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HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUTION EN ALSACE

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUTION Collection dirigée par BERNARD PLONGERON

C.N.R.S.

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUTIO N EN ALSACE

PAR

DOMINIQUE ET CLAUDE

VARRY MULLER

BREPOLS

© C.N.R.S. - B. PLONGERON et P. LEROU BREPOLS - Steenweg op Tielen 68, B. 2300 TURNHOUT ISBN: 2-503-50291-1

PRÉFACE

Ce volume appartient à la collection Hommes de Dieu et Révolution, second volet du programme inauguré par les actes du colloque international de Chantilly (1986): Pratiques religieuses, mentalités, spiritualité dans l'Europe révolutionnaire (1770-1820), Turnhout, Brepols, 1988, 777 p. Volontairement centré sur la vie religieuse des laïcs, ce collectif appelait des éclairages complémentaires sur l'encadrement pastoral des laïcs : les prêtres, les religieux et les religieuses. L'importance du renouveau historiographique en ce domaine que l'on croyait bien connu grâce, notamment, au foisonnement des études jaillies de plumes ecclésiastiques influencées par les rapports de l'Église et de l'État aux XIX0 -XX0 siècles, réactualisé dans les récents débats autour des statistiques des serments généralement limitées à la France de 1791, dictait, plus qu'une insatisfaisante mise au point, la reprise d'une enquête nationale, voire internationale, sur l'espace de l'Europe révolutionnaire, à frais nouveaux. Pour se dégager des stéréotypes en forme de jugements littéraires ou de chiffres approximatifs, il a été décidé, au cours de successives concertations entre la direction de la collection et les maîtres d'œuvre de chaque volume, que l'enquête monographique dessinerait un espace-temps précis et saurait recourir à des sources croisées. Un espace qui emprunte sa cohérence à la fois à la géographie diocésaine (Ancien Régime et Révolution) et à la géographie politique : celle des départements. Sur la durée révolutionnaire largement enracinée en amont, dans le XVIII0 siècle, et en aval, dans la reconstruction concordataire, souvent révélatrice d'options politico-religieuses bien antérieures.

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Cette première recomposition d'un "paysage" campé sur des mentalités de sensibilité régionale nécessitait, outre les réemplois d'une documentation ancienne mais souvent irremplaçable. la conjugaison des sources d'une histoire proprement religieuse avec celles d'une histoire administrative (correspondances entre les agents des ministères, des départements, des distticts, lois et décrets dans leurs applications locales ...), l'originalité de cette collection traduisant la volonté d'une école française de réinscrire les facteurs religieux dans une compréhension plus vaste. Sobrement intitulée Alsace. la copieuse monographie de Dominique VARR Y et Claude MULLER, spécialistes de ces terres de l'Est religieux, répond pleinement aux critères définis. Leur Alsace, largement taillée entre Vosges et Empire germanique, respecte une mosaïque confessionnelle et linguistique, englobant heureusement Haut-Rhin, Bas-Rhin et Territoire de Belfon jusqu'aux confins germaniques et helvétiques. Ils savent réinventer une histoire de "proximité" qui descend jusqu'à l'échelon cantonal, une unité administrative et religieuse qui a traversé tous les bouleversements d'un destin "alsacien". Qu'on n'attende pas de ces auteurs des effets en trompe-l'oeil ! A pas mesurés, ils avancent, avec une prudence de chartiste dans une réalité dont la complexe richesse a découragé plus d'un de leurs devanciers. Tableaux, cartes et graphiques renforcent la solidité d'une analyse qu'un lecteur pressé jugerait trop minutieuse. Aussi bien n'ont-ils pas la prétention de fournir une nouvelle histoire de l'Alsace pendant la Révoluùon, mais de débusquer les matériaux jusqu'à eux négligés ou ignorés en vue de réévaluations contraignantes parce que pondérées. Après Dominique VARRY et Claude MULLER et à cause de leur enquête de plusieurs années de documentation et d'écriture, les controverses ressassées autour d'une Alsace proclamée "réfractaire" face à une poignée de "constitutionnels". de préférence étrangers, prennent une dimension neuve. Elle s'élargit encore avec le premier volume de la collection récemment publié et consacré, par les soins d'Alfred MINKE à l'Entre Meuse, Rhin et Moselle. D'un volume à l'autre. les résultats obtenus dans des approches convergentes de l'encadrement pastoral ne sont pas le fruit de pures coïncidences. Bernard PLONGERON Directeur de recherche au CN.R.S.

INTRODUCTION

Encore un livre sur l'histoire révolutionnaire de l'Alsace, qui plus est portant sur la question religieuse, nous objectera+on en s'interrogeant sur sa nécessité et son bien-fondé. Il est vrai que la littérature sur cette affaire est, en Alsace, plutôt pléthorique, mêlant le meilleur et le pire, depuis la parution du travail de Frayhierl. En 1876, sous ses seules initiales, cet ecclésiastique publiait les listes, fautives et aujourd'hui inutilisables, du clergé alsacien avant, pendant et après la Révolution. La même année, paraissait La Persécution religieuse en Alsace de l'abbé Winterer2. Après ces publications pionnières, de nombreuses autres, de valeur inégale, devaient jusqu'à aujourd'hui voir le jour, aussi bien dans les périodiques des sociétés savantes, si nombreuses en Alsace, que dans les cercles universitaires. L'ouvrage qui devait faire autorité jusqu'à présent demeure La Constitution civile du clergé et la crise religieuse en Alsace de Rodolphe Reuss, complété par sa Grande fuite ... 3 Malgré leurs mérites, les travaux anciens souffrent cependant de trois handicaps majeurs. Le premier, qui n'est pas propre à cette province, est d'avoir adopté le point de vue et la phraséologie de l'Église catholique ultramontaine des XIXe et xxe siècles, condamnant sans appel tous ceux qui, de près ou de loin, avaient croisé le chemin de l'Église constitutionnelle. Mêmes rétractés, contrits et 1 FRAYHIER (C.-A.), Histoire du clergé catholique d'Alsace avant, pendant et après la grande Révolution, Colmar, 1876. 2 WINTERER (L.), La Persécution religieuse en Alsace de 1789 à 1801, Rixheim, 1876. 3 REUSS (R.), La Constitution civile du clergé et la crise religieuse en Alsace 17901795, Strasbourg, 1922. Idem, La Grande fuite de décembre 1793 et la situation politique du Bas-Rhin de 1794 à 1799, Strasbourg, 1924.

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repentants, ils demeuraient marqués d'une tache aussi honteuse qu'indélébile. Le recours, aujourd'hui encore. à des expressions aussi connotées que "jureurs", "intrus", "bons prêtres", "confesseurs de la foi" etc, que nous bannirons de nos propos, est là pour nous rappeler que les vaincus ont toujours tort, et qu'une certaine "désinformation" a été efficace. Le second est d'avoir privilégié le Bas-Rhin et la ville de Strasbourg, où les événements furent certes importants et significatifs, au détriment de l'Alsace méridionale. N'est-il pas révélateur que dans sa Constitution civile du clergé... en deux volumes de trente chapitres, Rodolphe Reuss n'en consacre que quatre au Haut-Rhin? Le troisième qui, lui aussi, est général, est de s'être trop souvent arrêté au seul serment constitutionnel, au détriment de tous ceux qui l'ont suivi. Agir ainsi est s'enfermer dans une vision réductrice de la situation, et méconnaître les revirements qui ont pu s'opérer par la suite, et que nous essaierons de mettre en relief. Ce travers est d'ailleurs encore actuel, comme le prouve la publication, en 1986, de l'enquête de l'historien américain Timothy Tackeu4. S'appuyant sur les perspectives nouvelles ouvertes par les travaux récents en histoire religieuse5, notre investigation, menée dans le cadre de l'enquête internationale "Hommes de Dieu et Révolution" coordonnée par Bernard Plongeron, directeur de recherche au CNRS, voudrait reconsidérer la question en faisant table rase de l'historiographie partisane et réductrice ancienne, pour repartir des sources d'archives publiques et privées. Les premiers enseignements, très provisoires, de cette quête ont déjà fait l'objet de communications au colloque de Strasbourg "L'Alsace au coeur de l'Europe révolutionnaire"f. Nous

4 TACKETI (f.), Religion, Revolwion, and regional eu.liure in eighleenth-cen.tury France. The ecclesiastical oath of 1791, Princeton. 1986 ; publié en France sous le titre: La Révolwion, l'Église, la France, le serment de 1791, Paris, 1986. 5 PLONGERON (B.), "Le fait religieux dans l'histoire de la Révolution française. objet. méthodes, voies nouvelles", Colloqu.e Albert Mathiez-Georges Lefebvre. Voies nouvelles pour l'histoire de la Révollllion française, Paris, 1978, p. 237264. Pratiques religieuses, mentalités et spiritualités dans l'Eu.rope révolu.tionnaire ( 1770-1820), actes du colloque du GRECO n°2 du C.N.R.S., Chantilly, 27-29 novembre 1986, réunis par LER OU (P.) et DARTEVELLE (R.). sous la direction de PLONGERON (B.), Turnhout, 1988. 6 VARRY (D.), "Le clergé du Haut-Rhin face aux serments révolutionnaires : premiers résultats d'une enquête en cours", L'Alsace au cœur de l'Europe révolutionnaire, Revu.e d'Alsace, 1989-1990, p. 217-236.

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livrons ici le fruit de plusieurs années de patientes recherches. Ce travail a pour point de départ la reconstitution aussi précise et fidèle que possible du destin individuel de tous les ecclésiastiques qui, à un moment ou un autre, entre 1789 et 1802, ont oeuvré en Alsace. Fort heureusement pour nous, quelques devanciers nous avaient frayé le chemin. Les biographies que nous avons reconstituées et utilisées ont pour point de départ celles jadis élaborées par Jules Joachim et plus récemment par l'abbé Louis Kammerer, auxquels nous sommes infiniment redevables. Jules Joachim a consacré une part importante de son oeuvre à l'histoire religieuse de la Révolution en Alsace, à travers de nombreux articles auxquels nous aurons souvent recours. Il n'a cependant jamais osé, ou eu le temps de donner la grande synthèse qu'on était en droit d'attendre de sa vaste connaissance de cette épineuse question. Il avait pourtant rédigé une Histoire religieuse dans le Haut-Rhin durant la Révolution française? demeurée inédite, et dont le manm;crit, non communicable, est conservé à la bibliothèque de Colmar. On doit cependant signaler que le volume qu'il a consacré à la crise religieuse à Belfort8 deméure un modèle du genre. Parmi ses papiers, il nous a laissé treize volumes de notes biographiques9 sur le clergé du Haut-Rhin, mais également utiles pour l'autre département et d'ailleurs utilisés par Tackett dans son récent ouvrage. Si ces fiches souffrent de ne pas indiquer de cotes d'archives, elles sont, vérification faite, extrêmement fiables et reposent sur un dépouillement vaste et précis des collections départementales et communales. Plus récemment, l'abbé Louis Kammerer, nous a donné un Répertoire du clergé d'Alsace sous l'Ancien Régime et un dictionnaire du Clergé constitutionnel en Alsace, qui couvrent les deux départementslO. On regrettera seulement qu'il y ait omis le clergé, pourtant alsacien, de l'actuel Territoire de Belfort. Nous ne nous sommes cependant pas contentés de cette matière pourtant plus que fiable. Nos propres recherches dans les dépôts alsaciens ou extérieurs à MULLER (C.), "Ils brandissaient les torches du fanatisme : la suppression des ordres religieux masculins en Alsace (1789-1792)", /demp. 245-271. 7 Notice biographique de Jules Joachim dans le N.D.B.A., fascicule 19, p. 18051806. 8 JOACHIM (J.), "La crise religieuse à Belfort pendant la Révolution 1789-1802", Bulletin de la société belfortaiM d'émulation, 1956-57. 9 JOACHIM (J.), Dictionnaire du clergé séculier et régulier du Haut-Rhin pendant la Révolution, B. M. Colmar, mss 972, 13 volumes (1746 notices biographiques). 10 KAMMERER (L.), Répertoire du clergé d'Alsace sous l'Ancien Régime (16481792). Strasbourg, 1983. Idem. "Le clergé d'Alsace sous l'Ancien Régime. Répertoires et sources", Archives de l'Eglise d'Alsace, 1984, p. 121-140. Idem, Le Clergé constitu.tionMI en Alsace (1791-1802). Strasbourg, 1987.

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cette province, déjà publiées par ailleurs ou encore inédites, nous ont permis de vérifier, d'amender ou corriger ces matériaux biographiques. Claude Muller s'est plus particulièrement attaché au cas des réguliers, Dominique Varry à celui des séculiers. C'est cette prosopographie qui nous a donc pennis de reconstituer les itinéraires individuels et collectifs des clercs ayant exercé en Alsace durant la période considérée. Le cadre géographique de cette étude, que nous définirons précisément plus loin, est celui des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, tels qu'ils ont alors été découpés. C'est dire que nous englobons dans notre propos l'actuel Territoire de Belfort. Par ailleurs, l'Alsace ayant, avant 1790, été soumise à des juridictions ecclésiastiques d'Empire, et les limites des deux départements ayant varié au cours de la période révolutionnaire, nous serons amenés à faire quelques incursions dans les territoires circonvoisins, et en particulier dans ce qui fut un temps le Mont-Terrible, d'autant que nous avons bénéficié des fiches établies par Jean Suratteau pour les ecclésiastiques de cette contrée. Ce volume est à la fois synthèse des travaux les plus fiables de nos devanciers, et première présentation de dépouillements archivistiques récents. Dans la tradition des publications du GRECO n° 2, il se veut outil au service du chercheur. Il fera donc la part belle aux séries statistiques. Mais les chiffres ne sauraient avoir d'autre valeur qu'indicative, traduisant des tendances et non une vérité intangible. C'est assez dire que nous reprenons à notre compte le propos tenu par Claude Langlois dans un colloque récent : "La quantification renvoie la religion à sa visibilité, à son inscription sociale ; elle ne peut qu'indirectement prendre en compte la singularité d'un.e expérience, le contenu d'une croyance. Mais cette approche quantitative, face à l'objet religieux analysé, ne fait, en dernière analyse, que rendre plus perceptible et plus explicite l'opération historiographique elle-même, qui consiste seulemenl à rendre le passé compréhensible en notre langage et selon nos interrogations, tout en sachant qu'il existe des modalités multiples d'interpellation 11 ... Au terme d'une moisson documentaire de plusieurs années. force nous est de reconnaître que l'abondance et la qualité de celle-ci est inégale selon que l'on considère l'un ou l'autre des deux départements alsaciens. De fait, nous possédons des informations plus nombreuses et plus précises pour le Haut-Rhin que pour le Bas-Rhin, en particulier pour les attitudes postérieures au serment constitutionnel, ce qui nous conduira, par la force des choses, à renverser la perspective jusqu'ici utilisée par nos devanciers, qui ont toujours privilégié le département septentrional. 11 LANGLOIS (C.). "La quantification en histoire religieuse. Un demi-siècle de pratique". L'Observation quantilalive du. fait religieux. Colloque de l'Association française d'histoire religieuse contemporaine, Paris-Sorbonne. 27 septembre 1990, Lille, 1992 p. 17-33.

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Si. d'une manière générale, l'Alsace fut une terre de refus de la Constitution civile du clergé, elle se révèle de moins en moins unanimiste au fur et à mesure que l'on va vers le sud, pour devenir constitutionnelle dans sa partie la plus méridionale et occidentale : les terres francophones de la région belfortaine. De même, le destin des deux départements fut assez différenl Si le BasRhin peut aujourd'hui encore s'enorgueillir d'avoir été l'un des départements comptant le plus petit nombre d'assermentés, l'engagement majoritaire de son maigre clergé constitutionnel dans le mouvement jacobin et ses outrances aboutit rapidement à la quasi disparition de celui-ci, laissant le département sans encadrement religieux et ouvert au travail des réfractaires venus d'outre-Rhin dans les périodes d'accalmie. Le Haut-Rhin, en revanche, fut plus partagé. Une véritable Église consÛlutionnelle y fonctionna tout au long de la période, avec des hauts et des bas, et fut réorganisée efficacement après 1796, tant et si bien que les réfractaires y renc9ntrèrent une opposition réelle. Les derniers prêtres fidèles à leur engagement constitutionnel ne rendirent les armes que contraints et forcés en 1816, voire sous la Monarchie de Juillet pour les plus opiniâtres. C'est assez dire que le cas alsacien ne saurait être considéré comme un bloc. et que nous essaierons, dans la mesure où nos sources nous y autorisent, de mettre en lumière les particularismes de chacune de ses composantes. Voilà pourquoi il ne nous paraît ni vain ni inutile d'ajouter ce volume à une bibliographie régionale déjà longue. Nous croyons également. au-delà de la province qui nous occupe, apporter un élément au chantier en cours, qui aboutira un jour à une synthèse nationale qui aille au-delà de la réception du seul serment constitutionnel, et donne une vision moins manichéenne et caricaturale que celle que trop de nos contemporains acceptent et transmettent. Au seuil de ces pages, les auteurs tiennent à adresser leurs très vifs remerciements à Philippe Luez, qui a réalisé une cartographie passablement complexe à établir en raison de la fluctuation des limites administratives durant la période considérée. Ils tiennent également à exprimer leur profonde gratitude à Paule Lerou et à Bernard Plongeron pour la confiance qu'ils leur ont témoignée dans la conduite de cette recherche, leurs encouragements pour la mener à terme, et l'attention apportée à l'élaboration de ce volume. Le texte et la composition ont été revus par Paule Lerou et Philippe Luez.

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Carte n° 1

les diocèses d'Alsace en 1789

CHAPITRE 1 UNE MOSAÏQUE TERRITORIALE ET CONFESSIONNELLE

Le cadre géographique dans lequel s'inscrit notre étude est celui d'une province partagée de temps immémoriaux entre une "Haute" et une "Basse" Alsace, que recouvrirent à l'époque révolutionnaire les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, dont les limites respectives ont varié au cours de la période considérée. Cette mosaïque territoriale dans laquelle s'enchevêtraient sous l'Ancien Régime d'innombrables seigneuries de toutes tailles qui englobaient des paroisses catholiques relevant de cinq diocèses, était aussi une terre où se côtoyaient catholiques, protestants, anabaptistes et juifs. Sa seconde spécificité était l'usage majoritaire, mais non exclusif, de dialectes germaniques. Autant de caractères particuliers qui ont influé grandement sur les attitudes affichées à l'égard de la Révolution, mais qui ne doivent pas faire oublier un autre paramètre tout aussi déterminant : celui de la multiplicité et de la variété des "pays" et des paysages, des crêtes vosgiennes à la plaine rhénane en passant par le vignoble, qui ont également pesé sur les componements. Bien que l'entreprise ne soit guère aisée, il est donc essentiel d'essayer dès à présent de caractériser cette contrée si particulière dans le royaume et d'en définir les limites ... souvent mouvantes.

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1) • DEUX DÉPARTEMENTS

Parmi les 83 départements créés en mars 1790, 2 recouvrirent les territoires alsaciens.

1 - Le Bas-Rhin La limite méridionale du Bas·Rhin t est constituée par le Landgraben. Sa frontière septentrionale avec la Lorraine et avec les terres palatines est plus floue. Au début de la Révolution, il engloba Landau et toutes les possessions françaises au nord de la Lauter qui furent alors comprises dans le district de Wissembourg. Ces territoires devaient être attribués à la Bavière par le second traité de Paris de novembre 18152. Par la suite, il incorpora plusieurs seigneuries relevant de l'Empire : Le 14 février 1793, la Convention réunit à la République le comté de Nassau-Saarwerden, avec Haskirchen, Drulingen. Herbitzheim, Keskastel. Le 2 mars 1793, c'était le tour de la principauté de Salm dans le massif vosgien. Le 14 mars 1793, sur le rapport de Dentzel, ancien pasteur à Landau, l'Assemblée recevait le voeu de 31 communes, dont la plupart formaient une enclave étrangère entre la Lauter et la Queich (héritages ou dépouilles du duc de Deux-Ponts et de !'Électeur palatin, entre autres, avec Bergzabern, Klingenmunster, Rohrbach ... ). Le pays de Landau forma alors le cinquième district du Bas-Rhin, que la loi de pluviôse an VIII devait ramener au rôle de canton, au niveau de Candel, de Dahn ou de Bergzabem.

Le 23 novembre 1793 enfin, l'ancienne seigneurie de Diemeringen et Dehlingen était à son tour incorporée à la France. A l'ouest, il comprenait la partie du Ban-de-la-Roche, de la vallée de Schirmeck et du comté de Dabo que devait s'annexer le département des Vosges en 1793. La plus grande partie du comté de Dabo avait été réunie antérieurement

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GEROCK (J.-E.), "La formation historique des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin en 1789'', Revue d'Alsace, 1925, p. 193-212. Furent alors perdus les cantons de Bergzabem, Candel et Landau, ainsi que plusieurs communes des cantons de Wissembourg et Lauterbourg.

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à la Meurthe, alors que le Val de Lièpvre, dépendant de la Lorraine en 1789, fut rattaché au Bas-Rhin dès l'année suivante. Ses 5 000 krn2 en 1790 le situent à un rang relativement modeste parmi les 83 départements français de l'époque. Une statistique de 1791 lui attribuait une population de 418 132 habitants, soit les quatre septièmes de la population alsacienne tout entière3. Il était divisé en 5 districts: Haguenau, Sarre-Union, Sélestat, Strasbourg, Wissembourg.

2 • Le Haut-Rhin En 1790, le département du Haut-Rhin fut créé avec 3 districts : Altkirch, Belfort, Colmar. Nous ne pouvons, pour le présenter, que céder la parole à JeanCharles Winnlen, auteur d'un ouvrage consacré à la naissance de ce département4 : "La démarcation entre le Haut et le Bas-Rhin était fonnée par le landgraben et passait à Illhaeusern, l'Ill, Orschwiller, Haut-Koenigsbourg, Lallemand-Rombach et Urbeis. Au couchant, les limites de la Lorraine, la crête des montagnes derrière Sainte-Marie-aux-Mines, dites Haut de Faîte et 'le Ballon' formaient la limite du district de Colmar. Dans la partie méridionale du département, le district d'Altkirch bordé par le Rhin au levant jouxtait au midi avec la Suisse et le pays de Porrentruy. Le troisième district, celui de Belfort était limité, au midi par la principauté de Montbéliard et la Franche-Comté; au couchant encore, la Franche-Comté ainsi que la Lorraine et le comté de Montjoie-Vaufrey". Les limites de ce département devaient, elles aussi, varier au cours de la période ou plus exactement s'agrandir.

La première extension intervint en 1798 avec l'intégration à la France de la "verrue" que constituait au coeur du Haut-Rhin la République de Mulhouse. En janvier 17985, les deux assemblées mulhousiennes, le Grand Conseil et les Quarante, se prononcèrent par 97 voix contre 5 pour la réunion à la France. Le 28 janvier, les bourgeois, rassemblés au Temple, confirmèrent ce vote par 591 voix contre 15. La fète de la réunion à la France fut fixée au 25 ventôse an VI (15 mars 1798). 3

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MARX (R.), La Révolution et les classes sociales en Basse-Alsace. Structures agraires et venle des biens nationaux, Paris, 1974, p. 31-32. WINNLEN (J.-C.), 1790-1792, Le Haut-Rhin. Révolution des institutions, naissance d'un départemenl, Riedisheim, 1989. LIVET (G.), OBERLE (R.), dir., Histoire de Mulhouse des origines à nos jours, Strasbourg, 1977, p. 162-163.

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Depuis longtemps déjà. certains mulhousiens avaient entretenu des rapports étroits avec les partisans des idées nouvelles en Alsace. C'est ainsi que la Société des Amis de la constitution de Thann avait jadis accueilli en son sein 13 mulhousiens, pour la plupart membres de la meilleure bourgeoisie, tandis que d'autres siégeaient au club colrnarien. L'un des effets secondaires de la réunion à la France fut l'ouverture de la ville aux catholiques et aux juifs. Les cultes, supprimés en 1798, furent rétablis par Bonaparte. En 1803, la population catholique atteignait 600 personnes. La municipalité lui octroya le choeur de l'église des franciscains, qui prit le nom d'église Sainte-Marie.

La seconde extension se fit par la toi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) qui rattachait au Haut-Rhin le département du Mont-Terrible. Il devait former les 3e et 4e arrondissements du Haut-Rhin. Il convient de rappeler ici brièvement tes circonstances de la création du Mont-Terrible. A la Révolution, l'évêché de Bâle, principauté temporelle, et le comté de Montbéliard étaient terres d'Empire6. Ces deux entités, catholique et calviniste pour la première, luthérienne pour la seconde1, étaient cependant dans l'orbite française bien avant 1789. Les visées expansionnistes de Louis XIV avaient réduit Jes terres montbéliardaises des ducs de Würtemberg au seul comté de Montbéliard. Quant aux princes-évêques de Bâle, ils s'étaient placés dans la mouvance politico-économique française par les traités de 1739 et 1780. Les événements de 1789 et des années suivantes n'avaient pas été sans effets dans la région : Grande Peur, velléités de secouer le joug des souverains... Mais c'est la déclaration de guerre, le 20 avril 1792, au "roi de Bohème et de Hongrie" qui mit en branle le processus qui devait aboutir à l'intégration à la France de ces territoires. Le 23 mars 1793, la Convention créait le département du Mont-Terrible qui succédait à une très éphémère République de Rauracie. Ce nouveau département était limité aux terres septentrionales de l'ancienne principauté épiscopale. Pour ménager la neutralité des Cantons helvétiques, la zone méridionale de l'évêché échappait à l'occupation française, du moins jusqu'au 25 frimaire an VI (15 décembre 1797). Depuis Paris, Gobel, évêque métropolitain de la Seine et ancien suffragant du prince-évêque, avait joué un rôle non négligeable dans les événements.

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BANDELIER (A.), L'Évêché de Bâle et le Pays de Monlbéliard à l'époque napoléonienne; Porrentruy sous-préfecture du Haut.Rhin. Un arrondissement commuMl sous le Consulat et l'Empire (1800-1814), Neuchâtel, 1980. Le comté de Montbéliard comptait alors environ 13 000 luthériens.

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Montbéliard, après avoir été victime d'une courte occupation de ses voisins belfortains en 1792, fut annexée à la France à l'instigation du conventionnel Bernard de Saintes, le 10 octobre 1793, et devenait chef-lieu de district de la Haute-Saône. Le 15 août 1796, alors qu'une grande partie du Würtemberg était occupée par les troupes françaises, le duc Frédéric-Eugène cédait officiellement à la France le comté de Montbéliard et ses seigneuries d'Alsace et de Franche-Comté. La loi du 11 ventôse an V (le' mars 1797), reprenant le voeu des populations, réunissait le comté de Montbéliard au Mont-Terrible. Seul le canton de Clairegoutte, enclavé dans la Haute-Saône, demeura rattaché à ce département. Le traité de Lunéville (9 février 1801) et un recès du 25 février 1803 indemnisèrent le duc de Würtemberg et le prince-évêque de Bâle de la perte de leurs territoires de la rive gauche du Rhin. Plus petit et moins peuplé des départements français, le Mont-Terrible, tel qu'il s'agrégeait en 1800 au Haut-Rhin, comptait alors 11 cantons8 de taille réduite. Leur nombre devait être ramené à 59 en 1802. La population des arrondissements du Haut-Rhin pouvait alors être estimée à : 150 000 habitants pour celui de Colmar 85 000 habitants pour celui de Belfort 90 000 habitants pour celui d'Allkirch 35 000 habitants pour celui de Delémont 40 000 habitants pour celui de Porrentruy. Soit un total d'environ 400 000 personnes.

