 1908. pp. [2], 650. Lire 150. 18. Vattasso, Marco. Frammenti d’ un Livio del Vsecolo recentemente scoperti. Codice Vaticano latino 10695 (con tre tavole in fototipia). 1906. pp. 18. 3 tav. (facs.) 40 X 35 cm. Lire δ5. 19. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Hagiographica. 1908. pp. 185[2]. Lire 35. 20. Vattasso, Marco. I codici Petrarcheschi dèlia Biblioteca Vaticana. 1908. pp. x, 250 [2]. 2 tav. pieg. (facs.). Lire 50. 21. Carusi, Enrico. Dispacci e lettere di Gia como Gherardi, Nunzio pontificio a Fi
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renze e Milano (11 settembre 1487-10 ot tobre 1490) ora per la prima volta pubbli cati e illustrati. 1909. pp. c l x x ii , 728. Lire 200. 22. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Note agiorafiche. Fascicolo 3®. 1909. pp. [3J, 122. ire 35. 23. Tisserant, Eugène. Codex Zuqnkiensis re scriptus Veteris Testamenti. Texte grée ‘ des manuscrits Vatican syriaque 162 et Mus. Brit. additionel 14.665, édité aveè in troduction et notes. 1911. pp. [21, l x x x v , 275 [2], 6 tav. (facs.). Lire 35. 24. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Note agiografi che. Fascicolo 4®. 1912. pp. [4], 194. Lire 35. 25. Patzes, H. Μ. Κριτοΰ τοΰ Πατζη Tn roiîk € ìto s , sive librorum LXBasilicorum sum marium. Libros l-XIl graece et latine edi derunt Contardus Ferrini f Iohannes Mercati. 1914. pp. x l vii , 203. 1 tav. (facs.). Lire 60. 26. Cerrati, Michele. Documenti e ricerche per la storia dell’antica Basilica faticana. Ti berii Alpharani De Basilicae Vaticanae antiquissima et nova structura, pubbli cato per la prima volta con introdu zione e note. 1914. pp. l x i , 222. 7 tav. (2 pieg.). Lire 90. 27. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Note agiografi che, Fascicolo 5®. 1915. pp. [3], 135. Lire 35. 28. Vattasso, Marco. Rime inedite di Tor quato Tasso raccolte e pubblicate. 1915. pp. 92. 2 tav. (facs.). Lire 25. 29. Carusi, Enrico. Lettere inedite di Gaetano Marini. I. Lettere a Guid’Antonio Zanetti. 1916. pp. 59. Lire 15. 30. Mercati, Giovanni. Se la versione dal l’ebraico del codice Veneto greco VII sia di Simone Atumano,'arcivescovo di Tebe. Ricerca storica con notizie e documenti sulla vita dell’Atumano. 1916. pp. 64, 3. 2 tav. (facs.). Lire 25. 31. Mercati, Giovanni. Notizie varie di antica letteratura medica e di bibliografia. 1917 pp. 74. Lire 20. 32. Vattasso, Marco. Hortus caelestium deli ciarum ex omnigena defloratione sancto rum patrum, moralium philosophorum et scriptorum spiritualium summa cura compositus... a D.Ioanne Bona... Opera scoperta ed ora per Ia prima volta puoblicata con un’ampia mtroduzione. 1918. p. evil [2], 158. 3 tav. (riti1., facs.) ire 45. 33. Franchi de’ Cavalieri, Pio. Note agiogratìehe. Fascicolo 6°. 1920. pp. [2], 224. Lire 40. 34. Guidi, Pietro e Pellegrinetti,Ermenegildo. Inventari del Vescovato, della Cattedra!· e di altre chiese di Lucca. Fascicolo I. 1921. pp. [2], 342. Lire 50. 35. Lanzoni, Francesco. Le origini delle dio cesi antiche d’Italia; studio critico, 1923. pp. 3, 672. 1 c. geogr. pieg. Lire 70.
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Prima edizione dell’opera indicata al numer· seguente.
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N ih il obstat: Rome, le 28 mai 1944. R. SOUNRN, Procureur général des Augustins de l’Assomption
IMPRIMATUR: Datum in Civ. Vat., die l a Iunii 1944. t
Fr. A. C. De
R
o m a n is ,
Ep. Porphyreonen.
Vio. Gen. C ivitatis Vaticanae
TIPOGRAFIA POLIGLOTTA VATICANA
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A SA SAINTETÉ
LE PAPE PIE XII GLORIEUSEMENT RÉGNANT PROTECTEUR DES FAMILLES DE L’ASSOMPTION HOMMAGE DE FILIAL AMOUR
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AVANT-PROPOS L ’ouvrage que nous présentons au public est une étude d ’ensem ble sur la mort et l’assomption de la Sainte Yierge tant du point de vue positif que du point de vue spéculatif. Dans les deux premières parties, nous essayons d ’écrire l’histoire de la doctrine de l’Assom ption depuis les origines jusqu’à nos jours d ’après les sources de la Révélation, l ’Ecriture sainte et la tradition, travail qui n ’avait pas encore été fait, du moins avec l ’ampleur que nous lui donnons. Sans nous flatter d’ avoir tout dit, nous apportons cependant bon nombre de données nouvelles jusqu’ici ignorées ou peu connues. Guidés par le seul dessein d ’exposer la vérité telle qu’elle nous est apparue au cours de longues investigations, nous passons au crible d ’une cri tique que certains trouveront peut-être trop exigeante, non seulement les documents légendaires ou apocryphes, mais aussi certaines preu ves dont on a parfois exagéré la valeur. Eous rappelons à ce propos, qu’un essai sur l’Assomption et la mort de la Sainte Yierge dans la tradition des cinq premiers siècles, publié en 1926 dans les Echos d'Orient, souleva des contradictions. Get essai reparaît ici comme le chapitre II de la première partie; mais il a été complètement remanié. Sur la plupart des points visés par nos censeurs, nous nous sommes rangés à leur avis. Si le présent ouvrage avait la fortune d ’une seconde édition, il serait également tenu compte des critiques que vraisemblablement il soulèvera. Les critiques sont plus utiles que les éloges, et en travaillant à la glorifi cation de notre Mère du ciel, nous ne devons avoir d’ autre souci que de le faire dans la vérité. Dans la troisième partie, nous abordons l’étude théologique pro prement dite en faisant œuvre personnelle. Il nous a semblé que si la doctrine de l’Assomption était restée à l ’état a peu près stagnant depuis le XVIe siècle; si la manifestation de son caractère révélé et de sa définibilité comme dogme de foi catholique n’avait guère pro gressé, cela venait de ce qu’on ne séparait pas nettement deux ques tions bien distinctes: la question de la mort de la Sainte Vierge et celle de son assomption proprement dite au ciel en corps et âme. Sans nier que Marie soit morte, nous pensons qu’il y a, entre les deux questions, une différence marquée au point de ime de la certitude. Historiquement parlant, l ’une et l’autre sont à peu près sur le même plan, en ce sens que ni dans l’Ecriture, ni dans la tradition des cinq
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Avant-propos
premiers siècles, nous ne trouvons, sur aucune des deux, des données claires et explicites. Au contraire, sur le terrain théologique, l ’A s somption proprement dite possède un avantage bien marqué. Elle se présente à nous comme une doctrine en connexion étroite et même nécessaire avec la maternité divine et les autre privilèges dont le Eils de Dieu a gratifié sa Mère. On ne saurait montrer qu’il en est de même, du moins au même degré, pour le fait de la mort corporelle. Tout ce que la théologie nous oblige à affirmer, c ’est que Marie a eu, tout comme le Bédempteur son Fils, un corps passible et mortel, qu’elle pouvait mourir. Est-elle morte en fait? La question reste théologiquement obscure, n’atteint pas la certitude absolue, comme nous le montrons au chapitre I de la troisième partie de notre travail. Le magistère solennel de l’Eglise pourrait, dès lors, définir comme dogme de foi catholique l’Assomption proprement dite sans se pro noncer sur le fait de la mort, qui resterait à l ’état de pieuse opinion. Telle est, du moins notre manière de voir. Au cours de cette étude, il nous est arrivé, ici et là, d’aller contre des opinions communément reçues. Fous ne pensons pas, cependant, mériter la note de témérité, parce que nous apportons chaque fois les raisons qui motivent notre sentiment. Si la sainte Eglise, notre Mère, jugeait que ces raisons sont insuffisantes, il Va sans dire que nous nous soumettons dès maintenant à son jugement et rétractons tout ce qui n ’ aurait pas son approbation ou mériterait son blâme. Si par ces temps de calamité notre ouvrage a pu voir le jour, il le doit à la haute bienveillance de son Eminence le cardinal Giovanni Mercati, Bibliothécaire et Archiviste de l’Eglise romaine, et~au con cours amical du Très Bévérend Père D om Anselme Albareda, Préfet de la Bibliothèque Vaticane. Que l ’un et l ’autre reçoivent ici l’ex pression de notre vive reconnaissance. Votre gratitude va aussi à tous ceux, théologiens et érudits, qui nous ont aidé à mener à bien notre entreprise soit en nous fournissant des renseignements pré cieux, soit en nous communiquant les observations de leur critique à la fois experte et bienveillante. Nommons parmi eux nos deux confrères les B B . PP. S. Salaville et E. Evrard, A. A., le B. P. C. Baliô, O. F. M., le B. P. Arnold van Lantschoot, C. B. P., écrivain à la Bibliothèque Vaticane, les B B . PP. Auguste Merk, Guillaume Hentrich et Budolphe Gualter de Moos, S. J., Mgr. P. Parente, pro fesseur de théologie au Collège urbain de la Propagande, M. Ciro Giannelli, écrivain à la Bibliothèque Vaticane. Que Fotre-Dam e les récompense au centuple de leur concours dévoué! Borne, le 25 mars 1944, en la fête de l ’Annonciation.
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CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
D IVISIO N D E L O U V R A G E Avant d ’aborder notre étude historico-doctrinale sur la mort et l’assonxption de la Sainte Vierge, nous sentons la nécessité: 1° de dé finir clairement la notion même du mystère de l ’Assomption; 2° d ’ a vertir le lecteur de la méthode que nous suivrons dans l ’examen des sources positives. Le premier point surtout est important; car, chose curieuse, la plupart de ceux qui ont écrit sur l ’Assomption n ’ont pas pris la précaution de fixer nettement l’idée essentielle du mystère, son objet proprement dit. Beaucoup même de ceux qui, de nps jours, parlent de sa définibilité, oublient de déterminer le point précis sur lequel devrait tom ber la définition que le magistère solennel de l ’Eglise serait éventuellement appelé à prononcer. Par ailleurs, pour apprécier la portée des témoignages à rechercher dans les sources de la Révélation, il est de toute nécessité d ’avoir, au préa lable, une notion nette de l’objet de la recherche. Commençons donc par préciser la notion de l’Assomption, telle que nous l ’entendrons au cours de cet ouvrage. I - Notion du mystère de l’Assomption Il semble, à première vue, que le mystère de l’Assomption n ’ a pas besoin d ’être défini. Il en existe une notion communément ré pandue dans le peuple chrétien et communément admise par les théologiens, qu’on peut exprimer ainsi: Après être réellement morte, la Sainte Vierge est ressuscitée glorieuse et a été transportée en corps et en âme au ciel, où elle apparaît à côté de son Fils comme reine des anges et des hommes. Cette notion, on le voit, est complexe. Elle comprend le fait de la mort, le fait de la résurrection glorieuse et définitive, l’entrée triomphale en corps et en âme dans le lieu spé cial appelé ciel, où se trouve Notre-Seigneur Jésus-Christ avec son humanité glorifiée, où se trouvent aussi, d ’après l ’interprétation la plus probable et quasi certaine, ceux qui ressuscitèrent avec lui, le jour de Pâques. Ces trois faits sont-ils également certains? Sont-ils i
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L’ Assomption de la Sainte Vierge
tellement liés l ’un à l ’autre qu’ils constituent comme un bloc, un tout inséparable, sans possibilité de les disjoindre? Beaucoup de théologiens, l ’ensemble des fidèles paraissent le penser. Tout le monde concédera que les deux derniers sont unis, au point de n’en faire pour ainsi dire qu’un. Quelques-uns reconnaissent que, spéculati vement parlant, l’Assomption proprement dite, c ’est-à-dire l’entrée triomphale au ciel en corps et en âme glorifiés, est concevable et séparable de la mort et de la résurrection glorieuse; mais que, dans le fait, historiquement parlant, la mort, la résurrection glorieuse et aussi la préservation de toute corruption du corps durant l’inter valle de temps, absolument inconnu de l’histoire, qui s’est écoulé entre la mort et la résurrection, font un tout avec l’Assomption ellemême et ne peuvent en être détachées. La principale raison en est que c ’est sous cette forme complexe que nous est arrivée la notion du mystère par la voie d ’une ancienne tradition, remontant au moins à la fin du v ie siècle et, d ’après quelques-uns, beaucoup plus tôt. Cependant, quelques rares théologiens, au cours des siècles, doni le nombre a augmenté depuis la définition de l’immaculée Concep tion, ont nettement dégagé la notion de l’Assomption proprement dite du fait même de la mort et des deux autres éléments qu’elle entraîne nécessairement avec elle, à savoir la préservation du corps dé toute corruption pendant la durée de l’état de mort et la résur rection glorieuse, qui l’a bientôt suivie. Ils ont été amenés à faire cette distinction capitale tant à cause de l’incertitude historique du fait de la mort que du droit à l ’immortalité corporelle que le privi lège de la conception immaculée conférait à la Vierge. D ’après eux, le mystère de l’Assomption consiste essentiellement dans le fait de la glorification en corps et en âme de la Mère de Dieu, à son départ de cette terre, abstraction faite du mode selon lequel s’ est opéré ce départ, et sa réunion au ciel avec Jésus ressuscité. L ’Eglise, nous l’ avons déjà dit, pourrait définir la doctrine de l’Assomption ainsi comprise sans se prononcer sur le fait de la mort, qui resterait à l ’état de sententia pia, tant qu’on ne pourrait l’établir d ’une manière cer taine comme fait positivement révélé, ou comme fait dogmatique en connexion nécessaire avec une vérité révélée déjà définie. Hous sommes pleinement de l ’avis de ces derniers théologiens, et nous dirons longuement pourquoi, au cours de cet ouvrage, pro fitant de la liberté d ’opinion que l’Eglise a laissée jusqu’ici sur ce point, et spécialement depuis la définition de l’immaculée Con ception. D ’après nous, il faut clairement distinguer l’assomption de Marie du fait de sa mort. Marie est-elle morte? C’est un problème historique qui, malgré l’ opinion depuis longtemps commune dans
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Considérations préliminaires
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l ’Eglise, est loin d ’être résolu. Ce problème est tout à fait secondaire et l’on pent nier qn’il présente en lui-même un caractère dogmati que. L ’hypotbèse que la Mère de Dieu, immaculée dans sa concep tion, n ’est pas morte en fait, bien qu’elle ait eu un corps passible et mortel comme Jésus rédempteur, son Fils, et a passé de plain pied à la vie glorieuse et immortelle, comme le cas se serait produit pour Adam, s’il n’avait pas péché, n’est pas à exclure à priori. C’est là un privilège auquel lui donnait un droit strict sa conception imma culée et qui a pu lui être accordé, comme il sera accordé aux justes qui seront en vie, lors du dernier avènement du Sauveur, suivant l’enseignement formel trois fois répété de saint Paul. Dès lors, le mystère de l’Assomption, dans ce qui le constitue essentiellement, peut se formuler ainsi: « Marie, Mère de Dieu, immaculée dans sa conception, se trouve vivante au ciel en son corps et son âme glorifiés, depuis son départ de cette terre ». Comment s’est opéré ce départ? A-t-il été précédé de la mort corporelle? Oui, répond une tradition communément reçue depuis la fin du VIe siècle. — Chose incertaine, répondait le Palestinien saint Epiphane sur la fin du IVe siècle. — Marie n’est pas morte, mais est restée immortelle, disaient quelques-uns, à la même époque et à Jérusalem même. — Marie est morte martyre, opinaient quelques autres. 1 Ce qu’il faut affirmer, c ’ est que, si Marie est morte, son corps a été préservé de la corruption du tombeau et qu’elle est res suscitée à la vie glorieuse, à l’exemple de son divin Fils. Ce n ’est donc que conditionnellement que la mort de Marie, la préservation de son corps de la corruption du tombeau et sa résurrection glorieuse sont impliquées dans le concept de son assomption. La condition, c ’est le fait même de la mort. . Il suit de là que la doctrine de l ’Assomption pourra se présenter à nous sous une double forme dans l’ancienne tradition. Nous pour rons avoir des témoignages affirmant simplement que Marie a été glorifiée en corps et en âme après son départ de cette terre. Nous pourrons en trouver d ’autres qui déclarent qu’elle est morte pour ressusciter bientôt à la vie glorieuse, à l’exemple de Jésus. Au contraire, seront insuffisants ou étrangers au mystère de l’A s somption tel que l’entend l ’Eglise: 1° Les textes qui affirment simplement que Marie est morte comme le reste des hommes, sans parler de sa résurrection, même
