La Frénésie des fusions 9780773569065

M. Andrew Sancton, natif de Montréal, a terminé ses études à l'Université Bishop's en 1968. Boursier de la fon

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French Pages 184 [206] Year 2000

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Table of contents :
TABLE DES MATIÈRES
Sommaire
Introduction
1. Le regroupement municipal aux États-Unis, 1854-1942
Regroupement à Philadelphie, 1854
Regroupement municipal à New York, 1898
Repli des consolidationnistes
2. L'époque de l'état omniprésent : les années 1960 et 1970
Grande-Bretagne
Administrations régionales de la région métropolitaine de Toronto et de l'Ontario
Laval (Québec)
Winnipeg
Europe
3. Le déclin du mouvement consolidationniste aux États- Unis, l'apparition de la théorie des «choix publics» et le «nouveau régionalisme»
Regroupements municipaux aux États-Unis depuis 1945
Choix publics
Nouvelles approches régionalistes aux États-Unis
4. Les fusions dans les années 1990
Nouvelle-Zélande
Australie
Grande-Bretagne
Nouvelle-Écosse
Ontario
5. La méga-ville de Toronto
Le groupe de travail Golden
Les Conservateurs de Harris et la méga-ville de Toronto
Questions de dotation en personnel
Répercussions financières
Gouvernance
6. Nouveaux changements en Ontario : Ottawa, Hamilton, Sudbury et Toronto (encore)
Controverses antérieures à 1999 sur la restructuration
Les conseillers spéciaux
La Loi réduisant le nombre de conseillers municipaux
Conclusion
Bibliographie
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La Frénésie des fusions
 9780773569065

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LA FRENESIE

DES FUSIONS ONE ATTAQUE A LA DEMOCRATIE LOCALE

Andrew Sancton

Publié pour la ville de Westmount par McGill-Queen's Universîty Press Montréal & Kingston • London • Ithaca

© Droits réservés 2000. Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit (sauf pour un compte rendu) sans l'autorisation de la ville de Westmount.

ISBN 0-7735-2165-8

Dépôt légal, 2ième trimestre 2000 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier sans acide

Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Programme d'Aide au Développement de l'Industrie de l'Édition (RADIÉ) pour nos activités d'édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l'aide accordée à notre programme de publication.

Publié en anglais sous le titre Merger Mania: The Assault on Local Government. Traduit de l'anglais par Traductions Scientifiques CH-Kay inc. Toutes les citations sont des traductions et ne sont pas nécessairement le texte original même s'il existe en langue française.

REMERCIEMENTS

présent livre a été commandé par la Ville de Westmount (Québec) au cours L ed'une période de grande controverse au sujet des limites municipales dans la

région de Montréal. À titre de contribution à la discussion publique, on m'a demandé d'écrire sur les fusions municipales dans les démocraties occidentales. Étant donné que de telles fusions - tout particulièrement à Toronto - ont récemment fait la manchette en Ontario, l'expérience de cette province a reçu une attention considérable. Toutefois, j'espère que ce livre présentera un intérêt pour les lecteurs de l'extérieur du Québec et de l'Ontario qui veulent préserver et améliorer les systèmes d'administration locale dans lesquels des conseils élus localement peuvent déterminer l'avenir de leurs propres collectivités. J'ai choisi la structure, la forme et le contenu de ce livre. Dans certains cas, la matière m'était relativement nouvelle. Dans d'autres cas, j'ai écrit sur des sujets que je connaissais beaucoup mieux. Les nouvelles parties, surtout de nature historique, m'ont permis de combler les lacunes de mes connaissances et d'aborder ce sujet de la manière la plus complète possible. Il y a de nombreux mois, le maire Peter Trent de Westmount a lancé ce projet en un coup de fil. Depuis, il a agi comme un bon réviseur d'une maison d'édition académique; il était toujours prêt à présenter des suggestions et des idées, mais sans insister sur une orientation en particulier. Ses critiques étaient toujours constructives; il n'y avait pas d'interférence dans la façon dont je voulais communiquer une idée. Il cherchait tellement à apporter une contribution crédible à un débat important qu'il a demandé au professeur Jean-Pierre Collin, de l'Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation, d'agir comme évaluateur externe. À la suite d'un examen attentif, le professeur Collin m'a donné des conseils qui m'ont évité de faire un certain nombre d'erreurs, de préciser des points obscurs et de me familiariser avec certaines sources importantes que je connaissais mal précédemment. À l'hôtel de Ville de Westmount, j'ai reçu un soutien administratif amical de la part de Bruce St. Louis, le directeur général de la ville. Le directeur des services juridiques et greffier municipal, Me Marie-France Paquet a partagé une collection remarquable d'ouvrages du monde entier sur les fusions municipales. Andrew Ross, adjoint de recherche, m'a aidé à retracer un certain nombre d'éléments importants et il a pris part à l'élaboration du tableau qui illustre le nombre de municipalités dans diverses régions métropolitaines des États-Unis. Luc Ménard, directeur des finances a généreusement partagé ses idées. Ann Moffat et le

personnel de la bibliothèque ont donné de leur temps et finalement, mes remerciements à Marie José Aubertin pour son appui. Lionel Feldman, président de Lionel Feldman Consulting Ltd, m'a aidé à rédiger le chapitre 5, sur la « méga-ville » de Toronto. Nos fréquentes conversations sur cette question et sur d'autres aspects du projet étaient toujours utiles et rassurantes. Le manuscrit du présent document a été écrit à mon domicile de London, au cours d'un congé sabbatique très apprécié de l'Université de Western Ontario. Les membres de ma famille - Pam, Rebecca et Derek - ont enduré des documents à la traîne à des endroits où normalement, ils auraient pu marcher sans encombre. De plus, ils ont toléré un mari et un père qui était souvent plus distrait qu'à l'habitude. Je vous remercie de votre patience. Pendant que j'étais à Westmount pour discuter du projet, j'ai habité chez mes parents, John et Mary Sancton, sources d'une grande inspiration personnelle, intellectuelle et autres. Depuis l'adolescence, j'ai absorbé les opinions de mon père sur la question traitée dans le présent livre. Ce n'est que plus tard que j'ai appris qu'elles étaient conformes (mais non équivalentes) avec le cadre théorique appelé « choix publics » que j'ai abordé au chapitre 3. Comme influence intellectuelle supplémentaire, je dois reconnaître celle de L. J. Sharpe, mon mentor (et celui de Lionel Feldman), à l'Université d'Oxford. La démarche de Jim Sharpe en matière d'administration locale n'est certainement pas fondée sur les hypothèses des « choix publics »; je ne crois pas que les miennes le soient non plus. J'ai recours à l'analyse des « choix publics » car elle a connu une grande influence aux États-Unis; de plus, je crois qu'elle aide à rejeter les déclarations exagérées - souvent de la part de personnes qui prétendent croire aux nouveaux avantages qu'apporté la concurrence - soit que les grandes municipalités monopolistes seront plus efficientes et efficaces qu'un certain nombre de petites villes. Afin de donner une idée juste de mes opinions très fermes sur les erreurs de la frénésie des fusions, permettez-moi de renvoyer le lecteur au dernier chapitre du présent livre, en particulier aux derniers paragraphes. Je suis beaucoup plus intéressé à construire des institutions qui permettent aux citoyens de contrôler collectivement certains aspects de leur vie en dehors des structures de grosses administrations (qu'elles soient fédérale, provinciale ou municipale), qu'à mesurer les efficiences dans la prestation des services au niveau local. Et si on trouve que je suis un libéral qui est désespérément vieux jeu et idéaliste, qu'à cela ne tienne! Malgré que le présent livre ait été commandé par la Ville de Westmount, le contenu et les opinions sont les miennes et j'assume la pleine responsabilité de son contenu. Andrew Sancton London (Ontario) Février 2000

TAB DES MATIERES Sommaire

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Introduction

21

1. Le regroupement municipal aux États-Unis, 1854-1942

25

Regroupement à Philadelphie, 1854 Regroupement municipal à New York, 1898 Repli des consolidationnistes

27 31 38

2. L'époque de l'état omniprésent : les années 1960 et 1970

43

Grande-Bretagne Administrations régionales de la région métropolitaine de Toronto et de l'Ontario Laval (Québec) Winnipeg Europe

45 49 55 62 69

3. Le déclin du mouvement consolidationniste aux ÉtatsUnis, l'apparition de la théorie des «choix publics» et le «nouveau régionalisme»

75

Regroupements municipaux aux États-Unis depuis 1945 Choix publics Nouvelles approches régionalistes aux États-Unis

76 81 86

4. Les fusions dans les années 1990 Nouvelle-Zélande Australie Grande-Bretagne Nouvelle-Ecosse Ontario

93 94 95 97 99 113

5. La méga-ville de Toronto Le groupe de travail Golden Les Conservateurs de Marris et la méga-ville de Toronto Questions de dotation en personnel Répercussions financières Gouvernance

6. Nouveaux changements en Ontario : Ottawa, Hamilton, Sudbury et Toronto (encore) Controverses antérieures à 1999 sur la restructuration Les conseillers spéciaux La Loi réduisant le nombre de conseillers municipaux

127 129 132 138 140 153

15 160 163 174

Conclusion

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Bibliographie

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SOMMAIRE LA FRENESIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE A LA DÉMOCRATIE LOCALE du présent rapport est d'analyser les avantages et L 'objet les inconvénients des fusions municipales, de fournir

une perspective historique de ces fusions, et d'examiner la façon dont ces expériences sont applicables à la ville-région de Montréal. Selon les caractéristiques propres des villes étudiées, on peut prédire l'échec des tentatives d'élaboration d'une taille idéale pour une ville-région ou une forme idéale de gouvernance. Les villes-régions relativement petites peuvent bénéficier d'une fusion. Pour ce qui est des régions plus grandes, il peut être nécessaire de fusionner les services importants comme le traitement des eaux usées et le transport en commun. Toutefois, les municipalités plus petites fournissent de meilleurs services communautaires, comme des activités récréatives. Pour les villes-régions de la taille de Montréal les fusions ne sont pas une solution plausible. Personne ne songe - à bon droit - à une seule ville qui s'étendrait de Mirabel à Chambly et de Vaudreuil à Repentigny. Outre certains élus et fonctionnaires qui sont intéressés par les affaires municipales, peu de penseurs sérieux ont accordé beaucoup d'attention ces dernières années à l'opportunité de réduire le nombre de municipalités dans les villes-régions. Même si le débat « consolidationniste » remonte au XIXe siècle, on note aujourd'hui peu d'appui à l'égard d'une politique publique de fusions municipales forcées. Dans les dernières décennies les politiques de « choix publics » et de « nouveau régionalisme » ont dépassé largement l'approche « consolidationniste ». Le rapport traite de ces tendances, de la première fusion volontaire à Philadelphie aux fusions forcées récentes en Nouvelle-Ecosse et en Ontario. Dans le dernier chapitre, nous examinerons ces questions en fonction de la ville-région de Montréal.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

1. LE REGROUPEMENT MUNICIPAL AUX ÉTATS-UNIS, 1854-1942 Au cours des débats actuels au Canada sur les fusions municipales, on cite souvent des exemples des États-Unis, positifs comme négatifs; de fait, les États-Unis ont eu une influence sur la structure et la pratique des administrations locales au Canada. Cependant, il est important de prendre en considération une différence majeure : les municipalités américaines bénéficient d'une protection constitutionnelle contre les mesures imposées par les gouvernements des États. Une corporation municipale aux ÉtatsUnis est créée pour fournir des avantages et des commodités à une localité et à ses résidants, ainsi que pour défendre leurs intérêts. La croissance des villes américaines est due à l'annexion à leur comté de secteurs « non constitués en corporation » au sein de leur comté et, depuis près de cent ans, aucune ville solvable des États-Unis n'a été forcée, contre sa volonté, de perdre son statut et de se joindre à une autre. Les regroupements de municipalités distinctes ont été précédées de référendums favorables. Les deux exemples les plus spectaculaires sont ceux de New York et de Philadelphie. Le regroupement de Philadelphie, en 1854, prévoyait le regroupement de tout un comté et de ses municipalités constituantes. Sur le plan institutionnel, il s'agissait d'une opération un peu semblable à la fusion récente de Métro Toronto et de ses six municipalités constituantes. Conçue en réaction à un problème social grave - soit la détérioration de l'ordre public - la fusion a bénéficié d'un soutien considérable parmi l'élite politique. Malgré l'optimisme à l'égard des nombreux avantages qu'allait procurer la fusion, cette dernière ne corrigeait dans les faits que le problème des services policiers. Par contre, le regroupement apportait la faiblesse et la corruption au lieu de l'imagination et de la qualité du service; il n'a pas permis d'arrêter le déclin économique de Philadelphie. Le regroupement municipal le plus important en Amérique du Nord a été celui de New York en 1898. Cette année-là on a fusionné 15 villes, moyennes et petites, et onze villages, de cinq comtés distincts, pour former la nouvelle Ville de New York, dont la population atteignait désormais 3,5 millions d'habitants. New York était déjà une Ville importante sur le plan mondial; un siècle plus tard, elle est le principal centre économique du monde. Manhattan est demeuré un port d'attache pour les gens riches et célèbres du monde. Cependant, d'autres municipalités, comme Queen's et le Bronx, n'ont pas connu un sort aussi enviable. Le mouvement en faveur du regroupement à New York a été stimulé par certains intérêts commerciaux préoccupés par le fait que le taux de

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croissance économique de la Ville était inférieur à celui de villes situées plus à l'ouest, notamment Chicago. À leur avis, « si un gouvernement municipal unique pouvait obtenir le contrôle du port de New York et du territoire environnant, il pourrait alors promouvoir un développement complet et unifié de la navigation, des chemins de fer et des installations connexes de manière à aider les marchands et les propriétaires. » Selon l'un des promoteurs du regroupement, «New York était en concurrence avec Londres, Paris, Chicago et même Brooklyn... et toutes ces agglomérations ont pris de l'expansion en élargissant leurs limites; le regroupement permettrait à la Ville de conserver sa place. » II s'agit d'une affirmation discutable qui ressemble aux clichés actuels sur la concurrence mondiale. En 1894, l'Assemblée législative de l'État de New York a adopté une loi prévoyant un référendum sur le regroupement. La plus vive opposition est venue de la Ville de Brooklyn où les adversaires du regroupement craignaient une perte d'identité et de contrôle locaux; les partisans du regroupement affirmaient que les taux fonciers de Brooklyn seraient abaissés par l'assiette fiscale de Manhattan et que les services seraient améliorés. La perspective d'un congé fiscal pour Brooklyn suscita inversement de l'opposition à Manhattan. De toute façon, le référendum fut positif dans tous les comtés, mais seulement par un vote de 64 744 à 64 467, à Brooklyn. Le regroupement de New York n'a pas permis de réaliser des économies. Au cours des dix années qui ont suivi le regroupement, il y eut une vive tendance à la hausse des dépenses et de la dette. Les affectations budgétaires sont passées de 78,4 millions $ en 1898, à 98,6 millions $ en 1903, et à 130,4 millions $ en 1907. De 1896 à 1899, les taux d'imposition de Manhattan ont augmenté d'environ 16 %, essentiellement à cause du regroupement. Au cours du XXe siècle, on a procédé à d'importants investissements publics dans l'infrastructure de New York - en particulier pour les transports - à l'instigation d'un réseau remarquable d'autorités spécialisées qui dépassaient les limites de la ville (la New York State Metropolitan Transportation Authority et la Port Authority of New York and New Jersey). Un siècle plus tard, New York est de loin la municipalité la plus peuplée des États-Unis, dotée d'une population deux fois plus nombreuse que celle de sa vieille rivale, Chicago, et son territoire comprend plus de la moitié de la grande région de New York, alors que Chicago n'équivaut qu'au quart de sa région. Pourtant, c'était New York et non Chicago qui était en faillite au milieu des années 1970. 9

LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

Depuis 1898, il n'y a plus eu de regroupement municipal à grande échelle imposé par loi aux États-Unis. Dans la plupart des cas, une telle loi enfreindrait la constitution de l'État. À tout le moins, il faudrait obtenir l'approbation de la population dans le cadre de référendums. 2. L'ÉPOQUE DE L'ÉTAT OMNIPRÉSENT : LES ANNÉES 1960 ET 1970 Après 1945, on accordait beaucoup de confiance à la capacité des gouvernements de résoudre les problèmes. Une partie de cette solution axée sur le gouvernement prévoyait la « modernisation » des petites municipalités qui semblaient désespérément hors circuit à leur époque. En Angleterre, à la fin des années cinquante, une commission royale effectua une longue étude du gouvernement local dans la région de Londres; cette étude a mené à la création, en 1964, du Greater London Council (GLC), organisme de niveau supérieur. Les 32 boroughs qui constituent le Grand Londres ont conservé leur maire et leur conseil de ville propres. Ces municipalités - de même que la cité de Londres - existent toujours dans les mêmes limites fixées en 1964. Toutefois, le GLC n'existe plus. On a également étudié les gouvernements locaux dans le reste de l'Angleterre, dans les années soixante. Malgré le fait qu'il n'y avait pas d'économies d'échelle à réaliser, on a procédé aux regroupements. De 1960 à 1975, on a réduit de 1 349 à 521 le nombre total de municipalités. En 1953, la Municipalité de Métro Toronto a vu le jour et elle fut la première administration urbaine multifonctionnelle de niveau supérieur en Amérique du Nord. Elle comptait treize municipalités et pendant de nombreuses années à venir, le système de Métro Toronto serait admiré et étudié partout dans le monde, en tant que modèle d'organisation administrative pour les villes-régions. Au dire de tous, il s'agissait d'une réussite remarquable à tous points de vue, utilisant l'assiette fiscale lucrative de la Ville pour financer le développement de l'infrastructure dans les comtés lointains en voie d'urbanisation. En 1966, on a réduit à six le nombre de municipalités constituantes de Métro Toronto. Dans l'intervalle, la croissance se déroulait surtout à l'extérieur des limites de la région de Métro Toronto (comme c'était le cas de la Communauté urbaine de Montréal, fondée en 1969). Toutefois, le regroupement le plus important à avoir lieu en Amérique du Nord depuis celui de New York, en 1898, est celui qui a eu lieu en 1965 sur l'île Jésus, juste au Nord de Montréal, dans le cadre duquel quatorze

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municipalités ont été regroupées, pour former la nouvelle Ville de Laval, la deuxième municipalité la plus populeuse au Québec. Un important facteur dans ce regroupement était la volonté d'empêcher la spéculation foncière et l'aménagement mal organisé sur des terres agricoles précieuses. Mais ce fut l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole en 1978 (présentée par le Parti Québécois) et peut-être une croissance plus lente que prévue qui ont eu un effet plus important dans le ralentissement de l'expansion urbaine. Par contre, il n'y a pas de preuve que le regroupement de Laval ait permis des économies ou qu'il ait donné lieu à une infrastructure urbaine de meilleure qualité. Le regroupement complet survenu à Winnipeg en 1972, l'Unicité, a beaucoup attiré l'attention parce qu'il a été accompagné de mécanismes novateurs ayant pour but d'améliorer la participation communautaire. Depuis, ces mécanismes ont tous été dissous. Les auteurs du projet avaient supposé qu'en nivelant les taxes et les services, les municipalités plus riches de banlieue subventionneraient le rajeunissement du centreville. Cependant, une étude de 1980 a révélé que la structure de l'Unicité, dotée de nombreux conseillers de la banlieue et d'une vaste assiette fiscale, avait plutôt facilité la construction de l'infrastructure de la banlieue, au détriment de l'investissement dans le centre-ville. Après 30 ans, on doit encore trouver de nouveaux mécanismes pour assurer la coopération régionale. On a créé le Comité de la capitale régionale. Personne ne parle d'autres regroupements. Pendant cette période, les regroupements municipaux étaient également populaires en Europe continentale. Dans bon nombre de ces pays, les municipalités fournissent la plupart des services publics de bienêtre social. Les pays qui ont connu les réductions les plus importantes du nombre de municipalités sont les suivants : la Suède (2 500 en 1950, 279 en 1980); le Danemark (1 387 en 1961, 275 en 1974) et la République fédérale d'Allemagne (24 512 en 1959, 8 514 en 1978). Cependant, ce n'est pas toute l'Europe, pas plus que l'ensemble du Canada, qui a été balayée par la vague de regroupements. Le nombre de municipalités en Italie est passé de 7 810 en 1950, à 8056 en 1972; en Grèce, il a augmenté de 5 993 à 6 037 entre 1962 et 1979. Enfin, en France, le nombre de municipalités a baissé de 37 708 en 1968, à 36 423 en 1980. Dans les pays où on a eu recours aux regroupements, on a habituellement créé de nouveaux mécanismes de coopération régionale.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

3. LE DÉCLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONNISTE AUX ÉTATS-UNIS, APPARITION DE LA THÉORIE DES « CHOIX PUBLICS », ET LE « NOUVEAU RÉGIONALISME » On mentionne souvent l'expérience américaine dans le cadre des débats politiques qui ont lieu actuellement au Canada au sujet des structures municipales, mais bon nombre de ces références sont trompeuses ou carrément fausses. Par exemple, on a souvent pensé que Montréal constituait une exception parce qu'elle compte 111 municipalités dans sa région métropolitaine de recensement. Ce nombre se situe dans la moyenne des régions métropolitaines américaines de taille analogue. Aux États-Unis, le débat se déroule entre les partisans des choix publics, d'une part, et les « nouveaux régionalistes » qui, au contraire des « consolidationnistes » préconisent la réunion de municipalités autonomes avec des institutions régionales souples. Le regroupement en une grande ville crée un monopole. Les municipalités autonomes permettent la coopération régionale et favorisent le choix et la concurrence. On peut tirer trois conclusions de ce chapitre : • D'abord, dans la majeure partie du XXe siècle, il n'y a pas eu de regroupement municipal global aux États-Unis au sens donné à ce concept au Canada. • Deuxièmement, l'analyse des choix publics nous montre que la prestation efficace des services municipaux n'exige pas des municipalités élargies. • Troisièmement, la lecture des nouveaux documents régionalistes aux États-Unis devrait nous enseigner que le problème, en ce qui concerne les villes-régions canadiennes, n'est pas qu'elles sont déficientes sur le plan des structures municipales officielles, ni qu'elles manquent d'implication de la part des autorités provinciales. La plupart des « nouveaux régionalistes » américains verraient d'un bon oeil l'existence de la Communauté urbaine de Montréal (C.U.M.) et des politiques du gouvernement du Québec en matière de protection des terres agricoles. Ce qu'il manque à Montréal - et dans les autres villes canadiennes - est la compréhension que la santé économique et sociale de nos villes est la responsabilité de tous ceux qui disposent des ressources nécessaires pour apporter des changements. L'amélioration de la qualité de vie dans nos villes-régions n'est pas uniquement la responsabilité des membres des conseils municipaux et des assemblées législatives provinciales. Cette tâche incombe également aux principaux

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intérêts économiques qui se trouvent dans nos diverses régions urbaines. Il est très délicat d'incorporer ces intérêts dans nos processus urbains d'élaboration des politiques, sans abandonner le pouvoir ultime de prise de décisions des élus. Toutefois, il s'agit d'un processus qui sera en définitive beaucoup plus productif que nos batailles continuelles au sujet des structures et des limites idéales des gouvernements municipaux.

4. LES FUSIONS DANS LES ANNÉES 1990 Pour certains gouvernements centraux des années 1990, les regroupements municipaux sont revenus à l'ordre du jour; mais cette fois les priorités étaient différentes. L'objectif consistait désormais à réduire la taille du gouvernement et à promouvoir le développement économique. Toutefois, nous avons peu entendu parler de la façon dont les fusions pouvaient répartir également les services et les taxes, faciliter la planification régionale et développer les infrastructures. Contrairement à la situation des années 1960 et 1970, les regroupements des années 1990 semblent isolés à certaines administrations. La restructuration du gouvernement local en Nouvelle-Zélande en 1989 accompagnait une refonte complète du gouvernement national, une refonte si profonde qu'elle a attiré beaucoup d'attention pour un pays dont la population s'élève à seulement 3,6 millions de personnes. Avant 1989, la Nouvelle-Zélande ne disposait pas d'un niveau intermédiaire de gouvernement entre les gouvernements national et locaux. Par conséquent, même si les réformes de 1989 ont réduit de 249 à 74 le nombre de municipalités, la Nouvelle-Zélande a créé douze conseils régionaux, élus au suffrage direct, dont les fonctions portent surtout sur la réglementation de l'environnement naturel. Il ne fait pas de doute que les réformes de la Nouvelle-Zélande étaient en grande partie axées sur la décentralisation. Néanmoins, les services de police, les services des incendies et l'éducation publique demeurent des fonctions du gouvernement national, peut-être parce que, selon les critères canadiens, les niveaux de population sont faibles. Le conseil régional le plus populeux, Auckland, compte 982 000 habitants, le moins peuplé, 33 000 habitants seulement. Dans la région d'Auckland, la population de la ville centrale n'est que de 321 000 personnes, même après toute la restructuration. Comme en Nouvelle-Zélande, les gouvernements locaux de l'Australie sont peu actifs. Il n'y a pas de dépenses locales ni de contrôle local sur la police et l'éducation publique. De fait, les principales institutions du

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

gouvernement urbain en Australie sont les gouvernements des États et leurs administrations publiques. Malgré leur relative faiblesse fonctionnelle, les municipalités australiennes subissent constamment des pressions de la part des gouvernements des États afin qu'elles se fusionnent. Ces dernières années, la question a été particulièrement controversée; toutefois, malgré les protestations de la population, les regroupements ont eu lieu. Selon des études, les économies éventuelles sont accompagnées d'une incapacité de maintenir l'infrastructure; de plus, les collectivités locales n'ont pas réalisé des gains économiques importants. Dans la villerégion de Sydney, qui comprend 45 municipalités, il n'y a pas eu de regroupements depuis plusieurs décennies. Or, la ville la plus peuplée est Blacktown (244 176 habitants) et la population de la ville-centrale de Sydney s'élève à 19 913 personnes. En Grande-Bretagne, la politique de Margaret Thatcher consistait à abolir les autorités du niveau supérieur, et non à fusionner les niveaux inférieurs. Sous le gouvernement du premier ministre Major, il y eut des regroupements; ces opérations étaient habituellement accompagnées du retrait des municipalités fusionnées de la compétence d'une autorité supérieure. Même si le premier ministre Blair crée une nouvelle autorité pour le Grand Londres, il précise que la nouvelle structure administrative sera très légère. Il n'y aura pas de regroupement de niveaux inférieurs. Sauf Toronto, le plus important regroupement au Canada a eu lieu à Halifax en 1996. Les coûts de la transition avaient été estimés initialement à 10 millions $; ils sont actuellement de 26 millions $. On avait prévu de modestes économies sur les coûts de fonctionnement, mais elles ne se sont pas matérialisées. L'analyse financière est très difficile, en partie à cause de la confusion administrative causée par le processus de transition. Le regroupement n'est pas populaire. Les conflits de travail ont été graves; toutefois, les niveaux salariaux ont généralement été haussés aux niveaux de l'ancienne municipalité qui payait le plus. Un sondage récent nous apprend que 66 % des Haligoniens sont toujours opposés en 1999 à la fusion (soit trois ans après). Les partisans de la fusion la défendent maintenant en disant qu'elle favorise le développement économique; toutefois, il n'a pas été démontré que les entreprises pourraient souhaiter s'installer dans une grande municipalité au lieu d'une petite, tous les autres facteurs étant égaux. Depuis le milieu des années 1980, les gouvernements de l'Ontario, dirigés par des premiers ministres des trois partis politiques, ont fait la promotion des regroupements municipaux. Seul le gouvernement Marris a mis en oeuvre un grand nombre de fusions. Avant 1995, il y avait 815 municipalités en Ontario. En août 1999, les Conservateurs de Marris se

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vantaient d'avoir diminué de 229 (28 %) le nombre de municipalités, et de 1 059 (23 %) le nombre d'élus municipaux, et ce, malgré les affirmations antérieures selon lesquelles un gros gouvernement n'est pas mieux et que les services sont toujours plus coûteux dans une grande collectivité. Les gouvernements de Victoria (Australie), de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ontario estiment de toute évidence que les élus municipaux et les municipalités sont intrinsèquement gaspilleurs, inefficaces et incapables de coopération. Malgré la preuve du contraire, ils cherchent à réaliser des économies et à promouvoir le développement économique en faisant la promotion de municipalités plus grandes qui seraient régies par un plus petit nombre de conseillers élus. Comme quoi les décisions de politique publique ne sont pas toutes prises en fonction d'évaluations attentives et rationnelles des diverses démarches d'action ou d'inaction. 5. LA MÉGA-VILLE DE TORONTO

Le plus grand regroupement depuis celui de New York en 1898 a été celui de Toronto, en 1998. Lorsque le premier ministre Marris est arrivé au pouvoir en 1995, il semblait avoir pris l'engagement de se débarrasser du niveau supérieur du système à deux niveaux du Métro Toronto. Pour des raisons encore imprécises, à la fin de 1996, le gouvernement Marris a choisi la fusion totale comme le moyen de réaliser cet objectif, et ce, même si personne au parti conservateur ni de l'extérieur n'avait recommandé cette solution, et malgré des protestations de masse et des résultats négatifs de référendum. La principale justification pour la création de la méga-ville serait les économies réalisées. En décembre 1996, lorsque la politique a été annoncée, le ministre des Affaires municipales a déclaré que, après trois années, la fusion permettrait des économies de 300 millions $ par année. Un an plus tard, il ne parlait plus que de 240 millions $. Après un délai d'un an et demi, la Ville de Toronto déclarait des économies annuelles de 150 millions $. Il est maintenant démontré que les économies dues aux fusions sont peu probables. D'ici deux ou trois ans - lorsque tous les détails des conventions collectives auront été réglés - il sera peut-être possible de préciser les coûts nets de la fusion. En tant qu'institution politique, le nouveau conseil de Ville de Toronto a travaillé de manière beaucoup plus efficace que prévu. Cette situation est due surtout au leadership du maire Mel Lastman. Sans un comité exécutif fort et sans système de parti local, le maire Lastman s'est acquis un vaste

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

soutien personnel parce qu'il a défendu vigoureusement les intérêts financiers de la Ville contre diverses initiatives provinciales. Il se trouve dans une situation très forte parce que le gouvernement provincial doit pouvoir continuer à démontrer que la méga-ville est une réussite. Comme la propre mesure du succès du gouvernement reposait sur les économies réalisées et la prévention des hausses de taxes à Toronto, le maire Lastman a très bien réussi à extraire des concessions financières de la province. Encore le 24 novembre 1999, le ministre des Affaires municipales de l'Ontario déclarait que la fusion de Toronto a été une réussite à cause des économies qui avaient été réalisées. Comme nous avons maintenant la preuve qu'il n'y aura pas d'économie, doit-on en déduire que les parrains de la méga-ville reconnaîtront un jour que leur politique a échoué?