II) CINQ DIOCÈSES D'ANCIEN RÉGIME, DEUX DIOCÈSES CONSTITUTIONNELS

Si, tout au long de cet ouvrage, notre propos concernera l'attitude du clergé catholique, il ne faut pas oublier que l'Alsace du XVIIIe siècle était une terre multiconfessionnelle. A la veille de la Révolution, les protestants représentaient environ 220 000 personnes réparties en 146 communautés et

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Audincourt. Désandans et Montbéliard pour l'ancien comté; Chevenez, Cornot, Damphreux et Porrentruy, Epauvillers, Saignelégier, Saint-Brais et SaintUrsanne pour l'ancienne principauté. Audincourt, Montbéliard, Porrentruy, Saignelégier et Saint-Ursanne.

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encadrées par 220 pasteurs 10. Il convient de leur adjoindre une active minorité anabaptiste qu'une statistique de 1780 estimait alors à 362 personnes en BasseAlsace et 665 en Haute-Alsacel 1 ainsi réparties :

Subdélégations Belfort Colmar Ferrette

Nombre d'individus 362 208 95

Ha=enau Saverne Sélestat Strasbourg Wissembourg Total

18 62 90 172 20 1027

Enfin, la province devait également compter avec une autre minorité importante et non moins active: les juifs12. Ils représentaient environ 20 000 personnes sur 684 000 Alsaciens, soit 3% de la population totale à la veille de la Révolution. Comme le souligne Jean Daltroff, "la Basse-Alsace accueillait 74% de la population juive disséminée dans 129 localités contre 26% et 54 localités en Haute-Alsace. L'interdiction de séjour dans la plupart des centres urbains, notamment à Strasbourg, Colmar et Sélestat, avait été maintenue, d'où une population surtout rurale que l'on trouvait répartie entre 160 des 1 000 villages alsaciens". Les catholiques, pour leur part, étaient un peu plus de 440 000. La Constitution civile du clergé, en ramenant les circonscriptions diocésaines à celles des départements devait aboutir à la création des deux diocèses constitutionnels du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Ce faisant, elle abolissait une situation séculaire qui partageait au spirituel les catholiques alsaciens en cinq diocèses : ceux de Bâle, Besançon, Metz, Spire et Strasbourg.

1 O VOGLER (B.), "Les protestants d'Alsace et la Révolution", L'Alsace au coeur de l'Europe révolutionnaire, Revue d'Alsace, 1989-1990, p. 197-205. 11 SEGUY (J.), Les Assemblées an.abaptistes-mennoniles de France, Paris-La Haye, 1977, p. 150. 12 DALTROFF (J.), "La vie économique des juifs d'Alsace à l'époque révolutionnaire", L'Alsace au coeur de l'Europe révolutionnaire, Revue d'Alsace, 1989-1990, p. 173-186.

ALSAŒ

19

1 • Les diocèses de Metz et de Spire Nous ne nous arrêterons guère sur eux. si ce n'est pour mentionner que le diocèse de Metz, relevant de la métropole de Trèves, englobait 5 paroisses du bailliage de Dabo, aujourd'hui situées en Moselle, auxquelles il convient d'ajouter 13 paroisses de l'aœhiprêtré de Bouquenom qui fut par la suite incorporé au Bas-Rhin. Depuis 1754, le titulaire du siège de Metz était Louis Joseph de Montmorency-Laval. Par ailleurs, 44 paroisses de l'extrême nord de l'Alsace dépendaient des doyennés de Candel, Dahn, Herxheim, Landau et Wissembourg au diocèse de Spirel3, qui relevait de la métropole de Mayence. Depuis 1770 Auguste Philippe Charles de Limbourg-Styrumvehlen régnait en qualité de prince-évêque de Spire. On signalera enfin pour mémoire que les 3 paroisses de Grandfontaine, Labroque et Plaine relevaient de l'abbaye de Senones au diocèse de Saint-Dié.

2 - Le diocèse de Strasbourg Son caractère rhénan était très affirmé, puisqu'il dépendait de la province ecclésiastique de Mayence et du nonce de Cologne.

Sa juridiction s'étendait d'ailleurs sur les deux rives du fleuve. Au XVIIIe siècle, il était divisé en 13 doyennés: Andlau. Benfeld, Bas-Haguenau, Haut-Haguenau, Marckolsheim, Molsheim, Obernai, Rhinau, Saverne, et Sélestat sur la rive alsacienne ; Lahr Offenbourg, et Ottersweier, sur la rive droite du Rhin. Il était tout à la fois une circonscription religieuse et une principauté

temporelle. Certains territoires faisaient d'ailleurs l'objet de contestations avec les diocèses voisins14: Schoenenbourg, revendiquée par l'évêque de Spire, Mittelbronn et Dabo, par l'évêque de Metz. On doit enfin signaler que le chapitre de Lautenbach et le "Mundat" de Rouffach, constituaient de véritables enclaves dans la partie alsacienne du diocèse de Bâle, mais relevaient le premier au spirituel et le second au temporel, de l'évêque de Strasbourg. 10 paroisses du diocèse de Strasbourg se trouvèrent englobées dans le Haut-Rhin, lors de la création des départements. 13

16 seulement de ces paroisses étaient situées dans les limites actuelles du BasRhin. Le roi était collateur de 4 de ces paroisses, et l'évêque de Spire de 3.

14

BENOIT (A.), "Note sur l'histoire religieuse du diocèse de Strasbourg dans le canton de Phalsbourg en 1791", Revue carholiqu.e d'Alsace, 1895, p. 897-906.

20

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUl'ION

Chassés de leur ville épiscopale par la Réfonne, les évêques avaient fait de Saverne la véritable capitale politique de leurs États et de Molsheim le siège de l'administration ecclésiastique. On soulignera dès à présent que c'est dans ses territoires de la rive droite du Rhin, à Ettenheim. que le cardinal de Rohan trouva refuge devant la Révolution. Avec la capitulation de Strasbourg en 1681 et son annexion au royaume, le diocèse avait retrouvé sa cathédrale perdue lors du passage à la Réforme en 1523, et était devenu une "terre de mission" et de reconquête catholique. Comme l'a montré Louis Châtellier15, il est très délicat d'essayer d'établir une géographie des confessions religieuses : "Deux constatations s'imposent aussitôt. Un contraste. d'abord. entre wte zone située au nord d'wte ligne Saverne-Strasbourg où le protestantisme l'emporte et une autre, au sud, où c'est le catholicisme qui domine largement. Mais se pose la question des limites. Entre Haguenau, Strasbourg, Molsheim, où passe la frontière ? Les villages restés fidèles à l'ancienne foi jouxtent les réformés, sans qu'il soit possible d'établir une ligne de démarcation bien précise enlre eux. Et dans la plaine du Rhin ? Les communautés luthériennes sont toujours denses au centre et au sud, en particulier, du côté badois. De plus, il y a les enclaves. En territoire à majorité catholique, le Ban-de-la-Roche, Barr et sa région, Sainte-Marie-aux-Mines, restent des bastions du luthéranisme ou du calvinisme. Dans le nord protestant,. ce sont les bailliages de Haguenau, de la Wantzenau, le bourg de Reichshoffen qui restent attachés à l'Église romaine. Confrontons avec la carte politique. Une corrélation apparaît d'évidence entte religion et seigneuries. Les secteurs protestants correspondent aux terres palatines, à celles du comte de Hanau-Lichtenberg, des Bade-Durlach, voire de simples chevaliers

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0CD

Oioc. Besançon

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Dloc. Spire

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Dloc. Metz

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~ Dloc. Baie

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~ Dloc. Strasbourg

Les créations de paroisses catholiques en Alsace depuis la conquête française

2 - Les cures royales

La seconde caraclérislique de la reconquête catholique de l'Alsace est la création de "cures royales" dans les zones jadis passées au protestantisme et dans les forteresses royales créées de toutes pièces sur les frontières de la province. Leur nombre total atteignait 82 en 1789 : 64 pour le diocèse de Strasbourg, 14 pour celui de Bâle et 4 pour celui de Spire : autant de bastions dans les chapitres urbains et ruraux, en terre hostile. C'est dans le cadre de ces cures royales que fut introduit, par la volonté du pouvoir, le simultaneum3 , c'est-à-dire le partage d'un même édifice cultuel entre protestants et catholiques, avec les frictions que ce type de cohabitation ne pouvait empêcher. Comme nous le verrons, les protestants devaient tenter de reprendre ces églises à leur seul profit, à l'occasion de l'affaiblissement du clergé catholique consécutif à son attitude face à la Révolution.

3

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MULLER (C.), "Ebauche d'un répertoire des églises mixtes en Alsace", Le partage de Dieu : les églises mixtes vers J'œcuménisme, Saisons d'Alsace, n° 102, 1988, p. 27-121.

HOMMES DE DIEU Ef RÉVOUJilON

34

Diocèses

Chapitres

Cures royales

Total des cures alsaciennes du chapitre

Strasbour2

Andlau

3 3

7 12

Benfeld

0

20

Strasbourg-ville

Saverne

11

45

Bas-Haguenau

18 18 1 4 1 4

40

Haut-Hae.uenau Marckolsheim Molsheim Obernai Rhinau Sélestat Spire Bâle

Colmar-ville

48 11

23 28 16

1

25

4

16

0

1

Ultra-Colles

8

46

Citra-Colles

0

Citra-Rhenum Inter-Colles

3 2

43 29 37

Sunde.au

0

40

Masevaux

0

34

Else.au

0

10

Leimenthal

1

17

Ce simultaneum avait été introduit par une lettre de 1684 à Louvois, manifestant le désir du roi de rétablir le culte catholique dans toutes les communautés protestantes où vivaient au moins 7 familles catholiques. Il ne se concrétisa pas seulement par la prise de possession du choeur des églises par les catholiques, mais aussi par la saisie des biens des fabriques. C'était l'intendant qui, au nom du monarque, procédait aux nominations. Pour les paroisses créées de toute pièce, la collation appartenait au roi. Pour les paroisses antérieures à la Réforme, le roi se substituait simplement aux collateurs originels, sans pour autant que leurs prérogatives en ce domaine aient été officiellement annulées, mais elles étaient tombées en désuétude. Comme le souligne André Schaer4 : "L'intendant, fixé sur son choix, avisait le candidat d'obtenir un certificat du suffragant de Strasbourg dont relevaient toutes les cures royales d'Alsace. Puis il entrait en rapport, pour traiter de l'investiture, avec le prince-évêque de Bâle (si la 4

SCHAER (A.); Le Clergé paroissial catholique en Haute-Alsace sous l'Ancien Régime ( 1648-1789), Paris, 1966, p. 77.

ALSACE

35

cure relevait de ce diocèse). Le candidat recevait de la curie épiscopale le cédule qui lui concédait l'entrée en jouissance. L'amovibilité, toutefois, rendait vulnérable à l'extrême le statut des curés royaux : ils étaient révocables au gré de !'Ordinaire et ne pouvaient permuter sans son autorisation". Il convient enfin de relever que les pensions allouées par le roi aux curés royaux étaient modiques et, avec 400 à 475 livres tournois annuelles en 1770, bien inférieures aux revenus moyens des autres curés. Constatant qu'un tiers des rares assermentés du Bas-Rhin en 1791 étaient des curés royaux, Koemer5 a voulu voir dans leur choix de prêter le serment constitutionnel une façon de s'assurer une position plus stable et plus lucrative. Mais comme le souligne l'abbé Kammerer6, le fait qu'ils n'aient été que 9 sur les 64 curés royaux du diocèse de Strasbourg relativise cette hypothèse.

3 - Les chapitres ruraux Si la paroisse constituait la cellule de base des diocèses, la circonscription administrative intermédiaire était constituée par les "chapitres ruraux" correspondants aux doyennés et archiprêtrés. Chacun d'eux avait ses armoiries et était dirigé par un doyen: "decanus" dans le diocèse de Bâle, "archipresbyter" dans celui de Strasbourg. Remontant à des temps très anciens, ils ont vu leurs limites et le nombre de leurs paroisses évoluer au cours des temps, et ont tous été remodelés après la guerre de Trente Ans. Nous possédons, grâce à la monographie qu'André Schaer7 a consacrée au chapitre Ultra-Colles, d'une étude détaillée qui témoigne pour l'ensemble de l'Alsace de ce que pouvait être la vie religieuse du clergé et des fidèles d'un tel ensemble. Le diocèse de Strasbourg était subdivisé en 13 chapitres, dont 3 étaient situés sur la rive droite du Rhin. Le diocèse de Bâle comportait pour sa part douze chapitres: 6 dans la partie alsacienne, 6 dans la partie helvétique dont 2 incluaient des paroisses alsaciennes. Le dernier créé, en 1779, en conséquence de l'échange de paroisses avec Besançon, fut celui du Leimenthal à cheval sur l'Alsace et la Suisse. Par ailleurs, les paroisses alsaciennes relevant de l'archevêché bisontin étaient partagées entre les chapitres comtois d'Ajoie et des Granges, et le chapitre de Haute-Alsace.

5 6

7

KOERNER (F.), L'Église constitutionnelle dans le Bas-Rhin et ses difficultés, D.E.S., Strasbourg, 1957. KAMMERER (L.), "Le destin du clergé d'Alsace de 1790 à 1803", Archives de l'Église d'Alsace, 1987, p. 109-172, c.f. p. 120. SCHAER (A.), La Vie paroissiale dans un doyenné alsacien d'ancien régime (1648-1789) : le chapitre rural Ultra-Colles Ottonis en Haute-Alsace après la guerre de Trente Ans jusqu'à la Révolution, Ostheim, 1971.

36

HOMMFS DE DIEU Er RÉVOUJilON

La foncùon du doyen était élective et s'exerçait à vie, la démission étant toutefois admise. Elle comportait trois aspects principaux : être l'homme de confiance de l'évêque et de ses adjoints. présider les réunions capitulaires, jouer un rôle de guide auprès des curés et prêtres du doyenné. Le doyen était en effet le représentant de la hiérarchie à laquelle il rendait compte de la situation locale. et dont il recevait des ordres et des pouvoirs disciplinaires. Il était également chargé de la visite des paroisses, en moyenne tous les quatre ans, portant un regard attentif à l'état des sanctuaires. des ornements, et à la tenue des registres paroissiaux, comme à la situation spirituelle du clergé et des fidèles. Si les visites étaient, somme toute, espacées dans le temps, ta réunion plénière annuelle pennettait d'y pallier au moins partiellement. Chaque curé était tenu d'y présenter un exposé circonstancié sur la situation de sa paroisse et de ses ouailles. Elle était l'occasion pour les ecclésiastiques du doyenné de payer les taxes qu'ils devaient au chapitre, et pour le doyen de dénoncer et sermonner les prêtres coupables d'écarts de discipline. Enfin, le doyen jouait auprès de ses confrères le rôle d'un guide souvent influent. C'était lui qui les installait lors de leur prise de possession de leur poste, c'était lui qui les accompagnait au tombeau, c'est vers lui qu'on se tournait tant pour les questions temporelles que spirituelles. Il est illusoire de prétendre mesurer l'influence réelle dont ils jouissaient et qui a varié en fonction des temps et des personnes. Il est, en revanche, indubitable qu'ils ont pesé sur l'attitude que le clergé paroissial a adoptée à l'égard de la Constitution civile du clergé. Dans nombre d'endroits, les prêtres se sont alignés sur la position de leur doyen : ainsi par exemple du chapitre de Haute·Alsace derrière son chef Marc·Antoine Berdolet. Un autre exemple de leur importance est perceptible au moment de l'organisation des missions de reconquête par les réfractaires, à partir de 17958. Les anciens doyens, quand ils n'étaient pas missionnaires en chef, sont parfois entrés en conflit avec ces derniers à propos de leurs prérogatives respectives. Ces chapitres devaient disparaître définitivement lors de la réorganisation concordataire.

II - LES PERSONNELS

Avant d'étudier sur les différents corps de prêtres séculiers exerçant leur ministère en Alsace, il convient de rappeler que quelque 70 séculiers participaient à l'administration des diocèses : 50 pour celui de Strasbourg et 20 pour celui de Bâle. Dans ce nombre sont inclus les professeurs des établissements

8

Voir infra chapitre IX.

ALSACE

37

-ct~enseignement9 de la province : 14 pour le collège de Colmar, 12 pour celui de Strasbourg, 15 pour l'université épiscopale et le séminaire strasbourgeois. Les 2 collèges, et le séminaire érigé en 1683. étaient originellement tenus par les Jésuites. Des séculiers les y avaient remplacés après 1765. L'université tpiscopale, créée à Molsheim en 1617, avait été transférée dans la capitale provinciale en 1702 sur ordre royal. Elle comptait une faculté de théologie, à laquelle avait été rattaché le droit canon en 1776, et une faculté des arts. On soulignera dès à présent que c'est de ce corps enseignant que devaient sortir les 2 premiers évêques constitutionnels: Brendel à Strasbourg, et Martin à Colmar.

1 • t.es chanoines L'encadrement religieux des populations urbaines était assuré par les chanoines qui peuplaient les collégiales multiséculaires de certaines villes, ces "citadelles du passé" ainsi que les dénomme Bernard PlongeronlO. Ils constit~ent en quelque sorte l'aristocratie du clergé séculier. Ils devaient leurs places à la faveur des collateurs, soit qu'un seul personnage, héritier du fondateur, ait eu le droit de nomination à l'ensemble d'un chapitre, soit que chaque prébende d'une même collégiale dépendît d'un collateur particulier. Chacun de ces chapitres était dirigé par un doyen élu, assisté d'un prévôt. Un des chanoines assurait en OUlre les fonctions curiales de la cité. Parmi ces chapitres, 11 relevaient du diocèse de Strasbourg, 4 du diocèse de Blle, un du diocèse de Spire et un de celui de Besançon. Le nombre des canonicats était variable d'un chapitre à l'autre. Le chapitre équestre de Murbach constituait un cas un peu particulier, dans la mesure où il avait été créé en 1764 et transféré à Guebwiller à l'occasion de la sécularisation de l'antique abbaye bénédictine. Il était réservé à 12 chanoines nobles, assistés de 4 chapelains dont le premier assurait les fonctions curiales. Son chef conservait la dignité abbatiale et portait te titre de "prince du Saint-Empire, abbé de Lure et de Murbach".

9

10

Plusieurs individus dispensaient leur enseignement dans les différents établissements strasbourgeois, nous les avons par commodité et quelque peu arbitrairement distribués entre ces établissements. PLONGERON (B.), La Vie qu.otidienne du clergé français au XVIII• siècle, Paris, 1988, 2° édition, p. 113-131.

HOMME.5 DE DIEU ET RÉYOUJTlON

3

NOMBRE DE CANONICATS EN

DIOCÈSES

CHAPllRES

Strasbour2

Grand-choeur de la cathédrale

20

Strasboufl!. St-Pierre-le-Vieux Strasbour11: St-Pierre-le-Jeune

18 15

Strasboul'l! St-Léonard

g

1790

Spire Bâle

Besançon

1UfAL

Haslach

10

Neuwiller

14

Saverne

10

Surbour2-Ha2uenau

12

Wissembourg

12

Colmar

6

Lautenbach

9

Murbach à Guebwiller Thann

12 9

Belfort

6 161

Nous excl uons de ceue présentation le Grand-Chapitre de la cathédrale de Strasbourg, dont la plupart des 24 chanoines-comtes ont presque toujours été étrangers à l'Alsace, et souvent dignitaires des évêchés voisins d'Empire. Le Grand-Choeur de la cathédrale faisait donc figure d'un chapitre de seconde zone. Il étai t composé, depuis 1700, de 20 prébendiers, auxquels, en 1726, avaient été adjoints 4 chapelains-prébendiers du Bas-Choeur. Ce chapitre, composé pour l'essentiel d'alsaciens, fut transféré à Offenbourg en 1791. Il faut bien avouer qu'à la veille de la Révolution nombre de ces chapitres étaient plutôt sur le déclin, et connaissaient des embarras pécuniaires. Leurs revenus provenaient des biens communs, la mense capitulaire, et de ceux affectés à c haque prébende. Le cas du chapitre de Belfort, exposé par Bernard Plongeron 11 , témoigne pour d'autres d'une vie à l'écart du temps présent et de ses vicissitudes, mais aussi d'un inextricable imbroglio financier. Mais comme le souligne Louis Châtellier l 2, les chanoines furent au XVIIIe siècle les "représentants d'une nouvelle bourgeoisie alsacienne". Ainsi, en 1760, 64% de ceux du diocèse de Strasbourg étaient natifs de la province, 22% de l'intérieur du royaume, et 2,33% sujets d'Empire. Parallè lement à ce caractère local du 11

l2

Idem , p . 129- 131.

CH ÂTELLIER ( L. ), Tradition chrétienne el renouveau caJho/ique, op. cil., p . 368-372 .

~ACE

39

recrutement, celui-ci tendait à se diversifier socialement. A partir des années 1720, on constate l'entrée dans ces postes des fils des familles de l'administration royale. En 1760, sur 64 chanoines du diocèse de Strasbourg dont l'origine sociale a pu être établie, 18% venaient de la noblesse, 18% de l'administration royale, 25% de l'administration seigneuriale ou locale, et 6% seulement du monde de l'artisanat et du négoce.

2 - L'encadrement des paroisses On doit constater que le XVIIIe siècle, contrairement aux époques précédentes, fut marqué par un recrutement provincial massif du clergé séculier. Le phénomène caractérise les 2 diocèses de Strasbourg et Bâle, même si l'étude que Louis Châtellier13 a consacrée au premier permet davantage d'en prendre la mesure. En 1700, seuls 40% des curés du diocèse de Strasbourg étaient alsaciens. Il y avait cependant un progrès par rapport aux années 1680, où plus de la moitié d'entre eux étaient étrangers à la province. En 1720, plus de 80% des cures de la rive gauche du Rhin étaient détenues par des Alsaciens. Le phénomène allait s'accentuer dans les décennies suivantes, pour atteindre une proportion de 98,5% en 1760. L'auteur souligne alors l'importance du "vieux bastion catholique" (la région centrale limitée par les villes de Saverne, Andlau, Strasbourg avec Molsheim pour axe) dans la naissance des vocations sacerdotales. Le dernier siècle de l'Ancien Régime devait aussi se caractériser par un élargissement social du recrutement. En 1760, 52% des curés du diocèse de Strasbourg étaient d'origine rurale (avec 23,7% de fils de laboureurs et de vignerons), 29% provenaient des offices et de l'administration, 16% du commerce et de l'artisanat. Il est malheureusement assez illusoire d'espérer affiner ces constatations. Nous avons dû, pour notre part, renoncer à tirer des conclusions des données fournies tant par les fiches Joachim que par le Répertoire de l'abbé Kammerer14, les indications de profession des ascendants des clercs recensés étant trop sujettes à caution. Les informations relatives au niveau de vie de ce clergé révèlent également une certaine aisance des curés. Sur 219 bénéfices et cures royales et d'Outre-Rhin dont les revenus ont pu être évalués, Louis Châtellier a pu établir ce tableau d'ensemble du revenu des cures en 1770 :

13 Idem, p. 373-387. 14

KAMMERER (L.). Répertoire du clergé d'Alsace sous l'Ancien Régime (16481792), Strasbourg, 1983.

HOMMF.S DE DIEU Ef RÉVOLUTION

40

Revenu annuel en livres tournois

Nombre

Pourcentage

inférieur à 500

31

14,15%

de 500 à 1 000

63

28,76%

de 1 000 à 1 500

64

29 22%

de 1 500 à 2 000

42

19,17%

de 2 000 à 2 500

15

6,84%

de 2 500 à 3 000

2

0,91%

supérieur à 3 000

2

0,91%

L'écart se resserre toutefois lorsqu'on se limite aux seuls bénéfices-cures, à travers 185 cas de l'ensemble du diocèse pour lesquels on possède des infonnations en 1770 : Revenu annuel en livres tournois

Nombre

Pourcentage

inférieur à 500

8

4,32%

de 500 à 1 000

53

28,64%

de 1 000 à 1 500

63

34,05%

de 1 500 à 2 000

42

22,70%

de 2 000 à 2 500

15

8,10%

de 2 500 à 3 000

2

1,08%

de 3 000 à 3 500

2

1,08%

Plus de 57% des curés alsaciens et badois du diocèse de Stral)bourg disposaient donc en 1770 d'un revenu annuel moyen supérieur à 1 000 livres. Le pourcentage est encore plus élevé (67%), si on limite l'investigation aux seuls titulaires de bénéfices, en excluant les curés royaux. Plus de la moitié des membres de ce groupe disposaient alors de revenus allant de 1 000 à 2 000 livres. Mais les situations individuelles pouvaient être très variées, en fonction des revenus annexes et du patrimoine personnel des intéressés. Comme le souligne Louis Châtellierl 5. "la nonne, à la hauteur des années 1770, pour autant qu'on puisse la fixer, se situe dans une succession de 4 à 5 000 livres tournois d'effets mobiliers, avec une maison et une ou deux pièces de terre. Pas la richesse, mais l'aisance certes. Et au village où le grand presbytère reconstruit à neuf prend bien souvent les allures d'un manoir, le curé est devenu un notable". 15

CHÂTELLIER (L.), Tradition chrétienne et renouveau catholique., op. cil, p . 387.

ALSACE

41

Pour la Haute-Alsace, le cas du curé Berdolet de Phaffans peut être donné en exemple. Vicaire perpétuel de la paroisse, il recevait, en 179016, environ 62 hectolitres d'épeautre égrugé et 93,5 hectolitres d'avoine au titre de la portion congrue, plus une dizaine d'hectolitres au titre des dîmes navales, 200 bottes de paille, et 7 ,5 kg de chanvre. Il jouissait d'un peu plus de 4 hectares de terres, prés, verger et jardins en plusieurs parcelles disséminées sur le ban paroissial, et d'un droit d'affouage montant à environ 6 stères de bois. A tout ceci s'ajoutaient diverses redevances, comme les "poules" dues par chaque famille à la SaintMartin, le casuel, et 5 livres d'argent dues par les deux paroisses érigées au cours du siècle après avoir été démembrées de celle de Phaffans. Il était imposé de 91 livres 11 sols 3 deniers pour le "don gratuit" du clergé, et dépensait annuellement pas moins de 756 livres en honoraires et frais d'entretien d'un vicaire qui ne suffisait pas à le seconder. Il n'en goûtait pas moins une relative aisance 17. En 1764, le revenu de la cure était estimé à 1 461 livres. Le presbytère avait été refait à neuf au début du siècle. Construit en pierre et couvert de tuiles, il comprenait : une cave, un rez-de-chaussée d'une cuisine et 4 pièces, un premier étage de 5 pièces et 2 greniers. A côté avait été bâtie dans les mêmes matériaux une grange comportant "un grangeage pour le foin, une remise, deux écuries à bétail et quatre écuries à porcs". En 1770, la vente des biens de son prédécesseur que les héritiers n'avaient pas voulu garder montait à 1 853 livres. Le défunt possédait un petit cheptel de 2 juments, 1 poulain, 2 vaches, 2 veaux, 9 porcs et un matériel agricole (dont 6 charrues et 2 herses) que ses paroissiens auraient pu lui envier. Parmi les objets d'intérieur, figurait une cafetière, signe que les modes du temps avaient pénétré jusque dans ces contrées rurales. Ce cas donne une vision assez concrète de ce que pouvait alors être la vie de ces curés de campagne.