1 Les témoignages relatifs à ces diverses opinions seron t relatés en leur lieu.
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L’Assomption de la Sainte Vierge
s’ils disent qu’ elle se trouve au ciel, car, dans ce cas, on pourra se demander s ’il s ’agit vraiment de l’assomption de toute sa personne, corps et âme réunis, ou seulement de l’assomption de son âme, de son passage de la vie terrestre à la béatitude éternelle, comme cela se dit des autres saints. 2° Les passages portant que Marie est morte et que son corps, préservé de la corruption, a été transporté soit au paradis terrestre, soit en un autre lieu inconnu, où il est conservé en cet état jusqu’à la résurrection générale. Ce n ’est là qu’une demi-assomption, l’assomp tion ou le transfert du corps, mais non l’assomption glorieuse et totale, que nous attribuons à la Mère de Dieu, à moins qu’on ne pré fère dire qu’il s ’agit alors d ’uue double assomption, de celle du corps et de celle de l ’âme: deux assomptions qui ne sont pas du tout l’ équi valent de l ’ assomption unique que nous professons. 3° Les affirmations d ’une immortalité qui ne serait pas l’im mortalité glorieuse et définitive mais une immortalité provisoire, ne com portant pas la double glorification du corps et de l’âme et semblable à celle que certains Pères et théologiens attribuent à Hénoch et à Elie. Dans ce cas, nous aurions bien une assomption, un enlèvement miraculeux, mais ce ne serait point la véritable assomp tion. Comme nous le verrons, chacune des hypothèses que nous venons de faire sur le sort final de la Mère de Dieu a eu des partisans durant la période patristique, bien que l’opinion la plus commune, à partir de la seconde moitié du v i e siècle, ait été celle qui affirme la mort, suivie de la résurrection glorieuse. I l - Nécessité de suivre l’ ordre chronologique La doctrine de l’assomption de la Sainte Vierge appartient au groupe des vérités qui n ’ont apparu que tardivement d'une manière explicite dans la tradition de l’Eglise, à en juger du moins d’après les témoignages qui nous restent. Au début, elles étaient contenues implicitement dans une autre vérité révélée. L ’attention et la ré flexion de la pensée chrétienne ne les avaient pas tout d’abord fixées, ni même distinctement aperçues dans le donné révélé plus général qui les a toujours portées en lui-même comme à l’état embryonnaire. En étudiant le développement de ces vérités dans la conscience chré tienne, il importe souverainement de marcher pas à pas en suivant l’ordre chronologique. Trop de théologiens, quand ils parlent de l ’ Assomption et d ’autres doctrines similaires, ne se conforment pas à cette règle essentielle. Préoccupés de trouver des témoignages
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Considérations préliminaires
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favorables à leur thèse, ils alignent des noms d ’auteurs séparés entre eux par de longs siècles sans marquer les étapes intermédiaires du développement doctrinal. Nous nous efforcerons d ’éviter cet écueil dans notre enquête historique. II I - Ecarter toute donnée légendaire C’est un fait aussi que la théologie mariale est encombrée depuis longtemps de tout un amas d ’erreurs historiques, d ’écrits apocryphes, de données légendaires, dont ne savent pas toujours se préserver les meilleurs ouvrages. Il faut passer le fer de la critique dans ce fourré et écarter impitoyablement toute pièce de mauvais aloi. La Sainte Vierge n ’a pas besoin de nos erreurs porr faire triom pher ses pri vilèges. La doctrine de l’Assomption, comme les antres mystères mariaux, a été étayée parfois sur des arguments, des documents de nulle valeur. Les écrits apocryphes sur ce mystère sont particuliè rement nombreux, hious montrerons le parti qu’on peut légitime ment en tirer, comme aussi ce qu’il ne faut pas leur demander. IV - Division de l’ ouvrage Le titre de notre étude: La mort et Vassomption de la Sainte Vierge. Aperçu historico-doctrinal, indique que nous entendons traiter non seulement de l’assomption proprement dite de la Vierge mais aussi du problème de sa mort. Bien que séparables, en effet, l’un et l ’autre objet sont étroitement unis dans l’histoire comme dans la spécula tion théologique. iNous divisons notre travail en trois parties: Première partie: La mort et l’assomption de la Sainte Vierge dans l’Ecriture sainte et la tradition patristique jusqu’à la fin du IXe siècle. Deuxième partie: La mort et l’Assomption de la Sainte Vierge dans la tradition orientale après les schismes, et dans la théologie latine à partir du Xe siècle jusqu’à nos jours. Troisième partie: La mort et l’ assomption de la Sainte Vierge. Etude théologique proprement dite. Dans les deux premières parties, nous ferons surtout œuvre d ’his torien. Dans la troisième, la question de la définibilité de la doc trine sera longuement examinée. Quatre Excursus, traitant de questions connexes au sujet de l’ouvrage, sont donnés à la fin sous forme d’appendice.
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PREMIÈRE PARTIE T,A MOUT ET L’ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE DANS L’ ÉCRITURE SAINTE ET LA TRADITION PATRISTICHE JUSQU’ À LA FIN DU IX e SIÈCLE
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C O N SID ÉR ATIO N S P R É L IM IN A IR E S Ce que disent l ’Ecriture sainte et la tradition des neuf premiers siècles sur la mort et l’assomption de la Mère de Dieu: tel est l’objet de cette première partie. Tout le monde en voit l ’importance. Il ne s’agit de rien moins que de savoir si la doctrine de l ’Assomption a des racines dans les sources de la ^Révélation. C’est le point délicat de toute la question. Si l’Assomption n’est pas encore un dogme de foi proprement dit, cela vient du silence au moins apparent de l ’Ecri ture et de l’ancienne tradition. De nos jours encore, un certain nom bre de théologiens, tout en reconnaissant la haute convenance de cette doctrine, avouent qu’elle n ’a pas de fondement clair et certain dans l’Ecriture et la tradition apostolique. Un grand nombre nient l’existence d ’ nne révélation explicite dès les origines et n’admettent qu’une révélation implicite, dont la notion n’est pas uniforme. Quelques-uns même ne concèdent pas ce minimum. Pour eux, la révélation, même implicite, est encore un problème. Nous allons essayer de voir ce qu’il en faut penser. Comme nous l ’avons annoncé, nous écarterons impitoyablement tout document suspect, toute donnée apocryphe reconnue telle par une saine critique. De la litté rature apocryphe autour de la mort de la Yierge et de son assomption il sera longuement question et l’on montrera ce qu’on peut lé gitimement en tirer. Uous divisons cette première partie en six chapitres, dont voici les titres: I - L a mort et l’assomption de la Sainte Vierge et l’Écriture sainte. I I - La mort et l ’assomption de la Sainte Vierge dans la tra dition des cinq premiers siècles. I I I - La littérature apocryphe sur la mort et l ’assomption de Marie. IV - Origine et objet de la fête de la Dorm ition ou de l’As somption en Orient et en Occident. Portée doctrinale des premiers téxtes liturgiques de la fête. V - La doctrine de l’Assomption dans la tradition grecque à partir du V IIe siècle jusqu’ à la fin du IX e. V I - La tradition occidentale pendant la même période.
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CH APITRE I
La mort et l’assomptipn de la Sainte Vierge et l’Ecriture Sainte Trouve-t-on dans l’Ecriture sainte quelque trace du mystère final qui a terminé l ’existence terrestre de la Mère de Dieu? Les théo logiens catholiques sont généralement d ’accord pour reconnaître que la doctrine de l’Assomption n ’est pas enseignée d ’une manière claire et explicite dans les livres saints. Huile part, en effet, ni dans l ’Ancien ni dans le nouveau Testament, nous ne trouvons de témoig nage formel sur la manière dont Marie a quitté cette terre pour passer à la vie bienheureuse. Ce silence, pour ce qui regarde le nouveau Testament, ne doit pas trop nous surprendre, si l ’on songe que tous les livres qui le com posent, à l’ exception des écrits johanniques, virent vraisemblable ment le jour avant le départ de la Mère de Dieu de cette terre. Autant qu’on peut le conjecturer, tous les apôtres, à l’exception de saint Jean, durent précéder Marie dans l’autre monde. La conjecture se fonde sur le fait, communément admis, que saint Jean ne se rendit en Asie qu’après la guerre judaïque (66-70). 1 S’il resta en Judée jusqu’à cette époque, c ’est sans doute parce que l’existence terrestre de la Sainte Vierge se prolongea jusque-là. Il ne pouvait abandonner Celle que Jésus lui avait confiée au pied de la Croix. 2
1 C f. m en ta ,
T héodore de
M o psu e ste , I n E p i s t . a d E p h e s io s co m m en ta r v i fr a g
P. G .,t. L X V I,.col. 912: « Τότε
êè
( = après la guerre judaïque)
καί Ι ω ά ν ν η ς
» S. ΕΡΙed. Κ. H ole, t. II, p. 259. Voir aussi S. Modeste, P. G., t. L X X X V I , col. 3276. e ïs τ η V ’Έ φ ε σ ο ν y e v ô p e v o s , δ ιε τ ε λ β σ ε ν έ π ’ α υ τ ή ς
αχρι
τ ω ν Τ ρ α ϊα ν ο ύ y e y o i w s .
ΡΗΑΝΕ, H a r e e s . L I ,
2 Plusieurs anciens ont pensé que la Sainte Vierge était restée cui terre jusqu’à un âge très avancé: ainsi saint A n d r é d e C r è t e , H o m ,i l . I i n D o r m i t i o n e m D e i p a r a e . P. G-., t. X C V II, eoi. 1060: « Λ ό γ ο ς y à p α υ τ ή ν irp ò s έ σ χ α τ ο ν κ α τ α ν τ ή σ α σ α ν y ηp a s μ ε τ α σ τ η ν α ι τ ω ν τ fjSe. » Lo moine EPIPHANE dans sa V i e d e l a V i e r g e (début du i x e siècle), P. G., t. C X X , col. 211, nous la montre a c compagnant ju squ ’à Pella les fidèles de Jérusalem, lorsqu’ils quittèrent Jérusa lem un peu avant le siège de cette ville par Titus. A u x ° siècle, J e a n l e G é o m è t r e , dans son long discours sur la vie et la mort de Marie, accepte la même tradition ( C o d . V a t i c , g r a c e . 504, transcrit en 1105, fol. 189v) et donne de cette longévité de la Vierge une raison très* plausible: son rôle de conseillère et de co n so latrice de la première Communauté chrétienne, au milieu de ses épreuves.
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Données scripturaires
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Quant à trouver des indications précises de l ’Assomption dans les livres de l’Ancien Testament, il n’y faut pas songer. Sans doute, les orateurs chrétiens, depuis la période patristique jusqu’à nos jours, et la liturgie de l ’Eglise ont appliqué à Marie glorieuse et triomphante en corps et en âme les textes suivants des Psaumes et du Cantique des Cantiques et quelques autres, que nous nous abstenons de si gnaler: La reine est à ta droite, parée d’or d’Ophir, couverte de vêtements de di verses couleurs (Ps. XLIY, 10). Lève-toi, Jahvêh, viens au lieu de ton repos, toi et l’arche de ta sainteté (Ps. C X X X I, 8). Quelle est celle-ci qui monte du désert, comme une colonne de fumée, exha lant la myrrhe et l’encens f (Cant. I ll, 6). Quelle est celle-ci qui apparaît comme l’aurore, Ielle comme la lune, pure comme le soleM, terrible comme une armée rangée en bataille? — Quelle est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé? (Cant. YI, 10; V IT I, 5).