6. NOUVEAUX CHANGEMENTS EN ONTARIO : OTTAWA, HAMILTON, SUDBURY ET TORONTO (ENCORE) La restructuration municipale n'était pas un enjeu important au cours de l'élection provinciale de juin 1999 en Ontario. Dans le programme électoral des conservateurs, Blueprint, le sujet n'était mentionné qu'une fois. « Nous avons trouvé, » y déclarait-on, « une foule de façons pleines de bons sens de réduire le gaspillage gouvernemental et d'améliorer l'efficacité. » On donnait l'exemple suivant : la réduction du nombre de municipalités et de conseils scolaires, ce qui permettra de réduire de plus de 2 200 le nombre d'élus municipaux. Il n'y avait pas d'autres mentions dans le programme électoral - rien sur Toronto ni sur les gouvernements régionaux, ni sur le caractère souhaitable d'autres fusions. De fait, les candidats conservateurs de la banlieue avaient tendance à se prononcer contre les fusions forcées dans leur secteur. Cependant, moins de trois mois après l'élection, le nouveau ministre des Affaires municipales a annoncé qu'il prenait des mesures « pour protéger les contribuables des municipalités régionales de Haldimand-Norfolk, de Hamilton-Wentworth, d'Ottawa-Carleton et de Sudbury contre une lourde bureaucratie, l'accroissement de la paperasserie et de l'inefficacité de l'administration municipale. » Dans chacune de ces régions, il y avait eu précédemment des années de conflits entre les deux niveaux de gouvernement municipal et de nombreuses tentatives de réorganisation. En septembre, le Ministre a nommé pour chaque région un conseiller spécial chargé de présenter, dans un délai de soixante jours, des

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recommandations à l'égard d'une nouvelle structure organisationnelle qui permettrait : • • • • •

de diminuer le nombre d'élus; de réduire les impôts; d'améliorer l'efficacité et l'efficience des services; de réduire la bureaucratie; d'établir des lignes de responsabilité clairement définies et une meilleure reddition de compte au niveau local.

Les conseillers spéciaux pour Ottawa, Hamilton et Sudbury ont tous trois recommandé la fusion totale, essentiellement pour économiser de l'argent. Le gouvernement a ensuite préparé une loi pour mettre en oeuvre les fusions. Toutefois, il n'a inclus aucune des recommandations faites par les conseillers pour chaque ville, comme celle de rendre Ottawa une ville officiellement bilingue. Le gouvernement semblait plutôt préoccupé par les concessions à faire à ses partisans de la banlieue qui étaient mécontents. La même loi, appelée Loi réduisant le nombre de conseillers municipaux, contenait également des dispositions pour réduire de 58 à 45 le nombre de membres du conseil municipal de Toronto. Jusqu'à quelques jours avant l'annonce, personne ne savait qu'un changement était à prévoir. Lorsque le principal objectif d'un gouvernement provincial est de réduire le nombre d'élus municipaux, il peut atteindre cet objectif de deux manières : 1) par la fusion des municipalités; et 2) par l'adoption d'une loi pour réduire la taille des conseils. Concentré sur cette question, le gouvernement de l'Ontario n'a pas tenu compte de questions importantes comme la planification régionale, l'équité ville-banlieue et, dans certains cas, les choix difficiles entre les avantages d'une petite taille et ceux d'une grande taille. Dans les autres régions, le débat a été étouffé avant qu'il commence. Ceux qui se préoccupent d'une gestion publique efficace de villes-régions complexes au début du XXI6 siècle ont peu à apprendre des événements qui se sont déroulés en Ontario à la fin de 1999.

CONCLUSION : QUEL PROBLÈME LA FUSION MUNICIPALE POURRAITELLE RÉGLER À MONTRÉAL? La proposition du maire Bourque de fusionner toutes les municipalités de la CUM présente une certaine ressemblance avec la politique de mégaville du gouvernement de l'Ontario pour Toronto. Dans les deux cas, une

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grande ville centrale importante serait formée à l'intérieur d'une ville-région encore plus grande. Le maire Bourque propose d'élargir la CUM (mais sans services policiers) ce qui créerait un gouvernement de niveau supérieur fort pour l'ensemble de la région métropolitaine de Montréal. Ironiquement, si le gouvernement Marris avait voulu créer une autorité supérieure pour la Région du Grand Toronto, il est peu probable qu'il ait adopté la politique de création de la méga-ville. Mais le maire Bourque semble vouloir une fusion à grande échelle et une autorité supérieure forte. La grande faiblesse de la position du maire Bourque et de celle du gouvernement Marris, c'est que ni l'un ni l'autre ne peut démontrer que la création d'une municipalité très dominante dans une ville-région est susceptible d'améliorer la coopération intermunicipale et régionale, avec ou sans puissant conseil supérieur. Il s'agit d'une grave faiblesse, car toutes les études sur les problèmes municipaux soulignent le besoin urgent de promouvoir cette coopération, et non d'établir une cité centrale géante. Il y a trois différences importantes dans l'environnement gouvernemental et politique de la ville-région de Toronto d'avant la mégaville et la ville-région de Montréal d'aujourd'hui : 1. La Ville de Montréal (population 1,0 million) est déjà plus dominante dans la Communauté urbaine de Montréal (1,8 million) que l'ancienne Ville de Toronto (0,7 million) l'était dans Métro Toronto (2,4 millions). Voilà qui explique sans doute l'opposition de l'ancienne Ville de Toronto à la méga-ville alors que la ville actuelle de Montréal est favorable à une méga-ville pour Montréal. L'une des principales motivations du gouvernement Marris était d'éliminer les extravagances politiques et administratives qu'il percevait dans l'ancienne Ville de Toronto. Toutefois, il est difficile de s'imaginer comment une CUM fusionnée pourrait être autre chose qu'une prise de contrôle complète de la part de la Ville de Montréal. Qu'une prise de contrôle de la part de Montréal soit une bonne politique publique ou non, tous doivent au moins reconnaître qu'un tel résultat est l'opposé exact de l'objectif de la méga-ville de Toronto. 2. La municipalité de Métro Toronto comptait six municipalités constituantes; il y en a 28 dans la CUM. Les complexités et les dépenses de la fusion de Toronto seraient mineures par comparaison avec celles d'une fusion de Montréal avec ses voisines. Par exemple, tous les employés municipaux de l'Ontario adhèrent au même régime de retraite, soit le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS). Dans la CUM, chaque ville dispose de son propre fonds de pension. Ce serait un véritable cauchemar administratif et financier que d'ajuster les régimes de retraite et d'uniformiser les ententes relatives aux pensions après la fusion. La seule façon de sim18

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plifier la transition à Montréal serait d'éliminer la main-d'oeuvre de la banlieue et de laisser s'installer partout les procédures et les pratiques administratives de la Ville de Montréal. Le résultat de cette reconnaissance entraînerait indubitablement des hausses importantes des coûts et surchargerait gravement la capacité de gestion de la Ville de Montréal. 3. Les partis politiques municipaux n'étaient pas - et ne sont toujours pas un facteur à Toronto. Dans la CUM, ils existent dans certaines municipalités seulement. Il est difficile de croire qu'ils n'existeraient pas dans une île-ville fusionnée. Est-ce qu'on a pensé aux répercussions de l'établissement d'un système unique de partis municipaux de la mégaville de Montréal? Il est certain qu'un des résultats de cette évolution serait le désistement de nombreuses personnes, qui acceptent maintenant de faire partie de conseils municipaux de banlieue. Ou encore, peut-être que les partis actuels seraient relativement plus faibles au sein du nouveau conseil. A-t-on réfléchi au fait que le nouveau conseil municipal fonctionnerait en l'absence d'un parti majoritaire? Est-ce qu'un nouveau maire d'une Ville de Montréal fusionnée pourrait un jour occuper une position politique aussi forte que celle de Mel Lastman à Toronto? Il est très difficile de comprendre les arguments en faveur d'une CUM fusionnée. À Toronto, le gouvernement provincial voulait se débarrasser d'un niveau de gouvernement municipal élu au suffrage direct. Ce problème ne se pose pas à Montréal, car les conseillers de la CUM n'ont jamais été élus directement pour servir uniquement à ce niveau. Les économies ne semblent pas être un facteur de motivation à Montréal. De toute façon, l'expérience acquise à Toronto et ailleurs détromperait quiconque croit que la fusion à cette échelle permet d'épargner. Par ailleurs, personne au Québec ne semble aussi préoccupé que le gouvernement Marris à diminuer le nombre d'élus. Est-ce que quelqu'un croit sérieusement que les membres des conseils des municipalités de banlieue de la CUM sont une grande dépense de deniers publics? Les arguments fondés sur le développement économique sont trompeurs. S'ils étaient pertinents, ils seraient applicables à l'ensemble de la ville-région. Naturellement, il faut faire la promotion de Montréal dans le monde entier, mais toutes les municipalités de la région doivent y participer, pas seulement celles de l'île de Montréal. Comme un nombre considérable de villes-régions des États-Unis l'ont démontré, les villesrégions peuvent croître, prospérer et favoriser l'innovation lorsqu'il y a des douzaines ou même des centaines d'autres villes. La fusion municipale n'a rien à voir avec le développement économique.

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L'équité sociale n'est pas abordée par la fusion. Personne ne veut promouvoir ou défendre un système de gouvernement municipal qui favorise les riches et qui impose des charges indues aux pauvres. Contrairement à la situation de l'Ontario, les municipalités du Québec n'ont presque aucun rôle dans la prestation de services sociaux et aucun pour ce qui est de la sécurité du revenu. Les Montréalais riches ne peuvent éviter de payer les services sociaux et le bien-être social en déménageant en banlieue. Comme la CUM existe déjà et qu'elle agit comme mécanisme de partage des coûts de police de la ville centrale et parce que la province finance les services sociaux et la sécurité du revenu, la Ville de Montréal paie probablement moins pour les coûts de la pauvreté de la ville centrale que n'importe quelle autre ville centrale de l'Amérique du Nord. Comme arguments en faveur de la fusion, il ne reste plus essentiellement que des appels à la grandeur municipale (dans le cas du maire Bourque) ou à l'ordre administratif (dans le cas du rapport Bédard). Mais quiconque veut changer ces limites contre la volonté des gens touchés devrait être obligé d'expliquer le ou les problèmes précis pour lesquels le changement de limites est la solution. La difficulté à confronter la cause de la fusion municipale à la CUM est que l'on n'a pas précisé les problèmes qui sont censés être corrigés. Le maire Bourque a pris la parole et il a écrit fréquemment sur le caractère souhaitable de la fusion. À certaines occasions, il a fait des mentions précises à des événements survenus ailleurs. Par exemple, le 24 novembre 1999, il écrivait dans The Gazette: Nous ne pouvons nier que nous sommes influencés par les événements qui surviennent ailleurs au Canada. Nous ne pouvons ignorer que des fusions se déroulent en Ontario et en Nouvelle-Ecosse. Toronto compte 2,4 millions d'habitants et Halifax, près de 400 000. Même maintenant, le gouvernement de l'Ontario planifie des fusions supplémentaires dans les régions d'Ottawa, de Hamilton et autres. Si la fusion fonctionne pour Toronto et Halifax, si elle est envisagée pour Ottawa, pourquoi ne fonctionnerait-elle pas pour Montréal, Québec et Sherbrooke?

Le présent rapport avait pour objet de nous permettre de mettre ces observations en perspective.

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INTRODUCTION l'Assemblée législative de l'État de Pennsylvanie E na 1854, approuvé une loi qui officialisait le regroupement de

28 administrations municipales voisines de Philadelphie. Il en a résulté une ville de 500 000 habitants. Dans un rayon de vingt milles du centre-ville, seulement 95 000 personnes vivent à ce moment hors des limites de compétence de la ville-centre. En 1996, six millions de personnes vivent dans la ville-région de Philadelphie ; seulement le quart de celles-ci demeuraient à l'intérieur de la ville elle-même dont les limites étaient identiques à celles de 1854.1 Nous pouvons tirer plusieurs conclusions différentes de ces faits bruts. La moins contestable, peut-être, est que le regroupement municipal effectué par voie législative n'est pas un phénomène nouveau, du moins aux États-Unis. Beaucoup d'autres aspects de l'histoire de la Ville de Philadelphie soulèveraient probablement de vives controverses. Sans prendre Philadelphie comme point central, le rapport que voici explore l'histoire des fusions municipales dans les démocraties libérales évoluées, analyse les controverses de vieille date à propos des avantages et des désavantages de ces fusions et en tire des leçons pour la ville-région de Montréal. Ce rapport ne porte pas sur la taille idéale des villes-régions ni même sur la taille idéale de leurs municipalités constituantes. Comme on le verra plus loin, une telle recherche serait vouée à l'échec. Le rapport ne porte pas non plus sur les modèles idéaux d'administration des villes-régions, même si cette question recouvre partiellement celle de la fusion municipale. Dans le cas de villes-régions relativement petites, il est possible qu'une seule municipalité fusionnée puisse couvrir la totalité ou la quasi-totalité du territoire urbain. Certains pourraient considérer ce genre de fusion comme une solution au problème de la gestion publique des 1. Jon C. Teaford, City and Suburb : The Political Fragmentation of Metropolitan America, 1850-1970 (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1979), p. 26 et 33; Victor Jones, Metropolitan Government (Chicago: University of Chicago Press, 1942). Les chiffres de population pour 1996 proviennent du recensement fédéral américain : et .

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villes-régions. Cependant, pour des villes-régions de la taille de Montréal, une telle solution est moins plausible. Personne ne songe - à bon droit - à une seule municipalité qui s'étendrait de Mirabel à Chambly et de Vaudreuil à Repentigny. Parce que le rapport n'est pas centré sur le problème théorique et pratique du mode de gestion des villes-régions à l'intérieur d'administrations centrales plus étendues, il se distingue de la plupart des publications qui traitent des villes-régions dans l'économie mondiale.2 Il semble que les modes d'administration municipale aient peu à voir avec la capacité concurrentielle mondiale d'une ville-région, même si la plupart des observateurs s'accordent pour dire que les villes-régions concurrentielles ont besoin d'une sorte d'institution locale qui englobe la totalité ou la quasi-totalité du territoire d'une ville-région. Toutefois, il s'avère que, à part un très petit nombre d'élus et de fonctionnaires qui s'occupent des affaires municipales, très peu de penseurs sérieux ont prêté une attention particulière, au cours des dernières années, au bienfondé d'une réduction du nombre de municipalités à l'intérieur des villesrégions. Presque partout, on admet qu'une telle politique manque d'àpropos. Étant donné qu'il n'existe à l'heure actuelle à peu près aucune justification théorique en faveur d'une politique publique de fusions municipales forcées, nous devons plutôt nous foncier sur une analyse approfondie de ses origines historiques. Bien sûr, malgré l'absence de justification théorique, les fusions municipales ont connu récemment une vogue à certains endroits - la Nouvelle-Ecosse et l'Ontario en sont les meilleurs exemples. Ce rapport tentera notamment d'expliquer ce phénomène et d'évaluer ses premiers effets. Si le rapport avait pour but de montrer la meilleure façon de gérer les villes-régions, nous aurions pu nous appuyer sur une grande quantité de travaux universitaires. Le débat principal a lieu entre les « consolidationnistes », qui encouragent une forme d'administration métropolitaine pour chaque ville-région, et les partisans du « choix public », qui insistent sur les avantages économiques de petites municipalités concurrentielles disposant chacune de son propre ensemble de services et de niveaux d'imposition. Nous verrons comment ces points de vue opposés sont apparus en examinant l'histoire des fusions municipales aux États-Unis. Les travaux publiés au sujet du « choix public » permettent d'expliquer pourquoi, de nos jours, on ne préconise pas souvent les fusions municipales aux États-Unis. Les héritiers de la position 2. Voir, par exemple, Paul L. Knox et Peter J. Taylor, éd, World Cities in a World System (Cambridge: Cambridge University Press, 1995).

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INTRODUCTION

consolidationniste, qui remonte à la fin du dix-neuvième siècle, visent maintenant à promouvoir davantage des institutions régionales souples que des fusions totales3. Le chapitre 1 du rapport présente un examen complet du mouvement des regroupements municipaux aux États-Unis dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Ce mouvement a atteint son point culminant en 1898 au moment du regroupement municipal qui a créé les limites actuelles de la Ville de New York. Le même chapitre décrit la fin du mouvement dans la première moitié du vingtième siècle. Le chapitre 2 passe en revue les tendances qui ont favorisé la fusion municipale en Europe, en Angleterre et au Canada dans les années 1960 et 1970, époque d'optimisme considérable en ce qui concerne la capacité des restructurations administratives à résoudre les problèmes de la société. Pour ce qui est du chapitre 3, il est consacré à l'évolution de la situation aux États-Unis depuis 1945 et l'accent est mis sur l'analyse de l'émergence du choix public et sur les tentatives récentes et apparemment fructueuses de revitalisation des villes-régions américaines sans fusions municipales. Le chapitre 4 s'intéresse au renouveau d'intérêt pour les fusions municipales en Angleterre, en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans certaines parties du Canada durant les années 1990. Nous aurons alors l'occasion d'évaluer, entre autres choses, les effets de la création de la municipalité régionale de Halifax en 1996. Pour sa part, le chapitre 5 décrit et analyse de façon exhaustive comment et pourquoi la « méga-ville » de Toronto a été créée en 1998. Ce chapitre constitue de plus la première tentative importante d'évaluation externe de ses effets. Quant au chapitre 6, il fait l'examen des fusions les plus récentes en Ontario : Ottawa, Hamilton et Sudbury. Enfin, dans la conclusion du rapport, nous appliquerons ce que nous avons appris à la situation actuelle de Montréal.

3. David Rusk, ancien maire d'Albuquerque, Nouveau-Mexique, constitue une exception notable. Voir son Cities Without Suburbs, 2" édition (Washington, DC: Woodrow Wilson Center Press, 1995). Nous aborderons l'argumentation de Rusk plus loin.

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CHAPITRE 1 LE REGROUPEMENT UNIS, 1854-1942

es

MUNICIPAL AUX ÉTATS-

débats

actuels au Canada en matière de municipal font souvent référence aux expériences américaines, tant à titre d'exemples à suivre que d'erreurs à éviter. Comme l'a fait remarquer W. B. Munro en 1929, les Américains ont eu une plus forte influence sur la structure et les pratiques gouvernementales du Canada au niveau local qu'au niveau fédéral ou provincial.1 Ce sont là deux bonnes raisons qui expliquent que ce rapport accorde une place importante aux États-Unis dans deux chapitres distincts. Cependant, malgré leurs similitudes évidentes, les systèmes de gouvernement local de ces deux pays sont loin d'être identiques. Il est donc essentiel, avant d'aller plus loin, de clarifier les différences pertinentes entre leurs structures gouvernementales. D'abord, contrairement aux provinces canadiennes, les États américains possèdent leur propre constitution écrite. La plupart de ces constitutions contiennent des références aux types de lois que l'Assemblée législative de l'État pouvait décider d'approuver en ce qui a trait aux gouvernements locaux. C'est dans ce sens que de nombreuses municipalités américaines sont constitutionnellement protégées, non pas par la constitution fédérale américaine (celle avec laquelle la plupart des Canadiens sont passablement familiers) mais par des constitutions d'État. Différentes constitutions d'État comportent différentes formules d'amendement, mais dans tous les cas, il est plus difficile de modifier la constitution de l'État que d'approuver une loi ordinaire à l'Assemblée législative de l'État. Deuxièmement, la plupart de ces constitutions d'État ont toujours inclus des dispositions relatives aux sous-divisions territoriales, que l'on désigne habituellement du nom de comtés. Bien que les comtés américains

L regroupement

1. American Influences on Canadien Government (Toronto : Macmillan, 1929).

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puissent ressembler quelque peu aux comtés de certaines provinces canadiennes, notamment ceux qui existaient auparavant au Québec, on note quatre distinctions importantes : 1 ) les comtés couvrent généralement l'ensemble du territoire des États, y compris les régions inhabitées; 2) certaines régions à l'intérieur des comtés ne comprennent pas de municipalités constituées en corporation qu'on appelle villes ou villages, et ces régions sont dites « non constituées en corporation »; 3) même lorsque les régions au sein d'un comté sont incorporées en municipalités, elles demeurent assujetties, du moins jusqu'à un certain degré, à l'autorité législative du comté; et 4) les membres des corps administratifs des comtés (souvent appelés « conseils des superviseurs ») sont habituellement élus directement par tous les résidants du comté, généralement dans le cadre d'élections partisanes (Démocrates contre Républicains). La distinction juridique entre les comtés et les corporations municipales a été établie dans une importante décision de la Cour suprême de l'Ohio en 1857: Les corporations municipales proprement dites sont formées soit sur demande explicite ou suite au libre consentement des gens qui les composent. Les comtés sont des sous-divisions locales de l'État, créés en vertu du pouvoir souverain de l'État, de sa volonté souveraine, sans sollicitation spécifique, consentement ou action concurrente des gens qui les habitent... Une corporation municipale proprement dite est créée principalement pour l'intérêt, l'avantage et la commodité de la localité et de ses résidants. Une organisation de comté est créée presque exclusivement en vue de la politique de l'État dans son ensemble, à des fins d'organisation politique et d'administration civile relativement aux finances, à l'éducation, aux dispositions à l'égard des plus démunis, à l'organisation militaire, aux moyens de déplacement et de transport et plus particulièrement pour l'administration générale de la justice.2

Ce que tout cela signifie pour les débats portant sur le regroupement municipal, c'est que les régions urbaines américaines contiennent invariablement un ou plusieurs comtés, chacun incluant généralement des municipalités constituées en corporation de même que des régions non constituées en corporation. Lorsque les Américains envisagent de changer les limites territoriales municipales, ils pensent généralement à l'annexion des régions « non constituées en corporation » aux 2. Cité dans Victor Jones, Metropolitan Government (Chicago : University of Chicago Press, 1942), p. 213.

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LE REGROUPEMENT MUNICIPAL AUX ETATS-UNIS, 1854-1942

municipalités existantes ou la formation de nouvelles municipalités. Le terme « regroupement ville-comté » désigne la fusion de toutes les régions « non constituées » au sein d'un comté avec le territoire de la ville-centre. Ces regroupements ne sont pas aussi complets que les fusions de villes à grande échelle au Canada puisque, à tout le moins récemment, elles n'ont pas inclus de villes et villages suburbains. Certains regroupements municipaux du XIXesiècle aux États-Unis (San Francisco en 1856, St. Louis en 1876 et Denver en 1903) ont été accompagnés d'un agrandissement simultané du territoire de la ville et de sa séparation du comté préexistant pour former une nouvelle ville et un nouveau comté regroupé3. Puisque les deux procédés étaient intimement liés l'un à l'autre, il est impossible d'isoler les effets du regroupement. Un résultat émerge clairement toutefois : les annexions ultérieures de régions non constituées en corporation étaient impossibles pour ces villes puisqu'il n'existait plus de tels territoires dans la nouvelle juridiction.

REGROUPEMENT À PHILADELPHIE, 1854 Ce qui rend le regroupement de Philadelphie, mentionné dans l'introduction de ce rapport, si pertinent, dans le contexte des débats actuels à Montréal, c1 est le fait qu'il s'agissait d'un regroupement simultané d'un comté au complet et de toutes les municipalités le composant. En termes institutionnels, cela ne différait pas beaucoup de la récente fusion de la municipalité de Métro Toronto avec ses six municipalités constituantes. Le regroupement de Philadelphie était en premier lieu imputable à la dégradation apparente de l'ordre public. La source du problème résidait dans le conflit continu entre les membres de la classe ouvrière protestante (ou « Native Americans ») et à peu près tous les autres, particulièrement les Noirs et les Irlandais catholiques. Les émeutes et la violence dans les rues étaient monnaie courante. Les coupables pouvaient facilement éviter de se faire appréhender en traversant les limites municipales. Le mouvement du regroupement fut lancé en 1844 par un groupe de 3. D'autres villes - comme Baltimore en 1851 - ont été séparées de leurs comtés mais n'ont pas reçu un territoire additionnel au même moment. Voir Jones, Metropolitan Government, p. 123 à 130 et Jon C. Teaford, City and Suburb : The Political Fragmentation of Metropolitan America, 1850-1970 (Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1979) p. 47 à 50.