Le sort des vicaires, même s'il s'était amélioré au cours du XVIIIe siècle, était tout de même moins enviable. Le recrutement de ces jeunes prêtres, chargés de la desserte des annexes, était souvent laissé à l'appréciation du curé, qui devait assurer leur entretien. En théorie, le collateur était seul à pouvoir nommer aux vicariats. De fait, au cours du xvmc siècle, l'usage de nommer et d'approuver les vicaires était progressivement entré dans les attributions des évêques. Nourris, logés, blanchis, les émoluments des vicaires étaient en général assez faibles, quand ils ne se limitaient pas à leurs seuls honoraires de messe. Comme dans toutes les autres provinces du royaume, la nomination aux cures comme aux postes subalternes était le résultat de savantes stratégies aussi bien de la part des candidats que des collateurs laïques. Une fois la nomination du patron obtenue, l'impétrant devait recevoir l'institution de l'ordinaire, et 16

17

DROUOT (M.), "Les biens, revenus et charges de la cure de Phaffans en 1790", Bulletin de la société belfortaine d'émulation, 1990, p. 75-77. VARRY (D.), Une Seigneurie du pays belfortain, la 'Paroisse de Phaffans' au xv111e siècle, op. cil., p. 123-124.

42

HOMMES DE DIEU ET IŒvoumoN

l'agrément du Conseil souverain d'Alsace pour entrer en possession du temporel du bénéfice. La résignation d'un bénéficier âgé en faveur d'un parent plus jeune, en général un neveu, était une pratique courante. Pour les autres cas. les solidarités locales ou familiales avait une grande importance. La nomination de Berdolet à la cure de Phaffans en 1770 semble due au fait qu'il avait passé toute sa jeunesse à Delle, et que l'abbé de Lucelle. collateur de cette paroisse. était alors dom Girardin, un Dellois. De même, pour la désignation de deux personnages que nous retrouverons : celle de Jean-Louis Fretin à un poste de chapelain à Phaffans, puis plus tard le recrutement de Jean-Pierre Courtot à des fonctions intérimaires de vicaire en 1789-1790, sans qu'il n'y ait jamais eu de nomination officielle, s'expliquent par le fait qu'ils avaient tous deux élé élèves du père du curé, ancien maître d'école. De telles situations. bien qu'il ne soit pas toujours possible de le démontrer, se retrouveraient par centaines. Un autre exemple des intrigues et stratégies mises en oeuvre dans la course aux bénéfices a été donné à propos de la promotion de Meinrad Lorenzino, futur chef du clergé réfractaire haut-rhinois, à la cure de Ribeauvillél8. Le curé Pougnet était mort en juillet 1790. Aussitôt, une dizaine de candidats furent sur les rangs, soutenus par diverses autorités et groupes d'habitants. Le collateur, le prince protestant Maximilien de Deux-Ponts. était d'autant plus embarrassé pour fixer son choix que la Constitution civile du clergé, prévoyant l'élection des curés, venait d'être votée mais n'était pas encore en vigueur. Compte tenu de cette situation, il souhaitait ratifier un choix qui serait celui des paroissiens. La petite cité était en effervescence continuelle, divisée en factions rivales entre lesquelles le ton montait. Finalement, le prince opta le 12 septembre pour un sujet extérieur : Lorenzino. alors curé de Kertzfeld dans le Bas-Rhin. Ce genre de course d'obstacle s'explique assez facilement par le fait que celui qui se voyait choisi pour un bénéfice-cure était assuré d'une carrière honorable. sinon brillante. et d'une relative aisance.

3 - La piétaille des chapelains et habitués Tel n'était pas le cas de la multitude qui piaffait d'impatience ou qui, ayant perdu tout espoir d'une telle promotion. se voyait cantonnée dans les postes subalternes ou condamnée à courir les honoraires de messe, comme les prêtres habitués. Dénombrer ces derniers est une tâche ardue dans la mesure où, sauf à 18

JOACHIM (J.), FALLER (R.), ''Le curé Lorenzino et le clergé de Ribeauvillé pendant la Révolution", Bulletin de la société d'histoire et d'archéologie de Ribeauvillé, 1951, p. 7-17.

Al.SACE

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s'être installés dans leur paroisse natale, ils étaient très mobiles. Les plus chanceux pouvaient espérer un préceptorat dans une famille noble, ce qui les mettait à l'abri du besoin. Les autres en étaient réduits à quémander des messes aux portes des églises urbaines, ou à se faire aumônier d'un hôpital ou d'un couvent de femmes. Le cas des chapelains est plus délicat à évoquer. Certains ecclésiastiques déjà pourvus d'un poste pouvaient par ce moyen, souvent une fondation de famille, arrondir leurs émoluments. Il est inutile de dire qu'ils étaient peu assidus à remplir les obligations attachées à ces chapelles. D'autres, affectés à un autel latéral d'une église paroissiale, à une chapelle castrale, ou cumulant plusieurs bénéfices de ce genre, y faisaient toutes leurs fonctions. D'un cas à l'autre, les situations, les obligations et les revenus pouvaient varier du tout au tout. Ajoutons qu'il est parfois délicat de différencier chapelains et vicaires, confusion que certains actes de l'époque entretiennent, surtout que le chapelain rural était par la fore;e des choses le supplétif du curé titulaire, sous l'autorité duquel il était d'ailleurs placé. Comme le souligne André Schaerl 9, "dans l'ancien droit... les 'vicaires' s'acquittaient ordinairement de fonctions purement cultuelles, tirant leurs revenus de fondations pieuses et de prébendes. Une ère nouvelle s'ouvre au lendemain de la guerre de Trente Ans, du fait de la disparition et du cumul de ces fondations et prébendes. De sorte que dans les paroisses qui comptaient des prébendiers, primissaires et chapelains souvent nombreux, la masse de ces offices et revenus fut réduite à l'exercice d'un personnage unique, le chapelain ou vicaire". L'exemple du chapelain de Saint-Nicolas de Phaffans20, Jean-Louis Fretin, peut illustrer ce qu'étaient les conditions de vie de ce clergé. C'est le 28 juillet 1784 qu'il fut nommé à ce bénéfice par l'archevêque de Besançon, sur proposition du curé. Ses obligations étaient de résider, d'être in subsidium parochi et d'aider le curé dans ses fonctions (confesser et administrer les sacrements lorsqu'il en était requis), de célébrer ta messe tous les dimanches et fêtes, de catéchiser tous les mois et de prêcher plusieurs fois par an, enfin de célébrer 37 messes fondées à la chapelle. Il bénéficiait d'une maison comportant une cave, un rez-de-chaussée d'une cuisine et 3 petites pièces, un étage ayant une chambre avec cabinet attenant et 2 petites pièces, et un grenier. A cet édifice de pierre couvert de tuile était adjointe une grange et deux écuries. Le tout était estimé 2 200 livres en 1790. Il jouissait en outre de pièces de terres disséminées représentant au total une dizaine d'hectares. Il était par ailleurs propriétaire de quelques arpents dans son village natal, et en avait acheté pour un hectare et demi 19 20

SCHAER (A.), Le Clergé paroissial catholiqlU! en Haute-Alsace, op. cit., p. 13, note 7. VARRY (0.), "Un itinéraire en Révolution, Jean-Louis Frelin prêtre déporté", Bulletin de la société belfortaine d'émulation, 1989, p. 81-93.

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HOMMF.S DE DIEU ET RÉVOLUTION

sur le territoire de sa paroisse d'exercice. Sans connaître la richesse. il vivait et pouvait même se permettre de jouer les prêteurs d'argent auprès des fidèles. Tous ses confrères n'étaient cependant pas logés à la même enseigne. La nationalisation des biens du clergé représenta pour eux une grave menace, en les privant d'un bénéfice qui, sans charge d'âmes. était voué à la disparition. Cette mesure peut expliquer, au moins partiellement, le fait que de nombreux chapelains soient entrés dans le clergé constitutionnel en se présentant à des cures, sans doute d'abord pour raison alimentaire. A défaut de pouvoir dénombrer les prêtres habitués, on peut avancer que le nombre des chapelains, en 1790, avoisinait 130 à 140 personnes pour les 2 départements alsaciens, compte-tenu d'une certaine marge d'imprécision : certains individus ont en effet cumulé plusieurs chapelles dans une même paroisse ou dans plusieurs, d'autres comme le vicaire-général de Klinglin ont pu ajouter de tels bénéfices à leurs fonctions principales, enfin il subsiste une ambiguïté sur la situation réelle de plusieurs personnages. On signalera enfin, et bien qu'il s'agisse d'une catégorie assez inclassable, l'existence en Alsace, tout au long de l'Ancien Régime, de nombreux ermites chargés du gardiennage d'oratoires champêcres, de chapelles de pèlerinage, et dans le cas exceptionnel de Sierentz de la garde de l'église paroissiale éloignée du village. Dans le seul Haut-Rhin, plus de 40 localités ont ainsi été le siège d'un ou plusieurs ermitages. En théorie, c'étaient les collateurs qui présentaient aux ermitages, les municipalités s'engageant à assurer la subsistance des ermites. Ceux-ci sont malheureusement très mal connus et n'ont pas été étudiés, à l'exception des quelques pages qu'André Schaer21 leur a consacrées : "Pour être ermite, il fallait s'affilier à un ordre religieux par la profession de tertiaire de Saint-François ou de Saint-Dominique, ou encore se présenter à l'Ordinaire du lieu. Les deux formules étaient admises dans le diocèse de Bâle. A Scrasbourg, le supérieur du séminaire épiscopal, délégué par l'évêque, recevait dans la chapelle de l'établissement l'émission des trois voeux simples, mais révocables, de chasteté, d'obéissance et de pauvreté, des candidats à l'état érémitique... Canoniquement leur état se situe entre celui des religieux et des simples fidèles" Une tentative des années 1750 de les rassembler en une "congrégation d'ermites" échoua. Toujours est-il qu'un certain nombre d'entre eux ont joué un rôle important dans l'agitation religieuse des années 1790-1792, et que certains furent alors poursuivis et incarcérés, alors que les autres disparaissaient à tout jamais.

21

SCHAER (A.), Le Clergé paroissial catholique en Haute-Alsace, op. cit., p. 235253.

ALSACE

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4 .. La situation des séculiers en 1789 La situation matérielle de ce clergé séculier, à quelques exceptions près, était cependant loin d'être brillante, et les cahiers de doléances s'en firent l'écho. Celui du clergé de Belfort-Huningue22 demandait en particulier : "article 22: que les pensions sur les abbayes et autres riches bénéfices ne soient plus données à des gens qui ont déjà de quoi vivre ou qui n'ont jamais rendu de services, tandis qu'un grand nombre de curés cassés de travaux et de vieillesse meurent de faim. article 24 : que les canonicats ne soient donnés qu'à des ecclésiastiques qui auraient été curés ou vicaires au moins pendant 14 ans, excepté les chapitres dont les places sont réservées à la noblesse. article 25 : demander une loi qui empêche la circulation des livres contraires à la religion. article 26: la suppression du casuel, l'augmentation des portions congrues".

Le cahier du clergé de Colmar-Sélestat23 renchérissait dans des termes différents: "article 9: Que les fonds de cette masse (i.e. une caisse créée par suppression -des bénéfices inutiles) soient appliqués à améliorer le sort des curés royaux répandus dans la province, à procurer un supplément de pension bien juste et bien mérité à Mrs les ex-jésuites; à doter des cures nouvelles; à améliorer celles qui n'auroient pas d'autres ressources ... article 11 : Ils (i.e. les députés) demanderont en outre, que les États généraux daignent fixer leur attention sur le sort des curés à portion congrue; qu'ils employent les moyens, qu'ils jugeront les plus convenables à leur procurer un sort, qui les mette au-dessus du besoin, et leur permette de suivre les mouvemens de charité envers les pauvres de leurs paroisses".

Évaluer le nombre de séculiers en poste en Alsace au début de la Révolution est une entreprise rendue malaisée par les fluctuations des limites administratives des nouveaux départements, comme par l'existence de cinq diocèses d'Ancien Régime. L'abbé Kammerer24, travaillant dans le cadre des limites départementales actuelles, estime le nombre des curés à 545 (274 pour le 22

23 24

TOURNIER (F.), abbé, "Mémoires d'un curé de campagne, Claude Edmond Gérard de Suarce. Avec des aperçus curieux de la Révolution dans le Territoire de Belfort", Revue d'Alsace, 1914, p. 80-85, 159-172, 288-331, cf p. 307. STEEGMANN (R.), édit., Les Cahiers de doléances de la Basse-Alsace, Strasbourg, 1990, p. 88-89. KAMMERER (L.), "Le destin du clergé d'Alsace de 1790 à 1803", loc. cit, p. 109-172.

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HOMMES DE DIEU ET RÉVOUnlON

diocèse de Strasbourg, 16 pour celui de Spire, et 255 pour celui de Bâle). Il convient de retrancher de ce nombre 41 religieux qui exerçaient des fonctions curiales et d'y ajouter les 50 curés des paroisses alsaciennes du diocèse de Besançon. A ces 554 individus doivent être adjoints 70 prêtres (50 pour le diocèse de Strasbourg et 20 pour celui de Bâle) qui composaient le personnel de ces deux évêchés, le corps enseignant du séminaire strasbourgeois et des collèges, 190 chanoines (y compris ceux de Belfort), ainsi que quelque 350 vicaires ou chapelains. En incluant les prêtres sans fonctions, l'abbé Kammerer aboutit à un chiffre de 1 165 séculiers (648 pour le diocèse de Strasbourg, 33 pour celui de Spire, et 484 pour celui de BâJe). Si on y ajoute l'actuel Territoire de Belfort, il faut estimer le nombre de séculiers en poste en Alsace en 1790 à environ 1 200 individus, compte tenu d'une certaine marge d'erreur. Les âges, en 1791, des 1 165 personnages répertoriés par l'abbé Kammerer révèlent que 60% d'entre eux avaient alors moins de 50 ans et 15% moins de 31 ans. Nous avons dû renoncer à établir les mêmes calculs pour les clercs relevant du diocèse de Besançon, les informations dont nous disposons sur leurs dates de naissance étant trop lacunaires. Ajoutons qu'une étude qui reste à mener, sur te mcxlèle de celle que nous avons consacrée à l'Eure25, permettrait, à partir des inventaires des saisies révolutionnaires opérées sur le clergé émigré et déporté, de mieux connaître le cadre matériel et spirituel de vie de ces individus à travers la liste de leurs propriétés foncières, hardes, batterie de cuisine et bibliothèques, et par*là même de contribuer à expliquer les options qu'ils ont alors prises.

25

VARRY (D.), Recherches sur le livre en Normandie : les bibliothèques de l'Eure à la fin du XV/lie siècle, d'après les saisies révolUlionnaires, thèse de 3e cycle, université Paris I, 1985.

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ALSACE

231

232

250 189

200

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150

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100 47

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1700-1709

1720-1729

1710-1719 •

1730-1739

Constitutionnels

1740- 1749

41

1750-1759

D Réfractaires

Années de naissance des séculiers en poste en Alsace début 1791 (diocèses de Bâle, Spire el Strasbourg)

1760-1769

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HOMMF.S DE DIEU Ef RÉVOLUTION

D

o-9% c::J10 -1 9% 1 ;;;:;J 20 - 29 % 6d30- 39 %

l?Zl 40 - 49 %

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50 - 59 % ~60-69 %

1!1170 - 79 % ~ 80-R9%

-

90-100% d'assenncntés 25

Carte n° 3

le serment constitutionnel (1791)

50 Km

CHAPITRE III LA RÉCEPTION DE LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

1 • L'ACCUEIL DE LA NOUVELLE LÉGISLATION

Le décret du 12 juillet 1790, sanctionné le 24 août par le roi, sur la Constitution civile du clergé avait été adressé à toutes les municipalités du BasRhin par le directoire du département dès le 20 septembre. Cette promulgation devait marquer le début de la lutte religieuse. Plus que le projet de serment, 2 mesures de cette nouvelle législation, particulièrement mal reçues en Alsace, cristallisèrent les oppositions : le nouveau découpage des évêchés, qui lésait les pontifes non régnicoles, l'élection des évêques et des curés à laquelle les électeurs réformés ou luthériens pourraient prendre part de plein droit. Immédiatement commença une guerre de proclamations épiscopales, de contre-proclamations administratives, de pamphlets, de saisies chez les imprimeurs et de rumeurs les plus folles, qui a été relatée par Rodolphe Reuss 1• et auquel nous ne pouvons que renvoyer, en particulier pour la narration des diverses "émotions" qui se déroulèrent alors. Des 5 évêques ayant charge d'âmes en Alsace, le cardinal de Rohan était le plus connu et le plus influent. Réfugié depuis le 13 juin 1790 dans ses bailliages épiscopaux de la rive droite du Rhin, il prit la tête de l'opposition. 1

REUSS (R.), La Constitution civile du clergé... , op. cit., tome l. Voir aussi HEITZ (F.-C.), La Contre-Révolution en Alsace de 1789 à 1793. Pièces et documents relatifs à cette époque, Strasbourg, 1865.

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HOMMF.5 DE DIEU ET RÉVOllmON

1 • Le "cardinal-collier" Né à Paris le 25 septembre 1734, Louis René Édouard de RohanGuéménée2 fut, de bonne heure, destiné par sa famille au service de l'Église. Nommé abbé de La Chaise-Dieu en 1756, il devint coadjuteur de Strasbourg et fut sacré évêque in partibus infulelium de Canople le 18 mai 1760. Il reçut en 1761 l'abbaye de Montmajour et devint, la même année, membre de l'Académie française. Nommé à l'ambassade de Vienne par Choiseul, il s'arrêta en chemin quelques jours à Strasbourg en 1771 chez son oncle le cardinal Louis César Constantin de Rohan qui fut évêque de la ville de 1757 à 1779. Arrivé à Vienne en janvier 1772, il arrangea le mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin et mena une vie luxueuse. Rappelé en France en 1774, il reçut le chapeau de cardinal, le ter juillet 1778, et la riche abbaye de Saint-Vaast qui rapportait 600 000 livres, ainsi que la place de proviseur de Sorbonne. Après la mort de son oncle, il monta sur le siège épiscopal de Strasbourg, et arriva à Saverne en septembre 1779. Il est surtout célèbre pour la retentissante "affaire du collier de la reine", qui lui valut sa disgrâce et un séjour à la Bastille. Le cardinal Louis René Edouard de Rohan-Guéménée a par ailleurs été un franc-maçon notoire, initié selon le rite égyptien. En septembre 1780, arrivait à Strasbourg Joseph Balsamo qui eut très vite ses entrées chez l'évêque. En 1781, Rohan choisit pour secrétaire particulier Ramond de Carbonnières, autre francmaçon avec lequel Balsamo se livra durant tout l'été de cette année à des expériences d'alchimie dans un laboratoire installé au château de Saverne, la résidence d'été du prince-évêque. Comme le rapporte Romain Fest3, Ramond de Carbonnières notait même dans son journal : "Samedi 22 (septembre 1781), commencent les opérations maçonniques de Cagliostro où assistent le cardinal, Straub (directeur de la manufacture d'armes de Strasbourg) et Barbier (commissaire des guerres). A la fm de la loge on me reçoit apprenti du rite que l'on appelle égyptien".

2 3

SIEGER (J.), Kardinal im Schanen der Revolution, Kehl, 1986. FEIST (R.). "Eléments maçonniques dans la musique religieuse de Frantz-Xavier Richter" (maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg de 1769 à 1789), Revue de musicologie, 1991, n°1, p. 108-116. Idem, "Evangelische und katholische Kirchenmusik in Strassburg in den zwei letzten Jahrzhnten vor der franzüsischen Revolution", Mitteilungen der

Arbeilsgemein.schaft fiJ.r millelrheinische Musikgeschichte, n° 58, 1992, p. 330-341.

ALSACE

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A l'issue de ces célébrations, qui durèrent 3 jours et 3 nuits, le princeévêque regagnait Paris en compagnie de son hôte mystérieux. Élu député aux États généraux par le clergé de Haguenau-Wissembourg, quoique absent de la réunion le 13 mai 1789, le cardinal écrivit que sa santé ne lui permettait pas d'aller à Paris et obtint d'y être représenté par son suppléant, l'abbé Boug. Il ne se présenta à l'Assemblée que le 12 septembre 1789, et signa la déclaration du 19 avril 1790 en faveur de la religion catholique comme religion d'État. Il démissionna par lettre du 23 août 1790. Depuis Ettenheimmünster, dans ses bailliages d'outre-Rhin, il écrivait le 25 novembre 179ü4 au procureur syndic du département du Bas-Rhin : "Je proteste et protesterai dans toutes les occasions contre l'exécution des décrets de l'assemblée nationale qui portent atteinte aux lois de la discipline générale de l'Église et qui intervertissent l'ordre par le seul fait de la puissance ;;éculière... Vous me marquez qu'on avait cru en me voyant arriver à Strasbourg que je venais m'y fixer pour faire exécuter les décrets. Ceux qui ont jugé ainsi m'ont fait une grande injustice, car ils ont pu croire que par faiblesse ou par ignorance, j'oublierais mes obligations. Je n'y suis venu. ainsi qu'à Saverne que pour témoigner à une province qui m'est si chère, et dont les intérêts me sont plus précieux que les miens, toute ma peine et mon regret de prévoir que les circonstances me priveront peut-être d'y retourner aussitôt que je voudrais".

A une seconde monition du procureur pour engager le cardinal à revenir en Alsace, Rohan répondit qu'il était "prince souverain en même temps qu'évêque d'un territoire qui faisait partie de l'empire germanique". A une lettre du maire de Strasbourg, Dietrich, qui lui demandait le 28 janvier 1791 de revenir et de prêter le serment requis, le cardinal répondait le lendemain : "J'aurais cru que l'instruction pastorale et la déclaration que j'ai publiées auraient suffi pour faire connaître ma façon de penser au sujet du nouveau serment. Cette façon de penser est invariable, puisqu'elle est fondée sur des principes invariables eux-mêmes pour tous ceux qui professent Ja religion catholique, apostolique et romaine et je jouis de la douce satisfaction de voir que tout mon clergé, aussi dévoué que moi aux vrais principes, a refusé et refusera de prêter un tel serment et qu'enfin nous resterons attaché à notre devoir au risque de notre fortune et même de la vie". Le 2 février 1791, les commissaire Dumas, Hérault et Foissey informaient le ministre de la guerre Duportail que le cardinal ne prêterait pas le serment, et ils se préoccupèrent dès lors de préparer l'élection d'un évêque. Depuis Ettenheim, le cardinal devait organiser la résistance spirituelle (et politique), de son clergé jusqu'au Concordat, où conformément à la demande pontificale il remit sa démission de son siège. Il devait mourir en 1803.

4

A.N., p19 464.

HOMMF.S DE DIEU ET RÉVOLtmON

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2 • Les autres princes-évêques d'Empire Les deux autres évêques étrangers ayant juridiction spirituelle en Alsace ne demeuraient pas inactifs. Le 19 décembre 1790, le prince-évêque de Bâle adressait une lettre circulaire refusant la Constitution civile du clergé à son clergé de Haute-Alsace. Le 11 novembre précédent. il avait demandé conseil au pape sur la conduite à tenir. Celui-ci lui avait répondu, le 11 décembre, qu'il n'avait pas l'intention de laisser nommer un évêque pour la Haute-Alsace. Cette réponse fut imprimée et diffusée dans le Haut-Rhin. De son côté, le prince-évêque de Spire protestait, le 24 décembre, par proclamations à son clergé et à ses fidèles alsaciens contre les violations perpétrées par la Constitution civile du clergé contre ses droits garantis par les traités de Münster, Nimègue, Riswick ... Entre-temps, le décret du 27 novembre 1790, ratifié par le roi le 26 décembre, avait rendu effective la prestation, sous huitaine, du serment prévu par le texte du 24 juillet. La lutte allait s'exacerber. De nouvelles proclamations et lettres pastorales des 5 évêques ayant juridiction en Alsace circulèrent, condamnant le serment, comme l'élection des évêques constitutionnels qui devait suivre au printemps 1791. La tactique employée par les autorités révolutionnaires fut de contester la véracité de ces lettres et, par la suite, des brefs pontificaux, tout en s'évertuant à les saisir et à entraver leur diffusion. Dans un courrier au directoire du Haut-Rhin6, le prince-évêque de Bâle confirmait l'authenticité d'une de ces missives. le 27 février: "Je viens d'être instruit que vous avez des doutes sur l'exacte conformité du bref que j'ai reçus dernièrement du St Père, d'avec les exemplaires qui, à mon insçu, doivent avoir été rendus publiques dans les trois langues. Il est dans ce cas de mon devoir de vous mettre à même, Messieurs, de pouvoir juger de tout, en conséquence je vous envoye cijointe copie exact dudit bref, tel que je l'ai reçu de Rome à la fin de l'année dernière". Nous citons cet exemple, car ce courrier donna quelques problèmes de conscience à l'accusateur public chargé de traquer les documents incriminés. Il s'en faisait l'écho dans une lettre aux administrateurs du directoire du département du Haut-Rhin 7 : "A Colmar le 5 mars 1791. Messieurs. j'ai l'honneur de vous faire part que, sur la dénonciation qui m'a été faite du prétendu bref du Pape addressé à M. !'Évêque de Bâle, j'ai de suitte rendû plainte contre les fabricateurs. colporteurs, distributeurs et imprimeurs de cet imprimé et ai fait ordonner que tous les exemplaires et copies qu'on en trouverait. seraient saisis et déposés au greffe

5 A.D.H.R., L 612 (texte imprimé en français et en allemand). Idem. Le document porte la mention manuscrite: "reçu le 3 mars. Point de

6

7

réponse à faire". Idem.

ALSACE

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du tribunal pour y demeurer supprimés. Je me proposais de faire mettre cette partie du jugement à exécution, lorsqu'il m'est revenû que M. l'évêque de Bâle doit vous avoir addressé officiellement copie du Bref dont s'agit vidimé par sa chancellerie. Vous sentez. Messieurs, que si ce fait étoit réel, je serois obligé de prendre un autre parti, avant de donner suitte au jugement, je vous prie en conséquence de vouloir bien m'informer de suiue de ce qu'il en est, pour pouvoir me diriger d'après votre réponse".

La réponse du département est inconnue, mais aisée à deviner. Le tribunal de Belfort alla jusqu'à prononcer un arrêt de prise de corps sur le prince-évêque, et celui d'Altkirch ordonna que son mandement serait brûlé par le bourreau. La guerre des proclamations épiscopales devait se poursuivre tout au long de la Révolution. Recopiées, diffusées sous le manteau, en particulier par le biais des pèlerinages en Suisse, mais difficiles à retrouver pour l'historien, les instructions épiscopales et les brefs pontifieaux n'ont jamais cessé de circuler, ni d'affermir clergé et fidèles réfractaires.

Il • BRENDEL, GOBEL et MARTIN "Par la Miséricorde Divine

et l'élection du Peuple Français, Évlques constitutionnels ... "8

Quitte à bousculer quelque peu la chronologie, et afin de pouvoir étudier l'étalement dans le temps de la prestation du serment constitutionnel, nous croyons devoir présenter maintenant les premiers évêques constitutionnels des deux oouveaux diocèses alsaciens.

8

La titulature officielle d'un évêque constitutionnel était : "N, Par la Miséricorde Divine et la libre élection du Peuple Français, évêque constitutionnel du département de X, dans la communion du Siège Apostolique". Elle souligne le lien affirmé de soumission au pontife romain en matière de foi, et nie par là le "schisme" dénoncé par les réfractaires. Rappelons que tout évêque constitutionnel nouvellement élu était tenu d'écrire au pape "comme au chef visible de l'Église universelle, en témoignage de l'unité de foi et de la communion". Pour tous les évêques constitutionnels évoqués, nous excluons le recours aux notices trop fautives de PISANI (P.), Répertoire biographique de l'épiscopat constitutionMl ( 1791-1802), Paris, 1907.