Il est bien difficile de voir, dans l’application de ces[passages au triomphe de Marie, le jour de son assomption, autre chose qu’une pieuse accommodation. Sans doute, de nombreux Pères ont trouvé dans l’Arche d ’AUiance un type, une figure de Marie; mais on ne peut démontrer que ce sens typique ait été voulu, inspiré de Dieu, auteur principal de l’Ecriture. Même si cela était, les textes cités seraient trop vagues pour constituer un témoignage explicite de l’Assomption telle que nous l ’avons définie. 1
1 Nous verrons plus loin, en faisant l’histoire de la théologie latine, que certains auteurs contem porains, et en particulier D o m P atii . R e n a u d i n , ont voulu tirer de ces textes une preuve de la révélation de l ’Assom ption en essa yant de démontrer, par l ’exégèse des Pères et des docteurs, que les passages en question visent véritablem ent le privilège marial non au sens l i t t é r a l d i r e c t mais au s e n s t y p i q u e p r o p r e m e n t d i t . Ce sens, véritablement voulu de Dieu, auteur principal de l ’E criture sainte, nous serait révélé non par l ’Ecriture elle-même mais par l ’ i n t e r p r é t a t i o n u n a n i m e des Pères et des docteurs, et s’imposerait ainsi à notre croyance. Malheureusement pour cette tentative, l ’interprétation una nime ne se vérifie pas. L e Dr. J. E bnst , dans un opuscule dont il sera question plus loin, i ’a dém ontré suifisamment. Les exégètes de profession répugnent aussi résolument à cette explication.
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L’ Assomption de la Sainte Vierge
I - Témoignages implicites Aussi la plupart des théologiens récents, quand ils veulent assi gner un fondement scripturaire à la doctrine de l’Assomption, ne recourent-ils pas aux textes de ce genre. Ils en appellent aux pas sages mêmes où ils découvrent une allusion plus ou moins lointaine et implicite au dogme de l ’immaculée Conception, c ’est-à-dire: 1° au passage de la Genèse sur la promesse d ’un rédempteur: Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon (Gen. III, 15); 2° à la salutation de l ’Ange à Marie: Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes (Luc, I, 28); 3° à la salutation d ’Elisabeth à la Vierge: Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni (Luc, I, 42). Cette dernière formule, tout en restant une attestation implicite tant de l’immaculée Conception que de l ’Assomption, serait de tou tes la plus satisfaisante, parce qu’elle met Marie sur le même pied que son Fils sous le rapport de la bénédiction. Cette assimilation est grosse de conséquence, et l’on peut en tirer pour la Sainte Vierge aussi bien la préservation du péché originel que la victoire sur la mort, fruit de ce p é ch é .1 Mais nous n’avons là que des allusions fort vagues et fort lointaines à la glorification de Marie en corps et âme, et rien qui précise la date de cette glorification. Or, quand il s’agit de l’Assomption glorieuse, la question de temps est essentielle. Toute la postérité de la femme, tous les élus triompheront finalement de la mort et seront glorifiés dans leur corps comme dans leur âme. Le privilège de Marie consiste à recevoir sans retard cette glorification. Si elle est morte, son corps a dû échapper à la corruption du tom beau tout comme le corps de Jésus, et elle a dû ressusciter sans re tard. Jésus est ressuscité le troisième jour non après être mort de mort naturelle, mais après avoir été tué. Si nous assimilons de tout point le sort de la Mère à celui du Fils, nous devrons dire que, si Ma rie est morte, elle a dû ressusciter aussi le troisième jour. Et c ’est
1 Certains exégètes atténuent sensiblement la portée de cette assimilation en traduisant avec le P. F. P k a t , Jésus-Christ - Sa vie - Sa doctrine - Son œuvre, éd. 5, Paris, 1933, p. 65: Bénie êtes-vous entre toutes les femmes et béni s o it le fruit de vos entrailles. En donnant la tournure optative au second membre de la phrase au lieu de l ’ affirmation directe, on détruit le parallélisme. On est en présence d ’une form ule de louange, d ’une form ule de politesse.
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Données scripturaires
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ce qu’ont dit, en effet, plusieurs récits apocryphes du Transitus M a rine. 1 Mais cette déduction rigoureuse, en l’absence de toute donnée positive, ne peut que rester une pure hypothèse. Aussi, il ne faut pas s’étonner que devant ces obscurités, ces dé ductions pénibles et compliquées, d ’excellents théologiens déclarent qu’il n ’y a rien à glaner dans l’Ecriture en faveur de l’Assomption. 1 2 bious ne sommes pas de leur avis. Vous pensons que l ’Ecriture sainte n ’est pas complètement muette sur le mystère glorieux qui a terminé l’existence terrestre de la Mère de Dieu. Vous trouvons d ’abord dans l’Evangile un titre qui, à notre avis, postule nécessaire ment pour Marie sa glorification immédiate en corps et en âme aussi tôt après son départ de cette terre. Ce titre est celui de Mère du Sei gneur (ή μητηρ του Κυρίου μου), qu’au jour de la Visitation, sous l’ins piration du Saint-Esprit* Elisabeth donna à Marie: IT oii me vient, dit-elle, cette faveur que la M è r e d e m o n S e i g n e u r vienne à moi (Luc, I, 43)? La mère de mon Seigneur est ici évidemment synonyme de : La mère de mon Dieu. Le Seigneur dont Elisabeth salue la mère est bien le même que celui dont elle parle, quand elle ajoute: Heureuse celle qui a cru!, car elles sont accomplies les choses qui lui ont été dites de la part du « S e i g n e u r (L uc I, 45). » Il nous semble qu’il est pins facile de tirer le privilège de l’Assomption du titre de Mère du Sei gneur, Mère de Dieu, que des autres passages, qui ne contiennent qu’implicitement et d ’une manière lointaine et fort vague d ’abord l’immaculée Conception, et par VImmaculée Conception, l ’Assomption. La maternité divine, en effet, nous fournit en faveur de l’A s somption un argument du cœur immédiat et irréfutable. Ce n’est pas ici le lieu d’en indiquer toute la force. Vous le développerons
1 Plusieurs apocryphes, par tous, car nous verrons que certains récits re fusent à Marie le privilège de la résurrection anticipée et n’ accordent à son corps que celui de l ’ineorruption ju squ ’à la résurrection'générale. Plusieurs apocry phes m ettent un intervalle de six mois entre la mort et la résurrection. 2 C’est le sentiment non seulement des anciens, com m e saint Thomas, Somme théologique, III, q. 27, a. 1, mais d’ auteurs tou t récents, com m e H e r v é , Manuale theologiae dogmaticae, Paris, 1926, t. II, p. 525, n. 542: « Certe Scriptura nec explicite nec implicite hanc doctrinam ita continere videtur, ut de se sit ar gumentum plane sufficiens »; C a m p a n a E ., M aria nel dogma cattolico, éd. 4, T u rin, 1936, p. 907 sq., 917; B. T e p e , Institutiones theologicae in usum scholarum, t. III, p. 721-724, Paris 1896: «P o rro hanc veritatem neque ex Scriptura neque ex antiquorum Patrum scriptis, quae ad nos pervenerunt, probari posse fa te mur »; J. R i v i è r e , art. Assomption dans le Dictionnaire pratique des sciences religieuses, t. I, p. 476: « Il reste que l ’Ecriture est m uette sur le privilège de. l’Assom ption, mais qu’elle pose les principes dogmatiques d ’où elle peut légi timement se déduire b ; M e r k e l b a c h , Mariologia, Paris 1939, p. 274-275.
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L’Assomption de la Sainte Vierge
plus loin, dans la troisième partie. Là où beaucoup ne voient qu’une simple convenance, nous apercevons une impérieuse exigence et nous espérons en convaincre le lecteur. Dès lors, le silence de l’Ecri ture n’ est pas absolu. Il fournit un fondement solide à l’affirmation du privilège marial. Il donne le tout où l ’on peut trouver la partie. V e peut-on découvrir dans le Nouveau Testament quelque chose de plus, quelque indice direct de l ’assomption glorieuse? Si quelque apôtre a pu nous renseigner sur ce point, c ’est saint Jean, le disciple bien-aimé, qui a vécu jusqu’aux premières années du règne de Trajan (98-117) et qui a sûrement connu la manière dont s’est accompli le passage de Marie de la terre au ciel. Or, saint Jean nous a laissé trois Epîtres, un Evangile et l’Apocalypse. Si nous ne trouvons rien ni dans l’Evangile ni dans les Epîtres, nous pensons que des allusions au séjour de Marie dans la gloire sont faites au chapitre X I I de l’A p o calypse. Xous ne sommes pas les seuls à être de cet avis. Quelques théologiens ont vu dans le verset premier de ce chapitre: II parut dans le ciel un grand signe: une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles sur sa tête, une sorte d ’ostension, de manifestation de la Vierge glorieuse; mais il n’ont pas insisté sur ce point et n’ont pas poursuivi l’ exégèse de tout le chapitre tant pour résoudre les difficultés que présente l’identification de la Femme avec Marie, que pour y découvrir d ’autres allusions au séjour de la Vierge en corps et en âme dans la gloire céleste. C’est ce que nous allons essayer de faire en ne nous dissimulant pas la difficulté de l’en treprise et en proposant notre interprétation avec la réserve qui convient en pareille matière. II - L’ assomption de la Sainte Vierge et le chapitre XII de l’A po calypse. Considérations sur l’Apocalypse en général et sur le chapitre XII en particulier. Dans ce chapitre, Marie n’ est pas absente de la perspective du Voyant. L ’Apocalypse est un livre si mystérieux, si difficile à entendre, qu’il y aurait grande témérité à vouloir en interpréter une partie quelconque sans tenir compte de l ’ensemble et sans choisir un guide expérimenté ayant peiné longuement sur le texte sacré. Pour nous, ce guide sera le E. P. E. B. A llo , dont tout le monde connaît le ma gistral commentaire, qui a eu déjà plusieurs éditions. 1 Xous sommes
1 E. B. A l l o , S a i n t J e a n . L ’ A p o c a l y p s e . Nous citons habituellement la première édition, Paris 1921, en tenant com pte, a l ’occasion, des corrections
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Données scripturaires
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de ceux que le savant Dominicain a convaincus qu’il ne faut point chercher dans le livre inspiré une prophétie détaillée de l ’avenir de l ’humanité et de l ’Eglise jusqu’au jugement dernier selon l’ordre chronologique des événements, mais bien plutôt une série de ta bleaux décrivant de diverses manières, en style apocalytique, les persécutions de l’Eglise et son triomphe sur ses ennemis, la lutte sans cesse renouvelée entre les deux cités: celle de Dieu et celle du diable. Le P. Allo ne nie pas qu’il y ait, dans l’écrit de saint Jean, surtout dans la partie qu’il appelle la deuxième section des prophé ties (c. X I , 1 9 -X X I , 8), des allusions à des événements contempo rains de l ’apôtre ou tout proches de son époque, mais il manifeste une tendance marquée à restreindre le nombre de ces allusions et à réagir contre les fantaisies de l’Ecole dite historique. Pour comprendre quelque chose au livre mystérieux, ime initia tion au moins sommaire est nécessaire tant sur le style apocalytique en général que sur les procédés de composition de l’apôtre saint Jean. La connaissance de ces procédés surtout est importante pour l ’in telligence du texte. Ils ont été mis en relief, en ces dernières années, par plusieurs de nos exégètes catholiques, parmi lesquels le P. Allo tient la première place, et l ’on est étonné que tel exégète contem porain de quelque renom, tel professeur d ’Ecriture sainte en vue, paraisse les ignorer. Il fant signaler en premier lieu l’habitude qu’a saint Jean de développer sa pensée à petits coups, par une série d ’ébauches in complètes, qui sont reprises ensuite pour recevoir de nouveaux dé veloppements. Après avoir esquissé un premier trait, lancé une pre mière idée, il passe brusquement à une autre pour revenir ensuite sur la première. Ce va-et-vient peut se prolonger sur un chapitre entier. Malheur au lecteur qui ne s ’aperçoit pas du procédé et qui cherche un enchaînement logique dans le texte tel qu’il se présente! Voici ce qu’en dit le P. Allo: « Jean ne donne presque jamais toute sa pensée d ’un seul jet, ni en une seule vision. Il en présente tout d ’abord une indication, un résumé; puis il l’amplifie et la précise en des descriptions beaucoup plus vastes, qui forment comme des volutes s’élargissant toujours. Ce procédé est surtout remarquable dans les chapitres X I I et sui vants. L ’auteur aime à récapituler (pour nous servir de l ’expression plus ou moins exacte devenue célèbre dans l’histoire de l’interpré apportées dans les éditions ultérieures. Nous avons parcouru aussi V E d i t i o n E . P. L a v e k g n e , 4e édition, Paris 1937, précédée d ’une préface de l ’auteur. a b rég ée p a r le
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L’ Assomption de la Sainte Vierge
tation apocalytique) et à revenir sur sa pensée afin de lui donner des formes nouvelles, comme si les premières visions n’avaient eu qu’une valeur d ’essai ou d ’ébauche ... Une vision condensée, une brève in dication, montre d ’ abord d ’un seul coup, comme un sommaire, le sujet qu’il va traiter; puis l’écrivain revient sur telle ou telle partie de cet ensemble pour la développer avec de longs détails et une mise en scène particulière, en usant de symboles qui peuvent être nou veaux, sans que d ’ailleurs l’idée ait varié; ils ne servent qu’ à en ac centuer les grandes lignes, à développer des virtualités déjà pres senties. Ce n ’est pas, à proprement parler, une progression dans la connaissance de l’avenir, mais un développement plus précis sous forme de visions nouvelles, mises en relation, par quelques-uns de leurs traits, avec Jes précédentes. Il n ’y a en fait dans le livre que trois ou quatre idées générales, que nous pourrions appeler les ” ac cords fondamentaux ” ; chacune d ’elle se prolonge en harmoniques des sons primitifs, en spirales, en volutes, en ondes concentriques. Je suis bien obligé d ’employer de telles métaphores, la technique littéraire n ’ offrant pas de termes propres pour nommer un paieil processus, à la fois simple et si raffiné, qui rentre pourtant dans la notion générale du parallélisme, forme naturelle de la pensée sé mitique. » 1 Le P. Allo parle spécialement pour l ’Apocalypse. D ’autres exé gètes ont signalé l ’emploi du même procédé dans la rédaction du quatrième évangile 2 et dans la première épître de saint Jean. 3 Autre remarque importante: l’auteur de l’Apocalypse emploie le style apocalyptique, « qui est essentiellement allégorique, volon tairement mystérieux, et nécessite toujours des interprétations, sou-
1 A l l o , o p . o it., p . x c iv e t c l i i i - c l i v . 2 Voir le remarquable article de IX B u zy , U n procédé littéraire de sa in t -J ea n , dans le B u lle tin de littérature ecclésiastique de T ou lou se, 1938, p. 61-75: Jean procède par approches, par projections successives, non par des d évelop pements tranchés, mais des enveloppements concentriques, non par évolution mais par in vo lu tion . L e P. B uzy fait l ’application au prologue, aux chapitres V I et V III du quatrièm e évangile. 3 Voir J o s e p h C h a î n e , L e s épître de sa in t P ie r re . L e s épître s de sa in t Jea.n. Ié é p îtr e de sa in t J u d e, Paris, 1939, p. 117: « En fait la rédaction de cette épître ne se présente pas dans un ordre rigoureux, de sorte que parfois on passe d ’une idée à l ’autre, pour revenir ensuite à l’idée précédente. Ce va-et-vient de la pensée est très sémitique; de même aussi les prétendues contradictions qu’on a cru re lever à propos du péché. Souvent le Sémite considère un aspect de la réalité, puis un autre aspect, chacun séparément l ’un de l ’ autre, comme deux absolus, sans se préoccuper du raccord. On peut dire que l ’esprit sémitique a souvent de la peine à considérer une réalité dans son ensemble. »
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vent l ’usage d ’une clé. Il est toujours tendu, grandiose, visant à l’ef fet. » 1 Ce genre a fleuri dans les milieux juifs de Palestine, du n e siècle avant Jésus-Christ au IIe siècle après. Jean se rattache à ce genre, bien que la ressemblance soit plus matérielle, plus extérieure que substantielle. Pour le comprendre, il importe cependant de con naître le sens de certains symboles, la valeur de certains nombres — car les nombres jouent un rôle important dans le genre — que les spécialistes sont arrivés à déterminer en comparant ces sortes d ’écrits; faute de quoi on risque de faire fausse route en prenant au sens lit téral et matériel ce qui n’a qu’une valeur symbolique. Telle est, par exemple, la signification du nombre 1000: le millénarisme est né de l’ignorance de la véritable signification de ce chiffre en style apo calyptique. Ce qui complique, du reste, le travail d ’interprétation, c ’est que Jean traite fort librement l ’imagerie conventionnelle qu’il emprunte soit aux prophètes de l ’Ancien Testament, soit aux apocalypses apo cryphes. Pour en saisir la signification véritable, il faut faire atten tion au contexte et à son contenu chrétien. Bien .plus, «m êm e au cours d ’une même vision, l ’auteur ne reste pas constant avec lui-même dans le choix des expressions figurées... Il traite bon nombre de ses symboles comme s’il attachait peu d ’im portance à la figure elle-même et à sa valeur représentative et esthé tique, comme s’il était uniquement préoccupé du sens, ne regardant les images sensibles que comme des mots conventionnels, qu'on 'peut sans scrupule interchanger, quand ils sont synonymes. Il en résulte, par ci par là, une première impression, qui est presque celle d ’un chaos »,2 et il arrive que plusieurs symboles représentent une même réalité sous divers aspects, qu'ils se symbolisent les uns les autres. C’est comme un symbolisme à plusieurs étages. Ainsi «les étoiles re présentent: au ciel les “ esprits de Dieu ” , sur terre les sept Eglises d ’Asie. D e même, l ’Eglise et le monde impie sont symbolisés respecti vement par deux cités, elles-mêmes représentées par des femmes.» 3 Le contraire arrive aussi: ime même figure, un même symbole, un même nom possède une multiple virtualité, désigne plusieurs réa lités, plusieurs personnages ayant entre eux des rapports étroits ou des ressemblances. C’est dire qu’outre le sens directement apparent et littéral, il peut y avoir une signification figurative, un sens typique, étroitement lié au premier et faisant corps avec lui, comme chez les 1 A llo, op. c it., p. x ix . 2 A llo, op. c it., p. lix . 3 A llo, p. lxv .