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Philadelphiens voué à l'intérêt public qui avançait que le regroupement faciliterait la création d'une force policière professionnelle capable de couvrir l'ensemble du territoire. Le même groupe a déclaré que les services de pompiers bénévoles organisés par les groupes ethniques dans les différentes communautés ne seraient pas touchés. La réaction initiale de la classe dirigeante fut de résister à ce regroupement, en partie par crainte de ne pas pouvoir conserver le pouvoir politique avec ces nouvelles limites et en partie par peur de voir les taxes municipales augmenter pour subvenir aux besoins des banlieues plus pauvres.4 À la suite d'une émeute raciale en 1849, l'opposition au regroupement au sein de la ville se dissipa. Le besoin d'une meilleure solution de maintien de l'ordre se faisait désespérément sentir. Aussi, « la division du comté entre les Démocrates et leurs opposants (principalement les Whigs) était tellement égale que les élus des deux camps pensaient pouvoir bénéficier du regroupement. »5 Le résultat fut que, en 1854, tous les grands journaux étaient en faveur du regroupement et des consolidationnistes de Philadelphie furent élus tant au Sénat qu'à l'Assemblée législative de l'État. Il n'est pas surprenant de voir qu'un vaste éventail d'arguments ait été proposé en faveur du regroupement. Eli K. Priée, le sénateur d'État de Philadelphie, a présenté une des toutes premières prévisions d'épargnes financières. Il déclara que l'élimination de 168 percepteurs de taxes de différentes juridictions équivaudrait à une économie de 100000$ par année. Dans un autre aperçu de ce qui faisait souvent partie de la chronologie du regroupement ailleurs, on tira de son lit le gouverneur de la Pennsylvanie pour qu'il signe le projet de loi immédiatement après son approbation par l'Assemblée législative « parce que certains districts envisageaient d'assumer de nouvelles dettes pour des prêts aux chemins de fer et autres projets semblables en anticipant que la nouvelle Ville regroupée serait tenue de les acquitter ».6 En 1930, Paul Studenski, un des premiers chercheurs américains à s'intéresser au gouvernement métropolitain, mettait au jour une autre caractéristique des disputes en matière de regroupement. Voici son analyse de l'impact financier du regroupement de Philadelphie :

4. Sam Bass Warner, Jr., The Private City: Philadelphia in Three Periods of its Growth (Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 1968), p. 152. 5. Warner, The Private City, p. 153. 6. Elizabeth M. Geffen, « Industrial Development and Social Crisis, 1841-1854, » dans Russell F. Weigley, éd., Philadelphia: A 300-Year History (New York: W.W. Norton, 1982), p. 360.

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Le changement fut suivi d'un repli substantiel des dépenses. Mais dans ce cas... toute économie réalisée ne peut être complètement attribuée au regroupement. Certaines auraient pu se produire de toute façon en raison d'un changement de l'opinion publique, qui passa d'une politique d'expansion des activités municipales à une politique de contraction évidente.7 En 1870, la période de « contraction » était apparemment terminée. Au cours de cette année, la Ville élimina les services de pompiers bénévoles pour les remplacer par un service unique de pompiers rémunérés pour l'ensemble de son territoire.8 Le regroupement de Philadelphie avait auparavant amené une force policière professionnelle rendue nécessaire durant le tumulte de la guerre civile. Sa composition, soigneusement équilibrée entre les protestants et les Irlandais catholiques nés aux ÉtatsUnis, était une caractéristique clé de la politique « post-consolidationniste » de Philadelphie. La nouvelle Ville de Philadelphie comprenait environ 1 500 fermes et 10 000 têtes de bétail.9 Il était tout simplement hors de question d'établir un taux de taxe unique dans toutes les régions de la nouvelle ville. Le Consolidation Act de 1854 exigeait que la Ville établisse une distinction entre les services urbains et ruraux et fixe deux taux de taxation différents en conséquence. En 1868, on établit une catégorie additionnelle pour les régions « semi-rurales ou de banlieue ». Les propriétaires de cette catégorie payaient deux tiers du taux urbain; les propriétaires ruraux en payaient la moitié. Les évaluateurs de la Ville furent chargés de déterminer quelles propriétés appartenaient à quelle catégorie.10 Toutes les fusions municipales ultérieures comprenant différents niveaux de services municipaux ont dû faire face à ce problème de taux de taxation différentiels. L'optimisme régnait à Philadelphie après le regroupement, mais il fut de courte durée. Voici deux évaluations distinctes de l'effet à long terme du regroupement. La première fut écrite en 1968 par Sam Bass Warner Jr., un historien urbain américain reconnu :

7. The Government of Metropolitan Areas in thé United States (New York: National Municipal League, 1930), p. 208. 8. Dorothy Gondos Beers, « The Centennial City, 1865-1876 » dans Weigley, éd. Philadelphia, p. 438. 9. Russell F. Weigley. « The Border City in Civil War, 1854-1865 » dans Weigley, éd. Philadelphia, p. 363. lO.Studenski, The Government of Metropolitan Areas, p. 161.

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Le regroupement de tout le comté en une seule corporation municipale en 1854 a unifié la gestion des principales fonctions du gouvernement, mais il n'a été accompagné d'aucune innovation ni de haute qualité de service... L'envergure et l'industrialisation avaient déjà détruit à la fois la source de leadership compétent et la communauté éclairée qui auraient été nécessaires pour permettre à la Ville de profiter à l'avenir d'un gouvernement fort, efficace et imaginatif. Au lieu de cela, un siècle de faiblesse et de corruption commençait.11 Voici l'évaluation rédigée en 1982 par Russell F. Weigley, professeur d'histoire à l'Université Temple de Philadelphie :

Le premier grand succès du gouvernement regroupé fut la réduction de la violence au sein de la ville. Outre la police, les bureaux et services de l'administration municipale sont demeurés étroitement liés aux Conseils trop compliqués [il y avait deux chambres], et les améliorations apportées ne surent pas répondre aux espoirs que le Consolidation Act pouvait avoir suscités. Les premiers maires... étaient des hommes de grande compétence; le personnel des Conseils, par contre, méritait probablement les reproches que les exigeants Philadelphiens lui faisaient. Les complexités de la nouvelle grande ville, en plus de la gestion des nouveaux établissements industriels, étaient en tête des facteurs qui, au XIXe siècle, ont fait en sorte que la carrière politique et la carrière d'homme d'affaires devinrent des occupations de plus en plus spécialisées et donc distinctes. Les conseillers étaient donc de moins en moins nombreux à figurer parmi les personnalités connues du monde des affaires et de l'élite sociale et civique.12 Cela ne signifie pas que la Ville de Philadelphie se serait mieux portée si elle avait conservé ses limites antérieures à 1854. Sans le regroupement, la ville aurait sans aucun doute repoussé progressivement ses limites, comme d'autres villes l'ont fait durant cette période. Le regroupement de Philadelphie était une entreprise ambitieuse de politique publique délibérée avec laquelle l'élite politique de l'époque était fortement en accord. À part de résoudre le problème du maintien de l'ordre, il semble cependant que cela ait accompli fort peu, voire rien, pour améliorer la qualité de la vie politique locale, pour rendre les autres services

11. The Private City, p. 102. 12.Weigley, « The Border City », p. 372.

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municipaux plus efficaces ou pour arrêter le déclin économique relatif de Philadelphie comparativement aux autres villes américaines.

REGROUPEMENT MUNICIPAL À NEW YORK, 1898 Le plus important regroupement municipal jamais entrepris en Amérique du Nord fut celui de New York en 1898. Cette année-là, quinze villes et municipalités et onze villages de cinq comtés différents ont été fusionnés pour former la nouvelle Ville de New York, qui comptait désormais 3,5 millions d'habitants. L'histoire du regroupement de New York contient de nombreux rebondissements et couvre la plupart des préoccupations qu'on retrouve couramment dans les débats actuels, à l'exception de la promesse de réduction des dépenses municipales globales. Les leçons que l'on peut tirer à long terme de cette expérience ne sont pas évidentes. New York était, en 1898, une des grandes villes du monde. Un siècle plus tard, elle est le centre économique incontesté à l'échelle mondiale. Le regroupement en est-il la cause? Au cours des cent dernières années, Manhattan, contrairement aux autres centres urbains des États-Unis, est demeurée le port d'attache des personnalités riches et célèbres du monde. La destinée de plusieurs des secteurs adjacents, tels que Queen's et le Bronx, qui se sont joints à la ville en 1898, n'a pas été aussi impressionnante. Le regroupement fut-il un facteur? Le gouvernement municipal de New York est le plus important des États-Unis. En 1975, il était, à toutes fins utiles, en faillite. Ces problèmes ont-ils quelque rapport avec le regroupement? Il est peu probable qu'on puisse vraiment trouver de réponse satisfaisante à ces questions. Mais il importe de se rappeler ces questions en examinant brièvement la saga du regroupement de New York. C'est David C. Hammack, historien à l'Université Columbia, qui a rédigé le compte rendu le plus définitif de ce regroupement. Il divise l'histoire du regroupement en deux grandes périodes. De 1887 à 1894, le mouvement en faveur du regroupement fut mené par des membres solidaires de « l'élite des commerçants, des banques, de l'immobilier et de la réforme municipale ». Affaibli par des divisions internes, le mouvement fut ensuite repris par le parti républicain de l'État de New York qui voyait dans le regroupement une occasion unique de promouvoir ses propres intérêts.13 Ce n'est que lorsque les avantages politiques se sont révélés clairement 13.David C. Hammack, Power and Society: Greater New York at thé Turn of thé Century(Ne\N York: Russell Sage Foundation, 1982), p. 228-229.

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que les élus de l'État y ont mis l'engagement nécessaire. Mais sans de nombreuses années de travaux préparatifs, les avantages politiques n'auraient jamais été apparents. Le mouvement de regroupement a découlé du fait que certains intérêts commerciaux à New York s'inquiétaient de voir que la croissance économique de la Ville ne semblait pas suivre celle de villes plus à l'Ouest, notamment Chicago. Leur plus importante conviction était que « si un gouvernement municipal unique pouvait obtenir le contrôle du port de New York et du territoire environnant, il pourrait alors promouvoir un développement complet unifié de la navigation, des chemins de fer et des installations connexes de manière à aider les marchands et les propriétaires ».14 En 1890, s'adressant aux législateurs de l'État, un des principaux partisans du regroupement, Andrew H. Green, fit une déclaration discutable semblable à ce qu'on entend souvent de nos jours. Il déclara que « New York était en concurrence avec Londres, Paris, Chicago et même Brooklyn... et toutes ces agglomérations ont pris de l'expansion en élargissant leurs limites; le regroupement permettrait à la Ville de conserver sa place ».15 En 1894, Green et ses collègues « consolidationnistes » réussirent à convaincre l'Assemblée législative de tenir un référendum sur le sujet. Au lieu d'expliquer clairement en quoi consistait le regroupement, ... Green avait fait de son mieux pour rendre la proposition si vague que tous les groupes d'intérêt pouvaient y trouver quelque chose d'attrayant. Par égard pour la Chambre de commerce et son propre sens des priorités, il s'était assuré de l'accord de l'Assemblée législative... que le grand New York inclurait tout le territoire adjacent au port de New York. Mais il veilla à ce que d'autres questions demeurent en suspens... Après avoir sondé les opinions pour déterminer où et comment présenter leur message, ils (les consolidationnistes) envoyèrent des porte-parole armés d'arguments différents dans tous les coins de la métropole.16

La plus forte opposition provenait de la Ville de Brooklyn.17 Les « anticonsolidationnistes » de l'endroit s'inquiétaient pour leur identité, pour le contrôle local et, peut-être plus que tout, ils craignaient que le 14.Hammack, Power and Society, p. 185. 1 S.Oliver C. Allen, New York, New York (New York : Athaneum, 1990), p. 249. 16.Hammack, Power and Society, p. 204-205. 17.Voir John Tierney, «Brooklyn Could Hâve Been a Contender», The New Times Magazine, 28 décembre 1997, p. 18, 20 à 23 et 37 et 38

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regroupement n'étende la diversité ethnique de New York à l'autre rive de la East River et ne trouble le mode de vie tranquille et plus typiquement américain de Brooklyn. Les « proconsolidationnistes » convoitaient une part de l'assiette fiscale de Manhattan, qu'ils pensaient pouvoir utiliser pour abaisser le taux de taxation de Brooklyn ou pour offrir de meilleurs services. Le problème, évidemment, était que les déclarations ouvertes de tels avantages pour Brooklyn soulevaient l'opposition au regroupement dans Manhattan. Mais de toute façon, le référendum passa dans tous les comtés, même si ce n'était qu'avec 64 744 voix contre 64 467 à Brooklyn.18 Le résultat serré du vote mobilisa l'opposition de Brooklyn, maintenant organisée dans le cadre de la League of Loyal Citizens, avec plus de force que jamais. Hammack résume une des brochures de la League en ces mots : Loin de produire un gouvernement économique et efficace le regroupement se révélerait coûteux. La Ville de New York avait un taux de taxation peu élevé, mais cela ne durerait pas longtemps. New York avait déjà lancé plusieurs projets coûteux et un regroupement ne pourrait satisfaire les objectifs de Brooklyn que si d'autres projets s'y ajoutaient. Mais ces projets deviendraient affreusement coûteux car la taille monstrueuse de la grande ville permettrait à des fonctionnaires vénaux issus des quartiers dégradés d'agir à l'abri du regard public.19

La situation à Brooklyn semblait être hors contrôle et les chefs du regroupement, dont Andrew Green, n'y pouvaient pas grand-chose. C'est alors que les Républicains de l'État ont fait leur entrée en scène. Les événements politiques tortueux des trois années qui ont suivi sont trop complexes pour être rapportés dans ce document. Essentiellement, les Républicains ont décidé qu'ils avaient une chance de s'approprier le contrôle politique d'un New York regroupé et que, d'une façon ou d'une autre, il y avait beaucoup à gagner, du point de vue politique, à être perçus comme les promoteurs des intérêts économiques apparents de la Ville. La législation fut adoptée en 1897 et le 1er janvier 1898, la nouvelle Ville de New York, avec les limites qu'on lui connaît aujourd'hui, était formée. La nouvelle charte de la Ville contenait peu des dispositions mises de l'avant par les partisans initiaux du regroupement, des dispositions qui auraient rationalisé les institutions de la Ville et les auraient rendues moins vulnérables à une prise en charge par la fameuse machine du parti Démocrate de la Ville, le Tammany Hall. Les plans de réforme des 18.Hammack, Power and Society, p. 206. 19.Hammack, Power and Society, p. 210.

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institutions dans la nouvelle Ville avaient depuis longtemps été éliminés parce qu'il fallait veiller à ce que les élus de Tammany ne s'opposent pas activement au regroupement. En fin de compte, le Tammany Hall a remporté de justesse la première élection municipale, sabotant ainsi un des principaux objectifs politiques des Républicains en ce qui avait trait au regroupement. La nouvelle charte a maintenu les comtés constituants en place, les définissant comme des bourgs pour les fins du gouvernement municipal. Les électeurs dans chaque bourg élurent un « président de bourg » pour veiller aux problèmes locaux. En 1901, les présidents de bourg purent siéger à la commission du budget, un genre de comité exécutif du conseil, mais au cours des années 1980, la Cour suprême des États-Unis déclara cette entente anticonstitutionnelle puisqu'elle portait atteinte à ses normes de suffrage égalitaire.20 Personne n'a jamais suggéré que le regroupement de New York avait entraîné des économies. En 1942, Victor Jones écrivait que « durant les dix années qui ont suivi le regroupement, on a observé une forte tendance à la hausse au niveau des dépenses et des dettes consolidées ». Les crédits budgétaires de la ville sont passés de 78,4 millions $ en 1898, à 98,6 millions $ en 1903, puis à 130,4 millions $ en 1907. Entre 1896 et 1899, les taux de taxation à Manhattan augmentèrent d'environ seize pour cent, en grande partie à cause du regroupement.21 Mais comme le font remarquer Jones et d'autres, le principal but du regroupement était de dépenser les fonds publics, et non pas de faire des économies. Les montants que rapporte Jones ne doivent surprendre personne. Bien que partisan de diverses formes d'intégration accrue des services municipaux des villes-régions, Jones fut plutôt honnête dans ses conclusions globales sur leurs conséquences au chapitre des dépenses : L'intégration du gouvernement local dans les régions métropolitaines pourrait donc donner lieu principalement à l'expansion, à l'amélioration ou à l'égalisation des services plutôt qu'à une réduction réelle des postes budgétaires. On peut cependant s'attendre à des économies certaines de l'intégration de l'administration générale. Mais encore là, le principal résultat pour la communauté sera la substitution de la planification complète par une planification aléatoire et compétitive des services d'importance pour les métropoles.22 20.Allen, New York, New York, p. 250. 21 .Metropolitan Government (Chicago : University of Chicago Press, 1942), p. 189. 22.Metropolitan Government, p. 199-200.

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Tout au long du XXe siècle, la Ville de New York a été de loin la municipalité la plus fortement peuplée des États-Unis. En 1996, avec une population de 7,3 millions d'habitants, elle comptait plus du double de la population de sa plus proche rivale, la Ville de Chicago. La proportion de New York dans la population totale de la ville-région était presque deux fois celle de la Ville de Chicago (41 pour cent contre 21 pour cent).23 Pourtant, c'est New York qui était en faillite au milieu des années 1970, et non pas Chicago. C'est là un mystère sur lequel se sont penchés un certain nombre d'analystes, dont Paul E. Peterson, maintenant professeur à l'Université Harvard.24 Peterson ne fait aucune référence au regroupement de 1898. Il mentionne par contre amplement la taille et la richesse de la Ville. Essentiellement, l'analyse de Peterson conclut que la ville de New York était tellement grande qu'elle n'avait pas à faire face aux pressions compétitives normales auxquelles toutes les autres municipalités du pays devaient faire face. Peterson fait remarquer que, en 1974, les « dépenses par habitant de sources locales » de New York (c'est-à-dire excluant les dépenses subventionnées) étaient de 578 $. Le montant moyen pour les neuf plus grandes municipalités suivantes était de 208 $. Cette différence s'explique en partie par le fait que New York avait la responsabilité d'un plus grand nombre de fonctions gouvernementales (même de quelques hôpitaux et universités) que les autres municipalités. Mais cela aussi fait partie de l'argument de Peterson : parce que la ville de New York était si grande, les attentes du gouvernement de l'État envers cette Ville étaient plus élevées. Enfin, Peterson donna beaucoup de preuves à l'appui que, même pour les services courants fournis par la plupart des gouvernements municipaux, les dépenses, salaires et nombre d'employés par habitant de New York étaient exceptionnellement élevés par rapport à ceux d'autres villes américaines importantes. Il démontre aussi qu'il n'y avait aucune 23.Andrew Sancton, « Introduction » dans Donald N. Rothblatt et Andrew Sancton, éd., Metropolitan Governance Revisited (Berkeley: Institute of Governmental Studies Press at thé University of California, 1998), p. 2-3. 24.Le livre de Peterson est City Limits (Chicago : University of Chicago Press, 1981). Un des étudiants de Peterson a plus tard écrit une analyse plus détaillée et nuancée qui explique pourquoi New York fut en faillite et non Chicago. Voir Ester R. Fuchs, Mayors and Money : Fiscal Policy in New York and Chicago (Chicago : University of Chicago Press, 1992). Son explication met l'accent sur l'existence au sein de la Ville de la machine du parti Démocrate et de divers corps indépendants spécialisés. Voir aussi, Charles R. Morris, The Cost of Good Intentions : New York City and The Libéral Experiment 19601975 (New York : W. W. Norton, 1980).

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distinction entre les niveaux de dépenses des années 1960 et 1970. En tenant compte de l'inflation, ces niveaux avaient cru à un taux annuel constant d'environ quatre à cinq pour cent depuis 1949.25 Il est sans doute vrai que les dépenses de la Ville ont été mieux contrôlées depuis la quasi-faillite du milieu des années 1970. Ce qu'il faut retenir, bien entendu, c'est que la Ville n'a aucunement bénéficié des économies d'échelle que sa taille rendait possible. Au contraire, il semble que sa taille soit un des facteurs qui ait causé sa faillite. Et c'est la faillite qui a amené la mise à l'ordre des affaires financières de New York vers la fin des années 1970 et par la suite. Malgré les difficultés fiscales de New York, on pourrait arguer que la municipalité regroupée était un facteur crucial pour maintenir et promouvoir la position dominante de la Ville dans l'économie mondiale. La faiblesse de cet argument est qu'aucun des analystes contemporains du phénomène des « villes mondiales » ne mentionne même le gouvernement municipal de New York, et encore moins le regroupement de 1898.26 Peut-être ces analystes, soucieux comme ils le sont du financement corporatif, de la circulation de l'information et de la haute technologie, tiennent simplement les gouvernements municipaux pour acquis. Il se pourrait cependant que l'infrastructure matérielle de New York, telle qu'assurée par son coûteux gouvernement municipal regroupé, soit réellement la raison de sa réussite au XXe siècle en tant que capitale économique du monde. Le regroupement a bel et bien eu un effet, au départ, sur l'infrastructure de la Ville. En 1930, Paul Studenski a insisté sur son importance dans l'amélioration des réseaux de transport et d'aqueduc, particulièrement dans les secteurs de la ville autres que Manhattan. Cela, avance-t-il, a amené les entreprises et leurs employés à s'installer un peu partout dans la nouvelle ville, laissant Manhattan libre de se spécialiser dans les activités commerciales pour lesquelles elle est maintenant si reconnue. Mais Studenski, un partisan du regroupement et de l'intégration générale des municipalités dans les régions métropolitaines, était également conscient des problèmes reliés au regroupement. Divers services municipaux (voirie, eau, égouts) ont été étendus à des secteurs non aménagés bien avant toute perspective d'aménagement de ces secteurs... Cela a entraîné du gaspillage. Les égouts, par exemple, ont 25.City Limits, p. 198-206. 26.La littérature sur le sujet est vaste. Pour un échantillon, voir Paul L. Knox et Peter J. Taylor, éd. World Cities in a World System (Cambridge : Cambridge University Press, 1995).

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été installés... parce qu'on croyait que le coût serait absorbé en grande partie par la cotisation des avantages. Mais il est souvent arrivé que les promoteurs spéculateurs qui avaient initialement demandé les améliorations ne soient pas les propriétaires du terrain soumis à la cotisation au moment où la perception de la cotisation était imposée... Les nouveaux propriétaires... ont demandé et obtenu un redressement de la cotisation. On offrait des services de police et autres services semblables dans les régions rurales bien avant qu'ils ne deviennent nécessaires.27

En 1982, Michael N. Danielson et Jameson W. Doig, deux professeurs de l'Université Princeton, ont écrit un livre important sur le développement plus récent de l'infrastructure physique de New York. Ils voulaient démontrer à quel point « les actions des organismes gouvernementaux ont une influence indépendante significative sur le développement urbain, plutôt que de n'avoir aucun rôle significatif ou de n'influer sur le développement qu'en ratifiant et en soutenant des décisions prises antérieurement dans d'autres sous-systèmes de la société, tel que le marché privé ».28 Danielson et Doig voulaient contrer les déclarations d'autres auteurs selon lesquelles le gouvernement jouait un rôle relativement mineur en matière de développement urbain. S'il devait un jour y avoir une preuve de l'importance du gouvernement de la Ville de New York, ce serait celle-ci. Les auteurs font remarquer, cependant, qu'en 1977, la Ville de New York n'était qu'une parmi 780 municipalités de la région de New York, telle que définie par la Régional Plan Association. Au milieu du XXe siècle, ses limites étaient beaucoup trop restreintes pour qu'elle puisse avoir un impact important sur le développement économique régional, Une grande partie de l'infrastructure des transports de New York a été réalisée par un réseau remarquable de régies spécialisées. Les plus importantes étaient la Régie du pont et tunnel Triborough (fondée en 1933 et fusionnée à la Régie des transports métropolitains de l'État de New York en 1967) et la Régie des ports de New York et du New Jersey (fondée en 1921). La première était la principale source d'influence de Robert Moses, un homme qui n'a jamais exercé de charge dans la Ville de New York mais qui est généralement reconnu comme étant le principal bâtisseur de l'infrastructure du transport de la région au XXe siècle.29 La Régie des 27. The Government of Metropolitan Areas, p. 363. 28.Michael N. Danielson et Jameson W. Doig, New York: The Politics of Urban Régional Development (Berkeley: University of California Press, 1982), p. 1. 29. Robert A. Caro, The Power Broker: Robert Moses and thé Fall of New York (New York: Alfred A. Knopf, 1974).

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transports contrôle le chemin de fer de Long Island, le métro de New York et certains ponts à péage. La Régie des ports possède et exploite les installations portuaires, les ponts, les aéroports (incluant JFK), une voie de transport ferroviaire, les terminus d'autobus et de camions et le World Trade Center.30 La Ville de New York née du regroupement de 1898 a de nombreuses responsabilités municipales importantes, mais fournir l'infrastructure pour la croissance économique régionale n'en faisait pas partie. REPLI DES CONSOLIDATIONNISTES

On n'a plus jamais revu aux États-Unis de mouvement analogue au regroupement de New York en 1898. Pendant plus de cent ans, aucune ville importante (telle que Brooklyn) ne s'est jointe à une autre. Depuis 1910,31 aucune municipalité solvable n'a été forcée, contre sa volonté, de perdre son statut d'incorporation et de se joindre à une autre. Cependant, au cours des premières décennies du XXe siècle, des municipalités de banlieue aux Etats-Unis et au Canada se sont souvent jointes à des villes centrales de leur propre gré. De telles villes étaient souvent en mesure de fournir de meilleurs services à moindre coût auxquels seules les régions incluses dans leurs limites pouvaient avoir accès. Les incitations à la fusion volontaire étaient évidentes dans ces cas. Parfois, les villes de banlieue se joignaient à une ville centrale pour éviter de s'endetter lourdement et d'avoir à augmenter leurs taux de taxation.32 Durant cette période, les villes de Montréal et de Toronto ont chacune considérablement accru leur territoire et leur endettement respectifs en conséquence des fusions réalisées avec des banlieues avoisinantes. De fait, les limites actuelles de la ville de Montréal s'expliquent par les fusions qui ont eu lieu (Notre-Dame-de-Grâce) et qui n'ont pas eu lieu (Outremont, SQ.New York, p. 5. 31.En 1901, au Colorado, un amendement constitutionnel (approuvé par les électeurs de l'état lors d'un référendum), forçait six municipalités à se joindre à Denver. En 1907, l'Assemblée législative de Pensylvanie a forcé la Ville d'Allegheny (contre son gré) de se joindre à Pittsburgh. En 1910, l'Assemblée législative de l'Alabama a regroupé douze municipalités avec Birmingham, après avoir tenu un référendum métropolitain, qui a approuvé par majorité le regroupement (et non par la majorité dans les municipalités qui étaient regroupées). Voir Jon C. Teaford, City and Suburb : p. 49 et 50, 74 et 75 et 86. 32.Ce processus est très bien expliqué dans Teaford, City and Suburb.

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Westmount). Le tableau 1 démontre la croissance territoriale de la ville de Montréal durant la période de 1883-1918. Au cours de cette période, le teritoire de la ville est passé de 6 299 acres à 32 458 acres. TABLEAU 1: CROISSANCE TERRITORIALE DE LA VILLE DE MONTRÉAL 1883-1918 DATE

MUNICIPALITÉ ANNEXÉE

1883

Hochelaga

1886

Saint-Jean-Baptiste

308

1887

Saint-Gabriel

330

1893

Côte Saint-Louis

850

1905

Saint-Henri

450

1905

Sainte-Cunégonde

124

1905

Villeray

1906

Rosemont (partie)

185

1906

Sault-au-Récollet (partie)

836

1907

Saint-Laurent (partie)

960

1908

Notre-Dame-des-Neiges

1908

Rosemont (partie)

249

1908

Sault-au-Récollet (partie)

314

1909

de Lorimier

391

1909

Outremont (partie)

ACRES 1230

60

1131

17

1909

Saint-Louis

1910

Ahuntsic

727

1910

Bordeaux

868

1910

Beaurivage

1910

Ville-Emard

951

1910

Saint-Laurent (partie)

877

1910

Notre-Dame-de-Grâce

2536

1910

Côte-des-Neiges

1420

1910

Saint-Paul

263

1910

Rosemont

1432

1910

Tétreaultville

1910

Longue-Pointe

1912

Côte Saint-Luc (partie)

720

46

311

4194 373

39

LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

93

1916

Saint-Laurent (partie)

1916

Cartierville

1293

1916

Sault-au-Récollet

1150

1918

Saint-Laurent (partie)

1918

Maisonneuve

1 1157

Source : extrait d'un rapport du Comité exécutif de la Ville de Montréal, 1962, tel que reproduit par le ministère des Affaires municipales du Québec, Commission d'étude des problèmes intermunicipaux dans l'île de Montréal (Québec : Imprimeur de la Reine, 1964) p. 9. Jean-Pierre Collin a reproduit ce tableau (avec quelques légères différences et une carte) dans « Les stratégies fiscales municipales et la gestion de l'agglomération urbaine : le cas de la Ville de Montréal entre 1910 et 1965 » dans Urban History Review/Revue d'histoire urbaine 23-1 (novembre 1994), 22. Le professeur Collin n'indique pas la source de ce tableau.