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HOMMES DE DJEU ET RÉVOUJllON

1 • François-Antoine Brendel, évêque constitutionnel du Bas-Rhin "L'organisation du clergé n'a éprouvé dans aucune partie du royaume une opposition aussi générale et aussi opiniâtre que dans ce département". écrivait le directoire du département du Bas-Rhin à l'Assemblée nationale le 25 janvier 17929. Il soulignait encore, le 17 avril suivant. "l'indisposition fâcheuse de ce pays.ci contre les constitutionnelsl o... De fait, c'était résumer les tribulations d'un clergé n'ayant jamais dépassé 150 individus et incapable de s'organiser, car en butte à une opposition constante et générale. C'est dire si la tâche de son chef, François-Antoine Brendel, devait être délicate, si bien qu'on peut la résumer en la difficulté de se maintenir au siège épiscopal du Bas-Rhin. Né à Lohr-am-Main, le 4 octobre 1735, fils de Mathias Brindtel, marchand de bois qui s'établit à Memmelshoffen près de Soultz-sous-Forêts où il remplissait aussi les fonctions de receveur des princes de Hesse-Darmstadt, et de Jeanne Wilck, François-Antoine Brendel 11 fit ses études au collège de Haguenau de 1750 à 1753, puis à Pont-à-Mousson en 1754, enfin à l'université épiscopale de Strasbourg de 1754 à 1759. Après sa première messe à Soultz-sous-Forêts, le 26 décembre 1759, il devint vicaire à Huttenheim de 1760 à 1761, curé de Soultz-sous-Forêts de 1762 à 1765, paroisse mixte où il obtint que les protestants participassent au financement d'une grille pour séparer le choeur de la nef 12. Il fut ensuite prédicateur à la cathédrale de Strasbourg, en 1765, et professeur de droit canonique à l'université épiscopale de Strasbourg de 1769 à 1791. en même temps que bibliothécaire du grand séminaire. Le 2 février 1791, il prêta le serment à la Constitution civile du clergé et se justifia par un discours où il déclara ne rien y trouver de contraire au dogme catholique. Homme correct, instruit, de nature inquiète, valétudinaire depuis longtemps, criblé d'infirmités, il n'était pas vraiment un chefl3. Pourtant, seul candidat, il fut élu le 6 mars 1791 évêque constitutionnel du Bas-Rhin par 317 voix sur 419 électeurs, dont une majorité de protestants 14. Le 8 mars, le commissaire Hérault s'illusionnait15: 9 10 11 l2

13 14

15

A.N., AA 46, 1362. A.N., IVb 102, dossier 769. KAMMERER (L.), article Brendel. N.D.B.A., fa.se. 5, p. 351. MULLER (C.), "Brendel el le simultaneum à Soultz-sous-forêts (mai 1764)", Archives de l'Eglise d'Alsace, 1990-1991, p. 197-198. REUSS (R.), La Constitution .. ., op. cit., t. 1, p. 157-160. D'où la controverse entre R. Reuss (historien protestant, mais très intègre) et M. Barth (catholique), "Die Wahl Brendels zum Bischof von Strassburg", Bulletin ecclésiastique du diocèse de Strasbourg, 1926 et 1927. A.N., F 19 464..

AU ACE

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"L'abbé Brendel qui a été élu évêque du département du Bas-Rhin vient de partir pour Paris. Nous serions reconnaissants si vous aviez la bonté de faire accélérer sa consécration et son retour. Rien ne peut contribuer plus efficacement au rétablissement de l'ordre que la présence d'un vertueux ecclésiastique qui, ayant été pendant près de trente ans professeur de presque tout le clergé d'Alsace, est l'homme qui a conservé le plus sur les prêtres. Le département du Bas-Rhin espère aussi que vous voudrez bien présenter au roi le nouvel évêque de Strasbourg. Sa Majesté honorera sans doute de quelque intérêt un pasteur simple et modeste, que la voix publique a nommé dès le premier scrutin presqu'à l'unanimité, malgré les cabales et auquel il a fallu faire violence pour le forcer à consentir à son élection. Mes deux collègues Dumas et Fossey, ayant appris que l'élection de l'évêque du Haut-Rhin n'avait pas eu lieu et que tous les protestants se refusaient à voter, sont partis sur le champ pour se rendre à Colmar".

Sacré à Paris, par Gobel, le dimanche 13 mars 1791 en même temps que Grégoire et 8 autres évêques, Brendel fut intronisé le 25 mars, ce qui donna lieu à divers incidents suite à une monition du cardinal de Rohan qui condamnait cette élection et interdisait au clergé de le reconnaître comme évêque légitime16. Les commissaires relevaient alors le 26 marsl 7 : "Il a été chanté hier un Te Deum solennel auquel tous les corps ont été invités. cette cérémonie a été suivie d'une illumination et de toutes les démonstrations de la joie la plus vive et des mouvemens d'affection pour notre bon roi. L'installation nous dédommage de la désobéissance formelle et séditieuse des curés réfractaires et des moines qui abusent des bienfaits de la naùon. Ils ont refusé à l'exemple du séminaire de reconnaître leur évêque constitutionnellement élu ; ils ont ajouté à cette infraction le manque de respect pour Sa Majesté en ne se rendant pas à la cathédrale ... Le cardinal (de Rohan) a intrigué dans cette circonstance. La constitution donne aux administrateurs des armes suffisantes pour se débarrasser des curés schismatiques et les électeurs du district de Strasbourg vont être convoqués cette semaine pour procéder à leur remplacement. 11 n'en est pas de même des moines qui bravent toutes les autorités si bien que nous payons la véritable armée du cardinal".

A peine élu, Brendel se trouvait donc confronté à un problème insoluble : les prêtres et les religieux restaient dans leur majorité fidèles au cardinal de Rohan, le clergé constitutionnel était rejeté par la population. A l'instigation du directoire du Bas-Rhin, vu le faible nombre de prêtres assermentés, Brendel fit

16

HEITZ (P.C.), La Contre-Révolution en Alsace de 1789 à 1793 ... , op. cil, p. 158-160.

17

A.N., FlcID, Rhin B 13.

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLlmON

S6

venir des prêtres et religieux d'outre-Rhin pour administrer les paroisses, et recruta parmi eux une partie de ses vicaires épiscopaux, notamment Euloge Schneider. Ainsi arrivèrent d'Allemagne à l'automne 1791 un assez grand nombre de dignitaires ecclésiastiques et d'universitaires en rupture de ban "pour se ranger sous le bienheureux drapeau des libertés françaises". Mais la plupart d'entre eux étaient ignorés par l'Alsace catholique, et la venue de tant d'esprits "éclairés" par la phase joséphiste constituait plutôt un embarras pour Brendel qu'un véritable appui. De fait, certains d'entre eux, avant de faire de la politique, voulaient révolutionner la morale. Le 11 octobre 1791, Euloge Schneider donnait lecture d'un Discours sur le mariage des prêtres, que l'évêque désavouait aussitôt le 22, d'où une violente querelle. Malgré cet épisode, Schneider resta en possession de la chaire de Notre-Dame à Strasbourg et de son tiare de vicaire épiscopal jusqu'au moment où, en février 1793, il fut choisi comme accusateur public. Avec les autorités constituées, notamment avec Dietrich le maire protestant de Strasbourg, les difficultés ne manquèrent pas davantage. Le 13 mai 1792, Brendel lui écrivait : "Quoique de tout temps j'ai improuvé au fond de mon âme les processions, ces promenades religieuses embarrassantes et tout opposées à la vraie dévotion, je ne puis pourtant point accéder à l'invitation que vous me faites de les restreindre à l'intérieur des églises. Des motifs graves et impérieux du moment me le défendent absolument. Il faut céder à l'urgence des circonstances du temps et non à ses propres mouvements". Dietrich s'empressa de ttansmettre ce pli à Roland, pestant contre les membres du conseil de l'évêque, "cherchant à avilir les autorités constîtuéesl8" L'instabilité de la position de Brendel s'expliquait évidemment par la faiblesse des effectifs de l'Église constitutionnelle en Alsace dès le début de la Révolution. Le 25 mai 1792. Brendel s'adressait sur cette question au directoire du Bas-Rhin: "La condition précaire des desservants provisoires n'est point faite pour les attacher à leur poste et sans parler de cette gêne résultante d'une position non fixe pour laquelle ils ne peuvent hasarder des frais d'arrangement convenable, il est certain qu'un desservant momentané ne s'affectionne pas. comme il le faudrait, à sa mission. Si à ce motif se joint l'attrait qui les appelle, soit dans nos années, soit dans les départements limitrophes, où ils n'ont pas à lutter ou à se prémunir contre les attentats d'un fanatisme sanguinaire. alors je ne vois pas ce qui powrait les retenir en ces lieux. Déjà plusieurs m'ont annoncé ou demandé leur démission. Pour arrêter cette défection., qui deviendra épidemique, je fais de nouveau la demande de la tenue des élections des curés19...

18

A.N., p19 464.

19

Idem.

51

Lassé par toutes les avanies subies, il renonça à ses fonctions d'évêque et de prêtre, le ·19 novembre 1793, lors de la première vague déchristianisatrice. Pourvu du poste rétribué d'archiviste du Bas-Rhin le 9 décembre 1795, il le conserva jusqu'à sa mort. Au moment du rétablissement de l'Église constitutionnelle de 1796, Brendel reprit son titre d'évêque, mais ne réussit pas à donner vie à celle de son diocèse. Déçu et affaibli par ses infirmités, il annonça sa démission définitive à l'évêque constitutionnel du Haut-Rhin, Berdolet, le 26 juin 179720. Il décéda à Strasbourg le 22 mai 1799. C'est Berdolet qui fut chargé d'administrer provisoirement le diocèse du Bas-Rhin jusqu'au Concordat et à la nomination de Saurine au siège de Strasbourg en 180221.

2 • Jean-Baptiste Gobel, éphémère évêque élu du Haut-Rhin Jean-Baptiste-Joseph Gobel22 était né à Thann, le 1er septembre 1727, d'un père avocat au Conseil souverain d'Alsace et procureur fiscal du comté de Thann. Après des études au collège jésuite de Porrentruy, puis à Colmar, et un doctorat en théologie au Collège germanique de Rome, il fut ordonné prêtre à Porrentruy en décembre 1750. Il bénéficia de la protection de deux grands-oncles maternels, coadjuteurs du prince-évêque de Bâle. En 1755, il devenait official d'Altkirch, puis vicaire général pour la partie alsacienne en 1757 et pour l'ensemble du diocèse en 1763. Le 22 mai 1772, il était sacré à l'abbaye de Bellelay évêque in partibus infidelium de Lydda, suffragant du prince-évêque de Bâle. Fin politique et habile diplomate, il fut chargé par le prince-évêque, Frédéric de Wangen, de négocier, en 1780, un traité avec la France. C'est alors qu'il aurait commencé des intrigues, qui n'aboutirent pas, pour se voir tailler un évêché en Haute-Alsace. Son goût pour le faste devait l'entrainer dans une spirale de dettes (200 000 livres en 1789) qui contribuèrent à lui faire faire des choix qui le conduisirent à sa pene, d'autant que le nouveau prince-évêque de Roggenbach (régnant depuis 1782) ne lui manifesta pas la même confiance que ses prédécesseurs. Sa grande piété l'avait pourtant fait surnommer "l'ange de Lydda". li fut élu député du clergé de Belfon aux États généraux, où le député protestant 20

INGOLD (A.M.P.), Grégoire et l'Église constitutionnelle d'Alsace, Paris, 1894,

p. 113-137. 21 22

Voir infra chapitre VIll. D'une bibliographie importante, on retiendra les notices le concernant dans le D.H.G.E. t.XXI, p.359-362; le N.D.B.A., fasc. 13, p.1208-1210; et les articles de KAMMERER (L.), "L'origine des dettes de Gobel évêque suffragant de Bâle", Archives de l'Eglise d'Alsace, 1989, p. 56-14; et de GIRARD (B.), "Une bibliothèque à l'encan à Porrentruy en l'An IX ou la seconde mort de Joseph Gobel", Jurassica, 1989-3, p. 44-46.

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HOMMES DE DIEU ET RÉVOUTnON

du Tiers belfortain, Lavie, contesta son élection comme éttanger. Le 6 novembre 1790. Gobel fut élu secrétaire de l'Assemblée nationale. Le 3 janvier 1791, il prêta le serment constitutionnel.

Le 6 mars 1791, il était élu évêque du Haut-Rhin par 175 suffrages, alors que le prince-évêque de Bâle n'obtenait que 70 voix, et que 75 aurres se portaient sur différents noms. Il fut également élu aux évêchés de la Haute-Marne et de Paris, siège mérropolitain pour lequel il opta, le 14 mars, vraisemblablement attiré par une position éminente et par un traitement plus conséquenL A GobeJ qui lui annonçait son élection à Paris, le prince-évêque de Bâle répondait23 : "Votre élévation à un siège aussi important que celui de la capitale du royaume de France, me fera un véritable plaisir, lorsque vous m'annoncerez que le SaintSiège, auquel je vous ai toujours vu religieusement attaché, aura confirmé votre élection ; que, conformément aux usages constants de l'Église universelle, vous en aurez reçu l'institution canonique, el que vous aurez été admis à sa communion, comme au centre d'unité de toutes les Églises catholiques. Réunis pour lors dans la même croyance, dans les mêmes principes de doctrine, dont vous et moi, ainsi que tous mes prédécesseurs, avons toujours professé l'enseignement dans l'Église de Basle, que vous appelez à juste titre votre mère, nous éprouverons l'un et l'autre la plus douce, la plus consolante satisfaction".

n n'est pas nécessaire de nous appesantir ici sur la suite de sa carrière qui du club des Jacobins, en passant par l'abdication et la remise de ses letrres de prêtrise à la barre de la Convention, le conduisit, repentant, à l'échafaud le 13 avril 1794. On soulignera simplement qu'il joua un rôle important dans l'annexion à la France du pays de Porrentruy. et surtout qu'il sacra 45 des 79 premiers évêques constitutionnels. · L'élection du 6 mars n'avait-elle été le fait que des seuls catholiques hautrhinois? La tradition, rapponée par plusieurs historiens, dont Véron-Réville, voudrait que les protestants du Haut-Rhin se soient abstenus de prendre part aux deux élections épiscopales successives. Cette assenion est contredite par plusieurs chroniques du temps. Quoi qu'il en soit, leur participation au vote a sans doute été moins importante et moins mal ressentie que dans le Bas-Rhin. Cette élection, qui était à refaire, avait été soigneusement préparée par les instances départementales qui, pour neutraliser les proclamations du prince23

WINTERER (L.), abbé, La Persécution religieuse en Alsace penJanl la grande Révolu.lion, de 1789 à 1801. Rixheim, 1876, p. 67.

ALSACE

59

évêque de Bâle, avaient fait rédiger par une main anonyme et placarder une affiche dont le texte voulait, en s'appuyant sur la tradition et les conciles de l'Église primitive, démontrer la validité. Nous croyons utile de la verser ici au dossier, en rappelant que, dans la France d'Ancien Régime, c'est le roi seul qui nommait aux évêchés24.

Adresse aux électeurs du département du Haut-Rhin du 18 f hrier 179125. Frères et Amis ! Il est enfm fixé, ce jour heureux, où vous devez vous assembler pour élire un Pasteur parmi vos Frères & vos Concitoyens. L'objet de cette Assemblée est de la plus grande importance, & le choix que vous devez faire, exige de vous non seulement des preuves de Patriotisme, mais surtout des marques de Piété & de Religion. Tous les yeux sont ouverts sur vous, & votre conduite doit faire voir aux Peuples, que vous êtes aussi inviolablement attachés aux Lois de la Religion, qu'à celle de la Patrie.

On accuse les Représentans de la Nation, de vouloir détruire la Foi de vos Pères ; & les Ennemis de la Constitution, qui ont fondé sur ce terrible moyen l'espoir d'une Contre-révolution, s'efforcent à vous persuader, que vous ne pouvez concourir à l'élection de l'Évêque sans vous rendre coupables envers la Religion. Accoutwnez à entendre ces impuissantes & déraisonnables clabauderies, nous aurions laissé ces Pervers s'agiter dans la fange de la calomnie, si des Prêtres même, qui refusent de prêter le Serment, n'avoient empoissonné (sic) vos vues, & cherché à alarmer vos consciences.

La religion est en danger, vous disent-ils, & ce prétexte, le plus spécieux qui fut jamais, a été manié avec tant d'adresse, que quelques âmes droites & désintéressées en ont pris sérieusement l'allarme, & ont cru voir dans l'organisation du Clergé un plan concerté, de détruire la Doctrine de l'Évangile; l'impression du moment, causée par la résistance, & le faux zèle des Ministres de la paix, a subjugué la crédulité, & a fait naître chez plusieurs une répugnance à prêter le Serment civique ; pour tranquilliser les esprits, & rassurer à cet égard les âmes pieuses et timorées, on s'est proposé de faire une petite observation sur chacun des articles, qui ont excité le plus de. réclamations. 1° L'Assemblée Nationale a remis au Peuple le choix des Évêques & des Pasteurs, c'est à dire ; l'Assemblée nationale a rétabli le Peuple dans ses plus beaux droits, qu'il avoit exercé dès le berceau de l'Église. Lorsqu'il s'agissoit de remplacer le

24 A l'exception de celui de Béthléem-Clamecy, qui était à la nomination du duc de Nivernais.

25 A.D.H.R., L 612. Le texte est en français, sans traduction allemande.

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HOMMES DE DIEU BT IŒvoumoN

traitre Judas. le choix a été confié. par l'ordre même des Apôtres. à tous les fidèles. entre lesquels étoient des femmes ; St Jacques le mineur a été nommé de la même manière Évêque de Jérusalem. St Athanase, évêque d'Alexandrie ; Cecilien. Bvêque de Carthage ; St Ambroise, Corneille & plusieurs auttes ont été élus unanimement par le Peuple sur le simple témoignage des Prêttes. Ces sortes d'élections furent pendant quelque tems suspendues par les fausses décrétales ; mais bientôt après rétablies par St Louis & le Concile de Bâle, & continuées ainsi dans l'Église jusqu'au honteux Concordat entre Léon X & François 1, par lequel le Pape a obtenu le Droit des Annates, & le Roi celui de nommer les Évêques ; c'est cet abus que l'Assemblée Nationale a aboli, en rétablissant cette ancienne forme d'élire, qui a fourni à l'Église tant de grands & saints Évêques. L'on objecte contre le Décret, que les Ecclésiastiques auroient dû au moins participer à ces élections ; mais on ignore donc, que les Ecclésiastiques n'avoient aucune part aux élections des Évêques, qui dans ces derniers temps étoient l'ouvrage des plus viles intrigues de la Cour. D'ailleurs d'après la nouvelle Organisation les Ecclésiastiques ne sont point exclus des élections ; ne donnent-ils pas leur suffrage aux Électeurs, qui choisissent en leur nom les Évêques & les Curés '! & il est certain, que. s'ils n'avoient pas opposé une si forte résistance aux Décrets de l'Assemblée, plusieurs parmi eux seroient déjà du nombre des Électeurs. Ah ! s'il étoit possible que les Ecclésiastiques conçussent une fois des sentimens patriotiques, ils verroient que le bon & vertueux Alsacien se feroit un devoir de leur céder la première place à toutes les élections. 2° L'Assemblée Nationale a décrété, que le nouvel Évêque ne se présenteroit plus au Pape, pour en obtenir la Confirmation ; mais qu'il lui écrimit comme au Chef visible de l'Église, en signe de l'union de la foi, que l'Assemblée Nationale ordonne de conserver avec lui. Ceci est incontestablement l'usage de la primitive Église. Le Concile de Nicée a ordonné dans le quatrième Canon, que l'Évêque recevroit la Confirmation du Métrapolitain (sic) & non du Pape. Un Concile de Carthage, auquel St Augustin a assisté, défendit même, sous peine d'Excornmunication, de recourir au Pape pour le même objet. 3° L'Assemblée Nationale veut, que chaque Évêque nomme des Vicaires qui formeront son Conseil. Pour se convaincre du parfait accord de cette disposition. avec la véritable Discipline de l'Église, il suffit de lire le second Discours de l'Abbé Fleury, où il est dit : que dans l'Église tout se faisoit par Conseil ; parce que l'on voulait y faire régner la raison, la règle & la volonté de Dieu. Saint Ciprien s'excusoit auprès des Prêtres et des Diacres, d'avoir nommé, contre sa coutume & sans leur aveu, quelqu'un pour Lecteur, à cause de son grand mérite. Si donc les Évêques sont obligés, suivant ce Décret, de consulter leurs Vicaires, il ne s'en suit pas de-là, que les vicaires soient Évêques, puisqu'ils ne pourroient jamais ordonner un Prêtre. Tels sont les Décrets, contre lesquels se déchaînent avec tant de fureur les ennemis entêtés de leurs opinions, qui sont d'autant plus dangereux, que confondant la cause de la Religion avec leurs intérêts particuliers, ils s'imaginent n'être animés que du zèle le plus pur. Il vous dépeignent l'organisation du Clergé comme le plus noir attentat; & jamais événement ne fut plus nécessaire, & en même temps plus utile à l'Église. n falloit la révolution actuelle pour rendre au Clergé sa dignité ; & nous pouvons nous glorifier

ALSACE

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de toucher enf'm à c::ette époque si désirable, où nos premiers Pasteurs, riches de leurs seules vertus, & se ttouvant dans l'heureuse impossibilité de se distinguer par le luxe, seront forcés de se distinguer par un mérite plus réel & plus convenable à la Sainteté de leur ataL heureux Citoyens ! livrez-vous donc à tous les transports de la plus vive reconnoissance, en voyant luire à vos yeux l'Aurore du plus beau jour, que la Providence ait pu vous accorder. Hâtez par l'ardeur de vos voeux le glorieux moment. où doit se consommer la plus importante Opération ; conjurez tous ensemble le Dieu que vous adorez. de sanctifier par l'onction de la grâce, & de la diriger vers l'unique bonheur, qui est c::elui de vos âmes. Que de motifs pour tout Chrétien d'être fidèle à son Sermemt ! (sic). Et vous, a1ecteurs 1 vous devez sur-tout en donner l'exemple; l'intérêt de la Religion, le besoin de la paix, l'affermissement de la chose publique vous le recommandent impérieusement. faites donc des réflexions sérieuses sur l'objet important. pour lequel vous allez être convoqués; il ne s'agit pas d'élever un grand Seigneur à une place éminente ; vous devez donner un père au peuple, un soutien à la foi. un refuge au malheureux, un Apôtre à la Constitution & et la Religion".

3 • Arbogaste Martin, lvêque constitutionnel du Haut-Rhin

La nouvelle élection eut lieu, les 27 et 28 mars 1791, et désigna AJbogaste Martin. sous-principal du collège royal de Colmar, qui n'avait obtenu que 3 voix au scrutin du 6 mars. Martin obtint 177 voix sur 331, dont cenaines luthériennes. L'évêque de Bâle, bien que non candidat, en rassembla 59 sur son nom. Arbogaste Martin n'avait pas l'envergure de Gobel. Il demeure un personnage falot, peut-êlre desservi par l'historiographie catholique traditionnelle, et attend encore son biographe26. Il était né le 23 avril 1731 à Walbach. Il fut ordonné prêlre le 17 avril 1756, fut chapelain à Wattwiller (1759), vicaire à Guebwiller (1760), puis à Murbach, curé de Murbach (1773) puis de Guebwiller (1774), régent de 3e au collège royal de Colmar (1777), sous-principal du collège en 1782. Il aurait jadis, à Murbach, bénéficié de l'amitié et de la protection du prince-abbé Casimir de Rathsamhausen. Il prêta le sennent constitutionnel à Colmar le 20 février 1791, après les remontrances des commissaires du roi et sans doute dans la crainte d'êare destitué, puis se fit recevoir au club colmarien où sa présence ne fut d'ailleurs signalée qu'une fois. Il n'en fut pas moins le premier assennenté de Colmar, celui dont l'exemple avait entraîné une partie de ses collègues. Le 5 avril 1791, alors que l'Assemblée nationale applaudissait à l'annonce de son élection, le prince-évêque de Bâle adressait à son clergé un bref déclarant les pouvoirs de l'évêque constitutionnel canoniquement nuls, et lui

26 Les éléments biographiques ici rassemblés sont tirés de la notice établie par C. MULLER et à paraître dans le N.D.B.A.

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HOMMES DE DIEU Er RÉVOWllON

interdisant toute fonction2 7 • Manin fut sacré par Gobel à No&re-Dame de Paris le IO avril 1791. Revenu à Colmar le 16. il prit le lendemain possession de la collégiale Saint-Manin. devenue cathédrale. Dans sa première lettre pastorale du mois d'avril, il fit l'apologie de la Révolution, tout en affinnant sa fidélité à l'Église catholique. à l'Écriture sainte et à la tradition. Mais il rencontra de suite des difficultés. Le 26 avril 1791. il dut, sous la pression du dépanement. révoquer le curé de Neuf-Brisach qui avait refusé par écrit de prendre auprès de lui les "saintes huiles". Le 1er août suivant, il se fit traiter "d'évêque de Carnaval" par le curé de Soppe-le-HauL En face de résistances dont il n'avait pas prévu la gravité, il s'affola et ne trouva de salut que dans l'intervention violente des autorités civiles qu'il accabla de plaintes, de dénonciations. voire de demandes éplorées de secours. Lors de la fermeture des couvents, ses interventions pour hâter le processus ou pour récupérer des ornements liturgiques exaspérèrent la population. Son mandement de carême 1792 fut une nouvelle apologie de la Révolution. ce qui provoqua de la part des réfractaires la publication d'un pamphlet intitulé Vision et confession publique d'Arbogaste Martin, évêque constitutionnel du Haut-Rhi.n, écrites par lui-même28, dans lequel il est dit fort avare et où il est accusé d'avoir recherché toutes les occasions d'augmenter son revenu. Le même écrit le déclare orgueilleux et vexé d'être cloué au sousprincipalat. alors qu'il se croyait propre aux plus éminentes dignités. Sa situation devint bientôt critique. Le 25 mars 1792, il écrivait à l'Assemblée nationale29 : "Il est affligeant pour moi d'être obligé de vous écrire pour un sujet qui ne peut que tourner à la honte de la ville qui fait mon siège épiscopal. Depuis quelques jours ma personne, celle de mes vicaires et de mes domestiques, sont en butte à toutes les méprises, les huées et les injures. Le peuple n'a pas craint de me troubler dans mon saint ministère en s'attroupant tumultueusement pendant que je célébrais".

Son espoir de rétablir la situation après les déportations de l'été 1792 fut vain, car bientôt devenu inutile aux Jacobins triomphants, il se vit traiter par eux en quantité négligeable et exposé à leurs moqueries les plus grossières. Le 23 mars 1793, la nouvelle levée de volontaires lui enleva 4 de ses vicaires épiscopaux, alors que la population colmarienne montrait la plus grande froideur à contribuer aux frais du culte. Il dut participer aux manifestations dans sa cathédrale devenue temple de Ja Raison en décembre 1793, mais refusa d'abdiquer. Le prêtre allemand Bronner qui vint à la fin de ce mois lui offrir ses services le dépeignait au physique comme un homme déjà sur le déclin. aux cheveux 21 28

29

Voir annexe 2. p. 77. HEITZ (F.C.). La Contre-Révolu.lion en Alsace de 1789 à 1793 .. ., op. cit., p. 260-269 pour le mandement et p. 273-276 pom la "vision". A.N.• D XIX 86.