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L’ Assomption de la Sainte Vierge
prophètes de l ’Ancien Testament: Isaie, Eréchiel, Daniel, etc. Le P. Allo le reconnaît expressément à propos du Eils de la femme, dont il est parlé an chapitre X II, verset 5, c ’est-à-dire dn Christ, dn Messie: «L e Christ est la tête de l’Eglise, mais l’Eglise est le corps du Christ. Le Christ mystique, le Christ total, comprend la tête et le corps. D e même, dans la vision de Daniel (ch. V II), le ” Eils d ’hom me ” représentait à la fois et le peuple des saints et le chef de ce peu ple, le Boi-Messie, comme le prouve le parallélisme avec les quatre animaux, qui sont à la fois empires et chefs d ’empires. Ici, cette virtualité est cause qu’il y a certains traits qui conviennent à la fois au Christ personnel et au Christ mystique, tandis que d ’autres con cernent le seul Christ personnel, et d ’autres le seul Christ mystique. Au seul Christ personnel convient le ravissement au trône de Dieu: c’est le triomphe de la Résurrection et de l ’Ascension sous les yeux confondus de l’adversaire, qui, même par le supplice de la croix, n’a pu nuire au Eils de Dieu. » 1 Cette dernière remarque est très importante pour notre sujet. Elle nous suggère de rechercher si, dans le chapitre X I I de l’A poca lypse, la Femme opposée au Dragon n ’est pas un de ces symboles à virtualité multiple, pouvant désigner plusieurs personnages ou plusieurs réalités. En examen attentif du texte nous permet de ré pondre à cette question par· l’affirmative. Bien que les plus anciens commentateurs de l’Apocalypse, comme le P a s t e u r d ’H e r m a s (Vision IV, 2), s a in t H ip p o l y t e ( f après 235), saint M é t h o d e d ’O l y m p e ( f vers 311), 2 n ’aient vu dans cette Eemme que l’Eglise seule, d ’autres Pères y ont découvert la Vierge Marie. 3 Plusieurs commentateurs catholiques de nos jours y reconnaissent à la fois et la Vierge Marie et l’Eglise, et nous pensons que ceux-là seuls ont saisi le sens total et plénier du texte sacré. Il y a, du reste, parmi eux des différences sensibles. Alors que les uns placent en première ligne la Vierge Marie, les autres accordent la primauté à l’Eglise, la Vierge étant à l’arrière-plan. Pour nous, nous nous rangeons résolu ment parmi les premiers. Sans doute Marie et l’Eglise sont égale ment dans la perspective du Voyant. Tout ce qui est dit peut s ’en tendre de l’une et de l’autre, mais certains traits, du moins au sens littéral direct, nous paraissent ne convenir qu’ à Marie, la Femme y étant nettement distinguée de sa descendance et sa descendance
1 P. 172.
2
Σ νμ π όσω ν
τω ν
έέκ α
π αρθένω ν
η π ερί
c ijv e la s ,
IV , V i l i ,
6,
13, etc., éd.
B onvvetsch, Leipzig, 1917, p. 83-98. 3 Nous parlons plus loin de ces Pères.
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Données scripturaires
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étant précisément ce que nous appelons l ’Eglise. Tout comme le P . Allo reconnaît que, dans ce qui est dit du Christ dans ce même chapitre, certains traits ne concernent que le Christ personnel, de même nous pensons que les versets 14-17 ne peuvent bien s’entendre, au sens littéral direct, que de la Yierge Marie, non de la Femme m ysti que, de l’être collectif qui s’appelle l’Eglise. Avant de justifier notre interprétation, citons quelques passages d’exégètes récents, qui reconnaissent que saint Jean a pensé à Marie en écrivant le chapitre X II. Tout d ’abord, le P. Allo, parlant de la parure astrale de la Fem me, écrit ce qui suit: « Cette emphase symbolique surprendra moins, si l’on admet que la mère allégorique du Messie, la Communauté, est ici représentée sous des traits qui conviennent premièrement à sa mère réelle, à ia “ Almah ” d’Isaïe, à la “ Femme qui enfante ” de Michée (V, 2); ce ne serait pas la première fois qu’on trouverait, dans notre livre, deux réalités analogiques mêlées, le type et l’antitype plus ou moins confondus; le genre allégorique ne répugne pas à cette imprécision 1... Ainsi l’application liturgique de ce texte à la Sainte Yierge, à la mère selon la chair du Messie personnel, ne serait pas purement accommodatice. Même les douleurs d ’enfantement pourraient chrétiennement s’interpréter par la “ Compassion ” de Marie dans l’en fantement des temps nouveaux et de l’Eglise (voir Luc, la prophétie de Siméon, c. II, 35). Seulement ce sens est tout au plus secondaire, ou si l’on veut, spirituel, et la scène totale peut s’interpréter en dehors de lui. »2 Au tome V de son Manuel d'Ecriture sainte, B é n i e a écrit ré cemment: « Il n ’est pas exact de considérer avec D r a c h (L'Apoca lypse de saint Jean, Paris, 1879, p. 114) l’identification de la Femme avec Marie comme une pure accommodation. Certes les douleurs de l’enfantement ne conviennent pas à la Vierge, mais elles pouvaient s’expliquer de notre propre enfantement spirituel au Golgotha, car l’enfant de la Femme doit être considéré sous son double aspect, comme en Daniel le “ Fils d ’homme ” (Dan. V II, 13 sq.) désigne à la fois la Communauté des saints et son chef, le Messie. » 3
1 C’ est nous qui soulignons. 2 O p . c it., p. 173-174. Dans l ’édition abrégée du P. Lavergne, approuvée par l ’ auteur, 4e éd., Paris, 1937, p. 98, nous lisons: « L a représentation glorifiée de cette mère du Christ m ystique convient premièrement à Marie, la mère de Jésus et la nôtre, la Vierge-Mère saluée par Isaïe (V II, 14), la Fem m e qui en fanta célébrée par Michée (V, 2). » 3 E î n i î , M a n u e l d ’E c ritu re sa in te, t. V, L yon , 1936, p. 380, note 2.
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L’Assomption de la Sainte Vierge
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Dans son ouvrage: Les visions de saint Jean, Mgr Joseph Blanc interprète, au sens littéral, de Marie et de l’Eglise, tout le chapitre X I I de l ’ A pocalypse.1 Dans un remarquable essai exégétique sur ce même chapitre,2 le P. M. D e la B r o is e pense que « l ’histoire prophétique immédia tement révélée est celle de l’Eglise et de ses luttes. Mais cette his toire en suppose constamment une autre, rappelée par d’évidentes allusions. » Ces allusions font partie du sens littéral. En particulier, au verset 1, le personnage immédiatement et directement présenté, c ’est l’Eglise. Mais les traits sous lesquels elle est peinte sont ceux de la Vierge. 3 Marie est le type de l’Eglise, non en ce sens qu’elle en est l’ ébauche, mais en ce sens qu’elle en est le type idéal. Elle dé passe l’Eglise; elle est mère de l’Eglise elle-même. « Elle n’est pas figure de l ’ Eglise de la façon dont Melchisédech était la figure du Christ, mais plutôt de la façon dont le Christ, au Cénacle et sur la Croix, était le type du sacerdoce chrétien. » 4 Le P. L. F on ce est à peu près d’accord avec le P. de la B roise.5
1 L e s v is io n s de sa in t J e a n , Paris, 1934, p. 281. 2 R. M.
de
L
a
B e o i s e , M u lie r a m icta sole. E s s a i exégétique, d a n s les E t u
t. L X X I (avril-juin 1897), p. 289-307. 3 P. 306. 4 P . 303. Signalons aussi que le P . C a l m e s , dans ses deux ouvrages, publiés en 1907: L 'A p o c a l y p s e devan t la tra d ition et devant la critique - L e s E p îtr e s catho liques et l'A p o c a ly p s e , voit dans la Femme la Communauté judéo-chrétienne « en même tem ps que Marie. » P our A. C k a m p o n , L a sa inte B ib le, t. V II. L e s E p îtr e s , l’A p o c a ly p s e de sa in t J e a n . L e s livres a p ocryp h es, Paris, 1904, p. 471-472, la Femme est l ’Eglise dans son acception la plus large, l ’humanité élevée et sanctifiée, qui doit produire le Christ intégral. Mais il ajoute: « Il est facile de voir com m ent la très-sainte Vierge Marie, étant la personnalité la plus éminente de l ’hum anité surnaturellement élevée et ayant été choisie entre toutes les fem mes pour enfanter le Christ Jésus, chef du corps mystique des enfants de Dieu, m érite q u ’on lui attribue à titre spécial les grandeurs et les privilèges sy m b o lisés par la brillante description du verset 1. » 5 « Sed quamvis cum hac sententia longe communiore textum nostrum sensu litterali im primis de Ecclesia exponendum esse concedamus, nihilominus verba haec optim e beatissimae Virgini applicari possunt, idque non per solam accom m odationem quamdam fieri merito commentatores agnoscunt. Etenim discipulus quem diligebat Dominus, cui in cruce moriens Matrem suam amatissimam commiserat tuendam, in visione illa caelesti idealem ac symbolicam figuram Ecclesiae contemplans, eo m odo eam describit, qui ex persona reali V ir ginis matris desum ptus esse dicendus est. » L . F o n c k , S ig n u m m a gn u m a p p a ru it i n caelo, dans le V er b u m D o m i n i, t. II, 1922, p. 324. des,
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Données scripturaires
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III - Exégèse détaillée du chapitre XII de l’Apocalypse «L e chapitre X I I est central dans l’Apocalypse, dit le P. Allo, car tout le monde reconnaît qu’il en contient ou prépare les princi pales figures, les allégories maîtresses. » 1 C’est à cet endroit que le savant exégète fait commencer la deuxième section des prophéties, à laquelle il donne comme introduction ou prologue le dernier verset du chapitre précédent: Dt le temple de Dieu s'ouvrit, celui qui est dans le ciel, et l'on vit l'arche de son alliance dans son temple, et il se fit des foudres et des voix et des tonnerres et un ébranlement et une grande grêle(chap. X I, 1 9-X X I, 8). 23 C’est comme une récapitulation ou une répétition, sous une nouvelle forme, de ce qui a été dit dans les cha pitres précédents (Y I-X I, 18), comme une nouvelle apocalypse s’ éten dant en fait à toute l’histoire humaine depuis la naissance du Christ (X II, 5) jusqu’au jugement général (X X , 1 1 -X X I, 8). Cette section, comme la précédente, a pour but de nous décrire les persécutions dont l’Eglise est l ’objet depuis la venue du Sauveur sur terre jusqu’à son dernier avènement et son triomphe sur tous ses ennemis; mais elle le fait à un point de vue spécial, avec un regard sur l’empire ro main, pris comme type de VAntichrist3 et de toutes les puissances ennemies de Dieu: «C ’est l’exécution des décrets du “ petit livre ouvert ” , dont il a été parlé au chapitre X , 8-10, sur l’Eglise et sur l ’ensemble du monde, considéré cette fois dans ses rapports avec l’Eglise et spécialement représenté par l’ empire romain. » 4 C’est, dès lors, dans cette seconde partie qu’il faut s’attendre à trouver des allusions aux événements contemporains de l’auteur, événements pris parfois comme types et symboles de ce qui doit arriver dans la suite de l’histoire. On peut dire que, dans cette section, le cha pitre X I I apparaît comme une vue d ’ensemble, un résumé de ce qui
1 O p . H t ., p. 155. 2 Ce dernier verset du chapitre X I est rattaché par la plupart des com mentateurs à la première section des prophéties. Beaucoup de Pères et de th éo logiens ont vu dans l ’arche la Sainte Vierge. L ’arche serait, dès lors, identique à la Femme qui va être décrite au chapitre suivant. P our le P. A llo, « cette ar che céleste, enfermée dans le sanctuaire céleste, est un simple sym bole des biens spirituels dus à la victoire du Christ » (p. 154). Pour saint H ippolyte, il s’agit de l ’humanité du Sauveur. L ’application littérale à Marie reste évidemment fort problém atique; mais elle cadrerait bien avec ce qui suit. 3 A vec M. l ’A bbé Chaîne nous écrivons A n tic h r is t et non A n téc h r ist, parce que le m ot est d ’origine grecque.