Au début du XXe siècle, les municipalités américaines de banlieue qui n'avaient pas besoin de services de la ville centrale et les municipalités rurales qui étaient relativement proches des grandes villes se sentaient de plus en plus menacées. Nombreux sont ceux qui considéraient le regroupement de New York comme un dangereux précédent. De plus en plus de soi-disant experts, généralement dans les nouveaux domaines universitaires de l'administration publique et de la planification du territoire, déclaraient que les législatures de l'État devraient imposer une forme quelconque d'intégration municipale dans les plus grandes villes-régions du pays.33 La stratégie défensive des banlieues fut remarquablement efficace. Son principal élément fut de modifier les constitutions d'État pour limiter la capacité des législatures à imposer des changements de limite sans le consentement local. Ces dispositions peuvent être vues comme prenant trois formes distinctes, bien qu'elles se chevauchent et se renforcent mutuellement. En termes canadiens, on pourrait dire que les postulats suivants étaient « inscrits » au coeur de nombreuses constitutions d'État : • les limites de comté et types de gouvernement, empêchant les législatures de modifier l'aménagement des comtés de façon à faciliter le genre de regroupement observé à Philadelphie et à New York; • « l'autonomie gouvernementale », une série de dispositions constitutionnelles s'appliquant généralement aux plus grandes municipalités, stipulant que les limites municipales et les types de gouvernement 33. Paul Studenski et Victor Jones, déjà cités dans ce chapitre, sont d'excellents exemples.

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interne ne peuvent être modifiés sans le consentement officiel des municipalités touchées; • l'interdiction de législation spéciale, signifiant qu'aucune loi ne s'appliquant qu'à une municipalité ou à un groupe de municipalités spécifique ne peut être adoptée et que toute législation municipale devait être de portée générale. Ces dispositions, et d'autres semblables, laissent toujours beaucoup de place à l'interprétation et au flou et elles ont souvent donné lieu à des poursuites judiciaires. Mais elles ont aussi empêché les lois d'État du XX8 siècle d'imposer des regroupements municipaux, soit parce qu'une telle action serait manifestement anticonstitutionnelle ou parce qu'elle provoquerait de nouvelles modifications constitutionnelles qui la rendraient anticonstitutionnelle. En réponse, les partisans du regroupement municipal lancèrent diverses croisades pour établir ce qu'ils appelaient les gouvernements métropolitains « fédératifs ». Les limites municipales demeureraient intactes, mais un nouveau niveau de gouvernement serait instauré qui les chapeauterait et engloberait la ville-région au complet. Jusqu'en 1957, ces croisades furent vaines. Les consolidationnistes subirent une défaite après l'autre. Les conseils municipaux et les électeurs, souvent dans les villes centrales autant que dans les banlieues, refusaient ces nouvelles structures, entraînant encore plus de déclarations à l'effet que les villesrégions américaines étaient désespérément fragmentées, déclarations qui se sont faites encore plus fortes au cours des années 1950 et 1960.

CONCLUSION Les limites municipales étaient extrêmement fluides à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle en Amérique du Nord. On créait facilement des municipalités de banlieue et nombre d'entre elles, pour des raisons financières, décidaient de se joindre à la ville centrale peu après. C'était là un processus dans lequel les gouvernements d'État ne faisaient guère plus que le suivi de la paperasse. Des lois étaient parfois nécessaires. Les exemples les plus impressionnants de regroupements municipaux à grande échelle engageant des comtés entiers produits par la législation de l'État furent ceux de Philadelphie en 1854 et de New York en 1898. Mais même dans ces cas, il y avait un soutien local considérable, ce qu'a révélé à New York le référendum de 1894.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

Depuis 1898, les regroupements municipaux à grande échelle aux États-Unis n'ont tout simplement pas été au programme. Même la plupart des analystes qui croient à l'importance d'un rapprochement entre les villes centrales et les banlieues ne prétendent pas que le regroupement soit la solution. Ces controverses plus récentes seront examinées au chapitre trois. Au chapitre suivant, nous délaisserons les États-Unis pour examiner ce qui s'est passé dans d'autres pays durant les années 1960 et 1970, une période marquée par la conviction remarquable que, en améliorant les organisations structurelles du gouvernement, il serait possible d'améliorer les sociétés que ces organisations sont censées servir.

42

CHAPITRE 2 L'EPOQUE DE L'ETAT OMNIPRESENT : LES ANNEES 1960 ET 1970

T

out au long de la première moitié du XXe siècle, nombreuses étaient les propositions de restructuration des administrations urbaines des démocraties libérales. Toutefois, en réalité, il ne s'est pas passé grand-chose. La classe politique avait d'autres préoccupations, notamment deux guerres mondiales et la Crise des années 1930. Celle-ci a eu de profondes incidences sur les administrations locales. Ces dernières étaient perçues comme étant tout à fait incapables de soutenir la quantité massive de chômeurs et, dans la plupart des États, elles ont fini par abandonner la responsabilité financière de cette fonction aux administrations supérieures. Bon nombre d'administrations municipales de l'Amérique du Nord se sont retrouvées en faillite après avoir emprunté des fonds pour une nouvelle infrastructure au cours des années 1920, en croyant erronément que les nouvelles activités de développement des années 1930 permettraient de rembourser ces fonds. Cette expérience est à l'origine de mécanismes de contrôle plus étroits des emprunts locaux et du conservatisme financier qui caractérise toujours bon nombre d'administrations municipales à ce jour.1 La crise des années 1930 a également démontré à plusieurs qu'une intervention gouvernementale draconienne visant à régler les problèmes sociaux et économiques était à la fois possible et, dans bien des cas, nécessaire. Après l'apaisement de la Deuxième Guerre mondiale et de la période forte de reconstruction et de 1. En 1935, à Windsor, en Ontario, la solution de la province à la faillite municipale imminente a été d'imposer la fusion de quatre municipalités, y compris celle de Walkerville, dont l'assiette fiscale solide a été utilisée en vue d'aider les autres municipalités. Voir Larry Kulisek et Trevor Priée, « Ontario Municipal Policy Affecting Local Autonomy: A Case Study Involving Windsor and Toronto », Urban History Review, Revue d'histoire urbaine, 16-3 (février 1988), p. 255 à 270.

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renouvellement économique, il n'est pas étonnant qu'un grand nombre de personnes se soient tournées vers le gouvernement pour des solutions. Une partie de cette quête de solutions auprès du gouvernement comprenait ce qu'on appelait la « modernisation » des administrations locales. Les petites administrations municipales, surtout celles des régions urbaines, semblaient désespérément déconnectées de l'esprit de l'époque. Comme on accordait une grande confiance aux gouvernements centraux, il y avait peu d'opposition, du moins à l'extérieur des États-Unis, à l'idée que ces gouvernements pouvaient réorganiser efficacement les structures de longue date des administrations locales, de façon à ce qu'elles ne soient pas laissées pour compte par les merveilles des progrès technologiques. Par exemple, les ordinateurs présentaient un potentiel énorme pour le stockage des données municipales, la facturation des services publics et des taxes, et pour répondre à la demande de projets relatifs à de nouveaux services et installations. Toutefois, les ordinateurs étaient tellement coûteux que seules les administrations de grande taille pouvaient se les permettre. L'une des principales raisons en faveur de la création d'un service de police unifié dans la Communauté urbaine de Montréal, en 1972, était de rendre les ordinateurs centraux accessibles à tous les services de police de la CUM. Ce chapitre porte sur la façon dont différents gouvernements centraux des démocraties libérales ont répondu aux pressions pour une restructuration locale. L'histoire commence en Grande-Bretagne, à la fin des années 1950, lorsqu'une commission royale examinait l'administration locale de Londres. Ses travaux ont mené à la fusion de groupes de bourgs de Londres et à la création du Greater London Council. Plus tard, au cours des années 1960, une autre commission royale a étudié les autres administrations locales de l'Angleterre. La législation et les débats subséquents sont extrêmement importants pour comprendre la controverse actuelle entourant les fusions municipales. Les événements qui se sont produits en Grande-Bretagne ont eu une influence sur la restructuration municipale en Ontario, d'abord à Toronto puis dans les autres régions urbaines de l'Ontario. En 1965, la Ville de Laval a été créée au Québec. Il s'agissait de la fusion municipale législative la plus importante en Amérique du Nord, depuis celle de New York, en 1898. Quatre ans plus tard, elle a été éclipsée par la loi parrainée par le NPD à Winnipeg, qui a établi une « Unicité » là où l'on trouvait auparavant une autorité métropolitaine et treize municipalités constituantes. La dernière section du chapitre présente une brève analyse d'autres pays où des fusions importantes ont eu lieu, soit le Danemark, la Suède et l'Allemagne

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et, encore plus brièvement, des pays qui n'ont pas procédé à des fusions, soit la France, l'Italie et la Grèce.

GRANDE-BRETAGNE Les corporations municipales qui gouvernent les villes de la Grande-Bretagne ont des racines profondes dans le Moyen Âge. Le réseau d'organes à vocation spéciale et d'autorités rurales qui s'est établi autour d'elles était incroyablement complexe. Ce n'est qu'au XIXe siècle que le Parlement britannique a mis un certain ordre dans le système en établissant la plupart des corporations municipales urbaines en tant que « bourgs de comtés » non régionalisés et en créant un système de comtés à deux niveaux englobant les régions rurales, les villes et les villages. C'est ce même système qui a été établi dans la province du Canada (aujourd'hui le Québec et l'Ontario), au milieu du XIXesiècle. Avant 1888, la ville-région de Londres était régie par une petite Ville de Londres (qui existe toujours aujourd'hui et qui est mieux connue sous le nom de « la cité », centre des activités financières florissantes de Londres), un puissant conseil métropolitain des travaux publics, et des centaines d'autres autorités locales de différents genres. Le Parlement a établi le London County Council (LCC) en 1888, organe élu directement, surimposé aux autorités existantes. Le LCC ne s'est vu octroyer aucun pouvoir sur « la cité ». En 1899, toutes les autorités locales faisant partie de l'administration du LCC ont été restructurées en vingt-huit « bourgs métropolitains ».2 Ce système est resté en place jusqu'en 1964. Les changements qui sont survenus cette année-là étaient une réponse directe au Report of thé Royal Commission on Local Government in Greater London, 1957-60, également appelé le rapport Herbert, selon le nom du président de la commission, Sir Edwin Herbert. Le problème fondamental auquel la commission royale faisait face était le fait que, à la suite de sa croissance, Londres dépassait de loin les limites du LCC. Toutefois, nous n'étudierons pas cette question ici parce que personne n'a proposé que toute la région construite soit fusionnée en une municipalité non régionalisée. Aux fins du 2. L'histoire de l'administration locale à Londres est très bien documentée. Le présent compte rendu est inspiré des deux ouvrages suivants : Frank Smallwood, Greater London: The Politics of Metropolitan Reform (Indianapolis: Bobbs-Merrill, 1965) et Gerald Rhodes, The Government of London: The Struggle for Reform (Toronto: University of Toronto Press, 1970).

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présent rapport, nous nous intéresserons à l'approche adoptée par la Commission Herbert quant à la question de la taille et des fonctions des autorités de niveau inférieur faisant partie des fédérations métropolitaines. La Commission Herbert a recommandé l'établissement d'un Greater London Council (GLC) englobant un territoire beaucoup plus vaste que celui de l'ancien LCC. Elle a également recommandé l'établissement de cinquante-deux « Greater London Boroughs » (bourgs de la région métropolitaine de Londres) d'au moins 100 000 habitants chacun. Cela n'a entraîné qu'une perturbation restreinte des bourgs métropolitains existants régis par le LCC et des bourgs de comtés de grande taille et des unités de niveau inférieur à l'extérieur du territoire du LCC. Toutefois, lorsque le gouvernement a publié son Livre blanc sur la question en 1961, il a réduit le nombre de bourgs en établissant la population minimale à 200 000 habitants. La raison de cette intervention était que, contrairement aux recommandations de la Commission Herbert, le gouvernement voulait que l'enseignement demeure une responsabilité des bourgs (au moins à l'extérieur de la région régie par l'ancien LCC) et il a décidé que, aux fins de l'enseignement, les autorités locales de Londres devaient englober des populations beaucoup plus importantes que 100000 habitants. Après de nombreux débats au sujet de différentes fusions particulières, le GLC a finalement été établi à trente-deux bourgs, chacun ayant son propre maire et son propre conseil. Ces municipalités, ainsi que la Ville de Londres, existent toujours aujourd'hui, selon les mêmes limites qui avaient été établies en 1964. Le GLC n'existe plus. Une bonne partie du débat entourant la question à savoir quelles unités de niveau inférieur devaient être fusionnées les unes avec les autres était motivée par la recherche d'un avantage politique partisan. Les Conservateurs formaient le gouvernement à l'échelle nationale; le parti travailliste avait la maîtrise du LCC et de la plupart de ses bourgs. Presque toutes les questions ayant trait aux limites étaient envisagées du point de vue des politiques partisanes. Toutefois, la question de la taille minimale des bourgs relevait de ce que lon peut appeler de

facteurs « fonctionnels ». La fonction la plus disputée était l'enseignement. Placer celui-ci sous l'autorité du GLC, c'était trop ('éloigner du contrôle communautaire local. Le placer sous la compétence partagée du GLC et de bourgs relativement petits était considéré par les administrateurs scolaires et les enseignants comme étant le meilleur moyen de s'attirer des ennuis. La solution consistait à agrandir les bourgs. Si l'enseignement et, possiblement, les services sociaux telle la protection de l'enfance, n'avaient pas été une responsabilité fonctionnelle des autorités municipales britanniques, une bonne part des pressions exercées aux fins de

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l'établissement d'unités de niveau inférieur de plus grande taille à Londres auraient été éliminées. En 1968, le gouvernement travailliste a chargé une commission royale, présidée par le Lord Redcliffe-Maud, de faire des recommandations concernant les administrations locales dans le reste de l'Angleterre. La préoccupation la plus pressante semblait concerner le fait que les villes les plus populeuses, c'est-à-dire les bourgs de comtés, étaient entièrement éloignées des systèmes d'administration locaux à deux niveaux qui englobaient l'arrière-pays rural. Il y avait deux solutions possibles au problème perçu, à savoir étendre les bourgs de comtés à la campagne, créant ainsi un système à un seul niveau, ou assujettir les bourgs de comtés à la compétence des comtés. La majorité des membres de la Commission ont recommandé la première solution; un membre dissident a recommandé la seconde. Toutefois, le gouvernement conservateur qui a pris le pouvoir en 1970 a choisi l'option à deux niveaux, mais a établi des limites différentes de celles qui avaient été recommandées par le membre dissident. Toutes les différentes options comprenaient une réduction radicale du nombre de municipalités anglaises. Les travaux de la Commission Redcliffe-Maud sont significatifs à bien des égards, notamment pour le travail de recherche commandé sur la relation entre la taille des administrations locales et leur efficacité dans différentes fonctions. Les recherches statistiques de la Commission n'ont pas démontré que la prestation des services fournis par les grandes administrations locales existantes était plus efficace que celle des petites administrations.3 La façon dont la commission royale a composé avec les résultats des recherches qu'elle-même avait commandées est intéressante et, par conséquent, en voici un long extrait : L'impression prépondérante qui ressort des trois études effectuées par des organes extérieurs et de notre propre étude sur la dotation en personnel est qu'on ne peut prouver par des statistiques que la taille ait un effet très important sur le rendement. Il y a eu quelques cas rares où les économies d'échelle semblaient entrer en jeu, par exemple dans les grands comtés et les bourgs de comtés, en ce qui concerne les autoroutes... Trouver une mesure du rendement satisfaisante est un problème important. Les trois études entreprises pour nous par des organes 3. United Kingdom, Royal Commission on Local Government in England, Economies of Scale in Local Government Services, Research Study 3, Cmnd. 4040-II (London: Her Majesty's Stationary Office, 1969).

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extérieurs tentent de résoudre ce problème, d'une façon ou d'une autre, mais il reste très difficile de quantifier les différentes facettes de chacun des services ou de distinguer les « bons » services des services « à peine adéquats » ou « mauvais ». Nous réalisons également que la « qualité » des services ne peut être isolée de l'environnement dans lequel les services sont fournis. Les autorités locales varient énormément sur le plan des problèmes à résoudre et des conditions dans lesquelles elles doivent travailler. Les auteurs des études ont tenté de tenir compte de ce fait, mais il est resté de très graves problèmes d'évaluation.4 La commission royale dit ici remettre sérieusement en doute les résultats de ses propres études. En raison de ces doutes, elle a demandé à des ministères du gouvernement central d'évaluer la relation entre la taille et le rendement. Voici les commentaires de la Commission sur la réponse obtenue des ministères : ... les deux études effectuées par les ministères ont été particulièrement utiles puisqu'elles nous ont permis de compléter ce qui était essentiellement des études statistiques, par des impressions subjectives [notre souligné] des personnes qui possèdent une connaissance directe et désintéressée de la qualité du rendement des administrations locales relativement à deux services principaux. Elles ont toutes deux montré que la taille est liée au rendement. Selon les comptes rendus présentés au bureau d'inspection de Sa Majesté, le ministère de l'Éducation et de la Science a conclu que les autorités scolaires les moins efficaces avaient tendance à avoir des populations inférieures à 200 000 personnes et que les autorités régissant plus de 200 000 personnes mais moins de 500 000 fournissaient un service d'enseignement acceptable ou supérieur. Le rendement moyen le meilleur était celui des autorités régissant des populations supérieures à 500 000 personnes. Létude effectuée par le bureau principal a conclu à une corrélation moins positive entre la taille et l'efficacité. Néanmoins, les tendances générales étaient claires : les services à l'enfance les plus efficaces étaient fournis par les autorités régissant des populations se situant entre 350 000 et 500 000 personnes et celles qui offraient les services les moins efficaces avaient tendance à avoir des populations inférieures à 200 000 personnes.5 Ces extraits, dans lesquels les preuves statistiques sont adroitement mises de côté et remplacées par les impressions des inspecteurs du gouvernement central, sont maintenant légendaires aux yeux des 4. United Kingdom, Royal Commission on Local Government in England, Report, Cmnd. 4040 (London: Her Majesty's Stationary Office, 1969), p. 58 5. United Kingdom, Report (Cmnd 4040) 1969 p. 58-59

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personnes qui étudient les administrations locales britanniques. L'une de ces personnes, John Dearlove, a saisi de façon succincte le dilemme des commissaires lorsque ces derniers ont réalisé que leurs idées préconçues au sujet des avantages d'une taille accrue ne correspondaient pas aux faits : II n'y avait que deux options possibles. Ils pouvaient accepter la preuve présentée par les études extérieures, faire fi de la règle orthodoxe de la réforme, fonctionner à l'extérieur du cadre et des hypothèses soutenant la croyance populaire et concevoir des formules de rechange pour guider le cours de leurs entreprises de restructuration. D'autre part, ils pouvaient s'en tenir à l'orthodoxie, auquel cas ils devraient discréditer les études et trouver une base de rechange à partir de laquelle légitimer leur approche quant à la restructuration. C'était une lutte entre les faits et la « connaissance » et les engagements préconçus. Il n'y avait pas d'opposition : la règle de la réforme, largement partagée et établie depuis longtemps, était jugée bonne et les faits, erronés.6

Quoi qu'il en soit, à la suite des restructurations législatives des administrations locales qui ont eu lieu partout au Royaume-Uni entre 1960 et 1975, le nombre total de municipalités est passé de 1 349 à 521.7

ADMINISTRATIONS RÉGIONALES DE LA RÉGION MÉTROPOLITAINE DE TORONTO ET DE L'ONTARIO En 1953, la municipalité de Métro Toronto a été créée en tant que première administration urbaine multifonctionnelle de niveau supérieur en Amérique du Nord. Treize municipalités existantes correspondaient aux unités constituantes de niveau inférieur de cette fédération métropolitaine : la Ville de Toronto, quatre villes, trois villages et cinq banlieues. Pendant de nombreuses années à venir, le système de Métro Toronto sera admiré et étudié partout dans le monde, en tant que modèle d'organisation 6. John Dearlove The Reorganisation ofBritish Local Government: Old Orthodoxies and a Political Perspective (London: Cambridge University Press, 1979), p. 71. 7. L.J. Sharpe, « Local Government Reorganization: General Theory and UK Practice », dans Bruno Dente et Francesco Kjellberg, éd. The Dynamics of Institutional Change: Local Government Reorganization in Western Democracies (London: SAGE, 1988), p. 99.

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administrative pour les villes-régions. Au dire de tous,8 il s'agissait d'une réussite remarquable, utilisant l'assiette fiscale lucrative de la Ville pour financer le développement de l'infrastructure dans les banlieues lointaines en voie d'urbanisation telles Etobicoke, North York et Scarborough. En 1963, le gouvernement de l'Ontario a nommé Cari Goldenberg, de Montréal, à titre de commission royale formée d'un seul membre, pour rendre compte des différents dossiers ayant trait à la structure et à l'organisation de Métro Toronto. Les problèmes les plus pressants concernaient la représentation politique. Sous le régime original, la Ville comptait treize représentants ayant une voix chacun au conseil de Métro Toronto et chacun des chefs de conseil des douze autres municipalités avait un droit de vote. Toutefois, en 1963, la population de la ville correspondait à seulement 38,1 % de la population totale de Métro Toronto. Le préfet de North York avait une voix au Conseil, représentant 308 000 personnes, de même que le préfet de Swansea, représentant 9 000 personnes.9 Comme elle l'avait fait au début des années 1950, la Ville de Toronto préconisait la fusion complète. Elle invoquait l'argument qu'une fusion complète correspondait à l'organisation administrative la plus simple et la plus logique et offrait les meilleures perspectives de rendement continu.10 M. Goldenberg a répondu que les solutions proprettes aux problèmes complexes de l'administration ne sont pas nécessairement applicables, ou pratiques, et que les économies de coûts susceptibles d'être réalisées seraient bientôt plus que neutralisées par l'accroissement des dépenses visant à élever les normes de services à un niveau commun.11 M. Goldenberg a recommandé que les treize unités soient fusionnées en quatre. Il expliquait son approche comme suit : Mes recommandations concernant la fusion des municipalités ne sont pas fondées sur des théories ayant trait à la taille « optimale » d'une municipalité sur le plan de la population. On a beaucoup écrit à ce sujet et les mémoires présentés à la Commission ont mentionné les ouvrages en question à maintes reprises, mais il n'y a pas de consensus quant à la 8. Les principaux ouvrages sont les suivants : Albert Rosé, Governing Metropolitan Toronto: A Social and Political Analysis, 1953-1971 (Berkeley: University of California Press, 1972) et Timothy J. Colton, Big Daddy: Frederick G. Gardiner and thé Building of Metropolitan Toronto (Toronto: University of Toronto Press, 1980). 9. Ontario, Report of thé Royal Commission on Metropolitan Toronto (1965), p. 1. lO.Mémoire de la Ville de Toronto, tel que cité dans Ontario, Report (1965), p. 176. 11.Ontario, Report (1965), p. 176 et 177.

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taille « optimale » et les chiffres varient énormément en fonction des critères appliqués. Je suis d'accord avec la Royal Commission on Greater London [Commission Herbert] lorsqu'elle affirme qu'aucun chiffre n'a de valeur spéciale, à lui seul. » En fait, on ne peut pas dire qu'il existe une taille optimale unique pour les municipalités. Ce qui est peut-être la taille appropriée des unités constituantes d'une région métropolitaine ne sera pas nécessairement approprié pour une autre région métropolitaine ayant des caractéristiques différentes en raison de son histoire, de sa géographie, de sa population, de sa composition et de son développement économique.12

Après avoir écrit cela, M. Goldenberg a poursuivi en recommandant que les treize municipalités constituantes soient fusionnées en quatre. En particulier, il a recommandé que cinq banlieues immédiates soient annexées à la Ville de Toronto. Sa principale justification était la suivante : [ces cinq banlieues immédiates et la Ville de Toronto] sont liées par la géographie et par des intérêts communs. Il s'agit de régions établies de longue date et développées... chacune des municipalités cherchant à améliorer son assiette fiscale indépendamment des autres; elles se font concurrence en matière de projets de développement et de réaménagement, qui, en conséquence, sont traités au gré des circonstances et sans égard pour une planification judicieuse dans l'intérêt général de la région. Les six municipalités sont extrêmement interdépendantes. Un coup d'oeil sur la carte permet de noter les limites très artificielles qui séparent chacune des cinq banlieues de la ville de Toronto. Chacune est une unité politique mais, sur le plan de la géographie et de l'interdépendance sociale et économique, elles font toutes partie de la ville. Il n'est que logique que les banlieues soient également fusionnées avec la ville sur le plan politique. La fusion des cinq banlieues avec la Ville de Toronto renforcera l'hypercentre sur lequel repose la force de la région métropolitaine dans son ensemble. La fusion permettra la coordination de la planification du renouvellement et du réaménagement urbains par un seul organe de planification relevant d'un conseil local. Elle éliminera également les écarts injustes en matière de fardeaux financiers et les inégalités relatives à la gamme et à la qualité des services dans la région de cinquante-quatre milles carrés couverte par les six municipalités.13

12.Ontario, Report, p. 180. 1 S.Ontario, Report (1965), p. 181 et 182.

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II s'agit d'un énoncé classique en faveur de la position favorable à la fusion, à l'exception du fait qu'on ne mentionne pas d'économies d'argent. Le problème en ce qui concerne la position de M. Goldenberg, c'est que la décision de ce dernier quant à savoir ce qu'il y a lieu d'inclure dans la ville était tout à fait arbitraire. Bien qu'il parle de « limites artificielles », il se satisfait de laisser en place les limites méridionales de North York comme étant les limites entre North York et la Ville de Toronto élargie. Ces limites étaient tout aussi « arbitraires » que toute autre limite qu'il voulait abolir. Tout ce qu'il a écrit au sujet des cinq « banlieues immédiates » s'appliquait tout autant à une bonne part du sud de North York. En fait, la nature arbitraire de tout ceci est devenue particulièrement apparente en 1966, lorsque le gouvernement du premier ministre Robarts a annoncé que le gouvernement provincial acceptait la plupart des recommandations de M. Goldenberg, mais non pas sa préférence pour un Métro Toronto comptant quatre villes. Le gouvernement a dit qu'il y aurait une seule Ville de Toronto et cinq « bourgs ». Seulement deux municipalités (Swansea et Forest Hill) seraient annexées à la Ville (accroissant sa population de 630 000 habitants en 1963 à 660 000 habitants),14 et non pas cinq, comme M. Goldenberg avait recommandé. Le premier ministre Robarts n'a pas justifié son adoption d'une position différente.15 Les nouvelles dispositions concernant Métro Toronto sont entrées en vigueur le 1er janvier 1967. Jusqu'au moment de la fusion des six municipalités constituantes de Métro Toronto, le 1er janvier 1998, les limites n'ont jamais été changées à nouveau. À compter de la fin des années 1960 et jusqu'au milieu des années 1970, le gouvernement de l'Ontario a mené une campagne énergique dans le but de réorganiser les structures municipales de la plupart des régions urbaines de l'Ontario, ce qui a mené à une fusion autonome, à savoir : Port Arthur et Fort William, qui allaient former Thunder Bay en 1970, un cas plutôt particulier parce que les deux municipalités étaient des « villes jumelles » dans une partie isolée de la province.16 La création, par l'Ontario, de onze systèmes d'administration régionale à deux niveaux est mieux connue. Le regroupement de municipalités urbaines et rurales en nouveaux conseils de niveau supérieur a occasionné des problèmes U.Ontario, Report (1965), p.1. 1 S.Ontario, « Statement by thé Honourable John Robarts, Prime Minister of Ontario, Re Report of thé Royal Commission on Metropolitan Toronto », 10 janvier 1966, p. 11 et 12. 16.Ontario, Ministry of Municipal Affairs, Lakehead Local Government Review, Report and Recommandations (1968).