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grisonnants, à la mine fraîche, mais n'ayant rien d'imposant; au moral il le considérait comme "un homme faible et vaniteux, d'esprit très borné avec beaucoup d'intolérance et encore plus de présomption et d'épiscopale suffisance"3o. En mars 1794, un autre Jacobin l'accusa pour sa part de continuer son ministère sacerdotal auprès des malades et des militaires. Il mourut le 11 juin 1794 dans un isolement quasi total. Le siège devait vaquer jusqu'au printemps 1796. Son ancien vicaire épiscopal, Hubert Albert, écrivait de lui à Grégoire le 16juin 17953l: "Je sais cependant qu'un homme de moeurs et de religion, un vieillard respectable, Arbogaste Martin, feu l'évêque du diocèse du Haut-Rhin, a très souvent assisté au charlatanisme du temple de la déraison ; mais j'ai été persuadé qu'il ne l'a fait que pour éviter sa réclusion et qu'il n'a cherché à éviter celle-ci que dans les vues de pouvoir secourir spirituellement ses paroissiens et diocésains".

Quoi qu'il en soit, l'histoire de son bref épiscopat démontre qu'il n'avait ni les capacités, ni l'énergie nécessaire, ni l'aide d'une conjoncture favorable, pour diriger dans ses débuts l'Église constitutionnelle du Haut-Rhin.

III • LE SERMENT CONSTITUTIONNEL

Entre-temps, la prestation du serment constitutionnel avait commencé. D'une façon générale, on remarque que plus on progresse vers le sud de la province, plus il a été prêté massivement. Ce serment était ambigu en ce qu'il englobait la Constitution civile du clergé à la constitution de l'État, qui n'était pas encore rédigée lorsqu'il fut exigé des "évêques, archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics" dans les termes suivants : "Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi." Nous limitons ici notre étude à l'attitude des seuls ecclésiastiques fonctionnaires publics en poste au début 1791, excluant volontairement les autres clercs qui ont pu le prêter soit dès le début par conviction, soit ultérieurement lorsqu'ils accédèrent à des postes laissés vacants par des réfractaires. Pour limiter les 30

31

Témoignage de Bronner dans Jahrbuch fü.r Geschichle, Sprache und Litteratur Elsass Lothringens, 1892, t. 8, p. 15-18. INGOLD (A.M.P.), Grégoire et l'Église constitutionnelle d'Alsace, op. cit. , p. 20. Souligné dans le texte.

HOMM~ DE DIEU ET RÉVOLU110N

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hésitations, la loi des 4-9 janvier 1791 avait prévu que le sennent serait prêté "purement et simplement dans les termes du décret, sans qu'aucun des ecclésiastiques puisse se permettre de préambules, d'explications ou de restrictions". Reconstituer l'attitude de chacun est extrêmement difficile dans la mesure où de nombreux procès-verbaux de prestation de serment ont omis, pour ne pas nuire à un curé, volontairement ou non, de relever les termes d'éventuelles restrictions. Il faut aussi ajouter que certains ecclésiastiques ont assorti leur sennent de discours parfois alambiqués, dont certains étaient des restrictions formelles, mais d'autres des plaidoyers pour la Révolution. En l'absence, trop fréquente, du texte exact de ces discours, il est bien malaisé de classer sans appel les individus dans tel ou tel camp. Enfin, de nombreux prêtres ont varié dans leur attitude, et ce à plusieurs reprises en quelques mois voire quelques jours, faisant alterner serment pur et simple et restrictions. Tout en distinguant chaque fois que cela est possible entre serment "pur et simple" et "avec restrictions", nous considérons ici comme assermentés tous ceux qui ont prêté le serment requis, quelle qu'en fut la forme. Le choix définitif des restrictionnaires n'étant quantifiable, selon nous, que dans l'été 1792 au moment de la déportation des réfractaires.

1 • Le Haut-Rhin Des deux départements alsaciens, le Haut-Rhin est celui qui a le mieux accueilli la Constitution civile du clergé - et le plus tôt - puisque certains ecclésiastiques semblent avoir prêté le serment dès la fin 1790, sans doute en qualité de notables. Reconstituer la liste des prêtres fonctionnaires publics du département n'est pas chose aisée, dans la mesure où les documents du temps eux-mêmes hésitent ; ainsi un état du district de Belfon32 du 4 mai 1791 donnait un total de 105 fonctionnaires publics dont 70 serments "pur et simple", 11 restrictionnaires, 20 refusants et 4 personnes dont l'attitude était inconnue. Un second état du 16 juin33, pour l'ensemble du département et donné ci-dessous, ramenait ce nombre à 100 fonctionnaires publics. On a là une des nombreuses contradictions rencontrées dans les sources. Ces indications proviennent de la série D XIX. dont les informations sont à prendre avec beaucoup de réserves.

32 A.N., D XIX, 22. 33 Idem.

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ALSACE

DISTRICTS

SERMENT PUR ET SIMPLE

Altkirch Belfort Colmar

69 69 3134

1UfAL

169

REFUS DE SERMENT OU SERMENT AVEC RESTRICTIONS 61 31 75 167

1UfAL

130 100 106 336

A ce stade de l'exposé, il nous paraît utile de rappeler pour mémoire la statistique des assermentés du Haut-Rhin établie par Timothy Tackeu35 . Si nos chiffres personnel s diffèrent, les ordres de grandeur demeuren t cependan t significatifs.

DISTRICTS Altkirch Belfort Colmar Total clergé paroissial Curés Vicaires Desservant s

ÉTÉ 1791

AlTfOMNE 1792

1UfAL

66-38% 68-55% 36-25% 170-38%

176

71-58% 36-25% 180-40%

70-40% 70-57% 36-25% 176-40%

119-39% 57-43% 4-80%

115 -37% 57-43% 4 -80%

110-36% 56-42% 4 -80%

PRINTEMPS 1791 73-41 %

123 146 445 307 133

5

Nombres et pourcentages d'assermentés du Haut-Rhin d'après T. Tackeu La plus sûre des sources pour déterminer l'attitude du clergé du Haut-Rhin 36 face à ce serment a été élaborée par Jules Joachim , vérifiée par Louis Kammerer et par nous-mêmes. Ce dossier, reposant sur la reconstitution du parcours personnel de chaque individu pris en compte, a servi à établir les

34

35

36

Parmi lesquels Lorenzino, qui n'a prêté le serment qu'avec restrictions, le 6 mars 1791 à Ribeauvillé, et qui devint par la suite le principal chef de mission du clergé réfractaire. Cet exemple suffit à montrer le peu de fiabilité de ce document TACKETI (f.). Religion, Revolulion, and regional culture in eighleenth-century France. The ecclesiastic al oaJh of 1791 , Princeton, 1986, p. 351. traduit sous le titre La Révolution , l'Eglise et la France. Le serTTll!nl de 1791, Paris, 1986, p. 409. Cette statistique est établie d'après le Dictionnai re de Joachim. B.M. Colmar, papiers Joachim non classés, "dossier violet", du nom de la couleur de la chemise qui les renferme.

HOMMF.s DE DIEU Er RÉVOUTTION

66

statistiques que nous publions. Il est bien évident que cette reconstitution doit malgré tout être prise avec précautions. Les tableaux chronologiques tendent à montrer les revirements qui n'ont pas manqué d'intervenir et qui traduisent le problème de conscience auquel chaque individu a été confronté. Ils prouvent également que les prestations ont d'abord commencé dans le district de Belfort, majoritairement francophone et le plus attaché à la Révolution, qu'elles n'ont affecté le district d'Altkirch qu'à partir de janvier 1791, et celui de Colmar qu'en février. Mais dans les trois districts, c'est en février que la majorité des individus se sont détenninés.

90 80 70

60 50 48. A.D.B.R .• 1 L 503. Les lettres d'institution délivrées par Brendel portèrent pour la plupart la mention : "pour administrer provisoiremenl la paroisse de ... " A.D.H.R., L 612. Il n'en subsiste que des épaves lacunaires.

137

Al.SACE

Un projet de découpage pour le district de Belfort fut envoyé à Paris en mai 179110, il prévoyait une cinquantaine de paroisses dont chacune aurait en moyenne 3 annexes. Un documen t ultérieur, non datél 1, laisse supposer le remodelage en 58 paroisses et 62 vicariats. Le 12 septembre 1792, était élaboré 1 celui des paroisses du district de Colmar 2, le seul pour lequel nous ayons conservé une liste établie par cantons, portant sur 73 nouvelles paroisses , liste qui peut être comparée à un "état" du 11 mai 1791 conservé dans la même liasse : CANIONS Colmar

NOMBRE DE PAROISSES EN 1791 NOMBRE DE PAROISSES FIN 1792 2 1

4

Eguisheim

9

Ensisheim

13

8

Horbourg

10

6

Kaysersbe rg

8

8

MIDlster

2

2

Neufbrisac h

7

6

Ribeauvill é

6

4

RiQuewihr

7

3

Rouffach

11

6

Sainte-Ma rie-aux-Mi nes

6

4

Turckheim

13

9

Soultz

17

11

110

73

1

1UfAL

Nous n'avons aucune information sur le district d'Altkirch. Tous ces projets suscitèrent de multiples protestations et un vif méconte ntement des villages peu enclins à devenir "annexes". Finalement, nous ignorons si le cadre territorial antérieur fut profondément modifié. De toute façon, le manque de prêtres rendait très aléatoire toute modification. 13 Quel était donc le clergé dont Brendel pouvait disposer ? Reuss estimait le nombre des constituùonnels à 115-120 personnes au début 1792. Ce nombre est inférieur à la réalité. Plusieur s listes nominatives pour février 17921 4 donnent un total de 121 prêtres consùtutionnels ainsi répartis : 10 11 12 13 14

A.N.. DIV bis 3. 102. A.D.H.R., L 612. Idem. REUSS (R.), La Constitution ...• op. cit., t. 2, p. 5. A.D.B.R., 1 L 509 et 1 L 510.

138

H~ Dl! DIEU El' RÉVOWDON

District de Wissembourg : 26 District de Haguenau : 18 District de Benfeld : 17 District de Suasbourg : 44 Vicaires épiscopaux : 13 Vicaires-directeurs du séminaire : 3 Mais ces listes paraissent incomplètes. Un rapport à l'Assemblée nationale du 25 janvier 1792. souvent citélS, mentionnait 130 assennentés en fonction. Par ailleurs, Kammerer16 signale une quinzaine de prêtres connus par les registres paroissiaux pour fonctionner depuis 1791. mais qui n'apparaissent pas sur les listes officielles. Il est enfin avéré que toutes les nominations faites par Brendel n'ont pas été signalées à l'administration. L'abbé Kammerer indique pour la fin de l'année 1791 : 42 assermentés déjà en place sous l'Ancien Régime, auxquels s'adjoignirent 99 auues prêues (41 religieux alsaciens, 39 Allemands, 10 Lorrains, 3 nouveaux ordonnés et 6 divers). De fait, le nombre total de prêues constitutionnels du Bas-Rhin devait avoisiner 150 personnes au début de l'année 1792. Ils furent tout au plus 231, Allemands compris, à avoir exercé dans ce département durant toute la Révolution, certains pendant un laps de temps très courtl 7 . Dans le Haut-Rhin, la cohorte des constitutionnels fut toujours plus importante que dans le département septentrional. Kammerer estimait leur nombre à 228 personnes en 1793, sans compter l'actuel Territoire de Belfon très "constitutionnel". De fait, le chiffre total de ce département devait avoisiner 280 individus.

3) Le règne de la confusion La période du printemps 1791 à l'été 1792 fut uès orageuse. Il est impossible d'évoquer ici tous les incidents qui émaillèrent ces quelques mois, et qu'on trouvera narrés dans le livre de Reuss18. Nous nous contenterons d'en rappeler les plus saillants. Les élections des curés avaient commencé dès le 3 avril à Strasbourg. pour le remplacement de 6 des 7 curés de la ville. seul 15 16 17 18

REUSS (R.), La Constitution ...• op. cit., t. 2, p. 14-20. KAMMERER (L.), Le Clergé constitutionnel en Alsace (1791-1802), Strasbourg, 1987, p. VU. KAMMERER (L.). Le Clergé constitutionnel en Alsace (1791-1802), Strasbourg, 1987. REUSS (R.), Ltt Constitution civile du clergé...• op. cit.

ALSACE

139

Valentin curé de Saint-Louis ayant prêté serment. Les nouveaux titulaires furent installés le 10, leurs prédécesseurs ayant eu ordre de "déloger". Elles se poursuivirent les 8 et 9 mai par l'élection d'une vingtaine de curés des campagnes proches de la cité. En juillet, le district de Colmar élisait à son tour 45 curés de paroisses rurales. Partout, les nouveaux desservants furent très mal reçus, et on dut faire intervenir la troupe en de nombreux endroits. Brendel lui-même fut pris à partie et roué de coups dans sa cathédrale par le curé insermenté Jaeglé, qui voulait lui interdire d'y officier. On a rappelé précédemment l'agitation suscitée dans les 2 départements par les visites domiciliaires, puis les fermetures des couvents. Le 31 mars 1791, le département du Bas-Rhin avait supprimé le costume ecclésiastique. Mais les communautés religieuses conservèrent l'autorisation de faire célébrer la messe par qui bon leur semblait, à la condition expresse de ne pas accepter d'auditoire extérieur. Toute cette effervescence était entretenue par les agents du cardinal de Rohan. Le 2 mai, ce dernier s'empressa de faire connaître par un mandement le bref du pape "aux habitants catholiques de la ville de Strasbourg"I9, dans lequel le pontife romain condamnait l'intrusion de Brendel et réaffirmait son appui à l'évêque légitime. Il est vrai que le cardinal ne se contentait pas de mener la lutte sur le plan religieux. Il constituait dans ses bailliages d'outre-Rhin une milice de 600 hommes, et déployait une intense activité politique de renseignement et de désinformation qui lui valut d'être décrété d'accusation devant la Haute-Cour d'Orléans, pour crime de "lèse nation" par l'Assemblée le 6 avril 1791. Le roi, qui depuis l'affaire du collier avait plus d'un grief à l'égard de Rohan, signa sans sourciller. Mais le cardinal était bien à l'abri, seuls quelques comparses furent envoyés devant la cour. Cela ne l'empêcha pas de continuer ses menées. Il avait, en particulier, tenré de débaucher des militaires en vue d'un coup de main de 600 émigrés, prévu pour décembre 1791, sur la citadelle de Strasbourg. Reuss20 rapporte pour sa part une anecdote savoureuse qui en dit long sur le discours qui pouvait être tenu aux populations rurales : le vicaire épiscopal Taffin se vit un jour, au sortir de sa messe, interpellé par un paysan qui lui demanda de lui citer la formule du serment civique. S'étant exécuté, il demanda le pourquoi de cette requête, à quoi le paysan aurait répondu : "C'est que notre curé nous a dit qu'en prêtant ce serment, on abjurait la Sainte Vierge, le pape et toute l'Église catholique". Dans certains villages, on serait allé jusqu'à dire aux paysans que "l'Assemblée nationale voulait forcer le pape à se faire luthérien et à se marier." Tous les coups étaient permis ! En plusieurs endroits, on préféra laisser les sages-femmes ondoyer les nouveau-nés plutôt que de les faire baptiser par un constitutionnel, ce qui amena l'administration à s'interposer.

19 20

Reproduit dans HEITZ (F.C.), La Contre-révolution en Alsace de 1789 à 1793. Pièces et documenls relatifs à cette époque, Strasbourg, 1865, p. 201-203. REUSS (R.), La Constitution civile du clergé .. ., op. cit., tome l, p. 224-225.

HOMMB DE DŒU BT RÊvoumoN

140

Ces mené.es furent l'une des causes de l'arrêté du département du Bas-Rhin du 18 juillet 1791, qui ordonnait le regroupement à Strasbourg, sous huit.aine, des religieux et séculiers insennent&, "attendu qu'il existe dans le département du Bas-Rhin beaucoup d'ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers. qui ont des intelligences avec des puissances au delà du Rhin et que journellement. et à chaque instant, il peut en résulter un soulèvement de la part des peuples abusés par ces ecclésiastiques mal intentionnés". Mais de nombreux sursis furent accordés, y compris sur la foi de certificats donnés par Brendel et des constitutionnels. Le 23 juillet. le département du Haut-Rhin prit une décision similaire : "Art 1 : Les ecclésiastiques non usennent&. ebargél ci-devant de la desserte des cures, des bénéfices à charge d'âmes ou des vicariats dans l'étendue du ressort du Département. seront tenus dans la huitaine. à compter du jour de l'installation des desservants nommés par le Corps électoral, de quiuer le lieu de leur résidence, à peine d'être arrêtés et conduits par la force publique où il sera ordonné. Art. 2 : Les religieux non assermentés qui ont abandonné la vie commune, seront tenus dans la huitaine, à compter du jour de publication des présentes, de quitter lbabit de leur ci-devant Ordre et le lieu ofa était siblée la Maison dans laquelle ils ont fait leur dernière demeure et ce. sous les peines ci-dessus".

Là encore, de nombreuses exceptions furent tolérées. Les seules véritables victimes furent les ecclésiastiques qui avaient fonctionné dans leur commune de naissance et qui, bien souvent. n'eurent d'autre parti que l'émigration. Un arrêté

ultérieur, du 2 novembre 1791, obligea les inserment& à se regrouper à Colmar. Mais ils eurent la faculté d'obtenir d'un assermenté l'autorisation de demeurer

dans la paroisse de celui-ci. à condition d'y être le seul "non conformiste". Nombreux furent les constitutionnels qui. par solidarité, se prêtèrent à la manoeuvre. tandis que d'autres inondaient le département de dénonciations. C'est ainsi. par exemple, que de novembre 1791 à février 1792, 24 curés constitutionnels du district de Belfon ont donné des "certificats de consentement de domicile dans leurs fiaroisses" à 29 prêtres non asserment&, en venu de l'arrêté du 2 novembre 1. En juilJet 1792, le département.. embarrassé de la multitude de prêtres installés à Colmar, ordonna leur transfert à Lucelle. sur la frontière. On doit d'ailleurs noter que de nombreux prêtres se contentèrent de s'assurer une adresse colmarienne où ils faisaient de brèves apparitions, tout en continuant à résider dans leur ancien domicile.

21

A.D.H.R.• L 615

AI.SAŒ

141

Une lettre non signée au directoire du département du Bas-Rhin22 donne d'ailleurs une idée de ce que pouvait être la cohabitation des 2 clergés : "Seltz près Lauterbourg le 26 mars 1792. J'ai trouvé à mon retour ici un administrateur sennenté car l'ancien archiprêtre est mort. Le vicaire non sermenté fait toutes les fonctions, l'administrateur ose à peine dire sa messe, à laquelle personne ne va, les registres (de catholicité) que le district voulait faire remettre au sermenté ne l'ont pas été, pour éviter une insurrection de femmes qui ont menacé le maire de détruire sa maison ... Les querelles des prêtres ont bien découragé le peuple, la constitution qui suivant eux détruit la Religion est en horreur, on souhaite la guerre, la contre-révolution". Le correspondant anonyme poursuivait: "nos prêtres sennentés mieux soutenus dans le Haut-Rhin désertent le département pour s'y faire placer". De fait, 34 prêtres constitutionnels passèrent du Bas-Rhin au Haut-Rhin, dont 4 dès 1791 et 4 autres en 1793 ou après. Le Haut-Rhin, y compris ses bastions les plus constitutionnels, était lui aussi l'objet d'une intense propagande. Le vicaire général de Bâle, Klinglin23 , avait été arrêté à Delle le 11 avril 1791, porteur de 10 exemplaires de la lettre circulaire de son évêque du 5 avril précédent condamnant Martin. Traduit devant le district, il fut relâché après confiscation de ses papiers. A Belfort24 • le 10 novembre 1791, on dénonça à la municipalité la distribution en ville et dans ses environs d'un écrit séditieux en forme de catéchisme intitulé lnslruclions familières sur l'Église, destiné à détourner les fidèles des prêtres constitutionnels, et dont certains exemplaires seraient venus de Troyes. Le libraire de la ville, Comte père, interrogé : "il leur a dit qu'il le reconnaissait pour luy avoir été présenté par le sieur Boulanger, qui, ayant demandé qu'il en imprimât 600 exemplaires, à quoy il s'est refusé ; que cependant il a promis au dit sieur Boulanger le jour d'hier (i.e. 9 novembre 1791) qu'il n'en parlerait pas". La publicité des premières rétractations fit, elle aussi, partout grand bruit, contribuant à accroître le doute. Martin pouvait déclarer dans son mandement de carême 179225: "Ah! Soyez-en sûrs, le pape n'a point parlé, et son silence, vu les circonstances critiques dans lesquelles il se trouve, vu la perfidie, la mauvaise foi des iniques conseillers qui l'environnent est la plus éclatante approbation qu'il ait pu donner à la sagesse de nos lois" ; les brefs Quod aliquantum et Charitas, comme ceux adressés aux évêques de Bâle et de Strasbourg, n'en circulaient pas

22 A.N., p7 3686 1. Cette lettre émane vraisemblablement du district. 23

JOACHIM (J.), "La crise religieuse à Belfort pendant la Révolution 1789-1802",

24

Bulletin de la société belfortaine d'émulation, 1956-57, p. 42. B. M. Belfort, mss 22 : BEURIER (chanoine), Annales religieuses de Belfort,

25

tome 2, p. 15-16. HEITZ (F.C.), La Contre-révolu.lion en Alsace de 1789 à 1793 ..., op. cit., p. 260-269.

HOMMES DE DIEU Er RÉVOLlmON

142

moins, accentuant la confusion et multipliant les cures vacantes. Le seul district de Belfort en avait ainsi 17 au 31 mai 179226 et 27 autres au 28 novembre suivant27 . Il était d'autant plus urgent pour les évêques constitutionnels de rassembler sous leur autorité un clergé sûr, que les lois de l'été 1792 instaurant un nouveau serment, puis la déportation des "non conformistes", allait clarifier les choses. Jusque là, en effet, de nombreux insermentés et assermentés avec restrictions étaient demeurés à leur poste, faute de constitutionnels pour les remplacer, ou en s'abritant derrière des attestations de complaisance ou des attitudes changeantes, comme d'avoir prêté le serment civique purement et simplement en refusant ensuite de lire les mandements des nouveaux évêques28. Si on reprend le cas des 426 fonctionnaires publics du Haut-Rhin dont nous avons cherché à établir l'attitude face au serment constitutionnel, on se rend compte de la déperdition enregistrée par le clergé d'Arbogaste Martin à l'automne 1792. Avec 301 individus, les réfractaires représentaient alors 70,6% de ces clercs. Quant aux constitutionnels, 116 individus (soit 27,2% de l'ensemble), ils ne constituaient plus que 39,4% des 294 prêtres ayant prêté le serment pur et simple ou avec restrictions, et 86,5% des 134 prêtres l'ayant prêté "purement et si.mplement, recensés le l cr août 1791. Encore ce comptage ne tient-il pas compte des rétractations ultérieures !

morts avant

district d'Ahkirch

di strict de Belfort

district de Û>lmar

totaux

4

4

1

9

100

68

133

301

41

38

37

116

145

110

171

426

septembre 1792 émigrés, déportés ou clandestins clergé constitutionnel totaux

26

27

28

A.D.H .R., L 612 : Ammertzwiller, Aspach-le-Bas, Aspach-le-Haut, Belfort, Bourbach-le -Bas, Burnhaupt-le-Bas, Danjoutin, Eteimbes, Fontaine, Guewenheim, Haguebach, Manspach-Saint-Léger, Novillars, Pérouse, Schweighouse, Staffelfelden, Uffholtz. A.D.H .R., L 615 : Aspach-le-Bas, Aspach-le-Haut, Bavilliers, Bourogne, Brebotte, Buc, Châtenois, Courtelevant, Essert, Evette, Faverois, Florimont, Giromagny, Grandvillars, Grosne, Montreux-Château, Montreux-Jeune, Montreux-Vieux, Morvillard, Novillard, Schweighouse, Soppe-le -Bas, Staffelfelden, Suarce, Uffholtz, Vézelois, Wattwiller. Parmi d'autres exemples, citons celui du curé Schaal de Sainte-Croix-aux-Mines, qui prêta le serment pur et simple le 13 février 1791, ne fit ensuite aucune restriction mais refusa de reconnaître Martin et se déporta en septembre 1792.

143

C'est dire l'urgence qu'il y avait pour les évêques constitutionnels à constituer un clergé qui leur fût acquis et fidèle. De nouvelles élections aux cures vacantes29. 40 dans le seul disttict de Colmar. eurent lieu du 25 novembre au 1er décembre 1792. Elles ne 'Suffirent pas à colmater les brèches laissées par les déportr..1.

II • LA CONSTITUTION D'UN CLERGÉ

De fait. la situation des départements du Rhin inquiétait Brendel et Martin. soucieux d'augmenter le nombre de leurs coopérateurs et de combler les défections. Des réguliers chassés de leurs couvents étaient bien venus renforcer leurs effectifs. Mais leur nombre. 111 individus dont 34 Alsaciens venus de couvents d'autres départements. n'y suffisait pas. Brendel en intégra 40 à son clergé, et Martin 71. C'était encore insuffisant. Un courrier de Martin à l'Assemblée paraît lraduire son désarroi : "Colmar le 3 août 179130. Messieurs 1 Aidez-moi! Je ne puis plus tenir. Il n'est pas possible de se voir dans une situation plus triste que la mienne. De tous côtés on me tourmente pour avoir des ouvriers dans le règne du Seigneur et je n'en puis fournir aucun. Vers l'Orient j'ai le Rhin qui sépare mon évêché de l'Allemagne, vers le midi c'est la Suisse et le Montbéliard, pays luthérien qui me borne, vers le couchant je confine à la Lorraine et la Comté qui ont un idiome différent de celui de chez moi. vers le nord enfin j'ai l'évêché du Bas-Rhin où l'on manque également de beaucoup de sujets pour remplacer. Dites-moi donc, Messieurs, quel parti à prendre, et où me tourner pour avoir cette centaine de vicaires. afm de voler au secours des dignes curés dignes (sic) qui me les demandent, et pour avoir encore au moins une trentaine de prêtres, seulement dans ce district pour remplacer les curés réfractaires ? Nous avons commencé cet ouvrage, mais faute de sujets, nous l'avons suspendu. et si nous ne trouvons pas du secours, il le sera malheureusement encore longtemps. Je trouverois certainement de dignes prêtres en suffisance, si j'osais m'adresser à ceux de la Suisse et de Brisgau qui parlent le même langage que chez moi. Ceci était en chaque pénurie de prêtres un excellent moyen dans les ci-devant provinces d'Alsace. Arbogute Martin évêque du Haut-Rhin".