4 A llo,
op. c it.,
p. 152.
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L’Assomption de la Sainte Vierge
sera développé dans les chapitres suivants. Et dans ce résumé nous trouvons des spécimens typiques des procédés littéraires de saint Jean que nous avons signalés plus haut. Ce chapitre est tout entier rempli par la lutte entre la Femme et le Dragon. C’est une allusion claire et directe à ce qu’on appelle le Protévangile: Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon (Gen. III, 15). 1 Saint Jean lui-même identifie le Dragon avec le Serpent antique, celui qui est appelé le Diable et le Satan, celui qui égare toute la terre habitée, (Apoc. X II , 9), Vaccusateur inlassable des saints en face de Dieu (ibid., V. 10; cf. Job, I, 9, II, 9, Zach. I l l , 1), le Prince de ce monde (Joa. X IV , 30). La Femme est, dès lors, celle qui est indiquée dans la Genèse: c ’est Eve: c ’est sa descendance, d ’où doit sortir le Messie, cette portion choisie de l ’humanité que nous appelons l’Eglise, l ’Eglise prise dans son acception la plus large, com prenant les justes de tous les temps et de tous les lieux. Voilà un premier point qui nous paraît incontestable. Mais dans cette Eglise, dans cette Communauté des justes, émerge, émine une personne qui incarne pour ainsi dire en elle toute l’Eglise, qui la figure et la représente, non comme l’ébauche représente le tableau futur, mais comme le type idéal représente une de ses ima ges plus ou moins approchantes: cette personne, c ’est la mère même du Messie-Sauveur, celle que les Pères vont appeler la nouvelle Eve, celle que l ’ ange Gabriel a saluée au jour de l’Annonciation et qui, par son libre consentement à la proposition divine, est devenue à la fois la mère selon la chair du Eédempteur et la mère selon l ’esprit de tous les rachetés, ou, si l’on veut, la mère du Christ total, du Christ mystique, du corps tout entier de l’Eglise, de la tête et des mem bres. Cette femme, c ’est la Vierge Marie, que le Voyant de Patmos connaissait bien, lui à qui Jésus l’avait confiée au pied de la Croix. Comment n’aurait-il pas songé à elle en écrivant ce chapitre? Le rôle de Marie dans l ’Eglise, au milieu des persécutions continuelles qu’elle a à subir, est assez important, pour qu’elle n ’ait pas été absente de la grande [Révélation. Xous pensons donc que Marie est au premier plan de la vision apocalyptique; que c ’ est elle, tout d ’abord, qui est visée et décrite; que tout ce que dit le Voyant de la Femme s’applique à elle en quel que façon. Xous n ’ abandonnons pas pour cela l’interprétation plus
1 Nous utilisons la traduction de l ’A bbé Crampon, L a sainte B ib le. T r a d u ction d'après les textes origina u x.
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commune, qui entend tout de l’Eglise, prise dans son acception la plus large. Tout ce qui est dit lui convient aussi, mais au second plan. Marie joue le rôle de type; l’Eglise est l ’antitype. Yoici comment nous justifions notre manière de voir. Vous avons remarqué que l’hostilité du Dragon contre la Femme se développe en trois phases. Il s’en prend d ’abord à son Fils, qui est le Messie, le Christ personnel, indiqué aux versets 4 et 5: Et le Dragon se tient en face de la Femme sur le point d'enfanter, afin, quand elle viendrait à enfanter, de dévorer son enfant. Et elle enfanta un Fils, un être mâle, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Le Christ échappe à ses atteintes par son ascension, comme il est dit au verset 5: Et Venfant de la Femme fut ravi vers Dieu et vers son trône. Après l’ascension de Jésus, commence la seconde phase: la persé cution dirigée contre la Femme elle-même, contre la mère du Messie, c ’est-à-dire contre Marie en personne-, car c ’est bien d ’elle qu’il s’agit au verset 13: Et quand le Dragon vit qu'il avait été précipité sur la terre, il poursuivit la Femme, elle qui avait enfanté le mâle, gris êre/cer τ ο ν â p a e v a . A son tour, la Femme, secourue par Dieu d ’une manière mystérieuse, échappe aussi à sa fureur, comme il est dit aux versets 14-16: Et à la Femme furent données les deux ailes du grand Aigle pom s'envoler vers le désert vers sa place, (place préparée par Dieu lui-même, τ ό τ τ ο ν ή τ ο ί μ α σ μ έ ν ο ν caro τ ο ν Θ β ο ϋ , expression employée au verset 6), là où elle est nourrie u n tum ps e t d e s tem ps e t l a m o it ié d ’ u n temps ( = 1260 jours, dont il est parlé au verset 6, soit trois ans et demi) loin de la face du Serpent. Et le Serpent lança de sa bouche, après la Femme, de Veau comme un fleuve pour la faire entraîner par le fleuve. E t la terre .secourut la Femme et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le Dragon avait lancé de sa bouche. ISTous avouons qu’il n ’est pas commode d ’expliquer ces allégories répétées. hTous essaie rons tout à l ’heure de le faire. Retenons seulement pour le moment qu’elles doivent faire allusion à des faits précis, auxquels Marie, et avec elle la première Communauté chrétienne de Jérusalem, ont été mêlées. En gros, il s'agit d'une persécution ou d'une épreuve, déjà passée au moment où saint Jean écrit l'Apocalypse, à laquelle la Sainte Vierge a échappé, et cela pour toujours et d'une manière définitive, tout comme Jésus a échappé aux atteintes du Dragon par son ascension. Sous ces allégories doit se cacher l’allusion à l’assomption de la Mère de Jésus, qui la soustrait pour toujours à la fureur de Satan. En effet, comme nous lisons au verset 17: le Dragon s'irrita contre la Femme, qu’il avait voulu perdre. Voyant qu’il ne pouvait désor mais l’atteindre, pour se venger, il s'en alla guerroyer contre ceux qui restaient de sa descendance, ceux qui observent les commandements de
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L’ Assomption de la Sainte Vierge
Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. Voilà la troisième phase de la lutte, lutte qui va se poursuivre jusqu’au dernier avènement du Sau veur et que le Voyant va nous décrire dans les chapitres suivants. Le reste de la descendance de la Femme, c ’est-à-dire les chrétiens fidèles, comme porte expressément le texte sacré, c ’est précisément ce que nous appelons l’Eglise militante. Or, d ’après l’exégèse la plus courante, la Femme dont il a été parlé dans le chapitre, serait di rectement et en première ligne l’Eglise militante elle-même. Voilà ce que nous n ’arrivons pas à comprendre. Au verset 17, nous voyons que l’auteur sacré distingue clairement entre la Femme, son enfant, qui est le Christ personnel, et ses autres enfants, qui sont le reste de sa descendance (ο ι λ ο ι π ο ί τ ο υ a i r e p p a r a s a ù r fjs), les frères de Jésus. La Femme dont a parlé saint Jean dans les versets précédents n ’est donc pas directement l’Eglise militante, mais Marie en personne. Nous ne nions pas que la Sainte Vierge ne représente, dans ces versets, l’Eglise militante, ne soit sa figure, son type idéal; mais nous disons que ce n’est pas l’Eglise militante qui est au premier plan de la vision, mais Marie, la Mère du Christ total. Marie préfigure l’Eglise, tant qu’elle reste sur terre, tant qu’elle est exposée aux persécutions de Satan avec le reste de ses enfants spirituels, qui sont les chrétiens fidèles, ceux qui ont le témoignage de Jésus. Une fois qu’elle a disparu, de la scène de ce bas monde, l’Eglise militante n ’est plus désignée par saint Jean par le nom de Femme. Il l ’appelle le reste de sa descen dance. C’est ce reste de sa descendance qui doit subir les attaques du Dragon après l’ascension de Jésus et l’assomption de Marie. Certains exégètes, partisans de l’interprétation commune dont nous parlons, ont bien vu la difficulté que présente le verset 17 pour leur théorie. Ils ont pensé s’ en tirer en disant que le Dragon, désespé rant de détruire l’Eglise en tant qu'être collectif, communauté ou so ciété, se résout à faire la guerre aux fidèles pris individuellement. 1 Mais rien, dans le texte ni dans le contexte, ne justifie cette expli cation. Le reste de la descendance de la Femme, c ’est bien l’Eglise mi litante prise comme telle, celle qui se trouve sur la terre, où le Dra1 L u s s e a u et C o u l o m b , M a n u e l d'études bibliques, t . V, 2 e partie, éd. de 1931, écrivent, p. 518: « L e serpent infernal suscite alors des persécutions: c ’ est le fleuve qui jaillit de sa bouche. Inutiles efforts. Les moyens mis en œuvre, n ’ aboutissent pas. D e guerre lasse, il se détourne alors de la Femme, c ’est-àdire de la société chrétienne considérée comme être collectif, pour diriger ses traits contre les autres enfants de la Femme, c ’est-à-dire contre les chrétiens pris individuellement. » Même explication dans L a sainte B ib le, trad. A . C r a m p o n , t. V II, Paris, 1904, p. 474. L e P. A llo ne paraît pas avoir aperçu la d if ficulté.
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gon a été jeté avec ses anges, et qui doit subir ses assauts jusqu’au dernier avènement du Sauveur, assauts dont le Voyant va nous parler à partir du chapitre X III. Voilà la vue générale de tout le tableau. Il nous faut maintenant entrer dans le détail et répondre aux objections qu’on peut faire à notre interprétation. La grande raison qui a détourné la plupart des exégètes catho liques d ’appliquer à Marie ce qui est dit de la Femme, ce sont les douleurs d ’enfantement dont il est parlé au verset 2 : Elle est enceinte, et elle crie étant dans les douleurs et tourmentée pour enfanter. Voilà, dit-on, ce qui est inconciliable avec le dogme de la virginité de Marie in partu. Cela n ’empêche pas certains interprètes de reconnaître que l’enfant que la Femme met au monde est le Christ en personne, com me il ressort du verset 5: Et elle enfanta un Fils, un être mâle, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer, et son enfant fut ravi vers Dieu et vers son trône. « La citation du Psaume (II, 9), écrit le P. Allo, ne laisse aucun doute sur l’identité de cet enfant “ mâle ” , c ’est-à^ dire puissant, et roi des peuples: c ’est le Messie Jésus, le Fils de Ma rie; cette interprétation est d ’autant plus certaine que c ’est la seule figure du chapitre qu’on puisse opposer aux Xonrol du verset 17, au reste de la postérité de la Femme, c ’est-à-dire tous les chrétiens en général, les frères de Jésus. » 1 Mais si le Fils est Jésus en personne, la Femme est sûrement la Vierge Marie. Comment, alors, faut-il en tendre ces douleurs d ’enfantement? Le P. Allo s’en tire par l’expli cation que nous avons donnée plus haut: 2 « les douleurs d ’enfante ment pourraient chrétiennement s’interpréter par la “ Compassion ” de Marie dans l’enfantement des temps nouveaux et de l’Eglise ». L ’explication nous paraît bonne, bien qu’incomplète, pourvu qu’on remplace le conditionnel pourraient par le présent peuvent. Mais le P. Allo a l ’air de tenir au conditionnel, car il ajoute: « Seulement ce sens est tout au plus secondaire, ou, si l’on veut, spirituel, et la scène totale peut s’interpréter en dehors de lui. » 3 C’est cette posi tion que nous n’ arrivons pas à comprendre: comment écarter Marie de l ’enfantement du Christ personnel? 4 1 O p . c it., p. 160-161. 2 V oir plus haut, p. 19. 3 O p . o it., p. 161. 1 Newman dit à ce propos: «P ersonne ne doute que “ l ’enfant mâle ” ne soit une allusion à N otre Seigneur; pourquoi donc “ la fe m m e ” ne serait-elle pas une allusion à sa mère? » B u culte de la S a in te V ierge dans l’E g lise catholique (traduction revue et corrigée par un Bénédictin de l ’abbaye de Farnborough), Paris, 1908, p. 87.