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politiques considérables, mais ce n'est pas ce qui nous préoccupe ici. Le fait qu'il y avait de nombreuses fusions de niveau inférieur dans le cadre de la restructuration inhérente à toute nouvelle administration régionale est plus pertinent en ce qui concerne le présent rapport. C'était comme si les modifications apportées aux limites municipales en 1967 au sein de Métro Toronto avaient été faites en même temps que celle-ci avait été établie, en 1953. La plupart des fusions qui ont eu lieu dans le cadre du processus de création d'administrations régionales comprenaient la fusion de cantons ruraux et de villes et villages avec ces cantons. On n'a pas trouvé d'exemples de villes qui ont été forcées de se fusionner les unes avec les autres et seulement très peu d'exemples de fusions de petits villages. Une fois terminées toutes les restructurations régionales, les villes adjacentes de Kitchener et Waterloo existaient toujours. Eastview (qui deviendra plus tard la Ville de Vanier) et le village de Rockcliffe Park étaient toujours en place, même s'ils étaient contigùs à la Ville d'Ottawa, comme l'étaient les villes contiguës de Oakville et de Burlington à Halton, et Stoney Creek et Dundas, toutes deux adjacentes à la Ville de Hamilton. Dans la région de Peel, les villes de Port Crédit et de Streetsville ont été annexées au canton de Toronto aux fins de la création de la Ville de Mississauga et, dans la région de Halton, les villes de Georgetown et de Acton ont été fusionnées avec une bonne part de Esquesing, aux fins de la création de la Ville de Halton Hills. Toutefois, la fusion de niveau inférieur la plus connue est celle qui a eu lieu dans la région de Waterloo. Lorsque cette région a été créée en 1973, la Ville de Galt et les petites villes de Preston et de Hespeler ont été fusionnées pour former la nouvelle Ville de Cambridge. Dans une étude de cent quatre-vingt-six pages effectuée en 1970 et qui a mené à la création de la région, le professeur Stewart Fyfe, de la Queen's University, a consacré un paragraphe à la justification de la fusion proposée : Les arguments en faveur de la fusion de Galt, de Preston et de Hespeler sont solides. Ces villes croissent ensemble sur le plan matériel et elles ont de nombreux problèmes et quelques services en commun. Hespeler et Preston font toutes deux face à une probabilité de développement considérable une fois que les problèmes immédiats concernant les services auront été réglés. Il semble préférable que ces problèmes soient réglés en commun, surtout parce que les ressources financières et administratives de Preston et de Hespeler sont nécessairement restreintes

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et que les incidences de ce développement sur Galt sont inévitables et considérables.17

Comme le professeur Fyfe a recommandé cette fusion même si le gouvernement a établi une autorité régionale de niveau supérieur, chargée des égouts, de l'approvisionnement en eau et des routes principales, ce que la fusion était censée accomplir n'est pas clair du tout. Elle ne visait certainement pas à réduire les coûts : Une augmentation nette est inévitable parce que l'une des raisons de la restructuration consiste à améliorer la qualité des services et à réduire les iniquités financières. Cela signifie dépenser plus d'argent. On appelle parfois cela l'effet de « nivellement vers le haut », c'est-à-dire que lorsque les municipalités sont combinées, on ne ramène pas tous les services à un niveau commun, ce qui, tout en améliorant la qualité des services pour certains, pourrait réduire celle-ci pour d'autres. Les pressions exercées visent plutôt à rehausser le niveau de service jusqu'au niveau qui est considéré comme le meilleur.18 L'histoire de Cambridge a deux postfaces intéressantes. Dans le cadre d'un référendum mené en 1978, les électeurs de Cambridge ont choisi de se séparer de la région. En 1979, une autre commission provinciale d'étude s'est penchée sur cette question et sur de nombreuses autres ayant trait au fonctionnement de la région. Le commissaire, W.H. Palmer, a présenté des données volumineuses montrant que la Ville de Cambridge était dans une meilleure position à l'intérieur de la région qu'à l'extérieur de celle-ci. Une partie des arguments de M. Palmer reposait sur des mesures du flux des déplacements : Une bonne part des préoccupations entourant l'absence de communauté entre Kitchener et Cambridge provient de la partie de la ville appelée Galt. En fait, il existe une circulation de véhicules substantielle en provenance de Galt et à destination de Kitchener, chaque jour... Bien que la destination unique la plus importante du trafic en provenance de Galt soit Kitchener-Waterloo, cette dernière région est 3,13 fois plus importante pour Preston et 3,68 fois plus importante pour Hespeler qu'elle ne l'est pour Galt, selon le nombre d'habitants.19

17.Ontario, Ministry of Municipal Affairs, Waterloo Area Local Government Review. Report (1970), p. 179. 18.Ontario, Report (1970), p. 169 et 170. 19.0ntario, Ministry of Intergovernmental Affairs, Report of thé Waterloo Région Review Commission (1979), p. 99.

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Si de tels chiffres sont pertinents pour le débat entourant l'organisation des municipalités, et cela est très douteux, alors, ils signalent certainement le caractère inapproprié de la fusion elle-même. La seconde postface est la suivante : en 1999, le conseil municipal de Cambridge se retrouve parmi les principaux opposants aux propositions actuelles visant la fusion de toutes les municipalités constituantes de la région de Waterloo en une seule municipalité. Les résidants de longue date des régions qui constituaient autrefois Galt, Preston ou Hespeler doivent se demander si le processus de fusion municipale forcée pourra éventuellement connaître une conclusion naturelle. La fusion de Guelph et de Brantford n'est pas loin.

LAVAL (QUÉBEC)20 Au Canada, l'Ontario était la province la plus active en matière de restructuration municipale au cours des années 1960. Sur les conseils de M. Cari Goldenberg, le Nouveau-Brunswick a fusionné la Ville de Làncaster avec la Ville de Saint-Jean, en 1967. Toutefois, la fusion la plus exhaustive de toutes qui a eu lieu en Amérique du Nord depuis celle de New York, en 1898, est celle qui a eu lieu en 1965 sur l'île Jésus, immédiatement au nord de Montréal, dans le cadre de laquelle quatorze municipalités ont été fusionnées, pour former la nouvelle Ville de Laval, deuxième municipalité la plus populeuse au Québec. Malgré son importance évidente et le fait qu'elle ait eu lieu il y a près de trente-cinq ans, la fusion de Laval n'a guère attiré l'attention des universitaires.21 Le gouvernement du Québec n'a pas non plus parrainé d'étude ou d'évaluation méthodique de quelque nature. Comme on affirme souvent que les avantages de la fusion municipale ne deviennent évidents 20.Le matériel contenu dans cette partie est une version abrégée du chapitre 2 du rapport rédigé par Andrew Sancton, Rebecca James et Rick Ramsay, intitulé Amalgamation vs, Inter-municipal Co-operation: Financing Local and Infrastructure Costs, qui doit être publié par le Comité intergouvernemental de recherches urbaines et régionales (CIRUR). Nous remercions le CIRUR pour l'aide financière fournie aux fins de la présente étude. J'ai également bénéficié du travail de Nathaly Raynault qui a complété son projet de recherche sur la fusion de Laval, à l'Université de Western Ontario en 1999. 21.L'ouvrage de Jacques Desbiens, professeur en administration publique à l'Université du Québec à Chicoutimi, est une exception récente. Voir ses observations sur Laval dans Luc Chartrand, « Villes: fusions, attention! », L'Actualité, 1er novembre 1999, p. 19 et 20.

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qu'à long terme,22 le cas de Laval mérite certainement qu'on l'étudié davantage. Entre 1951 et 1964, la population du territoire des quatorze municipalités est passée de 35 000 habitants à 170 0.00.23 La région, dont la quasi-totalité se trouve sur une seule île appelée île Jésus, se trouvait directement sur le chemin de l'expansion de Montréal vers la banlieue. Contrairement à l'Unicité de Winnipeg quelques années plus tard, la création de Laval n'avait rien à voir avec l'établissement de liens entre une ville centrale et ses zones fonctionnelles de banlieue. Parce que Laval était et est une fusion suburbaine, elle doit être évaluée non seulement sur le plan de ses incidences sur les résidants de ses municipalités constituantes, mais aussi par rapport à ses incidences sur la région métropolitaine de Montréal au complet. En 1964, le gouvernement du Québec a établi la commission Sylvestre, chargée d'étudier les problèmes intermunicipaux sur l'île Jésus. Son rapport de deux cent quarante-huit pages est un document remarquable. Il contient tous les arguments habituels en faveur d'une fusion municipale ou en opposition à celle-ci, ainsi que quelques arguments propres à l'auteur. Plus que tout autre débat sur les fusions au Canada, celui concernant l'île Jésus semblait avoir trait aux effets néfastes de la spéculation foncière. La Commission a consacré huit pages24 à sa propre analyse du problème, mais elle n'a jamais démontré de quelles façons les modifications apportées aux structures municipales pouvaient réduire la spéculation. Elle a plutôt recommandé l'adoption d'une loi distincte pour prévenir la spéculation foncière.25 Elle a tenu implicitement pour acquis que les grandes municipalités planifient plus efficacement l'utilisation des terres et que la planification réduit la spéculation, mais cet argument n'a jamais été formulé clairement. En résumé, la Commission a trouvé une liste imposante de lacunes quant à l'administration municipale de l'île Jésus : ... déséquilibre de l'assiette foncière dû aux modalités de développement, déficits accumulés, proportions alarmantes de la dette, mauvaise utilisation des ressources humaines et matérielles, frictions politiques, 22.Allan O'Brien, Municipal Consolidation in Canada and its Alternatives (Toronto: ICURR Press, 1993), p. 110. 23Jean Meynaud et Jacques Léveillée, La régionalisation municipale au Québec (Montréal: Éditions Nouvelle Frontière, 1973), p. 202. 24.Québec, Ministère des Affaires municipales, Commission d'étude sur les problèmes intermunicipaux de l'île Jésus, Rapport final (1964), p. 148 à 156. 25.Québec, Rapport final (1964), p. 254.

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manque de coordination et de continuité dans l'esprit et dans l'action, inexistence et abandon de certaines fonctions, performance incomplète et inadéquate des fonctions.26

La Commission a souligné la nécessité d'une autorité unique pour réaliser des économies d'échelle, pour veiller à ce que chacun partage les coûts totaux des services qu'il consomme, et pour que l'on puisse planifier à l'échelle de l'île. Elle a rejeté spécifiquement l'établissement d'une autorité « supramunicipale » imposée en sus des municipalités existantes. Elle a signalé les leçons négatives qu'on devait tirer de la Corporation Interurbaine de l'île Jésus, de la Corporation du Montréal métropolitain, de Métro Toronto et d'autorités comparables ailleurs.27 Les recommandations finales de la Commission portent certainement à confusion. La Commission présente soigneusement des arguments en faveur d'un système municipal composé de six « unités ou zones administratives » distinctes à assujettir à une autorité supramunicipale, dont l'organe directeur serait composé de membres élus parmi la population de l'île au complet. Les conseils locaux des six unités seraient élus par les quartiers.28 Puis, la Commission change de direction et affirme qu'il s'agit d'une « solution d'avenir » qui ne peut être mise en oeuvre immédiatement. Il est urgent de prendre des mesures quant aux problèmes qui existent à l'échelle de l'île. Toutefois, les populations des six unités proposées sont loin d'être égales et les citoyens auraient du mal à saisir les complexités du système idéal. Par conséquent, dans l'avenir immédiat, il devrait y avoir « une ville unique dans l'île Jésus »,29 qui serait appelée « Laval ». La commission s'oppose au gigantisme. Il est difficile de prévoir quand la Cité de Laval aura atteint cette limite de la ville géante. Tout indique, cependant, qu'elle devra y parvenir et c'est pourquoi la commission accepte, en principe, cette formation future d'un gouvernement supramunicipal entouré d'unités bien équilibrées devant jouir d'un statut d'autogestion.30

Bref, la Commission Sylvestre a proposé que Laval évolue exactement de la façon contraire à ce qui est arrivé, en bout de ligne, à Métro Toronto. 26.Québec, 27.Québec, 28.Québec, 29.Québec, 30.Québec,

Rapport Rapport Rapport Rapport Rapport

final ( 1964), p. 181. final ( 1964), p. 187. final ( 1964), p. 194. final(1964), p. 200. final ( 1964), p. 251 et 252.

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Laval devrait être unifiée d'abord et convertie à un système à deux niveaux en temps opportun. Six mois plus tard, le ministre des Affaires municipales, M. Pierre Laporte, présentait un projet de loi visant la création de Laval, en affirmant que 500 000 personnes vivraient sur l'île Jésus d'ici 1981.31 La justification offerte par le Ministre pour la fusion ressemblait à celle du rapport de la Commission Sylvestre, même si le Ministre n'était pas convaincu que la nouvelle ville devrait être démantelée plus tard et remplacée par un système à deux niveaux. Le débat était empreint de rancoeur. L'Union nationale était fermement opposée au projet. Prenant la parole en troisième lecture, le chef de ce parti, Daniel Johnson, déclara: Si le bill était accompagné de clauses empêchant la spéculation sur l'île Jésus, si cette loi contenait les précautions nécessaires pour que le nouveau conseil ne dirige pas le développement dans le sens des intérêts dans lesquels eux ont une participation dans bien des cas, participation avouée publiquement par certains maires dont le député de Chomedey, je serais peut-être en faveur du bill. Mais sans cette clause contre la spéculation, jamais je ne me ferai le complice d'un pareil coup de force, d'un pareil assaut contre la démocratie.32

Malgré les diverses tactiques d'atermoiement de l'opposition, le projet de loi a été adopté en août 1965. Les premières élections au conseil municipal de Laval ont eu lieu en novembre. La fusion de Laval est maintenant âgée de près de trente-cinq ans. des bourgs relevait de ce que lon peut appeler des recommandations de la Commission Sylvestre, on n'a jamais discuté sérieusement de « défusionner » la Ville. Peut-être cela est-il attribuable au fait que les prévisions démographiques avec lesquelles la Commission Sylvestre travaillait se sont avérées extraordinairement erronées. Plutôt que de s'élever à 500 000 habitants en 1981, la population réelle se chiffrait à environ 265 000 habitants seulement. Compte tenu du fait que la population se chiffrait déjà à 196 000 habitants en 1966, il aurait fallu que le taux de croissance de Laval soit trois fois plus élevé entre 1966 et 1981 pour atteindre les chiffres prévus pour 1981! Même en 1996, le total de la population s'établissait à 330 000 habitants seulement. Toutefois, de tels calculs erronés révèlent peu de choses sur les particularités du développement à Laval, et ne révèlent rien du tout au sujet des effets de la fusion. Ils font plutôt ressortir l'esprit excessivement optimiste du milieu des 31 .Québec, l'Assemblée législative, Débats, 1965, p. 4128. 32.Québec, Débats, 1965, p. 4573.

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années 1960. En 1967, Horizon 2000, tentative de document de planification de la Ville de Montréal pour l'ensemble de la ville-région, prévoyait une population de sept millions de personnes33 pour la région métropolitaine au complet, d'ici l'an 2000. En 1996, les chiffres réels s'établissaient à un peu moins de la moitié de ce nombre. Il est particulièrement difficile de juger si Laval est « mieux planifiée » qu'elle l'aurait été sans fusion. Une personne de l'extérieur serait peut-être impressionnée par le fait qu'une bonne partie de Laval, en particulier le nord et le nord-est, contient des terres agricoles relativement inexploitées, qui sont essentiellement exemptes de l'urbanisation linéaire arbitraire qu'on trouve souvent dans une périphérie urbaine/rurale non réglementée. Mais cela pourrait avoir davantage à voir avec une croissance lente qu'avec une bonne planification. Il est plus probable que cela reflète les incidences des politiques provinciales en matière d'utilisation des terres, en particulier les effets de la Loi sur la protection du territoire agricole, adoptée par le gouvernement du Parti québécois en 1978. L'adoption de cette législation a fait beaucoup pour répondre à la recommandation de la Commission Sylvestre concernant l'établissement de politiques vigoureuses pour prévenir la spéculation foncière. Les règlements d'application de la loi établissent des zones agricoles permanentes à Laval et dans toutes les autres municipalités contenant des terres agricoles. Les zones auraient été établies que Laval ait été créée ou non, mais c'est là un fait que la Commission Sylvestre et le gouvernement libéral des années 1960 ne pouvaient pas connaître. Il est extrêmement difficile de déterminer si la fusion de Laval aurait permis ou non de réaliser des économies d'argent parce que nous n'avons aucune idée de la nature des coûts qui auraient été engagés sans la fusion. Heureusement, toutefois, une bonne part de la région de la « RiveSud » de Montréal de l'autre côté du Saint-Laurent a été développée en même temps que Laval et à peu près de la même façon. En 1965-1966, les quatorze municipalités de l'île Jésus avaient une population totale de 196 088 habitants. Les dépenses municipales totales se chiffraient à 20150955$. Les neuf municipalités couvrant alors le territoire qui constitue maintenant la Municipalité régionale de comté (MRC) de Champlain avaient une population de 160 626 habitants et ont dépensé la 33.Jean-Claude Marsan, Montréal en évolution : historique du développement de l'architecture et de l'environnement montréalais (Montréal: McGill-Queen's University Press, 1981), p. 332.

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même année 14 986 152 $.34 Les dépenses municipales par habitant se chiffraient à 103 $ et à 93 $ respectivement, quant aux deux groupes de municipalités. En 1996, les dépenses par habitant à Laval (population de 330 393 habitants en 1996) étaient passées à 1 243$ et, dans les six municipalités (actuelles) de la MRC de Champlain (population de 314 306 personnes en 1996), elles étaient passées à 971 $.35 Au cours de la période de trente ans qui s'est écoulée depuis la création de Laval, le dépassement des dépenses municipales de Laval par rapport à celles de la Rive-Sud s'est accru, passant de 10,7 % à 21,9 %. Ces chiffres ne nous renseignent aucunement sur les niveaux de services; toutefois, ils donnent à entendre que la fusion ne mène pas nécessairement à des réductions des niveaux de dépenses. En fait, ils semblent plutôt indiquer le contraire. Se fondant sur le rapport de la Commission Sylvestre, on aurait pu s'attendre à ce que Laval investisse davantage dans une infrastructure environnementale. Il n'est pas facile de comparer Laval et la Rive-Sud à cet égard, parce qu'il serait extrêmement difficile de documenter l'état exact de l'infrastructure telle qu'elle existait au milieu des années 1960. Néanmoins, il est instructif de noter que les deux régions ont été très lentes à construire des installations de traitement primaire des eaux usées. L'usine de la RiveSud n'est entrée en service qu'en 1992. Il s'agissait d'un projet conjoint de toutes les municipalités faisant partie de la MRC de Champlain ainsi que de la Ville de Boucherville. L'usine est gérée par la Ville de Longueuil. À Laval, une usine comparable vient d'être construite. Dans les deux cas, le gouvernement du Québec a absorbé 90 % des coûts. L'une des raisons du retard de Laval, c'est que les représentants de la Communauté urbaine de Montréal avoisinante étaient d'avis que Laval serait servie plus efficacement par son usine sous-utilisée située au bout de l'est de l'île de Montréal. Laval ne pouvait pas procéder avant d'avoir convaincu le 34.Les données sur les dépenses proviennent de Québec, Ministère de l'Industrie et du Commerce, Bureau de la statistique du Québec, Finances municipales pour l'année terminée le 30 avril 7966(1966), p. 155, 161 et 165. Les données pour les municipalités de la MRC de Champlain excluent Préville, qui est devenue partie intégrante de Saint-Lambert en 1966. En 1966, la population de Préville se chiffrait à 1 299 personnes, mais on ne dispose pas de données financières à son sujet. 35.Les données sur les dépenses proviennent du Ministère des Affaires municipales, Finances des organismes municipaux pour l'exercice financier 1996 (Québec: Les Publications du Québec, 1998), p. B-51 et B-55. Toutes les données démographiques figurant dans cette partie sont tirées du recensement fédéral pertinent.

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gouvernement provincial du contraire. Une fois encore, cette comparaison prouve très peu de choses, à l'exception du fait que la fusion ne garantit pas des investissements dans l'infrastructure et que la fragmentation ne les empêche pas. La création d'une Ville de Laval fusionnée aurait pu faire une différence importante sur un autre plan. Les lecteurs de la presse commerciale canadienne en savent probablement beaucoup plus au sujet de Laval qu'ils n'en savent au sujet de quelque municipalité de la MRC de Champlain. Cela est attribuable au fait que, ces dernières années, Laval s'est commercialisée activement en tant que « Laval Technopole », un lieu accueillant pour les nouveaux investissements de toute nature, en particulier pour l'industrie biomédicale et agroalimentaire. Laval a même son propre Parc scientifique et de haute technologie, situé parmi les arbres et la verdure, juste à l'ouest de l'autoroute des Laurentides. La plupart des occupants sont des entreprises pharmaceutiques. Dans sa partie nord (sous-exploitée), le parc chevauche en fait l'ancienne frontière entre Laval-des-Rapides et Chomedey, ce qui donne à entendre que, sans fusion, le parc n'existerait pas, du moins pas sur une aussi grande échelle. Depuis le milieu des années 1960, la perte de possibilités d'emplois dans la partie centrale de l'île de Montréal et la dispersion générale des activités économiques en dehors de l'île, vers le nord et vers le sud, sont deux des principales préoccupations concernant Montréal. Bien qu'il soit peu probable que la création de Laval ait eu beaucoup à voir avec l'enclenchement ou le renforcement de ce processus, la Ville de Laval, deuxième municipalité la plus populeuse au Québec, est une présence puissante sur la scène politique métropolitaine. L'existence d'une municipalité de banlieue d'aussi grande taille a-t-elle jamais présenté un avantage pour le Québec en général et la région métropolitaine de Montréal en particulier? Si Laval n'avait jamais été créée, l'élaboration subséquente de structures pour une gestion métropolitaine à Montréal aurait très bien pu prendre une tournure totalement différente, qui aurait pu faciliter l'établissement d'institutions de coordination aux fins d'une administration locale qui engloberait la ville-région au complet.

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WlNNIPEG36

Comme dans le cas de la création de Thunder Bay en 1970, la fusion de Winnipeg, en 1972, est le fruit d'efforts délibérés visant à établir une seule municipalité pour la ville-région au complet. Par conséquent, il s'agissait de quelque chose d'entièrement différent des fusions qui ont accompagné la création de nouveaux systèmes à deux niveaux en Grande-Bretagne et en Ontario, et de la fusion suburbaine de Laval. Au début des années 1970, il y avait d'autres villes importantes au Canada, notamment Calgary, Saskatoon, Regina et London (Ontario), qui couvraient presque la totalité des zones développées de leurs villes-régions, mais ces autres villes avaient pris de l'expansion au cours des temps modernes, en absorbant des parties de municipalités rurales avoisinantes plutôt que d'être fusionnées aux villes de banlieue, aux villes et aux villages, au moyen d'une loi provinciale. Par conséquent, la présente analyse du cas de Winnipeg ne concerne pas uniquement une fusion municipale; elle concerne une méthode de gouvernance d'une ville-région au complet. Le système exhaustif à un niveau de Winnipeg, connu sous le nom d'« Unicité », est entré en vigueur le 1erjanvier 1972. Il remplaçait un système à deux niveaux comprenant une Corporation métropolitaine du Grand Winnipeg et douze municipalités de niveau inférieur. Bien qu'elle ait été adoptée par le gouvernement du Nouveau Parti Démocratique [NPD] dirigé par Ed Schreyer, la fusion totale était depuis longtemps un objectif des intérêts commerciaux du centre-ville, convaincus que « la fragmentation administrative nuisait au développement » 37 Le Livre blanc du NPD sur l'Unicité a fait état de telles préoccupations. Après avoir observé que « plus de la moitié des gens de la province vivent dans la région du Grand Winnipeg » et que « la majeure partie des biens et services produits dans la province sont produits dans cette région », les auteurs du Livre blanc affirmaient que la région était également « devenue le plus grand réceptable de problèmes sociaux de la province.» 38

36.ll s'agit d'une version révisée et à jour de l'analyse de Winnipeg figurant dans Andrew Sancton, Governing Canada's City-Regions (Montréal: Institute for Research on Public Policy, 1994), p. 22 à 28. 37.Meyer Brownstone et TJ. Plunkett, Metropolitan Winnipeg: Politics and Reform of Local Government (Berkeley: University of California Press, 1983), p. 30. 38.Manitoba, Proposais for Urban Reorganization in thé Greater Winnipeg Area (1970), p. 2.

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Les auteurs du Livre blanc ont discerné un lien direct entre les problèmes de la ville et sa structure administrative : Dans bien des cas, les lignes hiérarchiques sont floues, sinon dédoublées. Les citoyens ordinaires et les investisseurs dans le développement sont déconcertés et souvent exaspérés dans leurs tentatives de débrouillage des lignes hiérarchiques complexes. Et, ajouté aux confusions inhérentes à un système à deux niveaux... il y avait, et il y a, le simple fait que les problèmes et les difficultés de la communauté urbaine transcendent les compétences et les lignes de délimitation. Pourtant, le pouvoir réel de composer avec ces problèmes était, et est, délimité et circonscrit de façon nette...39

Le reste du Livre blanc fait état des nouvelles structures destinées à favoriser la croissance économique, l'efficacité administrative, l'équité à l'échelle régionale en matière de niveaux de services municipaux et de taxes foncières, et les possibilités de participation des citoyens, au moyen de ce qu'on appelait des comités communautaires et des groupes consultatifs de résidants. À la suite de la création de l'Unicité, la plus grande part de l'attention s'est portée sur les nouvelles structures. Un conseil comptant cinquante et un membres était-il trop nombreux? Le maire devrait-il être élu directement? Qu'est-ce que les comités communautaires étaient censés faire exactement? Les groupes consultatifs composés de résidants avaient-ils une influence réelle pour ce qui était de façonner les quartiers locaux? Mais on n'a tenté d'aucune façon d'évaluer le succès de l'Unicité par la création d'un climat favorable à la croissance économique. En fait, le premier examen exhaustif officiel de l'Unicité ne mentionnait aucunement le développement économique. Le Livre blanc original affirmait que la fragmentation administrative gaspillait les possibilités économiques. Toutefois, les auteurs de l'étude ont paraphrasé cette même partie du Livre blanc, comme : «I1 autorité fragmentée... a entravé la prise de décisions importantes et la mise en oeuvre de politiques. »40 Dès 1976, le lien perçu entre la fragmentation et l'absence de développement économique avait apparemment été oublié, sinon délibérément écarté.

39.Manitoba, Proposais (1970), p. 2 et 3. 40.Manitoba, Committee of Review, City of Winnipeg Act, Report and Recommandations (Winnipeg: Queen's Printerfor Manitoba, 1976), p. 9.