29 A.D.H.R., L 61S 30 A.N., DXIX 86.

144

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUilON

1 - Apports extérieurs Comme le soulignait cette lettre, la solution devait venir d'autre-Rhin. Mais si les Allemands allaient constituer le gros bataillon des arrivants, quelques Français en majorité Lorrains répondirent individuellement à l'appel. Parmi d'autres, voici le cas "hors normes" de Charles-Pierre Carlotti, natif de Corse et chanoine de la cathédrale d'Aléria. N'ayant ni pension, ni poste dans le clergé constitutionnel local, il partit en octobre 1792 chez une de ses sœurs à Lucques et, de là, passa en Suisse. Le 19 décembre 1792, il arrivait à Colmar par la diligence d'Huningue et était nommé le surlendemain vicaire à Orbey. L'administration lui accorda à plusieurs reprises des délais pour faire venir de Corse les certificats nécessaires à son intégration au clergé alsacien, il ne les fournit jamais. En mai 1794, il était curé du Bonhomme, et le district le signalait comme "Corse fanatiseur qui d'ailleurs n'a rapporté aucun certificat de conduite". Le 24 juillet 1794, il se désistait de ses fonctions. Il figurait sur un état du 3 août comme abdicataire, et disparut à tout jamais. Un décret de l'Assemblée, en date du 4 avril 1791, avait autorisé l'appel à des ecclésiastiques extérieurs, les admettant à fonctionner comme curés ou vicaires durant un an sans avoir à justifier de la nationalité française. Dans un article qu'il a consacré aux prêtres venus d'Allemagne, l'abbé Karnmerer31 estime leur nombre à 95 avec certitude, chiffre qui, compre tenu de cas douteux, devrait être porté à 110 individus environ. Les dossiers biographiques qui sont la base de notre travail, et qui prennent en considération les différents travaux de cet aureur, nous conduisent à estimer leur nombre à 106, dont 6 cas douteux. Parmi ces ecclésiastiques figuraient 31 religieux et 75 séculiers. L'une des caractéristiques essentielles de ce clergé immigré était sa jeunesse, puisqu'en dépit du manque d'informations relatives à 24 personnes. les moins de 40 ans représentent tl6,8% de ce groupe. C'est d'ailleurs eri son sein que se recrutèrent ultérieurement nombre d'abdicataires et de candidats au mariage. Outre l'attrait idéologique, beaucoup trouvèrent dans cette transplantation la possibilité de recevoir le sacerdoce à un âge précoce, puisque 16 de ces personnages furent ordonnés par Brendel ou Martin, ainsi que celle d'échapper à la juridiction d'un ordinaire avec lequel ils étaient parfois en délicatesse.

31

KAMMERER (L.), "Les prêtres allemands dans le clergé constitutionnel en Alsace", L'Alsace au cœur de l'Europe révolutionnaire, Revue d'Alsace, 19891990, p. 285-294.

145

ALSACE

0

El l3

1 cas-0,9%

m

••

20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-63 ans âge inconnu

L'âge des prêtres allemands en 1792

En 1791 et 1792 Brendel puis Martin lancèrent plusieurs appels, en paniculier par voie de presse, dans les pays de langue allemande. Dès le 12 juin 1791, Euloge Schneider32 arrivait à Strasbourg, sans doute parmi les premiers. Comme le souligne l'abbé Kammerer : "Ce groupe est loin d'être homogène : il y a des séculiers et des religieux, des hommes qui ont déjà une carrière ecclésiastique derrière eux, des séminaristes ou étudiants en théologie qui sont venus se faire ordonner par l'évêque constitutionnel du Bas-Rhin. Ce qu'ils ont en commun, c'est leur imprégnation des idées de l'Aufk/arung, leur enthousiasme pour les événements de la Révolution française et leur attirance pour l'Alsace, pays de langue allemande où ils espéraient trouver un terrain d'activité à l'abri des uacasseries des pouvoirs religieux ou séculier". D'autres professeurs de l'université catholique de Bonn, imitèrent leur collègue Schneider : - Thaddée-Antoine Dereser, carme déchaussé, spécialiste des langues orientales, professeur d'exégèse, partisan du fébronianisme, - Élie Vanderschüren, capucin, doyen de la faculté de philosophie, où il enseigna celles de Feder et Kant, ce qui lui attira des inimitiés, et recteur magnifique de l'université en 1790-1791, - Romuald Jochmaring, capucin, professeur de mathématiques et de physique.

32

La carrière complète de ce personnage est rappelée au chapitre VIII.

146

HOMMF.S DE DIEU ET RÉVOLU'llON

De Trèves vinrent 2 autres universitaires (Charles-Frédéric Schwind et Jean Schmelzer), un arriva de Mayence (Antoine-Joseph Dorsch, professeur de logique et de métaphysique qui se déclarait disciple de Kant et était membre de l'ordre des Illuminés). Tous ces personnages, qui avaient vu certaines de leurs publications condamnées en Allemagne, et penchaient vers les idées jacobines, constituèrent les chefs de file de ce groupe d'immigrants. A eux se joignirent très vite certains de leurs étudiants, dont 8 sont clairement identifiés comme élèves de Schneider33. Une vingtaine de personnages originaires du diocèse de Mayence avaient sans douœ fréquenté cette université, où professait Dorsch. Les arrivées s'étalèrent sur l'année 1792, et encore en 1793 pour une douzaine d'individus. 5 d'entre eux reçurent des postes de vicaires épiscopaux dans le Bas-Rhin et enseignèrent parallèlement au séminaire34. Les autres furent majoritairement affectés à des cures de campagne ou à des vicariats pour les plus jeunes. Ils y furent le plus souvent en bulle à l'hostilité des populations, comme le dénonça Schneider devant la Société des amis de la constitution de Colmar le 21 juin 1792 : "en plusieurs endroits les municipalités refusèrent de recevoir les prêtres envoyés avec l'accord du département Beaucoup de ces malheureux prêttes durent abandonner leur paroisse non seulement parce qu'on leur refusait la moindre goutte d'eau, mais parce que, sous les yeux de la municipalité, on les menaçait avec des pierres et des faux .. 35. C'est le département du Bas-Rhin qui fut la principale terre d'accueil et d'activité de ces prêtres; 636 seulement se fixèrent dans le Haut-Rhin. où ils furent par la suite rejoints par 14 confrères3 7 ayant auparavant exercé dans le diocèse de Brendel. Ce clergé eut enfin à souffrir d'une "évaporation" de ses membres vers les activités politiques. Nombre de ces Allemands ont milité dans les différents clubs alsaciens, puis ont accepté des postes de responsabilité dans l'appareil départemental. Dorsch. par exemple. rentra à Mayence dont il devint président de l'administration municipale lors de l'occupaùon française. Quelques autres s'engagèrent dans l'armée, comme Fahrlaender qui se livra par la suite à des 33 34 JS 36 37

Averdonck, Nachtsheim. Ehrenheim, Heuck, Jagemann. Passaventi et MichelMathias Muller qui épousa la soeur de Schneider Dereser, Dorsch, Kaemmerer, Schneider, Schwind. Cité par KAMMERER {L.), "Les prêtres allemands dans le clergé constitutionnel en Alsace", /oc. cit. p. 291. En.sfelder, Moesch, Rendler, Schaeffer, Schteiber, Ustrich. Achatz, Arweiler, Averdonck, Beminger, Ehrenheim, Fraatz, Gauss, Henckel, Klaylé, Knoblauch, Menhard, Muth. Papé, Schlotlerbeck.

ALSACE

147

activités de propagande révolutionnaire en Bade et en Argovie. Nombreux sont ceux qui figurèrent au nombre des abdicataires. Comme le souligne justement l'abbé Kammerer: "du point de vue de l'histoire religieuse de l'Alsace, c'est un groupe qu'on ne peut ignorer. A certains moments, il a constitué près de la moitié des cadres de l'Église constitutionnelle, dans le Bas-Rhin, situation unique parmi les départements français".

2 - Les séminaires Contrairement au diocèse de Strasbourg, en Haute-Alsace38, les nécessités de la formation des prêtres avaient toujours obligé les candidats au sacerdoce à fréquenter les séminaires extérieurs à la région et, en particulier, ceux de Porrentruy ou de Besançon. La demande de "l'établissement d'un séminaire en Haute-Alsace pour le diocèse de Bâle" constituait d'ailleurs l'article 17 du cahier de doléances du clergé des 2 districts réunis de Belfon-Huningue39. Pour sa part, le clergé des districts réunis de Colmar et Sélestat avait expressément donné pour instruction à ses députés aux États généraux de demander : "que la résidence des évêques de Spire et de Bâle hors du royawne, obligeant les Alsaciens, sujets du Roi, à sortir du pays de la domination française pour recevoir les ordres sacrés, pour puiser dans les écoles non-surveillées, une doctrine et des principes, qui pourroient n'être pas conformes aux maximes de l'église de France, et pour répondre aux injonctions qui peuvent leur être faîtes de la part de leur évêque, l'établissement d'un grand vicaire, suffragant et official résident en France, et la création d'un séminaire dans chacun de ces diocèses soit ordonnés, et n'éprouvent plus ni difficulté ni retarhreux

Porrentruy

8

Dannemari.e

Belfort

20

Delémont

Delémont

13

Delle

Belfort

21

Eguisheim

Colmar

18

Ensisheim

Colmar

13

Epauvillers

Porrentruy

2

HOMMES DE DIEU Ef RÉVOLUTION

272 Ferrette

Altkirch-Mulhous e

13

Fontaine

Belfort

13

Giromagny

Belfort

8

Glovelier

Delémont

9

Habsheim

Altkirch-Mulhous e

11

Hirsingue

Altkirch-Mulhous e

8

Horbourg

Colmar

6

Huningue

Altkirch -M ulhouse

Landser

Altkirch-Mulhous e

6 16

Laooutroie

Colmar

8

Laufon

Delémont

6

Lutterbach

Altkirch-Mulhouse

13

Masevaux

Belfort

Montbéliard

Porrentruy

10 1

Moutier

Delémont

6

Mulhouse

Altkirch-Mulhous e

0

Munster

Colmar

4

Neuf-Brisach

Colmar

8

Porrentruy

Porrentruy

17

Reinach

Delémont

8

Ribeauvillé

Colmar

15

Riauewihr

Colmar

5

Rouffach

Colmar

22

Saint-Amarin

Belfort

Saint-Brais

Porrentruy

Saint-Ursanne

Porrentruy

5 5 2

Sainte-Croix-aux- Mines

Colmar

4

Sainte-Marie-aux-Mines

Colmar

2

Seiimelégier

Porrentruy

Soultz

Colmar

6 31

Thann

Belfort

12

Turckheim

Colmar

13

Vicques

Delémont

9

1UfAL

498

ALSACE

273

Annexe 3 : paroisses où on ne trouve aucun constitutionnel40 Aspach/Altkllch {Haut-Rhin) Attenschwiller {Haut-Rhin) Batzendorf (13$-Rhin) Behlenheim (Bas-Rhin) Bernardswiller (Bas-Rhin) Bernolsheim (Bas-Rhin) Bindernheim (Bas-Rhin) Blotzheim {Haut-Rhin) Bossendorf (Bas-Rhin) Breitenbach (Bas-Rhin) Cleebourg (Bas-Rhin) Dangolsheim (Bas-Rhin) Dauendorf (13$-Rhin) Durningen (Bas-Rhin) Ebersmunster (Bas-Rhin) Elsenheim (Bas-Rhin) Ettendorf (Bas-Rhin) Geudertheim (Bas-Rhin) Goersdorf (Bas-Rhin) Grassendorf (Bas-Rhin) Grussenheim {Haut-Rhin) Heidwiller {Haut-Rhin) Heimsbrunn (Haut-Rhin) Hessenheim (Bas-Rhin) Hochfelden (Bas-Rhin) Holtzheim ? (Bas-Rhin) Huttendorf (Bas-Rhin) Ittlenheim (Bas-Rhin) Jetterswiller (Bas-Rhin) Kertzfeld ? (Bas-Rhin) Kirrwiller (Bas-Rhin) Krautergersheim (Bas-Rhin) Labaroche ? {Haut-Rhin) Largitzen (Haut-Rhin) Littenheim (Bas-Rhin) Lochwiller (Bas-Rhin) Lupstein (Bas-Rhin) Lutter {Haut-Rhin)

40

Maennolsheim (Bas-Rhin) Minversheim (Bas-Rhin) Mittelbergheim (Bas-Rhin) Mommenheim (Bas-Rhin) Morsbronn (Bas-Rhin) Morschwiller (Bas-Rhin) Mussig (Bas-Rhin) Mutterholtz (Bas-Rhin) Neubourg (Bas-Rhin) Neuwiller/Saverne (Bas-Rhin) Oberlarg (Haut-Rhin) Obersteigen (Bas-Rhin) Offendorf (Bas-Rhin) Pfastatt (Haut-Rhin) Pfettisheim (Bas-Rhin) Reinhardsmunster? (Bas-Rhin) Reutenbourg (Bas-Rhin) Rohrwiller (Bas-Rhin) Rumersheim (Bas-Rhin) Runtzenheim (Bas-Rhin) Saint-Pierre (Bas-Rhin) Sausheim (Haut-Rhin) Schleithal (Bas-Rhin) Seppois-le-Bas (Haut-Rhin) Sessenheim (Bas-Rhin) Sondersdorf (Haut-Rhin) Truchtersheim (Bas-Rhin) Uhlwiller (Bas-Rhin) Uhrwiller (Bas-Rhin) Waldowisheim (Bas-Rhin) Westhouse/Marmoutier (Bas-Rhin) Willgottheim (Bas-Rhin) Wilwisheim (Bas-Rhin) Witterheim (Bas-Rhin) Wittisheim (Bas-Rhin) Wolschwiller (Haut-Rhin) Zellwiller (Bas-Rhin)

KAMMERER (L.), "Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1803)", /oc. cit., p. 55.

CHAPITRE XII SÉQUELLES DE LA FRACTURE RÉVOLUTIONNAIRE ET CONCORDAT

Notre propos n'est pas d'écrire ici une histoire du diocèse de Strasbourg au début du x1xc siècle. D'autres nous ont précédé dans cette voiel. Nous souhaitons seulement évoquer certains aspects de la réception du Concordat en Alsace, et montrer que les conséquences de la fracture révolutionnaire se sont faites sentir bien longtemps après qu'elle se fut officiellement refermée.

1

LEUILLIOT (P.), La Première Restauration et les Cent jours en Alsace, Paris, 1958. Idem, L'Alsace au début du XIXe siècle : essai d'histoire politique, économique et religieuse, tome 3: Religions et culture, Paris, 1960. L'HUILLIER (F.), Recherches sur l'Alsace napoléonienne, Strasbourg, 1947. EPP (R), Le Mouvement ultramontain dans l'Église catholique en Alsace au X/Xe siècle (1802-1870), thèse d'état, Lille, 1975, 2 vol. DEPRET (L.), La Société paroissiale du Bas-Rhin au lendemain du Concordat, d'après l'enquête de /'An XII de Mgr Saurine, Grenoble, 1977. MULLER (C.), Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg au X/Xe siècle (1802-1914), thèse d'État, Strasbourg-Lille, 1987.

276

HOMMES DE DIEU El' RÉVOLlmON

1 - UN NOUVEAU DIOCÈSE, UN NOUVEL ÉVÊQUE

1 - Un nouveau diocèse Le nouveau diocèse créé par le texte d'avril 1802, l'un des 60 alors redécoupés, relevait de la métropole de Besançon, confiée à l'ex-constitutionnel Le Coz. Il englobait les 2 départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin dans les limites qui étaient alors les leurs. Par rapport à celles de l'Ancien Régime, il perdit 77 paroisses situées au-delà du Rhin. Pour sa part, la haute vallée de la Bruche, était rattachée au diocèse de Saint-Dié. En revanche, il gagnait les terres alsaciennes jadis dépendantes de l'ancien évêché de Bâle et du diocèse de Besançon, l'Alsace-Bossue (région de Sarre-Union) qui avait appartenu au diocèse de Metz, les chapitres ruraux de Wissembourg, Cande!, Dahn et Landau de l'ancien diocèse de Spire, le Montbéliard majoritairement protestant, et la région de Porrentruy, Bienne, Delémont qui avait constitué le département du MontTerrible. Ce fut là sa plus grande extension, car il perdit définitivement en 1814 les chapitres de Cande!, Dahn et Landau, ainsi que l'ancien Mont-Terrible à l'exception du Montbéliard. Le diocèse de Strasbourg aurait, selon Francis Rapp2, compté sous l'Empire 1 352 communes et 1018000 habitants, dont 760 000 catholiques répartis en 70 paroisses, 691 succursales et 497 annexes. Il fut, en 1803, divisés en 57 archiprêtrés, correspondant aux cantons, dont les titulaires seuls eurent le titre de "curé".

Comme le souligne Claude Muller dans sa thèse3, aucune étude n'a jusqu'ici pu expliquer les raisons qui avaient présidé à la création de ce nouveau diocèse. La situation périphérique, la proximité des ennemis, la langue et le soutien aux réfractaires en faisaient "des terres à haut risque qu'il importait de surveiller : la nomination du nouvel évêque de Strasbourg était donc en 1802 éminemment politique".

2 - Le choix de Jean-Pierre Saurine Le choix du nouvel évêque de Strasbourg fut, comme celui des autres évêques concordataires, très délicat à effectuer. Le pape, dans un souci de réconciliation, avait dû se résoudre à voir d'anciens constitutionnels figurer dans 2

RAPP (F.), dir., HistoiFe da diocèses de France. Le diocèse de Strasbourg, Paris,

3

1982, p. 187. MULLER (C.), Dieu est calholique et alsacien ... , op. cit., p. 942.

ALSACE

277

les listes de promotions du gouvernement français. Ils furent 10 sur les 45 de la première liste d'avril 1802, dont Saurine à Strasbourg. Bien des noms avaient été avancés pour ce siège. Des personnalités du Haut-Rhin avaient proposé Berdolet, d'autres l'évêque de Bâle. Le clergé de Strasbourg envoya une pétition à Caprara pour réclamer le cardinal de Rohan qui venait de démissionner de ses droits sur la partie alsacienne de son diocèse. D'autres noms furent avancés auprès de Portalis: Eymar, grand-vicaire émigré, Colmar4 rendu célèbre par ses actions charitables, l'oncle du général et chef de mission Lefebvre, Jean Zaepffel5, sans compter ceux de prêtres extérieurs à l'Alsace. C'est sans doute pour s'assurer l'adhésion des constitutionnels que Saurine, un modéré, fut choisi. Le siège de Strasbourg ne devait pas constituer pour lui une sinécure. Né le IO mars 1733 à Eysus (Pyrénées Atlantiques), d'un père maître d'école, Jean-Baptiste-Pierre Saurine6, après des études au collège de Bayonne et au séminaire de Bordeaux, fut ordonné prêtre en 1761 par l'évêque d'Oloron. De 1761 à 1765, il fut vicaire à la cathédrale d'Oloron. Soupçonné par son évêque d'être janséniste et gallican, il fut envoyé à Urdos, poste qu'il refusa. Frappé d'interdit, il s'expatria en Espagne et se fit précepteur. Vers 1773, grâce à l'héritage d'un de ses frères qui avait fait fortune à Saint-Domingue, il rentra en France, entreprit des études de droit et se fit recevoir avocat en parlement. En 1785, il fut initié à la loge "la Nouvelle Harmonie" à l'Orient de Toulon. A nouveau soupçonné de jansénisme, frappé d'une lettre de cachet, il s'enfuit en Espagne où il résida jusqu'à son élection aux États généraux, où il fut membre de la commission des monnaies. Il prêta le serment constitutionnel le 27 décembre 1790, fut élu évêque des Landes le 16 février 1791 et sacré le 27. Rentré à Dax lors de la dissolution de la Constituante, il fut élu à la Convention, où il siégea parmi les Girondins et vota le sursis au procès de Louis XVI. Mis en arrestation le 3 octobre 1793, il ne réintégra la Convention qu'en décembre 1794. Il siégea au Conseil des Cinq-Cents de 1795 à 1797, mais sa réélection de 1799 fut cassée. Rédacteur des Annales de la Religion, dans le cadre de la réorganisation de l'Église constitutionnelle, il siégea aux conciles nationaux de 1797 et 1801. Il fut élu en 1798 évêque des Basses-Pyrénées, où il résida à partir de 1800. Il avait été un des 5 premiers évêques "réunis" à Grégoire pour reconstituer l'Église constitutionnelle après la Terreur. 4

5 6

Joseph-Louis Colmar (1760-1818), réfractaire caché à Strasbourg jusqu'en novembre 1795, fut nommé évêque de Mayence le 24 août 1802. Jean-Evangéliste Zaepffel (1735-1808), promoteur de l'officialité et chanoine de Saint-Pierre-le-Vieux, émigré, fut nommé évêque de Liège le 3 juin 1802. LEMAY (E. H.), Dictionnaire des Constituants 1789-1791, Paris, 1991, t. 2, p. 853-854.

278

HOMMES DE DIEU ET RÉVOUJnON

Comme on l'a déjà signalé à propos du transfert de Berdolet à Aix-laChapelle. le cardinal-légat avait accepté les nominations d'anciens constitutionnels, à condition qu'ils signent un document faisant part de leurs regrets d'avoir appartenu à l'Église constitutionnelle, ce qu'ils refusèrent. Croyant qu'ils l'avaient fait, Caprara leur accorda l'institution canonique. Le 29 avril 1802, Saurine reçut la sienne et prit le chemin de Strasbourg, où il fut installé le 4 juin. Le quiproquo de la prétendue rétractation ayant été révélé, Saurine dut attendre jusqu'en avril 1805 ses bulles de confirmation. Par la suite, il soutint Napoléon Bonaparte contre le pape. En 1810, l'empereur le convoqua à Paris, voulant lui extorquer sa démission sur une accusation de vénalité. Au concile de 1811, il refusa de voter en faveur des propositions de Napoléon, qui voulait donner aux métropolitains le pouvoir de conférer l'institution canonique aux nouveaux évêques si le pape ne l'avait pas fait dans les six mois suivant leur nomination. Saurine mourut en charge, lors d'un déplacement à Soultz dans la nuit du 8 au 9 mai 1813. On relèvera qu'il fut enterré presque à la sauvette dans la cathédrale, où aucune épitaphe ne rappelle son souvenir. Le siège devait vaquer jusqu'en 1817.

Il est inutile de dire que le choix du nouveau pontife fut fraîchement accueilli par les anciens réfractaires. Pourtant, il avait écrit7, dès le 29 avril, au préfet du Bas-Rhin : "Les dispositions que j'apporte sont le sincère amour de la paix, une parfaite impartialité, un grand désir d'opérer le bien, de remplir les intentions du chef de l'~glise et celles de notre gouvernement... la volonté bien constante de réunir les esprits trop longtemps divisés ... (d'employer) tous les hommes de mérite, quelles qu'aient été leurs opinions, dès qu'ils seront véritablement soumis aux lois... au Concordat qui doit ensevelir dans le plus profond oubli les dissensions passées, pour l'avantage de la religion et de l'~tat et pour le bonheur du peuple".

Les responsables du parti réfractaire prônèrent cependant le calme et l'obéissance.

3 • L'organisation du diocèse L'une des premières tâches incombant aux nouveaux évê.ques. prévue par les Articles organiques, était d'organiser une nouvelle circonscription des paroisses. Supprimant définitivement les chapitres ruraux d'Ancien Régime. les 7

Cité par L'HUILLIER (F.). Recherches sur l'Alsace napoléonienne, op. cit., p. 81.

ALSACE

279

nouvelles paroisses étaient calquées sur les circonscriptions civiles : cantons et communes. Les "cures", pourvues de titulaires en principe inamovibles étaient réservés aux chefs-lieux de cantons et à quelques grandes paroisses urbaines. Les "desservants", affectés aux "succursales" rurales, étaient quant à eux susceptibles d'êtte déplaœs. Afm de metb'e en place cette organisation, Saurine s'entoura d'un "conseil provisoire" de 6 membres8, en majorité anciens réfractaires: - André Hirn, le "commissaire général" nommé par le cardinal de Rohan, - Joseph-Louis Colmar, qui devint évêque de Mayence en 1802, - Joseph-Antoine Klein, ancien professeur de l'université épiscopale, -François-Benoît Metz, nommé vicaire général en 1803, - Joseph-Charles-Antoine Jaeglé, curé de la cathédrale, impliqué en 1804 dans l'affaire du duc d'Enghien, - Jean-Georges Thomas, curé de Saint-Pierre-le-Vieux et ancien constitutionnel, A ce petit groupe, s'adjoignirent : - l'ex-commissaire épiscopal Félix-Charles Poinsignon, comme secrétaire, - Joseph Schecker, ex-constitutionnel ami de Berdolet, en qualité d'économe. Saurine eut également recours, pour ce qui touchait au Haut-Rhin, aux conseils de Paul-Jules-Antoine Delon, ancien abbé de Pairis, et de JacquesJoseph Cuenin, ancien professeur au collège et curé de Porrentruy. Tous 2 avaient reçu des pouvoirs de dispense. Ils constituèrent une commission chargée de préparer les nominations, et qui comprenait: Théodore Reech, curé de Colmar, Jean-Baptiste Durosoy, ancien professeur de théologie et conseiller ecclésiastique de l'évêque de Bâle, Thomas-Valentin Hoenner, curé de Gueberschwihr, Jean-Baptiste Delon. curé d'Orbey et Meinrad Lorenzino, curé de Ribeauvillé9. Tous étaient d'anciens réfractaires, et 3 étaient d'anciens chefs de mission de Didner. Il est délicat de dénombrer les prêtres alors présents dans la province, et qui constituaient le vivier dans lequel Saurine devait puiser. L'abbé Kammerer évalue à 1 541 le nombre d'individus qui avaient signé en août-septembre 1802

8

9

KAMMERER (L.), "La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg, principalement d'après la correspondance de Saurine avec le préfet du Haut-Rhin (1802-1804)", Archives de l'Église d'Alsace, 1990-1991, p. 21-63. JOACHIM (J.), FALLER (R.), "Le curé Lorenzino et le clergé de Ribeauvillé pendant la Révolution, Bulletin de la société d'histoire et d'archéologie de Ribeauvillé, 1953, p. 34.

280

HOMMF.S DE DŒU ET RÉVOWDON

le fonnulaire d'adhésion au ConcordatlO. Parmi eux, le Bas-Rhin comptait encore 46 anciens constitutionnels, et le Haut-Rhin 143. La polémique allait tout de suite s'enfler devant l'intention bien arrêtée de l'évêque de recourir à leurs services. Par ailleurs, dans une lettrel l du 13 novembre 1802 au préfet du HautRhin, Saurine dressait un bilan chiffré éloquent mais légèrement différent : "11 y a dans tout le diocèse l 454 prêtres, dont 843 dans le Haut-Rhin : 301 dans l'arrondissement de Colmar, 206 dans celui d'Altkirch, 177 dans celui de Belfort. 72 dans celui de Délémont et 87 dans celui de Porrentruy. Comme nous avons 40 cures et 371 succursales, elles emploieront d'abord 411 prêtres; il y a en outre 216 annexes, dont plusieurs ainsi que les grandes paroisses demandent des vicaires. Fen compte au moins 100. Voilà donc au moins 511 prêtres employés. Dans le reste il y a des infirmes, des vieillars hors d'état de travailler. Plusieurs au nombre d'environ 50, voyant qu'il serait difficile d'obtenir des places ont pris Je parti d'aller reprendre celles qu'ils occupaient en Allemagne et en Suisse, de manière qu'il en restera peu à placer. La mort ne manquera pas d'en moissonner chaque année et bientôt peut-être nous aurons besoin d'en faire des nouveaux ... Dans ce nombre de 1 454 prêtre, dont plusieurs au reste ont reçu les ordres en Allemagne depuis la Révolution il n'y a que 131 constitutionnels. Vous en avez 108 dans votre département, non compris ceux que je laisse de côté ; on n'en compte que 23 dans le Bas-Rhin. En me renfermant dans le Haut-Rhin et en employant les 108 constitutionnels sur les 411, je suis exactement dans les termes du gouvernement, notifiés par le citoyen Portalis. du tiers au quart. Mais si je regarde comme je le dois tout le diocèse et que j'ajoute les 23 du Bas-Rhin, je suis au dessous même du cinquième; que si vous désirez d'en diminuer le nombre chez vous, je pourrai le faire aisément, en en faisant passer quelques uns dans le Bas-Rhin. lorsque nous serons sortis du pas glissant où nous sommes, c'est à dire quand les esprits seront plus calmes ... Je ne dois pas rejeter les constitutionnels bons sujets car ils sont réellement soumis et attachés par principe et par intérêt. l'expérience m'a appris qu'on peut compter sur eux. Je les trouve toujours dociles à adopter ce que le gouvernement décide. Je croirais lui manquer si j'allais leur préférer ceux qui ne cessent de se montrer ses ennemis".