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L’Assomption de la Sainte Vierge
Quant à l’explication des douleurs d ’enfantement par la com passion de la Sainte Vierge au pied de la croix, compassion par la quelle elle est devenue la mère spirituelle, la mère de grâce de tous les enfants de Dieu, du corps mystique dont Jésus est la tête, elle est excellente et nous fournit déjà la réponse à l’objection. Nous pensons cependant que cette explication, vu le contexte de l’Apocalpjse, est incomplète et a besoin d’ ètre élargie. Les douleurs qu’é prouve la Femme ne font pas allusion à l’enfantement matériel de Jésus à Bethléem; mais on peut les rapporter aux douleurs, aux tourments intérieurs que Marie a éprouvés à cause de Jésus depuis l’Annonciation jusqu’à la résurrection du Sauveur et son ascension. Il est remarquable que l’auteur de l’Apocalypse ne parle que de deux moments de la vie du Messie: de sa naissance et de son ascension. Sa naissance représente ainsi toute sa vie terrestre et englobe, dans la perspective du Voyant, la vie cachée et la vie publique, la passion, la mort et la résurrection. La Vierge n’ eut enfanté pleinement le Sauveur comme tel que lorsque celui-ci fut devenu pleinement et complètement sauveur, et il ne le devint, selon le plan divin de la Rédemption, que par sa passion, sa mort et sa résurrection. Ainsi entendu, l’enfantement de la Vierge comprend toute la vie terrestre de Jésus. Son rôle de nouvelle Eve n’ est achevé qu’au pied de la Croix, sur le Golgotha, où le glaive transperce son âme. C’est aussi, c ’est alors surtout qu’elle devient la mère spirituelle de tous les frères de Jésus par son association à la passion rédemptrice. Bien que son enfantement virginal à Bethléem ne lui ait causé aucune douleur, Marie a eu cependant beaucoup à souffrir à cause de Jésus, au cours de son existence terrestre. Qu’ on se rappelle les soupçons que sa grossesse mystérieuse éveille dans l ’âme de saint Joseph, les souf frances qu’elle éprouve à cause de la pauvreté de Bethléem, de la persécution d ’Hérode et de l’exil en Egypte, de la perte de Jésus à l ’âge de douze ans, des épreuves de la vie cachée à Nazareth, que nous ignorons, et surtout du martyre du cœur enduré au pied de la Croix. Bien d ’étonnant que saint Jean, qui fut le témoin de ce mar tyre et qui entendit Jésus dire: Femme, voilà votre fils (Joa. X I X , 27), ait comparé ces douleurs à celles de l ’enfantement. Si l’ on a pu écrire que toute la vie de Jésus ici-bas fut une croix et un martyre, on peut en dire autant de Marie, à partir du jour où elle devint sa mère et aussi la nôtre. Cette explication nous paraît beaucoup plus compre hensible que celle qui entend les douleurs des gémissements et des souffrances des saints de l ’Ancien Testament pour se disposer à la naissance du Messie rédempteur et des grandes peines que l’Eglise militante endure pour enfanter les âmes à la vie surnaturelle, bien
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que cette dernière vue ne soit pas exclue, puisque Marie est ici le type idéal et la figure de l ’Eglise. Comment allons-nous expliquer maintenant la poursuite du Dra gon contre Marie en personne, après l ’ascension de Jésus? Comme nous l’avons déjà dit, la manière dont saint Jean parle de cette persé cution doit faire allusion à des faits précis, qui nous échappent. Ce qui ressort clairement du texte sacré, c ’est que Marie, par le prompt secours de Dieu, est soustraite pour toujours aux atteintes de Satan. C’ est donc que dans les versets 14-16 nous avons une allusion, sous forme apocalytique, à son départ de la terre pour le ciel, disons: à son assomption. Verset 14 : F t à la Femme furent données les deux ailes du grand Aigle, pour s'envoler vers le désert, vers sa place, là où elle est nourrie un temps et des temps et la moitié d'un temps, loin de la face du Serpent. Cette fuite au désert avait déjà été indiquée au verset 6: F t la Femme s'enfuit au désert, où elle a une place préparée par Dieu, pour qu'on la nourrisse là mille deux cent soixante jours. Dans les apocalypses apocryphes, la fuite au désert accompagne habituellement les persécutions. 1 Saint Jean a pu s’en inspirer. Mais l’expression a pu tout aussi bien lui être suggérée par le souvenir d ’Israël échappant au Pharaon et nourri de la manne dans le désert d ’Arabie (Exod. X V I; Ps. L X X V I II , 24; CV, 40), ou par l’histoire d ’Elie (I Peg. X V II, 6; X I X , 6). Par la confrontation des deux versets 6 et 14, il apparaît clairement que les 1260 jours du verset 6 cor respondent à un temps et des temps et la moitié d'un temps du verset 14. Ils correspondent également aux 42 mois des chapitres X I, 2 et X III, 5, aux 3 jours et demi du chapitre X I, 9, 11. Dans un savant excursus, le P. Allo démontre que ces chiffres symboliques indiquent les « derniers temps », c ’est-à-dire les temps messianiques, toute la période qui va de l ’ascension du Sauveur à son dernier avènement. 2 La venue du Messie départage toute l ’histoire du monde, la pléni tude du temps, représentée par le nombre sept. La première moitié, le premier 3 %, figure la période antérieure au Messie; la seconde, la période qui doit suivre, jusqu’au jugement dernier. L ’usage apo calyptique du chiffre 3 % remonte à Daniel (VII, 25), où il répond à la durée de la persécution d ’Antiochus Epiphane, de juin 168 à décembre 165 avant Jésus-Christ. S’il en est ainsi, le désert vers lequel s'envole la Penarne sur les deux ailes du grand Aigle pour y occuper la place gui lui a été préparée par Dieu ne peut qu’être le ciel, 1 A l l o , op. oit., p .
x l iii.
2 O p. cit., E x c u r su s X X I I I , p. 142-146.
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L’Assomption -de la Sainte Vierge
séjour des bienheureux. 1 Cet endroit, en effet, est loin de la face du Serpent, inaccessible à ses atteintes. C’est pourquoi la Femme dont il s’agit ne peut directement désigner que Marie, qui, depuis son assomption, se trouve au ciel, et, au sens spirituel et secondaire, l ’Eglise triomphante; mais non l ’Eglise militante, qui, elle, est en butte aux attaques du Serpent, et ne vit pas loin de sa face, n o m breux pourtant sont les exégètes qui entendent le verset 14 de l’Eglise militante. Ils sont fort embarrassés pour dire ce qu’est ce désert, où séjourne la Femme jusqu’à la fin du monde, loin de la face du Serpent. Ils nous parlent de la solitude de cette vie, où l’Eglise vit comme le passereau solitaire et qui, à l’instar du peuple de l’Exode, est nourrie de la parole de Dieu et de l’Eucharistie; de la citadelle de la vie intérieure, de cette vie cachée avec le Christ en Dieu, dont parle saint Paul (Col. III, 4). Mais où qu’elle soit, dans quelque situa tion qu’elle se trouve, l ’Eglise d’ici-bas n ’est pas loin de la face du Serpent. Saint Pierre nous en avertit: Soyez sobres, veillez, votre ad versaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cher chant gui dévorer (I Pet., Y, 8). Et saint Paul dit de même: Revêtezvous de Varmure de Dieu, afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans l'air (Ephes. VI, 11-16). On remarquera que saint Jean ne parle pas seulement du désert, mais de la place qui y a été préparée pour la Femme en question. On peut y voir une allusion aux paroles du Sauveur: Je vais vous préparer une place dans la maison de mon Père (Joa. X IY , 2). La Femme s ’ e n v o l e (fra ττέτηται) sur les deux ailes du grand Aigle vers la place gui lui a été préparée. Le grand Aigle doit être celui dont parle Moïse dans son cantique: Pareil à l'aigle qui excite sa couvée et voltige au-dessus de ses petits, Jahveh a déployé ses ailes, il a pris Israel, il l'a porté sur ses plumes (Deut. X X X I I , 11): c ’est-à-dire Dieu lui-même, Xotre-Seigneur, arrachant promptement sa Mère à la persécution, soulevée par Satan pour la transporter à la place qui lui a été préparée, c ’ est-à-dire au ciel. A cette persécution saint Jean fait allusion en termes allégori ques dans les deux versets qui suivent. C’est une explication com plémentaire de la poursuite dont il a été question au verset 13: Quand le Dragon vit gu'il avait été précipité sur la terre, il poursuivit la Fem me, gui avait enfanté le mâle. Le Serpent lance de sa bouche contre 1 Cf. Joa. X IV , 2: « Je vais vous préparer une place dans la maison de mon Père. »
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Données scripturaires
elle de l’eau comme un fleuve pour la faire entraîner par le fleuve.' Mais la terre vient an secours de la Femme en ouvrant sa bouche et en engloutissant le fleuve. Directement, il s’agit d ’une persécution spéciale dirigée contre Marie antérieurement à son vol vers le désert, c ’est-à-dire à son assomption; au sens spirituel, on pourra l’entendre des persécutions dont l’Eglise est l’objet ici-bas et dont elle sort toujours victorieuse. Peut-on donner une interprétation plus précise, percer le voile des allégories? Fous pensons qu’on le peut, mais par simple con jecture. Un grand nombre de commentateurs ont vu dans la fuite de la Femme au désert une allusion à l’émigration de la Communauté chrétienne de Jérusalem au-delà du Jourdain, dans la petite ville de la Décapole, appelée Pella. Fous savons, en effet, par l ’historien Eusèbe et par saint Epiphane que cette « mère des Eglises », surnaturellement avertie du danger qui menaçait la Ville Sainte, se retira alors en Pérée, précisément à Pella, endroit qui avait été nommé ment désigné par une révélation transmise aux chefs et notables de la Communauté. Finis aurions là, au sens littéral direct, le séjour, la place préparée par Dieu à la Femme. V oici les paroles d ’Eusèbe: « Un avertissement, transmis par révélation aux notables de l’endroit, avait ordonné aux fidèles de l’Eghse de Jérusalem de quitter la ville avant la guerre et d ’habiter une ville de la Pérée appelée Pella. »x A la tête des notables, des principaux de cette Eglise, devait se trouver saint Jean lui-même, qui, d ’après l’ancienne tradition, ne se rendit en Asie qu’après la guerre judaïque. Ce fut sans doute lui
3
H is t , eccl.,
1. I l l , c. V, éd. Schwartz, t. I, p. 196: « ο ύ Tira χ ρ η σ μ ό ν toÎs α υ τ ό θ ι δ ο κ ίμ ο ις
τ ή ς έ ν ' Ι ε ρ ο σ ο λ ύ μ ο ις ’ Ε κ κ λ η σ ία ς κ α τ ά εκ δοθ έντα π ρ ο
τον
Ί το λ εμ ο ν μ ε τ α ν ά σ τ η να ι τ η s
π όλεω ς
καί τιν α
μ ή ν ά λ λ α καί τ ο ΰ λ α ό ν δ ι’ ά π οκ α λ ύφ εω ς
τ ή ς Π ε ρ α ία ς π ά λ ιν οίκ εΐν
» S. E p i p h a n e , Ώ β p on d erib u s e t m e n su r is , X V , P . G., t. X L I I I , col. 261 BC, dit équivalemment: « * Η σ α ν yàp ύ π ο σ τ ρ έ ψ ε ι ν τ ε υ dirò Π έλ λ η ς τ η ς π ό λ ε ω ς e is Ι ε ρ ο υ σ α λ ή μ . ' Η νίκα y à p ε μ ε λ λ ε ν ή π ό λ ι ς ά λ ί σ κ ε σ θ α ι ύ π ο τ ω ν ’Ρ ω μ α ίω ν , π ρ ο ε χ ρ η μ α τ ί σ θ η σ α ν υ π ό ά χ χ έ λ ω ν π ό ν τ ο υ οί μ α θ η τ α ι μ ε τ α σ τ ή ν α ι ά π ό τ η ς π ό λ ε ω ς κ εκ ελ ευμ ένον, Π έ λ λ α ν α ύ τ η ν ό ν ο μ ά ζ ο υ σ ι ν .