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Dix ans plus tard, en 1986, l'Unicité a fait l'objet d'un nouvel examen par un comité officiel nommé par le gouvernement provincial. Bon nombre des mêmes questions ont été décrites et analysées mais l'examen de 1986 semblait plus large dans sa portée générale. On a du moins tenté brièvement d'évaluer les incidences économiques de l'Unicité. Selon la principale conclusion, la structure de l'Unicité, avec ses nombreux conseillers de banlieue et son importante assiette fiscale, a facilité l'établissement d'une infrastructure de banlieue, au détriment des investissements au centre-ville.41 Si cette évaluation est exacte, et elle correspond certainement à la croyance populaire concernant le développement de Winnipeg à la suite de l'établissement de l'Unicité, alors elle illustre de façon remarquable les conséquences non voulues d'une réforme structurelle. Les auteurs du projet d'Unicité tenaient pour acquis que, en égalisant les niveaux de taxes et les services partout dans la région urbanisée de Winnipeg, les banlieues relativement prospères seraient automatiquement obligées de subventionner la revitalisation du centre-ville. Toutefois, ils semblaient ne pas tenir compte du fait que la population des onze municipalités de banlieue était plus nombreuse que celle de l'ancienne ville de Winnipeg42 et que les banlieues avaient un potentiel de croissance beaucoup plus élevé. Si l'on tient pour acquise la représentation selon la population, qui a toujours fait partie du plan du NPD, la domination par les banlieues au sein de l'Unicité était inévitable. Les principaux consultants du gouvernement du Manitoba en matière d'Unicité se sont par la suite défendus sur cette question en expliquant que la croissance des banlieues était inévitable sous n'importe quel ensemble de structures et que, si on analyse les dépenses en capital « sans but de croissance >> de l'Unicité, de 1972 à 1980, « plus de 80 % de ces dépense sans but de croissance visaient la zone centrale, c'est-à-dire l'ancienne ville de Winnipeg. »43 Comme on doute que la croissance de faible intensité des banlieues ait été très coûteuse, les questions disputées sont celles à savoir dans quelle mesure la croissance était inévitable et qui devrait payer les coûts de l'infrastructure. À tout le moins, il semble que la création de l'Unicité ait facilité la croissance des banlieues, en partie en répartissant 41.Manitoba, City of Winnipeg Act Review Committee, Final Report 1986, p. 5. Voir aussi Lloyd Axworthy, « The Best Laid Plans Oft Go Astray: The Case of Winnipeg », dans M.O. Dickerson, S. Drabek et J.T. Woods (éd.), Problems of Change in Urban Government (Waterloo ON: Wilfrid Laurier University Press, 1980), p. 105 à 123. 42.Manitoba, Urban Reorganization (1970), p. 12. 43.Brownstone et Plunkett, Metropolitan Winnipeg, p. 171.

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les coûts à l'échelle de la région métropolitaine,44 plutôt qu'en les concentrant sur les nouveaux résidants ou leurs voisins immédiats des municipalités de banlieue, relativement petites. Bien que l'examen de l'Unicité effectué en 1986 ait fait ressortir l'absence de coordination entre l'Unicité et la province quant aux stratégies de développement économique local,45 on a trouvé, plus tard, des preuves d'amélioration de la situation. En août 1993, le Globe and Mail Report on Business Magazine a désigné Winnipeg comme étant l'une des cinq « meilleures villes pour les affaires » au Canada.46 Bon nombre des raisons motivant cette désignation étaient indépendantes de la volonté de l'administration locale : situation géographique, coût de la vie, attributs de la main-d'oeuvre. Le premier ministre Gary Filmon « et sa jeune équipe vouée au développement économique » ont été mentionnés comme étant des vendeurs efficaces pour la ville et pour la province. Le développement économique de la ville a été qualifié comme étant « hautement organisé », tandis que le maire et le commissaire en chef ont été félicités d'avoir réduit les dépenses et amélioré la cote de crédit de la ville. Néamnoins, on reconnaissait que les taxes foncières à Winnipeg « sont démesurément élevées par rapport à celles des autres villes du Canada. »47 On n'affirme nulle part dans l'article de la revue qu'il est possible que Winnipeg soit dans une position avantageuse parce qu'il n'y a qu'une seule administration municipale gouvernant la majeure partie de la ville-région. Rien ne prouve que l'absence de conflits intermunicipaux ait modifié de quelque façon les tendances du développement économique de Winnipeg au cours des vingt dernières années. Il serait difficile, sinon impossible, de recueillir des preuves convaincantes mais, compte tenu des types d'affirmations faites par les premiers promoteurs de l'Unicité, on serait porté à penser qu'il y aurait au moins des témoignages anecdotiques de quelques entreprises se disant débarrassées des fardeaux énormes de la fragmentation municipale, après 1972, à Winnipeg. Si de tels rapports existent, ils n'ont pas été reproduits dans les documents officiels du gouvernement, ni dans les ouvrages universitaires. 44.Il n'y a pas de « droits de développement » ni de « droits sur les lots » à Winnipeg. Pour une explication et une évaluation générales, voir Enid Slack et Richard Bird, « Financing Urban Growth through Development Charges », Revue fiscale canadienne/Canadian Tax Journal, Vol. 39, n° 5 (1991), p. 1288 à 1304. 45.Manitoba, Final Report 1986, p. 33. 46.Ann Walmsley, « City Lights », (août 1993), p. 49. Les quatre autres villes étaient Moncton, Vancouver, Edmonton et Montréal. 47.Walmsley, « City Lights », p. 52 et 53.

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L'examen de l'Unicité effectué en 1986 portait également sur les problèmes ayant trait à la grande région métropolitaine de Winnipeg. Compte tenu des politiques antérieures favorisant la fusion et le regroupement, la recommandation de permettre à la partie de l'extrême ouest de la ville, la région de Headingley, de se séparer s'avère étonnante : Nous percevons la région comme étant essentiellement rurale sans statut de municipalité rurale. Il semblerait bénéfique, par conséquent, de permettre à cette région de poursuivre ses objectifs ruraux et agricoles à titre de municipalité distincte ou de composante d'une municipalité rurale existante. En tant qu'actif important dans la région de Winnipeg, la région rurale de Headingley devrait être autorisée à se gouverner elle-même dans le cadre du rôle que toutes les parties, semble-t-il, veulent la voir jouer.48

En 1991, le gouvernement provincial a mené un référendum auprès de tous les résidants et les propriétaires de la région. Sur les 1 390 électeurs inscrits, 1 163 (83,6 %) ont voté et, de ce nombre, 1 008 personnes (86,7 %) étaient en faveur de la sécession et de l'établissement d'une nouvelle municipalité rurale. En 1992, on a adopté le projet de loi visant à rendre la chose possible.49 L'Unicité était devenue légèrement moins étendue qu'elle l'était auparavant. Toutefois, d'autres facteurs oeuvraient également dans cette direction. En 1971, les municipalités qui devaient composer l'Unicité comptaient pour 99,1 % de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Winnipeg. En 1996, le chiffre était toujours élevé, soit 92,7%, mais il avait été considérablement réduit. Entre 1991 et 1996, la population de la ville de Winnipeg s'était accrue de 0,5 %, tandis que celle du reste de la RMR à l'extérieur de la ville, s'était accrue de 7,7 %. La ville de Winnipeg contenait 92,7 % de la population de la RMR de Winnipeg mais, entre 1991 et 1996, elle ne comptait que pour 48,2 % de la croissance démographique.50 Par comparaison aux autres villes-régions du Canada, ces chiffres pour la municipalité centrale sont toujours très impressionnants, mais ils font ressortir que, même à la suite des réformes structurelles les plus exhaustives, il se produit beaucoup de développement de nature urbaine à l'extérieur de la municipalité urbaine centrale.

48.Manitoba, Final Report 1986, p. 74. 49.Manitoba, Ministry of Urban Affaire, Annual Report 1991-1992, p. 40. 50.Tous les chiffres ayant trait à la population sur lesquels ces calculs sont fondés figurent dans les publications pertinentes ayant trait au recensement fédéral.

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Les auteurs de l'examen de 1986 ont reconnu ce fait lorsqu'ils ont recommandé l'établissement d'un nouvel organisme consultatif et coordonnateur reliant toutes les municipalités au sein de la collectivité de navetteurs de Winnipeg. Le comité d'examen a expliqué clairement qu'il ne recommandait pas l'établissement d'un « nouveau palier d'administration régionale comme en Ontario », pas plus qu'il ne recommandait l'établissement d'un « nouveau palier de bureaucratie ».51 Malgré ces réserves, le comité acceptait clairement le fait que, à certaines fins municipales, tels la planification régionale, les évaluations environnementales et l'enlèvement des déchets, les limites de l'Unicité étaient trop restreintes. Le nouvel organisme intermunicipal était également considéré comme jouant un rôle dans le regroupement de données et la coordination de la recherche ayant trait au « développement économique, à l'emplacement des industries, au tourisme... et à d'autres affaires pertinentes importantes pour la région ».* 2 En 1989, le gouvernement provincial a établi ce qui est maintenant appelé le Comité de la région de la capitale. Ce dernier est coprésidé par le ministre des Affaires urbaines et le ministre du Développement rural et il comprend le ministre de l'Environnement et les maires et préfets des seize municipalités de la région.53 En 1998, le Comité a établi un «comité indépendant », chargé d'effectuer un « examen de la région de la capitale ». Dans un rapport intérimaire présenté en juin 1999, le comité a fait les observations suivantes : ... le cadre législatif, stratégique et procédural existant dans la région n'est pas entièrement efficace. En particulier, il faut améliorer la connaissance et la réflexion régionales, instituer une planification régionale stratégique des activités qui ont des incidences à l'échelle de la région, et veiller à ce que les coûts et les avantages de la prestation des services dans la région soient mieux répartis entre les différentes administrations et les différents contribuables et résidants... Nous croyons qu'une certaine forme d'organisme régional est nécessaire pour se pencher sur ces besoins. Il existe une vaste gamme d'options possibles, allant d'une administration à trois niveaux à une collaboration accrue entre les administrations locales existantes.54 51.Manitoba, Final Report 1986, p. 77. 52.Manitoba, Final Report 1986, p. 75. SS.Manitoba, Étude sur la région de la capitale, Partenaires pour l'avenir: Travailler en collaboration pour renforcer l'économie de la région de la capitale du Manitoba (1998), p. 3. 54.Manitoba, Capital Région Review, Intérim Panel Report, 15 juillet 1999

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Quelle est la leçon à tirer de tout cela? C'est que, trente ans après la fusion municipale la plus remarquable et la plus exhaustive au Canada, dans le cadre de laquelle pratiquement tous les résidants de la ville-région de Winnipeg ont été inclus, la région fait maintenant face aux mêmes problèmes que toutes les autres, c'est-à-dire que la plus grande partie de la croissance se produit à l'extérieur des limites municipales et qu'il est nécessaire d'établir de nouveaux mécanismes aux fins de la coopération régionale. Personne ne recommande d'autres fusions. Après tout, sept ans seulement se sont écoulés depuis qu'on a permis à Headingley de se séparer. Une autre leçon à tirer est que les mécanismes structuraux visant à favoriser la participation des citoyens après la fusion ne sont pas nécessairement efficaces. Le conseil de l'Unicité initial, composé de cinquante et un membres, n'en compte maintenant plus que quinze. Les comités communautaires et les groupes consultatifs composés de résidants (GCR) ont été abolis.55 Peu avant qu'on prenne la décision concernant les comités communautaires, des chercheurs de l'Institut urbain du Canada ont mené des entrevues à Winnipeg afin d'évaluer l'efficacité des mécanismes apparemment novateurs utilisés par la Ville pour engager la participation des citoyens. Un ancien conseiller, interrogé au cours de la préparation du présent rapport, était d'avis que les comités communautaires étaient utiles, en ce sens qu'ils fournissaient un mécanisme pour tenir les conseillers responsables de leurs décisions devant la population. Toutes les autres personnes interrogées appuyaient le point de vue plus répandu selon lequel les comités communautaires et les GCR de Winnipeg étaient peut-être bien inspirés, en théorie, mais peu efficaces en pratique. Dans la mesure où les comités communautaires et les GCR ne mènent pas à l'habilitation de la collectivité qu'ils ont promise en théorie, ils peuvent être considérés comme étant non seulement inefficaces, mais également débilitants en raison de leurs incidences sur la participation des citoyens aux affaires locales.56

En 1972, l'Unicité de Winnipeg était perçue comme étant une nouvelle expérience audacieuse en matière d'administration municipale pour les 55.Pour un compte rendu des actions du conseil municipal du 29 octobre 1997 concernant le « Organizational Review and Performance Assessment Report » de George B. Cuff, voir 56. Eudora Pendergrast et John Farrow, Community Councils and Neighbourhood Committees: Lessons for our Communities from around thé World (Toronto: Canadian Urban Institute/lnstitut Urbain du Canada, 1997), annexe A-3, p. 4.

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L'ÉPOQUE DE L'ÉTAT OMNIPRÉSENT : LES ANNÉES 1960 ET 1970

villes-régions. Elle était englobante sur le plan territorial, centralisée sur le plan administratif et structurée sur le plan politique, afin d'accroître la participation des quartiers. En 1999, la centralisation administrative est tout ce qu'il reste.

EUROPE Au cours des années 1970, on a effectué, au Royaume-Uni, des restructurations distinctes mais exhaustives comprenant des fusions municipales dans chacune des quatre nations constituantes. Nous avons vu, au Canada, que seulement quelques provinces se sont engagées dans de telles restructurations et que celles qui l'ont fait, à savoir l'Ontario, le Québec et le Manitoba, ont agi graduellement, ne réorganisant jamais complètement les municipalités à l'échelle des régions peuplées. Dans certains pays d'Europe, l'expérience a été entièrement différente, les gouvernements centraux restructurant complètement leurs administrations infranationales en un seul coup. Nous ne pourrons pas examiner ces changements dans les détails, en partie parce que les restructurations des administrations locales ne peuvent jamais être comprises sans une bonne connaissance du contexte politique et administratif complet dans lequel elles ont eu lieu. L'expérience européenne est présentée ici principalement dans le but de montrer que les fusions municipales des années 1960 et 1970 n'étaient pas restreintes à la Grande-Bretagne et au Canada. Les pays où se sont produites les réductions les plus importantes du nombre de municipalités étaient les suivants : Suède (2 500 municipalités en 1950, 279 en 1980), Danemark (1 387 municipalités en 1961, 275 en 1974) et République Fédérale d'Allemagne (24 512 municipalités en 1959, 8 514 en 1978).57 Comme dans la plupart des pays européens, les municipalités suédoises sont des piliers de l'État providence. En 1990, leurs principaux postes de dépenses étaient les services sociaux (27,8 % des dépenses municipales totales) et l'enseignement (22,8 %). Plus de la moitié des fonds affectés à chacun de ces services provenaient de sources locales, 57.Sharpe, « Local Government Réorganisation » p. 99.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

principalement un impôt sur le revenu local qui comptait pour 63,1 % du total des produits d'imposition locaux.58 Dans ces circonstances, on peut déjà voir que, peu importe ce qui s'est produit en Suède, il est peu probable que cela ait quelque pertinence pour le Québec, où les municipalités n'ont pas de responsabilité en matière de services sociaux ni d'enseignement et où il n'y a pas d'impôt sur le revenu local. Néanmoins, les municipalités fusionnées ont été considérées comme plus autonomes, plus efficaces en matière de planification et mieux en mesure de fournir les services équitablement, dans des régions plus étendues que leurs prédécesseurs fragmentés.59 Toutefois, même après un programme de fusions municipales aussi draconien, il reste vingt municipalités distinctes dans la région du Grand Stockholm.60 Deux études récentes ont été effectuées au sujet des effets des fusions sur les coûts municipaux. La première, publiée en 1992, a conclu que la première vague de fusions, qui a fait passer la population moyenne des municipalités suédoises, de 2 800 à 6 800 habitants, a en effet permis de réduire les coûts. La même étude a révélé que la seconde vague s'est traduite par un accroissement des dépenses.61 Une autre étude, publiée en 1997, portait sur les tendances des municipalités fusionnées en matière de dépenses et a révélé un lien positif important entre la taille de la population et les dépenses par habitant. L'auteur a fait l'observation suivante : La nature trop compliquée des grosses bureaucraties semble l'emporter sur les économies d'échelle. Toutefois, nous devrions garder à l'esprit que l'ensemble de données ne jette aucune lumière sur la relation entre les dépenses et la taille de la population dans le cas des municipalités plus petites que la plus petite municipalité de l'échantillon... La plus petite municipalité de l'échantillon, à savoir Vaxholm, qui compte 7 000 habitants, a une taille très proche de celle de la municipalité moyenne à la suite des premières fusions.62

58.David E. Andersson, « Régions and thé Collectivity: Swedish Local Government and thé Case of Stockholm », dans A.E. Andersson, B. Harsman et J.M. Quigley, éd. Governments for thé Future - Unification, Fragmentation and Regionalism (Elsevier Science, 1997), p. 267. 59.Alan Norton, International Handbook of Local and Régional Government: A Comparative Analysis of Advanced Democracies (Aldershot, Hants : Edward Elgar,1994), p. 299. 60.Norton, International Handbook, p. 319. 61 .M.A. Nelson, « Municipal Amalgamation and thé Growth of thé Local Public Sector in Sweden », Journal of Régional Science, 32 (1992). 62.Andersson, « Régions and thé Collectivity », p. 273.

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L'ÉPOQUE DE L'ÉTAT OMNIPRÉSENT : LES ANNÉES 1960 ET 1970

La plus grande partie de ce qui est énoncé ci-dessus au sujet de la Suède s'applique également au Danemark, à l'exception du fait qu'on ne semble pas avoir publié d'études danoises au sujet de la relation entre la taille des municipalités et les coûts. Même après que toutes les fusions aient été mises en oeuvre, en 1970, la population moyenne d'une municipalité danoise n'était que de 18 000 habitants, au milieu des années 1990.63 Le chiffre correspondant pour les autorités locales de niveau inférieur en Angleterre était de 126 000 habitants (46 000 000 divisé par 365). Une telle différence fait ressortir une seule des nombreuses lacunes d'une administration locale comparative. Le Danemark consolidé est toujours plus de dix fois plus fragmenté que l'Angleterre consolidée. L'Allemagne, comme le Canada et les États-Unis, est une fédération au sein de laquelle les « Lander » (équivalents des provinces et des États) ont autorité sur les administrations locales. Cela signifie qu'on a adopté différentes approches en matière de fusion municipale dans différentes régions du pays. Cependant, encore une fois, les Nord-Américains doivent être prudents lorsqu'ils appliquent à un pays d'Europe leurs propres conceptions de la nature des administrations municipales. Examinons, par exemple, ce compte rendu des questions concernant les fusions en Allemagne : Les Landers ont établi leurs propres commissions chargées d'élaborer avec soin les principes de la restructuration. On a établi des normes en gardant les besoins fonctionnels à l'esprit. En Wesphalie-Rhin du Nord, les besoins qui ont fixé le minimum à 8 000 habitants comprenaient une école primaire équipée d'un gymnase et d'une piscine pour les apprenants, un foyer pour personnes âgées et une pharmacie. Pour une population minimale de 30 000 habitants, ils comprenaient éventuellement une école secondaire, une école pour personnes handicapées, un abattoir et un centre culturel.64

Même dans les régions rurales de l'Amérique du Nord, les étudiants et les vétérinaires practiciens n'ont pas à se préoccuper de tracer les limites des administrations locales en se fondant sur les régions de service des abattoirs.

63.Kurt Klaudi Klausen, « Danish Local Government: Integrating into thé EU? », dans M.J.F. Goldsmith et K.K. Klausen, éd., European Intégration and Local Government (Cheltenham: Edward Elgar, 1997), p. 17. 64.Norton, International Handbook, p. 252.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

De la même façon qu'il est erroné de supposer que la vague des fusions a balayé toutes les provinces canadiennes au cours des années 1960 et 1970, il est également erroné de supposer qu'il a balayé tous les pays d'Europe. En 1950, l'Italie comptait 7 810 municipalités, en 1972, celles-ci se chiffraient à 8056; la Grèce en comptait 5993 en 1962 et 6 037 en 1979; la France en comptait 37 708 en 1968 et 36 423 en 1980.65 Les solutions de rechange à la fusion étaient comparables dans différents États. L'Italie, la Grèce et la France ont toutes établi de nouvelles formes d'institutions régionales, sans perturber les limites municipales traditionnelles. Dans tous ces cas, les municipalités ont tendance à continuer de faire ce qu'elles faisaient par le passé; leur taille n'est pas assez importante pour qu'elles puissent assumer de nouvelles fonctions de leur propre chef; par conséquent, ces fonctions ont tendance à passer aux institutions régionales, par défaut. Les anciennes municipalités ont tendance à remplir d'importantes fonctions de représentation et politiques, et elles s'occupent de dossiers qui sont véritablement locaux; elles ont tendance à ne pas être à l'avant-garde des nouvelles initiatives gouvernementales. TABLEAU 2: NOMBRE DE MUNICIPALITÉS DANS LES PAYS EUROPÉENS LES PLUS ET LES MOINS TOUCHÉS PAR LES FUSIONS MUNICIPALES LES PAYS LES PLUS TOUCHÉS

1950 ET 1960

1970

FIN DES ANNÉES 1980

SUÈDE

2500(1950)

279(1980)

DANEMARK

1387(1961)

275(1974)

273

ALLEMAGNE

24512(1959)

8514(1978)

8846

GS.Sharpe, « Local Government Reorganisation », p. 99.

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284

L'ÉPOQUE DE L'ÉTAT OMNIPRÉSENT : LES ANNÉES 1960 ET 1970

LES PAYS LES MOINS TOUCHÉS

1950 ET 1960

1970

FIN DES ANNÉES 1980

ITALIE

7810(1950)

8506(1972)

8074

GRÈCE

5993(1962)

6037(1979)

6022

FRANCE

37708(1968)

36423(1980)

36757

Source : les chiffres des 2 premières colonnes proviennent de Sharpe, « Local Government Reoganisation », page 95, et ceux de la dernière colonne de Norton, International Handbook, page 40.

CONCLUSION Les promoteurs des fusions municipales des années 1960 et 1970 croyaient que leur approche préférée en matière d'organisation gouvernementale changerait profondément la qualité des services et de notre environnement urbains. Ils ne se préoccupaient pas particulièrement d'affaires financières mais il leur arrivait souvent de prétendre que des économies seraient réalisées « à long terme ». En 1999, on peut dire sans risque d'erreur que, du moins en ce qui a trait à ces affirmations, le « long terme » est arrivé. Quels sont les avantages apportés par les fusions? En quoi les régions qui ont été fusionnées sont-elles dans une meilleure position que celles qui ne l'ont pas été? En quoi la fusion a-t-elle aidé Winnipeg? Est-il préférable de vivre à Laval plutôt qu'à Greenfield Park? Dans l'affirmative, est-ce parce que Laval est une plus grande ville? Ce sont les genres de questions qu'il faut se poser compte tenu de l'intérêt renouvelé pour les fusions municipales. Malheureusement, on les pose rarement. Les fusions municipales des années 1960 et 1970 découlaient d'une croyance optimiste selon laquelle les administrations locales élargies pouvaient mener à des façons nouvelles et meilleures de faire les choses. Les faits semblent indiquer le contraire. Au milieu des années 1970, on avait le sentiment que la solution des problèmes locaux par la création de plus grosses administrations ne fonctionnait tout simplement pas. Les anciens postulats semblaient s'écrouler. Personne n'y croyait plus vraiment. L'apparition, aux États-Unis, d'une nouvelle façon d'envisager la gouvernance urbaine est à la fois une cause et un effet de cette perte de confiance envers le gigantisme.

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CHAPITRE 3 LE DECLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONNISJE AUX ÉTATS-UNIS, L'APPARITION DE LA THÉORIE DES «CHOIX PUBLICS» ET LE « NOUVEAU RÉGIONALISME »

P

endant la majeure partie de la seconde moitié du XXe siècle, les villes américaines ont fait l'objet de mépris plutôt que d'émulation. Elles étaient remarquablement fragmentées sur le plan de leur gouvernance. Les tentatives de regroupement municipal ont généralement échoué, et certaines se sont avérées de tels échecs qu'elles ont été à la fois la cause et l'effet de leurs conditions souvent désastreuses. Comme pour une bonne part de la vie et de la culture américaines, l'état des villes était le thème de riches ouvrages universitaires et populaires, dont certains portaient directement sur la question des regroupements municipaux. Le présent chapitre a pour objet d'examiner ces ouvrages, dans le but de faire la distinction entre ce qui est pertinent pour les débats canadiens et ce qui ne l'est pas. On mentionne souvent l'expérience américaine dans le cadre des débats politiques qui ont lieu actuellement au Canada au sujet des structures municipales, mais bon nombre de ces références sont trompeuses ou carrément fausses. Le présent chapitre contient trois parties, structurées par ordre chronologique approximatif, chaque partie abordant un thème de la documentation américaine très différent. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de chevauchements ou de préoccupations communes. Au contraire, un thème mène à un autre suivant un processus quasi dialectique : thèse, antithèse, synthèse. Le premier thème est une suite de ce que nous avons examiné au chapitre 1, à savoir les efforts déployés par les promoteurs de regroupements pour dresser de nouvelles cartes municipales des villes-régions américaines. La nouveauté dans les années 1950 et 1960, c'est qu'il y a eu beaucoup plus de tentatives et beaucoup plus d'échecs, la plupart soigneusement documentés et analysés par le nombre croissant de politicologues et d'urbanistes spécialisés qui ont rempli les facultés de 75

LA FRÉNÉS/E DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

sciences sociales des universités américaines en croissance. La deuxième partie du présent chapitre montre comment ces ouvrages ont fini par être éclipsés par les économistes déterminés à montrer que la ferveur des promoteurs de regroupements était entièrement déplacée. Selon cette ligne de pensée, celle de l'école des « choix publics », les villes-régions étaient dans une meilleure position s'il y avait plusieurs administrations municipales que s'il y en avait peu. En fait, selon cette approche, les municipalités devraient être considérées davantage comme des organisateurs concurrentiels de différents ensembles de taxes et de services publics, plutôt que des administrations au sens classique. De la même manière que les consommateurs bénéficient de la concurrence entre les supermarchés, les propriétaires devraient bénéficier d'une concurrence comparable entre les municipalités. Enfin, au cours des années 1990, on a manifesté un nouvel intérêt pour les études de la santé générale des villes-régions au complet. Peut-être en raison de l'influence de la théorie des « choix publics », peu des « nouveaux régionalistes » se sont beaucoup intéressés aux regroupements structurels à grande échelle.

REGROUPEMENTS MUNICIPAUX AUX ETATS-UNIS DEPUIS 1945 À strictement parler, cette partie devrait être très brève : il n'y a pas eu de regroupement municipal aux États-Unis depuis 1910, du genre de celui de Philadelphie et de New York (et de Winnipeg), dans le cadre desquels la législature de l'État (ou de la province) a utilisé ses pouvoirs pour regrouper toutes les municipalités d'une ville-région en une seule. En fait, le nombre total de municipalités constituées en corporations (à l'exception des comtés et des cantons) aux États-Unis s'est accru de 16 807 en 1952, à 19 372 en 1997.1 Même s'il est vrai que les territoires de plusieurs villes centrales et municipalités de banlieues se sont étendus durant cette période (en particulier dans les parties sud et ouest du pays), cette croissance est due à quelques cas de municipalités qui ont décidé de se regrouper et dans plusieurs cas ils impliquaient l'annexion de territoires non constitués en corporation par les municipalités contiguës. Dans la majorité des cas, aucun regroupement ne s'est fait sans l'approbation référendaire des résidants impliqués. 1. United States, Department of Commerce, U.S. Census Bureau, 1997 Census of Governments, Vol. 1, Government Organisation (August 1999), p. 5. Ces chiffres excluent les comtés et les cantons, ces derniers étant une forme d'institution infra-comté, dans de nombreux États du nord.