Après avoir d'abord désigné des administrateurs provisoires pour parer au plus pressé, Saurine put nommer des titulaires. D'après l'enquête de l'an xut2, menée durant l'été 1804, le diocèse comptait alors: 757 curés et desservants, 10 11

12

KAMMERER (L.), "La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg... ", loc. cit. A.D.H.R., V 180, texte cité par MULLER (C.), Dieu. est calholiqu.e et aùo.cien..., op. cit., p. 943-944. Chiffres reconstitués par KAMMERER (L.), "La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg ... ", loc. cit., p. 57-60.

ALSACE

281

146 vicaires, 18 primissaires, 398 prêtres retirés, et 10 affectés à l'évêché, soit

un total de 1 329 individus. Parmi eux, figuraient 131 anciens constitutionnels sur les 189 résidant en Alsace en 1802. Près du tiers, 58 personnages, n'ont donc

pas été employés dans le clergé alsacien reconstitué. On soulignera, en outre, que Saurine écarta un tiers des membres du clergé d'Ancien Régime alors présents en Alsace, puisque sur 839 séculiers et 408 réguliers, il n'en appela respectivement que 614 et 241. Dans l'ancien Mont-Terrible, comme le constate André Bandelierl3, "dans le choix des desservants, ce qui frappait, à côté de la mise à l'écart ou de l'éloignement des quelques prêtres jureurs de l'arrondissement encore en fonctions avant la réorganisation, et de leurs contradicteurs, c'était l'origine locale de la totalité d'entre eux. La volonté prêtée à Saurine de tout pacifier avait été ici servie par l'ascendant sur le clergé du curé Cuenin, qui était à la base des propositions. Seul jureur non rétracté, le curé Copin était conservé au Noirmont, mais son grand âge ne lui permettait plus d'exercer. L'âge des prêtres nommés posait à plus longue échéance le problème de la relève sacerdotale. Le tiers des desservants étaient des quadragénaires, un peu moins du quart se situaient entre 50 et 59 ans, les autres dépassaient la soixantaine". Le problème de la relève était d'ailleurs général à l'ensemble du diocèse. Clôturant cette délicate réorganisation, Saurine avait publié, le 31 mars 1803, un Règlement pour l'organisation et l'administration du diocèse de Strasbourg14 en 30 articles.

II • LA RÉCEPTION DU CONCORDAT

1 • Le serment de fidélité Le contenu même du Concordat et la personnalité du nouvel évêque, les rancunes accumulées durant 12 ans, les particularismes d'un diocèse composite depuis toujours ouvert sur le monde rhénan, constituaient autant de facteurs qui 13

14

BANDELIER (A.), L'Évêché de Bâle et le Pays de Montbéliard à l'époque napoléoni.el'U'Kl: Porrentruy sous-préfecture du Haut-Rhin. Un arrondissement communal sous le Consulat et l'Empire (1800-1814), Neuchâtel, 1980, p. 299300. A.D.B.R., V 7. Texte publié dans : KAMMERER (L.), "La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg ... ", loc. cit., p. 48-52

HOMMES DE DIEU Ef RÉVOUITTON

282

devaient peser pour ou contre l'acceptation du nouvel ordre des choses. Contrairement à ce que nous pourrions croire aujourd'hui, l'acceptation d'un Concordat qui voulait tirer un trait sur le passé ne fut ni unanime ni immédiate. Comme l'a souligné l'abbé Kammerer, les "adhésions" au Concordat 15, recueillies entre le 27 août et le 23 septembre 1802 paraissent avoir été nombreuses et générales : 1 541 prêtres. Pourtant, les chiffres déjà évoqués de l'enquête de l'an XII supposent la réalité d'un certain nombre de départs volontaires après cene période. Un serment de fidélité au Concordat fut exigé en 1803 des curés et desservants nouvellement désignés selon la formule suivante : "Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la constitution de la République française. Je promets de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'État, je le ferai savoir au Gouvernement". La réception de ce serment n'a jamais été étudiée. L'exemple du Haut-Rhin montre clairement que les choses n'allèrent pas de soi. La prestation eut lieu le 7 floréal an XI (27 avril 1803)16, et les jours suivants pour quelques vieillards et malades. Dans l'ancien Mont-Terrible, on vit même le sous-préfet se déplacer de paroisse en paroisse pour le recueillir auprès des retardataires.

Si tous les curés firent la soumission demandée, et ce, quelles qu'aîent été Jeurs options antérieures, on ne peut qu'être frappé par la forte proportion de refusants parmi les simples desservants : 37, 1% pour l'ensemble du département, mais 41,25% pour les trois arrondissements alsaciens, et même la moitié des desservants de l'arrondissement de Belfort. ARRONDISSEMENTS

Curés ayanl prêlé le sermenl

Desservants ayant prê1é le serment

Desservants ayanl refusé le serment

Altkirch-Mulhouse

4

40

Belfort

9

110 80

Colmar

Il

84

33

Delémont

3

Porrentruy

5 32

36 43

10

353

131

24

274

113

1UfALGËNÉRAL 1UfALDES3

ARRONDISSEMENTS Al.SAQENS

15 l6

A.E.S., ms 714 -à 717. A.D.H.R., V 50

40

8

ALSACE

283

Les chiffres donnés par ce document ne correspondent pas exactement à ceux donnés par Saurine dans la lettre que nous avons citée précédemment, ni à ceux avancés par l'abbé Kammerer. Sans pouvoir en expliquer la raison, il nous semble cependant utile de les publier. Qu'advint-il alors des refusants? Ont-ils été limogés? Sont-ils revenus ultérieurement sur leur position? Cette affaire mériterait en tout cas d'être éclaircie. Elle nous paraît cependant significative du malaise qui régnait alors, d'autant que les troubles se multipliaient et que quelques exaltés s'employaient à susciter une "Petite Église".

2 - L'opposition à Saurine L'annonce de l'élévation de Saurine au siège de Strasbourg avait suscité méfiance et hostilité avant même qu'il en eut pris possession. La question de sa "rétractation", sur laquelle on glosait, n'était pas faite pour arranger les choses. Dès ses premiers déplacements, il put prendre toute la mesure des difficultés qui l'attendaient, en constatant l'existence en maintes localités de partis opposés qui continuaient de s'invectiver et de s'excommunier mutuellement, malgré les appels à la réconciliation. Il est de fait que de nombreux anciens réfractaires s'interrogèrent pour savoir s'ils devaient reconnaître Saurine, et s'ouvrirent de leurs scrupules au cardinal Caprara. C'est dans ce contexte que Saurine publia une Instruction adressée par l'évêque de Strasbourg aux curés, vicaires, desservants et autres prêtres de son diocèse, dans laquelle il rappelait les buts qu'il poursuivait: "La paix, l'union, la concorde" ; mais où il fustigeait l'ultramontanisme, source des dissensions du moment, et défendait les libertés de l'Église gallicane en publiant même la Déclaration du clergé de France de 1682. Ainsi que le souligne L'Huillierl 1, ceue brochure ne fit qu'attiser la controverse, et suscita une Réponse à M. Saurine, évêque de Strasbourg, sans doute due à la plume de Bect18. Comme le remarquait l'évêque, l'opposition la plus affirmée venait du Haut-Rhin où, selon ses dires, ses adversaires étaient soutenus par de nombreuses municipalités et la passivité des sous-préfets, ajoutant à propos du Bas-Rhin : "ils n'osent pas lever la tête aussi haut". En tout cas ces publications donnèrent lieu à une correspondance très abondante à Caprara et à Saurine, dont celle très hautaine et controversiste de François-Xavier Weisrock qui fit alors figure de "chef du parti", ainsi que le désignait l'évêque. Né à Sélestat en 1733, jésuite de 17 18

L'HUILLIER (F.), Recherches sur l'Alsace napoléonienne, op. cit., p. 86 et seq. François-Hemi Beck (1740-1828), professeur de philosophie au collège de Strasbourg (1765), principal du collège de Metz (1768), conseiller de l'Électeur de Trèves (1772), devint grand-vicaire de l'évêque d'Augsbourg en 1781 et prébendier du Grand-Choeur de la cathédrale de Strasbourg en 1783. C'est lui qui avait organisé la translation du chapitre de Strasbourg à Offenbourg. Il mourut retiré à Ribeauvillé.

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HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUTION

la province de Champagne. docteur en théologie, il avait enseigné dans les collèges de Strasbourg, Colmar, Pont-à-Mousson et Porrentruy, avant de devenir curé de Landser en 1778. Il avait émigré dès 1791 après avoir refusé de prêter le serment et de reconnaître Martin. Rentré en août 1797, il avait dû repartir presqu'aussitôt. Il était revenu à Landser en novembre 1800, approuvé avec faculté de dispenser et pouvoirs de bénir les ornements, calices et autels portatifs. Prêchant la rétractation publique, il fut à nouveau déporté le 17 mars 1801 et se réfugia à Rheinfelden auprès de Didner. Revenu en 1802, il fit promesse de fidélité le 25 mai, et fut amnistié le 8 janvier suivant. Son rôle d'opposant n'en était pas pour autant achevé. Il quitta sa paroisse en 1803 à la suite d'un nouveau conflit avec Saurine relatif à la célébration d'un mariage. Retiré à Mayence auprès de l'évêque Colmar, il devait y mourir en 1813. Dès août 1802, Pierre-Bernard Juifl9, ancien chef de mission de Didner, alors desservant de Blotzheim et bientôt curé de Landser, faisait lui aussi part à Saurine de ses interrogations et scrupules en matière de "réunion" des deux clergés.

Des troubles relatifs à la cohabitation entre anciens constitutionnels et réfractaires, ou à des nominations mal acceptées des populations furent signalés à Strasbourg et Haguenau et dans plusieurs paroisses rurales du Bas-Rhin, entraînant des mutations et des menaces d'interdiction. C'est cependant dans le Haut-Rhin qu'ils furent les plus nombreux. Sans vouloir énumérer toutes les localités touchées, on peut citer: Ammerschwihr, Belfort, Bernwiller, Brebotte, Colmar, Dietwiller, Eguisheim, Giromagny, Lepuix-Gy, Masevaux, Riedisheim, Ruelisheim, Sentheim, Stetten, Village-Neuf, Walbach, Waldenheim, Winckel, Wittelsheim, Wuenheim ...

3 • Querelles sur la validité des sacrements En parallèle à toute cette agitation s'en développait une autre sur la validité des sacrements jadis conférés par les constitutionnels. et que les plus exaltés jugeaient nuls et devant être réhabilités. On imagine aisément la stupéfaction de certains fidèles, mariés le plus officiellement du monde devant le maire et le curé constitutionnel, et auxquels on annonçait qu'ils vivaient depuis des années dans le concubinage le plus outré et dans le péché, ayant de plus engendré des bâtards. Que dire des confessions également considérées comme nulles par certains anciens réfractaires. et de la stupeur que ces affirmations jetèrent dans les familles, tout spécialement au souvenir de leurs défunts qui avaient reçu les derniers sacrements d'un constitutionnel ? 19

Sur le personnage, voir SlqJra chapitre IX.

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Le 2 avril 1803, François-Joseph Schweitzer, ancien réfractaire nouvellement nommé à la paroisse de Dietwiller qui avait jadis été très favorable au clergé assermenté, faisait part à l'évêché de ces interrogations à ce sujet. Il ne devait pas tarder à s'adresser directement à Caprara, dont il reçut un rescrit confirmant la nécessité de réhabiliter les sacrements conférés sous la Révolution. Bien que parfois volontairement obscur, ce texte connu sous le nom de "lettre du légat" ne tarda pas à se répandre, envenimant une situation qui l'était déjà passablement. Sommé de s'expliquer sur une correspondance qui avait courtcircuité la voie hiérarchique. Schweitzer fut interdit. Il se retira à Porrentruy. mais devait revenir comme vicaire dans son pays de Landser en 1817. Saurine eut également à interdire. en 1804, Jean-Joseph-Jacques Besançon. ancien titulaire de la cure de Fontaine et émigré, nouvellement nommé à celle de Giromagny. où il exigeait des moribonds des rétractations complètes de leurs actions sous la Révolution. les assurant qu'ils avaient jusque-là été dans le schisme et l'hérésie. On imagine l'impression qu'une telle attitude pouvait susciter dans une paroisse qui avait toujours été majoritairement favorable aux assermentés. et où. selon L'Huillier. sur 550 familles il n'y en avait eu que 19 à soutenir le parti adverse. Ces quelques cas, connus pour leur exemplarité, témoignent de pratiques beaucoup plus largement répandues et propres à jeter le trouble chez les fidèles. On doit cependant souligner que le conflit existait au sein même de l'évêché, d'abord feutré puis au grand jour, entre Saurine d'une part et le grand-vicaire Boug et le secrétaire Maimbourg d'autre part.

4 - La "Petite Église" L'opposition de Juif et Weisrock jugulée, l'hostilité au Concordat ne désarmait cependant pas chez certains anciens réfractaires. Quelques affaires locales mineures en apportent la preuve sous l'Empire encore. Des velléités d'organisation d'une "Petite Église" apparurent, sans pourtant rencontrer grand succès. Le danger n'en devait pas moins être pris en considération. Cette affaire demeure encore très mystérieuse et n'a pas été à ce jour véritablement étudiée, même si elle a été évoquée très brièvement par Fernand L'Huillier et Paul Leulliot20. Elle était encore d'actualité lors de l'épuration des constitutionnels de 1816, puisqu'un des protagonistes l'évoquait dans un mémoire justificatif21. 20

21

L'HUILLIER (F.). Recherches sur l'Alsace napoléonienne. op. cit., p. 593 et seq. ; LEUILLIOT (P.), L'Alsace au début du XIX• siècle... , tome 3, op. cit.• p. 6; SCHLAEFLI (L.), "une secte anticoncordataire en Alsace", Almanach Sainte-Odile, 1980, p. 116. A.D.T.B .• 1 J 54n, voir VARRY (D.). "Fidélité ou obéissance: les dilemmes du curé Deyber lors de l'épuration des constitutionnels alsaciens de 1816", article à paraître.

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HOMMm DE DŒU Er RÉVOLI.mON

Certains opposants agirent en ordre dispersé. Parmi eux. l'un des plus acharnés fut sans doute François Dintroz. né à Auxange dans le Jura en 1756, ordonné en 1779 et curé de Morvillars depuis 1787. Il avait prêté le sennent constitutionnel avec restrictions le 6 février 1791, puis purement et simplement le 8 mai 1791, mais fut remplacé en octobre suivant après avoir été dénoncé pour propos séditieux et rétractation. Il séjourna dans les environs de Saulnot, avant de se déporter à Soleure à l'automne 1792. Rentré à une date inconnue. il fut &rrêté le 9 avril 1795 chez le meunier de Morvillars, incarcéré à Colmar puis déporté. En 1796, il était pourtant signalé à Saulnot sous le nom de guerre de Déliot, et en août 1797 à Orbey. Déporté à nouveau en janvier 1798, il était de retour à Orbey en novembre suivant. Il avait fait la promesse de fidélité à la constitution le 3 juin 1802. A notre connaissance, il ne fut jamais approuvé ni par l'ordinaire de Besançon, ni par celui de Bâle. Curé d'Orbey, il y forma en 1810 une association mystique, les "Adorateurs perpétuels" groupant une centaine de membres. Refusant d'obéir à Saurine et au préfet, menacé d'internement, il resta cependant en fonction et tennina sa carrière comme curé de Suarce, où il mourut le 22 mars 1818. Le personnage paraît en tout cas avoir été moins dangereux qu'Emst et Heymann. qui font figure de véritables chefs d'une "Petite Église" alsacienne jusque sous la Restauration, époque à laquelle elle a disparu. François Melchior Ernst était né le 30 juin 1754 à Sainte-Croix-enPlaine. Ordonné en 1779, curé de Wattwiller depuis 1785, il refusa le sennent constitutionnel et se déporta aux environs d'Ensiedeln. Rentré à une date inconnue, il se déporta à nouveau en septembre 1797. avant de revenir dans sa paroisse en juin suivant. Didner, qui notait à son sujet "est soupçonné d'avoir la tête un peu dérangée" puis "chaud partisan de la Petite Église", ne l'approuva pas. Le 29 août 1801, il était le seul prêtre de son arrondissement à ne pas avoir fait soumission. Retiré à Sainte-Croix, où il n'exerçait qu'à son domicile, il ne reconnut le Concordat que le 8 décembre 1818. Il mourut à Sainte-Croix le 21 septembre 1823. Il fut secondé dans son opposition par son neveu André Heymann22, né également à Sainte-Croix-en-Plaine le 23 décembre 1764. 11 avait fait profession chez les bénédictins de Marmoutier sous le nom de dom Romain. Après la dispersion de la communauté en juillet 1791, il résida à Colmar. Il paraît s'être jeté du second étage de la maison qu'il y occupait, ne supportant pas les perspectives de la déportation. En février 1793, il fut interné au collège de Colmar, puis fut par la suite transféré au dépôt d'Ensisheim et à Chaumont. Libéré le 20 février 1795, il regagna Sainte-Croix. et se déporta en septembre 1797. Rentré à une date inconnue. il refusa en 1801, comme son oncle, de 22

MULLER (C.), Les Bénédictins d'Alsace dans la IOIU"IMnte révo"'1ionnaif'e, Langres, 1991, p. 102-104.

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reconnaître le pape, prétendant qu'il était un jouet entre les mains de Bonaparte, et prit la tête du parti anti-concordataire. En 1806, le préfet du Haut-Rhin ordonna de le placer sous la surveillance du curé de Rouffach, ce qui ne l'empêcha nullement de poursuivre ses menées. Le 19 novembre 1807, Fouché ordonnait de le placer en résidence surveillée à Besançon, mais la police ne put mettre la main sur lui. On suppose qu'il avait alors gagné le Brisgau. Il reparut plus tard à Sainte-Croix où il publia en 1812 un écrit annonçant la fin du monde. Il y prétendait être le seul prêtre légitime, appelé à jouer le rôle d'Élie et à préparer le règne millénaire du Christ annoncé par l'Apocalypse. Il ajoutait qu'il n'était nullement besoin d'avoir reçu les ordres pour administrer les sacrements, et que les prêtres étaient de simples laïcs. Au début de la Restauration, il bénit un mariage sans y être autorisé, geste qui entraîna de nouvelles et vaines recherches de la police. Son action semble s'être arrêtée après 1822. Il mourut retiré à Sainte-Croix le 4 janvier 1843. Les principaux adhérents d'Emst et Heymann semblent avoir été recrutés à Thann, Uffholtz, Wattwiller, Mollau, Fellering, Willer-sur-Thur, Guewenheim, Burnhaupt-le-Haut et le-Bas. Si ce n'est son caractère anti-concordataire, cette secte diffère très largement par ses outrances et son caractère millénariste de la "Petite Église" de l'Ouest de la France, encore vivante aujourd'hui, et beaucoup plus orthodoxe, car portée par une poignée d'évêques d'Ancien Régime qui avaient refusé de démissionner. Une fois les 2 meneurs assagis, elle ne pouvait que disparaître. Pourtant les débuts de la seconde Restauration avaient été marqués en France par un nouveau sursaut des anti-concordataires et les menés de l'abbé Pierre Vinson, prêtre poitevin dont les proclamations de 1816 aux chambres et au roi étaient connues en Alsace, puisque Jean Thiébaud Deyber23 y faisait allusion dans son mémoire justificatif. Vinson24 n'écrivait-il pas dans Le Concordat expliqué au Roi, publié en 1816 : "L'Église concordataire, née pendant votre absence, Sire, au milieu de tous les crimes et dans l'espoir d'éterniser votre exil est la fille de votre infâme ennemi. Elle a toujours été l'adulatrice de sa tyrannie, le jouet de ses caprices, l'esclave de sa puissance et la vigilante et pieuse sentinelle de son usurpation. Elle n'a point existé par Vous ; elle a cru pouvoir et devoir exister sans Vous; elle n'a rien fait pour Vous; elle s'est parjurée envers Vous. Quel droit peut-elle donc avoir de prier et de triompher avec Vous?" Ce texte ne valut à son auteur que des poursuites. En tout cas, en Alsace, ce courant jetait ses derniers feux, alors que les vicaires capitulaires entamaient l'épuration des anciens constitutionnels. 11 n'en avait pas moins empoisonné une situation déjà complexe. Cet épisode, somme toute mineur, mériterait cependant une étude rigoureuse qui fait encore défaut. 23

24

V ARRY (D.), "Fidélité ou obéissance : les dilemmes du curé Deyber lors de l'épuration des constitutionnels alsaciens de 1816", loc. cit. VINSON (Pierre), Le Concordai expliqid au Roi ..., Paris, 1816, p. 207-208.

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HOMM& DE DIEU Er RÊVOLlmON

111 • LES RÈGLEMENTS DE COMPTE DE LA RESTAURATION

La dernière affaire importante à laquelle donna lieu la liquidation de l'épisode révolutionnaire est ce qu'il est convenu d'appeler "l'épuration des constitutionnels". Elle est intervenue en 1816, lors de la seconde Restauration, mais a eu des prolongements jusque sous la Monarchie de Juillet. Elle est aujourd'hui bien connue grâce aux travaux que lui a consacrés Paul Leuilliot25. Elle aurait déjà dû avoir lieu sous la première Restauration, mais des divergences au sein du chapitre et le retour de l'île d'Elbe la différèrenL L'épisode des Cent-Jours devait fournir un nouveau prétexte à l'opération en amalgamant anciens constitutionnels et bonapartistes dans cet épisode de la Terreur blanche, alors que de leur côlé les préfets épuraient les maires. L'opération fut menée, sous l'autorité des 3 vicaires capitulaires Vion, Lienhart et Gérard qui administraient le siège alors vacant, par une commission présidée par le doyen du chapitre Bouat, assisté du curé de Colmar Maimbourg et de Laurent futur curé de Belfort. Dans le Bas-Rhin, les choses se passèrent sans encombre, et tout était terminé à la mi-mai 1816. Les prêtres suspectés de "s'être écartés de leur devoir pendant l'interrègne de l'usurpateur" furent convoqués à Hochfelden le 6 mai et à Wissembourg le 9. Au prix de quelques démissions et mutations, les rares anciens constitutionnels en poste dans le département, au nombre d'une vingtaine, se rétractèrent Dans le département méridional, l'affaire fut plus délicate26. La commission décida de commencer ses travaux par la région de Belfort, "la plus gangrenée". Au début de juillet, elle en était encore à s'occuper des 4 cantons francophones de Belfort, Delle, Fontaine et Giromagny. Ses décisions furent d'ailleurs l'occasion de régler des rivalités personnelles : le curé de Belfort, Conrad Millet27, bien que n'ayant jamais appartenu au clergé constitutionnel, fut démis pour céder sa place à un membre de la commission, Laurent, qui la convoitait. Diedierjean, curé cantonal de Giromagny depuis 1806, après avoir été secrétaire de Saurine puis curé de Phaffans, passait pour "le plus opiniâtre 25

LEUIWar (P.), "L'épuration du clergé alsacien sous la Restauration", Revue d'Alsace, 1936, p. 60-77, 185-195, 287-304, 446-460. Idem, L'Alsace 01' débu.t du XIX• siècle ..., tome 3, op. cil., p. 24-38. MULLER (C.), Die" est calholique et alsacien... , op. cit., p. 27-29.

26 A.D.H.R., V 41 et A.N., p19 5703. 27 JOACHIM (J.), "L'abbé Conrad Millet, curé de Belfort 1747-1822", B"lletin de la société belfortaine d'émulalion, 1939, p. 57-88.

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partisan du schisme et de l'usurpateur". Il fallut le menacer d'arrestation pour le faire comparaître. Il démissionna le 1er avril, imité par 5 autres curés cantonaux, et fut interdit. La plupart des desservants acceptèrent alors de rétracter.

Le Sundgau ne fut pas plus facile à pacifier. Il est vrai que les territoires des anciens diocèses de Bâle et de Besançon avaient fourni de grosses troupes de partisans qui s'étaient opposés les armes à la main aux Alliés, et que des ecclésiastiques avaient soutenu cette résistance de leurs encouragements et de leurs deniers, tout en signant une déclaration favorable à l'Empire. Les démissions, mutations et sanctions prises dans l'arrondissement d' Altkirch sont détaillées par Leuillio128. Les "démissions" qu'il faut plutôt qualifier de limogeages suscitèrent le mécontentement des populations : pétitions et incidents à l'arrivée des remplaçants. L'agitation était à son comble, suscitant l'inquiétude du préfet et la désapprobation des autorités supérieures. Exemple du malaise ambiant, les paroissiens de Sewen. privés de leur curé Deyber refusèrent d'accueillir le nouveau desservant en déclarant "plutôt resterons-nous sans prêtre et sans culte". L'épuration suscita la parution de plusieurs brochures dans lesquelles les anciens constitutionnels tentaient vainement de se défendre. Elles ne firent qu'attiser les choses. Parmi cette production, citons : - Réponse à une somma.lion de rétracter le serment civique prêté en 1791 avec quelques échantillons de rétractation, (sJ.n.d.) - Les Inconséquences et les conséquences dévoilées devant le tribunal de l'opinion publique ou le refus de la rétractation justifié par l'appel porté à ce tribunal de la conduite des vicaires généraux de Strasbourg envers les prêtres dits Constitutionnels de ce diocèse par M. Weiss. ex-curé de Thann, cidevant Constitutionnel non rétracté, Belfon, 1819. - Observations de plusieurs curés du diocèse de Strasbourg sur les motifs par lesquels on les repousse du Ministère, Paris, 1825. De fait, pour les 2 départements, la grande majorité des anciens constitutionnels se rétractèrent immédiatement. Quelques uns refusèrent d'obtempérer, furent révoqués et interdits. Une petite dizaine de ces derniers s'exécuta avant la fin de l'année 1816, dont Jean-Thiébaud Deyber. Jean-Nicolas Ducloux, interdit le 1er avril, mourut d'apoplexie le 4. Les refusants restèrent au nombrede6: - Jean Dietrich, qui desservait Vieux-Thann en 1815, finit par rétracter en 1820 et fut nommé à Durmenach, après avoir été relevé de l'interdiL - Etienne Kraft, ancien curé d'Habsheim, se soumit à son tour en 1835. Il devait mourir 2 ans plus tard. 28

LEUILUOI' (P.), "L'épuration du clergé alsacien sous la Restauration'', loc. cit., p. 185-187.