μ ε λ λ ο ύ σ η ς ά ρ δ η ν ά π ό λ λ ν σ θ α ι . Ο ί τ ι ν ε ς κα'ι μ ε τ α ν α σ τ α 'ι χ ε ν ό μ ε ν ο ι ψ κ η σ α ν ε ν Π ελλη τ η π ρ ο y e y ρ α μ μ ένη π ό λ ε ι, π έ ρ α ν
τοΰ
Ί ο ρ δ ά ν ο υ , ή τ ις
εκ
Δ εκαπ όλεω ς
λέχετα ι
εΐν α ι. Μ ε τ ά
δε τη ν
Lorsque la ville allait être prise par les Romains, tous les disciples furent avertis à l ’avance par des anges d ’émigrer de la ville qui allait être com plètem ent détruite. Etant partis, ils habitèrent à Pella, la ville que j ’ai déjà nommée, qu’on dit être de la Décapole et qui est située au-delà du Jourdain. Etant retournés, après la destruction de Jérusalem, ils opéraient de grands prodiges. »
έ ρ ή μ ω σ ιν
Ι ε ρ ο υ σ α λ ή μ έ π α ν α σ τ ρ έ ψ α ν τ ε ς , ώ ς ε φ η ν , σ η μ ε ία μ ε χ ά λ α έ π ε τ έ λ ο υ ν :
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L’Assomption de la Sainte Vierge
qui, en sa qualité d ’unique apôtre encore vivant ou du moins se trou vant présent à Jérusalem, fut à la tête de l’émigration, et ce fut peutêtre à lui que fut adressée la révélation dont parle Eusèbe. Cet aver tissement céleste ne fit que rappeler aux fidèles la recommandation de ÏTotre-Seigneur lui-même dans la prédiction de la ruine de Jé rusalem: « Lorsque vous verrez des armées investir Jérusalem, lisons-nous en saint Luc (XXI, 20-22), sachez alors que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui seront dans la Judée s’enfuient dans les montagnes; que ceux qui seront dans la ville en sortent, et que ceux qui seront dans les campagnes n’entrent pas dans la ville (cf. Matth., X X IV , 15; Marc, X III, 14). » Comme nous l ’avons dit plus haut, selon toute probabilité, la Sainte Vierge était encore de ce monde. Dieu l’avait laissée dans l ’Eglise de la Sainte Sion pour la consolation des fidèles durant la terrible épreuve. Pour elle, comme pour tous les fidèles, la catastro phe qui s’ annonçait constituait un grave péril, un danger de mort et de destruction totale. Elle dut donc se réfugier à Pella avec la Communauté des fidèles sous la conduite de saint Jean. Comme l ’insinue le verset 6 de notre chapitre, cette fuite fut spontanée, pré vint le péril: F t la Femme s'enfuit au désert, où Dieu lui avait préparé une retraite. La Eemme signalée dans ce verset sera dès lors, premiè rement et directement Marie, et avec elle l ’Eglise de Jérusalem; puis, au sens spirituel, 1 l’Eglise militante à travers les siècles, échappant1 1 Sens spirituel n’ est pas synonym e de sens accommodatice. Il est vérita blem ent inclus dans la plénitude du sens littéral. Notons, à ce propos, que tout récemm ent (1940-1942) trois théologiens italiens ont ouvert une petite con tro verse sur la term inologie qu’il convient d ’em ployer pour désigner le sens mariologique qu’ils reconnaissent tous les trois au chapitre X I I de l ’Apocalypse. D ’après G a é t a n M. P e e b e i .l a , Senso mariologico dell’Apocalisse X I I dans le D ivu s Thomas Placentinus, 3e série, t. X V I I (1940), p. 215-222, Ja Femme dési gne l ’Eglise au sens littéral explicite, et Marie au sens littéral im plicite. Le P . L o r e n z o Di F o n zo , O. F . M. C ., Intorno al senso mariologico dell’Apocalisse, c. X I I , dans le M arianum , t. I I I (1941), p. 248-268, veut un sens explicite réel pour l’ Eglise, un sens explicite symbolique pour Marie. L e P. A . B i v e r a , C. M. F. est pour un sens unique littéral correspondant à deux objets: Marie et l ’Eglise, mais pour Marie, c ’est un sens plein ou éminent: dans le Verbum D o m in i, t. X X I (1941) p. 113-122, .183-189, sous le titre: In im ic itia s p o n a m ... Signum magnum appa r u it (Gen. I l l , 15); A p oc. X I I , 1). Perrella a maintenu sa term inologie dans une réponse à ses contradicteurs: S ulla terminologia circa i l senso mariologico dell’A p o calisse, D iv u s Thomas, 3e série, t. X I X (1942), p. 96-103. Cf. G. M. B o s c h i n i , dans le M arianum , t. IV (1942), p. 124-128. Cette question de term inologie n ’a pas grande im portance, les trois auteurs en question étant d ’accord pour affir-
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victorieusement aux persécutions dont elle est sans cesse l’ objet. Le désert, le lieu préparé par Dieu, où la Femme vole sur les deux ailes du grand Aigle, c ’est directement la ville de Pella, figure ellemême du ciel, séjour de Marie depuis l ’enlèvement mystérieux de son assomption, qui dut se produire à Pella même, avant le retour de la Communauté chrétienne à Jérusalem; séjour aussi de l’Eglise triomphante, qui y vit loin de la face du Serpent, inaccessible à ses atteintes. Il est remarquable que le séjour des chrétiens à Pella se prolongea environ trois ans et demi, soit 1260 jours, c ’est-à-dire tout le temps que dura la guerre judaïque (66-70). Au sens spirituel, cet espace de temps désignera toute la période messianique jusqu’ à la parousie. Nous aurons ici un cas typique de symboles à virtualité multiple, ayant plusieurs significations se superposant les unes aux autres et réalisant bien le mot de saint Jérôme sur l ’Apocalypse: Dans chaque mot se cachent des sens multiples: in verbis singulis latent multiplices intelligentiae. 1 Il semble qu’après le verset 14 tout soit dit du sort de la Femme, et qu’il n ’y ait plus rien à ajouter, puisqu’elle est définitivement mise à l’abri, loin de la face du Serpent. Cependant le Voyant continue: Et le Serpent lança de sa bouche après la Femme de Veau comme un fleuve, pour la faire entraîner par le fleuve. F t la terre secourut la Fem me, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le Dragon avait lancé de sa bouche (versets 15-16). Pourquoi ces détails rétrospectifs? On peut l’expliquer par l’habitude qu’a saint Jean de ne pas dire du premier coup toute sa pensée, de revenir sur ce qu’il n ’a d ’abord qu’ébauché pour le compléter. La métaphore de l’eau, du fleuve, a un sens bien connu dans l’Ecriture. Elle est synonyme de grande tribulation, de maux accumulés, de la mort elle-même. 2 L ’auteur mer que Marie est visée par le V oyant dans le sens littéral. S’il nous fallait pren dre partie, nous serions pour le P . Rivera. Pour nous, Marie est au premier plan, l ’Eglise au second, mais les deux sont visées d ’un coup d ’ œil unique: Marie est le sym bole de l ’Eglise. 1 P p ist. L U I ad Paulinum, 8. 2 Cf. Ps. L X V I I I (L X I X ) 1, 15-16: « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux m on tent ju squ ’à mon âme ... Que je sois délivré de mes ennemis et des eaux p ro fondes! Que les flots ne me submergent plus! que l ’ abîme ne m ’engloutisse pas, que la fosse ne se ferm e pas sur moi! — Ps. X V I I (X V I I I ), 5-6: « Les liens de la mort m ’environnaient, les torrents de la destruction me remplissaient d ’épou vante; les liens du scbéol m ’entouraient, les filets de la m ort étaient tom bés sur moi ... D ’en haut il a étendu sa main, il m ’a pris, il m ’a retiré des grandes eaux » — Ps. X X X I (X X X I I ) , 6: « Que tout hom m e pieux te prie au tem ps favorable. Non,, quand- les grandes eaux déborderont, elles ne l ’atteindront point. » — Ps. C X X I I I (C X X IV ), 4-5; «L es eaux nous auraient engloutis, le torrent eût
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sacré reviendrait sur la persécution dont la Femme a été l’objet pour la décrire en termes figurés. Historiquement, ce serait toujours la fuite de Marie et de la Communauté chrétienne de Jérusalem à Pella. Le fleuve, ce serait la guerre judaïque, qui devait fatalement en traîner la mort et la disparition de Marie et des autres fidèles. La terre aurait secouru la Femme et écarté le péril par le fait même que la fuite à Pella aurait mis en sûreté Marie et les chrétiens. Au sens spirituel, la terre serait les interventions providentielles de Dieu dans l’histoire pour maintenir l’Eglise indéfectible au milieu des plus grands dangers, interventions dont les puissances ennemies ellesmêmes sont inconsciemment les actrices. 1 Mais il nous semble qu’il y a quelque chose de plus, et que saint Jean, dans ces deux versets, fait allusion à un péril spécial qui a menacé la Mère de Dieu, même après l’émigration à Pella. Quel est ce péril? Nous conjecturons qu’il s’agit de l ’édit promulgué par l’ empereur Vespasien après la prise de Jérusalem, ordonnant de rechercher, pour les faire mourir, tous les descendants de la race royale de David: « Après la prise de Jérusalem, écrit Eusèbe, Vespasien ordonna de rechercher tons les descendants de la famille de David, pour qu’il ne restât parmi les Juifs aucun représentant de la dynastie royale. De ce chef, une très violente persécution fut de nouveau déchaînée contre les Juifs. »2 Etant de la maison de David, Marie se trouvait par le fait même enveloppée dans la proscription, et avec elle, sans doute, plusieurs passé sur notre âme; sur notre âme auraient passé les eaux impétueuses. » — Cantio. V i l i , 6-7: « L ’amour est fort com m e la mort ... Les grandes eaux ne •sauraient éteindre l ’amour, ni les fleuves le submerger. » 1 D ’après J.-J.L . R a t t o n , L ' A p o c a l y p s e . I n t r o d u c t i o n e t c o m m e n t a i r e , L yon , 1923, p. 127, l a t e r r e désigne les ennemis de l ’Eglise. Les Juifs favorisèrent la fuite des chrétiens par leur résistance aux armées romaines. « A la mort de N é ron, les armées de Galba, Othon et Vitellius proclam èrent tour à tour leurs chefs rois de R om e et Vespasien suspendit la guerre de Judée en attendant les ordres du vainqueur. Proclam é empereur de R om e par ses armées d’ E gypte et de J u dée, il laissa le com m andem ent de ses armées de Judée à son fils Titus et partit pour Rom e. Mais ce délai avait laissé la route de Jérusalem à Pella libre p en dant onze mois, avant que ne com m ençât l ’investissement de la ville. » 2 H i s t , e e e l e s . , 1. I l l , c. X I I , éd. Schwartz, t. II, p. 228, Berlin, 1903; P . G., t. X X , col. 248 A : « K a i h ri t o v t o i s Ο ύ β σ π α σ ια νο ν ή ττα τη ν τ ω ν Ίβρ οσολ ΰμ ω ν αΚ ω σιν π àvTas TOVS d ir ò jé v o v s Δαβ'ιδ, (its α ν μη πβριληφ θείη Tis π α ρά ’ lovSaiois τ ω ν α π ό τ η s β α σ (\iKrjs φ υλ ή ς, ά να ζη τεΐίτθ α ι π ρ ο σ τ ά ξ α ι μ έ γ α ττό ν Τ€ ’ lovSaiois α ν (h s ύκ ν α ύ τ η ν δίω'γμόν
Un peu plus loin, c. X I X - X X , le même historien rap porte, d ’après Hégésippe, la tentative de Dom itien de faire périr les derniers descendants de la fam ihe de Jésus, petits-fils de Jude; mais on ne passa pas à l ’exécution.
4 π α ρ τη θ η να ι τ η ς a h la s . »
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autres fidèles. Eous aurions dans l’édit impérial le fleuve lancé de la bouche du Serpent contre la Femme pour la faire entraîner dans ses eaux. La terre aurait secouru la Mère de Dieu et aurait englouti le fleuve par le fait que la Communauté chrétienne, réfugiée à Pella, aurait échappé à l’attention et aux investigations homicides de la police impériale. Elle aurait passé inaperçue à cause de son éloigne ment, de la distance qui séparait Pella de Jérusalem et de la Judée proprement dite. Ainsi la terre, la distance, aurait englouti le fleuve, aurait rendu l’édit inefficace. Certains exégètes et sans doute le P. Allo tout le premier, trou veront que nous faisons la part bien large à l’Ecole dite historique. Avant de nous condamner, ils n’ oublieront pas que nous ne parlons que par conjecture. La conjecture s’approcherait de la certitude, si nous savions d'une manière sûre que Marie était encore sur cette terre vers l ’an 70-71. Pour l’affirmer, nous n ’avons, malheureusement, qu’une probabilité, mais une probabilité qui n’est pas à dédaigner et qui repose sur la tradition ancienne, assez bien établie: que l ’apô tre saint Jean ne se rendit à Ephèse qu’après la destruction de Jé rusalem par les armées romaines. 1 IY - Les allusions à l’assomption de la Sainte Vierge dans le chapitre XII de l’Apocalypse Comme nous venons de le dire, il y a, à notre avis, dans le cha pitre X I I de l’Apocalypse une allusion non équivoque au départ de Marie de cette terre pour le ciel, pour la place qui lui avait été pré parée par Dieu loin de la face du Serpent, départ qui est peut-être sym bolisé par la fuite de la Communauté chrétienne de Jérusalem à Pella. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, il ressort des versets 14-17 que la Femme, c ’est-à-dire directement Marie, a pour toujours échappé aux persécutions de Satan et triomphé de lui. De là, la fu reur du Dragon, qui s’en va désormais guerroyer contre le reste de
1 Peut-être pourrait-on v oir aussi dans les versets 15 et 16 une allusion à la m ort de Marie — le cas du martyre ne serait pas écarté, à cause du décret de Vespasien —, suivie de sa résurrection. L e fleuve sérait alors la m ort, et la résur rection serait symbolisée par la terre ouvrant sa bouclie et engloutissant le fleuve. Nous verrons plus loin qu’ OECUMÉNius d e T k i c c a , dans son commentaire de l ’A pocalypse, édition de H. C. O s k i e r dans le t. X X I I I (1928) des E t u d e s d e r U n i v e r s i t é d e M i c h i g a n , s é r i e l i t t é r a i r e , interprète le fleuve de l ’épreuve que fut pour Marie la m ort de Jésus. L a terre lui vint en aide en rendant Jésus v i vant après trois jours. 3
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sa descendance, c ’est-à-dire contre l’Eglise militante. Occupant dès lors sa place au ciel, la Mère de Dieu devient principalement le type, la figure de l’Eglise triomphante. Comment s ’est opéré ce départ pour le ciel? Le texte sacré ne le dit pas d ’une manière claire. Ce vol sur les deux ailes du Grand Aigle semblerait indiquer que Marie a été enlevée par son Fils sans passer par la mort. C’est à cette explication que saint Epiphane a songé un moment, bien qu’il ait préféré rester dans le doute sur ce point: « L ’Ecriture a gardé un silence complet [sur la fin de M arie] à cause de la grandeur du prodige [qui a dû l ’accompagner] pour ne pas frapper d ’un étonnement excessif l ’esprit des hommes. Pour moi, je n’ose parler [de ce prodige]; je le garde en ma pensée et je me tais. Peut-être même avons-nous trouvé quelque part des traces de cette sainte et bienheureuse, comme quoi il est impossible de découvrir qu’elle est morte. D ’une part, en effet, Siméon dit d ’elle: JEt toi-même, un glaive transpercera ton âme, afin que soient dévoilées les pensées cachées dans le cœur d'un grand nombre (Luc II, 36). D ’autre part, l ’Apocalypse de Jean dit que le dragon se précipita sur la Femme qui avait engendré l ’enfant mâle, et que les ailes de l’ aigle furent données à la Femme, et elle fut enlevée dans le désert, afin que le Dragon ne pût la saisir (Apoc. X II, 13 sq.). Il est possible que cela se soit accompli en Marie. Je n’affirme pas cependant cela d ’ une ma nière absolue, et je ne dis pas qu’ elle demeura immortelle; mais je ne décide pas non plus qu’elle est morte. » 1 Un autre Palestinien, contemporain de saint Epiphane, le prêtre Timothée de Jérusalem, sans se référer, il est vrai, à l’Apocalypse, a affirmé d ’une manière catégorique que la Sainte Vierge n’était pas morte. Après avoir repoussé l’opinion de ceux qui disaient, en se basant sur les paroles de Siméon à Marie: TJn glaive transpercera ton âme, que celle-ci, mise à mort par l ’ épée, avait obtenu la fin glorieuse des martyrs, il ajoute: « Il n’en est pas ainsi, parce que la Vierge est, jusqu’à ce jour, immortelle, Celui qui fit son séjour en elle l’ayant transférée dans les lieux de son Ascension [ou: l’ayant fait changer 1 S a i n t E p i p h a n e , H a e r e s . L X X V I I I , 11, P . G., t . X L I I , co l. 71 6 ; é d . K . , t. III, p p . 4 6 1 -4 6 2 : «Τάχα yàp TTου καί Ίχνη ευρομεν της àylas εκείνης κα'ι μακαρίας, càs ούτε εΰρείν εστι τον θάνατον αυτής. Πη μεν yàp ό Συμεών φάσκει περ'ι αυτής" «Κα'ι σοΰ αυτής την ψυχήν διελεύσεται ρομφαία, όπως άποκαλυφθώσιν εκ πολλών καρδιών διαλοχισμοί ». Πη 3ε της ’Αποκαλνψεως Ίωάννου φασκουσης, οτι κα'ι εσπευδεν ò δράκων επ'ι την χυναΐκα την yevvijaaaav τον άρρενα, κα'ι εδόθηιταν αυτή πτβρυχες αετού, καί εληφθη eis την έρημον, όπως αν μη λάβμ αυτήν ô δράκων. Τάχα δε δύναται έπ: αύτρ πληροΰσθαι ' ού πάντως δε ορίζομαι τούτο, κα'ι ού λέγω, ότι αθάνατος εμεινεν ' άλλ’ ούτε διαβεβαιοΰμαι εί τέθνηκεν. » Voir aussi plus loin, p. 7 7 -8 1 . H
o ll
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de résidence, Payant enlevée à l’endroit où se produisit l’Ascen s io n ].» 1 Ti En s’ exprimant de la sorte, le prêtre Timothée était peut-être l’ écho d ’une tradition remontant jusqu’à saint Jean, tradition qui se serait obscurcie dans la suite chez la plupart. 2 Quoi qu’il en soit de l’existence d ’une pareille tradition dans l ’Eglise de Jérusalem, le texte même de l ’Apocalypse insinue d ’une manière suffisamment claire que la Femme dont il est parlé est bien une femme au sens propre du mot, une personne humaine en corps et en âme, non une âme sainte séparée de son corps. Une autre allusion, plus suggestive encore, à l ’Assomption glo rieuse se trouve dans le premier verset de notre chapitre: Et un signe grand [et merveilleux] apparut dans le ciel: une Femme enveloppée dans le soleil, et la lune au-dessous de ses pieds, et sur sa tête une cou ronne de douze étoiles. Nous avons là le signalement d ’une reine, de la Beine du ciel et de la terre, c ’est-à-dire de Marie, dans l’éclat de sa gloire. Le Voyant la contemple au ciel, dans le ciel même, eV t , tô âyiov της Θεοτόκου έξαγαγόντες ώμοφόριον τη θαλάσση άκρως 7τροσέβαφαν καί, νημενί'as οΰσης,
εύθυς άνεμων έπιφορά καί της θαλάσσης ήρεμούσης κυμάτων επαναστάσεις αλλεπάλληλοι έγίνοντο καί τά των άθεων Ρως πλοία κατεάγησαν, ολίγων έκπεφευγότων τον κίνδυνον. » Georges se contente de dire, C o m b e f i s , op. et loc. cif., p. 764: « τ ά Se έξης ετεραι βίβλοι φερέτωσαν. » Il y a intérêt à comparer le discours de Georges avec l ’h o mélie que prononça Photius durant le siège de la ville. Cf. A r i s t a r c h i s , Φωτίου όμιλίαι, t. II, p. 38 sq. 2 II est vrai que le Synaxaire actuel place cette déposition: έπί Λέοντος τοΰ μεγάλου καί Βερίνης της αύτοΰ γυναικός, Menées de ju ille t, éd. cit., p. 19; mais nous savons à quoi nous en tenir sur ce point. C’est à ce transfert aussi, comme nous l ’avons dit plus haut, p. 698, note 2, que se rapporte le titre du Ménologe publié par Morcelli: Τα μεταθέσια της σοροΰ Βλαχερνων.