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LE DÉCLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONNISTE, " CHOIX PUBLICS •> ET "NOUVEAU RÉGIONALISME »

On n'a pas créé non plus de nombreuses administrations métropolitaines de niveau supérieur. En 1957, à Miami, la responsabilité fonctionnelle du comté de Dade a été élargie afin de rendre celui-ci semblable, à certains égards, à la municipalité de Métro Toronto. Mais même dans le comté de Dade, la patrouille policière est demeurée une fonction municipale de niveau inférieur.2 Depuis 1967, il existe un Twin Cities Metropolitan Council (conseil métropolitain de villes jumelles), englobant sept villes et cent trente municipalités entourant Minneapolis-St. Paul, mais ses fonctions sont limitées à une forme de planification stratégique à l'échelle de la région. Les dix-sept membres sont nommés par le gouverneur de l'État.3 Depuis 1978, Portland (Oregon) est dotée d'un Metropolitan Service District (district de services métropolitains) de douze membres, élus directement et chargés de la planification de l'aménagement et d'urbanisme des terres régionales, de l'épuration des eaux usées, de l'enlèvement des déchets solides, de la maîtrise des inondations et du zoo.4 Cela complète la liste des administrations métropolitaines de niveau supérieur institutionnalisées aux États-Unis. L'établissement du niveau supérieur n'a été accompagné de fusions au niveau inférieur dans aucun de ces cas. La plupart des débats entourant les restructurations municipales depuis 1945 aux États-Unis avaient trait à des propositions de fusion d'une ville centrale aux régions du comté « non constituées en corporations » qui l'entouraient. Les Américains appellent une telle fusion un « regroupement ville-comté », même lorsqu'elle n'inclut pas les municipalités de banlieue constituées en corporations, ce qui est généralement le cas. Depuis 1945, il n'y a eu que trois « regroupements ville-comté » touchant plus de 250 000 personnes : Nashville et le comté de Davidson en 1962, Jacksonville et le comté de Duval en 1967 et Indianapolis et le comté de Marion en 1969. Jacksonville compte toujours quatre municipalités de 2. John J. Harrigan, Political Change in thé Metropolis, 5' éd. (New York: HarperCollins, 1993), p. 354 à 356. 3. Judith J. Martin, « Renegotiating Metropolitan Consciousness: The Twin Cities Faces its Future », dans Donald N. Rothblatt et Andrew Sancton, éd. Metropolitan Governance Revisited: Canadian-American Intergovernmental Perspectives (Berkeley: Institute of Governmental Studies Press at thé University of California, 1998), p. 238. Voir aussi, Claire Poitras et Richard Lanthier, sous la direction de Jean-Pierre Collin et Jacques Léveillée « La fiscalité d'agglomération au Canada et aux États-Unis : Analyse de cinq agglomérations urbaines ». Remis à la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, 9 octobre 1998, p. 4355. 4. Harrigan, Political Change, p. 350 et 351.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DÉMOCRATIE LOCALE

banlieue constituées en corporations et Nashville en compte six. Dans le cas de Jacksonville comme dans celui de Nashville, les fusions ont été approuvées dans le cadre d'un référendum, surtout parce que le comté était incapable de fournir des services adéquats.5 Selon les normes de n'importe quel autre pays, y compris le Canada, ces regroupements n'en étaient pas vraiment; il s'agissait plutôt d'annexions à grande échelle qui se trouvaient à englober un comté au complet, plutôt qu'une partie seulement de celui-ci. Il ne reste donc qu'un cas américain important d'après-guerre : Indianapolis. Le système « Unigov » d'Indianapolis a été créé par la législature de l'État d'Indiana en 1969, sans approbation dans le cadre de référendums locaux. Encore une fois, selon les normes de n'importe quel autre pays, il s'agit d'une forme d'administration « unifiée » tout à fait particulière. Le système Unigov s'est traduit par la fusion des pouvoirs exécutifs de la Ville d'Indianapolis et du comté de Marion, mais la ville et le comté demeurent des entités juridiques distinctes en vertu des dispositions de la Constitution de l'État d'Indiana. Dix-sept petites villes constituées en corporations, toutes ayant des populations inférieures à 5 000 habitants, ont été « incluses » dans le système Unigov, mais « ces collectivités peuvent conserver leurs instances gouvernementales, prélever des taxes et fournir des services locaux, outre ceux qui sont fournis par la Ville et le comté. »6 Neuf cantons faisant partie du comté de Marion continuent également d'exister. Les cantons sont régis par des administrateurs élus, dont les principales fonctions ont trait à la protection contre les incendies, au secours aux démunis et à l'établissement des rôles de taxation. Quatre municipalités constituées en corporations et comptant des populations de plus de 5 000 habitants n'ont pas été touchées du tout par l'adoption du nouveau système, ne comptant sur Unigov que pour les services habituellement fournis par les comtés. Enfin, les agences unifonctionnelles existantes, y compris onze commissions scolaires différentes, n'ont pas été davantage touchées. En 1995, deux observateurs universitaires du système Unigov ont écrit ceci : Bien que l'acronyme « Unigov » signifie « gouvernement unifié », le comté de Marion compte toujours cinquante administrations locales distinctes (il 5. Harrigan, Political Change, p. 350 et 351. 6. William Blomquist et Roger B. Parks, « Unigov: Local Government in Indianapolis and Marion County, Indiana », dans L.J. Sharpe, éd. The Government of World dîtes: The Future of thé Métro Model (Chichester, England: John Wiley and Sons, 1995), p. 80.

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LE DÉCLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONN1STE, « CHOIX PUBLICS » ET «NOUVEAU RÉGIONALISME »

y en avait soixante en 1967), et le nombre d'autorités fiscales distinctes dans le comté s'est accru depuis 1970, pour atteindre environ 100. À certains égards, la structure du système Unigov est même plus complexe que celle qu'elle a remplacée.7

Le comté Indianapolis-Marion n'a même pas de service de police centralisé : ... le service de police d'Indianapolis... dessert le Police Spécial Service District (district des services spéciaux de la police), une région plus grande que « l'ancienne ville », mais pas aussi étendue que la ville élargie. Outre le Police Spécial Service District, les résidants du comté de Marion sont protégés par les services de police du Marion County Sheriff's Department (bureau du shérif du comté de Marion) ou par la police municipale d'une ville exclue.8

S'il est important de connaître l'expérience américaine d'après-guerre en matière de gouvernance des villes-régions, le fait est qu'il n'y a pas eu de regroupements américains du genre qu'on a connu au Canada, en Grande-Bretagne et en Europe. L'expérience américaine en matière de regroupements municipaux n'est pertinente que dans la mesure où elle nous montre ce qui arrive lorsqu'il n'y a pas de regroupements municipaux. La plupart des villes-régions américaines comptent des douzaines de municipalités et peu d'observateurs considèrent cela comme un problème. La meilleure façon de comprendre la pertinence de la situation américaine pour Montréal consiste peut-être à comparer la ville-région de Montréal avec les villes-régions américaines de taille comparable. Le tableau 3 fait état de la structure municipale des dix-huit villes-régions américaines qui sont les plus proches de Montréal sur le plan de la population, soit neuf dont la population est plus élevée et neuf dont la population est moins élevée. La ville-région de Montréal semble tout à fait typique, à l'exception du fait que la ville de Montréal compte pour un pourcentage relativement élevé de la population de la ville-région. Il importe également de noter qu'aucune des villes-régions américaines n'a d'administration métropolitaine de niveau supérieur possédant un degré de puissance fonctionnelle et financière qui se rapproche de celui de la Communauté urbaine de Montréal. Par exemple, aux États-Unis le service de protection policière ne relève jamais de l'autorité régionale. 7. Blomquist et Parks, « Unigov », p. 81. 8. Blomquist et Parks, « Unigov », p. 80 et 81.

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LA FRÉNÉSIE DES FUSIONS... UNE ATTAQUE À LA DEMOCRATIE LOCALE

TABLEAU 3: CARACTERISTIQUES MUNICIPALES DE MONTREAL ET DES VILLES-RÉGIONS AMÉRICAINES DE TAILLE COMPARABLE

VILLE-RÉGION

POPULATION (000)

POURCENTAGE DE LA POPULATION HABITANT LA VILLECENTRE

NOMBRE DE COMTÉS

NOMBRE DE MUNICIPALITÉS *

SAN FRANCISCO PHILADELPHIE

6701

10,9

9

90

5972

26,0

13

230

BOSTON DETROIT

5828

9,5

12

282

5439

18,6

10

151

DALLAS

4683

21,8

12

207

HOUSTON ATLANTA MIAMI

4320

39,1

8

115

3627

10,9

20

102

3515

10,4

2

55

SEATTLE

3368

15,4

6

88

MONTREAL

3327

30,5

**17

111

CLEVELAND PHOENIX

2908

17,3

8

146

2840

35,6

2

32

MlNNEAPOLIS

2792

13,0

13

192

SAN DIEGO ST. Louis

2723

42,2

1

18

2558

15,0

11

228

PlTTSBURGH

2361

15,5

6

238

DENVER TAMPA

2318

20,9

6

67

2227

12,8

4

35

PORTLAND

2113

21,1

8

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*exclut les cantons, sauf à Boston où les cantons ont les mêmes fonctions que les gouvernements municipaux multi-fonctionnels, incluant les villes. **La CUM est considérée pour les fins de ce tableau comme un comté. SOURCES : Données américaines établies à partir de différents liens sur le site Web du U.S. Census Bureau : . Les données sur Montréal proviennent du recensement canadien de 1996, tel qu'on en a rendu compte dans Pacte 2000 : Rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locales (1999), p. 182. L'aide d'Andrew Ross de la Ville de Westmount pour la préparation de ce tableau a été grandement appréciée.

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LE DÉCLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONNISTE, " CHOIX PUBLICS » ET «NOUVEAU RÉGIONALISME »

CHOIX PUBLICS Nous ne tenterons pas de présenter ici une description et une analyse complètes de la perspective des « choix publics » en matière d'administration municipale.9 Le principal point est que la théorie des choix publics, qui a été élaborée dans les départements d'économie des universités américaines au cours des années 1960 et 1970, offre un paradigme tout à fait différent de celui des promoteurs de regroupement municipal, en matière de gouvernance des villes-régions. Les promoteurs des choix publics insistent pour dire qu'il n'y a pas de taille fonctionnellement optimale pour les administrations municipales, parce que les différentes activités municipales ont des zones optimales tout à fait différentes. Par exemple, la patrouille policière est structurée de façon optimale pour des zones relativement petites parce qu'il y a peu d'économies d'échelle possibles; la section des homicides et les installations de formation des policiers exigent des territoires plus étendus, en raison d'économies d'échelle importantes. Quoi qu'il en soit, les municipalités fonctionnent mieux lorsqu'elles prennent des mesures pour la prestation de services, non pas lorsqu'elles insistent toujours pour produire les services municipaux elles-mêmes. Dans le cadre du paradigme des choix publics, nous ne devrions pas plus nous inquiéter d'un nombre de municipalités trop élevé que nous ne devrions nous inquiéter du fait qu'un nombre trop élevé d'entreprises se livrent à la vente au détail de produits alimentaires. Différents supermarchés fournissent des niveaux différents de sélection, de qualité et de prix; il en va ainsi des municipalités. Le fait d'avoir une municipalité responsable de la prestation de tous les services municipaux dans une ville-région a autant de sens que d'avoir une chaîne d'alimentation détenant le monopole. L'entreprise promettra peut-être d'ouvrir un grand nombre de magasins à différents emplacements, mais elle n'en resterait pas moins un monopole.

9. Les points de départ les plus utiles sont les suivants : Robert L. Bish et Vincent Ostrom, Understanding Urban Government: Metropolitan Reform Reconsidered (Washington DC: American Enterprise Institute for Public Policy Research, 1973) et Vincent Ostrom, Robert Bish et Elinor Ostrom, Local Government in thé United States (San Francisco: Institute for Contemporary Studies Press, 1988), et Ronald J. Oakerson, Governing Local Public Economies : Creating thé Civic Metropolis (San Francisco : Institute for Contemporary Studies Press, 1999).

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Les questions entourant la position relative aux choix publics sont toujours soulevées rapidement. Les résidants d'une municipalité particulière sont-ils réellement susceptibles de déménager parce qu'ils sont insatisfaits des services et des taxes? En savent-ils même beaucoup au sujet des niveaux de service et de taxes relatifs de différents endroits? Qu'en est-il de la planification régionale à grande échelle? Comment peut-elle être possible s'il n'y a pas d'administration métropolitaine faisant autorité? Qu'en est-il de l'équité fiscale? Les choix publics ne sont-ils pas uniquement un mécanisme qui permet aux riches d'éviter de payer pour les services destinés aux pauvres? Bien sûr, les promoteurs des choix publics ont travaillé leurs réponses avec soin, certains de façon plus satisfaisante que d'autres. La concurrence, disent-ils, est toujours un facteur de motivation important pour les organismes, même si quelques personnes seulement déménageaient à la suite de leur propre évaluation personnelle des différents niveaux de service et de taxation municipaux. La planification régionale à grande échelle n'a pas eu beaucoup d'effets véritables pour ce qui est de changer la façon dont les villes-régions se développent. En tout cas, si elle doit être forcée, il est préférable que les mesures soient prises au niveau de l'État ou de la province; si elle doit être coopérative, il n'est pas nécessaire d'établir de nouvelles structures complexes. La redistribution des richesses est une fonction qui s'exécute le mieux aux niveaux d'administration supérieurs qu'au niveau des administrations locales. Même les administrations locales de grande taille qui s'engagent dans la redistribution finiront par découvrir comme l'a fait la Ville de New York au cours des années 1970, qu'on ne peut maintenir une redistribution exhaustive au niveau local. Nous n'avons pas besoin de décider si les choix publics sont une bonne ou une mauvaise chose. Le point important, c'est qu'ils nous donnent une bonne raison de remettre en question, du moins, le paradigme des promoteurs de regroupements. En raison de la perspective axée sur les choix publics, il n'est plus évident que l'existence de nombreuses municipalités au sein d'une même ville-région occasionne des dédoublements et des chevauchements inutiles. Pour être convaincants sur le plan théorique, les promoteurs de regroupements doivent maintenant préciser ce qu'ils attendent exactement des regroupements et pourquoi les objectifs ne pourraient pas être atteints plus facilement en suivant une autre ligne de conduite. À l'exception, possiblement, de David Rusk (dont nous analyserons la position dans la partie suivante), les promoteurs des regroupements n'ont pas répondu à cette question.

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LE DÉCLIN DU MOUVEMENT CONSOLIDATIONNISTE, 84. 85.Ontario, Final Restructuring Proposai, p. 8.

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déclaré que la fusion avait produit des économies de 7 millions S86 (les dépenses totales en 1995, avant la fusion, étaient de 186 millions $87). En décembre 1999, le maire de Chatham-Kent admet que « les économies ne sont pas aussi bonnes que prévues et qu'il sera pratiquement impossible de déposer un budget 2000 sans augmenter les taxes foncières».88 Les économies annuelles rapportées de la fusion étaient maintenant de 6.8 millions $.89 De ce montant, 890 000 $ provenait de la fusion des commissions d'utilité publique avec celles des municipalités.90 Ce regroupement n'exigeait pas une fusion et doit être déduit des économies. Ces coûts de transition non-récurrents étaient de 19,2 millions $.91 Un tel montant investi à 6 % annuellement rapporterait 1,15 million $. Il s'agit ainsi d'un coût de transition qui doit être déduit au total. On en arrive à des économies d'environ 4,8 millions $ ou 2,3 % des coûts de fonctionnement pré-fusion. À Kingston, l'entente de fusion entre la Ville et les deux cantons prévoyait que les « dépenses discrétionnaires » seraient diminuées de 15 % ou de 7 millions $, le montant le plus élevé étant retenu92. Dans un document récent d'« information de base » qui portait sur la façon dont les fusions ont entraîné « une baisse des taxes et une augmentation de l'efficacité », le ministère des Affaires municipales ne fait pas mention d'économies à Kingston. Si les économies de 7 millions $ avaient été réalisées, ce montant aurait été mentionné seulement derrière les économies prévues ou anticipées pour Toronto et Chatham-Kent, qui sont précisées dans le document.93

86.Jane Sims, « Tax-fighter watching vision unfold », The London Free Press, le 21 octobre 1999. 87.Ontario, Ministère des Affaires municipales, County of Kent and City of Chatham Restructuring Commission, Draft Restructuring Proposai for Kent County and thé City of Chatham, 1997, p. 3. 88.Simon Crouch « Chatham/Kent Mayor warns of tax hike » The London Free Press, 31 décembre 1999. 89.Chatham-Kent « The Chatham-Kent Mayor Expérience : A three-year review.... 1998-2000 (draft) » présentation au Conseil, 11 janvier 2000, p. 11. Ce projet mentionne des économies de 6,3 millions $. J'ai été informé par la suite que la version finale indiquera 6,8 millions $. La différence provient de questions d'équité fiscale. 90.Chatham-Kent « The Chatham-Kent Expérience » p. 15. 91.Chatham-Kent « The Chatham-Kent Expérience » p. 20. 92.Kingston/Frontenac/Lennox and Addington Governance Review Committee, « Proposai for thé Reform of Local Governance : Kingston/Frontenac », le 10 juillet 1996, p. 28. 93.

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Avant l'élection de 1999 en Ontario, les conservateurs de M. Marris n'avaient rien fait pour restructurer les gouvernements régionaux à deux niveaux à l'extérieur de la municipalité du Métro Toronto. Compte tenu du fait que la Révolution du bon sens faisait mention de préoccupations relatives aux « niveaux régional et municipal », il s'agissait d'une omission surprenante; cependant, on peut supposer que le programme était axé davantage sur les préoccupations traditionnelles des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales que sur celles, plus récentes, des conservateurs de l'Ontario. De toute façon, malgré l'absence de toute mention de restructurations municipales ultérieures dans Blueprint, son document de la campagne de 1999, le gouvernement réélu a agi rapidement à la fin de 1999 pour nommer quatre « conseillers spéciaux » chargés de déposer, à la fin de novembre, des recommandations à l'égard de la restructuration des systèmes gouvernementaux à deux niveaux à Ottawa-Carleton, Hamilton-Wentworth, Sudbury et Haldemand-Norfolk.94 Les politiques des conservateurs de M. Harris à l'égard des fusions municipales en Ontario ne peuvent être évaluées adéquatement que dans le contexte de la fusion la plus ambitieuse de toutes, soit celle de Toronto, qui fera l'objet du prochain chapitre.

CONCLUSION La restructuration du gouvernement municipal en Nouvelle-Zélande a donné lieu à deux niveaux de gouvernement locaux élus au suffrage direct. En Australie, de tels systèmes à deux niveaux n'ont jamais existé. En Grande-Bretagne, dans les années 1990 du premier ministre Major, on cherchait à éliminer le plus possible les systèmes à deux niveaux en créant de nouvelles autorités unitaires. Maintenant, sous la gouverne du premier ministre Blair, on crée une nouvelle autorité locale supérieure pour le Grand Londres. En Nouvelle-Ecosse, on semblait vouloir éviter à tout prix l'existence de deux niveaux, même s'il s'agissait de créer les gigantesques municipalités régionales à un niveau du Cap-Breton et d'Halifax. En Ontario, on a éliminé les systèmes à deux niveaux par la fusion à Métro Toronto, à Chatham-Kent et dans le comté rural de Prince Edward. Cependant, malgré les douzaines de plans de restructuration qui ont été mis en oeuvre, on n'a aboli aucun autre système à deux niveaux avant l'élection de 1999. Depuis l'élection, les conservateurs de M. Harris ont 94.

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porté leur attention à au moins quelques-uns des systèmes régionaux à deux niveaux. Ses actions les plus récentes font l'objet du chapitre 6. Il est très difficile de discerner une tendance dans toutes ces situations. Cependant, si nous éliminons la Nouvelle-Zélande comme étant un cas particulier parce qu'il s'agit d'un petit état unitaire dont le gouvernement central voulait procéder à une décentralisation importante, alors nous pouvons peut-être au moins conclure que les fusions récentes ailleurs ont été causées en partie par une tentative d'éviter ou d'éliminer les systèmes à deux niveaux qui étaient considérés comme dysfonctionnels. Mais il semble que d'autres événements se sont déroulés à Victoria (Australie), en Nouvelle-Ecosse et en Ontario. Dans ces administrations, les gouvernements centraux ont estimé clairement que les élus municipaux et les municipalités étaient intrinsèquement prodigues, inefficients et incapables de coopération. Malgré la preuve du contraire, la solution consistait à économiser et à promouvoir le développement économique en créant de plus grandes municipalités régies par un nombre moindre de conseillers élus. Les décisions de politique publique ne sont pas toutes prises en fonction d'évaluations attentives et rationnelles d'autres mesures ou de l'inaction. Malheureusement, les principaux exemples des années 1990 sont des décisions de politique qui mettent en cause nombre des fusions municipales abordées dans le présent chapitre.

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CHAPITRE 5 LA MEGA-VILLE DE TORONTO1 u chapitre 2, nous avons examiné le rapport de la A Commission royale Goldenberg sur Métro Toronto ainsi

que la décision ultérieure du gouvernement provincial, dirigé par le premier ministre John Robarts, de regrouper en six unités les 13 municipalités qui constituaient Métro Toronto. Dans les années 1970, après son départ de la politique active, M. Robarts a été nommé commissaire unique d'une commission royale chargée d'étudier, encore une fois, Métro Toronto. Il se prononçait dans son rapport, publié en 1977,2 en faveur d'un changement des limites des municipalités de Métro Toronto, mais sans en changer le nombre d'unités constituantes. Ces changements n'ont jamais été mis oeuvre. M. Robarts recommandait également dans son rapport que des membres du conseil de Métro Toronto (autres que les six maires) soient élus au suffrage direct. On n'a donné suite à cette recommandation qu'en 1988, lorsque les libéraux formaient le gouvernement provincial.3 Également en 1988, le gouvernement libéral a créé le Bureau de la Région du Grand Toronto; il s'agissait d'un petit groupe de fonctionnaires dirigés par un sous-ministre qui avait le mandat de rassembler les divers éléments du gouvernement dont le travail touchait la Région du Grand Toronto. Son 1. Le présent chapitre, en particulier les troisième, quatrième et cinquième sections, porte sur les activités de la méga-ville de Toronto; il a été préparé avec l'aide de Lionel D. Feldman Consulting Ltd. La Ville de Montréal a commandé sa propre étude sur les causes et effets de la méga-ville. Voir Don Stevenson et Richard Gilbert, « Restructuring Municipal Government in Greater Toronto », préparé pour la Ville de Montréal, 30 juillet 1999. L'étude est disponible à cliquer "Études connexes". 2. Ontario, Report of thé Royal Commission on Metropolitan Toronto, (1977,), 2 vol. 3. Hugh Mellon, « Reforming thé Electoral System of Metropolitan Toronto : Doing away with Dual Représentation » Administration publique du Canada, 36-1 (printemps 1993), p. 38-56.

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territoire, connu sous l'abréviation anglaise GTA, comprenait Métro Toronto et les municipalités régionales de Halton, Peel, York et Durham. En 1991, la région comptait 4,2 millions d'habitants.4 La Région du Grand Toronto a été durement touchée par la récession du début des années 1990. La plupart des problèmes économiques de la des bourgs relevait de ce que lon peut appeler des gouvernements municipaux. Cependant, il y avait de graves inégalités de l'impôt foncier, des difficultés à coordonner la planification de l'infrastructure et une croyance répandue selon laquelle les divers éléments du système municipal se nuisaient mutuellement. En avril 1995, le premier ministre Bob Rae a nommé Anne Golden, la présidente de Centraide de la Région du Grand Toronto, à la direction d'un groupe de travail de cinq membres qui avait pour responsabilité d'étudier « la qualité de la vie, la gestion publique et la compétitivité de la région. »5 Les travaux du groupe de travail Golden ont enclenché une remarquable série d'événements dont les résultats étaient tout à fait imprévisibles. Le présent chapitre compte cinq sections. La première décrit la façon dont le groupe de travail Golden a traité la question de la gouvernance de la Région du Grand Toronto. La deuxième traite du processus de prise de décisions sur cette question à l'intérieur du parti conservateur de l'Ontario, depuis avant l'élection de 1995 qui a porté le parti au pouvoir, jusqu'au lendemain de sa réélection, en 1999. La troisième, la quatrième et la cinquième sections ont trait respectivement aux questions de dotation en personnel, de gestion des finances et de gouvernance de la nouvelle Ville de Toronto, la « méga-ville » qui est née le 1er janvier 1998 à la suite de l'adoption l'année précédente d'une loi parrainée par les Conservateurs. Quels qu'en soient l'intérêt et l'importance, nous n'aborderons pas en détail6 la longue bataille de groupes de citoyens de Toronto et des partis d'opposition contre l'adoption de la loi sur la méga-ville de Toronto; nous

4. Frances Frisken, « The Greater Toronto Area in Transition : The Search for New Planning and Servicing Stratégies » dans Donald N. Rothblatt et Andrew Sancton, éd., Metropolitan Govemance Revisited : American/Canadian intergovernmental Perspectives (Berkeley : Institute of Governmental Studies Press at thé University of California, 1998), p. 161-235. 5. Ontario Task Force on thé Future of thé Greater Toronto Area, Greater Toronto : Report ofthe GTA Task Force (Toronto : Queen's Printer, 1996), p. 9. 6. Voir Martin Horak, « The Power of Local Identity : C4LD and thé Anti-amalgamation Mobilization in Toronto » Research Paper 195, Centre for Urban and Community Studies at thé University of Toronto, Novembre 1998.

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n'analyserons pas non plus la vaine contestation juridique contre la loi gouvernementale sur la méga-ville.7

LE GROUPE DE TRAVAIL GOLDEN8 Aux fins du présent rapport, on se doit d'analyser la démarche du groupe de travail devant la question de fusion municipale. Divers observateurs ont fait d'innombrables affirmations, notamment dans The Toronto Star, selon lesquelles l'existence de trente municipalités dans la Région du Grand Toronto entraînait du gaspillage et des dédoublements. De nombreux citoyens supposaient que la fusion municipale constituait un point important au programme du groupe de travail. Par exemple, le groupe de travail a reçu de nombreuses lettres de simples citoyens d'East York qui souhaitaient que le quartier et la commission scolaire ne soient pas regroupés avec des secteurs voisins, de sorte qu'ils puissent continuer à fournir leur ensemble unique de services locaux.9 Notons que le groupe de travail a reçu très peu de propositions sérieuses en faveur d'un regroupement municipal radical. Métro Toronto a mis de l'avant l'idée d'une nouvelle commission de la Région du Grand Toronto qui comprendrait le territoire de 21 des 30 municipalités existantes de la Région du Grand Toronto. Elle proposait un modeste regroupement qui aurait donné lieu à 15 nouvelles municipalités. Compte tenu des difficultés politiques éventuelles au conseil de Métro Toronto à en décider autrement, toutes les municipalités de Métro Toronto devaient demeurer intactes.10 La Ville de Mississauga (463 000 habitants) estimait que le regroupement devrait donner lieu à des municipalités dont la population se situerait entre 400 000 et 800 000 habitants. Elle affirmait que les villes de cette taille de population 7. East York (Borough) v. Ontario (1997)153 D.LR. (4th) 299 (Ont. C.A.). 8. Une grande partie de cet exposé provient d'Andrew Sancton « Reducing Costs by Consolidating Municipalités : New Brunswick, Nova Scotia, and Ontario », Administration publique du Canada 39-3 (Automne 1996), 281-3. 9. Ces lettres peuvent être examinées dans le CD-ROM exceptionnellement utile qui accompagne le rapport du groupe de travail Golden. Il contient non seulement le rapport imprimé et les études secondaires, mais également des copies de toutes les présentations écrites faites au groupe de travail. lO.Municipality of Metropolitan Toronto, bureau du directeur général, Corporate Planning Division, « There's no turning back : A Proposai for Change, » août 1995, p. 11 (p. 1550 dans Ontario, Greater Toronto, version CD-ROM, fichier Appendix).