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HOMMES DE DIEU ET IŒvoumoN

- François-Joseph Tessier. ex-desservant de Leimbach. retiré à Murbach, avait fait appel au Conseil d'État. en vain. en 1818. Il mourut en 1826 et fut enterré civilemenL - Jean-Jacques Guinans. ex-capucin de Delémont et desservant à Rougemont. reparti dans le diocèse de Bâle après l'épuration. reparut à la cure de Montreux-Château en 1829. Il avait alors vraisemblablement régularisé sa situation. - Jean-Baptiste-Joseph Butsch. ancien desservant de Geispitzen, demandait encore sa réintégration en 1828. Il mourut en 1843 sans l'avoir obtenue. - Jean-Henri Weiss fut le plus obstiné. Il est vrai que l'ancien archidiacre de Berdolet, devenu curé de Thann, apparaissait comme le chef de file des récalcitrants. C'est d'ailleurs à son initiative que tes anciens constitulionnets du Haut-Rhin avaient adressé une lettre à Napoléon au retour de l'ile d'Elbe. En 1817, il demandait sa réintégration en menaçant l'évêque d'un recours au Conseil d'ÉtaL Le 13 avril 1833, il déposait devant cette institution un recours comme d'abus contre Je maintien de l'interdit, recours qui fut rejeté le 29 janvier 1836. Il finit par se rétracter en ... 1842, et mourut S ans plus tard à 86 ans. Avec lui s'achevait cette douloureuse affaire et disparaissait le dernier grand acteur de l'Église constitutionnelle en Alsace. Alors que les 2 départements alsaciens sont aujourd'hui, avec la Moselle, les dernières terres françaises où le Concordat soit encore appliqué. le moindre des paradoxes n'est pas de constater les difficultés avec lesquelles il y fut introduit Saurine, au passé et à la personnalité contestés, avait bien essayé de faire tomber une chape de plomb sur le passé, celui-ci resurgissait à chaque instant continuant d'opposer les anciennes factions. Les réticences des anciens réfractaires à l'égard do Concordat, le coup que lui porta l'épuration de 1816. le "je ne regrette rien" des constitutionnels en démontrent la relative fragilité. Jean-Thiébaud Deyber, refusant la rétractation avant de l'accepter la mon dans l'âme, l'avait bien compris lorsqu'il écrivait dans son mémoire justificatif29 : "En tout ce que nous avons élé depuis quinze ans, en tout ce que nous avons fait depuis personne, hormis quelques hiper-fanatiques, n'a douté de notre capacité ; maintenant qu'avons nous fait pour êtte hérétiques, veut on nous rendre tels malgré nous ? qu'est ce que c'est que rélracter le serment en question, dans le sens voulu par le formulaire 1 les livres ûiéologiques ne nous l'apprennent pas, mais l'histoire très moderne nous l'enseigne. il s'en suivrait que les baptizés par les cidevant prêrres constitutionnels seront à rebaptiser, les mariés à remarier, leurs enfants à légitimer, les confessions à réitérer & &.

29

A.D.T.B., 1 J S4n, voir VARRY (D.), "Fidélité ou obéissance: les dilemmes du curé Deyber..•", lot:. cit.

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Bientôt les philosophes et les Vinsons, les Emistes de Wattwiller30 et le petit nombre de leurs consorts feront pousser au peuple les conséquences plus loing ; ils diront que les prêtres conscrits consacrés par l'Évêque hérétique Saurine ne valent pas mieux que les prêtres de la pe classe consacrés par les Évêques hérétiques Brendel et Martin ; que le chapitre de Strasbourg descend d'un père hérétique qu'il a été hypocrite sous Saurine, et qu'il a aussi besoin du bain de Siloé; Vinçon a déjà dit qu'on doit Licencier les concordatistes aussi bien que les constitutionnels, veut on renouveler le Schisme des Donatistes?"

Seuls, le temps et la disparition des protagonistes pourraient conforter l'oeuvre de reconstruction. Sous la Monarchie de Juillet, la plaie n'était toujours pas refennée. L'est-elle aujourd'hui 1

30

Allusions à l'abbé Vinson et à Ernst évoqués supra à propos de la "Petite Église".

CONCLUSION

Au tenne de notte investigation, force nous est de constater qu'elle aura tout à la fois pennis de confoner cenaines idées admises et d'en nuancer d'autres. On le savait depuis longtemps, l'Alsace fut une terre de refus de la Constitution civile du clergé et des politiques religieuses de la Révolution. Pounant, le refus ne fut pas aussi unanime qu'on a bien voulu le faire croire. Le Bas-Rhin s'est singularisé par sa proportion de réfractaires. Les outrances qu'y ont apponées nombre d'ecclésiastiques venus d'Allemagne n'ont pas peu contribué à y déconsidérer un rare clergé constitutionnel. Celui-ci n'avait pourtant pas totalement disparu à la veille du Concordat. S'il n'a jamais pu se réorganiser en un véritable diocèse après la Terreur, il n'en était pas moins toujours là, et il avait des fidèles, certes minoritaires mais bien réels. Le Haut-Rhin présente une situation beaucoup plus contrastée. On avait jusqu'ici trop ignoré ce dépanement, l'attention ayant été focalisée sur le département septentrional et sur Strasbourg. Nous espérons avoir montré qu'il fut beaucoup plus partagé qu'on a bien voulu le dire jusqu'à présent. Si le district de Colmar connut une situation assez comparable à celle du Bas-Rhin tout proche, les districts d'Altkirch et de Belfon se sont démarqués du schéma généralement admis. On peut même dire que la région belfortaine a constitué un bastion de l'Église constitutionnelle alsacienne. même si ses positions s'y sont érodées avoc le temps. Quant au Mont-Terrible, qui n'était pas foncièrement hostile à ce qui se passait en France, les conditions de son annexion et de l'introduction de la législation révolutionnaire ont ipso facto poussé la quasi-totalité de son clergé dans le camp du refus.

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HOMMF.S DE

omu

ET RÉVOUJnON

Plusieurs facteurs paraissent avoir influé sur les choix du clergé de la province: - une situation géographique périphérique en prise directe sur le monde germanique. renforcée par l'existence de prélats étrangers résidant à Spire et à Porrentruy. et d'un évêque de Strasbourg également possessionné dans le pays de Bade. Par ailleurs, les vallées vosgiennes et les massifs forestiers ont constitué autant de refuges possibles aux proscrits qui n'ont pas manqué d'en tirer le meilleur parti. - un catholicisme offensif et dynamique tout au long du siècle, ainsi que l'attestent, entre autres paramètres, tes érections de paroisses et de cures royales. Mais aussi une tendance ultramontaine certaine due à la formation prodiguée dans les collèges et séminaires par les Jésuites, et dont l'influence s'est faite sentir longtemps après la disparition de la Compagnie. - une situation de guerre ressentie tout au long de la frontière du Rhin, et vécue dans leur chair par les populations du nord de la province lors de l'invasion autrichienne. - la présence, plus importante en certains endroits qu'en d'autres, de minorités protestantes, anabaptistes et juives, qui ont localement entraîné un raidissement des catholiques vers des positions plus traditionnelles ou intransigeantes et le refus des nouveautés révolutionnaires. - le facteur linguistique qui, dans tout l'est de la France et dans les régions voisines passées sous domination française, a rejeté les germanophones dans des attitudes de refus, alors que les francophones ont plus volontiers accueilli les changements apportés de Paris.

On nuancera cependant le propos de Timothy Tackettl selon lequel : "en Alsace, la conjonction de la barrière linguistique et de la présence d'un nombre aussi important 'd'hérétiques' ont suscité dans les populations une méfiance et une incompréhension profondes vis à vis de la Constitution civile du clergé et, selon Rodolphe Reuss, ont réuni les conditions d'une lutte religieuse aussi âpre et en puissance aussi dangereuse que celle qui eut lieu en Vendée. Si Ja question religieuse ne se termina pas, comme dans l'Ouest. par un même type de guerre civile, ce fut sans doute parce que l'Assemblée nationale exerçait sur ces provinces frontalières une surveillance et un contrôle beaucoup plus rigoureux". Cette opinion, tributaire des travaux de Reuss qui portent presque exclusivement sur le Bas-Rhin pour laquelle elle est recevable, doit être corrigée pour le HautRhin.

1

TACKE1T (T.), La Révolution., l'Eglise, la France. le serment de 1791, Paris.

1986, p. 311-312.

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Ce département a eu une Église constitutionnelle bien vivante qui a su s'implanter solidement et se reconstituer après la Terreur. On peut même ajouter que c'est alors qu'elle a connu ses plus belles heures. Elle a eu un clergé efficace, et a su s'attacher une fraction non négligeable de la population, qui lors de l'épuration de 1816 encore a soutenu ses pasteurs. La personnalité des évêques constitutionnels a vraisemblablement pesé d'un grand poids dans les choix du clergé. Brendel et Martin n'avaient sans doute ni l'envergure ni le charisme nécessaires pour entraîner la masse dans leur sillage ou tenir tête au grand seigneur qu'était Rohan. Dans un contexte différent, le renouveau de l'Église constitutionnelle dut certainement beaucoup au caractère plus affirmé de Berdolet

Il faut également constater que les positions ont été très vite tranchées et figées entre les deux camps, et ce dès l'automne 1791, une fois passées les premières hésitations. Les rétractations entre 1791 et 1800 ont été moins nombreuses qu'on aurait pu le supposer. Mais entre les constitutionnels qui ont prêté tous les serments, et les réfractaires qui les ont tous refusés, existait un tiers parti aux opinions et attitudes plus fluctuantes, au gré des événements. L'historiographie traditionnelle nie trop souvent cette réalité, assimilant ces individus aux réfractaires. Nous devons pour notre part être plus circonspect. Qu'étaient vraiment ces ecclésiastiques qui, ayant ou non fait les serments de Liberté-Égalité, de soumission et de "haine", ou certains d'entre eux, ne figuraient ni à la Matricule constitutionnelle ni sur les listes d'approbations des réfractaires '! Ils étaient pourtant bien présents, paissant leur troupeau paroissial. On limite trop souvent l'histoire religieuse de la Révolution française au problème "du serment" (sic), oubliant que le serment constitutionnel ne concernait à l'origine qu'une partie du clergé2, et qu'il a été suivi d'autres. Les ecclésiastiques ont alors balancé sur la conduite à tenir, alors que les évêques émigrés, complètement coupés de la réalité du terrain, tergiversaient sur l'attitude à adopter à leur égard. Nous espérons avoir montré ici, dans une des premières études à essayer de suivre les comportements individuels et collectifs face aux serments qui furent successivement exigés, que les réactions ont pu fluctuer au gré des circonstances : "Il n'y a pas à proprement parler de serments 'religieux' et de serments 'politiques', mais tout simplement des serments qui prennent leur importance en fonction des événements ; ils influent sur une conscience religieuse beaucoup plus que le contenu objectif de la formule3".

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D'où une estimation des assermentés minorée par rapport à la réalité, parce que comptée sur le totalité du clergé et non sur les fonctionnaires publics, seuls astreints au sermenL PLONGERON (B.), Conscience religieuse en Révolution, Paris, 1969, p. 99.

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De fait, là où les ecclésiastiques d'Ancien Régime sont demeurés à leur poste, et quelles qu'aient été leurs attitudes et leurs revirements, ils ont continué comme par le passé à jouir de l'estime et du respect général, comme de l'inimitié de quelques-uns. Comme le remarquait Bernard Plongeron4 : "il semble, d'après ce que nous avons étudié, que beaucoup de paroisses -réfractaires ou constitutionnelles- se passionnent, en définitive, moins pour l'option de son pasteur que pour l'authenticité sacerdotale qu'il conserve dans son attitude". Les fidèles ont-ils toujours su quelles étaient les véritables dispositions de leurs prêtres ? Le cas du curé Borne de Banvillars, plusieurs fois évoqué dans notre propos, nous incite à en douter. Les troubles pour raison religieuse n'ont jamais affecté que des communautés dans lesquelles un constitutionnel, "l'intrus", était substitué au curé d'Ancien Régime. Les effets du mouvement déchristianisateur doivent également être relativisés. On a déjà signalé l'obstination mise à redresser les croix chaque fois qu'elles étaient abattues, à sonner les cloches malgré l'interdiction ... Le groupe des abdicataires a été assez nombreux, en particulier dans le Bas-Rhin, mais moins que dans d'autres départements proches, telle la Haute-Saône. Mais surtout, la suite a montré que nombre de ces abdications, voire de remises de lettres de prêtrise, n'étaient que de façade, les intéressés ayant repris leurs fonctions dès que cela fut possible sans risque majeur, attitude somme toute bien humaine qu'on pourrait rapprocher de comportements plus contemporains des années 1940. Quant à ceux qui se sont mariés, ils l'ont fait sur une période beaucoup plus longue que celle de la Terreur. On a plutôt là affaire à des cas d'es1*-ce et à des choix individuels sur lesquels il est bien difficile d'épiloguer. L'Alsace fut bien une terre de fidélité. Elle l'est encore, les "matériaux Boulard" l'ont prouvé. Plus qu'à leurs prêtres, c'est à leur foi que les Alsaciens sont demeurés fidèles. De fait, par delà les vicissitudes du clergé, se manifeste l'attachement viscéral des populations à la religion traditionnelle, plus sans doute dans les rites et dévotions séculaires, que dans l'appartenance à tel ou tel camp. Gérard Cholvy5 le notait déjà à propos d'autres régions : "Plus que l'attachement à la personne du prêtre et à l'ascendant qu'on lui reconnaît ici ou là, ce sont les rites et les croyances que défendent les populations : résistance à enlever les signes extérieurs du culte, empressement à les rétablir ; refus très général du décadi au profit du dimanche, même dans les régions 'patriotes' ; échec des cultes révolutionnaires, celui de l'Être suprême n'ayant connu qu'un éphémère succès en quelques sites ; échec du calendrier républicain ; multiplication des oratoires 4 5

Idem, Conscience religieuse en Révolution, op. cit .• p. 100. CHOLVY (G.), "Religion et Révolution: la déchristianisation de l'an Il", Annales historiques de la Révolution française, n° 233, juillet-septembre 1978, p. 461

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clandestins de prières ; rôle privilégié de la famille dans la transmission des croyances et de certaines pratiques, dans l'exercice du culte caché". Les rares exemples de registres de catholicité clandestins qui témoignent d'une continuité des pratiques même aux heures les plus sombres, les embuscades, les pèlerinages... ne constituent que les signes visibles d'une réalité beaucoup plus profonde et secrète. Depuis le colloque de Chantilly, les historiens commencent à peine à prendre ce fait en compte, il reste cependant fort à faire en ce domaine, avec une documentation qui trop souvent se dérobe. Qu'elles se soient rangées derrière les constitutionnels ou derrière les réfractaires, ces populations sont demeurées envers et contre tout fidèles à la religion de leurs pères, et ont payé un plus lourd tribut en vies humaines que les prêtres.

La déchirure a, malgré tout, été profonde, marquée d'abord par la disparition de ces religieux si nombreux qu'on croisait au détour des chemins par toute la province, et qui avaient si grandement contribué à la reconquête posttridentine. Le Concordat n'a rien résolu dans l'immédiat. Les auteurs évoquent généralement l'époque de son instauration comme une période de remise en ordre relativement pacifique, ce en quoi ils s'illusionnent. Saurine avait bien laissé retomber un lourd silence sur le passé, il devait resurgir à la première occasion. L'âpreté des règlements de comptes de 1816, leurs prolongements jusque sous la Monarchie de Juillet, laissaient assez supposer que le conflit ne pourrait disparaître qu'avec les protagonistes. Alors la légende hagiographique a pris le relais dans un contexte très ultramontain, magnifiant les uns et rejetant les autres ignominieusement. Le propos de Frayhier et de Winterer, à la fin du siècle dernier, puis de nombre de leurs émules par la suite, n'était autre que de trier le bon grain de l'ivraie. Espérons que cette étude, menée sereinement, aura contribué à relativiser les choses, à déboulonner quelques erreurs érigées en dogmes, et à approcher une vérité bien inaccessible, mais aussi à mesurer l'ampleur des travaux qui restent à mener pour mieux connaître clergé et fidèles. Gageons en tout cas que l'accueil qui lui sera réservé aura pour l'historien valeur de test, la plaie ouverte en 1791 n'est plus à vif mais pas encore cicatrisée.

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320

HOMMES DE DIEU ET RÉVOUTOON

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Carte n° 1 : les diocèses d'Alsace en 1789 ............ .............................

12

Carte n° 2 : les circonscriptions administratives en 1791......................

30

Carte n° 3 : le serment constitutionnel (1791)....................................

48

Texte d'un formulaire de sennent en allemand (1791)............................

132

TABLE DES ABRÉVIATIONS

A.D.B.R. A.D.H.R. A.D.T.B. A.E.S. A.M.

A.N. A.P. B.M. B.N. B.N.U.S. D.E.S.

D.E.S.S. D.H.G.E. mss N.D.B.A.

Archives départementales du Bas-Rhin Archives départementales du Haut-Rhin Archives départementales du Territoire de Belfort Archives de l'évêché de Strasbourg Archives municipales Archives nationales Archives paroissiales Bibliothèque municipale Bibliothèque nationale Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg Diplôme d'études supérieures Diplôme d'études supérieures spécialisées Dictionnaire d'histoire el de géographie ecclésiastiques manuscrit Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne

TABLE DES MATIÈRES

Préface............................................................................................ Introduction........ .. .. . ... .. .. . .. .. .. .. .. ... . .. .. .. . .. . . .. .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. . ... . . .. .. .. . .. .

5 7

CHAPITRE 1 : UNE MOSAÏQUE TERRITORIALE ET CONFESSIONNELLE................................................................. 13 1.

DEUX DÉPARTEMENTS .......................................................... 14 1. Le Bas-Rhin......................................................................... 14 2. Le Haut-Rhin .. ................... ...... ......... ............ .................... .. . 15

Il.

DEUX DIOCÈSES D'ANCIEN RÉGIME, DEUX DIOCÈSES CONSTITUTIONNELS.............................................................. 1. Les diocèses de Metz et de Spire............................................... 2. Le diocèse de Strasbourg......................................................... 3. Le diocèse de Bâle.................................................................. 4. Le diocèse de Besançon...........................................................

17 19 19 22 24 5. Les diocèses constitutionnels alsaciens...................................... 24

III. LES CARACTÈRES RÉGIONAUX............................................. 25 L La question linguistique.......................................................... 25 2. La variété géographique des "pays"............................................ 26

322

HOMMES DE DIEU Er ~VOLtmON

CHAPITRE Il : LES SÉCULIERS ALSACIENS À LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION....................................... 31 I.

LES CADRES DE LA VIE RELIGIEUSE..................................... 1. Créations.... .. . . .. . . .. .. . . . . . .. . . . . . . . . .. .. . . . .. .. . . . . . . .. .. . .. •. .. . . .. . . . . .. .. . •. .. . 2. Les cures royales................................................................... 3. Les chapitres ruraux .. . . . . . .. . . . . . .. . .. . . .. . . . . . . . . . •.. . .. . . .. .. . . . . . . .. . ... . . . . . . .

31 31 33 35

II.

LES PERSONNELS.......................................................... ........ 1. Les chanoines................................................................ ....... 2. L'encadrement des paroisses..................................................... 3. La piétaille des chapelains et habitués........................................ 4. La situation des séculiers en 1789.............................................

36 37 39 42 45

CHAPITRE III : LA RÉCEPTION DE LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ....................... 49 I.

L'ACCUEIL DE LA NOUVELLE LÉGISLATION.......................... 49 1. Le "cardinal-collier" . . . . . . . . .. . . . . . .. .. . . .. .. . . . . . .. . . •. ... •.• .•. .• . . .. . . . . . . . . . . . . 50 2. Les autres princes-évêques d'Empire . . . . . . . . . . . . .. .. .. . .. . . . . . .. . . . . . . . .. •.. . . 52

II.

BRENDEL, GOBELET MARTIN "Par la Miséricorde Divine et l'élection du Peuple Français, Évêques constitutionnels..."................ 53 1. François-Antoine Brendel, évêque constitutionnel du Bas-Rhin....... 54 2. Jean-Baptiste Gobel, éphémère évêque élu du Haut-Rhin............... 57 3. Arogaste Martin, évêque constitutionnel du Haut-Rhin................. 61

Ill. LE SERMENT CONSTITUTIONNEL.......................................... 63 1. Le Haut-Rhin............................................................... ........ 64 2. Le Bas-Rhin........ .. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .. . . .. . .. . . . . . . . . . . . . . .. .. .. .. .. . . . . . . . . 70

CHAPITRE IV : LES RÉGULIERS ALSACIENS EN 1789..... 87 1.

L'ALSACE, UNE TERRE DE VOCATION RELIGIEUSES POUR LES ORDRES MASCULINS .. .. .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. .. . . l. La vitalité des ordres mendiants................................................ 2. La permanence des ordres contemplatifs . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . .. . . .. . . . . . . . . 3. La faiblesse des effectifs des autres ordres................................... 4. Environ 80 % de religieux-prêtres............................................. S. L'origine géographique des religieux : une majorité de "Haut-Rhinois"..... .... .. .... ... . . .... .. . . . ... ... .. . . . .. .. .. .. . . ..

88 89 90 91 91 92

ALSACE

323

6. Des ordres religieux "dans la pleine force de l'âge"........................ 93 7. Une catégorie à part: les religieux desservants de paroisses............ 94 Il.

m.

DES RELIGIEUSES MOINS NOMBREUSES............................... 1. Le règne des ordres contemplatifs.............................................. 2. Le développement des ordres enseignants et la faiblesse des effectifs des autres ordres .. . .. .. .. .. .. . .. .. .. .. ..... . .. . .. .. . .. . . . . ... .. . .. .. . .. . 3. Le primat des sœurs choristes . ... . . . . . .. . .. ............... .. .. .. .. . . .. . .. .. . .. . 4. L'origine géographique des religieuses: une majorité de "Bas-Rhinoises" .. . . .. ................. ..... .... .. .. ... .. ...... .. .. 5. Des communautés religieuses assez jeunes .... ....... .. .. . .... .. .. . .. .. . . . .

95 95 96 97 97 98

LE MYTHE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DE LA VIE MONASTIQUE À LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME..... 99

CHAPITRE V : LA SUPPRESSION DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES ..................................... 107

1.

LES DÉBUTS DE LA PERSÉCUTION RELIGIEUSE.................... 108

II.

UNE RUPTURE CONSOMMÉE ................................................. 117

Ill. "IL FAUT SORTIR LE PEUPLE DE L'OBSCURANTISME" .......... 123

CHAPITRE VI : JUSQU'À LA TERREUR ................................ 133

1.

L'ORGANISATION DES DIOCÈSES ...... ... . .. .. .. .. ......... ... .. .... ...... 1. Les vicaires épiscopaux .......................................................... 2. La circonscription des paroisses et les effectifs du clergé................ 3. Le règne de la confusion .........................................................

133 133 136 138

Il.

LA CONSTITUTION D'UN CLERGÉ .......................................... 1. Apports extérieurs ................................................................. 2. Les séminaires ...................................................................... 3. Les ordinations.....................................................................

143 144 147 149

III. LE SERMENT DE LIBERTÉ-ÉGALITÉ ......................................... 1. Le "petit serment" d'abord exigé des hommes .............................. 2. Le "petit serment" exigé des femmes......................................... 3. Émigration et déportation........................................................

152 152 152 156

IV. LE CAS DU MONT-TERRIBLE ................................................. 159

324

HOMMF.S DE DIEU Er IIBVOLUilON

CHAPITRE VII : LA DÉCHRISTIANISATION ........................ 163

1.

LE MOUVEMENT DÉCHRISTIANISATEUR............................... 164 1. "La Propagande" et le culte de la Raison ................................... 164 2. Le culte de l'Être suprême ....................................................... 169

II.

LES ABDICATIONS ................................................................. 1. Démissionnaires, abdications et traditeurs ................................... 2. Chronologie........................................................... .............. 3. Qui furent les abdicataires? ..................................................... 4. Le Mont-Terrible ...................................................................

171 171 174 175 176

Ill. LES MARIAGES ...................................................................... 179 1. Qui convole ? ....................................................................... 179 2. Un mouvement qui perdure après la Terreur ................................ 181 IV. L'AFFAIRE D'HIRSINGUE ET SES CONSÉQUENCES ................ 184 V.

LE PRIX DU SANG.................................................................. 188 1. Les prêtres . . .. . . .. .. .. .. .. .. . .. .. .. . . .. .. .. .. . . .. . .. . . .. .. .. .. . . . .. .. .. . . .. .. .. .. . .. . 188 2. Les laïcs ............................................................................. . 189

CHAPITRE VIII : DE L'ACCALMIE DE 1795 À FRUCTIDOR AN V ................................................................ 193

1.

LA REPRISE DU CULTE .......................................................... 193

II.

LES SERMENTS DE 1795 . .. . . .. .. .. .. . ...... .... . . . . . .. . . .... ... .. .. .. ....... .. . 195 1. La déclaration de soumission aux lois........................................ 195 2. Le serment de soumission aux lois .. .. . .. .. . .. . . . .. . . . . . .. . . ... . . . . . . .. .. ... . 298

Ill. LE SERMENT DE HAINE À LA ROYAUTÉ ................................ 201

CHAPITRE IX : L'OFFENSIVE DU CLERGÉ RÉFRACTAIRE ................................................... W7

1.

LES PÈLERINAGES, VECTEURS DE PROPAGANDE................. W7

II.

LES RÉTRACTATIONS ............................................................ 213

ALSACE

111. LES MISSIONS ......•.....................•.......................................... 1. La mission du Haut-Rhin ........................................................ 2. La partie alsacienne du diocèse de Besançon ................................ 3. Le Mont-Terrible ................................................................... 4. Le Bas-Rhin .........................................................................

325 214 215 222 225 226

IV. LES ORDINATIONS À L'ÉTRANGER ........................................ 229

CHAPITRE X : LA RENAISSANCE DE L'ÉGLISE CONSTITUTIONNELLE SOUS BERDOLET .... 231 I.

II.

LE PRESBYTÈRE DU HAUT-RHIN ET L'ÉLECTION DE BERDOLET .................................................... 1. Le presbytère du Haut-Rhin ..................................................... 2. L'élection d'un évêque ............................................................. 3. Marc-Antoine Berdolet. ...........................................................

232 233 234 236

LA RESTAURATION DU DIOCÈSE DU HAUT-RHIN .................. 1. Rassembler un clergé, réorganiser le diocèse .. . . . . . . . . . .. . . . . . .. .. . .. . . . . . . 2. Les synodes diocésains de Soultz .............................................. 3. L'Université de Fribourg à la rescousse ...................................... 4. Les "Églises veuves" du Bas-Rhin et du Mont-Terrible .................

238 239 241 243 243

Ill. LA MATRICULE DU CLERGÉ CONSTITUTIONNEL DE MAI 1800 ........................................................................... 246

CHAPITRE XI : DEUX CLERGÉS FACE À FACE ................. 251

1.

LA TRAQUE AUX RÉFRACTAIRES ......................................... 252 1. Une effervescence généralisée................................................... 252 2. Arrestations, condamnations, évasions ....................................... 256

Il.

LA LUTTE POUR LE CONTRÔLE DES FIDÈLES ....................... 1. La soumission aux lois de 1800 et le retour des proscrits .............. 2. Batailles pour les lieux de culte ................................................ 3. L'annonce du Concordat. .........................................................

257 258 262 266

III. UNE GÉOGRAPHIE DU REFUS DE LA RÉVOLUTION ............... 268

326

HOMMES DE DIEU ET RÉVOLUITON

CHAPITRE XII : SÉQUELLES DE LA FRACTURE RÉVOLUTIONNAIRE ET CONCORDAT .................................. 275

1.

UN NOUVEAU DIOCÈSE, UN NOUVEL ÉVÊQUE ...................... 1. Un nouveau diocèse ............................................................... 2. Le choix de Jean-Pierre Saurine ................................................ 3. L'organisation du diocèse ........................................................

276 276 276 278

II.

LA RÉCEPTION DU CONCORDAT ........................................... 1. Le serment de fidélité ............................................................. 2. L'opposition à Saurine ........................................................... 3. Querelles sur la validité des sacrements ...................................... 4. La "Petite Église" ..................................................................

281 281 283 284 285

III. LES RÈGLEMENTS DE COMPTE DE LA RESTAURATION ........ 288

CONCLUSION ............................................................................ 293

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................ 299

TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................. 320

TABLE DES ABRÉVIATIONS ................................................... 320

TABLE DES MATIÈRES ............................................................ 321

Imprimé par INSTAPRINT SA MMt, levée de la Loire - LA RICHE - B P 5927 - 37059 TOURS Cedex Tê1 47381604 Oéptll légal 4- tnmeslre 1993