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la corruption et était resté absolument intact.1 Il fit constater le prodige par toute l’assistance et replaça la relique dans l’ancien sorion. La célé bration des saints mystères suivit. C’est à la suite de la cérémonie que Photius établit la commemoraison annuelle de la déposition du saint ha bit de la Yierge aux Blakbernes. La fête était fixée au 2 juillet, le jour même qui était consacré depuis longtemps à la vénération de la ceinture de la Yierge et des langes de l’Enfant Jésus. Saint Joseph l’Hymnographe fut chargé de composer boffice de la nouvelle fête, et ses strophes sont encore chantées de nos jours à l’Orthros, où elles priment l’ancien canon anonyme, uniquement consacré aux louanges de la ceinture, qu’on a dé marqué, comme nous l’avons dit, pour être adapté à la nouvelle solennité.2 Il ne semble pas qu’on ait institué alors la nouvelle fête du 31 août pour honorer la ceinture de la Yierge et les langes du Sauveur. Pendant quelque temps encore, ces reliques furent honorées le 2 juillet en même temps que le saint habit: ce qui explique la teneur des tropaires mention nant en même temps la ceinture et le maphorion et nous les montrant
1 « Ή pèv a kovp yis βασιλική όλη διερρύη κα'ι βφθαρτο ' η δη δσθης η Bela διαφθο ράν το σύνολον ονχ iirépeivev, άλλ’ όλη έστ'ιν άπαθήε.» Combeüs, loo. oit., ρ. 779.
Comme on parlait déjà de l ’incorruptibilité de la ceinture, il fallait aussi que la nouvelle relique, que l ’on venait peut-être d ’inventer, jouît du même privilège. 2 On a contesté l ’attribution du discours « Oeîà riva » à Georges de Nicomédie. Allatius le disait de G e o r g e s d e P i s i d i e , qui ne souffle m ot du maphorion de la Vierge dans son récit en vers de l ’échec des Avares contre Constan tinople, P . G ., t. X C II, coll. 1348-1372, bien qu’il parle des Blakhernes. Le P. G r u m e l se base sur le même discours pour attribuer au patriarche S e r g i u s un décret daté de 620, instituant la fête de la déposition du saint vêtement de la Yierge aux Blakhernes. On sait, en effet, qu’il y eut, en 619 et 620, une première incursion des Avares contre Constantinople. Regestes du patriarcat de Constan tinople, fase. I, p. 113. Mais C h . l o p a r e v dans une longue étude, parue dans le V iz a n tiis h ii Vrem ennik, t. II, 1895, pp. 581 sq., a démontré que l’auteur du discours était bien Georges de Nicomédie et que l ’attaque des barbares contre Constantinople dont il est parlé dans la pièce est celle des Pusses, placée en juin 860 par le grand historien de l’Eglise russe, G o l o u b i n s k i i . L e récit de la décou verte de l ’habit de la Vierge par Galbios et Candidos est inconnu des historiens byzantins avant le i x e siècle. On a bien opposé à Loparev, dans le V iza n tiis h ii VremenniJc, t. III, pp. 83-95, le passage de la Chronique de Georges Hamartole, qui, à l ’année 469, fait allusion au pieux larcin des deux patrices et que C . d e B o o r a conservé dans son édition critique de Georges, t. II, pp. 616-617 (cf. l ’édition d ’ EDOUARD d e M u r a l t , Chronieon, 1. IV , c. CCIX, P . G ., t. C X , col. 757 C, qui ne diffère, en cet endroit, de l ’édition de de B oor que par des varian tes sans im portance). Mais pour qui sait que la chronique de Georges nous est parvenue en trois rédactions différentes, indépendantes l ’une de l ’autre et b ou r rées d ’interpolations, l ’édition critique ne saurait passer pour infaillible. Voir l ’introduction de d e B o o r , t. I, et son article dans la Byzantinische Zeitschrift, t. V I, 1897, pp. 233-284: D ie Chromic des Logotheten. L e passage rapporté à l ’a n née 469, sous le règne de Léon I er, dénote une dépendance directe du discours
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R e liq u e s m a r ia le s b y z a n tin e s
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enfermés dans la même châsse. 1 Nous conjecturons que la fête du 31 août fut établie à l’occasion de la dédicace du sanctuaire des Chalcopratia agrandi, restauré et embelli par les soins de Basile 1er le Macédonien (867-886). L ’ancien édifice était bas et mal éclairé. Basile le fit exhausser, et des arcs ajourés, pratiqués de chaque côté, versèrent à l’intérieur une lumière abondante.2 Nous avons la chance de posséder encore le discours que prononça le futur patriarche E u t h y m e (907-912), alors simple moine, le jour de la dédicace du sanctuaire ainsi restauré. Il est intitulé: Eloge pour la vénération de la précieuse ceinture de la toute-sainte Théotocos et pour la dédicace de sa sainte châsse aux Ghalcopratia. 3 Ce titre, du reste, ne correspond qu’imparfaitement au contenu, car il ne signale pas les langes du Sauveur, dont l’orateur parle comme unis à la ceinture dans la sainte châsse.4 Par ailleurs il indique la dédicace de la sainte châsse, ή άγια σ opós, contenant les reliques, sur laquelle Euthyme n’insiste pas, et il se tait sur la dédicace de l’église elle-même, vaôs, à laquelle est consacrée une bonne partie du discours. De cette église, toute renouvelée, l’orateur fait un magnifique éloge: «Aujourd’hui est dédié le temple splendide et tout ruisselant de lumière de la Mère de Dieu, qu’on peut appeler un nou veau ciel. Aujourd’hui est dédié le temple de la Toute-bénie fille de Dieu, dans lequel les armées angéliques sont continuellement en service autour de la soros toujours illuminée. De toutes les églises de l’immaculée c’est la plus élevée. 5 Les fidèles de tout rang s’y pressent en foule. Les malades y •obtiennent leur guérison. Là coule une source perpétuelle de prodiges...»8
« θέίά τινα », malgré une petite discordance sur le lieu de l’invention de la reli que, qui est Tibériade, d’après l ’orateur, et Jérusalem, d ’après le chroniqueur. On sait que la chronique de Georges s’arrête à l ’année 842, donc avant Photius et Georges de Nicom édie. L ’interpolation peut venir de S t m é o n l e L o g o t h è t é , qui passe pour être le continuateur de Georges Hamartole. 1 II est curieux que boffice des Ménées pour les deux fêtes du 2 juillet et du 31 août se taise absolument sur les langes du Seigneur, qui étaient honorés en même tem ps que la ceinture de la Vierge. Nous le savons par les orateurs. L e patriarche E uthym e en parle encore à la fin du i x e siècle. 2 « Κ αι τ ο ν
έ τ ε ρ ο ν Se τ η ς
ν α ό ν τ η ς -π ά ν σ ε π τ ο υ
καί άγιας
π ανυμ νή του
Θ εοτόκ ον
σ ο ρ ο ΰ , τα π ε ιν ό ν
τον
èv
r o is
Χ α Χ κ ο π ρ α τ ε ί ο is
θ ε ιο ν
ίδ ώ ν καί ά φ ώ τ ι σ τ ο ν και φ ω τ ο δ ό χ ο ν ς ε κ α
τ έ ρ ω θ ε ν ά ν α σ τ ή σ α ς α ψ ίδ α ς κα'ι τ ο τ έ γ ο ς μ ε τ ε ω ρ ί σ α ς
ΰψ ει
ε ύ π ρ ε π ε ί κ α τ η ύ γ α σ ε ν καί μ α ρ -
V, 93, éd. de B oon, p. 339. 3 Nous avons publié cette homélie dans la Patrologia orientalis, t. X V II , pp. 505-514: « ’θγκώμιον els την προσκννησιν της τίμιας ζώνης της νπεραγίας Θεοτόκου καί εις τα εγκαίνια της άγιας αυτής σοροΰ έν το7ς ΧαΧκοπρατείοις. » 4 « Ατίμητα καί θεοπρεπη σπάργανα τρ τρίΧαμπέί καί φωταυγεί συνημμένα ζώνρ. ιι Encom ium , 1, P . Ο., t. cit., p. 506. μ α ρ υ γ α ί ς φ ω τ ό ς κ α τ ή γ λ α ϊ σ ε .»
T
h
É O P H A N E C O N T IN U É ,
5 « Σ ή μ ε ρ ο ν v a ò s έ γ κ α ιν ίζ ε τ α ι τ ω ν α π ά ν τ ω ν ν α ώ ν τ ή ς θ ε ο μ ή τ ο ρ ο ς υ π έ ρ τ ε ρ ο ς . » Enco m ium , 6. Ce signalement correspond bien au travail de restauration du sanc tuaire exécuté par les soins de Basile 1er. 6 Encom ium , 6-7, pp. 512-514.
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E xcu rsu s B
En réalité, c ’est à la fois la dédicace de la aopôs et celle' du rao's. 1 Pour recevoir, en effet, les deux reliques (ceinture et langes du Seigneur) enlevées de la soros des Blakhernes, il a fallu fabriquer une nouvelle soros, digne pendant de celle des Blakhernes. On l’inaugure en même temps que le temple restauré. 23On a pris soin même de fournir une explication du trans fert de la solennité de la ceinture au 31 août. Cette explication se trouve dans l ’inscription découverte dans la κιβωτόε ou châsse plus petite con tenant la ceinture et renfermée dans Γάγί'α aopôs: 3 « Comme nous l’avons trouvé écrit dans la vénérable châsse aux lumières perpétuelles, dans la quelle la précieuse ceinture vient d’être enclose et déposée, nous dit l ’ora teur, ce fut sous le règne de l’empereur orthodoxe Arcadius, fils du grand Théodose, illustre par ses vertus, que cette vénérable ceinture fut déposée là (dans cette châsse), et ce fut bien le trente-et-unième jour de ce mois, le dernier de Vannée. Comme vous le voyez, la ceinture est restée jusqu’à ce jour intacte, sans aucune détérioration, sans ta ch e...»4 Cette déclaration d’Euthyme nous permet de préciser la date à la quelle eut lieu cette dédicace. Ce fut après la mort de Basile 1er, sous le règne de son fils Léon, sans doute le 31 août 906, lorsqu’on tira de Γάγί'α aopôs la ceinture de la Vierge pour l’imposer sur Zoé, tourmentée par un
1 Qu’ Euthym e parle le jour même de la dédicace proprement dite, et non à un anniversaire de la dédicace, cela ressort de ce qu’il dit au début de son dis cours. C’est après la vénération de la sainte ceinture que l ’église a· été dédiée: « Μετά την φρικώδη κα'ι χαροποιόν προσκύνησιν της τιμιωτάτης καί βασίλικωτάτης καί χριστοποθήτου ζώνης, κα'ι