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... pouvaient répondre aux besoins des secteurs résidentiels et à ceux de la collectivité des affaires, tout en assurant une excellente gestion municipale à la manière d'une entreprise. On peut également traiter de façon plus efficace la prestation de services publics intermunicipaux et maximiser les possibilités de partenariats avec le secteur privé.11

La Ville de Markham a préconisé le regroupement municipal dans la région de York « parce que les efficacités d'échelle restent à réaliser ». Cependant, elle s'opposait à un regroupement complet en une municipalité unique car elle estimait que « lorsque les institutions deviennent trop grandes et lourdes, les économies d'échelle supposées ont tendance à disparaître et à s'inverser... les institutions deviennent plus coûteuses, moins souples et moins ouvertes à l'influence du grand public ».12 Dans des mémoires distincts, les municipalités moins importantes d'Ajax et de Milton ont toutes deux affirmé que les municipalités plus petites étaient plus efficaces que les grandes.13 Les deux mémoires contenaient des données quantitatives brutes pour l'Ontario en général et pour la Région du Grand Toronto en particulier, selon lesquelles les dépenses en immobilisations par habitant augmentaient en fonction de la taille. Même si les données étaient brutes, elles ont été néanmoins présentées. Les promoteurs du regroupement n'ont présenté aucun chiffre. La position du groupe de travail sur le regroupement, bien que digne de mention, n'a pas attiré beaucoup l'attention. Elle mérite un examen minutieux. Le groupe de travail a souligné que les avantages d'économie du regroupement sont « souvent surfaits ». Son scepticisme était fondé sur deux considérations, la première étant que : Le coût de la prestation des services ne diminue pas toujours à mesure qu'augmenté la quantité de service. De fait, la fusion peut causer des déséconomies d'échelle. De plus, les économies entraînées par l'élimination des dédoublements administratifs 11.City of Mississauga, « Running thé GTA Like a Business, » août 1995, p. 13 (p. 1759 dans Ontario, Greater Toronto, version CD-ROM, fichier Appendix). 12.Town of Markham, Chief Administrative Officer and Senior Management, « Submission of thé Town of Markham, to thé Golden Task Force, » septembre 1995, p. 2-3, (p. 1470-1 dans Ontario, Greater Toronto, version CD-ROM, fichier Appendix). 13.Town of Ajax, « Submission to thé Greater Toronto Area Task Force, » et Town of Milton, « Bigger is Not Better. Smaller is Smarter : Second Submission to thé GTA Task Force, » septembre 1995, p. 4-5 (p. 55-6 et 1737-8 respectivement dans Ontario, Greater Toronto, version CD-ROM, fichier Appendix).

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peuvent être annulées par l'augmentation des salaires et des normes de service qui survient souvent lorsque sont combinées des structures différentes de salaires et de services.14 Le groupe de travail fonde cette déclaration sur les travaux de Joseph Kushner et autres'5 ainsi que sur l'étude préparée en 1992 par Priée Waterhouse pour des municipalités de la municipalité régionale d'OttawaCarleton. Selon cette étude, un regroupement complet de la région entraînerait une augmentation des coûts parce qu1 « il y aurait perte des habitudes très économes des municipalités plus petites, perte qui ne serait pas compensée par des économies d'échelle importantes ».16 La deuxième considération présentée par le groupe de travail était la suivante : La fusion diminue la concurrence entre les municipalités, ce qui peut entraîner une diminution de l'efficacité. Comme il y a moins de municipalités avec lesquelles effectuer des comparaisons, il y aurait moins de possibilités de mesurer le rendement relatif et moins d'incitation à maintenir les coûts bas.17 Après avoir fait une déclaration plutôt révolutionnaire dans le contexte de l'Ontario, le groupe de travail s'est ensuite réfugié en lieu sûr : Même si le groupe de travail hésite à recommander un regroupement général des municipalités, il reconnaît que certaines d'entre elles, dans leur situation actuelle, n'auront pas la capacité financière de fournir toute la gamme de services que propose le groupe de travail. Dans ces circonstances, nous croyons que le regroupement devrait être mis en oeuvre.18 Le groupe de travail a alors souhaité transférer l'épineuse question à une autre institution, en l'occurrence la commission proposée pour la création de la Région du Grand Toronto (Greater Toronto Implementation 14.Ontario, Greater Toronto, p. 212. 15.Joseph Kushner, Isodore Masse, Thomas Peters et Lewis Soroka, « The Déterminants of Municipal Expenditures in Ontario, » Revue fiscale canadienne, 44-2 (1996), p. 451-64. 16.Price Waterhouse, The Municipalities of Ottawa-Carleton : Study of thé Financial Impact of One-Tier Government in Ottawa-Carleton, 27 août 1992, p. i. 17.Ontario, Greater Toronto, p. 213. 1 S.Ontario, Greater Toronto, p. 213.

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Commission). Si l'on considère comme « mise oeuvre » le fait de décider du nombre adéquat de municipalités dans la Région du Grand Toronto, il est difficile dans ce contexte de déterminer ce qui aurait constitué une « politique ». Le groupe de travail Golden était visiblement sceptique face aux avantages des fusions municipales à grande échelle. Cependant, rares sont ceux qui s'en sont aperçus, car la recommandation principale touchant les institutions consistait à créer un conseil régional relativement puissant, mais non élu au suffrage direct, le Greater Toronto Area Council; ce dernier devait agir comme nouvelle autorité supérieure qui remplacerait Métro Toronto et les quatre gouvernements régionaux. Une recommandation de ce genre a causé des difficultés considérables au nouveau gouvernement dirigé par le premier ministre Mike Marris.

LES CONSERVATEURS DE HARRIS ET LA MÉGA-VILLE DE TORONTO Au chapitre précédent, nous avons signalé que la Révolution du bon sens ne laissait en rien prévoir que le gouvernement Marris parrainerait des fusions municipales. S'ils se fiaient aux déclarations des conservateurs dans l'opposition, y compris à celles de M. Marris lui-même, les électeurs se seraient plutôt attendus au démantèlement des gouvernements régionaux de l'échelon supérieur. Il semblait tout à fait impossible de croire qu'un gouvernement Marris puisse être responsable de la plus grande fusion municipale de l'histoire canadienne - la méga-ville de Toronto -, et ce, même au cours des mois qui ont immédiatement précédé son élection en 1995. Il est difficile de déterminer les origines de la décision relative à la création de la méga-ville. Le 5 janvier 1995, Mike Marris était le chef de ce qui était alors le tiers parti à l'Assemblée législative de l'Ontario; il a créé un groupe de travail pour apporter le bon sens à Métro Toronto, comme les journaux le titraient. La présidente était Joyce Trimmer; celle-ci avait pris sa retraite quelques mois plus tôt à titre de maire de Scarborough.19 Elle avait fait l'objet, de la part de Mike Marris, de tentatives de recrutement à titre de candidate conservatrice au cours de l'élection suivante; toutefois, elle avait maintenu sa décision de quitter l'arène politique. Il y avait trois coprésidents, soit Al Leach, Derywn Shea et Morley Kells, qui sont tous devenus des candidats conservateurs élus en juin 1995. Le groupe de 19.Ontario Progressive Conservative Caucus, «News Release - Mike Marris: Bringing Common Sensé to Métro Government », le 5 janvier 1995.

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travail a tenu six audiences publiques dans Métro Toronto, en février et en mars 1995; toutefois, ses membres ne se sont jamais réunis à eux seuls pour discuter de leurs recommandations. Selon des notes manuscrites de Mme Trimmer, parmi les quelque trente présentations, aucune ne recommandait un regroupement complet, même si quelques-unes proposaient que Métro Toronto ne compte que quatre municipalités et non six. On a mentionné fréquemment le souhait que Métro Toronto soit éliminée, ou du moins, que son autorité soit diminuée et son budget réduit. En rétrospective, il semble que l'existence du groupe de travail était due davantage à des préparatifs d'élection qu'à des préparatifs de gouvernement. Le recrutement de Mme Trimmer aurait donné beaucoup de crédibilité à la campagne Marris dans Métro Toronto; elle était certainement mieux connue que n'importe quel de ses trois coprésidents. Le personnel de soutien du groupe de travail provenait du bureau de M. Marris, notamment de David Lindsay et de Tony Clément. À un moment donné, David Lindsay a envoyé à Mme Trimmer « un premier montage d'un rapport provisoire, de vous à Mike ». Il écrivait qu'il envoyait « un exemplaire à Mike à North Bay pour recueillir ses observations et suggestions. Je serais heureux de recevoir vos pensées et opinions ».20 Étant donné que Mme Trimmer était la présidente, cette dernière observation semble être révélatrice de l'opinion que les membres du bureau du chef avaient de l'indépendance du groupe de travail. Le « premier montage » auquel M. Lindsay faisait référence comprenait des ébauches d'une lettre d'accompagnement de deux pages, datée du 30 mars 1995, et un rapport de six pages. Dans la lettre, il était fait mention de huit « constatations » dont aucune ne comportait le souhait d'éliminer le niveau de gouvernement de Métro Toronto. Cependant, dans un paragraphe distinct de la lettre, on trouvait la déclaration suivante : Ces observations nous portent à conclure qu'il faut éliminer le niveau de gouvernement de Métro Toronto. La responsabilité de la prestation de certains services devrait être transférée au niveau local; d'autres services, comme les transports, devraient être structurés sur une base régionale élargie au-delà des limites actuelles de Métro Toronto. Il se peut que certains services doivent être fournis par la province.

20.Lettre manuscrite de « David » à « Joyce », non datée, mais accompagnée de l'ébauche tapée à la machine d'une lettre de Joyce Trimmer à Michael Marris, datée du 30 mars 1995.

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Le « rapport provisoire » n'a jamais été publié officiellement. De fait, les quatre membres du groupe de travail ne se sont jamais réunis pour en discuter. Il n'y a pas de preuve que l'un d'eux ait signé ce document. Cependant, le 3 avril, au cours d'un débat préélectoral sur les questions relatives à la Région du Grand Toronto parrainé par The Toronto Star, Mike Marris a déclaré « Mardi dernier, la présidente, Joyce Trimmer, a présenté une mise à jour des travaux du groupe de travail ».21 « Mardi dernier » était le 30 mars, soit la date de l'ébauche de la lettre d'accompagnement. Pendant le débat, M. Marris a fait un certain nombre de mentions précises aux travaux du groupe de travail Trimmer. Il a souligné que le groupe de travail avait conclu qu' « il y avait trop de limites politiques arbitraires » et que le groupe de travail en arrivait à la conclusion suivante : Dans sa forme actuelle, le gouvernement de Métro Toronto doit disparaître... ^élimination du gouvernement de Métro Toronto entraînerait l'élimination de l'imposition régionale. En vertu de cette option, les conseils locaux négocieraient le paiement direct de leur part du coût des services régionaux... Il peut en découler l'élimination complète d'un niveau entier de gouvernement.22

Même si ce débat n'a pas permis de connaître exactement les ententes structurelles que favorisait M. Marris, trois points étaient tout à fait évidents : il appuyait les constatations du groupe de travail Trimmer (qui, de toute manière, avaient été rédigées dans son propre bureau); il n'y avait pas le moindre indice de méga-ville; et, on prévoyait l'élimination du niveau de gouvernement de Métro Toronto. Il n'est pas surprenant que le gouvernement Marris adopte en définitive une position différente du groupe de travail Golden qui avait été nommé par le NPD. On doit analyser davantage le fait que ce gouvernement rejette les constatations de son propre groupe de travail préélectoral dont l'un des membres est devenu ministre des Affaires municipales. Les comptes rendus journalistiques des événements sont contradictoires. Dans le Toronto Sfardu 21 décembre 1996, William Walker s'en remet aux propos d'un fonctionnaire du ministère des Affaires municipales qu'il ne nomme pas. Le fonctionnaire a déclaré que le plan Golden d'un conseil pour la Région du Grand Toronto a été rejeté rapidement parce que « nous craignions que soit créé un petit pays, voire une petite province. » Toutefois, si la promesse électorale de M. Marris devait être exécutée par 21.« Mike Harris : « Within 180 days of taking office, my government will act, » The Toronto Star, le 4 avril 1995, p. A14. 22.Mike Harris : « Within 180 days ».

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l'abolition du niveau de gouvernement de Métro Toronto, la question à régler serait l'existence des services de Métro Toronto. Sur ce sujet, Walker cite David Crombie, ancien maire de Toronto et président du « comité responsable de déterminer qui fait quoi », nommé par le premier ministre Marris pour examiner les questions provinciales-municipales dans toute la province. Le comité Crombie n'a pu en venir à une entente au sujet de la question de Métro Toronto; toutefois, M. Crombie était catégorique : les services de Métro Toronto ne pouvaient être transférés aux municipalités. De fait, Walker est d'avis que Crombie est celui qui a proposé le premier la méga-ville à une réunion tenue en juillet 1996. Walker cite son représentant du ministère qui déclare que « Crombie était la clé. Lorsque nous avons entendu le roi des quartiers, le gars qui a grandi à Swansea, dire que les quartiers n'en souffriraient pas, nous l'avons bien accepté sur le plan théorique. Nous étions tous rassurés ». Dans son livre sur le gouvernement Marris, John Ibbitson mentionne Crombie uniquement en soulignant que lui-même (comme le groupe de travail Golden) était davantage préoccupé par la Région du Grand Toronto dans son ensemble que par des structures municipales de Métro Toronto." Selon Ibbitson, Al Leach était l'auteur de la méga-ville. Marris était initialement sceptique mais il a ensuite été gagné par des arguments relatifs à l'appui que la fusion apportait à la cohérence et à la compétitivité mondiale tout en éliminant commodément la source d'une importante opposition politique, soit le conseil municipal de Toronto.24 À l'Assemblée législative, lorsqu'il a été confronté au conflit apparent entre la Révolution du bon sens et la politique relative à la méga-ville, Al Leach a déclaré ce qui suit : Je crois que nous avons maintenant tous entendu l'observation selon laquelle la Révolution du bon sens ne disait rien de la fusion de Métro Toronto. De fait, qu'avons-nous promis dans la Révolution du bon sens ? Nous avons affirmé que l'Ontario aurait un gouvernement moins interventionniste. Nous avons déclaré qu'il devrait y avoir moins d'élus et de bureaucratie ainsi que moins de chevauchements et de dédoublements. Cette loi nous aidera à atteindre nos buts.25

23.John Ibbitson, Promised Land : Inside thé Mike Marris Révolution (Toronto, Prentice-Hall, 1997), p. 249. 24.lbbitson, Promised Land, p. 247. 25.Ontario, Hansard, le 15 janvier 1997.

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En réponse aux questions de l'opposition à l'Assemblée législative, MM. Leach et Marris ont même affirmé que leurs actions étaient conformes aux huit grandes recommandations du rapport Trimmer, sans mentionner qu'elles étaient contraires à sa conclusion principale.26 Toute la preuve laisse entendre que les conservateurs de Marris ne sont pas arrivés au pouvoir en favorisant la fusion municipale, que ce soit à Toronto ou ailleurs. À l'extérieur de Toronto, cette question a soulevé l'attention à la fin de 1995 à la suite du projet de loi 26 dont les détails étaient - c'est un fait reconnu par presque tous - axés sur un programme de fonctionnaires plutôt que sur un programme politique. Nous avons traité au chapitre précédent des répercussions du projet de loi 26. Il a fallu plus d'un an après l'entrée en vigueur du projet de loi 26 avant que naisse la méga-ville de Toronto. La combinaison du rapport du groupe de travail Golden et des promesses électorales de M. Marris ont forcé le gouvernement à agir. Les recommandations Golden étaient condamnées 26.Les observations de M. Leach ont été prononcées le 15 janvier, celles de M. Harris, le 21 janvier. Au début de janvier une copie de « The Métro Task Force Summary » a commencé à circuler parmi les opposants de la loi sur la mégaville. Elle ne portait aucune date; elle était sur du papier uni, sans indice qui pourrait la rapprocher du parti Conservateur ou du groupe de travail Trimmer. Cette copie est identique à un document qui se trouvait dans les propres fichiers de Joyce Trimmer; mais le texte n'est pas identique à celui du rapport préliminaire de six pages envoyé par Pavid Lindsay à Mm* Trimmer (voir note 20). Le 17 novembre 1998, dans une entrevue avec rnoi, M1"* Trimmer a expliqué qu'elle avait apporté des changements à la première version et qu'elle avait envoyé une copie révisée au bureau de M. Harris. J'ai maintenant en ma possession trois versions différentes du rapport Trimmer, toutes non datées. Le contenu est essentiellement identique, bien que le document qui a été distribué en janvier - qui, selon M™ Trimmer, est la version provisoire définitive- contient les déclarations suivantes qui ne se trouvent pas dans la première version : ... le groupe de travail recommande l'élimination du niveau de gouvernement de Métro Toronto comme pierre angulaire du processus de réforme. Nous devons être conscients des prétendues « économies d'échelle »; pour des raisons d'efficacité, on intègre de petites organisations à de grands ensembles qui se retrouvent rapidement enlisés par la croissance de la bureaucratie. On ne sait pas au juste à quelle version du rapport Trimmer les divers membres de l'Assemblée législative faisaient référence, ou même s'il s'agissait du même rapport. De toute façon, les huit « grandes recommandations » mentionnées par MM. Leach et Harris se trouvaient dans la lettre d'accompagnement de M™Trimmer à M. Harris, et non dans le rapport. Il est peu probable que les membres de l'opposition connaissaient même l'existence de cette lettre.

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parce qu'elles prévoyaient ce qui était clairement un niveau de gouvernement local à l'échelle de la Région du Grand Toronto ainsi que des agences de services municipales qui ressemblaient aux gouvernements de Métro Toronto et des régions dont l'abolition était prévue. Le groupe de travail Golden n'a jamais énoncé de vision de modes de gestion métropolitaine qui puissent être attrayantes pour des Conservateurs anti-gouvernement et favorables aux forces du marché.27 Le groupe de travail Trimmer a tenté d'accomplir une telle tâche, mais sans cadre théorique sérieux et sans envisager toutes les questions apparemment sans réponse qui découleraient de l'abolition des gouvernements supérieurs existants. Étant donné que, au moment du débat du Toronto Star, les déclarations publiques de Marris portaient plutôt sur l'élimination d'un niveau de gouvernement que sur la recherche de solutions de rechange, le gouvernement est arrivé au pouvoir sans démarche clairement établie. Mais Harris s'était engagé à livrer un gouvernement moins interventionniste. Il n'était pas difficile politiquement d'établir un lien entre un gouvernement moins interventionniste et la réduction du nombre de gouvernements, d'organismes gouvernementaux et d'élus. Même les partisans avoués du marché libre, comme les chambres de commerce locales (y compris le Toronto Board of Trade) établissent souvent un lien entre les deux, aucun analyste sérieux ne ferait une erreur si évidente. Toutefois, la position de la chambre de commerce présente une certaine logique interne. Parfois, les entreprises souhaitent un gros gouvernement unique, dominé par quelques élus, qui soit capable de résoudre de grands problèmes sur de vastes territoires. Mais ce souhait n'est pas le même que vouloir un gros gouvernement unique parce qu'il est plus économique et plus efficace. De tous ceux qui ont examiné sérieusement cette question, personne n'est jamais arrivé à une telle conclusion.2B Lorsque le gouvernement Harris a commencé à affronter les questions de gouvernance de la Région du Grand Toronto, il a découvert que tout plan d'abolition de Métro Toronto et des régions donnait lieu, dans les faits, à un système qui, du moins pour ce qui est des organigrammes, était plus compliqué. On considérait que la complexité était l'ennemi - en particulier 27J'ai tenté d'exposer ce point dans « Assessing thé GTA Task Force's proposais on Governance », Policy Options, septembre 1996, p. 38-41. 28.VOUS trouverez une revue importante de la documentation spécialisée et une démarche nouvelle sur cette question dans George Boyne, « Population Size and Economies of Scale in Local Government », Policy and Politics, 23-3 (1995), p. 213-22.

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si elle prévoyait l'établissement de commissions et de conseils intermunicipaux pour remplacer les gouvernements métropolitains et régionaux. Une telle démarche n'a jamais posé de problème au gouvernement Thatcher, en Grande-Bretagne, un gouvernement que Marris cherchait à imiter. Mais Mme Thatcher comprenait clairement la différence entre un gouvernement moins interventionniste et un nombre moindre de gouvernements, entre le souhait de diminuer la bureaucratie et le souhait de réduire le nombre d'élus. À cause de l'absence d'une recherche et d'une préparation rigoureuses, le gouvernement Marris est semble-t-il tombé par hasard sur la solution de la méga-ville. Une fois que la politique a été adoptée, il n'était plus possible de tenir un débat sérieux. Les porte-parole du gouvernement du premier ministre Marris aux fonctionnaires du ministère des Affaires municipales, ne pouvaient que répéter le mantra selon lequel la méga-ville éliminait un niveau de gouvernement, réduisait les chevauchements et dédoublements et diminuait le nombre d'élus. Ces mots étaient conformes au vocabulaire de la Révolution du bon sens. À cette étape, il n'importait plus que la politique soit contraire à son principe de base, soit le besoin d'un gouvernement moins interventionniste, plus efficace et plus responsable. Le reste de ce chapitre évalue l'expérience de la méga-ville après sa création.

QUESTIONS DE DOTATION EN PERSONNEL Comme à Halifax, le nouveau conseil municipal fusionné est arrivé au pouvoir pourvu d'un directeur général et d'officiers municipaux déjà en place. Ces nominations étaient l'une des responsabilités de l'équipe de Transition Toronto, un groupe de six personnes (dont le président de Métro Toronto, Alan Tonks, assurait la présidence) qui a été chargé par le gouvernement provincial de gérer la transition entre le 25 avril et le 31 décembre 1997. L'équipe a manqué de temps et de ressources et la transition a été très peu ordonnée. La nomination du directeur général a été l'une de ses tâches les plus difficiles. L'équipe a décidé qu'elle ne nommerait personne pour un mandat de plus de trois ans, soit la durée du mandat du conseil. Ce facteur a rebuté certains candidats qui se sont retirés à l'étape de la liste restreinte. D'autres se sont retirés parce que, pendant le long processus de sélection, ils auraient accepté d'autres postes. Le candidat retenu a été Michael R. Garrett, un ancien sous-ministre adjoint au gouvernement de l'Ontario qui, au moment de sa nomination à Toronto, était directeur de la municipalité

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régionale de Peel. À ce titre, il avait été un critique constant de ce que lui et ses maîtres politiques considéraient comme des dépenses extravagantes dans Métro Toronto et ses municipalités constituantes.29 Le conseil municipal de Toronto a donc été forcé d'approuver la nomination de M. Garrett en janvier 1998, et ce, même si de nombreux conseillers estimaient que le candidat n'avait pas suffisamment d'expérience de la grande ville. L'une des priorités initiales de M. Garrett a été de choisir les personnes qui occuperaient les autres postes de haute direction. L'opération était délicate, car il fallait établir un équilibre entre les anciennes municipalités et veiller à ce que les femmes et les minorités visibles soient adéquatement représentées. En bout de ligne, toutes ces considérations ont été prises en compte, même si les anciens administrateurs de Scarborough n'ont rien obtenu au cours de la première série de nominations de cadres. Il a été décidé dès le début de ne pas nommer des gens venant de l'extérieur (sauf M. Garrett) à des postes de direction. Au cours des premiers mois de la méga-ville, ceux qui avaient déjà été nommés à des postes cadres (y compris M. Garrett) consacraient une partie importante de leur temps précieux à interviewer des candidats à des postes moins élevés. Les candidats eux-mêmes étaient tous censés conserver leur ancien poste; certains, sous la pression intense d'heures exceptionnellement longues, et ce, sans savoir au juste s'ils iraient travailler pour la nouvelle ville. Le moral en a souffert. On a offert aux employés municipaux de généreuses primes de départ. Heureusement, tous les employés adhéraient au même régime de retraite, soit le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS). En vertu des dispositions de ce régime, était admissible à la rente complète et à tous les avantages l'employé dont le total de l'âge et des années de service était égal à 80. Comme il arrive souvent dans ces circonstances, de nombreux employés parmi les plus compétents ont négocié une entente de départ et ils sont partis immédiatement au lieu d'affronter l'incertitude permanente. Le coût total prévu en 2000 des ententes de départ est de 50 millions $, soit 24 % de tous les coûts de transition non-récurrents.30 Une règle interdit aux anciens cadres et employés de la direction qui ont bénéficié d'une entente de départ volontaire, de travailler pour le compte 29.John Lorinc, « Rail to thé Chief », Toronto Life, Avril 1999, p. 58. 30.City of Toronto, Office of thé Chief Administrative Officer, Amalgamation Office, Building thé New City of Toronto : Status Report on Amalgamation, juillet 1999,

p. 71.

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de la nouvelle Ville de Toronto avant au moins deux ans. On rapporte que cette règle a été enfreinte à de nombreuses occasions; ainsi, on a accordé à d'anciens employés des contrats de consultation qui valaient plus que le coût de leurs anciens salaires et avantages. Il est évident que tout n'a pas bien été au sein de l'équipe de la haute direction. Le problème découle en partie du fait que l'équipe a été critiquée par les conseillers pour sa lenteur à intégrer entièrement les sept bureaucraties municipales. On a souvent entendu dire que M. Garrett avait été presque renvoyé, qu'il avait presque démissionné, ou encore qu'il partirait au terme de son mandat.31 Pendant ce temps, parmi les six « commissaires >> qui relèvent directement du directeur général, deux sont déjà partis, un a été renvoyé et un autre est maintenant sous-ministre au gouvernement de l'Ontario. Le 9 novembre 1999, l'adjoint au maire a déclaré, dit-on, que « Toronto doit augmenter la rémunération sinon elle aura des difficultés à recruter et à conserver des administrateurs cadres ». Le salaire de M. Garrett se situerait entre 185 000 $ et 190 000 $, celui des commissaires, autour de 150000$, et celui des directeurs (niveau immédiatement au-dessous de celui des commissaires), entre 100 000 $ et 145 000 $.32 RÉPERCUSSIONS FINANCIÈRES

Le 23 novembre 1996 - environ trois semaines avant d'annoncer pour la première fois sa politique à l'égard de la méga-ville - le ministre des Affaires municipales de l'Ontario, Al Leach, a commandé à KPMG une évaluation, à un coût de 100000 $, des répercussions financières de la fusion de toutes les parties constituantes de la municipalité de Métro Toronto. Les résultats de cette étude ont été rendus publics le 16 décembre.33 Le lendemain, dans le cadre de son annonce, M. Leach a fait la déclaration suivante : Hier, notre gouvernement a publié une étude préparée par les consultants en gestion KPMG.

31.Lorinc, « Rail to thé Chief », p. 57-64. 32.James Rusk, « Pay too low for top city staff : Ootes », The Globe and Mail, 9 novembre 1999. 33.James Rusk, « Métro to become one big city », The Globe and Mail, le 17 décembre 1996, p. A-1.

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Cette étude démontrait qu'au cours de ses trois premières années d'existence, une ville unifiée de Toronto économiserait 865 millions $ et réaliserait des économies annuelles de 300 millions $ par la suite.34

On doit souligner cinq points importants au sujet de cette déclaration : 1. Même si M. Leach a reconnu qu1 « il ne s'agit pas seulement d'une question d'argent », les économies financières sont sans aucun doute la principale justification de la politique. On n'a pas expliqué d'autres mentions de « l'élaboration d'un noyau central dans la Région du Grand Toronto et en Ontario qui soit concurrentiel et fort, et qui ait une présence internationale sur les marchés mondiaux », ni de « l'élimination des obstacles artificiels ». Par exemple, aucune étude de consultants - ni aucune autre forme de justification - ne porte sur la prétention selon laquelle la position concurrentielle mondiale des entreprises de Toronto serait améliorée à la suite de la fusion. 2. L'étude de KPMG était beaucoup plus hésitante dans ses conclusions que M. Leach le laissait entendre. La veille, alors qu'il faisait des observations au sujet de l'étude, Ron Hikel, un partenaire de KPMG a déclaré qu' « il se peut que la fusion produise des économies nettement moins considérables que ce dont nous avons parlé; ce pourrait même être un résultat négatif, une augmentation nette des dépenses ».3S 3. L'étude a porté sur deux types de dépenses : celles qui découleraient directement de la fusion (de 82 à 112 millions $ par année), et celles qui seraient générées par l'amélioration de l'efficacité (de 148 à 252 millions $ par année).36 Il n'y a pas nécessairement de lien entre la fusion et les améliorations de l'efficacité suggérées. De fait, quelquesunes de ces améliorations avaient trait aux services qui étaient déjà fusionnés, notamment le service de police.

34Texte partiel d'un discours d'Aï Leach devant le Toronto Board of Trade, le 17 décembre 1996, réimprémé dans The Toronto Star, le 18 décembre 1996, p. A27. Dans le communiqué du ministère sur l'étude KPMG, on trouvait une déclaration également ferme au sujet des économies prévues. Voir